OUT HE mt a F rt “Hu hi Hs “Hs qi À ts 1+ je je 4 qu #+ si 4, FETE HO QUI [aie HE tnt RE ul Use 414 qupint nt HER HUE 1e 18 fi RAR Hal ns Hi * {4 API RENTE + Ut + 1 se HHHURS 4 PLIS FRA RARE Ë HE fe nie gi HET 4 4 0701 us l ie nt t! Hu 1H HE 4! 14 h) ju fi dE a Halte dis 4 1 a dirai die + ie HE } Hit 11! Re TURN se + nn ! EEE tyites Î je t “it: ns qi (ts ji HOUNEE 2 + ht HE _— ii E2 di | ss IE rt di . ï _ jt i si se Ÿ Eu fi : ë a sl ! HR 4 re el ju us he è (2 ut ER LPO is fi ii nes fi bts fi té su pan nu 1 te LHTETI III SIIeS 1414 QUE pi Bi h 1 HHRENTENNE ORTOR is tnt DARA 1 PET HE HOUR Hi ni ‘ ii dE ne re 1e) + W dis L a ns TE a su fi fé tx ne Ë re fi N mt nus ai 4 he x 1è Fi (He (y 4/4 1e ui nn l, His HUE t 0 ii _ RE … HAE MNT RS AUX FRE AEER î je CITE 1 ii el ii à nt }| ns HA Hi ji RE +444 it + th Dies Hu HUE de ! : qe ss is ji ss dé À fi ni ie FE Hs pe or qi TU qu ! * dir Le . ie " Re nie qu) au Q ail Fi ! 4 ne Hunt ÿo nt ‘ 4 nus à ji . jet ts Rs fé QU tt js qu ie jh nt BH jhe “1 ro à it 4 2 ir AH 1 | us ï ji 4 il . it is _— el 41e à: 4 ten a tu QU \ Eh roul iltète mÉerese ut ï ru CHEN ï fe jh ns th : {hi is Î [ aie) ie nn Lt _. us qu que Ut | | 14 JE À +1 4 ere 4 un (| {+ : |epe ne non HAUTE ut te h qu trs qu HE ntsEt CU COUD ql 1 : QU ent où DOUDOU itiets se Rx ne Hu {: nue Hu l + ol 0 qu SRE “tue ni REeN tie lent an il M st fe HE ht ut li us ns : di LE Fu pu ous it nn AAA Jul RUE LOI qi _ . 1è iL Hi fi . ( [ # d HU tt Hi ed ci 1 ie nn jo WU ot ft k 1! NUQUE su 1 ME fit ii nt MANN FA ï y 4! {l ne sn | _ ft te qu rl Hu î jus ns nt ‘ ï si qu Rte + it it tt iQ HT it fe ait dut Hunt NRA ts PE fu AHARANT ji 1} 4 | En _ tt + 4j je EU | vite | vf tt 4 fi n 4 RE an 4 sage at) di us A se ann RE IL: rl UE TINRN Fc ARTE DU DA EDRD ODNEE UNERE Fi nee fi ste di At dti FR { # ! Ne nt +22 Ce Er IEEE Hi AA ER ts qi ne ut Me de net ii 4 te L} 2 0] 2 U L le à ie A RME STUDIOS POI O RE pr er as MH HR IRUne ù ts AE HU = HATUIUIE DOMAINE RHONE RU is RAA ain RATES ( METRE 41: 4 nt fe ne qi pu pit HU Qi ie ns je (ER À nt, FT EE ù NN ï fil : he ! ie AU se que 4 (ii Haut À ht JU 1 pr 4 fie 814 sl JU de Hu 0 té HAUTE quels ut Hyy il Al nu e! ul fe fa trie ii mu RUN ns si HE ! Hi dt no GER nou nt ait ii ï patte tnt fo ui à nl | en ii qu ns To \ # ss ii ce tite rt ji ‘us : fe UE si ie tit Ts UE . di sui no RE cn ME | À tt | i ji L | ti in QUO Win _ fus . à . se . nu ji 0 Huet se de a nn qi fi # Le +: #22 Lei e 2: ET 2e Pets ts es Mt 0-16" 0— ALLEZ = 2e Sétssess Hetsisstst 2 2723232 FeSssssstite. = -e- + 1 Éitererese ss rte Tr Tree ii à TT ES Restéssese He sets s32e = = DPRRCE + IE = fisisinies 2 7 +. ET ÉTRES ER + FE # ts? F: fes HE 11 ee inner + : + E L2 2 2 TL Lotto el 2e — 2.2 517 _— — = Ts: 22. 2 ee == 3-25 rire Fe Hiseres HR = ERREURS = FIRE =: PIRENHHRINNNINRANINNNHNNNS de ee 6 7 86e dar Met red ” | = rt ste + Lester tte ANNALES DOPEENSEETUT PASTEUR SCEAUX — IMPRIMERIE E. CHARAIRE ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR (JOURNAL DE MICROBIOLOGIE) FONDÉES SOUS LE PATRONAGE DE M. PASTEUR ET PUBLIÉES PAR M: EE. DUCEAUX MEMBRE DE L'INSTITUT PROFESSEUR À LA SORBONNE DIRECTEUR DE L'INSTITUT PASTEUR Assisté d'un Comité de rédaction composé de MM. D: CALMETTE (A.) directeur de l’Institut Pasteur de Lille; CHAMBERLAND, chef de service à l'Institut Pasteur ; D' GRANCHER, professeur à la Faculté de médecine; METCHNIKOFF, chef de service à l’Institut Pasteur ; NOCARD, professeur à l'École vétérinaire d’Alfort ; Dr ROUX, sous-directeur de l'Institut Pasteur; D: VAILLARD, professeur au Val-de-Grâce. TOME QUINZIÈME 1901 AVEC QUATORZE PLANCHES PARIS MASSON ET Ci, ÉDITEURS LIBRAIRES DE L'’ACADÉMIE DE MÉDECINE 120, BOULEVARD SAINT-GERMAIN LES EXO Van TT dit! d'a i he à RE de nlnat 2h dia ns idsté 21 à si DLL, a À LE Lé énhnidé 15068 ANNÉE JANVIER 4901 No 1 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR LA SÉROTHÉRAPIE DE LA SEPTICÉMIE GANGRENEUSE PAR MM, E. LECLAINCHE ET CH. MOREL Professeur à l'Ecole vétérinaire Agrégé à la Faculté de médecine de Toulouse. de Toulouse Les seuls résultats concernant la sérothérapie de l'infection septique ont été publiés par Leclainche, en 1898. Un àne, traité par des inoculations intra-veineuses et sous-cutanées de séro- sités provenant d'animaux tués par le vibrion septique, donne un sérum immunisant. L’immunisation préventive est facile- ment obtenue, chez le cobaye et chez le lapin, par l'injection de 5 c. c. de sérum. L'inoculation d’un mélange sérum-virus ne tue pas les animaux, mais elle ne leur confère pas d'immunité durable. Les propriétés curatives du sérum sont appréciables seulement lors d'évolution ralentie : chez le lapin, on peut enrayer les effets d’une inoculation virulente sûrement mortelle par une injection de sérum pratiquée Plusieurs heures après l'insertion virulente ‘. Nous avons poursuivi, dans ces dernières années, l'étude de la sérothérapie de l'infection septique et nous apportons 1c1 le résultat de nos recherches. I ACTION DES SÉRUMS NORMAUX SUR LE VIBRION SEPTIQUE En règle générale, le sérum des solipèdes ne possède aucune 2 8 ? . . propriété immunisante, Le sérum de l'âne qui a servi dans nos expériences s’est montré pleinement indifférent. 1, E. LecuaiNcE, La sérothérapie de ia gangrène gazeuse. Archives médicales de Toulouse, 1898, p. 397. bO ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Exp. — Un cobaye qui reçoit, pendant 3 jours consécutifs, 5 ec. c. de sérum, sous la peau du cou, est inoculé le quatrième jour, en même temps qu'un témoin, avec deux gouttes de sérosité virulente; les deux sujets suc- combent en 1 heures, avec des accidents locaux considérables, Un cobaye qui reçoit un mélange de sérum (à c. c.) et de sérosité viru- lente (2 gouttes) meurt en même temps que les précédents. On rencontre cependant des solipèdes qui donnent un sérum doué de propriétés préventives. Un vieux cheval, n’ayant subi aucune préparation préalable, nous fournit un sérum capable de neutraliser, par mélange, les effets d’une culture virulente. Les cobayes qui reçoivent, sous la peau de la cuisse, une dilu- tion de 1 goutte de culture dans 1 c. e. de sérum survivent dans toutes les expériences, alors que les témoins meurent en 12 heures environ. Les propriétés du sérum ne sont plus cons- tatées alors qu'on l’injecte préventivement, à des doses de 5et 10 c. c.; les cobayes traités, inoculés 24 heures plus tard avec une goutte de culture, succombent en mème temps que les témoins. Ainsi, le sérum d'un cheval non traité peut être doué de faibles propriétés immunisantes. Cette action n’est d’ailleurs constatée qu'exceptionnellement : les sérums provenant de quatre autres chevaux, dont trois très âgés, inoculés préventive- ment ou associés au virus, se sont montrés sans action à quelque dose que ce soit. Le sérum des bovidés, animaux naturellement réfractaires au vibrion septique, se montre actif à l'état de mélange avec le virus. Les cobayes qui reçoivent, sous la peau de la cuisse, une goutte de virus diluée dans 5 à 1 e. e. de sérum survivent pres- que toujours, alors que les témoins sont tués en 12 heures environ. Par contre, l’injection préventive de 10 à 20 €, e, de sérum de bœuf ne modifie point les effets d’une inoculation virulente pratiquée 24 heures plus tard. Le sérum de la chèvre, animal très sensible à l'infection septique, est dépourvu de toute propriété. Le mélange d’une goutte de culture, ou de deux gouttes de sérosité virulente, avec 10 ou 20 €. €. de sérum ne modifie point l’évolution. A plus forte raison, l'injection préventive du sérum reste toujours sans effet, I en est de même pour le sérum du mouton: mélangé, à la SÉROTHÉRAPIE DE LA SEPTICÉMIE GANGRENEUSE. 3 dose de à e. e., à une ou deux gouttes de culture, il n’empèehe point l’évolution viralente. On voit que si les sérums normaux modifient en quelques cas les conditions de l'infection expérimentale, ils n’exereent qu'une action locale, toute différente de celle qui est consécutive à l'introduction d'un sérum doué de propriétés immunisantes spécifiques. Il est à remarquer aussi que le sérum fourni par une espèce réfractaire ou très résistante est le seul qui possède constamment des propriétés empêchantes, alors que le sérum fourni par les espèces sensibles est dépourvu de toute action. Il PRODUCTION D'UN SÉRUM IMMEUNISANT A défaut du cheval, l'âne convient bien pour l'obtention d'un sérum Immunisant. Les injections intra-veineuses de faibles doses de virus ne provoquent aucun accident et elles confèrent l’immunité. Une première inoculation, dans la jugulaire, avec 5 e. c. d’une dilution de sérosité et de jus de muscles virulents provenant du cobaye ne détermine aucune réaction. L'animal supporte également, sans réagir, quatre ou six jours plus tard, des injections de 60 et 80 c. c. d'une dilution virulente obtenue avec les muscles d’une chèvre, tuée en dix heures par une inoculation intra-veineuse ‘. Le sérum de l'âne traité acquiert très vite des propriétés immunisantes appréciables. Au douzième jour de l'expérience, alors que l'animal a reçu dans la jugulaire 140 e. c. de dilution virulente, le sérum mélangé à la sérosité septique en neutralise les effets, Exr. — Deux cobayes reçceivent des mélanges de 2 c. e. et 1 ce, c. de sérum avec 6 gouttes de sérosité virulente; ils ne présentent aucun accident. Un témoin qui reçoit la même dose de virus, dilué dans 2 c. c. d'eau bouillie, est tué en moins de 16 heures. Les çobayes qui reçoivent préventivement 5 e. c. de sérum, sous la peau du cou, ne sont nullement protégés contre une insertion virulente pratiquée 24 ou 48 heures plus tard. 1. Dans toutes les expériences, les « dilutions virulentés » sont obtenues par le mélange de sérosités et de jus de muscles virulents avec un volume égal d’eau stérilisée. 4 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. L'injection simultanée, en des régions différentes, du sérum et du virus ne modifie en rien l'évolution. L’âne immunisé par les inoculations intra-veineuses viru lentes est soumis successivement à trois séries d’inoculations, pratiquées dans le but d'obtenir un sérum fortement immunisant et de déterminer les conditions les plus favorables à sa produc- tion. Dans une première série, on emploie les inoculations sous-cutanées de sérosités virulentes; dans une seconde, l'animal reçoit des injections intra-veineuses de cultures en sang ; enfin, dans une troisième, 1l est soumis à des injections, dans les veines, de cultures en bouillon. PREMEÈRE SÉRIE. — Inoculations sous-cutanées. — L’ane reçoit des dilutions obtenues avec des muscles broyés, prélevés dans la région d’inoculation chez des animaux (cobaye, chèvre, pigeon, lapin) tués par le vibrion. Du 10 février au 1% mars 1898, l'animal reçoit des doses croissantes de liquides qui tuent le cobaye à la dose de 1 goutte et le cheval à la dose de 1 e. c. L'état des inoculations pratiquées est résumé ci-après : Jour de Matière virulente l'expérience. injectée. MOT NT le Ne en 1AC RO DOS ea site on eu ei eee Date eus ins MEL Le Rp OT ADR TR RE AR PE Se 5 — ADS Mer ete Meet Nat ere tele Die Patte lobe UNS ee MS EU 15 — DORES PSS RARE SE EE TS EN ROS DSC EE 15 RO TE TR En etre RE Ne LP Pre le 415 — Les inoculations provoquent des accidents notables. Après douze heures, on constate un engorgement douloureux, œdé- mateux, étendu à toute la région; la température reste normale ; ‘appétit est conservé. L'état s'aggrave pendant 24-48 heures; a tumeur devient emphysémateuse, crépitante; on note des frissons et de l'abattement; la température s'élève (de 37,5 à 38°, chiffre normal) à 40° et 40%5. Vers le troisième jour, un point de fluctuation est appréciable au niveau de la tumeur; si l’on n’ouvre pas prématurément le foyer, l’infiltration gazeuse décolle la peau et les plans musculaires, tandis que la région est infiltrée par le pus. Pour une mème dose de matière virulente, l'intensité des réactions locale et générale diminue lors d'une inoculation nouvelle, pour devenir insignifiante à la troisième. Le sérum de l’âne acquiert des propriété remarquables à la suite des premières injections sous-cutanées. Le sérum SÉROTHÉRAPIE DE LA SEPTICÉMIE GANGRENEUSE, D recueilli le 45° et le 30° jour neutralise, par mélange, à la dose de 1 c. c., la dose certainement mortelle pour le cobaye de sérosité virulente; de plus, l'injection préventive de 10 et 5 €. c. de sérum protège sûrement le cobaye contre une inoculation virulente pratiquée 24 heures plus tard. Toutefois, le pouvoir du sérum ne subit plus aucun accrois- sement dès que les tissus ne réagissent plus aux inoculations, il diminue progressivement malgré deux inoculations massives de dilutions virulentes. Le sérum recueilli dix jours après la dernière inoculation est incapable d’immuniser préventivement le cobaye à la dose de 10 c. c. ; il neutralise seulement la sérosité virulente à la dose de 1 e. e.;:ses propriétés sont sensiblement égales à celles qui étaient constatées à la suite des injections intra-veineuses. On peut conclure déjà que les inoculations sous- cutanées conviennent mal à l’obtention indéfinie d’un sérum immunisant, alors que là voie intra-veineuse paraît très favo- rable. Deuxième SÉRIE. — Inoculations intra-veineuses de cultures en sang. — Le développement du vibrion septique s'opère très bien dans le sang, en l'absence de l’oxygène. A priori, on pou- vait espérer obtenir dans ce milieu des toxines analogues à celles qui sont élaborées dans les organismes infectés. Nous avons adopté pour la culture la technique suivante. On aspire dans un ballon Chamberland quelques gouttes d’une culture de vibrion ou de sang septique. On pratique ensuite, sur un cheval, une saignée au trocart, suivant le procédé usité pour la récolte des sérums ; le sang est recueilli dans un gran(| verre à réactif, bouché au papier. Dès que le sang arrive dans le verre on plonge l’effilure du ballon préalablement ensemencé au fond du vase, en traversant le papier qui le recouvre. On aspire le sang au fur et à mesure de son arrivée de telle façon que le ballon soit rempli aux deux tiers environ. Il est facile de régler l’arrivée du sang dans le verre par la simple pression des doigts sur le tube de caoutchouc. On mélange, par agitation, le con- tenu du ballon : on soude l’effilure et on soumet à l’action de la trompe, en ayant soin de laver par quelques passages d'hydro- gène ou de gaz d'éclairage purifié. La culture s’opère rapidement ; elle est dénoncée par l'aspect spongieux du caillot dissocié par des gaz, puis par la liqué- 6 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. faction du milieu, Après huit ou dix jours, le sang est transformé en une boue liquide de couleur noire, La liquéfaction est assez complète pour que l’on puisse recueillir par l’eflilure la presque totalité du contenu. Les cultures ainsi obtenues sont très virulentes ; elles tuent le cobaye, à la dose de 1 goutte, en 10 heures environ, L'äne qui a servi dans les expériences précédentes, laissé au repos depuis quatorze mois, est mis en traitement le 9 juin 4899. Il reçoit, dans la jugulaire, des injections de cultures diluées avec leur volume d’eau bouillie. L'ordre des inoeulations est indiqué ci-après : Jour de Quantité de Jour de Quantité de l'expérience. culture injectée. l'expérience. culture injectée. AE ETES EE 20 €. c. ED RUE CE CLR dE Be NS MT ALU 152 AS TE RUE VAR DDR ADS PER RER IRADEs 50 — DRE ANS 2 LIN SURE OR LE 50 — DOS BR AN rente 90 — 69e Partie EME 50 — Au total, 315 c. c. de culture. Les injections ne provoquent aucun accident, immédiat ou consécutif, Le pouvoir immunisant du sérum, nul au début du traitement, se relève dès les premières injections; toutefois il n'augmente que lentement ensuite et il ne dépasse pas le degré constaté à la suite des inoculations sous-cutanées par les jus virulents. On peut inoculer impunément, au cobaÿe, au lapin et au pigeon, une dose sûrement mortelle de virus, alors que celui-ci est mélangé avec 1 ce. ec. de sérum; d'autre part, une injection de 5 €. c. de sérum immunise le cobaye contre une inoculation virulente pratiquée 12-24 heures plus tard. Troisième SÉRIE, — /noculations intra-veineuses de cultures en bouillon. — L'âne est laissé au repos du 10 uoût 1899 au 19 février 1900. À ce moment, son sérum est impuissant à pro téger préventivement, à des doses de 10 et 45 €. e., contre la dose mortelle minima du virus; mélangé au virus, il protège encore à la dose de 5 €, c. Dans cette série d'inoculations, lâne recoit des cultures opérées dans du bouillon préparé suivant la technique de Martin, avec la macération de viande et l’estomac de porc, neu- tralisé et filtré sur porcelaine. Le développement est rapide dans ce milieu; après douze heures, le liquide est uniformément trouble: il laisse dégager SÉROTHÉRAPIE DE LA SEPTICÉMIE GANGRENEUSE. 7 de nombreuses bulles gazèuses. Vers le troisième ou le quatrième jour, le bouillon s’éclaircit ; le dégagement gazeux cesse et il s'opère, dans le fond du vase, un dépôt sédimenteux blanehâtre. La culture est très active ; elle tue Le cobaye en 15-18 heures, à la dose d’une goutte. L'âne reçoit, dans la jugulaire, une série d'injeetions : Les conditions de l'expérience sont résumées ci-après : Jour de Quantité de la Age de la l'expérience. culture injectée. culture. LT Se os A tte 20"c. c. > jours. LE ER EE EEE 50 — 10 — CRÉES E CTP 40 — 8 — CALE Pr 2 PR EN OO 60 — 4 =— CR RE 0 er RE MSC 50 — 5 — LFB g0e HOUSE CLOSE SU S5 — 10 — ASS Aa SI Ms 8 Al D UE 65 — 6 — ABS PAR US dore DENT ER te 45 — 5 — DORE TM LUC Une rues 65 — 5 — LOTO TR MR TR ee en 80 — 5 — Au total, 560 ce. c. de culture. Les premières injections ne provoquént pas d'accidents immédiats; inais elles occasionnent des troubles généraux (inappétence, faiblesse, amaigrissément) qui nécessitent chaque fois un repos assez long. Les trois dernières inoculations sont suivies, quelques minutes äprès là pénétration, d'agitation et de coliques, avec évacuations de matières diarrhéiques et sudatiôn extrêmement abondante. Les propriétés immunisantes du sérum augmentent régu- lièrement au cours du traitement; à la fin de l'expérience, le sérum recueilli se montre beaucoup plus actif que celui qui avait été obtenu avec les autres procédés employés. Les iñocu- lâtions intra-veineuses de cultures en bouillon Martin, à l’âne ou au cheval, nous paraissent constituer la méthode de choix pour obtention d’un sérum immunisant. III ÉTUDE DES PROPRIÊTÉS DU SÉRUM IMMUNISANT Nous étudierons successivement : les propriétés préventives du sérum, les effets de l’inoculation simultanée du sérum et du virus, ceux de l’inoculation du mélange sérum-virus, et enfin l’action curative du sérum. 8 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. &) ACTION PRÉVENTIVE DU SÉRUM. — L’immunisation préventive est facilement réalisée chez le cobaye, le lapin et le pigeon, par l'injection sous-cutanée de faibles doses de sérum. L'état réfractaire est complet 24 heures après la pénétration du sérum : il persiste pendant cinq ou six jours, pour diminuer rapidement ensuite. L'immunité conférée est très solide; elle permet aux animaux les plus sensibles de résister à l’inoculation d’une quantité de virus double ou quadruple de la dose certainement mortelle, Exr. — Cob. 55, 56 et 57 reçoivent, sous la peau du cou, 40 c. ec. de sérum, 24 heures plus tard, ils sont inoculés, dans la cuisse, avec une goutte de sang septique dilué. Tous restent indemnes, alors qu’un cobaye témoin succombe en 18 heures. Cob. 246, 247 et 248 reçoivent respectivement 2, { et 1/2"ce 0e sérum, Vingt-quatre heures après, tous sont inoculés, dans la cuisse, avec deux gouttes de culture virulente, en même temps que deux témoins qui succombent en 30 heures. Tous restent indemnes, x Chez les animaux solidement immunisés à l’égard d’une dose donnée de virus, on ne constate aucune réaction locale à la suite de linoculation virulente; alors que l’on atteint la limite de la résistance, — soit que l’animal n'ait reçu qu’une dose faible de sérum, soit que l’on augmente la quantité de virus inoculé — on note un œdème chaud, plus ou moins étendu, au point d’inoculation. Le dépôt du sérum dans le péritoine a les mêmes effets pré- ventifs que l’inoculation sous-cutanée : Exr. — Cob. 338 et 339 reçoivent, dans le péritoine, à et 2 c.c. de sérum. Le lendemain, ils sont inoculés, sous la peau de la cuisse, en même temps que deux témoins, avec 4 gouttes de sérosité virulente. Lestémoins meurent en 15 et 18 heures; les traités restent indemnes. L'injection du sérum dans les veines est également pro- tectrice : Exp. — Lapins 274 et 275 reçoivent, dans la veine de l'oreille, 4 et 2 c. c. de sérum. 24 heures plus tard, ils sont inoculés, dans les muscles de la cuisse, avec 4 gouttes de culture. Ils restent indemnes., alors que deux témoins succombent en 24 et 28 heures, b) ANOGULATION SIMULTANÉE DU SÉRUM ET pu virus. — L’inocu- SÉROTHÉRAPIE DE LA SEPTICÉMIE GANGRENEUSE. 9 lation simultanée, en des points différents, du sérum et du virus est impuissante à assurer la protection des animaux très sen- sibles, comme le cobaye. Exp. — Cob. 335 et 337 reçoivent en même temps 5 c. c. et 2 c. c. de sérum, sous la peau du cou, et 4 gouttes de sérosité virulente dans la cuisse. Cob. 334 et 336 reçoivent en mème temps l’un 5 €. ce. et l’autre 2 c. c. de sérum dans le péritoine, et 4 gouttes de sérosité virulente dans la cuisse, Les quatre cobayes succombent en 12-14 heures, en même temps que deux témoins qui ont reçu la même dose de virus, Le résultat est identique alors que les inoculations de virus et de sérum sont pratiquées dans une même région. Exp. — Cobayes 252 et 253 reçoivent, dans les muscles de la cuisse, 2 gouttes de culture. Aussitôt après, on injecte dans la même région, et autant que possible au même point, 4 et 3 c. c. d’un sérum qui protège, par mélange, à la dose de 1 c.c., contre une même quantité de virus. Les deux cobayes succombent en 10 et 15 heures et le cobaye témoin en 17 heures. €) INOCULATION DU MÉLANGE SÉRUM-vIRUS. — Tandis que les ani- maux succombent à coup sûr à l’inoculation simultanée de quantités données de sérum d’une part et de virus d’autre part, ils résistent toujours si l’on injecte le mélange du sérum avec le virus. Bien plus, on peut, dans ces conditions, réduire à la moitié ou au quart la quantité de sérum, ou encore doubler et qua- drupler la dose du virus, sans modifier les résultats de l’épreuve. ExP, — Cob. 359 et 360 reçoivent, dans les muscles de la cuisse, un mélange de 2 c. c. de sérum avec 2 gouttes de sérosité virulente provenant d'un lapin tué en 36 heures. Cobayes 361 et 362 reçoivent la même dose de virus, associée à 1 €, c. de sérum. Tous quatre restent indemnes; deux témoins, inoculés avec la même dose de virus pur, meurent en 12 et 15 heures avec des lésions considérables. Lapins 354 et 395 reçoivent, dans la cuisse, 4 gouttes de la sérosité employée dans l'expérience précédente, mélangée avec 1 c. c. de sérum pour l'un et 1/2 c. c. pour l’autre. Ils restent indemnes ; le témoin succombe en moins de 36 heures. Il s’en faut cependant que, pour une même dose de virus, l’innocuité de l'épreuve soit exactement fonction de la quantité de sérum employé. Il arrive qu’une dose faible de sérum assure la protection, alors que des doses doubles n’empèchent point 10 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. l’évolution Il existe, pour une quantité donnée d’un virus, une dose neuträlisante optima; nous avons relevé déjà cette curieuse particularité de l’action des mélanges sérum-virus pour le rouget du porc et le charbon symptomatique. Voici, en ce qui concérñe le vibrion septique, le relevé d’une de nos séries d'expériences. Exp. = Cobayes 330, 351 et 332 reçoivent respectivement 5, 3 et 2 c. c. de sérum mélangé avee 4 gouttes de sérosité virulente, Un témoin, qui reçoit le virus seul, est tué en moins de 49 heures. Les cobayes 331 et 339 (3 et 2 c. c. de sérum) restent complètement indemnes; le cobaye 330 (5 c. c.) succombé, avec un engorgement considérable, après 24 heures, c’est-à-dire avec un léger retard sur le témoin. Si la dose de virus est très élevée, la protection n’est plus assuréé, même si l’on emploie le sérum à dose massive. Si la dose de sérum est insuffisante, les sujets succombent en même temps que les témoins ou avec des retards plus ou moins marqués dans l’évolution. Exr. — Les cobayes 344, 345 et 346 reçoivent respectivement 2 c. c., le. c.et 1/2 c. c. de sérum mélangé à une dose constante de virus (à gouttes dé sérosité). Le témoin est tuë en 11 heures; 16 cobäye 344 (2 ©. c.) résiste et l'on ne constate qu’un léger engorgement local; le cobaye 345 (1 c. c.) présente, après 12 heures, une tuméfaction étendue, et il suecombe en 21 heures; le cobaye 346 (1/2 c. c.) ne montre que des lésions locales peu étendues; mais il entre en hypothermie et meurt septique en 32 heures environ. Les cobayes qui ont reçu le mélange sérum-virus ne possè- dent aucune immunité consécutive. Inoculés 10, 20, 30 jours plus tard, avec la dose mortelle minima, ils succombent aussi sûrement et aussi rapidement que les témoins. Ce fait, mis en lumière et interprété par l’un de nous en 1898, était opposé dès ce moment à l'exemple fourni par le rouget du pore, pour lequel une immunisation durable est facilement réalisée. Kitt a cons- taté depuis, pour une infection toute voisine dé la septicémie gangreneuse, le charbon symptomatique, l’inefficacité des mélanges sérum-virus pour obtenir l’état réfractaire. d) SérornÉRaPiE cuRATIVE. — Ainsi qu’on peut le prévoir d'après les résultats de l'inoculation simultanée, en des points différents, du sérum et du virus, la sérothérapie curative ne de donner aucun résultat chez le cobaye. SÉROTHÉRAPIE DE LA SEPTICÉMIE GANGRENEUSE. 41 L'évolution très rapide de la septicéimie vibrionienne ne permet point à l’imprégnation protectrice de s’opérer en temps utile. On ne constate même aucun retard dans l’évolution; les cobayes traités suècombent en mème temps ou plus vite que les témoins. Il en est autrement lors d'évolution retardée, soit que lon opère avec un virus faible, soit que l’on intervienne chez des sujets plus résistants. Chez le lapin, l'évolution de l'infection septique est moins rapide que chez le cobaye, et l’inoculation simultanée, en des points différents, du sérum et du virus, ne tue que tout à fait exceptionnellement. Exe. — Cinq lapins (280 à 284) reçoivent, dans la cuisse, 5 gouttes d’une dilution de muscles virulents ét, aussitôt après, 10, 8, 6,5 et 4c. c. de sérum sous la peau du cou, Tous restent indemnes, à l'exception du 283 (ayant reçu 6 c. c. de sérum) qui meurt septique en 26 heures, en même temps que le témoin. Les injections pratiquées dans les quelques heures qui suivent une insertion virulente sévère n’assurent qu’une survie plus ou moins longue. Exp. — Quatre lapins, 355 à 338, reçoivent chacun 4 goulles d’une dilution de muscles virulents, en mème Lemps qu'un témoin qui succombe en 36 heures. Le 355 reçoit, aussitôt après l'inoculation virulente, 4 ce. c. de sérum sous la peau du cou; il reste indemne. Le 356 reçoit le sérum après 2 heures; on le trouve malade dès le léndemaih ; il méurt, très amaigri, le cinquième jour. Pas de lésions locales. L'ensemencement du sang reste stérile. Le 37, trailé après à heures, meurt le sixièine jour, aussi très amaigri, Le 358, traité après 7 heures, meurt en {18 heures environ, soit 18 heures avant le témoin, Les résultats de l'intervention sont plus favorables si lon opère avec des doses moindres où avec un virus moins actif. L'an des vibrions qui nous ont servi, très virulent pour le cobaye qu'il tue en 10-15 heures, ne tue le lapin qu'en 60-72 heures, En ces conditions, l'action du sérum est plus nettement appré- ciable. | Le lableau suivant résume les résultats de trois séries d’expé- riences. Les lapins reçoivent dans tous les cas, sous la peau de la cuisse, une dilution obténue avec les muscles virulents du cobaye; le sérum est injecté, après des ae variables, sous la peau du cou. 42 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Ê Matière virulente Traités Sérum Lapins. injectée. après: injecté + Resullat, 134 4 gouttes, 1 heure: (02026: survit. 436 — 5 heures, — Mort en 12 jours. 137 -- 8 — —— Mort en 6 jours. 138 — Témoin. e Mort en 60 heures. 221 6 gouttes. 2 heures, BRCAC: Mort en 6 jours. 229 — 8 — — Mort en 60 heures. 226 — Témoin. — Mort en 70 heures environ. 291 4 gouttes, 1 heure. 4 C. €. Survit. 992 — 3 heures. — Mort en 6 jours. 295 _ 5 — — Mort en 60 heures. 296 — 11 — — Mort en 67 heures. 293 — Témoin. — Mort en 58 heures environ. Le résultat du traitement est d'autant plus certain que lon intervient plus hâtivement; dès la deuxième heure après l'mfec- tion, l’on n’est plus assuré d’'enrayer l’évolution de la septi- cémie chez le lapin. L’injection du sérum dans le péritoine ou dans les veines ne paraît pas augmenter sensiblement les délais. Il est permis de penser que la sérothérapie préventive donnerait, chez les grands animaux et chez l’homme, des résul- tats semblables à ceux qui sont constamment obtenus chez les petits animaux contre les modes les plus sévères de l'infection expérimentale. Le traitement serait indiqué dans les cas de plaies contuses profondes, souillées par la terre, le fumier, la boue ou la poussière des rues, surtout alors qu'elles siègent dans des régions riches en tissu conjoncetif. On peut prévoir que la sérothérapie curative serait possible, dans la plupart des cas, chez le cheval et chez l’homme. Chez eux, l’évolution habituelle est relativement lente si on la compare à celle de la maladie expérimentale du cobaye ou du lapin, dont la réceptivité est certainement plus grande, Le sérum produit par nous s’est montré également actif contre des virus de provenance différente. Nous avons obtenu des effets identiques avec trois types différents, dont deux d’ori- gine saprogène : l’un, entretenu depuis plusieurs années dans le laboratoire, provenait du cadavre d’un lapin, l’autre du cadavre d'un cheval. Le troisième vibrion employé avait été isolé d’une gangrène gazeuse du bras chez l’homme. Le sérum recueilli et conservé avec les précautions usuelles garde longtemps ses propriétés: après sept mois, il possède oute son activité. SÉROTHÉRAPIE DE LA SEPTICÉMIE GANGRENEUSE. 13 [V l'ROPRIÉTÉS ET MODE D ACTION DU SÉRUM Il résulte des faits expérimentaux rapportés qu'il est pos- sible d'obtenir un sérum capable d’immuniser préventivement des animaux très sensibles à l'infection septique et d’enrayer, sous certaines conditions, les elfets d’une inoculation virulente antérieure ou simultanée. Certaines constatations tendent à préciser le mode d'action du sérum. On a vu ainsi que, pour des doses égales d'un même sérum et d'un même virus, les conséquences sont toutes dif- férentes suivant que l’on mélange ou non le virus au sérum. Alors que le sérum est injecté dans la région qui a reçu le virus, la prévention n’est encore point assurée chez des sujets très sensibles, comme le cobaye. Exr. — Cobayes 321 et 322 reçoivent, dans la cuisse, le mélange de 1/4 c. c. d'une culture en bouillon et de 1/4 c. ce. de sérum. Tous deux restent indemnes, alors que le témoin succombe en 17 heures. — Cobaye 325 reçoit en mème temps 1/4 c. c. de culture dans la cuisse droite et 2 ce. c. de sérum dans la cuisse gauche. Mort en 16 heures. — Cobaye 326 recoit 1/4 c. c. dans la cuisse gauche et, aussitôt après, 2 c.c. de sérum dans la même région. Mort en 13 heures. En outre de l’action générale constatée lors d’immunisation préventive, le sérum exerce donc une action protectrice locale lorsqu'il est associé au virus. Dans ces conditions, il nous a paru intéressant d'étudier les effets du sérum sur la toxine septique et sur la phagocytose. Les premiers résultats de Leclainche (1898) montraient déjà que les sérosités septiques, filtrées suivant le procédé de Roux et Chamberland, perdent leurs propriétés toxiques si on les associe à un volume égal ou à un demi-volume de sérum. Le mélange, injecté à la température de 38°, dans le péritoine du cobaye, ne produit plus aucun accident d'intoxication ; les fortes doses provoquent seulement quelques hoquets et des manifestations sans gravité, identiques à celles qui sont observées lors de l’in- jection du sérum pur. On constate les mêmes faits si l’on opère avec des cultures en sang, Alors que le filtrat provoque des accidents graves 14 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR, presque immédiats (coma, hérissement des poils, hypothermie, le mélange sérum-filtrat ne détermine que des troubles légers. Exp. — Cobaye 508 reçoit une 3e culture en sang, âgée de 12 jours, filtrée sous pression de 4 à 5 atmosphères, après mélange avec un volume égal d'eau bouillie. On injecte dans le péritoine 5 c. ec. du filtrat, soit 2 c. c. 1/2 de culture. Après 2 heures, abattement, hypothermie, puis coma ; mort après 24 heures. Cobaye 509 reçoit le même fillrat à la dose de 5 c, c., mélangé à 5 c, ç, de sérum. Aucun accident. Les températures relevées sont les suivantes : Température Après initiale. 2h. 4 N. 6 h. 8 h. RE 24 heures. H00 re lonNINbET1eR 38 293.2 A1.21 92 383,1 97.8 47,9 mpnt, 509. Toxine-sérum,.. 38.2 97 da d6% ) » 39.2 La culture en bouillon Martin est également toxique; mais alors que les sérosités et les cultures en sang diluées conservent généralement une partie au moins de leur toxicité, la culture en bouillon perd toute activité après avoir traversé le filtre Cham- berland. Nous avons employéles bougies K,avecou sans pression, sans pouvoir obtenir un filtrat toxique. La rapidité avec laquelle apparaissent les phénomènes d'intoxication permet heureusement de recourir pour l'épreuve aux cultures non filtrées. Nous nous servons de préférenee du bouillon décanté de cultures âgées de 10 à 20 jours, opérées dans des pipettes à boules; le liquide renferme très peu d’élé- ments virulents; les spores déposées restant dans l’effilure de la pipette. L'inoculation intra-veineuse, au lapin, de 5 c. c. de culture provoque des accidents immédiats. Après quelques minutes, l’animal est pris de convulsions; il cherche à fuir, puis il tombe sur le côté, avec de l’exorbitisme, de la dyspnée et un ralentis- sement progressif des pulsations cardiaques. La mort arrive après 10-60 minutes. _ L'injection dans le cerveau de 5-6 gouttes de culture pre- voque, après 7-8 minutes, des troubles étendus : agitation, exorbitisme, chute, contractions rythmiques des membres anté- rieurs, puis de lous les muscles; mort après 2 heures en Inoyenne. SÉROTHÉRAPIE DE LA SEPTICÉMIE GANGRENEUSE. 15 Le dépôt de la culture dans le péritoine du cobaye est suivi de stupéfaction, avec hypothermie progressive ; le ventre est douloureux et ballonné : la mort arrive, dans le coma, après quelques heures, alors que la température est descendue au- dessous de 30°. Il existe des lésions locales constantes. Alors que l’autopsie est faite aussitôt après la mort, on trouve le péritoine fortement congestionné; la cavité renferme une sérosité rosée abondante ; l'intestin, hyperémié, contient des matières diarrhéiques; le foie est décoloré et friable. L’examen de lexsudat péritonéal, pra- tiqué au moment de la mort, chez des cobayes ayant succombé en trois heures environ, montre de nombreuses cellules endo- théliales desquammées, isolées au réunies en larges lambeaux : les leucocytes sont extrêmement rares ou manquent tout à fait ; on retrouve des vibrions en abondance. Au contraire, l’inoculation dans le péritoine du mélange sérum-virus ne produit plus aucun accident. Les cobayes qui recoivent 5 c. c. de culture asseciée à 2 c. €, 4/2 de sérum ne présentent aucun trouble consécutif. Si l’on prélève, avec une pipette, une goutte du contenu péritonéal après 3 heures, c'est-à-dire à la période correspondant à la mort des témoins, on constate une phagocytose intense. L’exsudat est.opalin:; il renferme de très nombreux leucocytes, gros mononucléaires et polynucléaires ; on ne trouve point de cellules endothéliales ; il ne s’est opéré aucune germination des spores introduites, Exr. — Cobayes 522 et 325 reçoivent, dans le péritoine, à €. c. d'une culture décantée en bouillon Martin âgée de 10 jours. Cobayes 324 e 325 reçoivent chacun à c. c. du même liquide, mélangé à 2 e. c. 4/2 de sérum. Quelques minutes après l'injection, les cobayes 322 et 323 sont inquiets ; le poil se hérisse; des secousses convulsives agitent les membres. Après 20 à 25 minutes, l'abdomen est tendu, douloureux, Des paralysies surviennent, débutant par les membres postérieurs. L'hypothermie est très marquée. Le cobaye 322 meurt après 1 heure et le 323 après 3 heures. L’autopsie montre de la congestion de l'intestin; dans le péritoine, un exsudat liquide assez abondant renferme des cellules endothéliales, isolées ou réunies en blocs. - Les cobayes 324et 325 ne présentent aucun accident. L’exsudat péritonéal, examiné 1 heure et 3 heures après l” inoculation, renferme de nombreux leuco- cytes, sans cellules endothéliales. Les températures relevées sont les suivantes : 16 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR, I. CULTURE PURE. Température Après initiale. 1h. D: 3 b. 4 heures. Cob. 322. 57.8 A) 2 Mort J » — 323. 39 35.1 32.4 28 Mort » Il. CULTURE ET SÉRUM Cob. 324. 98.9 39.2 39.5 39,5 59.6 survit, — 325. 38. 39.1 39/1 99.9 DDADEE— [er] L'expérience précédente montre que le sérum possède un pouvoir antitoxique très net. L'action antitoxique est encore constatée si le sérum est injecté préventivement : Exp. — Cobayes 401 et 402 sont inoculés, l’un avec 5 c. c., l’autre avec 10 c. c. de sérum, sous Ja peau du cou. Vingt-quatre heures plus tard, ils reçoivent dans le péritoine, en même temps qu’un témoin, 5 c. e. d’une culture en bouillon Martin âgée de 8 jours. Les deux cobayes traités ne présentent aucun accident. Le témoin montre les troubles habituels (stupéfaction, hérissement des poils, hypothermie progressive) et il succombe aprés 6 heures. Les températures relevées sont les suivantes : Température Après initiale. 4h? 2e 5 h. 12 heures Cob. 401, 38.6 38 37.9 31.5 39 survit, — 402. 38 38 38.2 38.4 DD 0 Témoin. 31.9 34.7 31 30 mort Ainsi l'action antitoxique exercée est indépendante d'une altération de la toxine au contact du sérum: elle doit être rap- portée à une modification de l'organisme devena réfractaire. En résumé : 1. Il est possible d'obtenir un sérum immunisant contre le vibrion septique. Le procédé de choix consiste en des inocula- tions intra-veineuses en série, chez les solipèdes, avec des cultures du vibrion en bouillon Martin: 2. Le sérum obtenu possède des propriétés préventives et, sous certaines conditions, un pouvoir curatif. Les inoculations du mélange sérum-virus sont inoffensives, mais elles ne confèrent pas d'immunité durable; 3. Le sérum exerce une action à la fois antimicrobienne et antitoxique. La protection est liée à l’action favorisante exercée sur la phagocytose. SÉRUM NÉPHROTOXIQUE Par Le Dr NICOLAS NÉFEDIEFF (Travail du laboratoire de M. Metchuikoil.) M. Metchnikoff (1) propose le nom de cytotoxines pour dési- gner les poisons d’origine animale qui possèdent la propriété de frapper les cellules de l'organisme. On sait depuis longtemps que chez certains animaux à létat normal, existent des substances qui deviennent toxiques pour certaines cellules des animaux d’autres espèces. Mais c’est tout récemment qu'on à démontré qu'il est possible de provoquer dans l'organisme l'apparition de ces cytotoxines par lintroduction de certains éléments cellulaires. Ainsi Bordet (2), Ehrhich et Morgenroth (3). Düngern (4), démontrerent que le sérum du sang des animaux auxquels on avait injecté du sang d'une autre espèce d'animal, acquiert la propriété de détruire les globules rouges du sang des animaux de cette dernière espèce, c’est-à-dire que dans le sang de l’animal injecté se développe une hénotoxine. M. Metchnikoff (5) a obtenu une leucotoxine et une spermo- tozine, Cette dernière a été aussi décrite par Lansteiner (6) et par Métalnikoff (7). Düngern (8) a obtenu une toxine qui arrête les mouvements des cils vibratiles des cellules épithéliales de la trachée. La préparation des cytotoxines artificielles nuisibles aux cellules facilement isolables paraît ne pas présenter de grandes difficultés. Tous les auteurs qui ont fait des recherches sur ce sujet arrivent à des résultats identiques. Toute autre est la question de la préparation de la cytotoxine artificielle, nuisible aux cellules spécifiques de certains organes, cellules qu'il est presque impossible d'isoler, comme par exemple celles de l’épithélium rénal ou les cellules hépatiques. Aussi les résultats des recherches sur ce sujetsont-1ls contradic- toires. Ainsi, Lindemann (9) dit avoir réussi à préparer en ) 4 18 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR, injectant aux cobayes une émulsion de reins des lapins, un sérum néphrotoxique actif. Schültze (10), au contraire, n’a pas pu observer l’effet néphrotoxique du sérum des lapins auxquels il avait injecté une émulsion de rein de cobaye. I n'a pas pu non plus constater l'effet hépatolytique des sérums des animaux auxquels on avait injecté de l’émulsion du foie, tandis que Delezenne (11) et Deutsch affirment que les animaux auxquels on injecte l’émulsion du foie fournissent un sérum qui possède des propriétés hépatotoxiques nettement manifestes. Vu ces contradictions, il était de tout intérêt de continuer l'étude de ces questions. C’est pourquoi je me suis proposé de publier mes recherches sur le sérum néphrotoxique. Je faisais mes expériences sur des lapins et des cobayes,. J'injectais à des lapins de 2 e. e. à 5 ce. c. de l’émulsion de rein de cobaye. Pour chaque injection, je préparais l’émulsion avec un ou deux reins. Aux cobayes je faisais trois injections hypo- dermiques d’émulsion de reins de lapins. Pour la préparation de lémulsion, j’employais 1/4 de rein de lapin pour chaque injection. Les intervalles entre les injections, pour les uns et pour les autres, étaient de huit à dix jours; huit à dix jours aussi après la dernière injection, je prenais le sang de l’artère carotide, et j'injectais le sérum de ce sang aux animaux de l'espèce à laquelle j'avais pris les reins pour préparer lémul- sion. Quelques jours avant de commencer les injections, on plaçait les animaux en expérience dans une cage spéciale, dis- posée de telle façon qu'il m'était possible de recueillir toute l'urine que l’animal émettait dans les 24 heures. Tous les jours Je faisais l’analyse des urines. Telles furent, en peu de mots, mes expériences. Mais avant d'exposer les résultats que j’ai obtenus, je crois utilé de dire quelques mots sur le mode de préparation des émulsions rénales: ceci étant d’une très grande importance dans ces expériences. Étant donnée l'impossibilité de stériliser l’émulsion, car la stérilisation aurait, probablement, détruit les éléments spécifiques de l'organe intervenant dans l’immuni- sation, il fallait préparer l’émulsion aseptiquement. Au début j'opérais de la façon suivante : avec toutes les prééautions- possiblés, aff d'éviter l'infection, j'enlevais les SÉRUM NÉPHROTOXIQUE, 19 reins à l'animal qu'on venait de tuer et saigner à blanc; après les avoir débarrassés de leur capsule, je les lavais soigneuse- ment dans une solution physiologique de sel marin, je les plaçais ensuite dans un bocal stérile, et là, au moyen de ciseaux stérilisés, je les coupais en menus morceaux que je passais fina- lement à travers un tamis métallique très fin préalablement chauffé à blane, L'émulsion ainsi préparée était en effet suffisam- mént fine ; mais, malgré toutes les précautions, il était impossible d’avoir une émulsion parfaitément stérile. Et aussi tous les animaux, auxquels j'avais injecté l’'émulsion: ainsi préparée, ou bien mouraient, ou bien présentaient des abcès à la place même de l’injeetion. C'était là la raison pour laquelle au début tous mes animaux périssaient après la première ouù- la deuxième injéction. C’est pendant la dernière manipulation, c’est-à-dire au moment du passage à travers le tamis métallique, que l’émul- 20 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. sion se contaminait, car pour faire bien passer deux reins de cobaye, il fallait au moins une demi-heure de travail, et la manipulation s’exécutait à ciel ouvert. Afin d'éviter cet inconvénient j'ai fait préparer chez Collin, d'après mes indications, le petit appareil suivant. Cet appareil constitue une sorte de presse. Ainsi que le représente le dessin ci-joint, il est composé de trois cylindres qui s’emboîtent les uns dans les autres, et dont deux sont creux et le troisième est plein. Le cylindre extérieur (C) sert de réservoir à l’émulsion à préparer. Dans la partie supérieure de ce cylindre s’adapte un disque (K) qui a deux ouvertures (m) pour le passage de l’air; ce disque sert en outre de support au deuxième cylindre (B). Ce cylindre moyen se termine en bas par un entonnoir (1) qui est fixé par une vis. Cet entonnoir est percé de trous extrême- ment fins, leur diamètre ne dépasse pas celui de la plus fine aiguille de la seringue de Pravaz. La surface interve de l’enton- noir est râpeuse. Dans ce cylindre on place les morceaux de l'organe dont on veut préparer une émulsion. Le troisieme cylindre (A) est plein et se termine en forme de cône; il remplit entièrement le deuxième cylindre. En haul il se termine par une vis de pression (E) qui passe à travers le support (D). Les trois eylindres, pour plus de stabilité, sont placés en bas dans -un étui (L). Toutes les parties s'adaptent hermétiquement. Les dimensions de l’appareil sont telles que lorsque le liquide remplit le cylindre extérieur jusqu’au sommet de l’entonnoir, le volume de ce liquide est égal à 15 c. ce. Cet appareil est en cuivre nickelé : par conséquent, il peut être sté- rilisé à l’autoclave. Dans toutes mes expériences, dont la description détaillée se trouve à la fin de cet article, je me suis servi de cet appareil pour la préparation de l’émulsion. Cette préparation se faisait de la façon suivante : on versait dans le cylindre extérieur 15 c. c. de solution physiologique de sel marin, ensuite on stérilisait l’appareil à l'autoclave pendant une 1/2 heure sous la pression d'une atmosphère et demnie. On laissait refroidir l'appareil, et on mettait dans le cylindre moyen des reins coupés en petits morceaux, enlevés aussi asepti- « quemient que possible à un animal saigné à blane. Puis on SÉRUM NÉPHROTOXIQUE, 1 plaçait le cylindre (A), et au moyen de la vis à pression (E) ou faisait passer dans le cylindre extérieur à travers l’entonnoir- Lamis (1) tout le contenu du moyen cylindre. L'’émulsion obtenue de cette façon était suffisamment liquide, les parcelles de l’or- gane très finement divisées, et le tout parfaitement stérile : à plusieurs reprises j'ai fait des cultures, et les résultats furent toujours négatifs. Je passe maintenant à mes expériences. Tout d’abord il faut noter ce fait, que le sérum des lapins auxquels on a injecté l’émulsion de reins de cobayes devient très toxique pour ces derniers, car une injection hypodermique de 10 c. e. de sérum par kil. d'animal est mortelle pour un cobaye. Tous les cobayes, sauf un, sont tombés malades et sont morts quelques jours après avoir reçu cette dose de sérum en injection sous-cutanée. En outre, ce sérum manifeste non seulement un effet toxique général chez le cobaye, mais exerce encore, sur les reins de ces animaux, une action spéciale quoique assez faible, Cet effet néphrotoxique se traduisait dès le lende- main de l'injection, par l'apparition d'une petite quantité, presque des traces d’albumine dans les urines. Bien que l’albu- mine füt toujours en quantité insignifiante et n’augmentàt que peu, sa présence dans les urines était pourtant constatée toui le temps jusqu’à la mort de l'animal. Cette propriété néphrotoxique du sérum sanguin des lapins se manifestait dès la deuxième injection des reins de cobayes sains. Plus le nombre d'injections augmentait, plus cette pro- priété néphrotoxique devenait notable, sans devenir cependant très intense. Ainsi on ne constatait que des traces d’albumine dans les urines chez les cobayes auxquels on avait injecté du sérum de lapins n'ayant recu que deux injections d’émulsion, tandis que le sérum des lapins, après quatre ou cinq injections d’émul- sion, produisait chez les cobayes, à la même dose que dans le premier cas, une albuminurie notable. D'autre part, les modifications anatomo-pathologiques des reins des animaux tués par le sérum néphrotoxique se trou- vaient en parfaite corrélation avec la quantité d’albumine pré- sente dans les urines. Dans le premier cas, e’est-à-dire chez les cobayes morts à la 22 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. suite d'injection du sérum néphrotoxique faible, on constate, à l'examen microscopique des reins, des modifications insigni- fiantes, consistant principalement en une hyperémie des vais- seaux, des glomérules et des capillaires intercanalieulaires, en un gonflement des cellules du tissu conjonctif disposé entre les canalicules: quant à l’épithélium propre des reins, il avait l'aspect tout à fait normal, sauf un faible gonflement des cellules épithéliales de quelques tubes contournés. Par contre, chez les cobayes tués par le sérum see plus actif, et ayant présenté, à la suite de linjeetion de ce sérum dans les urines, une quantité d’albumine plus notable, É modifications anatomo- pathologiques des reins étaient également plus pronancées. Ces modifications, outre l'hyperémie plus considérable des vaisseaux, des glomérules et des capillaires du tissu interstitiel, portaient aussi sur l’épithélium des tubes contournés. Ici, de même que dans le premier cas, c'étaient principalement les cellules épithé- liales qui étaient très gonflées, et leur protoplasme se présentait sous forme de gros granules: mais on rencontrait aussi des cellules dont le protoplasme était soit complètement détruit, soit parfaitement homogène; dans ces derniers cas, le noyau | manquait. On rencontrait quelquefois, à l’intérieur des tubes efférents, des débris cellulaires provenant des tubes contournés. Quelquelois, on voyait aussi dans les espaces inerte une accumulation de cellules rondes. Ainsi, comme nous venons de le constater, les modifications anatomo-pathologiques des reins sont insignifiantes, ce qui se trouve bien en rapport avec la petite quantité d’albumine pré- sente dans les urines. Afin de m’assurer que, d’une part, cet effet néphratesinte aussi faible qu’il soit, est bien dû au sérum, et que, d'autre part, le sérum des lapins acquiert cette propriété à la suite de l'injection d'une émulsion de reins de cobayes, j'ai fait des expé- riences avec du sérum de lapins normaux. J'injectais à des cobayes du sérum normal à quantités égales et même supé- rieures à celle du sérum néphrotoxique; le résultat [is toujours négatif. Il existé un autre fait plus probant encore, d'andis que: le sérum du lapin, recueilli 8-10 jours après la dernière injection de Pémialsion rénale, est toxique pour les cobaves, le sérum du SÉRUM NÉPHROTOXIQUE. 23 même lapin, prélevé non 10 jours après, mais 3 mois et demi après, devient aussi inoffensif qu'il l'était avant l'injection de l’émulsion, c’est-à-dire qu'avec le temps il a complètement perdu sa faculté néphrotoxique. Le sérum néphrotoxique possède une autre propriété ; il est non seulement néphrotoxique, il est aussi hémolytique. Bien que cette dernière propriété soit très faible, on pouvait se demander cependant si la présence de l’albumine dans les urines et les modifications anotomo-pathologiques des reins n’étaient pas déterminées par cette propriété hémolytique du sérum. Mais les expériences, faites avec du sérum hémolytique pur, démon- trèrent qu'il n’en était rien. Tous les cobayes qui avaient reçu, en injections sous-cutanées, du sérum hémolytique très actif (deux parties de sérum additionnées d’une partie de sang défi- briné dissolvaient complètement tous les globules rouges au bout d’une heure), à la dose de 10 e. c. par kilo, succombaient le 4 ou 5° jour ; mais tant qu’ils vivaient, leur urine ne renfer- mait point d'albumine, et les lésions anatomo-pathologiques étaient tout autres que celles que l’on observe à la suite de l’in- jection néphrotoxique. Après l'injection du sérum hémolytique, l’épithélium rénal paraissait tout à fait normal, tandis que, à la suite du sérum néphrotoxique, il était légèrement modifié; la différence était surtout évidente pour les vaisseaux. Après le sérum néphrotoxique, les vaisseaux étaient fortement hyperé- miés, tandis qu'après le sérum hémolytique l’anémie des vais- seaux était si prononcée qu'il fut presque impossible de rencontrer des globules rouges, soit dans les vaisseaux des glomérules, soit dans les capillaires des espaces interstitiels ; on ne trouvait de gros globules rouges que dans les plus gros vaisseaux. Il est done évident que le sérum des lapins, auxquels on avait fait des injections de tissu rénal du cobaye, acquiert des propriétés toxiques spécifiques pour les reins des cobayes. Par analogie avec d’autres cytotoxines, on pouvait suppo- ser que le sérum des cobayes auxquels on avait injecté de l’émulsion de reins des lapins posséderait aussi, vis-à-vis de ces derniers, des propriétés néphrotoxiques. Des expériences que j'ai faites à cet effet, 1l résulte que le sérum des cobayes ayant reçu 3 fois une émulsion de reins de lapins sains (pour chaque injection on préparait une émulsion avec un quart de rein), jouit 24 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. d'une propriété néphrotoxique extrèmement faible, Sur 4 lapins auxquels on avait injecté 6 c. c. de sérum par kilogramme, 3 présentèrent dans les urines des traces d’albumine et le 4° n’en a pas eu du tout, Un des trois lapins mourut le 5° jour, il avait présenté pendant ces 5 jours des traces d’albumine; le second a eu de l’albumine seulement pendant les 3 premiers jours; et enfin le 3° n’en eut que le lendemain après l'injection du sérum. A 2 autres lapins, j'ai injecté dans les veines de l'oreille 5 e. ce. de sérum par kilo; j’aï trouvé des traces d’albumine dans les urines, chez l’un pendant # jours, et chez l’autre pendant joue ensuite l’albumine disparut complètement. Toutes ces expériences montrent que sous l'influence des injections hypodermiques d’une émulsion dereins d'animaux sains apparaissent dans le sang des lapins et des cobayes des subs- tances qui exercent un effet nocif sur les reins de l'espèce ani- male dont les organes ont servi à la préparation de l’émulsion. Mais cette propriété néphrotoxique du sérum est extrêmement faible, surtout celle du sérum des cobayes. Il est fort probable que celte faculté serait plus prononcée s'il était possible d’aug- menter les doses d’'émulsion. ainsi que le nombre d'injections, Mais les lapins etles cobayes supportent mal ces injections, c’est pourquoi on est obligé de faire un nombre d’injections très limité, d'employer des doses d’émulsion très petite. C'est là, je crois. l'explication de ce que les animaux aussi petits et aussi peu résistants que le sont les cobayes et les lapins ne peuvent fournir un sérum néphrotoxique très actif. Pour obtenir un tel sérum. il faudrait s’adresser à des animaux plus grands et plus résis- tants, car il semble que l'élaboration et l’accumulation des eytotoxines dans l'organisme soient subordonnées à la fois à la dose de substance injectée et au nombre d’injections. Au moyen du lapin et du cobaye, on ne peut donc obtenir un sérum néphrotoxique puissant, C’est pourquoi j'ai cherché à en obtenir par un autre procédé. Cependant, les expériences dont il va être question doivent être considérées comme des expériences préliminaires. Elles ont besoin d’être contrôlées el étudiées davantage. C’est ce que je compte faire prochainement. Le raisonnement suivant m'a suggéré ces expériences. D'une part, chez l’homme, dans les maladies des reins, chroniques on SÉRUM NÉPHROTOXIQUE, 25 aiguës, il se produit dans l'organisme une accumulation de substances toxiques, laquelle a pour conséquence l’urémie. | D'autre part, nous savons que chez les animaux la ligature des urétères amène la mort, par urémie aussi. Si l’on fait la liga- ture d’un seul urétère, il se produit des modifications de diffé- rents organes qui rappellent celles qu’on observe dans la néphrite chronique chez l’homme, et notamment l’hyperémie du cœur, des stases sanguines dans le foie et la rate : puis, à la longue, l’autre rein devient aussi malade. Tous ces phénomènes montrent qu'à la suite de la ligature d'un urétère il se produit progressivement dans l'organisme de l'animal une accumulation des matières toxiques, qui explique les modifications qu'on rencontre dans les différents organes. En prenant en considération ces faits, je me suis demandé si le sérum du lapin auquel on a lié un seul urétère n’exercerait pas une action néphroloxique vis-à-vis d’autres animaux sains, Pour résoudre ce problème. j'ai lié l’urétère d’un côté chez deux lapins sains. Ces animaux supportèrent l'opération très bien : la plaie se cicatrisa sans suppuration, les animaux se réta- blirent rapidement et leur poids commença à augmenter. Vingt- et un jours après la ligature, j'ai pris du sang à l'artère caro- tide chez l’un deux, et j'ai injecté 4 c. c. (par kilo) de sérum dans les veines auriculaires de deux lapins sains : les urines de ces lapins étaient examinées pendant plusieurs jours avant l’in- jection sans qu'on ait pu constater la présence de l’albumine. Dès le lendemain de l'injection. l'urine de ces deux lapins renfermait de l’albumine en notable quantité; elle diminua ensuite progressivement pendant à jours et finit par disparaître complètement. L'autre lapin auquel j'ai lié un urétère fut saigné #1 jours après l'opération; j'ai injecté 5 e. ©. (par kilo) de ce sérum à deux autres lapins sains dont l'urine ne contenait point d’albu- mine avant l'expérience. Chez l’un d’eux, après l'injection du sérum, il y a eu pendant #4 jours une petite quantité d’albumine dans les urines; chez l’autre, il y en a eu pendantles trois premiers jours une grande quantité, mais dès le quatrième elle diminua rapidement, La présence dans les urines d’une si grande quan- tité d’albumine pendant les trois premiers jours après l'injection du sérum, ne laissait presque pas de doute que les reins étaient 26 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. lésés. Cependant, pour en être bien sûr, j'ai sacritié l'animal le _ septième jour après l'injection du sérum (il avait encore de lal- bumine dans ses urines); à l’autopsie j'ai trouvé les reins légè- rement augmentés de volume: à la section ils étaient hyperémiés et d’une couleur grisätre; la capsule s’enlevait facilement. Tous les autres organes, à l'examen macroscopique, ne présentaient rien d'anormal, L'examen microscopique des reins a révélé de très pro- fondes lésions dans toutes les parties de l'organe. Les vaisseaux des glomérules, et surtout les capillaires des espaces inters- tiliels étaient fortement hyperémiés. L’épithélium des tubes contournés était soit nécrosé, et dans ces cas il remplissait Les tubes sous forme de cylindres, soit vacuolisé, et alors les noyaux manquaient totalement, ou bien ils étaient considéra- bleméent modifiés; ces noyaux avaient une forme irrégulière et étaient comme ratatinés, L’épithélium des tubes droits était moins altéré. Cependant dans certains de ces tubes on voyait une masse informe, composée de cellules épithéliales complète- ment détruites. On rencontrait très souvent dans les espaces interstitiels une accumulation de cellules rondes, entourant de tous côtés les tubes contournés, dont quelques-uns étaient presque normaux ou très peu modifiés. En général, ‘toutes ces modifications avaient le caractère de celles que l’on trouve dans l'inffammation diffuse des reins; c’est ce qui explique la pré- sence de la grande quantité d° umine dans les urines. Ces expériences donnèrent donc des résultats positifs. Elles démontrèrent que le sérum des lapins, auxquels on à lié un des urétères, acquiert réellement, au bout d’un temps assez court, une faculté néphrotoxique très forte. Cette faculté paraît augmenter avec le temps, car le sérum pris six semainés après la ligature était plus fort que celui qui a été pris seulement après trois semaines. Hreste à savoir d'où arrive dans organisme de l'animal cette toxine? Il est fort probable que la formation de la toxine se produit ici de [a même façon que chez les animaux auxquels ôn injecté une émulsion de reins. Celte supposition est confirmée par les altérations qui se produisent dans le rein dont l’urétère est lié, Quand on examine au microscope les coupes de ces reins, 3-6 semaines après la ligature, on voit que les cellules © SÉRUM NÉPHROTOXIQUE. 27 épithéliales des tubes collecteurs sont atrophiées; les glomérules, pour la plupart du temps, sont peu modifiés; ce sont surtout les cellules épithéliales des tubes contournés qui sont les plus altérées : leur protoplasma est considérablement vacuolisé; dans de très nombreuses cellules il est disposé à la périphérie sous forme d’une couche très mince, composée de granules de diffé- rentes dimensions; les noyaux manquent dans la plupart des cas, où bien ils sont très modifiés, Il faut donc conclure que la ligature d’un urétère rend pos- sible la pénétration dans la circulation de certaines substances spécifiques qui se trouvaient auparavant dans les cellules propres de rein, C'est ainsi que se trouve créée la propriété néphro- toxique du sérum des animaux dont un des urétères est lié. En outre, cette propriété néphrotoxique peut aussi dépendre de ce que les substances, qui devraient être complètement éliminées de l'organisme, y séjournent, et ainsi se fait une accumulation de produits toxiques; parmi ces derniers se trouvent aussi ceux qui produisent un effet spécifique sur les reins. Cela se confirme aussi par ce fait qu'au bout d’un certain temps, chez l'animal auquel on avait lié un urétère, l’autre reia devient malade. Quant à la nature de cette néphrotoxine, il nous est encore impossible de nous prononcer à ce sujet. Les expériences ulté- rieures nous montreront si c’est une isotoxine, ou bien si c’est une néphrotoxine dans le plus large sens du mot. C'est à M. Metchnikof que je dois l’idée fondamentale de cette étude, Je considère comme un agréable devoir de lui exprimer ma profonde gratitude pour m'avoir indiqué ce sujet, pour m'avoir guidé par ses conseils éclairés et enfin pour m'avoir autorisé à travailler à son laboratoire. AP TANSRE Je venais de terminer mon article lorsque M. le docteur Lin- demann a fait une communication concernant le sérum néphro- toxique (Gentralbl, f[. all. Pathol. x1, p. 308, 1900). Dans cette communication il attire l'attention sur ce fait que le sérum du sang des chiens qui ont eu une néphrite à la suite de l'intro= duction, dans leur sang, de chromate de potasse ou d’autres poisons rénaux, exerce une très forte action néphrotoxique sur d'autres ehiéns. Ces expériences confirment, jusqu'à un certain 28 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. degré, l'hypothèse qui admet que le sang renferme des poisons rénaux au cours des néphrites. APPENDICE EXPÉRIENCE Î. A. Le 17 mars 1900. Injection hypodermique d'émulsion des 2 reins de cobaye à un lapin pesant 1,720 grammes. Le 27 mars. Deuxième injection d’émulsion de 2 reins de cobaye, Le-5 avril. Saignée à l'artère carotide afin d'obtenir du sérum. B. Le 6 avril. Injection de 2 c. c. de sérum-du lapin A dans la peau du ventre d’un cobaye pesant 420 grammes. Le lendemain de cette injection du sérum, l'urine renferme des traces d'albumine. Ces traces persistent jusqu’à la mort de l’animal, qui survient le 15 avril. Pendant cette période de temps, le poids de l’animal a diminué de 60 grammes. L'examen microscopique des reins de ce cobaye montre un gonflement de l’épithélium des tubes contournés ; une légère hyperémie des vaisseaux, des glomérules et des capillaires des espaces interstitiels; sur certaines coupes on voit dans ces espaces une légère accumulation de cellules rondes. EXPÉRIENCE ll. A. Le 21 maïs. Injection hypodermique d'émulsion de 2 reins de cobaye à un lapin pesant 1,605 grammes. Le 8 avril. Deuxième injection d’émulsion de 2 reins de cobaye. Le 19 avril. Saignée par l'artère carotide. Force hémolytique du sérum de ce lapin : 6 parties de sérum mélangées à 4 partie de sang défibriné n'ont pas amené au bout de 3 heures une complète dissolution, bien qu'il y ait eu déjà beaucoup de globules rouges détruits. B. Le 20 avril. Injection de 5 c. c. de sérum du lapin A sous la peau du ventre d’un cobaye pesant 580 grammes. Pendant les deux premiers jours après l'injection du sérum, il y a des traces d’albumine dans les urines, puis l'albumine disparait, puis reparaïit de nouveau au bout de 8 jours, c’est-à-dire le 28 avril. A partir de cette date jusqu'à la mort de l'animal qui a eu lieu le 7 mai, l'urine contient toujours de l'albumine, bien qu’en quantité minime. Après linjection l'animal a véeu 17 jours. Son poids a baissé de 240 grammes. A l'autopsie : Les reins sont hyperémiés, la capsule s’enlève facilement, les limites entre les différente couches sont peu distinctes. A Peramen microscopique : Forte hyperémie des glomérules et des vais- SERUM NEPHROTOXIQUE. 29 seaux de la couche pyramidale; gontlement de l’épithélium des tubes con- tournés et des cellules du tissu conjonctif. EXPÉRIENCE IL. A. Le 26 mars, Injection hypodermique d’émulsion de deux reins de cobaye à un lapin pesant 1,765 grammes. Le 4 avril. Deuxième injection d’'émulsion de deux reins de cobaye. Le 26 avril. Troisième injection d'émulsion de 2/3 de reins de cobaye. Le 11 mai. Quatrième FE d’émulsion d’un rein. Le 17 mai. Saignée de 25 c. c. de sang par l'artère carotide. B. Le 18 mai. 1) Injection ra 8 ce. c. de sérum du lapin A sous la peau d’un cobaye pesant 780 grammes. Le lendemain de l'injection, l'urine renferme des traces d’albumine. Le troisième jour après l'injection, forte diarrhée, et le 28 mai, c’est-à-dire le sixième jour, l’animal succombe. Son poids a diminué de 165 grammes. Les cultures faites avec du sang du cœur sont restées stériles. Autopsie : Reins mous, nyperémiés, légèrement augmentés de volume, la capsule s’enlève facilement; à la section on distingue mal les limites des différentes couches. Examen microscopique des reins : Hyperémie tres ee des vaisseaux des glomérules et des vaisseaux de la couche pyramidale, Épithélium des tubes contourné et gonflé; quelquefois on rencontre des tubes contournés dont l’épithélium est totalement détruit, ou bien ces cellules ont le proto- plasma homogène et sans noyau. A l'intérieur d'un petit nombre de tubes collecteurs, on voit un amas de débris de cellules épithéliales des tubes con- tournés. On rencontre aussi quelquefois, autour des glomérules et dans les espaces interstitiels, une accumulation de cellules rondes. 2) Le 18 mai Injection de 6 c. c. de sérum d'un lapin sain sous la peau du ventre d'un cobaye pesant 575 grammes. L'animal a été en observation pendant 15 jours. L'analyse des urines a élé faite quotidiennement. Point d’albumine. EXPÉRIENCE IV. A. Le 23 mai. 8 jours après la première saignee, cinquième injection hypodermique d’émulsion d’un rein de cobaye au lapin de l'expérience III. Le 20 mai. Saignée par l'artère carotide; 40 c. c. de sang, B. Le 30 mai. Injection de 30 c. c. de sérum du lapin A dans la région abdominale d’un cchaye pesant 565 grammes. Dès le lendemain de l'injection, l'urine renferme des traces d’albumine qui persistent jusqu'au {1 juin ; depuis, l'albumine n'a plus reparu. L'animal est resté en surveillance jusqu'au 4er juillet; pendant toute cette période il a été bien portant et a augmenté de poids de 50 grammes, 2) Le 30 mai. Injection de 8 c. c. de sérum du lapin A sous la peau du ventre d'un cobaye pesant 725 grammes. Dès le lendemain de l'injection, l'urine renferme des (races d'albumine : 30 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. tous les jours la quantité d'albumine augmente, de sorte que le septième jour elle est déjà assez considérable; le poids a diminué de 130 grammes, et l'animal est si faible que probablement il n'aurait pas pu survivre jusqu'au matin; c'est pourquoi je le sacrifie. A l'autopsie : Les reins très flasques; au-dessous de la capsule on voit des hémorragies miliaires, la capsule s'enlève facilement; à la section les reins sont de couleur grisätre; les couches se distinguent mal: les veines sont distendues par le sang. - Examen microscopique : Forte hyÿperémie des vaisseaux des glomérules ; dans quelques-uns de ces derniers de petites hémorragies; autour des glo- mérules et dans les espaces interstitiels on rencontre souvent des amas considérables de cellules rondes ; l’épithélium des tubes contournés est for- tement gonflé : à peine quelques cellules manquent de ip et ont le proto- plasma presque complètement détruit. EXPÉRIENCE V. A. Lapin, pesant 2,200 grammes, a reçu au niveau de la région abdominale 4 injections hypodermiques d’émulsion de reins de cobaye. La première injection d'émulsion rénale a été faite le 18 juin. La deuxième (un rein le 25 juin; la troisième (un rein) le 2 juillet, et la quatrième (un rein) le 12 juillet. ; Le 20 juillet. Saignée par l'artère carotide. Pouvoir hémolytique de ce sérum : à parties de sérum mélangées à 1 partie de sang défibriné de cobaye ont dissous, au bout d'une heure, un grand nombre de globules rouges; cependant, au bout de 3 heures, il en restait encore passablement qui n'étaient pas attaqués. B. Le 21 juin. Injection de 6 c. €. de sérum du lapin A, sous la peau du ventre d'un cobaye pesant 65 grammes. L'urine a renfermé des traces d’albumine seulement pendant les deux premiers jours après l'injection, purs l'albumine disparait et ne reparait plus pendant toute la durée de l'expérience (10 jours): le cobaye se portait bien, et avait augmenté de poids, 2) Le 21 juillet. Injection de 5 c. c. et 1/2 de sérum du lapin A, sous la peau du ventre d'un cobaye pesant 545 grammes. Le lendemain de l'injec- lion, l'animal a émis quelques gouttes d'urine seulement : il a été très malade et n'a pas mangé. Le deuxième jour, il y a eu 6 e, c. d'urine, qui renfermaient ne notable quantité d’albumine. Dans la nuit du troisième au quatrième jour, l’animal succomba ayant perdu 30 gr. de son poids. Aubopsie : Les reins sont fortement hypérémiés, surtout la couche inter- médiaire : à la section ils sont d'une couleur grisàtre ; les couches se distin- guent mal; la capsule s’enlève facilement. L'examen Éaes it révéla les mêmes altérations que celles du second cobaye de l'expérience 4 EXPÉRIENCE VI A. Le lapin de l'expérience T, après saignée du 3 avril, n’a plus eu d'injec- tion? il a bien supporté l'opération, s’est vite rétabli et a cominéncé à aug- SÉRUM NÉPHROTOXIQUE. 34 menter de poids; il pesait 1,815 grammes au moment de la deuxième saignée qui à eu lieu le 20 juillet. Le pouvoir hémolytique du sérum de cette seconde saignée ne se distinguait en rien de celui du sérum du sang normal. B. Le 21 juin. Injection de 5 c.e. 1/2 de sérum du sang du lapin A sous la peau du ventre d'un cobaye pesant 535 grammes. Pendant toute la durée de l'observation (environ 12 jours) l'urine ne renfermait point d’albu- mine, l'animal se portait bien et avait augmenté de poids. ExPÉRIENGE VIT (avec le séruni hémolytique), A. Le 19 septembre. Injection de 9 c. 6. de sérum du sang frais défibriné d'un cobaye normal sous la peau du ventre d’un lapin pesant 1,930 gr. Le 26 septembre. Deuxième injection de 15 c. e, de sang frais défibriné d'un cobaye normal, Le 4 octobre. Saignée par l'artère carotide (40 c. c. de sang). Le sérum de ce sang possédait une propiété hémolytique très puissante : deux parties de sérum, mélangées à une partie de sang défibriné d’un cobaye, dissolvaient complètement tous les globules rouges au bout de une heure et demie. B. Le 5 octobre. Injection de 4 ec. e. et 1/2 de sérum du sang du lapin À à trois cobayes pesant 420, 435 et 430 grammes. Tous les trois cobayes succombèrent; le premier, le quatrième jour; les deux autres le cinquième jour après l'injection, sans présenter d’albumine dans les urines. : A l'autopsie : Des hémorragies miliaires sous la peau, dans certains muscles et sur les parois du péritoine; tous les organes avaient plus ou moins une teinte ictérique; le sang du cœur et des grands vaisseaux avait l’aspect laqué ; la vessie chez deux de ces lapins était remplie d'urine paraissant sanguinolente; cependant, à l'examen microscopique, il fut impossible de trouver dans cette urine des globules rouges, pas plus que des éléments propres de rein. Ces derniers organes élaient flasques, à la section le parenchyme était d’un jaune pâle. Les cultures faites avec du sang du cœur restèrent stériles. K2 | Ce qui frappait le plus à l'examen niicroscopique, e’étail l'absence de globules rouges dans les vaisseaux des glomérules et dans les capillaires des espaces interstitiels. Quant à l’épithélium rénal, il ne présentait presque pas d’altérations, sauf que les dimensions des granules protoplasmiques étaient un peu plus grandes qu'à l'état normai. EXPÉRIENCE VII, A. Le 15 juin. Imjeclion d'émulsion d'un quart de rein de lapin sous la peau du ventré d'un cobaÿe pésant 624 grammes. Le 22 juin. Deuxième injection de la même quantité d'émuysion. Le 29 juin, Troisième injection d’érmulsion d'un quart de rein. Le 6 juillet. Saignée par l'artère earotide. Effet hémolytique de ce sérum : 6 parties de sérum mélangées à:1 partié. de sang. défibriné dé lapin dissol vaient Jes globules rouges. 32 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. B. Le T juillet. Injection de 10 c. c. de sérum du cobaye sous la peau du ventre d’un lapin pesant 1,940 grammes. Dès le lendemain, l'urine renfermait de l'albumine (traces), et cette albu- mine a persisté jusqu'à la mort de l'animal, qui a eu lieu le cinquième jour après l'injection de sérum. A l'autopsie : Les reins étaient œdématiés; la couche intermédiaire était fortement hyperémiée ; la capsule s’enlevait facilement. Les cultures faites avec du sang du cœur sont restées stériles. A l'examen microscopique : Les cellules épithéliales des tubes contournés avaient pour la plupart un protoplasma composé de gros granules; quel- quefois on rencontrait des cellules sans noyau, et enfin un petit nombre de cellules avaient un protoplasma complètement homogène, les vaisseaux des glomérules et les capillaires des espaces interstitiels étaient fortement hyperémiés. x EXPÉRIENCE IX. A. Le 15 juin. Injection d'émulsion d'un quart de rem de lapin sous la peau du ventre d'un cobaye pesant 395 grammes, Le 22 juillet. Deuxième injection d'un quart de rein de lapin. Le 29 juillet. Troisième injection de la même quantité d’émulsion. Le 6 juillet. Saignée par l'artère carotide, Effet hémolytique de ce serum. à parlies de sérum, mélangées à { partie de sang défibriné de lapin, dissolvaient tous les globules rouges. B. Le T juillet. Injection de 7 e. c. de sérum du cobaye A dans la veine de l'oreille d’un lapin pesant 2,245 grammes. Pendant les 4 premiers Jours après l'injection de sérum, l'urine renfermait des traces d’albumine ; à partir du 5e jour l'albumine disparaît et ne reparaïît plus pendant toute la durée de l’expérience. EXPÉRIENCE X. (Contre-épreuve de l'expérience VIII.) A. ÉEe T juillet. Injection de 12 c. c. de sérum du sang d'un cobaye sain sous la peau du ventre d’un lapin pesant 2,225 grammes. Pendant toute la durée de l’expérience (environ 14 jours) l’urine n’a pas renfermé d’albu- mine. L'animal se portait parfaitement bien. EXPÉRIENCE XI. A. Le 12 juillet. Injection d'émulsion d'un quart de rein de lapin sous la peau du ventre d'un cobaye pesant 527 grammes. Le 20 juillet. Deuxième injection de la même quantité d'émulsion. Le 21 juillet. Troisième injection d'émulsion d’un quart de rein. Le 6 août. Saignée par l'artère carotide. B. Le 7 août. Injection de 10 c. c. de sérum du cobaye A sous la peau du ventre d’un lapin pesant 1,515 grammes, Pendant les 3 premiers jours, l'urine renfermait des traces d’albumine, Puis l’albumine disparut et ne réparut plus. L'animal s’est rétabli, SÉRUM NÉPHROTOXIQUE. 4 ExPÉRIENCE XIL. A. Un cobaye pesant 715 grammes a reçu, sous la peau du ventre, 3 injec- tions d’'émulsion de rein de lapin sain (chaque fois 1/4 de rein) ; ces injec tions eurent lieu le 12 juillet, le 20 juillet et le 27 juillet, Le 6 août. Saignée par l'artère carotide. B. Le T août. Injection de 7 c. c. de sérum du cobaye À dans la veine de l’oreille d’un lapin pesant 1,490 grammes. Seulement pendant les 2 premiers jours après l'injection, il y a eu des traces d'albumine dans les urines. Ensuite, pendant toute la durée de l'expérience, l'animal se portait bien, EXPÉRIENCE XIIL. (Servant de témoin pour l'expérience XI.) Le T août. Injection de 9 c. c. de sérum de cobaye sain sous la peau du ventre d’un lapin pesant 1,470 grammes. Pendant toute la durée de l’ex- périence, l’animal se portait bien et l'urine ne renfermait pas d’albumine. EXPÉRIENCE XIV. A. Un cobaye pesant 650 grammes a reçu sous la peau du ventre 5 injec- tions d’émulsion de rein de lapin sain (chaque injection était préparée avec un quart de rein) ; ces injections eurent lieu le 9, le 16 et le 23 août. Le 51 août. Saignée par l’artère carotide. L'effet hémolytique de ce sérum fut très faible. B. Le 1er septembre. Injection 9 €. c. de sérum du cobaye À sous la peau du ventre d'un lapin pesant 1,600 grammes. Pendant toute la durée de l'expérience, l'animal reste bien portant, son poids augmente, et l'urine ne renferme point d’albumine. EXPÉRIENCE XV. A4. Un cobaye pesant 550 grammes a reçu 3 injections hypodermiques d'émulsion de rein de lapin normal (chaque fois 1/4 de rein): ces injections eurent lieu le 9, le 16 et le 23 août. Le 31 août. Saignée par l'artère carotide, 5 parties de ce sérum mélangées à une partie de sang défibriné de lapin, commençaient à dissoudre les globules rouges au bout d’une heure. B. Le 1er septembre. Injection de 9 c. c. de sérum du cobaye A sous la peau du ventre d’un lapin pesant 1,550 grammes. Seulement le lendemain, après l'injection de sérum, il y a eu des traces d’albumine dans les urines. Ensuite elle disparut sans plus reparaitre, Pen- pant toute la durée de l'expérience l'animal se porta parfaitement bien. EXPÉRIENCE XVI. (Contre-épreuve des expériences XIV et XV.) A. Un cobaye pesant 500 grammes, a reçu sous la peau du ventre trois injections de 5 c. c. chaque fois de sang défibriné de lapin normal; ces injections eurent lieu le 9, le 16 et le 23 août, 0) 2] 34 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Le 31 août. Saignée par l'artère carotide, En mélangeant 3 parties de ce sérum à une partie de sang défibriné de lapin, on obtient au bout de 2 heures une dissolution complète des globules rouges. B. Le 1er septembre. Injection de 6 c. c. de sérum du cobaye sous la peau du ventre d’un. lapin pesant 1,450 grammes. Pendant toute la durée de l'expérience, l'urine ne renfermait pas d'albumine. ExPÉRIENCE X VII. A. Le 30 juillet 1900, on fait la ligature de l’urétère droit à un lapin pesant 1,410 grammes. L'animal à bien supporté l'opération; la plaie s’est cicatrisée sans suppuration. Le 21 août le lapin pesait 1,455 grammes; ce jour-là je lui pris 10 c. e. de sang à la carotide. Ensuite je l'ai sacrifié. A l’autopsie : le rein droit est considérablement distendu par un liquide limpide de couleur jaune; l’urètre l’est aussi jusqu'à l’endroit où se trouve la ligature. La couche corticale du rein -est considérablement atrophiée. Lerein gauche, à l'examen microscopique, neprésentait point de modifications, de même que tous les autres organes. B. Le 22 août. Injection à deuxlapins, dans les veines de l'oreille, de sérum du lapin A : 1)le premier, pesant 1,375 grammes, a reçu5 c. c. 1/2, et 2) le second, pesant 1,625 grammes, 6 €. c. 1/2, c'est-à-dire 4 c. c. par kilo. Dès le lendemain de l'injection, l'urine des deux lapins renfermait de l’albumine en notable quantité; les deux jours suivants il y en avait encore, mais moins. Le cinquième jour l’albumine disparut sans plus reparaître. A la suite de l'injection, le poids des deux lapins avait baissé; mais bientôt ils se rétablirent complètement. ExPÉRIENCE XVII, A. Le 30 juillet, on pratique une ligature de l’urétère gauche à un lapin pesant 1,635 grammes. L'animal a bien supporté l'opération; la plaie s’est cicatrisée sans suppuration. Le 40 septembre le lapin pesait 1,905 gr. Ce jour-là je lui ai pris environ 10 c. c. de sang à la carotide. Ensuite je l'ai sacrifié. A l’autopsie : Le rein gauche, de même que son urétère jusqu’à l'endroit où se trouve la ligature, sont considérablement distendus par un liquide d'un jaune foncé; toutes les couches du rein sont atrophiées et d'une cou- leur grisâtre. Le rein droit est légèrement augmenté de volume, à la section il paraît être tout à fait normal ; tous les autres organes ne présentent rien d'anormal à l'examen microscopique. B. I. Le 41 septembre. Injection de 8 c. c. 1/2 de sérum du sang du lapin A, dans la veine de l'oreille d'un autre lapin pesant 1,900 grammes. Pendant les quatre premiers jours après l'injection de sérum, l’urine ren- fermait de l’albumine (plus que des traces) qui dès le cinquième jour dispa- raît sans. plus reparaîitre. IT. Le A1 septembre. Injection de 9 c. c. 1/2 de sérum du lapin À dans la veine de l'oreille d’un troisième lapin pesant 1,885 grammes. Pendant les trois premiers jours ayant suivi l'injection de sérum, l'urine renfermait une grande quantité d’albumine; ensuite, tous les jours la quan- SÉRUM NEPHROTOXIQUE. 35 tité d’albumine diminuait. Le septième jour, quand l'animal fut sacrifié, il n'y avait que des traces d’albumine dans ses urines. A l'autopsie : Les reins étaient un peu augmentés de volume, la capsule se décortiquail facilement; à la section, ils étaient fortement byperémiés el d'une coloration grisâtre. Tous les autres organes paraissaient à l'examen microscopique être norrnaux. A l'examen microscopique des coupes des reins : légère hyperémie des vaisseaux des glomérules. et très forte hyperémie des capillaires des espaces interstitiels. De profondes modifications de l'épithélium des tubes contournés, se traduisant par une forte dégénérescence albuminoïde, une vacuolisation et une complète nécrose des cellules. On rencontrait souvent des amas de cellules nécrosées d’épithélium des tubes contournés; ces amas remplissaient les tubes sous forme de cylindres. L’épithélium de certains tubes efférents étaient aussi vacuolisé, et de nombreuses cellules manquaient de noyau. On rencontrait souvent de forts amas de cellules rondes : ces amas cellulaires se trouvaient habituellement dans le voisinage des tubes contournés, qui en étaient parfois complètement recouverts. Ces tubes, ainsi entourés de cellules rondes, avaient en général leur épithélium intact, ou tout au moins très peu altéré. EXPLICATION DES FIGURES DES PLANCHES I ET II Fig. 1. — Coupe du rein du lapin de l'expérience XVIIL. Vacuolisation et nécrose des cellules épithéliales des tubes contournés, A l’intérieur de certains tubes on voit des amas d’épithélium détruit. (Verick. Ocul. 4. Obj}. Z. Grossiss. 190). Fig. 2. — Coupe du rein du même lapin. A l'intérieur d’un tube se trouve un cylindre composé d'un épithélium nécrosé. (Verick. Ocul. 4 Obj. 4. Grossiss. 190.) Fig. 3. — Coupe du rein du même lapin. Un tube droit dont l’épithé- lium est complètement nécrosé et qui remplit le tube sous forme d'un cylin- dre granuleux. (Verick. Ocul. 1. Obj. 4. Grossiss. 190.) Fig. 4 — Coupe du rein du même lapin. Forte infiltration par des cellules rondes, siégeant entre les tubes contournés (Ocul. 2. Obj. imm. 1/13.) et autour d'eux. BIBLIOGRAPHIE 4) Annales de l’Institut Pasteur, juin 1900. 2) Annules de l'Institut Pasteur, octobre 1898. 3) Berliner klinische Wochenschrift, 1899. Nos 1 et 22; 1900, no 21, 4) Münchener medicinische Wochenschrift, 1899. n°° 43 et 14. o) Annales de l'Institut Pasteur, octobre 1899. 6) Centralblat f. Bakteriologie, avril 1899. 1) Annales de l'Institut Pasteur, septembre 1900. 8) Münchener med. Wochensch., 1899, no 58. 9) Annales de l'Institut Pasteur, février 1900. 10) Deutsche med. Wochensch., 1900, n9 27. 11) Semaine medicale, 1900, n° 35, p. 290. LES BACTÉRIES LACTIQUES ET LEUR IMPORTANCE dans la maturation du fromage. Par R. CHODAT £r N. O. HOFMAN-BANG L'une des questions les plus étudiées de la bactériologie technique est sans contredit celle de la maturation des fromages. Depuis que M. Duclaux, dans ses travaux classiques sur le lait, a guidé ces investigations vers une voie rationnelle, on a beau- coup travaillé à élucider les problèmes plus ou moins compliqués qui surgissaient au fur et à mesure que les recherches s’appro- fondissaient. On constatait, entre autres, que pendant la matu- ration d'un fromage, la caséine de celui-ci se transforme pro- fondément. Lorsque M. Duclaux eut découvert dans le fro- mage les microbes dits Tyrothrix, qui peuvent solubiliser la caséine du lait de la méme manière que se transforme la caséine du fromage, la plupart des savants furent d'accord pour attri- buer à ce genre de microbes le rôle de faire müûrir les fromages. C’est en partant de ce point de vue que l’on établit les théories relatives à la marche de la maturation. Les expériences tentées pour les démontrer furent faites sur le lait, parfois sur des fromages, mais le plus souvent les auteurs se contentèrent d'utiliser les résultats obtenus, soit en discutant des observa- tions tirées de la pratique, soit en raisonnant sur l’interpréta- tion des résultats de la fromagerie. Ces différentes façons d’étu- dier la question ont pu paraître suffisantes tant que ces théories n'étaient pas attaquées; elles ne peuvent être que très secon- daires dès qu'il s’agit de les défendre par des argument réelle- ment scientifiques. M. de Freudenreich est l’adversaire principal de ces théories, et comme il est eu contradiction complète avec ceux qui admettent les Tyrothrix comme agents essentiels de la matura- tion du fromage, il nous faut examiner son point de vue un peu plus en détail. LJ BACTÉRIES LACTIQUES ET'MATURATION DU FROMAGE. 37 En faisant un très grand nombre d'analyses bactériologiques de fromages d’Emmenthal bien mürs. M. de Freudenreich ne trouve que très peu de Tyrothrix, mais des quantités énormes de bactéries lactiques. (Des résultats identiques ont été obtenus par MM. Russell et Weinzirl, Centralblatt für Bacteriologie, 1897, p. 456, et dernièrement ici au laboratoire par M. Stamen Gri- goroff.) C’est cette constatation qui lui fait croire que ce sont les bactéries lactiques et non pas les Tyrothrir qui sont les vrais agents de la maturation du fromage. Il fait voir en outre que les Tyrothrix disparaissent progressivement du fromage et même assez vite; par des numérations, il prouve qu'ils sont remplacés par des bactéries lactiques qui, peu à peu, se multiplient énor- mément. Ilen est de même si on fait un fromage avec un lail auquel on à ajouté des quantités très fortes de Tyrothrir. Si les bactéries lactiques font vraiment mürir les fromages. elles doivent pouvoir attaquer, c’est-à-dire solubiliser la caséine. M. de Freudenreich s'efforce de démontrer que la caséine d’un lait ensemencé avec des bactéries lactiques se transforme et devient soluble dans l’eau. Ce lait, d’après lui, contient juste- ment les mêmes combinaisons amidées que l’on rencontre dans un fromage d’Emmenthal bien mûr. Enfin, M. de Freudenreich indique que les fromages faits avec du lait auquel on a ajouté des bactéries lactiques contienneni plus de combinaisons amidées que des fromages faits avec du lait auquel on a ajouté des microbes appartenant au groupe des Tyrothrix . | De toutes ces circonstances il lui semble résulter (Central- blatt. [. Bact., 1900, p. 146) «€ que les Tyrothrix ne jouent aucun rôle dans la maturation d’un fromage d'Emmenthal », Il nous semble un peu hasardé de tirer une telle conclusion de ces constatations. Du fait que les Tyrothrix diminuent, puis disparaissent d’un fromage, ou que daus un fromage bien mür il ne s’en trouve que très peu, on peut seulement déduire qu’au moment où l'analyse a été faite le rôle direct de ces microbes est terminé, Par con- séquent il n'est pas permis de prétendre qu'ils n’ont joué antérieurement aucun rôle, et que les bactéries lactiques soient les seuls agents actifs de la maturation. Le fait que M. de Freudenreich trouve plus de combi- 38 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. sons amidées dans les fromages ensemencés avec des bactéries lactiques que dans des fromages inoculés avec des Tyrothrix n'autorise pas à tirer la conclusion à laquelle aboutit ce savant; car la seule conclusion strictement logique pourrait être la suivante : les combinaisons amidées sont caractéristiques pour le fromage d'Emmenthal; les bactéries lactiques peuvent fabri- quer ces combinaisons en quantité suffisamment grande; par conséquent les bactéries lactiques sont nécessaires. Enfin, la formation de ces combinaisons amidées n’est qu'une! partie secondaire dela maturation; par conséquent, M. de Freudenreich a tort d'en conclure sans autre que les Tyrothrix sont superflus dans tout le phénomène de la maturation. En disant que la production de corps amidés n’est qu’une partie secondaire de la maturation, nous touchons au point qui devrait être fondamental et dans la défense et dans l'attaque des théories de M. de Freudenreich. En effet, pour que des corps amidés puissent se former, il faut d’abord que la caséine soit assimilable, c’est-à-dire soluble dans l’eau. M. de Freudenreich semble bien s’en rendre compte quand il essaye de démontrer que les bactéries lactiques peuvent attaquer et transformer la caséine d’un lait: mais prouver que les bactéries lactiques peuvent attaquer la caséine d’un lait n’est pas démontrer qu’elles puissent attaquer la caséine coagulée : ces deux milieux sont si différents qu'il n'est pas permis d'appliquer a priori à la caséine coagulée les résultats que l’on a obtenus en travaillant sur le lait. On voit ainsi que les théories de M. de Freudenreich, quoique pouvant être justes, ne sont nullement prouvées, et que e’est précisément dans la question principale, la solubilisation de la caséine coagulée, que le manque de préuves est le plus sensible. C’est bien aussi sur ce point que les adversaires des théories de M. de Freudenreich ont porté leur attention. Bien des ten- latives ont été faites direction pour élucider cette question. Citons en particulier les travaux de M. Weigmann', ceux de MM. Boekhout et de Vries ?, et enfin ceux de M. Adametz, que 4. WEIGMaANx, Centralblatt für Bacteriologie, ete., 1898. p. 593 ; id., 1900, 630. 2, Bosknour et dé Vnies, 24., 1809. p. 30#. BACTÉRIES LACTIQUES ET MATURATION DU FROMAGE. 39 nous n'avons malheureusement pas pu utiliser comme nous le désirions. MM. Boekhout et de Vries, en particulier, ont montré que des fromages qui ne contiennent que des bactéries lactiques ne mürissent pas. Il semble donc tout au moins que la théorie de M. de Freudenreich ne se laisse pas appliquer à tous les fromages de pâte dure, comme ce savant semble avoir voulu le prétendre", Cependant de tels essais faits sur un nombre de fromages aussi restreint permettent encore le doute, car une foule de circonstances, telles que l'acidité, les différences de présure et de température, etc., ont pu influencer les résultats. En outre, il peut paraître encore possible que les théories de M. de Freu- denreich soient exactes en ce qui concerne les fromages suisses à pâte dure (Emmenthal). Aussi longtemps que d’un côté ses contradicteurs n'auront pas prouvé par des expériences irrépro- chables que les bactéries lactiques ne peuvent pas dissoudre la caséine coagulée, ils n’auront pas prouvé l'impossibilité de ses théories; mais d’autre part, aussi longtemps que M. de Freu- denreich n'aura pas fourni des preuves irréfutables de ce qu'il avance, ses théories ne reposeront sur aucune base solide. Lorsqu'on aura acquis la certitude absolue que les bactéries lactiques sont capables de dissoudre la caséine coagulée, il sera temps d'examiner si,se trouvantdansun fromage particulier, elles peuvent donner à celui-ci l’arome et la saveur que lon désire spécialement voir se développer dans cette sorte de fromage. Vu la grande importance qu'il pourrait y avoir pour lin- dustrie laitière d’élucider le côté bactériologique de la matu- ration du fromage, nous nous sommes mis il y a presque trois ans à l'étude des microorganismes des fromages d’'EÉmmenthal et de Gruyère. Tout naturellement notre attention s’est d’abord portée vers les Tyrothrir que nous avons rencontrés dans les fromages de Gruyère et d'Emmenthal. Les résultats de ces premières recherches ont été publiés”*. Nos conclusions étaient les suivantes : 1° Une seule espèce de bactérie peut produire à la fois la solubilisation (maturation du caséum) et l’odeur caractéristique du fromage ; 1. De FREUDENREICH, d., 1898, p. 284. 2. Bulletin de l'herbier Boissier, 4898, p. 713. 1.0 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. 2° Contrairement à l'opinion de M. de Freudenreich, mais d'accord avec Duclaux, des bactéries qui ne sont pas des ferments lactiques peuvent faire mürir le fromage ; 3° L’acidité du début n’est pas nécessaire pour que le phéno- mène se manifeste, ainsi que semble l’admettre M. Schirokich. L’amertume des produits obtenus fait supposer qu’à côté de ce phénomène principal de la solubilisation et de la production de l’arome, il en est d’autres, dus sans doute à des microorga- nismes différents, peut-être des ferments lactiques, qui influent sur la saveur. Cette petite publication a été critiquée par M. de Freuden- reich (Centralbl. f. Bact., 1900, p. 15) qui semble prétendre que nous avons mesuré la maturation de la caséine par ce seul caractère de l'odeur du fromage!. M. de Freudenreich n’a pas remarqué, paraît-il, que nous avons constaté une dissolution complète de notre caséine, et que par conséquent ilétait superflu d'en mesurer autrement la quantité devenue soluble, tandis qu'il était important de constater la présence de l’arome carac- téristique du fromage. Ces expériences de laboratoire, in vitro, demandaient à être confirmées par des essais comparables à ceux de l'industrie fromagère. C’est pourquoi nous avons tenté deles appliquer à la fabrication de petits fromages, obtenus en partant de sept litres de lait écrémé et stérilisé jusqu’à 120° dans l’autoclave. La coagulation d’un lait stérilisé est assez difficile; nous l’avons réalisée de la manière suivante : le lait chauffé jusqu’à 120°, et de nouveau refroidi jusqu'à 30°, était additionné de pré- sure liquide (Fabre), puis chauffé d’abord lentement jusqu’à 60e, puis rapidement jusqu'à 120°. Ce lait refroidi à 35° donne un coa- gulum quise laisse facilement couper, brasser et mettre en forme. On inocule la culture microbienne dans le coagulum coupé et non encore brassé. Nous avons bientôt abandonné cette méthode et nous nous sommes arrêtés au procédé suivant : le lait stérilisé et refroidi est saturé d'acide carbonique stérile ; après cette manipulation on peut procéder comme avec un lait cru, et par conséquent 1} 4. La mesure de la maturation est, d'après la nomenclature de M, Duclaux, précisément le rapport entre la quantité devenue soluble et celle qui est restée insoluble. BACTÉRIES LACTIQUES ET MATURATION DU FROMAGE, 41 est possible d’ensemencer les cultures dans le lait et non pas dans le coagulum. Nous avons expérimenté avec des Tyrothrix, ou des bactéries lactiques, ou avec des mélanges des deux sortes de microbes. Comme, malgré toutes nos précautions, nous ne sommes jamais parvenu à éviter des contaminations (constatées par des triages), nous avons été forcé de laisser de côté ce mode d’expérimen- tation. C'est pourquoi nous laisserons complètement de côté les résultats que nous avons obtenus ; cependant il nous sera permis de mentionner le fait que les fromages ensemencés avec des Tyrothrir nous semblaient plus rapidement arriver à un état comparable à une maturation que ceux qui n'avaient reçu que des bactéries lactiques. Ces essais ayant échoué, nous nous sommes bornés aux expériences in vitro, expériences qui peuvent seules fournir des résultats strictement scientifiques. Nous nous sommes tout d’abord adressés aux bactéries lac- tiques, pour vérifier une fois pour toutes si les bactéries lactiques sont capables d'attaquer et de dissoudre la caséine coagulée. Avant de donner le détail de nos recherches, il nous semble utile de fournir quelques renseignements sur les espèces mises en expérience. Nous n'avons pas essayé d'identifier nos bacté- ries lactiques, car si la détermination spécifique doit être faite même approximativement, elle exige un travail très grand, et si la certitude n’est pas absolue, il vaut mieux ne pas identifier les espèces mises en expérience avec des espèces déjà décrites. Nos cinq espèces, d’ailleurs très peu différentes les unes des autres, ont été isolées de fromages d’Emmenthal bien mûrs. Elles ont été sélectionnées par la méthode, généralement employée, des triages dans des boîtes de Petri; les milieux dont nous nous sommes servis étaient le lait écrémé dont la caséine avait été dissoute par l'addition de 2gr. de soude caustique par litre, ou du petit-lait additionné de 2 0/0 de peptone de viande (Liebig); les milieux étaient sohidifiés à l’aide de gélose ou de gélatine. Après leur sélection répétée, les bactéries ont été cultivées surtout dans le petit-lait peptonisé. Nos cinq espèces sont formées de bâtonnets immobiles ; leur largeur est d'environ 0,5 # et leur longueur varie beaucoup. Cette dernière peut même être réduite à un tel degré que l’on pour- 42 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. raitcroireavoir affaire à des Micrococcus. Dans des milieux liquides la longueur est généralement plus grande que sur des milieux solides. Nous n’avons jamais observé de spores. Ensemencées dans du lait, elles le font coaguler en deux jours (35°): le lait devient alors fortement acide. Quant aux acides formés, nous les avons déterminés; les résultats sont consignés dans la table n° 4, qui indique les résultats d’une expérience faite sur du petit-lait sans peptone et qui à duré cinq semaines. L’analyse des acides volatils a été faite par la méthode de la distillation fractionnée imaginée par M. Duslaux. L'acide lactique est calculé par la différence entre les quantités de soude caustique nécessaires pour saturer la totalité d’acide et les acides volatils. LACTOSE EN 0/0 | TOTAL |ACIDE Nos RE ND NENE ACIDES VOLATILS AU DÉBUT FIN lactique lactique. 1 5,113 4,884 0,44 0,33 0,04 formique, 0,03 val. 2 91118 4,884 0,38 0,14 0,13 = 3 5,713 4,11 0,41 0,014 6,12 _— 0,11 acétique. 4 DAT 4,175 0,5% 0,43 0,05 — DURE 5,113 4,99 0,5 0,41 0,037 — 0,002 valér. Î Ensemencés sur du petit-lait additionné de craie, les n° 1, 2, 3 et 5 ont détruit tout le lactose, tandis que dans le même temps le n° # laissait encore 4,1 de lactose. Les quantités d'acides fixe et volatil n’ont pas été déterminées avec précision. Sur la peptone liquide sans sucre, ces microbes ne se déve- loppent pour ainsi dire pas du lout; sur ce même milieu, mais en anaérobiose, elles se développent, mais très faiblement et très lentement, Toutes ces espèces sont facultativement anaérobies, mais présentent une prédilection marquée pour l’anaérobiose. On peut déjà le remarquer dans les triazes, où les petites colonies d'environ 1 millimètre de diamètre, et d’une couleur crème blanchâtre, se trouvent de préférence dans l’intérieur du milieu; quand exceptionnellement elles sont à la surface, elles y forment une couche excessivement mince, remarquablement fluorescente. En outre, ensemencées en piqüre dans la gélatine elles ne se développent pour ainsi dire pas du tout à la surface. BACTÉRIES LACTIQUES ET MATURATION DU FROMAGE. 43 tandis qu’elles se multiplient dans tout le canal sous forme de granulations isolées, puis sous forme d’une ligne assez irrégu- lière. En strie sur la gélatine, elles forment une couche extré- mement mince d’un éclat métallique accentué; les bords de la culture sont irréguliers. La gélatine n’est jamais liquéfiée. Sur pomme de terre: couche blanche inappréciable. Après cette courte description, passons aux expériences. Le milieu dont nous nous sommes servi a été préparé de la manière suivante : du lait frais, écrémé à la centrifuge, a été coagulé à l’aide d'une présure liquide (Fabre), le coagulum séparé du petit-lait a été lavé dans l’eau courante jusqu à dispa- rition de la moindre trace de lactose. (L'absence parfaite de lactose a été constatée à l’aide de la liqueur cupropotassique de Fehling); la caséine ainsi lavée a été séchée et conservée à cet état ses pour l'usage. Au moment de s’en servir, on la met dans une quantité aussi faible que possible d’eau; on stérilise trois jours de suite à 120° à l’autoclave. Nous nous rendons bien compte qu’un tel milieu peut ne pas être identique à celui que trouvent les microbes dans un fromage : mais de tous les milieux artificiels expérimentés jusqu'à présent, c'est. à notre opinion, celui qui s'approche le plus d’un fromage, et dans tous les cas des essais faits sur ce milieu sont infiniment plus probants que des essais faits sur du lait. Nous rappelons d'ailleurs qu'aux Tyrothrix, cela convient parfaitement. ‘On peut nous demander pourquoi nous avons enlevé le sucre: la réponse se trouve dans deux faits dûment constatés : d’abord, le sucre disparaît totalement d’un fromage d'Emmenthal déjà quelques jours après sa fabrication ; ensuite, l'acidité produite au début, aux dépens du sucre, par les bactéries lactiques, empé- cherait leur développement continuel. MM. Boekhout et de Vries ont montré que l'oxygène dis- paraît de l'intérieur d'un fromage à pâte dure, par conséquent nous avons mis nos cultures pendant toute la durée des expé- riences dans le vide. Nous n'avons pu obtenir qu'un vide relatif (72 c. de mercure). Le premier essai que nous voulons mentionner avait pour but de constater les quantités de caséine qui se laisseraient transformer par les bactéries lactiques, et la marche de cette transformation pendant à peu près 3 mois. ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. pi = Dans ce but nous avons ensemencé nos cinq espèces dans un grand nombre de petits flacons contenant tous 1 gr. 1/2 d’une seule et même caséine sans lactose (préparée comme il a été mentionné plus haut), et 10 c. c. d’eau de conduite. Une série de flacons ne fut pas inoculée et servait de témoin. Tous les flacons furent mis dans le vide et dans la plus com- plète obscurité. A plusieurs reprises nous avons tiré du vide un témoin el une série de 5 flacons contenant nos cinq espèces. Chaque eul- ture fut triée pour en constater la pureté ; ensuite, toute la cul- ture, après addition d'une même quantité d’eaudistillée fut tri- turée aussi finement que possible, additionnée d'une même quantité de tale de Venise, filtrée et lavée avec une quantité déterminée d’eau distillée. Enfin, nous avons déterminé, àl’aide de la méthode de Kjeldahl, l’azote du filtrat et celui du résidu. Comme nous ne prenions pas en considération les propor- tions de graisses el de cendres, et comme nous déterminions l'azote de la culture entière, et qu'il était impossible de tirer celle-ci du flacon sans de petites pertes de subtance, nous nous rendions bien compte qu'avec notre méthode les limites d'erreur seraient assez sensibles, et que par conséquent les résultats obte- nus ne pourraient avoir qu'une valeur approximative: mais comme, d'autre part, d’après M. de Freudenreich, la dissolution de la caséine par les bactérieslactiques se fait dans unetrès forte proportion (15 0/0 de l’azote total d’après cet auteur), nous avons jugé notre méthode suffisante, et nous avons pensé qu’elle nous fournirait une image assez exacte de la marche du phéno- mène pendantles 3 mois que durerait l'expérience. Voici les résul- tats. Les chiffres indiquent la quantité d’azote en gramme par gramme de caséine. La 1" colonne contient les numéros des espèces mises en expérience; la 2, la totalité de l’azote obtenue par addition de l'azote soluble et de l'azote insoluble (quantités indiquées dans la 4° et la 3° colonne); enfin, la 5° indique l'azote soluble en 0/0 de la totalité et la 6° le rapport entre la partie insoluble et la partie soluble. Ce dernier chifire nous semble plus Important que celui de la colonne 5, car dans le calcul de ce der-- nier chiffre on tient compte de l’azote total qui n’est qu’une valeur obtenue secondairement. Néanmoins nous n’avons pas voulu laisser de côté ces valeurs, afin de mieux pouvoir BACTÉRIES LACTIQUES ET MATURATION DU FROMAGE. 45 les comparer aux résultats obtenus par M. de Freudenreich. Il faut encore mentionner que toutes nos cultures avaient une odeur faiblement butyrique, et que la caséine n’avait pas du | “ PPT Le SOLUBLE | bpoRT | TOTAL INSOLUBLE SOLUBLE en 0/0 du total. | PRE 0,10163 0,09407 0,00756 7,44 12,44 CO AL Ha 0,1077 0,10246 0,00533 4,95 19,22 : | Re ER 0,11161 0,10438 0,00728 6,52 16,06 Ë P'HRETER 0,10826 0,10359 0,00467 4,31 22,149 | | RETENUS 0,10275 0,09827 0,00448 4,36 94,94 Témoin. 0,011716 0,111 0,00616 5,26 18,02 Ferre f 0,10155 0,09873 0,00579 5.44 17,05 2 RS ra mi 40848 0.09873 0,00476 1,59 20,78 :| Re … | 0,10191 | 0,097 0,00411 4,03 23,8 à | CAE 0,10221 0,0981 0,0042 4,11 23,33 DATE 0,40336 | 0,10013 | 0,00223 3,92 31 Témoin. 0,09892 ee 0,10155 0,9547 0,00608 6 45,7 | AN Ce 0,10172 0,095 0,00672 6,61 14,35 = ASE RER ES 0,10415 0,09967 0,00448 4,3 22,25 el d'OS 0,099 0,09527 0,00373 ST 25,54 | STE 0,09855 0,095 0,00353 3,6 26,76 | RIRES É: 0,09923 0,0968 0,00243 2,45 39,8 Dr 0,09966 0,09593 0,09373 3,74 95,75 5 | SRENSEE 0,0978 0,09343 0,00467 4,78 19,94 ‘| AN ee ete 0,09851 0,09593 0,00261 2,65 31,52 Témoin... 0,09948 0,09687 0,00261 2,62 37,11 PNR 0,09742 0,09313 0,00429 4,4 A, s |'osRs 0,09631 0,0922 0,00441 4,27 29,43 | see 0,09818 | 0,09407 | 0,00444 1,58 32,89 = Témoin. 0,09844 0,0943 0,00411 1,18 22,95 46 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. tout changé d'apparence. Les filtrations se faisaient plus facile- ment vers la fin de l’expérience qu’au début. Enfin, les triages montraient que les bactéries ensemencées s'étaient bien déve- loppées sans contaminations, tandis que les flacons témoins étaient restés parfaitement stériles. Les quantités solubilisées ne témoignent pas d’une sérieuse attaque de la caséine, telle que la suppose M. de Freudenreich, et telle qu’elle a réellement lieu dans un fromage d'Emmenthal, On peut cependant se demander si nos bactéries lac- tiques ont été absolument sans action sur la caséine : nous croyons, vu les analyses faites à la fin de l'expérience et la con- cordance approximative entre les analyses des flacons ense- mencés et des flacons témoins, qui montrent plutôt une diminu- tion qu'une augmentation de la portion soluble, pouvoir répondre affirmativement à cette question. Mais dans ce cas nos bactéries, dont la multiplication et la vitalité ont été constatés par les triages, n’ont pu vivre qu'aux dépens de la caséine dis- soute par l’eau,et par conséquent il est vraisemblable de suppo- ser que dans les fromages elles ne vivent qu'aux dépens de la caséine déjà dissoute d’une manière ou d’une autre!. La diminution de l’azote est un phénomène déjà constaté dans les fromages; M. de Freudenreich, attribue cette perte à la formation de combinaisons volatiles, en particulier de l’ammoniaque. Nous avons examiné à ce point de vue nos cul- tures en nous servant du réactif de Nessler; nous n'avons pu y déceler même des traces d’ammoniaque. Cependant, comme il se pouvait que l’ammoniaque formée ait passé inaperçue à cause du vide où se trouvaient les cultures, nous avons tiré du vide trois cultures n° 5 de la quatrième série et Les n° 4 et 5 de la cinquième série. Après les avoir laissées séjourner 1-2 semaines dans lair atmosphérique, nous obtenions avec le réactif de Nessler la réaction de l'ammoniaque. Nos chiffres semblent indiquer également une faible dimi- vution de l’azote dans les flacons témoins; mais pour se pro- noncer sur cette question, il faudrait que l'écart entre les résultats obtenus pour la partie soluble fût moins sensible et plus régulier. Nous avons fait une autre série d'expériences en partant de 1. Voir aussi à ce sujet les études de Russell sur la galactase. BACTÉRIES LACTIQUES ET MATURATION DU FROMAGE. 47 deux de nos bactéries lactiques (n° 2 et 3) que nous avons ensemencées sur une caséine modifiée par la caséase. Pour obtenir cette dernière, nous avons filtré sur une bougie Chamberland une caséine sans lactose, délayée dans l’eau et très fortement attaquée par un Tyrothrix. Nous avons ajouté 10 ec. c. du filtrat à des flacons qui contenaient 2 grammes de caséine sans lactose préparée comme il a été indiqué plus haut. nous avons placé les flacons dans une étuve à 35°. | Dans ces conditions, la caséine ne semblait pas se dissoudre, Cependant, en triturant les cultures plus tard, nous avons pu constater quelle s'était très ramollie. Après un séjour de 16 jours dans l’etuve, nous avons ense- mencé les bactéries lactiques, après quoi les cultures ont été placées dans le vide où elles sont restées jusqu'à la fin de l'expérience, qui a duré deux mois et demi. Les analyses ont été faites comme pour les autres cultures. Voici les résultats : SOLUBLE Nos TOTAL INSOLUBLE!| SOLUBLE RAPPORT en 0/0 du total. MR Pr de 0,1205 0,08 |! 0,0855 29,46 2,39 by uf ot wa 01Q oc 20 En RUES 0,11635 0,08455 0,0318 27,33 2,66 AO SE 0,14955 0,08455 0,035 29,98 2,49 Ces chiffres, qui indiquent les quantités d’azote en grammes par gramme de caséine, montrent aussi d’une manière évidente que les bactéries lactiques n’ont pas attaqué la caséine.: Une troisième expérience a été faiteavec une bactérie lactique ensemencée sur une caséine préparée de la manière suivante : Sur une caséine sans lactose préparée comme cela à élé indiqué plus haut, nous avons ensemencé un Tyrothrix; quand celui-ci eut attaqué la caséine à un tel point que chaque morceau était ramolli sans toutefois être liquéfié, la caséine fut séchée pour être conservée. Cette caséine fut mise, à raison de 2 grammes par expérience, dans de petits flacons contenant 20 grammes d’eau de conduite; ensuite le tout fut stérilisé 3 jours de suite à 120°. Sur la caséine ainsi préparée, nous avons ensemencé une bactérie Hactique, et nous avons mis cette culture dans le 48 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. vide. L'analyse se fit exactement comme dans la première expérience. En voici le résultat : 9 2 22 0 D D SOLUBLE Nos TOTAL INSOLUBLE| SOLUBLE RAPPORT eu Ü/0 du total. PR Er ren SE 0,12271 0,09065 0,03206 26,13 2,83 Témoins 0,11994 | 0,08844 | 0,0315 26,27 | 2,81 | Par ces chiffres on voit de nouveau que la bactérie lactique na pas du tout pu altaquer la eastine. Pour le moment, nous nous bornons à ces expériences; mais nous nous réservons de revenir plus tard sur le même sujet. Si maintenant nous récapitulons nos résultats, 1l en ressort jusqu'à l'évidence que des bactéries lactiques isolées d'un fro- mage d'Emmenthal ne sont pas capables de dissoudre la caséine coagulée, et par conséquent il nous semble qu'il est prouvé que M. de Freudenreich (s’il n'a pas travaillé sur des bactéries lac- tiques toutes spéciales) ne peut avoir raison quand il dit! Q que ce sont les bactéries lactiques qui jouent le rôle prépondérant, sinon exclusif, dans la maturation du fromage d’Emmenthal ». On pourrait objecter à notre argumentation que nous nous sommes servi d'une caséine lavée et chauffée jusqu’à 120°, et qu’il se pourrait qu'une caséine ainsi traitée soit si différente de la caséine d'un fromage, que nos résultats n'auraient qu'une valeur relative. Cependant la même objection pourrait être faite à toutes les expériences faites sur le lait stérilisé. La valeur de cette objection reste à démontrer. 1. Centralblatt f. Bact., 1895, p. 349 Sceaux. — Imprimerie E. Charaire. Ro Le Gérant : G. Masson. 45ne ANNÉE FÉVRIER 41901 No 2 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR LES THÉORIES PARASITAIRES DU CANCER PAR LE Dr A. BORREL (Avec les planches IT, IV et V.) Jadis on désignait sous le nom de {meurs les productions pathologiques les plus diverses, et ce n’est que peu à peu, par les progrès des études microbiologiques, que charbon, morve, tubercule, lèpre, actinomycose sont sortis du cadre confus ‘des tumeurs pour entrer dans le domaine mieux défini des maladies infectieuses. Aujourd'hui encore, la classe des tumeurs comprend des néoplasies très différentes par leur structure histologique, leur malignité, et certainement aussi par leur cause étiologique. — L'expression vague et vulgaire de « cancer » ou tumeur cancé- reuse ne correspond. à aucune production bien définie; elle sert à désigner toute tumeur maligne, récidivante, susceptible de généralisation, et capable d'entraîner la mort par une cachexie plus ou moins précoce : sarcome, épithéliome, carcinome, avec leurs diverses variétés. — De tout temps, les tumeurs malignes ont appelé l'attention des pathologistes par leur caractère #nfec- tant, par les métastases qu’elles provoquent dans les ganglions lymphatiques ou les organes internes à la manière des maladies virulentes: on a toujours comparé le cancer à la tuberculose; on a décrit la cellule cancéreuse à côté de la cellule tubercu- leuse ; on a admis l’hérédité cancéreuse au même titre que l’héré- dité tuberculeuse, et de même que jadis on expliquait la genèse des tubercules par une déviation pathologique des éléments des tissus, beaucoup d’anatomo-pathologistes veulent encore expli- 4 >0 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. quer l’évolution des tumeurs cancéreuses par quelque désorien- ation cellulaire spontanée. Pourtant les observations cliniques les plus récentes sem- blent bien démontrer qu’il y a des pays, des rues, des maisons à cancer ; le caractère contagieux, épidémique même, de certaines formes de cancer semble bien établi, et depuis que le rôle des micro-organismes dans la genèse des maladies infectieuses a été mis en évidence, on a voulu trouver le microbe du cancer : expression particulièrement impropre lorsqu'on l’emploie au singulier, car il est bien évident que les diverses variétés du cancer ne pourront jamais être expliquées par une cause étiolo- gique unique : il doit y avoir des microbes du cancer et il peut exister des tumeurs sans microbes. Les premiers essais de démonstration, au début de la bacté- riologie, n’ont pas été heureux, etles observations de Scheuerlen, Rappin, Koubassof, ete., qui avaient cru isoler, cultiver, inoculer le microbe du cancer, sont tombées dans l'oubli : il s'agissait de bactéries banales. I THÉORIE COCCIDIENNE Il y a quelque dix ans, la question du parasitisme des tumeurs cancéreuses à pris une orientation toute différente, et on à voulu incrimiper comme parasites, dans les tumeurs épithéliales, non plus des bactéries, mais des Sporozoaires. Les cancers épithéliaux sont surtout caractérisés par la pro- lifération excessive d’une cellule du type épithélial : épithélrum de revêtement ou épithélium glandulaire; cette cellule se multi- plie dans les foyers métastatiques et dans les ganglions lympha- tiques avec le type de la tumeur initiale. Or, on ne connaît pas, jusqu'ici du moins, de bactérie capable de causer, soit par sa présence dans la cellule, soit indirectement par une action à distance au moyen d'une toxine, la prolifération anormale des épithéliums; les bactéries connues, les champignons, lorsqu'ils donnent naissance à des productions pathologiques, détermi- nent la néoformation ou plus exactement l'accumulation de cellules du type mésodermique (cellules épithélioïdes) et donnent ou des granulomes ou des tubercules. THÉORIES PARASITAIRES DU CANCER. o1 D'autre part, on connaissait depuis longtemps des parasites appartenant au groupe des Sporozoaires, des Coccidies, qui vivent de préférence dans les cellules épithéliales, qui provo- quent l’hypertrophie de ces cellules et souvent, chez certains animaux, donnent naissance à de véritables tumeurs : adénome villeux des canaux biliaires du lapin par le Coccidium oviforme, adénome de l'intestin par la coceidie du mouton (Nocard). L'hypothèse d’un Sporozoaire, d’une coccidie parasite des cancers épithéliaux était séduisante ; on a cherché à l’établir en se basant surtout sur des analogies morphologiques. Neisser ! le premier, en 1888, avait décrit des coccidies dans les petites tumeurs inoculables qui caractérisentl'acné varioli- forme ou molluscum contagiosum de l'homme. Pour lui, les figures si particulières de dégénérescence protoplasmique qu’on trouve dans ces boutons épithéliaux, et qui aboutissent à la formation de globes cornés expulsés dans la cavité de la petite tumeur, devaient être considérés comme des coccidies typiques; mais les figures de l’auteur n’entrainent pas la conviction, et l'étude de cette question, entreprise par de nombreux observateurs. a montré l’inexactitude de cette interprétation. D'ailleurs, il ne s’agit pas ici de tumeurs cancéreuses. Pieiffer * parle de coccidies pour la première fois dans le cancer en 1888, mais les figures qu'il donne à l'appui de cette hypothèse n’ont rien qui puisse entrainer la conviction. Avec les travaux de l'école de Malassez, de Darier *, de Wick- ham *, en 1889, la question est nettement posée, et ces auteurs décrivent comme coccidies, dans le tissu épithélial des tumeurs, des corps ronds intra ou extra-cellulaires, avec une membrane réfringente à double contour, qu'ils comparent aux formes enkystées de la coccidie du lapin. Darier les signale dans une maladie cutanée spéciale, connue depuis sous le nom de psorospermose folliculaire végé- ante ; Wickham les décrit avec détail dans la maladie de Paget ; 1. Nersser, Ueber das Epithelioma (sive Molluscum contagiosum), Zeitschrift f. Dermatologie, 1888. 2. Preirrer, Beiträge zur Kenntniss der pathogenen Gregarinen, Zeitschrift f, Hygiene, Bd. HT et V, 1888. 3. DariEr, De la psorospermose folliculaire végétante, Archiv, de Derma- tologie, 1889, n° 7, Société de Biologie, 1889, avril, p. 294. :. WickHAM, Maladie de Paget, Thèse de Paris, 1890, 52 .. ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Vincent! les signale avec une méthode de coloration spéciale dansun cas d’épithélium pavimenteux. Les descriptions très explicites données des pseudo-parasites ont permis d'établir rapidement et d’une façon définitive leur vraie nature : il s'agissait non pas de parasites, mais de cellules épithéliales à évolution particulière ?. Les caractères assignés au noyau de ces formations suff- sent pour éloigner l'idée d’un parasite sporozoaire : on a affaire à un noyau de cellule épithéliale., — La membrane d’en- veloppe, qui donne à ces cellules l'apparence de kystes étrangers au tissu, résulte ordinairement du tassement des filaments de la cellule engainante ou des cellules voisines malpighiennes, sui- vant qu'on a une formation endogène ou une invagination cellu- laire. A l’intérieur du pseudo-kyste, sphérique ou ovalaire, se trouve une masse protoplasmique entourant le noyau, etrattachée à la capsule par une série de filaments radiaires qui signent encore mieux la véritable nature du pseudo-parasite. De pareil- les cellules évoluent, dégénèrent au sein du tissu épithéhal, et peuvent fournir les apparences les plus variées. Le parasite, dans cette première période, était une cellule épithé- liale. L’attention étant appelée du coté des Sporozoaires, de nom- breux observateurs ont décrit comme parasites tout ce qui leur paraissait un peu anormal dans les coupes : le Rhopalocephalus carcinomatosus, de Korotneff *, date de la fin de cette période, et n’a pas trouvé un accueil favorable de la part des pathologistes. Russell‘, en 1890, avait aussi signalé, comme formes parasi- taires dans les tumeurs, des amas de boules sphériques de dimensions variables, situées dans le stroma conjonctifet carac- térisées par un affinité spéciale pour les matières colorantes, d’où le nom de corpuscules à fuchsine. Ces boules, qu'il est facile de retrouver dans des lésions pathologiques diverses, cancer, sarcome, syphilis, tubercule, etc., 4. ViNcENT, Sur la présence d'éléments semblavles aux psorospermies dans un cas d’épithélioma pavimenteux, Soc. de Biol., 1890. 2. Borrez, Sur la signification des figures décrites comme coccidies dans l’Epithélioma, Arch. de méd. expérimentale, 1890, t. IT. 3. Korornerr, Centralb. f. Bact. u. Parasit, Bd. XIIT, 1895. 4. Russe, The characteristic organism of cancer. Brit. med. J I., 1890, n0 1562. THÉORIES PARASITAIRES DU CANCER. 53 ne montrent aucune structure, et donnent tout à fait l'impres- sion de boules de dégénérescence hyaline. — Nous verrons qu'elles ont été interprétées d'abord comme des Sporozoaires, puis comme des levures. Dans une deuxième période qui commence avec le travail de Thoma !, les figures données à l'appui de la théorie coccidienne sont d'une tout autre nature. Il s’agit d'inclusions intra-cellulaires, de corps ronds, isolés ou multiples, dans l’intérieur de la cellule cancéreuse ; on les trouve surtout dans les épithéliums du type glandulaire, ils sont rares dans les tumeurs du type malpighien, et on a voulu les rattacher à des formes déjà décrites depuis longtemps et dési- gnées par Virchow sous le nom de cellules physaliphores. Ces corps ronds ou mieux ces vacuoles intra-cellulaires, sui- vant la technique employée, ont été plus ou moins bien carac- térisés: on a, de tous les côtés, cherché à établir leur nature parasitaire, et essayé de décrire des stades d'évolution ana- logues à ceux que l’on connaissait chez les Sporozoaires. — Il y a eu de nombreux malentendus dans la discussion, et si les par- tisans du parasitisme n’ont jamais pu établir la nature exacte des corps qu'ils décrivaient comme parasites, leurs adversaires, dans leurs critiques, ont souvent visé des figures qui jamais n'ont été décrites comme Sporozoaires. A cette période correspondent les travaux de Thoma, de Nils Sjobring*, de Soudakewitch*, de Foa*, de Ruffer* avec ses collaborateurs Walker et Plimmer, de Podwyssotzky", etc. Vues rétrospectivement, les formations invoquées par les auteurs de cette seconde période ne nous montrent que des analogies superficielles avec les coccidies. Il faut bien avouer que la plupart s'expliquent très bien par des modifications 1. THoma, Ueber eigenartige parasitare Organismen in den Epithelzellen der Careinome, Æorstchr.d med., 1889, Bd. VII page 43, 2. SIÔBRING, Fortsch. d. Med., 1890, Bd. VIII, pag. 529. 3. SoupakEWITCH, Annales Inst. Pasteur, 1892, t. VI, pages 145 et 545. 4. #oa, Ueber die krebsparasiten, Centr. f. Bact., 1892, B. XII, n° 6. >. Rurrer, Brit. med. Journal, 1892, page 993. Rurrer et Pciuwer, Sur le mode de reproduction des parasites du cancer, Soc. de Biol., 1893, page 836. 6. Ponwyssorzxt et SawrcHevxo, Ueber Parasitismus bei Carcinomen, Centr. [. Bact., 1892, Bd. XI, page 491, D4 , ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. protoplasmiques, en rapport avec des phénomènes de sécrétion, et aboutissant à la formation de vacuoles intra-cellulaires isolées ou multiples ; elles donnent souvent des figures très compliquées et régulières, simulant des formes de division d’un parasite. — Dans ces vacuoles se trouvent des substances à divers états de condensation, et, le plus souvent, il s’agit de mucus. Les caractères de coloration de ces pseudo-parasites, d’après Foa, Soudakewitch, ete., la métachromatie après l’action de la safranine ou de la safranine-hématoxyline, caractérisent la formation des substances muqueuses. Ruffer, avec une méthode de coloration différente, par le Biondi-Heidenhain, à voulu surtout mettre en évidence un parasite dans l’intérieur de ces vacuoles : il a cherché à établir la présence d’un noyau caractéristique d’un protozoaire, mais ce corps central, pseudo-amibe, n’est pas toujours présent, il a été insuffisamment caractérisé et mal défini jusqu'à la publica- tion d’un travail important de Sawtchenko! en 1895. Ce travail marque une nouvelle période dans la question des parasites du cancer, parce que, grâce à une technique excel- lente et à un matériel favorable, l'auteur a pu étudier beaucoup mieux que ses prédécesseurs un certain nombre d’inclusions cellulaires qu’il a considérées d’abord comme des formes para- sitaires, et qui, il faut bien le reconnaître, sont très compa- rables aux stades jeunes et intra-cellulaires de la coccidie du lapin. Pour Sawtchenko, le parasite se présente, le plus souvent, sous la forme d’un petit corps logé dans une vacuole de la cellule cancéreuse ; souvent cette vacuole contient du mucus métachromatique, et le parasite est la cause de la dégénération partielle de la cellule. Le parasite est constitué par un petit amas de protoplasma sans membrane d’enveloppe, il montre un noyau semblable au noyau des sporozoaires, avec un karyosome unique. Ce parasite est capable d'évolution ; il grossit, le noyau se divise, et autour de chaque nouveau grain chromatique s’isole une portion de protoplasma ; puis chaque nouveau parasite se loge dans une vacuole, et une même cellule peut être infectée par 1. SAwTCHENKO, Pibliotheca Medica, 1895, Abth. D. Heft IV, THÉORIES PARASITAIRES DU CANCER. 35 un grand nombre de parasites ; il s'agirait de stades analogues à ceux que l’on observe dans l’évolution endogène d'une coceïdie (stade à mérozoïtes de Simond, schizogonie de Schaudinn : Plan- che HE, fig. 4 à 5). Ce travail, irréprochable au point de vue technique, est certainement la tentative la plus sérieuse faite pour démontrer la présence de Sporozoaires dans le cancer. Les parties cen- trales de certaines des figures de Soudakewitch, Ruffer corres- pondent probablement aux parasites de Sawtchenko, mais la technique mieux appropriée qu'a employée ce dernier savant lui a permis de mieux illustrer la ressemblance des figures qu'il décrit avec les stades d'évolution d’un Sporozoaire ; iei il ne s'agit pas d'une dégénérescence banale, ni d'un processus de désintégration cellulaire ; il ne peut être question de phénomènes de chromatolyse, de destruction de leucocytes ayant pénétré dans l’intérieur d’une cellule cancéreuse. La cellule est en parfait état; tout semble parler en faveur d’un corps amiboïde parasite, de quelque chose de vivant. Pourtant, ici encore, il n’y a probablement pas de parasites ; j'ai pu, sur des préparations plus favorables, suivre l’évolution de ces corps, me convaincre qu'il s’agit [à encore d’une évolution atypique d’un élément de la cellule cancéreuse, la sphère attractive ou mieux l’archoplasma, pour employer un terme de cytologie qui nous permettra de rattacher cette évolution à une évolution normale. Lorsqu'on étudie la formation du spermatozoïde chez le cobaye, on constate dans les spermatocytes de premier ordre, à côté du noyau, une sphère archoplasmique nettement indivi- dualisée, dans laquelle se trouvent un ou deux centrosomes en diplocoques. (PL. HILL fig. 6 4.) Par la fixation au Flemming. et coloration au rouge de Magenta suivi de piero-indigo-carmin, le protoplasma de la sphère est coloré en bleu foncé et les centrosomes sont colorés en rouge. — Puis apparaissent dans la sphère, par voie de division, une grande quantité de corpuscules centrosomiques qui ontles réactions colorantes des centrosomesinitiaux (fig. 6 b,b',c). Plus tard, ces corpuscules, toujours inclus dans l’archoplasma ou idiosome (Meves), grossissent et leur nombre diminue : il se fait comme une fusion qui aboutit à un gros corps chromatique 56 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. unique, entouré par une auréole d’archoplasma coloré en bleu (fig. 6 d.) ; c’est là l'origine de la coiffe du spermatozoïde. Déjà à ce moment, le cil vibratile inséré sur un des centro- somes à fait son apparition; l’idiosome vient s'appliquer contre le noyau (fig. 6 e), et parait l’attirer fortement : des prolon- gements archoplasmiques, émis par l’idiosome, isolent le noyau dans la cellule (e), tandis que le centrosome porteur du eil vibratile vient s’accoler à l’autre pôle du noyau, et le sperma- tozoïde avec sa coiffe est comme énucléé de la cellule mère par un mécanisme sur lequel il est inutile d’insister 1er. (Fig. 6 f, g.) Il y a donc là toute une évolution de l’archoplasma, et nos observations faites avec des méthodes de coloration différentes de celles de Meves!, confirment absolument celles de ce dernier. Brôoman® a, tout récemment, signalé la multiplication des centrosomes dans l’idiosome des grandes cellules spermatiques de Bombinator igneus. Heidenhain *, dans les grandes cellules à noyau polymorphe de la moelle osseuse du lapin, a signalé le développement consi- dérable des groupes centrosomiques ; il constate jusqu’à 90 et 100 grains centrosomiques. (PL. TL, fig. 7.) Dans les ovules de jeune cobaye, le corps vitellin représente aussi ce même idiosome, et j'ai pu y mettre en évidence les cen- trosomes. Tous ces faits, tirés de l’évolution normale, nous montrent que, dans la cellule, certaines portions peuventsubir une évolu- tion très compliquée sur laquelle l’attention des cytologistes commence à être appelée. (Voir à ce sujet la revue très com- plète de Prenant, Journal de l'Anatomie, 34 et 35.) L’archoplasma et le centrosome paraissent jouer en parti- culier un rôle très important dans les phénomènes de sécrétion cellulaire (Zimmermann). Nous allons trouver des faits de même ordre et plus com- pliqués encore dans l’évolution de certaines cellules cancéreuses. Les figures dont il va être question correspondent incontes- tablement aux parasites de Sawtchenko, et j'ai reproduit, PI. IT, fig. 1, 2, 3, 4, 5, les dessins de l’auteur, pour faciliter la compa- 4. Meves, Archiv. f. Micr. Anat, Bd. LIV, 1899. 2. BRômAN, Anal. Angeiger, 1900. 3. Archiv. f. mic. Anat. Bd. XVIII, 4894. THÉORIES PARASITAIRES DU CANCER. 97 raison, (Les nécessités du tirage des planches ont modifié légè- rement la coloration des figures reproduites.) Pour étudier à ce point de vue un peu délicat les cellules cancéreuses, il faut de toute nécessité se préoccuper d’une fixa- tion des éléments aussi parfaite que possible, et des fragments de la tumeur doivent être immergts dans les fixateurs aussitôt après l’ablation. Le liquide de Flemming ou le liquide de Hermann peuvent être employés; j'ai eu de bons résultats avec le fixateur suivant : NE PRRNe. ARNANS RESR RTERE USOAES lo RTATE 390 grammes, ACROSS RIQUE SRE AURA RUE LA Aa 2 — Dissoudre et ajouter : NOIR CHTOMHIQUE MORE PAU EEE 3 grammes. Ghiorure de plane: rater nt 2 — Nelder Ab QUe T1 à PIN Ur REA 20 -— La fixation est toujours meilleure lorsqu'on opère à basse température. Les fixateurs à base d'acide osmique ont un pouvoir de pénétration très faible; les couches cellulaires fixées convena- blement sont très peu nombreuses, il est facile de s’en rendre compte sur les coupes ; on augmente la zone de fixation en immer- geant les fragments dans le RE maintenu à la glacière. Une expérience comparative de fixation à 0°, 15°, 30°, 45° et 60° m’a montré que, pour les fixateurs osmiques, on avait tout avantage à opérer au voisinage de 0°. Dans tous les cas, c’est toujours près de la surface, là où le fixateur agit d’abord, que les résultats sont les meilleurs. La méthode de coloration qui donne les meilleurs résultats est la suivante : Les coupes étalées sur la lame sont colorées d’abord par le rouge Magenta; on peut employer ou une solution aqueuse, ou uné solution anilinée, ou une solution phéniquée; avec une solution phéniquée, il suffit de quelques minutes (10-15 ) surtout si on opère à chaud (à 50° par exemple). On traite ensuite par le picro-indigo-carmin ! (5 minutes); on lave rapidement à l’eau, on déshydrate et on décolore le rouge de Magenta par l’essence 4. Mélange de 2 volumes d’une solution forte de carmin d’indigo à 4 volume d’une solution saturée d’acide picrique. D8 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. de girofle, en suivant au microscope les progrès de la décolo- ration. En examinant les coupes les plus superficielles et par suite les mieux fixées, lorsqu'on a la bonne fortune de tomber sur une tumeur qui contient des pseudo-parasites, on peut bien étudier la genèse des formes qui sont en question. Souvent à côté du noyau, surtout dans les grandes cellules un peu hypertrophiées, on peut mettre en évidence la sphère attractive colorée en bleu foncé sur le protoplasma clair ; elle contient un ou deux centrosomes (PI. IV, fig. 1) — (comparer avec les spermatocytes du cobaye, PI. HE, fig. 6 @.) Ter, il n’est pas question de parasite, et c'est là le point de départ important non vu par Sawtchenko. Cette sphère peut contenir un plus ou moins grand nombre de corps centraux disposés en chaïnettes (PL. IV. fig. 2) ou en amas irréguliers. Une même cellule peut contenir 20 et 30 petits centrosomes, et dans les préparations on trouve ainsi beaucoup de cellules de ce type. Le processus qui conduit aux pseudo-parasites est toujours le même : c’est un processus de vacuolisation. Tantôt c’est la sphère tout entière qui s’isole dans le protoplasma de la cellule ; on à alors, suivant les dimensions de la sphère et du corps central, suivant le nombre des centrosomes, une pseudo-amibe plus ou moins grande, contenant soit un karyvosome et un noyau unique, soit un noyau fragmenté. (PI. IV, fig. 5, fig. 4, ete.) Le stade le plus fréquent est celui d’une pseudo-amibe unique, avec noyau unique dans une vacuole à côté du noyau de la cellule cancéreuse. Les stades de multiplication du noyau dans le pseudo-parasite sont plus rares. Il peut se faire aussi une individualisation de l’archoplasma autour de chaque grain centrosomique, lorsqu'il y a eu d’abord multiplication de centrosomes dans la sphère avant la vacuoli- sation. (PI IV. fig. 5.) Tantôt la vacuolisation de l’archoplasma est partielle et ce sont là les cas les plus intéressants et les plus démonstratifs (voir PI. IT. fig. 8). A côté du noyau dans la cellule, l’archoplasma est coloré en bleu foncé et se relie par des prolongements fins au protoplasma ; 3 vacuoles, développées dans la sphère même, montrent à leur intérieur des pseudo-amibes en voie de dévelop- pement, et de dimensions variables; entre les vacuoles, dans. THÉORIES PARASITAIRES DU CANCER. 59 l’archoplasma, se voient très bien les grains centrosomiques non encore individualisés. On pourrait objecter qu'il s’agit Ià de parasites, d'amibes, qui de préférence vont se loger et se développer dans l’archo- plasma. La figure #4, PI. IV, éloigne cette interprétation, puisque ici c’est la sphère tout entière, avec ses prolongements pseudo- podiques, qui s’est entourée d’une vacuole, Les figures 8, PL IV et 41, PL. V, nous expliquent très bien le mode de formation de ces pseudo-parasites, et l’on voit, dans une - cellule, un très grand nombre de grains centrosomiques tous égaux ou à peu près, dont une partie reste agglomérée en staphylocoques, tandis que déjà beaucoup de grains sont entourés de toutes petites vacuoles naïssantes. Da»s la figure 8, la gradation est nettement marquée, et on voit le développement progressif des centrosomes; il y en à de tout petits à peine différenciés, il y en a un qui est déjà relati- ment gros (2 & environ). Il s’agit bien de quelque chose de vivant et qui se développe, maïs il ne saurait être question de parasites. On arrive à des figures tout à fait séduisantes en faveur de l’hypothèse parasitaire, et la figure 12, PL V, représente à s’y tromper une cellule infectée par 5 jeunes amibes, que rien au microscope ne peut différencier des stades jeunes de la coccidie du lapin (forme en œil de pigeon, décrite par von Leyden); mais ici encore la chaïînette centrale des centrosomes est là pour signer la véritable origine de ces formations. Les figures 13, 14, 15 et 16 sont du même type, et je dois avouer que pendant longtemps je les ai interprétées comme des formes parasitaires évidentes : par exemple, la fig. 40, PI. IV, représente à s’y méprendre un des stades de multipli- cation des coccidies les plus typiques. L'étude minutieuse des préparations m'éloigne complètement de l'interprétation parasitaire au sujet de toutes ces figures, et je crois qu'il s’agit ici d’une évolution très compliquée de l’archoplasma et des corps centraux dans certaines cellules cancéreuses. Les réactions colorantes identiques employées soit dans Pétude de la cellule cancéreuse, soit dans l’étude des cellules testiculaires permettent d'interpréter d’une façon qui nous 60 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. paraît satisfaisante les figures pseudo-parasitaires si remar- quables décrites par Sawichenko. Entre l’idiosome du spermatocyte, entre le corps vitellin de lovule du cobave, l’archoplasma des cellules sécrétantes et l’'archoplasma de la cellule cancéreuse, il y a des rapports évidents. Dans le testicule, l’évolution aboutit à une formation normale ; dans la cellule cancéreuse, nous ne connaissons encore ni la cause ni la fin de cette évolution, qui au point de vue morphologique aboutit à des corps chromatiques énormes donnant l'impression de substances en dégénérescence. (PL. V, fig. 18, 19, 20, 21). La critique que nous venons de faire des travaux qui ont voulu établir la présence de Sporozoaires dans les tumeurs cancé- reuses ne doit pas empêcher les recherches dans cette voie, elle ne doit pas nécessairement faire abandonner une si sédui- sante hypothèse. Elle montre simplement que la question est très compliquée, qu'il faut tenir grand compte des particularités de l’évolution de la cellule cancéreuse avant d'affirmer la présence de Sporozoaires dans les tumeurs. Peut-être de nouvelles recherches dans cette voie seront- elles plus démonstratives. Récemment Leyden et Schaudinn : ont trouvé, dans deux ascites cancéreuses (tumeurs abdominales), une amibe très bien caractérisée au point de vue zoologique, mais ils n’ont pu démontrer que la Leydenia gemmipara ait joué un rôle actif dans la production de la tumeur. Schaudinn * lui-même, dans un travail postérieur, se pro- nonce très nettement contre la théorie parasitaire et la présence de Sporozoaires dans les cellules cancéreuses. Plus récemment encore Nils Sjübring * a pu extraire d’une tumeur et cultiver un parasite qu'il range dans le groupe des Rhizopodes. Ces travaux attendent une confirmation. Il THÉORIE BLASTOMYCÉTIENNE Dans ces dernières années, à côté de la théorie parasitaire À. LeypeN et SHAupiNN, Séfzunsber. Akad. Wissensch, Berlin. 2. ScHauDiNN, Zoo. Jahrb. Abth. f. Anat., XIII, 1900. 3. Nis Ss6BRING, Centralbl. f. Bakt., Abth. I, 27, 4900. THÉORIES PARASITAIRES DU CANCER. 61 du cancer par les Sporozoaires, a pris naissance la théorie Blas- tomycétienne, et nous allons voir que les figures, interprétées par certains comme des coccidies ont été considérées par d’autres comme des levures. Les tumeurs cancéreuses, sarcome ou épi- thélioma, seraient dues au développement de levures. La première observation qui a montré chez l’homme le rôle pathogène d’une levure est celle de Busse ‘. Il s'agissait d'une tumeur ou plutôt d’un abcès du tibia, « Sarcome ramolli », a d'abord dit inexactement l’auteur, et dans cette tumeur, Busse a vu au microscope une levure, la cultivée et inoculée. L’inoculation aux animaux, cobaye, lapin, reproduit des tumeurs, dans le sens le plus général du mot, et elles sont constituées en majeure partie par des cellules de levure, déterminant une réaction inflammatoire et l’accumula- tion de cellules lymphatiques. L'auteur signale la ressemblance des cellules de levure avec les figures décrites comme coccidies par Darier, Wickham, etc. Nous savons qu'il s’agit d’une res- semblance tout à fait grossière : ce sont des éléments arrondis. De même la tumeur produite n’a aucun rapport avec une tumeur cancéreuse. C’est ce qu'a très bien montré Curtis *, qui a eu l’occasion d'étudier un cas semblable, et a aussi isolé et ino- culé une levure pathogène pour le cobaye, le rat, le lapin, etc. Toujours les tumeurs produites sont des granulomes, et la maladie est une saccharomycose. San Felice, Roncali, etc., ont soutenu, dans de nombreux travaux, cette théorie blastomycétienne du cancer. Ils veulent l’appuyer : 1° sur la présence d'éléments sembla- bles aux levures dans les coupes des tumeurs; 2° sur l’obtention de cultures de levures des cancers: 3° sur les effets de l'inocu- lation aux animaux. I. — Ces savants, partisans des levures, ne se préoccupent pas beaucoup de l’étude précise des formes microscopiques. Tout ce quiest rond et muni d’une capsule est facilement rangé dans le groupe des Blastomycètes; ils acceptent comme levures et les figures de Darier et celles de Thoma, Soudakewitch, Ruffer, Sawtchenko, en y joignant les corps à fuchsine de Russell. 1. Busse, Ueber Saccharomycosis hominis, Virchow’s Archiv., Bd. CXL, $. 95. Busse, Ueber parasitare Zelleinschlüsse. Centralb. f. Bact., Bd. XVI, S. 175. 2. Curtis, Saccharomycose humaine, ces Annales, 1896. 62 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Il y a là une infinie variété de formes bien connues mainte- nant, d'origines très diverses, et qu’il est tout à fait impossible de considérer en bloc comme des levures. D'ailleurs, « priori, 1 serait très difficile d'expliquer le siège intra-celiulaire d’une levure dans une cellule épithéliale; on comprend très bien la pénétration d’une coccidie ou d’une amibe dans une cellule épithéliale, mais on ne peut admettre la pénétration d’une levure. La théorie blastomycétienne est admise par Plimmer ‘ dans un récent travail, et cet auteur interprète comme levures les figures que jadis il avait décrites comme coccidies. Sawtchenko * lui-même, dans un mémoire paru en 1898, passe à la théorie des levures parasites, et explique par la levure toutes ses figures d’amibes, de corpuscules-germes que nous venons de discuter. À notre avis, au point de vue morphologique, les_ diverses variétés d'inclusions que nous avons passées en revue ne sau- raient être considérées comme des levures, et la démonstration au microscope reste tout entière à faire. S'il y a des levures dans les tumeurs cancéreuses, elles ne sont certainement pas dans les cel- lules épihéhiales. IL. — Les partisans de la théorie blastomycétienne réalisent facilement des cultures de levures extraites de tumeurs cancé- reuses, mais la plupart des observateurs n’ont pas confirmé cette opinion, et lorsqu'on prend des précautions d’asepsie rigoureuse, lorsqu'on opère sur des pièces fraîches, on n'obtient pas de-cul- tures. Maffucci et Sirleo * ont fait de nombreuses recherches dans ce sens ; ils ont en effet quelquefois obtenu des colonies de levures, mais ils les ont considérées comme des impuretés, puisque des plaques de contrôle exposées en même temps à l'air du labora- toire ont aussi donné des colonies de levures. IE. — Les partisans de la théorie blastomycétienne s'appuient encore et surtout sur le résultat des inoculations aux animaux; cette inoculation a mis en évidence le rôle pathogène considé- rable des levures. Busse, Curtis, en inoculant des levures provenant de saccha- 4. Puimmer, Cent. {. Bact. Abth, 1, 1899. 2. SAWTCHENKO, Arch. russes de Path., 1898. 3. Marrucai et SirLeo, Zeëtéchr, f. Hygiene, t, XX VIIL. THÉORIES PARASITAIRES DU CANCER. 63 romycoses humaines, ont obtenu des effets pathogènes, et la mort des animaux, avec production de tumeurs au lieu d’inocu- lation et dans différents points de l'organisme. Chez le rat, les tumeurs produites par inoculation péritonéale deviennent énormes, mais il ne s’agit nullement de tumeurs cancéreuses. L'examen microscopique montre, soit dans la tumeur primaire, soit dans les nodules de généralisation, la structure des granu- lomes ; il est facile de mettre en évidence, dans les coupes, des levures parfaitement reconnaissables, et les figures obtenues diffèrent totalement des figures invoquées comme levures dans les cancers. Par la culture, on isole ces levures. L'accumulation de cellules épithélioïdes, qui traduit la réaction de l’organisme, a, dans certains cas, pu faire penser à une néoformation épithéliale. Suivant la levure, suivant l’organisme inoculé et le lieu de l'inoculation, les réactions sont un peu différentes, mais très généralement les tumeurs obtenues sont du type mésodermique, le tissu réactionnel peut même s'organiser, donner de véritables libromes, chondromes. Il y a là des faits très intéressants, mais qui à notre avis n’ont rien à voir avec la question du cancer. San Felice obtient de pareilles tumeurs avec une levure, isolée d’un citron ou de fruits variés. Podwyssotzky a obtenu, en inoculant des spores de Plasmo- diophora brassicæ, des tumeurs qui ressemblent superficiellement à des endothéliomes. Bosc, en inoculant des spores de Monocystis du lombrie, a obtenu aussi des néoformations qu'il veut rapprocher des tumeurs cancéreuses. Il est probable qu'en inoculant ainsi des corps variés diffi- ciles à résorber, on déterminerait des tumeurs ou plutôt des pseudo-tumeurs résultant de l’évolution des cellules réaction- nelles. San Felice ‘ surtout a soutenu, dans de nombreux travaux, le rôle pathogène des blastomycètes. Deux voies peuvent être suivies, dit-1l, pour mettre en évidence le caractère infectieux des tumeurs malignes : 1° La voie directe: partir d’une tumeur cancéreuse, inoculer 12 SAN FELICE, ZetSchr, f. Hyo., t: XXI, XXII, XXIX. 64 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. des lragments, obtenir des cultures, reproduire la tumeur ini- tiale. De ce côté aucun résultat n’a été obtenu avec certitude; 2° La voie indirecte, et celle-ci lui paraît meilleure : Chercher et isoler des levures dans le milieu ambiant, les inoculer, produire chez les animaux des tumeurs cancéreuses. Une espèce de blastomycète, isolée de la surface d’un fruit, le Saccharomyces neoformans, a surtout été étudiée par San Felice. Elle est pathogène pour un grand nombre d'espèces animales, et donne très ordinairement chez le rat, le cobaye, etc., ou une infection rapidement mortelle, ou la production de granulomes. Dans ce cas la levure est facilement reconnaissable au micros- cope, elle abonde dans les préparations et se cultive facilement. Les mêmes tableaux pathologiques sont obtenus avec la levure de Busse, Curtis, Plimmer, etc. San Felice considère les résultats de linoculation au chien comme tout à fait démonstratifs. Sur 59 chiens inoculés, 3 ont montré une production de tumeurs. Le premier cas publié a été observé chez une chienne sacrifiée 4 mois après l’inoculation. Il y avait, à l’autopsie, une tumeur de la mamelle et des noyaux métastatiques dans le rein. Les dessins de l’auteur montrent qu'il s’agit d’un processus granu- leux, interstitiel, d’une saccharomycose. Les levures abondent soit dans le tissu, soit dans les cellules épithélioïdes. Au point de vue morphologique, San Felice veut identifier ses levures avec les figures décrites jusqu'à lui comme coccidies. Cette opinion n’est pas soutenable. Le deuxième cas, signalé déjà en 1896, et décrit en détail en 1898, est celui d’une chienne inoculée depuis 10 mois avec une culture de Sacch. neoformans, et morte cachectique. Ily avait une tumeur au point d’inoculation dans la mamelle, et des métas- tases dans les ganglions lymphatiques. Rien dans les autyes organes. Les préparations montrent qu'il s’agit incontestable- ment d’un adéno-carcinome. Le tableau microscopique ditfère totalement du premier cas publié, et ne peut lui être comparé. Malheureusement, on ne trouve pas, dans les coupes, de figures que l’on puisse avec certitude considérer comme levures: les cultures sont restées stériles. Le troisième cas publié est celui d’un chien inoculé dans le THÉORIES PARASITAIRES DU CANCER, 65 testicule en novembre 1897, et mort en avril 1898. L'examen microscopique montre une accumulation de cellules Iympha- tiques en voie de division active par karyokinèse. Dans cette tumeur, comme dans la précédente, on ne voit plus les levures inoculées ; la culture, d’après l’auteur lui-même, n’a .-donné aucun résultat. Les faits pouvant être considérés comme positifs, avec pro- duction de vraies tumeurs, se réduisent en somme à 2 sur plus de 60 chiens inoculés, et les tumeurs obtenues sont de type histologique différent. Pour expliquer les insuceès nombreux, San Felice doit faire intervenir des considérations de race et de prédisposition indi- viduelle : pour expliquer l'absence de cultures provenant des tumeurs expérimentales, il doit supposer un état de la levure devenue incultivable. Admettons qu'il ne s'agisse pas d’un simple hasard, et que les tumeurs produites sont bien le résultat de l’inoculation des levures. Peut-on en conclure que les cancers sont dus à des levures? Je crois que laconclusion dépasserait de beaucoup les faits. Wlaeif a étudié aussi le rôle pathogène des levures, et, en les inoculant dans le péritoine d’un rat, a obtenu une fois, au milieu de tumeurs granuleuses, la production d’un adénome kystique développé aux dépens de l'épithélium intestinal inclus dans la tumeur à levure. Les levures sont parfaitement recon- naissables dans le tissu interstitiel; elles ne se trouvent pas dans les cellules épithéliales. (Nous avons là une confirmation de ce fait que la cellule épithéliale n’est pas le lieu des levures.) Mieux que les observations de San Felice, ce fait montre que, au voisinage d’une tumeur à levure, il peut y avoir prolifé- ration de la cellule épithéliale par une action à distance. Mais on n’a pas le droit d’en conclure que le parasite des tumeurs cancéreuses est une levure. La coccidie du lapin provoque aussi la formation d'adénomes. Il y a là seulement des faits très intéressants sur le rôle pathogène des levures ; il faut savoir gré à San Felice de les avoir étudiés avec soin, parce qu'ils nous montrent que pour expliquer le développement anormal d’une cellule épithéliale et la production de tumeurs cancéreuses, les recherches ne doivent EO D 66 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. pas ètre limitées au seul groupe dés Sporozoaires. Peut-être faudra-t-il penser aussi à des bactéries, à des champignons, peut-être même à des levures, parasites qui Seraient non pas dans le tissu épithélial lui-même, mais dans le stroma conjonetit des tumeurs, là où l’observation microscopique montre si souvent des processus réactionnels intenses. Chaque type de tumeur devra être étudié individuellement, et on ne saurait parler d’un microbe du cancer. Peut-être y aura-t-il plus tard des tumeurs à Sporozoaires, peut-être des tumeurs à bactéries, peut-être mème des tumeurs à lévurés. Toutes les hypothèses sont permises, mais jusqu'ici aucune ne nous parait démontrée. EXPLICATION DES PLANCHES ns me PLANCHE HI Lic. 1, 2, 3, 4, 5. — Reproduction de quelques figures du travail de Sawtchenko, montrant différentes formes d’inclusions cellulaires considérées par lui comme parasites. FiG. 6, — Coupe de testicule du cobaye montrant différents stades de la formation du spermatozoïide. a. Spermatocyte âvec un idiosome contenant 2 grains centrosomiques. b multiplication des grains centrosomiques. c, b, d' développement et concentration de la substance chromatique dans l’intérieur d’une vacuole de l’archoplasma. e. l'idiosome arrive au contact du noyau et le coiffe, prolongements archoplasmiques aboutissant à la formation de Panneau; début de l'énucléa- tion cellulaire. f. g. Stades plus avancés de là formation du spermatozoïide. Fie. 7, — Une cellule de la moelle osseuse chez le lapin, grains centro- somiques multiples, d'après Heidenhain. Fi6. 8. — Une cellule cancéreuse montrant très nettement l'archoplasma coloré en bleu foncé par le carmin d'indigo, dans l’archoplasma des pseudo- parasiles qui ne Sont que des portions de la sphère. PLANCHE IV Fie 1, — Une cellule cancéreuse; coloration par le rouge Magenta suivi de picro-indigo carmin après fixation au Flemming. THÉORIES PARASITAIRES DU CANCER. 67 Dans le protoplasma, une sphère archoplasmique colorée en bleu foncé, à l'intérieur #4 grains centrosomiques en diplocoques. FiG. 2. — Une sphère archoplasmique plus développée dans la cellule cancéreuse, et contenant une longue chaïinette de centrosomes. Fi. 3. — Dans une cellule cancéreuse, une sphère avec prolongements radiaires contenant des grains céntrosomiques de différentes grosseurs. Fire. 4 — L'archoplasme s'entoure d’une vacuole dans la cellule cancé- reuse, ei se présente sous forme de 2 pseudo-amibes intra-cellulaires. Fi. à,6, 7. — Différentes formes de vacuolisation totale de l'archoplasma, Fic. 8. — Dans une cellule cancéreuse, certains grains centrosomiques sont en voie de développement et individualisés dans des vacuoles plus ou moins grosses. Il reste au centre un petit chapelel de grains non différenciés. FiG, 9 et 10. — Division de l’archoplasma contenant de très nombreux grains centrosomiques. PLANCHE V Fig, 11. — Une cellule cancéreuse contenant un très grand nombre de centrosomes, début de la vacuolisation protoplasmique : il reste des grains en amas non entourés de vacuoles. Fig. 12. — Forme du pseudo-parasite en œil de pigeon (von Leyden) comparer avec Planche II, fig. 6 d d'. Dans la cellule, des grains centroso- miques au nombre de 6 non différenciés. Fis. 13, 14, 15, 16, 17. — Différentes formes de pseudo-amibes intra- cellulaires par groupes de 2 ou 4; presque toujours on trouve au céntre de la cellule, autour des vacuoles, des grains centrosomiques en amas. LG. A8, 19, 20, 21. — Formes compliquées, monstrueuses, de dévelop- pement et de dégénération de l’archoplasma de la cellule cancéreuse. CONTRIBUTION À L’'ÉTUDE DE L'ORIGINE DE L'ALENINE DES SÉRUMS NORMAUX. Par Le D' O. GENGOU (pe LIËGE). (Travail du laboratoire de M. Metchnikoff.) Malgré la concordance de la théorie leucocytaire de M. Met- chnikoff avec tous les faits de l’immunité naturelle, le rôle des globules blancs dans la défense de l'organisme ne fut pas, sans objection. admis par tous les bactériologistes. Aussi le pouvoir bactéricide que von Fodor, Nuttall, Flügge, ete., trouvèrent au sérum sanguin des animaux normaux, servit-1l de base aux adversaires de la théorie cellulaire, à laquelle ils opposèrent la théorie humorale, dont Büchner se fit un des plus ardents défen- seurs, L’alexine de Büchner, qui se trouve dans les sérums nor- maux, était pour eux la clef de tous les phénomènes d’immunité naturelle. Toutefois, d’autres auteurs allemands émirent des doutes sur l’existencedecettealexineetBaumgarten,parexemple, s'appuyant surles recherches de Jetter ‘, de Szeleky etSzana*, de Walz ?, pré- tendit que la diminution du nombre des bactéries ensemencées dans un sérum dépendait, non pas d'une substance particu- lière, comme le soutient Büchner, mais du passage brusque d’un milieu dans un autre, ce qui entraînerait la mort des microbes faibles, les plus résistants seuls parvenant à s’y multiplier. Nous ne voudrions pas nous étendre trop longuement sur cette hypo- thèse; cependant il y a certains faits qui plaident assurément contre celte manière de voir, C’est ainsi que Denys et Kaisin ‘ observèrent que, contrairement à ce que dit Jetter, le nombre . Jetter, Arch. auf d. Geb. d. path. Anat. Bd. I, 1892. . Szeleky et Szana, Cent. f. Bakter. Bd. XII, 1892. . Walz, Uber die Sogenannte bactericide Eigenschaft des Blutserums, 1899. . Denys et Kaisin, La Cellule, 1893. 9 Æ= O2 ORIGINE DE L'ALEXINE DES SÉRUMS. 69 de germes tués par le sérum est proportionnel à la quantité et à la qualité de ce sérum, et non à la quantité de microbes ense- mencés; en outre que des bactéries, provenant de cultures jeu- nes, par conséquent résistantes, ou de cultures faites dans du sang du même animal, par conséquent accoutumées à ce milieu, ne supportent 'pas mieux que des cultures vieilles, en somme affaiblies, ou provenant d'autres milieux, c'est-à-dire non accou- tumées, le passage dans du sérum frais. De même la fixation de l’alexine sur les microbes ou les globules rouges, si bien démon- trée aujourd'hui (Bordet'), est totalement en opposition avec l'hypothèse dont il s’agit, D’autres faits encore, tels que la découverte de l’antialexine {Bordet ?), y trouveraient aussi diffi- cilement une explication quelconque. Finkh * est revenu cepen- dant à la charge, en montrant qu'il suffit d'ajouter une trace de sels à du sérum bactéricide, pour lui enlever tout son pouvoir ; ce fait ne prouve évidemment rien, car on peut tout aussi bien admettre que ces sels détruisent l’alexine ou empêchent son action. | L'hypothèse de Baumgarten ne rendit donc nullement compte des faits observés par Büchner, etc., et la théorie alexique n’en resta pas moins très en vogue en Allemagne. Cependant l’auteur de la théorie cellulaire maintint ses propositions, signalant d’au- tre part les faits nombreux où le pouvoir bactéricide des sérums normaux est en contradiction avec l’immunité. Peu à peu, on se mit à rechercher l’origine de ce pouvoir bactéricide du sérum, et les promoteurs initiaux eux-mêmes de la théorie humorale reconnurent, en partie du moins, le bien-fondé de la théorie celluiaire. C’est ainsi que Werigo ‘ démontra, en injec- tant dans le torrent circulatoire des cultures microbiennes, que les oscillations que subit alors le pouvoir bactéricide du sérum, et qui avaient été déjà signalées par Nissen *, étaient complè- tement en rapport avec des variations identiques du nombre des globules blanes dans le sang. Bastin*, Everard, Demoor et Massart *, Havet® firent la même constatation; Bordet obtint . Bordel, Ann. de l’Institut Pasteur, 1900, . Bordet, Loc. cif: . Finkh, Centr. f. Bakter., 1900. Weriso, Ces Annales, 1891. . Nissen, Zeitschr. f. Hyq., 1888. . Bastin, La Cellule, 1892. . Everard, Demoor et Massart, Ces Annales, 1893. , Havet, La Cellule, 1894. > ©9 RO ns CT DID 70 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. le même résultat en injectant simplement du carmin dans le cou- rant sanguin des animaux. Les leucocytes paraissaient done avoir un rôle prépondérant dans le pouvoir bactéricide du sérum, et la démonstration en fut faite en ellet. Denys et Havet ! notamment, ayant obtenu des _exsudats riches en globules blanes, y constatèrent un pouvoir bactéricide supérieur à celui des sérums sanguins correspon- dants; seulement il n’est pas tenu, dans les expériences telles que ces auteurs les ont établies, suffisamment compte d’un fac- teur très important, à savoir la phagocytose, attendu qu'ils se servent d’exsudats où les leucocytes sont vivants. Peu après, Büchner? se servait de cette méthode, et, après avoir tué les leucocytes par le froid suivi d'une brusque élévation de tempé- rature, obtenait un liquide extrêmement bactéricide et dans le- quel la substance germicide, l’alexine, disparaissait, comme dans les sérums sanguins, à 55°. D’autres encore reprirent le sujet; Bail, Schattenfroh, Lowit, Jacob obtinrent des extraits par des méthodes diverses {voir à ce propos la revue de M. Bes- redka *), et qui prêtent fort à la critique, puisque dans tous il y a adjonction de substances étrangères aux leucocytes (Lowit, Bail, Jacob) ou action d’une température élevée (Schattenfroh). L'origine leucocytaire de lalexine du sérum était de Ja sorte admise par la grande majorité des auteurs, quand M. Pfeiffer, se basant sur la transformation granuleuse du vibrion cholérique, en dehors de toute action apparente des leucocytes, fit revivre la théorie humorale de Flügge. Ce phénomène servit naturellement de critérium dans un grand nombre de recherches ultérieures sur l’origine du pouvoir bactéricide du sérum. Si la théorie humorale était vraie, le phénomène de Pfeiffer devait s’observer dans les liquides formés dans l’organisme, sans inter- vention quelconque des globules blancs; aussi M. Metchnikoff ‘, ayant provoqué, par le ralentissement de la circulation, des œdèmes passifs, privés de leucocytes, et y ayant injecté des vibrions cholériques, y chercha-t-il la transformation gra- nuleuse ; jamais il ne put l'y observer, ce qui démontrait 1. Denys el Havet, Zdem, 1894. 2. Buchner, Cent. {. Bakter. 1894. 5. Besredka, Ces Annales, 1898. 4. Metchnikoff, Zdem, juin, 1895. ORIGINE DE L'ALEXINE DES SÉRUMS, 71 l'absence de {oute alexine dans ce milieu. De mème, M. Bordett, ayant retiré de semblables œdèmes obtenus chezle lapin, même vacciné contre le choléra, démontra que, in vitro comme in vivo. le phénomène de Pfeiffer faisait totalement défaut, et que le milieu pullulait de microbes après quelques heures. La contre-parlie restait à faire, et elle le fut. M. Met- chnikoff ayant injecté'des vibrions sous la peau de cobayes vaceinés contre le choléra, constata l’absence complète du phénomène de Pfeiffer à l'endroit de Pinjection, tant que les leucocytes n’y furent pas arrivés, et, quand il se produisit, ce fut toujours à l’intérieur de ces derniers *. Ce fait fut observé également par M. Salimbeni :, chez les animaux hypervaceinés contre le bacille diphtérique, le streptocoque de Marmorek et le vibrion cholérique. Injectés sous la peau de ces animaux, ces microbes ne meurent qu'à l'intérieur des leucocytes, qui eux seuls aussi transiorment en boule le vibrion du choléra. En résumé, le phénomène de Pfeiffer, l’arme nouvelle de la théorie humorale, servit de plus en plus à la démonstration de la théorie cellulaire. Seulement, M. Salimbeni insista sur ce point que toujours la mortdes bactéries se produisait uniquement dans les leucocytes polynucléaires et jamais dans les leucocytes mono- nucléaires. Ce fait est absolument conforme à ce qu'avaitobservé M. Metchnikoff et qu'il avait bien voulu me communiquer orale- ment: c'est que si les leucocytes mononucléaires peuvent, comme les globules blancs à noyaux multiples, phagocyter les microbes vivants, ils ne peuvent pas comme eux détruire aussi rapidement ces derniers, et ils deviennenten dehors de organisme de vérita- bles cultures bactériennes. C’est là un fait qui mérite grande attention, et qui n’a pas suffisamment été pris en considération par les auteurs qui avaient auparavant recherché le pouvoir bactéricide in vitro des exsudats à globules blancs. Du reste, cette distinction ne fut pas faite davantage ultérieurement par ceux qui se sont encore occupés de l’origine leucocytaire de l’alexine des sérums. C'est ainsi que dernièrement, alors que tant de preuves avaient été fournies 4. BorperT, /dem, juin 1895. 2. Si, dans le péritoine, on voit, comme M, Metchnikoff l'a observé lui-même, le vibrion cholérique se transformer en boule, ce n'est que quand il y a eu phagolyse, et que un certain nombre de leucocytes, morts ou très altérés, ont laissé leur alexine sortir de leur protoplasme, 3, SALIMBENI, Ces Annales, 1897, 72 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR, en faveur de la théorie cellulaire, Moxter ‘ s’affirma défenseur de la théorie humorale. Recherchant la production du phéno- mène de Pfeiffer dans les exsudats leucocytaires, sans déterminer l'espèce à laquelle il s'adressait, il ne l'y trouva que faible et inférieur à celui que donne le sérum sanguin. Du reste, le travail de Moxter présente d’autres imperfections qui peuvent avoir eu quelque importance dans les résultats de cet auteur : c’est ainsi que, dans certains cas, il emploie, sans aucune tentative d'extraction de l’alexine, les exsudats tels quels, sans s’occuper de leur richesse comparative en leucocytes, alors qu’il est bien connu que chez le chien, l’exsudat, plus abondant, est aussi plus riche en cellules que chez le lapin, et aussi qu'on observe de grandes variations entre les divers sujets d’une même espèce animale; d’autres fois, il cherche un pouvoir bactéricide intense — et sans succès, — dans l’exsudat privé de ses cellules par la centrifugation, admettant & priori que si le leucocyte est l’ori- gine de l’alexine, il la sécrète, lui vivant, ce qui, croyons-nous, n’a pas encore été démontré; enfin, dans une dernière série d'expériences, Moxter constate que les leucocytes, traités par la méthode de Büchner, contiennent de l’alexine : seulement il néglige cette fois d'indiquer le pouvoir bactéricide du sérum des mêmes animaux, ce qui rend impossible la comparaison nécessaire dans ces expériences. Peu après, von Dungern”*, concluant à l’absence d’alexine hémolytique dans les exsudats à globules blancs, omettait éga- lement de rechercher l'espèce leucocytaire dont il se servait. Entin, récemment, Bail”, reprenant la méthode primitive de lensemencement périodique en plaques qu'avait employées Büchner, arrivait aisément à démontrer l’origine ieucocytaire de l’alexine chezle chien, tandis qu’il lui était impossible de faire la même démonstration chez le lapin; lui non plus, du reste, ne se soucie pas de savoir s’ils’agit de leucocytes à un ou à plusieurs noyaux. Il nous à paru intéressant de reprendre cette question en y introduisant ce facteur, si peu observé par la plupart des auteurs précédents, c’est-à-dire l'importance que peut avoir la nature 1. Moxter, Deutsche med. Woch., 1899. 2. V. Dungern, Münch. medice. Wochenschr., 1899. 3. Bail, Central. f. Backter., 1900. di ORIGINE DE L'ALEXINE DES SÉRUMS. 13 de l'espèce leucocytaire en jeu; nous prions M. Metchnikoff de recevoir ici l'expression de notre vive reconnaissance pour l'intérêt avec lequel il a suivi ce travail, et pour les multiples et précieux conseils qu'il a bien voulu nous donner. Dans la première partie, nous nous sommes uniquement occupé de rechercher si réellement les leucocytes contiennent une substance analogue à l’alexine du sérum normal ; dans la seconde, nous chercherons à savoir s’il faut admettre, comme le pense M. MetchnikofF, que l’alexine leucocytaire ne diffuse du globule blanc que quand ce dernier est mort ou très avarié, ou si. comme le croit M. Büchner, l’alexine constitue une véri- table sécrétion vitale du leucocyte. C’est pourquoi nous n'avons pas parlé, dans l'historique qui précède, des recherches qui ont eu pour but d'éclaircir ce dernier point, nous réservant de Île faire dans la suite. PREMIÈRE PARTIE Recherche de l'alexine dans les exsudats leucocytaires. Nous nous sommes servi, pour obtenir des leucocytes en abondance, chez le chien comme chez le lapin, de la gluten-ca- séine, employée d’abord par Buchner !. En injectant dans les cavités pleurales de ces animaux, # €. ©. d’une solution alcaline de gluten-caséine, on obtient un exsudat, où les leucocytes abondent, et pouvant varier chez le lapin, de 2 à 4 ce. c. et chez le chien de 10 à 13 c. c. pour chaque plèvre. Mais l'espèce leu- cocytaire varie, suivant que l’on retire l’exsudat 24 heures après l'injection intra-pleurale, ou seulement après 2 ou 3 jours; extrêmement riche, dans le premier cas, en leucocytes polynu- cléaires, l'exsudat, dans le second, contient une forte majorité de mononucléaires. . Cette substance nous a permis, chez le chien comme chez le lapin, d'obtenir de grandes quantités de leucocytes presque 1, Voici la façon suivant laquelle il nous a paru préférable de préparer le liquide à injecter dans les plèvres du lapin. La gluten-caséine du commerce est broyée finement, puis ajoutée à la dose de { pour 10 à une solution à 1/2 0/0 de potasse, chauffée à 100°. Après une demi-heure, le mélange est porté pendant 2 à 3 heures au bain-marie à 55°, On obtient ainsi un liquide jaunâtre, extrême- ment louche, qui contient une grande quantité de la gluten-caséine renfermée dans le produit commercial. Le liquide est stérilisé deux jours de suite pendant un quart d'heure à 400°, puis sert à l’injection, 14 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. ‘ exclusivement polynucléaires ; c’est elle aussi qui nous a servi chez le chien, pour collecter des leucocytes à un seul noyau ; chez le lapin, nous basant sur la démonstration qu'a faite M. Metchnikoff ! de la phagocytose des globules rouges de lapin par les macrophages mononueléés du cobaye, nous avons injecté, dans la cavité pleurale, des globules rouges lavés de cobaye ; après 2 jours, on retire de la plèvre ‘un liquide extrê- mement visqueux contenant, à côté d’une certaine quantité de fibrine, une forte quantité de leucocytes, qui sont, pour ainsi dire, tous de grandes cellules à un seul noyau. L’exsudataseptique, une foisretiré de la plèvre, est centrifugé : les leucocytes, réduits de la sorte à leur véritable volume, sont lavés deux fois à l’eau physiologique et, après dernière centrifu- gation, additionnés de leur volume de bouillon. Cette émulsion est congelée, d’après la méthode de Buchner, en la plongeant dans de la glace additionnée de sel marin, Après deux ou trois heures, lexsudat est rapidement transporté de ce mélange à une température de 37° où, ainsi que Buchner l’a montré, la mise en liberté de Palexine leucocytaire est grandement facilitée. L’exsudat est ainsi laissé 24 heures à l’étuve, puis soumis à l’expérimentation, comparativement avec un volume identique de sérum, de bouillon, etc. Pour constater le pouvoir bactéricide des extraits leueo- cytaires ainsi obtenus, nous avons utilisé la méthode des plaques, faites à des intervalles de plus en plus éloignés de l’ensemen- cement des milieux en expérience. Nous avons employé, pour le chien et le lapin, le vibrion cholérique, le bacillus typhosus, le bacterium coli et la bactéridie charbonneuse. [ EXSUDATS RETIRÉS DES CAVITÉS PLEURALES 24 HEURES APRÈS L'INJECTION DE GLUTEN-CASÉINE A. Lapin. — 1. Exsudat de la plèvre droite : 83 0/0 de leuco- cytes polynueléaires. Exsudat de la plèvre gauche : 95 0/0 de leucoeytes polynu- cléaires, 1. Metchnikoff, Ann. Pasteur, 1899. ORIGINE DE L’'ALEXINE DES SÉRUMS, 75 Microbe ensemencé : Bacterium coli. ) AR) 220%) dr. NUMÉRO DES PLAQUES Sérum cellules. Bouillon. Sérum (PI Extrait leucocytaire. (PI. non chaufté. leucocytaire. de (P1 Exsudat privé Exsudat privé E 3,200 (Immédiatem. après l'ensemencement.) LE. 3,029 (3 heures après.) JIT. (24 heures après.) IV. (4$S heures après.) 2. Exsudat de la plèvre droite : presque uniquement des leucocytes polynucléés ; il en est de même de la plèvre gauche. Microbe ensemencé : Bacillus typhosus. NUMÉRO Sérum Sérum Extrait Exsudat Extrait Exsudat privé _ privé decellules. | lUC0yt. | Ccriules. | PLAQUES chaufé. 550, (PL: dr.) |: (PI. g.) (PI g) (Pl) o DES 3ouillon. non chauffé à | leucocyt. | « | 41,162 DAC 6,398 7,268 1,376 3,8. 15,600 | 2,080 2,716 J: 110 | Fh 11,200 (] 3. Exsudat de chaque cavité pleurale : presque exclusive- ment des leucocytes polynucléaires. Microbe ensemencé : Bac- téridie charbonneuse. NUMÉRO Sérum Sérum Extrait Exsndat Extrait Exsudat | DES Bouillon. non chauffé à | leucocyt. RTE leucocyt. de en PLAQUES chaufté. 550, @l.'dr.) | (PI. dr) (PI. g.) (PIE) da EE GE) 544 )31 432 o18 629 490 IL, 0 60 348 | 438 CE FRS ( 9 FE. == | 5 | > | I 2 5 (! + 4 Sen, { 76 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. 4. Exsudat de la plèvre droite : 85 0/0 de leucocytes polynu- cléaires. Exsudat de la plèvre gauche : 89 0/0 de leucocytes polynu- cléaires. Microbe ensemencé : Vibrion cholérique. NUMÉRO Sérum Sérum Extrait Exsudat Extrait Exsudat DES Bouillon. non chauffé à | leucocyt. li leucocyt. Te PLAQUES chauffé. D90, (Par) El "dr (Pl dr) ER Ar) ne | T: sD21 1,830 SOA 1,649 1,402 1,910 1,763 IT. 1,603 û 4,108 ( 1,442 0 4,508 LEE Êe (0 co 0 Ce 0 co HV a (D eo (l) © 0 eo 5. Exsudat renfermant 79 0/0 de leucocytes polynucléaires. Microbe ensemencé : Vibrion cholérique. NUMÉRO Sérum Sérum : Exsudat 3 | Extrait M, DES Bouillon. non chauffé à privé de E leucocyt. PLAQUES chauffé. 550, L cellules. 42,008 | 11,964 12,422 Q 6. Exsudat contenant 98 0/0 de leucocytes polynucléaires. Microbe ensemencé : Bacterium coli. NUMÉRO Sérum Sérum Rxtrast Exsudat DES Bouillon, non chauffé à leucocyt privé de PLAQUES chauffé. D5o. ; cellules, 3,657 | 14,160 1,5 19,160 | 6,118 10,160 10 ; 8 n1 js: ORIGINE DE L’ALEXINE DES SÉRUMS. 11 Il résulte de ces tableaux que, chez le lapin, l’extrait leuco- cytaire, obtenu comme nous l'avons indiqué plus haut, est manifestement bactéricide, lorsqu'il s’agit de globules blancs à noyaux multiples. B. Chien. — Toujours, chez le chien, la gluten-caséine nous a donné, après 24 heures, des exsudats formés, pour ainsi dire, exclusivement de leucocytes polynucléaires. 1. Microbe expérimenté : Vibrion cholérique. © NUMÉRO Sérum Sérum RS Exsudat DES Bouillon. non chaufté à |" | privé de + leucocyt. PLAQUES chauffé. 590, cellules, 5,460 | 14,600 1,785 520 2. Microbe expérimenté : Bacillus typhosus. NUMERO Sérun | Sérum À Exsudat RER JS Extrait DE DES Bouillon. non |chaufïé à privé de leucocyt. PLAQUES ù chauffé. leucocyt. 3 : 3. Microbe expérimenté: Bacterium coli. NUMERO Sérum Sérum Se Exsudat : Le Xiral RE DES Bouillon, non chaufté à privé de _ =: leucocyt. PLAQUES chauffé. 590. G leucocyt. I. 2,970 2,860 5,376 | 10,260 8,360 2,394 7,160 T8 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR, 4. Microbe ensemencé: Bacterium coli. NUMÉRO Sérum Sérum ARE Exsudat 5 : Extrait +25 DES Bouillon. non chauffé à 1 Sas privé de PLAQUES chaufté, 550, PUCOCY te | Cellules: 5. Microbe ensemencé: Bactéridie charbonneuse, NUMÉRO Sérum Sérum Exsudat : sé Extrait De DES Bouillon. non chauffé à , , privé de ; eucocyt. PLAQUES chaufté. 590, ss cellules. 159 En résumé, chaque fois que, chez le chien, le sérum du sang est bactéricide, il en est de mème de l’extrait obtenu des leuco- cytes polynucléaires; c'est Le cas pour le bacillus typhosus et le vibrion cholérique. Au contraire, le sérum du chien s’est montré peu bactéricide pour le coli-bacille et la bactéridie charbonneuse ; mais si, de même, le coli-bacille est assez résistant pour se mul- üplier malgré la puissance bactéricide de l'extrait leucocytaire, il n’en est plus de même de la bactéridie charbonneuse. Ce fait a été signalé bien des fois déjà, et c’est, de tous les résultats précédents, le seul qui puisse faire supposer que les leucocytes polynucléaires contiennent plus de substance bactéricide que le sérum sanguin, et qui permette de penser qu'ils en soient l’origine. Mais dans les expériences ainsi établies, il n’est pas tenu suffisamment compte de ce fait que, pour obtenir l'extrait leucocy- ,’ ORIGINE DE L'ALEXINE DES SERUMS. 19 taire, on mélangeles globules blanes à un volumeégal de bouillon, par conséquent à un milieu extrèmement favorable au dévelop- pement microbien, et que l’on n’a pas ajouté au sérum. Pour juger avec plus de raison si un volume donné de sérum contient plus ou moins de substance bactéricide qu’un même volume de leucocytes polynucléaires ; 11 faut mettre ces deux volumes dans des conditions identiques, c’est-à-dire ajouter à un volume de sérum un volume égal de bouillon, comme nous lavions fait pour obtenir l'extrait leucocytaire. C'est pourquor nous avons comparé, dans l’expérience suivante, cé qui se passe quand on ensemence, d'une part du sérum normal, et de l'autre un mélange à parties égales de sérum et de bouillon, LAPIN ; A CO CD 2 EP TEE DATES | | | CHARBON | CHOLERA COLI TYPHUS | | | pp RE — *— — — | TR —— — — PI. | Sérum. {$ér.-bouill.|[| PL | Sérum ($ér.-bouill.|| PI. | Sérum. |fér.-houill.|| PL. | Sérum. ér.-bouill | { L.| 2,030 | 2,347 || L.| 4,948 | 1,690 || I. 2,970 | 2,596 || I.| 2,417 . | [11-12 4,5202| 2,430 IT. 631 | 4,124 || II.| 1,624 | 2,908 || I. 49 | 4,520 IT. 0 oO LT. 0 0 TH. ( 2200 QUE (] = LV. 0! > {I 0! > |Iv o | æ |Iv bo | > CHIEN CHOLÉRA | | | Plaques. | Sérum. |Sérum-bouillon. ee 591 1,609 1,282 1,627 319 0 Cette expérience montre que des microbes peuvent parfai- tement se multiplier dans un mélange à parties égales de sérum 80 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. normal et de bouillon, alors que nous les avons vus mourir dans un mélange exsudat-bouillon. Un volume donné de leuco- cytes contient done plus de substance bactéricide que le même volume de sérum neuf. Toutefois, il reste à démontrer qu’il s’agit bien, dans les deux cas. d'alexine, c’est-à-dire d’une substance bactéricide détruite à 55°; c’est ce que montre le tableau suivant, où l’on peut voir le pouvoir microbicide des extraits leucocytaires, préparés sui- vant la méthode indiquée plus haut, disparaître à cette tempé- rature, de même que celui du sérum, ainsi que Nuttall l’a autre- fois établi. LAPIN CHOLÉRA ‘CHOLÉRA CHARBON SE — EE — D Extrait Extrait Extrait Extrait Extrait Extrait Plaques. non chauf.| chauffé. |Inon chauf.| chauffé. |Inon chauf.| chaufré. q: 10,1#% | 18,800 || 15.680 5,670 3,208 4,024 Il. 800 | 13,184 8,120 5,540 3,190 3,725 I, 55 _ 2720 | 16,800 0 _ IV. 0 æ 0 æ 0 So Il résulte de tout cela que les leucocytes polynucléaires, obtenus aseptiquement dans la cavité pleurale du chien et du lapin, contiennent en plus grande quantité de l’alexine, semblable à celle du sérum, et qu'ils peuvent être considérés comme la source du pouvoir bactéricide du sérum normal. Il EXSUDATS RETIRÉS 2 OU 3 JOURS APRÈS L'INJECTION INTRAPLEURALE DE GLUTEN-CASÉINE. A. Chien. — Voyons ce qui se passe si on utilise, au lieu de ORIGINE DE L'ALEXINE DES SÉRUMS. 81 x € leucocytes polynucléaires, des globules blancs à un seul noyau. Pour obtenir chez le chien une certaine quantité de ces derniers, nous avons, ainsi qu'il a été dit plus haut, encore eu recours à l'injection, dans la cavité pleurale, d'une solution alcaline de gluten-caséine à 10 0/0; 3 jours après on trouve 3 à 4 c. c. de pus épais, en partie liquide, en partie fibrineux, où on observe au microscope une grande quantité de leucocytes, dont 75 0/0 environ sont des cellules mononucléées, le reste étant consti- tué par des globules blancs à noyaux multiples. Ce pus, dans les expériences suivantes, a été également traité par la méthode de Büchner. 1. Microbe ensemencé : Bacterium coli. NUMÉRO Sérum ; Exsudät SAN ETS Sérum Extrait + DES Bouillon. non 3 privé de chauffé, | leucocyt. cellules. PLAQUES chauffe. environ. se Lo) . Microbe ensemencé : Vibrion cholérique. NUMÉRO Sérum ; } Exsudat F Sérum Extrait LU DES Bouillon. non < privé de chauffé, | leucocyt. PLAQUES chaufré . cellules. 82 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR, 3. Microbe ensemencé : Bactéridie charbonneuse. | NUMÉRO Sérum Exsudat | ty FAO Sérum Extrait fe DES Bouillon. non ARS 1 privé de aufte. YA | PLAQUES chauffé. NE te eUCogyt cellules. ; | I 660 540 849 190 87 1. Microbe ensemencé : Bacillus typhosus. NUMÉRO Sérum ; ; Exsudat t Sérum Extrait su DES Bouillon. non K privé de : se chauffé. | leucocyt. PLAQUES chauffé. É cellules. Ces expériences en somine montrent que, chez le chien, les leucocytes mononucléés fournissent un extrait privé totalement ou tout au moins très pauvre en alexine, alors que nous avons vu l'extrait des leucocytes à noyaux multiples être plus bacté- ricide, pour 3 espèces bactériennes différentes, que le sérum correspondant. B. Lapin. — Nous nous sommes ensuite occupé des extraits obtenus par la mème méthode chez le lapin, où nous avons réussi à collecter, dans les cavités pleurales, des leucocytes mononu- cléaires, par l'injection de globules rouges de cobaye, à la doc de 2 c.c. par plèvre. ORIGINE DE L’'ALEXINE DES SERUMS,. 1. Microbe ensemencé : Vibrion cholérique. NUMÉRO DES PLAQUES Sérum : Sérum ‘Bouillon. non chauffé. chaufré. Fe 3,108 », 32 ———@û—— EN EEE a Extrait leucocyt. 3,840 2,760 2 2. Microbe ensemencé : Bacterium coli. NUMÉRO DES PLAQUES Sérum Le Serum Bouillon, non hauffé. chauffé, PTE 1,090 Extrait leucocyt. 3. Microbe ensemencé : Bacterium coli. NUMÉRO DES PLAQUES Sérum is k Sérudi Bouillon. no chaufré. 982 1,164 chaufré. Extrait leucocyt. 53 84 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. 4. Microbe ensemencé : Bactéridie charbonneuse. NUMÉRO s DES Bouillon. PLAQUES Sérum Extrait leucocyt. | NUMÉRO Sérum 4 ; l à Sérum Extrait DES Bouillon. non f chauffé. | leucocyt. PLAQUES chauffé. En conséquence, chaque fois, chez le lapin comme chez le chien, l'extrait obtenu par la congélation d’un exsudat riche en leucocytes mononucléaires s’est montré pauvre en alexine. Ces résultats démontrent que l’alexine, chez le chien et chez le lapin, se trouve en plus grande quantité dans les leucocytes poly- nucléaires que dans le sérum normal du sang, tandis que les globules blancs à un seul noyau ne doivent en contenir que de faibles propor- tions. On peut logiquement en déduire que les premiers, les leucocytes à noyaux multiples, sont la source de l'alexine que l'on observe dans le sérum normal. CONTRIBUTION À L'ÉTUDE CAUSALE DES MODIFICATIONS D'ÉTAT DES COLLOIDES SUR LES PROPRIÉTÉ PHYSIQUES DE LA MICELLE ALBUMINOIDE Par LE D' SWIGEL POSTERNAK Introduction. — Les colloïdes et les méthodes de détermination du poids moléculaire. Définition des colloïdes. Problème à résoudre. Chapitre Ier. — Plan et méthode. à Chapitre II. — Sur les albuminoïdes de réserve de Picea excelsa en solu- tion acide. Discussion des résultats numériques, ions solubilisateurs, les molécules non dissociées agents précipitants. Chapitre III. — Preuves tirées des phénomènes d’addition et des effets de dilution. Substitution d’un électrolyte à dissociation très forte par un autre qui dissocie faiblement. Chapitre IV. — Rôle de la mobilité des ions. Influence de la température, Réaction des albumoses avec l’acide nitrique. Chapitre V. — Affinité de la micelle albuminoïde, et son rôle dans les phénomènes de précipitation. Mécanisme de la précipitation d’après Virchow, Nasse, Hofmeister. Relation entre l’équivalent endosmotique et les concentrations précipitantes. Chapitre VI. — Généralisation des règles tirées de l'étude des albuminoïdes de Picea exæcelsa. Sur les albuminoïdes de Cucurbita Pepo, Lupinus albus et : É RAD : luteus, et du blanc d'œuf en solution acide. Sur le quotient = et la modifica- tion de l'énergie de l’affinité sous l'influence de la température. Chapitre VII. — L'affinité micellaire est d'ordre adhésif. Grosseur et élasticité micellaire. Agents modifiant la grosseur de la micelle albuminoïde, Chapitre VIII. — Albuminoïdes en solution alcaline au point de vue de leurs rapports aux sels. Enantiomorphisme tabellaire. Chapitre IX. — Pouvoir électrisant des ions et des électrolytes. Pouvoir électrisant relatif des ions vis-à-vis d’une micelle conductrice et non conduc- trice. Le rapport À et la modification de la mobilité des ions sous l'influence de la température. Résumé. Chapitre X. — Mécanisme de la solubilisation des colloïdes. Méthodes de préparation des solutions colloïdes. Rapport entre le pouvoir électrisant et l'énergie solubilisante des électrolytes vis-à-vis des colloïdes à micelles con- 86 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. duetrices et non conduetrices. Démonstration directe de la variation de la grosseur micellaire. Étude sur le blanc d'œuf. Albuminase. Chapitre XI. — Mécanisme de la précipitation des colloïdes. Travaux de MM. Wyrouboff et Verneuil sur les oxydes condensés des terres rares. Affinité éleclive des micelles colloïdes. Précipitâtion des albuminoïdes par la peptone de Witte, par la gomme arabique et par d’autres polysaccharides. Chapitre XII. — Sur les phénomènes de coagulation. Chapitre XI. — La théorie d’histone de M. Kossel. Remarques sur la chimie cellulaire. Conclusions. \ INTRODUCTION LES COLLOÏDES ET LES MÉTHODES DE DÉTERMINATION DU POIDS MOLÉCU- LAIRE. — DÉFINITION DES COLLOÏDES. — PROBLÈME A RÉSOUDRE. La faculté de changer d'étatsous l'influence de causes relative- ment peu importantes n'appartient pas, comme on sait, en propre aux matières albuminoïdes, mais se retrouve aussi chez là plupart des substances de constitution chimique fort différente que l’on range depuis Graham dans le groupe des colloïdes. Cette faculté relève, sans aucun doute, de la même cause que les autres caractères qui donnent aux colloïdes leur physionomie spéciale, notamment la lenteur d'hydrodiffusion, l'impossibilité de passer à travers les membranes, la tendance faible, Sinon tiulle, à la cristallisation. Aussi nous semble-t-il indiqué, avant de com- mencer lexposé de nos recherches sur le mécanisme des modi- fications d'état des albuminoïdes, de soumettre à unie discussion rapide les idées en cours sur l’état colloïde Eën général. Lies questions à étudier dans ce mémoire s’en dégageront avec plus de précision et de netteté. Déjà Graham s'était demandé s’il ne fallait pas chercher la raison d’être de l’état colloïde dans la nature composée des molé- cules, et la cause des propriétés qui caractérisent les colloïdes dans la grosseur des particules en solution. Les travaux ultérieurs des auteurs qui ont appliqué à l'étude de ces substances les méthodes physico-chimiques, telles que la cryoscopie, l’ébullios- copie, la mensuration de la pression osmotique, semblent confir- mer cette manière de voir. Cependant, sous linfluenee du PROPRIÉTÉS PHYSIQUES DE LA MICELLE ALBUMINOIDE. 87 malentendu qui s'est glissé petit à petit dans l'appréciation des résultats auxquels amènent ces méthodes, l'hypothèse initiale de Graham s’est métamorphosée en ce sens que c’est dans le haut poids moléculaire que l'on a placé l'explication des phéno- mènes observés dansles solutions des colloïdes,. C'est ainsi que nous lisons dans l'excellent livre de M. Nerust: «La grande lenteur de diffusion (des colloïdes) plaide d’une part en faveur d’une force motrice très faible, c’est-à-dire d’une pression osmotique peu notable, d'autre part en faveur d'une grande résistance au frottement que les molécules ren- contrent au cours de leur mouvement dans l’eau; les deux choses peuvent être expliquées par cette supposition que Jes colloïdes possèdent un haut poids moléculaire !. » Certes, cette opinion n’a rien d'excessif tant qu'on l'applique aux substances telles que les albuminoïdes, dont la constitu- tion chimique est très compliquée: mais lorsqu'on l’étend aux corps d’une composition aussi simple que les ligdrates et les sulfures de métaux, qui entrent facilement dans des combinaisons chimiques d’un poids moléculaire tout à fait normal, ne semble- t-il pas qu’on dépasse de beaucouplasignification qu'ont donnée au terme molécule les savants qui l'avaient introduit dans [a science, signification qui y est consacrée par l'usage? L'auteur précité se base surtout, en parlant du haut poids moléculaire des colloïdes, sur les résultats des mensurations cryoscopiques et de la pression osmotique des solutions colloïdes, qui ont amené à des nombres assez hauts. Eneflet, pour prendre quelques exemples, M. Pfeffer a caleulé pour la dextrine un poids moléculaire 1,080, pour la conglutine 9,500; MM; Brown et Morris, pour l'inuline 2,200, l'amidon 25,000, pour la malto- dextrine 965: MM. Gladstone et Hibbert, pour l'hydrate de cuivre 6,000; M. Sabaneiïelf, pour la silice 49,000, le glycogène 1,625; MM. Sabaneieff et Alexandroff pour l’albumine d'œuf 14,000, ete. Mais en admettant même que ces nombres soient exacts et n'aient pas été influencés par les impuretés dont il est si difficile de débarrasser les colloïdes, est-on en droit d’en tirer une conclusion sur le poids moléculaire de ces matières? Je crois que non. De l’ensemble des faits connus jusqu'ici, il me paraîtrésulter clairement que les méthodes physico-chimiques 1. M. Nernst, Theoretische Chemie, 2 Auflage, Stuttgart, 1898. p. 384. 88 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. indiquent moins le poids moléculaire, c’est-à-dire le minimum de substance possédant encore toutes ses propriétés chimiques, que la quantité qui agit comme unité sur la modification de la den- sité de la vapeur, sur l’abaissement de la température de congé- lation, sur l'élévation de la température d’ébullition, ou l’augmen- tation de la pression osmotique. Un minimum, de par sa nature, ne peut être qu’un dans chaque cas particulier. Or, pour un certain nombre de corps, on arrive par la même méthode à des valeurs différentes suivant les condi- tions dans lesquelles ces corps étaient placés. L’acide acétique en solution éthérée, par exemple, abaisse la température de congé- lation deux fois moins que le même acide dissous dans l’eau, ce qui amène dans le premier cas à la formule 2C*H*0*, dans le second à C°H°0*°. La densité des vapeurs du soufre à la température de 500 degrés environ est de 6,6 à peu près (Dumas, Mitscherlich), ce qui correspond à une valeur de l’unité active égale à S5 : au- dessus de 800° la densité n’est plus que 2,2 par rapport à l'air. L'unité active est donc dans ces conditions S°. En solution dans le benzène, le soufre est à l’état de particules S°, comme l'ont montré, à l’aide de la méthode de Raoult, MM. Paterno et Nasini; à l’état de particules S° en solution dans le sulfure de carbone et le benzène, d’après les recherches plus récentes de MM. Aronstein et Meihuizen:; à l’état de particules $S° en solution dans S°CF suivant MM. Orndorfi et Terass'!. La vapeur du chlorure d'aluminium, d’après les recherches de MM. Friedel et Craîts, possède à la température de 218 à 433 degrés une den- sité 9,20; elle est donc constituée par des particules 2 AICF : à une température supérieure à 800 degrés, comme il résulte des travaux de MM. Nilson et Petterson, ces particules subissent une dépolymérisation et les molécules AICI prennent nais- sance. Dans ces exemples, dont on pourrait facilement allonger la liste, les vrais minima sont C?H‘0*°, S°, AIC!'; mais alors les valeurs doubles, triples et quadruples ne peuvent plus figurer comme poids moléculaires, à moins de vouloir admettre que les corps sus-indiqués puissent changer leur constitution chimique sous l'influence des conditions extérieures, ce qui serait en con- tradiction avec toutes les réactions de ces corps, qui restent les 1. American Chem. Journal, t. XNIIL, p. 3, 1896. PROPRIÉTÉS PHYSIQUES DE LA MICELLE ALBUMINOIDE. 89 mêmes, et ce quiseraitincompréhensible pour une substance aussi simple que le soufre. L'étude des propriétés physiques des corps solides a imposé depuis longtemps cette idée qu'ils sont constitués par des agglo- mérations de molécules assez considérables, toutefois beaucoup au-dessous de la portée du microscope, que nous désignerons avec M. Nægeli sous le nom de micelles. De la structure intime de la micelle, qui peut être définie comme le minimum de subs- tance possédant toutes les propriétés physiques de cette dernière, nous ne savons que trop peu; mais il n’y a pas de doute possible que des molécules absolument identiques peuvent donner nais- sance à des micelles avec des propriétés physiques fort diffé- rentes : les phénomènes d’allotropieet de polymorphiele prouvent surabondamment. Lorsqu'on met un corps solide en contact avec un dissolvant quelconque, ou lorsqu'on le soumet à une haute température, il commence à se désagréger progressivement jusqu à ce qu’un équilibre soit établi entre l'adhésion des molécules entre elles dans la micelle et leur affinité pour les molécules du dissolvant dans le premier cas, ou l'énergie dissociante de la chaleur dans le second. | Pour l'acide acétique dissous dans l’éther, cet équilibre est atteint au moment où la micelle s’est divisée en particules com- posées de deux molécules dont la soudure semble être plus forte que l'union entre les paires dans l'unité physique. L'eau, qui possède une action dissociante plus énergique que l'éther, a faci- lement raison aussi de l'adhésion de deux molécules dans les particules doubles. La désagrégation des micelles se faisant en général très rapidement, nous ne pouvons constater le plus fréquemment que l’état final de la dissociation. Il y a pourtant des cas où il nous est donné de la suivre pas à pas à partir d’un moment donné. A la température d’ébullition du soufre, qui est à 440°, Ja dissociation des micelles arrive vite à la formation des particules composées de six atomes de ce métalloïde : à partir de 700° et jusqu’à 1080° la densité de la vapeur diminue graduellement, ce qui correspond à la dissociation progressive des particules S° en des particules plus petites. Le cas de la dioxyacétone décrit tout 90 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. récentnent par M. Bertrand, présentée un autre exemple de cette dissociation sous les yeux, pour ainsi dire, de l’observa- teur Conime il donne en même temps une illustration quasi directe du rapport entre lés propriétés physiques d’un corps et la structure intime de ses micelles, nous le conterons en détail. Une solutioti aqueuse de dioxyacétone, évaporée à la tempé- rature ordinaire dans le vide, cristallise en petits prismes plus ou moins nëts et brillants. Les cristaux ainsi obtenus sont sen- siblement insolubles à la température ordinaire dans l’alcool absolu, l’éther et l’acétone. La même solution aqueuse, évaporée à la température d'ébullition, ou le sirop obtenu par fusion des cristaux, n'a aucune tendance à la cristallisation et se dissout facilement dans ces liquides. Or, l’étude comparée de la dioxya- cétone cristallisée et amorphe ou surfondue, par la méthode de Raoult, a montré que la première modification, lorsqu'on la dis- sout dans l’eau froide, est à l’état de particules 2C*H°0*, la seconde à l’état de particules deux fois plus petites, et qu’en chauffant graduellement la première solution on assiste à la désagrégation progressive des particules doubles. Il serait assurément étrange de conclure de ces faits que les cristaux du sucre dont il s'agit posséderaient un poids moléeu- laire 180 égal à 2C*H°0*, tandis que le sucre amorphe aurait un poids moléculaire deux fois moins grand. Dans les deux cas la for- mule et le poids moléculaire restent nécessairement les mêmes. Le mode d’agrégation n'est pas non plus représenté par les deux symboles 2C*H°0* et C*H°0*, puisque les micelles qui, d’après la définition, sort les unités d'agrégation de la matière à l’état solide, doivent être constituées dans les deux cas paï des quan- tités considérables de molécules: La seule déduetion logique et conforme äux faits est la suivante : les micelles cristallinés de la dioxyacétone possèdent un détail de construction qui manque chez les micélles amorphes de ce sucre : notamment la soudure entre les deux molécules de chaque paire est assez forte pour ne pas être détruite par l’eau froide, sinon avee lenteur. Et puis encore, ce n’est que là où les conditions extérieures n’empêchent pas la formation de ces paires, dont a besoin évidemment Far- chitecture plus complexe de la micelle cristalline, queles cristaux de la dioxyacétone apparaissent avec toutes leurs propriétés physiques (forme cristalline, solubilité, etc.). PROPRIÉTÉS PHYSIQUES DE LA MICELLE ALBUMINOIDE. 9 Jusqu'ici nous nous sommes occupés des cas où la dissocia- tion de la micelle n'allait pas jusqu'aux molécules. On connait aussi des faits où la désagrégation dépasse le terme moléculaire, Les méthodes physico-chimiques, appliquées aux solutions des substances minérales ou des sels organiques. ont amené à des résultats très particuliers, difficiles à comprendre si Pon se tient obstinémenut à croire que ces méthodes indiquent le poids moléculaire, On à obtenu des nombres qui se rapprochent des deux tiers oude la moitié du poidsquedemanderaientles formules NaCI, KNO:, K:S0:, etc., les plus simples, cependant, qu'on puisse imaginer, Ce sont les résultats auxquels sont arrivés d’une façon concordante M. de Vries !, M. Pfeffer *, par les méthodes osmotiques, M. Raoult *, M. Landsberger ‘ et beaucoup d’autres par l’ébullioscopie et la cryoscopie. Cette particularité s'explique facilement, comme l’a montré M. Arrhénius, si l'on admet que lés molécules salines subissent dans l’eau une dissociation, dite électrolytique, et que les particules qui en résultent, les ions, produisent le même effet sur lélévation de la température d’ébullition qu'une molécule tout entière ou un agrégat des molécules. On voit donc que ce n’est que quand la dissociation de la micelle va jusqu'aux molécules — coïneidence très fréquente chez les cristalloïdes organiques, d'où la confusion qui règne dans cette question, et assez rare lorsqu'on prend Fensemble des matières que nous rencontrons dans la nature — que les méthodes physico-chimiques peuvent servir pour la détermina- tion du poids moléculaire. Dans tous les autres eas, elles n’indi- quent que là limite de la désagrégation de la matière, le poids des particules qui ont pris naissance sous l'influence dissociante de l’eau, des autres dissolvants ou de la chaleur. * TE à La question d'efficacité des méthodes physico-chimiques une fois mise au point, il devient évident que l’on commet une inexactitude lorsqu’en s’appuyant sur les résultats des études 1. Zeitschrift [. physik. Chimie, t. WE, p. 105, 1889. 2. Pflansenphysiologie. t. 1, Leipzig, 1897, p. 128. 3. Annales de chimie et de physique. [5] 28 p. 133, 1883: [6] 2 pp. 66, 99, 115, 1884: [6] 4 p. 401, 1885. | 4. Ber: d. 4. Ghem. Gesellschaft, L. 31; p. 458, (1898.) 92 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. cryoscopiques, on affirme que les colloïdes sont caractérisés par leur poids moléculaire très haut. I! y a là une autre chose, à coup sûr non moins intéressante, et qu'il s’agit maintenant de bien saisir. Les exemples les plus simples sont souvent les meilleurs. Voici donc une solution aqueuse d’un cristalloïde, du chlorure d'aluminium, par exemple, dont le poids moléculaire correspond, comme nous lavons vu, à la formule AICP. Nous y ajoutons de l’'ammoniaque, et observons la formation d'un pré- cipité ayant la composition de l’hydrate d'aluminium, et pouvant être dissous dans l’eau à l’aide d’uu artifice très simple que Graham nous a enseigné. Comme le corps en solution possède toutes les propriétés des colloïdes, nous assistons, évidemment, à la genèse d’un coiloïde aux dépens d’un eristalloïde, Que s’est- il donc passé? L'apparition de l'hydrate sous l'influence de l'ammoniaque suppose une réaction chimique entre ce dernier corps et le chlorure d'aluminium. Le chimiste représentera le processus par l'équation AICE + 3NH'OH — 3NH:CI + AI(OH): qui signifie qu'une molécule de chlorure d'aluminium a donné naissance à trois molécules de chlorure d’ammonium et à une molécule d’'hydrate d'aluminium. Or, cette molécule d’hydrate a cessé d'agir, au moment même de sa production, comme unité sur la modification des constantes physiques de l’eau et c’est justement le point de départ de toutes les autres propriétés colloïdes de la solution. On est en présence ici d’un phénomène complètement opposé à ce que nous avons observé dans le cas des cristalloïdes cités plus haut. Là, la micelle au contact de l’eau donnait naissance à une quantité notable d'unités actives, parce que cette micelle subissait une dissociation plus ou moins complète sous l’in- fluence du dissolvant. Ici, les molécules d’hydrate, leur indivi- dualité chimique une fois récupérée, perdent leur faculté d'agir sur la température de ‘congélation, la pression osmotique, etc. Il est évident que la seule cause à ineriminer est la formation des agrégats moléculaires. Et comme dans le cas des cristalloïdes la dissociation de la micelle a lieu parce que l’affinité des molé- eules pour l’eau est plus grande qu'entre elles-mêmes, il est permis, nous semble-t-il, de conclure que, dans le cas de l’hydrate PROPRIÉTÉS PHYSIQUES DE LA MICELLE ALBUMINOIDE. 93 d'aluminium, les molécules possèdent pourleurs semblables une attraction plus énergique que pour l’eau. Le mème raisonnement peut être appliqué aux hydrates des autres métaux, aux sulfures et à tous les colloïdes dont la cons- titution chimique nous est connue. Ce n’est que par analogie que nous sommes obligés de l’étendre aux colloïdes d’origine vitale, les albuminoïdes, les hydrates de carbone, ete., ce qui est, d’ailleurs, pleinement justifié, vu l’existence des produits de décomposition de ces corps, tels que les albumoses, les peptones et les dextrines, qui possèdent encore toutes les pro- priélés chimiques et un état d'agglomération beaucoup moins considérable que les substances mères dont ils dérivent. Nous arrivons donc à cette définition générale des colloïdes, courte et précise, qui a au moins le mérite de ne pas donner comme caractères fondamentaux des propriétés plus ou moins secondaires. Les colloïdes sont des corps dont les unités physiques, les micelles, ne se désagrègent pas dans l’eau. C’est là leur caractère essentiel qui les fait classer dans un groupe à part, et non l’as- pect extérieur qui peut être très régulier, comme dans les cris- taux d’hémoglobine, ni le poids moléculaire qui peut être assez petit, comme chez l’hydrate d'aluminium. _ Cette définition fait entrer dans le groupe des colloïdes tous les corps insolubles dans l'eau sans exception, et depuis qu'on à obtenu des solutions colloïdes des métaux comme le platine, l'or, l'argent, etc., on conviendra de la légitimité de cette générali- sation. Elle fait écarter de ce groupe les solutions saturées el sur- saturées des cristalloïdes, qui changent également leur état sous l'influence de causes minimes. C’est plutôt le résultat de l’affai- blissement de l’affinité de l'eau pour les molécules des cristal- loïdes que l'augmentation de l’affinité des molécules dans la micelle, Cette définition indique aussi de la façon la plus nette ce qu'il faut entendre sous le nom de solution colloïde. Ce n’est pas tout simplement une suspension de la matière solide dans le dissolvant, comme le veulent certains auteurs, notamment 9% ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. MM. Vanino et Stæckl!:les particules suspendues sont toujours visibles à loœæil nu ou au microscope, et sont, par conséquent, composées par un grand nombre de micelles. Ce n’est pas non plus une pseudo-solution. En employant ce terme, on semble définir la vraie solution comme une dissociation complète (allant jusqu'aux molécules) de la matière. Mais alors l'acide acétique serait en pseudosolution dans l’éther, ou l'acide chlorhydrique, dans l’acide formique, puisqu'ils s’y trouvent à l’état de molé- cules doubles. Et ne faudrait-il pas introduire encore le terme hyper-solution pour les électrolytes qui se dissocient dans l’eau, comme on sait, au delà des molécules. Les colloïdes donnent plutôt des solutions micellaires, où l’état d'équilibre entre le pouvoir dissociant du dissolvant et l’attraction mutuelle des particules solides est atteint lorsque les micelles sont séparées les unes des autres. C’est dans la nature des colloïdes de ne pas permettre l'existence simultanée des molécules libres ou des fractions micellaires dans de l’eau : il est difficile de trouver un exemple de dissociation plus où moins complète d'une micelle colloïde sans intervention d'une réaction chimique. Mème dans ce dernier cas, la dislocation des unités physiques demande souvent une action très énergique et prolongée du réactif chimique. Je ne rappellerai que la difficulté de préparer le chlorure d'aluminium par voie humide en partant de l’hydrate de ce métal ?. Enfin, des remarques qui précèdent, se dégage la notion de la relativité de la conception de l’état colloïde. En effet, les 4. Zeitschrift [. physik. Chemie, 1. XXX, p. 98, 1899. x 2. Dans l'introduction de son livre, Mechanisch-physiologische Theorie der Abstammungslehre, München und Leipzig, 1884, C. v. Nägeli a opposé le premier les solutions micellaires des albuminoïdes et des hydrates de carbone aux solu- tions moléculaires des cristalloïdes, et à vu, par conséquent, la différence essen- tielle entre les deux groupes de solides que nous nous efforçons de faire ressortir dans notre étude. Ge botaniste émérite n'a appliqué malheureusement sa conception qu'aux colloïdes d’origine biologique, et à eu peut-être le tort de lui donner une légère nuance vitaliste en parlant des solutions colloïdes comme d’un état « nouvel et organisé »,p. 96. Gest à cela qu'il faut probablement attribuer le peu de succès d’une définition qui s’adapte le mieux à Ja grande majorité des faits observés chez les colloïdes. [Il est vrai qu’elle semble préjuger arbitrairement une limite fixe à la désagrégation de ces matières, et se mettre ainsi en contradiction avec les observalions de MM. Linder et Picton, qui ont décrit différents degrés de dissolution des colloiïdes entre la pseudo-solution et la solution véritable. Or, si ces auteurs ont réellement démontré l'existence de particules colloïdes plus ou moins grandes suivant la composition du milieu, ils n’ont nullement prouvé que le changement de grosseur était dû à une dislocation des particules en solution. Nous aurons l’occasion d’y revenir. PROPRIÉTÉS PHYSIQUES DE LA MICELLE ALBUMINOIDE. 95 matières qui ne se désagrègent pas dans l’eau peuvent quel- quefois être dissociées par un autre dissolvant, et inversement, les corps se dissociant dans l’eau peuvent être insolubles dans d'autres liquides. À ce point de vue, il est intéressant de rapporter un fait observé en 1889 par M. Paterno ‘. Le tannin en solution aqueuse provoque un abaissement de la température de congéla- tion correspondant à un poids des particules égal à 2643-3700. En solution dans l'acide acétique, on arrive par la méthode de Raoult à un poids moléculaire répondant à la formule nor- male C'H!"O0*. Le tannin se comporte done comme un cristal- loïde dans l'acide acétique et comme un colloïde dans l'eau. De l’autre côté, les cristalloïdes solubles dans l’eau, comme la plupart des sels minéraux, par exemple, sont des matières colloïdes par rapport à l'alcool éthylique ou méthylique dans les- quels ils sont insolubles. Il est à prévoir qu'il serait possible d'obtenir des solutions micellaires de ces matières minérales dans les dissolvants organiques précités, qui posséderaient toutes les propriétés des solutions colloïdes. Et maintenant une question bien naturelle se pose. Tous les albuminoïdes possédant des micelles qui ne se dissocient pas dans l’eau, à quoi est due la différence dans les conditions de solubilité que l’on constate chez les représentants divers de celte classe de colloïdes? Pourquoi, par exemple, les albumoses sont-elles toujours solubles dans l'eau distillée, tandis que Palbumine d'œuf ou la sérumalbumine l’est seulement dans le cas où on ne l’a pas soumise à une haute température? Pourquoi la caséine, les globulines ne s'y dissolvent-elles guère sil’on n’ajoute pas de petites quantités de sel, d'acide ou d’alceali? Pourquoi faut-il employer un acide minéral en solution faible pour dis- soudre la vitelline, la caséine et l’histone, et pourquoi le même acide plus concentré les reprécipite-t-il de leurs solutions? et ainsi de suite. I doit y avoir une différence dans les propriétés des micelles d'origine diverse, et une variabilité des propriétés sous l'influence des agents auxquels nous soumettons les micelles en question, Mais alors, quelles sont ces propriétés, quels sont les facteurs capables de les modifier et en quoi peuvent consister ces modi- 1. Zeitschrifft für Physik. Chemue, L. IN. P. 457. 96 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. fications ? ‘ Le présent mémoire est une contribution à la solution de ce problème. l PLAN ET MÉTHODE Il n'y à guère de changement d'état des albuminoïdes où les substances minérales ne jouent d’une façon quelconque un rôle plus ou moins important. Les acides et les alcalis appar- tieonent aux dissolvants les plus employés pour les matières protéiques: les sels, suivant leur concentration, dissolvent quel- ques-uns et précipitent la plupart des albuminoïdes connus. La présence des sels est également nécessaire pour la production des phénomènes de coagulation soit par la chaleur, soit par les diastases spécifiques : il suffit, comme on sait, de priver le sang, le lait, ou les solutions des matières pectiques, de sels de chaux, pour paralyser presque complètement l’action de la plasmase, de la présure ou de la pectase, et on n’a qu’à diluer le blanc d'œuf de quelques volumes d’eau ou le soumettre à la dialyse pro- longée pour qu'il perde sa faculté de se solidifier sous l’influence de la haute température. Et même l’insolubilité de l’histone, précipitée de ses solutions acides à l’aide de Pammoniaque, dans un excès de ce réactif, phénomène auquel M. Kossl et ses élèves ont cru pouvoir attacher toute une série d’hypothèses aussi ingé- nieuses que répondant peu à la réalité — nous en aurons la preuve à la fin de ce travail — s’est montré en dernière analyse 4. Le lecteur a reconnu, sans doute, sous cette forme inusitée, la vieille question du rapport présumé entre les réactions physiques des albuminoïdes et leur constitution chimique, présomption qui à servi, comme on sait, de base à la classification des albuminoïdes, à la création des groupes d’albumine, de globu- line, de vitelline, de caséine, d’histone, etc. Notre manière de poser la question s’en distingue toutefois par queiques points qui méritent d’être signalés brièvement. En parlant des facteurs capables de modifier les propriétés de la micelle, nous attirons attention sur l'influence si négligée jusqu'ici du milieu sur les réactions physiques des albuminoïdes, et faisons concourir à la solution du problème toute une série de faits qui sont en contradiction avec les notions classiques, et qu'on a une tendance à écarter systématiquement comme des exceptions et des curio- sités. Ensuite, amenés à reconnaitre la possibilité des changements purement physiques de la micelle, nous espérons éviter l’écueil sur lequel sont venus échouer nombre d'auteurs, qui ont conclu à des réactions chimiques là où les phénomènes observés ne cadraient pas bien avec les propriétés généralement attribuées aux albuminoïdes. Nous en trouverons de nombreux exemples au cours de ce travail. PROPRIÉTÉS PHYSIQUES DE LA MICELLE ALBUMINOIDE. 97 comme un cas banal de précipitation saline. M. Schultz ‘ a, en effet, montré que si on lave le précipité de la globuline, insoluble dans l’excès d’ammoniaque, sur un filtre, cet albuminoïde entre en solution et peut être reprécipité à l’aide d’un peu de sel. M. Ivar Bang *, dans un travail récent sur l'histone, a confirmé cette observation également pour l’histone des globules rouges d’oie, isolée par la méthode de M. Kossel, et pour l'histone du thymus. JL est donc naturel de s'adresser tout d’abord à l'analyse expérimentale de l’action des substances minérales sur la modi- lication d'état des albuminoïdes. La voie à suivre dans ce genre . de recherches est toute tracée. Il s’agit de dissoudre un albumi- noïde dans des conditions bien définies, de varier ces conditions à tour de rôle, de façon à déterminer l'influence de chacune d'elles, sur l’état de l’alhbuminoïde à l’étude, et, enfin, de placer dans les mèmes conditions des albuminoïdes d’une autre cons- üitution chimique pour se rendre compte du rôle joué par la structure moléculaire ou micellaire dans les phénomènes de solution, de précipitation et de coagulation. Le succès de ces opérations et l’importance des résultats numériques obtenus sera, évidemment, subordonné au choix judicieux des albuminoïdes, et à l’exactitude de la méthode de détermination de la composition minérale du milieu dans lequel ces matières seront successivement placées. Ce sont ces deux points que nous allons discuter tout d’abord. La plupart des auteurs qui ont étudié le rapport des sels aux albuminoïdes se sont adressés de préférence au sérum sanguin et au blanc d'œuf, à cause probablement de leur accessibilité et de leur importance physiologique. Il m'a semblé cependant préférable de laisser de côté ces liquides organiques qui, ayant de nombreuses fonctions à remplir dans l’organisme vivant, doivent déjà & priori ètre considérés comme des milieux émi- nemment complexes. Il y a là des facteurs, pour la plupart inconnus, qui viendraient inutilement compliquer nos expé- riences, en y introduisant au surplus toutes les difficultés parmi lesquelles se débat la chimie de ces milieux. On a pu croire pendant assez longtemps, après les recherches 1. Der Eiweisskôrper des Hämoglobins. Zésch. f. physiol. CR.,T. XXIV, p. #49, 2. Studien über Histon. /bid. T, XXVIE, p. 465, 1859. = 1 98 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. de M. Hammarsten! sur le sérum du sang, que l'existence de deux albuminoïdes différents, de la paraglobuline et de la sérum- albumine, soit un fait des mieux établis : la paraglobuline serait insoluble dans l'eau et les solutions concentrées de sulfate de magnésie, soluble dans les sels alcalins de faible concentration, la sérumalbumine, soluble dans l'eau et non précipitable par le sulfate de magnésie ou par la dialyse. Ces deux corps ont même été érigés en types pour deux classes d’albuminoïdes, dont on n’a pas lardé à retrouver les représentants dans le blanc d'œuf et dans les extraits des cellules et des tissus. Or, déjà M. Burkhardt en 1882 (Archiv. f. exp. Path. u. Pharm., T. XVI, p. 322) et M. Heÿnsius, en 1884°, ont remarqué que le précipité obtenu par saturation du sérum sanguin avec du sulfate de magnésie contient un albuminoïde soluble dans l’eau, même après la dialyse prolongée, et M. Marcus’ tout récemment, en repre- nant l'étude de ce phénomène, a non sans raison qualifié d’illo- gique la nomenclature courante des albuminoïdes. Il faudrait admettre, en ellet, l’existence de globulines solubles dans l'eau ou au contraire d’albumines précipitables par le sulfate de magnésie. D'un autre côté, MM. Corin et Bérard, Corin et Ansieux* ont montré que si l’on chauffe très lentement le sérum sanguin ou le blanc d'œuf, débarrassés de leurs globulines parsaturation avec du sulfate magnésien, le liquide commence à devenir opalescent et les flocons apparaissent. À ce moment précis on peut, par une agitation et un refroidissement énergiques, faire rétrocéder le processus commençant de coagulation, et réobtenir une solution limpide de l’albumine. Mais ce qui est surtout curieux dans cette expérience, c’est que la solution de l’albumine refroi- die a acquis après ce traitement la propriété de précipiter par le sulfate de magnésie, Nous voyons done dans ce cas une trans- formation directe de l'albumine en globuline. Mais, nous objectera-t-on, ce n’est que l'effet de la dénatura- lion de l’albumine sous l'influence de la chaleur; on pourrait, 1. Ueber das Paraglobulin, Pfüger’s Archiv.,T. XVIL,1878, p.413 ;T. XVII, p. 38. 2. Ueber das Verhaltee der Eiweisstoffe zu Salzen von Alkalien u, von alka- lischen Erden, Pflüger's Archiv., T. XXXIV, p. 330. 3. Ueber ir Wasser losliches Serumglobulin, Z. f. physiol. Chimie, T. XXII, p. 55 (4899). 4. Bulletin de l'Académie royale de Belgique, % série, T. XV, p. 643 (1888). . Jbid. T, XXI, p. 355(1891) . PROPRIÈTES PHYSIQUES DE LA MICELLE ALBUMINOIDE. 99 d'ailleurs, obtenir le même résultat en traitant l’albumine avec un acide ou un aleali à chaud et mème à froid, ce qui la trans- merait en acide ou alcali-albuminate, lesquels albuminoïdes dénaturés précipitent aussi sous l'influence du sulfate de magnésie. Tout en constatant la commodité du terme qui nous permet de mettre à la charge de la nature les difficultés que nous éprou- vons pour expliquer certains phénomènes, je pense, cependant, que la dénaturation elle-même ne peut pas être admise sans quel- ques explications préalables. On sait que la transformation en acidalbumine est d'autant plus facile que l'acide employé est d’une concentration plus forte et que l’acidalbumine est caractérisée entre autres par la non coagulation de ses solutions acides. Prenons donc deux portions égales de blanc d'œuf, dilué d’un volume d’eau et filtré, mélan- geons-les avec leur volume d’acide chlorhydrique à 0,3 pour cent et à 3 pour cent — les mélanges restent limpides — et chauffons-les pendant quelque temps au bair-marie bouillant. On pourrait croire que la deuxième portion mettra moins de temps pour se transformer en syntonine que la première, dont la teneur en acide est dix fois moindre, et que s’il y a coagula- tion, cest celle-ci qui la présentera. Or c’est juste l'inverse que l’on observe. La portion la plus riche en acide a coagulé comme le blanc d'œuf initial, celle qui était plus pauvre en acide est restée parfaitement claire et a acquis la propriété de précipiter sous l'influence des sels. Ce phénomène ne peut donc ètre attri- bué à la dénaturation. Comment alors coordonner tous ces faits contradictoires ? Ilest curieux de noter, entre parenthèses, que quel que soit le traitement auquel on soumet les albumines et les globulines d’origine diverse, on retrouve toujours aux corps altérés des propriétés physiques très analogues, qui les rapprochent singu- lièrement de la caséine. Les alcalialbuminates, les syntonines classiques, le corps précipité par M. Starke! des solutions opa- lescentes du blanc d'œuf, dialysé à fond et chauffé jusqu’à 70° avec quelques gouttes d'acide dilué, le corps qui est en solution dans de l'acide chlorhydrique à 0,3 0/0 dans notre expérience d'il y a un instant, l’albumine pure de Denis, ainsi que la 4. Sitzungsber. d. Ges. f Morphologie und Physiologie in München. 1897, Heft 1, 100 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. vitelline après un contact prolongé avec de l'eau, tous ces corps sont insolubles dans l’eau distillée, dans les acides ‘oncentrés et les sels, solubles dans les acides faibles et les alcalis. En présence de ces faits on est tenté de se demander, en renversant la filiation des phénomènes, s'il ne faut pas voir dans les propriétés spécifiées plus haut la vraie nature de la plu- part des albuminoïdes, et si les différences qui ont amené les auteurs à la création des groupes albumines, globulines, vitel- lines, etc., ne sont pas dues à la dénaturation de matières protét- ques aux propriétés physiques très analogues, sous l'influence du milieu dans lequel elles se trouvent normalement. On verra plus loin que cette interprélation a toutes les chances d’être exacte. Ces quelques remarques, qui nous seront très uliles au cours de la discussion ultérieure, expliquent suffisamment notre abstention envers le sérum sanguin et le blanc d'œuf : elles n'in- diquent pas, cependant, pourquoi notre choix s'était porté sur les albuminoïdes de réserve des graines végétales. Plus on étudie les matières protéiques extraites des graines de semence, plus difficile devient leur classement dans la série des albuminoïdes connus. Ce fait a été constaté d’une façon presque unanime par les auteurs des traités de chimie biologique. Suivant les méthodes employées pour leur extraction et leur étude, on a classé les albuminoïdes de réserve d’origine végétale parmi les caséines (Ritthausen!), parmi les vitellines (Weil, Hoppe-Seyler), parmiles vitellines et albumoses (Vines*,Martin',) parmi les vitellines spéciales ressemblant par quelques-unes de leurs propriétés aux albumoses (Palladine*). Les auteurs amé- ricains, avec M. Osborne en tête, ont su en isoler des globulines, des albumines, des albumoses et des peptones. Enfin, M. Ham- marsten, en appliquant à cette question des idées nouvelles et en se basant sur les résultats de la digestion pepsique des albu- minoïdes de réserve, les a classés parmi les pseudo-nucléopro- téides. . Die Eivweisskôrper der Getreidearten, elc., Bonn, 1872. . Zeitsch. f. physiol. Ch., T.I, p- 72. . Proceedings of the Royal Soc. of London, T. XXX, p. 387, 1880. . Zhid, T. XLII, 1889. . Zeitschrift f. Biologie, T. XIIL, N. F. p. 191, 1895. . J. of. Amer. Chem. Soc., T. XV, XIX, XX et suivants. 7. Wiman. Studien über Legumin. Referai von Hammarsten, Maly's Jahres- berichte, 1897, T. XXVII, p. 21. où Où & Co bo = PROPRIÉTÉS PHYSIQUES DE LA MICELLE ALBUMINOIDE. 101 Or, malgré ces dénominations diverses, les albuminoïdes isolés d'une graine par différentes méthodes sont et restent toujours les mêmes, et la faculté très prononcée qu’ils mani- festent de prendre des aspects variables sous l'influence des conditions extérieures les fait particulièrement aptes aux études que nous nous proposions d'entreprendre. Un autre avantage présenté par les albuminoïdes d’origine végétale est en rapport avec ce fait que les différentes graines contiennent des matières protéiques de réserve se distinguant par leur constitution chimique. En traitant donc ces graines par la même méthode, on peut obtenir une série de corps albu- minoïdes d'une analogie physiologique incontestable — ils appartiennent tous aux grains d’aleurone — et qui sont assez différents par leur composition chimique pour qu’on soit en mesure.de les étudier comparativement au point de vue des propriétés physiques de leurs micelles. J'ai eu l’occasion, dans un travail antérieur, d'insister sur l'influence probable des matières ternaires de réserve sur la solubilité des albuminoïdes de la graine dans l’eau distillée. Il y a étéindiqué entre autres que quelques graineshuileuses, débar- rassées complètement de leurs matières grasses, n’abandonnent à l’eau que des quantités minimes d’albuminoïdes; l'exemple des graines du sapin rouge (Picea excelsa) y fut cité. Ces graines ne se comportent pas autrement envers les solutions des sels alcalins à 10 0/0° qui servent habituellement pour l'extraction des vitellines, et ne permettent l'isolement de leurs albuminoïdes qu'avec les acides d’une concentration faible et les alcalis. Il me semblait dès lors indiqué de commencer mes recherches justement par l'étude des albuminoïdes du sapin rouge. En choisissant un corps possédant dès son origine les caractères d’une matière protéique dénaturée, j’espérais me mettre d'avance à l’abri des objections de toute sorte, tirées de la classification routinière des albuminoïdes et de la théorie de la dénaturation. La base de la discussion une fois 4. Sur le premier produit d'organisation de l'acide phosphorique dans les plantes à chlorophylle, Revue générale de botanique, t. XIX, p. 5, 1900. 2. M. Rongger (Ueber die Bestandtheile der Samen v. Picea excelsa. Landw. Versuchst, 1898, p. 89) n’a pu extraire que 4 grammes à peu près de 250 grammes de graines pulvérisées et débarrassées de la plus grande partie de leurs matières grasses. Le rendement devient tout à fait insignifiant si l’on à soin d’éloigner complètement ces matières ternaires. 102 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. trouvée, j'ai étendu mes recherches à des albuminoïdes d'autre provenance !. J'arrive maintenant à la méthode de détermination de la com- position minérale du milieu. Celle qui a servi pour mes recherches était fort simple. 2 c. c. d'une solution des albuminoïdes de réserve à { 0/0, dans de l'acide chlorhydrique ou de la soude d’une concentration donnée, sont versés dans un tube à essai. On y fait arriver goutte par goutte, en agitant, une solution d'acide ou de sel d’une concentration connue, à l’aide d’une burette bien graduée, de façon à pouvoir connaître exactement le volume de la solution saline ajouté et, par conséquent, aussi la quantité d'acide ou de sel. Les burettes sont assez étroites, el graduées de manière à permettre la lecture de 41/1008 €. ce. On ajoute du sel jusqu'au moment où les flocons d’albu- minoïdes cessent de disparaître après l'agitation, et on note alors le volume de solution saline ajouté. Dans Ja plupart des cas, ce moment est très facile à recon- naître, car jusqu'à la dernière goutte qui provoquera lappari- tion persistante des flocons, la solution reste parfaitement limpide, et la formation des flocons sous l'influence de la der- mère goutte saline est très abondante. Dans d’autres cas plus rares, et surtout lorsqu'il s'agit de sels organiques ou de solu- tions alcalines, le liquide devient opalescent déjà au commen- cement de lexpérience. Cependant, avec un peu d'exercice et à condition de travailler dans une chambre bien éclairée, on arrive sans trop de peine à bien distinguer le moment d’appa- rition du précipité insoluble. Le volume de solution du sel qu'on est obligé d'ajouter à 2 €. c. de solution de lalbuminoïde une fois connu, il est facile de calculer la concentration du sel en pour cent dans l'éprouvette au moment de apparition persistante des flocons, ensuite la concentration dite moléculaire, la concentration nor- male du sel étant prise comme unité, Il est important de faire remarquer que les chiffres obtenus n'indiquent point la concentration du sel dans laquelle Falbumi- 1. Tous ces albuminoïdes ont élé préparés par la méthode dite de Ritthau- sen : extractions des graines pulvérisées par la soude à 0, 2 0/0 et précipitation par l'acide acetique. PROPRIÉTÉS PHYSIQUES DE LA MICELLE ALBUMINOIDE. 