| h ï Hin s | | f (9 ie HATIEe RL el ; PRRRRNENE | {ritren tie | Here RUE ns ANT EE L ‘ Fe À Ÿ the K : put: Un CHERE TES His 1207 : L n ii ein ï sin | 1 $ ft Fi HE | | DÉS ï | ie | | aie: Len tire + 1 à \£ H te ty ‘ qe t+ \ tete : \! # ë i té leleniete rares Hire tete fiereir ir) ele Toi it Fétetet. WT Ptetoret ile ur 1: pe +1 set pete Hit Peters fl HA L ant met His éisiese t'elel Site N tisiet aete see TIR 3 iris FRE NA ! Tr retiies + | Tin ES viriele tt ele nitlotols xl \ } HART TN AT A nt 52 4 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR —— SCEAUX. — IMPRIMERIE CHARAIRE. ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR (JOURNAL DE MICROBIOLOGIE) FONDÉES SOUS LE PATRONAGE DE M. PASTEUR ET PUBLIÉES PAR M. E DUCLAUX MEMBRE DE L'INSTITUT PROFESSEUR A LA SORBONNE DIRECTEUR DE L'INSTITUT PASTEUR Assisté d'un Comité de rédaction composé de MM. D: CALMETTE (A.) directeur de l’Institut Pasteur de Lille CHAMBERLAND, chef de service à l'Institut Pasteur ; D' GRANCHER, professeur à la Faculté de médecine; D' LAVERAN, membre de l'Institut de France ; METCHNIKOFF, chef de service à l’Institut Pasteur ; NOCARD, professeur à l'École vétérinaire d'Alfort ; Dr ROUX, sous-directeur de l'Institut Pasteur; D: VAILLARD, professeur au Val-de-Grâce. TOME SEIZIÈME 1902 AVEC QUATORZE PLANCHES X PARIS MASSON ET Ce, ÉDITEURS LIBRAIRES DE L'’ACADÉMIE DE MÉDECINE 120, BOULEVARD SAINT-GERMAIN ñ È dt 4 d SY EE re ET 16ne ANNÉE JANVIER 41902 No 1 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Recherches morphologiques et expérimentales SUR LE TRYPANOSOME DU NABANA OU MALADIE DE LA MOUCHE TSÉTSÉ Par MM. A. LAVERAN er F. MESNIL. I APERÇU HISTORIQUE ET RÉPARTITION GÉOGRAPHIQUE, « Le Nagana, ou maladie de la mouche, dit Bruce !, quien a découvert le parasite, est une maladie spécifique qui apparaît chez le cheval, la mule, l’âne, le bœuf, le chien, le chat et beau- coup d’autres animaux, et dont la durée varie de quelques jours à quelques semaines et même quelques mois. Elle est invaria- blement fatale chez le cheval, l’âne et le chien; mais un léger pourcentage de bovidés guérissent. Elle est caractérisée par la fièvre, par une infiltration de lymphe coagulable dans le tissu sous-cutané du cou, de l'abdomen ou des extrémités, donnant lieu à une enflure de ces régions, par une destruction plus ou 4. Davin Bauce, Preliminary Report on the Tselse Fly disease or Nagana in Zululand, Ubombo, Zululand, déc. 4895 (analysé par M. Duclaux dans ces Annales, tome X, 1896, p. 489). — Further Report, etc., Ubombo, 29 mai 1896; Londres, 4897, — Nagana est un mot soulou qui, d’après Bruce, fait allusion à l’état de dépression, d’affaissement de l'animal malade, | 2 : ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR, moins rapide des globules rouges du sang, un amaigrissement extrême, souvent la cécité, et par la présence constante, dans le sang, d’un parasite infusoire »,... d’un Trypanosome. Cette maladie que Bruce a étudiée avec tant de soin dans le Zoulouland, sévit dans un grand nombre d’autres contrées de l'Afrique, partout probablement où existe la terrible mouche tsétsé ou une de ses congénères. C’est donc surtout dans les récits terrifiants que les explorateurs de l’Afrique australe et de l’Afrique centrale nous ont laissés des ravages causés par la mouche, qu'il faut chercher la distribution de la maladie dont nous parlons ici. On la connaît dans les diverses régions du Sud et du S.-E. de l’Afrique (en particulier dans les parties basses et humides où règne aussi le Paludisme), au Congo belge (Seloss, cité par : Bruce), dans l'Afrique orientale allemande ‘ et anglaise (Stordy), sur les rives du Zambèze (Livingstone), au Togo (possession allemande de la côte des Esclaves) *, au Soudan *, en particu- lier dans la région du lac Tchad (rives du Chari et de ses affluents) *, dans le pays des Somalis *, elle existe probable- ment aussi en Nubie et en Abyssinie f. Seul, le nord du continent africain serait indemne de cette terrible maladie; mais nous verrons qu’une autre épizootie à Trypanosomes y sévit sur les Équidés. AR, Kocn, Reiseberichte, etc., Berlin, 1898, p. 65-72, 87-88. 2. R. Kocn (L. c., p. 66), en 1895, a observé des Trypanosomes dans des pré- parations de sang, se rapportant à la maladie de la tsétsé et qui lui avaient été envoyées du Togo. — Tout récemment, Schilling (Bericht über die Surra- Krankheit der Pferdée, Centr. f. Bakter., Abth. 1, XXX, 30 oct. 1901, p. 545), signale, dans cette contrée, une maladie qui est vraisemblablement le Nagana; il décrit bien le parasite. 3. Il est fort possible que la maladie des chevaux décrite par Dupuy et Pierre (voir entre autres: Cadiot, Du Paludisme chez le cheval, rapport sur le travail de M. Pierre, Bull. Soc. centr. méd. vétér., 30 mars 1896, p. 448), ne soit autre que le Nagana. Mais les renseignements insuffisants fournis par Pierre sur l'hématozoaire prêtent à équivoque et ne permettent pas de se prononcer. 4. D'après les renseignements que M. l'inspecteur général Kermorgant a bien voulu nous communiquer; il les tenait de M. le Dr Morel, médecin-major de 2e classe de l’armée coloniale. — Des échantillons de mouche tsétsé étaient joints à la lettre, 5. Brumpt (in Blanchard, Bull. Acad. médecine, 3° série, XLVT, 29 oct. 1901, p. #00) a eu tous les chameaux de la mission dont il fait partie, tués par une maladie à Trypanosomes à laquelle succombent également les ânes et les mulets. 6. D'après le voyageur anglais James Bruce (xvnr siècle), — Pendant l’expédi- tion anglaise d'Abyssinie (1867), une forte mortalité a sévi sur les animaux de transport, Le vétérinaire Hallen, allant ensuite aux Indes, fut frappé de la ressemblance du Surra avec l'épizootie d’Abyssinie. S MALADIE DE LA MOUCHE TSÉISÉ. 3 L'étude expérimentale commencée par Bruce a été continuée en Angleterre. Un chien « nagané » fut envoyé par Bruce en Angleterre, en novembre 1896; ce fut le point de départ des recherches de Kanthack, Durham et Blandford, exécutées à Londres, puis à Cambridge, de novembre 1896 à août 1898. Un résumé de ce travail d'ensemble sur la maladie de la tsétsé a été publié à la fin de 1898 ‘ ; il contient de nombreux et intéres- sants faits expérimentaux. Malheureusement, le travail détaillé n’a pas paru. Plimmer et Bradford : ont continué ces recherches à Lon- dres, en se préoccupant surtout de la morphologie de l'héma- tozoaire, qu'ils nommèrent Trypanosoma Brucei, et de sa distribution dans l’organisme des animaux infectés. C’est à Cambridge que nous nous sommes également adres- sés pour nous procurer le virus du Nagana. En l'absence du D' Herbert E. Durham, miss Florence Durham a bien voulu demander pour nous, au laboratoire de pathologie de l'Univer- sité, du sang contaminé,et le D' W. Mitchell, assistant au labora- toire, nous a envoyé une ampoule de sang citraté de souris, avec de nombreux Trypanosomes. Toutes nos expériences ont eu ce virus pour point de départ. Nous adressons à miss Durham et au D' Mitchell l'expression de notre cordiale reconnaissance. — Tout dernièrement, Theiler®, vétérinaire à Prétoria, a publié une étude sur la maladie de la tsétsé. Dans les trois chapitres qui vont suivre, et où sont exposées nos recherches personnelles, nous chercherons à donner une idée de l’état de nos connaissances sur le Trypanosoma Brucei et son action pathogène ‘. Un chapitre final traitera des autres épizooties à Trypanosomes (Surra, Mal de caderas, Dourine), de leur répartition géographique, de leurs ressemblances et de leurs différences avec le Nagana. 4, A.-A. Kanraack, H.-E. Durua et W.-F.-H. BLanprorD, On nagana or tse- itse fly disease, Proceed. of the R. Society, LXIV, p. 100. 2, Primmer et Braprorp, Vorlaüfige Notiz über die Morphologie und Verbrei- tung des in der Tsetsekrankeit (Fly disease oder Nagana) gefundenen Parasi- ten, Centr. f. Bakter. Abth. 1, XX VI, 14899, p. 440. 3. A. Taeier, Die Tsetse-Krankheit, Schweizer-Archiv f. Thierhewlkunde, XLIIT, 1901, p. 97. 4. Nous réservons pour un mémoire ultérieur tout ce qui a trait aux essais d’immunisation et de traitement. 4 | ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. II ANIMAUX SUSCEPTIBLES DE CONTRACTER LE NAGANA. — ANIMAUX RÉFRAC- TAIRES. — HOMME. — MODES D'INFECTION. — LA MOUCHE TSÉTSÉ. — INOCULATION. — CONDITIONS QUI FAVORISENT OU QUI RETARDENT LE DÉVELOPPEMENT DES TRYPANOSOMES INOCULÉS. — DURÉE DE CONSERVA- TION in Ditro DE Tr. Brucei. — ACTION DU FROID ET DE LA CHALEUR. — TECHNIQUE. 1° Animaux susceptibles de contracter le Nagana. — Alors que la plupart des maladies produites par des Protozoaires sont spéciales à une espèce animale ou à un petit nombre d'espèces voisines, le Nagana peut se développer chez un grand nombre d'espèces de la classe des mammifères. La liste suivante des espèces susceptibles de contracter le Nagana est déjà longue, et il est bien certain qu’elle est très incomplète : bœuf, buffle d'Afrique ou bubale, mouton, chèvre, plusieurs espèces de grandes antilopes d'Afrique, chameau africain ou dromadaire, cheval, mulet, produits de croisement du zèbre avec le cheval ou l’âne, âne, chien, chat, hyène, lapin, cobaye, rats (blancs et gris), souris, belette, hérisson, singe (macaque). D’après Kanthack, Durham et Blandford, les moutons et les chèvres d'Afrique sont très résistants au Nagana. R. Koch a inoculé sans résultat les Trypanosomes du Nagana à des ânes de Massaï et à des produits de ces ânes et des ânes de Maskate. Trois mois et demi après l’inoculation, ces ânes ne présentaient aucun trouble morbide, et, malgré des recherches répétées, on n’avait trouvé aucun Trypanosome dans le sang. A Mombassa, on aurait remarqué aussi l’immunité de ces ânes pour le Nagana !. Il est regrettable que les ânes mis en expérience par Koch n'aient pas été suivis plus longtemps et que leur sang n'ait pas été inoculé à des animaux très sensibles au Nagana. Quoi qu'il en soit des ânes de Massaï, il est certain que les ânes appartenant à d’autres races sont très sensibles à la maladie de la tsétsé. A Klein Popo (Togo, côte ouest d'Afrique), Schilling dit 4, R. Kocx, Reiseberichte, Berlin, 1898, p. 88. 4 MALADIE DE LA MOUCHE TSÉITSÉ. 5 avoir constaté que les porcs sont réfractaires au Nagana. Les porcs de nos pays ne jouissent pas de la même immunité. Le 11 décembre 1901, nous avons inoculé un porcelet du poids de 14 kilogrammes en lui injectant sous la peau un demi- centimètre cube de sang riche en Trypanosomes, dilué dans l’eau physiologique citratée. L'examen du sang du porc fait un grand nombre de fois a toujours été négatif, mais une souris inoculée, le 16 décembre, avec le sang du porc, s’est infectée (apparition des Tryparosomes dans le sang de la souris 5 jours après l’inoculation); 2 souris inoculées le 22 décembre avec le sang du porc se sont également infectées. L’immunité des animaux sauvages des régions centrales de l'Afrique a été admise par quelques observateurs. Livingstone note que les buffles, les zèbres, les cochons et les antilopes prospèrent dans les pays où sévit la tsétsé‘. Q IL n’v a aucun doute à avoir, écrit Foà, concernant l’inno- cuité de la piqûre de la tsétsé pour les animaux sauvages, et en particulier pour les buffles et les grandes antilopes ?. » Il est évident que les.animaux sauvages de la classe des mammifères qui prospèrent dans les pays où sévit la tsétsé, pré- sentent une grande résistance au Trypanosome du Nagana, mais il faut bien admettre qu’un certain nombre au moins de ces animaux sont infectés à l’état permanent; il n’est pas douteux, en effet, que c'est dans leur sang que la tsétsé puise les germes de la maladie, germes toujours présents dans beaucoup de régions de l'Afrique centrale et qui, cependant, ne peuvent pas se conserver, chez la mouche, plus de 48 heures, comme nous le verrons plus loin. Il est bien probable que, chez la plupart des animaux en question, il n’y a pas immunité, mais tolérance très grande pour les parasites, qui arrivent à vivre dans le sang en petit nombre, sans occasionner de troubles graves. Les indigènes de l’Afrique centrale ont remarqué depuis longtemps que la présence du gros gibier favorisait l’apparition de la maladie de la tsétsé, et tous les observateurs constatent que les régions d’où disparaît le gros gibier s’assainissent, (Foà, Theïler, etc.) 4, D. LiviNGsronE, Missionary Travels and Researches in South Africa, Are édit., 1857, 2. Foa, Du Cap au lac Nyassa, Paris, 1897, p. 148. 6 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR, Bruce n’a jamais vu de Trypanosomes dans le sang des ani- maux sauvages, mais il a constaté que, inoculé à des animaux domestiques, ce sang pouvait produire, au moins dans certains cas, le Nagana. Ces très intéressantes observations de Bruce confirment pleinement le rôle attribué aux animaux sauvages dans la pro- pagation du Nagana. Les animaux sauvages chez lesquels l’expérimentation a révélé l'existence des Trypanosomes, appartenaient aux espèces suivantes : hyène, buffle d'Afrique ou bubale et parmi les antilo- pides : Wildbeeste — Catoblepas gnu, Koodoo — Strepsiceros capensis, et Bush buck (?). Une belette à laquelle Kanthack, Durham et Blandford avaient inoculé le Nagana est morte en quelques jours, un hérisson est mort en 17 jours. Un singe macaque auquel les mêmes observateurs avaient inoculé des Trypanosomes du Nagana s’est infecté, et il est mort en deux semaines. M. le professeur Nocard a constaté également que les macaques étaient susceptibles de contracter le Naganaf. _ Ona vu, dans la partie historique de ce travail, que Brumpt a observé à Imi (frontière occidentale de l’Ogaden, Afrique centrale), sur des chameaux, une épizootie qui était due à des Trypanosomes, Tr. Brucei vraisemblablement. 20 Homme. Animaux réfractaires. — Alors que tant de mam- mifères sont susceptibles de contracter le Nagana, l’homme paraît absolument réfractaire à cette redoutable maladie: sans cette heureuse particularité, il lui aurait été impossible de pénétrer dans le centre de l'Afrique. Tous les voyageurs qui ont traversé les régions où abonde la isétsé racontent qu’ils ont été piqués des milliers de fois, sans éprouver autre chose que de légers accidents locaux, analogues à ceux que produisent les moustiques. Jamais Livingstone n’a éprouvé le moindre malaise, malgré un séjour de deux mois dans le pays à tséisé; il note que les enfants étaient fréquemment piqués, sans qu'il en résultät le moindre accident. Fo raconte qu'il a été piqué des milliers de fois, sans éprouver autre chose que des accidents locaux très ane et un 1. Nocarp, Soc. de biologie, 4 mai 1901, MALADIE DE LA MOUCHE TSÉTSÉ. 7 état d’agacement et d'irritation contre les tsétsé bien compréhen:- sible*. | En dehors de la classe des mammifères, on ne connaît aucun animal susceptible de contracter le Nagana. Les oiseaux sont absolument réfractaires. Nous avons injecté souvent, chez différentes espèces d'oiseaux, des Tr. Brucei en grande quantité dans le péritoine ou dans le tissu conjonctif sous-cutané. Lorsqu'on examine au bout de 2 à 3 heures le sang injecté dans le tissu conjonctif, on constate que la plupart des Trypanosomes sont déformés; les formes d’involution sont les mêmes que lorsqu'on soumet du sang riche en Trypanosomes à la température de 41 à 42° pendant quelques heures: nous reviendrons plus loin sur cette action de la chaleur ; la tempé- rature élevée des oiseaux semble jouer un rôle important dans leur état réfractaire pour Tr. Brucei. Dans le péritoine des oiseaux, les Trypanosomes dispa- raissent plus rapidement encore que dans le tissu conjonctif, Nous nous proposons de continuer l'étude de cette question. 3° Modes d'infection. La mouche 1sétsé, — Livingstone avait bien observé et bien décrit les effets de la piqüre de la tsétsé sur les animaux domestiques; mais, pendant longtemps, on s’est mépris sur les causes de la nocuité des piqüres faites par cette mouche ; on croyait que la tsétsé était venimeuse; plusieurs observateurs ont cherché, vainement d’ailleurs, des glandes à venin chez cet insecte. C’est à D. Bruce que revient le mérite d’avoir montré que la tsétsé n’est pas venimeuse et que, si ses piqüres sont, en général, 4. Le D’ Barron à observé à Londres, dans le sang d'une dame atteinte d’ané- mie, des Protozoaires flagellés en grand nombre; cette dame guérit après 2 mois de traitement par l’arsenic, l’aloès et le fer (The Liverpool medico-chirurgical Journal, janv. 1895). S'agissait-il dans cè cas de Trypanosomes ? Quelle était la nature de ces Trypanosomes ? Il nous parait impossible de répondre à ces questions, M. le D' R. Ross, sachant que nous préparions un travail sur le Nagana, à bien voulu nous communiquer le fait suivant qui présente un grand intérêt. Le D' Dutton a observé à Bathurst (Gambie) des Trypanosomes dans le sang d’un européen qui était atteint d’une fièvre rémittente avec bouffissure de la face, œdème des paupières et des membres inférieurs, fréquence anormale du pouls et de la respiration, faiblesse générale. La rate était augmentée de volume sans qu’on püût accuser le Paludisme. Les Trypanosomes trouvés dans le sang étaient peu nom- breux mais typiques, analogues aux Trypanosomes du Nagana. Pour décider de la nature des Trypanosomes trouvés dans ce cas, il faut atte ndre là publication de l'observation complète. 8 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. si dangereuses, cela tient à ce que la mouche suce alternative- ment le sang d'animaux atteints de Nagana et d'animaux sains et qu’elle inocule à ces derniers les Trypanosomes pathogènes. Avant de rapporter les expériences de Bruce, nous croyons devoir donner quelques renseignements sur la mouche tsétsé,. La tsétsé, Glossina morsitans Westwood, est un peu plus grande que la mouche domestique, elle mesure 11 millimètres de long (Bruce); les ailes, plus longues que celles de la mouche domestique, se superposent au repos (fig. A). Ses principaux caractères peuvent se résumer comme il suit: À. B. Mouche tsétsé grossie trois fois, représentée avec les ailes ployées et avec les ailes déployées. — C. Tête d’une mouche tsétsé grossie cinq fois. — t. Trompe (d’après les dessins de D. Bruce). Tête couleur peau de buffle, armée d’une trompe grêle et longue (t, fig. C) et de deux antennes. Thorax d’un gris rous- sâtre avec quatre bandes noirâtres longitudinales. Ailes légère- ment enfumées. Pattes jaunâtres, derniers articles des tarses bruns. Abdomen jaunâtre composé de six segments, les quatre segments centraux ont chacun une paire de taches ovales brunes; les parties claires dessinent à la partie dorsale une ligne longitudinale médiane coupée transversalement par des bandes jaunâtres (B). Le vol de la tsétsé à jeun est extrêmement rapide et, comme la mouche aime l’ombre et se cache sous les feuilles, au milieu des poils chez les animaux et dans les replis de la peau, on a de la peine à la voir, mais les effets de la piqüre révèlent rapide- ment sa présence. A l’entrée dans la contrée de la mouche, dit MALADIE DE LA MOUCHE TSÉTSÉ. 9 Bruce, on n’est pas longtemps à ignorer la présence de la tsétsé; on voit les indigènes frapper leurs jambes nues, les chiens mordre en rond et les chevaux ruer. En quelques minutes, dans les espaces couverts de broussailles, on peut être attaqué par 30 ou 40 mouches. ._ Les mouches des deux sexes sucent le sang; elles piquent dans la journée et le soir, très rarement la nuit, lorsque le clair de lune est très beau. Quand la mouche vole près de la tête, on perçoit un bruit d’ailes fugitif en raison de la rapidité du vol. La mouche se pose avec tant de délicatesse sur [a peau qu’on ne la sent pas, la pénétration de l’aiguillon est indolore ; en 20 ou 30 secondes, la mouche se gonfle de sang, l'abdomen prend une teinte rose d’abord, puis rouge. C’est seulement lorsque la mouche s’est déjà gorgée de sang que l’on éprouve une légère démangeaison au point de la piqûre. Le vol de la mouche gonflée de sang est alourdi ; l’insecte repu regagne rapidement la broussaille où il se cache pour digé- rer en paix !. La tsétsé suit le gros gibier, ce qui permet d'espérer que la zone d'infection se restreindra de plus en plus. Au fur et à mesure que les chasseurs s’avancent dans l’intérieur, le gibier recule, entraînant la tsétsé; le jour où l’on aura détruit l'un, écrit Foà, l’autre disparaîtra. Les expériences de Bruce démontrent d'une manière évi- - dente qu’une mouche tséisé qui a piqué un animal atteint de Nagana et qui pique ensuite un animal indemne peut transmettre la maladie à ce dernier. La mouche a encore un pouvoir infectieux 12, 24 et même 48 heures après avoir piqué un animal malade, mais alors l’in- feclion se produit plus difficilement ; des piqûres multiples et répétées sont nécessaires. Des mouches nourries sur des ani- maux infectés, gardées en captivité pendant plusieurs jours et placées ensuite sur deux chiens, n’ont pas infecté ces chiens. Des mouches capturées dans une localité infectée sont 4. Bruce, Fo, op. cif. — Rarnuer, Art. Mouche du Vouv. Dict. prat. de méd, chir. et hygiène vétérinaires, Paris, 1885,.et Traité de zoologie médicale et agricole, 1895, p. 787. . 10 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. capabies de donner le Nagana à un animal sain, dans une région saine. Des animaux qui traversent une contrée à Nagana sans boire ni manger, mais qui sont piqués par des tsétsé, contractent le Nagana; l’eau de boisson et l’alimentation qui ont été quel- quefois incriminées ne jonent aucun rôle dans l'étiologie de la maladie. | D’autres insectes que la tsétsé peuvent-ils propager le Nagana? D' après Bruce, les mouches autres que la tsétsé Li piquent les animaux ne propagent pas le Nagana. Les animaux infectés de Nagana qui sont transportés sur la côte, c’est-à-dire dans des régions indemnes de tsétsé, ne transmettent jamais la maladie aux animaux qui vivent avec eux :. L'épizootie observée par Brumpt sur des chameaux paraît avoir été propagée non par la tsétsé ordinaire, mais par une Glossina très voisine. : Aux Indes, L. Rogers a constaté que le Trypanosome du Surra pouvait être propagé par les mouches de cheval (taons) au chien et au lapin ?. 4° Inoculations. — Comme le disent Kant Durham et Blandford, les inoculations du Nagana réussissent nee pourvu qu'elles soient sous- Roc D’après ces auteurs, la quantité de sang à Trypanosomes inoculée est sans importance, une petite quantité étant aussi nuisible qu'une grande ; cela est vrai si l’on ne considère que le résultat final, mais la rapidité avec laquelle la maladie évolue varie avec la quantité de sang injectée et aussi avec la voie d’ino- culation. Lorsqu'on inocule le sang à Trypanosomes dans le péritoine ou dans la veine, l'infection est plus rapide que si l’inoculation est faite dans le tissu conjonctif; l’inoculation faite dans le tissu conjonctif au moyen de la seringue donne des résultats plus rapides et plus sûrs que si l’on se contente de déposer des traces du sang à Trypanosomes à la surface d’une écorchure de la peau. Chez le rat et chez la souris, lorsqu'on inocule dans le péri- 1. Koc, Reiseberichle..., p. 65. 2, L. Rocers, Proceedings of the R. Soc., mai 1901, p. 163. MALADIE DE LA MOUCHE TSÉTSÉ. 11 toine du sang très frais, riche en Trypanosomes, les parasites apparaissent dans le sang au bout de 24 heures et quelquefois avant l'expiration de ce délai. Lorsque du sang très frais, riche en Trypanosomes, est injecté dans le tissu conjonctif sous-cutané de ces animaux, les Trypanosomes apparaissent généralement dans le sang au bout de 36 à 48 heures. | Les rats d’égout s’infectent avec la même facilité et aussi rapidement que les rats blancs ou tachetés. Chez le cobaye, après inoculation péritonéale, les Trypano- somes apparaissent dans le sang en moins de 4 jours; après inoculation sous-cutanée, du 4° au 7° jour. Chez le lapin, après inoculation intra-veineuse, on trouve souvent des Trypanosomes en nombre appréciable dès le 2° jour; la date de l’apparition des parasites, après inoculation sous- cutanée, n’a rien de régulier, Chez le chien, après inoculation sous-cutanée, les parasites apparaissent dans le sang le 2° ou le 3° jour de l’inoculation. Dans tous ces cas, il s’agit d’inoculations faites avec du sang à Trypanosomes très frais, mélangé, à parties égales, avec de l’eau physiologique; les résultats sont différents si l’on emploie du sang fortement dilué, du sang dans lequel les Trypanosomes sont extrêmement rares ou encore du sang conservé pendant 4 à 3 jours et dans lequel beaucoup de Trypanosomes sont altérés. L'expérience suivante, faite le même jour sur 6 souris, avec du sang de même provenance, plus ou moins dilué, nous a paru intéressante. La quantité de liquide injectée a été dans tous les cas de un vingtième de centimètre cube. 1° Sang riche en Trypanosomes, dilué à 1 p. 5 dans l’eau physiolo- gique. Une souris inoculée dans le péritoine est prise au bout de 24 heures et meurt en moins de 3 jours. Une souris inoculée sous la peau est prise en 2 jours et meurt au bout de 5 jours 1/4. 20 Sang dilué à un pour 500, Une souris inoculée dans le péritoine est prise en moins de 2 jours et meurt au bout de 4 jours. ? Une souris inoculée sous la peau est prise en moins de 4 jours et meurt au bout de 6 jours 1/2. 12 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. 30 Sang dilué à 4 p. 50,000. Une souris inoculée dans le péritoine est prise au bout de 4 jours et meurt au bout de 6 jours 1/4. Une souris inoculée sous la peau est prise au bout de 5 jours et meurt au bout de 7 jours. x Lorsqu'on inocule à une souris ou à un rat du sang très pauvre en Trypanosomes, les parasites n'apparaissent dans le sang que du 5° au 7° jour. Lorsqu'on injecte du sang conservé à la température du laboratoire depuis 36 ou 48 heures, les Trypanosomes n’appa- raissent dans le sang que vers le 9° jour. Avec le sang qui a été conservé à la glacière ou bien chauffé entre 40 et 43° ou encore mélangé à des substances qui ont affaibli la vitalité des Trypanosomes, on a de même des retards dans l’apparition des parasites dans le sang. Ces faits sont bien en rapport avec ceux qui se rppore à l'infection naturelle. D'après Koch, lorsque les animaux sont infectés naturelle- ment, les Trypanosomes apparaissent dans le sang du 9 au 12° jour, or, les Trypanosomes inoculés par les mouches doivent être, en général, peu nombreux et en assez mauvais état. D’après Fo, la maladie évolue plus vite chez les animaux qui ont été piqués un grand nombre de fois que chez ceux qui n'ont été piqués que par quelques mouches ; ceci encore est en rapport avec les résultats de l’expérimentalion. Kanthack, Durham et Blandford n’ont pas réussi à infecter les animaux par le sac conjonctival intact. D’après les mêmes observateurs, l'infection par le coït est improbable. L'infection par la nourriture n’a lieu que s’il existe des lésions de la bouche ou du museau; le fait a été bien établi pour le Surra parles expériences de Rogers. Les fœtus ne sont pas infectés dans l’utérus; nous avons constaté l’absence des Trypanosomes dans le sang de rats qui naissaient de mères en pleine infection de Nagana. 5° Durée de conservation. — D'après Bruce, le sang des animaux atteints de Nagana est encore infectieux, quatre jours après qu'il a été recueilli in vitro, s’il ne s’est pas desséché; le MALADIE DE LA MOUCHE TSÉTSÉ, 43 sans: desséché peut être encore infectieux au bout de 24 heures, mais c’est là une exception, Il résulte des recherches de Kanthack, Durham et Blandford que Tr. Brucei reste vivant, in vitro, de 4 à 3 jours, exception- nellement de 4 à 6. Dans des préparations de sang bordées à la paraffine, Plim- mer et Bradford ont trouvé quelquefois des Trypanosomes vivants au bout de 5 à 6 jours. Du sang recueilli avec pureté et conservé au contact de l'oxygène, garde sa virulence au moins pendant trois jours, d’après les mêmes observateurs. Du sang contenant des Trypanosomes du Nagana, recueilli avec pureté, mélangé à de l’eau physiologique citratée et con- servé à la température du laboratoire, peut être encore viru- lent au bout de trois jours; mais ce n’est pas là un résultat constant; du. sang conservé depuis 48 heures seulement a parfois perdu sa virulence. Nous avons vu déjà que, chez les animaux inoculés avec des Trypanosomes conservés in vitro, l'apparition des parasites dans le sang retarde beaucoup; c’est là un fait dont on doit tenir grand compte dans ces expériences, faute de quoi on s'expose- rait à noter comme négatives des inoculations dont les effets ne sont que retardés. Les Trypanosomes se conservent mieux, restent plus long- temps mobiles, dans le sang mélangé à du sérum que dans le sang pur, Nous avons vu des Trypanosomes encore mobiles, au bout de trois jours pleins, dans du sang de rat défibriné et mélangé à parties égales à du sérum de cheval; dans le sang pur on ne trouvait plus, au bout de 24 heures, aucun Trypano- some mobile. Le sérum humain et celui des animaux réfractaires au Nagana (oiseaux), ne sont pas moins aptes à la conservation des Trypanosomes que les sérums des animaux les plus sensi- bles. 6° Action du froid. — Nous avons signalé la longue conser- vation à la glacière du Trypanosome des rats, Tr. Lewisi', Le Trypanosome du Nagana ne jouit pas de la même propriété, il 4 Laveran et Meswir, Soc. de biologie, 6 octobre 1900, et Ann. de l'Inst. Pas- teur, 1901, p. 679. |: 14 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Le ne se conserve pas mieux à la glacière (5 à 7° au-dessus de zéro) qu’à la température du laboratoire. L'inoculation du sang conservé trois à cinq jours à la gla- cière nous à donné, à plusieurs reprises, des résultats négatifs ; les résultats peuvent être négatifs alors même qu’on trouve encore, dans les préparations conservées, quelques Trypano- somes un peu mobiles. Les Trypanosomes se déforment rapidement dans le sang qui est mis à la glacière ; nous décrirons plus loin ces altérations, qui ne sont pas spéciales à l’action prolongée du froid. (V. For- mes d'involution.) Les mouvements des Trypanosomes sont ralentis par l’ac- tion du froid, ils s’accélèrent quand le sang se réchauffe, au sortir de la glacière. Si les Trypanosomes du Nagana supportent mal l’action pro- longée d’un froid modéré, par contre ils résistent très bien à des abaissements brusques de température à 50 et 55° au-des- sous de zéro, comme le montrent les expériences suivantes dont nous donnons seulement uu rapide résumé. Exp, !. — Du sang de rat riche en Tr. Brucei, dilué dans l'eau physio- logique citratée, est soumis pendant une demi-heure à une température qui varie entre — 15 et — 180 C, Au bout de deux heures, on trouve dans le sang qui s’est décongelé et réchauffé à la température du laboratoire, beaucoup de Trypanosomes d’as- pect normal et mobiles. Le sang est injecté à deux souris dans le tissu conjonctif sous-cutané; ces souris meurent de Nagana aussi rapidement qu'üne souris témoin. Exp. 2. — Du sang de rat riche en Tr. Brucei, dilué dans l’eau physio- logique citratée, estsoumis pendant 20 minutes à la température de — 150 et ensuite, pendant 8 minutes, à une température de — 25 à — 300, Au bout de deux heures, on constate, dans le sang décongelé, la présence de nombreux Trypanosomes d'aspect normal et mobiles. Deux souris inoculées avec le sang décongelé meurent de Nagana aussi rapidement qu'une souris témoin, Exp. 3. — Du sang de rat riche en Tr. Brucei, dilué dans l'eau physio- logique citratée, est soumis pendant une demi-heure à la température de — 15° et ensuite, pendant 5 minutes, à une température de— 50 à — 550. Au bout de deux heures, lorsque le sang s’est décongelé et réchauffé, on constate qu'il existe encore beaucoup de Trypanosomes mobiles. Deux souris inoculées avec le sang soumis à ces basses températures, meurent de Nagana aussi rapidement qu’une souris témoin. Exp. 4, — Même expérience que la précédente, à cela près que le réchauf- MALADIE DE LA MOUCHE TSÉTSÉ. 15 fement du sang a été brusque et non lent comme dans l'expérience 3. Le sang s’est encore montré virulent ; les souris inoculées sont mortes avec un retard sur la souris témoin, 7° Action de la chaleur. — Deux éléments interviennent : le degré de la température et le laps de temps pendant lequel le sang a été soumis au chauffage. Des échantillons de sang chauffés : pendant 3 heures à 40°, pendant 1 heure 20 à 42° se sont montrés encore virulents; d’autres échantillons chauffés : 40 minutes entre 41 et 44° et 20 minutes à 44°, 5 n’ont pas produit l'infection chez les animaux inoculés. Le chauffage à 44 ou 45° tue donc assez rapidement les Trypanosomes, tandis qu'avec les températures de 40 à 43° un chauffage prolongé est nécessaire. Lorsqu'on examine du sang à Trypanosomes qui a été sou- mis pendant une heure à la température de 41°, on peut croire que tous les Trypanosomes sont détruits: les parasites sont immobiles, déformés, méconnaissables pour un observateur qui n'aurait pas l'habitude de cet examen, la plupart des parasites sont globuleux et semblent morts, mais le sang injecté à un rat ou à une souris produit encore l'infection, avec un retard, Chez des animaux inoculés avec du sang chauffé de 1 heure 50 minutes à 3 heures à 40°, nous avons vu apparaître les Try- panosomes dans le sang du 5° au 6° jour. | On verra plus loin que la richesse du sang en Trypanosomes varie beaucoup d’une espèce à l’autre, chez les animaux infectés de Nagana. La température du sang semble jouer un rôle important. Lorsque la température s’élève à 40 ou 41°, les Try- panosomes diminuent beaucoup de nombre dans le sang de la grande circulation. Chez le porcelet dont il est question plus haut, la température rectale s’est maintenue à 40° en moyenne et, chez cet animal, l'examen histologique du sang a toujours été négatif. $ Nous n'avons pas seulement étudié l’action du froid et de la chaleur sur les Trypanosomes du Nagana, nous avons soumis ces parasites, in vitro, à l’action d’un grand nombre de produits chimiques, pour rechercher, en vue du traitement, la toxicité de ces produits pour Tr. Brucei. Nous n’avons pas encore terminé nos recherches sur cette question, nous nous proposons d'y reve- nir ultérieurement. 16 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. 8° Technique pour l'étude de Tr. Brucei. — L'observation de Tr. Brucei dans le sang pur et frais est facile quand les parasites sont nombreux; lorsque les parasites sont en petit nombre, sans être très rares, leur recherche dans le sang frais est encore assez facile : les mouvements de trépidation ou en tourbillon que les Trypanosomes impriment aux hématies permettent de découvrir les hématozoaires, même à un faible grossissement, Mais il arrive souvent que les Trypanosomes sont assez rares dans le sang pour que leur recherche, à l’aide du microscope, devienne très difficile. Chez certaines espècesanimales, l'examen histologique dusang est presque toujours négatif. Pour décider si un animal est infecté ou non de Nagana, on ne doit donc pas s’en rapporter au seul examen histologique; lorsque cet examen est négatif, il faut inoculer du sang de l’animal suspect à un animal sain, faci- lement infectable, comme la souris ou le rat. Il arrive souvent que les animaux inoculés dans ces conditions, c’est-à-dire avec du sang dans lequel l'examen histologique n’avait pas révélé l'existence des Trypanosomes, s’infectent, mais avec un retard notable dans l’apparition des Trypanosomes ainsi qu'il a déjà été dit. Lorsqu'on soumet le sang à la centrifugation, les Trypano- somes s'accumulent à la partie supérieure du culot formé par les hématies ; sile sang est extrèmement riche en Trypanosomes, les parasites forment une couche blanchätre très visible. Dans les préparations de sang pur qui viennent d’être faites, les mouvements des Trypanosomes sonttrop vifs pour être ana- lysés, mais ces mouvements se ralentissent bientôt et alors on distingue bien le flagelle et la membrane ondulante. Les préparations en goutte pendante sont très utiles pour étudier le phénomène de l’agglutination. Le sang destiné aux inoculations est pris dans la veine chez le lapin et les gros animaux; on l’obtient chez le rat par la sai- gnée de la carotide ; le sang est défibriné ou mélangé à de l’eau physiologique citratée qui empèche la coagulation, L'étude des formes de multiplication de Tr. Brucei peut se faire dans le sang ou dans l’exsudat péritonéal d’un rat inoculé, dans le péritoine, avec du sang riche en Trypanosomes. Le rouge neutre, le bleu de toluidine et le bleu de méthylène MALADIE DE LA MOUCHE TSÉTSÉ. 17 colorent des granulations dans l’intérieur des Trypanosomes vivants, mais ces différentes substances ne colorent bien les parasites que lorsqu'ils sont morts et la coloration se fait alors en masse. Pour obtenir une bonne préparation colorée des Trypano- somes du Nagana, il faut dessécher le sang en couche mince sur une lame porte-objet, le fixer par l'alcool absolu et colorer par la méthode qui a été préconisée par l’un de nous : éosine — bleu Borrel, tannin', Cette méthode a été exposée déjà dans ces Annales’, nous , Nocamop, L. c. juin 1896, p. 344. D2 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. chez les chevaux hongres et les mulets. Les insectes, dans les . pays à Dourine, ne jouent donc aucun rôle dans la propagation de la maladie; nous en verrons tout à l’heure les raisons pro- bables; elles n’indiquent pas une différence tranchée entre les deux maladies. Le Nagana peut-il se prendre par le coït? C’est assez peu pro- bable, puisque les essais de contagion, en déposant le virus sur les muqueuses ne réussissent pas, quand il n’y a pas de plaies à vif. Néanmoins, des expériences de contagion par ie coït- méritent d’être faites, surtout en se servant du lapin. Étudions l’évolution de la Dourine chez le cheval. Les pre- miers symptômes apparaissent 10 ou 20 jours après le coït infec- tant. Ils siègent d'emblée aux organes génitaux. Chez le mâle, il y à engorgement œdémateux du fourreau, puis de l'extrémité du pénis ; léger suintement muco-purulent de la muqueuse uréthrale qui est enflammée. Chez la femelle, engorgement des deux lèvres ou seulement d’une seule; muqueuse vaginale enflam- méc sécrétant du muco-pus. Puis, en même temps que les lésions des organes génitaux persistent et même s’accentuent, d’autres phénomènes se mani- festent : œdèmes des membres et de la région abdominale, anémie progressive, amaigrissement constant en dépit du bon appétit conservé, faiblesse musculaire, surtout du train postérieur, sou- vent flexion brusque des boulets. Certains symptômes sont pour ainsi dire pathognomoniques: telles les plaques cutanées que l’on observe sur diverses parties du corps. Il n’y a guère de phéno- mènes fébriles; la température dépasse rarement 39°*. La maladie dure ainsi de longs mois (généralement de 4 à 10 mois); la marche n’a donc pas ce caractère aigu qu’elle revêt dans le Nagana ou le Surra. A la fin de la vie, on note quelque- fois des troubles oculaires (conjonctivite, kératite ulcéreuse); la parésie s’accentue; on a des paraplégies très prononcées et même complètes et, à l’autopsie, on note des foyers de ramol- lissement de la moelle que l’on n’observe jamais dans le Nagana ou le Surra. Le Trypanosome est (oujours très rare dans le sang; aussi faut-il parfois inoculer 10 à 15 c. c. de sang pour provoquer la 1. Au début de certaines Dourines, il y à élévations thermiques allant à 40° et même au dessus. MALADIE DE LA MOUCHE TSÉTSÉ. 53 maladie. On comprend donc que les insectes ne puissent guère servir de convoyeurs de la maladie, même s’il en existe de favo- rables dans les pays à Dourine, ce qui est à prouver. En revan- che, dans la sérosité sanguinolente que l’on peut recueillir au niveau des œdèmes, et surtout des plaques cutanées et de la muqueuse uréthrale ou vaginale, le parasite est généralement présent et parfois même en assez grand nombre, principalement si les plaques ou les œdèmes sont récents. Les symptômes communs au Nagana et àla Dourine sont donc frappants. Quant aux symptômes spéciaux à la Dourine (plaques cutanées, foyers de ramollissement de la moelle), ils ne sont pas constants (les plaques cutanées, par exemple, manquent généralement chez l’âne) et peuvent être considérés comme en rapport avec la lenteur de la marche de la maladie. On a d’au- tant plus le droit de le supposer que, dans les cas à marche subaiguë, ils font défaut. Enfin, Nocard « a pu tuer des chevaux en 4, 6 et 8 semaines. et la courbe de leur température était iden- tique à celle qui caractérise Le Surra ou Le Nagana ». Au point de vue des équidés, la Dourine se comporte donc comme un Nagana atténué. Examinons la sensibilité des autres mammifères.Le chien, le lapin, le rat, la souris se sont montrés sensibles, mais avec des exceptions ou des degrés qui indiquent des variations de virulence de l'agent de contage. Ainsi, dans ses expériences, Rouget tuait, à coup sùr, les souris blanches, en 5 à 10 jours, d'une infection généralisée rappelant tout à fait, par sa marche, l'infection naganique ; un certain nombre seulement de rats d’égout succombaient, d’autres guérissaient après avoir présenté une infection sanguine, d’autres parais- saient tout à fait réfractaires. Au début de leurs études, Buffard et Schneider reproduisaient les expériences de Rouget surles ratset les souris ; mais Nocard qui aeu leur Trypanosome, après passage par le chien, a trouvé la souris et le rat presque absolument réfractaires, et n’a pu que fort difficilement créer une race à laquelle Le rat füt sensible. Chez le lapin et le chien, la marche de la maladie rappelle beaucoup celle de la Dourine du cheval; la contagion peut se faire par le coït. Nous insisterons particulièrement sur les lésions des lapins dourinés, déjà bien décrites par les auteurs que nous avons cités. Elles rappellent de très près celles que nous avons 34 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. signalées chez les lapins naganés, et nous avons pu apprécier eette ressemblance d'autant mieux que nous avons eu simulta- aément des lapins dourinés et naganés. Mais, dans le cas du _Nagana, l’animal ne survit jamais plus de deux mois à l’inocula- tion, tandis que le lapin douriné peut vivre plus de 6 mois por- teur des lésions caractéristiques. En somme, ces études d’infec- ton expérimentale n’établissent pas non plus une différence tranchée entre la Dourine etle Nagana. Beaucoup d’animaux sensibles au Nagana sont réfractaires à la Dourine : les singes macaques (d’après Nocard), les cobayes (d’après Rouget), les chèvres, les moutons, les bovidés. Mais il convient de remarquer que tous ces mammifères, sauf peut-être les singes, sont moins sensibles que les autres au Nagana. Les bœufs sont peu sensibles au Surra et seraient même tout à fait réfractaires au Mal de caderas, deux épizooties dont nous avons montré les liens étroits avec la maladie de la tsétsé. Enfin, une expérience récente de Nocard (Soc. de Biologie, 4 mai 1901) permet de se rendre compte que la distance entre la Dourine et le Nagana est plus grande que ne pouvaient le faire supposer toutes les considérations qui précèdent sur la marche de la maladie, et vient corroborer nos observations morpholo- giques. Des chiens, très bien vaccinés contre la Dourine, ont été inoculés avec une très petite quantité de sang d’une de nos sou- ris, contenant de nombreux Trypanosomes du Nagana, en même temps qu'un témoin. Les deux chiens vaccinés ont suc- combé au Nagana en 11 jours, le chien témoin en 14 jours seu- lement. * *% Ex RÉSUMÉ, nous connaissons, à l’heure actuelle, quatre mala- dies sévissant dans les diverses parties du monde, même en Europe, et qui sont dues à des Trypanosomes. Si l’on songe aux progrès considérables de nos connaissances à cet égard dans les trois dernières années, on a le droit de supposer que la liste de ces maladies n’est pas close et qu’on découvrira de nouvelles contrées où elles sévissent,. Toutes ces épizooties, en dehors du fait qu’elles ont pour agent causal un Trypanosome, ont des caractères communs indéniables : anémie, presque toujours fièvre rémittente, œdèmes MALADIE DE LA MOUCHE TSÉTSÉ. Gb des organes génitaux et des extrémités, lésions de l’œil et des paupières, amaigrissement graduel malgré fa conservation de l’appétit, faiblesse musculaire, parésie surtout marquée au train postérieur, pouvant aller jusqu’à la paralysie complète, etc. Il y a donc lieu d’espérer que les méthodes qui se montre- ront efficaces pour venir à bout de l’une d'elles, seront aussi efficaces vis-à-vis des autres. ÉTUDES SUR LA PESTE BOVINE Par MM. M. NICOLLE ET ADIL-BEY TROISIÈME MÉMOIRE EXPÉRIENCES SUR LA FILTRATION DU VIRUS Le virus pestique peut traverser les filtres, ainsi qu'il ressort de nos expériences déjà anciennes, consignées dans un pli déposé, en juillet 1899, à l'Académie des sciences. Depuis cette époque, nous avons fait un grand nombre de recherches et celles-ci ne sauraient laisser aucun doute. Il nous faut cepen- dant expliquer pourquoi on ne réussit qu'inconstamment, et ceci nous amène à présenter quelques réflexions générales au sujet de la filtration. Lorsqu'on pratique une filtration, le passage des germes (nous avons surtout en vue, bien entendu, les germes dits invi- sibles) est soumis à diverses influences. Les unes se rapportent à la bougie, les autres aux microbes, d’autres au milieu qui dent les microbes en suspension, les dernières enfin à la tempé- rature du liquide et à la pression employée. Facteur bougie. — Le degré de perméabilité est lié au diamètre des pores, à l'épaisseur de la paroi filtrante et, indirectement, à la surface de la bougie. On sait que le filtre Berkefeld l’em- porte, comme porosité, sur le filtre Chamberland; c’est ainsi qu'il se laisse traverser par l’organisme de la horse-sickness, que retient la bougie de porcelaine F (Nocard).On sait aussi que cette bougie F se montre plus perméable que le cylindre B; c'est ce qui explique le passage de l’agent de la péripneumonie à travers la première seule (Nocard et Roux). En regard de ces notions, aujourd'hui courantes, nous mentionnerons, comme fort importantes, les différences de texture des diverses bougies Berkefeld. Des expériences répétées, faites depuis 1898, nous ont démontré que le filtre Berkefeld était manifestement plus poreux autrefois qu'aujourd'hui; comme ce filtre est construit ÉTUDES SUR LA PESTE BOVINE. 57 en vue d'arrêter les germes, on ne saurait raisonnablement s’en plaindre *. L’épaisseur des bougies est toujours calculée en proportion de leur porosité. Aussi, à diamètre égal, le cylindre Berkefeld possède-t-il une lumière bien inférieure à celle du cylindre Chamberland. On peut toutefois diminuer l'épaisseur de la bougie Berkefeld jusqu’à une certaine limite, sans permettre le passage des microbes vulgaires. On favorise alors d'autant plus celui du microbe pestique. Quant à la surface de la bougie, elle intervient sur la rapi- dité de l’opération, et son action n’est pas négligeable, lorsqu'il s’agit de liquides difficiles à filtrer. Les filtrations lentes à la bougie Berkefeld (et surtout à la bougie Berkefeld amincie) ont en effet un double inconvénient ; elles rendent plus malaisé le passage des germes pestiques et facilitent, au contraire, celui de certains organismes communs très mobiles servant de test- objets (comme, par exemple, les vibrions de l’eau de conduite), ce qui enlève toute signification à l'expérience. En conséquence, plus la filtration sera lente et plus il conviendra d'augmenter la surface de la bougie. Facteur microbe. — 11 faut évidemment envisager le volume de l’organisme, mais celui-ci n’est point seul en cause. La mobi- lité joue un rôle important (peut-être l'agent de la peste bovine est-il immobile). D'autre part, le nombre des germes nous paraît capital, surtout en matière de parasites non cultivables. Pour expliquer bien des expériences négatives (sinon la majorité), 1l convient de se rappeler que les humeurs pestiques sont relati- vement pauvres en germes, qu'on les dilue Le plus souvent avant de les filtrer, qu’une proportion sans doute élévée de microbes se trouve, quoi qu’on fasse, forcément arrêtée par la bougie, et qu’enfin, comme nous l’avons démontré antérieurement (2° mé- moire sur la peste bovine), la dilution d’une dose sûrement mortelle de virus peut rendre celui-ci simplement vaccinant ou même inactif *. Or, un virus filtré représeute toujours un virus fortement dilué. 1. Les bougies « très poreuses », que la maison Berkefeld à bien voulu nous faire construire l'an deruier, n'offrent pas, elles-mêmes, la perméabilité des anciens filtres. 2. On peut, il est vrai, recourir à la concentration du filtrat ; le moyen n'est 98 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Il ne faut pas oublier non plus que, seuls, des germes parfai- tement libres sont susceptibles de traverser les cloisons poreuses. Si, comme nous le pensons, le microbe pestique présente habi- tuellement un siège intraleucocytaire, on conçoit que tous les parasites, inclus dans les leucocytes ou leurs débris, soient fata- lement arrêtés par les filtres. Facteur milieu. — Depuis les recherches de MM. Nocard et Roux, sur le microbe de la péripneumonie, on sait qu’une teneur, même modérée, en sérosité suffit déjà pour empêcher le passage des germes « invisibles ». C’est là un nouvel élément d’insuccès dans les recherches entreprises avec le virus pestique, car on se trouve souvent pris entre deux inconvénients; si l’on n’étend point les liquides riches en sérosité, les germes peuvent être arrêtés ; si on les étend, la dilution peut produire les effets que nous avons rappelés tout à l'heure. Facteurs température et pression. — Nous n'avons jamais eu recours à l'élévation de la température, d’autant que nous avons remarqué combien, en été, lors des filtrations lentes, les vibrions des eaux offrent de la tendance à traverser les bougies Berke- feld (surtout amincies). Nous avons employé, d'ordinaire, la filtration par aspiration, mais la filtration par pression présente sur elle des avantages incontestables, quand on s’adresse à des cylindres d'épaisseur normale. Ces réflexions faites, nous devons insister sur le soin qu’il convient d'apporter aux expériences, pour pouvoir en tirer une conclusion ferme. Alors même que nous opérions avec des bougies normales, nous n’avons jamais manqué d’additionner le liquide à filtrer de germes jouant le rôle de test-objets. Tout d’abord, nous nous sommes servis d’un bactérium du choléra des poules tuant « à l’unité », puis il nous a semblé plus démon- stratif d'employer l’eau de conduite du laboratoire. Celle-ci est riche en microbes variés, et contient toujours des vibrions très fins et très mobiles, qui représentent le meilleur des indicateurs. En effet, toutes les fois que nous avons eu affaire à des filtra- pas mauvais, mais il reste infidèle, ce qui tient sans doute à la difficulté de le réaliser comme il faudrait. ÉTUDES SUR LA PESTE BOVINE. 99 tions pénibles (surtout l’été) ou bien que, nous servant de bou- gies Berkefeld amincies, l'épaisseur de la paroi filtrante n’avait pas été rigoureusement calculée, les vibrions hydriques ont passé à travers la cloison poreuse, le plus souvent à l'état pur . Nous avons même tenté plusieurs expériences d'isolement de. ces vibrions, à l’aide de cylindres Berkefeld suffisamment amincis, et ces expériences ont parfaitement réussi. Ajoutons que, toutes les fois que nous éprouvions le filtrat de liquides virulents préalablement mélés à l'eau de conduite, : nous avions soin de laisser séjourner ce filtrat plusieurs jours à 31° et ensuite plusieurs jours à 22°, car les microbes des eaux et spécialement les vibrions peuvent fort bien ne pas se développer à la température du corps. = Nous conclurons de ce qui précède que la filtration, appliquée à l’étude des microbes dits invisibles, doit être pratiquée en s’entourant des plus grandes précautions. Si nous n’avions point recherché systématiquement les causes d'erreur, nous aurions été amenés à considérer comme positives certaines expériences qui ne l’étaient pas ou qui, tout au moins, pou- vaient prêter à discussion. Il n’en est que mieux établi que le virus pestique peut traverser les filtres. Pour expliquer l'in- constance des résultats, on se reportera à ce que nous avons dit plushaut et on incriminera, par conséquent, les causessuivantes: teneur relativement faible en germes des produits virulents ; influence de la dilution sur les résultats expérimentaux; et, d’après nous, situation intraleucocytaire habituelle de lPagent pathogène. On peut admettre aussi que cet agent est dépourvu de mobilité, circonstance défavorable à la traversée des bougies. Toujours est-il que, s’il était cultivable?, on observerait, nous en sommes convaincus, un tableau bien différent. = * Ceci posé, nous diviserons nos expériences en 3 groupes, 1. Nous aurions pu employer, comme test-objets, les cultures de ces vibrions. Nous ne l'avons pas fait pour deux raisons : d’abord il valait mieux s'adresser à la flore multiple des eaux; ensuite, en culture, nos vibrions hydriques perdent rapidement leur finesse. 2. Nous rappellerons, à propos des cultures, que les quelques résultats posi- tifs, observés par nous (résultats dont il est fait mention dans notre pli à l’Aca- démie), semblent plutôt explicables par une conservation exceptionnellement longue de virus, in vitro. 60 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. selon qu’elles ont été faites avec la bougie Berkefeld amincie, la bougie Berkefeld normale ou la bougie Chamberland normale (modèle F). Filtration sur la bougie Berkefeld amincie. (Filtration par aspiration). Suivant les cas, le filtrat se montre inactif, vaccinant ou virulent. Nous avons rapporté, dans notre pli à l’Académie, deux expériences très démonstra- tives, concernant les filtrats infectieux. Nous choisirons, parmi nos essais ultérieurs, les deux suivants qui sont particulière- ment intéressants. Exp, n°0 4. — Le 23/7/1899, on broie 10 grammes de cerveau virulent, avec 90 c. c. d'eau; puis on laisse déposer 20 heures à la glacière. Le 24/7, on décante et on clarifie le liquide décanté par « plasmisation ». On ajoute ensuite À c. c. de culture de choléra des poules (échantillon tuant le pigeon à l'unité). On filtre sur une bougie Berkefeld amincie (dont le dia- mètre total a été réduitde 25 à 21 millimètres). On inocule 5 c. c. du filtrat à 4 pigeons, qui résistent, et, le lendemain, 60 c. c. à un veau (77-47) qui contracte la peste bovine (voir courbe no 1). cut ts ter is teen peter te da les [R8Juidlet 29 | Sous le nom de « plasmisation », nous désignons Île procédé de clarification suivant, à la fois très simple et susceptible de rendre des services dans certaines circonstances. Une émulsion trouble est additionnée, en général, d’un dixième de plasma de cheval, obtenu par refroidissement du sang. On mêle intime- ment et on laisse coaguler. Rien n’est plus facile ensuite que de ÉTUDES SUR LA PESTE BOVINE. 61 séparer le liquide clair du caillot qui englobe les particules en suspension. Exp. n9 2. — Le 9/9/1899, on délaie 85 c. c. de liquide diarrhéique virulent, dans 850 c. c. d’eau de conduite. On décante et on plasmise. On filtre sur une bougie Berkefeld amincie (ut supra) et on ensemence, en bouillon, 50 c. c. du filtrat ; le mélange reste stérile à 370 et à 220. On ino- cule, le 10/9, 150 c. c. du filtrat à un veau (789) qui prend la peste bovine, avec apparition du piroplasma bigeminum dans le sang ! (voir courbe no 2). L'observation Suivante est la plus curieuse, parmi celles qui nous ont donné des filtrats vaccinants. Exp, n0 3. — Le 20/10/1899, on étend au 5e, avec de l’eau de conduite, les matières fécales de la chèvre no 78-53 (voir 2e mémoire), qui vient de succomber à la peste bovine. On décante et on plasmise. 200 c. c. du liquide clair sont étendus d'eau, au volume de 1,200 c. c. On filtre sur bougie Berkefeld amincie (ut supra) et on inocule un litre du filtrat à un animal d’Anatolie, âgé d'un an. Cet animal reste en bonne santé, mais, éprouvé 9 jours après, il résiste. Après avoir recueilli le liquide destiné à l’inocula- tion, on fait passer, immédiatement, sur la bougie, un mélange de 200 €. c. de bouillon et de 200 c. c. d’eau de conduite. Ce mélange, filtré, demeure stérile (à 379 et à 220). Filtration sur la bougie Berkefeld normale. On obtient, encore ici, des filtrats inactifs, vaccinants ou infectieux, mais les expériences négatives sont plus fréquentes que précédemment, ce qui était du reste à prévoir. Notre pli contient deux observations d'infection et une de vaccination par les liquides filtrés (aspiration). En recourant à l'aspiration, les résultats positifs se réduisent souvent à la vaccination des animaux; l'expérience n° 4 va nous en fournir un nouvel exemple. En s'adressant à la pression, on observe, à côté des cas négatifs ou des cas de vaccination (exp. n° 6), des cas d'infection tout à fait caractéristiques (exp. n° 5). Exp. no 4. — Le 28/9/1899, on filtre, par aspiration, sur une bougie Ber- kefeld normale, 250 c. c. de liquide péritonéal (voir, pour la préparation de ce liquide, notre 2e mémoire). Ces 250 c. c. filtrés sont inoculés à un animal d’Anatolie, âgé de 2 ans. L'animal reste bien portant, mais résiste à l’infec= tion le 10e jour. Après prélèvement du filtrat, on fait passer, sur la bougie, 800 c. c. de bouillon, additionnés de 100 c. c. d’eau de conduite. Le liquide filtré demeure stérile (à 37° et à 220). 1. Cette expérience démontre, de la facon la plus schématique, l'influence du virus pestique sur le « réveil » de la piroplasmose latente, 62 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Exe. n05.—Le 28/6/1900, on filtre par pression (1.1/2 atmosphère), sur une bougie Berkefeld normale, 100 c. c. de bouillon, mêlés à 20 c. c. d’eau de conduite. Le filirat reste stérile (à 379 et à 220). On fait passer sur la bougie, immédiatement après, 210 c. c. de liquide de lavage péritonéal, qui sont inoculés le lendemain à un veau (80-73); l'animal prend la peste bovine (voir courbe n° 3). On notera ici la longueur de l'incubation, en rapport évidem- ment avec le faible nombre des germes inoculés et leur dilution. EEE A Ce ere ui AN (T Fee dates [£Juilet 5 | 4 | Fig. 2. Exr. n0 6. — Le 2/5/1900, on filtre, par pression (1.1/2 atmosphère), sur une bougie Berkefeld normale, 150 c. c. d’eau de conduite. Le filtrat demeure stérile (à 370 et à 220). On fait passer sur la bougie, immédiate- ment après, 50 c. c. de liquide de lavage péritonéal, qui sont inoculés à un animal de race mixte (Crimée-Anatolie), âgé d'un an. Cet animal reste bien portant, mais résiste à l'infection le 12e jour. Filtration sur la bougie Chamberland (F) normale. (Par aspiration). On réussit rarement et encore n’arrive-t-on qu’à vacciner les animaux. Exr. no 7. — Le 11/12/1899, on étend d'eau, au 5e, un mélange de divers liquides céphalo-rachidiens virulents. On filtre sur un cylindre F et on inocule un litre de filtrat à un animal d’Anatolie, âgé d’un an. Cet animal demeure en bonne santé, mais résiste à l'épreuve le 15e jour. Après prélève- ment du filtrat, on fait passer sur la bougie 300 c. c. de bouillon, additionnés de 20 c. c. d'eau de conduite. Le mélange reste stérile (à 370 et à 220), Me Nous concluons, des expériences rapportées dans notre pli cacheté, de celles qui précèdent et d’autres encore (qu’il nous a paru inutile de relater), que le microbe pestique peut traverser ÉTUDES SUR LA PESTE BOVINE 63 les filtres. Il ne les traverse cependant que si certaines conditions se trouvent réalisées. Nul doute que l’on ait affaire à un organisme « invisible », Cette manière de voir concorde d’ailleurs avec l'impossibilité de discerner au microscope des formes caractéristiques quelconques, lors de l’étude à l'état frais des produits virulents, et avec l'échec de toutes les méthodes de coloration connues et de plusieurs procédés nouveaux, imaginés par nous. Nous ferons observer, en terminant, que les animaux ino- culés au cours des recherches sur la filtration ont été rigou- reusement isolés en dehors de l’Institut bactériologique et soignés par un garçon spécial, Pour plus de précaution, on n’a commencé à prendre leur température que le quatrième jour après l’inoculation. Enfin, toutes les fois que l’on a éprouvé des sujets qui avaient résisté au virus filtré, on a fait, en même temps, au moins un témoin. Aucune erreur ne s’est donc glissée dans nos expériences, d’ailleurs fort nombreuses, + LU + * Nous devons, maintenant, indiquer en peu de mots les raisons qui nous portent à croire que le virus pestique offre habituellement un siège intraleucocytaire (peut-être même intra- phagocytaire, comme, par exemple, le bacille du rouget, chez le pigeon ou la souris infectés). Il s’agit d’ailleurs d’une présomp- tion el non d’une certitude, mais les arguments suivants, réunis, ne paraîtront sans doute pas dépourvus de valeur. Tout d’abord, il convient de remarquer que le virus, qui ne donne jamais de lésion au point inoculé, n’offre, dans ses loca- lisations secondaires, aucune particularité permettant d'admettre un développement libre au sein des humeurs (on ne constate, en effet, ni épanchements, ni exsudats quelconques). D’autre part, les humeurs pauvres en éléments figurés, comme le liquide céphalo-rachidien ou la sérosité oculaire, se montrent bien moins riches en germes que les humeurs où abondent les cellules, telles le sang. On a affaire, sans conteste, à un virus principalement héma- tique (ou même principalement vasculaire, si les parasites se rencontrent aussi dans les endothéliums des vaisseaux, — la chose est, relativement, peu importante). Pour savoir si l’agent 64 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. pathogène réside dans le plasma, les hématies, ou les leucocytes, reportons-nous à une curieuse expérience de M. Kolle, expé- rience que nous regrettons de n'avoir pu répéter et modifier de diverses façons. Notre savant collègue centrifuge du sang défibriné virulent, et constate que le sérum demeure inoffensif, tandis que le dépôt tue les animaux. Or, l'épreuve réussit aussi bien avec le sang laqué par l’eau distillée qu'avec le sang étendu de solution physiologique. Nous en concluons que les germes sont vraisemblablement contenus dans les seuls éléments résis- tant au laquage, c’est-à-dire les globules blancs!. Du reste, les sérosités dépourvues d'hématies, comme l'humeur aqueuse ou le liquide céphalo-rachidien, apparaissent toujours parfaitement virulentes. Notons encore ce fait que le parasite se conserve fort mal en dehors de l'organisme. Nous attribuons, en grande partie, sa mort rapide à sa sensibilité vis-à-vis des alexines intraleucocy- taires. Ne se trouve-t-1il pas, en quelque sorte, dans les mêmes conditions que certaines bactéries connues (bacillus anthracis, streptocoque) que l’on voit périr très vite au sein des exsudats riches en leucocytes, tandis qu’elles demeurent plus longtemps vivantes au sein des humeurs (Metchnikoff, Bordet). Enfin, l’immunité pour ainsi dire illimitée (voir notre 1°" mé- moire) des animaux qui ont résisté à la maladie, comparée à l’excessive gravité de celle-ci, — le pouvoir thérapeutique constant du sérum des sujets guéris, — et la possibilité d'obtenir, en peu de jours, un anti-corps spécifique, en partant des bovidés neufs (voir notre 2° mémoire), indiquent manifestement, selon nous, un rapport très intime de l’agent pathogène avec le système phagocytaire. Nous pensons que notre manière de voir s'applique aussi à d’autres affections et que la notion du siège intraleucocytaire de certains parasites, encore inconnus, pourra peut-être rendre des services dans leur étude. 1. I n'y à aucune raison de penser à un rapport quelconque de ces germes avec les hématoblastes, lesquels n’offrent d’ailleurs rien d’anormal dans la peste bovine, ainsi qué nous l'avons constaté à maintes reprises. Études sur un lait fermenté comestible LE «LEBEN» D'ÉGYPTE Par MM. EDOUARD RIST ET JOSEPIH KHOURY Ancien interne des hôpitaux Ancien préparateur de chimie de Paris. à l’École de pharmacie de Montpellier. Sous le nom de leben raïb ou tout simplement de Zeben dans l’Orient arabe, de yaourte en Grèce et en Turquie, on désigne un lait caillé spécial, dont l’usage alimentaire est universelle- ment répandu parmi les populations levantines. En Égypte, on produit le leben au moyen du lait de buffle, de vache ou de chèvre. Chaque famille fabrique le sien, et en conserve un peu, en guise de levain, pour provoquer, au fur et à mesure des besoins, la fermentation de nouvelles quantités de lait frais. L'opération s’accomplit de la manière suivante : le lait est d’abord porté à l’ébullition, puis versé dans des jattes où on le laisse refroidir. Lorsqu'il a atteint la température de 40° envi- ron, on l’ensemence avec un peu de vieux leben, auquel on donne le nom de roba. Au bout de six heures en moyenne en été — un peu plus en hiver — le lait est pris. Il forme un cail- lot assez floconneux, blanc, d’où exsude du sérum en petite quantité. C’est alors un mets d’un goût aigrelet, sucré, frais et réellement fort agréable, d’un arome sui generis. Il est très apprécié des indigènes et on le sert même souvent sur les tables européennes. Si on laisse la fermentation se prolonger, l'acidité augmente, et, au bout de 2 ou 3 jours le leben est immangeable. Le leben se fabrique en Égypte, de la manière que nous venons d'indiquer, depuis des siècles. Il en est fait mention par les auteurs les plus anciens; outre sa popularité comme ali- ns (3) 66 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. ment, il a joué et joue encore un rôle prépondérant dans la mé- decine arabe. Mais nous ne savons — pour n'avoir pas eu l’occasion de les comparer — si les lebens de Syrie et d'Arabie, si même les yaourtes turques et grecques sont absolument iden- tiques au mets égyptien. Au moment où nous achevions cette étude, nous avons pu constater, à la lecture de la fort intéres- sante thèse de M. Arnold, que le leben fabriqué par les indi- gènes d'Algérie est très différent de celui qu’on mange en Égypte, et que sa fermentation est due à d’autres microorganismes. Il est fort probable qu'il se fabrique encore ailleurs d’autres variétés de leben. Les faits que nous exposerons dans le cours du présent mémoire se rapportent donc exclusivement au leben d'Égypte. L'analyse chimique de différents échantillons de leben nous a fait voir que son acidité était due en grande partie à la pré- sence de l’acide lactique, et qu'il contenait toujours une cer- taine quantité d’alcool, dont la production, assez limitée, ne s’accompagnait d’ailleurs d'aucune effervescence. Il s'agissait donc d’une fermentation complexe, analogue à celle du képhir, et dont il pouvait être intéressant de faire l’étude détaillée. De nombreux échantillons, de provenances très diverses, examinés au microscope après coloration par le violet de gen- tiane en solution hydro-alcoolique ou par la fuchsine de Zieh} à froid, nous ont toujours donné des images identiques sous l'objectif. Parmi les flocons de caséine et les gouttelettes de beurre, on remarque de nombreux microorganismes qui appartiennent à cinq types distincts : I. — Un bacille assez gros, à bouts carrés, se mettant volon- tiers en chaïinettes de 5 à 10 éléments, chaînes qui s’incurvent légèrement en arc et ont une tendance à se grouper entre elles parallèlement, par faisceaux. IT. — Un bacille à peu près aussi long, mais beaucoup plus grêle, se montrant toujours par éléments isolés. IT. — Un diplocoque à grains un peu aplatis, ayant une 4. Montpellier, 1899. £ F Se LEBEN D'ÉGYPTE, 67 certaine ressemblance morphologique avec le gonocoque. IV. — Une levure à gros grains ovoïdes, trapus. V. — Une levure beaucoup plus allongée, en moyenne quatre fois aussi longue que large. Sauf dans des laits caiïllés datant de plus d’une semaine, nous n'avons jamais aperçu de microorganismes d’un autre type. L’ébullition préalable tue-t-elle tous'les germes contenus dans le lait frais? Et la couche épaisse de crème qui se forme à la surface des jattes où se fait la fermentation suflit-elle à pré- server le lait des germes atmosphériques? Ou bien faut-il sup poser que la présence des microorganismes spécifiques du leben est un obstacle au développement d’autres espèces? C’est une question que nous n'avons pas cherché à résoudre. Sur des préparations de sérum, en gouttes pendantes, nous n'avons jamais noté aucun mouvement spontané de ces orga- nismes. Ils se colorent très bien, tous cinq, par la méthode de Gram, ce qui permet d'obtenir des préparations très claires et très propres, où levures et bactéries apparaissent seules. Il Notrepremier soin, une fois ces constatationspréalables faites, fut de conserver dans notre laboratoire des échantillons qui puissent être toujours comparables entre eux. Nous avons donc distribué daas un grand nombre de tubes à essai, puis stérilisé à l'autoclave à 115° pendant 10 minutes, deux litres d’un même lait de vache. Ces tubes, ensemencés ensuite au fur et à mesure des besoins, nous ont servi pour tous nos essais. Puis nous avons procédé à la séparation des espèces et à leur isolement en culture pure. Mais dès le début nous avons eu à surmonter certaines difficultés assez inattendues. Dans nos pre- miers ensemencements, faits par dilutions successives, sur des tubes inclinés de gélose au bouillon de bœuf salé et peptonisé, les deux levures se développaient seules après 24 heures d’étuve à 37°, Les deux bacilles et le diplocoque n’apparaissaient pas sur ce milieu de culture. Pensant que ces espèces réfractaires étaient peut-être des anaérobies stricts, nous avons fait des cultures 68 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. dans la profondeur de la gélose préalablement glycosée à 2,5 0/0 - selon la méthode de Liborius modifiée par Veillon. Nous avons fait, en général, 6 à 8 dilutions successives, de manière à obtenir des colonies bien séparées, et nous avons répété les ensemencements un grand nombre de fois avec des échantillons divers, Nous avons obtenu des tubes constitués de la manière suivante : Les deux centimètres supérieurs de la gélose étaient occupés par de grosses colonies d’un jaune ambré, discoïdes, à bords nets, à développement rapide, et par d’autres, à développement plus rapide encore, qui poussaient autour d’elles des prolonge- ments ramifiés élégants, en forme de houppes. Les premières étaient constituées par la levure ovoïde, les secondes par la levure allongée, ce que l’on vérifiait facilement par repiquage sur gélose ordinaire en surface. Au-dessous de la zone limite, ces deux espèces disparais- saient complètement, En revanche, on en distinguait d’autres, beaucoup plus petites, et à développement précaire. Les unes, nuageuses, transparentes, extrêmement frêles, répondaient au gros bacille si abondant sur les préparations de leben. Les autres, opaques, nettes, sphériques, répondaient au diplocoque. Tardivement on voyait apparaître dans la profondeur quelques colonies analogues d’aspect à celles de la levure ovoïde, mais qui, à l’examen microscopique, se montraient constituées par le bacille fin et rare. Nous retrouvions donc dans ce milieu les cinq espèces que nous avait révélées le microscope. En coupant à un niveau con- venable le tube de Liborius, nous avons pu repiquer dans des tubes nouveaux et y obtenir des cultures pures des deux bacilles ét du dipiocoque. Nous eûmes la surprise de voir que les trois espèces se montraient aérobies facultatives. Mais elles ont obstinément refusé de pousser en surface sur des tubes de gélose ordinaire en surface. Il en fut de même pour le bouillon de bœuf peptonisé salé et pour le lait. Nous n’avons pu les isoler facilement qu’en profitant de l’aé- robiose exclusive des levures. Du lait stérile, privé d’air par l’ébullition, fut ensemencé avec du leben et mis dans un tube de Pasteur que nous scellâmes, après vide fait à la trompe. Le lendemain, après un séjour de 24 heures à l’étuve, le lait LEBEN D'ÉGYPTE 69 était coagulé, mais l'examen microscopique - n’y révélait plus que des bacilles et des diplocoques : les levures avaient entiè- rement disparu. Nous répétàämes encore une fois l’expérience, et nous fimes avec ce leben cultivé dans le vide des ensemen- cements sur gélose glucosée, mais au contact de l'air, Le len- demain, nous avions à la surface de notre gélose, à l'exclusion de toute colonie de levures, deux sortes de colonies : Les unes, irrégulières, d’un blanc argenté, ressemblaient à de petits flocons de givre; elles se montrèrent constituées par un bacille gardant le Gram, qui, semé dans du lait, le fit coagu- ler en moins de 24 heures, et qui était identique à notre premier bacille. Les autres, rondes, convexes, chatoyantes, translucides, bleuâtres par transparence, répondaient à notre deuxième bacille. Semé dans du lait, ce microorganisme le rendit rapide- ment acide, mais sans le faire coaguler. Restait le diplocoque, qui, malgré plusieurs tentatives réité- rées, refusait de pousser sur ce milieu. Nous l’avons obtenu faci- lement, au contraire, en semant le leben débarrassé de ses le- vures sur de la gélose lactosée à 2 0/0. Il y donna des colonies opaques, d’un blanc laiteux, très analogues à celles du strepto- coque pyogène, qui se laissèrent repiquer facilement ensuite sur gélose glucosée. Cette difficulté que présente le diplocoque à pousser d'emblée sur la gélose glucosée en surface est d’autant plus paradoxale que ce microbe pousse fort bien, et d'emblée, dans la profondeur de ce milieu, disposé comme dans les tubes de Liborius, Semé dans du lait, il l’acidifie et le coagule en moins de 24 heures. Nous avions donc, à partir de ce moment, les cinq microor- ganismes du leben isolés en culture pure. Cesisolements, recom- mencés plusieurs fois avec des échantillons différents, nous ont toujours fait aboutir aux mêmes résultats, Enfin, si nous ense- mencions du lait stérilisé avec les cinq microorganismes prove- nant de nos cultures, nous obtenions, après quelques tâtonne- ments, un lait caillé identique au leben comme aspect, comme goût et comme composition chimique. Parmi ces cinq microorganismes, deux seulement, le gros bacille — streptobacillus lebenis — et le diplocoque —-diplococcus lebenis — font coaguler le lait. Ils produisent en même temps 70 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR, de l’acide lactique. Nous verrons tout à l'heure que la coagula- tion se produit également lorsqu'on neutralise l’acide lactique au fur et à mesure de sa production, et que ces deux microbes sécrètent une présure. Quant aux deux levures dont l’une est une levure vraie, — saccharomyces lebenis, — et l’autre, la plus allongée, un myco- derme, — mycoderma lebenis, — elles ne sont ni l’une ni l’autre capables de faire fermenter le lactose. Semées dans du lait, à ‘état de pureté, elles s’y multiplient faiblement sans produire d'alcool. Mais elles font fermenter toutes deux énergiquement le sucre interverti. Il y avait donc lieu de supposer que l’un quelconque des autres microorganismes sécrétait une invertine du lactose. Nous avons cru d’abord que ce rôle était dévolu au bacille fin — bacillus lebenis — et nous avons constaté en effet qu’en sa présence le sucre de lait subit la fermentation alcoo- lique. Mais le streptobacille est à ce point de vue bien plus actif encore. On voit que le rôle de chacun des microorganismes dans cette fermentation symbiotique méritait d’être étudié d’un manière détaillée. C’est ce que nous avons tenté de faire, III Nous allons donner d’abord la description aussi complète que possible de chacune des espèces. $ 1. — Streptobacillus Lebenis. C’est un bâtonnet rectiligne, à bouts carrés, immobile, dépourvu de cils vibratiles et de capsule, long de 6 à 8 w en moyenne, épais de 1/2u. Il forme volontiers, dans les milieux liquides (bouillon), des chaînes assez longues, où il peut être malaisé de distinguer chaque article. Sur les préparations colorées par la fuchsine phéniquée à froid on voit très bien, au contraire, un espace clair entre les éléments. Dans ces chaînes, qui ont une tendance à se grouper parallèlement par fais- ceaux, on rencontre parfois des articles très allongés qui atteignent jusqu’à 18 1. Dans les cultures anciennes, ces dimensions sont de beau- coup dépassées : le bacille s’allonge, s’épaissit, prend des formes bos- — LEBEN D’'ÉGYPTE. 71 suées en massue; la trame protoplasmique, d'homogène qu’elle parais- sait, devient granuleuse et prend irrégulièrement la couleur. Il s’agit alors de formes de régression. D’autres fois, dans certaines cultures en bouillon, on trouve des flocons constitués par un véritable chevelu de bacilles extrêmement contournés; là encore, à côté de fila- ments d'épaisseur normale, on en trouve d’autres beaucoup plus épais. Dans le lait, comme à la surface de la gélose lactosée ou glucosée ces formes filamenteuses manquent ; le microbe s’y présente en bâton- nets d'épaisseur constante, de longueur peu variable, presque tou- jours isolés ou formant des chaînes très courtes. Le meilleur moyen de le conserver vivant, est de le cultiver dans du lait à la température ordinaire. 1l suffit alors de le repiquer tous les mois. Sa vitalité est précaire dans la profondeur de la gélose su- crée, Deux ou trois jours après que les colonies sont devenues visibles à l’œil nu, les réensemencements en demeurent stériles. Il en est de même, à peu de chose près, à la surface de la gélose sucrée. Au début, lors de la séparation des espèces, l’acclimatement du mi- crobe à ce milieu peut même être — selon les échantillons — très difficile. Il arrive que le bacille pousse sur la gélose lactosée ou glucosée en même temps que les autres microbes, mais que les repiquages sur ce même milieu, pour l’obtention de cultures pures, demeurent 'obstinément stériles. Ou bien l’on parvient à obtenir une première culture pure qui ne se laisse pas réensemencer. Il faut alors faciliter l’acclimatement en faisant repasser le microbe par le milieu qui lui est favorable, le lait. On finit ainsi. par l’accoutumer à pous- ser sur la gélose sucrée et dans le bouillon sucré : il y vit huit jours ou même un peu plus à la température ordinaire. A l’étuve il pousse plus vite, mais meurt beaucoup plus rapidement. Les réensemence- ments doivent toujours être faits largement, sous peine de demeurer stériles. l Toutes les couleurs d’aniline colorent le streptobacille, Le procédé, de Gram quicolore admirablement le bacille vivant le décolore, au con- traire, lorsqu'il est mort. C’est une épreuve utile qui permet de prévoir à coup sûr si tel réensemencement fait en prélevant sur telle culture sera oui ou non fertile. Tant qu’il reste sur la préparation quelques éléments colorés, et pourvu qu’on sème sur un milieu favorable (lait), on sera assuré d’un résultat positif. Sur la surface de la gélose lactosée ou glucosée, on obtient, en 48 heures d’étuve à 37°, des colonies, qui, à l’œil nu, présentent l’aspect suivant : ce sont de petites taches plates, à contoursirréguliers, à sur- face irrégulière, — presque complètement incolores par réflexion, à ce 72 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. point qu’on les distingue à peine du milieu, — d’un gris pâle légère- ment bleuâtre par transparence. Elles sont translucides; il semble que leur surface grise soit traversée de stries brillantes. L’éclat argenté de ces colonies, l’irrégularité de leurs bords et de leur surface les fait ressembler à de petits flocons de neige en train de fondre. Examinées sous le microscope à un faible grossissement (Zeiss : obj, 16 %*, aper. 0,30 ; ocul. n° 2), ces colonies semblent composées de cir- convolutions irrégulièrement incurvées et enchevêtrées, que séparent des sillons, Leur couleur est brune au centre et se perd vers les bords. Ces colonies augmentent peu de grandeur. Il est bien rare que, dans des tubes où elle sont très isolées, elles atteignent 4 * de dia- mètre. Le plus communément, elles restent à 1,5 ou 2 %. Dans la profondeur de la gélose sucrée (tubes de Liborius), les colonies du streptobacille sont de consistance extrêmement ténue; elles ont l’air sur le point de se dissoudre dans le milieu; transpa- rentes, prenant la couleur de la gélose. elles ont un aspect nuageux, des contours mal définis. | Sur la gélose ordinaire au houillon salé peptonisé, sans addition de sucre de raisin ou de sucre de lait, le bacille, comme nous l'avons vu, refuse absolument de pousser. 1l en est de même sur la gélatine ordi- naire, en stries ou en piqüres. Pour s'assurer si la trypsine est au nombre des ferments qu'il produit, il faut le semer par piqûres dans la gélatine lactosée à 2 0/0. Le microbe y pousse mal et très lente- ment ; la culture ne forme pas une ligne continue ; mais on voit, tout le long de la piqûre, un chapelet de colonies de grosseur variée — jusqu'à une petite tête d'épingle — blanches, très denses, opaques, à bords parfaitement circulaires. La gélatine n’est pas liquéfiée, Sur pomme de terre, il n’y a pas de développement. Dans le bouillon ordinaire salé peptonisé, le streptobacille refuse de pousser. Dans ce même bouillon additionné de lactose ou de glu- cose, il pousse, mal au début, puis de mieux en mieux, troublant d’abord le liquide, qui, lorsqu'on l’agite, prend un aspect chatoyant et moiré, puis se précipitant au bout de quelques jours en gros flocons au fond du vase, Nous l’avons semé aussi dans du petit-lait, obtenu par filtration de lait coagulé par la présure sur une bougie Chamberland à la pression de 4 ou 5 atmosphères. La culture s’y faisait assez mal, demeurait peu abondante et s’épuisait vite, Nous avons vu déjà que le streptobacillus Lebenis est indifférem- ment aérobie et anaérobie, Nous l'avons cultivé dans le vide ou dans une atmosphère d'hydrogène, soit dans du bouillon sucré, soit à la LEBEN D'ÉGYPTE, 73 surface de la gélose sucrée, Dans aucune de ces cultures il ne se fait de développement apparent de gaz. Dans aucune condition, nous n'avons observé de production de spores. Semé dans du lait, le streptobacillus Lebenis le fait coaguler à l’étuve à 37° en six heures environ. Le lait ainsi coagulé est très net- tement acide ; le microbe fait en effet subir au sucre de lait la fer- mentation lactique. Nous avons mesuré cette acidité dans une culture sur petit-lait de 24 heures: elle était de 0sr,261 0/0, exprimée en acide lactique, Cette quantité d'acide lactique était-elle suffisante pour expliquer la coagulation du lait? Pour nous en assurer, nous avons fait les expé- riences suivantes. À cinq tubes contenant respectivement 19, 18, 16, 14 et 12 c. c. de lait stérilisé, nous avons ajouté le contenu de tubes renfermant 1, 2, 4,6 et8 c. c. d’une solution d’acide lactique à 1 0/0, de manière à avoir dans chaque tube un volume total de 20 c. c. Le tout a été mis à l’étuve à 370 et observé après six heures de séjour. À ce moment, trois tubes sur cinq étaient coagulés, Les tubes furent remis à l’étuve, et retirés de nouveau au bout de 24 heures. Ils avaient conservé le même aspect, Nous avons procédé alors au dosage de l'acidité totale de chacun des tubes mis en expé- rience afin de tenir compte des pertes de liquide subies par la sté- rilisation, le transvasement, etc. Voici le tableau des résultats : Tube ne 1 acidité exprimée en a. lactique */, — 0,215: lait non coagulé, 2 » —= 0,342; » 3 » — 0,558 : coagulation peu nette. 4 » — 0,720 : coagulation nette, E » — 0,900: » Ainsi notre streptobacille coagule le lait avec une acidité de 0,26 0/0, tandis qu’une acidité de 0,34 0/0 ne produit pas le même effet en l’absence de microorganisme. Le caillot produit par l’acide lactique seul est d’ailleurs différent comme aspect : il est plutôt cons- titué par des grumeaux nettement séparés de la portion séreuse, tan- dis que, sous l'influence du streptobacille, le lait se prend en un seul bloc. | Nous avons encore, reprenant une expérience faite par Freuden- reich pour déceler la production de caséase par des ferments lactiques, cultivé notre bacille dans du lait additionné d’une grande quantité de carbonate de chaux, afin de neutraliser l'acide lactique au fur et mesure de sa production. Dans ces conditions, le lait se coagule l’étuve en moins de 24 heures, à à 14 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Il faut donc admettreque notre bacille, tout ferment lactique qu'il est, sécrète une présure, En revanche il ne sécrète pas de caséase. Des tubes que nous avons conservés pendant des mois ont été retrouvés inaltérés, et nous n'avons pu, par nos analyses, y déceler de peptones. $S 2. — Bacillus Lebenis. C’est un bacille très mince, long de 2 à 6 w, parfois un peu incurvé, immobile, dépourvu de cils vibratiles et de capsule. Il se présente ordinairement sous formes d'éléments isolés, forme des amas lors- qu’on le cultive sur des milieux solides, mais jamais de chaînes. Il ar- rive que, dans les cultures un peu anciennes dans le lait, on trouve deux ou trois bacilles bout à bout, donnant l'aspect d’un petit filament plus ou moins incurvé. On n’observe pas de formes monstrueuses, et le microbe reste en somme très identique à lui-même dans les différents milieux. Dans le lait ou le petit-lait il a parfois un aspect granuleux, qui le fait ressem- bler au bacille de la tuberculose, dont le rapprochent d’ailleurs sa forme et ses dimensions. Il est moins délicat que le streptobacille, et se conserve beaucoup plus longtemps dans les milieux artificiels. Il ne produit pas de spores. Indifféremment aérobie ou anaérobie, il partage avec le streptobacillé la propriété de ne pousser que sur des milieux sucrés. Comme lui il garde le Gram tant qu’il est vivant, et le perd sitôt qu'il est mort. Les éléments individuels paraissent mourir assez vite, mais les colonies mettent longtemps à épuiser les ressources nutritives des milieux. Aussi peut-on voir sur des préparations de colonies rela- tivement jeunes (48 à 72 heures) des éléments tout à fait incolores à côté de bacilles bleu foncé. Sur la surface de la gélose lactosée ou glucosée, les colonies appa- raissent au bout de 24 heures d’étuve sous forme de petits points transparents, presque incolores, en goutte de rosée, et au bout de 48 heures elles ont pris leur aspect caractéristique : ce sont alors, vues par réflexion, des taches convexes, d’un blanc transparent très légè- rement jaunâtre, à bords nettement circulaires, à surface humide et brillante. Vues par transparence, elles sont, au contraire, d’un bleu porcelainé intense et offrent souvent des irisations. L’éclat de leur surface est remarquable; il arrive que, dans certains tubes, les colo- nies aient toutes l’aspect qu'offrent des grains de fécule examinés à la lumière polarisée, et que l’on voie à leur surface comme une croix de Malte chatoyante. Elles atteignent et ne dépassent guère 2 à 3 milli- mètres de diamètre. , : LEBEN D'ÉGYPTE, 75 À un faible grossissement, les colonies très jeunes ont l’aspect de gouttes de rosée et forment de petites taches rondes, incolores, à bords parfaitement circulaires. Plus tard, elles ont une teinte jaune qui peut même devenir assez foncée et qui est surtout marquée vers le centre beaucoup plus épais. Un mince liséré incolore semble entourer ce noyau central et se limite par un rebord granuleux. Toute la surface de la colonie paraît d’ailleurs finement granuleuse. Dans le cas où l’on a l’aspect en croix de Malte décrit plus haut, on voit que les colonies ont l’air d’être composées de couches concentriques imbriquées, rap- pelant l’aspect d’un bulbe d’oignon coupé perpendiculairement à son axe, ou d’une coupe de grain d’amidon. Il s’agit probablement d’une déshydratation inégale des différentes zones de la colonie. Dans la profondeur de la gélose sucrée, le bacille donne des colo- nies opaques, jaunâtres, sphériques ou discoïdes, à bords nets. Lorsqu'on le sème par piqûre dans la gélatine lactosée, on voit bourgeonner tout autour du canal de piqûre une série continue de petites colonies blanches, rondes, très régulièrement disposées, et paraissant fixées au canal central comme un grain de raisin sur la grappe. Il ne se produit pas de liquéfaction. Dans le bouillon lactosé ou glucosé, il se forme dès le 2 jour un trouble uniforme abondant, qui donne au liquide, lorsqu'on l’agite, un aspect chatoyant. Il se produit de l'acide lactique. Il en est de même dans le petit-lait, où le bacille pousse admirable- ment, trouble le liquide, et donne au bout de 48 heures un abondant dépôt blanchâtre. IL y développe, en 24 heures, une acidité de 0,216 0/0 exprimée en acide lactique. Le lait, où le microbe pousse fort bien, n’est jamais coagulé. Il n’y a pas de développement sur pomme de terre, S 3.— Diplococcus Lebenis. Il se présente toujours par deux. Les chaînes sont nettement com- posées de diplocoques, souvent en voie de division, et dont les élé- ments sont aplatis dans le sens de la longueur, comme le gonocoque. Les éléments sont assez gros, 1/3 & de diamètre environ. Dans le leben, on ne trouve guère que des diplocoques; mais dans les cultures pures, sur lait, on trouve déjà de courtes chaînes. Dans le petit-lait, les chaînes peuvent devenir très longues : nous en avons compté de plus de cent éléments. Le diplocoque se colore bien par toutes les couleurs d’aniline et reste d'un beau bleu-noir après la réaction de Gram. Mais les éléments morts se décolorent par cette réaction. 76 ANNALES .DE L'INSTITUT PASTEUR. Sur la gélose laétosée, les colonies apparaissent au bout de 24 heures sous forme de gouttelettes un peu aplaties, d’un blanc sale, translucides ; leurs bords ne sont pas tout à fait circulaires. Elles sont souvent de taille inégale dans un même tube, A un faible grossissement, ce sont des disques jaunâtres, à surface un peu villeuse, sans rien de bien caractéristique. Les colonies un peu vieilles sont plus foncées, presque brunes, et ont des contours plus flous; elles ont un aspect spongieux. Dans la profondeur de la gélose sucrée, les colonies représentent de petites sphères blanches, à surface lisse, opaques. Dans la gélatine lactosée, par piqûre, la culture se fait mal et son développement s'arrête au bout de peu de jours. Le long du canal de piqûre s’'échelonnent, séparées par de petits intervalles, de très petites colonies rondes, blanches par réflexion, brun sombre par transparence, à bords parfaitement nets. La gélatine n’est pas liquéfiée. Dans le bouillon sucré, il se fait un développement abondant et rapide; le liquide se trouble, et un précipité granuleux, cohésif, d’un blanc grisâtre, se dépose au fond du tube. Il pousse également bien dans le petit-lait, et il y développe des matières volatiles à odeur de fromage, ainsi que de l’acide lactique (0,396 0/0 en 24 heures). Le lait est rapidement coagulé. Le microbe, comme le streptobacille, sécrète une présure qui coagule la caséine, comme on peut s’en assurer en neutralisant l’acide lactique par du carbonate de chaux, au fur et à mesure de sa production. Le diplocoque Lebenis ne donne pas de spores. Sa vitalité est assez grande. On peut le conserver dans du lait pendant plusieurs mois. $ 4. — Saccharomyces Lebenis. C’est une levure vraie, dont les grains de forme ovoïde ont un grand diamètre variant entre 3 et 6 , un double contour net, un contenu granuleux. Les éléments sont en général isolés, très rarement par deux; les bourgeons se détachent très jeunes. Nous n’avons jamais observé de formes mycéliennes. Le S. Lebenis a une longue vitalité, et nous en avons pu faire des réensemencements fertiles au bout de plusieurs mois. Nous n’avons jamais pu obtenir de spores, ni en lais- sant séjourner de la levure sur des filtres, ni en la cultivant sur des cylindres de plâtre. Toutes les colorations par les couleurs basiques d’aniline réussis- sent. La méthode de Gram donne une belle teinte bleu foncé. La E: se né MN tin tue dla és pd. pété ue LEBEN D'ÉGYPTE. Gig: persistance de la réaction ne nous à pas paru être aussi nettement en rapport avec la vie du microorganisme que pour les bactéries décrites plus haut. Lorsqu'on cultive le S. Lebenis, provenant directement du leben, dans de la gélose sucrée en profondeur, il se montre aérobie strict et ne pousse absolument que dans la zone supérieurede la colonne de gélose. Nous avons vu que du lait ensemencé avec du leben et cultivé dans un tube de Pasteur bien purgé d'air à la trompe se coagule, mais que l’on n’y trouve au bout de 24 heures ni saccharomyces. ni mycoderma Lebenis.On peut ainsi se débarrasser: complètement de ces deux microorganismes. Pourtant cette aérobiosestricte n’est pas une propriété constante du Saccharomyces. Nous verrons, en effet, qu'il fait fermenter un certain nombre de sucres, et cette fermentation, ainsi qu'on pouvait s’y attendre, se produit aussi bien à l’abri qu’au contact de l'air, Si l’on resème sur gélose sucrée en profondeur de la levure venant de faire fermenter du moût de raisin par exemple, on verra les colonies de Saccharomyces se développer du haut en bas du tube : pourtant les colonies de la zone supérieure sont notablement plus grosses et plus serrées que celles de la zone privée d'air, qui forment un nuage extrêmement fin. Le S. Lebenis pousse bien sur gélose ordinaire non sucrée. Il y donne au bout de 48 heures d'étuve de petites colonies blanches, assez transparentes, à bords nettement circulaires, à surface humide et convexe. Ces colonies n’augmentent guère de dimension dans les jours suivants, et ne dépassent pas 3 millimètres de diamètre. À un gros- sissement faible, elles se présentent sous l’aspect de taches jaunes, à bords parfaitement circulaires, à surface convexe finement granuleuse. A l’intérieur de la gélose sucrée, ce sont des colonies blanches, discoïdes ou sphériques, compactes, denses, opaques, à surface par- faitement nette, qui peuvent atteindre d’assez grandes dimensions. Dans la gélatine sucrée, il se développe, le long du canal de piqûre, un chapelet de fines colonies rondes ou ovales, étroitement serrées les unes contre les autres: dans le haut du tube, ces colonies poussent des ramifications sous forme de houppes serrées; ces ramifications ne dépassent pas 3 ou 4 millimètres et sont fort épaisses. Il ne se produit aucune liquéfaction. Cultivé dans du bouillon lactosé, il pousse assez bien, trouble le liquide, et se dépose dans le fond du vase, sans donner lieu à la fer- mentation alcoolique. Ilenest de même dans le petit-lait, La levure vit dans le lait qui reste inaltéré. Nous l’avons cultivé dans du moût de raisins secs contenant 19 gr. 0/0 18 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. de glucose, et ayant une acidité totale équivalant à 28,142 0/0, exprimée en acide oxalique. Il s’y développe très bien, trouble le liquide, puis se dépose abondamment au fond du vase, en donnant lieu à une effervescence très active. La fermentation paraît se faire un peu plus énergiquement à l’étuve, mais elle dure alors moins long- temps. Au bout de 36 jours à la température ambiante du laboratoire (environ 26° C.) la fermentation était généralement terminée, L'examen du moût pratiqué au bout d’un semblable délai nous a donné les résultats suivants : Odeur agréable de fruits : le liquide s’est clarifié et sa couleur a passé du brun à un beau jaune d’or. Analyse chimique : CIUCOSE SRE ER a .. D gr. 982 0/0 AGIMTEMIOAIER EE rec ner . 0 — 49 — en acide oxalique, AGE STRESS TE Ce vous 0 — 46 — id. AGIdeSMVOlANIS RE AER CEE" .... Ù — 03 — en acide acétique, AICOOLÉTRYITUE RE EE NET Ségo tlO 2 — en volume. Si le Saccharomyces Lebenis est incapable de faire fermenter le lactose, il a pourtant la propriété de faire fermenter d’autres disac- charides, entre autres le saccharose et le maltose. Semé dans une solution de saccharose à 10 0/0, il s’y est développé assez lentement d’abord, et n’a commencé à produire d’effervescence qu’au bout de 11 jours. Le liquide exactement neutralisé a été distillé 13 jours après ; le distillat a donné les principales réactions de l’alcoo! vinique (formation de cristaux caractéristiques d’iodoforme, etc...) Le milieu sucré contenait 7 #,125 0/0 de sucre énterverti, le reste du sucre ayant subi la fermentation alcoolique. Notre levure intervertit done le saccharose, mais laisse le lactose inaliéré. Semée dans le moût de bière, elle y provoque une fermentation extrêmement énergique, et agit comme levure haute. Pour qu’une fermentation alcoolique se développe dans des milieux lactosés où l’on a semé notre levure, il faut qu’elle s'y trouve en sym- biose avec d’autres microorganismes. Nous avons ensemencé du bouillon lactosé à 2 0/0 avec le saccha- romyces et le streptobacillus, et nous avons vu se produire une fer- mentation très nette. Au bout de plusieurs semaines, le bouillon a été distillé après neutralisation. Traité par une solution de potasse et la liqueur iodo-iodurée, le distillat nous a donné une odeur nette et des cristaux d’iodoforme nombreux. La même expérience faite sur un bouillon où avaient poussé simultanément la levure et le bacillus Lebenis a donné une odeur faible d’iodoforme, mais pas de cristaux. sévit at ce cle dpt ab: dede n LÉBEN D'ÉGYPTE. 79 Enfin la réaction de Lieben etdemeuréecomplètementnégative avec du bouillon lactosé ensemencé avec le diplocoque et le saccharomyces. C’est donc le streptobacillus et accessoirement le bacillus Lebenis qui permettent à notre levure de faire dans le lait de la fermentation alcoolique. Nous reviendrons tout à l’heure sur cette coopération. S 5. — Mycoderma Lebenis. _ Les éléments se rencontrent isolés ou groupés en mycélium. Dans le premier cas, leurs dimensions oscillent entre 6 et 12 & de lon- gueur sur environ 3 & de large; dans le second, on voit les articles s’allonger et s’amincir, et atteindre 33 y et plus sur 1,5 ou 2 y d’épais- seur, Souvent il semble que les extrémités arrondies des individus isolés soient un peu renflées, en biscuit. Dans les arrangements mycé- liens cette forme ne s’observe pas : les articles se disposent bout à bout en s’étirant pour ainsi dire, et les bourgeons latéraux donnent naissance à des chaînes secondaires se détachant à angle presque droit. Les deux aspects se rencontrent dans le leben. Examinés vivants sans coloration, les éléments se montrent entourés d’un double contour : leur protoplasma finement granuleux contient souvent d'assez grosses vacuoles. Ils se colorent bien par les couleurs d’aniline, etconservent bien le violet aprèslaréaction de Gram, La vitalité est End nous n'avons pu obtenir de spores sur cylin- dres de plâtre. Vis-à-vis de l’oxygène, le M. Lebenis se comporte absolument comme le saccharomyces précédemment étudié. Cultivé sur gélose ordinaire en surface, il donne des colonies d’un blanc grisâtre, opaques, crémeuses, peu surélevées, à surface humide, Les bords des colonies jeunes sont assez régulièrement circulaires : plus tard ils se dentèlent, en même temps qu’apparait une sorte de stratification en zones concentriques. Les colonies, dans le même tube, atteignent des dimensions assez variables, Pourtant, c’est en moyenne l’espèce qui fournit les plus grosses colonies parmi les cinq microorga- nismes du leben. On en voit qui ont 6 à 8 millimètres de diamètre. Examinées à un faible grossissement, elles sont de couleur grise, plus accentuée au centre; toute la surface est villeuse, presque épineuse. Sur gélose sucrée ou lactosée, le mycoderme pousse mieux encore et donne des colonies plus grosses. Dans la profondeur de la gélose sucrée, les: colonies exclusivement aérobies prennent une couleur d’un gris verdâtre, et leur centre s’entoure d’un chevelu très ramifié, s'étendant assez loin, et que le microscope montre composé d’arborisations très élégantes. 80 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Semé par piqüre dans la gélatine lactosée, il donne tout le long du canal un développement très abondant près de la surface, de moins en moins abondant à mesure qu'on va vers le fond, — en sorte que la culture a la forme d’un cône à base supérieure, Le iong de la piqüre s'égrènent de petites colonies rondes, blanches, d’où part un chevelu ramifié très délicat qui se dirige perpendiculairement à l’axe du tube, et qui, tout à fait en haut, occupe toute la largeur de la colonne de gélatine, A la surface même de la gélatine, il se forme une sorte de couche croûteuse, mince, sèche, nacrée, beaucoup plus consistante et continue à la périphérie qu'au centre, où elle semble divisée en îlots. La gélatine n’est pas liquéfiée. Semé dans du bouillon lactosé, le mycoderme pousse assez mal, en donnant un voile très mince et transparent, grisâtre, fragile, qui s’accole aux parois du vase et que l’agitation fragmente facilement. Le liquide est légèrement troublé et il se fait un dépôt au fond du tube. Il ne se produit pas de fermentation. Il en est de même dans le petit- lait. Dans le moût de raisins secs au contraire, la culture est active et la fermentation alcoolique manifeste ; il se produit un voile plus épais que celui des cultures en bouillon, voile duquel des masses micro- biennes grumeleuses tombent peu à peu au fond du vase.Tout le liquide finit par être trouble, mais le développement le plus abondant se fait toujours à la surface, et il finit par y avoir de très gros flocons au fond du vase. La fermentation, à la température ordinaire, se pour- suit pendant une quinzaine de jours environ, puis diminue beaucoup d'intensité et finit par s'arrêter. Un moût examiné au bout de 37 jours possédait une odeur plus aigre et moins agréable que celle du moût fermenté par le saccharo- myces, et était de nuance plus claire. L’analyse y décelait : GlUCOSE NERO: 0 gr. 67 0/0 ACITITÉMOAIES LE Eee 0 — 42 — en a. oxalique, ACIDE SIRES Sr ER ee 0 — 38 — — VOUS EE RENE, 0 — 036 — en a. acétique. Alcooléthylitque.2... tr. 9 — — en volume. Semé dans une solution de saccharose, le mycoderme y pousse assez mal, mais n’y produit ni fermentation alcoolique, ni interver- sion du saccharose. En revanche, il attaque le maltose et fait fermenter, bien que faible- ment, le moùût de bière, Dans le bouillon lactosé, la présence du streptobacille, et, à un moindre degré, du bacille, permet au mycoderme de faire fermenter le sucre de lait. LEBEN D'ÉGYPTE. 84 IV Ces cinq microorganismes sont-ils bien les agents de la fer- mentation du leben? leur action est-elle seule en jeu? Pour le prouver, il fallait fabriquer du leben au moyen de nos cultures pures, et s'assurer de l'identité de composition chimique de ce produit artificiel et du leben ordinaire. On obtient souvent du leben qui ne diffère en rien de celui qu’on mange en Égypte en semant simplement les cinq micro- organismes dans du lait bouilli ou stérilisé, et en laissant à l’étuve pendant quelques heures. Mais on n'y réussit pas toujours. Il arrive que les bactéries coagulantes se développenttrop vite et trop abondamment, par rapport aux blastomycètes. Il est pro- bable que ceux-ci, pour n’avoir pas été semés en quantité suffi- sante dès le début, sont englobés dans les flocons de caséine et que la fermentation alcoolique s’en trouve gênée. Pour agir à coup sür, on peut semer d’abord dans le lait les deux blastomycètes avec le bacillus Lebenis, qui rend possible la fermentation, sans coaguler la caséine. On sème ensuite le strep- tobacille et le diplocoque, lorsque les premiers microorganismes ensemencés ont eu le temps de se développer. De cette façon, l'équilibre microbien s’établit plus aisément et chacun des agents de fermententation se développe selon la proportion la plus favorable. Il se produit là quelque chose d’analogue à ce que l’on observe dans la fabrication artificielle de kéfir dont la fermentation a tant d’analogie avec celle qui fait l’objet de ce travail. Freuden- reich ‘, qui a fait récemment du kéfir une étude bactériologique approfondie, explique par des raisons semblables aux nôtres les échecs fréquents, surtout au début, qu’il rencontra en ense- mençant du lait avec des cultures pures de ferments de kéfir. Nous avons montré que le streptobacille etlediplocoque, tout ferments lactiques qu’ils sont, n’en sécrètent pas moins une pré- sure, et qu'ils sont donc à la fois ferments du lactose et ferments de la caséine. Nous n’avons pu isoler cette présure. Nos essais nous ont montré qu’elle se laisse arrêter par les filtres poreux, 1. Bo. V. Freunenrelcn, Bacteriologische Untersuchungen über den Kéfir, Cen- tralblatt f. Bacteriologie. II Abth., 1897 N° 2 et suiv. 6 82 ANNALES. DE L'INSTITUT PASTEUR. etnous n’avions pas à notre disposition d'autres moyens pour cher- cher à l'isoler. Mais sa présence est attestée par les expériences que nous avons rapportées plus haut. Freudenreich avait montré déjà que certains ferments lactiques sécrètent de la caséase. Nos recherches établissent qu’il existe aussi des microorganismes capables de faire subir au lactose la fermentation lactique, tout en sécrétant une présure, fait que l'on n’avait pas, croyons-nous, constaté jusqu'ici. D'autre part, contrairement à la règle ordi- naire, nos bactéries présurantes ne sécrètent pas de caséase. Les modifications chimiques subies par le lait sous l'action des ferments du leben sont donc très analoguesà celle qu'il subit dans l’estomac du nourrisson, où il se coagule sous la double influence des acides et de la présure. Mais il s'y ajoute une autre action, dont la résultante est la production d'alcool. Si notre saccharomyces et notre mycoderme faisaient subir au lactose la fermentation.alcoolique, le problème serait par là même résolu. Mais nous avons vu qu'il n’en estrien. Nos deux blastomycètes font fermenter le glucose et le maltose, mais non pas le lactose. Notre saccharomyces est même capable d'intervertirle saccharose, pour faire ensuite fermenter le glucose ainsi obtenu. Mais il laisse le lactose inaltéré. En présence du streptobacille, au contraire, nos deux blas- tomycètes produisent dans un milieulactoséla fermentation alcoo- lique. Freudenreich avait de mêmeisolé dans le kéfir une bactérie (streptococcus b) qui permet à la levure du kéfir de faire fermenter le lactose, et il suppose que le rôle de ce streptocoque consiste à dédoubler le lactose en monosaccharide., C’est là aussi l’hypo- thèse que nous avions faite pourinterpréterl’actiondenotre strep- tobacille. Nous avons cherché à en avoir la vérification chimique et, avec l’aide de M. Gillet, pharmacien à l’hôpital des Enfants- Malades, nous avons analysé une culture pure de streptobacille dans du bouillon lactosé à 2 0/0. Après avoir déféqué le bouillon au moyen du sous-acétate de plomb, et enlevé l’excès de plomb par le carbonate de soude, nous avons traité le liquide ainsi obtenu parle chlorhydrate de phénylhydrazine en excès en liqueur acétique en présence de l’acétatede soude, au bain-marie pendant environ une heure. Si le bouillon avait contenu du glucose, le glucosazone produit, insoluble dans l’eau à chaud, se serait pré- cipité; mais en filtrant, et en traitant le filtrat par l’acétone LEBEN D'ÉGYPTE. 83 bouillant, nous n’avons pas obtenu de cristaux par l’évaporation. Dans la liqueur filtrée, devait rester le lactosazone et — par hypothèse — le galactosazone, tous deux précipitables à froid; Je précipité fut repris plusieurs fois par l’eau pour le purifier et le faire cristalliser, — mais les cristaux observés étaient du lactosazone, et nous n'avons pu voir de galactosazone, même en reprenant le précipité par l’alcool étendu chaud. Il ne nous a donc pas été possible — et l’expérience a été répétée à plusieurs reprises — de déceler d’autresucre que du lac- tose dans la culture. Il est probable cependant qu’une interver- sion se produit, mais que les produits de dédoublement subissent aussitôt la fermentation lactique. C’est là du reste la théorie généralement adoptée de cette fermentation. On comprendrait dès lors que la levure se développant dans un milieu où se pro- duisent ces phénomènes puisse faire subir la fermentation alcoo- lique à une partie du sucre interverti, alors que le reste est aussitôt converti en acide lactique par le streptobacille. Mais s’il en est ainsi, le diplocoque qui est, lui aussi, un fer- ment lactique, mais qui ne rend pas le lactose fermentescible pour les levures, attaquerait le sucre de lait directement sans l'intervertir. On voit que le problème se complique singulière- ment, et il paraît difficile de le résoudre en l’état actuel de nos connaissances, | D’après ce que nous avons dit des propriétés biologiques des microorganismes du leben, — on voit que le streptobacille et le diplocoque produisent de l’acide lactique et font coaguler le lait par l’action combinée de l’acide lactique ainsi produit et de la présure qu'ils sécrètent. Nous avons vu, de plus, que le strep- tobacille rend le lait fermentescible pour le saccharomycète et le mycoderme, qui tous deux donnent lieu à la production d'alcool et probablement de quelques autres composés moins bien définis qui contribuent à donner au caillé son arome. Reste le petit bacille fin, bacillus Lebenis, dont le rôle ne sem- ble pas très clair. Il donne lieu à un peu d’acide lactique, il rend le lactose fermentescible, — à un moindre degré que le strep- tobacille, — mais son absence dans les lebens que nous avons fabriqués artificiellement ne nous a paru entraîner aucune diffé- rence dans les propriétés du produit obtenu. Freudenreich a pu de même produire du kéfir sans l’aide du bacillus Caucasicus que 84 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. l’on trouve pourtant dans tous les échantillons de kéfir. En terminant, nous voudrions encore rappeler cette propriété intéressante de nos bactéries, de ne pousser que sur des mi- lieux sucrés, — propriété qu’ils partagent du reste avec les orga- nismes du kéfir. Cet exclusivisme est le meilleur argument que l’on puisse donner en faveur de leur spécificité, — spécificité acquise par l’accoutumance prolongée à un même milieu, le lait. Il est donc très probable que la symbiose de nos cinq microorganismes remonte à une époque assez lointaine dans le passé, et que c’est au cours d'innombrables réensemencements qu’ils ont acquis quelques-unes de leurs propriétés. On connaît en effet bien peu de microorganismes aérobies pour lesquels le sucre soit une condition sine qua non d'existence, SUR UN ROLE PARTICULIER DES HYDRATES DE GHRBONE DANS L'UTILISATION DES SELS INSOLUBLES PAR L'ORGANISME Par L. VAUDIN Si l’on cherche dans les traités de physiologie ou de chimie physiologique, les conditions dans lesquelles les matières mi- nérales insolubles dans l’eau sont transportées dans les liquides de l’organisme animal, à partir de leur introduction dans le tube digestif, on n’y trouve à cet égard que des renseignements in- certains et vagues; parfois même cette question semble avoir été complètement mise de côté, Que deviennent les sels insolubles après l’action du liquide salivaire, après celle du suc gastrique? Par quel mécanisme pénètrent-ils dans le sang pour compenser les pertes inces- santes que ce liquide subit? Les aliments introduits dans le tube digestif sont tout d’abord soumis à l’action de la salive mixte collectée dans la bouche. Il ne semble pas que jusqu'ici on ait pensé que, sous l'influence de cette sécrétion, les éléments minéraux puissent subir soit dans la bouche, soit pendant leur séjour dans l’esto- mac, une modification importante dans leur manière d’être. On a, au contraire, tout naturellement attribué la dissolution des sels insolubles, phosphates et carbonates terreux, à l’acidité du suc gastrique. Les travaux que j'ai publiés sur les phosphates du lait, et 86 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. sur la migration du phosphate de chaux dans les plantes m'ont conduit à rechercher si la dissolution des phosphates terreux ne se faisait pas par une autre voie. On sait que le lait contient du phosphate de chaux sous deux formes, l’une en suspension dans le liquide avec la plus grande partie des matières protéiques, l’autre en dissolution. La sépara- tion de ces phosphates peut s’effectuer au moyen d’un tube de terre poreuse ou d’une bougie filtrante, ainsi que l’a indiqué M. Duclaux. Pendant longtemps, l'opinion généralement admise était que ce sont les matières protéiques qui tiennent en dissolution les phosphates contenus dans le lait, ce n’est qu'après la décou- verte de l'acide citrique dans le lait que les idées se sont modifiées sur ce point. J'ai démontré que cet acide existe dans le sérum lacté à l’état de citrates alcalins, et l’on connaît la propriété dissolvante de ces sels sur les phosphates de chaux, de fer, de magnésie, propriété journellement utilisée en chimie analytique. En recherchant si les proportions des citrates contenus dans le lait étaient suffisantes pour maintenir en dissolution les phosphates terreux, je suis arrivé à mettre en évidence le rôle important que joue parallèlement le sucre de lait dans ce phé- nomène ?, en préparant des solutions de phosphate de chaux dans les citrates alcalins en présence de lactose. Les solutions obtenues ne sont pas comparables à celles qu’on obtient en dissolvant un phosphate insoluble dans un acide, elles possèdent des propriétés particulières bien en rapport avec le rôle que les solutions naturelles remplissent physiologi- quement, Chauffées vers 70-809, elles se troublent et le précipité se redissout presque entièrement par le refroidissement; le liquide reste seulement un peu louche. Des doses faibles d'acide ou d’alcali modifient la façon dont les solutions se comportent avec la chaleur; si la réaction est trop acide, la précipitation n’a plus lieu; si elle est trop alcaline, le dépôt se forme, mais il ne se redissout pas après refroidissement. 4. Ducraux, Le Lait, Études chimiques et microbiologiques, 1887, page 90. 2. Vaunix, Sur le phosphate de chaux en dissolution dans le lait, Annales de l’Institut Pasteur, 1894, p. 856. HYDRATES DE CARBONE. 87 L’addition de sels, le chlorure de sodium, par exemple, détermine au bout d'un temps plus ou moins long la précipita- tion du phosphate dechaux ;ilen est demême dusulfate de soude. La stabilité des phosphates dissous est donc variable avec les sels en présence. Filtrées au tube de terre poreuse, les solutions ne le traver- sent pas entièrement, une partie des sels est retenue, et cette proportion varie d’une opération à l’autre avec la réaction du liquide. « Il semble donc que la facilité avec laquelle les liquides considérés traversent une paroi poreuse est d'autant plus grande qu'ils sont moins acides; il en est vraisemblablement de même pour le passage à travers les membranes animales. » Plusieurs expériences m'ont permis ensuite d'établir que les sucres jouent d’une façon générale le même rôle que la lactose. D'autre part, j'ai fait voir que certains sels organiques alcalins, les tartrates, les malates se comportent vis-à-vis des phosphates terreux comme les citrates, mais leur pouvoir dissolvant est beaucoup moindre que celui de ces derniers. Tous ces sels dérivent d’un acide possédant une fonction alcoolique; les sels obtenus avec les acides ayant une molécule d’eau en moins, tels que les succinates, les carballylates alcalins, n'ont aucune propriété dissolvante. La connaissance de ces nouvelles données m'a amené. à rechercher les conditions dans lesquelles s’effectue la migra- tion du phosphate de chaux dans les plantes. On savait depuis les beaux travaux d’Isidore Pierre que les phosphates terreux de la plante sont pour la plus grande partie transportés dans la graine au moment de la formation de cette dernière ; mais le mécanisme de cette migration était inconnu. Voici les conclusions auxquelles je suis arrivé dans ce mémoire : «Les sucresélaborés par les organes foliacés en se dirigeant vers la graine ainsi que les phôsphates et les malates alcalins, entraînent avec eux les phosphates insolubles; au fur et à mesure de leur transformation en amidon, ils déposent du sel triba- sique de chaux; en même temps, les malates sont détruits en presque totalité; une partie seulement subit une destruction incomplète et persiste dans la graine à l’état de succinates. « Des phénomènes semblables se produisent sans aucun doute chez toutes les plantes dont les graines renferment de 88 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. l’amidon; les sucres, les sels à acides organiques fixes, malates, citrates.. qui concourent à ce transport, peuvent varier, mais le fait reste le même, et semble avoir un caractère général en physiologie végétale 1. » Je me suis demandé s'il ne se produisait pas des phéno- mènes analogues par la saccharification de l’amidon dans la bouche ou dans l’estomac. Il DE LA DISSOLUTION DES SELS TERREUX PENDANT LA SACCHARIFICATION DES MATIÈRES AMYLACÉES PAR LA SALIVE. Pour savoir si l'acide chlorhydrique sécrété par l'estomac est le dissolvant des sels terreux, et si cette dissolution est in- dépendante de l’action salivaire, j'ai fait l'expérience suivante : On place dans un bain-marie, à 37°-38°, deux vases contenant l’un du paininsalivé et délayé dans l’eau, l’autre du pain divisé dans une quantité équivalente d’eau acidulée par l'acide chlor- hydrique à 0,2 °/,. Après deux heures de digestion, on filtre les liquides dansle vide à travers des tubes de terre poreuse. Le premier liquide filtré est de beaucoup le plus abondant, sa couleur est jaune ambrée légèrement fluorescente, et il ne se colore pas par l’iode. Sa densité est égale à 1042, et il laisse à l’évaporation un poids d'extrait égal à 1078',80 par litre. La proportion de cendres insolubles par litre est égale à 0 gr. 94. Le second liquide a un volume à peine moitié moindre, il est peu coloré et donne avec l'iode une coloration bleu intense; sa densité est égale à 1010 et il abandonne à l’évaporation un poids d'extrait égal à 18#,15 par litre. La proportion de cendres insolubles par litre est égale à 08',46. Ces deux essais sont significatifs; ils montrent que le liquide obtenu sous l'influence de la salive seule contient plus du double de matières minérales insolubles que le liquide acide filtré. On pourrait donc prendre ces résultats comme définitifs, mais 1l 4. VauniN, Sur la migration du phosphate de chaux dans les plantes, Annales de l'Institut Pasteur, 1895, p. 636, HYDRATES DE CARBONE, 89 m'a paru que des expériences effectuées dans d’autres condi- tions de milieu, avec des points de comparaison plus précis, nous conduiraient à des conclusions plus certaines ; aussi, j'ai fait une nouvelle série d’essais en notant toutes les circon- stances qui pouvaient-influencer les résulats. * * * Le pain employé dans cette expérience est bien cuit, il perd à l’étuve à 100°,33, 4 °/, d’eau. 300 grammes de ce pain sont divisés en tranches qu’on saupoudre avec du chlorure de sodium pur; on le mâche longue- ment et, ensuite, on le dégurgite dans des vases tarés. Ce travail, effectué par des jeunes gens dont la salive est riche en fer- ment, est fort désagréable; c'est pour le rendre moins pénible et faciliter le rejet de la bouillie obtenue qu’on ajoute du sel pour favoriser la sécrétion des glandes salivaires. L'opération dure une demi-heure environ; les vases sont immédiatement pesés et le contenu délayé dans une quantité suffisante d’eau distillée pour obtenir 1,500 c. ec. Le produit est divisé en trois portions de 500 c. c. La première (A) ne subit aucune addi- tion, elle contient : TE Eee PDP Le DH EE RE CD Et AE EE :. 100 grammes. SAVE ae ses ares Sie Don Sn Cdoe TO 120 —. 1 AUSSI EEE Re Q.s. pour 500 c. c. La seconde (B) est additionnée de 05,50 d'acide chlorhy- drique, soit 1 gramme par litre. La troisième (C) est additionnée de 1 gramme d’acide chlorhy- drique, soit 2 grammes par litre, Toutes ces manipulations se font le plus rapidement possible et les trois flacons contenant les liquides A, B, C, sont maintenus dans le même bain-marie à une température de 38° à 40° pendant 2 heures, pendant lesquelles on agite fréquemment. Après ce temps, on retire les flacons, on les laisse refroidir, et on filtre dans le vide au tube de terre poreuse, Les propriétés respectives des liquides recueillis sont les suivantes : 1. La salive totale sécrétée est de 360 grammes, 90 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR, A. — Liquide filtré provenant de l’insalivation simple. Liquide de couleur jaune ambrée légèrement fluorescente, ne se colorant pas par l’iode : Dent na ura ARR LAS id D ARE TE . 1048 à + 15° AGIR AE Vanne se el TL Etre à 0,12 par litre en prenant pour témoin la phtaléine du phénol et en l’évaluant en acide chlorhydrique. Sucre produit évalué en maltose : 73 gr. 15 par litre. Précipité très peu abondant par l'alcool à 95°. Les cendres insolubles ont été dosées sur 50 c. c. de liquide filtré. La masse desséchée au bain-marie et à l’étuve à air chaud est chauffée avec précaution, car elle se boursoufle et a une tendance à monter au-dessus des bords dela capsule. Finalement, lorsqu'il ne se dégage plus de fumée, le charbon obtenu est léger et friable ; on le lave à cinq ou six reprises à l’eau distillée bouil- lante. Le charbon est recueilli sur un filtre, séché, calciné, et les cendres sont pesées. Dans le cas présent, le poids est de 08,049 pour 50 c. c., soit de 0£,98 de cendres insolubles par litre dans les conditions particulières de l’expérience. B. — Liquide insalivé additionné de 1 gramme d'acide chlorhy- drique par litre. Le liquide est limpide et tout à fait comparable à celui qui a été examiné en A. Ses caractères sont les suivants : Densité à H 150 ....... He. RAA RS CAE LE 1048 Acidité évaluée en HCI..... ES AE RUE DER RE 0,18 Sucre formé (maltose)..... CLS DR CARRE Re 11 gr. 04 Cendres insolubles .,,........ ARR SAP ARE E 0 gr. 96 L'alcool à 96° donne dans le liquide un précipité insi- gpifiant. Pas de coloration par l’iode. C. — Liquide insalivé additionné de 2 grammes d'acide chlorhy- drique par litre. Le produit est moins coloré qu’en A et en B, il se colore en HYDRATES DE CARBONE. 91 brun par l’iode et il fournit un précipité notable quand on le traite par l'alcool. | . Voici les autres données qui ont été trouvées en opérant comme ci-dessus : Densité....... RE PR A RAP Pc CR BL 1039 à + 15° Aciditérévaluée en H0L:..1.:.73- enr. 0,46 ‘Sucre formé (maltosr).............. OU nie 41 gr. 65 CendresninsoluDIEs sn ER mener 0 gr. 74 Avant de dégager ce qui découle de l'examen de ces résultats, suivons, phase par phase, les opérations qui ont été faites paral- lèlement dans des conditions identiques à tous les points de vue, sauf en ce qui concerne la réaction du milieu. L'insalivation a duré environ une demi-heure, et, pendant ce temps, la totalité du pain mis en expérience n’a subi l’action que de la diastase salivaire. Après l’addition d’eau distillée et la répartitionentrois parts, lesportionsB et C reçoiventles quantités d'acide chlorhydrique indiquées; or, on sait que chacune contient 120 grammes de salive. Une telle quantité de salive neutralise un poids relativement élevé d'acide chlorhydrique. Chittenden et Smith1 ont vu, en effet, que 20 c. c. de salive déjà neutralisée au tournesol contenaient des matières protéiques capables d’ab- sorber près d’un centigramme d’acide chlorhydrique; si, d'autre part, nous tenons compte de la quantité d’acide fixée par les matériaux azotés du pain, nous voyons pourquoi l'acidité des milieux À et B, ou, pour mieux dire, l’acide correspondant à la quantité de soude ajoutée pour influencer la phtaléine, diffère seulement par litre de quelques milligrammes. Les faits changent si l’on considère ce qui se passe en C. Cette portion reçoit en une seule fois deux grammes d'acide chlor- hydrique par litre. Une grande -partie est fixée comme dans la portion voisine ; mais l’excès reste à l’état libre et empêche bien- tôt le ferment salivaire de continuer la saccharification com- mencée. En résumé, l’action seule de la salive, sans aucune interven- tion du suc gastrique à réaction acide, a provoqué, dans l’expé- rience À, la formation d’une quantité de maltose égale à 73 gr. 15 4. CHiTTENDEN ET Suiru, Loc. cit. 92 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. pàr litre, et, parallèlement, 0 gr. 98 de sels insolubles dans l’eau sont entrés en dissolution dans le liquide sucré produit. Quand on ajoute au pain insalivé des quantités variables d'acide, l’hydrolysation des matières amylacées, et la dissolution des sels terreux s'effectuent quand la proportion d'acide est peu élevée; si cette proportion est suffisante pour entraver l’action du ferment, la dissolution des sels est aussitôt arrêtée. C’est ainsi que dans l’expérience C, la teneur de ces derniers est de 25 0/0 plus faible que dans les autres essais. J'ai pu mettre directement en évidence, dans l’expérience suivante, la dissolution des sels terreux, parallèle à l’hydroly- sation de l’amidon. On prépare une solution de phosphate tribasique de chaux avec des citrates alcalins et du lactose ; à cette solution on ajoute de l’empois d’amidon assez fluide, et on traite le mélange par environ 2 volumes d'alcool à 95°. Il se forme un abondant préci- pité composé d’amidon cuit et de phosphate de chaux. Ce préci- pité est recueilli sur un filtre, lavé avec de l’alcool à 70° et séché. Comme il adhère fortement au filtre, on divise ce dernier en menus fragments et on Le délaye dans l’eau distillée, puis on y ajoute de la salive neutralisée par l’acide chlorhydrique. Le tout est porté au bain-marie à 40° pendant 2 ou 3 heures; au bout de ce temps, on filtre. Le liquide filtré, précipite nettement par le nitrate d’urane et par l’oxalate d’ammoniaque en milieu acétique, ilrenferme donc de l’acide phosphorique et de la chaux; on l’évapore à siccité et on incinère le résidu. Le poids des cendres obtenues est de 0,037 pour 70 c. c. de liquide mis en expérience, soit de 0 gr. 054 pour 100 c. c. Ces cendres ont une réaction alcaline très nette, il y a donc un excès de chaux par rapport à l'acide phosphorique; c’est du reste ce que démontre l'analyse qui indique la composition sui- vante : Chaux ei TS TT NES RE Se RS NS 0,027 HYDRATES DE CARBONE. 93 La quantité de chaux est supérieure à celle nécessaire pour fournir avec l'acide phosphorique du phosphate tribasique. J'ai renouvelé cette expérience en faisant varier les condi- tions; par exemple, en mélangeant simplement du phosphate de chaux précipité et lavé, de l’empois d’amidon et de la salive neutralisée ; le poids des matières minérales dissoutes a toujours été plus faible. Diverses causes, sans doute, contribuent à ame- ner ce résultat; l’état physique du phosphate précipité n’est pas le même, les rapports avecles matières amylacées, la proportion de salive, sa richesse en diastase ont changé; il n’y a donc rien d'étonnant à ce que le poids des substances dissoutes varie d’une expérience à l’autre. Ce qu'il faut retenir de ces essais, c’est que l’on peut mettre nettement en évidence la dissolution des sels terreux, parallèle- ment à l’hydrolysation de l’amidon, en se plaçant dans les conditions que nous avons indiquées ci-dessus, SÉRUM NORMAL DANS LA PNEUMO-ENTÉRITE 5 Par S, SALTYKOW (Travail du laboratoire de M. Metchnikoff.} Un mémoire de M. Voges, sur les bacilles de la septicémie hémorragique !, mentionne entre autres faits intéressants, une propriété du sérum normal jusqu'alors inconnue. Il s’agit précisément de la conclusion suivante (p. 222) : une dose de 0,1 c.c. de sérum d’un cobaye normal, injectée sous la peau d'un autre cobaye, le préserve contre les résultats d’une injection sur la même place d’une dose 1000 fois mortelle d’une culture des bacilles de la pneumo-entérite des pores (Schweineseuche, Schütz). D'autre part, la même injection de sérum préserve le cobaye contre une dose 50 fois mortelle de la culture mentionnée injectée dans le péritoine ?. Cette assertion paraît peu vraisemblable «4 priori. Or, si elle était confirmée, elle serait d’une grande importance pour la doctrine de l’immunité. J'ai donc accepté avec empressement la proposition de M. Metchnikoff d'entreprendre dans son laboratoire de nouvelles recherches sur les faits indiqués par M. Voges. J'ai cherché à suivre dans mes expériences la technique décrite par M. Voges, le plus exactement possible. J'ai donc commencé par augmenter la virulence de ma culture de la pneumo-entérite des porcs, en la faisant passer par une série de cobayes. J'ai observé durant cette opération un fait contradictoire aux résultats de M. Voges. Cet auteur parle d'une dose mortelle (0"£r,01), supposée toujours la même, que l'injection soit faite dans le péritoine ou sous la peau. Quant à moi, j'ai trouvé dans ce dernier cas que la dose mor- telle était au moins 200 fois plus forte que la dose mortelle 4. Voces, Kristische Studien und experimentelle Untersuchungen über die Bacterien der hämorrhagischen Septicämie und die durch sie bewirkten Kran- heitsformen, Zeëtschr. {. Hyg. u. Infectionskrankheiten, Bd. 23. 2. Des résultats semblables ont été obtenus avec d’autres espèces de bacilles de la septicémie hémorragique, SÉRUM NORMAL DANS LA PNEUMO-ENTÉRITE. 95 péritonéale.Aussi ai-je bientôt abandonné les expériences d'in- jection de la culture sur la même place que celle du sérum, les doses mortelles sous-cutanées étant toujours très grandes. De plus, je n’insistai pas sur ces expériences, car M. Voges, lui- même, ne leur attribuait point une importance décisive. Mes expériences d'injection de la culture dans le péri- toine ont donné également des résultats négatifs. Il arrivait toujours que, si la dose était mortelle, les animaux en expé- rience mouraient en même temps ou même plus tôt que les témoins. L’injection de la culture s’effectuait 24 heures après celle du sérum, comme le faisait aussi M. Voges. Les résultats de mes observations peuvent être groupés dans les deux tableaux suivants. Dans les expériences du pre- mier tableau, je me suis servi d’une culture moins virulente que celle de M. Voges, la dose mortelle péritonéale étant Omer B !. C’est pourquoi les doses absolues devaient être plus fortes que celles de M. Voges. Quant aux expériences comprises dans le second tableau, la culturé était de la même virulence que celle de M. Voges, la dose mortelle péritonéale étant Omer, 01. TABLEAU I POIDS QUANTITÉ DOSE de sérum injecté| de culture de en sous la peau 24 h. injectée RÉSULTAT de la nuque en|dans le péritoine grammes, CC: en mgr. No du cobaye No du cobaye témoin. expérience. 390 , D Mort dans 24 h, Resté vivant. Mort dans 7 h, Resté vivant. Mort dans 24 h. Mort dans 24 h. Mort dans 24 h. Mort dans 24 h. 1, Un milligramme dela culture dont je me suis servi correspondait à une anse. 96 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. TABLEAU II © ea Æ . POIDS QUANTITÉ DOSE = e £ du sérum injecté| de culture de 2 Se Ê en sous la peau 24 h. injectée RÉSULTAT a] = : ; = m © de la nuque en|dans le péritoine 3 2 grammes: C-C. en mgr. PE, D Mort dans 12 h. Mort dans 24 h. Mort dans 24 h. 0,05 0,05 0,5 _ 6 325 — 0,5 Mort dans 24h. Mes résultats sont complètement contradictoires avec ceux de M. Voges; je ne suis donc pas en état de confirmer ces der- niers. Je suis porté plutôt à croire qu’il s’agit dans les faits de M. Voges d’une propriété individuelle et accidentelle du sérum. Cette hypothèse a été formulée, d’ailleurs, par M. Voges lui- même. Le Gérant : G. Masson. Sceaux. — Imprimerie E. Charaire. 16me ANNÉE FÉVRIER 1902 No 2 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Peuotnbercuose SUreplobacilaire Qu Surmulot. (Mus decumanus.) Par J. SABRAZES, DE BoRDEAUx. La pathologie des muridés est à l’ordre du jour, depuis que l’on connaît le rôle joué par ces rongeurs dans la propagation de la peste. Trouve-t-on des rats morts à fond de cale, dans un port de commerce faisant le transit avec les pays où la peste est endémique, et les organes de ces rats sont-ils parsemés d’abcès miliaires, l’idée de manifestation pesteuse vient à l'esprit. Or il faut bien savoir que le bacille de Yersin n’est pas le seul microorganisme susceptible de déterminer des lésions de cet ordre chez les muridés; des souris, un rat blanc de labora- toire ont été trouvés porteurs de lésions analogues sans qu’on ait pu incriminer la peste : il s'agissait de pseudotuberculose streptobacillaire ainsi qu’en témoignentles relations de Kutscher!, Galli-Valerio ?, Bongert *. Ce sont des cas semblables que nous avons observés chez le rat d’égoût, ral gris ou surmulot (nus decumanus"), 1. Kurscner. Ein Beitrag zur Kenntniss der bacillären Pseudotubereulose der Nagethiere (Zeitschrift für Hygiene und Infectionskr., 1894). 2. Ba. Gaurr-VaLerIO, Le neoformazioni nodulari nell organismo dell Uomo el degli animali domestici (Parma, 1897). Etudes sur les néoformations nodulaires; la pseudotuberculose bactérienne des cobayes (Arch. de parasitologie, 1901.) : 3. BoGerr, Corynethrix pseudotuberculosis murium (Zeitschrift für Hyg. und Ænfectionskr. 1901). 4. Voici quels sont les caractères différentiels du surmulot et du rat noir : Rat surmulot, Mus decumanus Pallas, vulgairement rat gris, rat d’égoût : pelage blanc-roussàtre ou gris-noirâtre en dessus, blanchâtre ou cendré clair en Li l 98 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Le bacille de Yersin et les streptobacilles de la pseudotuber- culose des rongeurs sont loin, du reste, de représenter à eux seuls tous les agents de la pathologie microbienne des diverses espè- ces du genre rat; qu'il nous suffise de citer le bacillus muri- septicus R. Koch! de la septicémie des souris, le bacillus typhi murium Lœffler*, les bacilles de Danysz *, de Laser‘, de Meres- hkowsky *, de B. Issatschenko”, le microbe de la peste propre- ment dite des rats, microbe qui ne se confondrait pas, d’après A. Edington”’, avec celui de la peste bubonique. Un surmulot, capturé à l'hôpital Saint-André de Bordeaux en mai 1900, est intoxiqué, le lendemain de sa prise au piège, par ingestion de minium incorporé à de l'essence de térében- thine ; il succombe sous nos yeux, au bout de quelques heures, et son autopsie immédiate révèle, en outre d’altérations gastro- intestinales imputables à la substance toxique, des lésions suppuratives, d'aspect fibro-caséeux, exclusivement limitées au foie et aux poumons. Sous la capsule de Glisson on voit une granulation lenticulaire, remplie de pus blanc grisâtre; à la sur- face des deux poumons, des collections purulentes d'aspect pustuleux, bombant sur la plèvre, des cavernules remplies d’un pus concret jaune verdâtre, des stries grisàtres, sortes de trai- dessous. Tête et corps : 0,25; queue: 0,18, soit un peu moins longue que le corps. Beaucoup de sujets atteignent une plus forte taille. Rat noir, Mus rattus Linné : parties sup‘rieures noirâtres, sans mélange de roussàtre; parties inférieures d’un gris noiràtre (cendré foncé). Tête el corps : 0,20 ; queue: 0,22, c'est-à-dire plus longue que le corps. 4. R. Kocu. Ueber die Aetiologie der Wundinfectionskrankheiten, 1878. 2.Logercer Ueber Epidemien unter den im hygienischen [nstitute zu Greifswald gehaltenen Mäusen und über die Bekämpfung der Feldmausplage. (Centralbl. für Bakt., 1899.) 3. Darnysz. Emploi des cult. artif. de microbes pathog. à la destruction des rongeurs (G. A. de lAc. des se., 1893). — Un microbe pathogène pour les rats (Mus decumanus et mus rattus) et son application à la destruction de ces ani- maux (Annales de l'Institut Pasteur, avril 1900). L 4. Laser. Ein neuer für Versuchsthiere pathogener Bacillus aus der Gruppe der Frettchen-Schweineseuche (Centralbl. für Balkt., 1892). 5. Meresakowsky. Zur Frage über die Virulenz des Lôffler'schen Maustyphusba- cillus (Centralbl. für Bakt., 1894). — Ein aus Ziegelmaüsen ausgeschiedener und zur Vertilgung von Feld,— resp. Hausmäusen geeigneter Bacillus (Centralbl. für Bakt., 1895), 6. B. Issarsenenxo. Ueber einen neuen für Ratten path. Bacillus (Centralbl. für Bakt., 1898). — Untersuchungen mit dem für Ratten pathogenen Bacillus (Cen- tralblaff für Pakt., 1902. 7. À. EoGron. Vorläufige Mittcilung über eine Krankheiït der Ratten in Kap- stadt (Gentralbl. f. Bakt., 1901). nr PA NE PSEUDOTUBERCULOSE DU SURMULOT., 93 nées purulentes entourées d’un liseré brun rougeàtre. La plèvre pariétale montre, des deux côtés, unsemisde grains purulents d’un gris jaunâtre. Il existe des adhérences des deux feuillets pleuraux, adhérences plus marquées à gauche. L'examen des autres organes : ne révèle rien d’anormal. L'affection suppurative était cantonnée à l'appareil pleuro-pulmonaire et commençait à envahir le foie. Le pus compact, crémeux, provenant de ces lésions, se laisse écraser facilement. Il ne contient ni bacilles de Koch, ni champi- gnon actinomycosique, nilevures, ni mucédinées, ni parasites ani- maux. Il recèle de très nombreux bätonnets (fig. 1 Gr.— 600) longs de 8 à 11 &, grêles (0,435 environ d'épaisseur), un peu eflilés, onduleux, non ramifiés, immobiles, placés parfois bout à bout, avec des segments intercalaires souvent inégaux. Ces bâtonnets ne restent colorés ni par le Ziehl-Neelsen ni par le Gram; il ne se teignent pas en brun acajou par liode; tous Les colorants basiques les mettent en évidence. Ensemencé sur gélose, ce pus a fourni des cultures pures du bâtonnet trouvé en si grande abondance dans les préparations : semis de colonies rondes, un peu jaunâtres par transparence, plates, mesurant en moyenne, à l’acmé de leur croissance, un millimètre de diamètre. es colonies sont formées de bacilles (fig. 2 Gr. — 600) juxta- posés, enchevètrés, coudés ou disposés bout à bout, d'aspect gra- nuleux à un fort grossissement, de longueur variable (2 à 9), d'épaisseur oscillant entre 04,3 et 0,4. Pas de sporulation. Pas de cils. Transporté en strie sur gélose, à la température de 37°, ce microbe forme une trainée transparente, de la couleur du milieu, à surface un peu chagrinée, à bords sinueux, légèrement suré- levés, limités par un double contour plus ou moins marqué. Même aspect sur gélose glycérinée et sur sérum coagulé. Pas de liquéfaction de la gélatine. Ç Le bouillon de bœuf peptonisé se trouble quelques heures après lensemencement; sa réaction reste alcaline ; pas de pro- duction d’indol. Le bouillon ne tarde pas à se couvrir d’une membrane mince qui se fragmente ultérieurement : le milieu 4. Ce cas a fait l'objet d’une communication préliminaire à la Société linnéenne de Bordeaux (1900) en collaboration avec notre élève, M. Mathis, qui nous a aidé dans l'exécution matérielle de nos recherches, 100 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. exhale alors une odeur de colle forte de menuisier et il s’y pré- cipite des phosphates; puis les débris pulvérulents de la mem- brane tombent au fond du tube et Le liquide se clarifie au-dessus. Dans le bouillon lacto-carbonaté, trouble uniforme avec rudi- ment de voile; pas de fermentation. Sur pomme de terre, croissance lente et médiocre (traînée blanc grisâtre.) Le lait n’est pas coagulé. L’anaérobiose est très défavorable à ce bacille. A 37°, les réensemencements doivent se répéter tous les huit jours environ pour être fertiles. ; de | Fig. 1. Fig. 2. Fig. 3 L'examen microscopique des cultures, dans le bouillon pep- tonisé (fig. 3 Co —600), est très caractéristique : filaments immobiles, longs et sinueux, composés de chaînes de bâtonnets inégaux, soit cocco-bacillaires, soit formés de segments de 5 à 604 sur 0,40. Ces filaments discontinus ne sont pas ramifiés; sur leur parcours apparaissent, dans les vieilles cultures, des renflements en boule. On n’observe pas de formation de spores. Les foyers suppuratifs, constatés à l’autopsie du surmulot, intéressent les plèvres et les poumons ; il en est qui pénètrent . dans le parenchyme pulmonaire à une profondeur de 2 à 3 millimètres; d’autres, exclusivement pleuraux, sont enkystés dans une coque fibreuse infiltrée d’ectasies sanguines, par- fois décollée partiellement. Autour des abcès, le poumon est extrêmement congestionné'et présente des lésions de broncho- PSEUDOTUBERCULOSE DU SURMULOT. 101 neumonie chronique et d’emphysème, Les parties abcédées sont formées d’exsudats coagulés, de détritus nucléaires, de bactéries ; on n’y trouve pas de fibrine à l’état fibrillaire. Autour des abcès sont accumulés des leucocytes polynucléés, des cellules lymphocytoïdes, des Mastzellen en assez grand nombre, quelques cellules contenant des particules anthraco- siques, des cellules conjonctives, de volumineux éléments soit mononucléés — avec un gros noyau muni d'un à trois nucléoles, situé au centre d’un protoplasma vésiculeux ou grossièrement aréolaire; — soit en voie de karyokinèse, soit déjà divisés, ces éléments dérivent de l’épithélium alvéolaire. Il n’existe, dans ces coupes, ni cellules éosinophiles, ni follicules tuberculeux. Dans les abcès et dans le tissu inflammatoire qui les circonscrit on voit un très grand nombre de bactéries ; elles ne se laissent pas colorer par le procédé de Gram, même avec la modification de Kutscher (violet de gentiane aniliné et phéniqué); elles ne résistent pas non plus à l’action décolorante de l'huile d’aniline dans la méthode de Weigert : sur les préparations ainsi obte- nues, ces bactéries se détachent, surtout à un éclairage arti- ficiel, en rouge pâle, très inégalement imprégnées par l’éosine employée comme colorant de fond. Ces bactéries sont extracel- lulaires. Sur les coupes colorées par Le bleu polychrome, par la thionine, par le bleu de méthylène-éosine-méthylal, elles appa- raissent en violet ou en bleu pâle : ce sont des filaments strepto- bacillaires dont les segments ont des longueurs variables, tantôt ovoïdes (04,6 à Ou,8), tantôt en bâtonnets (2 à 12u), tantôt résul- tant de la disposition bout à bout de ces divers types morpho- logiques. Ces filaments plus ou moins longs (10 à 40u) décrivent des flexuosités, des coudures, s’intriquent en amas broussail- leux, mais ils n’ont aucune tendance à former des colonies radiées et ils ne montrent pas d’expansions en massue. Dans le courant du même mois, un autre surmulot de même provenance présentait une petite collection purulente analogue aux précédentes, émergeant de la surface du foie; tous les autres organes étaient indemnes. Le microorganisme que nous avons isolé des lésions suppu- 102 - ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. ratives du surmulot fait.manifestement partie du groupe actuelle- ment bien connu des agents de la pseudo-tuberculose strepto- bacillaire, agents qui, bien que n'étant pas strictement réducti- bles à un seul et même parasite, sont morphologiquement et biologiquement très voisins. On trouvera dans les travaux d'ensemble de Hugo Preisz ! et de Galli-Valerio * sur ce sujet, des essais de classification de ces micro-organismes qui ont été rencontrés chez l'homme, le cobaye, le lapin, le hèvre, la souris, le rat blanc, les bovidés, le mouton, le cheval, le pore, la poule, le pigeon. le chat, et dont le degré de virulence varie beaucoup avec les espèces animales qui les hébergent. Le bacille extrait par nous des abcès de la pseudotuberculose du surmulot se rapproche de ceux que Kutscher et Bongert ont retiré de lésions similaires chez la souris. Le bacille isolé par Br. Galli-Valerio a fait l’objet d’une étude trop sommaire pour que nous puissions nous en occuper ICI. L’inoculation sous-cutanée à la souris blanche d’un bouillon de culture du bacille provenant du premier surmulot à déter-. miné une infection généralisée rapidement mortelle. Le cobaye et le lapin ont résisté dans ces conditions ; ils n’ont eu qu'un empâtement local et une adénite transitoires, Parcontre, deux surmulots adultes, inoculés par pulvérisation, ont succombé à une pseudotuberculose streptobacillaire géné- ralisée. Voici la relation d’une de ces expériences : Des cultures sur gélose à 37°, datant de 48 heures, émul- sionnées dans de l’eau stérilisée, sont projetées tous les deux jours en pluie fine sur le museau d’un gros surmulot, tout à fait normal, isolé dans une cage. Au bout de 26 jours, l'animal succombe : 1l porte depuis une semaine sur la partie antéro-latérale droite du thorax, en regard du sternum, un abcès sous-cutané du volume d’un haricot, rempli de pus compact de couleur blanc jaunâtre. Les deux plèvres sont enflammées et contiennent un exsudat séro- purulent et hémorragique avec pseudomembranes tapissant le 1. H. Præeisz. Recherches comparatives sur les pseudotubereuloses bacillaires et une nouvelle espèce de pseudotuberculose (Annales de l’Institut Pasteur, 25 avril 1894). 2. Gazrir-VaLEemIO, Lce. cit. PSEUDOTUBERCULOSE DU SURMULOT. 103 diaphragme. Les deux poumons sont hépatisés. Le cœur est rétracté en systole, Une collection purulente relie le lobe gauche du foie à la paroi abdominale. Le foie est parsemé de saillies mamelonnées d’un blanc jaunàtre qui correspondent à autant d’abcès parenchymateux plus ou moins confluents. Le ligament gastro-hépatique est infiltré de pus. Autour de l'intestin grèle, immédiatement au-dessous du foie, se trouve un gâteau purulent faisant corps avec la paroi de l'intestin, sans ulcération marquée de lamuqueuse. La rate volumineuse, de couleur chair musculaire, est criblée de petits abcès; elle est accolée à la paroi thoracique par l'intermédiaire d’un foyer purulent. Les ganglions mésenté- riques sont volumineux. Dans les reins on vôit des siries puru- lentes, brunâtres, sous-capsulaires. Dans l’épididyme, du côté droit, se trouve un abcès de la grosseur d’une noisette. Sur le membre postérieur gauche, abeès prétibial. Les centres nerveux sont indemnes ainsi que le cœur. À lexploration de la cavité bucco-pharyngée et de l'estomac, pas de lésions ulcéreuses. Ces abcès ressemblent point par point à ceux que nous avons décrits plus haut; tous contiennent en grand nombre les micro-orga- nismes filamenteux et streptobacillaires inoculés dont nous avons obtenu facilement des rétrocultures. Ce bacille, primitivement très virulent pour le surmulot, s’est ensuite progressivement atténué. Comme le bacillé de Kutscher et à l’encontre de celui de Bongert, le nôtre, dans le pus des abcès, était nettement fila- menteux et beaucoup plus long quele bacille diphtéritique : légè- rement eflilé aux extrémités, É formait des chaînes intriquées, ne prenant pas le Gram et ne résistant pas à l’alcool absolu après action du viclet de gentiane aniliné et phéniqué et de la solution de Lugol : le bacille de Kutscher restait coloré par ce dernier procédé. Le bacille isolé par Bongert, plus petit que le bacille diphtéritique, se présentait dans les lésions sous la forme d'un bâtonnet arrondi aux deux bouts. Sur gélose. les colonies du bacille de Kutscher cn pro- fondément dentelées ; il n’en était pas de même de celles du bacille de Bongert; dans nos cultures, les bords étaient onduleux. Ces bacilles se disposaient en longues chaînes immobiles dans le 104 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. bouillon qui, dansun cas, présentait un trouble granuleux, dansles autres, se revêtait d’un voile friable supportant des précipités phosphatiques. Le bacille de Bongert était anaérobie facultatif, les deux autres presque strictement aérobies. La croissance sur pomme de terre tantôt nulle (Kutscher), ou presque (Sabrazès), était abondante avec le bacille de Bongert. Dans les vieilles cultures, tous ces bacilles se montraient granu- leux, exceptionnellement avec corpuscules polaires colorables par le procédé de Ernst-Neisser (Bongert); ils présentaient par- fois des renflements en boule ou en massue susceptibles de prendre le Gram (Bongert). Aucun d'eux ne liquéfiait la gélatine, ne faisait fermenter la lactose, n’amenait la production d’indol. Au point de vue de la virulence, le bacille de Kutscher, en émulsion concentrée, injecté sous la peau à la dose de 2 à 4 dixièmes de c. c., ne tuait qu’exceptionnellement la souris ; très rarement, dans ces conditions, survenait une infection générale avec nodules purulents dans les poumons, les reins, la rate et le foie. L’ingestion des cultures restait sans effet. L’inhalation provoquait la mort de la souris grise domestique, avec produc- tion de foyers pulmonaires purulents, dans 20 0/0 des cas. La souris blanche était moins sensible. La souris des champs résis tait toujours à ce mode d’inoculation. Dans le péritoine et dans le thorax, l’inoculation était toujours mortelle pour les diverses races de souris. Le bacille de Bongert tuait toujours les souris par ingestion, produisant une ou plusieurs ulcérations le long du tube digestif d’où le bacille se propageait aux ganglions correspondants et aux viscères. Ce microbe s’éliminait du reste par les urines et par les matières fécales : des animaux sains placés dans les cages souillées par ces déjections contractaient la maladie et succombaient. Les autres espèces animales inoculées par Kutscher — cobaye, lapin, chat, chien, poule — se montrèrent absolument réfractaires, Bongert insiste sur la réceptivité très grande des souris blanches et grises; il n’a pu expérimenter sur la souris des champs. Par contre, l’inoculation échouait sur les rats, le cobaye, le lapin, le pigeon, le chien, le veau, la brebis, le cheval, le bœuf. PSEUDOTUBERCULOSE DU SURMULOT, 105 Les bacilles de Kutscher et de Bongert étaient donc exclusi- vement pathogènes pour la souris. Notre bacille, virulent pour la souris et pour le surmulot, épargnait le cobaye et le lapin. Ainsi les bacilles de Kutscher, de Bongert et le nôtre se comportaient de la même façon vis-à-vis des espèces animales autres que les muridés; par contre, ils tuaient la souris; le nôtre, provenant d’un surmulot, s'est montré virulent pour ce rongeur chez lequel il a provoqué une septico-pyohémie pseudo- tuberculeuse avec participation des plèvres, du foie, de la rate, des reins, des ganglions mésentériques, de l’épidyme, du tissu conjonctif sous-cutané, La parenté de ces micro-organismes cadre du reste très bien avec la similitude des lésions initiales d’où on les a isolés par la culture; ces lésions suppuratives intéressaient surtout l’appareil pleuro-pulmonaire. DU ROLE DES IMMUNISINES (FIXATEURS) DANS LA PEHAGOCYTOSE Par LE Pror. J.-G. SAVTCHENKO Lorsque Metchnikoff mit en avant la théorie de la phago- cytose comme cause de l’immunité, les particularités et l’origine de ce phénomène n'étaient pas encore expliquées, bien que sa réalité n’eût soulevé aucun doute dans la pensée de ce savant ni dans celle de ses élèves. Alors, il n’y avait pas assez de données qui permissent de pénétrer plus au fond de la question. La notion de la sensibilité du protoplasma vis-à-vis des substances chimiques, apportée dans la science par Pfeffer, à montré, entre autres choses, dans quelle direction il faut cher- cher les causes de la phagocytose : le phagocyte devient actif lorsqu'il est sensible à l’action des substances contenues dans dans l’organisme phagocyté. ne faut pas oublier que si l’on a généralisé la participation de la chimiotaxie des leucocytes à tous les phénomènes de la phagocytose, c'était par analogie avec tous les cas bien étudiés de sensibilité des cellules, et en particulier des leucocytes à l’égard de certaines solutions. C’est pouquoi il ne serait pas impossible de supposer que les phagocytes sont parfois guidés par d’autres genres de sensibilité du protoplasma. Il y a peu de temps, avant la découverte des sérums curatifs et spécifiques, le savant, quelle que fût sa manière d’envisager cetle question, se comportait dans la solution de ce problème en observateur et non pas en expérimentateur, car il lui était impossible de modifier le phénomène par sa propre intervention. La découverte des sérums antimicrobiens a donné une nou- velle impulsion à l'étude de cette question, en montrant la possi- bilité pour l'expérimentateur de conférer l’immunité à l’animal déjà malade, L'école de Metchnikoff ayant démontré que le mécanisme de limmunité se ramène au phénomène de la phagocytose, il était naturel de se demander pourquoi les phagocytes présentant la chimiotaxie négative à l'égard d’un microbe pathogène montrent ROLE DES IMMUNISINES DANS LA PHAGOCYTOSE. 107 tout à coup Ja chimiotaxie positive et englobent ce microbe, aussitôt qu'on introduit dans l'organisme de cet animal, avec le sérum curatif, une certaine substance chimique. Deux agents prennent part à ce phénomène : le phagocyte et le microbe pathogène. Le phagocyte ne saisit pas le microbe qui s’est développé dans le corps d’un animal non immunisé. Si chez ce même ani- mal, mais ayant reçu du sérum euratif, le même microbe est dévoré par les phagocytes, il s’est produit, évidemment, une modification quelconque, au moins dans l’un des deux facteurs prenant part à ce phénomène. Ce changement a lieu dans le leucoeyte ou bien dans le microbe. Les partisans de la théorie humorale de l’immunité tendaient, depuis le travail de Pfeffer sur les vibrions cholériques, à rame- ner l’effet des sérums curatifs à l’action directe de ces sérums sur les microbes. L'ancienne théorie des humoralistes (Flügge, Behring, Buchner) sur l’action microbicide du sérum dans l’organisme a influencé l'interprétation de nouveaux faits apportés par Pfelfer et ses collaborateurs. On a même essayé de démontrer l’action atténuante des sérums : les microbes, tout en continuant à vivre dans l’orga- nisme immunisé, deviendraient moins virulents (Charrin et Roger). | D'un autre côté, Metchnikoff et ses élèves, par toute une série de recherches, ont montré que la mort extracellulaire des mi- crobes, chez les animaux auxquels on a injecté des sérums spécifiques, a lieu seulement dans des cas exceptionnels, comme, par exemple, dans la cavité abdominale, et que le phagocyte reste toujours le facteur général de l’immunité. Non seulement il a été impossible de démontrer l’action directe et destructive du sérum à l'égard des microbes, mais il a été constaté que les microbes ne perdent pas de leur virulence introduits dans l'organisme immunisé. Étant extraits de l’orga- nisme de ce dernier pour être introduits chez un animal neuf, ils amenaient sa mort, comme c'est le cas du streptocoque et de la -bactéridie du charbon. D'où il a fallu conclure que le microbe reste le même et que ce sont les propriétés des leucoeytes qui changent : leur chimiotaxie, de négative, devient positive. Les 108 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. substances immunisantes, comme formulait Metchnmikoff, sérvaient de stimulines pour les leucocytes. Cependant, toutes les expériences sur lesquelles est basée la conclusion formulée plus haut montrent seulement que dans l'organisme animal la substance immunisante ne peut influer le microbe au point de le modifier, lui et ses générations, même après qu'on l’a soustrait à l’action des immunisines. C’est pour- quoi ces expériences n’excluent nullement la possibilité d’expli- quer ce phénomène (la phagocytose déterminant la guérison) par l’action directe du sérum sur les microbes. En effet, la grande majorité des microbes pathogènes à l’état saprophyte, de même que quelques-uns dans leur forme patho- gène (comme les bacilles de la tuberculose, de la lèpre, du rou- get du porc) provoquent la chimiotaxie positive des leucocytes. Et on peut dire que tous les microbes, sans exception, même les formes très pathogènes, peuvent être phagocytés, lorsqu'ils sont tués par le chauffage. Il est évident que les corps micro- biens eux-mêmes (et surtout, semble-t1l, leur substance nucléaire) provoquent la chimiotaxie positive des leucocytes; cette propriété fondamentale des leucocytes peut être considérée comme le résultat de accommodation du monde animal vis-à-vis des microbes. Parmi les microbes, ceux-là seulement ne sont pas phago- cytés qui ont acquis les propriétés spécifiques dans le corps de l'animal. Si on veut un exemple, n'importe quel microbe de septicémie (la bactéridie, le streptocoque, le staphylocoque, etc.) cultivé en dehors de l’organisme comme saprophyte et mis en contact avec des phagocytes, dans la cavité abdominale d’un animal, est d’abord englobé par ces derniers. Ce n’est qu’un peu plus tard qu’apparaissent des formes microbiennes dont le nombre devient prédominant et qui ne sont pas touchées par les phagocytes. Il s'ensuit que le microbe, en outre des substances qu’il possède à l’état saprophyte, a acquis dans l’intérieur de l’orga- nisme quelque chose de plus, qui provoque la chimiotaxie néga- tive du leucocyte. Cette nouvelle propriété, basée sur la remar- quable accommodation des microbes, les rend pathogènes, capa- bles de causer l'infection générale de l'organisme !. 4. Il s’agit ici seulement de formes infectieuses aiguës. Dans les infections ROLE DES IMMUNISINES DANS LA PHAGOCYTOSE. 109 Il est tout à fait naturel d'expliquer la chimiotaxie négative des leucocytes par l'hypothèse que le microbe secrète une substance qui se condense surtout sur sa surface et le défend des leucocytes. En faveur de cette hypothèse parlent l’action éminemment toxique de tels microbes sur les tissus environnants, ainsi que les modifications morphologiques des membranes, qu’on trouve d’une façon nette pour la bactéridie du charbon, pour les levures pathogènes et même pour le streptocoque. Il est bien possible que dans quelques cas il ne s'agisse que d’un état physique spécial de la surface du microbe, état qui le rend imaccessible au phagocyte. Puisqu’on peut considérer, grâce aux expériences de Buchner et surtout à celles de Bordet, comme un fait bien établi que les « anticorps » (substance immunisante) des sérums ont une affi- nité spéciale pour les microbes correspondants et se fixent for- tement sur leur surface, l’action des sérums peut être expliquée par la suppression de la propriété nouvelle du microbe que ce dernier a acquise dans l'organisme et gràce à laquelle il a été défendu contre les phagocytes, et que cette propriété soit due à une substance chimique spéciale ou bien à un état physique particulier de sa surface. L'action du sérum transforme alors le nicrobe pathogène en saprophyte facilement phagocyté par des leucocytes. On peut d'autant plus admettre ce mode d'action des immunisines (fixateurs) que d’après les recherches de Metal- nikoff', les fixateurs peuvent être dissous dans le plasma et qu'ils passent du système circulatoire dans la lymphe qui lave les cellules et les rend accessibles à l’action des microbes quel que soit le siège de ces derniers. Comme l’action de la substance immunisante (fixateur) ne se manifeste que par la neutralisation des propriétés spéci- fiques des microbes pathogènes, propriétés localisées à leur surface, 1l est bien entendu que les microbes soustraits de nouveau à l’action des substances immunisantes et mis dans les conditions antérieures, — si on les inocule à un autre organisme sensible — vont acquérir eux-mêmes ainsi que leurs générations chroniques, comme la tuberculose, la lèpre, le rhinosclérome, l'infection est déterminée non pas par l'absence de la phagocytose, — cette dernière, au contraire, y est très intense, — mais bien par la résistance des microbes vis-à-vis des ferments digestifs des phagocytes. 1. Annales de l'Institut Pasteur, 1900. HIDE ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. successives, la propriété de donner une infection mortelle, puisqu'ils ne seront pas phagocytés par des leucocytes. C’est pourquoi il est évident que toutes les expériences qui démontrent que les microbes ne perdent pas pour toujours leur toxicité dans l'organisme immunisé, c’est-à-dire leur propriété de causer l'infection mortelle d’un autre animal, ne réfutent nullement l'hypothèse émise plus haut sur l’action des sérums. A ce point de vue on peut expliquer facilement les expé- riences de Bordet sur l'infection streptococcique des animaux immunisés et traités avec le sérum. Cette manière de voir est d'ailleurs indiquée en partie par l’auteur, qui cependant ne l’érige pas en théorie. On peut très facilement expliquer quelques faits touchant à limmunité vis-à-vis du charbon * par l’action antitoxique du sérum à l'égard du poison spécial sécrété à la surface du microbe. Il est vrai que, si d’une part il n’existe pas d’expériences réfutant notre hypothèse sur la possibilité de l’action directe des substances immunisantes sur les microbes, dans le sens indiqué plus haut, il serait excessivement difficile, d'autre part, de le démontrer par des expériences directes. Rappelons-nous qu'à ce phénomène prennent part deux agents vivants et capables de modifier leurs fonctions : leuco- cyte et microbe, et que nous devons trouver lequel des deux devient modifiable sous l'influence du troisième agent constant, de la substance immunisante. Le microbe est un objet très incommode pour la solution de ce problème. Comme être vivant, qui se multiplie très rapide- ment, il change si vivement ses propriétés qu’il n’est jamais possible à l’expérimentateur de s’assurer s’il a affaire dans son expérience au même microbe qui a été soumis à l'action des substances immunisantes, — que cela ait lieu dans l'organisme de l’animalimmunisé ou bien en dehors de l’organisme, ên vitro, — ou bien s’il a affaire à ses descendants qui ont déjà perdu toutes les propriétés qui leur ont été conférées par l’expérience. Le microbe est un élément changeant; c’est pourquoi il était impossible de conclure avec une entière certitude sur les modi- 1. Annales de l’Institut Pasteur, 1897. 2. Annales de l’Institut Pasteur, 1897. Archives russes de pathologie, 1897. ROLE DES IMMUNISINES DANS LA PHAGOCYTOSE, 111 fications des propriétés de l’autre agent de l’expérience, du leu- cocyte. La doctrine des sérums immunisants, élargie par les expé- riences de Bordet, Metchnikoff et Ehrlich, avec la découverte des cytotoxines pour n’importe quelle cellule, permet actuelle- ment de simplifier d'une façon notable les recherches sur le rôle des substances immunisantes spécifiques dans le phéno- mène de la phagocytose. Étant donné qu’il existe une analogie complète entre les lois qui régissent l’action des eytotoxines, et leslois del’action dessubstancesimmunisantessurles microbes, il est possible et tout à fait légitime d'opérer dans les expériences sur la phagocytose, non pas avec un élément changeant, — mi- crobe, — mais avec une sorte de cellule animale, et il est plus facile d'opérer avec le globule rouge. Il Comme l’a montré, le premier, Bordet ‘, en introduisant les globules rouges de l’animal A dans l’organisme de l'animal B, on rend le sérum de ce dernier toxique pour les globules rouges de A. L’auteur a établi une analogie complète entre l’action in vitro de ce sérum sur les globules rouges et l'action Le sérums immunisants ec hques sur les honor Dans le sérum spécifique se trouve une substance ou fixateur (d’après la terminologie de Metchnikoff) qui se fixe sur les globules rouges correspondants — ou bien sur les microbes — et par son action prépare ces derniers à leur dissolution par les alexines (cytases) qu’on trouve dans chaque sérum. Le fixa- teur ne se détruit pas à 550-60°, la cytase cesse d’être active après le chauffage d’une demi-heure à 55°. Ebrlich et Morgenroth® ont montré que le fixateur a une affinité spécifique pour les globules rouges correspondants, et qu'une fois fixé sur eux, il ne s’en détache pas dans les lavages ultérieurs, ainsi que dans la centrifugation dans l’eau physiolo- ique. Si l’on soumet les globules rouges ainsi traités à l’action du sérum normal contenant des alexines (cytases), ils se dissolvent. Il est facile de se convaincre que les globules rouges d’un 1. Annales de l'Institut Pasteur, 1898, Deberl lin Woch- 489901. 412 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. animal introduits dans la cavité péritonéale d’un autre animal de même espèce — même après provocation artificielle de la leucocytose dans cette cavité péritonéale — restent pendant plusieurs jours sans être englobés par des leucocytes, bien qu’ils soient en contact intime avec ces derniers. Ce fait est si constant qu'il est impossible d’obtenir l’englo- bement des globules rouges, sans Les avoir modifiés d’une façon spéciale. Les leucocytes sont aussi indifférents aux globules rouges lavés dans l’eau physiologique, centrifugés et conservés dans la glacière de 6 à 8 jours, qu'aux globules rouges qu’on vient d'extraire du vaisseau. Les leucocytes montrent la chimiotaxie négative à l’égard de leurs globules rouges. Il n’en pourrait pas être autrement, car, dans le cas contraire, ils dévoreraient leurs voisins rouges, dans l’intérieur même des vaisseaux sanguins ‘. Nous possédons donc dans les globules rouges un remarquable objet d’une forte chimiotaxie négative. Si les sérums hémolytiques présentent une analogie complète avec les sérums bactériolytiques, il faut s’attendre à ce qu’en présence du sérum spécifique pour les globules rouges donnés, la chimiotaxie négative naturelle des leucocytes devienne positive et qu'ils commencent à englober les globules rouges de cette même espèce et même leurs propres globules rouges. Prenons comme objets de notre expérience les phagocytes du cobaye, ses globules rouges et le sérum de lapin immunisé contre les globules rouges de cobaye, et chauffons préalablement le sérum à 55° pour détruire ses alexines, en laissant intacte le fixateur spécifique *. Après avoir provoqué, 24 heures avant l’expérience, la leu- 4. Il est incontestable que dans quelques cas ilexiste une perversion de cet état normal ét que les phagocytes dévorent leurs propres globules rouges. J’ai pu constater il y a quelques années, d’une façon très nette, la phagocytose des glo- bules rouges par les macrophages (dans les vaisseaux du foie) dans un cas de leucémie aigus, à issue fatale, et compliquée de purpura hémorragique. On observe une phagocytose très marquée des globules rouges dans le corps thyroïde, dans le goitre exophtalmique, et cela aussi bien au niveau des endothéliums vas- culaires, que dans les espaces périvasculaires.Il est probable que dans la maladie d'Addisson le processus à lieu dans les espaces périvasculaires. 2. Nos expériences ont porté principalement sur des cobayes et des lapins. En immunisant des lapins contre les globules rouges de cobaye, ainsi que les cobayes vis-à-vis des globules rouges de lapin, nous avions une réserve de sérum hémolytique de ces deux espèces de globules rouges. La plupart des expériences ont été pratiquées avec le sérum de lapin hémo- ytique pour les globules rouges de cobaye. C’est pourquoi nous ne parlons dans notre exposé ultérieur que des expériences faites sur les cobayes, ROLE DES IMMUNISINES DANS LA PHAGOCYTOSE. 113 cocytose dans la cavité péritonéale des cobayes À et B par l'injection de 3 c. c. de bouillon, on y introduit des globules rouges de cobaye débarrassés de leur sérum par le lavage. L'étude de l’exsudat péritonéal cueilli # heures après le commen- cement de l’expérience montre l’absence de toute phagocytose. Introduisons maintenant dans la cavité péritonéale du cobaye A de 1/10 à 1/4 de c. c. (selon son pouvoir toxique) de notre sérum. Nous gardons le cobaye B comme témoin. Une heure après nous pouvons déjà observer la phagocytose des globules rouges chez le cobaye A. Au bout de 4 heures ce phénomène est très marqué : les globules rouges sont englobés non seule- ment par des mononucléaires qui en sont farcis, mais aussi par des polynucléaires, lesquels à l’état normal sont très peu actifs même à l'égard des globules rouges d’espèce différente. Ce phé- nomène se poursuit les jours suivants jusqu’à résorption com- plète des globules rouges dans la cavité péritonéale, Chez le témoin B, les globules rouges restent intacts même les jours suivants; ils disparaissent de la cavité abdominale, évidemment, en passant dans les vaisseaux lymphatiques. Si on introduit dans la cavité péritonéale du cobaye neuf des globules rouges en même temps que du fixateur (avec le sérum privé de ses alexines), alors les globules rouges, suivant la quantité introduite, seront complètement dissous, ou bien une partie seulement de ces globules rouges sera dissoute et le reste deviendra la proie des phagocytes. Ces expériences sont absolument analogues aux expériences clus- siques avec les microbes (par exemple avec le vibrion cholérique), elles montrent que l'intervention du fixateur spécifique détermine le phéno- mène de phagocytose des éléments comme les globules rouges qui normalement ne sont pas englobés par les leucocytes de leur espèce. Mais dans cette expérience ainsi posée, nous ne savons pas si la philocytase a agi sur les globules rouges ou bien sur les leucocytes. En modifiant cette expérience, tàchons d’élucider deux ques- tions posées par nous plus haut : 1) Si le fixateur agit directement sur les globules rouges et les modifie au point de les rendre accessibles aux phagocytes normaux. 2) Ou bien si l’action de la philocytase s'exerce sur les leuco- ) 114 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. cytes dont le protoplasma manifeste, sous l'influence de cette action, la chimiotaxie positive vis-à-vis des globules rouges normaux. III La phagocytose aurait-elle lieu si on ajoutait des leuco- cytes aux globules rouges préalablement traités par le fixateur? Après avoir défibriné le sang de cobaye, lavons les globules rouges, en les centrifugeant dans l’eau physiologique, pour les débarrasser de leur sérum et des alexines qui se trouvent dans ce dernier. On dilue le dépôt ainsi obtenu dans une quantité d’eau physiologique suffisante pour faire quatre fois le volume de sang préalablement pris, et on ajoute en excès’ du sérum hémolytique, chauffé à 55° pendant une demi-heure, c’est-à-dire privé de ses alexines. On laisse le tout déposer à la température de la chambre pendant une demi-heure. Après avoir centrifugé et bien agité le dépôt agglutiné dans une quantité aussi grande que possible d’eau physiologique, on centrifuge de nouveau, et on répète la même opération 2-3 fois. Il est impossible de retrouver le sérum hémolytique dans l’eau physiologique après ces lavages. Après avoir agité avec soin le dernier dépôt dilué dans une quantité d’eau physiologique, égale aux 4 volumes du sang primitif, nous obtenons des globules rouges ayant subi l’action du fixateur qui ne se trouve plus ici à l’état libre. Injectons, comme dans l’expérience précédente, 1/2 ec. c. de ce mélange aux cobayes : au cobaye A (dans la cavité périto- néale duquel on a injecté, 24 heures avant l’expérience, du bouil- lon) et au cobaye témoin B. Chez le cobaye A, on constatera rapidement une phagocytose énergique des globules rouges : chez le cobaye B, la dissolution extracellulaire de la plupart d’entre eux et une phagocytose successive des globules non dissous. On réussit la mème expérience lorsque, au lieu de procéder dans l’organisme animal, on opère in vitro et dans l'étuve. Après avoir dilué, avec de l’eau physiologique, l’exsudat contenu dans 4. Nous ajoutions 1 c. c. de sérum à toute la quantité du sang (400 grammes) ; 1/4 de c. c. de ce sérum, introduit dans la cavité péritonéale du cobaye, tuait cet animal au bout de 2 jours, en donnant lieu à des phénomènes d’hémolyse. ROLE DES IMMUNISINES DANS LA PHAGOCYTOSE. 115 la cavité péritonéale du cobaye qu’on vient de sacrifier, et chez lequel on avait provoqué la leucocytose, nous y ajoutons des globules rouges traités de la façon indiquée plus haut, l’effet est le même : c'est-à-dire phagocytose des globules rouges par des leucocytes. On peut suivre d’une façon nette le processus même de phagocytose sous le microscope, dans une goutte sus- pendue placée dans une chambre chaude à 37°. Dans les expériences parallèles faites aussi bien in vitro que in vivo, avec des globules rouges normaux, on constate l’ab- sence de phagocytose. Dans Pexpérience précédente, nous traitions les globules rouges avec l'excès de sérum, et nous avons remarqué le phé- nomène d’agglutination bien net. On peut admettre la modifica- tion de la structure physique des globules rouges due aux dilutions et aux centrifugations répétées. Mais pour obtenir le même effet, il n’est pas nécessaire d’avoir une grande quantité de sérum. Après avoir traité les globules rouges comme dans l’expé- rience précédente, et après les avoir dilués dans la même pro- portion d’eau physiologique, nous y ajoutons la quantité de sérum hémolytique chauffé à 55° suffisante pour faire une solu- tion de 1/200*, cette dilution ne montrait aucune trace d’ag- glutination après 6 heures de séjour dans l’étuve. Après la centrifugation et le triple lavage du dépôt (pour ce faire on le dilue avec 20 fois son volume d’eau), nous obtenons des globules rouges qui ne s’agglutinent nullement. Ces derniers ont cependant attiré le fixateur, puisqu'il suffisait de les addi- tionner de sérum normal pour amener la dissolution de leur hémoglobine. Les expériences pratiquées avec cette quantité de globules rouges, aussi bien in vitro que in vivo (dans la cavité péritonéale du cobaye injecté préalablement avec du bouillon), ont donné les mêmes résultats ; la phagocytose des globules rouges apparais- sait d’une façon aussi nette et aussi rapide. Dans les expériences mentionnées plus haut, les leuco- cytes ne subissaient aucune action directe du fixateur, et si la 1. Cette quantité de sérum, @ans sa dilution au 1/200, exerçait une action hémolytique marquée, au cas où il n’était pas privé, par le chauffage, de ses alexines. 