103 noïde en question est complètement insoluble, les flocons apparus ne représentant qu'une partie très grande, il est vrai, mais non la lotalité de l'albuminoïde dissous dans l'acide ou dans la soude. Les expériences instituées à cet égard, et que je communiquerai plus loin dans un tableau spécial, montrent que la concentration du sel augmente avec la dilution de l’albu- noïde, quoique plus lentement que cette dernière, C’est ainsi, pour prendre un exemple concret, qu'une solution des albumi- minoïdes de réserve du sapin rouge à 1 0/0 dans de l'acide chlor- hydrique à 1 0/00 donne des flocons abandants, lorsque la con- centralion moléculaire du chlorure d’ammonium ajouté est de 0.385: la concentration reste la même avec une solution des albuminoïdes à 0,5 0/0: elle monte à 0,419 pour une solution des albuminoïdes à 0,25 0/0, à 0,493 pour une solution à 0,125 0/0 et, enfin, à 0,537 pour une solution des albuminoïdes à 0.0625 0/0. Le même rapport se retrouve pour d'autres sels. On comprend donc aisément que le chlorure d’ammonium ajouté jusqu'àlaconcentration moléculaire 0,385, lequel nombre sera seul marqué dans nos séries, précipite tout au plus les trois quarts de Palbuminoïde en solution. Les nombres précédents nous montrent aussi qu'il est nécessaire d'éviter des variations notables dans la concentra- tion des matières protéiques, si l’on veut avoir des résultats comparables. C’est pourquoi, dans toutes nos expériences, sauf quelques cas exceptionnels, on n’ajoutait pas plus de 2°e. c. de réactif. La concentration ne variait, par conséquent, que dans les limites extrêmes de 4 à 0,5 0/0 et l'erreur imputable à la méthode, à cause de la nécessité d'ajouter des quantités variables de solution saline dans les expériences parallèles, devenait ainsi tout à fait insignifiante!. 4. Pour l'étude du rapport des selset des albuminoïdes, M. Nasse, M. Hofmeister et ses élèves se sont servis d’autres méthodes, conçues en vue de pouvoir tra- vailler avec des concentrations identiques de ces derniers corps. M. Nasse (P/fl- ger’s Archiv, t. XLI, 504, 1887) ajoute une goutte d’albuminoïde à 10 c. €. de solutions salines à concentration croissante, placées dans des éprouvettes, et dis- tribue par des mouvements doux cette goutte dans la couche supérieure du liquide, La concentration du sel dans l’éprouvette où la goutte provoque pour la première fois un trouble est regardée comme celle qui précipite lalbuminoïde à tene méthode est franchement mauvaise. Ilest difficile de distinguer un trouble d’une opalescence, ce dernier phénomène cependant ne coïncide pas toujours avec la concentration nécessaire à la précipitation, comme nous l'avons vu plus haut, 104 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. [L SUR LES ALBUMINOÏDES DE RÉSERVE DE PICEA EXCELSA EN SOLUTION ACIDE. — DISCUSSION DES RÉSULTATS NUMÉRIQUES. — IONS SOLUBILISATEURS, MOLÉCULES NON DISSOCIÉES, AGENTS PRÉCIPITANTS Les résultats numériques des recherches qui font l’objet de ce travail sont rassemblés dans une série de tableaux que nous allons passer en revue. Le tableau I résume les expériences faites avec une solution des albuminoïdes du sapin rouge à 1 0/0 dans de l'acide chlo- rhydrique à 1 0/00. M. Hofmeister (Arch. f. exp. Path. u. Pharmak, 1. XXIV, p. 247, 1888) et M. Lewith (/bidem, p. 1) distribuent la solution de l’albuminoïde dans des éprou- vettes, à raison de 2 c. c. dans chacune. [ls versent dans ces tubes des volumes croissants d'une solution saturée de sel, et remplissent tous les tubes jusqu’à la concurrence de 10 c. c. Si après agitation le précipité formé tout d’abord se dissolvait dans l’eau surajoutée, la concentration du sel dans l’éprou- vette examinée était au-dessous de celle qui est nécessaire à la précipitation. Quelques essais permettent facilement de trouver la concentration voulue du sel, et on à l'avantage de la connaître toujours pour la même concentration de l’albuminoïde. Or, cette méthode assez maniable, lorsque le nombre d'expériences n'est pas très notable, devient peu commode s’il s'agit d’une grande quantité de détermi- nation avec des sels et albuminoïdes différents. Chaque expérience demande une série de tubes, et, pour des essais tels que ceux sur l'influence dela température par exemple, les séries seraient à recommencer plusieurs fois. De plus, la méthode de M. Hofmeister implique une erreur peut-être plus marquée que celle qui est due à la variation de la concentration de l’albuminoïde. La matière protéique en solution vient en contact avec une quantité de sel supérieure à celle nécessaire à sa pré- cipitation, et ceci suffit pour modifier la solubilité de lalbuminoïde dans l’eau. On peut s’en assurer de la façon suivante : On détermine par notre méthode la quantité de sel qu'il faut ajouter à 2 c. ce. de solution de l’albuminoïde du sapin rouge à 1 0/0 dans HCI, à 1 0/00, on ajoute encore une fois autant de sel et on laisse reposer pendant quelques minutes. On peut constater alors que 2,5 c. c. d’eau distillée, tout en ramenant la concentration du sel au-dessous du nombre obtenu dans le premier essai, n’arrivent guère à dissoudre le précipité. Pour obtenir cet effet, il fautajouter encore de l’eau ou agiter pendant très longtemps. Ce phéno- mène est dû probablement à ce que l’eau à à réagir non seulement contre les facteurs dont dépend lasolubilité ou l’insolubilité de la micelle albuminoïde, mais aussi contre l’agglomération des micelles insolubles en flocons. U J LA MICELLE ALBUMINOIDE. 10 S PHYSIQUES DE , 4 nl 4 dd: ’ 4 PROPRIE 910 6600 g98°0 61:0 &0FO'0 66€ 0 L0‘0 LI'LS OS 8/1 0/0 01 FSC 820 0 960 CT 0 7280 0 CGT 0 co'‘0 SO IL TOS'eN 8/7 0/0 8 9 ‘8 260 ‘0 c9‘0 #10 9LE€O 0 YF 0 C0‘ 199 ’OSCHN) 8/r » # æ co æÆ PILO 0 6££‘0 10‘0 8£0'6# ’OS'H 8/1 ) 98'G 86£ 0 16'€ SET 9£T 0 8‘ 0 SF I0F SONY » CHA £a 0 CL‘ 9L'0 9TrI 0 660 66 0 60:88 FONEN » LS & LSE 0 COTE 060 ser 0 LO'Y 30 0 11 08 “ON HN : 9‘ 198 ‘0 88e 6°0 L£ET 0 c9$"0 610 870‘ £9 FONH » 16.8 ge 0 £LY 081 860 0 g9'T 6£'0 00‘991 I ) £T£ OI& 0 ct & CG'0 690 ( €0 1 & 0 16 6F1 ICN ] 66°] 60 0 06‘T 908 0 Gr‘ 9‘ ‘GTI If » SI £9£ ‘0 0£‘T 0080 90° 80 10‘£01 IPN » 60 € G9F (0 89 T O£& 0 (rs 86‘ ( C0°86 IT HN 0/0 01 ‘1 L89 0 ec 9 PI 0 16 # Gg'0 GT OT “LD84 8/1 x S#'E PPS 0 er 99£ 0 06°& £°0 9862 FLDIS 8/1 » 6£'F 2£r 0 90‘& IL£'0 sy l 910 c9'LYy “IDSN 8/1 » G6Ç'T £09 0 (ou O8£ 0 £8& g£‘0 6S'#L 19H » LGY 60G 0 86 & gag 0 61 18 0 & 8ç LIEN : 8} 609 0 9 £ GS£ 0 00 & 28 0 AM AE 19 HN 0/0 0& c9'} 09 0 C6 G 88£ 0 (QG ce 0 NI ANITE 19H 0/0 QT D q n nr ‘N°9 V/0m9 A D 1\e) 1/0 9 "HA ‘N'd ITLOVHU 1) = D — = D — { ‘uorInE?,p aanpuodue °) 007% $ °Q ‘ut ‘A j 8 [DH SUP ‘© ‘A F & aAXSYI OP SAPIOUIUNGIE S0P UOMNICS ‘26/2000 DoN | ‘D ‘D 8 I AVATIAVE 106 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Le lecteur voudra bien ignorer pour quelques instants la partie droite du tableau, qui représente les nombres obtenus à la température d’ébullition, et ne s'occuper que de la partie gauche faite à la température de 8 à 10°C. De toutes les colonnes de chiffres qu'on y trouve, la dernière, imprimée en caractères gros et marquée d’un & à la tête, est la plus importante. Elle représente les concentrations moléculaires C. M. des sels dans lesquels le précipité albuminoïde devient persistant après l’agi- tation. La première colonne indique la concentration du réactif employé C. R.; la deuxième et la troisième, le réactif et son poids moléculaire P. M.; la quatrième, le volume du réactif, ajouté en centimètres cubes V. R.; enfin, la cinquième, la concentration du sel nécessaire à la PHÉRptIaNeR calculée en pour cent, C 0/0. Nous y avons donc tous Les éléments pour la vérification des calculs et pour l'orientation facile. Il est à peine nécessaire d'ajouter que chaque nombre pré- sente la moyenne d'au moins deux déterminations bien concor- dantes. L'expérience fut répétée et donna le même résultat avec une préparation des albuminoïdes de sapin rouge d’une autre provenance. En examinant la partie gauche du tableau, on est tout d’abord frappé par la quantité faible de substance minérale qu'il faut ajouter pour obtenir un précipité d’albuminoïdes de réserve de Picea excelsa en solution acide, Il n’en faut que 1,415 0/0 de l'acide chlorhydrique, que 2 0/0 du chlorure d’ammonium et ainsi de suite. Pour les iodures, la quantité de sel est de 1 0/0 à peu près et pour les sulfates de 1/3 0/0. Ensuite, on est surpris de voir la concentration moléculaire pour les sels du même acide varier dans des limites très étroites. Pour l'acide chlorhydrique, la concentration est de 0,388, pour le chlorure d’'ammonium 0,385, pour le chlorure de potassium 0,380: pour le chlorure de sodium, la concentration moléculaire baisse notablement, elle n’est que 0,325. J'avoue qu’au com- mencement de mes recherches je fus désagréablement impres- sionné par cette exception à la règle qui semblait découler des nombres qui précèdent. L'expérience fut répétée plusieurs fois, la burette qui a servi pour le sel marin et dont la graduation m'était devenue suspecte fut changée : on a préparé une autre PROPRIÉTÉS PHYSIQUES DE LA MICELLE ALBUMINOIDE, 107 solution de chlorure de sodium : le résultat restait le même. Le même phénomène s'observe pour les sels de sodium des autres acides et pour tous les albuminoïdes examinés par moi, comme on le verra aux tableaux suivants. C’est donc bien une propriété des sels de sodium de précipiter en moindre concen- tration les albuminoïdes de leurs solutions acides. Ce fait, comme: les oscillations positives et négatives pour les sels de magné- sium, de strontium et de baryum, est un de ceux qui demandent une explication. Il s’agit maintenant de rechercher, par la discussion raison- née des nombres précités, à quoi peut bien être due la précipi- tation des albuminoïdes par les acides et les sels ? Examinons le cas le plus simple. Une solution des albuminoïdes de réserve du sapin rouge dans de l'acide chlorhydrique à 4 0/00 est précipitée lorsque la concentration del’acide monte à 1,415 0/00. Il n°y a que trois matières en présence dans cette expérience : l’albuminoïde, l’eauet l'acide, et parun mécanismequ'ilimported’élucider, l'acide qui favorisait au commencement de l'expérience la solubilisation de l’albuminoïde dans l’eau n’agit plus lorsque sa concentra- tion est devenue plus grande. Le simple bon sens nous recom- mandede chercherla cause de ce phénomène dansles modifications des propriétés de l'acide sous l'influence de l'augmentation de la concentration. Parmi ces propriétés, la conductibilité électrique est assurément la plus curieuse. On sait que l'acide chlorhydrique à l’état sec, ainsi que l’eau chimiquement pure, est rebelle au passage du courant élec- rique. Ces deux substances mélangées ensemble deviennent conductrices de l'électricité. On attribue l'apparition de cette nouvelle propriété physique à la dissociation électrolytique dont nous ayons parlé déjà plus haut, à la faculté que possèdent les molécules inertes de certaines substances (sels, bases et acides minéraux et organiques, électrolytes en un mot) de se dissocier dans l’eau en particules actives, porleurs d'une charge électro- statique positive ou négative, et qui sont désignées sous le nom d'ions. La conductibilité électrique étant provoquée par la dissocra- tion électrolytique, on conçoit facilement qu'elle augmentera avec la concentration de l'électrolyte, avec la quantité des molécules dissociées ou, autrement dit, avec le nombre des ions 108 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR, libres. Or, de nombreuses mensurations ont montré que si la conductibilité électrique augmente réellement avec la concen- tration de l’électrolyte, elle n’est pas directement proportionnelle à cette dernière et croit beaucoup plus lentement. De là deux conséquences qu'il est important de bien retenir : 1° Quelle que soït la concentration d’une solution d’un élec- trolyte, excepté les solutions extrêmement diluées, il y a toujours une quantité plus ou moins grande des molécules non disso- clées ; 2° Le nombre des molécules non dissociées par rapport aux molécules ionisées est d'autant plus grand que la solution est moins concentrée. Nous ne pouvons pas entrer 1c1 dans les détails de la théorie de la dissociation électrolytique développée pour la première fois par M. Arrhenius!. Nous dirons seulement qu’on peut facilement calculer, en partant de la conductibilité électrique, le degré de dissociation et d'après l'équation où À représente la conductibilité À À DO moléculaire, } æ la conductibilité électrique dans des solutions extrêmement diluées (pouvant, par conséquent, être regardées comme complètement dissociées) qui est égale à la somme des mobilités uv des deux ions, d’après la loi de Kohlrausch sur la pérégrination indépendante des ions. A l’aide de cette équation, et en consultant les bee de conductibilité des électrolytes *, on peut s'assurer que le degré de la dissociation électrolytique d’une solution d’acide chlor- hydrique à 1 0/00 dont la concentration moléculaire est de 0,0273, està peu près égal à 0,95, c’est-à-dire que, sur 100 molé- cules de HClen solution, 95 sont dissociées. Le rapport des molé- cules dissociées et non dissociées estdonc de19. Le degré de disso- clation de HCI à 1,415 0/0 (0,388 concentration moléculaire) est égal à 0,86, et le rapport des molécules dissociées et non disso- ciées n’est, par conséquent, que de 6. Il y a donc une grande différence dans le rapport des molé- 4. Ueber die Dissociation der in Wasser gelosten Stoffe, Z. f. physikal. Chemie, t. I, p. 631, 4887. 2. Nous nous sommes servis des tableaux composés par MM. Æoh/rausch et Holborn : Das Leitvermügen der .Electrolyte, Leipzig, 1898. PROPRIÉTES PHYSIQUES DE LA MICELLE ALBUMINOIDE. 109 cules dissociées et non dissociées dans les deux cas, et la pre- mière idée qui vient en présence de cette constatation est que ce sont les ions qui possèdent la faculté de solubiliser la micelle albuminoïde, et ce sontles molécules non dissociées qui empêchent cette solubilisation. Il ÿ aurait comme une lutte, au fond de notre éprouvette, entre les ions et les molécules non dissociées pour la possession de la micelle albuminoïde. Dans le cas de la victoire des ions libres, les micelles resteraient en solution ; dans le cas contraire, les micelles vont s’agglomérer et devenir insolubles. Mais, pour chaque électrolyte, la force rela- tive des molécules et des ions serait plus ou moins constante. Eh bien, cette explication, qui nous permet de poursuivre le phénomène si obscur de l’action des substances minérales sur la solubilité et l'insolubilité d'un albuminoïde dans le monde mème invisible des molécules, a encore un avantage dont ne peuvent se vanter beaucoup d'hypothèses proposées dans lhis- toire des matières protéiques. Elle est susceptible d’être démon- trée par l'expérience. Les conséquences que nous tirerons de notre hypothèse non seulement seront vérifiées par l'observation directe, mais nous amèneront à la découverte de faits nouveaux qui serviront au développement de l'hypothèse elle-même. Ill PREUVES TIRÉES DES PHÉNOMÈNES D'ADDITION ET DES EFFETS DE DILUTION DES ÉLECTROLYTES. SUBSTITUTION D'UN ÉLECTROLYTE A DISSOCIATION TRÈS FORTE PAR UN AUTRE QUI DISSOCIE FAIBLEMENT Voyons d’abord si l’action des différents réactifs, notés dans le tableau 1, va s’additionner. Ajoutons à 2 c. c. de la même solution des albuminoïdes, qui nous a servi pour la composition du tableau I, 0,11 c. c. de HCL, au lieu de 0,33 nécessaires pour obtenir un précipité, et cherchons à déterminer la quantité de chlorure d’ammonium ou de sodium qu’il faut encore ajouter pour produire la précipitation. À première vue, on devrait s'attendre à ce que le volume de la solution à ajouter pour produire l'effet désiré fût égal à deux tiers de celui qui est marqué au tableau. Ainsi, ce volume étant 140 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. de 0,21 e. c. pour le chlorure de sodium et de 0,23 pour le chlorure d’ammonium, on devrait s'attendre à trouver Île volume ajouté égal à 0,14 e. c. pour le premier de ces sels, et à 0,15 pour le second. Il n’en est rien en réalité. Pour obtenir la précipitation dans les conditions de cette expérience, il nous faut un volume beaucoup plus considérable, exactement 0,17c. e. pour le NaCI et 0,18 pour le NH*CI. Si l’on prend, au lieu de 0,11 ce. c. d'acide chlorhydrique, deux fois autant, le volume des sels à ajouter sera de 0,12 c. €. au lieu de 0,07 et 0,08 calculés. Le même phénomène s’observe également avec d’autres sels, et quelques-unes de mes expériences à cet égard sont con- signées dans le tableau IF. TABLEAU II HOT MO MMACE CS NaCI. 0,17 äu lieu de 0,14€. c. « 0,22 « « 0:42 « 0.07 « « 011 « NH,CI 0,18 « OM ER « 0,22 « « 0,12 « 0.08 « Na GO 078 KCI. 0,27 « 0,22 « «C 0,14 « « 0.22 « 041 « NaBr. 0,18 « KBr. 0,52 « 0,4% « « 0,56 « « 0,35 « 0:22: HNO; 0,10 « KNO- 0,22 « 0,16 « « 0,15 « « 0,16 « 0,08 « Il ne serait pas juste de chercher la cause de cette préten- due irrégularité dans les défectuosités de la méthode elle-même. Le tableau IT, qui présente les résultats obtenus avec quelques acétates, va nous indiquer à peu près la précision et l’exac- titude que l’on est en droit d'attendre de notre méthode si sim- ple. On voit dans ce tableau que la concentration moléculaire des acétates est encore moindre que celle des sulfates, et qu’elle approche très sensiblement de # la concentration moléculaire de l'acide chlorhydrique à 4 0/00 qui est égale à 0,0273. PROPRIÉTÉS PHYSIQUES DE LA MICELLE ALBUMINOIDE. 114 TABLEAU III ARCS Picea excelsa. Solution à 1 p. e. dans HCI à 1 0/00. 1m RÉACTIF A LA TEMPÉRATURE VOULUE nn. a SE TEUT ve à 2 0,0. P.M. V.R: G 0/0 C.M. NaäC,H,0, 82 0,25 0,222 0,0271 KC,H,0, 18 0,29 0,253 | 0,0260 1/2 Ca(C,H:05)o 79 0,2% 0,216 0,0273 1/2 Ba(C,H:0:)s 127,9 0,4% 0,361 0,0283 Rien d'étonnant dans cette coïncidence. HCI, acide plus énergique, remplace l'acide acétique dans les sels ajoutés, et nous n'avons plus qu'une solution des albuminoïdes dans de l'acide acélique de la même concentration moléculaire. Or, lacide acétique d’une concentration aussi faible dissout, comme on peut s’en assurer par l'expérience, tout au plus un tiers pour cent des albuminoïdes de Picea excelsa. Le précipité obtenu n’est donc pas le résultat d’une précipitation saline de l’ordre étudié par nous, mais bien une modification d'état due au changement du milieu dissolvant. Les nombres marqués au tableau nous certifient cependant que l'erreur de la méthode ne se manifeste que dans la troi- sième décimale de la concentration moléculaire, et ne dépasse pas une unité dans un ou dans l’autre sens, du moins dans Îles conditions de cette expérience. Quant aux phénomènes d’addi- tion dans le cas des acétates, où il ne s’agit, en somme, que d'une réaction purement chimique, on constate que les chiffres du deuxième sel trouvés coïncident presque avec ceux qui sont calculés. NaC,H,0,. 0,05 c. c: KCH:,0, 0,23 au lieu de 0,232 €. c; « CASA « 0,12 « 0,116 « « O0: ic Ba(C,H,0,),0,28 « 0,264 « « 0,20 « ne 0,09 « 0.088 « Ce n’est done pas à la méthode que sont dus les écarts observés précédemment. Ils trouvent leur explication et mème une impérieuse raison d’être dans notre hypothèse et les consi- 412 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. dérations qui en découlent. Lorsque deux électrolytes sont dissous ensemble dans une quantité donnée d’eau, chacun d'eux se dissocie comme s’il était seul en solution!. Or, en ajoutant un tiers de l'acide chlorhydrique nécessaire pour la précipitation, nous n’avons pas introduit un tiers des molécules non dissociées, mais beaucoup moins, car plus faible est la solution d’un électrolyte, plus grand devient le rapport entre les molécules dissociées et non dissociés. Les deux tiers du sel surajouté ne contiennent pas non plus les deux tiers des molécules inertes qui seules, d’après notre hypothèse, sont capables de lutter contre l’action dissolvante des ions libres. Force nous est d'augmenter la quantité du sel surajouté pour accroître en même temps le nombre des molécules non disso- ciées. L'équilibre n’aurait pu être atteint qu’à cette condition *. Nous avons vu plus haut que la quantité de sel qu’il faut ajouter à une solution des albuminoïdes dans de l'acide chlorhy- drique dépend en partie aussi de la concentration de la matière TABLEAU IV a RAR ER NE SA DT IE PE SL I ED LISE SUEDE Cr SE DÉMARRER ESCORT PERRET Picea excelsa. M nnus de D de réserve. PE VEN LP PERRET EEE SE EU A SE PO qe POUR DE EE à 1/2 0/5 dans | à 1/4 0/, dans | à 1/8 0/, dans | à 1/16 0/, dans HCI1 1 0/60 HCI 1 0/60 HCI 1 0/6 HCÏ 1 0/0 DA LA PES | EL VE PRIE 2 ER Re RER RÉACTIF 200/, | V.R. C.-M:- AIRE C.M. V.R. C.M. VR C-M. PAPE 2 AT ORENES PANNE PES A Q PERV AE AE ANT Qu ET PACE RARES HCI 0,33 | 0.388 | 0,55 | 0,408 |0,38 | 0.486 | 0.45 | 0,507 NH,CI 0.93 | 0,885 0,25 | 0.416 0,32 | 0.514 0,34 | 0,543 KCI 0,33 | 0,380 0,37 | 0,419 0,45 | 0,493 0,50 | 0,537 MgCl, 0,16 | 0,311 |0,17 | 0,331 | 0,20 | 0,383 | 0,24 | 0,451 l d 5 1. Ceci n’est vrai que d’une façon approximative. L’existence d’un ion com- mun aux deux sels à pour effet d’abaisser un peu la dissociation. 2, À Ja suite de leurs recherches sur la précipitation du sulfure d’arsenic MM. Linder et Picton arrivent à la conclusion que « when salts of the same group are added successively to produce coagulation, the effect is additive {comme dans le cas des acétates dans nos expériences), but with salts of differents groups this is no the case. » J. of Chem. Soc. N. 67 p. 67, 1895. Je n’ai pu confirmer la première partie de cette proposition pour aucun des alhuminoïdes étudiés par moi. Les matières protéiques de réserve des semences de courge, de lupin blanc el jaune, le blanc d'œuf se comportaient vis-à-vis des sels alcalins exactement comme les albuminoïdes du sapin rouge. PROPRIÉTÉS PHYSIQUES DE LA MICELLE ALBUMINOIDE. 113 protéique, et nous avons cité les nombres pour le chlorure d’ammonium, Le tableau IV & résume les expériences faites avec l'acide chlorhydrique et d’autres sels. . Au lieu de diluer la solution des albuminoïdes de Picea excelsa avec HCI à 1 0/00, diluons-la avec de l’eau distillée, de façon à avoir des solutions des albuminoïdes à 1/2 0/00, à 1/4 0/0 dans HCÏI à 1/4 0/00, et ainsi de suite. Il s’agit de savoir maintenant s'il nous faut, pour précipiter ces solutions, ajouter respectivement plus de sel que dans le cas précédent, ou moins. Evidemment moins, et voici pourquoi. Si la con- centration de l'acide chlorhydrique qui nous sert pour la dis- solution des albuminoïdes est de 1 0/00, en ajoutant du sel nous luttons, d’une part, contre les molécules ionisées de l’a- cide, d'autre part, contre les ions du sel introduit, puisqu'il nous est matériellement impossible de dissoudre un sel sans avoir provoqué en même tempssa dissociation électrolytique. En diluant l’acide avec 1, 3, T volumes d’eau nous augmentons relativement le nombre des molécules ionisées ; en revanche, la quantité absolue des ions est diminuée. Il nous faut donc, pour atteindre l’équilibre, moins de molécules salines inertes que dans le cas de l’acide chlorhydrique a 1 0/00. C’est ce qui ressort, en effet, du tableau IV b, où nous TABLEAU IV 6. RACEUCE Picea excelsa. Solution des albuminoïdes de réserve oo" à 1/2 0/, dans à 4/4 0/0 dans | à 1/8 0/ dans | à 1/16 0/, dans HCI 1 20 00 HCI 1, 4 0 ‘00 HCI 4 8 ù 00 HCI 1 16 0 00 | —— | © | RÉACTIF 20 0/5 | V.R. C.M. V.R. C.M. V.R. C.M. N°R: C.M. HCI 0,34 | 0,397 | 0,36 | 0,419 | 0,40 | 0,458 | 0,44 | 0,507 NH,CI 0,23 | 0,385 | 0,95 | 0,416 0,26 | 0,430 | 0,26 | 0,430 KCI 0,30 | 0,350 | 0,32 | 0,371 0,35 | 0,399 | 0,55 | 0.399 Mg, 0,16 | 0,311 | 0,16 | 0,311 | 0,18 | 0,347 | 0,19 | 0,365 constatons que la concentration du chlorure d’ammonium pour une solution de l’albuminoïde à 1/16 0/0 dans HCI à 1/16 0/00 ne monte que jusqu'à 0,430, au lieu de 0,543 dans le cas pré- cédent, et ainsi de suite. 8 11 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR, . Dans le cas que nous venons d'examiner, le nombre d'ions dans le liquide qui nous a servi pour la dissolution de l’albu- minoïde fut diminué par dilution avec de l’eau. Comme la concentration de l’albuminoïde diminuait en même temps, il y avait un facteur qui, agissant dans un autre sens, affaiblissait l'effet de la diminution de la quantité des ions. Mais nous avons un autre moyen d'abaisser le nombre des molécules ionisées, en prenant comme dissolvant un acide qui dissocie moins énergi- quement que Facide chlorhydrique. C'est le cas des acides organiques en général et de l'acide acétique en particulier. Une solution à 1,6 0/00 de ce dernier acide, équimolécu- laire avec celle de HCÏI à 1 0/00, présente un degré de disso- ciation égal à 0,025, c'est-à-dire que. sur quarante molécules en solution, une seule est décomposée en ions: différence, par conséquent, énorme avec l'acide chlorhydrique, où, sur 100 mo- lécules, 95 étaient ionisées. On peut donc prévoir que, pour précipiter l’albuminoïde en solution dans l'acide acétique à 1,6 0/00, il nous faudra moins de sel que dans le cas étudié au tableau 1. Il est impossible malheureusement, pour l'exactitude des résultats de comparaison, d'obtenir avec ce dissolvant une solution de l'albuminoïde de Picea excelsa à 1 0/0, la quantité maximale qu’on en peut dis- soudre étant voisine de 1/3 0/0, comme nous lavons indiqué plus haut. La différence est d’ailleurs de peu d'importance et devrait plulôt augmenter la quantité de sel. Le résultat de expérience résumée dans le tableau V devient encore plus démonstratif. On voitqueles concentrations moléculaires de tousles sels mis à l'épreuve sont notablement diminuées par comparaison avec celles du tableau FE. Pour le chlorure d’ammonium, elle est de 0,178 au lieu de 0.385; pour le bromure, 0,0836 au lieu de 0.230; pour le nitrate d’ammoninm. 0,05% au lieu de 0,135. et ainsi de suite. IV ROLE DE LA MORILITÉ DES IONS DANS LES PHÉNOMÈNES DE LA MODIFICATION D'ÉTAT DES ALBUMINOIDES. — INFLUENCE DE LA TEMPÉRATURE. — RÉACTION DES ALBUMOSES AVEC L'ACIDE NITRIQUE Voilà donc une série de faits qui concordent parfaitement M 145 OIDE,. UMIN ALI CELLE DE LA MI S hi À E IQ PHYS D r LA STE 4 À PROPRII SEE PRES = _ I é SION 00° &t ( 910 0 00 | "500 8£0°6% OS(HN) &/1 | lg g61'0 99°} 67e £90°‘0 #0 | ao SF‘10F SONY 0‘ SOL 0 OE‘F 0£0 PGO‘ 640 600 1108 “ON’HN ‘€ Sr 0 GR‘ 08 0 PP O0 16‘0 080 S0 9 SONH Ge y80 1 98] 6& 0 9620 0 GSe 0 800 [6 671 IEN c'e 68T 0 Ce © 8q'0 F920'0 16‘0 08 0 AU sr À £a GLT 0 08} #4°0 8120 0 YL'0 910 Fo'£or JUN Fc‘ £I&0 60'& cc 9£880‘0 880 Sr'0 C0°86 I TIN £8"] 6I£ 0 S£'G L&0 PLAT 0 OCT 4p°0 6S'EL [M 06'‘T 082 0 #9 1 SF 0 LT 0 9$'0 60°0 g'ee lJEN 807 OLE'‘ 0 86} 880 821‘0 RGO (TANT ag ec | L'HN 1] q D ra "W'S 0/09 ‘WA "9 fEe) AA ‘N'd HLLOVAN = «il Re — a — "UOTITJEN AP oanjerodwo *7) oÛT & 8 0 | A LR “ES “00/0 97 & O'HND SUD 0/0 LT & 2ATOSAT OP ‘IE SOP UOTJNIOS ‘25/0979 DO DONC À AVATTINE 4116 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. bien avec l'hypothèse telle que nous lavons formulée plus haut. Sous cette forme, elle’est, cependant, loin d'expliquer tous les phénomènes en rapport avec les modifications d’état des albuminoïdes. D’après notre hypothèse, ce sont lesions qui agissent comme dissolvants pour les albuminoïdes de réserve de Picea excelsa. Les sels en solutions étendues étant presque aussi fortement dissociés que les acides, on pourrait espérer de dissoudre ces albuminoïdes à l’aide des solutions faibles de sels. Pour cer- taines globulines comme celle du sérum sanguin, du blanc d’œuf, pour le fibrinogène, ceci est parfaitement exact; mais en est-il de même pour les albuminoïdes des graines de sapin rouge, qui sont insolubles, comme nous l’avons déjà vu, dans des solutions de sels alcalins à 10 0/0? Quelques essais faits pour élucider cette question m'ont montré qu’il est impossible de dissoudre une quantité sensible de ces albuminoïdes à l’aide de solutions faibles de sels. Comment expliquer ce fait qui sem- ble en contradition avec notre hypothèse ? Ilest évident qu’il doit y avoir unedifférence entre les ions de l'acide chlorhydrique et des alcalis, qui dissolventtrès facilement les matières protéiques du sapin rouge, et les ions des sels neu- tres. La chimie physique en connaît une, en effet. C’est la conductibilité équivalente ou la mobilité des ions qui représente la valeur réciproque de l’obstacle que les ions opposent au courant galvanique. Voici cette valeur pour quelques ions positifs et négatifs, à la température de 18°, d’après Kohlrausch et Holborn. H NH, Na K 1/3 Mg | “fe Sr 1/e Ba 318 64,2 44,4 65,2 49,0 54,0 57,3 OH Cl Br I NO; **1/, 50, FC, H10, 174 65,9 66,9 66,7 60,8 69,7 33,7 On remarque de suite que la mobilité de l'hydrogène et de l'hydroxyle est représentée par des nombres de beaucoup su- périeurs à ceux des autres ions. Et comme nous voyons que les électrolytes, possédant dans leurs molécules des ions à grande mobilité, sont justement ceux dont les solutions étendues solubilisent les albuminoïdes de Picea excelsa, il nous semble indiqué d'introduire dans notre hypothèse encore cette notion que les ions agissent d'autant plus PROPRIÉTÉS PHYSIQUES DE LA MICELLE ALBUMINOIDE. 117 fortement sur la solubilisation des matières protéiques que leur mobi- hté est plus grande. Eh bien, cette notion va nous donner directement l’expli- cation du fait qui nous a intrigué si longtemps, notamment la cause de l’action précipitante plus forte des sels de soude. La mobilité du sodium est de 44,4, celle du potassium 65,2 et celle de l’ammonium 64,2. La mobilité du sodium est donc plus faible, et l’action des ions de sodium, ajoutée à celle des ions de lacide chlorhydrique, présentera une, somme moindre de résistance à vaincre que l'addition des ions NH: ou K, d’où la moindre quan- tité des molécules non dissociées nécessaire à la précipitation, et partant une concentration moléculaire du sel plus faible. Nous avons vu également, dans Le tableau 1, que la concentra- tion moléculaire des chlorures de Mg, Sr et Ba va en augmen- tant (0,311; 0,366; 0,414). Or, la mobilité de ces éléments est respectivement 49 : 54: 57,3. Mais la concentration moléculaire de ces sels à base alcalino-terreuse n’est pas directement com- parable à celle des sels à base alcaline, parce que la dissociation dans le cas des électrolytes ternaires obéit à des lois plus com- pliquées et peu élucidées jusqu'ici. C’est pourquoi nous n'avons pas étendu nos expériences sur ces électrolytes dans les séries qui suivent. | La notion sur l'influence de la mobilité des ions sur la solubilisation des albuminoïdes m’a inspiré une expérience que ‘je n'aurais certes jamais entreprise, tellement elle va à l’encon- tre de ce qu’on enseigne généralement sur les phénomènes de coagulation des matières protéiques sous l'influence de la tem- pérature. Je me suis dit que si la précipitation des albuminoïdes de leurs solutions n’est qu'un état d'équilibre entre trois facteurs physico-chimiques, le nombre des ions, leur mobilité, et la quan- tité des molécules non dissociées, on devrait pouvoir facilement détruire cet équilibre en augmentant ou diminuant l'intensité d’un de ces facteurs. En ajoutant de l'eau dans l’éprouvette où le précipité venait d’être provoqué à l’aide d’un sel ou d’un acide quelconque, on augmente le degré de dissociation électrolytique, on diminue, 118 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. par conséquent, le nombre des molécules non dissociées et on fait accroître celui des ions. Le précipité se redissout facilement. Mais on peut aussi modifier la mobilité des ions, et ceci sans toucher au degré de dissociation. On sait, en effet, que la mobilité des ions augmente avec la température, tandis que la ionisation des électrolytes n’est presque pas modifiéepar cetagent physique, Si l’on soumettait alors l’éprouvette où la précipita- ton venait d'être obtenue à l’échauffement, la mobilité des ions en présence et partant leur action solubilisante étant augmentée, on devrait assister à la dissolution du précipité. L'équilibre, qui existait avant que la température n’eût été élevée, aurait été rompu en faveur des solubilisateurs. Ceci arrive, en-eflet, et, ce qui est encore plus intéressant, le précipité dissous réapparait lorsque la température est ramenée au degré initial. Nous sommes aussi loin de la notion sur la coagu- labilité des albuminoïdes en milieu acide et en présence des sels que de la théorie de la dénaturation. Si le précipité est entré en solution quand on a chauffé, ce n’est pas évidemment parce qu'il s’est transformé en acidalbumine sous l'influence de l’acide chlorhydrique et de la température — il n'aurait pas réapparu après refroidissement — mais bien parce que nous avons éievé momentanément l’action d’un agent solubilisant. Pour neutraliser cet effet, on n’a qu’à ajouter encore du sel pour augmenter le nombre des molécules non dissociées qui, grâce à leur fonction antagoniste, arrivent à contrebalancer l'influence de la température. Aussi voyons-nous qu'à chaque température correspond une concentration moléculaire définie des sels à ajouter pour la pré- cipitalion, et cette cencentration s'élève avec la température. Nous ne communiquons dans ce travail que les nombres obte- nus à lu température d’ébullition. On les trouvera dans les par- lies droites des tableaux I et V. On y remarque les mèmes régularités que pour les nombres déterminés à l: température de 8 à 10° C. Les sels de chaque acide ont une céncentration très voisine, les sels de sodium présentent toujours le minimum, et, ce qui est surtout remar- quable, le rapport b/a entre les concentrations moléculaires à la température d’ébullition et à celle de 8 à 109 est aussi très voisin pour les sels du mème acide, Ce rapport est partout supérieur PROPRIÉTÉS. PHYSIQUES DE LA MICELLE ALBUMINOIDE. 119 à l'unité : il est, en moyenne, égal à 1,60 pour les chlorures, à 1,94 pour les bromures, à 3,02 pour les nitrates et à 2,63 pour les sulfates, dans le cas des albuminoïdes de Picea excelsa en solution dans l’acide chlorhydrique. Il est indéfiniment grand pour l’acide sulfurique, ce qui veut dire qu'il est impossible de précipiter ces albuminoïdes à l’aide de l'acide sulfurique à 10 0/0 à la. température d'ébullition, en n'ajoutant pas plus de 2 €. ce. de ce réactif, suivant la règle que nous nous sommes imposée pour ces recherches. Il est, d’ailleurs, impossible de réaliser la précipitation à cette température, mème avec de l'acide sulfu- rique plus concentré. Il est évident que si l’on avait ajouté, pour précipiter à froid les albuminoïdes, un grand excès d’acide ou de sel, de façon à dépasser mème la concentration moléculaire nécessaire à la température d’ébullition, l'élévation de la température ne pro- voquerait pas la dissolution. C’est à cette circonstance qu'il faut attribuer ce fait que la propriété des albuminoïdes que nous venons de décrire a échappé pendant si longtemps à la sagacité des spécialistes. Et cependant. ce phénomène n’est pas absolument inconnu. On sait, depuis les recherches de M, Kühne sur les produits de digestion pepsique des albuminoïdes, que l'acide nitrique, ajouté avec précaution à une solution des albumoses, donne un pré- cipité qui se dissout à la température d’ébullition et réapparait après refroidissement. La constatation n'ayant été qu'empirique, on n’a pas tardé de regarder le phénomène comme une réaction spécifique en quelque sorte pour les protalbumoses. Lorsque M. Kossel' a découvert, en 1884, l'histone, et lui a trouvé entre autres la réaction avec l'acide nitrique, il n’a pas hésité à regarder cette nouvelle matière comme un membre de la grande famille des albumoses, possédant par conséqueul une constitution chimique plus simple que les albuminoïdes ordinaires. Il est vrai qu’il a changé d’avis depuis, L’histone est actuellement pour cet auteur plutôt un corps complexe, une combinaison de la protamine avec un albuminoïde quelconque *. 1. Ueber einen peptonartigen Bestandtheil des Zellkernes, Zeitsch. f. physiol. Ch., T. VIII, p 511. 2. Ucber die Lymphzellen, Deutsche med. Wochensehrift, 1894, p. 146. 120 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. M. Palladine, au cours de son travail sur les albuminoïdes d’origine végétale, a cherché entre autres à vérifier l'affirmation des auteurs anglais sur l’existence des albumoses dans les graines de semence. En appliquant les règles élaborées par l’école de M. Kühne pour l'isolement de ces matières, il n’a obtenu que des résultats négatifs. Comme il a remarqué que les albuminoïdes isolés par lui donnaient la réaction avec l'acide nitrique, 1l a pensé mettre d'accord tout le monde, en décla- rant que les graines ne contiennent que des vitellines ressem- blant, par quelques-unes de leurs réactions, aux albumoses. Or, la réaction avec l'acide nitrique, comme nous l’avons vu précédemment, n’est qu’un cas spécial d’un phénomène plus général qu'on peut provoquer avec tous les acides minéraux et même les seis. Elle n'a rien à voir ni avec la constitution chi- mique plus ou moins complexe des albuminoïdes, ni avec leur origine végétale, puisque nous la retrouverons plus loin aussi chez l’albumine d'œuf. Elle n’est due, répétons-le encore une fois, qu’à l'augmentation temporaire de la mobilité des ions sous l'influence de la température. Les développements de cette conception feront l’objet d’un prochain mémoire. Le SUR ARE TRIS PE AA Chef des travaux à l'Ecole vétérinaire d'Alfort, chargé de mission par l'Institut Pasteur. Sous le nom de « Tristeza » on connait, dans la République Argentine et dans l'Uruguay, une maladie des bovidés absolu- ment identique à la fièvre du Texas, si bien étudiée aux Etats- Unis par Smith et Kilborne. Pendant la durée de ma mission en Argentine, l’étude de cette affection a été l’un de mes principaux bre je me suis astreint à en refaire complètement l’étude. Mon travail, publié à Buenos-Aires par les soins de l’asso- clation des Hacendados!, peut se résumer ainsi qu'il suit : on va voir que si je confirme un grand nombre de faits connus, j'en apporte un certain nombre de nouveaux d’une réelle importance. Des conclusions de Smith et Kilborne, je confirme, entre autres points : 1° La spécificité du Piroplasma bigeninum ; 2° L’altération des globules rouges comme cause principale des lésions et des symptômes observés; 3° L'inoculabilité de la maladie aux bovidés par injections sous-cutanées ou intra-veineuses du sang ou de la pulpe des viscères ou des tissus vasculaires ; 4° La transmission de la maladie par les tiques; 5° Le danger qu'il y a à faire passer Les animaux des zones indemnes dans les zones infectées ; 6° La virulence possible du sang des animaux élevés dans les zones infectées, même quand ils sont sains en apparence, et celle des tiques qu’ils hébergent ; 1° La sensibilité des bovidés adultes et la presque indiffé- rence des très jeunes à l’action du Piroplasma ; 1. Ce travail vient aussi de paraitre dans la Revista Veterinaria de Buenos- Aires, 122 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. 8° La non inoculabilité de la Tristeza aux lapins, cobayes, moutons et pigeons. Avec Nicolle et Adil Bey, j'ai constaté la persistance du piro- plasma dans les tissus des bovidés infectés depuis longtemps. Je fais voir en outre : A. Que l'immunité consécutive à une première atteinte esl très solide. B. Que l'examen du sang, quoique étant l'élément le plus important du diagnostic ante-mortem, reste parfois en défaut. C. Qu'en effet, il existe une forme atypique de la maladie dans laquelle la perte globulaire est peu accentuée ou tout à fait tardive, et où les globules de la grande circulation ne sont pas envahis par le Piroplasma ou le sont seulement à l'approche de la mort. D. Que cette forme ne correspond pas à la maladie bénigne; dans cette dernière, en effet, l'infection globulaire et la destruc- tion des hématies s’accusent dès le début du mal, tout en restant peu importantes. E. Que la forme bénigne n'est pas causée par des hémato- zoaires punctiformes, comme le pensaient Smith et Kilborne, mais toujours par le Piroplasma type. À tous ces faits, j'ajoute encore : a). Des données nouvelles sur l'évolution du Péroplasma bige- NID b). La culture à l'étuve du Piroplasma bigennnum sous sa forme ronde ; c). Un essai de l'interprétation raisonnée de l’immunité et du rôle intime des tiques : d). La manière d’être de la « Tristeza » dans la République Argentine ; e). L'ineflicacité absolue des compositions quiniques ou arsénicales comme moven préventif ou curatiff. Enliu, depuis la publication de mon travail, j'ai réussi à 1. J'ai administré la quinine à doses massives, jusqu’à 30 grammes, par le tube digestif et surtout par injection sous-cutanée. J’ai répété deux, trois et quatre fois les injections, même du point de vue préventif, sans jamais constater une action quelconque soit sur le parasite, soit sur la marche de la maladie. Si van Hellens a obtenu de bons résultats, c'est où bien qu'il à eu Sen ont affaire, au moment de ses essais, à des formes qui eussent guéri toutes seules, où bien que l'affection qui frappe les bœufs en Finlande est différente de la fièvre du Texas et de la « Fristeza », SUR LA « TRISTEZA » or 108 obtenir l'atténuation du Piroplasma bigeminum et la vaccination pratique contre la Tristeza. Je ne puis évidemment pas iei développer, mème sommai- rement, tous les points que je viens d'indiquer. Ce serait beau- coup trop long. Je demande cependant la permission de m'arrêter un instant sur l’évolution et la culture du Piroplasma bigeminum, et sur la vaccination contre la Tristeza. Lorsqu'on examine du sang infecté : 19 à l’état frais sur la platine chauffante; 2° sur des préparations colorées, surtout par la méthode de Laveran, et faites à des temps variables après la prise, voici ce qu'on constate : Le Piroplasma endoglobulaire piriforme, unique ou bigéminé, prend rapidement une forme ronde par rétraction du protoplasma et ne tarde pas à sortir du globule. Si le sang examiné est extrèmement riche en parasites, on peut trouver des formes en poire, libres dans le sérum et munies d’un flagellum à leur partie eflilée. Dans le sang conservé purement à l’étuve, après vingt-quatre heures, presque tous Les parasites sont arrondis, paraissent plus petits et se colorent mieux par le bleu de méthylène. À partir de ce moment, il faut Loujours examiner des préparations colorées. On sait qu'à l’aide de l'excellente méthode préconisée par M. Laveran, on met très facilement en évidence, dans Les formes eu poire (4° stade), une masse chromatique qu'il a décrite avec M. Nicolle sous le nom de karyosome. Or au moment où le parasite vient de prendre la forme ronde (2° stade), on ne réussit généralement plus à colorer ce karyosome: il semble bien s'être échappé hors du Piroplasma. Les jours suivants, et parfois dans les 36-48 heures, la masse chromatique se reforme dans le parasite rond, puis se divise par scissiparilé en 2, 3, # el mème 5 petits éléments dont beau- coup sont d'un volume plus restreint que n'importe lequel des microbes colorables connus (3° stade). Jusqu'ici, j'ai vainement cherché à voir la division du protoplasma suivre celle des petites masses chromatiques pour donner de nouveaux parasites. J’ai vu, au contraire, chacun de ces petits éléments chromatiques devenir libre, soit avant, soit surtout après la destruction plus ou moins lente du proto- plasma du parasite; il est probable qu'ils se sont entourés d’une 124 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. même couche protoplasmique; mais jusqu'ici 1l m'a été difficile de la distinguer avec sûreté. | Ilest important de noter qu'après leur mise en liberté, les petites masses chromatiques peuvent encore se diviser par scissiparité. J'ai pu suivre toutes ces transformations dans l'estomac de la Tique. A mon avis, ce sont ces petits éléments libres qui, jetés comme des graines hors du parasite, sont chargés de perpétuer l'espèce. Ils représentent ainsi une forme de résistance; c’est la raison pour laquelle je les ai désignés sous le nom de spores ou de germes, à défaut d'autre nom plus approprié. Je ne veux pas nier qu’il puisse exister une autre évolution; celle que je viens de décrire est normale; elle se fait dans l'organisme même des malades. On peut obtenir de la façon suivante une véritable prolifé- ration du Piroplasma bigeminum. Lorsqu'on dispose d’un sang très riche en hématozoaires, on en recueille purement une certaine quantité qui est défibrinée à l’abri de toute souillure, puis distribuée dans 20 ou 40 tubes à essais stérilisés, lesquels sont ensuite placés à l’étuve ou laissés à la température du laboratoire. Les jours suivants, on examine après coloration le fond des tubes. Dans la plupart des tubes, on constate que les hématozoaires disparaissent peu à peu; mais dans quelques autres on voit au contraire se dérouler l’évolution décrite plus haut. Après 10, 20, 30 jours au plus, on obtient une prolifé- ration évidente des masses chromatiques, qui deviennent très nombreuses, libres, puis constituent les germes. | En réensemençant le fond de cette première culture, dans un autre tube contenant du sérum fortement hémoglobinémique, j'ai vu la prolifération continuer à se faire jusqu’à la cinquième culture. La troisième culture, c’est-à-dire le troisième réensemen- _cement dans le sérum hémoglobinémique, m'a donné une pro- lifération remarquable du parasite. Là, j'ai vu les germes grossir, former une petite masse arrondie, analogue au parasite rond précédemment indiqué, dans l’intérieur de laquelle apparaissait bientôt une masse chro- matique qui, mise en liberté, donnait rapidement un nouveau parasite rond. SUR LA « TRISTEZA » 195 Le plus souvent, il y avait deux germes dans chaque parasite. Jamais je n'ai constaté de forme en poire ; celle-ci doit être particulière aux parasites endoglobulaires. Je n'ai pas besoin de dire que ce développement du Piro- plasma bigeminum ne réussit dans aucun des milieux de culture ordinaires, bouillons, gélose, gélatine, pas même sur le sang coagulé. Aujourd'hui je puis donner la « Tristeza » avec des cultures de ce genre datant de 50 et 60 jours; des essais ultérieurs pourront sans doute reculer encore ces limites. Pour ce qui est de l’atténuation du Piroplasma bigeminum, je ne puis en ce moment indiquer exactement comment je procède ; toutefois je crois pouvoir dire en substance que le succès de mes recherches sur ce point est dû : 1° A l'emploi d'un sang dont la grande richesse en héma- tozoaires est toujours sensiblement constante. Ce virus est obtenu à la suite d’une série de passages par le bœuf: 2° À ce fait que le Piroplasma bigeminum ne passe pas brusque- ment de la vie à la mort, mais peut subir des atténuations de sa virulence, pendant lesquelles son inoculation confère l’immunité, Je me sers pour vacciner d’une culture dans le sang défi- briné des malades. Ce sang contient bien le Piroplasma vivant, car, inoculé en quantité convenable à un bœuf, 1l peut lui donner la Tristeza; nous n’avons donc pas affaire seulement à un sérum, Avant mes propres recherches, on a préconisé en Australie et au Texas des vaccinations contre la fièvre du Texas. Elles consistent à injecter sous la peau 5 c. c. de sang défibriné de malades guéris depuis peu. Dans ces conditions le sang a une composition dont on n’est pas maître. Parfois il contient des hématozoaires capables de donner la maladie mortelle; d’autres fois 1l ne contient pas d’hématozoaires, ou il en contient si peu qu'il peut ne trans- mettre mi la maladie ni l’immunité. L'étude détaillée ‘que j'ai faite du sang des animaux guéris explique bien ces phénomènes. Je ne veux pas dire que ce procédé ne puisse donner aucun résultat utile dans la pratique ; mais je le considère comme pouvant être dangereux, surtout pour les animaux de race pure. J'en ai fait l'expérience. En effet l’immunité n’est acquise qu'à 126 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. la faveur d'une attaque bénigne du mal, c’est-à-dire après apparition de signes extérieurs appréciables. Or rien n’est plus fréquent que de dépasser cette limite et de provoquer une affec- tion grave. Au contraire, avec la méthode que je préconise, on peut obtenir une vaccination véritable à la suite de laquelle l'animal ne présente aucun symptôme apparent, Voici le résumé de deux expériences publiques instituées pour démontrer lefficacité de cette vaccination. 1° Expériences de Buenos-Aires, suivies par une Commission présidée par M. le ministre de l'Agriculture de la République Argentine. ! Deux sous-commissions étaientchargées, l’une desrecherches microscopiques, l’autre des examens cliniques des animaux. Le 15 avril, la commission choisit 14 animaux dans un lot de 25 bovidés provenant de localités indemnes de « Tristeza ». Sur ce nombre, 8 reçoivent dans la jugulaire une petite quantité de vaecin dilué et n’éprouvent de ce fait aucun malaise. Deux autres, inoculés avec du sang virulent pour montrer la sensibilité des animaux à la maladie, prirent régulièrement la forme grave: l’un d'eux mourut. Enfin le dernier, qui avait reçu A ©. e. de vaccin dans la jugulaire pour montrer la présence du piroplasma vivant dans ce vacein, prit la maladie et guérit. Le 30 avril, 7 des bovidés vaccinés le 15 avril, plus deux taureaux vaccinés depuis quatre mois et quatre témoins, reçurent sous la peau 10 ec. e. de sang très virulent; de plus le huitième vacciné et un cinquième témoin furent couverts de jeunes tiques éeloses au laboratoire et provenant de localités infectées. Huit jours après, les quatre témoins étaient morts, après avoir présenté une température très élevée, de l'hémoglobinurie, une grande quantité d’hématozoaires dans les globules, une énorme dimi- nution du nombre des hématies, et toutes les lésions de la « Tristeza » à l’autopsie. Aucun des vaccinés n’a paru malade. Des animaux couverts de Tiques, le vacciné restait bien portant, tandis que le témoin était malade dès le 10 maï et mourait le 18 du même mois. = 20 Expériences d’Alfort, suivies par une commission de la Société centrale de Médecine Vétérinaire et par plusieurs mem- bres de l’Institut Pasteur. SUR LA « TRISTEZA » 427 Le 5 juillet un bœuf et une vache sont vaccinés par injection intraveineuse: par la suite ils ne montrent aucun malaise appréciable. Le 15 dumême mois, ces deux vaccinés, ainsi que deux vaches avant présenté un et deux mois avant une forme bénigne de la maladie, sont inoculés par M. Nocard avec 5 ce. c. de sang viru- lent injecté sous la peau. Un bœuf témoin reçoit la même ino- culation. Dès le 21, la température du bœuf témoin augmente de deux degrés, elle atteint 40°,4; ses globules sont encore en nombre normal, 8,000 ,000, Le 22, la température est à 40°,7, l'urine est rouge, on trouve facilement des hématozoaires, l’animal est triste, comple- tement inappétent. A 11 heures du matin, il a 3,200,000 globules rouges par m. €. À 4 heures, on en compte seulement 1,100.000. Les autres bovidés vont très bien. Le 23, l'hémoglobinurie est très intense, le sérum du sang, les hématozoaires sont nombreux. T —41°.2; on ne compte plus que 370,000 globules. Le sujet semble sur le point de mourir; il est très faible, sans aucun appétit. Le 24, l’état du malade semble s'être amélioré; le soir, la température descend à 38.3, les hématozoaires deviennent rares, l'urine est encore un peu rouge. Le 25, l'urine est de teinte normale: la température est de 380,4; le malade, quoique extrêmement faible et amaigri, prend le chemin de la convalescence. Les autres bovidés n’ont présenté à aucun moment le plus petit signe de maladie, la température est restée parfaitement normale ainsi que la composition du sang et les grandes fonctions *. 1. Pour plus de détails consultez encore : La Tristesa en la Républica Argentina. Revista Veterinaria, Enero 51 a Mayo 31 de 1900. Expériences de vaccination contre la Tristeza faites à Alfort. Bulletin de la Société centrale de médecine vétérinaire. Séances des 12 et 26 juillet 1900. Sur la Tristeza. Comptes rendus du Congrès international de médecine 1900. Expériences officielles devaccination contre la Tristesa à Buenos-Aires. Recueil de médecine vétérinaire, n° du 15 octobre et suivants, 1900. La Tristeza dans la République Argentine. Bulletin de la Société centrale de médecine vétérinaire, n° du 30 novembre et suivants, 1900. 198 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. LÉGENDE DE LA PLANCHE VI FiG. 1. — Piroplasma bigeminum. Forme en poire. F6. 2. — Piroplasma bigeminum. Sous différents aspects. Fic. 3. — Piroplasma bigeminum. Forme ronde. FiG. 4. — Piroplasma bigeminum. Forme ronde, FiG. 5. — Piroplasma bigeminum. Formation des germes. Fi. 6. — Piroplasma bigeminum. Culture artificielle en sérum hémoglobinémique. Le Gérant : G. Masson. Sceaux. — Imprimerie E. Charaire.” 150 ANNÉE MARS 1901 No 3 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR RECHERCHES SUR LA COAGULATION DU SANG ET LES SÉRUMS ANTICOAGULANTS Par Les D'S Juces BORDET er Ocrave GENGOU. (Travail du laboratoire de M. Metchnikoff.) L'étude de l’immunité, et notamment des caractères acquis par les organismes à la suite de la vaccination, a fait progresser nos connaissances dans des directions diverses. Ce qu'on atten- dait surtout de cette étude, c'est qu’elle nous permit de suivre, dans ses péripéties intimes, la lutte de l’organisme contre ses envahisseurs. Mais ses enseiÿnements ne se sont point bornés là. Elle nous a apporté, en outre, beaucoup de notions nouvelles ou plus précises, dont la physiologie générale a profité. Parmi les services qu’elle a rendus, citons-en un : elle a fourni des réactifs très délicats pour reconnaître les espèces. Pour ce qui concerne les espèces microbiennes, ces réactifs sont pratiquement d’un réel secours, et il y a des cas où il serait malaisé, quand on veut distinguer l’une de l’autre deux espèces microbiennes voisines, de se passer du sérodiagnostic. Pour ce qui concerne les espèces animales, l'étude des pro- priétés des sérums corrobore, d’une manière très démonstrative, l’idée que les divers animaux diffèrent entre eux non seulement par leur aspect et leur conformation. mais même par les détails les plus intimes de leur constitution chimique. Le microscope confond les hématies du lapin et celles du cobaye. Pourtant, entre ces cellules si semblables, l’action des sérums normaux (Daremberg, Buchner) et surtout, ainsi que l’un de nous Fa montré, celle des sérums hémolytiques spécifiques, révèle des différences tranchées. 130 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. Les sérums spécifiques peuvent donc reconnaître la prove- nance de cellules telles que les hématies, les spermatozoïdes,etc. Mais ce qu'ils peuvent faire quand il s’agit d'éléments cellulaires, ils le peuvent encore, au moins dans certains cas, lorsqu'il s’agit de substances chimiques : ils permettent d'en préciser l’origine. On sait que si l’on injecte à un animal A le sérum d’une. espèce différente B, le sérum de l'animal traité, extrait après un certain temps, produit un précipité volumineux, de nature albuminoïde, dans ce sérum d'espèce B. Ce fait a été constaté pour la première fois par Tchistovitch, et l’un de nous, qui en a observé divers exemples, a montré que cette propriété précipi- tante revêt, sinon d’une manière absolue, au moins nettement, le caractère de la spécificité ‘. Il en résulte que cette propriété peut déceler, entre divers sérums, des différences de constitu- tion chimique sûrement très délicates, et que les procédés habi- tuels laisseraient inaperçues. Des faits analogues s’ajoutèrent bientôt à celui que nous venons de mentionner. Par exemple, le lactosérum ? qui — les lecteurs de ces Annales s'en souviennent — agglutine en flocons la caséine du lait, peut faire distinguer lorigine du lait soumis à l'expérience. En effet, M. Fisch*, MM. Wassermann et Schütze ‘, qui ont repris l'étude de ce lactosérum, ont montré que si ce dernier provient d’un animal injecté de lait d'espèce A, il n'agit pas sur des laits fournis par des espèces B ou C. Le sérum d’animaux traités préalablement par des injections de blanc d'œuf donne lieu à des observations analogues, ainsi que M. Uhlenhuth l’a démontré’. Dans le même ordre d'idées, des expériences relatées il y a un an dans ces Annales ® ont fait voir que cette matière bacté- ricide et cellulicide, l’alexine, qui existe dans les sérums frais, n'est pas identique chez les différentes espèces animales. En effet, une antialexine qui neutralise l’alexine de cobaye, par exemple, n’exerce pas d'influence sur les alexines de lapin, de rat, de chèvre, etc. ils ne Ces Annales, mars et avril 1899. 2. Ibidem. 3. Fiscx, Studies on lactoserum and on other cell-sera. St-Lours Courier of med. Feb. 1900. 4. Deutsche med. Wochenschr. Vereinsbeilage, 1900, n° 30. 5. Deutsche med. Wochenschr, 1900, n° 46. 6. Borper, Les -sérums hémolytiques, leurs antitoxines et les théories des sérums cytolytiques, ces Annales, mai 1900. SÉRUMS ANTICOAGULANTS, 131 Nous nous sommes demandé si les espèces animales se distinguent encore les unes des autres par la nature du fibrin- ferment que le sérum possède, et si l’on peut, par des procédés analogues à ceux qui permettent la préparation des antialexines, obtenir des sérums actifs contre le principe qui préside à la coagulation du sang, qui provoque la transformation du fibri- nogène en fibrine concrète. Le sujet que nous abordons touche donc, d’une part, à l'étude de la coagulation, et, d’autre part, à celle des propriétés du sérum chez les organismes vaccinés. Nous commencerons par décrire, dans leur préparation et leurs propriétés, deux plasmas dont nous nous servons dans les expériences que nous avons à résumer. * S [°', Préparation et propriétés des plasmas d’oie et de lapin. — Pour réaliser nos expériences, nous avions besoin de sang non coagulé, dépourvu de cellules, et qu'on püt conserver assez longtemps sans que la prise en caillot intervint, Il nous fallait, en d’autres termes, des plasmas non ou lentement coagulables, et, en outre, ne contenant aucune substance étrangère. Plasma d'oie. — On obtient facilement, grâce aux recherches de M. Delezenne !, du plasma d’oie qui ne subit que très tardive- ment la coagulation spontanée. Ce savant a montré que le sang d'oiseau ne se coagule que très lentement lorsqu'il est pur, c'est-à-dire non mélangé à du suc de tissus lésés’. Pour réaliser cette condition, il faut, lorsqu'on saigne l'animal, introduire la canule dans l'artère préalablement bien nettoyée, éviter de racler les parois du vaisseau. Le sang obtenu est centrifugé, et l’on obtient un plasma qui ne se coagule pas spontanément (au moin s peudant un temps qui peut dépasser un mois) mais qui se prend en caillot si on l'additionne d’une quantité même très minime de suc de tissu broyé (par exemple de tissu musculaire écrasé). Dans la pratique, nous préparions le plasma d’oie sans même devoir recourir aux précautions si minutieuses sur lesquelles 1. DecezeNNe, Archives de Physiologie, 1897. ARTE 2, Ce fait est exact non seulement pour le sang des oiseaux, mais a ussi, comme M. Delezenne l’a fait voir, pour le sang de tous les Vertébrés à glo- bules rouges nucléés (oiseaux, reptiles, batraciens, poissons). 132 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. M. Delezenne insiste. Nous introduisions dans la veine de l'aile la pointe effilée, recourbée en bec, d’un tube de verre de calibre assez gros, stérilisé, garni d’un tampon d’ouate à son orifice supérieur. Le sang monte dans le tube assez rapidement; lorsque la quantité recueillie est suffisante, on retire le tube du vaisseau, on laisse couler librement les premières gouttes de sang qui s’échappent par l’extrémité pointue; la portion de sang qui s'écoule ensuite est recueillie dans des tubes que l’on centri- luge. Mais on n'utilise pas la dernière portion, celle qui repré- sente le sang qui a pénétré dans le tube aussitôt après la perfo- ration de la veine par l’effilure. Ce sang a pu, en conséquence, se mêler à une trace de suc provenant de la plaie ou de la lésion vasculaire, et acquérir ainsi la propriété de se coaguler à bref délai. De fait, on constate en général que cette partie du sang recueilli se prend en caillot assez rapidement. Au contraire, le sang placé dans les tubes à centrifuger ne se modifie que lentement et fournit un plasma presque indéfiniment liquide. Il va de soi qu'il faut se garder, pendant l'opération, d’incli- ner brusquement ou d’agiter le tube à saigner dans lequel le sang pénètre : ilimporte, en effet, d'éviter le mélange de la por- tion qui a passé la première, avec celles que la veine fournit dans les instants qui suivent. La centrifugation, qui doit s'effectuer le plus rapidement possible, scinde le sang obtenu en deux couches, que l’on sépare par décantation. La supérieure constitue le plasma qui, bien débarrassé de cellules, reste liquide très longtemps, ainsi qu’il vient d’être dit. L’inférieure, la couche globulaire, se coagule en général après quelques heures !. Théoriquement, on n’est pas autorisé à admettre que le plasma ainsi obtenu soitentièrement dépourvu de ferment de la fibrine. Cependant la. dose de cette matière qui y est contenue doit être extrêmement minime, tout à fait négligeable pratique- ment, puisque la coagulation spontanée ne survient pas. 4. Ce fait témoigne de ce que le fibrin-ferment est exsudé par les cellules sanguines, spécialement par les leucocytes, ainsi qu’on l’admet très générale- ment. Il est probable que, dans le cas du sang d'oiseau, cette excrétion se fait avec une remarquable lenteur, ce qui permet, grâce à l'éloignement rapide des cellules, la préparation d’un plasma incoagulable. Nous n’abordons pas, dans le présent article, la question de l'origine du ferment de la fibrine. SÉRUMS ANTICOAGULANTS. 133 Ce plasma, riche en fibrinogène, constitue un excellent réactif du fibrin-ferment. Il se coagule en effet rapidement lors- qu'on l’additionne de doses mème faibles de sérum frais de divers animaux (cobaye, lapin, mouton, chien, etc...) ; le sérum de poule, d’oie, ne le fait coaguler, en général, qu'avec une certaine lenteur, ce qui résulte de la faible teneur du sang d'oiseau en ferment de la fibrine. Plasma de lapin. — Tandis qu'on obtient facilement, sans user d'artifices particuliers, un plasma d’oie riche en fibrinogène, mais dépourvu à peu près totalement de fibrin-ferment, et qui, par conséquent, ne coagule pas spontanément, nous n'avonspu réussir à préparer un plasma de lapin qui ne contint pas la substance active coagulante. Le plasma de lapin, dont nous allons indiquer brièvement la préparation, contient toujours du fibrin-ferment, est donc apte à la coagulation spontanée, mais parfois, ainsi qu’on va le voir, avec un retard consi- dérable. On sait que Freund a montré que le sang $e coagule très len- tement lorsqu'on le recueille dans un vase dont les parois ont été préalablement enduites d'huile ou de vaseline. Nous avons tenté de centrifuger, sans qu'il se coagulàt, du sang contenu dans un tube intérieurement vaseliné ; nous avons échoué, et la cause de cet insuccès fut que l’adhérence de la vaseline à la paroi de verre est tout à faitinsuffisante. Nous eûmes recours alors à des tubes dontles parois intérieures étaient recouvertes d’une couche de paraffine. On introduit dans des tubes (préalablement stérilisés) un peu de paraffine fondue, stérile, qu’on fait couler sur la paroi de manière à l’enduire complètement; on refroidit ensuite brusquement en plongeant le tube dans l’eau froide. Le tube dont on se sert pour saigner le fapin (tube sem- blable à celui que nous avons décrit plus haut à propos du plasma d’oie) est soigneusement parafliné; on en introduit l'extrémité pointue dans la carotide, bien isolée et cautérisée au préalable. Quand le tube est plein, on le retire du vaisseau, on perd les premières gouttes de sang, on laisse couler ensuite dans des tubes à centrifuger, paraffinés également, et l’on n’uti- lise pas la dernière portion, qui pourrait contenir des débris de l'artère. 134 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. On constate que le sang de lapin, recueilli dans de telles con- ditions, et abandonné à lui-même dans les tubes paraffinés, ne s'y coagule qu'avec une lenteur tout à fait inusitée. On a done le temps de le centrifuger; cette opération doit être assez rapide. : Il est préférable de baigner les tubes dans de l’eau froide pen- dant leur séjour à la centrifuge. Lorsque, sous l'influence dela centrifugation, le tiers supérieur du liquide est devenu limpide, on décante cette couche de plasma en se servant, à cet effet, d’une pipette à boule, paralfinée intérieurement; on verse le liquide dans un tube paraffiné, qu'on soumet à une nouvelle centr'fu- gation. On décante de nouveau et on conserve le plasma, bien dépourvu de cellules, dans un tube paraffiné. Ce plasma, gardé en tube paraffiné, finit toujours par se coaguler spontanément, même lorsqu'il est complètement dépourvu de cellules: il contient donc du fibrin-ferment. Le temps pendant lequel on peut le conserver à l’état liquide, à la température du laboratoire (15-20°) varie beaucoup, et peut aller jusqu'à 24 ou 30 heures. Parfois la prise en caillotsurvient notablement plus vite, après # ou 5 heures par exemple ; il paraît y avoir, à cet égard, des différences individuelles fort marquées entre divers échantillons de sang de lapin. Ce plasma qui renferme la substance coagulable, le fibrino- gène, et le principe coagulant, le fibrin-ferment, donne lieu à une observation intéressante. Alors qu’il reste très longtemps liquide tant qu on le conserve en tube paraffiné, il se solidifie en quelques minutes lorsqu'on le verse dans un tube de verre ordi- naire, même lorsque la paroi de ce tube a été soigneusement nettoyée. Le contact avec une surface de verre non enduite de paraffine, joue done, au point de vue de la prise en caillot, an. rôle accélérateur tout à fait remarquable. Pourquoi le sang se coagule-t-il si lentement quand on le reçoit dans un tube paraffiné? On sait que le sang ne mouille pas [a paraffine. Deux hypothèses se présentent à l’esprit pour expliquer l'influence retardante de cette subs- tance. 4) Ou bien cette substance ne provoque pas, sur les cellules (spécialement sur les leucocytes, sources du fibrin- ferment) l'effet de contact que la généralité des corps (tels que le verre) sont à même de produire; on peut supposer que les cellules productrices du ferment sont, soit excitées, SÉRUMS ANTICOAGULANTIS. 135 soit plus où moins avariées, par le contact avec les corps étrangers, impression d'où résulte la mise en liberté du fibrin-ferment. La paraffine n’exercerait pas cette influence, parce qu’elle n'est pas mouillable. b) Ou bien le contact avec un corps tel que le verre agit, non pas sur les cellules, mais sur les substances qui président à la coagulation, c'est-à-dire sur le fibri- nogène ou le fibrin-ferment. Il y aurait là un fait non pas biologique, mais physique, rentrant vraisemblablement dans la catégorie des phénomènes d'adhésion molécu- laire. Nous ne pouvons démontrer que la première hypothèse soit inexacte. Ilest fort possible qu’elle contienne une part de vérité. Il convient cependant de faire remarquer que, comme il vient d’être dit, le contact avec Le verre fait coaguler un plasma bien centrifagé, dépourvu de cellules. Quant à la seconde hypothèse, on peut démontrer qu'elle est exacte, ainsi qu'il ressort de l'expérience suivante. On prend une lame de verre dont une partie de la surface est à ou, dont l’autre est recouverte d’une fine couche de paraffine. D'un tube paraffiné contenant du plasma de lapin, récemment préparé, on aspire, dans une pipette paraffinée, un peu de liquide. On en laisse tomber deux gouttes sur la lame : l’une sur la sur- face paraffinée, l’autre sur le verre laissé à nu. On place la pla- que dans une chambre humide, pour prévenir l’évaporation. Au bout de quelques minutes, on constate que la goutte placée sur la paraffine ne s’est nullement modifiée. Il n’en est pas de même pour la goutte qui repose sur la surface de verre : cette surface s’est rapidement tapissée d’une fine couche grise, d’abord très mince, adhérant entièrement à la paroi, et qui bientôt s’épaissit. A ce moment, on touche avec un tube capillaire, ouvert aux deux extrémités, la partie supérieure de la goutte; à ce niveau, le plasma, qui n'a pas ressenti directement le contact du verre, est encore liquide et pénètre dans le tube fin, où bientôt il se coa- gule entièrement. Par cette aspiration, on réduit la goutte à la partie qui s’est déjà coagulée, et qui est appliquée étroitement à la surface de la lame. Cette dernière, recouverte de sa mem- brane de fibrine, est alors placée sous le microscope. On distin- gue le treillis des fins filaments fibrineux avec de très petites granulations assez réfringentes, mais on n'aperçoit point de cel- 136 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. lules. Quant au plasma maintenu au contact de la paraffine, il reste liquide pendant plus de vingt heures. Le lendemain on peut encore en retirer du tube paraffiné, et le faire coa- guler en quelques minutes par le contact avec une surface de verre. En raison de ce fait, qu’un même plasma, dans les mêmes conditions de température, en l’absence de cellules, se comporte aussi diversement suivant la nature du corps avec lequel il se trouve en contact, 1] nous paraît certain qu'un phénomène pure- ment physique joue un rôle important dans la coagulation. Les deux plasmas que nous venons de considérer diffè- rent profondément. L'un, le plasma d'oie, est pratiquement dépourvu de fibrin-ferment; il peut être conservé dans des tubes ordinaires : l’autre, le plasma de lapin, contient cette matière coagulante; on ne peut en retarder la coagulation qu'en le main- tenant dans des tubes paraffinés. C'est le premier de ces plas- mas qui nous servira comme réactif du ferment de la fibrine. # *# S IE — Sérums Canticoagulants ». Action de ces sérums sur le fibrin-ferment. Spécificité de cette action. — Nous considérerons d'abord le sérum de cobayes injectés préalablement, à plusieurs reprises, soit de sérum, soit de plasma de lapin. Nous montre- rons que ce sérum de cobaye empêche la coagulation du sang de lapin, et que cette influence antagoniste est due, pour une très grande part, à la neutralisation du fibrin-ferment de lapin. Les cobayes dont nous allons étudier le sérum avaient été pré- parés, les uns par trois injections, pratiquées à huit jours d'inter- valle environ, de 5 c. c. de sérum frais de lapin neuf. Les autres avaient reçu des injections de plasma de lapin. On préparait ce plasma de la manière suivante : on recevait le sang de lapin, au sortir de l'artère, dans une petite quantité de solution d’oxalate de soude, à dose calculée de manière à donner au volume du sang recueilli une teneur en ce sel égale à 1,5 0/00. Ce sang incoagulable, soumis à la centrifugation, four- 1. On le sait, ce sont MM. Arthus et Pagès qui ont étudié ces plasmas oxalatés. Ils ont montré que ces derniers se coagulent rapidement lorsqu'on les additionne de chlorure caleique. SERUMS ANTICOAGULANTS. 137 nissait du plasma. Ce dernier était ensuite additionné d’une quantité convenable de chlorure de calcium, qui, or le sait, fait coaguler ce plasma oxalaté. Immédiatement après cette addition, avant la prise en caillot (laquelle ne s'effectue qu'après une dizaine de minutes), on injectait le liquide, à dose de 5-6 ce. c., sous la peau de cobayes, où la coagulation s’opérait bientôt. Grâce à cette technique, les cobayes recevaient ainsi de la fibrine concrète, mélangée de fibrin-ferment", On saigne ces cobayes douze jours environ après la dernière injection. Les sérums étaient toujours utilisés le lendemain; il y a lieu de craindre en effet que la conservation n’altère le fibrin- ferment que ces sérums renferment. Au moment où nous terminions nos expériences, M. Camus ? a publié un travail dans lequel il décrit des sérums anticoagu- lants, obtenus par des procédés semblables à ceux que nous avons mis en œuvre. Mais il admet que ces sérums agissent grace à la présence d’un anticorps capable de précipiter le fibrinogène et de lui enlever ainsi son aptitude à la coagulation. Comme nous le verrons dans le paragraphe suivant, linter- prétation de M. Camus repose sur un fait exact. Mais on peut, par une analyse détaillée, montrer que ces sérums empêchent la coagulation, bien plus parce qu'ils annihilent le fibrin- ferment que parce qu'ils modifient le fibrinogène. Aussi décrirons-nous immédiatement l'expérience destinée à montrer que le sérum de cobayes injectés préalablement de sérum ou de plasma de lapin, neutralise le fibrin-ferment contenu dans le sang ou le sérum frais de lapin. — Le principe de cette expérience est le suivant : Le plasma d'oie récemment préparé, incoagulable spontané- ment, se prend rapidement en caillot lorsqu'on l’additionne d’un sérum frais, tel que celui de lapin ou de cobaye. On démontre aisément que ces sérums perdent entièrement leur propriété !. Nous tenions à injecter aux animaux de la fibrine concrète. Nous espérions en effet, au début de nos recherches, que les cobayes, en s'habituant à résorber cette fibrine injectée, nous fourniraient un « sérum fibrinolytique », capable de dissoudre un caillot de fibrine de lapin. Cet espoir ne s'est nullement réalisé. Le sérum obtenu ne modifie pas un caillot fibrineux de lapin, même petit et très lâche, soit à la température ordinaire, soit après un long séjour à 37°. M. Camus a fait identiquement la même constatation pour des sérums obtenus par des moyens fort semblables; il n'a pu observer de fibrinolyse. 2. Comptes rendus de l'Académie des Sciences, 1901. 138 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. coagulante lorsqu'on les chauffe pendant 3/4 d'heure à 58°,5. Si l’on prépare un mélange de sérum non chauffé de lapin et de sérum de cobaye neuf, préalablement chauffé à 58°,5, et qu’on ajoute du plasma d’oie, ce dernier se coagule, grâce à la pré- sence du sérum non chauffé de lapin, que ce mélange renferme. On peut, d'autre part, préparer un second mélange, contenant ’ (el $ encore du sérum non chauffé de lapin neuf, mais qui, au lieu de sérum de cobaye neuf (chauffé au préalable à 58°,5), renferme du sérum (chauffé au préalable à 58°5,) de cobaye traité. Si ce dernier mélange est impuissant à faire coaguler le plasma d’oie — et c'est en effet ce qui arrive — on en conclut que le fibrin- ferment de lapin a été rendu inactif par le sérum de cobaye préparé. Ce dernier sérum contient done un anticorps du fibrin- ferment, anticorps qui résiste à la température de 58°,5°. — Pour que l'expérience soit décisive, il faut qu’elle comprenne divers essais de contrôle ; c’est pourquoi nous l’exposerons en détail : On saigne trois animaux : un cobaye neuf, un lapin neuf, un cobaye qui a été injecté antérieurement de sérum frais ou de plasma de lapin. Le len- main, les sérums obtenus sont débarrassés des globules par la centrifugation et sont ensuite partagés chacun en deux portions. dont l’une est gardée telle quelle, dont l’autre est chauffée pendant 3/4 d'heure à 580,5. Nous avons donc, de chacun des trois sérums, deux doses, dont l'une a conservé son fibrin- ferment, dont l’autre en a été dépouillée par le chauffage. On répartit ensuite ces sérums, seuls ou en mélange, dans plusieurs séries de tubes, de la ma- nière suivante : Série A. Elle comprend trois tubes : «) contient 1/10 de c. c. de sérum, non chauffé, de lapin neuf; b) 1/10 de c. c. de sérum, non chauffé, de cobaye neuf ; c) 4/10 de c. c. de sérum, non chauffé, de cobaye traite. | Série B. Elle comprend 3 tubes : a) contient 6/10 de c. c. de sérum, chauffé à 580,5, de lapin ; b) 6/10 de c. ec. de sérum, chauffé à 580,5, de cobaye neuf; c) 6/10 de c. c. de sérum, chauffé à 5805, de cobaye traité. Série CG. Elle consiste en trois tubes, contenant chacun, comme ceux de la série À, 4/10 de c. c. de chaque sérum, non chauffé. Mais on introduit ensuite dans chacun de ces tubes 6/10 de c. c. de sérum de cobaye neuf, chauffé au préalable à 580,5. Série D. Les trois tubes renferment aussi 1/10 de c. c. de chacun des sérums non chauffés. Mais, au lieu d’ajouter du sérum chauffé de cobaye neuf, on introduit 6/10 de c. c. de sérum, chauffé à 580,5, de cobaye traité. 1. Le fait que le chauffage à 55°-58° détruit le fibrin-ferment, est connu depuis longtemps (Hayem, Schmidt). 2. On sait que les antialexines et en général les antitoxines, résistent à des températures très notablement supérieures à 589,5. SÉRUMS ANTICOAGULANTS. 139 Série E. Les trois tubes contiennent encore 1/10 de c. c. de chacun des sérums non chauffés, En outre, ils renferment 6/10 de c. c.de sérum, chauffé à 5805, de lapin neuf. Lorsque la confection de ces tubes est terminée, on les additionne tous, au même moment, de 3/10 de c. c. de plasma d’oie, préparé depuis une ou deux heures, et on note l'instant où les coagulations se produisent. Les tubes de la série À vont nous faire apprécier l'énergie coagulante qu'une dose de 1/10 de c. c. de chacun des sérums non chauffés manifeste vis-à-vis du plasma d’oie. Les tubes de la série B doivent nous donner la certitude que, même employé à doses assez fortes (6/10 de c. c.), chacun des sérums a totalement perdu, par le chauffage à 580,5, le pouvoir de solidifier le plasma d’oie. Les séries C, D, E, nous indiqueront si les agents coagulants de chacun des trois sérums non chauffés, ou en d’autres termes, les trois fibrin-ferments employés, sont modifiés, dans leur énergie, par le contact préalable, soit avec les sérums neufs chauffés (cobaye, lapin), soit avec le sérum, également chauffé, provenant du cobaye traité. Voici les résultats que donne une semblable expérience, répétée à diverses reprises : Dans la série A, les plasmas se coagulent après un temps qui n’est pas absolument invariable, mais qui est toujours court (15 à 30 mi- nutes). Les trois sérums frais sont donc activement coagulants: en par- ticulier, le sérum de cobaye traité ne se distingue pas, comme activité, des sérums neufs de cobaye et de lapin. Ajoutons ici, incidemment, que divers sérums neufs, tels que ceux de chien, de mouton, se comportent d’une manière très analogue, Les proportions choisies dans l'expérience (une partie de sérum pour trois parties de plasma) sont naturellement tout à fait arbitraires. La coagulation se fait rapidement aussi avec les doses inverses (trois parties de sérum, une partie de plasma). Les tubes de la série B restent indéfiniment liquides. Le chauffage à 580,5 détruit donc entièrement le fibrin-ferment ‘. Ajoutons qu'il en est de même pour les sérums que nous avons essayés dans d’autres expériences, tels que les sérums de chier et de mouton. Série C. Les liquides contenus dans ces tubes coagulent quelques minutes après ceux de la série A. Par conséquent, les fibrin-ferments des sérums de cobaye neuf, cobaye traité, lapin neuf ne s'affaiblissent guère en se diluant dans 6/10 de c. c. de sérum chauffé de cobaye neuf. Série E. La coagulation apparait bientôt. Le sérum de lapin neuf, chauffé au préalable à 580,5, ne s'oppose done pas à l’action des fibrin-ferments. . Série D. Ici les divers mélanges se comportent très différemment. Le mélange de 1/10 de sérum non chauffé de lapin, de 6/10 de sérum chauffé de cobaye traité, et de plasma, reste indéfiniment liquide. Les deux autres tubes, qui contiennent, outre le plasma et le sérum chauffé de cobaye traité, l'un, 1/10 de c. c. de sérum non chauffé de cobaye neuf, l'autre 1/10 de c. c. 1. On s'assure, bien entendu, que le plasma employé, gardé sans mélange d'aucune sorte, reste liquide pendant les jours qui suivent l'expérience. 140 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. de sérum non chauffé de cobaye traité, se coagulent, mais avec un retard évident, néanmoins peu considérable (une heure et demie environ). Énumérons les conclusions qui découlent soit de cette expé- rience, soit d’autres expériences analogues, complémentaires de la première, et dans lesquelles on fait intervenir, non seule- ment les sérums neufs de cobaye et de lapin, mais aussi ceux de chien et de mouton : 1° Si l’on ajoute, à du sérum neuf, non chauffé, contenant par conséquent du fibrin-ferment, une dose même assez forte (six fois plus grande) d’un sérum neuf (provenant soit de la même espèce, soit d'une espèce différente), chauffé préalable- ment à 582,5, et dépourvu ainsi de tout pouvoir coagulant, l'activité du fibrin-ferment du sérum non chauffé ne subit pas d’affaiblissement notable. Les divers sérums neufs ne paraissent done pas posséder (au moins pour les doses, assez fortes du reste, mises en œuvre dans nos expériences) de substances antagonistes des fibrin-ferments de diverses espèces animales. 20) Le sérum de cobayes traités au préalable par trois ou quatre injections de 5 ce. ©. environ de sérum ou de plasma de lapin, neutralise le fibrin-ferment contenu dans le sérum de ce dernier animal. Néanmoins, pour enlever complètement, à une partie de sérum frais de lapin, sa propriété coagulante, il faut une quantité assez forte (six parties environ) de sérum actif de cobaye traité. Ce dernier, à dose de 3 parties seulement, affai- blit beaucoup le fibrin-ferment, sans l’añnihiler entièrement. L'action neutralisante est nettement spécifique, sans l'être néanmoins d'une manière absolue. Le sérum dont nous nous occupons, et qui, à dose convenable, neutralise complètement le fibrin-ferment du lapin, produit, à ces mêmes doses, un léger affaiblissement dans l’activité coagulante du sérum de cobaye. Chose assez curieuse, cet atfaiblissement léger s'observe encore quand on mélange, au sérum actif, chauffé préalable- ment à 58°,5, le sérum, non chauffé, du mème cobaye traité. — D'autre part, le sérum actif n’exerce qu’une influence plus minime encore sur le fibrin-ferment du chien, et parait ne mo- difier nullement celui du mouton. fl résulte de là que les fibrin- ferments provenant d’espèces animales différentes, tout en présentant des caractères fort semblables, ne sont pas complè- SÉRUMS ANTICOAGULANTS. 441 tement identiques. On s’en souvient, une conclusion toute pareille a été énoncée antérieurement (ces Annales, 1900) pour ce qui concerne les alexines. 3 Le sérum non chauffé de cobaye traité ne présente rien de particulier pour ce qui concerne son propre pouvoir coagu- lant vis-à-vis du plasma d’oie. [ne se distingue pas, à cet égard, du sérum de cobaye neuf. Puisque le sérum de cobaye traité s'oppose à l’action du fibrin-ferment de lapin, on doit prévoir que du sang ou du plasma de lapin, versé dans le sérum actif (préalablement chauffé à 58°,5) ne s’y coagule pas. C'est en effet ce qui arrive. Si l’on verse dans un tube contenant 1/2 c. c. de sérum aciif de cobaye, quelques gouttes de plasma de lapin (obtenu par le procédé à la parafline), le mélange reste indéfiniment liquide. Mais il se prend en caillot (avec un certain retard, nous revien- drons sur ce point ultérieurement) lorsqu on l’additionne d’une dose suffisante de sérum frais de lapin. Le fibrin-ferment, qu'on introduit ainsi en quantité suffisante pour que l’influence anta- goniste soit dépassée, produit son effet coagulant. Nous avons répété l’ensemble de ces expériences en nous servant cette fois de sérum actif provenantde lapins injectés au préalable de sérum de cobaye. Les résultats sont analogues. Ce sérum neutralise le fibrin-ferment de cobaye; il n’agit pas sur le fibrin-ferment de lapin. Si l’on verse, dans un tube contenant 7 c. e. de sérum de lapin neuf, (préalablement chauffé à 58°,5), 2 ce. c. de sang de cobaye qu'on vient de recueillir dans un tube paraffiné, le mélange coagule normalement au bout d'une demi-heure *. — Mais la coagulation n apparaît jamais si les 2 c. c. de sang de cobaye sont reçus dans 7 c. c. de sérum (préalablement chauffé) de lapin qui a été traité antérieurement par trois ou quatre injections de sérum de cobaye. Néanmoins le méiange coagule 1. Le chauffage à 58°,5 est donc nécessaire, dans ces expériences où le plasma d'oie intervient, pour qu'on puisse constater la propriété antagoniste que le sérum manifeste vis-à-vis du fibrin-ferment de lapin. C'est pour des raisons très analogues qu'il faut, pour étudier commodément les sérums antialexiques, les chauffer préalablement à 55°. 2. Ge temps de coagulation peut paraitre un peu long. Mais il faut tenir compte de ce que le sang est dilué dans un volume assez considérable de sérum que le chauffage a rendu inerte. 142 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. très bien lorsqu'on l'additionne d'un volume suffisant de sérum de cobaye neuf. Par conséquent, si le mélange primitif restait liquide, c'était gràce à la neutralisation, par une substance antagoniste, du fibrin-ferment contenu dans le sang de cobaye. * # *# SIT. — Action des sérums anticoagulants sur le fibrinogène. Lorsqu'on verse dans 1 ec. c. de sérum de cobaye neuf, frais et non chaufté, une certaine dose (2/10 de c. c. par exemple) de plasma de lapin (obtenu par le procédé à la paraffine), on constate que le mélange se coagule très rapidement. — La coagulation se fait encore normalement, mais avec notablement moins de rapidité, si les 2/10 de c. €. de plasma sont ajoutés à 4 c. c. de sérum de cobaye neuf, préalablement chauffé à 5895. Cette lenteur de la prise en caillot, dans le second cas, est due à ce que le plasma de lapin, avec le fibrin-ferment qu'il con- tient, s’est dilué dans un volume assez considérable de liquide inactif. Au contraire, lorsque le sérum neuf de cobaye n’a pas été chauffé, le plasma introduit subit l'influence de deux fibrin- ferments dont les effets s’additionnent, celui du plasma lui-même, celui que renferme le sérum frais de cobaye. En d’autres termes, le ferment de ce dernier sérum contribue puissamment à la coagulation rapide du plasma de lapin. Recevons maintenantun peu de plasmade lapin (2/10 de c. ce.) dans deux tubes, l’un qui contient ! ec. ec. de sérum, non chauffé, de cobaye traité par des injections de plasma de lapin ; l'autre, quirenferme 1 e.e. du même sérum, mais qui a été chauffé pendant 3/4 d'heure à 5805. Préparons encore deux tubes té- moins, semblables respectivement aux deux premiers, sauf qu'ils renferment, au lieu de sérum de cobaye traité, du sérum soit frais, soit préalablement chauffé, de cobaye neuf. Dans ces quatre tubes, 1es2/10 de c. e. de plasma sont introduits au même moment. La coagulation s'effectue très rapidement, au bout de 7 à 8 minutes, dans le tube contenant le sérum de cobaye neuf, non chauflé; elle apparait plus lentement, au bout de 3/4 d'heure environ, dans celui qui renferme le sérum neuf chauffé. Le mélange de plasma et de sérum chauffé de cobaye traité reste indéfiniment liquide. Ceci s'explique très bien, on l’a SÉRUMS ANTICOAGULANTS. 143 vu, par la neutralisation du fibrin-ferment propre au plasma. Quant au mélange de plasma et de sérum, frais et non chauffé, de cobaye traité, il reste très longtemps liquide; cepen- dant la coagulation fiait par s'y produire, partielle d’abord, plus complète ultérieurement. Après 2 à 4 heures, on trouve dans le tube un ou plusieurs grumeaux gélatineux, visqueux, baignant dans le liquide; plus tard, la coagulation s'étend davantage. On ne peut guère attribuer ce retard à l'absence de fibrin- ferment : en effet, le liquide renferme, sinon du ferment de lapin (celui-ci a été neutralisé), au moins du ferment de cobaye. Il faut donc admettre que le sérum actif est capable d’altérer le fibrinogène delapin et de diminuer son aptitude à lacoagulation. On constate, à ce point de vue, que le sérum de cobaye traité (surtout quand il n'a pas été chauffé) donne lieu, lorsqu'on y introduit du plasma de lapin, à un trouble qui bientôt se con- dense en flocons. Ce précipité représente très vraisemblablement du fibrinogène, car le sérum de cobaye traité, qui fait apparaître des flocons dans le plasma delapin, ne précipite pasle sérum de cet animal, ou tout au moins n’y fait naître qu’une opalescence très légère, à peine perceptible, qui ne se condense pas en flocons f. Néanmoins cette action sur le fibrinogène, que M. Camus a déjà constatée, n'a qu'une intensité minime etn'entre que pour une faible part dans le pouvoir anticoagulant total d’un sérum actif. Elle suffit à retarder la coagulation, mais non à l'empêcher, lorsque le liquide renferme du fibrin-fermentintact. Ceciest vrai mème quand le sérum actif est mêlé à une quantité faible de plasma. Par exemple, si l’on reçoit dans 6/10 de c. e. de sérum, non chauffé, de cobaye traité, 2 gouttes seulement de plasma de lapin, la coagulation est lente, reste longtemns partielle, mais finit néanmoins par devenir évidente. Corrélativement, un mé- lange, en doses comparables, de plasma et de sérum actif préala- blement chauffé (mélange qui, conservé sans addition ultérieure, reste indéfiniment liquide) se coagule, bien qu'avec un retard très net, lorsqu'on y ajoute une dose suffisante de sérum frais 1. Rappelons que le sérum de cobaye traité par le sang (ou ie sérum) de lapin, fait à cet égard exception à la règle générale, ainsi que l’un de nous l’a montré (ces Annales, 1899). Très généralement, en effet, le sérum d’un animal d’espèce À, injecté de sérum d'espèce B, précipite ce sérum B. Pour linfluence de la chaleur sur les propriétés précipitantes de pareils sérums, voir : « Le mécanisme de l’agglu- tination, ces Annales, 1899. 144 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. de lapin. De ce dernier fait, on conclut nécessairement que le sérum actif doit ses propriétés, en toute première ligne, à l’in- fluence qu'il exerce sur le fibrin-ferment du lapin. Ajoutons, pour terminer, que la propriété de modifier le fibri- nogène, constatable dans le sérum de cobayes injectés de plasma, nous à paru irès faible dans le sérum de cobayes qui avaient été traités, non par le plasma, mais par le sérum de lapin. CONCLUSIONS 1° Le plasma d'oiseau (oie, poule), très pauvre en fibrin-fer- ment, très peu coagulable spontanément, et dont la préparation, ainsi que l’a montré M. Delezenne, ne comporte pas grandes difficultés, peut servir commodément comme réactif du fibrin- ferment contenu dans les sérums de diverses espèces animales. 2° Le plasma de lapin, qu'on peut obtenir en se servant de tubes paraffinés. contient du fibrin-ferment. Danslacoagulation de ce plasma (ou du sang), un phénomène de contact, de nature pu- rement physique, intervient. Tandis que le plasma se conserve assez longtemps liquide dans un tube paraffiné, il se coagule rapidement, même en l'absence de cellules, au contact du verre. 3° Les animaux d’espèce A, injectés de plasma ou de sérum d'espèce différente B, fournissent un sérum qui neutralise le fibrin-ferment (du sang ou du sérum) de l’espèce B. En outre (surtout quandils’agit d'animaux injectés de plasma), ces sérums précipitent le plasma d'espèce B: ils en modifient le fibrinogène qui devient moins apte à la coagulation. C'est à l’action sur le fibrin-ferment que le sérum actif doit, pour la plus grande part, son pouvoir anticoagulant. 49 Celte action présente, sinon d'une manière absolue, au moins très nettement, le caractère de la spécificité. Il en résulte que les fibrin-ferments fournis par les diverses espèces animales, bien que doués de propriétés fort semblables (pouvant tous pro- voquer [a coagulation d’un même fibrinogène), ne sont pas com- plètement identiques, Cette conclusion rappelle celle qui a été émise antérieurement (ces Annales, 1900) au sujet des alexines. CONTRIBUTION R ÉTUDE DE LA FIÈVRE TVPHOIDE ET DE SON BACILLE TROISIÈME PARTIE * Procédé nouveau pour isoler le bacille typhique des eaux. Par L. REMY D: ès sciences et en médecine, Cheî des travaux à la section de bactériologie annexée au Laboratoire d'analvses de l'Etat, à Liège. Dans un précédent mémoire sur l’antagonisme entre les bacilles typhique et coli *, nous avons établi que ces deux orga- nismes peuvent vivre en commun sans que la multiplication du bacille typhique soit enrayée par la présence du coli. Cette notion nouvelle, en éclairant quelques points encore obscurs du rôle de l’eau dans la propagation de la fièvre typhoïde, rendra, espérons-le, un peu de vitalité à lanalyse bactério- logique des eaux, que domine encore la conception de l’écra- sement du bacille typhique par le bacille coli, D'autre part, les théories lyonnaises, en élevant le bacille coli à la hauteur d'agent typhogène, attribuèrent un rôle impor- tant à sa présence dans les eaux. Laruelle, Fränkel, Charrin, Chantemesse, Malvoz, Girode, etc., etc., en démontrèrent d’ail- leurs la virulence. Lorsque les recherches d’Elsner ‘ et Brieger * rétablirent la 1. Nos recherches ont été faites au laboratoire de la clinique médicale, pro- fesseur M. Masius, et à notre laboratoire. Qu'il nous soit donc permis de rcitérer à M, le professeur Masius l'hommage de nos sentiments de profonde reconnaissance pour la bienveillance avec laquelle il nous à ouvert les portes de son laboratoire. Nous renouvelons aussi à notre confrère et ami, M. le Dr Beco (chef des travaux au laboratoire de la clinique médicale), l'expression de nos vifs remerciements pour les nombreux services qu'il nous à rendus pendant l’élaboration de notre travail. 2, Ces Annales, lome XIV, n° 8 et 11, 1900. 5. Ces Annales, tome XIV, n° 11. 4. Centralbl. f. Bakt. und Paras, 1895. 5. Deutsche medic. Wachens, 1885, n° 5. 10 146 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. spéciicité du bacille d'Eberth, la réaction ne tarda pas à se produire, et il semble qu'à l’heure actuelle nous assistions à la réhabilitation du bacille coli, que l’on considère un peu trop comme une bactérie bénigne dont l’existence dans les eaux n’a pas d'importance. On ne recherche done plus que peu ou point le bacille typhique dans les eaux, puisqu'on admet qu'il y est écrasé par le bacille coli, ct on considère ce dernier comme un hôte peu dangereux dont la signification est nulle ou peu s’en faut. Il en résulte que nous ne possédons plus, comme base d'appréciation de la valeur bactériologique d’une eau, que le nombre des colonies, et que par conséquent nous nous rappro- chons insensiblement de l'enfance de l'analyse microbiologique des eaux, alors que celle-ci devrait être considérée comme l’auxiliaire le plus puissant de l'hygiène prophylactique de la fièvre typhoïde. La tolérance que les bactériologistes montrent à l'égard des eaux contenant le bacille coli peut avoir des conséquences désastreuses au point de vue de la propagation de la dothiénen- térie, car le bacille coli nous paraît être un réactif excellent nous révélant l'existence sinon probable, tout au moins possible du bacille d’Eberth dans les eaux d'alimentation. Il est certain, d’ailleurs, que‘celui-ci passe souvent inaperçu. En elfet, puisque le bacille typhique est bien l’agent de la fièvre typhoïde, pas de dothiénentérie sans le bacille d'Eberth, et alors celui-ci doit fataiement exister dans l’eau des puits qui donnent le typhus. Cependant Weeney', Wernicke et Busenius*’, Sedgwick , Gibert‘, Pottien ‘5, Robertson‘, van de Velde’ n’ont jamais retiré que le-bacille coli des eaux suspectes d’avoir donné la fièvre Lyphoïde. Une autre raison qui milite en faveur de l’existence du bacille typhique dansbeaucoup d’eaux est la constatation faite par 1. Démonstration ofthe typhique bacille in suspect water by Pariettis Methode, Centr. für Bakt. B., XVIII, 1895. 2. Ein Bcitrag zür Kenntnis des typhus épidemie, Centr, [. Bact., B. XIV, 1866. _ 3. Of recent épidemies of typh. fever in the cities of Towel and Lawrence, Centralb. f. Bañt., B. XNIII, 1895. 4. Les causes de la fièvre typhoïde au Havre, Ann. microgr., n°6, 1896. 5. Die Typhus épid. des Iahres 1897 in Gräfentonna, Centralbl. f. Bakt, XXIV zand, 1898. 6.-Some point in the étiology of typhoïd fever, The Lancet, avril 1898. 7. Valeur de l’agglutination dans le sero-diagnostic de Vidal et dans Pidenti- fication des bacilles éberthiformes, Centralb. f. Bakter., B. XXIIL, 1898, p. 481. ISOLEMENT DU BACILLE TYPHIQUE DES EAUX. 147 Chantemesse de l'apparition de la fièvre typhoïde dans les quar- tiers où a lieu momentanément le mélange d’eau de Seine à l’eau de la distribution. Le même fait a été observé pour Ham- bourg et Altona. Il est vrai que les partisans des théories lyon- naises attribuaient dans ce cas l’infection aux bacilles coli que les eaux dè rivière véhiculent en abondance, mais cette expli- cation est en opposition avec.les idées actuelles, qui n’acceptent plus la contagion en dehors de la présence de l’agent spécifique. Il faut done bien admettre que celui-ci existe dans les eaux qui donnent la dothiénentérie, mais que sa recherche est tellement difficile qu'il échappe aux analystes. D'autre part, nous devons bien reconnaitre que si les distri- butions d'eaux d'alimentation ont fait considérablement diminuer le nombre des cas de fièvre typhoïde, elles ne les ont pas com- plètement supprimés. Malvoz ‘ attribue les cas de dothiénentérie que l’on observe encore sporadiquement dans les villes abondamment pourvues d'eau potable à l’auto-infection par le coli intestinal qui, sous l'influence de causes inconnues, serait devenu agent typhogène. Sans prétendre vouloir expliquer tous ces cas sporadiques par l'ingestion d’eau contaminée, nous croyons cependant qu'il est plus logique de substituer aux circonstances imprécises et vagues, qui président à la transformation du bacille coli intestinal en bacille typhique, la notion nette et précise de la contagion par le germe spécifique qui, à certains moments, se trouverait dans l’eau d'alimentation que lon distribue aux habitants. Ce qui nous confirme dans cette opinion, c’est que nous avons retiré le bacille d'Eberth d’une eau d'alimentation qui depuis plusieurs années avait toujours été reconnue pure à l’analyse bactério- logique. Jamais le bacille coli n'y avait été rencontré. La pré- sence du bacille typhique coïncidait avec l'augmentation du nombre général des colonies et avec la présence du bacille coli. Les considérations qui précèdent sont de nature à emporter la conviction que le bacille typhique doit fréquemment exister dans les eaux en compagnie des bactéries saprophytes et surtout du bacille coli qui peuplent habituellement celles-cr,. Comment donc alors peut-on l'isoler dans ce cas? Plusieurs procédés ont été signalés dans ce but. Tous sont 4. Mémoires cour. el autres de l'Ac. roy. de méde, de Belg., p. 81. 148 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. basés sur la notion de l’écrasement du bacille typhique par les bactéries saprophytes. Leurs auteurs se sont ingéniés à trouver une méthode permettant au contraire d'étoutfer ces dernières, tout en laissant [e bacille typhique se développer librement. Pour satisfaire à ces deux conditions, Rodet et Roux ‘ se sont adressés à la chaleur (température 45°,5), Vincent‘ à l’action combinée de l'acide phénique et de la chaleur (température 42°), Péré! à l'acide phénique 1/1000 (température 32° à 36°), Parietti ‘ à l’action commune de l'acide phénique 0,5 à 4,5/000 et de l'acide chlorydrique 0,4 à 1,25/000. Ces procédés peuvent donner des résultats heureux quand les bacilles typhiques sont très vigoureux; les expériences sur lesquelles se sont appuyés leurs auteurs pour les combiner ont d’ailleurs été instituées avec des organismes de laboratoire qui d'habitude sont doués d'une vitalité particulière, et par con- séquent d’une résistance exceptionnelle vis-à-vis des causes entravant leur développement. Les bacilles typhiques des eaux, au contraire, sont adaptés à des conditions d'existence autres que celles où nous les forçons à vivre dans nos laboratoires, ils sont habitués à une température peu élevée: il en résulte que pour eux, une température de 37° peut être dysgénésique. C'est ainsi que le bacille typhique de la selle 20, après avoir vécu quelque:temps à la température de la chambre (25-302), ne culti- vait plus bien à la température de 37°, mais troublait abondam- ment le bouillon entre 25° et 30°. Cette constatation nous permet de suspecter la valeur des procédés que nous venons d’énu- mérer. Ï importait donc de rechercher si on pouvait leur substituer une méthode mieux en rapport avec les données que nous avons acquises au cours de nos études antérieures sur le bacille typhique. Dans ce but, nous avons fait vivre en mélange le baeille typhique de Liége et le bacille coli Gand, que nous avons choisis parce qu'ils ne perdent pas leurs propriétés spécifiques, et que par conséquent il est toujours aisé de les distinguer, alors même qu'ils sont affaiblis par la vie commune. Nous avons opéré comme suit : Le 2 avril, à 10 c. ce. de bouillon peptonisé, nous avons 4. Précis d'analyse microbiologique des eaux, par le D' G. Roux, page 213. ISOLEMENT DU BACILLE TYPHIQUE DES EAUX. 149 ajouté une anse’ d’une culture de bacille typhique Liége en bouillon, âgée de 24 heures, et la même anse d’une culture de B. coli dans les mêmes conditions. Le mélange a été placé à la température de 25°-30°. Une série d’ensemencements nous à permis d’élucider les deux points suivants, qui sont d’une impor- tance capitale au point de vue pratique de la recherche du bacille typhique dans les eaux : 1° Dans des conditions différentes de vigueur et d'affsiblisse ment, le bacille typhique se multiplie-t-il en présence du bacille coli ? | 2° Quand les organismes sont affaiblis, quelle est l'influence sur leur développement (plaques de gélatine) et sur l’enrichis- sement des cultures en bacilles typhiques, d’un passage : a) En bouillon phéniqué 1/1000, température 25-30. (Procédé Péré); = b) En bouillon phéniqué 0,5/1000, acide H2S0: 0,5/1000, température 25-30°. Avant de résumer les résultats de nos expériences, nous eroyons utile de donner quelques renseignements qui nous per- mettront d’être plus bref dans l'exposé que nous allons en faire 1° Nous avons distingué les organismes typhique ou coli du mélange par leurs propriétés spécifiques : agglutination, indol, gaz en gélatine lactosée ; 2° Lors de chaque ensemencement, nous avons compté les colonies typhiques et coliennes apparues sur plaques; il est évident que les nombres que nous donnons ne sont qu'approxi- matifs; au lieu de repiquer chaque fois la totalité des colonies de la plaque et de les déterminer ensuite, nous nous sômmes contenté d’en étudier 10 de chacune des deux variétés, ét nous en avons conclu à l'identité des organismes constituant les autres colonies de la même variété ; 3 L’ensemencement du mélange a toujours été HAE comme suit : je Dilution : une anse du mélange dans 10 €. €. Fat stéri- lisée ; D SE 2e Dilution, une anse de la 1'° dilution dans 10 ce. ©. d’eau stérilisée. AE 1. Nous avons employé une anse double afin que nos résultats fussent conipa- rables autant que possible. : bts A7 150 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. De cette seconde dilution, 2 anses ont été ensemencées dans la gélatine différentielle habituelle, c’est-à-dire contenant 0,25/1000 d’acide phénique : c’est la plaque IT. 3 anses ont été introduites dans la gélatine différentielle contenant 0,5/1000 d'acide phénique : c’est la plaque IIT. Résultats. — Les résultats obtenus pendant les 10 premiers jours de la vie commune ne présentent guère d'intérêt au point de vue de la question qui nous occupe particulièrement, parce que pendant cette période de temps, les organismes ayant con- scrvé leur énergie vitale, nous nous trouvions dans les conditions où s'étaient placés Rodet et Roux. Vincent, Parietti, Péré pour combiner leur procédé d'isolement du bacille typhique. Nous les consignons dans le tableau suivant : HET IL © 0.25 5 0/00 ac. an Plaque IL 0,5 D 0/00 2 ac: : phén Nombre Nombre Nombre Nombre : de l'ensemencement de colonies [de colonies! de colonies |de oo El coliennes. typhiques coliennes. typhiques. DAV DLL SET Eee LES à 17 15 95 20 LENTILLE RU re és 70 .60 100 90 GAVriITe Reese Cette première série d'expériences nous permet de tirer les conclusions suivantes: 1° Le bacille typhique vigoureux peut se multiplier "abon- damment en présence du bacille coli. Le nombre des colonies augmente en effet jusqu'au 10° jour à partir de la préparation du mélange. Dès le 11° jour la quantité des colonies diminue con- sidérablement pour chacun des deux organismes : toutefois la diminution frappe plus fortement le QUE typhique que le bacille coli; 2° Les colonies typhiques apparaissent sur plaques le 2° ou le 3° jour qui suit l’ensemencement; 30 L’acide phénique à la dose de 0,5 au lieu de 0,25/1000, ISOLEMENT DU BACILLE TYPHIQUE DES EAUX. 151 dans la gélatine différentielle, retarde l’apparition des colonies typhiques. Puisque à partir du 10° jour de la vie commune, le bacille d'Eberth commençait à s’affaiblir, nous nous trouvions dans de bonnes conditions pour étudier comment il se comportait alors vis-à-vis des antiseptiques, et pour rechercher s'il existe un procédé permettant d'enrichir une culture en bacille d’'Eberth aux dépens du bacille coli. Afin d'arriver à la solution de ces deux questions, nous avons pratiqué une nouvelle série d’ensemencements comme suit : LL. — PROCÉDÉ DIRECT. Ensemencement direct dans la gélatine différentielle. Plaque IE, 0,25/1000 d'acide phénique *. Plaque IF, 0,5/1000 d’acide phénique ?. IL. — PROCÉDÉS INDIRECTS, A.) Procédé Péré. — 1° Passage. 1 anse du tube de mélange dans 10 ec. c. de bouillon neutre phéniqué 1/1000. 2° Passage. Après 24 heures de séjour à la température de 25-30°, 1 anse du 1% passage dans 10 c. c. bouillon neutre phé- niqué 14/1000. 3° Passage. Dans les mèmes conditions que le second. B.) Procédés Remy. — Les 3 passages ont été effectués dans du bouillon acide, 0,5/1000 d'HSO"', phéniqué 0,5/1000 acide carbolique, et les tubes placés à la température de 25-30. Après chacun des passages des procédés Péré ou Remy, des plaques de gélatine différentielle ont été faites comme pour le procédé direct. Nous groupons dans le tableau suivant les expériences qui présentent le plus d'intérêt au point de vue de la question qui nous occupe actuellement. Avant de résumer les résultats que nous avons obtenus, nous croyons utile d'attirer l'attention sur certains points impor- tants qui faciliteront l'interprétation de ce tableau : - 1° Les chiffres qui y sont inscrits n'ont qu'une valeur rela- live, car le nombre d’anses a varié lors de chaque ensemence- ment ; 1-2, Pour les dilutions, voir ensemencements, [à VI. ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. 152 ‘sosue Cp| ‘IPUI 9% ‘sosue Q}| ‘leLu $F ‘sosue ÿ | *[HAP /3 09 09 l | 16 : LE ‘JHAR ST | sanbrqd43 | seuueroo | senbiqd43 | seuuarçoo |[|senbiqd{}| souuorçoo | senbrqd43 | souueroo | sonbrqdA} | ssuuarçoo senbryd A} | sauuatto9 quon SR RS RL RE = 2 |— TT — EE S1U0109 9P 91QTUON | S8IU0[09 2P 9IQUON || SLU0109 8p SIQUION | SOLUOTO9 9P 9IQUON || S8IU0[09 8p SIAUON | SAIUOTO9 9p 21QUON 9194 2p90014 mod no UOLINIIP o1} anod sa2A9ç91d sasue,p 9 ‘III enberd 11 enbeld - ‘]I] onberq ‘II enberq ‘III enberdq ‘IX onberq "JAOWeQUIUISUS,| 2P RS —, … ee D URLS ——— ANG HAHPOYHd HHHd HAHIOHd LOAAIG HAHIOHd \ AY NO 91: ISOLEMENT DU BACILLE TYPHIQUE DES EAUX. 53 2) Pour établir la comparaison entre les résultats fournis par les ensemencements direct et indirect, il faut se rappeler que nous avons opéré comme suil : Procédé direct. — 4" dilution 1, #, 10 ou 15 anses du tube de mélange dans 10 ec. e. d’eau stérilisée : 2° dilution, 4 anse de la {re dilution dans 10 ce. e. d’eau stérilisée : plaques IT et IT respec- tivement avec 2 et 3 anses de la 2° dilution, ainsi que 0,25 et 0,5/1000 d’acide phénique. Procédés indireets. — 1"° dilution 1, #, 10 ou 15 anses du tube de mélange dans 10 ec. ec. de bouillon Péré ou Remy. 1° pas- sage. 2e dilution, après 24 heures de séjour à la température de 25-30, 1 anse de 1" dilution dans 10 €. ce, eau stérilisée. 3 dilution, 4 anse de la 2° dilution dans 10 c. e. d’eau slérilisée. Plaques II et ILE, respectivement 2 et 3 anses de la 3° dilution. Pour les procédés indirects, il y a donc une dilution en plus. Si nous tenons compte que 1 €. e. contient à peu près 30 anses, les 10 c. e. de la 3e dilution en renferment 300, Nous devons donc multiplier approximativement par 300 les nombres obtenus par les ensemencements indirects, pour les comparer à ceux que fournit l’ensemencement direct. Nous pouvons maintenant résumer rapidement les constata tions que nous avons faites au cours de ces expériences : 1° Il n’existe aucun procédé permettant l'enrichissement d'une culture en bacilles typhiques aux dépens du bacille coh. Au contraire les différentes méthodes favorisent d'autant plus la prédominance du bacille coli que le nombre de passages en milieux phéniqués est plus considérable : c’est pour ce motif que les résultats fournis par les 2° et 3° passages des procédés Péré et Remy ne figurent pas au tableau précédent ; 2 Qu'il s'agisse d’ensemencement direct ou indirect, les colonies de bacille d’Eberth apparaissent d’autant plus tardive- ment sur plaques que les organismes sont plus affaiblis ; c’est ainsi que le 17 mai elles ne sont guère distinctes que le 7° jour après l’ensemencement, tandis que le 18 avril, on pouvait les reconnaître 3 jours après la préparation des plaques: 3° Le bouillon phénolisé à 1/1000 (Péré) entrave la multi- plication du bacille d'Eberth affaibli après #6 jours de vie com- 15% ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR, mune (18 mai), toutefois il ralentit considérablement aussi celle du bacille ie 49 Le bouillon additionné de 0,5/1000 des acides phénique et sulfurique ralentit la multiplication du bacille d’Eberth affaibli par la vie en commun avec le bacille coli, mais il ne l’'enraye pas même après 46 jours d'existence dans le mélange; 5° Lorsque les bacilles typhiques sont affaiblis, la gélatine différentielle contenant 0,5 au lieu de 0,25/1000 d'acide phénique empêche le développement des bacilles d'Eberth qui ont subi un passage dans les bouillons Péré ou Remy. Les résultats qui précèdent nous autorisent à poser les deux conclusions suivantes : 1° L’ensemencement direct est ne à l’ensemence- ment indirect pour isoler le bacille typhique en présence du bacille coli : il lui est surtout supérieur lorsque les organismes sont affaiblis ; 2° Des différents procédés indirects, c’est celui que nous avons signalé qui convient le mieux, pour isoler le bacille typhique en présence. du bacille coli, tant lorsque les organismes sont vigoureux que lorsqu'ils sont affaiblis. | La méthode que nous avons combinée permettant la multi- plication du bacille typhique en présence du bacille coli, il importait, avant de la recommander à l'attention des bactério- logistes, de nous assurer si elle enrayait la prolifération des organismes liquéfiants qui sont représentés par un grand nom- bre d'espèces dans la flore habituelle des eaux, et qui souvent compliquent singulièrement la question de l'isolement du bacille typhique. Nous avons entrepris de nombreuses expériences dans ce but : nous ne les exposerons pas en détail, parce que nous craindrions d’abuser de la bienveillante hospitalité qu'ont bien voulu nous accorder les Annales. La description du procédé opératoire serait également superflue, puisqu'en opérant toujours dans les mêmes conditions nous avons obtenu des résultats qui ne concordaient pas entre eux. Le contraire nous aurait d’ailleurs étonné; on sait en effet, à l'heure actuelle, que l’action d’un même antiseptique varie avec l'espèce microbicnne, et que pour une même espèce elle dépend du nombre de ses représentants, de leur énergie vitale, du ISOLEMENT DU BACILLE TYPHIQUE LES EAUX. 155 milieu où ils ont vécu et peut-être aussi des variétés de cette espèce, Ce sont là autant d'éléments inconnus de l'analyste au moment où il pratique l'expertise de l'échantillon d’eau qui lui a été adressé, On conçoit donc aisément que l'élimination des bactéries liquéfiantes est un but vers lequel le bactériologiste doit diriger ses efforts sans jamais pouvoir l’atteindre. Cestdire que nos expériences ne nous permettent pas de poser des con- clusions formelles : toutefois elles nous autorisent à tirer cer- tains enseignements, qui ont une importance capitale au point de vue de l'isolement du bacille typhique dans les eaux : 19 La gélatine différentielle, additionnée de 0,25 et surtout de 0,50/1000 d'acide phénique, retarde considérablement l’ap- parition des colonies liquéfiantes ; 20 Un passage en bouillon phéniqué 0,5/1000, acide 0,5/1000 H:SO:, exposé à la température de 25-30° pendant 22-24 heures, suffit pour enrayer le développement de la plupart des germes liquéfiants. Toutefois, ceux-ci ne sont pas tués, car si l’on pra- tique un second passage dans les mêmes conditions, les colonies liquéfiantes reparaissent plus nombreuses que sur les plaques de gélatine ensemencées directement avec l’échantillon. D’ail- leurs, sur les plaques de gélatine faites après le 1° passage, il n'est pas rare de repiquer des colonies non liquéfiantes qui, ensemencées par piqüre dans des tubes de gélatine, liquéfient alors celle-ci; 3° Si l’on augmente les doses d'acides phénique ou sulfurique, on parvient à se débarrasser complètement des microbes liquéfiants; mais alors on se trouve généralement en présence d'une culture pure de bacille coli. Les considérations qui précèdent nous ont permis de combiner un procédé d'isolement du bacille typhique en présence des bactéries nombreuses qui souillent habituellement les eaux. Nous le décrirons ici sommairement, afin de pouvoir résumer ensuite succinctement les applications que nous en avons faites pour. la recherche du bacille d’Éberth dans les eaux. Avec l’eau à analyser nous pratiquons deux ensemencements distincts en gélatine différentielle ! : d’abord un ensemencement direct, ensuite un ensemencement indirect. 1. D'habitude nous praliquons aussi un ensemencement direct en gélatine ordinaire. . 156 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. A. Ensemencement direct. — A un tube de gélatine différen- tielle habituelle, c’est-à-dire acide (0,5/1000 H?S0'), lactosée (3/100), phéniquée (0,25/1000), nous ajoutons 1/20, 1/10, 1/2 c.c. d’eau suivant l’origine de celle-ci; c’est la plaque E. La plaque IT s’obtient avec la même gélatine, mais contenant 0,5/1000 d'acide phénique; en outre elle reçoit 1/10, 2/10, 1 c. €. d’eau suivant l'origine de celle-ci. Parfois nous faisons plus de deux plaques, mais toujours les dilutions les plus fortes sont placées dans les tubes de gélatine qui contiennent e doses les plus faibles d'acide phénique. Puisque l’ensemencement direct donne de meilleurs résultats que l’ensemencement indirect, il serait utile de pouvoir opérer avec des plaques plus grandes que celles dont on se sert d’ha- bitude, et de prélever non pas 10 €. c. de gélatine, mais bien 25 ou 50 c. c. auxquels on incorporerait alors 2-5 c. ec. ou même davantage de l’eau à analyser. B. Ensemencement indirect. —- 10, 20, 50 ce. c., suivant Pori- gine de l’eau à analyser, sont introduits dans un matras conte- nant du bouillon acidifié par H?S0° et phéniqué, de telle sorte que le mélange de bouillon et d’eau renferme 0,5/1000 des acides sulfurique et carbolique. Après un séjour de 22-24 heures à la température de 25-30°, on fait des plaques de gélatine différen- lielle additionnée de 0,25 et 0,50/1000 d’acide phéniqué, avec des dilutions variables suivant le trouble du mélange. Les tubes de gélatine les moins phéniqués reçoivent les dilutions les plus fortes. Les plaques sont alors abandonnées à la température de 20°. Avant d'aborder l’étude des colonies apparues sur celles-ci, rappelons que l'ensemencementdirect est préférable aux procédés indirects pour l'isolement du bacille typhique, et que, pour cha- cune des deux méthodes directe ou indirecte, c’est la plaque contenant 0,25/000 d'acide phénique qui nous permet d'atteindre le plus aisément le but. Dès le 2°-3° jour, on passe à l'examen’ des colonies. On marque au crayon bleu celles qui sont profondes?, bleutées ou blanc bleuté. C’est parmi celles-ci que l’on trouvera les baailles typhiques authentiques, les bacilles d'Éberth non agglutinés, les 1. Voir ces Annales, 25 août 1900, p. 563. 2. Le bacille typhique ne donne qu ’exceptionnellement des colonies étalées quand il se trouve en présence du bacille coli. Ces Annales, page 567. ISOLEMENT DU BACILLE TYPHIQUE DES EAUX. 157 bacilles coli affaiblis et d’autres organismes de confusion. S'il y à peu de ces colonies, elles seront repiquées ‘ en bouillon préala- blement chauffé à la température de 35-37, afin d'obtenir rapi- dement la liquéfaction du cube de gélatine transporté avec la colonie. Après agitation, ces tubes de bouillon seront placés à la température de 25-30°. S'il y a beaucoup de colonies, l’observation des modifications qu'elles subissent en vieillissant permet d’en écarter un certain nombre, Les colonies éberthiennes peuvent augmenter de volume, mais elles conservent leur aspect. Parmi les colonies bleutées, les unes prennent rapidement une teinte brunâtre (coli attaquant la lactose), les autres gardent leur aspect bleuté (coli privés de leurs propriétés). Ces quelques points de repère sont suffisants peur permettre aux bactériologistes qui s'occupent d'analyses d'eaux de s'orienter dans la recherche du bacille typhique, Il est d'ailleurs impossible de prévoir les différents aspects que peuvent présenter les colonies des nombreuses espèces qui peuplent habituellement les eaux, puisque ces aspects varient probable- ment, comme c’est le cas pour les bacilles typhique et coli, avec l'énergie vitale et l’origine des bactéries aquatiles. Une descrip- üon plus étendue serait donc quand même encore schématique, et, fût-elle parfaite, elle ne donnerait encore, comparativement à l'observation personnelle que chacun peut en faire, qu’une idée bien incomplète de la différence qui existe entre les diffé- rentes espèces de colonies. Disons, d’ailleurs, que la distinction des colonies lyphiques, non seulement d’avec les colonies coliennes, mais encore d'avec les colonies d’autres bactéries qui constituent la flore habituelle des eaux, est parfois difficile sinon impossible, et que, dans bien des cas, on ne parvient à tourner celte difficulté qu’en repiquant un grand nombre de colonies *. Enfin l'isolement du bacille typhique est parfois encore rendu plus difficultueux par l'apparition tardive de ses colonies. Les cubes de gélatine contenant chacun une colonie sont déposés dans des tubes de bouillon portés à la température de 33-37°; dès qu'ils sont liquéfiés, on agite le tube et on le 1. Voir ces Annales, page 565. 2, Dans aucun autre cas, cependant, nous n'avons dù repiquer plus d'une trentaine de colonies pour atteindre le but. 158 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. place à la température de 25-30°. Les organismes qui s’y déve- loppent sont différenciés à l’aide des procédés que, dans les laboratoires, on emploie habituellement dans ce but’. Nous altirons particulièrement l'attention sur le fait que les bacilles typhiques des eaux donnent parfois un voile dans les cultures en tube de bouillon. APPLICATIONS DU PROCÉDÉ A LA RECHERCHE DU BACILLE TYPHIQUE DANS LES EAUX Le procédé que nous venons de résumér succinctement a permis de rechercher la solution des deux questions suivantes, que nous ont inspirées les résultats obtenus dans notre étude sur l’antagonisme entre le bacille typhique et le bacille coli? : 1° Dans les conditions naturelles de leur existence, le bacille typhiqueetle bacille coli peuvent-ils vivre côte à côte, etcoexistent- ils fréquemment dans les puits ayant donné la fièvre typhoïde ? 2° Les bacilles typhique et coli, que la vie commune a privés de leurs propriétés, sont-ils des productions artificielles de laboratoire ou peut-on les rencontrer dans la nature ? Avant d'exposer nos recherches personnelles, résumons rapidement ce que la littérature nous apprend sur ce sujet : Le bacille d'Éberth, avec ses caractères distinctifs. a été isolé de l’eau par Remlinger et Schneider’, Kübler et Neufeld’, Nicolle et Spillmann. à Remlinger et Schneider, Nicolle et Spillmann ont isolé en même temps que le bacille typhique, dans les puits ayant donné la fièvre typhoïde, un bacille semblable à ce dernier, mais n’étant pas agglutiné par le sérum antityphique expérimental. De l’eau d’un puits ayant donné la dothiénentérie, Kister® également a retiré un bacille ressemblant au bacille typhique, mais qui n'était pas agglutiné. 1. Voir aussi à ce sujet ces Annales, 25 novembre 1900, page 722. 9. Ces Annales, 25 novembre 1900. 3. Contribution à l’étude du bacille typhique. Ces Annales, 1897. 4. Uber ein Befund von typhusbacil. im Brunnenwasser, Zeit. f. Hyq., B. 31, 1° I. ». Sui quelques eas de fièvre typhoïde d’origine nee certaine, Comptes rendus de la Société de biologie, xe série, tome VI, 1889. p. 154. 6. Typhusänhl. Bacil. aus -typhus ve rdach. Brunne nwasser, Gentralb. f. Baker NMIE ISOLEMENT DU BACILLE TYPHIQUE DES EAUX. 159 D'autre part, Gilbert et Lion ‘ ont retiré des selles un bacille coli peu mobile ne donnant ni gaz ni indol, Les résuitats auxquels nous ont conduit nos expériences sur l’antagonisme entre les bacilles typhique et coli sont donc confirmées par des travaux, rares il est vrai, dont fait mention la littérature. Nous pourrons ainsi résumer brièvement nos recherches, puisqu'elles appuient les observations faites par les auteurs que nous venons de citer. RECHERCHE DU BACILLE D'ÉBERTH DANS LES EAUX DE RIVIÈRES Après quelques tentatives infructueuses, nous sommes par- venus à retirer de l’eau de la Meuse et de la Vesdre : 1° Un bacille typhique authentique, agglatiné à 1/60,000 par le sérum antityphique expérimental; 2° Un bacille présentant les caractères culturaux et morpho- logiques du bacille d’Éberth, mais qui n’était que très faiblement agglutiné par le sérum antityphique expérimental. L'injection de ce bacille au cobaye nous a fourni un sérum agglutinant à 1/120 le bacille typhique de Liége. Ce bacille est donc un bacille typhique authentique ; 3 Plusieurs bacilles mobiles présentant les caractères du bacille d’Éberth, mais qui étaient absolument insensibles aux agglutinines du sérum antityphique expérimental. Tous ces bacilles ont été injectés aux cobayes. Un seul d’entre eux a provoqué dans le sérum l’apparition de propriétés agglutinantes vis-à-vis du bacille typhique de Liége, qui était agglutiné à 1/40. Nous l'avons rangé dans le groupe des typhiques. Les autres bacilles injectés ont laissé le sérum des cobayes absolument inactif vis-à-vis du bacille typhique de Liége. Nous les avons classés dans la catégorie des organismes indéterminables par les procédés pratiques et rapides dont on dispose actuellement dans les laboratoires. RECHERCHE DU BACILLE D'ÉBERTH DANS LES EAUX D’ALIMENTATION Les organismes indéterminables se rencontrent assez fré- quemment dans les eaux de boisson. 1. Contribution à l'étude des bactéries intestinales. Comptes rendus de la Société de biologie, t. X, 1893. 160 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Dans les eaux qui avaient donné la fièvre typhoïde, nous retrouvons parfois le bacille typhique authentique, parfois aussi nous ne sommes pas parvenu (2 fois sur 6 cas) à en isoler un organisme que nous puissions légitimement considérer comme bacille d'Éberth. Les résultats auxquels nous à conduit la recherche du bacille d'Éberth dans les eaux confirment les faits que nous avons établis dans notre étude sur l’antagonisme entre le bacille typhique et le bacille coli"; ils montrent : 49 Que les bacilles d’'Éberth, privés de leur sensibilité vis- à-vis des agglutinines, ne sont pas des productions artificielles de laboratoire, mais qu’on peut les rencontrer dans les conditions habituelles de leur existence ; 2 Que le meilleur moyen de déterminer la nature typhique d'un organisme possédant les caractères morphologiques et culturaux du bacille d'Éberth est l'injection au cobaye?. Cette opération est inutile si cet organisme est agglutiné à un titre élevé par le sérum antityphique expérimental. 4. Ces Annales, tome XIV, n° 11, 1900. 2. Ge procédé de diagnose a été proposé au Congrès tenu à Paris en 1900, par Fodor (Presse médicale, Le septembre 1900), mais nos recherches sont antérieures à celte date; nos trois mémoires réunis ont, en effet, été envoyés au concours pour la collation des bourses de voyage de Belgique, en mai 1900. RECHERCHES SUR LA VACCINE EXPERIMENTALE PAR LE D' A. CALMETTE, ET C. GUERIN, Directeur de l'Institut Pasteur de Lille Médecin vétérinaire, Chef de laboratoire à l'Institut Pasteur de Lille. La réceptivité du lapin pour la vaccine a été signalée dès 1889 par Gailleton. Bard et Leclerc montrèrent ensuite (Gazette hebdomadaire de Médecine et de Chirurgie, 1891, p. 81) que cet animal peut parfaitement être employé comme vaccinifère, et que la lymphe qu'il fournit, inoculée à la génisse, et de celle-ci à l'enfant, reproduit l’éruption vaccinale avec tous ses carac- tères, Ces savants obtenaient leurs pustules chez Le lapin en sca- rifiant la peau du dos préalablement rasée. Nous avons repris leurs expériences dans le but de recher- cher s’il ne serait pas possible de contrôler avec précision la virulence des vaccins de diverses origines et d’âges différents en utilisant le lapin. Nous avons été conduits en même temps à étudier l’évolution de la vaccine chez cet animal et à entre- prendre des essais multiples de culture in vivo de l'agent virulent encore inconnu du vaccin, Ces essais ne nous ont donné jusqu’à présent que des résultats négatifs, disons-le tout de suite: mais ils nous ont permis de constater certains faits intéressants que nous croyons ulile de publier, [ ÉVOLUTION DE L ÉRUPTION VACCINALE CHEZ LE LAPIN Lorsqu'on pratique l’inoculation vaccinale chez le lapin au moyen de scarifications superficielles intéressant plus où moins profondément le derme, on obtient rarement des pustules ombi- liquées caractéristiques. Le plus souvent on observe, le troisième et le quatrième jour, la formation d’une zone rouge autour de la strie, presque sans gonflement des tissus sous-jacents, et cette 11 162 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR zone ne tarde pas à se couvrir d’une croûte sèche qui tombe vers le septième jour. Il semble qu’on ait affaire à des pustules avortées, comme on en observe chez les génisses après l’inocu- lation de vaccin dégénéré. Il est extrêmement rare qu’on obtienne ainsi des boutons franchement ombiliqués, et, lorsqu'on inocule le même vaccin à plusieurs lapins, on trouve que la réceptivité de ces animaux sttrès variable. Bsaucoup d’entre eux ne donnent pas la moindre ruption. Nous avons d’abord pensé que, si l’évolution vaccinale pré- sentait tant de variabilité chez le lapin, 1l fallait peut-être en chercher la raison dans la difficulté d’immobiliser ces animaux et de les empêcher de souiller Le champ opératoire. Nous avons recouvert celui-ci avec des pansements ouatés et du collodion, et nous avons placé nos animaux à l'obscurité, à des tempéra- tures différentes. Nous avons constaté ainsi que l’éruption se faisait le mieux chez les lapins dont le champ vaccinal était à découvert, et que nous maintenions à une température moyenne de 18 à 20°. L’obscurité n’avait aucune influence sur l'évolution des pustules. Le mode d'insertion en avait bien davantage : toutes les fois que le derme était entamé un peu profondement pendant la scarification et qu'il y avait effusion de sang même légère, non seulement l'insertion vaccinale faite à cet endroit ne pro- duisait aucune pustule, mais il ne s'en produisait pas non plus sur le reste du champ. Au contraire, si nous nous contentions de badigeonner avec de la pulpe vaccinale la peau fraichement rasée, sans faire d’autres lésions épidermiques que celles très superlicielles que produit le feu du rasoir, nous obtenions, avec une régularité parfaite, des éruptions confluentes tout à fait caractéristiques. Après 48 heures, on observe en pareil cas une corgestion intense du derme, dont la coloration rouge vif tranche sur les parties voisines restées blanches. Cette réaction locale est sur tout apparente chez les animaux de couleur claire ou albinos. Le troisième jour, l’éruption est à maturité complète. La plupart des pustules s’ombiliquent nettement, surtout sur les bords des plaques rouges. D’autres commencent à se couvrir de croûtes jaunâtres. RECHERCHES SUR LA VACCINE EXPÉRIMENTALE. 163 Les jours suivants, la dessiccation s'achève. Les croûtes tombent du onzième au douzième jour, les cicatrices blanches et ombil'quées restent apparentes pendant longtemps. _ Toutes les fois qu’on effectue ainsi l'insertion vaccinale chez le lapin sans produire de lésions profondes du derme, on obtient des résultats excellents. Ce mode opératoire est donc celui que l’on devra toujours adopter. La pulpe vaccinale recueillie le quatrième ou le cinquième jour avec une curette à bord tranchant est assez abondante et très active. On peut l'utiliser soit pour vacciner des enfants, soit pour reporter sur des génisses, soit pour inoculer de nou- veaux lapins. Le vaccin qui donne une éruption satisfaisante chez le lapin ne s’atténue pas ensuite par passages successifs de lapin à lapin. Il peut être réinoculé avec plein succès, après huit ou dix passages par le lapin, sur la génisse ou sur l'enfant. L’éruption vaccinale chez la génisse et chez l’enfant conserve les mêmes caractères. Toutes les fois que nous avons vacciné des lapins en suivant la technique que nous venons de décrire, avec des vaccins de génisse dont la virulence a été vérifiée par l’inoculation positive chez l’enfant, nous avons obtenu des éruptions très régulières. Lorsque au contraire, chez la génisse et chez l'enfant, le vaccin ne donnait que des pustules médiocres, il ne prenait pas chez le lapin. : Le lapin est done moins réceptif que la génisse et que l’en- fant. Seuls les vaccins très virulents donnent chez lui de belles éruptions. Il s'ensuit que cet animal peut être employé pour le contrôle de la virulence des récoltes vaccinales dans les Instituts vacci- nogènes. C’est ce que nous faisons maintenant d'une façon systéma- tique à l'Office vaccinal de l’Institut Pasteur de Lille. Toutes nos récoltes sont éprouvées sur deux lapins avant d’être distri- buées. Nous avons tout lieu de nous féliciter de cette pratique elle nous épargne depuis deux ans les incertitudes continuelles dont souffrent trop souvent les établissements vaccinogènes sur la virulence de leurs produits, 164 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Il L'IMMUNITÉ VACCINALE CHEZ LE LAPIN MM. Béclère, Chambon et Ménard (Ces Annales, janvier 1896, décembre 1898 et février 1899) ont déterminé avec beaucoup de soin le moment auquel apparaît, chez la génisse, l’immunité vaccinale, lorsqu'on inocule le vaccin par scarification, ou par voie sous-cutanée, ou par voie intra-veineuse. Chez le lapin, cette immunité apparaît, quelle que soit la voie d'introduction, beaucoup plus tôt. Nos expériences mon- trent que, après l'insertion superficielle sur la peau du dos rasée, l’immunité est acquise le 6° jour; Après l’inoculation sous-cutanée, le 6° jour également ; Après l’inoculation intra-veineuse, le 5° jour. Nous avons introduit le vaccin sous la dure-mère après tré- panation, et directement dans la substance cérébrale, pour mettre les éléments virulents hors de l'atteinte des leucocytes. L'immunité s'obtient ainsi comme par l’inoculation sous-cuta- née, le 6° jour. Le liquide céphalo-rachidien recueilli le 4° jour après lin- troduction du vaccin sous la dure-mère ne présente aucune virulence. Par contre, un fragment de cerveau prélevé le 4° jour après l’inoculation intra-cérébrale, broyé et étalé sur le dos fraîchement rasé d'un lapin, a développé une éruption dont l'authenticité a été démontrée par l'échec d’une vaccination ultérieure. Ce même fragment de cerveau, ensemencé dans le bouillon de viande et sur gélose, n’a donné aucune culture microbienne. La même expérience, répétée le T jour après la vaccination, est restée négative : l’inoculation d'un fragment de cerveau sur le dos d’un lapin neuf n’a produit aucune éruption. L’inoculation intra-oculaire de très petites quantités de vac- cin dilué donne l’immunité le 6° jour. L'humeur aqueuse préle- vée purement, 24 heures après, est aseptique et n’est plus douée de virulence lorsqu'on la reporte sur le dos d’un lapin neuf frai- chement rasé, | Le vaccin introduit dans la trachée, dans le poumon ou dans RECHERCHES SUR LA VACCINE EXPÉRIMENTALE. 165 la plèvre, confère l’immunité vaccinale sans produire de lésions apparentes. Les tissus de ces organes enlevés le 4° jour ne pos- sèdent aucune virulence. Lorsqu'on fait pénétrer directement le vaccin dans la cireu- lation par voie intra-veineuse, on n’observe jamais chez le lapin d’éruption spontanée sur les muqueuses, comme M. Chauveau en a signalé sur le cheval. Mais si, dans les premières 21 heures qui suivent l'introduction du vaccin dans les veines, on rase l'animal sur le dos, on voit apparaître le 3° jour, sur la région rasée, une quantité de pustules parfaitement caractéristiques. Aucune pustule ne se forme dans d’autres régions. La même expérience renouvelée chez d'autres lapins 48 heures, 3 jours, 4 jours après l’inoculation du vacein dans les veines, ne donne plus lieu à aucune éruption. Les éléments virulents du vaccin restent donc en circulation dans le sang pendant les premières 24 heures, et 1ls conservent une tendance marquée à se localiser dans le derme, au niveau des légères érosions produites par le rasoir. Là seulement ils forment des pustules apparentes. Nous avons sacrifié des lapins successivement 24 heures, 48 heures, trois, quatre et cinq jours après leur avoir injecté une assez grande quantité de vaccin dans les veines, en vue de rechercher si l'agent virulent se localise dans quelque organe, Nous avons prélevé dans ces conditions le sang, le foie, le rein, la rate, le poumon et la moelle osseuse. Ces organes, réduits en pulpe, étaient étalés sur la peau du dos de lapins neufs fraichement rasés. Jamais ils n’ont produit d’éruption ni l’immunité vaccinale. J1 en était de même du sang pur défibriné. Le vaccin de génisse ou de lapin, desséché et broÿé finement, donne très bien l’immunité vaccinale lorsqu'on en saupoudre les muqueuses du nez ou la conjonetive. Ilse produit alors sur la pituitaire ou sur la conjonctive de très petites vésico-pustules, qui évoluent en cinq à six jours et se cicatrisent sans former de croûtes. Il serait possible de vacciner par ce moyen. Les peuples orientaux variolisent d’ailleurs, actuellement encore, en introduisant dans les narines de leurs patients des petites boules d'ouate saupoudrées avec des croûtes de pue de varioleux. 166 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. L'immunité vaccinale s'obtient donc, chez le lapin, quelle que soit la voie par laquelle on introduit le vaccin. Mais celui- ci ne semble pouvoir se cultiver ou se multiplier dans aucun organe où les leucocytes ont accès, en dehors de la surface cutanée. La lésion dermique est indispensable à l'implantation et à l’évolution du vaccin. II ESSAIS DE CULTURE IN VIVO DE L’AGENT VIRULENT DU VACCIN orsqu'on examine au microscope, avec les plus forts gros- sissements, de la lymphe vaccinale recueillie au 4° jour, en tubes capillaires, avec toutes les précautions de pureté possibles, on n'y trouve que très peu et quelquefois pas de bactéries colo- rables par les méthodes usuelles. A l’état frais, on y observe en revanche une multitude de grains extrêmement petits, réfrin- gents, mobiles, qui semblent bien être les éléments virulents du vaccin, Car on ne les rencontre jamais dans le sang ni dans les exsudats recucillis chez les animaux en état d’éruption vacci- nale. Dans les pulpes vaccinales glycérinées, ces grains sont plus gros, immobiles. On remarque qu’ils sont d'autant plus nom- breux que le vaccin est de meilleure qualité, et quand on a l’ha- bitude d'étudier les vaccins au microscope, on peut presque sûrement affirmer, d’après le nombre de ces granulations réfringentes et libres, que le vaccin sera bon ou mauvais. Malheureusement tous les essais de culture qui ont été tentés jusqu’à présent n’ont donné aucun résultat positif. Aucun des microbes cultivables du vaccin n’est susceptible de reproduire l’éruption vaccinale. Tous les milieux artificiels expérimentés par de nombreux auteurs et par nous-mêmes ont échoué. La chose la plus difficile est d'obtenir du vaccin pur de tout microbe, cultivable dans les milieux artificiels et capable, cependant, de développer des pustules lorsqu'on l’insère sur la peau frai- chement rasée. On connaît depuis longtemps la Pont que possède la glycérine de débarrasser les pulpes vaccinales, après 4 ou RECHERCHES SUR LA VACCINE EXPÉRIMENTALE. 167 2 mois de séjour en tubes scellés à l’abri de l'air, de la plupart des bactéries qu'elles renferment au moment de la récolte. Cette propriété n’est pas aussi absolue qu'on l’a affirmé. Les vieux vaccins glycérinés âgés de 2 mois à 2 ans ne renferment en effet plus de microbes cultivables sur gélatine ou sur gélose, mais si on les ensemence sur bouillon de viande, et si on les porte à l’étuve à 37° pendant 2 ou 3 jours, ils donnent constam- ment lieu à un développement microbien. Nous avons cherché à purifier le vaccin par une autre méthode. On prépare le péritoine d’un lapin au moyen d’une injection préalable de 40 à 20 c. c. de bouillon de viande, de manière à y provoquer la formation d’un exsudat. 4 ou 5 heures après, on introduit dans le péritoine ainsi préparé, une petite quantité de vaccin frais glycériné, délayé dans 1 c. ec. de bouillon. On attend 4 heures et on retire purement l’exsudat à l’aide d'une ponction ou en sacrifiant l'animal. Le liquide ainsi recueilli est ensemencé dans les milieux artificiels. On trouve le plus souvent qu'il est aseptique : il ne cultive pas dans le bouillon de viande. Si on l’insère sur le dos d'un lapin neuf, on constate qu’il produit quelques pustules isolées, peu nombreuses, mais très caractéristiques, dont on dé montre du reste l'authenticité par l'échec d’une vaccination ultérieure. Les éléments virulents du vaccin ne se sont donc pas mul- tipliés dans le péritoine du lapin ainsi préparé. Les leucocytes o nt fait disparaître les microbes étrangers, en respectant au moins une partie des éléments vaccinaux, mais il n’y a pas eu culture à proprement parler, puisque le résultat de l’inoculation de l’exsudat sur la peau du lapin neuf a produit un effet sem- blable à celui qu’on aurait obtenu par l’inoculation d’un peu de vaccin très dilué. ._ Nous avons pensé à supprimer ces effets de dilution en introduisant le vaccin non plus dans le péritoine préparé d'un lapin neuf, mais dans celui d’un lapin en pleine éruption vacci- nale au troisième jour, Dans quelques expériences ainsi effectuées nous avons obtenu, après 3 h. 1/2 de séjour dans le péritoine, des exsudats qui, reportés sur des lapins neufs, ont produit des éruptions confluentes, et qui ne cultivaient pas dans les milieux 168 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. artificiels. Mais il arrive fréquemment, surtout lorsqu'on intro- duit dans le péritoine de la pulpe glycérinée au lieu de pulpe fraiche, que les exsudats, recueillis après 4 heures, ne soient plus virulents du tout et ne donnent que de rares pustules. Nous avons aussi essayé, sans succès d’ailleurs, la culture des exsudats vaccinaux aseptiques en sac de collodion ou par passages successifs de péritoine à péritoine, chez des lapins en pleine éruption vaccinale au troisième et quatrième jour. Il ne semble donc pas possible d'obtenir une multiplication ou une culture des éléments virulents du vaccin dans les exsu- dats normaux du lapin. Mais en laissant séjourner plus ou moins longtemps les vaccins dans le péritoine des animaux préparés, on peut obtenir des vaccins aseptiques, ne contenant aucun microbe cultivable dans les milieux artificiels, et cependant capables de produire des pustules vaccinales et l’immunité. CONCLUSIONS EL. — L'inoculation de la vaccine au lapin est toujours suivie d'une éruption confluente de petites pustules très riches en lymphe, lorsqu'on prend la précaution de ne pas insérer le vaccin dans des scarifications, mais d'étaler simplement la substance virulente sur le derme fraichement rasé. IT. — Le lapin est un excellent animal de contrôle permet- tant de vérifier la virulence des vaccins recueillis sur les génisses et sur les enfants, ainsi que celle des vieilles conserves glycé- rinées. IT, — La multiplication des éléments virulents du vaccin ne paraît s'effectuer chez le lapin dans aucun autre organe que la peau. IV. — On peut obtenir des vaccins aseptiques, c’est-à-dire ne donnant lieu à aucun développement microbien dans les milieux artificiels, en les purifiant par un séjour de quelques heures dans le péritoine de lapins préparés par une injection préalable de bouillon. Les leucocytes font alors disparaitre les microbes étrangers et respectent plus longtemps les éléments virulents du vaccin. CONTRIBUTION À L'ETUDE CAUSALE DES MODIFICATIONS D'ÉTAT DES COLLOIDES SUR LES PROPRIÈTÉS PHYSIQUES DE LA MICELLE ALBUMINOIÏIDE Par Le D' SWIGEL POSTERNAK ! y V AFFINITÉ DE LA MICELLE ALBUMINOÏDE ET SON RÔLE DANS LES PHÉNOMÈNES DE LA PRÉCIPITATION. — MÉCANISME DE LA PRÉCIPITATION D'APRÈS M. VIRCHOW, M. NASSE ET M. HOFMEISTER. — RELATION ENTRE L ÉQUI- VALENT ENDOSMOTIQUE ET LES CONCENTRATIONS NÉCESSAIRES A LA PRÉCIPITATION. L'hypothèse que nous avons proposée sur le rôle respectif des molécules non dissociées et des ions libres, complétée par la notion sur l'influence de la mobilité des ions, nous a permis d'expliquer d'une façon satisfaisante tous les phénomènes étu- diés précédemment, et nous a même amenés à la découverte d’une propriété inconnue des albuminoïdes. Il y a pourtant des faits qui ne s’accordent pas bien avec cette hypothèse, au moins dans la forme que nous lui avons donnée jusqu'ici. La soude et la potasse caustiques se dissocient dans l’eau aussi bien que les acides et les sels. Et cependant, il est impos- sible de précipiter les albuminoïdes de leurs solutions dans la soude avec les alcalis plus concentrés?. Ce phénomène se rattache à d’autres faits qui ont dû nous frapper déjà à l’étude du tableau F, 1. Suite : Voir le no de février de ces Annales. | 2, Les acides organiques tels que l'acide acétique, oxalique, tartrique et citrique, les seuls essayés par moi, ne possèdent pas non plus la propriété de précipiter les solutions acides des albuminoïdes, même lorsqu'on les ajoute en grand excès. Et pourtant ces acides se dissocient très peu et présentent par con- séquent un nombre très grand dé molécules non dissociées, Disons de suite que c’est un phénomène d’un autre ordre que celui auquel appartiendrait la non précipitabilité avec les alcalis ou la différence dans les concentrations des halogènes, comme on le verra plus loin. 170 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. On y voit, en effet, que la concentration moléculaire des sub- stances minérales qui arrive juste à précipiter les albuminoïdes du Picea excelsa est, en moyenne, de 0,370 pour les chlorures, de 0,212 pour les bromures, et de 0,84 pour les iodures. Comme, d'une part, les électrolytes binaires, abstraction faite pour les acides, se dissocient dans l’eau d’une façon presque identique, et comme, d'autre part, les mobilités des ions Cl, Br, I sont également très voisines, on serait en droit de s'attendre, si notre hypothèse correspondait à la réalité de tous les faits, à ce que les concentrations moléculaires fussent les mêmes pour tous les sels binaires sans exception. L'expérience nous a amené cepen- dant à des nombres fort différents. Le phénomène de précipitation semble donc être beaucoup plus compliqué. Il y a, évidemment, encore d’autres facteurs, jouant un rôle dans les modifications d’état des albuminoïdes, qui nous ont échappé jusqu'ici et que nous allons essayer de déceler. On croit généralement que la précipitation des albuminoïdes sous l'influence des sels est due à ce que le sel, ayant une affi- nité plus grande pour l’eau, prive la matière protéique d’une partie -du dissolvant dont elle a besoin pour être tenue en solution. | C'est M. Virchow : qui a, le premier, autant que je sache, proposé celte explication, après avoir constaté que « la préci- pitation est d'autant plus rapide et complète que l'attraction des cristaux (des sels) pour l’eau est plus grande, autrement dit, que les cristaux sont plus solubles ». Pour M.-Nasse*, la cause de la précipitation est la même, mais le phénomène de modification d’état des colloïdes lui paraît plus compliqué. Si les sels n’agissaient que par leur affinité pour l’eau, on devrait pouvoir déterminer pour chaque sel le degré de son affinité, en mesurant sa concentration au moment de la ‘précipitation du colloïde; le rapport entre les concentrations a et b de deux sels, nécessaires pour précipiter un: colloïde, devrait être égal au rapport des concentrations à, et b, des mêmes seis pour un autre colloïde. M. Nasse a mesuré ces con- centrations, par sa méthode décrite plus haut, pour les sulfates 4. Virchow's Archiv. T. VI, p. 572, 1854. 2. Loc.cit., p. 506-507. PROPRIÉTÉS PHYSIQUES DE LA MICELLE ALBUMINOIDE. 171 d'ammonium et de magnésium en présence de différents colloïdes, et a constaté que leur rapport est loin d’être constant. Pour la gélatine 1l était de 0.84, pour le blanc d'œuf 1,05, pour le sérum sanguin 0,93, pour l’amidon, le glycogène et la dextrine 1,99. L'auteur conclut que « l'existence des rapports particu- liers entre les sels neutres et les albuminoïdes est plus que probable, et queles sels entrent vraisemblablement avec ceux-ci en des combinaisons, peut-être moins stables, mais analogues à celles qui sont formées avec les sels des métaux lourds. » M. Hofmeister est un partisan convaincu de la théorie de la précipitation par soustraction simple de l’eau, qui seule s'adupterait parfaitement aux résultats de ses expériences. L'ordre dans lequel se suivent les sels, au point de vue de leurs concentrations au moment de la précipitation, serait le même quel que soit Le colloïde étudié. Le lecteur donnera difficilement son assentiment à cette appréciation, lorsqu'il examinera en détail le tableau synop- tique des expériences de M. Hofmeister et de M. Lewith que nous transcrivons dans la note ‘. Quoi qu'il en soit, l'explication du phénomène de précipita- 4. Ce tableau est emprunté au travail de F. Hofmeister : Zur Lebre von den Wirkungen der Salze Arch. f. exp. Pathol.u. Pharmakologie.T.XXIV, p. 247, 1888. Les nombres présentent les concentrations molécutaires nécessaires à la pro- duction d’un précipité. RÉACTIE NaCl KCI NaBr KBr Nal KI | NaNO, Globuline | Giobuline | du lu sérum.|blanc d'œuf. 8.90 Gélaline. 5,16 HYDRATE DE FER 0,62 0,63 0,67 0,67 0,64 0,66 0,75 Oléate de ! soude. | KNO, = se 2 0,74 PE NaCI0, Les 7,13 Ë 0,83 1,60 KCIO; = e = 0,84 172 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. tion par soustraction de l’eau semble juste en apparence et aurait pu être admise à la rigueur dans le cas où on sature presque complètement le liquide par un sel quelconque, mais dans nos expériences, où la concentration dépasse rarement le taux de 2 0/0, elle serait vraiment hors de propos, d'autant plus qu’on peut saturer les solutions acides des albuminoïdes de Picea excelsa, qui précipitent sous l'influence de peu de sels, avec du saccharose, sans qu’on y arrive même à provoquer un trouble. Simême on voulait se placer à ce point de vue, il faudrait admettre, en s'appuyant sur nos nombres, que l’affinité de Peau pour les chlorures, les bromures, les iodurès et les alcalis fixes soit très différente. Elle devrait être quatre fois à peu près plus grande pour les iodures, deux fois pour les bromures, que pour les chlorures, presque nulle pour les alcalis. Faut-il ajouter que cette supposition ne correspond pas à la réalité? Il suffit de parcourir les nombres obtenus par les physiciens qui se sont occupés de la diffusion sans membranes de ces matières minérales dans l’eau pour se convaincre que s’il y a une différence mesurable entre la rapidité de l’hydro- fusion de différents cristalloïdes, elle est toujours assez petite et souvent dans un sens contraire à ce que nous avons observé dans nos expériences !. Le trait de lumière qui m'a permis de découvrir le nouveau facteur dans le problème étudié par nous me fut donné par le travail de M. Jolly * sur la diffusion des cristalloïdes à travers des membranes d’origine animale. La question préoccupe les physiologistes depuis fort longtemps et à juste titre, à cause de importance du rôle que jouent les membranes dans les échanges nutritifs des êtres supérieurs. M. Jolly a introduit dans la science la notion du coefficient endosmotique, qui est le rapport qui existerait entre la quantité d’une substance qui sort d’un dialyseur fermé par une membrane animale et le volume d’eau qui y vient à la place. Ce rapport serait constant pour chaque substance minérale examinée, il serait indépendant de la concentration de cette dernière et ne varierait qu'avec la nature de la substance. 4. Voir les tableaux de Scheffer. Zeitsh. f. physik. Ch. T.. II, p. 390, 1888. 2. Experimentelle SRE en über Endosmose. Poggendorf's Annalen. Bd. 78, p. 261, 1849. PROPRIÉTÉS PHYSIQUES DE LA MICELLE ALBUMINOIDE, 173 Dans le tableau VI nous présentons quelques chiffres emprun- tés à MM. Jolly et Fick ; mais, pour faciliter la comparaison, nous calculons la réciproque des équivalents endosmotiques indiqués par ces auteurs, l’équivalent exosmotique, par conséquent ; nous le divisons par le poids moléculaire, et nous cherchons le rapport des valeurs obtenues pour l’acide sulfurique, l’iodure de potassium, le chlorure de sodium et la potasse. TABLEAU VI Gapetanee D NUE À pen ÉQUIVALENT | HQUIAUNT HOSNOTQUE ne etE | endosmotique. EXOSMOTIQUE P.M on ee H,S0, 0,39 Jolly 2,560 0,052 63 KI 1,093 | Fick! 0,915 0,0551 67 | Nacl 4,30 Jolly 0,232 . 0,0040 49 | KHO 215,00 « 0,0046 0,000082 1 Nous y voyons que le rapport du nombre des molécules de différentes matières qui passent à travers la membrane, pour la même quantité d’eau qui entre dans le dialyseur, est de 1 : 49: 67 : 63. Mais plus vite une substance passe à travers une mem- brane, plus grande peut être regardée son attraction ou son affinité pour cette dernière. Et comme la membrane animale est principalement composée par des matières appartenant à la classe des albuminoïdes, on est jusqu’à un certain point autorisé à conclure que l’affinité des albuminoïdes de la membrane est différente par rapport aux substances minérales dont nous venons de comparer les équivalents endosmotiques. Or l'acide sulfurique, comme le montre le tableau VI, passe le plus rapidement à travers la membrane, il possède done l’affinité la plus grande pour les albuminoïdes de celle-ci. Nous sommes frappés de constater que le même acide précipite les albuminoïdes de Picea excelsa à une concentration moléculaire très faible. Ensuite vient l’iodure de potassium, dont l’affinité pour les albuminoïdes semble être au-dessous de celle de l'acide sulfu- rique, mais au-dessus de celle du chlorure de sodium. Les con- centrations moléculaires pour les iodures dans le tableau I et V sont aussi entre celles des sulfates et des chlorures. Cité d'après P. Neumeister, Lehrbuch der physiologischen Chemie, 2e Auflage, léna 1897, p. 25, 174 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. La potasse passe le plus lentement, 49 fois moins vite que le chlorure de sodium; son affinité pour les albuminoïdes de la membrane est donc très faible. La quantité qu'il en faudrait employer pour précipiter les albuminoïdes de Picea excelsa de leurs solutions alcalines devrait par analogie être très grande, 49 fois aussi grande que la concentration moléculaire du chlorure de sodium, 0,320 X 49 — 16,68 c. m., par conséquent. C’est ce qui correspondait à une solution de soude à 60,7 0/0, condition impossible à réaliser. Ce calcul est d’ailleurs complètement hypothétique. Il n’est guère prouvé encore qu'il existe une proportionnalité quelconque entre le coefficient endosmotique et la concentration moléculaire du sel capable de précipiter un albuminoïde, les deux phénomènes étant des résultantes de deux séries de facteurs en partie au moins différents. La conception du coefficient endosmotique elle-même est loin d’être démontrée exacte. M. Ludwig! n’a pu le retrouver; pour M. Eelchord*, il ne serait constant que pour des solutions saturées des sels. Les différences dans la rapidité de la diffusion des diverses matières salines à travers une membrane animale par rapport à l’eau, constatées par M. Jolly, sont néanmoins bien réelles, et de leur rapprochement avec les nombres des tableaux I et V il me semble résulter clairement qu’il y a lieu d'admettre une affinité de différentes molécules salines non pour l’eau, mais pour les micelles albuminoïdes. L’albuminoïde lui-même ne doit pas, par conséquent, être considéré dans le phénomène de précipitation comme un corps inerte, pour la possession duquel luttent les ions et les molécules non dissociées, mais comme une substance dont les micelles sont douées d’une véritable force attractive, d’une propriété haptophore, dirait M. Ehrlich, pour les molécules salines en solution. De l'énergie de cette affinité dépendra au moins en partie le résultat de la lutte. Je crois être en concordance avec mes nombres en me représentant provisoirement le processus de la façon suivante. La matière albuminoïde ne peut être précipitée de sa solution qu’à condition que ses micelles soient entourées d’une couche de molécules salines non dissociées qui les défendraient contre 1. Poggendorf's Annalen. T. LXXVIIL (1849), p. 397. 2. Jbidem.T. CXX VIII (1866), p. 61. PROPRIÉTÉS PHYSIQUES DE LA MICELLE ALBUMINOIDE. 175 l’action dissolvante des ions. Mais en présence des micelles dis- soutes dans le liquide, la distribution des molécules non disso- clées n’est plus uniforme comme dans un milieu libre d’albumi- noïde. Les micelles, exerçant leur attraction plus ou moins grande sur les molécules non dissociées, suivant la constitution chimique de ces dernières, forment des centres où la concen- tration des molécules est plus grande que dans l'intervalle entre les micelles. Plus l’affinité des micelles pour un selquelconque est grande, plus facilement sera atteinte autour d’elle la concentration des molécules nécessaire pour précipiter l’albuminoïde. L’acide sul- furique, dont l’affinité pour les matières protéiques semble être très grande, comme nous l'avons vu précédemment, arrive à pré- cipiter les albuminoïdes de Picea excelsa avec une concentration moléculaire0,0714, pour l’acidechlorhydrique elle est de0,388. Ni l’une ni l’autre ne représentent la vraie concentration dont la micelle a besoin pour devenir insoluble. Cette concentration périmicellaire paraît être très grande, puisque avec une solu- tion saturée de soude on n'arrive pas à précipiter l’albuminoïde, son affinité pour l’alcali étant très faible, et la propriété hapto- phore ne venant pas aider le processus par une agglomération plus dense des molécules non dissociées autour de la micelle- VI GÉNÉRALISATION DES RÈGLES TIRÉES DE L'ÉTUDE DES ALBUMINOIDES DE PICEA EXCELSA. — SUR LES ALBUMINOIDES DE CUCURBITA PEPO, DE LUPINUS ALBUS ET LUTEUS, ET DU BLANC D’OEUF EN SOLUTION ACIDE. — SUR LE QUOTIENT b/& ET LA MODIFICATION DE L'ÉNERGIE DE L'AFFINITÉ MICELLAIRE SOUS L'INFLUENCE DE LA TEMPÉRATURE. L’affinité pour les molécules minérales étant la seule pro- priété de la micelle albuminoïde qui participe directement au phénomène de précipitation, il est assez probable que c’est par elle que se distingueront les différentes individualités albumi- noïdes, s’il existe réellement un rapport entre les propriétés physiques des matières protéiques et leur constitution chimique. Comme, d'autre part, le degré d’affinité ne se manifeste pour nous que par les concentrations moléculaires des sels nécessaires à la précipitation, il est à prévoir que les albuminoïdes d’origine différente, placés exactement dans les mêmes conditions Le ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. 176 620 0 9ç'0 CT 0 8€0 0 Le 0 L0'0 80° F2 TOSTEN 2/7 0/0 8 FA A YL‘0 97‘0 &90‘0 c£‘0 L0‘0 ‘99 os (HN) 8/7 « % e ee OTTO #g'0 CAL 860'67 TOS‘H c/+ « 1G£‘0 ge OT'T I9L‘0 g9°l 6£‘0 sr‘ TOr “ONYX « L1£:0 OL‘ FL‘0 PrL'0 Sc T 88‘0 60°8 SONEN « 2ÿ£'0 8L'& LL‘0 LST'0 98:T 680 7708 . “ON’HN 9££'0 als c‘0 O£T'‘0 #80 8T‘0 8709 “ONH « POS 0 90'£ 88'0 6200 6V'F L& 0 T6‘6#r IPN { 89£ 0 go'e LA M 0080 90° &c'0 1007 JfeN ( GPr 0 24 8c‘r 98280 res 09°0 20°86 If'HN 0/0 01 I0G 0 Lie 9# 0 OLE 0 OL G 6£ 0 68 F2 [DM « LP 0 9L'& &£'0 GE 0 06°T 15 0 G sg [DEN « 2GG'0 86'G cg‘ 0 OL£'‘0 86‘F 880 6g'ec ID'HN 0/0 0% £4G 0 60 & 2c'0 92£ 0 6} 16 0 8cy7 99 19H 0/0 0F SRE S PO R IHRO RTAN —— | ———— | À | 9 °/9 HA 5 °/ ‘A K 4 ILLOVAU W9 ‘N 9 N D LU à Ur = uOT}IT[N49,p © TORRES Rene. jee EE D 7882 InY6IAAUA TJ, ‘00/0 T & JOH Suep 0/0 r & ‘{I8 SP UOTNIOS ‘odax vnqunond 10 1219 Fa IA OVATAVL PROPRIÉTÉS PHYSIQUES DE LA MICELLE ALBUMINOIDE. 177 demanderont pour modifier leur état des quantités variables de sels, suivant le degré d’affinité de leurs micelles. Pour s’en assu- rer, on n’a qu'à répéter les expériences précédentes avec des albuminoïdes d’autres provenances. Nous le ferons d'autant plus volontiers que ceci nous permettra de démontrer que les régu- larités observées dans le cas de Picea excelsa n’appartiennent pas spécialement aux albuminoïdes du sapin rouge, mais se retrouvent aussi chez les matières protéiques d’autres graines végétales, même chez l’albuminoïde du blanc d'œuf, et peuvent, par conséquent, prétendre à la généralisation. Le tableau VIT résume les expériences instituées avec une solution des albuminoïdes de réserve des semences de courge (Cucurbita Pepo) à 1 0/0 dans de l’acide chlorhydrique à 1 0/00. Son analogie avec le tableau I est évidente. Ici, comme là, les nombres pour les sels des mêmes acides sont très voisins, pour les sels de sodium partout inférieurs. La concentration moléculaire la plus faible est celle des sulfates; ensuite viennent, dans l’ordre progressif, les iodures, les nitrates, les bromures et les chlorures. A la température d’ébullition, les concentrations sont nota- blement élevées; pour l'acide sulfurique, elle est infiniment grande. L’analogie s’étend même jusqu’au quotient b/a, car les nombres qui l’expriment sont assez rapprochés pour les sels du même acide, et subissent avec le changement de ce dernier une modification dans le même sens que pour les matières protéiques du sapin rouge. Les considérations développées plus haut sur le rôle respectif des ions, de leur mobilité, des molécules non dissociées et de l’affinité micellaire dans les phénomènes de modification d’état des albuminoïdes de Picea excelsa sont donc intégralement appli- cables aux matières protéiques du Cucurbita Pepo. Mais si le rapport des nombres dansles deux cas est sensible- ment le méme, leur valeur absolue n’est pas identique. Les con- centrations moléculaires sont, en moyenne: — Chlorures. Bromures, Iodures. Nitrates Sulfates. Picea excelsa... 0,370 0,212 0,069 0,131 0,0% Cucurbita Pepo. 0,348 0,218 0,079 0,148 0,067 Les différences, quoique assez petites, n’en sont pas moins réelles ; nous les retrouverons plus nettement dans d’autres con- 12 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. 178 6'& L6T'0 0%°T 8%‘ 0 690‘0 88%'0 £r'0 80° FL TOSŸEN 3/1 6/0 8 S£ O£8‘0 a‘ 9£‘0 &20'0 9LY'0 010 07‘99 TOSCHN) 8/1 « C2 æ æ æ SI2'0 LO'Y 580 860‘6# TOSÈN 8/7 « &6L‘0 GG'T 8‘0 81‘10F SONY € 0V'£ L0S‘0 1£% ag} P9I'0 O£‘T 0£‘0 60‘S8 FONEN « c9'e 5890 00‘S 00‘& AAA 8£‘T 8£‘0 ‘08 SON’'HN & 88‘a 840 cg‘& 08‘0 4ST'0 66°0 ce‘ 0 870‘£9 fONH « 2e ce æ ce G&T 0 CET 5g‘0 997 I « # æ = æ F60 0 GET ge‘0 16°6%Y IEN « ec De So = Là ZA 06‘G 880 F'6TI 1qf « > > 7 7 G£& 0 83‘ Y9‘0 0‘£01 IgeN « _ Z =. P92'0 69‘ 0L‘0 £0°86 IQ'HN 0/0 OF 60° .S£8‘0 Fa‘9 06‘0 66£‘0 S6‘& G£‘0 6G‘7L [eh « 60‘& 90240 CTY 8c‘0 8££'‘0 86‘F 88 0 0986 LIN « LS'G £O‘T TS 910 000 A A 760 ec‘ec 19'HN 0/0 08 LE‘ gg6:0 6ç'€ cl‘ 86£'‘0 (42 #ç‘0 809€ 19H 0/0 07 D Q D : TER ‘N 9 0/0 9 ‘X A ‘’N 9 0/0 ) ‘d'A ‘N'd ÆILOVAU 4H) L RE P TE < ‘UOTTI[NG?.p o1n7e19dtmue T, ‘9 «OT E 8 2Q mm 00/0 L 8 IDH SUBP (0 F BR 2AI8S9I 9P SapIOuILUNAIe S9P UOTMNIOS ‘SNg70 SNUIANT MONS I ITA NVA'I4VL PROPRIÉTÉS PHYSIQUES DE LA MICELLE ALBUMINOIÏIDE. 179 ditions. De l’ensemble du tableau VIT, on tire cette impression que les albuminoïdes de Cucurbita Pepo demandent un peu plus de sel pour être précipités que ceux de Picea excelsa, leur affi- nité pour les molécules salines semble donc être aussi un peu moins forte. Beaucoup plus manifestes sont les différences que l’on cons- tate dans les cas des albuminoïdes du lupin blanc et jaune, consignés dans les tableaux VIIT et IX, Les régularités y sont les mêmes. La seule chose qui néces- site une explication, c’est l’absence des chiffres pour les bromures, les iodures et le nitrate de potassium dans les parties droites des tableaux. Les signes d’infini ne font qu'indiquer qu'il est impossible de précipiter à chaud les albuminoïdes des lupins par ces sels dans les conditions de nos expériences, où les réac- tifs ne sont qu’à 1 0/0 et où on n’ajoute pas en règle générale plus de 2 c.c. de réactif. A l’encontre de ce que nous avons observé pour l'acide sulfurique, il est facile d'obtenir des précipités en travaillant avec des réactifs plus concentrés. En tout cas, il est évident que la concentration qui aurait été nécessaire pour précipiter les albuminoïdes des lupins à la température d'ébullition dépasse le taux de 5 0/0, ce qui confirme la règle générale de l'élévation de la concentration avec la température. Quant à la valeur absolue des nombres, elle est nettement supérieure à celles des tableaux qui précèdent. La concentra- ton moléculaire est, en moyenne, dans les cas de : Chlorures. Bromures. lodures. Nitrates. Sulfates Lupinus albus. 0,384 0,235 0,115 0,171 0,419 Lupinus luteus. 0,522 0,275 0,220 Ces nombres sont curieux encore à un autre point de vue, En s'appuyant sur les résultats de l’analyse élémentaire des albuminoïdes de réserve de différents lupins (lupin jaune et bleu), M. Ritthausen et beaucoup plus tard MM. Osborne et Camp- bell ! ont conclu à l'identité absolue des albuminoïdes en ques- tion, qu’ils désignent sous Le nom de conglutine. Or, lorsqu'il s’agit de corps organiques aussi complexes que sont les matières protéiques, l’analogie de la composition élémentaire ne prouve 1. The proteids of lupin seeds, The Journal of The Aimer. chem. Soc.,t. 19, p. 4542, 1897. ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. 180 S£0'‘6# ST TOY 60°G8 870°£9 867 96 ALLOVHU uOrJIInq®,p einjeiodu, ‘D 018824 Cd EL UNSS _— 2 ‘00/0 T & IOH SUEP 0/0 1 E 8A19S91I 8P S8PIOUIUINIE SaP UOTJNIOS SN) SNUIÈNT DC XI AVAIAVEL PROPRIÉTÉS PHYSIQUES DE LA MICELLE ALBUMINOIDE. 181 nullement l'identité de la constitution chimique, à cause de la possibilité des isomères innombrables. Les noinbres rapportés par nous plaident en faveur d’une constitution chimique différente des albuminoïdes de réserve appartenant à des espèces différentes de graines de la même famille botanique. Cette opinion paraît être corroborée par les résultats de l'étude quantitative des produits de décomposition des albumi- noïdes de différents lupins. M. Hédin 1 a isolé 2,75 0/0 d’argi- nine des produits de décomposition de la conglutine du lupin jaune. La même quantité d'arginine fut tirée au laboratoire de M. Schulze, du lupin jaune par la méthode de M. Kossel. Jen ai pu préparer # 0/0 du poids de l’album inoïde, par cette der- nière méthode, aux dépens de la conglutine du lupin blanc. Eofin, M. E. Schulze obtint un rendement d’au moins 6 0/0 aux dépens d'un mélange des albuminoïdes d’autres lupins ?. En rapportant les différences absolues des nombres consignés dans nos tableaux à une différence dans laffinité des albumi- noïdes d’origine diverse vis-à-vis des molécules salines, on doit conclure que les matières protéiques de réserve de lupin blanc possèdent une affinité moins grande que celles des semences de courge et de sapin rouge, et beaucoup plus grande que celle du lupin jaune Enfin. pour montrer que les albuminoïdes d’origine animale ne se distinguent pas des matières protéiques végétales par d’autres caractères que ceux que nous avons constatés jusqu'ici, et que la modification de leur état résulte du jeu des mêmes facteurs physico-chimiques, je communiquerai encore les expé- riences faites avec le blanc d’œuf, non à l’état dans lequel il se trouve dans la nature, nous nous sommes expliqués déjà là- dessus, mais préparé d une façon spéciale. On se rappelle l'observation, citée déjà, de M. Starke, que lorsqu'on chauffe le blane d'œuf longuement dialysé, on obtient une solution opalescente qui précipite après neutralisation avec un peu d'acide chlorhydrique. Le précipité est soluble dans les 1. Ueber die Bildung von Arginin aus Proteinkorpern, Z{sch. f, physiol. Ch. Bd. 21, p. 154. 2, Je-dois ce dernier fait à une communication verbale de M. le professeur E. Schulze, au laboratoire duquel j'ai eu l'honneur de commencer les recherches qui se rapportent à ce travail. 182 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. acides d’une concentration faible et les alcalis. Or, déjà M. Starke lui-même a remarqué que les solutions acides précipitent sous l’influence de petites quantités de sels ou d'acides concentrés, et ressemblent, par conséquent, aux solutions acides des albumi- noïdes des graines ‘. On a vu également que le blanc d'œuf dilué avec de l’acide chlorhydrique faible, et chauffé à65-70°, ne coagule pas non plus, et précipite sous l'influence des sels après refroidissement. Le blane d'œuf ainsi préparé possède done les mêmes propriétés que les solutions acides du corps opalescent qu'a eu entre les mains M. Starke, et on pouvait espérer d’obtenir avec lui des nombres comparables à ceux des tableaux précédents. C’est un mélange de 11,5 volumes d'acide chlorhydrique à 1,10/00, avec du blanc œuf neutralisé chauffé à 70° et filtré, qui m'a servi pour les expériences résumées dans le tableau X. Ce mélange est limpide et contient à peu près 1 0/0 d’albumine d'œuf et 1 0/00 d'acide. Il serait superflu de reprendre une par une les régularités avec lesquelles le lecteur est déjà suffisamment familiarisé. A gauche, rien de nouveau à signaler. A droite, nous observons, par contre, un phénomène insolite jusqu'ici. Le rapport b/a pour les chlorures est en moyenne 0,84. Il est, par conséquent, au-dessous de l'unité. = A la température d’ébullition, il nous faut donc ajouter moins de sel qu’à froid, et c’est la première fois que sous l’influence de la chaleur nous apparaît un phénomène rappelant les idées courantes sur la coagulation. Si, en effet, on avait ajouté à froid du chlorure de sodium jusqu’à la concentration de 0,194, le liquide serait resté limpide et, soumis à l’ébullition, il aurait coagulé comme le blanc d'œuf naturel ou le sérum du sang, Et alors une question se pose. Ce fait par lui-même ne semble- t-1l pas témoigner contre l'influence de l'élévation de la mobilité des ions sur le processus de solubilisation, pour le blanc d'œuf tout au moins? Ce fut, je le reconnais, mon premier sentiment. Mais en continuant la série, je n’ai pas tardé à reconnaitre qu'il s’agit ici d’une particularité d'ordre quantitatif. Déjà, en passant aux bromures, on remarque que le quo- 1. J. Sranke, loc. cit., p. 47. 183 ELLE ALBUMINOIDE. _ À S PHYSIQUES DE LA MI ’ il L 4 ’ PROPRIETE Fc se 0 T£° 09'0 PSI 0 LS'T 9%°0 9S'F 14 TA IST 97 0 SLEO0 Sel c£ 0 47 1 208 0 (LES 0€ 0 PYLO YG 0 05 0 67° F SLT 0 9$'& 080 9IT 0 GT SEAT OT'F g98 0 GT'£ &6'0 07& 0 GS‘ 080 LO‘T LP& 0 Fc | 10010 O£8& 0 Le‘ G9'0 OV'F 188 0 18° 8L'0 09% 0 ECG 89'0 ) | (TT LSr 0 0% £ BA LSF 0 0% { EAU gr 0 F6I 0 (2 &1 0 9YP 0 09 & 0£ 0 56 0 69 0 9Y°& 8e 0 98F 0 09° 0€ 0 00‘F Gap 0 99°T 0Y‘0 gGr 0 99°T 07‘0 1 9 12] aq ‘N 9 0/0:9 HA ‘’N 9 0/9 9 ‘H'A ST 2 ‘uOt}I[[N{9,p aan}k19dwe TJ, ‘9 or 8 824 TPIOIJOI 99 092 8 JEU ‘00/0 LE R [OH I0A CTI 0048 9NIIP /72,p 2U014 cs HMOre X AVATAVE St 10Y RAR S70 69 00 991 V'6TT 10‘£01 086 867 98 ‘NW d “ONM SON’HN “ONH IN I IJEN IS'HN Ie TDPN HN 0H HILOVHU 0/0 0G 184 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. tient b/a devient supérieur à l'unité : de 1,08, pour les iodures, il monte jusqu'à 1,49 et pour les nitrates jusqu’à 1,34. Pour comprendre l’exception pour les chlorures, on n’a qu’à comparer les quotients moyens du blanc d'œuf avec ceux des albuminoïdes étudiés précédemment : Chlorures. Bromures. Iodures. Nitrates. Sulfates. j ( dans NCI..... 1,60 1,94 83,02 2,79 2,63 Te ee on 0 ni = CUCUTOUGEPREPO EE EEE 1,51 1,83 2,58 2,29 2,1 LUDIRUS AIDUS RENE ID == = 3,20 3,1 LOLNULS AULLEUS RER RM O 2.03 = 2,93 — Blanc d'œuf een ART SR 0,84 1,08 1,49 1,34 — Pour tous ces albuminoïdes, le quotient b/a varie d’une façon uniforme en présence des sels de différents acides. Le blanc d'œuf avec ses produits ne fait que suivre la règle. En présence des iodures, le rapport b/a est deux fois plus fort que le quotient correspondant de Picea excelsa; les autres quotients pour les bromures, nitrates et chlorures ne font qu'imiter cet exemple : ils sont tous à peu près deux fois plus petits que ceux des albuminoïdes du sapin rouge. Il arrive que le quotient de ce dernier corps pour les chlorures est de 1,60 ; la moitié est forcément un nombre plus petit que l'unité. Je ne crois pas qu’on puisse trouver une démonstration plus éclatante de l’analogie parfaite dans les rapports des albumi- noïdes d’origine diverse avec les substances minérales. Puisque nous sommes à la comparaison des quotients, atti- rons tout spécialement l’attention sur les différences numériques qu’on y constate pour les albuminoïdes d’origine diverse. Comme les conditions du milieu et de la température étaient absolument identiques dans les expériences parallèles dont résultèrent les nombres exprimant les quotients b/a, les diffé- rences observées ne peuvent être rapportées qu'aux micelles albuminoïdes elles-mêmes. Nous connaissons déjà une propriété micellaire variant avec l’albuminoïde à l'étude, c’est l’affinité vis-à-vis des molécules minérales non dissociées. Ce n’est pas la seule. Les micelles albuminoïdes possèdent encore la faculté de modifier cette affinité sous l'influence de la température et de la modifier différemment. Si, en effet, l’affinité micellaire restait la même avec l’éléva- PROPRIÉTÉS PHYSIQUES DE LA MICELLE ALBUMINOIDE. 183 tion de la température, ou variait d’une façon identique pour tous les albuminoïdes étudiés, il n’y aurait aucune raison pour l'altération du rapport des concentrations qui précipitent à froid et à la température d’ébullition : l'influence de l’affinité micel- laire se serait déjà manifestée dans les nombres obtenus à froid, les électrolytes identiques dans les expériences parallèles se seraient dissociés d’une façon analogue et altéreraient la mobi- lité de leurs ions sous l'influence de la température d’une manière tout à fait comparable, Si, malgré cela, il nous faut, pour précipiter les albuminoïdes du lupin blanc à la température d’ébullition, relativement plus de sel que pour les albuminoïdes du sapin rouge ou du blanc d'œuf, ce n’est que parce que l’affinité de la micelle a moins augmenté dans le premier cas que dans le dernier. Les valeurs numériques des quotients b/4« nous permettent donc de juger de l'augmentation relative de l’affinité de différents albuminoïdes étudiés par nous sous l'influence de la tempéra- ture. Et si l’on voulait disposer les derniers dans l’ordre régressif de l’augmentation de leur affinité vis-à-vis des molécules non dissociées, on obtiendrait la série suivante : Blanc d'œuf, Cucurbita Pepo, Picea excelsa, Lupinus luteus, Lupinus albus. L'ordre n’est pas le même à la température de 8 à 10°, comme nous l’avons montré précédemment. Retenons bien ces faits dont les relations vont bientôt être élucidées, VII L'AFFINITÉ MICELLAIRE EST D'ORDRE ADHÉSIF. — GROSSEUR ET ÉLASTICITÉ MICELLAIRES. — AGENTS MODIFIANT LA GROSSEUR DE LA MICELLE ALBU- MINOIDE, Le terme affinité, appliqué aux micelles albuminoïdes au cours de ce travail, s'associe dans notre esprit à des conceptions trop différentes pour qu'on puisse l’employer sans spécification, ni commentaire. On désigne sous ce nom au moins trois catégories de phéno- mènes, possédant peut-être quelques liens de parenté, mais assez dissemblables pour obéir à des lois fort différentes, 186 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Nous rappéllerons en premier lieu les phénomènes de gra- vcilation qui obéissent aux lois newtoniennes : leur énergie est en raison directe de la masse et en raison inverse du carré de la distance, et ne dépend aucunement de la constitution chimique des corps en rapport. Ensuite, viennent les phénomènes d’afjinité chimique, réglés ceux-là par les lois stochiométriques. Leur énergie est surtout en relation avec la constitution chimique des matières en contact et peut être exprimée par le maximum du travail extérieur qui résulterait d'une réaction chimique entre elles‘. Elle est con- stante pour les mêmes corps, et n’est pas influencée par les con- ditions dans lesquelles le processus chimique a lieu. La quantité de la matière en présence, la chaleur, la pression, etc., n’agissent que sur l'éclat et la rapidité de ce processus. Enfin, à la troisième catégorie appartiennent les phénomènes, dits d’adsorption, d'attraction par la surface (Oberfiäche attraction des auteurs allemands), les phénomènes que M. Duclaux désigne sous le nom d'adhésion moléculaire. C’est dans cette dernière catégorie que l’on classe habituellement les phénomènes de capillarité, de teinture et d'agglomération moléculaire, L’adsorption, comme on sait, n’a pas lieu indifféremment entre tous les corps connus; il est impossible cependant de dire, en l’état actuel de la science, pourquoi elle se manifeste chez certaines substances à l'exclusion d’autres. On présume là un rapport quelconque avec la constitution chimique des corps en contact, mais ce rapport est assurément bien lointain et non moins mystérieux que celui qui existe entre les propriétés phy- siques et la composition chimique de la matière. Nous ne sommes pas, en effet, plus éclairés sur la question de savoir pourquoi le mercure n’adhère pas au verre, à l'encontre de ce que l’on observe dans le cas de l’eau, que sur la cause de la transparence de l’un dé ces corps et de l'aspect métallique de l’autre. Mais ce qu’on peut affirmer, c'est que dans le cas où l’adhé- sion à lieu, son énergie est, toutes choses égales d’ailleurs, pro- portionnelle à l'étendue de la surface de contact. A laquelle de ces trois catégories appartient l’affinité micel- laire pour les molécules salines non dissociées? Est-ce un phé- nomène de gravitation? 1. Comp. W:Nernst, loc. cit.,p. 634. PROPRIÉTÉS PHYSIQUES DE LA MICELLE ALBUMINOIDE. 187 L'affinité de la micelle albuminoïde est toujours plus grande, disions-nous, pour les sulfates et iodures que pour les nitrates, bromures et chlorures. Le fait que la masse des’ iodures est plus considérable que celle des bromures et chlorures aurait pu nous engager à expliquer la différence de l'affinité par l'attraction newtonienne ; mais cette hypothèse est à écarter en présence de la constatation que la masse des sulfates et surtout des alcalis n’est pas en rapport avec le degré de leur affinité pour la micelle albuminoïde, Nous avons vu, d'autre part, que l’affinité micellaire augmente notablement avec la température. Or, la masse d’un corps étant invariable sous l'influence de cet agent physique, l'énergie de gravitation devrait rester sans altération. L'affinité micellaire est-elle alors d'ordre chimique? On sait que l’exercice libre de l’affinité chimique aboutit invariablement à une réaction, à la formation d’une ou plusieurs molécules nouvellesaux dépensde celles quientrenten contact. Or, rien dans les considérations qui nous ont amenés à la reconnaissance de l’affinité micellaire pour les molécules non dissociées ne justi- fierait l'admission de la formation de nouveaux corps. On ne voit guère les albuminoïdes de la membrane animale entrer en combinaisons chimiques avec les substances minérales d'un côté de la membrane pour subir la décomposition de l'autre. Dans le processus de précipitation, les molécules minérales entourent, suivant notre conception, la micelle pour la défendre contre l'action solubilisante des ions. Mais il suffit d'augmenter le nombre ou la mobilité des ions, en ajoutant un peu d’eau ou en élevant la température, pour détruire l'état d'équilibre et - pour entamer sérieusement la couche moléculaire, protectrice de la micelle, Ceci ne devrait pas avoir lieu si les molécules de l’'al- buminoïde disposées à la périphérie de la micelle entraient réelle- ment en combinaisons chimiques avec les molécules salines. D'ailleurs, le fait de variation de l’affinité micellaire sous l'influence de la température suffit à lui seul pour exclure la possibililé de son identification avec l'affinité chimique, dont l'énergie est constante pour les mêmes corps, comme nous l'avons spécifiée plus haut. L’affinité micellaire, n'étant ni d'ordre de gravitation ni d'or- dre chimique, doit donc être considérée comme unea/ffinitéadhésive. 188 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Cette conclusion va nous permettre de formuler d’une façon plus concrète les points par lesquels se distinguent les albumi- noïdes d’origine différente, et de résumer tous nos développe- ments de manière à mieux fixer les altérations que subit l’affinité micellaire sous l'influence des matières minérales en présence. Nous savons déjà que les albuminoïdes diffèrent par le degré de leur affinité adhésive. Comme l’énergie de ladsorption est proportionnelle à l’étendue de la surface de contact, ilest permis de conclure de la différence de l’affinité à la différence de la surface, et partant à la grosseur inégale des albuminoïdes d’ori- gine diverse. | Les albuminoïdes d'origine différente se distinguent donc par la grosseur de leur maicelle. Nous savons aussi que les micelles en question augmentent leur affinité sous l'influence de la température, et l’augmentent d'une façon différente suivant la constitution chimique des albu- minoïdes dont elles dérivent. Les micelles possèdent, par consé- quent, la faculté d'augmenter leur surface, de devenir plus grosses sous l'influence de la température, pour revenir après refroidissement à leur grosseur primitive. On aurait pu désigner cette faculté sous le nom de dilatabi- lité. IL est préférable de l'appeler élasticité, parce que la modifi- cation de la grosseur micellaire peut se produire aussi, comme nous le verrons tout à l'heure, sous l'influence d’autres agents que la chaleur. | En se conformant à cette terminologie, nous dirons : l'élas- ticité micellaire n'est pas la même chez tous les albuminoïdes étudiés par nous. À en juger d'après la valeur numérique des quotients b/a, elle est à peu près deux fois moins grande chez les albuminoïdes du sapin rouge et trois fois moins forte chez les albuminoïdes du lupin blanc que chez l’albumine d'œuf. Enfin l’affinité des micelles pour les molécules salines est variable suivant la composition chimique du milieu dans lequel elles sont placées. Les albuminoïdes de réserve des graines de semence étudiées par nous, sont insolubles dans les solutions faibles de sels alca- lins dont les ions possèdent une mobilité moyenne. Les micelles correspondantes arrivent, par conséquent, à constituer leur zone proteetrice aux dépens de la quantité très faible des molé- PROPRIÉTÉS PHYSIQUES DE LA MICELLE ALBUMINOIDE. 189 cules non dissociées en présence. Leur affinité et, partant, leur grosseur semblent donc être très grandes dans ces conditions. Elles deviennent moins grandes en présence des acides miné- raux (ion positif très mobile) à concentration faible, puisqu'il faut augmenter de beaucoup la concentration de l'acide ou des sels pour précipiter les albuminoïdes. D'autre part, l’affinité et la grosseur micellaire dépendent aussi du nombre des ions dans le liquide, car si l’on prend, comme dissolvant, au lieu d'un acide minéral, l'acide acétique qui dissocie très peu, les concentrations salines nécessaires à la pré- cipitation sout plus faibles. De toutes ces prémisses se dégage cette conclusion, que les ions diminuent la grosseur micellaire plus ou moins énergiquement, suivant leur nombre et leur mobilité. Mais, en présence des alcalis fixes, l’affinité micellaire devient extrêmement faible, plus faible que ne le comporte la mobilité de l’hydroxyle, qui est moins grande que celle de l'hydrogène. Les ions négatifs manifestent done leur action, diminuant la micelle, non seulement par leur mobilité, mais encore autrement, ce qui devient encore plus évident, lorsqu'on se rappelle qu’en présence du CI, Br et I, dont les mobilités sont presque égales, les affinitéset. par conséquent, les grosseurs des micellesn’étaient pas les mêmes. Cette différence dans l’action des ions positifs, que nous ne faisons que constater ici, pourra être définie et expliquée, lorsque nous connaîtrons comment se comportent, vis-à-vis des sels, les albuminoïdes en solution alcaline, dont nous allons aborder l'étude. VIII ALBUMINOIDES. EN SOLUTION ALCALINE AU POINT DE VUE DE LEURS RAPPORTS AVEC LES SELS. — ENANTIOMORPHISME TABELLAIRE,. Lorsqu'on essaie l’action précipitante des sels sur les solu- tions des albuminoïdes d’origine diverse dans la soude à 1,09 0/00, équimoléculaire avec l’acide chlorhydrique à 1 0/00, on constate que nos réactifs, excepté toutefois les sels d'am- monium, n'arrivent guère à provoquer la précipitation. 190 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Le nombre des ions est un peu plus grand dans nos solu- tions acides (degréde dissociation = 0,95), que dans les solutions alcalines (degré de dissociation — 0,89). Dans les premières, lion possède une mobilité 318, dans les secondes ; une mobi- lité 174, presque deux fois moins grande, et cependant dans ces derniers cas la diminution de la surface micellaire est plus éner- gique. Cette anomalie, sur laquelle nous ne saurions tropinsister, est la première de toute une série, dont l’analyse nous amènera à des règles de l’action relative de différents ions sur la micelle colloïde. Cherchons tout d’abord à rendre les solutions alcalines des albuminoïdes précipitables par nos réactifs, — condition indis- pensable pour l'étude systématique et comparée de leurs rapports avec les sels. Deux moyens, basés sur la diminution du nombre des ions libres dans le liquide, et que nous avons appliqués déjà avec succès aux solutions acides, sont à notre disposition : 4° on peut remplacer la soude par un autre alcali qui dissocie moins, par l’ammoniaque, par exemple; 2° on peut aussi diminuer la concentration de la soude sans toucher à celle de l’albuminoïde en solution. Les deux moyens se montrent efficaces. Une solution d’ammoniaque d’une concentration molécu- laire0,0273 présente un degré dedissociation électrolytique 0,026, très faible, comme on voit, par rapport à la soude. La surface des micelles albuminoïdes, exposées à l’action solubilisante d’une quantité d'ions très inférieure à celle qui existe dans le cas de la soude, est moins diminuée, et les micelles arrivent à s’en- tourer d’une zone de molécules non dissociées d’une concen- tration saline pouvant être atteinte avec 2 c. c. de nos réactifs, à condition cependant que ces unités physiques ne possèdent pas dès leur origine une grosseur trop faible ou une élasticité très grande. C’est le cas des albuminoïdes des lupins et du blanc d'œuf, qu'il est impossible de précipiter à froid même d’une solution ammoniacale. Nous y reviendrons. Mais on connaît l'instabilité des solutions titrées d’ammo- niaque dans l’eau, surtout à chaud, et on comprend que ce serait s’exposer à une cause d’erreur aussi grande que variable si l’on voulait choisir cet alcali comme dissolvant dans des recherches quantitatives. La soude ne présente pas cet inconvénient, PROPRIÉTÉS PHYSIQUES DE LA MICELLE ALBUMINOIDE. 191 Une solution de soude à 0,75 0/00 met encore la micelle albuminoïde de Picea excelsa en dehors de l’action précipitante de nos réactils : une solution du même alcali à 0,5 0/00 préci- pite parfaitement bien. C’est donc à des solutions des albumi- noïdes de réserve dans la soude de cette concentration, qui correspond à 0,125 concentration moléculaire, que nous avons eu recours dans les expériences qui suivent. La méthode est restée la même, On a déterminé, en suivant exactement les règles adoptées précédemment, les concentra- tions salines nécessaires à la précipitation à froid et à la tempé- rature d'ébullition, et les nombres obtenus ont été rangés dans des séries comparables à ceux que nous connaissons depuis longtemps. Or, déjà un examen rapide des tableaux correspondants aux solutions acides et alcalines du même albuminoïde, fait ressortir une particularité très curieuse que je désignerai volontiers sous le nom d’énantiomorphisme tabellaire. 17 y à une interversion complète de tous les rapports numériques dans les deux cas étudiés par nous. Le tableau XI nous présente les résultats des expériences instituées avec une solution des albuminoïdes de Picea excelsa à 1 0/0. Déjà son aspect extérieur est insolite. Les signes que nous sommes habitués à voir à droite, à la température d’ébullition, sont reportés à gauche. Écartons de nos considérations les sels d’ammonium dont les concentrations, partout très faibles, viennent troubler la règle sur la concentration presque identique des sels du même acide. L’exception pour les sels d’ammonium est une confir- mation de ce que nous venons de dire à propos des solutions ammoniacales des albuminoïdes. La soude, en effet, comme base plus forte, prend la place de l’ammoniaque dans lessels, et on esten présence d’un cas de précipitation saline d’une solution ammoniacale, équimoléculaire avec la soude à 0,5 0/00. Dans cette solution, les micelles de l’albuminoïde de Picea excelsa sont si peu diminuées qu’elles précipitent même en présence du car- bonate de soude, malgré la réaction alcaline de ce dernier réactif, Pour revenir à Pétude des rapports numériques, nous ferons remarquer qu’à l'encontre de ce qui a été observé avec les LS ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. 22 20 2 2 2O LOZO‘0 6££ 0 L0‘0 P9I'0 G8L‘0 ÿE£GO 0 08£‘0 0F‘0 PLAT 0 Lt GIO‘0 660°0 80‘0 E8G0'0 +8£'0 060‘0 Y6‘0 03‘0 æ © 7 09900 91?‘0 0r‘0 ee LE Gr&0'0 967‘0 30‘0 6020‘0 L9c'0 8890 0 cg0°‘] £c'0 Æ ce £8g0'0 GSL‘0 LV‘0 Æ < &0F0 0 9LF'0 070 GLT 0 80‘& &L0 0 1#L°0 910 9080 ST 6 080 0 967‘0 500 9G20'0 V7L‘0 0160 0 0890 L0‘0 OPI'0 #0‘ 0290 0 668°( F0‘ 0 SPL 0 198‘0 9810 0 007‘0 10‘0 L£0' 0 861‘0 q as D ” ‘N°9 0/09 d'A N'9 0/0 9 “SE : — on —— ‘uotJt[pU qe p ane due, ‘000/0 40 & OHEN Suëp ‘o 'dype 00‘£S 00°8F 80 FL 07 99 81° T0+ 60‘C8 yr'08 00991 16°6#7 OF'617r 0‘£0 £0°86 GS'YL 0G'8c 8G'6c ‘N'a ÉDD RNNE/T SON HN) 8/7 TOS°EN 8/7 *OSHN) 8/7 « “ONH € FONEN ; € SON’EHN « [A € [EN ( 144 « IfCN « Ig'HN 0/0 0Y eh. « IDEN ( [D°HN 0/0 08 ALLO VA ‘49 9A19S9I 9P SYPIOUIUNE[E SAP UOTJUIOS ‘DSJ2902 DIN HO OAG IX NVA4TIAVL PROPRIÉTÉS PHYSIQUES DE LA MICELLE ALBUMINOIDE. 193 solutions acides, ce sont les concentrations des sels de sodium qui sont les plus fortes, du moins à froid, et ceci n est pas l'effet du hasard. Les concentrations des bromures sont nettement supérieures à celles des chlorures et beaucoup inférieures à celles des iodures, marquées infinies, mais qui, en tout cas, dépassent la concentration de 5 0/0. Or, dans les solutions acides, c’étaient les iodures, au contraire, qui présentaient la concentration la moins notable. A la température d’ébullition, d’ailleurs, l’ancien rapport revient en partie. Les nombres pour les sels de potassium se relèvent, pour les iodures ils sont un peu plus fables que pour les chlorures. Le quotient b/a, qui était en général plus grand que l'unité dans les tableaux précédents, est représenté ici par des fractions régulières. Ce que nous avons exceptionnellement rencontré pour les chlorures dans le cas du blanc d'œuf en solution acide devient donc la règle pour les solutions des matières protéiques dans l’alcali très faible. L'interversion des rapports va encore plus loin. Dans les solutions acides, le quotient b/a variait avec l'ion négatif des sels. Pour les iodures, il était partout supérieur, ensuite venaient les bromures et les chlorures. C’est juste l'inverse que nous observons dans les solutions alcalines. Le quotient b/4 est égal, en moyenne, à 0,65 pour les chlorures, à 0,28 pour les bromures et à 0,17 tout au plus pour les iodures. On retrouve toutes ces particularités dans le tableau XII qui résume les expériences analogues faites avec les albuminoïdes de Cucurbita Pepo. Les différences dans la valeur absolue des nombres sont dues à ce queles micelles de cette origine possèdent une élasticité plus grande que les unités physiques des albumi- noïdes de Picea excelsa, nous l’avons reconnu plus haut. Un agent de la même force diminue la grosseur micellaire plus sensible- ment dans le premier cas, et la concentration du sel à ajouter pour la précipitation est nécessairement plus grande. Pour les sels d’ammonium, la concentration est relativement plus faible, tout comme dans le tableau précédent. Pour le chlorure de sodium, la concentration à froid est de 1,54 ainsi que pour le chlorure de potassium. Si l’on prend en considération que le volume du réactif, ajouté dans ce dernier cas, dépassait 2 €. c. 13 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. 194 0 C2 C2 A = = = SY 107 2 Les = Æ = 2 ee 60°CS Æ gp20‘o | 9610 | 00 . < = F008 2 Len == = ec Ce Ce 00997 == es 2e ce 2 = A 16° GET = _ _ _ > > ‘GIF co = 2 co = co co 10‘ £01 SF'0 86£0 0 F8E"0 80‘0 968 0 s's &S'0 C0°86 Cr°0 4690 61'G 0L‘0 PSI (he 8L‘e 6S'#2 0£°0 AA A OL‘ Ge‘0 PSI 66° &9‘p TNT 18'0 L£0‘0 861‘0 &0‘0 SLT'‘0 60 07‘0 ag'ec ve] vo] Fe ‘N D Vo à W'A NO Vo 9 WA ‘Nd D. ‘UOT}I[NG9.p 21nJer9AUaT, ‘) o0r 88 24 "D ) & IX AVAYISVE ‘00/0 ‘0 & OHUN SUEP (0/0 T % SePIoOuIUUAIE SP UOIJNIOS ‘Ode vI1qanon 1 SONY « SONEN « Ce # ON AN Ê DI < IPN € 1 « ITeN « AJ HN 0/0 07 le « lDN « 19/HN / 0 08 TTL VAHU 49 PROPRIÉTÉS PHYSIQUES DE LA MICELLE ALBUMINOIDE. 195 et que l’albuminoïde, par conséquent, était un peu pius dilué que d'ordinaire, on comprendra que le nombre indiqué au tableau est supérieur à la concentration réelle pour ce sel. La même différence de l’élasticité fait que déjà, à partir des bromures, il est impossible d'obtenir des précipités en dehors des sels d'ammonium. Pour le bromure d’ammonium, la concentration est de 0,296 au lieu de 0,178 pour le chlorure. À la température d’ébullition. elle n’est plus que 0,0392. Malgré l'augmentation de la micelle sous l'influence de la température, sa grosseur est au-dessous de la précipitabilité à la température d'ébullition en présence des autres bromures. Mème le nitrate d’ammonium n’est plus capable de précipiter à froid, tellement sont diminuées les micelles de Cucurbita Pepo sous l'action des ions ÿ, et &,. La chaleur aidant, les micelles reviennent un peu à leur grosseur primitive et préci- pitent sous l'influence de ce sel, lorsque sa concentration monte à 0,0245. Les quotients b/a sont aussi au-dessous de lunité et ils sont supérieurs pour les chlorures ainsi que pour les bromures. Les nombres pour les albuminoïdes des semences de courge nous serviront de transition au tableau XIIL, qui présente les résultats obtenus avec les matières protéiques du lupin blanc. Les micelles, ayant dès leur origine une grosseur relativement petite, sont facilement mises hors d'atteinte de nos réactifs à froid par une solution de NaHO à 0,5 0/00, et mème par une solution équivalente d'ammoniaque. Il est donc impossible de les précipiter à froid. À la température d’ébullition, les micelles augmentent un peu et entrent dans le rayon d’action des sels ammoniacaux. Des rapports analogues ont été trouvés pour le lupin blanc et le blanc d'œuf. Toutes ces expériences prouvent de nouveau que l'énergie solubilisante des alcalis est plus forte que celle de l'acide chlo- rhydrique. Les différences entre les albuminoïdes d’origine diverse qui se sont manifestés déjà dans les solutions acides se sont accentuées davantage, grâce à l’action plus profonde de la soude. Il s’agit seulement d’élucider à quoi est due l’interversion EEE —…— ee = _ ce = ce œe ce 80° FL FODSEN 8/1 » | == ze = z = 07°99 “OD(HN) 8/1 » _ = e e É Æ = 87° T0} “ON à . 7e Ce Z 2e Z = 2 60 G$ FONEN L = $ 0 + =) > 1800 G9'0 #1 0 r _ >= Yr 08 ON AN ) [eal = | Se = e ce = 2 = ce 00 997 Bi! À F4 2 = CO = 7 = = 16 6YT [EN » En — 1 a = = 2 ze z ce F67r 144 } En 6 2 == = 22 = 7 Z r FO 607 JI4EN = Æ 080 0 CSL 0 LT 0 Z = £0°86 If HN 0/0 07 2 SE < Æ É SE 7 671 LM ] A _ _ _ mo = z g‘ec _ JOUN » pe) _ P£4O 0 26£°0 #0‘0 7 r r ARTE lD'HN 0/0 0 Z A ps me | ns < | n q n \ Q °N 9) 0/0 ) ü A ‘N 9 n°09 ‘HA ‘Wd ALLOVAHHX 4") ES D D | uOTJJ[UU9,p eanerodue y, D QrE8ed PE 00,0 GO & OHEN SUEP (0/0 L & 2A1IS9X 9p SOPIOUTNAIE 09P UOIUIOS SN) SNUIANT © [en] — IX AVATAVL PROPRIÉTÉS PHYSIQUES DE LA MICELLE ALBUMINOIDE. 197 des rapports numériques que nous venons d’analyser, et qui par elle-même confirme d’une façon probante, quoique indirecte, l'existence réelle de ces rapports. Les solutions acides et alcalines se distinguent en somme au point de vue de la théorie de la dissociation électrolytique par le signe de la charge électrique des ions, auxquels appartient le rôle le plus important dans l’acte de la diminution de la micelle. L'ion H, le plus actif dans les solutions acides, est chargé positivement, l'ion OH des alcalis est négatif. Le renversement des rapports numériques n'est-il pas en relation avec ce caractère diamétralement opposé ? Ceci nous amène à nous occuper du rôle de la charge élec- trique des ions dans les phénomènes de modification d’état des albuminoïdes. À l’aide de quelques considérations, basées sur les notions élémentaires de l'électricité statique, il nous sera facile non seulement de démontrer que la cause de linterversion des rapports est réellement liée à la charge en sens opposé des ions, mais aussi de préciser les règles de leur action relative, ainsi que le mécanisme de leur action solubilisante. IX POUVOIR ÉLECTRISANT DES IONS ET DES ÉLECTROLYTES. — POUVOIR ÉLEC- TRISANT RELATIF DES IONS VIS-A-VIS D'UNE MICELLE CONDUCTRICE ET NON CONDUCTRICE. — LE RAPPORT B/A ET LA MODIFICATION DE LA MOBILITÉ DES IONS SOUS L'INFLUENCE DE LA TEMPÉRATURE. — RÉSUMÉ. Les micelles des albuminoïdes ou des colloïdes, en général, ne sont pas électrisées au moment où on les introduit dans l’eau contenant un électrolyte dissocié. Les ions, élant en mouvement continu dans le liquide, viennent butter à chaque instant contre les particules en suspension ou en solution comme contre les parois du vase. Le résultat de ce contact doit être celui qu’on observe lorsqu'un corps électrisé touche à un autre dont le potentiel électrique est nul; une partie plus ou moins grande de la charge électrique de l'ion passera aux particules rencontrées par lui. Plusieurs cas peuvent être envisagés. Le cas le plus simple se présentera lorsque l’électrolyte en solution sera composé par 198 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. des ions d’une mobilité égale ou presque égale, comme le chlorure de potassium, par exemple, et lorsque les particules ou les micelles seront bons conducteurs de l'électricité. Comme la charge électrique de lion positif et négatif est toujours la même; comme, d'autre part, les chances de ren- contrer les particules en suspension sont égales pour les deux ions à cause de leur mobilité identique, les particules seront électrisées en même temps et au même degré positivement et négativement; elles resteront, par conséquent, sans charge électrique appréciable. Remplaçons maintenant îe chlorure de potassium par l'acide chlorhydrique. Les ions positifs dont le mouvement est à peu. près cinq fois plus rapide que celui des ions négatifs auront cinq fois autant d'occasion de rencontrer la particule en solution, ou autrement dit, à chaque instant les nombre des ions ? qui vien- dront toucher la micelle sera cinq fois plus grand que celui des ions &. Ceci aura pour conséquence une électrisation positive de cette dernière. Si, au lieu de l'acide chlorhydrique, on prend une solution de soude, c'est l'ion négatif 6; qui sera le plus mobile, c’est lui aussi qui portera les frais de l’électrisation négative de la par- ticule. Il est évident que la chärge électrostatique d’une micelle conductrice augmentera, toutes choses égales d’ailleurs, avec le nombre d'ions qui la toucheront en un laps de temps donné, et on peut, par conséquent, considérer la charge qu'une espèce d'ions abandonnera à la micelle comme fonction de leur mobi- lité. Cette charge électrostatique nous servira, dans la suite, de. mesure du pouvoir électrisant d’un ion vis-à-vis d’une micelle. Les considérations suivantes permettent de donner une expression mathématique plus ou moins approximative à la relation entre le pouvoir électrisant et la mobilité. Soit G, V, R et ec, v, r, les capacités, les potentiels électrostatiques et les rayons respectifs de la micelle conductrice et de l’ion, que nous nous représenterons sous forme sphérique, et m le nombre d'ions d’une même espèce qui toucheront à un moment donné la micelle et qui est proportionnel à la mobilité. En se basant sur la loi du partage des charges électrosta- tiques, on a, après un contact de la micelle avec » ions, PROPRIÉTÉS PHYSIQUES DE LA MICELLE ALBUMINOIDE, 199 (C++ me) T = mev + CV (1) où T représente le potentiel du système après le contact. CV étant égal à zéro et les capacités électrostatiques des sphères élant proportionnelles à leurs rayons, mcCv ni FV mrv ŒUr + me Em + m—— _R+mr n et de l'équation 1. mrv R EU (2) R+nr R+mr TD = mcev—me: Le facteur varie en même temps que le produit mr. D'autre part, R étant très grand par rapportàr; m variant dans les limites étroites de 1 à 7, comme on peut s’en assurer en compa- rant les mobilités des ions r variant ; dans les limites encore plus étroites, de 4 à 2, 3 comme on le verra plus loin, on conçoit facilement que les variations de la valeur de ce facteur ne seront pas assez sensibles pour pouvoir se manitester dans les expériences aussi grossières que celle de la précipitation. Il est donc permis, jusqu'à un certain point, de conclure, de l'équation (2), que la chargeélectrostatique Q — CT communiquée à une micelle conductrice par un ion est directement proportionnelle à la mobilité de celui-ci. Pour les différents ions, les nombres étant ramenés à 100 pour l’hydrogène, les pouvoirs électrisants vis-à-vis d’une micelle conductrice peuvent être exprimés par la série sui- vante : H NH, Na K 100 20.2 14,0 20,5 OH CI Br I NO, 54,7 20,8 21,0 21,0 19,1 Le pouvoir électrisant d’une molécule ionisée d'un électro- lyte binaire sera représenté par la valeur absolue de la somme algébrique des pouvoirs électrisants de ses ions pris avec leurs signes respectifs. La charge de la micelle en présence de cet électrolyte aura le signe de la somme. C'est ainsi que le pouvoir électrisant d’une molécule dissociée d'acide chlorhydrique est égale à 79,2, de chlorure de potassium 0,3, de soude 40,7. La charge électrostatique de la micelle dans 200 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. le premier cas sera positive, dans les deux derniers négative. Ces nombres trouveront leur application plus loin. Le cas de la micelle diélectrique nous intéresse davan- tage, les albuminoïdes étant de mauvais conducteurs de l’élec- tricité. Il ne peut pas y avoir, strictement parlant, de partage dela charge électrostatique entre la micelle non conductrice et lion. Au moment du contact, les ions ne feront que polariser les micelles et neutraliser les pôles dirigés vers la périphérie de tous les éléments qu'ils toucheront. Ceci aura pour résultat d’électriser ces derniers de même signe que celui des ions en présence. Comme le nombre d'ions est assez considérable, même dans les solutions diluées des électrolytes, la surface entière de la micelle arrivera à ètre électrisée tout comme dans le cas étudié précédemment ‘. La différence sera uniquement dans le méca- 1. Lorsqu'on fait passer un courant électrique intense à travers de l’eau qui contient en suspension des particules solides (amiante, graphite, soie, argile, soufre, etc)., on observe un déplacement des particules dans la direction du cou- rant négatif, c’est-à-dire vers la cathode. Les mêmes particules suspendues dans l’essence de térébenthine se déplacent dans le sens inverse, à l'exception du soufre qui continue à cheminer vers le pôle positif. Ce phénomène, étudié sur- tout par M. Wiedemann (Pogg. Annalen, t. LXXXVII, p. 321) et M. Quincke (/bid. t. COX, p. 513) fut reconnu par M. Cohen (Wiedemann's Annalen, t. LXIV,: p. 217) comme un cas particulier d’une Ici plus générale qu'il formule de la façon suivante : « Les substances possédant une constante diélectrique supé- rieure s’électrisent positivement au contact avec des substances dont la constante ditlectrique est inférieure ». Ainsi l’eau, avec sa constante la plus forte que lon connaisse (80,9) s’électrise toujours positivement, les particules suspendues néga- tivement, d’où leur transport vers la cathode. L’essence de térébenthine, dont la constante diélectrique égale à 2,23 est inférieure à celles des solides mentionnés plus haut, à l’exception toutefois du soufre, s’électrise négativement en provo- quant une charge positive dans les particules suspendues, qui cheminent dès lors vers le pôle négatif au moment du passage du courant électrique. Si cette interprétation s'adapte très bien au transport des particules solides en suspension dans l’eau en l'absence des électrolytes, elle est incapable de nous rendre compte des phénumènes observés au passage du courant électrique à tra- vers des solutions colloïdes qui contiennent presque toujours de l'acide ou de l’alcali en plus ou moins grande quantité. MM. Linder etPicton(7'he Journal of the Chemical Soc., t. LXXI, p. 568, 1897) ont montré, en effet, que les particules colloïdes dans les hydrosols peuvent se déplacer, suivant leur nature chimique, dans l’un ou l’autre sens. C’est ainsi que l’hydrate de fer, lhydrate d’argent, l’oxyhémoglobine sont transportés vers l’anode; le bleu d’aniline, le sulfure arsénieux, lacide silicique, au contraire, subissent une répulsion du pôle négatif et sont dirigés vers l’électrode positive. (Il y à, cependant, une légère répulsion aussi du pôle positif dans le cas du sulfure arsénieux.) Ces auteurs, tout en faisant constater la basicité de certains corps qui se déplacent vers le pôle négatif et l'acidité des autres qui se dirigent vers le pôle positif, s’abstiennent toutefois d’une généralisation de cette remarque, et laissent ouverte la question sur la cause de la direction prise par différents colloïdes sous l'influence du courant électrique. PROPRIÉTÉS PHYSIQUES DE LA MICELLE ALBUMINOIDE. 201 nisme de l’électrisation de la micelle et dans la part qu'y prendra chaque ion individuellement. Dans le cas de la micelle diélectrique, un ion n'électrise pas toute la surface de la micelle, mais seulement la partie qu’il a pu toucher, Or, cette partie sera nécessairement proportionnelle à la surface du contact de la micelle et de l’ion, laquelle varie, évidemment, en raison directe du carré du rayon de celui-ci. L'expression analytique de la charge de la micelle diélec- trique sous l’influence d’un ion sera donc = Kmr où K est une constante qui dépend principalement de la polari- sation de la micelle et de la charge électrotastique de lion. Pour exprimer en nombres le pouvoir électrisant relatif de différents ions, 1l nous faut connaître, outre la mobilité, encore le rayon de lion qui se laisse, d’ailleurs, déterminer avec un degré de probabilité plus ou moins grand. On désigne sous le nom de volume moléculaire le produit du Les travaux de M. Hardy (J. of. Physiol., t. XXIV, p. 288, 1899; Zeëtschrift f. Physik. Ch., t. XXXIII, p. 885) apportent de précieux éléments pour la solution de ce problème. M. Hardytritura, entreautres, un coagulum albuminoïde, soigneusement lavé à l’eau distillée, dans un mortier d’agate, de facon à obtenir une division très grande de la matière protéique. Suspendues dans l’eau et placées dans un tube en U, les particules se déposaient assez vite au fond du tube et restaient en place, même lorsqu'on faisait passer un courant électrique assez énergique (100 volts sur une distance de 0,10 entre les électrodes de platine) pendant 48 heures. Or, lorsqu'on ajouta à l’eau du tube une quantité minime d'acide acétique ou d’alcali fixe, le précipité albuminoïde montait respectivement vers l’anode ou vers la cathode, de manière à atteindre les électrodes au bout de 20 heures. En présence de l'acide acétique, les flocons albuminoïdes se comportaient donc comme des corps électropositifs, en présence de l’alcali comme des matières électronégatives. Lorsqu'on précipite l’hydrosol de l'hydrate de fer, qui contient toujours un peu d’acide chlorydrique et qui est électropositif, d’après MM. Linder et Picton, par de l’ammoniaque très faible, les particules coagulées présentent un carac- tère électronégatif très net. La silice gélatineuse, bien lavée et diluée dans l’eau légèrement alcolinisés,se comporte comme une substance électronégative au pas- sage du courant électrique. Toutes ces observations de M. Hardy correspondent donc parfaitement bien à ce qu'on pouvait attendre à la suite de nos considéra- tions théoriques, L En résumé, le caractère positif ou négatif des colloïdes en présen’e des élec- trolytes ne doit être attribué ni à la constante diélectrique de ces matières, ni à leur caractère chimique. Le sigae de leur charge électrostatique est subordonnée au pouvoir électrisant plus ou moins grand des ions positifs ou négatifs en pré- sence. La charge électrostatique communiquée par les ions aux micelles colloïdes semble être plus forte que celle qui apparait au contact des particules solides avec de l’eau, et masque complètement le phénomène auquel se rapporte la loi formulée par M. Cohen. 202 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. poids moléculaire et du volume spécifique, ce dernier n’étant que la réciproque du poids spécifique d’une substance. Le volume moléculaire est une propriété additive des atomes pour les corps aussi simples que les électrolytes binaires; on peut donc calculer, en partant du poids spécifique d’un acide ou d’un sel, le volume d’un ion, lorsque celui de l’autre nous est connu, ou déterminer directement, là où c’est possible, le volume d'un ion d’après la densité des éléments chimiques à l'état solide ou liquide. M. Kopp a calculé, en 1855, en partant du poids spécifique des substances organiques à la température d'ébullition, les volumes atomiques de H—55 Cl—12259 Br — 278 [871,5 et comme le remarque M. Nernst, ces valeurs doivent corres- pondre à la réalité, puisqu'elles se rapprochent sensiblement des nombres que l’on obtient pour le CI et le Br, en les calculant d’après la densité de ces éléments à l’état liquide et à la tempé- rature d'ébullition. Nous calculerons les volumes d’autres ions en nous appuyant sur les densités des sels à la température de 0° à 16°, suivant les données que j'ai pu trouver dans la bibliographie. Les valeurs obtenues seront, évidemment, trop faibles par rapport aux chiffres de M. Kopp, mais suffisamment comparables avec eux pour le but que nous poursuivons. NH, —= 143. Na —6,0, K— 16,5 NO; — 35,4 (à partir de l’acide nitrique)- Ceci étant le volume des ions, le rayon r est facile à calculer. Les valeurs mr? ramenées à 100 pour l'hydrogène nous don- neront le pouvoir électrisant relatif de différents ions envers une micelle diélectrique. H NH, Na K 100 38,2 14,8 42,8 OH CL 3r I ; NO, 94,8 53,5 62,0 75,8 66,3 Munis de ces nombres, #! nous suffit d'admettre que la dimi- nution de ia micelle albuminoïde sous l'influence d'un ion soit propor- tionnelle au pouvoir électrisant de ce dernier pour que toutes les régularités et particularités, que nous avons observées et consi- PROPRIÉTÉS PHYSIQUES DE LA MICELLE ALBUMINOIDE, 203 gnées dans nos tableaux, trouvent leur explication rationnelle et concordante. Dans une solution d’un albuminoïde dans l'acide chlorhy- drique à 1 0/00, les micelles portent une charge électrique posi- tive égale à 46,5 (100 — 53,5). En présence de la soude de même concentration moléculaire, la charge est négative et correspond à 80. La charge étant presque deux foisaussi grande que dans le cas de HCIÏ, la diminution de la micelle est plus prononcée, d'où l'impossibilité de précipiter l’albuminoïde par nos réactifs. Lorsqu'on ajoute à la solution acide des albuminoïdes un sel quelconque, les 1ons positifs de celui-ci viennent augmenter la charge de la micelle ; les ions négatifs tendent, au contraire, à la diminuer. Les ions ÿ; et * agiront proportionnellement à leur pouvoir électrisant qui est de 38.2 et 42,8. Comme le sodium avec son pouvoir 14,8 augmentera le moins la charge de la micelle, cette dernière sera moins diminuée et on aura besoin d’une concentration moindre de sel pour la précipiter. L'’explication de la particularité observée avec les sels de sodium dans les solutions acides est donc un peu plus compliquée. Dans le cas des chlorures, la diminution de la charge corres- pondra à 53,5 (pouvoir électrisant du 5), dans le cas des bro- mures à 62, dans le cas des iodures à 75,8. La charge électros- tatique de la micelle sera donc plus petite en présence des iodures et des bromures qu'en présence des chlorures ; la micelle sera, par conséquent, aussi moins contractée et arrivera à s’entourer d’une zone moléculaire d’une concentration moins forte pour les iodures et les bromures que pour les chlorures, comme nous l’avons constaté en effet dans toutes les solutions acides des albuminoïdes, étudiés par nous, sans exception. Mais prenons une solution d’un albuminoïde dans la soude à 0,5 0/00. La charge de la micelle étant négative, ce sont les ions négatifs qui viendront augmenter la charge, les ions posi- tifs agiront dans le sens contraire. ons l'augmentation de la charge sera la plus notable en présence des bad les micelles seront surtout diminuées sous l'influence de ces sels, et les concentrations salines nécessaires pour la précipitation seront accrues. L’ion Ÿ neutralisera moins d'électricité négative que l'ion + 204 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. c’est pourquoi en sa présence la concentration précipitante sera plus grande. C’est là Pexplication de linterversion d’une bonne partie des rapports qui nous à frappé à l’étude des solutions alcalines. I nous reste encore à montrer pourquoi les quotients b/a sont au-dessous de l’unité et plus grands pour les chlorures que pour les bromures et iodures, inversement à ce qu’on a vu pour les solutions acides. On se rappelle que le quotient b/« indique le rapport entre les concentrations moléculaires qui précipitent à chaud et à froid. Si ce rapport est plus grand que 1, la micelle nous appa- raît diminuée sous l'influence de la mobilité accrue des ions, malgré la dilatation de la micelle provoquée par la chaleur. Un quotient au-dessous de l’unité nous fait penser que laccrois- sement de la mobilité des ions n’a pu contre-balancer l’augmen- tation du volume de la micelle sous l'influence de la tempéra- ture. En règle générale, là où le quotient b/« est moins grand, on peut conclure à l'accroissement relatif plus fort de la grosseur micellaire comme résultat de l’action antagoniste de la tempé- rature et de la mobilité accrue des ions. Or, l’élasticité micellaire est une propriété constante et la dilatation de la micelle est toujours identique pour le même albuminoïde et la même température. Il s'ensuit de là que la variation du quotient b/a dans nos séries doit être attribuée à l'augmentation inégale de la mobilité des ions de différente nature chimique sous l'influence de la méme température. Cette conclusion, tirée par nous des phénomènes de modili- cation d’état des albuminoïdes, correspond parfaitement bien à ce qui a été observé par les auteurs qui ont étudié la variation de la conductibilité électrique des solutions salines. sous lin- fluence de la température (Kohlrausch, Loeb et Nernst, Arrhe- nius). Les observalions recueillies jusqu'ici ne sont pas cepen- dant très nombreuses et ne s'étendent que sur une partie limitée de l’échelle thermométrique. En s'appuyant sur les faits connus, M. Nernst formule ainsi la modification de la mobilité des ions avec la température. Les nombres augmentent de 2 0/0 par degré à peu près. Le coeffi- cient de température est d'autant plus petit que les mobilités PROPRIÉTÉS PHYSIQUES DE LA MICELLE ALBUMINOIDE. 205 sont plus grandes, de façon qu'avec l'élévation de la tempéra- ture, les différences entre les mobilités des ions tendent à s’efla- cer de plus en plus!. Les valeurs des quotients b/a me portent à croire que l’aug- mentalion de la mobilité sous l'influence de la température est en rapport inverse non seulement avec la mobilité initiale, mais aussi avec la surface de l'ion, Les mobilités du 5, x, + sont, en effet, presque identiques à 18° el, cependant, leur accroissement à la température d’ébullition est loin d’être égal, comme on peut s'assurer par l'examen des quotients b/a juxtaposés plus haut. Si on les rapporte à l'unité pour les iodures, on a pour les albuminoïdes en solution acide de Chlorures Bromures Iodures Nitrates j ( aeide chlorhydrique . 0,53 0,64 1 0,92 Picea excelsa } cd acétique 0,59 0,74 1 0.93 CUEUT OLPC ROME RER ES. 0,59 0,71 1 0,90 Ban et EURE SRE RO EEE 0,56 0,72 1 0,90 Concordance des rapports vraiment remarquable si l’on pense qu'ils ont été obtenus avec des albuminoïdes aussi diffé- rentis. On voit que l'augmentation de la mobilité pour le ; est la plus forte. puisqu’en neutralisant en partie la charge électrique positive de la micelle à la température d’ébullition, elle l'amène à uue grosseur micellaire la plus notable par comparaison avec les autres halogènes. Ensuite viennent dans l’ordre régressif le > le wo et le 5. Or, c'est dans l’ordre inverse que sont disposés les pouvoirs électrisants de ces ions par rapport à une micelle non conductrice, qui sont représentés par le produit de leur mobilité et du carré de leur rayon. C’est à des rechérches ultérieures et surtout à l'étude de la conductibilité électrique des solutions salines à des températures variables qu’appartient de déterminer si le rapport entre l'ac- croissement de la mobilité et le pouvoir électrisant des ions est linéaire ou plus compliqué. L'existence de ce rapport est, cepen- dant, dès à présent corroborée par l’inversion des quotients b/4 dans les solutions alcalines. 4. W. Nerxst, /. c., p. 355. Il est à noter que, d’après les recherches de M. Arrhenius, Z{sch. f. physikalische Chemie, t. IV, 1889, le coefficient de température entre 18 et 52° pour la concentration moléculaire 0,5 de KCI est de 918 ; KBr, 210, KI, 207, KNO,-218. 206 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. En effet, le pouvoir électrisant des ions positifs jh, À, & est plus faible que celui des ions négatifs, leur mobilité doit être plus fortement augmentée à la température d’ébullition si le rap- port que nous présumons existe réellement. En solution acide, où les micelles albuminoïdes sont électri- sées positivement, cet accroissement plus fort de la mobilité des ions positifs devrait provoquer une augmentation de la charge électrique des micelles, qui aura pour résultat leur rapetisse- ment encore plus notable. Les concentrations, nécessaires à la précipitation à la température d'ébullition, deviendraient alors plus fortes et le quotient b/« serait au-dessus de l'unité. C’est ce que nous avons observé. Parmi les ions négatifs, c’est le ; qui a le pouvoir électrisant le moins grand, qui l’augmentera le plus à la température d’ébullition et qui neutralisera, par conséquent, le plus d’élec- tricité positive de la micelle. C’est, en eflet, en présence des chlorures que les concentrations moléculaires étaient relative- ment moins grandes à la température d’ébullition, comme le certifient les quotients qui sont les plus faibles pour les chlorures. Dans les solutions alcalines des albuminoïdes, où les micelles sont chargées négativement, l'augmentation plus forte de la mobilité des ions positifs aura naturellement un effet inverse. Une plus grande partie de la charge électrique des micelles sera neutralisée à chaud qu’à froid, la charge se trou- vera diminuée, la micelle agrandie et les concentrations préei- pitantes affaiblies, d’où le quotient au-dessous de l'unité. Et comme les chlorures, grâce à l'accroissement plus grand de la mobilité du ; soutiendront encore le plus l'effet électrisant du 5, c’est en leur présence que les micelles seront relative- ment plus petites et demanderont des concentrations plus fortes pour être précipitées. De là le quotient b/a plus fort pour les chlorures que pour les bromures et les iodures. En un mot, les résultats numériques de l’ensemble de nos expériences se comportent de manière à justifier complète- ment l'hypothèse : 1° sur la proportionnalité directe entre la charge electrostatique, communiquée à la micelle albuminoïde par les ions libres en présence, et la diminution de la grosseur micellaire; 2° sur la proportionnalité inverse, entre l’étendue PROPRIÉTÉS PHYSIQUES DE LA MICELLE ALBUMINOIDE, 207 de la surface micellaire et la concentration saline nécessaire à la précipitation d’un albuminoïde en solution ou, plus exacte- ment, entre la grosseur micelluire et le nombre minime de molécules non dissociées, qui suffit pour permettre à la micelle de s’entourer d’une zone protectrice. Et si une hypothèse a déjà sa raison d’être, lorsqu'elle se montre utile à la simplification et coordination de phéno- mènes complexes et difficiles à interpréter, celle que nous venons de formuler mérite d'autant plus d’être agréée qu’elle permet de prévoir des faits inconnus, de reconstituer, comme on va le voir, le mécanisme des modifications d’état des col- loïdes en général, et de trouver des relations entre les phéno- mènes dont l’analogie n'était rien moins que reconnue jus- ie qu'ici. Mais avant d'aller plus loin, 1l ne serait pas peut-être inutile de résumer en quelques propositions tous les développements qui précèdent. Aux questions posées dans l'introduction à ce travail sur les propriétés de la micelle albuminoïde, sur Les altérations qu'elle subit et sur les agents capables de la modifier de façon à chan- ger la solubité des matières protéiques, on peut rérondre à la suite de la discussion raisonnée de nos expériences ce qui suit : 1° La micelle albuminoïde présente deux propriétés phy- siques pouvant servir à la différenciation des matières pro téiques : la grosseur et l’élasticité ; 20 La grosseur micellaire est.une propriété variable, sa valeur étant déterminée, d’une part, par l'intensité des agents capables de la modifier; d'autre part, par l’élasticité de la micelle. Cette dernière propriété doit ètre considérée comme constante ; 3° Parmi les agents capables de modifier la grosseur micel- laire, nous avons appris à connaitre la chaleur qui l’augmente et les ions libres qui la diminuent. Il serait naturellement pré- maturé d'en conclure que ce sont les seuls facteurs auxquels là micelle albuminoïde soit sensible : % Les ions diminuent la grosseur de la micelle par la charge électrique qu’ils communiquent à celle-ci. La diminution de la grosseur micellaire est proportionnelle à cette charge ou, autrement dit, au pouvoir électrisant des 1ons ; 208 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. 5° Le pouvoir électrisant relatif des ions n’est pas le même vis-à-vis d'une micelle conductrice ou non-conduactrice, Dans le premier cas il est proportionnel à leur mobilité ; dans le second, au produit de la mobilité et du carré de leur rayon ; 6° Les charges communiquées à la micelle par les ions positifs et négatifs se neutralisant mutuellement, le pouvoir électrisant d’un électrolyte sera, évidemment, égal à la valeur absolue de la somme algébrique des pouvoirs électrisants des ions, pris avec leur signe respectif. Le signe de la somme indi- quera celui de la charge qui persistera chez la micelle après la neutralisation partielle : 1° Lorsqu'on ajoute un ou plusieurs électrolytes à une solu- tion colloïde dont les micelles portent déjà une charge élec- trique, les ions possédant le même signe que celui de la charge vont augmenter l’électrisation des particules colloïdes ; les ions de signe opposé vont, au contraire, la diminuer. En changeant le signe de la charge initiale de la micelle, on renverse natu- rellement tous les rapports, tout ce qui diminuait la charge dans le premier cas, l’augmente dans le second; 8° La mobilité des ions augmentant avec la température en raison inverse de leur mobilité initiale et de leur surface, le pou- voir électrisant des ions se modifie parallèlement. En chauffant une solution colloïde en présence des électrolytes, on provoque done une action antagoniste au point de vue de la grosseur micellaire. La micelle est engagée, d’une part, à se dilater; elle en est empèchée, d'autre part, par l'augmentation de la charge électrique qui lui est communiquée par les ions devenus plus mobiles, Suivant l'élasticité micellaire et suivant la nature des ions en présence, le résultat de cette action antagoniste sera différent : la grosseur de la micelle pourra rester sans altération ou devenir plus ou moins forte : 9° C’est la grosseur de la micelle, dans les conditions de l’expérience, qui détermine le nombre des molécules non disso- ciées, et partant la concentration saline qui est nécessaire pour précipiter un albuminoïde, placé dans ces conditions; 10° Le nombre des molécules non dissociées qui provoque la précipitation est d'autant plus grand que la grosseur micel- laire est plus faible. Le Gérant : G. Masson. Sceaux. — Imprimerie E. Charaire. {5%e ANNÉE AVRIL 1901 No 4 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR ÉTUDE DE L'IMMUNITÉ DANS L'INFECTION TYPHIQUE EXPÉRIMENTALE Par LE Dr BESREDKA (Travail du laboratoire de M. Metchnikof.) Depuis que l'attention des bactériologistes à été attirée sur les cytotoxines, l'étude de l’immunité proprement dite, de l’im- munité vis-à-vis des microbes, se trouve un peu délaissée, Les bactéries ont cédé la place aux cellules animales: les sérums — cytolyliques et anticytolytiques — dont le nombre augmente tous les jours, ne visent que les cellules normales de l'organisme. Si captivantes que soient ces recherches en elles- mêmes, il est évident que l'espoir de pénétrer davantage dans l'intimité des phénomènes de défense de l'organisme fut pour beaucoup dans l'enthousiasme soulevé de toutes parts par cette nouvelle orientation de la microbiologie. Certes, les recherches sur les cylotoxines sont loin d'être épuisées, bien que les princi- paux sérums cytolytiques soient déjà plus ou moins étudiés ; il reste encore à accomplir une tache non moins importante, qui consiste à rechercher tout le parti que l'on pourra en tirer au point de vue thérapeutique. Mais lorsqu'on se place au point de vue purement théorique, et que l’on cherche à transporter sur le terrain de l’immunité bactérienne les connaissances acquises au sujet des cytotoxines, on voit que l'espoir des bactériologistes n’est pas encore sur le point de se réaliser. En effet, la notion la plus importante qui domine l'histoire des eytotoxines est celle qui à été mise en évidence par les 14 AD ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. belles recherches de M. Bordet, et qui a trait au rôle respectif de l’alexine et de la sensibilisatrice, ou de la cytase et du fira- teur, d’après la terminologie de M. Metchnikoff. M. Bordet a, en effet, établi dès 1895 que la destruction des vibrions, mis en contact avec le choléra-sérum, est due à l’action simultanée des deux substances, l’alexine et l’anti-corps spéci- lique. Or, si l'on se propose d'utiliser cette notion, exacte en elle-même, dans le but de rendre les sérums bactéricides plus efficaces, comme le propose le professeur Wassermann, on ne tarde pas à s’apercevoir que l’analogie entre les sérums cytoly= tiques et bactéricides ne va pas jusqu’à l'identité. Dans les deux mémoires! que M. Wassermann a consacrés à l'exposé de sa théorie alexique où cytasique de l'immunité, nous trouvons, à côté des considérations théoriques, des faits expérimentaux d’un grand intérêt, destinés à étayer sa théorie. Avant de passer à l'examen critique de cette dernière, nous nous empressons de déclarer que tous Îles faits rapportés par l’auteur, avec sa précision coutumière, sont d'une exacl- tude absolue; nous les avons répétés nombre de fois et toujours avec les résultats indiqués par l’auteur. Nous sommes donc complètement d'accord pour ce qui concerne la partie expéri- mentale de ses mémoires, mais où ous nous séparons complè- tement de M. Wassermaun, c’est lorsqu'il s'agit d’en tirer des conclu-ions, Après avoir analysé le mécanisme des expériences faites par M. Wassermann, et après les avoir complétées par une serie d'autres expériences qui vont être exposées plus bas, nous sommes arrivé à des conclusions non seulement ditfférentes, mais presque diamétralement opposées à celles formulées par le savant allemand. Pour mettre le Lecteur à même de s'orienter dans cette ques- uon assez complexe et de pouvoir porter son jugement en toute connaissance de cause, il ne sera pas inulile de résumer briè- vement les idées de M. Wassermann el les expériences que celles-ci lui ont suguérées, Comme M Wassermann le dit lui- méme à plusieurs reprises, ses idées lui ont été inspirées par les études récentes sur Les cyltotoxines. Le premier mémoire traite de limmunité artificielle, pas- Î. Deutsche medicinische Wochenschrift.1900, n° 18; 4901, n° 1. IMMUNITÉ DANS L'INFECTION TYPHIQUE. 