116 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. phagocytose était plus intense que normalement, ce fait était évidemment déterminé par des modifications survenues dans les globules rouges ayant subi l’action du fixateur. Étant donné que la même loi régit l’action du fixateur sur les cellules animales et sur les microbes, on peut admettre que la réaction phagocytaire, qui détermine l'immunité vis-à- vis du microbe, peut être due à l’action directe du fixateur (substance immunisante) sur le microbe. IV Ce mode d'action du fixateur est-il toujours obligatoire ? Cette action ne pourrait-elle pas provoquer la phagocytose en agissant directement sur les leucocytes. Dans notre étude de l’immunité vis-à-vis de la fièvre récur- rente, nous avons exécuté une série d'expériences qui montrent que les leucocytes peuvent englober des substances. immuni- santes spécifiques et, grâce à cela, modifier leur sensibilité à l'égard des spirochètes *. On peut obtenir des résultats plus démonstratifs en expéri- mentant avec des globules rouges, Après avoir provoqué la leucocytose dans la cavité périto- néale des cobayes A et B, introduisons, le lendemain, dans la cavité péritonéale du cobaye A la quantité de sérum hémolytique. un peu inférieure à la dose mortelle pour un animal d’un poids donné *. Douze heures après, nous injectons dans la cavité péritonéale du cobaye À (qui a reçu du sérum) et dans celle du cobaye témoin B des globules rouges de cobaye débarrassés de sérum. Déjà, au bout de quelques minutes, on constate une phagocytose très marquée chez le cobaye A. Une heure après, tous les mono- nucléaires sont gorgés de globules rouges ; on trouve aussi des polynucléaires ayant saisi des globules rouges. Chez le cobaye B, comme toujours, la phagocytose manque complètement, ou 1. Archives russes de pathologie, 1900. 2. Nous déterminions chaque fois pour ces expériences la dose mortelle minima pour l'injection de sérum dans la cavité abdominale. Cette dose est 3 ou 4 fois plus petite que dans le cas d'injection sous-cutanée. Selon le degré d'immuni- sation du lapin, nous utilisons le sérum mortel en injection intra-abdominale pour une dose de 1/4 à 1/10 de c. c. ROLE DES IMMUNISINES DANS LA PHAGOCYTOSE,. 117 bien on trouve, comme une rare exception, quelques globules rouges dans l'intérieur des mononucléaires. Mais 1l se pourrait que dans cette expérience, les globules rouges aient subi l’action du fixateur qui se trouve dans le plasma. Cette hypothèse vient d'autant plus à l'esprit que les agglutinines s’y trouventincontestablement; les globules rouges ont tendance à se mettre en amas. Les globules rouges modifiés par la philocytase doivent être très sensibles à l’action des alexines du sérum. C'est pourquoi, dans une autre expérience, on a introduit, chez l’animal préparé de la même façon, des globules rouges non lavés, mais suspendus dans le sérum en excès de l’animal dont on a pris des globules rouges. Pour cela, après avoir centrifugé le sang, on séparait les globules rouges du sérum, et on les additionnait d'un sérum pur jusqu’à coloration rouge clair. Après avoir injecté 1/2 ec. c. d’un tel mélange dans la cavité péritonéale d’un cobaye traité préalablement par le fixateur, nous n'avons pas constaté de dissolution des globules rouges dans les préparations de l’exsudat péritonéal, mais seulement la phagocytose, comme dans la première expérience. Et cependant nous y avons introduit avec du sérum des alexines en excès. Mais peut-être les alexines sont-elles résorbées par les cellules avant que la petite quantité de fixateur libre, suivant notre hypo- thèse, ait pu agir sur les globules rouges.’ Pour supprimer cette possibilité, nous avons procédé de la facon suivante dans une autre série d'expériences. On introduisait, dans la cavité péritonéale du cobaye, 3 €. ce. de bouillon, 24 heures avant l'expérience. On provoquait ainsi la leucocytose dans la cavité péritonéale, et on rendait, croyons- nous, les leucocytes plus sensibles pour les globules rouges. Le lendemain, on introduisait dans Ja cavité péritonéale 1/4 de e. c. de globules rouges lavés et additionnés d’eau physiologique jus- qu'au volume primitif du sang. Une heure après, on observait déjà la phagocytose des globules rouges. Si la phagocytose dépendait de l’adhérence du fixateur aux globules rouges, ces derniers doivent être dissous par des alexines. | Introduisons, maintenant que la réaction phagocytaire a commencé, dans la cavité péritonéale du même cobaye, 1 €. c. 118 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. de sérum pris antérieurement chez un autre cobaye et chauffé à 3701, L'examen répété de l’exsudat péritonéal dans l'intervalle des 2 heures qui ont suivi, n’a pas montré de dissolution des glo- bules rouges, On pouvait constater aussi in vitro cette dissolution des glo- bules rouges, si dans cette expérience, au moment où commen- çait la phagocytose, on mélangeait dans une chambre humide une goutte d’exsudat péritonéal avec du sérum normal, c’est-à- dire avec des alexines en liberté. Aussi les globules rouges peuvent- ils être phagocytés sans avoir de fixvateur sur leur surface. Toutes ces expériences montrent qu’en présence des leuco- cytes dans la cavité péritonéale, il est impossible d’y déceler l'existence d’un fixateur à l’état libre, même si l'on y en avait introduit quelques heures avant l’expérience. Le fixateur est, évidemment, absorbé par des leucocytes, ce qui détermine le changement de leur sensibilité, Mais on peut faire encore une objection : il n’est peut-être pas nécessaire, pour provoquer le phénomène de phagocytose, d'avoir une quantité de fixateur assez considérable pour dis- soudre les globules rouges en présence des alexines. Il est possible qu'il existe dans le plasma un minimum de fixateur, insuffisant pour être décelé par la réaction de dissolution, mais tout à fait suffisant pour provoquer la phagocytose après s'être fixé sur ces derniers, Pour supprimer tout fixateur qui pourrait se trouver à l’état libre en dehors des leucocytes, on n’avait qu’à faire l’ex- périence in vitro après avoir lavé dans l’eau physiologique des leucocytes qui ont absorbé le fixateur, d'après notre hypothèse. Nous injections dans la cavité péritonéale du cobaye le mélange de 3 c. ec. de bouillon et de sérum *. Le lendemain on y introduisait 2c.c. d’eau physiologique chauffée à 37° pour diluer l'épais exsudat leucocytaire, Immédiatement après, on saignait le cobaye à blanc, on défibrinait le sang et on lavait les globules rouges pour les débarrasser du sérum. On poursuivait l’expé- rience en les divisant en 3 parties, comme il suit : 4, Il n’est pas inutile de prendre cette précaution, quand on fait des injections dans la cavité abdominale, car une oscillation brusque de température peut pro- voquer une désagrégation partielle des phagocytes et le passage dans le plasma des substances contenues dans leur intérieur. 2. Dans ces expériences, aussi bien que dans les autres, on injectait au cobaye une dose inférieure à la dose mortelle minima. ROLE DES IMMUNISINES DANS LA PHAGOCYTOSE. 119 I. La cavité péritonéale immédiatement ouverte, on aspirait dans une pipette, contenant de l’eau physiologique chauffée à 37, de l’exsudat péritonéal. On séparait par la centrifugation les leucocytes suspendus dans l’eau physiologique, On ajoutait de nouveau à ces leucocytes 10 c, c. d’eau physiologique et, après avoir agité avec soin le mélange, on centrifugeait encore une fois, Cette manipulation, assez grossière il est vrai, fait périr beaucoup de leucocytes, ce sont surtout les mononucléai- res qui succombent. Mais les leucocytes et surtout les polynu- cléaires, qui se sont déposés au fond du tube à essai, se sont bien conservés, Après avoir décanté la couche de liquide qui se trouve au-dessus d’eux (ce qui n’est pas difficile à faire, car les leucocytes adhèrent en masse compacte au fond du tube), on agitait les leucocytes qui restaient avec 1 c. c. d’eau physiolo- gique. On versait quelques gouttes de leucocytes en suspension dans l’eau physiologique à 0,7 0/0 et on y ajoutait 1 goutte de globules rouges de cobaye neuf, débarrassés du sérum et lavés dans l’eau physiologique. On plaçait le mélange à l’étuve. II. On ajoutait aux leucocytes lavés, restés après cette expé- rience, 1/2 c. c. de sang de lapin neuf pour obtenir le caillot, la désagrégation des leucocytes du cobaye et le passage dans le sérum des substances contenues dans les leucocytes. On laissait le mélange pendant 2 jours à la glacière, après quoi on obtenait, après centrifugation, le sérum tout à fait transparent et non teinté par l’hémoglobine. On ajoutait à ce sérum, ainsi qu'à la même quantité de sérum normal de cobaye, la même qnantité de globules rouges de cobaye, pour pouvoir juger par les degrés de dissolution des globules rouges si le fixateur à été absorbé par les leucocytes de notre cobaye. III. On introduisait des globules rouges lavés de notre cobaye dans la cavité péritonéale du cobaye neuf (chez qui on avait provoqué préalablement la leucocytose par l'injection du bouillon); ainsi on pouvait, selon qu'il avait phagocytose ou non des globules rouges, juger de la présence ou de l'absence du fixateur sur les globules rouges de natre cobaye qui avait reçu du sérum hémolytique dans sa cavité péritonéale. Les résultats de cette expérience ont été les suivants : 1. Les leucocytes débarrassés du plasma mais immunisés par le fixateur englobaient in vitro des globules rouges normaux de cobaye ; 120 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. 2. Le sérum obtenu par le mélange de sang de lapin et de leucocytes de notre cobaye, dissoloait les globules rouges faiblement, mais d'une facon beaucoup plus marquée que le sérum témoin de lapin ; 3. Les leucocytes normaux de cobaye ne phagocytaient qu'un nombre insignifiant de globules rouges de notre cobaye. Quant aux globules rouges restés non englabés, les leucocytes montraient le len- demain à leur égard la même indifférence qu'ils manifesteraient si on les mettait en présence du sang de cobaye neuf. En résumant les expériences indiquées dans les chapitres III et IV, nous arrivons à cette conclusion que le fixateur peut déterminer la phagocytose des éléments qui ne sont pas phago- cytés à l’état normal, et cela de deux façons : L. Il peut se fixer sur son objet spécifique (dans notre cas, sur le globule rouge) et le modifier à tel point que le phagocyte change à son égard sa chimiotaxie négalive en chimiotaxie positive ; 2. Le fixateur peut être absorbé par le protoplasma des phago- cytes.. Ces derniers, chargés du firateur, acquièrent la chimiotaxie positive vis-à-vis de la substance sensible au fixateur, dans notre cas le globule rouge, bien que celui-ci ne soit pas modifié par le fixa- teur : la base de la fonction physiologique de la phagocytose réside dans une affanté chimique. Y Après avoir étudié l’action du fixateur d’une part sur les phagocytes de l’animal en expérience, d'autre part sur les globules rouges qu’on introduisait dans l'animal, voyons mainte- nant ce que deviennent les globules rouges de l'animal quand on lui injecte des hémotoxines. Les expériences de Bordet ‘ ont déjà montré que les ani- maux périssent plus ou moins vite, suivant la dose injectée. Dans ce cas survient l’hémolyse des globules rouges dans les vaisseaux sanguins et l’hémoglobine apparaît dans l'urine. Cantacuzène * a montré que chez des animaux, injectés avec des doses non mortelles d'hémotoxine, on observe, àla suite de ces injections, une diminution plus ou moins marquée des glo- bules rouges. ; EURE 2. Annales de l’Institut Pasteur, 1900, n° 3. L. ti où si dir St 1 onde ne. ROLE DES IMMUNISINES DANS LA PHAGOCYTOSE. 121 On observe chez l’homme la même diminution des globules rouges, immédiatement après l'injection de doses relativement petites de sérum hémolytique, comme cela résulte du travail de MM. Metchnikoff et Bezredka !. Cet effet est tout à fait compréhensible, si on injecte une grande quantité de sérum hémolytique non chaulfé, c’est-à-dire -contenant des alexines : la dissolution des globules rouges survient alors comme in vitro, et si l’animal vit quelque temps, l’hémoglobine passe dans l'urine. Mais si une diminution notable des globules rouges suit l'injection de doses faibles et même, comme il est facile de s’en convaincre, l'injection de sérum chauffé, privé de sa cytase, on a peine à croire que cette baisse du taux des globules rouges soit due simplement à leur dissolution. Personne n’a indiqué l'exis- tence de l’hémoglobinurie dans ce cas. D’après nos expériences, cette dernière n'existe pas. On peut s’attendre, d’après l’analyse des expériences indi- quées dans les chapitres IT, IT et IV, à ce que le fixateur introduit dans l’organisme de l’animal, pour les globules rouges duquel il est spécifique, modifie ces globules de telle façon “qu'ils se comportent vis-à-vis des leucocytes comme des corps étrangers de l’organisme. C’est aussi ce que l’on observe, par exemple, pour les bactéries, lorsque dans un organisme malade intervient l’immunité à l'égard de ce microbe, que cette immu- “nité soit naturelle ou qu’elle soit acquise à la suite de notre intervention. L'étude détaillée des phénomènes qu’on observe dans l’or- ganisme intoxiqué par l’hémotoxine est poursuivie actuellement dans notre laboratoire. Je ne mentionnerai dans ce chapitre que les faits qui se rapportent directement au sujet de notre mémoire et offrent, par leur analogie avec des maladies infectieuses, une significa- tion générale pour la doctrine de l’immunité, Déjà, les modifications microscopiques qu’on trouve dans les organes à la suite des injections de différentes doses d'hémo- toxine montrent que le mécanisme de leur action n’est proba- blement pas toujours le même. 1. Annales de l’Institut Pasteur, 1900, n° 3, p. 408. 122 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR, I. Grandes doses, — Si l'animal périt 1 ou 2 jours ‘ après l’in- jection sous-cutanée du sérum hémolytique non chauffé, on fait les constatalions suivantes à son autopsie : Le sang est non seulement pauvre en globules rouges, mais il se trouve en petite quantité dans les vaisseaux, même d’après l'examen à l’œil nu. On observe une anémie très marquée. Le foie présente une coùleur brune. La rate a la même cou- leur, parfois même elle est d’un brun noir; rarement elle est hypertrophiée, on constate parfois la diminution de son volume, surtout chez des lapins traités par le sérum hémolytique. Les reins, surtout les pyramides, sont infiltrés de pigment sanguin. L'urine est colorée d’une façon intense par le pigment sanguin, mais ne contient pas d'éléments figurés du sang. Les globules rouges qui se trouvent dans les vaisseaux eux- mêmes sont modifiés dans leurs dimensions et leurs formes (microcytes, macrocytes et poikylocytes); beaucoup d’entre eux sont dans le stade de dissolution d’hémoglobine, Il est évident qu'il s’agit ici d’une hémolyse active telle qu'on la constate in vitro. | IT, Sil’animal meurt plus lentement, avec des doses moindres de sérum ou à la suite d’inoculation dé sérum chauffé, ne ren- fermant que le fixateur, au 5°, 7° ou 8° jour après l'injection, on trouve encore assez souvent une quantité considérable de sang dans les vaisseaux, bien que beaucoup de globules rouges montrent des modifications caractéristiques. La rate pré- sente un volume tantôt normal, tantôt elle est hypertrophiée, quoique d’un brun foncé, comme dans le premier cas. Le foie est aussi parfois hypertrophié. Les pyramides du rein sont infiltrées de pigment; l’urine renferme de l’hémoglo- bine, Les muqueuses, le tissu sous-cutané et les séreuses présentent la teinte ictérique. Le muscle cardiaque est friable, en partie en dégénérescence granuleuse, en partie en dégénéres- cence graisseuse. Si on sacrifie quelques-uns de ces animaux injectés avec des doses moyennes, le 2° ou Le 3° jour après l’injection, le tableau est tout autre. Pas d’hémoglobine dans l’urine. La rate est tou- jours très hypertrophiée; elle n’est pas noire, quoique hyper- 1, Pour obtenir cet effet, nous avions besoin, dans nos expériences, suivant le pouvoir toxique du sérum, de 1 à 1 1/2 c.c. pour un cobaye de 400 grammes, ROLE DES IMMUNISINES DANS LA PHAGOCYTOSE. 123 hémiée, Le foie est hypertrophié et hyperhémié. Les reins ne présentent pas de modifications. On constate parfois, 7 à 12 heures après l'injection, une hypertrophie marquée de la rate; cette hypertrophie ne peut pas être mise entièrement sur le compte de l’hyperhémie, si lon en juge d’après le réplétion de ses vaisseaux sanguins, IT. On observe également l’hypertrophie aiguë de la rate et l'hypertrophie partielle du foie dans l’intoxication des animaux par des doses non mortelles. Après avoir injecté sous la peau ou dans la cavité péritonéale d’une série de cobayes, des doses non mortelles, nous sacrifions successivement, 12 heures, 24 heures et 48 heures après l'injection, une partie de ces animaux. Nous avons toujours observé chez ces cobayes (dont les témoins res- taient vivants), comme dans la deuxième série de nos expé- riences, une hypertrophie de la rate, sans avoir jamais trouvé la moindre hémoglobinurie. La rate réagit dans l'empoisonnement par l'hémotoxine de la méme facon que dans la maladie infectieuse. Cela est compréhensible, puisque les leucocytes, grâce à l'action du fixateur spécifique, se sont comportés envers les globules rouges comme ils se comporteraient envers des élé- ments étrangers, qui auraient exercé sur eux une irritation spécifique. Déjà, en expérimentant dans la cavité péritonéale du cobaye, nous avons pu nous convaincre que lorsqu'on y introduit du fixateur, les leucocytes dévorent non seulement les globules rouges d’un autre cobaye, mais même les leurs propres. On peut facilement obtenir ce résultat si, après avoir préparé le cobaye, on introduit dans sa cavité péritonéale quelques gouttes de sang pris dans son oreille; ou bien si l’on fait, à l’aide d’une canule, un petit traumatisme dans la cavité péritonéale. Les mêmes phénomènes se passent dans les vaisseaux, sur- tout dans la rate et dans le foie des animaux, auxquels on a injecté des doses moyennes ou faibles d’hémotoxine dans la période d'hypertrophie de la rate, quand l’hémolyse n'est pas éncore très marquée. A l'état normal, la rate est le siège de la résorption des globules rouges morts; on peut toujours y trouver des polynu- cléaires ayant dévoré des globules rouges. Mais en examinant attentivement des frottis de pulpe splénique dans l’eau physiolo- : ESP ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. gique, on peut facilement constater que la majorité des leuco- cytes contiennent non seulement des globules rouges à peine modifiés, mais le plus souvent le produit de la désagrégation de ceux-ci sous forme d’amas de pigment. Ce processus se poursuit lentement; les phagocytes ne saisissent qu'un nombre insigni- fiant de globules rouges morts. Sur des préparations semblables, mais provenant de la rate (au moment de son hypertrophie) des cobayes traités avec de l’hémotoxine, on trouve au contraire une quantité considérable de phagocytes, littéralement bourrés de globules rouges encore bien conservés et qui viennent, évidemment, d’être en- globés. : En examinant la pulpe du foie dans la période préhémolytique de l'intoxication, on peut trouver le tableau de la phagocytose des globules rouges dans les cellules étoilées. Sur les coupes, on trouve souvent dans les veines hépatiques des mononueléaires (probablement des cellules endothéliales détachées) ayant englobé des globules rouges. On trouve plus rarement la phagocytose dans la moelle osseuse. On obtient cette phagocytose des globules rouges propres de l’animal, aussi bien chez les animaux auxquels on a injecté des doses mortelles minima (et dans ces conditions l’animal a été sacrifié et étudié 24 heures après l’empoisonne- ment) que chez des animaux qui ont reçu des doses non mor- telles et dont les témoins survivaient. ILest évident que la diminution marquée du nombre des glovules rouges, qui suit, chez l’honrme ou chez l'animal, l'injection des doses non mortelles de sérum hémotoxique est due surtout à l& réaction phagocytaire, et non pas à la dissolution directe des globules rouges dans le plasmu. | Nous ne trouvons pas le même tableau de phagocytose à l'examen de la rate des animaux morts dans la période d'hémo- lyse ; on est plutôt porté à penser à la leucolyse d’après la désa- grégation des leucocytes. C’est à cette période que correspond la diminution du volume de la rate et sa friabilité. La désagré- gation des leucocytes amène évidemment l'apparition des alexines dans le sang, et c'est à cela qu'est dù le processus de dissolution des globules rouges. Les expériences exécutées après ablation de la rate parlent ROLE DES IMMUNISINES DANS LA PHAGOCYTOSE. 1925 en faveur de l'intervention de cet organe dans le processus d’hé- molyse. Après avoir splénectomisé 2 cobayes, nous leur injectons, 3 jours après l’opération, ainsi qu’à un témoin, des doses mor- telles de sérum hémolytique. Le témoin est mort d'hémolyse le 3° jour. L'un des deux cobäyes splénectomisés est mort le 12° jour après l’opération, avec des phénomènes d’ictère, d’amaigrisse- mant général et d'hémolvse ; le second a survécu. -__ Dans une autre série d'expériences, nous avons pris 4 cobayes splénectomisés, de 350 à 400 grammes chacun, et 3 témoins. dont 2 pesaient 370 grammes chacun et le 3° 500 grammes. On a injecté sous la peau de tous ces cobayes (l'expérience a été faite le 4° jour après la splénectomie) une même dose mortelle de sérum hémolytique. Tous les animaux splénecto- misés ont survécu ; deux témoins qui pesaient le même poids que ces derniers sont morts le 3° jour: le 3° témoin, de 500 grammes, a survécu. Ainsi, la première réaction qui apparaît dans le système cir- culatoire, après l’intoxication par les hémolysines, est la phago- cytose des globules rouges. Si l’on ne peut pas toujours dire, dans ces expériences, si la phagocytose est due à une action directe sur les globules rouges où bien sur les leucocytes, il est encore plus difficile de résoudre ce problème en analysant ce processus complexe dans lorganisme entier. Cependant nous pouvons puiser quelques indications dans les expériences antérieures. Dans le chapitre IV, nous avons relaté une expérience dans laquelle 6n introduisait dans la cavité péritonéale du cobaye, préparée par l'injection préalable de bouillon, du sang provenant d’un autre cobaye injecté avec .une petite dose d’hémotoxine. Grâce à cela, les leucocytes de ce cobaye acquéraient la propriété de phagocyter des globules rouges normaux. Cependant un petit nombre de globules rouges de ce cobaye, comme on le voit dans l'expérience citée plus haut, se sont chargés du fixateur et ont acquis la propriété de devenir la proie des phagocytes du cobaye normal. Nous avons également expérimenté avec le sang des cobayes qui ont reçu le fixateur et qui ont été sacriliés pour l'étude 126 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. de leurs organes dans la période préhémolytique (chap. V). Les expériences sur la phagocytose, ou bien sur l’action directe des alexines sur ce sang, ont montré qu’une partie insi- gnifiante des globules rouges seulement prend le fixateur dans celte période. Cependant, chez les témoins, qu'on a laissé survivre à la période de désagrégation des leucocytes, survient une hémolyse énergique. Ces considérations rendent très probable l'hypothèse que non seu- lement dans la cavité péritonéale, c'est-à-dire dans des conditions exceptionnelles, mais aussi dans tout l'organisme, le fixateur hémotoxique se fire aussi bien sur les globules rouges que sur les leu- cocytes, et que les deux modes d'action mènent à la manifesta- tion de la fonction phagocytaire des leucocytes vis-à-vis de l'objet spé- cifique du fixatewr, dans notre cas vis-à-vis du globule rouge. Des recherches ultérieures devront montrer si ce double mode d'action des immunisines a toujours lieu dans les infections causées par tel ou tel microbe. Nous pouvons nous attendre d'avance à des réponses différentes en travaillant avec des microbes différents, car chaque mode d’action dépend, évidem- ment, de l’affinité plus ou moins grande d'un fixateur donné tantôt vis-à-vis de son microbe spécifique, tantôt vis-à-vis du protoplasma des phagocytes. Quoi qu'il en soit, cette question sera résolue dans chaque cas par- liculier. Mais ce qui est déjà fait dans cette direction permet de con- sidérer comme la plus probable l'hypothèse que les substances im- munisantes fixalrices sont des stimulines pour les phagocytes, parce d'une part elles manifestent une affinité (se fixent) pour leur objet spéci- fique, par exemple pour le microbe; de l'autre part, pour le proto- plasma des phagocytes, et en particulier pour la cytase renfermée dans ces derniers. A ce point de vue, les substances immunisantes servent, dans le phénomène de phagocytose, d’intermédiaires entre l’objet phagocité et le phagocyte. C’est pourquoi elles méritent entière- ment la dénomination de « corps intermédiaires » (Zivischen- Korper), que leur a donnée Ehrlich guidé par les considérations sur leur action humorale dans l’immunité, Pis CÉTASEÉES Par 1e D' L. TARASSÉVITCH, pe Kw (Russix). (Travail du laboratoire de M. Metchnikoff.) Dans son travail sur la résorption des cellules1, M. Metchni- koff, après avoir étudié le sort des globules rouges d’oie injectés dans le péritoine ou sous la peau de cobayes, a établi que, chez les animaux neufs, ce sont presque exclusivement les leucocytes à noyau unique, les macrophages, qui saisissent ces globules et les digèrent dans leur intérieur d’une façon tout à fait pareille à celle que l’on observe dans les cellules de l'intestin des planaires. Les polynucléaires ne Le font qu’à titre exceptionnel. La partie liquide de l’exsudat ne joue aucun rôle; on ne remarque jamais de dissolution extracellulaire. Les mêmes phé- nomènes s’observent si, au lieu de globules rouges d’une espèce étrangère, on introduit des spermatozoïdes ou desleucocytes. Les mêmes macrophages assurent ici encore la phagocytose. En prélevant, à des intervalles différents, de petites quantités d’exsudat et en les étudiant tant à l’état frais que sur des prépara- tions colorées, on trouve des globules rouges libres et intacts ou des globules phagocytés en état de digestion plus ou moins pro- noncée. En même temps, une partie desleucocytes, bourrés d’hématies, viennent se fixer sur l’épiploon et de làun certain nombre passent dans les ganglions mésentériques, la rate, le foie, et plus tard pénètrent dans la circulation générale. On peut les décéler dans le sang de la veine cave et dans le cœur droit. Quelques jours après, le sérum de l’animal, ainsi que ses exsudats, acquièrent des propriétés nouvelles, on y voit apparaître une agglutinine et une hémolysine, ou, pour être plus exact, un fixateur spéci- fique, 1. Ann. Inst, Pasteur, 1899, p. 737-769. 128 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Donc, premier point important, l'apparition de ces subs- lances spécifiques est subordonnée à l’acte de la phagocytose et de la digestion intracellulaire, ce qui fait déjà penser que ces substances doivent être produites par les leucocytes et notam- ment par les macrophages. Pour pousser l’analyse plus loin, M. Metchnikoff a étudié les propriétés des extraits de différents organes de cobayes neufs et de cobayes traités par des injections de sang d’oie. Il a vu que, seuls, les organes macrophagiques : l’épiploon, les ganglions mésentériques et la rate possèdent des propriétés dissolvantes. Tous les autres organes, y compris la moelle osseuse, n’ont aucun pouvoir hémolytique. Pour déterminer la nature de la substance dissolvante de ces extraits, 1l les a soumis à la température de 56° pendant 45 minu- tes ou 1 heure, après quoi ces extraits sont devenus inactifs. Il est donc légitime d'admettre qu'il s’agit ici d’une sub- stance pareille à celle qui confère les propriétés hémolytiques aux sérums ; qu’il s’agit ici d’une cytase. Cette cytase, étant donné son origine, peut être appelée macrocytase; en effet, les organes que nous venons d’énumérer sont les foyers principaux des macrophages. C’est à l'aide d’une cytase analogue ou identique que les macrophages du sang ou de la lymphe digèrent les cellules animales et c’est elle qui, passée dans le sérum lors de la formation du caillot, confère à ce sérum son pouvoir globulicide. Nous savons depuis longtemps, grâce surtout aux travaux de M. Metchnikoff et de ses élèves, que dans la lutte contre les microbes, c’est aux leucocytes polynucléaires, aux microphages, qu'appartient le rôle de beaucoup le plus important. Toute une série de travaux de M. Buchner et de ses élèves, de M. Denys et de ses élèves, et de beaucoup d’autres savants, travaux exé- cutés dans le but d'appuyer la théorie humorale de l’immunité, ont amené les auteurs à reconnaitre que les leucocytes doivent être considérés, comme les producteurs des substances bactéri- cides, des alexines ou cytases. Mais, amenés à cette conclusion, ils maintinrent néanmoins la doctrine humorale (quoiqué enta- mée il est vrai), en admettant la sécrétion vitale des cytases par les leucocytes et la présence de ces dernières dans le sang cir- culant. SUR LES CYTASES. 129 Il n'entre pas dans notre sujet de discuter ces théories. Lex travaux publiés sur cette question, non seulement par les parti sans, mais encore par les adversaires de la théorie des phago- eytes, et, en dernier temps, les travaux de M. Gengou ! sur l’ori- gine de l’alexine des sérums normaux, faits dans le laboratoire de M. Metchnikoff, ont bien démontré l'exactitude de la doctrine phagocytaire; ils ont établi, d’une part, que les polynucléaires doivent être considérés comme les producteurs de la cytase contenue dans les sérums; de l’autre, que cette cytase ne se irouve pas dans les plasmas et ne passe dans les humeurs qu'a- près la destruction des leucocytes. Certes, on est encore en droit de désirer et de chercher la dernière preuve, c’est-à-dire l’isolement de ces substances à l’état pur; mais les preuves d'ordre biologique sont déjà suffisantes pour entraîner la conviction. Si l’on considère le rôle des macrophages dans la destruction des cellules animales et celui des microphages dans la luttecontre les microbes, et si l’on se souvient des faits établis par M. Metchni- koff relativement à la résorption des cellules et aux transforma- tions subies par les éléments englobés dans ces deux catégories de phagocytes, on arrive à la supposition que ces différences doi- vent être dues à des ferments digestifs, à des cytases différentes. La question du nombre des cytases contenues dans un sérum est loin d’être résolue d’une façon uniforme par les savants qui s’en sont occupés. Ainsi, d’un côté, MM. Buchner et Bordet sont partisans de l'unité de la cytase: toutes les actions globulicides et bactéri- cides d’un sérum donné seraient produites par une seule et même cytase (alexine, d’après leur terminologie). La première considération, en faveur de cette théorie, est l’analogie des actions globulicides et bactéricides; la seconde, beaucoup plus importante, consiste en ceci : si l’on ajoute à un sérum quelconque des éléments sensibilisés, bactéries ou glo- bules, ces éléments fixent toute l’alexine (ou toutes les alexines) contenue dans ce sérum (Bordet?). De sorte que le sérum, ainsi traité, devient incapable par suite d'exercer aucune action hémo- lytique ou bactéricide. 1. Ann. Inst. Pasteur, 1901, p. 68-84; 2bid., p. 232-248. 2. Ann. Inst. Pasteur, 1900, p. 257-296. 130 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Ce fait, bien établi relativement à un nombre considérable de sérums, de globules et de bactéries, a certainement une grande valeur, mais ikne peut être considéré comme une preuve absolue de l'unité de la cytase parce que l'élément sensibilisé peut bien *ntraîiner non seulement la cytase qui sert à produire une action sur cet élément, mais encore bien d’autres ferments et enzymes. Des faits analogues ont été déjà observés dans l’his- toire des diastases; ainsi, la fibrine, est capable de fixer non seulement la trypsine et la pepsine, mais encore d’autres ferments. M. Wilde: a réussi dans quelques cas à fixer toute la cylase d’un sérum, même par des éléments non sensibilisés, mais tout simplement sensibles à l’action de cette cytase. Ainsi, par exemple, le vibrion cholérique et le coccobacille typhique, mis en contact avec le sérum de chien pendant un temps suffi- samment long et en quantité suffisante, lui enlèvent toute sa cylase. Le sérum devient ensuite inactif vis-à-vis des globules qu'il dissolvait auparavant. Dans les mêmes conditions, le bacille charbonneux, non sensible à l’action du sérum du chien, laisse cette eytase intacte. Telles sont les preuves apportées par les unicistes. _ D'un autre côté, MM. Ebrlich et Morgenroth®, Neisser *, Wechsberg ‘ et certains autres auteurs, défendent la théorie de la pluralité des cytases. IL serait trop long d’exposer toutes les considérations d'ordre théorique qui amènent MM. Ehrlich et Morgenroth à conclure que chaque sérum normal contient toute une série de compléments (cytases) différents ; nous nous contenterons de mentionner les faits principaux qui servent de base à cette manière de voir. Ainsi, ces savants ont trouvé dans le sang d’un bouc traité avec du sang de mouton, non seulement une cytase ordinaire qui est détruite par la tempéra- ture de 56°, mais encore une autre cytase thermostabile; 1l en était de même dans quelques sérums de chèvres et de veaux normaux. Du sérum de cheval qui dissout les globules de cobaye ainsi que ceux de lapin, ils parvinrent à séparer deux complé- 4. Berl. Klin. Woch., 1901, p. 878-881. 2, Berl. Kl. Woch , 1899, p. 481-486: ibid., 1900, p. 691-687 : ébid., 1901, p. 598-604. 3. Deut. Med. Woch., 1900, p. 790-792. &. Wien. Klin. Woch., 1901, p. 1194. AP CU SUR LES CYTASES. 134 ments : un, actif vis-à-vis des globules de lapin, est retenu par le filtre (Puxallfilter), tandis que l’autre, actif vis-à-vis des globules de cobaye, passe à travers. Par les injections de sérum normal, ils ont obtenu ensuite un antisérum capable de neutra- liser non seulement l’action du sérum ayant servi à l'immuni- sation, mais de plusieurs autres sérums. D'où ils tirent la conclu- sion que le sérum ayant servi pour Fimmunisation, devait contenir plusieurs compléments, paree qu'il provoqua la for- mation de plusieurs anticompléments. Neisser a montré que le sérum de lapin additionné d’une quantité suffisante de bacilles charbonneux tués, perd ses pro- priétés bactéricides tout en conservant son pouvoir hémolytique, d’où ilconclut à la présence d'au moins deux compléments, dont l'un serait bactéricide et l’autre hémolytique. Enfin, tout dernièrement encore, Wechsberg communiqua l’expérience suivante : le sérum de chèvre, actif contre les globules de cobayes et contre le vibrion de Nordhafen, après avoir dissous une quantité suffisante de sang de cobaye, perd son pouvoir hémolytique, c’est-à-dire devient incapable de dissoudre une nouvelle portion de sang, tout en restant actif vis-à-vis le vibrion Nordhafen. De ce fait l’auteur tire une conclusion ana- logue à celle de Neisser. On peut accepter cette interprétation: mais on peut aussi objecter que, après avoir hémolysé une certaine quantité de sang, le sérum devient incapable d’en dissoudre encore, non pas par suite de l'épuisement de sa cytase, mais par suite de l’accumulation des produits du processus hémolytique, qui empêchent la cytase encore restante d'exercer son action. Du reste, M. Bordet (4. c.) a démontré que les globules normaux sont incapables de fixer toute la cytase, puisque le sérum qui ne dissout plus les globules normaux, dissout encore bien les globules sensibilisés. Comme l’on peut juger d’après cet exposé, la question n’est pas encore résolue. Pour la trancher, il faudrait pouvoir isoler la ou les cytases des sérums à l’état pur. Mais comme il est dif- ficile d'apporter des preuves décisives en travaillant avec le sérum, il est naturel d'essayer de toarner la difficulté et de s'adresser pour cela aux sources des cytases, aux leucocytes et aux organes producteurs de ces leucocytes. | _ Dansle travail déjà cité de M. Gengou, il a été établi que les 132 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR, leucocytes polynucléaires contiennent, sous un même volume, une quantité plus considérable de cytase bactéricide que le sérum correspondant, tandis que les mononucléaires n’en con- tiennent pas du tout ou très peu. On doit donc considérer ces polyaucléaires ou microphages comme producteurs de la microcytase contenue dans le sérum; ce qui cadre bien avec les faits relatifs à la phagocytose des microbes par cette espèce de leucocytes. Mais si l’on n’admet dans le sérum qu’une cytase à laquelle on attribue à la fois le pouvoir bactéricide et globulicide, on se heurte à une contradiction : Les microphages producteurs de la cytase ne prennent pour ainsi dire aucune part dans l’englobement et la digestion des hématies, quoique con- tenant le ferment nécessaire, tandis que les macrophages, privés de cytase, les phagocytent et les digèrent d’une façon énergique. Au contraire, il suffit d'admettre que les deux variétés de leucocytes qui présentent de fonctions différentes, possèdent aussi deux cytases différentes : microcytase et macro- cytase, pour queles faits que nous venons d’exposer, s'expliquent d’une façon simple et claire. Cette théorie de deux cytases a été prévue et indiquée par M. Metchnikoff qui a bien voulu nous charger d’étudier la question. Nous le prions d'accepter ici l'expression de notre profonde reconnaissance pour sa bienveillance constante et pour les conseils qu'il nous donnait au cours de notre travail. Aclion hémolytique des extraits d'organes. Pour étudier l’action dissolvante des extraits d'organes , nous nous sommes adressé principalement à des cobayes, à des lapins et à des chiens. Comme réactifs, nous employons le plus souvent les globules rouges d'oiseaux (oie, poule, pigeon) qui sont plus commodes à observer grâce à leur volume, à leur forme et, surtout, à la présence de noyaux, et aussi le sang des mammifères (cobaye, lapin, chien, etc.). Après 4. Nous préparions nos extraits de la façon suivante : l'organe à examiner était coupé avec des ciseaux et trituré dans un mortier sur une toile métallique ou avec du sable très fin, en y ajoutant peu à peu de l’eau physiologique (à 0,85 0/0) en quantité 4-5 fois plus grande que le poids de l’organe. L'extrait- émulsion ainsi obtenu, après un séjour de 2-4 heures à l’étuve à 37, était placé à 1a glacière pendant 16-24 heures et ensuite servait pour les expériences. SUR LES CYTASES, 133 la centrifugation du sang défibriné et 2-3 lavages à l’eau physio- logique pour faire disparaître toute trace de sérum, on prépa- rait une émulsion dés hématies dans un volume d’eau physio- logique égal à celui du sérum décanté. Avec ces émulsions des hématies et des extraits d'organes, nous faisions des mélanges dans des tubes à essai ou dans des verres de montre, ainsi que des préparations en goutte suspendue. Ces mélanges ont été toujours laissés au laboratoire à la température ordinaire (159-202); quelquefois seulement on les portait à l’étuve, lors- qu'on cherchait à avoir une action plus rapide. Chez les cobayes, la grande majorité des organes se mon- traient, dans tous les cas examinés, inaclifs, même après un contact de plusieurs jours avec les globules énumérés plus haut. Ainsi, nous avons trouvé la moelle osseuse dépourvue de tout pouvoir hémolytique, même si l’on prenait 20 parties de l'extrait pour 1 partie de l’émulsion de globules. Nous avons examiné, au point de vue de son action hémolytique, 10 extraits différents. Il en fut de même pour le foie qui a été examiné LA fois, le rein 6 fois, les ganglions surrénaux 4 fois; les ovaires 2 fois, les testicules 2 fois, le cerveau 2 fois, et la moelle épi- uière 1 fois. Tout autres ont été les résultats obtenus avec les extraits des organes macrophagiques: épiploon, ganglions mésenté- riques et rate. [ei les extraits sont actifs dans la grande majo- rité des cas, sinon toujours. Ainsi l’épiploon se montra hémo- lytique dans 25 cas sur 28, les ganglions mesentériques 24 fois sur 26 et, enfin, la rate 23 fois sur 29 !. Outre ces organes macrophagiques, il faut encore mentionner les glandes digestives, et surtout le pancréas dont les extraits possédaient un pouvoir dissolvant vis-à-vis des hématies dans tous les cas observés (8 fois), etles glandes salivaires qui provo- quaient souvent (3 fois sur 4) une hémolyse légère, La dissolution par ces extraits se fait d’une façon iden- tique à celle produite par les sérums hémolytiques. Si l’on prend les globules d'oiseaux, on voit d’abord les noyaux deve- 1. Tout dernièrement M. Schibayama, du laboratoire de M. Kitasato, a publié dans le Centralbl. f. Bact. (1901, Bd. xxx, p. 760) un travail dans lequel il dit avoir constaté aussi que, chez les cobayes, la rate et les gang. lymphatiques, sont hémolytiques pour les globules de chien. Tous les autres organes. y compris la moelle osseuse. ne l’étaient pas. L'auteur n’a pas examiné les extraits de l’épiploon, 134 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. -nir apparents; ensuite, les hématies prennent une forme ronde, commencent à pâlir; enfin, il ne reste dé visible que le nôyau arrondi et, en diaphragmant fortement, on voit la membrane des globules qui se transforment en vésicules nucléées incolores. Les royaux ne se dissolvent pas dans les extraits. Si l’on conserve les préparations en gouttes suspendues pendant plusieurs jours (jusqu’à 7, 8 et même plus), on voit encore les noyaux, quoique gonflés et irréguliers. Seu- lement toutes ces altérations, au lieu de s’accomplir en quelques heures et même en quelques minutes, comme cela s’observe avec les sérums fortement hémolytiques, ne commencent d'ordinaire qu'après plusieurs heures de contact et ne s’accomplissent quelen- tement. Il faut souvent 24 heures, quelquefois même plus long- temps, pour que l’hémolyse se fasse. Il va sans dire qu’étant donné cette lenteur d'action, nous avions toujours soin de préparer des mélanges témoins : hématies-extraits des organes inactifs, hématies-sérums, ete. La dissolution par les extraits d'organes le plus souvent n’est précédée ni accompagnée d’agglutination, ce qui est encore une preuve de l'indépendance de ces deux phéno- mènes. Mais avant d'entrer dansles détails et pour ne pas tomber dans des redites, nous exposerons brièvement les résultats obtenus chez d’autres animaux, notamment chez les lapins et les chiens. Chez les lapins, l’épiploon se montre actif 3 fois sur 8, la rate 7 fois sur 11, les ganglions mésentériques 8 fois sur 12. La moelle osseuse, le foie, le thymus, se sont montrés toujours inactifs. Les glandessalivairessont faiblementdissolvantes, En général, le pou- voir hémolytique des extraits des organes delapin est inférieur à celui des organes de cobaye. Chez les chiens, l’épiploon hémolysa 2 fois sur #4 ‘, les ganglions mésentériques à fois sur 7, et enfin la rate 5 lois sur 7. D’autres organes — foie, rein, testicule, pou- mon, glande thyroïde, moelle osseuse, ne produisent pas d'hémolyse. Le pancréas est très hémolytique. En somme, on peut affirmer que de tous les organes de l’éco- nomie, ce sont seulement les organes macrophagiques et les 1. Hfaut remarquer que la préparation de l'extrait de l’épiploon chez les chiens est très difficile, par suite de sa grande surcharge graisseuse. On ne réussit que difficilement et encore avec les épiploons maigres. L’épiploon de lapin est aussi peu commode à manier ; on est empêché par la disposition anatomique du pan< créas et par la présence très fréquente de parasites (coccidies). SUR LES CYTASES. 139 glandes digestives qui possèdent un pouveir hémolytique plus ou moins marqué. Pour déterminer la force hémolytique respective de chacun de ces extraits, nous avons procédé ainsi: nous em- ployions d'ordinaire des mélanges de 5 parties d'extrait pour une partie d’émulsion de globules, Si l’hémolyse se faisait vite et d'une façon énergique, nous préparions des mélanges en propor- tion de 3: 1; 2: 1 (et même 1 : 1); si, au contraire, l’hémolyse ne ne se faisait pas ou était très faible, nous ajoutions de nouvelles quantités d'extrait jusqu’à la proportion de 10 : 1. Les extraits qui en cette proportion ne donnaient pas d’hémolyse au bout de -24 à 36 heures, étaient considérés comme inactifs. Il serait trop long et inutile de résumer ici tous les tableaux d'observations étant donné leur ressemblance. Il suffit d’en présenter trois, un pour chaque espèce animale employée. Le lendemain Le surlend. A midi. A 4h. A°7.h. à midi. matin. 4) Extrait de l’épipl. de cobaye..... 5 parties. / Dissolution Emuls.d'hématies \ complète, doi rent: 1 partie. 2) Extrait des gangl. Dis. à peine Dissolution Dissolution Dissolution MÉNCNE TR RES 5 parties, { commen- faible. forte. complète. Hém: d'oie-:.... {partie 7" 1e6e. 3) Extrait de larate. 5 parties. } Dissolution Dis. presq. Dissolution Hémdioie 1 partie. faible. complète, complète, 4) Ext. de la moelle osseuse ....... ÿ parties. ( 0 (®] 0 (0) Hém. d’oie...... 1 partie. \ 5) Ext. du pancréas. 5 parties. } Dissolution * Hémetdoiessuese 1 partie. complète, 6) Extrait du foie.. 5 parties. } 0 0 0 0 Hém. d’oie...... 1 partie. Ë 7) Sérum du même QD AVE. Res > parties. ( 0 (0) (0) (8) Hém. d'oie...4 { partie. * La dissolution par les extraits de pancréas s'accompagne d'un changenrent de couleur du sang. Le liquide perd vite sa coloration rose et devient brunâtre, IE Le lendemain À 5 h. du soir. ; A Th. à 11h. A Th. 1) Sérum de lapin... 6 parties. } Légère agglutina- Idem. Dissolution Hématies d’oie .... 1 partie. À tion. très faible. 2) Extrai ’épi- : issolL plus ) Extrait de Pépi reed RES APP Dissol plus ploon 4.5... 6 parties. { (0 faible prononcée, Hém: dois... 1 partie. | E mais incomplte. 3) Extrait de la rate.. 6 parties. } 0 Dissolution HÉTN..d'O16-. 25.5 { partie. À complète, 136 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. 4) Extrait des ganel. IMESC CCE ER 6 parties. (8) one Hémid'oie ere 1 partie. PREEE 5) Extrait de la moelle | OSSEUSCRE EEE 6 parties. (0) 0 0 HÉMERMOIEEREE TEE 4 partie. III Après 4 h. Après 24 h. 1) Sérumide chien 2... 10 parties. )} Dissolution com- Hématies de cobaye...... 1 partie. plète. 2) Extrait de l’épiploon...... 10 parties. } 0 Dissolution in- HÉémdercobayers crue 1 partie. À complète. 3) Extrait des gangl. mésent. 10 parties. } Dissolution com- Dissolution com- Hémideicobane ter 1 partie. mençante. plète. 4) Extrait de la rate......... 10 parties. } Dissolution com- Dissolution com- Hémedencobaye 7202 1 partie. : mençante. plète. 5} Extrait de foie ........... 10 parties. 0 0 Hémadeobare rer teee 4 partie. ‘ 6) Extrait de la glande thy- | ROLE EX PETER CRUE 10 parties. : O0 (8) HÉMATERCObAMEN EE EEE Re 1 partie, | Comme on peut voir d’après ces expériences (et les autres sont concordantes à ce point de vue), le pouvoir hémolytique des organes macrophagiques paraît ne pas être en rapport direct avec celui des sérums correspondants : par exemple, le sérum de cobaye est inactif, ou dans quelques cas très faible- ment actif, vis-à-vis des hématies employées ; il en est de même pour celui de lapin. Le sérum de chien possède, au contraire, une puissance hémolytique considérable. Or, les organes macrophagiques se montrent doués de pro- priétés globulicides chez ces trois espèces. Faut-il en conclure qu'il s’agit ici de substances autres que les cytases ? Déjà les faits observés par M. Metchnikoff relativement au sort des hématies injectées, le rôle joué dans ce processus par les macrophages et la constitution anatomique des organes étudiés, parlent contre une pareille supposition et font, au con- traire, penser que les substances hémolysantes contenues dans les extraits, doivent être analogues à celles des sérums. Les organes macrophagiques devraient leurs propriétés à la présence d’un ferment protéolytique endo-globulaire, mis en liberté par la destruction des cellules, d’une macrocytase, Pour s'assurer de la justesse de cette hypothèse, il fallait appliquer à nos extraits les réactions qui permettent de conclure à la présence de cytases et avant tout d'étudier l'influence de la chaleur, SUR LES CYTASES. 137 Si l’on chauffe les extraits à la température de 55,5-56° pen- dant une demi-heure ou une heure, on voit que le pouvoir hémolytique, tantôt disparait, tantôt diminue et, dans quelques cas, rares, il est vrai, reste même presque sans changement, c’est-à-dire que l'extrait chauffé agit, après le chauffage, dans les mêmes proportions et en même temps qu'avant. On peut en juger d’après le tableau suivant : Les extraits de l'épiploon ont été examinés à ce point de vue 10 fois, sur ces 10 expériences nous avons observé : L'abolition complète des propriétés hémolytiques....... 5 fois. Leur affaiblissement plus ou moins considérable ....... 5 — PÉNÉCONSERNATON EE TRE PER CE TE Career Et — Pour les extraits des gan: glions : mésenté riques examinés 10 fois : Abolhonscomplé lens sas duel dir ae 4 fois. Affaiblissement .......... RE SO ETS DIM POREEME o—— COS EVA ONE rs en eme Lieu aa ques 1 — Pour les extraits de la rate examinés 12 fois AD OMÉLON ER EN A Re cute Cire ic 8 fois LUTTE RO RAS PNR 2 RP RES DEEE NS A ETS 5 —= CONS NO LIONE EEE CPC T EE TE RARE LE Ainsi, l'influence de la température n’apparait pas, au premier abord, d’une façon aussi nette et évidente que pour les sérums actifs dont les cytases sont toujours détruites par le chauffage pendant une demi-heure à la température de 56°, sauf dans dans quelques cas spéciaux indiqués par MM. Ehrlich et Mor- genroth; mais la différence n’est qu’apparente. En effet, les cytases se trouvent dans Les extraits et dans les sérums dans des conditions différentes de milieu, et celles-ci influencent la résistance des cytases à la chaleur. M. Buchner! a démontré, par exemple, que l’addition de sulfates alcalins et de chlorure de sodium augmente la résistance des alexines des sérums vis-à-vis de la chaleur. En plus, il faut prendre en considération ce fait que, dans Les extraits, la macrocytase est loin d’être mise entièrement en liberté. Au contraire, on peut affirmer qu’elle est retenue en grande partie par des débris cellulaires contenus dans ces extraits-émulsions, et qu'elle n’abandonne ces débris que lente- ment et d’une façon incomplète. En effet, l’émulsion entière se montre toujours plus active que la partie liquide obtenue par la décantation au repos ou par la centrifugation. Si on filtre 1. Archiv für Hygiène, 1892, v. 10, p. 112-178. 138 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. extrait sur du papier buvard, le liquide clair qui passe est en grande partie privé des propriétés propres à l’émulsion entière. Ce liquide, dans lequel toute la cytase présente est en disso- lution, se comporte vis-à-vis de la température comme les sérums. On peut donc comprendre facilement la thermostabilité relative des extraits, par analogie avec ce que nous savons sur la facon dont la chaleur influence toutes sortes de diastases et de toxines en solution et à l'état sec. Toutes ces substances, à l’état dissous, sont beaucoup plus sensibles au chauffage que quand elles sont desséchées ou se trouvent fixées sur des éléments solides. Du reste, cette thermostabilité n’est pas très considérable, puisque, quand nous portions nos extraits à des températures un peu plus élevées, 58,5, 60, 62°, pendant 1 à 2 heures, le pouvoir hémolytique disparaissait complètement. Ce fait est à rappro- cher des constatations relatives aux extraits de différents endo-enzymes ou ferments endo-cellulaires, obtenus jusqu’à pré- sent, comme l’endo-trypsine des levures de MM. Martin et Hahn, l’amibodiastase de Mouton? et l’actinodiastase de Mesnil qui sont tous inactivés à la même température de 60°. Donc, par rapport à l’influence de la chaleur, la parenté avec les eytases des sérums est bien claire. Il est évident que l’on ne peut pas attribuer ce pouvoir hémolytique qui est aboli à de si basses températures, à des phénomènes osmotiques où à la pré- sence de quelques substances chimiques. L'expérience suivante prouve que lon peut réussir à activer l’action de ces extraits par l’addition des fixateurs spécifiques. l 1) te. globules de lapin ....... 1 partie. ) Dissolution complète en CRU ATATENT ESS CREER ER E 2 parties. { Rome Extrait de l’epiploon de cobaye ....... 4 — à he 2) ee de globules de lapin........ 1 partie. ) Agglutination: pas de Sérumrfinateur. SRE 2 parties. { 26 Hiésola tion Extrait de l’épipl. chauffé. ............ 4 — - 3) Emulsion de globules de lapin....,... 1 partie. Dissolution faible en Extrait de l’épiploon non chauffé... 6 parties. 42 heures. 4) Emulsion de globules de lapin........ | partie. Agel. légère + traces de Sérum de cobaye neuf chauffe. ....... 2 parties. { Fe ai { dissoluiion, Extrait de l’épipl. de cobaye 4 — 1. Zeitschrift für Biologie. Bd. XL, p. 117-172. 2. Société de Biologie, 20 juillet 1901, 3. Ann. Inst. Pasteur, 1901, p. 352-397. SUR LES CYTASES. 139 IL 4) Extrait de l'épiploon de cobaye, ...... 6 parties. } Dissolution incomplète Emulsion des hématies d’oie,......... 1 partie. après 6 heures. 2) Extrait de l'épipl : PE OR 1 : ; l es a + Li Re Rs { Dissolutioncomplète après SET RO TT NET MNT SSSR ENERE 2 é R ee ; \ SE. 1722 ÉMUISAUeS ANÉMEAUOIE ENT EL { partie. Certes, l’action du fixateur n’est pas aussi rapide qu'avec des sérums frais. Cela tient-il au passage très lent de la macrocytase dans le liquide, ou à ce qu’elle se trouve dans l’intérieur des ceilules, dans un état un peu différent de celui où elle est dans le sérum? IL est difficile de le dire quant à présent. Le fait n’en constitue pas moins un argument en faveur de l'opinion que nous soutenons. En étudiant les organes des animaux immunisés, on trouve que les propriétés hémolytiques des organes macrophagiques restent les mêmes et que d’autres organes n’acquièrent pas ces propriétés par l’immunisation. Le fait que les organes macro- phagiques n'ont pas leur pouvoir globulicide augmenté par limmunisation, peut être expliqué de la façon suivante : c’est dans ces organes que se trouvent en majeure partie les globules injectés ou plutôt leurs débris. Or, on sait que les éléments sen- sibles prennent les fixateurs et les cytases. Donc, rien d'étonnant que la force globulicide des organes macrophagiques ne paraisse pas être accrue. On voit seulement que presque tous les organes deviennent agglutinants; les agglutinines diffusent donc facile- ment dans l'organisme. La présence de petites quantités de fixateur peut aussi être démontrée en ajoutant les extraits chauffés à du sérum neuf. Même dans les organes macropha- giques des animaux normaux, on peut démontrer ia présence de la substance fixatrice — naturellement, non spécifique — comme on peut en juger par l'expérience suivante : Extrait chauffé de Ja rate de chien, 5 parties. + Sérum lapin, 5 parties, + Emulsion des hématiessdoie A DATE re Le ee == Dissolution complète en 24h, Même extrait, 10 parties. + Emulsion des RÉ pBATIIES PAS Re = 0 Sérum lapin, 10 parties. + Emulsion des héma- LES EP EPA Bor DENOR S PO Re AN PAR SET — Agelutination. Extrait chauffé de gang. mésentériques, 5 par- ties. + Sérum lapin, 5 parties. + Emulsion rdeshSmaltes, Mpartie.s 2 ie — Dissolution complète. Nous avons recherché si les agglutinines et les fixateurs 140 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. passent dans l’urine et si ces substances se retrouvent chez le fœtus. Pour cela nous avons examiné des extraits faits avec des fœtus entiers (chez les femelles pleines de cobayes, ayant reçu pendant la grossesse 2-3 injections de sang d’oie), avec des placentas et avec du liquide amniotique; dans tous ces cas nous n'avons vu aucune action dissolvante, mi fixatrice. Il était toutindiqué, après que nous avons constaté la présence d’une macrocytase dans les organes énumérés, de voir s’ils renferment aussi une microcytase, c'est-à-dire s'ils sont capables d’une action bactéricide. Le nombre des expériences que nous avons faites sur ce sujet, est trop petit pour permettre d'exprimer une opinion ferme; il faudra les compléter. Mais les quelques expériences que nous avons faites, peuvent néanmoins servir à indiquer que l’action bactéricide est loin d’être prononcée, au moins quant aux ganglions mésentériques. Les ganglions mésentériques d’un chien, en proportion de 10 : 1, dissolvent le sang d’oie en 7 heures 1/2. Le sérum, étendu de 3 fois son volume d’eau physiologique (l’organe étant broyé avec 3 fois son poids d’eau physiologique, il faut prendre aussi le sérum de même dilution), dissout le même sang deux fois plus vite. A des quantités égales (1 c. m.) de chacun de ces deux liquides, on ajoute un peu d’émulsion de culture cholérique. On ensemence les tubes aussitôt, dans les deux cas, un nombre considérable de colonies : après 9 heures, 200 colo- nies pour le sérum et æ pour les ganglions; après 22 heures, 23 colonies pour le sérum et pour les ganglions mésenté- riques. Nous avons obtenu des résultats analogues avec les ganglions mésentériques de lapins et de cobayes; dans un de ces cas, la moelle osseuse se montra bactéricide. On voit donc que les pouvoirs hémolytique et bactéricide des organes sont loin de marcher de pair. Les faits que nous venons d'exposer démontrent que les organes macrophagiques doivent jouer un rôle dans l’élabo- ration des hémolysines naturelles et artificielles. M. London, se basant sur les connaissances relatives à l’importance de la rate dans la lutte contre différents microbes, a eu l’idée d'étudier 4. Archives des Sciences biologiques (russes), 1901, v. VII, ne 4, p. 333. Lost ne hilimmnditie dr luntené tél SUIL LES CYTASES. 141 l'influence de l’ablation de la rate sur l'élaboration des hémo- lysines. Après avoir dératé plusieurs cobayes, il commença à immuniser quatre d’entre eux presque aussitôt après l'opération (le premier une heure après, le deuxième le lendemain, le troisième deux jours après). Aucun de ces cobayes ne lui donna de sérum hémolytique. De ces faits M. London conclut que la rate joue un rôle de premier ordre dans l’élaboration de l’hémo- lysine. Ce que nous savons sur le pouvoir hémolytique des organes, et sur le rôle des macrophages du sang et de la lymphe, dans le processus d'englobement et de digestion des globules d’espèce étrangère ne nous permet pas d'attribuer à la rate un rôle exclusif. C’est pourquoi nous avons repris les expériences de M. London, en nous meltant dans des conditions un peu différentes. Nous avons dératé un certain nombre de cobayes ; nous avons enlevé l’épiploon à d’autres; chez d’autres encore, nous avons extirpé les ganglions mésentériques; et enfin, à la dernière série, nous avons enlevé tous ces organes à la fois. (Il est à remarquer qu'à cette dernière opération, un très petit nombre d’animaux out survécu.) Après avoir gardé nos animaux jusqu’au rétablis- sement complet et retour au poids primitif (de 2 à 4 semaines), nous avons commencé à les immuniser, en même temps que des témoins, par des injections intrapéritonéales et sous-cutanées des hématies d’oie, faites à 8 jours d'intervalle. Après 3 injec- tions, nous avons examiné les sérums de tous ces animaux et nous avons constaté que les sérums des animaux ainsi opérés, étaient tout aussi actifs que ceux des témoins. Il n’est donc pas possible, d'attribuer la propriété de produire les hémofixa- teurs et les macrocytases à un seul organe. Chez les animaux opérés, on trouve une hypertrophie des plus prononcées de tous les ganglions lymphatiques et une leucocytose très considérable ; il ne manque donc pas d'éléments capables de remplacer, au point de vue de la formation des hémolysines, les organes enlevés. Ainsi, les organes macrophagiques ont un pouvoir hémoly- tique bien marqué, tandis que la moelle osseuse, foyer principal des microphages, en est dépourvue. Or, les rapports paraissent être justement contraires, relativement à l’action bactéricide de ces mêmes organes. 142 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Action hémolytique des exsudats : rapports qui existent entre les macrocytases et les microcytases ; influence du fixateur sur la phagocytose. Si l’on injecte dans le péritoine de cobaye les hématies d’une espèce étrangère, lavées et émulsionnées dans la solution phy- siologique, afin d’éviter l’action du sérum sur les phagocytes et sur les hématies elles-mêmes, et si l’on prélève les exsudats pour les étudier ensuite’, on peut observer les phénomènes suivants : pendant quelque temps, les globules rouges restent libres et intacis ; puis après un temps variable, entre 1 et 3 heures, com- mence lafflux des leucocytes parmi lesquels les microphages jouent un rôle pour ainsi dire passif; si l’on arrive à voir un microphage englober une hématie, ce n’est qu’à titre d’excep- tion, alors que les macrophages commencent leurs fonctions dès les premières heures et les poursuivent jusqu'à labsorp- tion complète de tous les globules. Pour que la phagocytose soit totale, 1l faut un temps variable selon la quantité du sang injecté : 24 heures et même moins peuvent suflire, quand on injecte des quantités faibles (1/2 à 1 c. ec.) d’émul- sions des hématies à 5-10 0/0. Il faut, au contraire, 3 à 4 jours et même plus quand on emploie des émulsions non diluées et en quantités relativement grandes, 3-5-7 c. c. Dans ces cas, en faisant des examens successifs, on voit que le nombre des hématies libres diminue de plus en plus, mais que les hématies restent toujours intactes en conservant leur forme et leur hémo- globine. Lorsque, après la disparition de l’exsudat, on tue l’ani- mal et qu’on fait des frottis avec l’épiploon qui est en ce moment couleur de rouille, et chargé d’un grand nombre d’élé- ments figurés de l’ancien exsudat, on voit, à côté des macro- phages bourrés d’hématies englobées à de différents stades de digestion, encore un certain nombre d’hématies libres, ayant leur aspect normal et ne présentant qu'un seul changement, la colorabilité plus faible des noyaux par les couleurs basiques. Ce fait est peut-être dû au passage de quelques substances du noyau dans le protoplasma, c’est ce qui serait à rapprocher des formes en tonneau décrites par M. Metchnikoff (1. c.). 1. Nous avons fait pour cela des préparations en gouttes suspendues et des préparations colorées. SUR LES CYTASES. 143 Dans ce cas on ne trouve donc aucune trace d'action humo- rale. L’affirmation contraire de von Dungern qui, en injectant dans le péritoine des cobayes du sang de pigeon, observa sur- tout de la dissolution extracellulaire et qui, partant, ne fait jouer aux macrophages qu'un rôle de second ordre, ne peut être expliquée que par le fait qu'il a injecté du sang défibriné et non des hématies émulsionnées dans de l’eau physiolo- gique. Le sérum ainsi injecté, d’une part, provoque une pha- golyse considérable, et de l’autre, peut être nuisible à des hématies. L'emploi du rouge neutre qui colore d’une façon intense les noyaux des globules rouges phagocytés est très commode; on peut suivre les processus x vitro, pas à pas, mais il est à remarquer que l’emploi de cette couleur n’est pas une chose indifférente. Si on fait des préparations en chambre humide, avec les gouttes d’exsudat, prélevées à l’aide de pipettes, on observe, au bout de 24 heures, une hémolyse complète dans les préparations additionnées du rouge neutre, tandis que le phé- nomène n’a pas lieu dans les préparations ordinaires. En étudiant attentivement les changements survenant in vitro et in vivo, on peut remarquer que x vitro une certaine partie des hématies subit l’hémolyse extracellulaire, ce qui n’a jamais lieu in vivo. I est à noter que, seules, les hématies se trouvant au voisinage de macrophages avariés, subissent cette dissolution, de sorte qu'on a l'impression que le fait doit être attribué à quelques substances échappées du phagocyte après sa destruc- tion. Cette dissolution extracellulaire ne s’observe que quand l’exsudat prélevé est déjà assez riche en macrophages, c’est-à-dire quand il est prélevé 10 heures et plus tard après l'injection du sang. Pourquoi cette dissolution ne va-t-elle pas plus loin et ne touche-t-elle jamais la totalité des hématies, il est difficile de le dire avec certitude; néanmoins la labilité même de la cytase peut donner une explication satisfaisante, On observe aussi que la phagocytose se fait invitro, mais d’une façon plus lente et plus incomplète que ?# vivo. En injectant, dans le péritoine de cobayes, des substances comme la gluten-caséine, l’aleurone, le bouillon, la solution physiologique, on a, 18-24 heures après, des exsudats composés presque exclusivement de microphages (plus de 80 0/0). Ces 12% ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. exsudats se sont montrés toujours incapables de la moindre action hémolytique, de même que les extraits de leucocytes centrifugés et lavés. L’addition du fixateur spécifique n’exerce aucune influence sur les extraits. Après 36-48 heures, l’exsudat change et devient de plus en plus riche en macrophages. De tels exsudats provoquent une hémolyse quoique peu marquée. Pour prouver que cette hémolyse est due à la macrocy tase de ces macrophages, il aurait fallu en préparer des extraits; mais on se heurte à des difficultés : la quantité des exsudats est faible, et les macrophages du péritoine du cobaye supportent mal la centrifugation et le lavage, de sorte qu’il nous fut impos- sible d’avoir des extraits sûrement débarrassés du sérum d’exsudat et en quantité suffisante. C’est pourquoi nous nous sommes adressés à des lapins. Pour avoir de bons exsudats, nous avons employé la gluten- caséine selon les indications données par Gengou. 18-24 heures après l’injection intrapleurale de 5 ce. c. de gluten-caséine ou de l’émulsion d’aleurone à 5 0/0 dans le bouillon, on tue l'animal par saignée, on prélève l’exsudat dont la quantité varie de 2 à 10 c. c. et qui contient en grande majorité des hierobleees plus de 80 0/0 et a même plus de 90 0/0. Les exsudats ainsi obtenus sont centrifugés et lavés 2-3 fois à l’eau physiologique. Puis, les leucocytes, addi- tionnés de leur volume d’eau physiologique, sont congelés dans un mélange de glace et de sel marin et transportés dans de l’eau à 37°. Cette opération est répétée 2 ou 3 fois pour favo- riser la destruction cellulaire et le passage de la cytase dans le liquide. On laisse ensuite cette émulsion macérer dans l’étuve à 31° pendant 14-24 heures, après quoi on examine les propriétés de ces extraits comparativement avec un volume égal de sérum additionné de son volume d’eau physio- 4. La poudre obtenue après broiement de gluten-caséine est ajoutée à la dose de 10 0/0 à ne solution de KOH à 1/2 0/0 chauffée à 100°. Une demi-heure après, Je mélange est transporté au baïa-marie à 560-609 pour 2-4 heures. On stérilise le liquide louche ainsi obtenu 2 ou 3 fois à 100 et on en injecte 4 à 5 c. c. A propos de cette substance, il faut remarquer que sa composition et partant ses propriétés sont variables. Les échantillons en morceaux qui donnent, après les manipulations indiquées, un liquide louche, produisent de bons exsudats. Les échantillons en poudre, en se dissolvant complètement, donnent un liquide clair. L'injection d'un tel liquide ne provoque que des exsudats faibles au point de vue de la quantité ct peu riches en cellules. SUR LES CYTASES. 145 logique, avec du sérum d’exsudat, etc. Dans 10 expériences faites ainsi, nous n'avons jamais constaté la moindre action hémolytique par rapport aux globules d'oie, de poule et de cobaye. Cette absence d’hémolyse ne permet pas encore de con- clure à l’absence de la cytase, elle peut y être contenue, mais en quantité insuffisante. Or l'addition du fixateur nous permet de déceler les quantités, même très faibles, des cytases. C’est pourquoi nous avons soumis à l’action de nos extraits diffé- rents globules en présence des fixateurs correspondants. Pour cela, on ajoute du fixateur spécifique à l'extrait et ensuite les hématies; ou on met d’abord les hématies pendant 2-3 heures à 37° au contact du sérum spécifique chauffé et on les transporte après le lavage dans les extraits. Dans 6 expé- riences faites de cette façon. il n'y a jamais eu d’hémolyse, D'autre part, pour nous assurer que ces extraits ont un pouvoir bactéricide, nous avons essayé, dans 3 cas, leur action vis-à-vis du coccobacille typhique et du vibrion cholérique ; ils se sont montrés, égaux ou même supérieurs aux sérums Correspon- dants. Nous donnons ici le tableau complet d’une de nos expé- riences : Un lapin reçoit le 6 mai à # heures, 5 c. c. de gluten-caséine dans chaque plèvre; le 7 mai, c’est-à-dire 18 heures après, il est saigné et on retire de la plèvre droite 8 c. c. d’un exsudat visqueux de couleur gris jaunâtre, qui donne après la centrifu- gation à peu près 3/4 c. c. de dépôt composé de 91 0/0 de polynu- cléaires et de 9 0/0 de mononucléaires. De la plèvre gauche, on retire 6 c. c. d’exsudat qui contient 89 0/0 de polynucléaires, et 11 0/0 de mononucléaires. Après avoir traité ces exsudats d’après le procédé décrit plus haut, on prépare pour l'étude des propriétés hémolytiques les mélanges suivants : Le lendemain A 6h. A6:h0 1/2: à 10 h. 1/2. 1) Extrait des leuco- ; a plè- | : : cytes de la plé D eu O (mème ap, vre gauche .... 5 parties. (D) (0) à DS 9 £ 2h a 310), Emulsion des hé- \ ‘ maties d’oie..., À partie. 2) Même extrait..... 3 parties. Sérum fixateur.., 2 — | Agelutination : 5 ; ; Idem. 1dem. Emuision des hé- + O. Indes. MAipartie: 10 446 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. 3) Zdem que le 1, mais avec les leucocytes de la plèvre l 0 0 (0) COTES re LEA Ee Alta A ue eos Agglutination4+0. /dem. Idem. de la plèvre droite). \ 5) Zdem que 1, mais avec les hé- } 0 0 0 MAHESIAEMPOUlE....... \ : ; 6) Zdem que 3, avec les hématies. 0 0 0 depnmlé. : P nu seurene ee \ 7) Sérum du même dtistoaraatine pin ee. eee 5 parties. { Fes 0 Idem. Idem. Hématies d’oie.., 1 partie. , ; à 8) Sérum ....... 1-9 pertes, ) Agglutination Demauon EPA EUTEREARELEE 2 + dissolution ï : We ( E complète. Hématies.......2 4 partie. avancée. 9) Sérum .. RNA _ > parties. ) Légère agglutina- Dissolution Hématies de üon + traces de Idem. SL Pros : AVE ë mais faible. Douleur 1 partie. dissolution. 10) Sérum d’exsudat. 5 parties. } 0 0 O, traces Hématies d’oie ... 4 partie. | d'agglutinat. 11) Sérum d’exsudat, 3 parties. Fixateur.…....... SE Hématies d’oie... 4 — ) 42) Sérum d'exsudat. 5 parties. } Hématies de poule. 14 partie. | Agglutination+0. /dem. Idem. Lésère ag- p Eu ÉONUE Pour voir l'action bactéricide de ces extraits, nous nous sommes servi de la méthode des ensemencements succes- sifs. Nous avons comparé l'extrait de leucocytes, le sérum d’exsudat et la solution physiologique, et nous avons vu qu’a- près 19 heures tous les germes (vibrion cholérique) ont été tués dans l’extrait, le sérum donna encore quelques colonies après 24 heures. Le sérum de l’exsudat et la solution physiolo- gique se comportèrent d’une façon identique : le nombre des colonies après 24 heures a été innombrable. Cette expérience, qui du reste peut être facilement répétée, est très démonstrative : l'extrait de polynucléaires, plus riche en microcytase que le sérum correspondant, ne contient pas de macrocytase; non seulement il n’est pas globulicide par lui- même, mais il ne peut être activé par le fixateur spécifique; tandis que le sérum correspondant l’est à un degré très prononcé. Il faut donc admettre qu'il existe une différence réelle entre les macrocytases et les microcytases. .. Nous rappellerons ici que Schattenfroh ‘ a déjà constaté 4. Archiv. für Hygiene, 1899, Bd. 35, p. 135-203, et Münch. med. Woch., 1898 p. 353-359. Tout dernièrement, M. Gruber (Wünch. med. Woch, p. 1965-1968) a parlé des expériences analogues aux nôtres ; lui non plus n’a pas réussi à activer les extraits des leucocytes par les hémofixateurs, On peut donc considérer ces faits comme établis d’une facon définitive SUR LES CYTASES. 147 que les extraits polynucléaires très bactéricides ne sont pas hémolytiques et qu’il se prononça dans le sens de la non-identité des substances bactéricides des leucocytes et des substances globulicides des sérums. Si l’on pouvait réussir tout aussi facile- ment à obtenir chez le lapin des exsudats mononucléaires, la ques- tion de la dualité des cytases serait tranchée aussitôt avec une évi- dence absolue. Mais on se heurte à des difficultés qui ne permet- tent pas d’avoir des résultats nets et non susceptibles d’objections. Ainsi, le procédé qui consiste à provoquer des exsudats macrophagiques par injections intrapleurales des globules rouges d’oie n’est pas applicable : les macrophages qui saisissent et digèrent ces hématies, emploient leur macrocytases à cette digestion. On sait bien par les expériences de Bordet (/. c.) que la quantité de cytases n’augmente pas d’une façon tant soit peu sensible pendant l’immunisation. Ce fait qui doit ètre mis au moins en partie sur le compte de la fixation dé la cytase par les éléments sensibles, nous indique pourquoi l'étude des exudats ainsi obtenus, ne peut pas donner de résultats probants,. D'autre part, en injectant la gluten-caséine et l’émulsion d’aleurone, on a, après 48-72 heures, des exsudats très peu abon- dants dans lesquels la plupart des leucocytes se trouvent dans les petits blocs fibrineux formant presque la totalité de l’exsudat, En faisant des frottisdeces blocson trouve aussi bien des monoque des polynucléaires, en proportion de50-60 de mononucléaires pour 40-50 de polynucléaires. Avec un tel exsudat, après avoir trituré ces blocs et les avoir traités par la méthode de Buchner, nous avons obtenu une dissolution très incomplète de globules de poule; cette dissolution est activée par le fixateur. Mais il ya eu coagulation (puisqu'il y a eu de la fibrine), destruction des leucocytes différents, toute une série de phénomènes qui ne permettent pas de savoir exactèément d’où proviennent les cytases en pareils cas, c'est pourquoi nous n’avons pas pour- suivi çes expériences. Le sérum de chien est doué de propriétés hémolytiques assez considérables, il était done tout indiqué de chercher dans ses leucocytes la présence dela macrocytase. Les exsudats à polynucléaires ont été obtenus dans la plèvre par la gluten-caséine et par l’aleurone, et sous la peau, par le nitrate d'argent. 148 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Les extraits préparés avec des leucocytes ainsi obtenus, aussi bien des exsudats sous-cutanés (3 expériences), que des exsudats pleuraux (5 expériences), se sont montrés toujours inca- pables de produire l'hémolyse, même quand on leur ajoutait des fixateurs spécifiques, d’après le procédé indiqué à propos des extraits polynucléaires de lapin. Ils possédaient en même temps un pouvoir bactéricide vis-à-vis du coccobacille typhique et du vibrion cholérique et encore d’autres propriétés, comme, par exemple, celle de dissoudre la gélatine. Donc, chez le chien, ce ne sont très probablement pas les polynucléaires, producteurs de la microcytase du sérum, qui lui communiquent son pouvoir hémolytique si marqué. Nous avons employé ensuite les injections sous-cutanées de l’essence de térébenthine. Les 2 premiers jours après l’in- jection, on n'a qu'une faible quantité de sérosité avec peu d'éléments cellulaires. C'est au 3° et surtout au 4° jour, que l’on peut obtenir du pus en quantité quelquefois très consi- dérable (50 c. ce. et plus). Ce pus épais, jaunàtre, contient, à côté des débris du tissu nécrosé, beaucoup de cellules détruites dont il est difficile de déterminer la nature exacte, puis une grande quantité de mononucléaires. Tous les globules bien reconnaissables sont à un seul noyau. Étant donnée la propriété que possède l'essence de térébenthine de produire l’hémolyse, nous avons eu soin de laver la partie solide de nos exsudats jusqu’à 6 fois (en centrifugeant et en enlevant avec une pipette la partie liquide chaque fois) pour éloigner toute trace d'essence. Après le dernier lavage, le résidu solide était additionné de son volume d’eau physiologique (toujours à 0,85 0/0) et traité par la méthode de Buchner. Sur 9 chiens, nous avons pu avoir 5 fois des exsudats dans les conditions décrites, les autres fois les exsudats ont été hémorragiques, ou ne contenaient pas de globules libres; on avait un bloc du tissu mortifié au lieu d’exsudat, etc. Sur ces 5 exsudats, 2 se sont montrés nette- ment hémolytiques presque au même. degré que le sérum sanguin, tandis que dans 3 cas cette action a fait défaut. Étant donnée cette inconstance des résultats, nous ne nous per- mettrons d’en tirer aucune conclusion ferme. Mais puisque nous avons pris toutes les précautions pour éviter les causes d'erreurs dans les résultats positifs, et puisque avec les exsudats SUR LES CYTASES, 149 microphagiques nous n'avons jamais obtenu d’hémolyse, nous ne pouvons considérer ces faits comme n’ayant pas de signifi- cation, et ceci d'autant plus que les organes macrophagiques eux-mêmes ne sont pas toujours actifs. Peut-être la macrocytase dans les extraits inactifs aura-t-elle pu passer, par suite d’avarie des cellules, dans le liquide de l’exsudat; peut-être a-t-elle été employée en entier pour la digestion des cellules mortes de la collection purulente. A ces questions, il nous est impossible de répondre quant à présent. Nous comptons poursuivre les recherches dans cette direction, afin de mieux élucider la question. Voici les détails d’une de nos expériences. Un chien reçoit sous la peau, de chaque côté, 1 c. ce. d'essence de térében- thine, Trois jours après, on lui injecte dans chaque plèvre 10 c. c. de gluten-caséine, Vingt-quatre heures après cette injec- tion intrapleurale, il est saigné à blanc, on retire de 2 abcès sous-cutanés jusqu'à 100 c. c. de pus épais, crémeux, jaunâtre, sentant la térébenthine. Toutes les cellules reconnaissables sont à un seul noyau. Ce pus, après 6 lavages, est traité comme il a été décrit. De la plèvre droite, on retire 20 ce. c. d'exsudat contenant 93 0/0 de polynucléaires; de la plèvre gauche, 15 c. c. avec 82 0/0 de polynucléaires, Ces exsudats sont traités comme plus haut avec cette différence qu’on ne les lave que 2 fois. Avec les extraits obtenus on fait les mélanges suivants, dont on fait aussi des préparations en chambre humide pour le contrôle microscopique, Les mélanges sont préparés à 2h 30. A 2h. 3/4. A3h.1/2. A4h. A 6h. Le lendemain. 4) Sérum de chien... 5 p. Agglutina- Dissolution Un Dissolu- . La : : Je ; À = . Dissolution Emulsion des hé- tion lé- commen - peu tion à PRES PIX maties d’oie.... 4 p. gère. -çante. plus. moitié, I . ; . ; Acplutina- - 2) Même sér. chauffé. 5 p. | \a8 ta Agolutina - ; ses tion lé- /dem. Idem. Idem. c Hématies......... 4 p \ tion + O0. gère. Aggolutina- tion lé- /dem. Idem. Idem, Idem. gère. Agglutina- 3) Extrait de polynu- ) \ date: Hp. | tion lé- 7dem. Idem. Idem. Idem. Cléaires eee Se MOD: HémArd'oie "tre 1p° gère. 5) Eau de lavage de polynucléaires, , Hémir 1d'oie eee 150 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. 6) Sérum de l’exsudat | Agolutina- Comme n- Dissolut. Diss. plus mononucléaire.. 5 p. + tion lé- cementde Zdem. moins qu'à moitié, mis Hém-id'oie ee 1Np: gère. dissolut. qu'à moitié. incompl. 71) Eau de lavage de | Quelques La dissolu- mononucléaires. 5 p. ! (8) traces de dem. Idem. tion reste HéDRSIOTEEC Eee AN p: dissolut. ébauchée. 8) Eau de 2 lavage.. 5 p. | - Hém. d’oie........ 0 SOUDE . : Ê 5 A 3 D. 9) Extrait de mononu- , Dissolution Dissolu - Dissd io CMS DD commen- /dem. tion à x y in = COMpIÈte:s Hem \d'oie. D ) çante. moitié. L'’extrait de mononucléaires, après le chauffage pendant une demi-heure à 65°, a perdu ses propriétés dissolvantes. Dans une autre expérience calquée sur celle-ci, l'extrait de l’'exsudat se montra même plus actif puisqu'il nous donna, en proportion 5 : 2, une dissolution complète en 24 heures; le chauffage à 1° pendant 30 minutes a abolipresque complètementson action. IL A à noter que, dans 3 expériences où l’hémolyse n’a pas eu lieu, l’action du sérum de l’exsudat (malgré la présence de la térében- thine) ne se montra que très faible ou même nulle. Ceci montre que l’on ne peut expliquer les résultats positifs par l’action de l'essence de la térébenthine, et rend probable notre hypothèse de la destruction possible de la macrocytase. Il faut remarquer encore que, dans les cas positifs, le sérum d’exsudat qui contenait de l'essence de térébenthine à été plus faiblement hémolytique que l'extrait leucocytaire. Pour étudier l’action des exsudats chez les animaux préparés par les injections des hématies, nous nous sommes adressé de nouveau à des cobayes. Quand on injecte dans le péritoine d’un animal immunisé des hématies suspendues dans de l’eau physiologique, on voit, au lieu d’une phagocytose très lente exclusivement par des mono- nucléaires et d'une dissolution extracellulaire nulle, des phéno- mènes tout différents. La phagocytose est très rapide; les poly- nucléaires y prennent une part presque aussi active que les macrophages. Cette phagocytose se fait à la manière des amibes par de grands pseudopodes et non pas selon le mode des Vampyrelles. me i a été déjà décrit par M. Metchnikoff. En même temps, la destruction humorale des hématies est toujours bien prononcée. On pourrait croire, au premier abord, à la présence d'une cytase libre dans le plasma de l’exsudat. Mais une pareille SUR LES CYTASES, 151 opinion ne peut pas être soutenue, étant donné que les injections intrapéritonéales provoquent toujours un certain degré de pha- golyse et partant le passage dans le plasma des ferments endo- leucocytaires. Il suffit de préparer le péritoine par des injections préalables de liquides comme le bouillon, la solution physiolo- gique, etc., et d'employer ensuite les émulsions des hématies à la température de 37° afin d’entraver, autant que possible, la phagolyse, pour que la destruction extracellulaire soit réduite à un minimum négligeable. Tels sont les faits observés tn vuro. En mélangeant les exsudats prélevés chez ces animaux avec les hématies et en observant ces mélanges en gouttes suspen- dues, on trouve les mêmes phénomènes : d’une part, la destruc- tion extracellulaire due à l’avarie d’un certain nombre de leuco- cytes: de l’autre, une phagocytose s’accomplissant à vue d'œil. Quelques minutes suffisent pour amener un englobement complet de toutes les hématies intactes et aussi de celles qui ont déjà perdu leur hémoglobine, tandis qu'avec les leucocytes des animaux neufs, il faut une journée entière et même plus, in vivo. In vitro, les leucocytes neufs ne phagocytent que lente- ment et seulement en partie. La majorité des hématies restent libres. Pourquoi cette exagération des fonctions phagocytaires ? S'agit-il ici, pour ainsi dire, d’une éducation des leucocytes ou d'une influence stimulante de la part des fixateurs qui, comme on sait, circulent librement dans les humeurs des animaux préparés. Pour répondre à cette question, nous avons fait une série d'expé- riences suivantes : nous injections à des cobayes des globules chargés de fixateurs spécifiques ou nous faisions à des animaux neufs des injections d'hématies et de sérums spécifiques chauffés, simultanément, avant et après celle des hématies. Dans ces cas, les phénomènes observés ont été identiques à ceux déjà décrits. Nous prenions ensuite des leucocytes chez les animaux neufs et les mélangions à des globules sensibilisés in vitro : même effet. Enfin, nous nous sommes servi de leuco- eytes pris chez des animaux injectés préalablement avec des sérums hémolytiques chauffés. On lavait les leucocytes pour les débarrasser du fixateur qui pouvait être présent dans le liquide et on les mettait en contact avec des hématies. La phagocytose, quoique moins énergique que dans le cas précédent, a eu nean- 152 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. moins lieu. L'influence stimulante des fixateurs sur la fonction phagocytaire est donc bien évidente. L'apparition du travail de M. Sawtchenko qui a obtenu les mêmes résultats et leur a ajouté d’autres non moins intéressants, nous a fait abandonner les expériences dans cette direction. Nous ne les enregistrons que dans le but de confirmer ce fait important. Puisque chez les animaux préparés, les polynucléaires sont tout aussi capables, ou à peu près, de phagocyter les hématies que les macrophages, on pourrait conclure que chez eux les exsudats différents devraient se comporter vis-à-vis des hématies d’une façon identique. Eh bien, l'observation nous montre le contraire: malgré cette faculté qu’acquièrent les microphages d’englober les hématies, les exsudats à polynuclñaires sont tout de même de beaucoupinférieurs à ceux àmacrophages, quantà leur pouvoir hémolytique. Nous avons fait beaucoup d'observations à ce sujet, nous en exposerons quelques-unes avant d’en tirer les conclu- sions. 1. Chez un cobaye immunisé dontle sérum dissout les hématies d’oie en proportion de 3 : 1 en # heures, on provoque, par l'injection de bouillon, un exsudat qui contient 22 heures après l'injection, 68 0/0 de polynucléaires. Cet exsudat est congelé tel quel et mélangé avec des hématies en proportion de 5 : 1. Aucune hémolyse. Mème 36 heures après, 1l n’y a que des traces de dissolution. On attend encore 18 heures, on retire de l’exsudat avec 79 0/0 de mononucléaires. Cet exsudat commence à agir au bout de 15 minutes, et 24 heures après, la dissolution est complète. 