244 sive, le deuxième de limmunité naturelle. L'idée directrice dans ces deux mémoires est la même : tous deux tendent à faire ressortir l'importance primordiale des alexines ou des cylases dans les deux sortes d'immunité, rs Pour ce qui concerne l’immunité naturelle, nous savons par les recherches de M. Metchnikoff et de ses élèves au prix de quel effort persévérant la théorie phagocytaire à pu sortir vic- torieuse de la lutte contre la théorie humorale. M. Wasser- mann ne tient pas, évidemment, compte des travaux de l’école phagocytaire, et considère la question de limmunité naturelle comme non encore résolue: il croit pouvoir la trancher par une expérience qui, d’après lui, est décisive. Voici le raisonnement qui est à la base de cette expérience. Si, dit-il, l’alexine ou la cytase ne jouait aucun rôle dans l’immunité naturelle, un sérum anticytasique, injecté à l'animal, ne devrait pas affaiblir sa résistance naturelle; par contre, l'ani- mal doit ressentir l'effet nocif de l’anticytase d'autant plus vivement que la cytase est plus nécessaire pour la défense natu- relle de l'organisme. Or, l'expérience conçue dans cet ordre d'idées démontre que le cobaye dont la cytase naturelle a été neutralisée par une injection intrapéritonéale de l’anticytase, se trouve en état de résistance notablement inférieur à celui d’an témoin qui n'a pas reçu d’anticytase; d’où M. Wassermann tire celte conclu- sion, paraissant très logique au premier abord, que «la résistance naturelle del'organisme est due principalement à la présence de la cylase », et que « les substances diastasiques, se trouvant nor- malement dans le sang et capables de détruire les bactéries, constituent le principal moven de défense dans les maladies infectieuses ». Voilà pour l’immunité naturelle. Nous allons revenir tout à l'heure sur cette expérience, que uous éludierons en détail; retenons pour le moment ce fait capi- tal que, d'après M. Wassermann, dans l’immunité naturelle, l'action cytasique ou bactéricide prime tout. L'auteur est à tel point pénétré de ce rôle de la cytase qu’il propose d'introduire dans les usages cliniques le dosage de la cylase, comme cela se pratique pour les autres éléments du sang, lhémoglobine, 212 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. par exemple; il ajoute qu'il serait de la plus haute importance de pouvoir augmenter artificiellement la teneur du sang en cytase. Mais ici nous touchons à la question de l’'immunité artificielle, à laquelle M. Wassermann a consacré un très 1oté- ressant mémoire, il y a un an environ. LS * *# Frappé du peu d’eflicacité de la plupart des sérums bactéri- cides (anticholérique, typhique, streptococcique, pneumococ- cique, charbonneux, etc.), comparativement avec les sérums antitoxiques (antidiphtérique, ete.), M. Wassermann se demande s'il ne serait pas possible de rendre les premiers plus actifs au point de vue thérapeutique. Ainsi les sérums bactéricides ont l’immense désavantage que voici : si une dose déterminée de sérum est capable de préserver contre un certain nombre de microbes, il n’est pas du tout sûr qu'en triplant, par exemple, la quantité de sérum, on parvienne à préserver l'animal contre une dose trois fois supérieure de microbes; il arrive, au contraire, toujours ceci que, dès que le nombre de microbes dépasse une certaine limite, le sérum bacté- ricide, quelle qu'en soit la dose injectée, est impuissant à en- rayer l'infection : de là l’inefficacité pratique de ces sérums. M. Wassermann, s'inspirant des connaissances acquises au sujet des cytotoxines, croit avoir trouvé la clef du phénomène : tous nos sérums bactéricides pécheraient, d’après lui, par l’insuf- fisance en alexines ou en cytases. En effet, dit-il, depuis les recherches de Bordet, Ehrlich et Morgenroth et d’autres, on sait que les sérums cytolytiques se composent de cytase et de fixateur, ou d’alexine et de sensibili- satrice, d’après l’ancienne nomenclature; la quantité de cytase, au cours de l'immunisation, reste invariable ; seul l'élément fixa- teur (Immunkorper) s'’accumule dans le sérum de l'animal vacciné; or, pour qu’un sérum bactéricide puisse être actif, il faut le concours des deux substances, en proportions détermi- nées, et si l’une d’elles manque, l’action du tout est compromise. Lorsqu'on prépare les sérums bactéricides, on augmente artifi- ciellement la quantité de la substance fixatrice, mais on ne se préoccupe guère d’en faire autant pour la cytase: pour avoir des sérums bactéricides qui agissent, il faut donc leur ajouter de la cytase; ce n’est qu'à cette condition que l’on aura des IMMUNITE DANS L'INFECTION TYPHIQUE. 213 sérums réellement efficaces, des sérums qui guérissent; et comme la cytase se trouve dans chaque sérum normal, on n'a, d'après M. Wassermann, qu'à ajouter à des sérums bactéricides du sérum normal. Ea réalité, la question paraît un peu plus compliquée, car les expériences ont montré à M. Wassermann que tout sérum normal ne convient pas à cet effet, que pour chaque sérum bactéricideil faut établir, selon l'animal qui fournit le sérum, une cytase qui lui convienne, une cytase spécifique, pour ainsi dire; l’auteur reconnaît que le choix de la cytase est une tâche délicate, mais pouvant être de la plus haute impor- tance pour la bactériologie appliquée. Si la thèse fondamentale de M. Wassermann est conforme à la réalité, on ne s'explique pas bien pourquoi il faut chercher si longuement la cytase appropriée, pourquoi la cytase de l'espèce qui sert à l'immunisation ou bien celle de l'animal qu’il s’agit de protéger ne saurait convenir. Mais ceci n’est qu'un détail; ce qui nous importe avant tout, c'est le principe en vertu duquel un sérum bactéricide est, d’après M, Wassermann, rendu beau- coup plus actif, si on lui ajoute de la cytase appropriée. Ce savant apporte une expérience, sur laquelle nous revien- drons encore et qui semble en effet confirmer sa thèse. Nous voyons donc que, d'après le savant allemand, c’est par l'addition de nouvelles quantités de cytases à des sérums bacté- ricides peu actifs par eux-mêmes que l’on arrive à conférer aux animaux une immunité passive, et c'est également à la présence de la cytase normale du sang que les animaux doivent princi- palement leur immunité naturelle, M. Wassermaun se rallie donc à la conception humorale de limmunité, entrainé surtout par ses expériences sur le bacille typhique. Or, si on examine la question de près, on voit que l’au- teur ne saurait mieux plaider la cause de la théorie cellulaire qu’en arrêlant son choix sur ce microbe, le bacille d’Eberth étant très peu sensible à l’action directe de la cytase de cobaye. Certes, dans le vaste domaine de l’immunité,il y a des cas particuliers où la cytase mise en liberté à la suite de phagolyse, ou bien injectée à un autre animal sous forme de sérum, peut contri- buer à la défense de l’organisme; mais le bacille d’Eberth est précisément un microbe vis-à-vis duquel on n'observe jamais d'action bactéricide directe quelque peu notable. 214 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. La 9 C2 Revenons à la première expérience de M. Wassermann, ayant pour but de faire ressortir le rôle de la cytase dans l’immu- nité naturelle. Il prend deux cobayes: l’un reçoit en injection péritonéale 3 c. c. de sérum chauffé anticylasique (antialexique), mélangé à une dose plusieurs fois mortelle de B. typhique; ce sérum est fourni par un lapin injecté plusieurs fois avec du sérum de co- baye. . Un autre cobaye, qui sert de témoin au précédent, reçoit en injection intrapéritonéale 3 c. ce. de sérum normal de lapin. chauffé comme le précédent, et mélangé avec la même dose de typhique. Appelons le premier cobaye — anticytasique, et le second — Lémoin. Le lendemain on trouve le cobaye anticytasique mort, tandis que le témoin continue à se porter bien. Celte expérience ne parait pas se prêter, à première vue, à des difficultés d'interprétation, et M. Wassermann en a, en effet, conclu sans hésitation que la mort du cobaye anticvtasique était due à ce que la cytase naturelle étant paralysée par linjeetion de l’anticytase, le cobaye se trouva de la sorte privé de son principal moyen de défense. Or, si l’on étudie de plus près cette expérience, on ne tarde pas à constater qu'elle comporte des conclusions tout à fait différentes. Qu'est-ce que le sérum anticytasique? Est-il réellement spécifique, comme le croit M. Wassermann, et n’agit-il que sur la cylase ? Nous savons que, dans le cas qui nous intéresse, 1l a été préparé par injection du sérum de cobaye à un lapin. Mais c’est aussi par injection du sérum de cobaye au lapin que l'on peut obtenir un sérum antileucocytaire; c’est aussi dans les mêmes conditions que l’on obtient un sérum anti-agglutinant contre le pouvoir agglutinant du sérum de cobaye: c’est aussi par le même procédé que l’on obtient le précipité signalé pour la première fois par M. Tchistowitch ‘; nous ne parlons que pour mémoire du sérumanticoagulant, décrit récemment”, et que l’on 1. Ces Annales, 1899, p. 406. ; 2, L. Camus, Comptes rendus, 1901, et Bonnet et GexGou, ces Annales, 1901, D120; phase LEXELES IMMUNITÉ DANS L'INFECTION TYPHIQUE. 215 prépare par le même procédé qui a été employé par M. Wasser- mann pour obtenir le sérum anticytasique. Il s'ensuit done que le sérum dont s’est servi M. Wasser- mann n'est pas seulement dirigé contre la cylase, et on n'a pas le droit de Fappeler plutôt anticytasique que antileucocytaire, ou anti-agglutinant, où anticoagulant, où précipitant. Ceci posé, il nous reste à examiner la part qui revient dans l'expérience de Wassermann à chacune des propriétés indiquées de ce sérum complexe, dit anticytasique. de Pour cela nous nous n'avons qu’à regarder ce qui se passe dans la cavité péritonéale des deux cobayes de M. Wasser- manon. L'exsudat retiré dans la première demi-heure qui suit l’ino- culation présente à peu près les mêmes caractères dans les deux cas : 1l contient relativement peu de microbes, surtout en com- paraison avec le nombre de microbes injectés, et extrêmement peu de globules blancs. C’est le stade de la phagolyse. Déjà au bout d'une demiheure on peut discerner, entre les deux exsudats, une légère différence qui va en s’accen- tuant progressivement d'heure en heure. L'exsudat péritonéal du témoin devient de plus en plus riche en leucocytes, compara- tivement avec celui du cobaye anticytasique. La différence est déjà très nette à partir de la deuxième heure. Le nombre des microbes pendant les premières heures est sensiblement le même dans les deux cas. Chez le cobaye témoin, on constate quelquefois, dans le péritoine, quelque rares microbes transformés en boule, mais ceux-ci se perdent dans la masse de microbes intacts. Ces derniers sont tantôt libres, tantôt réunis en amas plus ou moins considérables. Chez le cobaye témoin, ces amas se rencontrent plus fré- quemment que chez le cobaye anticytasique : dans le liquide péritonéal de ce dernier, on observe surtout des microbes libres. uon agglutinés. Nous en verrons plus tard la raison. Au bout de deux heures environ apparaît dans le péritoine du cobaye anticytasique un précipité grumeleux, plus où moins abondant suivant les cas, Les leucocytes qui commencent à affluer aussi chez le cobaye 216 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. anticytasique sont fortement agglutinés ; ils sont accolés les uns aux autres, en formant des groupes de 20, 30 et plus. Les leucocytes du témoin sont pendant ce temps beaucoup plus nombreux et présentent cette différence, comparativement avec le cobaye anticytasique, qu'ils sont uniformément répartis dans tout l’exsudat, comme c’est le cas dans un exsudat normal. Il va sans dire que l’exsudat du cobaye témoin ne présente pas la moindre trace du précipité albumineux dont il vient d’être question. Ce précipité peut ne faire son apparition qu’assez tar- divement, cela varie avec les sérums ; mais dès qu'il apparaît, il revêt la même disposition que les leucocytes. Que ceux-ci soient à l’état isolé ou qu'ils soient agglomérés en amas, ce qui est le cas de beaucoup le plus fréquent, ce précipité s’amasse tout autour des leucocytes, en les noyant dans son épaisseur. C'est pendant les deux ou trois premières heures qui suivent l’inoculation que se décide le sort de l’animal. Lorsqu'on exa- mine en ce moment l’'exsudat péritonéal sur des lames colorées, on constate une phagocytose très prononcée chez le cobaye témoin, tandis que, chez le cobaye anticytasique, elle est à peine ébauchée. Mais ce n’est pas taut dans le liquide péritonéal lui-même que se décide la question de la vie et de la mort de l’animal; c’est au niveau de l’épiploon que la lutte est au plus fort. Déjà un examen rapide d’un frottis d’épiploon, fait une heure après l'injection, ne laisse subsister aucun doute sur l'issue de Pexpérience; car c’est au niveau de l’épiploon que se donnent rendez-vous, d’une part, la plus grande partie des microbes et, d'autre part, la majorité des leucocytes dont dispose le péri- toine. : Rarement il nous a été donné d'observer une phagocytose aussi intense que celle qui a lieu au niveau de l’épiploon chez le cobaye témoin, une heure après l'injection du mélange du typhique et du sérum normal : les leucocytes regorgent de microbes ; ils les phagocytent par douzaines à la fois. Or, rien de pareil sur l’épiploon chez l’autre cobaye, l’an- ticytasique : à côté de rares leucocytes renfermant le B. typhi- que, nous voyons que la grande majorité des bactéries sont hors des cellules. Ajoutons que la forme primitive du microbe est dans tous IMMUNITÉ DANS L'INFECTION TYPHIQUE, 217 les cas conservée, et cela mème chez le cobaye témoin ; mème à l'intérieur des phagocytes, le B. typhique garde sa forme carac- téristique en bâtonnet. É Tels sont les faits que l’on observe au microscope chaque fois que l’on réalise l'expérience de Wassermann. Maintenant nous sommes assez renseigné pour pouvoir juger quelle est la part qui revient à chacune des propriétés que pos- sède Le sérum dit anticytasique. X Le sérum employé par M. Wassermann, si on en juge d’après ses indications, a été fortement anticytasique. Celui que nous avons employé a été, au début, deux fois moins actif, c'est-à- dire qu'il ne pouvait neutraliser qu'une quantité de cytase deux fois moindre; mais plus tard, au fur et à mesure que nos ani- maux devenaient plus immunisés, notre sérum ne cédait en rien par sa teneur en anticytase à celui de M. Wassermann. Or, chose curieuse, notre premier sérum, qui n’était que faiblement anticytasique, nous a donné d’aussi bons résultats que celui que nous employämes ultérieurement. Ceci faisait déjà présumer que la cytase ne devait pas jouer un rôle prépondérant dans l’expérience de M. Wassermann. Mais ce qui nous prouva surtout, et d'une façon positive, que le sérum en question doit agir autrement que par sa pro- priété anticylasique, c’est que, à l'examen microscopique, nous n'avons presque jamais constaté d'action bactéricide in vivo. Supposons en effet pour un instant que le sérum de M. Was- sermann tue le cobaye parce qu'il neutralise la cytase de ce dernier, comme le croit M. Wassermann; mais alors il faut nécessairement conclure, pour être logique, que le cobaye témoin, injecté de sérum normal, doit entièrement la vie à sa cytase libre, qui exerce une action bactéricide sur le bacille typhique. Or, quand on examine le liquide péritonéal du cobaye témoin, on n’y trouve que de temps à autre quelques microbes présentant une altération morphologique : ces microbes altérés sont extrèmement rares, surtout si on tient compte du nombre incalculable de microbes injectés, qui n'ont subi aucune influence cytasique ; il s'ensuit done que cette influence, dans les cas où elle existe, car elle n’existe pas toujours, doit être 218 : ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR, extrêmement restreinte, et son rôle dans le phénomène de Wassermann doit être des plus insignifiants. D'ailleurs, J'expérience în vitro montre que la cytase de cobaye, c’est-à-dire le sérum normal, non chauffé, n'est nulle- ment bactéricide pour le bacille d'Eberth : ce dernier y pousse aussi bien que dans du bouillon ordinaire. Voici encore une autre expérience qui parle dans le même sens. Préparons un mélange composé de 3 c. e. de sérum normal (cytase) de cobaye et d'une demi-culture de typhique{; ce sont là les mêmes proportions que nous avons employées pour l’ex- périence de M. Wassermann; injectons de suite ce mélange dans la cavité péritonéale d’un cobaye normal. sans addition de sérum anticytasique; le lendemain nous (rouverons ce cobaye mort, comme si le sérum de cobaye n'avait pas été ajouté. Ceci prouve que la cytase de cobaye, présentée ici sous forme de 3 c. c. de sérum, et la cytase naturelle que possède déjà le cobaye, réunies ensemble, sont tout de même incapables d'arrêter l’in- fection. Ce cobaye meurt done, bien qu'il possèile dans son péritoine beaucoup plus de cytase que n’en avait le cobaye témoin de l’ex- périence de M. Wassermann, lequel survit à la même dose du bacille typhique. Il est donc évident que ce n’est pas la cytase qui sauve Île cobaye témoin de M. Wassermann et qui intervient dans la lutte contre le typhique; ce n’est pas, par conséquent, l’anticytase qui empêche la lutte contre le bacille typhiqne et qui fait tort à l’autre cobaye que nous sommes convenu d'appeler anticyta- sique. Si ce dernier meurt à la suite d'injection du sérum complexe dont s’est servi M. Wassermann, c’est que ce sérum agit ou bien comme antiphagocytaire, ou bien comme anti-agglutinant, ou bien comme précipilant, ou bien par ces trois propriétés réunies. Avant de passer à l’étude de ces différentes actions, nous 1. Dans toutes nos expériences, la dose du bac Ile typhique a été la même et égale à 1/2 culture de 24 heures sur gélose ; la quantité de sérum a ét toujours la même : 3 c.c. Une demi-culture du typhique représentait une dose cinq fois mortelle; elle tuait un cobaye de 500 grammes en 18-24 heures. Ceite culture provient de la collection de notre collègue, M. Binot. auquel nous sommes heu- reux d'exprimer ici nos très vifs remerciements. IMMUNITÉ DANS L'INFECTION TYPHIQUE. 249 tenons à faire une remarque au sujet de l'expérience que nous venons de décrire, Pour que l'expérience réussisse, il faut que le mélange du sérum de cobaye et du bacille typhique soit injecté aussitôt fait; car, lorsqu'on laisse séjourner quelque temps ce mélange dans le verre, avant de l'injecter, il peut ne plus tuer: ce n’est pas parce que le sérum de cobaye a eu le temps d'exercer son action bactéricide sur le typhique, mais parce qu'il vient s'ajouter un autre phénomène tout différent, sur lequel nous reviendrons ultérieurement. Cette réserve faite, passonsàl'examen d’une autre propriété du sérum de M. Wassermann. la propriété anti-agglutinante. *X L’agglutination joue un rôle assez considérable dans l’his- toire du bacille typhique : nous verrons plus bas qu’un bacille d'Eberth à l'état agglutiné agit difléremment d’un bacille d'Eberth non agglutiné. Il était donc tout naturel de nous demander si le sérum, dit anticytasique, serait funeste au cobaye par le fait qu'il empêche le sérum de cobaye d’agglutiner le B. typhique. Par des expériences appropriées in vitro, nous nous sommes assuré que le sérum obtenu par le procédé de Wassermann empêche réellement le sérum de cobaye d’agglutiner le bacille typhique. Mais, étant donnée la faible quantité d'exsudat contenu dans le péritoine, il était à prévoir que ce pouvoir anti-agelutinant ne devait pas avoir des conséquences importantes au point de vue de l'immunité. En effet, lorsqu'on examine comparativement les exsudats des deux cobayes, témoin et anticytasique, on constate, comme nous l'avons noté, en passant, plus haut, que dans lexsudat du cobaye anticytasique il y a moins d’amas de microbes agglu- tinés que dans celui du cobaye témoin; mais cette différence, bien que très nette et même plus nette que l’action bactéricide, cytasique, n’est pas cependant assez profonde pour pouvoir causer à elle seule la mort du cobaye anticytasique. ” # # [ nous reste à examiner la propriété précipitante et la pro- 220 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. priété antileucocytaire du sérum de M. Wassermann. Ces deux propriétés, bien que dirigées contre des éléments différents du sang, contribuent cependant au même but, qui est d'empêcher l’action phagocytaire. Lorsqu'on fait un mélange in vitro de sérum de cobaye nor- mal avec du sérum d’un lapin, qui a été injecté plusieurs fois avec du sérum de cobaye, on voit se produire un précipité gra- nuleux et assez abondant : ce phénomène, décrit pour la première fois par M. Tchistowitch, peut être plus ou moins pro- noncé pour des raisons qui nous échappent encore, Le même phénomène se produit in vivo, dans le péritoine du cobaye auquel on vient injecter du sérum de lapin préparé comme il a été indiqué. Dès que ce précipité apparaît, 1] commence par emprisonner les leucocytes dans la masse de ses fines granulations; il empêche naturellement les leucocytes de se mouvoir libre- ment, et paralyse ainsi jusqu’à un certain degré leur activité phagocytaire. Mais cette dernière trouve une entrave autrement impor- tante dans la propriété nettement antiphagocytaire du sérum de M. Wassermann. Ce sérum n'est pas leucotoxique, au sens propre du terme; il ne peut pas dissoudre les globules blancs, étant préalablement chauffé à 60°: mais il reste fortement agglutinant vis-à-vis des leucocvytes. En décrivant l'aspect microscopique de l’exsudat péritonéal du cobaye anticytasique, nous avons attiré l'attention du lecteur précisément sur la présence des paquets de leucocytes accolés les uns aux autres, dont le nombre variait et allait jusqu’à 20, 30, 40 et plus par paquet. Des leucocytes ainsi agglutinés sont évidemment hors d'état de remplir leurs fonctions phagocytaires. Mais ce n’est pas encore tout. A côté de cette action visible, se traduisant pas l’agglutina- tion des leucocytes, le sérum en question exerce, en plus, une action directe, paralysante sur chaque leucocyte, en tant que phagocyte. Cette action que nous ne pouvons pas apprécier à l'œil, puisqu'elle n’amène pas de modifications morphologiques, existe incontestablement: car autrement, comment expliquer IMMUNITÉ DANS L'INFECTION TYPHIQUE. 221 que, chez le cobaye anticytasique, au niveau de l’épiploon, des leucocytes, mème isolés, non agglutinés, refusent de phagocyter les microbes qui se trouvent tout à côté d'eux, à la portée de leurs pseudopodes. I faut donc quele sérum, en plus de son action mécanique, exerce sur les globules blancs encore une autre action que nous ne pouvons désigner mieux qu’en l'appelant antiphagocytaire. Il suffit de nous reporter aux phénomènes constatés dans le péritoine des deux cobayes de M. Wassermann, pour voir jus- qu'à quel degré cette influence antiphagocytaire est manifeste chez le cobaye anticytasique, et jusqu'à quel point le manque de la phagocytose chez ce dernier contraste avec la phagocytose intense chez le cobaye témoin. Si donc on avait à faire un choix entre les différents noms à donner au sérum employé dans l'expérience de M. Wasser- mann, ce n'est pas certainement celui d’anticytasique, mais c'est celui d’antiphagocytaire qui traduirait le mieux le carac- tère dominant dans l'expérience en question. * * *# Il nous reste à dire quelques mots du cobaye témoin qui reçoit un mélange du B. typhique et du sérum (3 ce. c.) chauffé de lapin normal. Ce cobaye, qui reçoit dans l'expérience de M. Wassermann une dose 40 fois mortelle, et dans nos expériences toujours une dose cinq fois mortelle!, et qui malgré cela reste en bonne santé, n'est pas, évidemment, un témoin banal. M. Wassermann attri- bue cette résistance à l'action stimulante du sérum normal, injecté en même temps que les microbes; il ajoute que des phénomènes analogues ont été observés pour d’autres microbes par M. Metchnikoff, Isaeff et Pfeiffer. Je me permettrai de faire à ce sujet une petite rectification. Les auteurs cités par le savant allemand ont vu en effet qu'un cobaye auquel on injecte dans le péritoine du sérum normal d'un autre animal résiste Le lendemain, c'est-à-dire 24 heures après, à une dose simplement ou plusieurs fois mortelle de microbes (choléra, typhique, etc.) Or, dans l'expérience de M. Wassermann. il s’agit du sérum 1. La dose mortelle fut 1/40 d’anse. 222 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. non normal, mais chauffé, injecté non la veille, mais simultané- ment avec les microbes. Le mécanisme par lequel agissent les sérums, dans les deux cas, peut donc ne pas être le même. Déjà depuis longtemps notre attention a été attirée sur les propriétés stimulantes des sérums chauffés: ainsi, par exemple, dans des expériences encore inédites sur le charbon, nous avons remarqué qu'en préparant les animaux avec du sérum chauffé, on obtient une résistance beaucoup plus marquée qu'avec le même sérum non chaultfé. Faisons remarquer en passant que ce fait prouve que, dans certains Cas, l'absence de l’alexine, ou de la cytase, loin d’être préjudiciable à l’animal, est plutôt utile : et voici pourquoi, pen- sons-nous : en chauffant le sérum à 55°, nous supprimons la cylase qui exerce une action toxique vis-à-vis des cellules et notamment vis-à-vis des globules blancs et rouges de l'animal qui reçoit l'injection ; quant à la propriété stim ilante, inhérente au sérum injecté, le chauffage à 55° la laisse complètement intacte. Voilà pourquoi un sérum chauffé est préférable au sérum non chaulle, lorsqu'on se propose de stimuler, par une injection faite 24 heures avant, la défense naturelle de l'organisme. Nos expériences à ce sujet n'ont été ni assez nombreuses ni assez variées pour que nous puissions affirmer que ce soit là une règle générale pourtous les microbes; maiselleestsürement applicable à un certain nombre d’entre eux (charbon, typhique, coli!) Jusqu'à présent il a été question de l'action du sérum injecté la veille de l'inoculation microbienne, Il à fallu voir commentagit un sérum injecté simultanémentavec les microbes. Les expériences faites à ce sujet avec différents microbes nous ont montré que l'effet stimulant du sérum est d'autant plus faible que lon se rapproche plus du moment d’inoculation des microbes, mais que cet effet existe encore sûrement dans le cas où l’on injecte simulianément sérum et microbes. Que le sérum normal du lapin, chauffé, injecté au cobaye témoin dans l'expérience de M. Wassermann, exerce réellement 1. L'action du sérum chauffé vis-à-vis du coli a été constaté par le Dr Petit dans le laboratoire de M, Metchnikoff. IMMUNITÉ DANS L'INFECTION TYPHIQUE. 223 une action stimulante sur les leucacytes, c’est ce qui ressort de la comparaison de l’exsudat de ce cobaye avec celui du cobaye anticytasique. Tandis que chez ce dernier, les leuco- cytes arrivaient dans le péritoine lentement, en petit nombre, chez le premier, par conire, l'afflux leucocytaire se faisait rapidement et atteignait bientôt un chiffre assez élevé. Nous avons pensé d’abord que cette différence était due à ce que, dans un cas, l'infection évolue librement, sans entraves, tandis que, dans l’autre, elle est aussitôt jugulée; qu'il y a, en d'autres termes, chimiotaxie positive dans le second, et chi- miotaxie négative dans le premier, sous linflence du B. ty- phique. Or, cette hypothèse est inexacte. Il suffit d'injecter à deux cobayes, au lieu du bacille typhique, de la poudre de carmin mélangée respectivement avec du sérumanticytasique et du sérum normal, tous les deux chauffés, pour constater la même diffé- rence au point de vue leucocytaire et quant à la facon dont les leucocytes se conduisent dans les deux cas vis-à-vis du car- min. Chez le cobaye anticytasique, les grains de carmin se trouvent en majeure partie en dehors des cellules,et cela aussi bien dans le liquide péritonéal qu’au niveau de l’épiploon; chez le cobaye injecté avec du sérum normal, le carmin extracellulaire est l’exception; 1il est tout entier tantôt englobé à l'intérieur de leucocytes, si les grains sont petits, tantôt entouré de nombreux leucocytes, lorsque les grains sont volumineux; la phagocytose est au maximum au niveau de l’épiploon, tout comme dans le cas des bacilles typhiques. Il faut done eu conclure que c’est bien aux propriétés mêmes des deux sérums en question qu'est due la différence dans la réaction phagocytaire des deux cobayes de M. Wassermann. Si on injecte en même temps à un troisième cobaye un mélange de carmin et du sérum chauffé d'un cobaye, on voit que la réaction phacocytaire dans le péritoine de ce dernier a été nota- bl:ment moins prononcée que dans le témoin, injecté du sérum de lapin normal. Il est done certain que le sérum normal chauffé de lapin, injecté dans le périloine du témoin, après avoir été mélangé avec le typhique, agit d’une facon stimulante sur le cobaye et permet 224 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. à celui-ci de supporter facilement une dose mortelle et mème plusieurs fois mortelle du bacille typhique. Mais il faut aussi tenir compte de ce fait que la stimulation, dans les cas d'injection simultanée du sérum et des microbes, n'a pas le temps nécessaire pour développer toute son action: elle est nécessairement inférieure à celle qui peut être obtenue après injection du sérum faite la veille; et puisque le cobaye témoin de M. Wassermann est capable de supporter dans ces conditions une dose de culture typhique quarante fois mortelle, cela ne peut pas être exclusivement à la faveur de l’action stimulante du sérum ajouté à la culture, comme le croit M. Was- sermann. Ce qui permet au cobaye témoin de supporter impunément une dose quarante fois mortelle, c’est que le sérum de lapin agit directement sur le B. typhique, et, avant que celui-ci soit injecté dans le péritoine, il est déjà immobilisé et agglutiné dans le verre d'expérience; le bacille typhique arrive dans le péritoine non pas à l’état de microbes libres, mobiles, mais modifié, sous forme d’amas plus ou moins considérables. Mais s’il en est ainsi, nous dira-t-on, l’agglutination doit intervenir aussi chez l’autre cobaye, l’anticytasique, puisque le sérum anticyltasique n'est autre qu'un sérum de lapin, et, comme tel, il doit immobiliser et agglutiner les bacilles typhiques. Et il les immobilise et les agglutine effectivement. Mais tandis que le sérum normal de lapin, injecté au témoin, agglutine les bacilles typhiques, puis les fait phagocyter éner- giquement gràce à sa stimuline, le sérum anticytasique, par contre, ne fait qu'agglutiner les microbes, puis, en raison de son action antiphagocytaire, s'oppose à ce qu'ilssoientenglobés. Ce cobaye anticylasique ne peut donc pas bénéficier du fait de l’agglutination, ses leucocytes étant empêchés dans leurs fonc- tions phagocytaires: tandis que le témoin dont les leucocytes sont excités par le sérum normal profite largementdel'agglutinatiou, et supporte grâce à cela des doses énormes de microbes. Il Nous avons déjà exposé au commencement de cet article les lignes générales du second mémoire de M. Wassermann, dans IMMUNITÉ DANS L'INFECTION TYPHIQUE. 225 lequel l’auteur émet cette idée qu’il faudrait, pour rendre les sérums bactéricides plus actifs, leur ajouterune cytase appropriée. Voici l'expérience sur laquelle M. Wassermann base sa thèse : Il a un sérumantityphique dont 1 m.m.c. préservele cobaye contre une anse de bacilles typhiques très virulents; si, au lieu d'une anse, il en injecte trois, il n'arrive pas à sauver le cobaye : quelle que soit la quantité de sérum, le cobaye succombe inva- riablement à cette dose. Mais, si l’auteur ajoute à son sérum antityphique du sérum normal de bœuf, le cobaye survit à la dose indiquée du bacille typhique. D’après M. Wassermann, la survie du cobaye est due à ce qu'il a fait intervenir, concurremment avec la sensibilisatrice, ou fixateur, renfermée dans le sérum antityphique, la cytase spécifique, qui est, dans le cas présent, nee par le sérum normal de bœuf, IL est à peine besoin d’ajouter que l’auteur s’est assuré que le sérum normal de bœuf, à lui tout seul, est incapable de pro- duire cet effet. Nous regrettons vivement de n'avoir pas pu reproduire, faute de sérum antityphique, cette expérience sous la forme même que lui a donnée l’auteur; la précision que ce savant apporte toujours dans ses expériences nous répond de son exactitude absolue. Du reste, quelques expériences, faites dans un sens un peu différent de celui qui a guidé l’auteur, ne laissent aucun doute sur la réalité du fait très intéressant observé par M. Wasser- mann. Mais pour ce qui concerne la façon dont l’auteur inter- prète son expérience, nous nous permeltrons de faire des réserves. M. Wassermann aurait pu cependant facilement entrainer notre conviction et nous faire partager ses idées, en faisant une expérience de contrôle, pourtant très simple. Puisqu'il veut démontrer que c’est l’addition de l'alexine ou de la cytase de bœuf au sérum antityphique, qui permet à son cobaye de survivre à trois anses de B. typhique, il n'avait qu’à compléter son expérience par une autre ainsi conçue : au lieu d'ajouter du sérum de bœuf normal, contenant la cylase, il aurait dû essayer d'ajouter du sérum de bœuf chaullé à 55°, 15 296 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR _ c'est-à-dire du sérum qui ne diffère précisément du premier que par l’absence de la cytase. Si l'addition du sérum de bœuf, privé de sa cylase, s'était montrée incapable de préserver le cobaye, nous aurions eu la preuve irréfutable que c’est bien la cytase, et pas autre chose, qui sauve l'animal. Mais tant que cette expérience ne sera pas faite, nous nous permettrons de ne pas partager l'opinion de l’auteur; nous exposerons plus bas certaines raisons de croire que le sérum chauffé de bœuf aurait produit le mème effet, dans l'expérience de M. Wassermann, que le sérum non chauflé, si ce n’est encore un effet meilleur. * * Il y a deux manières de favoriser la phagocylose : on peut exciter directement les globules blancs jusqu’à leur maximum d'activité; on peut aussi mettre à la disposition des phagocytes des microbes plus ou moins atteints dans leur vitalité. Si un phagocyte est capable d'englober et de digérer un nombre donné de bacilles typhiques, par exemple, lorsque ceux-ci ont leurs mouvements libres, il est tout naturel qu’il soit capable de phagocyter avec succès un nombre supérieur de ces mêmes bacilles typhiques si on leur enlève la mobilité, et avec cela la possibilité de fuir les leucocytes. C'est ce que l’on observe quand on mélange in vitro les bacilles typhiques avec certains sérums normaux chauffés ou non chauffés, et qu'on injecte le mélange dans le péritoine du cobaye. Lorsqu'on examine en goutte suspendue les bacilles typhi- ques ayant été en contact avec du sérum, on constate que les bacilles, qui tantôt se déplaçaient librement dans le champ, s’immobilisent en grande partie; ils s’accolent les uns aux autres, forment des amas de plus en plus gros et finissent par constituer un bloc eutier de microbes, qui sont comme figés sur place. Bref, nous assistons là à un phénomène d’immobilisation, suivie d’agglulinalion, comparable au point de vue morpholo- gique à celui que déterminent les sérums spécifiques. Tous les sérums normaux n’agglutinent pas le Lyphique avec IMMUNITÉ DANS L'INFECTION TYPHIQUE. 921 la même intensité, En prenant pour base la rapidité d'apparition de l’agglutination, on peut construire toute une échelle de sérums de forces agglutinantes croissantes. Afin d'éliminer l'intervention de la cytase, nous avions l'habitude d'opérer toujours, sauf avis contraire, sur des sérums chauffés à 55°-56°, température à laquelle le pouvoir agglutinant reste généralement intact. Nous avons eu à notre disposition une dizaine de sérums environ, provenant d'animaux de laboratoire ou de boucherie; or c’est celui de bœuf qui s’est montré le plus agglutinant, ou pour mieux dire, le plus rapidement agelutinant; déjà quelques instants après l'addition de ce sérum à l’émulsion du B. typhique, l’immobilisation et l’agglutination sont bien avancées. Le sérum chauffé de lapin agglutine aussi rapidement, mais cependant un peu moins que le sérum de bœuf. Le sérum qui dans nos expériences s’est montré le moins doué du pouvoir agglutinant est celui de cobaye, lorsqu'on le chauffait à 58°, Or, que fait-on lorsqu'on ajoute à une émulsion de bacilles typhiques du sérum chauffé de lapin, par exemple, et que l’on injecte ensuite le mélange dans la cavité péritonéale du cobaye ? En injectant ce mélange, on réalise les deux conditions essentielles qui favorisent le travail phagocytaire : par la pro- priété stimulante du sérum, ce mélange agit sur les leucocytes en leur demaudant un surcroît d'activité; en plus, en vertu de l’action du sérum sur les microbes, ce mélange ne contient que des bactéries immobilisées, paralysées, se défendant mal contre les phagocytes. Il est dès lors clair que le concours de ces deux facteurs fait que le cobaye supporte dans ces conditions des doses énormes de microbes. Il est difficile de dissocier ces deux facteurs dans un sérum chauffé, et de déterminer la part qui revient à la stimuline et celle qui revient à l’action directe sur les microbes, de ce que nous appellerions volontiers immobilisine. Seul, ce dernier facteur, de même que l’agglutinine, se prête à un dosage relativement précis et facile. Or en ne tenant compte que du pouvoir immobilisant et agglutinant, nous avons observé que plus il est prononcé, mieux le cobaye supporte des doses considérables du B. typhique. 298 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Ainsi, on obtient toujours d'excellents résultats en injectant au cobaye le mélange du B. typhique (1/2 culture de 24 heures, sur gélose) et du sérum chauffé de lapin (3 €. e.). Le sérum chauffé de bœuf qui, comme nous venons s de le dire, immobilise et agglutine le B. typhique encore plus rapide- ment, peut donner une survie très notable ou définitive, même si on en injecte 20-25 minutes après que le bacille typhique a été inoculé. Il en est tout à fait autrement pour le sérum chauffé de cobaye qui, lui, n’agglutine le B. typhique que très tardivement ; le mélange du B. typhique et du sérum chauffé de cobaye, fait dans les mêmes proportions que plus haut, tue le cobaye dans les 24 heures. Le sérum de cobaye normal, non chauffé, agglutine beaucoup mieux que le même sérum chauffé, mais notablement moins que le sérum chauffé de lapin. Or, lorsqu'on injecte le mélange du B. typhique avec le sérum non chauffé de cobaye, on obtient des résultats contradictoires à première vue, mais qui en réalité s'expliquent facilement, dès qu'on est prévenu : chaque fois que l’on injecte le mélange en queslion aussitôt qu’il est préparé, c'est-à-dire avant que l’ag- glutination ait pu se faire dans le verre, la mort du cobaye est certaine. Mais il suffit de laisser ce même mélange dans le verre d'expérience pendant quelque temps, une demi-heure au plus, pour que ce mélange devienne aussi inoffensifque celui fait avec du sérum de lapin ou de bœuf. Voici une expérience qui le prouve d’une façon nette : nous mélangeons dans un verre à pied une double dose de sérum normal de cobaye (6 c. c.) avec une double dose de B. typhique (une culture entière); une moitié du contenu du verre est injec- tée à un cobaye aussitôt que le mélange est fait; l’autre moitié est injectée à un autre cobaye du même poids, après une demi- heure de séjour dans le verre. Le premier cobaye meurt dans les 24 heures; l’autre continue à vivre et se trouve déjà complè- tement rétabli le lendemain de linoculation. Ce n’est donc pas tant le sérum de tel ou tel autre animal qui intervient dans le fait de la survie du cobaye, que l’état plus ou moins avancé d’agglutination que présentent les bacilles typhiques au moment où ils arrivent dans la cavité péritonéale IMMUNITÉ DANS L'INFECTION TYPHIQUE. 229 du cobaye ; il existe donc deux facteurs, l’action stimulante du sérum et le pouvoir agglutinant, auxquels est due la survie du cobaye. Le rôle de l’agglutination et de la stimulation dans l’infec- tion typhique peut être démontré encore d’une autre façon. En soumettant des sérums qui sont naturellement très agglu- tinants, à un chauffage prolongé, on atténue leur pouvoir agglu- tinant, de même que leur pouvoir stimulant. Ainsi, quand on chauffe le sérum de lapin à 70° pendant deux heures. on retarde notablement l'apparition de l’agglutination ; eh bien, un sérum de lapin, ainsi chauffé, étant mélangé à la dose ordinaire (1/2 culture) du B. typhique, ne préserve pas l'animal de la mort, Dans une autre expérience, nous avons chauffé du sérum de bœuf pendant deux nuits consécutives à 56°; ce sérum, mélangé au B.typhique, s’est montré aussi peu efficace que le sérum chauffé de cobaye. Il résulte de l’ensemble des faits exposés qu’il existe des rapports directs incontestables entre l’état agglutiné du microbe et le pouvoir stimulant du sérum, d'une part, et la facilité avec laquelle le cobaye supporte l'infection, d'autre part. Nous ne saurions trop insister sur ce fait que la survie du cobaye est au prix de ces deux facteurs agissant concurrem- ment. L'agglutination seule des microbes est impuissante à assurer la vie du cobaye, si elle n’est pas suivie de réaction phagocytaire. * *“ + Reportons-nous maintenant à l’expérience de M. Wasser- mann : lorsqu'il ajoute à son sérum antityphique, qui, à lui seul, est impuissant à préserver le cobaye contre trois anses de B. typhique, encore du sérum normal de bœuf, soit de la cytase de bœuf, le cobaye survit. Après tout ce que nous avons vu au sujet de l’agglutination et de son importance dans l'infection typhique, on peut se demander si le cobaye de M. Wassermann n'aurait pas survécu, après avoir reçu du sérum chauffé de bœuf; on peut se deman- der, en d’autres termes, si la survie du cobaye, dans l’expé- rience de M. Wassermann, est due à la présence de la cytase ou à l’action très agglutinante, vis-à-vis du B. typhique, d’un sérum tel que‘le sérum de bœuf, 230 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Peut-être le résultat serait-il même plus frappant, si M. Wassermann s'était servi du sérum de bœuf, non alexique, c’est à-dire chauffé; car le sérum de bœuf normal, non chauffé, comme l’a d’ailleurs très bien vu M. Wassermann, est déjà toxique par lui-même; tandis que le sérum de bœuf chauffé ne l'est pas aux doses employées: il présente, en plus, l'avantage d’avoir un pouvoir agglutinant aussi fort que le sérum non chauffé, et d'exercer une action favorable, stimulante sur le système phagocytaire,. CONCLUSIONS ; L'immunité naturelle du cobaye vis-à-vis du B. typhique n'est pas due à l’action bactéricide de sa cytase (alexine). Le sérum anticytasique possède d’autres propriétés que celle de neutraliser la cytase. De toutes ces propriétés, c’est celle de paralyser les fonc- tions phagocytaires qui occupe la première place dans l’expé- rience de M. Wassermann. L'immunité naturelle du cobaye vis-à-vis du B. typhique rentre dans les lois générales de la doctrine phagocytaire. Les sérums chauflés exercent une action stimulante sur l'organisme déjà peu de temps après qu'ils sont injectés. La plupart des sérums chauffés d'animaux normaux exer- cent un pouvoir agglulinant sur Le B. typhique. Les bacilles typhiques agglutinés par lés sérums normaux sont mieux phagocytés et peuvent être injectés à des doses beaucoup plus élevées que les bacilles non agglutinés ; mais les bacilles typhiques, bien que très agglulinés, tuent le cobaye chaque fois que l’on empêche la phagocytose. La théoriedeM. Wassermann sur l'effet de l'addition de cytases à des sérums bactéricides ne semble pas suffisamment démon- trée; pour ce qui concerne le B. typhique, le rôle attribué à la cylase serait peut-être dû à l’action fortement agglutinante du sérum de bœuf vis-à-vis de B. typhique. 1. Nous parlons au cours de ce travail de | « immunité naturelle » chaque fois qu'il s'agit du cobaye témoin qui reçoit du sérum normal de lapin; nous le faisons simplement pour nous conformer à la terminologie de M. Wassermann; en réalité, ce cobaye possède plus que l’immunité naturelle. IMMUNITÉ DANS L'INFECTION TYPHIQUE, 231 En terminant nous voudrions attirer l'attention sur la possi- bilité de tirer quelque profit en pratique de l'emploi des sérums chauftés. On sait depuis les travaux de M. Issaeff, de M. MetchnikofFet de ses élèves, que l'injection intrapéritonéale de sérum normal, faite à un cobaye 24 heures avant celle de microbes (choléra, typhique, ete.), peut préserver contre la dose deux fois et même plusieurs fois mortelle de ces microbes. Nous avons vu que le sérum chauffé produit le mème effet que le sérum non chauffé, sans en présenter les inconvénients. M. Metchnikoff s’est demandé déjà depuis longtemps, si on ne pouvait pas faire profiter certaines opérations chirur- gicales de l’effet stimulant produit par les sérums normaux, et augmenter de la sorte la résistance naturelle du péritoine humain, Après avoir constaté l'effet stimulant immédiat, déterminé par les sérums chauffés, d’une part, et leur effet agglutinant qui facilite tant le travail phagocytaire, nous nous demandons s'il ne serait pas utile de pratiquer, après chaque intervention por- tant sur le péritoine, une sorte de lavage de la cavité périto- néale par du sérum chauffé de bœuf ou de cheval. En versant dans le péritoine, après l'opération, une certaine quantité de sérum chauffé à 55°, on pourra pour ainsi dire balayer, par le fait de l’agglutination, les microbes (staphylocoque, par exemple) qui se prêtent à l’agglutination par les sérums normaux, et en même temps on agira directement sur les phagocytes du péri- toine en les forçant à donner le maximum de leur pouvoir digestif vis-à-vis des microbes agglutinés et même non agglu- tinés. 1. Un des élèves de M. Metchnikoff, le docteur R. Petit, fait actuellement des recherches dans cet ordre d'idées. CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DE L'ORIGINE DE L'ALEXINE DES SÉRUMS NORMAUX Par Le Dr OcrAve GENGOU, DE LIëGE. (Travail du laboratoire de M. Metchnikof.) ne mens DEUXIÈME PARTIE. L'alexine des sérums normaux est-elle un produit de sécrétion des globules blancs? Après avoir renoncé, à la suite de ses propres recherches, à la théorie purement humorale, M. Buchner accepta l'origine leucocytaire de l’alexine du sérum, mais fit de celle-ci une substance sécrétée par les globules blanes vivants. Tout en ne niant pas, de la sorte, le rôle que M. Metchnikoff fait jouer aux phagocytes, dans la défense de l'organisme, M. Buchner laisse toutefois à l'élément liquide du sang, collecteur de l’alexine leu- cocytaire, une action prépondérante dans l’immunité ; la phago- cytose, dès lors, n’est tout au plus qu'un moyen de défense d'importance égale au pouvoir bactéricide des humeurs. Au contraire, M. Metchnikoff ne peut admettre ce libre passage dans le sang de l’alexine du leucocyte bien vivant; pour lui le plasma sanguin n’est pas bactéricide, et la lutte contre les microbes chez l’animal neuf revient tout entière aux globules blancs. On a cherché de divers côtés à résoudre ce problème, par des moyens différents, qui tous n’ont fait qu’approcher la ques- tion, rendant telle ou telle solution plus ou moins probable, sans avoir jamais apporté la preuve certaine que, tel qu'il cir- cule dans les vaisseaux, le plasma sanguin ne contient pas d’alexine. 1. Voir ces Annales, p. 68. ORIGINE DE L'ALEXINE DES SÉRUMS NORMAUX. 233 Nissen 1, par exemple, injecta des émulsions microbiennes dans les vaisseaux d’un animal; les voyant disparaître rapide- ment du torrent cireulatoire, il admit que le sang (ce qui, dans son esprit, signifie la partie liquide du sang, c’est-à-dire le plasma) contenait réellement la substance bactéricide du sérum sanguin. On sait actuellement que, dans cette destruction microbienne, toute l'intervention revient aux leucocytes du sang en circulation et à certaines cellules de l’organisme (Wysso- kowiez). D’autres fois, il expérimente in vitro sur du sang rendu incoagulable, soit par l'injection préalable de peptone dans les vaisseaux de l’animal (notons qu'on doit parfois injecter jus- qu’à 45c. c. chez un chien), soit en recevant du sang dans une solution de sulfate de magnésium. Tandis que le sang peptonisé est bactéricide, le sang magnésien ne l’est pas; ce dernier fait s'explique par les observations mêmes de Nissen. En effet, du sérum additionné de sulfate de magnésium perd son pouvoir bactéricide; d’autre part, Nissen affirme que le sang peptonisé détruit très rapidement les leucocytes ; cette dernière méthode est donc tout à fait impropre à résoudre le problème actuel, puisque le plasma peptonisé pourra n'avoir reçu d’alexine qu'après la mort des leucocytes. En résumé, ces procédés apportent difficilement des résultats inattaquables. Toutefois, peu après, Buchner et Voit * reprirent les injections intravasculaires d’émulsions microbiennes et la peptonisation du sang; leurs conclusions, qui sont analogues à celles de Nissen, ne sont donc pas absolument exemptes de toute critique. Nous en dirons autant des expériences où ces auteurs, broyant du sang coagulé de chien, en ensemencent des fragments dans les plaques de gélatine, et concluent par là au pouvoir bac- téricide du sang complet. La même année, Buchner et son élève Orthenberger * repre- naient la question ; du sang peptonisé était laissé au repos pen- dant 3 jours, et le plasma ainsi obtenu était bactéricide; pendant 3 jours, ce plasma est resté en contact avec les leucocytes du sang, évidemment très avariés et par conséquent bien peu iden- tiques à ce qu’ils sont dans les vaisseaux; on ne peut donc savoir par là si le plasma ainsi obtenu était déjà bactéricide lors 1. Nissex, Zeitschr. für Hygiene, 1889, n° 6. 2. Bucaxer et Voir, Arch. f. Hyg., 1890, X, 3. BucaNER et ORTHENBERGER, /dem. 234 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. de la saignée, ou s’il l’est devenu quand les globules blancs ont été altérés. Cette idée que l’alexine existe normalement dans le plasma sanguin pendant la vie, fut aussi admise par MM. Denys et Kaisin ‘; ces savants, constatant que le pouvoir bactéricide du sang (les auteurs ne disent pas s’il s’agit de sang complet, de sang coagulé ou de sang défibriné) diminue ou disparaît à la suite d’injections intravasculaires de microbes, admirent qu'il devait exister in vitro dans le sang, tandis que nous savons aujourd’hui que ces fluctuations du pouvoir germicide du sérum correspondent simplement à des variations identiques du nam- bre des leucocytes dans le sang, L'année suivante, MM. Denys et Ron ? arrivaient à un résultat tout opposé; ces auteurs, filtrant du sang sur papier Joseph, constatent que, chez le chien, le liquide ainsi privé de leucocytes est beaucoup moins bactéricide que le sang complet; cela revient à dire que le plasma du chien n'est pas bactéricide. Notons d’abord que, chez l'homme, MM. Denys et Havet firent une constatation inverse; et ensuite que jamais ils ne parlent de la coagulation des sangs employés, fût-ce même pendant 4 et 2 jours; 1l est bien évident que ce phénomène a dù se produire à quelque moment de l'expérience, et que l’on ne peut être con- vaincu que les liquides employés correspondent à ce qu’ils sont dans l'organisme vivant. D'autre part, nous connaissons actuellement un certain nombre de faits qui,.s’ils ne sont pas la démonstration absolue de l'absence d’alexine dans le plasma, permettent toutefois de supposer qu'il en est ainsi. C’est ainsi que M. Metchnikoff * chez les animaux vaccinés contre le choléra, M. Salimbeni ‘ chez des animaux hypervaccinés contre le choléra, le streptocoque et le bacille diphtérique, ont parfaitement vu que les microbes injectés sous la peau de ces animaux ne meurent nullement, sauf à l’in- térieur des leucocytes, ce qui revient à dire que l’alexine n’existe chez l’organisme qu’en eux et nullement dans le liquide des issus. De même, M. Bordet® démontra qu'un œdème obtenu, 4. Denys et Kaisiw: La Cellule, 1893. 2. Denys et Haver : La Cellule, 1894. 3. Mercanixorr : Ces Annales, 1895. 4. SALIMBENI : /dem, 1897. 5, Bonper: Ces Annales, 1895. ORIGINE DE L'ALEXINE DES SÉRUMS NORMAUX. 235 chez des animaux vacecinés, par ralentissement de la circula- tion, renferme la sensibilisatrice du choléra, mais non pas l'alexine, puisqu'à lui seul il ne donne pas le phénomène de Pfeiffer. Evidemment, il ne s’agit pas là de plasma sanguin, mais de liquide transsudé hors des vaisseaux, ce qui pourrait modifier la teneur en alexine de ce liquide, Un autre fait, plus démonstratif encore, est évidemment celui qu'observa M. Cantacuzène ‘ en 1897. Il vit que, dans la pulpe de la plume chez l’oie atteinte de spirillose, le microbe causal de l'affection reste parfaitement vivant et très mobile dans le sang non coagulé, alors qu'aussitôt la coagulation sur- venue, c’est-à-dire aussitôt que le plasma est devenu sérum, le spirillum disparaît rapidement. Il y a donc eu passage dans le sérum d’une substance n’existant pas dans le plasma de l'oie. A côté de ce fait, il en est d’autres bien connus, parmi lesquels je citerai la contradiction qui existe entre le pouvoir bactéricide du sérum de lapin neuf pour le bacillus anthracis et la récepti- vité de cet animal pour le charbon, ce qui indique bien que le sérum normal ne correspond nullement au sang circulant. En somme, toutes les tentatives faites jusqu’à présent n vitro pour résoudre la question qui nous occupe, ont amené les savants à admettre que le plasma sanguin contient l’alexine, que celle-ci soit ou non d’origine leucocytaire; au contraire, tous ceux qui ont observé les phénomènes dans l’organisme, ne peuvent admettre cette conclusion et se rallient à l'opinion de M. Metchnikoff. Nous nous sommes proposé de rechercher s’il est possible d'observer in vitro quelque différence entre le pouvoir bacté- ricide du sérum sanguin et celui du plasma. Préparation du plasma. Plusieurs moyens se présentent évidemment à l'esprit pour obtenir in vitro un liquide analogue ou sensiblement identique au plasma normal. Disons tout de suite que la méthode de M. Delezenne *, qui permet aisément de se procurer du plasma d'oiseau totalement incoagulable, ne nous à jamais mené à un semblable résultat chez les mammifères, comme M. Delezenne 4. CanrTaAcuzÈNE : Ces Annales, 1897, 2, DELEZENNE : Arch. de physiolog., 1897. 236 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. lui-même du reste la constaté. et ainsi que nous Pavons dit antérieurement (Bordet et Gengou :). Seuls, les produits incor- porés au sang, tels que la peptone, le sulfate de magnésium, l’oxalate de potassium, ete. permettent d'obtenir facilement un sang incoagulable qu’on peut centrifuger rapidement, de façon à en récolter le plasma plus ou moins débarrassé de leucocytes. Nous avons vu plus haut les objections que l’on peut faire à l'emploi de la peptone et du sulfate de magnésium; loxalate de potassium n’est pas un meilleur moyen, ainsi qu’on peut le voir par l’expérience suivante : Bovill Sérum Sérnm Sérum S$rum [Plasma Plasma ouillon ; laté c ., , | oxalaté | oxalaté | oxa!até , x 4 ES oxalaté Bouillon. Salalé non chauffé à es Chante non chauffé. 550. chauffé. 55o. chauffé, | chaufté, ae I. | 16,800 | 19,400 | 9,600 12,000 | 8,360 13,200 | 12,800 | 17,200 II. 3,960 19,600 0 4,000 2,860 15,444 7,400 9,900 III. © C2 0 31,200 3,250 cs 32,000 ce IV. co co 0 eo ce ce C2 eo I s’agit de sérum de lapin ; la quantité d’oxalate de potas- sium ajoutée était telle que la proportion de ce sel dans le sang était de 1 p. 1,000. Le microbe expérimenté était le vibrion cholé- rique. Cette expérience démontre que l’oxalate de potassium, à la dose emplovée, n’est pas bactéricide pour le choléra (bouillon oxalaté), il détruit en grande partie, comme le sulfate de magné- sie, l’alexine du sérum normal (sérum normal oxalaté), de telle sorte qu’on ne peut attribuer aucune signification aux résultats fournis par le plasma oxalaté. Aussi avons-nous eu recours à une autre méthode, qui con- siste d’abord à recevoir le sang dans de petits tubes entourés de glace fondante, et mis aussitôt à la turbine pour en décanter le plus tôt possible le plasma centrifugé. Cette technique, qui nous a donné quelques résultats, a toutefois certains désavantages ; la centrifugation du sang nécessitant souvent 4 h, 1/2 à 1 h. 3/4 avant de donner un plasma suffisamment dépourvu de leuco- cytes, il faut souvent l’interrompre (toutes les 20 ou 30 minutes) 4. Bonver et Gencou, Ces Annales, mars 1901. ORIGINE DE L’ALEXINE DES SÉRUMS NORMAUX. 237 pour renouveler la glace, de façon à maintenir une tempéra- ture basse, sans quoi le plasma se coagule rapidement, avant qu'on ne l’ait décanté. En outre, cette méthode, quoique non identique à la façon dont Buchner extrayait l’alexine des collec- tions leucocytaires (congélation), s’en rapproche toutefois assez, pour qu'on ait tout lieu de craindre que les globules blancs ne supportent pas toujours sans altéralion une température de 0° pendant près de 2 heures. Néanmoins, elle fut par nous employée au début quelques fois; on obtient de la sorte un plasma limpide, pour ainsi dire privé de cellules, qui se coagule très rapidement, dès que sa température s’est un peu relevée. Dans la suite nous nous sommes servis d’un autre mode de fabrication du plasma, basé sur les anciennes recherches de Freund, et qui consiste à recevoir le sang dans des tubes enduits intérieurement de paraffine. Comme nous avons déerit anté- rieurement cette méthode en détail', nous n'en dirons ici que ce qui intéresse directement le présent travail. Nous avons de la sorte obtenu du plasma qui, chez le lapin et chez le chien, se coagule le plus souvent, en tube paraffiné, 4 à 5 heures après la saignée, mais incomplètement, car le liquide exsudé du caillot ainsi formé, reporté dans des tubes non paraffinés, se coagule encore successivement 2 ou 3 fois. Chez le rat, on doit, pour obtenir du plasma, entourer les tubes paraffinés de glace fon- dante; on recueille ainsi un liquide qui se coagule instantané- ment et complètement, en tubes paraffinés, dès qu'on le retire de la glace. En somme, le plasma ainsi récolté contient une certaine quantité de fibrin-ferment, quantité évidemment inférieure à la totalité de cette substance, mais toutefois très notable, plus encore chez le rat que chez le lapin et le chien. Or ce librinfer- ment est d’origine leucocytaire, comme l’alexine, et s’il est vrai que celle-ci ne sort du globule blanc qu'après la mort ou lalté- ration de ce dernier, on ne peut se défendre de craindre que le leucocyte, pendant les manipulations, n’en laisse aussi exsuder une partie; on peut donc s'attendre à ce que notre plasma de chien, de lapin et surtout de rat, renferme une certaine quan- tité d’alexine leucocytaire. 1. Bonnet et GENGou, loc. cit. 938 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Comme nous l'avons dit plus haut, ces plasmas se coagulent toujours, de telle sorte que le liquide qui s’en écoule lors de la rétraction du caillot, en diffère par l’absence de fibrinogène passé à l’état de fibrine concrète, La méthode permet donc d’obtenir un sérum, mais un sérum formé seulement quand la centrifuga- tion a chassé presque tous les leucocytes ; il s’est donc formé en l’absence de ceux-ci, et si l’alexine ne s'échappe du glebule blanc qu'après son altération, le sérum ainsi obtenu n’en con- tiendra que ce que les manipulations rendent inévitable. Pour pouvoir comparer avec plus de raison les plasmas que nous avons obtenus avec les sérums des mêmes animaux, le sang destiné à fournir ces derniers fut soumis aux mêmes conditions de température et de milieu (parafline) que celui dont nous ürions les plasmas. Voyons actuellement si les deux méthodes que nous avons employées, eten particulier la dernière qui nous a servi davantage, n’ont pas l'inconvénient d’altérer ou de détruire la puissance bactéricide des liquides en expérience. Dans ce but, nous avons comparé le pouvoir microbicide du sérum de lapin recueilli dans les conditions habituelles, à celui du sérum du même animal recueilli et formé dans des tubes paraffinés, avec ou sans l’aide d’une basse température. CHARBON CHOLÉRA —— A = Sér. formé|Sér. formé Sér. formé |Sér. formé dans la dans la dans la dans la paraffine. |par.etrefr. paraffine. |par etrefr. a Sérum normal. Sérum normal. 792 800 1,980 Il en résulte que les manipulations auxquelles a été soumis le sang dans cette expérience, n'ont pas alléré sa puissance microbicide, et qu’elles peuvent être appliquées à la recherche de l’alexine dans le plasma obtenu comme nous l’avons indi- qué plus haut. De son côté, M. Danysz, ainsi que nous l'avons appris par une communication orale, s'occupe également en ce moment de l'étude comparative du pouvoir hémolytique du sérum et du ORIGINE DE L’ALEXINE DES SÉRUMS NORMAUX. 239 plasma de plusieurs espèces animales: ses recherches feront l’objet d’une publication ultérieure. A.—— EXPÉRIENCES SUR LE LAPIN. [. — Sur la bactéridie charbonneuse. Plasmas obtenus par la méthode de la glace fondante, LAPiN 1. Sérum non Sérum Plasma! Plasma Bouillon. chauffé. [chauffé à 550 |non chauffé. |chaufré à 550. ie 3,220 4,008 2,903 3,710 4,087 IT. 3,800 3,422 2,824 3,188 3,908 III. ce 0 co ce =] EVE ce 0 co co co 1. Nous désignerons sous le nom de plasma le liquide que donne en se rétractant le plasma otenu par centrifugation. Lapin 2. PLASMA NON CHAUFFÉ SÉRUM NON CHAUFFÉ D — a EE — ———— 1 anse. 2 anses.[4 anses.|6 anses. Tanse.|?anses|# anses.|6 anses.| 1 gtte. 621 | 1,012 | 2,207 (] (]) 1,520 | 2 20 .280 809 | 4,408 4,730 20 2 2,700 co 2 240 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Plasmas obtenus par la méthode de tubes paraffinés. LapPiN 3. Sérum non Sérum chauffé | Plasma non |Plasma chauffé chauffé. à 5bo. chauffé. a 550. CS | 352 21 0 250,000 environ 0 LapPIN 4. Lapin 8. 2,028 2,60S 2,10 3,087 239 2.409 10,430 Lapin 9, Sérum non Sérum chauffé| Plasma non [Plasma chaufré chaufré. à DDo. chauffé 1,110 a —— Lapin 10. a ———— à 55o. 1,008 1,020 1,305 ee IL. — Sur le vibrion cholérique. Plasma obtenu par la méthode de la glace fondante. Bouillon. 2,280 Lapin 1. Sérum non Sérum Plasma non chauffé. [chauffé à 550, chaufré, 1,012 0 Plasma chauffe à 550 1,012 349 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Plasmas obtenus par la méthode des tubes paraffinés. LaAPIN 3; Sérum non [Sérum chauffé} Plasma non |Plasgma chauffé chauffé, 21900 chauffé. à 550. 12,800 13,100 10,640 9,728 û 15,800 ù 9,904 LAPIN 5. 6,020 18,000 ILE. — Sur le bactérium coli. Plasmas obtenus par la méthode des tubes paraffinés : LAPIN 4. Sérum non Sérum chauffé] Plasma non |Plasma chauffé chaufté. à 55o, chauffé. à Do. 3,020 2.904 2,880 3,402 0 13,208 108 6,020 0 ee (=, co _— G O2 ORIGINE DE L'ALEXINE DES SÉRUMS NORMAUX. 19 4 SÉRUM NON CHAUFFÉ Sérum PLASMA NON CHAUFFÉ Plasma RS — ch. à 590 chauffé à = a — RE LE + 1 goutte.|2gouttes.|4 gouttes. 1 goutte.|l goutte.|? gouttes.|4 gouttes. 550, I. | 36,288 | 52,420 tone 37,408 | 50,800 | 103,620 2%,920 1. | 44,616 | 68,914 |1,726,000!! 980,000 || 441,700 | 678,600 |1,469,800||1,213,000 =] = LV. — Sur le bacillus typhosus. Lapin 5. Sérum non [|[Sérum chauffé] Plasma non |Plasma chauffé chaufré. à 550. chauffé. à 550 9.010 8,720 7,910 6,622 9,498 230 8,030 == 14,400 = Comme on peut s’en rendre compte d'après les tableaux précédents, nous avons beaucoup plus fréquemment trouvé une différence dans le pouvoir bactéricide du sérum et du plasma vis-à-vis de la bactéridie charbonneuse qu’envers les 3 autres espèces microbiennes dont nous nous sommes servi. Presque toujours, le bacillus typhosus et le bacterium coli résistèrent trop à l’alexine, même du sérum, pour qu’une différence entre es divers milieux soit perceptible; au contraire, dans maintes expériences, le choléra suc:omba aussi rapidement dans le plasma que dans le sérum, alors que ces liquides, provenant des mêmes animaux, se comportaient très différemment pour la bactéridie charbonneuse (lapin 6, 8, 9, 10). Craignant une fausse interprétation des faits, nous nous sommes proposé de rechercher si cette diflérence d'action vis- à-vis de ces deux espèces bactériennes était due simplement à ce que la bactéridie charbonneuse, assez peu sensible à l’alexine 244 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. du lapin, se prête suffisamment à une différenciation entre le sérum et le plasma, imperceptible avec le vibrion cholérique trop sensible à cette alexine, ou bien si nous avions affaire à deux substances différentes, l’une agissant sur le charbon et rare dans le plasma, l’autre, l’alexine, agissant sur le vibrion cholé- rique et présente dans le plasma en circulation. Nous basant sur la démonstration qu’a faite M. Bordetf de l'unité de l’alexine contenue dans le sérum normal de chaque espèce animale, nous avons fait absorber, par des globules de poule sensibilisés, l’alexine d’une certaine quantité de sérum de lapin frais. Ce sérum, privé d’alexine, fut ensuite réparti en 2 tubes, dont l’un reçut une goutte de vibrions cholériques sen- sibilisés, et l’autre une goutte d'une émulsion charbonneuse. Comme :1l était aisé de le prévoir, le vibrion, plongé dans ce sérum sans alexine, ne présenta pas le phénomène de Pfeiffer ; or la bactéridie charbonneuse se montra, elle aussi, absolument intacte dans ce milieu sans alexine et s’y multiplia. Naturelle- ment, des tubes identiques avaient subi des préparations ana- logues, avec cette différence que les globules de poule n'avaient pas été sensibilisés et n'avaient, par conséquent, pas fixé l’alexine ; dans ces tubes, le choléra subit la transformation granuleuse et la bactéridie charbonneuse y succomba, comme elle leût fait dans du sérum non préparé. L’alexine est donc bien la substance qui tue le charbon dans le sérum neuf de lapin, et c'esl parce que ce microbe se prête mieux à l'expérience, que nous avons toujours observé avec cette espèce une diffé- rence entre le plasma et le sérum. S'il en est ainsi, on peut conclure que, dans le sang circu- lant, le plasma du lapin ne contient pas d’alexine, car le pou- voir bactéricide du liquide employé comme plasma dans nos expériences, pouvoir bien inférieur à celui du sérum, doit être imputé à la petite quantité d’alexine qui s'échappe, pendant les les manipulations, des leucocytes souffrants. N'oublions pas, en effet, que notre plasma est loin d’être du plasma vrai, et qu'il n’est qu'un liquide s’écartant, moins que le sérum, du plasma normal. B. EXPÉRIENCES CHEZ LE CHIEN Le sang de chien, d’une alexine moins puissante que celui 4. Bonver, Ces Annales, 1900. Voir aussi le n° de mars 1901. ORIGINE DE L'ALEXINE DES SÉRUMS NORMAUX. 24 EU ÿ du lapin, convient mieux que ce dernier à l'étude de l’action du sérum et du plasma sur le vibrion cholérique. Cuiex 1. — Plasma obtenu par la méthode de la glace fondante Bouillon. a CHOLÉRA ÿ 12 4 2278,900| 28/155,640| oc | Sérnm normal. Ke 1,609 1,521 4,627 1,282 III. ce 319 Ve co 0 Sérum| PI. [Sérum| PI. |S.55o Pl 550 ES Es CO 2 BCE DR LE er 172 | 20 chauffé à 550, A L.142,72035,860169,420| 77,760 30,560 32,420 19182,000 34810 Sérum 2,008 Plasma non Plasma chaufré. chauffé à 55e, VIBRIO METCHNIKOVI — Sérum PI. [Sérum| PI. LS RO PE PT SP 2ETE 25,920 31 100 46,656 43,85022,800/20,896 del et 17 | | 864102,80016, eee Le +) S. ch.{PI. ch. AND 15,810/14,320 Le, +] Chez le chien comme chez le lapin, l’alexine n'existe donc pas en liberté dans le plasma sanguin. C. EXPÉRIENCES CHEZ LE RAT. Il nous à paru intéressant de rechercher si le plasma de rat présente, vis-à-vis de la bactéridie charbonneuse, le pouvoir bactéricide si intense que possède le sérum de cette espèce ani- male. Nous nous sommes adressé dans ce but au rat gris, plu- tôt qu’au rat blanc, parce que ce dernier donne souvent trop peu de sang pour obtenir, chez le même animal, du sérum et du plasma, et en second lieu parce qu'il nous à paru que chez lui la 246 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. préparation du plasma est encore plus difficile que chez le rat gris. N'oublions pas qu'ici nous ne sommes parvenu, par la méthode des tubes paraffiués entourés de glace fondante, qu’à obtenir un plasma excessivement coagulable, partant, très riche en fibrin-ferment et naturellement en principes d’origine leuco- cytaire. Dans les expériences suivantes, le sérum et le plasma correspondants proviennent tou'ours du même animal, par exemple le plasma et le sérum froids, etc. ‘ EXPÉRIENCE 1. Sert nonlPlasm non Sérum QU Sérum Plasma hauffé “hauffé chauffé à | chauffé à | chauffé à | chauffé à cnautie. cnauïlre. 55o. 550: Glo. Go. Il 348 393 374 380 447 439 IT 2 13 0 31,100 co? 864 JIT, 0 co 0 co oo co = EXPÉRIENCE 2. 3,190 9,340 4,290 5,410 1,100 2,024 IT. 0 86 926 1,312 2,250 4,896 IH 0 > 46,656 | 360,000 æ ce RSS EXPÉRIENCE 3. 1Ë 5,825 3,450 10,568 12,190 IT. (] 258 D2 120 LE 0 7,020 6,400 10,800 EXPÉRIENCE [. 1,181 1,008 6925 648 IF. 0 32 2 S4 IE, 0 20,736 (] 57,0 24 En conséquence, malgré la différence considérable que Pon est en droit de supposer entre le plasma vrai et ce que la mé- ORIGINE DE L’'ALEXINE DES SÉRUMS NORMAUX. 247 thode des tubes paraffinés nous livre comme représentant du plasma, il est très facile de constater que ce dernier est bien moins bactéricide pour la bactéridie charbonneuse que le sérum du même animal. Etant donné la richesse de ce liquide en produits leucocytaires, on peut admettre que le faible pouvoir microbicide qu'il témoigne ne lui appartient pas en propre, mais lui vient des leucocytes avariés pendant les manipula- ions. Si l’on compare les liquides chautfés à 55° aux liquides qui n'ont pas subi d’élévation de température, on peut se demander Si la diWférence de prolifération microbienne que l’on y observe, tient à ce que le chauffage à 55° a détruit l’alexine, laissant per- sister dans les liquides la substance qui tue le charbon, rare dans le plasma, abondante dans le sérum et qui n’est détruite que vers 64, ou bien s'il s’agit d’un affaiblissement, d’une dégradation d'une seule et même substance, détruite complète- ment seulement vers 64°. C'est dans ce but que nous avons fait avec le sérum de rat, une expérience identique à celle que nous avons rapportée plus haut, et qui nous a désigné l’alexine du lapin comme l'agent bactéricide du sérum vis-à-vis de la bacté- ridie charbonneuse. Nous avons simplement remplacé ici le sérum de lapin par le sérum de rat. Quoique moins nets que chez le lapin, les résultats permet'ent cependant d'admettre qu'il s’agit d’une seule et même substance. Ea effet, là où l’alexine fut laissée intacte par les globules de poule non sensibilisés, la bactéridie charbonneuse succomba complètement en 2 heures, de même qu'après ce laps de temps on n’apercevait plus, dans le tube similaire, que quelques rares vibrions cholériques transformés en granules. Au contraire, là où les globules sensibilisés de poule avaient absorbé l’alexine, à côté d’un certain nombre de microbes charbonneux altérés, on en voyait une grande quantité d'intacts; or, le tube similaire montrait lui aussi, à côté de vibrions cholériques intacts, un assez bon nombre de granules de Pfeiffer. Par conséquent; l’alexine n'avait pas été absorbée complètement par les globules de poule, ce qui explique qu'un certain nombre de bactéridies charbonneuses avaient été touchées par l’alexine restante. Malgré l'imperfection de cette méthode, que nous avons 248 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. choisie parce qu’elle nous a semblé être celle qui, tout en retar- dant suffisamment la coagulation du sang, en altère le moins les éléments, nous sommes donc arrivé à constater que le sérum, formé aux dépens du plasma privé autant que possible de leucocytes, est infiniment moins riche en alexine, chez le chien et chez le lapin, que le sérum des mêmes animaux, obtenu par coagulation habituelle, c’est-à-dire en présence des globules blancs du sang. Cela nous permet de conclure non seulement que les leucocytes sont bien les producteurs de l’alexine des sérums normaux, mais encore qu’ils la gardent en eux tant que leurs conditions normales de vie dans le liquide sanguin ne sont pas modifiées. Cette donnée cadre du reste par- faitement avec les résultats observés antérieurement par MM. Metchnikoff, Bordet, Salimbeni et Cantacuzène. De même, chez le rat, la substance si bactéricide du sérum vis-à-vis du bacillus anthracis, et que nous pensons être une alexine, n’existe pas dans le plasma en circulation. VARABILITÉ DE L'APTITODE AGGLUTINATIVE DU BACILLE D'ÉBERTH Par M. E. SACQUÉPÉE Médecin aide-major de 1r° classe, Chef du laboratoire militaire de bactériologie de Rennes, Dès le début des recherches sur l'agglatination du bacille typhique par les sérums homologues, on érigea en dogme que l'aptitude agglutinative (ou le degré de sensibilité vis-à-vis des agglutinines) du bacille d'Eberth est toujours sensiblement égale vis-à-vis d’un même sérum. En effet, toute une série d’échan- tillons, provenant de laboratoires très divers, se montrèrent agglutinables aux mêmes doses limites; les variations indivi- duelles furent très restreintes, et de ceci on pouvait conclure que le taux d’agglutination maxima reste le même, quel que soit l'échantillon d'Eberth mis en expérience. Ces conclusions furent à peu près partout admises et véri- fiées. Cependant, plus tard, on put constater de rares excep- tions; les uns déclarant qu'il existe, chez le b. typhique, des bacilles primitivement insensibles au sérum spécifique, mais susceptibles d’ « acquérir » à la longue la mème aptitude _agglutinative que l’Éberth type; d’autres rencontrant des bacilles présentant l’ensemble des attributs de l'Eberth, mais notablement plus agglutinables que ce dernier. La question posée dans ce travail est la suivante : L’aptitude agglutinative du bacille d'Eberth est-elle suscep- tible de subir des variations notables, et, s’il en est ainsi, dans quelles conditions se produisent ces variations. Deux mots d’abord sur la technique employée. Quand 1l s’agit de pratiquer un sérodiagnostic, on s'adresse à une culture jeune de 24 heures, en bouillon. Or tout le monde sait que la richesse de cette culture est très variable, pour un même échantillon, suivant les milieux, et surtout pour un même milieu suivant les échantillons de bacilles; richesse que traduit le 250 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. trouble plus ou moins prononcé du milieu, Ces variations individuelles peuvent n'avoir pas grande importance dans la pratique courante du séro-diagnostic, parce qu'il importe assez peu que l’on soumette à l'épreuve quelques bacilles de plus ou de moins, vu lextrême variabilité du pouvoir agglutinant du sérum; encore est-il que, fnême dans ce cas, une plus grande précision ne serait aucunement nuisible. Mais lorsqu'on veut éprouver l'aptitude agglutinative de bacilles différents, il faut de toute nécessité mettre en présence d’une même dose de sérum une même quantité de bacilles sous un même volume, autrement dit comparer entre elles des cultures de même densité, L'expérience suivante le démontre. Une culture très riche d’Eberth en bouillon (tube A) est additionnée de5 fois (tube B) et de 10 fois (tube C) son volume de bouillon neuf; après agitation, on prélève des volumes égaux de chaque tube, auxquels on ajoute une égale quantité d'un même sérum; voici le résultat, au bout d’une heure, Clture Sérum Sérum Sérum Sérum Sérum 4 p. 160 1 p. 300 1 p. 500 1 p. 1000 1 p 2000 . [Agglutination Tube A. presque |JAggl. nulle.|Aggl. nulle.|Aggl. nulle.|Aggl. nulle, complète. Tube B lAgglutinalion|Agglutination 2BELHinaton Agglutination| | null Er complète. complète. PHP lègère. Bee complète. Tube C Agglutination Agglutination|Agelutination Agglutination Aggl. nulle, complète. complète. complète. légère. C'est-à-dire que le nombre des bacilles agglutinés est tou- jours sensiblement le même, quel que soit le volume du liquide : ce nombre est moins élevé cependant lorsque la culture est for- tement diluée. Or très souvent les bacilles isolés des eaux ou de l’orga- nisme se développent moins bien que lEberth type : nous entendons par là l’Eberth habitué depuis plusieurs années aux cultures successives sur milieux artificiels, Si l’on ne tient pas - VARIABILITÉ DU BACILLE D'ÉBERTH. 251 compte de l'expérience précédente, leur aptitude agglutinative sera jugée supérieure à ce qu'elle est en réalité. Il est donc nécessaire d'obtenir des cultures de même den- sité. On y arrive en émulsionnant dans l’eau des cultures récentes sur gélose ordinaire, jusqu’à ce que le liquide présente un trouble comparable à un type conventionnel obtenu par l’action du nitrate d'argent sur une solution de NaCI à 0,1 er. par litre; laisser reposer quelques heures afin de faire déposer les quelques amas persistants. Le deuxième facteur en expérience, le sérum typhique, est facilement prélevé soit chez l’homme atteint de fièvre typhoïde soit chez le lapin immunisé; ces deux groupes de sérums, d’ori- gine différente, ont toujours été employés concurremment ; les résultats relatifs se sont trouvés identiques ou à peu près. Toutes les mensurations sont faites sous le microscope, com- parativement avec l’Eberth type. Afin de mettre mieux en évi- dence les résultats obtenus, nous désignerons sous le nom de Rapport d’aptitude agglutinative (R A) le rapport de la limite maxima d'agglutination d’un bacille en expérience, à la limite maxima d'agglutination de l'Eberth type. Par exemple, une goutte d'un même sérum agglutine l’Eberth type à 1/150 et un Bac. C à 1/10; dans ce cas R A — 10/150 — 0.066. A priori, et pour parcourir toute la gamme des variations possibles, on peut se demander s’il existe des bacilles typhiques moins agglutinables ou plus agglutinables que l’Eberth type; et la réponse étant affirmative, il y aura lieu de chercher à repro- duire artificiellement ces mêmes variations en partant de lEberth type. Nous étudierons donc successivement : 1° Les bacikes typhiques non agglutinables d'emblée ; 2° La transformation de l’Eberth type en Eberth non agglu- tinable ; 3° Les bacilles typhiques hyperagglutinables d'emblée ; 4° La transformation de l'Eberth type en Eberth hyperagglu- tinable. L. — BACILLES TYPHIQUES NON AGGLUTINABLES D'EMBLÉE. On rencontre parfois dans les eaux, typhoïgènes ou non, des microbes qui présentent l’ensemble presque complet des attri- 252 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. buts de l’Eberth (caractères classiques de morphologie et de coloration des cultures sur milieux ordinaires, développement sur milieux phéniqués à haute température; non fermentation des milieux lactosés; absence d’indol dans les cultures, non accroissement sur milieux vaccinés par l’Eberth, pouvoir patho- gène variable chez l'animal) et ne différant de l’Eberth type que par deux caractères : ils sont très peu agglutinés par le sérum des typhiques; leur culture sur pomme de terre est comparable à une glaçure colorée en brun clair ou en brun chocolat. Ce dernier caractère est d’ailleurs à peu près général chez les bacilles typhiques authentiques récemment extraits de l’orga- nis me. On peut désigner de tels microbes sous le nom de bacilles éberthiformes. En voici trois exemples : 1° Bacille rencontré dans les eaux de Castres, notoirement typhoïgènes à l’époque (Bac. C). Ce bacille présente tous les caractères précédemment énumérés; R A = 0,066; 29 Bac. extrait des eaux de Ne À sur-Marne, eaux qui n ont jamais été accusées de provoquer la fièvre typhoïde (Bac. N); mêmes caractères, R A= 0,1; 3° Eaux de X. sûrement typhoïgènes (Bac. P); mêmes caractères, R A = 0,15. Dans l'organisme du typhique, on peut également trouver des microbes identiques à tous les points de vue. Sur 3 rates typhoïdiques prélevées 24 heures post mortem, les cultures ont donné uniquement des bacilles dont les caractères sont copiés sur ceux des Bac. C, N et P ; un quatrième échantillon, de pro- venance analogue et de mêmes propriétés, nous a été obligeam- ment remis par notre excellent camarade Lafforgue. Dans un cinquième cas, une quantité notable de pulpe splé- nique put être prélevée 4 heures après la mort; les cultures faites immédiatement donnèrent naissance à l’Eberth classique très agglutinable (Bac. S). Cette pulpe fut conservée telle quelle, à l'abri de toute contamination ; après 8 jours, même bacille S très agglutinable; au bout de 15 jours, bacille éberthiforme non Mb (Bac. T); R A — 0,15. Ea troisième lieu enfin, à côté du coli et de bacilles d’'Eberth authentiques, le milieu de Piorkowsky permet d'isoler, dans les selles de typhoïdiques, des microbes identiques aux Bac. C, T, VARIABILITÉ DU BACILLE D'ÉBERTH. 253 elc., et en uombre d'autant plus grand, semble-t-il, que la maladie est plus avancée dans son évolution. Dans le tableau ci-dessous, nous résumons l’origine et les caractères anormaux des éberthiformes étudiés dans la suite. DENOMINATION PROVENANCE R. A. [CULTURE $S. POMME DE TERRE Bac. C. Eaux typhoïgènes,. 0.066 | Culture colorée peu épaisse. Bac. P — 0.15 —_ Bac, N. | Eaux non typhoïgènes. | 0.40 — Bac. A. Rate typhique. 0.15 — Bac. B. — 0.10 — Bac.R; -- 0.05 - Bac. L. — 0.95 — Bac: T. — 0.45 — Bac. E Selles de typhoïidques. | 0.10 — Bac. K — 0.20 = Avant de pousser plus loin cette étude, il importe de faire remarquer que la notion classique : tous les bacilles typhiques sont agglutinés de la même manière par un même sérum typhique, comporte un corollaire obligé : tout bacille peu ou pas agglutinable par le sérum typhique, ne saurait être un bacille d'Eberth. La déduction, non formulée au début, l’a été depuis. C'est-à-dire qu’un milieu naturel, souillé par les éberthiformes ici étudiés, à l'exclusion de l’Eberth authentique, ne doit pas être considéré, d’après la doctrine, comme spéciliquement infecté. La question, posée sous ce jour, présente un sérieux intérêt, pour l'hygiène surtout. Quelle est donc la signification de ces bacilles éberthiformes? leur parenté avec l’Eberth est évidente; reste à savoir si le fossé qui les sépare de ce dernier, le défaut d’aptitude agglutinative,. peut être comblé. C’est ce qu'il faut tenter maintenant, Les premiers éberthiformes ayant été extraits des eaux, on pouvait se demander s'ils ne représentaient pas des bacilles typhiques atténués par un long séjour dans les milieux exté- rieurs. On fit des passages successifs par l'organisme animal, 254 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. sans autre résultat que de fixer davantage les caractères hybrides du début. La solution devait être donnée par le hasard. Ces bacilles des eaux (G et N) ayant été conservés en tube clos à l’abri de l'air et de la lumière furent repris après six mois. Ils étaient parfaitement vivants; mais leur culture, cette fois, ne différait en rien de celle de l'Éberth type : glaçure incolore sur pomme de terre; surtout, les bacilles Cet N étaient exactement aussi agglutinables que l'Éberth type : R A —1 avec tous les sérums. Le résultat fut exactement le même avec tous les autres éberthi- formes, quelle quefütleur origine : eaux, rate, intestin ; conservés en tubes elos, tous devinrent agglutinables au même titre que l’Eberth type après 6, 8 ou 10 mois‘. D'ailleurs, cette acquisition (ou plutôt, commenousle verrons, celte récupération) de l’aptitude agglutinative se fait progres- sivement. Un seul exemple le démontrera, tous les éberthiformes s'étant comportés de façon identique. Bac. E, extrait de selles typhiques, le 15 mars : à cette époque RA — 0,10; conservation en tube clos; le 10 juin RA = 0,35; le 18 août RA — 0,50; au 8 octobre, RA — 1. Ultérieurement, l'aptitude agglutinative reste immuable. Les passages successifs, espacés ou rapprochés sur bouil- lon ordinaire’ donnent lieu à la même transformation, en un temps généralement un peu plus long. Les cultures successives sur pomme de terre, milieux lactosés, milieux phéniqués, ete., n’ont aucunement hâté le retour de l’aptitude agglutinative. Le procédé le plus simple est done en même temps le plus efficace. Jusqu'ici nous avons laissé dans l'ombre l’action de nos éberthiformes sur l’animal. Ces bacilles sont généralement très pathogènes pour le cobaye, beaucoup plus qu l'Eb. type. Ce fait n’a rien de surprenant, car la plupart de ces microbes prove- naient directement de l’organisme et n'étaient pas affaiblis par une longue conservation. Plus intéressantes sont les propriétés des sérums des ani- maux inoculés. La réponse s’est toujours montrée la même: le sérum d’animaux inoculés avec les bac. P, B, F, T, K, se montre beaucoup plus actif vis-à-vis de l’Eb. type que vis-à-vis {. Une transformation du même genre à été également notée par M. Rodet, Journal de Physiologie el de Pathologie générales, 1900. VARIABILITÉ DU BACILLE D'ÉBERTH. 253 du bac. inoculé ; autrement dit, les propriétés de ces différents sérums sont exactement celles du sérum typhique, et les rapports RA restent les mêmes qu'avec le sérum spécifique. Citons un exemple : un lapin dont le sérum est inactif à 1 p. 10 vis-à- vis de tous les bac. en expérience. est inoculé avec 4 ce ec, de culture stéri- hsée de bacilles T ; on prélève du sérum 6 jours après l'inoculation ; à ce moment, le sérum agglutine l'Eb.type à 1 p. 550 et n’agglutine qu'a dose bien moindre, soit le bac. T. soit les autres éberthiformes ; et, pour T., on trouve RA = 0,15,exactement comme vis-à-vis du sérum typhique, Il y a plus : les éberthiformes sont doués d’un pouvoir agglu- tinogène plus élevé que l’Eb. type. Deux séries de lapins de même âge et de même poids sont inoculés, les premiers avec #4 €. e. de culture stérilisée des bac P, F, B, FT; les autres avec 4 €. €. de culture stérilisée d’'Eb. type. Les animaux de la première série fournissent un sérum beaucoup plus agglutinant que ceux de la seconde. Deux lapins aussi identiques que possible comme âge et comme poids, et dont le sérum n'agglutine aucun bacille à 1 p. 10,sont inoculés avec mêmes quantités de cultures également denses de l'Eb. {ype (lapin A) et de bac. T (lapin B); après 8 jours, le sérum B agglutine l'Eb. type à 1 p.550 ; le sérum À à { p. 250 seulement. De telle sorte qu'à considérer seulement les deux termes extrêmes de la série : Eb. type très agglutinable et bac. éber- thiforme, on pourrait émettre ce paradoxe que ces microbes sont d'autant plus agglutinables que leur pouvoir agglutino- gène est moindre. Une opinion semblable a déjà été émise, quand on est venu avancer que l’Eberth est d’autant moins agglutinable qu’il est plus virulent. D'ailleurs ces deux formules sont toutes deux inexactes, car nous verrons plus tard qu’il existe des bacilles à la fois hyperagglutinables et hyperagglu- tinogènes ; et, dans les exemples ci-dessus rapportés, l’exagé- ration du pouvoir agglutinogène est due à ce que les éberthi- formes récemment extraits de l’organisme animal sont au maximum de leur virulence. En résumé, on peut rencontrer dans les eaux ou chez les typhiques des bacilles présentant l’ensemble complet des carac- ‘tères connus des bacilles d'Eberth, sauf deux: absence ou énorme réduction de l'aptitude agglutinative, et coloration de la culture sur pomme de terre. Le sérum des animaux inoculés à 256 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. l’aide de ces microbes présente les propriétés du sérum typhi- que ; et ces mêmes microbes conservés pendant quelques mois reprennent tous les caractères de l'Eberth, y compris l'aptitude agglutinative et l’aspect des cultures sur pommes de terre. Il —— REPRODUCTION EXPÉRIMENTALE DE BACILLES ÉBERTHIFORMES. Il a déjà été dit que les éberthiformes se rencontrent cou- ramment chez les typhoïdiques, à une période avancée de la maladie. Au groupe précédent s'ajoutent les éberthiformes ren- contrés dans les eaux; l'identité parfaite de leurs caractères originels, de leurs transformations ultérieures et de leurs réac- üons pathogènes, invite à penser que ce deuxième groupe re- connaît la même provenance que le premier : ils sont en relation avec une souillure accidentelle des eaux par des produits émanés de typhiques. Cette constatation ne laisse le choix qu’à deux hypothèses. Les éberthiformes représentent, ou bien un stade d'évolution d’un microbe de type différent, le coli, vers le tvpe Eberth; ou bien une forme modifiée du bacille typhique. Dans l’une ou l'autre alternative, la transformation s’opère dans l’organisme typhoïdique. Soumise au contrôle expérimental, la première conception ne semble pas répondre à la réalité des faits. Trois échantillons de coli intestinal, maintenus pendant des mois (en sacs de collo- dion) au contact d'organismes fortement immunisés contre lé bacille d’Eb., ont conservé intégralement tous leurs caractères; il ne s’est manifesté aucune modification susceptible de faire admettre quelque acheminement vers le type Eb. Bien entendu, nous n’affirmons nullement que la chose soit impossible : ellene se produit pas dans les conditions indiquées. Reste à vérifier la seconde hypothèse ; les éberthiformes re- présentent une forme modifiée de lEberth. On immunise for- tement des rats blancs contre le bac. typhique par injections de cultures stérilisées, répétées au cours de plusieurs mois: dans le péritoine d'animaux ainsi préparés, on laisse végéter l’Eb. type pendant longtemps, inclus dans des sacs de collodion. Dans ces conditions, l'Eb. perd peu à peu son aptitude agglutinative, et finalement se comporte comme les éberthiformes ; en même VARIABILITÉ DU BACILLE D'ÉBERTH. 257 temps la culture sur pomme de terre devient plus colorée, mais à peine plus abondante. L'expérience répétée trois fois (elle est longue et pénib e) a toujours donné le même résultat. Un seul exemple suffit à la démonstration. Les sacs sont toujours places dans le péritoine de rats solidement immunisés. Eb. type : RA — 1 (par définition) mis en sac pendant 3 semaines ; après ce temps RA — 0,85. 2e Sac avec le bacille du sac précédent ; après un mois RA = 6,66. 3e Sac avec le bacille du deuxième ; après un mois RA = 0,35. 4e Sac avec le bacille du troisième ; après un mois RA = 0,20. de Sac avec le bacille du quatrième ; après un mois RA = 0,15. Ainsi donc, l'Eberth type maintenu au contact de l’organisme immunisé, perd peu à peu son attitude agglutinative. Mais il importe de faire remarquer que la transformation s'opère len- tement; il a fallu cinq mois pour atteindre le but. Soulignons en mème temps que les conditions de l'expérience, bien qu'assez rapprochées de ce qui doit se passer chez le typhique, restent néanmoins très artificielles. Pour perméable qu’elle soit, la mem- brane de collodion ne saurait être assimilée à un tissu vivant ; en outre le péritoine ne représente nullement chez l’animal le foyer infectieux qu'est manifestement la rate chez l'homme. Il y aura lieu plus loin de le rappeler. Reproduite in vitro, l'expérience précédente donne moins de résultats. Maintenu pendant longtemps (45 jours) au contact d'une grande quantité de sérum typhique (5 gouttes de culture pour 15 de sérum), l'Eb. conserve le même degré d’aptitude agglutinative. Par contre, cette dernière peut être légèrement abaissée si à une même culture d’Eberth on ajoute plusieurs fois de suite une quantité suffisante de sérum agglutinant. On fait une culture de l’Eb. type en bouillon; après 24 heures on ajoute le dixième de son volume d’un sérum stérile actif à 1 p.250 : même opéra- tion deux fois de suite de deux en deux jours : puis repiquage en bouillon; cette deuxième culture est traitée comme la première ; enfin troisième cul- ture en bouillon additionnée quatre fois, en dix jours, de sérum typhique : au total dix additions successives de sérum. Après ce temps, une culture issue du 3€ tube donne RA = 0.7». Le résultat est beaucoup moins net qu'après le séjour du même Eberth au contact de l'organisme. Sans doute faut-il incriminer les échanges continuels qui se passent dans le péri- 17 258 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. toine, et peut-être aussi l'influence plus active des toxines à l'état naissant. Le séjour prolongé de l’Eberth dans les cultures additionnées de substances chimiques douées de pouvoir agglutinant (Sa- franine) n’a pas amené de modification notable au point de vue de l’agglutination. Il est nécessaire maintenant de mettre en regard les uns des autres les faits précédemment acquis. D'une part, les éberthi- formes se comportent vis-à-vis des animaux exactement comme lEberth et se transforment spontanément en bac. typhiques au- thentiques ; d’autre part, l'Eberth peut être artificiellement ramené au type éberthiforme. Le non-agglutinable devient agglutinable, l’agglutinable devient non-agglutinable. Il est dès lors infiniment probable que les éberthiformes rencontrés dans la nature, reconnaissent la même origine que les éberthiformes artificiellement reproduits ; les uns et les autres sont l’expression d’une modification biologique du bacille typhique au contact de l’organisme infecté ou immunisé (ce quin’implique aucunement que les éberthiformes ne puissent relever d’une autre étiologi® actuellement inconnue). La seule objection que l’on puisse faire à cette manière G2 voir, c’est que la transformation doit s’opérer très vite au cous de la fièvre typhoïde humaine, alors qu'elle se produit très ler - tement dans les conditions expérimentales; mais ces dernières conditions sont tout artificielles, on l’a dit plus haut; le sac de collodion n’est pas la rate, l'organisme du rat n’est pas celui de l’homme, et nous ne voyons guère de moyen pratique ée répéter l'expérience telle qu'elle devrait être idéalement faite. Nous accepterons donc que l’éberthiforme n’est qu'une modification de l’Eberth; modification d’ailleurs temporaire et reconnaissable, grâce à la persistance du pouvoir agglutinogène. Reste maintenant à interpréter les faits. Dans l’état actuel de nos connaissances générales sur la biologie des microbes, une seule interprétation semble plausible ; l’éberthiforme re- présente un Eberth accoutumé au contact des agglutinines; sa transformation n’est qu’un phénomène d’accoutumance. Sans cesse baigné par des humeurs ‘agglutinogènes, l'Eberth réagit, se laisse de moins en moins influencer par elles, jusqu’à ce LAN EPA VARIABILITÉ DU BACILLE D'ÉBERTH. 259 qu'elles arrivent à peine à l’impressionner; à ce moment, le type éberthiforme se trouve réalisé. Inversement, ce même Eberth accoutumé aux agglutinines, laissé pendant longlemps en dehors de l'organisme sur milieux artificiels, perd progressivement l’accoutumance qu'il avait acquise, chacune des générations successives en abandonnant une part. Il redevient agglutinable et réalise le type de l’Eberth classique, c’est-à-dire l’Eberth habitué aux milieux artificiels. Mais cette transformation in vitro ne consiste pas dans l’appari- tion, dans l'acquisition d’une propriété nouvelle; c’est au contraire la disparition d’une faculté acquise, de l’accoutumance. On comprend encore facilement pourquoi l’éberthiforme non agglutinable conserve néanmoins son pouvoir agglutinogène. L'agglutination n'exprimant qu’une réaction de l’organisme vis-à-vis de l’infection éberthienne, léberthiforme suscite la production des agglutinines parce qu’il est virulent et souvent très virulent, mais le sérum produit ne l'influence pas, parce qu'il est habitué à ne plus souffrir de son contact. III. — BACILLES TYPHIQUES HYPERAGGLUTINABLES D EMBLÉE Les bacilles de ce genre ont déjà été signalés. On a même écrit que l’Eberth type pouvait être de moitié moins aggluti- nable que certains bacilles prélevés chez le typhique. Le fait est possible ; mais n'ayant pu constater jusqu'ici de différences aussi considérables, nous sommes tenté de croire qu'il s’est glissé une erreur de technique : l'Eb. pris pour type étant peu agglutinable, ou bien plutôt la culture du bacille en expérience étant moins luxuriante que celle de l’Eb. type (fait fréquent chez les bac. typhiques récemment extraits de l'organisme). Dans une pulpe splénique extraite # heures post mortem, on trouva un bacille (Bac. S, voir plus haut) présentant tous les caractères connus de l’Eberth sauf deux: légère coloration des cultures sur pomme de terre : exagération peu marquée de l'aptitude agglutinative, RA = 1,25. On voit que la différence est minime : cette variation en plus, et nous n'en avons qu’un exemple, ne rappelle en rien les variations en moins étudiées déjà. D'ailleurs après quelques cultures on trouve RA — 1, 260 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. 4 Par inoculation à l’animal, ce Bac. S se comporte comme V'Eb., le sérum obtenu est identique au sérum typhique ; avec Eb. type: RA=:1; avec Eh. S) RAI, 25Comparée à celui de l’Eb. type, le pouvoir agglutinogène du Bac.S est beau- coup plus élevé, il est par contre sensiblement égal (un peu supérieur) à celui de l’Eb. T, non agglutinable, provenant de la même rate. V. — TRANSFORMATION DE L'EBERTH TYPE EN EBERTH HYPERAGGLUTINABLE Une telle transformation ne se produit que d’une manière irrégulière, Un EÉberth type mis en sac pendant 15 jours sur un animal à peine immunisé, présente une légère augmentation de Paptitude agglutinative, RA = 1.20. Différence légère, à peine appréciable et d’ailleurs passagère. CONCLUSIONS L’aptitude agglutinative du bacille d’Eberth est variable ; on peut rencontrer des bacilles plus ou moins agglutinables que l’Eberth type. Les variations en plus sont légères et fugaces. Beaucoup plus importantes sont les variations en moins. On rencontre en effet dans la nature, rarement dans les eaux, cou- ramment chez les typhiques, des bacilles répondant exactement au type Éberth, mais qui sont peu ou pas agglutinés par le sérum typhique (bacilles éberthiformes). Ces microbes se com- portent comme l’Eberth vis-à-vis de l’animal; les sérums éber- thiformes présentent les propriétés du sérum typhique. Conservés en tube clos, les éberthiformes se transforment spontanément en bacilles typhiques authentiques, très agglutinables. D'un autre côté, l'Eberth. type, maintenu pendant longtemps au contact d’un organisme immunisé, se laisse de moins en moins agglutiner par le sérum, et finalement se comporte exac- tement comme les éberthiformes. Cette double expérience inverse autorise à conclure que les éberthiformes représentent une forme de bacille d'Eberth, mo- difié par un long séjour dans un organisme infecté ou immu- nisé. Cette modification n'est qu'un phénomène d'accoutumance. INFECTION SECONDAIRE PAR LE B. MESENTERICUS AU COURS DE LA FIÈVRE TYPHOIDE Par Mr E. SACQUÉPÉE, Médecin aide-major de {re Classe, Chef du laboratoire militaire de Bactériologie de Rennes. Saprophyte banal, le 6. mesentericus fait partie de la flore bactérienne si variée de l'intestin, à l’état normal comme à l'état pathologique. Sa présence fréquente en ce milieu, l'in- sensibilité de l’animal à son égard, l'absence de toute connexion apparente avec les états morbides de l'organisme humain, l'ont fait considérer jusqu’à présent comme un hôte au moins inoffensif, et peut-être utile à la digestion. Expérimentalement cependant, M. Vincent: est parvenu à rendre pathogène pour l'animal cette bactérie ordinairement si bien supportée par lui sans dommage apparent. Par des pas- sages successifs chez le cobaye, le mésentericus s’accoutume à ce milieu inhospitalier, s’y cultive, et finalement triomphe de sa résistance, et va jusqu'à tuer les animaux inoculés. Chez l’homme, pareille virulence n’a guère été signalée. Cependant, à la faveur d’une infection préalable, le mesenteri- eus peut franchir la barrière intestinale, envahir lorganisme pour son propre compte, et déterminer des symptômes qui paraissent bien liés à sa présence, On en jugera par les deux observations suivantes. OBS. I. — Fièvre typhoïde, accès intermittents ; pneumonie ; quérison. — S..., 23 ans. L’affection débute par céphalée, épistaxis, insomnie, diarrhée. Entré à l'hôpital le 8e jour ; à ce moment taches rosées, langue rôlie, météorisme abdominal, inappétence, diarrhée, prostration, légère stupeur, céphalée, insomnie, tuméfaction de la rate, fièvre élevée (voir la courbe ci-dessous) séro-diagnostie positif ; diazo-réaction manifeste, Traitement classique : régime lacté, bains froids, antlisepliques intes- tinaux. Evolution banale jusqu'au 19e jour. A cette date apparaissent des accès 1. Aptitudes pathogènes des Saprophytes. Ces Annales, 1898, p. 785. 262 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. franchement intermittents, durant trois à six heures, caractérisés par les stades classiques : frissons, chaleur, sueurs. Mêmes accès les jours suivants. Les écarts de température sont considérables, comme l'indique la courbe. (Ecart maximum le 25e jour, de 3308 à 8 beures du matin, à 4196 à 3 heures du soir.) 49° 8 |9 40111 112113114145 16 |47 49 19 (20 91 122123124125 96127 28|29/30|31 52133|34|35|36 37/58/39 40 41 142 4° E + T ER ane us FRE —— ï 40° Li Pets | | | T à | C A A T0 € 39° ab L | | Î | Î IL Hate 58° en 5 Jess mn | | ï | Ç | Î + ne ! FR 37° Es L - —. nm, EN EEE le si D pu — - L t . ! + br 1 le) L LEA sn A EE l CE DER Tai B 1 L—_— JE ut -— ES | ! | Fig. 4. Examen du sang quatre fois de suite, avant et pendant l'accès : il n’y a pas d'hématozoaires ; le sujet n’a jamais eu de fièvres intermittentes. Le sang, extrait de la veine le 23e jour, donne en culture du mesentericus modifié, étudié plus loin. Au 26e jour, apparition d’un foyer de pneumonie franche. Dans les cra- chats à l'examen direct, pneumocoque, long bacille prenant le Gram ; pas de bacilles décolorés par le Gram. Les mêmes crachats inoculés au lapin tuent l'animal par septicémie pneumococcique; en culture ils donnent le même microbe que le sang de la veine, mesentericus modifié, La pneumonie se résout péniblement. Convalescence traînante et finalement guérison. OBS. IT. — Fièvre typhoïide ataxo-adynamique, avec accès intermittents irréguliers ; quérison. C..., 22 ans. Début par céphalée, épistaxis et insomnie : diarrhée au 3e jour. Entrée à l'hôpital le 4e jour ; à ce moment : langue sèche, tympanisme abdominal, inappétence, diarrhée, tuméfaction de la rate, prostration : insomnie. Diazo-réaction intense ; séro-diagnostic négatif, Au 9%e jour, taches rosées; au 108, séro-diagnostic positif. Traitement classique : lait, bains froids, naphtol. Évolution sévère sous la forme ataxo-adynamique. À partir du 18e jour, surviennent des accès intermittents irréguliers INFECTION SECONDAIRE PAR LE B. MESENTERICUS. 263 revenant tous les deux ou trois jours, avec 3 ou 6 heures de durée, toujours l'après-midi : frissons et chaleur intenses, sueurs peu abondantes. L'examen répété du sang ne révèle pas d'hématozoaires ; le sujet n’est pas paludéen, La culture du sang prélevé dans la veine donne un mesentericus modifié, étudié ci-dessous. Après le 27e jour, l'affection continue son évolution ordinaire et se termine par la guérison. EU A D EN SN GO LA 1 EQ [] - — Le: El: = Î JE EI ER | suit EnSes= En résumé, un mesentericus modifié a pu être rencontré chez deux typhiques, dans le sang chez l’un, dans le sang et les cra- chats chez l’autre. Ces deux malades n'avaient d’autre particu- larité commune que la modification de l’évolution normale de la dothienentérie par les accès intermittents: ces accès man- quaient totalement chez vingt autres typhiques du service ; et le sang examiné chez onze d’entre eux, mis en culture, ne ren- fermait pas de microbes. Provenant de S... ou de C... le mesentericus modilié s’est comporté de facon à peu près identique en dehors de l'organisme. En première culture, le bouillon se trouble uniformément, fortement, avec voile léger à la surface ; sur gélose, couche peu épaisse, blanc grisâtre, bleutée, dépassant de 3 ou # millimètres la strie d’inoculation ; sur pomme de terre, coloration brun- jaunâtre sur toute la surface du milieu, avec culture peu abondante, en glaçure chez C...; plus épaisse chez S... ; ajou- tons à cela que le sérum des deux malades agglutine fortement ce microbe à 4 pour 50. L'ensemble de ces caractères fait 264 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. penser au coli ou à l'Eberth; mais le bacille est long, épais, prend le Gram et forme des spores après 6 ou 8 jours de cul- ture, ce n’est donc ni l’Eberth ni le coli. Dans les cultures successives, l'aspect se modifie rapide- ment. Le 3° passage sur pomme de terre laisse voir déjà quelques petites crêtes saillantes à la partie supérieure du milieu, légèrement desséchée. Progressivement, chaque génération nouvelle modifie les caractères primitifs, et dès le huitième passage la modification est complète et persistante. Dès lors, le bouillon est à peine troublé dans la profondeur ; la culture se fait presque exclusi- vement à la surface, sous forme d’un voile ridé, se reformant sitôt détruit ; la surface de la gélose est envahie tout entière par une Culture opaque, hérissée de plis fortement saillants ; sur pomme de terre, développement exubérant, gaufrage régu- lier marqué de crêtes hautes et épaisses, toujours colorées en brun. Au microscope enfin, même bacille long prenant le Gram; mais cette fois, les spores se forment très vite, dès les premiers jours. C’est l’aspect classique du mesentericus. Avant d’aller plus loin, il est intéressant de constater que les caractères du mesentericus sortant de l'organisme étaient à peu près identiques à ceux que signale M. Vincent à la suite de passages répétés chez le cobaye. Franchement agglutinées à 1 pour 50 par le sérum des deux malades précédents, les cultures primitives n'étaient aucunement modifiées par le sérum d’autres typhiques à la dose de 1 pour 15. Inoculé à l'animal, même en quantité assez considérable, (3 c.c. dans le périloine du cobaye), le mesentericus modifié ne le tue pas ; mais 1l provoque une forte élévation thermique. Le bacille est activement englobé par les phagocytes ; en sacrifiant l'animal après quelques jours, on a toujours constaté des lésions en foyer : abcès du mésentère, péritonite localisée; dans le pus, on retrouve le bacille libre, vivant, très abondant. Par association avec un Eberth fortement atténué, on ne constate pas d’exallation marquée de la virulence. En résumé, on peut rencontrer chez certains typhoïdiques un bacille méconnaissable dans ses premiers développements sur milieux artificiels, mais susceptible de modifier rapidement INFECTION SECONDAIRE PAR LE B. MESENTERICUS. 265 ses caractères primitifs, jusqu’à revêtir l’aspect du mesentericus, et qui est un mesentericus modifié : les cultures successives lui permettent de retrouver son type ancestral. Quel a été son rôle dans la maladie ? Le sang puisé chez onze typhiques, d'évolution banale, n’a rien donné en culture ; au contraire, le sang prélevé chez deux typhiques présentant des accès intermittents, au cours de ces accès, renfermait un mesentericus modifié agglutiné par le sérum des mêmes sujets. En présence de cette constatation, il est bien difficile de se résoudre à admettre qu’il y ait là une simple coïncidence de hasard: il est plus conforme à la logique d’accepter que le mesentericus est venu ajouter son appoint à linfection typhoïdique, et, grellant ses effets sur les réactions dues à l'Eberth, réaliser un syndrome tout spécial et dès longtemps dé- crit. Ceci ne veut pas dire que dans d’autres cas analogues, on ne puisse mettre en cause des microbes tout différents; un syndrome uniforme peut traduire mille impressions diverses. L'absence ou le faible degré du pouvoir pathogène pour l'animal prouve simplement qu’un microbe peut être virulent chez l’homme et inoffensif chez les animaux de laboratoire, fait depuis longtemps connu. Il est donc évident qu'un saprophyte banal, le mesentericus, est capable d’évoluer pour son propre compte dans le milieu humain à la faveur d'une autre infection plus virulente. D'où vient ce mesentericus? Probablement de l'intestin qu'il peut franchir à travers de larges ulcérations. Le fait est d'autant plus probable que, dans les diarrhées saisonnières de l’été dernier, nous avons constaté dans les selles une pullulation excessive de ce même microbe ; et l'épidémie de fièvre typhoïde ayant succédé immédiatement à ces diarrhées, il y a lieu de penser que le mesentericus a pu s’habituer peu à peu au contact de l'organisme, en modifiant toutensemble ses caractères morpholo- giques et biologiques. Des passages successifs par l'intestin hu- main transforment le banal saprophyte en pathogène éventuel : répétition, chez l'homme, d’une expérience vérifiée par avance chez l'animal. Ce n'est là d’ailleurs qu’une hypothèse; d’autres faits sont nécessaires pour lui permettre de prendre corps. SUR LES PROPRIÉTES BACTÉRICIDES DU SÉRUM SANGUIN DANS LE COURS DES MALADIES Par M. Le D' OUSTRIANINE, de KHARKOFF (Travail du laboratoire de M. Metchnikof.) Les propriétés bactéricides du sang des animaux sains furent constatées pour la première fois par Fodor. Il fit cette constata- tion sur le sang des lapins vis-à-vis des bactéridies charbon- neuses. Ces faits ont été confirmés par de nombreuses expé- riences de Nuttall, Niessen (1), Behring et Buchner. Ce dernier démontra que non seulement le sang, mais aussi le sérum san- guin possède cette propriété bactéricide. Le sang tue les bactéridies, dit Buchner, seulement pendant les premières heures, ensuite il devient un excellent milieu de culture pour elles, grâce à la destruction des globules san- guins. Cette propriété bactéricide du sérum a été attribuée par Buchner à une substance, qu’il désigna sous le nom d’alexine. Nuttall et plus tard Buchner trouvèrent que la propriété bactéricide du sérum disparaît si l'on porte ce dernier à 55°. Flügge et Buchner créèrent la théorie humorale de l’immu- nité. D’après cette théorie, ce seraient les alexines qui proté- geraient l’organisme contre l'infection. Ces auteurs supposaient que ces bactéries circulant dans le sang rencontraient les alexines qui les détruisaient. Dans ces derniers temps, Buchner (2) abandonna sa théorie de l’immunité purement humorale. D’après lui, c’est seulement dans des cas exceptionnels qu'on pouvait expliquer la défense de l'organisme par les alexines seules, à l'exclusion de l’action des leucocytes. Les recherches ont mis en évidence un grand nombre de faits qui sont en contradiction avec la théorie qui attribue la défense PROPRIÉTÉS BACTÉRICIDES DU SÉRUM SANGUIN. 267 de l’organisme à des alexines. Ainsi le lapin, dont le sérum possède un pouvoir bactéricide vis-à-vis les bactéridies du charbon, contracte néanmoins très facilement cette maladie. Il existe un certain nombre d’autres faits du même genre. Metchnikoff (4) a émis le premier la suppôsition que la pro- priété bactéricide du sérum pourrait bien être d’origine leuco- cytaire. Buchner présenta de nombreux faits à l'appui de cette hypothèse, et avança l'opinion que les alexines seraient sécré- tées par les leucocytes pendant leur vie. En 1889, Metchnikoff (5) montra que pendant la viele sang ne possède pas ces substances bactéricides, mais que ces substances se forment hors de l'organisme, in vitro, et sont éliminées par les leucocvtes au moment de leur destruction, Bordet (6) confirma ces observations, et démontra la corré- lation indubitable qui existe entre la leucocytose d’une part et le pouvoir bactéricide du sérum sanguin de l’autre. Si l’on admettait la théorie humorale d’après laquelle les alexines seraient Les défenseurs de l’organisme contre l'infection, comment expliquer que les animaux possédant à l’état normal des alexines sont très sensibles aux infections, tandis que ceux qui en sont privés sont réfractaires? Evidemment, il aurait fallu expliquer cela dans le premier cas par la diminution et même la disparition des alexines, et dans le second par leur forma- tion. Afin d’éclaircir cette question, beaucoup d’observateurs ont fait un grand nombre de recherches. Les uns trouvèrent que pendant la durée de l’infection les propriétés bactéricides du sérum sanguin diminuaient ou mème disparaissaient complète- ment (Niessen, Lubarsch, Székély et Szana, Bastin, Denys et Kaïsin) : d’autres ne constatèrent aucun changement. Ainsi Conradi (12), après avoir injecté des bactéridies char- bonneuses, sous la peau ou dans les veines de lapins, trouva que la propriété bactéricide du sérum ne subissait aucun chang e- ment ni pendant la première période, c’est-à-dire pendant le pro- cessus local, ni pendant la seconde, lorsque le sang contient de nombreuses bactéridies, Il observa les mêmes faits chez le chien. Cependant, d’après la théorie humorale, on devrait s'attendre à voir, pendant l'infection par le charbon, une diminution de la quantité d’alexines chez les lapins qui contractent facilement cette maladie, et par contre, une augmentation chez les chiens 268 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. qui sont réfractaires au charbon. Or, en réalité il n’en est rien! Les expériences de Conradi démontrèrent que les alexines res- tent sans changement chez les uns comme chéz les au- tres. : La question de l’action des alexines dans le cours des maladies présente cependant un grand intérêt. On pourrait y trouver peut-être l'explication de l’insuccès de l'emploi théra- peutique des sérums bactéricides. Wassermann consacre à cette étude son travail intitulé : « Uber neue Versuche auf dem Gebiete der Serumtherapie » (43). Les sérums thérapeutiques se divisent en sérums antitoxi- ques et en sérums bactéricides. Les premiers renferment des substances spécifiques agissant contre les toxines, les seconds n’ont aucune action sur les toxines, mais agissent sur les microbes mêmes, qu'ils tuent et dissolvent. Les études de Bordet (14), confirmées par les recherches de Ehrlich et Morgenroth (15), sur le sérum hémolytique, démon- trèrent que les actions bactéricide et dissolvante des sérums appartiennent à deux agents distincts : 4) Immunkürper d'après Ehrlich ou substance sensibilisatrice d'après Bordet et 2) complé- ment d’après Ehrlich ou alexine d’après Bordet. Cette dernière substance se trouve dans Îe sérum sanguin de l’animal neuf, tandis que la première se forme pendant l’immunisation ou bien après la guérison. L’alexine est une sorte de ferment digestif, qui ne peut pas agir sur les bactéries sans le concours de l’autre agent, qui le rend sensible à l’action bactéricide, et sert, pour ainsi dire, de trait d'union entre l’alexine et les bactéries. Donc, pour que l'emploi des sérums bactéricides puisse être suivi de succès, il faut mettre en présence des quantités suffi- santes de substance sensibilisatrice et d’alexines. Si l’un de ces agents n’est pas en quantité suffisante, l'effet thérapeutique n'aura pas lieu. Wassermann suppose quesi les sérumsbactéricides échouent, c’est parce que l'organisme malade dépense une grande partie de l’alexine se trouvant normalement dans le sérum, et par consé- quent la substance sensibilisatrice (Immunlürper), introduite en quantité suffisante avec le sérum bactéricide, reste sans action, ne trouvant pas d’alexine en quantité nécessaire. PROPRIÉTES BACTÉRICIDES DU SÉRUM SANGUIN. 269 L'organisme malade dépense-t-il réellement toute son alexine qui existe à l'état normal? Afin de résoudre cette question, j'ai entrepris une série de recherches sur les propriétés bactéricides du sérum sanguin dans le cours de l'infection charbonneuse chez les lapins, du choléra chez les cobayes, et enfin à l’état normal chez les uns et chez les autres. I EFFET BACTÉRICIDE DU SÉRUM SANGUIN DES LAPINS SUR LA BACTÉRIDIE CHARBONNEUSE A L'ÉTAT NORMAL ET PENDANT L'INFECTION CHARBONNEUSE Je commençais mes expériences par saigner les lapins sains, et 24 heures après je leur faisais une injection hypodermique de culture virulente de charbon, Cette culture, de 16-18 heures, sur gélose, était mélangée avec 10 c. c. de solution physiologique du sel marin. Chaque injection contenait 1/10 de cette émulsion. La maladie durait, généralement, de 36 à 60 heures. Je pratiquais la seconde saignée le premier ou le deuxième jour de la maladie, 12-20 heures avant la mort, parfois quelques heures seulement avant, et enfin même pendant l’agonie. Je gar- dais le sang pendant 24 heures dans la glacière pour laisser déposer le sérum. 1 c. ce. de ce sérum était ensemencé avec une anse de fil de platine plongée dans une culture de charbon de 16-18 heures sur gélose. L'effet bactéricide était étudié au moyen des boîtes de Pétri sur gélose. Le nombre de bactéries ensemencées n’était pas élevé; on en comptait généralement de 200 à 2,000. Lorsqu'on examine le tableau A, on constate que le sérum des lapins sains possède des propriétés bactéricides incontes- tables ; dans deux expériences cependant (7,12) le sérum n’en avait aucune. Cette propriété bactéricide était manifeste dans la plupart des expériences, pendant le premier jour seulement ; dès le deuxième on voyait déjà des bactéries se développer (4.11). L'effet bactéricide du sérum des lapins atteints de charbon a été étudié dans la plupart de mes cas, à la période d'infec- tion très avancée, lorsque le sang charrie de grandes quantités 270 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. . de bactéries, souvent quelques heures seulement avant la mort, et parfois même pendant l’agonie de l'animal. Je n’ai jamais constaté non seulement la disparition, mais même la diminution de la propriété bactéricide, sauf dans l'expérience 11, qui a été faite avec du sang, et non avec du sérum. Le sérum des lapins atteints de charbon possède done un pou- voir bactéricide aussi fort que le sérum normal; chez les pre- miers cette propriété paraissait même légèrement accrue, ou bien elle se manifestait dans les circonstances, très rares d’ail- leurs, où précédemment elle avait fait défaut. Puisque nous avons jugé de la force bactéricide d'après le nombre des colonies, il a fallu aussi se demander si l’agglutina- ion ne serait pas la cause de la diminution du nombre de colonies? Les expériences T, 8, 9, 12 démontrent qu'il estimpos- sible de mettre cette diminution exclusivement sur le compte de l’agglutination. Ce n’est que rarement que cette dernière exerce en effet son action. Ainsi, nous voyons, dans les expé- riences 7 et 8, que le sérum ne possède point au cours de l’in- fection charbonneuse de propriété agglutinante vis-à-vis des bactéridies, et cependant l'effet bactéricide existe (diminution du nombre de colonies): dans deux autres expériences (9 et 12) l’agglutination se manifeste, mais d’une façon très peu pro- noncée. On sait que le sérum, chauffé pendant une 1/2 heure à 56°, perd sa propriété bactéricide. En effet, lorsque nous avons chauffé pendant une 1/2 heure à 56° le sérum des lapins sains, nous avons constaté cette dispa- rition; mais nous n'avons observé rien de pareil avec le sérum pris sur les mêmes lapins après qu'ils ont été inoculés du char- bon. Ce fait paraît être contradictoire. Cependant il est facile de l'expliquer. C’est que, lorsqu'on chauffe pendant une 1/2 heure à 56° le sérum des lapins atteints de charbon, ce sérum acquiert une propriété agglutinante assez notable (il agglutine en propor- tion de 4 : 10). Cette propriété se manifeste habituellement pen- dant les premières heures qui suivent la préparation du mélange (le sérum étant à l’étuve). Nous avons dit plus haut que le sérum des lapins atteints de charbon possédait quelquefois la pro- priété agglutinante même sans être chauffé; le chauffage pen- dant une 1/2 heure à 56° augmente cette propriété. Par consé- quent, dans ces cas, c’est l’'agglutination qui cause la diminution PROPRIÉTÉS BACTÉRICIDES DU SÉRUM SANGUIN. 271 du nombre de colonies, comme on aurait pu le supposer, et non la persistance de la propriété bactéricide, malgré le chauffage. Si l’on chauffe le sérum des lapins atteints de charbon pen- dant une heure à 65°, la propriété agglutinante ainsi que la pro- priété bactéricide disparaissent toutes les deux. L'origine leucocytaire de la propriété bactéricide du sérum résulte des travaux de Metchnikoff et de Bordet. Nos expé- riences ne font que la confirmer. Nous n’avons jamais constaté, pendant l'infection, ni la diminution de la propriété bactéricide, ni celle du nombre de leucocytes. Lorsqu'on compare le nombre de leucocytes à l’état normal avec celui que l’on constate pen- dant l'infection par le charbon, ou constate, dans la plupart des cas d'infection charbonneuse, une faible augmentation du nombre de leucocytes, ainsi qu'une légère recrudescence de la propriété bactéricide (Exp. 7 et 8). Il EFFET BACTÉRICIDE DU SÉRUM SANGUIN DES COBAYES SUR LE VIBRION DU CHOLÉRA A L'ÉTAT SAIN ET PENDANT L'INFECTION CHOLÉRIQUE Ces expériences ont été faites de la même façon que les précédentes. J'injectais aux animaux, dans la cavité abdominale, une émulsion dé culture cholérique de 16-18 heures, sur gélose. Les doses variaient selon la virulence de la culture. Les expériences ont été faites avec un vibrion de Nasik, Cette culture étant trop virulente, tous mes animaux périrent dans un laps de temps trop court pour que je puisse faire des obser- vations. C’est pourquoi dans la suite je me suis servi d’une cul- ture cholérique moins virulente (Prusse orientale). L’injection de cette dernière culture provoquait un état morbide dont la durée était de 1 à 8 jours. J’injectais les cobayes 24 heures après la première saignée. On n’observait aucun changement dans la leucocytose après cette première saignée. Dans la première série de six expériences pour lesquelles je me suis servi de la culture du choléra Nasik, la maladie ne durait habituellement que 4-7 heures. Dans deux expériences seule- ment elle avait duré davantage: dans l’exp. 6 elle dura 48 heures, et dans l’exp. 2, 8 jours. 272 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Lorsque l’évolution de la maladie est rapide, la propriété bactéricide ne subit aucun changement(Exp. 1, 3,5), sauf dans une seule expérience N° 4%, où le sang a été pris pendant l’agonie de l'animal. La saignée a été faite une demi-heure ou 1 heure avant la mort. Pas de changement non plus dans la leucocytose. Pendant l’agonie (Exp. 4) 1l y a eu diminution du nombre de leucocytes, ce qui explique la diminution de l'effet bactéricide. Dans le choléra à évolution plus longue (Exp. 2 et 6), on ne constata pas non plus, ni pendant les premières heures (5 h.), ni à l'apogée de la maladie, de changements dans le pouvoir bacté- ricide. Le nombre de leucocytes était normal. Dans la seconde série d'expériences faites avec la culture de Prusse orientaie, l'évolution de la maladie fut plus lente (de 24 heures à 7 jours) : le pouvoir bactéricide du sérum ne subit aucun changement, même à un stade très avancé de la maladie, lorsqu'on constatait des vibrions dans le sang, et lorsque la température de 389,7, 38°,5, tombait à 37° et même 34°. Pas de changement non plus au point de vue de la leucocytose. Dans les cas où la propriété bactéricide faisait défaut à l’état normal, elle manquait aussi pendant la maladie (Exp. 13, 14). Une fois (Exp. 7), où la maladie avait duré 24 heures, on cons- tata pendant l’agonie une diminution de la propriété bactéricide. On observa dans ce cas aussi une diminution du nombre de leucocytes de 8,400 à 5,200. Dans l'infection cholérique d’une certaine durée, la propriété bactéricide non seulement ne diminue pas, mais même elle augmente légèrement, ainsi qu'on le voit dans l’exp. 8. Dans ce cas la maladie avait duré 7 jours. On n’observa aucun chan- sement dans la propriété bactéricide 19 heures après le début de la maladie, mais on constata une légère recrudescence de cette propriété immédiatement après la mort. Les leucocytes n’ont pas été comptés chez ce cobaye avant sa mort. Le chauffage pendant une demi-heure à 56° détruit la pro- priété bactéricide du sérum, chez les cobayes sains aussi bien que chez les cobayes atteints de choléra. Nous pouvons done conelure que la propriété bactéricide du sérum des lapins atteints de charbon, aussi bien que celle du sérum des cobayes atteints de choléra, ne s’épuise pas pendant PROPRIÉTÉS BACTÉRICIDES DU SÉRUM SANGUIN. 273 la maladie, et, en plus qu’elle se trouve en relation avec la leucocytose. Que M. le professeur Metchnikoff veuille bien agréer l'expression de ma reconnaissance pour m'avoir indiqué le sujet de mon travail et m'avoir guidé par ses conseils éclairés pendant toutes mes recherches. BIBLIOGRAPHIE 1) Nuessen. Zeitschrift für Hygiene, 1889, B. V, p. 487. 2) Bucaner. XIIe Congrès international de médecine, Paris 1900, 2-9 août. 3) Mercanikorr. L'Immunité. 4) MercaniKorr. Annales de l’Institut Pasteur, 1887. D) Mercaxikorr, Annales de l'Institut Pasteur, 1889. 6) Borper. Annales de l’Instilut Pasteur, 1895. N0 6. 7) Niessex. Zeitschr. f. Hyg., 1889. B. V. S) Lugarson. Cit. Conranr. Zeitschrift für Hygiene, 1900, Bd. 34, Ho 2. 9) SzÉKELY et Szana. Centralbl. f. Bacteriol., 1892, B. XI. 10) Basrix. La Cellule, t. VII, p. 383, 1892. 11) Denys et Karin. La Cellule, &. IX, p. 337, 1895. 12) Conranr, Zeëtschrift für Hygiene, 1900, Bd, 34, Ho 2. 13) Wassermanx. Deutsche medicin. Wochenschrift, 1900. No 18. 14) Borper. Annales de l’Institut Pasteur, 1898, t. XII, no 10; 1899. t. XII, no 4. 15) Exezicm et Morcenrora, Berliner klinische Wochenschrift, 1899. no T, n0 22, EXPÉRIENCES Dans les tableaux qui suivent, on a résumé les données et les résultats principaux de chaque expérience. SNA signifie sérum naturel des animaux sains, non chauffé. SNI — le même sérum chauffé 30 minutes à 260, SMA — sérum des animaux malades, non chauffé. SMI — le même sérum chauffé 30 minutes à 560, 15 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Sand 9€ sainou (9 soinou (6 06 U + SaInou 67 saanoy 0ÿ ee ne ‘aIPEICU U] 0p aJdn(i soino &] sainotf 8} SainoU $ ANS soinoty G * OIUOSP | juepuoq ‘JJOu JUEAY D —— "OQUBIES LI Op aJeq GFY LG? YS L 079 INS G 6 LS OL6G VNWS DE SYFI CSG LAXS YL6 INS SaInou #48 009€6 0088 6 19 06 667 LOL VNS 9 oN ‘4 ya ‘uSg ‘u 9 ur ‘U & u 0 Ee ÉTA4 rit 09€ 9SG INS 7 8 YY OF 1G 1Y& VAS co 06G GLG 679 YYG LGy INS Seinouy 57 0096 0088 2 Gy y j Ce 00€ VNS S «N ‘U Fa LE ‘u 9 U+ ‘u £ ‘u 0 ce O8S£ AA cs/ (2 INS co 6 9} 07 EL 006 VUS £ST G & % OST € LE INS S9ANOU 57 0011 00084 OLGT y } gl 06 La ti VNS %oN U fa u 8 ‘9 ur uT (L 0 == € 0 Te LL INS TE G rail 0? 96 01 VWS 2e O00TT OCSG GY9 006 INS S9inou (0% 00997 0096 2 LGG YOF ras SE VNS £ oN ‘4 $# ‘u Fa ‘u9 UF L'a u 0 EE) 96 06 96F 00%F INS 2 y € K £ Lab: VKS « ce O00GL 008G 000G GEL INS SaInou 0# 0006 006 Ze 009 (ON 0G &6 G46 VNS & oN ‘y 8F ‘U F8 ‘u 9 ‘U ‘u ‘4 0 YYT zF « +F 8LG INS 006 92 « cg GLG VAS E°) (ES 008 078 INS Ù ce 009 00 082 VNS ‘Fr oN “uoroofur ‘dv| opeçeu vide L ‘ures vide] CP ne on TT TES "aouarodxa,] 9p ‘agugres ‘Ar sa74000n9"7 “juotoouemuosua,| said sonbodg S2S12AIP & S9I00[09 S9P SIQUON OIJUWNnN XIAINNOAU V HO NIdV'1 AŒ LH "IVNUON NIAV'I A4 HAUAS AG ‘AHIGIHALIVA V'I HNS SAGIDIHALOVA LATAH V AVA'TIAVL 29 ACTÉRICIDES ES B * » n »! PROPRII 1 | :Auvs A1 2948 9J1P} 950 QOUNPAXE,] 8 WNIPS ET AJU97{0 nd EU UQ ‘JMOU EI soade JUPE ANOO NP JEAYXO S9 FE uidej np Sues #7 opinu 450 ayneyo uou Sues ne e1[09 ‘OT:F ER Uelq JF} es 9yneu) Suvs np uOp}RIQWOIHIU TI "SUCS O[ 29AB 9710} 159 OU9A9UXA,f 99 ‘LUNAYS NP A911J9I U9 nd e,u uo ‘jinu ej quepuad quou 959 07 uide] 27 PRES ; “sed quoquae vou 6 19 L Suide] 597 "Suvs 91 SURD SOIpPIHI9J90q ep dnoonvoy aQuSIUS EI 2p JUAUWOU NE SN0Y quoreae ‘ge ‘9 ‘6 ‘y ‘€ ‘a sujde S9T a ———— À | 0 ce 0G6 FA 2e u 098 |°69-KS | OT :Fru Ÿ (S Gi & 09G INS F:TR73 « & « 76 9L VAS DAT Re 0808 0708 8&0r 669 INS soinoq 3L | soanog 8e | soimon 08 | 00907 0088 REF OURS 086G 0198 069 pes VAS IN | 1 < 0 ES OPIG 086 INS 0 ee CE 00SY VAS F:rrY EE LAS OLG 007 09? INS Saanou zg 0 Saoianou ç& « 0008 0 & } L G 9LG VNS ‘FF oN | co OLEF 089 09# 86€ INS | AA ERRNE « « 1h GTF VNS ‘OF oN OF:} | Ces 689 097 1S& 067 INS ; > 000! G£ cGr 69G 086 VNS PAT 0 0 = G6G OGL 79 JTE INS SaoInau 7 10€ "408 AE 'U TG 00067 0096 ra l G y 7 CG VNS ‘6 oN OF : F | SF OF£ CGs 086 INS F:rt0 ES « 07 GG LLG VNWS 12100 | = 36 cg INS saanou 9f | Sainou ET | SAINOU EG 00GFG 0096 es Fat So 8 OF 6G 008 VNS 8 oN Or :}Y | 9€ $ 6T SG OLG IKS V'} } cr 9€ 9F8 VAS | 1:1%0 | Fa 0GSG 006 006 INS Sainoy £4 | SaIn9u (SG | S9INOU EG 00897 0096 VA l ce GIST GGL 0007 VNS ZoN ————— ————…——— | ——— | — “epereui of op| our au8av l'uonosfar "Av | reprit Da ALL ‘uoy} RESTES A: ae La ‘1 0 2 = -- 5 — —= 0 — — SEA *OQUHIES EI D 9704 “opu$jes ‘AU 5074909097 -CUNNISSV | juoumoouours S9IU009 S9P 21QUUON “oauari9dxa, | 9pP OJounN uo,] soude sanbodo sas4eA1p q (onns) Y AVATIAVL ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR, SIN] aanoy F S3IN9U 9 06 HS 106 EG 0096 Saanatf « 06 U% 0609 8 ç J 084 vus | se 0008 | INS smof g RES 0089 « 0001 G g L OFF VNS 8 0N ce 0008 | IHS = 0008 | 85 9 00181 | VS | æ O0USF | INS | sono y 08 AU E ë 0088 0078 ce 0002 00081 | VNS ‘Fe a | à SE RE ER ne “JUOUIDUOUIEUS F | sant opuSIes 81 ep 9484 ‘S9A 8400 Sa] ZcUo Sa74000n07 soude sonbod? saS1941p R SOJUO[O9 D S1QUION SAFRAN | ALIAANT AAV4O9 NA LA AIVHUON HAV409 NA HAUYAS AG SVUSTOH9 AG AYHOVA AT UNS SAGINUALOVA LAAAA 4 AVATAVE 4 ’ ’ PROPRIETES BA( L= Gi 7 SANGUIN. RUM À É 1 DU $ S n 2! TERICIDI il À co SL8L O0ÿF | 0079 œ 000% SaInoU 87 008€7 009€Y O00£Y TEFY 0069 rt ——_—_—_—_—_—— | ——__—_—— 00067 00LGY OZEFI sainoq 9€ | SONO $F | Sainou Sy 00001 00087 0006k ) OSYUr 008£F 0066 00ZL Sono 61 00#9 0092 L6€L &6 06 | 197 SOIN 3 OIU0SY SAN #3 0079 0079 938% Sainou $#x | Sainouy ££ | sauna GI 00G£! 0088 0092 ‘10 queAY |‘uoyoojur ‘dy|’uorsoqur ‘de|‘uoyooqur ‘Ae|"oouSes queae nn - ! QUIL EUILAR À IBUUON = _ ‘quo sua coanq "OpUBIUS U op ou —— — JUS MOIUQUESUN,T ° S9AU409 S9, Zoo S49wol9T soude sonbodo So819AIp R SaIU0J09 2p a1quOoN ‘eIpe[PUU EI op (onns) 4 AVHTIAVL IKS VKS INS VNS O7 ,N INS vhs INS VNS IKS vhs INS VNS INS YNKS JNS VNS IKS VNS INS YNS 90oN ‘aouarodxe,| 2p OJJUnN *‘a[eJU8IIO oSSnI4 EI 2P 819102 NP 29AU FF LR L so S9'T ‘HISEN EBI9IOU9 NP 99AB SY[NIOUI 9J9 JUO 9 LR F S94E4O9 S9T ‘dnooneoq JUaIAB u9 sodqne s9 *‘Sues eo] SUBP So[nBltA-Sa[|joeq 2p sed JioAB,u e s[n9s quole)9 27 ‘FF ‘6 S248{09 so —————_—_—_—_—_——"— è INS OGT£ 0SFG 00987 VAS ca 00687 INS soanouy #& | Soinouy & | Soinouy 97 00007 00007 000€ 00087 O9YTF VNS ‘77 oN 0028F INS 092% ; 006$ VNS O0ZTF INS Saanou 0 | S2INOU ! Soinot çF 0008 0008 00988 00FOY VNS "£F oN 0868 INS 0869 VNS 0097 INS saanou I 00001 000017 ; G 0992 VNS ‘GF oN 0088 INS OLSS VAS 000€} INS. g/y Sanol # S9IN9U LT 00081 00001! 0000! l c 0008 VNS FF oN ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. ee ne eo ONE Ne queay l'uouoojur ‘dy|‘uoroojut ‘de| ‘uorjoaqut ‘ae 'ogustres queAe u G : ‘u 0 *ou9119dX9,[ 9P NBA QUIL [EUWHION ; = ; re = a, TT —— — — "" k : OI Un N oganq a I 9p 97e ‘s98U{09 S91 Z0u9 S9}400909"T soude sonbod? S2SI3AIp R S9IU0T09 9p 91ŒUON ‘eIpe[EUL E] 9p qUOODUUISUN, | Bt (onns) 4 AVAIAVL NOTE SUR LA PRODUCTION DE CASÉASE PAR UN STREPTOTHRIX PARASITE PAR E. BODIN ET C. LENORMAND Professeur à l'École de médecine Professeur à l'École de médecine de Rennes. de Rennes. Dans l’étude que l’un de nous a faite! d’un Streptothrir parasite, la forme Oospora du Microsporum du cheval ?, il a noté la possibilité de cultiver cette mucédinée sur le lait, et a remar- qué qu’elle produit dans ce liquide une transformation ; mais dans ce premier travail l’aspect microscopique de la culture a seul été indiqué. L'idée nous est venue de chercher si cette transformation du lait n’est pas produite par une diastase analogue à la caséase de M. Duclaux, et, dans ce cas, quelles sont les principales conditions de la fonction diastasigène de la plante. I. Culture de la forme Oospora du Microsporum sur le lait. — Si l’on sème sur un tube de lait stérilisé des spores de la forme Oospora du Microsporum, et que l’on porte la culture à l’étuve à 35°, on voit vers le 4° ou 5° jour, au-dessous du bouchon crémeux jaunâtre situé à la partie supérieure du lait, se former une couche séreuse transparente de quelques millimètres de hauteur, qui gagne progressivement la partie inférieure du tube, et l’atteint au bout de 4 mois environ. Dans une culture en surface, où la couche de lait a une faible épaisseur, la transformation marche beaucoup plus rapidement et parait complète vers le 15° jour. À ce moment l'analyse démontre que le lactose et la matière grasse sont restés intacts, 1. E. Bonix, sur la forme Oospora (Streptothrix) du Microsporum du cheval. Archives de parasit., 1899, n° 3, p. 362 et 1bid., 1899, n°0 4, p. 606. 2. L'action pathogène de cette mucédinée chezle cheval a été démontrée par MM. Lecalvé et Malherbe (Archiv. de parasit., 1899, n°2, p.218; 1899, n° 4, p. 489; 1900, n° 1, p. 108.. M. Bosellini vient de montrer son rôle dans l’étiologie d’une lésion à type peladoïde du cuir chevelu chez l'enfant. (Giorn. italiano delle malat.ven e. della pelle, Fasc. III. 1900.) 280 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. particularité qui avait déjà été signalée, pour le lactose, par MM. Lecalvé et Malherbe ‘. Quant à la caséine, elle a subi une profonde transformation, elle s’est solubilisée, elle est devenue filtrable à travers une bougie de porcelaine et présente alors les caractères de cette substance à laquelle M. Duclaux a donné le nom de caséone. Voici les résultats que nous avons obtenus en étudiant la disparition progressive de la caséine dans le liquide de culture à l’étuve à 37° ?. Caséine Caséine. transformée. L'ATCATÉM ONE AE SET IE ERS APR EEUR 3sr ,780 Or, Culture apres M8 DeEUTES AE CAIRN 3,700 0,80 — LS A OUTSS PS ESA MERE ER 2,050 4,730 = RE PS PO I ER EAN 2.040 4,740 — ES NO QE RE Are MR RT ETS 5e 1,330 9,450 = RE TT ES RS A RARE LEE 0 0,590 3,190 — LANDE EST nf ere SN AE tare mere ane ee 0,450 3,330 SR TN 0,230 3,550 — EN RARES À AE ME RAA Pan RS 0,140 3,640 — A ANR Re RE AE 0,050 3,130 — A LE RSS à SES SN 0,030 3,750 — me A2 NÉE BR QU A BA AR A 0 3,180 Ces chiffres nous indiquent que la transformation de la caséine se fait assez lentement au début de la culture, elle progresse plus rapidement du 5° au 10° jour, et enfin elle se ralentit à ce moment; elle aboutit à la disparition totale de la caséine existant dans le liquide. IL. Latransformation de la caséine dans les cultures de la forme Oospora du Microsporum est due à une diastase agissant comme la caséase. — Lorsque l’on prend une culture sur lait de notre chan- pignon, on constate que ce liquide présente rapidement une réaction alcaline. Après les études de M. Duclaux (Le Lait, p. 114) on est donc en droit de se demander si la solubilité de la caséine en ce cas n’est pas due à l’alcalinité du milieu. Il n’en 4. L’intégrité de la matière grasse dans les cultures nous à conduit à n’em- ployer dans nos expériences que le lait écrémé aussi complètement que possible. Ce lait contenait encore, suivant les échantillons, de 0:r,120 à 0#,160 de matière grasse pour 100. 2. Nous avons dosé directement la caséine inaltérée en la précipitant de son : milieu à laide de l'acide trichloroacétique. Avec cet acide et en l'employant tou- jours dans les mêmes conditions de concentration, aussi bien dans les laits témoins que dans ceux soumis à l'expérience, nous avons toujours eu d’excel- lents résultats. La caséine transformée se trouve représentée par la différence qui existe entre la caséine du témoin et la caséine restant dans le liquide analysé. CASÉASE D'UN CHAMPIGNON PARASITE 281 est rien, attendu que la combinaison, qui pourrait prendre naissance dans le milieu alcalin, est détruite au moment du traitement par l'acide trishloracétique. D'ailleurs nous avons fait à ce sujet des expériences qui démontrent que la transformation observée, en ce cas, est bien due à une action diastasique. Expérience A. — Une culture de la forme Oospora du Microsporum sur lait, dans un matras à fond plat, a été laissée à l’éluve à 359 jusqu'à disparition totale de la teinte blanche du lait : à ce moment, le liquide de culture a été filtré sous pression à la bougie Chamberland et recueilli purement; c'est un liquide absolument limpide et offrant la teinte du bouillon concentré. Ce liquide a été mélangé, en des fioles d'Erleumeyer, dans la proportion de 10 €. c. pour 25 c. c., à du lait écrémé et stérilisé; le mélange aété porté à l'étuve à 400. Chaque jour l’une des fioles ainsi préparées a été soumise à l'analyse et cela nous a conduit aux résultats suivants : Caséine Caséine, transformée. HAL CATEMOIN EE SAT PRES AREAS UT 1 3ër,240 0er, ADARN dé OUPS EE TEL EAN AI É TE à 2,020 1,220 — PS FAO Re Le EE PE RES SC 1,788 1,452 —- CT PA ETES PAPE Re 41,784 4,456 — RE OR ES. RS AE 1,746 4,494 _ SR RE AA EN AR 4,704 1,536 — DER TT EL NT 1,664 1,576 — ARR NO RON RE RTS note 1,660 4,580 — A EE PE ONE ET EL LEA" 1,520 1,720 — RE SN dE PT LR TRE NE 1.480 4.760 — LORS RE SE Pet > AR 4,400 1,840 Aucune action microbienne due à des impuretés ne peut être invoquée en celte expérience. Il y a donc sécrétion d’une diastase qui se comporte vis-à-vis de la caséine comme la caséase, et que nous désignerons dé- sormais Sous Ce nom. ExPÉRIENCE B. — Une seconde expérience à été faite sur le liquide de culture filtré. Elle a consisté à chauffer ce liquide au bain-marie à diverses températures pendant un temps donné (15 minutes); nous avons vu ainsi qu'à 700 déjà ce liquide perd de son activité, et que cette activité diminue rapidement jusqu’à 750, température à laquelle elle se manifeste encore, mais d’une facon très faible ; à S0o l’activité du liquide a disparu complète- ment et absolument. Voici en effet les chiffres trouvés pour un mélange de 5 c. c. de liquide diastasifère avec 25 c. c. de lait écrémé, laissé 8 jours à l’étuve à 400, 282 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Caséine Caséine. trausformée, Lait Témoin 2 MCEURPEMENNES SE RAGE SERRE e &er,550 Oer Liquide non\chautte Ur REA ERESE 2,044 2,506 — CHAUTE 007002) MARS PA MER IE 2,256 2,294 — — (Ur OPA LA EN AL SES 4,524 0,026 — -— A 800 AS NOR A dre tete 4,550 0 Le caractère diastasique de la réaction est donc nettement accusé !. | ExPÉRIENCE GC. — Enfin nous avons recherché si le liquide diastasique, ayant déjà agi sur la caséine, se retrouve, après une première action, capable de transformer de nouvelles quantités de caséine, propriété que l’on sait appartenir aux diastases en général. À notre connaissance cette expérience n'ayant pas été publiée au sujet de la caséase, nous croyons intéressant de la rapporter ici. Un liquide de culture de la forme Oospora du Microsporum (liquide A) plus riche en caséase que ceux qui nous ont servi pour les expériences pré- cédentes, a été filtré au filtre Chamberland et mélangé à du lait écrémé dans la proportion de 1/5; le mélange a été porté à l’étuve à 400 et l’on a constaté, au bout d’un certain temps, la quantité de caséine transfor- mée : puis, lorsque cette quantité a paru fixe, indiquant que l'équilibre de l’ac- tion diastasique était produit, ce mélange a été filtré de nouveau au Cham- berland (liquide A’), puis mélangé à du lait stérilisé écrémé, en quantité telle que la proportion de diastase soit la même que dans la 4re expérience. Nous avons vu alors l’action diastasique se produire et aboutir à des résul- tats que l’on peut considérer comme identiques aux premiers, ainsi que l’in- diquent les chiffres que nous ont donnés les analyses. La légère différence que l’on observe entre ces chiffres est si faibie que d'on peut la négliger. Elle peut s'expliquer d’ailleurs par la seconde filtration que l’on a fait subir au liquide, à travers une bougie Chamberland qui put retenir une petite quantité de diastase. Caséine transformée ET nn AA avec le . avec le liquide A. liquide A’. Auboutide 24/heures Re MERS 2sr,658 2sr,474 — Æ JOUDS 2: DE Panier CSS 3,658 3,031 La déduction très nette qui ressort de cette expérience est donc que l’activité de la caséase ne se trouve ni diminuée, ni affaiblie par une première action sur la caséine. 4. Des essais semblables ont été faits avec d’autres liquides provenant de cultures de notre mucédinée sur d’autres milieux que le lait, liquides qui, comme nous le verrons, sont plus riches en diastase; ces essais nous ont donné des résultats absolument analogues à ceux dont nous venons de parler. CASÉASE D'UN CHAMPIGNON PARASITE 283 HI. Variations dans la fonchon diastasigène de la mucédinée. — D’après M. Duclaux, la production de diastase, chez les mucédi- nées, est une résultante des conditions physiologiques et du mode d'alimentation, fait que M. Laborde à encore mis.en lumière dans ses études sur l’Eurotiopsis Gayoni!. IL est donc intéressant de rechercher si la forme Oospora du Microsporum produit de la caséase sur d’autres milieux nutritifs que sur le lait, si cette production ne varie pas suivant l'aliment offert à la plante, et si elle n'offre pas un rapport avec le développement de cette dernière, Notre parasite se développe rapidement et abondamment sur les milieux neutres peptonisés et glucosés, et cela nous a conduit à utiliser les cultures sur bouillon neutre peptonisé à 1 0/0 et glucosé à 3 0/0 comme liquides diastasifères ; dans ces conditions nous avons obtenu une production de caséase beau- coup plus active qu'avec le lait*; de plus nous avons remarqué que la quantité de caséase produite est en relation avec le glucose consommé dans la culture et avec l’état de celle-ci. Dans un matras à fond plat, la culture de la forme Oospora du microsporum se développe assez rapidement à 35° sur bouil- lon peptonisé et glucosé, couvrant en 8 à 10 jours la presque totalité de la surface libre du liquide d’une couche assez résis- tante, d'aspect plissé et d'apparence plätreuse. Il n’y a encore que peu de glucose consommé, et le liquide de culture ne ren- ferme que très peu de caséase ; mais si l’on attend plus long- temps, jusqu’au 20° jour environ, on constate que l'aspect de la culture se modifie; la couche qu’elle forme devient moins résistante et plus mince, se brisant à la moindre agitation du liquide sous-jacent, l'aspect blanc plâtreux devient moins net, puis disparaît presque complètement, et finalement on n’a plus qu'une pellicule mince de couleur grisâtre, avec encore de-ci de- là quelques points plätreux qui ont persisté. Que l’on vienne à 1. Laborde. Recherches physiol. sur une moisissure nouvelle, l’Eurotiopsis Gayoni. Th. de la faculté des sciences de Paris, nov. 1896. 2. Afin de pouvoir comparer l’activité de nos liquides diastasifères dans les diverses expériences, nous avons procédé d’une facon analogue à celle qu’indique M. Fernbach pour le dosage de la sucrase, c’est-à-dire que nous avons fait agir, dans des conditions données de température et de réaction du milieu, le liquide diastasifère sur une quantité déterminée de caséine. Toutes nos expériences ont été faites en milieux présentant une réaction légè- rement alcaline et, après divers essais, nous avons adopté la température de 40e, qui nous à paru la plus favorable à l’action diastasique. 284 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. faire des prises successives dans le liquide de culture, on notera une diminution progressive du glucose allant jusqu’à la dispa- rition totale de cette substance, et en outre on verrase produire une coloration brune de plus en plus marquée. Au fur et à mesure, la quantité de caséase augmente et paraît à son maximum au moment où le glucose a disparu complètement, et où la plante, présentant des phénomènes d’inanition et de désassimilation, s’est comme flétrie. Nous donnons ici un résumé de ces faits en un tableau dans lequel les chiffres représentent la caséine transformée, à 40°, dans un lait titrant 4 gr. 220 de caséine, par des liquides de culture sur bouillon neutre peptonisé à 1 0/0 et glucosé à 3 0/0, filtrés à la bougie Chamberland. Le liquide n° 1 correspond à une culture d’aspectflorissant, dans laquelle il n’y avait que 0 gr. 13 0/0 de glucose consommé; dans le liquide n° 2 le glucose consommé atteignait 1 gr. 62 0/0 et la plante commençait à se flétrir ; enfin le liquide n° 3 a été filtré le lendemain du jour où l'on a constaté la disparition complète du glucose : le champi- gnon n’était plus alors représenté que par cette mince pelli- cule grisâtre dont nous parlions tout à l'heure. LIQUIDE LIQUIDE LIQUIDE deculture ne1.|deculture ne? |decultureno3 Glucose consommé : gr / Qur ! Au bout de 24 heures. 0.03S 2,658 | 4 | Au bout de 48 heures. 0,481 3,290 Caséine transformée. Au bout de 3 jours. 0,582 3,506 | \ Au bout de # jours. 0,618 Il n'est pas inutile de faire ressortir combien ces faits sont analogues à ceux que M. Fernbach! a signalés pour l’Asper- gillus et M. Laborde pour l’Eurotiopsis Gayoni. 1. FerNBAcH, Th. de la Faculté des sciences de Paris, décembre 1890. CASEASE D'UN CHAMPIGNON PARASITE. 285 Les chiffres suivants montreront combien la caséase que donne notre champignon sur le bouillon neutre peptonisé et glucosé est plus active que celle qu'il produit sur le lait écrémé. Nous indiquerons aussi à ce sujet que nous avons observé, dans nos expériences, les mêmes phénomènes que M. Duclaux a décrits dans ses recherches sur le lait. Avant l’action de la caséase sur la caséine, il se produit une coagulation de cette substance, probablement sous l'influence de présure que pro- duit la mucédinée en même temps que la caséase, mais cette coagulation est variable suivant la quantité de diastase employée. Emploie-t-on une quantité relativement faible de liquide diastasifère, il se produit un caillé homogène et gélatiniforme qui se dissout ensuite progressivement : c'est ce que nous avons observé en mélangeant 5 e. c. de liquide diastasifère actif à 25 ce. c. de lait écrémé. Mais si l'on mélange le liquide diasta- sifère en de plus fortes proportions avec le lait, à parties égales par exemple, la coagulation se fait en petits grumeaux et peut passer Inaperçue. MÉLANGE DE D C. C. DE LIQUIDE DE CULTURE SUR BOUILLON PEPTONISÉ, GLUCOSÉ ET DE 25 C. C. DE LAIT ÉCRÉMÉ (ÉTUVE À 400) Caséine Caséine. transformée, alt (MOINS RM LA PENSER RS asr,780 0er AUADOULAEMAMNEUTE SA EC IRTERATER RES a 0 0,450 —— CN Be CORP DE AR RENE APE 3,278 0,502 : (HR EU RP TD EME IE NON 1,006 — De Ps An Ge rate let 2,706 1,074 FE ROBES ON SO MERE RE LL AT 2,390 .390 - MR PRE PT RE TES 2,238 1,542 — ADP RES RS SR RES DE 1,746 2,034 — ART MEET RSR A EME LR 1.690 2,090 — A pe ER AE PE RO T 1.660 2,120 — nn De a LM tonne 4,410 2,370 _ A EE HE ARC MERE TR URRT 1,276 2,504 — ARTS. NÉS PRNARATR RER EE 1,226 2,554 — LAIT ET RER PE 0,956 2,194 = DORE LE RAR ARR FR TERRE 0,794 2,986 DAIDUTS ARS Le slaente ds dit 0,554 3,229 =. LU CORSA ENERERERRE TE 0,478 3,302 — NEC 008 POIRIER 0,380 3.400 = UE 2 NE RER PIE 0,347 3,493 —- DR nee een ete ete ets ee 0,331 5.449 e CORRE à HOT ET RE 0.531 >,449 286 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Que l’on vienne à traduire ces résultats par une courbe, et l’on obtiendra le tracé ci-joint qui offre les allures d’une courbe exponentielle, asymptote à l’axe horizontal des temps, telle que celle qui représente l’action des diastases en général. Temps. Quanlites. En mélangeant à parties égales le liquide diastasifère de notre mucédinée avec le lait écrémé, et en portant ce mélange à 40°, on trouve qu'après 5 heures les 9/10 de la caséine initiale ont été transformés, et qu'au bout de 9 heures l'équilibre que l'on constate à la fin des actions diastasiques est atteint. * IV. Achon du liquide dastasifère sur la gélatine. — Dans ses travaux sur les levures, M. Boullanger! a montré que, pour ces microorganismes, le pouvoir liquéfiant vis-à-vis de la gélatine est en rapport avec la production de caséase, et l’on sait d’autre part que Fermi, dans ses études, confond la trypsine et la dias- tase liquéfiant la gélatine, de telle sorte que l’on peut se deman- der si la caséase, la diastase liquéfiant la gélatine et la trypsine doivent être confondues, ou s’il faut distinguer ces 3 diastases. Dans l’état actuel de nos connaissances, il est impossible de répondre à cette question, mais nous avons pensé qu'il n’était pas sans Intérêt de rechercher comment se comporte vis-à-vis 1. BOULLANGER, ces Annales, 1897. p, 721. ? CASÉASE D'UN CHAMPIGNON PARASITE 287 de la gélatine le liquide diastasifère, riche en caséase, obtenu avec notre mucédinée qui dans ses cultures liquéfie rapidement la gélatine. Nos expériences à ce sujet nous ont conduit à des résultats analogues à ceux de M. Boullanger. Plusieurs tubes contenant chacun 10 c. e. d’une solution de gélatine à 45 0/0 ont été stérilisés à l’autoclave : puis, après avoir attendu que la gélatine se soit refroidie, mais avant qu’elle se soitprise en masse, on a ajouté, au tube n° 1,2 c. c. d’un liquide de culture sur bouillon, peptonisé à 4 0/0 et glucosé à 3 0/0, riche en caséase; un autre tube, n° 2, a reçu 1 c. c. du même; dans le tube n° 3 on a introduit 2 c. c. de liquide diastasifère chauffé préalablement à 100° afin de constituer un témoin. Ces 3 tubes, après avoir été agités pour bien opérerle mélange de la diastase et de la gélatine, ont été refroidis rapidement Jusqu'à ce que la gélatine ait fait prise. Enfin un tube n° 4 a été refroidi dans la position verticale, le niveau de la gélatine a été marqué à l’aide d’un index en papier, et l’on a versé dans ce tube 5 c. c. du liquide diastasifère. Tous ces tubes ont été portés dans une étuve à 20°; au bout de 24 heures le tube n° 1 est complètement liquéfié; la gélatine du tube n° 2 est ramollie, mais la liquéfaction n’est complète qu’au bout de 48 heures. Pour ces tubes, il est impossible de déterminer par refroidisse- ment la solidificalion de la gélatine liquéfiée. Dans le tube n° 4, où le liquide diastasifère n’est en contact avec la gélatine que sur une faible surface, la liquéfaction se pro- duit aussi et progresse lentement. Elle est complète au bout de 35 jours. Quant au tube n° 3 destiné à servir de témoin, la gélatine s'y est maintenue solide, les phénomènes observés dans les autres tubes sont donc bien dus à une action diastasique. La même expérience a été reproduite avec d’autres liquides diastasiques provenant de cultures sur bouillon peptonisé et glu- cosé et de cultures sur lait, et les résultats ont été les mêmes, avec cette particularité toutefois que la liquéfaction de la gélatine s'est faite d'autant moins vite que le liquide diastasifère était moins riche en caséase. On sait enfin que l’on a signalé l’action de la caséase sur d'autres albuminoïdes, ce qui nous a porté à expérimenter le liquide diastasifère de notre champignon sur l’albumine de l'œuf 288 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. coagulée et non coagulée, sur le sérum de bœuf et sur le sérum d'ascite. Dans divers essais, nous avons observé d'importantes modifications microscopiques sur le sérum de bœuf coagulé, qui se liquélie lentement, et sur l’elbumine coagulée, qui se trans- forme en une masse transparente et gélatiniforme, exhalant une odeur de peptones très nette; nous avons en outre noté dans tous les cas une diminution progressive de l’albumine existant au début de l'expérience, mais cette diminution s’est faite lentement et en faibles proportions. Nous nous contente- rons donc, pour le moment, de signaler ces particularités, nous réservant d'y revenir ultérieurement. CONCLUSIONS 1° La mucédinée parasite que l’un de nous a décrite sous le nom de forme Oospora du Microsporum du cheval produit, dans ses cultures, une diastase qui, comme la présure, coagule la caséine et une autre diastase qui dissout ce coagulum comme la caséase ;. 2° La quantité de caséase existant dans le liquide de culture de cette mucédinée varie avec le milieu nutritif offert à la plante et avec l’état physiologique de celle-ci. Cette quantité de caséase nous à paru la plus grande dans les milieux neutres, peptonisés et glucosés, au moment où la totalité du glucose est consommée, et où la plante présente des phénomènes d’inanition et de désas- similation. Dans ces conditions, ce champignon peut être con- sidéré comme un actif producteur de caséase ; 3° Le liquide diastasifère, contenant de la caséase, obtenu avec la forme Oospora du Microsporum, liquéfie la gélatine de telle sorte qu’il est impossible de la solidifier par refroidissement, et la liquéfaction de la gélatine est d'autant plus rapide que le liquide diastasifère est plus riche en caséase. En outre le liquide diastasifère de la plante s’est montré actif vis-à-vis d’autres substances albuminoïdes : albumine de l'œuf, du sérum de boeuf, du sérum d’ascite. Le Gérant : G. Masson. Sceaux. — Imprimerie E. Charaire. 45me ANNÉE MAI 1901 N° 5 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Sur lExistence de Sustances sensibilisatrices DANS LA PLUPART DES SERUMS ANTIMICROBIENS Par LES D'S Juzes BORDET £r Ocrave GENGOU. (Travail du laboratoire de M. Metchnikoff.) Le sérum de nombreux animaux renferme de l’alexine, c’est-à-dire une matière mal définie, encore inconnue dans sa constitution chimique, à la présence de laquelle on attribue cette propriété qu'ont généralement les sérums, d'exercer une influence destructive sur diverses cellules et sur certains microbes. L'alexine perd son activité lorsqu'on chauffe à 55° le sérum qui la contient. Cette matière se rencontre, en doses fort comparables, dans le sérum des animaux neufs et dans celui des vaccinés : l’immunisation artificielle n’en modifie sensiblement ni la quantité, ni les caractères. Lorsqu'on vaccine un animal contre le vibrion cholérique, l'organisme élabore une substance particulière, la matière pré- ventive ou sensibilisatrice, dont on peut dénoter la présence dans le sérum et qui résiste à des températures assez élevées. Elle n’est, par elle-même, nullement bactéricide pour le vibrion. Mais elle favorise considérablement, et cela d’une manière spé- cifique, l’action destructive que l’alexine peut exercer sur ce microbe. Aussi peut-on dire que la propriété vibrionicide spéci- fique du choléra-sérum, bien que due en première ligne à l’alexine, laquelle est la matière destructive proprement dite, résulte de la collaboration de deux substances, d’une part l’alexine, d'autre part la matière favorisante (sensibilisatrice) 19 290 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. dont seul le sérum des vaccinés est largement doté. Ces notions, que l’un de nous à établies en 1895, expliquent, on le sait, les diverses propriétés du choléra-sérum. Elles s'appliquent étroite- ment aussi aux sérums hémolytiques spécifiques, dont les caractères présentent, avec ceux du choléra-sérum, les analogies les plus évidentes, En résumé, si les sérums bactério ou cyto- lytiques sont doués d’un pouvoir destructif si intense, c’est parce qu'ils contiennent, outre l’alexine banale, un anticorps spécifique, la sensibilisatrice. Nous n'avons cité, dans les lignes qui précèdent, parmi les sérums provenant d'animaux vaccinés contre les microbes, que le choléra-sérum. De fait, 1l eût été hasardé d’affirmer la pré- sence de matières sensibilisatrices spécifiques dans la généra- lité des sérums antimicrobiens. En effet, jusqu'ici, l’existence de ces matières n’a été démontrée, avec une certitude complète, que dans le sérum d'animaux vaccinés contre le vibrion cholé- rique ou d’autres vibrions analogues. Cela se conçoit aisément si l’on réfléchit à la méthode que l’on possède actuellement pour mettre en évidence la substance sensibiiisatrice. Cette méthode est celle que l’un de nous a fait connaître pour ce qui concerne. le choléra-sérum, et quil a appliquée ensuite aux sérums hémolytiques. C'est la suivante : On mélange, en doses convenables, des vibrions cholériques, d’une part avec du sérum d’animal neuf, d'autre part avec du sérum d'animal vacciné contre ces vibrions. On constate que. dans le second mélange, l'immense majorité des microbes se transforment en granules, métamorphose qui trahit une influence bactéricide intense. Dans le premier mélange, l’action micro- bicide est au contraire fort minime : quelques vibrions seule- ment dégénèrent, donnant lieu également à des granules; la lésion subie par le microbe est morphologiquement la même, mais elle est légère, n’atteint qu’un petit nombre d'individus. On constate facilement, d'autre part, que le choléra-sérum et le sérum neuf perdent tous deux complètement leur pouvoir bac- téricide lorsqu'on les chauffe à 55°. Mais si l’on ajoute, à du sérum non chauffé d'animal neuf, une dose même faible de cho- léra-sérum qui a été chauffé à 55°, le mélange obtenu est très fortement bactéricide, et se comporte comme du choléra-sérum non chaufé : il transforme très activement les vibrions en gra- SUBSTANCES SENSIBILISATRICES DANS LES SÉRUMS. 9291 nules. Ceci démontre que le choléra-sérum avait gardé, après le chauffage, une matière qui n’est point antiseptique par elle- même, mais qui favorise énergiquement l'influence bactéricide de l’alexine présente dans le sérum neuf. On le voit, cette méthode exige, pour déceler l'existence d’une sensibilisatrice, que le microbe considéré soit susceptible de subir, au contact du sérum actif, une lésion facilement constatable au microscope : il faut qu’on puisse observer de la bactériolyse. De même, pour les sérums hémolytiques, le réactif indispensable, c'est l’hémolyse. Mais tous les microbes ne satisfont pas à cette exigence. Beaucoup ne se laissent pas détruire, ni même visiblement altérer, au contact des sérums d'animaux même solidement immunisés, Dans de pareils cas, la méthode que nous venons de rappeler se trouve en défaut, et il convient de la remplacer par une autre. C’est donc un procédé différent que nous allons mettre en œuvre pour démontrer la présence de sensibilisatrices dans les sérums d'animaux vaccinés contre des microbes tels que le bacille pesteux, le premier vaccin charbonneux, le bacille d’Eberth, le bacille du rouget des pores, le Proteus vulgaris. Nous devons, au préalable, rappeler au lecteur une expé- rience relatée il y a un an dans ces Annales‘, et dont le prin- cipe est le suivant : Si l’on ajoute, à une dose convenable de sérum d’animal neuf, tel que le cobaye (sérum récemment obtenu, non chauffé, contenant donc de l’alexine), des globules rouges (de lapin par exemple) fortement sensibilisés (c’est-à-dire mélangés à du sérum hémolytique, actif vis-à-vis de ces globules, et qui a été chauffé à 55°), on observe, comme on sait, la destruction des hématies. Au bout d’un certain temps, on introduit dans le mélange des vibrions cholériques sensibilisés (additionnés de choléra-sérum préalablement chauffé à 55°) et l’on met à l’étuve à 37°. On constate que le vibrion ne se transforme pas en granules, garde sa forme normale. On peut affirmer, en conséquence, qu’au moment où l’on a introduit les vibrions, le mélange ne conte- nait plus d’alexine : en effet, on le sait, les vibrions sensibilisés 4. Bonper, Les sérums hémolytiques, leurs antitoxines et les théories des sérums cytolytiques. Ces Annales, mai 1900. 292 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. donnent rapidement des granules dès qu’ils rencontrent cette substance. Des mélanges témoins montrent, bien entendu, que les vibrions se seraient parfaitement transformés, si les héma- ties mêlées au sérum neuf n'avaient pas été sensibilisées. On peut réaliser la même expérience en faisant intervenir les deux éléments, globules et microbes, dans l’ordre inverse. Si l’on mélange, à du sérum neuf alexique, une dose conve- nable de vibrions cholériques sensibilisés, on peut, après un certain temps, introduire dans le liquide des globules sensibi- lisés, sans que ces hématies subissent la moindre altération : l’hémolyse fait totalement défaut. Ces expériences ont établi, on s’en souvient, deux notions bien distinctes : 1°) Les globules ou les microbes acquièrent, sous l'influence de la sensibilisation, le pouvoir d’absorber avidement Palexine, et de la faire disparaître ainsi du liquide ambiant; 2°) Dans un même sérum, la même alexine peut provoquer, soit l’hémolyse, soit la bactériolyse!, Ces notions sont confirmées à nouveau dans un mémoire publié dans ce même numéro des Annales. Dans le présent article, la donnée qui nous importe, et que J'expérience citée suggère, est la suivante : On peut utiliser, pour dénoter l’exis- tence d’une sensibilisatrice dans un sérum antimicrobien, la pro- priété dont cette substance est douée, de faire absorber l’alexine par le microbe qu’elle impressionne. Comme lexpérience, fondée sur ce principe, est à peu près toujours la mème pour les divers sérums antimicrobiens étudiés, nous allons la décrire en détail, une fois pour toutes. Opérons pour commencer sur le sérum antipesteux. Sérum de cheval vacciné contre le bacille de la peste. — Ge sérum, qui est fortement préventif, nous a été obligeamment fourni par M. le docteur Dujardin-Beaumetz, qui le prépare à l'Institut Pasteur et en contrôle l’activité. On chauffe ce sérum à 56° pendant une demi-heure, en même temps que du sérum de cheval neuf; ce chauffage rend l’alexine inactive. Une culture sur gélose de bacille pes- teux, âgée de 24 heures, est délayée dans une quantité assez faible de la solution physiologique de NaCl; on obtient ainsi une 4. Cette thèse de l’unité de l’alexine (bactériolytique ou hémolytique) dans un même sérum est admise également, on le sait, par M. Buchner. SUBSTANCES SENSIBILISATRICES DANS LES SÉRUMS. 293 émulsion bien trouble, riche en microbes. On dispose, en outre, de sérum bien débarrassé de globules par la centrifugation, et provenant d'un cobaye neuf qui a été saigné la veille. C'est le sérum alexique. On prépare, dans des tubes à réactifs, les six mélanges suivants : a) Ge tube contient : 2/10 de e. c. de sérum alexique ; 4/10 de ce. e. d’'émulsion de bacilles pesteux ; 12/10 de e. e. de sérum antipesteux (préalablement chauffé à 56°). | b) Comme le précédent, ce mélange renferme 2/10 de e. e. de sérum alexique et 4/10 de c. c. d’émulsion de bacilles, Mais il contient, au lieu de sérum antipesteux de cheval, 12/10 de c. c. de sérum de cheval neuf (préalablement chauffé à 56°). c) Ge mélange est identique à 4, sauf qu'il ne renferme pas d'émulsion pesteuse. Il se compose donc de 2/10 de c.c. de sérum alexique, et de 12/10 de c. c. de sérum antipesteux. d) Identique à b, sauf qu’il ne renferme pas d’émulsion de bacilles. Il se compose donc de 2/10 de c. e. de sérum alexique, et de 12/10 de c. c. de sérum de cheval neuf. Ces quatre premiers mélanges renferment tous, on le voit, la même dose d’alexine (sérum de cobaye neuf). e) contient : 4/10 de c. c. d’émulsion pesteuse ; 12/10 dec. c. de sérum antipesteux. f) contient : 4/10 de c. e. d’émulsion pesteuse; 12/10 de e. ce. de sérum de cheval neuf. Ces deux derniers tubes sont respectivement semblables à a et b, sauf qu'ils ne contiennent pas d’alexine. Où attend cinq heures environ, pendant lesquelles les mélan- ges restent à la température du laboratoire (15-20°), On intro- duit ensuite dans les divers tubes, au même moment, 2/10 de €. €. d’un mélange ainsi constitué : 2 ec. ec. de sérum, (préalablement chauffé pendant une 1/2 heure à 55°-5), prove- nant d’un cobaye traité antérieurement par trois ou quatre injec- tions de 4-5 c. c. de sang défibriné de lapin; 20 gouttes de sang défibriné de lapin‘. En d’autres termes, chaque tube reçoit deux gouttes de sang très fortement sensibilisé. 1. Ainsi qu'on l'a mentionné dans des mémoires précédents, on emploie généralement, pour ce genre d’expériehces, du sang préalablement « lavé » à l’eau physiologique. On met dans un tube 1 à 2 c. c. de sang défibriné ; on marque sur le verre le niveau auquel ce volume de sang s'élève; on remplit alors le tube d'eau physiologique ; on centrifuge, Quand les globules se sont 294 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR, Voici le résultat de l'expérience : L'hémolyse apparaît très vite, avec une rapidité très sembla- ble, dans les tubes b, ec, d. Au bout de 5-10 minutes ces mélan- ges ne renferment plus de globules intacts. Dans le tube «4, qui renferme, outre le sérum alexique, les bacilles et le sérum antipesteux, l’hémolyse ne se produit pas. Les globules y restent intacts pendant des jours entiers. Ils restent intacts aussi, comme il fallait s’y attendre, dans les tubes e, f, qui ne contien- nent pas d’alexine. Nous voyons donc que : 1° le bacille pesteux mélangé à du sérum de cheval neuf n’absorbe pas (ou n’absorbe que d’une manière insignifiante) l’alexine; 2° ce même bacille, en présence du sérum antipesteux de cheval vacciné, fixe l’alexine avec beaucoup d’avidité, et la fait disparaître du liquide ambiant; 3°) le sérum antipesteux. non additionné de bacilles, laisse l’alexine parfaitement libre. En conséquence, il faut conclure que le sérum d’un cheval vacciné contre le bacille pesteux contient une sensibilisatrice qui confère à ce microbe le pouvoir de fixer l’alexine. Gette sensibilisa- trice se comporte donc comme les substances correspondantes que l’on trouve dans le choléra-sérum et les sérums hémolytiques. Ajoutons que si l’on introduit, dans un mélange d’alexine et de sérum antipesteux, une petite quantité de bacilles, les micro- bes ne subissent, après un séjour de 3 heures à 37°, aucune altération morphologique perceptible. En conséquence, dans le cas du sérum antipesteux, la présence d’une sensibilisatrice ne pourrait guère se déceler que grâce à la constatation de la fixation de l’alexine. Si l’on répète l’expérience décrite plus haut, en ne faisant intervenir, pour une même quantité d’alexine (2/10 de e. c.), que des doses notablement plus faibles d’émulsion de bacilles et de sérum antipesteux, la fixation de l’alexine ne s’opère pas complètement. Les globules sensibilisés que l’on introduit subissent l’hémolyse, mais avec un retard plus ou moins con- sidérable. Sérum de cobuyes vaccinés contre le premier vaccin charbon- déposés, on aspire tout le liquide dans une pipette à boule, en ne laissant que les hématies. On rétablit ensuite, en ajoutant un peu d’eau physiologique, le volume que le sang occupait primitivement, On à ainsi du sang défibriné dont le sérum est remplacé par de l’eau physiologique, et qui ne contient donc pas d’alexine. SUBSTANCES SENSIBILISATRICES DANS LES SÉRUMS. 293 neux. — On injecte dans le péritoine de cobayes, à quatre reprises, une dose assez forte de premier vaccin charbonneux. Pour les deux premières injections, on emploie des cul- tures en bouillon peptonisé, âgées de 5-6 jours. Pour les deux dernières, on emploie des cultures sur gélose, âgées de 3 à 4 jours, que l’on délaie dans la solution physiologique. On fait une expérience tout à fait identique à celle que nous avons décrite à propos du sérum antipesteux. Comme témoin du sérum (chauffé 1/2 heure à 56°) fourni par les cobayes vaccinés contre le Fe vaccin, on emploie naturellement du sérum neuf, chauffé à 56°, de la même espèce (cobaye). On utiliseuneémulsion, dans la solution physiologique, de 1° vaccin provenant d’une culture sur gélose âgée dé 24 héures. L'alexine est du sérum récent, de cobaye neuf. Les résultats sont identiques à ceux qu’on vient de constater à propos du bacille pesteux. En présence de sérum neuf, le premier vaccin n’absorbe pas (ou très peu) l’alexine. La fixation est complète en présence du sérum spécifique. L’analogie se poursuit en ce que la fixation de l’alexine ne comporte pas de lésions bien nettes du microbe. Sérum d'un cheval vacciné contre le rouget du porc. — M. Frasey, de l’Institut Pasteur, nous a obligeamment fourni un sérum fortement préventif contre le microbe du rouget. Dans ce cas encore, nous avons pu mettre en évidence, par les mêmes pro- cédés, une sensibilisatrice provoquant la fixation de l’alexine par le bacille du rouget. Sérum de cobayes vaccinés contre la fièvre typhoïde. — Les cobayes avaient reçu trois injections d’émulsion de bacille d'Eberth, obtenue en délayant une culture sur gélose dans la solution physiologique. L'expérience est calquée sur les précédentes. Elle révèle une fixation d’alexine très énergique, par le bacille d'Eberth, sous l'influence du sérum actif, Il nous a paru intéressant de recher- cher si la sensibilisation par ce sérum, qui amène à sa suite l'absorption de l’alexine, est strictement spécifique. A cet effet, l'expérience a été faite en double. Elle est la répétition des expériences précédentes, et comprend les divers mélanges constitués comme il a été dit plus haut. Mais l’on fait intervenir, d’une part, le bacille typhique qui a servi à 296 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR, vacciner les animaux. D’autre part, on met en jeu le bacille coli. Les cultures sur gélose (âgées de 24 heures) de bacille typhique et de coli ont été délayées dans une dose semblable (4 e. c.) de la solution physiologique. Les surfaces de gélose ensemencées, soit de B. lyphique, soit de B. coli, avaient très approximativement la même étendue; néanmoins l’émulsion de B. coli était certainement la plus riche en microbes, car la culture était visiblement plus abondante que celle du bacille d’Eberth. Nous notons ce détail, car il faut être sûr que si le bacille coli, mêlé au sérum antityphique, ne fixe pas ou fixe mal l’alexine, ce n’est pas parce que les microbes sont en quantité insuffisante. Le résultat que donne une pareille expérience est très net : L'influence exercée par le sérum antityphique manifeste une spécificité incontestablement très marquée, mais qui n’est pas absolue. En effet, le B. coli, mélangé au sérum antityphique, acquiert, à un certain degré, le pouvoir d’absorber l’alexine. Mais, tandis que des doses relativement faibles de bacille typhi- que et du sérum actif absorbent cette substance d’une manière parfaitement complète, il faut des quantités relativement fortes de B. coli et du même sérum pour qu’on puisse constater une fixation encore partielle, mais assez marquée néanmoins pour être évidente. Par exemple, les hématies sensibilisées, intro- duites dans un mélange (préparé quelques heures auparavant) de 2/10 de c. c. d’alexine {sérum de cobaye neuf non chauffé), 2/10 de ec. c. d’émulsion typhique, 6/10 de c. c. de sérum antity- phique (préalablement chauffé à 56°), restent indéfiniment intactes; elles ne se détruisent qu'au bout d’une heure dans un mélange contenant la même dose d’alexine (2/10 de c. c.). mais des quantités deux fois plus fortes du sérum actif et d’émulsion de coli (4/10 d’émulsion, 12/10 de sérum antityphique). Dans ce dernier mélange, l'hémolyse se fait donc, mais avec un réel retard; en effet, les globules sensibilisés sont détruits au bout de quinze minutes environ dans les mélanges témoins, renfer- mant chacun 2/10 d’alexine, 12/10 de sérum de cobaye neuf (préalablement chauffé à 56°) et4/10 d’émulsion, soit de B. typhi- que, soit de B. coli. L’hémolyse s’effectue un peu plus rapide- ment encore dans deux mixtures qui ne renferment pas de microbes, et qui sont composées, soit de 2/10 de c. c. d’alexine SUBSTANCES SENSIBILISATRICES DANS LES SÉRUMS. 297 et de 12/10 de sérum antityphique (chauffé à 56°), soit de 2/10 de ce. c. d'alexine et de 12/10 de sérum de cobaye neuf (chauffé à 56°). Le bacille coli a donc ressenti, bien plus légèrement il est vrai que le bacille typhique, l'influence sensibilisatrice du sérum actif!. Sérum humain, provenant de convalescents de la fièvre typhoïde. — M.le D' Widal a bien voulu nous autoriser à recueillir, dans son service à l'hôpital, par piqüre du doigt, 3 ou 4 c. c. de sang de deux femmes convalescentes de la fièvre typhoïde. Ces deux personnes avaient présenté, de la manière la plus typique, la marche et tous les symptômes classiques de la maladie. Au moment où nous avons extrait le sang, la fièvre était tombée depuis 20 à 30 jours. Les sérums fournis par ces deux échantillons de sang sont chauffés pendant 1/2 heure à 56°, en même temps que deux sérums témoins, provenant des deux auteurs de ce mémoire, lesquels n’ont jamais été atteints de fièvre typhoïde. Une petite quantité de l’un de ces sérums témoins n’est pas chauffée, il sert dans l'expérience comme sérum alexique. Le résultat a été très démonstratif. Dans les tubes contenant l’alexine (2/10 de c. c. de sérum humain non chauffé), lémul- sion® de bacilles typhiques (5/10 de c.c.), l’un ou l’autre (9/10 de c.c.) de nos propres sérums (préalablement chauffés à 56°), aucune fixation d’alexine ne s’est effectuée. L’hémolyse des glo- bules (de lapin) sensibilisés que l’on introduit après quelques heures s'opère très rapidement, aussi vite, à très peu près, que dans des mélanges témoins composés des mêmes doses des mêmes sérums, mais qui ne renferment pas de bacilles. Au contraire, dans les mélanges contenant, en proportions correspondantes, l’alexine humaine, le bacille typhique, l’un ou l’autre des deux sérums (préalablement chauffés à 56°) prove- nant des convalescents, les globules sensibilisés que l’on ajoute gardent leur hémoglobine pendant des jours entiers. Dans les 1. Ajoutons que ce sérum à agglutiné très fortement le bacille typhique ; influence agglutinante exercée sur le B. coli n'a pas été nettement supérieure à celle du sérum normal. 2. On prépare l'émulsion en délayant une culture sur gélose de bacille typhique, âgée de 24 heures, dans 5 c. c. de la solution physiologique de NaCl à 0,7 0/0. 298 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. mélanges similaires, mais dépourvus de bacilles, l’hémolyse se fait, bien entendu, avec la rapidité habituelle. En conséquence, le pouvoir de faire absorber l'alexine humaine par le bacille typhique ‘ est bien accusé dans le sérum des convalescents ?. Il serait fort intéressant de rechercher jusqu’à quel point le pouvoir sensibilisateur d’un tel sérum revêt le caractère de la spécificité; il serait désirable, en particulier, de faire porter l’ex- périence parallèlement sur le bacille typhique et sur le B. coli. En outre, la question se pose de savoir à quelle période de la maladie ce pouvoir apparaît dans le sérum ; l'étude de ce sujet nécessitera l’examen d’un grand nombre de cas. Nous n’avons pu, jusqu'ici, faute de matériel et surtout de temps, réaliser ces deux desiderata. Sérum de cobayes vaccinés contre le Proteus vulgaris. — Pour démontrer l'existence d’une sensibilisatrice dans ce sérum, 1l est superflu d’avoir recours à la méthode, fondée sur l'absorption de l'alexine, quinous a servi pour les exemples précédents. En effet, le Proteus vulgaris employé dans nos expériences subit, au contact du sérum actif (récemment extrait), une dégénéres- cence en granules très semblable à celle que présente le vibrion cholérique sous l'influence du choléra-sérum. On sait que la métamorphose du vibrion s'effectue aussi, à un degré généralement assez faible, sous l’action du sérum de cobaye neuf. De son côté, le Proteus vulgaris se transforme très bien en granules au contact d’une dose assez notable de ce dernier liquide. Mais une quantité beaucoup plus faible de ce sérum suffit à provoquer le phénomène, lorsqu'on a soin d'ajouter au mélange un peu de Proteus-sérum, soit frais, soit préalable- ment chauffé à 55°. Ceci démontre, on le sait, l’existence d’une sensibilisatrice dans le sérum des vaccinés. Néanmoins, nous n'avons pas négligé de faire pour le Proteus vulgaris l'expérience de la fixation de l’alexine. Elle a donné le 1. Le bacille typhique employé avait été recueilli dans les meilleures condi- tions, et contrôlé avec toute la rigueur désirable, par M. le Dr Binot, de l'Institut Pasteur, qui nous a très obligeamment procuré cette culture. 2. Ces sérums de convalescents ne se sont montrés que faiblement aggluti- nants pour le bacille typhique. Il y a lieu de rappeler, à ce propos, les observa- tions de MM. Pfeiffer et Kolle ; ces savants ont montré que le pouvoir agglutinant de pareils sérums ne marche pas de pair avec le pouvoir bactéricide spéci- fique. SUBSTANCES SENSIBILISATRICES DANS LES SÉRUMS. 299 résultat attendu : le microbe n’absorbe pas, ou absorbe très peu l’alexine en présence de sérum de cobaye neuf, s’en empare au contraire lorsqu'il est impressionné par le sérum spécifique. Dans ce dernier cas, les globules sensibilisés qui servent de réactif sont complètement préservés de la destruction. Danslesexpériences mentionnées jusqu'ici, nous noussommes constamment servis, pour rechercher si l’alexine de nos mélanges s’est fixée ou se trouve encore à l’état libre dans le liquide, de globules de lapin sensibilisés par du sérum hémolytique (prove- nant de cobayes injectés de sang de lapin) chauffé au préalable à 55°. Conformément à la notion, démontrée il y a un an, de l'unité de l’alexine hémo ou bactériolytique, nous eussions pu tout aussi bien mettre en œuvre un autre réaclf, soit des glo- bules différents, soit un microbe sensibilisé, tel que le vibrion cholérique, capable de trahir par son altération morphologique la présence d’alexine libre. C'est ce que nous avons réalisé à propos du Proteus vulgaris. Décrivons brièvement cette expérience : On délaie dans 6 c. c. de la solution physiologique de NaCI, une culture sur gélose de Proteus vulgaris, âgée de 24 heures. On traite de même une culture sur gélose de vibrion cholérique. On dispose de sérum, récemment obtenu et non chauffé, de cobaye neuf (sérum alexique) ; on se sert, en outre, de Proteus- sérum et de choléra-sérum. On prépare dans les tubes les mélanges : a) 2/10 de c. ce. de sérum alexique; 3/10 de c. c. d’émulsion de Proteus; 6/10 de ce. c. de Proteus-sérum (préalablement chauffé à 560). b) 2/10 de c. ce. de sérum alexique ; 3/10 d’émulsion de Proteus ; 6/10 de c. c. de sérum de cobaye neuf, préalablement chauffé à 56°. c) Mélange semblable à &, sauf qu'il ne contient pas de microbes. d) Mélange semblable à b, sauf qu'il ne contient pas de microbes. Cinq heures après la préparation de ces mixtures, on ajoute à chacun des tubes 2/10 de c. c. d’un mélange ainsi constitué : 1/2 ce. c. d'émulsion de vibrions cholériques, 1 c.c. de choléra- sérum (provenant d’un cobaye fortement immunisé) préala- 300 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. blement chauffé à 56°. On met ensuite les mélanges à l’étuve; au bout d’une heure et demie, on les en retire, et l’on fait des préparations colorées. On constate que le vibrion cholérique à gardé sa forme allongée normale dans a; dans ce mélange, on ne trouve plus de bâtonnets normaux de Proteus; ce microbe s’est complètement transformé en granules. — Dans le tube b, on voit au contraire de nombreux bâtonnets intacts de Proteus vulgaris. Mais il est impossible d'y découvrir des vibrions présentant leur aspect habituel : la métamorphose a été complète. Dans les tubes cet d, lesquels ne contiennent pas d’émulsion de Proteus, le vibrion s’est totalement transformé en granules, ainsi qu'il fallait s’y attendre !. Il faut admettre, en résumé, que dans le tube «, le Proteus sensibilisé a absorbé l’alexine et a préservé en conséquence les vibrions ultérieurement introduits. Les mélanges séjournent jusqu’au lendemain à la tempéra- ture assez basse du laboratoire. Le lendemain on met à l'étuve les tubes 4 et b, pendant six heures, après quoi on en fait des préparations colorées. Ce qu’elles montrent est frappant. ‘ Dans le tube «, où l’alexine à été consommée par le Proteus, le vibrion cholérique s’est très abondamment multiplié; par contre, on ne trouve aucun bâtonnet de Proteus. Dans le tube b, où le Proteus n’était pas sensibilisé, les choses se sont passées d’une manière complètement inverse : on trouve une culture extrêmement riche de bâtonnets normaux de Pro- teus; on n'y rencontre aucune forme allongée, intacte, de vibrion cholérique. En conséquence, dans ces deux tubes, qui tous deux contiennent la même dose d'alexine, le pouvoir bactéricide a été dirigé soit contre l’un, soit contre l'autre des deux microbes. Le vibrion, également sensibilisé dans les deux mélanges, à pu se développer dans le tube &, où l’on avait eu soin de faire dévier, au préalable, l'influence nuisible de l’alexine, en la faisant porter, à l’aide d’une sensibilisatrice appropriée, sur Le Proteus vulgaris : ce microbe a servi, en quelque sorte, de bouclier au vibrion?. 1. On s'assure, bien entendu, de ce que le vibrion cholérique, mélangé seule- ment au choléra-séruru préalablement chauffé à 56°, reste (à part l’agglutination) complètement intact; on procède au même contrôle pour ce qui concerne le Proteus et le Proteus-sérum. 2#C'est bien la démonstration formelle de cette notion, établie en 1895 par l’un de nous : «... Chez les animaux neufs ou vaccinés, la matière bactéricide est la mème... Chez les animaux vaccinés respectivement contre certaines infections, » SUBSTANCES SENSIBILISATRICES DANS LES SERUMS. 301 os Les exemples étudiés dans le présent article, venant s'ajouter à ceux que l’on possédait déjà, suffisent à conférer l'allure d’une loi générale à cette notion que, sous l'influence de la vaccination, l'organisme élabore une sensibilisatrice appropriée, pouvant provoquer spécifiquement l'absorption de. l’alexine par le microbe qu'elle impressionne. Nous n’aborderons nullement ici la question de savoir jus- qu’à quel point la présence d’une sensibilisatrice dans l’un quel- conque des sérums cités contribuerait à assurer la protection des animaux neufs, que l’on pourrait, dans un but préveutif ou curatif, traiter par l'injection de ce sérum. Bornons-nous à faire remarquer que, logiquement, la part qui revient aux sensibili- satrices dans la protection de l'organisme doit varier beaucoup suivant les microbes que l’on considère. Certains d'entre eux se laissent détruire facilement dès qu'ils fixent l’alexine; d’autres, placés dans les mêmes conditions, résistent davantage (sans qu’on puisse, à la vérité, exclure la possibilité d’une altération, non morphologique, mais purement physiologique du, microbe) : certains, sans doute, absorbent impunément l'alexine !. Divers sérums thérapeutiques doiventune grande part deleur activité aux antitoxines qu'ils renferment. En outre, le siège de l'infection doit entrer en ligne de compte, puisque l’alexine n’est pas uni- formément distribuée dans tout l’organisme. Il est certain que la part respective revenant, dans l’œuvre totale de la guérison par la sérothérapie, à chacune des substances que le sérum actif peut contenir, est sujette à grandir ou à diminuer, suivant qu'on étudie telle ou telle infection. Il est up fait, maintes fois signalé plus haut, sur lequel nous reviendrons un instant. Dans les exemples soumis à l'étude, les microbes divers ne manifestent vis-à-vis de l’alexine qu’une l'énergie de la substance bactéricide se fait sentir plus vivement contre tel microbe en particulier, et cela sous l'influence de la matière préventive spécifique (sensibilisatrice), variable suivant les cas, et dont la nature dépend de celle du microbe qui a servi à limmunisation, C’est par l'intermédiaire de cette singulière substance, la matière préventive, que l’organisme dirige son pouvoir destructif spécialement contre un virus déterminé... » (Contribution à l'étude du sérum chez les vaccinés. Annales de la Société des sciences naturelles et médicales de Bruxelles, 1895.) 1. Nous espérons pouvoir rechercher bientôt si le sérum d'hommes tubercu- leux contient une sensibilisatrice capable de faire absorber l’alexine par le bacille de Koch. Si l'expérience répond par l’affirmative, on aurait un exemple d’une sensibilisatrice impuissante, ne servant pas à grand’chose. 302 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. propriété fixatrice nulle ou à peine appréciable, lorsqu'ils ne sont pas sensibilisés, c’est-à-dire lorsqu'ils sont en présence de sérum neuf. D'autre part, même lorsque les microbes sont sensi- bilisés, il faut encore qu'ils soient assez nombreux pour absorber complètement toute l’alexine présente. On ne saurait guère admettre, en conséquence, que chez les animaux qui se lais- sent envahir et tuer par un microbe pathogène, la mort soit due à l'insuffisance de la dose d’alexine présente dans l’organisme. D'abord, en émettant une telle affirmation, on perdrait un peu trop de vue cette notion fondamentale, tant de fois démontrée, que lorsque l'organisme succombe à l'infection, c’est en toute première ligne parce que ses phagocytes ont été impuissants à englober le parasite, en ont permis le libre développement. Ensuite — même en supposant qu'une part tout à fait essentielle dans l’immunité revint à l'influence protectrice de l’alexine, — il faudrait dire que ce qui fait défaut, ce n’est pas l’alexine, c’est l’absorption, c’est-à-dire l’utilisation de cette substance. Aussi ne peut-on guère prévoir — ainsi que M. Wassermann en avait formulé l'espoir — que la thérapeutique des maladies microbiennes humaines puisse profiter beaucoup de la méthode curative qui recommande, outre l’administration du sérum spé- cifique, l'injection de sérum neuf (alexine) provenant de cer- taines espèces animales. On le peut d'autant moins, que l’alexine fournie par les espèces animales étrangères, injectée à dose assez forte, nuit non seulement aux microbes, mais aussi aux cellules de l’organisme même. Ce dernier se défend du reste bientôt contre de pareilles injections, par la production d’anti- dotes, les anti-alexines. CONCLUSIONS 1o La production des sensibilisatrices spécifiques par les organismes vaccinés est un fait général. Les sensibilisatrices actives vis-à-vis des microbes les plus divers présentent ce caractère commun, de faire absorber l’alexine par les éléments qu'elles impressionnent. 20 La gravité du dommage causé aux microbes par l’absorp- üon de l’alexine varie avec l'espèce microbienne considérée. 2 SURLE MODE D'ACTION DES SÉRUMS CYTOLYTIQUES ET SUR L'UNITÉ DE L'ALEXINE DANS UN MÉMESEÉERU M Par LE D' JULES BORDET., (Travail du laboratoire de M. Metchnikoff.) On accepte unanimement aujourd’hui, comme entièrement démontrée, la notion que nous avons établie en 1895 pour ce qui concerne les sérums bactériolytiques tels que le choléra- sérum, en 1898 pour les sérums hémolytiques spécifiques, à savoir que la bactériolyse et lhémolyse sont dues à l’action com- binée de deux substances bien distinctes, l’une, l’alexine, matière cellulicide et bactéricide proprement dite, présente dans le sérum des animaux neufs et dans celui des organismes immunisés ; l’autre, la substance sensibilisatrice spécifique, qui confère aux sérums de vaccinés leurs caractères particuliers, et dont le rôle est de favoriser considérablement, d’une manière spécifique, l'influence destructive de l’alexine, Dans un mémoire fait en collaboration avec le D' Gengou et publié dans ce même numéro des Annales, nous rappelons au lecteur le procédé qui nous a permis de mettre en lumière l'existence de ces matières sensi- bilisatrices; le fait essentiel qui lui sert de base, c’est que le sérum bactériolytique (ou hémolytique) spécifique, chauffé au préalable à 55°, et privé ainsi de son énergie destructive propre, confère un pouvoir bactéricide (ou globulicide) très intense au sérum neuf alexique (sérum non chauffé) auquel on le mélange ; nous montrons ensuite, grâce à l'emploi d’une méthode plus nou- velle, que de pareilles substances sensibilisatrices se rencontrent dans de nombreux, probablement dans tous les sérums antimi- crobiens obtenus par limmunisation artificielle. 304 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Mais on ne peut se contenter de connaitre ce fait primordial, que l’action destructive d’un sérum est due à la collaboration de l’alexine et de la sensibilisatrice. Il faut tenter d’aller plus loin, de découvrir le mécanisme intime du phénomène, de pré- ciser la nature de la réaction qui s’effectue entre les éléments sensibles et les substances actives. Ce n’est que dans ces derniers temps, depuis 1899, que ce nouveau problème a été soumis à une investigation vraiment pénétrante ; les données recueillies ne sont pas encore très nombreuses; néanmoins trois faits importants ont pu être solidement établis. Nous allons les énu- mérer, et rencontrer ensuite les interprétations auxquelles ces faits ont donné lieu. S LE. — L'ALEXINE SE COMBINE-T-ELLE A LA SUBSTANCE SENSIBILISATRICE ? Parmi ces trois faits, le premier concerne spécialement les sérums neufs. Lorsqu'on mélange des globules rouges avec une certaine dose d’un sérum neuf d'espèce différente, on constate, dans de nombreux exemples, que lhémolyse ne se produit que faiblement. Dans le cas surtout où le contact n’est pas trop prolongé, un grand nombre de globules restent intacts. Séparons ensuite ces globules, lavons-les pour les débarrasser du sérum neuf où ils baignaïent, et mélangeons-les à de la sensibilisatrice, c’est-à-dire à du sérum hémolytique spécifique, actif contre ces hématies, et qui a été préalablement chauffé à 55°. L’hémolyse n'apparait pas. Cette expérience a été réalisée par MM. Ehrlich et Morgenroth ‘. Elle montre que les globules (non sensibilisés), mêlés au sérum neuf, n’en ont pas absorbé l’alexine, car on savait antérieurement qu'en présence d’alexine les hématies se détruisent dès qu'on ajoute Ja sensibilisatrice appropriée. Ce fait que les hémalies (en l'absence de la sensibilisation spéci- fique) ne fixent nullement l’alexine d'un sérum neuf, n’est exact que pour celles qui se conservent intactes dans ce dernier liquide, mais ne l’est pas pour celles qui s’y détruisent. On connaît des exemples de sérums neufs qui manifestent une énergie hémolytique très grande vis-à-vis de certaines races d'hématies. Ainsi, le sérum de poule détruit avec beaucoup d'activité les globules de lapin *. Ceux-ci, mis en présence de 1. Berliner Klin. Wochenschrift, n° 1, 1899. 2, Borper, ces Annales, 1898. SÉRUMS CYTOLYTIQUES. 305 ce sérum neuf hémolysant, en absorbent l’alexine d’une manière très notable, Si l’on ajoute au mélange (de sérum de poule et d'une dose suffisante de globules de lapin) où l’hémo- lyse s’est effectuée, de nouveaux globules de lapin, ceux-ci restent intacts ‘. De ces deux expériences, nous pouvons conclure qu’en pré- sence de sérum neuf, les globules ne touchent pas à l’alexine quand ils restent intacts, en absorbent une certaine dose lorsqu'ils se détruisent. Les deux autres faits sont relatifs aux sérums hémolytiques spécifiques, obtenus en traitant les animaux par des injections de sang défibriné ; 2°) Lorsqu'on mélange un sérum hémolytique, préalable- ment chauffé à 55°, avec les globules que ce sérum peut impres- sionner, ces hématies absorbent énergiquement la sensibilisatrice, et en dépouillent le liquide ambiant. Ce fait a été pour la première fois démontré d’une manière irréfutable par MM. Ebrlich et Morgenroth * ; 3°) Le troisième fait, que nous avons établi il y a environ un an *, est le suivant :. si l’on mélange à du sérum neuf non chauffé (sérum alexique) des globules ou des microbes impres- sionnés par la sensibilisatrice appropriée (en d’autres termes par un sérum hémo ou bactériolytique qu'on a chautté à 55°), ces éléments sensibilisés absorbent l'alexine, dont ils subissent l'in- fluence destructive, et la font disparaitre du liquide. Cette fixation peut s’effectuer d’une manière tellement complète, que le liquide perd entièrement le pouvoir de nuire à de nouveaux éléments quelconques (globules ou microbes), même fortement sensibilisés, que l’on peut y introduire ultérieurement. Tels sont, en dehors de toute théorie, les faits principaux qui ressortent nettement des expériences. Examinons main- tenant les conceptions qui, tenant compte de ces faits, tentent de 41. Ils restent intacts encore lorsqu'on ajoute ensuite à ce mélange du sérum de poule préalablement chauffé à 55°. Ceci montre que c’est bien l’alexinequi a été absorbée. On aurait pu objecter, en effet, que les globules introduits en pre- mier lieu, et qui se sont détruits, n’ont guère absorbé l’alexine, mais ont fixé une sensibilisatrice normale, existant dans le sérum de poule, et dont le concours est nécessaire à l'hémolyse; si tel eût été le cas, l'addition de sérum chauffé à 55° eût restitié au liquide, au moins en partie, ses propriétés destructives. 2. Berliner klin. Wochenschr.n° 1, 1899. 3. Ces Annales, mai 1900. ST AS TN AVR EN ; Ie PONNE 306 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. préciser les réactions qui s'effectuent entre les éléments sen- sibles et les substances actives. D’après MM. Ehrlich et Morgenroth, l’anticorps spécifique (sensibilisatrice) joue Le rôle d'un véritable corps intermédiaire (Zwischenkürper, Amboreceptor), de trait d’union s’attachant d’une part au globule, d’autre part à l'alexine. En d’autres termes, l’absorption que l’alexine subit en présence du globule seusibilisé n’est pas due à une affinité manifestée par le globule lui-même à l'égard de cette substance. L'absorption de l'alexine par le globule n’est qu'indirecte : l’hématie s’unit à la substance intermédiaire, qui s’unit elle-même chimiquement, par un autre pôle, à l’alexine. L'idée que nous avions cru pouvoir nous faire du phé- nomène est toute différente. Pour nous, la sensibilisatrice qui s’unit à l’hématie modifie celle-ci de manière à lui permettre d’absorber directement lalexine. L'action de la sensibilisatrice sur les éléments cellulaires serait donc comparable à celle de certains agents fixateurs ou mordançants, lesquels confèrent à certaines substances (ou à des cellules, comme c’est le cas dans la technique histologique) la propriété d’absorber des couleurs qu'elles refusaient auparavant. On le sait, il suflit souvent de modifications assez légères pour que des cellules puissent se teindre par des réactifs colorants qui, à l’état normal, n’ont point prise sur elles. Bien entendu, quand nous parlons de mordançage, nous ne prétendons pas qu'il faille assimiler en- üèrement, jusque dans les détails, les phénomènes de teinture avec ceux qui nous intéressent 1c1; nous nous bornons à évo- quer une comparaison destinée à rendre l'idée plus claire. L'hypothèse que nous désirons mettre en relief, c'est qu'en présence du sérum hémolytique, le globule deviendrait capable d’absorber Girectement l’alexine par son affinité propre, et que l'apparition de ce pouvoir fixateur reconnaitrait pour cause une modification apportée à l’hématie par la sensibilisatrice. En d’autres termes, nous ne croyons pas qu'on soit forcé d’ad- mettre, comme le font MM. Ebrhch et Morgenroth, que la sen- sibilisatrice se combine elle-même à l’alexine, et que cette union soit indispensable pour que cette dernière substance puisse atteindre le globule rouge. Il convient de faire remarquer que les deux. interprétations SÉRUMS CYTOLYTIQUES. 301 ci-dessus résumées sont purement hypothétiques, et n’ont reçu jusqu'ici la sanction d'aucun fait vraiment probant. Il y a lieu de vérifier jusqu'à quel point l’une ou l’autre de ces hypothèses est conforme à la réalité ; à cet effet, on peut rechercher si les conséquences qui découlent forcément de ces conceptions se trouvent d'accord avec l'expérience. Considérons un sérum hémolytique, récemment obtenu et non chauffé, qui contient donc de l'alexine et une substance sensibilisatrice. D’après MM. Ebrlich et Morgenroth, cette sen- sibilisatrice est combinée à l’alexine — sinon à la totalité (car le sérum pourrait contenir un excès de cette dernière substance) au moins à une fraction plus ou moins importante de cette matière. Quand on introduit les globules, la sensibilisatrice s’unit à ces éléments, entraînant à sa suite l’alexine qu’elle avait, antérieurement déjà, fixée par son autre pôle. La portion d’alexine qui pourra détruire les globules sera donc, exclusive- ment, celle dont la sensibilisatrice se sera emparée au préalable. S'il existait par hasard, dans le sérum, une quantité d’alexine supérieure à celle que nécessite la saturation de la sensibili- satrice, cet excès n’agirait point sur les globules et resterait par conséquent inutilisé. Nous pouvons donc conclure que le glo- bule introduit est incapable de modifier en quoi que ce soit les rela- tions qui se sont établies entre l'alexine et la sensibilisatrice ; 1 se borne à fixer cette dernière et à se laisser détruire par l’alexine que ce corps intermédiaire s’est attachée au préalable. Or, si dans un pareil sérum hémolytique, non chauffé, actit par exemple contre les globules de lapin, nous introduisons (avant d’ajouter aucun globule) une sensibilisatrice (c’est-à-dire un sérum hémolytique chauffé au préalable à 55°) active contre un globule différent, tel que le globule de poule, que va-t-il se passer ? Disons tout de suite que, comme on le suppose bien, le mélange obtenu peut détruire indifféremment les hématies de poule et celles de lapin. Il faut donc admetire, d’après la théorie de MM. Ehrlich et Morgenroth, que les deux sensibilisatrices sont entrées en conflit pour se partager l’alexine ; une certaine portion de celle-ci s’est unie à la sensibilisatrice A, l’autre à la sensibilisatrice B. Introduisons maintenant les globules impres- sionnables par la sensibilisatrice A; il est clair que ces hématies vont absorber cette dernière, et ressentiront l'influence nocive 308 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. de l’alexine unie à ce corps intermédiaire À, Mais il n'y a (toujours d’après la théorie dont nous suivons fidèlement les conséquences) aucune raison pour que ces globules soient atta- qués par l’autre portion d’alexine, unie à la deuxième sensibili- satrice, à laquelle ils sont insensibles et ne se combinent point. Il en résulte que si nous introduisons ultérieurement la seconde espèce d’hématies, celles-ci doivent se détruire à leur tour, car la sensibilisatrice B, qu'absorbent ces nouveaux glo- bules, leur aura réservé, en se l’attachant, la part d’alexine qui leur revient. Or, l’expérience infirme complètement ces déductions théoriques, auxquelles la conception de MM. Ebrlich et Mor- genroth nous conduit. Préparons deux mélanges A et B, exac- tement semblables, comprenant tous deux 2/10 de c. c. de sérum hémolytique, récemment obtenu et non chauffé (prove- nant d’un cobaye traité antérieurement par %# injections de 4-5 c. c. de sang de lapin), et 1 c. c. de sérum, préalable. ment chauffé à 56°, provenant d’un lapin traité par le sang de poule. On additionne le mélange A de 6/10 de c. c. de sang défibriné de poule (préalablement lavé à l’eau physiologique) ; ces globules se détruisent bientôt. Quant au mélange B, on n’y introduit rien à ce moment. Quelques heures plus tard, on ajoute, à chacun des deux mélanges, 2 gouttes de sang défibriné de lapin. Dans le mélange B, ces hématies sont entièrement détruites au bout de 3/4 d'heure environ. Il y a donc, dans ce mélange, une dose notable d’alexine capable de détruire activement ces globules de lapin ; il faudrait admettre que cette portion d’alexine s’était combinée à la sensibilisatrice qui impressionne ces hématies. Le second mélange va nous montrer qu'il n’en est rien. Dans le mélange A, identique à la mixture B, sauf qu'il contient, en plus, les globules de poule déjà détruits, les hématies de lapin restent intactes ; on les retrouve encore le lendemain de l’expérience, au milieu des noyaux, libérés de leur protoplasme, des globules de poule!, Ceux-ci ont donc con- sommé entièrement l’alexine. Il faut en conclure, par consé- 4. La destruction des hématies de lapin n'apparaît que si l’on ajoute un supplément d’alexine, sous forme de sérum de cobaye neuf; ces éléments s’altèrent alors rapiiement, montrant ainsi qu'ils avaient bien absorbé leur sensibilisatrice appropriée. SÉRUMS CYTOLYTIQUES. 309 quent, conformément à la thèse des auteurs cités, que la sensibilisatrice active contre les globules de poule s'était combinée à la totalité de l’alexine, empêchant ainsi l’autre sensibilisatrice (active contre les hématies de lapin) de s'en attribuer une certaine part. Cette conclusion est évidemment valable aussi pour le mélange B, composé des mêmes doses des mêmes sérums. Or, dans ce mélange B, cette sensibilisatrice qui impressionne les globules de lapin et qui ne s’était combinée à aucune dose d’alexine, a pu néanmoins présider à la destruction de ces hématies. En conséquence, il n’est nullement nécessaire d'admettre, pour expliquer l’hémolyse, que la sensibilisatrice se combine avec l'alexine. Il ressort au contraire de cette expé- rience que, conformément à notre manière de voir, le globule modifié par son union avec la sensibilisatrice absorbe lui- même, directement, la matière globulicide, et l'empêche ainsi d'agir sur de nouveaux éléments. En l'absence de ce globule, la présencede cettesensibilisatriceelle-mêmenelieen rienl’alexine, ne la détourne nullement de se fixer sur le premier élément quelconque, traité par une sensibilisatrice appropriée, qu’on lui offre. Il est done opportun de renoncer à ces appellations de Zwischenkürper, Amboreceptor, Complement, termes dont on a fait choix sous l'empire d'idées théoriques sûrement ingé- nieuses, capables, par les expériences qu'elles ont inspirées, de faire avancer la science, mais que l'expérience ne justifie point. L'expérience relatée ci-dessus est du reste tout à fait sem- blable à celles que nous avons relatées antérieurement dans ces Annales. Nous nous bornons aujourd'hui à insister davantage sur les conclusions qui s’en dégagent ; en outre, nous avons 1. L'expérience ci-dessus résumée comporte encore un troisième mélange C. Ce dernier contient, comme les autres, 2/10 de e. c. de sérum hémolytique non chauffé, actif contre les globules de lapin. Mais il renferme, au lieu de sérum de lapin (chauffé à 56°) actif contre le sang de poule, une dose correspondante {1 c. c.) de sérum (chauffé à 56°) de lapin neuf. Ce mélange est additionné de 6/10 de c. c. de sang de poule, qui ne s’y détruit pas: on y verse ultérieure- ment (comme dans les deux autres) 2 gouttes de sang de lapin. Ces globules se détruisent avec la même rapidité que dans le mélange B. Les mélanges B et C se comportant de mème, on conclut que la sensibilisatrice active contre les glo- bules de poule, et les globules de poule eux-mêmes, sont, isolément, incapables de s'emparer de l’alexine. Pour que l'absorption se produise, il faut que ces deux éléments soient réunis. Des globules différents, qui ne seraient pas impressionnés par la sensibilisatrice mise en œuvre, laisseraient, bien entendu, l’alexine complètement libre, ainsi que nous l’avons montré (ces Annales, 1900) dans une expérience analogmæe, 310 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. jugé utile de la répéter sous diflérentes formes, afin de montrer qu’elle conduit, dans les divers cas, à des résultats identiques. Par exemple, mélangeons 5/10 de c. c. de sérum frais de cobaye neuf, non chauffé, à 2,5 c. c. de sérum (chauffé au préalable à 56°) de cobaye traité par des injections de sang de lapin, et à 2,5 c. c. de sérum (chauffé à 56°) de cobaye traité par des injections de sang de poule. On établit que 5/10 de c. c. de ce mélange (qui contient un seul sérum alexique et deux sensibilisatrices) détruit entièrement 1/10 de c. c. de sang défibriné de poule ‘préalablement lavé à l’eau physiologique). Mais ce 1/10 de c. c. de sang de poule reste indéfiniment intact dans une quantité au moins double, 2/10 de c. c. (contenant donc au moins le double d’alexine et de sensibilisatrice) de ce même mélange, si ces 2/10 de c. &. ont été additionnés au préalable de 3/10 de ce. c. de sang de lapin (préalablement lavé). Ces globules de lapin se sont rapidement détruits, en absorbant toute l’alexine présente, sans que la sensibilisatrice active contre le sang de poule ait pu se réserver une part de cette substance. On peut aussi, en partant d’un mélange semblablement composé (3/10 de c. c. de sérum de cobaye neuf, non chauffé, 2,5 c. ce. de sérum chauffé de cobaye actif contre les globules de lapin, 2,5 ec. c. de sérum chauffé de lapin actif contre le sang de poule) faire l’épreuve inverse. Le mélange est divisé en parts égales. Dans l'une des parts, on introduit d’abord le globule A, puis, quelques heures plus tard, le globule B. Dans une autre part, on ajoute d’abord B, puis A. On constate, comme dans les expériences précédentes, que le fait d’avoir introduit la première race de globules met obstacle à la des- truction de la seconde espèce. Bien entendu, des témoins montrent que la dose, introduite en second lieu, de chacun des globules, se détruit rapidement dans des volumes même plus faibles du mélange (moitié moindres) lorsque ces volumes n'ont pas subi de contact préalable avec l’autre espèce d'hématies. Les expériences faites en collaboration avec M. le Dr Gengou, et relatées dans ce même numéro des Annales, sont également très démonstratives pour la question qui nous intéresse ici. Elles montrent qu'on peut mélanger au sérum alexique une SÉRUMS CYTOLYTIQUES, e11 sensibilisatrice active contre un microbe quelconque, sans que celte alexine éprouve la moindre difficulté à détruire des glo- bules (ou des microbes différents) que l’on impressionne par des sensibilisatrices non identiques à la première, et que l’on introduit ultérieurement. Au contraire, le pouvoir alexique du liquide disparaît entièrement si la sensibilisatrice antimicro- bienne, mélangée en premier lieu, est accompagnée du microbe sur lequel elle agit spéciliquement, Ici encore, c’est bien le microbe sensibilisé lui-même, et non la sensibilisatrice, qui s'empare (le l’alexine. Nous devons maintenant lever une objection opposée à notre manière de voir par MM. Ehrlich et Morgenroth. Ces savants considèrent que d’après notre conception, on doit admettre qu’un globule sensibilisé devra ressentir au même degré l'influence destructive de toutes les alexines (fournies par les dilférentes espèces animales). Or, pour provoquer la destruction des globules de lapin par l’alexine de lapint, il faut les sensibiliser beaucoup plus fortement (en d’autres termes il faut les additionner d’une dose beaucoup plus forte de sérum hémolytique préalablement chauffé à 55°, provenant d'animaux traités par le sang de lapin) que pour en provoquer l'hémolyse sous l'influence de lPalexine de cobaye. Ce fait est exact : nous l'admettons d’autant mieux que nous l'avons mentionné nous-même? dans l’article qui a suggéré l'objection de MM. Ehrlich et Morgenroth. Mais ce qui se conçoit avec difficulté, c’est la supposition de ces savants, à savoir que d’après notre conception, des globules sensibilisés devraient subir, avec la même intensité, l’actioa destructive des diverses alexines. Notre manière de voir présume exactement le con- traire. Comme les alexines des différentes espèces animales ne sont pas identiques entre elles, il est tout naturel qu'elles ne manifestent pas toutes une tendance également forte à détruire un globule déterminé. Par suite, il suffira parfois d'une faible sensibilisation pour qu’un globule ressente l'influence de cer- taines alexines. Pour que d’autres alexines, moins nocives, 1 Nous avons noté, dans notre premier mémoire sur l'hémolyse (1595), que les globules de lapin se détruisent non seulement par les alexines d'animaux différents, mais aussi sous l'influence de l’alexine du même animal, lorsqu'ils sont sensibilisés, 2. Ces Annales, 1900, page 259. 312 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. produisent le même effet, une sensibilisation plus énergique sera nécessaire. Dans le cas étudié, on conçoit bien facilement que les hématies de lapin doivent être fortement sensibilisées, pour céder à l'influence de l’alexine de lapin, laquelle, dans les conditions normales, est entièrement inoffensive pour les glo- bules du même animal. Le lecteur conçoit donc facilement qu'une même dose de la même sensibilisatrice semblera impres- sionner un même globule rouge avec une énergie bien diffé- rente, suivant la nature de l’alexine à laquelle elle est associée. La sensibilisatrice, dans ces différents cas, sera teujours iden- tique à elle-même; mais la dose de cette matière qu’il faudra mettre en œuvre variera avec la provenance de l'alexine qu'on fait intervenir. Eh bien, de ce fait que la dose nécessaire de sérum sensibi- lisateur change avec la nature de l’alexine mise en jeu (fait qui s'explique, ainsi que nous venons de le voir, de la manière la plus naturelle), MM. Ebrlich et Morgenroth croient pouvoir conclure que ce sérum renferme plusieurs sensibilisatrices actives contre les globules de lapin, mais qui sont différentes. L'une de ces matières rendrait le globule de lapin sensible à l’alexine de cobaye, l’autre à l’alexine de lapin. C’est là com- pliquer beaucoup, sans nécessité urgente, la question déjà assez embrouillée des sérums hémolytiques !. S IE — Sur L'UNITÉ DE L'ALEXINE DANS UN MÊME SÉRUM. On sait déjà que les alexines fournies par les différentes espèces animales ne sont pas identiques. Mais un même sérum alexique, tel que le sérum de cobaye neuf, contient-il une seule alexine, ou bien en renferme-t-il plusieurs, de constitution chi- mique différente? Posée sous cette forme, cette question ne pourrait que difficilement recevoir une réponse précise, nos notions sur la nature chimique de l’alexine étant à peu près nulles. Il est plus opportun de se demander si l’alexine d'un sérum est sinon chimiquement, au moins fonctionnellement 1. Par des raisonnements similaires, MM. Ebrlich et Morgenroth considèrent qu'il y a, dans un mème sérum neuf, plusieurs corps intermediaires (sensibilisa- trices) différents, actifs contre les mêmes globules, mais qui ont besoin, pour les détruire, d’être associés à des alexines (compléments) différentes. SÉRUMS CYTOLYTIQUES. 313 unique, c’est-à-dire si l’alexine (ou chacune des alexines, si l’on tient à ce qu'il y en ait plusieurs) peut attaquer indifférem- ment les divers éléments, globules, microbes (spécialement les éléments sensibilisés) qu’on lui offre. Formulée de la sorte, la question présente un réel intérêt pour les études relatives à limmunité, et peut, en outre, être résolue plus facilement. On sait que M. Buchner, dès les premières recherches1, aujourd'hui classiques, qu'il a faites sur l’alexine des sérums normaux, à émis l’idée que la substance qui détruit les microbes est identique à celle qui produit l'hémolyse. Nous avons apporté, il y a un an, en faveur de cette idée, des faits qui nous parais- saient démonstralifs. Ces faits ont été rappelés dans le cours du présent article. Lorsqu'on dépouille un sérum de son alexine en y mêlant un microbe (ou un globule) sensibilisé déterminé, le liquide se montre désormais incapable de détruire un nouvel élément sensibilisé, même si ce dernier est très différent de celui, intro- duit en premier lieu, qui s’est emparé de l’alexine. C’est donc toujours la même alexine qui intervient pour détruire les élé- ments les plus divers, et se fixer sur eux. Dans le travail publié en collaboration avec M. le D' Gengou, on voit que les mi- crobes les plus variés absorbent l’alexine nécessaire à la des- truction d’hématies ou de microbes différents, Nous citerons encore deux exemples analogues. Le spirille rouge, microbe non pathogène, dégénère très facilement, même en l’absence d'une sensibilisatrice spécifique, lorsqu'on le mé- lange à du sérum de cobaye qui n’a jamais reçu d'injections de ce microbe. Disposons dans deux tubes 2/10 de e.c. de sérum hémolytique récemment obtenu, provenant de cobayes traités antérieurement par le sang de lapin. Dans le tube 4, on ajoute 3/10 de c. c. de sang de cobaye; dans le tube b, 3/10 de c.c. de sang de lapin (ees globules ont été lavés à la solution physiologique). Au bout de quelque heures, ajoutons à chaque tube une petite quantité (2 gouttes) d'émulsion de spirilles, et portons le mé- lange à l'étuve. On constate que ces spirilles dégénèrent dans le tube «, où les globules (de cobaye) sont restés intacts; les spirilles sont normaux dans le tube b, où les globules (de lapin) 1. Voir, par exemple : Verhandlungen des Congresses für Innere Medicin, 1892. 314 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. s'étaient rapidement détruits. Cette constatation faite, on ajoute aux deux tubes la mème dose de sang de poule fortement sen- sibilisé; ces globules s’hémolysent dans le tube 4, se conservent intacts dans b. Donc les globules de lapin, en absorbant, l'alexine, ont protégé deux éléments très différents, le spirille et l’hématie de poule. Un autre exemple vise un cas assez particulier. On peut se demander si l’alexine de lapin, qui attaque les globules de même espèce lorsqu'ils sont sensibilisés, est identique à celle, présente aussi dans le séram de lapin, qui détruit les hématies provenant d'espèces différentes. L'expérience répond par l’af- firmative. On dispose, dans deux tubes a et b, 2/10 de c. e. de sang de poule lavé à la solution physiologique; on ajoute à chacun des tubes 2/10 de c.c. de sérum, non chauffé, de lapin neuf. On additionne le tube a de 6/10 de c. c. de sérum (préa- lablement chauffé à 56°) provenant d’un lapin traité par le sang de poule. Le tube b reçoit 6/10 de c.c. de sérum (préalablement chauffé à 56°) de lapin neuf. Les globules de poule s’hémo- lysent dans a, restent intacts dans b. Au bout de quelques heures, on ajoute à chaque mélange 2/10 de c.c. d’un mélange ainsi constitué: 20 gouttes de sang de lapin (lavé à l’eau phy- siologique), 2 c. c. de sérum (chauffé à 56°) de cobaye traité par le sang de lapin. — Ces globules sensibilisés se détruisent dans b, se conservent intacts dans à. La thèse qu’une même alexine peut s'attaquer aux éléments les plus divers nous paraît suffisamment démontrée par l’en- semble de ces expériences!. Nous devons néanmoins lever certaines objections, dont quelques-unes paraissent assez graves, qui ont été opposées à cette manière de voir. MM. Ehrlich et Morgenroth, ayant chauffé à 56°, ou même à des températures plus élevées, du sérum de bouc antérieure- ment traité par des injections de sang de mouton, constatent que ce sérum a entièrement perdu le pouvoir de détruire diverses espèces de globules, tels que ceux de cobaye, de lapin, qu'il attaquait auparavant. Ce qui disparait donc, c’est la propriété hémolytique non spécifique, s’exerçant à l'égard d'hématies qui t. Elle est en harmonie aussi avec ce fait, établi par nous antérieurement, qu'un sérum antialexique, qui neutralise l’alexine du sérum d’une certaine espèce animale, protège contre cette alexine les éléments les plus divers (globules, vibrion cholérique), même fortement sensibilisés. (Ces Annales, mai 1900.) x ‘ri SÉRUMS CYTOLYTIQUES, 315 ne sont pas intervenues dans le traitement de l'animal, pro- priété que le sérum de bouc normal possède également. Mais ce sérum de bouc, traité par le sang de mouton, présente encore très nettement, malgré le chauffage, la faculté de détruire les hématies de mouton contre lesquelles il est spécifiquement actif. MM. Ebrlich et Morgenroth concluent que le sérum étudié pos- sède des alexines différentes, les unes détruites à 56°, les autres qui résistent à cette température. On peut tout aussi bien admettre qu’il s’agit toujours de la même alexine, et que cette substance n’a été que modifiée, atténuée par le chauffage. L’altération suffit pour que cette substance ne puisse plus pro- voquer l’hémolyse, déjà faible à l’origine, qu'elle faisait aupara- vant subir aux globules non sensibilisés: mais cette matière est encore capable d'atteindre les globules que la sensibilisation spécifique, opérée par le même sérum, rend plus facilement des- tructibles. Dans une autre expérience, MM. Ehrlich et Morgenroth filtrent (Pukal!filter) un sérum de chèvre normale, sérum qui, à l’origine, détruisait les globules de lapin et ceux de cobaye, Après la filtration, le sérum détruit encore très nettement les globules de cobaye, mais il laisse intacts les globules de lapin. D’après les auteurs, l’une des alexines a été retenue sur le filtre, l’autre a passé: ceci implique que les deux alexines actives vis-à-vis des deux races de globules doivent présenter des différences chimiques bien marquées, pour se comporter aussi diversement en présence d’un même filtre. Notons qu'il s’agit ici d'hémolyse par sérum normal, c’est-à-dire d'un phénomène peu intense, qui peut être influencé par des causes assez mi- nimes. L'expérience montre bien que le sérum, après filtration, ne possède plus toute l’alexine qu’il contenait auparavant; elle ne nous force point à admettre qu'il y ait deux alexines dis- tinctes, On doit se demander en effet si la filtration, en enle- vant au sérum certains de ses élémeuts, n’en a pas modifié les propriétés physiques, en le rendant moins favorable à la con- servation des globules; on concevrait ainsi que certaines espèces d’hématies, plus sensibles que d’autres aux qualités phy- siques du milieu ambiant, céderaient dès lors plus facilement à l'influence de traces d’alexine. Quoi qu'il en soit, du reste, cette expérience, qui ne fait pas intervenir la sensibilisation par un 316 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. x . sérum spécifique, n'infirme nullement notre thèse, à savoir que la même alexine peut détruire, avec beaucoup d'énergie, Les éléments sensibilisés les plus divers". M. Neisser*, qui est partisan de la pluralité des alexines dans un même sérum, s appuie sur diverses expériences réalisées les unes par M. Bail”, les autres par lui-même, et dont le principe est le suivant : si l’on met en contact un sérum neuf avec un élément À (microbe, globule), et qu'après un contact assez pro- longé on centrifuge, on constate que le sérum surnageant a perdu le pouvoir d’altérer l'élément A, mais détruit encore bien des éléments différents B ou C. Donc, conclut M. Neisser, l’alexine qui atteint À n’est pas identique à celle qui attaque B ou C. L'expérience, et par suite la conclusion qui en découle, pré- sente une cause d'erreur très importante. Dans la grande majo- rité des cas, les éléments (non sensibilisés) placés même en grande dose au contact d'un sérum neuf, n’absorbent qu’une quantité faible d’alexine. Nos diverses expériences relatées plus haut, ainsi que celles faites en collaboration avec M. Gengou, le prouvent clairement. Dans de telles conditions, le liquide con- serve en conséquence le pouvoir de détruire très activement les éléments sensibilisés qu'on introduit ultérieurement. On est autorisé à admettre que si l'on met un élément non sensibilisé (ou qui ne l’est que faiblement), tel que des globules rouges d'espèce À, au contact d’un sérum neuf, il s'établit bientôt un état d'équilibre, un partage de l’alexine entre l’élément et le liquide, celui-ci gardant la majeure partie de l’alexine. Aussi l’hémolyse ne dépasse-t-elle pas un certain degré. Il est même fort possible, en outre {c’est une hypothèse vraisemblable), que les globules détruits mettent en liberté quelque chose qui gène l’action ultérieure du liquide sur cette mème race d’hématies, sans mettre obstacle à l'influence nocive de ce même liquide sur une autre espèce de globules rouges. Ainsi, l'état d'équilibre réa- lisé pour le globule À pourrait bien n’être nullement établi pour 1. En effet, l'expérience ne nous dit pas si le sérum filtré eût été incapable de détruire d’une manière semblable soit l’un, soit l’autre des deux globules, sensi- bilisés au préalable par le sérum spécifique (chauffé à 56°) approprié. 2. Ueber die Vielheil der im normalen Serum vorkommenden Antikôrper, Deustche med. Wochenschr., 1900, n° 49. 9. Archiv für Hygiène, 1899, Bd. XXV SÉRUMS CYTOLYTIQUES. 317 un élément différent, ultérieurement ajouté, ce dernier pouvant en conséquence s’altérer dans le liqaide. Il résulte de ces considérations que si l’on mélange une cer- taine dose de sérum neuf (par exemple 3 c. c. de sérum de cobaye neuf, avec une quantité même très forte de sang défibriné (telle que 6e. ce. de sang de lapin!), on n’a nullement le droit de dire que, même à la faveur d’un contact prolongé (seize heures), ces globules dépouilleront le liquide de la totalité de l’alexine capable d'attaquer ces mêmes hématies de lapin. Et cependant l'on constate quele liquide centrifugé, et qui est fortement rougi?, laisse complètement intacts les nouveaux globules de lapin que l'on y introduit ; il est devenu inactif pour ces hématies ; d'autre part, on constate qu'il détruit encore visiblement des hématies différentes, telles que celles de poule. Ce qu’on peut affirmer, c'est que le liquide contient encore une dose bien notable d’alexine, — d’où résulte la destruction des globules de poule. D'autre part, pour ce qui concerne les glo- bules de lapin, il s’est établi un état d'équilibre dans la réparti- tion de l’alexine (état dans lequel intervient peut-être aussi l’accurhulation des produits de destruction de ces hématies), et qui prévient toute attaque ultérieure de ces mêmes éléments. Rien de plus aisé en effet que de rompre cet état d'équilibre : il suffit d'augmenter, par la sensibilisation, l’avidité des globules de lapin pour l’alexine. Le liquide rouge que nous considérons (et qui a été longtemps en contact avec un excès de globules de lapin) détruit avec beaucoup d’énergie de nouveaux globules, préalablement sensibilisés, de même espèce. Ainsi, l’hémolyse s'effectue rapidement et complètement si l’on mélange 2/10 de c. c. de ce liquide rouge avec volume égal de sang défibriné de lapin (soigneusement lavé au préalable) et si l’on ajoute, en outre, 6/10 de c. c. de sérum, qui a été chauffé à 56°, de cobaye traité par le sang de lapin. Pour complèter l’expérience, prépa- rons un mélange entièrement semblable au précédent, sauf qu’il renferme, au lieu de sérum sensibilisateur, 6/10 de c. c. de sérum de cobaye neuf, préalablement chauffé à 56°. Ici, les glo- bules de lapin ne se détruisent naturellement pas. Quelques 1. Ce sang a été soigneusement lavé : on le mélange avec un grand excès de solution physiologique; on centrifuge, on aspire tout le liquide surnageant, en ne laissant que les globules; cette opération est faite à deux reprises. 2, [1 contient néanmoins encore un grand nombre d‘hématies de lapin intactes. 