2. Chez les 2 cobayes dont les sérums sont hémolytiques en proportion de 4 : 1 (le premier donne la dissolution complète en 10, l’autre en 20 minutes), les exsudats mononucléaires sont aussi actifs; chez le premier, nous avons à la même proportion une hémolyse complète après 24 heures, chez l’autre presque complète en même temps. 3. À un cobaye préparé, on injecte c. c. de solution physiolo- gique; 1/2 heure après, on retire de l’exsudat qui contient très peu d'éléments cellulaires. Ceci ne doit pas nous étonner; le manque d'éléments cellulaires est dû à la phagolyse. Ce liquide dissoutleshématiesd'oie en proportion de5:1 enunedemi-heure. SUR LES CYTASES. 153 4 heures après, on reprend de l’exsudat contenant encore peu d'éléments, mais surtout des polynucléaires et quelques lymphocytes. Cet exsudat, même en 20 heures, ne donne que des traces de dissolution: 23 heures après, on retire de l’exsudat avec 70 0/0 de polynucléaires et 30 0/0 de mononuc:éaires. Cet exsudat hémolyse en 5 heures, 24 heures après, on reprend de l’exsudat avec 85 0/0 de mononucléaires, il hémolyse en 15 minutes. L'animal est laissé en repos; deux jours après, ilestde nouveau injecté avec 5 c. c. d’aleurone; 18 heures après, on retire un exsudat avec 62 0/0 de polynucléaires. Cet exsudat demande 5 heures pour que l hémolyse soit complète. 4. Un autre cobaye immunisé dont le sérum hémolyse en proportion de 5 : 1 en 20 minutes, donne 16 heures après l’injec- tion d’aleurone un exsudat très épais, riche en cellules presque exclusivement polynucléaires (95 0/0). Cet exsudat ne donne au bout de 29 heures que des traces d'hémolyse. On voit ainsi que, si le pouvoir hémolytique des exsu- dats est toujours inférieur à celui du sérum correspondant, il est néanmoins nettement en rapport avec la quantité de macro- phages ; plus il y en a, plus l’exsudat est actif. Certes, on peut faire l’objection qu'avec les changements de la teneur des exsu- dats en ces deux espèces de leucocytes, il se passe aussi d’autres changements. La constance des rapports’ indiqués n’en constitue pas moins un fait qui s'ajoute à tant d’autres, déjà énumérés, comme une nouvelle preuve des rapports étroits qui existent entre les fonctions des macrophages et les processus hémoly- tiques. Malgré toutes les difficultés qu’on a pour préparer des extraits des exsudats péritonéaux à mononucléaires chez les cobayes, nous avons réussi dans 2 cas à avoir des extraits macrophagiques actifs, quoique faiblement. + Tous ces faits, malgré les lacunes qui existent dans nos expériences et que nous avons eu soin d'indiquer au cours de notre exposé, nous permettent de conclure à l'existence d’une différence entre les ferments digestifs des deux espèces de leuco- cytes, entre leurseytases; d'autant plus quebeaucoup d’autres con- Sidérations parlent dans le même sens. Ainsi les macrophages et les microphagesontuneoriginediverse;les premiers proviennent, 154 : ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. comme ceci à été établi par M. Ehrlich, des ganglions lympha- tiques et de la rate, tandis que les polynucléaires ont leur source principale dans la moelle osseuse. Ces organes eux-mêmes ont aussi des propriétés différentes au point de vue qui nous occupe. Les différences morpholo- giques et chimiques, les dernières prouvées par les réactions des protoplasmas vis-à-vis des substances colorantes, sont aussi bien nettes. Enfin, les fonctions remplies par les leuco- eytes sont loin d’être identiques. Les microphages, sans toucher aux cellules animales, saisissent et digèrent vite les microbes; les macrophages, au contraire, très énergiques vis-à-vis des cellules animales, ont des fonctions phagocytaires beaucoup moins prononcées vis-à-vis des microbes. Quelquefois, ils ne Les englobent pas du tout; dans d’autres cas, après les avoir phago- cytés, 1ls ne les digèrent que lentement. Ils peuvent même devenir en dehors de l’organisme de véritables milieux de culture pour les microbes englobés. On a donc un nombre consi- dérable de preuves en faveur de la théorie de deux cytases. I serait très intéressant de pouvoir dissocier les deux cytases, celle des macrophages et celle des microphages, dans du sérum sanguin. Les procédés de fixation, employés jusqu'à présent, n’ont pas permis, comme nous avons vu par l'exposé des travaux relatifs à ce sujet, de trancher cette question. Avec les éléments chargés de fixateurs, on prive un sérum de toutes ses cytases (ou de toute sa cytase); sans employer les fixateurs, on ne parvient pas à enlever toute la cytase même à l’aide des éléments sensibles, au moins dans beaucoup de cas. Ceci nous explique, en grande partie, les divergences de vues des auteurs cités plus haut. Il faut chercher un autre procédé. Nous avons essayé le procédé suivant : si on injecte dans les veines d’un animal des substances comme la peptone, on provoque une leucocytose considérable, Eh bien, en déterminant, d'une part, le pouvoir bactéricide et le pouvoir hémolytique d’un sérum, et de l’autre, le nombre et l'espèce de leucocytes avant ef après ces injections, on pourrait peut-être tirer quelques indications utiles. Malheureusement, les données que nous avons obtenues chez les animaux ainsi traités (4 lapins), ne nous ont pas avancé beaucoup. Il y a dans ces cas une leucocytose et il paraît y avoir une augmentation dela teneur du sérum en cytase ; mais SUR LES CYTASES. 155 eile porte à la foissur le pouvoir hémolytique etle pouvoir bacté- ricide. Ceci n'a rien d'étonnant puisque si le nombre des microphages augmente, il faut compter aussi avec l'augmentation du nombre des macrophages. Et du reste, il est presque impossible de réa- liser des expériences de ce genre avec une exactitude qui permet- tre d'en apprécier tous les détaiis et d’en tirer des conclusions fermes. Les différences que l’on trouve, sont souvent dans les limites d'erreurs possibles. En nous résumant, nous pouvons poser les conclusions suivantes : 1. Chez les animaux sur lesquels nous avons expérimenté (cobaye, lapin, chien), seuls les organes macrophagiques (épi- ploon, ganglions mésentériques, rate) et les glandes digestives possèdent des propriétés dissolvantes. Tous les autres organes, y compris la moelle osseuse, source principale des microphages, sont dénués de tout pouvoir -hémolytique. Quant au pouvoir bactéricide, c’est l'inverse qui paraît avoir lieu; les ganglions du mésentère ne contiennent pas de quantités appréciables de micrôcytase. 2. Lesextraits demicrophages sont bactéricides et ne sont pas hémolytiques: même, l'addition d’un hémofixateur spécifique .n’est pas capable‘ de les activer. C’est le contraire qui a lieu pour les extraits de macrophages. Il est à remarquer que, par suite des difficultés techniques concernant l’obtention d’exsudats et d'extraits macrophagiques, cette proposilion ne peut pas être exprimée d’une façon aussi affirmative que celle concernant les extraits microphagiques. 3. Les propriétés respectives des organes et des exsudats - macrophagiques et celles des organes et des exsudats misropha- giquesdoivent être attribuées à deux cytases différentes ; la macro- cylase active vis-à-vis des cellules animales dans le premier cas et la microcytase active vis-à-vis des microbes dans le second; ces deux cytases ne passent dans les humeurs que par suite de la destruction des leucocytes correspondants. 4. Les fixateurs possèdent la propriété d'activer la phagocy- tose in vivo aussi bien qu’in vitro. Quoique se trouvant en partie à l'état de liberté dans les plasmas, les fixateurs doivent être considérés aussi comme des fer- ments provenant des leucocytes et des organes macrophagiques. RECHERCHES SUR LES LENIONS VASCULAIRES PROVOQUÉES PAR LES TOXINES DIPHTÉRIQUES Par LE Dr KOMOTZKY AVEC LES PLANCHES I ET II. Travail du laboratoire de M. Metchnikoff, Les investigations des auteurs ont, depuis longtemps déjà, porté sur les lésions vasculaires provoquées par les maladies infectieuses et divers empoisonnements, comme, par exemple, Palcoolisme chronique. De longue date, les lésions vasculaires fréquemment remar- quées chez les vieillards, même lorsque l’on ne trouvait dans les antécédents de ces sujets ni maladie infectieuse plus ou moins longue, n1 intoxication chronique quelconque, ont attiré l'attention des cliniciens ; mais, en ces derniers temps seulement, ces lésions vasculaires ontété l’objet de recherches histologiques. D'un autre côté, la présence dans l'intestin de l’homme d’une grande quantité de microorganismes, rend plausible cette hypo- thèse, que les parois des vaisseaux ne restent pas indifférentes à l'égard des produits des échanges de ces microorganismes, Alors que les altérations du système nerveux central, pro- voquées par l'injection des poisons, ont depuis longtemps déjà aitiré l'attention des auteurs, aucun travail n’a encore été con- sacré à l'étude des lésions provoquées par les mêmes causes. Aussi, le professeur Metchnikoff, à qui nous avons demandé de bien vouloir nous indiquer un sujet de recherches, nous a-t-1l proposé d'étudier les modifications des vaisseaux que pro- voquent chez les animaux les injections de toxines bactériennes, et de commencer ces recherches parl'injection de toxines diphté- riques. Au début de nos expériences, nous étions embarrassé par le choix des doses à injecter. Il semblait que l'intérêt principal de ces expériences devait se concentrer sur celles faites avec de RECHERCHES SUR LES LÉSIONS VASCULAIRES. 157 très petites doses, capables de provoquer chez les animaux l’intoxication chronique, mais en même temps assez élevées pour ne pas être indifférentes à l'organisme animal. En injectant des toxines très diluées, on risquait de ne pas provoquer des altéra- tions et de perdre beaucoup de temps. Les recherches expérimentales n’ayant pas encore été faites jusqu’à présent dans ce sens, il était également intéressant de savoir quelles étaient les lésions provoquées par de fortes doses de toxines introduites dans l’organisme animal. D'un autre côté, en expérimentant sur un grand nombre d'animaux, nous comptions en trouver peu, il est vrai, qui pour- raient résister à des doses de toxines répétées et relativement élevées. 1/50° de centimètre cube de toxine diphtérique dont nous nous servions, injecté sous la peau, tuait un lapin de 1,500 grammes en l’espace de 3 à 5 jours : les doses injectées oscillaiententre 0,02 et 0.01 de centimètre cube. La pureté de la toxine était contrôlée à l’aide d’ensemencementssurl'agar-agar,répétéstousles mois. Les injections étaient faites sur des lapins, soit dans le tissu cellu- laire de la peau abdominale, soit dans les veines des oreilles, à l’aide d’une seringue stérilisée, La dilution de la toxine aux degrés voulus était faite avec la solution physiologique stérilisée de sel marin. Après la mort de l’animal en expérience, on ense- mençait 1 à 2 gouttes du sang du cœur sur l’agar-agar. L'examen microscopique portait sur des fragments de 1/2 c. c. de rate, de foie, de rein, de poumon, du cœur, ainsi que sur les gros vaisseaux émergeant du cœur. Les pièces étaient durcies, tantôt dans un mélange à parties égales d’une solution de bichromate de potasse à 4 0/0 et de formaline du commerce à 20 0/0, tantôt dans une solution de formaline à 10 0/0, additionnée d’acide , chromique, dans la proportion de 1/6 à 1/10 0/0. Les deux mélanges étaient chaque fois préparés au moment de s’en servir. Les fragments, d’abord lavés, étaient ensuite placés dans de l’alcool de concentration croissante et finalement dans de l’alcool absolu, puis traités par le chloroforme chauffé à 40° et portés dans la paraffine molle, refroidie jusqu’à la soli- dification à peine commençante. Ensuite, après les avoir laissés à l’étuve pendant une ou deux 158 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. heures, on plaçait les fragments à examiner dans de la paraf- fine solide, où ils restaient encore une ou deux heures. La recherche de la graisse était faite à l’aide de la liqueur de Flemming. Nous avons examiné au microscope les organes de 20 lapins dont le sang s’est montré à lensemencement absolument stérile. Les animaux en expérience avaient succombé de 3 à 19 jours après l'injection. Quinze lapins reçurent une seule injection; quatre reçurent deux el un trois injections. Dans tous ces cas, nous avons constaté une réaction inflam- matoire des vaisseaux, se traduisant par leur dilatation consi- dérable, parfois même excessive etparleurhyperhémie. Dans un grand nombre de cas, l'augmentation du nombre des globules blancs était tellement prononcée dans les vaisseaux des viscères, qu’on pouvait même sans numération précise parler de leuco- cytose. Dans 18 cas, on pouvait, en outre, constater l’augmen- tation du nombre des polynucléaires à protoplasma finement granuleux et se colorant par l’éosine en un rouge plus ou moins vif. Dans certains cas, le nombre &e ces pseudoéosinophiles était tellement considérable, qu’il fallait admettre que le protoplasma de presque tous les polynucléaires avait subi une métamorphose appropriée. Il s'agissait de savoir si cette altération de protoplasma constituait une réaction spécilique des leucocytes vis-à-vis de la toxine diphtérique. Dans ce but, on injecta à un lapin un c. c. du même bouillon (bouillon Martin), qui servait à la prépa- ration de la toxine dont nous nous étions servi. Le lapin fut tué le 5° jour: l’examen des organes ne permit pas d'y recon- naître une anomalie quelconque. Dans les cas où l'hypérémie était parliculièrement pronon- cée, il y avait en même temps des phénomènes d'œdème de l’adventice des parois vasculaires ; les fibres en étaient disso- aées ; entre elles, se trouvait un liquide albuminoïde coagulé ; dans les mêmes points, les noyaux des cellules connectives ne fixaient point ou fixaient à peine les matières colorantes. Très souvent on notait aussi, dans ces cas d'hyperhémie très marquée, la rupture des glomérules de Malpighi, avec extrava- sats consécutifs. Les lésions de dégénérescence consistaient en une très faible RECHERCHES SUR LES LESIONS VASCULAIRES. 159 dégénérescence graisseuse de l’endothélium vasculaire, Nous n'avons pas constaté d’hyalinisation bien nette de l’adventice notée par les auteurs chez les sujets ayant succombé à la diphtérie. A côté des lésions déjà décrites, nous avons constaté, dans 12 cas, de l’infiltration de la paroi vasculaire par des globules blancs; six fois il s'agissait de polynucléaires (pseudoéosino- philes), infiltrant les parois des vaisseaux hépatiques et six fois, d'infiltration de vaisseaux rénaux par de petites cellules rondes. La survie, après l’injection des animaux dans a reins desquels nous avons constaté ces infiltrations, était de 3, 4,6, 8et 9 jours; le 6° lapin qui, 8 jours après la première cie sous-cutanée de 1/1 00 c. c. de toxine reçut la même dose, par la mème voie, Survécut 15 jours. Ces infiltrations de petites cellules étaient disposées exclusi- vement sur le trajet des veines, en intéressant la partie externe: de l’adventice artérielle, quand celle-ci adhérait intime- ment à la veine. Les foyers d’infiltrations les plus étendus se trouvaient dans le rein du lapin qui a vécu 15 jours après avoir reçu deux injections: il en est de même du nombre d'infiltra- tions constaté sur la coupe. Dans 2 des 6 cas où l’on a rencontré ces infiltrations, on notait, à côté de petits éléments mononucléaires, quelques poly- nucléaires (pseudoéosinophiles). La figure # de la planche n° 1 représente un petit foyer de cette infiltration mixte (grossisse- ment faible). La figure 5 représente le même foyer, examiné à l'immersion. En examinant minutieusement ces infiltrations de petites cellules qui apparaissent si vite après l'injection de la toxine, on voit qu'elles sont formées par une agglomération de cellules rondes variant peu dans leurs dimensions et dont le royau, petit et fortement coloré, est entouré d’un anneau protoplasmique très étroit. Parfois ces cellules sont tellement serrées les unes contre les autres qu’il devient impossible de distinguer les limi- tes de leur protoplasma. Aïlleurs elles sont plus disséminées entre Les fibres connectives quiles séparent. Près des veines dont les parois sont plusminces (planche 1, fig. 2), ces cellules sont particulièrement serrées les unes contre autres, tandis que dans les veines à parois plus épaisses les 160 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. cellules infiltrantes sont plus disséminées et séparées les unes des autres par des fibres connectives (planche 1, fig. 3). Si la production de ces infiltrations était due à la transfor- mation des cellules connectives, elles auraient dû atteindre le maximum d'intensité dans les parois connectives épaisses ; or, en réalité, ces infiltrations sont également prononcées dans les parois des veines, formées à peine par quelques fibres connec- tives (planche 1, fig. 1 et 2). En raison de ce que nous venons de dire, en prenant, d'autre part, en considération ce fait, que les infiltrations en question se montrent déjà le troisième jour après l'injection, et que l’on y constate la présence des polynucléaires (pseudo-éosinophiles), qui sont incontestablement des éléments morphologiques du sang, il faut admettre que ces infiltrations se forment grâce à la migra- tion des lymphocytes du torrent sanguin. En examinant, d'autre part, les cellules connectives entre lesquelles sont disposés les petits éléments ronds de l’infiltration, on ne constate pas de for- mes que l'on pourrait considérer comme des formes de passage de la cellule connective en une petite cellule ronde. Les infiltrations de petites cellules rondes ont été observées, jusqu’à présent, dans les processus inflammatoires chroniques ; or, les mêmes lésions ont été notées bientôt après l'injection de la toxine. Aussi, peut-on se demander si cette infiltration ne traduit pas la réaction inflammatoire contre les portions toujours renou- velées de toxines, élaborées par les microorganismes qui provo- quent un processus inflammatoire chronique. Ainsi, nous l’avons déjà dit, dans six cas nous avons constaté, dans les vaisseaux du foie, une infiltration de la paroi vasculaire par des polynucléaires (pseudo-éosinophiles). La fig. 6 de la planche 2 représente un de ces cas où l’infiltra- tion est particulièrement abondante, la coupe étant examinée à un faible grossissement; la fig. 7 de la planche 1 représente une partie de cette infiltration examinée à l’immersion. À un examen plus détaillé de ces infiltrations, on constate que les polynucléaires (pseudo-éosinophiles) sont disposés entre les fibres connectives dissociées de la paroi vasculaire et infiltrent, en même temps, le parenchyme hépatique péri-vasculaire. Ici, les polynucléaires infiltrent les parois des veines, de RÉCHERCHES SUR LES LÉSIONS VASCULAIRES. 161 même que les petites cellules rondes inliltrent les parois des veines du rein. L'infiltration occupe exclusivement la paroi de la veine sus- hépatique et ne s’observe jamais dans celle de la veine porte. Si la lésion frappe en premier lieu les veines, c’est très pro- bablement parce que leurs adventices très minces et très làches présentent, comparées à la paroi des artères, des conditions plus favorables aux mouvements amæboïdes des leucocytes. En effet. les parois des veines sus-hépatiques sont beaucoup plus minces et leur texture est beaucoup plus lâche que celle des parois des veines portes. Nous n'avons constaté aucune altération des vaisseaux coro- naires ni des gros vaisseaux de la base du cœur, sauf dans un cas. Il s'agissait du lapin qui reçut deux injections à un inter- valle de 8 jours et qui survécut 15 jours. Nous avons observé dans ce cas une accumulation de leucocytes autour des artères coronaires, mais la présence d’un grand nombre de globules rouges, à côlé de ces leucocytes, montrait qu'ils’agissait d’extra- vasals Sunguins. Dans les parois des vaisseaux pulmonaires nous n'avons constaté aucune altération. Dans la rate nous avons observé des faits, peut-être, moins importants au point de vue pathologique, mais qui sont intéres- sants au point de vue anatomique car ils touchent à la qnestion encore discutée du systèine vasculaire de cette glande, Nous avons notamment pu constater dans plusieurs des rates examinées, une hyperhémie parfois excessive, en même temps que les éléments propres de la pulpe disparaissaient presque complètement dans ces régions si hyperhémiées. Dans un cas, on ne voyait que les follicules entourés de sang de toutes parts, tandis que les éléments propres de la pulpe y étaient disséminés sous forme de quelques exemplaires. Par contre, on voyait très nettement dans ces mêmes régions très hyperhémiées, les cellules endothéliales fixées entre elles et formant ainsi des tractus disposés, soit parallèlement les uns aux autres, soit formant des anneaux ou des ovoïdes régu- liers (planche 2, fig. 9). Cette régularité est d'autant plus marquée. que le segment donné de la rate est plus riche en sang (plan- che 2, fig. 8). L'examen attentif de cette disposition régulière des 11 162 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. endothéliums unis les uns aux autres fait supposer que ces forma- tions représentent peut-être le réseau capillaire de la rate. Etant donnée la facilité relative avec laquelle se rompt la paroi endothéliale des glomérules du rein, il faut admettre que, sous l'influence de Fhypérhémie, un grand nombre de ces tractus endothéliaux de la rate se sont rompus, mais qu’à l’élat normal la régularité de ces formations est encore plus nette. Ces tableaux démontrent qu'il existe dans la rate un certain nombre d’endothliums très fortement unis les uns aux autres etrégulièrement disposés, même lors qu'il existe une hyperhémie extrèmement marquée. Aussi, est-il probable que ces cellules endothéliales, liées entre elles, forment les parois des capillaires spléniques ; tous les autres éléments de la pulpe sont plus ou moins lâchement fixés les uns aux autres, ainsi qu'aux capillai- res, el, dans cerlaines conditions, ces éléments de la pulpe splénique peuvent, en quantité considérable, être éliminés de la rate et être déversés dans le sang. Ces recherches terminées, nous avons fait des expériences analogues avec la toxine du botulisme, et nous avons obtenu des résultats semblables à ceux que nous ont donné les injections de toxine diphtérique. Ces recherches n'étant pas encore com- plèlement terminées, nous les publierons sous peu. En terminant notre travail, nous considérons comme un devoir d'exprimer notre respectueuse reconnaissance au profes- seur Metchnikoff pour avoir bien voulu nous recevoir dans son laboratoire, nous avoir fourni le sujet de nos recherches et s’y être vivement intéressé. Nous adressons également nos vifs remerciements au docteur Besrcdka qui a eu l’obligeance de nous aider dans notre travail. MODIFICATIONS LEUCOCYTATRES DANS LA PESTE BOVINE Par Le D' RÉFIK-BEY Nous avons étudié, sur les conseils et sous la direction du D' Nicolle, les variations des leucocytes chez un grand nombre de bovidés soumis à l’infection expérimentale mortelle, ainsi que dans les quelques cas particuliers suivants : animal guéri de la maladie inoculée, animal vaceiné par la bile, animaux vaccinés par le sérum, animal hyperimmunisé avec le lavage péritonéalt, Avant de présenter le résultat de nos recherches, nous men- tonuerons que le nombre des globules blanes, chez les bovidés normaux, oscille entre 7,000 et 11,000 environ par mm. c. Le nombre des mononucléaires et des lymphocytes réunis varie de 4,500 à 6,500 environ par mm. c.; celui des polynucléaires de 1,500 à 5,500 environ. On voit donc que les premiers lemportent toujours sur les seconds; leur proportion atteint, selon les cas, de 57 à 84 0/0 de la quantité totale. Les chiffres précédents sont basés sur de nombreux examens. Ajoutons que les éosinophiles peuvent faire défaut chez les bovidés, mais le fait demeure exceptionnel (voir, comme exemple, la courbe n° 5); lorsqu'ils existent, leur proportion varie énormément. Quant aux baso- philes, ils se montrent inconstants et restent à l’état d'unités dans les cas positifs. Il va sans dire qu'aucun des animaux qui ont servi à notre _travail n'offrait d'hématies infectées par le piroplasma bigeminum. MODIFICATIONS LEUCOCYTAIRES DANS L'INFECTION MORTELLE Chiffre total des leucocytes. — On observe, le plus souvent, une augmentation initiale, suivie d’une diminution, puis d’une augmentation; ces deux dernières constantes. Augimentahon initiale. — Elle a lieu le 2° ou le 3° jour, époque où l'on a pu compter jusqu’à 18,300 globules par mm. €. Le nombre commence à baisser Le 4° jour, parfois le 3°. Diminution. — Le minimum est atteint le 5° jour, quelque- fois le 4°, exceptionnellement le 6° ou le 7. Le chiffre le plus bas que nous ayons noté correspondait à 2,000 leucocytes par mm. ©. Le minimum leucocytaire s’observe généralement le jour de l’élévation thermique, rarement la veille, parfois le 2° ou le 3° jour de la fièvre. 1. Pour ce procédé d’hyperimmunisation, voir An. Znst. Past. XV, p.728, FT067 leu CF “JO6T Eu 9 1 ‘pOoU ‘(9ET-YL oN) ue un,p 984 EE3E2E7 PA ‘AIN9S AAAQU — SATA 9P “0 ‘9 G AI HOÏAH — ‘UOIOEYI AUNONE — ‘AIQIOLIS EI SUBP Sand F3 0944198009 ‘aJIG 8P "9 20Y [s | ‘(ar10qeuv-a9tud")) 97XIU [UWIUV — ‘6 ‘SIA EU Y N :AnOf 02 AI 2UIAOS ‘sonbisselo SUOISHT 19 SUIS — SNIIA ap 90'9 G ‘JOGY IAB £ al “HOÏSY ‘(LOF-YL oN) uBUNp 78% ‘agWuid") 9P [BWIUV — à SIT -ydomsees ét —t— -ammfged —- -Monom sp -20gdmhy AE at PAPA À : Pme rrdma FABTEE/EF RSS 66 Fax 2 LIT FE ÿ [| . 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Reçoit, le 6 mai 1901, 200 c. ce. d’un sérum peu actif. — Reçoit, le 23 mai 1901, 5c.c de virus — fiévre seule. . 8° jour, quelquefois le 7°, exceptionnellement le 9°, À ce moment, le sujet infecté offre encore, d'ordinaire, de la fièvre (rarement la température est descendue la veille, ou descend le lendemain). En raison des approches de la mort, nous nous trouvions géné- ralement obligé de sacrifier les animaux à celte période, pour récolter le virus. Dans les cas où, la mort n'étant pas imminente, nous laissions vivre les animaux, nous voyions les leucocytes continuer à augmenter de nombre. Ils dépassaient alors la normale (nous en avons compté, une fois, 45,000 par mm. c.) puis commençaient à redescendre lors de l’agonie. Claffre total des mononucléaires (et lymphocytes réunis). — Hs ne participent à l'augmentation initiale que dans la moitié des cas ; il en existe, parfois alors, jusqu’à 12,300 par mm. c. Après la phase, constante, de diminution (minimum observé : 1,000) se manifeste une augmentation progressive. Dans la moitié des cas, le chiffre reste cependant inférieur à la normale; dans l’autre 166 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. L Dare PA aps meet Fig. 5. — Animal mixte (Crimée- Anatolie) âgé d’un an. — Reçoit, le 10 août 1901, 5 c.c. de sérum et 2 de vi- rus — aucune réaction. moitié, 1] l’atleint et la dépasse même si la survie est suffisante (maximum observé : 27,000). Cluffre total des polynucléaires. — Ils participent, le plus souvent, à l'augmentation initiale (maximum noté : 8,000). Après la diminution, constante (minimum noté : 200), ils augmentent de nombre. Dans la moi- üé des cas, il y a retour pur et simple à la normale; dans l’autre moitié, on observe une polynucléose d'autant plus marquée que la vie se prolonge davantage (maximum noté : 18,000). Chiffre total des éosinophiles. — Lorsqu'ils existent, on ne les voit pas augmenter constamment de nombre au début de la maladie, Quand cette augmentalion se produit, le chiffre peut atteindre jusqu'à 3,500 par mm. ©. Quoi qu'ilen soit de ces modi- fications initiales, les éosinophiles ne tardent pas à diminuer (minimum ob- servé : 200), puis ils disparaissent brusquement et ne se montrent plus jusqu'à la mort. Remarque. — Le plus souvent, abstraction faite de la période d’aug- mentation initiale, les courbes des mononueléaires et des polynucléaires suivent une marche parallèle (exemple : la courbe n° 1). Le fait n’a.cependant rien d’absolu, comme le démontre la courbe n° 2, dans laquelle la ligne des mono- nucléaires prend en écharpe celle des polynucléaires. De tels cas se rencontrent, de temps en temps, sans cause apparente. MODIFICATIONS LEUCOCYTAIRES DANS L'INFECTION CURABLE Chez l’animal 74-118, dont la courbe (n° 6) sera donnée en dernier lieu, il est facile de voir comment se sont présentées les variations des globules blancs, 167 MODIFICATIONS DANS LA PESTE BOVINE. Leucocytes en bloc. — On note d’abord les 3 phases classiques : augmentation initiale, diminution, augmentation secondaire. Puis, au moment de la chute de la fièvre, le chiffre vient à bais- ‘2 907 9Pp 2WNIOA af snOS 9A49s91 a1 ‘sue 7 op 98e 2I{ISU9S [UUIIUE UN BE JUIN 19 2I[0M 9poooud ef 4ed opna IBU TG 21 eUSIBS 9[ U() — ‘u0IJo8?1 ap sed PUOJHPA 2SBAET 9P SH 8 ‘ [BU 9 [ ‘JOÏH — ‘uOrjoror ep sud ‘[eeuoriol 288A8 9p 84 T ‘TOGT [HAE ZZ O[ ‘J099Y ‘e[qedno ‘oloSo UONOaJJe : SUIIA ep ‘0 ‘9 F ‘JO6T [AB £ A[ ‘Jodoy ‘(SIT-FL oN) SUE 3 9p 930 ‘sS [EWIUY — ‘gp ‘Six SE 2LISEHEISHISLILHIO CG Q 1% 7 A + T 1 = | | | | L9IS HS BTE 181v] | | | ll y + + . rise non Gars Loc rc | HERRERE gro vermilererr lon els ser. Enf suivie d , véné- Le est ) 10° joui d’une façon ées © (e] nan Je la normale a x finitit à , une nouvelle augmentation (maximum le un retour dé in Eosinophiles. — Is augmentent, diminuent et disparaissent. Puis, ils se montrent à nouveau le 16° jour. Mononucléaires et polynucléaires.— Envisa rale, leurs courbes suivent une marche parallèle, 168 . ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. MODIFICATIONS LEUCOCYTAIRES DANS LA VACCINATION PAR LA BILE L'animal 74-136, dont nous reproduisons la courbe (n° 3), a montré, pendant l'action de la bile, un diminutif des oscillations leucocytaires qui caractérisent l'infection. Lors de l'épreuve, on a observé une courbe type d'infeclion, suivie d’une poussée leu- cocytaire offrant son maximum le 17° jour. Les éosinophiles ont reparu tardivement. MODIFICATIONS LEUCOCYTAIRES DANS LA VACCINATION PAR LE SÉRUM Sérum, puis virus. — Dans le cas rapporté iei (animal 74-159, courbe n° 4), on constate lout d’abord une hyperleucocytose pas- sagère, conséculive à l'injection du sérum. Lors de l'épreuve, on voit les leucocytes pris en bloc et les mononucléaires dimi- puer, puis augmenter de nombre, tandis que les polynucléaires offrent des oscillations sans règle. A noter, encore ici, une poussée leucocytaire tardive (le LS jour). Sérum et virus en même temps (Méthode de Kolle et Turner). — On remarquera (courbe n° 5), coïncidant avec l'absence de toute réaction, même thermique, l'élévation en deux temps du nom- bre des globules blanes. La diminution relative, que l’on observe momentanément, correspond, sans nul doute, à la diminution absolue, qui caractérise les courbes d'infection. Nous avons dû, malheureusement, interrompre la numéralion le 11° jour. L'animal n’a pas cessé ultérieurement de se bien porter. MODIFICATIONS LEUCOCYTAIRES DANS L'HYPERIMMUNISATION AVEC LE LIQUIDE DE LAVAGE PÉRITONÉAL Il s’agit de l'animal 74-118, déjà éludié comme ayant résisté à l'infection expérimentale (courbe n° 6). Son observation ulté- rieure nous paraît fort instruclive, en ce sens qu’elle démontre qu'un sujet peut fournir un sérum parfaitement actif, sans avoir réagi thermiquement. La production des anticorps, comme la prouvé M. Metchnikoff, n’est nullement liée, en elfet, aux modi- lications de la température. Elle est, par contre, sous la dépen- dance intime d’une digestion intraleucocytaire, marchant habi- tuellement de pair avec l'augmentation des globules blancs. On notera, dans notre cas et contrastant avec l’absence de fièvre, une hyperleucocytose, qui se manifeste sous forme d’os- cillations très-caractéristiques. On remarquera, également, que les éosinophiles disparaissent quelques jours après l’inoculation du virus, pour reparaître au bout de 48 à 72 heures. Le Gérant : G. Masson. Sceaux. — Imprimerie E. Charaire. 16me ANNÉE MARS 1902 No 3 ANNALES L'INSTITUT PASTEUR LA TOXINE STREPTOCOCCIQUE, Par Le D' Arexaxpre MARMOREK. Malcré les perfectionnements apportés à la technique bacté- riologique, il a été jusqu'ici très difficile d'obtenir en dehors de l'organisme une sécrétion de toxine tant soit peu considérable chez la plupart des microbes qui se généralisent chez l’homme ou l’animal. En ce qui concerne le streptocoque, on a parfois réussi en utilisant des bactéries très virulentes; mais il s'agissait d’une exception, et la répétition de l'expérience échoue souvezt pour le même microbe pathogène. Deux obstacles s'opposent chez les microbes dits « infectieux » à la production de toxine in vitro ; la composition des milieux et les propriétés essentielles du mi- crobe. La tâche devait done être double : il fallait découvrir un milieu spécial et parvenir à stimuler les sécrétions du microbe, Depuis longtemps, nous essayons d'atteindre ce double but avec le streptocoque. La découverte d’une méthode sûre de pré- paration de la toxine de ce microbe « infectieux » entre tous . pourrait rendre de multiples services : non seulement le principe de la méthode pourrait s'étendre à d’autres microorganismes pathogènes, mais de plus la préparation d’un sérum antitoxique renforcerait singulièrement la vertu curative du sérum préparé par l'injection de corps microbiens. L'arrêt que subit la multiplication du streptocoque dans son propre fiitrat — phénomène que nous avons annoncé à la Société de Biologie ! il y a plus de cinq ans — montrait une des causes de la pauvreté en toxine des cultures de notre microbe. Car dès qu'il cesse de se multiplier, et cela a lieu une demi- journée après l’ensemencement, il est évident qu'il suspend son 4. Séance du 26 novembre 1896. 12 — 170 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. activité et reste dans une vie latente, pendant laquelle sont arrè- tées ses fonctions essentielles. Dès le début de ces recherches, nous sommes parvenu à remédier à cette particularité en ajou- tant de l'extrait de bouillon à la culture, dans le but de détermi- ner de nouveau une multiplication des microbes. Cette manœuvre, répétée à plusieurs reprises, finit par don-. ner une quantité de toxine déjà assez considérable. Ce procédé, tout rudimentaire qu'il fût, nous montra la voie dans laquelle nos recherches devaient s’engager. Si d’un côté le microbe ne pousse plus quelques heures après l’ensemencement du milieu, et si d'autre part l'addition de substances nutritives suffit à refaire une culture en pleine activité, il est évident que nous devons chercher un milieu offrant en abondance ces mêmes substances, que l’activité du microbe épuise si rapidement. Nous nous sommes adressé dans ce but à toutes celles qui cons- tituent un des termes de dégradation des matières albuminoïdes ; et, après de longues expériences, nous nous sommes arrêté à la composition du milieu suivant, qui présentait tous les carac- tères voulus. C’est l’addition, au bouillon de viande peptonisé, d’une certaine quantité de leucine et de glycocolle. Nous ajou- tons done à 150 grammes de bouillon 0 gr. 40 de leucine, On chauffe à 60° et l’on fait passer à travers une bougie de porce- laine. On prépare ensuite la solution de glycocolle (0 gr. 50 dans 100 grammes de bouillon), on chauffe et on liltre. On ajoute de chacune de ces deux solutions 10 grammes à 250 grammes de bouillon peptonisé. Le streptocoque pousse parfaitement dans un tel milieu qui, d’ailleurs, reste trouble pendant de longues journées. Mais en outre le streptocoque, ensemencé dans le filtrat d’une telle culture, âgée de trois ou quatre jours, se mul- tiplie très bien. Le liquide semble donc avoir les qualités néces- saires pour fournir une provision continue de toxine. En elfet, la toxine ainsi obtenue est d’une activité constante. Quant à l’autre question, celle de l'augmentation des facultés toxiques du microbe, elle restait à résoudre. L'idée qui nous guida dans nos recherches était l’observation suivante : le microbe paraît provoquer surtout des effets toxiques lorsque la résistance du malade est assez grande pour empêcher la généralisation immédiate du streptocoque. Au contraire, dans le cas d’une septicémie streptococcique, il ne faut pas oublier TOXINES STREPTOCOCCIQUES. 171 que chaque unité de notre microbe doit produire infiniment moins de toxine, puisqu'il faut un nombre si considérable d'individus microbiens pour amener la mort. De même que la conservation de la virulence du streptocoque exige un milieu spécial (bouillon-ascite), de même, pour trans- former notre streptocoque en un microbe capable de donner une abondante provision de toxine, il faut apporter des modifications dans le milieu nutritif. Ce n’est plus le sérum d’un organisme sensible à l’infection streptococcique (homme, lapin) qui devra nous servir, mais au contraire celui d'un organisme très résis- tant, par exemple le cobaye, dont l’état réfractaire aura été encore renforcé par des injections de sérum antistreptococcique. Mais ce qui nous semble surtout avoir une influence considé- rable dans l'accroissement du pouvoir toxigène du microbe, c’est l'introduction d’autres agents dans le milieu nutritif. Ces agents sont des leucocytes polynucléaires retirés de l’organisme du cobaye immunisé. Voici done notre procédé : on injecte à un . cobaye déjà immunisé par deux ou trois fortes doses de sérum antistreptococcique, 10 c. c. de bouillon dans la cavité périto- néale. Le lendemain, on saigne l'animal afin d'obtenir son sérum, eton pratique le lavage du péritoine à l’aide d’eau phy- siologique. Les leucocytes qui s’y sont accumulés à la suite de l'injection de bouillon, une fois retirés avec les précautions aseptiques, sont immédiatement mélangés au sérum d’un autre cobaye, conservés à la température de 37° (sérum trois parties, eau une partie). Nous ne faisons pas subir de passage à travers l’ani- mal au streptocoque destiné à la production de toxine, mais à partir de ce milieu spécial nous l’ensemençons en grande quantité dans un nouveau tube du même milieu, fraîchement préparé. Ce streptocoque sert à l’ensemencement du bouillon additionné de leucine et de glycocolle. On filtre cette culture après huit jours. De nos recherches 1l résulte ceci : tous les streptocoques d'origine différente donnent la même toxine ; celle-ci fait partie du groupe de ces diastases qui sont détruites à la température de 10°. Le sérum préparé à l’aide de la toxine du même microbe (notre ancien streptocoque virulent) est actif contre les toxines de streptocoque d’autre origine. Enfin, nous ajouterons que ce procédé nous permet d'obtenir une toxine qui tue un lapin à la dose de 0,25 à 0 ec. e. 50. L'UNITÉ DES STREPTOCIQUES PATHOGÈNES POUR L'HOMME, Par LE D' ALEXANDRE MARMOREXK. Le grand rôle que joue le streptocoque en pathologie et les grandes différences que présentent quelques-uns de ses carac- tères morphologiques, ont attiré de bonne heure l'attention des bactériologistes: on s'est demandé notamment si toutes les formes en chaïîneltes rencontrées dans des maladies si diverses, soit à l’état isolé, soit associées à d’autres microbes, apparte- naient à une seule et même espèce. Déjà, dans notre travail sur le streptocoque (Ces Annales, juillet 1895), parlant de la question des sous-espèces, nous avons refusé toute importance et toute valeur décisive aux caractères extérieurs du microbe, tels que grosseur des grains formant la chaînelte, pouvoir de troubler le bouillon de culture, longueur des chapelets. Comme nous avons pu le démontrer dans ce mémoire, il suffit de détermi- ner une légère modification dans la composition du milieu (sérum-bouillon) pour voir s’'effacer toutes ces distinctions, ou pour en faire naître d’autres. Il est vrai que le développement des colonies sous forme de petits points transparents sur milieu gélosé ne varie que dans des limites très étroites, il en est de même d’un autre caractère constant : la forme absolument ronde et régulière des grains. Celle-ci demeure invariable quel que soit le mode d’expérimentation ou quelle que soit la prove- nance du microbe. Puisque ces deux qualités sont communes à tous les streptocoques, elles deviennent insuffisantes pour éta- blir entre eux de nouveaux groupements systématiques. Il semblait à beaucoup d’auteurs qu'on eût trouvé dans le sérum antistreptococcique le moyen de dissiper tous les doutes. On pensait que le sérum obtenu par l'injection d'une espèce très virulente devait être en état de combattre l’infection cau- sée par n'importe quel streptocoque, ceci dans l’hypothèse que tous les microbes en chaïînettes formaient une seule et même famille ; par contre, l’inefficacité du sérum vis-à-vis d’autres formes streptococciques eût été la preuve de l'existence de plu- sieurs variétés. Très peu d’observateurs comprirent ce qu'avait d’inexact une telle conclusion. À priori il était très vraisem- STREPTOCOQUES PATHOGÈNES POUR L'HOMME. 173 blable qu’un streptocoque exposé à vivre en symbiose avec d’autres bactéries, comme le bacille de Koch ou l'agent patho- gène de la scarlatine, füt assez influencé par les nouveaux échanges chimiques pour y gagner d’autres propriétés. Mais il y à des caractères communs à tous les membres d’une espèce bactérienne : ce sont ceux qui relèvent des fonc- tions primordiales de la vie, parmi lesquelles la fabrication de la toxine est au premier rang. Avant qu'on eût utilisé la toxine streptococcique pour l’immunisation des chevaux, il était impos- sible de se servir du sérum comme réactif des différents strepto- coques. Depuis 1896, époque à laquelle M. Méry! recherchait l'influence dn sérum antistreptococcique sur les streptocoques isolés de malades atteints de scarlatine, nous avons essayé d’accumuler le plus grand nombre de faits expérimentaux pour résoudre cette question si importante et si discutée. Nous n’atla- chons aucune importance à plusieurs signes assez vagues, tels que l'efficacité plus ou moins grande d’un sérum antibactérien sur l’animal infecté par un streptocoque donné, car la valeur de ce sérum dépend beaucoup de la manière et de la durée d'immu- nisation. Dans cet ordre d'idées nous n’admettons que des proprié tés. bio-chimiques, communes à tous les streptocoques, quelle que soit leur origine. Parmi ces qualités caractéristiques sans exception pour tous les échantillons de streptocoques pathogènes pour l'homme, trois surtout attirèrent notre attention. Nous avons examiné qua- rante-deux échantillons de provenance diverse. Dès maintenant nous pouvons dire que ces qualités dont nous parlions tout à l'heure, ajoutées aux autres demeurées constantes, nous per- mettent de définir la parenté entre un streptocoque isolé et tous les autres microbes en chaînettes formant la seule espèce de streptocoques pathogènes pour l’homme, et d'autre part nous autorisent à repousser comme non justifié tout nouveau grou- pement ou toute division entre ces microbes, Deux caractères, que nous étudions déjà depuis plusieurs années, doivent être placés en première ligne : ce sont l’hémo- lyse du sang de lapins in vivo, et l'incapacité du streptocoque de pousser dans le filtrat de sa culture. 1. Comptes rendus de la Société de Biologie, séance du 18 avril. 174 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Dès le début denos recherches sur l’exaltation de la virulence du streptocoque, nous avions constaté que le sang des lapins nous servant à faire nos passages se dissout dans l’organisme même et prend une couleur transparente et limpide de vin de Bourgogne. Gette propriété de dissoudre les globules rouges dans les vaisseaux même est non seulement une attribution du streptocoque, mais, —et cela augmente singulièrement la valeur de ce signe distinctif, — elle croît proportionnellement avec la virulence. Plus un streptocoque est virulent, plus vite et mieux il dissout le sang dans le corps de l'hôte. L’hémolyse in vitro peut présenter des différences légères toutefois suivant l’origine du microbe. Nous avons eu à notre disposition et examiné des streptocoques de l’érysipèle, de la fièvre puerpérale, de l’angine scarlatineuse, de la pneumonie rubéolique, des pustules varioli- ques, du phlegmon, dela diphtérie, de la tuberculose, de linfluenza — et enfin, comme streptocoques de provenance équine, ceux de l'anasarque et de la gourme. Dans le but d'exalter la virulence de nos microbes nous avons employé l’ancienne et classique méthode : passage par l'organisme du lapin avec ensemencement intermédiaire dans notre milieu de choix (bouillon-ascite), ou bien encore introduc- tion de sacs de collodion dans la cavité péritonéale de lapins. Pour constater l’hémolyse en dehors de l’organisme, 1l suffit simplement d'ajouter au milieu de culture (bouillon peptonisé) un peu de sang défibriné, d'ensemencer avec le streptocoque et de porter à l’étuve. Au fur et à mesure que celui-ci se développe et secrète l'hémolysine, Le dépôt de sang qui se trouve au fond, se dissout pour ainsi dire et change son opacité et sa couleur rouge foncé en une teinte transparente et rouge de vin. Si nous voulons comparer en même temps la différence du pouvoir hémolytique de deux ou plusieurs streptocoques, il est préférable d'ensemencer avec ceux-ci un tube ou une boîte de Petri, remplis de gélose, faiblement recouverte de sang défibriné. Après un séjour suffisant à l’étuve, il se forme autour de chaque colonie une élégante auréole d’hémoglobine dissoute dont les diamètres différents représentent la mesure du pouvoir disso - vant de chaque streptocoque. Toutes ces méthodes donnèrent toujours le même résultat. | en STREPTOCOQUES PATHOGÈNES POUR L'HOMME. 175 Tous les streptocoques d’origine humaine se comportèrent d'après les règles sus-mentionnées suivant leur virulence res- pective. Aussi bien l’agent de l’anasarque ne se distingue point par une différence marquée de tous les streptocoques humains. Un seul streptocoque avait toujours sa place à part. C’est celui qu’on retire de l’angine scarlatineuse. Evidemment il dissout (aussi bien in vitro qu'in vivo) les hématies, mais son pouvoir hémolytique s’est montré toutefois de beaucoup infé- rieur à celui des autres microbes comparés. Même enaugmentant sa virulence expérimentalement, l’hémolyse ainsi produite n'atteignit pas un degré très élevé, restant néanmoins évidente. Donc, ce streptocoque partage avec les autres la qualité de secréter de l’'hémolysine ; on peut dire qu'il n'offre que des diffé- rences quantitatives et non qualitatives. Quant au microbe de la gourme, son pouvoir hémolytique atteint ordinairement celui du streptocoque qu’on trouve dans la scarlatine, Qu'il nous soit permis, en passant, de constater que les per- fectionnements apportés à la préparation du sérum antistrepto- coccique ont donné des résultats thérapeutiques meilleurs dans les complications à streptocoques de la scarlatine; mais, par contre, on ne sauraitencore constater l’influence du même sérum sur la gourme comme cela a été prouvé depuis longtemps pour l’anasarque (Nocard-Lignières). Quant au second signe, commun à tous les streptocoques, dont nous parlerons immédiatement, les deux streptocoques (celui de la scarlatine et celui de la gourme) tiennent une place à part, mais toujours de telle sorte que le streptocoque isolé de la scarlatine ressemble, malgré une petite différence, aux autres formes en chaînettes d’origine humaine, tandis que celui de la gourme ne participe guère à cette qualité commune. Nous avons parlé de cette. propriété dans une note commu- niquée à la Société de Biologie ‘. Nous y avons dit : « Peu d'heures après l’ensemencement dans les milieux même les plus appropriés à sa vie, ce microbe cesse complète- ment de se multiplier; à partir de ce moment, les chaïnettes commencent à tomber au fond et le liquide devient parfaitement 1. Façon dont se comporte le streptocoque dans le liquide de culture où il a déjà poussé. Séance du 26 novembre 1896. 176 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. clair. Si l’on filtre la culture et si, dans le liquide filtré, on ense- mence une nouvelle trace de steptocoques, aucune multiplica- tion n’aura lieu. Notons, cependant, que les microbes ensemencés y restent encore vivants 15 jours et plus. Si l’on veut qu'ils puissent se développer dans un semblable milieu, 1l est indis- pensable d’y ajouter une très petite quantité de milieu neuf (du bouillon ordinaire, par exemple, ou un peu d'extrait de bouillon). Pareillement, si lon ajoute un faible volume de milieu neuf à une culture où tout développement s’est arrêté, on voit au bout de quelques heures le développement reprendre et le liquide se troubler à nouveau. » Et nous continuions : «€ Le même fait a été constaté par nous pour d’autres microbes, tels que le pneumocoque, le microbe du choléra des poules... Le milieu dans lequel a vécu le strepto- coque, et qui est devenu impropre à sa culture, permet cependant le développement des autres espèces microbiennes, telles que le staphylocoque, le pneumocoque, ete. Il y a donc là une réaction spécifique du milieu de culture filtré vis-à-vis du streptocoque. » Nous nous servons dans ces expériences du dispositif sui- vant : On met dans un tube à essai 8 à 10 €. c. du filtrat streptococ- cique (des cultures de 24 à 48 heures sont déjà très convenables pour cette expérience) et on y ensemence une trace d’une cul- ture riche. On agite et on met le tube à l’étuve à 37°. Or, malgré un séjour prolongé, on n’y constate aucun développement de streptocoques. Le filtrat reste limpide. Tous les streptocoques éprouvés par nous, exceplé ceux de la scarlatine et de la gourme, se comportent d’une façon égale. Ils ne poussent ni dans leur propre filtrat ni dans celui d’un autre streptocoque. Des deux streptocoques ayant des propriétés particulières, celui de la scarlatine ne se développe que faiblement, l’autre toujours plus fortement. Nous pouvons donc nous représenter toute une gamme, depuis le filtrat laissé clair par les autres streptocoques, en passant par le trouble léger du streptocoque scarlatineux jus- qu’au trouble plus louche du microbe de la gourme et finissant enfin par la culture la plus riche de toutes, celle d’un strepto- coque poussant sur milieu ordinaire. Cette méthode ne nous a permis de relever aucune différence entre les divers strepto- coques d’origine scarlatineuse que nous avons eus à notre dispo- sition. De même, quelle que soit la provenance de la culture STREPTOCOQUES PATHOGÈNES POUR L'HOMME, 174 streptococcique filtrée, l’ensemencement d'un échantillon de streptocoque scarlatineux nous a toujours présenté une culture aussi peu développée sur un filtrat que sur un autre. Toutefois, il existe une gradation entre le trouble que donne le streptocoque de la scarlatine ensemencé sur un filtrat streptococcique et un pneumocoque développé dans un filtrat analogue. Ce dernier produit une opacité et une multiplication beaucoup plus riches. A remarquer que le streptocoque de la gourme se rapproche presque, dans ces conditions, d’un microbe étranger se déve- loppant dans un tel filtrat. Nous considérons comme troisième réaction bio-chimique l’action sur tous les streptocoques du sérum antitoxique retiré à des chevaux que nous immunisons depuis des années avec une toxine streptococcique, produite toujours par le même échantillon (notre ancien streptocoque virulent!). Nous avons expérimenté avec ce sérum antitoxique l’immu- nisation de lapins contre tous les streptocoques. Les résultats étaient fort réguliers. Nous constations bien des différences dans la quantité à employer, mais nous réussissions toujours, avec de fortes doses, à prévenir la mort des animaux, même de ceux qui avaient reçu le streptocoque de la scarlatine. Les différences de sensibilité vis-à-vis du sérum qui s’y rencontrent (et que M. Méry a déjà signalées dans ses essais avec le sérum anti- bactérien) permettent peut-être de supposer que les strepto- coques sont plus ou moins longtemps associés à l'agent patho- gène de la scarlatine, et par conséquent inégalement impres- sionnés au cours de la symbiose. Par contre, les essais faits avec le streptocoque de la gourme ne donnèrent pas de résultats concluants. A tous ces caractères que revêt le streptocoque, il faut en ajouter un dernier, mais auquel nous n’attribuons qu’une valeur réduite: la faculté d’exalter à notre gré la virulence du strepto- coque par une des méthodes mentionnées. 1. Nous avons divisé, dès le commencement de 1896, nos chevaux destinés à la préparation du sérum antistreptococcique en deux groupes, Les uns reçoivent les corps microbiens de streptocsques de toute provenance que nous pouvons nous procurer (et par conséquent des quarante-deux échantillons), tandis que l'autre série ne reçoit réguliérement que de la toxine. On délivre toujours un mélange du sérum des deux groupes de chevaux, 178 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Cette qualité est commune à tous les streptocoques de n'im- porte quelle origine, — en admettant toutelois que cette exalta- tion dans la virulence soit plus marquée et plus rapide chez quel- ques-uns que chez d’autres. Il reste une qualité que nous n’avons pas encore eu le temps de bien étudier, mais que nous réservons pour un travail ulté- rieur : la possibilité d’une démonstration éventuelle de la sensi- bilisatrice par la méthode Bordet-Gengou, et l'étude de cette substance au point de vue des différences qu'elle peut présenter chez les divers streptocoques. Mais de longues recherches déjà entreprises nous ont prouvé que tous les streptocoques d’origine humaine, dans leurs fonc- üons bio-chimiques que nous venons de décrire, se comportent de la même façon. Même « la variété » qui semble si éloignée, le streptocoque de la scarlatine, présente seulement une diver- gence quantitative, mais ressemble essentiellement aux autres. Le streptocoque de la gourme se distingue trop, dans certaines propriétés fondamentales, des streptocoques d’origine humaine pour pouvoir se classer avec ceux-ci. Nous croyons être autorisé à déclarer que, jusqu’à ce jour, aucune preuve scientifique n’a été apportée de l’hypothèse d’une diversité de races des streptocoques de l’homme. Au contraire, tout porte à croire que les cocei en chainettes qu'on rencontre si souvent chez l’homme, appartiennent à une même famille. Si les streptocoques vivent longtemps associés à d’autres microbes pathogènes, on comprend aisément que cela leur imprime des signesextérieurs, quideleurcôté ne sont pas capables d’influencer leur composition intrinsèque, leurs fonctions physiologiques. Celles-ci restent les mêmes, tant que nous avons pu les étudier, et pour ces raisons nous persistons encore à admettre l'unité des streptocoques pathogènes pour l’homme. | l ) 5 4 SUR LE BLEUISSEMENT DE CERTAINS CHAMP IG AUNS DUSGENRE CROP EAIETS "» Par M. Gagriez BERTRAND, Quand on casse ou qu'on froisse certains champignons appartenant au genre Boletus, on voit la chair mise à nu ou la partie lésée prendre rapidement une coloration d’un beau bleu. Cette coloration est très fugace et disparaît après quelques minu- tes. En France, on désigne communément ces champignons sous le nom de faux cèpes ou de faux bolets et, sans doute à cause de leur changement de couleur, on les considère comme vénéneux. Plusieurs savants ont cherché, mais sans y parvenir d’une manière définitive, à donner l'explication de ce curieux phéno- mène, : Schünbein, en particulier, dans une lettre écrite à Faraday et publiée dans la Philosophical Magazine, en 1856‘, a indiqué qu'on peut extraire de Boletus luridus Schaeff un principe rési- neux incolore, facilement soluble dans l’alcooï et présentant avec la résine de gayac la plus étroite analogie : tous les réactifs qui bleuissent la solution alcoolique de résine de gayac agissent, en effet, de la même manière, sur la solution alcoolique de Boletus luridus. Comme, d’autre part, cette dernière solution se conserve à l'air sans se colorer, il faut bien admettre, toujours d’après Schünbein, qu'il y a dans le champignon une substance parti- eulière capable de transformer l'oxygène de l’air en ozone. En fait, le jus de divers champignons colore en bleu la solution alcoolique de Boletus luridus. J'ai montré par une série d'expériences publiées en collabo- ration avec M. Bourquelot? que les faits intéressants observés par Schünbein sont exacts; bien plus, que la laccase, extraite par moi de l'arbre à laque, existe aussi dans beaucoup de cham- pignons et que c’est notamment à son intervention qu'il faut rapporter le bleuissement des bolets. Après ces observations, il semblait qu'il n’y eût plus, pour connaître à fond le phénomène, qu’à savoir quel est le corps sur 4. Tome XI, 4° série, p. { 37. 2. Comptes rendus Soc. de Biologie, 10° année, t. II, p. 579 et p. 582 (1895). 180 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR, lequel se porte l’action de la laccase. On va voir dans la suite de ce travail que le bleuissement des bolets est en réalité un phé- nomène beaucoup plus complexe. Quand on fait macérer dans l'alcool des fragments d’un bolet bleuissant quelconque, Boletus cyanescens Bull., B. luridus SchæfT., DB. Satanas Lenz, B. pachypus Fr., B. Lupinus Fr., ete., soit à froid, soit mieux encore à la température de l’ébullition, on obtient un liquide jaune. Celui-ci renferme le chromogène, puis- qu'il bleuit à l’air par addition de laccase, mais on n’est pas certain que les substances organiques ou minérales qu’il contient en même temps ne jouent pas aussi un rôle dans l'apparition de la couleur bleue, Il fallait donc séparer le corps chromogène. Or l'expérience, plusieurs fois tentée, n’avait pas encore réussi. Phipson, qui s'est occupé aussi du bleuissement des bolets, a bien prétendu que ces champignons renfermaient un principe incolore, analogue et peut-être même identique à l’aniline !, mais Ludwig, et, avec lui, Gonnermann? ont prouvé que cette assertion était erronée. Pour eux, le chromogène des bolets bleuissants est un corps spécial, de nature azotée. Ils n'ont pas pu l'obtenir à l'état pur, mais ils ont reconnu qu'il ne présente ni les réactions de l’aniline ni, comme le croyait Rabenhorst*, celle d’un composé de l’acide cyanhydrique. Après une série d'essais, que la pénurie de champignons pendant plusieurs années a rendu fort longue, j'ai été assez heu- reux pour extraire enfin le chromogène des bolets bleuissants sous la forme cristallisée, Je dirai tout de suite que ce chromogène, auquel je donne le nom de bolétol, est, non pas incolore, mais d’un rouge orange vif, comme l’alizarine. En solution concentrée, il présente la même couleur, mais si l’on dilue beaucoup, la solution devient peu à peu jaune d’or, puis jaune pur. C’est sous cette dernière couleur que le bolétol apparait PRIE s dans les bolets qui en contiennent. Aussi est-il curieux que les divers auteurs ayant étudié les bolets blenissants aient prétendu que la chair de ces champi- gnons était d’abord blanche. 4. Comptes rendus Ac. d. Sc. LI. p. 107 (1860) et Journ. Soc. sc. méd. Brux. 1860, et Chemical News,t. XXV, p. 301 (1872). 2. Archiv. der Pharmacie, 2° série, t. CXLIX, p. 107-117, 1872. 3. Cité par Ludwig. | 1 4 ÿ $ L | p Nr an bé tet bdd eut 16 dde Su BLEUISSEMENT DE CERTAINS CHAMPIGNONS. 181 Quand on casse un de ces champignons et qu’on observe le changement de couleur immédiatement, on voit, avec la plus grande netteté, le tissu passer du jaune au vert avant de deve- nir bleu. Un peu plus tard, la couleur bleue disparait et, seule- ment alors, le tissu devient blanc ou grisätre. Le bolétol n'existe chez les champignons qu’en très petite quantité : 5 à 10 grammes au plus par 100 kilogrammes; encore, cette petite quantité diminue-t-elle assez vite après la cueillette. Pour préparer le bolétol, je m'arrangeai done de manière à revenir de mes excursions au laboratoire avant la fin de la jour- née. Les champignons étaient alors coupés en petits morceaux _et ceux-ci jetés au fur et à mesure dans de l'alcool bouillant. Après un quart d'heure de chauffage, les réactions diastasiques étant arrêtées, je pouvais éteindre le feu et remettre la suite des opérations au lendemain. La préparation du bolétol est un peu délicate. Elle repose sur quelques propriétés physiques assez particulières et voici com- ment on peut l'exécuter. Les champignons, aussi frais que possible, sont divisés et mis à bouillir avec de l'alcool, comme il a été dit plus haut’. On prend 5 parties d'alcool à 95 0/0 pour 1 de champignons. L'ébullition est maintenue une demi-heure pour détruire les oxydases et dissoudre complètementle bolétol. Sans refroidir, on passe à travers une toile métallique fine; on presse les mor- ceaux de champignons et les liquides réunis sont précipités par l’acétate neutre de plomb. Après refroidissement, on complète la précipitation par quelques centimètres cubes d’acétate basique. Le précipité plombique jaune est recueilli, lavé, puis délayé dans une petite quantité d’eau froide, renfermant 10 0/0 d'acide chlorhydrique. Une partie du bolétol passe en dissolution avec d’autres corps organiques. Après filtration à la trompe, on peut l’extraire du liquide par agitation avec de l’éther. Dans les con- dilions où nous sommes placés, le bolétol est très soluble dans l’éther; mais comme l’eau le retient énergiquement, il faut faire 4. Le bolétol n'existe pas seulement chez les bolets énumérés plus haut. On en trouve aussi chez d’autres espèces, par exemple : Boletus sublomentosus L., B. chrysentheron Bull., etc., dont la chair, d’un jaune pâle, peut être exposée à l'air sans devenir bleue, Ces champignons, très pauvres ou exempts de laccase, sont presque aussi bons pour l'extraction du bolétol. Le latex de Lactarius déliciosus L. se comporte à l’air comme le suc des bolets bleuissants, mais je n’ai pu en traiter une quantité suffisante pour m’assurer qu'il renferme vraiment du bolétol. 182 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. plusieurs extractions. Chaque fois, l’éther décanté est filtré, puis distillé. Il reste un sirop rouge sang, qu’on abandonne dans une capsule. à l’'évaporation complète. Le résidu, repris par l’eau froide, cède généralement à celle- ei tout son bolétol, tandis qu'il reste une certaine quantité de cristaux peu colorés et difficilement solubles, qu’on sépare par le filtre. La solution aqueuse de bolétol est de nouveau concentrée dans le vide à consistance de sirop. Quelquefois, en quelques jours, le bolétol cristallise. Sinon, on ajoute un peu d'acide chlo- rhydrique et, en 24 heures, le sirop se transforme en une bouillie grenue. On essore et on recristallise dans l’eau, par évaporation à sec. Quelques impuretés se séparent dans les zones extérieures qu’on met à part: on recueille la portion centrale, d'une cou- leur rouge vif, et on la purifie par de nouvelles cristallisations. Cette méthode ne donne qu’une partie du bolétol. Pour obtenir le reste, il faut traiter le précipité plombique par l'éther. On dissout ainsi une assez forte proportion de matières grasses, qui retenaient le corps cherché en dissolution. Quand léther a été chassé par distillation, on épuise le résidu gras par l’eau chaude : le bolétol se dissout alors, dans un grand état de pureté. On filtre après refroidissement sur un filtre mouillé; on con- centre dans le vide la solution aqueuse et on en retire le bolétol par agitation avec de léther. Le produit obtenu dans cette dernière partie de la prépara- tion est de beaucoup le plus facile à obtenir pur, à cause de l’action dissolvante, presque spécifique, des matières grasses. Aussi doit-on chercher à retenir, du moins momentanément, la plus grande quantité possible de bolétol à l’état de dissolution dans la graisse de champignons. On emploie donc assez d'alcool pour que le titre final du liquide d'extraction reste suffisamment élevé, et on traite ce liquide par le plomb quand il est encore chaud : le précipité entraîne alors la quantité maximale de matiè- res grasses. Le bolétol cristallise en fines aiguilles. À cet état, 1l est peu soluble dans l’eau froide, relativement peu soluble aussi dans l’éther et même l’alcool froids. Si on chauffe à l’ébulhition, il se dissout au contraire en grande quantité dans tous ces liquides ; 1. G. BenrRAN»D, Sur quelques propriétés de la dioxyacétone en relation avee l'état d’agrégation moléculaire, C. 2. Ac. des Sce., t. CXXIX, p. 341, 1899. BLEUISSEMENT DE CERTAINS CHAMPIGNONS. 183 mais, comme la dioxyacétone!, il reste entièrement dissous lors- qu'on refroidit; il faut évaporer de nouveau à sec pour qu'il recristallise, Cette particularité laisse supposer que le bolétol existe aussi sous deux états d’agrégation moléculaire différents, dont le plus simple est seul très soluble. Les impuretés qui accompagnent le bolétol, et qui sont relativement abondantes quand les champignons sont traités trop tard après la récolte, retardent beaucoup l’agrégation des particules qui conduit à la forme cristalline. C’est à combattre leur effet que l’addition — empirique — d'un peu d'acide chlorhydrique au sirop de bolétol brut est destinée. Le bolétol ne se dissout ni dans le chloroforme ni dans l'éther de pétrole, la benzine ou le sulfure de carbone. En solu- tion dans l’eau, il absorbe les radiations lumineuses les plus réfrangibles, jusqu'à celles qui correspondent au vert; mais il ne donne pas de bande d'absorption dans le reste du spectre. Je ne n’étendrai dans ce mémoire ni sur la composition ni sur les propriétés chimiques du bolétol; j’ai obtenu trop peu de matière cette année pour avoir la certitude nécessaire à cet égard. Pour le moment, ilnous suffit d’ailleurs de savoir que ce corps, qui n'est pas azoté, présente tous les caractères d’un acide-phénolf. Ce qui frappe, tout d’abord, quand on traite une solution de bolétol dans l’eau distillée par la laccase, extraite de l'arbre à laque ou de divers champignons, c’est l’irrégularité et même la difficulté avec laquelle on obtient une coloration bleue. Mais bientôt, en variant les expériences et en notant les résultats avec soin, voici ce qu’on observe : Quand on se sert d’une solution de laccase peu active, pré- parée par macération dans la glycérine, d'espèces médiocres de champignons, ou, ce qui est la même chose, d’une solution olycérinée un peu ancienne, on est obligé d'ajouter une quan- tité notable de solution de laccase. Alors, la coloration du bolé- tol devient toujours d’un beau bleu. Si au contraire, on emploie une solution de laccase très active, tirée de l'arbre à laque ou, récemment, d'une bonne 1. Ce qu'on pouvait en partie prévoir d’après les relations qui existent entre la constitution des corps organiques et leur oxydabilité sous l'influence de la laccase (G. BerrranD, Bull. Soc. chim. 3° série, t. XV, p. 791, 4896.) 184 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. espèce de Russule, il suffit d’une trace de liquide fermentaire pour faire virer la couleur du bolétol, mais alors la teinte obtenue n’est jamais d'un bleu franc : elle est verte, quelquefois même gris sale ou rougeûtre. On est ainsi conduit à supposer qu’une substance particulière, accompagnant le bolétol (expériences anciennes) et la laccase (expériences nouvelles), intervient aussi dans la production du phénomène et, tout naturellement, il vient à l’esprit que cette substance pourrait bien être le manganèse. L'expérience prouve que la première partie de la déduction est exacte, mais que la substance nouvelle est non pas du man- ganèse, mais un métal à peu près quelconque, alcalino-terreux, magnésien ou même alcalin. Il suit de là que pour obtenir à coup sûr une belle coloration bleue, il faut prendre une solution aqueuse d’un bolétate, celui de potassium, par exemple. On peut encore arriver au même but, avec le bolétol pur, en ajoutant au mélange en réaction une trace de l’un des sels appartenant aux métaux énumérés cidessus. A cause de la petite quantité de bolétol qui est nécessaire, la réaction est extrêmement sensible; elle décèle très bien les moindres souillures des vases de verre dans lesquels on l’exé- cute ou la présence des sels dans l’eau qu'on emploie. La production de diverses couleurs trouve son explication dans ce fait que le composé quinonique dérivé du bolétol est lui- même de couleur rougeûtre, tandis que ses combinaisons métalli- ques sont bleues. En acidifiant le liquide bleu, on met en liberté la bolétoquinone et la couleur vire immédiatement au rougeâtre. D'après ces observations et mes recherches antérieures !, le bleuissement des bolets exige donc le concours de six facteurs différents : l'oxygène et Le bolétol; la laccase, le manganèse, l’eau, qui agit à la fois comme dissolvant et comme agent nécessaire d'hydrolyse ; enfin, un métal alcalin, magnésien ou alcalino- terreux. C’est un exemple remarquable de la complication que peuvent quelquefois présenter les réactions diastasiques et, d’une manière plus générale, les phénomènes biochimiques. 4. Sur le pouvoir oxydant des sels manganeux et sur la constitution chimique de la laccase (Bull. Soc. chim., 3 série, t. XVII, p. 753, 1897). CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DU PALUDISNE ET DE SON HÉMATOZOATRE EN ALGÉRIE (CONSTANTINE) Par Le Dr À. BILLET (Médecin-major de {re classe, docteur ès sciences naturelles.) (NOTE PRÉLIMINAIRE) Les recherches que nous poursuivons depuis plus de deux ans, à Constantine, concernant le paludisme et son hémato- zoaire, nous conduisent, dès aujourd’hui, d’après un total de 395 observations !, à formuler les principales règles fondamen- tales du développement de ce parasite, suivant les différentes formes de l'infection palustre qu'il détermine. Il existe, en Algérie, ainsi que l'ont observé presque tous les médecins depuis la conquête, deux saisons météorologiques bien distinctes pendant lesquelles le paludisme affecte des allures différentes, en même temps que le parasite, lui aussi, présente deux séries de formes bien tranchées : Lo La saison estivo-automnale, que M. Laveran, le premier, a nettement délimitée et qui s'étend de la fin du mois de juin à la fin du mois de novembre. Cette saison s'annonce, au mois de 4. Chacune de ces observations, recueillies dans notre service de l’hôpital militaire de Constantine, comprend non seulement l’examen clinique de chaque malade avec tous les renseignements relatifs à l’étiologie, au mode fébrile et à la nature dés principaux symptômes notés dans le cours de laffection, mais encore un feuillet hématologique où, à.côté du nombre et de la forme des para- sites rencontrés, on à dressé la formule hémo-leucocytaire correspondante, Dans une note récente (Soc. de Biologie, T déc. 1901), après avoir établi la présence constante de l’'hématozoaire dans tous les cas de paludisme que nous avons eu à traiter, nous avons énuméré les différentes formes sous lesquelles nous l’avons rencontré, soit : 1° Formes amiboïdes grandes, pigmentées, aboutissant au mode de multiplication endogène par rosaces.. 193 fois. 2 Formes amiboïdes, petites, peu ou pas pigmentées, DÉC nina es us FMI Ml a ep Pate 44 — 3° Formes amiboïdes petites et croissants............ 152 — LNCROISSANTISISCUIS Eee Pres SR Se RACE 6 — TROUS rente t 395 fois, 186 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. juin, par de violents orages, suivis de fortes chaleurs; le vent du sud ou siroco domine; et bientôt survient une sécheresse presque ininterrompue pendant les mois de juillet, août et sep- tembre. La température maxima moyenne oscille alors entre 30° et 35°. En octobre, puis en novembre, des pluies abondantes, souvent même torrentielles, apparaissent, qui abaissent peu à peu la moyenne de la température à 8° ou 10o. Pendant cette période, à côté des rechutes graves chez d’an- ciens impaludés, on voit éclore les premières atteintes de palu- disme chez les individus nouvellement arrivés dans la colonie et qui ont passé l'hiver et le printemps sans être contaminés. Le médecin militaire est mieux placé que tout autre pour étudier ce fait d'observation générale sur le contingent venu de France afin d'accomplir ses trois années de service, etqu'il peut suivre journellement, pour ainsi dire, en notant chez le même sujet l’époque exacte de la première atteinte, la fréquence et la nature des rechutes subséquentes, et finalement leur disparition définitive ou temporaire par le traitement spécifique. On est ainsi amené à poser comme axiome fondamental l’aphorisme suivant : 4 | On ne contracte pas le paludisme en Algérie, sur le lütoral du moins, avant les derniers jours du mois de juin, et cela même dans les localités les plus notoirement insalubres 1. Le paludisme qui atteint, pour la première fois, les nouveaux arrivés en Algérie est très souvent irrégulier (au sens le plus large du mot) et dans ses manifestations cliniques et dans les modalités de son type fébrile. Au lieu de présenter, comme dans les accès franes, la suc- cession des troisstades connus de frissons, de chaleur, desueurs, il affecte fréquemment des formes frustes et anormales. Un des termes du syndrome classique précédent, quelquefois même plusieurs à la fois, peuvent manquer et les symptômes d’infec- tion profonde, à allures parfois manifestement typhoïdes, dominent la scène. 1. La fin du mois de juin est également la date que presque tous les auteurs s'accordent à assigner à l'apparition du paludisme de première invasion dans le bassin méditerranéen, et en particulier dans les trois péninsules : ibérique, italique et hellénique. Nous avons montré (Acad. des Sciences, 2 sept. 1901) qu’en Aloérie cette date coïncidait précisément avec l'éclosion et l'apparition, dans les régions palustres, de certaines -espèces de culicides, en particulier du genre Anopheles dont le rôle actif dans la propagation du paludisme a été surabondam- ment démontré partout où règne l’endémie palustre. DU PALUDISME ET DE SON HÉMATOZOAIRE, 187 Il en résulte que ce paludisme, dit de première invasion, aboutit fréquemment, et pour ainsi dire d'emblée, soit à la cachexie palustre, soit à la perniciosité avec ses. formes infini- ment variées. Nous désignons cette première manifestation du paludisme sous le terme de paludisme primaire pour indiquer que c’est le premier échelon de l'infection palustre aiguë, et pour Fopposer au second échelon de cette même infection, ou paludisme secondaire, que nous déerirons plus loin. Le terme de paludisme primaire a en outre le mérite de ne rien préjuger des manifestions cliniques à la fois si variées et si inconstantes qu’on y observe et dont la nomenclature n’a pas peu contribué à obscurcir la conception que l'on doit se faire actuellement du paludisme. Il sert au contraire à réunir ces mul- tiples désignations en un seul faisceau compact, car elles relèvent toutes d’une seule et même cause pathogénique. Si, en effet, le paludisme primaire est éminemment capri- cieux dans son évolution clinique, le parasite qui le détermine est au contraire, dans la majorité des cas, toujours identique à lui-même. Il se présenteconstamment, pendanttoutela durée dela période fébrile, aussi bien dans le cours des premiers accès que dans le cours des nombreuses rechutes de la saison estivo-automnale, sous une forme invariable. Cette forme du parasite est la forme endo- globulaire petite, ne dépassant guère 1 à 3 & de diamètre, arrondie-ovalaire, peu ou pas amiboïde, constituée par une zone extérieure et annulaire de cytoplasma excessivement mince, ne présentant que rarement quelques grains isolés de mélanine, et entourant un noyau vacuolaire, central, relativement volumi- neux, muni lui-même d'un grain de chromatine excentrique ou karyosome. ; Ce parasite correspond exactement à la forme la plus petite de l'hématozoaire décrit par M. Laveran (Hæmamcæba malarie, var. parva, Laveran.) C'est le parasite de la fièvre estivo-automnale des auteurs italiens, identique lui-même au parasite de la fièvre tropicale des auteurs allemands et anglais (Hæmamæëa ou Plasmodium præcox, Grassi et Feletti, læmomenas præcoxr, Ross). Dans la majorité des cas, cette petite forme, surtout dans les 188 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. rechutes du mois de septembre et octobre, aboutit invariable- ment à la forme dite en croissant. Or, il est prouvé aujourd’hui que les croissants sont analogues aux macrogamètes et microgamètes du cycle évolutif d’autres Sporozoaires. Ils représentent un des stades de la reproduction sexuée du parasite, dont l’évolution ultérieure et complète (sporo- gonie) s’achève dans le corps de certains diptères suceurs de la famille des Culicidés. R Nous avons rencontré ces deux formes caractéristiques dans 202 cas de paludisme primaire. Elles se répartissent de la façon suivante : Formes amiboïdes petites seules......,..:,,........., 44 fois. — — — et croissants consécutifs... 152 — 2= en 'CTOTSSANLISENLESR SM EE MER 6 — POLAR OR EEE 292 fois. Novembre Juiliét | Août. |Septembre.| Octobre. et TOTAL décembre. Formes amiboïdes petites seules. 1 ) 23 A1 4 4 — — et croissants CONS ÉCUILES 2 SEE nee CRE 6 21 41 63 21 152 CEDIS SANS AS CNIS EEE EE D SPEED { 5 6 TOTALE ETA LEE TRE re Re Autrement dit, c’est surtout en septembre que les formes amiboïdes petites se rencontrent seules, et en octobre que leur association avec les croissants est la plus fréquente. En général, c’est pendant la période fébrile que l’on trouve la petite forme amiboïde, tandis que les croissants n’apparais- sent qu’au bout de quelques jours d’apyrexie et persistent pen- dant toute la durée de celle-ci jusque dans les derniers jours de la saison estivo-automnale, et cela malgré le traitement quinique qui semble n’avoir aucune action sur eux. Au point de vue de l’abondance des parasites, c’est pendant Dés she 2 . Bt ad 2: ste, fe DU PALUDISME ET DE SON HÉMATOZOAIRE. 189 les mois d'août et de septembre que les petites formes amiboïdes présentent leur maximum de développement. Il n'est pas rare alors de noter jusqu’à 5, 6, 10 globules parasités, parfois même davantage par champ du microscope. Un certain nombre de globules peuvent même renfermer 2, 3 et 4 parasites à la fois, . dérivés l’un de l’autre par simple bipartition. En octobre, au contraire, les croissants abondent, On peut en compter 2, 3 et quelque fois 5 et 6 par champ du microscope. Puis, peu à peu, ces derniers deviennent de plus en plus rares, pour diminuer notablement de fréquence dans les derniers _ jours de novembre et finalement disparaître complètement à la fin de décembre ou au commencement de janvier. Dès lors, les croissants ne réapparaissent plus dans le cours de l'infection palustre et chez le même individu, quel que soit le nombre des rechutes subséquentes. Ceci nous amène à formuler cette autre proposition : Le paludisme primaire ne dure qu'une saison estivo-automnale, du mois de juin au mois de décembre. | Cette Loi s’est présentée à notre observation avec une régu- larité et une constance telles que, inversement, lorsqu'un indi- vidu autrefois impaludé, mais qui n’a pas eu de rechute de paludisme depuis plusieurs années, a de nouveaux accès fébriles avec petits corps amiboïdes et corps en croissants, on peut affirmer à coup sûr qu'il y a chez lui ré-infection, c’est-à-dire récidive. Nous avons constaté le fait chez 13 sujets algériens et chez 22 indigènes qui n'avaient pas eu depuis longtémps d’attaque de paludisme, et qui se présentaient à notre examen atteints de nouveaux accès intermittents avec les parasites du paludisme primaire ; 20 La saison hiberno-vernale s'étend de la fin du mois de novem- bre ou du commencement de décembre à la fin du mois de juin de l’année suivante. Pendant cette période, la pluie ne tombe plus que par intervalles plus ou moins espacés; les vents du nord et du nord-ouest sont les vents dominants et amènent, dès le mois de décembre, un froid de plus en plus vif. Puis, peu à peu, le printemps et les belles journées réapparaissent avec une température moyenne de 40° à 42. Le paludisme, quoique moins accentué que dans la période 190 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. précédente, se manifeste néanmoins pendant la saison hiberno- vernale.. Mais, ainsi que nous l’avons déjà dit, on ne signale jamais, pendant cette période, de cas nouveaux de paludisme primaire. : On n'y observe uniquement, et sans aucune exception, que des rechutes de paludisme, et eela aussi bien chez les sujets déjà impaludés depuis plusieurs années que chez les paludéens dont l'infection ne remonte qu’à la saison estivo-automnale précé- dente. M. Laveran : a, depuis longtemps, insisté sur ce fait d'ob- servation générale, dont l’importance m’échappera à personne. Nous désignons cette seconde manifestation du paludisme sous le nom de Paludisme secondaire, par opposition au paludisme primaire, dont 1l diffère à la fois par ses caractères cliniques et par la forme du parasite qu’on y trouve. Nous préférons cette dénomination à celle de « Paludisme de deuxième invasion », qui peut prêter à confusion. Nous réservons d'autre part le terme de Paludisme chronique au palu- disme invéléré, caractérisé par les altérations profondes de lor- ganisme et en particulier des organes hématopoiétiques. Au point de vue clinique, on y observe, pour la première fois, d’une façon constante, les types fébriles nettement définis des accès intermittents : type quotidien, type tierce et type quarte. Les types irréguliers, ainsi que le type sub-contnu n'existent que fort rarement. En même temps, les accès se pré- sentent avec la triade symptomatique classique (stades de fris- sons, de chaleur et de sueurs) qui caractérise les fièvres inter- mittentes dites parfaites par certains auteurs. Quant au parasite, il est exclusivement représenté par les grandes formes amiboïdes endoglobulaires fortement prgmentées de mélanine, dont letype adulte, sphérique, volumineux, envahit tont le globule et atteint son développement complet en 48 heures (dans les accès tierces) ou -en 72 heures (dans les accès quartes). De même que la forme amiboïde petite aboutit presque inva- riablement au croissant, et constitue Le premier terme du mode de reproduction sexuée du parasite, la forme amiboïde grande et pigmentée aboutit fatalement à la rosace, c’est-à-dire au mode 1. Traité du Paludisme, 1898, p. 23. fa QT et sh $ DU PALUDISME ET DE SON HÉMATOZOAIRE. 191 de multiplication endogène par schisogonie. Les nombreux seg- ments, ou mérozoïtes, qui en résultent se répandent dans le sérum et envahissent de nouveaux globules renouvelant inces- samment la maladie par auto-infection, et donnant ainsi le signal d’un nombre indéfini de rechutes. Ce parasite correspond exactement, suivant la forme des rosaces et la nature tierce ou quarte des accès qu'il détermine, tantôt à la variété tertianæ, tantôt à la variété quartanæ de l’Heæmamæba malarie de M. Laveran. Un grand nombre d'auteurs ont fait de ces deux sortes de formes deux espèces distinctes : Hæmamæba — Plasmodium vivax (parasite de la tierce) Grassi et Feletti, et Hæmamcæba = Plusmo- dium malariæ (parasite de la quarte) Grassi et Feletti. Nous trouvons, parmi nos observations, 53 cas de palu- disme secondaire survenus pendant les deux saisons hiberno- vernales de 1900 et de 1901. À ces cas, on doit ajouter les rechutes constatées dans les périodes estivo-automnales de 1899, de 4900 et de 1901, chez d’anciens paludéens, et dont le nombre s'élève à 138. Chez ces derniers en effet, malgré la différence des saisons, on n’observe que les formes EE hede grandes, pigmen- tées, à multiplication endogène. Le paludisme secondaire, quelle que soit la saison pendant laquelle il se manifeste, est donc essentiellement caractérisé par la présence des formes parasitaires amiboïdes, grandes et pigmentées, aboutissant au mode de multiplication par voie endogène ou asexuée. Des considérations précédentes, il résulte que : 1° Si le paludisme présente des modalités et des manifesta- tions cliniques très diverses, suivant la saison où il se déclare et surtout suivant le degré de réceptivité de l'individu qu'il conta- mine, il n’en constitue pas moins une entité morbide bien définie caractérisée par des lésions anatomo-pathologiques toujours identiques et un parasite endoglobulaire également unique: 2° Le parasite parcourt dans son développement un double cycle évolutif : A. — Cycle estivo-automnal, de première invasion ou du paludisme primaire, qui n’évolue que chez les sujets jus- qu'alors indemnes d'infection palustre. Ce cycle est représenté par la forme amiboïde petite de l’hématozoaire et aboutit, dans le majorité des cas, au croissant, première phase du 192 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR mode le plus fréquent de reproduction sexuée de ce parasite 1: B. — Cycle hiberno-vernal, ou du paludisme secondaire, c’est- à-dire du paludisme que l’on rencontre chez les sujets ayant précédemment subi une première atteinte, Ce cycle est représenté par la forme amiboïde grande et pigmentée du même hématozoaire, et aboutit à la rosace, stade ultime du mode de multiplication par voie endogène ou asexuée de ce parasite. Aux nombreuses preuves que nous venons de donner de l'unité dans le mode de développement du parasite et de son double cycle évolutif, il convient d’ajouter que, dans 20 cas diffé- rents, nous avons pu assister directement à l’évolution du palu- disme primaire en paludisme secondaire, autrement dit au pas- sage des formes petites accompagnées de croissants aux formes amiboïdes grandes et pigmentées, À Ces observations concernent des individus chez lesquels nous avons pu surprendre cette transformation pendant leur séjour à l'hôpital et principalement pendant les premiers mois d'hiver, ou bien des paludéens qui, ayant contracté leur première atteinte (paludisme primaire) pendant une saison estivo-autom- nale donnée, revenaient se faire soigner, dans le cours de la saison hiberno-vernalesuivante, atteints de paludisme secondaire. Dans ce dernier cas, on ne saurait objecter que ces malades aient subi une nouvelle infection; puisque nous avons démontré et posé en principe le fait suivant, à savoir qu on ne contracte 1. Nous disons, à dessein, que le croissant représente la première phase du mode le plus fréquent (nous devrions ajouter le plus caractéristique) de la repro- duction sexuée de l’hématozoaire du paludisme. En effet, un certain nombre d'auteurs, entre autres Bignami et Bastianelli, ont décrit, dans le cycle évolutif du parasite de la tierce, d’autres formes sexuées endoglobulaires, représentant des macrogamètes et des microgamètes. Ces formes sexuées sont régulièrement arrondies et d’un tiers plus petites que les formes de segmentation (Annali di igiene sperim., IX, 1899). Cette distinction morphologique, entre la forme générale des gamètes, les uns de forme arrondie, les autres en forme de croissant, est un des principaux arguments des auteurs précités en faveur de la séparation spécifique du parasite de la tierce proprement dite, et celui de la fièvre estivo-automnale. Or, tout récemment, J. Ewing (New-York med. Journ. July 27, 1904) a observé chez les paludéens revenant de Cuba, et chez lesquels l'infection était intense, la présence de formes de conjugaison, entre deux hématozoaires de la tierce, inclus dans un même globule. Il a étudié la fusion de leurs cytoplasmes et de leurs Æaryosomes, en un seul corps protoplasmique arrondi, à noyau unique, qui plus tard devenait soit un macrogamète, soit un microgamète. Ces corps sexués ne diffèrent en rien de ceux décrits par Bignami et Bastianelli, D’après ces observations précises de J. Ewing, il semblerait donc prouvé qu'à côté des formes sexuées d'emblée, qui caractérisent ce que nous avons appelé le paludisme primaire, il existe des formes également sexuées, particulières au paludisme secondaire et produites par conjugaison. UE Le date ententes ras she a de titi sou nt he TF4 pad ENCORE + D AT DU PALUDISME ET DE SON HÉMATOZOAIRE. 193 pas le paludisme en Algérie pendant la saison hiberno-vernale. Par conséquent, le paludisme dont ces malades présentaient les manifestations secondaires pendant une saison hiberno-vernale donnée était bien la succession du même paludisme contracté pendant la période estivo-automnale précédente. Les idées que nous venons d'exposer et qui, nous le répé- tons, ne sont que l'interprétation exacte des faits que nous avons observés pendant plus de deux années, confirment celles que M. Laveran a constamment défendues, depuis Le jour où il a fait la mémorable découverte de l’hématozoaire du paludisme. Elles corroborent également les recherches préciseseffectuées au Sénégal par Marchoux, en Italie par Antolisei, et, en partie du moins, à Cuba, par J. Ewing. Elles concordent enfin avec ce que nous connaissons jusqu'à ce jour de la biologie, non seulement des hæmocytozoa ou hémo- sporidies, mais encore de la plupart des sporozoaires.' Mais si l'étude du paludisme en Algérie ne nous autorise pas à admettre l’autonomie spécifique du parasite, dit de la fièvre estivo-automnale ou tropicale, nous inclinons fortement à penser qu'il existe une distinction fondamentale entre les deux espèces de formes amiboïdes grandes et pigmentées, qui carac- térisent d’une part les accès francs de fièvre tierce, et d'autre part ceux de fièvre quarte de notre paludisme secondaire, Nous ne possédons que 11 observations de fièvre quarte bien confirmée, Mais chaque fois, soit au début, ‘soit pendant le cours des nombreuses rechutes qu'ont présentées les sujets atteints de ce type tenace de fièvre intermittente, nous avons pu nous convaincre des différences essentielles qui existent entre les formes à multiplication endogène de la tierce et les formes correspondantes de la quarte. Les principales de ces différences, formulées par Golgi dès 1891, sont les suivantes : 1° formes amiboïdes moins volu- mineuses dans le parasite de la quarte, à noyau moins visible, en raison de l'abondance du pigment mélanique, dont les grains sont également plus gros et plus noirs, à contours moins irré- guliers, et surtout à rosaces généralement segmentées en 8 méro- zoïtes, au lieu de 16 à 20 dans les rosaces de la tierce, qui sont elles-mêmes beaucoup plus volumineuses; 2° déformation et hypertrophie très accentuées des globules parasités dans la 194 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. üerce ; tandis que dans la quarte, les globules parasités con- servent leur forme et leurs dimensions presque intactes, et souvent même sont plutôt rétractés; 3° enfin, apparition dans les globules parasités de l’altération granuleuse particulière de l’hémoglobine, décrite pour la première fois par Schüffner!, et en second lieu par Maurer ?, altération très appréciable dans la tierce, tandis qu’elle est nulle ou à peine sensible dans la quarte. Conclusions. — En définitive, la conception du paludisme telle que nous le comprenons d’après l’ensemble des faits que nous avons observés est la suivante : Il existe, en Algérie, deux formes de paludisme correspondant à deux espèces de parasites bien distinctes : le paludisme de la fièvre tierce et le paludisme de la fièvre quarte, ce dernier étant beaucoup plus rare que le premier ( 2,7 0/0 à Constantine). Chacune de ces formes de paludisme présente un double cycle clinique et parasitaire à savoir : 4° cycle estivo-automnal, à manifestations primaires survenant chez les sujets non encore impaludés, à type fébrile souvent mal délimité, et dont le para- site est représenté par la forme amiboïde petite et croissants consécutifs (cycle parasitaire de reproduction sexuée) ; 2° cycle hiberno-vernal, à manifestations secondaires, chez les sujets déjà impaludés depuis une ou plusieurs années, à type nette- ment tierce ou nettement quarte, et dont le parasite est repré- senté par la forme amiboïde grande fortement pigmentée et rosaces consécutives (cycle parasitaire de multiphcation endo- gène ou asexuée ?). | ? 4. Deutsch. Archiv. f. klin. Med., t. LXIV. Cette altération toute spéciale, qui, pour nous, est intimement liée à la production de mélanine, ne se décèle que par le mélange d'éosine et de bleu de méthylène, suivant les méthodes de Romanowsky et de M. Laveran, ou autres procédés qui en dérivent. 2. Centralbl. f. Bakter., XXNI, n° 4 et b. à 3. Cette conception de paludisme se trouve déjà entièrement démontrée en ce qui concerne le parasite de la tierce. Quant au parasite de la quärte, la véri- fication semble plus difficile, en raison même de la rareté de cette forme de paludisme en Algérie, sur le littoral du moins. Toutefois, sur les onze cas de fièvre quarte dont nons avons déjà parlé, nous avons pu, à deux reprises diffé- rentes, suivre pas à pas la transformation des formes amiboïdes petites, avec leurs croissants, en formes amiboïdes crandes et pigmentées, à multiphcation äsexuée. Îl nous a semblé, en particulier, que les formes amiboiïides petites du paludisme primaite de type quarte étaient plus volumineuses que celles corres- pondantes du paludisme primaire de la tierce. Enfin et surtout, les croissants nous ont paru manifestement plus gros, plus trapus, à extrémités moins effilées, plus arrondies, et à grains de pigment mélanique plus noirs, plus confluents et plus volumineux que ceux des croissants de la tierce, RECHERCHES SUR LES MODES D'UTILISATION DES ALIMENTS TERNAIRES PAR LES VÉGÉTAUX ET PAR LES MICROBES Pan P. MAZÉ (Chef de laboratoire de l'Institut Pasteur). ne PREMIER MÉMOIRE Les hydrates de carbone alimentaires soumis à l’action des sucs digestifs se dédoublent peu à peu, par voie d’hydrolyse, pour aboutir aux hexoses, et c’est à cet état qu'ils sont consi- dérés comme directement assimilables. Si l’on veut puiser dans la littérature quelques renseigne- ments sur les transformations ultérieures que la cellule leur fait subir, on s’aperçoit tout de suite que l’on sait peu de choses sur ce côté de la pe Je me propose d'exposer dans ce travail les recherches que j'ai faites pour tenter de faire un pas dans cette voie, On admet généralement que chez les animaux supérieurs, les sucres ee constituer exclusivement une source d'énergie et de chaleur; ce ne sont pas des substances destinées à contribuer à la formation de la matière vivante; c’est un combustible que la cellule brûle, pour développer de la force ou pour entretenir la température. Si l’on descend l'échelle des êtres vivants et si l’on considère les organismes les plus simples comme les microbes, celte con- ception ne correspond plus à la réalité des faits. Beaucoup de microbes, et les moisissures plus spécialement, sont capables d’édifier leurs matières protéiques aux dépens du carbone du sucre, avec l’ammoniaque comme source d'azote; mais la cellule adulte semble, du moins en apparence, agir comme la cellule animale vis-à-vis du sucre; tout se passe comme si celui-ci subissait la combustion totale; on ne trouve généralement, comme produits ultimes des transformations dont il est le siège, 196 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. que l'acide carbonique et l’eau, lorsque l'alimentation est conve- nable et qu'il n’y a jamais pénurie d'oxygène. Les levures et les moisissures sont des agents de combus- tion très actifs lorsqu'ils se développent à la surface des milieux de culture, en large contact avec l’air: mais en même temps que la fraction la plus importante du sucre se résout en eau et acide carbonique, l’autre portion, qui est loin d’être négligeable, se retrouve à l’état de substances vivantes, qui, pour ia plupart, ne présentent plus aucune parenté de constitution avec les sucres et l’ammoniaque qui ont servi à les former. Peut-on déter- miner quel est le fragment de la molécule sucrée qui entre définitivement dans la constitution des matières protéiques? Voilà ce qu’il faudrait montrer, Mais auparavant, il s’agit d’orien- ter les recherches. Lorsqu'on ménage l'accès de l’air à des cultures de levures ou de moisissures, où qu’on les en prive complètement, on sait qu’on assiste à des phénomènes différents de ceux que je viens de résumer. Les levures font disparaître rapidement le sucre; on en trouve à peu près la moitié à l’état d'alcool, l’autre s'étant volatilisée à l’état d'acide carbonique; mais par contre, l’augmen- tation de poids de cellules vivantes est faible, ou nulle, ou néga- tive, suivant les conditions de l’expérience. Les moisissures se comportent à peu près de la même façon; le sucre disparaît à l’état d'alcool et d'acide carbonique, mais très lentement; l'ac- croissement du poids de mycéliumestégalement très faibleounul. Dans le premier cas, celui des cultures aérées, la cellule vivante, qui s’est multipliée dans des proportions énormes, vit comme un végétal ordinaire pris pendant la période germina- tive; elle a mené une vie végétative; dans le second, elle à agi comme un ferment. Ces deux existences nous apparaissent comme tout à fait distinctes, et on est d'autant plus fondé à les séparer que les produits de transformation du sucre se présentent comme des substances nuisibles vis-à-vis de la cellule ferment qui les à formés. En l'absence d'oxygène, ses fonctions protoplasmiques ont été complètement déviées ou profondément altérées; la vie végétative est une vie normale, physiologique ; l'organisme fer- ment est un être malade puisqu'il donne naissance, en appa- rence, à des produits pathologiques. Léns de : à . UTILISATION DES ‘ALIMENTS TERNAIRES. 197 -_ La découverte de la zymase par M. Buchner se présente comme étant susceptible d'enlever à cette conception un peu de son assurance; mais elle ne suffit pas à l’ébranler complètement, parce que cette diastase ne semble apparaître que lorsque le végétal est privé d'oxygène ; la levure végétative n’en renferme pas. Cependant, lorsqu'on place un végétal entier dans une atmosphère débarrassée d'oxygène, on peut constater immé- diatement la formation d’alcoo!l dans ses tissus. M. Berthelot ! insiste, avec raison, sur la nécessité de tuer immédiatement par la vapeur d'eau les feuilles ou les parties de végétaux chez lesquelles on recherche de petites quantités d'alcool, parce que si l’on attend quelques instants, on risque de ne trouver que de l’alcool formé après l’ablation des organes, surtout si on les soumet vivants au broyage; cela veut dire que la zymase, ou une diastase analogue, existe même dans les tissus végétaux exposés au soleil, bien que la fonction chlorophyllienne donne naissance dans la profondeur des tissus à des quantités consi- dérables d'oxygène naissant. On ne peut donc pas affirmer, sans réserves, qu'il n’y a pas de zymase dans la levure végéta- tive parce qu'on n’en trouve pas; il serait peut-être plus pru- dent de dire qu’on ne peut pas la mettre en évidence parce que les moyens de l'obtenir deviennent tout de suite insuffisants là où 1l y en a peu. Cela nous conduit à nous demander si l'alcool apparaît sous l'influence de la levure parce que la privation d'oxygène altère ses fonctions, ou plus simplement parce que cette condition la met dans l'impossibilité de tirer parti d'une transformation qui est dans l’ordre. C’ést cette dernière hypothèse que confirment les recherches que j'ai faites sur les rapports de l'oxygène avec les graines en voie de germination ?. J’ai montré que les graines oléagineuses submergées conservent à peu près intactes leurs matières grasses pendant des semaines et des mois; mais les réserves amylacées des graines féculentes se dissolvent peu à peu sous l'influence des diastases; ce n’est pas un sucre réducteur qui s’accumule dans l’eau comme on aurait pu s’y attendre, c’est l'alcool; ainsi, l’amylase, la dextrinase, la maltase et la zymase ACER SARA NIEECR 1866: 2. Ges Annales, 1900, p. 350. 198 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. fonctionnent aussi bien en l'absence qu’en présence de l’oxy- gène ; toutes ces diastases ne font pas intervenir l'oxygène dans les changements qu'elles apportent à la constitution des aliments hydrocarbonés. J'ai établi également que si les huiles restent indemnes, c’est parce que l'oxygène fait défaut et j'ai fait remar- quer que si les transformations des sucres ne dépassent pas le terme alcool, c’est parce que la cellule vivante ne peut pas modifier ce produit sans faire intervenir l'oxygène. C’est là une déduction par analogie et c’est un point qu’il faut démontrer directement. J’examinerai donc de plus près les conditions de la produc- tion d'alcool par les graines ou les végétaux privés d'oxygène de façon à mieux en pénétrer le mécanisme; je poursuivrai ensuite l’étude de l'assimilation des aliments ternaires pendant la période germinative en adoptant comme principe de recher- cher des faits qui contredisent la conception que je viens d’es- quisser ; et si, au contraire, j’en tire une confirmation, j’emprun- terai des arguments plus probants aux végétaux microscopiques avec lesquels l'expérience se simplifie, en même temps qu’elle atteint un plus haut degré de précision. Il Je vais d’abord compléter, par le tableau suivant, les rensei- gnements que j'ai déjà fournis dans le mémoire auquel j'ai fait allusion et dans la note des Comptes Rendus!, sur la production de l’alcool par les graines submergées. TABLEAU I l 2 D) 4 ) 6 dl Nombre de Poids sec Volume d’eau Durée Alcool recueilli Perte tota Nos graines sub- en distillée de 9/0 du poids de poids d'ordre. mergées. grammes. En ICENC: l'expérience. Jes graines. 0/0: Pois. 1 40 7,007 80 6 jours 2,3% 10,58 2 id. 6,081 id. 12: — 4,63 17288 3 id. 6,044 id. 27 — 6,6 27,26 4 100 15,845 100 4 — 4,63 10,88 b id. 16,003 id. 13 — 10,54 25,18 Haricot. 6 20 8,994 50 T — 1,86 » Lupin blanc. fl DD : 7,730 100 oi 0,89 » id. 7,093 id. -- 41,53 41,33 id. 7,006 id. ee 28 7,47 C. R., & CXXNIIL p. 4608 UTILISATION DES ALIMENTS TERNAIRES. 199 Arachide. 10 25 10,905 400 10 — 0,64 7,1 11 id. 40,196 id. 29 — 1,61 11,63 19 id. 10,551 id. 5 0,60 14,80 Maïs. 13 50 17,988 100 9m 0,81 3,83 14 id. 18,032 id. 13 1,2% » Les chiffres de la colonne 6, relatifs aux pois, dénotent une différence assez grande entre les divers lots submergés. Cette variation tient à deux causes : les lots n° 4 et 5 ont été immer- gés dans un volume d’eau relativement beaucoup plus faible que les 3 précédents. De plus, dans ceux-ci, on n’a évalué que lalcool diffusé dans le liquide ambiant, tandis que dans les deux autres, on a évalué Palcool total, celui qui a diffusé dans l’eau et celui qui a été retenu par les graines. Pour toutes les autres espèces, l'alcool produit a été évalué en totalité, dans les graines et dans l’eau ambiante, Considérés dans leur ensemble, les chiffres de ce tableau montrent que la production d'alcool par les graines submergées est variable d’une famille à l’autre, et dans une même famille d’une espèce à l’autre. Les pois sont des producteurs très actifs d'alcool; les haricots en donnent moins; le lupin blanc, moins aussi que le haricot; l’arachide, qui appartient comme les précédents à la famille des légumineuses, est la moins active de toutes les graines que j'ai examinées. Céla tient en partie à la nature des réserves : Les pois et le haricot sont des graines presque exclusivement amy- lacées si l’on n’envisage que les réserves ternaires; le lupin blanc renferme beaucoup de sucres solubles, des matières gras- ses et pas d’amidon; l’arachide est très riche en huiles; elle renferme plus de 50 0/0 de son poids en matières grasses ; mais à côté, 1l y a encore un peu d’amidon et des sucres. Plus 1l y a de matières grasses, moins l’aptitude à produire de l'alcool est marquée. J’ai montré en effet que les matières grasses ne sont pas atteintes dans ces conditions. On les retrouve intactes à peu près, après des semaines et des mois de submersion. Les graminées représentées par le maïs produisent peu d’al- cool, et solubilisent lentement l’amidon, à en juger par la faible perte de poids total accusée par l'expérience 13. On est surpris de ce résultat si l’on pense que le maïs est un végétal à: germi- 200 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. x nation extrêmement rapide, même à la température de 22-23°, à laquelle toutes ces expérienees ont été réalisées. En moins de 2% heures quelquefois, la tigelle sort de sa gaine et la radicule également; au bout de 4-5 Jours, la tige atteint 1 décimètre de long. Une évolution aussi active témoigne d’une digestion extrê- mement énergique des réserves de l’albumen et du seutellum ; on devrait en retrouver les effets dans les graines submergées. Si l’on observe le contraire, c’est parce que l’absence de plantule supprime la circulation des diastases sécrétées dans le scutel- lum qui doivent affluer dans l’albumen pour agir sur l’amidon, et des produits des actions diastasiques, sucres et dextrine, qui ne peuvent rencontrer de zymase ailleurs que dans le scutellum, la seule région vivante des semences de graminées. Ainsi nous voyons apparaitre l'influence de la suppression de la plantule sur la marche de la digestion des réserves. C’est une constata- tion dont nous aurons à tenir compte dans d’autres circonstances. Depuis la publication de mes premières observations, MM. Godlewsky et Polzeniusz! ont étudié de leur côté la ques- tion de la production d'alcool par les graines submergées, Ils se sont surtout attachés à démontrer que sa formation est due à une véritable fermentation alcoolique. Pour cela, ils ont opéré, en l’absence d'oxygène, dans un appareil clos, capable de sup- porter le vide et ils ont recueilli la totalité de l’alcool et de l'acide carbonique produits. Ils ont ainsi trouvé que ces deux composés sont toujours dans la proportion fournie par une fermentation alcoolique pure. J'aurai l’occasion de confirmer ce résultat que je n’ai visé qu'in- directement. MM. Godlewsky et Polzeniusz ont examiné aussi diverses espèces de graines au point de vue de leur aptitude à produire de l'alcool, lorsqu'elles sont placées sous l’eau. Dans cet ordre d'idées, ils ont obtenu des chiffres un peu plus élevés que ceux que j'ai fournis; mais le sens de leurs conclusions confirment mes résultats. Je ne veux donc pas insister plus longtemps sur ce côté de la question qui ne présente, en somme, qu'un accident dans la vie du végétal, si on se borne à le considérer isolément. Il relève en effet de la propriété que possèdent les cellules végétales de 4. C. R. de l'Académie des sciences de Cracovie, 1901, p. 227. & # Re # UTILISATION DES ALIMENTS TERNAIRES. 201 produire de l'alcool, lorsqu'on les place dans une atmosphère privée d'oxygène, ainsi que l’ont montré depuis longtemps MM. Lechartier et Bellamy!, Pasteur *?, Müntz*. Ce qu'il importe surtout, c’est de mettre en évidence la signi- fication physiologique du phénomène. . Au lieu d’immerger les graines de pois dans l’eau, on a pris des cotylédons débarrassés de leurs embryons, et on les a pla- cés sur des perles de verre, avec une quantité suffisante d’eau distillée; ils se trouvaient ainsi dans les conditions requises pour provoquer une germination rapide chez des pois entiers. Voici les résultats fournis par trois expériences. Dans la pre- mière, on n’a pris aucune précaution pour retenir l’alcool, les cotylédons étaient placés dans un vase fermé simplement par un tampon coton. Les deux autres ont été réalisées dans un appa- reil clos, dont on trouvera la description plus loin, p. 211, per- mettant de recueillir l'alcool et l'acide carbonique. TABLEAU II Poids sec des Nombre Durée Acide carbo- Nos graines entières de | de Alcool recueilli nique dégagé, d'ordre. en milligr. cotylédons. l'expérience. en milligr. en milligr. À » 61 21 jours 98 » ® 1945 23 Fe 450 260,5 3 1855 21 8 — 470 231,8 Dans le n° 1 il y a eu une perte assez élevée d’alcool; on conçoit qu’il n’en saurait être autrement, si l’on fait remarquer que les cotylédons sont exposés par toute leur surface à l’air atmosphérique. Dans les n° 2 et 3,on voit qu'il s’est formé plus d’acide car- bonique que n’en fournirait, pour les quantités d’alcool trouvé, une véritable fermentation alcoolique. Le contact libre avec l'oxygène atmosphérique modifie donc la marche de la digestion des réserves; mais avant de con- clure que l'alcool se montre ici. comme un produit normal, il faut montrer que la plante est capable de l'utiliser; en atten- dant, on ne saurait se refuser à admettre que les conditions de formation d’alcool dans les cotylédons exposés à l’air sont exactement les mêmes que celles qui favorisent l’évolution de l'embryon; l'absence de plantule ne peut pas être invoquée . A. C. R., 1869, t. LXIX, p. 356, 466; t. LXXV, 1872, p. 1203; t. LXXIX,. 1874, p. 946 et 1066. 2. C. R.,t. LXXV, 1872, p. 754 et 1054. 9. GC. R., t. LXXXNI, p. 49. 202 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR pour expliquer l'apparition de lalcool; il est vrai que la transpi- ration active la circulation de la sève, mais les cotylédons de pois conservent pendant toute la durée de la germination un volume constant; quand ils ont atteint leur turgescence maxi- mum, ils ne se modifient plus, et les rapports des cotylédens adhérents à la plante avec l’air atmosphérique doivent être les mêmes que chez ceux qui sont débarrassés de leurs embryons. On va voir par les expériences suivantes qu'il en est bien ainsi. Faisons germer des pois, toujours à l’abri des microbes, et quand les plantules ont atteint quelques centimètres de longueur, recouvrons-les d’eau distillée, de façon à ce que le niveau de l’eau dépasse les plus longues de quelques millimètres. On remarque tout de suite que le développement s'arrête; à part cela, les plantes ne présentent rien d’anormal pendant 5 ou 6 jours. Puis, brusquement, elles changent d'aspect; les’ tiges deviennent translucides; le cylindre central se détache sur toute la longueur suivant une ligne opaque; c’est le signe que les cellules ont subi le phénomène de la plamolyse, que les méats sont remplis d’eau. Les plantes sont mortes. Si on recherche l'alcool, on en trouve des quantités encore plus abon- dantes que si les cotylédons seuls avaient subi le traitement. Voici, pour fixer les idées, la quantité d’alcool recueilli dans une expérience exécutée dans ces conditions. On fait germer 20 pois à l'obscurité, à la température de 22-230 pendant 7 jours. Les tigelles ont environ 3 centimètres de longueur. On les couvre d’eau distillée ; au bout de 5 jours, on observe les phénomènes qui caractérisent la mort des plantes et on met fin à l'expérience. On trouve dans le liquide 130 milh- orammes d'alccol, ce qui fait à peu près 3,25 0/0 d'alcool du poids initial des graines, et on n'avait pris aucune précaution pour éviter les pertes par évaporation. Si, au lieu de recouvrir d’eau toutes les plantules, on a soin de s'arrêter à un niveau tel qu'une petite partie seulement du bourgeon terminal de deux ou trois tiges émerge du liquide, celles-ci continuent de pousser sans manifester le moindre trouble. Leurs voisines meurent après avoir PHeaus de lalcool qui s’est diffusé dans l’eau. Quelle est l'interprétation qu’on peut donner L ce résultat? Si l’on admet que la partie laissée à l'air a permis à l'oxygène UTILISATION DES ALIMENTS TERNAIRES. 203 de circuler librement, en quantité suffisante, jusque dans la pro- fondeur des cotylédons et l'extrémité des racines pour prévenir la formation d'alcool, on ne saurait s’étonnerdeles voir pousser: mais même en admettant qu'il en soit ainsi, il y a encore une conclusion intéressante qui s'impose : l’alcool déversé par les plantules submergées dans l’eau passe avec elle dans les tiges qui se développent, en raison de l’appel incessant provoqué par la transpiration; si celles-ci ne l’utilisaient pas, elles subiraient -le même sort que les autres qui meurent; elles font donc dispa- raître l’alcool, et aussi l’aldéhyde qui l'accompagne, car je dois ajouter que c’est surtout l’aldéhyde qui tue les plantes submer- gées et non l’alcool!. Mais il me paraît un peu hardi d'affirmer que la circulation de l’air peut être assurée dans toute l’étendue du végétal, par la petite portion qu’on a laissé émerger de l’eau. L'interprétation de M. Duclaux est beaucoup plus rationnelle. Les cotylédons et lesrégions submergées destiges sontsoumises à l’asphyxie comme les plantes entièrement recouvertes par l’eau ; ces régions pro- duisent donc aussi de l’alcool ; mais il est brûlé au fur et à mesure de sa formation en même temps que celui qui est apporté par l’eau ambiante ; le siège de la combustion, je veux dire de luti- lisation, est placé dans la portion aérienne, qui présente cette double condition d'absorber de l'oxygène à discrétion et d’être un foyer très actif de transformations alimentaires puisqu'elle est exclusivement constituée par des cellules jeunes en voie de multiplication ou de différenciation. Quelle que soit donc la façon dont on envisage les consé- quences de cette expérience, on a le droit d'en conclure que les plantules de pois traitées comme je l’ai dit utilisent l’alcool et même l’adéhyde. Mais considérons cette conclusion comme un accident, puis- qu’en somme elle se présente comme la suite d’un accident, et cherchons à vérifier les conséquences de la production néces- saire de l’alcool, comme acte préparatoire à l’assimilation, non plus sur des phénomènes provoqués, mais sur ceux qui se pré- sentent comme la manifestation de la vie normale des végé- taux. 1. Maé, ces Annales (loc. cit.). 204 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. III La remarque suivante va nous suggérer tout de suite les expé- riences destinées à mettre en relief l’existence probable de la transformation des sucres en alcool, même chezles végétaux pous- sant dans les conditions ordinaires de la vie végétale; les hydrates de carbone fermentescibles perdent, en se disloquant en alcool et acide carbonique, à peu près la moitié de leur poids sous une forme inutilisable pour les végétaux dépourvus de chlorophylle. Si l’alcool est la fraction retenue et utilisée à la construction de nouveaux tissus ou à l'entretien des cellules déjà formées, le poids de végétal édifié aux dépens d’une quantité donnée de sucre ne sera jamais égal à la moitié du poids des sucres consommés; mais si l’on opère, comme je le fais ici, sur des plantes considérées seulement pendant la période germina- tive, il faut faire une réserve; il y a toujours dans les graines des substances azotées qui contiennent également beaucoup de carbone, d'hydrogène et d'oxygène ; ces aliments concourent à la constitution de la plantule; or on ne sait rien sur leur mode de désintégration, et il est possible et même probable que la fraction des composés azotés utilisés soit supérieur à la moitié des molécules initiales. Lorsqu'on établit le rapport entre le poids de végétal fabri- qué et le poids correspondant perdu par les organes de réserves, ou, pour abréger, le rendement, on obtient la résul- tante de la contribution des hydrates de carbone d’une part, et des matières azotées d'autre part. On ne peut donc pas deman- der à cette méthode plus de précision qu'elle ne, comporte; mais comme ce sont en général les hydrates de carbone qui prédominent, leur influence demeurera prépondérante, on s’en convaincra d’ailleurs par l'examen des chiffres fournis par l’expérience. On peut trouver chez les auteurs, même déjà anciens, des renseignements sur cette question; mais on comprend qu'on ne puisse pas les utiliser parce qu'ils ont été obtenus par la mise en œuvre d’une technique insuffisante. On sait, en effet, que lorsqu'on fait germer des graines dans le sable ou dans la terre, les microbes prélèvent sur les substances de réserve une dîme UTILISATION DES ALIMENTS TERNAIRES. 205 assez lourde, même chez les organes qui semblent en apparence tout à fait sains. La graine de choix pour de semblables expériences est le pois; le pois ne renferme que des réserves hydrocarbonées et azotées. Les matières solubles dans l’éther sec ne représentent pas ! 0/0 du poids total de la graine, et encore ce sont plutôt des résines que des matières grasses proprement dites. J'ai donc soumis à la germination quelques lots de pois à l'abri des microbes; et j’ai évalué le poids de plante fabriquée à l’aide des substances empruntées aux cotylédons. Les résultats obtenus sont groupés dans le tableau suivant : TABLEAU III il 2 3 4 5 6 7 Poids sec Durée de Poids des Poids perdu Nos des la cotylédons après par les Poids d'ordre. graines germination, l'expérience . cotylédons. des plantules. Rendement Milligr. Jours. Milligr. Milligr. Milligr. { 3954 9 3019 935 546 0,58 2 7218 42 5099,4 2118,6 *950,3 0,45 3 8052 11 6222 1820 782 0,42 4 2042 15 8406 3630 1540 0,42 Les chiffres de la colonne 7 montrent que, pendant la première période de la germination, le rendement est plus grand que 0,5; ce fait peut être attribué à l’influence des matières azotées; mais il est dû à une autre cause, au moins en partie : au début de la germination, la solubilisation des réserves marche plus vite que la consommation par la plantule; les substances non utilisées s’accumulent principalement dans la tige où les matières amylacées sont représentées par de l’amidon transitoire et des sucres réducteurs; ces aliments non consommés ne devraient pas entrer en ligne de compte dans l’évaluation du rendement; les chiffres obtenus sont donc trop élevés ; cette observation est d'ordre général ; elle s’applique à toutes les espèces de graines. Ceci étant dit, on voit que les rendements obtenus rentrent dans la limite prévue. Il est inutile de prolonger la durée de la germination, Car on conçoit aisément que le rendement doit diminuer avec les progrès des plantules. Après avoir examiné un type de graines amylacées, il était tout indiqué de faire les mêmes observations sur des graines à réserves ternaires mixtes, comme le maïs et Le lupin blanc, puis 206 | ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. enfin sur des graines à réserves oléagineuses parmi lesquelles le ricin et l’arachide sont tout indiqués. Le maïs est plutôt une graine amylacée; mais il renferme aussi des huiles localisées surtout dans le seutellum; en raison de cette situation, ces huiles sont digérées dès le commence- ment de la germination; c’est donc au début de l'évolution de la plantule que l’on pourra constater l’influence du mode d’utilisa- tion de matières grasses sur les plantules. Les expériences qui suivent ont été conduites d’une façon un peu différente de celles qui ont été exécutées sur le pois. Les graines ont été mises à germer dans des tubes à essai sur du coton imbibé d’eau, à raison d’une graine par tube. Ce pro- cédé donne de bons résultats avec les semences volumineuses, qui fournissent en peu de temps un poids de végétal assez élevé ; il présente en outre l'avantage de choisir à volonté les plantules qui lèvent bien, ce qui permet d'obtenir des résultats comparables. Les chiffres suivants ont été obtenus avec le maïs : TABLEAU IV 1 2 3 4 D 6 7 Poids sec Durée de Poids Poids perdu Poids Nos des la des réserves ’ par des d'ordre. graines. germination. non utilisées. l’albumen. plantules. Rendement. Müilligr. Jours. Milligr. Milligr Milligr 1 502,7 4 463 39,7 32,5 0,82 2 447,5 5) 29155 56 46 0,82 3 300,2 15 278 299,9 133,5 0,60 % 402,2 16 263,7 438,5 79,8 0,57 5 359,4 20 69,6 282,8 165,2 0,58 6 370 26 180 190 92,5 0,48 Les chiffres de la colonne 7 indiquent cette fois que le maïs ne suit pas la règle, posée a priori, concernant le mode d’utilisa- tion des matières hydrocarbonées. Il faut voir, dans cette diver- gence, l'intervention des matières grasses; mais. d’un autre côté, on verra plus loin que les plantules de maïs renferment plus d'aliments non utilisés que le pois; c’est une raison de plus qui parle en faveur d’un rendement élevé. Tout les physiologistes admettent aujourd’hui que les huiles se transforment en sucres avant d’être utilisées à l’édification de la plantule; si cette transformation est intégrale, on conçoit qu'un poids donné de matières grasses fournisse un poids de végétal supérieur à celui qui s’obtient par l’assimilation d’un poids égal PT UTILISATION DES ALIMENTS TERNAIRES. 207 de substances hydrocarbonées ; cette transformation se fait par fixation d'oxygène atmosphérique; si elle n’est pas accompa- gnée de perte de carbone, elle conduit à un poids de sucres au moins double du poids des substances oléagineuses qui leur ont donné naissance. Si les sucres une fois formés subissent un dédoublement préalable en alcool et acide carbonique, le poids de matière utilisable représentera, à peu de chose près, la quan- tité primitive de matières grasses, de sorte que le poids de plante fabriqué, rapporté aux huiles consommées, sera égal à l'unité. Cest ce qu’on va vérifier dans un instant. Quand les réserves ternaires sont constituées, comme chez le maïs, par un mélange ‘d'huiles et d'hydrates de carbone, le rendement devra être éga- lement supérieur à 0,5; envisagés de cette façon, les chiffres du tableau IV ne présentent pas d’ambiguïité. Les résultats que j’ai obtenus avec le lupin blanc donnent lieu aux mêmes observations, avec cette différence qu'ils s’écar- tent encore plus des chiffres prévus pour le pois. Le lupin blanc renferme en effet 12,54 0/0 de matières solu- bles à l’éther sec; le maïs n’en contenait que 4,82 0/0. Le lupin blanc que j'ai utilisé renfermait en outre, 7 à 8 0/0 de sucres évalués en glucose, et pas d’amidon ; dans cette graine ce sont les réserves azotées qui prédominent; et pour cette rai- son, les chiffres consignés dans le tableau suivant ne peuvent fournir que des PRE assez vagues, TABLEAU V 4 2 3 4 b 6 1 Poids sec Durée de Poids perdu Nos des la Poids des par les Poids d'ordre, graines. germination. cotylédons. cotylédons. des plantules. Rendement. Milligr. Jours. Miligr. Milligr. Milligr. 1 474,9 3 444 30,9 20 0,64 2 411,2 5 340,5 70,7 59 0,73 3 461,9 6 381,5 81,7 61,5 0,76 4 412 10 267 145 102 0,70 5 469,4 12 329,3 140,1 103 0,73 6 43% 15 194,5 239,5 175 0,73 Le caractère le plus saillant des chiffres qui expriment le rendement, c’est leur constance: ce fait doit appeler l’attention sur le mode d'utilisation des matières azotées ; il semblerait indiquer en outre que l’assimilation des matières grasses se fait lentement, parallèlement à celle des matières azotées; mais ce n’est là qu'une simple supposition; il se peut, comme je lai déjà 208 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. dit, que les substances protéiques de réserves fournissent un poids de végétal supérieur à 0,5; mais l’examen de cette ques- tion ne rentre pas dans les limites de ce travail. Je me conten- terai de faire remarquer que les aliments les plus facilement assimilables de la graine de lupin blanc sont les sucres; selon toute vraisemblance, ce sont eux qui disparaissent les premiers, et cette particularité se traduit par le rendement assez curieux 0,64. Parmi les graines oléagineuses on a le choix entre le ricin et l’arachide; mais j’ai été contraint à me borner à l'étude de la germination de l’arachide, car Le ricin ne germe pas si on le soumét aux conditions imposées par ce procédé d’expérimen- tation *. Le tableau VI donne les résultats fournis par l’arachide. TABLEAU VI L 2 3) 4 6) 6 7 Poids sec Durée de Poids perdu Nos des la Poids des par les Poids : d'ordre. graines. germination. cotylédons. cotylédons. des plantules. Rendement Milligr. Jours. Milligr. Milligr. Milligr. À 409,4 6 353,5 49 45,5 0,93 2 583,6 40 426 159,6 452,5 0,96 3 448,8 17 361,5 87,3 94,5 1,05 4 405,2 20 152,5 959,7 291,5 0,88 5 360 24 51,1 308,9 293,5 0,95 6 499 26 121,2 300,8 298 0,77 7. 495,8 30 114 381,8 302 0,82 8 393,2 35 79,8 913,8 211 0,67 L'examen de ces chiffres conduit à la conclusion prévue, le rendement croît pendant la première période de la germination; on en trouve facilement l'explication dans ce fait que la graine d’arachide renferme de petites quantités d’amidon et des sucres, À. Cette graine placée sur du coton imbibé d’eau n'entre jamais en germination; il en est de même sur les perles de verre, soit qu'on l’immerge en partie ou qu'on la mette simplement en contact avec l'eau, soit qu’on la place au «contraire à une certaine hauteur au-dessus du niveau du liquide. Ce résultat tient probablement à la constitution anatomique de la graine, on sait quelle est composée d’un péri- perme et d’un embryon muni de deux feuilles cotylédonaires aecolées l’une à l’autre, entourés de toutes parts par le périsperme. L'espace qui sépare les cotylédons et celui qui les isole du périsperme n’exis- tent que virtuellement; mais comme ces organes sont simplement juxtaposés, ils se laissent envelopper par voie de capillarité par une mince couche liquide, dès que la graine touche l’eau; elle est donc placée à peu près dans les mêmes condi- tions que si elle avait été entièrement submergée ; on ne peut pas en effet atrri- buer la non-germination au procédé de stérilisation, car des graines maintenues sur des perles de verre pendant des semaines et des mois germent très bien quand on les place dans du sable très poreux et modérément mouillé. UTILISATION DES ALIMENTS TERNAIRES. 209 ceux-ci évalués en glucose représentent en moyenne, pour l'échantillon de graines qui m’a servi, # 0/0 du poids sec des semences; c’est évidemment aux dépens de ces sucres que là plantule effectue son premier développement; le rendement croit peu à peu à mesure que les matières grasses contribuent pour une part plus large à l'édification de la plante, pour décroître ensuite lorsque la somme des pertes réunies de cons- truction et d'entretien dépasse le gain réalisé sous forme de fixation d'oxygène sur les matières grasses. Mais, dans tous les cas, Le rendement oscille dans le voisinage de l’unité pendant la période de temps que l’on peut considérer comme représentant la durée normale de la germination. J'aurai pu multiplier davantage ces expériences; mais je pense qu’on n'en aurait pas tiré grand profit; les exemples que j'ai rapportés s'appliquent aux différents types de graines que l’on peut rencontrer; ils résument bien les faits que je voulais mettre en évidence, et comme on a pu le remarquer, aucun d'eux n’est en opposition avec la possibilité de la transformation de la totalité des réserves ternaires en alcool et acide carbonique avant l’incorporation de leur carbone à la substance vivante. Mais on ne peut pas leur demander la démonstration de ce fait, mieux que cela, l'affirmation que je viens d’énoncer suppose implicitement, chez ces diverses espèces végétales, un mode d'utilisation unique des aliments ternaires dont elles disposent; il se peut que les choses se passent autrement; les huiles four- nissent un meilleur rendement parce qu’elles donnent moins de déchets à la digestion; mais le déchet se traduit par la produc- tion d’eau et d'acide carbonique; s’il y a moins d’acide carbo- nique éliminé chez l’arachide que chez le pois pour l'édification de l’unité de poids de végétal, on s’explique que celle-là four- nisse un meilleur rendement que celui-ci; mais la quantité d'acide carbonique produit est susceptible d’être mesurée ; c’est donc un point sur lequel on peut se renseigner. D'un autre côté, on s’est appuyé dans le cours de ces expé- riences sur ce fait que les matières grasses subissent une trans- formation préalable en sucres avant d’être utilisées par la plantule. En réalité, l'existence de cette transformation n'a été prouvée que chez le ricin * ; on ne possède pas de démonstration 1. MaQuENNE, C. R., t. CXX VII, p. 625. | 210 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR directe de ce fait pour toutes les autres graines oléagineuses. On a été conduit à l admettre par des raisonnements d’analogie. On sait que les sucres constituent pour les végétaux l'aliment ter- naire par excellence. Le dextrose, le lévulose, le galactose et le mannose se présentent comme directement assimilables; et on a constaté que partout. où ils se rencontrent, dans les semences ou dans les feuilles, concurremment avec d’autres substances plus complexes, ce sont eux qui disparaissent les premiers pen- dant que les autres se dégradent à leur tour et passent par les mêmes états avant de servir à l’alimentation. Les graines oléagineuses renferment, à côté d’une forte pro- portion de matières grasses, des quantités plus ou moins grandes de sucres et souvent de l’amidon; ce sont évidemment les hydrates de carbone qui sont, en grande partie, consommés les premiers, de sorte que si l’on trouve, à un moment quelconque de la germination, une quantité de sucres plus faible ou plus élevée que la quantité initiale, on peut aflirmer qu'ils dérivent des substances grasses; ce raisonnement est d'autant plus logique que la valeur du rapport © semble en confirmer la con- clusion;le quotientrespiratoireest voisin del’unité pourles graines amylacées comme le pois; sa valeur baisse avec la richesse des semences en huiles, elle tombe à 0,60 chez le ricin et elle se maintient dans le voisinage de ce chiffre pendant que la plantule consomme les huiles. Que ce raisonnement par analogie traduise ou non la réalité, il n’en esi pas moins vrai que, pour asseoir sur cette déduction des arguments destinés à étayer les résultats fournis par de nouvelles expériences, il faudrait d’abord s’assurer de son exac- titude. IV Commençons par établir qu'il n'existe pas chez les végétaux supérieurs, ceux du moins qui ne renferment comme réserves ternaires que des hydrates de carbone et des huiles, plusieurs modes d'utilisation du carbone ternaire, On peut, comme je l'ai fait remarquer, s’en rendre compte par la mesure de la quantité de CO* qui correspond à l'élaboration d’un poids donné de végétal. Si elle est la même chez les différentes espèces de graines, UTILISATION DES ALIMENTS TERNAIRES. 211 on aura le droit de conclure que‘ le rendement élevé constaté chez les graines oléagineuses n’est pas dû à un mode d’assimila- tion plus économique que celui qui se déroule dans les semences amylacées. Voici les chiffres que j'ai déjà publiés sur cette question!. CO? dégagé 0/0 Durée de de plante fabriquée. Fexpérience. TUE CL RSR PTE ANRT De es 95,66 10 jours. MS RE ee MA LOI SEA ES LS 88,49 8 — HATIBOUA 0 ei DAME DS 88,6 bre POSE TS ARE A te (E7ne 115 SP J'ai repris ces expériences dans le but de pénétrer plus avant dans le mécanisme du phénomène. Voici comment elles ont été réalisées : les graines débarrassées de micro- bes sont placées sur des perles de verre avec une quantité suffisante d’eau distillée. Le récipient dans lequel elles sont disposées est un vase conique de 300 c. ce. de captivité, assez fort pour résister au vide; son col est muni d'un étranglement au-dessous duquel se trouve une tubulure latérale munie aussi d’étranglements, qui, comme le précédent, ont pour but de fixer en place des tampons de coton; ce vase est fermé par un bouchon en caout- chouc, percé d’un trou qui livre passage à un tube pourvu aussi d’un tam- pon de coton. L'appareil ainsi monté est stérilisé à 1200 pendant un quart d'heure, et il est alors prêt à recevoir les graines. Pour recueillir acide carbonique, et aussi pour favoriser la germination, on fait circuler un courant d’air dans le récipient ; il faut donc dépouiller l'air de l'acide carbonique qu'il renferme normalement; ce résultat s'obtient par l’interposition en avant du vase conique : 40 d’un barboteur à potasse concentrée ; 20 d’un tube en U rempli de fragments de potasse caustique; 30 d’un barboteur à eau destiné à restituer à l'air la vapeur d’eau qu'il a perdue, afin de prévenir une trop grande évaporation du liquide de germi- nation. Après avoir passé dans le vase conique, l'air cède sa vapeur d’eau : 4° à une éprouvette remplie de chlorure de calcium fondu ; 2° à un tube en U de grandes dimensions rempli de ponce sulfurique. Il circule ensuite dans une série de récipients tarés destinés à donner, par leur augmentation de poids, l’acide carbonique cherché; îls comprennent : un tube en U à ponce sulfurique, un barboteur Liebig modifié à potasse concentrée, un deuxième tube à porce sulfurique, un tube en U rempli de fragments de potasse caustique, un troisième tube à ponce sulfurique. Enfin, une éprouvette remplie de chlorure de calcium fondu empêche le retour de la vapeur d’eau de l'aspirateur qui n’est autre qu'une trompe à eau. Tous les raccords de l'appareil sont constitués par du caoutchouc à vide. Une pince à vis placée en avant du récipient à graines permet d'interrompre à volonté la commu- nication avec la partie antérieure de l'appareil, tandis qu’une autre isole la 10C: RE CXXX; p. 424 x 212 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. deuxième éprouvette de chlorure de calcium de la trompe et sert en outre à régler la vitesse du courant d'air. Pour recueillir l'acide carbonique retenu par les cotylédons, on fait le vide deux fois dans l'appareil, pendant qu'on soumet les graines à une température croissante qui monte lentement jusqu'à 650. Quand on voulait recueillir l'alcool produit, suivant les conditions de l'expérience, on intercalait, entre le récipient qui renfermait les graines et la première éprouvette à chlorure, un double barboteur à eau distillée plongeant dans la glace fondante, laquelle était protégée contre la chaleur rayonnante par un système de deux bocaux en verre laissant entre leurs parois un espace assez large qu’on remplissait de coton; on en recouvrait aussi toute la partie supérieure du bocal intérieur, Toutes les expériences qui suivent ont été faites à la température de 29-300 dans une étuve complètement obscure, éclairée faiblement par un bec papillon pendant le temps nécessaire aux manipulations. Voilà, au point de vue de l’installation, les conditions dans lesquelles je me suis placé. Pour mettre en relief l'importance des résultats et faire res- sortir clairement les renseignements que je leur demandais, j’ai toujours mené de front deux ou quatre expériences. A côté d’une expérience destinée à évaluer la quantité d'acide carbonique produit par la construction et l’entretien d’un poids donné de plante, j'ai installé parallèlement une autre expérience portant sur le même poids de graines placées dans les mêmes conditions, mais préalablement débarrassées de leurs embryons!. Les résultats que j’ai obtenus avec Le pois sont résumés dans le tableau VII. | Parmi toutes ces expériences, il y en a qui dénotent une germination très médiocre; ce sont les expériences 2 et 3; dans l’expérience 1, la germination a été passable; 4 et 5 attestent une évolution rapide de la plantule. Ces différences tiennent à l’âge des semences ; les pois con- servés T ou 8 mois germent mal dans les conditions imposées par ces expériences ; ils sont placés dans une atmosphère salu- rée de vapeur d’eau et semblent souffrir de l’absence de trans- piration active; ce ne sont pas les opérations auxquelles on les 1. L’ablation de l'embryon est facile lorsqu'il s’agit de graines de maïs ou d’arachide ; mais les pois doivent subir un trempage préalable de 24 heures; ce trempage doit être fait, précédé d’une stérilisation des graines d’une part, et de l’eau dans laquelle on les submerge d'autre part. L’excision des embryons doit être faite dans des conditions d’asepsie rigoureuse, et pour plus de précaution on soumet les cotylédons ainsi préparés à une série de nouveaux lavages avec de l’eau sté- rile. 213 TERNAIRES. UTILISATION DES ALIMENTS 7 « &£‘0 « ce‘T « L'eL+ L'ere Y'6I « 6‘£L « GEST « ces 9 9 0Y£8 0Y£8 sa93Jouqns ‘S99u198 SauleI£) SauIeIr) TS TT, 9 « « «€ 9‘0#G « « GLGT “Su0pÿA70) £e‘0 « L6‘0 g'T « 16‘9 c'es + « set 6°868 7866 8‘0S£ F°6S « « FCI « « C8 « L'eg 9 07 (11 CLOY S'Ge08 808 ‘SOQUUOS ’SIOP)ÉN) ‘SOpUOS SoulPAr) SOURIS) £ « « « « « LOVG *S00p91 A0) | L'OT S‘TCOT 07 ‘Sa9u193 SOUIEIS) G IA AVATAVL « L'8706 *SOjU108 soute) « 96008 *SOPUUI08 SoueIr) ‘14109 0 “IS UN ..... MOT ILD (Een "SUN sapnqu®e]d td 200 — 48609 ÿq | VU sa[nque[q SOUIPIS 70!) haoddeyr 209 — SUrRI8 07 29U9I9HJI( Pertes on opimbrtf 9j sup 998 rex *‘*:**SU0pP9[ÂJO9 S0p SpI0q °**:::-"sommquerd Ss9p Spl0q **:‘'oouo19dx9 J op ogin ‘SOURIS S9P [eIJIUI SPIOd 214 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. a soumises pour les débarrasser de microbes qui ont affaibli leur pouvoir germinatif, car si on les place dans du sable, elles germent très bien!. Pour obtenir de bons résultats, il faut pren- dre les graines sur la plante même, au moment où les gousses sont bien sèches. Les expériences 4 et 5 ont été faites avec des pois récoltés dans la gousse. Faute de prendre ces précautions on s’expose à avoir des résultats dénués de valeur, car lexpé- rience comparative faite avec des cotylédons ne suffit pas à faire disparaître les irrégularités. La ration d'entretien des plantules qui se développent lentement représente une fraction trop élevée des aliments consommés. Le fait le plus intéressant qui se dégage des chiffres du tableau VII, c’est l’activité des échanges gazeux entre l’atmo- sphère etles cotylédons privés de leurs embryons; ils produisent, à peu de chose près, autant d'acide carbonique que les graines pourvues de leur plantule, J'ai déjà fait remarquer qu'il n’y a aucune raison d'admettre que les cotylédons isolés de l'embryon agissent sur leurs réserves d’une façon différente des graines entières, les uns et les autres étant placés dans les conditions favorables à la ger- mination. Tout au plus peut-on supposer que l'oxygène pénètre plus facilement dans les profondeurs des cotylédons lorsqu'ils tiennent à la plantule, en faveur de l'irrigation que celle-ei y pro- voque ; mais cela ne peut que favoriser le dégagement d'acide carbonique et les chiffres fournis par l’expérience précédente pour les cotylédons ‘sont peut-être inférieurs à ceux que l’on obtiendrait avec ces organes adhérents à la plante, si on en pou- vait faire le départ. Cela veut dire que le travail préparatoire de l’assimilation s’effectue dans les cotylédons jusqu'au terme alcool et au delà, de sorte que l’on peut dire cette fois que l'alcool est non pas un produit accidentel ainsi que je Pai admis provisoirement, mais une substance que les organes de réserve préparent normalement et régulièrement, du moins chez le pois. Je ne veux pas dire par [à que les hydrates de carbone de 1. Ce résultat constitue une traduction expérimentale de ce fait d'observation courante que le pouvoir germinatif va en s’affaiblissant avec la durée de conserva-, tion des graines. A une époque où elles semblent avoir gardé cette faculté intacte, puisqu’elles germent très bien dans le sable humide, la germination en atmo- sphère saturée décèle une atténuation de l'activité diastasique, comparativement avec les semences prises au moment de la maturité. UTILISATION DES ALIMENTS TERNAIRES. 215 réserve subissent intégralement cette transformation dans les cotylédons; ce serait nier l'évidence, car tout le monde sait que la plantule reçoit en même temps de la dextrine, des sucres réducteurs, que l’on trouve dans les cellules de la plante, soit à l’état d’amidon transitoire, soit à l’état de sucres. Ces substances sont toujours abondantes, et beaucoup plus que l'alcool; cela se conçoit puisque c’est celui-ci qui est consommé le premier; mais l’alcool n’est jamais absent non plus, et chaque fois que j'ai voulu vérifier sa présence, j'ai toujours réussi à le caractériser. : Remarquons en outre que les graines entières submergées de l'expérience 5, produisent à peu près la même quantité d'acide carbonique que les cotylédons exposés à l'air; ces graines ont donné naissance à 210 milligrammes d’alcool, Étant donnée la difficulté de retenir tout l'alcool, le rapport de l'acide carbonique à l'alcool formé, même dans les graines submergées en présence de l'air, montre bien que ce phénomène est régi par la même loi suivant laquelle s’effectue la fermentation alcoo- lique pure. Cela confirme la conclusion de MM. Godlewsky et Polzeniusz; mais ce qui est intéressant surtout, c’est de cons- tater par cette expérience qu'il n'existe aucune diastase capable de dégager de l’acide carbonique, aux dépens des matières azotées de réserve, en l'absence d’oxygène. C’est une remarque qui a sa valeur et que j’aurai l’occasion de faire avec l’Eurotyopsis Gayoni. Ce qui se dégage de tous ces faits, c’est que dans les graines submergées, dans les cotylédons exposés à l’air ou dans ceux qui restent attachés à la plantule qu’ils alimentent, le mécanisme de la formation d'acide carbonique est partout le même; il est dû à une même cause qui agit partout avec la même activité. C'est dire qu'il n'y a pas, du moins chez le pois, deux modes d'action de la cellule vivante vis-à-vis de ses aliments, carac- térisant la vie végétative ou la vie fermentative; il n’y a que des manifestations différentes, en apparence seulemént, d’un mode de vie unique, suivant les conditions que nous imposons à la cellule vivante, ou qu’elle se crée elle-même plus ou moins accidentellement, par le jeu des forces physicochimiques qu’elle met en œuvre. Les graines de pois germant normalement à la faveur des conditions favorables à leur évolution produisent de l'alcool et 216 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. l'utilisent à la construction de leurs tissus. Les mêmes graines placées dans l’eau, ou dans une atmosphère privée d’oxygène, produisent de l’alcool qu’elles ne peuvent utiliser parce que l’oxygène fait défaut; elles ne construisent pas de substances vivantes. Prenons maintenant les chiffres des premières colonnes des expériences # et 5, et faisons le bilan du poids de matière sou- mise à l’expérience. On obtient les résultats suivants : TABLEAU VII Expérience 4. Expérience 5. Milligr. Milligr. Poids desiplantules PRE ErMANENRE 225 235 POS ICOMIÉ LOS REMPERAIERARE Get 41494 1835 Extrait dans lieau ter APR APR 39,4 73,9 Acide carbonique dégagé .......... 292,2 319,4 Total après l'expérience... 2051,3 2463,3 POIs Anita ee eee st 1933 2340 DiHÉTEnCe MEET ECR EEE + 118,3 —+ 123,3 Que représente cette différence? l’eau d’hydratation des matières ternaires et surtout l’oxygène emprunté à l’atmo- sphère. Mais on sait que le volume d'oxygène absorbé, par le pois en voie de germination est très voisin du volume d’acide carbonique dégagé. Dans ces conditions, l'oxygène absorbé, cal- culé d’après l’acide carbonique obtenu, est, dans l'expérience 4, 213 milligrammes et 232,3 dans l'expérience 5, c’est-à-dire 2 fois plus que l’excédent de poids observé que l’on ne saurait cependant rapporter en entier à l'oxygène fixé. Il y a donc environ la moitié de l'oxygène libéré par l'acide carbonique qui provient de l’oxygène des composés de réserve, et la moitié de l'oxygène emprunté à l'atmosphère qui a dû se combiner à l'hydrogène pour s’éliminer à l’état d’eau. Il semble que l’on puisse dire le contraire, et traduire cette observation de la façon suivante : l’acide carbonique se forme par la combinaison directe de l'oxygène atmosphérique avec le carbone de la plante, et c’est l’oxygène des substances de réserve qui à fourni le déficit constaté en s’éliminant à l’état d’eau. Cette manière de voir est contredite par les faits, et c’est la pre- mière conclusion qui traduit la réalité. Si l’on fait remarquer en outre que la portion d'oxygène empruntée à l'atmosphère qui se retrouve dans l’acide carbonique a dû se fixer sur les substances alimentaires, comme dans l’exemple de la transformation des UTILISATION DES ALIMENTS TERNAIRES. 217 malières grasses en sucres, pour se dégager par des mutations ultérieures, on est conduit à cette notion qu'il n'y a, probable- ment, aucune corrélation entre l’absorption d’oxygène et le déga gement d'acide carbonique. M. Duclaux insiste longuement sur ce fait. J'ai fait les mêmes expériences avec le maïs et avec l'ara- chide; les résultats qu'ils m'ont fournis sont exposés dans le tableau IX. Le maïs a très bien germé comme on le voit; c'est d’ailleurs une plante qui s’accommode fort bien à l'humidité ; l’arachide a fourni des résultats moins bons; et comme on ne peut pas récol- ter ses graines soi-même, il est bien difficile de prévenir cet inconvénient; cependant, dans mes premières expériences, j'avais obtenu une germination très satisfaisante (voir p. 211): Les éléments du tableau IX qu’il s’agit de mettre en paral- lèle avec ceux qui sont relatés dans le tableau VII, concernent les différentes valeurs trouvées pour les rapports, et.. Ces rap- ports représentent, comme on l’a vu, la quantité d’acide carbo- nique dégagé, pendant toute la durée de l’expérience, par l’unité de poids de plante pourvue de ses cotylédons, et par l’unité de poids de plantule. Les rapports, sont fournis directement par l'expérience ; les rapports , ont été obtenus en calculant la diffé- rence entre l’acide carbonique éliminé par les végétaux entiers et celui qui a été dégagé par les cotylédons privés de leurs embryons, et en divisant le chiffre obtenu par le poids des plan- tules ; cette différence doit être mise en effet, avec pourtant quelques réserves, sur le compte des plantules. Pour plus de commodité je réunis ci-dessous les principaux chiffres obtenus : TABLEAU X à Poiss Maïs. Arachide. RADPORD PERRET EIRE 1,3 0,9% 1,18 ' RAPDOTIE TE MARCEL eric 0,23 0,71 0,62 Comme on le voit, le pois fournit des chiffres différents des deux autres plantes, lesquelles donnent au contraire des résul- tats à peu près de même ordre. Considérons d’abord les rapports, ; ils résultent de deux actions bien distinctes : celle des cotylédons et celle de la plan- 4. Duccaux, Traité de Microbiologie, t. I, p. 346. Masson, Paris. LE) ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. 218 & 89‘0 « 18‘0 « 8L‘T « £9'T « 1'978—+ « SIG+ eTOZ 9'LGY S‘e8T 8‘G68 « L‘c07 « F‘O8T « 9198 « 6868 « .G'09€ « ra OT 97 TT FT OCFY OSYY GICTEF G'CIFF *SUOPYIAON SOQUHAS *SUOP9IATON ‘Sopuue8 SouIPdIr) SOuIPIL) a 12 £ I — —— "OPIY2DAF « 9“ « TL‘0 « £6‘0 « #60 « 9608 « ‘968 —+ = a £eg 6'9FT &'£T? — « 7°08 « F40 — « LILE « 9688 = « Y'eIY « F'SSY ‘JOIN 9 9 9 9 ‘:sanof G'GFES 6'607£ c‘o99e g‘099€ ‘astIN *wn[o9n0s *Saau08 *Un[[99n08)9 ‘SOIUIOS uounqTV SOUTEIT) u9UNAIY SauIPAI£) I © mm r4 ï © *SIVIU XI A VATAVE SOUPE ir eO) ‘HIC ns tes ores ess SO[NJUEIJ SAULRIS 701) St soso hroddey *SU0P91AFO9 209 — SOUILIS z09 SOU OP AO PC RE OR er Ne) z09 *** UOIJPUIUHOS 9P NE9,[ SUPP 998 JELXE CCC RO OBOOOENN Or) AU VON) sop Spr0q Petessetesseeeseeee onu] SP SPIOd RS OS TO TO (NO TELE UNI (T rs Met" -SOUEIS SOP lETIUI SPr0q UTILISATION DES ALIMENTS TERNAIRES. 219 tule ; siles cotylédons poussent la digestion des réserves assez loin, de façon à fournir à la plantule une fraction importante des aliments à l’état d'alcool, il s’éliminera dans ces organes une grande quantité de C0*, la plantule en libérera d’autant moins ; la valeur du rapport, sera faible; c’estce qui se produit chez le pois. Si, au contraire, les aliments ternaires sont simplement hydrolisés dans les organes de réserve, l’élimination d'acide carbonique se fera de préférence dans les plantules; le rapport, sera élevé; le maïs en fournit l'exemple; il en est de même chez l’arachide. Ce résultat se trouve exprimé sous une autre forme dans le tableau [; on à vu en effet que les pois submergés fabriquent beaucoup d'alcool; le maïs et l’arachide placés dans les mêmes conditions en donnent au contraire très peu. J’ai fait remarquer que cela tenait en partie à la nature des réserves; mais il est probable que la nature de la gräine y joue aussi un certain rôle. Toutse passe chez le pois comme si la graine s’approvisionnait en diastases sur la plante mère au cours de la maturation. Elle conserve cet héritage plus ou moins intégralement jus- qu’au moment de la germination, et c’est pour cela que Le pou- voir germinatif va en s’affaiblissant avec. la durée de la conser- vation de la graine. D'une manière générale, toutes les semences sont pourvues d’une certaine quantité de diastases empruntées à la plante mère. MM. Brown et Morris! ont montré que la richesse des organes verts des plantes en diastases varie dans des limites très étendues, et précisément c’est le pois qui vient, et de beau- coup, au premier rang, dans la liste assez longue de plantes qu'ils ont observées ; graminées sont moins riches que les légumineuses. C’est probablement à à cette particularité qu'il Eau rattacher les variations que j'ai observées dans la production d'alcool par les graines submergées, car il n’y a aucune raison d’ad- mettre que la zymase ne suive pas les mêmes lois que l'amy- lase; mais il n’y a que les apparences qui plaident en faveur de ce rapprochement, c'est une question à étudier. 4. Journal of the Ch. S., mai 1893. 220 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Je dois enfin faire observer que les valeurs trouvées pour les rapports. ne sont qu'approximatives, elles ne peuvent être exactes qu'autant que la marche de la digestion dans les coty- lédons n’est pas influencée par la plantule, comme cela se pré- sente chez le pois; mais il est certain que chez l’arachide, dont les cotylédons augmentent considérablement de volume, les phénomènes de digestion qui s’accomplissent dans ces organes changent d’allure à mesure que l'air y circule plus facilement; c’est d’ailleurs ce que l’on va voir plus loin; ces modifications ont pour résultat d'augmenter la quantité d'acide carbonique dégagé par les organes de réserve; j'ai admis également que la présence de la plantule doit activer l’élimination d’acide carbo- nique dans le scutellum du maïs, les’chiffres 0,71 et 0,62 sont donc plus forts que les chiffres réels. Mais quelles que soient la grandeur et la nature de ces influences, les rapports, conservent leur valeur. Ici encore, le pois fournit un résultat différent des deux autres plantes examinées. C’est là un fait que l’on ne peut pas interpréter avec ce que nous savons; j’ai déjà visé la cause pro- bable de cette différence (p. 205),le moment est venu de vérifier la justesse de cette remarque. Le poids des plantules ne représente pas seulement le poids. des substances vivantes fabriquées aux dépens des matériaux empruntés aux organes de réserves, il comprend encore un cer- tain nombre de composés alimentaires tels que les sucres et l’amidon transitoire qui n’ont pas subi de transformations assez avancées pour donner naissance à de l’acide carbonique. L’accumulation de ces substances dans la plantule peut être provoquée par deux causes : l’étendue des transformations qui s’opèrent dans les cotylédons sous l’influence des diastases ; là où il y a dislocation du sucre en alcool et acide carbonique, on doit constater dans les plantules une accumulation peu abondante d'aliments non transformés ; mais s’il y a simplement hydrolise des matières amylacées, la plantule reçoit une plus grande quantité de sucres et de dextrine, et par conséquent peut en faire de nou- velles réserves si toutefois la consommation n’est pas trop consi- dérable ;ilestelair, en effet, que la vitesse relative de la consomma- tion constitue la deuxième cause de variation dans la quantité d'aliments transitoires susceptibles de se déposer dans la plantule. UTILISATION DES ALIMENTS TERNAIRES. 221 J'ai évalué, en conséquence, la quantité de sucres et de matières saccharifiables obtenue en soumettant les tiges de pois, de maïs et d’arachides pulvérisés à l’action de l’acide sulfurique à 2 0/0 à la température de 120° pendant 20 minutes. Les matières réductrices ont été dosées par le procédé Leh- mann modifié par Maquenne et évaluées en glucoses ; c’est cette méthode que j'ai toujours employée dans le cours de ce travail. La germination a été réalisée à la température de 29-30°, à ’étuve obscure; les graines étaient placées dans du sable mouillé avec de l’eau distillée. Voici Les résultats obtenus : TABLEAU XI Sucres et matières Durée saccharifiables 0/0 de poids sec de la germination. des plantules. MAIS EN Re ee ee 5 jours 27,12 ATACIE AVES de . 6 — 15,92 OISE RE Le 6 — A4 4 J’ai fait, en outre, un examen plus détaillé de accumulation des hydrates de carbone non utilisés dans les plantules d’ara- chide, suivant la marche de la germination. Les graines ont été préalablement stérilisées et placées séparé- ment dans des tubes sur du coton plongeant dans l’eau distillée, On a fait deux lots des plantules qui ont été soumises en entrer, tiges et racines, à la saccharification. Le premier lot comprenait les plantules qui avaient très bien poussé. Le deuxième, celles qui avaient assez bien germé. L'examen du tableau suivant montre que, dans ces conditions, la richesse des plantules en sucres est variable. TABLEAU XII Sucres et matières saccharifiables 0/0 Durée de Poids "2 : la moyen des Dans les Dans Lots, germination. plantules. cotylédons. les plantules. Jours. Milligr. 1 44 98,1 13,71 16,67 2 id. 57,1 40,75 21,10 Autre lot, pris avec les tiges seulement. 3 42 { » » 25,48 Ainsi, bien qu’on n’ait pas tenu compte des matières grasses déposées dans la tige, lesquelles émigrent aussi en nature des cotylédons dans cet organe, l'excédent de sucres et matières saccharifiables dans le maïs et l’arachide montre que c’est bien 222 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR, à la variation de ces produits, suivant les espèces végétales, qu'il faut attribuer les différences observées dans les valeurs des rapports,. On est done autorisé à répondre à la première des questions posées, p. 209, qu'il n'existe chez ces différentes espèces de graines qu'un mode d'utilisation des réserves ternaires, puisque la fabri- cation de l'unité de poids de plantule entraîne un déchet de carbone à peu près constant à l’état d'acide carbonique. Et si l’on remonte aux conclusions formulées. p. 215, sur les relations qui existent entre la vie végétative du pois et sa vie fermentative, on est fondé également à généraliser cette notion et à dire qu'un végétal quelconque translorme et utilise ses aliments suivant une loi générale, toujours la même, quelles que soient les conditions de milieu qu’on lui impose. Si on observe l'arrêt du développement de la plantule, ce n’est pas parce que les fonctions de la plante ont été déviées de leur voie normale, c’est parce qu'on à supprimé un des rouages du-mécanisme, tel un chronomètre qui ne marque plus l'heure parce qu’on en a retranché une roue. v 4 Il s’agit maintenant d'examiner la deuxième question posée (p- 209). J'ai déjà fait remarquer que la transformation des matières grasses en sucres est admise par tous les physiolo- gistes ; et j'ai exposé en quelques mots quelles sont les raisons qui plaident en faveur de cette conception. Mais, comme je l'ai dit aussi, à part la démonstration faite par M. Maquenne sur le ricin, il n'existe aucune preuve directe de cette transformation. On a suivi les modifications chimiques qui interviennent dans les substances oléagineuses pendant le cours de la germination ; mais on n'a pas dégagé d’une façon assez nette les relations qui lient la présence des hydrates de carbone aux mutations surve- nues dans les différentes catégories d’aliments, pour faire la part exacte des matières grasses. Les matières azotées de réserves sont certainement capables de former plus ou moins directement une certaine quantité de substances hydrocarbonées pendant le cours de la germination; mais on ignore la proportion de sucres qui dérive de ces UTILISATION DES ALIMENTS TERNAIRE;, 223 composés, de même qu’on ne sait rien du sort réservé à la glycérine mise en liberté par la saponification des huiles; on peut supposer comme M. Maquenne qu’elle donne naissance à des glucoses, ou tout au moins à des substances capables de réduire la liqueur de Fehling; il faut done en tenir compte aussi; mais les produits susceptibles de se transformer en sucres pendant le travail de la digestion, ce sont les hydrates de carbone plus ou moins polymérisés que les semences renferment toujours en plus ou moins grande abondance. On peut se renseigner sur la proportion de sucres provenant de cette source, dans les graines en voie de germination; mais si on en trouve un excé- dent dont on ignore l’origine, on n'aura le droit de les rap- porter aux huiles qu’autant qu’on sera certain que les matières azotées et la glycérine n’ont pas suffi à leur donner naissance. Le principe de toute méthode destinée à établir la transfor- mation des matières grasses en sucres consiste donc à mettre en évidence la présence d’une quantité telle d’'hydrates de carbone, à un moment quelconque de l’évolution de la graine, qu'on ne puisse les attribuer en totalité aux modifications subies par les aliments de réserve, à l’exclusion des substances oléagineuses. L'expérience réussit très bien avec le ricin, mais elle échoue avec les graines à réserves cotylédonaires si on se contente d'examiner à des époques plus ou moins espacées l’accumu- lation des hydrates de carbone dans les cotylédons et les plan- tules pendant le cours de la germination. Si on cherche à inter- préter ces résultats, on voit tout de suite qu’on peut les rapporter à plusieurs causes. . L’acide ricinoléique, qui constitue la presque totalité des réserves du riein, est un acide alcool incomplet présentant un groupement allylique et en conséquence plus facilement oxydable que les acides oléiques ou saturés qui se rencontrent dans les autres graines oléagineuses. : Mais si d’un autre côté, on étudie la physiologie de la ger- mination avec différentes espèces de graines oléagineuses, ricin, arachide, courge, crucifères, etc..…., on constate que la valeur du quotient respiratoire, la production de substances vivantes aux dépens d’un poids donné de réserves oléagineuses ne conduisent pas à assigner au ricin une place à part parmi les semences riches en huiles. 224 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. On doit done se demander aussi si l’anatomie de la graine de ricin n’est pas favorable à l’accumulation des produits de transformation des huiles dans les feuilles cotylédonaires et dans la tige de la plantule. Le ricin, je l’ai dit, possède un organe de réserves, le péri- perme indépendant de l’embryon qu'il recouvre de toutes parts. Le périsperme du ricin, comme l’endosperme des graminées, est un organe inerte; ce qui tend à le prouver, c’est l'impossibilité de faire germer le ricin dans les conditions exposées (p. 208), car si les cellules du périsperme jouaient un rôle actif dans la digestion des réserves, on aurait pu en constater les effets dans le cours de ces essais. Il faut donc admettre que l'embryon seul produit les dias- tases digestives ; celles-ci passent par diffusion dans le tissu de réserves où elles agissent sur les aliments. Cette disposition anatomique doit avoir pour conséquence une sécrétion abondante de diastases et une transformation rapide des matériaux de réserves, exactement comme dans les graminées. Si la consom- mation des sucres marche plus lentement que la production, ces composés s’accumuleront dans les différents organes de la plante; c’est ce qui se produit. Dans l’arachide, les cellules cotylédonaires sécrètent des diastases et agissent sur leur contenu indépendamment les unes des autres, comme M. Duclaux l’a observé chez d’autres espè- ces de légumineuses ; mais le travail de la digestion est lent et la consommation des sucres semble marcher de pair avec la pro- duction. Ces conclusions ont été mises en relief par les recher- ches de M. Maquenne. Il en résulte que si l’on veut étendre les conclusions de ce savant relatives à l’acide ricinoléique, aux acides gras en géné- ral, il faut provoquer l’accumulation des produits de transfor- mations diastasiques dans les cotylédons, en modérant ou en empêchant la consommation. Si on fait varier les conditions de la germination, on cons- tate que la richesse en sucres n’est pas comparable d’une condi- tion à l’autre. Les plantes qui ont germé dans du sable sont moins riches que celles qui ont été placées dans des tubes, et parmi celles-ci ce sont en général celles qui germent le moins bien qui présentent le taux de matièrés hydrocarbonées le plu 7 &° ” UTILISATION DES ALIMENTS TERNAIRES. 225 élevé. V. tableaux XI et XIL. Il y aurait peut-être là un moyen détourné d’établir la relation cherchée. Mais j'ai donné la préférence au procédé suivant : on excise avec un instrument bien tranchant la base de la graine, au- dessus du point d'insertion des cotylédons sur la tigelle, de façon à supprimer l'embryon. On stérilise les cotylédons ainsi traités et on les place sur des perles de verre et un peu d’eau distillée dans des flacons d'Er- lenmeyer qui ont été stérilisées préalablement; et on expose les cotylédons à la température de 29-30°. Cette expérience ne fournit pas les résultats cherchés; je lai fait durer des semaines et des mois pour aboutir au même insuccès. La perte par gazéification marche plus vite que le gain par oxydation ; on constate toujours une diminution de poids assez légère cependant. On ne peut pourtant pas admettre que les cellules cotylédonaires ne prennent aucune part à la diges- tion des huiles dans les conditions où j'ai opéré. Il faut chercher ailleurs la cause de l’insuccès. Ilse peut qu'il soit dû à des mauvaises conditions d'humidité, car les cotylédons placés dans des vases fermés seulement au coton sont exposés à une évaporation trop active, etil faut de temps à autre ajouter de l’eau distillée, Dans une série d’autres essais, j'ai placé les graines débar- rassées de leurs embryons dans un appareil clos, disposé de façon à permettre d'établir à volonté une circulation d’air et à recueillir tout l'acide carbonique dégagé. Voici les résultats que j’ai obtenus dans ces conditions : TABLEAU XIIT Maleresterasses 0/avantiexpÉTÉNCE., 1/0. 20 PSE PRE RE IE CE RUErS 53,22 Sucresietnaltiéres Saccharifables ee POP CEA E EEE M ER 14,96 No 1. No 2. Poids des cotylédons avant l'expérience... .1893 mer. 6459 mgr. Poids sec après l'expérience. du un a 818,7 Fe 6639 Gain de subst. fixes 0/0 du poids initial... 2/85 2,79 Mat. sol. à l'éther sec — SEE 556 55,45 Sucres et mat. sacchar. dans les cotylédons 0/0 du poids initial. 7,56 6,35 — _ dans l'extrait 0/0 du poids initial....... manqué manqué Acide carbonique dégagé ........... ...... 632 mgr. 534 mgr. Bureeide lExDerenCO nr LA ee CURE 41 jours 44 Alcool trouvé dans les cotylédons........ . > 20 mgr. 296 ANNALES DE L’INSTITUE PASTEUR. L'étude de ces chiffres montre que l'expérience ne peut pas fournir de résultats concluants malgré sa durée relativement grande. Le dosage des sucres dans l'extrait a été manqué; mais on voit bien que les quantités qu’on y aurait trouvées n’auraient pas comblé la différence entre 7,56, quantité fournie par les cotylédons, et 14,96, chiffre initial. On voit donc qu'une fraction importante de sucres a dù subvenir au travail de gazéification qui se traduit par un dégagement assez élevé d'acide carbo- nique. Il y a eu pourtant une légère augmentation de poids de substances fixes malgré la perte par gazéification: mais elle se retrouve en grande partie dans les matières grasses qui ont subi un commencement d’oxydation. Quand on observe les cotylédons après l'expérience, on remarque qu'ils n’ont perdu aucun de leurs caractères exté- rieurs; ils sont encore cassants et d’un blanc laiteux ; la tranche seulement a bruni sur une très faible épaisseur; les grains d’ami- don sont plus groupés et peut-être plus nombreux qu’au début. L'impression qui se dégage de cet examen montre que les cellules cotylédonaires sont restées complètement inaccessibles à l’air, et c’est pour cela que les huiles n’ont subi qu'une légère oxydation ; l’absence de plantule à donc exercé ici encore une influence indirecte sur la digestion des réserves en ce sens que les cotylédons ont conservé leur volume primitif; dans les con- ditions ordinaires de la germination, les cotylédons d’arachide augmentent beaucoup de volume à mesure que la plantule évo- lue, et on constate également que les faisceaux vasculaires s’élargissent jusque dans leurs plus fines ramilications. Ce sont là des conditions favorables aux phénomènes d'oxydation ét qu’il faut remplir. à Pour cela, j'ai fait germer des graines séparément dans des tubes, et au bout de douze jours j'ai pris celles qui avaient le mieux poussé. On en a détaché les cotylédons en sectionnant les pétioles à la base du limbe et on en a fait trois lots; una été soumis à l'analyse et les deux autres ont été placés en observation dans les mêmes conditions que ceux qui ont servi à l'expérience précédente, en prenant toutefois la précaution de retenir l’alcool dans des barboteurs doubles placés dans la glace fondante. UTILISATION DES ALIMENTS TERNAIRES. 227 Toutes ces opérations de germination et de séparation des cotylédons, préliminaires de l'expérience, exigent, comme on le comprend, des précautions minutieuses d’asepsie; les cotylé- dons détachés des plantules ont été soumis à de nouveaux lavages à l’eau stérile; on a perdu de cette facon une petite quantité de sucres qui a pu diffuser à travers la section des péoles, car les lavages durent plusieurs minutes; mais on n'en a pas tenu compte. J'ai consigné dans le tableau ci-dessous les résultats de cette expérience. TABLEAU XIV Lotrno 4. Lot: no 2. Poids sec initial des cotylédons.......... ‘ 2261,3 mgr. 2450,2 Poids fi EE EMATÉE ci Loro À 2 te 1874,2 ; Poids final Se Los 2031; 2615,3 1874, ) 2343.6 Extrait dans l’eau distillée (1)........... 584,1 469 Augmentation 0/0 du poids initial...... 15,64 8,71 Mat. solubles dans l'éther av. l'expérience. 46,90 0/0 46,90 ee ee ce Use 50,156 0/0 49,50 Sucres et matières sacchar. av. l’expér. en glucose. 341,63 mer 324,8 — —- — ap. l’expér. 468,4 348,8 Gain en sucres et mat. saccharifiables rapporté à 400 du poids initial ...... 5,60 4,14 Acide carbonique recueilli... ........... 316,8 mer 429,1 ATOM Omer (2er ere nee 0,0 0,0 . Durée delexnériences Are -rmecce 17 jours 47 j Le lot n° 2 fournit des résultats différents du lot n° 4, bien que les deux expériences aient été exécutées simultanément; cela tient au développement d’un bacille, qui a contaminé les cotylédons ; j’ai eu l’occasion de dire dans ce mémoire que les microbes rendent incertains et erronés tous les résultats des expériences faites sur les graines si on ne prend soin d'opérer sur des échantillons préalablement stérilisés ; l'expérience n° 2 vient confirmer cette assertion ef montrer quelle est l’impor- tance des actions microbiennes qui s’exercent à côté de celles des plantules ; elle donne une idée des erreurs auxquelles on est exposé lorsqu'on laisse se développer librement, dans ce genre de recherches, moisissures et bactéries, 4. Le poids de l'extrait est élevé parce que les cotylédons ont été soumis, avec le liquide des barboteurs, à la distillation, dans le but de rechercher l'alcool. 2. On n'a pas trouvé d'alcool; l'expérience précédente en avait fourni parce que l’aération des tissus cotylédonaires était insuffisante. 228 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Voyons maintenant quelle est la valeur des arguments fournis par le lot n° 1. Faisons d’abord remarquer que l’activité vitaledes cotylédons se manifeste par le dégagement d’acide carbonique; si on prend comme point de comparaison cette production d'acide carbo- nique, pour donner une idée de la vitesse des transformations des aliments de réserve dans les cotylédons, tableaux XIII et XIV, on voit qu’elle est deux fois plus grande dans les cotylédons qui ont germé préalablement, et si l’on tient compte du temps, elle est cinq fois plus rapide que dans les cotylédons obtenus en sectionnant la base des graines normales. Cette activité se traduit, d’autre part, par une prolifération cellulaire qui a son siège dans les portions de pétioles restés adhérents aux cotylédons; ces régions s’allongent beaucoup, et sur quelques-uns des pétioles il se forme des rudiments de folioles ; tout cela prouve que la circulation de l'air était assurée dans la masse des organes de réserves. De ce côté par consé- quent, le but est atteint. Les résultats se chiffrent en faveur des sucres et matières saccharifiables par un excédent de 5,60 0/0 du poids de matière soumise à l'expérience. Dans le bilan, je n’ai pas fait la part des matières cellulo- siques ni de la glycérine ni des matières azotées. D'après les observations de M. Maquenne sur l’arachide, la quantité de cellulose va toujours en augmentant dans les graines en voie de germination; ici nous pouvons la considérer comme constante, bien que l’on ait observé une prolifération cellulaire. Quant à la glycérine, on admet généralement qu'elle se transforme en sucres chez les végétaux supérieurs ; on cite à l'appui de cette assertion la formation d’amidon dans les feuilles dont les pétioles plongent dans une solution de glycérine ; mais, dans l’expérience ci-dessus, les aliments de réserve sont sim- plement soumis à l’action des diastases digestives; les condi- tions sont toutes différentes, car l'amidon se dépose dans les feuilles seulement en présence d’un grand excès de l’un des composés susceptibles de lui donner naissance. Mais en admettant la possibilité d’une transformation synthé- tique de la glycérine, son rôle dans la genèse des sucres doit être tout à fait effacé dans les conditions où je me suis placé. UTILISATION DES ALIMENTS TERNAIRES. 229 Ou bien, en effet, la glycérine produite dès le début de la germi- nation par la saponification des matières grasses est absorbée avant les acides gras en raison de son assimilabilité plus grande, et alors elle a disparu complètement pendant la zermination préalable de douze jours qui a précédé l'expérience, ou bien, au contraire, elle est consommée parallèlement aux acides gras et proportionnellement à ceux-ci, et dans ces conditions la fraction qui a pris part aux transformations dont les colydélons ont été le siège, est tout à fait insuffisante pour expliquer l’origine de l'excédent de sucres obtenus. Restent les matières azotées ; celles-ci renferment, on le sait, des chaînons sucrés; de plus, il est probable qu’elles peuvent donner naissance à des matières saccharifiables, non pas pendant le travail de la digestion, mais au cours des transformations que les cellules des plantules leur font subir; j'aurai justement l’occasion de préciser ce point dans le mémoire suivant ; mais ici on peut faire observer, comme pour la glycérine, que les matières azotées sont simplement soumises à un travail de dédoublement diastasique accompagné de phénomènes d’oxyda- tion, et que la quantité de matières azotées intéressées dans l'expérience ne peut pas fournir une proportion aussi considé- rable de sucres. On ne peut donc rattacher leur formation, au moins pour la plus grande partie, qu'aux matières grasses, et plus exactement aux acides gras. Je dois enfin faire remarquer que l’expérience n’a duré que dix-sept jours; on aurait pu tripler cette durée et rien ne permet de supposer qu'on n’aurait pas pu doubler la quantité de sucres en excédent. Je n’ai pas non plus tiré parti de la quantité de sucres qui a été gazéifiée dans le cours de cette expérience; or, tous les faits relatés dans ce mémoire, concernant la production d’acide car- bonique dans les cotylédons, montrent que ce composé provient presque en totalité du dédoublement du sucre en alcool et acide carbonique. En admettant que la moitié seulement de l'acide carbonique dégagé provienne de ce dédoublement, on est certain de se trouver au-dessous de la réalité; mais cela suffit pour doubler l'excédent de sucres obtenu, et doubler aussi, à peu de chose près, la quantité initiale de sucres et matières saccharifiables que 230 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. renfermaient les cotylédons. Pour traduire les faits par des chiffres, on aurait exactement, après l'expérience, 26,4 0/0 du poids initial en sucres et matières saccharifiables, contre 15,09 au début, ce qui fait un excédent de 11,34 0/0. On constate également une augmentation sensible de matières grasses, exactement 3,25 0/0; ceci n’a rien qui doive nous surprendre. Les huiles exposées à l'air, à une température de 30°, fixent plus ou moins d'oxygène et augmentent par conséquent de poids; les matières grasses émülsionnées des cellules cotylédonaires réunissent toutes les conditions favo- rables à l'oxydation énergique suivant un processus purement chimique. On peut cependant faire remarquer que l'influence de la cellule vivante, ou mieux des diastases qu'elle met en œuvre, se traduit précisément par une exaltation très accentuée des phénomènes d’oxydation capables de s’accomplir lentement en dehors de leur intervention. C’est évidemment ce qui se produit dans les graines oléagi- neuses ; et ce qui distingue le processus diastasique du processus chimique, c'est que le premier, tout en exaltant le phénomène, l'oriente, en même temps, vers un but défini, lequel est 1ci la formation des sucres. On ne constate pas seulement une augmen- tation de poids des matières solubles à l’éther, on observe aussi une transformation graduelle de ces composés qui les rend peu à peu solubles dans l’eau, alors même qu'ils ne sont pas encore susceptibles d’être caractérisés comme sucres. Ge qui le prouve, c’est que l'augmentation de poids des matières grasses ajoutée à l’excédent des sucres et matières saccharifiables ne représente que 8,85 0/0 du poids initial, tandis que le gain total atteint 15,64 0/0. La différence doit être attribuée aux composés intermé- diaires solubles dans l’eau qui forment une partie de lextrait, car cette augmentation de poids ne peut être rattachée à aucune des autres catégories de substances de réserves, puisque l'acide carbonique et l’eau résultant de la combustion respiratoire ne sont pas considérés dans cette augmentation de poids, On peut donc affirmer que l'assimilation des huiles par les graines en voie de germination exige leur transformation préalable en sucres, lesquels sont ensuite dédoublés en alcool et acide carbonique; aucune des observations faites dans le cours RE UTILISATION DES ALIMENTS TERNAIRES. 