318 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. heures plus tard, introduisons dans les deux mélanges 3/10 de c. c. de sérum spécifiquement actif contre le sang de poule (et qui a été chauffé à 56°) et 1/10 de e. c. de sang défibriné de poule, bien lavé au préalable. Ces hématies de poule se détruisent rapidement dans le second mélange, restent entièrement intactes dans le premier. Donc le sérum neuf alexique est loin d’être entièrement épuisé par un long contact préalable avec un excès de globules de lapin; il conserve une forte dose d’alexine parfaitement apte à attaquer ces mêmes globules. Lorsque ces derniers sont sensi- bilisés, l'absorption de l’alexine se fait avec une énergie infini- ment plus grande, et des hématies nouvelles, de race différente, ultérieurement introduites, ne s’altèrent pas dans le liquide. La critique que nous venons de faire des expériences relatées par M. Neisser comporte une indication: c’est qu'il faut émettre avec beaucoup de prudence et de réserve les conclusions qui paraissent résulter d'expériences similaires, où l’on met en jeu les sérums neufs : on admet en général trop hätivement la mul- tiplicité des substances actives dans ces sérums normaux. Il nous est d'autant mieux permis de faire cette remarque, qu’elle s’applique peut-être aussi à certaine expérience réalisée par nous antérieurement (multiplicité des agglutinines dans un même sérum de cheval neuf). Toutefois, le sujet est trop obscur encore pour qu'il nous soit possible d'émettre à ce propos une opinion précise relativement aux substances autres que les alexines. Aussi, dans le présent chapitre, avons-nous abordé exclusi- vement la question de l’unité ou de la pluralité de l'alexine (com- plément de MM. Ebrlich et Morgenroth) dans un même sérum. Nous n'avons du reste nullement cherché à infirmer cette notion (qui ressort de certaines expériences réalisées surtout par MM. Ehrlich et Morgenroth!), que les sérums neufs pourraient bien contenir, outre l’alexine (complément), une, peut-être même plusieurs sensibilisatrices normales (beaucoup moins puissantes à la véritéque celles des sérums spécifiques), et dont le rôle serait encore de favoriser l’action de l’alexine. 4. Ces expériences sont du reste d’accord avec celle que nous avons faite (ces Annales, avril 1899) et qui dénote l'existence d’une matière présente dans le sérum de cheval neuf, et qui sensibilise à un certain degré le vibrion cholérique à l'égard de l’alexine d’un autre sérum normal, CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DES HEMATOZOMRES ENDOGLOBULAIRES DES REPTILES Par Le D' P. L. SIMOND [l ESPÈCES CONNUES DE REPTILES DONT LES GLOBULES SANGUINS RENFERMENT DES HÉMATOZOAIRES Danilewsky (86 et 89) a fait connaître en 1883 l'existence d’hématozoaires endoglobulaires chezunetortue d’eau douce Emys orbicularis (E. lutaria), et chez deux lézards, Lacerta muralis et Lacerta agilis. I a indiqué leur proche parenté avec les parasites e ndoglobulaires des Batraciens découverts par Ray Lankester et, pour bien marquer leurs affinités avec les grégarines, il a donné le nom de Hæmogregarina à ce nouveau genre. Laveran, à la suite d’études récentes, y a fait rentrer les hématozoaires endo- globulaires des Batraciens, ancien genre Drepanidium. Les recherches postérieures ont montré que les parasites du genre Hæmogregarina n'étaient pas rares dans le sang de Reptiles appartenant à divers ordres : Labbé (94) en a signalé chez deux lézards : Lacerta ocellata et Lacerta viridis ; Billet (95) chez trois Ophidiens : Python reticulatus, Tropidonotus stolatus, Bungarus fasciatus ; chez une tortue: Trionyx stellatus, et chez un Saurien : Platydactylus mauritanicus (Billet 1900); Hagen- muller (98) chez un Ophidien, Macroprotodon cucullatus: L. Pfeif- fer (91) chez une tortue : Testudo marginata; Adolphe Lutz(1901) chez onze espèces de serpents: Eunectes murinus, Boa constrictor, Drymobius bifossatus, Coluber corais, Spilotes pullatus, Xenodon Neurwiedii, Rhadianaca Moremii, Philodryas Olfersti. Herpetodryas carinata et deux espèces américaines des genres Crotalus et Bo- throps ; Langmann (99) chez onze serpents : Ankistrodon piscivorus, Ankistrodon contortrix, Crotalus adamantus, Crotalus confluentus. Elaps fuloius, Eutainia sirtalis, Eutainia saurita, Tropidonotus fas- ciatus, Corallus Cookei, Lampropeltis getulus, Spilotes Couperi, et chez une tortue : Chrysemis picta. 320 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Nous avons trouvé des Hæmogregarina chez plusieurs tortues del Inde et de l'Indo-Chine: Cryptopus granosus (Emyda granosa), Emys tectum, Emys spinosa, Emys crassicolis (?), Emys sigris (?) * chez des vurans : Varanus dracæna (Inde), Varanus arenarius (Sénégal), (les préparations de sang parasité de cette dernière espèce nous ont été montrées par le D' Marchoux) ; chez des Ophidiens : Naja tripudians var." atru (Inde), Naja species (?) (espèce indienne à losanges dorés avec des parties sombres), Colubrr species? (Inde), et Bothrops viridis (Cochinchine). Comme on le voit par cette énumération, l'ordre des Croco- diliens était jusqu’à cette année le seul où l’on n’eût pas signalé des Hæmogregarina ; nous avons établi, par des recherches chez Gavialis Gangeticus et Crocodilus porosus (?) que ces deux espèces ont des parasites de ce genre (P.-L. Simond, 1941, bis). Notre collègue et ami le D' Marchoux nous a dit avoir constaté égale- ment l’existence de Hæmogregarina chez Crocodilus species (?) du Sénégal. Il y a donc parmi les Reptiles 30 espèces d’Ophidiens, 1 espèces de Sauriens, 3 espèces de Crocodoliens et 9 espèces de Chéloniens chez lesquels on connaît à ce jour des héma- tozoaires du genre Hæmogregarina *. En dépit de la multiplicité des observations, l'histoire natu- relle de ce genre est encore très incomplète. On connaît un cer- tain nombre de stades des parasites, mais la difficulté d'établir la filiation de ces stades, l’absence de plusieurs chaïnons et en particulier des formes qui transmettent la maladie d’un individu à un autre, empêchent de reconstituer le cycle évolutif de chaque espèce, de délimiter les espèces et même de définir le genre avec précision. | La plupart des auteurs qui ont observé des Hémogrégarines chez les reptiles les ont rapportées sans discussion à l’espèce 1. Nous ne sommes pas certain des noms de ces deux dernières espèces obser- vées en Cochinchine. 2. Pendant que ce mémoire était en cours d'impression, nous avons eu con- naissance l’un travail de M. Carl Bürner intitulé « Untersuchungen über Hamos- pori ien », «aru dans le Zeitschrift für Wissenschaftliche Zoologie (vol. 69), à la date du 19 mars. L'auteur decrit trois Hémogrégarines tronuvees par lui chez Crocodilus frontatus, Alligator mississipiensis Platemys Speries (?), Clemmys ele- gans. Coluher Esculapii, ce qui porte a 31 le nombre des : spèces d’Ophidiens, à 5 le no ubre d-s espèces de Crocodiliens et à 11 le nombre de, espèce de Chélo- nie s, chez les quels on connaît des parasites endoglobulaires du genre Aœæmogre- garina. HÉMATOZOAÏRES ENDOGLOBULAÏRES DES REPTILES. 391 Hæmogregarina Stepanovi, décrite par Danilewsky chez Emys orbicularis ; d’autres comme Labbé (94) ont multiplié les genres et les espèces, en se fondant sur des caractères qui semblent insuffi- sants ou sans valeur à la plupart des sporozoologistes. Enfin l'on confond souvent. comme Adolph Lutz et Langmann, dans une mème description, les formes rencontrées dans une série d'espèces différentes de Reptiles. De toutes ces incertitudes et de toutes ces défectuosités, résultait un véritable chaos dans les notions acquises concernant l’histoire naturelle des hémato- zoairesendoglobulaires soit des Reptiles, soit des autres animaux. Laveran (99) y a introduit l’ordre qui faisait défaut en rétablis- sant la classification sur des bases rationnelles autant que le permet l’état actuel de nos connaissances. Il a pu définir d’une manière satisfaisante les genres et diverses espèces. Il existe un certain nombre d'Hémogrégarines des Reptiles qu'il est, jusqu'à présent, impossible de classer faute d’une connaissance assez complète de leurs stades chez un même hôte ou chez divers hôtes de même espèce. En examinant un grand nombre de reptiles parasités par Hæmogregarina, nous avons constaté que si l’on retrouve presque constamment des formes susceptibles d’être confondues avec certains stades de Hæmo- gregarina Stepanovi, le type du genre, elles s’accompagnent fréquemment de stâdes particuliers qui ne se rencontrent chez aucune autre espèce d'hôte, et que l’ensemble des formes trouvées chez des hôtes de même espèce, dans une mème région, pouvait constituer un groupe possédant une physionomie spé- ciale. Ces observations nous font penser que la première condi- tion pour arriver à classer ces parasites sera d’étudier en détail pour chaque espèce d’hôte les formes parfois très variées qui s’y rencontrent. Dans quelques cas déjà, la présence de stades caractéristiques observés concurremment avec des formes banales dans le sang d’une même espèce hôte, a permis de considérer les Hæmogregarina qui les possédaient comme des espèces particulières". Il semblait jusqu'ici que le genre Hæmogregarina dût fournir à lui seul tous les parasites endoglobulaires des Reptiles. Cette règle cependant souffre des exceptions, une pour le moins. Nous 1. Tel est le cas, en outre de celles classées par Laveran en 1899, pour Haæmogregarina platydactyli Billet et pour les trois æmogregarina décrites iei, 21 399 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. avons, en effet, signalé la présence chez une tortue de l'Inde Trionyx indicus (P.-L. Simond, 1901), d’un hématozoaire endo- globulaire pigmenté, proche parent de ceux des oiseaux et qui doit être rangé avec eux dans le genre Hæmamæba. Les hématozoaires endoglobulaires des Reptiles rencontrés au cours de nos recherches dans l'Inde ct l’Indo-Chine, qui nous ont paru devoir être considérés comme des espèces nouvelles, comprennent trois Hæmogregarina et un Hæmamæba, ce sont : Hæmogregarina Mesnili, parasite de Emys tectum, Hæmogregarina Laverani, parasite de Cryplopus granosus, Hæmogregarina Han- kini, parasite de Gavialis gangeticus, et Hæmamæba Metchnikovi, parasite de Trionyx indicus. Nous les décrirons successivement. Il HÆMOGREGARINA MESNILI, PARASITE DE EMYS TECTUM. Les tortues quiont servi à cette étude, au nombre de 17, ontété capturées dans la Jumna en décembre 1897; nous avons fait nos examens sur la plupart d’entre elles pendant les deux mois qui ont suivi leur capture, une seule a été conservée pour l’étude jusqu’en 1899, dans notre laboratoire de Saïgon. Les nombreux stades que nous avons étudiés, principalement dans le sang périphérique, peuvent être réunis en plusieurs groupes suivant leur volume et leur forme, pour la facilité de la description. Nous distinguerons : 1° les stades jeunes amiboïdes ; 90 les stades vermiculaires en forme de cornue ; 3° les stades vermiculaires réniformes ; 4° les stades vermiculaires propre- ment dits; 5° les stades de multiplication. 40 Stades jeunes amiboïdes. — Les formes endoglobulaires les plus petites (fig. 1, 2, 3, 4) ont un aspect amiboïde, des contours un peu irréguliers et, souvent, une extrémité qui paraît en voie de se prolonger en forme de queue. Dépourvues de noyau visible à l'état frais, elles montrent, après coloration au bleu, un nombre variable de grains cyanophiles { inégaux, 4. On appelle généralement en cytologie chromatine, matière chromophile ou matière chromatique, la substance karyoplasmique qui se colore-par le bleu de méthylène ou d’autres colorants. Laveran (1990) a réussi ù déceler, par une méthode nouvelle qui les colore avec intensité, des noyaux spéciaux à certains hémato- zoaires, noyaux absolument réfractaires au bleu de méthylène et aux autres méthodes de coloration en usage jusque-là. Pour éviter toute confusion entre la HÉMATOZOAIRES ENDOGLOBULAIRES DES REPTILES. 323 dont un presque toujours plus volumineux que les autres. A ® 4 \/@ 8 & ALU SUD e ® 17 18 Fi. 1: — Hæmogregarina Mesnili. (Gross. 1.000 diam.) 1, 2,3. — Stades jeunes amiboïdes (bleu méthylène). 4. — Stade plus âgé qui a pris un contour régulier (bleu méth.). 5. — Corps amiboïde (probablement jeune parasite) appliqué sur un globule (bleu méth.). 6. — Stades en cornue très peu postérieurs ou stade amiboïde (bleu méth.). 7,8. — Stades en cornue à leur maximum de développement (bleu méth.). 9. — Stades en cornue binucléés (bleu méth.). 10. — Stade réniforme à noyau transversal (bleu méth.). 11. — Stade réniforme contenant des granulations incolorables (bleu méth.). 12. — Stade réniforme à grand noyau longitudinal (bleu méth.). 13. — Slade vermiculaire à deux branches égales (bleu méth.). 14. — Stade vermiculaire à trois branches dont deux plus courtes (état frais) 45. — Même stade que le 14 après coloration au bleu méth. 16. — Stade vermiculaire très long à trois branches entrelacées en 8 (état frais). 17. — Stade différent du st. 14 par la soudure des branches (due à la fixation?) (bleu méth.). 18. — Mérozoites libres et fragment d’un corps à mérozoïtes (état frais). substance constitutive de cesnoyaux de découverte récente et celle colorable par le bleu de méthylène, nous désignerons la dernière, au cours de ce mémoire, sous le nom de substance cyanophile, terme qui précise bien sa propriété distinctive. 334 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR plusieurs rerises, nous avons observé des corps amiboïdes, longs de 3 à 64, pourvus de grains semblables, soit libres, soit accolés à des globules, soit en voie de pénétrer dans leur substance (fig. 5), mais il ne nous a pas été possible de déter miner s’il s'agissait réellement du stade jeune du parasite ou de formes particulières de leucocytes. 2° Stades vermiculaires en forme de cornue. — Le jeune para- site, postérieurement à son entrée dans le globule, perd son aspect amiboïde pour prendre une forme de cornue, c’est-à-dire de vermicule, dont le corps est renflé en forme de panse dans la plus grande partie de sa longueur, et se termine en une queue effilée repliée plus ou moins complètement sur la panse (fig. 6). Les grains cyanophiles, tantôt persistent en plus ou moins grand nombre, tantôt disparaissent; mais il s’est constitué un noyau cyanophile compact qui peut devenir très volumineux (fig. 7). Quand les corps sont arrivés à leur maximum de développe- ment, la queue s’atrophie et semble disparaître tout à fait ; leur forme est alors celle d’un boudin ou d’un rein allongé (fig. 8). Le noyau des stades caudés que nous venons de décrire est unique; tantôt son grand diamètre est {ransversal, tantôt les diamètres transversal et longitudinal sont sensiblement égaux. On trouve des corps en cornue chez lesquels, de très bonne heure, on constate l'existence de deux noyaux de substance cya- nophile, tantôt rapprochés, tantôt éloignés l’un de l’autre, pres- que toujours avec leur grand diamètre dirigé longitudinalement. Les corpsoùl’onrencontrece doublenoyau appartiennent à une série de stades en cornue, de petite dimension, à contour ovale fort régulier, pourvus d’une queue le plus souvent courte, rarement de même longueur que la portion sur laquelle elle est repliée, qui ont beaucoup d’analogie avec certains stades rencontrés chez Trionyx indicus (fig. 9). 3° Stades vermiculaires réniformes. — Cesstades, toujours volu- mineux, ont l'apparence d’un boudin ou mieux d’un rein allongé ; leurs extrémités sont arrondies et sensiblement semblables, Une série d’entre eux sont caractérisés par un gros noyau transver- sal compact. A l’état frais, Je corps paraît parfois granuleux:; il est presque toujours dépourvu de grains cyanophiles après coloration (fig. 10). Assez fréquemment, on trouve ces stades remplis de granulations réfringentes incolorables par le HÉMATOZOAIRES ENDOGLOBULAIRES DES REPTILES, 325 bleu (fig. 11); nous considérons les corps de cette série comme faisant suite aux stades caudés, mononucléés (fig 8). Dans une autre série, le noyau au lieu d’être transversal est allongé longitudinalement. En général, les corps de cette série sont grands, leur karyosome cyanophile est appliqué le long d’un des bords, soit du côté convexe, soit du côté concave: à ce ka- ryosome est adhérente une zone réfringente, claire, qui peut-être fait partie du noyau. Le reste du plasma se colore très légère- ment en bleu à la périphérie (fig. 12). Ces stades nous ont semblé évoluer vers la division en méro- zoïtes et provenir soit des vermicules caudés à noyau double, soit de vermicules allongés dont les branches se seraient fusion- nées. D'autre part on rencontre, quoique rarement, des formes semblables plus petites dans lesquelles le bleu ne colore ni karyosome, ni grains cyanophiles ; ces formes pourraient cons- tituer lepremier stade des corps réniformes à noyau longitudinal. 4° Stades vermiculaires proprement dits. — Ces stades consti- tuent une série nettement tranchée. Le parasite est ici un ver- micule replié une ou plusieurs fois, dont le corps, d’un diamètre sensiblement égal sur la plus grande partie de sa longueur, s’effile légèrement à une extrémité. Le noyau cyanophile, tantôt simple, tantôt double, a son grand diamètre presque toujours longitudinal. Les plus petits vermicules de cette série ont deux branches sensiblement égales (fig. 13); ceux qui viennent ensuite sont repliés deux fois, mais leur 3° branche est courte ou même les deux parties repliées sur la partie médiane forment deux branches courtes comme certains stades de Hæmogregarina platydactyli (Billet) (fig. 14, 15). Enfin les plus grandes formes ont leurs trois branches de longueur égale, entrelacées en huit de chiffre, de telle sorte qu’au premier abord il est difficile de se rendre compte si l’on a affaire à un seul ou à deux parasites accolés (fig. 16). La lon= gueur totale de ces vermicules paraît dépasser 30 &. On observe bien ces formes surtout dans le sang frais. Aucune autre tor- tue que Emys tectum, où ils sont d’ailleurs assez rares, ne nous a jamais présenté de stades semblables; aussi les considérons- nous comme caractéristiques de l'espèce d'Hémogrégarine parasite de Emys tectum que nous avons dédiée à notre ami M, Mesnil, 326 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Dans les préparations colorées, on voit quelquefois des corps pourvus d’un noyau cyanophile allongé, qui ont l'aspect de vermicules repliés deux ou trois fois dont les branches se seraient soudées. Nous pensons qu’il s’agit probablement en effet de vermicules de ce genre dont les lignes de séparation des branches ont été effacées par la fixation; à leur place se dessine un sillon au fond duquel on voit le noyau (fig. 17). 5° Stades de multiplication. — Nous n'avons jamais rencontré dans le sang périphérique des formes de reproduction, mais seulement des mérozoïtes libres, mobiles, possédant parfois deux granulations réfringentes, une à chaque extrémité. Ces corps mesuraient 5 à 8 y; ils étaient pourvus de mouvements analogues à ceux des mérozoïtes de diverses coccidies : contrac- tion et allongement très limités, flexion et redressement, pro- gression très lente (fig. 18). À l’autopsie de quelques individus, nous avons trouvé dans le sang retiré des os, par compression, et surtout du foie et du poumon, des corps, inclus dans les glo- bules ou libres, qui évoluaient manifestement vers la segmenta- tion. Nous avons rencontré aussi des agglomérations de 3 à 7 méro- zoïtes semblables à ceux du sang périphérique, accolés étroite- ment, qui provenaient sans conteste de la désagrégation, au cours de la préparation, de stades à mérozoïtes mürs (fig. 18). Toutefois nous n'avons pu observer ces stades à l’état complet et sans altérations. Sans doute ce stade à mérozoïtes n’est pas la seule forme de multiplication endogène de notre parasite. Il ressort en effet de la comparaison des groupes de formes décrits, que les stades ver- miculaires proprement dits dériveraient des mérozoïtesfigurés ici, tandis que d’autres, tels que les stades à forme de cornue, semblent succéder à un stade primitif amiboïde, dont nous -n'avons pu retrouver l’origine. Langmann (99) a signalé des corps à flagelles chez Hæmo- gregarina des boas, toutefois sa description et ses figures n’en- traînent pas la conviction. Nous avons vu une seule fois, dans le sang de Emys tectum, un corps analogue à ceux figurés par cet auteur. Il consistait en une sphère hyaline d’où partait un flagelle unique, mobile, long de 20 x environ, qui manifesta pen- dant plus d’une demi-heure des mouvements assez actifs, mon- HÉMATOZOAIRES ENDOGLOBULAIRES DES REPTILES, 327 trant par intermittences de petits renflements sur sa longueur. En raison de l’analogie apparente de la substance de ce corps avec le plasma des globules, nous l'avons considéré comme une dégénérescence globulaire, telle qu'en montre parfois le sang des tortues et, plus communément, le sang de certains hiboux. A part quelques individus très jeunes, tous les exemplaires de Emys tectum que nous avons eus entre les mains étaient parasités. Les allérations des globules sanguins parasités ne sont guère appréciables que lorsqu'ils renferment des corps volumineux. Elles consistent en une déformation du contour et un déplacement du noyau, sans hypertrophie ; en même temps, le plasma disparait consommé par le parasite et, dans certains cas, le globule est presque réduit à l'état d’une pellicule. III HÆMOGREGARINA LAVERANI, PARASITE DE CRYPTOPUS GRANOSUS. Cet hématozoaire a été découvertdanslesang de Cryptopus gra- nosus (Emyda granosa) chez trois individus provenant des environs d’Agra, les seuls que nousayonseus à notre disposition. La plupart des stades observés se différencient très nettement de ceux des autres Hémogrégarines connues. Pour les décrire, nous les grouperons en séries selon qu'ils sont jeunes ou adultes, qu'ils affectent la forme amiboïde, vermiculaire, réniforme ou caudée, en distinguant trois catégories principales : stades jeunes, stades réniformes, stades caudés. 1° Stades jeunes. — Les plus petits stades rencontrés ont la forme soit d’amibes, soit de vermicules. Les formes amiboïdes très jeunes (fig. {) mesurent à peine 3 u de diamètre, elles ont un contour irrégulier et variable. A l’état frais, elles apparaissent réfringentes sans aucune diffé- rencialion dans leur plasma: fixées, elles ne montrent pas de noyau, mais, quand elles atteignent 4 à 5 & de diamètre, elles renferment quelquefois un petit noyau et plus souvent plusieurs grains cyanophiles (fig. 12). A partir de ce moment, leur con- tour devient plus régulier de manière qu’elles représentent un corpuscule ovalaire ; leur centre, très réfringent, se transforme 328 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. en un noyau, incolorable par le bleu, à la périphérie duquel se disposent en couronne les petits grains cyanophiles (fig. 3). Ces petits grains nous paraissent correspondre à des granulations réfringentes visibles à l’état frais. Un peu plus tard, à la place Fic, 2. — Hæmogregarina Laverani (Gross. 1,000 diam.) 1. — Stades jeunes amiboiïdes (bleu méth.). 2. — Stade jeune non amiboïde, pourvu d’un noyau (bleu méth.). 3. — Stade jeune dont les grains cyanophiles sont disposés en couronne (bleu méth.). 4. — Stade postérieur au 3 avec liséré cyanophile en fer à cheval (bleu méth.). 9. — Stade semblable au 4 avec quelques granulations incolorables (bleu méth.). 6. — Stades vermiculaires jeunes (bleu méth.). 7. — Stade à deux corpuscules réfringents qui succèdent au 5 (bleu méth.). 8. — Mêmes stades que 7, plus âgés (bleu méth.). ... 9. — Stade, à deux corpuscules réfringents, pourvu d’un noyau cyano- phile compact (bleu méth.). 10. — Forme à deux corpuscules réfringents dont une extrémité s’est repliée (état frais). 41. — Stade réniforme à noyau compact contenant des granulations incolorables (bleu méth.). 12. — Stade en cornue jeune (bleu méth.). 13-14. — Stades en cornue à leur maximum d'accroissement. des grains, on voit un petit liséré de substance cyanophile en fer à cheval, entourant d’une manière incomplète le noyau réfringent incolorable (fig. 4). Presque en même temps appa- raissent, à l'extrémité du parasite qui regarde l’ouverture du fer à cheval, deux ou trois vacuoles ou granulations petites, incolo- rables, qui, après l’action du bleu, demeurent très claires et HÉMATOZOAIRES ENDOGLOBULAIRES DES REPTILES. 329 réfringentes (fig. 5), et diffèrent par conséquent des granula- lations des stades amiboïdes plus jeunes. Fréquemment, au lieu d’être amiboïdes, les stades jeunes ont la forme de petits vermicules, généralement repliés, qui, à l'état frais, ne manifestent aucune granulation et, après l'action du bleu, se montrent pourvus de petits grains cyanophiles dis- persés dans leur plasma en nombre d'autant moindre que le parasite est plus jeune (fig. 6), Les branches du vermicule sont assez souvent accolées de telle sorte qu'il est difficile de distin- guer cette forme d’une forme amiboïde très jeune. 2° Stades réniformes. — Une première série, et la plus impor- tante, des stades réniformes est caractérisée par la présence constante, dans le corps du parasite, de deux corpuscules ovoïdes, volumineux, réfringents, incolorables, dont on ne retrouve l'équivalent chez aucune autre Hémogrégarine connue. Ces stades dérivent, comme il est facile de Le voir, des jeunes formes pourvues d’une aire nucléaire incolorable que limite un liséré de substance cyanophile en fer à cheval (fig. 5). Ainsi que nous l'avons dit, ces dernières formes présentent à un moment donné, à uneextrémité, plusieurs granulations réfringentes ; dans la suite, on ne voit plus que deux grains qui occupent la mème place (fig. 7). À partir de ce moment, il se produit un raccourcissement pro- gressif du liséré cyanophile en fer à cheval, raccourcissement qui entraîne les deux corpuscules dans l’intérieur du corps du parasite comme s'ils étaient liés aux branches de ce liséré (fig. 8). A la période ultime de ce déplacement, les corpuscules ont atteint environ trois fois leur volume primitif et affectent une forme ovoïde. Leliséré cyanophile, en se rétractant, a, en géné- ral, rapproché les extrémités libres de ses branches, de façon à circouscrire presque complètement une aire incolorable du para- site qui paraît en constituer le noyau (fig. 8). Ce noyau est généralement volumineux, parfois la substance cyanophile est raréfiée à sa périphérie, d'autrefois il se laisse colorer d’une façon diffuse dans toute son épaisseur. D’autres fois enfin il est fortement cyanophile, condensé en une masse transversale compacte, discoïde, à contours nets (fig. 9). Dans ce cas, le corps du parasite ne présente, en dehors du noyau, aucune trace de substance cyanophile. A ces 330 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. stades, les corpuscules peuvent être situés diversement et plus ou moins séparés dans le plasma du parasite. Les stades que nous venons de décrire ne semblent pas susceptibles de former à aucun moment une queue : cependant nous avons trouvé exceptionnellement, dans la moelle des os, des individus qui avaient une extrémité repliée. Cette extrémité n'était pas effilée et régulière comme dans les stades caudés que nous décrirons tout à l'heure, elle apparaissait simplement repliée sur une faible longueur (fig. 10). Nous avons constaté que les deux grains, dont la présence constante dans une série de stades est caractéristique de Hæmo- gregarina Laverani, sont des corpuscules véritables et non des vacuoles : en effet, si l’on fait macérer le parasite vivant dans une goutte d’eau, il gonfle jusqu’à ce que sa membrane d'enve- loppe éclate, sa substance se disperse dans le liquide sous forme de minuscules granulations agitées de mouvements browniens, et ilne reste, sous le champ du microscope, que ces deux corpus- cules ovoïdes qui persistent sans altération dans le sang ainsi dilué. Beaucoup plus rarement que les corps réniformes à corpus- cules réfringents, on rencontre des stades qui en diffèrent sur- tout parce qu’ils ne contiennent pas les deux corpuscules spé- claux mais, en échange, sont bourrés de granules réfringents incolorables trois ou quatre fois plus petits que ceux-ci (fig. 11). Ces grains sont sphériques, très serrés, et nous ont donné l’im- pression de petites spores, supposition que rien n’est venu con- firmer. Au contraire, la présence dans les stades ainsi granu- leux, d’un gros noyau cyanophile, et l’absence de nucléole colorable dans chaque grain semblent bien indiquer que ces formes n’ont rien à voir avec une sporulation. Il ne paraît pas que ce stade réniforme puisse dériver des corps à deux corpus- cules réfringents, mais plutôt qu’il provienne des corps caudés que nous allons décrire. 3° Stades caudés. — Les formes pourvues d’une queue ressem- blent assez à celles rencontrées dans le sang de Trionyx indicus, concurremment avec les formes hæmamæbiennes. Elles repré- sentent un vermicule dont une extrémité est renflée en forme de panse de cornue et dont l’autre extrémité, courte et effilée, se replie sur la première. Leur volume n’atteint pas celui des stades HÉMATOZOAIRES ENDOGLOBULAIRES DES REPTILES. 331 réniformes; elles dépassent rarement la moitié de la longueur du globule sanguin. Il est difficile de reconnaitre si elles provien- viennent des jeunes stades vermiculaires ou des amiboïdes: les plus petites que nous ayons observées ressemblaient à une jeune forme amiboïde avec, en plus, une petite queue repliée (fig. 12) ; elles renfermaient également des granules cyanophiles,. À une période plus avancée, ces vermicules caudés montrent un noyau cyanophile et parfois deux ou trois petites granulations incolorables (fig. 13). Chez les formes les plus grosses, la queue paraît en voie de disparition (fig. 14) ; ce caractère, ainsi que la colorabilité et la forme condensée du noyau, laissent croire qu’elles deviennent les stades nucléés, bourrés de granu- lalions non cyanophiles, de la figure 41. À tous les stades observés dans le sang périphérique du Cryptopus granosus, le parasite est endoglobulaire. Nous avons vu quelques rares corps libres assez volumineux dans la moelle des os et le foie d’un individu mort depuis la veille; nous ne savons s'il s'agissait d’altérations ou de formes en voie de mul- tiplication. Le caractère le plus intéressant de cette espèce, que nous dédions à M. le D' Laveran, est la présence, dans toute une série de stades, des deux grains réfringents; grâce à eux, on peut suivre l’évolution des formes de cette catégorie sans risque de les confondre avec celles d’une série différente. Les globules parasités du Cr. granosus sont assez souvent déformés. Comme chez Emys tectum, leur noyau ne semble pas subir, si ce n’est exceptionnellement, d’altération importante ; il demeure central pendant les premières phases du développe- ment du parasite, puis est refoulé par celui-ci au fur et à mesure de son accroissement. Lorsque le parasite est volumineux, le noyau du globule est presque toujours relégué tout à fait à la périphérie. IV HÆMOGREGARINA HANKINI, PARASITE DE GAVIALIS GANGETICUS (PL. VII). L'examen d’un certain nombre de gavials capturés dans un affluent du Gange, la Jumna, nous a permis de reconnaitre 332 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. dans le sang de ces crocodiles un parasite du genre Hæmogre- garina, le premier hématozoaire signalé dans l’ordre des croco- diliens!.Sursix gavials étudiés, cinqgétaicntadultes et contenaient tous Hæmogregarina Hankini; le sixième très jeune, long de soixante-dix centimètres, était exempt d'hématozoaires, | Toutes les formes de Hæmogregarina Hankini qu'il nous a été possible d'observer étaient intraglobulaires. Les liens qui les rattachent les unes aux autres sont trop difficiles à saisir pour qu'on puisse distinguer avec certitude la succession des stades de leur évolution endogène, Nous nous contenterons douce, pour la description, de catégoriser les formes en tenant compte seulement de leur configuration et sans nous préoccuper de leur filiation qui sera discutée ensuite. A ce point de vue de la configuration, les stades intraglobu- laires peuvent être divisés en deux groupes : les corps vermi- culaires et les corps ovaliaires. PREMIER GROUPE, — CORPS VERMICULAIRES,. Ce groupe se subdivise en deux séries suivant que le noyau est condensé, c'est-à-dire formé d’une masse chromatique com- pacte qui se colore au bleu de méthylène d’une manière homo- x Q à >* r SE x Q r , gène et intense, ou, qu'il est fragmenté, c’est-à-dire formé d’un certain nombre de karyosomes ou grains cvanophiles plus ou moins agglomérés ou dispersés dans le plasma. Dans Les deux catégories, lenoyau peut être simple ou double : il existe donc un seul ou deux noyaux compacts dans une série, un seul ou deux groupes de grains cyanophiles dans l’autre. 1° Vermicules à noyau fragmenté. — Les formes les plus petites, qui sans doute sont aussi les plus jeunes, représentent un vermicule replié à deux branches égales, au milieu de cha- cune desquelles on remarque quelques grains cyanophiles groupés, trois à six; on ne distingue aucun de ces grains ni aux 1.Carl Bôrner a décrit récemment (Z.c.), sousle nom de Zæmogregarina crocodi- linorum, des formes qu'il a rencontrées chez Crocodilus frontatus et Alligator mississipiensis. Ces formes, à en juger par la description et les figures de l’auteur, se rapprochentbeaucoup de certains stades de }æmogregarina Hankini.Au cas où il s'agirait de la même espèce, la priorité du nom appartient à Ææmogregarina Hankini. En effet nos recherches sur ce parasite ont été publiées le 22 février 1901 (C. À. de la Soc. de Biologie, séance du 16 février 1901); les observations de Carl Bürner ont été publiées postérieurement aux nôtres, le 19 mars 1901, HÉMATOZOAIRES ENDOGLOBULAIRES DES REPTILES. 333 extrémités, ni au point de jonction des branches (PL. vit, fig, 1). Des formes un peu plus grosses ont l'aspect d'un vermicule plus ou moins sinueux, non replié. Par un examen attentif, on reconnait généralement qu'elles possèdent une ligne médiane ou sillon longitudinal, peut-être la trace d’une séparation anté- rieure en deux branches comme dans là figure 1, peut-être simplement l'indice d’un accolement très étroit des deux bran- ches, sans qu'il y ait soudure. Les grains cyanophiles sont disposés en deux rangées parallèles, une de chaque côté de celte ligne, et forment un groupe qui occupe environ la moitié de la longueur du vermicule en partant de son extrémité obtuse (fig. 2 4, b, c). Cette forme et la précédente sont rares. Les grandes formes représentent un long vermicule replié en deux branches égales qui s’écartent vers le milieu pour se rapprocher par leurs extrémités libres, figurant ainsi un O ou un U. Les grains cyanophiles, généralement disposés sur deux rangées parallèles, occupent la moitié ou la totalité de la lon- gueur d’une des branches. Nous n'avons jamais observé d’indi- vidu présentant des grains cyanophiles dans les deux branches. A ce stade, les vermicules atteignent une longueur égale aux deux tiers de la circonférence du globule hôte (Gg. 3 «, b). On rencontre des vermicules de même taille et de même forme chez lesquels les grains chromatiques sont agglomérés en un noyau de faibles dimensions. Les deux branches du parasite sont en ce cas étroitement accolées (fig. 4 «, b); quelquefois l’une d'elles s’est allongée plus que l’autre et s’est repliée à son tour (fig. 3). Ces stades à grains cyanophiles agglomérés ont leur plasma entièrement colorable par le bleu, ce qui se rencontre rarement chez d’autres formes ; toutefois, la colorabilité du plasma est bien plus faible que celle des grains nucléaires (fig. 44, b et fig. 5). 2° Vermicules à noyau compact. — On ne trouve pas, dans celte catégorie, des formes correspondant par leurs dimensions aux petites formes à noyau fragmenté ; lous les vermicules à noyau compact ont la taille des grandes formes de la série pré- cédente. Ils sont en général repliés de manière à former deux branches d’égale longueur tantôt accolées, tantôt rapprochées seulement par leurs extrémités libres (fig. 6 «, b, c, d, e). Certains parasites sont repliés deux fois (7 4, b, c): la forme 334 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. la plus commune est celle en O avec un noyau unique allongé, fortement colorable, contenu entièrement dans une des branches (fig. 6 a, c). Nous avons rencontré exceptionnellement des stades à noyau court ou à noyau divisé en deux parties par un étranglement (fig. 8 «a, b) ou qui possèdent deux noyaux, dont l’un très condensé à contour net et l’autre bien délimité (fig. 7 a, b), ou enfin qui possèdent deux noyaux semblables, allongés, à contours mal définis, situés d’une façon symétrique dans cha- cune des branches (fig. 20). Parfois le parasite est colorable en entier par le bleu, mais son noyau, beaucoup plus chromophile que le cytoplasme, apparaît toujours nettement (fig. 8 &). A l’état frais les vermicules, lorsqu'ils sont mis en liberté par lyse du globule hôte hors du vaisseau, tantôt demeurent immo- biles, tantôt manifestent des mouvements plus ou moins vifs. La progression s'effectue toujours l'extrémité la plus obtuse en avant. Les contractions de la substance du parasite sont peu apparentes, il ne forme pas d'étranglements, mais, parfois, il allonge en un rostre l'extrémité céphalique, surtout quand elle heurte un globule contre lequel le vermicule fait effort ; ce ros- ire apparaît et disparaît à la façon d’une proéminence amiboïde. Au bout d’un temps variant de quelques minutes à plusieurs heures, les mouvements s'arrêtent et le parasite meurt. Il est souvent difficile de reconnaître si le parasite mobile possède un noyau compact ou fragmenté parce que le noyau n’apparaît pas toujours nettement à l’état vivant (fig. 9 «, b, €, d). DEUXIÈME GROUPE. — CORPS OVALAIRES 1° Formes petites. — Les plus jeunes stades de ce groupe ont l'aspect d’un petit ovoïde plus ou moins régulier renfermant d'ordinaire un seul noyau central, compact, allongé (fig. 10), et quelquefois deux zones cyanophiles excentriques, à contours plus ou moins diffus (fig. 11). Une seule fois, nous avons observé un parasite qui paraissait formé de deux jeunes corps ovalaires comme celui de la figure 10, soudés l’un à lautre par une extrémité et présentant chacun un noyau central, con- densé, très développé (fig. 12); nous pensons qu'il s’agit d’un accolement et que la séparation a été effacée par la fixation. 20 Formes mouennes. — Les stades plus volumineux, qui cons- HÉMATOZOAIRES ENDOGLOBULAIRES DES REPTILES. 335 tituent les formes moyennes, cessent d’avoir un noyau bien délimité et fortement colorable; ils renferment des petites masses chromatiques plus ou moins disséminées dans le cyto- plasme et disposées en deux groupes (fig. 13 «a, b, c). Fré- quemment, ils présentent une ligne médiane qui semble être une trace de soudure de deux corps (fig. 13, b, c, etfig. 14); cette ligne peut être visible à l’état frais (fig. 14). 3° Grandes formes. — Les grandes formes ovalaires sont de trois sortes, les unes à noyau compact, d’autres à noyau à con- tours diffus, d’autres à noyau fragmenté dont les grains sont dispersés. | Les corps à noyau compact sont rares, ils portent en général un sillon médian qui paraît provenir de la soudure antérieure des deux branches d’un vermicule unique (fig. 45, «, b, c); parfois tout leur cytoplasme est colorable par le bleu (fig. 15 c). On pourrait rapporter à ce groupe les grands vermicules colorables par le bleu dont les branches sont étroitement accolées et qui ont un noyau en partie fragmenté (fig. 4 b et fig. 5). Les corps à noyau au contour diffus ont la substance cya- nophile inégalement répartie à la périphérie où elles forment souvent des trainées nuageuses (fig. 16 à, b.); ils montrent quelquefois un sillon médian incomplet et difficilement visible (fig. 16 b). Pour toutes les formes où l’on constate soit à l’état frais, soit après coloration, un sillon de ce genre, il est difficile de dire si l’on a affaire à une soudure véritable des branches d’une forme antérieurement vermiculaire, ou sil s’agit seulement d’un accolement de ces branches si intime qu’on ne peut distinguer leur plan de séparation. Les formes à noyau fragmenté ne possèdent pas de ligne ou sillon médians. La majeure partie ou la totalité de leurs grains cyanophiles sont communément disposés en couronne à la périphérie (fig. 17 &, b, c). Certaines formes possèdent à la fois des grains bien nets et des traînées diffuses de substance cyanophile (fig. 17 a, et fig. 18). Un individu qui doit être rangé dans cette série nous a présenté une apparence de début de sporulation endogène à la façon de certains stades des Hématozoaires des oiseaux et de l’homme (PL. vi, fig. 19); nous doutons toutefois qu’il s'agisse réellement d’un stade de multiplication. 336 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Dans certains stades ovalaires, nous avons constaté la pré- sence de quelques grains réfringents, petits, sphériques, qui ont l'apparence de vacuoles. RELATIONS ENTRE LES DIVERS STADES Bien qu'il soit particulièrement difficile d'établir la filiation des stades intraglobulaires décrits ci-dessus, nous croyons qu’on peut, pour quelques-uns d’entre eux tout au moins, reconnaître l’ordre dans lequel ils évoluent. C'est ainsi que le stade au noyau fragmenté de la fig. 2 semble bien succéder au stade de la fig. 1. Nous inclinons à croire que ce stade de la fig. 2 peut s’allonger et se replier pour aboutir au stade de la fig. 3, mais les intermédiaires nous man- quent. L’analogie de forme des grands vermicules à noyau compact (fig. 6), avec les vermicules à noyau fragmenté de la fig. 3, nous fait admettre qu’ils succèdent à ces derniers par réunion des grains cyanophiles. Le dernier terme observé de cette évolution serait représenté par les corps des fig. 4,5, 15, qui ont les apparences de vermicules dont les branches sont acco- lées ou en train de se souder. Ces stades constitueraient une première série des formes de l’évolution endogène. Toutes les autres formes peuvent être rangées dans une deuxième série qui aurait pour point de départ les corps ova- laires des figures 10, 11 et 12. Les corps porteurs d’un sillon médian (PL. vu, fig. 13 a, b, c) résultent probablement de l’accolement accidentel de deux jeunes formes comme la figure 12 en donne un exemple. Nous avons fait connaître, pour la première fois chez les Coccidies, un mode de division nucléaire qui se rapproche de la division amilotique et suivant lequel la masse chromatique du noyau se fragmente en un nombre variable de nueléoles qui se portent à la périphérie de la cellule pour donner naissance à autant de noyaux de nouveaux parasites 1. Siedlecki a décrit 1. P. L. Sono. Évolution des Sporoz. du genre Coccidium. (Annales de l'Institut Pasteur, 1897.) HÉMATOZOAIRES ENDOGLOBULAIRES DES REPTILES, 337 avec beaucoup de détails ce processus à propos de Ælossia octo- piana\. Les corps ovalaires de la figure 17 nous présentent une fragmentation de la chromatine en granules distribués à la périphérie du parasite qui semble procéder de ce mode de divi- sion, et qui rappelle de très près le stade que nous avons décrit chez les Coccidium comme précédant la formation des mérozoïtes ou des gamètes. La figure 18 représenterait le stade immédia- tement postérieur à celui où la division du cytoplasme est en train de s'effectuer. Par conséquent, nous croyons devoir attri- buer à ces corps des figures 17 et 18 le rôle de stades prépara- toires à la multiplication endogène. Nous ne saurions d’ailleurs préjuger en rien leur signification au point de vue des formes nouvelles qui doivent en résulter. Aboutissent-ils à des gamètes mèles ou à des gamètes femelles ou à des mérozoïtes? ? Aucune de nos observations ne nous autorise à émettre une opinion à cet égard. Dans les cellules du poumon, nous avons observé des stades à mérozoïtes incomplètement mürs. Ces corps étaient sphériques, mesuraient environ 20 & et comprenaient 30 à 40 éléments fusiformes sans reliquat de segmentation. Comme pour les hématozoaires des autres Reptiles, l’état sous lequel Hæmogregarina Hankini existe hors du corps du gavial nous est inconnu. L’infection par les piqûres de moustiques qui ne semble pas devoir présenter d'impossibilité chez des reptiles dont certaines régions, cou, plis articulaires, sont revèlues d’une peau peu résistante comme chez les tortues, par exemple, est plus diflicile à admettre pour les crocodiles. Si tel est pour ces animaux le mode de pénétration des hématozoaires, 1l est à supposer que cette pénétration ne peut se faire qu'au niveau de la muqueuse buccale. Les jeunes crocodiles qui doivent avoir l'épiderme moins impénétrable que les adultes à l’aiguillon de certains moustiques, ne nous ont jamais présenté d’hémato- zoaires; l'infection semble les atteindre seulement quand ils ont plusieurs années d’existence. L'hypothèse de l’infection par des 1. Mrcuez Sreocecki : Coccidie de la Seiche. (Annales de l’Institut Pasteur, 1898. 2. Nous avons introduit ce terme de mérozoïle dans nos publications sur les Coccidies et le microbe de Laveran pour désigner les formes asexuées et les formes femelles qui proviennent de la division directe des stades endogènes. Depuis lors, Siedlecki a appelé très judicieusement gamèles femelles nos mérozoïtes femelles, par opposition aux gamètes mâles. Nous estimons, avec Schaudinn, que le terme de mérozoïte doit être conservé pour désigner les formes asexuées de la multiplication endogène. 22 338 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Acariens, tels que les tiques, lesquels seraient un hôte inter- médiaire, hypothèse qui mériterait dêtre vérifiée pour les Reptüles terrestres, ne paraît pas admissible, @ priori, pour les Reptiles amphibies, Ceux-ci, à notre connaissance, sont généra lement exempts de tels parasites. y HÆMAOEBA METCHNIKOVI, PARASITE DE TRIONYX INDICUS 1 (PLANCHE VII). Le Trionyx indicus ou Chitra indica est une grande tortue d'eau douce, très commune dans beaucoup de fleuves de l'Inde et en particulier dans le Gange et ses affluents; elle se nourrit de poissons et d'autres animaux aquatiques. C’est à elle qu'est dévolu le rôle de purger les eaux du Gange des débris de cadavres indous que les habitants des régions pauvres en combus- üible jettent au fleuve après une combustion incomplète. Proba- b'ement en raison de celte utilité spéciale, le Trionyx indicus est extrêmement vénéré des Indous. Chez tous les individus adultes de celte espèce, capturés dans la Jumna au nombre de plus de Vingt, nous avons observé l’hématozoaire à stades pigmentés que nous avons appelé Hæmamæba Meichnikovi*. Les formes les plus caractéristiques de ce parasite sont celles pourvues de pigment et amiboïdes à la façon des stades de tous les autres Hæmamæba connus. A côté de celles-ci, on rencontre des stades non pigmentés qui se rapportent à n’en pas douter au type Hæmogregarina. Xl'est extrêmement délicat d’émettre une opinion touchant l'unité ou la pluralité des espèces auxquelles se rapportent les formes si différentes qui cohabitent dans le sang de Trionyx indicus d'une manière constante. Cette question sera 1. Par suite d’une erreur, le compte rendu de la communication que nous avons laïte à la Société de biologie le 9 février 1901 concernant cet hématozoaire porte Trionyx gangeticus au lieu de Trionyx indicus qui est, d'après nos recherches dans l’ouvrage de Gunther (Reptiles de l'Inde), le nom véritable de l'espèce de tortue parasitée par Ææœæmamæba Metchnikovi (GC. R. de la Société de biologie, 9 février 4901.) 2. Notre ami le Dr Billet (1901) a rappelé l'attention sur un hématozoaire endo- globulaire de Tryonix stellatus du Tonkin, qu'il avait décrit en 1598 (Bulletin scient.. t. 25, p. 279) D’aprés les figures qu’il donne, cet hématozoaire appartient certainement au genre //æmogregarina et non au genre Zæmamœæba. Billet reconnait très Justement que son parasite est different de Æ/æmogregarina Stepanovi ; il nous parait differer aussi des autres espèces, parasites des Reptiles, classées jusqu'ici. Nous proposons pour cette espèce, suffisamment caractérisée par les croquis de Billet, le nom de Âæmogregarina Billet. HÉMATOZOAIRES ENDOGLOBULAIRES DES REPTILES. 339 examinée plus loin. Nous décrirons successivement, pour plus de facilité, comme nous l'avons fait pour les parasites de Emys tectum, Cryptopus granosus et Gavialis qangeticus, les séries de formes observées, comme si elles se rapportaient loules à une espèce unique d'hématozoaire, Ces formes peuvent être divisées en deux groupes : les formes hémogrégariniennes et les formes hémamæbiennes, PREMIER GROUPE : FORMES HÉMOGRÉGARINIENNES Ces formes sont toujours dépourvues de pigment et toujours munies d'un noyau cyanophile. On doit les distinguer en deux séries selon que leurs stades avancés sont des vermicules eaudés, c’est-à-dire constitués par une masse principale terminée par une queue qui se replie sur le corps, ou bien qu'ils ont l'aspect d’un vermicule proprement dit. 1° Stades caudés. — A la période où les formes de cette série présentent les plus faibles dimensions et sont par conséquent très jeunes, le parasite constitue un pelit ovoïde plus ou moins allongé, pourvu d'un noyau (fig. 4 et fig. 2) rarement visible sans coloration. Par exception on rencontre des stades qui semblent se rattacher à la mème période du même eycle et qui possèdent deux noyaux tantôt simples, tantôt accompagnés chacun d'un granule ceyanophile (lig. 3 «, b, c). Ceux-ei pourraient résulter de l’accolement ou de la soudure des deux branches d’une forme vermiculaire; c’est là une simple hypo- thèse en rapport avec leur volume plus considérable et une trace de séparation longitudinale parfois visible (fig. 3 b). A un état plus avancé l'Hématozoaire s’est renflé à l’une des extré- mités, tandis que l’autre s’est transformée en une queue courte, eflilée et toujours repliée. À cet état, le parasite a l’apparence d'une petite cornue dont le tube serait intimement appliqué sur la panse (fig. 4 «, b, c). Le développement de la queue ne nous a pas paru se faire par un allongement de l'extrémité de l'ovoïde, laquelle se reploierait au fur et à mesure de son accroissement, mais par un processus de séparation incomplète, comme par une encoche, d'une portion latérale du corps du ‘eune parasite; cette portion de substance affecterait dès le début la forme de queue repliée et continueraitde s’accroître ainsi. 340 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. L'Hématozoaire à cestade possèdetoujoursunnoyauquiestallongé tantôt dans la panse, tantôt dans la queue, tantôt à leur point de réunion (fig. # à, b, c). Par exception, on trouve deux noyaux situés tous les deux dans la panse ou bien l’un dans la panse et l’autre dans la queue (fig. 5 a, b). Nous croyons que ces individus à noyau double proviennent du stade de la figure 3 et qu'à une période plus avancée les deux noyaux se fusionnent. L'évolution postérieure a pour effet l'augmentation de volume de l’'Hématozoaire. Les formes les plus volumineuses rencon- trées occupaient au plus un tiers du globule sanguin. A ce degré il existe toujours un seul noyau cyanophile logé dans la panse (fig. 6 &, b, c). 20 Stades vermiculaires. — Les premiers stades de cette série -ont l’apparence d’un petit vermicule arqué ou replié contenant quelques grains cyanophiles (fig. 7). A un stade postérieur, le vermicule s’est allongé, il est replié en deux branches de longueur sensiblement égale dont l’une a l'extrémité un peu plus obtuse (fig. 8 a). Quand il est arrivé à son maximum de développement, le parasite occupe moins de la moitié du globule sanguin (lig. 8 b). A tous les stades, on peut colorer au bleu le noyau, situé au voisinage du point de réunion des deux branches du vermicule. Les formes de cette série sont les plus rares dans le sang des Trionyx parasités, elles se rapprochent beaucoup de stades banaux des Hématozoaires des autres espèces de tortues. Leur rareté nous empêche de penser qu’elles résultent de la transfor- mation des stades caudés, beaucoup plus abondants. Dans les deux séries que nous venons de décrire, le parasite offre à l’état frais une structure plus ou moins granuleuse et son noyau, grâce à sa réfringence, peut être distingué sans colora- tion. Après l’action du bleu de méthylène, le corps de l'Hémato- zoaire reste incolore tandis que le noyau et les grains cyano- philes qui, parfois, l’accompagnent sont très fortement colorés. Nous n'avons jamais rencontré ces formes à l’état libre dans le sang si ce n'est par suite de la dissolution du globule hôte qui se produit fréquemment quelques minutes après la sortie du vaisseau, peut-être par l’effet du contact de l’air. Ni après cette mise en liberté accidentelle, ni à l'intérieur du globule, nous n'avons constaté la mobilité des stades de ce groupe, stades qui HÉMATOZOAIRES ENDOGLOBULAIRES DES REPTILES. 341 se rapprochent beaucoup de ceux des diverses espèces du genre Hæmogregarin«x. DEUXIÈME GROUPE : FORMES PIGMENTÉES Tout au début de leur évolution, les formes destinées à acqué- rir du pigment sont peu ou pas distinctes les unes des autres. Gonsidérées au cours de leur accroissement, elles se rangent en deux séries à caractères bien distincts; dans l'une, le plasma demeure entièrement incolore après l’action du bleu de méthy- lène ; dans l’autre, il est très légèrement et uniformément colo- rable par le même procédé. 1° Stades non colorables à gros grains de pigment. — Au stade de cette série le plus jeune en apparence, l’Hématozoaire affecte la forme irrégulière d'un amibe de 1 à 3 w de diamètre. Tantôt il est arrondi, tantôt allongé, souvent étranglé et figu- rant un 8 ou une petite gourde. Très vite, il acquiert un ou deux petits grains de pigment (fig. 9 à, b, ec, d). Un peu plus tard il a perdu la forme étranglée en 8 pour prendre communément celle d’un rein large et court dont le bord concave regarde le noyau du globule. Il a acquis un nombre peu considérable de grains de pigment, de couleur brune plus ou moins foncée, dont la plupart sont volumineux. Ces grains de pigment sont ou disséminés dans sa substance (PL. VIIL, fig. 10, 11, 12), ou relégués à la périphérie. Quelquefois ils paraissent extérieurs au parasite (fig. 11); c’est une apparence très rare, qui résulte probablement d’une contraction du parasite postérieure à sa sortie du vaisseau. Aux stades plus avancés, le volume augmente, mais la forme demeure la même. Les indi- vidus les plus volumineux ne dépassent guère la moitié du glo- bule sanguin, avec un diamètre de 6 à 10 &. À aucun moment, les grains de pigment ne présentent un groupement régulier, pres- que toujours ils sont dispersés à la périphérie du corps sans aucun ordre. Ces grains sont assez volumineux et toujours en petit nombre, rarement plus de six. Les stades que nous venons de décrire sont doués de mouvements amiboïdes très lents (fig. 12 &, b, €, d). Le corpuscule à l’état frais est transparent, sans granulations ni noyau visible et si ce n'étaient les grains de pigment qu'il 342 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. renferme, on le prendrait pour une vacuole du globule. Desséché et fixé il n’est nullement colorable par le bleu; par l’action pro- longée de l’éosine, on arrive quelquefois à colorer légèrement sa partie centrale. Sur des préparations déjà vieilles, nous avons pu démontrer que cette partie centrale est un noyau volumineux qui se colore par la méthode de Laveran (fig. 10 b). 26 Stades colorables à petits grains de pigment. — Les parasites de cette série ne se dilférencient guère au stade le plus jeune de ceux de la précédente (fig. 9 à. b, c, d), mais à partir du moment où ils ont acquis un certain nombre de grains de pig- ment, la dimension et l’arrangemeut de ces grains permettent de les reconnaître même à l’état frais. De bonne heure en effet ces grains se disposent en groupes, ils ont un volume plus petit et sont plus nombreux que dans les stades de même âge de la série précédente (fig. 13 &). A un état plus avancé, la forme des parasites est généralement allongée et incurvée; ses deux extrémités sont arrondies, mais l'une est en général plus renflée. Les grains de pigment sont réunis en groupes dont le plus important affecte presque tonjours la forme d’un anneau. Les grains qui ne font pas partie de l’an- neau forment un seul ou deux groupes, relégués à une ou aux deux extrémités du parasite. Nous avons observé plusieurs fois un mouvement très vif d’une partie des grains de pigment; ils formaient alors trois groupes, un à chaque extrémité et un inter- médiaire. C’est dans ce dernier qu’on voyait des grains mobiles (lig. 16). Ua certain nombre de parasites montrent deux à quatre petites sphères réfringentes qui sont peut-être des vacuoles (lig. 14 a et fig. 16). Les mouvements amiboïdes existent à tous les stades pareils à ceux constatés dans l’autre série pig- meutée: ils ne se produisent plus quand le parasite est mis en liberté dans le plasma. par dissolution à l'air du globule de l’hôte. Les corps les plus volumineux, comme dans le cycle précédent, dépassent assez rarement la moitié de la longueur d’un glubule sanguin, soit 9 à 104 (fig. 14). Outre leur forme et l'arrangement de leurs grains de pigment qui les font reconnaître à première vue, à l'état frais ou fixés, les stades de cetie série offrent un caractère distinctif important, la colorabilité : ils prennent le bleu de méthylène assez faible- HÉMATOZOAIRES ENDOGLOBULAIRES DES REPTILES. 343 ment à la façon des parasites du paludisme humain. Cette colo- ration par le bleu est généralement uniforme, parfois plus claire au centre, Quand existent les sphères ou vacuoles réfringentes dont nous avons parlé, celles-ci ne se colorent pas (fix. 14 a). Par la méthode de Laveran, nous avons fait apparaître dans ces formes un noyau qui est en général situé dans la partie la plus volumineuse du corps et entouré par les grains de pigment en anneau (fig. 14, c). L’analogie des deux formes pigmentées de Hæmamæba Metch- nikovi avec les stades pigmentés des Hæmameæba des oiseaux est complète. Les différences que ces deux formes présentent entre elles, volume des grains de pigment, colorabilité du plasma, volume du noyau. sont de même ordre que celles que les travaux d'Opie (98), Mac Callum (98) et Laveran (1900) ont révélées entre les formes mâles et femelles de Hæmamæba Dani- lewsky et Hæmamæba relicta. Par suite nous devons considérer les stades à gros grains de pigment et à noyau volumineux de notre parasite, comme des gamèles mâles, et ceux à petits grains, à protoplasma ni colorable par le bleu de méthy- lène, comme des gamètes femelles. Le globule sanguin de Trionyx indicus, parasité soit par les formes pigmentées, soit par des formes vermiculaires, ne paraît pas souftrir beaucoup. Il est rarement déformé et le noyau conserve presque toujours sa situation, sa colorabilité el son volume normaux. La phagocytose s'exerce avec plus ou moins d'intensité pour les diverses formes du parasite; c’est dans la rate et dans le poumon qu'on l'observe surtout. Les stades dont nous avons constalé l’englobement par des phagocytes appartenaient en majeure partie aux formes pigmentées, quelques-uns aux formes caudées, aucun aux formes vermiculaires (fig. 17, 18, 19, 20). VI CONSIDÉRATIONS SUR LA SPÉCIFICITÉ DES FORMES PARASITES DES GLOBULES SANGUINS DES REPTILES Nous avons au début de ce mémoire signalé les lacunes de nos connaissances concernant les hématozoaires endoglobu- laires des reptiles. En ce qui concerne les hémogrégarines, on 344 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. connaît un certain nombre de stades inclus dans les globules et quelques formes de multiplication endogène, en particulier celles de Hæmogregarina Stepanovi bien étudiées par Laveran; mais, même pour ce dernier parasite, le mieux connu de tous, nous ne savons pas la signification de toutes les formes, en particu- lier de stades effilés, très mobiles, et de stades pourvus à unede leurs extrémités d’un renflement volumineux, qui ont été vus par Danilewsky, par Sawchenko et par nous dans le rein de Emys orbicularis. D'autre part, les stades de reproduction endogène que Danilewsky, Laveran, Billet, Labbé, Adolphe Lutz et nous- même avons observés dans le sang des organes internes, qui se rencontrent de préférence dans les capillaires du foie, du poumon, des os et de la rate, paraissent constituer des corps à mérozoïtes, destinés à la multiplication du parasite dans Îles tissus de l'hôte. S'il existe des conjugaisons, des formes de reproduction sexuée, nous n'avons pas su jusqu'ici les distingner. Enfin nous ne connaissons pas les formes qui permettent le transport du parasite d’un individu à un autre. A ce point de vue, ni les recher- ches que nous avons pratiquées sur des sangsues habituelles aux tortues de la Jumaa, ni celles sur des uncinaires très communs dans la gueule de divers serpents, n’ont eu jusqu’à présent aucun résultat ; personne n’a signalé non plus de faits en faveur d’une transmission soit par les moustiques, soit par des parasites de la peau. Si l’on ajoute à cela que jusqu'ici les procédés d’inoculation n’ont pas abouti à des succès positifs, on voit que nous man- quons des meilleurs éléments pour distinguer et caractériser des genres et des espèces. On est réduit à cet égard à se baser uniquement sur la morphologie des stades connus des parasites. D’après les descriptions des divers auteurs et en particulier d’après les travaux de Laveran, nous croyons qu’on peut ranger dans le genre Hæmogregarina tout hématozoaire endoglobulaire, dépourvu de pigment à tous les stades chez son hôte connu, dont les stades adultes possèdent un noyau de substance cyano- phile, et dont certains stades endoglobulaires ont la forme de vermicules repliés ou caudés. Un autre caractère qui appartient provisoirement à ce genre est l'impossibilité de distinguer des formes sexuées. HÉMATOZOAIRES ENDOGLOBULAIRES DES REPTILES. 345 Pour ce qui est de caractériser les espèces, nous estimons qu'on doit provisoirement considérer comme espèces distinctes seulement les parasites dans l’évolution desquels on trouve, en outre de stades communs à d'autres espèces, des stades cons- tamment et nettement différents de tous ceux connus. Telestle principe que nous avons appliqué aux trois Hæmo- gregarina décrites plus haut : H. Mesnili est caractérisée par le stade vermiculaire à trois branches entrelacées ; H. Laverani par le stade réniforme à deux corpuscules incolorables; H. Han- kini par les gros vermicules recourbés dans le globule et rejoi- gnant leurs extrémités de manière à dessiner un anneau ovale régulier. Nous avons décrit, comme s'ils appartenaient au même para- site, tous les stades rencontrés dans chaque espèce hôte à côté du stade caractéristique. Il y a lieu de se demander si les séries de formes assez différentes du sang de Emys tectum jou d’autres Reptiles sont réellement les chaînons d'un cyele évolutif unique, ou si plusieurs hématozoaires vivent côte à côte dans les globules sanguins. { On sait d'une manière positive que le sang peut être parasité simultanément par plusieurs espèces extraglobulaires, trypano- somes, nématodes, etc..…., mais la présence, dans le sang d’un même individu, de plusieurs parasites endoglobulaires est loin d'être fréquente, Bien mieux, il est encore très peu de cas où l'on ait démontré qu’une même espèce animale pouvait offrir l’hospitalité de ses globules successivement à plusieurs parasites endoglobulaires. Au contraire, sil’on considère une région limitée du globe, ce fait paraît être général, qu'à une espèce donnée d'hématozoaire endoglobulaire corresponde une espèce d'animal hôte ou un groupe d’espèces voisines. Si nous prenons les oiseaux, par exemple, nous voyons que chez le pigeon, dans les pays où il est sujet à cette maladie, c’est toujours le même hématozoaire et celui-là seul qu’on rencontre. Parmi les reptiles nous trouvons Emysorbicularistoujours porteur des mêmes Hæmo- gregarina Stepanovi et 11 n’a jamais été avancé, par aucun des savants qui ont examiné cette espèce de tortue dans différentes contrées d'Europe, qu’elle renfermät, soit une espèce différente de celle décrite par Danilewsky, soit d’autres espèces, en même temps que cette dernière. Il y a pourtant deux exceptions : 346 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Opie (98) a rencontré trois fois les formes Hæmamcæba Danilewsky et Hæmamæba relicta, réunies chez un même individu. D'autre part, parmi les nombreuses divisions créées par Labbé dans Pancien genre Drepanidium, Laveran (99) a retenu comme espèces distinctes deux Hæmogregarina : H. ranarum et H. splen- dens, qui peuvent se rencontrer simultanément chez Rana escu- lenta. A part ces deux exceptions établies par des auteurs com- pétents, il est de règle générale qu'on trouve dans un hôte une seule espèce endoglobulaire et, dans la même région, ce même parasite chez tous les hôtes de même espèce. Notre présomp- tion que toutes les formes rencontrées chez Emys tectum sont des stades d’un seul parasite, qu’il en est de même pour Îles hématozoaires de Cryplopus granosus et Gavialis gangeticus, est donc en harmonie avec des faits acquis. L’objection la plus importante qui se soit présentée à nous, c'est que nous n'avons pas trouvé chez tous les Emys tectum examinés la totalité des stades décrits: souvent une série entière ou même plusieurs nous ont paru manquer dans le sang périphérique. Mais on sait que tous les stades des hématozoaires, dans la plupart des cas, ne se rencontrent pas simultanément chez l'hôte ct le paludisme humain nous en est un bel exemple. Pour Emys tectum en par- ticulier, chez un individu conservé très longtemps en labora- toire, nous avons trouvé, seulement au bout de six mois, des stades en longs vermicules à trois branches. Cet Emys renfer- mait donc bien l'espèce H. Mesnili alors même que les seuls stades visibles étaient des vermicules très voisins en apparence de ceux de Hæmogrequrina Stepanovi. Si l’on compare les stades rencontrés chez des espèces ani- males éloignées, on voit s’accentuer les différences morphologi- ques entre leurs hématozoaires respectifs; c’est ce qui ressort clairement de notre description des parasites de Emys, Cryptopus et Gavialis. ; La question d'unité ou de pluralité d'espèces endoglobulaires chez Trionyr indicus est encore plus compliquée que dans les cas précédents. Nous sommes ici en présence de stades, pigmentés qui doivent sans hésitation être rapportés au genre Hæmamæba et, à côté de ces stades, nous voyons des formes que rien n’au- torise à séparer du genre Hæmogregarina. N est donc fort difficile HÉMATOZOAIRES ENDOGLOBULAIRES DES REPTILES. 347 d'admettre à première vue qu'il s’agit de deux séries de stades d'un même parasite. Il y a cependant quelques argu nents à in- voquer en faveur de l'unité parasilaire. Chez tous les Trionyx porteurs d'Hæmamæba, on rencontrait des formes hémogréga- riniennes. Entre les unes et les autres formes on constalait une certaine analogie de volume, les plus grosses des deux catégo- ries dépassant rarement la dimension de la moitié d’un globule. Enfin l'existence de stades d'apparence hémogrégarinienne dans le cycle d'Hemamæba n’est pas un fait inconnu : les pseudover- micules décrits chez certains oiseaux par Danilewsky (89) puis par Kruse, L. Pfeiffer et Mac Callum, ont l'apparence de vérita- bles formes de Hæmogregarina ; ua des points les plus singuliers de l'histoire de ces corps est de les voir, après qu'ils ont succédé à un Hæmamæba, dont le noyau était invisible à l'état frais et in- colorable par le bleu de méthylène, manifester, aussitôt tranfor- més en verimicules, un noyau semblable à ceux des stades de H. Stepanovi. Mac Calium a montré que ce vermicule provient du corps femelle fécondé, il est donc appelé à devenir une forme de reproduction. Bien que rien n'autorise à le rapprocher des hémogrégarines, il nous semble que cette analogie de forme mé- ritait d'être signalée à propos des stades vermiculaires qui accompagnent constamment les formes typiques de Hæmamæba Metchnikovi. Nous avons exposé les arguments qui plaident pour ou con- tre l’individualité spécifique des formes décrites ici comme des espèces nouvelles. On ne saurait considérer la question comme résolue, nous le répétons, tant que, soit par la connaissance du cycle complet, soit par l’expérimentation, on n’aura pas démon- tré que ces stades s’enchaînent les uns aux autres ou n’ont au contraire aucun lien entre eux. CONCLUSIONS Il existe des hématozoaires endoglobulaires chez les Croco- diliens aussi bien que chez les autres ordres de Reptiles. Nous avons constaté l'existence chez une tortue d'eau douce, Trionyx indicus, d'un hématozoaire qui doit être rangé dans le genre Hæmamwæba. Si donc la plupart des Reptiles sont parasilés par Hæmogregurina, on ne saurait considérer celte règle comme absolue. 348 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Les hématozoaires endoglobulaires considérés chez des Rep- tiles différents offrent des différences d’autant plus accentuées que les espèces hôtes sont plus éloignées. Il est possible, malgré l'imperfection de nos connaissances surle cycle évolutifdes hématozoaires des Reptiles, de distinguer des espèces différentes certaines, à la condition de n’admettre comme telles que celles qui possèdent desstades MOrpROEMLESS ment caractéristiques. En considérant les faits connus chez les Oiseaux, ou chez les Reptiles dont les parasites, comme Hæmogregarina Stepanovi, ont été bien étudiés, on peut admettre comme règle générale qu’à une espèce hôte donnée ou à un groupe d’espèces voisines cor- respond une espèce de parasite endoglobulaire ; que si l'espèce hôte est susceptible d’être infectée par plusieurs parasites, on ne les rencontre pas dans son sang simultanément. Cette règle néanmoins souffre des exceptions et:lon connaît deux cas certains d'infection simultanée par deux parasites. En dépit de ces exceptions il est vraisemblable que les formes variées trouvées chez Emys tectum appartiennent à une espèce unique et qu’il en est de même pour celles décrites chez Cryptopus granosus et Gavialis gangeticus. I est plus difficile de penser que les formes hémogrégariennes trouvées chez Trionyx indicus, à côté des stades pigmentés de Hæmamæba, fassent partie du eycele évolutif de ce dernier parasite. La reproduction expérimentale de l'infection et, à défaut, la connaissance plus parfaite de l’histoire naturelle des hémato- zoaires des reptiles pourront seules permettre de résoudre cette question de l’unité ou de la pluralité des espèces parasites des globules chez chacun des Reptiles qui ont fait l'objet de nos recherches. Nous adressons à nos éminents maîtres, MM. Metchnikof et Laveran, dont les conseils autorisés nous ont été précieux pour tous nos travaux concernant les Sporozoaires, l’expression de notre affectueuse gratitude. MÉMOIRES CITÉS 95. — Brzzer, Hématozoaires endoglobulaires des serpents, C. R. Soc. de Biologie, 1895, p. 30, et Bull. scient. France et Belgique, t. XX VIII, 2e partie, 1898, p. 279. HÉMATOZOAIRES ENDOGLOBULAIRES DES REPTILES. 349 1900. — Biczer, Sur un hématozoaire endoglobulaire du Platydactylus, C. R. Soc. Biol., 9 juin 1900. 1901. — Bricer, À propos de l'hématozoaire endoglobulaire pigmenté des Trionyx, Hæmamæba Metchnikovi, Simond, C. R. Soc. Biol., 9 mars 1901, 86. — DaniLewsky, Sur les hématozoaires des lézards, Archives slaves de Biologie, 1886. 89. — DaxiLewsky, La Parasitologie comparée du sang, vol. I et 1, Charkow, 1889. 98. — HAGENMULLER, Sur les Hémosporidies d’un ophidien, Arch. de zool. eæp., notes et revue, p. Lr, 1898. 94. — LapBsé, Recherches z0ol. et biolog. sur les par. endogl. du sang des Vertébrés, Arch. z00l. expérimentale, 1894. 99. — G. LanGmaxx, On Hœmosporidiàa in American Reptiles and Batracians, New-York Medical Journal, 1899. 98. — Laverax, Contribution à l'étude de Hæmogregarina Stepanovi, C. R. Soc. Biologie, oct. 1898. 98 bis. — Lavera, Les Hématozoaires endoglobulaires (Hæmocytozoa), Cinquantenaire de la Soc. de Biologie, Paris, 1899. 99. — Laveran, Sur une méthode de coloration des noyaux applicable en particulier à l'étude des hématozoaires endoglobulaires, C. R. Soc. Biologie, 9 juin 1900. 1901. — A. Lurz, Ueber die Drepanidium der Schlangen, Centr. [. bakt., Abth. I, 21 mars 1901. 98. Mac Cazzum, On the Hæmatozoan infection of birds, The journal of exæperim. Med., 1898, p. 117. 98. — L. OprE, On Hæmocytozoa of birds, The journal of experim. Med., 1898, p. 79. 91. — L. Prerrrer, Die Protozoen als Krankheiterreger, 2e éd., 1891, p. 81. 1901. — P.-L. Simoxp, Sur un hématozoaire endoglobulaire pigmenté des tortues, C. R. Soc. Biologie, 9 février 1901. 1901 bis. — P.-L. Simon», Sur un hématozoaire endoglobulaire (Hæwmo- gregarina Hankini), parasite du gavial, GC. R. Soc. Biologie, 16 février 1901. EXPLICATIONS DE LA PLANCHE VII 1. — Corps vermiculaire très jeune (bleu méthylène). 2 a, b, c. — Corps vermiculaire à un stade qui paraît succéder à celui de la fig. 1 (bleu méth.). 3 a, b. — Grandes formes vermiculaires à noyau fragmenté (bleu méth.). 4 a, b. — Grandes formes vermiculaires à noyau fragmenté, à cyto- plasme légèrement colorable (bleu méth.). 5. — Grande forme vermiculaire analogue à fig. méth.). , :, repliée deux fois (bleu 350 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. 6 a, b, ©, d, e. — Grandes formes vermiculaires à noyau cyanophile compact (bleu méth.). 7 4, b. — Grands vermicules à noyau compact, repliés deux fois (bleu méth.). 1 c. — Même stade que fig. 7 a et b, à l’état frais. 8 a. — Grand vermicule à noyau divisé en deux parties, à cytoplasme colorable (bleu méth.). 8 b. — Même stade que fig. 8 a, avec cytoplasme incolorable (bleu méth.), 9 a. — Grand vermicule devenu mobile après lyse du globule hôte dont le noyau seul persiste (état frais). 9 b, c, d. — Mème vermicule que fig. 9 4, en mouvement dans la pré- paralion (état frais). 10. — Jeune forme ovalaire nucléée (bleu méth ). 11. — Jeune forine ovalaire dont la substance cyanophile n'est pas massée (bleu méth.). 412. — Parasite à deux noyaux paraissant résulter de l'accolement de deux corps pareils à celui de la fig. 10 (bleu méth.). 43 a, b, c. — Corps ovalaires jeunes paraissant résuller de soudure ou aecolement de deux individus (bleu méth.). 14. — Corps ovalaire semblable à ceux de la fig. 13, à l’état frais. 15 a, b, €. — Grands corps ovalaires, à noyau compart, qui semblent résulter de la soudure des branches de vermicules semblables à ceux des fig. 4, 5, 6(bleu méth.). 16 &, b. — Corps ovalaires où la substance cyarophile est diffuse et irré- gulièrement répartie à la périphérie en masses nuageuses (bleu méth.). 17 a, b, c. — Corps ovalaires dont la substance cyanophile est condensée en un grand nombre de grains ou nucléoles répartis à la périphérie (bleu méth.). 18. — Individu possédant à la fois des grains cyanophiles et de la subs- tance cyanophile diffuse (bleu méth.). 19. — Corps ovalaire analogue à fig. 18 (bleu méth.). 20. — Vermicule replié à deux branches pourvues chacune d'un noyau allonge (bleu méth.). EXPLICATIONS DE LA PLANCHE VIII 1 a, b. — Formes très jeunes de la série des stades caudés {état frais). 2 a, b, c. — Mêmes formes que fig. 1, colorées (bleu méth.). 3 a, b,c. — Stades jeunes de la série caudée, à noyau double (bleu méth.). 4 a, b, c. — Stades pourvus de queue, jeunes, mononuclées (bleu méth.). 9 4, b. — Slaies caudés binucléés. 6 a, b. — Stades caudés ayant atteint leur dimension maximum (bleu méth.). HÉMATOZOAIRES ENDOGLOBULAIRES DES REPTILES. 351 6 c. — Stade caudé de la plus grande dimension (état frais). 7. — Forme très jeune de la série des stades verm'eulaires (bleu méth.). 8 a. — Stade vermiculaire de taille moyenne (état frais). 8 b. — Stade ver miculaire de la plus grande dimension (bleu méthyl.). 9 a, b, c, d, — Formes jeunes de la série des stades pigmentés (bleu méthyl.). 10 a. — Stade à gros grains de pigment à plasma non colorable, de grandeur moyenne (bleu méthyl.). 10 b. — Stades à gros grains de pigment à plasma non colorable dont le noyau a été mis en évidence par la méthode de Laveran (coloration de Laveran sur une préparation au bleu, vieille). 41. — Stade à plasma non colorable volumineux, à gros grains de pig- ment qui semblent extérieurs au parasite après la fixation (ble méth.). 12 4,b, c. d. — Parasite à gros grains de pigment, mobile dans le glo- bule immédiatement après la sortie des vaisseaux, et qui a passé en quelques minutes par les formes #, b, c, d (état frais). 13 4. — Jeune stade à plasma colorable et à petits grains de pigment (élat frais). 43 b. — Siade à plasma colorable uv peu plus avancé que celui de la fig. 13 a (bleu méth.). ë 14 a. — Slade à plasma colorable et petits grains de pigment, de gran- des dimensions (bleu meth.). 14 b. — Un parasite de la série à petits grains et un à gros grains de pigment réunis dans un globule (bleu méth.). 14 c. — Grande forme à pelits grains dont le noyau a été mis en évi- dence par la méthode de Laveran, sur une vieille préparation au bleu de mélhylène. 15. — Forme à petits grains de pigment, en mouvement dans le globule (état frais). 16. — Forme à petils grains de pigment dont quelques-uns sont animés de mouvements très vifs (état frais). 17. — Phagocyte de la rate contenant deux parasites pigmentés colorables et un incolorable (bleu méih.). 18. — Phagocyte de la rate contenant un individu de la série pigmentée colorable (bleu méth.). 19. — Phagocyte du poumon contenant un individu de la série des stades caudés (bleu méth.). 20. — Phagocyte du poumon contenant un parasite à gros grains de pig- ment et à plasma incolorable (bleu méth.). RECHERCHES SUR LA Digestion intraceluaire el les Diastases des ACUNES Par M. FÉLIX MESNIL. (Travail du laboratoire de M. Metchnikoff.) Nos connaissances sur les diastases digestives des Inver- tébrés sont encore bien peu précises, et, en particulier, nous savons peu de choses sur celles qui agissent intracellulairement. Or, à ce dernier point de vue, les Actinies ou anémones de mer constituent un matériel de choix. Grâce à leurs dimensions rela- tivement considérables, gràce à la localisation de la région di- gestive, il est facile d’en extraire des diastases en quantité con- venable et à un degré de pureté relatif, ce qui est impossible si l’on s'adresse aux autres Cœlentérés, aux Éponges', aux Platyelminthes ou aux Protozoaires, c’est-à-dire aux autres animaux qui possèdent le pouvoir de digestion intracellulaire. Et il est particulièrement intéressant de comparer ces diastases qui agissent à l’intérieur même de la cellule qui les sécrète, d'une part aux diastases des animaux supérieurs à digestion extracellulaire, d’autre part à ces produits leuco- cytaires, dénommés alexines où cytases, dont le caractère lysi- nant vis-à-vis d’une foule de cellules apparaît nettement à la suite des travaux de ces dernières années et qui, physiologi- quement, manifestent leur action à l’intérieur du leucocyte qui les produit. Aussi ai-je volontiers accepté la proposition de mon vénéré maître, M. Metchnikoff, d'étudier à nouveau la digestion chez les actinies. Mes recherches ont été effectuées partie au bord de la mer, partie à l’Institut Pasteur ; ni les conseils éclairés mi 4. Les quelques données que l’on possède sur les diastases des Éponges sont bien peu précises. — Toute cette question de la digestion intracellulaire chez les animaux inférieurs est très bien exposée par Hédon dans le chapitre Dicesrion du Dictionnaire de physiologie de Ch. Ricner, t. IV, 1900. DIGESTION CHEZ LES ACTINIES. 393 l'intérêt bienveillant de M. Metchnikoff ne m'ont fait défaut. Mes collègues de l'Institut Pasteur, plus versés que moi dans l'étude des diastases et des produits de leur action, m'ont donné souvent des avis précieux dont je leur suis très recon- naissant. Par Au bord de la mer, j’ai opéré surtout sur l’Anemonia sulcata Penn. (— Anthœa cereus EIL. et Sol.), belle actinie à longs ten- tacules, particulièrement commune dans l’anse Saint-Martin, près de Cherbourg, où toutes mes études ont été faites. Cette actinie est surtout abondante dans les mares creusées dans les roches granitoïdes de la région; beaucoup de ces mares sont accessibles à toute marée, et comme l’actinie est absolument sédentaire, on peut faire toutes les expériences de nourriture dans son habitat naturel, c’est-à-dire dans les conditions les meilleures. | A Paris, j'ai opéré avec des actinies venant d'Arcachon (envois de la Station zoologique) et comprenant surtout des Adamsia Rondeletti D. Ch. (= Sagartia parasitica) et quelques Actinia equina L. ; il m'a été bien difficile de faire avec elles, dans des cristallisoirs, des expériences in vivo. Mais elles m'ont servi à la préparation, en grande quantité, d’extraits diasta- siques dont j'ai pu étudier l’action concurremment avec ceux provenant des actinies de l’anse Saint-Martin que je rapportais à la fin de mes séjours au bord de la mer. LS * x La digestion chez les Actinies a déjà donné lieu à un grand nombre de travaux. Ce qui frappe les anciens observateurs, c’est que, chez des animaux aussi voraces, capables d’ingurgiter et de digérer de grosses proies, le suc digestif, ou plus exac- tement le liquide de la cavité du corps (cavité gastro-vasculaire ou cœlentérique), se montrait peu ou pas actif. La solution de cette énigme a été fournie en 1880 par Metchnikoff ‘ qui observa que la digestion s'accomplit à l'intérieur des cellules endodermiques et en particulier de celles qui tapissent les « filaments mésenté- riques », sortes de masses à la surface méandriforme, formées de cordons pelotonnés qui bordent les cloisons rayonnantes ou septa de la cavité gastro-vasculaire. Les auteurs plus récents, 1. Mercuxixore, Zool. Anseiger, 1880, p. 260, et 1882, p. 310. 23 354 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Willem ‘, Chapeaux *, Bjelooussow *, ont confirmé cette donnée et la discussion ne porte que sur la question de savoir si, en dehors du processus digestif intracellulaire, il n°y a pas un com- mencement de digestion ou simplement une dissociation des aliments, soit par le liquide de la cavité gastro-vasculaire (Willem, Chapeaux), soit au contact intime des cellules sécré- tantes (Krukenberg). Ce dernier auteur ‘, dont les travaux sont contemporains de ceux de Metchnikoff, pensait même que tout l’acte digestif est extracellulaire. La solution de cette question est d'une grande importance théorique au point de vue de l'interprétation des résultats des expériences de digestion à l’aide des extraits diastasiques. Si, comme je vais chercher à le prouver, lout l'acte digestif est intracellulaire, les diastases que l'on extrait sont précisément celles qui, physiologiquement, agissent intracellulairement, et les résultats obtenus in vitro formeront une contribution inté- ressante à la question des produits enzymatiques à action intra- cellulaire ou endodiastases ; en particulier, leur comparaison avec les alexines reposera sur une base sérieuse. L'étude in vitro de la diastase des actinies (je l’appellerai, pour abréger, actinodiastase en donnant à ce mot le même sens générique qu'on donne à celui de diastase) a été ébauchée par Léon Frédéricq *, puis par Krukenberg (1. c.) et Chapeaux (/. c.). Le résultat le plus net de leurs recherches est que l’actino- diastase renferme une trypsine. Il paraît y avoir une certaine contradiction entre cette notion et celle que l’on doit à Met- chnikoff 5 et à Chapeaux, du virage au rouge du tournesol dans les vacuoles digestives. Nous verrons, en précisant les condi- tions d'action de l’actinodiastase, que la contradiction n’est qu’apparente. À côté de protéases, l’actinodiastase renferme 1. Wiizem, Bu!l., Soc. médecine Gand, nov. 1892, p. 295 (extrait 2x Zoo. Anseiger, 1893, p. 10). 2, Caareaux, Bull, Acad. royale Belgique, 3° série, t. XXV, 1893, et Archic. zvol. expérim.3° série, I, 1893, p. 159. 3. BreLooussow, Etudes de physiologie sur les Actinies (Travail de la Station goologique Sébastopol, 1895), [en russe]. 4. KrukeNBenG, Ueber den Verdauungsmodus der Actinien, Vergleich. physiol. Studien, etc., It Abth., 1880 et Vergleich. physiol. Vorträge, 11, Grundzüge einer vergleich. physiol. der Verdauung, 1882. 5. Léon Frenerico, Bull. Acad. royale Belgique, 2° série, t. XLVTI, 1878, p- 226. 6. Mevcanikorr, Ann. /nst. Pasteur, avril 1893 (voir page 348). DIGESTION CHEZ LES ACTINIES, 399 d'autres enzymes que j'ai cherché à mettre en évidence par des expériences précises. J’ai été ainsi amené à rechercher les fac- teurs qui favorisent et ceux qui entravent ces diverses actions diastasiques; en un mot, à faire une étude aussi complète que possible de l’actinodiastase. Y A-T-IL DIGESTION EXTRACELLULAIRE CHEZ LES ACTINIES ? Metchnikoff, en découvrant, en 1880, la digestion intracel- lulaire des Actinies, considéra ce mode de digestion comme d'importance primordiale chez ces organismes. Il ne pense pas (il le dit explicitement dans son mémoire de 1882), contraire- ment à l'opinion exprimée par Balfour dans son Traité d'Em- bryologie, qu'il y ait à la fois digestion intracellulaire et diges- tion extracellulaire. Etil rapporte, pour corroborer son opinion, les vieilles et curieuses expériences de Couch et Lewes ! qui n'ont jamais obtenu de digestion des matières nutritives en- fermées dans des tuyaux de plume, des morceaux de papier réactif ou de taffetas gommé, et celles plus récentes de Kru- kenberg, à la suite desquelles ces savants conclurent à l'absence complète de sucs digestifs dans les cavités gastriques des Actinies ?. Les Hertwig, dans leur belle monographie des Acünies *, parlent bien de sécrétion de sucs digestifs, mais ils ne donnent aucune preuve positive à l’appui de leur manière de voir, basée sur de pures considérations anatomo-histolo- giques. Plus tard, Willem, qui croit « qu'il existe réellement une sécrétion à propriétés digestives dans la cavité cœlentérique », ne donne aucun argument probant: il regarde simplement comme impossible la digestion d’un animal entier, tel qu’une “crevette, dont la carapace reste intacte, sous le concours d’un processus extraceflulaire. Chapeaux a cherché à serrer la ques- 4. G. H. Lewes, Sea-side Studies, Edimbourg et londres, 1858. 2. Déja auparavant, Hollard (Ann. Se. Val. Zool., tome XV, 1851, p. 288}, qui ne mettait pas en doute l'existence d’une digestion dans la cavité gastrique avait noté « les faibles réactions chimiques » des sucs du canal alimentaire. 3. O. et R. Herrwic. Jenaische Zeitschr., XII, 1879, p. 561, 396 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR, tion de plus près, et il base son opinion de l’existence d’une digestion dans la cavité gastro-vasculaire sur deux ordres de preuves : 1°) La réaction du liquide qui sort d'une actinie quand, après l'avoir retirée de l’eau de mer et lavoir égouttée, on la presse, est plus alcaline que celle de l’eau de mer; avec Pali- zorine sulfo-conjuguée d'Ehrlich, on a une teinte violette avec le liquide de l’actinie, rose violacée avec l’eau de mer. J'ai reproduit cette réaction avec des actinies (Adamsia Ron- delelti, synonyme de Sagartia parasitica dont Chapeaux dit s'être servi) d'Arcachon et aussi avec des Anenomia sulcata de l’anse Saint-Martin. Le liquide de ces dernières était extrait. aussitôt l'animal retiré de la mer. J'ai opéré avec des Anemonia, dont la cavité du corps était vide d'aliments, sur un individu en train de digérer une grosse proie (crabe), sur divers autres qui avaient reçu la veille ou bien des matières inertes (poudre de carmin) ou bien des matières nutritives (fibrine de pore, caillot de mouton, etc.). Avec les liquides de toutes ces actinies, j'ai eu une coloration rouge violacée, exactement comme avec l’eau de mer. L’alcalinité de ces liquides est donc sensiblement celle de l’eau de mer. C’est l'opinion des anciens auteurs (Lewes, Hollard) ; 2° Le liquide extrait des actinies agit sur la fibrine; son action est principalement dissociante. La critique précise de ces expériences de Chapeaux est difficile, car il ne donne aucun détail ; il ne dit pas si la fibrine qu'il a employée était cuite ou crue, quelle était la température d'action, etc. Il n'en est pas moins vraisemblable que les phénomènes de dissociation qu'il a observés rentrent soit dans les cas de « digestion chlorofor- mique » de de Marbaix et Denys, soit plutôt dans ceux de « digestion saline » de Dastre. J'ai fait agir, sur de la fibrine crue de mouton, ou de porc, ou sur des globules ou des caillots de mouton, à 18-20°, en milieu chloroformé, le liquide retiré d'actinies placées dans les diverses conditions que j’ai indiquées dans l'alinéa précédent. L'aclion dissociante et un peu dissol- vante qui se produit est identique à celle que l’on oblüent en se servant d’eau de mer chloroformée. On ne peut donc pas parler d’une action particulière du liquide des actinies. Si l’on opère avec de la fibrine chauffée à 58° (c’est-à-dire DIGESTION CHEZ LES ACTINIES. 397 débarrassée de toutes les diastases qu'elle entraîne du sang), l’action digestive des liquides de la cavité gastro-vasculaire est complètement nulle, même à 36° et au bout d’un temps très long. J'ai constaté que ces liquides n’ont ni action présurante, ni action lipasique; Chapeaux lui-même a reconnu que leur action amylolytique est nulle‘. Ces liquides, normalement, ne précipitent ni par la chaleur n1 par le sulfate d’ammoniaque ; ils n'ont aucune réaction des albuminoïdes. Comme lont fait remarquer Couch et Lewes depuis longtemps, leur composition semble différer peu de celle de l’eau de mer. Quant aux observations de Chapeaux faites sur le vivant, elles ont pour but, le processus extracellulaire étant admis, de déterminer l’origine de la diastase qui agit extracellulairement. J1 la trouve dans les filaments mésentériques et note l’action directe de ces filaments. Nous sommes amenés ainsi à l'opinion émise par Krukenberg et combattue dès 1882 par Metchnikoff, qu'il y a action digestive au contact intime des cellules diges- tives et des matières nutritives. C’est la seule digestion extra- cellulaire qu'admette Krukenberg qui nie les propriétés digestives du liquide gastro-vasculaire. Or, mes observations sur la digestion des caillots d'oiseaux (poule, oie) prouvent manifestement que cette manière de voir est encore inexacte. Si l’on ouvre une actinie (Anemonia), 5 à 6 heures après l’ingestion d’un caillot, on constate par observa- tion au microscope que les globules, dans la partie restée extracellulaire du caillot, ont, sauf de très rares exceptions, conservé leur forme et leur hémoglobine, même ceux qui sont au contact intime des filaments mésentériques. En revanche, la majeure partie des globules intracellulaires sont devenus sphériques et leur hémoglobine commence à diffuser; quelques- uns montrent des formes de passage entre l'ellipsoïde et la sphère. Cette observation, très facile à vérifier, prouve donc, d’une façon évidente et mieux que les expériences à résultat 1. Ce liquide n'est pas non plus microbicide. Chapeaux à vu des algues vertes y vivre plusieurs jours. En particulier, il n’est pas bactéricide : j'ai constaté que si l’on donne à une actinie une grande quantité de fibrine, la partie non digérée de cette fibrine présente le lendemain un commencement de putréfaction dans la cavité gastro-vasculaire. C'est de la même façon qu'il faut expliquer le com- mencement de putréfaction que présentent dans cette cavité les proies vyolumi- neuses qui ne sont pas rapidement digérées: il est inexact de supposer qu’elles ont été ingérées à l'état de cadavres, 308 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. négatif exposées précédemment, qu'il n’y a ni digestion, ni acte préparatoire quelconque, ni dans la cavité cœlentérique ni au contact intime des filaments mésentériques. Il n'y à pas digestion extracellulaire chez les Actinies. — Nous expliquerons plus loin comment peut se faire la digestion des proies grosses et massives. Il DIGESTION INTRACELLULAIRE La digestion intracellulaire constitue donc le seul mode d’assimilation des aliments chez les actinies. D'ailleurs, il faut bien dire que les partisans de la digestion extracellulaire ne méconnaissent pas l'importance du processus intracellulaire.. Chapeaux, par exemple, s'exprime ainsi: chez les Coelentérés, «on peut dire que c’est à l’intérieur même de la cellule que se produit l'acte digestif proprement dit; c’est là que se fait la dis- solution, la transformation de la partie utile de la nourriture et non dans la cavité gastro-vasculaire ». Presque toutes les expériences que nous allons rapporter ici ont été faites sur des Anemonia sulcata, et dans les conditions de vie naturelles de ces animaux (température extérieure, 15-202). Quelques-unes ont été réalisées avec d’autres espèces, telles que Actinia equina, Bunodes gemmacea, etc. Nous pensons donc que nos résultats sont applicables à tout le groupe des Actinies, sauf peut-être avec de très légères variantes. Nous avons nourri nos Actinies avec les substances les plus diverses. Comme matières nutritives, nous avons employé les fibrines de porc et de mouton, les caillots de mouton, d’oie, de poule, le muscle du pied et les viscères d’escargot et de patelle, les muscles d’écrevisse et de crevette; comme substances inertes, des poudres diverses, comme la poudre de carmin, ou bien de tournesol; mais cette dernière n’est ingérée qu'avec un substratum nutritif. Nous avons aussi injecté ‘dans la cavité gastrique de nos actinies diverses couleurs dissoutes dans l’eau de mer. Rôle des filaments mésentériques. — Metchmikoff a montré le DIGESTION CHEZ LES ACTINIES. 399 premier que presque toute la nourriture carminée est englohée par les cellules endodermiques des filaments mésentériques ; il a nettement constaté que certaines régions de ces filaments, les régions médianes avec nombreuses cellules urticantes et glandulaires n’absorbent aucune nourriture, La même notion du rôle des filaments mésentériques ressort des observations de Krukenberg, en laissant de côté l'interprétation de cet auteur. Les travaux plus récents ont confirmé ces résultats. On peut mettre nettement en évidence ce rôle capital des filaments mésentériques en faisant ingérer à des actinies du sang, de la fibrine avec du tournesol, ou encore du carmin en poudre; dans les trois cas, le lendemain de l'expérience, en ouvrant l'actinie, on est frappé de la teinte rosée des filaments mésentériques ; la région rosée présente toujours un liséré gri- sätre constitué par la zone à mucus et à cnidocils qui n’a rien absorbé. Au microscope, à l’état frais ou sur des coupes, on distingue très nettement les régions muqueuse et digestive des actinies. Cette dernière ne renferme que de rares cnidocils ; elle a l'apparence d'un vaste plasmode où les frontières cellu- laires sont peu ou pas nettes. Chez certaines actinies, par exemple Anemonia sulcata, cette région digestive renferme quelques algues symbiotes (zooxanthelles;. Mais ces algues, qui se rencontrent toujours dans les cel- lules endodermiques, sont surtout nombreuses dans les régions du corps les mieux exposées à la lumière : tentacules et disque péribuccal. Si la nourriture donnée à l’actinie n'est pas trop volumi- neuse, l’absorption est localisée aux filaments mésentériques. Mais si elle est en très grande abondance, tout le revêtement endodermique peut participer à son absorption, comme l’a fort bien fait remarquer Willem. Ainsi, quand une Anemonia a reçu un gros caillot, le lendemain les filaments mésentériques ont leurs cellules digestives littéralement bourrées de globules, et de plus, on trouve des hématies dans les cellules endodermiques qui tapissent extérieurement l’œsophage, dans celles des tenta- cules, mais toujours en quantité beaucoup moins grande que dans le système mésentérique. Digestion du sang. — Il est facile d'observer la digestion d'éléments figurés tels que les globules du sang à l’intérieur des 360 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. cellules endodermiques. À première vue, 1l semble que les hématies englobées soient mélangées intimement au protoplasme de la cellule actinienne. Mais, à un examen plus attentif, on reconnaît la présence de vacuoles autour de ces globules; lob- servation est surtout facile quand ils sont par petits amas: il n'est pas rare d’en trouver des létrades séparées du protoplasme environnant par un léger espace clair. La première transforma- tion du globule est la mise en boule ; le phénomène est surtout net si l’on a affaire à un globule d'oiseau; le globule parait avoir diminué notablement de volume; en réalité, 1l est trans- formé en une sphère; mais, à ce moment, il n’a encore perdu aucune partie de son hémoglobine; aussi, paraît-il plus forte- ment teinté qu’une hématie normale. A l’intérieur, le noyau n’est pas visible. Mais, dans les pré- .parations colorées, on le retrouve avec sa structure chroma- tique normale. Tantôt il est au centre de la sphère, tantôt il est excentrique; parfois, il a gardé sa forme elliptique; d’autres fois, il est devenu sphérique. Ce dernier phénomène, que j’ai observé nettement chez des Actimia equina nourries de sang 3 jours aupa- ravant, indique que la membrane du noyau finit par être atta- quée. Dès que l’hématie est devenue sphérique, son hémoglobine diffuse peu à peu; déjà 6 à 7 heures après l’ingestion du caillot sanguin, l’hémoglobine s'échappe de l’hématie. Mais le phéno- mène présente son maximum vers la fin du 1° jour et dans le 2e jour qui suivent l'incorporation du sang. Une partie de l’hémo- globine passe dans la cavité gastro-vasculaire et circule dans toute l’actinie. Le lendemain et quelquefois le surlendemain d’une nourriture sanguine, la plupart des actinies ont leurs ten- tacules vivement teintés derouge: l’ablation d’undecesappendices et l'examen microscopique prouvent qu’il renferme à son inté- rieur un liquide coloré en rouge, sans hématies en suspension. Le noyau est la partie du globule qui est digérée en dernier lieu ; nous l'avons retrouvé intact au bout de 3 jours: au bout de 5 jours, des globules complètement décolorés montrent encore, en leur centre, un amas de granulations chromatiques. Formation d'un pigment vert d'origine sanguine. — La digestion de l’hématie ne parait donner naissance à aucun produit de déchet spécial dans la cellule endodermique où elle s’accomplit ; DIGESTION CHEZ LES ACTINIES. 361 on n'a rien, par exemple, de comparable aux transformations que M. Metchnikoff a observées dans les phagocytes des mammilères et même dans les cellules endodermiques des planaires. C’est ailleurs que se déposent des produits que lon doit vraisembla- blement regarder comme étant des excreta de la nutrition san- guine. Si l’on observe en effet une actinie, et de préférence une Anemonia sulcata, qui a mangé du caillot, deux ou trois jours après cette nourriture, on constate que ses filaments mésenté- riques, jusque-là jaune rougeätre, commencent à passer au vert. La partie digérante du filament renferme encore de nombreuses hématies ; mais les cellules de la région à mucus et à enidocils commencent à montrer de nombreux grains verts, arrondis, de 4 y. environ de diamètre. Dans la zone de contact entre les deux régions, digestive et muqueuse, on observe de l’hémoglobine dissoute dont la teinte passe peu à peu au vert. Nous pensons donc que le pigment vert est le produit d’une transformation de l'hémoglobine. Nous l'avons toujours observé après une nourriture sanguine (sang de mammifère ou d'oiseau) et jamais après nos autres nourritures. | Quand la digestion des hématies est terminée, le pigment vert persiste et il paraît se conserver très longtemps: il doit être peu à peu rejeté au dehors avec le mucus. Fréquemment, nous avons observé des actinies, ayant mangé plusieurs fois du sang, en train de rejeter un paquet de mucus fortement teinté en vert par le pigment en question. Lorsqu'on nourrit une actinie plusieurs fois avec du caillot sanguin, le pigment vert s’accumule de plus en plus: et, lorsque les cellules à mucus en sont bourrées, il envahit les cellules digérantes elles-mêmes. L’œsophage (bordure ectodermique) est teinté de vert : il y a aussi du pigment dansles cellules endo- dermiques des tentacules. Grâce à ce pigment, on reconnaît sans hésitation une actinie qui a mangé du sang, n’en eût-elle pris qu'une seule fois. Quelle est la nature de ce pigment? Il est rejeté en nature avec Le mucus; il s’agit sans doute d’un pigment d’excrétion. Et, étant données sa couleur et son origine sanguine, on songe de suite à un pigment biliaire, biliverdine ou biliprasine, bien que leur présence n'ait pas encore été reconnue chez les Inverté- brés (Dastre). Nous avons cherché à extraire ce pigment. Il est 362 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. très peu soluble dans l’eau, le chloroforme et l’éther. IL est soluble dans l'alcool fort. L'alcool à 90°, contenant des filaments mésen- tériques pigmentés, se colore en vert rougeàtre. Mais tout le pigment n’est pas enlevé; l’alcool acidulé enlève la partie restante et se colore en vert franc. Tous ces caractères, auxquels nous pou- vons ajouter la solubilité dans l'acide acétique glacial, rappellent bien la biliverdine. La solution alcoolique change peu à peu de couleur : le ton vert disparaît en grande partie et on a une teinte brun rougeâtre. La bile de bœuf, en solution alcoolique ou acé- tique, se comporte de même. Avec d’autres matières nutritives, telles que la fibrine de mou- ton, les muscles de gastéropodes, nous n’avons pas observé la formation d’excreta particuliers. Absorption des grosses proies. — Les actinies ne paraissent pas opérer un grand choix dans leur nourriture. Étant donnée la vie absolument sédentaire de la plupart d’entre elles, elles doivent se contenter de ce qui passe à leur portée. Elles ont ingéré volon- tiers toutes les matières nutritives que nous leur ävons offertes, dans les mares où elles vivent naturellement. Pourtant, nous avons noté que des actinies, très abondamment nourries et à plusieurs reprises avec du caillot de poule, refusaient parfois toute nouvelle nourriture; le caillot m's au contact d’un tenta- cule, non seulement ne déterminait pas un mouvement conver- gent d’une partie des autres, mais même le tentacule touché se relirait. Normalement, les Anemonia de l’anse Saint-Martin renferment dans leur cavité gastrique des crabes, des gastéropodes variés, rarement de petits poissons habitant les mêmes mares (Blennius pholis) !. On peut se demander comment, par le seul processus de digestion intracellulaire, une actinie peut venir à bout de telles proies ; et c'est certainement cette difficulté qui a empêché certains savants (Willem en fait nettement l’aveu) de croire à une digestion intracellulaire exclusive. La difficulté n’est pourtant qu'apparente. La cavité gastrique des actinies (c’est toujours là que l’on trouve les proies à un état de digestion plus ou moins avancé) est divisée, dans sa partie profonde, par de nombreux sepla qui portent, à leur extrémité centrale libre, les filaments 1. Parfois aussi, surtout à la suite de coups de vent, nous y avons trouvé des débris d'algues brunes, qu'elles paraissent pourtant incapables de digérer. Ce fait indique un manque de discernement dans le choix de la nourriture. DIGESTION CHEZ LES ACTINIES. 363 mésentériques. Ces organes, que nous savons être le siège prin- cipal des phénomènes de digestion intracellulaire, sont doués d'une plasticité tout à fait remarquable. On s’en rend compte en en détachant des fragments et en les abandonnant en suspen- sion dans l’eau de mer d'un cristallisoir. Au début, on a une masse assez compacte à surface festonnée; puis, bientôt, les parties qui touchent le fond du vase ou qui affleurent à la sur- face de l’eau s’étalent suivant un plan horizontal et présentent des déformations très compliquées. On obtient le même résultat au contact d’un corps solide quelconque, un galet par exemple, placé dans l’eau de mer. Ces fragments de filaments mésenté- riques se comportent donc comme des leucocytes ou des plas- modes de myxomycètes ‘; ils peuvent mouler admirablement les corps solides ou autres qui ont une tension superficielle dif- férente de celle de l’eau de mer. On conçoit donc bien qu’au contact d’une proie volumineuse et compacte comme un crustacé ou un mollusque, ils entourent la carapace, puis pénètrent par les points de moindre résistance, s'insinuent dans tous les organes, en font une dissection d’une finesse extrême, les englobent en détail, les digèrent; puis, quand l’opération est terminée, les envahisseurs, gorgés de nour- riture, abandonnent la carapace vide et souvent intacte de leur victime qui est alors rejetée au dehors. On se rend bien compte que telle est la réalité en examinant un caillot sanguin quelques heures après qu'il a été englobé ; une partie plus ou moins consi- dérable de ce caillot, parfois la totalité, est pénétrée tout à fait intimement par les filaments mésentériques; et, à l'examen microscopique, on se rend compte que certaines parties du caillot, reconnaissables aux globules, sont intracellulaires ?. Quand il s’agit d’une proie massive et peu malléable, il est probable que la digestion a lieu au centre de la cavité cœlenté- rique et que les cellules endodermiques des régions éloignées (tentacules, æsophage, etc.) n'y prennent pas part. Elles peuvent Jouer au contraire un certain rôle quand il s’agit d’une proie volumineuse et facilement malléable, tel qu’un caillot sanguin; les filaments mésentériques ne peuvent suffire à la besogne et, 1. Metchnikoff a déjà fait une remarque semblable en se basant sur des obser- vations sur un siphonophore particulièrement transparent Praya diphyes. 2. BseLooussow a noté également cette pénétration intime par les filaments mésentériques des proies ingérées naturellement, 364 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. orâce aux puissants museles des septa !, l’excès de caillot est soumis à un mouvement de brassage qui le distribue dans les cavités secondaires du système cœælentérique; les cellules de ces canaux pets-ent alors, comme Willem et moi-même l'avons cons- taté, contribuer à l’acte digestif. Mais, étant donnée la nourri- ture habituelle des actinies, c’est évidemment là un cas excep- tionnel. Réaction des vacuoles digestives. — J'ai déjà dit, en parlant de la digestion des hématies, avoir souvent constaté la présence d’une vacuole autour des hématies intracellulaires. Quelle est la réaction dans cette vacuole? La question ne manque pas d'intérêt, car l’on sait que des diastases qui ne présentent que de faibles différences dans la réaction du milieu peuvent être assez éloi- gnées par les produits de leur action. Metchnikoff a montré, en 1893, que le tournesol bleu ingéré par les actinies vire au rouge, et Chapeaux a fait la même constatation. De mon côté, j'ai confirmé ces observations; mais je me suis attaché à établir le fait avec la plus grande précision pour plu- sieurs actinies et pour un grand nombre de matières nutritives qui peuvent servir de support au tournesol. Nous verrons, en effet, dans un chapitre suivant, que les extraits diastasiques des actinies, non seulement agissent en milieu faiblement acide, mais encore en milieu alcalin comme la trypsine des mammi- fères. On pouvait donc, à priori, se demander si, avec certaines substances nutrilives, on n’a pas des vacuoles à contenu acide; avec d’autres, à contenu alcalin. J'ai opéré, à Paris, avec une actinie de la famille des Sagar- bide (probablement Cylista | Sagartia] viduata) venant d'Arcachon, et, au bord de la mer, avec de nombreuses Anemonia sulcata. Le tournesol finement broyé dans l’eau de mer imbibait des matières nutritives variées : muscles d’écrevisse ou de crevette, muscles ou viscères de patelle et d’escargot. fibrine de porc etenfin caillot de mouton. Avec tous ces substratum, sauf avec le dernier, on est frappé, 24 heures après l’ingestion, de la teinte rose vineuse ou mieux lilas tout à fait caractéristique qu'offrent les filaments mésentériques. Certaines actinies qui avaient ingéré de la fibrine 1. Couchet Lewes avaient noté l’action de ces muscles; mais ils leur attribuaient un rôle beaucoup trop important, puisqu'ils pensaient que les Actinies se nourris-= saient uniquement du suc des proies absorbées, puis comprimées par l'appareil musculaire, la partie solide étant rejetée sans modification aucune. DIGESTION CHEZ LES ACTINIES. 363 de porc avaient tous leurs filaments mésentériques teintés en lilas foncé. Au microscope, on reconnaît que cette teinte est due à un liquide contenu dans la partie absorbante des filaments ‘ et, en ajoutant une goutte d’ammoniaque à la préparation, peu à peu on voit les régions rosées virer au bleu, à mesure que, par destruction des tissus, l’alcali pénètre dans les régions à tour- nesol. Ces expériences, faciles à répéter, prouvent donc que le tournesol est ingéré en même temps que la matière nutritive qui lui sert de substratum; une pertie est dissoute dans les vacuoles digestives et elle marque par sa couleur la réaction du milieu. Cette réaction indique un milieu faiblement acide; la couleur n’atteint jamais en effet le rose franc. Avec le caillot sanguin, l’aspect est différent. 11 est évident, qu'étant donnée la présence du sang *, on ne peut reconnaître l'existence de tournesol rouge. Mais on se convainc facilement qu'il y a eu aussi, dans ce cas, virage du tournesol en ajoutant une goutte d’'ammoniaque; on obtient une teinte verte de la zone qui renferme les hématies. Donc, dans tous les cas observés, même en employant un substratum naturellement alcalin comme le sang, on constate toujours, dans les vacuoles digestives, une réaction faiblement acide. . Il y a, à cet égard, une différence nette entre les Actinies et les Planaires. Chez des Dendrocælum lactœum, en effet, j'ai cons- taté, après M. Metchnikoff, que les grains de tournesol bleu, englobés par les cellules endodermiques, restent bleus en grande majorité, et cela mème si l’observation est faite longtemps après l’ingestion ; quelques-uns pourtant virent au rouge france, d’autres au lilas. Les vacuoles à réaction acide sont donc exception- nelles. Lorsqu'on fait ingérer à une actinie une trop grande quan- tité de nourriture, elle en rejette une partie enrobée de mucus. Le lendemain de mes ingestions de fibrine avec tournesol, j'ai vu des aclinies rejeter une grande quantité de mucus rempli de tournesol bleu; le tournesol n'avait subi aucun virage dans la 1. On y observe très peu de grains : la majeure partie sont restés bleus, les autres rouges ou à une teinte entre le bleu et le rose lilas, 2. À ce moment, beaucoup de globules, quoique devenus sphériques, ont encore toute leur hémoglobine. La sécrétion d'acide dans la vacuole est donc bien, contrairement à la supposition de Chapeaux, contemporaine de l’action de la diastase protéolytique et non postérieure à cette action. 366 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. cavité gastrique. Parfois pourtant, au milieu de ce mucus, il y avait quelques petits flocons teintés en lilas foncé; mais un examen de ces flocons y révélait la présence d'algues symbiotes et de débris de cellules, preuve évidente que leur tournesol provenait des cellules digestives qui seules renferment les algues”. De toutes ces constatations, on peut conclure qu'il n’y a pas normalement sécrétion d’acide en dehors de la cellule diges- tive. Absorption des matières colorantes solides et dissoutes.. — L'étude du tournesol nous montre que certaines matières inertes, non nutritives, peuvent être englobées par les cellules digestives. J'ai opéré avec une autre matière en poudre. J'ai broyé finement du carmin dans l’eau de mer et je l’ai injecté, au moyen d’une pipette, dans la cavité gastrique d’actinies, en place dans les mares où elles sont fixées. Le lendemain, ces actinies renfer- ment, dans leurs canaux, un liquide légèrement rosé qui, je l'ai dit dans un paragraphe précédent, ne possède aucune propriété digestive. Les filaments mésentériques sont colorés en rose, d'un rose plus franc que celui que l’on obtient avec le tournesol. Cette teinte est due à la présence, dans les cellules digestives, de nombreux grains de carmio. Il n’y en a pas dans les autres régions du corps *. Les autres matières colorantes avec lesquelles j'ai opéré ont été employées en solution saturée dans l’eau de mer, filtrée avant son injection dans la cavité gastrique des actimies. J'ai seulement opéré avec Anemonia sulcata. Pour plusieurs de ces matières colorantes, le siège d’élec- tion est encore la partie digestive des filaments mésentériques : c’est le cas pour l’indigo carmin, le vert de méthyle, la vésu- vine, le carminate d’ammoniaque. Dans les cellules, on aperçoit des sphères plus ou moins grôsses, colorées d’une façon assez intense par la matière employée. La matière colorante a été 1. Il s’agit ici d'expériences faites à la mer, dans les mares où vivent natu- rellement les actinies. Au laboratoire, à Paris, j’ai constaté que souvent les matières nutritives enrobées de tournesol, que l’on cherche à faire ingérer aux actinies, sont rejetées non digérées, mais entourées de mucus et que le tournesol a viré au lilas. Sans doute, dans ces conditions mauvaises, un certain nombre de cellules digestives sont détruites et leurs sues agissent extracellulairement sur les produits introduits dans la cavité gastrique. 2. Presque tous mes prédécesseurs ont également fait ingérer du carmin soit seul, soit avec un substratum nutritif et sont arrivés à des constatations iden- tiques aux miennes. DIGESTION CHEZ LES ACTINIES. 367 absorbée à l’état de solution et l’on trouve en effet des filaments mésentériques où la teinte est diffuse; elle s’est ensuite con- densée dans des vacuoles des cellules digestives et ce sont ces vacuoles, plus ou moins grosses, plus ou moins fortement teintées que l’on observe au microscope. La quantité de couleur absorbée est généralement assez considérable pour donner aux filaments mésentériques une teinte reconnaissable à l’œil nu. La distribution du bleu dé méthylène est tout à fait variable, on peut même dire fantasque. Dans certains filaments mésen- tériques, il n'y en a que dans la partie digestive et encore en petite quantité. Dans d’autres, il y en a à la fois dans la partie digestive et dans la zone à mucus. Enfin, on trouve le bleu de méthylène inégalement distribué dans l’ectoderme des tentacules, surtout vers les extrémités, qui sont parfois colorées d’une façon assez intense. Dans les cellules digestives, le bleu est réparti dans des vacuoles assez variables de taille; il y en a d'assez grandes. — Au contraire, dans la zone à mucus des fila- ments mésentériques et dans l’ectoderme des tentacules, les vacuoles sont assez petites et de grosseur assez uniforme. Cette présence du bleu de méthylène dans les tentacules a un reten- tissement assez curieux sur la physiologie des Anemonia sulcata ; elle amène souvent la décoloration des tentacules. Cette colora- tion est en effet due en grande partie à la présence des algues symbiotes. Or le bleu les fait disparaitre. La raison en parait simple : un écran bleu s’interpose entre la lumière et ces algues. L’éosine est absorbée également par les filaments mésenté- riques : la partie digestive est teintée en rose très pâle et on trouve, de-ci, de-là, des masses éosinées assez grosses, irrégu- lières. Ces masses sont surtout nombreuses dans la zone à mucus. On remarque nettement, dans le pied des cellules de cette zone, suivant la surface de contact avec la zone digestive, une bande rose où l’éosine est à l’état diffus. Pour toutes les matières colorantes expérimentées, solides ou dissoutes, il y a donc absorption par les cellules digestives des filaments mésentériques, et pour toutes, sauf peut-être les deux dernières, c’est évidemment le seul mode d'absorption. Ces matières se condensent dans des vacuoles ou restent à l’état diffus dans les cellules. Elles passent ensuite dansles cellules non digestives ; la zone rosée que nous avons observée à la limite 368 ANNALES DE L'INSTITUT ‘PASTEUR. des deux régions cellulaires devait sans doute sa coloration à de l’éosine qui passe de la région phagocytaire à la région muqueuse, tout à fait à la façon du pigment sanguin dont nous avons parlé précédemment. L’éosine est ensuite éliminée comme le mucus ; nous avons en effet observé des actinies, injectées d’éosine, qui, 36 heures après, rejetaient du mueus fortement teinté en rose. Cette zone muqueuse des filaments mésentériques parait fonctionner à la façon d'un rein. Les cnidocils ont une affinité spéciale pour l’éosine ; dès que la cellule urticante est tuée, son cnidocil se colore par l’éosine d'une façon très intense. C’est ce que l’on constate en injectant une actinie vivante avec une solution alcoolique d’éosine, ou en plongeant un tentacule coupé dans une semblable solution. — Les filaments urticants rejetés avec le mucus sont teints très fortement. En résumé, cette étude des matières colorantes complète les notions que nous a fournies l’ingestion des matériaux nutritifs. Elle nous montre les cellules digestives des Actinies capables d'absorber les produüs liquides et solides introduits dans la cavité gastrique. Ce sont presque exclusivement les filaments mésentériques qui sont le siège de cette digestion. III PRÉPARATION DE L'EXTRAIT DIASTASIQUE J'ai obtenu un extrait d’actinies doué de propriétés diasta- siques très actives en opérant simplement de la facon suivante. On ouvre en deux une actinie suivant un plan axial, ou bien on enlève toute la zone supérieure qui comprend les tentacules et le péritosme. On met ainsi à nu les filaments mésentériques; on les coupe avec des ciseaux fins. Si l’animal n’est pas à une période de maturité sexuelle (c’est le cas pour les Anemonia sulcata de la Manche en août et septembre), l’opération est des plus simples; il suffit de couper tout ce qui fait hernie dans la cavité gastro-vaseulaire. Si l'animal est bourré de prod'its DIGESTION CHEZ LES ACTINIES. 369 génitaux (c'est souvent le cas pour les Adamsia Rondelett d'Arcachon pendant la plus grande partie de l'hiver), on sépare; avec soin, à l’aide d’une pince fine, les parties génitales des lilaments mésentériques. Les filaments mésentériques, ainsi isolés, sont naturellement fort imbibés d’eau de mer; on les éponge légèrement au papier buvard et onles pèse. Tous mes extraits ettoutes mes évaluations du pouvoir diastasique ont été faits en partant de ce poids‘. A partir de ce stade de l'opération, j'ai opéré de deux façons diffé- rentes. Certaines fois, surtout au bord de la mer, les filaments mésentériques étaient coupés très finement avec des ciseaux, puis broyés soigneusement avec du sable; pour faciliter ce broyage, j'ajoutais une petite quantité d’eau de mer; ensuite le volume de l’eau de mer était porté à un taux tel que 1 gramme de filaments soit dilué dans 10 c. c. d’eau de mer’. On peut ensuite conserver cet extrait assez longtemps (au moins 6 mois) à la glacière, en empêchant le développement des microorganismes par du chloroforme à saturation. Pour les expériences de diges- tion, cet extrait est employé soit tel quel, soit Le plus souvent dilué dans 3 ou un plus grand nombre de fois son volume d’eau de mer chloroformée. Au laboratoire, à Paris, j’opérais un peu différemment. Les filaments mésentériques, finement coupés aux ciseaux, sont étalés en couche très mince, sur une feuille de papier, et placés à 35°, à l’étuve, soit à l’air libre, soit dans un exsiccateur à acide sulfu- rique. Le lendemain, la dessiccation est accomplie et on peut conserver de longs mois, à l'abri de la lumière, la diastase à l’état sec, sur cette feuille de papier. Lorsqu'on veut préparer l'extrait, il suffit de mettre le papier à imbiber dans un volume d’eau de mer tel que 10 c. c. correspondent à 1 gramme de filaments mésentériques pesés au moment où ils sont retirés de Panimal. On sature ensuite de chloroforme. Un essai de préparation dediastase par précipitationalcoolique m'a donné des résultats médiocres et je n’ai pas fait de nouvelle tentative. Dans toutes mes expériences, j'ai employé l'eau de mer comme dissolvant de l’actinodiastase. Je me plaçais ainsi dans 1. Ces filaments bien desséchés sont réduits environ au dixième de leur poids, 2, 10 ce. c. d’eau de mer renferment donc 100 fois leur poids de filaments secs, 24 370 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. les meilleures conditions pour la constance de composition saline ‘de mon milieu diastasique, car les filaments mésentériques, malgré les précautions prises, entraînent avec eux une proportion variable d'eau de mer; de plus. j'avais un milieu salin de com- position aussi voisine que possible de celle du milieu naturel intra cellulaire danc lequel agit l’actinodiastase. Ces mêmes méthodes de préparation d'extrait des filaments mésentériques ont été utilisées pour obtenir des extraits de diverses régions du corps des actinies. Ainsi, avec un lot d’'Adamsia Rondeletti, venant d'Arcachon, j'ai fait des extraits du tégument externe, des tenlacules, de l’œsophage, des aconties, des parties génitales des septa et enfin des filaments mésenté- riques. Je me contente d'indiquer ici que l'extrait des filaments mésentériques s’est montré doué de propriétés diastasiques extrêmement supérieures à celles des autres liquides. Dans un paragraphe suivant, je donnerai, par des chiffres précis, une idée de la différence d'activité de ces divers liquides. Dans les pages qui vont suivre, sauf indication contraire, il ne sera ques- tion que de l'extrait de filaments mésentériques. — Je vais examiner successivement son action sur les diverses matières albuminoïdes, sur la caséine du lait, sur les matières grasses, sur les matières hydrocarbonées, et enfin sur les microbes. IV ÉTUDE DES PROTÉASES DE L'ACTINODIASTASE À. Conditions de milieu pour l'action de la diastase. — L'extrait tel que je le prépare a sensiblement la même réaction que l’eau de mer ; on a une réaction sensiblement neutre au tournesol, et il faut ajouter des quantités à peu près équimoléculaires soit de soude, soit d'acide chlorhydrique pour l’amener d’une part à la reaction alcaline à la phtaléine du phénol, d’autre part à la réaction acide au méthylorange. Dans ce milieu qui, comme on le voit, est plus alcalin que celui des vacuoles digestives des actinies, la diastase présente- t-elle son maximum d'action? ne Re DIGESTION CHEZ LES ACTINIES. 371 Je l’ai recherché en opérant sur des substances albuminoïdes très diverses : fibrine de porc, gélatine, caillot sanguin, muscle d'écrevisse. L'extrait diastasique était divisé en trois lots : un premier lot était conservé tel quel (B); un second était, à l’aide d’une solution de soude, amené juste à l’alcalinité à la phtaléine du phénol (A); un troisième (C) était, par adjonction d’une solu- tion d'acide chlorhydrique ou d'acide phosphorique, rendu acide pour le méthylorange. Je faisais ensuite des mélanges, en propor- tions variables, du premier liquide avec l’un ou l’autre des deux autres de façon à obtenir une gamme de sept milieux allant depuis l’alcalinité à la phtaléine du phénol jusqu’à l'acidité au méthylorange; deux autres milieux étaient préparés avec des doses encore plus grandes d’acide libre, 1 2 3 4 5 6 7 8 9 Mélange A. 2 A+B 2B+A B 2B+C 2C+B C CnHCI C+2nHCl Alcalinté Milieu Acidité à la phta- normal. au méthyl- léine du orange. phénol. J'ai alors constaté, ef ce fait est vrai pour toutes les matières protéiques sur lesquelles j'ai opéré, que la digestion se fait également bien dans tous les tubes 1 à 4, un peu moins bien dans 5, faible- ment dans 6, plus du tout dans 7, 8,9. L’actinodiastase ne ren- ferme donc pas de représentant de la classe des pepsines où l'action n’a lieu que quand on dépasse l'acidité telle qu’elle existe dans le mélange 7 (présence d’acide libre). Elle agit en milieu alcalin, neutre, et aussi en milieu faiblement acide (présence de phosphates acides); ce dernier correspond à la réaction que nous avons notée dans les vacuoles digestives où le tournesol dissous vire au lilas. L’opinion des auteurs (Fredericq, Kruken- berg, Chapeaux) qui ont déclaré que l’actinodiastase se rapproche des trypsines, et celle de ceux (Metchnikoff, Chapeaux) qui ont noté la réaction acide des vacuoles digestives sont donc parfai- tement conciliables. En réalité, l’actinodiastase a une zone d'action assez étendue, relativement à la réaction du milieu, et, in vivo, elle paraît agir seulement dans des conditions d'acidité. Il serait évidemment très intéressant d’étudier de la même façon la diastase des Protozoaires (Rhizopodes et Infusoires) qui, nous le savons par de nombreux travaux, agit en milieu acide. Peut-être cette diastase, in vivo, agit-elle aussi en milieu alcalin 372 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. et s’éloigne-t-elle ainsi des pepsines pour se rapprocher, comme node des trypsines. Quelle place l’actinodiastase doit-elle HR au milieu des nombreuses diastases protéolyüques que l’on classe au voisinage de la trypsine des mammifères? Si l’on considère la gamme des milieux à réaction différente, on peut, en mettant en évidence le caractère de chaque réaction, l'écrire : 1 2 3 4 5 6 ÿ Alcalinite Neutralité Alcalinité Neutralité Acidité Neutralité Acidité à la à la au au au au méthyl- au méthyl- phtaléine du phtaléine. tournesol. tournesol. tournesol. orange. orange. phénol, L'action optima de la trypsine des mammifères correspond à la partie gauche de cette gamme, celle de la protéase de l'Aspergillus niger (Malfitano) à la partie droite. Celles de la papaïne et de l’actinodiastase se trouvent vers le milieu, la pre- mière un peu vers la droite, la seconde un peu vers la gauche. Donc, au point de vue de la réaction du milieu, l’actinodiastase se place entre la papaïne et la trypsine des mammifères. Nous verrons, dans les pages suivantes, à préciser cette place de l’actinodiastase. B. Produits de la digestion protéique. — Dans beaucoup de mes expériences, je me suis contenté, pour comparer les actions de certains liquides diastasiques ou du même dans des conditions variées, d'observer l’action dissolvante exercée soit sur la géla- tine, soit sur la fibrine, soit sur les caillots sanguins. Il est indis- pensable de savoir si l’action s’arrète là ou bien si, après disso- lution des matières albuminoïdes, il y a peptonisation de ces matières. Il est commode, pour cette recherche, d'employer la fibrine. Mais certaines précautions sont indispensables ; il faut éviter l’auto-digestion chloroformique de la fibrine, et pour cela il suffit de la chauffer 2 heures à 58° !. Ilest vrai qu’on peut toujours, en employant un tube témoin (où la diastase est rem- placée par une égale quantité d’eau de mer ou de diastase bouillie) se rendre compte de la nature ou de la quantité de produits dus à l’action des diastases de la fibrine. Les opérations ont été faites à 36°, température qui, comme je le montrerai 4. Ce détail précis m'a été donné par mon collègue Delezenne; il a son impor- tance, car, en chauffant moins longtemps ou à une température plus basse, toute la diastase « collée » à la fibrine n’est pas détruite; en chauffant plus haut, la fibrine commence à cuire. DIGESTION CHEZ LES ACTINIES, è 373 dans le paragraphe suivant, est une température voisine de celle de l’optimum d'action. Dans ces conditions, en mettant 1 c. c. de diastase (prove- nant par conséquent de 0 gr. 1 de filaments mésentériques) en présence de 1 gramme de fibrine de porc chauffée 2 heures à 58°, on a une dissolution complète de toute la fibrine en moins de 24 heures. Au bout de quelques jours, le liquide de digestion ne précipite plus par l'acide chlorhydrique ; à l’ébullition, on a un précipité assez faible; 1l en est de même du précipité par le sul- fate d’ammoniaque à chaud. On à finalement, par filtration, un liquide teinté de jaune qui donne la réaction des matières albu- minoïdes : coloration en jaune par l'acide azotique, réaction de Millon, réaction du biuret. Il contient donc de la peptone. En vérité, elle n’est jamais très abondante. La réaction du biuret ne donne jamais une coloration franchement rose ; on reste tou- jours dans les tons violet ou violet lilas *, J’ai comparé ce liquide avec ceux produits, d'une part, par la digestion trypsique (pancréatine du commerce), d'autre part par la diastase bouillie laissée le même nombre de jours en contact soit avec de la fibrine chauffée 2 heures à 58° (alors action nulle), soit avec de la fibrine non chauffée. Pour un même pouvoir dissolvant, la pancréatine à un pouvoir peptonisant nettement supérieur à celui de l’actinodiastase (la réaction du biuret est beaucoup plus nette). En revanche, l’acti- nodiastase est supérieure comme action aux diastases que la fibrine entraine avec elle. La diastase bouillie, laissée au contact de fibrine chauffée à 58°, ne dissout pas la fibrine et le liquide ne renferme que des traces insignifiantes de peptone. La supériorité de la pancréatine sur l’actinodiastase se mani- feste encore par le pouvoir de dislocation de la molécule albu- minoïde. Au bout de quelques jours, il se dépose, dans le liquide de digestion pancréatique, des cristaux de tyrosine tout à fait 1. Tout dernièrement, Hahn et Geret (Zeitschr. f. Biologie, XL, 1900, p. 418), ont fait connaitre les caractères d’une endotrypsine des levures qui ne produit pas du tout de peptone; en revanche, elle donne beaucoup de leucine et de tyro- sine, On a donc les mêmes produits que dans les autodigestions chloroformiques de certains organes de mammifères (Salkowsky). — Au point de vue de la réaction du milieu, l’endotrypsine des levures a son optimum d'action pour la même aci- dité que la pepsine; mais, au contraire de la pepsine, elle agit aussi en milieu faiblement alcalin. — Cette diastase et aussi d’autres diastases végétales (liquide des urnes des plantes insectivores, d’après Vines, etc.) présentent donc un curieux mélange des caractères des pepsines et des trypsines. 374 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. caractéristiques, qui bientôt sont reconnaissables à l'œil nu. Il n’en est jamais ainsi avec les digestions actinodiastasiques. Il faut évaporer le liquide pour y déceler la présence de tyrosine ; il en est de même dans les autodigestions de fibrine. Mais nous avons toujours eu une réaction très nette avec les digestions actinodiastasiques (aussi nette qu'avec les digestions pancréa- tiques) en employant l’eau de brome, réactif très préconisé der- nièrement par V. Harlay * pour distinguer les digestions trypsi- ques des digestions pepsiques. En ajoutant goutte à goutte l’eau de brome dans le liquide de digestion, on a une coloration rose qui vire peu à peu au violet; il y a, en même lemps, précipita- tion et, au bout d’un certain temps, le liquide redevient clair et presque incolore (la matière violette s’est déposée). Cette réac- tion, toujcurs négative avec les produits de digestion pepsique, caractérise non la tyrosine, mais un corps mal connu, trypto- phane, bromkürper ou protéinochromogène, qui, dans toutes les digestions étudiées jusqu'ici, accompagne d’une façon constante la tyrosine. L'eau de brome m’a fourni les mêmes résultats avec les produits de digestion pancréatique et actinodiastasique; la réaction est moins nette avec les produits d’autodigestion de la fibrine (elle est sans doute comparable à celle obtenue par V. Harlay avec les produits de digestion papaïnique); elle est nulle avec le liquide contenant la diastase chauffée qui a été au contact de la fibrine chauffée. Cette réaction, par sa grande simplicité, sa parfaite netteté, la possibilité qu’elle donne d’agir sur de très faibles quantités de liquides, m'a été très utile *. Je nai pu tirer un aussi bon parti de la tyrosinase que G. Bertrand a très aimablement mise à ma disposition : l’actino- diastase prend elle-même la coloration rose, puis noire, révé- latrice de la tyrosine! Pourtant j'ai noté que la réaction était 4. Les sphéro-cristaux de petite taille que l’on obtient ainsi par évaporation ‘ ne sont pas aussi caractéristiques que les grosses masses cristallines, en éventail, des digestions pancr'atiques: mais leur très faible solubilité dans l’eau, leur forte solubilité à la fois dans l’ammoniaque et dans les acides, la réaction de Millon ne laissent aucun doute sur leur nature; il s'agit bien de tyrosine. 2. V. Harcas, Thèse de doctorat de l'École supérieure de Pharmacie, Paris, 1900, p. 79-90. ; 3. Elle donne également des résultats très nets avec les produits de digestion du lait par l’actinodiastase. ? « DIGESTION CHEZ LES ACTINIES. 379 plus rapide avec les produits de digestion pancréatique ou acti- nodiastasique qu'avec les tubes témoins. La tyrosinase que j'ai employée est celle dont Bertrand à indiqué la préparation en 1896 (Bull. Soc. chimique de Paris, t. XV, p. 1218). Malgré une origine aussi ancienne, elle s’est montrée encore très active. En résumé, par les produits de son action, l’actinodiastase se rapproche encore des trypsines; comme elles, elle ne se con- tente pas d'arriver au stade peptone, elle produit un commen- cement de dislocation des molécules albuminoïdes; mais pour une égalité de pouvoir dissolvant, elle a une action peptonisante et dislocante de la molécule albuminoïde moindre que la pan- créatine. C. Action dela température sur l'action protéolytique. — La plu- part de mes expériences ont été, comme je l’ai déjà dit, effectuées à 36°. C'est en effet une des températures où la diastase agit le mieux. À 38°, l’action est peut-être un peu plus rapide, mais la différence est faible et l’on peut dire que c’est entre 36 et 45° que se trouve l’optimum pour l’action de l'actinodiastase ; à 50, l'action de la diastase est sensiblement nulle. Mais cette diastase agit aussi à des températures plus basses. Entre 10 et 20°, son action est des plus nettes. Ainsi 1/10 ce. ce. d’actinodiastase (correspondant à 1 centigramme de filaments mésentériques) amène la dissolution complète de 20 centigram- mes de fibrine de porc (chauffée 3/4 d'heure à 56°) en 20 heures, à la température de 18° C. — A des températures inférieures à 100, la diataseagit encore, mais pluslentement. Ainsi, à laglacière (entreÿet8),1/2grammede fibrineaété en grande partie dissoute par 1/2 c. c. de diastase; mais il a fallu un mois. L’examen des produits de digestion révèle encore la présence de peptone (coloration rose violacé au biuret). Après action à 15°, la réac- tion du brome avec le liquide de digestion est assez intense; à 5-8, elle est à peu près nulle au bout d’un mois, mais com- mence à apparaître nettement après deux mois. Ces faits sont importants à constater, car la température d'action physiologique de l’actinodiastase, dans nos pays, est toujours assez basse. Elle ne dépasse guère 15-20° l'été et 0° l'hiver. Il est probable que les actinies, pendant la mauvaise saison, restent de longs mois sans assimiler de nourriture. D. Action de la température sur la diastase. — Une température 376 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR, de 100° supprime en quelques minutes toute l’activité de lacti- nodiastase. J’ai cherché à déterminer à quelle température lacti- nodiastase est détruite. Je soumettais l'extrait diastasique dilué dans trois fois son volume d’eau de mer pendant 3/4 d'heure à l’action de diverses températures : 56°, 58° ou 649. Le tableau suivant résume les résultats obtenus : Occ,1 extrait HS REINE non chauffé dissout 20 cgr. fibrine us porc (chauffée) en 20h à 18°. 0:1 chauffé à 560 — 5 cor: — en 86h à 4ko, 0,1 — ch. à 56o diss. part 10 et 20 cgr. — — —- 0.1 — ch. à 58e dissout partiellem. 5 egr. — = — 0,1 = ch. à 640 n’agit pas sur 5 egr. — — _ Une autre diastase non diluée, chauffée 1 heure à 56°, avait perdu à peu près totalement son pouvoir protéolvtique. Nous verrons plus loin que la mêmediastase avait gardé environ 1/20 de son pouvoir présurant primitif et presque tout son pouvoir lipa- sique. Ces résultats que nous avons vérifiés à maintes reprises prou- vent que les protéases de l'extrait diastasique sont complètement détruites entre 55 et 60°, c’est-à-dire à une température relati- vement basse. E. Détail de l’action de l'actinodiastase sur divers albuminoïdes. — J'ai essayé l’action de l’actinodiastase sur un grand nombre de matières albuminoïdes : albumine cuite, caséine, muscles d’ani- maux variés, hématies, caillots et fibrines d’un grand nombre d'animaux, Ces essais, en dehors de leur intérêt propre, m'étaient indispensables comme préface aux expériences de régime ali- mentaire dont je rendrai compte dans un chapitre suivant. Ils nous ont montré que l’actinodiastase agit très différemment sur le même tissu suivant l’animal dont il provient. Ceci est net pour les muscles et surtout pour les caillots. J'ai été ainsi amené à me demander à quoi tiennent ces différences et j'ai été conduit à étudier l’action des sérums et à reconnaître leur pouvoir em- pêchant, variable d’ailleurs suivant l'espèce animale dont ils pro- viennent, vis-à-vis de l'actinodiastase. Action sur le tissu musculaire. — L'actinodiastase agit d’une façon assez active sur les muscles de crustacés, crevette (Cran- gon vulgaris) et écrevisse : 1 c. c. d'extrait dissout complètement 40 centigrammes de muscle d’écrevisse en 15 heures à 36°. — Elle est beaucoup moins active sur les muscles de Vertébrés; DIGESTION CHEZ LES ACTINIES. 371 ansi, dans les mêmes conditions expérimentales, la même dias- tase ne dissolvait que 10 à 15 centigrammes de muscles de bro- chet, et encore beaucoup moins de muscles de mammifères (lapin, ete.). Bien entendu, dans toutes ces expériences, les mus- cles étaient finement hachés de facon à détruire les barrières conjonctives qui peuvent gêner la pénétration de la diastase, et par conséquent à obtenir une action maxima. A quoi tiennent ces différences d'action? Comme il s’agit de muscles d'animaux fort éloignés zoologiquement, on peut les attribuer à des différences morphologiques ou chimiques ; mais on peut songer aussi à l'existence soit de substances empêchan- tes, soit de substances favorisantes, qu’entraîne avec elle la substance musculaire. Il ne peut s'agir de l'intervention de dias- tases fixées sur le muscle, car ces tissus, placés dans l’eau de mer ou dans le mucus gastrique d’actinies, ne subissent pas de protéolyse appréciable. Mais il est possible qu'il y ait inter- vention de substances antidiastasiques; le muscle est en effet toujours imbibé de sang et je montrerai plus loin que ce sang renferme de l’antidiastase plus active chez les mammifères que chez l’écrevisse. Néanmoins cette cause empêchante n’est pas à elle seule suffisante pour expliquer les différences observées ; elles tiennent en grande partie à la constitution même de la fibre musculaire. Action sur les éléments du sang. — J'ai étudié l’action de Pac- tinodiastase sur les divers éléments du sang, hématies, caillot et fibrine. L’actinodiastase ne montre jamais d'action agglutinante sur les hématies; mais elle exerce une action dissolvante. Les phé- nomènes que l’on observe, en faisant l'expérience en goutte pen- dante, rappellent de très près ceux que j’ai décrits à l'intérieur des cellules digestives des actinies'. Il y a encore mise en sphère du globule (j'ai surtout suivi le phénomène avec les héma- ties d’oie et de poule); ce n’est que quand le globule est devenu sphérique que la diffusion de l’hémoglobine se fait. La mem- brane et le noyau persistent et on peut, en diaphragmant très 4. Pour observer le phénomène dans de bonnes conditions, il faut employer un extrait trés concentré (par exemple : 2c. c. d'eau de mer pour 1 gramme de fila- . ments mésentériques}: on mélange une partie de sang défibriné avec 2, # ou 6 de cet extrait ; on a alors mise en boules complète des globules au bout de 2-3 heures, dissolution partielle de l’hémoglobine au bout de quelques heures, dissolution complète en moins de 24 heures (Température 15-20°). _ 378 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. fortement, les reconnaître au microscope !. La membrane à été évidemment touchée dès le début de l’action, avant toute diffu- sion d'hémoglobine : l’hématie n’est devenue sphérique que parce que son enveloppe, de rigide qu’elle était, est devenue molle et plastique et «les forces qui ont agi pour réaliser cet état sphéri- que sont les mêmes forces de tension superficielle qui arrondis- sent une goulte d'huile dans l’eau ». (Duclaux, Microbiolo- qe HN pe 120): I y a évidemment là un phénomène analogue à celui connu en bactériologie sous le nom de phénomène de Pfeiffer. Dans l’eau de mer ou dans la diastase chauffée 1/2 heure à 56°, des phénomènes semblables se produisent, mais avec une inten- sité incomparablement moindre que dans l’actinodiastase non chauffée. Au point de vue de la perte des propriétés hémolyti- ques, l’actinodiastase se comporte donc comme une alexine. L'action dissolvante de l’actinodiastase vis-à-vis des globules de divers mammifères et oiseaux est sensiblement la même. Il n'en est pas de même de son action dissolvante sur les caillots de diverses espèces animales. On observe, à cet égard, des différences considérables. J’ai expérimenté sur les caillots de tortue, — de poule, de pigeon et d’oie, parmi les oiseaux, — de lapin, de rat, de chien, de cobaye, de mouton et de chèvre parmi les mammifères. Sur tous ces caillots, sauf les deux derniers, l’actinodiastase exerce une action dissolvante assez intense. Ainsi, 4/8 €. c. d'extrait est capable de dissoudre, en 20-24 heures à 36°, 08',05 de caillot d’oie ou de lapin. En revanche, son action sur les caillots de chèvre et de mouton est extrêmement faible ; dans les condi- tions expérimentales indiquées, au bout de 20 heures, l’action est presque nulle. Le caillot de cobaye occupe une place intermé- d'aire entre les deux catégories. J'ai donc été amené à me poser le même problème qu'avec le tissu musculaire. À quoi tiennent ces dillérences d’action ? Les caillots sout composés surtout d'hématies et j’ai montré que 1. Dans les extraits acidifiés où la réaction est voisine de celle de l'acidité au méthylorange, l’action dissolvante est moins intense. De plus, il y a rupture de la membrane et le noyau des hématies d'oiseaux fait hernie à l'extérieur: on a des formes en massue très curieuses. On n’observe rien de semblable #n vivo. La concordance des figures de transformalion des globules in vivo et dans l'extrait neutre ou acide seulement au tournesol est un argument de plus en faveur de la conclusion que j'ai déduite de l’étude de l’ingestion de tournesol par les actinies : à savoir Ja réaction faiblement acide du contenu des vacuoles, DIGESTION CHEZ LES ACTINIES. 319 le pouvoir dissolvant vis-à-vis de ces éléments est sensiblement indépendant de l’espèce animale, Il est vrai que l’action dissol- vante vis-à-vis des diverses fibrines présente des variations (ainsi la fibrine de mouton est un peu moins facilement dissoute que celle de pore ou de lapin); mais cette fibrine est en si faible quantité dans un caillot que les différences observées ne peu- vent reconnaitre cette cause. J'ai été ainsi amené à me deman- der si les caillots de mouton et de chèvre (et aussi les fibrines) n'entrainent pas du sang avec eux, des substances qui entravent l’action de l'actinodiastase. Action antidiastasique des divers sérums. — Si l'hypothèse que je viens de formuler est exacte, on doit : 1° rendre cette insolu- bilisation des caillots encore plus grande en ajoutant à l'extrait diastasique une certaine quantité de sérum du même animal (chèvre ou mouton); 2° rendre les caillots d’autres animaux peu solubles en ajoutant à l’extrait diastasique du sérum de chèvre ou de mouton. C'est ce que l’expérience vérilie. A un liquide contenant 1/8 c. c. d'actinodiastase. on ajoute 1/10 c. c. de sérum de mouton. et on fait agir ce mélange sur 5 centigrammes de caillots de divers animaux, mouton, oie, pigeon etlapin. Après 24 heures à 360, le caillot de mouton est resté à peu près inalléré; des caillots des autres animaux, un quart à peine est dissous. La même quantité d’actinodiastase, additionnée d’eau salée physiologique au lieu de sérum, amène dans Îles mêmes conditions expérimentales une dissolution complète des caillots d'oie, de pigeon et de lapin, et dissout un quart du caillot de mouton. Ce point acquis, 1l fallait se demander si ce pouvoir antiacti- nodiastasique des sérums de mouton et de chèvre est particulier à ces sérums ou bien n'existe pas à un degré plus faible chez les sérums d’autres animaux. | J'ai expérimenté avec divers sérums de mammifères et d’oi- seaux (lapin, rat, chien, oie) et j'ai constaté que ces divers sérums exercent une aclion antidiastasique, mais moindre que celle des sérums de mouton et de chèvre. Ainsi, dans une expérience dont les conditions ont été calquées sur celles de la précédente, au bout de 24 h. à 36°, alors qu’il y avait une dissolu- tion complète du caillot de lapin et un commencement de disso- lution du caillot de mouton dans les tubes témoins, que l'action était très faible sur le caillot de lapin et nulle sur le caillot de mouton dans les tubes avec 1/10 c. c. sérum mouton, la dis- solution du caillot de lapin était très avancée, mais non complète, 380 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. et celle du caillot de mouton légèrement commencée dans les tubes avec 1/10 c. ce. sérum lapin. Dans d’autres expériences, l’action antidiastasique du sérum de lapin s’est montrée plus forte que dans l'expérience que je viens de résumer ; mais, dans tous les cas, elle est notablement plus faible que celles des sérums de mouton et de chèvre. Ces expériences prouvent donc qu'il y a un rapport entre la difficulté de dissolution d’un caillot et le pouvoir antidiastasique du sérum du même animal. Elles prouvent aussi que les anti- diastases des divers sérums n’ont rien de spécifique, puisqu'elles se manifestent, avec la même intensité, non seulement pour empêcher la dissolution du caillot du même animal, mais encore des autres espèces. Comme il fallait s’y attendre, le pouvoir antidiastasique des divers sérums se révèle non seulement vis-à-vis de l’action de l’actinodiastase sur les caillots sanguins, mais encore sur les diverses substances protéiques dont nous avons étudié la disso- lution, muscles divers, fibrines. En étudiant l’action de l’actino- diastase sur le lait, je mettrai en évidence l’action antiprésu- rante et anticaséolytique des divers sérums. A propos de l’action empêchante des sérums vis-à-vis de la digestion des muscles, j'ai étudié les sérums d’écrevisse et d’escargot. Tous deux, surtout le premier, ont montré un certain pouvoir antidiastasique, mais beaucoup plus faible que celui des vertébrés. Ces sérums n’ont aucun pouvoir empêchant spécifique contre la digestion des muscles d’écrevisse ou d’escargot; ce pouvoir se manifeste avec le même degré, c’est-à-dire plus fai- blement que celui des vertébrés, sur ces muscles que sur Îles muscles de mammifères. Pour pousser plus loin l'étude de l’antidiastase des sérums, j'ai opéré constamment avec de la fibrine de porc chauffée à 58° pour la débarrasser des diastases qu’elle entraîne du sang. Je dois dire que le sens général des résultats est sensiblement le même avec la fibrine non chauffée, Vis-à-vis de la fibrine de porc chauffée, les divers séruins manifestent leur pouvoir anti- diastasique, et ceux de mouton et de chèvre se montrent beau- coup plus antidiastasiques que les autres. Notons que le sérum de cheval occupe un rang moyen. Jusqu'ici je ne me suis préoccupé que de l’action antidis- DIGESTION CHEZ LES ACTINIES. 381 solvante des sérums; il ÿ a en même temps et à un degré cor- respondant action antipeplonisante. On peut s'assurer facile- ment que la digestion des fibrines n’est pas poussée très loin, en présence des sérums, en faisant l'épreuve dont j'ai parlé à l’eau de brome. Quelle est la substance qui détermine l’action antidiastasique des sérums ? J’ai démontré que : 1° Les mélanges actinodiastase-sérum employés ont, avant comme après l’action digestive, une réaction comprise entre l’alcalinité à la phtaléine du phénol et la neutralité au tournesol; c’est-à-dire qu'on est toujours dans les conditions les meilleures pour l’action de l’actinoprotéase ; 2° Les mélanges actinodiastase-eau physiologique agissent comme l’actinodiastase seule ; 3° La chaleur fait disparaître le pouvoir antidiastasique des sérums ; à 55°, il est déjà atteint ; à 680, il a à peu près complè- tement disparu. Je crois donc pouvoir conclure qu'il existe dans les sérums une antidiastase, au sens que l’on attribue à ce mot dans le cas, par exemple, de l'antiprésure de Morgenroth et Briot. Cette notion d’une antidiastase protéolytique n'est pas nou- velle ‘ ; déjà certains savants ont montré que le sérum des ver- tébrés renferme une substance qui contrarie l’action protéoly- tique de la pancréatine, et Landsteiner a mème voulu établir certaines relations entre la trypsine du pancréas d’une espèce animale et l’antitrypsine de la mème espèce. Jusqu'ici, on a surtout rapproché ces substances empêchantes des diastases. Mais si l’on remarque qu’il faut dépasser la tem- pérature de 60° pour les détruire, si l’on considère leur mode d'action, il me semble plus logique de les comparer aux sensibi- lisatrices de Bordet et Ehrlich, et de leur donner le nom d’insen- sibilisatrices, pour indiquer que leur action est exactement contraire à celle des sensibilisatrices. Elles se rapprochent surtout des anticytotoxines et des antialexines. Mes expériences mettent en évidence une différence notable entre les quantités d’antidiastase renfermées dans les divers 4. Voir la bibliographie dans Landsteiner, Centralbl. f. Bakt., Abth.1, XXVII, 1900 ; ajouter Camus et Gley, Société de Biologie, 1897, p. 825, et Arch. de phy- siologie, 5 série, t. IX, p. 76%, 1897. 382 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. sérums. Ces faits me paraissent susceptibles de jeter quelque lumière sur certains résultats des expériences de De Marbaix et Denys, sur la digestion chloroformique. Ces savants’ont, en effet, divisé les sangs sur lesquels ils ont opéré en deux caté- gories : ceux capables de se divérer eux-mêmes (les sangs de chien et de lapin font partie de cette catégorie); ceux qui restent inallérés (exemple : le sang de mouton). Le sérum de mouton non seulement ne digère pas sa propre fibrine, mais encore il n’agit pas sur les fibrines qui sont digérées par leur propre sérum. En revanche, l’action digestive des fibrines a lieu dans le sérum de mouton porté à l’ébullition. Il y a donc, dans ce sérum de mouton (et mes expériences prouvent la réalité de cette interprétation), une antidiastase en quantité suffisante pour s'opposer à la digestion de la fibrine par les diastases qu’elle entraîne avec elle. Mais pourquoi les fibrines des divers ani- maux sont-elles digérées par les sérums de lapin, chien, elc.? Il est certain que ces sérums renferment beaucoup moins d’anti- diastases que celui de mouton, et qu'ainsi la diastase qu'ils contiennent est moins fortement gènée dans son action. Ils peuvent en effet digérer, quoique faiblement, de la fibrine de porc chauffée à 58°. Mais comment se fait-1l que les sérums, employés seuls, manifestent des actions diastasiques, alors que, mélangés à l’actinodiastase, ils se montrent antidiastasiques ? Ce ne sont pas les seules énigmes que j'aie rencontrées sur mon chemin. Ainsi, certains sérums, surtout ceux peu antidiasta- siques, manifestent souvent leur action empêchante à une certaine dose mieux qu'à une dose plus forte. Pour fixer les idées, je citerai le sérum de cheval qui, dans plusieurs expériences où le liquide contenait 1/8 ce. c. d’actinodiastase et 10 centigrammes de fibrine de pore chautflée à 58°, s’est montré très antidiasta- sique à la dose de 1/4 c. c. et beaucoup moins à la dose de 1/2 c. e. et de 1/10 c. c. Chercher à résoudre ces problèmes eût été sortir complètement de mon sujet et je m'en tiens, dans ce mémoire, au fait bien établi de la variation du pouvoir antidias- tasique avec les divers sérums. Action sur l'albumine coagulée et la fibrine cuite. — 1] faut chauf- fer la fibrine pour la débarrasser des ferments qui y sont attachés. Mais si on dépasse 60°, elle devient dure, cassante ; elle subit un commencement de cuisson. Cette fibrine, ainsi DIGESTION CHEZ LES ACTINIES. 383 chauffée, est moins facilement digérée que la fibrine qui n’a pas subi une semblable action. Cette digestion n’est jamais complète; néanmoins, la plus grande partie de la fibrine est dissoute et j’ai vérifié qu’il y avait peptonisation ; de plus, le liquide de digestion réagit à l’eau de brome. C'est dans la même catégorie qu'il faut placer l’action de l’actinodiastase sur l’albumine coagulée. J'ai opéré sur de l’albu- mine finement émulsionnée, préparée par M. Malfitano par un procédé un peu différent de celui d'Effront (coagulation à tem- pérature plus basse). L’albumine, étant en grains extrêmement fins, est plus facilement attaquée que dans les tubes de Mette. Dans ces conditions, j'ai constaté que l’actinodiastase exerce une action très nette sur l’albumine coagulée. Ainsi 1/8 c. c. de diastase (correspondant à 1,25 de filaments mésentériques), en 24 heures, à 36°, dissout complètement l’albumine de 1 c. €. d'une solution à 1 pour 5. Ce pouvoir dissolvant est donc assez considérable. Je l’ai comparé à celui de la pancréatine. J'ai employé deux solutions de pancréatine dans l’eau de mer, l’une sensiblement neutre au tournesol, l’autre à la limite de l’alcalinité à la phtaléine du phénol. Ces deux solutions de pancréatine etune solution d’actinodiastase, à volumes égaux, dissolvaient à peu près de la même façon la fibrine de porc; les deux solutions de pancréatine se sont à peu près comportées de même sur l’émulsion d’albumine; la solution d’actinodiastase s’est montrée plus active. L’actinodiastase a donc une action décoagulante plus énergique que la trypsine. Cette propriété est importante pour préciser la place de l’actinoprotéase parmi les diastases protéolytiques; elle la rap- proche des trypsines et l’éloigne des diastases, telles que la protéase de l’Aspergillus niger et la papaïne, dont l’action décoa- gulante est toujours faible. En résumé, l'actinodiastase est capable d'asir sur presque toutes les catégories de matières albuminoïdes. Son actino- protéase est donc une substance complexe, ou, ce qui est mieux d'accord avec les données actuelles de la science, un mélange de diastases : fibrinase, gélatinase, hémolysine, diastase décoa- gulante et caséase (comme nous le verrons dans le chapitre suivant). 384 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. AU ÉTUDE DES AUTRES ENZYMES DE L' ACTINODIASTASE Les diastases protéolytiques ne sont pas les seules que ren- ferme l'extrait des filaments mésentériques d’actinies. J’y ai encore mis en évidence la présence de présure, de lipase et d’amylase. A. Présure. — En ajoutant à du lait chloroformé une quantité suffisante d’actinodiastase, et en portant le mélange à une tem- pérature de 30-45°, on le voit se prendre rapidement. Expérience à 34,5. 1/2RCAcd'extraiiicoaneule2iCMC laibien te PAPER EEE 20’ JYANREE — e re AE TS AR à 35 1/10 — 22 2. Le EE 1h,40/ 1/20 — == = SR RE NE MRR SERRE 2h," Quand la quantité de liquide que l'on ajoute au lait n’est pas supérieure à 1/2 ou même à 1 c. c. pour 2de lait, le lait se prend en masse et, par rétraction, on a un caillot dur. Mais quand on est obligé d'ajouter plus de 1 c. c. de liquide (par exemple dans les expériences avec les sérums dont je parle plus loin), au lieu d’une prise en masse, on a une véritable agglutination et le culot de caséine se fait mal et lentement. On a de même une agglutination quand on fait agir l’actino- diastase à basse température. Au point de vue de l’action de la température, l’actinodiastase (agissant dans un milieu sans trace d’acidité) présente une particularité sur la présure retirée des mammifères, c’est qu’elle agit au-dessous de 15°. Expérience. — On prend une série de tubes renfermant chacun 2 c. €. de lait et 1/2 c. €. de diastase, et on les porte à diverses températures. AMAS PA COABUIANLON ASEMAlON AAEL Lee Pme CCR ge 8’ 380 = ST ne le me etes dei sus doc 10 350,5 —- NET NE PRE PE DB A LES 12? 20° — A ne ter SEE DSL ES 45" 150 rh. ES PER A ete rt A RE let 8-90 — — RSA PEICR Re ANUS. 31,30" 6-T° — RE AO RCE DANS TER ORAN TIGRE Lo 4h Mais, dans ces deux derniers tubes, au bout de 24 heures, on a simplement un dépôt des particules de caséine agglulinées, dépôt tantôt dans le fond du tube, tantôt à la partie supérieure, suivant la quantité de globules gras entraînés. A 50° l’action estaussi intense qu’à 48°; mais à partir de cette température, elle baisse rapidement. Une heure de chauffage à 56° détruit presque toute la présure de l’actinodiastase : 1 €. c. DIGESTION CHEZ LES ACTINIES. 3N) d'une pareille présure chauffée agit à peine mieux que 1/20 c. c. de diastase non chauffée. A 64°, tout pouvoir présurant disparaît, J'ai cherché quel était le pouvoir antiprésurant des divers sérums envers l’actinoprésure. Voici le résumé d’une expérience où chaque tube recevait 2 c. c. de lait, 1/2 de diastase et une quantité variable de divers sérums; la température d’action était 35°. I, — Sérum de chèvre. — 1/2 ec. ce. sérum. 0 coagulation. 4 — —+ 1/4 eau physiol. 0 coagulation. 10 — 4/10 — Coagul. en 4h. IT, — Sérum de mouton. — 1/2 c. ce. sérum. 0 coagulation. /4 — + 1/4 eau physiol. 0 coagulation. /10 — + 4/10 — Coagul. en 310. PORRE Or E re = 50’. IUT, — Sérum de cheval. — 1/2 c. c. sérum. 0 coagulation. 4 — + 1/4 eau physiol. 0 coagulation. 10 — + 4/10 —- Coagul. en 5h15’. JDA TER TEe == 50”. IV. — Sérum de lapin. — 1/2 c. c. sérum. 0 coagulation, /4 —— + 1/4 eau physiol. 0 coagulation. 10 — + 4/10 — Coagul. en 2h10”. V. — Sérum de poule. — 1/2 ec. c. sérum. Coagulation en 50’, /% -- + 1/4 eau physiol. Coagul. en 40’. HDPIC EE HAURNE LA 35’, IV. — Sérum d'oie..... — 1/2 c. ce. sérum. Coagulation en 2h10’. /X — + 1/4 eau physiol. Coagul. en 1h10’. /10 — 4/10 — — 50’. HÉMOIN 10.0 ..... — 1/2 eau physiol. Coagulation en 30’. Cette expérience donne une idée du pouvoir antiprésurant des divers sérums'. On retrouve au premier rang, pour leur action empêchante, les sérums de chèvre et de mouton; mais ici, le sérum de cheval est au moins aussi empêchant. Le sérum de lapin n’est guère moins empêchant que les précédents. En revanche, les sérums d’oiseaux (poule et oïe) sont relativement peu antiprésurants. Cette échelle des pouvoirs antiprésurants diffère, à certains égards, de celle des pouvoirs antiprotéoly- tiques. Néanmoins, je le répète, les sérums de chèvre et de mouton sont encore au premier rang. Et cette analogie dans les deux échelles apparaît très importante, si l’on examine l'échelle des pouvoirs empêchants des divers sérums vis-à-vis de la présure de Hansen, telle qu’elle a été dressée par Briot *. Le 4. J'ai opéré avec plusieurs sérums de chaque espèce animale et avec divers extraits. Les sérums ne se sont pas toujours montrés aussi antiprésurants. Ainsi, avec le même lait et deux diastases doués du même pouvoir coagulant, les mêmes sérums se sont montrés très différemment antiprésurants vis-à-vis de l’une et l’autre diastase ! Ce qui reste constant, c’est l'échelle de pouvoir antiprésurant. 2. Brior, Thèse pour le doctorat és sciences naturelles, Paris, 1900. 25 « 386 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. mouton et la chèvre sont des derniers sur la liste de Briot, et ils sont des premiers sur la mienne. Le seul caractère commun aux deux échelles est la première place occupée par le sérum de cheval. En résumé, les différences entre les deux échelles de pouvoir antiprésurant des sérums vis-à-vis du lab des mammifères d’une part et de celui des actinies de l’autre, et surtout le fait que ce dernier lab agit encore, quoique très lentement, à basse tempé- rature, m'amènent à conclure que l’actinodiastase renferme une variété particulière de présure et justifient la création d’un nom spécial, actinoprésure, pour la désigner. L'actinodiastase renferme aussi une caséase. Le culot de caséine des tubes de lait portés au voisinage de 35°, disparait en grande partie (jamais complètement) en 24 ou 48 heures. Les divers sérums sont également empêchants vis-à-vis de cette solu- bilisation de la caséine; dans les tubes de lait qui renferment du sérum, la dissolution du caillot est toujours notablement moindre que dans les tubes témoins. Le liquide de digestion du lait réagit nettement à l’eau de brome. On a encore une réaction, mais faible, au bout d’un mois de contact à 15°: à 6°, la réaction est insignifiante. B. Lipase. — Willem et Chapeaux ont nettement observé l'absorption des matières grasses par les cellules digestives des actinies et ils ont constaté ensuite leur disparition graduelle. Il existe donc certainement dans les vacuoles digestives des acti- nies une diastase capable de solubiliser les graisses. Sur la présence de cette diastase dans l’extrait des actinies, on n’a jusqu'ici que l’observation de Chapeaux qui dit que cet extrait produit le dédoublement de l'huile d'olive, sans donner aucun détail sur son mode opératoire. J'ai étudié avec soin l’action de l’actinodiastase sur les matières grasses. J’ai d’abord opéré avec des émulsions : lait d'amandes, sérum d’oie très lactescent; mais les résultats obtenus ont été très peu nets et inconstants; quand l'acidité du mélange augmentait, ce qui se produisait généralement, c'était de quantités insignifiantes. J'ai alors recouru à la monobutyrine et j'ai obtenu des résultats d’une parfaite netteté. Le tableau suivant les résume, en même temps qu'il donne une idée de l'action de la température. DIGESTION CHEZ LES ACTINIES, 387 Chaque tube renferme 5 ce. c. d'une solution à { 0/0 de monobutyrine dans l’eau distillée et 1 ce. c. de diastase; pour les tubes 9 à 12, la diastase a été chauffée 10 minutes à 1000, Après un ou deux jours d'action, on ajoute à chaque tube quelques gouttes de phtaléine du phéno!l et ensuite, goutte à goutte, une solution de soude demi déci-normale, jusqu'au virage. Au moment du mélange, et avant toute action, il fallait 6 gouttes de soude pour amener le virage du mélange de 5 c. c. de la solution de monobutyrine et de { de diastase non chauffée. Par conséquent, dans toutes les expériences, les nombres de gouttes du tableau diminuées de 6 donnent une mesure de l'acidité due à l’action de la diastase. Nombre de gouttes nécessaires Température. AUS NOTE _—— — TT — Après 20 heures. | Après 44 heures. “aIn0q 988JSEI( © > Lo] On voit que l’actinolipase, qui agit surtout bien au-dessus de 34°, dédouble encore la monobutyrine à la glacière, à 6°. Son maximum d'action paraît être vers 40°; à 50 et à 56°, elle agit sensiblement comme à 34; à 64°,5, son action est à peu près la même qu’à 20°, c’est-à-dire qu’elle ne dépasse guère la moitié de l’action maxima. Mais il faut tenir compte qu’à ces températures la diastase est en partie détruite. En effet, en soumettant l’acti- nodiaslase à un chauffage de 1 heure respectivement à 56 et à 64°,5 et en la faisant ensuite agir, à 38°, sur de la monobutyrine, j'ai constaté que la diastase portée à 56° avait perdu un quart de 338 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. son pouvoir, et celle qui avait été à 54°,5 près de la moitié. On remarquera que la température respecte beaucoup plus la lipase que la protéase et la présure (cf. lipase du sang des vertébrés). C. DrASTASES DES SUBSTANCES HYDROCARBONÉES. — J’ai pu mettre en évidence, après Krukenberg et Chapeaux, la présence d’amy- lase dans l'extrait diastasique des actinies. J'ai employé une émulsion à 2 0/0, dans l’eau distillée, de fécule de pomme de terre, cuite à l’autoclave. Dans chaque tube, je mettais 5 ec. e. de cette émulsion d’amidon thymolisée, et 1 c. c. soit de diastase non chauffée, soit de diastase ayantété 10 minutes à 100°, au bain-marie. Les tubes élaient placés à l’étuve de 38° et au bout de 24 et de 48 heures, je prélevais 1/2 c. c. dans chaque tube que je faisais bouillir avecle même volume de Fehling. Tous les tubes avec diastase non chauffée ont montré un dépôt d'oxydule de cuivre révélant la présence du maltose dù à lac- tivité de la diastase. À la vérité, ce dépôt s’est toujours montré peu abondant, même après 48 heures d’action. L'action amylolytique de l’actinodiastase est donc faible. Cette constatation n’a rien de surprenant si l’on réfléchit que beaucoup d’actinies vivent en symbiose avec des algues qui, évidemment, assument le rôle de pourvoir l'association des matières amylacées qui lui sont utiles et ensuite de les dédoubler en produits assimilables. Il m'a été impossible de mettre en évidence la présence d'invertine dans l’actinodiastase. J'ai fait agir, à 389, 1 c. c. de diastase sur 5 c. ce. de solutivns de sucre soit à 5, soit à 20 0/0, sans aucun résultat appréciable. Je n’ai pas réussi non plus à obtenir un sucre réduisant la liqueur de Fehling en faisant agir, à 58°, l'actinodiastase sur une solution de glycogène (cf. expé- riences de Willem et Clautriau !). D. Oxypases. — J'ai recherché, en suivant les indications que m'a fournies M. G. Bertrand, la présence d’oxydases dans l’acti- nodiastase. Le résultat a été tout à fait négatif. Il y a même plus; l’émulsion dans l’eau de la teinture alcoolique de gaïac bleuit légèrement à la lumière; elle est restée d’un blanc pur dans le tube ayant reçu de l’actinodiastase; l’extrait devait donc contenir une substance réductrice. À . WILLEM, L. c. DIGESTION CHEZ LES ACTINIES. 389 Je n'ai obtenu aucun bleuissement en versant directement la teinture alcoolique de gaïac sur les filaments mésentériques en place dans une actinie vivante. ( E. ACTION SUR LES BACTÉRIES. — Beaucoup d’aclinies ren- ferment dans leurs cellules digestives des algues symbiotes qui ne sont nullement altaquées par les sucs digestifs. Chapeaux a noté que ces algues et d’autres vivent également bien dans l'extrait des filaments mésentériques et qu’elles s’y multiplient, J'ai recherché si l’actinodiastase renferme une substance bactéricide. J'ai opéré avec deux espèces microbiennnes diffé- rentes : l’une était un coccus isolé de deux proies d’actinies (un crabe et un poisson) trouvées dans la cavité gastro-vasculaire d'animaux en parfait état; l’autre Le vibrion cholérique. Ce der- nier microbe est une des bactéries connues les plus fragiles : sa transformation facile en granules en est une preuve. Voici les détails d’une expérience faite avec un vibrion cho- lérique (provenance Bombay). Une culture de choléra sur gélose âgée de 24 heures est diluée dans 3 c. c. d'eau physiologique. Deux tubes renfermant l'un (A) 1 c. e. 5 d’une actino- diastase ! très active(en particulier sur les substances albuminoïdes), l’autre (B) 4,5 c. e. de la même diastase chauffée 10 minutes à 1000, au bain-marie, sont ensemencés chacun avec une anse de platine de la dilution vibrionienne, puis laissés à la température du laboratoire (150 environ). Au bout de trois quarts d'heure, 4 h. 1/2, 5 heures, 20 heures, on prélève une anse de platine dans chaque tube ; on la dilue dans 5 €. e. d’eau physiologique et on ensemence sur gélose une anse de ‘la dilution, Voici les résultats obtenus : & Prélèevements faits au bout de 3/4 heure. 4 h. 1/2 | 5 heures. | 20 heures. | | À. Diastase non chauffée...|7 colonies.|12 colon.|50 colon.|105 colon. | ques) | B. Diastase chauffée ....... 4 — 1 — 8 — 85 — | Cette expérience montre donc que l'extrait diastasique ne renferme aucune substance bactéricide détruite par la chaleur? ; 1. La diastase utilisée était en solution chloroformique; on laissait le chloro- forme s'évaporer avant de l'employer et on constatait qu’à ce moment elle était stérile. 2. J'ai opéré aussi en ensemencant ma diastase avec une dose de choléra environ 100 fois moins forte que celle de l'expérience que je décris; je n’ai encore pu constater aucun pouvoir bactéricide. En goutte pendante, dans les mélanges de diastase et de choléra, on ne constate ni immobilisation ni mise en boules des vibrions. 390 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. même à la température de 15°, il y a croissance du vibrion cho- lérique dans l’actinodiastase. En mettant les tubes d’actinodiastase ensemencés de choléra à l’étuve, à 35°, on a, au bout de 24 heures, une abondante culture vibrionienne. Même à 15°, au bout de 48 heures, la culture est très appréciable. On s’en rend un compte exact en comparant, par la méthode des dilutions successives et des plaques, la contenance en vibrions d’actinodiastase à 35° et à 15° et d'eau de mer à la même température. L'actinodiastase est donc un bon milieu de culture pour le vibrion cholérique, en opérant à 35°. Le coccus, isolé de proies d’actinies, pousse déjà très abondamment à 15° dans l’extrait diastasique; on a des cultures comparables comme intensité à celles du vibrion cholérique à 35°. VI RECHERCHE DÉS DIASTASES DANS LES DIFFÉRENTES PARTIES DU CORPS DES ACTINIES J'ai déjà indiqué, dans le premier chapitre, que le liquide de la cavité gastro-vasculaire des actinies est dépourvu de tout pouvoir diastasique; dans le chapitre IE, en faisant connaître le mode général de préparation d'extraits des différentes parties du corps d'actinies, j'ai mentionné brièvement que l'extrait de filaments mésentériques est le seul contenant des diastases en notable quantité. Il s’agit maintenant de préciser cette dernière indication. D'un lot de 8 à 10 Adamsia Rondeletti, je fais les extraits des parties suivantes : A. Filaments mésentériques; B. Partie génitale des septa ; C. OEsophage débarrassé, autant que possible, de toutes ses connexions endodermiques ; D. Tentacules ; E. Aconties (n’a pu servir qu'à un nombre restreint d'expé- riences) ; F. Tégument. J'ai recherché les diastases de ces divers extraits. DIGESTION CHEZ LES ACTINIES. 391 Protéases. — 1 c. e. de l'extrait A dissout { gramme de fibrine (chauffée 2 heures à 58°) en 24 heures. L’extrait B met 3 jours à arriver à une demi-dissolution; la dissolution ne devient jamais complète. Les extraits E et C, surtout le pre- mier, amènent la dissolution d’une très minime portion de la fibrine. L'action de D est à peine sensible; enfin, celle de F est nulle. Le produit de la digestion par A, seul, donne une réaction nette à l’eau de brome; celui de B une réaction encore impor- tante, mais moins intense; celui de C une très faible, ceux de D et de F une nulle. En évaporant une petite quantité de ces divers liquides de digestion et en traitant ensuite par l'eau distillée, on a des cristaux de tyrosine avec A et B, non avec C, Det F. Présure. — 1 c. c. de A, à 35°5, coagule 2 c. c. de lait chlo- roformé-en moins de 10 minutes et 0.15 c. c. coagule la même quantité de lait en 25 minutes. 1 c. c. de B coagule 2 c. c. de lait en 35 minutes, et 0,15 c. c. coagule en 2 h. 15. Tous les autres extraits, même à la dose de 1 c. c., n’agissent pas sur le lait. Lipase. — Si, à 5 ec. c. de monobutyrine à 1 0/0, on ajoute 4 c. c. de chacun des extraits, on constate que tous, sans excep- tion, à 35°, dédoublent une certaine quantité de monobutyrine, Le nombre de gouttes d’une solution de soude demi déci- normale nécessaires pour revenir à la réaction au point de départ était, au bout de 40 heures d'action : Pour A, 21 gouttes : Pour B, 10 gouttes; Pour C, 5 gouttes; Pour D, 8 gouttes; Pour F, 4 gouttes. Bien entendu, les mêmes extraits chauffés avaient perdu toute action lipasique. Oxydases. — Portier, dans ses Atecherches sur les orydasest, s’est déjà occupé de la localisation de ces diastases chez les actinies. Il conclut à leur présence, principalement dans le mucus sécrété par les tentacules, mais le détail de ses expé- 4. Porrier, l'hés2 pour le doctorat en médecine, Paris, 1897. 392 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. riences montre que l’action qu’il a observée sur la teinture de gaïac n’a Jamais été bien nette. Comme lui, j'ai versé de la teinture alcoolique de gaïac sur les diverses régions d’une actinie (Adamsia Rondeletti — Sagartia parasitica) sans obtenir de bleuissement appréciable. Seuls, les aconties qui sont, comme on le sait, d’un blanc de lait, se sont teintés légèrement de bleu à la périphérie. J'ai en plus essayé l’action de divers extraits sur l'émulsion de teinture de gaïac dans l’eau. L’extrait d’aconties seul a amené un bleuissement assez net de l’émulsion de gaïac. Les autres extraits et aussi le mucus n’ont pas déterminé un bleuissement plus intense que celui de tubes témoins. L’extrait d'organes génitaux et de filaments mésentériques n’a même pas donné la légère teinte bleue du gaïac à la lumière. a” En résumé, ces recherches mettent nettement en évidence la loca- lisation presque exclusive des diastases digestives dans les filaments mésentériques, ce qui est tout à fait en rapport avec leur rôle capital dans la digestion des proies chez les Actinies. — 1] était naturel de trouver une quantité encore appréciable de diastases dans l'extrait des régions génitales; elles sont en effet tapissées de cellules de L'action présurante et protéolytique de l'extrait tentaculaire s’est montrée faible ou nulle; il est probable que, si j'avais expérimenté avec les tentacules très développés d’Anemonia sulcata, dont j'ai démontré le rôle dans la digestion des hématies, j'aurais obtenu un résultat meilleur. Enfin, tous mes extraits ont dédoublé plus ou moins bien la monobutyrine; il en a été ainsi en particulier de l'extrait du tégument qui, il est vrai de le dire, s’est montré le moins lipasique. VII DIASTASES D'ACTINIES SOUMISES A UN RÉGIME ALIMENTAIRE x Si jusqu'ici on n'est arrivé à aucune modification du suc gastrique de chiens soumis à un régime alimentaire, on a obtenu des résultats très nets du côté de la sécrétion pancréatique. Ce suc acquiert une action beaucoup plus énergique in vitro sur les matières que les animaux sont habitués à digérer. D'autre part, DIGESTION CHEZ LES ACTINIES. 393 les leucocytes des animaux supérieurs qui, comme les cellules digestives des actinies, sont des réservoirs de diastases aban- données difficilement dans le liquide circulant, mais qu’on retrouve dans les sérums, acquièrent facilement des propriétés lysinantes spécifiques vis-à-vis des éléments divers introduits dans l’organisme par voie d’inoculation !; c’est la question des cytotoxines expérimentales, résolue par les nombreux travaux de ces dernières années. Je me suis posé la même question avec les actinies, et malgré les nombreux essais tentés pendant deux longs séjours au bord de la mer, et en me plaçant dans les meilleures condi- tions expérimentales, je suis arrivé à un résultat absolument négatif. Les actinies en expérience étaient laissées dans leur milieu naturel. J'étais sûr de les retrouver toujours au même endroit. En 1899, j'ai opéré uniquement avec du caillot de poule. En 1900, j'ai varié les conditions expérimentales. Ayant remarqué que la fibrine et surtout le caillot de mouton sont difficilement dissous par l’actinodiastase, alors que le caillot de poule l’est assez facilement, j'ai nourri 3 lots différents d'Anemonia sulcata, le premier avec de la fibrine de mouton, le second avec du caillot du mème animal, le 3° avec du caillot de poule; un 4° lot recevait des organes pédieux d’escargot, également très difficiles à digérer par l’actinodiastase. Chaque lot d’actinies recevait sa nourriture, toujours la même, en moyenne une fois par semaine ; et chaque animal était nourri à satiété. Malgré cette pléthore de nourriture, les actinies refusaient rarement la proie que je leur offrais et paraissaient presque toutes en bonne santé. Quelques- unes cependant étaient flasques et, si elles étaient nourries avec du caillot, finissaient par perdre la coloration brune de leurs tentacules. Comme dans le cas des actinies injectées de bleu de méthylène, les algues symbiotes abandonnaient les tentacules, chassées sans doute par le pigment vert qui remplissait peu à peu les cellules endodermiques des tentacules et formait écran. Chez les actinies nourries avec du caillot de poule, j'ai observé une certaine mortalité. Vers la 4° ou 5° nourriture, 1. Les recherches toutes récentes de Metchnikoff (Centr. f. Bakt., Abth. I, avril 1901), prouvent qu’oa peut atteindre le même résultat en introduisant ces éléments (caillots divers) par voie buccale. 394 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. quelques-unes étaient tout à fait flasques, ne réagissaient pas au contact avec un corps étranger, refusaient tout aliment; les jours suivants, elles avaient disparu, sans doute mortes et balayées par le flot. Ce caillot de mouton, à doses répétées, montre donc une certaine toxicité pour les actinies. Mais, je le répète, ces accidents ont été rares, et la grande majorité des actinies en expérience ont parfaitement supporté les ré- gimes alimentaires auxquels je les soumettais. Après un certain nombre de nourritures (jusqu’à 7 pour le caillot de mouton), des actinies de chaque lot étaient emportées au laboratoire, en même temps que des actinies non soumises à un régime ; des extraits étaient préparés par une des méthodes indiquées et essayés sur les diverses substances des régimes. Le temps écoulé entre la dernière nourriture et la mort de l’actinie a varié entre 6 et 16 jours. Jamais l'extrait d’une actinie nourrie avec un certain aliment ne s’est montré plus actif vis-à-vis de cet aliment que l'extrait d’actinies nourries avec un autre aliment, ou non soumises à un régime. J'ai fait à cet égard de très nombreuses expériences, dont il est inutile de donner ici le détail, et j'ai toujours eu le même résultat négatif. Par conséquent, les diastases des actinies soumises à un régime alimentaire n'acquièrent aucune propriété spécifique. Le liquide de la cavité gastro-vasculaire de ces mêmes acli- nies s’est montré tout à fait dépourvu de propriétés diastasiques ; il n’a pas non plus acquis de propriétés fixatrices pour les aliments composant le régime, à la façon des substances sensibilisatrices spécifiques que l’on peut développer en grande quantité dans les sérums des animaux supérieurs soumis à des injections appropriées, et auxquelles les cytotoxines doivent leurs propriétés dissolvantes spécifiques si intenses. L’extrait de filaments mésentériques paraît d’ailleurs dénué de toute substance sensibilisatrice. Chauffé à 58°, il a, comme je l'ai montré, perdu tout ou presque tout (suivant le cas) son pouvoir protéolytique; mélangé avec un peu d’actinodiastase fraiche, il ne récupère rien. La petite quantité de protéase ajoutée agit comme si elle était seule. C’est peut-être à l’absence chez les actinies de substances analogues aux sensibilisatrices des animaux supérieurs qu’il faut attribuer la non modification des extraits diastasiques d'actinies DIGESTION CHEZ LES ACTINIES. 395 soumises longtemps à un régime. Dans les cas où, chez les mammifères et les oiseaux, on a obtenu des résultats dans la voie où je me suis engagé chez les actinies, il y a probablement sensibilisatrice préformée, quoiqu'en faible quantité (par exemple l’entérokynase du suc intestinal). J'ai montré, dans un chapitre précédent, que la faible diges- tion du caillot et de la fibrine de mouton dans l’actinodiastase tient à la présence d’antidiastases abondantes dans le sang du mouton. Il était donc indiqué de rechercher si, chez les actinies soumises au régime du caiïllot ou de la fibrine de mouton, il ne se développe pas quelque substance capable de neutraliser l’antidiastase du sang de mouton. Mes essais pour mettre en évidence une substance semblable dans les extraits diastasiques ont encore été infructueux : le sérum de mouton se montre aussi empêchant vis-à-vis des diastases d’actinies nourries avec des dérivés du sang de mouton qu'avec toute autre diastase. En résumé, malgré les bonnes conditions expérimentales dans lesquelles je me suis placé, il m’a été impossible de faire fabriquer aux actinies d’autres ferments solubles que ceux qu'ils produisent naturellement, ni même ceux-ci en quantité plus considérable. Ce résultat cadre, d’une façon générale, avec ceux que nous devons à Metchnikoff qui, dans ses études de pathologie comparée, a montré que les propriétés des humeurs contre les microbes ou leurs toxines n’apparaïissent que chez les animaux très élevés en organisation; par exemple, les anti- toxines ne sont formées que chez les vertébrés à sang chaud, ou chez les crocodiliens placés à 35°. VIII CONCLUSIONS Brièvement, on peut dire que l’acte digestif des actinies ne s'accomplit que dans la cellule même qui produit la diastase. J'ai montré que le liquide de la cavité cœlentérique est dénué de toute propriété diastasique, c’est-à-dire digestive. En opérant avec un aliment facile à observer au microscope, le globule rouge, j'ai suivi toutes les transformations de cette substance depuis son incorporation par la cellule digestive, alors qu’elle 396 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. n’a subi aucune modification dans la cavité cœlentérique, jus- qu’à sa disparition complète, Toutes les diastases qu'on peut retirer des cellules digestives des actinies, en détruisant ces cellules, et dont on peut ainsi observer l’action in vitro, ressemblent beaucoup, par leurs condi- tions d'action, par les substances sur lesquelles elles peuvent agir, à celles que l’on connaît chez les animaux à digestion extracellu- laire et en particulier chez les mammifères. Par conséquent, d'un bout à l’autre de l'échelle animale, les processus di- gestifs sont identiques dans leur essence. La digestion intracel- lullaire, au point de vue physiologique, ne diffère en rien de la digestion extracellulaire. Dans les deux cas, ce sont des variétés diverses des mêmes espèces de diastases qui agissent : voir par exemple les différences entre l’actinoprotéase et la trypsine du suc pancréatique des mammifères, l’actinoprésure et le lab des mammifères. Ces diastases sont soumises aux mêmes lois; j'ai insisté, en ce qui concerne l’actinodiastase sur l’influence de la température, de la réaction du milieu, sur l’action empé- chante des sérums des animaux supérieurs. Une autre comparaison s’impose entre l’actinodiastase et les produits leucocytaires. Physiologiquement, les uns et les autres agissent à l’intérieur même de la cellule qui les produit. Ils sont régis par les mêmes lois. Ainsi, l’hémolysine de l’actinodiastase est détruite à 56° comme celle des sérums; au contraire, la lipase des uns et des autres résiste à des températures plus élevées. Dans le mode d'action, il y a encore des analogies : la façon dont l’actinodiastase agit sur les hématies rappelle beau- coup ce que l'on a observé dans la destruction des globules rouges par les hémotoxines ; et la mise en sphère des hématies par l’actinodiastase n’est pas sans analogie avec le phénomène de Pfeiffer. On se convainc de plus en plus de la multiplicité des diastases que peut sécréter le globule blanc des animaux supérieurs. Or, si l’on jette un regard sur la liste des diastases digestives qui existent dans le pus‘, on est frappé des analogies avec la liste des enzymes contenues dans l’actinodiastase; par exemple, pour ce qui regarde les substances hydrocarbonées, il y a de l’amy- lise dans l’actinodiastase et dans le pus ; la sucrase manque dans ces deux liquides. Il y a une grande ressemblance entre la pro- 1. AcHALME, Comptes rendus Soc. Biologie, 1899, p. 568. DIGESTION CHEZ LES ACTINIES, 397 téase qui produit l’autodigestion de la fibrine et l’actino- protéase. En un mot, la notion de l’universalité des ferments solubles de nature diastasique chez toutes les cellules vivantes s'impose de plus en plus. La cellule digestive des actinies représente donc, à l’état indi fférencié, embryonnaire si l’on veut, ce qui, chez les êtres supérieurs, constitue deux systèmes bien distincts, à fonctions séparées, le système sanguin et le système digestif. Grâce à la concentration des cellules digestives sur tout le pourtour méan- driforme de la cavité cœlentérique des actinies, grâce aux pro- priétés pseudopodiques et plasmodiales de ces cellules, on assiste à ce fait, paradoxal a priori, de la digestion complètement intracellulaire d’une proie telle qu’un poisson ou un crabe, englobée vivante et intacte. L’actinie constitue incontestable- ment le type animal le plus hautement différencié parmi ceux qui ont conservé le mode, certainement primordial chez les êtres vivants, de la digestion intracellulaire. ESSAIS SUR LA NATURE GHMIQUE DES Too0s Par A. ÉTARD PREMIER MÉMOIRE Il EXPOSÉ Les toxines et les antitoxines ont pris une place capitale dans la médecine, Ainsi est apparu en chimie un nouveau pro- blème : celui de connaître un jour la constitution de ces toxines et de savoir si ces matières actives sont des albuminoïdes. Dix grammes de sérum antidiphtérique, par exemple, peuvent avoir une action thérapeutique spécifique ; il n’y a là qu'un gramme de substances pouvant être utiles, car le reste est de l'eau. Ce gramme est-il formé lui-même d'un albuminoïde indifférent additiônné de quelques millièmes d'une matière active qui, inséparable quant à présent, pourrait cependant n'avoir rien de commun avec une albumine, ou bien le gramme d’albumine du sérum considéré est-il une modification active dans toute sa masse, et capable d’action thérapeutique parce qu'il serait une albumine isomère douée d'action physiologique? Quoi qu'il en soit de cette question, les toxines sont, quant à présent, inséparables des albuminoïdes, toutes ces matières dérivant de la cellule neuve ou modifiée. Ces albumi- noïdes agissent régulièrement comme aliments; par exception comme poisons ou toxines quand elles sont injectées. Il y a toujours là une étude d’albuminoïdes à faire. Dans tous les cas le protoplasma, si différencié et particulier qu'il puisse être, se trouve représenté par un albuminoïde qui, en moyenne, d’après l’expérience, contient toujours 16 0/0 d'azote. Ce fait montre que les albuminoïdes, toujours dérivés de la vie protoplasmique, devraient recevoir le nom de proto- SUR LA NATURE CHIMIQUE DES TISSUS. 399 plasmides, afin d’écarter l'idée restreinte d’albumen d’œuf, d’albumine de blanc d’œuf, et d'étendre la notion des saccharides plus ou moins condensés aux protoplasmides ou albuminoïdes en général. Ces protoplasmides sont probablement très nombreux. Rien ne nous assure même que. pris dans les tissus qui exercent la même fonction, ils soient toujours identiques, que le proto- plasme musculaire ou nerveux ait toujours la même composi- tion dans toute la série animale ou même chez tous les mammifères. Comme il est pourtant le substratum de la vie cellulaire, qu'il y soit actif ou passif, qu'il puisse se transformer lui-même en toxine, ou subir l’action d’une toxine sécrétée dans sa masse ou venue de l’extérieur, il y a lieu de pousser l’étude des protoplasmides aussi loin pour le moins que celle des saccharides. Cela demandera du temps, car les protoplasmides sont des composés quaternaires bien plus complexes que les saccharides ternaires, qui n'ont pas exigé moins d’un demi-siècle d'efforts avant d'entrer dans la voie d’une étude rationnelle. Ea vue du but à atteindre, il faut à chaque moment se faire une idée directrice, au risque de la voir démontrer fausse ou de la modifier soi-même plus tard. Dans cet ordre d'études, je considérerai les protoplasmides comme des saccharides amidés suscentibles de se transformer par hydrolyse simple, Ce nest pas là une vague conjecture; je possède déjà des composés barytiques bien plus oxygénés que les acides amidés et dérivés des tissus animaux. Pendant longtemps, l'acide pectique, la vasculose, les mu- cilages, les gommes, les matières incrustantes des bois, le glycozène, le lactose, etc., ont semblé être tous des corps défi- nis comme espèce et aussi variés que difficiles à identifier. On sait maintenant que ce sont des agrégats plus ou moins con- densés de diverses hexoses, pentoses, ete., bien caractérisés. Avec plus de complexité, les protoplasmides en sont encore à l’ancienne étape des polysaccharides, au temps où l’on n’osait pas développer la formule du glucose avec cinq fois (OH), et moins encore songer à distribuer ces (OH) avec une symétrie droite ou gauche. 400 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Il MÉTHODE DE TRAVAIL Comme méthode primitive de travail, on peut appliquer l’hydrolyse sulfurique de Proust, puis de Braconnot (1821), l'hydrolyse barytique de Schützemberger (1880), ou l’hydrolyse compliquée de réduction par lacide chlorhydrique et l’étain, surtout appliquée récemment par Kossel. La méthode appliquée avec tant de succès par Kossel con- duit à des réductions avancées et à une fragmentation trop grande de molécules excessivement compliquées. Cela efface trop complètement les grandes relations primitives qu’il est nécessaire de connaître pour une première étude d'ensemble. L'hydrolyse par la baryte suturée à 200° amène aussi des dislocations trop profondes. Elle équivaut parfois à une véritable combustion de substances délicates qui se trouvent ramenées aux états minéraux simples de CO*, AzH° et aussi de C?0*H°... L'hydrolyse par l’acide sulfurique à 20 0/0 provoque la dis- solution des protoplasmides vers 111° sans réactions secon- daires observables. C’est la méthode simple que je me propose de suivre dans ces études. Les résultats actuellement connus de l’hydrolyse sulfurique se bornent à peu de faits et beaucoup de développements. Braconnot (1821), attaquant la colle forte provenant d'os, tendons, etc., a obtenu une matière cristallisée, croquante, très sucrée, qu'il nomma glycocolle. Il n’en pouvait faire l'ana- lyse en ce temps; elle a été identifiée depuis en toute certitude avec l’acide amido-acétique. En même temps, Braconnot retrou- vait la leucine de Proust, identifiée avec un des acides amido- caproïques prévus. Bien qu’on dise toujours la (leucine», il y a lieu en effet de se demander si toutes les leucines d’origine biolologique sont identiques, ce qui est possible. D’après Neu- meister, dans son traité récent, la «leucine» serait : HE C : cu: > CH?— CH? — CH (AzH2)— CO2H I. Expériences sur le tissu osseux. — Les os décalcifiés des fabriques de cette colle forte, connus sous le nom de caboches (têtes de ruminants), ont servi à de premières études. Ils con- SUR LA NATURE CHIMIQUE DES TISSUS. 404 tiennent encore des sels et de l'humidité, Vingt kilogrammes de ces os décalcifiés ont été portés à l’ébullition avec trente kilo- grammes d'acide sulfurique à 40 0/0 et maintenu tel. Les os se dissolvent en moins de 48 heures, sans donner lieu à aucun phénomène apparent. Les liquides sont assez noirs si la disso- lution par hydrolyse se fait à l’air, et à peine colorés quand on opère au refrigérant ascendant dans des ballons de 10 litres au plus. Les produits de l’attaque doivent être séparés des graisses solidifiées : ces dernières sont lavées, puis fondues, et les eaux jointes à la masse organo-sulfurique totale. Il s'agit après cela de faire disparaître l'acide sulfurique ayant servi à l’hydrolyse. Le carbonate de baryum précipité, non desséché, où l’hydrate de barvum paraissent les mieux appropriés à ce but, malgré leur prix élevé, mais ce procédé donne des liqueurs incom- modes à fitrer, Les acides organo-sulfuriques étendus d’eau ont été placés dans un bac en bois et saturés par un lait de carbonate de calcium (blanc de Meudon) jusqu’à la cessation de toute effervescence. On peut alors passer le mélange au filtre- presse et recommencer une seconde fois, après avoir délayé dans l’eau les gâteaux calciques qui deviennent désormais bons à jeter, si l’on ne tient à une recherche spéciale de matières insolubles fort peu abondantes. Les eaux sortant du filtre-presse contiennent beaucoup de sulfate caleique en dissolution ; elles ont été évaporées au bain- marie et ont donné pendant quelque temps des dépôts successifs, assez plâtré, susceptibles d’être filtrés à la trompe. Dans ces dépôts, qui ont été réunis, se trouvent, entre autre choses, le glycocolle et la leucine des os. Après quelques jours de travail, les dépôts cessent, la matière devenue vis- queuse prend une tension de vapeur constante sur bain-marie. Il convient alors de la conserver dans des vases bouchés. Après quelques semaines, elle prend l'aspect d’un miel roux semé de petits cristaux de glycocolle et un peu fluorescent. A la suite de ce traitement, on se trouve donc en présence de deux catégo- ries de matières : les unes cristallisables, fort peu abondantes ; les autres, incristallisables, constituant de beaucoup, pour les os, la masse principale. L'étude des matériaux cristallins a été abordée la première. On les redissout dans très peu d’eau, puis on passe les eristaux 26 402 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. à la trompe: les eaux mères vont rejoindre la masse incristalli- sable. Les cristaux déjà purifiés de la sorte et desséchés con- tiennent assez de matières étrangères visqueuses pour redevenir poisseux dans les allonges d'épuisement à l'alcool méthylique. Même dans des cartouches en papier filtrant, on n'obtient pas toujours un résultat pratique, la fusion du magma le rendant imperméable à l'alcool qui circule simplement autour. Le mieux pour ce genre de recherches est de découper un grand nombre de petits rectangles de calicot lavé, d'y mettre environ 5 gram- mes de matières à épuiser. de lier les deux bouts et d’aplatir ces sortes de papillotes. Le lessivage à l'alcool ou à l'alcool méthylique bouillant se fait alors rapidement dans les allonges à reflux. Quand les alcools passent clairs, l'épuisement est ter- miné, les nouets aplatis contiennent une matière sèche cas- sante, dure, à peu près incolore, riche en sulfate de calcium et en glycocolle, peu soluble dans les alcools concentrés. Dans les liquides bruns d’épuisement se trouvent des sphérules micros- copiques. formant une poudre cireuse ressemblant à du lycopode, et qui servira plus tard à l'étude de la leucine. Divers essais préalables pour simplifier les traitements ou chercher des séparations relativement aisées m'ont empêché dans ces premiers travaux de prendre tous les poids. Cependant je ne puis évaluer à plus de 500 grammes le glycocolle obtenu avec 20 kilos d’os décalcifiés, soit 2 1/2 pour cent. La leucine brute n’a pas atteint 100 grammes, soit 0,5 0/0. La presque totalité de la matière n'a pas encore été étudiée suffisamment; elle correspond en partie à ce que Schützember- ger a désigné sous les noms de glucoprotéïines et de leucéïnes. La formule de constitution des albuminoïdes de Schützem- berger, si souvent transcrite dans les livres, était, au moment où elle parut, un excellent schéma de laboratoire, poussant à l’ex- périmentation, En ce temps, la cryoscopie et la réfraction n'étaient pas en usage, et même la signilication des observations polarimétriques donnait lieu à controverse. Aussi l’auteur a-t-1l évilé avec toute sa conscience scientifique d'introduire dans une formule très générale les précisions qu'on y a mises depuis, et qui créent un préjugé, une idée faite, de nature à empêcher de nouveaux efforts. Avec une telle interprétation, on arrive à considérer les protoplasmides comme un minerai d'acides ami- SUR LA NATURE CHIMIQUE DES TISSUS, 403 dés, notamment de glycocolle et de leucine qui, dans les os au moins, ne figurent que pour un chiffre minime après l’hydro- lyse simple. Je ne puis parler plus longuement de cette question sans reproduire le schéma général de Schützemberger, en abrégeant les détails au moyen d’un pointillé. 7: CO — CaH?a — AZH — CbH2b — Az;H — CAH2d — CO — OH ans < CO — C#A24 — AzH — Cb'H2b — Az — Cd'H2d — CO | | CO — CH3 (1) co ch Az < Co ms CnH2u- 2 AzH Re CM NO OT En ON ER ID CO < Az =, CO AzH dat inleisentele tea eteleiete n'olkie vie ciel tlartets lets le ae les . AZ AT ne et ae Po etct ue le re SMS otre nie Nes tacle Mn see un M Etes e LUS , CO Le système est fait pour montrer que des acides amidés sont cimentés par des résidus d’acide oxalique, d’urée, de car- bamide et des carbonyles. Le ciment en question a été disposé de façon à expliquer la présence expérimentalement constatée d’ammoniaque, ainsi que de carbonate et même d'oxalate de baryum lors du dédoublement par la baryte à 200. Les expériences accumulées dès avant 1890 autorisent à dire que les groupes oxalique et uréïque mis en évidence dans le schéma ne sont pas indispensables pour expliquer les faits, car les alcalis à température élevée transforment les saccharides en oxalates (fabrication de l'acide oxalique) et les matières azotées les plus diverses rendent de l’ammoniaque. J'ai d’ail- leurs refait à ce point de vue une expérience qui permit à Cahours d'établir la fonction amine du glycocolle. Cet acide amidé pur a été chauffé avec de l’eau de baryte limpide à 200. Après 24 heures on a pu doser 1,27 0/0 de la matière en ammo- niaque. Mais, en plus de l’ammoniaque, il s’est formé 4,6 0/0 de carbonate de baryum. La destruction prouvée quant au carbo- nate, les autres substances n'ont pas été cherchées. Dans l’action des alcalis sur les protoplasmides, le glycocolle formé suffit à expliquer au moins lammoniaque et l'acide car- bonique produit, sans compter l'acide oxalique probable ainsi que l'acide acétique. Une partie du glycocolle est consommé de la sorte. Pour le présent, tout schéma des protoplasmides semble prématuré. Il, Glycocolle et leucine du tissu osseux. — Il à été exposé plus 4. Dictionnaire de Wüurtz, 2% suppl., t. I, p. 130 404 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR, haut que la concentration des liquides d'hydrolyse sulfurique des os saturés par la craie laisse déposer des cristaux empâtés de matières sirupeuses, = 2 D © ON © © N D OO (2 448 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. PERSONNES TRAITÉES, MORTES DE LA RAGE MOINS DE 15 JOURS APRÈS LE TRAITEMENT Pacay (Théodore), 25 ans, lieutenant de cavalerie, Athènes (Grèce). Mordu le 22 janvier 1900, sur le nez une morsure, par piqüre, qui avait saigné, la morsure à été lavée à l’eau de Cologne. Traité à l’Institut Pasteur du 31 janvier au 20 février, les premiers symptômes rabiques se sont manifestés chez lui le 23 février ; il est mort le 27 février. Le chien qui avait mordu Pachy avait mordu une autre personne, qui a été traitée du 3 au 23 février; cetle personne va bien. Le bulbe du chien mordeur inoculé à un lapin a donné la rage après 14 jours d’incubation. MarrauD (Jean), 8 ans, chez ses parents, à Limoges (Haute-Vienne). Mordu le 9 mars, à la joue droile une plaie pénétrante de 3 centimètres nécessitant 3 points de sulure, a saigné : lavage une demi-heure après. Mordu par un chien reconnu enragé par un velérinaire, et le bulbe ino- culé à des animaux a donné la rage 14 jours après. Le même chien avait mordu une autre personne qui a été traitée du 12 au 29 mars; cette personne va bien. Mariaud a été traité à l'Institut Pasteur du 142 mars au {er avril. Les premiers symplômes rabiques se sont manifestés chez lui vers le 14 avril, il est mort le 18 ou le 19 avril. LacLauTRe (Marcelle), 5 ans, chez ses parents, menuisiers, 303, rue de Belleville, à Paris. Mordue le 29 juin, à Paris par un chien reconnu euragé par M. Roudel, vétérinaire; plaies multiples à la figure, ont saigné beaucoup, non cauté- risées, : Elle a été trailée à l’Institut Pasteur du 29 juin au 19 juillet. Les pre- miers symptômes rabiques se sont manifestlés chez elle le 23 juillet ; elle est morte le 26 juillet. Piexecuy (Marceline), 12 ans, chez ses parents, à Masparraute (Basses- Pyrénées). Mordue le 7 juin, par un chien errant reconnu enragé par M. Inda, vélérinaire à Saint-Palais : avant-bras droit une morsure et genou gauche une autre morsure, qui ont saigué, fales à travers des vêtements qui ont été déchirés par les dents du chien. A été traitée à l'Institut Pasteur du 10 an 27 juin. Les premiers svmp- tômes rabiques se sont manifestés chez elle le 4 juillel; elle est morte le 8 juillet. Une autre personne mordue par le même chien, et traitée à l’Institut Pasteur du 10 au 27 juin, va bien. PERSONNES TRAITÉES, MORTES DE LA RAGE MOINS DE {5 JOURS APRÈS LA FIN DU TRAITEMENT GEORGES (Émilienne), 2 ans, chez ses parents, à Boulogne-sur-Seine. LES VACCINATIONS ANTIRABIQUES EN 1900. 449 Mordue le 13 septembre, au mollet gauche, à travers un bas; deux plaies pénétrantes qui ont saigné; chien reconnu enragé par M. Chobaud, vétérinaire à Boulogne; le bulbe de ce chien, inoculé à des animaux, a donné la rage le 18e jour. Georges (Émilienne) a été traitée du 45 septembre au 2 octobre. Les premiers symptômes rabiques se sont manifestés chez elle le 3 octobre ; elle est morte le 5 octobre. Une autre personne mordue par le même chien et traitée à l'Institut Pasteur du 15 septembre au 2 octobre va bien. PaouiGxox (Lucien), 16 ans, chez ses parents, à Vierzon (Cher). Mordu le 18 septembre, pouce droit, 5 morsures pénétrantes qui ont sai- gné, cautérisées au thermocautère 20 minutes après; mordu par un chien errant qui n’a pas été retrouvé. Traité du 20 septembre au 7 octobre. Les premiers symptômes se sont manifestés chez lui le 21 octobre; il est mort le 26 octobre à une heure du matin. PERSONNES TRAITÉES, MORTES DE RAGE APRÈS LE TRAITEMENT # CaurrarT (Émile), 68 ans, concierge, rue Clavel, 19, Paris. Mordu le 13 mars, main droite, éminence thénar, une morsure profonde de { centimètre qui a beaucoup saigné, morsure lavée à l'eau boriquée : le chien a été reconnu enragé par M. Millet, vétérinaire à Paris. Traité à l'Institut Pasteur du 14 au 31 mai. Les premiers symptômes rabiques se sont manifestés chez lui le 143 août, il est mort le 16 août. Chuffart était profondément alcoolique. Pierre (Cécile), née Warcoin, demeurant rue Beuret, 18, à Paris. Mordue le 13 août, poignet gauche et poignet droit, chacun une morsure profonde qui ont beaucoup saigné, lavées au sublimé un quart d'heure après; chien reconnu enragé par M. Huet, vétérinaire à Paris. Traitée du 15 août au {er septembre. Les premiers symptômes rabiques se sont manifestés chez elle le 26 septembre; elle est morte le {er octobre. Une autre personne mordue à la joue droite par le même ue et traitée à l’Institut Pasteur du 15 août au # septembre, va bien. MariGxANE (Alfred), 50 ans, demeurant à Clermont-Ferrand (Puy-de- Dôme). Mordu le 17 septembre à la main gauche, face dorsale et face palmaire, 3 morsures pénétrantes qui ont bien saigné, lavées à l'alcool le lendemain. Mordu par un chien reconnu enragé par M. Tachet, vétérinaire à Cler- mont-Ferrand, Traité à l’Institut Pasteur du 21 septembre au 8 octobre. Les premiers symptômes rabiques se sont manifestés chez lui le 24 octobre; il est mort le 26 octobre. Une autre personne mordue par le même chien, et traitée à l'Institut Pas- teur du 21 septembre au 21 octobre, va bien, 29 450 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. MAMER TZ (Gustave), 37 ans, demeurant rue des Poissonniers, 129, à Paris. Mordu le 48 janvier, à l'index droit, face dorsale, une plaie par piqure bien pénétrante, qui à saigné, non cautérisée : mordu par un chien reconntl enragé par M. Coquillard, vétérinaire à Paris. Traité du 22 janvier au ÿ février. Les premiers symptômes rabiques se sont manifestés chez lui le 20 mars; il est mort dans la nuit du 26 au 27 mars. PERSONNES NON TRAITÉES MORTES DE LA RAGE Vaner (Berthe), 40 ans, léchée le 21 octobre 1899 sur le dos de la main, où il y avait une petite éraillure, par un chien entagé. Prise de la rage le 20 janvier 1900, morte à l'hôpital Necker le 22 janvier. M&yer, mordu au nez le 6 janvier par un chien inçonnu, mort le 20 mars à l'hôpital Tenon. Son bulbe, remis à l’ Institut Pasteur et inoculé à deux lapins le 21 mars a donné la rage le ? avril. Leroux (Anatole), 43 ans, chez ses parents, rue Denfert-Rochereau, 17, à Saint-Denis. Mordu à la figure le8 avril, par un chien enragé: pris de rage le 19 juin, mort à l'hôpital de Saint-Denis le 22 juin. Bée (Michel), 40 ans, Choisy-le-Roi, mordu 9 mois avant par un chien errant : ne s'est plus préoccupé de sa morsure. Mort le 7 août 1900 à l'hôpital de la Pitié, de la rage, dit-on. Son bulbe, qui était en putréfaction quand on Fa remis à l'Institut Pasteur, le 15 août, a été inoculé à deux cobayes qui n'ont jamais donné de résultat. Trssier (Auguste), 27 ans, chiffonnier, demeurant à Nanterre, aurait élé mordu à la figure, nous dit-on, par un chien errant, six semaines avant; mor à l'hôpital Beaujon le 9 septembre. Son bulbe inoculé le 45 septembre à un lapin a donné la rage le 3 octobre. GouBERrT, 26 ans, demeurant !, rue Jean-Jacques-Rousseau, à Paris. est mort le 12 septembre des suites de crises rabiformes. Nous n'avons pas eu d’autres renseignements. ErRarum. — A la page 293 de ce volume, dans la note au bas de la page lire M. Métalnikoff au lieu de M, Metchnikoff, CONTRIBUTION À L'ETUDE CAUSALE DES MODIFICATIONS D'ÉTAT DES COLLOIDES SUR LES PROPRIÉTÉS PHYSIQUES DE LA MICELLE ALBUMINOIDE Par LE Dt SWIGEL POSTERNAK! X MÉCANISME DE LA SOEUBILISATION DES COLEOÏDES La question de la cause de la solubilisation des colloïdes, à l'encontre de celle de la précipitation, n’a jamais préoccupé les chimistes. La seule hypothèse, tacitement admise par la plupart des représentants de la chimie biologique pour expliquer la solubi- lité des colloïdes d’origine vitale dans les acides et les alcalis, est d'ordre chimique. Les corps, solubles dans les acides, sont considérés comme de nature basique : les corps, solubles dans les alcalis, comme possédant un caractère acide. Une grande partie de Ja terminologie et des conceptions en cours dans Ja chimie des albuminoïdes fut certainement inspirée par cette hypothèse presque bizarre. Quelle raison peut-on, en effet, invoquer en faveur de la dénomination (acide nucléique ? » ou «acide mélanoïdique * », si ce n'est la solubilité de ces deux corps dans les alcalis et l’in- solubilité de Fun d'eux dans l’alcool acidulé, de l’autre dans les 4. Suite. Voir les n° de février et de mars de ces Annales. Plusieurs errata ont échappé à la correction, En voici les plus importants : Page 108, ligne 41 au lieu de plus grand, lire moins grand. — A13, — 6 — à 1/2 0/0 — à 1/2 0/0 dans H :l à 14/2 0/06, Méme page, — 19 après des ions ajouter dans 2 €. c. Page 175, tableau VI, ligne 4, au lieu de 63, lire 634. Môme tableau, ligne 2, au lieu de0,0551 lire 0,00551. Page 200, note 1, au lieu de cathode lire anode el inversement: 2, R. Arrmanx, Ueber Nucleïnsäuren, Arch. f. Analomie und Physiologie. (Phys. Ab), 1889, p. 524. 3. O. ScawiEenEBERG, Arch. f. experimentale Path. u. Pharmacol, t& XXXIX, Dr 452 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. acides concentrés. Quel argument peut-on apporter en faveur de la conception de [a nucléohistone qui ne serait, d’après M. Lilien- feld, qu'un uucléate double d’albumine et d’histone, en dehors de la possibilité de décomposer le précipité que l’on obtient à l’aide de l’acide acétique dans les extraits aqueux des cellules, en deux fractions, dont l’une est soluble dans l'acide chlorhy- drique à 0,8 0/0 (histone), l’autre insoluble (nucléine) ? L’enchaînement des idées qui a amené à cette hypothèse n'est pas difficile à deviner. On transporte dans le domaine des albuminoïdes et de la chimie cellulaire quelques constatations superficielles de la chimie minérale, en les généralisant hâtive- ment. Ea traitant un sel métallique ävec un aleali, on précipite la base métallique qui peut être redissoute à l'aide d’un peu d'acide. On en conclut que les bases, en général, sont insolubles dans les alcalis et solubles dans un milieu acide. Or, sans même invoquer la solubilité mutuelle des acides minéraux ou des alcalis, ou l'insolubilité des phosphates acides dans les alcalis, il est absolument inexact d’affirmer que les bases métalliques sont insolubles dans ces derniers réactifs. Les précipités des hydrates qu’on observe généralement n'apparaissent que parce qu’en même temps qu'eux il se forme un sel alealin qui précipite l'hydrate métallique de ses solutions colloïdales!. Et comme celte précipitation demande toujours une concentration assez grande et définie des substances minérales, on peut, par dilution du selmétailique avec beaucoup d’eau, empêcher la formation du précipité. C’est cette propriété qui a permis, par exemple, à MM. Brédig et Müller V. Berneck * d'étudier l’action catalytique des hydrates de manganèse, de cobalt, de nickel, de cuivre, de plomb et de fer en solution alcaline sur l’eau oxygénée. Ces solutions ont été obtenues avec uae concentration moléculaire des ’sels égale tout au plus à 0,0001 en présence d’un excès de soude. Enfin, lhydrate d'aluminium est assez soluble dans les alcalis. Il est difficile, par conséquent, de tirer une conclusion quel- conque au sujet du caractère chimique d'un corps d’après la 4. Il est vrai, qu'une fois formé, le précipité bien lavé n’est plus soluble dans les alcalis. Mais alors intervient un phénomène dont l'étude sera plus en place au chapitre consacré à la coagulation. 2 Z. f. physik. Ch: T. XXXI, p. 258 (1899). PROPRIÉTÉS PHYSIQUES DE LA MICELLE ALBUMINOIDE, 453 nature des réactifs dans lesquels il est soluble ou insoluble. La plupart des matières colloïdes connues, à l'exception de celles qui possèdent des micelles extrèmement grandes, sont solubles à la fois dans les alcalis et les acides de faible concentration ‘. La solubilité plus ou moins grande des colloïdes ne dépend que des propriétés physiques de leurs micelles, C'est ce que nous essayerons de démontrer. Au point de vue de leur solubilité dans l’eau, les colloïdes peuvent être divisés en deux groupes : 1° les colloïdes qui s'y dissolvent sans qu'on se trouve obligé d'ajouter quoi que ce soit pour favoriser la dissolution : 2° les colloïdes insolubles dans l’eau distullée. ILest impossible de ne pas être frappé par cette constatation que toutes les matières appartenant au premier groupe —les albu- mines exceptées, on verra plus loin pourquoi — les albumoses. les peptones, les dextrines, le glycogène, le tannin, l'acide tungs- tique. etc., ont donné, en règle générale, à l'étude cryoscopique des nombres au-dessous de 5.000, du moins selon les mesures effectuées jusqu'ici. Les corps appartenant au deuxième groupe ont mené à des nombres beaucoup plus forts. Toutes les réserves faites sur l'exactitude deschiffres obtenus pour les colloïdes par les méthodes physico-chimiques, ils peu- vent cependant servir pour la comparaison du poids des parti- eules formées par la dissociation de ces matières dans l’eau, des micelles, par conséquent, si l’on se rappelle notre définition des colloïdes. En outre, comme on n’a pas de raison d'admettre une variabilité très grande de la densité des micelles de différente origine, placées dans les mêmes conditions, ces nombres peu- vent nous renseigner aussi sur la grosseur relative de ces unités physiques. Nous voyons donc que tous les colloïdes solubles dans l’eau distillée présentent une grosseur micellaire ne dépassant pas une certaine limite. Il est naturel dès lors de penser que si l’on arrivait par un moyen quelconque à diminuer au-dessous de 4. C'est aussi le cas, de l’acide mélanoïdique qui est même un peu soluble dans les acides concentrés. Si l'on décompose un albuminoïde à chaud avec de l'acide sulfurique à 30 0/0, le liquide devient brun foncé. En neutralisant exac- tement dans le liquide filtré l'acide sulfurique avee de la soude et en acidifiant légèrement avec de l'acide acétique, on obtient un précipité assez notable de la substance mélanoïdique qui était, par conséquent, en solution,malgré la présence de l'acide sulfurique assez concentré, 454 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. cette limite [a grosseur des micelles appartenant aux colloïdes du deuxième groupe, tout en ne changeant rien à leur poids ou au nombre des molécules qui les composent, on parviendrait par cela même à les mettre en solution. Or, on a vu au chapitre précédent que les ions libres possè- dent la faculté de diminuer la grosseur des micellés en leur communiquant une charge électrique plus ou moins notable. D'autre part, nous avons été amenés depuis longtemps à récon- naître aux ions une action solubilisante sur les micelles albu- minoïdes. Ces notions sont à rapprocher. La cause et le mécanisme de lu solubilisation d'un colloïde insoluble dans l'eau distillée est la diminution de la grosseur de ses micelles sous l'influence de la charge électrique qui leur est commat- hiqjuée par les ions libres. Un examen rapide des constalations empiriques sur la solubilisation des colloïdes dans l’eau entraînera, j'espère, la conviction du lecteur. Les faits que nous nous proposons de passer en revue peuvent être divisés en trois catégories : 1° les faits qui se rapportent aux méthôdes de préparation des hydrosols; 2° lés faits qui prouvent l'existence d’uné relation entre les pouvoirs électrisant et solubilisant d'un éléctrolyte; ét 3° les faits qui démontrent directement là modification réelle de la grosseur micellaire. Méthodes de preparation des solutions colloidès. — En premier lieu sont à rappeler celles que Graham (Phil. Transäct., 1. CLI, page v. 183-1861) a proposées pour la solubilisation de l'hydrate d'aluminium, de l’hydrate de fer et de la silice. On sature une solution étendue d'acide chlorhydrique avec de l’'hydrate d'aluminium fraîchement préparé, et on soumet le tout à la dialyse jusqu'à ce que liquide extérieur ne pérmet plus de déceler l'acide chlorhydrique par le nitrale d'argent: Mais «les chlorures ne sont pas les réactifs les plus sensibles, pour l'argent », et la solution de l'hydrate d'aluminium dialysée n'en contient pas moins encore de l'acide chlorhydrique très dilué qui suffit pour rapetisser les micelles de l’hydrate. Ce dernier, précipité de ses solutions, contient, d'ailleurs, une quantité sensible d'acide chlorhydrique. Si l'on arrivait méme à éloigner tout l'acide par une dialyse très prolongée, là charge éléctrique PROPRIÉTES PHYSIQUES DE LA MICELLE ALBUMINOIDE. 455 dont les micelles Sont déjà porteurs persisterait néanmoins pendant assez longtemps, et tiendrait l'hydrate en solution, à condition que rien ne vienne le décharger. Pour obtenir l'hydrate ferrique colloïdai, on sature une solution de perchlorure de ce mélal avec de lhydrate dé fer fraichément préparé et on dialyse. Le perchlorure de fer étant en partie hydrolysé, c'est encore l'acide chlorliydrique prove- nant de l'hydrolyse qui communique aux micelles la charge électrique hécessaire à leur diminution. On prépare l'hydrosol de la silice, en versant, d'après le conseil dé Graham, une solution alcaline de silice dans un ekeès d'acide chlorhydrique ét on dialyse. Si l’on avait neutra- lisé exactement là solution alcaline avec de lacide chlorhy- driqué, on aurait obtenu un précipité de silice gélatineuse, tout comme on provoquerait une précipitation dans les mêmes condilions avec une solution alcaline d'un albuminoïde de réserve. Dans l'acte de neutralisation, les ions à pouvoir élec- trisant le plus notable # et 63, qui ne peuvent pas exister côte à côlé dans une solution aqueuse, S ‘unissent en formant de l’eau. Il ne reste que les ions moins actifs des sels alcalins, qui ne suffisent pas pour dissoudre les micelles de la silice. M. H. Schulze ‘ 6btint les sulfures d’arsenic et d’antimoine en Solution aqueuse en traitant l’anhydride arsénieux et le sulfüre d’antimoine suspendus dans l'eau par l'hydrogène sulfuré. M. Spring ? prépara par la même méthode les sulfures de cuivre et d'étain, M, Prost *, le sulfure de cadmium, M. Witssinger ‘, les sulfures de mercure, dé zine, d'or, de platine, d'argent, de palladium ele. Dans tous ces cas ce sont les ions libres de l'acide sulfhydrique qui agissaiént comme solubilisateurs, 2n communiquant naturellement aux micelles une charge positive Les méthodes, proposées pour la préparation des solutions colloïdes des métaux, Semblent au premier abord beaucoup plus compliquées, et quelques-unes d’entre elles rappellent par lôur énpirisme dogmatique les récéltes médicales du moven 1. J. f. prakti$che Chétnte, 1882, p. 431; 1S85, p. 320. 2. Ber. d. d. Chem. gés., 1883, p. 1142. 3. Bull. de l'Ac. Royale de Belgique, sér. 3, t. XIV: 1887, p. 312. 4, Bull, de la Soc. C'himique de Paris, t. XLIX, 1888. h. 452, 456 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. âge. Et cependant, le mécanisme de Ja solubilisation des métaux est le même que pour d’autres colloïdes. Toute la complexité des méthodes proposées est due à la nécessité de permettre le contact des ions libres avec les unités physiques du métal. Ce dernier, à l’état compact et malléable, comme nous le voyons autour de nous, est encore moins soluble en présence des acides de faible concentration ou des alcalis qu’un albuminoïde corné qu'on obtient par dessiccation lente d’une solution de matière protéique sur l’acide sulfurique. Le mème albuminoïde, finement pulvérisé et trituré avec un alcali ou un acide faible. entre facilement en solution. Les métaux tels que l'or, l'argent, le platine peuvent, comme on sait, être mis en état de division extrême par réduction des solutions de leurs sels. Or, si les ions interviennent pendant la réduction, les micelles surprises au moment même de leur formation au dépens du sel. sont électrisées et diminuées de volume. Dans la méthode de M. Schottländer ‘, c’est évidemment l’acétate céreux qui agissait en réducteur et la soude qui four- nissait les ions solubilisateurs. Mais la réduction chimique des métaux précieux peut être atteinte par d’autres moyens que l’acétale céreux, par les hydrates de carbone, par la plupart des sels d’oxydes inférieurs, par la formaldéhyde, par l’eau oxy- génée, par l'hydrogène à la température de 1009, etc. Aussi voyons-nous M. Carey-Lea proposer tour à tour la dextrine et Le citrate de fer pour préparer l'argent colloïdal. Cet auteur ? fait dissoudre 40 grammes de dextrine avec autant de soude dans deux litres d'eau. et ajoute au mélange une solution de 28 grammes de nitrate d'argent. Le liquide devient noir foncé, rouge après dilution. Dans ce procédé, c’est l’excès de soude qui solubilise les micelles du métal réduit. En neutralisant exac- tement la soude, on précipite le métal. 1. D'après le procédé de M. Schoitländer (Ber. d. d. Chem. g., t. XXNII, p. 499 (1894), Referat.), on mélange 15,75 gr. d’acétate céreux en solution dans 300 €. ce. d’eau distillée libre d'air et d'acide carbonique avec 401 e. e, de soude décinormale, et on y ajoute petit à petit 300 c. c. de chlorure d’or neutre, con- tenant 2 grammes d’or. On chauffe le tout au feu nu de une heure à une heure et demie et on obtient ainsi une solution violette très foncée d'or métallique qui peut être précipité par les sels alcalins. Malgré ces détails, aussi nombreux que précis, le précipité après purification contient 53,70 °/, d’or et 39,32 °/, d’oxyde de cerium. 2, American Journal of Science. S. 3, t. XLI, p. 482. PROPRIÉTÉES PHYSIQUES DE LA MICELLE ALBUMINOIDE. 457 Le second procédé de M. Carey-Lea ! consiste à mélanger le citrate de fer avec une solution de nitrate d'argent. On obtient un hydrosol d'argent analogue au précédent, avec cette diffé- rence que la solubilisation est due aux ions de l'acide citrique mis en liberté. M. Zsigmondy * s’est servi de la formaldéhyde en présenco du carbonate de potasse pour préparer l’or en solution colloïde. Le carbonate de potasse est en partie hydrolysé dans l’eau, ce sont donc les ions de la potasse qui communiquaient aux micelles une charge négative. Sous linfluence du courant électrique les particules d’or se déplaçaient, en effet, vers l’anode. M. Stoeckl et Vanino* ont appliqué récemment toute une série de réducteurs, y compris le phosphore, employé jadis par Faraday, en présence ou en l’absence des alcalis. pour préparer l'or colloïdal. Mais la méthode la mieux faite pour la démonstra- tion du mécanisme de la solubilisation des métaux est assuré- ment celle de M. Muthmann ‘. Cet auteur, qui a le premier reconnu la nature colloïdale des solutions d'argent, a soumis le citrate d'argent cristallisé à l’action de l'hydrogène à 100 degrés. La réduction se poursuivait lentement, et au bout de quelques heures les cristaux sont devenus complètement noirs à cause de l’argent métallique réduit. Les particules d'argent, figées dans la masse organique où elles avaient pris naissance, n’ont pu se réunir en conglomérats très grands et inaccessibles à la solubilisation. Cette masse noire était facilement soluble dans l’ammoniaque. lei encore, ce sont les ions de ce dernier électro- lyte qui sont intervenus comme solubilisateurs. On connaît, cependant, à l'heure actuelle; une méthode de solubilisation des métaux, où les ions ne jouent certainement aucun rôle, puisque tout le processus se fait en leur absence. Je parle du procédé très élégant, imaginé par M. Bredig * et qui consiste, en deux mots, en la production d’un are lumineux. au- dessous de la surface d’eau distillée, entre deux électrodes formées par des fils de 4 "", de diamètre du métal qu’on cherche à L. /bidem, Ser. 3, t. XXXVII, p. 476: t. XXX VIII, p. 47. 2, Liebig's Annalen, t. 301, p. 29. 3. Loc. cit.; p. 98. 4. Ber. d. deutsch. Chem. Ges., 1887, t. XX, p. 983. », Zeitschrift f. angewandte Chemie, 1898, p. 953. 458 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. solubilisér. Les particules du métal se détachent dans ces condi- lions de la câthode par un mécanisme encore peu élucidé (Katho- denserstaubung). Gommé la résistance au mouveméht de cés partieules dans l’eau est très grande, elles ne viénnent pas s’ac- cumuler sur lPanode, au fur et à mesure de leur détachément, ou s’agglomérer pour donner un dépôt du noir de métal. mais restent en solution dans l’eau distillée. Or. il ne faut pas oublier que lés particules détachées portent une charge électrique négative, c’est elle qui diminue la grosseur des micelles métalliques dans le procédé de M. Bredig, qui par cela même non seulémént ne présente pas d'exception à Ja règle de solubilisation des colloïdes, mais apporte, au tôn- traire, une preuvé directe de ce que les ions n’agissent comme solubilisateurs que grâce à Icur pouvoir électrisant. Rappoñt entre le pouvoir éleétrisant et l'énergie solubilisante dés électrolytes. Colloïdes à micelles diéléctriques. — Comie l'acte de solubilisation consiste à rameñer la grosseur des micellés au- dessous de la limite de leur solubilité dans l’eau distillée, il est à prévoir qué l'énergie de l’agent solubilisant, nécessaire pour dissoudre un colloïdé, sera ën raison directe de la grosseur el en raison invérse de l'élasticilé de ses unités physiques. Il serait facile, en s'appuyant sur les notions du pouvoir éléctrisant des ions et dés électrolytes développées au chapitre précédent, de composer toute une échelle de réactifs à action solubilisanté croissante. Nous nous borñeruns à disposer, dans l'ordte de leur efficacité, les dissolvants les plus employés par les auteurs *?. Pour les micelles non conductrices, en général, et les albu- minoïdes. en particulier, les dissolvatits les plus faibles Seront répréseulés par les solutions des sels alcilins. Le éllorure d'ammonium possède paï exeniple un pouvoir électrisant égal à 15,3, le chlorure de sodium à 38,7. Ensuite vient l'acide x chlorhydrique avec uu pouvoir électrisant à 46,5, enfin, les 4. Comp. Nannwonzp, Wied. Annalem. N. K. 1. XNXX, 1888, p. 107. Lenard et Wolf. Zbid. t. XXXV, 4889, p. #43. Comme il fallait s’y attendre, les particules dans les solutions colloïdes d’or préparées par M Bredig se déplaçaient vers l'anode lorsqu'on faisait passer un courant électrique à travers ces solutions. 