231 de ce mémoire me vient infirmer cette double conclusion, et toutes tendent à l’appuyer dans la mesure où la complexité des transformations qui se passent dans les cotylédons et les plan- tules permet de démêler les résultats. CONCLUSIONS Les conclusions que j’ai tirées des différentes expériences que j'ai rapportées dans ce mémoire ont été exposées à leur place; je n’y reviendrai pas. Je me contenterai de faire observer que les réserves hydrocarbonées ou oléagineuses sont utilisées par da plantule à la suite d’une série de transformations qui aboutissent à un même composé : l'alcool. On doit se demander si c’est là le terme final auquel aboutit le carbone ternaire avant d’être combiné aux aliments azotés et soumis aux transformations progressives qui aboutissent à la substance vivante. J’ai déjà avancé que l’alcoolest probablement oxydéiet transformé enaldéhyde éthylique plus apte à contracter avec les noyaux quaternaires des combinaisons multiples; mais le moment n'est pas encore venu de traiter ce point. À côté de cette question, il y en a une autre qui se pose tout naturellement : n’existe-t-il qu'un mode unique d'utilisation du carbone ternaire chez les végétaux supérieurs? Il est probable qu'il y en a plusieurs. Mais avant de se procurer les moyens de les mettre en évidence, il était indispensable de se renseigner sur celui qui paraît prédominer. Cependant, il y en a un qui semble tellement évident qu'il est impossible, en apparence, d'élever le moindre doute sur son existence. C'est la transformation des sucres en cellulose, ou plus exactement en substances polymères des sucres en C5 et C5 susceptibles de se dédoubler en leurs constituants sous l'influence des acides bouillants. | La membrane cellulosique est une partie intégrante de Îa cellule végétale, et, pour cette raison, le mode de formation des celluloses constitue un processus d’assimilation, au même titre que celui qui préside à l’incorporation du carbone ternaire à la substance vivante. Mais la conception qui admet qu’elles dérivent de la condensation des sucres n’est pas générale. M. Laborde ‘ a 1. Ces Annales, 1897, p. 1. 232 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. montré que l’Eurotyopsis Gayoni, qui se développe sur un milieu minéral ne renfermant que de l’alcool éthylique, ou de l’acide lactique, ete..., comme aliment organique utilisable, fabrique sa membrane cellulosique avec [a même facilité apparente que s’il avait du sucre à sa disposition. On peut faire observer qu’il commence d’abord par fabri- quer ce sucre qui lui manque pour en faire ensuite des substances cellulosiques. C’est sur ce point que j'aurai quelques observa- tions à présenter dans le mémoire suivant. En terminant, je ferai remarquer enfin que tous les résultats acquis sur l'assimilation chez les graines en voie de germination sont applicables à la plante adulte; celle-ci ne diffère de la plan- tule qu’en ce qu’elle fabrique elle-même ses aliments hydrocar- bonés par la synthèse chlorophyllienne, et qu’elle tire son azote des nitrates et de l’ammoniaque du sol. Construite aux dépens de l’azote minéral et des hydrates de carbone, la plante adulte doit présenter une composition telle que l'hydrogène et l’oxygène s’y trouvent dans la même pro- portion que dans l’eau, puisque le quotient respiratoire montre qu'il y a à peu près autant d'oxygène emprunté à l’atmosphère qu’éliminé à l’état de gaz carbonique. Or, on sait qu'il n’en est pas ains!; la composition moyenne montre qu'il y a plus d'hydrogène que n’en indique cette hypo- thèse. Le mode d'utilisation du carbone ternaire, exposé p.*215, rend parfaitement compte de ce résultat. Les observations de M. Müntz (loc. cit.), de M. Berthelot‘, de M. Devaux ?, sur la présence de l’alcool dans les végétaux supérieurs, viennent également à l’appui de mes conclusions. J'aurais pu'essayer de vérifier ce fait comme conclusion de mes recherches sur les plantules de pois, par exemple, en les soumettant à l'analyse élémentaire; mais les chiffres n’auraient pas présenté la netteté voulue à cause de la présence d’une grande quantité d'aliments von transformés, et aussi à cause de l'intervention des composés azotés qui, tout en changeant de nature, se modifient peu au point de vue de leur composition. AAC MREMOENCIT’; SUCER: CXXNIIT,;1p-1347: Sceaux, — Imprimerie E. Charaire. Le Gérant : G. Masson. 16me ANNÉE AVRIL 1902 No ra ANNALES L'INSTITUT PASTEUR CONTRIBUTION À L'ÉTUDE DE L'ANÉMIE EXPÉRIMENTALE ÉTAT DE LA CYTASE HÉMOLYTIQUE DANS LE PLASMA DES ANIMAUX NORMAUX par C. LEVADITI (ne BucHAREsT). (Travail du laboratoire de M. Metchnikoff.) PLANCHE IIT ET IV Dans un mémoire publié récemment dans ces Annales !, nous avons exposé les résullats de nos recherches sur l’état de la eytase bactériolytique (complément, alexine), dans le plasma des animaux normaux et des organismes vaccinés contre le vibrion cholérique. Ces recherches nous ont permis de conclure que ce composant des sérums bactéricides que l’on appelle cytase, et que l'on envisage comme un principe éminemment labile et dépourvu de spécificité, n'existe pas à l’état de liberté dans le plasma, mais qu’il est renfermé dans ses générateurs, les pha- gocytes. Toute atteinte portée à la vitalité de ces phagocytes, tend à extérioriser La cytase et permet ainsi au deuxième composant spécifique deshumeurs microbicides, la sensibilisatrice (Immun- kôrper, Zwischenkürper) de réaliser la destruction extracellulaire des infiniment petits. Nos expériences étant exclusivement limitées à l'étude de la bactériolyse, nous nous sommes gardé d'affirmer quoi que ce soit de précis au sujet de l’état où se trouve le cyfase cytolytique dans le plasma des animaux normaux ou immunisés, Nous 1. Sur l'état de la cytase dans le plasma des animaux normaux et des orga- nismes vaccinés contre le vibrion cholérique. Ces Annales, 1901. 16 234 é ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. n'avons établi que des analogies lointaines entre ces deux espèces de cytase, pénétré que nous étions de la notion de la pluralité des alexines. Plusieurs faits, en particulier ceux fournis par les analyses quantitatives d'Ehrlich et Morgenroth !, et les observations de Metchnikoff? et Tarasséwitch # concernant la distinction que l’on doit faire entre la microcytase (aléxine bacté- riolytique) et la macrocytase (alexine cytolytique), nous mettaient en yarde contre toute conclusion prématurée. IH est vrai que les constatations récentes de Bordet et Gengou‘, montrant que les érytrocytes sensibilisés au moyen d’une hémolysine spéci- fique, sont capables de débarrasser un sérum neuf de la totalité des cytases qu'il renferme, semblaient venir à Pappui de la conception unitaire de l’alexine. Néanmoins, étant donné que le phénomène décrit par ces auteurs pourrait s'expliquer en admettant que les érytrocytes sensibilisés ou les produits de l’'hémolyse (les stromas) fixent d’une manière non élective la cylase bactériolytique, nous avons persisté à accepter la notion de la pluralité des cytases, et nous avons limité nos conclusions exclusivement au complément bactériolytique. — Nous avons cité dans ce mémoire les recherches récentes de M. Rehns à, d’après lesquelles 1l résulte que la cytase hémolytique circule à l’état de liberté dans le plasma, et nous avons montré les objec- tions qu'on pourrait adresser à ces recherches. Depuis la publication de notre travail, M. Max Gruber a repris la question de l'état de la cytase hémolytique dans le plasma°. Les expériences que cet auteur a entreprises à ce sujet, et qui lui semblent ne pouvoir être atteintes par « aucune objection », l'ont amené à conclure que «das Alexin (cytase) ein Erzeugniss des lebenden Organismus ist, und bereits nm normalen Blut- plasma cireulirtT ». Les résultats de ces expériences, qui, d’après le savant viennois, sont destinées à trancher d’une manière défi- 4. Erica et MorGeNrore, Ueber Hæmolysine, 5° mémoire, Bert. kl. Woch., 1901. 2. Mercanixorr, L’Immunilé dans les maladies infectieuses, Paris, Mas- 3 re Sur les cytases. Ces Annales, vol. XVI, n° 2, 1902. . Borper et GENGou, ces Annales, 1901. = 5. Rens. C. À. de la Soc. de Biologie, 1904. 6. M. Gruger, Zur Theorie der Antikôrper, 2 partie, Ueber Bakteriolyse u. Hæmolyse. (Münch. med. Woch., 1901, n°° 46-49.) 7. Depuis lors, M. Gruber à émis une opinion sensiblement différente. Il n’affirme plus avec la même certitude que la cytase circule à l’état libre dans le Hs des animaux normaux et se demande si cette cytase n'est pas sécrétée par l'organisme, sous l'influence de l'injection de sérum hémolytique (Von énjicirten Serum ausgetübten Reis). (Wien. kl. Woch., 1901, n° 50, p. 1244.) CYTASE DANS LE PLASMA DU SANG NORMAL. 239 nitive «die Tahrzehnte «lie Streitfrage », ont été exposés lors d’une discussion sur la théorie des chaines latérales, de M. Ehrlich, qui a eu lieu à la Société des médecins de Vienne. ; A la lecture du travail de M. Gruber, il nous a semblé sur- prenant que ce qui est vrai pour la cytase bactériolytique, ne le soit pas également pour l'alexine cytolytique. Aussi, avons- nous été déterminé à reprendre les recherches de M. Gruber et à analyser de près les faits qui ont autorisé cet auteur à affir- mer que celte cytase cytolytique circule à l’état de liberté dans le plasma. Les résultats des expériences que nous avons entre- prises à ce sujet, sont défavorables à l'opinion que M. Gruber se fait du mécanisme qui préside à la destruction des hématies dans l'organisme. Ils nous ont montré que le savant viennois est tombé dans un piège que l’étude des phénomènes com- plexes de la biologie nous tend trop souvent, et qui consiste à observer le premier et le dernier des phénomènes qui font partie d’un enchaïînement de faits, et à combler l’intervalle par toute une série de probabilités. Examinons rapidement les expériences de M. Gruber. On sait que si lon chauffe à la température de 55° un sérum hémolytique obtenu en injectant à une espèce animale A des érytrocytes provenant d’une espèce B, on rend ce sérum inactif. Ce sérum, mélangé à des globules rouges fournis par l’espèce animale B, ne dissout plus ces globules, mais, suivant les cas, les agglutine d’une manière plus ou moins intense. Or, on peut rendre à ce sérum, ainsi inactivé, son pouvoir dissolvant primitif : il suffit de lui ajouter une quantité donnée de sérum frais provenant d’un animal neuf, sérum qui à lui seul n’exerce aucune influence hémolytique. Il est admis, depuis les recherches de Bordet, que le sérum normal renferme une cytase capable de réactiver la sensibilisatrice spécifique, contenue dans le sérum hémolytique chaulté, M. Gruber se sert dans ses expériences d'un sérum dissol- vant pour les hématies du cobaye, sérum qu'il obtient en administrant à des lapins des érytrocytes provenant de cette dernière espèce animale. Ce sérum, préalablement chauffé, peut être réactivé à l’aide d’une quantité donnée de sérum de cobaye neuf. Le sérum fourni par les lapins immunisés renferme donc 236 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. une sensibilisatrice capable de se firer, comme l’ont démontré Ehrlich et Morgenroth!, sur les globules rouges du cobaye; d'autre part, le sérum de cobaye neuf contient unecytase ayant, la propriété de réactiver cette sensibilisatrice. La question est de savoir dans quel état (libre ou fixe) se trouve celte cytase dans l'organisme vivant; car, il ne faut pas l'oublier, les données concernant les propriétés de ces sérums résultent exclusivement des expériences faites in vitro. Pour élucider cette question, M. Gruber injecte dans le péritoine des cobayes neufs une quantité donnée (4 à 10 c. c.) de sérum hémo- lytique, préalablement inactivé à 55°. La masse injectée est rapidement résorbée et passe dans la circulation générale, Le résultat final de l’expérience dépend de la présence ou de l'absence de cytase libre dans le plasma. En effet, si cette cytase existe effectivement comme unité agissante dans ce plasma, elle doit forcément réactiver la sensibilisatrice qui abandonne la cavité péritonéale et permettre à celte sensibilisatrice de dis- soudre les globules rouges circulañts. Dans ce cas, l’injection de sérum hémolytique inactivé sera suivie d’une anémie prononcée et d’une hémoglobinurie plus ou moins accentuée. Rien de tout cela n’aura lieu, si le plasma ne renferme pas de cytase libre. Or, l'expérience vient entièrement à l’appui de la première de ces alternatives. Les cobayes qui recoivent dans leur péri- toine le sérum hémolylique inactivé, offrent, après une augmen- tation passagère du nombre des globules rouges, une anémie de plus en plus profonde, en même temps qu'une hémoglobinurie accentuée. De là, la conclusion que la cytase existe à l’état de liberté dans le plasma. On pourrait considérer cette conclusion comme étant juste, si l’on démontrait préalablement : 1° Que la réactivation du sérum hémolytique n'a pas lieu déjà dans la cavité péritonéale ; ou, si cela est ainsi, que cette réactivation s'opère au moyen d'une cytase préexislante dans cette cavité, et non pas mise en liberté au moment même où l’on pratique l'injection ; 29 Que si la réactivation ne s'effectue pas déjà dans le pérutoine, ou si elle ne s'effectue que partiellement, elle a réellement lieu dans la circulation générale ; 1. Eunuicu er MonGexror, Leber Hæmolysine. 1° mémoire. Bert, kl. Woch., 1899. N° 1. CYTASE DANS LE PLASMA DU SANG NORMAL. 231 3° Que l'anémie et l'hémoglobinurie que l'on observe chez ces ani- maux sont réellement dues à l’action combinée de la sensibilisatrice injectée et d’une cytase existant dans le plasma, et qu'aucun autre facteur n'intervient pour déterminer la destruction des globules rouges. Le premier et le troisième des desiderata qui découlent de la conception de M. Gruber peuvent être soumis au contrôle de l'observation directe. Il n’en est pas de même du second. En effet, il est extrêmement difficile de poursuivre la sensibilisa- trice dans le chemin qu’elle parcourt entre sa porte d'entrée le péritoine et son point d'arrivée, encore non précisé. On peut pourtant détourner cet obstacle, si l’on à soin d'envisager la question à un point de vue différent. La sensibilisatrice introduite dans la cavité péritonéale aban- donnecette cavitéet pénètre dans letorrentcirculatoire, soit direc- tement, soitindirectement, en suivantla voielymphatique. Là, elle rencontre les globules rouges flottant dans le plasma, globules pour lesquels, comme l’ont démontré Ehrlich et Morgenroth, cette sensibilisatrice possède une affinité spécifique, et sur lesquels elle se fixe rapidement, soit en entier, soit en partie. Dans ce dernier cas, il est 4 priori concevable qu’il puisse s’opérer une répartition de la sensibilisatrice entre les érytro- cytes et le plasma, répartition qui dépend de la quantité d'hémo- | lysine qui existe à un moment donné dans le torrent circulatoire. Des globules sensibilisés peuvent par conséquent se trouver, à une période déterminée de lexpérience, en présence d’un plasma renfermant de la sensibilisatrice. Or, si dans ce plasma, la cytase cytolytique circule librement, cette cytase ne doit pas tarder à réactiver la sensibilisatrice fixée sur les globules rouges et déterminer la dissolution de ces globules. La sortie de l'hémoglobine sera ainsi réalisée et le plasma prendra une couleur rouge plus ou moins intense. Dans l'hypothèse de la liberté de la cytase, on peut par con- séquent rencontrer à un moment donné dans le torrent circu- latoire, une des trois combinaisons suivantes : 1° Plasma hémoglobinifère, renfermant de la sensibilisatrice + glo- bules rouges sensibilisés ; 2° Plasma hémoglobinifère, renfermant de la sensibilisatrice + globules rouges non sensibilisés ; 238 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. 39 Plasma hmoglobinifère, dépourvu de sensibilisatrice + globules rouges non sensibilisés. Dans le premier cas, il y a eu ‘excès de sensibilisatrice et dissolution incomplète des globules sensibilisés, ce qui peut être dû à une insuffisance de cytase. Dans le second cas, il y a eu excès de sensibilisatrice et dissolution complète des globules sensibilisés. Enfin, dans le troisième cas, toute la sensibilisa- trice présente, à un moment donné, dans le torrent cireulatoire a été utilisée pour la sensibilisation des globules rouges, qui, étant donné un excès de cytase libre, se sont entièrement dissous. Mais la seule combinaison incompatible avec l'hypothèse de la liberté de la cytase hémolytique, est la suivante : Plasma iNcoLore, renfermant de la sensibilisatrice + hématies sensibilisées. IlLest, en effet, impossible de concevoir comment, à la température du corps, des érytrocytes sensibilisés peuvent exister dans un plasma qui renferme, en plus de la sensibilisatrice, DE LACYTASE LIBRE, SANS se dissoudre et répandre leur hémoglobine dans ce plasma. Il s’agit donc de rechercher si une telle combinaison existe réellement dans les expériences de M. Gruber. S'il en est ainsi, ces expériences perdent toute leur valeur démonstrative, et l'hypothèse de la liberté de la cytase hémolytique dans le plasma des animaux neufs, devient une simple vue de l'esprit. Nous avons analysé chez nos cobayes, ce qui se passe dans la cavité péritonéale, dans la circulation générale et à l’intérieur des organes. Disons-le tout de suite, les conclusions auquelies nous sommes arrivé confirment sur beaucoup de points les faits annoncés par M. Savtchenko’' dans un travail paru récemment dans ces Annales. Nous avons pris connaissance de ce travail au cours de nos recherches sur la cytase hémolytique, et nous sommes arrivés, indépendamment de ce savant, à des résultats analogues. Le lecteur trouvera dans le présent mémoire la confirmation des observations, ainsi que la critique de certaines expériences de M. Savtchenko. 4. Savrenexko. Du rôle des immunisines (fixateurs) dans la phagocytose. Ces Annales, vol. XVI, fase. 2. CYTASE DANS LE PLASMA DU SANG NORMAL. 239 Il LES PHÉNOMÈNES QUI ONT LIEU DANS LA CAVITÉ PÉRITONÉALE La cavité péritonéale du cobaye renferme des leucocytes mononueléaires (macrophages) et polynucléaires (pseudo-éosino- philes et parfois vrais éosinophiles) en quantité variable. Pres- que constamment le nombre des mononucléaires dépasse celui des polynueléaires ; presque constamment aussi ces derniers figurent dans le tableau leucocytaire de la Iymphe péritonéale de ces cobayes. Il est donc inexact d’affirmer, comme le fait M. Gruber, que cette lymphe est, pour ainsi dire, complètement dépourvue de polynucléaires. Lorsqu'on introduit dans le péritoine d’un cobaye neuf, de 6 à Te. ce. de sérum hémolytique pour les globules rouges de cet animal, sérum qui a été préalablement inactivé, on provoque presque toujours une légère hémorragie. On constate alors les modifications suivantes : 1° La plupart des globules blanes de la Ilymphe péritonéale ne tardent pas à s’agglutiner et à disparaitre. Le liquide retiré ne renferme que de très rares amas de leucocytes, dont on peut souvent constater l’état de souffrance, si l’on se rapporte à l’état granuleux de leur protoplasma ; 2° Les érytrocytes s’agglutinent instantanémentetsubissent, dès la première demi-heure, une dissolution plus ou moins accentuée. Cette dissolution se traduit par la couleur rosûtre du liquide retiré du péritoine, et par la présence de gros paquets de globules rouges qui laissent échapper leur hémoglobine. Elle peut être observée directement, si l’on a soin de maintenir ce liquide, en goutte pendante, à la température de 38°, Après quelques minutes, ces amas de globules rouges ne sont plus que des stromas incolores ; 30 Quelques rares leucocytes mono-nucléaires englobent une ou deux hématies. Cette érytrophagocytose est extrèmem nt discrète et manque le plus souvent; 4° Une ou deux heures après l'injection, on cpnstate une nouvelle arrivée de globules blancs, pour la plupart polynu- cléaires, ainsi que de nouveaux globules rouges. Les hématies nouvellement déversées dans la cavité péritonéale s’agglutinent, mais ne 240 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. subissent pas de dissolution. L’érytrophagocytose est presque nulle ; 5° Enfin, entre la 12% et la 40€ heure, l’arrivée des macro- phages, la phagocytose des leucocytes polynucléaires par ces macrophagesetla résorption plus ou moins complète de l’exsudat, mettent fin au processus qui se déroule dans le péritoine de ces cobayes neufs. Il en estde même si, au lieu d’injecter à ces cobayes le sérum hémolytique seul, on a soin d'ajouter préalablement à ce sérum quelques gouttes de sang de cobaye, débarrassé de cytase au moyen de lavages répétés. Ces globules déjà agglutinés, se dis- solvent rapidement: leur transformation dans des stromas inco- lores accompagne la disparition des leucocytes de la lymphe péritonéale. Nous conclurons de ces faits que la sensibilisatrice introduite dans le péritoine des cobayes neufs ne tarde pas à se réactiver, grâce à la cytase qu'elle rencontre à un moment donné dans ce péritoine. Nous ajouterons que cette réactivation est partielle, vu que les glo- bules rouges qui sont déversés dans la cavité péritonéale quelque temps après la dissolution despremiers, sont plus ou moins agglu- tinés, mais ne montrent pas le phénomène de l’hémolyse. A ce moment la cavité péritonéale renferme une certaine quantité de sensibilisatrice capable d’influencer ces globules rouges, mais, faute de cytase, celte sensibilisatrice n’exerce aucune action dissolvante à l'égard de ces hématies. Que la dissolution des érytrocytes s'opère grâce à la Sans c’est ce que l'expérience suivante montre claire #ment : Expérience À. Deus cobayes À et Bb, de même poids (480 gr.) sont traités comme suit : A reçoit dans la cavité péritonéale un mélange constitué de 4 c. c. de sérum hémolytique chauffé + 4 c.c. d’anticytase! (anticomplément obtenu en injectant à des lapins du sérum de cobaye neuf.) + 5 gouttes de sang de cobaye débarrassé de cytase. B recoit dans la même cavité un mélange formé de 4 c. c. de sérum hémolytique inactivé + 4 c. c. de sérum de lapin normal + 5 gouttes de sang de cobaye, également débarrassé de cytase. Une demi-heure après l'injection, on constate que. les hématies injectées à l’animal À persistent à l'état agglutiné dans la cavité péritonéale, sans” 1. Le sérum anticytasique, ainsi que le sérum de lapin neuf, ont été préala- blement inactivés. } ñ k cé Erbor lé annte nadia ésateidé noir lei Et réside été ne à Né | dé CYTASE DANS LE PLASMA DU SANG NORMAL. 241 subir aucune dissolution, tandis que les érytrocytes introduits dans le péri- toine de l'animal B sont rapidement et totalement dissous!. Il résulte de cette expérience qu'il suffit de neutraliser au moyen d'une dose convenable d'anticytase, la cytase qui se trouve à un moment donné dans la cavité péritonéale, pour empêcher complète- ment la dissolution des globules rouges introduits en même temps que la sensibilisatrice, dans cette cavité. L'hémolyse constatée dans l'expérience décrite plus haut est donc réellement due à l’inter- vention d’une certaine quantité de cytase libre. Il s’agit de pré- ciser si cette cytase préexiste dans le péritoine, ou bien si elle - est mise en liberté par les leucocytes qui flottent dans la lymphe péritonéale normale, leucocytes qui sont atteints dans leur vitalité par l'injection trop brusque d’un liquide dont latem- pérature est inférieure à celle du corps. En d’autres mots, il est indiqué de rechercher si ce n’est pas la phagolyse provoquée par l'in- troduction du sérum hémolytique duns la cavité péritonéale, qui est la source de la cytase. Rappelons tout d’abord que cette question, posée lors de l’ana- lyse du phénomène de Pfeiffer, a été résolue dans le sens de la non-liberté de la cytase bactériolytique dans la lymphe périto- néale, Metchnikoff et ses élèves ont vu qu'ilsuffisait de renforcer les leucocytes de cette lymphe au moyen d’une injection préa- lable de bouillon ou d’eau physiologique, pour entraverla trans- formation granulaire extra-cellulaire des vibrions cholériques. Ce fait pourrait également exister dans le domaine de la cytase hémolytique. Les deux objections qui semblents’opposer à cela peuvent être facilement écartées. En effet, la constatation de Gruberet Durham, à savoir que la diminution du nombre des globules blancs qui suit l'injection de liquides divers dans la cavité péritonéale, n’est pas due à une dissolution de ces globules, mais tout simplement à leur agglutination et à leur déposition sur le péritoine pariétal et l’épiploon, ne prouve rien contre la conception de la pha- golyse. On sait qu'il n’est nullement nécessaire que les leuco- cyles soient entièrement « dissous >», pour qu’ils puissent mettre en liberté les substances que leur protoplasma renferme; il 1. Cette expérience est à rapprocher de celles dont se sert M. Wassermann pour préciser le rôle de la cytase dans l’immunité naturelle et artificielle. (Z, für Hygiene, 1901. Vol. 37, f. I) 19 42 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. suffit qu'ils soient atteints plus ou moins dans leur vitalité, ou impressionnés d’une manière plus ou moins forte. — D'autre part, si l’on se rappelle que la lymphe péritonéale renferme rela- tivement peu de leucocytes polynucléaires, et si l’on se place au point de vue de l’unité de la cytase, on peut objecter avec M. Gruber que la pauvreté de cette lymphe en globules blanes à noyau polymorphe, est peu d’accord avec la mise en liberté d’une quantité suffisante de cette cytase, lors de la phagolyse. Or, d’une part, la réactivation de la sensibilisatrice introduite dans le péritoine est, comme nous l'avons vu, réellement incom- plète, et d’autre part, ce ne sont pas les polynucléaires qui engendrent la cytase hémolytique, mais très vraisemblablement les macrophages !, dont le nombre, dans la lymphe péritonéale, est, de l’avis même de M. Gruber, de beaucoup supérieur à celui des leucocytes polynucléaires. Quoi qu'il en soit, c’est à l’expérience de répondre à cette question, Les résultats des nombreuses recherches que nous avons entreprises à ce sujet ont été concordants et conformes aux faits avancés par Savtchenko et Tarasséwitch. Il suffit de préparer les cobayes à l’aide d’une injection intra-péritonéale de bouillon ou d’eau physiologique ?, pratiquée 18 heures avant l'expérience, pour constater que lorsqu’on introduit dans le péri- toine de ces animaux l’hémolysine inactivée, ajoutée ou nonde globules rouges, aucune dissolution extracellulaire n'a lieu. Au contraire, la phagocytose des hématies est, dans ce cas, très accusée. On voit 3 à 5 heures après l'injection que les macro- phages englobent jusqu'à 10 et 12 globules rouges, globules qui ne tardent pas à confluer et à se transformer en masses hémoglobiniques plus ou moins volumineuses {voir planche IV, fig. 1 et 2). Il résulte de ces recherches que si l’on entrave la phagolyse, en renforçant les globules blancs de la lymphe péritonéale, on empêche la réactivation de la sensibilisatrice injectée. Cette réac- tivation devient ainsi une conséquence de la phagolyse; la cytase ne préexiste donc pas à l'état de liberté dans la cavité péritonéale des cobayes neufs. Quel est le mécanisme qui préside à la production de cette 4. D'après les recherches de Metchnikoff et de Tarasséwitch (loc. cit.). 2. Nous appellerons dorénavant les animaux ainsi traités : cobayes préparés. EUR ee ON Re OO M FO EUR sait nA:SOR TE TE CYTASE DANS LE PLASMA DU SANG NORMAL. 243 déterioration des globules blanes ? Il est complexe. En effet, il faut, en premier lieu accuser avec Metchnikoff l’action brusque du liquide injecté, liquide qui est à une température infé- rieure à celle du corps animal. En second lieu, on doit tenir compte du pouvoir leucolytique spécifique du sérum hémolytique employé dans ces expériences. Le second de ces mécanismes est une conséquence du premier, il se trouve entièrement sous sa dépendance et concourt avec lui au résultat final. On sait que, pour obtenir un sérum hémolytique, on adminis-. tre à une espèce animale À le sang débarrassé de sérum, pro- venant d’une espèce B. Or, dans ce sang, à côté des érytrocytes, il existe un nombre plus ou moins considérable de globules blanes. Il résulte que le sérum ainsi obtenu est non seulement hémolytique, mais aussi leucolytique. L'expérience la plus simple démontre le pouvoir destructeur que ce sérum exerce sur les leucocytes. Si l’on met des globules blancs de cobaye, obtenus au moyen d'une injection intra-péritonéale de bouillon ou d’eau physiologique, et soigneusement lavés, en contact d’une part avec une dose déterminée de sérum hémolytique inactivé, d'autre part avec la même dose du sérum provenant d’un lapin neuf, également inactivé, on constate que dans le pre- mier cas les leucocytes sont rapidement agglutinés, tandis que, dans le second, ces leucocytes n’offrent aucune modification appréciable. Le sérum hémolvytique renferme par conséquent une agglutinine capable d'agir sur les globules blancs prove- nant de l'animal pour les érytrocytes duquel ce sérum est dis- solvant. Renferme-t-il également une sensibilisatrice? On peut s'assurer aisément de la présence de cette sensibilisatrice, en ajoutant aux mélanges précédents une trace de sérum frais de cobaye normal. On constate dans ce cas que les leucocytes agglutinés ne tardent pas à mortrer des signes de destruction (apparition du noyau, état transparent du protoplasma, etc ), tandis que les globules blancs mis en contact avec le sérum du lapin normal, conservent toute leur intégrité. Si le sérum inactivé que nous employons dans nos expé- riences est à la fois hémolytique et leucotoxique, que se passe- t-il lorsque nous introduisons ce sérum dans le péritoine des cobayes neufs? La sensibilisatrice leucolytique se fixe rapide- 244 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. ment sur les globules blancs de la lymphe péritonéale, ou sur un certain nombre de ces globules, et détermine leur aggluti- nation, Mais elle n’agit leucolytiquement qu'à la condition qu’il y ait de la cytase libre, capable de réactiver cette sensibilisatrice, Or, l'injection du liquide, au même titre que l’introduction, dans la cavité péritonéale, de bouillon ou d’eau physiologique, engendre déjà la destruction d’une partie de ces globules blanes et la mise en liberté de la cytase que ces globules blancs renferment, Il résulte qu'effectivement la sensibilisatrice leucotoxique fixée sur les leucocytes est réactivée et que ces leucocytes subissent l'influence dissolvante de notre sérum. Ces cellules succom- bent et mettent en liberté une nouvelle quantité de cytase, qui se trouve ainsi à la disposition de la sensibilisatrice hémolytique contenue dans le sérum injecté. On peut conclure de ces faits que la phagolyse intra-périto- néale reconnait un double mécarisme, dont le résultat final est la mise en liberté d’une quantité de cytase capable de réactiver, déjà dans le péritoine, une partie de la sensibilisatrice injectée. En dehors des phénomèmes déjà complexes que nous avons examinés jusqu'ici, il y a lieu de tenir compte d’un fait nouveau, à savoir la firation d'une portion de la sensibilisatrice hémolytique sur les globules blancs de la lymphe péritonéale. On pensait généra- lement que les sensibilisatrices spécifiques, telles que l’hémoly- sine, la leucotoxine, la spérmotoxine, etc., n’agissent et ne se firent que sur les éléments cellulaires qui ont servi à la prépara- tion de ces sensibilisatrices. La chose est vraie, mais non pas dans un sens absolu; il s’agit plutôt d’une répartition quantita- tive de ces cylotoxines. En effet, nos expériences nous montrent d’une manière évidente que la sensibilisatrice hémolytique peut se fixer non seulement sur les hématies, mais aussi sur les leucocytes des exsudats et des ganglions lymphatiques, ainsi que sur d'autres éléments cellulaires. Voici quelques-unes de ces expériences : Experience B. — Deux cobayes reçoivent dans le péritoine 10 c.e. de bouillon. Les animaux sont sacrifiés vingl heures après l'injection. On recueille l’exsudat péritonéal, on centrifuge pour séparer les globules blancs et on lave rapidement ces globulès à l’eau physiologique. Ces leucocytes sont mis en contact avec 2 c.c. de sérum hémolytique ‘ préalablement inaclivé. Une‘quantité de globules rouges de cobaye, correspondante quant 1. Ce sérum à été obtenu en injectant à des lapins. des érytrocytes de cobaye, 2 Canne rit nt déni ds CHE CYTASE DANS LE PLASMA DU SANG NORMAL. 245 SANG |CyTASE SÉRUM SÉRUM SÉRUM de EAU Éémoleti émotion hé De | Fee de physiologique émo ytique émo ytique 1émolytique copss cobaye. - É inactif. + sang. + leucocytes. 5 0/0 0,5 10,1c:c.11,35 c..c.|0,0%c. c. trace. |0,05:c.c: 0,05 c. Ce 0,5 [0,1 — 1,30 — |0,1 — tauwiyt|0,1 — | A) 0,5 [0,1 — [11,20 — |0,2 — cmplt. [0,2 — és 0,2 — trace 0,5 0,2 — |1,45 — 10,25 — — 0,25 — 0,25 — — 0,8 = M,4 — 0 () 0 nul. Contrôle. au volume, à celle des globules blancs, est mise en présence de 2 c. c. du même sérum hémolytique. On laisse séjourner au thermostat pendant deux heures, on centrifuge et on apprécie la teneur en sensibilisatrice hémolytique de ces deux liquides, ainsi que celle du sérum n'ayant subi aucun traitement. Expérience C. — On recueille 1:",2 de foie de cobaye, en même temps que {5r,2 de ganglions de la même espèce animale. Après lavage et tri- turation, on met les masses cellulaires (qui renferment très peu de globules rouges) en contact avec 40 gouttes d’une hémolysine inactivée. On maintient pendant 2 heures à la température de la chambre, on centrifuge et on apprécie la richesse en sensibilisatrice des liquides décantés. Il 3 LES SÉRUM SAS ASE Pa PRE h AA Pt hémolytique! ne re 5 0/0. dpIapin se pYAeMENNr. inactif. E gloh: | L ganglions. + foie. rouges. dicucalD2E 04 CAM 2360210: |0:02 0,05 0,95 trace. |0,05 trace. : 5 G n 4 fin à — joe — 1,30 — lo1 | S lo | 01 — (01 partiel. SA (OS RCE RE 0.15 \ S 0,15 \ [0,45 partiel. [0,15 beaucoup. . | 0 0.2 IDD LEE SEE — Expérience D. — On se sert d’un sérum hémolytique fourni par un cobaye qui a reçu plusieurs injections de sang de bœuf. On met en contact : 40 gouttes de ce sérum énactivé avec 0,8 c. e, de sang de bœuf (lavé) 40 pré _ — —— spermatozoïdes de taureau (lavés). 40 == _ — — suc ganglionaire de bœuf (lavé)1 On maintient pendant trois heures à la glacière et trois heures à la tem- pérature de la chambre. On centrifuge et on apprécie la teneur en sensibili- satrice. 1. L'examen microscopique montre que ce sue ganglionaire ne renferme que très peu de globules rouges. 246 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. |. SANG |CYTASE EAU SÉRUM LU SÉRUM SÉRUM j de bœuf. de jee ë Lémol ytique hémolytique +|hémolytique + 50070 cobaye; .|Pifaiologique.| hémolÿtique.» y spermatozoïdes. | sue ganglionaire. | 4 c. ce. |: 0,05 1,35 [0,005 trace.| 0,095 | 0,005 trace.|0,005. | DE AE 0,05 1,5 0,01 peu. 0,01 0,01 peu 0,01 [l ” IRC AC e110;05 4,2 . [0,02 p. conpkt.| 0,02 0,02". conplet. [0,02 Fa 2 s à RE œs 1RCEeCE 0,05 175020410705 0.05 e |0,05 0,05 de A ES EN ASS A . 0,2] 0,2 \ = 0,2 trace. 0,25 HER Rp LE CT ANPSE | * Pour ces 3 doses, on a dilué le sérum au 1/10e, ? Il résulte de ces recherches que les globules rouges possèdent l'affinité la plus forte vis-à-vis de la sensibilisatrice hémolytique. Viennent par ordre de décroissance le suc ganglionaire, les leucocytes des exsudais et les cellules hépatiques. Les spermatozoïdes ne sem- blent pas fixer cette sensibilisatrice!. K résulte égalenrent que lorsque nous introduisons l'hémolysine inactivée dans le péritoine de nos cobayes, cette hémolysine ne se fixe pas exclusivement sur les érytro- cytes de la lymphe péritonéale, mais aussi sur les globules blancs de cette lymphe. Or, s’il en est ainsi, on conçoit à quel point les phénomènes qui ont lieu au delà de la cavité péritonéale sont sous la dépendance de cette répartition de l’hémolysine; on entrevoit également que le mécanisme qui préside à la genèse . de l’anémie, pourrait être tout autre que celui dont parle M. Gruber. En elïet, les recherches de Savtchenko tendent à prouver que les globules blancs ayant « fixé » la sensibilisatrice hémolytique, NE, 6 supposer que parmi les groupes moléculaires (groupes haplophores ou récepteurs d'après le conception de M. Ehrlich) qui, introduits dans un orga- nisme d'espèce différente, engendrent une sensibilisatrice spécifique, il y en a quelques-uns qui n'existent pas exclusivement dans une seule catégorie de cellules, mais sont répandus, quoique à un degré très inégal, dans plusieurs espèces cellu- laires. Le nombre de ces groupes atteint son maximun dans la catégorie de cel- lules qui sert à l'immunisation, dans notre cas, les érytrocytes. Aussi, la cytotoxine obtenue à l’aide de ces érytrocytes se fixe-t-elle non seulement sur les hématies, mais aussi, quoique plus faiblement, sur d’autres cellules. La spécificité réside plutôt dans tout l'ensemble de l'espèce animale, que dans les cellules apparte- nant à tel ou tel organe considéré en particulier. Voir à ce propos les recherches de v. Dungern. Münch. med. Woch.. 1900. CYTASE DANS LE PLASMA DU SANG NORMAL. 247 englobent plus facilement et plus rapidement les érytrocytes, que les mêmes globules blancs normaux. Ce fait ressort également de l'expérience que nous avons relatée plus haut, où l’on voit que l'injection de cette hémolysine dans le péritoine des cobayes préparés détermine une forte érytrophagocytose de la part des macrophages. Or, ce processus pourrait également avoir lieu au delà de la cavité péritonéale ; dans ce cas, la destruction des globules rouges pourrait fort bien s’opérer, sans qu’il soit néces- saire, comme le veut M. Gruber, de faire intervenir la cytase. À vrai dire, M. Savtchenko ne démontre pas que les leuco- cytes fixent réellement la sensibilisatrice hémolytique. Les expériences de ce savant prouvent tout simplement que les glo- bules blancs influencés par cette sensibilisatrice, phagocytent plus facilement les hématies. Nos recherches, ne laissant aucun doute sur la réalité de cette fixation, complètent les expé- riences de cet auteur et fournissent un point d'appui solide à la conception d’après laquelle l’anémie chez les animaux qui reçoivent des hémolysines inactives, est due au moins en partie, à l'érytrophagocytose. Nous reviendrons sur ce point dans le chapitre suivant. Résums. —T. L'introduction d’une dose donnée de sérum hémolytique inactivé dans le périloine des cobayes neufs, déter- mine soit directement, soit indirectement (au moyen de la léu- cotoxine), une phagolyse dont la conséquence immédiate est la mise en liberté d’une quantité variable de cytase, capable de réactiver une partie de cette sensibilisatrice. Zl y a donc réactiva- tion parthelle au sein mime de la cavité péritonéale, chose dont M. Gruber ne tient pas compte, mais dont l'importance est telle que, si l'observation directe dont nous parlerons plus loin, ne nous autorisait pas d'enlever toute vraisemblance à l’hypothèse de la liberté de la cytase dans le plasma, elle permettrait déjà de considérer comme prématurées les affirmations de cet auteur, En effet, comment peut-on. en partant du simple fait que les animaux auxquels on administre dans le péritoine des hémolysines inactivées, offrent de l'anénie et de l'hémoglobinurie, arriver à la conclusion que ces hémolysines sont réactivées par une cylase circulant à l’état de liberté dans le plasma, si l’on ne démontre pas au préalable que cette réactivation ne s'opère pas déjà duns le péritoine, au moyen de la phagolyse ? 248 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Il. L'introduction de l’hémolysine inactivée dans le péritoine des cobayes préparés ne détermine pas la phagolyse et par consé- quent elle n’est pas suivie d’une réactivation de la sensibilisatrice. Ce qui prédomine, dans ce cas, c’est l’érytrophagocytose de la part des macrophages. IL LES PHÉNOMÈNES QUI ONT LIEU AU DELA DE LA CAVITÉ PÉRITONÉALE Considérons tout d'abord les modifications que présentent les cobayes neufs par rapport aux animaux préparés, lorsqu'on pratique une injection intrapéritonéale de 6 à 7 ce. e. de sérum hémolytique inactivé. Il résulte de nos nombreuses expériences que fous les signes, tant ceux qui ont trait au taux des globules rou- ges, que ceux qui se rapportent à la sécrétion rénale, sont plus accu- sés chez les cobayes préparés que chez les cobayes non préparés. Les animaux chez lesquels on a provoqué une leucocytose périto- néale plus ou moins forte, montrent en premier lieu une anémie plus précoce et plus accentuée, en second lieu une hémoglobi- nurie plus intense et plus durable. Voici quelques chiffres : COBAYE N° I, NON PRÉPARÉ COBAYE No l’, PRÉPARÉ Sans D——2.700:000. | 5 . . (Sang D—— à 400.000. 1 142 h. ap. Pin]. H—=0 12% ape Ain): PES Sang D—+2.400.000. y Sang D = — 3.600.000. M] Je PD] = 4 29h; H = 0. 22-h. ( H = +. ho. \ Sang D=—-+1.000.000. | ,, { Sang D— — 4.100.000. 44h, — TE GARE t H = + COBAYE N° II, NON PRÉPARÉ COBAYE N° Il’ PRÉPARÉ Sang D——0.130.000. . .. { Sang D—— 2.100.000. 20 h. ap. l'inj. PE DE 20 h. ap. linj.{ 7 9 $ Sang D——5.200.000. | 22h. — H= +. 40 h — l 16 He 0 ! : ES É | 0 h re Sang D — — 4.700.000. 82 | , Sang D——#%4:0000.00, | 7%: H—="° = ue | H = + - L'animal meurt après 84 heures. L'animal meurt à la 43° heure. 1. D signifie la différence en plus (+) ou en moins (—) du nombre des globules rouges. H=-# signifie présence d’hémoglobine, H —0 signifie absence d’hémoglobine dans l’urine CYTASE DANS LE PLASMA DU SANG NORMAL. 249 Si l’on rapprocheles faits que nous avons enregistrés lorsque nous avons examiné ce qui se passe dans le péritoine, de la gra- vité des signes provoqués par l'administration de l’hémolysine, nous arrivons à la conclusion que l’anémie et l’hémoglobinurie, ainsi que la destinée finale des animaux, sont en rapport direct avec la phagocytose et en rapport inverse avec la mise en liberté de la cytase dans la cavité péritonéale, ou, ce qui revient au même, avec le degré de réactivation de cette sensibilisatrice. Ainsi, la cytase qui s'échappe des leucocytes lors de la pha- golyse provoquée par l'injection, ne nous apparaît pas comme jouant un rôle appréciable dans la genèse de l’anémie et de l’'hémoglobinurie, Il n’en esi pas de même de l’érytrophagocy- tose; en effet l'englobement des globules rouges atteint son maximum chez les animaux préparés, c’est-à-dire là où cette anémie et cette hémoglobinurie revêtent une gravité exception- nelle. À vrai dire, en établissant ce rapprochement, nous ne fai- sons que mettre en rapport de causalité deux ordres de phéno- mènes qui marchent, parallèlement et rejeter un troisième ordre de faits, qui ne suit pas les mêmes variations. Il est donc néces- saire de pousser plus loin notre analyse, et voir si réellement l'importance de la phagocytose dans la production de l’anémie et de l’hémoglobinurie est telle, qu’un simple examen sommaire nous permet de le supposer. Voici les résultats auxquels nous sommes arrivés : EL. — La sensibilisatrice hémolytique introduite dans le péritoine est rapidement résorbée ;'elle va se loger de préférence dans les organes qui normalement, servent à la destruction des hématies (en particulier la rate). On peut s’assurer de ce fait : 1° en recherchant la teneur en sensibilisatrice des divers organes prélevés chez un cobaye pré- paré, 3 à 4 heures après l'injection intrapéritonéale de 7 c. ec. de sérum hémolytique inactivé; 2° en examinant la teneur en hémoglobine des extraits de ces organes. Experience E. — Un cobaye pesant 540 grammes reçoit dans le péritoine 10 c. c. d’eau physiologique. 18 heures après l’injection, la lymphe périto- néale renferme une grande quantité de leucocytes poly. et mononueléaires. À ce moment on pratique une nouvelle injection de 6 c. c, de sérum hémoly- tique inactivé, L'animal est saigné à blanc 4 heures après. On trouve une 17 250 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. hypertrophie manifeste de la rate; l'organe à une coloration brun foncé, On triture la rate, ainsi que des poids équivalents de foie et de rein dans 5 €. c. d’eau physiologique. Après 20 heures de séjour à la glacière, on centrifuge et on apprécie la teneur en sensibilisatrice des liquides décantés. SANG GMLASE,| LENS pue EXTRAIT En Ha, VOIRIE EXTRAIT DE RATE PU de 5 | physiol. de foie. É 5 0/0. | cobaye. rein. | 0,5: €. |: 0.3 1.5 0,5 presque complet. Trace. Nul. EN MIE Et 1.0 1,0 — — Partiel. Nul. | CR RAR PTE DE 0 2,0 complet, Presque complet,| Trace. Expérience F. — On procède de la même façon que dans l’expérience pré- cédente. On apprécie la richesse en hémoglobine des liquides décantés. Rate H= + + + (rouge foncé), Foie H = + (rosé). Rein H— 0 (incolore). Les extraits d'organes provenant de cobayes normaux (rate et foie) ne renferment qu'une quantité insignifiante d’hémoglobine. Il résulte de ces expériences plusieurs fois répétées, que des trois organes examinés, dont un, le rein, est richeen sang, seuls le foie et surtout la rate renferment des quantités appréciables de sensibilisæ- trice hémolytique. Ge dernier organe est le plus riche en hémo- globine et exerce le pouvoir dissolvant le plus intense vis-à-vis des érytrocytes de cobaye. HE. — L'examen histologique montre que l'organe splénique où, comme nous Pavons vu, il s'opère une accumulation de sensibilisatrice, est le siège d’une intense phagocytose des globules rouges. On voit sur des coupes de rate prélevée chez des cobayes préparés, sacrifiés 4, 45, 20 et 40 heures après linjection, que les macrophages englobent un nombre considérable d’hématies. On constate de plus, soit sur des frottis suspendus dans du sérum artificiel, soit sur ces coupes, qu'aucune dissolution extracellulaire des globules rouges na lieu. La phagocytose s'exerce vis-à-vis d’érytrocytes qui ont conservé tous leurs caractères normaux. La conclusion qui se pose est que dans le processus qui préside a la genèse de l'anémie, il faut tenir compte de l’action directe des éléments leucocytaires. Al en est de même pour ce qui concerne CYTASE DANS LE PLASMA DU SANG NORMAL. 254 l’hémoglobinurie. En effet, comme lobservation direete nous l’a maintes fois montré, les hématies incluses dans les macrophages ne tardent pas à confluer et à se transformer dans des masses plus ou moins grandes de substance hémoglobinifère. La cellule entière s'imprègne d’hémoglobine et l’on peut concevoir facile- ment comment cette hémoglobine, soit par simple diffusion, soit après l’éclatement des macrophages, peut se répandre dans le milieu environnant et passer dans l’urine. Or, TOUS CES PHÉNOMÈNES, A SAVOIR D'UNE PART LA RICHESSE EN SENSIBILISATRICE ET EN HÉMOGLOBINE DES ORGANES HÉMATOLYTIQUES, D'AUTRE PART LA PHAGOCYTOSE DES HÉMATIES DANS LA RATE, SONT DE BEAUCOUP PLUS ACCENTUÉS CHEZ LES ANIMAUX PRÉPARÉS QUE CHEZ LES COBAYES NEUFS (voir planche II, fig. 1 et 2). Plus encore chez ces animaux préparés, nous avons constaté dans le torrent cireula- toire (sang puisé à l’oreille) des macrophages et des leucocytes polynucléaires renfermant des globules rouges. Cette phagocytose s'exerce donc non seulement dans les organes, mais aussi dans la circulation générale (voir planche IV, fig. 3). Il résulte de ces faits que l'intensité et la marche de l'anémie et de l'hémoglobinurie sont proportionnelles au degré de phagocytose intru- splénique, et non pas & la réactivation intrapérilonéale de la sensi- bilisatrice. L'importance de la cytase que la phagolyse met en liberté dans le péritoine devient pour ainsi dire nulle. En est-il de même de la eytase supposée libre dans le plasma circulant? HT. — Nous avons vu que la conception d’après laquelle le plasma circulant renferme de la cytase libre et capable d’agir, est incompatible avec l'existence, chez nos animaux, de la com- binaison suivante : Plasma incolore, renfermant de la sensibilisatrice + globules rouges sensibilisés. à L On ne peut pas concevoir, en effet, d’après cette conception, qu’à un même moment, des globules sensibilisés puissent exister dans un plasma contenant de la sensibilisatrice, sans qu'une dissolution plus ou moins complète de ces globules ait lieu, et sans que ce plasma ne renferme au moins des traces d’hémo- globine. La cytase supposée libre dans le plasma ne doit pas tarder à réactiver la sensibilisatrice fixée sur les érytrocytes et déterminer la dissolution de ces érytrocytes. 252 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Or, voici ce que l’expérience permet de constater : Expérience G. — Cobayes À (P — 435 grammes) et B (P — 500 grammes), B reçoit dans le péritoine 10 c. c. d’eau physiologique.‘18 heures après, on pratique chez ces deux cobayes une injection intrapéritonéale de T c. c. sérum hémolytique inactivé. Les animaux sont saignés à blanc, quatre heures après l'injection. Le sang des deux animaux sert à préparer le plasma (tubes paraffinés, méthode de Gengou) et à obtenir le sérum, après coagulation de ce sang 1 Toro, et séjour à la température de la chambre (17 heures). On constate : 40 Que le plasma obtenu par centrifugation immédiatement après la saignée, est incolore ; 20 Que le sérum, renfermant de la cytase mise en liberté pendant la coagu- lation, est coloré, et que la coloration du sérum B est plus intense que celle du sérum À ; 30 Qu'un sérum provenant d'un cobaye normal, préparé de la même manière, est incolore. Voici la teneur en sensibilisatrice de ces sérums et des globules rouges lavés, provenant des cobayes A et B. CYTASE DANS LE PLASMA DU SANG NORMAL. 253 PLASMA DU COBAYE A (NON PRÉPARÉ) D PE EE PE EEE a Sang Cytase de cobaye Plasma. de Va en Résultat * | 5 0/0 20H ve physiologique . CODAGE: 0,5 0,5 0,5 Nul {à r; ? ? 0, — 1,0 0,5 ( trace PLASMA DU COBAYE B (PRÉPARÉ) 2 QE Sang Cytase Le de cobaye Plasma. de Da ne : Résultat. 5 0/0 cobaye. DANEIQIOe QUE a a — 0,5 ç. €. 0,5 0,5 0,5 Beaucoup 0,5 — 1,0 0,5 Ù == SÉRUM DU COBAYE A (NON PRÉPARH) EEE 2, Sang Cytase 25 Eau ; de cobaye Sérum de RARE Résultat. 5 0/0 cobaye. DRE BIGE QUE 0,5 e. € 0,1 0,5 1,1 Nul ESS 0,5 0,5 0,7 — 0,5 — 1,0 0,5 u,2 trace : SÉRUM DU COBAYE B (PRÉPARÉ) À RE Sang Cytase D A de ‘cobaye Sérum de ee HenTie 5 0/0. cobaye. physiologique . 0,5 €. c. 0,1 0,5 1,1 Trace. 0,5 — 0,5 0.5 0,7 Partiel. Woo 1.0 0,5 0.2 me, HÉMATIES DU COBAYE A + CYTASE 2 ——— —— Sang Cytase Eau , de cobaye A. de cobaye. physiologique. RÉSUEE 1 goutte. 0.5 0.5 Trace. 1 — 1,0 0 — HÉMATIES DU COBAYE B — CYTASE —_— oo 0 Sang Cytase Eau ë de cobaye B. de cobaye. physiologique. Resultat, a | go utte. 0.5 0.5 Trace , 1: — 0,1 (]) Partiel. HÉMATIES D'UN COBAYE TÉMOIN + CYTASE a SANG Cytase EAU Résultat de cobaye N. de cobaye. physiologique. HUE 4 goutte. 0,5 MIO Nul. L — 1.0 (D — * Dans toutes ces expériences on a ajouté un excès de cytase. Les resultats ont été enre- sistrés après 12 heures de séjour au thermostat. 254 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR, Donc lorsqu'on examine le plasma et les hématies des cobayes sacrifiés 4 heures après l'injection intrapéritonéale d'hémolysine inactivée, c'est-à-dire à un moment où cette hémolysine a été r'ésorbée en grande partie’, et où les organes hématolytiques (la rate) renferment de la sensibilisatrice et sont le siège d’une érytrophagocytose intense, voiei ce que l’on constate: 1° Le plasma est dépourvu d'hémoglobine ; 2° Le plasma contient de la sensibilisatrice ; 30 Une partie des érytrocytes qui flottent dans ce plasma ont fixé cette sensibilisatrice ; 4° La richesse du plasma et des globules rouges en sensibilisatrice est plus grande chez les cobayes préparés que chez les témoins. Par conséquent, si quatre heures après l'injection, les globules sensibilisés ne se dissolvent pas 1 vivo, pour céder leur hémoglobine au plasma, c'est que ce plasma est dépourvu de cytase capable d'agir, où qu'il n'en contient que trop peu, ce qui revient au môême*. On peut objecter à cette conclusion : 1° Que lorsqu'une dissolution extra-cellulaire des hématies a lieu dans le torrent circulatoire, le plasma (méthode de Gen- gou) ne doit pas forcément contenir de l'hémoglobine ; 2° Que l'hémoglobine, une fois mise en liberté dans ce plasma, est rapidement et intégralement éliminée par le rein. Ces objections peuvent être facilement écartées. Il suffit pour cela d'examiner le plasma des cobayes sacrifiés peu de temps après avoir pratiqué à ces animaux une injection intravasculaire de 0,6 c. c. hémolysine inactivée. On constate alors que parallè- lement à l’hypoleucocytose et à la phagolyse * qui s’opèrent constamment à la suite de cette injection, la cytase leucocytaire est mise en liberté. Cette cytase réactive la sensibilisatrice fixée sur les hématies circulantes et détermine la dissolution d'une partie de ces hématies. Or, dans ce cas, le plasma obtenu suivant le méthode des tubes paraffinés renferme de l’hémoglobine. l. Cette résorption a été constamment plus précoce chez les animaux pré- pars que chez les cobayes témoins. 2. Cette expérience montre également que l'injection de l'hémolysine ne détermine pas, comme l’a supposé nouvellement M. Gruber, la mise en liberté de la cytase. | 3. Cette phagolyse et cette leucopénie se sont montrées constantes dans nos expériences. La préparation des animaux n'empêche que très difficilement leur apparition. CYTASE DANS LE PLASMA DU SANG NORMAL. 259 Quant à la seconde objection, à savoir que le plasma ne ren- ferme pas d’hémoglobine, pour le motif que cette hémoglobine s'élimine intégralement par le rein au fur et à mesure qu'elle est mise en liberté, elle tombe devant le fait que le contenu vésical des cobayes sacrifiés à la 4° heure, ne renferme la moindre trace de celte substance. Or, il suffit que ce principe colorant existe à une concentration donnée dans le plasma, pour qu'il apparaisse dans l'urine. En effet, si chez les animaux qui reçoivent dans la circulation générale 0,6 c. c. d'hémolysine inactivée, on ouvre la vessie à un moment où le plasma contient de l’hémoglobine, on constate que l’urine a une couleur rouge plus ou moins pro- noncée. Ces objections une fois écartées, les recherches exposées plus haut permettent de conclure que le plasma circulant ne renferme pas la cytase hémolytique à l'état de liberté, et que par conséquent, la réactivation de la sensibilisatrice introduite dans le pérütoine ne peut pas s’opérer dans le torrent circulatoire. S'il en est ainsi, la conclusion de M. Gruber se trouve en désaccord avec les trois desiderata que l’on déduit nécessaire- ment de cette conclusion. Le mécanisme qui préside à la genèse de l’anémie et de l’hémoglobinurie, se réduit à ceci : La sensibilisatrice hémolytique introduite dans le péritoine ren- contre les leucocytes de la lymphe péritonéale et les globules rouges qui préexistent dans cette lymphe ,ou quiarrivent immédiatement après l'injection, par suite de l'hémorragie occasionnée par cette injeCLioNe Une partie de cette sensibilisatrice se fire sur ces leucocytes et sur ces hématies ; une autre partie, et la plus considérable, reste libre. Si la phagolyse à lieu, la cytase mise en liberté par les globules blancs détériorés réactive ia sensibilisatrice fixée sur les globules blancs et sur les érytrocytes : à y «a leucolyse et hémolyse. Si l'on à soin d'empêcher cette phagolyse, on assiste exclusivement au phénomène de l’érytrophagocytose. La partie de la sensibilisatrice restée libre, passe dans la circula- tion générale. Là, elle se répartit entre les érytrocytes et les leuco- cytes circulants, le plasma et les macrophages de la rate et peut-être aussi ceux du foie. La cytase n'étant pas à l'état de Liberté dans le 256 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. plasma, ny à pas de dissolution extracellulaire des érytrocytes sensibilisés. Au contraire, on peut constater qu'un certain nombre de globules rouges sont englobés par les macrophages et les microphages du sang. La sensibilisatrice accumulée dans la rate agit indirecte- ment sur les érytrocytes qui traversent cet organe : elle détermine une forte érytrophagocytose, qui s'opère au moyen des mac*ophages. Cette érytrophagocytose splénique est, sinon la seule cause, du moins la principale des causes.qui président à la genèse de l’anémie et de l'hé- moglobinurie, chez les individus auxquels on administre, par voie tntra-péritonéale, des hémolysines inactivées. Nous accomplissons un précieux devoir en remerciant ici M. Metchnikoff, des conseils qu'il nous a prodigués au cours de ce travail. LÉGENDE DES PLANCHES II ET IV PLraxone NI. — Fig. 1. Coupe de rate procenant d'un cobaye NON PRÉPARÉ. — L'animal a reçu dans la cavité péritonéale 6 ce. e. d’hémolysine inactivée. Il a été sacrifié #8 heures après l'injection. Pas d’hémoglobinurie; anémie légère. L’'érytrophagocytose est peu marquée. S, sinus avec », M', macrophages renfermant un globule rouge et du pigment; »', macrophage à protoplasma basopbile; m", monucléaire pigmento- phore. M, macrophage renfermant trois érytrocytes. fr, trabécule: », normoblaste. Fixation au sublimé, coloration au bleu de méthylène-éosine-orange.) Fig. 2. Coupe de rate provenant d’un cobaye pRéPARé. — L'animal a reçu dans la cavité péritonéale 6 €. €. d’hémolysine inactivée. Il a été sacrifié 48 heures après l'injection. Hémoglobinurie, anémie très accentuée. L'érytrophagocytose est de beaucoup plus prononcée que chez le cobaye témoin (fig. 1). S, sinus avec", macrophage bourré d’érytrocytes,et m', cellule pigmentophore; M, macrophage à protoplasma basophile; {r, trabécule. S', sinus avec »", macrophage renfermant deux globules rouges entiers, et plusieurs stromas dépourvus d’hémoglobine. S", sinus avec #’, macrophage contenant du pigment dans une vacuole: n, normoblaste. (Même coloration). PLancue IV. — #iqure 1. Exsudat péritonéal d'un cobaye NoN PRÉPARÉ, ayant recu dans le péritoine 6 c. c. d'hémolysine inactivée. 20 heures après l'injection. , L'érytrophagocytose est, pour ainsi dire, nulle. m,m",macrophages renfermant un polynueléaire et un globule rouge; #/, gros mononucléaire contenant une masse brune; (pigment?) p, polynucléaire pseudo- éosinophile; e, érytrocyte (chaleur, triacide). Fig. 2. ÉExsudat péritonéal d'un cobaye pRÉPARÉ, ayant reçu dans le péritoine 6 ce. €. d'hémolysine inactivée. 20 heures après l’injection. L'érytrophagocytose atteint son maximum. M, macrophage ayant phagocyté plusieurs hématies et leucocytes polynu- cléaires. En h on voit la masse hémoglobinifère de ces hématies confluer autour du pro- toplasma granuleux des polynucléaires. p, leucocyte pseudo-éosinophile ayant englobé un globule rouge. Figure 3. Un macrophage (»}) et deux polynucléaires (p) provenant de (a circulation générale d'un cobaye préparé (sang puisé à l'oreille). Ces cellules ont englobé des hématies. ; 2 MS CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DE LA PIROPLASMOSE CANINE Par MM. NOCARD, p’Azrortr, Er MOTAS, pe BucHAResr. L'un de nous a publié, l’an dermer, avec M. Almy', une observation d'hémoglobinurie du chien, qu'une étude attentive avait permis de rattacher à la présence d’hématuzoaires (piro- plasma) analugues à ceux de la fièvre du Texas; du sang de ce chien, injecté dans la jugulaire d’un chien neuf, lui avait donné la maladie avec tous les caractères qu’elle présentait chez le premier. Cette observation a été le point de départ des recherches expérimentales qui font l’objet de ce mémoire. Elle n’est d’ail- leurs pas restée isolée; depuis, nous avons pu étudier, à la cli- nique d’Alfort, 7 nouveaux cas semblables : 5 dans le service du professeur Almy qui en a publié l'observation *;les 2 autres, dans le service du professeur Cadiot, sont encore inédits. La piroplasmose canine n’est donc pas absolument rare en France * et la similitude de l’évolution de la maladie naturelle et de la maladie expérimentale donne à ce travail un réel intérêt pratique. La maladie paraît exister également en Italie. Piana et Galli-Valerio ont décrit et figuré le parasite qu'ils ont observé 1. Nocaro Er Azuy, Une observation de piroplasmose canine, Bulletin de la Société centrale de médecine vétérinaire, 4901, p. 192. 2. Army, Nouveaux cas de piroplasmose canine, /bidem, 1901, p. 575. 3. M. P. LesLanc, dans une courte note présentée à la Société de Biologie, le 20 janvier 1900, dit avoir vu, dans le sang d'un chien atteint d'ictère infectieux, de nombreux hématozoaires, « libres dans le plasma ou fixés sur les globules », 11 est probable qu'il a eu affaire à un cas de piroplasmose; mais la description qu'il fait du parasite est si brève et si peu précise qu'on ne saurait l’affirmer. 258 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. sur deux chiens, l’un ictérique, l’autre anémique ‘; ils signalent son analogie avec celui de la fièvre du Texas ; mais il ne semble pas que ces auteurs aient poussé plus loin leurs recherches, car ils n’ont rien publié depuis cette première note. Celli ? rapporte que l’on a observé dans la campagne romaine, sur des chiens venus de Lombardie, des hématozoaires sem- blables à ceux décrits par Piana et Galli-Valerio. La maladie paraît plus fréquente en Afrique. R. Koch dit l'avoir observée plusieurs fois pendant son séjour dans lest- africain *. Marchoux l'avait déjà vue au Sénégal: il a présenté à la Société de biologie ‘ des dessins de piroplasma observés dans le sang de onze chiens indigènes, qui paraissaient d’ailleurs en très bonne santé. On la connait au Cap sous les noms de fièvre hilieuse, fièvre malurique et surtout de jaunisse maligne. Duncan Hutcheon Pa bien décrite en 1899, dans une courte note ”, où il insiste sur sa nature parasitaire, déjà signalée par Le D' Carrington Purvis, et sur sa transmissibilité par l’inoculation du sang parasité qu'il a pu réaliser avec le concours de Spreul. Un travail plus étendu de W. Robertson 5 confirme et com- plète au double point de vue expérimental et clinique les indi- cations de Duncan Hutcheon. Enfin, un très intéressant mémoire de Lounsbury ”, dont le travail de Robertson donne le résumé, montre que la « jaunisse maligne » du chien, causée par un piroplasme analogue à celui de la fièvre du Texas, se propage comme elle par l'intermé- diaire d’un ixode spécial que le professeur Neumann de Toulouse a déterminé, l'Hæmaphysalis leachi (Audouin). ÉTUDE CLINIQUE DE LA MALADIE La piroplasmose canine présente, au point de vue clinique, 1. Praxa et Gazrr Vazerto, Su di un'infezione del cane, con parasiti endoglo- bulari nel sangue. Moderno sooiatro, 1895, n° 9). 2, Cezcr, La Malaria, secondo le nueve ricerche, 2 édition, Roma, 1900, p. 31. 3. R. Kocu, Reiseberichte uber.. Texas fever, Berlin, 1898. 4. Marcuoux, Bulletin de la Société de Biologie, 1900, 27 janvier. 5. Duncan Hurcneow, Malignant jaundice in Dog, Vétérinary Journal, 1899, p. 399. 6. W. Roserrsox, Malignant jaundice in the Dog, The Journal of compar. Palhol. and Tiérap., décembre 1901, page 327. 7. Louxseury, Transmission at malignant jaundice of the Dog, by a species of Tick, The Journal agricultural, Cape Town, novembre 1991. ya ÉTUDE DE LA PIROPLASMOSE DES CHIENS. 259 deux formes bien distinctes ; dans l’une, Pévolution est rapide et presque toujours suivie de mort; dans l’autre, l'évolution lente aboutit ordinairement à la guérison. 1° Forme aiguï. — La maladie s’accuse tout d’abord par l'inappétence et la tristesse. Le chien reste couché dans un coin, insensible à ce qui l’entoure, sourd aux appels de son maitre. Dès ce moment, il a de la fièvre: sa température s'élève au-dessus de 40°, se maintient à un chiffre élevé pendant 2 ou 3 jours, puis tombe brusquement au-dessous de la normale ; = p* j al t CHUIGTT ER OT EE CÉHENT du) | Fig. 1. Forme aiguë. Injection intra-veineuse. elle peut s’abaisser jusqu’à 33°: parfois, mais rarement, la courbe thermique n’a pas cette régularité; la température, tou- jours élevée, a de grandes oscillations et la chute se fait lente- ment et graduellement; chez les très jeunes chiens qui succom- bent très vite à l'infection, l'hyperthermie du début fait souvent défaut et, dès l'apparition des parasites intraglobulaires, la température s’abaisse jusqu'à la mort. Pendant toute la durée de la maladie l’anorexie est complète, le nez est sec et chaud; l'animal reste couché, replié sur lui- même, l'œil terne, insensible à toutes les excitations. Les muqueuses (œil et bouche), d’abord päles, deviennent peu à peu violacées, puis légèrement ictériques (dès que l'hypo- thermie est accusée). Mais l’ictère n’est pas constant, et son intensité est très 260 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. variable. Sur 63 cas à marche rapide, nous l'avons observé 30 fois; dans les 21 autres cas, les muqueuses sont restées plus ou moins pâles, avec, parfois, une teinte bleuâtre peu accusée, Quand il y a de l'ictère, les sclérotiques et les téguments y participent comme les muqueuses. Le pouls est vite (120-160 par minute), petit, filiforme, assez souvent intermittent. La respira- tion accélérée (36-48 par minute) est pénible, anhélante, et souvent, chez les jeunes, accompagnée de plaintes. (28/29/30 sites 4 | Sr Fig. 2. Forme aiguë. Iniection sous-cutanée. Dans quelques cas rares, il se manifeste des vomissements de matières muqueuses verdàtres, parfois incoercibles. L’exploration de la poitrine ne révèle rien d’anormal. La palpation du ventre permet parfois de constater l'hyper- trophie de la rate; mais cette lésion est loin d’être la règle. La sensibilité générale est abolie; les malades ne répondent à aucune excitation; ils semblent ne pas s’apercevoir des opé- rations qu’on leur fait subir. Dès le début, la marche est gènée, pénible, titubante, surtout dans le train postérieur, puis il survient de la parésie; les chiens ne se relèvent qu'avec peine, tombent souvent quand on les force à marcher; enfin pendant la période d’hypothermie la paraplégie est presque absolue. A l'approche de la mort, l’aru- mal tombe dans le coma; ils'éteint doucement, sans agitation. Shoes ÉTUDE DE LA PIROPLASMOSE DES CHIENS. 261 Une seule fois (chien n° 29) nous avons observé de véritables convulsions télaniformes et l’animal est mort en opisthotonos avec contraction de tous les muscles. Dès l'apparition des premiers symptômes, même lorsqu'on ne voit aucun parasite, l'urine est albumineuse et le restera jusqu'à la mort : la quantité d’albumine augmente avec Île nombre des parasites. Souvent elle est rose, rouge foncé, ou noire comme du mare de café; cette coloration n’est pas due à la présence de sang en nature, car jamais on ne trouve de globules rouges dans l'urine; il y a hémoglobinurie et non hématurie ; Fhématospec- troscope de Hénocque v montre les 2 bandes qui caractérisent loxy-hémoglobine. La quantité d’hémoglobine peut atteindre jusqu’à 3 1/2 0/0 La crise hémoglobinurique commence d'ordinaire peu après l'apparition des parasites endoglobulaires ; dans les cas suraigus, chez les très jeunes chiens notamment, elle persiste jusqu’à la mort; on trouve à l’autopsie la vessie distendue par une urime noire comme du jus de pruneau. Quand la maladie dure un peu plus longtemps, l’hémoglobi- nurie disparait et l'urine redevient jaune foncé, parfois nette- ment ictérique. L'hémoglobinurie n’est pas constante : sur Les 6 cas observés par MM. Nocard et Almy, elle n’a été notée que 5 fois ; mais, . comme elle est parfois très fugace, il est possible qu'elle soit passée inaperçue. Sur les 63 chiens qui sont morts entre nos mains après ino- culation, 43 ont eu de l'hémoglobinurie plus ou moins intense et durable. Les réactions de Gmelin et de Craft montrent dans l'urine la présence du pigment biliaire, surtout dans les cas qui s’accom- pagnent d’ictère ou d’ hémoglobinurie ; la réaction de l'urine est acide ; une seule fois nous l’avons trouvée alcaline et deux fois neutre ; parfois, mais rarement, il existe de la polyurie. Le sang se modifie profondément ; il est pâle comme s'il avait été mélangé d’eau; la coagulation est plus tardive, le caillot est plus mou et moins foncé que d'ordinaire ; le sérum est de teinte rouge foncé; l’intensité de la coloration du sérum est variable ; mais elle augmente rapidement avec le temps; il semble que la 262 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. fragilité des globules, déjà notable chez le chien sain, augmente considérablement sous l'influence de la maladie. Dans les formes subaiguës, quand la crise hémoglobinurique à fait place à l'ictère, le sérum exsudé du eaillot a une teinte jaune très foncée avec, parfois, un reflet verdâtre. | Lorsqu'on a recueilli du sang dans une éprouvette au fond de laquelle on a déposé quelques gouttes d’une solution de citrate de potasse pour empêcher la coagulation, les globules s’accu- mulent au fond du récipient où ils forment une masse de couleur violet foncé, dont la hauteur mesure à peine le 1/5°, le 1/108 et parfois le 1/15° de la hauteur du plasma. La numération des globules permet d'apprécier la destruction globulaire considérable qui s’est produite. Chez le chien sain, le nombre des hématies varie entre 6,500,000 et 7,000,000 (procédé Malassez). Dès l'apparition des premiers symptômes, le chiffre des globules diminue lentement et régulièrement; puis, au moment de La crise hémoglobinurique, il tombe brusquement à 2 millions et au-dessous. Le taux de l’hémoglobine s’abaisse parallèlement de 12-13 0/0 à 6,4 et 3 1/2 0/0. Au contraire des hématies, les globules blancs augmentent de nombre: on en compte de 7 à 8,000 chez le chien sain; chez les chiens malädes, ce chiffre est doublé, triplé ou quadruplé: nous en avons compté jusqu’à 40 nulle (chien 59). L'augmentation porte presque exclusivement sur les poly- nucléaires; elle est plus accusée encore dans les formes lentes de la maladie. L’altération du sang ne consiste pas seulement dans la dimi- aution considérable du nombre des hématies; lorsqu'on examine une préparation de sang frais, ou colorée après fixation, on est frappé des dimensions différentes des globules rouges: il en est dont le diamètre est supérieur d’un tiers, de la moitié, ou des deux tiers à celui des globules normaux: ils paraissent aussi plus pâles et ils fixent la couleur d'une facon moins intense; on observe aussi sur les préparations colorées un nombre anormal de globules nueléés. Ces altérations globulaires sont encore plus accusées dans les formes lentes. La forme aiguë de la maladie se termine ordinairement par là mort qui survient du 3° au 10° jour après l'apparition des premiers symptômes ; nee EL ÉTUDE DE LA PIROPLASMOSE DES CHIENS. 263 20 Forme lente. — La forme lente se traduit surtout par l’anémie profonde, la faiblesse musculaire, parfois de la fièvre, rarement par un peu d’hémoglabinurie ou d'ictère. La fièvre, quand elle existe, ne se montre qu’au début de l'infection; elle est toujours peu accusée et dure 2 ou 3 jours à peine; elle fait le plus souvent défaut ; le plus souvent aussi, elle passe inaperçue, rien de grave dans l’état du sujet n'appelant l'attention du propriétaire; on ne la constate guère que dans la maladie expérimentale. Comme dans la forme aiguë, elle apparaît de bonne heure, plus tôt quand l’animal a été inoculé dans les veines que lorsqu'il a été inoculé sous la peau: la tem- us1l2 5314/5167 |8)9 10/11/19 13/1215 16/17 18/19 20/01/20 /23,24/25 26/27 |28 129 30 15 = on ipra fee Ern Se te 1 sa à 2£ — | | : | I ] | | —; 1 + i == + Dr EE tel == du { 29/30! 31| |2 3141516|7|81S11011112:3|14 15116/17|18)19 20/91/29/23124 D] Fig. 3. Forme chronique. Type rémittent. — Injsction intraveineuse. pérature dépasse rarement 40°, se maintient à ce chiffre 36 ou 48 heures, puis revient à la normale; une fois pourtant nous avons observé une véritable fièvre quarte sur l’un de nos inoculés (chien n° 17). Le plus souvent la fièvre est insigni- fiante ou fait complètement défaut. L'anémie est le symptôme le plus constant de cette forme. Elle s’accuse par la pàleur progressive des muqueuses, la non- chalance des animaux, qui restent volontiers couchés, indif- férents à ce qui les entoure, la diminution de l'appétit, l’amaigris- sement, la faiblesse générale, la sécheresse de la peau, l’état terne des poils. Elle dure longtemps, de 3 à 6 semaines; puis, peu à peu, l’appétit et la gaîté reparaissent, les muqueuses se colorent et l’animal reprend ses forces ; la guérison est complète en 6 semaines à 2 ou 3 mois. 264 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Si l’on examine l'urine dès le début de l'infection, on y trouve ordinairement un peu d’albumine, qui persiste 15 à 20 jours. | L’'hémoglobinurie est très rare: quand elle existe, elle ne dure guère que 1 ou 2 jours; le plus souvent, l’urine reste jaune et limpide; parfois cependant elle est sédimenteuse. Sa réaction est acide; une seule fois nous l’avons trouvée neutre : l'urine contenait en même temps beaucoup de sucre; mais il est probable que cet état de l'urine n’avait pas de rapport avec la maladie qui nous occupe. L'examen du sang donne lexplication de l’anémie progres- urs| 1121514156 7819110 1112 151415161718 19/2021/22 9324195 2827/28/99 30! JE Eat en : en ES Doi | } —— (ui - Î _. (UE Er : À En! er 40 —— 1 nt | ee Î ag À 7 ra | us î Î ri A { | | j 1 Es QT) - L 58 ETES a E 1 ne sn . | arr EE [ + 4 astel za sols 30/31 ME 1314|51617/819 11011 12118114 15116/17118/19120121122/93/24125/26 | | À Fig. 4. Forme chronique. Injection intraveineuse. sive des malades : le nombre des globules rouges s’abaisse peu à peu jusqu’au-dessous de 2,000,000 ; dans un cas (n° 61) iln’en existait plus que 1,200,000 par millimètre cube. L’hypoglobulie s’accuse surtout après la chute de la fièvre, et elle augmente encore après que les parasites semblent avoir disparu ou sont devenus très rares; après 25 à 30 jours, le nombre des globules augmente peu à peu, mais ce n’est guère avant 2 ou 3 mois qu'il est revenu au chiffre normal. La perte en hémoglobine est beaucoup moins accusée que dans la forme grave, où elle peut tomber à 3 1/2 0/0; dans un cas où le nombre des globules n’était que de 2,760,000, il exis- tait encore 9 1/2 0/0 d'hémoglobine. Sur les préparations colorées, on observe, mieux encore que dans la forme grave, de grandes différences dans les ÉTUDE DE LA PIROPLASMOSE DES CHIENS. 265 dimensions et la coloration des hématies; certaines ont 2 et 3 fois le diamètre normal, et se colorent d’une façon moins intense; on observe aussi, surtout au début de l’hypoglobulie, beaucoup d’hématies nucléées. Le nombre des globules blancs est toujours très élevé, de 15 à 30,000; dans un cas (n° 61) nous en avons compté jusqu’à 54,000. L'hyperleuvocytose porte également sur les mono- et les polynucléaires. l'est fréquent d'observer, dans les quelques jours qui suivent la période fébrile (quand elle existe), des leucocytes bourrés de globules rouges parasités; cette phagocy- tose, très rare dans la forme grave de la maladie, est exclu- sivement mononucléaire. A mesure que la guérison s'affirme, le nombre des globules rouges augmente, celui des globules blancs diminue, on ne trouve plus que de rares globules rouges nucléés; en revanche, on observe de nombreux amas d’hématoblastes, LE PARASITE Quelle que soit la forme de la maladie, l’examen du sang per- met d'y constater la présence d’un hématozoaire endoglobulaire, très proche parent de celui qui cause la fièvre du Texas. Très abondant dans les formes rapides de la maladie, il est parfois, dans les formes lentes, très difficile à mettre en évidence ; on y parvient cependant en examinant systématiquement le sang de la circulation capillaire, plusieurs jours de suite, s'il est besoin. i La recherche du parasite, en vue du diagnostic, est des plus simples ; on dépose sur une lame bien propre une très petite souttelette de sang obtenue par piqûre de la peau de l'oreille ; on l’étale en couche aussi mince que possible à l’aide d’une autre lame dont on fait glisser le bord rodé sur le plat de la première ; on sèche rapidement à l’air ; on fixe par l’alcool-éther ou par l'alcool absolu; puis, quand le fixateur est complètement et spontanément évaporé, on dépose à la surface de la lame quel- ques gouttes ae la thionine phéniquée de Nicolle. Si la thionine est bonne, un contact de 30 secondes est suffisant; on lave, on sèche, et on examine à un grossissement de 500 à 600 diamètres. Les hématies sont colorées en vert pâle; les parasites se mon- 18 266 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. trent sous forme de petits corps accusés par un contour très net fortement coloré en bleu, avec une partie centrale incolore ou d’un bleu très pâle. (PL V, fig. 1.) La plupart des globules infectés ne contiennent qu’un parasite, volumineux et de forme ronde; mais on trouve aussi, surtout dans la forme rapide, des globules qui renferment 2, 4, 6, 8, 12 et jusqu’à 16 parasites; ils sont alors plus petits, irré- guliers dans leur contour, polyédriques, ou parfois, mais rarement, pyriformes. Le nombre des globules parasités est très variable suivant la forme de la maladie et, dans chaque forme, suivant la période de l’évolution. Dans les formes aiguës, pendant la fièvre ou aus- sitôt après, qu'il y ait ou non crise hémoglobinurique, les parasites sont en quantité considérable. Dans les formes lentes, ils sont si rares qu'ils peuvent échapper aux recherches de l'observateur le plus habile. Dans ces cas difficiles, l'examen de la préparation doit por- ter sur le point où se termine la couche de sang étalé. C’est là que l’on a le plus de chances de voir des parasites si le sang en renferme. C’est donc une bonne précaution de ne déposer sur la lame qu'une très petite gouttelette de sang, de façon que la couche très mince qu’elle va former après étalage ne s’étende pas jusqu’à l'extrémité de la lame. Si l’on veut étudier la structure et l’évolution du parasite, il faut recourir à des procédés de coloration plus complexes et y joindre l’examen du sang à l’état frais. Les procédés de coloration de Romanowski, Vasielewski et surtout celui de Laveran donnent de bons résultats; mais ils sont d’un maniement délicat et, souvent, ils laissent à la surface de la préparation des précipités de matière colorante qui nuisent à la netteté des figures et peuvent prêter à la confusion. Après beaucoup de tätonnements, nous avons réussi à obtenir d'excellents résultats du procédé ci-après qui n’est d’ailleurs qu'une modification de celui de M. Laveran. Les lames, préparées comme il est dit ci-dessus, sont fixées par immer- sion dans l'alcool absolu pendant 1 heure au moins; après évaporation complète et spontanée de l'alcool, on les dépose, la face enduite en dessous à la surface d’une mince couche de matière colorante obtenue ainsi qu'il suit : ÉTUDE DE LA PIROPLASMOSE DES CHIENS. 267 Eosine d'Hœchst (marque extra B. A.) solution à 0,5 pour mille: 10e, e. Thionine phéniquée de Nicolle, 1 c. c. Bleu Borrel à l’oxyde d'argent, 1 sol. sat, 2 gouttes. Ces 3 solutions doivent être filtrées avant d’être mélangées, mais il ne faut pas filtrer le mélange. Les préparations déposées à la surface du liquide colorant (sans que la face de la lame soit au contact du fond du récipient) y séjournent pendant 4 heures au moins; il n'y a pas d’inconvénients à les y laisser pendant 12-24 heures. Après ce temps, on les lave copieusement sous un courant d’eau; puis on les traite, pendant 30 secondes à { minute, par le tannin orange de Grübler qu'on y laisse tomber goutte à goutte. On lave de nouveau, on sèche et on monte dans le baume. L'action du tannin orange est précieuse, non pas seu- lement parce qu'il différencie nettement l’hématie du parasite qu’ellerenferme, mais surtout parce qu’il semble détacher et faciliter l’entrainement des précipités de matière colorante qui avaient pu se déposer sur la préparation. Les préparations ainsi colorées facilitent beaucoup létude du parasite. Tandis que son protoplasma est coloré en bleu pâle, son noyau a pris une teinte rouge carmin très intense : le tout tranche de la facon la plus nette sur la coloration orange des globules rouges. Le même procédé de coloration donne d'excellents résultats pour l'étude des tissus; [es coupes (obtenues après fixation au sublimé acide, durcisse- ment dans ia série des alcools, et enrobage dans la paraffine) sont fixées sur lame, traitées pendant 15 à 20 minutes par le mélange colorant ci-des- sus, lavées sous un courant d’eau, soumises pendant 10 à 15 secondes à l’action du tannin orange, lavées de nouveau, déshydratées par alcool absolu, éclaircies par le toluène ou le xylol et montées au baume. Les pré- parations ainsi obtenues sont d’une admirable netteté. Le procédé est également applicable à l'étude des trypanosomes (du rat, de la dourine ou du nagana):; il donne les mêmes résultats excellents. L'examen du sang à l’état frais permet de se rendre compte des changements de forme du parasite sous l’influence des mouve- ments âmæboïdes qu'il exécute à l’intérieur des globules. Cet examen ne donne de résultats vraiment utiles qu’à la période fébrile, ou aussitôt après la chute de la température. C’est seu- lement à ce moment que de nombreux parasites sont doués de mouvements et qu'ils se multiplient activement. Pour être fructueux, cet examen doit être fait à la chambre chaude et porter sur un mélange 44 de sang et d’humeur aqueuse ou de liquide physiologique, déposé en goutte suspendue à la face inférieure d’une lamelle reposant sur une lame creuse. L'emploi d’un objectif à sec (n° 9 de Verick) sans éclairage Abbé est préférable; on peut cependant utiliser aussi les objec- 268 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. tüifs à immersion homogène avec éclairage Abbé, à la condition de diaphragmer fortement. Les globules infectés sont plus grands, plus päles que les autres; l’hématozoaire apparaît comme une petite masse irré- gulièrement arrondie, dont le contour est très foncé et le centre fortement réfringent. Dans la chambre chaude, on voit aisément le parasite chan- ger de forme; son contour devient irrégulier; des’ prolonge- ments se forment qui se dirigent en s’effilant vers la périphérie du globule, puis se contractent pour se réunir de nouveau à la masse centrale du parasite; assez souvent, on observe ainsi 2 ou 3 pseudopodes procédant manifestement du parasite; ces mouvements son£ parfois assez rapides pour faire pirouetter sur lui-même le globule infecté. En d’autres cas, où le parasite semble contracté en une masse globuleuse, immobile au centre de l’hématie, on voit de très petits corpuscules très réfringents et doués de mouvements très vifs, qui semblent tourbillonner autour de lui. Nous ignorons la nature et la signification de ces granulations. Très vite après la période fébrile, les hématozoaires sem- blent perdre leurs propriétés amæboïdes ; ils restent immobiles au centre du globule infecté sous forme d’une masse arrondie. Il existe parfois dans le plasma des parasites en liberté, soit parce qu'ils ont réussi à sortir du globule, soit plutôt parce que le globule qui les renfermait a été détruit, L'examen à l’état frais permet difficilement de les distinguer des granulations protéiques, débris cellulaires ou autres qui sont en suspension dans le plasma. On y réussit pourtanl en diluant le sang à exa- miner dans du liquide physiologique légèrement teinté de bleu de méthylène; les parasites prennent une légère coloration bleue qui permet de les différencier du protoplasma globulaire ou de ses débris demeurés incolores. Ce procédé facilite aussi l’étude du parasite intra-globulaire, qui se colore légèrement sans cesser de se mouvoir. Ces résul- tats de l’examen à l’état frais donnent l'explication de la grande diversité de formes qu'affecte le parasite sur les préparations colorées. Au début de la maladie, on n’observe en général qu'un seul parasite dans chaque globule infecté; il est volumineux et ÉTUDE DE LA PIROPLASMOSE DES CHIENS. 