2. Nous aurons toujours en vue des solutions diluées des réaelifs, pour ne pas compliquer les phénomènes de dissolution par là présenté dès moléétiles non dissocices, PROPRIÈTÉES PHYSIQUES DE LA MICELLE ALBUMINOIDE, 459 alcalis avec un pouvoir électrisant 56,6 pour l’ammoniaque et 80.0 pour la soude. | Si notre idée sur le mécanisme dé la solubilisation des colloïdes est exacte. il est à prévoir que tous les albuminoïdes solubles dans les sels alcalins. le seront également dans l'acide chlorhydrique et les alcalis: les albuminoïdes solubles dans l'acide chlorhydrique le seront nécessairement dans les alcalis, sans qu'on ait besoin d'invoquer le caraëtère double d’acidité et de bas:cité qu'on attribue généralement aux matières albumi- noïdes. L'inverse ne devait pas avoir lieu. C'est ce qu’on observe, en effet. Le précipité, provoqué par l'acide oxyméthÿlénphosphorique dans les solutions bien dialyséés de peptone de Wilté, él conté- nant beaucoup de phosphore ', dépasse par la grosseur de ses micelles la limite dont nous parlions plus haut, puisqu'il est insoluble dans l’eau; mais il ne la dépasse pas dé beaucoup : les sels alcalins de concentration très faible le dissolvent facilé- ment. Il est aussi soluble dans les acides et les alcalis. Le précipité, que l'on obtient en dialÿsant le blanc d'œuf ou lé sérum sanguin à froid, et que l’on désigne ordinäirément sous le nom de globuline, est solublé dans les solutions physio- logiques de sels alcalins. Toutés les globulines peuvent être solubilisées, comme on sait, par les acides dé faible concenlra- tion et les alcalis, Les caséinés, cértains albuminoïdes dé réserve d’origine végétalé, le blanc d'œuf dilué et chauffé, ts histones, ele., sont solubles dans les acides de faible concentration, ils sont inso- lubles dans les sels alcalins, mais très solubles dans les alcalis, Sous l'influence de ces derniers réactifs à action très énergique, les micelles de quelques-uns des albuminôïdes précités diminuent tellement de grosseur, qu’il est impossible de les précipitér par nos réactifs, ce qui réussit parfaitement bien avec l'acide thlo- rhydrique qui diminue moins les unités physiques. Enfin, les nucléines, dont les micelles sont constituées par un ou plusieurs groupements nucléique et un ou plusieurs grou- pements albuminoïdes — ce qui ne veut pas encore dire qu’on soit en présence d'un nucléate d'albuminoïde — ne peuvent être mises en solution que par les alcalis, et ceci, non pârce que 1:25: POSTERNAK, /. C., p. 5. 460 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. les nucléines posséderaient une nalure acide. supposition nulle- ment démontrée malgré ce qu'on à pu écrire là-dessus, mais parce que les micelles trop grandes de ces matières, ne peuvent être ramenés à la grosseur au-dessous de la limite de solubilité que par un agent très puissant. Colloïdes à micelles conductrices. — L'ordre dans lequel sont dis- posés nos réactifs ne sera pas le même en présence des micelles conductrices. Le pouvoir électrisant le plus faible appartiendra alors, comme dans le cas précédent, aux sels alealins (chlorure d’ammonium, 0,6; chlorure de sodium, 6,8); ensuite viendront non les acides minéraux, mais les alcalis avec 30,5 pour l’am- moniaque et 40,7 pour la soude. Enfin, l'acide chlorhydrique avec un pouvoir électrisant 79,2. On peut donc espérer de rencontrer des colloïdes conducteurs d'électricité : (a) solubles dans les acides et insolubles dans les alcalis et les sels alcalins; (b) solubles dans les alcalis et les acides et insolubles dans les sels alcalins et (c) solubles dans les trois groupes de réactifs. La diminution de la grosseur micellaire la plus notable sera produite évidemment par les acides, c’est donc avec un excès de ces réactifs qu'on arrivera à ne pas obtenir des précipités dans les cas où il s’agira des colloïdes ayant, dès leur origine, des micelles de petite dimension. Bien plus. Le pouvoir électrisant des ions haloïdes étant presque identique vis-à-vis d’une micelle conductrice (CI = 20,8, Br — 21,0, J — 21,0), il est à prévoir que les chlorures, les bromures et les iodures provoqueront des précipités, presque à la même concentration moléculaire. A l’aide de ce signe il serait possible de reconnaître un colloïde conducteur d’électri- cité, même s'il nous était difficile de le prédire en s’appuyant sur sa constitution chimique. Voici un exemple. Les micelles des métaux sont conductrices d'électricité, il ne peut pas avoir de doute là-dessus. Mais les micelles des hydrates ou des sulfures métalliques, doit-on les classer parmi les conducteurs ou non conducteurs? La réponse sera facile pour les hydrates de métaux, si l’on se rappelle les nombres trouvés par M. Hofmeister dans l’étude des concentrations précipitantes de l'hydrate de fer, et que nous avons cités plus haut (p. 171, note 1). PROPRIÉTÉS PHYSIQUES DE LA MICELLE ALBUMINOIDE. 461 Pour les chlorures, cette concentration était de 0,63 en moyenne; pour les bromures, 0,67; pour les iodures, 0,65 ; valeurs presque identiques. MM. Linder et Picton ! sont arrivés à des résultats analogues pour le sulfure d’arsenic. CI Br I INF et 1,010 1.200 1,200 CNRS PR DE 1,590 1,640 1,660 Nas NE 4,680 1,770 1,930 Ces nombres n’indiquent pasles concentrations précipitantes, mais ce que les auteurs précités désignent sous le nom de pouvoir coagulant relatif des sels, c’est-à-dire les nombres de gr. molécules de sels qui produiraient le même effet précipitant qu’un gr. molécule de chlorure d'aluminium. La façon est peu recommandable de présenter les résultats des expériences de précipitation, l'erreur de la méthode étant augmenté au moins deux cents fois. Néanmoins, les nombres pour les sels d’ammo- niaque et de potasse des trois halogènes sont presque les mêmes. Nous pouvons donc regarder les hydrates et les sulfures des métaux comme bons conducteurs d'électricité, et leur appliquer le second schéma de l’action solubilisante des réactifs. En effet, toutes les observations sur la précipitation des hydrates et des sulfures, accumulées avec beaucoup de soins par la chimie analytique, et utilisées par elle à la séparation et l'isolement des métaux. concordent très bien avec ce schéma. | Les sels alcalins possèdent un pouvoir électrisant trop faible, pour qu'il soit possible de préparer des solutions des colloïdes conducteurs’ à l’aide de ces dissolvants. Cependant, M. Carey Lea décrit un précipité d'argent col'oïdal, qui était soluble dans le borate de soude et les sulfates alcalius. L'argent colloïde est aussi soluble, comme le demande notre schéma, dans les alcalis et les acides. Nous avons vu que les hydrates de la plupart des métaux sont solubles dans les alcalis faibles, l’hydrate d'aluminium même dans les alcalis plus concentrés, les hydrates de tous les métaux sont également solubles dans les acides. Les sulfures de fer, de manganèse, de zinc, de nickel et de cobalt sont peu ou pas solubles dans les alcalis et l'ammoniaque, ils sont mieux solubles dans les acides. Car, tandis qu'il est 1. J. of the Chemic. Society, t. LXVII, p, 63. 1895, 162 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. impossible de précipiter ces combinaisons de leurs solutions acides par un excès d'acide minéral et les sels, on les insolubi- lise, d’après les règles de la chimie analytique, en milieu alcalin par le chlorure d’ammonium. Les conditions indispen- sables pour la séparation de ce groupe de métaux sont, en effet, la précipitation avec le sulfure d’ammonium dans un milieu non acide en présence du chlorure d’ammonium ". Le sulfure de zinc, toutefois, dont les micelles semblent être un peu plus grandes, peut être précipité aussi en milieu acide, mais seulement à la condition que le nombre des ions libres ne soit pas trop fort, en présence des acides organiques, par consé- quent. Ce cas est, comme on voit, tout à fait analogue à celui des albuminoïdes de Picea excelsa qui, gràce à leur grosseur micel- laire, ont pu être précipités par nos réactifs en milieu alcahin (concentration moléculaire 0,0273), lorsque nous avons remplacé la soude par l’ammoniaque. Les sulfures d'argent, de mercure, de plomb, de bismuth, ete., sont presque insolubles dans les alcalis et facilement solubles dans les acides de faible concentration, sur quoi nous avons vu basée la méthode de préparation de leurs solutions colloïdales. Ces solutions sout facilement précipitables par un excès d'acide ou de sel. C'est cette faculté qu'on utilise en chimie analytique pour séparer le quatrième groupe de métaux du troisième. La recommandation de diluer avec de l’eau les solutions des sels métalliques, lorsqu'il y a une concentration trop grande d’acide minéral en présence, avant d'entreprendre la précipitation avec l'hydrogène sulfuré, n’est pas en contradiction avec notre manière de concevoir celte opération. Les acides concentrés décomposent en partie les sulfures formés en les transformant en des sels minéraux correspondants. Le quatrième groupe de métaux semble donner des sulfures à micelles beaucoup plus grandes que les sulfures des métaux du troisième groupe. L'ensemble de ces faits indique suflisamment lexistence réelle du rapport entre le pouvoir électrisant des électrolytes et leur énergie solubilisante. 1. Les sulfures de nickel el de cobalt, unc fois précipités, ne se dissolvent plus dans les acides faibles et ne peuvent être facilement attaqués que par l’eau régale. C'est encore un exemple de coagulation, analogue à celui que nous avons constaté précédemment pour les hydrates et auquel nous reviendrons plus loin, PROPRIÉTÉS PHYSIQUES DE LA MICELLE ALBUMINOIDE. 463 Démonstration directe de la variation de la grosseur micellaire. — Mais faut-il admettre encore ja diminution de la grosseur micel- haire sous Finfluence de la charge électrique. et ne suffit-1l pas. pour expliquer les phénomènes de solubilisation, de faire inter- venir la répulsion entre les micelles, électrisées dans le même sens, qui empècherait leur agglomération en flocons ou en coagulums ? Cette répulsion joue peut-être un rôle dans les phénomènes étudiés par nous: il n’en est pas moins certain qu'à elle seule elle n'est pas capable d'expliquer tous les faits observés, notam- ment la précipitation sous l'influence des molécules non disso- ciées, qui sont neutres et ne peuvent pas influencer la charge électrique des micelles. Les observations qui démontrent d’une façon presque directe la modification de la grosseur micellaire méritent d'autant plus d'intérêt. MM. Einder et Picton ‘, en cherchant à se faire une idée sur l'état des particules dans les solutions colloïdes, ont systémati- quement appliqué aux différents colloïdes placés dans des conditions variées Fétude à Faide des moyens optiques. tels que la microscopie, la spectroscopie, la réaction de Tyndall, ainsi que la filtration à travers une paroi poreuse et la diffusion. Tous ces essais n’ont pas, évidemment, la même valeur. Les particules en question sont tro pétites pour qu’on puisse espérer de les saisir même avec les grossissements que nous possédons aujourd'hui. Si, dans le cas de sulfure de mercure et de sulfure arsenical 4, les auteurs sont arrivés. au bout de quelque Lemps d'observation, à voir un certain nombre de gra- nulations en mouvement brownien, il faudrait peut-être l'attri- buer à l’évaporation de la goutte, à Félévation consécutive de la concentration des matières minérales accompagnant ces col- loïdes et au commencement d'agglomération micellaire. La spectroscopie, comme Fa montré déjà, en 1888, M. Winssinger *, ne fait pas ressortir des différences bien nettes entre les coloïdes variés. L’obscurcissement du spectre s'étend toujours sur les bandes violettes et bleues. 4. The Journal of the Chem. Society, t. LXI, p. 148; 1892, 2 Loc: Cil, ps 495, 464 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Le phénomène de Tyndall et les essais de filtration ont donné des résultats plus curieux. Une solution de silice, préparée d'après Graham, bien dialysée et laissée reposer pendant quatre jours, donnait très nettement la réaction de Tyndall et ne passait pas à travers une paroi poreuse. La même solution, acidifiée légèrement avec de l'acide chlorhydrique, filtrait parfaitement bien et ne dispersait plus la lumière dans le tube de Tyndall. Les micelles de la silice s'étaient évidemment contracltes dans ce dernier cas sous l'influence d’une nouvelle quantité d'ions, apportés avec lacide chlorhydrique, puisqu'elles ont perdu la faculté de disperser et de polariser la lumière, faculté qui n'appartient qu’aux particules assez grosses. Le rouge du Congo donnait la réaction de Tyndall lorsque la solution était neutre où acide, les solutions alcalines se comportaient à cette épreuve comme l’eau distillée. Iei la diminution de la grosseur micellaire, suffisante pour empêcher la dispersion de la lumière, n’a pu être atteinte que par les alcalis — agents solubilisants les plus énergiques vis-à-vis de la micelle non conductrice. Avec le rapetissement de la micelle était lié aussi la faculté de passer à travers une bougie de porcelaine. MM. Linder et Picton concluent également à la diminution de la grosseur des particules, mais ils semblent admettre une dissociation plus grande de la matière, qui se rapprocherait d’une solution véritable, Mais il serait nécessaire alors d'expli- quer pourquoi le même effet est produit dans un cas par lacide chlorhydrique, dans l’autre par les alcalis; pourquoi la dis- location de la micelle, une fois commencée, ne va pas jusqu’à donner des solutions facilement diffusibles dans l’eau, ce qui n'a pas été observé par les auteurs, même dans le cas du sulfure d’arsenic à, qui se rapprocherait le plus, d’après eux, d’une vraie solution; pourquoi les fragments micellaires se réunis- sent-ils de nouveau, lorsqu'on change la réaction du milieu ou lorsqu'on ajoute une petite quantité de chlorure de sodium, pour permettre la réapparition du phénomène de Tyndall ou empêcher le passage à travers une paroi poreuse (c'est ce que les auteurs appellent « degradation 1»). Si le commencement d'agglomération du colloïde est seul à amener la formation 4. The J. ofthe Chem. Soc., t. LXNII,p 73, 1895. PROPRIÉTÉS PHYSIQUES DE LA MICELLE ALBUMINOIDE. 465 du précipité, pourquoi la solution « dégradée » peut-elle rester limpide indéfiniment ? Une autre preuve de la faculté des micelles colloïdes de modilier leur grosseur nous est apportée par MM. Stoekl et Vanino. Ces auteurs, que nous avons cités déjà maintes fois, ont soumis à la discussion les valeurs des coefficients de réfrac- tou et les indices d'extinction de différents rayons, composant la lumière blanche, par rapport à l'or, et sont arrivés à la conclu- sion qu'une solution colloïdale de ce métal nous apparaîtra d’un rouge rubis, lorsque les particules d'or en suspension seront très petites; elle prendra une coloration violette ou bleu avec l'augmentation de la grosseur de ces particules. Or, dans une série de 31 solutions d’or, préparées à l’aide de différents réducteurs, presque toutes les solutions qui conte- naient de la potasse présentaient une coloration bleue ou violette, celles où la solubilisation du colloïde était effectuée par l'acide chlorhydrique mis en liberté, étaient colorées en rouge. Les micelles étaient donc plus grandes dans les solutions alcalines que dans les solutions acides. L'explication de ce phénomène est très facile, lorsqu'on se rappelle que l'acide chlorhydrique possède un pouvoir électri- sant beaucoup plus grand que la potasse, vis-à-vis des micelles conductrices, et les diminue, par conséquent, plus fortement. On voit donc que la conception de solubilisation par dimi- nution de la grosseur des micelles, sous l'influence de la charge électrique qui leur estcommuniquée par les ions ou même direc- tement, nous permet d'envisager à un point de vue général tous les phénomènes de passage de l'état solide à l’état de dissolu- tion observés chez les colloïdes et d'expliquer la plupart des faits qui s'y rattachent. Nous allons montrer maintenant qu’elle peut être ulile aussi pour nous guider dans l'étude des cas plus compliqués. Blanc d'œuf. Albuminase. — Revenons au blanc d’œufet deman- dons-nous à quoi est due la solubilisation de l’albuminoïde qui y est contenu, qui peut en être isolé par les différentes méthodes indiquées plus haut, et dont les micelles sont trop grandes pour ètre solubles dans l’eau distillée. Le blanc d'œuf à une réaction franchement alcaline, On peut, par conséquent, admettre qu'il contient des ions 5, dont le 30 466 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. pouvoir solubilisant très énergique pour les micelles non con- ductrices nous est bien connu. Est-ce le seul agent solubilisant en présence? Rien de plus facile que de s’en assurer. Diluons le blanc d'œuf avec quelques volumes d’eau et neutralisons-le exactement à l’aide d’un acide pour éliminer l’action des ions très énergiques (ou et à). Si l’hydroxyle était le seul agent solubilisant dans le blanc d'œuf, on devrait obtenir un précipité à la neutralisation, l’albuminoïde en question étant insoluble dans les solutions faibles de sels alcalins. Le liquide reste cepen dant sans altération. 11 est évident que le blanc d’œuf contient, outre les hydroxyles, encore un autre agent capable de diminuer la grosseur des micelles albuminoïdes. Cet agent est entraîné par le sulfate d’ammonium lorsqu'on sature le blanc d'œuf, afin de précipiter ce qu’on appelle ordi- nairement albumine d'œuf; il entre mème dans la constitution des cristaux d'albumine, préparées par la méthode de Hofmeister, puisque ces cristaux, comme le précipité obtenu à l’aide du sulfate d'ammonium, se redissolvent dans l’eau comme le blanc d'œuf initial. Cet agent est détruit par la chaleur, car il suffit de chauffer le blanc d'œuf dilué et neutralisé jusqu'à 70 degrés pour obtenir le précipité qui a tardé à apparaitre. On ne manquerait pas d'attribuer la formation du précipité à la coagulation de l’albumine d’œuf sous l'influence de la cha- leur; ne nous laissons pas influencer par les idées courantes qui seront analysées et mises au point un peu plus loin, On peut, d’ailleurs, comme nous le savons déjà, détruire l’agent en question sans provoquer la coagulation, en chauffant le blanc d'œuf dilué directement ou après neutralisation avec un excès d'acide. Après refroidissement, la neutralisation exacte nous fournira un précipité d’albuminoïde libéré de l'agent qui dimi- nuait ses micelles. Cet agent peut être affaibli ou même détruit à froid par un contact prolongé avec de l'alcool, avec de l’éther ou avec de l’eau acidulée. 1l est facile de démontrer que plus grande est la quantité d'eau acidulée par rapport au blanc d'œuf, plus rapi- dement progresse l’altération de l'agent dissolvant. Son affai- blissement doit se manifester naturellement par un agrandisse- ment des micelles albuminoïdes, et comme la grosseur des micelles est en raison inverse de la quantité du sel qu'il faut pour les PROPRIÉTÉS PHYSIQUES DE LA MICELLE ALBUMINOIDE. 467 précipiter, nous possédons un moyen de nous rendre compte de l'état de l'agent dont il est question. Le blanc d'œuf, dilué fraîchement avec de l'acide chlorhy- drique très faible, ne peut pas être précipité par aucun des réactifs de la concentration adoptée pour nos expériences. Si l’on place deux portions égales du même blanc d'œuf, diluées respec- tivement avec # et 11,5 volumes d'acide chlorhydrique à 1,1 p. m., dans des conditions absolument identiques (à la tem- pérature de 8 à 10°), on constate au bout de cinq jours que les deux portions ont acquis la faculté de précipiter, mais d’une TABLEAU XIV ee ; Ge x ; ilué 11 UE Blanc d'œuf dilué use 4 vol. HCI à 1,10/5 à froid Que Re PORC (5 jours) ? c. c. (5 jours) 2 c:c. a ——"" —— - D. 2 De 8 à 10v De 8 à 400 I RÉACTIF .M. VeRIEC0/S C.M. VAR COTES C.M. NH,CI 53,5: 0,86 | 6,00 | 1,120 NaCI 58: x 0,50 | 4,00 | 0,684 KCI 5€ 1,06 | 6,70 | 0,898 NH ,Br 0: ; 5, 0,510 NaBr 103,01 0,400 HNO, 63,048 | 0,38 ( +6 | 0,263 NH,NO, 80,11 | 2,1 KNO, 101,18 | 66,1 71,08 façon inégale, comme il résulte du tableau XIV. La première, diluée avec moins d'acide, ne peut être précipitée que par trois de nos réactifs. Elle demande une concentration moléculaire de 1,66 pour le chlorure de sodium, de 0,848 pour le nitrate d’ammonium et de 0,259 pour l'acide nitrique. La deuxième portion, diluée avec 11,5 vol. de Na CI à 1,10/00, précipite sous l'influence de toutela série de nos réactifs, les sulfates exceptés. Les nombres sont.tous 468 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. inférieurs à ceux observés avec la portion précédente, malgré la dilution plus grande de l’albuminoïde qui devrait provoquer un effet contraire, et supérieurs à ceux du tableau X, obtenus avec la même solution de blanc d’œaf chauffé préalablement. Pour l'acide nitrique, la concentration précipitante est à peu près la même dans les trois cas, ce qui semble plaider en faveur d’une énergie destruclive très grande de cet acide vis-à-vis de l’agent solubilisant spécifique du blanc d'œuf. L'interprétation rationnelle de ces faits serait impossible en dehors de notre conception. Le blanc d'œuf naturel présente des conditions où l'agent décoagulant se conserve le mieux. C’est lui qui, de concert avec les ions de l’alcali, diminue la grosseur des micelles albuminoïdes et les fait ressembler, au point de vue de la solubilité et de la difficulté de précipiter sous linfluence des sels, aux colloïdes à poids micellaire très faible. Au fur et à mesure de l'affaiblissement de l’agent, la grosseur micellaire augmente et avec elle la faculté de précipitation. Au bout de cinq jours dans notre expérience, où le blanc d'œuf fut dilué avec 11,5 volumes d’eau acidulée, les micelles albuminoiïides ont pris la grosseur correspondante aux nombres du tableau XIV, partie droile; avec quatre volumes d'acide à 1,1 0/00, l’affaiblis- sement de l'agent n’est pas allé aussi loin: la grosseur micellaire est restée plus petite : de là les concentrations précipitantes plus notables, En chauffant le blanc d’œuf au-dessus de 70 degrés, on détruit complètement l'agent solubilisant, on ramène lalbumi- noïde à sa grosseur micellaire normale, et on n’a plus à compter qu'avec les modificatious provoquées par les ions en présence. A ce moment-là nous sortons du domaine de la physiologie pour entrer dans celui de la physico-chimie. Il est évident qu'au cours de l’affaiblissement progressif de l'agent décoagulant, il y aura une période où la grosseur micel- laire d’une partie au moins d’albuminoïde en solution passera la limite de la solubilité des colloïdes dans l’eau, et restera dans la zone d'action des solutions physiologiques de sels alcalins. Si lon vient à affaiblir graduellement notre agent en présence d'une solution saline trop faible pour tenir à l’état dissous toutes les micelles agrandies de l’albuminoïde, une partie de ce dernier sera précipitée et entrainera avec elle une portion de l'agent affaibli. L'albuminoïde précipité conservera, par conséquent, PROPRIÉTÉS PHYSIQUES DE LA MICELLE ALBUMINOIDE 469 sa solubilité dans les sels alcalins d’une concentration faible. C’est ce qu’on désigne sous le nom de globuline et ce qu’on obtient en dialysant le blanc d'œuf neutralisé, ou en le diluant avec une quantité considérable d’eau distillée, et en accélérant le processus par un courant d'acide carbonique. Au point de vue quantitatif, le précipité sera plus ou moins grand suivant les conditions de sa production. Il sera toujours le même si l’on a soin d'opérer dans des conditions identiques. Dissous dans un peu d’alcalt, ou d'acide chauffé au-dessus de 70 degrés, il donnera des solutions tout à fait comparables à celles de l’albumine d'œuf soumise au mème traitement. Le précipité que l’on obtient en saturant le blanc d'œuf avec du sulfate de magnésie ou avec du sulfate d’ammonium à 35 0/0, contient encore des micelles très petites et complètement solubles dans l’eau. Ce n’est que pendant la dialyse qu'a lieu l’affaiblissement de l'agent solubilisant sous l'influence de l’eau et la précipitation d’une partie d'albuminoïde. C’est là l’origine de la conception de globuline soluble et insoluble, et l’explica- tion des constatations analogues faites par MM. Barckhard, Heynsius, Marcus, dans l'étude du sérum sanguin. Le fait qu’une partie seulement de l’albuminoïde du blanc d'œuf est précipitée par le sulfate de magnésie ou par le sulfate d’ammonium à demi saturé ne prouve nullement qu'il y ait une différence chimique entre les deux fractions de blanc d'œuf ainsi obtenues, Une solution de sulfate d'’ammonium à 35 0/0 dissout moins d’albuminoïde que l’eau distillée, comme une solution aqueuse d'alcool dissout moins de sel marin que l’eau pure. En mélangeant une solution aqueuse de ce sel avec de l'alcool, une partie de chlorure de sodium sera précipitée. A qui viendra l'idée d’en conclure que le sel resté en solution diffère de celui qui est précipité, ou que le chlorure de sodium soit insoluble dans un mélange d’eau et d'alcool ! ? L’ovalbumine et l’ovoglobuline ne sont, par conséquent, que l’albuminoïde du blanc d’œuf à grand poids micellaire, insoluble dans l’eau et les solutions faibles de sels alealins, soluble dans les acides de faible concentration etles alcalis, (dénaturé » parle même agent décoagulant d’une intensité différente, ce qui fait que dans un cas les micelles, étant diminuées au-dessous de la limite 1. Comp. E. Ducraux, ces Annales, t. VI, 1892, p. 869, 657. 470 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. de leur solubilité dans l’eau, prennent les propriétés physiques d'un colloïde à petit poids micellaire : dans l’autre cas, elles sont moins diminuées et se rapprochent par leurs propriétés de la combinaison des albumoses avec l’acide oxyméthylénphospho- rique. Prendre ces différences pour une base de la classification chimique des albuminoïdes est aussi peu rationnel que chercher à différencier chimiquement les huiles par la grosseur des par- ticules de leur émulsion dans l’eau, émulsion obtenue par-dessus le marché dans des conditions très dissemblables. Tout ce qui a été dit par nous à propos du blanc d'œaf est applicable au sérum sanguin. L’explication des expériences de MM. Corin, Bérard et Ansiaux ainsi que de celles de M. Starke est facile à saisir après les développements qui précèdent; nous n’y insisterons pas. Nous ne quitterons pas ce sujet avant d’avoir donné à l'agent décoagulant étudié précédemment, un nom qui résumerait l’en semble des considérations et des faits qui s’y rattachent. Le lecteur a remarqué déjà que cet agent qui est précipité avec les albuminoïdes, qui est détruit par la chaleur et affaibli par le contact prolongé avec l’eau acidulée, avec l'alcool et l'éther, appartient à la famille des diastases, dans le groupe des dias- tases décoagulantes. Nous l’appellerons albuminase, diastase qui donne aux albuminoïdes à grand poids micellaire les propriétés physiques de l’albumine et de la globuline ‘. L'albuminase est, évidemment, un antagoniste de la présure qui doit, au contraire, augmenter la grosseur des micelles, puisqu'elle favorise la précipitation. À ce point de vue, il est intéressant de rappeler ici les travaux de M. Rüden? et de M. Briot* qui ont démontré l'existence dans le sérum sanguin d’un ferment qui empêche l’action coagulante de la présure sur 4. L'albuminase agit-elle aussi en communiquant aux micelles ou en leur suscitant une charge électrostatique ? Question difficile, sans doute, à résoudre a priori. Rien, en tout cas, ne s'oppose à l'admission de l’analogie entre le méca- nisme de l’action solubilisante des ions et des diastases décoagulantes. Les phénomènes électriques sont, comme on sait, très répandus dans l’organisme et dans les tissus vivants. Spécialement, dans le relâchement des muscles contractés, phénomène de décoagulation physiologique par excellence, les nombreux auteurs qui se sont occupés de la question sont unanimes à reconnaitre une augmentation du potentiel électrique dans la partie relâchée par rapport à la partie contractée. 2. Maly's Jahresbericht, t. XVII, p. 160, 1887. 3. Comptes rendus, t. CXX VIII, p. 1359, 1899. PROPRIÉTÉS PHYSIQUES DE LA MICELLE ALBUMINOIDE. 471 le lait. C'est probablement le même qui « dénature » la matière protéique du sérum, en lui donnant les caractères de l'albu- mine et de la globuline. Je le suppose. tout en connaissant le travail récent de MM. Fuld et Spiro ! qui tend à démontrer que l’action antipré- surante n'appartient qu’à la pseudo-globuline, c’est-à-dire à la fraction correspondant à la globuline soluble de M. Marcus. Pour expliquer l'inactivité de la fraction, dite d’albumine, vis-à-vis de la présure, il suffit d'admettre que l’albuminose n’y existe qu'à l'état d'adhésion aux micelles albuminoïdes, la diastase libre ayant été précipitée, en sa qualité de colloïde, par le sulfate d’ammonium qui a servi pour fractionner le sérum. La même remarque se rapporte à l'observation de M. Seng”, d’après laquelle l'action thérapeutique du sérum antidiphtérique serait liée exclusivement à la même pseudo-globuline, C’est à tort, à notre avis, que M. Marcus y voit une preuve décisive de la différence réelle entre la globuline soluble et insoluble dans l'eau. XI MÉCANISME DE LA PRÉCIPITATION DES COLLOIDES Parallèlement à ce qu'on a vu pour les phénomènes de la solubilisation, il y a lieu d'envisager séparément la précipitation des colloïdes solubles et insolubles dans l’eau distillée. Quant aux premiers, la modification de leur état sous l’in- fluence des sels très concentrés, tout à fait analogue à la préci- pitation des substances minérales à l’aide de l'alcool, semble être inaccessible, à l'heure actuelle, à une explication raisonnée. Tout ce qu’on peut dire à ce sujet, c’est qu’en présence des sels, l’action dissociante de l’eau paraît s’affaiblir, ce qui favoriserait la réunion, l'agglomération des particules dissociées en flocons. . Toutautrement se présentent à nous les phénomènes de préei- pitation des colloïdes insolubles dans l’eau distillée, pour lesquels 4. Zisch. f. physiolog. Chemie, t. XXXI, p. 132, 1900. 2. Zisch. f Hygiene und Infections Kr., t. XXXI, p. 513. 472 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. la force dissociante de ce dernier dissolvant est nulle dès l’ori- gine et, par conséquent, au dessous d'une diminution possible. La question à résoudre dans ce cas spécial est précise : par quel mécanisme peut-on arriver à rendre aux micelles, dont la gros- seur était diminuée par les agents dissolvants que nous connais- sons, leur volume primitif ou tout au moins une grosseur au-dessus du degré de leur solubilité dans l’eau? Le mécanisme du point de départ des phénomènes de préci- pitation une fois connu, l’adhésion plus grande des micelles, revenues à leur grosseur initiale, entre elles qu’envers l'eau, suffira pour nous rendre compte de l’agglomération progres- sive du colloïde, qui se manifestera par l’apparition des parti- cules visibles au microscope, d'un trouble visible à l'œil nu, des flocons et quelquefois du coagulum, suivant la conception de la continuité du processus la coagulation développée par M. Du- claux !. Les agents modifiant la grosseur micellaire étant d'ordre différent, il est évident que le mécanisme de la précipitation variera suivant la cause sous la dépendance de laquelle se trou- veront les micelles colloïdes en solution. Sielles sont diminuées par une diastase décoagulante,il suffira de chaufler la solution pour obtenir un précipité comme on l'a vu pour l’albuminoïde du blanc d'œuf dilué et exactement neu- tralisé. Le même eflet pourra être provoqué par une diastase antagoniste (plasmase, coagulines, etc.). Si l’acte de la solubilisation est provoqué par les ions, c'est en neutralisant la charge électrostatique des micelles que lon arrivera au but poursuivi. C’est le mode de précipitation des colloïdes par neutralisation de leurs solutions acides à l’aide d'un alcali, et inversement, dont nous avons cité quelques exem- ples dans le chapitre précédent. Mais lorsqu'on précipite une solution acide ou alcaline d’un colloïde en se servant des électrolytes neutres ou de nature chi- mique identique à celle de l’électrolyte dissolvant, non seule- ment on ne neutralise pas la charge électrostatique de la micelle, mais, au contraire, on l’augmente notablement. Comment se libère alors la micelle de l’action solubilisante de sa charge élec- 4. Traité de Microbiologie, t. IT, chapitre XV. PROPRIÉTÉS PHYSIQUES DE LA MICELLE ALBUMINOIDE. 473 trique? Les pages qui précèdent nous permettent de répondre à cette question. On à vu, au cours de ce travail, que la présence des molé- cules non dissociées était nécessaire dans nos expériences pour contre balancer l’action des agents solubilisants, et que le nombre de ces molécules était en raison inverse de la grosseur que les micelles albuminoïdes ont pris sous l'influence de l'ensemble des solubilisateurs en présence, Depuis que nous savons que l’affi- nité micellaire est d'ordre adhésif, il est impossible d’adopter intégralement ce qui a été dit provisoirement à propos du méca- nisme de la précipition (p. 174). Les micelles ne peuvent pas attirer, mais retiennent seulement d’une façon plus ou moins énergique les molécules salines non dissociées. Plus la surface micellaire est étendue, plus grandes deviennent les chances d'une rencontre entre les micelles et les molécules, plus facile- ment et, par conséquent, plus sera faible la concentration dans la zone moléculaire adhérente à la micelle. Cette zone fut appelée par nous protectrice. Elle mérite, en effet, cette déno- mination : L'électricité libre se propageant sur la surface des corps, la micelle colloïde se trouvera isolée, par l’interposition des molécules non disso- ciées, de l'influence immédiate de l'électricité, el sera libre alors de reprendre son volume initial. C’est là, en toute sa simplicité, le mécanisme de la précipi- tation des colloïdes insolubles dans l'eau distillée par les matières minérales. La littérature chimique abonde en faits qui apportent leur appui à cette manière de concevoir le processus de la précipita- tion. Nous essayerons de coordonner dans une revue d'ensemble ces faits très disparates à première vue, mal interprétés le plus fréquemment, en ne tenant compte, bien entendu, que des plus saillants. Mais avant d'aborder ce sujet, nous tirerons une dernière conséquence de notre conception, qui nous fera préciser davan- tage un caractère essentiel de l’affinité adhésive de la micelle. Nous parlons de Paffinité élective de la micelle colloïde. Si les molécules minérales non dissociées ne jouent dans le 474 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. phénomène de précipitation que le rôle d’un isolant qui permet à la micelle de s'affranchir de l’action solubilisante de sa charge électrostatique, on devrait pouvoir les remplacer par n'importe quelles molécules d’origine minérale ou organique, capables de dissocier électrolytiquement ou non. Eh bien, lorsqu'on essaie de différentes substances à ce point de vue, on ne tarde pas à reconnaitre que les molécules d'ori- gine diverse et quelquefois même de nature chimique très rap- prochée sont loin de se comporter d’une façon identique. Les sels organiques, par exemple, les acétates, les oxalates, les tartrates, les citrates précipitent aussi bien les solutions des albuminoïdes que les sels minéraux ; les acides organiques cor- respondants, par contre, quelle que soit leur concentration, n'y provoquent même pas de trouble. Ce phénomène n'est guère comparable à celui que nous a préseuté l’étude des solutions des albuminoïdes dans la soude, qu'il était impossible de précipiter avec les alcalis plus concentrés. Les micelles, dans ce dernier cas, étaient, en effet, si rapelissées sous l'influence du pouvoir électrisant énergique des ions ÿ5, qu’elles ne parvenaient pas à retenir les molécules dissociées, fussent-elles neutres ou alcalines. Dans le cas des acides organiques, il est facile de démontrer que la grosseur micellaire est suffisante pour permettre la précipitation. Une solution des albuminoïdes de Picea excelsa à 1/3 0/0 TABLEAU XIV a& CONCENTRATION KCI à 20 p. c. NH,NO, à 10 p. c. de l'acide acétique en D OR pour cent. 0,65 30 2,60 5,00 10,00 20,00 50,00 dans l'acide acétique à 1,60 0/0 est distribuée dans une série de tubes à essai à raison de 1 c. c. dans chacune. On ajoute à PROPRIÉTÉS PHYSIQUES DE LA MICELLE ALBUMINOIDE. 415 ces tubes le même volume d'acide acétique à concentration croissante et on détermine les concentrations salines nécessaires pour provoquer la précipitation. On voit que la présence de l'acide acélique en assez grande quantité n'empêche pas la précipitation. Les concentrations pré- cipitantes augmentent, ilest vrai, avec la richesse de la solution en acide, mais ceci s'explique par l'accroissement progressif du nombre absolu des ions dans la solution et par la diminution parallèle de la grosseur micellaire. Le nombre des molécules non dissociées de l’acide acétique est beaucoup plus grand déjà dans une solution à 0,65 0/0 qu'il ne faut pour permettre à la couche périmicellaire de se former. Si l’albuminoïde reste en solution malgré la présence de ces molécules, c’est que celles-ci ne peuvent pas être utilisées par les micelles albuminoïdes pour leur défense. .Le même phénomène s’observe avec le saccharose. IT y a cependant cette différence que les concentrations précipitantes des sels, en présence des quantités variables de ce sucre, restent sans altération, le saccharose ne se dissociant pas électrolyti- quement, et le nombre des ions dans la solution ne subissant, par conséquent, aucune modification. Les solutions de saccharose TABLEAU XV Picea excelsa. Album. de réserve dans la soude à 0,5 pour mille. Po CONCENTRATION NH ,CI à 20 p. c. NaCI à 20 p. c. de la . F pin soude en pour cent. V.R. 0,05 0,05 0,07 0,08 0,10 0,16 116 0 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. sont aussi indifférentes vis-à-vis de la micelle albuminoïde que l'eau distillée. Les molécules non dissociées de lammoniaque se montrent également incapables de servir à la formation de la zone périmi- cellaire. L'expérience que nous communiquons à l'appui de cette affirmation est tout à fait analogue à celle faite avec de l'acide acétique. (Tab. xv.) Il y a dans ces essais une double décomposition entre la soude et le chlorure d’ammoniaque, et nous avons en réalitéune solution ammoniacale de l’albuminoïde précipité par un mélange de chlorure de sodium et d’ammonium. Ce n'est que grâce à celte décomposition que la précipitation a lieu. Le chlorure de sodium à lui seul ny arrive point. Les molécules non disso- ciées de l’ammoniaque, quoique très nombreuses, ne contribuent nullement à la précipitation. l'en est de même pour les molécules de l’alcool méthylique, et éthylique, de l’acétone, qui ne provoquent pas une modifi- cation d'état dans les solutions acides et alcalines des albumi- noïdes étudiés par nous. D'un autre côté, comme on le verra par les nombres commu- niqués à la fin de ce chapitre, la précipitation des albuminoïdes peutêtre obtenueavecun hexasaecharide cristallisé, le stachyose, avec la dextrine, la gomme arabique, la peptone de Witte, ete. La micelle albuminoïde ne retient done pas indistinetement toutes les particules inertes en présence dans la solution. Elle y procède avec choix. À l'encontre de l'affinité chimique qui est aussi élective, il est impossible de prévoir d’après la fonction chimique d’un corps la façon dont il se comportera au contact avec la micelle. La diflérence entre les acides minéraux et organiques est très démonstrative à cet égard. Quelle serait, d’ailleurs, la fonction chimique qui pourrait être remplie, d’une façon également par- faite, par les molécules minérales neutres, acides ou alcalines, par les hydrates de carbone, par la peptone et ainsi de suite? Peut-être réussira-t-on, en poursuivant l'étude comparée d’un grand nombre de composés chimiques, à saisir les relations qui existent entre la constitution chimique d’un corps et son affinité adhésive à la micelle albuminoïde, relations qui ne seront, certes, pas sans intérêt pour la physiologie générale des échanges PROPRIÉTÉS PHYSIQUES DE LA MICELLE ALBUMINOIDE. 477 autrilifs de la cellule. Aujourd'hui, en se basant sur les faits qu'on trouve dans la littérature, on peut affirmer presque avec certitude que les affinités adhésives ne sont pas les mêmes pour tous les colloïdes connus. Il ressort, en effet, des nombres obtenus par M. Schulze pour le sulfure d'arsenic, par M. Prost pour le sulfure de cadmium et par M. Hardy pour l'hydrate de fer, que les acides organiques adhèrent parfaitement bien aux micelles de ces colloïdes con- ducteurs de l'électricité. Le premier de ces corps peut être pré- cipité de ses solutions colloïdes par l'acide oxalique à 1,5 0/0; le deuxième par l'acide acétique à 6,7 0/0 à peu près, par l'acide tartrique à 0,3 0/0, par l’acide citrique à 0,4 0/0: l'hydrate de fer par l'acide oxalique de concentration moléculaire 0,002 et par l'acide citrique de concentration moticulaire 0,0007. Le platine colloïdal peut être précipité par lPammoniaque d'après les recherches de M. Bredig. Il est impossible d'obtenir une précipitation dans les solutions aqueuses d'argent avec de la gomme arabique, comme on le voit dans le travail cité déjà de M. Muthmann. Tous ces colloïdes d’origine minérale ressemblent, d'autre part, aux albuminoïdes par l’aversion qu'ils ont pour l'alcool, l’acélone, le saccharose et ainsi de suite. L’affinité élective de la micelle semble done être aussi une propriété de colloïdes qui pourrait servir de base à la classifi- cation de ces corps, comme la grosseur micellaire. Rétention des molécules minérales par les micelles. — Revenons au mécanisme de la précipitation. Il est nécessaire d'admettre tout d’abord, pour être conséquent, que même en présence d’un électrolyte à concentration faible et insuffisante pour précipiter un colloïde de ses solutions, les micelles rencontrent et retien- nent les molécules non dissociées. Les molécules retenues par adhésion aux micelles étant éliminées, pour ainsi dire, de l’éco- nomie de la solution, il doit s'établir un nouvel état d'équilibre entre les molécules dissociées et non dissociées de l’électrolyte. Le nombre d'ions, quoique augmenté relativement à cause de la diminution de la concentration, sera moindre par rapport à celui d'une solution isotonique du même électrolyte en l'absence du 478 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. colloïde, Geci doit avoir pour résultat une diminution de la con- ductbilité électrique, un abaissement moins notable de la tem- pérature de congélation et ainsi de suite. L'expérience directe confirme ces prévisions. M. Sjæqvist!, a constaté, en effet, une diminution de conductibilité électrique dans les solutions d'acide chlorhydrique en présence des albu- minoïdes. M. 0. Conheim ? a montré qu'en présence des albumoses ou de la peptone, l’interversion du saccharose par l'acide chlorhy- drique baisse notablement, ce qui prouve une diminution dans le nombre d'ions H, ce dernier étant, comme on sait, proportionnel à l'énergie du dédoublement du sucre, toutes choses égales d’ailleurs. Enfin, MM. Bugarsky et Liebermann * ont confirmé la faculté de l’albumine d’œuf et des albumoses de retenir l'acide chlorhy- drique et la soude par l'étude comparée de la force électromo- trice et de la température de cougélation des solutions de ces électrolytes en présence ou en l'absence des matières protéiques. Il résulte des expériences de ces derniers auteurs que la quantité d'acide et de soude retenue par l’albumine d'œuf croit d’abord proportionnellement au poids de ce colloïde introduit dans la solution, ensuite plus lentement. Presque tout l'acide chlorhy- drique ou la soude d’une solution de concentration molécu- laire 0,05 semble être combiné à l'albumine lorsque le poids de ce dernier atteint 50 fois celui de l’électrolyte en solution. Par l'étude de la force électromotrice, il était impossibie, cependant, à MM. Bugarsky et Liebermann de démontrer la rétention du chlorure de sodium. La concentration de l’électrolyte a atteint le point de précipitation du colloïde. Les micelles sont arrivées à former leurs zones protectrices et l’agglomération commence. On con- çoit aisément que les molécules non dissociées adhérentes aux micelles seront nécessairement entrainées avec la matière colloïde et entreront dans la constitution du précipité. En effet, dans tous les cas où on à étudié la constitution chimique des colloïdes précipités de leurs solutions par des 4. Skand. Arch. f. Physiologie, t. V, p. 2#1. 2. Zeilsch f. Biologie, t. XXXIII, p, 487. 3. Pfüger's Archiv., t. LXXII, p. 51, 1898. PROPRIETÉS PHYSIQUES DE LA MICELLE ALBUMINOIÏDE. 479 substances minérales, on a constaté que la matière inorganique forme une partie intégrante de la masse précipitée. Mais frappés par l'adhésion énergique des malières minérales aux colloïdes, qu'il est impossible de vaincre complètement par le lavage pro- longé à l’eau distillée, — adhésion qui s'explique facilement si l'on se rappelle qu'on ne peut atteindre par ce liquide que les micelles placées à la périphérie des flocons, — surpris par la constance du rapport quantitatif entre les substances adhérentes et les colloïdes dans les cas où la précipitation fut obtenue dans des conditions identiques, — constance facile à prévoir en pré- sence des régularités dans les nombres recueillis dans nos tableaux, — tous les auteurs, à peu d’exceptions près, ont conclu à des combinaisons chimiques entre les matières minérales et les colloïdes dans les précipités. La précipitation elle-même fut considérée comme une véritable réaction chimique, analogue à la formation du sulfate de baryte. Nous trouvons une expérience des plus caractéristiques à cet égard dans un travail déjà fort ancien de M. Béchamp ! sur les sesquichlorures oxyferriques. On ajouta du sulfate de potasse à une solution d’hydrate de fer dans du perchlorure, dans laquelle le rapport entre les éléments pouvait être exprimé par la formule FeCl°, 10 Fe ? O*. Il se forma un précipité qui fut lavé à fond avec une solu- tion de sulfate de potasse, etensuite avec de l’eau distullée. Les eaux de lavage présentaient une réaction fortement acide et donnèrent avec le nitrate d'argent un précipité de chlorure qui pesait 1£°,025. Le précipité d’'hydrate de fer fut analysé à son tour. On y trouva : AgCI correspondant au CI du précipité. 0s,041 BaSO, _- SO? _ Der, 413 Fe,0; 2er, 160 L'expérience est donc très concluante au point de vue de notre conceplion. Le précipité a retenu de l'acide chlorhydri- que et du sulfate: peu d'acide chlorhydrique et beaucoup de sulfate, parce que les molécules non dissociées de ce dernier sel, ajouté en grande quantité, prédominaient dans la solution. Il s’en faut de beaucoup que cela soit l'interprétation que 1. Annales de Chimie el de Physique, 3° sér., t. LVIT, p. 296, 4 80 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. M. Béchamp a donné à cette expérience. Il s'agirait, d’après lui, d'une réaction chimique qui se passerait entre le sulfate de potasse et la solution d’hydrate de fer dans du perchlorure, con- sidérée comme une individualité chimique, comme un sesqui- chlorure oxyferrique très basique. La réaction consisterait en une double décomposition entre les deux seis, qui aurait pour résultat la formation d'un sulfate oxyferrique insoluble. Cette hypothèse, plausible à première vue, se heurte, à un examen plus approfondi, à des objections très nombreuses. Tout d'abord, l'assimilation de la solution d’hydrate de fer dans du perchlorure à un sel défini nous paraît complètement arbitraire. Si l’on admet que la solution FeC}*, 10 Fe*0* pré- sente une individualité chimique, on n’a aucune raison de ne pas reconnaître cette qualité aux solutions FeCl° 5 Fe*0*, FeCl 20 Fe*0* — terme extrème de la solubilité de l'hydrate dans du perchlorure de fer d’après M. Béchamp — et à toutes les solutions intermédiaires, contenant même de l’oxyde de fer en rapport incommensurable avec le perchlorure. Déjà, à partir du premier de ces termes, toutes Les solutions ne permettent plus de décéler le chlore et le fer par les réactions caractéristiques pour ces élé- ments; elles précipitent en outre d’une façon identique sous l'influence de la même cause. Le rapport incommensurable con- tredirait, cependant, la loi de Dalton sur les proportions mul- tiples. R Ensuite, en se plaçant au point de vue de l'hypothèse de la double décomposition, on devrait s'attendre à ce que le nombre pour le chlore dans le liquide et pour l'acide sulfurique dans le précipité fussent équivalents. Or, si l'on examine les nom- bres communiqués plus haut, on constate que le précipité ne contient que la moitié à peu près de l’acide sulfurique demandé par le calcul. Le précipité contient encore du chlore. Comment cet élément a-t-il pu persister dans le précipité en présence du grand excès de sulfate de potasse dans la solution? M. Béchamp dans ses calculs rattache le chlore à une portion de sesquichlorare initial entraînée par le précipité. L’explication chimique n’évite done pas la nécessité d'admettre une rétention du sel par adhésion. I faudrait pouvoir expliquer aussi l’acidité des eaux du lavage. On ne voit pas comment une double décomposition entre PROPRIÉTÉS PHYSIQUES DE LA MICELLE ALBUMINOIDE. 481 un sel basique et un sel neutre pourrait donner naissance à un acide libre. On lit d’ailleurs dans le même travail que les chlo- rures alcalins précipitent également le sesquichlorure oxyferri- que hypothétique, et qu’on trouve, comme dans le cas précédent, de l'acide Libre dans le liquide surnageant au précipité. Il est impossible, cependant, d'admettre une double décomposition entre deux chlorures. ' [l y a donc une incompatibilité évidente entre les notions fon- damentales de la chimie minérale et l'hypothèse que nous venons de discuter. Ceci n’a pas empêché pourtant qu’elle füt reprise tout récemment par MM. Wyrouboif et Verneuil à propos des oxydes de terres rares. Ces auteurs, en adversaires résolus «de ce qu’on a appelé la physico-chimie, de cette branche du savoir qui a le grand avan- tage d'être à la portée de tout le monde, car elle n’exige mi la rigueur des méthodes de la vraie physique ni les longues recher- ches de la vraie chimie’ », n’ont pas épargné leurs efforts pour démontrer le caractère purement chimique des phénomènes que nous étudions. Comme ce n’est pas par des considérations générales qu'il sied de combattre les conceptions qu'on nous dit basées sur de longues recherches expérimentales, mais par la critique serrée des faits et des conclusions qu'on en tire, on nous excusera les détails dans lesquels nous sommes obligé d'entrer. ka MM. Wyrouboff et Verneuil ont étudié les oxydes de tho- rium, de cérium et de fer qui présentent des rapports très ana- logues. Il suffit donc d'exposer leurs recherches concernant l’un de ces oxydes. L’oxyde de thorium qu’on obtient en calcinant l’oxalate de cette base est traité à chaud avec l'acide chlorydrique ou nitri- que concentré. On décante l'acide et on reprend le résidu avec de l’eau distillée. L’oxyde entre en solution, sauf la partie « la plus condensée » qui est séparée par filtration. La solution est limpide et contiendrait « les chlorydrates ou les nitrates de deux polymères de ThO et une certaine quantité de ThCF ou ThN: 05 ». C’est cette proposition que les auteurs cherchent à 1. Wyrousorr et VERNEUIL, Sur les oxydes condensés des terres rares. Bull, de la Soc. chimique de Paris, 3° série, t. XXI, p. 418, 1899. 31 482 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. démontrer en essayant de séparer les polymères et en les sou- mettant à l’analyse. On ajoute à la solution limpide 1/10 de son volume de HCI et on obtient un précipité qui est filtré, redissous dans l’eau et reprécipité par l'acide ehlorydrique à 10 0/0. Après une dernière décantation, il est séché au bain-marie. On arrive ainsi à un Corps qui aurait une Composition parfaitement cons- tante, qui contient de l’acide chlorhydrique et dans lequel le rapport ThO : CI 42 : 4. Mais l'acide chlorydrique à 10 0/0 n’a pas précipité toutes les matières de la solution primitive. Les substances restées en solution, et qu’on peut isoler à l’état solide en précipitant le liquide filtré avec son volume d’acide chlorhydrique, présente- raient un rapport de ThO : Cl—5: 1. Ce serait l’autre polymère moins condensé. € Ilest possible pourtant, ajoutent les auteurs, que ce soit encore un mélange et qu’il contienne un peu du corps précédent que les fractionnements ne parviennent pas à lui enlever; peut- ètre le rapport entre la thorine et le chlore dans le terme moins polymérisé est-il de 4 : 1. » On nous accorde donc la possibilité d’un doute sur la consti- tution chimique de ce second polymère. Ses réactions chimiques et ses propriétés physiques sont-elles du moins plus élucidées? Les deux combinaisons salines de l’oxyde de thorium diffé- rement condensé se distinguent par quelques points des sels minéraux ordinaires, sans toutefois présenter rien, suivant M. Wyroubolf, qui ne s'adapte à nos notions chimiques actuelles. Les chlorures de thorine condensée sont formés sans élimina- tion d'eau et ne donnent pas, à l'instar des sesquichlorures oxyferriques de M. Béchamp, de précipité de chlorure d’argent, tout au plus un louche, lorsqu'on ajoute à leurs solutions aqueuses du nitrate de ce métal. Nous possédons effectivement dans la chimie minérale des exemples où un élément quelconque ne peut pas être décelé par ses réactions spécifiques : le fer dans les ferrocyanures, le chlore dans certaines combinaisons des chlorures métalliques avec l’ammoniaque, sur lesquelles M. Werner à attiré l'attention depuis 1893 et ainsi de suite. Mais alors ces éléments ne se séparent pas par dissociation dans Peau et ne peuvent pas être PROPRIÉTÉS PHYSIQUES DE LA MICELLE ALBUMINOIDE. 483 remplacés par double décomposition avec d’autres sels. Est-ce le cas dans les expériences de MM. Wyrouboff et Verneuil? Evidemment non, On lit page 127 de leur mémoire : « On peut transformer facilement les chlorhydrates des deux corps en nitrate et réciproquement. Il suffit pour cela de préeci- piter les chlorydrates par l'acide nitrique ou un nitrate, et les nitrates par l'acide chlorliydrique ou un chlorure. » Les chlo- rures en question entrent done en double décomposition avec les nitrates et devraient, par conséquent, donner avec l'argent le chlorure caractéristique. Mais MM. Wyrouboif et Verneuil ne s’arrètent pas devant cette contradiction de principe. Ils s'intéressent plutôt à la dé- termination de la valence de deux bases polymérisées, et voici comment ils s'y prennent. Ils ajoutent à la solution d’un chlorure de thorine condensée de la soude titrée en quantité suffisante pour saturer juste la moitié de l’acide. « À ce moment précis la liqueur est devenue trouble, une petite quantité de chlorhydrate d’ammoniaque précipite ce corps, qui n’est plus soluble dans l’eau et qui contient moitié moins d’acide que le corps primitif. » On peut obtenir un corps analogue sans avoir neutralisé la moitié d'acide, «en pré- cipitant la solution du nitrate ou de chlorhydrate par SO* (NH°}°. Le sulfate ainsi formé est entièrement insoluble, il se dissocie petit à petit dans l’eau et après lavage prolongé il ne renferme plus que la moitié d'acide sulfurique » (page 128). Les auteurs concluent : 1° que ces composés ne sont pas des sels basiques, puisqu'ils donnent des solutions à réaction acide et sont précipitables par les acides même concentrés; 2° que chacun des deux donne deux composés, l'un soluble renfermant deux molécules d'acide bibasique, l’autre insoluble n'en renfermant qu'une, « Dès lors les deux rapports ThO : HCI que nous avons trouvés deviennent 48 : 4 et 20 : #. » Analysons rapidement jusqu’à quel point les conclusions répondent aux expériences, et délimitons bien ce qui est appuyé sur l'observation directe de ce qui est inspiré par l’idée préconçue. On ne voit pas tout d’abord sur quoi est basée la eonclu- sion 2. Dans l'expérience avec la soude, le liquide n’est devenu que trouble, et pour précipiter le sel dont deux atomicités étaient 484 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. saturées par l’acide, on était obligé d’ajouter du chlorure d’am- monium. La combinaison, renfermant une molécule d'acide bibasique, était donc aussi soluble que celle qui en contenait deux. Dans l’autre expérience avec le sulfate d’ammonium, les deux combinaisons étaient également insolubles dans l’eau. Mais voilà un point plus important. Pourquoi les auteurs ont-ils neutralisé avec de la soude juste la moitié d’acide ? C’est ce détail de l'expérience qui les amène, évidemment, à déclarer les bases condensées comme possédant une double valence. Or, l'expérience n’aurait pas changé s’ils n’avaient neutralisé qu'un tiers ou un quart d'acide, ou même s'ils n'avaient point ajouté de soude. Ce n’est pas parce que l'acide avait été en partie neu- tralisé que la solution des chlorures de thorine condensée deve- nait précipitable par le chlorure d'ammonium ou par les chlo- rures en général, elle l'était déjà avant, comme on le voit par les expériences de M. Béchamp et les nombres déjà cités de M. Hofmeister pour l’hydrate de fer, très analogue à la thorine par ses rapports aux sels et aux acides, comme le reconnaissent MM. Wyrouboff et Verneuil eux-mêmes. EL si ces savants n’a- vaient pas essayé le chlorure d’ammonium avant la neutralisa- tion, n'est-ce pas parce qu'ils présumaient, à juste raison d’ailleurs, que le précipité ne serait pas obtenu, vu l’impossibilité d’une double décomposition entre deux chlorures ? Les réactions chimiques entre les oxydes « condensés » de thorium et les matières minérales solubilisantes et précipitantes deviennent de plus en plus douteuses et les formules indiquées par les auteurs perdent toute leur signification. Comment, d'ailleurs, se représenter cette condensation variable du même oxyde sous l’influence de la calcination à la même température et sous l’influence aussi de l’eau, puisque plus on dialyse un chlorure de thorine condensée, plus grand devient le rapport ThO : Cl: après 30 jours de dialyse, il est de 100 : 0,35. Comment expliquer la polymérisation d'un oxyde de constitution chimique très simple et sans atomicités libres qui aurait pour résultat la formation des bases pouvant saturer deux molécules d'acide bibasique, la polymérisation n'étant pas un phénomène d’agrégation physique, mais une réunion chi- mique par saturation mutuelle d’une partie des atomicités libres des molécules ? PROPRIÉTÉS PHYSIQUES DE LA MICELLE ALBUMINOIDE. 485 Autant de questions, sur lesquelles MM. Wyrouboff et Verneuil nous doivent encore la réponse. Loin de nous la pensée de mettre en doute l'exactitude des faits communiqués par ces auteurs. Leurs observations contra- dictoires peuvent facilement être coordonnées si l’on adopte le mécanisme des modifications d'état des colloïdes développé dans ce travail. L'oxyde de thorium est un colloïde : ses micelles ne se disso- cient pas dans l’eau. Elles dépassent au surplus par leur volume la limite de la solubilité dans ce dissolvant. En reprenant avec de l’eau le résidu après décantation de l’acide concentré, on se trouve en présence de l'acide à concentration faible. Les micelles sont diminuées sous l'influence des ions de l’acide, et la thorine entre en solution, comme les autres colloïdes étudiés par nous. Ajoutons maintenant de l’acide à 10 0/0. Les molécules non dissociées arrivent à former la zone 'périmicellaire et l’oxyde de thorium précipite, entrainant avec lui un certain nombre de molécules HCI, toujours le même, si les conditions sont identiques, et beaucoup inférieur à celui que nous avons introduit dans le liquide. Mais tout l’oxyde en solution n’est jamais précipité par une concentration même assez forte de l'acide, comme nous l’avons observé aussi pour les albuminoïdes. Avec la diminution de la concentration du colloïde augmente la concentration du sel ou de l’acide nécessaire à la précipitation; c’est là la cause qui a amené MM. Wyrouboff et Verneuil à admettre l’existence du polymère moins condensé, dont les solutions ne sont précipi- tables que par l’acide chlorhydrique dilué avec son volume d’eau. Les précipités obtenus avec les acides sont solubles dans l’eau. Une partie des molécules non dissociées d'acide entrai- nées par les micelles devient libre au contact avec de l’eau distillée, s’y dissocie électrolytiquement et, grâce au pouvoir électrisant notable de ses ions, arrive facilement à diminuer les micelles. Si, au lieu de précipiter l'oxyde de ses solutions par un acide, on ajoute un sel quelconque, soit un chlorure, un nitrate ou un sulfate, ce n’est plus l'acide qui est entrainé par les macelles, mais bien les molécules salines. Ces précipités délayés dans de l'eau lui abandonnent également un certain nombre de molécules 486 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. salines. Mais en l’absence des ions à mobilité forte, les micelles ne peuvent pas entrer en solution. C’est le secret de l’insolubi- lité des précipités obtenus avec le sulfate et le chlorure d’ammo- nium dans les expériences qui devaient nous fixer sur la valence des oxydes polymérisés. Le précipité provoqué par l'acide abandonne à l’eau de l'acide jusqu'à ce qu'un équilibre soit établi entre la grosseur micel- laire et les ions libres, Si l’on éloigne ceux-ci par dialyse, une nouvelle quantité se détachera des micelles et ainsi de suite, d’où l'augmentation du rapport entre la thorine et le chlore dans le contenu du dialyseur. Enfin, la quantité des ions nécessaires pour solubiliser un colloïde n’est pas très grande. Une solution d’acide acétique équimoléculaire avec celle de l'acide chlorhydrique à 1 0/00 présente 760 fois moins d'ions que cette dernière: elle arrive, cependant, à dissoudre 1/3 0/0 de son poids d’albuminoïdes de réserve de Picea excelsa. Pour expliquer la solubilité d’un gramme de précipité qui répond à la formule ThO ** HCI' et qui contient 1,2 0/0 d'acide chlorhydrique dans 100 ce. c. d’eau, il suffirait d'admettre, si la grosseur et l’élasticité micellaires étaient les mêmes, que 1/200 d’acide se soit séparé des micelles de la thorine. Ceci amènerait à une concentration de Pacide libre égale à 0,0006 0/0. Cela n’est pas étonnant si le nitrate d'argent ne produit qu’un louche dans ces solutions. En poursuivant l’exposé des travaux où la rétention des molécules salines fut démontrée par l'analyse chimique du préeci- pité, je rapellerai ici l'étude de MM. Linder et Picton‘ sur la rétention des quantités mesurables d'acide sulfhydrique par les sulfures de métaux. Les auteurs tendent aussi à admettre une combinaison chimique entre l'hydrogène sulfuré et les sulfures. Cette interprétation fut l’objet d’une critique approfondie de la part de M. Duclaux * qui, après avoir relevé le caractère mal défini des combinaisons en question, la disproportion entre le poids des sulfures et de l’acide sulfhydrique, la variabilité dans les proportions suivant les conditions de la précipitation, a fait À. J. of. Chem. Soc., t. LXI, p. 114, 1892. 2, Traité de Microbiologie, t. I, p. 274-276. PROPRIÉTÉS PHYSIQUES DE LA MICELLE ALBUMINOIDE. 487 rentrer les faits étudiés par MM. Linder et Picton dans la caté- gorie des phénomènes d'adhésion moléculaire. Nous passerons donc directement aux recherches ultérieures des mêmes auteurs ! qui ont eu pour but de prouver, à l'encontre des expériences que nous venons de citer, que ce sont les ions positifs seuls qui sont retenus par le précipité. Une solution de sulfure d’arsenic fut précipitée avec une quantité connue de chlorure de baryum. Le liquide fut ramené jusqu’à 250 e. c. et laissé déposer. On dosa le baryum et le chlore dans deux portions différentes de 100 e. ce. et on trouva : Ba 0,02422 CI 0,01380 au lieu de — 0,02663 — 0,01380 calculé d’après la teneur en chlorure de baryum. Le précipité de sulfure d’arsenice semble donc avoir retenu à peu près » milligrammes de Ba en plus de ce que conte- nait l’eau qui Fimbibait. L'analyse a montré, en effet, que le précipité retenait du Ba qu'il était impossible d'extraire par le lavage à l’eau distillée, mais qu’on pouvait séparer par l’action des solutions salines. Dans l'extrait salin on n’a pu démontrer la présence du chlore. Cette dernière constatation ne prouve pas, il va sans dire, que l'ion négatif n’était pas retenu par le précipité. Le soufre de l'hydrogène sulfuré est aussi électronégatif que le chlore, il était cependant retenu par les sulfures des métaux dans les expériences qui précèdent. Le déficit en baryte dans la liqueur surnageant au précipité se laisse assez bien expliquer par la diffusion inégale des ions positifs et négatifs dans le liquide sous l'influence de la charge électrique du colloïde insolubilisé. On a vu que M. Béchamp, MM. Wyroubolf et Verneuil, guidés par leur hypothèse de la double décomposition, se sont conten- tés de rechercher l’acide dans les précipités obtenus avec des sels, et ont calculé leurs formules comme si la partie électropo- sitive du sel n’était pas retenue, MM. Linder et Picton, au con- traire, supposant aux ions positifs une action précipitante, n'ont trouvé dans le précipité que la partie positive de lélectrolyte. Ces expériences se complètent donc très heureusement. M. Ritthausen, qui ne cherchait à démontrer aucune hypo- 1. J. of. Chem. Soc., t. LXVIL, p. 66, 1895, 488 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. thèse, mais qui observait purement et simplement les faits, a toujours pu constater dans les cendres, au cours de l’analyse de nombreux précipités albuminoïdes provoqués par l'acide acé- tique dans les extraits alcalins des graines, la présence, à côté de Facide phosphorique, de la potasse, de la magnésie, de la chaux, ete., bref, de toutes les bases qu’on rencontre normale- ment dans les extraits combinées à l’acide oxyméthylenphos- phorique et aux autres acides organiques *. Sous un autre aspect nous apparaissent les phénomènes de rétention des substances minérales dans les expériences récentes de MM. Spiro et Pemsel® par lesquelles nous allons terminer cette série de faits. Elles ont eu pour point de départ le désir de perfectionner la méthode de détermination de l’alcalinité du sang. Pour éviter la difficulté que l’on rencontre à bien saisir le virage, lorsqu'on titre en présence des albuminoïdes, ces auteurs ont eu l’idée de précipiter les matières protéïques du sérum avec du sulfate d'’ammonium en milieu acide et de déterminer dans une partie aliquote du liquide filtré la quantité d'acide restée libre après la neutralisation de l’alcalinité du sang. A leur surprise, le sang dans ces conditions se montra beaucoup plus alcalin qu'à la titration directe. En augmentant progressive- ment la quantité d'acide ajouté avant la précipitation, on obtint des résultats qui pouvaient faire penser à une augmentation de l’alcalinité du sang. La précipitation, effectuée en présence de l’alcali fixe, eut un résultat contraire : l’alcalinité du sang se montrait plus faible. 1. L'opinion de MM. Hammarsten et Wiman, d'après laquelle l'acide phospho- rique serait combiné chimiquement aux albuminoïdes de réserve des graines végétales sous forme de nucléoprotéides, est contredite par les travaux de MM. Osborne et Campbell, qui ont pu préparer ces matières protéïques avec une teneurinfime en phosphore J. Amer. Chem. Soc., t XX. p. 40). Ce fait, impossible à comprendre si l’on admet quele phosphore entre dans la constitution chimique du précipité, s'explique facilement, au point de vue de l'hypothèse de la rétention des molécules salines par adhésion aux micelles, si l’on examine la méthode dont se sont servis MM. Osborne et Campbell pour la préparation des albuminoïdes en question. Ces auteurs précipitaient les extraits salins des graines par saturation avec le sulfate d'ammonium, redissolvaient le précipité dans l’eau et soumettaient la solution à la dialyse. Ce sont les fractions successives des albuminoïdes qui se séparaient dans le dialyseur au fur et à mesure de l’appauvrissement du liquide en sel, qui furent soumises à l'analyse. Les phos- phates organiques de l'extrait initial étaient donc submergés dans la masse énorme des sels alcalins qui ont servi pour la précipitation, et les micelles ne retenaient des phosphates que dans la proportion très faible où ils se trouvaient dans le liquide environnant, 2. Zeitsch. f. physiol. Chemie, t. XXNI, p. 233, 1898. PROPRIÉTÉS PHYSIQUES DE LA MICELLE ALBUMINOIDE. 489 I n'y a qu'un seul moyen d'expliquer ces phénomènes. Les précipités albuminoïdes retiennent une partie d’acide et de soude qui, échappant ainsi à la titration, viennent fausser les résultats de l’analyse dans l’un ou dans l’autre sens. Les auteurs, tout en voyant que cette rétention ne peut pas être attribuée à une réaction chimique véritable, étant donnée l'augmentation de la quantité de réactif retenu parallèle à l’élé- vation du volume deréactifajouté avant la précipitation, concluent cependant àune (capacité basique du sang et des albuminoïdes », à l'existence des groupements basiques et acides dans la molé- cule albuminoïde la plus neutre en apparence. Bien étranges sont ces fonctions chimiques de la molécule albuminoïde qui ne peuvent être saturées qu’au moment de la précipitation! Il faudra se faire, je crois, tôt ou tard à l'idée que les diffé- rentes capacités de la micelle colloïde ne sont que les manifestations de affinité adhésive, et que là où il y & précipitation des colloïdes en présence des matières minérales, ily « aussi rétention de çes matières par les précipités. La première conséquence pratique à tirer de cette notion sera la proseription rigoureuse de l'emploi des sels d’ammo- niaque et des sulfates pour la précipitation et purification des albuminoïdes dont on aura l’intention de déterminer la consti- tution élémentaire. On risquera toujours d'obtenir, malgré un lavage prolongé à l’eau distillée, des nombres trop forts pour l'azote ou pour le soufre. C’est là probablement la cause de la différence frappante dans les dosages d'azote des albuminoïdes de réserve provenant d’une même espèce de graines que l’on constate dans les travaux de M. Ritthausen et de MM. Osborne et Campbell. Les nombres pour l’azote chez ces derniers auteurs qui précipitaient les albuminoïdes, dans une phase de leur pré- paration, par le sulfate d’ammonium, sont presque toujours supérieurs. L'emploi de ce sel pourra simuler aussi des différences dans les cas où, en variant les conditions, on provoquera une réten- tion plus ou moins grande des molécules salines par Îles mêmes micelles albuminoïdes. Quelques-unes des analyses de MM. Osborne et Campbell sont très suggestives à ce point de vue. Trois préparations d’albuminoïdes de lupin jaune de même 490 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. provenance, obtenues par la méthode indiquée dans une note précédente ont donné à l'analyse : GC N S 50,62 17,45 0,77 50,20 i7,86 0,98 49,47 18,07 1,49 (1) Différence qui correspond bien à la rétention de 1,3 0/0 de sulfate d’ammonium pour la deuxième préparation et de 3 0/0 à peu près pour la troisième. Exemple bon à retenir. 1 LL À À Il nous reste encore à examiner la précipitation des albumi- noïdes par les colloïdes à petites micelles. Nous l’avons assimilée précédemment à la précipitation à l’aide des sels. M. Kutscher ?, qui a le premier observé, il y a à peu près quatre ans, qu'une solution de sérum globuline, de vitelline ou de myosine dans du carbonate de soude très faible peut être précipitée par les albu- moses isolées ou par le mélange des produits de la digestion pepsique connue sous le nom de peptone de Witte, est d’un avis quelque peu différent. L’explication la plus plausible de ce phéno- mène serait, d’après lui, la suivante. Nous citons textuellement : « La globuline entre en solution sous l'influence du carbo- nate de soude, grâce à la formation à ses dépens d’un sel soluble de soude. On peut invoquer en faveur de cette transformation la stabilité relative de la combinaison qui résiste à la dilution avec de l’eau, et n’est détruite que par un courant d'acide carbo- nique ou par l'acide acétique. Il est probable que le globulinate de soude subit une décomposition analogue. La soude est éliminée et par l’adjonction de l’albumine à la globuline il se forme une combinaison un peu moins soluble dans les liqueurs alcalines, mais identique par ses autres propriétés à la globu- line initiale. » Comme celte interprétation, qui est une fidèle expression des ilées courantes sur la solubilisation, semble être généralement acceptée sans opposition *, j'ai eru nécessaire de la soumettre à une critique expérimentale : 3 1. J. of. Amer. Chem. Soc., t. XIX, p. 454. 2. Zeilsch. f. physiol. Chemie., t. XXII, p. 115, 1897. 5. A. Kosser, Revue générale des Sciences, 1899, p. 380; Ivan Banc, Zeëlsch. f. physiol. Chemie, t, XXVII. p. 463, 1899, PROPRIÈTÉS PHYSIQUES DE LA MICELLE ALBUMINOIDE. 494 1. On sait que la précipitation par formation d’une combi- naison chimique insoluble n’est pas influencée, dans la plupart des cas, par la concentration des matières qui réagissent et ne dépend pas de l’ordre dans lequel les matières sont mises en contact. Prenons donc 2 c. c. d'une solution de peptone de Witte à 10 0/0 et versons-y une goutte d’une solution des albuminoïdes de Picea excelsa à 10/0 dans l'acide chlorhydrique à 1 0/00, iden- tique à celle qui nous a servi pour les expériences antérieures. Un précipité à gros flocons se forme et se dépose au fond de l’éprouvette. Ajoutons maintenant à 2 c. c. de solution d’albumi- noïdes 1 goulte de notre solution de peptone, — léger trouble qui disparait à l'agitation. Si l’on continue à verser de la peptone, il arrive un moment où un précipité très abondant et persistant apparait. Le volume de la solution de peptone ajouté est alors de 0,58 ce. e., d'où on calcule une concentration de la peptone dans l’éprouvette égale à 2,25 0/0. Répétons la même expérience avec une solution de peptene à 5 0/0. Pour faire apparaître le pré- cipité, il nous faut ajouter 1,46 ce. c. de peptone, ce qui corres- pond à une concentration précipitante égale à 2,21 0/0. Ces expériences prouvent que la concentration de la peptone est le facteur le plus important dans la production du précipité, comme nous l’avons vu aussi pour les sels. 2. Supposons maintenant avec M. Kutscher que les 2,25 0/0 de la peptone entrent en réaction chimique avec le 1 0/0 de l’al- buminoïde. Ces relations devraient du moins persister lorsqu'on modifiera les conditions de l'expérience. Nous allons voir qu'il n’en est rien, Diminuons la concentration de l’albuminoïde, tout en lais- sant l'acide chlorhydrique sans altération, et cherchons à déter- miner les quantités de peptone nécessaires à la précipitation de ec. Solution de l'albuminoïde en 0/0 Volume de peptone à 100/0 Concentr. précipitante de la dans HCI à 1 0/00. ajouté. peptone en 0,0. 4/2 0,57 2,22 4/4 0,55 2,16 1/5 0,56 2,19 1/16 0,58 2,25 32 2 D) /32 0,57 Les concentrations de la pepione restent donc les mêmes, 492 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR, malgré la diminution de la quantité d’albuminoïde dans l’éprou- vette. L Diminuons en même temps la concentration de l'acide. Concentration de l'albuminoïde en 0/0 Volume de peptone à 10 0/0 Conc. de la peptone et de l'acide chlorydrique en 0/00 ajouté. en 0/0. 1/2 0,32 1,380 1/# 0,19 0,865 1,8 0,10 0,476 1/16 0,06 0,300 4/32 0,04 0,196 La concentration précipitante de la peptone baisse paral- lèlement, mais beaucoup moins vite. Augmentons, enfin, la concentration de l'acide chlorhydrique, en laissant celle de l’albuminoïde à 1/2 0/0. Concentration de HCI en 0;00. Volumede peptone à100/0ajouté. Conc.dela peptoneen 0/0. 1,5 0,90 3,10 2,1 1,38 4,08 3,0 1,56 4,38 5,5 2,52 D,7 On voit qu'avec l'augmentation de la concentration de l’a- cide chlorhydrique, les concentrations précipitantes de la peptone s'élèvent; elles s'élèvent cependant moins vite. Les concen- trations de la peptone suivent donc toujours celles de l’acide chlorhydrique, et on aurait pensé plutôt à une combinaison de la peptone avec de l'acide, si le parallélisme des variations était complet et si le mélange n’était pas très acide. Les variations de la concentration de la peptone ont en réalité l'allure des modifications du nombre des molécules dissociées de l’acide, qui diminue et augmente aussi moins vite que la concentration. Or, nous savons que la grosseur de la micelle albuminoïde est en raison inverse du nombre d'ions ou de molécules dissociées, et qu'une micelle plus petite demande une concentration plus grande des molécules non dissociées pour pouvoir s’entourer d’une zone protectrice. Les expériences avec la peptone ne font donc que confirmer la règle, et exclure même la possibilité d’une réaction chimique entre l’albuminoïde et la peptone. Ces expériences furent répétées avec les albuminoïdes de Cucurbita Pepo, Lupinus albus et luteus. Le résultat fut le même. Nous n’indiquerons ici que les concentrations de la pep- tone qui précipitent en présence de l'acide chlorhydrique à 1 0/00. PROPRIETÉS PHYSIQUES DE LA MICELLE ALBUMINOIDE. 493. Cucurbita Pepo. Lupinus albus. Lupinus luteus, 2,30 0/0 2,25 0/0 2,30 0/0 Concentrations presque identiques pour tous lesalbuminoïdes étudiés. La soude, ea agissant plus profondément sur les micel- les, va également, dans le cas de la peptone comme dans celui des sels. exagérer les différences. Une solution des albuminoïdes dans NaHO à 0,5 0/00 précipite à une concentration de la peptone de Witte égale à : Picea excelsu. Cucurbita Pepo. Lupinus albus. 0,655 0/0 0,825 0/0 1,34 0/0 3. La sérumalbumine et l’albumine d'œuf ne partageraient pas d’après M. Kutscher la faculté de la globuline de se com- biner avec les albumoses. On devrait donc pouvoir séparer ces deux albuminoïdes, qu’on suppose différentes, en ajoutant de la peptone de Witte au blanc d'œuf ou au sérum sanguin, L'expérience reste cependant négative. On peut diluer le blanc d'œuf avec 11,5 vol. HCI à 1,1 0/00 sans modifier le résultat de l'expérience. La même solution chaulfée à 70° et refroidie précipite avec la peptone de Witte comme avec nos réactifs salins. La concentration préci- pitante est de 2,30 0/0. Le blanc d'œuf dilué avec 11,5 vol. desoude à 0,5 0/00, chauffé à 70°, ne précipitait pas, comme on se le rappelle, avec les sels à froid, il ne précipite pas non plus avec la peptone. A latempérature d’ébullition, cette solution coagulait en présence des sels ammo- niacaux. Elle cougule aussi en présence de lu peptone, et les flocons coagulés qui en résultent sont aussi insolubles dans les alcalis et les acides que le blanc d'œuf cuit. L’analogie entre la précipitation saline et albumosique est donc complète. Encore ici l'étude méthodique des conditions de la précipita- tion nous permet de prévoir et d'expliquer des phénomènes qui n'étaient jusqu'ici que fortuits et empiriques. Supposons qu'un albuminoïde quelconque en solution dans l'acide chlorhydrique est soumis à l’action de la pepsine. Comme cette diastase protéolytique n’agit que graduellement sur l’albu- minoïde en présence, il y aura pendant assez longtemps dans la solution, à côté des albumoses, des micelles albuminoïdes non encore attaquées. J1 peut arriver que la concentration des albu- 494 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. moses formées devienne suflisante pour précipiter l’albuminoïde non altéré. Ceci aura lieu d'autant plus sûrement que la concen- traätion de l’albuminoïde au début de l'expérience aura été plus forteet cellede l'acide chorhydriqueplus faible. Le précipité qu’on obtiendra dans ces conditions sous l'influence de la pepsine pourra facilement être pris pour une «nucléine », pour un résidu de la digestion pepsique d’un nucléoprotéide. C'est M. Wiman! qui a réalisé, sans s'en douter, cette expé- rience avec de la légumine des pois dont il cherchait à démon- trer la parenté avec les nucléoprotéïdes. Le tableau XVI résume la partie la plus intéressante de ses essais. On y trouve les poids des précipités en 0/0 qu'on obtient en variant la concentration de l'acide chlorhydrique et des albuminoïdes. TABLEAU XVI La concentration de l'acide chlorhydrique en 0/0. La concentration de la légumine ER en 0/0 0,3 0,4 0,5 0,6 RRPONLI R Re HÉMRMAPARAULE IR à 1,29 k,55 0,0 0,0 0,0 9,27 2,70 0,29 0,0 0,0 3,18 4,47 | 1,42 0,26 0,0 4.52 5,90 1,60 0.40 0,11 5,23 9,20 | 12,3 7.40 1,7 On voit que le poids du précipité augmente avec l'élévation de laconcentration del’albuminoïde, diminueavecl’augmentation de la concentration de l'acide Le précipité n'apparaît pas lors- qu'en présence de beaucoup d'acide la concentration de l’albu- minoïde est assez faible. Des expériences analogues à celles de M. Wiman ont amené M. Neumeister * à la création de la conception de l’hétéroalbumose — albumose insoluble dans l’eau qui formerait avec la protal- bumose les deux premiers produits de décomposition de la molécule albuminoïde sous l'influence de la pepsine. Pour sépa- rer ces deux corps, on a recours à Ja dilution des produits de digestion avec beaucoup d'eau où à Ta dialyse : l’hétéroalbu- 1 UÉDE CLÉ 2, Lehrbuch der physiol. Chemie. lena, 1897, p. 230. PROPRIÉTÉS PHYSIQUES DE LA MICELLE ALBUMINOIDE. 493 mose est précipitée dans ces conditions. Or, il est infiniment pro- bable que ce corps n'est rien d'autre que l’albuminoïde initial non encore touché par la pepsine qui précipite sous l'influence des albumoses déjà formées (protalbumoses) grâce à la diminu- tion de la concentration d'acide. La preuve en est dans la faculté de l’hétéroalbumose de se transformer en dysalbumose, rappe- lant par ses propriétés un albuminoïde à grosses micelles, sous l'influence des causes anodines, comme le contact prolongé avec l’eau, la dessiccation, etc. 4. Si les expériences qui précèdent n'étaient pas plus que suf- fisantes pour démontrer l’inexactitude de La thèse soutenue par M. Kutscher, on aurait trouvé l'argument décisif contre elle dans la faculté que possèdent la plupart des colloïdes à petites micelles de précipiter les albuminoïdes. Déjà le blanc d'œuf TABLEAU XVII Solution des albuminoïdes de réserve dans NaHO à 0,5 0/00. RÉACTIF Picea excelsa. Cucurbita Pepo. Lupinus albus. Slachyase, ... 0... 12,50 18,2 — DExIAine re er 10,35 15,8 15,00 Gomme arabique.... . 2,50 — 9,42 Gomme de bois ....... 0,283 0,386 — naturel, dans lequel les micelles sonttrès rapetissées sous la dou- ble action de Pal: :!t et de Palbuminase, se comporte à ce point de vue vis-à-vis des micelles albuminoïdes comme les albumo- ses. La plupart des polysaccharides solubles dans l’eau agissent de même. Le tableau XVIT indique en 0/0 les concentrations précipitantes pour quelques-uns d’entre eux. Les précipités sont floconneux et ne se distinguent en rien de ceux qu'on obtient avec les sels ou avec la peptone de Witte, Mais, chose curieuse, lorsqu'on s'adresse à des solutions acides des albuminoïdes, qui se prêtent ordinairement mieux aux essais sur la précipitation que les solutions alcalines, on est étonné de voir que le stachyose et la dextrine ne produisent aucun effet précipitant. La gomme arabique laisse paraître un précipité à la concentration de 2,36 0/0 pour les albuminoïdes 496 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. du sapin rouge, de 2 0/0 pour ceux du lupin blanc et de 1,38 0/0 pour le blanc d’œuf dilué et chauffé, mais ce précipité est d’un aspect bien étrange. Ce ne sont plus des flocons qui se forment, mais des globules assez fins, très réfringents. Ils se déposent lentement, en se rassemblant au fond de l’éprouvette en une masse gluante, presque sirupeuse. C’est, évidemment, la gomme qui s’est précipitée dans ce cas et non l’albuminoïde. Ce fait me semble indiquer qu’au contact des micelles pro- téiques et hydrocarbonées, il + à une perturbation dans les résul- tats de l’électrisation des micelles par les ions. On dirait qu’au contact de ces micelles hétérogènes, lalbu- minoïde se charge positivement, le polysaccharide négative- ment. La charge positive, qui paraît être assez forte, neutrali- serait une partie de la charge négative de l’albuminoïde en solution alcaline, et le ferait plus accessible à la précipitation : elle augmenterait, au contraire, la charge positive des mêmes micelles dans la solution acide qui, devenant trop petites, ne pourraient plus être précipitées par le stachyose et la dextrine. En revanche, elles précipiteraient à leur tour les micelles de la gomme arabique devenues relativement plus grandes dans ces conditions. Ces phénomènes de contact entre les micelles albuminoïdes et hydrocarbonées mériteraient d’être repris sur une base expé- rimentale plus large. Il est à espéfer que par leur étude on se rapprochera de la connaissance du mode d’action des diastases décoagulantes, si toutefois celles-ci agissent réellement en excitant une charge électrique dans les. micelles albuminoïdes, comme nous l’avons supposé précédemment. En résumé, aucun des faits variés que nous avons passés en revue dans ce chapitre ne s’adapte à l'explication chimique des phénomènes de précipitation. Ils plaident, au contraire, tous en faveur du mécanisme de la précipitation par formation d’une zone périmicellaire, en prouvant la réalité de la rétention des molécules salines ou d’autres particules par les micelles colloï- des. Cette rétention est due uniquement à l’affinité adhésive et élective des unités physiques. Le Gérant : G. Masson. Sceaux. — Imprimerie E. Charaire. 45ne ANNÉE JUILLET 4901 No 7 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR ETUDE SUR L'IMMUNITÉ DANS LA FEVRE RÉCURRENTE pAR LE PROF. SA WTSCHENKO er Le Dr MELKICH (ne Kasan). M. Metchnikoff, dans son travail sur la fièvre récurrente, a solidement établi ce fait, que la chute critique de la tempéra- ture et la disparition des spirilles du sang coïncident toujours avec une phagocytose bien marquée des spirilles dans la rate. La constance de ce phénomène et son rapport causal avec la guérison confirmaient si bien la théorie phagocytaire de l’im- munité, que M. Metchnikoff à exprimé l'opinion que la fièvre récurrente pourrait servir de « pierre de touche » pour la doc- trine de la phagocytose. Mais le spirille se montra très sensible non seulement vis-à-vis de la phagocytose, mais encore vis-à vis des anticorps spécifiques, découverts par Pfeiffer. M. Gabrischewsky?, en étudiant sous ce rapport les pro- priétés du sérum apyrétique des malades atteints de la fièvre récurrente, a découvert un fait très intéressant, que le sérum pris pendant les premiers jours de l’apyrexie et surtout après le dernier accès, ajouté à du sang contenant des spirilles, abrégeait considérablement leur vie : ce sérum se montre donc spécifique- ment bactéricide. 1. Virch. Arch., 1887. 2, Ann. de l'Institut Pasteur, 1596. 498 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Après s'être assuré que lorsqu'il y a rechute de la maladie, les propriétés bactéricides du sérum, très prononcées chez les convalescents, retombent à zéro, et après avoir vérifié ses obser- vations par des expériences sur des singes, M. Gabritschewsky a conclu que la disparition de ces spirilles est surtout due à ce que le plasma se charge pendant la crise de substances bacté- ricides. L’immunité naturelle des animaux réfractaires (le cobaye) dépend aussi, selon M. Gabritschewsky, de la formation rapide de substances bactéricides au point de l’inoculation. Les conclusions de X. Gabrüschewsky rencontrèrent des objections de la part de M. Metchnikoff ‘et même le fait de la spécificité des matières bactéricides fut mis en doute par le travail de Bardach?. Les observations de M. Gabritschewsky établissent la spéci- ficité des substances bactéricides du sérum et la constance de ce phénomène dans la fièvre récurrente ; mais elles n’autorisent guère à conclure au rôle de ce facteur dans la pathogénie et le mécanisme de la guérison de cette maladie. Pour conclure dans cé sens, il aurait fallu noter avec plus de précision le moment de l'apparition des substances bactéri- cides dans le sérum, la rapidité de leur augmentation et de leur diminution, c’est-à-dire tracer la courbe de leurs variations pendant toute la durée de la maladie. Ensuite il eût fallu rechercher si ces variations sont sans relation quelconque avec la phagocytose et la leucocytose; il eût done fallu comparer les courbes des substances bactéricides avec celles de la leucocytose sur les mêmes malades. L'épidémie de fièvre récurrente à Kasan, dans l'hiver de 1900, nous à fourni des matériaux très riches pour ces recherches. Notre problème consistait : 1° À étudier le mode d'action du sérum spécifique sur les spirilles in vitro et dans l’org'anisme ; 2° A élucider le mode de la disparition des spirilles dans l'organisme des animaux réfractaires ; 3° À chercher s’il n'existe pas un rapport quelconque entre les courbes des substances bactéricides et celles de la leucocy- tose chez les malades atteints de fièvre récurrente. 1. Ann. de l'Institut Pasteur. 1896. 2, Ann. de l'Institut Pasteur, 1899. IMMUNITÉ DANS LA FIÈVRE RÉCURRENTE. 499 [ ! LE PHÉNOMÈNE DE PFEIFFER CHEZ LES SPIRILLES DE LA FIÈVRE RÉCURRENTE Mettons dans une chambre humide une goutte de sérum contenant des spirilles, provenant du sang d’un malade au second jour du premier ou du deuxième accès. Dans une autre chambre humide ajoutons, suivant les indica- tions de M. Gabritschewsky, au mème sérum contenant des Spirilles, une quantité égale de sérum d’un sujet guéri de la fièvre récurrente. Les spirilles périront dans le dernier cas beaucoup plus vite que dans le premier (l'addition du sérum normal de l’homme n’abrège pas la vie des spirilles). Par conséquent, le sérum des convalescents de la fièvre récurrente est spécifiquement bactéri- cide pour les spirilles. Ce fait, établi par Gabritschewsky, fut confirmé par toute une série de savants (Bardach, Zeiliguer, Leventhal, Rout- kewitch). Dans des essais faits sur un très grand nombre de cas, nous n'avons jamais rencontré d'exception à cette règle. Si l’on cherche dans l'expérience ci-dessus non seulement le moment de la mort des spirilles, mais aussi la façon dont ils périssent, il est facile d’apercevoir une différence essentielle dans l'un et l’autre cas. Dans le premier cas, — quand les spirilles provenant, par exemple, d'un malade, pendantles premiers jours du premier ou du deuxième accès, périssent au bout de deux ou trois jours dans le sérum, — ceux-ci, devenus immobiles et morts, se présentent homogènes et brillants, avec un corps uniformément gonflé et une largeur à peu près double de la normale. Ce n’est qu’au bout de plusieurs jours qu’on en voit à l’état de détritus, granu- leux et irréguliers. Lorsque les spirilles périssent à la suite d’addition du sérum spécifique, il apparaît à leur surface un, deux ou trois grains sphériques, homogènes, brillants et ressemblant à des goutte- lettes d’une substance colloïdale. Le corps du spirille devient plus mince, perd son éclat primitif et ressemble à un étui vide. Après une journée ou plus, il est quelquefois difficile de déceler 500 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. même les traces des corps des spirilles, et même les boules di- minuent visiblement, de sorte qu'il est quelquefois impossible d’en retrouver trace. Si l’on observe ce phénomène dans une chambre humide à 37°, on peut suivre, pas à pas, la transformation graduelle des spirilles. Avec un sérum très riche en substances bactéricides spécifiques, le phénomène se manifeste au bout de quelques minutes. Le spirille ralentit ses mouvements, sur sa surface on voit apparaître, vers son milieu, un petit grain. Les mouve- ments s’affaiblissent et ne se manifestent que dans les parties terminales du spirille. Quelquefois apparaissent encore deux ou trois grains sur ces parties terminales : le spirille devient, peu à peu, immobile et plus mince. Si l’on dépose au bord de la lamelle une goutte de bleu de méthylène, les boules seules se colorent en bleu, chez les spirilles altérés ; ceux qui ne le sont pas se colorent aussi avec la mème intensité que les boules des spirilles détruits. Ces boules ne sont donc pas autre chose que le contenu extravasé des spirilles. Évidemment nous avons affaire ici au phénomène de Pfeiffer typique. Sous l'influence des substances spécifiques du sérum, l'enveloppe du microbe subit une altération partielle et se rompt au niveau des poinis les plus ramollis; la substance protoplas- mique sort et prend la forme sphérique. L'exemple du phénomène de Pfeiffer sur les spirilles confirme de la meilleure façon l’explication donnée à ce phénomène par M. Duclaux dans son Traité de microbiologie. Par analogie avec les phénomènes semblables connus pour d’autres microbes, il nous faut admettre ici une action simultanée sur l’enveloppe du microbe de deux substances : 1° des alexines du sérum (les cytases selon la terminologie de M. Metchnikof) ; et 2° des « anticorps » spéciaux, de la substance sensibilisatrice de Bordet ou du « fixateur » du Metchnikoff. Ces derniers corps supportent le chauffage à 55°-60°, et par conséquent le sérum ne doit pas perdre ses propriétés bactéri- cides après le chauffage jusqu’à cette température. Voici en effet quelques expériences qui prouvent qu’il en est bien ainsi. IMMUNITÉ DANS LA\ FIÈVRE RÉCURRENTE. 501 é: SURVIE 3 2 des spirilles. TE |ORIGINE DES SPIRILLES NATURE DU SÉRUM AJOUTÉ dla tem. FE de la | à 37. 2 chambre . I. | Au 2% jour du 2e accès. 126 h.| 52 h. (Le mal. Pol.) + Sérum bactéricide non chauffé. 5 h.|{ h. 1/2 a: + — — ch. 4/2 h. à 560.| 6h./1h.1/2 æ Qi, — ch. 1/2 h. à 600.| 12h.| 3h. ne + — normal. 120 h.| 44 h. ee + — de cobaye. 180 h.| 80 h. A II. | Au 2e jour du 2e accès. 19t1/2| 40 h. (Le mal. Æol.) + Sérum non chauffé. 3 h.130 min. —— + — chauffé à 55° 1/2 heure. 4 h,140 min. — + — — à 570 -— 4 h.140 min. — + — — à 600 — 10h | FV4"h: — + — — à 62° — 18h1/2| 2h. — + — — à 64° 1/3 heure. 130 h.| 56 h. — + — normal. 190 h.| 50 h. IL. | Au 3° jour du 2e accès. 106 h. DEN (Le mal. Bou.) + Sérum non chauffé. DINAN UNE — + — chauffé à 62 1/2 1/9 heure.| 2% h.| 3h = a ee — à 64° 1/2 heure. 108 h.| 35 h. — + — normal. 100 h.| 42h. Le chauffage du sérum à 55° n’abolit donc pas ses propriétés bactéricides, tout en retardant cependant un peu le moment de la mort des spirilles. Ce retard tient à ce que les cytases du sérum chauffé sont détruites ; seules les alexines du sérum con- tenant les spirilles sont restées intactes. Les anticorps spécifiques fixateurs supportent le chauffage, même jusqu'à 60°, et restent actifs, comme cela résulte, sans aucun doute, des expériences sur des animaux qui suivent. Le chauffage à 64° détruit com- plètement ces substances immunisantes. 502 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Il LES SPIRILLES DANS L'ORGANISME DES COBAYES NORMAUX M. Gabritchewsky a introduit de petites quantités de spirilles (quelques gouttes de sérum additionné de bouillon), dans la cavité péritonéale de cobayes, et n’ayant pu déceler des spirilles dans l’exsudat dans lequel il avait constaté l’accumulation (bien que très insignifiante !) de substances bactéricides, il en a conclu qu’au point d'inoculation se forment les substances bactéricides, qui détruisent les spirilles et donnent au cobaye son immunité naturelle. Mais il se peut que s’il n’a pas retrouvé de spirilles, c'est simplement parce qu’il en avait mis trop peu. Pour pouvoir observer ce qui se passe avec les spirilles dans la cavité péri- tonéale, il faut en introduire uue assez grande quantité. C’est pourquoi, dans nos inoculations, nous n’employions que des sérums provenant de malades aux derniers jours de l'accès, et contenant des spirilles en quantité suffisante, 7-10 spirilles dans chaque champ microscopique, et nous en injections au moins un demi-centimètre cube dans la cavité péritonéale du cobaye. Dans chaque expérience on préparait avec ce sérum à spirilles une goutte suspendue et que l’on mettait à l’étuve, comme témoin. Après avoir fait l'injection, on retirait de temps en temps l’exsudat à l’aide de tubes effilés, et on l’examinait à l’état vivant entre lame et lamelle; en même temps on faisait une préparation en mélangeant l’exsudat frais avec de la solution aqueuse du bleu de méthylènet. Trois expériences faites dans cette direction donnèrent des résultats tout à fait analogues. 3 à 4 heures après l’injection, ces leucocytes commencent à affluer dans la cavité péritonéale; après 6-7 heures, l’exsudat contient déjà tant de leucocytes qu'il devient très trouble; mais les spirilles conservent leur mobilité. Ce n’est qu’au bout de 8-10 heures que nous pouvions déceler dans des mononucléaires des spirilles phagocytés. On 4. La méthode de la coloration à l’état vivant est très commode pour déceler les spirilles, surtout ceux qui sont en dedans des phagocytes. Les macrophages se colorent très fort dans les préparations fixées. De plus, les spirilles altérés par le fixage ne se colorent pas, et ce sont seulement les boules qui prennent la couleur. IMMUNITÉ DANS LA FIÈVRE RÉCURRENTE. 503 pouvait observer des spirilles vivants encore au second jour et, même par-ci par-là, la phagocytose des spirilles. Dans une des expériences (IT), nous avons pu retrouver les spirilles encore vivants 30 heures après l'injection dans la cavité péritonéale. Dans toutes ces expériences, nous ne trouvions en dehors des cellules que les spirilles mobiles et vivants, et, en colorant nos préparations, nous ne pouvions jamais déceler des spirilles altérés par le phénomène de Pfeiffer. Nous avons pu trouver des spirilles vivants encore après 24 heures et, dans une, même après 30 heures ; après l'injection de spirilles dans le tissu sous- cutané, nous avons pu observer la même vitalité des microbes, alors que, dans les préparations-témoins, en dehors de l’orga- nisme, les spirilles périrent dans deux expériences après 7 heures et dans la troisième après 4 heures. Par conséquent, les substances spirillicides ne se forment pas au point d'inoculation. maïs les spirilles périssent en vertu d’une lente pha- gocytose. — L’exsudat retiré au niveau de l’inoculation, additionné de spirilles, n’abrégeait pas non plus leur vie, comparativement avec les préparations-témoins. Le sérum des cobayes inoculés ne manifeste aucune propriété bactéricide ni pendant l'expérience, ni le lendemain de l’inoculation. Nous n'avons pu constater la présence des substances bacté- ricides que dans le sérum des cobayes ayant reçu deux injec- tions successives à un intervalle de 24 heures dans la cavité péritonéale, et leur apparition n’a eu lieu que 72 heures après la dernière injection. Un tel sérum abrégeait de 24 heures la vie des spirilles, en comparaison avec les témoins; ces derniers périssaient après 70 heures, tandis qu'après l’addition du sérum examiné, ils périssaient en 50 heures. Or, les substances bactéricides se forment non pas au point de l'inoculation, mais dans le sang. et ce n'est qu'après quelque temps, lorsque les spirilles sont atteints par la phagocytose. TI LES SPIRILLES DANS L'ORGANISME DES ANIMAUX IMMUNISÉS. — LES RAPPORTS ENTRE LES LEUCOCYTES ET LES SUBSTANCES IMMUNISANTES Après avoir étudié le mode de réaction chez les animaux C1 504 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. réfractaires aux spirilles, nous avons fait quelques expériences avec des cobayes, immunisés contre les spirilles : 1° par des injections sous-cutanées successives du sérum contenant des spirilles (immunité active : deux expériences); 2° par des injec- tions sous-cutanées du sérum des convalescents (immunité passive : six expériences). Dans trois expériences les cobayes reçurent, 24 heures avant l'injection des spirilles, un demi-centimètre cube de sérum immunisant; dans trois autres, 48 heures avant. Ainsi, dans un cas 24 heures, dans un autre cas 48 heures après l'injection de sérum, nous avons introduit dans la cavité péritonéale des animaux un 1/2-3/4 c. e. de sérum des malades, contenant des spirilles. Les résultats de toutes ces expériences sur des animaux immunisés soit passivement, soit activement, sont complètement concordants. Déjà après 10-15 minutes, on trouvait dans l’exsudat de la cavité péritonéale des spirilles immobiles ; mais les spirilles mobiles étaient encore plus fréquents; après 20 minutes, 40 à 50 au plus, il était déjà impossible de déceler des spirilles mobiles. Si l’on observe les altérations que subissent les spirilles dans l’exsudat, à l’état vivant, ainsi que dans des préparations colo- rées, il est facile d’apercevoir que les spirilles se réunissent en petits amas, s’agglutinent et subissent une dégénération selon le type du phénomène de Pfeiffer. Ces altérations sont tout à fait analogues à celles que l’on observe in vitro après l’addition du sérum immunisant aux spirilles, et que nous avons décrites dans le chapitre premier. L’afflux des leucocytes dans la cavité péritonéale ne commence que 1/2-2 heures après l’inoculation des spirilles, c’est-à-dire quand ces spirilles avaient déjà péri en dehors des cellules. Sur des préparations colorées avec du bleu de méthylène, on pouvait déceler dans quelques polynucléaires de petites boules colorées, analogues à celles qui se forment aux dépens des spirilles, comme nous l'avons décrit plus haut. En continuant l’observalion, on voit après 5-7 heures appa- raître dans la cavité péritonéale des cellules endothéliales des- quamées — les grands mononucléaires. Quelques-unes d’entre elles, si on les examine à l’état vivant, contiennent de grandes vacuoles sphériques, remplies d’une substance trouble et gra- IMMUNITÉ DANS LA FIÈVRE RÉCURRENTE. 505 nulée {. Si l’on ajoute à ces préparations en goutte suspendue du bleu de méthylène, au bout de quelques minutes apparaissent sous les veux de l'expérimentateur, dans ces vacuoles, des spi- rilles colorés en bleu intense. Le noyau de la cellule est très faiblement coloré, le corps de la cellule ne prend presque pas la couleur. Les spirilles conservent quelquefois leur forme sur ces préparations; dans d’autres cas on ne voit qu'un détritus gra- nuleux. Il faut remarquer de suite que les spirilles, autant que l’on peut en juger d’après la coloration, ont été englobés par les cellules d'endothélium avant d’avoir subi le phénomène de Pfeiffer, parce que, dans ce dernier cas, 1ls n’eussent pas pris la couleur. Évidemment, ils ont été englobés vivants ou au moins inaltérés et ont succombé en dedans des macrophages, par suite d'un autre genre d’altération, différent de celui auquel succombe le spirille sous l'influence de l’action extracellulaire simultanée des anticorps spécifiques et des alexines. Si l’on injecte 1/2 c. c. de sérum contenant des spirilles sous la peau de deux cobayes, dont un est immunisé et l’autre est “neuf, on peut observer chez ces deux cobayes. après 20 heures, des phénomènes bien différents au point de l’inoculation : chez le cobaye immunisé on constate une infiltration insignifiante et un œdème à peine visible, tandis que chez le témoin l’æœdème est très grand et il s'étend loin du point de l’inoculation. Chez le témoin, on trouve dans l’exsudat des spirilles libres et mobiles ; chez le cobaye immunisé on ne trouve de spirilles qu'à l’intérieur des macrophages. Mais nous n'avons pu, dans aucune de nos trois expériences, chez aucun cobaye, déceler des spirilles détruits en dehors des cellules. Ainsi la destruction extracellulaire des spirilles, de même que celle des vibrions cholériques, a lieu chez les animaux immunisés dans des cavités contenant des alexines libres, mais on ne l'observe jamais dans le tissu sous-cutané, où l'organisme ne réagit que par la phagocytose. En étudiant comment le sérum se comporte vis-à-vis de la chaleur, nous avons pu nous convaincre que les altérations 1. Ces cellules d'endothélium vacuolisées ressemblent beaucoup, à en juger par la description, aux cellules vacuolistes de la rate, qu'a observées Contacusène dans l'infection spirillique des oiseaux ; ces cellules contenaient aussi des spirilles dans leurs vacuoles. (Annales de l'Institut Pasteur, 1899.) 506 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. ci-dessus décrites, des spirilles dans la cavité péritonéale, s’observent également chez des cobayes, qui avaient reçu du sérum préalablement chauffé à 55° pendant une 1/2 heure, et même à 60° pendant 1/4-1/2 heure, Quoique les expériences dans l'organisme démontrent que, lorsqu'on injecte des spirilles dans la cavité péritonéale, la substance bactéricide s’y trouve à état libre et agit directe- ment sur les spirilles, tout de même il est possible que cette substance devienne libre par suite de la leucolyse qui se fait toujours dans la cavité péritonéale, quand on y introduit des substances étrangères. Mais si l’on prend une goutte de l’exsudat de la cavité péri- tonéale du cobaye immunisé, et si, après avoir ajouté une très petite quantité de sérum contenant des spirilles, on l’examine aussitôt au microscope dans une chambre humide à 37°, on ne peut déceler nulle part la destruction des leucocytes, qui s’y trouvent en très pelit nombre et sont représentés surtout par les cellules desquamées d’endothélium. Cependant dans ces préparations, là où il est impossible de” trouver des leucocytes, on peut observer bien vite (dans 5-10 minutes) que les spirilles cessent de se mouvoir et commencent bientôt à se détruire. Cette expérience démontre, sans aucun doute, que la substance fixatrice (la substance immunisante) existe à l'état libre dans la cavité péritonéale. Nous ne pouvons pas en dire autant des cylases ou des alexines, parce que le sérum qui renferme les spirilles en contient toujours. Nous soulignons tout particulièrement les expériences ci- dessus décrites, parcé qu’elles nous donnent la clef des expé- riences qui suivent. M. Metchnikoff a démontré, pour le vibrion cholérique, que le phénomène de Pfeiffer n’a pas lieu chez des cobayes immunisés, si on à préalablement produit une leucocytose dans la cavité péritonéale par une injection du bouillon; dans ce cas, on n'observe qu'une phagocytose bien marquée. On obtient des résultats analogues aussi dans les expériences avec les spirilles, — Nous injectons à deux cobayes, sous la peau, un 1/2 ou 1/4 c. c. de sérum d’un malade, guéri de la fiè- vre récurrente; après 24 heures un de ces cobayes reçoit dans IMMUNITÉ DANS LA FIÈVRE RÉCURRENTE. d07 la cavité péritonéale 3 ce. e. de bouillon ; l’autre sert de témoin; après 24 heures encore, c’est-à-dire 48 heures après l’immu- nisalion, on injecte à chacun des deux cobayes, dans la cavité péritonéale, un 1/2 ©. c. de sérum, contenant una grande quantité de spirilles. Trois expériences, faites de cette manière, donnèrent les résultats suivants : chez les cobayes qui n’ont pas reçu de bouil- lon, les spirilles périrent entièrement dans la cavité péritonéale en dehors des cellules par le phénomène de Pfeiffer, en 30-40 mi- nutes au plus. Chez des cobayes injectés avec du bouillon, on n'observe pas de pareilles altérations. Dans l’exsudat péritonéal après une heure, ainsi qu'après 3, 4, 5 heures, nous trouvons des spirilles mobiles et vivants au milieu d’une grande quantité de leucocytes. Ce n’est qu'après 8-10 heures que les spirilles disparaissent complètement de la cavité péritonale : au moins, on n'en trouvait que très difficilement sur les préparations, Après 24 heures, il était impossible de les déceler. En colorant à l’état vivant l’exsudat péritonéal, il nous était impossible de découvrir des spirilles altérés par le phénomène de Pfeiffer. Mais dans les premières portions de l’exsudat ainsi que dans les suivantes, jusqu'au moment de la disparition com- plète des spirilles, nous observions toujours, sur les préparations colorées au bleu de méthylène, la phagocytose des spirilles. Si nous ajoutons à une goutte d’exsudat, prélevé chez un cobaye immunisé et contenant des leucocytes en grand nombre, un peu de sérum avec des spirilles (par conséquent aussi les cytases), nous n'observons jamais (contrairement aux expériences témoin avec de l’exsudat sans leucocytes) des altérations des spirilles par le phénomène de Pfeiffer. L'absence du phénomène de Pfeiffer s’abserve aussi dans le cas où, une demi-heure après l’injection des spirilles dans la cavité péritonéale d'un cobaye immunisé et préparé avec du bouillon, on retire un exsudat riche en leucocytes et en spirilles, et que l’on ajoute in vitro une quantité égale de sérum de cobaye neuf qui apporte aussi des cytases, On n’observe pas non plus dans ce cas la destruction des spirilles, ceux-ci restent mobiles. Dans toutes ces expériences, soit dans la cavité péritonéale, soit i» vitro, à côté des spirilles se trouvaient aussi des cytases : D 08 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. dans les premières expériences celles du sérum humain, dans les dernières celles du sérum de cobaye, et si les spirilles étaient influencés par les substances immunisantes (fixatrices) libres, ils auraient dû, comme cela résulte des expériences pré- cédentes, succomber à l’action des substances bactéricides et donner le phénomène de Pfeiffer. Or. la substance immunisante libre (le fixateur) n'existe pas dans la cavité péritonéale en présence des leucocytes, ou du moins elle existe en quantité trop petite pour manifester son action sur les microbes. Que sont donc devenues les substances immunisantes de la cavité péritonéale des cobayes, qui ont été constatées avant l’in- jection du bouillon? On trouve la réponse à cette question dans l'expérience sui- vante: on injecte à deux cobayes A et B, sous la peau, un demi-centimètre cube de sérum immunisant ; 24 heures après on injecte au cobaye B. et encore à un cobaye neuf GC, dans la cavité péritonéale, 3 c. e. de bouillon. Le jour suivant, on trouve chez les cobayes B et C, dans la cavité péritonéale, une leucocytose bien prononcée. Si l'on prend à présent une gouttelette de l’exsudat des cobayes A et B, et si on y ajoute des spirilies in vitro, on constate facilement que le phénomène de Pfeiffer n’a lieu que dans l’exsudat du cobaye A, qui n’a pas reçu de bouillon. Lorsqu’après avoir sacrifié les cobayes B et C, on recueille l'exsudat de la cavité péritonéale de ces cobayes au moyen de tubes effilés, et que l’on y ajoute une quantité très faible de sang d’un cobaye neuf, pour obtenir la coagulation, on a, au bout de 48 ou 72 heures dans les tubes, qu'on conserve scellés dans un endroit frais, de petites quantités de sérum, provenant des leucocytes du cobaye B (qui a reçu le sérum) et du cobaye C, neuf. Avec ces sérums on peut faire des expériences sur les spi- rilles in vitro. Or, ces expériences montrent que seul le sérum du cobaye B, à savoir le sérum provenant de la destruction des leucocytes immu- nisés, donne le phénomène de Pfeiffer. Le sérum des leucocytes du cobaye C (neuf) ne manifeste aucun pouvoir bactéricide. Évidemment. les substances immunisantes qui existaient chez le cobaye et dans la cavité péritonéale à l'état libre ont été englobées chez le cobaye B par les leucocytes, et c’est pourquoi on ne trouve pas, IMMUNITÉ DANS LA FIÈVRE RÉCURRENTE. 509 dans le dernier cas, le phénomène de Pfeiffer dans la cavité périto- néale. Pendant la coagulation, ces substances s’échappent de nouveau du protoplasma des leucocytes et deviennent libres dans le sérum. On peut donc constater dans le protoplasma des leucocytes d'un animal immunisé la présence d’une philocytase (ou fixa- teur) spécifique. Voyons, à présent, si ces leucocytes n’ont pas acquis des propriétés nouvelles (comparativement aux leucocytes normaux) vis-à-vis des spirilles. Nous avons vu plus haut que, après l'injection des spirilles dans la cavité péritonéale de cobaye neuf, ces derniers sont englobés par les phagocytes, mais la phagocytose apparaît bien tardivement et évolue très lentement ; si l'animal ne s’infecte pas par ces microbes, c’est parce que les spirilles se développent très difficilement dans des milieux autres que l’organisme de l'homme et du singe, et qu’une phagocytose même très faible suffit pour les détruire. La phagocytose ne marche pas plus vite dans un péritoine préparé. L'expérience montre que, dans ce cas aussi, les spi- rilles qui se trouvent dans le plus proche voisinage des leucocytes ne disparaissent pas plus vite de la cavité péritonéale que chez le témoin ; il a été possible ce les retrouver encore 24 heures après l’expérience. Tandis que si, au lieu des spirilles vivants, on injecte des spirilles tués par le chauffage à 50-55° C., ils sont englobés par les leucocytes en quelques minutes. L'expérience suivante in vitro démontre cependant que la mobilité des spirilles n’est pas la seule cause qui empêche les leucocytes de les englober. Si on ajoute à une goutte d’un exsudat, riche en leucocytes, de cobaye neuf, une quantité très petite de sérum contenant des spirilles, et si on examine la pré- paration au microscope dans une chambre chauffée, ce n’est que très rarement que l’on observe la phagocytose des spirilles vivants. Les spirilles restent souvent bien longtemps sur la même place, accolés à une hématie ; quelquefois on trouve dans le voisinage un leucocyte, sans que celui-ci tende ses pseudo- podes dans la direction du spirille. La conduite du leucocyte apparaît encore plus étrange lorsque le spirille s’entortille, pendant ses mouvements, dans les pseudopodes d’un leucocyte en mouvement, et se trouve de la sorte quelque temps (1 ou 510 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR, 2 minutes) en contact immédiat avec le leucocyte. Au lieu d’en- glober le spirille, ce qu'aurait fait le leucocyle avec tout autre corps étranger, 1l retire ses pseudopodes et change de place. Das les mèmes préparations, on pouvait quelquefois observer la phagocytose des hématies de l’homine, si ces dernières étaient par hasard injectées avec le sérum et les spirilles, Évidemment la plupart des leucocytes du cobaye normal manifesté une chimiotaxie négative envers les spirilles vivants. Comme il ressort des expériences précédentes, on n’observe pas chez des cobayes immunisés, préparés avec du bouillon, de destruction extracellulaire des spirilles dans la cavité périto- néale ; la phagocytose commence immédiatement après l’injec- tion des spirilles, et s'opère beaucoup plus énergiquement, toutes conditions égales d’ailleurs, que chez le cobaye témoin. Le changement de la chimiotaxie chez des cobayes immuni- sés apparaît encore d’une manière beaucoup plus démonstrative dans des expériences in vitro. Si l’on ajoute à un exsudat péritonéal du cobaye immunisé (chez lequel on ne peut pas, comme le montrent les expériences, découvrir la présence de la philocytase dans le plasma) du sérum contenant des spirilles, et si l'on examine la préparation in vitro, sur une table chauffante, on voit que la phagocytose des spi- rilles mobiles et vivants commence aussitôt et dure pendant toute l'expérience, jusqu’au moment — généralement après 3-4 heures — où les leucocytes perdent la capacité de se mouvoir. Le même phénomène de chimiotaxie positive des leucocÿtes s'observe aussi in vitro, si l’on examine, dans une chambre humide chauffée, une goutte d’exsudat proveñant du cobaye immunisé et préparé avec du bouillon, auquel on vient injecter les spirilles dans la cavité péritonéale { on voit alors dans cette goutte d’exsudat le même phénomène de phagocytose, qui s’ob= serve dans l’exsudat entier dans la cavité péritonéale du cobaye. Si on colore! cet exsudat sur la platine chauffante, ou bien aussitôt qu'il est retiré de la cavité péritonéale de cobaye, on constate que, dans la plupart des cas, ce sont les mononucléaires qui englobent les spirilles. En comparant les résultats de ces expériences avec celles 1. Le meilleur mode de coloration consiste à ajouter directement sous la lamelle une goutte d’une solution faible du bleu de méthylène. IMMUNITÉ DANS LA FIÈVRE RÉCURRENTE. 511 faites avec lés mèmes spirilles, mais sur des cobayes neufs, il est impossible de ne pas en conclure que, après l’immunisation, les leucocytes acquièrent la propriété nouvelle qui est la chimio- taxie positive, qu'ils ne possédaient pas antérieurement. Les expériences, ci-dessus décrites, démontrent de l'autre côté que dans le protoplasma de ces leucocytes immunisés, qui manifestent une chimiotaxie positive envers le microbe, se trouve une substance immu- nisante — la philocytase — qui possède une affinité chimique spécifique uis-a-vis du microbe correspondant. Il est bien possible que ces deux phénomènes soient liés entre eux : la présence dans le protoplasma du leucocyte d'une substance chimique, possédant une affinité spécifique pour l’objet de la phagocytose, constitue, à ce qu'il parait, la cause du phénomène biologique de la chimiotaxie spécifique du leucocyte. Dans une pareille corrélation entre le microbe, la philocytase et le leucocyte, — la philocytase (substance immunisante) représente la véritable substance Stimulante des leucocytes dans le sens de M. Metchnikoff . IV LES COURBES EXPRIMANT LA QUANTITÉ DES SUBSTANCES IMMUNISANTES SPÉCIFIQUES DANS L'ORGANISME DES MALADES ATTEINTS DE FIÈVRE RÉCURRENTE ET LEUR RAPPORT AVEC LES COURBES DE LEUCOCYTOSE DANS CETTE MALADIE Pour juger du rôle des substances immunisantes spécifiques, ci-dessus décrites, dans la guérison de la fièvre récurrente, il est avant tout nécessaire de chercher comment elles se com- portent aux diverses périodes de la maladie. M. Gabritschewsky a démontré que les propriétés bacté- ricides du sérum n'apparaissent que pendant l’accès, atteignent leur plus grande intensité à sa fin pour diminuer avant l'accès suivant. Mais pour juger de la constance et de la régularité de ce phénomène, il faut comparer les courbes de plusieurs malades 1. Je ne veux pas du tout affirmer que tel est toujours le mode d'action de la philocytase dans les phénomènes de la phagocytose. Au contraire, si l’on prend . comme objet de l’expérience les hématies, il est facile de voir que le phénomène de la chimiotaxie positive avec phagocytose, peut être déterminé par l’action de la philocytase sur les leucocytes ainsi que par son action immédiate et exclusive sur les hématies. Cette question fera l’objet d'une prochaine publication, 4 51 19 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. et trouver, ce qui est fort important, pour chaque jour pendant toute la durée de la maladie, des coefficients comparatifs du pouvoir bactéricide in vitro. C’est ce qui manque précisément dans le travail de M. Gabritschewsky :. Ce savant a proposé d'exprimer le pouvoir bactéricide du sérum par le rapport entre 160 heures (le temps moyen de 4 observations, nécessaire pour déterminer la mort des spirilles, quand on ajoute du sérum d’un homme sain), et le nombre d'heures nécessaire pour que les spirilles périssent quand on leur ajoute une quantité égale du sérum examiné, L'auteur appelle ce rapport coefficient de pouvoir bactéricide. Mais, comme cela découle des données de M. Gabritschewsky lui-même, ainsi que de nos propres expériences, le chiffre de 160 heures, quoique présentant la moyenne exacte des obser- vations de M. Gabritschewsky, diffère trop des chiffres extrêmes que l’on peut observer et, par conséquent, il est trop loin de la vérilé. La deuxième et la principale source d'erreurs, lorsqu'il s’agit d'examens quotidiens du pouvoir bactéricide du sérum, c’est l'absence d’une unité constante de comparaison, puisque, faute de culture des spirilles, on est obligé d’expérimenter avec des spirilles d'origine variable. Or, la vitalité des spirilles, comme nous avons pu nous en assurer sur un grand nombre d’expé- riences faites dans cet ordre d'idées, diffère tellement d’un sujet à l’autre, et suivant les différentes périodes de la maladie (de 300 jusqu’à 30 heures), que les coefficients basés sur des tels chiffres sont tout à fait accidentels et non comparables. En d'autres termes, faute de cultures des spirilles, il faut renoncer entièrement à la définition du coefticient absolu de pouvoir bactéricide. Mais les coefficients absolus ne sont pas indispensables pour notre but; il suffit qu’ils soient comparables, ce qui est facile à obtenir. Pour cela, les coefficients doivent être établis de façon que les sérums des divers jours du même malade puissent agir 4. Tous les expérimentateurs qui étudient la fièvre récurrente doivent forcé- ment restreindre le champ de leurs expériences, par suite du petit nombre des malades et de la courte durée de l’épidémie. C’est pourquoi tous les auteurs — et nous-même aussi bien que les autres — sont obligés de laisser inévitablement certaines questions ouvertes. IMMUNITÉ DANS LA FIÈVRE RÉCURRENTE. 515 sur les mêmes spirilles; la durée de vie de ces derniers dans leur sérum servira d’unité de comparaison, Pour avoir, dans toutes les courbes aussi, des valeurs absolues des coefficients quelque peu comparables, nous prélevions dans toutes les expériences les spirilles chez les malades au second jour du second accès. | L'ordre de l'expérience était le suivant : Chaque jour, on comptait les leucocytes chez le malade*, Chez le mème malade onretirait chaque jour, en faisantunepiqüre profonde du doigt, 1 1/2 à 2 c. c. du sang dans des tubes effilés, puis on recueillait le sérum dans un autre tube effilé que l’on conservait, après l'avoir scellé, dans un endroit frais. Nos expé- riences nous démontrent que les propriétés bactéricides du sérum ainsi conservé ne s’affaiblissent pas même après 2 mois 1/2; par conséquent, on ne peut pas s’attendre à voir des oscillations dans la force du sérum pendant le temps que dure l'expérience. Nous avons fait de la sorte, pendant toute la durée de la maladie et quelquefois même quelques jours après la guérison, une provision de petites portions de sérum, qui correspondaient à chaque journée de la maladie, après quoi on examinait tous les sérums simultanément vis-à-vis des mêmes spirilles, que l’on prenait chez ur malade quelconque au second jour du 2° accès. L'expérience fut réalisée selon la méthode de M. Gabrit- chewsky. On place sur une lame stérilisée, à l’aide de tubes effilés du mème calibre, deux gouttes voisines; l’une de sérum avec des spirilles, et l’autre de sérum à examiner; on en fait un mélange homogène et, après avoir recouvert d’une lamelle, on la borde avec de la cire. Comme témoin de comparaison, nous avons une préparation de ces mêmes spirilles, non additionnés d’un sérum étranger. Dans quelques cas on faisait l'expérience à la température de la chambre et aussi à celle de l’étuve. Dans le premier cas onexaminait les préparations toutes les 2-3 heures, dans l’autre cas toutes les demi-heures, et les préparations, qui 1. Les spirilles du 2° jour du 2 accès restent vivants dans le même sérum in vitro de 120 jusqu’à 160 heures. 2, Pour éviter la leucocytose digestive, on faisait le calcul toujours avant le diner (à 10-12 heures) et, pour éviter les erreurs subjectives de l’observation, tous les calculs furent exécutés par le mème expérimentateur (le D° Melkich}, à l'aide de l'appareil Thoma-Zeiss selon la méthode de Thoma. 33 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR, re s 54 correspondaient aux jours ayant présenté un pouvoir bactéricide fort, furent contrôlées tous les quarts d'heure, L'expérience à l’étuve marche beaucoup plus vite, La réaction sur le pouvoir bactéricide est plus sensible, et les coefficients sont un peu plus élevés, mais leur rapport reste à peu près le même qu'à la température de la chambre. Ce contrôle nous permet d'établir aussi les coefficients pour les sérums, dans lesquels la destruction des spirilles a lieu la nuit (entre minuit, la dernière observation, et 10 heures du matin, la première). Si l’on remplit toutes ces conditions, il est possible d'obtenir des coefficients qui nous semblent être bien près de la vérité, Ayant fait toutes ces observations sur un malade, nous obte- nons pour tout le cycle de la maladie des données quotidiennes suivantes ; 1° la température; 2° le nombre des leucocytes dans i millimètre cube du sang; 3° le coefficient du pouvoir bactéri- cide. Si l’on porte toutes ces données sur le même tableau, on obtient des courbes faciles à comparer entre elles !. En tout nous avions 19 malades, chez lesquels nous avons compté les leucocytes et chez lesquels nous avons déterminé le pouvoir bactéricide tous les jours. En plus de ces malades, nous avons obtenu des courbes du pouvoir bactéricide seul, chez 25 malades. Comme on voit d’après les courbes, la réaction leucocytaire dans le sang pendant la fièvre récurrente est très prononcée et revêt un caractère tout particulier que l’on ne rencontre dans aucune autre infection. Cela est tout à fait naturel si l’on tient compte que l’agent d'infection lui-même se trouve dans le sang. Sous ce rapport, la fièvre récurrente justifie complètement l'expression : « Haemitis » introduite par M, Metchnikoff dans la pathologie du sang, | Conformément aux observations de Ouskoff *, nos études montrent que les oscillations de la courbe leucocytaire se font 4. En tout nous avons obtenu de telles courbes chez 19 malades, dont nous ne citons dans ce travail que #, parce qu'elles sont tout à fait analogues aux autres. On trouvera les chiffres détaillés de la bactéricidité, du nombre des leu- cocytes, etc., sur lesquels sont établies nos courbes, dans la thèse du D: Myelkich: Contribution à l'étude de la pathogénie du typhus récurrent, qui vient de paraître. : v; 2. Archives des Sciences biologiques, 1885. IMMUNITÉ DANS LA FIÈVRE RÉCURRENTE. 5415 entièrement aux dépens des polynucléaires. Les lymphocytes ne participent pas du tout à cette réaction. Mais si l’on compte séparément les mononueléaires, et si l’on calcule surtout par rapport au nombre total, il est facile de se convaincre que les mononucléaires aussi, de même que les polynucléaires, interviennent activement dans la pathogénie de la fièvre récurrente. Ils fournissent une courbe à oscillations moins étendues, mais ressemblant à celle des polynucléaires; mais cette courbe, dans samarche (l’aceroissement et la chute), est en retard d’un ou deux jours comparativement.avec celle des polynucléaires, elle a l'air de suivre cette dernière. Ce fait jus- üifie encore plus l’expression Haemitis, parce qu’il établit aussi de la part de la réaction des mononucléaires l’analogie avec l’in- flammation. Depuis le travail classique de M. Metchnikoff sur la fièvre récurrente, qui fut confirmé par une série d’autres études (Soudakewitch, Iwvanof, Bardach), on considère les polynu- cléaires comme les agents principaux de la destruction des spi- rilles. Comme il ressort de l'examen des courbes, la chute des polynueléaires correspond à la période de la erise phagocytaire des spirilles. En ne consultant que la courbe leucocytaire, nous pouvons conclure qu'au fur et à mesure que l'organisme s’immu- nise, la réaction phagocytaire se perfectionne. Tandis qu'après le premier accès le nombre de leucocytes tombe assez lentement, alors que l’on constate une destruction graduelle de la source d'irritation (les spirilles dans la rate), la même courbe tombe plus rapidement après le second accès et encore plus rapidement après le troisième. Après la destruction complète des spirilles, la courbe de la leucocytose reprend son caractère normal et ne donne plus d’oscillations. Le même caractère typique et régulier appartient aussi à la eourbe qui montre l’accroissement des substances immunisantes dans l’organisme!'. Comme exemple le plus typique que lon rencontre le plus fréquemment, nous pouvons citer celui désigné sous le numéro 1. 4. Comme la destruction plus ou moins rapide des spirilles, selon le type du phénomène de Pfeiffer, dépend, comme cela était démontré plus haut, de la quan- tité relative des substances immunisantes spécifiques (philocytases) dans le mélange, la courbe représentant les variations du pouwoir bactéricide sert en même temps d’indicateur de la richesse relative du sérum en substanees immu: nisantes, ; 916 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Crus EESTI EEE) BOSSER S SSSR SREBRSSEEE 18.000 EE me Ci [TILL LE ET sunns FRS bact…. N.-B. — Dans ces tracés, la ligne continue est la ligne des tempéra- tures, la iigne à traits est celle du pouvoir bactéricide (c. b.). La ligne rouge est celle de la leucocytose. La ligne pointillée est celle de l’agguti- nation. [icuc, ja6eu| C8 | T.fs1f2/e#2ahes] | [_] EEE EE ON EE CA ENMES en RSS S Sens ss se== sssse em ss ss nn ARE EEE RE ER RRREE M Ia ] Sie 8 Se AEEV/LE l'A HN les A [AN EN ES PERRET 10 000|°? Li ARR 8.000 A——x 0acl.. ‘ N.-B. — Le malade avait quitté l’hôpital du 10 au 15 janvier. Comme le montrent les courbes, le coefficient du pouvoir bactéricide pendant les derniers jours du premier accès, et pendant la première apyrexie qui suit l'accès. n’alteint jamais des chiffres élevés : il oscille entre 1 et 3, et n'arrive que très rarement (aux jours de l’apyrexie) jusqu’à 4. | N° | JANVIER 1900 | | LEUC. [AGGL] CB | 15116/17/18/19[202112223 TRE EEE Dr Let 1 [SE 50 C5 LA us coin D ES = 2 De EEE DUB ETES EE LL LD ET es id Lie CSL TT] | Et] Les fe fe NI | BE PRES EÉERÉEEETEN | | | Pendant le second et le troisième accès, dans la majorité des cas, conformémentaux observations de Gabritschewsky, le coeffi- PET l RE CR EE ANNIERS 1900 TEUC- Jaéet] ce | 7 | ANA AAAAAONNAENAN Sr | | | = = mr Sue £ 1. ESS EeS EE LE BE Anal SEE Er 1 À ETTTA\/A 415 cient tombe à des chiffres bas (près de 1), quoiqu’on renconte aussi des exceptions à cette règle; comme le montre la courbe n° 2, l’accès peut avoir lieu aussi quand le sérum contient des substances immunisantes en faible quantité. Dans deux autres cas, nous avons pu voir l’accès se produire au moment où le coefficient du pouvoir bactéricide était de 2-3. D18 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Mais le fait qui mérite le plus d'attirer notre attention, c’est l'accroissement rapide du coefficient bactéricide après le deuxième accès et surtout après le troisième. Il faut noter ce fait très caractéristique, que le point le plus élevé de la courbe bactéricide ne correspond pas au jour de la crise ou au jour qui la suit, mais presque toujours au troisième jour après la crise. Ensuite, au cours de la seconde apyrexie, le pouvoir bacté- ricide, resp. la quantité des substances immunisantes spécifiques, tombe rapidement dans les deux jours suivants en atteignant des chiffres relativement bas jusqu'au troisième accès. Après le troisième ou, pour mieux dire, le dernier accès, le coefficient du pouvoir bactéricide atteint, au troisième jour, des chiffres élevés (30-40), quoiqu'il manifeste aussi la tendance à la chute les deux jours suivants; mais il ne tombe jamais à des chiffres bas : après s'être maintenu à des chiffres comparati- vérnent élevés (12-15), ils’élève de nouveau, et au 7° ou & joùr arrive aux chiffres les plus élevés (à peu près 60) et reste ensuite très longtemps, sans présenter des oscillations, à la même hauteur. Dans un cas, nous avons pu prendre du sang, à de petits intervalles de temps, pendant deux mois après la guérison, et l'examen des sérums nous montra que le coeffi- cient du pouvoir bactéricide restait tout le temps le même, à peu près à 60. Si la maladie se limite à deux accès, la même constance du coefficient bactéricide s’observe après le deuxième accès (fig. n° 4). Si Fon compare, sur les tableaux ci-joints, les courbes de la leucocytose et des coefficients de la bactéricidité, il est facile de voir que la teneur du sérum en substances immunisantes ne se trouve pas en rapport direct avec le nombre des leucocytes dans le sang : le sérum d’un sang qui contenaitune grande quantité de leucocytes est pauvre en ces substances; par contre leur quantité maxima après les accès coïncide plutôt avec un petit nombre de leucocytes. — Mais aussi la destruction des leuco- cytes dans le sang (l'hypoleucocytose, produite par [a leuco- lyse) n’est pas non plus la source de ces substances ; leur quan- tité maxima a lieu après la seconde élévation, aussitôt après le IMMUNITÉ DANS LA FIÈVRE RÉCURRENTE. 319 dernier accès, lorsqu'on n’observe pas d’oscillations marquées au point de vue de la leucocytose. Et cependant la courbe de la bactéricidité, si lon prend en considération son élévation rapide et critique, se trouve évidèm- ment dans une relation quelconque avec la courbe de la leuco- cytose. Les accroissements postcritiques rapides du pouvoir bactéricide suivent les accroissements et les chutes rapides dé la leucocytose. ; Comme il n'existe à présent aucun doute, que la réaction leucocytaire avant-critique finit par la phagocytose des spirilles, — il est alors évident que les substances immunisantes, qui sé trouvent dans le sang après la crise, apparaissent comme le résultat de la digestion intracellulaire des spirilles. comme cela semble avoir lieu en général pour toutes les philocytases étudiées jusqu’à présent. Cette conclusion est fout à fait d'accord avec l’observation, décrite plus haut, sur la formation des substances antispirillaires chez des animaux, immunisés activement contreles spirilles. | Ce lien entre l'accumulation des substances anti-spirillaires et l’hyperleucocytose, resp. phagocytoseantérieure, est manifeste non seulement dans les accès typiques, mais éncore dans des accès dédoublés (fig. n° 2), ainsi que dans des accès qui ne sont pas assez nettement caractérisés, accès larvés (voir, par exemple, sur [a fig. 3 entre le deuxième et troisième accès). Or, comme cela résulte des expériences sur des animaux, et de l’analyse des courbes de la leucocytose et de la bactéricidité, les substances anti-spirillaires spécifiques, études jusqu à pré- sent, apparaissent quelque temps après la digestion infracel- lulaire des spirilles. V DE L'AGGLUTINATION DES SPIRILLES Heydenreich ‘ a remarqué que les spirilles dans le sang des malades de fièvre récurrente se réunissent quelquefois en dehors de l’organisme en amas plus ou moins grands, 1. Ætudes histologiques du sang de l’homme dans diverses maladies, 1875 (en russe), AS RER ENT £ LS 520 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. lesquels, en raison de leur disposition, revêtent la forme étoilée. Des spirilles, réunis en plusou moins grande quantité en pareils amas, ont été signalés dans des préparations du sang, ainsi que dans des coupes d'organes (Soudakewitsch 1) presque par tous les auteurs qui ont travaillé sur la fièvre récurrente. Il est très facile d'observer ce phénomène si l’on examine les spirilles dans du sérum en goutte pendante, Au bout de quelque temps on constate, dans ce cas, d’abord la formation de petits amas de spirilles agglutinés, puis, par suite de soudures nouvelles, il se forme des grands pelotons de spirilles, dont le centre se compose de spirilles entremêlés d’une manière très intime, et sur la périphérie desquels se trou- vent les spirilles mobiles et disposés en forme de rayons. Si l’on prend des observations tous les jours d’une façon régulière, on ne tarde pas à remarquer que ce phénomène arrive plus vite dans les jours proches de la crise, et qu'il n’est pas observé du tout pendant les premiers jours du premier accès. Il ne commence à se manifester qu’au quatrième où au cinquième jour du premier accès. Pendant les jours qui pré- cèdent la crise, par exemple la veille du deuxième et surtout du troisième accès, on observe l’agglutination des spirilles au moment même où l’on fait la préparation. Ce phénomène, par sa nature, ainsi que par le temps de son apparition chez les malades, est évidemment tout à fait analogue au phénomène d’agglutination, si bien connu. Lamême propriété est constatée aussi dans du sérum pendant les jours d’apyrexie, et surtout dans du sérum des convalescents. Si l’on ajoute une goutte de ce sérum à une goutte de sérum contenant des spirilles, provenant d’un malade aux premiers jours du premier accès, (quand les spirilles ne s’agglutinent pas encore dans la préparation témoin), l’agglutination des spirilles commence peu de temps après. En se servant de la même méthode, à l’aide de laquelle nous avons étudié la puissance bactéricide relative, il est possible de pratiquer simultanément l'examen comparatif de leurs propriétés agglutinantes, si on prend soin de choisir pour l'expérience des spirilles à une période de la maladie, quand ils ne s’agglutinent pas eux-mêmes. 4, Ann. de l'Inst. Pasteur, 1891. IMMUNITÉ DANS LA FIÈVRE RÉCURRENTE, 521 Si l’on note le moment d'apparition de l’agglutination dans chaque préparation, on peut tracer la courbe des agglutinines pour toute la période de la maladie. On trouvera des courbes pareilles sur les tableaux 2, 3 et 4. Il résulte de l'examen des courbes que celle de l’agglutina- tion ne marche pas parallèllement à la courbe de la puissance bactéricide : évidemment ces substances sont d’origine diffé- rente et de valeur différente au point de vue de la pathogénie de la fièvre récurrente. Ces substances re se comportent pas de même sous l’action de la chaleur : c’est ce que montre l'exemple ci-dessous. Nous citons une des expériences avec le sérum d’un convalescent au 21° jour après le troisième accès : Coefficient COMMENCEMENT Survie de la de l'agglutination,. |des spirilles| puissance bactéricide, SPIRILLES SÉRUM Du 4° jour du Très faible après|40 heures. 2e accés. 9 heures. +]|Le s. d’un homme sain| Nulle après 50 — (témoin). 9 heures. +]|Le s. bactéric. pas ch.| Complète dans |1/2 heure. 10 minutes. — — chauffé 4 25h62 17/20; — 2 heures. +]|Le s. bactérie. chauffé 1/2 h. 64e. Or, le chauffage à 64° pendant une demi-heure détruit com” plètement les substances immunisantes, et n’affaiblit pas du tout l’action des agglutinines. Par conséquent, si nous voulons exclure de l'expérience le phénomène bactéricide, afin de donner à l’agglutination le temps pour se manifester plus fortement, il suffit de chauffer le sérum jusqu'à 64° et de refaire la même expérience pour comparer les propriétés agglutinantes du sérum. Plusieurs expériences réalisées dans cette direction nous montrèrent que le caractère des courbes ne change pas, c’est-à-dire que la présence des subs- tances bactéricides n’influe pas sur le phénomène de l’aggluti- 022 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. nation. Au n° # est représentée une de ces courbes, obtenue avec du sérüm chauffé à 64e. Seulement les substances agglutinantes n'apparaissent pas dans le sérum en dehors de l'organisme, Évidemment elles existent et exercent leur influence aussi dans le plasma. Pendant les jours caractérisés par une notable teneur en agglutinines, on peut observer des spirilles réunis en petits amas dans le sang mème, si Fon examine la préparation immé- diatement après la prise du sang; on peut observer le même phénomène aussi sur des préparations colorées. Il est vrai qu'ici le phénomène ne se présente pas avec la même netteté, mais cela doit évidemment teair au mouvement rapide du sang qui empêche l’agglutination des spirillés de se faire dans les grandes veines et d'atteindre les capillaires. CONCLUSIONS. On peut considérer comme solidement établis par les expé- riences ci-dessus exposées les faits suivants : I. Dans l'organisme des malades atteints de la fièvre récur- rente, se forment des substances qui possèdent uné affinité spé- cifique pour les spirilles; ce sont (a) des agglutinines et (b) des substancés immunisantes! (fixateurs) IT. Le fixateur, comme le montrent les expériences sur des animaux et l'examen des courbes, apparaît comme résullat de la digestion intracellulaire des spirilles. II. Le fixateur spécifique combiné à l’alexine (la cytase) du sérum constitue la cause de la destraction des spirilles en déhors de l'organisme in vitro; les altérations des spirilles qu'on y observe sont tout à fait analogues à celles du phénomène de Pfeiffer, IV. La dissolution extracellulaire des spirilles a lieu aussi chez des animaux immunisés dans les régions de l'organisme (la cavité péritonéale), où, simultanément avec le fixateur, peut 4. IL a été prouvé, par une expérience directe, que le sérum des convalescents de la fièvre récurrente contient unesubstance immunisante. M. Iwanoff a pu, avec me sérun), fe J'immunité aux Sue Mme à la ue nes RÉ PÉEE Con Abel) IMMUNITÉ DANS LA FIÈVRE RÉCURRENTE. 523 intervenir aussi la cytase, qui se trouve à l'état libre dans le plasma. | V. S'iln’y a pas d’alexine libre (cavité péritonéale des ani- maux traités avec du bouillon ou de l’aleuronate, tissu sous- cutané), la destruction extracellulaire des spirilles chez des animaux immunisés ne s'observe pas : les spirilles disparaissent par phagocytose. VI. La substance immunisante (fixateur) sert d'intermé- diaire entre le spirille et le leucocyte, en transformant la chi- miotaxie négative du dernier en chimictaxie positive. Nous formulons cette dernière proposition sous une forme générale, étant donné qu'il est possible d'admettre deux dues d action de la substance fixatrice. 4° Les leucocytes absorbent le fixateur; le protoplasme du leucocyte, dont la substance albuminoïde contient la molécule de fixateur, acquiert er ipso l’affinité chimique (propre au fixa- teur) vis-à-vis de l’objet de la phagocytose; cela se manifeste biologiquement par la réaction phagocytaire. On peuttirer cette conclusion en se basänt sur nos expé- riences sur les animaux immunisés. 2° Le fixateur, qui se trouve à l’état libre dans le plasma, est fixé sur les spirilles auxquels il communique laffinité chimique pour le protoplasma des leucocytes: il en résulte le même phénomène, la phagocytose. Nous considérons cette hypothèse comme admissible, quoi- que, comme nous l’avous vu, on ne peut pas obtenir le phéno- mène de Pfeiffer, si l’on fait agir les alexines sur des spirilles, quise montrent bien phagocytables dans l'organisme des animaux immunisés. Il est possible que, pour que la phagocytose se manifeste, il suffise à son objet de fixer beaucoup moins de fixateur qu'iln’en faut pour que se manifeste l’action des alexines. VII. Comme cela résulte de toute une série de recherches faites par les élèves de M. Metchnikoff, le plasma ne con- tient pas d’alexine à l’état libre ; — que la substance immuni- sante agisse de l’une, soit d’autre manière, nous ne pouvons pas attendre dans le sang la destruction extracellulaire des spirilles, que l’on observe ën vitro. Et en effet personne n’a encore prouvé par üne observation 524 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. directe la destruction extracellulaire des spirilles dans la fièvre récurrente. La conclusion, formulée dans ce sens par M. Gabri- tschewsky, n’est basée que sur l’analogie avec la destruction des spirilles à vitro, et l’auteur n’a pas tenu compte de l’absence des alexines dans le plasma. Dans nos propres expériences sur le sang avant la crise, dans plus de 50 cas, nous n’avons pas pu trouver une seule fois dans le sang des spirilles détruits ou altérés selon le type du phénomène de Pfeiffer. VIIL. En nous basant sur ce quiprécède, nous devons admet- tre que la crise phagocytaire est déterminée par l’accumulation dans l’organisme, à ce moment donné, d'une quantité suffisante de fixateur, soit que celui-ci soit lié aux leucocytes, soit qu’il se trouve dans le plasma fixé sur les spirilles. En effet, les courbes montrent que le coefficient du pou- voir bactéricide, au jour de la crise, atteint 2, 3 et même 4. Mais il nous faut l’estimer encore un peu plus haut, si l’on tient compte qu'une partie des substances bactéricides fut dépensée pour la destruction des spirilles qu se trouvaient dans le sérum pris pour l'expérience. L'expérience directe montre que le sérum contient, à la veille de la crise, une grande quantité de substances immuni- santes resp, de fixateur, lié aux alexines qui se sont forméés dans le sérum. Déjà au bout d’une heure, 2 ou 3 du plus, à la température de la chambre, on peut voir dans un tel sérum des spirilles altérés à la façon du phénomène de Pfeiffer, et la destruction définitive des spirilles a lieu dans 40 heures, en moyenne, quel- quefois même dans 20 heures. Si l’on note chaque jour le temps pendant lequel les spiril- les restent dans le sérum des malades atteints de fièvre récur- rente, ce que nous faisions dans tous les cas dans lesquels nous étudions aussi la courbe du pouvoir bactéricide par la méthode décrite plus haut, il nous est facile de nous convain- cre que, plus on est près de la crise, plus les spirilles périssent vitein vitro. Sil’onenvisageles rapports qui existententre letemps de la destruction des spirilles au second jour du second accès et le temps de leur destruction dans les autres jours des accès, on tobtiendra une série des coefficients montrant l’accroissemen de la force bactéricide du sérum. IMMUNITÉ DANS LA FIÈVRE RÉCURRENTE, 525 Nous pouvions nous convaincre par de telles expériences que ces coefficients, comme on pouvait s’y attendre, sont un peu plus élevés que ceux portés sur nos courbes, quoique la différence ne soit pas considérable; par exemple : au lieu de 2, on obtient 3 : au lieu de 3, on constate 4 ou 6, mais pas plus. D'où proviennent alors les substances fixatrices chez les malades de fièvre récurrente, si l’on admet que la phagocytose des spirilles n’a lieu que pendant la crise? Or, én réalité cette supposition n’est pas tout à fait vraie. Soudakewitch! a vu que la phagocytose s’observe non seulement dans la rate, mais aussi dans le sang. Iwanof* put déceler, dans le sang pendant l'accès, des spirilles phagocytés. Après avoir fait une grande provision des prépara- tions du sang de nos malades, nous le colorâmes après la fin de la partie expérimentale de ce travail, et nous pûmes nous convaincre aussi qu’en examinant le sang des malades, même 3 jours avant la crise, il est possible d'y constater des leucocytes ayant englobé des spirilles. Plus on est près de la crise, plus souvent on rencontre ce phénomène de phagocytose. Certes, on rencontre dans la fièvre récurrente, de même que dans les autres maladies infectieuses, même mortelles, parmi la masse de microbes, des individus plus faibles, qui résistent moins contre la phagocytose ; de mème dans chaque organisme, dans la masse de leucocytes, on en trouve qui sont plus adaptés à la phagocytose. Et une fois le procès de la digestion intracel- lulaire des microbes commencé, il conduit inévitablement à l'accroissement graduel du fixateur jusqu’à ce que ce dernier se trouve accumulé en quantité suffisante pour que la chimiotaxie négative des leucocytes puisse se transformer en chimiotaxie positive et que la crise phagocytaire puisse apparaître, Et la quantité, comparativement énorme, de fixateur que l’on trouve après la crise n’est que le résultat de la digestion de toute la masse des spirilles, qui se trouvaient dans le sang, et par conséquent ne peut nullement influer sur l'apparition de la crise. IX. Lacrise phagocytaire contribue sans doute aussi à l'accu- mulation des agglutinines : les tableaux des leucocytes, englobant LL; 2. Centralbl, für Bacteriologie, 1897, 526 ‘ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. toute une masse de spirilles, décrits par Metchnikoif et Sou- dakewitceh, s'expliquent facilement si on admet que le leucocyte s'empare à la fois d’un petit amas entier des spirilles agelutinés, et ne les phagocyte pas un par un. Pour ce qui concerne l'accu- mulation des spirilles dans la rate, où on observe en effet la phagocytose pendant la crise, il faut prendre probablement en considération leur propriété de s’agglutiner. Si l’on examine comparativement les courbes de la leucocy- tose, de la bactéricidité et de l’agglutination, il se présente à l'esprit plusieurs questions présentant une grande importance au point de vue de la théorie de l’immunité, Pourquoi en effet les anti-corps spécifiques après la première crise, resp. après la première vaccination, se forment-ils en petite quantité, et pourquoi leur production augmente-t-elle après chaque crise? Pourquoi disparaissent-ils si vite de l'organisme après les premières crises, en ne lui communiquant qu’une immunité pas- sagère et pourquoi, par contre, se fixent-ils d’une façon perma- nente dans l'organisme après le dernier accès, en lui ecommuni- quant une immunité définitive ? La fièvre récurrente, en comparaison avec d'autres nee présente, d’après notre avis, de grands avantages pour résou- dre ces questions. Mais, à notre regret. il nous était impossible d'aborder ces questions, parce que celles-ci se sont présentées à nous à la fin de notre travail, c’est-à-dire après la fin de l'épidémie. Le présent essai d'étude systématique du rôle des agents chimiques dans le mécanisnie de la guérison, resp. l’immunité, montreune fois de plus quel'étudé du moded’action de ces facteurs, que l’école humorale considère comme les agents principaux de limmunité, ne contredit pas du tout la théorie phagocytaire de Metchnikoff, mais au contraire elle lui donne une nouvelle base solide, en écartant toute une série d’objections qui ont été formulées auparavant par l’école humorale. NOUVELLES RECHERCHES SUR LE FERMENT MANNITIQUE par MM. U. GAYON er E. DUBOURG Dans un travail inséré dans ces Annales en 1894, nous avons fait connaître un ferment produisant de la mannite aux dépens du lévulose, et présenté une première étude de son action sur le sucre interverti et sur le moût de raisin!. Nous complétons aujourd’hui cette étude et nous l’étendons à différents hydrates de carbone des groupes hexoses, saccharoses et pentoses, I GÉNÉRALITÉS Voici d'abord des indications d'ordre général sur la vie du ferment : 1° Action de la chaleur. — Pour déterminer la température la plus favorable à son développement, on a fait des cultures com- paratives, avec un même liquide nutritif et une même semence, dans des étuves réglées à différents degrés. = Au bout de-trois semaines, on a dosé le sucre disparu, la mannite apparue, l'acidité formée, et l’on a obtenu par litre de liquide : A 150 A 250 A 330 A 450 Gr. Gr... Gr ra Sucre disparu........., 20,92 21,41 34.19 16.66 Mannite formée.,...... , 12,56 12,88 29,12 11,04 Acidité totale en SO‘H?, 5,16 b,)4 8,50 4,66 — volatileen SO‘H?, 2,67 2,19 1,62 2,92 Une température de 35° environ est donc celle qui convient le mieux au ferment; c’est ce qui explique la production de mannite, quand la vendange en cuve atteint ce degré de chaleur. 1. M. Laborde a montré qu'il y a d’autres fernients mannitiques (Annales de la Brasserie, 1, page 337, 1898); mais il n’est question ici que du microbe isolé par nous, à l’état de pureté, en 1894, 528 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Au-dessous de 35°, la vitalité du ferment diminue et devient à peu près nulle au voisinage de zéro; au-dessus de 35°, elle diminue également jusqu’à la mort des cellules. La connaissance de la température mortelle présente un intérêt pratique en œæno- logie, par exemple pour la pasteurisation des vins menacés de se manniter après décuvaison. Pour la déterminer, on a rempli une série de petits tubes en verre mince, cylindriques, de 1 millimètre environ de dia- mètre, avec du liquide en pleine fermentation mannitique; puis, : on a chauffé ces tubes, par groupes, dans un bain-marie porté successivement de 55 à 60°. A chaque degré, la température était maintenue constante pendant 2 minutes, et dans ce temps, tous les quarts de minute, on retirait un tube qu’on refroidissait rapidement. Avec le contenu de ces tubes, on a ensemencé une série de matras de culture qui ont été laissés pendant trois semaines dans une étuve à 35°. L’examen micros- copique et le dosage de l’acidité ont alors montré que toutes les cultures faites avec du ferment chauffé à 55, 56 et 57 degrés, même pendant deux minutes, avaient donné les mêmes résul- tats que les cultures témoins : à ces températures, le ferment n'avait été m tué ni paralysé. Mais dans les cultures faites avec les tubes chautfés à 58, 59 et 60 degrés, l’effet de la chaleur s’est manifesté, s’accentuant avec le degré et la durée de la chauffe. Voici, en effet, la marche de l’acidité dans ces essais : Temps de chauffe _ Acidité totale produite par litre. en quarts de minute. à 280 à 590 à 600 Gr Gr. Gr. il 6,9 6,9 6,9 2 6,9 6,9 6,9 € 6,9 6,9 6,9 4 6,9 6,9 6,9 D 6,9 6,9 6,4 6 6,4 5,6 4,1 7 4,0 8,5. 0,0 8 0,0 0,0 0,0 On voit que le ferment a été tué en 2 minutes. à 58° et en 1 minute 3/4 à 60°; mais, avant d’être complètement stérilisé, 1l a subi un affaiblissement progressif qui s’est tra- duit par une diminution correspondante dans l'acidité formée. FERMENTATION MANNITIQUE. 529 La mème semence, préalablement diluée dans de l’eau sté- rilisée, pour affaiblir l'acidité du milieu, n’a été tuée qu’à la tem- pérature de 59° et au-dessus, Il résulte de là que, pour prévenir la fermentation mannitique dans les vins encore doux ou dans les moûts, il faut les pasteu- riser à une température d’au moins 60 degrés. 2 Action des antiseptiques. — Les principales substances antiseptiques connues ou préconisées pour la conservation des boissons fermentées ont été essayées, pour la plupart, à des doses de 1/1,000, 1/5,000, et 1/10,000. Comme ïl fallait s’y attendre, les résultats ont légèrement varié avec la constitu- tion des liquides de culture. Voici, par exemple, ceux qui ont été obtenus avec du bouillon Liebig renfermant 60 grammes de sucre et une acidité de 3 grammes par litre; les chiffres inscrits au tableau indiquent les poids de sucre fermenté dans le même temps : l’antiseptique. 1/1000 1/5000 1/10000 F Ge Gr. Ga Acide borique 22" /%5047. 33,9 » » 2. Acide arsénieux ......... 0,0 0,0 0,0 3. Sublimé corrosif ........ 0,0 0,0 0,0 4. Sous-nitraie de bisinuth., 0,0 0,0 0,0 d. Carbonate de bismuth .., 0,0 0,0 0,0 6, Sulfate de cuivre....... 00 0,0 8,3 7. Fluorure d'ammonium... 0,0 0,0 3,8 8. - de potassium... 0,0 3,8 4,6 9, — de sodium ..... 0,0 3,9 6,6 10. Acide salicylique........ 0,0 0,0 0,0 11. Salicylate de soude...... 0,0 21,8 28,4 PAS MEMOIRE Sn nee 0,0 2,8 27,1 ARE NADREDR MEET AIRE 0,0 29,2 36,5 LA OI AbBrastols os MIE 33,3 » » LL ASapra ris nas 33,3 » » IG TPRÉROlE EMA ESA STE 31,3 SIL 38,3 AT SALON LR EME ete 33,3 » » AR PEAR PRE At de D 9 » » Les cultures témoins ont donné, dans les mêmes conditions, de 33 à 38 grammes par litre de sucre fermenté. On voit que, pour un même milieu, le bouillon Liebig sucré, les substances essayées se sont comportées comme suit : 34 530 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. 10 Substances actives à 08r,10 par litre : Acide arsénieux. Carbonate de bismuth. Sublimé corrosif. Acide salicylique. Sous-nitrate de bismuth. 20 Substances actives à O8r,20 par litre : Sulfate de cuivre: Fluorure d'immonium:; 30 Substances actives à À gramme par litre : Fluorure de potassium. Thymol. Fluorure de sodium. Naphtol. Salicylate de soude. 40 Substances inactives à À gramme par litre : Acide boriques Phénol: Abrastol, : Salol. Asaprol. Tannin. Avec le mout de raisin, le classement s’est trouvé un peu différent, Pour quelques substances, le pouvoir antiseptique a diminué; ainsi, le fluorure de potassium et le naphtol ont été inactifs à La dose de 1/1,000 ; le fluorure d’ammonium n’a pro- duit d’effet qu’à la dose de 1/1000. Par contre, pour d’autres substances, le pouvoir antiseptique a augmenté : ainsi, le fluorure de sodium, le salicylate de soude et le thymol ont été efficaces à la dose 2/10000 et le sulfate de cuivre à la dose de 1/1009. “ Lorsque la quantité d’antiseptique employée n’est pas suffi- sante pour enrayer complètement la fermentation, elle peut la ralentir; l'effet est alors proportionnel à la dose, comme le montrent les chiffres trouvés pour les fluorures de potassium et de sodium, le salicylate de soude, le thymol et le naphtol. D’autres expériences ont montré que l’action d'un antisep- tique né parait modifiée ni par la proportion ni par l’âge du ferment mannitique, qu'elle est la même s’il est ajouté au mo- m entde l’ensemencement ou au milieu d’une fermentation. Au point de vue pratique, bien peu de substances sont inté- ressantes, car les unes sont toxiques et d’autres sont peu actives aux doses susceptibles d’être employées sans altérer l'odeur et lé soût du vin. Il n’y a guère que le sous-nitrate de bismuth dont l'emploi; FERMENTATION MANNITIQUE. 931: aux doses efficaces de 10 à 20 grammes par hectolitre, puisse être considéré comme à peu près sans danger pour la santé publique. A ces doses d’ailleurs, loin de gèner la fermentation alcoolique, il la favorise au contraire !. La même remarque s’applique au fluorure d’ammonium, dont l’action favorable sur la levure a été mise en évidence par M. Effront *. 3° Influence de l'acidité du milieu. — L’acidité joue un rôle important dans le développement du ferment mannitique ; une expérience déjà publiée a montré que la quantité de sucre trans- formé en mannite est exactement en raison inverse de l'acidité primitive, et qu'avec l'acide tartrique, une dose de ce corps, équivalant à 7 grammes environ d’acide sulfurique par litre, empêche toute fermentation. Aussi les moûts de raisins peu acides donnent-ils facilement des vins mannités, et convient-1l, comme l’a préconisé M. Carles ? de les remonter avec de l'acide tartrique pour assurer la régu- larité et la pureté de leur vinification: Les acides n’ont pas tous la même ection, et le ferment supporte mieux en général les acides organiques que les acides minéraux, comme le fait voir le tableau suivant, où l’on a exprimé en acide sulfurique les doses au delà desquelles, dans nos expériences, tout développement a cessé : AGide aCÉbIQUE. Le tee ee Me dar a 12 grammes par litre. MAIQUE SP net 12 = — en AUS CUS PRO PEET ETE 2 — — A IC LIque ML. 8 — — à HO DIOQUE 7 | + | “oi + + | ( | | | L + Te | op 3 de FAR ES | | Lapix III Lo + | + + | + | L oi Fa 4 | += Les + marquent l'apparition de la couleur. aussi, pour contrarier les expériences prolongées avec le sérum, y survenir plus tôt qu'en présence de l’albumine l'atténuation de la couleur du fait de la dilution et du retard, et l’envahissement par les germes microbiens. Ces expériences suffisent d’ailleurs pour confirmer la règle générale et établir la possibilité decréer 612 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. ou de renforcer le pouvoir empêchant du sérum des animaux, vis-à-vis de la tyrosinase aussi bien que des autres diastases et des toxines. | De telle sorte qu’on pourrait dire, conformément aux idées et à la terminologie adoptées, que nous avons obtenu l’anticorps ou l’antidiastase, l'antityrosinase. Je me garderai pourtant de tenir ce langage. Il ne ferait que superposer un mot de conven- tion à notre ignorance de la chose et créer, au profit d'idées systématiques, une entité qui n’est rien moins que démontrée. Je ne me suis pas davantage inspiré de ces idées pour chercher à cette entité douteuse des attribats définis et, par exemple, examiner si le pouvoir empêchant disparaissait avec la précipi- tation du sérum par l'alcool ou avec son exposition à une tem- pérature élevée et prolongée : les conclusions qu’on peut tirer de ces expériences sont passibles d’interprétations trop contra- dictoires. Mais, ayant ainsi vidé ce terme d’antityrosinase des idées d’être et d’attributs fictifs qui lui serviraient de supports, on pourrait le retenir pour la commodité du discours, r’en plus borner l'emploi aux cas où le sérum est en cause, et je ne vois pas ce qui empècherait de dénommer aussi bien antityrosinases tous les sels que nous avons vus capables d’empècher l’action de la diastase. Je ne veux pas entrer plus avant, pour le moment, dans l'étude de cette question. Elle présente un grand intérêt, en ce sens que pour la première fois, à ma connaissance, le corps vis- à-vis duquel l’inoculation à un animal a fourni, dans le sérum de cet animal, un corps anti, est un élément normal et bien défini, même cristallisé, de nos tissus. Il y a de la tyrosine dans presque tous les sues organiques, et il y a au moins un chaînon contenant en puissance de la tyrosine dans la plupart des ma- tières albuminoïdes. Mais toutes ces circonstances qui donnent de l'intérêt à l'étude de la tyrosine, de la tyrosinase et de l’anti- corps augmentent aussi la difficulté de cette étude. C’est pour cela que je me borne pour le moment à l'étude chimique qui précède, et qui peut servir d’amorce et de guide pour l'étude physiologique qui reste à entreprendre. APPENDICE La liqueur glycérinée qui a servi à toutes mes expériences a ÉTUDES SUR LA TYROSINASE. 613 été préparée, au mois de juillet 1900, avec diverses espèces de Russules et de Lactaires, à la proportion de 255 grammes de champignons pour 860 grammes de glycérine. Elle s'est bien conservée jusqu'à ce jour, La seule précaution à prendre est d'avoir un petit flacon de débit pour les prélèvements réitérés, afin de réduire la quantité qui, dans les fréquents débouchages, peut attirer l'humidité de l'air et perdre un peu du degré pri- mitif de concentration de la diastase. Avec le contenu de mon flacon de réserve, exposé le moins possible à cette cause légère d’altération, le mélange-étalon rosit actuellement en un peu moins d’une demi-heure. Toutes les expériences doivent d’ail- leurs être faites en comparaison avec un témoin. La solution de tyrosine était à la proportion de 0,05 0/0, la dissolution et la stérilisation assurées en même temps par un court passage à l’autoclave. Des tubes stérilisés servaient aux expériences qui n’ont généralement pas souffert de contaminations microbiennes. Toutes les expériences ont été faites dans des tubes à essai de calibre ordinaire : il y a une grande différence entre les tubes et les vases à fond plat tels que les cristallisoirs pour la rapidité des progrès de la coloration, à raison de l’inégal afflux d'air. L'eau distillée stérilisée servait aux dilutions. Queile que fût la nature du liquide, eau, albumine, sérums normal ou préparé, la dilution était faite 24 heures avant l’emploi. Ce détail n’est pas indillérent., La série des dilutions aqueuses, mise en expé- rience aussitôt que préparée, ne me donnait plus le curieux contraste de rose et de violet que j'ai signalé à partir d’un cer- tain degré de dilution : tous les tubes gardaient alors le rose. Dans le délai que j'ai réservé d'ordinaire, un commencement d’altération de la diastase s'ajoute vraisemblablement à la dilu- tion pour produire ce curieux effet. Les champignons qui ont servi aux injections, diverses espèces de Russules, avaient été séchés soit dans le vide sulfurique, soit à une douce chaleur d’étuve, 40°, Pulvérisés au moment de lemploi, broyés et laissés en contact une douzaine d'heures avec de l’eau chloroformée, dans la propor- tion de 3 grammes pour 15 c, c., le mélange était exprimé à l’étamine, le liquide filtré à la bougie Chamberland qui ne dimi- nue pas sensiblement la force diastasique, et mis à la dose de 614 ANNALES DE L'INSTITUT. PASTEUR. 10 c. ©. sous la peau du flanc des animaux d'expérience, Pour le premier lapin, e’est une macération en eau chloro- formée, préparée dès la récolte avec 340 grammes de champi- gnons pour 400 grammes d’eau, qui a servi aux injections, et s’est bien conservée pendant les deux mois qu’a duré l'expé- rience. Un intervalle de six jours en movenne était mis entre les injections. Le lapin [ a reçu 80 c. e. en 8 injections, dans 48 jours, où son poids a monté de 1,590 à 1,990. Le lapin IT a reçu 102 c. c. en {1 injections, dans 74 jours, où son poids a monté de 1,890 à 2,560. Le lapin IT a reçu 65 c. c. en 9 injections, dans 6{ jours, où son poids a monté de 1,780 à 2,110. On a vu, par les tableaux, que le pouvoir empêchant du sérum n’a pas sensiblement bénéficié de l'écart de 65 à 102 c. e. entre HIT et IT, mis parallèlement en expérience, et qui ont partagé souvent la même macération de champignon. DE LA CHIMIOTAXIE NÉGATIVE DES LEUCOUYTES DES LAPINS INFECTES PAR LA CULTURE PURE DE BACILLES DU CHOLÉRA DES POULES Par MM. A. ZILBERBERG ET J. ZELIONY La chimiotaxie négative des leucocytes a été mise en évidence en 1884 par M. Metchnikoff'. Ce savant, en examinant les organes des lapins et des cobayes, animaux très sensibles au charbon et morts de cette infection, a remarqué que le phéno- mène d’englobement des bactéries par les leucocytes faisait défaut dans ce cas. Et cependant les leucocytes avaient conservé leurs mouvements amiboïdes, c’est-à-dire n’étaient pas empoi- _sonnés De plus, après avoir injecté sous la peau d’une oreille de lapin du vaccin charbonneux et sous la peau de l’autre oreille de la culture virulente de bactéridies, M. Metchnikoff a pu constater qu'à l’endroit de la deuxième injection la pha- gocytose existait, mais moins nette, moins intense que sous la peau de la première oreille. SRE M. Metchuikof a expliqué l'existence de la phagocytose au niveau de l'injection de la culture virulente par la présence dans cette culture d’un grand nombre de bactéridies non viru- lentes. En effet, il n’a pas pu trouver de phagocytose chez des lapins qu’il a injectés avec des bactéridies prises directement dans la rate d'animaux morts de charbon. Depuis, on a constaté maintes fois que les leucocytes d’un animal très sensible à une espèce microbienne n’englobent pas Les microbes virulents de cette espèce, même quand ils sont en contact intime avec eux. Il n’en est pas de même pour les bactéries non virulentes qui sont englobées par des leuco- cytes. 4. Mercanixorr, Uber die Beziehung der Phagocyten zur Mïlzbrandbacillen» Virchow’s Archiv., 1884, Bd, 97. 616 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. M. Gabritchevsky ‘ a remarqué, qu’une culture jeune(n’ayant pas dépassé 24 heures( de bacilles du choléra des poules n’attire pas les leucocytes du Japin, qui est cependant très sen- sibles à cette infection. Les mêmes bacilles provenant de cultures plus vieilles commencent déjà à attirer des leu- cocytes. M. Massart? a étudié en 1892 l'attitude des leucocytes à l'égard des microbes virulents et non virulents. Il introduisait dans la cavité abdominale de lapins, de cobayes et de pigeons, des tubes capillaires remplis de culture virulente ou non virulente de microbes du charbon, du choléra des poules, du hog-choléra, de la diphtérie, du pus bleu, du rouget du porc et du Vibrio Metchni- kowi. Les cultures de microbes non virulents attiraient un nom- bre considérable de leucocytes, tandis que les microbes virulents attiraient faiblement ou n’attiraient pas du tout, exception faite pour les bacilles de la diphtérie, dont les cultures virulentes attiraient un grand nombre de leucocytes. Bordet * a étudié les leucocytes en présence des strep- tocoques virulents injectés dans la tavité abdominale du lapin ou du cobaye. Les leucocytes n’englobaïent pas les strepto- coques les plus virulents développés dans l’organisme de Fanimal, et cela tout en les entourant en grand nombre et en étant en contact constant avec eux. Le même auteur“ a remarqué que ces mêmes streptocoques, qui ne se laissent pas englober par des leucocytes, sont munis d’une auréole qui prend une teinte violet rose après la coloration par le bleu de Kühne. Les strep- tocoques qui viennent d'un milieu artificiel et qui subissent la phagocytose ne présentent pas cette auréole. De plus, M. Bordet a montré que l'absence de phagocytose des streptocoques virulents n’est pas la conséquence de l’empoi- sonnement des leucocytes. Pour cela, 1l injectait dans Ja cavité abdominale du lapin des bacilles de la diphtérie ou des proteus vulgaris, après yavoirintroduitpréalablement des streptocoques. L'examen de l’exsudat abdominal a montré que les leucocytes 1. Gagrirenevsky, Sur les propriétés chimiotactiques des leucocytes, Annales de l’Institut Pasteur, 1890. 2. Massarr, Le chimiotaxisme des leucocytes et l’immunité, Annales de l’Ins- titut Pasteur, 1892. 3. Borper, Recherches sur la phagocytose, Annales de l’Institut Pasteur, 1896, . 4. Borper, Contribution à l'étude du sérum antistreptococcique, Annales de l'Institut Pasteur, 1897, p. 179. CHIMIOTAXIE NÉGATIVE DES LEUCOCYTES. 617 englobaient d’une façon énergique les bacilles de la diphtérie et des proteus vulgaris. et laissaient libres les streptocoques. Dans l'expérience suivante, M. Bordet a démontré à quel point les leucocytes supportent l’action d’une toxine aussi forte que celle de bacilles de la diphtérie, Il inocule à un cobaye de la cullure virulente de bacilles diphtériques. L'animal meurt 24 heures après l’inoculation. Une demi-heure après la mort de l'animal, M. Bordet prend un peu d’exsudat dans lequel se trouvent des leucocytes, y ajoute des streptocoques, met ce mélange à l’étuve et constate dans ce cas une phagocytose intense des streptocoques. Marchand! a montré aussi que les leucocytes du lapin du cobaye et ceux du chien dévorent très avidement les strep- tocoques non virulents, tout en respectant les strepto- coques virulents. Le bouillon provenant de la filtration d’une culture de streptocoques virulents, saturé par conséquent de produits vitaux dé ces microbes, n’a nullement influencé la pro- priété phagocytaire des leucocytes qui y étaient introduits. Toute autre a été la conclusion de M. Werigo*? dans son travail fait en 1894. Cet auteur injecte une grande quantité de culture de bactéridies du charbon dans la veine auriculaire des lapins, et {ue ces animaux à des intervalles différents. Dans ce cas 1] trouve que presque tous les organes de ces animaux pré- sentent pendant toute la durée de l'infection une phagocytose notable qui disparait un peu avant la mort de lanimal. M. Werigo en conclut que la chimiotaxie négative n'existe pas chez les animaux à sang chaud, puisque les leucocytes du lapin, très sensible au charbon, dévoraient des bactéries qu'il considé- rait comme virulentes. Des expériences analogues ont été exécutées par MM. We- rigo et Egounoff* avec des bacilles du choléra des poules, auxquels le lapin est encore plus sensible qu'au charbon. Ayant obteuu les mêmes résultats que dans ses premières expériences, M. Werigo s’est encore affermi dans sa première opinion. 1. MarcHawn, Étude sur la phagocytose des streptocoques atténués et virulents, Archives de médecine expérimentale et d'anatomie pathologique, 1898, 2. WeriGo, Développement du charbon chez le lapin, Annales de l'Institut Pasteur, 1894. 3. Prof. Weri6o et Ecouxorr. Contribution à l’étude sur limmunité. Archives russes de Pathologie générale, ete., 1898. 618 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Au moment où nous terminiorfs la rédaction de ce mémoire, paraissent les recherches de M. Tchistovitch! consacrées également à la question de la chimiotaxie négative. Ce dernier injectait 3 1/2 à 4 c. e. de culture virulente de streptocoques: dans la veine auriculaire du lapin et tuait ces animaux à des. intervalles différents. L'examen microscopique du foie, de la rate, du rein et de la moelle osseuse n'a montré aucune phagocytose. Ce n’est que daus les poumons que M. Tehistoviteh a pu trouver une phagocytose insignifiante, qui disparaît dans les stades ultérieurs de l’évolution de la maladie. Ainsi, tous les auteurs mentionnés plus haut, à l'exception de MM. Werigo et Egounoff, ont confirmé dans leurs expé- riences l'existence de la chimiotaxie négative. MM. Werigo et Egounoff, en se basant sur des travaux contradictoires aux travaux des autres auteurs, nient l'existence de la chi- miotaxie négative des leucocytes chez les animaux à sang chaud. nl Nous avons choisi le microbe du choléra des poules pour notre étude de la chimiotaxie négative des leucocytes. Ce sujet nous a été inspiré par M. Bardach, privat-docent, à qui nous sommes heureux d'apporter ici l’expression de notre sincère reconnaissance. Le lapin étant très sensible au choléra des poules, la chi- miotaxie négative doit être très marquée dans son organisme, d’après la théorie de Metchnikof, pendant l’évolution de cette maladie. D’un autre côté l'évolution du choléra des poules chez le lapin est justement une preuve, pour MM. Werigo et: Egou- noff, de la non-existence de la chimiotaxie négative des leuco- cytes chez les animaux à sang chaud. Il était done d'autant plus intéressant de trouver la cause de cette diversité d'opinions. 1: Tenisrovrren. Archives russes de: Pathologie générale, 1900.. Annales. de l'Institut Pasteur, 1900. CHIMIOTAXIE NÉGATIVE DES LEUCOCYTES. 619 Nous avons d’abord fait des expériences analogues à celles de MM. Werigo et Egounoff. Pour cela, nous avons injecté dans la veine auriculaire de 3 lapins, et pour chacun d’eux, 4 ce. ©. d'émulsion, dans Peau physiologique, d’une culture sur gélose, de 20 heures, de bacilles virulents du choléra des poules. Chaque lapin recevait ainsi le contenu de 3-4 cul- lures sur gélose, Un de ces lapins a été tué # minutes après l'inoculation, un autre 6 minutes, et le troisième 8 mi- nutes après l’inoculation. Leurs organes ont été examinés en frotlis et sur des coupes. Les morceaux d'organes ont été fixés dans l'alcool et Le sublimé, et ensuite paraffinés. La coloration des coupes à été faite par la méthode de Nicolle { (passage des coupes. après le bleu de méthylène, dans la solution aqueuse de tannin à 10 0/0). On complétait la coloration par l’éosine. Les préparations des frottis ont été faites avec du bleu de méthylène. L'examen du foie, de la rate, du poumon et du sang du cœur de ces lapins à montré une phagocytose très marquée des leu- cocytes et des macrophages. A côté des microbes englobés par les leacocytes, on a trouvé cependant des microbes libres*. Ainsi, en injectant une grande quantité de bacilles virulents du choléra des poules dans la veine auriculaire du lapin, on peut trouver dans les organes de cet animal une phagocytose très nette, Cependant ces expériences, pas plus que celles de MM. Werigo et Egounoff, ne parlent contre l’existence de la chimiotaxie négative des leucocytes à l’égard des cultures viru- lentes du choléra des poules. On peut déjà « priori admettre que dans une culture virulente, qui s'est développée sar un milieu artificiel, il existe beaucoup de microbes non virulents à côté des microbes virulents. Les microbes non virulents sont évidemment ceux qui se sont développés sur un milieu artificiel après les autres et dans des conditions de nutrition moins favo- rables (par exemple, à la surface de la pellicule microbienne sur gélose)., L'existence des éléments non virulents dans une 1. Nrcorce, Méthode de recherche des microorganismes qui ne se colorent pas: par:le procédé de Gram. Annales de l'Institut Pasteur, 1892. 2. Les cultures qui ont servi pour ces expériences venaient d’un lapin mort 11 heures après l’injection sous-eutanée de 1/10° d’une culture. sur gélose de ce choléra des poules, de 24 heures, Dans les expériences ultérieures, les cultures provenaient de l’ensemencement fait avec des organes du dernier lapin mort au cours d’une expérience. 620 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. culture virulente des bactéridies du charbon (prises dans un milieu artificiel) a été indiquée par M. Metchnikoff en 1884, comme.cela a été indiqué plus haut. Dans ces conditions, les expériences mentionnées plus haut, ainsi que celles pratiquées par MM. Werigo et Egounoff, ne peuvent pas aider à éclaireir la question de la chimiotaxie négative des leucocytes vis-à-vis des microbes virulents, puisque dans ces expériences on injectait dans le sang des animaux des microbes virulents en même temps que des microbes non virulents. Nous avons voulu conduire nos expériences de telle sorte qu'on püt juger d’une façon irréprochable la manière dont se comportent les leucocytes vis-à-vis des microbes presque exclu- sivement virulents, Pour cela nous injections les microbes du choléra des poules sous la peau et dans la cavité abdominale des lapins. Dans ces conditions, les microbes qui passaient dans les organes s'étaient déjà développés dans l'organisme lui-même. On inoculait les lapins avec 1/4 ou 1/2 culture sur gélose des bacilles du choléra de 2% heures, ensemencée avec des mi- crobes pris toujours dans les organes de l’animal. On tuait les animaux en expérience 1, 2, 3, 3 1/2, 5 heures après l’inocu- lation, par un coup donné à la nuque‘. Leurs organes (foie, rein, rate, moelle osseuse et poumon) ont été étudiés sur des frottis et dans les coupes. On a suivi la même technique que pour les expériences précédentes. En sacrifiant ainsi les animaux à des intervalles différents après l’inoculation, nous sommes arrivé à saisir à peu près le début de l’apparition des bactéries dans les organes, à suivre leur développement, et surtout à éclaircir les rapports des leu- cocytes vis-à-vis des bactéries pendant ce temps. En outre, dans un cas, nous avons étudié l’endroit d'inocula- tion (sur les frottis) pendant l’évolution de la maladie. Nous n'avons pas pu trouver de phagocytose à cet endroit; les leuco- cytes, eux-mêmes, étaient très rares. Sur les coupes de la région d'inoculation (prise après la mort de l’animal), on a trouvé un grand nombre de pactéries, mélées à une quantité insignifiante de leucocytes dans lesquels on pouvaitrarement noter une faible phagocytose, L'examen des organes a montré que 2 heures 1. Les lapins infectés avec cette dose et abandonnés à eux-mêmes mouraient 3, », rarement 6 heures après l'injection, CHIMIOTAXIE NÉGATIVE DES LEUCOCYTES. 621 après l'injection des bactéries du choléra des poules dans la cavité abdominable, on trouve déjà des microbes dans le foie. On en trouve au même moment dans la rate et dansles poumo ns mais en nombre moins grand que dans le foie. Il était impos- sible de déceler à ce moment des bactéries sur les préparations de sang de la veine auriculaire; les ensemencements de ce sang n'ont pas donné non plus de résultat. 3 heures après le commencement de l'expérience, on trouve déjà un nombre assez considérable de bactéries dans les organes cités plus haut, ainsi que dans la moelle osseuse. On en trouve le plus en ce moment dans le foie, puis dans la rate. Dans le sang de l'oreille, on peut trouver quelques rares bactéries. Notons en passant que l’appa- rition des bactéries dans le sang présente toujours les mêmes caractères, D'abord isolées, elles apparaissent plus tard par petits amas. Puis, leur nombre croit très rapidement et elles se répartissent régulièrement dans le sang, Au moment de la mort, on trouve le plus de bactéries dans le foie, la rate, la moelle osseuse; le moins, dans les reins et les poumons, Le moment de l'apparition des bactéries dans le sang subit, bien entendu, des oscillations; nos indications sur ce point, basées sur un nombre d'expériences relativement pelit, n’ont qu’une valeur approximative. Nous n'avons pas trouvé de phénomène de phagocytose dans les organes pendant toute la durée de la maladie. C’est à peine si parfois nous trouvions, après avoir parcouru plusieurs prépa- rations, un leucocyte avec 2-3 bactéries englobées dans son intérieur an milieu d’une foule de bactéries libres. On ne peut pas non plus trouver de phagocytose dans le sang, dans lequel les bactéries n'apparaissent en quantité notable que 30 à 50 minutes avant la mort. Nous avons constaté seulement une phagocytose assez marquée des macrophages du foie. Nous avons pu égale- ment suivre sur le même animal l'attitude des leucocytes vis-à- vis des bactéries dans le foie pendant toute la durée de la maladie, Après avoir injecté 1/4 de culture sur gélose de bacté- ries du choléra des poules en partie sous la peau, en partie dans la cavité abdominale, nous retirions de temps en temps du foie, au moyen d'un tube capillaire, une petite quantité de sang que nous examinons en frottüis. Les bactéries apparurent dans le sang 3 h, 1/2 après l'injection; 1 heures 13 plus tard (par conséquent, 622 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. 4 heures 43 après l’inoculation), le lapin était mort. Il a été impossible de trouver de phagocytose leucocytaire dans le foie pendant toute la durée de la maladie. Ainsi, les bactéries qui passent dans les organes quelques heures après l'inoculation de l'animal sous la peau ou dans la cavité abdominale sont évidemment presque exclusivement des bactéries virulentes, qui se sont déjà développées dans l’orga- nisme lui-même. L'existence dans les organes de chimiotaxie négative des leucocytes vis-à-vis de ces bactéries est incontes- table. Nous avons déjà vu comment se comportent les leucocytes vis-à-vis des bactéries du choléra provenant d’un milieu artifi- ciel et injectées en masse dans le sang. Il fallait démontrer que, dans ce cas, les leucocytes englobent les individus non virulents qui se trouvent en grand nombre dans une culture virulente. Dans ce but, nous avons décidé, tout en suivant la même marche que dans les expériences précédentes, d'injecter uniquement des bactéries virulentes prises directement dans l'organisme infecté. Pour cela, nous avons voulu inoculer un lapin meuf avec du sang (préalablement défribriné) pris sur un autre animal infecté avec des bactéries du choléra des poules et un peu avant sa mort, c'est-à-dire au moment où son sang est riche en bactéries. Mais nous ne sommes pas arrivé à puiser dans la carotide une quantité de sang suffisante pour qu'il püt nous fournir approximativement autant de microbes que dans les cultures qu'on avait injectées dans la veine auriculaire du lapin dans les expériences précédentes : alors, pour avoir des bacté- ries accommodées à la vie dans l'organisme lui-même, nous avons profité de ce fait qu’on trouve dans la cavité abdominale de quelques lapins une quantité assez considérable de liquide, qui peut servir de milieu nutritif naturel pour les bactéries. Nous avons injecté dans la cavité péritonéale d’un tel lapin une culture sur gélose, de 16 heures, de bactéries du choléra des poules diluée dans 10 c. c. d’eau physiologique. 3 heures après, quand l’examen de lexsudat a montré l'existence d’un grand nombre de bactéries développées sur place avec une absence presque complète de phagocytose, nous avons commencé à recueillir cet exsudat avec la pipette. Nous avons ainsi recueilli CHIMIOTAXIE NÉGATIVE DES LEUCOCYTES. 623 9 €. e., que nous inoculions dans la veine auriculaire du lapin neuf par doses séparées au fur et à mesure que nous en retirions de la cavité abdominale du premier lapin. La première dose d'exsudat fut de 4 c. c.; la deuxième dose, de 3 c. c., a été inoculée 15 minutes plus tard; enfin, la troisième dose, de 2 c. c., a été injectée 10 minutes après la déuxième. Ainsi, en l’espace de 25 minutes, un lapin neuf a reçu 9 c. e. d’exsudat abdominal avec des bactéries qui s’y sont développées. Cet animal a été tué 40 minutes après la‘ première dose, c'est-à-dire 15 minutes après la troisième. Après avoir étudié le foie, la rate, les poumons et la moelle osseuse, nous avons constaté que le foie était le plus riche en bactéries, la moelle osseuse en contenait le moins! Le sang contenait des bactéries isolées, Dans tous ces organes, presque tous les microbes étaient libres. Nulle part nous n'avons trouvé de phagocytose tant soit peu marquée; on trouvait très rarement des leucocytes ayant englobé des bactéries. On ne trouvait des phénomènes de phagocytose qu’au niveau des macrophages du foie; et encore celle-ei était msignifiante. Ne voulant pas nous borner à cet expérience, nous avons fait une expérience de contrôle. Pour cela, nous avons injecté à un lapin neuf à peu près la même quantité de bactéries du choléra des poules, provenant d’une culture sur gélose, et à mêmes inter- valles. La virulence de cette culture a été la même que celle de la culture qui a servi à l’inoculation dans la cavité abdominale du lapin pour l'expérience précédente. Le lapin a été tué 40 minutes après l'injection de la pre- mière, et 15 minutes après la dernière injection. Les organes de ce lapin contenaient moins de bactéries que les organes du lapin précédent, auquel on a injecté des microbes qui se sont développés dans l’exsudat de la cavité abdominale, On trouvait déjà une phagocytose assez marquée ; cependant, on voyait tou- jours un nombre considérable de bactéries libres, Ainsi, nous avons pu constater une différence marquée entre la culture provenant d’un milieu artificiel et celle qui s’est déve- loppée dans l’organisme affecté. Tandis que cette dernière ne contient presque exclusivement que des microbes virulents, la première contient également beaucoup de microbes non viru- lents, affaiblis, et qui se laissent englober par des leucocytes. Une série d'expériences, instituées par nous dans le but de 624 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. suivre le sort que subissent ces bactéries dans la cavité abdo- minale, vient encore confirmer notre manière de voir. Après avoir injecté dans la cavité abdominale du lapin des quantités différentes de culture sur gélose de bactéries du choléra des poules, nous examinions tous les 5-15 minutes l’exsudat de la cavité abdominale, jusqu’au moment de la mort de l’animal. Comme il est difficile d'extraire de la cavité abdominale, pendant plusieurs heures, de l’exsudat avec une quantité suffisante de leucocytes, nous avons provoqué la leucocytose artificielle. Pour cela, nous injections, la veille de nos expériences, 3-4 c.c. d’eau physiologique dans la cavité abdominale. Sur les lapins ainsi préparés, 1l était très facile d'étudier les rapports des leucocytes et dès bactéries. Dans le premier temps qui suit l'injection dans la cavité abdominale des bactéries du choléra des poules, on observe une phagocytose marquée, qui faiblit et enfin disparait complètement. La disparition de ce phénomène commence à intervalles de temps différents, et dépend principalement de la quantité de bactéries injectées. Après l'injection de 1/16 d’une culture sur gélose, il est impossible de trouver la phagocytose déjà au bout de 1 à 2 heures. La phagocytose dure plus longtemps après l’in- jection d’une culture entière, et disparaît à peu près au bout de 3 heures. Cette différence tient probablement à ce que l’injec- tion d’un plus grand nombre de bactéries non virulentes demande plus de temps pour leur englobement par des leucocytes. Les bactéries englobées par des leucocytes sont digérées, car elles montrent des signes évidents de dégénérescence. On trouve cependant, pendant le premier temps qui suit l'ino- culation, à côté des bactéries englobées, de nombreures bactéries libres. Puis, après la période de phagocytose, vient un moment où le nombre debactéries englobées diminue, pendant que le nombre de bactéries libres augmente, et une ou deux heures avant la mort de l'animal, l’exsudat de sa cavité abdominale n’est pas moins riche en microbes du choléra des poules qu’une culture en bouillon de 24 heures. Et malgré cette richesse en microbes de l’exsudat péritonéal, Les leucocytes n’englobent plus de bacté- ries déjà 1 à 3 heures après l'injection, et il en est ainsi jusqu’à la mort de l'animal. On trouve très rarement des leucocytes avec des bactéries englobées. On peut observer le même phéno- CHIMIOTAXIE NÉGATIVE DES LEUCOCYTES. 625 mène sur des lapins, dans la cavité abdominale desquels on wa pas provoqué de leucocytose artificielle, mais dans ce casla phago- cytose dure moins longtemps, à peu près 40 à 60 minutes. Cette différence tient au fait, observé par Pierallini!, qu'une injection d’eau physiologique dans la cavité abdominale du lapin non seu- lement augmente le nombre de leucocytes dans cette région, mais encore renforce leurs propriétés phagocytaires. Les lapins, chez lesquels on avait provoqué préalablement et d’une façon artificielle la leucocytose, mouraient de 5 à 8 heures après l’injection des bactéries du choléra des poules dans la cavité abdominale, tandis que les lapins non préparés mour- raient 3 à 5 heures, rarement 6 heures après l'injection de la même dose de bactéries. La durée inégale de l'infection dans ces deux cas, indique à quel point les leucocytes interviennent dans la lutte de l'organisme contre l'infection. Ainsi, toutes les expériences mentionnées plus haut montrent que les leucocytes du lapin, animal très sensible au choléra des poules, ne dévorent pas d'individus virulents de cette espèce, même quand ilssont en contact aveceux, c’est-à-dire qu’ils mani- festent vis-à-vis de ces microbes une chimiotaxie négative, Ces expériences confirment en outre ce fait que les cultures virulentes de bactéries du choléra des poules qui se sont développées sur le milieu artificiel contiennent beaucoup d'éléments non viru- lents, qui sont immédiatement englobés par des leucocytes de l'organisme infecté. III Nous avons voulu voir si l’absence de la phagocytose du côté des leucocytes du lapin ne tient pas à ce fait que ces der- niers sont empoisonnés par des produits toxiques des bac- téries du choléra des poules, ce qui leur aurait fait perdre leurs propriétés phagocytaires. Pour cela, nous avons fait les expé- riences suivantes. Nous avons injecté dans la cavité abdominale des lapins, où nous avions préalablement provoqué la leucocytose artificielle, des bactéries du choléra des poules. 2 à 4 heures après cette injec- tion, lorsque, àl’examen microscopique del’exsudat, nous consta- 4. PrerALLINI, Sur la phagocytose dans la cavité péritonéale, Annales de l'Ins- titut Pasteur, 1897. 40 626 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. tions la pullulation d’un grand nombre de bactéries, et l’absence du phénomène de phagocytose, nous injections dans la même cavité abdominale 1/2 à 1 e. c. de culture non virulente de staphylocoques. Toutes les 5-15 minutes l'exsudat péritonéal de nos animaux a été étudié au microscope. Nous avons pu cons- tater que les leucocytes, tout en se trouvant dans un exsudat beaucoup plus riche en bacilles du choléra des poules qu’en coccus, n'englobaient pas du tout ces premiers, tout en dévorant énergiquement les staphylocoques. Le nombre de coceus dimi- nuait, et 40 à 50 minutes après l'injection de la première dose, il était déjà impossible d’en trouver dans l’exsudat. On injec- tait une nouvelle dose de coccus, et on constalait de nouveau leur englobement par des leucocytes, et ainsi jusqu’à la mort de de la culture de choléra des poules. Des résultats analogues ont été obtenus après l’injection des bacilles du foin, et cela même chez des lapins dans la cavité abdominale desquels on n’avait pas provoqué préalablement de leucocytose artificielle. En partant de cette conviction que les cultures vi'ulentes de bactéries du choléra des poules, développées sur des milieux arti- ficiels, contiennent beaucoup d'individus non virulents qui subis- sent la phagocytose, nous avons fait l'expérience suivante. Nous avons inoculé 1/10° d’une culture virulente sur gélose de bactéries du choléra des poules à un lapin préparé d'avance par linjection d’eau physiologique. Quatre heures après, quand, à l’examen microscopique de l’exsudat péritonéal, nous ne trouvions presque pas de phagocytose des bactéries nouvellement développées, nous injections de nouveau dans la cavité abdominale 1/5° d’une culture de choléra des poules de 24 heures. Cette dernière culture, ainsi que la pre- mière, provenait de l’ensemencement des bactéries prises dans les organes d’un même lapin mort de choléra des poules. Dès 23 minutes après la deuxième injection dans la cavité abdomi- nale, on observait la phagocytose aussi marquée qu’on l’obtient ordinairement dans le premier temps après l'inoculation d’une culture virulente (développte dans un milieu artificiel) à un lapin non préparé préalablement. On a répété encore plusieurs. fois des injections pendant toute la durée de la maladie du lapin, et on a pu constater que la phagocytose durait jusqu'à la mort de l'animal, qui survenait ordinairement 7 heures après l'injection PA TTL TVA s'rcéitéss tds). : DS), CHIMIOTAXIE NÉGATIVE DES LEUCOCYTES. 627 l'animal, laquelle est survenue 7 heures après la première injec- tion. Cette expérience a été répétée par nous encore une fois avec les mêmes résultats. Il est évident que ce sont des individus non virulents des cultures virulentes servant à la seconde injection qui subissaient la phagocytose. On voit dans ces expériences jusqu’à quel point les leuco- cyles supportent l’action des poisons bactériens. Se trouvant au milieu d'un nombre considérable de bactéries virulentes du choléra des poules, avec lesquels ils sont en contact constant, non seulement ils ne perdent pas leurs propriétés phagocytaires, mais encore ils peuvent choisir entre les bactéries virulentes et non virulentes, avec lesquelles l’animal est infecté. Ilest done impossible, d’après tout ce qui précède, d'admettre que l'absence du phénomène de phagocytose dans les organes ainsi que dans le sang est la conséquence de lempoisonnement des leucocytes. Cependant, pour être plus sûr de ce que nous avançons, nous avons injecté dans le sang du lapin infecté avec du choléra des poules, et un peu avant sa mort, d’autres microbes non virulents. Quelques heures après avoir inoculé sous la peau et dans la cavité abdominale une grande quantité de bactéries virulentes du choléra des poules, on leur injectait dans la veine auriculaire des cultures de staphylocoques non virulents. Un de ces lapins est mort 40 minutes après l'injection de staphylocoques, (4 heures après l'injection du choléra des poules), le second 30 minutes et le troisième 8 minutes après l'injection. L'étude des organes de ces lapins a montré que les leuco- cytes englobaient énergiquement des coccus, alors que les bac- téries du choléra des poules restaient libres. Comme la troisième expérience, dans laquelle le lapin est mort 8 minutes après l’in- jection de staphylocoques, est la plus intéressante, nous la noterons en détail. Trois heures après l'injection, sous la peau et dans la cavité abdominale du lapin, de 1/4 d'une culture sur gélose de bactéries du choléra des poules, nous avons commencé à faire des ponctions du foie avec la pipette. Quand l'examen du sang du foie a montré un grand nombre de bactéries, on a injecté au lapin 7 e. e. d’émulsion de 2 cultures sur gélose de staphylo- coques dans l’eau physiologique. L'injection dans la veine 628 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. auriculaire a duré 3 minutes et l'animal est mort 5 minutes après l'injection (4 heures 43 minutes après l'injection de bactéries du choléra des poules). Les organes, foie, pou-. mon, rate, ont été examinés sur des frottis ainsi que dans les coupes. Les coupes ont été colorées par la méthode de Gram, suivie de la double coloration par le bleu de méthylène et l’éosine. Cette coloration permettait de distinguer très bien les coccus des bactéries du choléra des poules, car ces derniers ne prennent pas le Gram. Nous avons constaté la phagocytose des coccus dans les trois organes examinés. Le plus grand nombre de coccus a été trouvé dans les poumons ; mais les coupes les plus démons- tratives étaient celles du foie. Les bactéries du choléra des poules qui se trouvaient en grand nombre dans le foie restaient libres, alors que la plupart des coccus, dont le nombre était de beau- coup moins considérable, étaient englobés par des leucocytes. Ainsi, les leucocytes n'ont pas perdu leurs propriétés phago- cytaires même au moment de la, mort du lapin. En outre, ces propriétés phagocytaires n’ont rien perdu deleur énergie, car en l’espace de 5 à 8 minutes, la plupart des coccus injectés ont été englobés. Il nous reste encore à noter que les leucocytes des organes du lapin malade de choléra des poules ne perdent pas leur sen- sibilité chimiotactique vis-à-vis des bactéries de cette infection. Et cela, nous l’avons prouvé par l’expérience suivante. Nous avons injecté dans la cavité abdominale du lapin 1/8° d’une culture sur gélose de bactéries du choléra des poules. 5 heures après, quand l’examen microscopique a montré un grand nombre de bactéries dans le sang, en l'absence de pha- gocytose, nous avons injecté dans la veine auriculaire de ce même lapin l’émulsion dans l’eau physiologique de 4 cultures sur gélose de bactéries virulentes du choléra des poules, âgées de 20 heures. Le lapin est mort 15 minutes après l'injection. Nous avons trouvé dans la rate, les poumons et le foie, de nom- breuses figures de phagocytose très nette, ce que nous n’avons jamais pu constater dans les organes du lapin mort de choléra des poules dans d’autres conditions. Dans ce cas, les leucocytes ont conservé leurs propriétés phagocytaires, même très peu de temps avant la mort, car ils englobaient les bactéries non viru- lentes, lesquelles étaient injectées avec des bactéries virulentes. CHIMIOTAXIE NÉGATIVE DES LEUCOCYTES, 629 Ce travail nous conduit aux conclusions suivantes : 1. Après l'injection sous la peau ou dans la cavité abdominale du lapin d'une culture virulente sur gélose de bactéries du cho- léra des poules, on constate l'absence de phagocytose des leuco- cytes vis-à-vis de bactéries qui se sont déjà développées dans l'organisme. 2. On ne trouve presque pas de phagocytose après l’injec- tion, dans le courant circulatoire du lapin, de bactéries presque exclusivement virulentes (injection d’une culture développée dans l’exsudat péritonéal). 3. Il faut expliquer les phénomènes de phagocytosé qu'on trouve lorsqu'on injecte les lapins (sous la peau, dans la cavité abdominale ou dans la veine auriculaire) avec des cultures viru- lentes de bactéries du choléra des poules, mais qui s'étaient développées dans un milieu artificiel, par la présence dans ces cultures d'individus non virulents parmi les bactéries virulentes, 4. Les leucocytes du lapin, animal très sensible au choléra des poules, ne dévorent pas (quelle que soit le mode d’inocula- tion) les bactéries virulentes de cette espèce pendant toute la durée de la maladie. Ce fait est un exemple frappant d'absence de phagocytose du côté des leucocytes dans l'infection mortelle. 5. Il faut expliquer l'absence de phagocytose des bactéries virulentes du choléra des poules, non pas par l’empoisonnement des leucocytes, mais par leur sensibilité chimiotactique négative. Les leucocytes du lapin infecté avec des bactéries du choléra des poules conservent jusqu'à la mort de l’animal non seulement la propriété de choisir entre les bactéries virulentes du choléra des poules et les autres microbes non virulents, mais encore ils sont capables de distinguer dans une culture virulente des bacté- ries non virulentes. Nous nous faisons un devoir très agréable d'exprimer ici toute notre reconnaissance à M. Metchnikoff, qui nous a ouvert les portes de son laboratoire et prodigué de précieux conseils pendant l'exécution de notre travail. EXPLICATION DE LA PLANCHE X Fig. 4. — Coupe du foie du lapin auquel on a injecté dans les veines le liquide péritonéal d'un autre lapin, atteint du choléra des poules. Les microbes sont très virulents : de là, phagocytose nulle. Fig, 2. — Liquide péritonéal d'un lapin, inoculé dans le péritoine avec du choléra des poules, prélevé sur un animal malade, une heure avant sa mort. Absence de phagocytose. Fig. 3. — Liquide péritonéal du lapin, quatre heures après l'injection des microbes du choléra des poules dans le péritoine, et 5 minutes après l'injec- tion de cocci non virulents. Les bacilles du choléra des poules sont libres, tandis que les coeci sont englobés par les leucocytes, Fig. 4. — Liquide péritonéal du lapin, 4 heures après la première injec- tion d’une culture du eholéra des poules, 5 minutes après une seconde injection des mêmes microbes. Les microbes sont englobés par les leu- cocytes. Fig. 5. — Coupe de foie d'un lapin, mort du choléra des poules : 8 minutes avant la mort on lui a injecté dans la veine une culture de coccus non virulent. Les bactéries du choléra des poules sont libres, tandis que les cocci ont été englobés. 24) iv - NS 152 ; Mhésn bn À cer à bé, Se à und ri nadia var y FA A ST sin #2) 5e À ANS) COM NAT 7 OT PIE PE PR PUS PEROU RE re ET EM A Le NOTE SUR L'INFLUENCE DES MICROBES DANS LE DÉVELOPPEMENT DES TÉTARDS Par Mme O. METCHNIKOFF (Travail du laboratoire de M. Metchnikofr.) On s’est demandé depuis longtemps quel est le rôle des microbes non pathogènes dans le canal intestinal. M. Pasteur supposait qu'ils sont indispensables à la digestion complète des aliments. Mais les premières expériences à ce sujet ne furent faites que beaucoup plus tard par Nuttall et Thierfelder sur des cobayes, et par Schottelius sur des poussins. Extraits aseptiquement par opération césarienne, élevés et nourris a l'abri des microbes, les cobayes grandirent et augmen- tèrent de poids, seulement un peu moins que leurs témoins. Mais les conditions de stérilité absolue étant très difficiles à maintenir pendant longtemps, les cobayes furent sacrifiés après treize jours. On constata leur stérilité parfaite, intérieure et extérieure. Nuttall et Thierfelder conclurent de cette expérience que les mammifères peuvent vivre et utiliser leurs aliments sans le concours des microbes. Schottelius obtint un résultat diamétralement opposé. Ses poussins, élevés dans des conditions d’asepsie complète, n’aug- mentaient pas de poids, et tombaient dans un tel état de faiblesse et de maigreur, qu'il dut les sacrifier au bout de dix-sept jours. Eux aussi se montrèrent parfaitement stériles. Schottelius en déduisit que les microbes sont indispensables à la vie des jeunes oiseaux. Voici donc deux séries d'expériences, faites avec le plus grand soin, et qui pourtant donnent des résultats opposés. Ce désaccord peut s'expliquer par la différence de l’action microbienne sur les diverses espèces. Ainsi l’on sait qu'il existe des animaux, par exemple les mites, auxquels les microbes ne sont pas nuisibles, mais au contraire servent d’aliment. Il se peut aussi que les matières désinfectantes, employées 632 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. par Schottelius pour stériliser les œufs, ont pu diminuer la résistance et la vitalité des poussins qui en sortaient. Enfin la complexité matérielle de ces expériences ne permet pas de les poursuivre assez longtemps. C'est pourquoi 1l était nécessaire de tourner la difficulté en s'adressant à un animal dont les conditions d'organisation et de vie permettent de simplifier les manipulations expérimentales. M. Metchnikoff s'arrêta au tétard de grenouille (Rana temporaria), et me chargea d’exécuter l'expérience suivante: Les œufs de grenouilles sont fécondés extérieurement. On n'a done pas la ressource de les obtenir stériles dès le début. Mais ils ont une épaisse enveloppe muqueuse qui protège le vitellus et l'embryon du milieu ambiant. Il s’agit donc de débarrasser l'embryon de son enveloppe impure et de le transporter aseptiquement en milieu stérile. Le tétard vit dans l’eau et se nourrit de pain. Il est done très facile de stériliser à 120° un peu de pain dans des ballons et de les remplir ensuite d’eau stérilisée !. Il est un peu plus difficile d'obtenir l'embryon à l’état pur. L'enveloppe muqueuse présente deux couches que facilement on désagrège. La surface de la couche externe est recouverte de microbes et d'algues. Souvent cette flore s’insinue même dans la profondeur et parvient jusqu'à la surface interne de cette couche, Les algues y forment alors un transparent vert. La couche interne de l'enveloppe muqueuse n’est évidem- ment pas un bon milieu de culture, soit parce qu’elle est plus imperméable, soit parce qu’elle contient des sucs microbicides, car on n y observe de végétation qu'aux points de contact avec la couche externe. Afin d'éliminer autant que possible les microbes superficiels, on rince les œufs dans de l’eau stérilisée, puis on les met sous un courant d’eau, traversant un filtre Chamberland. On les y laisse jusqu’à ce que l'embryon devienne mobile, ce qui prouve qu'il est prêt à sortir de l’œuf. Alors on transporte les œufs un par un dans des vases d’eau stérilisée, où on les lave encore. Puis, avec des aiguilles flambées, on désagrège les membranes de l'œuf et l’on transporte l’embryon aussi rapide- 1. L'eau ne doit pas être ajoutée avant la stérilisation, car le pain, désagrégé par l’ébullition, troublerait le liquide. NUTRITION DES TÉTARDS. 633 ment que possible, à l'aide de pipettes stérilisées, dans une série consécutive de vases d’eau stérile où on les lave encore. Après cela on les met dans les ballons de culture, et on les y laisse jusqu à la fin de l'expérience. Le développement des tétards, stériles ou non, mais nourris exclusivement de pain, était toujours beaucoup plus lent que dans les conditions normales, Ainsi les plus gros tétards, soit parmi les témoins, soit parmi ceux qui étaient élevés avec du pain, mais dans des vases plus grands que mes ballons et plus librement ouverts, ne présen- taient au bout de 80 jours que de tout petits rudiments des pattes postérieures. Dans les conditions normales, la transforma- lion totale est presque accomplie au bout de ce temps. Cette différence doit, évidemment, tenir à l’espace, à la nour- riture et à l’aération. Mais ceci n'importe point, car seule la comparaison entre les tétards stériles et leurs témoins nous intéresse ie. Un grand nombre de tétards meurent dès les premières heures ou jours, soit parce qu'ils ont été enlevés de l’œuf avant terme, soit qu'ils ne résistent pas à la culture de microbes, importés avec eux, malgré les précautions prises. Une autre partie des tétards se montre impure dans un délai plus ou moins long. Ceux-ci serviront de témoins. On obtient cependant des tétards complètement et définitivement stériles. L'eau de leurs ballons reste tout à fait transparente, quoique après quelque temps elle finisse par se troubler si on l'agite. Cela est dû à la macération du pain et aux excréments amassés. Mais les ensemencements faits de temps en temps avec ces derniers et avec l’eau démontrent leur stérilité absolue. Sur les 80 tétards transportés dans les ballons, 31 moururent dans les premiers jours ; 42 ont donné plus ou moins vite des cultures microbiennes, et 7 seulement sont restés stériles. Tous, stériles et témoins, ont fini par mourir au plus tard après 19 jours. Mais la mortalité était beaucoup moins forte parmi les tétards stériles. Ainsi 5 sur 7 de ceux-ci vécurent au delà de 63 jours. Sur les 42 témoins, 7 seulement atteignirentou dépassèrent ce terme. Évidemment un milieu contenant des déjections, et de plus une flore microbienne avec ses produits, n’est pas favorable à la vie. 634 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Malgré cela les témoins non stériles grandissent et augmen- tent de poids considérablement plus que les tétards stériles. Les dimensions et poids individuels des témoins sont assez variables, mais en général très nettement au-dessus de ceux de tous les tétards stériles. Ainsi la moyenne du poids de ces derniers est de 25 mgr., et celle de leur longueur 15,5. La moyenne du poids des témoins est de 142 mgr., et celle de leur longueur de 26,5, La dimension des tétards témoins est en rapport avec les époques variées de l'apparition des microbes dans leurs cul- tures. Ainsi ceux qui restèrent stériles pendant 38 jours et vécurent 67 jours avaient 17 m. m. et pesaient 35 m. gr. DRE = 69 Æ RE Te = Bi RREE = 67 2 CL AMOR Ze En Tes 67 oi DES Re es LE FÉES — 30 à 75 Le aGdperr — "80-4250 2e Parmi les tétards stériles les plus âgés, celui de 79 jours avait 15 m. m. et pesait 25 m- gr. 72 — 16 — — — 69 — 17 — — 3 — 67 — 15 _ — — 65 — 14 — — 20 — 46 — 15 — —— 201 — Ainsi le poids et la dimension maxima des tétards stériles correspondent au poids et à la dimension minima des témoins. On peut donc affirmer que les microbes sont nécessaires à la vie et au développement des tétards. Pour le moment nous sommes obligés de nous borner à ce résultat, car la saison des têtards est passée. Mais il reste à élucider tout le mécanisme de l'influence microbienne, et à apporter bien des améliorations à l’exécution de l'expérience. Tout ceci doit être remis à la prochaine ponte d'œufs de gre- nouilles. 1. Il n’est pas toujours possible de prendre le poids, car la macération se fait très vite après la mort et le cadavre s’imbibe d’eau Essai 0e chssifcalion des TÉDEXES DON DéIVEUX Par JEax MASSART Professeur à l'Université de Bruxelles, assistant à l’Institut botanique. SOMMAIRE Page Pages 1. — GÉNÉRALITÉ DES RÉFLEXES NON DROITE NE EE 647 NERVEUX... {.:= EME PAL 2 636 e). Ondes hertziennes........ 647 IT. — ANALYSE D'UN RÉFLEXE NON Pelé MEN ENMEN 647 NERVEUNEE Le mener pol 637. g). Pression osmotique....... 647 A. Phases du réflexe... .... ASE: 637 3. Excitants chimiques......... 648 B. Durée etintensité despériodes. 639 Excitants non définis....... 648 4. Excitation (et sensation)... 639 ONOSYÉRES IE TE M 648 a). Seuil de durée et seuil d'in-. 6). Ailcalis et acides..:.....:2. 648 CETSTEO ER ER CORPS Ce 640 cheNarcotiques ter, ee 649 b). Comble de durée et comble C7 AE D RE MN TE EPL 649 dinlensiér ire esse ne 640 | IV. — NATURE DES RÉACTIONS ...,.., 650 ec) Rebroussement:::. 7 640 A. Réactions préparatives, ou 2. Conduction et réaction. ..... GAL CONUS TTC SN SE Hs RODU a). Temps de latence....... ne 042 B., Réactions modificatives ..... 653 b). Temps de riposte.:....... 642 1. Modifications qualitatives, ou c). Intensité de la riposte.... 642 TIDOSTES LR Ce outre 655 8. Temps de mémoire.......... 642 1° Ripostes formatrices ........ 655 III. — NATURE DES EXCITANTS...... 642 AN MÉTISMÉ RS Re ne 656 + A. Excitants internes.........: 643 GRENCISIM ET ne eme DR 656 ÉTANG TR en RRNrnre 2 4 ARIDOSTESSMOITICES Re 656 LEO IN GT RS En 644 G\ABÉplacemMeENntsere CE 657 Excitants non définis........ (644 ON C CLIS ER ROME 657 a). Influence du sommet ,..., 644 GIRÉHETDISMeE "0eme 657 D} LPOIATIÉS. rt DE 644 + APROBISME 2, error 658 Ch AECREBL SL Een mn Le 64% Ole PEORéISMeE 5.2 02 2e Den 658 B. Excitants externes .......... 645 b). Mouvements angulaires..... 658 1. Excilants mécaniques........ 645 1. Ripostes orientées par rap- de Grant tions" Een ve 645 port à l’excitant externe...... 659 b). Courant liquide........... 645 Ge Das 7 RL 659 c).-GomMmpression. 57. 645 6 1Aropismmer CREER 659 dJACONtACHE RER EE Re. 645 lStrophismes SF Feu. 659 CHOECOUSSERS, Eros smtercitieeine - 646 2. Ripostes orientées par rap- he DRECHON Tr cReseuse 646 DONÉAUICONDS RER Ter 659 2. Excitants physiques ......... 646 )'ACMISMERS ER or 659 QG} LUI PEER. 646 61: Nastismer AA ane 660 BX. Obseunités rue 646 ThRHÉNGISMER UE ARRET . 660 choGhatenr respire 647 3 Ripostes chimiques...,...... 660 636 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. ? Pages Pages 4o Ripostes diverses............ 666 CJADONOSES PERS cr LR 663 x) MPhOtISME recense 666 NAAUROSE 2 ANSE CAE 663 6) 2Bolisme er tLerereirecer 666 Dolichose 2er 663 +): 2SphyYSDISMEr ARE RCE 666 PEChYNOS EEE PAODE 2. Modifications quantitatives, 5): :Morphose RCE ne 664 ouAnterferences se brene 661 | V. — DIRECTION, SENS ET LOCALISA- 4° Interférences subies par les TION “DES RÉACTIONS Scene 665 PIDOSLES ete ne PeRe CE 662 A. Orientalion par rapport à 2° Interférences subies par les J'excrtantiextenne 27e nrr 665 réactions élémentaires......, 662 B. Orientation par rapport au DMC SE AE ERA ee 662 COLPS PR Er Ce ETC CU 667 BÉERheRMoser ss er ete 662 | VI. — INTENSITÉ ET VITESSE DES Ve RÉlec rose rer Mn 662 RÉACTIONS MP CC 667 d APÉLANOSE ere ere 663 VII. — QuELQuEs TERMES GÉNÉRAUX. 668 EST DNOSE ERP CREER 663 Tout acte qui se passe dans le protoplasme vivant d’un organisme peut être envisagé au moins sous deux aspects différents : d’une part, on peut considérer dans le phénomène le côté chimique, et étudier les changements matériels qui lui apportent la force nécessaire à son accomplissement, — et d’autre part, on peut l'examiner au point de vue de l’irritabilité, rechercher vis-à-vis de quelle excitation il est une réaction. Ce second côté de toute question physiologique est presque tou- jours négligé par ceux qui s'occupent de la partie chimique, comme s'ils oubliaient que rien dans l'être vivant n’est spontané, — que toute modification, si légère soit-elle, a été provoquée par une excitation, et rentre, par conséquent, dans le domaine de lirritabilité, — en un mot, que tout acte protoplasmique est un réflexe élémentaire, réduit à sa plus grande simplicité. I. — GÉNÉRALITÉ DES RÉFLEXES .NON NERVEUX. Chez les Métazoaires, il existe un appareil particulier qui a pour objet de relier les diverses parties de l'organisme et d'établir ainsi la connexion entre les endroits d’où vient l'excitation et ceux qui doi- vent produire la réaction. Mais le système nerveux ne régit pas l’irrita- bilité de toutes les cellules des Métazoaires. Les cellules libres (leuco- cyles, spermatozoïdes, cellules migratrices du tissu conjonctif) n’ont aucun rapport avec lui. D'ailleurs, il s’en faut de beaucoup que le sys- tème nerveux ait la direction générale de tout ce qui a lieu dans les cellules auxquelles il se relie : il ne régit jamais que les actes les plus grossiers (contractions, sécrétions glandulaires, etc.), et il ne renseigne l'animal que sur les modifications les plus brutales du monde exté- rieur (lumière, son, chocs, etc.); tout ce qui est délicat se passe de ESSAI DE CLASSIFICATION DES RÉFLEXES NON NERVEUX. 637 son aide : les cellules se divisent, se développent et prennent leurs caractères spécifiques, l'endothélium vasculaire englobe {es microbes et les digère, sans que l'appareil nerveux ait à intervenir en quoi que ce soit. Ajoutons qne les nerfs n’apparaissent pas chez les animaux dès les premières segmentations de l'œuf; ainsi, les gastrula d'Échino- dermes en sont encore complètement privées, alors qu’elles nagent déjà librement et doivent donc se guider à travers le monrle extérieur. En somme, les réflexes nerveux sont l'exception, même chez les animaux supérieurs ; si la plupart des physiologistes leur accordent une préférencesi marquée qu’ils ne veulent connaître qu'eux, c'est uni- quement parce que leurs effets sont plus apparents. Enfin, à côté des Métazoaires où les réflexes nerveux accaparent d'ordinaire toute l'attention, il y a la foule des organismes inférieurs (Schizophytes, Flagellates, Infusoires, Rhizopodes, ete.) et des végétaux, chezlesquels les réflexes non nerveux existent seuls ‘. Le domaine des réflexes non nerveux, quelque étendu qu’il soit, a pourtant des frontières bien définies. Et l’on se demande pourquoi M. Lors (1890 et 1891)? et son école s'efforcent d’y introduire, par un véritable abus de langage, des choses qui ne ressemblent en rien aux purs et simples phénomènes d'irritabilité. Quel peut bien être l'avantage de désigner par le même mot « tropisme » des réactions aussi distinctes que les déplacements qu'exécutent les Insectes pour se rapprocher de la lumière, et la courbure par laquelle un Phycomyces (Champignon) dirige son extrémité vers l’excitant lumineux ? N'’est-il pas évident qu'il n’y a rien de commun entre la longue suite d’actes nerveux qui amènent la locomotion de l’Insecte, et les modifications protoplasmiques qui se passent dans le mycélium du Champignon. La science n'a rien à gagner à de pareilles assimilations ; elles reposent sur des confusions volontaires de termes et apportent avec elles la confusion dans les idées. IT. — ANALYSE D'UN RÉFLEXE NON NERVEUX. A. PHASES DU RÉFLEXE. — Un réflexe, même le plus simple, est encore beaucoup plus compliqué qu’il ne le paraissait au premier abord. Dans aucun cas bien étudié, on n’a constaté que les mêmes par- ticules protoplasmiques pouvaient à la fois recevoir l'excitation et manifester la réaction, Ainsi, chez la plupart des organismes unicellu- 4. C’est, à ma connaissance, M. ErRerA (1894) qui a le premier défini les phé- nomènes d'irritabilité végétale : des réflexes sans nerfs. 2. La bibliographie, rangée par ordre alphabétique, est réunie à la fin de Particle. 638 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. laires verts (Flagellates, zoospores d’Algues) la lumière est perçue par le stigma, tandis que c’est par les battements des fouets que l’axe du corps est orienté parallèlement à la lumière; il y a donc eu trans- mission de l'excitation, depuis le stigma jusqu'aux fouets, par une voie encore inconnue (ENGELMANN, 1882). La chose est bien plus complexe, lorsque l’excitation vient de l'intérieur. Prenons, par exemple, le cas suivant : beaucoup de plantes donnent des tiges verticales qui continuent à s’allonger fort longtemps, sans se ramifier, pourvu que le bourgeon terminal soit intact. Dès que le sommet est détruit, les bourgeons axillaires se développent. Le même résultat s'obtient sur une tige encore pourvue de son sommet, mais à laquelle on fait une annélation (c’est-à-dire qu'on lui enlève, sur une hauteur de 4 centimètre environ, tous les tissus superficiels, de façon à ne laisser que le bois) : les bourgeons situés sous l’annéla- tion se mettent aussitôt à pousser. Cette expérience montre que le bourgeon terminal émet une excitation qui empêche la croissance des bourgeons latéraux ; dès que l’excitant n’est plus émis (décapitation), ou dès qu’il ne peut plus parvenir aux bourgeons axillaires (annéla- tion), ceux-ci se réveillent tout de suite. — D’autres expériences, dont il serait trop long de donner le détail, indiquent que lexeitation n’ar- rive pas directement aux bourgeons latéraux, mais qu'elle est reçue d'abord par un organe sensitif, qui transmet ensuite la sensation aux organes capables de produire la réaction. Nous avons donc dans le réflexe inhibiteur que nous venons d’examiner les cinq phases que voici : Excitation. — Conduction de l'excitation. — Sensation. — Conduction de la sensation. — Réaction. Dans les cas plus simples, où lexcitation vient du dehors, les deux premiers termes sont supprimés et le réflexe non nerveux ne comprend que trois phases : … Sensation. — Conduction de la sensation. — Réaction. Le réflexe, tel que nous venons de l’analyser, est réduit à une trop grande simplicité. En effet, il est certain que chacune des cinq phases comprend encore une infinité de modifications protoplasmiques non perceptibles. La transmission de l’excitation ou de la sensation n’est certes pas une simple conduction physique; sa lenteur fait supposer qu’elle est accompagnée de changements chimiques nombreux, corres- pondant à autant de petites réactions élémentaires. Nous ne connais- sons pas davantage ce qui s’accomplit dans le protoplasme au moment où l'excitation est perçue et devientune sensation, ni la chaine ininter- rompue de modifications qui conduisent plus tard à la réaction finale, ESSAI DE CLASSIFICATION DES RÉFLEXES NON NERVEUX. 639 Nous aurons, du reste, à revenir encore plus loin sur cet inextricable écheveau de transformations protoplasmiques. Bornons-nous pour le moment à dire qu'un premier pas a été fait dans la voie de l’analyse intime de ces phénomènes, par M. Czavek (1898) : il a vu que la pointe de la racine, aussitôt après l'excitation, contient une plus grande quantité de substances oxydables aromatiques, tandis qu'il y a dimi- nution des substances qui transportent l'oxygène (zymases oxydantes). B. Durée Et INTENSITÉ DES PÉRIODES. — Supposons maintenant un réflexe provoqué par un excitant externe bien maniable, et terminé par une réaction à caractères nets, dont nous pouvons facilement déter- miner le commencement et la fin, et mesurer lintensité. Nous pren- drons, par exemple, la courbure qu'exécute la racine sous l'influence de la gravitation ou de la force centrifuge (Czarek, 1895, 1, et 1898), ou bien la courbure d'une tige éclairée d’un seul côté (Wissxer, 1878, 1880). Faisons remarquer tout d’abord que nous allons mesurer la durée et l’intensité. Nous devrons donc subdiviser le réflexe en périodes à limites tranchées, sans plus faire attention aux phases, que nous avions non pas constatées, mais simplement imaginées. Comme nous ne pou- vons pas distinguer, «) la transmission de l'excitation, b) la sensation, et c) la transmission de la sensation, nous serons obligé de mesurer en une fois tout le temps qui s'écoule entre la fin de l'excitation et le début apparent de la réaction ; encore ce « temps de latence » comprend-il les premiers changements qui s'accomplissent dans l'appareil réaction- nel, avant le moment où la réaction se manifeste à nos sens. 1. Excitation (et sensation). Il doit être bien entendu que si nous nous attachons à l'étude de l'excitation, c'est parce que nous ne parvenons pas à atteindre la sen- sation. En réalité, ce qui intéresse l'organisme, ce qui provoque la réaction, ce n’est pas l'excitation, c'est-à-dire le changement opéré dans le milieu, c’est uniquement le trouble que l’excitant apporte au protoplasme. Mais la sensation se dérobe à nos moyens de recherche, et faute de pouvoir étudier la perturbation protoplasmique, nous sommes bien forcés de nous contenter de ce qui en est la cause immédiate, Bien rares sont les cas dans lesquels nous pouvons séparer, füt-ce grossièrement, l’excitation et la sensation. En voici un : les Nocti- luques (Flagellates), lorsqu'elles s’illuminent dans les vagues et rendent la mer phosphorescente, réagissent non vis-à-vis de lagitation de l'eau, mais envers la déformation que subit la cellule. La preuve en est que l'émission de lumière se manifeste quand on déforme la cellule doucement, sans la moindre secousse, — alors que tout reste sombre 640 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. lorsqu'on fait vibrer fortement le liquide où se trouvent les Flagellates (MASSART, 1893). a). Seuil de durée et seuil d'intensité. — Pour que l’excitant agisse, ilne suffit pas qu'il ait certaines qualités sur lesquelles nous revien- drons plus loin, il faut encore qu’il dure un minimum de temps et qu'il ait un minimum d'intensité. On donne à ces valeurs minimales le nom de seuils. Il est essentiel de distinguer le seuil de durée du seuil d'intensité, Une plante qui est exposée un court instant à une lumière, même très forte, ne réagira pas; de même, on a beau soumettre une racine pendant un temps indéfini à une force centrifuge inférieure à 0,001 g, rien ne se produit, b). Comble de durée et comble d'intensité. — Existe-t:l un maximum de durée au delà duquel l’excitant cesse d’être efficace, où un maxi- mum d'intensité que l’on ne peut dépasser sous peine de voir l'excitant rester sans effet? Certes, on constate souvent que des organismes qui ont plusieurs fois de suite, et à de courts intervalles, réagi vis-à-vis d’un excitant déterminé, perdent peu à peu la faculté de réagir; mais il ne faut sans doute incriminer que la fatigue, puisque ces mêmes individus, presque épuisés, réagiront de nouveau si on renforce l’exci- tation. Ainsi, des Nocliluques qui ont cessé d'émettre de la lumière après un grand nombre de petites secousses, s’illumineront si la secousse est notablement plus forte. Quant au comble d'intensité, ii semble que logiquement on doive l’admettre : il en est sans doute des phénomènes d'irritabililé comme de tous les autres actes vitaux : ils ont un mäini- mum, un optimum, un maximum (ErrEerA, 1896). Seulement, la déter- mination du maximum est rendue difficile, ou même impossible, par ce fait que l’excitant produit encore son effet accoutumé, à une inten- sité où il est déjà nuisible au protoplasme. Les Paramaecium (Infu- soires), par exemple, se dirigent encore vers la cathode lorsque déjà leur corps commence à se désagréger sous la force du courant élec- trique (LupLorr, 1895). c). Rebroussement. — Depuis le seuil d'intensité jusqu’à l'intensité pernicieuse, l'efficacité de l’excitant augmente-t-elle d'une façon con- tinue? On pourrait ciler pas mal de faits qui sont en harmonie avec cette idée. Ainsi, le Polytoma Ulvellu (Flagellate) est très sensible au carbonate de potassium : une solution qui en contient 0:',00691 0/0 (3/100,000 de mole) les attire déjà nettement; l'excitation devient de plus en plus forte à mesure que la concentration augmente, jusqu’à ce qu’elle soit telle que l'organisme y meurt instantanément (solution à 140 0/0). Mais d’autres organismes se conduisent d’une façon plus raisonnable : beaucoup d’êtres inférieurs marins (Bactéries, Flagellates, Infusoires), placés dans les solutions hypotoniques par rapport à l’eau de mer, se dirigent vers une solution plus forte; si la ESSAI DE CLASSIFICATION DES RÉFLEXES NON NERVEUX. 