269 arrondi; un peu plus tard les globules parasités sont plus nom- breux et beaucoup contiennent plusieurs parasites. C'est alors que l’on peut observer des hématozoaires pyri- formes, soudés ou non par leur extrémité effilée ; mais la forme en poire est toujours très rare. Vers la fin de la période fébrile, ou tout aussitôt après, apparaissent les formes amæboïdes les plus variées; les héma- tozoaires sont polyédriques, ou allongés, ou comme ramifiés : leur contour est hérissé d’aspérités, de pseudopodes parfois très fins et simulant des flagelles ondulés ou contournés (fig. 5). Dans les formes lentes, après la période fébrile, les parasites, irrégulièrement arrondis, semblent plus petits ; il est rare qu’on en trouve plusieurs dans le même globule. Les préparations faites, aussitôt après la mort, avec le sang des capillaires des parenchymes, montrent un nombre plus con- sidérable de globules infectés : les parasites y sont aussi plus petits que dans le sang de la circulation générale et presque tous ronds. Le volume de l’hématozoaire ne varie pas seulement suivant la période de la maladie, mais aussi suivant l’âge du malade ; il est plus gros chez les très jeunes chiens, au point d'occuper parfois plus de la moitié de la surface globulaire; chez les adultes, il est beaucoup plus petit et, vers la fin de la maladie, on le croirait réduit à son noyau autour duquel le protoplasma condensé ne forme plus qu’une sorte de mince couronne. Les parasites libres paraissent plus volumineux que ceux qui sont intraglobulaires. Le parasite est constitué par une masse protoplasmique pourvue d’un noyau (caryosôme ou centrosôme). La matière protoplasmique paraît condensée à la périphérie qui fixe fortement les matières colorantes et simule une mem- brane d’enveloppe; la partie centrale hyaline ne renferme aucune granulation colorable par les méthodes usitées. Le noyau préside aux phénomènes de multiplication du parasite; notre méthode de coloration le colore fortement en rouge cermin, tandis qu’elle colore en bleu le protoplasma. La forme et la situation du noyau varient beaucoup : pen- dant la période fébrile, les parasites, de forme ronde, ont leur 270 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. noyau allongé et excentrique; il longe le bord de l’hématozoaire sur une étendue égale au 1/5° environ de son contour. Dans le sang des parenchymes, toujours plus riche en héma- iozaires que celui de la circulation générale, le parasite est plus petit et affecte surtout la forme ronde; le noyau en occupe le centre; à son voisinage immédiat le protoplasma semble raréfié, I s'y colore moins qu'à la périphérie. Cet aspect particulier s’observe, identique, dans le sang de la circulation générale pré- levé après la mort ou dans le sang recueilli avant la mort, mais conservé depuis quelques jours à la cave. La multiplication de l’hématozoaire se fait par division directe (bipartition). C’est pendant la période fébrile qu'elie est la plus active. Le sang de la circulation générale n’est pas favo- rable pour l’étude de ces phénomènes; la division s’y fait trop vite, d’une façon irrégulière, désordonnée si l’on peut dire, (fig. 6). Au contraire, dans le sang des capillaires des organes (foie, reins, moelle osseuse), la division se fait lentement, régu- lièrement, et l’on peut y suivre toutes ses phases (fig. 7). À l’état normal ou « de repos », l’hématozoaire est rond et le noyau, également arrondi, en occupe le centre (1). Quand le parasite est sur le point de se diviser, le noyau s’allonge en même temps qu'il s'éloigne du centre et gagne la périphérie de la masse protoplasmique (2); puis, à mesure que le noyau s’allonge, il s’étrangle en son milieu et bientôt la division s’achève (3). Les 2 noyaux ainsi formés s’éloignent ensuite l’un de l’autre en longeant le contour du parasite, jusqu’à ce qu'ils en occupent les pôles opposés (4,5,6); en même tempsle protoplasma se con- dense le long d’une ligne équatoriale, en sorte que chaque noyau semble occuper le centre d’une zone incolore où le protoplasma se raréfie de plus en plus (7). Bientôt une échancrure apparaît aux deux extrémités de la zone condensée (8) et, peu à peu, comme sous un effort de traction en sens inverse opérée. par. les 2 noyaux, les échancrures augmentent de profondeur au point de n'être plus séparées que par une mince bande de matière protoplasmique, qui maintient encore unis les 2 nou- veaux parasites, allongés en forme de poires (9,10,11); à ce moment les noyaux, jusque-là situés à la périphérie de l'organe, se rapprochent du centre en s’arrondissant peu à peu. Une fois ÉTUDE DE LA PIROPLASMOSE DES CHIENS. 274 la séparation achevée, le protoplasma reprend la forme globu- leuse qui semble bien être l’état normal du parasite. Les parasites nouveaux se multiplient ensuite, suivant le même processus, dans le même globule qui peut contenir #, puis 8 et jusqu à 16 hématozoaires. Le globule ainsi distendu augmente de volume, puis il éclate en quelque sorte, laissant en liberté dans le plasma les parasites néoformés, lesquels, grâce à leurs mouvements amœæboïdes, vont infecter de nouveaux globules, à moins qu'ils ne soient englobés et détruits par quelque phagocyte. Il paraît arriver que l’un des hématozoaires ainsi formés à l'intérieur de l’hématie ne se multiplie pas à son tour ou ne se divise que tardivement. C’est ce qui explique qu’on peut trouver des globules renfermant 3, 6 ou 12 parasites. Mais dans l’im- mense iuajorité des cas, quand un globule renferme plusieurs parasites, ils sont en nombre pair. On rencontre parfois des hématozaires qui montrent sur leur contour de petites saillies arrondies, colorées comme le noyau en rouge carmin, comme si le parasite pouvait aussi se multi- plier par bourgeonnement. Mais le fait est très rare et nous ne l’avons jamais constaté sur des préparations fraîches. Les parasites sont toujours beaucoup plus nombreux dans le sang des capillaires des parenchymes que dans le sang du cœur ; c’est le rein qui renferme le plus de globules infectés, et c’est aussi dans le rein que le nombre des parasites contenus dans chaque globule est le plus considérable. Il est fréquent d'y voir des hématies renfermant 12, 14, 16 et 18 parasites (lig. 3). Viennent ensuite, par ordre de fréquence, la rate, le foie (fig. 2) la moelle osseuse, le poumon, le cœur, les ganglions, la muqueuse intestinale et les centres nerveux (fig. 9). AN ANATOMIE PATHOLOGIQUE Les lésions sont d'autant plus accusées que la maladie a duré plus longtemps. Souvent le cadavre est ictérique ; la teinte jaune, plus ou moins intense, peut aller jusqu'au jaune de chrome. La rate est souvent hypertrophiée ; elle a parfois 3 ou 4 fois 272 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. le volume normal et elle s’étend alors le long de l’'hypochondre jusque sur le sternum, Sa couleur. plus foncée, rougit au contact de l'air; sa consistance diminue, sans aller jusqu’au ramollissement; dans les formes rapides, ces modifications font défaut; en revanche les préparations obtenues par frottis sont très riches en hématozoaires. Le foie, ordinairement gorgé de sang, est peu modifié en apparence; il a parfois l'aspect du foie cardiaque ; le sang qui s'écoule d’une section est toujours très chargé en globules para- sités. La vésicule biliaire, d'ordinaire distendue, renferme une bile épaisse, sirupeuse ou grumeleuse, de couleur vert foncé. La muqueuse digestive est rarement infiltrée et congestionnée au niveau du duodénum. Les reins sont le plus souvent congestionnés à l'extrême ; la capsule se détache aisément, laissant voir un grand nombre de taches pétéchiales de dimensions variables ; sur la coupe, la couche corticale paraît gorgée de sang et couverte d’un fin piqueté hémorragique. Le sang qui s’en écoule est extrémement riche en parasites. | Les poumons sont souvent parsemés de petits foyers apoplec- tiques ; chez les tout Jeunes animaux qui meurent si rapidement, c’est presque la règle d'observer de l’œdème aigu du poumon, avec des spumosités abondantes et légèrement rougeâtres, dans les bronches et la trachée. Le péricarde renferme un peu de sérosité sanguinolente ou citrine ; il n’est pas rare de voir de nombreuses taches pété- chiales, vers la pointe du cœur ou sous l’endocarde du cœur gauche. Les ganglions lymphatiques sont rarement altérés. La moelle osseuse est presque toujours le siège d’une conges- tion intense qui lui donne l’aspect fœtal; elle est molle, friable et renferme un grand nombre de globules parasités. Les centres nerveux ne présentent rien d’appréciable, sauf un peu de congestion des méninges. On retrouve à l’autopsie toutes les modifications du sang sur lesquelles nous avons déjà insisté ; le cœur et les gros vais- seaux renferment des caillots peu consistants, formés presque entièrement de fibrine, baignant dans un sérum rougeûtre forte- ment chargé d'hémoglobine. ÉTUDE DE LA PIROPLASMOSE DES CHIENS. 213 L'étude histologique des organes montre que toutes ces lésions procèdent de l'extrême distension du réseau capillaire par des amas de globules dont la plupart sont gorgés de para- sites. PRODUITS VIRULENTS. — MODES D INOCULATION. — INCUBATION. — RÉSISTANCE DU VIRUS. Le parasite existe dans le sang; tous les tissus vasculaires . peuvent donc donner la maladie. C'est surtout le sang que nous avons utilisé dans nos recherches; l'inoculation sous- cutanée, intra-musculaire ou intra-veineuse donne la maladie sous l’une ou l’autre forme, pourvu que le sang inoculé renferme des parasites : l'injection dans les veines est le procédé le plus rapide et le plus sûr. Plus le sang inoculé est riche en parasites, plus jeune est le chien inoculé, plus grave aussi sera la maladie provoquée et plus rapide son évolution. Chez les tout jeunes chiens, il suffit d’une goutte de sang riche pour donner une maladie mortelle; il faut en injecter un cent. cube aux chiens adultes pour les rendre malades. Dans la forme lente de la maladie, le sang est beaucoup moins virulent que dans la forme aiguë, abstraction faite de la quan- tité de parasites qu’il renferme ; inoculé même à haute dose, il ne donne ordinairement qu’une maladie bénigne. Dans l’une de nos séries d'expériences, le virus initial provenait d’un chien en voie de guérison, dont le sang contenait encore des para- sites ; tous les chiens de cette série ont eu la forme bénigne de la maladie, aucun n’est mort. Quels que soient la quantité de sang inoculée, sa richesse en parasites et le mode d’inoculation, il se passe toujours un certain temps avant l’apparitior des premiers symptômes; si l’on examine systématiquement le sang de la circulation géné- rale, on n’y voit guère de globules parasités avant la 36° heure ; en règle générale, ce n’est qu'après 2 jours pleins que les parasites apparaissent, même au cas d'injection intraveineuse. Si l’inoculation a été pratiquée dans les muscles ou sous la peau, l’incubation est de 5 à 6 jours. Dans les cas aigus, la mort survient en moyenne 3 jours après l'apparition des parasites; 274 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. les très jeunes chiens meurent encore plus vite, 56 à 40 heures après. Si donc l'inoculation a été faite dans les veines, l'animal meurt, en général, le 4° ou le 5° jour; s’il a été inoculé sous la peau, il peut survivre 9, 10 ou 11 jours. Quand la maladie pro- voquée revêt la forme lente, sa durée est très variable ; l’animal peut rester malade 30, 40 et jusqu'à 60 jours. Le sang recueilli purement, conservé à la cave et à l’abri de la lumière, est encore virulent après 25 jours en hiver; en été, nous l’avons trouvé inactif après 14 jours. Le sang perd sa virulence quand il est chauffé à 50° pendant 1/2 heure, à 45° pendant 1 heure, à 44° pendant 1 h. 1/4; il est encore virulent après 1 h. 1/2 de chauffage à 45°. ÉTIOLOGIE Rien n’est plus solidement établi que le rôle de la tique dans le développement de la piroplasmose bovine. Les belles recher- ches expérimentales de Smith et Kilborne, confirmés par celles de Pound, de Koch et de Lignières ont démontré que, pour provoquer la fièvre du Texas, la Tickfever, la Red-Water ou la Tristeza, il suffit de déposer à la surface du corps de bovidés adultes, provenant de pays non infectés, des larves nées de tiques (Ripicephalus annulatus) ayant vécu sur des bovidés malades. Depuis, partout où l’on a observé la même maladie (et son aire géographique est immense), on à pu établir une étroite relation de cause à effet entre l'apparition de Phémoglominurie et la présence de tiques sur la peau des malades. La grande analogie qui existe entre les symptômes de la piroplasmose, qu’il s'agisse du chien ou du bœuf, et surtout la presque identité de l’hématozoaire dans les deux espèces, devait faire penser à une étiologie de même nature. | Dans toutes les observations recueillies à Alfort, les chiens malades avaient été récemment couverts de tiques; quelques-uns en portaient encore. Toutes celles que nous avons eues entre les mains appartenaient à l'espèce Dermacentor reticulatus. Il est bien probable que cette espèce est l’agent ordinaire de la transmission de la maladie, au moins en France ‘. Nous ne 4. La piroplasmose du chien de l'Afrique du Sud (jaunisse maligne) semble due à un ixode difiérent, que le Prof. Neumann de Toulouse à reconnu être l'Hcemaphysalis læchi Audouin. | i | | soit Te ddl Eee. oi bat ne te mn > ect ÉTUDE DE LA PIROPLASMOSE DES CHIENS. 275 pouvons pourtant pas l’affirmer, car nous n'avons pas réussi à infecter des chiens en les couvrant de larves obtenues de tiques femelles recueillies sur nos malades *. Dans presque tous les cas connus, il s’agissait de chiens de chasse qui avaient récemment chassé sur des terrains boisés ou broussailleux ou qui avaient séjourné dans des chenils infestés de tiques. Contrairement à ce qu'on observe pour la piroplasmose bovine, les tout jeunes chiens (de 2 à 12 semaines) sont beaucoup plus facilement infectés que les adultes et, chez eux, la maladie revêt une forme suraiguë, toujours mortelle. Spécificité du parasite. — Morphologiquement, l’hématozoaire du chien est identique à celui du bœuf. Pourtant il ne peut se développer que dans l'organisme du chien. Il nous a été impos- sible de donner la maladie, ou même de constater l’existence du parasite dans les globules d’un animal d’une autre espèce, quel- que fussent le procédé d’inoculation employé (sous-cutanée, intra-musculaire, intra-veineuse), la quantité du sang inoculé, et sa richesse en parasites ; bœuf, cheval, mouton, chèvre, chat, lapin, cobaye, rat blanc, souris blanche, poule et pigeon se sont montrés complètement réfractaires. ESSAIS DE CULTURE DU PARASITE Toutes nos tentatives de culture artificielle de l'hématozoaire du chien sont restées infructueuses. Le sang de chien défibriné, le sérum très chargé d’hémo- globine, le sang rendu incoagulable par l'injection d'extrait de sangsue dans les vaisseaux d’un chien neuf n’ont pas donné de meilleurs résultats que les milieux habituels. 4. Le très intéressant mémoire de -Lounsbury donne l’explicalion de nos échecs réitérés : tandis que les larves du Æipicephalus annulatus peuvent accomplir toute leur évolution sur le même bovidé, celles de lÆœæmaphysalis bachi abandonnent le ehien qui les hébergeait provisoirement, à la veille de chaque mue; la mue achevée sur le sol ou sur la litière, la nymphe et la tique adulte doivent retrouver un nouvel hôte, pour se préparer soit à la mue pro- chaine, soit à la ponte; de plus, il semble que ni les larves ni les nymphes n'aient le pouvoir de donner la maladie; seules les tiques adultes seraient réellement pathogènes. ‘ Il est probable que le Dermacentor reticulatus se comporte tout comme l'Hæmaphysalis ; car après avoir vu grossir peu à peu les larves déposées sur la peau de nos chiens d’expérience, nous les voyions disparaitre tout à coup avant d'être passées à l’état de nymphe, et elles se perdaient dans la litière. 276 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Si l’on met à l’étuve à 37° du sang défibriné très riche en para- sites, on observe parfois une phagocytose intense des globules infectés (fig.8); on voit aussi les parasites subir de profondes transformations ; on ne les voit jamais se multiplier. Quelle que soit leur forme initiale, rapidement ils deviennent globuleux, arrondis ; leur noyau devient central; puis, par une sorte de condensation ou de contraction du protoplasme, ils diminuent de volume au point de paraître bientôt réduits au noyau. Les mêmes transformations s’opèrent aussi dans le sang conservé à la température de la chambre ; mais elles se font beaucoup plus lentement, en sorte qu'il est possible d’en suivre exactement toutes les phases. Déjà, après 5 à 6 jours, les para- sites ont considérablement diminué de volume et semblent réduits au noyau entouré d’une mince couche de protoplasma à peine coloré en bleu très pâle, tandis que le noyau est coloré d'une facon intense en rouge carmin (fig. «). Après quelques semaines, les hématies sont très altérées ; elles semblent avoir perdu la plus grande partie de leur hémo- globine, elles prennent très mal les matières colorantes et l’on distingue à peine leur contour; souvent même il semble qu'elles se soient soudées les unes aux autres pour constituer une nappe homogène, uniformémentteintée en orange très pâle, au milieu de laquelle les parasites, colorés en rouge intense et réduits à leur noyau, auréolé d’unetrès mince couche de pro- toplasma à peine visible, sont disséminés en grand nombre et peuvent donner l'illusion d’une culture (fig. 4, b). Nous avons fait sucer par des sangsues le sang de chiens malades, sang très riche en parasites ; les sangsues maintenues à l’étuve à 22° dans de l’eau renouvelée chaque jour nous ont permis d'examiner jour par jour les modifications qui survien- nent dans le sang ainsi recueilli; on n’y observe rien de plus que ce que nous avons décrit plus haut: déjà, après 15 heures, les parasites, toujours volumineux, ont pris la forme globuleuse ; mais ils semblent avoir perdu tout mouvement amcæboïde ; les globules rouges sont pâles et tendent à s’agglu- tiner; les jours suivants on voit les parasites diminuer peu à peu de volume ; au bout d’une semaine, ils semblent réduits à leur noyau et sont disséminés dans une sorte de stroma informe résul- tant de l’agglutination et de la fusion des globules rouges: leur Sie Li dé ÉTUDE DE LA PIROPLASMOSE DES CHIENS. 271 nombre n’a pas augmenté ; ces altérations persistent identiques jusqu'à la mort de la sangsue qui survient du 15° au 20° jour. Il semble donc bien que l’hématozoaire ne peut se multiplier que dans un milieu vivant et approprié. IMMUNITÉ CONSÉCUTIVE À LA GUÉRISON. Tout chien guéri de la maladie naturelle ou expérimentale est désormais réfractaire ; il supporte impunément l'injection de sang virulent à des doses bien supérieures à celles qui sont toujours mortelles pour les témoins. ExempLes : Chien n° 1, guéri de la maladie expérimentale, Après 2 mois 1/2, alors que les globules rouges étaient revenus au chiffre de 5,740,000, on lui injecte sous la peau 20 c. c. d’un sang dont 3 c. c. tuent en 7 jours le chien témoin. L'examen du sang pratiqué chaque jour, pendant 25 jours, n’a jamais montré d’hématozoaire; la courbe thermique n’a pas subi d’élévation. Chien n°9 5; réinoculé 3 mois après guérison, par injection intraveineuse de 12 c. c. de sang virulent. Le sang examiné chaque jour n’a montré de très rares parasites qu'une seule fois, le 15e jour ; l'animal n’a jamais paru malade; sa température est restée normale. Chien no 8 (de petite taille); réimoculé, 6 mois après guérison, par injection sous-cutanée de à c. c. de sang très riche en parasites; sa tem- pérature s’est élevée le 8e jour à 390; mais il n'a jamais présenté d'hémato- zoaires. Le même chien a reçu depuis, en plusieurs fois, 72 c.c. de sang virulent, sans avoir jamais eu de parasites. Chien n°9 12; reçoit 2 mois {/2 après guérison 10 c. c. de sang virulent dans la veine, et 5 c. c. sous la peau; sa température est restée normale; on a vu de très rares parasites dans son sang les 2e, 5e et 5e jours après l’ino- culation ; puis, plus rien. Chien no 80, guéri d'une atteinte très grave de la maladie; reçoit, 2 mois après, 15 e. c. de sang très riche en parasites, dans la jugulaire, et 5 c. c. sous la peau; n’a jamais présenté ni fièvre ni parasites. Dans tous ces cas, les chiens témoins inoculés en même temps et de la même facon, avec des doses bien inférieures du même virus, ont succombé en 7-9'jours, ou en 3-5 jours, suivant lemode d’inoculation. On voit que l’immunité conférée par une première atteinte suivie de guérison est à la fois solide et durable. Le chien n° 8 était encore réfractaire 6 mois après la guérison. Quel est le mécanisme de l'immunité ? Nous avons déjà dit que, dans le sang.des malades, surtout de ceux qui sont en voie de guérison, 1l se produit une active phagocytose. Il est fréquent d'observer de gros mononucléaires 278 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. avant englobé 2, 3, 4 et jusqu'à 6 globules rouges tous infectés ; de ces globules, les uns ont déjà perdu toute leur hémoglobine, d’autres se colorent presque aussi bien que les globules nor- maux; entre ces deux extrèmes, on peut voir tous les stades intermédiaires ; les premiers ont leurs parasites arrondis, très petits, à peine colorés, avec un contour mal dessiné ; dans les autres, les parasites, également petits et ronds, sont fortement teintés, et leur contour est nettement accusé. Cette phagocytose s’opère également dans la profondeur des organés ; on l’observe très active sur les coupes de la rate, même chez des chiens qui ont succombé à la forme aiguë de la mala- die. Dans chaque champ on peut voir des mononucléaires bour- ‘rés de globules parasités en voie de digestion ; parfois les glo- bules phagocytés sont si nombreux que les phagocytes donnent l'illusion d’un capillaire sectionné en travers. (La figure 8 mon- tre plusieurs types de phagocytes de la rate diversement colorés.) Ce sont toujours les mononucléaires qui englobent les héma- ties infectées ; nous n'avons jamais vu un seul globule phagocyté par un polynucléaire; il est pourtant probable que les polynu- cléaires contribuent aussi à la défense en englobant les parasites libres dans le plasma; mais nous n'avons pas constaté le fait d’une façon certaine, ACTION BACTÉRICIDE DU SÉRUM DES ANIMAUX IMMUNISÉS Lorsqu'on mélange in vitro 1 volume de sang virulent avec 3, 4 ou 5 volumes de sérum d’un chien guéri de la maladie, le mélange peutêtre inoculé impunément à des chiens neufs, même par la voie veineuse. Ces chiens restent bien portants, et, à au- cun moment, leur sang ne renferme de parasites. Ces chiens sont-ils ainsi rendus réfractaires à la maladie ? Non. Réinoculés 12-15 jours après, avec une petite dose de sang virulent, ils deviennent malades et succombent aussi rapide- ment que les témoins. On pourrait croire à une action préventive de très courte durée. Il n’en est rien. Si l’on inocule le sérum en un point et le sang en un autre point, le chien inoculé prend la maladie, tout comme le témoin, même quand le sérum cst injecté 12 ou 24 heures avant le sang virulent. Il s’agit donc, en réalité, d’une action microbicide du sérum. | 4 1 ; 4 : ÉTUDE DE LA PIROPLASMOSE DES CHIENS. 279 Cette action ne s'exerce pas quand le sérum a été chauffé à 56°-517° pendant 1/2 heure, tandis que, nous le verrons plus loin, on peut obtenir des sérums préventifs qui gardent leur action préventive après chauffage à 56°-57° pendant 1 heure. L'action microbicidé du sérum s’observe beaucoup plus accusée chez les chiens fortement immunisés par injections répétées du sang virulent,. Exrérrences. — Chien n° 26, âgé de 3 mois: inoculé sous la peau avec un mélange de 50 gouttes de sérum du chien n° 20 (guéri depuis un mois) et 20 gouttes de sang virulent, après 1 h. 1/2 àe contact. L'examen du sang pratiqué chaque jour, pendant {11 jours, n'a jamais montré de parasites. A l'épreuve (2 c. c. de sang virulent sous la peau) le chien prend la maladie et meurt, comme le témoin, le 5e jour. Chien n° 68, âgé de 15 jours; reçoit sous la peau un mélange de 50 gouttes de sérum du chien 39 (guéri depuis 6 semaiues) et de 10 gouttes de sang virulent, après À h. 1/2 de contact. Le sang examiné pendant 11 jours n’a jamais montré de parasites. Le témoin chien n° 70, inoculé par 10 gouttes du même sang pur, a pris la maladie à laquelle il a succombé le 6e jour. Chien no TT, adulte; reçoit sous la peau un mélange de 50 gouttes de sérum du chien: n° 50, et de 20 gouttes de sang virulent, après { heure de contact; son sang examiné pendant 11 jours ne renferme pas de parasites, Le témoin no 83, inoculé sous la peau par 10 gouttes du même sang pur, meurt le 6e jour. — Réinoculé avec 1/2 c. c. de sang virulent, le chien 77 prend la maladie et meurt le 7e jour. Chien n° 90, 15 jours; reçoit sous la peau un mélange de 20 gouttes de virus et de 20 gouttes de sérum du chien n° 8 hyperimmunisé, après 1 h. 1/2 de contact; pendant 11 jours, le sang ne montre pas de parasites. Le témoin, n° 91, inoculé le même jour et de la même façon, par un mélange de 1 c. c. de virus et de 1 c. c. de sérum de mouton préparé, meurt après 6 jours, Chien n° 124, 15 jours; reçoit sous la peau un mélange de 10 gouttes de sang virulent et de 25 gouttes de sérum renforcé de chien n° 8. Son sang n’a jamais présenté de parasites. Le témoin n0 193, inoculé par 10 gouttes du même sang, est mort le 5e jour, L'action bactéricide du sérum est bien due à l’état réfractaire du chien qui l’a fourni, car le sérum de chien sain n’est pas bactéricide. EXPÉRIENCE. — Chien [no 101, 15 jours; reçoit sous la peau un mélange de 50 gouttes de sérum de chien normal et de 10 gouttes de sang virulent, après { h. 1/2 de contact; ce chien a des hématozoaires dès le 4e jour: il meurt le 5e jour après l’inoculation. L'action bactéricide du sérum n'appartient pas seulement 280 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. aux chiens guéris de la maladie; on peut aussi l’observer chez les animaux spéciliquement réfractaires auxquels on a fait des injections répétées de sang virulent. Un mouton south-dowan reçoit en 12 injections sous-cutanées ou intraveineuses, du 24 avril au 9 novembre 19014, 290 c. c. de sang de chien très riche en parasites. À part de faibles oscillations de la température survenant le soir ou le lendemain des injec- tions, ce mouton n’a jamais présenté le moindre malaise; jamais on n’a pu voir d'hématozoaire dans son sang. Le nombre de ses globules rouges n’a pas sensiblement varié ‘. Le sérum de ce mouton s’est montré nettement bactéricide, quoique à un degré notablement moindre que le sérum des chiens guéris et surtout des chiens dont l'immunité avait été renforcé par des PSE répétées de sang virulent. ExPÉRIENCES. — Chien n° 91, 15 jours: recoit sous la peau un mélange de 1 c. c. de sérum de mouton préparé et de 1 ce. c. de sang virulent, après 1 h. 1/2 de contact, meurt infecté après 6 jours. Chien n° 66, 15 jours; reçoit sous la peau un mélange de 50 gouttes de sérum et de 10 gouttes de sang virulent, après une heure de contact. — N'a présenté pendant 13 jours aucun hématozoaire. — Réinoculé sous la peau, le 44e jour, avec 1/2 c. c. de sang virulent, a pris la maladie et a succombé le 3e jour. ; Chien no 69, 15 jours; reçoit sous la peau de la cuisse gauche 50 gouttes de sérum et sous la peau de la cuisse droite 10 gouttes du même sang virulent. — Prend la maladie et meurt après 6 jours. Chien no 67, 15 jours (témoin). Reçoit sous la peau un mélange de 50 gouttes de sérum de mouton normal et de 10 gouttes de même sang virulent. — Prend la maladie et meurt le 6e jour, Chien n° 70, 15 jours (témoin). — Reçoit sous la peau 10 gouttes du même sang virulent pur. Prend la maladie et meurt le 6e jour. Chien no 79, 18 jours. — Reçoit sous la peau un mélange de 50 gouttes de sérum de mouton traité, chauffé à 560-570, et de 10 gouttes de sang viru- lent, après 2 heures de contact. Prend la maladie et meurt le 6e jour. Le sérum de mouton traité par injections de sang virulent est très hémolytique in vitro pour le sang de chien; on pourrait croire que les parasites mis en liberté par l’hémolyse sont plus facilement englobés par les phagocytaires du chien inoculé ; l'expérience ci-après prouve qu'il n’en est rien. 1. Une chèvre traitée de la même façon à également bien résisté; mais le nombre de ses globules est tombé de 13, 600,000 à 6,580,000 par millimètre cube ; il semble que le sang de chien ait une action hémolytique très accusée à l'égard du sang de la chèvre. | ÉTUDE DE LA PIROPLASMOSE DES CHIENS. 281 Chien no 68, 15 jours. — Reçoit sous la peau un mélange de 10 gouttes de sang virulent et de 50 gouttes de sérum d'un mouton non traité (sérum rendu hémolytique par des injections répétées de sang de chien normal). _ Prend la maladie dès le 4e jour et meurt le 6e. ACTION PRÉVENTIVE DU SÉRUM DES CHIENS IMMUNISÉS Nous avons montré dans le paragraphe précédent que le sérum des chiens guéris est incapable, aux petites doses injec- tées, de prévenir ou de retarder notablement les effets mortels de l’inoculation d’épreuve. Les expériences ci-après montrent qu'injecté à doses plus élevées, le même sérum peut retarder notablement, ou même empêcher l’action mortelle du virus inoculé 24 ou 48 heures après. Mais l’action préventive du sérum est bien plus nette s'il provient de chiens hyperimmunisés au moyen de grandes quan- tités de sang virulent. Are SÉRIE. — Sérum de chien immunise. — Chien no 97, âgé de 15 jours; reçoit sous la peau 3 c. c. de sérum de chien ne 8 (qui a reçu, 6 mois après guérison, 30 c. c. de sang virulent); 30 heures après, on lui inocule sous la peau 1 c. c. de sang virulent. Nombreux parasites dès le 6e jour; meurt le 12e jour. : Chien n° 98, même portée; reçoit sous la peau 5 c. c. du même sérum; 30 heures après, inoculation sous-cutanée de 1 c. c. de sang virulent. Para- sites dès le 5e jour; mort le 11e, Chien n° 99, même portée (témoin des 2 précédents); inoculé sous la peau par 1 c. c. du même virus; parasites dès le 4e jour; mort le 7e, Chien no 94, âgé de 12 jours; reçoit sous la peau 10 c. c. du même sérum. Après 24 heures, on lui inocule sous la peau, en même temps qu'au chien n° 92, témoin, 1/2 c. c. de sang virulent. Le témoin meurt le 7e jour; l’autre ne montre de parasites que le 8e jour; il meurt le 13e jour. Chien no 87, âgé de 15 jours; reçoit sous la peau 13 1/2 c. c. du même sérum; après 48 heures, on lui inocule sous la peau, en même temps qu’à un temoin, n° 88 (adulte de petite taille), 1 c.c. de sang virulent,. Le témoin meurt le 44e jour. Le chien no 87 a présenté pendant plusieurs jours un petit nombre de globules parasités, activement phagocytés par de gros mo- nonucléaires; mais sa température est restée normale et son état général satisfaisant; la guérison a été rapide et définitive. Sérum de chien hyperimmunisé. — Dans nos 2° et 3° séries, nous avons utilisé le sérum du même chien n° 8, dont l’immu- nité a été renforcée par de nouvelles injections de sang viru- lent, portant à 52 c. c. la quantité totale du sang injecté. 19 282 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Ce sérum a été préalablement chauffé à 56°-57° pendant une demi-heure. 2e SÉRIE. — Chien n0 102, âgé de 15 jours ; reçoit sous la peau 5 c. c. de sérum. Après 24 heures, on lui inocule — en même temps qu'à un chien témoin de la même portée, no 106 — 3 gouttes de sang très riche en parasites. Le témoin meurt le 6e jour. Le n° 102 reste bien portant: son sang ne renferme pas de Fonte Réinoculé le 19 jour avec 1 c. c. de sang virulent (en même temps que 2 témoins n0s 93 et 110 qui meurent après 7 jours), il présente, dès le 5e jour, un petit nombre de parasites qui sont l’objet d’une phagocytose très active; mais il reste bien portant et survit. Chien no 103, même portée; reçoit sous la peau 3 c. c. de sérum chauffé. Après 24 heures, on lui inocule 3 gouttes du sang virulent (quitue le témoin n° 106 en 6 jours). Son sang examiné pendant 10 jours ne présente pas d’hématozoaires. Réinoculé le 41e jour avec 1 c. c. de sang virulent, il a des parasites 6 jours après; pendant une semaine environ, il montre tous les signes de la maladie, — tristesse, abattement, anémie globulaire. — Pourtant les para- siles restent peu nombreux et sont l’objet d’une phagocytose active: enfin l'état général redevient bon et, 20 jours après la 2e inoculation, on peut le considérer comme guéri; le sang ne renferme plus de parasites. Chien n° 104, même portée; reçoit sous la peau à c. c. du même sérum. Après 24 heures, on lui inocule à gouttes de sang trés virulent dont 3 gouttes ont tuéle {émoin n° 106 en 6 jours. Son sang, examiné chaque jour pendant 32 jours, n’a jamais presenté de parasites. Réinoculé le 35e jour avec 10 gouttes de sang virulent qui tue le témoin n°0 123 en 5 jours, 1l résiste tout en présentant quelques parasites le 10e jour. Chienne n9 105, même portée; reçoit sous 13 peau 10 €. c. du même sérum. 24 heures après, on lui inocule 3 gouttes de sang (dont le témoin n° 106 a démontré la virulence). Examiné pendant 10 jours, son sang n’a pas montré de parasites. — Réinoculée le 11e jour avec 4 c. c. de sang viru- lent, il a montré dès le 5e jour des parasites peu nombreux et activement phagocytés; pourtant son état général devenait peu à peu moins bon, on observait de l’anémie progressive et la mort survenait le 18e jour après la 2e inoculation. 3e SÉRIE. — Chiens n0S 119, 120, 122, âgés de 15 jours, reçoivent sous la peau 3 c. c. de sérum. Après 24 heures, le n° 119 est inoculé sous la peau, avec 10 gouttes de sang très virulent. Après 48 heures, même inoculation au chien n° 120. Le n° 122 n’est inoculé qu'après 3 jours. Un 4e chien de la même portée, n° 123, servant de {émoin, meurt infecté 4 jours après l’inoculation virulente. Le n° 122 a des parasites 4 jours après l’inoculation ; il meurt le 7e jour. Le no 119 montre des globules parasités le 6e jour; il meurt le 8e jour. , 1 LE | | F 1 | 3 4 his dlèn 2248 PO DITUS PT DORE PS PC EE PR PS ES ETS ÉTUDE DE LA PIROPLASMOSE DES CHIENS. 283 Le no 120 ne succombe que le 9 jour, il avait des parasites depuis 48 heures. De ces expériences, on peut tirer les conclusions suivantes : 1° Le sérum des chiens guéris possède une action nettement préventive, mais cette action est faible; pour la mettre en évi- dence, il faut injecter de fortes doses de sérum; 10 c. ec. ne suffisent pas pour empêcher la mort; on observe seulement un notable retard dans l’évolution de la maladie (chien n° 94). Un seul des animaux mis en expérience a résisté après l'injection du sérum d’un chien guéri (n° 87), mais il avait reçu 13 1/2 c. €. de sérum, dose énorme pour ua petit chien âgé de 15 jours ; 2° Si l’on renforce l’immunité des chiens guéris par des injections répétées de sang virulent, on obtient des sérums dont l’action préventive s'exerce à des doses beaucoup moins élevées : Tous les chiens de la 2° série ont résisté, après avoir reçu 5 c. c. et même 3 c. c. de sérum, à l’inoculation virulente qu a tué le témoin en 6 jours. Encore ne faut-il pas injecter une trop forte dose de virus, Dans notre 3° série, tous les sujets avaient reçu 3 c. c. du même sérum. Ils ont tous les trois succombé — avec un grand retard — à l’inoculation d’épreuve; mais on avait inoculé 10 gouttes d’un virus qui tue à La dose de 1 goutte les chiens témoins de même âge ; | 3° Le sérum conserve son action préventive, quand il a été chauffé pendant une demi-heure à 56°-57. On peut done immuniser contre l’inoculation virulente, tou jouts mortelle pour les témoins. Mais l’immunité conférée par le sérum est peu durable. Les 4 chiens de notre 2® série avaient résisté à l’inoculation du virus pratiquée 24 heures après l'injection du sérum; ils ont été réinoculés 11 jours, 19 jours et 35 jours après; tous ont eu des hématozoaires en petit nombre; 2 ont conservé toutes les apparences de la santé; les 2 autres ont été très malades. L'un à guéri pourtant; l’autre est mort et, chose curieuse c’est celui qui avait reçu la plus forte dose de sérum et qui avait été réinoculé le plus tôt (11° jour). Il est vrai que cette seconde 284 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. inoculation a été très sévère; on a injecté 10 gouttes d’un virus mortel pour les chiens neufs de cet âge à la dose de 1 goutte. *< * *% Nous avons montré plus haut que le sérum d'un mouton traité par des injections répétées de sang de chien très riche en parasites avait une action nettement bactéricide. L'expérience ci-après montre que ce sérum n’a qu’une faible action préventive, accusée par un simple retard dans l’évolution de la maladie. Chien n°0 137, âgé de 15 jours ; reçoit sous la peau 20 c. c. de sérum dé mouton (qui a reçu 290 c. c. de sang très riche en parasites); ce sérum a été chauffé à 57° pendant 30 minutes, pour lui faire perdre son pouvoir hémo- lytique. Après 24 heures, on lui inocule sous la peau, en même temps qu’au témoin n° 132 du même âge, 10 gouttes de sang virulent. Le témoin a des parasites dès le 4e jour; il meurt le 5e jour après l'ino- culation. Le n° 137 ne montre de parasites que le 7€ jour; il succombe le 9e jour. L'action préventive d’un sérum donné s’exerce à dose beau- coup plus faible quand on mélange le sérum au sang virulent, avant de pratiquer l'injection. Le sérum doit être chauffé au préalable à 57°, de façon à le destituer de son action microbicide. EXPÉRIENCE. — Chien 143, âgé de 5 jours; reçoit sous la peau un mélange de 50 gouttes de sérum renforcé du chien n°8 (chauffé à 570 pendant 1/2 heure) et de 20 gouttes de sang parasité. Examiné pendant 10 jours, le sang de ce chien n’a jamais montre de parasites. Le témoin, chien 141, de la même portée, meurt 5 jours après avoir reçu sous la peau 10 gouttes du même sang. On obtient des résultats identiques lorsque, après l’action du sérum sur les globules parasités, on les isole par des turbinages répétés après lavages à l’eau physiologique. ExPÉRIENCE. — Chien 130 âgé de 15 jours; reçoit sous la peau le dépôt obtenu après 3 turbinages et 2 Jlavages d'un mélange de 50 gouttes de sérum renforcé du chien n° 8 préalablement chauffé et de 20 gouttes de sang parasité, Examiné pendant 17 jours, son sang n’a jamais montré de parasites. Il semble donc qu’au contact du sérum des chiens hyperim- ÉTUDE DE LA PIROPLASMOSE DES CHIENS. 285 munisés, les globules parasités fixent d’une façon énergique la substance sensibilisatrice du sérum qui les livre sans défense à l’action des phagocytes. ACTION CURATIVE DU SÉRUM DES CHIENS HYPERIMMUNISÉS! Le sérum des chiens dont l’immunité a été renforcée par des injections répétées de sang virulent n’est pas seulement capable d'exercer son action préventive, quand on linjecte avant de pratiquer l’inoculation virulente. Il peut encore empêcher la mort quand on l'injecte à forte dose 24 heures et même 42 heures après l’inoculation virulente qui tue les témoins en 5 jours. Il est impuissant à retarder la mort quand on ne l’injecte qu'après l'apparition des parasites. | ExPÉRIENCE. — Chien n° 131, âgé de 10 jours ; reçoit sous la peau, le 14 février, 8 gouttes de sang virulent; le 16 février, 42 heures après, on lui injecte sous la peau 20 c. c. de sérum renforcé du chien n° 8 (qui a reçu, après guérison, 72 c. c. de sang virulent). Le 19 février, l'examen du sang montre de très rares globules parasités; Le 20 et les jours suivants, les parasites sont un peu plus nombreux; l’état général reste bon: Le 28, c’est à peine si l’on observe quelques parasites; Le 2 mars, impossible de voir un seul globule parasité, L'animal est très gai; ila presque doublé de poids. Chien n0 132, 10 jours; temoin et frère du précédent; inoculé le 14 février par 8 gouttes de sang virulent. Le 4 jour (18 février), son sang renferme des parasites ; on lui injecte sous la peau 20 c. c. de sérum du chien n0 8. Il meurt le 19, avec un nombre considérable de parasites dans le sang du cœur et des viscères. : 0 ESSAIS D'IMMUNISATION PAR INJECTION DE SANG VIEILLI OU CHAUFFÉ 1° Sang vieilli. — Nous avons dit plus haut que du sang virulent, recueilli purement et conservé à la cave à l'abri de la lumière, reste virulent pendant un temps variable, de 14 à 25 jours suivant la saison. Ce sang, devenu incapable de donner la maladie aux animaux, ne pourrait-il pas, injecté à haute dose, leur conférer l’im- munité ? Les deux expériences ci-après ne sont pas favorables. à cette hypothèse. 286 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Chien no 28; reçoit sous la peau 15 c. c. de sang conservé à la cave depuis 14 jours. Le sang inoculé était très virulent à l'état frais : inoculé sous la peau du chien n° 21, à la dose de 2 c. c. il l'avait tué en 5 jours. Examiné avec soin pendant 10 jours, le chien no 28 n’a jamais présenté le moindre malaise; sa température est restée normale; son sang n'a jamais eu de parasites. Réinoculé sous la peau avec 3 c. c. de sang virulent, il a été très malade, il a eu de nombreux hématozooaires; pourtant il a survécu. Chien n° 29; reçoit dans la jugulaire 15 c. c. du même sang, vieux de 19 jours; examiné pendant 12 jours il ne présente rien d'anormal; pas de fièvre ; pas de parasites. L'inoculation d'épreuve le tue en 6 jours; 20 Sang chaufjé. — Nous avons dit plus haut que le parasite est tué par une température relativement peu élevée, 45°. Peut-être réussirait-on, par un chauffage mesuré, à atténuer sa virulence et à le transformer en vaccin? Cet espoir ne s’est pas réalisé. Les expériences ci-après montrent que l’atténuation du virus par le chauffage est sinon impossible, du moins très difficile à réaliser. Toutes ces expériences ont porté sur de tout jeunes chiens ägés de trois semaines environ. Chien n° 22; reçoit sous la peau 5 c. c. de sang virulent chauffé à 50° pendant 30 minutes. Examiné pendant 18 jours, il ne montre ni fièvre ni parasites. L’inoculation d'épreuve le tue en 56 heures. Chien n° 25; reçoit sous la peau 10 c. c. de sang chauffé à 500 pendant 4 heure ét demie. — Pendant 18 jours ne montre rien d'anormal. Succombe en 4 jours à l’inoculation d'épreuve. Témoin n° 23; recoit sous la peau 3 c. c. du même sang non chauffé prend la maladie et meurt en ÿ jours. Nos 44 et 45; inoculés sous la peau avec 3 c. c. de sang virulent, chauffés à 480 pendant une demi-heure. Nos 46 et 47; inoculés sous la peau avec 3 c. c. du même sang chauffé à 450 pendant une demi-heure. Ces 4 chiens restent bien portants. Le temoin n° 48, inoculé avec le même sang non chauffé, meurt en 6 jours. A l’inoculalion d’'épreuve, pratiquée 10 et 23 jours après, les 4 chiens ci-dessus prennent la maladie et meurent du 5e au 7e jour. Nes 56 et 57, inoculés sous la peau par 2 c. c. de sang virulent chauffé pendant une demi-heure à 430, meurent les 5e et 8e jour. Le témoin n° 58, inoculé sous la peau avec le même sang, non chauffé, est mort le 7e jour. ÉTUDE DE LA PIROPLASMOSE DES CHIENS. 287 No 71, reçoit sous la peau 2 1/2 c. c. de sang chauffé 1 heure à 430: meurt le 6e jour. ne No 72, même sang chauffé une demi-heure à 440, meurt le 5e jour. No 74, même sang chauffé à 440 pendant 50 minutes ; meurt le 7e jour. No 75, même sang chauffé à 440 pendant une heure; meurt le 9% jour. Témoins n°S 70 et 76; 1 c. c. du même sang non chauffé, meurent les De et 6e jours. No 81,2 c. c. de sang virulent chauffé à 440 pendant 1 h. 30m. No 82,2 ec. c. du même sang chauffé à 440 pendant 1 h. 15m. Ces 2 chiens, examinés pendant 15 jours, n’ont jamais présenté de para- sites. Le témoin no 83, qui n'avait reçu que { c. c. du même sang non chauffé était mort le 6e jour. Réinoculé sous la peau 15 jours, après avec { c. c. de sang virulent non chauffé, le n° 82 meurt le 6e jour. En résumé, le sang virulent chauffé à 45° et au-dessus perd toute virulence. Au dessous de 44° le chauffage prolongé pendant plus de 4 heure ne paraît exercer aucune action sur la vitalité et sur la virulence du parasite. Chauffé à 44° pendant 30 minutes, 50 minutes, et 1 heure, le sang reste virulent et tue encore les petits chiens inoculés; mais la mort survient d'autant plus tard que la durée du chauffage a été plus longue. Le cautase à 44° pendant 1 heure 1/2, et même pendant 4 h,. 15, ouit la virulence. Aucun des chiens qui ont résisté à l'inoculation du sang chauffé n’a résisté à l’inoculation d’épreuve, Aux doses injectées, le sang chauffé ne paraît donc pas capable de conférer l’immu- nité. APPENDICE OBSERVATIONS TYPES DE LA MALADIE EXPÉRIMENTALE 40 rvpE AIGU. — Chien n0 4. — Adulte, de petite taille, gai et vigoureux. Température avant l’inoculation, 380,3. Nombre des globules rouges : 5,240,000. Le 6 avril 1901, ce chien reçoit dans la jugulaire 2 ce. c. de sang parasité. 7 avril. — État général excellent. Pas de parasites visibles dans le sang de l'oreille. 5,560,000 globules rouges, 8 avril. — Appétit et gaité conservés, Température supérieure à 40. 288. ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. 5,960,000 globules rouges. L'examen du sang montre de très rares parasite quelques-uns pyriformes; urine normale. Fig. 5 Injection intraveineuse. 9 avril. — Tristesse, inappétence; 124 pulsations; urine normale: 5,240,000 globules rouges. Très nombreux hématozaires, volumineux, — amæboides; beaucoup de globules en renfermant 4, 6 et plus. 10 avril (matin). — État général misérable ; parésie du train postérieur; sensibilité générale émoussée; la peau a perdu sa souplesse; extrémités froides; ictère très accusé. Urine rouge foncé, hémoglobinique; 120 pulsa- tions irrégulières ; 2,600,000 globules rouges. — Hypothermie : 350,6; nom- breux parasites, la plupart ronds et petits, quelques-uns piriformes ou amæboides. Le soir, même état encore plus grave; température, 330,5; 2,200,000 glo- bules rouges. 11 avril, — Le chien est trouvé mort. Autopsie. — Ictère intense: les muqueuses, la sclérotique, la peau, la graisse et tous les organes ont une coloration jaune de chrome. Rate hypertrophiée, un peu molle, de couleur noirâtre, devenant rutilante au contact de l'air. Reins congestionnés et infiltrés; de la coupe exsude un liquide trouble jaune rougeûtre. À Foie de volume normal, de couleur pâle un peu jaunâtre; vésicule biliaire: pleine de bile foncée, très sirupeuse. Vessie pleine d'urine épaisse, de couleur jus de pruneau. Léger épanchement rosé dans le péricarde. Cœur pâle; nombreuses et fines pétéchies sur l’épicarde et l'endocarde gauches. Moelle osseuse congestionnée, de couleur jaune rougeûtre. Le sang du cœur et celui des différents viscères sont très riches en héma-: tozoaires, la plupart arrondis et peu volumineux ; ÉTUDE DE LA PIROPLASMOSE DES CHIENS. 289 * 20 TYPE CHRONIQUE. — Chien n° 61, adulte de taille moyenne; élat géné- ral excellent. 5,840 000 globules rouges ; Température 3807.(Voir la courbe6.) 12 octobre 1901. — Ce chien reçoit dans la jugulaire 6 c. c. de sang pré- levé sur un chien atteint de la maladie naturelle (Obs. III de M. Almy). 13 octobre. — État général satisfaisant: à l'examen du sang, on observe de très rares parasites. 14/15 SSSS Fig. 6. Forme chronique, Injection intraveineuse. 14 octobre. — Le chien est moins gai et mange moins bien que d'ordi- - naire; hématozoaires moins rares que la veille. 15 octobre. — État général moins bon; tristesse, abattement, inappétence presque absolue. Très nombreux parasites de toutes formes : ronds, pyri- formes, amœæboïdes. 17 octobre, — Les parasites sont moins nombreux, mais l’état général est mauvais; le chien est triste ; il reste couché et ne touche pas à sa soupe; muqueuses pâles un peu bleuâtres. 4,040,000 globules rouges. 19 octobre. — Hématozoaires très peu nombreux ; anémie plus accusée ; muqueuses très pâles; insensibilité générale; anorexie ; 2,820,000 globules rouges. - 21 octobre, — Même état général; très rares parasites; sang très pâle ; 1,520,000 globules rouges; 54,000 globules blancs; beaucoup de mononu- cléaires et d’hématies nucléées. 26 octobre. — État général toujours mauvais: appétit presque nul; prostralion ; insensibilité générale ; 1,200,000 globules rouges, 10,000 glo- bules blancs. On ne réussit pas à voir d'hématozaires, 290 _ ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. 29 octobre. — Légère amélioration de l’état général ; l'appétit revient ; la tristesse et la faiblesse diminuent; pas de parasites visibles; 2,120,000 glo- bules rouges. 4er novembre. — L'amélioration s’accentue ; 2,480,000 globules rouges ; quelques-uns sont nucléés ; pas de parasites visibles. 6 novembre. — État général bien meilleur; muqueuses rosées ; l'animal est gai et mange avidement ; 4,380,000 globules rouges; pas de parasites. 8 novembre. — 5,100,000 globules rouges ; hématoblastes très nombreux; on observe un seul globule parasité, A compter de ce moment, l'animal est considéré comme définitivement guéri. EXPLICATION DES PLANCHES V ET VI PI. II. — Fig. 1. Sang de la circulation générale. Chien 99. (Thionine phé- niquée.) Obj. 1/12. Oculaire I (Stiassine). Fig. 11. Saug du foie. Chien 99. Fig. 11. Frottis de rein. Chien 61. Fig.1v. Sang conservé à la cave. Chien 6, a, 10 jours ; D, 2 mois. Fig. v. Formes amœæboïdes du parasite. Chien 99. Fig. vi. Parasite en voie de division. Phases successives. Chien 99. (Sang de l'oreille.) : Fig. vil. Parasite en voie de division. Chien 99. (Sang du foie). PL.IV.— Fig. vus. Phagocytose de globules infectés. 1, 2, 3, 4. Macrophages de la rate; chien 18 ;5. Un macrophage du sang de l'oreille; chien 41. Fig. 1x. Coupe de moelle épinière (région lombaire); chien 14. Fig. x. Coupe de rein, chien 61. + « | & L & - r + # SECONDE NOTE SUR LA MALARIA DES BOVIDÉS (PIROPLASMOSE BOVINE) Par MM. M. NICOLLE ET ADIL-BEY. Cette note servira de complément à celle que nous avons publiée en 1899. Elle date de la même époque. Nous ne l'avons pas fait paraître à ce moment, parce que nous espérions conti- nuer nos recherches sur le sujet, ce qui ne nous à pas été pos- sible, Nous indiquons sommairement ici les principales lésions, rencontrées par nous dans la piroplasmose, ainsi que les pro- cédés employés pour la recherche des hématozoaires dans le sang et les viscères. + Les lésions ont été étudiées dans le foie, le rein et la rate, après fixation de ces organes au Flemming et coloration par la méthode Kernschwarz-Safranine. For. — Il faut distinguer entre les foies d'un rouge brun uniforme et les foies granuleux, d’un jaune doré. Foies uniformes. — Les vaisseaux sont dilatés. Celte conges- ton porte principalement sur la région sus-hépatique, de même que les lésions suivantes : pigmentation des cellules hépatiques, des leucocytes et des éléments de Kuppfer: dégénérescence vacuolaire des cellules hépatiques. Foies granuleux. — On rencontre des altérations, extrême- ment marquées, des régions sus-hépatiques, et de ce que M. Sabourin nomme les « zones sus-hépatiques ». Elles con- sistent dans une congestion très intense; dans la pigmentation des cellules hépatiques, accompagnée d’une vacuolisation qui va jusqu’à la nécrose; et dans une forte leucoeytose. Ces lésions, siègeant au centre du lobule et le long des anastomoses centro- lobulaires, forment les bandes gris-rosé qui, lors de l’examen à l’œil nu, circonscrivent, dans le « lobule investi », les ilots de parenchyme doré à axe portal. La teinte dorée est due, bien eutendu, à l'intensité de la pigmentation anormale, 292 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Rein. — On note de la congestion, surtout au niveau du bou- quet glomérulaire. L’épithelium des tubes contournés apparaît granuleux, vacuolaire et pigmenté (la pigmentation se montre surtout abondante dans les cas à foie doré). La lumière des tubuli contient des exsudats albumineux, grenus ou non. Les tubes droits sont presque sains. Rare. — L’organe est congestionné. On rencontre de nom- breux amas pigmentaires dans les grandes cellules mononu- cléaires de la pulpe splénique. * #4 RECHERCHE DES HÉMATOZOAIRES DANS LE SANG, — On puise le sang dans la veine jugulaire, à l’aide d’une pipette elfilée, ce qui n'offre aucune difficulté quand on en a tant soit peu l'habitude, On dépose un mince filet de sang, au voisinage d’une des extré- mités d’un porte-objet (propre et soigneusement flambé), per- pendiculairement au grand axe de celui-ci. Puis on étale le plus rapidement possible, avee le bord d’une lame de carton flexible (fragment de carte de visite, par exemple). On favorise la dessiceation de la couche sanguine en agitant vivement la lame. Nous ne saurions trop recommander ce procédé d’étalement du sang, que nous employons depuis longtemps ét qui donne des préparations absolument parfaites. Nous fixons, d’abord, pendant quelques minutes, sur une plaque chauffée vers 1109 (c’est-à-dire, comme l’a montré M. Ehrlich, immédiatement au-dessous de la température où se pro- duitl’étatsphéroïdal) ; puis, pendantune minute, dansune solution aqueuse de sublimé à 3 0/0. Si la préparation date de plus de 2 jours, il est inutile d’avoir recours à la chaleur, car l'insolubi- lisation des albuminoïdes s’est alors produite par la seule dessi- cation. Par contre, lorsque la préparation date de quelques semaines, la dessication prolongée devient souvient nuisible, Aussi vaut-il mieux, en thèse générale, fixer les lames au fur et à mesure (au moins par la chaleur), quitte à ne les colorer que par la suite. La coloration s'obtient en faisant agir, pendant deux minutes, la solution suivante : Bleu polychromatique de Unna................ { volume, Hausphéniquée at) 0/0 Re EEE RES ETUIS ESE LAS SL SRUR Re RR EE 2 E 3 volumes, dada ddr gd nil do rls de AMÉTnin mn arr dt à ) AMEN SUR LA MALARIA DES BOVIDÉS. 293 Les parasites et les noyaux des leucotytes prennent un ton violet foncé; l’hémoglobine des. hématies, une couleur vert pomme, et les granulations basophiles, une teinte rouge rubis. Les granulations éosinophiles demeurent incolores. Il est bon de de pas trop prolonger la coloration au delà du temps indiqué. On lave, sèche et examine directement, en déposant une goutte d'huile de cèdre sur la préparation. La méthode précédente ne saurait être mise en parallèle avec celle que M. Laveran a fait connaître depuis, mais elle peut rendre des services dans la simple recherche des divers héma- tozoaires. De plus, en fournissant, sans aucune difficulté, des définitions très nettes, elle constitue un excellent procédé de coloration polychromatique directe, auquel nous avons recours, à chaque instant, pour les préparations sur lames. Les préparations de la pulpedes viscères se pratiquent comme celles du sang. Nous n’aborderons pas ici l’histoire morpholo- gique, aujourd’hui bien connue, du piroplasma bigeminum. Nous ferons seulement remarquer que, durant la maladie qu'il occasionne, on observe un peu partout, mais principalement dans le foie et la rate, les apparences caractéristiques d’une active phagocytose. Ce sont les grands mononucléaires qui détruisent les hématies parasitées, ainsi que nous l'avons sou- vent constaté. Signalons enfin, dans le sang. la fréquence des hématies géantes: les hématies nucléées sont plus rares. RECHERCHE DES HÉMATOZOAIRES DANS LES COUPES. — Les viscères ont été fixés au moyen du sublimé aqueux saturé, Le procédé de coloration qui nous a le mieux réussi est le suivant. On teinte les coupes par le bleu de méthylène phéniqué (solution de bleu à 1 0/0 dans l’eau phéniquée à 1 0/0), pendant une demi- minute; on passe, durant une quinzaine de secondes, dans le chromate jaune de potasse (solution aqueuse à 1 0/0); puis on mônte au baume, après lavage, déshydratations et éclaircisse- ment. Nous nous proposons de revenir sur celte méthode, excel- lente dans bien des circonstances. = ————— —— — SUR LA MARCHE DE LA COURBE D'ANTITOXINE DANS L'IMMUNISATION ACTIVE CONTRE LE BOTULISME Par J. FORSSMAN er E. LUNDSTROM (Laboratoire bactériologique de l’Université de Lund, Suède.) L'année même où paraissait le travail fondamental de van Ermengen (1) sur le Bac. botulinus, W. Kempner (2) exposait ses recherches sur l’antitoxine du botulisme, où il montre qu’il n’a pas réussi à amener, chez les cobayes ni chez les lapins, une immunité active contre la toxine botulique, tandis qu'il a pu, sans difficultés sérieuses, et rien que par des injections de toxine à doses croissantes, donner aux chèvres une forte immunité, et en tirer ainsi un puissant sérum antibotulique. Forssman (3), — qui a fait ensuite une étude spéciale de la toxine et de l’antitoxine du botulisme, — a réussi, en pratiquant l’immunisation au moyen de toxine très atténuée par la chaleur, à immuniser activement les cobayes et les lapins; et, en déter- minant la teneur en antitoxine d’un sérum provenant d'un cobaye ainsi immunisé, il a constaté que cette teneur était de 1,000, d’après le système d'évaluation appliqué par Kempner au sérum antibotulique ‘. Mais l’immunisation de ces animaux présentait de graves difficultés (la plupart mouraient), et comme ces difficultés n'étaient pas en rapport avec les petites quantités de sérum qu’on pouvait en retirer, Forssmau a préféré l’immu- nisation facile et sûre d’une chèvre. £ En comparant d’une part les tableaux d’immunisation de chèvres que Kempner a communiqués dans son étude, et d’autre part le tableau que Forssman a obtenu en immunisant sa chèvre, on remarque une différence très importante en ce qui concerne le rapport entre les quantités de toxine injectées et la valeur antitoxique des sérums produits. 1. Kempner désigne sous le nom de sérum antibotulique normal un sérum dont 1 c. c. injecté à un cobaye de 300 grammes en mélange avec 1 « testdose » (la testdose étant la dose de texine capable de tuer en 48 heures un cobaye du poids de 300 grammes) préserve l'animal de la mort (mais sans neutralisation complète de la toxine). Ce système d'évaluation ne tient pas compte de la pré- sence de toxines ni de toxoïdes dans le poison du botulisme ; du reste, le « spectre » de la toxine du botulisme n’a pas encore été étudié, La valeur du sérum ne cor- respond donc pas en ce cas à la valeur qui à été introduite par Ehrlich pour le sérum de la diphtérie, po D'ETAT sé dti El LU. arf < 2s MARCHE DE LA COURBE D'ANTITOXINE. 295 .. Ce désaccord apparaît clairement dans le tableau suivant, où, pour faciliter la comparaison, les différentes solutions de toxine injectées ont été ramenées par le calcul à une toxine de 0,0001 comme testdose. DATE ESPACE de saignée par rapportà| VALEUR l'injection de toxine injectée. par l'injection de toxine |. de sérum. de cette quantité. | immédiatement L précédente. QUANTITÉ de temps occupé KemPxer: Chèvre II..| Env. 399 c. ce. | Env. 4 mois. | 41 jours. 1.000 = — — 41.099 — 6m.1/2. — 100.000 Chèvre IIT. 163 — 2 mois. c 400 — — IE — 4 — 10.000 Forssman. Chèvre... Be) — 4m.1/2. 25.000 == a FC: — 7 mois. 5 100.000 Comme on peut-le voir, Forssman a obtenu, après injection de quantités de toxine relativement insignifiantes, des sérums équivalents et même supérieurs à ceux obtenus par Kempner après injection de quantités considérables de toxine. Or, la seule différence entre les procédés employés par les deux auteurs, c’est que Forssman a pratiqué l’immunisation avec une lenteur sensiblement plus grande, c’est-à-dire qu'il a fait les injections à des intervalles plus longs que Kempner, et qu'enfin les sai- gnées ont été faites par lui plus tard par rapport à la dernière injection de toxine. Comme Forssman se refusait à mettre une différence aussi forte dans la proportion d’antitoxine sur le compte des variations individuelles, et comme d’ailleurs il n’était guère disposé à admettre que les solutions toxiques, employées dans les injections, aient pu avoir une influence antitoxigène aussi variable, il a supposé, — bien que sous toutes réserves, — que la différence en question devait tenir à la différence signalée plus haut entre Les procédés des deux auteurs. ‘ Comment ce facteur a-t-il pu exercer une telle influence sur la production des antitoxines? C'est ce que Forssman a essayé de s'expliquer par une hypothèse relative à la marche de la courbe d’antitoxine. En effet, dans le cas où la courbe se développerait æ 296 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. de façon à atteindre tardivement son apogée, comme c’est le cas par exemple pour le tétanos, d’après Ehrlich-Brieger(4), Forssman serait arrivé avec ses injections de toxine plus près du point cul- minant de la courbe que Kempner, — circonstance qui est peut- être de nature à favoriser, du moins dans une certaine mesure, la production de l’antitoxine, — et surtout Forssman aurait en ce cas fait des saignées plus près de ce point culminant, et ainsi, en admettant la réalité de cette hypothèse, il aurait dû néces- sairement faire une récolte beaucoup plus riche que si la sai- gnée avait eu lieu quelques jours plus tôt. Dans le cas où cette hypothèse relative à la marche de la courbe d’antitoxine correspondrait à la réalité, il serait impor- tant de pouvoir la remplacer par un fait; mais, dans le cas où les recherches démontreraient que la courbe d’antitoxine botu- lique a une forme se rapprochant par exemple de celle de la diphtérie, les essais d'immunisation faits par Forssman et Kempner pourraient servir à prouver une fois de plus qu'il est impossible, avec notre connaissance actuelle des facteurs qui déterminent la formation des antitoxines,' de prévoir même approximativement la marche et l'intensité de ce phénomène. Dans {ous les cas, un examen de cette courbe présentait de l’in- térêt, d'autant plus que jusqu'ici, on n’a tracé de courbes d’anti- toxine que pour le tétanos (4) et la diphtérie (5). Pour ces raisons, nous avons entrepris d'étudier la marche de la courbe d’antitoxine chez une chèvre qui a été immunisée contre la toxine du botulisme, et c’est le résultat de cette étude que nous communiquons ci-dessous. Nous avions pensé, au début, à tracer notre courbe en éva- luant le sérum de façon à donner, par centimètre cube de sérum, le nombre de « testdoses » complétement neutralisées chez un cobaye d’un certain poids, et les chiffres ainsi obtenus auraient correspondu à la valeur L, de Ehrlich. Mais l’expérience nous a montré que cette évaluation présentait de très grandes diffi- cultés. En effet, dans l’état actuel de nos observations, le pre- mier signe par lequel se manifeste l’action de la toxine sur le cobaye, c’est un relàchement dans la musculature de l'abdomen, et ce symptôme dénonce les plus faibles quantités de toxine. Il s’agissait donc de marquer la limité entre les mélanges de sérum et de toxine, après lesquels se produisait un relâchement MARCHE DE LA COURBE D’ANTITOXINE. 297 léger et ceux après lesquels Les muscles abdominaux conservaient leur tonicité. Mais c'était là une entreprise à peu près impos- sible ; car l’élasticité de la musculature abdominale varie très sensiblement chez les cobayes normaux, et c’est pourquoi il était souvent impossible, dans le cas où on plaçait ensemble des animaux non injectés et des animaux injectés, de distinguer les deux catégories sur le seul examen de la musculature abdomi- nale. Nous n'avons pas réussi non plus à fixer un degré déter- miné de relâchement pouvant servir de base à notre estimation, car toutes les nuances imaginables se présentaient à nous entre le relàächement extrême et la tonicité complète. Nous nous sommes donc décidés à déterminer, d’après un autre principe, la contenance en antitoxine du sérum injecté, savoir en mélangeant le sérum et la toxine dans des proportions telles que les animaux injectés par ce mélange mouraient en 48 heures, autrement dit si une « testdose » se trouvait libre dans le mélange ; les quantités calculées par centimètre cube de sérum correspondent ainsi à la valeur L, de Ehrlich, sauf la restriction que nous allons faire. La valeur L, peut être utilisée aussi bien que Lo pour le tracé de la courbe, mais à la condition que la même unité serve de base à toutes les déterminations, c’est-à-dire qu’une toxine pro- venant d’une seule culture soit employée pour toutes les déter- minations, et que cette toxine ne subisse pas de modification et reste constante depuis la première détermination jusqu’à la dernière. De la sorte, toutesles quantitésse trouventcomparables, étant calculées d’après la même mesure; tandis que, les valeurs de sérum, déterminées avec des toxines provenant de cultures botuliques différentes, même si les testdoses sont les mêmes, ne peuvent guère se comparer entre elles, attendu que les condi- tions de saturation d’antitoxine pour les toxines avec testdoses égales peuvent varier considérablement. Nous avons pu observer plus d’une preuve de ce fait au cours de nos recherches. C’est en observant les conditions ci-dessus mentionnées, que nos déterminations ont été faites. Ainsi nous avons toujours employé une seule et même toxine dont la testdose s'est maintenue à 0 c. c. 002 pendant toute la durée des essais. Cependant une exception a été faite pour les deux premiers sérums (I et 1) de la première courbe, et c’est pourquoi nous avons signalé cette particularité par une ligne ponctuée. Ces sérums sont en effet 20 298 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. déterminés par une autre toxine, et par suite ils sont compa- rables entre eux, mais non avec les autres valeurs marquées sur la courbe !. Tous les cobayes, employés pour la détermination définitive, étaient nés et avaient été nourris ensemble. Le poids a varié entre 250 et 285 grammes; lors de la détermination des sérums immédiatement voisins, nous avons veillé à ce qu’il n’y eût pas entrelesanimaux une différence de poidssupérieure à 10 grammes. Mais pour les nombreuses déterminations servant à nous orienter, nous avons employé des sujets de poids plus variables. Pour ce qui est des quantités qui devaient être injectées, nous nous sommes laissés guider par le raisonnement suivant. Si je mélange sérum et toxine et que j'injecte à un cobaye de 300 grammes une quantité de ce mélange contenant d’après mes calculs 10 testdoses, si je constate ensuite que 1 testdose était libre dans le mélange, attendu que le sujet est mort en #8 heures, le rapport des testdoses neutralisées aux testdoses libres est comme 9 : 1. Sile mélange était tel que précisément 1 c. c. de sérum correspondait à 10 testdoses de toxine, la valeur L, est déterminée pour ce sérum avec toute la précision possible. Mais si 0,1 ou 0,01 c. c. de sérum correspondaient à 10 testdoses, c'est-à-dire si en d’autres termes le sérum était 10 ou 100 fois plus fort, je sais, par l'effet de l'injection sur les animaux d’épreuve, que sur 0,1 c. c. et 0,01 c. c.,9 testdoses sont neutra- lisées et 1 reste libre; mais quand je calcule la valeur du sérum pour À c. c. j'obtiens, par centimètre cube de sérum, les rapports 90 : 10 ou 900 : 100 entre les testdoses neutrali- sées et celles qui sont libres; et quand j'arrive à des sérums d'une valeur très élevée, par exemple 20,000 fois plus forts, le rapport devient : 180,000 : 20,000. Mais, on s’est ainsi trop éloigné de la valeur L,, et, — ce qui est plus grave, — on s’apercçoitque de petites erreurs dans la détermination proprement dite, — par exemple une légère variation dans la résistance de 1. Ces deux indications de sérum proviennent de l’époque où nous essayions de déterminer la valeur Ls. Plus tard, lorsque nous nous sommes décidés, après de nombreux essais, à prendre pour base de notre courbe la valeur L,, nos pro- visions de ces déux sérums étaient épuisées, et c'est pourquoi il a été impossible de faire des déterminations nouvelles avec la toxine employée ensuite pour les autres sérums. Cependant, nous avons, pour les deux sérums en question, déter- miné L, en même temps que L, et avec la même toxine. Le rapport entre L, et L, sest trouvé être, pour cette toxine, d'environ 2 : 1; la proportion était soute différente pour la toxine employée plus tard. MARCHE DE LA COURBE D’ANTITOXINE. 299 l’animal à la toxine, — atteignent de grandes proportions lors- qu'il s'agit de calculer la valeur d’un sérum puissant. Un excé- dent libre de 1,1 testdose au lieu de 1 testdose avance la mort de quelques heures ; mais, même après une dose simple, le temps de la mort varie de quelques heures sur une série d'animaux d’ail- leurs identiques, autant que nous pouvons en juger. Il se produit ainsi des erreurs qu'il est impossible d'éviter. Si l’on calcule l'influence qu’une erreur, comme celle que nous venons de prendre pour exemple, peut exercer sur l'évaluation d’un sérum d'une valeur de 109,000, on voit qu’elle atteint 1,000 unités. En élevant d’une manière sensible la proportion des quantités injec- tées, on s’approche sensiblement de L , et on diminue en même temps l'importance de l'erreur d’épreuve, comme le démontre un simple calcul. Pour déterminer L, avec une exactitude com- plète, pour des sérums forts, par exemple pour un sérum où L,—250,000, on serait forcé d’'injecter cette forte quantité de toxine plus le sérum correspondant, ce qui, même en employant une toxine avec 0,000! c. c. comme testdose, constituerait une masse de liquide trop forte pour être injectée à la fois à un cobaye de 300 grammes. C’est pourquoi, il faut prendre un moyen terme, et choisir une dose qui puisse être injectée faci- lement, mais en même temps aussi qui contienne assez de testdoses pour qu’on ne s'éloigne pas trop de la valeur L,.. Pour les déterminations relatives aux sérums de valeur infé- rieure à 100,000, nous avons donc injecté des doses, qui, d’après nos calculs, contenaient 200 testdoses, et pour des sérums de valeur supérieure nous avons fait des injections con- tenant 500 testdoses. Si l’on calcule le RÉppone entre les testdoses neutralisées et les testdoses libres, dans un sérum évalué à 100,000 ,par injection de 200 testdoses, on trouve que le susdit rapport est de 99500 : 500, et c’est la même chose pour un sérum évalué à 250.000 par injection de 500 testdoses. La différence entre ces valeurs et les valeurs réelles L, occuperait sur la courbe la quatrième partie d’un carré, et par suite elle ne peut être considérée comme ayant une influence sur l’aspect général de la courbe; du reste la différence devient moindre pour les valeursinférieures, dans la même mesure que s’abaisse la valeur du sérum. Une erreur d’épreuve, comme celle que nous venons de prendre pour exemple, aurait encore 300 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. une importance moins grande lors de l’injection des doses en question. Sur des sérums évalués 100,000 et 250,000, une faute de ce genre n’agit que pour 50 unités, correspondant à 1/40 de carré sur la courbe ci-jointe, et est par suite sans influence sur le dessin de cette courbe. Après que les déterminations d’orientation, plus ou moins EN A NL CE CA 0e Lai Fa Tps ES Con Pa GE Et D A RE Le 1 l Ji re l 2 “ œ } 220 000 ï PR A 1 RCE IT 1: = BE LEE Ex = — = | Ju ! ie jee î AE 2 en EE PILE ACT 200.000! 1 D EN l = LT Î Sfr toit 180.000 1 enr Lg |: T Il 160.000 EL Tip (l ll < Fa] SE Il Î Î Î jno.c00 EEE GRECE ET L L Et 1 LE sjoen(uaifs î 2000011 ET ET EE 1 ne < t ï + jen | Re EE L je F .. ! : Ti -E : SRE NA UE Emme - _ 100.000 80 000 60.000 #0 000 ET Ê ru 00 o sale exactes, nous eurent permis de nous faire une idée approximative de la marche de la courbe, nous avons déterminé soigneusement, de la façon que nous venons de dire, les sérums qui, sur la courbe, sont spécialement indiqués par des points. Une observation à faire, c’est que par suite des accidents nous avons jugé superflu de faire des déterminations aussi rigoureuses pour les sérumsinter- médiaires; cependant, après avoir trouvé la valeur des sérums spécialement marqués sur la courbe, nous nous sommes assurés que, par exemple, les sérums voisins de 15 étaient de valeur MARCHE DE LA COURBE D’ANTITOXINE. 301 inférieure à 15, que le sérum 18 sur la première courbe se trouvait sensiblement inférieur au sérum 17, etc. Comme on le voit, les deux courbes ont une marche presque complètement parallèle, Il y a entre les deux un espace de temns de trois mois, Dans cet intervalle, l’antitoxine s’est donc abaïissée de 71,000 à 9,500, chiffre par lequel commence la seconde courbe. Au commencement de la première courbe, nous trouvons le chiffre 2,000. Cette contenance en antitoxine est le résidu d’une immunisation qui avait été faite longtemps auparavant. En L Sérum, uumédtatanert avant l'iuject.de toxune Me jour xpuéd 0" LEE CESR AN MC ASE ET Te TEL OA MERE Le dun, immediatement avant l'uvject. de toxine De fe 1% jour æprës CRUE 2 ND ER EE RER Cr R Fig. 2. effet, 14 mois plus tôt, le même animal avait donné un sérum antibotulique représenté par 100,000 d’après l'évaluation kem- pnérienne, et depuis cette époque il n’avait pas reçu d'injection de toxine. Ainsi pendant ce long laps de temps l’antitoxine n'avait pas complètement disparu du sang, et avait seulement baissé de 100000 à 2000 (car, d’après ce qui précède, il est cleir qu'il n’y a qu'une différence insignifiante entre la valeur donnée sur la courbe et la valeur 2,000 de Kempner). Comme on devait s’y attendre, après les deux injections de toxines les sérums perdirent de leur valeur. Au commencement de la première courbe, le sérum pouvait avec certitude neutraliser complètement (L,) 1000 testdoses. La chèvre pesant environ 36 kilogrammes; si l’on admet que 1/13 de ce poids provient du sang et que la moitié du sang ce qui est (vraisemblablement une estimation trop faible) est constituée par du sérum, onobtient ainsi environ 1400 c.c. de sérum. Le sérum total de la chèvre neutralise ainsi in vitro 1,400,000 testdoses. Dans ces conditions, on s'attend à ce qu’une injection de 100,000 testdoses n'amène pas dans la contenance en antitoxine une baisse supérieure à environ 72 unités par c.c.; mais en réalité la valeur du 302 . ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. sérum après cette injection diminue d'environ 5 fois 1/2, soit de 400 unités à peu près, de sorte que le lendemain de l’in- jection de toxine, 1 c.c. desérum ne neutralise pas complètement (L,) plus de 600 testdoses ‘. Nous retrouvons done, dans l’immunisation botulique, ce phé- nomène qui a été observé depuis longtemps dans limmunisation contre la diphtérie, à savoir qu'une injection de toxine produit, chez un animal préalablement immunisé, une chute d’antitoxine beaucoup plus grande qu'on ne s’y attendrait d’après la quantité employée de toxine, si on base son calcul sur la relation de satu- ration entre toxine et antitoxine in vitro. En ce qui concerne l'aspect des courbes, on voit qu’elles présententunfaîte assez nettementdessiné, commençantauS°jour et finissant au 17°, point à partir duquel la courbe tombe brus- quement, etque la valeur la plus élevée des deux courbes $se trouve au 15° jour, Les abscisses, pour les points correspondants sur les deux courbes, sont ainsi exactement les mêmes, tandis que les conditions sont loin d’être analogues pour ce qui est des ordonnées. ; Ces dernières sont, pour les mêmes abscisses, sensiblement plus petites dans la seconde courbe que dans la première, et cela nous montre qu'ici aussi, comme on l'avait déjà observé dans l’immunisation diphtérique, il n’existe aucun rapport déterminé entre la dose de toxine injectée et la quantité d’anti- toxine produite, puisque dans les deux cas on avait ie la même dose de toxine, savoir 100,000 testdoses. Les abscisses aux potuts les plus importants des ceurbes restent donc constantes, tandis que les ordonnées varient. Partant de cette hypothèse que la formation de l’antitoxine chez la chèvre procède toujours d’après notre schéma, et qu'ainsi le faite et la valeur maximum d’antitoxine se trouvent toujours aux mêmes jours, c'est-à-dire ont les mêmes abscisses, tandis que les ordonnées (autrement dit l'intensité de la sécrétion anti- toxique) sont seules à varier, nous voulons considérer de nouveau 1. Les valeurs L, pour les deux premiers sérums ne sont pas pointées sur les courbes. D'ailleurs le rapport en question n'apparait guère sur les grandes courbes avec leurs chiffres élevés correspondant à de petites distances d’ordon- nées. En revanche, sur les deux courbes spéciales que nous avons adjointes et qui correspondent aux premiers jours de chaque courbe, il à été possible, par une autre évaluation des ordonnées, de montrer clairement ce rapport et de donner avec plus d'exactitude la valeur des sérums qui s’y rapportent. MARCHE DE LA' COURBE D’ANTITOXINE. 303 pour un moment les tableaux d’immunisation provenant de Kempaer et de Forssman pour voir si la différence entre les résultats obtenus par eux se laisse expliquer à l’aide dela courbe ci-dessus. Nous remarquons tout de suite que les valeurs supé- rieures d’antitoxine, obtenues par Forssman, ne peuvent pas être dues à ce fait qu'il est arrivé, par ses saignées, plus près que Kempner du climax de la courbe; au contraire, Kempner a fait toutes ses saignées dans la période fastigiale, ce qui n’a été le cas qu’une seule fois pour Forssman. La différence entre les résultats atteints doit donc tenir à un des facteurs suivants ou à tous ensemble : 1° les intervalles de temps plus longs qui se sont écoulés entre les injections de toxine de Forssman; 2° les valeurs différentes des solutions de toxine employées en ce qui concerne la formation de l’antitoxine ; et 3° les variations indi- viduelles relativement à l’aptitude des différents individus à produire l’antitoxine. Dans quelle mesure ces divers facteurs ont exercé leur influence, c’est ce qu’il nous est impossible de déterminer. Enfin, si nouscomparons la courbe antibotulique avec les courbes déjà tracées pour le tétanos etla diphtérie, nous voyons que pour ce quiest de la position du climax, autremént dit de son abscisse, la courbe antibotulique se trouve placée entre celle de la diphtérie (avec climax le 9 à 10° jour) et celle du tétanos (avec climax le 17° jour après l’injection immédia- tement précédente de toxine). BIBLIOGRAPHIE 4. Van ErmenGew. Ueber einen neuen anaeroben Bacillus and sine Beziehung zum Botulismus. Zeitschr. f. Hyg. u. Inf. krankh. Bd. XXVI, 1897. . W. KewPxer. Weiterer Beitrag zur Lehre von der Fleischvergiftung. Das Anti- toxin des Botulismus. Zeëtschr. f. Hyq. u. Inf. krankh. Ba. XXVI, 1897. 3. Forssuax. Lunds Universitets Arskritt 1900. [Compte rendu dans Central- blatt für Bakteriologie und Parasitenkunde. Bd. XIX, 1901.) . Execicx uxD BRiEGEr. Beitraege zur Kenntniss der Milch immunisirter Thiere Zeitschr. f. Hyg. Bd. XHII, 1895. 5. SaLoMoNSEN Er Mabsex. Om forskestigheder i Serums antidiphteriske Styrke hos atchiol immuniserede heste. (Nord Med. Ark. Festband for Key.) SALOMONSEN ET Mapsex. Recherches sur la marche de l’immunisation contre la diphtérie Annales de l'Institut Pasteur, 1897, 1899. Li] ru RECHERCHES SUR LA TRANSFORMATION EXPERIMENTALE DE BACTÉRIES BANALES EN RACES PARASITES DES PLANTES Par M. L. LEPOUTRE Travail du laboratoire de botanique de l’Institut agricole de Gembloux. Chaque année, la liste des maladies bactériennes des plantes s'allonge, surtout chez les espèces soumises aux procédés de la culture intensive. Tandis que plusieurs naturalistes ont consi- déré les microbes qui causent ces affections comme spécifiques, d’autres, frappés de leur ressemblance avec les formes banales, ont été amenés à attribuer à celles-ci la propriété de devenir virulentes aux dépens des végétaux. Dans cet ordre d'idées, M. Emile Laurent a montré que deux espèces communes, le Bacillus coli communis et le B. fluorescens putidus, normalement incapables d'attaquer les plantes, peuvent être rendues expérimentalement parasites très actifs de la pomme de terre, de la carotte et d’autres plantes tuberculeuses !. En est-il de même d’autres bactéries banales? Telle est la question à laquelle je me suis proposé d'apporter quelques faits nouveaux. Mes essais ont porté sur les trois espèces suivantes : Ba- cillus fluorescens liquefaciens, B. mycoïdes et B. mesentericus vul- gatus. — Les matériaux qui ont servi à ces recherches pro- venaient du même champ d'essais qui, en 1898, fournit à M. Lau- rent ceux qu'il employa pour ses études. Il est divisé en 5 par- celles; chaque année, l’une de ces parcelles, toujours la même, reçoit une dose excessive d'engrais azotés (P. [), ou d'engrais potassiques (P. IT), ou de superphosphates (P. TT), ou de chaux (P. IV), ou de chlorure de sodium (P. V). Les microbes étudiés ont été ensemencés à la surface de tubercules sectionnés de pomme de terre ou de carotte placés dans des cristallisoirs fermés et maintenus à l'étuve à 30°. La première tentative fut entreprise avec un B. fluorescens 1. Ces Annales, t. XIIT, 1899. BACTÉRIES BANALES PARASITES DES PLANTES 305 liquefaciens trouvé dans une pomme de terre en pourriture et qui par conséquent avait déjà quelque virulence. Une culture sur bouillon gélatiné m'assura que c’était bien cette espèce. Un peu de pulpe infectée fut déposée sur des rondelles de carotte. Au troisième jour, on voyait quelques taches noirûtres, glaireuses sur les rondelles de P. T'et P. V; les autres étaient indemnes. Celles-ci furent alors rafraichies et inoculées avec le produit d'attaque des rondelles de P. I. Après 2 jours, il n’y avait de développement que pour les carottes des P. I et V; l'attaque des tissus était plus prononcée que lors du premier passage, spécialement pour les racines de P. HF. Des navets provenant des 5 parcelles ont été ensuite inoculés avec le B. fluorescens, provenant du dernier passage sur carottes de P. I, avec du B. mycoïdes et du B. mesentericus cultivés en bouillon. C’est le premier de ces microbes qui s’est montré le parasite le plus actif et cela au bout de 24 heures à l’étuve. Quant aux racines de diverses origines, ce sant celles récoltées dans la P. I qui étaient les plus prédisposées à l'infection : elles étaient attaquées jusqu’à 5 millimètres de profondeur. Le parenchyme était complètement désagrégé et remplacé par une pulpe très molle et à réaction nettement alcaline. Les B. mycoïdes et mesentericus n’ont causé qu’une légère attaque des navets et cela seulement trois jours après l’inocula- tion. Le développement était surtout marqué pour les navets eDPL et EV: Avec les produits d'attaque de chaque bacille sur les racines de P. I, j’ai inoculé une nouvelle série de navets. 