641 solution devient hypertonique, on les voit aussitôt rebrousser chemin de façon à rester toujours dans une solution qui exerce la même pres- sion osmotique que leur milieu habituel (MAssarr, 1891, 1). De même, à une lumière faible, beaucoup de Flagellates verts et de zoospores d'Algues s’orientent avec le bout antérieur vers la lumière; quand l'intensité est forte, ils lui tournent le bout postérieur : les mouvements de natation vont maintenant déterminer la fuite des organismes. Ceux- ci ont donc une tendance à se diriger vers une lumière de force moyenne (STRASBURGER, 1878). Autres exemples : les Paramaecium (Infusoires) fuient les températures trop basses et les températures trop hautes (MexpeLssouN, 1895) ; les Bactéries aérobies recherchent une ten- sion d'oxygène moyenne. Dans tous ces divers cas, le sens dans lequel se fait la réaction est déterminé par l'intensité de l’excilant : à mesure que celle-ci s'élève, la réaction augmente jusqu’à un certain degré au- delà duquel elle diminue ; en un point précis, la réaction fait défaut; dès qu'on l’a dépassé, elle reparaît, mais en sens inverse : il y a eu rebroussement.Contrairement aux exemples précédents, chezle Volvo (Flagellate), c'est la durée de l'excitation qui provoque le rebrous- sement : les individus frais et n’ayant jamais été excités par le cou- rant électrique vont vers la cathode; après un certain temps d’action, ils se retournent et orientent maintenant leur pôle antérieur vers l’anode (CarLGRENX, 1899). On pourrait encore citer quelques autres exemples d'organismes qui sont capables de discerner eux-mêmes l'intensité d’excilant qui leur convient le mieux, et qui cessent de réagir quand ils se trouvent à cette intensité optimale. Toutefois le nombre de ces cas resterait tou- jours très faible, et nous sommes loin du caractère de généralité que M. Verwonx (1900) attribue à ce phénomène. 2. Conduction et réaction. Les psychologues ont donné le nom de temps de réaction au temps qui s’écoule entre l'excitation et la réaction, Quand il s’agit de réflexes non nerveux, ordinairement plus lents que les manifestations étudiées par les psychologues, on peut souvent distinguer un premier temps pendant lequel rien ne se montre au dehors (femps de latence), et un second temps pendant lequel la réaction visible s’accomplit. Comme ce dernier temps n’a de limites précises que pour le genre de réactions que nous distinguerons plus loin sous le nom de riposte, nous l'appel- lerons temps de riposte. a). Temps de latence. — Diverses expériences montrent que le temps de latence est modifié par la durée d’excitation et par l'intensité d'ex- citation. Les chiffres donnés par M. Czarek (1898) pour le géotropisme des racines de Lupin sont tout à fait démonstralifs, 4 642 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. b). Temps de riposte. — 11 ne semble pas être dépendant de l’excita- tion qui a provoqué la réaction, mais il est très fortement influencé par tous les excitants qui produisent des interférences (voir plus puis avec la riposte en voie d’exécution. c). Intensité de la riposte. — Elle suit la loi de Weber, bien connue. 3, Temps de mémoire. Il y a encore un dernier temps dont il importe de dire un mot. C’est le temps pendant lequel l'organisme conserve la mémoire d’une sensation envers laquelle il n’a pas pu réagir. Supposons une racine couchée horizontalement; elle va courber sa pointe vers le bas. Mais si la racine est incluse dans du plâtre, cette réaction ne pourra pas s'effectuer. Après une suffisante durée d’excitation, on soustrait la racine, ainsi engypsée, à l'influence directrice de la pesanteur (il suffit de la faire tourner sur un clinostat à axe horizontal). Après quelques heures on libère l’organe tout en le laissant sur le clinostat, et l’on constate que, malgré le temps considérable qui s’est écoulé, la racine a conservé la mémoire de la sensation, puisqu'elle effectue maintenant sa courbure (CzaArek, 1898). IT. — NATURE DES EXCITANTS. Dresser la liste des excitants qui mettent en jeu l’irritabilité des organismes privés des nerfs, c'est en somme dresser la liste de leurs sens. On verra que cette énumération est beaucoup plus longue qu’on ne l'imagine d'ordinaire. On divise généralement les excitants en internes et externes. Rien n’est plus subtil, dans certains cas, que cette distinction. Lorsqu'un leucocyte est attiré par les substances qui diffusent hors d’une cellule en voie de désorganisation, — lorsqu'il est excité par le contact de l’endothélium des capillaires et qu'il se glisse dans l’interstice des cel- lules, il réagit vis-à-vis d’excitants qui sont externes pour lui, mais qui sont internes pour l’animal entier. Comment appellera-t-on l’exci- tant vis-à-vis duquel réagissent les cellules d’un jeune embryon d’Astérie, lorsque, après avoir formé un amas au centre de l’œuf (morula), elles se disposent toutes à la périphérie en une couche uni- que (blastula), réaction dans laquelle chaque cellule répond à des excitations que lui envoient ses voisines? Il n’y a pas de différence réelle entre ce qui se passe pour les cellules de cet embryon, et ce que nous avons appris à connaître pour les cellules des bourgeons axillai- res qui, elles aussi, reçoivent leurs excitations d’autres cellules, même plus éloignées. h. «Lit Rèe (fi ; à AE EE 5 Sd L À LÉ ESSAI DE CLASSIFICATION DES RÉFLEXES NON NERVEUX, 643 Il vaudrait peut-être mieux réserver le nom d’excitants internes à ceux qui, nés dans une cellule, déterminent la sensation et la racétion de la part d’autres organelles de celte même cellule. Ainsi, les contrac- tions rythmiques des organismes unicellulaires, la formation des pseudo- podes chez les leucocytes, les mouvements des spermatozoïdes — sont régis, au moins en partie, par desexcilants internes vrais. Mais, d’après cette définition, nous n’oserions donner le nom d’excitants internes qu'à ceux-là seuls dont nous constatons les effets dans des êtres unicel- lulaires, ou bien dans des cellules privées de tout contact, de toute connexion quelconque avec d’autres éléments. Nous devons donc continuer à suivrel’ancienne définition, et appeler excitants internes tous ceux qui dérivent de l’organisme lui-même et dont la nature nous est inconnue, quitte à les assimiler aux excitants externes au fur età mesure que, nos connaissances se précisant, nous parviendrons à déterminer leur nature. Ainsi, nous savons que ce sont des substances chimiques qui guident les phagocytes vers les vieilles cellules; pourquoi alors hésiterions-nous à classer cette excitation auprès des autres excitations chimiques? Quelle raison y aurait-il de la laisser dans le « coin des réprouvés », où nous cachons les excitants internes trop peu connus ? Encore une remarque, relative à la terminologie. On a l'excellente habitude de désigner par un mot composé le réflexe tout entier. Ainsi, phototaxisme signifie : taxisme provoqué par la lumière; chimiotro- pisme signifie: tropisme provoqué par une substance chimique. Pour chaque excitant j'indiquerai (entre parenthèses) le terme par lequel on pourrait désigner l’excitant dans le mot composé qui repré- sente le réflexe complet. Le plus souvent je n’ai qu’à prendre le mot usuel ; parfois, quand il s’agit d’excitants qui n’avaient pas été nom- més auparavant, il faudra introduire un terme nouveau. A. ExciTaNTs INTERNES. — Ces excitants sont fort difficiles à clas- ser: nous n’avons pas la plus petite notion sur leur nature réelle. Aussi devons-nous nous contenter de les diviser en deux groupes : le premier comprenant ceux qui dépendent de L'âge ; le second, ceux qui dépendent de la forme des organes. 4. Age (Chrono-). — Beaucoup de phénomènes ne se passent qu’à un certain moment de la vie : ils sont donc provoqués par des excita- tions qui n'existent qu'à cet âge précis. Souvent, par exemple, la posi- tion des feuilles varie avec leur Age ; le cas le plus typique est celui de Yucca (Wepser, 1895) où les feuilles, d'abord dressées s’étalent 644 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. progressivement et finissent par diriger leur pointe vers le bas. Un autre exemple caractéristique de l'influence de l’âge est fourni par les vrilles des Bryonia et d’autres végétaux grimpants : celles qui n’ont pas saisi de support, et qui n’ont donc pas été excitées du dehors, s'enroulent néanmoins en tire-bouchon dès qu’elles sentent approcher la vieillesse. 2, Forme (Morpho-). — Toutes les innombrables réactions qui règlent les phases embryonnaires et les positions réciproques des organes sont évidemment provoquées par des excitants internes, dont les uns sont relatifs à l’âge, — les autres, à la forme préexistante. Mais ces choses sont encore trop vagues pour qu'on puisse faire à leur sujet autre chose que des hypothèses. Tout au plus peut-on indiquer quel- ques excitants internes dont l’origine est plus facile à localiser. a). Influence du sommet (Acro-). — Nous avons déjà cité l’action inhibitrice que le sommet de la tige exerce sur les bourgeons axil- laires. Un effet analogue se retrouve dans les racines : aussi longtemps que la pointe de la racine principale est intacte, les racines latérales sont horizontales ou obliques (Sacus, 1874); décapite-t-on la racine principale, tout de suite les racines secondaires se courbent vers le bas. b). Polarité (Polo-). — Les plantes présentent le pius souvent une polarité telle que chaque portion d'organe, quelque courte qu’elle soit, parait distinguer son extrémité proximale et son extrémité distale (VücarinG, 1875, 1884, 1892). De quelque façon qu’on oriente des boutures de rameaux de Saule, qu'elles soient mises en terre par le haut ou par le bas, elles produiront toujours les racines les plus vigou- reuses au bout proximal (c’est-à-dire celui qui était tourné vers les racines) et les plus forts bourgeons au bout distal. De même, sur des boutures de racines de Monstera deliciosa (Aracée), les nouvelles racines se développent près de l'extrémité distale. Dans ces divers cas, l'organe réagit vis-à-vis d’une polarité qui lui est propre. c). Arcure (Campto-). — Quand un organe végétal qui s’est courbé, par exemple, sous l’action de la pesanteur, est soustrait à l’excitant avant que l’arcure soit définitivement fixée, on voit que celle-ci s’efface complètement. La portion arquée a donc donné naissance à une excitation envers laquelle l’organe a réagi en se redressant. M. VücurixG (1882) avait donné à ce phénomène le nom de rectipétalité. L’arcure peut avoir aussi des effets plus tardifs. Sur une racine droite, les racines latérales se forment d’une façon égale sur toutes les faces. Quand la racine est arquée, elle émet une excitation inhibitrice qui empêche le développement de toutes les cellules rhizogènes situées sur la face concave (Nozz, 1900 1), Elle produit aussi un excitant qui déter- 1. L'ensemble des expériences faites par M. Noll montre bien qu'il s’agit ici ESSAI DE CLASSIFICATION DES RÉFLEXES NON NERVEUX. 645 mine la courbure vers la convexité, des racines nées sur les flancs de la racine arquée, . B. ExcrraNTs EXTERNES. — Les agents externes qui mettent en jeu l'irritabilité des organismes sans nerfs peuvent être classés en trois groupes : les agents mécaniques, les agents physiques, les agents chimiques. 1. Excitants mécaniques. Ce groupe comprend tous ceux qui, agissant d’une façon directe, tendraient à déplacer l’organisme. M. Verwonx (1900) réunit sous le nom de barotaxie toutes les réac- tions provoquées par une action unilatérale de la pression; il distingue la thigmotaxie, la rhéotaxie et la géotaxie; il se base sur l'idée de M. JENsEx (1892) d’après laqueile la gravitation, au moins chez les orga- nismes inférieurs aquatiques, agit par les différences de la pression hydrostatique. Cette idée est probablement fausse. a). Gravitation (Géo-). — Dans cette rubrique rentre aussi la force centrifuge, qui agit exactement de la même façon que la pesanteur. Ainsi, les racines se courbent vers la terre (elles suivent le sens de la pesanteur); elles se courbent aussi vers le dehors du plateau animé d’un mouvement circulaire, c'est-à-dire qu’elles suivent ici aussi le sens de la force. Des recherches récentes ont rendu probable l’idée d’après laquelle la gravitation serait perçue par les cellules, grâce à la pression qu’exerce sur le protoplasme pariétal la chute des grains plus denses contenus dans les cellules (Némec, 1900, et HABERLANDT, 1900). b). Courant liquide (Rhéo-). — Beaucoup d’organismes sont sensi- bles aux courants du liquide dans lequel ils se trouvent (Jüxssox, 1883, et SraxL, 1884*). c). Compression (Piézo-). — Une compression générale peut agir comme excitant (Preerrer, 1893) : la plante s’efforce de croître malgré la résistance qu’elle rencontre et elle exerce alors une pression qui peut s'élever à une douzaine d'atmosphères. d). Contact (Hapto-‘). — I faut éviter de confondre la compression générale avec la pression nettement localisée, chez laquelle l'excitation est déterminée, non par la pression proprement dite, mais, comme l'a montré M. Prerrer (1885), par la différence de pression que supportent des points voisins : ainsi les racines, qui réagissent vis-à-vis de la d’une excitation inhibitrice sur les cellules de la face concave et non, comme il Padmet, d’une action favorisante sur les cellules de la face convexe. 4. Il est plus logique de conserver le terme hapto qui date de 1884 (ERRERA), tandis que le terme /higmo ne date que de 1889 (Verwonw, 2). ‘646 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. compression générale par une énorme augmentation de la croissance, exécutent au contraire vis-à-vis d’un contact une courbure qui les éloigne de l’excitant (Darwin, 1882). L’excitabilité par contact est très répandue : sous l'action d’un contact, les vrilles des plantes grimpantes se courbent, les Noctiluques s’illuminent, les filaments des Polyporus (Champignon) arrêtent leur croissance, les Spirilles s’immobilisent et s’aplatissent contre le corps qu'ils touchent, les leucocytes des Vertébrés poussent leurs pseudo- podes vers l’excitant, les spermatozoïdes d'un grand nombre d’ani- maux et même d'Algues sont guidés dans l’œuf à féconder. La sensibilité tactile est souvent d'une extrême finesse : le frotte- ment avec un fil pesant 0,00025 milligr. suffit à exciter une vrille de Sicyos (Cucurbitacée) (Prerrer, 1885) ; la minime résistance opposée par la tension de la couche superficielle d’un liquide provoque des réactions tactiles de la part des leucocytes (Massarr #r Borper, 1890) et de la part de beaucoup de Bactéries et de Flagellates (Massarr, 1890). e). Secousse (Sio-). — Bien différente de l'excitation produite par le contact est celle que donne la secousse : les vrilles, qui répondent à un attouchement même très faible, subissent sans la moindre réaction les secousses les plus violentes ; d'autre part, la Sensitive réagit beau- coup mieux à un choc qu’à une pression. f). Traction (Elco-) — M. Hxozer (v. Prerrer, 4891) a fait connaître des exemples de plantes qui réagissent vis-à-vis d’une trac- tion : la réaction consiste en un abaissement de la vitesse de crois- sance en longueur et en une multiplication des éléments résistants (fibres, etc.) que contient l'organe. 2. Excitants physiques. Presque toutes les forces physiques peuvent amener des réactions chez les êtes privés de système nerveux; il n’y a d’exception que pour le magnétisme et les rayons X. a). Lumière (Photo-').— L’excitabilité lumineuse est des plus répan- dues : elle existe non seulement chez presque tous les êtres pourvus d’une chromophylle, mais en plus chez un grand nombre d’organismes incolores. b). Obscurité (Scoto-). — Le plus souvent, l’obscurité ne doit pas, comme excitant, être séparée de la lumière; elle agit simplement comme absence plus ou moins complète de lumière. Pourtant il y a quelques cas spéciaux où elle agit comme excitant spécial. Ainsi, dans les cellules à plastides vertes des végétaux, les plastides prennent à l'obscurité une position différente de celles qu’elles occupent à la 1. Il paraît préférable d'employer toujours le terme « photo » pour désigner la lumière, que de dire tantôt « photo », tantôt « hélio.». ESSAI DE CLASSIFICATION DES RÉFLEXES NON NERVEUX, 647 lumière, mais les deux positions ne sont pas inverses l’une par rapport à l’autre (Srauz, 1880), 5 c). Chaleur (Thermo-). — Cet excitant est encore plus universel que la lumière; il détermine directement de nombreuses ripostes, il exerce une influence très marquée sur l’allure et la marche de presque toutes les réactions, enfin il est indispensable pour mettre le proto- plasme en état de réagir. Le plus souvent les réactions sont accélérées à une température moyenne, tandis qu’elles se ralentissent aux tempé- ratures plus hautes ou plus basses, d). Froid (Cryo-). — H y a pourtant quelques cas dans lesquels le froid n’agit pas simplement comme absence de chaleur, mais où il a une action propre. Ainsi, chez Sfylonychia Mytilus (Infusoire Hypotriche), les mouvements ciliaires s’accélèrent aussi bien sous l’action du froid (60) que sous celle de la chaleur (30°); même, pour les cils marginaux, l'excitation par le froid dépasse notablement celle que donne la tem- pérature de 300 (Pürrer, 1900). e). Ondulations hertziennes (Hertzo-). — Le Phycomyces (Cham- pignon) exécute une courbure qui l’éloigne de la source des vibrations (HeGcer, 1891). Les ondulations avaient des longueurs de 0,75 à 2 mètres. f). Electricité (Electro). — Son action sur les végétaux supérieurs est loin d’être suffisamment connue. Quant à son influence sur les organismes inférieurs, elle a été mise en évidence par les travaux de M. Verworx (1889) : beaucoup de Rhizopodes, de Flagellates et d’Infu- soires prennent, sous l'influence du courant, une direction définie, soit vers l’anode, soit vers la cathode. g). Pression osmotique (Tono-°). — Beaucoup d'organismes unicel- lulaires et de végétaux effectuent des réactions variées qui sont pro- voquées par la pression osmotique du milieu, Les réactions consistent en des mouvements et en des modifications de la pression intracellu- laire.: Les êtres inférieurs marins sont le plus souvent excités par les solutions trop fortes comme par les solutions trop faibles (Mas- sART, 1891); chez les plantes, toutes les cellules étudiées ont réagi également vis-à-vis de solutions hypotoniques et vis-à-vis de solu- tions hypertoniques (Van RyssezBerGne, 1899). Contrairement à l'avis de M. Prerrer (1888) et de M. Verworx (1900), 1. M. ar. KLercker (1891) distingue le thermotropisme (réaction vis-à-vis de la chaleur rayonnante), du caloritropisme (réaction vis-à-vis de la chaleur arrivant par conduction). Il est certain que dans l’organisme, — quelle que soit la façon dont la chaleur est parvenue aux cellules, — elle devient intégralement de la cha- leur conduite, Il ne me semble donc pas que la distinction soit justifiée, 2. Il n’y à aucun avantage à conserver les deux termes « électro » et « gal- Yano ». 3. Je ne vois pas l'avantage qu'il y aurait à remplacer le terme ancien « tono », par le terme « osmo » (RornEerr, 1901). 648 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. l'action excitante des solutions n’est pas due aux propriétés chimiques du corps dissous. On peut se demander avec M. Rornerr (1901) si elle ne tiendrait pas à la sortie de l’eau du protoplasme, en d’autres mots, si la sensation qu’éprouvent les cellules quand elles sont baignées par une solution plus forte que la solution habituelle n’est pas celle d'une sortie d'eau à travers le protoplasme; et si, dans les conditions inverses, elles ne sentent pas une pénétration d’eau, Même si la chose était démontrée, si la sensibilité à la concentration devenait un cas particu- lier de la sensibilité aux échanges d’eau, il faudrait pourtant provisoi- rement conserver la distinction entre les deux modes d’excitation (Rorugrr, 1901), jusqu’à ce que l’on puisse, pour tous les excitants, remplacer l'excitation par la sensation. 8. Excitants chimiques. Les excitants chimiques (Chimio-), c'est-à-dire ceux où les caractères chimiques des substances sont seules en jeu, — à l'exclusion de leurs propriétés mécaniques ou physiques, — sont probablement les plus importants de tous pour le fonctionnement régulier de l’organisme. Pour la plupart d’entre eux, nous devons nous contenter d'indiquer la nature chimique de l’excitant, sans pouvoir préciser les détails. Par- fois les corps les plus divers, entre lesquels semble n’exister aucun caractère commun, produisent pourtant les mêmes effets; par exemple, les substances qui provoquent l'attraction des Bactéries (Prerrer, 1888) et celles qui font briller les Noctiluques. Le plus souvent nous ignorons quels sont les corps chimiques qui agissent; ainsi, la division cellulaire chez les Phanérogames blessées se pré- sente avec tous les caractères d’une réaction vis-à-vis de substances chimiques, mais on ignore quelles sont ces substances (Massarr, 1898), Il n’y à que quelques cas dans lesquels une réaction bien définie est provoquée par un seul corps ou par un petit groupe de corps. a). Oxygène (Aéro-). — IL donne des réactions très caractéristiques et pour lesquelles il ne peut être remplacé par aucun autre corps. Presque toujours, quand les organismes sont mobiles, ils se dirigent vers l'oxygène, au moins jusqu’à une certaine tension (ENGEL- MANN, 4881). Pourtant, M. Rorxerr (1901) vient de décrire une Bactérie qui fuit l'oxygène à toute concentration. b). Alcalis (Alcalio-) et acides (Oxy-). — Des effets propres aux alcalis n’ont pas été observés souvent. De petites Amibes, qui avaient dans leur milieu habituel la forme de limaces, avec un unique et large pseudopode antérieur, deviennent radiées quand on les transporte dans une solution alcaline (Verwonrn, 1896). Les Euglena, Eutreptia et autres Flagellates voisins contractent leur corps d’une façon carac- téristique (voir plus loin, page 658); en outre ils nagent à l’aide de ESSAI DE CLASSIFICATION DES RÉFLEXES NON NERVEUX, 649 fouets. Dans un milieu neutre, les deux formes de mouvement coexistent; quand on ajoute au liquide un peu d’alcali, les battements du fouet se ralentissent et cessent bientôt, tandis que les contractions s’exagè- rent. Il suffit d’acidifier le liquide pour voir reparaître les mouvements des fouets ; la cellule est alors rigide. c). Narcotiques (Narco-). — Ces excitants sont caractérisés, non par leur constitution chimique, mais par la façon dont ils modifient l’irri- tabilité : tous ces corps ont pour effet d’abaisser notablement la vitesse des réflexes. D’après tout ce que nous savons, leur action se porte sur la sensation; il est donc tout à fait illogique de faire rentrer leurs effets dans la catégorie des « paralysies », comme le fait M. Verworx (1900). D'ailleurs il n'y a pas de différence fondamentale entre un phénomène « d’excitation » et un phénomène de « paralysie ». Ne voyons-nous pas la chaleur accélérer énormément la croissance d’une plante, ou la ralentir jusqu’à l’arrêt complet, simplement d’après le degré de tempé- rature ? il n’y a pourtant pas là deux excitants différents. De plus, est- ce qu’une excitation affaiblissante n’est pas une excitation au même titre qu'une excitation renforçante ou une excitation inhibitrice ? Est- ce que l’affaiblissement, le renforcement, l'arrêt... d’un réflexe en cours d'exécution ne sont pas tous des réflexes qui se manifestent par une modification quantitative de la réaction? La distinction radicale entre « phénomènes d’excitation » et « phénomènes de paralysie », telle que la fait M. Verworn, n’a donc aucune raison d’être. À notre avis, les narcotiques doivent être rangés dans la catégorie des excitants, tout comme d’autres corps chimiques. S'il n’en était pas ainsi, il faudrait aussi enlever le titre d’excitant à Poxygène quand il arrète les mouvements de certaines Bactéries anaé- robies. Non, tous ces agents sont vraiment des excitants, même quand le réflexe qu'ils provoquent a pour effet final l’affaiblissement ou l’ar- rêt d'une autre réaction. d). Eau (Hydro-). — L'eau est indispensable à l’accomplissement de tous les phénomènes vitaux. Mais à côté de cette influence générale, elle exerce aussi des effets plus spéciaux. A l’état de vapeur, elle pro- voque des courbures de la part de beaucoup de plantes : les racines des Phanérogames se dirigent vers l’air le plus humide (Sacs, 1872). Pour agir comme excitant, la vapeur ne doit pas nécessairement être répandue d’une façon asymétrique :le degré d'humidité ou de sécheresse de l’atmosphère peut aussi influencer les végétaux, notamment pour l’épaississement de la cuticule (Kour, 1886). A l’état liquide, l’eau a éga- lement des effets très accusés. Une même plante présentera des carac- tères très différents suivant qu’elle a poussé à l'air humide ou dans l’eau. Parfois même, on verra une feuille allongée (p. ex. Stratiotes aloides) avoir des caractères aquatiques dans sa moitié inférieure, plongeant 650 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. dans l’eau, et des caractères de plante aérienne dans sa partie émergée. Aucune explication plausible n’a été fournie sur la façon dont la plante sent, dans ce cas, la présence de l’eau. Il est permis de se demander si, dans ses modes d’action si divers, l’eau doit réellement être toujours rangée dans la catégorie des agents chimiques. Peut-être agit-elle tantôt comme protoxyde d’hydro- gène, tantôt comme dissolvant et ionisant, alors que, dans d’autres cas, l'organisme réagit vis-à-vis du courant transpiratoire. [V. — NATURE DES RÉACTIONS. A. RÉACTIONS PRÉPARATIVES, OU TONUS. — Tout organisme, par cela même qu'il vit, est le siège d’une activité incessante dont chaque manifestation est une réaction vis-à-vis de quelque excitant. Les réac- tions grossières et brutales, les seules que l'observation atteigne, ne sont que des modifications de ces réflexes élémentaires, trop délicats et trop fugitifs pour être perceptibles. Mais ils n’en sont pas moins très impor- tants : n’est-ce pas à eux que le protoplasme vivant doit de rester dans cet état de perpétuelle labilité qui est la caractéristique de la vie? Ces réactions sont préparalives, ence sens que, sans se manifester par aucun effet extérieur, elles sont néanmoins nécessaires pour préparer le pro- toplasme : elles le mettent en état de répondre à d’autres excitants par des réactions qui, elles, seront visibles. Un exemple précis fera mieux comprendre de quels phénomènes il est question ici. Une graine sèche ne répond à aucun excitant. Fournissez-lui de l’eau et voilà qu’aussitôt elle est apte à présenter les phénomènes si complexes de la germination; à partir de ce moment elle est devenue excitable par les narcotiques ; toute variation de la température se répercute dans sa vitesse de croissance. Bref, l’eau a tiré la graine de sa rigidité ; elle a préparé le protoplasme à subir les effets d’autres excitants. Trop peu nombreux, malheureusement, sont les exemples où nous connaissons, l'excitant vis-à-vis duquel l’organisme répond par une réaction préparative. Les plus typiques de ces cas ont reçu le nom de tonus (p. ex. phototonus); il serait logique d'étendre ce terme à toutes. les réactions préparatives, quitte à indiquer que la plupart des tonus sont provoqués par des excitants internes, encore inconnus. L'hydrotonus qui vient d'être décrit a pour effet de préparer le protoplasme de la graine à recevoir une foule d’'excitations. Mais d'ordinaire le tonus est plus spécialisé : il met l’organisme en état de répondre envers un seul excitant ou envers un petit groupe d’excitants. Contentons-nous d'indiquer quelques exemples. ESSAI DE CLASSIFICATION DES RÉFLEXES NON NERVEUX. 651 Lorsque deux individus de Sensitive (Mimosa pudica) sont placés, l'un à la lumière constante, l’autre à l'obscurité constante, leurs feuilles continuent à présenter pendant plusieurs jours les « mouve- ments de veille et de sommeil », qu'elles effectuent dans les conditions normales, Mais peu à peu les mouvements deviennent moins étendus, pour s’arrêter bientôt tout à fait. En ce moment, les deux plantes sont dans des états fort différents : celle qui est restée à la lumière a con- servé intacte son irritabilité, et il suffit de l’obseurcir un instant pour qu'aussitôt ses feuilles se referment; l’autre au contraire est rigide; elle ne répond à l'excitant iumineux que si on lui rend son irritabi- lité par une longue exposition à la lumière. Pour que la Sensitive soiten état de répondre par un mouvement à une excitation externe, il faut . donc que son protoplasme ait été préparé par un tonus, provoqué par la lumière (phototonus). (Voir notamment Prerrer, 1875.) Dans le phototonus de la Sensitive, la lumière agit simplement par son intensité. L’exemple suivant montre une spécialisation plus grande de lexcitant : il ne suffit pas que l’excitant ait l'intensité voulue; il faut encore qu'il influence la plante dans une direction définie. MM, Scawenpexer ET KRrABBe (1892) ont fait voir que très souvent la lumière ne provoque la torsion d’un organe végétal que si cet organe est en même temps soumis à une certaine excitation de la part de la pesanteur, Voici un cas que j'ai eu l’occasion d'étudier. Les branches horizontales de Russelia sarmentosa (Scrophulariacée) tordent leurs entrenœuds alternativement à droite et à gauche; cette réaction est provoquée, dans ses traits essentiels, par la lumière unilatérale que perçoivent les feuilles jeunes, ainsi qu’on peut s'en assurer en enle- vant les feuilles ou en les enfermant dans un papier d’étain : dans ces conditions, la torsion ne s'effectue pas. Seulement, l'éclairement inégal ne suffit pas à lui seul : jamais un rameau vertical, et éclairé horizontalement, ne présente la moindre torsion : il a donc fallu que la pesanteur, agissant transversalement sur les rameaux, provoquât un géotonus qui met le protoplasme en état de réagir par une torsion vis-à-vis de l’excitant lumineux. Avant de passer aux réactions modificatives, faisons remarquer qu’il n’y a pas de séparation absolue entre elles et les tonus. Ainsi, une certaine dose de chaleur est nécessaire pour qu'une cellule soit prête à recevoir les excitants qui provoquent sa division; mais la chaleur, après avoir fonctionné comme excitant du thermotonus, va maintenant agir comme excitant modificateur, puisque la vitesse avec. 652 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. laquelle s'effectuera la division de la cellule (temps de riposte) dépend de la température. Comment séparer la chaleur du thermotonus, de la chaleur comme excitant de la réaction modificative? Et dans l'exemple de la Sensitive qui a séjourné à l’obscurité et qui ne redevient sensible à la lumière qu'après une longue exposition à cet agent, à quel moment la lumière cesse-t-elle d’être l'excitant du thermotonus pour devenir l’excitant du mouvement? B. Réacrions moprricarives. — Nous avons vu plus haut que les seuls réflexes dont les réactions s’extériorisent par un effet visible sont ceux qui consistent en une modification grossière des réflexes élémen- taires. Encore ne connaissons-nous en général que l'excitation qui est au début du réflexe et la manifestation brutale, le coup de théâtre qui le termine; car, comment nous renseigner sur les phénomènes qui se succèdent, depuis le moment où l’excitant tombe au milieu de la pièce compliquée qui se joue dans le protoplasme jusqu'à celui où nous assistons tout à coup au dénouement. Si nous avions nos entrées dans les coulisses, si nous assistions de près à toutes les péripéties de l'intrigue, nous verrions sans doute que les acteurs sont restés les mêmes, et qu'à partir de l'instant où le perturbateur est entré en scène, ils ont simplement modifié leur jeu, — certains d’entre eux gagnant plus d'importance, d’autres passant à l’arrière-plan. De même, la réaction finale d’un réflexe n’est que la suite de changements dans la vitesse et l’intensité des réactions élémentaires. Toutefois, la sim- plicité des moyens n'exclut pas la variété des résultats : si certaines réactions ne nous apparaissent que sous l’aspect de modifications quan- titatives de ce qui existait déjà lorsque l’excitant est arrivé, d’autres sont manifestement des modifications qualitatives, plus profondes. Or, comme nous ignorons ce qui se passe réellement, nous ne pouvons étudier et classer que les seuls effets apparents des réflexes. Pour la facilité, nous donnerons aux modifications quantitatives le nom d’interférences, et aux modifications qualitatives, généralement plus brèves et plus brusques, le nom de ripostes. Afin que les noms de ces réactions indiquent à quelle catégorie elles appartiennent, les noms des interférences se termineront en -ose, ceux des ripostes, en -isme. Deux exemples feront, mieux qu’une définition toujours boiteuse, saisir la différence qui sépare les deux genres de réactions. 1er exemple. — Voici un Infusoire, par exemple un Vorticella, en pleine activité; sa vacuole contractile bat avec régularité. Aussi long- temps que les conditions externes restent les mêmes, ses pulsations ont un rythme constant. ESSAI DE CLASSIFICATION DES RÉFLEXES NON NERVEUX. 653 a). Mais toute variation de température modifie ce rythme : la chaleur accélère les battements, le froid les ralentit. b). L'acide carbonique agit aussi comme excitant. Sous son influence, les battements s’espacent toujours davantage, les systoles ne s'effectuent plus que lorsque la vacuole s’est beaucoup agrandie; fina- lement, la vacuole s'arrête en diastole (Rosssacn, 1872). €). Si la nourriture fait défaut, l'organisme s’encyste. Pendant que le cyste se prépare, les battements de la vacuole deviennent plus lents; l’agrandissement complet ne se fait plus; les systoles sur- viennent alors que la vacuole est encore toute petite; et bientôt elle s'arrête, en systole, celte fois. d). Nous pouvons, sans tirer l'organisme encysté de sa torpeur, remeltre en activité la vacuole seule; il suffit de déposer le cyste dans une solution saline, par exemple, AZO'K à 18/100000 mole. Le lendemain, l’Infusoire s'étant adapté à ce milieu, la vacuole a disparu. Une seconde excitation, par une solution à 25/100000 mole, la fait réapparaître (Massarr, 1889). Les diverses réactions que nous venons de citer constituent toutes des modifications purement quantitatives du battement de la vacuole : l'accélération, le ralentissement, l'arrêt, le réveil, sont donc autant d’interférences. e). Il n'en est plus ainsi pour un phénomène que présente un autre Infusoire, le Paramaecium Aurelia. Sous l’action d’une température de 30° à 359, celui-ci forme tout à coup dans son protoplasme des vacuoles pulsatiles nouvelles, dont le rythme est le même que celui des vacuoles normales (Massarr, 1901). — Ici nous avons évidemment affaire à une modification qualitative. Car, quelles que fussent les réflexes élé- mentaires qui s’effectuaient dans le protoplasme au moment où nous avons appliqué la chaleur, il est certain que la production de vacuoles contractiles est une réaction essentiellement différente de celles qui se produisaient auparavant. 2e exemple. — Prenons une tige adulte, dont le péricycle est com- posé de cellules au repos. a). Une excitation appropriée provoque, dans les réflexes élé- mentaires de quelques cellules du péricycle, des changements dont nous ignorons la nature, mais qui se traauisent par la division de ces cellules et par la formation d’un point végétatif de racine : un organe nouveau a pris naissance (modification qualitative, ou riposte). b). Sous l'influence d’excitants internes et externes, cette racine s'accroît. Supposez à présent qu’elle soit mise horizontalement : la gravitation n'agit plus de la même façon sur toutes les faces, et la racine courbe sa pointe vers la terre. Un organe primitivement droit a subi une courbure; c’est encore une riposte. 654 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. c). Pendant que la courbure s’exécute, faisons varier la tempéra- ture : aussitôt nous constatons un changement dans la vitesse avec laquelle se fait la courbure. La modification introduite par Pabaisse- ment ou l’élévation de la température est quantitative ; il y a eu simple interférence de la température avec les facteurs qui étaient en jeu jusqu'alors. d). Dès que la racine est redevenue verticale, elle recommence À s’allonger vers le bas, d’une croissance régulière et constante, tant que l’activité protoplasmique n’est pas troublée. Mais si nous mettons la racine à la lumière, les diverses réactions qui, par leur combinaison, déterminent l’allongement, se trouveront ralenties; nous créons de nouveau une interférence. e). Considérons à présent la racine devenue plus âgée. Dans les portions droites, les cellules rhizogènes, qui sont répandues d’une façon symétrique, se développent toutes également et la racine se gar- nit sur toute sa surface de racines secondaires. Mais sur la face con- cave de la portion arquée, les excitants qui déterminent le développe- ment des racines sont contrecarrés par des excitants inhibiteurs, et, comme résultat final du conflit, les racines manquent sur la face concave. C’est encore une interférence ; elle a réduit la réaction à tel point que toute manifestation extérieure fait défaut. Comme on le voit, la modification quantitative, ou interférence, consiste en un changement de la vitesse ou de l'intensité avec laquelle s’accomplit une réaction. La modification qualitative, ou riposte, ne diffère peut-être pas de l’interférence par la nature des changements protoplasmiques qui Pamènent, mais le résultat appréciable est tout autre : nous avons ici la création d’une chose neuve qui ne se serait pas produite, même à l’état débauche, si l'excitant n’avait pas agi. Pourtant, gardons-nous bien de nous faire des illusions sur la valeur réelle de la distinction en interférences et ripostes. Il me suffit que ce groupement constitue un progrès comparativement à ce qui avait été proposé jusqu'ici; mais, de même quil faudrait pouvoir subs- tituer la classification des sensations à celle des excitations, de même il n’y aura de progrès définitif que le jour où l’on pourra remplacer la connaissance de réactions extérieures par celle des processus déli- cats qui se cachent dans le protoplasme. Les mots « interférence » et « riposte » n'ont done dans mon esprit qu’une signification relative et provisoire. Comme les ripostes sont mieux étudiées que les interférences, c’est par les premières que nous commencerons. LR ESSAI DE CLASSIFICATION DES RÉFLEXES NON NER VEUX. 655 1. MODIFICATIONS QUALITATIVES OU RIPOSTES. La riposte ne peut être caractérisée que par l'effet final, sans qu'il y ait lieu de tenircompte des changements subis par les réactions élé- mentaires qui s’effectuaient au moment de l'excitation, ni des multiples réactions qui ont dù former une chaine continue depuis l'excitation jusqu'à ce que l’effet soit devenu visible. Ainsi, nous savons qu'une courbure géotropique est amenée par des modifications unilatérales de la croissance en longueur, et qu'elle est fixée par l'afflux unilaté- ral de protoplasme et par l’épaississement unilatéral des parois cellu- laires ; mais c’est néanmoins la courbure elle-même qui, seule, doit caractériser celte riposte. — Autre exemple. Voici un Co/pidium (Infu- soire) dont la natation calme n’est régie en ce moment que par des excitants internes ; les cils battent d’une façon rythmique et l’orga- nisme suit uneligne hélicoïdale. Tout à coup un excitant externe vient modifier le jeu des cils. L'Infusoire perçoit-il une secousse violente : il va aussitôt renverser le sens des mouvements ciliaires et se jettera brusquement en arrière (phobisme). Si l’excitant est une solution légèrement hypertonique, les battements des cils frontaux s’exagére- ront et l'individu s’inclinera vers la face dorsale (clinisme). Enfin, si c’est le courant électrique qui agit, les cils frontaux battront plus fort, mais toujours vers la bouche, tandis que les autres cils battront dans une direction qui sera déterminée par le sens du courant; finalement l’Infusoire sera orienté parallèlement au courant, avec le bout anté- rieur vers la cathode (taxisme). — Toutes ces diverses réactions sont produites par des modifications des mouvements ciliaires. Toutefois nous allons les considérer comme autant de réactions différentes. Les ripostes peuvent être groupées sous quatre rubriques : ripostes formatrices; ripostes motrices; ripostes chimiques; enfin celles qui ne rentrent dans aucune des catégories précédentes, 49 Ripostes FORMATRICES. — Ce sont celles qui donnent naissance à des cellules ou à des organes. Les cellules ou les organes ont toujours une orientation ou une localisation déterminée, par rapport à l’excitant ou par rapport au corps. Dans ce dernier cas c’est aussi, en somme, vis-à-vis d’un excitant interne que les nouvelles cloisons cellulaires s’orientent. Nous savons, par exemple, que dans les spores d’Equi- setum en germination, la première cloison est toujours perpendiculaire à la direction de la lumière (Srauz, 1885). L'influence directrice de l’excitant est ici évidente; mais quand on voit sur le point végétalif de 656 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Halopteris (Algue) se former des cloisons longitudinales, d’autres per- pendiculaires à l’axe, d’autres faisant avec l'axe un angle défini, et ces diverses cloisons se suivre dans un ordre fixé, peut-on douter que cette régularité soit amenée par des excitants internes ? a). Mérisme..— Division de cellules, division d’organelles de la cellule, ou division dichotomique d’organes., La nature réactionnelle de ces divisions n’est pas douteuse ; malheureusement nous ne con- naissons presque dans aucun cas l’excitant du mérisme, 8). Néisme. — Création en un point donné d’organes nouveaux; par exemple, formation de racines sur une bouture, formation de bourgeons sur les blessures des Fucus (Algues), naissance de racines sur les tiges de la Cuscute aux points de contact avec l'hôte, 20 Rrrosres Morrices. — Chez les organismes mobiles, il y a deux sortes de mouvements à considérer : 4) les déplacements, produits le plus souvent par des cils (et des fouets) ou des pseudopodes, parfois par des contractions protoplasmiques internes; b) les mouvements angu- laires, résultant d’une modification dans le fonctionnement des cils, des fouets ou des pseudopodes. Les plantes fixées à leur support ne peuvent effectuer que des mouvements angulaires, résultant le plus souvent de modifications de la croissance en longueur. Il importe d’indiquer avec précision la signification des mouve- ments angulaires chez les organismes mobiles. L’accumulation des Euglènes (Flagellates) dans les endroits les plus éclairés d’un liquide est due à la collaboration de deux ripostes : un mouvement angulaire qui opère l'orientation des Flagellates vers la lumière et dont l’action cesse dès que ce résultat est atteint (taxisme), puis un mouvement de natation (nectisme) qui les transporte en avant. Le taxisme a donc pour unique effet d’aiguiller les Euglènes dans la bonne direction et deles y maintenir si elles s’en écartent. Quand nous disons : (le photo- taxisme amène les Euglènes vers la source lumineuse », nous suppri- mons sciemment dans notre phrase la seconde réaction; il faut ne jamais oublier que nous faisons cette élision. — Voici un autre exemple. L'accumulation des Bactéries dans un tube capillaire conte- nant une solution d'extrait de viande est due aussi à deux réactions différentes : la natation (nectisme) amène, par hasard, les Bactéries devant l’orifice du tube, dans la sphère de diffusion de l’extrait de viande; à partir de ce moment, les microbes sont prisonniers dans une trappe, car dès queles mouvements de natation tendent à leur faire faire franchir la limite de la sphère de diffusion, un brusque mouvement de recul les rejette en arrière devant l’entrée du tube (Roruerr, 1901); tous les individus finissent par entrer dans le tube; une fois qu'ils y ESSAI DE CLASSIFICATION DES RÉFLEXES NON NERVEUX, 637 ont pénétré, la même riposte (phobisme) qui les maintenait dans la zone de diffusion les empêchera maintenant de sortir du tube. Comme on le voit, il n’y à pas ici le moindre faxisme en jeu : à aucun moment il n’y a de mouvement angulaire, et laccumulation des Bactéries est due uniquement à deux ripostes de déplacement, &). DépLacemENTS. — Nous ne traiterons que de ceux qui sont pro- duits par des moyens bien connus, laissant de côté les mouvements des Oscillatoriacées, des Beggiatoacées, des Diatomées, des Gréga- rines, etc. x). Nectisme. — Natation à l’aide de cils ou de fouets, chez les Schizomycètles, les Flagellates, les zoospores de Rhizopodes, d’Algues et de Champignons, les Infusoires, presque tous les spermatozoïdes, et beaucoup de larves très jeunes. Chez les êtres unicellulaires, la nata- tion n’est généralement pas rectiligne : elle se fait suivant une ligne hélicoïdale qui résulte, ou de la façon dont battent les organelles moteurs, ou de la forme du corps. : 8). Herpisme. — Reptation à l’aide de pseudopodes de forme très variable. Les Rhizopodes, les Flagellates inférieures et certains Sporo- zoaires, lesleucocytes, quelques zoosporeset spermatozoïdes présentent ce mode de locomotion. Dans cette rubrique, on peut aussi faire entrer les mouvements protoplasmiques intra-cellulaires : rotation et circula- tion. y). Phobisme. — Brusque recul exécuté par beaucoup d’organismes en présence d’excitants « désagréables ». Cette riposte avait été en premier lieu observée chez une Bactérie par M. ExGEzMaNN (1882), qui lui donne le nom de Schrechbewequng, terme que je traduis par pho- bisme. M. JexxixGs (1897 et 1899) a étudié le phobisme chez Paramae- cium Aurelia (Infusoire) où il est très fréquent : c’est de cette façon que cet Infusoire réagit envers les substances chimiques, les solutions con- centrées, la chaleur, la secousse, etc. ; l’auteur confond le phobisme et le taxisme. Tout récemment, M. Roruert (1901) l’a réétudié chez diverses Bactéries ; 1l ne le sépare pas non plus du taxisme... En réa- lité, le phobisme est tout différent du taxisme : il est caractérisé par un recul direct, c’est-à-dire par le fait que l’organisme, sans exécuter de rotation autour d’un axe transversal, se met à nager vers le bout qui auparavant était dirigé en arrière. à). Protéisme. — Raccourcissement, plus ou moins brusque, de l'axe longitudinal (ce qui modifie fortement la forme du corps). Beaucoup d'organismes inférieurs (Grégarines, Flagellates, Infusoires) peuvent contracter leur corps au point que l'axe longitudinal devient plusieurs fois plus court que le diamètre transversal; en même temps le corps exécute souvent des mouvements en accordéon, notamment 42 658 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. chez les Flagellates (Euglena, Eutreptia) où ces mouvements ont reçu le nom de métabolisme. Chez certaines formes, la contraction n’est pas symétrique et l’axe du corps se courbe, On peut faire rentrer dans cette rubrique les mouvements qu’exé- cutent les pédicelles de beaucoup d’Infusoires Péritriches fixés (Vorti- cella, etc.). b). MouvemenTs ANGULAIRES. — Ce sont les ripostes qui amènent l’axe du corps tout entier (organismes mobiles) ou l’axe d’un organe (plantes fixées) dans une position qui fait un angle avec la position primitive ; elles ne déterminent jamais aucun transport du corps. Dans sa nouvelle position, l'axe de l’organe ou de l’organisme est orienté soit par rapport à l’excitant, soit par rapport au corps de l’or- ganisme en question. Ce dernier cas se présente même lorsque l’exci- tant vient du dehors; ainsi, les variations de l’éclairage provoquent des courbures dans le pétiole des feuilles d'Oxalis et de beaucoup d’au- tres plantes : les folioles s’écartent ou se rapprochent, c’est-à-dire qu’elles prennent des positions bien définies par rapport au pétiole, mais nullement par rapport à la lumière. — Je puis aussi renvoyer à l'exemple de Colpidium (voir p. 656); nous avons vu que, sous l'in- fluence d’un excitant externe nettement localisé (solution trop concen- trée), l’Infusoire a pourtant effectué uneréaction (clinisme) quin’est pas du tout orientée par rapport à cet excitant. Nous étudierons séparément les ripostes orientées par l’excitant externe lui-même, et les ripostes dont le sens est défini par le corps, c’est-à-dire par un excitant interne. La différence entre les deux caté- gories consiste donc dans le fait que, dans ]a première, l'orientation est visiblement déterminée par l’agent extérieur (géotropisme), tandis que, dans la seconde, elle est en entier sous la dépendance d’excitants externes (exonastisme des fleurs lors de leur épanouissement) ou tout au moins, un excitant interne vient guider la riposte qu'a provoquée l’excitant interne (mouvements de « veille et de sommeil » des feuilles). Dans ce dernier cas, l’agent extérieur n'intervient que par son intensité, tandis que dans les cas où l’excitant externe oriente la riposte, il agit, non seulement par son intensité, mais encore et surtout par sa direction; par exemple, dans la courbure des filaments aériens de Phycomyces (Champignon) vers la lumière. De même que dans toute classification sincère et naturelle des choses de la vie, nous rencontrons ici des cas embarrassants. Ainsi, nous avons vu plus haut qu’une racine qui vient d'exécuter une courbure tend à se redresser (v. p.644); —et que si la courbure est maintenue, sel racines nées sur les flancs se courbent vers le dehors (v. p.645). Voilà ESSAI DE CLASSIFICATION DES RÉFLEXES NON NERVEUX. 639 des exemples de ripostes dont l'orientation est relative à un excitant d’origine connue ; mais, comme l'orientation est donc relative aussi au corps de la plante, nous rangerons ces ripostes dans la seconde caté- gorie, 1° RIPOSTES ORIENTÉES PAR RAPPORT À L’EXCITANT EXTERNE — Par orienta- tion de l’organe après riposte, nous entendons uniquement la direction de la partie qui perçoit l’excitant externe. Ainsi, quand nous disons qu'une fleur de Pensée se dirige vers la lumière, nous ne considérons que la position finale de la fleur elle-même, en faisant abstraction des directions, souvent fort insolites, qu’affecte le pédicelle. Au point de vue de lorientation vis-à-vis de la lumière, les Desmi- diacées présentent une pariicularité très curieuse : elles tournent vers la lumière alternativement les deux bouts (Sranz, 1880). 4). Taxisme. — Déviation du corps des organismes unicellulaires et des larves; par exemple électrotaxisme (v. p.647), phototaxisme (v. p. 653). 8). Tropisme. — C'est la courbure bien connue qu’exécutent les organes végétaux, par exemple géotropisme (v. p. 654). 4). Strophisme ‘. — Torsion effectuée par les organes végétaux, par exemple, photostrophisme (v. p. 653). 29 RIPOSTES ORIENTÉES PAR RAPPORT AU CORPS. @&), Clinisme. — Incli- naison de l’axe du corps, chez les êtres unicellulaires, de telle façon que l’axe fasse un angle avec la direction primitive (JENNINGS, 1897, 1899, 1900). Dans les cas les mieux connus, le clinisme est déterminé par d’autres cils que le taxisme (Pearr, 4900). Il est donc relativement facile de distinguer les deux ripostes, ce que M. Jennings a négligé de faire. Chez les Flagellates la distinction est plus difficile, puisque ce sont les mêmes fouets qui agissent. Enfin, chez les Amibes et les autres cellules à pseudopodes, il est évidemment impossible de séparer le clinisme, le taxisme et même le phobisme, puisque le corps ne possède à aucun moment un axe défini. 6). Nastisme *. — Courbure qu’exécutent les organes végétaux sous l'influence d’'excitants très variés. Souvent cette rispote est confondue avec les tropismes. Citons notamment les courbures, généralement vers la face ventrale, qu’effectuent beaucoup d’organes horizontaux, par exemple les rameaux rampants de Lysimachia Nummularit (Pri- mulacée); les mouvements d'ouverture et de fermeture des fleurs, la 1. MM. ScHWEeNDENER Er KRABBE (1892) appelaient cette riposte « tortisme ». C'est M, Czapek (1898) qui à introduit le terme actuel. 2. Le mot « nastie » à été employé en premier lieu par M. H. pe Vries (1872), dans le sens où nous l’employons. 660 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR, « veille et le sommeil » des feuilles, le redressement d'organes courhés récemment. y). Hélicisme. — Torsion qui survient chez les organes végétaux, le plus souvent à un âge déterminé; par exemple, vrilles (v.p. 644), fruit de Streptocarpus, etc. x 3° RipostEs cHiMiQuEs. — Il est évident que toute riposte quel- conque est accompagnée de changements chimiques; sinon d’où viendrait l’énergie nécessaire? Mais certains réflexes se manifestent uniquement par un phénomène d’ordre chimique; par exemple, la sécrétion de zymases chez un Drosera (plante carnivore) qui a capturé un Insecte; la sécrétion d’un acide dans les vacuoles alimentaires d’un Protozoaire(Le Daxrec, 4890); la formation de matières mucilagineuses chez beaucoup d'organismes inférieurs (KreBs, 1886). Il y a sans doute de nombreux autres cas où un corps qui n’existait pas se forme après une excitation appropriée. Mais ces phénomènes sont loin d'être assez COnnus. 4° Ripostes Diverses. — Les organismes inférieurs ‘présentent un cerlain nombres de ripostes qui ne rentrent dans aucune des catégories précédentes. On peut citer notamment les suivantes : «). Photisme. — Dégagement de lumière sous l'influence d’un exei- ant, par exemple chez la Noctiluque (Massarr, 1893). B). Bolisme. — Expulsion des trichocystes, ou d’autres organelles analogues, chez divers Infusoires (Massarr, 1901). y). Sphygmisme. — Formation de vacuoles contractiles nouvelles, : par l’action d’un excitant (Massarr, 1901). 2. MODIFICATIONS QUANTITATIVES OU INTERFÉRENCES. Nous avons vu plus haut (p. 654) que le terme « interférence » signifie : toute modification quantitative des réflexes élémentaires qui étaient en train de s’accomplir au moment où l’excitant est arrivé. Mais il y a encore d’autres modifications quantitatives qui doivent ètre désignées par le même terme. Ce sont celles qui affectent l’allure (vitesse, intensité et direction) des ripostes que nous avons passées en revue dans le chapitre précédent : une division cellulaire (mérisme); une courbure orientée vers un excitant extérieur (tropisme).. exigené ESSAI DE CLASSIFICATION DES RÉFLEXES NON NERVEUX. 661 un temps donné pour leur accomplissement, Or, ce temps peut être très notablement changé suivant que tel ou tel excitant modificateur vient mêler sa propre réaction à celle qui est en cours d'exécution. Ailleurs, c’est l'intensité d’une riposte qui est modifiée. Enfin, dans une riposte à orientation définie, c’est parfois la direction qui se modifie sous l'in- fluence d’une interférence. Comme ce dernier cas est moins connu, je crois utile d'en citer quelques exemples probants. La position d’une feuille adulte, par exemple de Fuchsia, est déter- minée par la collaboration, et l’interférence réciproque, d’au moins trois réactions : le phototropisme et le géotropisme qui tendent à donner à la feuille une direction transversale par rapport aux excitants, c'est- à-dire la position horizontale, — le nastisme, dû à des causes internes, qui tend à renverser les feuilles vers le dehors, puis vers le bas. La position d'équilibre de la feuille est donc un compromis entre les diverses réactions : il suffit d’ailleurs de soustraire la plante à l’influence directrice de la lumière et de’ la gravitation, pour voir les feuilles se réfléchir complètement, présentant en dehors leur face supérieure. Le phototropisme, le géotropisme et le nastisme étaient donc en conflit et interféraient entre eux. — Une tige phototropique dressée qui est exposée à un éclairement horizontal d'intensité moyenne ne se courbe pas horizontalement vers la source de lumière : le. géotropisme tend sans cesse à redresser la tige, et la position finale d’équilibre sera oblique (Czarek, 1895, 2). Dans ces exemples, les divers excitants en jeu produisent tous des ripostes à orientation définie, et la position d’équilibre est intermé- diaire entre celles qu'auraient données les divers excitants, agissant isolément. Il n’en est plus ainsi dans les cas suivants : ici excitation interférente n’agit que par son intensité et ne peut donc pas, par elle seule, donner une réaction orientée; mais l’absence de direction de l’excitant n’empêche pas une orientation de l’interférence. Les rhizomes souterrains d’Adoxa Moschatellina se placent tranversalement par rapport à la pesanteur, c’est-à-dire qu'ils sont horizontaux, aussi longtemps qu'ils sont à l’obscurité. Mais dès qu'ils reçoivent la lumière, le sens de leur géotropisme est modifié et ils courbent leur pointe vers le bas (SrauLz, 1884-2). — A la température de 159-209, cer- tains Chromulina (Flagellates jaunes) montent dans le liquide et s’ac- lumulent dans les couches supérieures. Mais à la température de 5°-7°, ceur géotaxisme change de sens, et ils gagnent le fond des récipients (Massarr, 1891, 2). On peut classer les interférences en deux groupes, suivant qu'elles modifient les diverses ripostes déjà étudiées, ou qu’elles modifient les réactions élémentaires sans lesquelles la vie n’est pas possible. 662 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. 40 Interférences subies par les ripostes. — Inutile de les décrire en détail : il est évident que toutes les réactions que nous avons étudiées peuvent être modifiées dans leur vitesse et dans leur intensité, à tel point que la riposte peut s'arrêter complètement pour reprendre plus tard, — et qu’en outre les ripostes orientées peuvent être modifiées dans leur direction. ; À chaque riposte correspond donc une interférence; celle-ci por- tera le même nom que la riposte avec remplacement de la terminaison isme en ose. Ainsi, les variations de température modifient les tro-- pismes (tropose, v. p. 654), le mérisme (mérose), beaucoup d’excitants divers influencent le rythme des vacuoles contractiles (sphyg- mose, v, p. 653)... 20 Interférences subies par les réactions élémentaires. —1Y s’agit ici des réactions très complexes sans jesquelles la vie n’est pas possible : on n’imagine pas un être vivant dans lequel ne s’accomplissent pas des phé- nomènes chimiques continuels, qui n’est pasle siège d’un dégagement de chaleur et d'électricité, dont le protoplasme n’a pas une certaine perméa- bilité et une certaine cohésion, dont les cellules n’ont pas de pression osmotique, et qui enfin ne possède pas une forme définie; de plus, chez les plantes, il y a toujours quelque portion en voie de croissance ou capable de se remettre à croître. Or, tous les divers complexes de propriétés et de processus qui amènent le dégagement de chaleur, la croissance, la pression osmotique... peuvent subir des modifications quantitatives sous l’influence d’excitants bien connus. De sorte que, tout en ignorant la façon dont les modifications se produisent dans la cellule vivante, nous pouvons définir lexcitant et le résultat final du réflexe. Nous allons passer en revue ces réactions. 4). Chimiose. — Les nombreuses interférences réunies dans cette rubrique rentrent déjà partiellement dans la catégorie des interfé- rences subies par les ripostes, par exemple, quand on modifie la vitesse de la sécrétion digestive chez une plante carnivore. Mais les chimioses les plus importantes sont celles qui affectent les phénomènes chi- miques fondamentaux du protoplasme. Ne savons-nous pas que l’assi- milation du carbone chez les plantes pourvues d’une chromophylle, que les fermentations, que les transformations intimes de substances sont sous la dépendance de multiples excitants? 6)et y). Thermose et électrose. — Les modifications dans le dégage- ment de chaleur et d'électricité sont une suite naturelle des chimioses. Un exemple récent suffira à le montrer : M. WaLcer (1900) vient d’étu- dier les variations du potentiel électrique dans les feuilles, suivant l'intensité de l’action lumineuse, donc probablement suivant l'intensité de l’assimilation. ESSAI DE CLASSIFICATION DES RÉFLEXES NON NERVEUX, 663 à). Péranose. — Modification de la perméabilité protoplasmique, par exemple sous l'influence de la température (Vax Rrysser- BERGHE, 1901). e). Synaphose. — Modification de la cohésion du protoplasme, Dans cette rubrique on peut réunir les phénomènes d’agrégalion que pré- sentent les cellules végétales, par exemple sous l'influence de la caféine très diluée ; la formation de nombreuses petites vacuoles dans l’endo- plasme des Infusoires par l’action de divers excitants ; la désagrégation du protoplasme des Vorticelles soumises. à l’éther !, etc. ë). Tonose. — Modification de la turgescence (pression osmotique intracellulaire). M. Van RyssELBERGEE (1899) détermine une augmenta- tion ou une diminution de la turgescence en plongeant les cellules dans des solutions plus concentrées ou dans des solutions moins concentrées que celles qui les baignent normalement. n). Auxose *. — Modification de la croissance d’un organe ou d’un organisme. Parfois c’est la croissance tout entière, dans les diverses directions de l’espace, qui est influencée; tantôt ce n’est que l’allonge- ment, tantôt ce n’est que l’épaississement. Nous réservons le mot « auxose » aux Cas où la croissance générale est altérée; la modifica- tion de la croissance en longueur s’appellera dolichose !, et la modifi- cation de la croissance en épaisseur, pachynose. Citons un exemple de chacun de ces cas. Auxose proprement dite. — L'’Ortie a des feuilles opposées; les deux feuilles de chaque paire sont égales. Il en est de même pour des plantes voisines de l'Ortie, par exemple pour le Pilea trinervia. Mais ici les feuilles de chaque paire ne sont semblables que sur les rameaux verticaux; dès que les rameaux sont obliques ou à direction horizon- tale, les feuilles deviennent inégales : celles qui sont dirigées vers le haut deviennent plus petites; celles qui regardent la terre deviennent plus grandes; seules, celles qui se dirigent latéralement ont dans toutes leurs parties les mêmes dimensions que les feuilles des rameaux verticaux. La pesanteur a donc affaibli la croissance générale des feuilles qui montent, et elle a renforcé la croissance des feuilles qui descendent. Dolichose*. — M. Errvixé (1880) et M. Sewarz (1881) ont montré que l'allongement est retardé quand la plante croît avec la tête en bas. 1. Sur ce point paraîtra bientôt un travail de Mile Stefanofska. 2. Ne pas confondre « auxose » avec « auxèse », terme proposé par M. Czarek (1898), pour désigner la formation d'organes nouveaux, ce que j'appelle « néisme » (v. p. 656) ou la croissance d’organes latéraux. Au point de vue étymo- logique, le terme « auxèse » ne convient pas pour désigner la création d'organes, 3. M. Czapek (1898) n’emploie le mot « dolichose » que pour désigner l’aug- mentation de la croissance en longueur, tandis que la diminution s'appelle « stase », 664 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR: D'autre part, nous savons que la lumière, quelle que soit sa direction, ralentit aussi la croissance. Pachynose. — L’épaississement des crochets irritables que possé- dent certaines lianes est beaucoup plus intense lorsque le crochet a été excité par le contact, que lorsqu'il n’a pas eu l’occasion de saisie un support (TreuB, 1883). 0). Morphose ‘. — Modification de la forme et de la structure; prin- cipalement chez les végétaux. — La forme d’une plante adulte est le résultat de la superposition d'innombrables réactions : en certains points les cellules se divisent activement, soit aù sommet, soit à la base, soit au pourtour des organes; — ceux-ci S’allongent, puis S’ar- rêtent, puis se remettent à croître; les uns s’accroissent en épdisseur, tandis que les autres gardent éternellement leur diamètre initial ; — des organes nouveaux näissent en des endroits déterminés; ailleurs les organes tombent après avoir fait leur temps; — certäines portions doivent leur rigidité à leur turgescence: d’autres possèdent des élé- inents résistants spéciaux; — les tiges, les racines, les feuilles, les fleurs, les fruits exécutent les courbures et les torsions les plus variées sous l’action d’une foule d’excitaänts internés et externes... Et pour changer l'aspect extérieur et même la structure intime de cet édifice si compliqué, pour la construction duquel tant de réflexes ont dù collaborer, il suffit de faire agir un nouvel excitant ou d'enlever ur séul des excitants habituels. Placez la plante à l’obscurité, aussitôt tous ses organes aériens deviennent méconnaissables. Mieux encore, soumettez-la à un éclairement continu ; en d’autres mots, soustrayez-la aux alternatives d’obscurité et de lumière, et sa structure se modifie également d’une façon profonde (Boxer, 1895). Disposez une jeune plante de Ranunculus aquatilis de telle manière que certaines feuilles se développent dans l’eau, et d’autres dans l’air humide, et vous constatez que les premières sont découpées en lanières filiformés, qu’elles n'ont pas de stomates et que leurs cellules épidermiques pôs- sèdent des chloroplastes; tandis que les feuilles aériennes ünt des segments beaucoup plus larges, aplatis, avec une face Supérieure et une face inférieure bien distinctes; elles ont des stomates, et leurs cellules épidermiqués sont dépourvues de chloroplastes (AskexAsY, 1870). | Nous n’essaierons pas d’analyser les interférences si complexes qui conduisent aux changements de forme, Du reste, ce chapitre de la physiologie a été à peine effleuré jusqu’à présent, 1. La modification de là forme des végétaux sous l’action de causes externes à été appelée par S4cas (1895) « méchandmorphose ». Notre terme « morphosée » embrasse toutes les modifications, quelle que soit l’origine des excitants. ESSAI DE CLASSIFICATION DES RÉFLEXES NON NERVEUX. 6635 V. — DinecTION, SENS ET LOCALISATION DES RÉACTIONS, Il ñe nous reste plus guère qu'à proposer un complément de términologie. Les questions de termes ne sont DE sans importance : les progrès d'une science dépendent, bien plus qu’on ne le croit, de l'existence d'une terminologie claire, précise, logique et uniforme. Or ce sont là des poinis dont les auteurs semblent n'avoir pas tenu compte dans ces noms qui désignent les réflexes sans nerfs, À. ORIENTATION PAR RAPPORT À L'EXCITANT EXTERNE. — D'habitude le mot composé qui désigne le réflexe comprend aussi le sens dans lequel la riposte s’effectüe. Ainsi, les racines sont dites prosgéotropiques ou positivement géotropiques, parce qu'elles se dirigent vers la source de l’excitant (la terre); les tiges sont dites apogéotropiques ou négati- vement géotropiques parce qu’elles s’éloignent de la terre. Il est évident tout d’abord que positif et négatif ne signifient rien. Quant aux mots « pros ! » et « apo * », leur choix est tout à fait arbitraire. En effet, au lieu de considérer le géotropisme d'une plante, voyons comment les choses se présentent pour le rhéotaxisme d’un Infusoire (orientation du corps sous l'influence d’un courant liquide), D’après la termino- logie usuelle, il faudra dire prosrhéotaxique quand l'organisme se dirige vers la source de l’excitant et aporhéotaxique quand il s’en éloigne. Lorsque l’écoulement de l’eau est produit par la pression d'un piston sur la surface du liquide, les individus qui remontent le courant seront dits prosrhéotaxiques, Mais dans la nature, les courants liquides sont déterminés par la pesanteur; dans un ruisseau, par exemple, la cause du mouvement étant l'attraction de la terre, il faudrait, en bonne logique, nommer prosrhéotaxique l’organisme qui descend le courant. Et comment dira-t-on pour l’Infusoire qui résiste au courant produit dans le liquide par les battements ciliaires d’un Rotifère? Il y a dans ce cas deux courants : l’un qui est dirigé vers le Rotifère, l’autre qui s’en éloigne; suivant que FlInfusoire sera en: avant ou en arrière de son ennemi, il sera pros- ou aporhéotaxique. II sefait certes plus logique de désigner l’orientation par la direction de l'organisme relativement au sens du courant et de dire rhéotaxisme ascendant où anarhéotaxisme, et rhéotaxisme descendant ou catarhéo- taxrisme *. La même règle peut s'appliquer à tous les courants réels ou fictifs. 1, Le mot « pros » à été introduit par M. RorxerrT (1896); 2. Le mot « äpo » a été introduit par Darwin (1882). 3. Les mots ana- el cala- sont usités dans le mêrhe sens, en électricité. 666 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Voyons d’abord les excitants mécaniques à direction définie et laissant à l’organismela liberté de ses mouvements : gravitation, courant liquide, contact. On appellerait cata- toute réaction dans laquelle l'organisme ou l'organe suit la direction que tend à lui imprimer l’agent extérieur : la racine serait dite catagéotropique, — les Infusoires qui remontent le courant, anarhéotaxiques, — la racine dont la pointe s'éloigne de l’objet qui la touche, cathaptotropique. On pourrait dire aussi géotro- pisme descendant, rhéotaxisme ascendant, haptotropisme descendant. Le sens des excitants physiques et chimiques est comparable à un déplacement. Tout corps dissous diffuse et donne donc lieu à un véri- table déplacement de matière. Ici encore nous dirions que la réaction est descendante ou ascendante, cata- ou ana-, selon que l’organisme va dans le même sens que le courant de diffusion ou qu’il se dirige vers les endroits où la concentration est maximum : d’après cette règle, la plupart des organismes d’eau douce sont catatonotaxiques, puisqu'ils fuient les solutions concentrées, et les Bactéries qui se dirigent vers l'extrait de viande sont, pour cette substance, anachimiotaxiques. Enfin, la lumière, la chaleur, l'électricité, les ondes de Hertz, sont aussi des mouvements vibratoires qui se déplacent; nous désignerons encore par les termes cata- et ana- les réactions dans lesquelles l’orga- nisme se déplace dans le même sens que les ondulations, et celles dans lesquelles il va en sens inverse : le Phycomyces est anaphototropique, catathermotropique et cataherzotropique; le Paramaecium Aurelia est catélectrotaxique. Pour les réactions qui ne s’orientent pas parallèlement à la direc- tion des excitants, il n’y a aucune difficulté. Les botanistes sont d'accord’ pour appeler fransversale (dia-) la réaction dans laquelle l'organe prend une direction perpendiculaire à l’excitant, et para-, la position ‘de profil (par exemple les feuilles de l'Eucalyptus Globulus adulte). On pourrait y ajouter plagio-, pour la direction oblique, par exemple la tige des plantes volubles, B. ORIENTATION PAR RAPPORT AU CORPS, — Contentons-nous d'indiquer les principes qui pourraient servir de guide pour désigner ces orien- tations. Le choix des termes adoptés ne me paraît pas heureux. Alors que les courbures tropiques sont définies par le sens de ia riposte, les courbures nastiques sont définies par la face qui s’accroît le plus; ainsi, on appelle épinastique un organe qui se dirige vers le bas. Mieux vaudrait renoncer aux mots épi et hypo, qui pourraient amener des confusions avec le géotropisme et désigner les nastismes par le sens vers lequel l’organe se courbe : le mouvement d’épanouissement des fleurs et l’étalement des feuilles s’appellerait exonastisme ; le mou- ESSAI DE CLASSIFICATION DES RÉFLEXES NON NERVEUX. 667 vement inverse, endonastisme ; la courbure d’une tige rampante vers sa face ventrale (inférieure), gastronastisme (par exemple chez Lysimachia Nummularia) :1a courbure des racines secondaires nées sur une racine arquée, vers la face convexe (v. p. 654), cyrtonastisme ; le redressement des organes courbés récemment, or{honustisme. Les clinismes étudiés chez les Infusoires pourraient être désignés par ces mots : noto-, gastro-, dextro-, lévoclinisme, selon que l'individu se retourne vers la face dorsale, vers la face ventrale, vers son bord droit ou vers son bord gauche. VI. — INTENSITÉ ET VITESSE DES RÉACTIONS. La terminologie dont nous avons indiqué les bases dans le chapitre précédent s'applique particulièrement aux ripostes, Nous avons à voir maintenant comment on peut nommer les variations d'intensité et de vitesse des interférences. Il serait utile d'indiquer le sens de la varia- tion par un infixe ajouté au mot composé quireprésente leréflexe total. Quand l'interférence consiste en un amoindrissement de la réaction d’une façon générale, on pourrait dire mt0 : si l’amoindrissement est un ralentissement, brady: si c'est un affaiblissement de l'intensité de la réaction, oligo. Quand l'interférence consiste en un agrandissement de la réaction d’une façon générale, on pourrait dire plio ; sil’agrandissement est une accélération, tachy : si c'est un renforcement de l'intensité de la réac- tion, cratéro: Parfois l'amoindrissement de la réaction est tel que la réaction s'arrête. Nous en avons vu des exemples dans l'influence inhibitrice du sommet sur la croissance des bourgeons axillaires (v. p. 6) et dans l'arrêt qui frappe les cellules rhizogènes sur la face concave d’une racine arquée (v. p. 638). Nous savons aussi que le nectisme des Bac- terium photometricum s'arrête au moment où on les place à l’obscu- rité (ENGELMANN, 1882). Ces arrêts peuvent être désignés par pausti. D'autre part, la vacuole contractile d’un Infusoire encysté se remet à battre sous l’action d’une solution saline (v. p. 653). 7 Tout réveil analogue serait indiqué par égiro. Comme dans le cas que nous venons de citer, la solution agit par sa pression osmotique, nous appellerons le réflexe : tonégirosphygmose. Dans certains cas, la croissance subit une modification très curieuse: il se produit un véritable phénomène de balancement. Nous en con- naissons déjà un exemple : les Pilea (v. p. 663) chez lesquels les rameaux horizontaux portent vers le haut des feuilles plus petites que celles des rameaux verticaux, — et vers le bas, des feuilles plus 668 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. grandes, — tandis que les feuilles qui sont däns le plan du rameau ont les mêrnes dimensions que sur les tiges dressées. M. Wiesxer (1868) qui &’est beaucoup occupé de ce phénomène lui a donné le nom d’aniso- phyllie. C’est aussi à M. Wiesxer que nous devons la connaissance de balancements dans la croissance en épaisseur: les branches horizontales du Tilleul ({Tilia) ont les couches annuelles plus épaisses vers le haut que vers le bas (épitrophie) ; chez l'If(Tarus), c’estle contraire (hypotrophie). Ces deux termes! viennent de M. Wresner (1889). En réalité, il n’y a pas de différence fondamentale entre le balancéement de la croissance générale des feuilles, et le balancement dela croissance en épaisseur des branches ; le premier est une auxose, le second une pachymose; il serait logique de désigner le phénomène de balancement par aniso. A l'encontre de ce qui se passe pour les autres interférences, cette réaction-ci est orientée. On pourrait désigner l'orientation par la direc- tion dans laquelle l'accroissement est prépondérant. Ainsi, l’inégal développement des feuilles de Pilea (sous l’action de la pesanteur) s’appellerait géanisauxose descendante, et le même phénomène pour l’épaississement du Tilleul s’appellerait géanisopachynose ascendante. VIE. — QUELQUES TERMES GÉNÉRAUX, Il est toujours fort désagréable d’avoir à employer une longue périphrase pour exprimer une idée, surtout lorsque cette périphrase doit revenir souvent. Aussi me permettrai-je de proposer quelques termes qui n’ont d’autre but que de remplacer chacun une périphrase. Oxynésie : la faculté de l'organisme de produire une excitation. Esthésie * : la faculté de l'organisme de sentir une excitation, Ce terme est à subdiviser en autesthésie, sensibilité avec excitants internes (par exemple camptesthésie, sensibilité à l’arcure), et cosmesthésie sensibilité aux excitants externes (par exemple thermesthésie, sen- sibilité à la chaleur). Tonésie : faculté de l'organisme de manifester un tonus. Ergésie. _ — — une riposte. Allésie. — — — une interférence. Les mots que je viens de signaler se rapportent aux propriétés de l'organisme. Mais il serait également utile d’avoir des mots pour exprimer la faculté que possède l’excitant de provoquer telle ou telle 1! Is ne me semblent pas heureux : en effet le phénomène nutritif n’est pas ici à Pavant-plan. 2. Ce termé a été déjà proposé par M. CzA1rer (1898). ESSAI DE CLASSIFICATION DES RÉFLEXES NON NERVEUX. 669 réaction. On pourrait former ces mots en -agoque. Ainsi, la lumière est tonésagogue quand elle donne à la Sensitive le tonus nécessaire; elle : est taxagogue ou tropagogue quand elle provoque un taxisme ou un tropisme; elle est auxotagogue, quand elle modifie la croissance. Sit venia verbis. BIBLIOGRAPHIE 1891. — J. Ar Kiercker, Ueber caloritropische Erscheinungéen bei einigen Keimwurzeln. Ofversigt af Kongl. Vet.-Akad. Forhandl., no 10, Stockholm. 1870. — E. Askexasy, Ueber den Einfluss des Wachsthumsmediums auf die Gestalt der Pflanzen. Bot. Zeit., 1870, S. 193. 4895. — G. Bonxier, Influence de la lumière électrique continue sur la forme et la structure des plantes. Rev. gén. Bot. T. VIF, p. 241. 1895. 4. — Fr. Czarek, Untersuchungen über Geotropismus. Jahrb. f. wiss. Bot. Bd 27, S. 243. 4895. 2. — Ueber Zusammenwirken von Heliotropismus und Geotro- pismus, Sitzungsb. Kais. Akad. Wiss. Wien. Math.-nat. Classe. Bd CIV. Abth. I. März, 1895. 1898. — Weitere Beiträge zur Kenntniss der geotropischen Reizbewegun- gen. Jahrb. f.uwiss. Bot. Bd 22, $S. 175. 4882, — Ch. Darwin, La Faculté motrice dans les plantes. Trad. franc. 4872, — H. pe Vries, Ueber einige Ursachen der Richtung bilateral- symmetrischer Pflanzentheile. Arb. d. bot. Inst. au Würzburg, Bd I, S. 223. 4891. — E. pe Wizpeman, Recherches sur l'influence de la température sur la marche, la durée et la fréquence des caryocinèses dans le règne végétal. Ann. Soc. belge. microsc. (Mémoires). T. XV, p. à. 1880. — Fr. Ezrvinc, Beitrag zur Kenntniss der physiolog. Einwir- kung der Schwerkraft auf die Pflanzen. Acta. Soc. Fenn.T. XII. (Cité d'après (zapek, 1898.) 1881. — W,. ENGeLmanx, Neue Methode zur Untersuchung der Sauerstof- fausscheidung. Bot. Zeit. 1881,S. 441, 4882. — Bacterium photometricum. Pflüger's Archiv. Bd 30, 1888. — W. ExGezmanx, Die Purpurbacterien und ihre Beziehung zum Licht. Bot Zeit., 1888. 1884. — L. ErrerA, Die grosse Wachsthumsperiode bei den Fruchtträgern von Phycomyces. Bot. Zeit., 1884, S. 497. 1894, — La pointe de la racine. Bull. Soc. roy. bot. Belg. T. XXXHT, 2e partie, p. 87. 1896. — Essais de philosophie botanique. — I. L'Optimum, Rev. Univ. Brux. TH. 1900, — G. HaBercanpr, Ueber die Perception des geotropischen Reizes. Ber. d. deutscl ? bot. Ges. Bd 18, S. 261. 670 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. 1891. — R. Heccer, Ueber die physiologische Wirkung der Hertz’schen Elektricitätswellen auf Pflanzen. Verh. d. Ges. deutscher Naturf. u. Aerzte, Halle, 1891. 1897. — H. S. Jennines, Studies on the reactions to stimuli in uni- cellular organisms. I. Reactions to chemical, osmotic and mechanical stimuli in the ciliate Infusoria. Journal of Physiology, vol. XXI. 1899. — Studies, etc. II. The mechanism of the motor reactions of Paramaecium. Am. Journal of Physiol., vol. I. 1900. — Studies, ete. V. On the movements and motor reflexes of the Flagellata and Ciliata. Am. Journal of Physiol., vol. LI. 1892. — P. Jensex, Ueber den Geotropismus niederer Organismen. Pflüger's Archiv. Bd LI. 1883, — B. Jônsson, Der richtende Einfluss strômenden Wassers auf wachsende Pflanzen und Pflanzentheile (Rheotropismus). Berd. deutsch. bot. Ges.Bd:1, S. 512. 1886. — G. KzeBs, Ueber die Organisation der Gallerte bei einigen Algen und Flagellaten. Arb. a. d. bot. Inst. zu Tübingen. Bd II, S. 333, 1886. — F.G. Kour. Die Transpiration der Pflanzen, Braunschweig, H. Bruhn, 1886. 1890. — F. Le Daxrec, Recherches sur la digestion intracellulaire chez les Protozaires. Ann. Inst. Past. Vol. IV, p. 776. 1890. — J. Lors, Der Heliotropismus der Thiere und seine Ueberein- stimmung mit dem Heliotropismus der Pflanzen. Würzburg, 1890. 1891. — Ueber Geotropismus bei Thieren. Pflüger's Archiv. Bd XLIX, SD 1890. — J. Massarr er CH. Borper, Recherches sur l'irritabilité des leu- cocytes, Journal de la Soc. roy. Sciences méd. et nat. Bruxelles, février 1890. 1889. — J. Massarr, Sensibilité et adaptation des organismes à la con- centration des solutions salines. Arch. de Biologie, t. IX. : 1890. — La sensibilité tactile chez les organismes inférieurs. Journ. Soc. roy. Sc. méd. et nat. Bruxelles, 1er décembre 1890, 1891. 1. — Recherches sur les organismes inférieurs. — Il. La sensibilité à la concentration chez les êtres unicellulaires marins. Bull. Acad. roy. Sc. Belg. (3), t. XXII, p. 148. 1891. 2. — Recherches, etc, — TITI. La sensibilité à la gravitation. Jbidem. 1893. — Sur l'irritabilité des Noctiluques. Bull. scient. France et Belg., LOXAN D 00 1898. — J. Massarr, La cicatrisation chez les végétaux. Mém. cour. Acad. roy. Belgique, t. LVIT. 1901. — Le lancement des trichocystes chez Paramaecium aurelia. Bull. Acad. roy. Belg. (CL. d. Sc.), n° 2, p. 91, 1901. 8095, — Mexpezssonx, Ueber den Thermotropismus einzelliger Orga- nismen. Pflügers Archiv, Bd LX. 1900. — B. Nèwec, Ueber die Art der Wabrnehmung der Schwerkraft- reizes bei den Pflanzen. Ber. d. deutsch. bot. Ges., Bd 18, S. 241. 1900. — Fr. Norc, Ueber den bestimmenden Einfluss von Würzelkrüm- ESSAI DE CLASSIFICATION DES RÉFLEXES NON NERVEUX. 671 mungen auf Entstehung und Anordnung von Seitenwurzeln. Landioirthsch. Jahrb., 1900. 1900. — R. P£arz, On the reactions of certain Infusoria to the electric current. Am. Journ. Physiol., vol. IV, p. %6. 1875. — W. Prerrer, Die periodische Bewegungen der Blattorgane. 14884. — Locomotorische Richtungsbewegungen durch chemische Reize. Unters a. d. bot. Institut zu Tübingen, Bd I. 1885. — Zur Kenntniss der Contactreize. Unters. a. d, bot. Institut zu Tübingen, Bd'I, S. 483. 1888. — Ueber chemoiactische Bewegungen von Bacterien, Flagellaten und Volvocineen. Unters a. d. bot. Institut zu Tübingen, Bd I. 4891. — Mittheilungen über Versuche Hegler's « Ueber den Einfluss von Zugkräften auf Pflanzen ». Sitzb. d. Sächs. Gesellsch. d. Wissensch., 1891, S. 638. 1893. — Druck- und Arbeitsleistung durch wachsende Pflanzen. Abh. math.- phys. Classe d. Kôn. Sächs. Ges. d. Wissensch, Bd XX, S. 235. 1900. — A. Pürrer, Studien über Thigmotaxis bei Protisten. Arch. f, Anat. u. Physiol. Phys. Abth. Supplementband, S. 243. 1872. — M. J. Rosssaca, Die rhythmischen Bewegungserscheinungen der einfachsten Organismen und ihr Verhalten gegen physikalischen Agentien und Arzneimittel. Verh. d. physik.-medic. Ges. Würzburg. N.-F., Bd If, SEAT. 1896. — W. RoraertT, Ueber Heliotropismus. Beiträge zur Biologie der Pflanzen, Bd VIL S. 1. 1901. — Beobachtungen und Betrachtungen über tactische Reizerschei- nungen. Flora, Bd. 88, S. 371. 1872. — J. Sacs, Ablenkung der Wurzel von ihrer normalen Wachsthums. richtung durch feuchte Kôürper. Arb. d.b ot. Inst. zu Würzburg. Bd, S. 209. 1873-1874. — Ueber das Wachsthum der Haupt-und Nebenwurzeln. Ibidem, S. 385 und 584. 1894. — Physiologische Notizen. VIIL. Mechanomorphose und Phylogenie Flora, Bd 78 $S. 275. 1881. — Fr. Scawarz, Der Einfluss der Schwerkraîft auf das Längen- wachsthum des Pflanzen. Unt. a. d. bot. Inst. zu Tübingen. Bd I, S. 53. 1892. — S. SCHWENDENER UND G. KRkABBE, Untersuchungen über die Orien- trungstorsionen der Blätter und Blüthen. Abh. d.k. preuss. Akad. d. Wis- sensch. 1892. 1880. — E. Sraxr, Ueber den Einfluss von Richtung and Stärke der Beleuchtung auf einige Bewegungserscheinungen im Pflanzenreiche. Bot. Zeil., 1880, S. 393. 1884, 1. — E. SrauL, Zur Biologie der Myxomyceten. Bot. Zeit., S. 145, 1884, 2. — Einfluss des Lichtes auf den Geotropismus einiger Pflanzen- organe. Ber. d. deutsche bot. Ges., Bd II, S. 383. 1885. — Eiufluss der Beleuchtungsrichtung auf die Theilung der Equise- tumsporen. Ber. d. deutsch. bot. Ges., Bd III, S. 334. 1878. — E. SrrasBurGER, Einfluss des Lichtes und der Wärme auf Schwarmsporen. Jenais che Zeitschrift f. Naturf. Bd XIT. 672 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. 1883. — M. Treus, Sur une nouvelle catégorie de plantes grimpantes Ann. Jard. Bot. Buitenzorg, T. II, p. 44. 1899. — Fr. Van RYSssELBERGHE, Réaction osmotique des cellules végétales à la concentration du milieu. Mem, cour, Acad. roy. Belg., t. LNH. 1901. — Influence de la température sur la perméabilité du protoplasme vivant pour l’eau et les substances dissoutes. Bull. Acad. roy. Belg. (CL. d. Sci.), p. 173, mars 1901. 1889, 1. — M. VerworN, Die polare Erregung der Protisten durch den galvanischen Strom. Pflüger’s Archiv., Bd XLV et XLVI. 1889, 2. — Psycho-physiologische Protistenstudien. Jena, 1889. 1896. — Die polare Erregung der lebendigen Substanz. IV. Mitth. Pflüger's Archiv. Bd. LXV. 1900. — Physiologie generale. Trad. franç., Paris, 4900. 1878 et 1884. — H. VôcurnG, Ueber Organbildung im Pflanzenreich. X, Th., Bonn, 1878; II. Th., Bonn, 1884. 1882, — Bewegungen der Blüthen und Früchte. Bonn, 14882. 1892. — Ueber Transplantation am Pflanzenkôürper. Tübingen, 1892. 1900. — À, D. Warcer, Four observations concerning the electrieal effects of Light upon Green Leaves. Proc. Physiolog. Soc. June, 30, 1900. 1895. — H.J. Wesger, Studies on the Dissemination and Leaf Reflexion of Yucea aloifolia and other species. Sixth ann. Rep.ofthe Missouri Botan. Gar- den, p. 91. 1868. — J. Wiresner, Beobachtungen über den Einfluss der Erdschwere auf Grüssen und Formverhältnisse der Blätter. S#3b. d. math.-naturrw. CL. d. Akad, d. Wiss. in Wien, Bd LVIIT, Abth. I, S. 369. 1878 et 1880. — Die heliotropischen Erscheinungen im Pflanzenreiche I. Th. Deukschr. d. k. Akad. d. Wiss z. Wien. Bd XXXIX; . Th. Ibid. 1SS9. — Biologie der Pflanzen. Wien, 1889. Le Gérant : G. Masson. Sceaux. — Imprimerie E. Charaire, 4508 ANNÉE SEPTEMBRE 1901 No 9 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR RECHERCHES MORPHOLOGIQUES ET EXPÉRIMENTALES SUR LE TRYPANOSOME DES RATS (Tr, Leuisi Kent \ Par MM. A. LAVERAN er F, MESNIL En novembre 1843, Gruby a décrit un Protozoaire parasite du sang de la grenouille, auquel il a donnéle nomde Trypanosoma, en raison deses mouvements entarière (rpiravoy tarière, coux corps ); ce parasite avait été vu déjà par Gluge (1842) et Mayer (juillet 1843); Valentin avait observé (1841) un hématozoaire analogue chez la truite (Salmo fario!). Depuislors des Trypanosomes ont été signalés chez un grand nombre d'animaux appartenant à lPembranchement des Verté- brés, et il a été démoutré que plusieurs épizooties graves attei- gnant les animaux domestiques avaient pour agents pathogènes des Trypanosomes : Surra de l’Inde, Nagana ou maladie de la mouche tsétsé qui produit de si grands ravages dans certaines régions de l'Afrique, maladie du coït ou Dourine, commune notamment en Algérie. La connaissance des Trypanosomes ayant acquis en patholo- gie vétérinaire une grande importance, 1l nous a semblé utile de reprendre Fétude de ces parasites. + Des parasites qui paraissent bien devoir être rapportés aux Trypanosomes ont été signalés en 1845 par Gros, dans le sang 1. G. VALENTIN, Müllers Archiv, p. 435. — G. GLuGE, même Rec., 1842, p. 148, — Grugy, Acad. des Sc., 1843, Comptes Rendus, XVII, p. 1134, 42 674 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. d'un mulot:, et en 1850 par Chaussat, dansle sang de Mus rattus, à Aubusson*, Lewis a décrit, en 1878, le Trypanosome des rats qu'il avait trouvé, au Bengale, dans le sang de Mus decumanus et de Mus rufescens *. Tr. Leivisi est de tous les Trypanosomes celui qui se prête le mieux à une étude prolongée et à l’expérimentation. Il est facile de se procurer des rats d’égout infectés naturellement, facile de conserver le parasite, de l'inoculer à des rats blancs et de suivre son évolution. Il était donc indiqué de commencer par ce para- site notre étude des Trypanosomes ; nous avions d'ailleurs de bons guides. Crookshank a donné du Frypanosome des rats une descrip- tion plus complète que celle de Lewis; il a bien vu la membrane ondulante et le flagelle *. Danilewsky * et Chalachnikuw * ont étudié avec soin ce parasite. Nous aurons souvent l’occasion de citer dans ce travail les excellents mémoires de L. Rabinowitschet W.Kempner ‘et de Wasielewski et G. Senn * sur le Trypanosome des rats. Plusieurs observateurs et Lewis lui-même ont admis que le Frypanosome des rats était identique au Trypanosome décou- vert par Evans, aux Indes, dans le sang des animaux atteints de Surra; il est démontré aujourd’hui que ces parasites appar- tiennent à deux espèces bien distinctes au point de vue morpho- logique, comme au point de vue de laction pathogène. Le Try- panosome du Nagana est probablement le même que celui du Surra, enfin le Trypanosome de la Dourine appartient à une espèce distincte; nous n'avons done pas à citer ici les travaux qui concernent spécialement l'étude de ces parasites. Le Trypanosome découvert en 1881 par R. Koch et 6 1. Gros, Bullet. Soc. Natural., Moscou, 1845. 2. CHaussar, Thèse, Paris, 1850, n° 192. 3. T. Lewis, Annual Report of san. com. with Gov. of India, 1878, Appen- dix 14 et Quart. Journ micr. sc., 1579. 4. CrooksHank, Journ. 9f the R. microse. Soc., nov. 1886, p. 913. 5, Daxizewsky, Arch. slaves de biologie, 1886-1887, et Rech. sur la parasilologie comparée du sang. Kharkow, 1888-89. 6. CaaLacanixow, Aech. sur les parasites du sang chez les animaux à sang froid et à sang chaud. Kharkow, 1888. 7. L. Rapnowirson et W. Kempner, Zeitschr. f. u. Hyg. Infectionskr., 1899, t XXX /p 12512 8. WasreLewsxi et G. SENN, Zeitschr. f. Hyg.u. Infectionskr., 1900, t. XXXIIT, p. 444. 9. Lewis, Quarter. Journal of microsc. Sci, 1884, €. XXIV, p. 351-309. RECHERCHES SUR LE TRYPANOSOME DES RATS. 675 v. Wittich chez le hamster (Cricetus Frumentarius) paraît aussi appartenir à une espèce distincte de Tr. Lerisi ‘. Le Trypanosome des rats était rangé naguère dans le genre Herpetomonas Kent (1881) ; onsupposait qu'il yavaitdes différences notables de structure entre ce parasite et les Trypanosomes des grenouilles et des poissons appartenant au genre Trypanosoma Gruby. Il résulte des recherches comparatives que nous avons faites sur les Trypanosomes des rats et du Nagana d’une part, etsur le Trypanosome de la grenouille verte d'autre part, queces parasites sont construits exactement sur le même type et que par suite il n’y a pas lieu de conserver le genre Herpetomonas ?. I. — FRÉQUENCE DE L'INFECTION NATURELLE DES RATS D'ÉGOUT. — MODES D’INFECTION. — LES RATS SEULS PEUVENT ÊTRE INFECTÉS par Tr. Lewisi. Les rats d’égout sont souvent infectés de Trypanosomes; la fréquence de ces parasites a été constatée sur un grand nombre de points du globe. T. R. Lewis, à Calcutta, a constaté que Mus decumanus et Mus rufescens étaient infectés dans la proportion de 29 0/0. Vandyke Carter, à Bombay, a trouvé des Trypanosomes chez 12 0/0 des rats examinés *. Lingard, qui observait également aux Indes, indique une proportion de 30 0/0, qui se rapproche beaucoup de celle trouvée par Lewis :. es à Crookshank, à Londres, a vu des Trypanosomes chez 25 0/0 des rats examinés. R. Koch, à Daressalam, sur 24 rats capturés dans différentes maisons, en a trouvé 10 qui étaient infectés *. Rabinowitsch et Kempner ont constaté qu'à Berlin les rats sauvages étaient infectés dans la proportion de 41,8 0/0. II n'y avait pas de différence notable suivant les quartiers. 4. R. Kocu, Mittheil, aus dem Kais. Gesundheïtsamte, 1881, &. I, p. 8. 2. À. Laverax et F.Mesniz, Société de biologie, 22 juin 1901, et Comptes rendus de l'Acad. des Se., 15 juillet 1901. 3. Vaxoye Carren, Scientific Memoirs by med. officers of the Army of India, 4887, t. IV, p. 50. 4. Lixcarn, Report ou Horse Surra, Bombay, 1893-1895. 5. R. Kocn , Reiseberichte über Rinderpest, etc…, Berlin, 1898, p. 70. 676 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. A Paris, l'infection chez les rats d’égout (Mus decumanus) ae paraît pas commune; sur #3 rats examinés par nous, 2 seulement ont été trouvés infectés. A Lille, d’après les renseignements qui nous ont été fournis par M. le docteur Calmette, l’infection des rats d’égout est commune. L'infection naturelle par les Trypanosomes n’a jamais été observée jusqu'ici chez les rats blancs ou tachetés ; sur 83 rats de cette espèce examinés par L. Rabinowitsch et W. Kempner, aucun n’a été trouvé infecté; nous avons examiné plusieurs centaines de rats blancs sans en trouver un seul qui fût infecté naturellement de Trypanosomes. Cette absence d'infections naturelles par les Trypanosomes chez les rats blancs ou tache- tés, qui sont cependant très sensibles à l’infection artificielle, rend ces animaux précieux pour l’étude de Tr. Lervisi. Il est facile, comme l’a montré R. Koch, d’inoculer le Trypa- nosome du rat gris aux rats de même espèce ou bien aux rats blancs ‘. Le procédé le plus sûr consiste à inoculer le sang con- tenant les Trypanosomes dans le péritoine des rats que l’on veut infecter; nos observations confirment absolument, sur ce point, celles de Rabinowitsch et Kempner. Nous n’avons jamais vu se produire d'accidents chez les animaux ainsi inoculés, lorsque le sang ne provenait pas d'animaux ayant des infections secondaires. Les inoculations sous-cutanées réussissent également, mais l'apparition des Trypanosomes dans le sang est un peu moins rapide qu'après l’inoculation intra-péritonéale. Tr. Lewisi ne se développe que chez les rats. Koch, Rabino- witsch et Kempner ont essayé sans succès d’inoculer le parasite à différents animaux : souris grises ou blanches, cobaye, lapin, chien, chèvre, cheval?. Le hamster lui-même, qui cependant est souvent infecté par des Trypanosomes très voisins de Tr. Lewisi, s’est mon'ré réfractaire. Lorsqu'on inocule du sang de rats infectés à d’autres ani- maux, on peut trouver, pendant 24 ou 48 heures, quelques Try- panosomes dans le sang des animaux inoculés, mais les Trypa- nosomes ne se multiplient pas et ne tardent pas à disparaître. 1. R. Kocu, Aeiseberichte, loc. cit. 2. Lingard dit avoir réussi à infecter différents auimaux avec le Trypanosome des rats, mais Lingard, qui observait aux Indes, a confondu ce Trypanosome avec celui du Surra. RECHERCHES SUR LE TRYPANOSOME DES RATS, 677 Après avoir injecté du sang riche en Trypanosomes (77. Leivisi), dans le péritoine de souris blanches, nous avons vu que les Try ypanosomes se retrouvaient dans le péritoine et dans e sang après 24 heures; au bout de #8 heures ils avaient tou- jours disparu Le cobaye est, en dehors des rats, le seul animal chez lequel uous ayons observé un commencencement d'infection par Tr. Leivisi. Lorsqu'on injecte dans le péritoine d’un cobaye, et surtout d’un jeune cobaye, du sang riche en Trypanosomes, on constate, au bout de 24 ou de 48 heures, des formes de multi- plication très nombreuses dans le péritoine; les Trypanosomes se montrent en plus ou moins grand nombre dans le sang, mais bientôt ils disparaissent du sang, comme de l’exsudat péritonéal. Nous reviendrons plus loin sur les formes d'involution de Tr. Lewisi chez le cobaye. L'infection naturelle chez le rats gris vivant à l’état sauvage paraît se faire par les puces et peut-être par les poux qui, après avoir sucé le sang des animaux infectés, vont piquer des ani- maux sains. En écrasant des poux capturés sur des rats infectés, nous avons trouvé dans leur estomac, au milieu de sang hémolysé, des Trypanosomes: Rabinowitseh et Kempner n’ont pas réussi à voir des Trypanosomes en examinant des puces capturées sur des rats infectés, mais, en écrasant dans de l’eau physiologique quelques-uns de ces insectes, et en inoculant dans le péritoine de rats neufs cette dilution, ils ont produit des infections 5 fois sur 9, Ils ont fait en outre les expériences suivantes : Un rat blanc infecté est mis avec des rats blancs non infectés ; au bout de 11 à 15 jours on constate l’apparition de Trypano- somes dans le sang des rats neufs. Des puces capturées sur des rats infectés sont portées sur de rats sains; chez un de ces rats, on voit apparaître au bout de quelques jours des Trypanosomes dans le sang. Ces expériences paraissent démontrer que les puces jouent dans la transmission de Tr. Lewisi un rôle analogue à celui de la mouche tsétsé dans la transmission du Nagana. Lesessais d'infection par la voie stomacale ont toujours donné des résultats négatifs! 4. Les rats peuvent s’infecter en mangeant des aliments souillés avec le sang 678 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR, Les parasites ne semblent pas pouvoir traverser le placenta. Lorsque des femelles pleines sont infectées, on ne trouve pas de Trypanosomes dans le sang des fœtus. Chaussat avait déjà signalé ce fait. Il. —— TecaniQuE POUR L'ÉTUDE MORPHOLOGIQUE DE Tr. Lewis. — OBSERVATION A L'ÉTAT FRAIS. — ACTION DE LA TEMPÉRATURE. — LONGUE CONSERVATION A LA GLACIÈRE. — PROCÉDÉS DE COLO- RATION. L'observation des Trypanosomes dans le sang frais est facile; on coupe l’extrémité de la queue d’un rat infecté, on recueille une goutte de sang sur une lame porte-objet et on recouvre avec une lamelle; le sang doit être étalé en couche mince; il importe, en effet, que les Trypanosomes ne soient pas dissimulés, sur tous les points de la préparation, au milieu des hématies. Les mouvements queles Trypanosomes impriment aux hématies permettent de reconnaître l'existence des parasites à un faible grossissement, ce qui facilite leur recherche quand ils sont en petit nombre dans le sang. Dans les cas où l’on veut faire des observations prolongées, il faut employer les préparations en goutte pendante qui sont très utiles notamment pour l’étude du phénomène de l’aggluti- nation. Le sang est mélangé à de l’eau physiologique ordinaire, puis défibriné à de l’eau physiologique citratée de manière à empêcher la coagulation, ou encore à du sérum de rat normal ou d’autres animaux. Lorsque nous avions besoin d'une cer- taine quantité de sang ou de sérum, les rats étaient saignés à la carotide, ce qui est facile, au moins chez les gros rats. La durée de conservation des Trypanosomes dans les prépa- ralions en goutte pendante ou dans le sang conservé dans des tubes stérilisés est assez variable. Danilewsky a observé des Trypanosomes vivants dans du sang de rat recueilli depuis 8 à 9 jours dans une pipette et conservé à la température du laboratoire. Les jeunes Trypano- somes peuvent résister, dit-il, un peu plus longtemps, soit 10 à 12 jours. à Trypanosomes ou en dévorant d’autres rats infectés, mais à condition que le museau soit écorché. Rogers a fait, à ce sujet, des expériences très probantes avec le Trypanosome du Surra (Proceed. ofthe R. Soc., 4 mai 1901). A'NOpD.Rert. pure RECIHERCHES SUR LE TRYPANOSOME DES RATS. 679 Il résulte de nos observations que la température exerce une grande influence sur la durée de conservation de Tr. Lewisi. Pendant l'été, les Trypanosomes conservés dansle laboratoire ne surviveni guère au delà de 4 jours; en hiver, nous avons conservé du sang à Trypanosomes (mélangé à du sérum de rat, de poule ou de pigeon) en goutte pendante dans le labora- toire pendant 18 jours : au bout de ce temps, le sang était profon- dément altéré, mais on distinguait encore quelques Trypano- somes mobiles. A la température de la glacière (5 à 7° C. au-dessus de 0) la durée de conservation de Tr. Lewisi augmente beaucoup’. Nous avons trouvé des Trypanosomes mobiles dans du sang débriné, mélangé d’eau physiologique, conservé à la glacière depuis 30, 36, 44, #7, 49, 50, 51 et 52 jours. Au sortir de la glacière, les mouvements des Trypanosomes sont ralentis, ils s’'accélèrent à mesure que le sang se réchauffe. L'observation suivante montre bien l'influence de la tempé- rature sur la durée de la conservation de Tr. Lewvisi. Un rat blanc fortement infecté de Trypanosomes est saigné le 2 août 14900. Le sang, recueilli avec pureté dans la carotide, est mélangé d'eau physiolo- gique à parties égales et défibriné. Un échantillon du sang est mis à la glacière le 2 août, un autre échantillon identique au premier est conservé à la température du laboratoire. A. — Sang conservé à la température du laboratoire (15 à 29 degrés). 5 août. — Les Trypanosomes libres ou agglomérés ont des mouvements ralentis. 3 8 août, — On ne voit plus aucun Trypanosome mobile. B. — Sang mis a la glacière. à août. — Les Trypanosomes isolés ou agglomérés en rosaces(voir ch. IV) sont animés de mouvements très vifs. 8 août. — Trypanosomes nombreux, très mobiles, formant souvent de grandes agglomérations. 15-24 août. — Trypanosomes isolés ou agglomérés, moins nombreux que lors de l'examen fait le 8 août ; les mouvements sont ralentis. 18 septembre. — On trouve encore des Trypanosormes mobiles. 22 septembre. — On ne voit plus de Trypanosomes mobiles. Dans ce cas, les Trypanosomes n'ont donc vécu que quatre à cinq jours dans le sang conservé au laboratoire, tandis que dans le sang mis à la glacière ils vivaient encore au bout d’un mois et demi. Des échantillons de sang à Trypanosomes conservés à la 1. Lavera et MEswic, Soc. de biologie, 6 octobre 1900. . 6S0 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. glacière depuis 44, 47, 51 et 52 jours se sont montrés encore virulents, il y a eu seulement un retard dans l'apparition des Trypanosomes dans le sang des rats inoculés. La durée de conservation est beaucoup diminuée si le sang n’a pas été recueilli avec pureté, et si des bactéries s’y développent en grand nombre. Les Trypanosomes supportent assez bien une température de 440; à 50° les mouvements se ralentissent rapidement et, au bout de 5 minutes. on ne voit/plus aucun Trypanosome mobile. On ne voit jamais apparaître des formes de multiplication dans le sang conservé soit en goutte pendante à la température du laboratoire, soit dans des tubes à la glacière. Comme les Trypanosomes s’agglomèrent sur certains points, on peut avoir parfois l'illusion d'une multiplication des parasites. Pour observer les formes de multiplication, il faut examiner le sang d’un rat inoculé depuis 4 à 8 jours : au delà de ce laps de temps on ne trouve plus dans le sang que des Trypanosomes arrivés à leur développement complet; c’est ainsi que chez les rats d’égout infectés naturellement et, en général, depuis assez longtemps, on chercherait en vain des formes de multiplication. En examinant l’exsudat péritonéal d’un rat inoculé dans le péritoine depuis 24 à 48 heures, on peut voir aussi des formes de multiplication en grand nombre. Pour étudier la structure des Trypanosomes, il est indispen- sable d’avoir des préparations colorées et colorées d’après une méthode particulière. La méthode suivante! est celle qui nous a donné les meilleurs résultats. Le sang est étalé en couche mince sur une lame porte-objet, séché rapidement, et fixé dans l’alcool absolu (10 à 15 minutes). Les solutions qui suivent doivent être préparées à l'avance. 1° Bleu de méthylène à l’oxyde d'argent ou bleu Borrel. Dans une fiole de 150 c. c. environ, on met quelques cristaux d’azo- tate d'argent et 50 à 60 c. e. d’eau distillée; quand les cristaux sont dissous, on remplit la fiole avec une solution de soude et on agite; il se forme un précipité noir d’oxyde d’argent qui est lavé à plusieurs reprises à l’eau distillée, de manière à enlever l’azotate de soude et l’excès de soude. On verse alors sur l’oxyde d'argent une solution/aqueuse saturée de bleu de mé- 1. Lavera, Soc. de biologie, 9 juin 1900. RECHERCHES SUR LE TRYPANOSOME DES RATS, 681 thylène préparée avec du bleu de méthylène médicinal de Hüchst; on laisse en contact pendant 15 jours en agitant à plu- sieurs reprises; 2° solution aqueuse d’éosine à 1 0/00 (éosine soluble dans l’eau de Hüchst); 3° solution de tannin à 5 0/0. On prépare, au moment de s’en servir, le mélange colorant d'après la formule suivante : Solution d’éosine à 4 0/00......:.:.... 4 centimètres cubes, BAUFTISELLLE PAR EUR RARE PER ER 6 —— BIeBORLE RER SERA ER SI PER Re R ane 2e { ceilimètre cube, La lame porte-objet sur laquelle le sang a été étalé et fixé est plongée dans le mélange colorant qui a été versé dans une boîte de Pétri, par exemple, et on l’y laisse de 20 à 30 minutes. Au sortir du bain la préparation est lavée à grande eau, puis traitée par la solution de tannin (10 à 15 minutes), on lave de nouveau à grande eau, puis à l’eau distillée et on sèche. Lorsqu'il s’est formé un précipité qui gène pour l'examen on lave à l'essence de girofle, puis au xylol, et on passe uu linge fin trempé dans le xylol à la surface de la préparation. Les préparations se conservent mieux à sec que dans le baume et surtout que dans l’huile de cèdre où elles se déco- lorent rapidement. Lorsque la coloration est bien réussie, le protoplasme des Trypanosomes se colore en bleu clair, les noyaux se colorent en violet ainsi que les centrosomes et les flagelles, dans leur partie libre aussi bien que dans la partie qui borde la membrane ondulante; la membrane ondulante reste incolore ou prend une teinte bleuâtre très pàle. Les hématies sont colorées en rose, les noyaux des leucocytes en violet foncé. Wasielewski et Senn ont obtenu de bons résultats en se servant de la méthode de Romanowsky modifiée par Nocht. La méthode de coloration indiquée plus haut nous paraît être d’un emploi plus facile et plus sûr que la méthode de Romanowsky primitive ou modifiée. Lorsqu'on veut colorer rapidement une préparation conte- nant des Trypanosomes ou bien lorsqu'on n’a pas à sa disposi- tion les colorants nécessaires pour appliquer la méthode que nous préconisons, on peut colorer avec la solution alcoolique 682286 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. de fuchsine ou bien avec une solution de phénate de thionine, Le noyau, le centrosome et le flagelle se colorent plus forte- ment que le protoplasme, et l’on obtient ainsi des préparations qui suffisent, dans la pratique, quand il s’agit seulement de reconnaître l'existence des Trypanosomes et leur abondance. Par le procédé de Heidenhain, le noyau, le centrosome et le flagelle se colorent plus fortement que le protoplasme, mais sont naturellement beaucoup moins apparents que lorsqu'ils prennent une teinte bien différente de celle du protoplasme, comme dans notre procédé et dans celui de Romanowsky. IT. — Morpuorocie. — Sreucrure pE Tr. Leiwisi. — Mopes DE MULTIPLICATION. — FORMES D’INVOLUTION. — DIFFÉRENCES MORPHO- LOGIQUES AVEC QUELQUES TRYPANOSOMES VOISINS. Nous examinerons : 1° le parasite arrivé à son développe- ment complet; 2° les formes de multiplication. 1° Forme adulte de Tr. Leiwvisi. Dans le sang frais, Tr. Lewisi se présente sous l’aspect d’un vermicule très mobile qui est garni, d'un côté, d’une membrane ondulante; les extrémités sont effilées et l’une d'elles se termine en flagelle. Le parasite est toujours libre dans le plasma, à aucune période de son évolution 1l n’est endoglobulaire ; il se meut avec une grande vivacité au milieu des hématies auxquelles :1l imprime des mouvements très variés, sans les altérer d’ailleurs. Les mouvements s’exécutent au moyen de la membrane ondulante et du flagelle; de plus, le corps s’infléchit dans tous les sens tout en conservant sa forme. Lorsque les mouvements sont ralentis (ce qui arrive dans les préparations faites depuis quelque temps), on voit bien les ondulations en forme de vague de la membrane ondulante, ondulations qui se font tantôt dans un sens et tantôt dans l’autre. Le Trypanosome se meut en général le flagelle en avant; on doit donc considérer l'extrémité portant le flagelle comme l'extrémité antérieure ; c'est d’ailleurs la règle chez les Flagellés. On distingue dans le protoplasme qui constitue le corps des Trypanosomes de fines granulations et souvent, vers la partie postérieure, une granulation assez réfringente qui correspond à ce que nous décrirons plus loin comme le centrosome. RECHERCHES SUR LE TRYPANOSOME DES RATS. 683 Le noyau n’est pas apparent, Tr. Lewisi mesure, flagelle compris, 24 à 25 y de long sur 1 1/2 y de large environ, Après coloration par le procédé indiqué plus haut, la struc- ture de Tr. Lewisi apparaît très nettement. (Fig. 1 et PL XL fig. 1.) Dans le protoplasme coloréen bleu clair, on distingue le noyau (n) coloré en violet; un amas beaucoup plus petit de chromatine (c) situé vers l'extrémité postérieure se colore plus fortement; enfin, le long du bord libre de la membrane ondulante (m), un filament égalementcoloré er violet se continue d’un côté avec le flagelle (f), tandis qu'à l’autre extrémité il aboutit au corpuseule indiqué dans la figure par la lettre c. La membrane ondulante, si lon en excepte son bord épaissi, en continuité avec le flagelle, est incolore. Le protoplasme contient souvent de fines granulations, Le noyau situé d'ordinaire plus près de l'extrémité anté- rieure que de la postérieure a une forme allongée; à l’intérieur, des granulations se colorent plus fortement que la masse chro- matique principale. Le corpuscule (c) placé à la base du flagelle a été considéré par Rabinowitsch et Kempner, qui l'ont découvert, comme un nucléole, par Plimmer et Bradford! comme un micropucleus, par Wasielewski et Senn, qui ont vu ses rapports avec le fla- gelle, comme un épaississement du périplaste assimilable à un blépharoplaste. A plusieurs reprises, nous avons discuté la nature de ce corpuscule et cherché à démontrer qu'il s'agissait d’un centrosome *. Nous ne reproduirons pas ici tous les argu- ments que nous avons fait valoir en faveur de cette opinion; nous rappellerons seulement que les corpuscules en question ont la plus grande ressemblance avec les centrosomes des Spermatozoïdes et avec ceux des Noctiluques. Dans les Trypano- somes, les noyaux se divisent par amitose; on ne peut donc pas saisir sur le fait le rôle centrosomique des corpuscules dont nous parlons. Il n’en est pas de même pour les Noctiluques; les divisions nucléaires préparatoires du bourgeonnement de ces Protozoaires sont du type mitosique, et l'existence de sphères attractives aux pôles des fuseaux de division a été démontrée. 4. Primmer et Braprorp, Centralbl. f. Bakter.. X. Abtheil, XX VI, 1899. 2. Laveran et MEsniz, Soc. de Biologie, 17 novembre 1900 et 29 mars 1901. 684 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Or, quand les divisions nucléaires sont finies et que les petits bourgeons se différencient, Ishikawa ! a vu le flagelle de la jeune Noctiluque se développer à partir de la sphère attractive et pro- bablement à ses dépens, et ce flagelle reste en rapport avec le corpuscule centrosomique. Le centrosome qui se colore fortement se trouve en général au centre d’un espace clair; le flagelle s'arrête d'ordinaire ou paraît s'arrêter au bord de cet espace vacuolaire. Il n’est pas douteux d’ailleurs qu'il y ait continuité entre le flagelle et le corpuscule centrosomique. Quand des Trypanosomes se détrui- sent, dans du sang qui a été conservé quelque temps, avant d’être desséché, on trouve parfois sur les préparations colorées des Trypanosomes en mauvais état, réduits au flagelle et au cen- trosome représentant pour ainsi dire le squelette du parasite (fig. 16) et, dans ces conditions, on constate nettement la conti- nuité du flagelle avec le centrosome. 2° Formes de multiplication. Les auteurs ne sont pas d'accord sur la manière dont Tr. Lewisi se multiplie. D'après Danilewsky il faudrait distinguer : 1° la division longitudinale qui se fait tandis que le Trypanosome esten mou- vement : 2° la multiplication par segmentation ; dans ce dernier mode de division, le flagelle et la membrane ondulante dispa- raîtraient, le parasite prendrait une forme sphérique, et le noyau, en se divisant à plusieurs reprises, donnerait naissance à un nombre variable de jeunes éléments. L. Rabinowitsch et Kempner admettent : 1° une division longitudinale ; 2° une division transversale; 3° la segmentation; la membrane ondulante et le flagelle disparaîtraient complète- ment dans ce dernier cas. D’après Wasielewski et Senn, tout le processus de division des Trypanosomes se réduit à une division longitudinale, comme chez les autres Flagellés, avec cette exception que chez le Try- panosome en voie de division, la cellule mère est toujours reconnaissable à ses dimensions qui dépassent celles de la cellule ou des cellules filles. La cellule mère et les cellules filles peuvent rester adhérentes pendant quelque temps de manière à cons- tiluer des espèces de rosaces. Wasielewski et Senn font des réserves au sujet de la segmentation primitive multiple, ils 1. Isaikaw4, Journ. Coll. Sciences, Tokyo, 1894 et 1899. RECHERCHES SUR LE TRYPANOSOME DES RATS. 685 donnent cependant une figure de division dans laquelle on cher- che en vain la cellule mère. Les formes que revêt Tr. Lewisi au moment de sa multiplica- tion sont très variées et, au premier abord, lorsqu'on examine. une préparation dans laquelle ces formes de multiplication sont nombreuses, on a quelque peine à s’y reconnaitre; on distingue de très gros Trypanosomes à côté de Trypanosomes très petits, certains Trypanosomes en voie de division ont conservé une forme à peu près normale, d’autres ont des formes singulières et des plus variées. Dans le sang frais il est facile de constater, en raison de cette variété des formes, si les Trypanosomes sont ou non en voie de multiplication : mais c’est seulement sur des préparations bien colorées, par la méthode indiquée plus haut, que l’on peut étu- dier convenablement l’évolution de ces hématozoaires. L’exa- men du sang frais contenant des Trypanosomes en voie de mul- tiplication révèle cependant un fait intéressant, c’est que les parasites, tandis qu'ils se divisent, continuent à se mouvoir, les mouvements sont seulement ralentis. Soit une préparation de sang de rat bien colorée et riche en formes de multiplication de Trypanosomes. Si nous passons en revue un grand nombre de ces formes, il nous sera possible de les classer en deux groupes: groupe a représenté par les figures 2 à à, groupe b représenté par les figures 6 à 9. Groupe a. Le Trypanosome qui va se diviser augmente de volume, sa longueur atteint parfois 35 w, sa largeur est triplée ou quadruplée (fig. 2 et PI. XI, fig. 2). En même temps le noyau et lecentrosome augmentent de volume, ce dernier prenant une forme allongée; la base du flagelle s’épaissit. Enfin le noyau se rapproche du centrosome. A une phase plus avancée le noyau et le centrosome se divisent. Comme Rabinowitsch et Kempner, WasielewskietSenn le font remarquer, iln’y a pas de règle absolue pour l’ordre dans lequel se fait cette division; tantôt c’est le centrosome qui se divise le premier et tantôt c’est le noyau. En même temps que le centrosome, la base épaissie du fla- gelle se divise (fig. 3). Le flagelle de nouvelle formation se sépare de l’ancien flageile (PL. XL fig. 3) sans qu’il y ait dédoublement de ce dernier dans 686 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. toute sa longueur, et l’on a alors un gros Trypanosome avec deux noyaux, deux centrosomes et deux flagelles, lun de ces flagelles étant beaucoup plus court que l’autre. Le flagelle de nouvelle formation s'allonge rapidement (fig. 4). Le protoplasme se divise à son tour ; on voit alors un petit Trypanosome à court Fig. 1. Trypanosome arrivé à son développement complet, # noyau, € centrosome, # membrane ondulante, f flageille. — Fig 2 à 5. Trypanosomes en voie de multiplication; la figure 5 montre an petit Trypanosome p sur le point de se séparer du Trypanosome mère. — Fig. 6 à 9. Autres aspects des formes de multiplication. — Fig. 10. Forme de multiplication insuflisam- ment colorée, les flagelles sont invisibles, (Gr. 2000 D environ). flagelle qui adhère encore plus ou moins au Trypanosome mère (fig. 5 et PI. XL, fig. #4). Avant que ce Trypanosome de nouvelle formation devienne libre, il peut se diviser et le Trypanosome mère peut donner naissance à d’autres parasites ; ainsi s'expli- quent les groupements qui se composent d’un grand Trypano- some et de plusieurs petits Trypanosomes. (PI. XI, îe 5) for- mant parfois des espèces de rosaces. Groupe b. Les formes de multipheation de ce groupe diffèrent de celles du précédent par ce fait qu'on ne distingue plus de Trypanosome mère. Les éléments parasitaires, de dimensions variées, ont une forme sphérique, ovoïde ou irrégulière. Dans le protoplasme, on distingue des noyaux en nombre variable, RECHERCHES SUR LE TRYPANOSOME DES RATS. 687 des centrosomes voisins des noyaux et, partant de ces centro- somes, des petits flagelles de même longueur. Le nombre des noyaux est souvent de2, 4, 8 ou 16. Le nom- bre des centrosomes peut être double de celui des noyaux parce que la division des centrosomes a précédé celle des noyaux (fig. 6). Les noyaux, les centrosomes et les flageiles se divisent d’abord sans qu'il y ait trace de division du protoplasme (fig. 7); à un moment donné le protoplasme se dentelle à la périphérie (fig. 9) et se divise en fin de compte en autant d'éléments qu'il y a de noyaux et de centrosomes (fig. 8 et pl. XE, fig. 7). La multi- plication des noyaux se fait toujours par division directe. Dans les formes en voie de multiplication, on voit toujours les flagelles quand la coloration est suffisante. Au début de nos recherches sur Tr. Lewisi, nous obtenions souvent des figures analogues à certaines figures de Rabinowitsch et Kempner dans lesquelles les flagelles semblent avoir disparu ; la figure 10 repré- sente un de ces éléments, on distingue 4 noyaux et 8 centro- somes sans flagelles. Depuis que nous avons appris à mieux colorer les Trypanosomes, nous n’oblenons plus jamais de sem- blables figures, les flagelles sont toujours visibles, ce qui est en rapport avec ce que nous avons dit plus haut sur la mobilité des Trypanosomes en voie de division. Les formes de multiplication du groupe b dérivent évidem- ment de celles du groupe 4. Lorsque le petit Trypanosome p (fig. 5) s'est séparé du Trypanosome mère, son noyau, son centrosome et sonlagelle continuant à se diviser, sans division concomitante du protoplasme, on comprend facilement l'appari- tion d'éléments analogues à ceux que représentent les figures 6, 7 et 9. Les petits éléments provenant de la dislocation des rosaces peuvent encore se diviser en deux (PI. XE, fig. 8 et 9), ce qui explique l’existence de formes très petites. En somme, le mode de multiplication du Trypanosome des rats est toujours le même ; il y a toujours division du noyau, du centrosome et de la base du flagelle, mais les variétés d’aspects qui résultent de la division simple ou répétée de ces éléments et de la division précoce ou tardive du protoplasme sont nom- breuses. Fr. Lewisi présente dans l'organisme du cobaye certaines 688 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. modifications qu'il faut attribuer vraisembablement à un proces- sus d'involution. La culture qui se produit dans le péritoine à la suite de l’inoculation du sang contenant des Trypanosomes a un aspect anormal; les formes de multiplication sont encore plus variées que chez le rat, les très petites formes dominent. Au bout de 24 à 48 heures, les Trypanosomes de l’exsudat péri- tonéal et du sang présentent un point très réfringent qui, au premier aspect, pourrait être confondu avec le centrosome en 45 46 Fig. 11. Trypanosome dans le sang frais du cobaye, v. corpuscule réfrin- gent. — 12. Trypanosome dans une préparation colorée du sang de cobaye, c, centrosome, v, vacuole. — 13 et 14. Trypanosomes colorés après un séjour de 20 jours à la glacière. — 15. Trypanosome déformé après être resté 9 jours en goutte suspendue (sang et sérum de poule). — 16. Centrosome et flagelle, reliquat d'un Trypanosome dans une préparation colorée, raison de son siège constant non loin de l’extrémité postérieure ; sur les préparations colorées il est facile de s'assurer que le centrosome a son aspect normal et que, à côté, il existe une vacuole arrondie, incolore, qui correspond évidemment au point réfringent observé chez le Trypanosome vivant. La figure 11 représente un Trypanosome vu dans le sang frais du cobaye; la figure 12, un Trypanosome dans une prépa- ration colorée de sang de cobaye. Les Trypanosomes, conservés quelque temps en goutte sus- pendue, deviennent granuleux en même temps que leurs mouve- ments se ralentissent. De grosses granulations se forment chez les Trypanosomes qui sont à la glacière depuis quinze jours ou plus; ces granulations se colorent comme le centrosome et atteignent souvent le volume de ce dernier; leur nombre et RECHERCHES SUR LE TRYPANOSOME DES RATS. 689 leur disposition sont variables. Les fig. 13 et 14 représentent deux Trypanosomes colorés après un séjour de 20 jours à la glacière. La figure 15 représente un Trypanosome dans une prépara- tion colorée faite avec du sang mélangé à du sérum de poule, et conservé en goutte suspendue pendant 9 jours; il s’est produit une déformation qui existait chez la plupart des Trypanosomes de cet échantillon de sang. Lorsque les Trypinosomes sont morts, ils se déforment rapi- dement et deviennent méconnaissables. Il n’est pas possible de donner ici les caractères différentiels de Tr. Lerwisi et de tous les autres Trypanosomes : beaucoup de ces Trypanosomes (ceax du hamster, du cobaye, du lapin notam- ment) sont incompiètement connus. Nous avons vu que quelques observateurs avaient admis l'identité de Tr. Lewisi et du Trypanosome du Surra qui est pro- bablement le mème que celui du Nagana (Tr. Brucei). En dehors de l’action pathogène, si différente pour les deux espèces de parasites, on peut différencier Tr. Lewisi de Tr, Brucei en s’en tenant aux caractères morphologiques. Les dimensions sont à peu près les mêmes, mais l'aspect général diffère : Tr. Lewisi est plus mince, plus effilé que Tr. Brucei, sa membrane ondulante est moins plissée que celle de ce dernier; après coloration, on voit chez Tr. Brucei des granula- tions chromatiques plus grosses et plus nombreuses que chez Tr. Lewisi. L’extrémité postérieure de Tr. Lewisi est souvent plus effilée que celle de Tr. Brucei, mais il ne faut pas attribuer trop d'importance à ce caractère; on trouve dans les deux espèces des individus qui diffèrent très peu à cet égard ; les formes de mul- tiplication sont très différentes *. Koch rapporte que chez des rats infectés de Tr. Lewisi aux- quels il avait inoculé Tr. Brucei, il a réussi à distinguer, dans les préparations histologiques du sang, les deux espèces de para- sites’. L. Rogers a fait des observations semblables aux Indes avec le Trypanosome du Surra *. 4. Laveran et Mesnic, Soc. de biologie, 29 mars 1901. 2, R. Kocx, /eiseberichte über Rinderpest, ete., Berlin, 1898, p, 70. 3. L. Rocers, Proc, of the R. Soc., # mai 1901, 13 69n ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Lorsqu'on examine le sang frais des rats infectés simulta- nément avec Tr. Lewisi et Tr, Brucei, il est très difficile de dis- tinguer les deux espèces de parasites; mais, sur des prépara- tions colorées, le diagnostic ne présente plus de difficultés. IV. — PHÉNOMÈNES D’'AGGLOMÉRATION DES TRYPANOSOMES À Dansun certain nombre de conditions, les Trypanosomes se réunissent en amas très réguliers, qu'il est facile de caractéri- ser, Les circonstances qui provoquent la formation de ces amas peuvent être groupées en deux catégories distinctes : 1° L’agglomération se produit dans du sang défibriné con- servé depuis un temps plus ou moins long à la glacière; le phé- nomène est toujours partiel. Il persiste jusqu’à la mort et la dégénérescence des flagellés (voir Ch. IP; 2° Quand on fait agir sur du sang défibriné à Trypanosomes, le sérum d’un certain nombre d'animaux, et en particulier celui de rats ayant reçu une ou plusieurs injections de sang à Trypa- nosomes, on constateune mise en amas rapide (quelques minutes) et souvent totale des Trypanosomes. Tantôt, les agglomérations persistent jusqu'à la mort des parasites; tantôt le phénomène est suivi d’une « désagglomération ». — Tous les phénomènes de cette seconde catégorie ont encore ceci de commun qu'ils sont produits par des substances que, par analogie avec ce que l’on sait des agglutinations bactériennes ou hématiques, on a le droit d'appeler des agglutinines, étant donnée leur façon de se com- porter vis-à-vis de la chaleur. Formation et morphologie des agglutinats. — Pour bien étudier la façon dont se forment les amas de Trypanosomes, il convient de s'adresser aux phénomènes de la première catégorie. Tout se passe avec une grande lenteur ; l'intensité du phénomène n'est jamais considérable, Un premier fait à noter et certainement le plus important de tous, car il va donner la clef de toutes les particularités que nous relèverons, c’est que la mise en amas des Trypanosomes n’est pas précédée de leur immobilisation. Les Trypanosomes qui S’agglomèrent sont aussi mobiles que ceux qui, dans des préparations témoin ou dans la mème préparation, restent isolés. 1. Note préliminaire 2x Comptes rendus Soc. Biologie, 17 novembre 1900. RECHERCHES SUR LE TRYPANOSOME DES RATS. 691 Le début de l’agglomération est toujours le même : deux Trypanosomes s'accolent par leurs extrémités postérieures non flagellifères! (PI. XIL fig. 4) ; la zone de contact est toujours très faible; elle suffit pour maintenir l'union des deux individus qui forment une ligne droite et se meuvent sur place avec vivacité *. Généralement, les choses n’en restent pas là; d’autres indi- vidus viennent se joindre aux deux premiers etil se constitue une rosace d’un nombre variable d'éléments, disposés tous avec les extrémités postérieures au centre de l’amas, les flagelles libres et bien mobiles à la périphérie (PI. XIT, fig. 2). On peut arriver à avoir ainsi des amas formés d’une centaine d'individus et rien n'est plus curieux que de les observer : chaque Trypanosome a conservé ses mouvements propres ; il paraît chercher à se dé- gager, à s'échapper des entraves qui le retiennent et nous verrons qu'en fait, dans certains cas, 1l peut y parvenir. — Non rarement, surtout quand il s’agit d’amas se constituant dans du sang conservé à la glacière, on trouve au centre un leuco- cyte ou‘un amas d’hématoblastes plus ou moins avariés. Mais les agglomérats ne se constituent pas toujours aussi lentement. En particulier, dans le cas des véritables agglutini- nes, on voit d'emblée un nombre assez grand de Trypanosomes s'unir pour constituer un amas. Ces Trypanosomes se dirigent lun vers l’autre, sans présenter d’abord la moindre orientation ; cette période dure peu et il est fréquent qu’on n'arrive pas à la saisir. Bientôt en effet les Trypanosomes s’orientent; toutes les extrémités postérieures viennent s'affronter et l’on a la disposi- tion en rosace que nous avons décrite. Mais, quand on a affaire à des sérums très agglutinants et en particulier à des sérums spécifiques, les choses peuvent se compliquer. Un certain nombre de rosaces se groupent et arrivent à constituer des amas secondaires énormes (PL. XIE. fig. 3) qui, par suite des mouvements de tous leurs composants, écartent les hématies qui les entourent; on arrive alors à avoir, en gouttes pendantes, un phénomène visible à l’œil nu ; sur le 1. On peut avoir quelque hésitation sur les extrémités accolées quand on observe à l'état frais; on n'en à pas quand on examine des préparations colorées — Les figures de notre planche XII auxquelles nous renvoyons sont extraites de frottis colorés. 2, Quand nous étudierons le Trypanosome du Nagana, nous citerons des cas où l’agglutination se réduit à ces unions par deux, 692 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. fond rouge, apparaissent des taches claires à centre grisâtre. Enfin, quandil y a persistance des agglutinats, on constate que les Trypanosomes du centre de ces amas secondaires finissent par s'immobiliser et entrer en dégénérescence; seuls, ceux de la périphérie conservent leur mobilité. L'adhérence, dans tous ces cas, est souvent assez forte pour qu’on puisse étaler le sang en couche mince sans défaire les agglomérations. On peut alors obtenir de fort jolies préparations colorées; nous avons cherché, dans notre planche XIE, à en donner une idée. Jamais nous n'avons observé la moindre altération morphologique des Trypanosomes qui viennent de s’agglomérer. Agglomération de Trypanosomes morts ou paralysés…. — Ordinai- rement, nous l’avons dit, les Trypanosomes agglutinés ont con- servé leur mobilité. Que se passe-t-il quand on s’adresse à des Trypanosomes préalablement immobilisés? Nous avons pu résoudre cette question : 1° en tuant les flagellés par le chloro- forme ou le formol ; 2° en étudiant l’action de quelques-uns de nos sérums spécifiques qui se sont montrés, à forte$ doses, paralysants pour les Trypanosomes. Si l’on étale le sang à Trypanosomes en couche peu épaisse et qu’on le soumette aux vapeurs de chloroforme, tous les flagellés meurent entre 5 et 15 minutes et prennent un aspect granu- leux ; leurs contours deviennent peu nets et ilssont moins faciles à observer. Une trace de formol ajoutée au sang donne de meilleurs résultats; les Trypanosomes sont bien fixés et con- servent toute leur réfringence. Les sérums qui agglutinent les Trypanosomes vivants agglu- tinent également les Trypanosomes morts, et vice versa. Mais les agglomérations n’ont plus le caractère que nous avons décrit. Les éléments y sont disposés tout à fait sans ordre. Ainsi, avec les Trypanosomes tués au chloroforme, on a des amas où les microbes dessinent un réseau à mailles plus ou moins serrées. Avec les Trypanosomes fixés au formol, les amas sont assez compacts, mais les Trypanosomes y sont disposés pêle-mèêle. Nos sérums paralysants (à partir d’une certaine dose) ne supprimaient pas totalement la mobilité des Trypanosomes ; mais ils la restreignaient considérablement. Dans ces conditions, les amas formés étaient comparables à ceux obtenus avec les RECHERCHES SUR LE TRYPANOSOME DES RATS. 693 Trypanosomes tués au formol ; souvent ils avaient la forme de gerbes. — A doses faibles, ces sérums ne se montraient sensi- blement plus paralysants ; mais ils étaient encore très aggluti- nants ; on avait alors des rosaces. Tous ces faits ne comportent, croyons-nous, qu'une inter- prétation. La forme des agglomérats, dans les cas ordinaires, est en rapport avec la mobilité des Trypanosomes. Dans un amas qui tend à se former, chaque Trypanosome cherche à s’échap- per, son flagelle en avant; la figure d'équilibre qui est réalisée est donc celle d’une rosace dont tous les individus ont l’extré- mité postérieure au centre, le flagelle à la périphérie. « Désagglomération. » — Cette considération de la mobilité des Trypanosomes permet aussi de se rendre compte d'un phé- nomène curieux que l’on observe souvent avec les aggloméra- tions de Trypanosomes, et qui n’a jusqu'ici, et pour cause, jamais été signalé avec les agglatinations bactériennes. Il arrive que des Trypanosomes, agglomérés presque aussitôt après leur mise en contact d'un sérum, redeviennent libres et isolés dans les heures qui suivent : les amas secondaires se désagrègent ; les rosaces, ou se désagrègent complètement, ou perdent un grand nombre de leurs éléments'. C'est là un fait tout à fait déconcertant quand on aborde l'étude de ces phéno- mères. Îlne se produit pas avec tous les sérums et il se produit d'autant mieux avec un sérum déterminé que la dose employée est plus faible. D'autre part, il ne se manifeste qu'autant que les Trypanosomes ont une certaine mobilité. Grâce à leurs efforts, les Trypanosomes qui ne sont pas retenus par une force trop grande, arrivent à se dégager. Mais on conçoit que, si la mobi- lité des Trypanosomes diminue, il peut y avoir de nouveau réagglutination ; nous l'avons constaté quelquefois. On peut empêcher le phénomène de « désagglomération », en mettant les gouttes pendantes à la glacière ; et, nous savons que, dans ces conditions, si les Trypanosomes conservent longtemps leur vitalité, leur mobilité est diminuée. A un autre point de vue, on se rend compte que, si notre manière d'interpréter le phénomène de désagglomération est exacte, son intensité est en raison inverse de la valeur aggluti- nante du sérum employé. 1. Les observations étaient faites en goultes pendantes, à 15° en moyenne. 694 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Vitalité et virulence des Trypanosomes agglomérés. — Nous avons fait un très grand nombre d’expériences à cet égard, surtout avec les sérums spécifiques dont nous étudions toujours avec soin les propriétés agglornérantes avant de les utiliser dans un but préventif; comme témoin, nous employions le même sang à Trypanosomes mélangé soit à de l’eau physiologique, soit à du sérum de rat neuf. Les mélanges étaient conservés soit en gouttes pendantes à la température du laboratoire (15° envi- ron), soit en tubes fermés au coton, à la glacière. Toujours, les mélanges agglutinés ont conservé aussi long- temps des Trypanosomes vivants que les autres: ces Trypano- somes se sont montrés aussi infectieux. Une remarque doit néanmoins être faite ; nous avons déjà dit que, dans le cas d’amas secondaires persistants, les Trypa- nosomes du centre de l’amas meurent assez vite. On ne saurait voir là une exception à la règle : les Trypanosomes meurent comme conséquence secondaire de l’agglomération, par le fait qu’au centre des amas, ils se trouvent dans des conditions tout à fait défavorables nour leurs échanges vitaux. La survie des Trypanosomes périphériques plaide en faveur de cette interpré- tation. Examinons maintenant les particularités de l’agglomération dans les différents cas où elle se produit. Agglutinines spécifiques. — Le sérum des rats neufs [rats blancs ou pie (Mus rattus), rats d'égout (Mus decumanus)| n’est pas agglutinant1. Il acquiert, par suite d’inoculations successives de sang à Trypanosomes, des propriétés agglutinantes d'autant plus déve loppées que l’immunisation a été poussée plus loin. Mais, déjà après une seule inoculation et lorsque l'infection est terminée, il à un pouvoir agglomérant très net. Mème le sérum d’un rat en cours d'infection se montre légèrement agglutinant et quelquefois, comme nous le verrons, pour ses propres Trypa- nosomes. Après 5 à 10 inoculations intrapéritonéales, les rats ont un s sérum dont le titre agglutinant est variable de 5 à 50, c'est-à- dire qu’à une certaine quantité de sang défibriné, il faut ajouter, 1. Nous avons même observé qu’en ajoutant à du sang défibriné à Trypano- somes du sérum de rat, au lieu d’eau physiologique, ses Trypanosomes ne S agglutinaient pas à la glacière. RECHERCHES SUR LE TRYPANOSOME DES RATS. 695 suivant les cas, au moins 1/5 ou 1/50 de son volume de sérum, pour déterminer l’agglutination de ses Trypanosomes. En em- ployant ces doses limites, on produit des agglutinations qui se défont presque complètement. Mais, à doses plus fortes, on a généralement des agglutinations persistantes, au moins en ma- Jorité; cela est toujours vrai quand le titre agglutinant d'un sérum est supérieur à 10. Avec les sérums bien agglutinants, employés à doses au moins doubles de celle limite, on à généralement des amas secondaires. Enfin, nous avons déjà fait allusion aux cas de rats qui avaient reçu plus de 10 inoculations dont le sérum, à 1/20 (il n’a pas été essayé à dose plus faible), donnait des agglutina- tions persistantes et qui, à doses plus fortes, sé montrait très nettement paralysant. L’un de ces rats qui, en T mois, avait reçu 13 inoculations, avait un sérum qui, à 1 sur 10, était assez paralysant pour qu’il ne se formât plus de rosaces de Trypano- somes agglutinés. La propriété paralysante des sérums spécifiques se développe donc très tardivement au cours de l’immunisation, contraire- ment à ce qui a lieu pour Les sérums antibactériens où elle est toujours liée à la propriété agglutinante. Les sérums spécifiques renferment une véritable agglutinine Le chauffage à 55-58, pendant une 1/2 heure ou 3/4 d'heure, n'abaisse pas leur titre agglutinant: mais les agglutinations produites par ces sérums chauffés ne sont généralement pas aussi belles ni aussi persistantes que celles des sérums non chauffés. À la température de 63-6591, maintenue péndant une demi-heure, toute trace de propriété agglutinante à disparu. Le sérum d’un cobaye, qui avait reçu plusieurs injections de sang à Trypanosomes, s’est montré faiblement agglutinant ; celui de cobaye neuf ne l’est pas du tout. Agglutinines de divers sérums neufs. — Les sérums de cobaye, de pigeon et de grenouille ne manifestent pas de propriétés agglutinantes pour les Trypanosomes de sang de rat défibriné. Ceux de mouton, de chien et de lapin sont peu agglutinants: il faut les employer à égalité de volume avec le sang à Trypano- 1. Le sérum de rat se coagule à cette température; il faut donc le mélanger à son volume d’eau physiologique; on obtient, après chauffage, un liquide très opalescent, ; 696 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. somes pour obtenir des résultats nets. Mais, même dans ces conditions, l’agglutination n’est jamais totale et l’on a généra- lement des rosaces d’un petit nombre d'éléments. Avec le sérum de lapin, la désagglutination est à peu près totale au bout de quelques heures. Les agglomérations persistent mieux avec les sérums de mouton et de chien; avec ce dernier même, on a quelques amas secondaires. Les sérums de poule et de cheval sont beaucoup plus agglu- tinants que les précédents. Leur titre est compris entre 2 et 10; 1 goutte mélangée à 1 ou même 2 gouttes de sang à Trypano- somes détermine une agglomération complète des Trypano- somes; les rosaces sont formées d’un très grand nombre d'éléments, et on a d’énormes amas secondaires, au moins aussi gros que dans le cas des sérums spécifiques. Mais, avec ces sérums normaux, la désagglutination se produit toujours plus ou moins complètement. L’agglutinine de ces sérumsest influencée par la température, exactement comme celle des sérums spécifiques. IL y a un certain parallélisme entre les pouvoirs agglutinants des sérums étrangers vis-à-vis des hématies du rat et vis-à-vis des Trypanosomes. Ainsi, parmi les sérums de mammifères étudiés, celui de cheval est le plus actif dans les deux cas. Celui de poule est très actif dans les deux cas, celui de pigeon pas du tout. Mais le titre agglutinant vis-à-vis des hématies est toujours beaucoup plus élevé que vis-à-vis des Trypanosomes ; ainsi, pour un sérum de poule, le premier atteignait 20, tandis que le second était compris entre 4 et 5. Dans ces divers sérums, les Trypanosomes, agglutinés ou non, se conservent longtemps. Les sérums de poule et de pigeon nous ont paru jouir de propriétés remarquables à cet égard (voir chapitre D). Pouvoir agglutissant des humeurs de rats infectés pour leurs pro- pres Trypanosomes. — Ce phénomène se manifeste surtout quand on examine, en gouttes pendantes, les humeurs péritonéales de ratsimmunisés activement ou passivement et injectés de Frypano- somes; mais on n'obtient ainsi que de petites rosaces qui persis- tent ou non. Quelquefois, en examinant du sang d'un rat en cours d’infec- tion, on constate chez les Trypanosomes, entre lame et lamelle, RECHERCHES SUR LE TRYPANOSOME DES RATS. 697 une tendance manifeste à se grouper ! et quelquefois on obtient de véritables rosaces; mais ces amas ne sont pas persistants. Historique. — Ces phénomènes d’agglutination des Trypano- somes paraissent avoir été vus, pour la première fois, par Chalachnikow, dans ses essais de culture de Trypanosoma Lercisi dans le sérum de chien; ses prétendues formes de multi- plicalion (pl. VIF, fig. 27-28) sont incontestablement des rosaces d'agglutination. Il'est singulier que Rabinowitsch et Kempner qui ont, les premiers, préparé un sérum spécifique, déclarent que leur sérum n'avait aucune propriété agglutinante. Nous ne nous expliquons pas cette différence entre leurs résultats et les nôtres. Dans les mémoires publiés sur le Surra et le Nagana, nous avons noté plusieurs allusions à des phénomènes que nous inter- prétons sans hésiter comme de l’agglutination. Enfin, Bütschli*, en étudiant les Flagellés du tube digestif d’un Nématode libre (Trilobus gracilis), a observé leur réunion en rosaces, toutes les extrémités postérieures convergeant au centre; il s’agit encore là évidemment de phénomènes d’ag- glutination * En résumé, le fait quidomine les phénomènes d'agglomération des Trypanosomes et qui leur imprime un caractère si spécial, cest que les Trypanosomes restent mobiles. Au point de vue de la conception générale du phénomène d’agglutination, il prouve que, quand il s’agit d'éléments mobiles, l'immobilisation n’est pas nécessairement le prodrome de l’agglomération ; ou, si l’on veut s'exprimer autrement, que les substances paralysante et agglutinante sont différentes. Certains faits tendent à faire soupçonner cette dualité en ce qui regarde les bactéries mobiles; le cas des Trypanosomes la met nettement en évidence. Dans le cours de l’immunisation, la propriété agglutinante des sérums apparait rapidement (même en cours d'infection) ; {. Si l’on n'était pas prévenu, on pourrait songer à un prodrome de conjugai- sons. C’est ainsi que Srassano (Société de Biologie, janvier 1901) a interprété le phénomène. 2. Bürscazr, Zeitschr. f. awiss. Zoologie, À : XXX, 1878, p. 216: 3. Tout récemment, Doflein a interprété ces figures comme stades de multi- plication. 698 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. au contraire, la propriété paralysante ne se montre que chez des animaux hyperimmunisés et nous verrons plus loin que la propriété préventive la précède de longtemps. On connaissait de nombreux sérums spécifiques aggluti- nants pour des bactéries, pour des cellules d'animaux supé- rieurs (hématies, etc.); nos recherches, dont le résumé a été publié en novembre 1960, ont ajouté à cette liste les animaleules inférieurs ; celles toutes récentes de divers savants, les levûüres. V. — MARCHE DE L'INFECTION CHEZ LES RATS ET LES COBAYES. Infection des rats. — Le mémoire de Rabinowitsch et Kempner renferme des renseignements très précis sur les résultats d’ino- culation de sang frais à Trypanosomes à des rats indemnes. Nous serons donc très brefs sur ce sujet que nous avons déjà effleuré dans le chapitre I. Rabinowitsch et Kempner ont montré que l'injection intrapé- ritonéale constituait une méthode de choix; en fait, ils n’ont eu. que 2 échecs sur une cinquantaine de rats domestiques. Sur une centaine de rats blancs ou pie, nous n’avons eu que 3 échecs. De ces 3 rats, 2 se sont montrés absolument réfractaires ; l’un a reçu cinq inoculations, l’autre onze ; aucune d'elles n’a été suivie d'apparition de Trypanosomes dans le sang. Un troisième rat a succombé 9 jours après une inoculation, sans avoir montré, d'infection sanguine !. Enfin, dans un quatrième cas, une pre- mière inoculation n’a donné aucun résultat : mais une deuxième a déterminé une infection très intense et de longue durée. L'infection des rats domestiques, par voie péritonéale, com- prend trois périodes bien distinctes. Une première de 3-4 jours où les Trypanosomes se multiplient activement dans la cavité abdo- minale ; la multiplication ne commence guère que 24 ou 36 heu- res après l'injection; elle atteint son maximum pendant le troi- sième jour et cesse bientôt; les Trypanosomes disparaissent alors complètement du péritoine et n’y réapparaissent à aucune période de l'infection. L'importance de cette première période a été signalée par Rabinowitsch et Kempner ; elle est très grande 1. Dans ces trois cas, il ne s’agissait pas de femelles pleines, comme pour les rats réfractaires de Rabinowitsch et Kempner. Toutes les als pleines que nous avons inoculées se sont montrées sensibles. RECHERCHES SUR LE TRYPANOSOME DES RATS, 699 au point de vue de la diffusion du parasite. On trouve, dans le péritoine, à cette période, toutes Les formes de multiplication que nous avons décrites dans la partie morphologique de ce travail : les rosaces à petites formes dominent. La Le passage des Trypanosomes dans le système sanguin est plus ou moins rapide suivant les cas ; Rabinowitsch et Kempner, Wasielewski et Senn ne l’indiquent que du 3° au 7° jeur, excep- tionnellement au bout de un jour. Le passage dans les premières 24 heures nous a semblé, au contraire, être le cas le plus fré- quent; dans des cas non rares où l’examen du sang a été fait > ou 6 heures après l’inoculation, une quantité notable de Try- panosomes étaient déjà dans l'appareil circulatoire. Mais, à côté de ces passages rapides, il y a des cas où, à l'examen microscopique, on ne découvre de Trypanosomes dans le sang que 2 jours, 3 jours et même plus (jusqu'à 7 jours) après l’in- jection ; 1l s’agit alors généralement de vieux rats. Le passage rapide dans la circulation a lieu aussi pour la moitié environ de ces rats; mais elle est surtout caractéristique des jeunes rats de 30 à 100 grammes, dont nous avons beaucoup usé. C’est sans doute par une question de poids des rats mis en expérience que s'expliquent, en partie, les différences des résul- tats de nos prédécesseurs et des nôtres. Quant à l'influence du nombre de Trypanosomes inoculés sur la rapidité de l’infec- tion sanguine, elle est faible, pourvu que la quantité de sang inoculé soit supérieure à 1/50 de centimètre cube. Les premiers Trypanosomes qui apparaissent dans le sang sont des formes adultes minces; ce sont évidemment des Trypa- nosomes inoculés. Mais rapidement (au bout de 48 heures fré- quemment) se montrent des formes renflées se préparant à la reproduction. Ce n’est pourtant généralement que dans la 4° journée que les Trypanosomes sont nombreux dans le sang, et que les formes de reproduction y abondent (deuxième période). La reproduction intrasanguine succède donc à la reproduction intrapéritonéale ; mais il y a toujours un nombre relativement moindre de formes de multiplication dans le sang que dans le péritoine, et cela est particulièrement vrai pour les rosaces à petites formes. On observe généralement des Trypanosomes en voie de re production dans le sang jusqu’à la fin du 8° jour, quelquefois 700 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. même un peu plus tard, surtout si l'apparition des flagellés y a été tardive. À partir de ce moment et jusqu'à la fin de l'infec- tion, on ne trouve plus dans l'appareil circulatoire que des formes adultes minces; nous n’y avons plus jamais observé de formes de multiplication. C’est la troisième période, qui dure un temps extrêmement variable. En résumé, nous avons trois périodes: 1° multiplication péritonéale ; 2° multiplication sanguine; 3° période d’état. Ce tableau de l'infection d’un rat ne s'applique bien qu'aux cas, nombreux d’ailleurs, où le sang renferme longtemps de très nombreux Trypanosomes : 1 pour 2-3 hématies, quelque- fois même, mais exceptionnellement, 1 et 2 flagellés pour 1 globule rouge. L’infection dure alors au moins une vingtaine de jours, généralement deux mois, parfois 4 mois et plus. Quel- quefois, elle cesse brusquement; d’autres fois, la disparition des Trypanosomes est graduelle, elle peut durer un mois. Rarement, lorsque les Trypanosomes sont en décroissance, il y a de nouvelles poussées. Mais l'infection peut être légère et ceci se présente assez fréquemment avec les vieux rats; les Trypanosomes apparaissent assez tardivement dans le sang, ils ne deviennent jamais nom- breux et ils disparaissent au bout de 2 à 8-10 jours. Ces rats n’en acquièrent pas moins, comme nous le verrons dans le cha- pitre suivant, l’immunité active. Les inoculations sous-cutanées donnent fréquemment aussi un résultat positif; mais la période de multiplication intrapéri- tonéale est supprimée ; l'infection du sang est aussi rapide, mais moins vite intense que dans le cas des infections par inoculation dans le péritoine. Les quelques expériences que nous avons pu faire avec les rats d’égout nous permettent d'affirmer que la marche de l'in- fection est identique à celle que nous venons de décrire. Infection avec le sang conservé. — Si le sang conservé à la glacière contient encore des Trypanosomes mobiles assez nom- breux, le temps qui s'écoule entre le moment de l’insculation et le début de l'infection sanguine n’est pas sensiblement allongé. Mais quand on opère avec du sang conservé depuis ongtemps el où, à l’examen microscopique, on ne distingue que peu de Trypanosomes ou plusdu tout, l’incubation est pluslongue, RECHERCHES SUR LE TRYPANOSOME DES RATS. 701 Du sang conservé 47 jours à la glacière et où les Trypanosomes étaien rares, a donné une infection assez longue, mais peu intense, à un rat (sur 2 inoculés), mais les Trypanosomes n'ont apparu dans le sang qu'entre le 6e et le 9e jour. Le même sang, conservé à la glacière 51 jours et ne mon- trant plus de Trypanosomes au microscope, a donné à un rat une infection semblable; apparition des Trypanosomes dans le sang au bout de 7 jours, Des expériences de contrôle faites avec des traces de sang frais nous ont prouvé que le retard dans l’incubation ne tenait pas uniquement à la petite quantité de parasites inoculés; elle doit tenir surtout à leur état. Les infections obtenues avec le sang conservé sont aussi intenses que celles réalisées avec le sang frais. Ainsi, la plus longue infection que nous ayons obtenue a eu pour point de départ l’inoculation d'un sang conservé 30 jours à la glacière; la période d’incubation a été de 5 jours; l'infection a duré 5 mois et demi (décroissance au bout de 3 mois). Rappelons enfin que les Trypanosomes conservent leur pouvoir infectieux aussi bien dans les sérums agglutinants, spécifiques ou neufs, que dans l’eau physiologique. Symptômes morbides chez les rats infectés. — Tout le monde s’ac- corde à reconnaitre que l'infection à Trypanosomes du rat, malgré son intensité, n’occasionne guère des ymptômes morbides. D’après Rabinowitsch et Kempner, il n’y a pas de fièvre. L’abattement ne se manifeste que dans les 24 heures qui suivent l'injection. Dans un lot de jeunes rats où l'infection a été particulièrement intense (durant plusieurs jours, 3 Trypanosomes pour 1 hématie), il y a eu arrêt d'augmentation de poids et même baisse pendant la première semaine (des rats du mème lot, immunisés passive- ment, continuaient à augmenter); mais tout est bientôt rentré dans l’ordre, A l’autopsie, nous avons noté, comme nos prédécesseurs, l’'hypertrophie de la rate. Lingard a d’ailleurs donné des chiffres précis : le poids est doublé en moyenne. En résumé, les rats supportent parfaitement l'infection. Infection des cobayes. — Dans leur mémoire sur le Nagana, Kanthack, Durham et Blandford‘' déclarent que le Trypano- some des rats se rencontre, en petite quantité, du 5° au 7° jour 4. Proceedings of the R. Society, t. LXIV, 1898, et Zygienische Rundschau, 1898. n° 24, 702 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. après l’inoculation, dans le sang des cobayes. Mais, pour pou- voir affirmer qu’il y a réellement infection, il fallait observer une multiplication du parasite dans le corps du cobaye. Nous l’avons notée dans la cavité péritonale du 2° au 5° jour après l’inoculation !: mais elle se présente rarement dans le sang et c'est sans doute ce qui explique que l'infection n’est jamais de longue durée. Nous renvoyons au chapitre III pour les changements morphologiques que Tryp. Lewisi éprouve dans l'organisme du cobaye. Les parasites apparaissent dans le sang dans les 24 premières heures qui suivent l’inoculation:; ils s’y maintiennent de 5 à 7 jours, avec leur grain réfringent postérieur, augmen- tent d’abord de nombre, jusqu'à atteindre 1/20 ou 1/50 des hématies, puis deviennent plus rares et enfin disparaissent. La disparition des nombreux parasites du péritoine, comprenant en majorité des fcrmes de multiplication, précède généralement de 24 heures celle des Trypanosomes du sang; elle est assez brusque et elle nous a paru coïneider avec un afflux leucocylaire. L'exsudat péritonéal devient plus abondant. Nous avons vu, dans ces conditions, des Trypanosomes en train d’être englobés par des phagocytes. Le Trypanosome est dans l’axe d’une sorte de cratère très aigu formé par les prolongements du leucocyte; la partie de son corps, encore libre, montre une très grande mobilité. Dans les préparations colorées, nous avons observé, avec la plus grande netteté, toutes les phases de la digestion des Try- panosomes par les mononucléaires du cobaye, les seuls leuco- cytes qui paraissent les englober. Les figures 10-12 de la planche XI donnent une idée de ce processus. Le Trypanosome est d’abord ramassé en boule dans une vacuole ; son proto- plasme, son noyau et son centrosome sont parfaitement intacts; seul, le flagelle se colore moins bien (fig. 10). Puis, la dissolution du protoplasme commence, le noyau et le centrosome étant encore très reconnaissables (fig. 11). Ce doit être ensuite le tour du centrosome, car on rencontre fréquemment des leucocytes tels que celui de la figure 12 qui ne renferment qu'un noyau de 1. Toutes nos injections ont été faites dans le péritoine. Elles ont porté sur des cobayes de 100 à 400 grammes. Nous inoculions au moins 1 c.c. de sang riche en Trypanosomes, Dans ces conditions, on a d’assez nombreux échecs; mais plus de la moitié des cobayes montrent l'infection que nous allons décrire. RECHERCHES SUR LE TRYPANOSOME DES RATS. 103 Trypanosome. L'aspect de ce noyau prouve qu'il esten voie de digestion : on n'y distingue que des grains de chromatine; le suc aucléaire a disparu sans doute par suite de la destruction de la membrane, La destruction des Trypanosomes chez le cobaye s'accomplit donc par le processus phagocytaire : les Trypanosomes, englobés vivants et très mobiles, sont digérés par les mononucléaires du cobaye. | VI. — IMMUNITÉ ACTIVE. — SON MÉCANISME. Dans le court passage de leur mémoire qui établit les carac- téres différentiels de Trypanosoma Lewisi (qu'ils appellent Tr. sanguinis) et du parasite du Nagana,Kanthack, Durham et Bland- ford déclarent que des rats qui ont eu une première infection sont réfractaires à une seconde inoculation. C’est donc à ces savants qu'il faut rapporter le mérite d’avoir établi lexistence d'une immunité active vis-à-vis d’un Trypanosome. Mais ce sont Rabinowitsch et Kempner qui ont attiré l'attention sur ce fait et mis en évidence son importance. Jamais, disent-ils, un rat qui est débarrassé d’une première infection n'en contracte une nouvelle, quelle que soit la dose de sang à Trypanosomes inoculée dans le péritoine. Nous pouvons confirmer cette règle qui pourtant soullre quelques exceptions. Ainsi, sur une trentaine ,de rats que nous avons suivis avec soin à cet égard, deux seulement ont montré une nouvelle infection à la suite d’une deuxième inoculation de sang à Trypanosomes. Peut-être conviendrait-il d'ajouter à ces deux rats celui qui n’a présenté aucune infection à la suite d’une première inoculation, et une assez intense, d’au moins 2 mois 1/2, à une seconde inoculation. Enfin, un de nosrats qui avait montré une infection très intense de 3 mois 1/2 à une {re inoculation (sang accompagné de 1/2 c.c. de sérum spécifique peu actif), a encore montré, à une 28 inoculation, une infection sanguine légère de 20 jours environ et, à une 4€,uneinfection assez intense, En revanche, nous avons déjà, dans le chapitre précédent, signalé deux rats qui, à la {re inoculation comme aux suivantes, se sont montrés complètement réfractaires. Tous ces faits exceptionnels n’empêchent pas la généralité de la loi posée par Rabinowitsch et Kempner. Une première infection, füt-elle de deux jours seulement et caractérisée par la présence de très rares Trypanosomes dans le sang, confère aux rats l'immunité active. 704 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Les rats issus de femelles immunisées ont-ils l'immunité? — Une femelle immunisée a eu 2 portées successives : l'unique survi- vant de la 1"° portée a résisté à toutes les inoculations; eu revanche, les 8 rats de la seconde portée se sont montrés aussi sensibles que des rats neufs. Tous les petits de deux autres femelles se sont montrés sensibles, Entin, de deux petits d’une 4° femelle immune, l’un a résisté à une 1e inocu- lation, mais a pris, à la seconde, une infection très intense; l’autre a été sensible à la 1'° inoculation. Ces quelques faits indiquent que l’immunisation par voie placentaire et par lacta- tion est exceptionnelle, si elle existe réellement. Nous avons constaté également que la substance agglutinante ne traverse pas le filtre placentaire. L'immunité du cobaye, après une 1'° infection, ne paraît pas s’acquérir aussi facilement que celle du rat, ni, en tous cas, être aussi solide. Ainsi, sur 4 cobayes expérimentés, 2 ont sup- porté les inoculations, autres que la première, sans montrer à nouveau des Trypanosomes dans le sang; mais deux autres ont eu une nouvelle infection à la 3° inoculation. Ces observations sont trop peu nombreuses pour qu’il soit possible de conclure. MÉCANISME DE L'IMMUNITÉ ACTIVE DES RATS. — Que deviennent les Trypanosomes injectés dans la cavité abdominale d’un rat immun? Nous nous sommes posé cette question dont nos prédé- cesseurs ne paraissent pas s être préoccupés. Nous avons d’abord constaté que les Trypanosomes n'apparaissent que très excep- tionnellement dans le système circulatoire et que, dans ces cas, leur présence y est tout à fait passagère et qu’ils y sont en très petit nombre. La destruction des Trypanosomes a donc lieu dans la cavité péritonéale même. Le temps au bout duquel tous ces flagellés ont disparu est variable. Chez les gros rats qui ont déjà reçu plusieurs inocu- lations, il suffit souvent de une heure et même moins pour la destruction complète de tous les Trypanosomes contenus dans 1/2 ou 1 c. c. d’un sang très riche (1 Trypanosome pour 1 à 3 hématies). Quel est le mécanisme de cette destruction? Pour nous en rendre compte, nous retirions de la cavité péritonéale des rats, au bout de temps variables, de l’exsudat que nous examinions en gouttes pendantes. Jusqu'à disparition complète, on constate RECHERCHES SUR LE TRYPANOSOME DES RATS. 705 que tous les Trypanosomes de la cavité péritonéale gardent leur mobilité, qu'ils conservent leur forme et restent bien isolés. Pour faire cette dernière observation, il est indispensable d’ob- server la goulte aussitôt après qu’elle a été retirée du péritoine; car, en quelques minutes, les Trypanosomes forment de petits amas; les humeurs des rats immunisés sont en effet agglomé= rantes mais, dans les conditions de notre observation, le phé- nomène est toujours de peu d'intensité (voir chapitre IV). L'exsudat retiré contient un grand nombre de leucocytes, environ deux tiers de polynucléaires et un tiers de mononu- cléaires. On est frappé de ce fait que les Trypanosomes sont souvent comme collés par une de leurs extrémités à un leuco- cyte. Enfin, on observe fréquemment des Trypanosomes en train d’être englobés par les leucocytes : le leucocyte envoie des pro- longements qui forment une sorte de troncde cône très aigu, dans l'axe duquel se trouve une partie plus ou moins grande, soit antérieure, soit postérieure, du Trypanosome. La partie restée libre a conservé toute sa mobilité et, quand c’est le flagelle, il s’agite très vivement. Les leucocyles des rats imimunisés (nous avons fait souvent la contre-épreuve avec des rats neufs) englobent donc les Trypanosomes ayant tous leurs caractères de vitalité. Ces observations, faites au moment même où l’on retire l’exsudat du péritoine, peuvent êlre poursuivies sur la goutte pendante. Les englobements de Trypanosomes se continuent en effet sans interruption si l’on met la préparation sur la pla- tine chauffante du microscope, et, après 1-2 heures d'arrêt, si l'on observe à 15-20°, A 37°, on se rend compte de la rapidité avec laquelle se fait l’englobement d’un Trypanosome:; il ya d’abord simple adhérence du parasite au globule et il arrive alors que très souvent le Trypanosome se dégage. Mais d’autres fois, c'est le leucocyte qui a le dessus; 1l envoie des sortes de tentacules tout autour du Trypanosome; celui-ci est alors ramené en quelques minutes vers la masse centrale du leucocyte et on le voit rapidement se déformer et se confondre dans la masse plus ou moins granuleuse du leucocyte où il est bientôt impossible de le distinguer (voir fig. 17, A-G, qui représente les étapes successives, à intervalles de 5 minutes, de l’englobement d’un Trypanosome par un leucocyte). — A 15-209, les englobe- 4% 706 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. ments se font de mème, mais avec une beaucoup plus grande lenteur (les stades 17 À sont très fréquents ; le cône peut être beaucoup plus allongé). En somme, la destruction des Trypanosomes par les leuco- cytes est le seul mode que nous ayons observé dans les cas d'immunité active et nous n’hésitons pas à considérer ce pro- eessus comme le seul existant. Nous avons voulu neus rendre compte, par des préparations colorées. de la façon dont s’effectue la digestion des Trypano- somes par les leucocytes. Nous n’avons pas été aussi heureux Fig. 47. La figure représente plusieurs phases de l’englobement d’un Trypanosome par un leucocyte dans l’exsudat péritonéal d'un rat, 4 heures après l'injection du sang à Trypanosomes dans le péritoine de ce rat. — A. La partie non englobée du Trypanosome est animée encore de mouvements très nets quoique ralentis; la partie déjà englobée est peu äistincte. — B. Mêmes éléments dessinés au bout de 5 minutes; le Trypanosome ne forme plus qu'un prolongement dont la nature serait facile à méconnaître si on n'avait pas saisi toutes les phases de l’englobement, — C. Mêmes éléments dessinés encore au bout de 5 minutes; le Trypanosome a été englobé com- plètement et le leucocyte a repris son LR normal. qu'avec les exsudats péritonéaux des cobayes. Il est probable que la destruction des Trypanosomes se fait très vite‘; déjà, les observations d’englobement in vitro prouvent que le parasite est de suite déformé; sans doute, son protoplasme est rapide- 1. En ajoutant du bleu de méthylène ou mieux du rouge neutre à une goutte pendante, on est frappé du nombre considérable des inclusions leucocytaire qui se eolorent; mais ce n'est que deux ou trois fois seulement que nous avons vu des Trypanosomes englobés et encore reconnaissables par leur forme se colorer dans les leucocytes par le rouge neutre. à RECHERCHES SUR LE TRYPANOSOME DES RATS. 707 ment digéré et il ne reste plus que le noyau et le centrosome. On observe en effet fréquemment dans les leucocytes, particulière- ment dans les mononucléaires, des boules de chromatine, sou- vent une grosse associée à une pelite, que nous interprétons avec réserves comme provenant d'un Trypanosome englobé. Les meilleurs résultats que nous ayons obtenus l'ont été en réalisant de la phagocytose ir vitro, en mélangeant en goutte pendante de l’exsudat (obtenu en injectant 24 heures avañt, dans le péritoine, du bouillon frais) d’un rat immun et du sang à Trypanosomes; en faisant des frottis quelques heures plus tard nous avons observé ainsi quelques débuts d’englobement . (voir PI, XL, fig. 13-14). - La facon dont les Trypanosomes sont englobés par les leu- cocytes du rat rappelle surtout les processus décrits et figurés par Sawtchenko pour lincorporation des Spirilles de la fièvre récurrente par les leucocytes du cobaye {. Mais, dans ce cas, on retrouve encore longtemps les Spirilles englobés dans de larges vacuoles où la coloration intra vitam par le bleu de méthylène les met facilement en évidence. — Ces particularités sont bien en rapport avec les différences de constitution des Trypanosomes et des Spirilles. VIII. — ImMuNITÉ PASSIVE. — VALEUR PRÉVENTIVE DU SÉRUM DES RATS IMMUNISÉS. — ESSAIS DE TRAITEMENT. — MÉCANISME DE L’IMMU- NITÉ PASSIVE. — SUITES D IMMUNITÉ PASSIVE. C’est à Rabinowitsch et Kempner que l’on doit cette impor- tante découverte que le sérum des rats qui ont reçu plusieurs injections de sang à Trypanosomes est doué de propriétés préventives. Dans leurs expériences, 1c.c. de sérum injecté à des rats soit en même temps que du sang à Trypanosomes, soit 24 heures avant, soit 24 heures après, les préservait de toute infection, alors que les témoins prenaient une infection de courte durée (4 à 7 jours). Les sérums de rat neuf et de chien se sont montrés dépourvus de toute propriété préventive. Il en a été de même des émulsions de cerveau, de rate, de moelle des os et de foie des rats dont le sérum était préventif, Cette dernière constatation est intéressante; elle créée une forte 1. Sawrenexxo, Archives russes de pathologie et de bactériologie (Podwys- sotzky}), 1900. 708 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. présomption en faveur de l’origine leucocytaire de la substance préventive; nous avons vu, en effet, que les Trypanosomes sont détruits et digérés par les leucocytes, Quant au mécanisme de cette immunité passive, Rabino- witsch et Kempner émettent l'hypothèse tout à fait invraisem- blable d’une action antitoxique. Trypanosoma Lewisi, si peu pathogène, est certainement le dernier parasite pour lequel on songerait à une action toxique! Nous avons repris les expériences de Rabinowitsch et Kempner et nous avons reconnu, comme eux, les propriétés préventives du sérum des rats immunisés contre le Trypanosoma Lewisi. Toutes nos expériences ont été faites avec de jeunes rats de 30 à 125 grammes, Avec ces rats, on a toujours des infections longues et intenses avec 3 périodes bien nettes pour l’évolution du parasite. On peut donc, avec la plus grande facilité, reconnaître la perturbation que jette dans cette évolu- tion parasitaire l'introduction d’un sérum, alors même qu'il n'arrête pas toute infection. Dans nos expériences de contrôie, nous avons employé, à la place du sérum spécifique, du sérum de divers animaux, rats neufs, mouton, lapin, cheval, poule. Dans la plupart de nos expériences, les sérums étaient mélangés, dans la seringue même, avec le sang à Trypanosomes, et le tout était injecté immé- diatement dans la cavité péritonéale des rats. Employés à des doses variant de Oc. ce. 5 à lc. c. 3, les divers sérums neufs n'ont amené aucun changement dans la marche de l’infection. Quant aux sérums spécifiques, leur action a été variable avec le rat dont ils provenaient, et surtout avec le nombre d’injec- tions qu'avait reçues ce rat. (rénéralement, le sérum de rats, ayant reçu au moins à inoculations de sang à Trypanosomes, s’est montré actif à [a dose de 1/2 c. c. (injecté en mélange avec les Trypanosomes dans la cavité péritonéale); dans ces conditions, les Trypanosomes n’apparaissaient pas dans la cir- culation et ils disparaissaient du péritoine au bout d’un temps variable de quelques heures à 48 heures, sans qu'il s’y produisit le moindre développement. Notre sérum le plus actif provenait de rats dont l’un (rat R) avait reçu 13 inoculations; l’autre (rat R°), 10 inoculations. Le tableau suivant donne les résultats obtenus avec ces sérums : RECHERCHES SUR LE TRYPANOSOME DES RATS. 709 Nos des rats. © Æ 10 11 ——— POIDS | [314 40 ©t ©c o0 )0 Qt 19 ns += ©x ° DÉTAIL Péritoine : Une, sé- rum rat R + 0Ocme,2 sang dilué à trypano- sommes, Péritoine : 0,25 sé rum rat R +0,2 sang. dilué à trypanoso- mes. Péritoine : 0,10 sé- rum rat R + 0,2sang dilué à trypanoso- mes, Péritoine : 0,35 rum ratR chauffé 35 à 280,5 + 0,2 sang dilué à trypanosomes,. Péritoine : 0,55 sé- rum rat R chauffé 30/ à 63°,5 + 0,2 sang dilué à trypanosomes. Péritoine : 0,50 sé-7 rum rat R'+0,20sangz à trypanosomes. Péritoine : 0,2 sang à trypanosomes; en même temps, sous la peau, 0,50 sérnm rat R’. Péritoine : 0,30 sé- rumratR'+0,20 sang à trypanosomes. Péritoine:0,20sang à trypanosomes. (Témoin.) Péritoine: 0,20 sang: à trypanosomes. (Témoin.) Péritoine: 0,20 sang à trypanosomes; 24 h. aprés, sous la peau, 1 c.c. sérum mélangé rats R et R’, très intense. des injections faites le 3 fév. | Examen du sang, —————— ——— Toujours négatif. idem Les 4, 6 et 7 février, tr y panoso- mes extré- mement rares. Le9 février Lr y panoso- mes non rares. LeGfévrier vu | trypa- sonomel Toujours névatif. Du 5 auf 9février,* try panoso- mes non? rares. Toujours négatif. Infection moins de > h. après l'inocula- tion devient rapidement idem Trypano- somes non rares le #4. rares le à, extrèéme- ment rares le 6, puis 0. EXAMEN du contenu péritonéal. Plus de trypanoso- somes 3 h. 1/2 après l'injection. 3 h. 3/4 après l’in- jection, vuseulexent { trypanosome libre ef 1 en voie d’englo- bement par 1 leuco- cyte. 4 h. après l'injec- tion, trypanosomes encore assez nom- breux, bien mobiles; après 24 h.,rares. 4 h. après l’injec- tion, vu seulement 1 trypanosome. 3 h. 50 aprèsl'injec- tion, trypanosomes assez rares, isolés, bien mobiles. Plus rien 24 h. après. 4 h, après l’inocu- lation, trypanosomes rares : vu un englo- bement. 4 h. 20 après l'ino- culation, trypanoso- mes très nombreux, bien mobiles; 4 et > février, trypanoso- mes nombreux. 4 h. 1/2 après l'in- jection,trypanosomes assez nombreux, il en persiste encore, quelques-uns 24 bh. après. Culture abondante. ——————————.———…—…—….…— idem Trypanosomes très nombreux le +; peu nombreux le 5. 710 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Nous avons donc eu un sérum actif, ex mélange, à la dose de Oc.c. 1; mais c'était évidemment la dose minima. Les faits de notre tableau, corroborés par plusieurs autres expériences, comportent plusieurs conclusions que nous allons examiner. Action de la température sur les propriétés préventives du sérum. — Chauffé 1/2 heure ou 3/4 d'heure à 58° et même à 649, le sérum conserve encore des propriétés préventives (rats 4 et 5). Mais on remarquera que nous avons donné d’assez fortes doses et que la destruction des Trypanosomes a été moins rapide que dans le cas du rat 2. Le sérum a donc perdu, aux tempéra- tures de 58°-64°, une partie de son action. D’autres expériences nous permettent de confirmer cette donnée et de la préciser. Ainsi, nous pouvons évaluer à la moitié environ de ce qu'elle était avant, la force d’un sérum chauffé à 55-58°; à 64°, cette force est encore nettement moindre *. Action du sérum non mélangé au virus. — Le sérum agit quand il est injecté sous la peau, en même temps que les Trypano- somes sont injectés dans le péritoine (rat 7); mais, dans ces conditions, malgré la dose employée, le résultat est lent et on n'évite pas une légère infection. —Injecté 24 heures après les Trypanosomes (rat 11), le sérum a réussi à enrayer une infection commençante; il est vrai que nous l'avons employé à dose massive (1 c. c.); la disparition des Trypanosomes n’a pas non plus été immédiate. — Des expériences antérieures nous avaient montré, qu'inoculé 24 heures avant les Trypano- somes, le sérum empêche l'infection, mais à condition encore d'employer des doses un peu plus fortes qu’en mélange. Dans des expériences postérieures, nous avons employé le sérum en injection intrapéritonéale au lieu de sous-cutanée, et à la dose de 1 €. e., 24 et 48 heures après le début de l'infection; dans tous ces cas, en 24 heures, l'infection sanguine était enrayée; quelquefois pourtant, il y avait une poussée ultérieure très passagère. On pourrait considérer ces derniers résultats comme des guérisons plutôt que comme des préventions; car, au bout de 48 heures surtout, les Trypanosomes étaient déjà nombreux 1. Comme nous l'avons déjà fait remarquer, le sérum, avant d'être chauffé à. G4, doit être dilué dans son volume d’eau physiologique. RECHERCHES SUR LE TRYPANOSOME DES RATS. 71f dans le sang el en voie de multiplication abondante dans le- péritoine. ESSAIS DE TRAITEMENT. — Nous avons élé moins heureux en essayant d'enrayer äne infection à la période d'état, Rabino- witsch et Kempner ont dû échouer également, si l’on en juge par la phrase suivante (op. cit., p. 282). « Dans le corps même des rats dont le sang contenait de nombreux parasites, le sérum injecté intrapéritonéalement dans le cours d'une semaine, n'a montré aucune propriété anliparasilaire. » Nous avons agi sur des rats au 8° jour après l'infection (début de la 3° période), au 13°, au 34°, au 51° jours; tous avaient de nombreux Trypanosomes dans le sang; chez aucun, l'infection n'était dans la période de décroissance. Certains rats ont reçu, en plusieurs injections, jusqu'à 4e. c. de sérum de rats immunisés. Des témoins recevaient les mêmes doses de sérum de rats neufs. Les résultats obtenus ont été très inconstants. Chez certains, le nombre des Trypanosomes diminuait dans le sang immédiate- ment après l'injection et les parasites disparaissaient en quel- ques jours ; chez d’autres, il y avait une baisse passagère des Trypanosomes, suivant l'injection; entre lame et lamelle, les flagellés avaient des mouvements ralentis, quélquefois ils mon- traient une tendance à l’agglutination; mais ces phénomènes ne persistaient pas. Enfin, chez la moitié au moins des rats traités, nous n’avons noté aucune action antiparasitaire, malgré linjection de 4 e, c. de sérum de rats immunisés, dans quelques cas. L'action sur les témoins à toujours été nulle. Il y a donc, dans certains cas, une légère action du sérum ; mais nous n'avons pas pu agir à coup sûr, nt rapidement. Mécanisue DE L'IMMUNITÉ PASSIVE. — Nous avons vu, dans le chapitre 1V, que in vitro le sérum spécifique est toujours agglu- tinant, rarement paralysant, jamais microbicide. En règle générale, il y à parallélisme entre les pouvoirs agglutinant et préventif des sérums ; nos sérums paralysants se sont montrés. les plus actifs préventivement, Ces propriétés agglutinantes et paralysantes jouent-elles un 71 19 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. rôle dans l’immunité passive? On peut déjà en douter & priori si l’on remarque que : 1° La chaleur agit très inégalement sur les pouvoirs agglu- tinant et préventif ; le premier n'est sérieusement touché qu’au delà de 58°, mais il a complètement disparu à 64°; le second, quoique déjà réduit au moins de moitié à 55°, persiste encore en partie à 64°; 2° Des sérums neufs très Li (poule, cheval) ne sont nullement anti-infectieux, alors que le sérum spécifique chauffé à 64°, c’est-à-dire dépourvu de toutes propriétés agglu- tinantes, est encore préventif, Mais l’étude détaillée de ce qui se passe dans la cavité péri- tonéale va prouver que l’immunité passive n’est nullement d'ordre humoral, mais encore d’ordre cellulaire. En retirant de l’exsudat à des heures variées depuis le moment de l'injection jusqu’à celui de la disparition complète des Trypanosomes, l’examinant partie en gouttes pendantes, partie en préparations fixées et colorées, on constate les faits suivants. Les Trypanosomes dans la cavité péritonéale restent toujours très mobiles; jamais on n’en voit d’immobiles, ni d’altérés d’une façon quelconque. Le seul phénomène que l’on observe en goulte pendante est une légère agglutination des Trypanosomes, ce qui n’a rien d'étonnant si l’on songe que le sérum injecté est très agglutinant. Mais cette agglutinalion, que l'on voit se e sous le microscope, n’est pas comparable à celle que nous avons décrite dans notre chapitre IV, et de plus elle est toujours incomplète. Enfin, elle existe aussi développée dans les exsudats de rats injectés avec certains sérums neufs, nulle- ment préventifs, tel que le sérum de mouton. L'agylutination ne saurait jouer un rôle quelque peu important dans la défense de l'orga- “nisme contre les Trypanosomes. IL n’est pas rare de constater, au moment où l’on com- mence à examiner la goutte pendante, que la plupart des Trypa- nosomes, très mobiles, sont comme accolés aux leucocytes, et que quelques-uns sont en voie d’être englobés par les leucocytes. Et si l’on observe longtemps une goutte pendante, on peut assis- ter à toutes les phases de l’englobement d’un parasite très mo- bile par un phagocvte. Les détails du processus sont identiques à ceux que nous avons décrits à propos de l'immunité active RECHERCHES SUR LA TRYPANOSOME DES RATS. 7113 L'examen des préparations colorées est moins instructif ; comme dans les cas d’immunité active, la destruction des Trypanosomes doit être extrêmement rapide et l’on ne retrouve guère que des restes chromatiques (pl. XI, fig. 15), à la vérité très abondants, dans les leucocytes mononuléaires et aussi, quoique plus rarement, dans les polynuléaires de lexsudatt. L'immunité passive est donc encore d'ordre phagocytaire. Dans l'immunité active, comme dans l’immunité passive, il parait y avoir stimulation leucocytaire. SUITES D’IMMUNITÉ PASSIVE. — Les rats, qui ont évité l’infec- tion à Trypanosomes, grâce au sérum préventif, ont-ils acquis une immunilé solide ? Nous avons inoculé tous nos rats à immu- nité passive, dans la seconde semaine qui a suivi l'expérience, avec du sang à Trypanosomes. La moitié environ se sont montrés réfractaires ; les autres ont contracté une infection, mais elle a toujours été courte et légère. De plus, nous avons noté, chez la plupart de ces rats, que les Trypanosomes du sang, au cours de l'infection, montrent, entre lame et lamelle, ou en goutte pendante, une tendance manifeste à l'agglutination ; quelquefois, il se forme des rosaces d’un petit nombre d'éléments. Nous en avons déjà parlé ailleurs. La substance agglutinante inoculée persiste donc plus long- temps dans les humeurs du rat que la substance préventive. Ce phénomène n'est pas absolument spécial aux rats ayant eu l'immunité passive ; nous l’avons observé, quoique très rarement, chez des rats n'ayant jamais reçu de sérum. Notons encore que les rats qui se sont montrés réfractaires à une deuxième inoculation sont presque tous ceux qui, à l’inocu- lation, sang à Trypanosomes + sérum préventif, avaient con- tracté une légère infection. 1. Deux tiers de polynucléaires, un tiers de mononucléaires, EXPLICATION DES PLANCHES Toutes les figures proviennent de préparations (sang ou exsudat péritonéal) colorées par le procédé bleu Borrel-éosine tannin. PLANCHE XI Fig. 1-9. — Evolution de Trypanosoma Lewisi chez le rat. G — 2,000 dia- mètres environ. Fig. 4. — Forme adulte mince. Fig. 2. — Forme renflée se préparant à la division. Fig. 3. — Division du centrosome et de la base du flagelle. Fig. 4. — La division en deux est presque terminée; l’un des deux indi. vidus porte le flagelle ancien, l’autre un court flagelle de nouvelle formation. Fig. 5. — Stade de multiplication avec #4 éléments, 3 ont des flagelles nouveaux, le 4 porte le flagelle ancien. Fig. 6. — Stade de multiplication du noyau et du centrosome, non encore accompagné de division du protoplasme; l'un des flagelles est plus gros que les autres. Fig. 7. — Rosace complète de 10 petits éléments sur le point de se séparer. Fig. 8. — Jeune forme libre. Fig. 9. — Jeune forme en train de se dédoubler. Fig. 10-15. — Englobement et digestion des Trypanosomes par les phago- cytes — Gr. = 1,100 diamètres environ. Fig. 10-12. — Trois phases de la digestion des Trypanosomes par les leucocytes mononucléaires de l’exsudat péritonéal du cobaye; deux de ces leucocytes ont également englobé des hématies de rat. Fig. 13-14. — Deux phases de l'englobéement de Trypanosomes par des leucocytes de l’exsudat péritonéal d'un rat ayant l’immunité active. Fig. 15. — Boules chromatiques dans un leucocyte de rat : immunité passive. PLANCHE XII Fig. 1. — Union de deux Trypanosomes. Fig. 2. — Agglomération primaire en rosace. Fig. 3. — Agglomération secondaire, ÉTUDES SUR LA PESTE BOVINE Par MM. M. NICOLLE ADIL-BEY Directeur de l'Institut Impérial Chef de Laboratoire, de bactériologie de Constantinople. DEUXIÈME MÉMOIRE Nous nous proposons, dans le présent travail, de compléter certains chapitres de notre premier mémoire et d'aborder quel- ques questions nouvelles. Nous suivrons le même ordre que pré- cédemment. SYMPTOMES ET LÉSIONS DE LA MALADIE INOCULÉE Il a été fait exclusivement usage, dans les expériences qui vont être relatées, d'un virus de passage entretenu sans inter- ruption depuis 1897. Ce virus, tout en conservant son caractère de fixité, tue cependant les animaux plus rapidement qu’autre- fois, au moins dans la majorité des cas. Les signes et lésions n'ont pas varié. Mentionnons, en passant, la réaction de la cail- lette, à laquelle certains auteurs attachent quelque importance. Nous l’avons recherchée systématiquement à l’autopsie, et nous avons pu nous assurer que la muqueuse, encore acide au début de la formation des érosions, devient ensuite neutre, puis alca- line. Signalons, à propos des types cliniques, les formes incomplè- tes (rares) et la forme chez les jeunes animaux. Celle-ci (dont il a été fait mention dans le travail du D" Réfik-bey et du vétéri- naire Réfik-bey) se caractérise par l'absence de signes caracté- ristiques, par la faiblesse des membres (postérieurs principale- ment) pouvant aller jusqu’à la parésie, par sa courte durée et sa terminaison brusquement mortelle. C’est la seule forme de typhus contagieux qui soit apyrétique. A l’autopsie. on ne ren- contre guère, comme lésion significative, que l'aspect cireux du foie. Voici un exemple très net de la forme chez les jeunes ani- maux (courbe n°1), Tous les cas sont d’ailleurs pour ainsi dire calqués les uns sur les autres. 716 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Il ne nous a été donné qu'une seule fois d’infecter une vache pleine et de rechercher sile fœtus était virulent. Il s’agissait d’un animal mort le neuvième jour, avec les signes et lésions classi- ques. L’utérus contenait un fœtus de (0,23 de long. 1 gramme de pulpe cérébrale de celui-ci, recueillie aseptiquement (après AnimalT9-1M.Race mixte (Crimée 9 A- natolie), 4 à 5 mois. Recçoit,le 18. V.1900, DC NC de eIEUS: Meurt dans la nuit du 4e au 5e jour, sans autres signes que de la faiblesse du train portérieur. A l’autopsie, conges- tion de la caillette foie cireux. Le sang Course 1. est virulent (il infec- te l'animal 79-52), cautérisation des téguments du crâne), puis émulsionnée dans 1 e.c. de bouillon, a été inoculé à un veau de race noire (Ana- tolie), âgé de 10 mois. Il ne s’en est suivi aucune réaction, mais le veau, éprouvé après 9 jours, a résisté à l’injcction sous-cuta- pée de 5 c.c. de virus !. On peut donc conclure que les germes du typhus contagieux avaient passé au fœtus, mais en faible proportion. Notons que le liquide amniotique, inoculé à la dose de c.c., n’a produit ni infection ni immunité chez un autre sujet. RECHERCHES EXPÉRIMENTALES Sensibilité des diverses races. — Nous avons dit ailleurs que linoculation, toujours mortelle pour les races perfectionnées et les races noires, ne l’est pas fatalement pour les animaux des steppes. Ceux-ci peuvent résister au virus de passage lui-même, lorsqu'on linjecte par la voie sous-cutanée, intra-veineuse ou intratrachéale, mais ils semblent succomber fatalement quand on emploie la voie intracérébrale. Les expériences sur les mou- tons et les chèvres, relatées plus loin, montrent bien aussi que ce dernier mode d'infection doit être considéré comme plus sévère que les autres. 1. Bien qu'ayant toujours opérésur des races qui succombent régulièrement à l'inoculation virulente, nous n'avons jamais omis de faire des témoins. Geci dit pour toutes les expériences relatées dans ce mémoire. ÉTUDES SUR LA PESTE BOVINE. 717 Ilexiste en réalité une différence de sensibilité entre les races perfectionnées et les bovidés d'Anatolie (races noires). Cette différence apparaît nettement quand on fait des inoculations avec le sérum de passage, et quand on pratique la sérothérapie préventive ou curative, Lors de l'infection expérimentale, la durée Ge l’incubation est presque toujours plus courte de 2% heures chez les sujets sélectionnés, et la mort survient ordi- nairement un ou deux jours plus tôt. D'autre part, tandis que 5 c.c. de sérum sufliront pour vacciner un animal noir d’un an (par le procédé Kolle et Turner), il faudra au moins 10 e.c. pour obtenir le même résultat s'il s’agit, par exemple, d’un veau de Crimée. Enfin, la guérison par le sérum est infiniment plus aisée à réaliser dans le cas des animaux d’Anatolie que dans le cas des individus perfectionnés. Nous avons inoculé, sans succès, un buffle d’un un an et demi. Le buffle doit donc être considéré comme peu sensible. Produits virulents. — A titre de documents, nous indiquerons les faits suivants. L’humeur aqueuse est toujours active sous le volume de 1 c.c., inconstamment sous celui de 1/2 à 1/4 de c.c, Le liquide céphalo-rachidien se comporte de même. L’urine, ino- culée deux fois à la dose de 5 ce, c. a tué les animaux. Enfin, le liquide de lavage péritonéal (dont il sera parlé ultérieurement) peut tuer au 1/# de c.e., mais se montre généralement moins riche en germes que l'humeur aqueuse ou la sérosité rachidienne, Modes divers d'inoculation. — Au sujet de l’inoculation intra- veineuse, nous rappellerons ici une expérience faite par M. Kolle. Deux animaux reçoivent chacun 1 eme. de sang dans la veine de l'oreille, Chez l’un des sujets, le virus pénètre exclusivement dans le vaisseau : 1l n’en résulte n1 infection ni immunité: chez l’autre, un peu de sang se répand en dehors de la veine : la mort s'ensuit. M. Kolle se demande si l'injection intraveineuse n’aurait pas pour effet la destruction des germes, au moins dans certains cas. Nous citerons, de notre côté, les deux observations suivantes qui semblent se contredire. On fait une série de passages, dans les veines, chezdes sujets de races perfectionnées. Chaque inoculation se pratique avec 1/10 c. c. de sang (dose plusieurs fois mortelle sous la peau); la veine choisie est la jugulaire, Le 7 animal résiste et n’acquiert pas l’immunité. Par 718 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. contre on inocule un veau de Crimée, âgé de 1 an, avec 1 €. e. de sang virulent, dans une veine auriculaire. Séance tenante, on abat l’oreille au thermocautère : l’animal contracte la peste bovine. Nous pensons que, lors de linoculation intra veineuse, le virus, dilué dans la masse sanguine, produit des effets diffé- rents selon sa richesse en germes. L'influence de la dilution d'une dose sûrement mortelle ressort en effet de ce qui va suivre. Influence de la dilution du virus. — Voici trois expériences, très démonstratives. 1/60 de ce. c. de sang, dilué dans 1, 5 ec. €. d’eau physiologique, tue l'animal qui le reçoit (sous la peau). 1/60 de c. €. dilué dans 500 c. c. d’eau physiologique se montre inactif. Si une quantité quasi égale de germes, diluée dans des proportions variables de liquide, engendre des effets aussi différents, une quantité variable de germes, diluée dans la masse sanguine, devra amener aussi des résultats fort divers. C’est ainsi que nous expliquons l’expérience de M. Kolle ‘et les nôtres. = Nous avions pensé à utiliser le principe de la dilution d’une dose sûrement mortelle pour vacciner les animaux; mais, en raison précisement de la proportion variable des germes, on ne réussit que dans certains cas. Quoi qu’il en soit, l'influence de la dilution est importante à retenir. RÉSISTANCE DU VIRUS Résistance in vitro. — Noussignalerons tout d’abord quelques faits, utilisables pour ceux qui étudient la peste bovine. Une nouvelle expérience, dans laquelle du sang défibriné a été incor- poré (à à) à de la gélatine, nous a montré qu'après 2 mois (à la glacière) le mélange ne tuait plus sous le volume de 5, 5 c. c. — Dans une autre recherche, nous avons constaté que le liquide céphalo-rachidien, maintenu 20 jours dans la glacière, ‘était devenu inoffensif à la dose de 20 c. ce. — Enfin, 70 c. c. d’une émulsion de rate, gardés 8 mois à la glacière dans l’eau salée (10 0/0) stérile, et n'ayant subi aucune altération, n’ont ‘pas infecté l'animal qui les a reçus. Le virus n’est pas très sensible aux acides, comme l’a mon- ÉTUDES SUR LA PESTE BOVINE. 749 tré jadis une expérience faite avec le bichlorhydrate de quinine. Il n'est pas non plus très sensible aux alcalis, ainsiqu'on va le voir. À gramme de ganglions mésentériques est broyé dans 8 c. c. de carbonate de sou de à 0,5 0/0. Après 3 jours, à la température ordinaire, on inocule 1/2 c. c. du liquide clair sur- montant le dépôt : le sujet inoculé succombe. : Par contre, la dessication détruit aisément la virulence, Si l’on broie des ganglions mésentériques et qu'on dessèche la masse dansle vide, 0#,04 inoculé après 2 jours sous forme d’émul- sion se montre totalement inactif, L'influence de la température et de l’aération a été étudiée par nous à maintes reprises. Voici à ce propos quelques données intéressantes : 2 à 8 c.c. de liquide céphalo-rachidien sont maintenus à 37° pendant 4 jours, en évitant l’évaporation. Au bout de ce temps, on inocule 1 c.c. à des veaux; ceux-e1 ne se trouvent ni infectés ni immunisés. Mèmes résultats avec le liquide de lavage péritonéal. Plusieurs tubes, contenant 8 gouttes de sang, réparties dans 5 eme. de sérosité rachidienne virulente, sont placés à 37°, les uns à l'air, les autres dans le vide. Après 7 jours, 1 c.c. du virus-air (bien agité) ne tue pas constamment, 1 c. c. du virus- vide ne tue jamais. Plusieurs tubes, contenant 10 gouttes de sang réparties dans 5 c.c. de bouillon-Martin-sérum (sérum de cheval), sont mis à 37°, les uns à l'air, les autres dans le vide, Le virus-air, après 3 jours, tue régulière ment à la dose de 1 €. ec; après 5 jours il produit, à la même dose, une affection curable. Le virus-vide, après 3 jours, immunise les animaux (sans les rendre malades) à la dose de 1c. c.; après 5 jours, il est de venu inactif (à la même dose), On voit donc que la conservation est plus longue pour le sang que pour le liquide de lavage péritonéal ôu la sérosité rachi- dienne, ce qui tient évidemment à une différence dans le nom- bre des germes. Elle est plus longue à l'air que dans le vide, circonstance qu'on pourrait peut-être expliquer en admettant que l'agent pathogène est très aérobie 1. 1. Nous reviendross plus tard sur certaines expériences, qui nous avaient tout d'abord fait croire à une culture de cet agent pathogène, mais que nous sommes plutôt portes aujourd'hui à expliquer par une conservation exception- nellement longue du virus. ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. >=1 1© © Désirant comparer, au point de vue de leur action bactéricide, le sérum de divers animaux, nous avons porté dans plusieurs tubes 3 c.c. de solution physiologique, 8 gouttes de sang virulent et 1 c.c. du sérum à étudier (sérum frais). Après 5 jours à 370, 1 c.c. de chaque mélange (bien agité) a été inoculé à des ani- maux. L'expérience nous a montré que les sérums de cheval et de mouton conservaient la virulence, tandis que ceux de bœuf, de chèvre et de chien la détruisaient. Nouvelle preuve de Pab- sence totale de rapports entre le pouvoir bactéricide des humeurs et l'état réfractaire. Résistance in vivo chez la sangsue, — 2 sangsues sucent le sang d’un veau infecté. Après 16 jours, on les broie dans 5 c.c. de bouillon ; on passe sur mousseline et on injeete le liquide sous la peau d’un animal gris de 2 ans. Celui-ci prend la peste bovine. Les sangsues pourraient donc être employées dans certains cas pour la conservation du virus. Il est certain que celui-ci peut demeurer actif plus de 16 jours dans leur organisme. Il suffirait douc, au besoin, d’inoculer une dose supérieure à celle dont nous avons fait usage. En tout cas, nous sommes convaincus que le sang conserve bien mieux sa virulence chez la sangsue qu'in vitro, à masses et à températures égales. Chez la grenouille. —1 c. c. de sang a été inoculé dans le sac lymphatique dorsal d’une grenouille ; 15 jours après, le sang de la grenouille s’est montré inoffensif et n’a pas vacciné. Chez le lapin. — Le virus peut se conserver un certain temps dans le cerveau! lorsqu'on l’y introduit. Nous avons fait à cet égard de nombreuses recherches, dont voici le résultat : 1/10 à 1/20° de ce‘ e. de sang virulent tuent en un temps variable (5 à 38 jours). Les lapins succombent, intoxiqués par le poison normal du sérum des bovidés, auquel le poison pestlique vient ajouter certainement son action (au moins dans le cas de mort rapide), ainsi qu'il ressort d'expériences compa- ratives fait avec le sang des bovidés sains. Nous avons inoculé, sans succès, aux veaux, 15 ©. ©. d’émulsion cérébrale épaisse d’un lapin mort en 23 jours ; 15 ce. c. d’émulsion d’un autre lapin mort en 18 jours; et 20e. c. d’émulsion d’un troisième lapin, mort également en 18 jours. 4. Ïl n'a jamais été retrouvé dans le sang ni dans les viscères. ÉTUDES SUR LA PESTE BOVINE. 121 Ea injectant dans le cerveau du pie 1/100° de c. e. de sang virulent, on tue l’animal en 8 1/2 à 25 jours. Si l’on inocule 3/10° de c. c. de liquide céphalo-rachidien, le lapin succombe en 7 1/2 à 23 jours. Dans une expérience (la seule que nous ayons faite), 16 e. c. d’émulsion cérébrale d’un lapin mort en 7 jours 1/2 ont donné la peste bovine au veau. Nous avons injecté, une fois, dans le cerveau du lapin, 1/10° de c, c. de sang, pris le 7° jour chez un mouton fébricitant (mouton inoculé lui-même, dans le cerveau, avec 1 c. ce. de liquide céphalo rachidien). L'animal est mort en 19 jours. 1 ce. c. d'émulsion cérébrale, inoculé à un veau, ne l’a pas rendu malade, mais l’a vacciné, (Courbes n° 2 et n° 3.) NEICIEENEIENEI RE a ER 1 CS) ER) (#0) neeromee CourBE 2. CoURPE ae L Animal 78-95. Témoin du Animal T8-11, Race d’Anatolie, un an. précédent, Inoculé avec la Inoculé, le 23.X. 1899, avec un c. c. d’é- | même dose du même virus. mulsion épaisse du cerveau de 44,90 (lapin Signes et lésions classiques. ayant reçu, dans le cerveau, ‘/,, €. c. de | Mort le 9% jour. (La gazelle sang du mouton 78.81 et ayant succombé | no 4 constitue aussi un té- en 19 jours), Pas de réaclion, — Réino- | moin de l'animal 78-11; elle culé le 10e Jour avec 1 c. c. de virus. Fiè-|n’a été inoculée, comme vre légère, comme l'indique la courbe. |78-95, que le 4. XI.) Enfin, nous avons injecté 1/10° de e, c, du sang de la chèvre 18-53 (vide cie recueilli à l’autopsie. Le lapin est mort en 21 1/2 jours. 9 c. ce. d’émulsion cérébrale n'ont n1 infecté ni immunisé un veau. La conservation du virus dans le cerveau du lapin semble donc soumise à des conditions très variablest. 1. On notera toutefois que, in vivo, comme ?n vitro, les sérums du bœuf ou de la chèvre se montrent moins favorables à la conservation du virus que celui du mouton. On remarquera aussi que, n vivo, le liquide céphalo-rachidien est demeuré plus longtemps acttf qu'èn vitro, 45 122 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Inoculations à la gazelle. — Le D'Tahsin-bey a bien voulunous envoyer de Tripoli d'Afrique 2 gazelles, dont nous ignorons l'espèce zoologique. Les courbes suivantes (courbes n° 4 et u° 5) démontreront la parfaite sensibilité de ces animaux, qui ont contracté la maladie type. Inoculationsintra cérébrales au mouton.— À 3 moutons de race asiatique, nous avons injecté, dans le cerveau, 1 c. c. de séro- sité rachidienne virulente. Les animaux n’ont présenté qu’une réaction fébile. Leur sang, prélevé le 7° jour, a tué le veau Molz|5l4ls|lel7/|sl Et | ms] nsim S.m.siIm.s|ms|m.sim.sims | EE f njes ES ER ET PR ER — En | fus s[ofwfufs/m fig s [alsfel7 [als] COURBE 4. : 5 Gazelle n° 1. Recoïit, le 4. RU XI..1899, 1 c.c. de virus sous | Gazelleno 2. Recçoit.le4.XIT. la peau. Le8e jour, diarrhée; | 1899, 1 c. c. de virus sous la le 10e jour, mort dans le | peau. LeGe jour, inappétence coma. À l’autopsie, conges- | et boursouflement de la mu- tion violente de l'intestin, | queuse gingivo-labiale. Le tuméfaction des ganglions | 8° jour, érosions et diarrhée. mésentériques, rate nor-|Le 9% jour, conjonctivite pu- male, foie un peu cireux, |rulente, jetage, abattement bile presque incolore et|extrême ; mort dans la jour- fluide. La caillette n'offre | née. A l'autopsie, congestion pas de lésions. 5 c. ec. de | dela caillette et de l'intestin; sang, pris le 7e jour, infec- | pas d’autres lésions. tent l'animal 78:56: à la dose de 1 c. c. Un des moutons a été réinoculé après 38 jours (1 c. e. de liquide céphalo-rachidien dans le cerveau); il n’a pas réagi, mais 20 c. c. de son sang, prélevés le 7° jour, ont vacciné un veau. { c.c. de sang, recueilli le 7° jour sur un des 35 moutons mentionnés plus haut, n’a rien donné à un autre mouton ÉTUDES SUR LA PESTE BOVINE. 123 par la voie cérébrale.Le sang de ce second mouton, prélevé le jour et inoculé au veau sous le volume de 4 ce. c., s’est montré inactif. | 1 c. c. de sang, recueilli le 7 jour sur un des 3 moutons, et inoculé dans le cerveau d’une chèvre de Malte, n’a produit qu'une légère réaction fébrile. La peste bovine, comme nous l'avons indiqué antérieure- ment, se montre tellement grave chez les sujets tuberculeux que ceux-ci ne peuvent jamais être sauvés par le sérum. L'in- fluence de la tuberculose ressortira également de l'expérience faite sur la chèvre 78-53 (vide infra). En présence de cette don- née, nous nous sommes demandé si, en combinant linocula- tion intracérébrale (la plus sévère de: toutes) avec l'injection intraveineuse de Streptothrix Nocardi, on ne réussirait pas à RECETTE TENTE Lancon SRE ES CRE DES 47 Course n° 6, Mouton 48-49. produire chez le mouton la peste bovine type. Deux expériences, identiques dans leurs résultats, sont venues démontrer que notre opinion était exacte, Nous relaterons en détail lune de ces expériences. Mouton1S-49. Animal de 23 kilogrammes,race asiatique.Le 6novembre 1899 on émulsionne, dans à c.c. d’eau physiologique, 2 cultures sur gélose de Strep- tothrix Nocardi (géloses glycérinées, ayant séjourné 5 jours à 370). On laisse déposer les grosses particules et on injecte, dans les veines. 4c. c.du liquide sur- nageant.Ilen résulteuneréaction fébrilesans gravité. Le 2novembre l'animal a perdu 3 kilogrammes. On lui inocule, dans le cerveau, 1 c. c. de liquide céphalo-rachidien virulent, Le 4e jour, la fièvre s'allume ; le Ge jour, apparaît 724 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. l'inappétence ; le 7e jour, on observe un boursouflement de la muqueuse gingivo-labiale ; le 8 jour, ce boursouflement aboutit à la formation d’éro- sions, en même temps que se manifeste de la diarrhée; le 9e jour, les signes s’améliorent; les jours suivants, tout rentre dans l’ordre. (Voir courbe n° 6,) Inoculations intra cérébrales à la chèvre. — On injecte 1 c. c, de sérosité rachidienne dans le cerveau d’une chèvre d’Anatolie. L'animal réagit par de la fièvre; le 7° jour, 5 c. c. de son sang tuent un veau. Cette chèvre est réinoculée après 38 jours, (4 ce. c. de liquide céphalo-rachidien dans le cerveau); elle présente un peu de fièvre et, le 8° jour, 20 c. c. de son sang vaccinent un veau. On injecte à une chèvre de Malte, en lactation et tubercu- leuse (chèvre 78-53), 1 c. c. de sérosité rachidienne dans le cer- DENDAOAOANUET nf a ur EE Course n° 7. Chièvre 78-53 veau. L'animal prend la peste bovine et en meurt. Voici son observation résumée. Chèvre de 6-7 ans. Inoculée le 7 octobre 1899. Le 6e jour, début de la fièvre; le 10e jour, inappétence et abattement; le 12e jour, boursouflement gingivo-labial et diarrhée; le 13e jour, érosions, coma, mort. (Courbe no 7.) A l’autopsie, on constate de la tuberculose du foie et du poumon droit; le foie est atrophié et un peu cireux, la vésicule biliaire vide. Dans la caïllette, on note des érosions et de la tuméfaction des follicules clos. Pas de lésions intestinales. Congestion des reins, 1 c. c. de liquide céphalo-rachidien, injecté à un veau, lui donne la peste bovine. lc. c. du sang de la chèvre 78-53, recueilli à l’autopsie et ÉTUDES SUR LA PESTE BOVINE. 795 inoculé dans le cerveau d’une chèvre d’Anatolie, n’a produit qu'une réaction fébrile; 1 ec. c. inoculé dans le cerveau d’une chèvre de Malte (race plus sensible) a déterminé une fièvre assez marquée, accompagnée de diarrhée transitoire. 1 c. c. du même sang, injecté dans le cerveau d’un mouton san, n'a engendré qu'une affection fébrile sans gravité, Enfin, Le. c. du sang de 78-53, recueilli le T° jour et inoculé dans le cerveau d’un mouton atteint de lésions pulmonaires subaiguës, a tué l’animal en 7 jours et demi avec une courbe caractéris- tique. A l’autopsie, on s’est trouvé en présence d’une broncho- pneumonie streptococcique, mais les cultures faites avec le cer- veau sont demeurées stériles, Nous constatons done, ici encore, l'influence des lésions antérieures sur la gravité de l’infection pestique. VACCINATION PAR LA BILE Nous nous contenterons de mentionner les faits suivants, nous proposant de revenir plus tard sur la théorie de la vacci- nation par la bile, Inoculation de bile fraiche. — Klle nous a donné des résultats très variables, comme on pourra en juger par le résumé d’une de nos. expériences. # animaux de race noire, àgés d'un an, reçoivent chacun 10 ce. c. de bile (bile provenant d'un bœuf mort le 9° jour, 6° jour de la fièvre), Deux des veaux succom- bent, deux résistent. Ces derniers sont éprouvés le 102 jour; l’un meurt, l’autre reste bien portant. Inoculation de bile conservée un jour dans la glacière. — Elle n’a jamais été suivie de réaction, mais n’a point toujours conféré l’immunité. Les résultats observés avec la bile des animaux morts du virus de passage sont donc bien différents de ceux qu'on obtient avec la bile des animaux morts de la maladie naturelle. Ils diffè- rent également de ceux que nous avons notés au début de nos recherches, alors que les passages n'avaient pas été encore très nombreux. Cela prouve que, tout en restant fixe d’une manière générale, le virus s’est cependant modifié, dans le sens d’une plus grande activité, ainsi que nous le disions au début de ce travail, Inoculation de bile glycérinée. — La bile glycérinée (10 ec. c. de 726 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. bile et 5. c. c. de glycérine, — d’après Edington) s’est montrée vaccinante, même après 40 et 85 jours de conservation à la tem- pérature ambiante. Ces résultats concordent avec ceux de M. Rogers, qui a vu la bile glycérinée conserver son pouvoir jusqu’à 162 Jours. Jnoculation de bile desséchée (dans le vide, sur SO‘ H°), —Rame- née au volume initial (10 c. c.) par dissolution dans l’eau distil- lée, elle a également vacciné les animaux après 40 et 85 jours (la conservation doit être, sans nul doute, indéfinie). Inoculation de bile additionnée de sang. — Nous avons mêlé 4 à 5c. c. de sang à 10 c. c. de bile. Le temps de contact (dans la glacière) a été en moyenne de 16 heures. Les mélanges n’ont ni infecté niimmunisé les animaux, Nous savions déjà, parles expé- riences des autres auteurs, qu’il devait en être ainsi. Inoculation de bile normale additionnée de virus. — Comme nos devanciers, nous avons constaté à maintes reprises que la bile normale détruit la virulence, sans acquérir de propriétés vacci- nantes. Une seule fois il a été possible d’immuniser un animal, en lui injectant un mélange de 9 parties de bile et d’une partie de liquide de lavage péritonéal, Le mélange était resté pendant 23 heures à 22°. L'animal, éprouvé le 10° jour, a résisté, tandis que 3 témoins sont morts. SÉROTHÉRAPIE Préparation dusérum.—Nous nereviendrons pas surle procédé que nous avons indiqué dans notre premier mémoire et qui donne d'excellents résultats. Nous ferons simplement observer que, dans sa monographie intéressante sur la peste bovine, M. Kolle l'a indiqué et jugé d’une façon inexacte. Nous n'injectons en effet à chaque séance que du virus, et non du virus et du sérum; de plus, nous arrivons ainsi à obtenir un anti-corps très actif. Il serait vraiment extraordinaire que des inoculations massives et répétées se montrent inférieures à des inoculations répétées de quantités moindres de virus. D'ailleurs, l'élévation du titre du sérum, régulièrement observée par nous, ne saurait laisser subsister le moindre doute. M. Kolle avance que notre sérum, employé au Soudan, a donné de médiocres résultats; les courbes suivantes (courbes n° 8, n° 9 et n° 10) prouvent qu’il n'était pas aussi mauvais que veut ÉTUDES SUR LA PESTE BOVINE, 727 bien le dire notre savant collègue, lequel ne l’a pas titré lui- même, Nous persistons donc à affirmer que notre méthode, au moins aussi bonne que les autres, offre de plus l’avantage d’être très s's[r/elolwfels/uls/olr|s|o) 1e mafafufe hu fucluendn menu mins — was # £ =] Ï EX | fee mi À ESS EEE \ N==='2= ri EE ETS E LY, + (2 «a _- = = = ms us = & « dit Cour8E n° 8. | Course n° 9. Animal 79-38. Race d’Anatolie, Animal 79-80. Race d'’Anatolie, l'an. Reçoit, le 2.III. 14900, 5 c. c. de | 1 an, Reçoit, le2. III. 1900, 40 c. c. de sérum (mélange N)et9 c. c. de virus. | sérum (mélange N)et2 c. c. de virus. Fièvre seule, Pas de réaction. ACTE La Î Animal 79-44. Témoin des précédents. Race d’Anatolie,1 an.Recçoitle2.1[1.1900,2c.c. de virus. Signes et lésions classiques. Mort, dans la nuit du 7e au 8e jour, avec sang virulent (a infecté l’animal 79-39), Course n° 10, Animal 79,44, rapide. On prépare en peu de jours, grâce à elle, un sérum actif à la dose de 25 c. c. et rien n’est plus facile que d'augmen- ter ensuite son efficacité, = to @œ ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Mais, s’il est utile de commencer par des doses massives, il peut être avantageux de les diminuer ensuite, tout en rappro- chant les inoculations (de manière que les animaux reçoivent toujours la même quantité de virus dans le même temps). Nous avons été amenés à procéder de la sorte pour faciliter la résorp- tion du sang injecté, résorption qui finit par devenir de plus en plus lente, surtout chez certains animaux. En modifiant ainsi la technique, on remarque que les bœufs réagissent inconstam- ment et, lorsqu'ils réagissent, la fièvre est bien moins forte et moins durable qu'avec les fortes doses. Cependant, le sérum obtenu continue à augmenter d'activité {. Cherchant toujours à ménager le tissu cellulaire des ani- maux, en rendant la résorption du virus aussi rapide que pos- sible, nous avons employé le plasma citraté (déjà indiqué dans notre premier mémoire); mais 1] nous a fallu l’abandonner, à cause de l'insuffisance de notre installation. C'est alors que nous avons eu recours au liquide de lavage péritonéal, exclusivement en usage depuis un an. Voici comment nous procédons pour l'obtenir. Lorsqu'un animal de passage commence à présenter de la diarrhée, on lui injecte, dans le péritoine, un mélange préparé en étendant de 3 volumes d’eau physiologique un volume de solution, légèrement alcaline, de peplone Martin, (obtenue par autodigestion de la caillette de veau). Le mélange, préalablement porté à 37°, est introduit dans la séreuse à la dose de 6 litres pour un veau d’un an (on augmente ou diminue la quantité, en proportion de la taille du sujet). Après 3 heures au moins, l'animal est sacrilié par hémorragie et l’on puise proprement le liquide intra abdominal. Celui-ci, d'aspect citrin, se coagule rapidement dans les vases où il a été reçu. On égoutle aseptiquement le caillot (volumineux, mais très léger), et on injecte le liquide clair qui en exsude, Toutes ces manipu- lations sont pratiquées fort habilement par le D' Refik bey et le vétérinaire Refik-bey, assistés du vétérinaire Moustafa-bey, auxquels l’un de nous a confié la préparation du sérum antipes- tique. Si la sérothérapie a donné en Turquie d’aussi bons résul- tats dans la lutte contre le typhus contagieux, le mérite en revient donc, pour une grande part, à nos collaborateurs. 4. Nous avons aussi immunisé des animaux, avec de fortes doses, par la voie abdominale. C'est là un excellent procédé; d’ailleurs, selon nous, toutes les méthodes aboutissent finalement à des résultats identiques. ÉTUDES SUR LA PESTE BOVINE. 729 Le liquide de lavage péritonéal représente un virus parfaile- ment actif et d’une résorption excessivement rapide. Jamais il ce e[slalste à 8 | Re se Dane he See = EE RER TS CE GS DS ES PES | F2 ee ho _— 38° ue a DODULRE ? Course n° 11. | Course n° 12. Animal 74-145. Race d’Anatolie, Animal 74-144. Race d'Anatolie, tan. Reçoit, le 28.I[. 1901,5 c. c. du | 1 an. Recoit, le 28. IL. 1904, 5 c. c. du sérum de l'animal n° 18 et 5 c. c. de | sérum de l’animal n0 13 et 5 c. c. de virus. Fièvre seule, virus. Fièvre seule. n’a déterminé d’abeès chez les animaux inoculés. Il permet d'hyperimmuniser les bovidés avec le même succès que le sang citraté, et sans que les sujets réagissent jamais, particularité très intéressante au point de vue théorique. Il convient de noter toutefois que si les animaux ne présentent pas de réaction ther- mique, ils offrent par contre une réaction leucocytaire marquée, ainsi qu'il résulle des recherches du D' Refik-bey (recherches qui seront publiées ultérieurement). Nous injectons, dans une même séance, 2 à 3 litres de lavage et nous saignons les animaux le 10°, le 15° et le 20° jour. Le jour de la dernière saignée (et après celle-ci), on injecte à nouveau 2 à 3 litres de lavage et ainsi de suite. On arrive par ce moyen disions-nous, à obtenir un anticorps très eflicace. C’est ce que démontrent les courbes suivantes, qui ont trait au sérum de sujets traités exclusivement par le liquide de lavage. Ces courbes (n° 11, n° 12, n° 13, n° 14 et n° 15) indiquent également que le sérum chauffé (une heure à 58°) et Le sérum sec n’ont rien perdu de leur activité originelle. Peut-on produire un sérum pratiquement utilisable en moins 730 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. de 10 jours? L'observation suivante ne laisse aucun doute à ce sujet. Un animal d'Anatolie, âgé de 5 ans, reçoit 4 litres de 2131u)5l6l7)6)9l1olulilnlolslalslel7|slol0l141l12 43 A EE | Jegcl Sins s hr sin. sin. sms) m6 Mi AL $ num Sn $ 1m. sms In Sin ss 511 SL S #1 I en À EE 1 _ }0° IE | | 9° L = EST Een 33° —- cY ii nteae : 321514561718 /9/w0inf%s)2)5|4#ls)ce|7|e8ls)410)1 Course n° 13. | k Course n° 14. Animal 74-149. Race d'Anatolie, Animal 74-196. Race d’Anatolie, 4 an. Reçoit, le 28. II. 1901 ,5 e. c. de | 1 an. Recoit, le 18. IL. 1904,5 c. c. du sérum du l’animal n°0 13. (Sérum | sérum de l'animal n° 13. (Sérum sec chauffé une heure à 580) et 5 e.c. de | 0,15, dissous dans 5 c.c. d'eau physio- virus. Fièvre seule. logique) et5 c.c. de virus. Fièvreseule. sang virulent et 250 c. c. d’un sérum peu actif (au début de nos recherches). Il n'offre qu’une réaction fébrile modérée. Le 4° jour, son sérum ne vaccine pas (méthode Kolle et Turner) à Z Animal 74-165. Race d’Anatolie, { an. Témoin des quatre précédents. Recçoit, le28. Il. 1901,5 c. c. de virus. Signes de lésions classiques. Mort le 10e jour. L CZ NZ 271 eines BE SES PSE) Sék en Lo) +1 H HHESENES Courge n° 15. Ë la dose de 25 c. c.; Le 6° jour, il vaccine, à cette dose, un sujet ÉTUDES SUR LA PESTE BOVINE. 131 de race très sensible (Crimée). Il s’en faut cependant que l'expé- rience réussisse constamment. Les bovidés sont-ils seuls susceptibles de fournir du sérum antipestique ? Le cheval (une expérience) nous a donné des résultats assez difficiles à interpréter pour le moment, mais que nous considé- rons, jusqu’à nouvel ordre, comme négatifs. Le mouton, auquel on inocule 1 litre de sang virulent, offre, le 15° jour, un sérum parfaitement actif. (Courbes n° 16 et n°17.) Par contre, la chèvre, pp pres Jundnmin 2 == Ds me cine me, FAT EE A DES EE RE VEN RUE] ED V7 VY Sn secs = 2ÉSSS à CS ESES Du las ESSENCE re ES RE EE Ferieranfss sh DÉS heneetesnest Course 16. | Cour8E 17. Mouton A. Race asiatique, 22 kilos. Animal 75-53. Race d'Anato- Reçoit, sous la peau, le 9.1. 1899, un litre | lie,2 ans. Inoculé, le 3. II. 1899, de sang citraté du bœuf 75,76. Fièvre seule. | avec 1 €. c. de virus et 25 c. c. (Une shèvre d’Anatolie, de 39 kilos, reçoit, | de sérum du mouton A, prélevé le même jour, un litre du même virus. | le 15e jour. Fièvre seule. (Avec Elle présente de la fièvre, mais son sérum | la même dose du même virus, n'acquiert aucun pouvoir immunisant.) on a inoculé 7 autres animaux, qui sont tous morts.) à laquelle on injecte jusqu’à 2 litres de sang virulent, ne produit aucun anticorps, mème après plus de 15 jours. Enfin, le sérum d’une oïe de 5 1/2 kilogrammes, qui avait reçu 250 c. c. de sang virulent dans le péritoine, s’est montré inefficace le 16° jour, à la dose de 30 €. « Propriétés du sérum. — Nous ne reviendrons pas sur son pouvoir préventif et curatif, bien connu aujourd’hui. Rappelons que, pour le titrage, nous employons toujours la méthode Kolle et Turner, et que nous prenons comme test-objet, ainsi qu'on à pu le voir, un veau de la race d’Anatolie, âgé de 1 an, Inutile de dire que l'épreuve est toujours faite avec le virus de passage. 132 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Quelle que soit la méthode d’hyperimmunisation usitée, il est impossible d'obtenir des mélanges actifs à plus de 5 e. c. Nous avons bien rencontré parfois des animaux qui fournissaient un sérum actif à 2,5 €. c., mais, ex moyenne, il ne faut point compter dépasser la limite que nous avons indiquée. Cette limite, par contre, n'est pas difficile à atteindre. En pratique, nous nous en tenons à l'application du sérum seul, comme moyen préventif, L’immunité, ainsi créée, a toujours permis aux animaux de traverser victorieusement la période épidémique. Cela n'implique de notre part, répétons-le, aucune défiance vis-à-vis de la méthode Kolle et Turner, que nous continuons à considérer comme excellente. Au point de vue curatif, nous avions abandonné l'injection intraveineuse, qui détermine parfois de l’hémoglobinurie, d’ail- leurs sans gravité, hémoglobinurie due incontestablement à CT qe ——- ÉCODOOD Course 18. | Course 19. Animal 71-42. Race mixte (Crimée- Animal71-8.Recçoit, le10.VIIL.1899, Anatolie), { an. Reçoit, le 10. VIII. | 10 c. c. de sérum (mélange E) étendas 1899,10 c. c. de sérum (mélange E) et | de 90 c. c. de sérum normal de bœuf. 2 c. c. de virus. Fièvre seule. Signes et lésions classiques. Mort le 42e jour. l'effet d'une isolysine. Maintenant que nos animaux sont immu- nisés avec le lavage péritonéal, 1l n’y aurait plus, croyons-nous; d'inconvénient à reprendre la voie vasculaire. On sait que, d’après M. Wassermann. le peu d'efficacité de certains sérums spécifiques serait dù à leur teneur relativement trop faible en alexine. Pendant l’immunisation, l’anticorps augmente en effet de plus en plus, tandis que la substance bacté- ÉTUDES SUR LA PESTE BOVINE. 133 ricide demeure stationnaire. Il s’ensuivrait que la majeure partie de la matière préventive, ne pouvant se combiner à l’alexine, resterait inactive. D'où l’idée d'ajouter du sérum neuf au sérum spécifique. Sans croire beaucoup à la réussite d’une pareille expérience, nous avions cependant pensé à la faire, et cela avant même que parüût le travail du savant allemand, Les résultats ont été exactement opposés à ceux qu'indique la théorie, ainsi que le démontrent les faits suivants, où l’addition de sérum neuf a complètement paralysé l’action de l’anticorps spécifique. Sérum employé curativement. — Le 1° juin 1900, on infecte 2 animaux de race très sensible. Le 6° jour (2° jour de la fièvre), on injecte à l’un d’eux (80-92) 100 c. c. de sérum anti- pestique et à l'autre (80-71) 100 c. c. de sérum antipestique mélangés à 320 c. c. de sérum normal de bœuf (sérum frais), L'animal 80-92 guérit facilement; au contraire, l’animal 80-71 succombe le 9° jour, sans que la maladie ait été le moins du monde influencée par le sérum. Sérum employé préventivement. — On inocule, à 2 animaux de race très sensible, 2 c. c de virus. En même temps, l’un (11-42) reçoit 10 ec. c. de sérum antipestique et l’autre (71-8) 10 c. c. de sérum antipestique dilués dans 90 c. c. de sérum normal de bœuf (sérum frais). Le premier n'offre que de la fièvre, l’autre prend une affection mortelle (courbes n° 18 et n° 19). CONTRIBUTION A L'ÉTUDE ET A LA CLASSIRCATION DES SEPTICÈMIES HÉMORRAGIQUES LES « PASTEURELLOSES y» Par M. J. LIGNIÈRES Chef des travaux à l'École vétérinaire d’Alfort. Tout microbe fixant surtout aux deux extrémités les couleurs ordinaires d’aniline, se décolorant par les méthodes de Gram et de Weigert, poussant sur gélatine sans produire de liquéfaction, et capable de provoquer dans l’organisme des lésions aiguës septicémiques, recevait jusqu'ici le nom de bactérie ovoïde, et l'affection dont il était l'agent spécifique rentrait dans le groupe des septicémies M oi Ces quatre caractères suffisaient aux exigences de la classi- fication qui, encore aujourd'hui, est admise par presque tous les auteurs. En se contentant d’un nombre aussi restreint de caractères, on élargissait démesurément le cadre de ce groupe, au point de le voir envahir des territoires qui ne devaient jamais lui appartenir. Ainsi la conception si juste de Hueppe (1886) était faussée, et l’on voyait figurer côte à côte une foule de microbes sans parenté aucune. Mes études sur la fièvre typhoïde du cheval!, l’entiqué, la diarrhée des veaux et le lombriz? m'ont permis de déterminer exactement les caractères morphologiques et biologiques de leurs microbes spécifiques et de reconnaître leur parenté étroite. A côté de ces affections, je plaçai bientôt le choléra des pou- les, la maladie des chiens et une maladie des porcs (Schweine- seuche) confondue généralement en France avec le hog-choléra *. Enfin, je proposai de réunir dans un même groupe, sous le nom 1. Étiologie de la fièvre typhoïde du cheval, Société centrale de Médecine vélérinaire, 10 juin et 22 juillet 1897. 2. Contr ibut ion à l'étude de la lombriz et de la diarrhée des jeunes bovidés et le lentiqué, Société centrale deiMéd. vétér., 30 décembre 1898. 3. Contribution à l'étude et à la classification des septicémies hémorragiques. Association des Hacendados, Buenos-Ayres 1900. Société centrale de médecine vétérinaire. Séance des 28 mai, 44 et 2 juin, 12 et 16 juillet 1900, CLASSIFICATION DES SEPTICÉMIES HÉMORRAGIQUES. 735 de pasteurelloses, toutes ces affections déterminées par des microbes ayant une grande parenté : les pasteurellaf. Voici, tels que je les ai établis, les caractères spécifiques invariables des pasteurella: Cocco-bacilles sans mouvement de translation, ne prenant pas le Gram, très polymorphes, donnant des formes d'involution, ne liquéfiant pas la gélatine, ne coagulant pas le lait dont la réaction reste normale, ne donnant pas de culture visible sur pomme de terre naturelle? ni d’indol dans le bouillon pancréati- que *, ne rougissant pas la gélose de Wurtz, surtout aérobies, mais aussi anaérobies, présentant une odeur sui generis dans les cultures. Pas de spores, pas de cils, virulence très variable, en général grande. Par injection intraveineuse, affinité spéciale pour les synoviales tendineuses et articulaires. Les caractères que je viens de mentionner sont fixes, l'absence de l’un ou de l’autre exclut le microbe du groupe des pasteurella tel que je l’entends aujourd’hui. Comme indication générale, on peut mentionner que ces microbes se colorent facilement aux deux extrémités en laissant le centre clair, qu’ils ne se colorent pas aussi aisément que d’autres microbes, Île coli par exemple; qu’ils poussent parfois discrètement sur les milieux de culture habituels, que dans certains cas, enfin, ils sont très difficiles à mettre en évidence au sein de l'organisme. Actuellement, le groupe des pasteurelloses comprend : 1° La pasteurellose aviaire dont le type est le choléra des poules, capable d'infecter naturellement tous les oiseaux et le lapin (septicémie des lapins de Smith, Thoinot et Masselin); 20 La pasteurellose porcine connue sous le nom de-Schwei- neseuche, swine-plaque, paneumo-entérite, schveineseptikämie : 3° La pasteurellose ovine ou septicémie hémorragique du 4. J'ai, de plus, jeté les bases d’un autre groupe, celui des salmonelloses, ayant pour type le microbe du hog-choléra de Salmon. ; 2, Afin d'éviter tout malendu concernant la culture sur pomme de terre, il est bien établi que j'envisage la pomme de terre naturelle dont la réaction normale est légèrement acide ; dans ces conditions, on ne voit pas se former de culture à 370-380. Si cependant on racle la surface avec la palette de platine, on ramène une pulpe où les microbes peuvent être assez nombreux. Ils représentent ceux qui ont été ensemencés ou bien une insignifiante pullulation toujours invisible à l'œil nu produite à la faveur du bouillon, de particules de gélose ou de produits organi- ques portés sur la pomme de terre au moment de l'ensemencement. . 3. Pour reconnaitre l'indol, j'ai toujours employé le procédé de Péré : culture dans le bouillon peptone pancréatique, puis, après 3 ou #4 jours, addition de 4c.c. de solution fraichement préparée d’azolite de potasse à 2/10,000 plus quelques gouttes d’acide sulfurique pur. 736 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. mouton, pneumo-entérite, lombriz, pneumonie infectieuse des chèvres; ° La pasteurellose bovine, dans laquelle nous trouvons la même affection décrite sous des noms différents : Wild- et Rin- derseuche, septicémie hémorragique des bovidés, pneumo enté- rite du bœuf, barbone des buffles, pleuro-pneumonie septique des veaux, entiqué ; 5° La pasteurellose équine, qui comprend la fièvre typhoïde du cheval où influenza sous toutes ses formes et complications ; pleuro-pneumonie contagieuse, pneumonie infectueuse, pneumo- entérite. etc, ; 6° La pasteurellose canine ou maladie des jeunes chiens dans toutes ses manifestations *. Le rôle des pasteurella est extrêmement différent suivant les cas. Ou bien elles envahissent l’organisme entier en déterminant des accidents graves, à marche souvent très rapide ; ou encore leur action peut être fugace, éphémère, cachée, légère et de longue durée ; elles jouentalors un rôle secondaire, préparatoire, passif. Dans le premier cas, on retrouve assez facilement les pas- teurella au sein des tissus; dans le second, on éprouve parfois des difficultés insurmontables pour les déceler. Grâce à ces recherches, j'ai pu non seulement rassembler un certain nombre d'affections ayant une parenté étroite, mais il m'a été aussi possible d’en séparer complètement d’autres, comme le hog-choléra-B. suipestifer, — la septicémie des furets, certaines septicémies des Japins, beaucoup d’affections des oiseaux, etc..., qui jusqu'alors étaient rangés à côté des pasteu- relloses. Enfin, j'ai pu rétablir les caractères exacts de plusieurs microbes, dits HAATAUES mais mal déterminés, Par ce court résumé, j'ai eu seulement l'intention d’ indiquer les conclusions les ra importantes de mes recherches sur les septicémies hémorragiques. Quant aux détails, on les trouvera dans les mémoires que j'ai publiés à Buenos-Aires et à la Société centrale de médecine vétérinaire. 1. Dans le travail qui à trait à la maladie des chiens, je démontre expérimen- talement le mécanisme de la pneumonie dite a frigore. Sceaux, — Imprimerie E. Charaire. Le Gérant : G. Masson. {5ue ANNÉE OCTOBRE 1901 No 10 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR RECHERCHES SUR LES PROPRIÉTES PATHOGÈNES DE LA TRYPSINE ET LE POUVOIR ANTITRYPTIQUE DU SÉRUM DES COBAYES NEUFS ET IMMUNISÉS Par PIERRE ACHALME. L'étude des propriétés antidiastasiques des sérums est de date toute récente. Latente dans les travaux de Fermi, Hahn, Hildebrandt, elle ne s’est bien précisée que depuis les recherches de Morgenroth, sur la présure et les pro- priétés antiprésurantes du sérum. Mais, d’une part, l'absence d'action pathogène de la présure, d'autre part, l'obscurité qui règne sur la nature intime des phénomènes de coagulation qu'elle provoque, ne permettaient aucune comparaison entre le pouvoir anlidiastasique et le pouvoir antitoxique. [l m'a semblé que l’étude de l'action du sérum sur des dias- tases à action chimique bien définie pourrait être d’un certain secours dans l'explication de ces phénomènes si complexes, et que, si l’on pouvait trouver une diastase provoquant en même temps des effets pathogènes bien caractérisés, il serait possible. d'établir une relation entre Fétude trop exclusivement chimique des diastases et celle trop exclusivement physiologique des toxines. L'influence nuisible de la réaction alcaline du sérum sur l’action de l’émulsine et de la sucrase m'ont fait abandonner ces deux diastases après quelques recherches. L’uréase ne m'a pas non plus donné les résultats que j'en espérais. J'ai trouvé au contraire dans la pancréatine un excellent 47 738 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR, instrument d’études, son action chimique étant facilement me- surable et la lésion qu’elle provoque en injections sous-cutanées étant très caractéristique et très constante. Je m'étonne que cette dernière n'ait pas été plus attentive- ment décrite par les observateurs. Dans la littérature, on ne trouve qu'une courte mention de ce processus nécrotique dans le livre de M. Gautier sur les toxines microbiennes et ani- males. D’autres auteurs, par exemple Schepilewsky, insistent au contraire sur les suppurations consécutives aux injections de pancréatine. L'usage de liqueurs diastasiques insutfisam- ment privées de bactéries explique ces contradictions. Il est donc nécessaire de se mettre à l’abri de cette cause d'erreurs. Préparation de la solution de pancréatine. La pancréatine du commerce n’est autre chose que du pan- créas de porc, traité par l'alcool et l’éther, puis réduit en pou- dre ettamisé. C’est de cette pancréatine que je me suis servi, et afin d’avoir des résultats certainement comparabies, toutes mes expériences ont été faites avec de la pancréatine provenant d'un même achat. Cette pancréatine se dissout mal dans l’eau et ne lui com- munique que lentement, par macération, des propriétés diasta- siques. Un séjour de 24 heures à l’étuve à 37°, en présence d'un peu de chloroforme pour empêcher la fermentation, est le meil- leur moyen d’obtenir une solution présentant une grande acti- vité. La proportion de 5 0/0 de pancréatine sèche m'a paru la plus commode pour l’expérimentation. Au-dessous de cette dose, l’activité de la solution est insuffisante, et on est obligé d’injec- ter de trop grandes quantités de liquide pour provoquer les lésions décrites plus loin. Après 24 heures de séjour à l’étuve, la macération est filtrée sur papier, puis exactement neutralisée, s’il y a lieu, de manière à être insensible à la phtaléine du phénol et au méthyl-orange. Mais, ainsi préparée, elle n’est pas suffisamment débarrassée de bactéries, et, injectée telle quelle, elle donne lieu à des septi- cémies et à des abcès qui ont forcément obscurei l’histoire des accidents consécutifs aux injections de cette diastase, Il est en POUVOIR ANTITRYPTIQUE DU SÉRUM. 139 effet remarquable que la pancréatine est un très puissant favorisant de l'infection microbienne, et qu’un microbe de race peu pathogène (Bacterium coli, Proteus) donne lieu à des accidents mortels s’il est injecté en mème temps qu’une solution tryp- tique. Le seul moyen de se mettre avec certitude à l'abri de ces accidents d'infection est la filtration sur bougie de porcelaine. Contrairement à l’opinion!généralement répandue, la pancréa- üne filtre très bien, surtout’si l’on opère sur une solution tiède de 35° à 38°, et avec unejbougie bien poreuse, neuve ou soigneu- sement régénérée, La déperdition diastasique résultant de la filtration est d'environ 25 à 35 0/0. La pancréatine filtrée sur porcelaine présente toutes les propriétés diastasiques de la pancréatine ordinaire. Elle dissout l’albumine de l'œuf, la fibrine, digère le lait, hiquéfie la gélatine, saccharifie l’amidon, acidifie les solutions de monobutyrine. Je signale néanmoins que je n’ai jamais, dans les digestions arti- ficielles que j'ai faites, observé la formation de cristaux de tyrosine. Mais, ainsi que le fait observer M. Duclaux ces précipités sont très capricieux, même avec la pancréatine ordi- naire, et il n’y a rien à conclure de leur absence. Mesure de l'action tryptique de la pancréatine et du pouvoir antitryplique du sérum. Pour mesurer l’action tryptique d’une pancréatine, et mieux encore l’action antitryptique d’un sérum, j'aipréféré à la fibrine colorométrique de Gehrig ou aux tubes de Mette une méthode plus simple, basée sur les changements d'aspect présentés par le lait sous l'influence de la digestion pancréatique. Mes recherches sur les diastases du pus m'ont en effet, con- formément à l'opinion de M. Duclaux, porté à admettre l’iden- tité entre la caséase et la trypsine, alors que quelques doutes subsistent en ce qui concerne la diastase qui lhiquéfie la gélatine. La précipitation de la caséine, puis la redissolution du pré- cipité, aboutissant à la clarification complète de la liqueur, otfrent à l’observateur des éléments qui permettent de bien suivre la marche du phénomène et d'arriver à des évaluations comparatives très précises. Pour cela, le lait, soigneusement écrémé, est réparti dans de 740 ANNALES DEÏL’INSTITUT PASTEUR. petits tubes de diamètre ‘égal : chacun en reçoit 3 e. c. Les : tubes sont ensuite stérilisés une demi-heure à 120°. Le sérum et la solution diastasique étant amicrobiens, les digestions peuvent se prolonger autant qu'il est désirable sans qu'il soit nécessaire d'introduire une substance étrangère pour protéger le milieu contre l’envahissement des microbes. Pour- tant, afin d'éviter le développement des bactéries qui auraient pu contaminer le liquide pendant les manipulations, il est pré- férable d'opérer à une température élevée, 45° ou 46° par exem- ple, qui, tout en restant très favorable à l’action de la trypsine, l’est fort peu au développement microbien. Pour mesurer l’action antitryptique d’un sérum, il suffit d'ajouter une goutte de sérum à un certain nombre de tubes de lait, et d’y introduire ensuite un nombre progressif de gouttes de solution tryptique. On observe alors les modifications qui se produisent, et, aprèsun temps déterminé, 24 heures par exemple, on note le numéro du premier tube resté intact, qui donne ainsi le nombre de gouttes de solution diastasique neutralisées par une goutte de sérum. Si lon opère à la fois sur plusieurs sérums, par exemple un sérum de cobaye neuf et un sérum de cobaye vacciné, on peut aussi évaluer d’une manière exacte l’aug- mentation du pouvoir antitryptique résultant de l’immunisation. Si l’on veut donner à ces évaluations une valeur plus absolue, il est possible de préparer une solution tryptique présentant une activité à peu près constante. On peut en effet prendre comme solution normale une liqueur dont 5 gouttes, à 45°, digèrent les 3 c. ce. de lait d’un tube en une heure. Ce choix n’est pas arbitraire. Le mode de préparation indiqué plus haut donne en elfet une solution possédant en général un pouvoir légèrement supérieur : par l'addition d’un peu d’eau physiologique stéri- lisée, on peut facilement la ramener à la force de cette solution normale, En prenant un lait de même densité, et en le préparant toujours de la même manière, on peut aussi assurer aux condi- tions expérimentales une constance suffisante pour que les résul- tats soient comparables. Lésion provoquée par la pancréatine chez le cobaye. Lorsqu'on inocule dans le tissu cellulaire sous-cutané du cobaye 3 ou 4 c. c. de la solution de pancréatine à 5 0/0 filtrée POUVOIR ANTITRYPTIQUE DU SÉRUM, 741 sur bougie de porcelaine, on observe les phénomènes suivants : D'abord un gonflement rapide se produit autour du point d'inoculation, et est déjà très accentué au bout de dix minutes. Puis la peau devient humide par suite d’une abondante exsu- dation de sérosité. Au bout de 3 ou 4 heures, elle présente un aspect macéré, et les poils s’en détachent avec facilité sur une surface parfois fort étendue, la moitié de la région abdominale par exemple, si l’inoculation a été faite à la racine d’un des membres postérieurs. Le derme mis à nu présente une couleur cyanotique et toute la région est le siège d’un gonflement œdé- mateux. Peu à peu l'apparence ecchymotique fait place à une coloration plus foncée, le suintement séreux s’arrête, et la partie malade se dessèche superficiellement pour présenter au bout de 15 à 20 heures l’aspect d’une escarre parfaitement caractérisée, Si la dose a été trop forte ou l’animal insuffisamment résistant, la mort peut survenir au bout de 36 heures; sinon, après 2 ou 3 jours, un sillon d'élimination apparait, l’escarre se détache et sa chute est bientôt suivie d’un processus de cicatrisation qui évo- lue souvent avec une rapidité surprenante. Si l’on sacrifie l'animal pendant les premières heures du pro- cessus, on constate que dans toute larégion tuméfiée, le tissu sous- cutané est le siège d’un œdème gélatiniforme rosé, absolument analogue à celui que l’on trouve à l’autopsie des animaux inoculés avec le vibrion septique. Cet œdème peut envahir le tissu sous- cutané, même à une grande distance du point d’inoculation. Les muscles sous-jacents présentent un œdème interstitiel avec une congestion interne, allant en certains points jusqu’à la formation de petites ecchymoses, L'examen microscopique du liquide infil- tré montre la présence d’un grand nombre de globules rouges et l’absence de microorganismes, absence facilement contrôlée par les cultures. Si la mort est survenue spontanément, on ne constate aucune lésion viscérale, si ce n’est de la congestion pulmonaire et rénale. Le sang du cœur n’est pas coagulé; enfin, si un peu de temps s’est écoulé entre le moment de la mort et celui de l’autopsie, on observe fréquemment une disparition presque complète de la paroi stomacale par auto-digestion. Ce phénomène remarquable est encore plus accusé et plus constant lorsque l'animal a été intoxiqué par la papaïne, 742 : ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Jai étudié histologiquement la lésion nécrotique aux diffé- rentes phases de sa production. Elle consiste d’abord en une véritable paralysie vasomotrice des capillaires sanguins, qui augmentent de volume et laissent passer en abondance le sérum et les globules rouges, sans que l’on puisse observer de change- ments bien nets dans la colorabilité des cellules du tissu con- jonctifetdes parois vasculaires. Les cellules épidermiques, macé- rées par l’exsudation séreuse, se détachent ensuite et tombent, laissant les papilles presque à nu. A cette seconde période, le tissu sous-cutané est uniformément infiltré de globules rouges peu altérés : autour des capillaires de la couche papillaire et de la couche profonde du derme apparaît une abondante diapédèse de leucocytes polynucléaires. Les cellules du tissu conjonctif des parties infiltrées conservent encore à cette période leur aspect habituel et leur colorabilité normale, qui ne se modifient que tar- divement, alors que macroscopiquement l’escarre est nettement caractérisée. D'après cet examen, il semble done que les phénomènes vaso-moteurs jouent le principal rôle dans la production de la lésion, etque la nécrose résulte plutôt d’un véritable étranglement circulatoire que d’une mortification directe des tissus sous l'influence de la pancréatine. La complexité de cette dernière, et la presque impossibilité de séparer les unes des autres les diverses diastases que l'on y rencontre, rendent difficiles toutesles recherches ayant pour but d'isoler la substance à l’activité de laquelle est dû le processus ci-dessus décrit. Néanmoins, en procédant par analogie, on peut se convaincre facilement que la trypsine est l'élément nocif. Alors que d’autres amylases ou d’autres lipases ne montrent en effet aucun pouvoir pathogène, on peut au contraire reproduire des accidents absolument identiques à l’aide d’une solution de papaïne filtrée sur bougie de porcelaine. Or les solutions de pan- créaline et de papaïne n'ont pas d'autre caractère commun que l’analogie de leur action tryptique sur les substances albumi- noïdes. Si l’on considère d'autre part que la lésion produite pré- sente également de grandes ressemblances avec celles que causent les microbes fortementtrypsinogènes, comme le vibrion septique, le bacille du charbon symptomatique, le bacille du rhumatisme, POUVOIR ANTITRYPTIQUE DU SÉRUM, 743 il sera logique d'attribuer à la trypsine le rôle prépondérant dans la pathogénie de la lésion pancréatinique. Vaccination du cobaye. Dès le début de mes recherches, j'ai constaté que les injections intrapéritonéales de pancréatine étaient beaucoup mieux sup- portées que les injections hypodermiques. On peut en effet intro- duire dans le péritoine jusqu’à 10 c. e. de solution de pancréatine à 5 0/0 sans provoquer autre chose que des accidents passagers. Ces accidents consistent en une sorte de stupeur de l'animal, avec rigidité presque tétanique des parois abdominales ; cette stupeur est quelquefois suivie d’un peu de diarrhée sanguinolente. Si l’on sacritie l'animal après une injection intrapéritonéale, on constate une rougeur uniforme de la séreuse et de l'intestin, et la présence dans la cavité d’une assez grande quantité de sérosité rosée contenant des globules rouges en suspension. La pathogénie de la lésion est la même que dans le tissu cellulaire sous-cutané; mais, par suite de l’épanchement dela sérosité dans la cavité péritonéale ou intestinale, la paralysie vaso-motrice n'aboutit pas ici à l’étranglement et à la nécrose. L'utilisation de ce phénomène permet d'obtenir l’immunisa- tion des cobayes d’une manière beaucoup plus süre et plus rapide que par linoculation sous-cutanée, En injectant dans le péritoine d’un cobaye adulte 5 c. c. de solution de pancréatine, puis le lendemain et le surlendemain 10 ce. c., on peut dès le 4° jour introduire sous la peau du flanc 2 ce. c. et continuer les injections tous les 2 jours en augmentant chaque fois de 2 c. c., de manière à atteindre, le 12° jour, la dose de 10 c. c., c’est-à-dire plus de deux fois la dose mortelle pour un cobaye de force moyenne. Pour ne pas s’exposer à des mécomptes dans la pratique des injections intrapéritonéales, il est nécessaire de faire la piqüre dans la région péri-ombilicale. Au-dessus, l'estomac distendu est souvent appliqué si intimement contre la paroi que l’aiguille pénètre facilement dans son intérieur, et que linjection à lieu dans la cavité stomacale et non dans la cavité péritonéale. Si l’on fait au contraire l'injection trop bas, on risque de léser les vésicules séminales ou les cornes utérines et de provoquer des accidents mortels. Dans la région ombilicale au contraire, si 744 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. l'aiguille est introduite doucement après la perforation de la peau, l'intestin fuit devant elle et l'injection ne cause aucun accident. Les injections sous-cutanées doivent être faites de préférence dans les régions où la peau est doublée d’un tissu cellulaire lâche, la peau du flanc par exemple. La réaction vaso-motrice est plus rapide encore chez les animaux vaccinés que chez les cobayes neufs. Le gonflement est moins étendu, mais assez intense pour donner lieu par la piqüre de l’aiguille à un écoule- ment de sérosité rosée qui débute aussitôt après l'injection. La rougeur et la tuméfaction se dissipent en quelques heures sans laisser aucune induration au point d'inoculation. Des coupes de la lésion cutanée des animaux vaccinés montrent un processus identique à celui décrit chez les animaux neufs : la diapédèse des leucocytes polynucléaires semble néan- moins plus précoce et plus abondante. La vaccination éprouve beaucoup les animaux qui y sont soumis. Ils maigrissent au point de perdre jusqu’au quart de leur poids. Ils deviennent tristes, mangent peu. Leurs poils deviennent secs, ternes, et s’arrachent facilement. Si l’inoculation sous-cutanée a été trop forte, l’escarre qui se produit se détache plus difficilement que chez le cobaye neuf. L’ulcération qui en résulte se cicatrise beaucoup plus lentement et devient plus fréquemment le point de départ d’une infection générale mortelle. A l’autopsie des animaux sacrifiés ou morts spontanément, on trouve le foie, les reins et les capsules surrénales conges- tionnés. La rate est toujours volumineuse, tout en présentant un aspect lavé assez caractéristique. Action antitryptique du sérum de cobaye neuf. L'action antitryptique du sérum sanguin a été déjà som- mairement signalée par plusieurs auteurs, tels que Camus et Gley, Hahn, Landsteiner, Georges Dean, Surmont, Carnot et enfin par Mesnil qui donnait, dans le numéro de mai 1901 des Annales de l'Institut Pasteur, une étude comparée des sérums normaux sur la diastase protéolytique qu’il a retirée des actinies. ; POUVOIR ANTITRYPTIQUE DU SÉRUM. 745 Me servant, pour mesurer le pouvoir antitryptique, du lait que ce dernier auteur n'avait employé que pour mesurer le pouvoir antiprésurant, je me suis assuré que le sérum de cobaye neuf ou vacciné, recueilli aseptiquement et séparé le plus rapidement possible du caillot, ne provoque par lui-même aucune modification. Ajouté même en grande quantité (15 gouttes par 3 ©. c. de lait), 1l ne produit après 48 heures de contact à 45° ni coagulation ni digestion. Le sérum, même normal, ajouté en quantité insuffisante pour neutraliser l’action de la trypsine (4 goutte pour 10 gouttes de solution tryptique) produit une modification dans le processus de digestion. La pancréatine seule, en effet, ne coagule pas le lait: il se produit tout au plus un très fin précipité de caséine qui se redissout rapidement. En présence du sérum, il se fait au contraire une véritable coagulation en masse, qui dure peu et est suivie de la fragmentation du coagulum et de sa redissolu- tion. À quoi est du cet effet présurant? Faut-il l’attribuer à la pancréatine qui, en présence du sérum, produirait une action coagulatrice plus marquée? Faut-il admettre que l’action de la trypsine met en liberté une présure contenue dans le sérum à l’état latent? Cette dernière explication me semble contredite par le fait que l’adjonction d'une plus grande quantité de sérum neutralise également l'action coagulante. En tout cas, lorsque la quantité de trypsine est grande par rapport à la quantité de sérum, cette coagula- tion exerce plutôt une action favorable sur le processus digestif. En effet, la digestion d’un tube de lait conte- nant 10 gouttes de trypsine et 1 goutte de sérum est plus rapidement complète que celle d’un tube ne contenant que les 10 gouttes de solution diastasique. Si l’on diminue la quantité de diastase par rapport à celle du sérum, on observe le résultat inverse. La coagulation est encore rapide, mais la redissolution est retardée, et arrive même à ne pas se faire complètement, même au bout d'un temps très long. Enfin, si la dose est suffisante, il ne se produit aucune mo- dification dans le lait qui garde son apparence normale. Voici les chiffres moyens obtenus avec la même solution diastasique (6 gouttes digèrent 3 ec. c. de lait en 1 heure à 45°) 746 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. et plusieurs sérums de cobaye neuf. Les écarts entre le pouvoir antitryptique de ces divers sérums étaient du reste peu importants : Pour une goutte de sérum, 10 gouttes de trypsine: digestion plus rapide que celle du tube témoin. — 6 gouttes de trypsine : digestion en même temps que celle du tube témoin, gouttes de trypsine; coagulation rapide, mais redis- solution ralentie. — 2 gouttes de trypsine : coagulation lente, redissolu- tion incomplète,;méme après 48 heures. goutte de trypsine : aucune modification. | Les chiffres précédents expriment le rapport entre le nombre de gouttes de sérum et de solution tryptique; mais pour ne pas prolonger indéfiniment la réaction, il est préférable, lorsqu'on emploie moins de # gouttes de trypsine, d'augmenter la quantité de sérum au lieu de diminuer celle de trypsine, la proportion restant la même. Action antitryptique du sérum de cobaye vacciné. Avec le sérum de cobaye vacciné, la marche des phénomènes est la même qu'avec le sérum normal; mais la dose nécessaire est considérablement moindre. Alors que le sérum de cobaye neuf n'arrive à neutraliser qu'une fois son volume de solution tryptique, j'ai pu obtenir d'animaux vaccinés du sérum neutra- lisant in vitro jusqu’à huit fois son volume de solution tryptique. Arrivé à ce pouvoir antitryptique, le sang présente d’inté- ressantes modifications, et l’on peut, par leseulexamen du caillot. se rendre compte de la valeur antitryptique du sérum. Le caillot du sang normal contient en effetune substance analogue, sinon identique, à la trypsine. Cette substance en produit la redisso- lution plus ou moins complète après un temps en général assez long en ce qui concerne le cobaye, si le caillot est conservé aseptiquement dans un tube scellé. Le caillot devient noir, perd sa consistance, et laisse, s’il est suspendu, s’écouler un liquide fortement teinté par de l'hémoglobine plus ou moins altérée. Le caillot du sang d’un animal fortement vacciné conserve au contraire, dans les mêmes conditions, sa couleur rutilante, et sa consistance pendant un temps indéterminé,. POUVOIR ANTITRYPTIQUE DU SÉRUM. 747 Il est probable que c’est à l'action antitryptique du sérum qu'est due cette action définitive contre les diastases, qui cau- sent l’altération et la redissolution du caillot de sang normal. En effet, si l’on met dans un petit tube 5 gouttes de sang défibriné de cobaye neuf, et dans un autre 5 gouttes de sang défibriné de cobaye vacciné, qu'on ajoute à chacun 2 c. ce. d'eau physiologique et 40 gouttes’ de solution tryptique, on constate qu'au bout d’une heure, les globules du sang normal sont complètement dissous et l'hémoglobine décolorée en lais- sant un sédiment noirâtre. Les globules du sang de l'animal vacciné restent au contraire longtemps inaltérés et l'on n’observe pas, même après 24 heures, de changements dans la coloration de l’hémoglobine. Action préservalrice du sérum de cobaye vacciné. Le sérum qui exerce son pouvoir antitryptique in vitro peut, lorsqu il est inoculé en même temps que la trypsine, préserver les animaux contre la nécrose. Si l’on ajoute en effet 15 gouttes de sérum de cobaye fortement vacciné à 4 c. c. de solution tryptique, et si l’on inocule ce mélange à un petit cobaye, alors qu'un témoin du même poids présente une escarre à laquelle il succombe rapidement, on observe les phénomènes suivants : L'animal ne présente aucun phénomène local: la paralysie vaso-motrice, le gonflement font absolument défaut, et le liquide de l’injection est immédiatement résorbé. Mais après une ou deux minutes apparaissent des soubresauts, du tremblement, puis l’animal tombe dans un état de torpeur presque comateuse. Au bout d’une heure, ces phénomènes se dissipent et l’animal retrouve rapidement sa gaieté et son appétit, sans présenter jamais aucun phénomène local au point d’inoculation. Le sérum agit donc surtout en neutralisant l’action vaso-mo- trice de la trypsine. Les accidents nerveux observés sont dus soit à la trypsine elle-même, soit à des impuretés de la solution, dont l'absence de réaction locale permet le brusque passage dans la circulation générale. La faible quantité de sérum dont je disposais ne m'a pas permis d'arriver à des résultats absolument concluants en ce qui concerne l’action préventive où curatrice du sérum. Je me 143 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. propose de combler cette lacune par la vaccination d'animaux plus volumineux que le cobaye. Action des sérums sur la papaine. Toutes les recherches que j'ai faites avec la papaïne sont restées jusqu'ici négatives. In vitro, l'addition même de quantités considérables de sérum d'animal, immunisé ou non, à la solution de papaïne filtrée sur porcelaine, ne modifie en rien le processus de diges- tion du lait, qui suit une marche parallèle dans les tubes addi- tionnés de sérum et les témoins. Les animaux, même fortement immunisés contre la pancréa- line, présentent des escarres étendues et succombent à l’injec- tion d’une quantité de papaïne égale à celle qui détermine des accidents semblables chez des témoins de même poids. J'ai échoué dans toutes les tentatives de vaccination du cobaye contre la papaïne, par la méthode employée pour la pancréatine. Les cobayes supportent l'injection intrapéritonéale de quantités relativement considérables de solution de papaïne (10 e. c. de solution à 5 0/0); mais même après plusieurs injec- tions intrapéritonéales, je n’ai pas observé de modifications dans le processus nécrotique local consécutif à l'injection sous- cutanée. Action de la chaleur sur le sérum antitryptique. La question des cytases et des sensibilisatrices donne à l'étude de l’action de la chaleur sur le sérum antitryptique une importance toute spéciale. Elle peut en effet, comme nous allons le voir, fournir des notions de premier ordre en ce qui concerne l’action de la chaleur sur ces corps. Les conditions de température expérimentées ont été les suivantes : 1° Une heure de chauffage à 55°-56°; le sérum com- mence à présenter un trouble à peine sensible ; 2° une heure de chauffage à 64°-65°; à cette température le sérum de cobaye présente un trouble très accusé, maïs il est encore très nette- ment liquide; 3° une heure de chauffage à 66°-67°; la consis- tance du sérum devient gélatineuse; 4° une demi-heure à 100°; coagulation complète. 1° Chauffage à 55°-56°. — Le chauffage à cette température a POUVOIR ANTITRYPTIQUE DU SÉRUM. 749. pour résultat un affaiblissement marqué du pouvoir antitryptique du sérum. Après une heure de chauffage, ce pouvoir est réduit d'environ 50 0/0. Cette réduction est proportionnellement égale pour le sérum de cobaye neuf et le sérum de cobaye vacciné, 2° Chaufjage à 649-659. — Le chauffage à celte température fait disparaître complètement le pouvoir antitryptique du sérum ajouté au lait suivant la méthode précédente. Ou peut ajouter 10 gouttes de sérum pour une goutte de trypsine, sans que la puissance digestive de cette dernière soit le moins du monde modifiée ou même retardée. Pendant toute la durée de la réac- tion, les tubes contenant le sérum et les tubes témoins présen- tent le même aspect. Néanmoins, si lon ajoute le sérum chauffé, en apparence inactif, du cobaye vacciné, à du sérum d'animal neuf en quantité insuffisante pour neutraliser latrypsine, on constate que le pou- voir antitryptique du mélange est considérablement supérieur à celui du sérum de cobaye seul. Le sérum de cobaye vacciné chauffé a donc agi comme une sensibilisatrice. Chauffage à 66°-67°. — Après chauffage à cette température, le sérum présente un aspect gélatiniforme et peut être ajouté dans la solution tryptique et même au sérum neuf sans provo- quer aucune modification dans la marche de la digestion du lait. Néanmoins, si l’on ajoute à du sérum ainsi gélifié quelques gouttes de solution tryptique (10 gouttes pour 1 €. c.) et que l’on place le mélange au bain-marie à 45°, on observe les phé- nomènes suivants : Le sérum de lanimal neuf se trouble presque aussitôt; au microscope, ce trouble apparaît comme formé d’un précipité granuleux et de quelques cristaux minces, carrés, solubles dans l’éther (cholestérine?). Après 12 heures de contact, le chauffage au bain-marie à 100° ne provoque aucune coagulation, et lexa- men chimique du liquide montre qu'il s’est formé une quantité notable de peptone. Dans les mêmes conditions, le sérum de l’animal immunisé ne présente aucun trouble. Après 24 heures de contact avec la trypsine, le chauffage au bain-marie à 100° provoque une coagu- lation en masse, La trypsine n’a donc exercé sur lui aucune action. Il résulte de cette expérience qu'un sérum, inactif en appa- 150 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. rence lorsqu'on l’ajoute au lait, a néanmoins conservé son pou- voir antitryptique, et qu'il peut se défendre lui-même contre l'action de la trypsine. La substance active n’est donc pas dé- truite à la température de 67°; elle est simplement immobilisée et ne peut quitter, pour se porter sur une substance, le précipité albumineux dont elle fait partie intégrante. Cette notion, qui n'était jusqu'ici qu'une hypothèse, semble définitivement acquise par l’expérience précitée. Chauffage à 100°. — Le chauffage au bain-marie (un quart d'heure dans l’eau bouillante) détruit complètement le pouvoir antitryptique du sérum. Le sérum d’un animal immunisé, coa- gulé à cette température, est digéré par la trypsine dans le même temps que le sérum d’un animal neuf. Sérum antipancréatique. L'importance physiologique du pancréas, la différenciation élevée de ses cellules devaient inviter à rechercher l’obtention de cytotoxines antipancréatiques. Il ne semble pas que ni M. Surmont ni M. Carnot soient encore arrivés dans ce sens à des résultats bien précis. Les recherches que j'ai faites, depuis le mois d'octobre 1900, m'ont conduit néanmoins à quelques notions intéressantes pouvant fournir l’explication de certains faits, en apparence contradictoires, observés par ces auteurs. Je me suis servi de pancréas de chien, broyés aseptique- ment et injectés dans le muscle pectoral de l’oie. Les premières injections sont bien supportées, mais les injections suivantes donnent lieu à des escarres pouvant être suivies d'infection mortelle. Le sérum d'oie ayant reçu des injections de pancréas ne pro- duit chez le chien, en inoculation sous-cutanée, que quelques accidents passagers consistant principalement en tristesse et perte d'appétit. Je n’ai pas fait d'injection intrapancréatique, car les propriétés souvent violemment phlogosènes du sérum d'oie normale me faisaient craindre que les accidents que j’au- rais pu observer ne présentassent rien de spécifique. L'examen in vitro de ce sérum est très intéressant. Il pos- sède des propriétés antitryptiques un peu plus marquées que celles du sérum d’oie normale, qui, à ce point de vue, se montre POUVOIR ANTITRYPTIQUE DU SÉRUM. 151 très irrégulier. Mais surtout il possède la propriété d'accélérer dans de grandes proportions la sécrétion de la pancréatine par les cellules du pancréas frais. On sait en effet que le pancréas prélevé sur un animal vi- vant ne contient que peu ou pas de trypsine, et que celle-ci apparaît seulement après un temps plus ou moins long, suivant les conditions de température, d’acidité, etc. L’adjonction, à la macération, de sérum d’oie ayant reçu des émulsions de cellules pancréaliques provoque au contraire, par une véritable cytolyse, la mise en liberté très rapide de la trypsine. Le sérum est donc à la fois antitryptique et trypsinogène. Ce double pouvoir, joint à la notion des propriétés escarri- fiantes de la trypsine, explique les résultats obtenus par M. Surmont, c’est-à-dire la production d’escarres par le mélange de pancréas frais et de sérum antipancréatique. La même sécrétion de trypsine se produisant dans l’organisme doit donner lieu aux nécroses que l’on observe par l’inoculation sous-cutanée de pancréas frais aux animaux ayant déjà reçu de semblables injections, et dont le sérum est devenu trypsinogène. La trypsine ainsi produite réagit à son tour sur l’organisme, et amène l’augmentation secondaire du pouvoir antitryptique du sérum. Îl serait intéressant d’immuniser d’abord fortement l'animal contre la trypsine, puis de lui injecter le pancréas frais : on pourrait ainsi pousser beaucoup plus loin les inocu- lations, et obtenir peut-être un sérum antipancréatique beau- coup plus puissant. CONCLUSIONS Au cours de ce travail, j'ai évité autant que possible de sortir de l'exposition simple des faits que j’ai observés. Leur interprétation en effet me semble en découler facilement, L’in- troduction dans l’économie de la trypsine capable de modifier profondément l’albumine vivante, provoque immédiatement un processus de défense. Ce processus consiste en l’exsudation du sérum du sang sous l'influence d’un processus vaso-moteur., Cette exsudation a pour double effet : 1° de s’opposer à la péné- tration de la trypsine; 2° d’en neutraliser ensuite les effets. Si 752 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. cette exsudation peut se faire librement comme dans la cavité péritonéale, ce processus de neutralisation peut être atteint par l’action du sérum normal; il peut l’être également dans le tissu cellulaire sous-cutané si la dose de trypsine est modérée. En cas contraire survient la nécrose, qui aboutit également au canton- nement et à l'élimination de l’agent pathogène. A la suite d'attaques répétées, le processus de défense se perfectionne par l'augmentation du pouvoir antitryptique du sérum, dont une beaucoup plus faible quantité suffit à la neutralisation de la trypsine injectée. La réaction locale n’aboutit donc plus à la né- crose, mais à la résorption de la trypsine neutralisée par suite de la disparition de l’action vaso-motrice exercée par la trypsine libre. L’inoculation simultanée du sérum d'animal vacciné et de trypsine en proportions déterminées est en effet résorbée sans aucune action vaso-motrice. ‘ Quant à la manière dont agit le sérum sur la trypsine, elle est entièrement symétrique à l’action des sensibilisatrices, et je trouve le nom d'insensibilisatrices, que donne Mesnil aux sub- stances de cet ordre, très expressif et correspondant bien à l’idée qui me semble résulter logiquement de ces recherches. DE LA MORPHOLOGIE DU S ANG DES FŒTUS DE LAPIN ET DE COBAYE ET DE L'INFLUENCE DE L'INFECTION DE LA FEMELLE CRAYIDE SUR LE SANG DE SES FOETUS Par LE Pror. N. TSCHISTOVITSCH er Le Dr YOUREWITSCH (Laboratoire du professeur N. Tschistovitch, à l'Académie impériale de médecine militane de Saint-Pétersbourg.) Au cours de la vie intra-utérine, Le placenta sert de lien entre le fœtus et la mère. Le sang maternel ne se mêle pas à celui du fœtus dans le placenta : les villosités choriales contenant des capillaires fœtaux nagent dans les sinus veineux de la partie maternelle du placenta. Le sang fœtal est séparé du sang maternel par la paroi du capillaire de la villosité, ainsi que par le revêtement endothélial de cette dernière. Quand la mère est infectée, les microbes et les toxines qui circulent dans son sang sont séparés, comme par une barrière, du sang fœtal. Cependant cette barrière n’est pas infranchis- sable; le passage des microbes dans le sang fœtal a été constaté maintes fois (Straus et Chamberland, Perroncito, Charrin et Duclert, Kroner, Malvoz, Arloing, Cornevin et Thomas, Foa et Bordoni-Uffreduzzi, Kruse et Pansini, Lubarsch, etc.) Il n’est pas rare de voir les microbes pénétrer dans le sang fœtal chez les femelles gravides infectées par le pneumocoque, le staphylocoque et par quelques autres bactéries. Les produits microbiens solubles, les toxines, circulant dans le sang maternel, rencontrent encore beaucoup moins de difficultés à passer à travers les parois des villosités. Ces intoxications intra-utérines expliquent la mort fréquente du fœtus au cours d’une maladie infectieuse de la mère, ainsi que les nombreuses anomalies de 48 194 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. développement (Charrin et Gley et d’autres). On s’est très peu occupé jusqu’à présent de la manière dont le fœtus se défend pendant la maladie maternelle. L’attention des auteurs a été surtout attirée sur le rôle joué par le placenta; c’est à peine si l’on a parlé des processus qui, dans ce cas, ont lieu dans le fœtus lui-même. À Voulant éclairer ces phénomènes complexes, nous nous sommes d'abord mis à étudier les modifications morphologiques que subit le sang fœtal, quand, au cours d’une infection de la mère, les toxines, et parfois les microbes eux-mêmes, passent à travers le filtre placentaire dans le sang fœtal. La réaction leucocytaire des animaux dans les différentes infections de la vie intra-utérine a été beaucoup étudiée. Elle constitue un phénomène constant et exerce une influence consi- dérable sur l’animal. Ainsi, l’étude de cette réaction dans l’in- fection pneumococcique a permis à un de nous (déjà en 18911) d'établir la relation entre l'intensité de cette réaction et la viru- lence du microbe infectant, et de montrer que la propriété que présente l'organisme de réagir contre l'infection par une leuco- cytose intense est une des conditions essentielles du triomphe de l’animal infecté sur les microbes. Il à été démontré depuis, par de nombreuses expériences, qu’on peut provoquer des modifications dans le nombre des leu- cocytes au moyen d’une série de substances très diverses, que ces dernières soient suspendues ou dissoutes dans le sang. La réaction qui suit l'injection intravasculaire d’une de ces subs- tances présente deux phases : celle de diminution du nombre des leucocytes (hypoleucocytose) qui survient immédiatement après l'injection, et celle d'augmentation ultérieure (hyperleuco- cytose). Nous n'allons pas discuter iei les causes de ces phénomènes ni le mécanisme de leur origine; cette question compte pour elle seule toute une littérature. Tout en expliquant ces phéno- mènes de façons différentes, les auteurs reconnaissent leur 4. N. Tscnisrovirscn, Contribution à l'étude de ia pneumonie croupale. De la modification des globules blancs dans la pneumonie, Gazette d'hôpital de Botkine, 1891, et Annales de l’Institut Pasteur, 1891. Idem, Du nombre de leucocytes du sang dans les pneumonies croupales à issue fatale. Communication à la Société des médecins russes, 2 déc. 1898, et Archives des sciences biologiques, t. II, n° 5, 1894. | SANG DE LA MÈRE ET SANG DU FOETUS 755 constance, et il serait difficile de méconnaitre aujourd’hui que la réaction sanguine estun des phénomènes de défense de l’orga- nisme. Nous nous sommes demandé si le fœtus réagit également par l’hypoleucocytose et l’hyperleucocytose, au cas où des toxines bactériennes franchiraient la barrière des villosités cho- riales pour pénétrer dans son sang. C’est pour élucider cette question que nous avons entrepris ce travail. Mais, déjà au com- mencement de notre étude, nous nous sommes heurtés à cette difficulté, que le sang normal du fœtus des animaux dont on se sert ordinairement pour les expériences de laboratoire est encore très peu étudié. Nous n’avons trouvé quelques données sur la morphologie du sang du fœtus de lapin ou de cobaye que dans les travaux de Cohnstein et Zuntz', et dans celui du pro- fesseur Hayem ?. | Cohnstein et Zuntz n'ont examiné que les globules rouges des fœtus de chien, de lapin et de cobaye. Ils ont constaté que le nombre des globules rouges est très petit dans la première période de la vie intra-utérine : 1 millimètre cube de sang de fœtus de lapin, de 0 gr. 8 à 2 gr. 6, donnait seulement 376,000 à 500,000 globules rouges. Plus tard, au cours de la vie intra- utérine, le nombre d’érythrocytes augmente petit à petit, pour atteindre 3,200,000 à 4,000,006 chez les fœtus de 43 à 45 gram- mes. Le sang de fœtus de cobaye, pesant de 25 gr. 5 à 34 gr. 1, comptait de 3,521,700 à 3,498,000 globules rouges par milli- mètre cube. On trouve beaucoup plus de détails sur le sang de fœtus de lapin dans le livre du professeur Hayem. Le sang des petits fœtus (20 à 21 milligrammes) est très pauvre en éléments figurés. Les globules rouges, de dimensions et de formes diffé- rentes, ne se mettent pas en piles de monnaie. Plusieurs, parmi eux, possèdent des noyaux. Ces derniers sont plus pauvres en hémoglobine que les glouules rouges non nucléés. Hayem n’a trouvé que très peu de globules blancs dans le sang des fœtus de lapin. C’étaient des polynucléaires ou bien des mononu- cléaires à noyaux polymorphes (2% variété de Hayem), ou bien 4. Conxsreix et Zuxrz, Untersuchungen über das Blut, den Kreislauf und die Athmung beim Saugethieren-Fœtus, Archiv f. Physiologie, Bd. XXXIV, s. 173, 1884. 2. Hayes, Du sang et de ses altérations anatomiques, 1889, p. 545. 756 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. encore des leucocytes à grosses granulations (3% variété). L'auteur n'indique pas quel était le nombre total des leucocytes, pas plus que les proportions dans lesquelles se trouvaient les différentes variétés. Étant donné ce peu de faits sur la morphologie du sang des fœtus normaux, nous étions obligés de commencer notre travail par l'étude du sang fœtal normal. Cette étude a surtout porté sur le sang des fœtus de lapin et de cobaye. La première partie de ce travail a été exécutée l’année dernière par l’un de nous en collaboration avec le D' W. P. Pivovarov ‘ etest déjà publiée. Nous devons mentionner ici les principaux résultats de ce travail, sans quoi il serait difficile de comprendre ce qui suit. Nous indiquerons en même temps la manière dont les expé- riences ont été exécutées, car nous avons suivi la même manière de faire dans notre présenttravail. Il MORPHOLOGIE DU SANG DES FOETUS NORMAUX DE LAPIN Les lapines pleines subissaient, au cours de la deuxième période deleur grossesse, l'opération césarienne. La corne utérine ouverte, on incisait les membranes fœtales et on recueillait le fœtus dans de la gaze trempée préalablement dans de l’eau physiologique, chauffée pour éviter le refroidissement. Puis, on séchait la peau au niveau des veines transparentes du cou; on incisait la peau, la veine, et on recueillait un peu de sang qui s’écoulait de la veine, dans le mélangeur, pour compter les globules rouges, en même temps qu’on faisait quelques frottis de sang sur les lames qu’on fixait et colorait ensuite. Pendant toute cette opération, on avait soin de ne pas séparer le fœtus du placenta, mais il arrivait parfois que ce dernier se détachait tout seul de la paroi utérine, et le fœtus commençait à faire des mouvements respiratoires. La prise du sang et la préparation de quelques frottis ne demandaient en tout que quelques minutes. 4. N. Tscuisrovirsen et W. Pivovarov. Des modifications du sang de lapin pendant la vie intra-utérine et dans les premiers jours qui suivent la naissance, Archives russes de pathologie, 1900, et Archiv f. mikroskopische Anato- mie, 1900. SANG DE LA MÈRE ET SANG DU FOETUS 157 Oncomptaitlesglobulessanguins comme d’habitude,au moyen de l'appareil de Thoma-Zeiss. Pour compter les globules rou- ges, on diluait le sang dans 200 parties de liquide de Hayem t; pour les globules blancs, on diluait le sang dans 20 parties d'acide acétique à 1/3 0/0. On comptait sur les champs du micros- cope préalablement mesurés (objectif D de Zeiss, oculaire 4) eton calculait le nombredes leucocytes sur 5-6 champs au moins. En comptant les globules blancs, nous avons compris également les globules rouges nucléés. Pour préciser d’une façon exacte le nombre des globules blancs, nous avons étudié dans quelles proportions se trouvent ces deux éléments nucléés sur des pré- parations desséchées et colorées. Connaissant cette proportion, ainsi que le nombre global d'éléments nucléés du sang, il nous a été facile de déterminer le nombre exact des globules blancs et des globules rouges nucléés séparément. On fixait les frottis de sang d'après Ehrlich à 110-126°, et on les colorait avec le triacide d'Ehrlich (orange G, fuchsine acide et vert de méthyle) modifié par Egorovsky *. Nous avons trouvé chez les fœtus de lapin quatre principales variétés de leucocytes : 1° Leucocytes polynucléaires à granulations pseudo-éosino- philes. Les noyaux de ces leucocytes sont nombreux ou poly- morphes. Par l'aspect de leurs granulations, ces leucocytes occupent la place intermédiaire entre les neutrophiles et les éosinophiles de l’homme; leurs granulations sont plus nom- breuses et plus grandes que celles des neutrophiles, tout en étant plus petites que celles des éosinophiles de l’homme. On en trouve parmi eux quelques-uns possédant de grosses granula- tions et ressemblant tout à fait à de véritables éosinophrles ; 2° Leucocytes polynucléaires (formes de passage) : grands leucocytes à noyaux multiples ou polymorphes, comme dans la première variété, mais avec un protoplasma tout à fait transpa- rent, incolore ou bien légèrement coloré en rose. Ces leucocytes sont des formes de passage au troisième groupe ; Eau distillée............ 2)0 grammes. ARE Chlorure de sodium il — miquide de Havem eme \ SR Sn SE NE AT Te eV = L % PQ ? Sulfate de soude........, 5 — Bichlorure de mercure 0 or. 5 2. Ecorovesky, Des Modifications morphologiques des globules blancs des vais- seaux sanguins. Thèse (en russe), 1894. 758 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. 3° Grands leucocytes mononucléaires. Grands leucocytes à grand noyau ovale et à protoplasma non granuleux; 49 Lymphocytes. Petits leucocytes à noyau rond et facile- ment colorable et à protoplasma faiblement accusé sous forme d’une couronne, On rencontre parfois de gros lymphocytes. On trouve de temps en temps des pseudo-éosinophiles en désagrégation et des polynucléaires vacuolisés. Le tableau 1 donne les résultats de examen du sang normal des fœtus de lapin. Nous avons examiné les fœtus, pour la plupart gros, bien formés, longs de #, 5 à 11 centimètres, et pesant de 24 à 40 gram- mes. Le poids de ces fœtus était en réalité un peu plus grand, car nous les pesions après une perte considérable de sang. Le nombre des globules rouges oscille chez eux entre 2,515,000 et 4,391,600 pour 1 millimètre cube. Il y avait dans le nombre de 484 à 2,011 globules rouges nucléés. Les globules blanes étaient très peu nombreux, de 202 à 1,645 dans 4 millimètre cube. Voici les proportions des diffé- rentes variétés de globules blancs : Polynucléaires pseudo-éosinophiles avec quelques éosinophiles : 41,3 à 62,7 0/0 (152 à 859 pour À mm. c. Leucocytes à forme de passage. 2,9-12 0/0 (11-132 pour À mm. c.) Grands mononucléaires........ 11,8-28 0/0 (45-291 pour 1 mm. €.) ÉYMPROCYIES 0 RATER ere 4-26,5 0/0 (30- 363 pour À mm. c.) ul MORPHOLOGIE DU SANG DES FŒTUS NORMAUX DE COBAYE Nous nous sommes servis pour nos expériences de cobayes femelles arrivées à la dernière période de la grossesse, et cela pour opérer, autant que possible, sur de gros fœtus. Comme on le voit sur le tableau IT, les fœtus mesuraient en long, du bout du museau à l'extrémité du corps, de 8,2 à 11 centimètres; leur poids était de 175,2 à 408,5. Le plus sou- vent c’étaient des fœtus presque complètement arrivés à terme. Nous avons suivi la même technique que dans l'étude du sang des fœtus de lapin. Nous avons voulu classer les leucocytes dans cette étude, SANG DE LA MÈRE ET SANG DU FOETUS 159 comme dans l’étude précédente pour les fœtus de lapin; mais nous avons constaté que le sang des fœtus de cobaye diffère assez essentiellement du sang de lapin, aussi bien par rapport aux différentes variétés des leucocytes que par rapport à leur aspect extérieur, Comme le fœtus de lapin, celui de cobaye con- tient très peu de globules blanes. On ne compte que 511 à 1587 de ces derniers dans 1 millimètre cube. Tandis que le sang des fœtus de lapin contient le plus de polynucléaires pseudo-éosinophiles, celui des fœtus de cobaye ne présente que très peu de leucocytes à protoplasma granuleux, 6 à 30 pour 1 millimètre cube. C’est seulement chez des fœtus arrivés à terme qu'on en trouvait de 122 à 141 par millimètre cube. Ces leucocytes se distinguaient des leucocytes de lapin par leur aspect : les granulations de leur protoplasma étaient ordinaire- ment plus petites et se coloraient non pas en rose, mais en violet (comme les neutrophiles): parfois même les granulations des polynucléaires prenaient la teinte violet foncé (basophiles). Les noyaux des polynucléaires se coloraient beaucoup plus faible- ment que ceux des neutrophiles de l’homme. On ne trouvait que très peu de polynucléaires à protoplasma transparent, sans granulations (formes de passage), de 9 à34 par millimètre cube; parfois même on n’en trouvait pas du tout. On comptait déjà beaucoup plus de grands mononucléaires, de 55 à 408 par millimètre cube. Mais ce sont les lymphocytes qui sont les plus nombreux dans le sang de fœtus de cobaye: ils constituent la principale partie de la masse des globules blancs. On en rencontrait de 298 à 1305. Voici les proportions dans lesquelles on trouvait les diffé- rentes variétés de leucocytes : Leucocytes polynucléaires à protoplasma granuleux (pseudo éosinophiles, neutrophiles, basophiles) . . . . . . . . . 0,7 — 9,9 0/0 Teucocutes polynucléaires (formes de passage) à protoplasma CIdir OÙ à PES CDI LME AL me Po 60 M, re 0 — 6,7 0/0 COS MONONNUC ETES RE SE D STE as Ces de bn mile 9,9 — 42,5 0/0 EPRDADCUIES AT AIRE ASE 2 USA ie GC re 53,2 — 88,2 0/0 On trouvait toujours dans le sang des fœtus de cobaye, ainsi que dans le sang des fœtus de lapin, des hématies nucléées, bien 760 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. qu'en quantité moindre que chez ces derniers. Leur nombre variait de 100 à 906 par millimètre cube. Le nombre général des globules rouges oscillait entre 4,560,000 et 6.230,000. IV MODIFICATIONS MORPHOLOGIQUES DU SANG DES FOETUS DE LAPIN ET DE COBAYE DANS L'INFECTION DES MÈRES PLEINES PAR LES DIFFÉRENTS MICROBES, AINSI QUE DANS LE COURS D'EMPOISONNEMENT PAR LES TOXINES MICROBIENNES. Connaissant la morphologie du sang des fœtus normaux de lapin et de cobaye, nous avons entrepris l'étude des modifica- tions que présente le sang des fœtus, lorsque lanimal gravide subit une infection quelconque. Nous avons conduit nos expériences de la façon suivante : On comptait les globules blancs du sang pris dans la veine auriculaire de Ja femelle gravide. Ceci fait, on injectait dans la veine auriculaire, ou bien sous la peau, une culture ou une toxine quelconque. Nous nous sommes servis dans nos expériences des cultures en bouillon du diplocoque de Fränkel, de celles du sta- phylocoque jaune, du bacille pyocyanique et de la toxine diphté- rique !. A des dates différentes après le début de l'infection de lani- mal, nous recommencions à compter les globules blancs, et si nous trouvions l’hypo — ou l'hyperleucocytose, nous pratiquions l’opération césarienne, en suivant les règles qui sont indiquées plus haut. Les modifications du sang maternel nous indiquaient que la culture microbienne ou bien la toxine injectée par nous avait produit une action évidente sur le sang et les organes hématopoïétiques de la mère. Or pouvait donc déjà s'attendre à trouver des modifications correspondantes dans le sang fœtal. On pratiquait la laparotomie ainsi que l'examen du sang fœtal quelques heures après l'infection ou bien le lendemain matin. Dans un cas, la lapine mère a commencé à mettre bas les petits une heure après avoir reçu une injection intraveineuse de toxine diphtérique. Le sang de ces petits lapins a été étudié immédiatement après leur naissance. 1. On filtrait à travers le filtre Chamberland des cultures en bouillon de veau de bacille diphtérique de 44 jours. 1 c. c. (par kilo de lapin) de cette toxine introduite dans le sang tuait un lapin en 19 heures. SANG DE LA MÈRE ET SANG DU FOŒTUS 761 On a examiné en tout le sang de 17 fœtus. Dans nos expériences sur des lapins, nous pratiquions l’opé- ration césarienne quand les mères présentaient une hyperleu- cocytose très nette, provoquée dans un cas par l’injection intra- veineuse d'une culture en bouillon de 24 heures de diplocoques de Fränkel; dans un autre, par l'injection intraveineuse de toxine diphtérique. Quant au cas mentionné plus haut, la leucocytose y a été probablement provoquée par laction simultanée de la toxine diphtérique et du travail d'enfantement. k Dans un cas seulement, on a pratiqué l'opération césarienne sur des cobayes au moment de l'hyperleucocytose survenue à la suite d’une injection sous-cutanée du staphylocoque jaune. Dans les autres cas, cette opération a été exécutée pendant la période d’hypoleucocytose que les cobayes présentaient après l'injection sous-cutanée des cultures en bouillon de bacille pyocyanique et de staphylocoque pyogène doré. Les résultats de nos expé - riences sont indiqués dans les tableaux IIT et IV. Arrètons-nous d’abord sur les expériences pratiquées sur des lapines mères. Comparons le sang des fœtus de lapines infectées avec celui des fœtus normaux, en prenant pour comparaison, autant que possible, les fœtus de même poids et de même taille. Quant au poids, il faut avoir en vue, comme nous l'avons déjà dit plus haut, qu'il est inférieur au poids réel, et cela pour tous les fœtus en général, à cause de leur plus ou moins grande perte de sang. Il nous a été impossible de peser les fœtus avant la prise du sang, car nous tenions surtout à recueillir le sang le plus vite possible, sans séparer le fœtus du placenta et sans lui donner le temps de se refroidir; nous voulions, en un mot, nous procurer du sang fœtal non modifié, tel qu’il existe chez le fœtus encore vivant dans la cavité utérine de la mère. Le tableau 1, indiquant la morphologie du sang des fœtus de lapins normaux, nous montre que les fœtus de 30 à 40 grammes et ayant 9 à 11 centimètres de long onten tout de 266 à 1,645 leu- cocytes par millimètre cube. Ce dernier chiffre, qui est si élevé, n a été trouvé que chez un fœtus normal ; chez tous les autres, le nombre de leucocytes variait entre 266 et 835 par mm. c. Le même fait, nous le constatons dans le tableau [IT : sur 9 fœtus provenant de lapines infectées avec des diplocoques de Fränkel ou empoisonnées avec la toxine diphtérique, dans un 762 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. cas seulement nous trouvons dans le sang fœtal 1,213 leuco- cyles par millimètre cube; tous les autres fœtus donnaient de 420 à 962. Par conséquent, le nombre général des leucocytes oscillait ici dans les mêmes limites que chez les fœtus nor- maux. L'hyperleucocytose des femelles pleines, provoquée par l'infection ou par l’intoxication avec de la toxine bactérienne, n'a pas été suivie de modifications correspondantes dans le nombre des leucocytes du sang fœtal. Voyons maintenant si la maladie de la mère n’a pas retenti sur le nombre des différentes variétés de leucocytes du sang fœtal. En examinant les rubriques correspondantes des tableaux I et IT, nous constatons des différences considérables dans les nombres de leucocytes d’une même espèce, même chez les fœtus de la même mère, et cela est exact aussi bien pour les fœtus pathologiques que pour les fœtus normaux. Le nombre d’une variété quelconque de leucocytes dans ces deux catégories de fœtus oscillait approximativement dans les mêmes limites. On peut cependant remarquer que les fœtus des lapines infec- tées donnaient souvent un pourcentage plus considérable de polynucléaires pseudo-éosinophiles et de lymphocytes que les fœtus normaux; mais cette différence était très peu marquée. Le nombre de globules rouges, ainsi que d'érythrocytes nucléés, ne différait pas non plus de ce que nous avons trouvé chez les fœtus normaux. Ainsi, dans nos expériences sur les lapins, le processus toxi- infectieux de la mère n'a pas influé d’une facon essentielle sur les caractères morphologiques du sang de fœtus. Passons maintenant à l’examen du sang des fœtus de cobayes infectées par l’injection sous-cutanée de cultures en bouillon de bacille pyocyanique et de staphylocoque doré. Une de ces fe- melles gravides présentait au moment de l’opération césarienne de l’hyperleucocytose (22,916 par millimètre cube), d’autres de lhypoleucocytose. (Voir le tableau [V.) Le nombre général des globules blancs chez tous les fœæ- tus était aussi petit que chez les fœtus normaux (de 502 à 1,314 par millimètre cube); et il était impossible de trouver une relation entre l’état des éléments figurés du sang de fœtus NT SANG DE LA MÈRE ET SANG DU FOETUS 163 et celui du sang maternel. Ainsi, par exemple, nous avons trouvé chez un fœtus provenant d’un cobaye opéré dans la période d'hyperleucocytose, 502 leucocytes, et nous en avons constaté presque autant (579 et 59%) chez deux fœtus de cobaye opérés dans le stade d'hypoleucocytose. Ici également, comme pour les lapins, nous trouvons des différences considérables dans la morphologie du sang de deux fœtus issus de la même mère. Les rapports numériques des diverses variétés de leucocytes différent peu de ce que nous avons vu pour les fœtus normaux de cobaye. Nous avons trouvé très peu de polynucléaires à pro- toplasme granuleux, encore moins que chez les fœtus normaux. Chez deux fœtus, nous n’avons pas pu déceler la présence de cette variété de leucocytes, malgré l'examen le plus soigné du sang. Il y avait également peu de leuvocytes à forme de passage. Presque tous les leucocytes appartenaient à la variété de lymphocytes, dont le nombre, aussi bien absolu que relatif, a évidemment peu augmenté. Le nombre des grands mononucléaires à été le même que chez les fœtus normaux. Les globules rouges ne différaient pas de ceux des fœtus normaux par leur nombre, pas plus que par la quantité d’érythrocytes nucléés. En réunissant les données que nous a fournies l’étude du sang des fœtus provenant des lapines et des cobayes infectées avec différents microbes ou bien empoisonnées avec la toxine bactérienne, nous trouvons, comme phénomène général, l'absence de modifications morphologiques marquées dans le sang fœtal, au moment même où chez la mère, sous l'influence de l'infection ou de l’intoxication en question, apparaît l'hypo- ou l'hyperleucocytose. Il serait très simple, paraît-il, d'expliquer cette absence de réaction de la part du fœtus, par ce fait que dans nos expériences rien ne passait dans le sang du fœtus. Nous introduisions, en effet, les cultures ou la toxine directe- ment dans le sang ou dans le système lymphatique. Dans le sang de fœtus il n'aurait pu pénétrer que ce qui n’a pas été dé- truit ou rendu inoffensif dans le sang de la mère et qui n’a pas été retenu par le filtre placentaire, Cette explication nous paraît cependant insuffisante dans notre cas. 764 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Nous avons déjà mentionné les cas de maladie ou de mort intra-utérine de fœtus qui surviennent au cours d’une infection de la mère; nous avons parlé également des recherches expéri- mentales qui démontrent que le placenta peut être franchi nor seulement par les toxines, mais aussi, ce qui n'est pas rare, par les microbes eux-mêmes. Nous avons manqué, justement, quel- ques expériences à cause de l'action trop violente des toxines sur les fœtus, et de la mort qui frappait ces derniers dans l’utérus même, avant que nous ayons pu examiner leur sang. Aussi, ne nous restait-il qu'une explication, à savoir que le fœtus ne peut pas manifester de réaction sanguine de défense, ce qui à été déjà supposé par l’un de nous dans le travail mentionné plus haut f. Le petit nombre de leucocytes qu’on trouve dans le sang de fœtus au cours de la vie intra-utérine, nous faisait déjà supposer que la défense phagocytaire chez ce dernier est peu développée, et que celte propriété se manifeste surtout au moment de la mise du fœtus au monde. Tant que le fœtus reste dans l'utérus, il est protégé contre les infections par l'organisme maternel, et n'a pas besoin de posséder une armée de phagocytes à lui. Nos recherches actuelles nous amènent à la même conclusion : après avoir fait circuler dans le sang maternel la toxine bactérienne, nous n'avons pas pu déceler du côté du fœtus de réaction mor- phologique du sang, tant soit peu marquée, bien que le fœtus ait été souvent atteint et que mème parfois 1} périssait. Nous publierons ultérieurement nos recherches sur le passage dans le sang fœtal des antitoxines, des bactériolysines, des agglutinines et d’autres substances défensives et anti-infec- tieuses f. 1. Tscnisrovirsen und V. Prvovarov, Arch. f. Mikroskopische Anatomie, 1900. Dans un travail récemment paru dans les Archives de sciences biologiques de Saint-Pétersbourg, C. Dzerjgowski nota un fait très intéressant : le sang des fœtus du cheval, de la chèvre et du chien immunisés contre la dipthérie ne contenait pas d’antitoxines.Se basant sur ce fait, l'auteur conclut que les toxines ne passent non plus dans le sang du fœtus à travers le placenta, puisque dans le cas contraire nous y aurions aussi trouvé les antitoxines. Cette dernière conclu- sion nous parait prématurée pour le moment, l’auteur ne nous ayant fourni aucune preuve que le fœtus fût en général capable de produire les antitoxines. 165 T SANG DU FOETUS LA MÈRE E * 4 F SANG D = 9° 1e 8 7 6 61 Guy IS YGY 166 LL G € 696 09f 0€ ‘so1189[0 |‘ o8essvd - soyfooqd| ‘S*ILEn pe RUE . -WÂT 9p sputas ep| 00 | 0/0 0 AMANON | GYanoN lee HHANON XAVKUON SNIAV'T [ AVATA VE '£8 Vig L'&9 6€ ar FT C6 0'£G 6 9 4° 8G 12) SO 96 66G CRU 6 & L'8G FOI Gy 7 C7 8 86 Li C'8f 1 A1: LY GS 8 1 078 0'LS ce 86 1& gr 866 :3G I 2P 8419 VF ‘OF ‘6 soûl ‘y PI OP L 19 9 sol ‘€ EI 9P G 19 # soU ‘ag EI 9P JUQUUOIA € saJ4009n9! 92p U1ou08 A4 SALHOAN Y0L T 669 110°G ST0'F 09€°F ‘sSanajponu sa[ugo|# Sap HUHNON 99 3 soû SNJ} So ‘OUIdET o1} EF 2P JUETA F OU SNJOF 97 * 000 069% 000 09£°£ 000°G00"€ 000"GLV 7 000°08L°% 000020 °# 000 6Y7G°6 000°G1G'6 ‘S2#00X Se[nq -013 op [eiou9s HHANON °G'9F} ‘ou07 aus owsproq À ST °N LOWNT MOUOrTA ‘a8 og sprog | FT °N °G'9 (0FT'SUOT } 8 06 sprog À ON °N ‘0 (F ‘SuOT æ 18 0% SpI0q 6 oN ‘8 oN °L oN ‘19 48 SPlOd ‘90 ‘18 98 SPIOd ‘GoN ‘19 0£ Spr0q EAN =) 15 £6 0Y Spioq Spr04 € N ‘6 oN "YoN ‘18 . . ‘Q G ‘90 z ‘Su07 sn} np anonBUOT 79 SdiOd T PASTEUR ES DE L’INSTITU NNAL A 766 69149 -oyduÂt 0/0 ‘ef BI 9P 6 19 8 ‘L soU SO “8 PI 9P 9 19 & 1267 TA fn ‘ so So] ‘ojjomey 948409 9Jortuoid ®j op quauuorAoïd € 3 ‘J so SRJOJ S97 000 568 7 000066 9 000996 8 *SAIIPYIO - QUOUOU Ss01$ 0/0 S6G O6 "28 essed 9p 940} m s2749 -02n9[ op 0/0 "XN9[NUEIR sa149 -09n9[ ep 0/0 * soy{ooqd -UAÂI 9p HHINON ‘SaIIB9 |) nUOUOUw Sois 9p HAHINON CE — — — S90 000°088°Y FT 666 692 000°096°7 ‘ o5essed èp oUd0; *Xno[uu -b1$ Used t Sayfooono[ | -oJo1d 2p SOON ÊTOT op HAAANON| HHANON A el XAVHUON SHXY409 Ha I OVATAVL OES ‘s2]4909n9] 2pP 1ePIau95 HH4NON 08G Sa5not Sa[n{o[S 9pP HHINON 000'OLF'S ‘s98n0x Sen -O[8 9p [eJou9s HHANON EE SALAOX °G 18 $6 SpI0q *JU99 (7 ‘SUOrT ‘19 G£ Spi0q ‘JU99 JF 'ouOT °e ‘45 07 Spr0q ‘Ju99 F7 ‘SUOT ‘6 ‘15 Sy SPIOd ‘Ju929 $ ‘ouoT ‘G 418 87 SPI0q ‘8 ‘9 $ ‘ouo'T ‘8 ‘15 LT SPI0q ‘JU99 6 ‘SuOT ‘$18 GI Spl0q ‘JU99 6 ‘SUOT ‘LAS 6+ SPI0q ‘JUu99 6 ‘ouo'T °ç Gr SPIOd °Q ‘2 $ ‘Su0T "A À 6 où Je { ‘8 oN ‘L a9 29 ‘snJay np In9nBUOT Ja Sal0Od 167 Sa4909n81 2O8‘£F 2ITUIUOTINE OUIOA ET 6P SUUS OT 2AnO1} UO ‘iroSs np soinay 9 Y ‘enbrmup}ydip eutxo} 9p ‘9 ‘0 9p £/[ 2P eSNeUT,ABIIUTI uotjoe{ut ‘£F ‘4 OF Y *89,4009n8[ F£F'6 2IB[NOLINE OUI8A E] 6p SUBS o[ SUEP 9AUOZIJ UO UJBUL NP SIN0H O} V — ‘JILA 2900114942 ————__——_————————…—…—…——…—…——…— ——…—…" —_—_—_—_—_—_—_—_—_—_—…————…—…———— « SANG DE LA MERE ET SANG DU FOETUS *18Jc0y Sues np uouexe J2 euuarl s99 uoreiodo ‘uouexe J90 saide Juowto}erpeumuy “eqno ‘jrru aëd *snJo} np 3ues np uourexe Jo ouuorespo uOoU19d0 ‘Gr ‘UF V -s9)4909n07 819°GF ‘SY ‘U FF V “TeHULIA ep enbosofdrp 2p uoyprnoq ue arm -[09 8p ‘9 ‘9 g/F ep esnauroABaqut uOroo fut ‘CE ‘U 6 V *sa14009n017 219‘6 aurder 8p a118[N9TINE EUT9A EI 9p SUES 9] sup 2A0O1T) UO UIJEU NP S2IN9U 6 V — ‘JJA 22U0110TT saep | "| 8 0£19 9719 °& 10 ‘0S|G9T|68 69611000 066 # "apuBSsIEU ET Soide UE, JET PEUT QUIUIEX9 979 E BUS AN9T SNJ] & SLOQU9 JUOSSIBU SIM “aquo ‘ru ed se74009n9[ ÿar° FF JUAUUOP SIT : S9U FUOS Sn} 4 ‘JUOUEUPNO2O0E. 2P JUOUeDUAUUO;) ‘EG 'U OP -enbrraieqdip autx0q ep esneueArzqut uoroelut ‘06 ‘H 6 Y 2400 [TU ed Ssay{ooonet 6576 oiteJnorine ouraA UI] 0P JUES O[ SUBP 2ANO4} UO UIJEU NP S8INOU 6 W — ‘JA 20119024 00S°GIL'€ 0000817 € EI 9P 6 39 8 ‘L so SOL 8 EI 9P 9 10 G # sou S07 ‘OUTAET sp EI EP quauuorAoïd € 99 3 ‘J ss SnJoy s97 DATE, AE De 4 fe 2 APE RO PER ER PR RE RE CR RENE ee PERTE US CE EE EEE EE RS ‘L'A8 £f SpiOq | . ‘JU99 0} ‘Su07] 6oN *L'‘'19 Z£ Spl04 CL °9 6 "SUOT ‘8eN ‘L'A8 FF SPI04 | LN °G ‘9 0} ‘auo7 | ‘9 ‘13 96 SPIOQ |. ‘69 0p ‘ouo7 \ ‘18 86 Spi0q | F7 096 °SUOT | ‘5 °48 6 SPIOd |. so ‘G ‘9 0} ‘suo7 ‘15 6£ Splod °G ‘9 (7 ‘ou LeeN 1656 SPIOd(-> NCHOLGAOUONT S'16|r 6 |10'£S [9 091$Yr 67 | — | — = eu ; œ F5 2 7A S La c|=o© — ‘12 é DA F1 ZE “4 Le] 26 S MI NA = 2S CNRS nE ce EE = Un SES lo ls e so |Séelsso|lsrels £ = He n S'5|£ = 2S|=0S|n/S|5 sels De œ = 2 ge FH æ ® | &.® = LE 08 5 Z An E, c = DE ® CR a = 4 F AE LE | 0 “ 1 e een s |A = © > |’ © &œ î [ 2 TT SAMLOHANT SHNIdV'T Ha SALOA IL AVATAVE a a) Sa]49 NO Sa[nqo1$ 2p 21qQUON 21QuUON Jq{U0 N 2. S2ITE910 3 € “osessel I op 21QUON a rqdoutso9 9P noJ Sa[nqoT £sC -NUÂTOi n {0202 9P [PIQU9S 2IQUION -s9 -opua 's op [eJou? 3 paponu sa 2P 9UHIOJ E ( ana "s "Sa. ‘18 Çe Spioq ‘Ju99 (7 ‘SUO'T ee ——— *suJ@0} sap amonsuor Je SPI04 FUN 08 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. 768 ddl di d PIN TENTE ne € « OT CE A LE ‘aÿ CI 9P 8 ‘L ‘9 soU SAT 79 0€ PI 9P G 9 YF sol SOI ‘36 PI 9P JUVUUIIAOI £ 79 3 so SOI ‘24P%O9 1} EL 9P JUOIAUIT } U SNJD 27 ‘Sogtoossap suoryetedord sap ans sa1909n9] ep nod do onb aoqdwuoo nd eu uo 19 ‘suo 99 Ssuep 9jo1eA onbeyo op sa74909nof op a1quiou of destogad op ojqissoduir 999 If » ‘GAS [+ STI0d *18Ja07 Sues np | Ÿ 3 000770 9| z1 “$u0 ‘8 oN dOuTEXE | J9 OUUITIESYO UOUIPAO JOUE ELPEUTTT En tre LES AS Sol ‘Sues op ‘o [ru aed ‘onef ygc'e É NA à Nr SpI0 ; ce ‘q 87 v ‘onbrue£ooÂd eqproeq ep uortnoq ue axn[n9 2p ‘ 6Gr 000°010°9) ©. rie LoN “2'08p g/pep ogmejuo-snos ‘{uJ ‘one] Ge gouterd 248409 —| —| — | ——| — a ap $u8S 9[ SUeP ‘UTJEU ‘A OF 8 LA/Y 91 — Y 20u0249 XF # © + ao lo NIOSDIOUNTE G : 0008698165 pd | 9 °N cpze“ ol 8 19 0% SPIO4G |. 0000869 5h 07 SPA Leg en ‘L'AS 8% SpIOq ‘9 Jp ‘Su0T 2 “pu aed ‘one[ 9/68 uoryeedo,f ‘AB utjeu /6g “onbru 000 cer: el 6 48 G£ SplOq -BA20Âd e[[t9q 2p UOI[INOU U9 a1nJ{n9 ap ‘00 9pe/rep # ‘9 07 ‘suo7 eautno-sn0s ‘fur ‘ona[ #20‘0r auterd 248q00 op xnouroA TS: 18 SDI AuuS o[ SUP ‘UE ‘U OL EU/S8 — ‘AI auorpdr y 868 L 1009686 °# 540 on Fee AN Le] ET L- _ ‘0 ‘qu ed ‘one[ 0èp'e ‘uoryet9d0,T ‘AB UtJeUt ‘4 6 At/y e'I ‘910p eu930Âd ‘[Aqde}s 2p uO[IINOG u9 aanJ[u9 op ‘9 ‘9 &/1 2p eeutno-snos [ur Gy ‘4 JL V ‘on9[ 99£‘z oÂvqoo 2p 3UES 8[ SUBP UTJBU ‘U OT R AI/E OT — ‘4 v0uouIdxH | 20 =] — r- he) — 000°07'S CreN Gi Dal — © (2) — 76 oN F3 ‘OU[ 918 88 ‘UUTIESY9 UO1BL9dO | JUVAB ‘UTJEU III/LT : 3 o'1 ‘910p eue804d[AqdeJs 9p uO[[LNOQ 8p 9ANJ[N9 ap ‘9 9 LOS" F 19 % Sptod *LoN 3p £/F op epueno-snos ‘[u] ‘onof (GT 8409 ep Sues xG0S [LOG TT °G ‘9 + ‘ou0o7 ! 31 SUBP 2ANO4Y UO ‘‘U | U ‘I/9F OT — JJI 20U2249dXF | | _ mn ” r @® en B Z ei 2 2 A Z T PA oc E — @ PARIS DH © © ° 5 a, © © a n |a8 © on EN NES = © à a 5 6 © ® @ RT CITE Lys ui @© © (CH ® © œ = © © S 5 = A «4 ÉD 2 ST|Fusz @. + = ® @ E ® LE 2 £ ANSE E 6 HE da. S ® à ® a = 5 ® un © Be |EB2|PSSlESS)| = pepe), à) Su 5 © À œ RS ee | #°9S|n°S|=ES| SES Sie & œ à | «2e. E æ /C: 8 = @ © e œ @ © el © ü ® 5 5 L gou à 590 {4/2 h.). 2 goi..-sie mélange hémolytique, 15 gouttes de sérum de cobaye, chauffé à 550 (1/2 h.). 8) 2 gouttes de mélange hémolytique, 45 gouttes de sérum de bouc, chauffé à 550 (1/2 h.). 9) 2 gouttes de mélange hémolytique,. - 45 gouttes de sérum humain n0 1 (pneumonie), chauffé à 55° (1/2 h.). 10) 2 gouttes de mélange hémolytique, pin Qc gouttes de sérum humain n0 2 (congestion pulmonaire), chauffé à 590 (1/2 h). Le liquide est rouge. Au fond du tube il reste encore un peu de globules intacts; la majeure partie est dissoute. La dissolution des globules est moins avancée, il en reste encore un tiers de globules en- viron non dissous . : La dissolution des globules est aussi prononcée que dans le tube no 2. La dissolution des globules est aussi prononcée que dans le tube no 2. La dissolution des globules est presque complète. La dissolution des globules est très prononcée, mais semble l'être un peu moins que dans le tube no 2. La dissolution des globules est aussi prononcée que dans le tube no 2, La dissolution est plus avan- cée que daus le tube n° 2; elle est presque complète. La dissolution est nulle: le sérum est aussi clair que dans le tube témoin ne renfermant pas d’hémolysine. La dissolution est comme dans le tube n° 9. nulle, 792 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. 11) 2 gouttes de mélange hémolytique, ) : On constate une diffusion 15 gouttes de sérum humain n° 5 d'hémoglobine extrêmement (épilepsie), chauffé à 550 (1/2 h.). | légère. 12) 2 gouttes de mélange hémolytique, ) La diffusion de l hémoslohine 45 gouttes de sérum humain n° 4 \ est nulle, comme dans le tube (cancer) chauffé à 550 (1/2 h.). no 9, Nous répétons que cette expérience a été refaite avec chaque nouvel échantillon de sérum humain que nous avons pu nous procurer, et toujours avec le même résultat : l’action antihémo- lytique du sérum humain, par comparaison avec des sérums d’origine animale, a été manifeste dans tous les cas (24 cas) sans exception; certes, on pourrait notér des différences, en compa- rant entre eux des sérums humains de diverses provenances, mais toujours le sérum humain, même le moins antihémo- lytique, protégeait notablement mieux les globules humains que n'importe quel sérum animal, essayé dans les mêmes condi- tons. Chaque hémolysine préparée se compose, comme nous le savons, des deux sui stances : cylase (alexine) et fixateur (sensi- bilisatrice). Il suffirait que, dans notre expérience, un de ces éléments fût neutralisé par le sérum humain, pour que l'effet hémolytique se trouvàl supprimé, ; On devait donc se demander si, dans l'expérience citée Sle haut, l’hémolysine n’est pas paralysée simplement parce que la cytase. de cette dernière rencontre dans le sérum humain une anticytase correspondante, supposition qui, 4 L_ priori, n’a tien d'invraisemblable. Il à fallu done chercher par des expériences appropriées les propriétés anticytasiques du sérum humain vis-à-vis des diffé- rentes Cy tases, puis choisir, pour réactiver le sérum fixateur, une ou des cytases vis-à-vis desquelles le sérum humain est sans action. Il est inutile d’allonger ce travail par l’exposé de toutes les expériences réalisées à cet effet; qu’il nous suflise de dire que lé sérum humain possède en effet déjà naturellement un pouvoir de neutraliser à un certain degré la cytase de la chèvre’, 1. Au cours de nos études sur les anticytases naturelles, nous avons constaté que 23 gouttes de Séruin humain empêchent 1 goutlé de sérum frais de chèvre de dissoudre les globules de cobaye, alors que cette dissolution n’est pas empêchée par les sérums de cheval, de bœuf, de poule, ajoutés dans les mêmes proportions. LES ANTIHÉMOLYSINES NATURELLES. 193 de sorte que, en se servant du sérum hémolvytique non chauffé de chèvre, comme nous l’avons fait souvent au début de nos expériences, 1l y avait lieu de se demander s'il faut attribuer le pouvoir antihémolytique du sérum humain à sa propriété anticy- tasique ou bien à sa propriété antifixatrice. Le doute est levé dès qu’on remplace la cytase de chèvre par celle de cobaye, de lapin,ou même par la cytase de l'homme, En ajoutant au sérum fixateur chacune de ces cytases indi- quées, vis-à-vis desquelles le sérum humain est sans action, ce dont nous avons eu soin de nous assurer par des expériences à part, on acquiert la certitude que dans l'expérience ci-dessus il s’agit véritablement d’une action purement antifixatrice et non anticytasique. En déclarant qu'il s’agit là certainement d’une action anti- fixatrice, nous nous avançons pour l'instant, peut-être, au delà de ce que comporte l'expérience citée plus haut, qui ne juge directement que la question de l’anticytase. Il faut démontrer, en effet, que dans le sérum humain nous avons affaire à une véritable substance antifixatrice, et que celle-ci répond à tous les caractères connus des antifixateurs artificiels. Il faut done démontrer qu’elle se comporte d'une façon déterminée vis-à-vis des températures élevées; puis, 1l faut qu'elle soit, et cela est un caractère de première importance, strictement spécifique. Pour ce qui concerne l'influence des températures élevées, l'expérience est très facile à réaliser. Nous savons déjà que ce pouvoir antihémolytique résiste bien au chauffage à 55°-56° pendant une demi-heure, puisque toutes nos expériences sont faites précisément avec des sérums chauffés (56°-55°). Mais si on porte à 65°- 68, la température du bain-marie dans lequelon chauffe le sérum,etsi on prolonge le chauffage pen- dant une ou deux heures, on ne tarde pas à s’apercevoir que le sérum humain perd complètement ou en grande partie son pou- voir de neutraliser l’hémolysine. Lorsqu'on reprend l'expérience citée plus haut et que l’on mélange dans une série de tubes de l’hémolysine avec des sérums humains chauffés à 55°-56°; dans une autre série de tubes avec les mêmes sérums chauffés à 67°; et enfin, dans une troisième série, avec des sérums de divers animaux, 794 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. chauffés à 55° 56°, et que l’on ajoute ensuite (après plusieurs heures de contact) dans tous les tubes des globules humains, on constale ceci : dans tous les tubes de la première série le sérum resle aussi clair que dans des tuhes témoins, quine contiennent pas d'hémolysine; par contre, dans les tubes de la deuxième et de la troisième série, il y a une diffusion très accentuée de l'hémoglobine ou même dissolution complète, et cela est aussi prononcé dans les uns que dans les autres. En d’autres termes, le sérum humain chauffé à 67°-68° pen- dant une ou deux heures, se comporte vis-à-vis de l’hémolysine humaine comme n’importe quel sérum animal chauffé à 55°-50°, c’est-à-dire il n’est plus du tout antihémolytique. Avant de passer à l’autre caractère qui est la spécificité, nous voudrions rapporter en abrégé une de nos expériences portant sur des sérums humains chauffés à des températures différentes. On prépare l'hémolysine en faisant un mélange de parties égales de sérum chauffé de chèvre vacciné (fixateur) et de sérum frais de cobaye (cytase). On prélève de ce mélange 2 gouttes pour chaque tube, on ajoute 15 gouttes de différents sérums dont on cherche le pouvoir antihémoly- tique ; puis, après plusieurs heures de contact, on met des globules humains émulsionnés dans de l'eau physiologique à 0,75 0/0. 1) 2 gouttes d'hémolysine, 15 gouttes d'eau physiologique à Dissolution complète. 7 0/00. 2) 2 gouttes d'hémolysine, | Dissolution presque complète; 15 gouttes de sérum de lapin, chauffé il reste au fond du tube quel- à 550, ) ques globules intacls. 3) 2 gouttes d'hémolysine, | Diffusion d'hémogiobine ex- 15 gouttes de sérum humain (conges- trèmement légère ; le sérum est tion pulmonaire), chauffé à 550. | à peine teinté en rose. 4) 2 gouttes d'hémolysine, Dissolution presque complète 45 gouttes du même sérum que dans des globules, comme dans le le tube n° 3, mais chauffé à 670. ) tube n° 2, d) 2 gouttes d'hémolysine, ) 15 gouttes de liquide de vésicatoire ? Dissolution nulle. (cancer), chauffé à 550, ) 6) 2 gouttes d’hémolysine, \ 15 gouttes de même liquide chauffé Dissolution complète. à To 6. 7) 2 gouttes d hémolysine, | 15 gouttes de sérum humain (diabète), chauffé à 550. | | Diffusion d'hémoglobine presque imperceptible. LES ANTIHÉMOLYSINES NATURELLES. 795 8) 2 gouttes d'hémolysine, | 15 gouttes de même sérum (diabète), Dissolution complète. chauffé à 680, | 9) 2 gouttes d'hémolysine, Le sérum a pris une teinte 15 gouttes de sérum humain n0 6 | rose très légère; les: globules {épilepsie). sont intacts. 10) 2 gouttes d'hémolysine, 15 gouttes de mème sérum, chauffé à Dissolution complète, 670-680. Il ressort donc de cette expérience qu’un sérum humain, chauffé à 67°-68° pendant une ou deux heures, n’est pas plus antihémolytique qu'un sérum animal, alors que ce même sérum bumain chaulfé à 55°-56° possède un pouvoir antihémolytique très manifeste. Passons maintenant au deuxième caractère des antihémo- lysines, qui est la spécificité. Si le sérum humain chauffé à 55° protège les globules humains contre la dissolution par l’hémolysine parce qu'il ren- ferme réellement une antihémolysine, il est nécessaire que cette protection soit très spécifique; en d’autres termes, il faut que cette protection ne puisse pas s'étendre à d’autres globules que ceux de l'homme: puis il faut que cette protection soit surtout efficace en présence de l’hémolysine spécifique. Rien n’est plus facile que de démontrer que le pouvoir pro- tecteur du sérum humain est bien limité aux globules humains. En cherchant dans les sérums normaux de divers animaux de laboratoire la propriété antihémolytique vis-à-vis de leurs glo- bules respectifs, nous avons eu besoin de sérums étrangers pouvant nous servir de témoins; or, il nous est arrivé quelquefois d'employer à cet effet, entre autres sérums, aussi celui de l’homme, et toujours dans ces cas le sérum humain se montrait notablement moins protecteur vis-à-vis des globules étrangers que le sérum de l'animal auquel appartenaient ces globules. Ainsi, par exemple, lorsqu'on mélange une hémolvysine dirigée contre les globules de mouton avec du sérum humain, et que l’on ajoute ensuite des globules rouges de mouton, on con- state que la dissolution de ces derniers n’est nullement empêchée par du sérum humain, alors que l'effet hémolytique est nul ou 796 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. peuts’en faut, dans les tubes où, au lieu de sérum humain, il a été ajouté la même quantité de sérum de mouton. Et les exemples du même genre peuvent être multiphiés à volonté. Il s’ensuit donc que le sérum humain possède un pouvoir protecteur très restreint, ét, autant que nos expériences per— mettent d’en juger, ce pouvoir s’exerce spécifiquement vis-à-vis des globules de l’homme. Cette action protectrice spécifique du sérum vis-à-vis de ses propres globules, nous l’avons constatée également chez le cobaye, É lapin, Le mouton, la poule et l'oie. Avons-nous affaire ici à une action semblable à celle que nous connaissons pour les glycosides, ou est-ce un phénomène d’un ordre différent ? Pour ce qui concerne les glycosides (saponine, solanine, etc.), nous savons qu'en milieu salé ils jouissent d’un pouvoir hémoly- tique des plus marqués, et que ce pouvoir est notablement paralysé en présence d’un sérum sanguin. Si, par exemple, une dose déterminée‘de saponine est capable de dissoudre 1 c. e. de globules rouges émulsionnés dans de l’eau physiologique, il faut 10 ou 15 doses de saponine pour arriver à dissoudre la même quantité de globules rouges, lorsque ceux-ci sont additionnés d’un sérum sanguin. M. Hédon ! a vu, et nous pouvons confirmer: ses observations, que certains sérums protègent les globules: contre une dose 20-25 fois hémolytique d’un glycoside. D’aprèz ce savant, « si les globules résistent dans le sérum à des doses de glycosides bien supérieures aux doses toxiques dans l’eau salée, cela tient à ce que les Re du sérum sont un obstacle à l’hémolyse. » ; Cette action protectrice du sérum vis-à-vis les clréotidéss est-elle comparable à l’action protectrice que nous constatons dans nos expériences? Sans la moindre hésitation, nous répondons : non. Tout en étant ressemblants au premier abord, ces deux sor- tes de phénomènes présentent deux caractères essentiels différents : 1. E. Hébow, Sur l'hémolyse parles glycosides globulicides, et les conditions de milieu qui la favorisent ou l'empèchent, Archives Internationales de rire codynamie et de thérapie, 1901, vol. VIII, P- 281. LES ANTIHÉMOLYSINÉS NATURELLES. OT 1° Bien que le pouvoir protecteur de différents sérums ne soit pas le même, comme c'est le cas dans nos expériences, M. Hédon a vu que « les globules d’une espèce déterminée ne sont pas mieux protégés par leur propre sérum, mais bien par des sérums étrangers et surtout par des sérums appartenant à des espèces très éloignées » ; 2° M. Hédon a vu également « que le chauffage du sérum à 60°-65° C., pendant plusieurs heures et à plusieurs reprises, ne lui enlève absolument rien de ses qualités protectrices, et même il paraît y gagner légèrement ». Il est donc clair que, bien que la protection du sérum contre les glycosides et contre les hémolysines soit d'apparence du même ordre, en réalité le mécanisme en est profondément diffé- rent. Nous avons fait remarquer plus haut que l’on aura démontré la nature antihémolytique vraie de la substance protectrice du sérum humain quand il sera constaté que cette action protec- trice ne s'étend pas à d’autres globules que ceux de l'homme, e puis que cette proteclion est efficace principalement en présence de l’hémolysine spécifique. La première moitié de cette démonstration étant déjà faite, il nous reste à nous occuper de la seconde. ” Certes, si les globules humains, mis en présence de l’hémo- lysine et du sérum humain, ne laissent pas diffuser leur hémo- globine simplement parce qu'ils sont protégés par ce sérum, cette action protectrice doit se manifester toujours, quelle que soit la nature de la substance hémolysante; si, par contre, le sérum humain empêche la dissolution des globules parce qu’il neutralise spécifiquement l’hémolysine, il est clair que cette neutralisation n’aura pas lieu avec un corps dissolvant, envers lequel le sérum humain n’exerce pas un pouvoir antitoxique. Pour savoir laquelle de ces deux hypothèses est la vraie, nous nous sommes adressé à des sérums qui dissolvent natu- rellement les globules rouges de l’homme. Ce choix nous a été dicté par celte considération que ces sérums naturellement hémolysants étant de par leur nature chimique beaucoup plus voisins des sérums spécifiquement hémolytiques que des glyco- 798 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. sides par exemple, on pourrait mieux apprécier la différence, si toutefois elle existait. Nous arrêtämes notre choix sur le sérum de bœuf et sur celui de lapin; employés le jour de la saignée, tous les deux se montrent très hémolytiques vis-à-vis des globules humains. L'expérience a été disposée identiquement de la même façon que celle rapportée à la page 79, avec cette différence qu’au lieu de Phémolysine spécifique, nous avons employé l'hé- molysine naturelle du sérum de bœuf ou de lapin. Si au cours de ces expériences on avait constaté dans différents tubes le même degré de diffusion d’hémoglobine ou de dissolution que dans l'expérience de la page 79, si en plus on avait remarqué que dans les tubes contenant du sérum humain la diffusion de lhé- moglobine est nulle, alors la conclusion aurait été évidente : nous aurions déclaré qu'ils’agit dans ces deux expériences incon- testablement d’une action protectrice ou conservatrice, inhé- rente au sérum humain, etnon d’une action antihémolytique, diri- gée spécifiquement contre l’hémolysine. Or, en réalité les choses se passent tout autrement; voici une expérience, dans laquelle du sérum frais de lapin nous ser- vait de substance hémolytique. Dans une série de tubes, on fait un mélange de 3 gouttes de sérum frais de lapin etde 15 gouttes de différents sérums, chauftés à 56°. Puis, après 3 heures de contact, on ajoute des globules rouges de l’homme dans de l’eau physiologique à 7,5 0/00. 1:3poutles de ue de Hp mais incomplète; il reste au 19ponttes «eau physoenues à | fond du tube une moitié de 5 0/00. : 0} . globules intacts (1/2). 2) 3 gouttes de sérum de lapin, Dissolution aussi prononcée 45 gouttes de sérum de mouton, que dans le tube précédent chauffé à 550, RC) PES | Dissolution prononcée, mais | \ Dissolution très avancée, 3) 3 gouttes de sérum de lapin, 15 gouttes de sérum de chien, chauffé à DD0, 4) 3 gouttes de sérum de lapin, 15 gouttes de sérum de bouc chauffé 4 5D0, 5) 3 gouttes de sérum de lapin, 15 gouttes de sérum de lapin, chauffé Dissolution nulle. à 090, un peu moins que dans le tube no 1; il reste environ 2/3 de globules intacts,. Dissolution presque complète. LES ANTIHÉMOLYSINES NATURELLES. 199 6) 3 gouttes de sérum de lapin, | 15 gouttes de sérum de bœuf, chauffé Dissolution nulle. à 550-360, ) 1) 3 gouttes de sérum de lapin, \ 5 gouttes de sérum bumain, chauffé à 50 (épilepsie n° 6). Dissolution nulle. de we] — 7 » gouttes de sérum de lapin, 15 gouttes de sérum humain, chauffé Dissolution nulle, à 990 (épilepsie n° 4). 9) 3 gouttes de sérum de lapin, 15 gouttes de sérum humain, chauffé à 20 (épilepsie n° 3). / Dissolution’aussi intense que Ÿ dans le tube no 1. 10) 3 gouttes de sérum de lapin, ) 15 gouttes de sérum humain, chauffé à 980 (épilepsie no 7), Dissolution aussi intense que \ dans le tube n° 1. 11) 3 gouttes de sérum de lapin, 15 goutles de sérum humain, chauffé à 550-560 (épilepsie n° {). Dissolution aussi intense que dans le tube no 1. Dissolution notablement moins prononcée que dans le tube précédent (n° 1). 12) 3 gouttes de sérum de lapin, 15 gouttes du même sérum humain que dans le tube no 11, mais chauffé à 670, Nous voyons donc que, dès qu’on vient à remplacer l’hémo- lysine humaine spécifique par une hémolysine non spécifique, par du sérum de lapin, par exemple, les résultats changent du tout au tout. Certes, dans les tubes n° 7 et 8, nous voyons que le sérum humain protège les globules humains; mais, à côté de cela, nous constatons que dans les tubes n°5 9, 10, 11, le sérum humain, provenant de trois malades différents, est incapable de neutraliser l’action hémolytique du sérum de lapin sur les glo- bules humains, alors que dans les tubes n° 5 et 6 cette action hémolysante est neutralisée complètement par le sérum de lapin et de bœuf; puis, chose curieuse, en comparant les tubes n% 11 et 12, nous remarquons que le sérum hu- main (épileptique n° 1) protège notablement mieux les globules rouges lorsqu'il est chauffé à 67° que lorsqu'il est chauffé à 559-560, La conclusion est claire : Le sérum humain n’agit pas sur les globules de sang en tant que bon milieu conservateur; il protège bien ses globules, mais uniquement contre l’action dis- solvante de l’hémolysine spécifique; dès qu’on emploie un autre 800 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. dissolvant, si proche qu’il soit de par sa nature du sérum hémo- lytique, on n'observe pas plus d'action protectrice par du sérum humain que par n'importe quel autre sérum animal. Tels sont les faits; pour les traduire en langage de cytoly- sine, nous ne voyons qu'une seule formule qui est celle-ci : le sérum humain possède un pouvoir antihémolytique vis-à-vis de l’hémolysine humaine, et ce pouvoir est aussi strictement spé- cifique que celui des antihémolysines artificiellement préparées. Si nous nous servons des termes — hémolytique et antihémo- lytique — c’est uniquement dans l'intérêt de fa clarté; en réalité, c’est du pouvoir fixateur et antifixateur qu'il s'agit. Pour finir ce chapitre sur le sérum humain, nous voudrions noter un petit fait qui mérite d’être signalé. Au cours de ce travail, nous avons eu souvent l’occasion de doser le pouvoir autihémolytique du sérum humain, ainsi que de tous les autres sérums étudiés sous ce rapport. Or, chose curieuse, la proportion entre les sérums neufs devant être employés et la quantité de fixateur à neutraliser a été dans la grande majorité des cas, et chez tous les animaux, à peu près la même que celle que M. Bordet a trouvée pour le pouvoir anti- fixateur de ses sérums artificiellement préparés (15 : 1 ou 20 : 1). Pour le moment, nous nous contentons de signaler cette coïncidence sans en tirer aucune conclusion. * * » La présence de l’antihémolysine dans du sérum humain a d'autant plus d'intérêt que ce n’est pas un fait isolé. Quand on s'adresse aux sérums de lapin, de cobaye 1, d’oie, de poule, de mouton, on constate invariablement le même fait, c’est-à-dire, chacun de ces sérums renferme à l’état normal de l’antihémoly- sine ayant les mêmes caractères de spécificité que ceux que nous avons observés dans du sérum humain. 4. Tout récemment (Centralblatt für Bakter. 1901, p. 175), M. Muller a publié un intéressant mémoire sur la production de l'antihémolysine et notamment de l’antifixateur chez des lapins auxquels on injecte du sérum chauffé de poule (le sérum de poule non chauffé est hémolytique vis-à-vis des globules de lap n). A la fin de son article, l’auteur signale un fait qui l’a frappé au cours de ses recher- ches, à savoir que le sérum chauffé de cobaye est antihémolytique, ou mieux antifixateur, vis-à-vis du sérum de lapin immunisé contre les globules de cobaye. M. Mu'ler constate ce fait en passant sans y insister. LES ANTIHÉMOLYSINES NATURELLES. 801 Après nous être étendu si longuement sur le sérum humain, il est inutile d'examiner individuellement chacun de ces sérums; disons seulement que, pour avoir dans chaque cas de l'hémoly- sine spécifique, nous nous sommes adressé tantôt au cobaye, tantôt au lapin; quelquefois nous avions, pour la même espèce de globules, de l'hémolysine provenant de cobaye et de lapin, ce qui nous permettait de juger comparativement de leurs fixateurs respectifs. Nous nous contenterons de rapporter ici brièvement l’expé- rience avec du sérum de mouton. Pour révéler la présence de l’antihémolysine dans ce dernier, nous avons immunisé avec du sang défibriné de mouton à la fois des cobayes et des lapins; nous avons essayé chaque fixa- teur séparément, en le réactivant dans les deux cas avec de la cytase de lapin ; cette cytase est, à petite dose, sans action sur les globules de mouton. | Dans cette expérience, nous nous sommes servi de l'hémolysine prove- nant de lapin, vacciné contre les globules de mouton; il s'agissait donc du fixateur et de la cytase de lapin. Dans une série de tubes, nous avons mis en contact avec 2 gouttes de cette hémolysine (non dissociée) tantôt 20, tantôt 25 gouttes de divers sérums chauffés à 55-560, Les sérums employés provenaient de mouton, de lapin, de l’homme (urémie), de bœuf, de cheval et de poule. Après plusieurs heures de contact, nous avons ajouté des glo- bules de mouton, frais, lavés et émulsionnés dans de l’eau physiologique (à 0,75 0/0). Le lendemain, nous avons constaté dans tous les tubes contenant du sérum étranger une diffusion d’hémoglobine ou une dissolution plus ou moins prononcée des globules; seul, le tube contenant du sérum de mouton chauffe à 559 ou même non chauffé, est resté clair !. La mème expérience, faite avec du fixateur provenant du cobaye et avec de la cytase de lapin, donna les mêmes résultats. Il en fut de mème lorsqu'on faisait varier un peu l'expérience, en préparant d’abord le mélange du fixateur seul et du sérum à examiner, et n'ajoutant la cytase qu’à la fin. Nous avons employé les deux procédés concurremment pour tous les fixateurs de mouton et de l'homme. | Cette expérience, qui démontre la présence de l’antihémoly- sine dans du sérum normal de mouton, est intéressante encore à un autre point de vue. 4, Le sérum de chèvre renferme naturellement une substance protectrice vis- à-vis des globules de mouton, à un degré très prononcé, 802 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Elle nous montre que, quel que soit l'animal fournisseur de l’hémolysine, la nature du fixateur reste la même. Nous trou- vons un autre exemple du même genre pour le fixateur des glo- bules humains. Nous avons vacciné avec du sang humain une chèvre, des lapins et des cobayes. Or, tous ces fixateurs se sont comportés de la même façon, en présence de sérums humains et d'animaux ; d’où ‘nous concluons que tous ces fixateurs, spéei- fiques pour la même espèce de globules, ne font qu'un. Quand on compare entre eux simultanément les trois fixateurs des globules humains (chèvre, lapin, cobaye), ou bien les deux fixateurs des globules de mouton (lapin, cobaye), on constate que, combinés à la même cytase, ces fixateurs ne diffèrent entre eux que. quantitativement; ceci peut tenir au fait que les ani- maux n’ont pas été immunisés au même degré, ou bien à ce que les différents fixateurs, placés dans des milieux différents, ne présentent pas la même affinité pour la même cytase. La parenté des fixateurs entre eux ressort même de l'examen des détails. Ainsi, lorsqu'on examine comparativement une série de sérums mélangés à une hémolysine, on voit qu'il y a des sérums qui empêchent la dissolution plus que les autres; on peut même construire sous ce rapport toute une échelle de sérums, pour cha- que espèce des globules. Or, quel que soit le fixateur employé, cette gradation dans le degré de solubilité suit le même ordre à peu d’exceptions près, ce qui nous apporte un argument de plus en faveur de l'identité des fixateurs de provenances différentes. Ceci établi, il n’y a qu'un pas à faire pour admettre que le fixateur fabriqué par l'animal, lors de la résorption de ses pro- pres g elobules, ou l’auto-fixateur, est identique au fixateur fabri- qué par l’animal étranger. La présence d’anti-auto-fixateur dans du sérum normal devient alors très compréhensible, et l’on s'explique d’une manière bien naturelle comment l'auto-fixateur et l’anti-auto- fixateur prennent naissance au cours de la vie physiologique de l’animal". 4. Avant de terminer le chapitre sur les propriétés antihémolytiques des sérums normaux, nous voudrions faire part au lecteur d’une objection qu’à un moment donné nous avons cru pouvoir formuler contre nos propres conclusions. Le fait que le sérum humain, par exemple, empêche la dissolution pes LES ANTIHÉMOLYSINES NATURELLES, 803 * * Le désir de vérifier le principe de l’auto-protection cellulaire sur le plus grand nombre possible d'espèces animales nous a fait examiner, en plus des sérums indiqués, aussi ceux de cheval, de chien et de bœuf, Nous avons immunisé toute une série d’ani- maux avec du sang défibriné de cheval, de bœuf et de chien et quand nous avons été en possession d'hémolysines puissantes, nous commençämes à chercher la propriété antihémolytique dans ces sérums comme nous l’avions pratiqué pour d’autres espèces. Or, quelle ne fut pas notre déception quand nous constatämes que ce principe n’est pas du tout applicable ni au sérum de che- val, ni à celui de bœuf, ni surtout à celui de chien. Lorsque, dans une série de tubes, nous fimes le mélange d'hémolysine de chien avec différents sérums chauffés, le sérum de chien y com- pris, et qu'au bout de quelques heures nous y ajoutàmes des globules humainsbeaucoup mieux que nele font les sérums des différents ani- maux, pourrait s'expliquer, peut-être, avons-nous pensé, par le fait que ces sérums d'animaux renfermeraient une substance fixatrice (sensibilisatrice) naturelle qui fait défaut dans le sérum humain; qu'il en serait de même pour le sérum de lapin vis-à-vis des globules de lapin, dans le sérum d’oie vis-à-vis des globules d'oie, ete. On s’expliquerait alors pourquoi les sérums étrangers empêchent moins la dissolution des globules donnés que leurs sérums propres. Or, il suffit d'examiner cette hypothèse de près, même en admettant qu’elle soit juste dans toute l’acception du terme, ce qui n’est pas le cas, pour s'assurer que la conclusion que nous avons tirée de nos expé- riences conserve toule sa rigueur. L'hypothèse de fixatrices naturelles est certainement vraie dans certains cas isolés, Ainsi, nous pensons que ie sérum de lapin, par exemple, renferme une fixatrice pour les globules humains, ou mieux, une substance qui favo- rise la dissolution de ces derniers en présence de l’hémolysine: mais cette propriété, qui est déjà très peu prononcée dans le sérum de lapin, existe à l’état d'ébauche dans cerlains autres sérums et n'existe pas du tout dans la majorité des cas. Pour ce qui concerne le sérum de lapin, il est facile de mettre en évi- dence sa propriété fixatrice préformée, si on compare le sérum chauffé à 550 avecle même sérum chauffé à 680 pendant 1-2 heures; on constate alors que, contrairement à la majorilé des sérums, ce dernier, chauffé à 680, empêche la dissolution des globules humains notablement mieux que le sérum à 550, dans lequel la substance sensibilisatrice n’a pas été détruite, Mais le sérum de lapin, même débarrassé de sa substance fixatrice, est encore loin d'empêcher la dissolution des globules humains, eu présence d'une hémolysine, aussi bien que le sérum humain. L’objection que nous avons formulée plus haut se trouve donc de la sorte dénuée de fondement. 804 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. globules de chien, nous vimes le lendemain que, dans tous les tubes la dissolution de globules était très prononcée, et qu’elle était au maximum dans le tube contenant du sérum de chien, là pré- cisément où nous nous attendions à trouver des globules com- plètement intacts. Le même phénomène, quoique sous une forme plus atténuée, fut constaté pour les globules de cheval et de bœuf. L'expérience fut répétée plusieurs fois avec des doses d’hé- molysine de plus en plus petites, et toujours avec le même résul- tat décourageant. Or, en cherchant un peu, nous avons vu que cette exception à la règle n’en est pas une, et que les résultats si inattendus de l’expérience tiennent simplement à la fragilité des globules de cheval, de bœuf et de chien; ces derniers sont particulièrement fragiles. IL suffit d'ajouter des globules rouges de Chien à différents sérums chauffés à 55°, de ls agiter de temps à autre, pour obte- nir une hémolyse très prononcée, sans que l’on fasse intervenir l’'hémolysine spécifique; et, chose étrange, contrairement à ce que l’on observe pour les globules de la grande majorité d’es- pèces animales, les hématies de chien,de bœuf et aussi de cheval, qui se détruisent si facilement dans des sérums sanguins, même chaulffés, restent complètement intacts dans de l’eau physiolo- gique (à 0,75 0/0) et cela pendant plusieurs jours de suite. Comme la diffusion de l’hémoglobine dans le sang de cheval et celui de chien s'effectue déjà spontanément sans hémolysine, il est tout naturel que nous ayons complètement échoué dans nos recherches d’antihémolysines. | 4 AE + à En résumé, sur neuf espèces animales que nous avons étu- diées (cobaye, lapin, poule, vie, mouton, homme, cheval, chien et bœuf), nous avons constaté le pouvoir antihémolytique dans six cas; les trois cas négatifs, qui semblaient au premier abord pré- senter une exception au principe de l’autoprotection des cellules, trouvent en réalité une explication simple et n'infirment nulle- ment la règle. XX Au cours de ces expériences, nous avons eu souvent à cher- LES ANTIHÉMOLYSINES NATURELLES. 805 cher le pouvoir anticytasique de différents sérums par rapport à des cytases d'animaux différents, Nous comptons rev enir sur ce sujet avec plus de détails une autre fois ; ici nous voudrions seulement attirer l'attention sur la question des auto-anticytases', Disons de suite que le fait de la présence dans un sérum nor- mal d’auto-anticytase est loin d’être aussi général que celui d’auto-antilixateur *. Si peu que l’on soit renseigné sur la nature des fixateurs, on sait au moins dans quelles conditions elles prennent naissance, on ‘peut les créer à volonté; or, pour ce qui concerne les cytases, se trouvant normalement dans le sérum normal et pouvant agir sur les cellules d’autres espèces, nous en savons encore beaucoup moins; nous ignorons complètement les conditions nécessaires pour leur production, de même que leur rôle physiologique dans la nature. Le seul fait certain est que les cytases contribuent à la dissolution des éléments cellulaires, imprégnés de fixateurs ; peut-être donnent-elles lieu, à ce titre, à des phénomènes d’auto- intoxication, ce qui expliquerait la présence d’auto-anticytase dans quelques sérums normaux. Au reste, ce n’est qu’une hypothèse. Ce quiest un fait expéri- mental, c’est la propriété que possède le sérum de lapin, chauffé à 55°, de neutraliser l’action de sa propre cytase. Ainsi, nous savons que le sérum frais de lapin dissout faci- lement à certaines doses les globules rouges de cobaye: or, si l'on ajoute à un tel sérum de lapin une quantité déterminée (10 parties environ) du même sérum ou d’un sérum d’un autre lapin, préalablement chauffé à 55°-56°, on empêche la dissolu- tion de globules de cobaye de se faire, tandis que l’addition d'un sérum chauffé d'un autre animal (oie, poule, bœuf, bouc, homme, etc.) n'empêche pas l’action dissolvante de la cytase de lapin. Er désignant les substancesanticytolytiques sous les termes auto-anticytase ou auto-antifixateur, nous voulons indiquer le fait brut qu'il s’agit d’un anticorps spécifique d’un sérum vis-à-vis de lacytase ou du fixateur de même espèce; lester- mes anti-autocytase ou anti-autofixateur impliquent l'idée que c’est l'animal lui- mème qui fabrique à la fois les eytolysines et les anticytolysines correspondantes. 2. Tout dernièrement (Soc. de biol., 6 juillet 1901), MM. Camus et Pagnier ont signalé le fait intéressant que, dans certains cas, le sérum humain chauffé empé- che le sérum humain non chauffé de dissoudre les globules de lapin. 806 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. Nous avons voulu savoir si cette action empêchante du sérum chauffé de lapin s’exerce spécifiquement vis-à-vis de la cytase de lapin, ou bien si elle existe également lorsqu'on fait agir sur les globules de cobaye une cytase d'un autre animal, celle de mouton ou de bœuf, par exemple. L'expérience, réalisée avec le sérum frais de mouton et de bœuf, nous a montré que l’action empêchante ou protectrice du sérum chauffé de lapin disparaît complètement dès que l'on fait agir sur les globu es de cobaye une autre cytase que celle de lapin. Il s'ensuit donc que, dans le sérum chauffé de lapin, nous avons affaire, non pas à une propriété empêchante ou protec- trice, d’une manière générale, mais bien à une propriété spéci- fique, en ce sens que celle-ci ne se manifeste que vis-à-vis de la cytase de lapin; c'est donc une véritable anticytase que nous observons dans du sérum normal de lapin. Dans du sérum normal de cobaye, on trouve, à côté de la pro- priété anticytasique, aussi la propriété protectrice qu'il est sou- vent difficile de dissocier. * # *# CONCLUSION L'homme et les animaux fabriquent normalement pour leurs propres globules rouges de l'antihémolysine qui est très probablement de l’anti-auto-hémolysine. Li *# _* Dans tout ce travail nous n'avons parlé que de l’antifixateur actif pour les globules rouges; mais c’est la facilité de la tech- nique qui, seule, nous a déterminé à étudier de préférence cette catégorie de cellules. Il y a tout lieu de croire qu'à chaque catégorie de cellules, capables de créer une cytotoxine, corres- pond dans le sérum sanguin une anticytotoxine spécifique, ou plutôt un antifixateur. L'équilibre entre le fixateur et l'antifixateur doit être réglé d’une part par le degré de destruction des cellules et, d'autre part, par la force de l'organisme de réagir contre cette destruc- ton. Cet équilibre s'établit probablement avec le concours et peut-être à l’intéricur même des leucocytes qui président à la LES ANTIHÉMOLYSINES NATURELLES. 807 création de ces deux substances, et qui laissent échapper ces der- nières dans le sérum, lors de la coagulation du sang. Les choses doivent se passer ainsi à l’état physiologique. [serait intéressant de voir comment s'opère la réaction antifixatrice, laquelle est évi- demment une réatcion de défense, à l’état pathologique, dans les cas où une catégorie déterminée de cellules est lésée; ainsi on peut se demander si, dans les maladies portant sur les organes hémopoïétiques, par exemple, la réaction antihémolytique s'opère avec la même intensité qu’à l'état normal. On peut se demander même si la réaction antifixatrice n'intervient pas dans les phé- nomènes d'atrophie sénile, surtout depuis que M. Metchnikoff a mis en lumière le rôle des macrophages dans cet ordre de pro- cessus, Juillet 1901. Errata dans l’article de MM. NICOLLE et ADIL-BEY. (Numéro du 23 septembre.) Page 715. — Ligne 25. — Lire « forme des jeunes animaux » et non « forme chez les jeunes animaux ». Page 716. — Légende de la courbe n0 1, — Lire « Crimée-Anatolie » et non « Crimée et Anatolie ». Page 717, — Ligne 4. — Lire « virus de passage » et non « sérum de passage ». Page 718. — Au chapitre Dilution du virus, rétablir ainsi la seconde phrase qui a été tronquée « 1/60 de c. e. de sang, dilué dans 1°°,5 d’eau physiologique, tue l'animal qui le reçoit (sous la peau); 1/60 de c. c., dilué dans 500 c. c. d’eau physiologique, ne produit aucun effet, mais vaccine ; 1/60 de c. e., dilué dans un litre d'eau physiologique, se montre inactif. » Page 718. — Ligne 34. — Lire « émulsion de rate gardée » et non « gardés », La rate a été conservée in toto dans l’eau salée. Page 719. — Ligne 19. — Lire « 10 gouttes » au lieu de «8 gouttes ». Ligne 24, — Lire « 8 gouttes » au lieu de « 10 gouttes ». Page 721. — Légende de la courbe n0 3, — Après « 78-95 » ajouter « race d’Anatolie, { an », Page 723. — Légende de la courbe n9 6. — Lire « 78-49 » au lieu de (C 48-49 ». Page 730. — Légende de la courbe n°9 14. — Lire « 28 II » au lieu de GAS. IE » et « sérum sec Ogr,5 » au lieu de « sérum sec 0,15 ». Page 732. — Légende de ja courbe n9 19. — Après « 77-8 » ajouter «race mixte (Crimée-Anatolie) 1 an ». SUR LE PACILLE PESTEUX ET LES INJECTIONN INTRAYEINEUNEN MANSIVES DE SÉRUM ROUX-=-YERSIN DANS LE TRAITEMENT DE LA PESTE Par M. J. LIGNIERES À la suite d’une mission que m'avait confiée M. le comte Sala, ministre de France à Buenos-Aires, je lui adressai un rapport sur l'épidémie de peste bubonique qui sévit au Rosario et à Buenos-Aires (1899-1900). J'y indiquais le résultat de mes obser- vations notamment sur la nature de la maladie, son étendue, son importance, les caractères morphologiques, culturaux et patho- gènes, le bacille de Yersin, l’action thérapeutique et préventive du sérum. Aujourd'hui, les publications sur la peste bubonique sont trop nombreuses pour qu'il soit utile de reproduire ce rapport in extenso. Néanmoins, je ne‘crois pas sans intérêt de faire con- naître quelques points qui me paraissent intéressants !. De mon étude bactériologique et expérimentale de la peste, je ne retiendrai que deux faits. Nous savons, depuis le travail de la commission allemande de Bombay, que le bacille de Yersin pousse à des températures basses; cette propriété a même été utilisée comme moyen d’iso- lement du bacille pesteux. Il y a plus: non seulement on peut cultiver le bacille de Yersin au-dessous de 25°, mais encore il est indispensable d'éviter l’étuve à 37-38° lorsqu'on fait des cultures diagnosti- ques avec des produits pesteux provenant de l’homme, de rats ou d'animaux d'expériences. Si le microbe de la peste s’habitue vite à croître à l'étuve (37°) sur nos milieux artificiels, sa première culture est plus difficile; elle peut même manquer. 1. Une partie de mon rapport est publiée dans le Bulletin de la Sociélé cen- trale de médecine vétérinaire, Contribution à l’étude des septicémies hémorra- giques, août 1900. TRAITEMENT DE LA PESTE. 809 2 Voilà le point nouveau que j'ai maintes fois constaté dans mes expériences. Ainsi le sang d’un rat pesteux trouvé dans une habitation infectée, ensemencé sur des tubes de gélose dont la moitié est laissée au laboratoire (18-20°) et l’autre placée à l'étuve à 38°, donnera parfois des résultats très différents. Tandis que les cultures mises à l'étuve pourront ne montrer aucune colonie pesteuse mème après # jours, celles placées à 18-20° présenteront de belles et nombreuses colonies. Si, d'autre part, on retire les cultures restées stériles de l’étuve à 38° pour les mettre au-dessous de 25°, on verra les colonies apparaître. Il ne faut donc as employer exclusivement l’étuve à 37-38° pour la recherche du bacille pesteux dans les organes infectés, si on ne veut courir le risque d’un échec. Le second point sur lequel je désire attirer l'attention, c’est l'aspect spécial très caractéristique de la culture pesteuse sur pomme de terre à 15-20. A la température de l’étuve (37-38), la culture sur pomme de terre est très maigre ou nul e. A 15-20° au contraire, on a toujours un développement visible entre le quatrième et le sixième jour, sous la forme d’un enduit transparent, peu épais, vernissé, blan- châtre. Lorsqu'on fait une seconde culture sur pomme de terre avec la première, on obtient un développement facile. La couche est plus visible, d’abord plate, uniforme, puis, après 8, 10 ou 15 jours, on voit se former de petites élevures parfaitement rondes, légèrement jaunâtres, si denses et si compactes qu'on les détruit très difficilement. Cette culture a alors un aspect perlé très caractéristique. Les autres cultures sont toutes perlées. A propos du traitement sérothérapique de la peste, je crois intéressant de donner connaissance des quelques faits suivants : Avec l'autorisation de M. le D' Archambault, directeur du lazaret du Rosario, j'ai eu l’occasion de montrer l'efficacité évi- dente du sérum Roux-Yersin dans le traitement de la peste. Nous pümes constater facilement, comme MM. Calmette et Salim- beni, que l’action thérapeutique du sérum est d'autant plus sûre qu'on agit plus vite et à des doses plus élevées, surtout intra- veineuses. L'insuffisance de la quantité du sérum dont nous disposions m'avait engagé fortement, dès le début, à demander au D' Archam- 810 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. bault d'employer presque exclusivement les injections intra- veineuses à haute dose, ce qui lui donna d’ailleurs d’excellents résultats. Malheureusement le si dévoué directeur du lazaret fut changé, et nos observations au Rosario prirent fin. De son côté, et probablement sans connaître exactement les faits indiqués plus haut, le D' Penna, professeur de clinique médi- cale à la Faculté de Buenos-Aires, directeur du lazaret de cette ville, entreprenait un peu plus tard le traitement sérothérapique de la peste. J'ai pu voir plusieurs de ses malades traités à l’aide du sérum Roux-Yersin, étudier leur histoire clinique, la marche de la maladie, et me convaincre que le D' Penna avait fait un pas en avant dans le traitement sérothérapique de la peste par Pappli- cation des injections intra-veineuses massives. Il a montré, en effet, qu’on peut même juguler en 48 heures la maladie grave par l'injection intra-veineuse et d’un seul coup de 60 c. c. de sérum antipesteux, en ayant soin de faire une nouvelle injection intra-veineuse de 40 c. c. après 12 ou 24 heures. Pour ma part, je suis convaincu qu’en agissant ainsi et en complétant les jours suivants ce traitement par deux injections sous-cutanées de 20 à 40 c. ec. de sérum espacées de 24 heures, on arriverait, surtout chez les pesteux traités de bonne heure, à sauver 90 pour cent des malades. Si le D' Penna a eu encore 19,3 0/0 de mortalité sur 39 trai- tés, tandis que les non-traités succombaient dans la proportion de 50 0/0, c’est qu'il a eu à sa disposition une si petite quantité de sérum que souvent il a dû le marchander à ses malades. L’injection de 60 c. c. de sérum par la voie sanguine n'offre guère, à mon avis, plus de dangers que celle qui consiste à en injecter seulement 20 c. ec. En poussant très doucement l'injection et en arrêtant un instant dès qu’apparaissent des phénomènes graves, notamment la suffocation avec cyanose de la face, on évite les accidents mortels. M. Penna ne signale aucun décès imputable à l'injection massive de sérum; de mon côté, je n’en ai jamais constaté. Quant aux injections préventives pratiquées plusieurs fois sur tout le personnel de mon laboratoire et sur moi-même, elles se sont monirées aussi inoffensives qu’efficaces. ÉXDTENCE DES ANOPHELES EN GRAND NOMBRE DANS UNE REGION D’OU LE PALUDISME A DISPARU Par M, Le Dr ÉTIENNE SERGENT Depuis les recherches de Grassi, établissant la relation qui existe entre le paludisme et la présence d’Anopheles en Italie, de nombreuses observations, faites en plusieurs points du globe, sont venues confirmer ces résultats. D'autre part, dans les localités où l'endémie palustre est inconnue, comme la Nouvelle-Calédonie, on n’a point trouvé d’'Anopheles ‘. Les moustiques du pays sont représentés par le genre Culex seul. En Grande-Bretagne, ces résultats n’ont pas été confirmés par les recherches de Nuttall ?, qui a trouvé des Anopheles dans des localités d’où le paludisme à totalement disparu, et même là où le paludisme n’a jamais existé. Nous avons pratiqué, durant l’été de 19041 (juillet-août- septembre), des recherches sur les Culicides des bords de l'Essonne, affluent de la Seine ; sur les bords de cette rivière régnait autrefois, d’après les médecins locaux, lendémie palustre : elle a disparu aujourd’hui. L'Essonne, affluent de la Seine, touche, sur une étendue approximative de 80 kilomètres, à trois départements du centre de la France : Loiret, Seine-et-Marne et Seine-et-Oise, Efle prend naissance sur les confins nord de la forêt d'Orléans, tra- verse l’ancienne province du Gâtinais, pays boisé, humide ; puis le Hurepois, couvert de forêts et d’étangs, où elle s’élargit avant de se jeter dans la Seine à Corbeil. Elle reçoit le nom d’OEuf dans la première partie de son cours, jusqu’à Aulnay-la-Rivière, D'après les médecins locaux, lendémie palustre qui aurait existé autrefois sur les bords de l'Essonne a disparu aujourd’hui. Sur 14 médecins * qui ont bien voulu répondre à nos ques- tions touchant le paludisme dans la région : 1. Lavera, Au sujet de Culicides recueillis à Djibouti et en Nouvelle-Cale- donie, Sor. de biologie, 1e juin 1901. 2, Nurrazz, The geographical distribution of Anopheles in relation to the former distribution of ague in England, in the Journal of Hygiene, vol. 1, n°1, janvier 1901. 3. D's Narbonne (Chambon); Lauret (Neuville-aux-Bois); Augé père, Augé Aug., Prudhomme (Pithiviers); Papillon, Nouët (Puiseaux): Penot, Billard, Guyard (Malesherbes); Dupeu (Maisse}; Laroche (Milly); Lernon (Chilleurs-aux-Bois) ; Durey-Comte (Corbeil). 812 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Un seul aurait vu, il y a plus de 20 ans, 4 ou 5 cas de fièvre paludéenne; il ne se rappelle plus le type qu’ils représentaient ; Neuf n’ont jamais observé de cas de paludisme; Trois ont observé des cas rares de névralgies faciales cédant à la quinine ; Un aurait observé, il y a 3 ans, un cas de fièvre paludéenne chez un enfant, fièvre quotidienne cédant à la quinine. En somme, d’après ces renseignements, on peut dire que l’'endémie palustre n’existe pas sur les bords de l'Essonne, où nous avons trouvé des Anopheles en grand nombre. Sur une longueur d'environ 80 kilomètres, nous avons fait nos recherches sur 30 mares, dans des localités distantes en moyenne de 3 à 4 kilomètres; nous avons recueilli des larves d’Anopheles dans 22 de ces mares. Nuttall! insiste sur l'importance numérique de la distribution des Anopheles, et dit que ces observations denombre, quoique faci- lement erronées, n’en ont pas moins une valeur relative : «We are forced to conclude, dit-il, that it is not a matter of the geographical distribution of Anopheles as much as of their numeri- cal distribution. We are fully aware that numerical estimates permit a considerable degree of error. Nevertheless they would always possess a relative value. Or, nous avons pu comparer nos recherches sur les bords de l'Essonne, au point de vue numérique, avec celles que nous avons faites l’année dernière, aux mois d'octobre et de novembre, aux environs d'Alger, dans des foyers avérés de paludisme. Nous avons trouvé des Anopheles plus facilement et en bien plus grand nombre sur les bords de l'Essonne qu’à Maison- Carrée et au Jardin d'Essai, foyers de paludisme près d'Alger. De plus, tandis que dans ces dernières localités, la proportion des Anopheles par rapport aux Culex était environ de 1/20, sur les bords de l'Essonne nous avons trouvé ce rapport égal à 1/10, approximativement. Les Anopheles recueillis dans la région qui nous occupe appartiennent aux espèces suivantes : Anopheles maculipennis (vel claviger), Anopheles bifurcatus. La carte ci-jointe indique la distribution des Anopheles sur 1. Nutrazz, loco cit. TABLEAU DE DISTRIBUTION DÉPARTEMENT LOIRET LOIRET SEINE- ET-OISE SEINE- ET-MARNE LOIRET SEINE:- ET-OISE SEINE- ET-OISE SEINE- OISE SEINE- ET-OISE LOIRET EXISTENCE DES ANOPHELES. DES JUILLET, AOUT, SEPTEMBRE 1901. ENDROIT MALESHERBES. BoiGNEVILLE. VILLETARD. DIMANCHE VILLE. Hauteur au-dessus de la mer. (B indique À. bifurcatus; M, A. maculipennis.) Dans un tonneau recueil- lant l’eau de pluie, Culex pi- piens et annulatus. Au centre du village. Ruisseau séparé artificiel- lement de l'Essonne. Eau stagnante, pure. Prêles, pas de Culeæ. Poissons. À un kilomètre du village. Trou d’eau sale de 0,95 de profondeur. Culex. Autour de la flaque d’eau, menthe sauvage. Fossé dans un jardin. Eau pure. Culex pipiens. Menthe sauvage sur les bords. Fossé dans un jardin. Eau très sale. Culex pipiens. CHEVRAUN VILLE. Ferme BoxNE VAUX près GIRONVILLE. Près GIRONVILLE Entre CourcELLESs et BoIGNEVYILLE. Pixsox. (Derrière le moulin.) BouriGny. Ornière creusée par la roue d'un chariot, 0,10 de pro- fondeur. Nombreux Anophe- les avec Culex. Mare d'eau rès sale, Trou à chaux au milieu de jardins. Eau sale. Le trou à 1n,70 de profondeur, 0,30 d’eau au fond. Trou d’eau au milieu des bois. 1 m. de profondeur. Culex. Même ruiss., où le 5 août il à été recueilli des Anoph. maculipennis. Trou d’eau dans le jardin des employés de chemin de fer. Gare de Boutigny. Eau pure. Culex, 813 A NOPHELES 15 juillet 1901 5 août. août. 814 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. 1 s nn SES 2 217 DÉPARTEMENT ENDROIT 5 2 | NOTES DATE EL | Mètr. SEINE- Jarcy. ON Trou d’eau au milieu de|17 août, jardins, près le passage à ET-OISE niveau. Culer. SEINE- AUDIGERS. 60 | B Trou d'eau au milieu del17 août. ET-OISE M |jardins. SEINE- Maisse. 64 | B Trou d’eau dans le jardinet|{17 août. ET-OISE M |de la gare Eau sale. SEINE- LA-FERTÉ-| 55 | M Trou d'eau au milieu de|20 août. jardins près de la rivière. ET-OISE ALAIS. Culex. SEINE- BALLANCOURT. 50 | M Diverticule de l'Essonne,|20 août. séparé de lui artificiellement. ET-OISE Pas de poissons. VNénuphars. Roseaux. LOIRET AULNAY- 90 | B Ornière dans un champ,|19 sept. LA-RIVIÈRE. M |près de la rivière. Culer. LOIRET Boxparoy 400 | M | Trou deau dans Jardin.| 19 sept. près Très nombreux Anopheles. PITHIVIERS. Culex. SEINE- Entre Auxy| 78 | M| Ancien lavoir près de la| 24 sept. et VILLETARD, route. En juillet, août, pas ET-MARNE Jau lieu appelé d'Anopheles. En septembre, Les Roches. Anopheles. SEINE- MENNECY. 54 | B Bassin dans un jardin,| 6 sept. ET-OISE près de là rivière. Eau saie. LOIRET Courey. 125 | B | Fond d’un étang à moitié| 28 sept. desséché. Culeæ. Eau sale. LOIRET CHILLEURS-AUX-BONS. | 423 | B Flaque d'eau sale. Culex.| 98 sept. les bords de l'Essonne. Des larves d’Anopheles ont été trouvées dans toutes les localités qui figurent sur cette carte, Les larves d’Anopheles (A. bifurcatus, A. maculipennis) que nous avons recueillies étaient presque toujours en compagnie de larves de Culex. Nous avons récolté souvent des larves d’Anopheles dans des mares à eau très sale; sur 22 mares à Anopheles, 9 contenaient de l’eau sale, boueuse. A Chevrainville, de nombreuses larves EXISTENCE DES ANOPHELES. 815 d'A. bifurcatus ont été trouvées dans une ornière creusée par la roue d'un chariot, au milieu d’un chemin vicinal. Sur les bords des mares naturelles à Anopheles, nous avons SEINE ER La ferte - Alais OISE Jercy Chevratnvitle Ge Ù «Ferme Ponrevaux onville , # SEINE pi Courcelles es ET tree Boigneuille x ete Fra | MARNE strate Malesherbes Wlletard ns on : Les Tfoches (près Auxy) srtte, Diñarncheville ; 3 ee LOIRET le : à H S : . î Bondaroy uray-l ivière ra ri A CE ” s* er LA CA al Ô ‘ Chillejurs -aux-Pois " Carey souvent rencontré des menthes sauvages, à odeur forte. Très souvent des réservoirs artificiels étaient infestés ; d’une manière presque constante, nous avons trouvé des Anopheles dans les bassins à fleur de terre. communs dans les jardins 816 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. potagers (à la condition que l’eau n’y soit pas renouvelée souvent). Nous n'avons pas trouvé d’Anopheles dans les tourbières de l’'Hurepois, où l’eau est cependant stagnante, pure, et semble réaliser les conditions favorables au développement des larves. Le lit de l'OEuf est à sec l’été depuis quelques années; les villages voisins font usage de pompes ou de puits pour les besoins de leurs jardins. Nous n'avons trouvé des Anopheles qu'aux sources de la rivière, sources représentées aujourd'hui par des étangs en grande partie desséchés. CONCLUSIONS 1. Sur les bords de l'Essonne, la disparition du paludisme ne coïncide pas avec celle des Anopheles, qui y existent en grand nombre. | 2. Nous avons récolté des larves d’Anopheles (A. maculipennis, A. bifurcatus) dans les terres basses, près de la rivière, et très souvent dans des réservoirs artificiels. 3. La disparition du paludisme n'étant pas due à l'extinction des Anopheles, ne pourrait-elle pas être due aux différentes causes suivantes, agissant simultanément : a. Endiguement des rivières. Boisement de leurs bords; b. Meilleure hygiène des habitants, résultat d’une plus grande aisance. Usage plus répandu du vin; c. Dans une certaine mesure, l'usage de la quinine. Nous disons dansune certaine mesure, car la quinine est l’objet, paraît-il, d'un préjugé populaire ‘, contre lequel certains médecins de la région ont eu à lutter. 4. L'existence d’Anopheles sur les bords de l'Essonne ne constitue-t-elle pas un danger pour les habitants de la région? Très souvent, des rapatriés des colonies, soldats ou colons, pour la plupart impaludés, reviennent dans leur pays natal; ils ont, justement à l’occasion de ce changement de climat, de nou- velles poussées fébriles; leurs hématozoaires pourraient être transmis aux sujets sains par les Anopheles. 4. Dr Nouët (Puiseaux)… Le Gérant : G. Masson. Sceaux. — Imprimerie E. Charaire. {5m ANNÉE NOVEMBRE 41901 No 11 — ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR VARIÉTÉ MÉLANOGÈNE DU BACILLE PYOCYANIQUE Par C. GESSARD. (Travail de l’{nstitut Pasteur de Lille.) On doit à M. le docteur Cassin la découverte d’un microbe que M. Radais! a identifié avec le bacille pyocyanique, en même temps qu'il lui reconnaissait la propriété, nouvelle pour cette espèce bactérienne, de donner naissance, dans certains milieux, à un pigment d’abord rouge, puis noir. C’est proprement une variété du bacille pyocyanique qu’on peut appeler b. mélano- gène ou de Cassin. J'ai vu * que l'aptitude de ce microbe à pro- duire le pigment rouge et noir était subordonnée à la présence de la tyrosine dans le milieu de culture. J’ai, par suite, assimilé ce pigment au pigment de même couleur que donne la tyrosine sous l'influence de sa diastase oxydante, la tyrosinase. Rappelons dès le début, en tant que notion utilisable dans le cours de ce travail, que ce ferment, sous la forme de macération glycérinée de certains champignons, constitue un réactif biolo- gique de la tyrosine comparable au réactif chimique, dit de Millon. Tous deux sont oxydants et produisent des colora- tions rouges dans la solution de tyrosine, puis des précipités avec décoloration de la liqueur, précipités en rapport avec la nature des éléments minéraux de chaque réactif, noir pour la diastase, rouge pour le réactif de Millon. Mais la tyrosinase a, peut-on dire, une spécificité plus étroite, car elle n’agit que sur la tyrosine actuelle, tandis que le réactif de Millon atteint la tyrosine dans la molécule d’albumine où elle est seulement en 4. Comptes rendus de la Société de Biologie, 4897, p. 808. 2. Comptes rendus de la Société de Biologie, 1898, p. 1033. (14 19 818 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. puissance, si l’on admet que cette tyrosine est la cause de la coloration qu’il donne avec les matières albuminoïdes. J'étudierai dans ce mémoire les fonctions chromogènes du nouveau microbe. Cette étude, poursuivie dans les différents milieux, en parallèle avec les réactions du bacille pyocyanique anciennement connu et avec les réactions des réactifs diastasique et chimique dans ces milieux, doit contribuer à valider les titres de la variété nouvelle, à marquer la place qui lui peut être assignée à côté des autres réactifs de la tyrosine, enfin à vérifier l’assimilation que j'ai faite de l’action chromogène du microbe avec celle de la tyrosinase. MILIEUX DE CULTURE Milieux salins. — Faisons d’abord la preuve que la présence de la tyrosine est la condition nécessaire de la production du nouveau pigment. Pour cela prenons un milieu de composition connue : ce sera le mélange salin qui m'a déjà servi pour l’étude des fonctions chromogènes des microbes, où le taux du succinate d’ammoniaque sera seulement réduit de 10 à 1 gramme, pour les raisons qu’on trouvera plus loin : SUCCINaALE AT EMMONAMIE PEER EET RS CE CRC CTET AE 4 Phosphate bibasique de soude ou de potasse...,.,.,,....... D) SulatetemMarNESleN rennes creer ne er CEE 2,50 Chlorure detcalciumeenstallisé eee Me ET 4,95 Faurdistilées Me EE RE TRE nus to etes ee ee ie 1,000 c. c. La série des expériences dans ce milieu, en vue de la démonstration que nous cherchons, va faire apparaître, comme en un résumé, les influences respectives et réciproques du microbe et du milieu, telles qu’elles entrent en jeu dans tout m phénomène microbien. Par exemple, pour la composition ci-dessus, le bacille pyo- cyanique ordinaire donne bien ses deux pigments, le bleu de la pyocyanine et le vert fluorescent, auxquels succède la couleur habituelle du vieillissement, la teinte feuille morte, Le nouveau germe ne se comporte pas autrement. Sa fonction spéciale n’a pas d'application en l’absence de l’élément approprié. VARIÉTÉ MÉLANOGÈNE DU BACILLE PYOCYANIQUE. 819 Mais ajoutons à notre mélange 0,5 pour 1,000 de tyrosine. Ce mème germe va y donner naissance à une belle coloration rose qui passe au rouge acajou, reproduisant ainsi la succession de couleurs que donne la tyrosinase dans une solution de tyro- sine, Avec le bacille ordinaire, au contraire, il n’y a pas de changement : la culture a le mème aspect que dans le mélange dépourvu de tyrosine. Cet élément est comme s’il n’existait pas, en dehors de l'aptitude spéciale du microbe à le mettre en œuvre. La production du pigment rouge, qui résulte de la coexis- tence de la tyrosine et du microbe spécialement doué, dépend encore d'un certain rapport entre les éléments constituants du milieu. Elle est compromise si ce rapport est troublé. Par exemple, si nous portons à 2 grammes la proportion de sucei- nate d’ammoniaque, & fortiori si nous la relevons au chiffre ancien de 10 grammes par litre, nous voyons que le microbe ne donne plus le pigment rouge de la tyrosine : l'aspect est celui d'une culture en milieu dépourvu de tyrosine, et montre sim- plement les pigments ordinaires du bacille pyocyanique. Toute- fois le vieillissement imprime, aux cultures faites dans ces der- nières conditions de milieu, des modifications sur lesquelles nous aurons à revenir. Enfin, avec les conditions requises de composition élémen- taire du milieu et d'aptitude fonctionnelle du microbe, il faut encore tenir compte du degré d'énergie du germe, on dirait de sa virulence, avec une autre unité de mesure qu’une apparition de pigments. Tel germe révèle sa spécificité et produit le pigment rouge dans le mélange à 0,5 de tyrosine et 1 gramme de sucei- nate d’ammoniaque pour 1,000, ainsi que nous l’avons vu. Tel autre, toutes choses égales d’ailleurs, ne peut faire prédominer le rouge que si la proportion de succinate d’ammoniaque est abaissée à 0,75. Un troisième, dégénéré entre mes mains, comme c'est fréquemment le cas dans les vicissitudes du laboratoire, se supporte que 0,25 de succinate d’ammoniaque. Au delà de ces limites respectives, ces différents germes ne produisent que les pigments pyocyaniques ordinaires. Il y a donc, pour influencer la production du nouveau pigment et des pigments pyocyaniques ordinaires, comme un balancement entre la tyrosine et le succi- nate d'ammoniaque, et la détermination en faveur de lun ou de 820 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. l’autre pigment réside dans un rapport de proportions entre les deux éléments, variable avec la vigueur du germe. J’ai montré autrefois qu'il en était de même pour l’élément azoté et l’élément phosphaté, au regard des fonctions pyocyanogène et fluoresci- sène du bacille pyocyanique ordinaire. Dans les conditions de milieu les plus favorables à la produc- tion du pigment rouge, les pigments pyocyaniques ordinaires peuvent encore apparaitre, d’une manière éphémère, à vrai dire, tout au début de la culture. On les exclut à coup sûr en suppri- marnt le succinate d’ammoniaque. Le microbe peut se cultiver en série dans le milieu salin, réduit ainsi à la tyrosine comme aliment azoté ethydrocarboné. La coloration rose ne se fonce pas beaucoup dans ce cas. Enfin, dans une simple solution de tyrosine à 0,5 0/00, on peut encore entretenir des cultures en série, assez pauvres, à la vérité : le liquide rosit lentement, reste limpide et d’un rose faible. C’est la reproduction expérimentale des cas, qui ne sont pas rares, où la solution de tyrosine se colore spontanément, par ensemencement accidentel de quelque germe propre à cet effet, comme 1l en existe certainement en dehors de notre bacille. Dans le milieu salin, qui contient seulement de la tyrosine ou, avec la tyrosine, du succinate d’ammoniaque sous la dose où le pigment rouge apparaît seul, la couleur des cultures se maintient au rouge acajou. D'autre part, dans l’action de la tyrosinase sur la tyrosine, ce même rouge acajou est, comme on sait !, la seule couleur imputable au ferment lui-même, et la seule qu'on obtienne quand on emploie la solution glycérinée de tyrosinase sous la moindre dose. La couleur noire et le préeci- pité noir, qui succèdent au rouge dans les expériences avec la tyrosinase, sont dus, rappelons-le, aux sels, que fournit en quantité suffisante la solution diastasique, quand elle est employée à forte dose, ou qu'on ajoute, pour les doses faibles, dans la solution de tyrosine. Cette adjonction de sels est bien réalisée dans notre milieu salin : aussi, même avec la plus faible dose de solution diastasique, on y voit succéder au rouge la couleur noire, puis le précipité noir avec décoloration de la liqueur. Quand la couleur rouge, dans ce même milieu, est due au 4. Ce Volume, p. 594. VARIÉTÉ MÉLANOGÈNE DU BACILLE PYOCYANIQUE. 891 microbe, on n'observe plus pareilschangements,nispontanément, ni même par addition après coup d’un excès d’un sel alcalino- terreux, secondée même de l’action de la chaleur, toutes condi- tions propres, comme nous savons, à favoriser le passage au noir !, En sorte que l'aspect des cultures dans ce milieu salin justifie mal le nom de mélanogène que je propose pour la nouvelle variété de bacille. Comment expliquer cette divergence, si l’en- semble de nos expériences nous permet d'identifier complète- ment par ailleurs les pigments d'origines diastasique et micro- bienne? Il faut vraisemblablement l'attribuer à quelqu'une de ces actions empêchantes *, comme celles qu’exercent Îles matières organiques sur un si grand nombre de réactions chimiques, et qui pourrait dépendre ici de quelque produit de la vie microbienne. Revenons maintenant au milieu salin qui contient tyrosine et suceinate d’ammoniaque, et où le microbe n’a produit que les pigments bleu et vert, comme un bacille pyocyanique ordinaire. Cette ressemblance ne s'étend pas à toute la durée de la cul- ture, car, en vieillissant, la culture prend une teinte rougeûtre et aboutit, en dernière analyse, non plus à la teinte feuille morte accoutumée dont le ton dominant est l’orangé, mais à une teinte brun foncé, qu’on ne peut mieux comparer qu’à la couleur de l’infusion de café, et que n’atteint jamais le milieu salin qui ne contient que de la tyrosine sans succinate d’ammo- niaque. Le rouge acajou, dans ce dernier cas, le brun café dans les autres cas où le rouge manque ou n’est qu'éphémère, dénoncent donc latyrosine dans les milieux salins, de façon plus ou moins rapide, mais également sûre. 4. J'ai retenu cette différence d'effet de l’alcalino-terreux pour distinguer le pigment rouge d’origine diastasique du pigment rouge d'origine microbienne (ce Vol. p. 603.) L’ébullition simple peut servir aussi, mais pour le rose du début seuleinent : le rose dû à la diastase se décolore ; le rose dû au microbe résiste a cette épreuve. Mais, même avec la diastase, cette décoloration par la chaleur n’est plus complète, quand le pigment s’est foncé et oxydé à Pair. 2. Action empêchante de l'albumine de l'œuf de poule. — Si l'on fait des dilu- tions albumineuses de tyrosinase au 1/2, au 1/3, au 1/4, etc. (en mélant 1 goutte de solution glycérinée de diastase avec 1, 2, 3 gouttes, etc., d’albumine d'œuf), qu’on introduise 1 goutte de chaque dilution dans 2 c. c. de solution de tyrosine, et qu'après formation du pigment on ajoute un excès de chlorure de calcium, on obtient le précipité avec décoloration de la liqueur pour 1/2, des précipités partiels qui laissent la liqueur colorée pour 1/3 et 1/4. Pour les dilu- tions plus étendues, la précipitation ne se fait plus, au lieu qu'elle est toujours possible, quand on s’est servi d'eau pour les mêmes dilutions. 822 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. La tyrosine fait partie de beaucoup de produits naturels. Voyons comment le microbe sait la reconnaître dans les milieux de culture que fournissent ces produits. Pomme de terre. — La tyrosine révèle déjà sa présence dans la pomme de terre par le noircissement du suc sous l'influence du ferment oxydant qui s’y trouve également contenu, Il va de soi que ce ferment est détruit par la cuisson et qu'il ne s’agit que de l’action du microbe dans les effets que nous pourrons constater. Le milieu est, comme on sait, très favorable aux fonctions chromogènes des microbes en général, à celles du bacille pyocyanique en particulier, que la pomme de terre soit sèche ou qu’elle baigne en partie dans du bouillon peptoné glycériné, selon la formule qui sert à la culture du bacille tuber- culeux. Dans ce dernier cas, le bacille pyocyanique offre le plus souvent un beau vert bleu velouté, à la partie supérieure de la pomme de terre, où l’air afflue, harmonieusement fondu par dégradation insensible avec le jaune de la pyocyanine réduite des parties inférieures moins aérées. C’est aussi l'aspect que présente d’abord la culture du bacille mélanogène. Puis, pen à peu, le noir se substitue à ces brillantes couleurs, envahit à leur suite toute la pomme de terre, et lui donne l'apparence d'un bloc de cirage, suivant l'expression imagée de M. Radais. Sur la pomme de terre sèche, c'est d'emblée une teinte rouge marron d'aspect luisant, qui rappelle une culture de morve. Elle passe plus ou moins rapidement au noir brillant. OŒuf. — Étudions séparément le jaune et le blanc. La tyrosinase révèle dans le jaune la présence de la tyrosine sous l’état où elle peut la déceler, c’est-à-dire dégagée de la molécule albuminoïde. En effet, si l’on mélange la solution gly- cérinée diastasique avec le jaune d'œuf, on voit la partie super- ficielle se colorer en noir après quelques heures. La viscosité limite l'accès de l'air, partant l'extension de la coloration en profondeur. Mais il suffit de ramener les parties inférieures à la surface, pour les voir noircir à leur tour au contact de l’air. J'ai mis un soin particulier à vérifier cette présence de la tyrosine dans le jaune d'œuf, parce que, à ma connaissance, elle n’y a pas été signalée jusqu'ici. J'ai obtenu sa réaction diastasique dans le jaune d’un œuf tout récemment pondu. D'autre part, j'ai fait trois décoctions successives, de même durée, du même VARIÉTÉ MÉLANOGÈNE DU BACILLE PYOCYANIQUE. 823 jaune dans la même quantité d’eau : la quantité de tyrosine s’est trouvée fort réduite dès le second produit de décoction. La tyrosine préexiste donc bien dans le jaune d'œuf frais, Le bacille pyocyanique ordinaire donne, dans le jaune d’œuf, cette couleur rouge brun qu'a signalée autrefois M. Robrer t, La variété mélanogène y produit rapidement une couleur noire. Il faut seulement avoir soin d'ajouter de petites quantités d’eau distillée stérilisée, au début ou au cours de la culture, pour obvier à l'épaississement du milieu à la chaleur de l’étuve, en même temps qu'on renouvelle par agitation les surfaces exposées à l’air pour que toute la masse se colore. Le blanc d'œuf, au contraire, ne se colore pas par la tyro- sinase. J'ai prolongé l'observation, en me rappelant le long retard que j'avais vu apporter par l’albumine à la réaction de la tyrosinase sur la tyrosine. Je ne suis pas assuré encore que de la tyrosine n’y existe pas, qui se déroberait à ce moyen de recherche, à la faveur du grand excès de matière empêchante *. M. Gayon, dans ses Recherches sur les altérations spontanées des œufs *, admet, avec les auteurs, qu'il existe des traces de tyrosine dans le blanc d'œuf. Il décrit, en mème temps, une curieuse transformation de l’albumine de l’œuf, où, « sans déve- loppement corrélatif d'organismes », apparaît une notable quan- tité de tyrosine, dispersée dans la masse en amas de cristaux aiguillés. Ma méthode, mise en œuvre sur des œufs frais, ne m'a jamais rien montré de pareil. Il est tout au moins digne de remarque que le microbe non plus n’y révèle pas la présence de la tyrosine dans le blanc d'œuf. Le bacille mélanogène ne se comporte pas autrement que le bacille ordinaire, et ne donne nais- sance, dans le blanc d’œuf, qu’au pigment vert fluorescent, lequel aboutit à la teinte feuille morte. Toutefois on voit aussi, dans certains cas, survenir, après un temps prolongé, la teinte brun café que nous avons vue déjà, caractéristique de la tyrosine en milieu salin âgé. Contentons-nous, pour l'instant, d’enregis- trer cette particularité; elle se rattache à une série de faits que nous étudierons ensemble. La cuisson rend le milieu bien différent, aussi bien pour le 1. Centralblatt f. Bakteriologie, 1892, p. 333. 2. 0,005 de tyrosine, introduits sous le moindre volume d’eau dans 100 c. c. d’albumine, ont pourtant été bien révélés par le réactif diastasique. 3. Thèse de la Faculté des Sciences, Paris, 1875. 824 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. bacille mélanogène que pour le bacille ordinaire. Le blanc d'œuf coagulé est mieux approprié à la fonction pyocyanogène de ce dernier. De la pyocyanine y apparaît aussi avec le mélanogène ; du brun et du noir y succèdent, et finalement toute la masse blanche est convertie en beau noir. Cependant la tyrosinase n'indique encore que peu de tyrosine dans ce blanc coagulé, et, par contact prolongé, lui communique seulement une légère teinte chamois. Nous retrouverons, à propos des autres matières albuminoïdes, ce contraste entre les données de la dias- tase et les effets de l’action microbienne, et nous aurons à en chercher l'explication. Quoi qu'il en soit, il résulte de cette propriété du microbe qu'un œuf dur, ensemencé à travers la coquille et dans le jaune avec un germe mélanogène, se transforme tout entier, au bout d'un certain temps, en une masse noire d'aspect de putrilage. Cetie transformation s'accompagne d’une odeur valérianique prononcée, qui caractérise fréquemment les cultures mélano- gènes dans les milieux albuminoïdes. Lait. — Le lait fournit un bon aliment aux fonctions chromo- gènes du bacille pyocyanique, généralement après que celui-ci l’a transformé par la présure et la caséase qu’il sécrète, Mais cet ordre de succession des phénomènes n’a rien d’absolu, et la température, l’aération, la forme du vase d’où dépend l’accès de l'air, favorisent plus ou moins l’un ou l’autre phénomène, ou les font coexister. Le bacille mélanogène fait du lait un liquide noir d'encre, après qu’il y a déterminé les transformations et les colorations habituelles, Cependant la tyrosinase ne commu- nique au jait qu'une légère teinte rose, laquelle n’implique que peu de tyrosine. Nous retrouvons ici le contraste entre les réac- tions diastasique et microbienne, que le blanc d'œuf nous a déjà montrées, et dontle milieu suivant va nous offrir encore un plus frappant exemple. Peptones. — Les peptones sont les produits de transformation des albuminoïdes par lune des diastases protéolytiques, pepsine ou trypsine, qui en font de la peptone pepsique ou pancréatique. Le réactif de Millon ne distingue pas entre les deux produits : il les colore en rose tous deux, comme les albuminoïdes dont ils sont dérivés. Il n’en est pas de même dela tyrosiaase, que M. Harlay ! 1. Thèse de doctorat de l'École supérieure de Pharmacie de Paris, 1900. VARIÉTÉ MÉLANOGÈNE DU BACILLE PYOCYANIQUE. 823 a pu proposer pour reconnaitre la nature d'une peptone. En l’appliquant comme réactif à cette recherche, il a confirmé et mis à profit le fait que l’action de la pepsine ne sépare pas la tyrosine engagée dans la molécule albuminoïde, tandis que la trypsine, réalisant une dislocation plus complète de cette molécule, libère la tyrosine et la met, par conséquent, dans la peptone pancréatique, sous l’état où la tyrosinase peut agir sur elle. Aussi la tyrosinase donne-t-elle les colorations rouge et noire dans la peptone pancréatique, au lieu que, dans la peptone pepsique, c’est une couleur rouge qui passe au vert olive, au bout de quelques heures. Comment le microbe va-t-il se comporter dans l’un et l’autre milieu? Comme nous l'avons constaté plusieurs fois déjà, au début les cultures des deux bacilles pyocyaniques ne diffèrent pas. Mais, en vieillissant, les cultures du bacille ordinaire prennent les teintes habituelles, feuille morte ou rougeätre, sui- vant qu'y a prédominé le pigment vert ou le bleu. Dans les cul- tures mélanogènes des deux peptones, une teinte brune apparaît bientôt sous ces pigments vert ou bleu en débutant par la sur- face, s'y substitue en gagnant en profondeur, se fonce toujours, plus, et finalement tout le liquide est brun noir. Ainsi, le microbe, comme le réactif de Millon, confond les deux peptones dans une réaction commune et, à l'inverse de la tyrosinase, ne tient pas compte de l’état sous lequel la tyrosine y préexiste. Mais, avant d'approfondir ce phénomène, achevons l'étude des milieux par la gélatine et le bouillon, sur lesquels nous pourrons moins nous appesantir. Gélatine. — J'ai vu autrefois que, sans addition d'autre ali- ment, la gélatine! peut servir au développement du bacille, sinon à l'élaboration des pigments pyocyaniques. Elle ne con- tient de tyrosine sous aucun état, comme le montre l’absence de coloration par le réactif de Millon. Le microbe n’v donne pas non plus du pigment correspondant. On ne peut y étudier que le poavoir liquéfiant : l'étude comparative des deux bacilles pyocya- piques attribue la supériorité au microbe de Cassin. Bouillon. — J'insisterai, comme j'ai fait déjà, sur l'avantage qu'il y a, pour l’analyse des fonctions microbiennes, à ne com- 1. Solution de gélatine à 100 0/00, clarifiée avec un blanc d’œuf, soit 30 grammes, qui peut bien apporter quelque élément nutritif dans le mélange. 826 ‘ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. prendre et à n’employer sous ce nom que le simple produit de la décoction de la viande ‘, sans aucune autre addition. Notre nou- velle variété de bacille va témoigner encore, par la distinction qu'elle fait entre le bouillon et la peptone, de l'intérêt qu'il y a à ne pas mélanger l’un et l’autre, comme font beaucoup de for- mules de milieux de cultures. Il n’y a que des traces de tyrosine dans le bouillon de veau, comme l'indique un faible rose par le réactif de Millon, à peine une teinte ambrée par la tyrosinase. Le bacille mélanogène ne décèle pas ces faibles traces : sa culture en bouillon n’est diffé- rente, à aucun moment, de celle du bacille pyocyanique ordi- naire. Sa ressemblance avec ce dernier se complète par la pos- sibilité de constituer, au regard du bouillon, des races qui y produisent une de la fluorescence verte seulement, une autre seulement de la pyocyanine, une troisième enfin qui n’y produit pas de pigment; toutes races qui, reportées en peptone, y mani- festent uniformément la fonction pyocyanogène, caractéristique de l’espèce, puis la fonction mélanogène, caractéristique de la variété. J’ai cherché, par la méthode des cultures en plaque, des représentants de ces différentes races dans les cultures du mélanogène type, c'est-à-dire, qui produit à la fois les pigments vert et bleu dans le bouillon. Ces cultures, en effet, ne sont pas plus homogènes, c’est-à-dire composées de cellules toutes douées d’aptitudes égales, que ne le sont les cultures microbiennes en général : elles m'ont fourni, juxtaposés au type complet, les différents types de dégradation qui correspondent à la perte d’une ou des deux fonctions pigmentaires. IT DISCUSSION DES RÉSULTATS De l’ensemble des faits qui précèdent on conclura : La tyrosine est nécessaire à la production du nouveau pigment du bacille pyocyanique. Ce pigment est identique à celui que donne la tyrosine sous l'influence de la tyrosinase des champignons. 1. Décoction d’une demi-heure, de viande de veau, pour obtenir 2 parties de ouillon, qu'on neutralise simplement. VARIÉTÉ MÉLANOGÈNE DU BACILLE PYOCYANIQUE. 827 Il y a, dès lors, de grandes présomptions pour que l'agent de cette transformation de la tyrosine par le microbe soit cette même tyrosinase, On admet volontiers aujourd’hui que mainte action micro- bienne s'exerce par l'intermédiaire d’une diastase sécrétée par le microbe. Il s’en faut pourtant que, dans tous les cas où cette conclusion est admise, on ait relevé des analogies aussi étroites que dans le cas qui nous occupe, entre l’action du microbe et l’action d’une diastase bien connue d’autre part, Identité de la substance passive, identité de la transformation qu'elle subit; la conclusion logique semble bien : identité de l'agent de cette transformation. Certes la preuve sans réplique manque : je n’ai pu déceler la tyrosinase ni dans les cultures ni dans l’eau de lavage des corps microbiens. IL faudrait peut-être déchirer les cellules comme Buchner l’a fait pour trouver sa zymase, mais un bacille se prête moins à cette opération qu'un globule de levure, et je n'ai pas poussé plus loin cette recherche. Considérons encore, en faveur de l’existence de la tyrosinase microbienne, combien la tyrosinase est répandue dans la nature, partie mtégrante de tant de végétaux divers : betterave, dahlia, pomme de terre, nombreuses espèces de champignons, etc. Nous accepterons alors sans peine que, semblable en cela à plusieurs autres diastases, elle puisse tout à la fois être un produit d'êtres d'organisation complexe, et figurer dans les sécrétions des êtres les moins différenciés morphologiquement, les organismes monocellulaires, De ce point de vue on serait piutôt fondé, pour le dire en passant, à s’étonner que la tyrosi- nase ne se rencontrât pas aussi, quelque jour, dans l’économie animale, où elle n’a pas été signalée jusqu'ici. ae Tenons donc pour démontré que la tyrosinase existe dans le microbe et qu’elle lui sert à élaborer le pigment rouge aux dépens de la tyrosine. Il reste à comprendre que, dans certains milieux où la tyrosinase des champignons ne nous a révélé que de faibles quantités de tyrosine, le microbe, avec sa diastase identique, ait produit une quantité de pigment qui correspond à une quantité de tyrosine bien pius grande. Tel est le phéno- 828 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. mène contradictoire que nous ont offert, on s’en souvient, les expériences sur les milieux albuminoïdes : blanc d’œuf, lait, peptone pepsique. Rappelons que, pour cette dernière, nous avons dû conclure même à l’absence totale de tyrosine libre, d’après l'essai préliminaire avec le réactif des champignons, et que la culture n’y a pas moins donné lieu à l'apparition du pigment spécial. Nous ne nous résoudrons pourtant pas encore à abandonner la conclusion, qui découle par ailleurs d’'expé- riences si décisives, que la tyrosine est indispensable à la pro- duction de ce pigment. Car la réaction positive avec le réactif de Millon subsiste, pour nous assurer que toute trace de tyro- sine n'est pas absente de ces milieux. Mais encore une fois, c’est dans l’état où elle est méconnaissable pour la tyrosinase, Nous sommes done amené à conclure que le microbe, pour faire son pigment identique à celui que donne la tyrosinase des champignons avec la tyrosine en nature, possède le pouvoir de réaliser préalablement cette dernière, à Paide de ses éléments en- gagés dansla molécule albuminoïde.Lesagents chimiques (alcalis, acides), capables d’une pareille transformation, nous enseignent qu’elle résulte simplement d’une fixation d’eau. L’équivalent biologique des agents chimiques doit être cherché où l’on sait le trouver d'ordinaire, c’est-à-dire parmi les diastases. Entre les diastases hydratantes connues, la trypsine fait subir cette même transformation à la molécule albuminoïde, au point d'ac- cumuler, comme nous avons vu, la tyrosine dans le produit de la digestion pancréatique. Nous devons donc admettre l’exis- tence de la trypsine dans le bacille pyocyanique de la nouvelle variété. Aussi bien, d’autres microbes ont déjà présenté ce fer- ment, Pouvons-nous constater dans les cultures, sinon le fer- ment lui-même, du moins son produit, la tyrosine, et cela, d’une façon plus immédiate que par le pigment qui en dérive sous action du microbe? Le lait seul permet cette recherche à l’aide de notre réactif habituel, care lait, comme nous l'avons vu, ne se colore que faiblement par la diastase des champignons. Un essai comparatif du lait normal et du lait où le microbe cultive depuis quelque temps, mais n’a pas encore manifesté sa fonc- tion mélanogène, m'a bien donné, en effet, une coloration plus foncée dans le produit de culture. Mais j'ai lieu de croire que la trypsine ne diffuse pas dans le liquide de culture, et que la pro- VARIÉTÉ MÉLANOGÈNE DU BACILLE PYOCYANIQUE. 829 duction, comme la transformation de la tyrosine, reste un phé- nomène intracellulaire. RARE: FF # Je dois maintenant prévenir la confusion de deux phénomè- nes distincts, qui pourrait résulter de la synonymie dans la désignation des couleurs qu'ils font apparaître, synonymie due elle-même à la pauvreté du vocabulaire dont nous disposons pour désigner les nuances. Ainsi, j'ai décrit autrefois une teinte rouge brun dans les vieilles cultures de bacille pyocyanique en peptone et en gélatine glucosée, et je l'ai attribuée au vieaillisse- ment d’un troisième pigment différent du vert florescent et de la pyocyanine. J'ai reproduit ce phénomène en parallèle avec le phénomène nouveau. La preuve que le rouge brun qui s’y montre n’a rien de commun avec la coloration analogue de la nouvelle variété pyocyanique, c’est qu'il est produit par Île bacille pyocyanique ordinaire, incapable de transformer ainsi la tyrosine, et que, d'autre part, son milieu de prédilection est la gélatine où, faute de tyrosine, le bacille mélanogène lui- même ne produit pas son pigment spécial. Ainsi la distinction est bien établie entre les deux bacilles pyocyaniques, l’ancien et le nouveau. Si l’on admet que le microbe doué de la plus grande complexité fontionnelle doit ètre pris pour le type normal de l’espèce, le nouveau bacille peut à bon droit revendiquer ce titre sur l'ancien. Celui-ci, sous ce point de vue, représenterait un descendant dégénéré du pre- mier. Dans cette interprétation, remarquons à quel point il aurait perdu toute trace de cette fonction mélanogène, qui carac- térise le type dont il serait descendu. Mais on peut aussi penser qu'un germe du type pyocya- nique le plus anciennement connu s’est trouvé dans des condi- tions particulièrement favorables à l'acquisition de la fonction nouvelle. Telles seraient les circonstances pathologiques! où le nouveau bacille s’est rencontré et où a pu s'exercer la faculté bien connue de l'organisme vivant de créer ou d’exalter les apti- 1. Raoaïs, loco citato ; Caarrix, Comptes rendus de la Soc. de Biologie, 1897, p. 810. 830 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. titudes microbiennes. Cette vue se concilie mieux surtout avec la rareté du nouveau germe !, comparée à la fréquence et à l’ubiquité de l’ancien. IT CONCLUSIONS Résumons les faits contenus dans ce travail. Un germe pyo- cyanique nous a montré une fonction chromogène nouvelle. Nous avons vu que le nouveau pigment dépendait de la pré- sence de la tyrosine dans les milieux de culture. Son identité avec le pigment que donne la tyrosine sous l'influence de la tyrosinase nous a fait admettre l’existence de cette tyrosinase dans le microbe. Le microbe emploie une autre diastase, la tryp- sine, pour amener la tyrosine des matières albuminoïdes sous l’état où sa tyrosinase peut agir sur elle. Ainsi, le microbe atteint la tyrosine aussi bien combinée que libre, et par là est compa- rable au réactif de Millon. Peut-être même l’analogie se pour- suit-elle dans le détail et peut-on concevoir, dans l’action du réactif de Millon lui-même, deux phases, l’une hydratante, qui dégage la tyrosine des matières albuminoïdes, l’autre oxydante, qui la rougit ; ce ne serait pas en contradiction, au moins, avec ce qu'on sait de la décomposition des matières albuminoïdes en milieu acide comme celui qu'offre le réactif azoto-mercurique, non plus qu'avec les conditions de temps et de température qu'on sait nécessaires pour que la coloration apparaisse avec ce réactif. Nous pouvons dire encore : étant donnée une fonction d’un être vivant, dont on ne connaissait, avec son origine cellu- laire et son aboutissant, que les produits complexes qui lali- mentent, l’étude expérimentale a révélé, dans ces produits, le principe chimique unique auquel la fonction s'adapte; dans 1. Rareté qui peut être due aussi à ce que l'attention n'avait pas été appelée sur cette variété et qu'on n'était pas préparé à la reconnaitre. M. Radais fut un long temps avant d'y constater le caractère spécifique, la production de pyo- cyanine. Cependant M. G. Thiry dit récemment avoir observé un germe de cette variété provenant d’une eau. (Bacille polychrome et Actinomyces mordoré, Paris, 1900, p. 76.) VARIÉTÉ MÉLANOGÈNE DU BACILLE PYOCYANIQUE. 831 l'être vivant, l'agent chimique par lequel elle s'exerce. Dans l’état actuel de la science, nous devons en demander autant pour les diverses fonctions. Peut-on entrevoir que les autres fonctions chromogènes du bacille pyocyanique seront ramenées à des ter- mes aussi simples et, en particulier, rattachées à des actions diastasiques ? Certains faits, sur lesquels ce n’est pas le lieu d’insister, me donnent à penser que de telles actions pourraient bien aussi entrer en jeu dans la production de ses autres pig- ments. En tout cas, la possilibité de l’association et de la coopé- ration de diverses diastases, comme cette étude nous en a fourni un exemple, jointe à la notion récente ! que des diastases peu- vent faire aussi œuvre de synthèse, aide à concevoir que des actions diastasiques pourraient intervenir dans l'élaboration de produits aussi différenciés, même à partir des éléments chimi- ques les plus simples, comme ceux du milieu salin où nous voyons le bacille pyocyanique élaborer ses pigments habituels. 4. Hrzz, 1898. RECHERCHES SUR L’ANTISPERMOTOXINE Par W. WEICHARDT (Travail du laboratoire de M. Metchnikoff.) Les théories de MM. Bordet et Ebrlich-Morgenroth sur la nature et les lieux de production des différents poisons cellu- laires ont inauguré une ère de recherches très fécondes en pro- messes pour l’avenir. A la nouvelle orientation résultant de ces importantes recherches, nous devons, entre autres, la découverte du diagnostic médico-légal du sang humain et, dans la sérothérapie, un grand nombre de voies nouvelles. Dans son important travail sur les cytotoxines , M. le profes- seur Metchnikoff conclut ainsi : « MM. Roux. Borrel, Lesné et Widal ont démontré dans leurs travaux, exécutés avec une si parfaite technique, que le sang des urémiques et des éclamptiques n’est point, d’une manière spé- cifique, toxique pour les animaux, même si on le met en rap- port avec les éléments nerveux. Il est évident qu'il y a dans ces maladies des poisons pour lesquels les cellules de individu même, ou des individus de la même espèce, ont des groupes haptophores. IL s’agit, suivant la nomenclature de M. Ehrich, d’une production d’autotoxine ou d’isotoxine. » M. Metchnikoff propose d'introduire les antitoxines spéci- fiques dans l'organisme de l’homme afin d'arriver à exercer une influence sur ses autotoxines. Naturellement, il est nécessaire pour cela de produire chez une autre espèce animale des sérums antitoxiques, en leur injec- tant du sérum toxique. Ces recherches pourront être couronnées de succès si l’on parvient à acquérir une connaissance spéciale des parties com- posantes des sérums de divers animaux et de leurs rapports réciproques. La spermotoxine, découverte par MM. Landsteiner* et 1. Revue générale des Sciences, 1901, 15 janvier. 2. Centralbl.f. Bakter, 1899. RECHERCHES SUR L’ANTISPERMOTOXINE. 833 Metchnikoff!, se prête à celte étude, parce que les spermato- zoïdes extraits récemment d’un testicule, avec leur flagelle très mobile, permettent de constater facilement les influences des diflérentes toxines que l’on fait agir sur eux. Dans nos recherches, nous avons produit d’abord chez des cobayes un sérum toxique pour les spermatozoïdes de lapin. Suivant la méthode inaugurée par le professeur Metchnikof?, les testicules, soigneusement débarrassés des traces de sang, sont coupés en petits morceaux, pilés dans un mortier avec une petite quantité d’eau physiologique, puis passés à travers un tamis métallique. On injecte l’émulsion ainsi obtenue à des cobayes. Alin d'opérer toujours avec un sérum spermotoxique d’une force déterminée, nous avons cherché à régler les injections de spermatozoïdes à nos cobayes, de façon à avoir, à la fin de l'im- munisation, un sérum pouvant immobiliser complètement, dans l’espace de trois minutes, les spermatozoïdes récemment extraits des testicules d’un lapin neuf. Chez quelques cobayes, le sérum acquiert vite, après l’injec- tion de doses relativement faibles, ce degré prononcé de toxi- cité. Les autres mettent plus detemps pour fabriquer de la spermo- toxine de cette force; mais chez quelques individus, nous ne sommes jamais parvenu, malgré des injections répétées de fortes doses d’émulsion testiculaire de lapin, à produire une spermotoxine aussi active. Ces cobayes furent éliminés de nos expériences. Nous savons, par les travaux des auteurs précédemment cités, qu'un sérum doit sa puissance toxique pour une espèce de cellules à deux substances : 1° Au complément (cytase) facile à détruire ; 20 A la substance intermédiaire, suivant la nomenclature de M. Ehrlhich, sensibilisatrice selon M. Bordet. En chauffant à 56°, on détruit le complément: il reste la substance intermédiaire, qui, seule, ne peut pas produire un effet toxique. Il s’agissait de déterminer en premier lieu si, pour la subs- tance intermédiaire de la spermotoxine produite chez les cobayes à la suite des injections mentionnées plus haut, le sérum 4, Annales de l'Institut Pasteur, 1900, n° 6. 834 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. des autres animaux peut fournir des compléments réactivants. Voici comment je procédais : je chauffais le sérum sper- motoxique pendant une heure à 56°, et j'ajoutais ensuite du sérum frais de l’animal que j’examinais. Le sérum spermotoxique, chauffé, inactif, du cobaye, et le sérum complémentaire d'animal neuf étaient mélangés dans les proportions de 1/15 jusqu'à 1/20, Metchnikoff! ayant trouvé que la substance intermédiaire et le complément agissent au maximum dans ces proportions. J'ai examiné le sérum de 8 cobayes neufs, de différentes tailles et de différents sexes : tous ces sérums se sont montrés capables de réactiver la spermotoxine chauffée, car si on faisait le mélange à la façon décrite plus haut, les spermatozoïdes étaient immobilisés exactement au bout du même temps qu'ils l’étaient par du sérum spermotoxique actif, témoin. Mais l'espoir de trouver, chez tous les individus de Ia même espèce, des compléments qui réactiveraient toujours de la même manière les corps intermédiaires de la spermotoxine ne devait pas se justifier. Ainsi, sur onze lapins que j'ai examinés, chez cinq seulement le sérum se montra capable de réactiver ma spermotoxine chauffée aussi bien que le faisait le sérum de cobaye neuf. Quant aux six autres lapins, leur sérum possédait un pouvoir complémen- taire (cytasique) très peu prononcé; ainsi, dans quatre cas l’im- mobilisation des spermatozoïdes ne survint qu'au bout de 1 à 2 heures; dans deux autres cas, les spermatozoïdes manifestèrent encore après vingt heures une mobilité aussi accentuée que dans le sérum de lapin seul. Naturellement, sur ces préparations, déjà vieilles de vingt heures, les mouvements des flagelles étaient beaucoup plus lents et les spermatozoïdes étaient agglutinés. Les sérums d’oie, de cheval et d'homme contiennent des compléments qui réactivent la spermotoxine chauffée en trois à cinq minutes. Au contraire, le sérum de trois souris que j'ai examinées ne manileslait point d'action alexique avec la substance intermé- diaire de la spermotoxine. Les sérums neufs des animaux nientionnés, ajoutés seuls 1. Annales de l'Inst. Pasteur, 1900, n°9. RECHERCHES SUR L’ANTISPERMOTOXINE. 839 à des spermatozoïdes, montraient une très faible action toxique, perceptible seulement après plusieurs heures. Unespermotoxine naturelle assez forte a pu être constatée dans le sang de deux rats. Ici les spermatozoïdes étaient déjà com- plètement immobilisés après 20 minutes de séjour dans du sérum seul. Le sang de pigeon s’est comporté dans 2 cas comme le sang des rats. Une action encore plus toxique sur les spermatozoïdes appartient au sérum de chien. Dans ce sérum, après quinze minutes, on ne peut plus constater la moindre mobilité. Quand on fait un mélange d’un de ces trois sérums neufs avec du sérum epermotoxique chauffé, dans la proportion de 20/1, on n’aperçoit aucune action. Et cependant ces sérums par eux-mêmes étaient très toxiques, car ils immobilisaient les spermatozoïdes, comme nous l'avons déjà dit, en 15 à 20 minutes. Mais si le sérum neuf était ajouté en quantité suffisante à la spermotoxine, l'immobilisation des spermatozoïdes survenait en un temps extrêmement court. La toxicité naturelle des sérums neufs vis-à-vis des sper- matozoïdes n'était du reste pas constante. Par exemple, le sérum d'un troisième rat, comparé à celui des deux rats précédemment examinés, présenta une action toxique très faible vis-à-vis des spermatozoïdes. Le sérum d’un cheval montrait bien la même action alexique que le sérum de l’animal déjà examiné, mais le second différait du premier en ce sens qu’il possédait une action toxi- que vis-à-vis des spermatozoïdes, qu'il immobilisait complète- ment en une heure, J’ai trouvé aussi dans deux cas, chez le même individu, un pouvoir toxique variable. Par exemple, dans un cas, les sper- matozoïdes, mis dans du sérum d’oie, étaient encore mobiles après vingt heures; or, le sérum du même animal, qui n'avait pas été traité, immobilisait un mois après les spermatozoïdes en dix minutes. Dans le second cas, le sérum d’un homme réactivait la substance intermédiaire de ma spermotoxine avec une intensité remarquable. Huit semaines plus tard, daus le sérum de [a même personne, on n'a plus pu constater la moindre action alexique. 836 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. IL SUBSTANCES ANTI-INTERMÉDIAIRES ET ANTICOMPLÉMENTS Si l’on injecte à un lapin du sérum d’un cobaye, dont le sérum est toxique pour les spermatozoïdes de lapin, on peut, comme l’a démontré M. Metchnikoff, produire chez ce lapin une antispermotoxine, même si celui-ci a été préalablement châtré. On pouvait se demander si cette antispermotoxine n’est pas autre chose qu'une anticytase, semblable à celle que l’on obtient par injection du sérum normal, ou bien s’il s’agit dans ce cas d'une véritable substance antisensibilisatrice ou anti-intermé- diaire. Pour résoudre cette question, j'ai injecté à des animaux de différentes espèces du sérum spermotoxique que j'ai déjà décrit. En même temps j'ai injecté à d’autres animaux, de même espèce, des doses égales de sérum de cobaye neuf. J'ai commencé par des souris ; leur sérum est naturellement très faiblement spermotoxique et il est complètement incapable de réactiver une spermotoxine chauffée. J’ai injecté à deux souris du sérum spermotoxique, à deux autres du sérum de cobaye normal. Chaque souris recevait à chaque injection 2 c. c. de sérum; les injections étaient pratiquées tous les cinq jours, et on en a fait quatre en tout. Pour abréger, je désignerai les souris injectées avec du sérum spermotoxique avec la lettre A, et les témoins avec la lettre B. 14 jours après la première injection, l’action antispermo- toxique des souris traitées était encore faible. Après le 21° jour, le pouvoir antispermotoxique était à son maximum. Le sérum recueilli à ce moment chez les animaux A et les ani- maux B fut mélangé avec une quantité égale de sérum toxique de cobaye, qui tuait les spermatozoïdes en 3 minutes. Une différence essentielle se manifesta déjà dès les premières minutes dans ces deux préparations. Dans le mélange du sérum A avec le sérum spermotoxique, les spermatozoïdes se montrent beaucoup plus mobiles que dans le mélange du sérum B avec RECHERCHES SUR L'ANTISPERMOTOXINE. 837 le sérum spermotoxique ; ce dernier tuait les spermatozoïdes des lapins en 3 minutes. Après une heure de séjour dans le mélange A, beaucoup de spermatozoïdes se montraient encore mobiles, alors que le nombre de spermatozoïdes mobiles était infiniment plus faible dans le mélange B. Après deux heures, tous les spermatozoïdes du mélange B étaient immobiles, tandis que dans le mélange A ils conservaient encore leur mobilité sur beaucoup de points. Il me fut impossible de produire une antispermotoxine plus forte chez ces souris. Ainsi, malgré une cinquième injection que je leur ai faite le 30° jour après la première injection, le sérum des souris À pouvait retarder de 15 minutes l’action d’un sérum spermotoxique agissant en 2 minutes, les 2 sérums élant mélangés à parties égales. Le sérum des souris B, mélangé avec une quantité égale du même sérum spermotoxique, immo- bilisait complètement les spermatozoïdes dans 10 minutes. Je voudrais aussi mentionner ce fait que l’antispermotoxine des souris A exerçait également une forte action sur la sper- motoxine contenue naturellement dans le sérum de chien. Dans le sang du chien seul, les spermatozoïdes étaient immo- bilisés complètement après une demi-heure, mais ils se mon- traient encore très mobiles après une demi-heure dans un mélange contenant parties égales de sérum des souris injectées avec de la spermotoxine et du sérum de chien. Chez des pigeons et des rats, je n’ai pas réussi à produire des antispermbtoxines aussi actives. J'ai fait à un pigeon et à un rat, dans l’espace de quinze jours, trois injections de 2 c. c. de sérum spermoloxique, puis à deux témoins — pigeon et rat — j'ai injecté autant de sérum de cobaye normal. Le sérum de ces quatre animaux manifestait à lui seul, au commencement de mes recherches, une assez forte action toxique sur les spermatozoïdes. Après 15 à 20 minutes, ceux-ci étaient déjà compiètement immobilisés, Le pigeon A, traité avec du sérum spermotoxique, donna après 14 jours un sérum qui, mélangé avec une quantité égale de sérum spermo- toxique, retardait l’action de ce dernier de 27 minutes. Le sérum spermotoxique de cobaye, que j’employais pour cette recherche, immobilisait les spermatozoïdes en 5 minutes, Le 838 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. sérum du pigeon qui me servait de témoin, qui a reçu la même quantité de sérum d’un cobaye normal, était seulement en état de retarder de 10 minutes l’action du même sérum toxique. Chez les rats, ]j ai cru constater un effet antitoxique, pouvant retarder de 2 minutes seulement l’action du sérum spermotoxi- que; mais je n'ai pu constater ce retard que pour le sérum du rat, auquel j'avais injecté du sérum spermotoxique. Le rat témoin,injecté avec du sérum de cobaye normal, ne paraissait pas exercer une action antitoxique. J'ai pu constater également ce fait curieux, que, à la suite des injections faites aux rats et aux pigeons, leur sérum, employé seul, diminua fortement de toxicité vis-à-vis des spermatozoïdes de lapin, 15 jours après, De même, les sérums qui, avant l'injection, pouvaient immo- biliser les spermatozoïdes complètement en 15 à 20 minutes, ne parvenaient au même résultat, après les injections, qu’au bout de 1 heure ou 1 heure et demie. - Mais les pigeons ont fait exception à cette règle, car dans le sérum du pigeon injecté avec de la spermotoxine, les sperma- tozoïdes restaient mobiles encore pendant un temps plus long que dans celui du pigeon injecté avec du sérum de cobaye. J'ai réussi à obtenir la plus forte antispermotoxine chez un lapin châtré qui avait reçu en 14% jours 3 injections, à raison de 5 ©. c. de sérum spermoloxique par injection. Un lapin témoin, également chätré, a reçu en même temps la même quantité de sérum d’un cobiye neuf, J’ai pris pour cette expérience 2 lapins dont le sérum était capable de réactiver complètement et rapidement la spermotoxine chauffée à 55°. Le mélange de sérum de lapin neuf avec de la spermotoxine chauffée, fait dans la proportion de 15/1, immobilise les sper- matozoïdes avec la même intensité et aussi rapidement que le sérum spermoloxique seul, non chauffé. J’ajouterai qu’on ne pouvait pas constater la moindre action spermotoxique dans les sérums seuls de ces deux lapins. Après le traitement, le lapin injecté avec du sérum spermo- toxique fournit une antispermotoxine qui annulait presque complètement les effets de la spermotoxine; car, si l’on mélan- geait le sérum de ce lapin avec la même quantité de sérum d’un RECIIERCHES SUR L’ANTISPERMOTOXINE. 839 cobaye, tuant les spermatozoïdes de lapin en 3 minutes, ceux-ci restaient encore, après # heures, mobiles, dans plusieurs parties de la préparation. Dans le sérum de l’animal témoin, qui n'était pas chauffé, on ne pouvait apercevoir aucune action autispermotoxique ; mais si l’on chauffait ce sérum témoin, les spermatozoïdes restaient une heure encore mobiles dans le mélange avec la même quantité de sérum toxique de cobaye. En même temps on pouvait reconnaître que les sérums des 2 lapins avaient perdu, après les injections, une grande partie de l’action complémen - taire qu'ils possédaient auparavant, vis-à-vis du sérum spermo- toxique inactivé de cobaye. Dans ce mélange, les spermatozoïdes perdaient complète- ment leur mobilité dans l’espace de 1 heure et demie à 2 heures ; tandis que, avant les injections, ils perdaient leurs mouvements déjà au bout de 2 à 3 minutes, dans le mélange d’une mème quantité de sérum spermotoxique avec du sérum de 2 lapins normaux. Pour trouver une preuve directe qüe dans le sérum d’un lapin, auquel on injecte du sérum spermotoxique, il se forme aussi une substance anti-intermédiaire, je fis l'expérience sui- vante. Comme nous l'avons fait précédemment, nous désignerons par la lettre A, le sérum de l'animal injecté avec le sérum sper- motoxique de cobaye, et avec la lettre B 1e sérum de l'animal injecté avec du sérum de cobaye non traité. Les sérums des 2 lapins inactivés furent mélangés chacun avec la même quantité de sérum spermotoxique, aussi inaclivé, d'un cobaye, qui auparavant, à l’état normal, immobilisait dans 3 minutes les spermatozoïdes de lapin. A chacun de ces deux mélanges, j’ajoutais une même quan- tité de spermatozoïdes d'un lapin neuf, et, comme complément, dans un cas, j'ajoutai aussi une grande quantité de sérum d’un troisième lapin neuf, dont j'avais observé la parfaite action complémentaire avec du sérum spermotoxiqueinactivé de cobaye. Au mélange des sérums inactivés, j'ajoutai, dans Île deuxième cas comme complément, des sérums nouveaux d’autres espèces d’animaux, d’un cheval et d’une oie, qui possé- daient aussi un fort pouvoir complémentaire. 840 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR, Dans le mélange avec le sérum A, la mobilité des sperma- tozoïdes du lapin était encore assez bien conservée après 2 heures ; dans le mélange avec le sérum B, ils avaient déjà perdu toute trace de mobilité en 5 minutes. Les sérums d'un cheval ou d’une oie qui étaient à ma disposition, comme complément, pendant cette dernière expérience, étudiés pour leur action toxique et agglutinante à l'égard des sperma- tozoïdes, les immobilisaient complètement dans l’espace de 40 à 60 minutes. C’est pourquoi je ne pouvais pas constater, entre les deux mélanges des sérums À et B, une différence de temps aussi grande que lorsque j’employais le complément de lapin; mais j'ai vu cependant, après 20 minutes, dans le mélange À, une remarquable mobilité des spermatozoïdes, tandis que dans le mélange B, la mobilité avait complètement cessé au bout de 15 à 20 minutes. Si l’on prenait le sérum d’oie au lieu de sérum de cheval, on pouvait toujours trouver le même rapport. III ANTI-AGGLUTININE ET ANTISUBSTANCE INTERMÉDIAIRE Je voudrais mentionner encore un fait qui s’est produit, surtout, dans les mélanges avec les sérums des deux lapins A et B. Le sérum des cobayes rendus spermotoxiques avait à l’égard des spermatozoïdes du lapin non seulement une toxicité assez forte, empêchant leurs mouvements et les immobilisant d’une facon complète au bout de trois minutes, mais, en plus, son action était aussi extrèmement agglutinante. Lorsque nous ajoutämes à ce sérum du sérum du lapin B, les spermatozoïdes s’agglutinèrent d’abord, puis ils s’immo- bilisèrent en masse ; mais si nous ajoutions, au même sérum toxique et agglutinant du cobaye, du sérum de lapin A, 1l devenait impossible d'observer la moindre trace d’agglutination , RECHERCHES SUR L’ANTISPERMOTOXINE. 841 et lorsque les spermatozoïdes furent enfin immobilisés par la spermotoxine, ils ne se sont pas agglutinés. Il est évident que, dans le sérum de lapin, il s'était formé, à côté de la substance intermédiaire, une anti-agglutinine qui était en état d’avoir raison des actions réunies de la substance anti-intermédiaire et de l'anticomplément Ce parallélisme évident entre l’anti-agglutinine et la substance intermédiaire, on le pouvait observer dans toutes les prépara- tions, sans exception, Ces anti-agglutinines, formées paral- lèlement avec les substances intermédiaires, n'avaient, du reste, aucune influence sur les agglutinines qui se trouvaient dans les sérums naturellement toxiques de l’oie et du cheval mentionnés plus haut. Dans toutes les préparations dans lesquelles il s'agissait d'un mélange de deux différentes espèces de sérum, on pouvait observer, dans un temps plus ou moins court, la formation de sédiments granuleux d'albumine, surtout si on ajoutait, au sérum de l'animal traité, du sérum avec lequel cet animal avait été injecté pour produire les substances anti-intermédiaires et les anticompléments. CONCLUSIONS De l’ensemble des faits rapportés plus haut se dégage cette conclusion que, à la suite d’immunisation des animaux avec du sérum spermotoxique, il se forme chez ces derniers une subs- tance anti-intermédiaire (antifixatrice). En terminant, je tiens à témoigner à M. Îe professeur Metchnikoff toute ma gratitude pour son bienveillant concours pendant toute la durée de mon travail. CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DE L'AUTO-PURIEIGATION MICROBIENNE DU VAGIN Expériences sur Îles animaux. Par LE D' CAHANESCO (ne Borusani). (Travail du laboratoire de M. Metchnikoff.) Sous le nom d’aulopurilication (Selbstreinigung) microbienne du vagin, MM. Menge et Krünig! désignent l’intéressant phéno- mène qu'ils ont observé chez la femme, à savoir que le vagin — même dans l’état normal, c’est-à-dire non puerpéral — peut se débarrasser des microbes qui y sont arrivés soit accidentelle- ment, soit expérimentalement. Ce phénomène serait dû, soit à l’antagonisme des microbes autochtones avec les microbes patho- gènes qui sont introduits, soit à l'acidité du mucus vaginal de la femme, acidité due à la présence de l'acide lactique, qui n’est à son tour qu'un produit de ces mêmes microbes autochtones. Autrement dit, le mucus vaginal serait un milieu favorable pour certains microbes qui se trouveraient habituellement dans ie mucus « normal » (Doederlein), et ces microbes lutteraient à leur tour contre les microbes pathogènes qui pourraient y arri- ver accidentellement. Il était intéressant de voir si un phénomène analogue se produisait aussi chez les animaux. C'était le but du travail qui nous fut d’ailleurs recommandé par notre cher et illustre maître, le professeur Metchnikoff. Il s'agissait donc de savoir : (a) Existe- t-il chez les animaux un phénomène analogue d’autopurifica- tion microbienne ? Eten cas affirmatf: (b) À quoi ce phénomène est-il dû, à un antagonisme microbien ou à autre chose? Les expériences analogues sur les animaux ont déjà été faites par Stroganoff”, mais dans les traductions allemandes et 1. MexGe et Kroni6, Bactériologie des weiblichen Geschlechtskanales, 2. SrroGanorr, Æecherches bactériologiques sur le canal génital de la femme dans les diverses périodes de la vie, 1893. — Srrocanorr, Zur Bacteriologie des weibl. Geschlechtskanales, Centralblatt für Gynekologie, 26 septembre 1895. AUTO-PURIFICATION DU VAGIN CHEZ LES ANIMAUX. 843 françaises, nous n'avons pu trouver ni les méthodes em- ployées, ni les résultats précis auxquels il était arrivé. Aussi étions-nous obligé de recommencer de toutes pièces ces expé- riences, guidé par le très remarquable travail de Menge et Krünig. Les animaux sur lesquels nous avons fait nos expériences ont été : la chienne, le cobaye, la lapine, et, pour avoir une plus grande quantité de mucus vaginal, nous nous sommes servi d'une jument en chasse. Les microbes que nous avons employés pour l'expérimenta- tion élaient les suivants : Micrococcus prodigiosus, Staphylococcus pyogenes aureus, Streptococcus pyogenes et Bacillus pyocyaneus, soit séparément, soit simultanément. Nous tächiorfs d'employer autant que possible les microbes que nous n'avions pas trouvés, par nos recherches préalables, dans la flore microbienne du mucus vaginal de l'animal soumis à l'expérimentation — tout en donnant la plus grande impor- tance au staphylocoque et au streplocoque, qui sont les microbes qui nous intéressent le plus. Pour cultiver les microbes trouvés dans le mucus vaginal, nous nous sommes servi des méthodes courantes pour les aérobies et des milieux habituels : bouillon, gélose, gélatine, pommes de terre. Pour les anaérobies, nous avons adopté la méthode employée par MM. Veillon et Zuber. Il va sans dire que nous ne nous sommes pas occupé d'isoler tous les microbes trouvés à l'intérieur des organes génitaux des différents animaux de l'expérience. Ce n’était pas notre but et cela nous aurait mené trop loin. Mais nous nous sommes tou- Jours appliqué à isoler les microbes que nous avons trouvés constamment à différentes reprises sur le même animal, et surtout sur la même espèce animale, car seuls ceux-ci auraient pu jouer un certain rôle en cas d’antagonisme (à l'instar du bacille de Doederlein chez la femme). Pour les anaérobies, la méthode Veillon parait être la meil- leure de toutes que nous connaissons jusqu'ici. Elle à seulement l'inconvénient de demander trop de matériel et trop de temps, et ne saurait être employée que pour les cas où la recherche des anaérobies est le but principal, et non pas, comme dans notre cas, d’une importance secondaire. 844 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Pour l’inoculation des microbes dans le vagin, nous nous sommes servi de différentes méthodes. Au commencement nous injections 1 ©. c. d'une culture de 24 heures dans du bouillon, à l’aide d’une seringue de Pravaz munie d'un petit tube à bords mousses, pour ne pas léser la paroi vaginale. Cette méthode s’est montrée défectueuse, car assez souvent l’animal évacuait la presque totalité du liquide inoculé, soit par des contractions des muscles du vagin, soit par des mouvements du corps. Nous avons plus tard adopté une autre méthode qui nous paraissait meilleure : à savoir, le badigeonnage de la muqueuse avec de la culture faite sur plaques, à l’aide d’un pinceau stéri- lisé dans un peu d’eau, afin que les poils restent doux, pinceau qui fut introduit à travers un spéculum en verre stérilisé. Pour isoler les microbes du mucus, nous lavions dans du bouillon stérilisé le pinceau chargé de ce mucus, puis nous l’essuyions sur une série des tubes inclinés de gélose, gélatine ou pomme deterre. Pour les anaérobies, une goutte du premier bouillon fut diluée dans une série des tubes Liborius. À chaque expérience nous avons pris le soin de noter la réaction du mucus vaginal. Les préparations microscopiques faites aussi à l’aide des pinceaux stériles furent fixées avec éther et alcool, et colorées, soit à la thionine, soit au Gram-eosin ou Gram et hématéine. Pour savoir si le mucus vaginal, comme tel, est en état de tuer ou d'empêcher la végétation des microbes, nous avons agi de la façon suivante : chez les petits animaux qui ne pouvaient pas nous procurer une grande quantité de mucus, nous essuyions leurs parois vaginales à l’aide du pinceau; puis, avec le pinceau chargé de mucus, nous badigeonnions les plaques de culture, et sur ces plaques nous avons ensemencé les microbes de l’expé- rience, Toujours ils ont bien poussé en même temps queles micro- bes qui se trouvaient déjà dans ce mucus. Plus tard, comme nous avons eu l’occasion de trouver une jument en chasse qui pouvait nous procurer une plus grande quantité de mucus vagi- nal, nous nous en sommes servi pour les expériences 15-16. Pour étudier l’antagonisme microbien — in vitro — nous avonsensemencé les microbes isolés — surtout ceux qui se trou- vaient régulièrement dans le vagin des animaux. Nous les avons AUTO-PURIFICATION DU VAGIN CHEZ LES ANIMAUX. 845 ensemencés en même temps que les microbes de l’expérience sur divers milieux de culture. Après ce court exposé des méthodes employées, qu'il nous soit permis de donner les résultats auxquels nous sommes arri- vés. Ces résultats ne sont pas tout à fait identiques avec ceux trouvés par Mengeet Krünig chez la femme. Les voici : 1. Dans le vagin des femelles se produit un phénomène ana- logue à celui trouvé par Menge et Krünig, Stroganoff, chez la femme, c’est-à-dire un certain degré d'autopurification micro- bienne. Cette autopurification est relativement faible, diffère d'animal à animal, de microbe à microbe. 2. Elle est le résultat de différents phénomènes : Le sens du cou- rant de la sécrétion dirigé vers l’entrée du vagin, une desquamma- tion épithéliale continuelle. Par ces deux moyens les microbes sont entraînés mécaniquement vers la vulve et vers l'extérieur ; mais surtout c’est l’action des leucocytes. Ces derniers agissent et comme phagocytes, et peut-être aussi par des substances toxiques qu'ils élaborent à l’intérieur du vagin. Le vagin répond toujours, par une leucocytose plus ou moins forte, à l'introduction des microbes. Ces leucocytes viennent directement à travers la paroi vaginale, ce que l’on peut obser- ver sur les coupes faites quelques heures après l'introduction des microbes. Elle peut aboutir à l’anéantissement total de ceux- cl; souvent cependant cette disparition complète n’est qu’appa- rente, c’est-à-dire que dans les premières heures ou les premiers jours, le nombre des microbes diminue considérablement : sur les préparations on n’en trouve que peu ou pas du tout; de même sur les milieux de culture ne poussent que peu de colo- nies ; mais si on examine l'animal, 8 ou 10 jours après, on retrouve les microbes inoculés qui paraissaient disparus, et doré- navant ils peuvent constituer une partie constante de la flore microbienne du vagin. Ceci est vrai surtout pour les microbes pyogènes, staphylococeus et streptococcus. En somme, cette disparition dans les premières heures ou les premiers jours après l’expérience peut être complète ou le paraître, et, dans ce dernier cas, les microbes restés vivants cons- tituent des parasites permanents du vagin. De tous les microbes que nous avons inoculés, le prodigiosus 846 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. disparaissait le plus tôt et nous ne pouvions plus le retrouver; il paraît qu’en effet le mucus vaginal frais a une certaine influence sur la vitalité de ce microbe (voir expérience 15). 3. Quoique, comme nous l'avons déjà dit, notre but principal ne fût pas la recherche des microbes du vagin chez les animaux, nous avons pu pourtantnousconvaincre, par différentes prises fai- tes, que chez les animaux comme chez la femme la quantité des microbes et d'espèces microbiennes est de beaucoup plus grande à l'entrée du vagin que dans la profondeur. Cependant nous n'avons jamais trouvé stériles les culs-de-sac vaginaux. Le mucus de la profondeur contenait, en même temps que divers microbes, des leucocytes peu nombreux et des cellules épithé- liales. 4. Nous n’avons pu trouver — in vitro — aucun antagonisme des microbes isolés du vagin avec ceux que nous avons intro- duits expérimentalement. De même, dans les préparations microscopiques, nous n'avons pas pu constater la prédominance d’une espèce microbienne sur les autres. 5. Le mucus vaginal chez la jument, comme tel, nes’est pas montré microbicide. 6. La réaction du mucus vaginal chez les animaux de l’expé- rience était toujours alcaline. Comme on le voit, ces résultats différent en quelque sorte de ceux trouvés chez la femme par les auteurs cités. Ils nous DATE dela disparition définitive des microbes introduits, RÉSULTATS DE L'ENSEMENCEMENT sur différents milieux. PRÉPARATIONS MICROSCOPIQUES Cellules épi-| Immédiate- la première pla- que, colonies in- nombrables de mi1- différents | 2 crobes. à peu près ex- clusivement co- lonies de sta- Iphylocoque do- ré. thélial. en grand nombre, dontles unes couvertes de microbes diplococcus(107) diplococcus géant (108), di- plobacillus. Pe- üts amas extra- cellulaires. Par- ci par-là un leu- cocyte polynu- cléaire. :[inent mentapres l’ina- culation, à peu près exclusive- le coccus introduit. Cel- lules épithélia- les. Peu de leu- cocytes. 3heures après. Même aspect. Phagocytes peu nombreux. AUTO-PURIFICATION DU VAGIN CHEZ LES ANIMAUX. 847 engagent à recommencer les mêmes expériences chez la femme, ce qui serale but d’un second travail. Expérience 1. — Chienne à laquelle nous avons introduit dans le vagin {1 c. c. d'une culture de 24 heures de Staphylococcus aureus, le 43 février 1901 (voir le détail p. 846). Observations. — La flore bactérienne préexistante reste la même après l'introduction du staphylocoque ; celui-ci ne se trou- vait pas antérieurement dans le vagin de cet animal. 40 heures après, les colonies du streptococcus autochtone paraissent prédominer sur celle du staphylocoque doré. Le nombre des colonies de ce dernier a sensiblement diminué. Cette diminution est progressive jusqu’au 18 février (5 jours après). Ce jour, la prise donne un nombre de colonies staphylo- cocciques sensiblement augmenté. Dès ce moment je trouve toujours des colonies du staphylococcus aureus. Le 23 février,je fais une injection dans le péritoine d’un cobaye avec le staphylocoque doré, isolé du mucus vaginal de cette chienne le 20 février. Le cobaye meurt et nous trouvons dans la sérosité péritonéale (l’autopsie fut faite 6 heures après la mort) un mélange de b. coli et staphylocoque doré. Nous répétons le 16 mars la même expérience sur un lapin qui est mort de staphylococcie. Nous en déduisons que la virulence n’est pas diminuée à l’intérieur du vagin. Expérience II, — Chienne à laquelle nous avons inoculé 1 c. c. d’une culture pure de Bacillus prodigiosus Le 24 février 1904. — RÉSULTAT DE L'ENSEMENCEMENT Aie nee PREPARATIONS MICROSCOPIQUES DATE de la disparition > complète et définitive. | Immédiate- 140 heu- ment après, pré-Îres après sence à peu près|l’inocula- exclusive du ba-ftion. + Grand nombre de cellules épi- Présence à peu théliales. Peu de exclusive microbes, dont Colonies in- nombrables sur|près la première pla-[du prodigiosus.|la plupart petit|cille injecté. mars aprés) diplococceus| . Le 1e que. (107). Grand di-|(5 jours plococcus (108). Par-ci par-là pe- its amas de coccus et de ba- cilles en dehors! des cellules. Peu de phagocytose. forte leucocy- tose. Peu de mi- crobes, dont la plupart staphy- lococcus. 848 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Observations. — La flore vaginale reste la même avant et après l’inoculation. Nous avons isolé les microbes trouvés et nous les avons mêlés avec le prodigiosus dans différents milieux : bouillon, gélose, pomme de terre. Toujoursils se sont bien déve- loppés et n’ont pas empêché le développement du prodigiosus. Nous n’avons donc pas trouvé — in vitro — un antagonisme microbien. ns Expérience III. — Chienne chez laquelle, après avoir constaté la disparition du B. prodigiosus inoculé le 24 février, nous avons de nouveau introduit le 5 mars ! c. c. de culture du même microbe. Réaction amphotère les 5 et 6 mars. Les jours suivants toujours alcaline. RÉSULTATS DE L'ENSEMENCEMENT sur différents milieux. DATE de la disparition PRÉPARATIONS MICROSCOPIQUES ET — = totale et complète. 96 heures aprés. Forte leucocy-| Immédiate- tose. ment aprés, gr. Phagocytes/nombre de mi- englobant des|crobes inoculés. Exclusivement prodigiosus. cocci et peu de bacilles. Très peu de microbes extra- cellulaires. 24 heures apr. leucocytose.Cel- lules épithélia- les,phagocytose. Grandnombre de microbesi très divers ex- tra-cellulaires. Le 7/m. Le nombre des mi- crobes forte- ment diminué, Expérience IV. — Cobaye À, dans le vagin de laquelle on a introduit 1 ce. c. de culture dans bouillon de B. prodigiosus le 21 mars. Réaction alcaline. 1. En retirant le pinceau nous avons touché l'entrée du vagin, ce qui explique le grand no mbre de microbes trouvés dans la préparation. AUTO-PURIFICATION DU VAGIN CHEZ LES ANIMAUX. 849 RÉSULTATS DE L'ENSEMENCEMENT sur différents milieux. PRÉPARATIONS MICROSCOPIQUES DATE RE — RE de la AVANT APRÈS APRÈS disparition. 22 32 Grandnombre| Même aspect] 30 heures de microbessur-|qu’auparavant. |aprés. Peu de mi-Jtout un petit crobes, bacille extra-cel- lulaire. Coccus en amas et en courtes chai- nettes. Leucocy- tose. Phagocy- tose. Celiules épithéliales as- sez nombreuses couvertes de mi- crobes. Observations. — La culture fut expulsée en plus grande partie. La flore bactérienne ne diffère pas beaucoup avant et après. l'expérience. 30 heures après nous ne trouvons plus de prodi- giosus. Les préparations montrent : leucocytose, peu de microbes, par-ci par-là un diplococcus. Peu de phagocytes. Grand nombre de cellules épithéliales. Expérience V. — Cobaye B. — Dans le vagin de laquelle nous avons introduit 1 c. c. d’une culture de Streptococcus pyogenes. Réaction alcaline. RÉSULTAT DE L'ENSEMENCEMENT 3 Mie PRÉPARATIONS MICROSCOPIQUES | sur divers milieux. Leucocytose. Peu| Une heure après de microbes. l’inoculation, forte Streptococcus en leucocytose, forte grand nombre. phagocytose.* Les phagocytes sont bourrés de coccus. Troisheures après, le streptococcus se trouve à peu près exclusivement à l'intérieur des pha- gocytes. _ Nous tuons l’ani- mal pour faire des coupes. ot LS 850 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Observation. — Femelle au commencement de la grossesse. Dans les préparations, infiltration leucocytaire de la paroi vagi- nale. Expérience VI. — Cobaye C. — Badigeonnage de la muqueuse vaginale au moyen d'un pinceau chargé d’une culture pure de Streptococcus pyogenes le 28 mai 1901. Réaction alcaline. RÉSULTAT DE L'ENSEMENCEMENT dans différents milieux. Surtout strep- tococcus. PRÉPARATIONS MI1CROSCOPIQUES Peu de cellules épithéliales, leu- cocytes. Peu de bactéries, sur- tout un bacille! court qui ne prend pas le Gram. Pas de phagocytose. S0#a presse Forte leucocyto- se. Phagocytose très active, 4 h après. Le nom- bre de microbes en dehors des cellules est très diminué, DATE de la disparition. (e =] Le strepto- coccus reste comme hôte stationnaire a l’intérieur du vagin et nous le re- trouvons 8, 10, 15 jours après. Expérience VIL. — Cobaye D. — Inoculation du Streptococcus pyogenes. Réaction alcaline. RÉSULTAT DE L'ENSEMENCEMENT dans différents milieux. Re CO PRÉPARATIONS MICROSCOPIQUES TT — AVANT Peu de micro- bes, surtout bacilles. Leuco- cytes polynu- cléaires. Pas de phagocytose. Cellules épi- théliales peu nombreuses. APRÈS 1 heure après linoculation orand nombre de cellules épi- théliales. Pré- sence à peu près exclusive du streptococcus pyogènes. Pas de leucocytes. On peut consta- ter un certain groupement des microbes sem- blable à une ag- elutination. DATE de la disparition. AUTO-PURIFICATION DU VAGIN CHEZ LES ANIMAUX. 851 2 heures après l'inoculation, hyperleucocytose. Phagocytose très intense. Peu de microbes en dehors des cellules. Les cellules elles-mêmes sont pleines de streptocuques.Pas d’autres microbes dans le champ visuel. 4 heures après, mème aspect. 24 heures après, leucocytose. Relativement peu de phagocytes. Peu de microbes. Présence d’un bacille fusiforme. 48 heures après, les préparations microscopiques montrent peu de microbes, mais les plaques ensemencées nous donnent encore des colonies peu nombreuses de streptocoques. 8 jours après, nous sommes surpris de la grande quantité de streplococcus que nous trouvons et dans les préparations et sur les plaques ensemencées. L'animal se porte bien. Dorénavant nous trouvons constamment les streptocoques à l'intérieur du vagin de cet animal, le mucus vaginal reste trouble et riche en leucocytes.. Expérience VIIT. — Lapine à laquelle nous avons injecté une culture pure de Streptococcus pyogenes, le 10 avril 1901. Réaction alcaline. RÉSULTAT DE L'ENSEMENCEMENT sur différents milieux. ERÉPEREMIONSEMSERGECARIEUES APRÈS disparition. Cellules épi-| 3heuresaprès| 8 jours Peu de micro-| streptococcus. [théliales. Leu-|linoculation,laprès nous bes. cocytes. Micro-|forte leucocy-|retrouvonsl bes peu nom-ltose. Peu delle streptoco+ breux. phagocytose.[quequenous Même aspect le[n’avions pas! lendemain. trouvé avan l'inoculation.| Observation. — Le lapin ne se prète pas très bien à ces expé- riences à cause de sa contention difficile. Aussi nous avons renoncé et nous avons recommencé nos expériences sur les cobayes. Expérience IX.— Cobaye 82. — Badigeonnage de la muqueuse avec une culture pure de Bacillus pyocyaneus; une heure après nouveau badigeonnage avec une culture de staphylococcus, le 19 février 1901. 852 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Réaction alcaline. RÉSURRAFEDES ENS EMENERMENNE PRÉPARATIONS MICROSCOPIQUES DST sur divers milieux — = an de la AVANT APRÈS AVANT APRÈS disparition. + +- Sécrétion| Immédiate- 2 abondantefluor.|ment après, le Sous le micros-|champ visuel est | cope , grand couvert du ba- | nombre de mi-|cille inoculé. crobes dont les| 1 heure après, | uns prennent lelles bacilles sont Gram, les autres|groupés en pe- se décolorent.|tits amas agglu- Un bacille fusi-|tinés. Leucocy- forme se colo-|tose. Peu de pha- rait seulement|gocytes. Nous aux bouts. Fortelinoculons le ! leucocytsse.|streptococeus. | Phagocytose. | Grand nombre | de cellules épi- théliales. LR ER PRE EE RE EEE IE I DE OL PE LIN EE 2 heures après, mème aspect, en plus le staphylococcus en grand nombre et présentant le même groupement que le pyocya- neus. 4 heures après, même aspect. Phagocytose plus prononcée. Nous examinons chaque jour jusqu’au 29 avril le mucus vaginal et nous retrouvons toujours le pyocyaneus et le staphylococcus en assez grande quantité. Les autres microbes que nous y avons trouvés restent dans le même état. L'animal se porte bien. C’est seulement le 12 mai que nous ne retrouvons plus le pyocya- sieus, pendant que le staphylococcus s’y trouve toujours. A cette date nous avons tué l'animal. Expérience X. — Cobaye 97; badigeonnage de la muqueuse avec culture prise de Bacillus pyocyaneus, le 12 avril 1904. Réaction alcaline. Observation. — La leucocytose persiste en même temps que l’on trouve d’autres microbesetle pyocyanique 8-10 jours après. Après le dixième jour, nous n’avons plus examiné l’animal jusqu’au 23 mai, c'est-à-dire plus d’un mois, date à laquelle nous avons soumis le même animal à une autre expérience (voir expér. 14). AUTO-PURIFICATION DU VAGIN CHEZ LES ANIMAUX. RÉSULTATS DE L'ENSEMENCEMENT sur divers milieux. EE — APRÈS - Cellules épi- théliales peu nombreuses,mi- PRÉPARATIONS MICROSCOPIQUES a disparition. Immédiate- ment après, le champ visuel est DATE de la 853 crobes peu nom-|couvert par le breux, leucocy-|b. pyocyaneus, tes en petit|peu de leucocy- nombre. les, sheures après forte leucocy- tose, phagocy- tose relativem. peu accentuée, 24 heures après, lenombre des microbes est de beaucoup di- minué, leucocy- lose. Nous avons trouvé quelques colonies du pyocyanique, ce qui démontre combien cette autopurification est lente. Expérience XI. — Cobaye 59, auquel nous avons introduit le 24 avril une culture prise de Staphylococcus pyogenes aureus, Réaction alcaline. ENSEMENCEMENT à ee PRÉPARATIONS MICROSCOPIQUES sur divers milieux. EE —— De AVANT APRÈS AVANT APRÈS =- —— Pas de microbes! 3 heures après l'inoculation, nous trouvons une forte leucocytose et pha- Socytose. 2% heures dans les prépara- tions. Très peu de leucoeytes. Cellules épithéliales. Entre autres mi-| A peu près exclu- crobes aussi peu delsivement staphylo- colonies de staphy-|coque doré, lococcus pyogenes 5 dé | ae aureus, aytose. Peu ‘[phagocytes. 3 jours après, forte desquama- tion .épithéliale.| Leucocytose. Peu de phagocytes. Microbes peu nom-| breux; mais tou-) jours la présence | de staphylococcas | aureus, qui ne montre pas de ten- | dance à dispa-| | raitre. | ES 854 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Expérience XIT. — Cobaye 67. Introduction du staphylo- coccus, 24 avril. Les phénomènes sont les mêmes que pour 59. Expérience XIII. — Cobaye 23, auquel nous avons inoculé le 22 une culture de prodigiosus. sez notable, | A Rien e tn Le PRÉPARATIONS MICROSCOPIQUES Due ans divers milieux. — ER a de la AVANT APRÈS AVANT A PRÈS disparition. + + Leucocytose,| Même aspect| 52 heures peu de cellules!qu'avant,en plus|après. épithéliales, très|le B. prodigio- peu de microbes|sus. 52 heures parmi lesquels|après, cellules un diplococco-lépithéliales. bacille qui selForte leucocy- décolore par leltose. Phagocy- Gram. tose. Microbes en quantité as- Expérience XIV. — Cobaye 97, dont nous avons badigeonné la partie vaginale avec une culture prise de B. prodigiosus. RÉSULTAT DE L'ENSEMENCEMENT sur différents milieux PRÉPARATIONS MICROSCOPIQUES DA de la disparition. Cellules épi-| 1lheureaprès:} 5 heures théliales. Leu-|B. prodigiosus|après. cocytes. Peu deltrès nombreux. phagocytose Mi-|Coccus, bacilles. crobes assez] 24 heures nombreux, sur-|après. Prodigio- tout bacilles.|sus peu nom- Peu de coccus.|breux. Présence d’autres micro- bes.Coccus, ba- cilles, chaînettes de streptoco- ques. Expérience XV-XVI. — Sur une jument en chasse nous faisons une prise de mucus vaginal à l’aide d’un spéculum en verre que nous introduisons assez profondément, Nous pouvons retirer un peu plus d’un centimètre cube d’un mucus légèrement trouble. Ce mucus est introduit dans un tube stérile et nous sert comme milieu de culture pour le bacillus prodigiosus, et AUTOPURIFICATION DU VAGIN CHEZ LES ANIMAUX. 855 pour le bacillus pyocyaneus. La réaction est nettement alcaline. A l’examen microscopique, nous trouvons : Cellules épithéliales. Leucocytes assez nombreux. Quantité de cils provenant probablement des cellules utérines, microbes, surtout chainettes assez longues, streptococciques, etun bacille quise décolore parle Gram (Coli?). Petitsamasstaphylococciques. Le mucus ensemencé avec les microbes susdits fut mis à l'étuve à 38°. Nous faisons de temps en temps une prise et nous l’ensemencçons dans les milieux ordinaires. Lesprises faites après 2, 4, 2%, 48 et 72 heures ont bien poussé. La seule remarque que nous ayons faite, c'est que le prodigiosus des premières 24 heures est resté incolore. Toujours est-il que le mucus n’a tué ni le prodigiosus, ni le pyocyaneus, in vitro. Les autres microbes, et notamment le staphylococcus albus qui se trouvait dans le mucus, ont également poussé. Dans le vagin d’une chienne nous avons trouvé de même : 1 (108). Un diplococcus géant, à très grands éléments, se colorant bien par les couleurs anilinées et le Gram, légèrement mobile, se développe vite à 20° sur gélose, en colonies opaques jaunâtres avec une légère teinte brunâtre: ne liquéfie pas la gélatine. Ensemencé en piqûre dans la gélatine, ne se développe qu’à la surface. Le bouillon reste clair. La culture injectée dans le péri- toine d’une souris ne la tue pas. Ce diplococcus nous a beaucoup intéressé parce que nous le trouvions constamment dans le mueus vaginal de cette chienne, mais ses cultures faites simultanément avec le prodi- giosus, le staphylococcus, le pyocyaneus, ont poussé et n'ont empêché le développement de ces derniers dans aucun des milieux. 2 (107).Streptococcus pyogenes, qui apparaissait dans le mucus vaginal presqne toujours sous forme de diplococcus. 3. Staphylococcus pyogenes albus, toujours et en grand nombre. 4. Staphylococcus citreus et roseus. 6. Bacillus subtilisentrès grand nombre à l'entrée du vagin, peu nombreux à la profondeur, mais toujours présent. 1. Bacillus coli communis, presque toujours. 8. Un diplococcobacille, qui ne prend pas le Gram, ne liquéfie pas la gélatine, ne produit pas de gaz dans le milieu sucré, ne 856 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. donne pas la réaction de l’indol. Antagonismes comme 108. 9 à 12. Sarcina orangea deux fois. Filaments d’un champignon. Aspergilus fumigatus À fois. Une levure. 13. Anaérobies(1). Un bacille long, gros, mobile, liquéfiant la sélose sucrée et produisant une forte acidité dans ce milieu. Il se développe danslespremières 24 heures à 40°. Colonies petites, à peine visibles, entourées d’une petite bulle de gaz. Au fond du tube, ces colonies forment un voile qui nage sur le liquide fortement acide. Gram négatif. Tue la souris. Je ne l’ai trouvé qu'au commencement de mes recherches. 2. Petit micrococcus se développant dans les 48 heures, formant de toutes petites colonies blanches opaques, sans production de gaz. Gram négatif. Je l’ai trouvé plus souvent que le premier. 3.Un streptococcus à grands grainsetlongues chaïnettes de 20-30 et plus encore. Gram; non pathogène pour le lapin. Se développe très mal sur les milieux aérobies. Nous n’avons pas trouvé le staphylocoque doré etil paraît que, dans le vagin des animaux, le St. blanc est de beaucoup plus fréquent. Mais après l'introduction expérimentale du staphylo- coque doré, nous le trouvions régulièrement. Microbes trouvés chez le cobaye. — 1. Bacille petit apparaissant surtout comme diplobacille. Gram ; se développe très bien dans le milieu de Veillon, en produisant des colonies blanches, opaques, lenticulaires. Aérobie facultatif. Non pathogène pour la souris. 2. Bacillus subtilis. 3. Bacillus coli communis. très fréquent. 4. Un coccobacille se colorant aux bouts et laissant le centre incolore. Gram indécis, plutôt négatif. Par ses autres qualités analogues au coli; ne donne pas la réaction de l'indol. Est à peu près constant dans le vagin de la femelle du cobaye. 5. Un tout petit bacille très mobile, se décolorant par le Gram. 6. Streptococcus pyogène. 7. Un très petit coccus en amas analogue au Staph. albus. Tous ces microbes ont été ensemencés dans divers milieux en même temps que les microbes introduits expérimentalement; ils n'ont pas empêché le développement de ces derniers. Comme on le voit, et je suis loin d’avoir épuisé la flore micro- bienne des animaux expérimentés, le vagin contient des micro- bes et des espèces microbiennes en assez grand nombre. SUR LES ÉPIDÉMIES DE PESTE BUBONIQUE A L'Assomption (Paraguaÿ) et au Rosario (Répablique Argentine). Par LÉOPOLD URIARTE Médecin de l'hôpital Rawson; attaché au Laboratoire des Grands Eleveurs, dirigé par M. J. Lignières, d’Alfort; membre de la Commission sanitaire argentine envoyée au Paraguay. Dans les premiers jours du mois de septembre 1899, on apprenait à Buenos-Ayres que dans la ville de l’Assomption était apparue une maladie, à marche suraiguë, une fièvre maligne, disait-on. Elle avait pris un développement épidémique dans les casernes et les prisons de la ville. Certains médecins soutenaient qu’on était en présence de la maladie connue sous le nom de Buba. J'ai eu plus tard l’occasion de m'assurer que cette « buba » doit être considérée comme une polyadénite d’origine syphilitique. L'immense majorité des médecins avouait ne pas connaître la nature exacte de cette nouvelle maladie, tout en reconnaissant des ressemblances cliniques assez grandes avec la peste bubonique. Les autorités sanitaires de Buenos-Ayres, au courant de ces faits, soupçonnèrent aussitôt qu'il s'agissait de peste. Le docteur E. Wilde, président du Département national d'hygiène, pour lever tous les doutes, résolut d'envoyer au Paraguay deux médecins, MM. les D" O. Voges et J. C. Delfino, qui, arrivés à l’Assomption le 14 septembre, annonçaient quelques jours après à Buenos-Ayres que, d’après leurs recherches bactériologiques, ce était bien la peste bubonique. Le gouvernement argentin, avec l’assentiment des autorités du Paraguay, décida alors l’envoi sur les lieux infectés d’une 1. Dans l'intéressant mémoire qui nous a été envoyé sous ce titre par le D: Uriarte en juin 1901, nous choisissons, pour la publier, la partie qui est l'intérêt général : c’est l'histoire du transport de la peste au milieu d’un continent, sans étapes intermédiaires. 858 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. commission médicale, dans le but d'étudier et combattre l’épi- démie. Cette commission était formée par les D C. Malbran, S. Alvarez, J. C. Delfino, O. Voges, A. Medina et L. Uriarte. Marche et propagation du fléau à travers l'estuaire de la Plata et de ses affluents, le Parana et le Paraguay. Quelques notions très rapides sur la configuration de l'estuaire de la Plata et de ses affluents principaux sont indispen- sables pour bien suivre la marche de l’épidémie de peste bubo- nique dans cette partie du continent américain. L’estuaire de la Plata a une étendue de 35,000 kilomètres carrés ; à l'embouchure, sa largeur atteint 180 kilomètres. Le Paraguay, au bord duquel est bâtie l'Assomption, se jette dans le Parana qui, à son tour, déverse ses eaux dans la Plata, où se trouvent Buenos-Ayres sur la rive droite et Montevideo sur la rive gauche. Formosa, Corrientes et Rosario sont trois villes argentines, situées la première sur le fleuve Paraguay, les deux autres sur le Parana. Un navire quittant le port de Montevideo pour pénétrer dans le fleuve fait escale à Buenos-Ayres (200 kilomètres), Rosario (290 kil.), Corrientes (720 kil.), Formosa (170 kil.), Assomption (160 kil.) La distance qui sépare Montevideo de l’Assomption est donc de 1,540 kilomètres, qui sont franchis en bateau à vapeur en sept jours. Fait curieux, qui sera expliqué dans la suite, ayant franchi d'un bond l'océan Atlantique et ce magnifique cours d’eau, long de 1,600 kilomètres, la peste fait sa première apparition en Amérique en plein pays méditerranéen, au Paraguay. De l’Assomption du Paraguay, par un trajet rétrograde, en suivant toujours la route maritime des communications commer- ciales, elle envahit successivement Formosa, Corrientes, Rosario et Buenos-Ayres. Entrons dans le détail de la marche de l'épidémie. Le 19 avril 1899, le paquebot Centauro quittait le port de Montevideo à destination de l’Assomption. À Montevideo il reçut un charge- ÉPIDÉMIE DE PESTE AU PARAGUAY. 859 ment de marchandises diverses et des sacs de riz qui furent placés dans la cale inférieure. Ces sacs de riz provenaient d’un navire d'outre-mer, ancré alors en rade de Montevideo, et furent trans- bordés directement au Centauro sans passer par la douane de la ville. D'après les renseignements pris par le docteur Medina, ce navire arrivait de Rotterdam et aurait eu pendant la traversée deux morts dans l'équipage; on avait constaté en outre une mortalité parmi les rats. Le 26 avril, le Centauro arrivait à l’'Assomption. Le déchar- gement terminé, les matelots trouvèrent au fond de la cale infé- rieure, Où étaient placés les sacs de riz, une trentaine de rats morts qui furent jetés à l’eau. Cette mortalité ne laissa pas de les surprendre Le lendemain même de l’arrivée, deux matelots G. F... et A. IL... tombaient gravement malades. On les débarqua pour mieux les soigner; ils succombèrent tous les deux le 28 et le 30 avril. Chez le premier la mort arriva en moins de 36 heures on constata les symplômes suivants : point de côté très doulou- reux à droite du thorax, dyspnée, vomissements abondants, diarrhée, fièvre intense et un bubon dans l’aine. Le 29 avril, deux autres matelots du Centauro étaient atteints subitement; le premier guérit en conservant pendant quelque temps une hypertrophie des ganglions inguinaux qui n’arrivèrent jamais à la suppuration; l'autre mourut le 3 mai. Voici le résultat de l’autopsie : foyers d'hépatisation pulmonaire; xdhé- rences et congestion des: deux plèvres; épanchements séro fibrineux dans les deux cavités pleurales ; congestions et ecchy- moses méningitiques ; congestionsetecchymosessous-muqueuses de l'estomac el de l'intestin ; augmentation de volume du foie et des reins; rate hypertrophiée, congestionnée et ramollie. On remarqua l'existence d’un bubon sans attribuer à cette consta- tation une grande importance. Les marchandises apportées par le Centauro lurent débarquées” en douane. Douze à quinze jours après l’arrivée du navire, les employés de la douane remarquèrent déjà un grand nombre de rats morts; cette mortalité ne tarda pas à se propager aux ron- geurs du voisinage. | En juin et juillet on signale des cas parmi les charretiers et 860 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. les portefaix du port, et les marchands ambulants qui fréquen- talent ces parages. La situation méditerranéenne du Paraguay, séparé de tout foyer pesteux par d'immenses territoires indemnes, par l'Océan lui-même, sans communication directe avec l'Europe, était con- sidérée comme une garantie plus que suffisante contre l’impor- tation du bacille de Yersin, et faisait écarter le diagnostic de peste bubonique que certains médecins osaient prononcer avec timidité. L'émoi causé par cette maladie à marche suraiguë, dont furent atteints les 4 matelots, se dissipa bien vite. Pendant 3 mois la tranquillité fut complète ; les cas de juin et juillet pas- sèrent inaperçus, et c’est seulement l'enquête minutieuse faite par nous qui a permis de les relier entre eux et de les rattacher à leur véritable cause. Au mois d'août, on s’émeut de nouveau. À ce moment il existe déjà un foyer important épidémique au quartier désigné sous le nom de Rancheria de la Encarnacion, situé tout près du port, formé de huttes où logent des femmes de soldats, et bien connu par son insalubrité. A quelques mètres de ce quartier se trouvent les casernes de la ville, de vieux bâtiments d’aspect misérable. L’épidémie trouve là un terrain propice pour son développement. 37 sol- dats tombent malades; les autorités font disparaître par le feu les huttes de la Rancheria de la Encarnacion et décident l’éva- cuation d’une des casernes. Les habitants de la Rancheria émigrent à la Chacarita et à la Loma Clavel, où se formèrent deux nouveaux foyers. L'idée de l’existence d’une épidémie de peste bubonique prend corpstous ies jours; mais, sans l'appui de la bactériologie, et peut-être aussi de propos délibéré, le diagnostic resta encore en suspens. On perdit un temps précieux en discussions inuliles, qui empéchèrent l'adoption de mesures énergiques capables d’arrèter la propagation du fléau. Pendant le mois d'août, on constata 39 cas éparpillés dans toute la ville, dont plusieurs à la caserne, présentant tous les mêmes symptômes, aussi violents que ceux observés au mois d'avril. D'après le diagnostic des médecins du pays, c'étaient des ÉPIDÉMIE DE PESTE AU PARAGUAY. 861 cas de fièvre infectieuse typhoïde, purulente, gastrique, ou de méningite, pleuro-pneumonie, etc. Au mois de septembre, après l'arrivée de la Commission argentine, le diagnostie de peste bubonique est officiellement accepté. Au mois de septembre on déelare.......... Ne AS DANCAS — DCIO D DE SRE RL enr PR ae dates 67 — — DONNE DID ENS RE SR ET a TE nee 31 — = ÉLEMPPEN ER NA es Vans 9 Satan a cle NN ae 18 — Les environs de la ville et les localités situées sur l’unique ligne de chemin de fer de Paraguay furent aussi contaminés; on y signala plusieurs cas éparpillés, mais jamais de véritables foyers épidémiques. La Commission argentine quitta l'Assomption le 28 janvier. Le gouvernement du Paraguay déclara l'épidémie éteinte au mois de février; cependant des cas continuaient à se produire et devinrent si nombreux qu'en juillet les autorités déclarèrent de nouveau l'existence de la peste dans la capitale de la répu- blique. Au mois d'août, on annonce officiellement la disparition du fléau, pour revenir encore une fois le 31 octobre à la décla- ration de son existence. En somme la ville de l’Assomption et plusieurs localités des environs doivent être considérées comme des foyers probablement permanents de peste. Dans ces derniers jours, la maladie vient reparaître à Ville- Conception, située à 400 kilomètres de l'Assomption, sur la rive droite du Paraguay. | La république Argentine est envahie à son tour au mois de 8eptembre. À cette époque, au Rosario, ville de 105.000 habi- tants, située sur le fleuve Parana, trois portefaix des grands entrepôts du port tombentsubitement malades : deux guérissent, le troisième meurt le 10 octobre. Une autre personne, qui habitait la maison où logeaient ces portefaix, présente le 3 octobre les symptômes suivants rachialgie, céphalalgie, fièvre élevée, dyspnée, ràles sous- crépitants aux deux bases, albuminurie, larges ecchymoses dans les régions lombaires, et hypertrophie des ganglions inguinaux. Elle mourut le 21 octobre; autopsie : œdème des méninges; pneumonie du lobe inférieur du poumon droit; myocardite aiguë; congestion et hypertrophie du foie ; conges- 62 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. tion, hypertrophie et ramollissement de la rate; néphrite aiguë ; hémorragies sous-muqueuses de l'estomac et de l’intes- tin; hypertrophie et congestion des ganglions inguinaux avec infiltration périganglionnaire ; ecchymoses sous-cutanées au niveau du thorax et suffusions sanguines intra-musculaires des lombes. Presque en mène temps, dans une maison voisine, une femme tomba malade. Le médecin qui la soigna nous fournit les renseignements suivants sur la marche de la maladie. Cette femme était enceinte presque à terme; elle présentait tous les signes classiques d'une pneumonie, avec angoisse prononcée. On observait quelques pétéchies sur la paroi abdominale des ganglions inguinaux et axillaires. Elle accoucha d'un enfant mort, sans présenter dans la suite des complications puerpérales. Elle succomba le 22 octobre. Autopsie : piqueté hémorragique des deux plèvres ; congestion et œdème pulmonaire; foyers de pneumonie; myocardite; foie congestionné et hypertrophié; néphrile parenchymateuse; piqueté hémorragique sous-muqueux dans l’estomac et sous-péritonéal dans l'intestin; ganglions inguinaux de la grosseur d’une noix avec infiltration du tissu cellulaire périganglionnaire. En novembre on constatait dans les entrepôts du port une mortalité extraordinaire de rats. Les cadavres des rongeurs se trouvaient par centaines échelonnés le long des chemins qui conduisent aux dépôts de grains des compagnies des chemins de fer, à la Raffinerie argentine, et à La Germania, grand entrepôt de céréales et autres produits du pays destinés à l'exportation. Cette épidémie de rongeurs ne tarda pas à se montrer sur plu- sieurs points de la ville, principalement dans les entrepôts de bois provenant du Paraguay et dans les écuries. Sur plusieurs rats morts qui étaient porteurs de vrais bubons, on trouva le microbe de Yersin. « La Germania », la « Raffirnerie argentine » et les entre- pôls de grains constituent les premiers en date et Les principaux foyers d'infection. Les ouvriers de ces établissements payèrent un lourd tribut à l'épidémie. Jusqu'au commencement de janvier, le diagnostic de presque tous ces cas fut erroné. À ce moment le nombre des malades devint si considérable que les autorités sanitaires fédérales ÉPIDÉMIE DE PESTE AU PARAGUAY. 863 s’alarmèrent, et décidèrent d'envoyer le D' Delfino pour en faire l’étude clinique et bactériologique. Tous les malades présentaient les symptômes observés à l’Assomption. Cliniquement il n'y avait pas de doute, on était en présence d'une épidémie de peste bubonique ; l'examen bac- tériologique révéla l'existence chez tous les malades du bacille de Yersin. Vers la fin de janvier 1900, presque toute la ville était atteinte par l’épidémie. Les statistiques du lazaret signalent dans toute la ville : AUMMIOIS UT ANMIEL MR ecnieeRete 29 cas. — NA PE TE ue Taser 29 — — ARS EEE EE een eee 36 — Il nous a été impossible d’avoir le chiffre exact en avril et Inal. Le 11 mai, le gouvernement déclara efficiellement que l’épi- démie était éleinte. Quelle est l’origine de cette épidémie de Rosario? L'enquête que nous avons faite ne nous permet pas de répondre catégori- quement à cette question. Tout porte à penser cependant que le point de départ des épidémies de peste observées dans la répu- blique Argentine se trouve à l’Assomption. Le Centauro, qui a fait escale au Rosario le 22 avril, en route pour l’Assomption, n’a pas pu contaminer la ville, car c’est seulement à l'Assomption qu’on ouvrit la cale inférieure du navire où l’on trouva des rats morts. Si l’on tient compte d'autre part du nombre considérable de marchandises qui, du Paraguay, sont exportées au Rosario, les bois surtout qui logeaient très sûrement des nids de rats ; si l'on considère que les premiers foyers ont été observés dans les entrepôts de bois du Paraguay, on est autorisé à croire que le bacille de Yersin à été importé de l'Assomption au Rosario. A Formosa, ville de 1,597 âmes, située sur le Paraguay, on signale le 6 novembre un premier cas. C’était un enfant, âgé de six ans, qui présenta tous les symptômes typiques de la peste avec bubon inguiual du côté gauche. On observa encore un autre cas, qui évolua en trois jours sous la forme d’une ménin- gite pesteuse avec bubons. Les deux malades succombèrent ; 864 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. l'examen bactériologique des bubons révéla la présence du bacille de Yersin. Il a été impossible d'établir l’origine de la contagion dans ces deux cas. On remarqua aussi une mortalité parmi les rats. Des mesures énergiques prises à temps arrêtèrent le déve- loppement de l'épidémie. A Corrientes, ville de 20,000 habitants, située sur le Parana, on signale un cas suspect le 23 octobre. Il s'agissait d’une femme présentant des symptômes d’une infection suraiguë avec bubons, et qui mourut en 50 heures. À l’autopsie on trouva des ecchymoses sous-cutanées au niveau du thorax ; congestion et œdème pulmonaire ; épanche- ment séro-sanguinolent des deux cavités pleurales, avec piqueté hémorragique de la séreuse; ecchymoses péricardiques ; ecchy- moses sous-péritonéales et congestion de l'intestin ; ecchymoses sous-muqueuses et sous-séreuses de l’estomac; ecchymoses sous-capsulaires du rein et périrénales, qui s’étendaient à tra- vers le tissu cellulaire sous-péritonéal jusqu’au petit bassin, et formaient des hématomes péri-ovariques. Engorgement ingui- nal et pelvien. Il ne fut pas pratiqué d'examen bactériologique. Les auto- rités sanitaires de Corrientes considérèrent le cas comme suspect, et prirent des mesures en conséquence. On ne signala pas de nouveaux cas. Le 26 janvier, on signale les deux premiers cas de peste à Buenos-Ayres, après examen bactériologique, parmiles employés du («Moulin de l'Ouest », où l’on constata aussi une mortalité extra- ordinaire de rats. Cette épidémie dura jusqu’au mois de mai : les cas observés, d’après les statistiques officielles, furent au nombre de 118. Je n’insiste pas davantage sur cette épidémie qui ne rentre pas dans le cadre de cette étude. Le Gérant : G. Masson. Sceaux. — Imprimerie E. Charaire. 15me ANNÉE DÉCEMBRE 1901 No 12 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR ÉTUDES BIOLOGIQUES SUR LA VIEILLESSE Par Ez. METCHNIKOFF I Sur le blanchiment des cheveux et des poils, Avec les planches X{IL et XIV. Beaucoup de peuples sauvages suppriment leurs vieillards, les considérant comme tout à fait inutiles pour la tribu. Les peuples civilisés ne les tuent pas, mais les laissent souvent finir leur existence par le suicide. Les savants négligent l'étude de la vieillesse, un problème qui présente cependant un très grand intérêt. La vieillesse, telle qu'elle se présente chez l'homme, doit être considérée comme quelque chose de très contradictoire parmi les phénomènes naturels. L'usure du corps et de l'esprit n’est point accompagnée du besoin de repos, et se manifeste [é plus souvent à un moment où l'instinct de conservation et de vie est plus développé. Dans cet état de choses, il est facile de supposer que peut-être la vieillesse, telle que nous l'observons actuellement, représente une forme anormale de l'existence, contre laquelie il y aurait peut-être quelque remède à chercher. Seulement, pour arriver à ce but, il est d’abord indispensable de se rendre compte de l’atrophie sénile d’une façon beaucoup plus complète que cela n'a été fait jusqu'à présent. Je me suis donc proposé d'étudier la vieillesse au point de mn « D) 866 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. vue biologique, etil est tout naturel de commencer ce travail par une recherche sur le mécanisme du blanchiment des cheveux et des poils. Ce phénomène constitue le plus souvent le premier signe de la vieillesse qui approche, et est un de ceux qui se pré- sentent le plus constamment à un certain âge. Il est vrai que le blanchiment des cheveux et des poils peut quelquefois se pro- duire chez des jeunes gens. On l’a même observé chez des enfants à titre d'exception. Il est non moins vrai qu'il y a des vicillards qui ne Elanchissent que fort tard, et qui peuvent même atteindre un àge très avancé sans présenter un blanchiment des cheveux tant soit peu marqué A la Salpètrière, il y a en ce moment une vieille femme pres- que centenaire (100 ans moins quelques jours), dont la majeure partie des cheveux sont encore fortement pigmentés. Malgré ces anomalies, la règle générale que les cheveux et les poils blanchissent à l’époque de la vieillesse existe non seu- lement chez les races humaines les plus variées, mais aussi chez d’autres mammifères. Les chiens et les chevaux, qui vieil- lissent beaucoup plus tôt que l’homme, accusent le blanchiment des poils d'une façon très marquée Une des questions des plus importantes au sujet du blan- chiment est de savoir si les cheveux et les poils pigmentés peu- vent se décolorer, ou bien si ce ne sont que les cheveux et ies poils de nouvelle formation qui poussent blancs. Plusieurs observateurs penchaient vers cette dernière conclusion et pen- saient que le blanchiment n'est que le résultat d’un vice de développement, quand les cheveux et les poils poussent sans trace de pigment. Les faits de blanchiment brusque ne concor- daient pas bien avec cette opinion, mais on essayait de la sou- tenir en admettant que le blanchiment normal suivait d’autres lois que le blanchiment pathologique. Cependant Brown-Séquard ! a démontré que, chez des per- sonnes d'un certain âge, les poils peuvent blanchir en perdant leur pigment en un espace de temps très court. Il a observé chez lui-même, à l’âge de quarante-cinq ans, que les poils de sa barbe blanchissaient en deux jours et même moins. En arrachant ses poils blanes, il a vu que les nouveaux apparaissent non pas à la suite d'un développement de poils jeunes, blancs dès le début, {. Archives de physiologie norm. et path., 1869, p.442. BLANCHIMENT DES CHEVEUX ET DES POILS. 8067 mais se formaient à la suite de la perte de pigment chez des poils anciens. Brown-Séquard conclut que ses observations, « mettent hors de doute la possibilité d’une transformation très rapide DR R en moins d'une nuit) de poils noirs en poils blanes » (p. 443). Ce blanchiment se faisait dans des conditions normales, sans qu'une forte émotion ou une autre circonstance partieulière vint accélérer ce phénomène. M. Jean Charcot a pu sur lui-même confirmer la donnée de Brown-Séquard, et m'a donné des poils de ses moustaches et de sa barbe qui présentaient tous les états intermédiaires entre le noir et le blanc. Le blanchiment se faisait aussi en un espace de temps assez court. On à depuis longtemps commencé l'étude du blanchiment des cheveux, mais le mécanisme de ce phénomène a jusqu’à présent échappé aux observateurs. Dans son atlas des cheveux, qui jouit de la réputation justifiée d'un ouvrage classique, M. Waldeyer ! s'exprime à ce sujet de la façon suivante : « Mal- gré que nous connaissions exactement les conditions physiques du blanchiment des cheveux, nous n'avons cependant aucun point d'appui pour expliquer la disparition de leur pigment, » Bientôt après, M. Ehrmann *? s’est mis à étudier le blan- chiment précoce. Pour lui, dans ce cas, les cheveux se déve- loppent sans pigment, parce que les cellules conjonctives qui le déposent dans les éléments d’origine épidermique ne rem- plissent pas leur fonction. M. Ehrmann admet, avec Riehl, Külliker et quelques autre observateurs, que les cellules propres des cheveux sont inca- pables de développer les grains pigmentés. Ceux-ci sont toujours produits par les cellules ramiliées du derme, qui pénè- trent dans la couche épidermique des cheveux et remplissent les cellules cornées de pigment. Dans le blanchiment précoce, les cellules conjonctives ramifiées sont développées de la façon normale, Eh bien, malgré la production ininterrompue du pigment dans le derme, le cheveu peut pousser blanc, car le pigment n'est point transporté dans les cellules cornées. - M. Jarisch * a eritiqué cette théorie d'Ehrmapn, et on peut 4. Atlas d. menschl. u. thierisch. Haare, Lahr, 1884, p. 42. 2. Archiv für Dermatologie u. Syphilis, 1885 et 1886. 3. Archiv für Dermatologie u. Syphilis, 1892. 868 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. considérer comme bien démontré que les granules pigmentaires se forment dans l’intérieur des éléments de Pépiderme. M. Post!, qui a publié un des derniers travaux sur ce sujet, se place sur un terrain de conciliation. Pour lui, le pigment se forme dansles cellules épidermiques et, entre autres, dans des cellules rami- fiées qu’il considère également comme appartenant à l’épiderme et non au tissu conjonctif, D'un autre côté, cet observateur pense que les éléments ramifiés peuvent déverser une partie de leur pigment dans l’intérieur des cellules épidermiques, confor- mément à l’opinion de plusieurs savants déjà cités. Ces discussions sur l’origine du pigment des cheveux ne touchent pas à la question du blanchiment d’une façon directe, mais présentent néanmoins une grande importance pour la solu- tion de cette question, et c’est pour cela que la théorie du blan- chiment précoce, formulée par M. Ebrmann, se rattache à son opinion sur le rôle des cellules ramifiées dans la pigmentation des cheveux. M. Unna”, une des principales autorités pour tout ce qui concerne l’histologie de la peau et de ses annexes, ne paraît pas partager les théories de M. Ehrmann. Il pense qu'elles sont trop compliquées, et que l’avenir devra simplifier l'interprétation des faits. M. Unna constate en plus qu'il n'existe encore au- cune théorie du blanchiment sénile, et conseille de réunir des faits nouveaux sur l’atrophie du pigment des cheveux dans les conditions diverses. Mais comme ce n’est pas d'aujourd'hui qu’on s'est mis à . étudier les phénomènes du blanchiment des cheveux, il est évident que, dans la recherche de faits nouveaux, il est néces- saire d’avoir quelque point d'appui capable de guider les obser- vateurs. Ayant la conviction, basée sur des données précises, que la phagocytose joue un rôle prépondérant dans les atro- phies en général, nous nous sommes demandé si la théorie phago- cylaire ne serait pas capable d’éclaircir la question de la dispa- rition du pigment des cheveux et des poils. Nous nous sommes donc mis à l'étude, espérant d’un côté contribuer à la solution du problème de l’atrophie du pigment, et, de l’autre, trouver une l. Virchow's Archiv, 1894, t. CXXXV, p. 479. 2, Die Histopathologie der Hautkrankheiten, Berlin, 1894, p. 1082. BLANCHIMENT DES CHEVEUX ET DES POILS, 869 nouvelle pierre de touche de la viabilité et de Putilité de la théorie des phagocytes. Nous nous sommes adressé d’abord à des vieux chiens, dont les poils ont présenté un blanchiment plus ou moins avancé, Seulement, avant d'exposer les résultats de nos observations sur la perte de pigment, nous devons dire quelques mots sur les poils de chiens jeunes et normaux. Les poils pigmentés de ces animaux ne se laissent pas faci- lement étudier à l'état frais et normal, car la grande quantité de grains pigmentés ne permet d’apercevoir qu'une masse foncée uniforme. Il faut done d’abord faire bouillir les poils dans des solutions alcalines, par exemple dans le carbonate de soude à 100/0. Dans cesconditions, ondistingueaussitôtlacouche médul- lire de la partie périphérique et de la cuticule. Cette dernière est totalement privée de pigment, tandis que la couche cornée, constituée par des éléments fusiformes très minces, ainsi que la couche médullaire, en renferment une grande quantité. Le pigment se présente sous forme de petites granulations, conte- nues sûrement dans l’intérieur des cellules. Quant au pigment à l'état soluble, nous ne l'avons trouvé que dans des poils Jaunes ou roux. L'étude du développement des poils chez des chiens tout jeunes démontre d’une façon incontestable que les grains de pigment se développent dans lintérieur des cellules d'origine épidermique. Dès le début, on trouve, dans l’intérieur des élé- ments de la couche médullaire, de nombreux grains foncés, tan- dis que la papille du bulbe n’en renferme pas du tout. La théorie d’après laquelle le pigment est importé dans les éléments de poils naissants par des cellules pigmentées et ramifiées du derme ne trouve aucune confirmation. Parmi les poils d'un vieux chien (de race Mâtin), âgé de 16 ans, j ai trouvé, à côté de poils normaux, {rès pigmentés, d’autres qui étaient déjà complètement blancs. Mais, entre ces deux extrèmes, il s’est trouvé des poils dans lesquels le pigment des deux couches était moins abondant que chez les poils nor- maux, et qui, en revanche, renfermaient des cellules pigmen- tées, munies de prolongements protoplasmiques très développés. Ces cellules se trouvaient entre les deux couches du poil, ou bien elles étaient logées dans la couche périphérique. La pré- 810 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. sence d’un noyau rond ou ovale dans l’intérieur du corps cellu- laire, ainsi que les pseudopodes multiples (fig. 7, 8), ne lais- sait pas douter que nous avions affaire à des éléments bien cons- tilués, qui se présentaient justement dans des poils en train de perdre leur pigment. L'étude d'un vieux chien danois, âgé de 13 ans, que nous devons à l’obligeance de notre ami M. Nocard, nous a fourni des renseignements importants sur les cellules pigmentées des poils en voie de blanchiment. Déjà, chez des jeunes chiens de cette race, au milieu de poils de constilution tout à fait pareille à ceux des chiens en général, on trouve un certain nombre de cellules pigmentées, disposées entre les deux couches principales (fig. 1, c). Seulement ces cellules sont peu nombreuses, sauf chez des poils exceptionnels. Les chiens danois deviennent bientôt gris, et les poils du. vieux chien mentionné étaient devenus gris clair et par endroits tout blanes. Eh bien, chez cet animal, la quantité des cellules pigmentées intermédiaires entre les deux couches est devenue tout à fait extraordinaire. Sur des poils traités par du carbonate de soude, la couche médullaire se présentait couverte d’une très grande auantité d'éléments très foncés, de formestrès diverses (fig. 3). Tantôt ce sont des masses rondes ou ovales, tantôt des éléments munis de prolongements plus ou moins nombreux. La quantité de pigment est tellement grande que le noyau est le plus souvent complètement caché par lui. Et cependant la nature cellulaire des éléments en question ne peut guère ètre mise en doute. Dans la partie périphérique des poils, on trouve également une quantité des mêmes cellules pigmentées (fig. 2), présentant souvent des formes bizarres. L'apparition d’une grande quantité de ces éléments pigmentés coïneide avee la disparition des grains de pigment dans le reste du poil et notamment dans sa couche périphérique. I est évi- dent que nous avons affaire ici à des cellules qui s’incorporent le pigment des éléments fusiformes de cette couche. Très sou- vent on trouve des poils dont la couche périphérique est déjà entièrement incolore et ne renferme de pigment que dans l'inté- rieur des cellules pigmentées allongées ou ramifiées. Ces cellules BLANCHIMENT DES CHEVEUX ET DES POILS. 871: sont donc des véritables pigmentophages qui dépouillent de leur pigment les éléments normaux de la couche périphérique des poils. Pour se rendre compte d’une façon plus complète des rapports entre les pigmentophages et les éléments fusiformes de la couche périphérique, il est nécessaire de traiter les poils avec de l'acide sulfurique. Dans ces conditions, on trouve les cellules, remplies de pigment, dans des rapports très intimes avec Îles éléments fusiformes. Ceux-ci présentent des excavalions pro- fondes (fig. 4, c), occupées par les pigmentophages. Ces cellules se trouvent quelquefois (fig. 4, b) étroitement logées entre deux éléments fusiformes, avec lesquels elles présentent une forte adhérence. Il est done évident que les pigmentophages s’insinuent dans l’intérieur des éléments de la couche périphé- rique (fig. 4, a) pour absorber leur grains de pigment. Les détails de ce processus sont très difficiles à observer, mais tout l’ensemble de faits indique bien qu’il s’agit ici d’un acte de phagocytose de la part des pigmentophages. Quels sont l’origine et le sort de ces cellules? La première de ces questions peut être résolue sans difficulté sur des poils traités par le carbonate de soude. La couche médullaire de ces poils est composée d’une rangée de cellules aplaties qui, à Pétat normal, sont remplies de grains pigmentés. Plus tard, la quantité de pigment diminue dans ces cellules, et on le voit alors dis- tribué d’une façon très inégale. A côté de cellules riches en grains pigmentés, on en voit d'autres qui n’en renferment pres- que pas ou même qui en sont entièrement privées. Dans des poils qui blanchissent, quelques éléments de la couche médul- laire quittent leur place habituelle; ils se mobilisent et passent à la périphérie de cette couche ou mème pénètrent dans la couche périphérique (fig. 5, 6). Il est donc hors de doute que les pigmentophages dérivent des éléments de la couche médullaire et sont par conséquent d'origine épidermique. J'ai cherché à établir si une partie des pigmentophages ne provenait pas de la transformation et de La mobilisation des éléments fusiformes de la couche périphérique. Mes observations ne m'ont pas permis de résoudre cette question dans un sens affirmatif, Les pigmentophages sont donc des cellules d’origine ecto- blastique qui dévorent les grains pigmentés et les transportent 872 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. en dehors des poils. Dans des poils dont toute la couche péri- phérique est déjà entièrement blanche, on trouve encore, sur la surface de cette couche, un certain nombre de pigmento- phages bourrés de grains colorés. Mais, dans d’autres poils, on ne voit plus ni pigment ni pigmentophages, et c’est alors que les poils sont tout à fait blanes. Sur des coupes de la peau prélevée au vieux chien danois, on peut facilement suivre quelque phases ultérieures du trans- port des grains pigmentés. On trouve des amas de cellules pigmentées dans le bulbe de poils qui eux-mêmes ne contien- nent pas où ne contiennent que très peu de pigment. Il faut donc en coneluré que les pigmentophages sont descendus dans la racine des poils (fig. 20, 4). Sur les mêmes préparations, on rencontre des cellules pigmentées en dehors des poils, mais dans leur voisinage. C’est ainsique, près des bulbes, on trouve dans le tissu conjonctif des cellules bourrées de grains pigmentés (fig. 20, p). L'étude détaillée des faits amène à cette conclusion que ces éléments pigmentés du derme ne sont autre chose que des pigmentophages. Après avoir quitté les poils et les bulbes, ces éléments se sont répandus dans le tissu conjonctif environ- nant. On les voit munis de prolongements plus ou moins déve- loppés et on leur trouve un noyau parfaitement net. A cause de cette particularité, on pourrait croire que ces cellules se dis- üinguent des pigmentophages rencontrés dans l’intérieur des poils. Mais il est facile de trouver des formes intermédiaires, c’est-à-dire des cellules logées dans le derme et munies d’une grande quantité de pigment qui recouvre totalement le noyau. En comparant ces formes variées, on arrive à la conclusion qu'une partie des grains pigmentés doit disparaitre dans l’inté- rieur des pigmentophages, et permettre à cause de cela de dis- tinguer le noyau. Chez le vieux chien danois dont j'ai étudie la peau, les cellules pigmentées du derme aux environs des poils sont nom- breuses. Au contraire, dans la peau de jeunes chiens dont les poils sont très riches en pigment, le derme est totalement dépourvu de ces cellules, Ce fait corrobore donc la conclusion que ces éléments proviennent en dernière instance des pigmen- itophages des poils. Ù Dans mes recherches sur le blanchiment des poils chez les BLANCHIMENT DES CHEVEUX ET DES POILS. 873 chiens, je n'ai jamais observé de dissolution de grains colorés, _ce qui prouve une fois de plus que la perte de pigment par Îles poils se fait non pas à la suite d’une dissolution, mais bien par son transport dans le bulbe et le derme, Les recherches sur les chiens nous ont servi uniquement pour nous orienter dans l’étude du blanchiment des cheveux et des poils chez l'homme. Chez des personnes jeunes ou àgées, dont les cheveux et les poils blanchissent, on en trouve sans difficulté qui présentent des stades intermédiaires. Ainsi on rencontre des cheveux dont une partie seulement est blanche, tandis qu'une autre a encore bien conservé sa coloration; ou bien des poils qui, sans ètre blancs, se distinguent par une coloration beaucoup moins foncée qu’à l'état normal. C'est dans ces conditions que le mécanisme du blanchiment peut être le mieux observé, En examinant au microscope ces cheveux ou poils, en y ajoutant simplement une goutte d'eau, mais sans aucune autre préparation, on trouve facilement des pigmentophages plus ou moins nombreux. Ce sont des cellules remplies de pigment, et munies de 2 ou d’un plus grand nombre de prolongements qui souvent se dis- tüinguent par une longueur vraiment extraordinaire, Les pigmen- tophages occupent des places variées dans le cheveu, eton trouve leurs prolongements très minces s'insinuant entre les éléments fusiformes de la couche corticale (fig. 13). Le plus souvent les pigmentophages accusent des formes ovales et allongées (fig. A7, 18), mais quelquefois on les trouve avec un corps arrondi et des prolongements nombreux et ramifiés (fig, 11, 15). Gràce à la richesse en grains pigmentés, les cellules et leurs appendices se laissent très facilement apercevoir, de sorte qu'il est tout à fait inutile de recourir à des méthodes de coloration artificielle. Le noyau est également très bien visible sous forme d’une tache claire, ronde ou ovale. Dans des cheveux colorés normalement, ainsi que dans d’autres qui ont déjà définitivement blanchi, on ne trouve pas de pigmentophages, tandis que dans les cheveux en train de blanchir, on les trouve constamment, Ceci prouve que ces éléments sont réellement en rapport intime avec la perte de pigment, J'ai constaté la présence des pigmentophages dans le blan- 874 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. chiment sénile, ainsi que dans le blanchiment précoce. Je les ai trouvés chez une femme centenaire de la Salpêtrière (fig. 47, 18) tout aussi facilement que chez les jeunes personnes qui, à l’âge de 28 ans, ont déjà commencé à avoir des cheveux blancs (fig. 10, 15, 16). Les poils chez homme se comportent de la même façon que les cheveux blanchissants, et on y rencontre des pigmentophages exactement pareils. Chez une dame de 28 ans, ainsi que chez un jeune homme du même âge, dont les chevelures manifestent un blanchiment précoce assez avancé, j'ai pu me convaincre que les pigmen- tophages proviennent des éléments de la couche médullaire. M. Waldeyer.({. e., p. 19) hésitait à se prononcer d'une façon affirmative sur la présence de pigment granuleux dans cette partie de cheveux humains. Mes observations ne laissent aucun doute à ce sujet. Le pigment se trouve dans l’intérieur des cellules aplaties de la couche médullaire, non seulement chez les divers mammifères, mais aussi chez l’homme. Les grains foncés de ces éléments peuvent nous guider facilement dans la recherche de l’origine des pigmentophages. Certaines cellules de la couche médullaire (fig. 14) se détachent de cet endroit pour émigrer dans la couche corticale. C’est là qu’eiles dévorent les grains pigmentés, ce qui les fait augmenter de volume et les fait ressortir d'une facon très apparente. Au fur et à mesure que les cheveux et les poils blanchissent, leur pigment disparait de plus en plus, et la quantité des pigmen- tophages devient également de plus en plus petite. Lorsqu'on arrache un poil blanc dans lequel on ne trouve que quelques rares pigmentophages, on peut trouver dans le bulbe une grande quantité de ces cellules (fig. 19). Il est évident que les pigmen- tophages descendent le long des cheveux et des poils pour se réunir dans le bulbe. Mais plusieurs faits que j’ai pu observer m'ont convaincu qu’une partie des pigmentnphages se rendent à la périphérie des cheveux et passent totalement au dehors. On a souvent exprimé l'opinion que, dans le blanchiment des cheveux, c’est la pénétration de l'air qui joue le rôle le plus important. Cette opinion ne peut nullement être soutenue. Il y a bien des gaz qui se trouvent dans les cheveux qui blanchissent, mais il y en a aussi dans des cheveux qui sont foncés. Le blan- chiment est le résultat de la perte du pigment, qui est transporté BLANCHIMENT DES CHEVEUX ET DES POILS, . 815 par les pigmentophages dans le bulbe ou bien en dehors des cheveux. Le mécanisme du blanchiment est, dans sa partie essentielle, le mème chez le chien et chez l'homme. Il n’y a aucune diffé- rence fondamentale dans ce phénomène, qu'il s’accomplisse dans les poils de l'homme et du chien ou bien dans les cheveux humains. Le mécanisme est le mème dans le blanchiment pré- coce ou sénile. Des recherches nouvelles sont nécessaires pour éclaircir le développement des cheveux et des poils blanes. Nous avons dit que, d’après M. Ehrmann, ce phénomène doit s'expliquer par l'impossibilité pour les cellules ramifiées, fournisseuses du pigment, de rejeter les grains pigmentés dans les cellules de la couche cornée. Cette opinion est basée sur le fait que, dans le bulbe des cheveux blancs, les cellules pigmentées ne font point défaut. Il faut voir s'il ne s’agit pas dans ce cas de pigmento- phages réunis dans le bulbe. Peut-être ces éléments, particuliè- rement avides de pigment, nelaissent-ils point les grains colorés se déposer dans les cellules des jeunes cheveux ? Cette question ne peut être résolue que par des observalions spéciales, dirigées vers ce point. Mais il est évident que notre ignorance sur la cause qui fait que les cheveux et les poils peuvent se développer sans pigment ne touche en rien au blanchiment des cheveux et des poils pigmentés. Comme les phagocytes, si répandus dans le règne animal, sont le plus souvent d’origine mésoblaslique, on pourrait se demander si la nature épidermique des pigmentophages ne présenterait pas quelque chose de paradoxal et de difficilement acceptable. Pour lever tous les scrupules, il n’y à qu'à se rap- peler les exemples de phagocytes qui dérivent de l'ectoblaste. Nous avons déjà décrit,, dans notre premier mémoire sur la phagocytose!, ce fait que des appendices des hydropolypes, organes connus sous le nom de Nematocalyces, sont couverts de cellules ectodermiques qui englobent toute sorte de corps étrangers. Nous avons également mentionné des larves d’actinies, dont les cellules de lectoderme saisissent régulière- ment des corpuscules de leur entourage. Plus tard, M. Faus- 1. Arbeiten d. sool., Instil, zu Wien, 1883, €. V, p. 142. 876 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. sek! a observé la phagocytose par les éléments ectoblastiques du manteau des larves d’anodontes. Mais ce ne sont pas seulement les Invertébrés chez lesquels on a rencontré des exemples de phagocytose ectoblastique. Chez l’homme même, 1l y a des cas où ce genre de phagocytose ne peut pas être mis en doute. Soudakewitch*, le premier, a trouvé des bacilles lépreux dans l'intérieur des cellules nerveuses des ganglions périphériques. M. Babes” a étendu ce même fait aux éléments nerveux de la moelle épinière. Or, ilestincontestable que les bacilles lépreux ne peuvent parvenir dans l’intérieur de ces cellules, d’origine ectoblastique certaine, autrement que par l'intermédiaire des mouvements actifs de certains dendrites. Les pigmentophages qui font blanchir les cheveux et les poils rentrent donc parfaitement dans la catégorie des phago- cytes ectoblastiques, certainement beaucoup moins nombreux que ceux qui proviennent du mésoblaste. Le mécanisme du blanchiment que nous avons décrit ne nous révèle que la cause immédiate de ce phénomène. Il reste à savoir pourquoi les pigmentophages se mettent, à un moment donné, dans un état de suractivité, et dévorent le pigment de la couche cornée pour le transporter dans le bulbe et le derme. Ilest connu que certaines maladies infectieuses amènent le blanchiment précoce des cheveux, localisé ou général. Ainsi on a observé quelquefois que chez des jeunes personnes, atteintes de fièvre typhoïde, les cheveux commencent à blanchir dans le courant de la maladie ou après la convalescence. Plusieurs savants * ont vu les cils devenir blancs dans l’ophtalmie sym- pathique, consécutive à la destruction de l'œil opposé. Il est très probable que, dans ces exemples, ce sont des substances toxiques qui excitent l’activité des pigmentophages et leur font transpor- ter les grains pigmentés. Depuis longtemps, on a signalé des exemples de blanchiment des cheveux très rapide, qui peut s'effectuer en peu de jours et quelquefois même dans l’espace d'une nuit. Autrefois, on ne voulait pas mème croire à la possibilité de pareils phénomènes, tellement ils paraissaient dificiles à concevoir et à expliquer. Et 4. Biologisches Centralblatt, 1895, p. 115. 2. Ziegler's Beiträge z. pathol. Anatomie, 1888. t. II, p. 129. 5. Histologie d. Lepra, 1898, p. 68. , 4. NerrresxiP, The Lancet, 1833, 22 décembre. BLANCHIMENT DES CHEVEUX ET DES POILS. 811 cependant il s’est accumulé dans la science sous ce rapport un nombre de faits si grand que la négation est devenue tout à fait impossible. Nous n'avons pas besoin d’énumérer ici tous les cas de blanchiment brusque et rapide, enregistrés dans les annales scientifiques. Le lecteur en trouvera réunis un grand nombre dans les travaux de Charcot!, de Leloir et Vidal?. Récemment, M. Schmidt, en réponse à la demande de M. Virchow de lui communiquer des renseignements sur des exemples de blanchiment rapide, à décrit un cas de ce phéno- mène, Il s’agit d’un ouvrier, âgé de 36 ans, qui s’est présenté avec deux mèches blanches des cheveux. Le blanchiment s’est produit dans l’espace d’une nuit, à la suite d’un accident de chemin de fer qui faillit écraser cet individu, à ce moment âgé de 28 ans seulement. Le fait que le blanchiment des cheveux est le résultat du transport du pigment par les pigmentophages permet, je crois, d'expliquer les cas de blanchiment rapide. On conçoit facile- ment que, sous l'influence de stimulants exceptionnellement forts, les mouvements des pigmentophages se fassent plus rapidement que d'habitude. On connaît bien des cas de résorp- üon très rapide d’exsudats inflammatoires. Or, ce phénomène est également dû à l’activité des phagocytes. Les émolions violentes exercent une influence incontestable sur les foncuüions de la vie organique, et peuvent en modifier et augmenter les sécrétions. Il se peut donc bien que, dans ces conditions, les pigmentophages soient stimulés d’une façon toute particulière. Or, le fait que les éléments des cheveux et des poils peuvent absorber certaines substances est prouvé par la présence de l’arsenic dans les cheveux et les poils des hommes et des animaux empoisonnés. Le blanchiment, intermittent ou annelé, qui a été décrit comme une rareté et comme un phénomène des plus difficiles à expliquer, peut également être conçu au point de vue que nous soutenons dans ce travail. Une fois que le mécanisme du blanchiment se réduit à une activité des pigmentophages, il devient possible de supposer qu'une partie de ces cellules est 1. Gagette hebdomadaire, 1861, p. 445. 2. France médicale, 1890, p. 2##. 3, Virchow's Archiv., 1899, t, CLVI, p. 190, 878 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. apte à remplir sa fonction destructive, tandis que l’autre reste inerte pendant une période de temps plus ou moins longue. Comme les pigmentophages creusent les cheveux par leurs mouvements et leurs appendices protoplasmiques, on conçoit facilement que, dans ces conditions, l'air puisse plus facilement pénétrer dans la profondeur. Certains changements de forme des cheveux peuvent être expliqués par la même cause. Le fait que le blanchiment se produit surtout pendant la nuit indique bien que les pigmentophages manifestent leur activité principalement pendant cette période de la journée. Aussi nous avons pu observer les meilleurs exemples de pigmentophagie sur des cheveux prélevés à minuit, Peut-être la révélation du mécanisme du blanchiment des cheveux ct des poils pourra-t-elle servir pour la recherche des moyens d’empècher ce phénomène. Ces annexes de la peau sont accessibles aux agents physiques et chimiques qui peuvent faei- lement tuer les pigmentophages et, par conséquent, les empê- cher dans cette œuvre destructrice. Cette question, ainsi que plusieurs autres qui se rattachent au blanchiment des cheveux et des poils, ne peut être résolue que par des recherches ultérieures. EXPLICATION DES PLANCHES XIII ET XIV Fi. 4. — Une partie de poil d’un chien danois, âgé de 2 ans. Le poil a été traité par une solution de soude à 10 0/0; c, pigmentophage; m, cel- lules de la couche médullaire, Fig. 2. — Pigmentophage de la couche périphérique du poil d’un vieux chien danois de 13 ans. Traitement par de la soude à 10 0/0. Fi. 3. — Couche médullaire d'un poil du même chien, après traitement avec de la soude à 10 0/0. Fc. 4. — Trois cellules de la couche périphérique du poil du même chien. Traitement par l'acide sulfurique ; &, cellule avec un pigmentophage enfoncé dans sa profondeur; b, deux cellules avec un pigmentophage au milieu; €, une cellule avec une excavation profonde, dans laquelle était logé un pigmentophage. Fi6. 5, 6. — Couche médullaire de deux poils du même chien. Traitement par la soude à 10 0/0. | Fi6. 7.— Un pigmentophage du poil d'un vieux chien de 16 ans, Le poil a été traité avec de la soude à 10 0/0. BLANCHIMENT DES CHEVEUX ET DES POILS. 879 Fi. 8. — Deux autres pigmentophages soudés du même chien, l'iG. 9. — Partie pigmentée d’un cheveu à moitié blanchi d'une dame de 28 ans. FiG. 10. — Partie blanche d’un cheveu de la mème personne, avec plu- sieurs pigmentophages. FiG. 11. — Un des trois pigmentophages de la figure 10. Fi. 12,13. — Deux fragments d'un cheveu en partie pigmenté, en partie blanc de la même personne. Passage des pigmentophages de la couche médullaire à la périphérie, Fic. 14, — Une partie d’un cheveu d'un homme de 28 ans. Ce cheveu est en partie pigmenté, en partie blanc. Passage des pigmentophages de la couche médullaire à la périphérie, FiG. 45. — Une autre partie du même cheveu avec un pigmentophage à pseudopodes ramifiés. Fic. 46. — Un pigmentophage d'un cheveu blanc de la même personne. Fic. 17, 18. — Deux fragments de cheveux grisonnants d’une vieille femme, âgée de 100 ans. FiG. 19. — Cellules pigmentées du bulbe de poil blanc de la barbe d'un homme de 34 ans. FiG. 20. — Coupe de la peau du vieux chien danois ; 4 cellules pig- mentées du bulbe ; p, pigmentophages dans le derme. (Cette coupe a été faite par M. le Dr Ivanoff.) DE L'HÉMOLYSINE STREPTOCOCCIQUE Par LE Dr BESREDKA (Travail du laboratoire de M. Metchuikof.) I Quand on fait l'autopsie d’un lapin mort de streptococcie, on est souvent frappé de l'aspect particulier de son sang. Un tube effilé plongé dans le cœur ou à l’intérieur d’un gros vais- seau ramène un liquide d’un beau rouge, mais complètement transparent. Le sang est laqué, aurait-on dit autrefois; nous dirons, pour nous servir d'un terme plus moderne, qu'il est hémolysé *. Cette hémolyse du sang est un phénomène des plus fréquents chez des lapins inoculés avec un streptocoque très virulent:; il n'est pas constant : il y a des cas, rares, il est vrai, et dont il sera question plus loin, où, malgré la virulence du microbe, le sang des lapins morts d'infection streptococcique, n’est pas dissous, du moins, au moment de la mort. Le streptocoque est le seul microbe, à notre connaissance, capable de déterminer lhémolyse du sang du vivant de l'animal, dans l'organisme même, ce en quoi il diffère essentiellement de tous les autres microbes, qui ne deviennent hémolysants que in vitro et jamais in vivo, comme le B. tétanique *, le B. pyocya- nique *, le staphylocoque ‘, le B. typhique * et quelques autres°. 1. C'est M. J. Bordet qui, à notre connaissance, a le premier signalé ce phé- nomène; voici ce qu'il dit à ce sujet dans son mémoire sur le sérum antistrepto- coccique (Ces Annales, 1897, p. 177) : « Au moment de la mort, l'examen du sang trahit des altérations manifestes des globules rouges. Ceux-ci ont presque entiè- rement disparu. Le cœur d’un lapin autopsié immédiatement après la mort contient un caillot rouge clair imbibé d'un sérum où l'hémoglobine s'est large- ment diffusée, Si l'on cherche, en malaxant ce caillot dans une petite quantité de sérum, à en faire sortir les globules rouges, on obtient un liquide où l'on ne t'ouve plus que des débris de ces éléments, qui ne montrent plus de contours cellulaires distincts. » 2. Enruica, Berlin. klin. Wochenschr., 1898, n° 12. — Mapsex, Zettschr. f. Hygiene und Infectionskrank-heiten, 1899, p. 214. 3. Buzcocn et Hunter, Centralbl. f. Bakteriol, Bd. XXVII, 1900 ; n° 25. — WEINGEROF, ibid. 1901; n° 20. 4. Neisser et WecusserG, Zeitschrift. f. Hygiene, Bd. XXXVI, 1901. >. Levy w. Prosper Levy, Centralbl. f. Bakl., Bd. XXX, 1901; ne 40. 6. LuBeNau, 20id., 1901, n° 10. Krauss et Caairmonr. Wien. klin. Woch., 4960, n° 3. DE L'HÉMOLYSINE STREPTOCOCCIQUE. 881 En plus, les microbes que nous venons de citer acquièrent généralement la propriété hémolytique en vieillissant, après avoir séjourné en milieu artificiel pendant des jours et des semaines, ce qui les distingue une fois de plus du streptocoque, qui est un microbe naturellement hémolytique, pour ainsi dire, car il exerce son action hémolysante sur les globules alors qu'il se multiplie activement, et par contre, perd celte propriété au fur et à mesure qu'il vieillit et qu'il vit en milieu artificiel, Du reste, au cours de cet exposé, on aura souvent l’occasion de constater que l'hémolysine du streptocoque occupe une place à part au milieu des autres hémolysines microbiennes, autant par son mode de préparation que par ses propriétés physico- chimiques et physiologiques. Le streptocoque dont nous nous sommes servi dans nes expériences est celui de M. Marmorek ; il tue le lapin en injec- tion sous-cutanée, à des doses très faibles, 1 ou 2 gouttes; le milieu dans lequel nous conservions le microbe était le bouillon- ascite (milieu Marmorek!) dont nous nous sommes très bien trouvé. Le mélange de 2 parties de bouillon pour 1 partie de liquide d’ascite est incontestablement supérieur aux autres milieux, pour l'entretien du streptocoque qui y vit bien et garde pendant assez longtemps sa virulence acquise par les passages. La première idée qui vient à l'esprit dès que l’on se propose d'isoler la substance hémolysante du streptocoque est, naturellement, de s'adresser à son milieu de choix : c’est ce que nous avons commencé par faire. Étant donné que le streptocoque dissout le sang très forte- ment dès qu’il commence à être visible dans les cultures, c’est- à-dire dès les premières heures qui suivent l’ensemencement, nous avons conclu qu'il ne faut pas attendre que la culture soit vieille pour chercher si elle est douée d’un pouvoir hémo- Jytique. Guidés par cette considération, nous avons préparé une culture en bouillon-ascite, et 24 heures après, quand elle a été 1. Ces Annales, 1895, p. 593. 30 882 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. déjà très abondante, nous layons séparée des microbes à la bougie Chamberland, dans l'espoir de découvrir dans le filtrat l'hémolysine, Or, ce filtrat essayé vis-à-vis de différentes espèces de globules rouges se montra aussi peu hémolytique que l’est le bouillon-ascite avant qu’il soit ensemencé. Comme, d’une part, la culture entière mélangée à du sang défibriné dissolvait activement les globules, et comme, d’autre part, le filtrat n’en dissolvait aucunement, il ne nous restait qu’à en conclure que l'hémolysine en question est intimement liée aux corps microbiens et que le streptocoque ne la laisse. point diffuser dans le milieu ambiant. Sans nous décourager de ce résultat négalif, nous avons cherché à varier les milieux de culture : après de nombreux tätonnements dont il serait inutile d'entretenir le lecteur, nous avons réussi à obtenir une solution d’hémolysine streptococci- que, qui par l'intensité de sun action ne cède presque en rien à celle de la culture entière de streptocoque vivant et virulent. Il y a deux conditions importantes à réaliser pour cela . une concerne le milieu, l’autre le microbe. Pour ce qui concerne le milieu, il est nécessaire qu’il diffère aussi peu que possible du milieu naturel, dans lequel le strepto- coque opère l’hémolyse du vivant de l'animal. Les sérums sanguins, aussitôt que le caillot est retiré, se prêtent généralement très bien à la production de lhémolysine; en ajoutant à du sérum 1 ou 2 gouttes de sang défibriné, avant l’'easemencement du streptocoque, on amorce la sécrétion qui se poursuit ensuite toute seule et très rapidement. Certes, le sérum, tel qu’on l’obtient généralement après la coagulation du sang, diffère du plasma sanguin qui circule dans les vaisseaux de l'animal et qui sert d'aliment au streptocoque inoculé. Cette différence porte, comme nous le savons, prinei- palement sur la présence de la microcytase (alexine bactéricide) dans du sérum, et sur son absence dans du plasma, ce qui tient dans le premier cas à la destruction des feucocytes, et dans le deuxième, à leur intégrité. Mais on peut jusqu’à un certain degré remédier à cet incon- vénient. La préparation du plasma exigeant des suis assez DE L'HÉMOLYSINE STREPTOCOCCIQUE. 883, minulieux, nous avons cru pouvoir nous rapprocher des condi- ions naturelles en détruisant la microcytase, par le chauffage du sérum à 55° pendant une demi-heure. à Et en réalité, quand on compare l'effet hémolytique de la sireptocolysine obtenue, d’une part, avec du sérum non chauffé et, d'autre part, avec du sérum préalablement chauffé, on voit que la différence est des plus manifestes en faveur de ce dernier. L'emploi des sérums chauffés présente en plus cet avantage que l’on n’a pas à compter avec l’action globulicide propre des sérums, lorsqu'ils ne sont pas privés de leur cytase (macrocvtase ou alexine globulicide). Tous les sérums ne se prètent pas au mème degré au but que nous poursuivons ; de beaucoup le meilleur, sous ce rapport, est celui de lapin; le sérum humain et le sérum de mouton viennent en second heu; celui de bouc n'est pas mauvais; quant aux sérums de bœuf et de cheval, ils présentent certains inconvé- nients sur lesquels nous reviendrons à propos de la fitration, Une fois Le milieu préparé. il reste à faire lensemencement, en choisissant un bon microbe. Une assez longue expérience nous à appris que, pour se mettre à l'abri des échecs, 1l est important que le streptocoque à ensemencer vienne directement de l'organisme animal, et qu'il n'ait pas séjourné auparavant dans des cultures artilicielles ; nous serons même plus conforme à la réalité en disant qu'il es essentiel que le streptocoque vienne directement d'un lapin dont il a hémolysé le sang ‘. En pratique, nous procédons ainsi : la veille de l’ensemence- ment, nous injections à un lapin, sous la peau, plusieurs goultes de culture jeune en bouillon-aseite : 18-24 heures après, le lapin meurt; on fait l'autopsie aussitôt après, et le sang du cœur, lorsqu'il est dissous. est directement ensemencé dans des tubes contenant du sérum de lapin chauffé à 55°: on y laisse couler 1 ou 2 gouttes de sang dissous afin d'enrichir en même temps Le milieu en hémoglobine; puis on porte les tubes à l’étuve à 37°, Il est utile d'être prévenu que dans certains cas le lapin meurt du streptocoque, n'ayant pas son sang dissous; alors deux . Dans un cas nous avons utilisé, pour l'ensemencement, le sang provenant d'un lapin autopsié depuis 5 jours etconservé dans une ampoule scellée ; l'hémo- lysrne ainsi obtenue fut assez active. 884 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. cas peuvent se présenter : ou le sang finit par se dissoudre au bout de quelques heures, ou bien il ne se dissout plus du tout, et ceciarrive surtout lorsqu'on injecte beaucoup trop de microbes sous la peau et, très souvent, lorsque, pour hâter la mort, on injecte, et à tort, le streptocoque dans la veine de l’oreille. Dans ces cas, le sang du lapin n'étant pas hémolysé, il est inutile de faire des ensemencements et de pousser l’opération plus loin; on perdra son temps, car ce streptocoque ne sécré- tera pas son hémolysine. Heureusement, ces cas sont exceptionnels en dehors des circonstances que nous venons d'indiquer. En règle générale, si on suit nos indications, on constate, en pratiquant l’autopsie du lapin, que le sang du cœur est complètement transparent, et . ans ces conditions on est sûr, en l’ensemencçant dans du sérum chauffé, d'obtenir une streptocolysine très active. Portés à l’étuve, les tubes ensemencés se troublent rapide- ment; déjà après 4-5 heures la culture est très abondante et elle atteint son maximum en 8 heures environ; nous les lais- sons encore pendant 8 à 10 heures à l’étuve, après quoi on passe à la filtration. Tous ceux qui ont eu à filtrer des sérums savent que c’est une opération souvent laborieuse ; il y a des sérums qui refu- sent complètement de passer à travers certaines bougies ; il y en a qui commencent à bien filtrer, puis la filtration se ralen- tit pour cesser au bout de quelques minutes. Pour facihiter la filtration de nos cultures, nous avions tou- jours l'habitude de les diluer d'un volume égal d’eau physiolo- gique à 7,5 0/00. Dans ces conditions, même les sérums les plus réfractaires passent. La rapidité avec laquelle un sérum filtre est un facteur impor- tant. Nous avons remarqué, en opérant sur diverses espèces de sérums et en les étudiant comparativement, que, d’une manière sénérale, plus un sérum filtre facilement, mieux :il vaut au point de vue de son pouvoir hémolytique; peut-être la subs- tance active est-elle retenue par les pores du liltre. Toujours est-il que le sérum de lapin qui, dilué de son volume d’eau physiologique, passe très vite par Ja bougie Cham- berland, donne toujours une excellente hémolysine; nous pou- DE L'HÉMOLYSINE STREPTOCOCCIQUE. 883 vons en dire presque autant du sérum humain: ceux de boue et de mouton filtrent moins bien; aussi donnent-ils une hémo- lysine inférieure ; quant aux sérums de bœuf et de cheval, qu traversent difficilement la bougie, ils fournissent une hémoly- sine tout à fait médiocre. Si la rapidité de la filtration a de l'importance, elle n’est pas évidemment seule à influer sur la qualité de la streptocolysine. Ainsi, la richesse de la culture, qui est variable selon les sérums, doit jouer un rôle non moins important, Le streptocoque pousse le mieux et le plus rapidement dans du sérum de lapin, ce qui est du reste compréhensible. puisqu'il vient directement du sang de lapin. La culture est notablement moins abondante et plus lente à se faire dans du sérum de mou- ton, chauffé, et ainsi de suite. Il ya donc grand compte à tenir, en faisant le choix du milieu de culture, de la rapidité avec laquelle tel ou tel sérum passe à travers le filtre, et de la facilité avec laquelle le microbe s'y développe. Nous venons de remarquer que lhémolysine de beaucoup la meilleure est celle qui est fournie par le sérum de lapin. Mais il y a des cas où on a besoin de grandes quantités d’hémolysine, lorsqu'il s’agit, par exemple, d'immuniser des animaux de grande taille ; on est donc obligé dans ces cas de sacrifier pour chaque opération plusieurs lapins à la fois. Or. il y a un moyen assez pratique d'éviter cela ; ce moyen repose sur l'observation suivante : Lorsqu'on ajoute à du sérum de mouton, par exemple, qui à lui seul est un milieu de culture très médiocre pour le strep- tocoque, un peu de sérum de lapin (1/4 environ). on oblientune culture presque aussi abondante, et à la suite une hémolysine presque aussi active que si l’on avait ensemencé le streptocoque dans du sérum de lapin seul. Comme ilest facile de se procurer de grandes quantités de sérum de mouton, cela permet de faire une bonne économie de temps et de lapins. Ce que nous venons de dire pour le sérum de mouton est également applicable à d’autres sérums (bouc, bœuf, cheval), lorsqu'ils sont additionnés du sérum de lapin. €R6 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. Résumons-nous. Pour préparer la streptocolysine, on com- mence par injecter à un lapin, sous la peau, plusieurs gouttes de eulture de streptocoque de 2% heures en bouillon-ascite; le len- demain, dès que le lapin est mort, et après s’être assuré que le sang est dissous, on prélève avec une pipette, dans le cœur, 2-3 vouttes de sangavec lequel on ensemence un tube contenant du sérum de lapin seul, ou un mélange du sérum de lapin et de sérum de mouton ou de chèvre. On porte le tube à l’étuve pour 24 heures: puis, après avoir étendu la culture de son volume d’eau physiologique, on filtre le mélange à travers la bougie ‘Chamberland. Le liquide retiré après la filtration possède à un haut degré Ales propriétés hémolysantes dont il sera question plus loin. Avant d'affirmer que l'on se trouve réellement en présence de l’hémolysine streptococcique, ou streptocolysine, il était prudent de s'assurer que l'effet hémolytique observé à la suite des opérations ci-dessus est bien dü à la sécrétion du microbe et non pas à autre chose ; car on peut se demander si un sérum animal, mème normal, ne subit pas au cours de la filtration un appauvrissement en substances: solides tel, qu'il entrainerait un changement de titre isotonique. Cette suppo- sition était assez grave pour que nous nous empressions de la vérilier Deux échantillons de sérum de lapin, un normal, l’autre chauffé à 55°, ont été à cet effet soumis à la filtration dans les mêmes conditions que plus haut (après dilution avec volume égai d’eau physiologique) ; puis les deux filtrats ont été examinés au point de vue de leur pouvoir hémolytique vis-à-vis des glo- bules rouges de lapin, de cobaye et de bœuf. Or, les résultats en furent nettement négatifs ; les sérums neufs, chaulfé où non chauffé, n’hémolysent pas les hématies davantage après la filtration qu'avant. Une Tone précaution à prendre, avant d'aborder l'étude de la streptocolysine, est de vérifier si la bougie a bien fonctionné pendant toute l’opéralion, c’est-à-dire si, par hasard, elle n'a pas laissé pénétrer quelques streptocoques dans le filtrat, ce DE L'HÉMOLYSINE STREPTOCOCCIQUE. 887 dont il faut loujours avoir soin de s'assurer en ensemençant quelques gouttes de filtrat dans du bouillon-ascite. IT On essaie le pouvoir hémolytique de la streptocolysine exactement comme s'il s'agissait d’une hémolysine cellulaire ; inutile donc d'y insister. Pour se faire une idée de l'intensité du phénomène, il suffi- rait de citer quelques chiffres : ainsi 24 gouttes de filtrat obtenu avec du séram de lapin (par conséquent 12 gouttes de strepto- colysine non diluée) dissolvent une goutte de sang défibriné de lapin en 2 heures, à l’étuve; la même dose de filtrat, mise en contact avec 6 gouttes de mème sang, amène la dissolu- tion complète en 7-8 heures. On voit donc que nous avons affaire à une action hémolytique très énergique. Quand on ne cherche pas à déterminer le titre hémolytique absolu d’une streptocolysine, il est préférable d'opérer sur des globules émulsionnés dans de l’eau physiologique !; l’eifet hémo-. lytique se manifeste alors en très peu de temps ; ceci est indiqué dans des expériences comme les nôtres, faites surtout en vue d'étudier comparativement des phénomènes hémolytiques dans différentes conditions de milieu et de température. Ce qui distingue l'hémolysine sécrétée par le streptocoque des hémolysines cellulaires, et ce qui la rapproche des autres bactériolysines, c’est l'absence de spécificité vis-à-vis de espèce de globules rouges. La streptocolysine dissout non seulement les globules rouges de lapin, mais encore ceux de l’homme, de cobaye, de mouton, de bœuf, de cheval, de chien. Elle ne dissout pas tous ces globules avec la même facilité ; ainsi, alors que la destruction des hématies de cobaye ou de l’homme exige une heure, celle des globules de cheval ou de bœuf en demande deux ou même plus; en règle générale, ce n’est là qu’une question de temps. Mais il existe une exception curieuse à cette règle : 11 y a des globules qui se comportent différemment suivant la nature de 1. Dans toutes nos expériences, l'eau physiologique est à 7,5 0/00. F pn: 2 888 . ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. sérum qui à servi pour la préparation de la streptocolysine; certains globules se dissolvent bien dans un sérum et ne dis- solvent pas du tout dans un autre, bien que le streptocoque ayant servi à ensemencer ces deux sérums soit le même. Nous reviendrons encore sur ce point. Le lavage préalable du sang à l’eau physiologique, fait dans le but de le débarrasser du sérum, n’exerce pas une action appréciable sur la rapidité de l'hémolyse. La présence des antitoxines naturelles dans des sérums nor- maux, signalée par plusieurs savants pour les bactériolysines et par nous-même ! pour cé qui concerne les hémolysines cellu- laires, nous à fait rechercher s’il n’en serait pas de même pour l'antistreptocolysine. Or, l'expérience nous a montré que la plupart des sérums de laboratoire (mouton, lapin, chèvre, cobaye, homme), additionnés même à fortes doses, sont incapables d'empêcher l’hémolyse. Certes, l’addition de ces sérums retarde plus ou moins la disso- lution de lPhémoglobine ; mais il n°y a pas lieu d’invoquer pour _ cela une action antihémolytique dans le sens propre du mot. Seul le sérum de cheval, ajouté à dose double de celle d’hémo- lysine, peut presque empêcher complètement l’hémolyse ; il y aurait peut-être là un rapprochement à faire avec ce qui a été observé, non seulement pour certaines bactériolysines, mais encore pour les toxines diphtérique et tétanique. Nous avons vu que l’hémolysine streptococcique agit indiffé- remment, d'une manière générale, sur tous les globules rouges, sans manifester cette spécificité qui est si caractéristique pour les hémolysines cellulaires. Elle présente en plus une autre particularité qui la sépare non seulement des hémolysines cellulaires, mais encore des autres hémolvsines microbiennes: c’est la manière dont elle se comporte vis-à-vis des températures élevées. 4. Ces Annales. 1901, octobre. Dans cet article, qui avait pour sujet de démontrer la présence d'antihémolysines naturelles dans les sérums des animaux neufs, nous avons omis de citer MM. Ebrlich et Morgenroth. Bans un de leurs mémoires sur les hémolysines (Bert. ktin. Wochens, 1900, 21 mai), ils se sont demandés si le sérum des chèvres injectées avec du sang de chèvre ne contenait pas d’anti-autohémolysine; n'ayant pas réussi à révéler la présence de celle-ci, ils ajoutent qu’ils n’en concluent pas à son absence, mais qu’ils espèrent réussir dès qu'ils auront en main une hémolysine appropriée. DE L'HÉMOLYSINE STREPTOCOCCIQUE, 889 La streplocolysine résiste bien à 55°-56°; alors que la sta- phylolysine, par exemple, de MM. Neisser et Wechsberg!, est déjà atténuée à 48° et complètement détruite à 56° après 20 minutes de chauffage, la streptocolysine chauffée pendant une demi-heure à 55°-56° n'est presque pas entamée; on cons- tate un léger retard, comparativement avec la streptocolysine non chauffée, mais ce retard est insignifiant. Mème à 65°, notre hémolysine n'est pas sérieusement atteinte; ce n'est que par le chauffage à 70° pendant 2 heures que l’on parvient à enlever à la streptocolysine ses propriétés hémolysantes. Par contre, la streptocolysine est sensible à l'action prolongée de la température, même pas très élevée. Aïosi, si on la chauffe à 55° pendant 10 heures, on finit par la priver entièrement de son hémolysine. Même, la température de l’étuve (37°) lui est funeste, si elle est prolongée. Nous avons eu l’occasion de constater qu’un filtrat, ayant séjourné pendant plusieurs jours à l'étuve à 37°, est devenu notablement moins actif que le même filtrat laissé à la température du laboratoire. Mais mème la température du laboratoire (15°-17°) exerce à la longue une action nettement nuisible sur l’activité de la streptocolysine, Il suffit d'examiner une hémolysine d’un ütre déterminé à des intervalles rapprochés, tous les 2 jours, par exemple, pour s’apercevoir que son activité va en décroissant et assez vite. Au bout de 15 jours, elle est déjà très faible; après 20 jours. elle n’existe qu'à l’état de traces. Faisons observer, en passant, que la streptocolysine, ayant perdu son pouvoir hémolytique, ne peut être réactivée n1 par des sérums neufs, ni par uue streptocolysine récemment pré- parée. C'est l'influence de la lempérature sur la streptocolysine qui a déterminé, en partie, le choix du procédé adopté pour la pré- paration de l’hémolysine en question. En cherchant à réaliser les meilleures conditions au point de vue de la force hémolytique, nous nous sommes demandé si des cultures ayant séjourné plusieurs jours à l’étuve ne conviendraient encore mieux à notre but. Les résultats des expériences faites dans cet ordre d'idées se montrèrent tout à fait négatifs : aors que le filtrat 1. Zeilschrift für Hygiene und Infectionskrankheiten, 1901. 899 « ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR, d’une culture de 2% heures se montra très actif, celui qui pro- venait de la même culture, mais vieille de 3 jours, fut notable- ment moins hémolytique, et le filtrat de cette mème culture, après à jours, fut complètement dénué de propriétés dissol- vantes,. En présence de ces faits, deux hypothèses pouvaient se pré- senter; la disparition de lhémolysine pouvait tenir à ce que le filtrat était soumis pendant plusieurs jours d’une facon continue à la température de 37°, ou bien au fait que les cultures vieilles de 3 et surtout de 5 jours ne se prêtent plus à l'isolement de l’hémolvsine. Des expériences entreprises à ce sujet ont montré que, bien que le séjour à l’étuve atténue à un degré très appréciable la streptocolysine, débarrassée des corps microbiens, cette atténua- tion ne va pas cependant jusqu’à la destruction complète; il faut donc attribuer cette dernière surtout aux modifications que subit la culture en vieillissant; la streptocolysine formée dans les premières 24 heures est probablement détruite parle streptocoque ou par ses autres produits de sécrétion. Nous venons d'observer que, pour peu que la température soit un peu élevée, l’action de la streptocolysine s’atténue à la longue; mais il faut noter que c'est en mème temps à la tempé- rature de létuve (37°) qu’elle dissout les globules rouges avec l'intensité maximale, Ainsi, si une dose déterminée d'hémolysine dissout 1 €. ec. de sang en 2 heures, à l’étuve, il faut, pour obte- nir la dissolution dans les mêmes conditions, au moins 40 heures à la température du laboratoire (15°). L'action empêchante du froid est beaucoup plus manifeste pour la streptocolysine que pour les hémolysines cellulaires. A côté du froid, nous devons signaler un autre facteur qui gène également l'hémolyse : c'est la présence des sels. Une forte dose de chlorure de sodium, ajoutée à la streptocolysine, peut retarder son action, sans cependant l'empêcher définitivement. La dialyse dans l’eau physiologique à 7,5 0/0 ne lui fait subir aucune modification; la streptocolysine ne traverse pas la membrane du dialyseur, et Les deux liquides des vases extérieur et intérieur, retirés après 24et48 heures de dialyse, gardent res- pectivement toutes leurs propriétés primitives. OPA TN D TRS MT DE L'HÉMOLYSINE STREPTOCOCCIQUE. 891 Jusqu'ici nous avons traité des propriétés qui ont été com- munes à tous les échantillons de streptocolysine que nous avons eus en man. À priori on ne devait pas s'attendre à trouver des dif- férences individuelles, étant donné que le microbe était toujours le même ; le milieu de culture était aussi toujours le même, en ce sens que c'était toujours du sérum chauffé : maïs il provenait tantôt d’une espèce animale, tantôt d’une autre. __ Or, en réalité, les phénomènes sont plus compliqués. En employant différents sérums, on obtient des hémolysines qui diffèrent non seulement au point de vue de leur activité, e’est-à- dire au point de vue quantitatif, mais encore au point de vue qualitatif. C’est là un phénomène très curieux sur lequel nous voudrions appeler Pattention. Voici quelques exemples. La streptocolysine préparée avec du sérum de bouc, chauffé, dissout bien les globules rouges de cobaye, de lapin et de l’homme; mais elle ne dissout pas les globules de bouc, de mouton, d’oie et de poule ?. La streptocolysine préparée avec du sérum de bœuf, chauffé, se rapproche de la précédente ; comme la première, elle dissout facilement les hématies de cobaye, de lapin et de l’homme; comme la précédente elle ne dissout pas du tout les globules de bouc, ni ceux de poule; mais elle dissout, quoique difficilement, les globules de mouton et aussi un peu ceux d’oie. A côté de ces deux streptocolysines agissant à peu près de la même façon, nous pouvons en citer deux autres, à savoir celles qui sont préparées avec du sérum humain et avec du sérum de mouton, qui agissent différerument. Ainsi, la streptocolysine préparée avec du sérum de mouton, chauffé, dissout, comme celles indiquées plus haut, les globules de cobaye, de lapin et de l’homme; mais, en plus, elle dissout très bien les globules de mouton, et plus difficilement ceux de bouc; les globules de poule ne sont presque pas dissous : ceux d'oie finissent à la longue par se dissoudre en grande parlie. La streptocolysine préparée avec du sérum humain, chaulité, 1. L'effet est le même, qu’it s'agisse des globules du méme bouc qui a fourni le sérum pour le milieu de culture, ou des globules d'un autre bouc. 2. D'une facon générale, les globules d’oie et de poule se montrent très résistants vis-à-vis des streptocolysines. 892 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. dissoutles globules de cobaye, de lapin et de l’homme, et aussi bien et aussi vite, de bouc et de mouton; par contre, elle ne dissout ni les globules d’oie ni ceux de poule. Il s'ensuit donc qu’en réalité il n’existe pas une seule strepto- colysine, mais bien plusieurs, le streptocoque étant capable de se comporter différemment selon le milieu dans lequel on le fait pousser. Ce fait, qui a pu être révélé grâce à la sensibilité extrême du réactif employé, — les globules rouges, — doit être, croyons- nous, pris en considération lorsqu'on étudie les toxines micro- biennes en général. Ce qui a été constaté pour le streptocoque peut être vrai pour tous les microbes, c’est-à-dire que le milieu de culture peut influer non seulement sur l'abondance de la toxine sécrétée, mais encore sur la nature même de la toxine, qui peut varier d’un milieu à un autre, ces milieux fussent-ils même très voisins par leur constitution chimique. Dès que nous avons eu en main l'hémolysine, nous nous sommes mis à préparer l’antihémolysine. Les lapins supportent bien des doses très fortes d'hémolysine : 20 et 30 c. c. sous la peau, dans le péritoine ou dans la veine. Contrairement aux hémolysines cellulaires et à la staphylo- toxine ‘, celle qui est sécrétée par le streptocoque n'est pas du tout ou n’est qu'extrêmement peu toxique. Il est inutile de rap- porter ici les nombreux essais tentés sur des lapins et des mou- tons, dans le but d'obtenir l’antitoxine. Nous avons essayé la voie sous-cutanée, intraveineuse, intrapéritonéale, et toujours avec le même résultat négatif. Nous faisons cependant quelques réserves sur les injections sous-cutantes des doses massives d'hémolysine chez les lapins, car dans quelques cas nous avons observé une propriété antihémolytique, si toutefois celte der- nière n’était pas due à une particularité individuelle du sérum. Pour ce qui concerne le mouton, ni les injections intravei- neuses ni les injections sous-cutanées n'ont jamais pu donner naissance à la moindre trace d’antihémolysine. Dans tous nos essais d'immunisation, nous employions une hémolysine active vis-à-vis des globules de mouton et de lapin, sans parler d’autres espèces de globules, Elle était pré- 1. Neisser ET WecusnerG, (oc. cûl. DE L'HÉMOLYSINE STREPTOCOCCIQUE. 893 parée avec un mélange des sérums chauffés de lapin et de mouton. Le seul fait que l’on observait dans ces essais, c'était La for- mation du précipité de Tchistowitch aussitôt que l’on faisait le mélange de l’hémolysine avec du sérum des lapins vac- cinés. Nous n'avons jamais constaté un précipité aussi abondant que celui que l’on obtient avec du sérum des lapins injectés par la voie sanguine. Son apparition élait presque instantanée, et il était si abondant qu'il semblait occuper à lui seul tout le tube. Le sérum de lapins injectés par la voie intrapéritonéale avec des doses d’hémolysine égales et également espacées donnait un précipité beaucoup moins volumineux. Les essais d’immunisation n’ayant pas jusqu'à présent donné des résultats favorables, il nous reste à chercher de nouveaux procédés pour obtenir l’antistreptocolysine. CONCLUSIONS Dans certaines conditions bien déterminées, le streptocoque sécrète une substance de nature probablement diastasique, qui possède des propriétés hémolytiques très prononcées. Cette hémolyÿsine streptococcique dissout les globules rouges de la plupart des animaux de laboratoire. L'action hémolvtique s'opère lentement à la température de la chambre ; l’optimum de son action est à 37°. L'hémolysine streptococcique résiste à 55° pendant une demi-heure; chauffée même à 65° pendant une demi-heure, elle ne perd pas ses propriétés hémolyliques; on constate seu- lement dans ces cas un retard dans l'apparition de l’hémolyse. La disparition complète et définitive de l’effet hémolytique survient à la suite d’un chauffage soit pendant 2 heures à 70°, soit pendant 10 heures à 55° L’hémolysine streptococcique ne passe pas à travers la mem- brane du dialyseur, Elle peut acquérir des propriétés individuelles suivant le milieu dans lequel elle s’est formée. Elle n’est pas toxique pour les animaux (mouton, lapin). SUR L'ÉTAT DE LA CYTASE DANS LE PLASMA DES ANIMAUX NORMAUX ET DES ORGANISMES VACCINÉS CONTRE LE VIBAION CHOLÉRIQUE par C. LEVADITI (ne BucAREsT) (Travail du laboratoire de M. Metchnikoff.) Le progrès accompli dans le domaine de l’immunité anti- microbienne et anticellulaire est, à l'heure présente, considé- rable. Les recherches de Bordet, d'Ehrlich et Morgenroth, de Metchnikoff et ses élèves, ont permis de pénétrer jusque dans ses plus intimes détails ie mécanisme qui préside à l’action des bactériolysines et des cytotoxines spécifiques. On sait que les immun-sérums agissent au moyen de deux principes bien défi- nis, le complément où cytase et le corps intermédiaire ou sensibili- satrice, et que la cytolyse, comme la bactériolyse, est condi- tionnée par la fixation de ce corps intermédiaire sur l'élément cellulaire où microbien, On reconnait, de plus, que parmi ces substances, seule la sensibilisatrice est douée de propriétés spéciliques et caractérise l’immun-sérum ; au coniraire le complé- ment, essentiellement non spécilique, existe chez des animaux n'ayant subi préalablement aucun traitement. Il est important de préciser les rapports qui relien ces substances aux éléments cellulaires. Une telle étude est éminemment propre à nous renseigner sur le mécanisme qui domine la genèse des anticorps: de plus, elle permet de voir en quelle mesure les cellules prennent part, d’une manière directe ou au moyen de leurs sécrétions, à la lutte contre les agents figurés et leurs produits solubles. M. Metchnikoif nous ayant accordé son précieux appui, nous avons pensé bien faire d'entreprendre, sous sa direction, une série de recherches diri- gées dans celte voie. Ces recherches ont pour but de préciser si le complément, capable de réactiver la sensibilisatrice anticholérique, existe à l'état de liberté dans. le plasma des animaux normaux ou achoement immunisés, ou bien si ce complément, ordinairement ren- US 7 PA TN M du ÉTAT DE LA CYTASE DANS LE PLASMA. SUD fermé dans le protoplasma leucocytaire, n'est livré aux humeurs qu'après la mort des globules blancs. Nous n’entreprendrons pas ici l'historique complet de cette question ; il est amplement fait dans un travail de Gengou, paru récemment dans ces Annales !. D'ailleurs, la plupart des auteurs qui ont essayé de préciser les relations entre les leucocytes et les propriétés bactériolytiques des humeurs (Buchner, Denys et ses élèves), ont eu en vue l’alexine ou la substance bactéricide des sérums normaux. et non pas le complément lui-même, tel qu’il peut être mis en évidence au moyen des sérums préalable - ment inactivés. Pourtant les recherches de Metchrikoff *, de Salimbent ”, de Cantacuzène *, montrant que les vibrions choléri- ques, introduits sous la peau des animaux vaceinés, ne subissent pas là transformation granulaire décrite par Pfeifler, les cons- tatations de Bordet concernant les propriétés bactéricides des liquides transudatifs provenant d'organismes activement immuni- sés, enfin l'observation de Cantacuzène, à savoir que chez les oies atteintes de spirillose, les microorganismes ne subissent des modifications extracellulaires qu'après la coagulation du sang, sont, à notre avis, trop démonstratives, pour ne pas être consi- dérées comme autant de preuves en faveur de la non-liberté du complément dans le plasma. Pour ce qui concerne la substance bactéricide des sérums normaux, les recherches récentes de Gengou, d’après lesquelles le plasma, pauvre en leucocytes, est infiniment moins actif que le sérum, sont, assurément, les mieux faites dans cet ordre d'idées. Néanmoins, si lon se place au point de: vue qui nous intéresse spécialement, on peut adresser à ces recherches les mêmes objec- tions qu'aux conclusions de Buchner, de Denys, etc., à savoir qu'elles ne tiennent pas assez compte de la complexité des sérums bactéricides normaux. Pour ce motif, ces expériences ne démon- trent pas d'une manière absolue que les différences constatées 1. Gexçow, Contrib. à l’étude de l’origine de lalexine des sérums normaux, cés Annales, février 4904, et même titre, 1e partie, ces Annales, avril 1901. 9, Mercawxorr, Etudes sur l'immunité, 6" mémoire, ces Annales, 1895. 3. Sazmment, La destruction des microbes dans le tissu sous-cutané des ani- aux hypervaccinés, ces Annales, 1898. 4. CaxracuzÈse, Nouvelles recherches sur le mode de destruction des vibrions dans l'organisme, ces Annales, 1898. 5. Borvur, Contrib. à l'étude du sérum chez les animaux vaccinés, Ann. de la Soc. royale des se. médicales el naturelles de Bruxelles, 1895, t. IV. 896 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. entrele pouvoir microbicide du plasma et du sérumrésident exclusi- vement dans l'absence du complément libre dans le premier de ces liquides. IT serait en effet fort possible que les leucocytes mettent en liberté non seulement le complément, mais aussi une sensibi- lisatrice normale, ce qui compliquerait beaucoup l'influence des globules blanes sur les propriétés bactéricides des humeurs nor- males. Pour résoudre le problème que nous nous sommes posé, on peut s'adresser soit à des organismes normaux, soit à des ani- maux préalablement vaceinés. Seulement, dans le premier cas, il faut commencer par étudier le mécanisme qui préside à l’ac- tion des sérums bactéricides normaux, voir si, comme le veu- lent Pfeilfer et Moxter, ces sérums agissent suivant le pro- cédé utilisé par les immun-sérums, c’est à-dire au moyen du complément et du corps intermédiaire. Cette question une fois éclairée, il devient évident que toute conclusion, concernant l’état du complément chez les animaux neufs, ne saura plus être atteinte par l'objection que l'on pourrait adresser aux recher- ches de Gengou. Aussi avons-nous eu soin de commencer notre étude par l'analyse de ces sérums normaux. A cette fin, nous avons choisi comme sujet d'expérience le cobaye et le rat, comme microbe le vibrion cholérique (variété Cassino). Déjà en 1895, Pfeiffer ! avait constaté que le sérum normal de chèvre, préalablement inactivé par un chauffage à 60°, est capable de dissoudre les vibrions cholériques, si l’on a soin de l’introduire, en même temps que ces vibrions, dans la cavité péritonéale d’un cobaye neuf, Cet auteur établissait ainsi une analogie étroite entre l’immun-sérum et le sérum normal, et attribuait aux humeurs bactéricides des animaux neufs une constitution voisine de celle des sérums préventifs. Denys et Leclef, Hahn *, en se ser- vant soit de sérums complémentaires, soit de leucocytes, ne réussirent pourtant pas à rendre bactéricide un sérum normal, préalablement Imactivé; au contraire, entre les mains de Lascht- schenko *, ces globules blancs se montrèrent capables de réac- tiver un tel sérum. 1. Preirrer, Zf. für Hyg., 1895. 2, Cités d'après Moxter. D] 3. LASCHTSCHENKO, WMünchener med. Woch, 1899, p. 475. ÉTAT DE LA CYTASE DANS LE PLASMA. 897 Moxter ! a fait une étude plus détaillée de la question. Il trouve que les mélanges constitués par deux substances inactives, l'exsu- dat péritonéal préalablement dilué, provenant des cobayes neufs et le sérum inactivé du même. animal, exercent une action bactériolytique manifeste sur les vibrions cholériques ; celte action peut parfois dépasser celle du sérum frais, Moxter, tout en attribuant aux humeurs bactéricides normales une cons- titution complexe (complément + sensibilisatrice), ne peut éta- blir aucune relation entre les globules blancs de l’exsudat péri- tonéal et le pouvoir réactivant de cet exsudat, Il dit, en effet : « Es ist jedoch keine Beziehung derselben zu den Leukocyten nachweïs- bar ». Si la première affirmation de Moxter demande une vérili- cation expérimentale, la dernière peut être mise en doute, rien qu'en analysant quelques-unes des expériences publiées par l’au- teur lui-même. En effet, pour conclure que lon ne peut pas apprécier le rôle joué par les leucocytes, dans ses recherches de réactivation, Moxter s’appuie sur le fait que le pouvoir bactéri- cide d’un sérum préalablement inaclivé et mis en contact avec des globules blancs vivants est nul, quoique ces globules offrent des manifestations vitales jusqu’à la fin de l'expérience. Or, comme on le verra au cours de ce travail, et comme il ressort des recherches antérieures de M. Metchnikoff, justement les leu- cocytes ne mettent en liberté le complément qu’ils renferment qu'après avoir subi des modifications régressives. Donc, rien d'étonnant si dans les expériences précitées de Moxter ces leu- cocytes, en plein état de vitalité, n'ont pas été capables de rendre bactéricide le sérum préalablement inactivé. Que les sérums bactériolytiques normaux agissent au moyen de deux substances, le complément et la sensibilisatrice, c’est ce qui semble ressortir aussi d’une expérience déjà ancienne de Bordet, d’après laquelle le sérum inactivé de cheval normal rend les vibrions cholériques sensibles à l’action lytique de l'alexine du cobaye. Rappelons, enfin, que pour ce qui concerne les sérums hémolytiques, le fait a été démontré d’une manière éclatante par Ebrlich et Morgenroth ?, qui décèlent dans certaines hémolysines normales la présence d’un corps intermédiaire et d’un addiment, 1. Moxren, Ueber die Wirkungsweise der bacterienauflüsenden Substanzen der Tierischen Säfte, Cbf. für Bakt., 1899, B. 26. 2, Ennaucu et Morcexrorx, Ueber Hämolysine, Ile Mitt, Ber/, kl, Woch., 1900. 57 898 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR, Dans nos recherches, nous avons employé, comme substance -réactivante, l'extrait leucocytaire obtenu en soumettant l’exsudat péritonéal (cellules et liquide exsudatif) du cobaye neuf, tout d’abord à une courte congélation, ensuite pendant plusieurs heures à la température du thermostat (méthode de Buchner). L’exsudat, obtenu en injectant dans la cavité péritonéale de plusieurs animaux une suspension d’aleurone dans du bouil- lon, était préalablement dilué dans une quantité variable d’eau physiologique. Après le séjour au thermostat, on séparait les cellules à l’aide de la force centrifuge, et on obtenait ainsi uu liquide clair, riche en complément. Le sérum du cobaye neuf, préalablement maintenu pendant une heure à 56°, nous servait comme sensibilisatrice. Enfin, dans toutes nos expériences, nous avons employé le vibrion cholérique, dont la transforma- tion granulaire plus ou moins rapide, plus ou moins complète, nous servait comme indicateur de l’activité bactériolytique recherchée, ExPÉRIENGE L (6 avril). On éprouve l'action d'un sérum frais de cobaye neuf sur une émulsion de vibrions cholériques (culture sur gélose, âgée de 22 heures) dans du bouillon (0,05 g. culture pour à c. ce. bouillon). Les mélanges de culture et de sérum sont maintenus pendant { heure au ther- mostat, et examinés en goutte pendante. CORRE SEROM Ne HAIU 0/0. jap, 1 h. de a | 0,5 1,0 0,5 + + + » 0,75 0,15 + + » LAS 1,0 + + » 0,25 1:25 | + ) 0 1,5 0 ». 1. Dans cette expérience et dans celles qui suivent : O signifie pas de transformation granulaire. — trace DE = + + — transformation granulaire faible. | + + + — — — Inoyerire, | +++ — = — jorte. On voit, d’après cette expérience, que le sérum frais de cobaye neuf réalise in vitro d’une manière appréciable, la transformation granulaire du vibrion Cassino. ÉTAT DE LA CYTASE DANS LE PLASMA, 899 L'extrait leucocytaire obtenu en traitant suivant {a méthode décrite plus haut l’exsudat péritonéal de cobaye neuf, paraît jouir d’un pouvoir bactériolytique moins accentué que celui du sérum provenant du même animal; ce pouvoir devient égal à celui de ce sérum si l’on a soin d’expérimenter sur le rat. C’est ce que les expériences suivantes montrent clairement. ExPÉRIENCE II (12 avril). L'exsudat péritonéal et le sérum frais de cobaye neuf ont été dilués de moitié, avec de l’eau physiologique. ? nee ET ë EAU RÉSULTAT SE ES ÉRTI TTE > CULTURE SÉRUM NEUT EXTRAIT physiolog. ap. 1 h. de séjour au thermostat. 0,5 1,0 (] 0,5 RE ExPÉRIENCE [I (17 avril). Un rat blanc reçoit dans le péritoine 3 ce. ce, de bouillon-aleurone. Après 22 heures, on trouve 1,2 c. ce. d’exsudat riche en polynucléaires, que l’on dilue dans son volume d’eau physiologique. L'extrait obtenu à l’aide de cet exsudat est comparé à du sérum frais de rat normal, au mème titre de dilution. fi EAU RÉSULTAT L SÉRUM EXTRAIT eee après 1 heure de séjour au ! PAFSIOIGS: thermostat. DRE | 3 0 5 + ++ 5 ( 3 EL AA ve | | 8 0 (] + + + | (] ! 7 TuUY | 0 ; De. (l) 5 3 + + + 0 8 (1) + + + | | | Ü 0 à L (Q 900 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Nous avonsrecherché ensuite sil’extrait leucocytaire employé dans les expériences précédentes est capable de réactiver un sérum neuf, préalablement maintenu pendant 1 heure à 56°. A cette fin, nous avons tout d’abord dilué cet extrait leucocytaire jusqu'à ce qu'il n’exerce plus d’action bactériolytique; nous avons ensuite ajouté, au liquide ainsi rendu inactif, des quan- tités variables de sérum chauffé. EXPÉRIENCE IV (18 avril). La dilution de l’exsudat est de 1: 5, On emploie une émulsion vibrionnienne contenant une culture sur gélose, pour > c. c, bouillon (Cobaye). ee ee ne RÉSULTAT CULTURE res ee EXTRAIT après 1 h. de séjour SOS Ô PAYS TO Se au thermostat. Sérum| 0,5 1,0 0 0 1,5 JE ASS actif, 0,5 0,5 ( 0 2,0 + + Sérum con IF Es er Ne 0 1,0 0 1,5 ( Sérum inactif Témoin Cette expérience montre que dans le cas où l'extrait leuco- cytaire, à force d’être fortement dilué, ne réalise plus à lui seul le phénomène de Pfeiffer, cet extrait n’exerce aucune action sensible sur un sérum préalablement inactivé. Il n’en est pas de même lorsque la dilution est plus modérée. On voit alors que le pouvoir bactériolytique de cet extrait s’exagère sous l’in- fluence du sérum chauffé, Expérience V (12 avril), La dilution de l'exsudat est de 1 : 1 (Cobaye), ÉTAT DE LA CYTASE DANS LE PLASMA. 901 Le Free TE RÉSULTAT SÉRUM SÉRUM | EXTRAIT EAU après 1 h. de séjour actif. inactif. physiolog. ANA et CULTURE. | Sérum 0.5 actif. è Sérum inactif. Extrait. Extrait sérum L'exsudat péritonéal et le sérum de rat donnent des résultats compa- rables à ceux fournis par l’expérience précédente. Cette première série d'expériences montrent que le sérum normal inactivé contient une substance capable d’exagé- rer d'une manière appréciable l’activité bactériolytique du com- plément renfermé dans l'extrait leucocytaire. Dans les expé- riences suivantes, nous avons recherché si les vibrions cholé- riques fixent cette sensibilisatrice normale. ExpÉRIENCE VI (21 avril). L'exsudat péritonéal aleuronique de cobaye normal est dilué dans son volume d'eau physiologique; il sert à préparer l'extrait leucocytaire. Le sérum de cobaye normal est inactivé à 560, et divisé en deux portions, S et S’: S est employé tel quel; S’, préalablement mis en contact avec des vibrions cholériques, est maintenu au thermostat pendant 2 heures. On sépare ensuite les vibrions à l’aide de la force centri- fuge. (Voir à la page suivante.) Le sérum neufinactivé, préalablement maintenu en contact avec des vibrions cholériques, devient manifestement moins riche en sensibilisatrice. Il est donc à admettre que ces vibrions ont fixé une partie de la sensibilisatrice normalerenfermée dans ce sérum. S'il en est ainsi, on doit constater que ces vibrions, 902 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. ; BE RÉSULTAT CULTURE | SÉRUM S | SÉRUM S’ | EXTRAIT : après 1 h. de séjour physiolog. au thermostat. 10 extrait. Extrait seul. -Témoin. ainsi sensibilisés, doivent subir plus facilement l’action bacté- riolytique de lextrait leucocytaire. C’est ce que montre, en effet, l'expérience suivante : EXPÉRIENCE VII (13 mai). On emploie le sérum de cobaye normal (Sn) et le sérum provenant d’un cobaye immunisé contre le vibrion Cassino (Si); ces deux sérums ont été préalablement inactivés. Une culture vibrionienne sur gélose, âgée de 23 heures, est répartie en trois portions, @, b et c. De ces {rois portions, &« est mis en contact avec Sn, b avec Si, et c avec du bouillon; on maintient le tout pendant 3 heures à la température de la chambre. Les vibrions sont ensuite séparés par la force centrifuge et lavés à l’eau physiologique. ÉTAT DE LA CYTASE DANS LE PLASMA. 903 ARS ee + EAU RÉSULTAT GULTURE EXTRAIT physiolog. ap. { h. de séjour au thermostat. 3 l 11 + + + Vibrions 3 3 9 Complet. sensibilisés ; 3 6] {| Complet. avec Si. 3 40 2 Complet, 3 ! 11 0 Vibrions | 3 3 9 SORTE sensibilisés 3 5 7 RE ro | __ avec Sa. 3 40 2 + + + + | 5 l It (8) Vibrions 3 3 9 | normaux, On voit, d’après cette expérience, que la sensibilisatrice renfermée dans le sérum neuf se fixe sur les vibrions cholériques. Pourtant, il est à admettre que cette fixation s'opère d’une manière moins intense que celle de l’immunkürper des sérums préventifs. En effet, dans deux de nos expériences, les vibrions préalablement mis en contact avec Le sérum neuf inactivé n'ont pas différé sensiblement des vibrions puisés directement dans le tube de culture. Ces recherches sont assez concordantes pour nous autoriser à admettre, avec Pfeiffer et Moxter, que le pouvoir bactériolytique des sérums normaux est dù à l'intervention du complément et d'une sensibilisatrice normale. Évidemment, les résultats fournis par ces expériences ne nous permettent pas de préciser si cette sensi- bilisatrice normale est identique à celle de l’immun-sérum, et si les réactions humorales que l’on observe dans limmunité acquise ne sont qu'une exagération de ce que l’on trouve à l’état d’ébauche chez les animaux normaux. Quoi qu'il en soit, ces faits sont assez démonstratifs pour constituer le point de départ nécessaire à l'analyse des phénomènes exposés ci-dessous. 904 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. * # *# Que se passe-t-il quand, in vitro, on met en contact des vibrions cholériques avec de l'exsudat péritonéal frais du cobaye neuf ? Disposons l'expérience en nous servant du procédé em- ployé déjà en 1895 par Bordet (phagocytose in vitro) et suivons pas à pas les phénomènes qui ont lieu dans ces conditions. Expérience VIII (8 juin). — Exsudat péritonéal riche en polynueléaires, obtenu chez le cobaye à l'aide d'une injection de bouillon pratiquée 20 heures avant l'expérience; émulsion de vibrions dans de l’eau physiolo- gique. On fait quatre mélanges, renfermant chacun une partie d'exsudat, une partie de culture et une partie d’eau physiologique; on dispose ces mé- langes dans des chambres humides, à la température du thermostat. Après 5, 20, 40 et 60 minutes, on fait des préparations sur lame et l'on colore à la thionine phéniquée. Voici ce que l’on observe : Après 5 minutes. — On ne décèle pas encore de signes de phagocytose. Les leucocytes polynucléaires sont pour la plupart entourés de vibrions ayant conservé leur forme et leur colorabilité normales. Quelques globules blancs offrent des signes de dégénérescence; leur noyau fragmenté apparait sous la forme de grains ronds, fortement colorés, leur protoplasma est homogène. Ces globules blancs morts sont extrèmement rares. A près 20 minutes. — Ungrand nombre de leucocytes polynucléaires renfer- ment des vibrions. Ces vibrions phagocytéssonten partie transformés en granu- Jations de Pfeiffer; on voit toutes les formes de transition entre les virgules englobées et ces granulations basopbiles'. Les quelques polynucléaires dégé- nérés que l’on trouve dans la préparation ne renferment pas de vibrions, Pas de phénomène de Pfeiffer en dehors des cellules. Après 40 minutes, surtout après 60 minutes. — Le phénomène de la pha- gocytose est à son maximum. La plus grande partie des vibrions est englobée par les polynucléaires et transformée en granulations. Un certain nombre de ces granulations sont en voie de dissolution; leur coloration est plus pâle, légèrement métachromatique. Pas de phénomène de Pfeiffer en dehors des cellules. Nous n’insisterons pas sur la phagocytose et sur la transfor- mation granulaire intracellulaire, très manifestes dans cette expérience : ces faits ont été déjà maintes fois constatés et inter- prétés. Nous remarquerons tout simplement que les leucocytes 1. On pourrait objecter que ces granulations intra-leucocytaires ne sont que des granulations pseudo-éosinophiles plus ou moins modifiées. Il n’en est rien, vu que la Thionine phéniquée ne permet pas de mettre en évidence ces dernières formations granulaires. = ont at itnt dd dt tt à ns de SSP fée A de ne Î ÉTAT DE LA CYTASE DANS LE PLASMA. 905 polynucléaires réalisent cette transformation avec une extrème rapidité, tandis que le liquide ersudatif' ne modifie pas sensible- ment les vibrions restés en dehors des cellules. Cette constata- on n'est pas sans nous faire penser que le protoplasma leuco- cytaire, à l'encontre de ce liquide ersudatif, réalise certaines condi- lions nécessaires à la genèse du phénomène de Pfeiffer. Portons plutôt notre attention sur ce qui se passe en dehors des cellules, et remarquons que le liquide exsudatif, à l’encontre du sérum neuf, n’est pas capable d'imprimer des modifications visibles aux vibrions cholériques. Il y a donc entre ce liquide, renfermant des leucocytes vivants, et le sérum neuf, tout en tenant compte bien entendu de la dilution, des différences mani- festes au point de vue de l’activité bactériolytique. Or, si l’on se rappelle que le pouvoir microbicide de ce sérum est dû à l'inter- vention simultanée du complément et de la sensibilisatrice normale, on est conduit à expliquer l'inactivité du liquide exsudatif soil par un manque de complément, soit par un manque de sensibili- satrice, soit par l'absence de ces deux principes à la fois. C’est pour préciser laquelle de ces deux substances est insuffisamment renfermée dans le liquide exsudatif que nous avons entrepris les expériences suivantes. Nous avons recherché tout d’abord si ce liquide ersudatif ren- fermeducomplément. À cettefin, nous noussommesservide vibrions préalablement mis en contact avec du sérum préventif, comme d’an réactif extrèmement sensible pour la mise en évidence de ce complément. ExPÉRIENCE IX (19 juin). — On sensibilise des vibrions cholériques à l’aide d'un immun-sérum inactivé, de cobaye. Les vibrions ont été laissés en con- tact avec le sérum pendant quatre heures à la température de la chambre, isolés au moyen de la force centrifuge et lavés. Au microscope, ces vibrions sensibilisés apparaissent en grande partie agglutinés, mais n'offrent pas des changements morphologiques appréciables. On prépare des mélanges ren- fermant une partie d’exsudat péritonéal frais de cobaye, une partie d'eau physiologique et une partie d’une émulsion de vibrions sensibilisés. Après 10 minutes de séjour au thermostat, on voit que les polynucléaires, pour la plupart agglutinés, renferment un nombre considérable de vibrions (beaucoup plus que dans l'expérience VIIT). Un certain nombre de ces vibrions phagocytés sont déjà transformés en granulations de Pfeiffer. Les vibrions libres n'offrent pas des modifications appréciables ; ce n’est qu'avec peine 1. Ce terme désigne la partie liquide de l’exsudat péritonéal. 906 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. que l'on réussit à déceler çà et là quelques exemplaires en voie de transfor- mation granulaire. Après 20 minutes. — Presque la totalité des vibrions phagocytés sont déjà transformés en granulations. On découvre, en dehors des cellules, une intense modification granulaire des virgules; à côté d'individus entiers, mais faible- ment colorés, on décèle de nombreuses granulations de Pfeiffer en voie de dissolution. Phénomène de Pfeiffer extra cellulaire manifeste. ; Après 45 minutes. — La transformation granulaire des vibrions extracellu- laires est complète. Les phagocytes ne renferment presque plus de vibrions entiers. Cette expérience montre que le liquide exsudatif renferme une certaine quantité de complément, capable de transformer en gra- nules des vibrions préalablement sensibilisés au moyen d’un immun- sérum. Gette constatation ne peut pourtant pas trancher d’une manière suffisamment démonstrative la question que nous nous sommes posée, à savoir si les différences observées entre Île liquide exsudatif et le sérum frais, résident ou non dans l’absence de complément dans le premier de ces liquides. Cette expérience prouve tout simplement que la partie extracellulaire de l’exsu- dat péritonéal contient assez de complément pour transformer en granules des vibrions impressionnés par la sensibilisatrice de l’immun-sérum. Or, cette quantité de complément peut fort bien ne pas suffire, quand il s’agit de vibrions soumis à l'influence de la sensibilisatrice normale, dont l’activité est de beaucoup inférieure à celle de lümmunkürper. Admettons à priori que la partie liquide de l’exsudat périto- néal et le sérum normal renferment la même masse de sensibi- lisatrice normaie, mais que le premier de ces liquides est plus pauvre en complément que le second. Admettons aussi que les leucocytes polynucléaires, riches en complément, ne livrent ce principe qu'après leur destruction. Il résulte alors que tout moyen permettant d'agir d’une manière directe sur la vitalité des globules blancs renfermés dans l’exsudat péritonéal sera capable d'augmenter d’une manière sensible la teneur en com- plément du liquide exsudatif. Le pouvoir bactériolytique de ce liquide se rapprochera ainsi de celui du sérum frais. C'est ce que l'expérience suivante montre suffisamment. ExPÉRIENCE X (6 mai). — On utilise l'exsudat aleuronique de cobaye nor- mal. Des quantités variables de cet exsudat frais sont mélangées avec une émulsion de vibrions dans de l’eau physiologique, et maintenues pendant 21 40m au thermostat. ÉTAT DE LA CYTASE DANS LE PLASMA. 907 Eau Culture. Lxsudat frais, physiologique. Mélange 1...... à I 16 — 2 ) 3 14 — HR ni) 6 11 — { 3 7 10 Voici ce que l’on observe : Mélange 4. — Les rares leucocytes polynucléaires renfermés dans la préparation n'offrent pas d'altérations visibles. Les vibrions extracellulaires sont intacts. Mélange 2. — Un grand nombre des globules blancs polynucléaires montrent des modifications régressives; leur protoplasma n'a plus le contour précis, nettement délimité, les cellules sont entourées d’une masse bleuâtre, légèrement granulée. Tandis que les vibrions situés loin des leucocytes ont conservé leur forme et leur colorabilité normales, ceux qui se trouvent au voisinage des polynucléaires en voie de destruction, etqui, pour la plupart,sont englobés par la masse bleuâtre péri-leucocytaire, ont subi une transformation granulaire très accusée. Mélange 3 et 4. — Le phénomène décrit plus. haut est sensiblement plus manifeste. On voit, d’après cette expérience, que les polynucléaires en voie de destruction spontanée mettent en liberté quelque chose qui se trouve en plus forte concentration au voisinage de ces cellules et qui confère au liquide extracellulaire des propriétés bactériolytiques assez prononcées. Ce fait apparaît d'une manière plus frappante si, au lieu d'étudier ce qui se passe lors de la mort spontanée des leucocytes, on fait intervenir un agent leuco- lytique, agissant d’une façon spécifique sur les globules blancs, telle la leucotoxine. ExPEriexce XI (18 juin). — On prépare quatre mélanges 4, B, C, et D, renfermant la même quantité de vibrions, d'exsudat péritonéal frais et d’eau physiologique. Ces mélanges sont maintenus pendant une heure à 380. On examine alors le mélange 4. | A. — Pas de transformation granulaire extra cellulaire. La plupart des polynueléaires ont englobé des vibrions ; ces vibrions sont en partie trans- formés en granulations de Pfeiffer. On fait alors intervenir dans B Ia leucotoxine, en suivant le procédé résumé ci-dessous : 5 parties de sérum leucotoxique inactive, provenant d’un lapin immunisé à l’aide de leucocytes de cobaye, sont mélées à 5 parties de sérum frais de cobaye (complément) = L. 5 parties de sérum inactivé de lapin normal sont mélées à un volume égal du même sérum frais de cobaye = M. 908 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Après 1 heure de séjour au thermostat, B reçoit 2 gouttes du mélange Jleucotoxique L; C reçoit 2 gouttes du mélange non leucotoxique M; D est conservé comme témoin, On remet le tout au thermostat et on examine après 30 minutes de séjour. Voici ce que l’on observe : Le témoin ne diffère pas sensiblement du mélange A. Le mélange C (non leucotoxique) montre que les vibrions non phagocytés n'ont pas subi la transformation granulaire ; les polynucléaires contiennent un grand nombre de granulations de Pfeiffer. Le mélange D (leacotoxique). — 1° Le liquide exsudatif renferme, à part quelques vibrions entiers, de nombreuses granulations. Ces granulations sont soit libres, et dans ce cas elles siègent plus ou moins loin des leucocytes, soitemprisonnées dans un magma albumineux, légèrement chagriné, bleuâtre, rappelant par son aspect le protoplasma leucocytaire et étant situé au voisi- nage des polynucléaires; 20 Ceux des leucocytes polynucléaires qui ont résisté à l’action dissolvante de la Jeucotoxine offrent un protoplasma bourré de granulations de Pfeiffer. Mais la plupart des globules blancs sont profondément altérés. On voit comment, par suite de la cytolyse, des débris de protoplasma abandonrent le noyau et se répandent dans le milieu ambiant. Ces débris renferment des vibrions transformés en granules, de sorte qu'il est aisé d'établir un rap- port génétique intime entre les masses albumineuses décrites plus haut et ces débris protoplasmiques. ; Un examen attentif de nos préparations permet d'interpréter comme il suit les phénomènes qui ont lieu dans l'expérience précédente : sous lin- fluence de la leucotoxine, la plupart des globules blancs polynucléaires se détruisent et laissent échapper leur contenu. Il faut se représenter ce contenu comme étant constitué par une partie liquide, les produits de sécrétion éla- borés par le leucocyte vivant, et par une partie consistante, le protoplasma lui-même. Au moment où l’on a fait intervenir la leucotoxine, ce protoplasma renfermait déja des vibrions transformés en granules, de sorle qu'une partie des granulations extracellulaires, à savoir celle qui existe à l’intérieur des débris protoplasmiques, a été incontestablement élaborée au sein des phagocytes. Il n’en est pas de même des granulations de Pfeiffer qui, n'ayant aucun rapport avec les éléments cellulaires, flottent à l’état de liberté dans le liquide exsudatif. Là, il faut accuser le contenu liquide du protoplasma leucocytaire. En effet, ce contenu, échappé après la mort des globules blancs et répandu dans ce liquide exsudatif, crée un milieu capable de transformer en granules une partie des vibrions non phagocytés. Ces recherches montrent done que les globules blancs poly- nucléaires peuvent, après leur destruction, conférer des pro- priétés bactériolytiques manifestes au liquide exsudatif prove- nant d’un cobaye normal. En quoi consiste cette action des globules blancs? S'agit-il exclusivement d’une mise en liberté du complément, ou bien les leucocytes livrent-ils en même tempsune sensibilisatrice normalement renfermée dans leur pro x Ge ce èc ue ÉTAT DE LA CYTASE DANS LE PLASMA. 909 toplasma? Tout ce que nous savons sur les relations entre les leucocytes polynucléaires et les alexines nous porte plutôt vers la première de ces interprétations, Pour trancher cette question, il est pourtant nécessaire d'analyser de plus près les propriétés leucocytaires. ExPÉRIENCE XII (21 juin). — Les leucocytes polynucléaires du cobaye neuf renferment-ils la sensibilisatrice normale ? 6 c. ce. d'un exsudat péritonéal riche en pelynucléaires sont suspendus dans ù c. ©. d'eau physiologique, rapidement lavés et séparés par la force centri- fuge. Le magma leucocytaire est repris par 1,5 d’eau physiologique et sert à la préparation d'un extrait, que l’on #nactive à 560. On essaye l’action de cet extrait inactivé sur un exsudat péritonéal frais, riche en leucocytes. A cette fin, on dispose dans plusieurs chambres humides un mélange renfermant l'extrait leucocylaire, l'exsudat péritonéal et une émulsion de vibrions cholériques, On examine les préparations après 5”, 30’ et 70 minutes de séjour à 380. A aucun moment on ne peut saisir de différences appréciables entre les préparations qui renferment l'extrait leucocytaire inactivé, et le mélange témoin, où cet extrait a été remplacé par de l’eau physiologique. La phago- cytose s'opère de deux côtés avec une intensité égale; la transformation gra- nulaire extracellulaire, à peine ébauchée, n’est pas plus accentuée dans la première série de préparations, Il semble donc que les globules blancs polynucléés normaux ne renferment pas une substance résistante à la température de 56°, et capable d’influencer d’une manière appréciable l’acti- vité bactériolytique du liquide exsudatif, On pourrait pourtant objecter que les résultats fournis par l’expérience précédente ne sont pas absolument démonstratifs. En effet, il est fort possible que la méthode suivie pour la préparation de l'extrait leucocy- taire ne soit pas capable de mettre en évidence la sensibilisa- trice normale, supposée renfermée dans les leucocytes polynu- cléés. Cette objection nous semble pourtant peu fondée, La méthode utilisée permet de déceler l'existence du complément à l'intérieur des leucocytes, elle n’est autre que le procédé recom- mandé par Buchner pour la préparation des substances bacté- ricides. Or, ce complément, comme ces substances, sont des principes beaucoup moins résistants que la sensibilisatrice. Quoi qu’il en soit, 1l était indiqué de tenir compte de cette objection et de soumettre la méthode à une vérification expéri- mentale. Pour cela, nous avons recherchésil’extrait leucocytaire, obtenu en traitant suivant la méthode de Buchner des globules 910 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR, blancs provenant d'animaux immunisés activement, renferme des quantités appréciables de sensibilisatrice. Que les leucocytes des organismes vaccinés, tant qu’ils siègent à l’intérieur des organes leucopoïétiques, soient, pendant un certain temps, les dépositaires de la sensibilisatrice cholérique et typhique, c’est ce que les expériences de Pfeiffer et Marx et les recherches de Wassermann et Deutsch le démontrent d’une manière évi- dente. Bordet!, précisant le rapport intime qui existe entre la teneur du sang en globules blancs et la richesse du sérum en substance préventiveprouveégalement queles leucocyles circulants jouent un rôle appréciable dansl’élaboration de cette sensibilisa- trice. D'ailleurs, même si l’on se place au point de vue de la concep- tion d'Ehrlich, on ne peut pas refuser à ces globules blancs une intervention active dans la production des substances immuni- santes spécifiques. Ces globules, grâce aux récepteurs qu'ils renferment, peuvent, au même titre que d’autres éléments cel- lulaires, fixer les groupements haptophores microbiens, et réagir par la surproduction et la mise en liberté de ces récepteurs. Plus encore, d’après la théorie des « chaînes latérales », et si l’on considère comme suffisamment démontrés les faits avancés par Pfeiffer et Marx, on doit, au cours de l’immunisation anticholé- rique, saisir un moment où les globules blanes renferment une masse de sensibilisatrice plus forte que celle contenue dans un même volume de plasma : c’est le moment qui précède la mise en liberté des récepteurs. Beaucoup de faits nous font donc présumer qu’à une épo- que déterminée de limmunisation, les globules blancs peuvent renfermer du corps intermédiaire. Il s’agit de rechercher si, dans ce cas, la méthode de Buchner permet de mettre en évi- dence cette sensibilisatrice intra-leucocytaire. Expértence XIII (29 juin). — Les leucocytes polynucléuires de cobaye vac- ciné contre le vibrion cholérique renfermenti-ils de la sensibilisatrice ? Le 21 juin, on introduit dans la cavité péritonéale de deux cobayes 4 culture 1/2 de vibrions cholériques (gélose), émulsionnée dans du bouil- lon et préalablement chauffée à 1000. Sept jours après, ces cobayes reçoivent dans lé péritoine 5 c. ce. de bouillon-aleurone, On retire 3 e. c. d'exsudat riche en polynucléaires, que l’on dilue dans 10 c. c. d'eau physiologique. Le magma Jeucocytaire, obtenu à l’aide de la force centrifuge, est rapidement 1. BorpzT, loc. cit. ÉTAT DE LA CYTASE DANS LE PLASMA. 911 lavé et sert à la préparation d'un extrait, que l’on maintient pendant { heure, à 209 (L). Le sérum provenant de ces cobayes est également inactivé à cette température (S). Enfin, un troisième cobaye neuf fournit l’exsudat périto- néal frais. On dispose alors l'expérience de la manière suivante : Mélange A renferme 4 p. exsudat frais + 1 p. L + 1 p. culture vibrion- nienne. Mélange B renferme 1 p. exsudat frais + 1 p. sérum inactif de re vacciné, dilué de moitié + 1 p. culture. Mélange C renferme 1 p, exsudat frais + 1 p. eau physiologique + 1 p. culture. Après 10 minutes de séjour au thermostat, on observe dans Je : Mélange À (extrait leucocytaire). — La phagocytose est très apparente ; les vibrions englobés sont en partie transformés en granules. Les wrgules extracellulaires montrent pour la plupart le phénomène de Pfeiffer. Mélange B. — Phagocytose manifeste. Presque tous les vibrions libres sont transformés en granules. Mélange C. — Phagocytose apparente, mais moins intense que dans les préparauons À et B. Les vibrions extracellulaires sont intacts, on ne décèle pas plus de granules en dehors des cellules, qu'il n’y en a dans la culture elle- même. Cette expérience montre quedansle cas oùlesleucoeytes poly- nucléaires renferment réellement du corps intermédiaire, la méthode de Buchner est essentiellement propre à mettre en évi- dence ce corps. Il s'ensuit que si, lorsqu'on applique cette méthode à des leucocytes provenant d'animaux neufs, on ne réussit pas à déceler dans l'extrait leucocytaire la sensibilisa- trice normale, c'est que, effectivement, ces leucocyles ne renferment pas, ou ne contiennent que des quantités inappréciables de cette sensibi- lisatrice. Cette conclusion nous permet de saisir le mécanisme suivant lequel les leucocytes, atteints dans leur vitalité, exercent une influence favorisante sur l’activité bactériolytique du liquide exsudatif. Ces leucocytes, une fois détériorés spontanément ou sous l’influence de la leucotoxine, mettent en liberté un prin- cipe qui, réuni au liquide extracellulaire de l’exsudat, trans- forme en granules les vibrions non englobés par les phagocytes. Ce principe n'est pas une sensibilisatrice normale, vu que les globules blancs ne semblent pas renfermer cetie substance. Au contraire, tout porte à croire que ces globules blancs détruits, Lorent au liquide extracellulaire le complément. | I devient alors aisé d'expliquer les différences que nous avons remarquées entre l’activité bactériolytique du sérum et 912 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. celle du liquide exsudatif. L’exsudat péritonéal n’est autre chose que du plasma transsudé, au sein duquel flottent d'innombrables leucocytes polynucléaires, pour la plupart vivants, ainsi que le témoignent leurs propriétés phagocytaires. Le sérum est du plasma moins la fibrine, mais du plasma ayant été en contact avec des globules blancs détruits pendant la coagulation. Si le sérum réalise le phénomène de Pfeiffer, tandis que le liquide extracellulaire de l’exsudat frais n’est pas capable de transfor- mer les vibrions en granules, cela ne peut tenir qu'à l’état de vitalité plus ou moins grande des leucocytes. En effet, il suffit de détériorer les globules blancs contenus dans lexsudat périto- néal, pour conférer au liquide exsudatif des propriétés se rap- prochant de celles du sérum. Et, si nous nous rappelons que les leucocytes polynucléaires livrent, après leur mort, du complé- ment et non pas de la sensibilisatrice, nous arrivons à la con- clusion que les différences observées entre le pouvoir bactériolytique du liquide exsudatif et celui de sérum frais trouvent leur raison d’être dans une inégale répartition du complément. Nous admettrons ainsi, avec Metchnikoff, Gengou, Bor- det, etc., que dans le milieu hématique de l'animal vivant, milieu renfermant des globules blancs dont la vitalité ne laisse rien à désirer, les conditions doivent être très rapprochées de celles que nous avons constatées dans l’exsudat péritonéal frais. Le plasma des animaux neufs ne détermine pas la transformation granulaire des vibrions cholériques; c’est là un fait que l’expé- rience la plus simple vérifie entièrement. Il suffit en effet d’in- jecter dans la circulation générale d’un cobaye une faible quan- tité de vibrions (1/2 c. e. d’émulsion dans de l’eau physiologique, préalablement maintenue à la température du corps) et d’exa- miner ce qui se passe dans lesang après 3,5, 10 minutes et 1 heure, pour constater qu'à aucun moment ces vibrions ne subissent la moindre trace de transformation granulaire. Or, une masse de sérum de,beaucoup inférieure à celle renfermée dans le système circulatoire de l’animal, aurait suffi pour réaliser le phénomène de Pfeiffer. Dans le liquide exsudatif, ainsi que dans le plasma sanguin des animaux neufs, et tant que les leucocytes sont vivants, il manque par conséquent un élément sans lequel, malgré la pré- sence de la sensibilisatrice normale, la transformation granu- ÉTAT DE LA CYTASE DANS LE PLASMA. 943 laire extracellulaire n’est pas possible, Les leucocytes renferment el retiennent fortement le complément au sein de leur protoplasna ; ils ne livrent ce complément qu'après avoir subi des modifications invo- lutives. Cette conclusion nous permet d'interpréter certains faits qui, au premier abord, semblent venir à l’encontre de l'opinion d'après laquelle le complément provient des leucocytes. M. Pfeif- fer!, dans son mémoire de 1896, refuse aux globules blancs la propriété d’engendrer la substance capable de réactiver l'im- mun-sérum, pour le motif que les exsudats riches en globules blancssont loin d’être plus réactivants quelesliquides péritonéaux pauvres en éléments cellulaires. On voit facilement le côté faible de cette objection. En effet, la richesse de ces exsudats en com- plément n'est pas forcément proportionnelle à la teneur de ces liquides en leucocytes, mais au nombre des globules blancs morts. Or, un exsudat riche en leucocytes peut ne renfermer qu’une faible quantité de cellules en état de souffrance. Cette conclusion permet aussi de saisir pourquoi, dans l'expé- rience de Moxter, l’exsudat péritonéal contenant des globules blancs vivants n’était pas capable de réactiver un sérum neuf préalablement maintenu à 56°; pourquoi Gengou, chez quelques- uns de ses animaux, décèle un sérum manifestement bactérioly- tique, en même temps qu’un liquide exsudatif dénué de propriétés bactéricides,. L'expérience IX nous a montré que le milieu extracellulaire de l’exsudat péritonéal frais renferme une certaine quantité de complément. Seulement, dans cette expérience, nous nous sommes servi de vibrions sensibitisés au moyen d’un immun- sérum et, on le sait, dans ces conditions, il suffit d’une très faible quantité de complément, pour la réalisation du phénomène de Pfeiffer. Or, personne ne contestera le fait que, parmi les leucocytes renfermés dans l’exsudat péritonéal frais, il y en a toujours un certain nombre qui sont déjà morts, ou qui suc- combent au cours de l’expérience, et qui peuvent par consé- quent livrer au liquide ambiant cette quantité minime de complément. 1, R. Preirrer, Ein neues Grundgeset; der Immunität, Deut. Med. Woch., 18%. DS 944 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Il y a lieu de nous demander si de telles conditions existent dans le cas où l'intervention des causes capables de diminuer la vitalité des leucocytes est réduite au minimum; en d’autres mots, dans un milieu renfermant des globules blancs intacts (le plasma), peut-on encore déceler la présence de cette minime quantité de: complément, capable de transformer en granules les vibrions sensibilisés ? Pour résoudre cette question, il est recommandable de s'adresser à l'organisme vivant et d'éviter autant que possible les dispositifs pouvant troubler d’une manière ou d’une autre la vitalité des leucocytes. On peut soit étudier le sort des vibrions introduus dans la circulation générale des animaux vmmunisés activement, soit rechercher ce qui se passe lorsqu'on injecte dans le système sanguin des organismes normaux des virqules préalablement sensibilisées. Maïs, dans les deux cas, il estnécessairede s’entourer de toutes les précautions possibles, afin d'éviter que l’intro- duction de l’émulsion microbienne ne soit ni assez brusque, ni assez abondante pour réaliser i# vivo la plasmolyse des leuco- cytes. Il est évident que, dans ce dernier cas, les résultats fournis.par l’expérience ne seront que trop peu démonstratifs : c'est ce que l’en objecte de bon droit aux recherches récentes de M. Rehns :. Peu de temps après la mémorable découverte de R. Pfeiffer, M. Metchnikoff et ses élèves ont montré que l’on peut empêcher la transformation granulaire qui a lieu lorsqu'on introduit dans le péritoine des cobayes neufs, des vibrions cholériques addi- tionnés d’immun-sérum, si l’on a soin de préparer les animaux à l’aide d’une injection préalable de bouillon. Cette injection entrave la phagolyse nécessaire à la production du phénomène de Pfeiffer. Aujourd’hui, grâce aux recherches de M. Bordet, nous pouvons mieux saisir le sens de ces constatations. La phagolyse de M. Metchnikoff est synonyme à la mise en liberté du complément leucocytaire, en l’absence duquel la transforma- tion granulaire des vibrions sensibilisés ne peut pas s’opérer. Le fait que cette transformation n’a pas lieu si l’on a soin d’empê- cher la mort des globules blancs, est une forte présomption en faveur de l’absence du complément libre, tant dans le plasma 1. Reuxs, C. À, de la Soc. de Biologie, 1904. Hélas ee CE de ne ÉTAT DE LA CYTASE DANS LE PLASMA. 945 sanguin, que dans le milieu extracellulaire de l’exsudat péri- tonéal frais. M. Rehns, dans la série d'expériences qu'il a récemment communiquées à la Société de Biologie, expériences destinées d’après l’auteur à trancher la question de la liberté du complé- ment dans les humeurs, ne semble pas tenir compte de cette phagolyse. En effet, le procédé suivi par M. Rehns, quoique ressemblant dans ses grandes lignes à celui utilisé par M. Bordet et par nous-même (injection de globules rouges dans la cireula- tion générale des animaux préparés, introduction d’érythrocytes sensibilisés dans le sang des animaux neufs), est défectueux. en ce sens qu'il réalise les meilleures conditions capables d’engen- drer la phagolyse. Cet auteur injecte des quantités assez considé- rables de liquide dans un milieu comme le sang, dontles variations qualitatives retentissent facilement sur la vitalité des globules blancs, et soumet ainsi cesglobules à l'influence directe des agents phagolysants. Aussi n'est-il pas surprenant queles érythrocytes injectés dans ces conditions soient rapidement dissous. Les conclusions posées par l’auteur (liberté du complément dans le plasma) apparaissent ainsi comme étant peu justifiées, et en tout cas non suffisamment soumises au contrôle de l'expérience. It aurait été pourtant facile de voir l’état des leucocytes pendant l’hémolyse et de rechercher si la dissolution des érythroeytes est ou non accompagnée d’une disparition plus ou moins accentuée des globules blancs circulants. | : C'estafin d'éviter cette cause d’erreur que nous nous sommes adressé non pas aux érythrocytes, mais aux vibrions cholériques. En effet, on peut, en se servant de cultures sur gélose suspen= dues dans de l’eau physiologique, introduire dans le sang un grand nombre de vibrions, sous un volume extrêmement réduit; on évite ainsi autant que possible la phagolyse, en même temps que l’on suit pas à pas les modifications que ces vibrions subis- sent dans le système circulatoire. Il suffit pour cela de faire des prises de sang à des intervalles plus ou moins espacés, et d'examiner les préparations obtenues en suivant la méthode d'Ebrlich (chaleur, coloration à la thionine phéniquée). Avant d'entrer dans les détails de nos expériences, rappelons ici les résultats obtenus en 1895 par Bordet!. Cet auteur injecte 1. BorperT, Loc. cit. 16 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR, des émulsions vibrioniennes dans la veine jugulaire de cobayes fortement vaccinés contre le vibrion de la Prusse orientale. et il examine le sang puisé à la patte ou à l'oreille 4, 5, 9 et 13 minutes après l'injection. Quoique dans une de ses expériences le chilfre des globules blancs tombe en une demi-heure de 16,500 à 8,000, Bordet ne voit qu'une intense phagocytose débutant 5 minutes après introduction des vibrions, et pas trace de destruction extracellulaire, Au contraire, les virgules phagocytées à l’état vivant, soit par les slobules blancs circulants, soit par ies leucocytes des organes (frottis), ne tardent pas à être transformées en granules, au sein même du protoplasma de ces leucocytes. Ces expériences de Bordet peuvent être considérées comme étant les plus démons- watives dans cet ordre d'idées, Dans nos recherches, nous nous sommes servi de cobayes vaccinés contre le vibrion Cassino, et d’immun-sérams de cobaye et de cheval". L'injection a été pratiquée dans la veine jugulaire, le sang puisé à l’oreille. Ajoutons enfin que, dans plus d’une expérience, afin d'éviter autant que possible Ta phagolyse, nous avons pré- paré les animaux à l’aide d’une injection préalable de bouillon ou d’eau physiologique, JixpéRieNce XIV (14 mai). — Comment se comportent les vibrions injectes dans la circulation générale des cobayes vaccinés activement ? Un cobaye vacciné contre le choléra Cassino reçoit dans la veine jugu- Jlaire une culture vibrionienne sur gélose, émulsionnée dans 0,5 c. c. bouillon; Je liquide d'injection a été préalablement maintenu pendant 30 minutes à 38, 5 minutes après l'injection : le plasma sanguin contient soit des vibrions übres, filamenteux, d'aspect absolument normal; soit des masses bleuâtres, basophiles, emprisonnant de nombreuses virgules non modifiées. Ces masses albumineuses sont très vraisemblablement des plaquettes de Bizozzero. Dans aucune des préparations examinées, on ne constate le moindre signe de transformation granulaire extracellula ire. Au contraire, dans beaucoup de polynueléaires, on découvmæ des vibrions phagocytés. Ces vibrions, quelque- fois en nombre de 3 à 6 dans une même cellule, sont entiers et ont été par conséquent englobés, sans qu'ils aient préalablement subi des modifications morphologiques. Les mastzellen et les éosinophiles ne renferment pas des vibrions. {5 minules après l'injection : le nombre des polynucléaires est sensi- blement diminué, {, Le sérum de cheval a été obligeamment mis à notre disposition par M. Salim- beni, ce dont nous le remercions chaleureusement. PRET ÉTAT DE LA CYTASE DANS LE PLASMA. 917 Malgré ce signe de leucopénie incipiente, on ne décèle pas de trans- formation granulaire extra-cellulaire. Au contraire, un grand nombre de vibrions englobés par les polynucléaires offrent le phénomène de Pfeifler. 20" apres l'injection : Les polynucléaires sont extrèmement disparates dans le sang; les lymphocytes persistent, Les vibrions non englobés sont entiers, mais rares, 30’ après l'injection : Le sang est envahi par des globules blancs poly- nucléaires dépourvus de vibrions et de granules. Le plasma ne renferme plus de virgules; il est également dépourvu de granulations de Pfeitler, Cette expérience nous montre que, conformément aux résul- tats obtenus par Bordet, les vibrions cholériques introduits dans la circulation générale des cobayes vaccinés, ne subissent dans le plasma aucun changement morphologique appréciable. Une partie des virgules injectées est rapidement (en moins de 5 minutes dans certaines de nos expériences) englobée par les polynu- cléaires, et offre, au sein du protoplasma leucocytaire, le phéno- mène de Pfeiffer. On peut suivre toutes les formes de transition imaginables entre les vibrions entiers et les granulations rondes, basophiles, qui parfois remplissent ce protoplasma. Une autre partie, non phagocytée, circule à l’état de liberté dans le plasma, et ne tarde pas à s’accoler aux plaquettes de Bizozzero. Mais Jamais nous n’avons saisi la moindre modification de ces vibrions libres, tant au point de vue de leur colorabilité, qu'à celle de leur forme. Or, le sérum frais des animaux qui ont servi à ces expériences était doué d’une forte activité bactériolytique; plus encore, ce sérum, préalablement maintenu pendant une heure à 56°, pouvait être réactivé à l’aide d’une quantité sensiblement faible de complément, Nous sommes par conséquent autorisés à conclure que le plasma circulant de ces animaux activement immu- nisés, quoique riche en immunkürper, est incapable de réaliser in vivo le phénomène de Pfeiffer, pour le motif que ce plasma est dépourvu de complément libre. Les leucocytes, tant qu'ils conservent leur vitalité, ne laissent donc pas s'échapper le complément qu'ils renferment. La phagocytose s’opère chez ces animaux avec une étonnante rapidité. Il n’en est pourtant pas toujours ainsi: du moins les préparations de sang puisé à l'oreille ne montrent-elles pas dans tous les cas ce fort englobement des vibrions. que nous avons décrit plus haut, Chez certains animaux, surtout chez ceux qui n'ont subi aucune préparation, l'introduction des virgules cholé- riques est instantanément suivie d'une disparition plus ou moins 918 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. -complète des polynucléaires circulants. Dans ces cas, le sang ne contient que des lymphocytes et quelques gros mononu- cléairés. Le plasma renferme une quantité variable de vibrions hbres ou accolés aux plaquettes de Bizozzero ; ces vibrions n’offrent pas d'altération visible. Mais, si l’on a soin d'examiner les frottis de poumon ou de rate, on s'aperçoit que cette disparition des polynucléaires circulants est due à l’accumulation de ces leuco- cytes dans les organes. et que la plupart des globules blancs réfugiés renferment soit des vibrions entiers, soit des granula- lions de Pfeiffer et des formes de passage. Cette brusque disparition des polynucléaires cireulants, poly- nucléaires dont un certain nombre ont déjà englobé des vibrions lors de leur séjour dans le torrent circulatoire, doit être consi- dérée comme témoignant d’un commencement de phagolyse. En effet, là où l’on réussit encore à saisir sur place ces phagocytes, on peut parfois constater comment certains polynucléaires s’accolent les uns aux autres, pour former des colonies leucocy- aires absolument identiques à celles observées par Metchnikoff et Cantacuzène dans l’exsudat péritonéal en voie de phagolyse. Plus encore, si lon examine les coupes du poumon de ces cobayes vaccinés, à un moment où le sang renferme des vibrions libres, non transformés en granules, voici ce que l’on observe : Les capillaires pulmonaires sont bourrés de polynucléaires dont le protoplasma contient des vibrions en voie de transfor- mation granulaire. Ces leucocytes constituent des thrombus qui bouchent par place toute la lumière des vaisseaux. Ça et là on décèle des amas vibrivniens assez volumineux, montrant tous des signes caractéristiques du phénomène de Pfeiffer. On voit comment les vibrions entiers subissent la transformation granulaire en dehors des cellules, mais, ce que l’on ne manque pas de constater, c'est que ces anas sont constamment entourés par des polynucléaires en voie de phagolyse. L'examen minutieux des préparations permet de voir qu’au voisinage de ces amas, le protoplasma des phago- cytes se désagrège, le noyau de ces cellules devient hyper- chromatique et apparait comme étant dépourvu de corps cellu- laire. En résumé, lorsque, par suite d’une disparition des leuco- eytes circulants, on ne réussit pas à déceler dans le sang des phénomènes de phagocytose, il s’agit en réalité, comme l'ont ÉTAT DE LA CYTASE DANS LE PLASMA. 919 -déjà vu Bordet ‘et Werigo, d’une accumulation des globules blancs polynucluéaires dans certains organes. Parmi ces leuco- cytes réfugiés, le plus grand nombre ont déjà englobé des vibrions lors de leur séjour dans les vaisseaux périphériques, et continuent à modifier ces vibrions au sein des organes où ces leucocytes s'abritent. Une autre partie des globules blancs disparus emprisonnent les amas de vibrious libres, et sans mettre en jeu leurs propriétés phagocytaires, transforment ces vibrions en granulations de Pfeiffer, Cette transformation granulaire extracellulaire ne s'opère pas sans que l’on puisse déceler un rapport intime entre les leucocytes et les amas vibrioniens. Il s’agit done là de la mise en liberté du complément leucocy- taire, complément dont la présence est nécessaire à la dissolu- tion des vibrions flottant dans un plasma riche en sensibilisatricr, mais dépourvu de principe bactériolytique libre. Il serait erroné de penser que la leucopénie qui, dans certains cas, suit de près ces injections vasculaires, est entièrement due à une destruction de polynucléaires, s’opérant dans le système vasculaire périphérique. Nous sommes plutôt disposés à consi- dérer cette disparition des polynucléaires circulants, comme témoignant en faveur d’un phénomène de chimiotaxie néga- tive, et en cela, nous sommes d'accord avec Ehrlich, Golds- cheider et Jakob, ete. Les phagocytes, sous l'influence chimio- tactique des principes microbiens injectés, se réfugient dans les organes: c’est suatout là qu’à notre avis s’opère la dissolution d'un certain nombre de globules blancs et la mise en liberté du complément. Nous ne nions pas que même dans cette cireulation périphérique, des leucocytes polynucléaires, trop énergique- ment touchés par les liquides injectés, puissent subir des modifications lytiques. L'existence de ces amas de globules blancs, en voie de destruction, témoigne plutôt en faveur de cette manière de voir, Seulement, l'examen attentif de nos préparations nous autorise à supposer que certains tissus, plus particulièrement le poumon, offrent des conditions éminemment favorables à la réalisation de cette phagolyse. S'agit-il là d’une action directe de l’endothélium des vaisseaux pulmonaires, ou d’une autre cause purement mécanique, nous n’en savons rien. Tout ce que nous pouvons dire pour l'instant, c’est que si l’on réussit à retenir dans une zone vasculaire périphérique ces leu- 920 . ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. cocytes circulants ayant déjà subi l'influence des liquides injec- tés, on arrive à empêcher dans une certaine mesure la phago- lyse; on ne constate alors que la destruction intracellulaire des vibrions. EXPÉRIENCE XV (28 juin). Un lapin vacciné contre le vibrion Cassino, possèdant un sérum fortement bactériolytique, est préparé à l’aide d’une injection intra-vasculaire de5 c. ec. de bouillon. 3 heures après cette injection on constate une forte leucocytose polynucléaire. À ce moment on introduit, dans la circulation de l'animal, 0,5 c. c. d’une émulsion épaisse de vibrions cholériques et, immédiatement après l'injection, on lie à l’aide d’une bande élastique l'oreille gauche, dont on a préalablement dilaté les vaisseaux. On examine comparativement le sang puisé dans la veine marginale des deux oreilles. OREILLE LIGATURÉE OREILLE NON LIGATURÉE 5 minutes après l'injection. l'° PRISE | 4re PRISE Un grand nombre de polynucléaires Leucopénie polynucléaire manifeste, ont englobé des vibrions entiers. Les | Quelques phagocytes renferment des microbes non phagocytés, pour la plu- | vibrions entiers, Les virgules non part accolés aux plaquettes de Bizoz- | phagocytées n’ont pas subi la transfor- zero, n'offrent pas la transformation | mation granulaire. | 1 granulaire. 2° PRISE 22 PRISE Les phagocytes renferment des vi- La leucopénie est très accentuée. Le brions en voie de transformation gra- | sang renferme des lymphocytes et de nulaire. Les virgules libres n’ont subi | très rares polynucléaires dépourvus de aucune modification. vibrions. Les microbes ont disparu du . | " plasma, sans que l’on ait constaté des signes de transformation granulaire extracellulaire. 20 minutes après l'injection. Les granulations intraleucocytaires Leucopénie polynueléaire totale. Les ont été pour la plupart digérées. Les | vibrions ont disparu du sang. vibrions extracellulaires sont devenus extrêmement rares. Pas de phénomène de Pfeiffer en dehors des leucocytes. Ces recherches montrent done qu’il n’est pas aussi facile d'empêcher totalement la destruction des globules blancs et que, même dans le cas où l’on s’entoure de précautions, un certain nombre de leucocytes, surtout ceux qui se sont réfugiés dans les organes, subissent tôt ou tard une destruction pouvant mettre ÉTAT DE LA CYTASE DANS LE PLASMA. 921 du complément en liberté, S'il en est ainsi, la marche des phéno- mènes qui ont lieu dans le plasma circulant dépend de l'inten- sité suivant laquelle s'opère la phagolyse au sein des organes. On peut prévoir deux possibilités : 1° La quantité de complément mise en liberté par les phago- cytes ayant succombé à l'intérieur de ces organes est trop petite pour que, une fois passée dans la cireulation générale et dissoute dans le plasma sanguin, elle suffise à réactiver la sensibili- satrice renfermée dans ce plasma. Dans ce cas, les vibrions accumulés dans les organes, surtout ceux qui siègent au voisi- nage des leucocytes en voie de phagolyse, subiront la transfor- mation graoulaire, tandis que les microbes circulant dans les vaisseaux périphériques resteront intacts. Cette circonstance a été réalisée dans une de nos expériences, où les vibrions puisés dans le sang étaient entiers, tandis que le poumon renfermait des granulations de Pfeiffer ; 2° La quantité de complément ayant passé dans le plasma à la suite de la phagolyse intra-organique suffit pour réactiver la sensibilisatrice cireulante. Les vibrions subiront alors la transformation granulaire à l’intérieur des vaisseaux périphéri- ques. C’est ce qui résulte clairement de l'expérience XVI (30 juin). Un lapin fortement vacciné reçoit dans la circulation générale 1 c. ce. d’une émulsion épaisse de vibrions cholériques. On lie, à la fin de l'expérience, l'oreille droite et on étudie la marche de la destruction des vibrions dans le territoire vasculaire ainsi isolé. Au moment où les globules blancs polynucléaires ont presque disparu de la circulation générale, on introduit dans la veine mar- ginale de l'oreille gauche une nouvelle quantité de vibrions, et on lie rapidement cette oreille. On examine comparativement le sang puisé dans les deux oreilles. Le résultat est très démonstra- tif. Tandis que dans l'oreille droite la destruction des vibrions s'opère exclusivement à l’intérieur des phagocytes, dans l'oreille gauche, là où le plasma, isolé pendant la phagolyse, est censé contenir du complément libre, la transformation-granulaire extra- cellulaire est extrêmement prononcée. Toutes ces considérations nous portent vers les conclusions suivantes : 1° Les vibrions cholériques injectés dans la circulation générale des animaux vaccinés. de manière à éviter autant que possible la pha- 922 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. golyse, ne sont jamais transformés en granules au sein du plasma circulant. Le phénomène de Pfeiffer n'a lieu que dans les organes. et alors il s'opère à l'aide du complément mis en liberté par les phago- cytes accumulés à l'intérieur de ces organes : 2° Le plasma des animaux immunisés ne renferme pas de complé- ment libre; 3° La phagocytose s'opère chez ces animaux avant toute interven- lion visible des humeurs. * # # Les expériences qui consistent à introduire, dans la circulation générale des animaux neufs, des vibrions préalablement sensibilisés au moyen d'un immun-sérum, nous conduisent aux mêmes conclusions. ExPÉRIENCE XVII (22 mai). — On met en contact pendant 6 heures des vibrions cholériques avec un immun-sérum inactivé, de cobaye. Le magma vibrionien est isolé à l’aide dela force centrifuge, lavé et suspendu dans0,6 d'eau physiologique. Les microbes examinés au microscope n'offrent pas des modifications morphologiques appréciables; ils sont pour la plupart agglutinés. Un cobaye normal, préalablement préparé à l’aide d’une injection intra- vasculaire de bouillon, reçoit dans la jugulaire 0,6 de cette émulsion de vibrions sensibilisés. 5 minutes après l'injection. — Le plasma ren febre des vibrions soit libres, soit accolés aux plaquettes de Bizozzero. Ces vibrions n'ont pas subi la trans- formation granulaire. Les polynucléaires contiennent dés vibrions entiers, ou en voie de granulisation. 15 minutes après l'injection, — Diminution sensible des vibrions et des polynucléaires. Pas de phénomène de Pfeiffer extracellulaire. L'animal est sacrifié 18 minutes après l'injection des vibrions. Les coupes du poumon montrent, à part d'innombrables polynucléaires renfermant des vibrions pour la plupart transformés en granules, des amas de vibrions entourés de leucocytes en voie de phagolyse. Ces nbne présen- tent le phénomène de Pfeiffer extracellulaire. Cette expérience, plusieurs fois répétée, montre que, même dans le cas où l’on se sert d'animaux normaux et de microbes sensibilisés, le résultat est identique à celui qu’on obtient quand on s'adresse aux organismes. activement immunisés. Des deux côtés, et à la condition que la phagolyse ne soit pas trop accen- tuée, les vibrions ne subissent pas la transformation: granulaire au sein du plasma circulant; des deux côtés, la phagocytose s'opère avec une étonnante rapidité. Par conséquent, le plasma des ÉTAT DE LA CYTASE DANS LE PLASMA. 923 animaur neufs, comme celui prorenant des organismes activement vac- cinis, ne renferme pas du complément libre, C'est pour saisir de plus près encore l’état du complément dans le plasma circulant, que nous avons entrepris de nouvelles recherches, ayant pour but de préciser la teneur en com- plément des liquides exsudatifs provenant des animaux, auxquels on injecte préalablement du sérum complémentaire, L'humeur aqueuse des lapins neufs n’est pas capable de réac- tiver la sensibilisatrice anticholérique; ce liquide, dépourvu de leucocytes, ne renferme pas de complément. Plus encore, l'hu- meur aqueuse de nouvelle formation que l’on obtient quand, après avoir ponctionné la chambre antérieure de l'œil, on referme la plaie de la cornée, est tout aussi dépourvue de complément que l'humeur aqueuse provenant d'animaux neufs. La première idée qui vient à l'esprit, c’est que cette humeur, comme en géné- ral tous les liquides exsudatifs dépourvus de cellules blanches (ædèmes passifs), ne contient pas de complément, pour le motif que le plasma sanguin n'en contient pas non plus. . Pourtant, et c’est là une objection que l’on trouve dans le travail de M. Rehns, on ne peut pas savoir si, lors de l’exsuda- ton, certaines conditions vitales ou mécaniques ne s'opposent pas à la filtration du complément précxistant dans le plasma, si l’'endothélium vasculaire par exemple, dont l'intervention active dans l'élaboration des humeurs (lymphe) a été mise en évidence par Heidenhain, ne choisit pas parmi les principes dont il est sollicité, Pour trancher la question, nous nous sommes adressé à l’expérimentation. Nous avons recherché {a teneur en complément de l'humeur aqueuse de nouvelle formation, chez des animaux auxquels nous avons préalablement injecté, dans le sang, une quantité relativement grande de sérum complémentaire. Ce sérum était fourni par l’animal qui servait à l'expérience, ExPÉRIENCE XVIII — Un gros lapin neuf (A) est saigné le à juillet; le sang retiré donne 18 c. c. de sérum, que l’on débarrasse de globules à l’aide de la force centrifuge. Le 6 juillet, on retire l'humeur aqueuse de cet animal, ainsi que celle d’un lapin témoin (B), et l’on introduit dans la cireu- lation générale du lapin A les 18 c. c. de son propre sérum. 40 minutes après l'injection, les 2 lapins sont de nouveau légèrement 924 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. saignés; le sang obtenu, traité d'après la méthode de Gengou (tubes paraf- finés) sert à la préparation du plasma. 60 min. après l'injection on retire l'humeur aqueuse nouvellement formée. Soit P. le plasma du lapin À. P", — — B. H, l'humeur aqueuse nouvellement formée du lapin À, HS — — — B. On apprécie la teneur en complément de ces liquides, du sérum prove- nant de l'animal A, ainsi que celle de l'humeur aqueuse retirée avant l'injection. A celte fin, une culture vibrionienne est préalablement mise en contact avec un sérum préventif inactivé (cheval); on dispose l’expérience comme il suit : 4) Plasma témoin P', à 1/10, 2 parties, cult. sensibilisée, 2 p., eau physiol., 2 p. 2) — P', non dilué, 2:p., — DD _ 21D: 3) Plasma du lapin À, P, à 1/20, 2 p., — ÉD, — 2 D. 4) — — Prat A0 2ÈDe — DA — 9D. El] — — P,nondilué,2p., —— ED —— 2 p. 6) Humeur aqueuse témoin, H', 3 p., _ 2Ép:; —— 4 p. 7) — — dulapin A,H,3p,., — 2 D; — 4 p. 8) Sérum du lapin, À, à 1/20, 2 p., — Zip: — 5 p. 9) — non dilué, 2 p., — AN — ù p- Résultat après 30 minutes de séjour au thermostat. 1) Rien. 2) La plupart des vibrions sont transformés en granules; on constate pour- tant des microbes entiers. | 3) Rien. 4) Commencement de transformation granulaire. 5) Complet. 6) Trace de transformation granulaire. La grande majorité des vibrions sont bien conservés. 7) La transformation granulaire est complète. 8) Rien. 9) Complet. L'humeur aqueuse du lapin A, retirée 20 heures après l'injection de sérum, ne possède plus la propriété de réactiver la sensibilisatrice anti- cholérique. Dans une autre expérience, l'humeur aqueuse ne renfermait pas de complément; seulement, dans ce cas, nous avons examiné, trop tard après l'introduction du sérum, le contenu de la chambre antérieure de l'œil, et il est très probable qu'avec le temps, les tissus fixent le complément, comme il semble résulter des récherches de V. Dungern (V. plus loin). Ces expériences montrent donc que les liquides transsudatifs ne renferment pas de complément, pour le motif que ce complément n'existe pas à l'état de liberté dans le plasma. En effet, si, arnficiel- lement, on enrichit ce plasma en matière bactéricide, ces liquides transsudatifs deviennent capables de réactiver la sensibilisatrice. ED TR mt) CS MN RS ENT DIET USE OT ST PS PT IS ÉTAT DE LA CYTASE DANS LE PLASMA. 925 ee Les résultats fournis par ces expériences où, pour déceler le complément, nous nous sommes servi des réactifs les plus sensibles, tels les vibrions préalablement mis en contact avec l'immun-sérum, concordent pleinement avee ceux que nous avons obtenus lors de nos recherches sur les exsudats normaux, Tout porte vers la conclusion que le leucocyte polynucléaire, dépositaire par excellence du complément, retient fortement cette substance au sein de son protoplasma et ne la livre au plasma qu'après avoir plus ou moins souffert dans sa vitalité, Le principe de l'absence du complément libre dans le plasma n’est pas en désaccord avec les notions que l'on possède à l'heure qu'il est sur l’immunité anticellulaire et antimicro- bienne, Sans insister sur les constatations de Bordet‘, de Nolf*, de Müller, qui laissent entrevoir l'existence de relations intimes entre le complément et les leucocytes; sans nous arrêter sur la découverte de Wassermann ‘, à savoir la possibilité d’engendrer de l’anticomplément en injectant des leucocytes, nous désirons parler ici des faits récemment établis par Ehrlich et Morgenroth et par von Dungern°. La notion de la pluralité des compléments, due aux premiers de ces auteurs, peut être facilement mise d'accord avec le principe de la non-liberté et de l’origine leuco- cytaire de ces compléments. En effet, il ne nous paraît pas invraisemblable que le leucocyte puisse fabriquer et renfermer plusieurs compléments. Ne connaît-on pas des cellules qui éla- borent à la fois du glycogène, des composés biliaires et de la graisse? N’avons-nous pas décrit récemment (Journ. de Path. géné- rale, 1901) des globules blanes renfermant, en même temps que des granulations basophiles, des formations granulaires différant de celles-ci par leur réactions colorantes et par leurs propriétés histochimiques?— De mème que, d’après Metchnikof, Salimbeni et Gengou, certaines catégories de globules blanes, tels les gros mononucléaires, ne paraissent pas renfermer de l’alexine hémolytique, de même également il est possible Bonnet, loc. cit. . Nozr, ces Annales, 1900. 3. Muzen, Cbt, für Bakt., 1901. 4. WASSERMANN, Zft. für Hyg, 1901, Bd. XXIX. 5. Earzicn Er MorGexrorH, Ueber Hæmolysine, Bert. kl. Woch., 1900-1901. 6, V. Duxcer, Beitr. zur Immunitätslehre, Münch. med, Woch., 1900, D = 926 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. qu'une espèce leucocytaire, les polynucléaires, élabore plusieurs compléments. La notion de la pluralité des compléments n’a donc rien qui puisse venir à l'encontre de la manière de voir que nous partageons. Également conforme à notre thèse est le fait que l’injec- tion d’anticomplément à un animal neuf détermine une diminution sensible de la teneur du sérum en complément, On sait en effet, d'après l’expérience précitée de Wassermann, que l'administration de feucocytes, préalablement lavés, est capable d'inciter une production d’anticomplément. Il est à supposer, si l’on se place au point de vue de la théorie des chaînes laté- rales, que les leucocytes normaux renferment des récepteurs pouvant fixer ces anticompléments, et que ces récepteurs leucocytaires ne sont autre chose que le complément contenu dans le protoplasma des globules blancs. S'il en est ainsi, on conçoit comment l’anticomplément, introduit dans l’organisme vivant, sature le groupe haptophore du complément intraleu- cocytaire, et diminue ainsi la quantité de complément Qactif » que ces leucocytes peuvent mettre en liberté après la coagulation du sang. Mais ce qui, parmi les faits connus, plaide le plus en faveur de la non-liberté du complément dans le plasma cireulant, ce sont les expériences de v. Dungern'. Cet auteur recherche le pouvoir fixateur que les organes (foie, rein, rate, etc.) prove- nant de plusieurs mammifères etoiseaux normaux, exercent vis- a-vis du complément renfermé dans le sérum de lapin. Il cons- tate qu'en effet, certains de ces organes peuvent débarrasser le sérum de son complément, et que le principe fixateur est une substance se détruisant à 98° (expériences avec le charbon). Il voit de plus que Q auch die Kürperzellen des gleichen Thieres deselbe Erscheinung bedingen ». On saisit facilement le côté contradictoire de ces recherches, si l’on a soin de rapprocher les données fournies par V. Dungern, de la conception d’après laquelle le complément se trouve à l’état de liberté dans le plasma circulant. En effet, puisque les organes du lapin, employés aussi frais que possible, peuvent, in vitro, 1. Nous avons vérifié récemment ces constatations de V. Dungeérn, D'après nos recherches, il résulte que non seulement des tissus, mais aussi des cellules libres, tels les spermatozoïdes du taureau, fixentle complément hémolytique ren- fermé dans le sérum du lapin neuf. PP PP PT ST MR UT IR NSUS ÉTAT DE LA CYTASE DANS LE PLASMA. 927 débarrasser lesérum de cet animal du complément qu'il renferme, c'est que, pendant la vie, ces organes n’ont pas été saturés de complément, en d'autres mots que les affinités complémento- philes des récepteurs renfermés dans ces organes n’ont pas été totalement occupées, Or, le sérum de ces animaux neufs con- tient des quantités appréciables de complément. Il résulte donc, d’après les recherches de V. Dungern, et si lon admet que le complément est à l’état de liberté dans le plasma, que des élé- ments non saturés peuvent persister, dans cet état, dans un milieu satu- rant. C'est là, à notre avis, une impossibilité, et les faits ne peuvent être mis d'accord qu'à la condition d'admettre que, pendant la vie, le complément weriste pas à l'état de liberté dans le plasma et que les organes ne se saturent pas de complément, pour le motif qu'ils n'en ont pas à leur disposition. A la fin de ce travail, nous prions M. Metchnikoff de bien vouloir recevoir l'expression de notre vive reconnaissance, pour la bonne volonté avec laquelle il nous à conduit dans nos recherches. ErRaTuM. — Dans le mémoire de MM. Tchistowitsch et Yourevitsch, p. 757, ligne 7, lire « sur 56 champs au moins», au lieu de « sur 5-6 champs au moins }). ’ CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DE L'IMMUNITÉ DES ANIMAUX VIS-A-VIS DU BACILLE DU CHANCRE MOU Par Le Dr J. HIMMEL,. pe Kazan (Travail du laboratoire de M. Metchnikoff.) Les tentatives pour découvrir la cause du chancre mou ont commencé en 1837 avec Donné!, qui l'avait attribué à un vibrion banal, le wibrio lineola. Straus * avouait, en 1875, avoir échoué dans cette recherche. Primo-Ferrari *, Mannino :, de Lucca *, ont ensuite décrit, comme agents de contage, deux bacilles et un microcoque qui ont perdu crédit depuis le travail de Ducrey * en 1889. En faisant sur des malades des inocula- tions successives d’ulcérations chancrelleuses, ce médecin trouva que les dernières aboutissaient à un type unique de bà- tonnets à bouts arrondis, ayant 1,5 & de longueur ét 0,5 x d'épaisseur. L'inoculation à l’homme du pus chancrelleux, ne contenant que ces microbes, provoquait des ulcérations chancrelleuses typiques. Les résultats furent toujours positifs dans linoculation du pus chancrelleux, sauf dans un seul cas où le malade fébrici- tait (température 40,2°), et ce fait est d'accord avec les expé- riences d'Aubert *, d’après lequel une température au-dessus de celle de l'organisme humain rend inoffensif le virus du chancre mou. 4. Cours de microscopie, 1844, p. 201, Paris. . Ann. de dermatologie et de syphiligraphie, 1885, n° !, p.5. . Id., 1886, p. 159. . Id., 1885, p. 486. 5. Gazzelta d. ospitali, 1886, n°5 38 à 44, et Giorn. italiano d. mal. vener. e della pelle, 1886, p. 238. 6. Congrès internat. de dermatol. et de syphiligraphie, Paris, 1889, et Monatschr. f. prakt. Dermatol., 1889, IX. 1. Lyon medic., 1889, n° 32, p. 479. & C9 Lo 4 IMMUNITÉ VIS-A-VIS DU CHANCRE MOU. 929 Dans un cas où le chancre avait un caractère phagédénique, Ducrey a obtenu une ulcération phagédénique en inoculant à la main d'un malade du pus d’une pustule déjà obtenue par inocu- lation, pus qui ne contenait pas d’autres microorganismes. Ce fait démontre que les caractères de l'ulcération dépendaient sur- tout du terrain où les inoculations étaient faites. Ducrey n'a pu constater la présence des bactéries sur les coupes des ulcérations du chancre mou, et n’a pas réussi à les cultiver sur les milieux de culture artificiels. Après le travail de Ducrey parut bientôt celui de Krefting 1, qui fit aussi 7 à 8 inoculations successives de pus de chancre mou à l’homme, et qui trouva chez tous ses malades (23) le seul et mème bâtonnet court. Ces deux derniers savants décrivent d’une façon absolument identique le bacille du chancre mou qu'ils ont découvert. Ils le disent court, épais, arrondi aux extrémités, étranglé vers le milieu, rappelant le 8 de chiffre ou les haltères. Ces bacilles sont tantôt isolés, tantôt réunis par groupes, se trouvent tantôt en dehors des globules de pus, tantôt à leur intérieur, où ils sont en si grand nombre que Krefting considérait le globule de pus comme le lieu de prédilection de ce microorganisme. On ne peut pas dire, dit Krefting, que tous ces bacilles aient la même longueur, mème lorsqu'ils se trouvent dans une seule et même colonie, provenant d’une seule ulcération chancrelleuse. Cet auteur les a trouvés dans toutes les pustules du chancre mou; leur nombre était d'autant plus considérable que le déve- loppement de la pustule était plus rapide, de sorte qu'il y avait corrélation parfaite entre l'intensité du processus inflammatoire et le nombre des bactéries dans le pus. A la même année fut publié Le travail d’'Unna, de Hambourg”?, qui, dans les chancres mous excisés, trouvait toute la zone externe farcie de petits bätonnets courts pénétrant dans la pro- fondeur des tissus, et disposés en chaînettes composées de # à 10 éléments. On ne les voit jamais ni dans les leucocytes ni dans les vaisseaux sanguins, mais toujours dans les fentes lympha- tiques, entre les cellules des tissus. Unna n’a pas parlé bien catégoriquement d’une différence 1. Arch. f. Dermat. u. Syphilis, Ergänzungshefte, II, 1892, p. #1. 2. Monatsh. f. prakt. Dermatol., 1892, vol. 14, p. #15 D9 930 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. entre son streptobacille et le bacille de Ducrey-Krefting. W. Petersen !, qui travailla dans la même direction qu'Unna, -affirma plus nettement la spécificité du streptobacille en ques- tion. Mais déjà, en 1894, Colombini *, qui avait coloré le bacille du. chancre mou avec des matières colorantes très variées, et qui avait examiné, à ce point de vue, un très grand nombre d’ulcères chancrelleux et de bubons, se prononca très catégoriquement en faveur de l'identité des deux microorga- nismes en question. Les recherches ultérieures n’apportèrent presque aucun fait nouveau sur ce point : elles confirmèrent les résultats déjà obtenus, apportèrent quelques modifications dans la technique de la coloration, et permirent de constater à nouveau que le chancre mou n’est pas inoculable aux animaux, à l’exception du singe, chez lequel d’ailleurs on ne réussit pas non plus toujours à obtenir un chancre typique. Tels furent les travaux de Quinquaud et M. Nicolle’, de Nicolle et de Venot‘, de Ch. Nicolle Ÿ, de Rivière f, de Jullien ?, de Ch. Audry * et de Cheynin*. Plus tard commencent des recherches sur l’ensemencement des bacilles du chancre mou. M. Petersen ‘° avait déjà noté, dans son travail, qu'il avait réussi à cultiver les bacilles du chancre simpie sur la gélose- sérum (2:14). Plus d’un an se passa depuis la publication de ce travail sans qu'aucun fait nouveau concernant la question de la culture des bacilles chancrelleux füt acquis. Ce n’est qu’en 1897 qu'Istamanov et Akopiantz 4 communiquèrent à la Société médicale de Tiflis qu'ils avaient réussi à obtenir une culture pure du bacille de Ducrey sur la gélose additionnée d’un fragment de peau humaine macérée ; l’inoculation à l’homme des bacilles provenant de ces cultures provoquait des chancres mous typiques. . Centralbl. f. Bacter.u. Parasitenkunde, 1893, XIIT. 2. Gaz. degli. ospitali (anal. in Wratch, 1896, n° 33). 3. Soc. de dermat. et de syphil., T juillet 4892. :. Med. moderne, 1893, n 58. f S'MRRACe Parts 893: 6. Journal des conn. méd., 4 mai 1893, 7. Annales de dermat., 1892, p. 473. 8. Gaz. hebdomad. de méd. et de chir., 1893 (anal. in Wratch, 1893). 9. Wratch, 1893, n° 48: Ann. de dermat. et de syph., 1894, n° 3. 10. Wratch; 1895, n° 5. 11. Comp. rendus de la Soc. médic. de Tiflis, 4897. x 3 cdi os ie LE IMMUNITÉ VIS-A-VIS DU CHANCRE MOU. 931 Lenglet ! obtenait également des résultats positifs, lorsqu'il recourait au même milieu, mais il échouait avec' les milieux ordinaires. L’inoculation des cultures à l’homme donnait des résultats positifs, tandis que la même inoculation, faite à des animaux, sous la peau ou dans le péritoine, restait négative. Au XIII Congrès international de médecine, MM. Bezancçon, Griffon et Lesourd * firent une communication où ils disaient avoir pu cultiver le bacille du chancre simple sur sang gélosé, La culture fut obtenue dans toutes les expériences, aussi bien lorsque l’on ensemençait du pus du chancre primitif que celui du chancre déjà inoculé ou du bubon. Inversement l’inoculation de ces cultures à la peau de l’homme donnait également des résultats positifs. Ces savants n’ont constaté aucune différence dans la colo- ration des bacilles obtenus par eux et de ceux de Ducrey. Ils n'ont pas vu pousser ces bactéries sur d’autres milieux nutritifs ni sur sang coagulé, mais ils ont constaté qu'elles se dévelop- paient assez bien sur le sérum sanguin. La vitalité des bacilles se conservait durant 3 semaines; mais leur inoculation cutanée et intrapéritonéale aux animaux échouait complètement. Les bacilles se développaient tantôt sous forme de bâtonnets isolés, tantôt en chaïnettes. Le dernier travail qui traite des milieux de cultures du ba- cille de Ducrey est celui de Lenglet *; cet auteur y dit que dès ses premières recherches sur la culture du bacille chancrelleux sur Le milieu préconisé par lui (gélose et peau humaine macérée), il avait noté la différence dans le développement des bactéries, qui tantôt donnaient des chaïnettes et tantôt étaient isolées. Toutefois l’auteur ne dit rien sur les conditions qui provoquaient ces différences dans l'aspect des cultures. Ainsi donc la cause du chancre mou est déjà nettement établie, et l’on est arrivé à cultiver son agent pathogène sur certains milieux et à démontrer, en inoculant les bacilles culti- vés, que c'est précisément ce bacille qui provoque l’ulcère du chancre mou. Dans nos recherches actuelles, nous avons essayé de cultiver ce bacille sur d’autres milieux, d'établir quelles sont 1. Soc. de dermat., 10 novembre 1898. 2, Presse médicale, 1901, n° 402. Ann. de dermat. et de syphil., 1901, n°3. 932 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. les conditions qui rendent les animaux réfractaires à son action, et enfin de le rendre pathogène pour les animaux en affaiblissant limmunité de ces derniers, et en exaltant en même temps la virulence du bacille de Ducrey. En cherchant à ensemencer avec le pus du chancre mou divers milieux nutritifs, nous sommes arrivés à obtenir des cultures sur le sang coagulé, résultat que personne n’a encore obtenu jusqu’à présent. En ensemençant du sang fraichement recueilli avec du pus du chancre mou, nous ne trouvions plus, au bout d’une demi-heure, de bactéries libres dans ce sang, malgré la richesse excessive du pus inoculé en bactéries libres ; ces dernières étaient très rapidement phagocytées et les leuco- cytes en étaient farcis. C’est pour cette raison, peut-être, que beaucoup d’auteurs ne réussirent pas à obtenir des résultats positifs en ensemençant le produit de sécrétion du chancre mou sur le sang fraichement recueilli et coagulé. C’est également par ce fait que l’on doit probablement expliquer les résultats obtenus par Kübner!, lequel a constaté, déjà en 1864, que le pus chan- crelleux, mélangé avec 300, 100, et même 20 parties de sang, perdait toute contagiosité et ne pouvait plus reproduire le chancre par inoculation à l’homme; mais, comme les autres auteurs, Kübner n’a pas donné d'explication rationnelle du fait constaté. Sans nous arrêter aux nombreux travaux parus en ces der- niers temps sur la question des propriétés bactéricides du sang, nous allons directement passer à l'exposé de nos expériences. Le sang d’un cobaye, recueilli aseptiquement et très rapide- ment, de façon à en éviter la coagulation, était versé dans des tubes stérilisés; chaque tube en recevait 7 à 8 c. c. Au bout de deux jours, ce sang ainsi laissé dans ces tubes stérilisés devenait un milieu nutritif parfait sur lequel les bactéries du chancre mou poussaient parfaitement. Son ensemencement était pratiqué de la manière suivante : sans toucher au chancre ni avec les mains ni avec les instruments, nous détachions l’enduit purulent de celui-ci à l’aide d’un jet d’eau stérilisée, continuée jusqu’à ce que le chancere fût complètement débarrassé de cet enduit. Nous ne nous servions, dans ce but, des pinces que lorsque le pus 1. Kosxer, Xlinische ant experim. Mittheilungen aus dem Gebiet der Derma- tologie und Syphiligraphie, Erlangen, 1864. IMMUNITÉ VIS-A-VIS DU CHANCRE MOU. 933 séché se transformait en une croutelle que le courant était impuissant à détacher. Une fois l'ulcère bien détergé, on intro- duisaït sous les bords de celui-ci une petite spatule en platine passée à la flamme; il suffisait d'appuyer très légèrement sur les bords de l’ulcère pour obtenir sur la petite spatule une quan- tité de liquide sérosanguinolent, qu'on tränsportait aussitôt dans les tubes contenant le sang. Déjà au bout de 6 à 8 heures, on pouvait constater la présence dans le sang d’un grand nombre de bactéries dont l'aspect était absolument analogue à celui décrit par les auteurs qui ont cultivé la bactérie de Ducrey. Aussi pensons-nous que ce milieu nutritif peut aussi rendre de réels services au point de vue diagnostique, lorsqu'il s’agit de reconnaitre rapidement si l’on est en présence d’une ulcération chancrelleuse ou non, et d’insti- tuer le traitement approprié; ces cas peuvent se présenter, quoique rarement. Vingt-quatre heures après, on obtient une culture très abon- dante de bacilles; le plus souvent ils sont disposés par groupes, plus rarement isolément, plus rarement encore en chainettes composées de bacilles de même aspect. Si l’on fait des réensemen- cements des cultures tous les jours, on constate que le nombre de chaînettes diminue peu à peu à chaque nouvel ensemencement, et elles disparaissent complètement au bout de 10 à 12 séries d’ensemencement ; on n'obtient alors que la variété de bacilles décrite par Ducrey. Par contre, si ces ensemencements succes- sifs sont faits plus rarement, les chaînettes reparaissent; d’abord rares, elles augmentent en nombre lorsque la culture reste longtemps en repos. Ces chaînettes se composent de 3-10-15 bacilles et ressemblent complètement à ceux décrits par Unna. Ainsi donc l'aspect de la culture du bacille du chancre mou dépend, à notre avis, de la durée et des conditions d’existence, ce dont nous fümes encore plus convaincu lorsque nous arri- vames à augmenter la virulence des bactéries du chancre simple : dans ce dernier cas, nous ne trouvions plus du tout de chaïinettes, Il nous semble que ces chaïnettes constituent un stade de passage aux formes d’involution. Les ensemencements, faits avec les produits de sécrétion des ulcères chancrelleux, ont toujours reproduit une seule et même 934 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. variété bactérienne, et presque toujours à l’état pur; ce n’est que très rarement que nous avons rencontré des tubes souillés de staphylocoques ou de sarcines. ( Conservées à la température de la chambre, ces cultures gardent leur vitalité pendant 5 à 6 semaines, tandis qu’à la tem- pérature de 37° elles périssent beaucoup plus rapidement : au bout de trois semaines, il était impossible de les réensemencer. Ayant obtenu une culture pure du bacille chancrelleux, nous avons commencé à faire des inoculations aux animaux, mais les résultats en furent d’abord négatifs, comme chez nos prédé- cesseurs. Nous cherchâmes alors à savoir dans quelles conditions et après combien de temps périssaient les bacilles introduits dans la cavité péritonéale, sous la peau et sous la dure-mère. Nous avons choisi comme sujet d'expériences le cobaye: de même, pour les ensemencements, nous nous sommes servi du sang de cobaye, afin d'éviter l’action possible du sérum d'un animal d’une autre espèce sur l’organisme du cobaye. Si l’on injecte une culture du bacille de Ducrey dans la cavité péritonéale ou sous la peau d’un cobaye, et si l’on recueille lexsudat toutes les 10 ou 15 minutes, on voit que les bacilles sont rapidement phagocytés, et que les leucocytes se remplissent tous de bactéries, dont on trouve cependant encore beaucoup de libres. Avecle temps, ces derniers deviennent de plus en plus rares, et au bout de 24 heures on trouve difficile- ment des bactéries non englobées; les bacilles phagocytés. semblent gonflés, très modifiés; quelques-uns d’entre eux sont déjà désagrégés en petites particules. Mais si le même exsudat est ensemencé sur un milieu de culture, on peut encore obtenir des résultats positifs au bout de 3 jours environ; après un laps de temps plus prolongé, l’exsudat péritonéal et sous-cutané ne permettait plus d'obtenir des cultures. L'injection des cultures des bacilles chancrelleux sous la dure-mère de cobayes a donné des résultats analogues, c’est- à-dire la leucocytose et la phagocytose ; de même que dans les cas précédents, il devenait impossible d'obtenir des cultures au bout de 3 jours: en d’autres termes, les bacilles succombaient dans le même laps de temps, mais sans tuer le cobaye. Dans toutes nos expériences, nous avons constaté une chi- miotaxie positive très intense: Krefting avait donc raison lors- IMMUNITÉ VIS-A-VIS DU CHANCRE MOU. 935 qu'il émettait l'hypothèse que les globules de pus semblent être le lieu d'élection où les bacilles se localisent de préférence. Nous devons ajouter, de notre côté, que c’est ainsi qu’on peut expli- quer ce fait que les bacilles de Ducrey ne provoquent pas d'infec- tion générale chez l'homme : ils pénètrent parfois jusqu'aux ganglions lymphatiques les plus proches, mais là ils provoquent un afflux excessif de leucocytes et aboutissent à la production des bubons ; tandis que chez les animaux, dont les leucocytes réagissent encore plus énergiquement contre ces bactéries, l'infection ne va même pas jusqu’à provoquer des bubons. Ayant établi que les bactéries chancrelleuses succombent dans l’organisme du cobaye au bout de 3 jours, nous avons un peu modifié nos expériences, soit en affaiblissant l’organisme du cobaye d'une façon ou d’une autre, soit en provoquant préala- blement la leucocytose. Ainsi, par exemple, en injectant dans la cavité péritonéale du bouillon stérilisé, 24 heures avant l’inoculation des bactéries de Ducrey, c’est-à-dire en provoquant une leucocytose préalable, nous avons pu nous convaincre que les bacilles chancrelleux succombent dans ces conditions au bout de 48 heures. D'autre part si, après l'injection, on plaçait les cobayes dans une chambre dont la température était de 4° à 5o, la leuco- et la pha- gocytose diminuaient d'intensité, et les bactéries succombaient après un laps de temps plus long (4 à 5 jours); si les cobayes étaient placés dans une chambre à 37°, on ne pouvait obtenir de cultures que dans les premières 24 heures, plus tard les ense- mencemeunts restaient stériles. En même temps, on notait aussi une différence notable dans l’exsudat qui, dans le premier cas. était liquide et pauvre en leucocytes, tandis que dans le second il était épais (aussi était-il difficile d’en recueillir dans la cavité abdominale) et extrêmement riche en leucocytes. En injectant des bacilles dans la cavité abdominale de cobayes en inanition, on notait également une différence notable dans l'intensité de la leuco- et de la phagocytose, et la survie plus longue des bacilles chancrelleux dans l'organisme de l’animal inoculé. Dans une autre série d'expériences, nous avons injecté dans la cavité abdominale de cobayes des bacilles tuberculeux, 15 jours avant de leur injecter les bacilles chancrelleux. Chez 936 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. ces cobayes, les bacilles de Ducrey survivaient dans la cavité abdominale environ 5 jours ; la leuco- et la phagocytose étaient moins marquées que chez les cobayes inoculés avec les bacilles chancrelleux, sans iroculation préalable des bacilles tubercu- leux. Ainsi donc on peut, en provoquant d’une façon quelconque une altération de l'organisme des cobayes, en diminuant la leuco et la phagocytose, on peut, disons-nous, obtenir une survie plus ou moins prolongée du bacille de Ducrey dans l'organisme animal. Ce fait n’est nullement en contradiction avec les obser- vations cliniques où l’on voit le chancre mou prendre une allure chronique et grave lorsqu'il se développe chez des sujets tuberculeux ou affaiblis pour une cause ou une autre. En étudiant la destruction des bactéries du chancre mou dans l’organisme animal dans différentes conditions, nous avons essayé d’augmenter la virulence de ces bactéries, en les faisant passer par différents animaux à l’aide de sacs de collodion, Ces passages ne nous ont fourni aucun résultat positif au point de vue de l’augmentation de la virulence ; nous n’avons pas non plus pu obtenir les résultats désirés par la diminution de la résistance de l’organisme des cobayes à l’aide de l’opium ou des toxines diphtéritiques. Aussi, pour diminuer l’immunité des cobayes, avons-nous eu recours à l'acide lactique qui, comme on sait, a une action chi- miotactique négative. En injectant, dans la cavité péritonéale d’un cobaye pesant 200 grammes, 4 gouttes d’acide lactique con- centré, dilué dans 1 c. c. d’une solution physiologique de sel marin, en pratiquant une demi-heure plus tard au même animal une injection des cultures chancrelleuses, tandis que l’animal témoin ne recevait que l'acide lactique, nous avons observé les phénomènes suivants : L'animal témoin présentait un malaise pendant une demi- heure après l’injection, se remettait bientôt et survivait; le cobaye auquel nous avons fait une injection des cultures des bactéries chancrelleuses après celle d'acide lactique succombèrent au bout de 24 heures. En examinant à de courts intervalles lexsudat péritonéal du cobaye qui avait reçu de l’acide lactique, on pouvait voir que la leucocytose et la phagocytose faisaient défaut jusqu’à la mort de l'animal. L’ensemencement sur le IMMUNITÉ VIS-A-VIS DU CHANCRE MOU, 937 milieu nutritif du sang du cœur de l’animal mort fournissait une culture pure de la bactérie chancrelleuse. En injectant les cultures obtenues par l’ensemencement du sang’ du cœur aux autres cobayes et en diminuant chaque fois d'une demi-goutte la quantité d'acide lactique, nous sommes arrivé à avoir une culture des bacilles du chancre, mais d’une virulence telle qu’elle tuait les cobayes, même sans injection préalable d'acide lactique. Au début, la mort du cobaye auquel on avait injecté les cultures chancrelleuses survenait en 20 ou 30 heures; dans les passages ultérieurs, nous avons réussi à augmenter la virulence des cultures à tel point, que les cobayes succombaient en 12 à 20 heures après l'injection. Dans toutes nos expériences, nous avons injecté une culture de 24 heures, tout entière, c'est-à-dire de 4 à 4,5 c. c., tout le reste en était représenté par un caillot sanguin. En dehors de ce procédé que nous avons employé pour augmenter la virulence des bactéries chancrelleuses, nous avons eu recours à un autre, moins simple, mais aussi plus inté- ressant en ce qu'il permet de mettre en lumière les conditions de l’immunité en général. Ce procédé consiste dans l'emploi de l’antialexine. Wassermann!, qui s’est occupé de la question de l’immunité des animaux vis-à-vis des bacilles de la fièvre typhoïde, a attiré l'attention sur le fait que voici : il faut une dose moindre de cultures typhiques pour tuer un animal auquel on a fait une injection préalable d’antialexine, que pour celui qui ne recoit qu'une injection de cultures typhiques seules. Ce fait, très bien observé par Wassermann, est expliqué par cet auteur de la façon suivante : les substances bactéricides du sérum qui dépendent de l’alexine qui s’y trouve constamment, sont neutralisées par l’antialexine injectée ; en d’autres termes, il dit que l’immunité est d’origine hématogène, et il nie ainsi son origine histogène; toutefois, en ce qui concerne cette der- nière conclusion, il fait des restrictions, en disant que les leu- cocytes sont la source certaine mais non unique de l’alexine. Bezredka *, qui a fait des recherches sur le même sujet, a observé un fait qui a échappé à Wessermann. Bezredka a cons- . 1. WassERMANN, Ærperimentelle Beiträge sur Kenntniss der natürlichen und Küntslichen Immunitat. 2. Annales de l’Institut Pasteur, 1904, n° 4. 938 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. taté qu'avec une injection préalable d’antialexine, suivie de celle des cultures typhiques dans la cavité péritonéale des ani- maux, on observe l'absence de leuco- et de phagocytose et du phénomène d’agglutination, ce qui veut dire que l’antialexine agit sur l'immunité par voie histogène et non pas par voie héma- togène. Il est possible que si ce fait a échappé à Wessermann, c'est que les bacilles de la fièvre typhoïde, étant très pathogènes, ne sont pas aussi énergiquement englobés par les phagocytes que le sont les bacilles non pathogènes du chancre mou. En expérimentant avec ces derniers, on peut donc plus faci- lement voir la différence marquée dans les phénomènes de phagocytose, suivant qu’on faisait ou non usage de l’anti- alexine. L'exsudat provenant d’un cobaye auquel on a fait une injec- tion préalable d’antialexine ne contient que très peu de leuco- cytes et il ne survient pas de phagocytose, tandis que chez l'animal témoin on trouve déjà, 10-15 minutes après l'injection des cultures, de nombreux leucocytes entièrement farcis de bactéries ; chez le premier il n'y a pas d’agglutination ; chez le second elle est très prononcée. Cette différence marquée dans l'aspect de l’exsudat commence à s’atténuer avec le temps. Au bout de 3-4 heures, on peut constater une légère leuco- et phago- cytose et l’apparition de l'agglutination chez le premier des cobayes, de sorte que 6-8 heures après l’injection, Faspect des exsudats de deux auimaux en expérience devient identique (ces phénomènes s’observent si l’antialexine employée est faible). Étant donnée cette action de l’antialexine qui provoque l'inhi- bition des fonctions de défense des éléments de l’organisme, on comprend qu'elle permet à l’agent infectieux qui y a pénétré d'y pulluler et d'y acquérir une plus grande virulence, et de tuer ainsi l'organisme à une dose inférieure aux doses mortelles normales. Nous basant sur ces faits, nous nous sommes décidé à con- tinuer nos expériences en faisant usage d’une antialexine plus forte. L'antialexine que nous avons préparée était d’une énergie telle, que 2 parties paralysaient l’action hémolytique de 5 partües de sérum d’un cobaye vis-à-vis du sang d’un lapin. (Dans nos IMMUNITÉ VIS-A-VIS DU CHANCRE MOU. 939 expériences, 5 gouttes de sérum de cobaye dissolvaient complè- tement une goutte de sérum de lapin dans l’espace de 20 minutes. Le sang additionné de 2 gouttes d’antialexine ne provoquait pas cette hémolyse.) En injectant 4 e. c. d’antialexine de cette énergie dans la cavité péritonéale d’un cobaye de 200 grammes, 10 minutes avant l’injection des cultures des bactéries chancrelleuses, nous avons obtenu la mort de l'animal au bout de 24 heures environ ; les animaux témoins, dont l’un avait reçu une injection des cul- tures de ces bactéries, l’autre une injection d’antialexine, survé- curent tous les deux. Les ensemencements sur le milieu indiqué, faits avec du sang du cœur du cobaye mort, ont donné une riche culture pure des bactéries chancrelleuses. Par injections successives des cultures ainsi obtenues, tout en diminuant chaque fois la dose d’antialexine d’un 1/2 €. €., nous avons enfin obtenu une culture d’une virulence telle, qu'injectée à un cobaye de 200 grammes, elle le tuait en 16-24 heures et cela sans antialexine. En terminant notre travail, nous nous permettons de tirer de nos expériences les conclusions suivantes : 1° Le sang coagulé et déposé pendant un certain temps, ou bien chauffé pendant une demi-heure jusqu'à 55° C., peut servir de bon milieu de culture pour les bactéries du chancre mou: 20 Étant donné que dans ce milieu les bactéries chancrel- leuses se développent assez bien, il peut dans certains cas être utilisé par les cliniciens comme moyen adjuvant, pour établir plus rapidement le diagnostic différentiel ; 3° Les bactéries chancrelleuses résistent un peu plus long- temps dans l’organisme des cobayes dont la résistance est affaiblie par différents agents ; 4° On peut rendre les bactéries chancrelleuses virulentes pour le cobaye à l’aide de l’acide lactique ou de l’antialexine. L'injection d’une culture virulente dans la cavité péritonéale d’un cobaye tue cet animal en 16-24 heures ; 5° L’antialexine, en inhibant la leuco- et la phagocytose, et en annulant lagglutination, diminue l’immunité de l'organisme animal. Nous pouvons donc dire que, grâce à l'acide lactique et à l’antialexine, nous avons réussi à augmenter la virulence d'une 940 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. bactérie qui, jusqu'à présent, n’était pas pathogène pour les animaux. En d’autres termes, nous avons réussi à obtenir en quelque sorte une nouvelle bactérie avec laquelle on peut faire les recherches expérimentales en général, sur l’immunité des animaux en particulier. Quant à l’antialexine, elle acquiert un nouvel intérêt en ce sens qu’elle peut être utilisée comme un des moyens d'augmen- tation de la virulence des bactéries, considérées jusqu’à présent comme non pathogènes pour les animaux. Nous profitons de l’occasion pour exprimer ici encore une fois toute notre gratitude à notre éminent maître, M. Metchnikoff, pour les conseils constants et bienveillants qu'il nous a prodi- gués au cours de notre séjour dans son laboratoire. LA DIPHTÉRIE AVIAIRE ÉTUDE EXPERIMENTALE VACCINATION — SÉROTHÉRAPIE Par M. C. GUÉRIN Médecin-vétérinaire, chef de laboratoire à l’Institut Pasteur de Lille. La diphtérie aviaire a déjà fait l'objet de nombreux travaux. Les différents auteurs qui se sont occupés de la question, tout en reconnaissant avec précision l’agent causal de cette affection, ont fourni des renseignements si contradictoires, des données si incomplètes sur les moyens efficaces à opposer à cette mala- die, qu’une étude complémentaire s’imposait. C’est sur les ins- tances d’un aviculteur distingué, M. Detroy, vice-président d'honneur de la Société des aviculteurs du Nord, que le D* Cal- mette a bien voulu me charger de cette étude, commencée en mai 1899. La question s’est montrée plus difficile que je ne pensais, et il m'a fallu de longs mois et de longs tâtonnements avant d'arriver aux résultats acquis à ce jour. La plupart des auteurs, en effet, Loir et Ducloux en particulier, se sont trouvés en pré- sence de la maladie à forme septicémique; ils ont pu se procurer aisément un microbe déjà virulent. Dans la région du Nord, au contraire, la maladie sévit, presque exclusivement, sous sa forme chronique, et ce n’est que très exceptionnellement que j'ai pu avoir la chance d’autopsier des animaux morts de l'affection suraiguë. Même dans ces rares cas, je me suis trouvé en pré- sence d’un microbe d’une très grande exigence quant aux conditions de vie, et d’une instabilité de virulence non moins accusée. Tel microbe qui, en première culture, tuait le pigeon ou la poule, ne leur occasionnait aucun trouble en deuxième culture, même injectée à doses considérables. Les caractères du microbe sont les suivants : Cocco-bacille doué de mouvements oscillatoires, ne prenant 942 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. pas le Gram, ne liquéfiant pas la gélatine, ne coagulant jamais le lait dont la réaction n’est pas changée, ne poussant pas sur la pomme de terre naturelle acide, ne donnant pas d'indol, ne virant pas la gélose de Wurtz, facultativement aérobie ou anaëé- robie. Les cultures, surtout âgées, répandent une odeur spéciale, Ce microbe ne peut donc rentrer dans le groupe des Pas- teurella de Lignières, puisqu'il est mobile: il ne peut entrer non plus dans celui des Salmonella, type hog-choléra, puisqu'il ne pousse pas sur pomme de terre. J'insiste sur ce dernier carac- tère, car Loir et Ducloux ont mentionné dans leur mémoire la culture facile du microbe sur la pomme de terre. Tous les échantillons que j’ai isolés, même celui envoyé par M. Loir et qui était identique aux miens, se sont toujours refu- sés à pousser sur ce milieu. Les caractères particuliers de culture du microbe sur les différents milieux sont bien ceux indiqués par les auteurs : Lof- fler, Véranus Moore, Piana et Galli-Valerio. Les cultures ont ceci de commun, qu’elles ne sont jamais très riches ; aussi nécessitent-elles beaucoup de soin pour leur entretien. C’est ainsi que le bouillon de bœuf ou de cheval peptonisé est à peine troublé légèrement par la culture en 24 heures; puis, très rapi- dement, la partie supérieure du liquide s’éclaireit, les microbes tombent au fond du tube où 1ls s’agglomèrent. J’ai d'abord cherché un milieu liquide plus favorable à la pullulation; les diverses substances employées: sucre, glycérine, bouillon de panse, ete., ne m'ont donné que des résultats médiocres. Je me suis arrêté enfin au mélange convenable de bouillon frais peptonisé et de sérum de cheval, dans la proportion de 8 de bouillon pour 1 de sérum. Dans un tel milieu, le microbe se développe beaucoup pius abondamment, et l’agglomération en grameaux se fait plus tar- divement. ÉTUDE EXPÉRIMENTALE Les microbes isolés des lésions chroniques de la poule, et cultivés dans ce milieu, se sont montrés parfois pathogènes pour les petits animaux, souris et moineau, mais jamais pour le le pigeon, la poule ou le lapin. J’ai réussi, cependant, à exalter rapidement la virulence par le procédé suivant : une petite DIPHTÉRIE AVIAIRE. 943 quantité de fausses membranes, recueillies soit dans Le pharynx d'une poule malade, soit à l’autopsie dans les sacs aériens ou dans la plèvre, est triturée avec soin dans un verre, avec un peu d'eau stérilisée. J'ai choisi, de préférence, des fausses mem- branes provenant des sacs aériens ou de la plèvre, parce qu'elles contiennent presque toujours le microbe de la diphtérie, non associé à d’autres espèces banales. On inocule ensuite 1/4 de centimètre cube de ce triturat, non sous la peau, ce qui ne serait suivi d'aucun succès, mais dans le tissu conjonctif de la paupière inférieure d’un pigeon. 10 ou 12 heures après l’inoculation, le pseudo-ædème produit par le liquide injecté a pris une teinte blanc jaunâtre, par l’afflux d’une quantité considérable de leu- cocytes; l'œil se ferme à demi, devient pleureur et la mort survient dans les 36 à 48 heures. À l’autopsie et au point d’inoculation, on trouve une véri- table fausse membrane, blanc jaunâtre, ayant la consistance du fromage, assez dure, et dans laquelle pullule l’agent microbien. Cette fausse membrane est de nouveau triturée dans un peu d’eau stérile, et on fait un second passage par le pigeon, dans les mêmes conditions. Après une dizaine de passages elfectués suivant ce procédé, la culture du microbe, pris dans le sang, dans le milieu bouillon- sérum, est assez virulente pour que 1/4 de centimètre cube tue à coup sùür en 18 heures le pigeon par inoculation sous- palpébrale. Cette mème dose de virus, inoculée sous la peau du sternum, ne donne cependant pas encore la mort d’une façon régulière, et il m’a fallu faire 15 passages, par inoculation sous- palpébrale, avant d'arriver à la grande virulence que je cherchais. A ce moment, 1/8 de centimètre cube de culture en bouillon- sérum de 24 heures tue sûrementle pigeon en 15 à 18 heures par inoculation sous-cutanée., Les lésions observées à l’autopsie sont celles d’une septicémie à marche extrèmement rapide ; tous les tissus, toutes les humeurs de l’organisme renferment un nombre considérable de microbes. Un cinquième de centimètre cube de cette culture, inoculé sous la peau d’un lapin, le tue en 36 à 48 heures. Les passages par cel animal atténuent, progressivement, la virulence de la bactérie, non seulement pour le lapin, mais aussi pour le pigeon. Après 24 passages, le lapin mettait 5 jours à succomber, le 944 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. pigeon 6 à 7. J'ai essayé, alors, d'utiliser ces bactéries atténuées par les Re par le lapin, pour la vaccination du pigeon; mais à mesure que le microbe s’atténuait, j'ai vu réapparaître cette instabilité de virulence que j'avais constatée au point de départ; il est, d’ailleurs, probable que la difficulté de fixer la bactérie au point d’atténuation voulu aurait été très grande, Le cobaye, complètement réfractaire à l’inoculation du microbe ordinaire, est tué, en 3 ou # jours, par l’inoculation, sous la peau, d’une quantité minime de culture virulente : un quart de centimètre cube. Le moineau et la souris sont tués par des doses très petites de culture: une goutte suffit à donner la morten 18 à 24 heures. La poule est beaucoup plus résistante que le pigeon aux atteintes de la diphtérie aviaire. Il paraît évident que cette grande résistance du poulet pour l’inoculation expérimentale a oi jusqu’à maintenant l'étude complète de la maladie. L’inoculation, sous la peau de la poule, d’une dose de culture virulente # et 6 fois mortelle pour le pigeon reste ordinaire- ment sans effet. L'inoculation dans le péritoine n'offre guère plus de garan- tes. L’inoculation intra-veineuse est plus souvent suivie de succès: encore faut-il injecter une grosse dose, 1 c. c.; dans ce cas particulier, la mort, quand elle survient, arrive dans les 3 jours; l’autopsie montre tous les caractères d’une affection à forme septicémique, mais jamais on n’observe les lésions de la maladie naturelle. Ce n’est que dans quelques cas que certains inoculés se cachectisent versle 12° ou 15° jour, et qu’à l’autopsie on trouve, dans une ou plusieurs des séreuses, les dépôts fibri- neux jaunâtres qui accompagnent généralement l’évolution de la maladie naturelle. J'ai cherché à exalter la virulence du microbe pour la poule, en employant le procédé qui m’avait si bien réussi pour le pigeon; je me suis servi pour cela de tout jeunes poussins, élevés par moi à la couveuse artificielle. J’étais ainsi abso- lument sûr de l’état de santé antérieur de mes sujets d’expé- rence. Ces petits animaux se sont montrés aussi résistants à l’ino- DIPHTÉRIE AVIAIRE. 945 culation expérimentale que les adultes, et, malgré la diversité des modes d'inoculation, malgré les tentatives variées auxquelles je me suis livré, jamais je n’ai pu fixer absolument la virulence pour le poussin comme je l'avais fait pour le pigeon, Cette circons- tance explique pourquoi, dans tous mes essais de vaccination, je me suis servi du pigeon comme animal d'expérience; chez lui, en effet, la virulence du microbe n’a jamais faibli. Ces essais, après avoir supporté l'épreuve rigoureuse du pigeon, ont pu être répétés, à fortiori, sur la poule, en raison même de la moins grande sensibilité de cet animal. PATHOGÉNIE C’est donc avec un microbe à virulence fixe et considéra- blement exaltée que j'ai déterminé la pathogénie de la maladie. Je suis arrivé à reproduire toutes les localisations graves de cette affection en laissant aux animaux d'expérience le soin de s'infecter seuls, par l’ingestion d'aliments ou de boissons mélan- gés à des cultures virulentes en bouillon-sérum. Si les animaux sont jeunes ou peu résistants, comme les pigeonnaux, l’ingestion de tels aliments, souillés par les agents virulents, détermine chez eux, en 3 ou 4 jours, une forme septicémique, à marche suraiguë. A l’autopsie, tous les tissus renferment, en grande abondance, la bactérie spéci- fique. Si les animaux sont plus âgés, les symptômes varient suivant les localisations des lésions qui reproduisent, en tous points, celles de la maladie chronique. On peut observer, dès les premiers jours du régime infec- tant, l'apparition dans la bouche ou le pharyax d’une ou plu- sieurs plaques pseudo-membraneuses, qui peuvent, quelques jours plus tard, être éliminées et disparaître, ou bien être le point de départ d’une lésion proliférante locale, se terminant ordinairement par la généralisation du microbe, A Chez d’autres sujets, on trouve des lésions étendues du poumon et des plèvres. Les poumons présentent des foyers de pneumonie caséeuse, des fausses membranes épaisses, blanc jaunûtre, tapissant les parois pleurales; on en voit parfois, même, recouvrant la muqueuse des sacs aériens. Ces altérations sont, sans aucun doute, produites par la 60 946 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. chute dans la trachée d’une petite quantité d’eau de boisson contenant les germes virulents. Il suffit, en effet, d'introduire, avec une pipette, quelques gouttes de culture dans la trachée pour reproduire, en 5 ou 6 jours, des lésions identiques. Le plus grand nombre, cependant, des animaux mis en expérience, présentent au bout d’un temps plus long, 3 semaines environ, de la dégénérescence du foie en foyers de nécrose, de couleur blanc jaunâtre, au début, et présentant, dans les der- niers jours de la vie, une belle coloration vert foncé. Exceptionnellement, l’ingestion a produit de la péritonite avec exsudats très abondants et très épais, dans lesquels pullu- lait l'agent spécifique. Les excréments des animaux ainsi infectés sont virulents, et il est très facile d’en isoler la bactérie, IL suffit de reprendre une petite quantité de ces excréments par un peu d’eau stérile, et d'inoculer un 1/4 de centimètre cube de cette dilution sous la paupière inférieure d’un pigeon : la mort ne survient générale- ment pas du premier coup, mais 1l suffit de reprendre la fausse membrane, formée au point d'inoculation, et de recommencer l'injection sur un second pigeon; au bout de 3 ou 4 passages, on isole le microbe pathogène à l'état de pureté. La virulence des excréments nous explique pourquoi la diphtérie à forme oculaire est si fréquente. En dehors des chances nombreuses de contagion directe, les poules et les pigeons s'inoculent eux-mêmes, grâce à l'habitude qu'ont ces animaux de se gratter fréquemment les paupières avec leurs doigts souillés. La contamination de l’eau de boisson est assu- rée par la chute des excréments dans les bacs ou abreuvoirs, ou même par les animaux malades porteurs de lésions dans les premières portions des voies digestive ou respiratoire. On sait en effet que, pour boire, le pigeon plonge complète- ment le bec dans l’eau; il aspire, alors, une quantité assez grande de liquide dans son pharynx, le réflexe de la déglutition en introduit une portion dans l’'œsophage, une autre est rejetée et retourne dans le récipient contenant le liquide, opérant ainsi un véritable rinçage de la bouche et du pharynx, et, par suite, la pollution de l’eau de boisson. Le mode decontamination des pigeonneaux par l’engavement, signalé par Mégnin, est absolument confirmé par l’expérimen- DIPHTÉRIE AVIAIRE. 947 tation. Toutes les formes ou localisations de la maladie peuvent donc être reproduites, expérimentalement, par ingestion de pro- duits virulents. L'inoculation d'une quantité extrêmement petite de culture (1 à 4 gouttes) dans le péritoine ou la veine de l’aileron d'un pigeon provoque la mort en 15 ou 18 heures. L'inoculation sous-cutanée de 1/8 de centimètre cube l'amène dans la plupart des cas. Cependant, quelques animaux résistent; il se forme au point d'inoculation une masse jaunâtre dure, qui se sèche à la longue, et qui finit par s'éliminer sous forme d’escharre. Je dirai plus loin quelle valeur à cette lésion au point de vue de l’immunité, Quoi qu'il en soit, ces animaux guérissent et ne présentent plus aucun malaise. Tout se passe autrement si l’on fait, sous la peau ou dans le péritoine, plusieurs injections, à quelques jours d'intervalle, d’un microbe peu virulent, celui isolé d’un cas de maladie spon- tanée, par exemple; on voit alors l’animal, qui avait paru supporter la première injection sans malaise, devenir rapide- ment malade et présenter toutes les variations symptomatiques de laffection naturelle. Le plus souvent ce sont Les premières voies respiratoires et les yeux qui sont atteints d’abord, puis, rapidement, les séreuses se garnissent de leurs produits fibri- neux jaunâtres, et la mort survient en T ou 8 jours : parfois les animaux semblent se remettre, mais la cachexie les saisit et la mort survient en 1 ou 2 mois. Chez ces animaux, morts tardivement, l’autopsie ne révèle rien de particulier, sinon un état très accusé de maigreur. Le sang et les parenchymes ne renferment plus la bactérie spécifi- que. J'ai pu, en procédant ainsi, obtenir expérimentalement. chez le pigeon, mais dans quelques rares cas seulement, des artbrites scapulo-humérales et huméro-radiales, bien connues des éleveurs de pigeons par les pertes que causent ces localisa- tions, surtout chez le pigeon voyageur. Il semble donc que, pour triompher de la résistance de l'organisme, il faille soumettre les animaux à une contagion intime et prolongée. Cette contagion est, en tous points, réalisée dans les poulail- 948 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. lers ou Les pigeonniers infectés, où les animaux sont en rapport constant avec les excréments que l'on sait contenir, en abon- dance, la bactérie spécifique. En résumé, le pigeon s’est montré un animal d’expé- rience très précieux; 1l constitue, de ce fait, le réactif de choix pour la diphtérie aviaire. C’est sur lui que j’ai fait tous les essais de vaccination. VACCINATION La question de la vaccination contre la diphtérie aviaire a préoccupé, à juste titre, tous les auteurs qui ont étudié cette maladie. Tous ont abouti à des résultats peu satisfaisants, en raison même des difficultés que présente l’étude de cette affec- tion. Le mode de vaccination préconisé par MM. Loir et Ducloux, et qui avait réussi, entre leurs mains, chez la poule, ne m'a donné aucun résultat chez le pigeon. Bien plus, les ani- maux qui résistent à une inoculation virulente très petite, comme celle, par exemple, d’un fil virulent, placé en séton sous la peau, ces animaux, dis-je, guérissent leur lésion locale par escharre, ainsi que je l’ai indiqué, et, cette guérison achevée, ils n'ont acquis de ce fait aucune immunité; ils succombent aussi régulièrement que les témoins à une inoculation plus sévère ; quant à l'interprétation à donner à ce résultat, elle reste encore obseure ; on pourrait cependant admettre qu’il fallut, pour con- férer l’'immunité contre ces affections septicémiques, mettre les virus atténués directement en rapport avec un très grand nom- bre de leucocytes en les introduisant soit dans la circulation générale, soit dans le péritoine; l’inoculation sous la peau pro- duisant, ainsi que je l'ai dit, un travail local de défense, suivi de la mort d’un certain nombre de leucocytes qui doivent, de ce fait, être éliminés; l’organisme n'est donc que très peu influencé par ces injections sous-cutanées. C’est partant de cette idée que j'ai fait des essais de vaccination, en inoculant les virus atténués dans le péritoine. Je puis dire que, tout de suite, les résultats ont été extrèmement démonstratifs, et m'ont conduit à pratiquer un mode de vacci- nation que je vais exposer. Deux inoculations intrapéritonéales sont nécessaires pour DIPHTÉRIE AVIAIRE. 949 conférer au pigeon une immunité solide contre linoculation virulente de diphtérie aviaire. L’injection dans le péritoine se fait de la façon suivante: l'opérateur saisit de la main gauche l'animal, en pleçant les deux ailes au niveau de l'humérus, entre le pouce et l'index. Les trois autres doigts servant à maintenir le corps de l'animal horizontal. La patte droite est ramenée à la hauteur du bras et maintenue également avec le pouce et l'index de la même main. C'est donc le flanc droit qui se présente à l'opérateur. Ce détail a son importance, car, chez les volailles, le flanc gauche est occupé, en entier, par le gésier, organe résistant sur lequel pourrait se heurter la pointe de l’aiguille. Avec la main droite, on arrache quelques plumes au niveau de l'abdomen et on enfonce l'aiguille de la seringue au milieu de l’espace compris entre la pointe du sternum et l’ischium. On peut enfoncer l'aiguille de 4 centimètre environ, chez le pigeon. La blessure de l'intestin est tout à fait problématique; dans les quelques centaines d’injections que j'ai faites, je n’ai jamais observé le moindre accident. La première injection est faite avec une culture virulente en bouillon-sérum de 24 heures, chauffée 1 heure à 55°. A cette température, tous les agents virulents sont tués. La quantité à injecter est de 1/2 €. c. La seconde injection, qui se pratique 12 jours après la première, est faite avec une culture virulente en bouillon-sérum de 24 heures, chauffée 1 heure à 50°. Dans cet état, le microbe peut encore pousser, si on l’ensemence, mais il est suffisamment atténué pour pouvoir être toléré sans danger. La quantité à injecter est encore de 1/2 c. c. Environ 12 ou 15 jours après cette seconde inoculation, l’animal possède une immunité assez solide pour pouvoir résis- ter à l'inoculation sous-cutanée de 1/4 de c. c. de culture virulente, dose toujours mortelle. E:rperience. — 30 pigeons sont mis en expérience le 14 août 1901; 20 sonf vaccinés suivant le modus faciendi décrit plus haut, 10 sont conservés comme timoins. Le 14 octobre, les 20 animaux reçoivent sous la peau, chacun 1/4 de c. c. d’une culture virulente de 24 heures. Le 15 octobre, au matin, 9 des témoins sont morts, le dixième meurt le 17. 950 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Des 20 vaccinés. 1 meurt de diphtérie aiguë, en même temps que les témoins ; 4 succombent les 16, 17 et 18 octobre; les 15 autres restent bien por- tants. Il s’est formé, au point de l’inoculation virulente, une escharre qui a mis une vingtaine de jours à s’éliminer et toute trace a disparu. Ces pigeons ont été placés dans un pigeonnier séparé et, depuis, leur santé est restée parfaite. Si l’on considère que jamais, dans la pratique, les animaux ne se trouvent dans des conditions de contagion aussi sévères, l’efficacité certaine de ce mode de vaccination apparaît nette- ment. Bien que la saison fût avancée et que la diphtérie ait déjà fait son apparition dans les poulaillers depuis le milieu de septembre, j'ai voulu de suite essayer ce mode de vaccination sur le poulet. M. Detroy, l’aviculteur distingué, s’est empressé de mettre son élevage à ma disposition : 77 poulets, nés en 1901, et apparte- nant tous à des races de luxe et, par cela même, d'autant plus sensibles à la maladie, ont subi, les 17 et 25 septembre, les 2 inoculations : 1 c. e. de chacun des virus. J’ai reconnu depuis que ce délai de 6 jours, entre les 2 opérations, était insuffisant et je l'ai porté à 12 jours. 2 de ces animaux sont morts de diphtérie aiguë dans le cou- rant du mois d'octobre; j'ai pu faire leur autopsie : Ils avaient une quantité énorme de fausses membranes dans le pharynx. Le sang et les parenchymes renfermaient la bacté- rie spécifique, celle-là virulente d'emblée pour le pigeon. Les 15 autres animaux restants ont été envoyés dans un élevage contaminé et abandonnés aux intempéries. A la date actuelle, 10 décembre, on n’a pas encore remarqué chez eux l'apparition de la maladie. Sur les instances d’un autre aviculteur bien connu qui nous a puissamment aidé dans nos recherches, M"° Verstraete, au château de la Chapelle-en-Serval, j'ai procédé, dans son instal- lation avicole, à la vaccination tardive de cent soixante-cinq poulets ; je dis tardive, car sur ce nombre une quarantaine d’ani- maux présentaient déjà du catarrhe nasal, premier symptôme de la diphtérie. La vaccination n’a pas paru aggraver immédiatement laffec- ion dont ils étaient porteurs. Nous ferons connaître quel sera leur sort ultérieur. DIPHTÉRIE AVIAIRE. 951 Il me paraît évident que la diphtérie aviaire, étant extrème- ment commune dans les élevages, surtout parmi les jeunes sujets, il est de toute nécessité de procéder à la vaccination préventive aussitôt que les poussins sont déjà assez forts pour pouvoir la supporter sans danger. Je place l’époque la plus favo- rable à cette vaccination vers l’âge de 2 mois. Des poussins, élevés par moi et vaccinés à 15 jours, lont même supportée sans inconvénients. Les aviculteurs que j'ai cités ont mis, dès maintenant, leur élevage à ma dispositon pour les essais à faire au mois d'avril 1902, ce dont je les remercie sincèrement. SÉROTHÉRAPIE Dans l'ignorance où nous sommes du mode de production et d'action de la toxine du microbe de la diphtérie aviaire, 1l est facile de se convaincre qu'il ne faut pas songer, du moins pour l'instant, à l'obtention d’un sérum antitoxique. Cependant l'existence de cette toxine ne peut être mise en doute, puisque la cachexie sans lésions d’autopsie est la termi- naison la plus fréquente de la maladie chronique. C'est donc en vue de produire un sérum préventif anti- microbien que j'ai entrepris l’immunisation de 2 chevaux suivant le modus faciendi employé pour obtenir les sérums anti-micro- biens (injections intraveineuses et intrapéritonéales). Un de ces chevaux, commenté le 5 avril 1901, a fourni, à la saignée du 5 novembre, un sérum d’un pouvoir préventif remar- quable. Il suffit d’injecter sous la peau du pigeon # c. c. de sérum pour lui conférer une immunité assez solide pour lui permettre de résister parfaitement à l’inoculation, faite 24 heures après, de 1/4 de centimètre cube de culture virulente injectée dans le péritoine, procédé d’inoculation aussi sévère que l'injection intraveineuse. 2c. c. de sérum suffisent, d’ailleurs, à préserver contre la même inoculation de contrôle, faite sous la peau. Nous sommes donc en présence d'un second mode de vaccination active, basé sur la séro-vaccination, méthode dont la valeur avait été indiquée par Leclainche pour le rouget du porc. Deux inoculations sont encore nécessaires, mais à 24 heures 952 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. d'intervalle seulement; la première, qui se pratique sous la peau, consiste en une dose de sérum, variable suivant les espèces et leur sensibilité à l’égard de la diphtérie; la seconde, qui est une injection virulente, se fait dans Le péritoine, en suivant le manuel opératoire que j ai indiqué. Le sérum, dont le pouvoir préventif est si évident, s’est montré thérapeutiquement peu efficace jusqu’à présent. Des expériences en cours et qui feront l’objet d’une note ultérieure indiqueront la valeur curative de ce sérum. CONCLUSIONS I. — De tous les animaux de basse-cour, le pigeon est le plus sensible à la diphtérie aviaire. Chez lui, la virulence du microbe s’exalte et se fixe par les passages successifs. I. — La transmission expérimentale de la diphtérie aviaire peut être réalisée facilement chez le pigeon, non seulement par inoculation, mais aussi par ingestion de produits virulents, en première ligne desquels il faut placer les déjections des malades. II. — On peut conférer aux animaux sensibles à la maladie une immunité active solide par l’inoculation de virus atténué dans le péritoine. Ces injections faites sous la peau ne sont pas eflicaces. IV. — On peut obtenir avec le cheval un sérum préventif antimicrobien d’une grande efficacité, qui permet de conférer aux animaux sensibles une immunité active par séro-vaccination. TABLE DES MATIÈRES La sérothérapie de la septicémie gangréneuse, par MM. E. DBCHAINGHE. et Ce: MOoREBA 4: 00 te AN Re { Sérum néphrotoxique, par M. Le D' NerEDErP. .......... 17 Les bactéries lactiques et leur importance dans la matura- tion du fromage, par M.-B. Cnopar et N.-0. Horr- ANNE ANGES ET ET ne SE ARR ne tes PSS 31 Les théories parasitaires du cancer, par M. le D' A. Borrerz. 49 Contribution à l'étude de l’origine de l’alexine des sérums nommaux par Mo le DO GENGou: Te RE Le +68 Sur les propriétés physiques de la micelle albuminoïde, Me DES IP OSTERNARE SSP RD er one nr 5 SUD Pristesc par ME JS /ÉIGNIERES ee AMAR 121 Recherches sur la coagalation du sang et les sérums anti- coagulants, par MM. J. Borper ét O. GENGOU.. ........ 129 Contribution à l'étude de la fièvre typhoïde et de son bacille (3° partie). Procédé nouveau pour isoler le bacille typhique des eaux, par M. L. Reuy........... 145 Recherches sur la vaccine expérimentale, par MM. A. Cai- CODE MAGIE D MAP OUR PETER CRAN ER LA D RQ 161 Sur les propriétés physiques de la micelle albuminoïde, par PRE OSRERN RE Et En AR EE R 169 Étude de l’immunité dans l'infection typhique expérimen- PAS DAEMNeAUT BESREDEA 2 LA Er Are nn EL 209 Contribution à l’étude de l’origine des alexines des sérums normaux, par M>16D50: GEncou 15.0 00... 0 232 Variabilité de l'aptitude agglutinative du bacille d’Eberth, DES CAD SR CODÉPERS MA MARNE pere nr 249 Infection secondaire par le Baciltus mesentericus, par M. le DL COR EE RÉNALE SET 261 Sur les propriétés bactéricides du sérum sanguin pendant les maladies, par M. le D' OSTRIANINE................ 266 Sur la production de caséase par un streptothrix parasite, par MM. les D'° Boni et LENORMAND. ................ 279 Sur l'existence de substances sensibilisatrices dans la plupart des sérums antimicrobiens, par MM. les D' J. JSCS7T 95% ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Borper et: OF 'GENGOE LE VER nr TPE NE Sur le mode d’action des sérums cytolytiques et sur l'unité de l’alexine dans un même sérum, par M. le D'J. Borper Contribution à l'étude des hématozoaires endoglobulaires des reptles-par M°le D P=E-1STMoND ere R TRE | Recherches sur la digestion intracellulaire et les diastases des actimes; par MF MESNIL. tea ERA ARrR Essais sur la nature chimique des tissus, par M. Erarp... Bactériologie de l’ozène, 2° mémoire. Etiologie et prophy- laxie par ME le DEF PEREZ EE CON UE MT ER PNR Contribution à l’étude de la diarrhée des jeunes veaux, par MNE' Evsace et Dermen 02 SET ES UP RASE RUE Rôle des trichocéphales dans l'affection de l’appendice iléo- cœcal par MI GmRARDEN SL SLR SLI a ee Eee Les vaccinations antirabiques à l’Institut Pasteur en 1900, par:MSEuGène ViAra US RNUMEN ST een er Sur les propriétés physiques de la micelle albuminoïde (3° mémoire), par M. le D' Swicez PosrERNAR......... Étude sur l’immunité dans la fièvre récurrente, par MM. Sawrenenroret. MeLxien.:..,172 20080 MAR Re Nouvelles recherches sur le ferment mannitique, par MM. U. Gavon'et Dupourg 2". te NNES SE EAN ESS Sur les propriétés physiques de la micelle albuminoïde (4e mémoire), par M..5S: PosreRNA&.. |... 0-00 Études sur la tyrosinase, par M. C. GessaRD............. De la chimiotaxie négative des leucocytes des lapins injectés par la culture &es bacilles du choléra des poules, par MM. À Æicsensenc et ZELIoNr... 4° ee Eee Note sur l'influence des microbes dans le développement des tétards, par M° ©. MercaNIkorr................. Essai de classification des réflexes non nerveux, par M. J. DÉXSSA RES MER TANT ee MMA AE ENT SES RE Recherches morphologiques et expérimentales sur le Try- panosome des rats, par MM. A. Lavera et Mesniz .…. Études sur la peste bovine, par MM. Nicoce et Anir-Bey.. Contribution à l’étude et à la classification des septicémies hémorragiques, par M. J. LIGNIÈRES. . ............... Recherches sur les propriétés pathogènes de la trypsine et le pouvoir antitryptique du sérum des cobayes neufs TABLE DES MATIÈRES. et'immunisés, par Le D'P: AcHALME Ne ne cute. De la morphologie du sang des fœtus de lapin et de cobaye, et de l'influence de l'infection du sang dela femelle sur le sang de ses fœtus, par MM. Temsroviren et Y ouREwWITCH De l’immunité des pigeons et des cobayes vaccinés contre le charbon, et sur les propriétés de léur sérum, par MSRoeNrrns.: Tee Les antihémolysines naturelles, par M. BEsREDkA........ Sur le bacille pesteux et les injections intraveineuses mas- sives de sérum Roux-Yersin dans le traitement de la peste par Met RaNRERES "2 2 el NP R IE its 4 Existence des anopheles en grand nombre dans une région * d’où le paludisme a disparu, par M. le D' Er. SerGenr. Variété mélanogène du bacilie pyocyanique, par M. C. GESSARDe Te. ie | Recherches sur l’antispermotoxine, par M. W. WeicHarpr. Contribution à l’étude de la purification spontanée du vagin chez les animaux, par M. le D' Camaxesco. ... Sur les épidémies de peste bubonique à l’Assomption (Pa- raguay) et à Rosario (République Argentine), par M. L. URIARTE. . Études sur la vieillesse, 1" p. Sur le blanchiment des cheveux et des poils, par M. METCHNIKOFF. ........... De l’hémolysine streptococcique, par le D' Besrenka..... Sur l’état de la cytase dans le plasma des animaux nor- maux et des organismes vaccinés contre le vibrion chdliérique: par :M'ELEVADITE 24.0 UM ui en, Contribution à l’étude de l’immunité des animaux vis-à- vis du-chancre mou, par le D°J.-Hmmez..… ..:...:... Badiphiérie aviaire, par M: C2 Guen). 20. 0. Déblesduivolunner ENT RUE A EE ARR Ame en te ee Tables générales des volumes XI à XV 865 880 894 928 941 953 95 TABLE ALPHABÉTIQUE PAR NOMS D'AUTEURS AICHALME EU ane ADILE DEV M EEE BESREDKAS NAN EMA Bopin et LENORMAND. . . . BORDET AM TANT BORREL NE EN ANR CAHANESCORENRNERMANE CALMETTE et GUERIN . . … . CHopar et HOorFMANN-BANG. BELMER NAS NUE DTBÔURG EL MAMAN TER EUR ETAR DEEE RSR UE GIRARD IN EE ONE Er ee GUÉRINES UC EEE HimMez.. HOrFMANN- Eine QUE 2 LAvERAN et MESNIL. . . LECLAINCHE et MoreL. L'ENORMAND NERO EE LesAGe et DELMER . . . LEVADIN AE EME TS LIGNIÉÈRES 2 PL APPARUES .. Variété mélanogène du bacille pyocya- NV aDipthétielaviaire)l. 2,0) 0eme TRAVAUX ORIGINAUX Nu Trypsine étrantitrypsine #27 SERIE . .. Voir Nicozze. Antihémolysines naturelles . . . . . . .. Immunité dans l'infection typhique. Hémolysine streptococcique. . . . . . .« Caséase d'un streptothrix parasite. . . . . HV ASÉUMS CyLOLyTIqUeS MONA EURE Coagulation du sang et sérums anlicoa- QUIANES PT LEE ERA CA Substancessensibilisatrices dansles sérums. Théories parasitaires du cancer. . . . . . . . Purification spontanée du vagin. . . . .. Vaccine expérimentale... 2179080 Bactéries lactiques et fromage . . . . .. AANIONT I ESAGE! Voir GAYON. Nature chimique des tissus. . . . . . . . . 2 Ferment mannitique 245.12 20t 16 MCE . |. Origine de l’alexine des sérums normaux. Même sujet: 2.4.2 mer. Se moi CRETE Voir BOoRDET. DIQUIE AU. 00 Palette lo e olie SOMMES Etudes Sur.la tyrosinese "2.0 CRE Tricocéphale dans l’appendice iléo-cæcal . Voir CALMETTE. Immunité dans le chancre mou. . . . . . .. Voir CHonar. MAEEypanosomendes rats 0. 277 /eNeRE AR Sérothérapie de la septicémie gangréneuse. Voir Bopix. Diarrhée des Jeunesmeaux CRE Cytase dans le plasma: CPSAMEIe TE SEA Étude des septicémies nee b een PA SULAA ST PASTERO US 2 LCR NERO Bacille pesteux et traitement de la peste . TABLE DES MATIÈRES MASSARTE FOR SANT An MELKICHP TEA CURE nl ses MERSNIE Eee MercaxiKkorr (Mme). . METCHNIKOFF . MOREL, . .. NEFEDIEFF . . LASER VAN NicozLe et ADtIL- Das VE Nr (DR) Le rs. ee OSTRIANINE . . DEEE" POSTERNAK . . . REMY . S'ACOUÉPÉE Anne mere SA WTCHENKO SERGENT. . SIMOND . . Temsrowirsca et YOURIEWITSCH , MARIA RE ru WEICHARDT . . . . YOURIEWITSCH. . mi: ZILBERBERG et ZELIONI. . . Classification des réflexes non nerveux. . Voir SAWTCHENKO, Digestion Chez les*actinies 210,7, Voir LAVERAN. Développement des tétards. . .. . . . . . Blanchiment des cheveux et des poils. . . Voir LECLAINCHE. ù Sérum néphrotoxique . . . . . . . .. "> Peste bovine - . :.;. STE Immunité des pigeons ce des cobasees “> Propriétés bactéricides du sérum . . . . . Bactériologie de l'ozène . . RETURN Propriétés physiques de la micelle albu- LL CRE OMR RAA SUR APE EAU à PS EEE MémME Sete NME FOI NADINE Bacille typhique des eaux . . . . .. . .. Agglutination du bacille d’Eberth,. . . . . Infection secondaire par le B. mesentericus. Immunité dans la fièvre récurrente. . . . Anopheles et paludisme. . TR. Hématozoaires endoglobulaires les Fe (LE CL PEN ER RRSA SPA GENRE LE 29 Morphologie du sang des fœtus . . . . .. Vaccinations antirabiques à l’Institut Pas- teur CR OOO EE. Er LEONE Recherches sur l’antispermotoxine . . .. Voir TcnisrowiTscn, Chimiotaxie chez les lapins . . . . . .. 631 SG 17 715 769 266 409 85 10 145 249 261 497 S11 219 153 445 883 615 TABLE GÉNÉRALE DES TOMES X A XV MÉMOIRES ORIGINAUX ABB4. — Institut antirabique de Turin ...... APE ER PER XIT AGHALME. — Recherches bactériologiques sur le rhumatisme FRA TELS EI RENE PET ORESERN SERR GORE EAU ARS ST EE XI — Ecypsine etanfiirypSiRers NU A RENTE XV Aie Bey. — Voir NicoLce. Barpacx. — Fièvre récurrente............ ER CN XII Barzarorr. — Pneumonie pesteuse expérimentale .....,. XIII BécLère, CHamBox et Méxarp. — Immunité vaccinale. XII, 837 TR AT CRE A XIII BerrrAnp (G). — Production biochimique du Sorbose.... XII Besrenkxa. — Leucocytose dans la diphtérie............. XIT — Immunité vis-à-vis de l’arsenic ... XII, 49, 203 — Leucotoxine et système leucocytaire....... XIV -— Immunité dans l'injection typhique........ XV —— Les antihémolysines naturelles............ XV — Hémolysine-sireptotoccique.. "22 LL XV Bgzancox et GrtrFox, — Réaction agglutinante dans les infec- tions à pneumocoques...... XIV Brexsrockx. — Recherches sur Ja putréfaction.......... XIII — Rôle des bactéries de l'intestin .......... XIV Bonx. — Bacille typhique dans le cidre.............. SC El — et Lexormaxr. — Caséase d’un streptothrix parasite. XV Bonnet. — Sérum antistreptococcique.................. XI _ Agglutinationetdissolution desglobulesrouges. XII — Mécanisme de l’agglutination,.............. XII — Agglutination et dissolution des hématies.... XII — Sérums hémolytiques et antitoxines ........ XIV — D ÉDUNS IC VOL VÉITUES eee due fe de ehane mul cheats re ie XV — et Gexcou. — Coagulation du sang, et sérums anti- COR GUIARISE CAR Ne et à XV — Substances sensibilisatrices dans les SÉDUINSRS e S CEN eut XV Borrez. — Théories parasitaires du cancer ............. XV es Voir Roux. Bossaerr. — Agglutination des microbes................ XII BouLaxGer. — Action des levures de bière sur le lait ..... XI œp] (e2] (e 2] Lo 19 be © C =1 19 CO 1 © © ©2 Lo 960 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Cananesco. — Purification spontanée du vagin...... PLATE ANA CazuerrTe (A.) — Venin et sérum antivenimeux.......... XI a Immunisation contre les venins .......... XII — Stérilisation des eaux par l’ozone ........ XIIL — et SALIMBENI. — La pested’Oportoen1899. XHII — et GUÉRIN. — Vaccine expérimentale. ..... XV Camus et GLey. — Immunité contre ie sérum d’anguille.. XI Canracuzëxe. — Destruction des vibrions dans l’organisme. ! XII — Spirilose:des 0168 2240 nr ip ere en XII] — Globules rouges et sérum hémolytique.. XIV Carré et FraAiMBauLT., — Peste bovine chez le porc ....... XII Carrière. — Toxines et antitoxines du tube digestif... XIII CHAmBoN. — Voir BÉCLÉRE. CHANTEMESSE et RAMoND. — Paralysie ascendante chez les aliénés XII CHavieny. — Gangrène gazeuse subaiguë.. .....:...4 0. XI Cnopar etHorrManx Banc. — Bactéries lactiques et fromages. XV CaristmAs (DE). — Lettre au sujet du jequérity ........... XI — Le\gonocoque eL'sa LO0XINe APR REC XI Graunws.: Méthode de toleration: mec rennes XI Cosserr. — Physiologie du bacille diphtérique .......... XI Cocarp. — Caséine comme agent pyogène............ XIIT Crennrorouso. — Ulcère de l’Yemen.: 0eme Re XI Danysz. Constitution des toxines LR RNCS LEE XIII — Un microbe pathogène pour les rats......... XIV — Immunisation de la bactérie charbonneuse contre le SÉTUNL DETAIL SAN RE ee Re XIV Derranr. — Nouvel appareil de contention ........... HO AEVT — Procédé de culture du bacille du tétanos.... XIV DeLéarDe. — Étude de l’alcoolisme expérimental. ........ XI DELEZENNE. — Sérums névrotoxiques.. ...,........1,.. XI DeLMER. — Voir LESAGE. DemBixskr. — Phagocytose du B. de Koch chez le pigeon. XIII DeurscH. — Origine des anticorps typhiques........... XII Diexerr. — Fermentation du galactose et accoutumance des ERA TE EE APR tn S ASE RENE TE ES XIV Doprer. — Phagocytose dans la dysenterie ............. XV DusourG. — Voir GAYON. Ducraux. — Lois générales de l’action des diastases ..... XII Ecmassrax. — Bacille des voies respiratoires ...... ..... XIII —— Voir Morax. XII ErAr». — Chlorophylles RSR ee Ne ner — Nature chimique des Ussus ere Rens XV TABLE DES MATIÈRES. FERREIRA pos Sanros. — Institut Pasteur de Rio-de-Janeiro, XII FRAIMBAULT. — Voir CARRÉ. Franrzus. — Statistique de la station Pasteur de Tiflis.... XI GaBriTeHEwsky. — Réponse à M. Metchnikoff............ XI Garnier. — Destruction des microbes dans la cavité péritonéale XI Gaxox et DusourG. — Ferment mannilique.............. XV GENGou, — Immunité des organismes cellulaires ........ XIL — Agglutinines el 1yemes. 5, 2000 et A XIII — Origine de l’alexine des sérums normaux. XV,68 et — Voir Borper. | Gessarn. — Études sur la tyrosinase................... XV — Variété mélanogène du bacille pyocyanique.. XV GHEORGIEWSKY. — Immunité vis-à-vis du B. pyocyanique. XHIT Girarp. — Tricocéphale dans l’appendice iléo-cœæcal ..... XV GLey. — Voir Camus. GRIFFON. — Voir BEZANCÇON. GriMBErT. — Action du B. coliet du B. d'Eberth sur les nitrates. XII — et Lecros, — Bacillus laclis aerogenes et pneumo- bacille de Friedlænder...... XIV GRUNBAUM. — Un mot sur l’histoire du sérodiagnostic..... XI Gba ==Hiphiérie aviaire ;2,..,11.10ueurenetee XV - Voir CALMETTE. HaLBan. — Action sporicide du sérum.................. XIL HankiN. — Propagalion de la peste..................... XII HaveLBurG. — Recherches expér. sur la fièvre jaune.... XI Hégert. — Voir NicoLLe. Heymaxs et Mason. — Hyposuifite de soude et dinitriles nor- MAUR ES enculer dent sut c de XI Iimmez. — Immunité dans le chancre mou ...,......... RQ HoFFMANN-BANG. — Voir CHopar. Jouxowsky. — Toxine létanique et système nerveux central, XIII Kayser, — Nutrition intracellulaire des levures ........ XEV KHopjaBascuEFr. — Action du sérum sanguin sur levaccin. XIV KLeckt (DE). — Pathologie de l’'appendicite............. XIT KrompecHer. — Méthode de Landerer et virulence des bacilles EDR RO MEET a rude XIV LABORDE. — Eurotiopsis Gayoni.......,.............. XI A ZOLE CONTENU d Ans le VIN Tes anis de XII — et Moreau. — Dosage de l'acide succinique..... XIII LamsorreetMarécaaz.— Agglutination du B.charbonneux. XIII 61 962 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. LaTarIE, — Appareil à récolter le sérum sanguin........ XIV LaurenT. — Maladies des plantes................:.... XII LaverAn et MEsniz. — Trypanosome des rals............ XV Lepecc. — Cas de pseudo-rage chez un malarique...... XIV LGLAINQUE et Morez. — Iaoculation du virus rabique dans le CerVEAU. 52. ee — — Sérothérapie de la septicémie gangré- neue sr crue XV — et VALLÉE. — Charbon symptomatique, XIV, 202 et — —- Vibrionseptiqueet B. Chauvæi. XIV Lenoux-LeBarD. — Bacille de la pseudo-tuberculose....... XI ve Bacille pisciaire et tuberculose de la gre- NOUS Pre med XIV Lt — Voir GRIMBERT. LENoRMAND. — Voir Boni. LesAGE et DeLmer. — Diarrhée des jeunes veaux......... XV Levanrm. — État de la cytase dans le plasma seat XV Levix. — Microbes dans les régions arctiques.......... XIT LIGNIRRES” >= Sur la Prislezt ie Vi NS RC CEE XV — Étude des eo ee hémorrhagiques..... XV FIS Bacille pesteux et traitement de la peste.... XV LiNDEMAN. — Aclion de certains poisons rénaux ........ XIV LŒWENBERG. — Une sarcine pathogène................ XIII MapseN. — Constitution du poison diphtérique.. XII, 568 et — Voir SALOMONSEN. MaLriTaNo, — Protéolyse chez l’aspergillus niger........ XIV — . Protéose chez l'aspergillus niger......... RAY Mazvoz. — Agglutination par les substances chimique:... XI — Agglutinines spécifiques dans les cultures. XII Marcnoux. — Le paludisme au Sénégal................. XI nn _— Pneumocoque dans la maladie du sommeil. XII MarécHaz, — Voir LAMBOTTE. Marie. — Recherches sur la toxine télanique............ XI MaARtEL. ==. Le charbon du Chign#72 7 Sn LR ere. XIV Martin. — Production de la toxine diphtérique.......... XII MassarT, — Classification des réflexes non nerveux...... XV MatcHinski. — Atrophie des ovules chez les mammifèies. XIV Mazé. — Fixation de l'azote dans les légumineuses. ...... XI — , Microbe des nodosités........, XII, 1 et 128 et XII — Influence de l'azote nitrique et de l'azote ammoniacal sur le développement du maïs............ XIV — . Rôle de l'oxygène dans la germinalion........ XIV Meueren. — Voir SAWTCHENKO, 300 TABLE DES MATIÈRES. Ménann. — Voir BÉCLÈRE, Mesniz, — Sérum préventif contre le rouget............ XII — Digestion chez les actinies..,......,........ XV — Voir LAVERAN. MeraLnikorr. — Spermoloxine et antispermotoxine... XIV, et Mercuxikorr. — Réponse à M. Gabritchewsky........,... XI -— Influence de l'organisme sur lestoxines X, 801 et XI, 81 et — Résorptiondes. cellules 18e ee XII — Surles eytaioimes. is. MS ae XIV — Blanchiment des cheveux et des poils.... XV — et Besrenka. — Action de l'hémotoxine sur l’homme XIV Mercuxxorr (Mme), — Microbes et développement des tétards XV Mer. — Bacille de la diphtérie dans les organes....,... XI _ Élimination des bactéries par le rein etle foie. XIV — Quelques expériences sur la peste à Oporto... XIV Mozcarp et ReGaun. — Myocarde dans l’intoxication diphté- CS CR RE EL RTE LIU XI Morax et Ecmassiax. — Toxine diphtériquesur les DHURIREE, XI Moreau. -— Voir LABORDE. More. — Voir LECLAINCHE. Napras (Mile), — Action de la bactéridie charbonneuse sur les hydratés derearhone- m2 XIV Nerepierr. — Sérum néphrotoxique.....,...,.,........ XV Nicozce (Ch.). — Recherches sur la substance agglutinée, XII — Bactériologie de la verruga du Pérou... XII — et HéBerT. — Angines à bacille de Friedlænder XI — — Bacille isolé de la vase de la Seine, XI Nicozze et Apiz-Bey, — Peste bovine....... XIII, 319 et XV -- Malaria des bovidés.....,,...... XIIE Nourx-Bey. — Recherches sur le bouton d’Alep........... xI Dngisky="CGharbon-intestinal...%.,#in2N 0 XIV Nrrris (de). — Immunité des pigeons.................. XV Nocarp. — Tuberculose pulmonaire et tuberculose aviaire XII — et Roux. — Microbe de la péripneumonie. ,..... XIT Nozr. — Contribution à l'étude des sérums antithématiques XIV _ Le mécanisme de la globulolyse......,.,..... XIV Nocny-Bey. — Épidémie de peste à Djeddah............. XI Nowak, — Altérations pathol. produites par les venins.. XII Ossiporr, — Intoxication botulinique.............,.... XIV OSTRIANINE. — Propriétés bactéricides du sérum ....... PR PDA | 96% ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Pampouxis. — Institut Pasteur hellénique d’Athènes...... XIE — Quelques observations sur la rage........ XIV PÉRé. — Combustion biologique du propylglycol......... XI — Fermentation lactique des corps sucrés........ XII Perez. — Bactériologie de l’ozène......... XII, 937 et XV PrerALLINI. — Phagolyse dans la cavité pritonéale....... XI PongeLsky. — Immunité vis-à-vis du bacillus subtilis. . . XII Powyssorsky et TARAKHOUNINE. — Plasmolyse chez les bacté- LE XI PosrTERNAK. — Propriétés physiques de la micelle albuminoïde. XV, 85, 169, 451 et PorreviN. — Vaccinations en 1896 à l'Institut Pasteur..... XI — — 1897 — XII == — 1898 —— XIII —— Saccharification de l’amidon.............. XIIT - Maltodextrine Are MSN er Pre XIII — SULT150 MAL LOSC EE RAR RUE ATLAS XIII Ramoxp. — Voir CHANTEMESSE. | Recurter (de). — Pouvoir pénétrant du formol.......... XII ReriK-Bey., — La peste bovine en Turquie.............. XIII ReGaur. — Voir MoLLanRp. REMLNGER. — Hérédité de l’immunité contre leB,d’Eberth. XIIL — et Scaxemmer. — Étude du bacille typhique... XI — — Fièvre typhoïde expérimentale. XI Rey. — Fièvre typhoïde et son bacille........ XIV, 555 et — Bacille typhique-des eaux: 7 Re ee XV RoLants. — Fermentation des figues de Barbarie........ XII Ronazn Ross. — Moustiques et paludisme.............. XII Roux et Borrez. — Tétanos cérébral................... XII = _— Voir Nocarp. SABOURAUD. — La séborrhée grasse et la pelade........... XI SacquÉPéE. — Agglutination du bacille d’'Eberth......... XV — Infection secondaire par le B. mesentericus. XV SALIMBENI. — Sur l’agglutination,, ,.....,...,.,....,.. XI — Destruction des microbes sous la peau des ani- maux NYpeEr vaccins mi en ne XII — Voir CALMETTE. SALMON. — Infection dans la vaccine et la variole.....,.. XI SALOMONSEN et MaDsEx, — Immunisation active dans la diphté- Te de ne re tete XI == — Reproduelion de l’antitoxine... XI _ — Immunisation contre la diphtérie XII SANARELLI, — Étiologie et pathologie de la fièvre jaune. XI, 433 et TABLE DES MATIÈRES. SANARELLT, — Immunité et sérothérapie de la fièvre jaune. XI — Sérum préventifet curatif de lafièvre jaune. XII SANGUINELI, — Comparaison de divers ferments de l’amidon. XI SAWTCHENKO. — Étude sur l’immunité...........,....... XI — Immunité dans la fièvre récurrente...... XV SCHIROKICH. — Maturation des fromages.....,.,........ XII ScHNeIDER, — Fièvre typhoïde d'origine hydrique....... XI — Voir REMLINGER. SERGENT, — Anopheles et paludisme................... XV SICARD. — Voir WipaL, SIEDLECKI. — Goccidie de la seiche:,.:................. XIL SiLBERsCHMIDT. — Nouveau streptothrix pathogène...... XII Srmoxp. — Évolution des sporozoaires du genre coccidium. XI — Propasationdeld/peste 2 Len XII — Hématozoaires endoglobulaires des reptiles... XV SpRoNCK. — Chauffage du sérum antidiphtérique........ XII _— Préparation de la toxine diphtérique........ XII STOUDENSKY. — Action antitoxique du carmin........... XIE TARANOUKHINE. — Voir PopwyYssoTsky. TemisrowireH. — Jmmunisalion contre le sérum d'anguille. XIII — Épidémie de peste à Slobovka......... EX — Phagocytose dans une infection mortelle. XIV — et YourewiTscH. — Morphologie du sang des fœtus. XV THomassex, — Nouvelle septicémie des veaux..........., XI TrérroP. — Maladie des cygnes coscoroba.............. XIV Trizcar. — Étude des eaux d'infiltration. ............. XII Trocarp. — Statistique de l’institut Pasteur d’Alger..... XIV Tsikziskt (Mlle), — Mucédinées thermophiles,,,........ XII — Microbes thermophiles des eaux thermales. XIIL Varrée. —Bile et virus rabique. :....:.:............. XIIL — Voir LECLAINCHE, Vaunix. — Éléments minéraux et phosphates du lait. .... XI Van LAEr. — Bières à double face. ...,,...,,:..,..... XIV Viaza (E.) — Statistique de l’Institut Pasteur en 1899..., XIV Ex = ee — 19005. XV ViNcENT, — Leucocytes dans la malaria................. XI — Microbes saprophytes et pathogènes........ XII -- Angine a hacilles fusifonmies#,. 5.%.0"16 XIII WExnMaxx. — Sang et bile des anguilles et des vipèrcs... XI — Venin des serpents........sssesese... XII WarcnarDT, — Recherches sur l’antispermotoxine.,..... XV 966 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Wipaz. — Réponse à M. Grunbaum..................., XI Wipar el Sicarr, — Sérodiagnostic et réaction agglutinante, XI Wysorrowicz et ZaBoLorNY. — Sur la peste bubonique..... XI Yersin. — Sur da peste Qubonique rem ee XI Youriewrrscn, — Voir Toenisrowrrsen. YvON.-— Sur l'amylasetesse e NE e CNE XIE ZABoLorNy. — La peste en Mongolie orientale. .,......... XII — Voir Wysokowrcz. ZirserBerG et Zecionr, — Chimiotaxie chez le lapin....... y REVUES CRITIQUES Besrepka. — La question de la leucocytose...,..,,...... XI — Pouvoir bactéricide des leucocyles......... XII Duczaux. — Sur l’action des diastases.. 4." 0 XI — Sur le monopole delalcool "es XII — Sur l’origine des Saccharomyces. ........... XII — SU ES PrOeNZ VER. Ar Pen XII _ Surdesleaux deParis #41 et Re XIV Mazé. — Procédés d'épuration des eaux............... XIV Marcanxorr. — La peste bubonique.................... XI Mouron. — Diastases inorganiques.................... XIV Norr,—="Surlesmueléines re REC tr A PE XIT — Sur les alDUMINeRS ANSE NN SP ARRETE XII —— Sur les albuminoides 222 2e rennes XII —— Globulolyse et pression osmolique,.......,... XIV REVUES ET ANALYSES Bucaxer. Fermentation alcoolique sans levure........ XI Higpe. — Fermentation fractionnée du sucre de canne.... XI Voces. — Microbes dé la septicémie hémorragique 671 393 663 81 023 833 615 726 607 793 73 156 407 816 632 737 571 361 471 547 492 287 348 342 TABLE ANALYTIQUE DES SUJETS TRAITÉS DANS LES TOMES XI A XV Acide succinique, dosages, XI, 657. Agglutination, XI, 277 et 353 ; — dans les infections à pneumoco- ques, XIV, 449; — des globules rouges, XII, 638; XII, 273. — Méca- nisme, XIIT, 225; — des microbes, XII, 857; — et lysines, XII, 642; — du bacille bonnes XIII, 637; — par es substances Jia XI, 582; — étude de la substance agglutinée, XI, 161 ; — du bacille d'Eberth, XV, 249. Agglutinines, XII, 630. Albumines, XIF, 471. Albuminoïdes, XII, 547. Alcool (monopole de l), XIE, 73. Alcoolisme expérimental, XI, 837. Alexines des sérums normaux, XV, 68 et 232. Amylase, XIII, 523. Angines à bacilles de Friedlaender, XI, 67; — à bacilles fusifor- mes, XIIT, 609. Antihémolysines naturelles, XV, 785, Antispermotoxrine, XV, 883. Antitoxines, XIV, 257; — du tube digestif, XII, 433; — action antitoxique du carmin, XIII. 126. Appareil de contention, XIV, 249; — à récolter le sérum sanguin, XIV, 606. Appendicite, XII, 480. Arsenic (immunité vis-à-vis de l), XIIL, 49, 203, 465. zote du vin, XII, 517; — (fixation de l’-), XI, 44. Bacille aérogène, XIV, 479. Bacille diphtérique, XE, 251, Bacille pesteur, XV, 818. Bacille du tétanos, méthode de culture, XIV, 758. Bacille typhique dans le cidre, XIT, 458; XI, 55; XIV, 555,705; — des eaux, XV, 145. Bacille tuberculeux (virulence du), xIV, 723, Bacille des voies respiratoires, XTIE, 621. Bactéries de l'intestin, XIV, 750; — lactiques dans le fromage, XV, 37; — diphtériques dans les organes, XI, 596; — (élimination des) par le rein et le foie, XIV, 415. 968 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Bactéridie charbonneuse, action sur les sucres, XIV, 233. Bières à double face, XIV, 82. Blanchiment des cheveux et des poils, XV, 865. Bouton d'Alep, XI, 771. | Cancer (théories parasitaires du), XV, 49. Carmin (action antitoxique du), XIII, 126. Caséase dans un streptothrix, XV, 279. Caséine, agent pyogène, XIIT, 735. Cavité péritonéale (destruction des microbes dans la), XI, 767. Charbon du chien, XIV, 15 ; — intestinal, XIV, 794. Charbon symptomatique, XIV, 202, 513, 590. Cheveux (blanchiment des), XV, 865. Chlorophylles, XIE, 456. Chimiotaxie chez le lapin, XV, 615. Coccidie de la seiche, XII, 799. Coccidium, évolution, XI, 545 ; XV, 319. Coloration (méthodes de), XI, 332. Cytase, son état dans le plasma des animaux, XV, 894. Cytotoxines, XIV, 369. Destruction des microbes sous la peau des animaux hypervac- cinés, XII, 192. : Diarrhée des jeunes veaux, XV, 417. Diastases, lois générales de l'action, XI, 793; XII, 416; — inorga- niques, XIV, 571. Digestion chez les actinies, XV, 352. Dinitriles normaux, XI, 161. Diphtérie aviaire, XV, 941. Diphtérie dans les organes, XI, 596; — action sur le myocarde, XI, 97, Eaux d'infiltration, XIII, 444; — de Paris, XIV, 816; — épura- tion, XIV, 632. Eurotiopsis Gayoni, XI, 1. Fermentation alcoolique sans levure, XI, 237; — fractionnée, XI, 348; — des figues de Barbarie, XIIL, 452. Fermentation lactique des corps sucrés, XIT, 63. Ferment mannitique, XV, 727. Ferments de l'amidon,X[I, 264. Fievre jaune, XI, 515; — étiologie, pathologie et thérapeutique, XI, 433, 673, 753: XII, 348. Fièvre récurrente, XI, 305 ; — (immunité contre la), XV, 497. Fièvre typhoïde(immunité dansla), XV, 209; expérimentale, XI, 829; -- d’origine hydrique, XII, 402. TABLE DES MATIÈRES. 969 Formol, son pouvoir pénétrant, XII, 447. Fromages (bactéries lactiques et), XV, 37; — maturation, XII, 400. Gangrène gazeuse subaiguë, XI, 860. Globulolyse, son mécanisme, XIV, 492, 656. Gonocoque et sa toxine, XI, 609. Hémolysine streptoccocique, XV, 880. Hémotoxine, action sur l'homme, XIV, 402. Hyposulfite de soude, XI, 161. Infection par le B. mesentericus, XV, 261 ; — dans la vaccine et la variole, XI, 289, Immunité vaccinale, XIT, 337, et XIII, 81 ; — vis-à-vis de l’arsenic, XIIT, 49, 203, 465 ; — dans l'infection typhique, XV, 209 ; — contre le sérum d’anguille, XIII, 406, 779 ; — de la bactérie charbonneuse contre le sérum de rat, XIV, 641; — des organismes cellulaires, XII, 465 ; — vis-à-vis du bacille pyocyanique, XIII, 298 ; — des pigeons et des cobayes, XV, 769; — vis-à-vis du bacillus subtilis, XII, 427; — (héréditédel’),contrele bacille d'Eberth, XI11,129; — contre la diphtérie, XI, 315; XII, 763; XIII, 262; — contre la fièvre jaune, XI, 753; — (études sur l’), XI, 865; — contre la fièvre récurrente, XV, 497 ; — vis-à-vis du chancre mou, XV, 998. Intestins (bactéries des), XIV, 750. Intoxication botulinique, XIV, 769, Isomaltose, XII, 796. Jéquirity, XI, 94. Lait, éléments minéraux et phosphatés, XI, 541. Leucocytose, histoire, XI, 726; XII, 607; — dans la diphtérie, XIE, 305. Leucotoxine et système leucocytaire, XIV, 402. Levure de bière dans le lait, XI, 720; — accoutumance au galac- tose, XIV, 1439; — nutrition intracellulaire, XIV, 605 ; — (origine des), XII, 156. Maïs, influence de l'azote nitrique et de l’azote ammoniacal, XIV, 26, Maladies des plantes, XIII, 1; — des cygnes coscoroba, XIV, 224. Malaria (leucocytes dans la), XI, 891. Malaria des bovidés, XII, 337. Maltodextrine, XII, 728. Micelle albuminoïde, ses propriétés physiques, XV, 85, 169, 451, 210. Microbes des nodosités des légumineuses, XII, 1, 128; XIIE, 445. Microbes des régions arctiques, XIII, 858; — isolé de la vase de la Seine, XI, 80; thermophiles des eaux thermales, XIII, 500, 788: — saprophytes et pathogènes, XII, 785, 970 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Morphologie du sang des fœtus, XV, 753. Moustiques et paludisme, XII, 136; XV, 811. | Nitrates, action des bacilles du colon et du bacille d’Eberth, XIII, 67. Nucléines, XIT, 361. Ovules (atrophie des), XIV, 113. Oxygène, rôle dans la germination, XIV, 350. Ozène, bactériologie, XII, 937 ; XV, 409. Paludisme au Sénégal, XI, 640; — et moustiques, XIII, 136; — & anopheles, XV, 811. Paralysie ascendante, XII, 574. Pelade, XI, 134. Péripneumonie, son microbe, XIF, 240. Peste, XI, 737; — (pneumonie dans la), XIII, 385; — la peste à Oporto, XII, 865; XIV, 597; — (propagation de la), XI, 705; — (trai- tement de la), XI, 81; XI, 663; XV, 818; — épidémie à Djeddah, XI, 604; — propagation, XII, 625; — à Slobovka, XIV, 1432; — en Mon- golie orientale, XIIT, 833. Peste bovine, XIT, 848; XIIT, 319; XV, 765; — en Turquie, XIE, 596. Phayocytose du bacille de Koch chez le pigeon, XII, 426; — dans la dysenterie, XIV, 813; — dans la cavité péritonéale, XI, 308; — dans une infection mortelle, XIV, 802. Plasmolyse chez des bactéries, XT, 501. Pneumonie pesteuse, XIII, 385. Pnoumobacille, XIV, 479. Pneumocoque dans la maladie du sommeil, XII, 493. Poisons rénaux, XIV, 49. Proenzymes, XI, 407. Propylglycol, combustion biologique, XF, 600. Protéolyse chez l'aspergillus niger, XIV, 60 et 420. Pseudo-rage chez un malarique, XIV, 46. Pseudo-tuberculose, XI, 909. Putréfaction, XI, 854. Rage, XEV, I. Rats (microbe pathogène pour les), XIV, 193. Réflexes non nerveux (classification des), XV, 634. Résorption des cellules, XIL, 737. Rhumatisme articulaire aigu, XI, 845: Saccharification de l’amidon, XIE, 665, 757, 796. Sang et bile des anguilles et des vipères, XI, 810, Sarcine pathogène, XI, 358, TABLE DES MATIÈRES. 971 Séborrhée grasse et pelade, XI, 134. Septicémie des veaux, XT, 523. Sérodiagnostic, XI, 1, 37, 670. Sérothérapie de la septicémie gangréneuse, XV, 1; — de la fièvre jaune, XI, 753. Sérum (action sporicide du), XI, 417; XV, 266. Sorbose, production biochimique, XIF, 385. Spirillose des oies, XILT, 529. Sérum antidiphtérique, XIE, 696; — antihématique, XIV, 297; — anticoagulant, XV, 129 ; — antistreptococcique, XI, 477 ; — cyloly- tique, XV, 303; — hémolytique, XIV, 257 et 378 ; — néphrotoxique, XV, 17; — névrotoxique, XIV, 686; — préventif contre le rouget, XI, 481. Sensibilisateurs des sérums, XV, 289. Septicémies hémorrhagiques, XI, 342; XV, 734. Spermolorine et anlispermotoxine, XIV, 4, 577; XV, 883. Statistique de l’Institut Pasteur de Paris, XI, 336; XII, 301; XIII, D18; XIV, 437; XV, 445; — d'Alger, XIV, 190; — de l’Institut d'Athènes, XII, 404; — de l’Institut de Rio de Janeiro, XI, 541 ; — de la station de Tiflis, XI, 790. Stérilisation des eaux par l’ozone, XIII, 344. Streptothrix pathogène, XIII, 841. Tétanos cérébral, XIT, 225. Tétards (action des microbes sur le développement des), XV, 630. Tissus (étude chimique des), XV, 397. Toxines et antitoxines du tube digestif, XIII, 435 ; — (constitution des), XIII, 581; — (influence de l’organisme sur les), X, 801; XI, 81, 163. Torines chimiques, XI, 161. Toxine diphtérique, sa constitution, XIII, 568 et 801; XII, 26 ; — sur les muqueuses, XI, 210 ; — préparation, XII, 701. Torine tétanique, XIII, 464; XI, 591. Tricocéphale dans l’appendice iléo-cœæcal, XV, 440. Tristeza, XV, 121. Trypanosome des rats, XV, 673. Trypsine et antitrypsine, XV, 737. Tuberculose pisciaire, XIV, 535. Tuberculose pulmonaire et tuberculose aviaire, XIT, 561. Tyrosinase, XV, 593; — dans un bacille pyocyanique, XV, 817. Ulcère de l'Yemen, XI, 784. Vaccin (action du sérum sanguin sur le), XIV, 102. Vaccination (immunité dans la), XIE, 837; et XIIT, 82. 972 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Vaccine expérimentale, XV, 161. Vagin (purification spontanée), XV, 842. Venins (immunisation contre les), XII, 214, 343; — allérations pathologiques qu'ils produisent, XII, 369; — des serpents, XII, 510. Verruga du Pérou, XII, 591. Vibrions dans l’organisme, XII, 273. Virus rabique dans le cerveau, XIII, 513: — (action de la bile sur le), XIIT, 506. FIN Le Gérant : G. Masson. Sceaux. — Imprimerie E. Charaire. Annales de l'Institut Pasteur : Pl: V. Roussel, del. & lith. Imp.£.Latontaine, Paris Annales de l'Institut Pasteur PIAT V. Roussel, del. & it /mp.Ll.Lafontaine, Paris Annales de l'Institut Pasteur ÎrtA.. VAoussel, À LS Annales de l'Institut Pasteur oussel, Litk. VA , del. DT Borrel Lafontaine, Paris Imp.art.L Annales de l'Institut Pasteur Împ. art. Lafontaine, Paris. VRoussel, Lith. ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR PI D : (F ETVIE Annales. de l'Institut Pasteur + V.Roassel, li Lz2. PI.Simond, del. DA rt.l. Lafontaine, Paris. T- L 72p a EIMITÉE Annales de l Institut Pasteur L Liz. 1] ht e CI,11 VRouss del L.Simond De , Parts. fontaine # Imp.art. L.La PI. IX Annales de l'Institut Pasteur /. Roussel, Jitk. -U r. A Te Ë Dan {IDp.1.2810ontame,PETIS , ui” ‘à . .% \ \ ; ' ï A * \ . PIEXT- stitut Pasteur 1 1 Annales de D? Borrel, del afôntame, Paris r Annsles de l'Institut Pasteur BU D°*Laveran & Borrel, del V'Aoussel, lithi Imp.l Lafontaine, Pans Annales de l’Institut Pasteur. rpm Ê . Ë “Rs Fi = ne GI 2» “op: Le RU M L272 Lau rs Rs dE es ———————— > —_—_——— ——— À > y Lau J Fr + ’ E.RemyLith. El.Metchnikoff Del. mp Lafontame .Paris. : a 4 HAT » Fr. MT. - À vu dl mn = É . LC ee PRO REA en = es sk FE RS Ext SAGE = AR EVE" LES EX, eŸ: L Je SES REA y