24 heures, plus tard, le B. fluorescens avait profondément (5 nullimètres) attaqué les tubercules de P. [, puis venaient dans l’ordre d’alté- ration ceux des P. IV, P. V, P. ILet P. LIL. Les 2 autres bacilles avaient attaqué les navets des P. T, IV, V,Ilet IL, mais beaucoup plus faiblement que le premier. Une troisième série d’ensemencements sur navets a donné, en 24 heures, une attaque générale jusqu’à une profondeur de 5 à 8 millimètres. Après 2 jours, quelques rondelles, épaisses de 0®,02, étaient traversées de part en part; un liquide brunâtre, à odeur fétide, à réaction alcaline, s’écoulait au fond du cristal- lisoir. Après 3 passages, les 3 bacilles. étaient donc devenus 306 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. virulents, parasites pour les navets, surtout pour les racines cultivées dans les P. I et IV; celles de la P. IIT montraient une certaine résistance à l'infection. Il était manifeste que le B. fluorescens était Le plus virulent des 3 espèces; les 2 autres forment à la surface de la section ensemencée une sorte de mycoderme assez épais, qui sans doute, empêche la pénétra- tion de l’air dans les couches plus profondes et y entrave l’inva- sion des microbes. Afin de conserver les 3 baciiles à l’état parasite, les essais furent continués sur des navets, mais sans présenter d’augmen- tation visible de la virulence: l’attaque du tissu cellulaire n’était pas plus rapide. Les expériences suivantes ont été faites sur la carotte. Des rondelles de racines de cette espèce, récoltées dans les 5 parcelles, furent ensemencées avec le B. fluorescens d’une culture antérieure sur carotte et avec les B. mycoïdes et mesente- ricus parasites de navets de P. TI. Après 24 heures, les bacilles n’avaient attaqué que les carottes des P. I et IV et, mais plus faiblement, les racines de P. V. Le B. fluorescens était le plus actif. Le passage des deux autres bacilles du navet sur la carotte avait diminué leur virulence. Mais une deuxième série d'inoculations, en partant pour chaque espèce microbienne de ses produits d'attaque sur carotte de P. I, a donné un développe- ment général sur les carottes de toutes les parcelles. L’alté- ration était plus profonde sur les racines des P. Let IV et plus rapide avec le B. fluorescens. Un troisième passage avait communiqué aux bacilles une puissance d'attaque telle qu’en 24 heures les carottes étaient décomposées sur une profondeur de plus de 5 millimètres. Les passages suivants ont encore augmenté la virulence. Celle du B. fluorescens était si grande que des rondelles de 0,05 d'épaisseur étaient toutes ramollies en quelques jours. Les produits de la destruction des lissus, et le liquide brunâtre qui s’écoulait au fond des cristallisoirs avaient une réaction nettement alcaline, De plus, dans les bocaux de culture du 8. fluorescens, je percevais une odeur d’ammoniaque très {orte. BACTÉRIES BANALES PARASITES DES PLANTES 307 En résumé, les carottes et les navets qui avaient subi l'influence de doses élevées d'engrais azotés ou de chaux se sont montrées peu résistants à l’invasion parasitaire. Au contraire, l’emploi de l'acide phosphorique diminue la prédisposition à l'infection. Ces résultats confirment ceux de M. Laurent pour le colhba- cille. | | Les tubercules adultes de topinambour et la betterave à sucre paraissent naturellement immuns contre la pourriture provoquée par les microbes étudiés. Des topinambours provenant des 5 parcelles ont été ino- culés avec du B. fiuorescens virulent sur carotte. Après 4 jours, les tubercules de P. IV seuls étaient faiblement attaqués; un second passage sur le même milieu n’a pas accru l’aptitude parasitaire. Des essais d'inoculation furent tentés sur des betteraves, sans aucun résultat. Mais l’immersion de ces racines dans une solution de soude à 1 0/00 les a rendues favorables au déve- loppement du B. fluorescens. Une inoculation ultérieure sur bet- terave normale n’a plus donné qu’une attaque minime. L’immu- nité de la betterave est donc bien réelle. | Un accident survenu pendant l'été a fortement réduit la récolte des pommes de terre cultivées dans le champ d’essais. Je n’ai pu les utiliser pour ces expériences, et me suis servi de tubercules de variétés fourragères cultivées dans les champs. La pulpe de carottes et de navets attaqués par les 3 ba- cilles à été employée comme produit d’inoculation, sans don- ner de résultat positif. J’ai alors eu recours au moyen artificiel imaginé par M. Laurent pour diminuer l’immunité naturelle. I] consiste à immerger pendant une heure les moitiés de tuber- cules dans de la soude à 1 0/00. L’inoculation fut suivie après 24 heures dé séjour à l’étuve d’une destruction du parenchyme jusqu'à 3 et 5 millimètres de profondeur. Au bout de 2 jours, l'attaque du B. fluorescens atteignait 15 millimètres et celle des deux autres bacilles 8 à 10 millimètres. Des pommes de terre normales, coupées en deux, ont été ensemencées avec les trois bacilles cultivés sur tubercules plongés dans la soude. Dès le lendemain, le B. fluorescens avait produit 308 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. une pulpe de 5 millimètres d'épaisseur; le B. mycoïdes et le B. fluorescens avaient donné une sorte de mycoderme, comme sur navets et carottes. Les passages ultérieurs sur pommes de terre out accru la virulence des 3 espèces, parmi lesquels la plus active était toujours le B. fluorescens ; ses aptitudes parasitaires sont remar- quables, et elle est sans conteste un ennemi très dangereux de beaucoup de plantes cultivées. Les pommes de terre employées provenaient de variétés différentes et de divers champs. Aussi plusieurs tubercules furent rebelles aux premières tentatives d’inoculation; après une accoutumance suffisante sur des variétés moins résistantes, les plus récalcitrantes ont fini par se laisser entamer. Ea réaction de la pulpe produite par l’invasion bactérienne et le liquide qui s’écoulait des tubercules pourris étaient toujours alcalins. La pulpe du B. fluorescens, examinée au microscope, montrait les cellules complètement dissociées, mais les grains d’amidon étaient intacts. Avec les B. mycoïdes el mesentericus, beaucoup de cellules n’étaient pas désagrégées; aussi la pulpe était plus ferme, grumeleuse. Quand la pourriture était assez avancée, l'odeur d’ammo- niaque était très prononcée. - Mécanisme de l'invasion bactérienne. — Les observations sui- vantes ont été faites sur le B. fluorescens, la plus virulente des 3 espèces étudiées. Si l’on observe en mars une pomme de terre ou un navet inoculé, on peut aisément s'assurer que si la pulpe est alcaline, le tissu immédiatement sous-jacent a une réaction acide. Cette zone est privée de microbes, mais néanmoins le protoplasme des cellules est contracté. J’observais même un commencement de désagrégation de ces dernières. Il semble que de la région envahie par les microbes s’infiltrent des produits solubles acides qui dissolvent les lamelles mitoyennes et coagulent le proto- plasme. | Le suc exprimé de navets infectés par le bacille a été filtré sur bougie Chamberland; il était brunâtre et avait une réaction alcaline. Une partie du liquide filtré fut neutralisé avec l’acide chlorhydrique dilué, et on en fit 3 portions. A la première (A), PET, 7 BACTÉRIES BANALES PARASITES DES PLANTES 309 on ajouta 2 0/00 d'acide oxalique; à la deuxième (B), un peu d’eau de chaux ; la troisième portion (C) fut chauffée à 62° pen- dant cinq minutes. Dans les trois liquides ainsi préparés furent plongés de petites tranches de carotte, de navet et de pomme de terre; une goutte d'essence de moutarde les préservait de l’inva- sion microbienne. | Deux heures plus tard, en À et B, le tissu superficiel était désorganisé, et 1l se détachait une mince couche pulpeuse des tranches de tubercules. Le protoplasme était contracté dans les cellules. Dans C, les tissus étaient restés compacts, mais le proto- plasme était contracté plus nettement qu’en B. Nous retrouvons ici les 2 agents signalés par M. Laurent : une diastase qui dissocie les cellules et des substances qui en contractent le protoplasme. Celle-là est détruite à 62° et fonctionne mieux chez le B. fluorescens, en milieu acide; celles-ci résistent au chauffage à 62°. Des observations analogues furent faites avec le suc exprimé de pommes de terre attaquées, suc donc la réaction était aussi alcaline. Il renfermait une diastase qui dissout les lamelles mitoyennes de la pomme de terre en présence d'acide lactique et surtout d'acide acétique à 1 0/0; en même temps il y avait coagulation du protoplasme. Les effets de l’addition des acides formiques et tartrique, à la même concentration, sont plus lents sur la dissociation cellulaire et nuls sur la coagulation proto- plasmique. Le même liquide, additionné de soude à 1 0/0 ou chauffé à 62°, ne modifiait plus la consistance du parenchyme de la pomme de terre. L'existence de la diastase dissolvante des corps pectiques qui constituent les lamelles mitoyennes a été mise en évidence par la précipitation par lalcool du liquide filtré des cultures sur pomme de terre. Le précipité floconneux dissous dans l’eau produit le ramol- lissement et la désagrégation des membranes. L'analyse du même liquide y a révélé l'existence des acides acétique et lactique. Ces acides ont aussi été retrouvés dans une culture du B. fluorescens en solution minérale additionnée de sucre à 1 0/0. Nous savons déjà que, dans un tubercule de navet ou de 310 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. pomme de terre infecté, il existe sous la pulpe une couche de parenchyme, à réaction nettement acide et qui n’est pas encore envahie par les microbes, mais dont le protoplasme est déjà contracté. Cette altération doit être attribuée à des produits solubles, acides, sécrétés par les organismes de la pulpe, et parmi lesquels on est aulorisé à ranger les acides acétique et lactique produits aux dépens des sucres de réserve. À la dose de 1 0/0, ces acides organiques ne déterminent pas la contraction cellulaire chez la pomme de terre et le navet, mais bien chez le topirambour, la carotte et l'oignon. Cette dose n’est sans doute jamais atteinte dans les parenchymes situés à la limite des tissus contaminés; d’autres produits de sécrélion ajoutent leur action toxique à celles de ces acides et déterminent la mort des cellules avant la pénétration des microbes. Pour que celle-ci puisse avoir lieu, il faut la désagré- gation cellulaire causée par la diastase également sécrétée par les bactéries, et dont la diffusion paraît moins rapide que celle _des substances toxiques. Il n’est pas sans intérêt de remarquer que, dans le cas du- B. fluorescens cultivé sur pomme de terre ou navet, la diastase qui dissout les lamelles mitoyennes ne fonctionne qu’en milieu acide ou faiblement alcalin. Si la pulpe formée par les restes des parenchymes attaqués par les bactéries actuelles devient alcaline, c’est par suite des produits de décomposition des matières azotées renfermées dans les cellules. Il se forme ainsi de lammoniaque, qui neu- tralise les acides. La présence de cet alcali est évidente : on en perçoit nettement l'odeur dans les cultures et on peut le mettre en liberté par distillation avec la potasse. L'intervention de lammoniaque est nécessaire pour empêé- cher l’action toxique des acides organiques que les bactérées produisent en décomposant les sucres, action qui se superpose à celle des acides du suc cellulaire. Ainsi, peut s’expliquer la prédisposition que présentent les tubercules récoltés dans la parcelle [, où l’on emploie chaque année des engrais azotés. Une pareille alimentation provoque une assimilation plus impor- tante des combinaisons azotées, substances albuminoïdes, amidées ou autres, toutes très favorables à la nutrition des bactéries et à la production de combinaisons ammoniacales résiduaires. BACTÉRIES BANALES PARASITES DES PLANTES 314 Récemment, M. Pétermann ‘a attiré l'attention sur la richesse des tubercules en matières azotées non albuminoïdes, chez des variétés de pomme de terre très sujettes au Peronos- pora. Au contraire, les variétés qui renferment beaucoup de fécule et peu de matières azotées non albuminoïdes sont très résistantes à la maladie. C’est une nouvelle preuve des relations qui existent entre la composition des plantes, leur alimentation et le développement de leurs parasites. Cette dépendance des parasites vis-à-vis de la composition chimique de leurs hôtes doit être vraie aussi bien pour les matières minérales que pour les substances organiques, pour les hydrates de carbone comme pour les combinaisons azotées. En voici un nouvel exemple. Au mois d'avril 1901, mes cultures du B. fluorescens navet périclitaient; il en fut de même pour des cultures de cette espèce faites en mai, sur pommes de terre de variétés diverses. L’immersion des tubercules dans des solutions alcalines ne communiquait qu'une virulence passagère : ils étaient immu- nisés, rebelles à l'infection. Il n’en fut plus de même quand, au commencement de juin, je pus répéter mes essais d’inocula- tion sur des pommes de terre nouvelles. Le microbe, après un premier passage sur tubercule alcalinisé, était redevenu actif, quelques passages sur des pommes de terre normales lui ren- dirent toute sa virulence. On ne peut expliquer l’immunité acquise au printemps par les navets et les pommes de terre que par l'épuisement des réserves sucrées utilisées par la respiration et la croissance des tiges. Le B. fluorescens, incapable d’attaquer l’amidon, ne peut plus se multiplier et produire les substances toxiques qui tuent les parenchymes des tubercules. Ici limmunité résulte d’un appauvrissement de l'hôte. CONCLUSIONS Les résultats généraux de ce travail confirment les conclu- sions posées par M. Em. Laurent dans ses recherches sur le colibacille : 1, Bull. de l’Institut chimique et bactériologique à Gembloux, n° 70, p. 45, 1901. 312 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. 4° Par une série de passages, il est possible de faire acquérir à des bactéries banales (Bacillus fluorescens liquefaciens, B. mycoï- des, B. mesentericus) une réelle virulence à l'égard des tissus végétaux; cette propriété disparaît par la culture en milieu non vivant ; 20 L'alimentation minérale influe d'une façon évidente sur la résistance des végétaux tuberculeux à l'infection bactérienne, C'est ainsi qu'un excès d'engrais azoté ou de chaux prédis- pose à la pourriture tandis que les phosphates augmentent la résistance des navets et dés carottes aux bacilles virulents ; 3° Pour ce qui concerne spécialement le B. fluorescens, il y a lieu de distinguer dans son rôle parasitaire : 4, une action dissolvante des lamelles mitoyennes, due à une diastase, une variété de pectinase et qui produit la dissociation des cellules; b, une action coagulante, puis nécrosante sur le protoplasme provoquée par les produits de sécrétion du microbe, parmi lesquels sont des acides organiques; ‘ils agissent comme de véritables toxines. ERRATA DANS L'ARTICLE DE M. J.-G. SAVTCHENKO (Numéro du %5 février ) Page 107. — Ligne 44. — Lire « R. Pfeiffer » et non « Pfeffer. » Page 117. — Ligne 28. — Lire « 3 c. c. de bouillon et de sérum fixateur » et non «3 ©. ©. de bouillon ». Page 119. — Ligne 26. — Lire « sérum normal de lapin » etnon « sérum normal de cobaye ». Page 123. — Ligne 37. — Lire « mononucléaires » et non « polynucléaires ». Le Gérant : G. Masson. Sceaux. — Imprimerie E. Charaire. iii 16xe ANNÉE MAI 1902 Ne 5 ANNALES L'INSTITUT PASTEUR ESSAL SUR LA BIOLOGIE DU BACILLE PYOCYANIQUE Par C. GESSARD. 22 J'ai montré, anciennement déjà, l'avantage qu’il y a à cul- tiver séparément en bouillon et en peptone : le bacille pyocyanique, pour dissocier ses fonctions chromogènes, carac- tériser ses races et ses variétés et, sous les divers aspects gu'impriment aux cultures les différences de germes et de milieux, reconnaître l'identité de l'espèce. Tel germe qui, en bouillon, ne donne qu'une fluorescence verte (race F), tel autre qui n’y donne pas de pigment (race S), donnent de la pyocya- nine dans la solution de peptone. Inversement, un germe peut ne produire que du rouge-brun*? dans ce dernier milieu (variété mélanogène), qui fera de la pyocyanine dans la culture en bouillon. D'autre part, l'expérience suivante, en milieux salins de composition connue, montre à quels éléments simples, dans les milieux complexes précités, se rattache la production de deux de ces pigments. Un germe pyocyanique de la variété mélanogène ne fait que de la pyo- cyanine dans la solution : SHLCCIR A TEA AM IN ON AQU e EE ER TEE 2 grammes SITE TOMMASNMESLE Le PR EAP NA RAR PAS 2 or, 50 Chlorure de’calcium. cristallisé.. : 21h 0: ex, A gr,,25 AUS HS MILÉ PAR AR EN A 1.000 €. € Dans le même milieu additionné de phosphate de soude ou de potasse bibasique (5 gr.), il ne fait que de la fluorescence. 4. Peptone de préparation spéciale, dont j'ai donné la.formule, ces Annales, t. VI, 4892, p. 807, et Bulletin médical, 1899, n° 55, p. 650. 2. Ce n’est pas le cas avec le germe mélanogène qui m'a servi, et dans la solution de peptone à 2 (/,: de la pyocyanine s’y montre avant le pigment rouge-brun. Celui-ci apparait d'emblée, si l’on force la. dose de peptone dans la solution. On conçoit, d'autre part, qu’un germe plus énergiquement mélanoyène pourrait produire ce dernier effet avec la dose ordinaire. 24 314 : ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Dans le même milieu additionné de tyrosine (0,5), il ne fait que du pigment rouge-brun. UK NUE Mais ni les milieux salins, ni le bouillon et la peptone pris séparément n’entrent dans la pratique courante des laboratoi- res de bactériologie. On s’y préoccupe, avant lout, de constituer un milieu banal en rapport avec les indications nombreuses, tirées des sources multiples où puisent les investigations bactériologiques ; on vise à réaliser dans ce milieu la plus grande somme d’éléments nutritifs, pour satisfaire aux exigences variées du plus grand nombre d'espèces qui peuvent se rencontrer. Pour cela, bouil- lon et peptone sont communément associés. Voyons done com- ment réagit ce milieu complexe aux différents germes pyocya- niques. La culture en bouillon peptoné offre trois types, caractérisés par les pigments qui y apparaissent. Ce sont : 1° Culture à pyocyanine seule : : 2° Culture à pyocyanine et fluorescence *; 3° Culture à pigment rouge-brun, qui se montre à la suite ou à l'exclusion des autres pigments ‘. Trois types de bacilles correspondent aussi à ces trois aspects des cultures en bouillon peptoné. Ils peuvent se carac- tériser déjà, rappelons-le, dans le bouillon ou la peptone employés séparément. Ce sont : 1. IL faut, pour reproduire cette expérience, ne pas perdre de vue les contin- gences d'où son succès dépend et où j'ai insisté dans un travail précédent (ces Annales, t. XV, 1901, p. 319). On ne s’attachera donc pas obstinément au chiffre de 2 grammes de succinate d’ammoniaque, bon pour le germe mélanogène qui m’a servi. Mais, par tâätonnement, on cherchera la dose de succinate la plus propre à mettre en relief le triple aspect de cette expérience, très frappante sous la disposition des trois essais parallèles, simultanément ensemencés d’une égale quantité d’une mème culture-mère, de bouillon par exemple. 2. Aboutissant de la race P qui ne donne que de la pyocyanine même en bouillon, et aussi de la race S qui n’y donne pas de pigment, mais dont le caractère spécifique, la production de pyocyanine se retrouve, gràce à la peptone du mélange. ( Ces Annales, t. V. 1891, p.70.) 3. Aboutissant de la race A qui fait les deux pigments même en bouillon, et aussi de la race F qui‘n’y fait que de la fluorescence, mais dont le caractère spécifique, la production de pyocyanine se retrouve, comme il est dit dans la note précédente. 4. Variété mélanogène qui, faute de tyrosine en quantité suffisante dans le bouillon, n’y donne pas de pigment rouge-brun et ne s'y différencie done pas de la variété pyocyanique ordinaire, mais y peut offrir les caractères d'une des quatre races de cette dernière mentionnées dans les deux notes précédentes. BACILLE PYOCYANIQUE. 315 1° Le bacille P, exclusivement pyocyanogène en bouillon ; 2° Le bacille A, pyocyanogène et fluorescigène en bouillon; 3° Le bacille mélanogène en peptone. Tous trois se rencontrent dans les conditions naturelles, Nous aurons à revenir sur cette origine. Voyons d’abord les résultats des tentatives qui ont été faites pour réaliser expéri- mentalement l'un ou l’autre de ces types. sp D'après le sens où s’exerce le plus souvent notre intervention expérimentale, quand elle se confine in vitro et ne recourt pas à la collaboration des milieux vivants, nous devons trouver qu'entre nos mains un germe pyocyanique aura perdu quelqu’uné de ses fonctions chromogènes plutôt qu’il n’en aura acquis de nouvelle. En effet, les tentatives dans cette dernière direction sont restées infructueuses. M. Edwin O. Jordan, dans une étude approfondie du bacille pyocyanique, a multiplié sans succès les expériences, en vue de faire naître ou d’accroitre le pouvoir pyocyanogène chez des germes qui étaient dépourvus de ce pouvoir ou qui ne l’offraient qu'à un degré restreint. Le mème savant n’a pas mieux réussi à donner le pouvoir fluoresci- gène à un bacille pyocyanique qui ne le possédait pas, malgré une série de cultures dans des milieux particulièrement favo- rables à la production de la fluorescencel. J'ai également échoué, de mon côté, quand j'ai entrepris autrefois d'exalter, au regard du bouillon, la fonction fluorescigène d’un germe qui y produisait fluorescence et pyocyanine, et que, dans ce dessein, j'ai fait une longue série de cultures de ce germe dans l'albu- mine d'œuf, qui est le milieu naturel le plus favorable à l’exer- cice de cette fonction fluorescigène. Le germe, mis de la sorte en demeure de ne produire que de la fluorescence pendant toute une apnée, quand il fut reporté au bout de ce temps dans le bouillon, n’y a plus fait dès lors que de la pyocyanine *. C’est l’origine de ma race P. On voit qu’elle représente une dégra- dation de la race À ; elle correspond, comme nous avons dit, au type ! des cultures en bouillon peptoné, 1. Eowix O. Jorpax, de l'Université de Chicago. Bacillus pyocyaneus and its pigments. Journal of Experimental Medicine, 1899, n°s 5-6, p. 633 et sui vantes. 2, Ces Annales, t. V, 1891, p. 70. 316 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. . En possession du bacille de la variété mélanogène qui, en plus de pyocyanine et fluorescence, produit le pigment rouge- brun, je me suis demandé s’il ne serait pas possible de le dégrader aussi, de lui faire perdre, par exemple, cette dernière faculté, et de le ramener ainsi au type de la variété pyocyanique ordinaire. Pour bien augurer des tentatives dans ce sens, je n’eus qu’à me rappeler le fait d'atténuation progressive du pou- voir mélanogène’, que j'avais vu spontanément survenir dans un de ces germes, au cours des ensemencements réitérés dont il avait été l’objet. C’est ce germe même que j'ai choisi pour tenter, par un moyen artificiel, d'achever l’œuvre de dégradation déjà en voie d'élaboration spontanée. Le moyen auquel j'ai eu recours, © est la chaleur, quim'a déjà servi autrefois à dépouiller de ses fonctions chromogènes le bacille pyocyanique ordinaire. Il m'a suffi de chauffer 5 minutes à 54° * une culture en bouillon du germe mélanogène susdit, pour le rendre inapte désormais à faire le pigment rouge-brun*, même dans les milieux pourvus de tyrosine, qui en fournit la matière première. Ainsi, à partir de sa plus grande complexité fonctionnelle, qui se manifeste en bouillon peptoné par la production de trois pigments, le rouge-brun, le fluorescent, le pyocyanique, le bacille peut être réduit, par degrés, à ne plus produire dans ce milieu que deux pigments, le fluorescent et le pyocyanique, 4. L'atilénuation du pouvoir mélanogène se mesure, je le rappelle, à la quan- tité de succinate d’ammoniaque dont l'influence est antagoniste, dans la culture en milieu salin, de celle de la tyrosine, et tend à faire prédominer les pigments pyocyaniques ordinaires sur le pigment rouge-brun lié à cette dernière. Plus l'atténualion est poussée, moins est grande la quantité de succinate d'ammoniaque à opposer à la quantité constante de tyrosine de 0,50/00 du mélange. 2. Je ne donne aussi ce chiffre pour valable que relativement à mes expé- riences et au germe qui n’a servi. À prendre, comme valeurs absolues, les chiffres des températures qui m'ont réussi autrefois pour obtenir des effets de dégradation analogues sur le bacille pyocyanique ordinaire, des expérimentateurs ont échoué dans leurs tentatives pour reproduire ces effets à ces mêmes températures. Le degré de température efficace varie avec le germe, le milieu de culture, etc. Aussi faut-il procéder par tâätonnement, successivement à des températures diffé- rentes écartées d'un degré environ, et retenir, pour l'essayer au point de vue des fonctions, le germe qui a subi la température immédiatement inférieure à celle qui abolit la vitalité elle-même. Le chauffage porte chaque fois sur le contenu de la partie effilée d’un tube à ensemencer, qui n’est fermé que par une ouate à la partie supérieure. 3. Le chauffage, dans mon expérience, a fait perdre au gerine, du même coup, la fonction pyocyanogène au regard du bouillon : d'où il s'est trouvé bacille pyo- cyanique ordinaire de race F. Nous retrouverons plus loin mention de la fragilité de cette fonction pyocyanogène dans le bouillon, en comparaison de la fluoresci- gène. a + BACILLE PYOCYANIQUE. 317 puis un pigment unique, le pyocyanique, d’ailleurs spécifique et sans lequel le bacille pyocyanique ne peut-être identifié *, Quelle importance a chacune de ces fonctions chromogènes, en soi et relativement aux autres ? Quelle place occupe chacune d’elles dans la biologie du bacille pyocyanique et comment peut-on concevoir cette biologie ? C’est ce que j’examinerai dans les lignes qui suivent. Il Je rappellerai d’abord les circonstances naturelles où se sont rencontrés les types pyocyaniques d’inégal pouvoir chromogène, qui correspondent à ceux que lexpérimentation a mis en œuvre ou réalisés. Commençons par le bacille mélanogène. Sa fonction chro- mogène caractéristique est la mieux connue, en tant que ce « phénomène vital a été réduit à une explication physico-chi- mique bien déterminée ». (Cz. Bernarp.) Nous savons que le pigment rouge-brun est dù à la présence de la tyrosine dans les milieux de culture et à la transformation de cette tyrosine par une diastase oxydante, la tyrosinase, que le microbe sécrète et qui est bien connue par ailleurs !. Nous pouvons aussi bien dire à quel temps ce pigment rouge-brun est apparu pour la première fois dans la biologie du bacille pyocyanique. {l date 1. Je n’ignore pas que MM. Charrin et Phisalix ont poussé la dégradation encore plus loin, et que, par une série de cultures à la température de 420,5, ils ont amené le bacille pyocyanique à ne plus produire de pigment, même dans les milieux propices et aux températures eugénésiques. (Comptes rendus de l’Académie des Sciences, t. CXIV, 1892, p. 1565.) Mais je ne crois pas que, en dehors de son intérêt doctrinal, ce fait ait une portée pratique, ni qu'il permette d'inscrire un type nouveau à la suite des trois (yvpes de bacilles, caractérisés comme il est dit ci-dessus. Un germe dénué à ce point du caractère spécifique essentiel, la production de pyocyanine, et qui serait rencontré dans les condi- tions naturelles, ne saurait être revendiqué comme pyocyanique. Dans des con- ditions expérimentales qu'ils suivaient de près et sur lesquelles ils gardaient la haute main, MM. Charrin et Phisalix ont pu légitimement invoquer, « pour dé montrer que ces cultures décolorées étaient bien ducs au bacille pyocyanique, les symptômes et les lésions engendrés par l'inoculation aux animaux ». Mais symptômes et lésions ne sont pas à ce point pathognomoniques dans la maladie pyocyanique de l'animal ou de l'homme, qu'ils permettent d'identifier, à défaut du pigment spécifique, le bacille pyocyanique. Puisque nous avons la bonne fortune qu’une espèce microbienne possède en propre un caractère si tranché et si facile à reconnaitre, nous devons maintenir la prétention rigoureuse que ce caractère soit préféré à tous autres d'interprétation forcément plus personnelle, pour identifier, en toute occasion, les germes de cette espèce. 2. Ces Annales, t. XN, 1901, p. 593 et 817. 318 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. du cas clinique où M. le docteur Cassin découvrit le nouveau microbe, et de l'étude bactériologique du microbe par M. Ra- dais!, lequel y reconnut un bacille pyocyanique que différen- ciait la production de ce nouveau pigment. Le cas est resté isolé dans la science. La singularité du fait, aussi bien que le caractère inédit et la soudaine révélation d’une propriété si curieuse dans une espèce microbienne qui a fait Pobjet de si nombreux travaux et qui est d’ailleurs si connue, tout cet ensemble de données m’a conduit à rattacher ce progrès fonc- tionnel aux circonstances mêmes où le microbe s’est rencontré. J'ai pensé qu'un germe pyocyanique ordinaire s’est trouvé dans des conditions particulières et nouvelles de conflit avec un organisme vivant, un être humain dans l'espèce, d’où lui est venue cette virulence nouvelle et d'application si spéciale, si je peux employer cette expression par une assimilation qui me paraît légitime entre ce cas particulier d’accroissement des facultés microbiennes et les autres cas couramment observés où cette expression trouve son habituel emploi. M. James Kunz * a été le premier, sinon à constater la fluo- rescence des cultures pyocyvaniques, du moins à l’attribuer à existence d’un pigment distinct. Une belle fluorescence verte, due au mélange de la pyocyanine et de ce pigment fluorescent (pyofluorescéine de l'auteur), forme l'aspect habituel des cultures en bouillon peptoné de la plupart des germes pyocyaniques de diverses provenances. On sait que la production du pigment fluorescent est liée à la présence de phosphate dans le milieu de culture, sans que toutefois l’apparition de la fluorescence accompagne le phosphate aussi souvent que le pigment rouge fait la tyrosine *. Cette fluorescence a pour propriété de dispa- raître par les acides et d’être rétablie ou exaltée par les alealis, et de prendre par oxydation, dans les vieilles cultures, une teinte feuille morte comprise entre le brun jaune et l'orangé. La coexistence de la pyocyanine et de la fluorescence dans les 4. Comptes rendus de la Soc. de Biologie, 1897, p. 808. Je dois à l'obligeance de M. le Dr Cassin de pouvoir publier l'observation de ce curieux cas clinique, rédigée par lui et encore inédite. (V. Appendice.) 2. Corresp. Blait f. Schweis. Aerste., t. XNIIE, 1888, p. 79. 3. C'est ainsi qu'une coloration rouge accompagne l'oxydation de la tyrosine, que l'agent d’oxydation soit chimique (réactif de Millon) ou biologique (tyrosinase d'origine microbienne ou eryptogamique!. J’ai constaté que l'ozone produit aussi la même coloration, mais qui est bientôt limitée par le pouvoir décolorant de ce gaz. BACILLE PYOCYANIQUE. 319 cultures semble le cas le plus fréquent, d’après les recherches bibliographiques auxquelles s’est livré M. E. Jordan'!, dans le même temps qu’il apportait son intéressante contribution à la connaissance du bacille exclusivement pyocyanogène, qui est celui qui va maintenant nous occuper. J'ai pu rétrospectivement établir ? que c’est un germe de ce type qui m'est échu, quand j'ai fait, il y a vingt ans, mes pre- mières recherches sur le microbe des pansements bleus. Si, en effet, il ne m'était pas possible, à l’époque, d’assigner à ce germe son vrai rang dans la biologie du bacille pyocyanique, il n'était pas davantage possible que je méconnusse la fluores- cence, si elle était apparue dans le milieu propice qui me servait, car je m'étais initié aux études bactériologiques préci- sément avec un microbe banal, producteur de ce pigment fluo- rescent. J'ai pu, grâce à M. Jordan, observer le germe de même race qu'il a étudié (B. pyocyaneus, Rush, de son mémoire) et qui a été trouvé dans le corps d’un cobaye, mort à la suite d’inoculation de membrane diphtéritique. Je lui ai trouvé les caractères connus du bacille exclusivement pyocyanogène P : il donne en bouillon peptoné une culture bleue ou verte sans l'éclat des cultures A, laquelle devient brun-rouge ? en vieillis- sant. Ainsi ce type de bacille pyocyaniqué se rencontre égale- ment dans la nature, et il y serait même moins rare que ces deux exemples isolés ne feraient supposer : récemment M. F. P. Gorham‘ en signalait la fréquence dans le nez et daus la gorge à côté du bacille à deux pigments. * * + 1. Loco citato, p. 646. 2. Ces Annales, t. V, 1891, p. 75. 3. Brun-rouge bien différent de celui que donne le bacille mélanogène en présence de là tyrosine, et que, d’ailleurs, le mélanogène ne produit pas dans les conditions de milieu qui sont les plus favorables à sa production par le germe P. M. G. W. Boland (Centralblalt f. Bakteriologie, t. XXV, 1897, p. 897) en a fait un produit de transformation de la pyocyanine dans les cultures, qui correspond à la pyoxanthose qu’elle donne dans d'autres conditions, et à mesuré, en effet, la décroissance progressive de la pyocyanine en corrélation avec l'accroissemeut progressif de ce pigment rouge, à mesure que la culture vieillit. Mais j'ai vu ce rouge apparaitre par vieillissement des cul{ures en gélatine glucosée, où le microbe ne produit pas de pyocyanine, mais seulement une coloration jaune ou verdâtre. Je l'ai attribué dès lors à l'oxydation de ce pigment distinct, troisième pigment de mon mémoire de 1890, qui accompagne la pyocyanine dans les milieux etavec les germes qui ne donnent pas de fluorescence. 4. Second Meeting of the Soc. of American Bacteriologists, in Baltimore. Cen- tralblatt {. Bakteriologie, t. XXIX, 1901, p. 495. ï 320 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Nous devons nous demander maintenant : le bacille pyocya- nique normal est-il le microbe doué des deux fonctions, pyocya- nogène et fluorescigène, d’où le type exclusivement pyocyano- gène serait dérivé, comme nous avons vu que c’est le cas dans les conditions expérimentales; ou bien le bacille, uniquement pyocyanogène d’abord, peut-il acquérir, du fait des circonstances, la propriété de faire de la fluorescence, comme nous avons vu que le bacille producteur des deux pigments a acquis une troi- sième fonction chromogène dans son séjour au sein d’un orga- nisme vivant ? Mais notons aussitôt que la fonction fluorescigène n’appar- tient pas en propre au bacille pyocyanique, qu’elle est commune à un grand nombre d’espèces dont M. Edwin 0. Jordan a pu relever cinquante-deux en 1899 *, et que dès lors notre question peut être transformée en la suivante : est-ce qu’un germe fluo- rescent banal a pu se spécifier et devenir apte à produire de la pyocyanine; ou, encore une fois, est-ce un germe, seulement pyocyanogène à l’origine, qui est devenu pyocyanogène et fluo- rescigène ? Dans l’une et l’autre alternative, puisqu'il s’agit de l’acquisi- tion d’une propriété nouvelle, nous sommes porté à penser qu’il a dû intervenir cette action physiologique d'un milieu vivant, à qui nous n'avons pu, jusqu'ici, trouver d’équivalent dans les ressources de l’expérimentation. D’autre part, si nous admet- tons que c’est la fonction fluorescigène du bacille pyocyanique qui à pris naissance par Ce mécanisme, nous devons trouver même caractère adventice et même origine à cette fonction chez tous les microbes qui en sont pourvus. Les circonstances. où la plupart de ces microbes ont été rencontrés, me paraissent militer en faveur de cette hypothèse. Car, si les titres, qui ont paru légitimer la création de tant d'espèces distinctes, sont d’inégale valeur et peuvent faire penser qu'une revision sévère réduirait notablement le nombre de ces espèces, la provenance et l'habitat pour chacune d’elles doivent ètre acceptés comme des titres d'autant plus authentiques qu'ils semblent, dans bien des cas, avoir prévalu sur les autres ou en avoir tenu lieu pour constituer des espèces fluorescentes nou- 1. Eowix O. Jorban, The production of fluorescent pigment by Bacteria. Bota- nical Gazette, Chicago, 1899, n° 4, p. 35. PT BACILLE PYOCYANIQUE. 321 velles. Or, on peut constater que ces germes fluorescents ont été le plus souvent retirés de quelque partie ou produit du corps de l’homme ou des animaux. Et même, la revision susdite eüùt-elle pour effet (ce qui dépasse beaucoup ma pensée) de réduire tous les fluorescents aux deux seules espèces si nettement caractérisées par ailleurs, et comme il serait à souhaiter que le fussent toutes les autres, grace à une fonction spécifique distincte, je veux dire le bacille cyanogène ou du lait bleu et le bacille pyocyanique, on voit assez, par Ces deux exemples, que notre hypothèse sur l’ori- gine animale de la fonction fluorescigène ne serait pas infirmée. 4 Cr Des conditions naturelles où nous apparaît le phénomène microbien dé la fluorescence, passons aux conditions que nous avons été amené expérimentalement à réaliser ou à adopter de préférence pour entretenir in vitro les fonctions chromogènes des microbes. Au premier rang des milieux propices à la fluores- cence vient l’albumine telle que l'offre Le blanc d’œuf, ce milieu dès longtemps désigné par le développement spontané de la fluorescence verte, qui ya été signalée bien avant qu’on en con- nüt la cause’. Le bacille pyocyanique doué des deux fonctions chromogènes n’y fait que de la fluorescence. Au contraire, celle- ei cesse de prédominer et tend même à disparaître, à mesure que cette matière albuminoïde est plus différente de ce qu’elle est à l’état naturel. C’est ainsi que, dans le bouillon, la pyocya- nine peut se montrer à côté de la fluorescence. Toutefois ce milieu maintient encore l’avantage à la fonction fluorescigène sur la pyocyanogène, au point que cette dernière peut disparaitre par le fait seul de la prolongation des cultures en série dans le bouillon, ce qui peut donner naissance à un représentant de la race F, qui ne fait que de la fluorescence dans ce mi- lieu ?., Enfin, dans la peptone de ma formule, où la matière 1. SCHOENBEIN, 1864. 2. Cette dégradation spontanée d'un germe pyocyanique, qui n'y laisse plus subsister que la fonction fluorescigène, s’observe fréquemment dans les labora- toires, à la suite de nombreuses cultures en série. Et ces germes ainsi modifiés ont été cuuse d’erreurs, de la part d’observateurs qui en ont eu communication sans avoir suivi le procès de dégradation. Il n’est pas superflu de rappeler que la peptone, particulièrement la peptone gélosée et glycérinée, est le milieu d’élec- tion pour la production de pyocyanine par les germes qui n’en font plus dans les autres milieux. Car peut-on concevoir, sans l'oubli de ce moyen si simple de diagnostic entre le bacille pyocyanique de race F et le bacille fluorescent liqué- 322 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR albuminoïde a subi une dégradation plus profonde, la fonction fluorescigène ne se retrouve plus et, seule, la fonction pyocya- nogène subsiste. Mais nous savons désormais que ce n’est pas la matière albuminoïde globale qui favorise la fonction fluorescigène, mais seulement l'élément qui est universellement associé à l’albumi- noïde, le phosphate. Et quand nous avons substitué nos milieux salins à ces milieux albuminoïdes, nous avons bien vu, en effet, que, si la fonction pyocyanogène se contente du milieu minéral le plus pauvre, partant le plus rapproché des conditions de là vie saprophytique, la fonction fluorescigène veut en plus, pour se manifester, l'introduction dans ce milieu d’un de ces phos- phates, «les plus physiologiques des sels minéraux » (Ducraux), et par là témoigne encore de ses relations originelles avec les milieux vivants. Le rapprochement s'impose ici avec ce qu'on constate, d’au- tre part, pour la production des toxines, qui est la fonction du bacille pyocyanique dont on peut le moins contester qu'elle s’acquiert ou s’exalte par le passage du microbe dans le corps des animaux vivants. Le bacille, devenu ainsi pathogène, ne donne naissance à ses toxines dansles cultures in vitro, que si le milieu est suffisamment riche en principes albuminoïdes!, et cette fonction particulière, plus exclusive que la fonction fluo- rescigène, ne s'accommoderait pas, comme celle-ci, des milieux salins phosphatés pour succédanés des albuminoïdes. Cette faculté d'acquérir des propriétés nouvelles dans cer- taines conditions de milieu, qui est une notion bien ancienne pour la virulence et dont la fluorescence me paraît offrir un nouvel exemple, témoigne d’une puissance d’évolution mi- crobienne qu’il est difficile de croire bornte à ces termes. Nous voyons, d'autre part, que le microbe chromogène peut être fiant, que de longues recherches aient été consacrées à leur trouver des caractères distinctifs dans la forme de liquéfaction de la gélatine, la température de crois: sance, elc.? Que penser aussi des germes pyocyaniques mis en expérience, sinon des expériences elles-mêmes, dans des recherches qui concluent à l'impossibilité d'obtenir de la pyocyanine et qui en infèrent que la couleur bleue des cultures n'est que celle qui apparaît dans tout liquide légèrement trouble, et est imputable à un phénomène de réfraction de la lumière! M. A. Christomanos à récemment fait justice de ces étranges assertions. (Zeitschrift f. Hygiene, t. XXX VI. 1901, p.258.) 4. Cuarrin et Dissarp, Mémoires de la Soc. de Biologie, 1893, p. 182. 420 BACILLE PYOCYANIQUE. 323 amené à ne plus produire aucun pigment ; nous concevons, par suite, la vie comme indépendante de la fonction, et nous som- mes conduit à nous demander si elle n’a pas devancé cette der- nière; si, de même qu'il dépouille la fonction chromogène, le microbe ne l’a pas revêtue à un moment donné; si, en un mot, pour la fonction pyocyanogène elle-même, où nous réduisons la propriété essentielle du bacille pyocyanique, des influences de milieu n’ont pas déterminé son apparition dans un germe pri- mitivement incolore. Mais c’est la question même de lorigine de l'espèce qui se pose ainsi, aussi bien que lorsqu'on discutait jadis la possibilité de la transformation du bacille du foin en bactéridie charbonneuse. Il convient d'autant mieux d'écarter de ces questions les considérations théoriques et de laisser la parole aux faits, que la microbie paraît la science qui peut le mieux permettre l’étude expérimentale des questions d’évolu- tion. Aussi je me contente de signaler ce point de vue en passant. 3% ri Revenons à la fonction fluorescigène, pour rappeler un fait qui me semble en faveur de l'origine animale que je lui attribue. J'ai vu autrefois que cette fonction subsistait seule dans un germe qui faisait primitivement fluorescence et pyocyanine, après que ce germe avait séjourné quarante-huit heures dans le corps d’un lapin‘. Ainsi la fonction s’est maintenue, à l’exelusion de toute autre, dans les conditions qui lui ont donné naissance. Mais on serait en droit de demander davantage à l’expéri- mentation, et notamment qu’elle sanctionnät nos vues en faisant apparaître cette fonction fluorescigène dans un germe qui ne la possède pas primitivement. J'ai également une ancienne expé- rience qui, si elle visait un autre point, ne rentre pas moins dans les données du problème actuel. Un germe exclusivement pyocyanogène, de la race P obtenue par le moyen que j'ai rap- pelé plus haut, fut introduit dans la circulation d’un lapin; seulement, ce fut un bacille incolore qui fut retiré du cadavre de l’animal*. Mais on peut dire que cette expérience péchait par la base même : elle mettait à contribution un germe dont le caractère unifonctionnel, d'après ses origines, résultait d’un 1, Cefut une des origines de ma race F. 2. Ce fut une des origines de ma race S. 324 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. procès de dégradation!, au lieu d’être l’attribut primordial du microbe primitif, comme ce devrait être le cas pour le bacille employé à cette expérience. Mais, quand mème nous aurions introduit dans un organisme animal le germe approprié, l'expérience implique, à partir de ce moment, trop d’inconnues, elle procède d’un déterminisme dont nous sommes trop peu maître, pour que nous nous €eroyions autorisé à faire fonds sur ses résultats, quels qu'ils puissent être. Considérons, d’ailleurs, que l'influence que nous attribuons à la vie parasitaire du microbe sur sa fonction chromogène, ne présente pas un tel caractère de nécessité qu'elle s'exerce, à coup sûr, même dans les conditions qui paraissent les plus favorables. (Cas du bacille isolé par M. Jordan.) Remarquons enfin combien la manifestation de la fonction mélanogène elle-même, dont l’origine animale est bien avérée, s’est montrée tardive et isolée dans la série infinie des géné- rations pyocyaniques et dans le grand nombre de cas de vie parasitaire du mierobe, qui ont pu s'offrir, depuis si long- temps déjà, à tant d’observateurs de tous les pays. TI La fonction mélanogène du bacilie pyocyanique a été mani- festement acquise dans un milieu vivant. Par les considérations développées dans les pages qui précèdent, je conclus qu'il en est de même pour la fonction fluorescigène. Les conclusions de mes études sur le bacille pyocyanique sont les suivantes : Le bacille pyocyanique a, pour propriété essentielle et spéci- fique. la production de la pyocyanine. Celle-ci peut manquer, dans certains cas, du fait du milieu. Le milieu spécial avec la peptone permet toujours de la retrouver et, par là, de reconnaitre le microbe. Ce pigment est surtout en rapport avec les conditions de la vie saprophytique. Dans certaines conditions de vie parasitaire dans un orga- L. M. Jaxowsrr (Zeitschrift f. Hygiène, t. XV, 1893, p. 484) a reconnu, en effet, que le succès de mon expérience de la perte du pouvoir chromogène par passage dans le corps des animaux nécessitait préalablement un commencement de dégra- dation du microbe, qui résultait, dans ses expériences, d’ensemencements réité- rés en milieu artificiel : des cultures de quatre jours des n° 9 et 12 d’une série perdaient leur pouvoir chromogène par le passage dans les animaux, ce qui n’arrivait pas avec les cultures de même âge du n°3 de la série. BACILLE PYOCYANIQUE. 325 nisme vivant, le bacille pyocyanique peut acquérir la propriété de faire en dehors de cet organisme, in vitro : Un pigment fluorescent, moyennant que le milieu artificiel contienne un phosphate ; Un pigment rouge-brun, moyennant que le milieu artificiel contienne de la tyrosine ; Des produits toxiques et pathogènes, moyennant que le milieu artificiel contienne des matières albuminoïdes. (Cain. Le bouillon peptoné satisfait à ces exigences diverses. Les cultures du bacille pyocyanique y montrent le plus souvent pyocyanine et fluorescence associées, parce que, comme nous l’avons vu, le microbe doué des deux pouvoirs chromogènes est le plus fréquent, et que le bouillon peptoné offre en quan- tité suffisante et sous des proportions qui se font sensiblement équilibre les deux éléments dont l'influence se balance en faveur de l’un ou l’autre pigment : le phosphate nécessaire à la fluo- rescence, la matière azotée qui suffit à la pyocyanine. Cet équi- libre est près d’être rompu dans le bouillon simple, et c’est au profit du phosphate ; il en résulte un réactif, peut-on dre, plus sensible que n’est le bouillon peptoné, pour révéler, si faible qu’elle soit, l'inégalité d'aptitude des différents germes relativement à l’une et à l’autre fonction. Et ainsi nous avons pu constituer, au regard de ce bouillon simple, deux types de races qui ne se distinguent pas dans le bouillon peptoné : l’une qui n’y fait que de la fluorescence, F; l’autre qui n y fait pas de pigment, S. Mais nous sommes dès lors enclin à nous repré- senter finalement ces deux races comme étant respectivement des tvpes de bacilles À et P, seulement à pouvoir pyocyano- gène atténué, au point que le taux de phosphate du bouillon simple suffit à produire l’inhibition de cette dernière fonction, au profit de la fonction fluorescigène dans le premier cas, F, sous-variété de A; sans compensation chromogène dans le second cas, S, sous-variété de P. La peptone dans le bouillon peptoné rend la faveur à la fonction pyocyanogène, d'où l'onn’y distingue plus que À et P'. Enfin, en peptone pure, où l'élé- 1. La fonction mélanogène, adventice chez le bacille pyocyanique doit entrer au même titre dans la biologie d’autres espèces microbiennes, comme c’est le cas pour la fonction fluoreseigène. À ce point de vue, on devra chercher désormais, pour les divers microbes producteurs de noir, si la coloration des cultures n'est pas en rapport avec la présence de la tyrosine dans les milieux où le noir apparait. 326 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. ment azoté l'emporte de beaucoup, il n’est plus fait que de la pyocyanine par toutes les races. * *# # J'ajouterai quelques réflexions qui me sont inspirées par un travail récent, et que je n’ai connu qu'après la publication de mon mémoire sur le bacille mélanogène. MM. Otto von Furth et Hugo Schneider! se sont attachés à démontrer que c’est la tyrosinase qui donne naissance, dans l'organisme animal, à la mélanine et à tous les pigments ana- logues. De fait, ils ont constaté la présence de la tyrosinase dans le sang des insectes et d’autres arthropodes, et M. Przibram l’a retrouvée dans les tissus de la poche de noir de la seiche. Ces savants pensent que deux sortes de ferments concourent à la formation des pigments mélaniques dans les tissus vivants : un ferment autolytique qui dégagerait de la matière albuminoïde la tyrosine ou un autre composé aromatique ; la tyrosinase ou un ferment analogue qui transformerait ces composés en produits mélaniques. J'ai abouti, de mon côté, à la conclusion que le bacille pyocyanique de la variété mélanogène associe la tryp- sine et la tyrosinase pour dégager la tyrosine et l’oxyder, et produire son pigment rouge? brun dansles milieux albuminoïdes. C'est un nouvel exemple de l'identité d'action physiologique entre les cellules des tissus des êtres vivants, qui ne sont aussi bien que des microbes agrégés et à divers égards dépendants, et les microbes qui sont des cellules libres et autonomes. 1. C'est seulement dans ces limites restreintes que je me trouve en conformité de vue avec les auteurs allemands, dont les travaux ont pour pivot le dualisme : Bacilles > et $, Bacillus pyofluorescens et B. pyocyaneus. Autrement, le bouiilon reste-t-il la base des milieux nourriciers? Au regard de ce bouillon, j'ai quatre germes qui se comportent différemment à travers une longue suite de généra- tions : ils représentent bien quatre races. Elles se sont conservées, en effet, fixes dans leurs caractères, depuis onze ans que je les ai obtenues, et servent, chaque année, aux démonstrations et aux exercices pratiques de l’/nstitut Pas- teur. — J'ajouterai, comme contribution à nos connaissances sur la éurée de la vitalité des microbes sans spores, que des cultures en. bouillon, dans de petits matras Pasteur, que j'avais ensemenctes en janvier 1893, furent trouvées. Encore fertiles. Mortes. A. 11 décembre 1898; 2 février 1899 ; Fet P. 20 décembre 1896; 3 avril 1897; S. 4 octobre 1897; 11 décembre 1898. Ces constatations sont de M. le Dr Binot qui avait ces cultures dans ses collec- tions. et qui en essayait régulièrement l’état de conservation. J’en dois la com- munication à son extrême obliseance. 2. Beitraege sur chemischen Physiologie und Pathologie, t. I, 4901, p. 229. nd BACILLE PYOCYANIQUE. 227 J'ai, d'autre part, exprimé déjà l’opinion que la fonction fluorescigène, elle aussi, doit se retrouver dans l'organisme de l’homme et des animaux, sans que je préjuge rien sur son rôle dans l’économie; et j'ai volontiers admis que le sang de certains insectes ‘, d'aspect et de réaction identiques à ceux de la fluo- rescence d’origine microbienne, offrait la première manifesta- tion, à ma connaissance, de l’existence de cette fonction fluores- cigène dans la série animale. Si ces vues se vérifiaient, 1l ne serait pas indifférent, pour l’idée que nous pouvons nous faire de l’évolution des fonctions microbiennes, qu’un double exemple nous füt ainsi acquis, où ladaptation du microbe à une fonc- tion nouvelle eût résulté du séjour de ce microbe dans un orga- nisme vivant où cette fonction est normale, et peut-être même (il appartient à des recherches ultérieures d’élucider ce point) dans les parties mêmes de cet organisme où cette fonction s’exerce habituellement. APPENDICE Observation d’un sujet chez qui fut trouvé le bacille pyocyanique mélanogène. Par M. ze Dr Cassx. Au mois d'août 1895, au cours de manœuvres et en saut d'obstacles, X..., officier de cavalerie, 39 ans, à la jambe droite violemment froissée entre le flanc de son cheval et celui d'un camarade. Au débotter, il constate une meurtrissure sans plaie, produite par les boutons de la culotte, sur la face externe du mollet; le lendemain, large ecchymose dans celte région, sensation de douleur profonde, mais pas d’in- terruption de service. À quelque temps de là, il se découvre, par hasard, dans la zone contuse, dont l'aspect était normal, une induration « comme un furoncle »; il s'ouvre sans avoir été douloureux (décembre 1895). Puis, autour du premier bouton, il s’en forme de nouveaux qui, comme lui, s'indurent et s’ulcèrent sans réac- tion; le médecin du corps prescrit un pansement à l'iodoforme et de l’iodure de potassium à l’intérieur, à continuer pendant plusieurs mois; il défend le port de la botte, par conséquent l'exercice du cheval. En mai 1896, la situation demeurait stationnaire, notre officier se résigne à un mois de repos absolu, dont l'effet salutaire est immédiat; mais, impa- tient et actif, il reprend son service avant la guérison complète et les plaies à peine cicatrisées s'ouvrent à nouveau. 4. Raraaec Dusors, Les Élatérides lumineux, 18$6, p. 217-218. 328 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. En juillet et août, cure à la Bourboule sans résultat; de nouvelles indu- rations se montrent et s'ulcèrent au-dessus de la cheville, sur [a tête du péroné. Pendant l'automne, les traitements les plus variés sont mis en œuvre; le malade garde un repos relatif, fait toujours quelques pas, sort en voiture ; la diffusion se poursuit, mais les lésions primitives demeurent station- näires. Le malade se confie à mes soins le 2 janvier 1897. C’est un homme de belle apparence, grand, blond, bien musclé, mais à peau fine et sèche, presque ichthyosique. Il n'accuse aucune infection anté- rieure, ni syphilis, ni alcoolisme; il est marié, a trois enfants vivants, sa femme n'a jamais eu de fausses couches; issu d’une nombreuse famille, il a encore son père; la mère est morte àla ménopause (?), une de ses sœurs a été enlevée par la tuberculose pulmonaire à 24 ans. Malgré la longue période d'inactivité qu'il traverse, sa santé générale est demeurée bonne: sommeil, digestion, état des forces, tout est normal; les urines examinées à plusieurs reprises n'ont jamais donné de sucre ni d’al- bumine. La seule circonstance qui, à son avis, a pu altérer sa constitution, est la grippe dont il a souffert pendant l'hiver 1894-1895, celui qui a précédé l'accident des manœuvres. Plusieurs mois durant, il eut des rhumes, de la fièvre par accès, des sueurs profuses au réveil, de l’amaigrissement à inquiéter son entourage; très énergique, il se traita par quelques doses de quinine et l’activité. De fait, rien ne restait de cette alerte, l’auscultation'du cœur et des poumons était normale; l'examen viscéral le plus minutieux demeurait négatif. Du côté de la jambe droite, voici ce qu’on observait : la face externe du mollet droit, de la tête du péroné à la malléole, de la crête tibiale à la crête péronière, offrait une série d’ulcérations d’âges divers, de dimensions diffé- rentes, mais de type uniforme; on en comptait une douzaine. C'étaient des plaies sans croûtes, de contour régulier, rond ou ovalaire; les bords étaient plats, frangés et flottants, décollés dans une zone étroite qui offrait une couleur violacée. Le fond de la perte de substance ne dépassait pas le derme muqueux, il était rouge granuleux dans les vieilles lésions, grisätre dans les récentes, sans induration sous-jacente. Elles s'échelonnaient sans contact immédiat, plus pressées à la partie moyenne de la face externe du mollet où siège l’ulcération primitive, large comme une pièce de cinq francs, clairsemées à la périphérie où leurs dimensions sont plus petites, de 4 à 2 centimètres de diamètre. Les intervalles de peau intacte laissés entre elles offrent une teinte sau- monée, fondue avec la zone violacée des bords décollés. Cette peau est souple, élastique, sans infiltration œdémateuse ou sclé- reuse; mais par place, à la périphérie, on trouve dans son épaisseur ou au- dessous d'elle des nodosités du volume d'un pois, qui sont, au dire du ma- lade, l’amorce de futures ulcérations. Elles n’aboutissent pas toutes, les unes se flétrissent sans s'ouvrir, les autres évoluent sans qu'il soit possible de prévoir leur destinée; et cepen- L BACILLE PYOCYANIQUE. 329 dant, il lui a semblé que les induralions les plus rapprochées des ulcères sont celles qui se transforment en plaies nouvelles. Nous constatons deux petites gommes semblables à la région supra-mal- léolaire, trois autres à la partie condylienne extérieure de la cuisse; les pre- mières évolueront par la suite comme nous l'indique l'observation du sujet, les secondes se résorberont en laissant une rétraction dermique passagère. Dans toute la région lésée, il n’y a pas trace d’inflammation, c'est- à-dire de réaction locale; pas de rougeur œdémateuse, pas de trainée lym- phangitique, ni d'engorgement ganglionnaire. La sécrétion des plaies est peu abondante, c’est une sérosité louche, filante et gommeuse. Point de varices apparentes; l'exploration des diverses sensibilités ner- veuses affirme leur intégrité. La jambe et les plaies sont soigneusement débarrassées, pendanttrois jours consécutifs, de toutes traces de substances antiseptiques : à cet effet, on use d’eau stérilisée en lavages et pansements humides. Alors seulement on entre- prend les recherches bactériologiques : on ensemence la sécrétion des plaies en divers milieux et on l’inocule aux animaux. Mais terminons l'étude clinique avant de donner ces résultats. Quarante-cinq jours de repos absolu au lit, des pansements rares à l’io- doforme et, lorsque les bords et le fond des ulcérations demeuraient atones, quelques attouchements à la mixture de Lanfranc suflirent à amener une cicatrisation complète. \ Protégé par le port d’un bas élastique, notre officier put reprendre sa car- rière et depuis lors la guérison ne s’est pas démentie. Il a eu deux autres enfants, affectés comme les trois ainés de « croûtes de lait » tenaces, mais n'ayant, ni les uns ni les autres, de stigmates d’hérédo-syphilis. Revu cinq ans après — février 1902 — le membre offre l'aspect suivant : sur un fond fauve clair, des taches blanches, luisantes, cerclées d’un liseré ardoisé, révèlent les anciennes ulcérations de la partie externe du mollet : le derme est souple, résistant, l'épiderme squameux et fendillé ; en somme, la guérison parait complète et définitive. Je donne ici la liste des antiseptiques qui, au cours de ce long traitement d’une année, furent appliqués, en pansements secs ou humides, sur les ulcé- rations, le professeur Charrin ayant émis l’idée que peut-être l'introduction dans les gommes ulcérées de quantités notables de divers antiseptiques est la cause de la création de la race spéciale, de même qu'il a vu autrefois, avec le professeur Guignard, que le mélange des antiseptiques au bouillon permet- tait de modifier les formes et les fonctions du microbe, Ce sont : aristol, iodoforme, salol, calomel, sous-nitrate de bismuth, charbon, acides phénique et borique, sublimé en solutions aux titres usuels, emplâtres de Vigo et de diachylon simple. s L'étude bactériologique a élé faite en collaboration avec M. le D' Trous- saint, médecin-major. Le résultat des ensemencements des produits de sécrétion dans tous Îles milieux usités a été le développement d’un bacille unique à l’état de pureté, dont la culture montrait, dès le second jour, la fonction chromogène carac- 99 330 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. téristique : coloration rouge acajou qui vire en deux ou trois jours au noir encre de Chine. L'inoculation des produits de sécrétion, dilués dans de l’eau distillée, sous la peau et dans le péritoine de deux cobayes, ne provoque aucun trouble de la santé chez ces animaux; trois mois après, ils sont sacrifiés et trouvés sains. L'inoculation des produits de culture aux lapins a constamment déterminé une infection généralisée, plus ou moins rapidement mortelle suivant la dose et la porte d'entrée. La diarrhée avec hypothermie progressive élait l'expression habituelle de l'infection chronique, les formes aiguës étant plus variées comme symptô- mes. Dans les deux cas, on avait le type de l'infection générale avec pré- sence du bacille pathogène dans le sang, les exsudats, les organes lésés. L'activité des produits augmentait avec les passages, et nous en étions arrivés à un virus d’une activité telle qu'un demi-centimètre cube de culture de cinq jours en bouillon peptoné glycériné, déposé dans la veine auriculaire d’un fort lapin, tuait l’animal en trois jours avec exsudats hémorragiques, con- gestions viscérales multiples. Les produits microbiens stérilisés par la chaleur, ébullition à 100° pendant une heure, déterminaient les intoxications lentes avec diarrhée, amaïgrissement extrême et hypothermie, identiques aux infections chroniques. Chez le cobaye, il fut impossible de déterminer des accidents mortels : il se formait toujours au point d’inoculation un foyer caséeux dont l'ouver- ture se cicatrisait rapidement. Tous ces caractères rapprochaient ce microbe du bacille pyocyanique mais il était toujours impossible d'obtenir la production caractéristique de- pyocyanine. C'est alors que, par l'intermédiaire du professeur Charrin, le microbe fut confié à M. Radaiïs, qui l’identifia définitivement comme bacille pyocyanique d’une variété nouvelle. (Soc. de Biologie, 24 juillet 1897.) CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DES PROPRIÉTÉS ET DE LA NATURE DES MÉLANGES DES TOXINES AVEC LEURS ANTITOXINES Par J. DANYSZ. Si la question du mécanisme de l’immunité contre les microbes pathogènes peut être considérée aujourd’hui comme définitive- ment résolue, il n’en est pas de même pour l’immunité anti- toxique. Les travaux de M. Metchnikoff et de ses nombreux élèves ont démontré d’une façon indiscutable que, dans l’immunité passive contre les microbes, le rôle du sérum immunisant consiste non pas dans la destruction du microbe par le sérum spécifique, mais dans le changement, par l'intermédiaire de ce sérum, de la chi- miotaxie négative en chimiotaxie positive qui conduit toujours à la phagocytose, c’est-à-dire à la digestion des microbes dans l’intérieur des leucocytes. Et comme il avait été démontré, d'autre part, qu'il n’y a pas d’immunisation et de formation de sérum antimicrobien sans phagocytose, il fallait bien en conclure que c’est aussi les leuco- cytes qui fabriquent l’immunisine. Il était donc tout naturel d’attribuer aux leucocytes un rôle analogue dans l’immunité antitoxique passive et active, mais, comme il n’est guère possible de suivre dans l'organisme une toxine, l'intervention des leucocytes est, dans ce cas, très diffi- cile à mettre en évidence. On ne sait pas ce qu’une dose immunisante de toxine devient dans l’organisme, parce que, injèctées en doses immunisantes, les toxines ne produisent aucune réaction appréciable, et l’étude des lésions produites par des doses pathogènes ne peut rien nous apprendre à ce sujet, parce que rien ne nous indique qu’en doses immunisantes les toxines agissent sur les mêmes éléments et de la même façon qu’en doses pathogènes, Il semblait que la découverte du phénomène de fixation in vitro de certaines toxines par certains tissus permettrait de 332 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. résoudre le problème de la production des antitoxines et du mécanisme de l’action immunisante de ces substances, mais les travaux faits dans cette direction n’ont donné jusqu’à présent que des résultats contradictoires qu’il est impossible de réunir en un ensemble simplement logique. Ainsi, onsait, depuis Wassermann etTakaki, que la substance nerveuse brovyée fixe la toxine tétauique, et que la ricine est fixée par les éléments du sang (Jacoby, Rhens) mais pendant que la toxine tétanique fixée est inactive pour les animaux, la ricine fixée par les hématies ou les leucocytes est tout aussi pathogène que la ricine normale libre. É Dans le premier cas, c’est la toxine qui est détruite par les leucocytes: dans l'autre, c’est la substance fixatrice ; l'intervention des leucocytes aboutirait donc, dans les deux cas, à des résultats contraires, et les deux faits pris ensemble ne peuvent nous four- nir aucun renseignement posilif sur la formation des antitoxines. Ces deux faits indiquent, par contre, d’une façonindiscutable, qu'il n'estpas possible d’assiniler, avec M. Ebrlich, les substances fixatrices aux antitoxines. Les expériences qui suivent nous mon- treront en effet que les antitoxines proprement dites, fixées aux toxines, ne disparaissent jamais ni àn vitro ni in vivo: un mélange inactif de toxine et d’antitoxine ne redevient jamais spontané- ment actif quand on le conserve dans un verre ou quand on l'in- jecte à un animal sensible, tandis que la substance qui fixe la toxine tétanique disparaît toujours in vitro, et que la substance fixatrice de la ricine disparaît in vivo. Il est donc peu probable que des recherches continuées dans cette direction puissent jamais nous donner des renseignements utiles sur.le mécanisme de l’immunisation antitoxique, d'autant plus que l’on ne connaissait encore que d’une façon bien imparfaite la nature des composés que les toxines forment avec leurs anti- toxines et la nature de l’action que ces deux substances exercent l’une sur l’autre. Avant d'entreprendre l’étude de la formation des antitoxines, il nous a donc semblé nécessaire de nous renseigner sur ce dernier point, et dans les chapitres qui suivent nous exposons les résultats des expériences entreprises dans ce but. MÉLANGES DES TOXINES AVEC LES ANTITOXINES. 333 Il Nos expériences portent principalement sur les propriétés des mélanges de ricine et d’antiricine. La solution de ricine dont nous nous sommes servi avait été préparée par la méthode indiquée par Gonzales Cruz‘ : tritura- tion des graines de ricine décortiquées (R. de Zanzibar), dégraissage par le chloroforme, lavage par l'alcool absolu, ensuite séchage du produit lavé et dissolution dans l’eau physio- logique. 1 c. c. de cette solution de ricine contenait environ 500 doses mortelles en4jours pour cobayes de 300 à 400 grammes, et 1,000 doses mortelles pour lapins. Le sérum antiricinique avait été obtenu par l’immunisation d'une chèvre. Après une première série d’injections (de notre solution de ricine) 1 c. c. du sérum de cette chèvre neutralisait l’action de 9,5 e. c.; plus tard, après une nouvelle série d’injec- tions, 1e. c. et enfin 2 c. c. de notre solution de ricine, c’est-à-dire 1,000 doses mortelles pour cobayes. Quand on mélange la ricine avec l'antiricine en proportions différentes, on remarque que le liquide se trouble toujours immédiatement et que, le plus souvent, il se forme un préci- pité; mais on constate aussi que le temps de la formation de ce précipité varie beaucoup dans les différents cas. On trouve même des proportions dans lesquelles les deux substances mélangées ensemble ne donnent pas de précipité du tout. Ainsi, en mélangeant par exemple 1 c. c. de notre solution de ricine avec 0,85 c. c. de sérum antiricinique, on obtient un pré- cipité volumineux en 2 heures, et un liquide, surnageant sur ce précipité, parfaitement clair: tandis que le mélange de 1 c. c. de ricine avec 0,40 c. c. de sérum devient rapidement opalescent, mais ne donne qu’un dépôt à peine appréciable au bout de plu- sieurs jours. Pourtant, le mélange de 0,50 ce. ec. de ricine + 0,40 c. c: de sérum donne lui aussi, en 2 heures, un précipité volumineux qui ne se redissout pas dans un excès de ricine. En préparantunesérie suffisamment étendue de ces mélanges dans lesquels les rapports entre les quantités de ricine et d’anti- ricine varient entre 1/100 et 100/1, on trouve toujours une pro- portion pour laquelle les deux substances forment le plus rapi- 1. Annales d'hygiène publique et de médecine légale, 1895. 334 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. dement le précipité le plus volumineux et, des deux côtés de cet optimum, deux séries de mélanges dans lesquels les temps de la formation des précipités n’augmentent pas régulièrement, mais par zones qui se suivent d’une façon très irrégulière. Ainsi, par exemple, après une zone où les temps de la for- matation d’un dépôt augmentent assez régulièrement de 2 à 24 heures, on trouve une zone où un dépôt très léger ne se forme qu'après 8 jours, et ensuite encore une zone où un dépôt plus volumineux que dans la zone précédente se forme déjà au bout de 48 heures. Nous ne pouvons pas nous attarder à ces irrégularités qu'il ne nous est guère possible d'expliquer pour le moment : nous verrons aussi plus loin quelle est l’action de ces mélanges en proportions diverses sur les animaux ; ce qu'il importe de faire ressortir ici avant tout, c’est d’abord le fait que, pour donner un précipité, la ricine et l’antiricine doivent s’imprégner ou se fixer mutuellement en proportions déterminées.et qu'il y a un optimum de proportions dans lesquelles les deux substances mélangées ensemble se fixent et donnent le plus rapidement le précipité le plus volumineux; et ensuite cet autre fait que, mélangées en d’autres proportions, elles ne donnent pas de précipité du tout ou un précipité relativement peu volumineux. Tels qu'ils sont, ces deux faits nous indiquent déjà d’une façon évidente que, s’il y a pour la ricine et l’antiricine un optimum de fixation ou d'équilibre, ces deux substances ne se fixent pas seulement dans ces proportions oplima pour former un composé unique, mais qu’elle peuvent se fixer en plusieurs proportions différentes, et former une série de composés dans lesquels l’une des deux substances est partiellement imprégnée par l’autre par rapport à cet optimum. Si par exemple 1 ec. c. de ricine + 0,85 c. c. d’antiricine donnent 100 volumes du composé le plus stable ou le mieux fixé, 1 c. ce. de ricine 40,495 c. c. de sérum ne donneront pas 50 volumes du même composé et 50 volumes de ricine libre, mais 100 volu- mes d’un composé dans lequel la ricine sera, par rapport au composé précédent, à moitié imprégnée par l’antiricine. Le précipité qui se forme quand on mélange une solution de ricine avec un sérum antiricinique en proportions oplima est certainement trop volumineux pour que l’on puisse le considérer MÉLANGES DES TOXINES AVEC LES ANTITOXINES. 335 comme exelusivement constitué par {a ricine et l’antiricine con- tenues dans les liquides, ainsi que l’a déjà fait justement remar- quer M. Jacoby"'. Pourtant, un sérum qui ne contient pas d’antiricine ne préci- pite pas par la ricine, etle précipité qui se forme dans un mélange en proportions optima contient toute la ricine et l’antiricine qui se trouvaient dans le liquide. Il est donc certain que si le préci- pité contient d'autres substances en dehors de la ricine et de l’antiricine, sa formation est une fonction exclusive de ces deux substances. Il Quand on essaie l’action du mélange de ricine et d’antiricine en proportions optima sur les animaux, on constate qu'il est inoffensif pour les lapins et pour les cobayes, mais on constate aussi qu'il n’est pas complètement neutre. Au mélange de 1 c. c. de ricine + 0,85 c. c. de sérum, on peut encore ajouter 0,01 c. c. de ricine sans le rendre pathogène pour le cobaye, et il faut y ajouter à peu près 0,2 e. c. de ricine (100 d. m.) pour tuer le cobaye en # jours. Injecté préventive- ment, il préserve le cobaye contre 5 doses mortelles environ. Un tel mélange est donc nettement antitoxique pour le cobaye, il l’est un peu moins pour le lapin, animal plus sensible à l’action de la ricine que le eobaye. En cherchant à réaliser un mélange complètement inactif, on arrive toujours à reconnaître qu’un tel mélange n’existe pas. — Ainsi, 4 c. €. de rieine +0, 70 c. €. de sérum tue le cobaye en 12 jours, et le même mélange additionné d’une dose mortelle en 4 jours ne tue qu'en 8 jours. 1 e. c. de ricine L 0,75 ce. c. de sérum produit chez le cobaye un gros œdème suivi d’une induration persistante, sans le tuer, et ce même mélange additionné d’une dose mortelle est seule- ment un peu plus pathogène, mais ne tue pas non plus; enfin, le mélange de 1 e. c. de ricine + 0,80 c. c. de sérum n'est plus pathogène du tout, mais il est plus antitoxique que les deux mélanges précédents. Les deux premiers mélanges sont à la fois toxiques et anti- 4. Beitraege sur Chem. Physiol. u. Pathol. Band TI, Heñt 1/2. 330 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. toxiques; le dernier n’est plus toxique, mais il est encore anti- toxique, on ne peut donc pas l’appeler neutre, mais simplement minimum actif. Pour obtenir un mélange minimum on pour le lapin, plus sensible que le cobaye, il fu ajouter à 1 e. c. de ricine 0,84 c. c. de sérum. Le mélange minimum aetif de ricine et d’antiricine est donc différent pour chaque espèce d'animaux de sensibilité diffé- rente et même pour les différents individu de la même espèce, ainsi que cela avait été constaté par M. Roux et M. Vaillard pour les mélanges de toxine et d’antitoxine diphtérique et tétanique. Ceci dit pour caractériser les propriétés des mélanges que jusqu'à présent on a appelés bien à tort neutres ou inactifs, nous pouvons examiner maintenant la nature des composés que les toxines forment avec les antitoxines. LIT Un mélange minimum actif une fois établi pour un animal quelconque ne redevient jamais dise pathogène. Le chauffage de plusieurs jours à 37°, ou à 45° en solutions concen- trées, ou diluées dans l’eau distillée, ou dans l’eau physiologique (à 7 0/00), ne le modifie pas sensiblement. On peut le rendre légèrement pathogène en le traitant par l’eau salée à 10 0/0. Exr. 1, — Après avoir établi qu'un volume de notre sérum antiricinique (sérum de chèvre) donne un mélange minimum actif pour lapins avec 2 volumes de notre solution de ricine, dont 0,001 c. ec. tue le lapin en 3 à 4 jours, on mélange ensemble 1 €. c. de sérum et 2 ec. c. de ricine, et on laisse le mélange en repos pendant 24 heures. Il s’est formé un précipité très abondant. On émulsionne ce précipité, et on en prélève une moitié que l’on injecte ou lapin 1710. Le lapin maigrit d’abord un peu, sans présenter aucune réaction NL au point de l’inoculation, et revient bientôt à son poids normal. L'autre moitié est centrifugée. On décante le liquide que l’on remplace par 3.5 c. c. d’eau salée à 10 0/0, et on laisse macérer pendant 6 jours à la température du laboratoire. Alors on centri- fuge de nouveau et on injecte séparément le liquide et le dépôt. L \ MÉLANGES DES TOXINES AVEC LES ANTITOXINES. 337 Le dépôt tue le lapin 1750 en 4 jours. Le liquide tue le lapin 2000 en 8 jours. Les deux animaux présentent à l’autopsie les lésions caracté- ristiques de l’intoxication par la ricine. Le mélange, qui contenait 1,000 doses mortelles de ricine pour lapins, agit donc après une macération de 6 jours dans l’eau salée à 10 0/0 à peu près comme 1 dose de ricine libre. Il ne peut certainement être question d’une destruction de l'antitoxine par l’eau salée ou par la ricine en présence de l’eau salée, mais très probablement d’une redissolution par l’eau salée d’un peu de globuline qui avait été entraînée par le précipité et qui, à son tour, a pu fixer et entrainer un peu de ricine. La ricine fixée par l’antiricine ne devient done jamais spon- tanément libre. Pour la mettre en liberté, il faut détruire l’anti- ricine par une substance qui n’attaque pas la ricine. Le fait que la ricine tue certains animaux paringestion nous a donné l'idée de soumettre à l’action du suc gastrique la ricine, l’antiricine et un mélange minimum actif de ricine et d’antiricine. Le mélange de 0,5 e. c. de sérum donne avec 1 c. c. d’une solution de ricine dont 0,005 ce. c. tue le cobaye en # jours, un composé minimum actif pour cobaye. On traite séparément, par 1 c. c. de suc gastrique frais : 1 c. c. de ricine; 0,5 c. c. de sérum antiricinique préalablement chauffé pendant 1 heure à 55°, et 1,5c.c. d’un mélange de 1 c. c. de ricine avec 0,5 de sérum dans de l’eau physiologique acidifiée à 1/10 d'acide chlorhydrique normal. Le volume de tous les liquides est porté à 10 c. c. On laisse digérer pendant 16 heures à 45°, on neutralise exactement par la soude, et on essaie les liquides in vitro sur les hématies de cobaye et in vivo sur les cobæyes. = 338 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Exr. 2 A.— Action des liquides traités par le suc gastrique sur les hématies de cobaye. AGG£LUTINATION APRÈS 24 HEURES, ÉVALUÉE COMPARATIVEMENT REC" DOSES RICINE . RICINE SÉRUM traité | MÉLANGE [MÉLANGE traitée par le| par le suc gastr.|traité par le de ricine. normale. sue gastrique. |- rieine normile,| suc gastr. normal. 0.01 €. c aggl. évaluée à 5 0/0 0 4 0/0 0 6.02 — — 20 0/0 0 5 0/0 0 0.03 — — 80 0/0 0. 10 0/0 0 0.04 — — 95 0/0 0 20 0/0 0 inactif 0.05 — — 100 07/0 0 50 0/0 0 à toutes 0.07 : — — — 0 — 0 les doses. 0.10 — — — 2 0/0! 100 0/0 0 | ACCES — — 95 0/0 — | 50 0/0 IL Exp. 2 B. — Action des liquides traités par le suc gastrique sur le cobaye. RICINE SÉRUM MÉLANGE DOSES RICINE (0.05 c. c.) traité par MÉLANGE traitée par le suc| le suc gastrique traité par le suc de ricine. normale. gastrique. — ricine normale. gastrique. normal. 0.005 c. c. |Coh. 390 4 — i — — — 0.014 — |Cob. 440 + 2 j.|Cob. 370 0 |Cob. 400 +4;j. |Cob. 280 0 — 0.02 — — 7 0 — 330) — 290 5 — 0.03 — —_ — 390 — — — );+436h.| — 280 = — (0501 de OT NES RTE At 400: VE De 0.10 — — — 410 + 40 j.| — 410 + 16 h.| — 350 + 5 j. — D'ANNÉES — — 420 + 3 j. = — 400 + 24h.|pas de réaction. Ces deux expériences montrent nettement que le suc gas- trique diminue beaucoup l’activité pathogène de la ricme et qu'il détruit complètement l’antiricine. On constate aussi que les résultats de l’expérience in vitro et in vivo ne concordent pas exactement : ainsi la puissance agglutinante de la ricine traitée par le suc gastrique est plus grande que celle du mélange de ricine et d’antiricine traité de la même façon, tandis qu’au contraire, in vivo, le mélange est relativement plus actif que la ricine seule. Il y a donc probablement une fixation secondaire de la ricine par les produits de la digestion du sérum, produits qui restent insolubles dans l’eau physiologique et retiennent la ricine en présence des globules rouges, mais qui, injectés à un animal vivant, doivent être solubilisés dans lorganisme et laissent alors échapper la ricine qu'ils retenaient. L’acide chlorhydrique seul, employé à la dose de 1/10 n. MÉLANGES DES TOXINES AVEC LES ANTITOXINES. 339 par c.c. de liquide, détruit à peu près exactement autant de ricine que d’antiricine. Ainsi, la ricine, le sérum antiricinique et un mélange minima actif soumis à l’action de l'acide chlorhydrique 1/10 n. pendant 16 heures à 45° ont donné à l'essai les résultats suivants : EXPÉRIENCE 3. DOSES RICINE SÉRUM MÉLANGE traité par l’acide chlorhydr. traité de ricine. traitée par l'acide chlorh. —- ricine normale. par l'acide chlorhydr. QOIRCACRAENNE Cobaye 370 0 |Cobaye 400 0 [XI PAR ER — 390 = — 420 Rs inactif DCS Nan — - 380 +en 10j.| — 400 — (à toutes les doses, CADET EE — — M0+ens j. En présence de ces faits, il était encore intéressant de voir si un mélange non pathogène par injection sous la peau pouvait tuer l’animal par ingestion. Nous avons donc introduit, à l’aide d’une sonde molle pour ne pas perforer l'estomac, d’une part : Chez 4 cobayes, 2 c.c. de ricine pure par animal. De ces 4 cobayes, 2 ont survécu sans aucune réaction, les 2 autres sont morts après 10 et 15 jours. D'autre part, chez 4 cobayes, 2 c. c. par tête d’un mélange minimum actif : les 4 cobayes ont succombé en 8 à 15 jours. On peut encore rendre fortement pathogène un mélange inoffensif de ricine et d’antiricine, en le soumettant à l’action prolongée du suc pancréatique, à 45°. L'action de suc pancréatique sur l’antiricine n’est ni aussi prononcée n1 de la même nature que celle du suc gastrique acide. In vitro, un mélange minimum actif ne devient jamais actif après macération dans le suc pancréatique, tandis que le même mélange traité par le suc gastrique agglutine énergiquement les hématies : in vivo, l’action de la ricine qui pourrait redevenir libre est difficilement dosable parce que le suc pancréatique lui- même n'est pas inoffensif pour les petits animaux. Exp. 4. — Lapin 1760 reçoit un c. c. d’un mélange minimum actif contenant 100 doses mortelles pour lapin, après traitement par le suc pancréatique, 340 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Il meurt en 2 jours. Petit œdème au point d’inoculation, congestion intestinale assez caractéristique de l'intoxication par la ricine. Lapin 1850, reçoit la même dose d’une solution de suc pan- créatique. Mort en 10 jours. Cette première série d’expériences, qui avaient pour but de préciser nos connaissances sur l’action réciproque des toxines et des antitoxines, nous ont donc permis de constater qu’un mélange de ricine et d’antiricine, non pathogène etne contenant pas d’antiricine libre, ne devient jamais spontanément ni plus toxique ni plus antitoxique, et que ces deux substances accolées l’une à l’autre gardent leurs propriétés spécifiques. On peut toujours, dans un tel mélange, retrouver la ricine en détruisant l’antiricine par une diastase protéolytique, et prouver l'existence de l’antiricine par les propriétés immunisantes du mélange que nous examinerons dans le chapitre suivant. Ces expériences confirment donc l’idée généralement admise aujourd'hui que, in vitro, les toxines et les antitoxines ne pos- sèdent aucune action diastasique les unes pour les autres. IV Pour une solution de ricine dont 0,005 e. ce. tue le cobaye en 3 à 4 jours et un sérum antiricinique (sérum de chèvre) dont 0,1 c.c. donnait avec 0,15 c.c. de notre solution de ricine un mélange minimum actif pour cobayes, nous avons trouvé les constantes d'Ehrlich comme suit : ExP. 5. — Dose mortelle de ricine — 0,005 c. c. Mélange minimum actif: 0,1 c.c. de sérum + 0,15 e.c. de ricine — 30 doses mortelles. Mélange mortel en 4 jours :0,1 c. ce. de sérum + 0,40 ce. ce. de ricine — 80 doses mortelles. Différence 0,25 e. c. de ricine — 50 doses mortelles. Le phénomène d'Ehrlich est done dans ce cas très prononcé, mais pour obtenir la différence de 50 doses mortelles entre le mélange inactif et le mélange mortel, il estabsolument nécessaire d'ajouter au sérum les doses croissantes de ricine en entier, en une seule fois. Il suffit de changer la facon de préparer les mélanges, de préparer d'abord une série de mélanges inactifs, d'ajouter 24 heures après les excès de ricine, et d’injecter ces ‘ MÉLANGES DES TOXINES AVEC LES ANTITOXINES. 341 mélanges après encore 24 heures de repos, pour abaisser cette différence de 50 à 10 doses mortelles. Avec la même solution de ricine, et un sérum un peu plus faible nous avons obtenu dans les deux cas les constantes sui- vantes : EXPÉRIENCE 6. .|Série B. Les excès de ricine : | sontajoutésau mélange inact.| = à ap. 24 h. Les mélanges sont|2| © injectés aussi après 24 h. rs Série A. Les doses de ricine sont ajoutées en une seule fois. 3 jours. 4 jours, 0.2 e c. sérum + 0.14 c. c. ricine Cob. 220 _ T 0.16 — — 230|—|—|— + 0.02 ce. ce. ricine. Coh. 220|—|—|= + — 0.18 — — 250|—|— + 0.04 — — 9220|——|+| —- + 0.20 — — 250|—|— + 0.06 — — 230 . — -+ 0.22 _ — 270|— + 0.08 — — 270| + — +.0.24 — — 300[—|— + 0.10 — — 3301 + Différence : 20 doses mort. Différence : 4 doses mort. L'expérience in vitro sur les hématies de lapin ou de cobaye donne des résultats encore plus nets et plus faciles à us En faisant agir notre solution de ricine sur 0,5 c. e. d'héma- ties de lapins . en suspension dans 5 €. €. d'eau phtot: gique, on constate que la première réaction appréciable (une agglutination de 5 0/0 environ de toutes les hématies) est ehteous par la dose de 0,01 c. c. de ricine, et l'agglutination complète de toutes les hématies en une seule masse par la dose de 0,6 c. c. de ricine. Nous avons un sérum anliricinique dont 0,2 c. c. neutralisent l’action de 0,1 c. c. de ricine. En faisant agir, se les conditions indiquées, sur les hématies de lapin les mélanges qui suivent, on obtient l’agglutination complète par le mélange n° 6. EXPÉRIENCE 7 À. HO 2% art NO ES or "on obtient : pas de réaction. 2 RER Rte 3 — +0.:8 — agglutination croissante, 4 — + 0.20 — é de 2 0/0 à 40 0/0, 5 — +022 — | " 6 — + 0.24 — agglutination de 99 0/0. 7 — +026 — à je ii ce a agglutination croissante, 10 A SLA NS de 90 0/0 à 100 0/0. 11 — + + 0.40 — Tandis qu'en ajoutant les excès de ricine aux mélanges 342 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. minimum actifs préparés 24 heures d'avance, on obtient le même résultat dans le mélange n° 3. EXPÉRIENCE 7 B. 4. (0.2 ar. + 0.1 r.) on obtient : pas de réaction. 2. (02 ar. + 0.1r.) + 0.02 r. agglutination : 2 2: — + 0.08 — 99 0/0 4. — + 0.10 — ÿ. == + 0.12 — 6. _ + 0.14 — Te — + 0.16 — F 8’ sa eg ASE 99 à 100 0/0. 9: — + 0.20 — 10. — + 0.95 — MA — + 0.30 — Il est à noter pourtant que ce résultat n’est obtenu qu’à la fin de l’expérience (après 24 heures). Dans les premières 2 à 3 heures, l’agglutination augmente (intensité et rapidité) régulièrement et proportionnellement à l'augmentation des doses de ricine ajoutées, — de sorte qu’au début de l'expérience les réactions des mélanges 1 à 5 de la série B sont plus avancées que celles de la série A., tandis qu’au contraire les réactions des mélanges 6 à 11 de la série B sont moins avancées que celles de la série A. | Dans les mélanges de la série B, l'excès de ricine ajoutée aux composés neutres est donc fixée par ces composés, mais cette fixation est moins intime et certainement d'une autre nature que celle de la série A. Les graphiques du tableau n° 1 représentent les allures diffé- rentes de ces deux séries de réactions. Fig. 1. On obtient des résultats analogues avec la toxine et l’anti- toxine diphtérique. MÉLANGES DES TOXINES AVEC LES ANTITOXINES, 343 Toxine diphtérique. Dose mortelle en 3 ou # jours: 0,01 c. c. EXPÉRIENCE 8. | JOURS JOURS Série A. Mélanges préparés en = Série B. Mélanges IN Mas RU EE RSS LATE Eee en deux fois, les excès de 1121314516 | toxine ajoutées après 6 h. | 112131415116 1 U. J.+ 0.40 c. ce. tox. Cob. 260, 0|[01010|101|0 — a 0.43 — Cob. 250[—|—|—=|— + 0.03 c. c. de tox. Cob. 250|—|—|+ _ 0 45 — Cob. 330|—|—|—=|—|—|+1+ 0.05 — Cob. 270|—|—|+- — + 0.50 — Cob. 350|—|—|—|+- + 0.07 — Cob. 290|+ — + 0.55 — Cob. 310|—|—|+ + 0.10 — Cob. 280| + — + 0.60 — Cob. 320|+ de 0.12 — Cob, 295| + 0,15 — Cob, 320|+ Différence : 0,10 c. c. de toxine. Différence : 0,05 c. ce de toxine. Suivant la façon dont on prépare les mélanges, on obtient donc pour la ricine un mélange mortel en ajoutant à une quan- tité constante d’antiricine tantôt 48, tantôt 32 doses mortelles, pour la toxine diphtérique, tantôt 50, tantôt 43 doses mortelles. On constate en outre qu’un mélange non pathogène et ne contenantpas d’antitoxine libre est malgré cela antitoxique : pour la ricine, sur 28 doses mortelles, il fixe encore 4 doses mortelles ; pour la diphtérie, il fixe 3 doses mortelles sur 40. Un tel mélange injecté préventivement est aussi nettement antitoxique. t EXPÉRIENCE 9. Diphtérie. Inj. du mél. inactif et 24 h. après 1 dose mort. : léger œdème. — — 2 — : + en 5 jours. A == — 5 — : + en 2 Jours. Pour répondre à l’objection possible que les mélanges inoffen- sifs que nous avons employés pouvaient contenir un peu d’anti- toxine libre, nous avons injecté à une série de cobayes d’abord 344 . ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. des mélanges nettement pathogènes et, 24 heures, après de la toxine libre, et nous avons constaté : EXPÉRIENCE 10. Ricine. Mélange pathogène.....,....... : fort œdème, nécrose survie. — — et 24 h. après 4 dose mort. : + en 10 jours. — — — 2 doses mort. : + en 5 jours. Tétanos. 1 dose mortelle tue en 3 à 4 jours. EXPÉRIENCE 11. Mélange légèrement pathogène et 24 h. après 1 dose mort. : + en 7 jours. 1 = fortement pathogène — — !:+ten7 — — mortel en 6 jours — 1 — ‘+end — Les résultats des expériences 5 et 6 nous ont donné à penser qu’en ajoutant la ricine à l'antiricine en doses encore plus fractionnées, on obtiendrait un mélange pathogène avec des quantités de ces deux substances qui, mélangées ensemble en une seule fois, donnent toujours un composé inoffensif. Exr. 12. — Et en effet, le mélange de 0,4 c. c. de sérum et de 0,6 c. c. de ricine préparé en une seule fois et injecté au cobaye 260 ne donne aucune réaction appréciable, l’animal se porte bien et augmente de poids, tandis que le mélange de 0,4 c. c. de sérum + 4 fois 0,15 c. c. de ricine ajoutées au sérum en # doses avec des intervalles de 10 à 24 heures et un repos de 24 heures après l'addition de la dernière dose, injecté au cobaye 250, le fait maigrir beaucoup et le tue en 20 jours. Le mélange de 0,4 c. c. de sérum +3 fois 0,15 c, c. +0,10 c. c. de ricine, n’est pas encore inoffensif. Le mélange complètement inoffensif serait à peu près de 0,4 c. ce. de sérum + 3 fois 0,15 e. c. + 0,05 c. c. donc, en tout, 05e: "e.cde:ricine: Le mélange inoffensif est donc tantôt de : 0,4 c. c., de sérum, + 0,6 c. c. de ricine — 120 doses mortelles ; tantôt de 0,4 c. c. de sérum + 0,50 c. c. de ricine — 100 doses mortelles. On obtient des résultats analogues en ajoutant à la ricine de l'antiricine en doses fractionnées ; ainsi, si10 d’antiricine ajoutées à 15 de ricine en une seule fois donnent un mélange minimum actif pour cobaye, on obtiendra un composé jouissant à peu près des mêmes propriétés pour le cobaye avec 8 d’antiricine + 15 de ricine, à la seule condition d'ajouter l’antiricine par 2/10, en 4 doses successives ; on peut donc en conclure que les MÉLANGES DES TOXINES AVEC LES ANTITOXINES. 345 deux substances peuvent se fixer réciproquement de la même façon et en proportions variables. De l’ensemble de nos expériences nous pouvons tirer les conclusions suivantes : 1° La formation des précipités dans les mélanges en propor- tions différentes de ricine et d’antiricine, ainsi que les propriétés variables des mélanges contenant des quantités identiques de toxine et d’antitoxine, et enfin les propriétés à la fois antitoxiques et toxo-actifs des composés des toxines et des antitoxines mélangées en proportions quelconques, prouvent d’une façon incontestable que ces deux substances se fixent ou s’imprègnent réciproquement en proportions variables. Mélangées ensemble, les toxines et les antitoxines ne forment donc pas un composé unique, mais une série de composés dans lesquels lune des deux substances est plus ou moins imprégnée par l’autre, et qui sont par conséquent plus ou moins actifs ; 2° Les antitoxines se fixent in vitro sur les toxines et en saturent plus ou moins les affinités sans les détruire, leur action sur les toxines est donc exactement de la même nature que celle des immunisines sur les microbes. 23 RECHERCHES SUR LES MODES D'UTILISATION DU CARBONE TERNAIRE PAR LES VÉGÉTAUX ET LES MICROBES Par P. MAZÉ — ns a DEUXIÈME MÉMOIRE Les conclusions exposées dans le développement du premier mémoire (ces Annales, mars 1902) ne présentent pas la netteté à laquelle il faut viser dans les questions de l’ordre de celles qui font l’objet de ce travail. Ce défaut est inhérent, comme je lai fait observer plusieurs fois, à la nature même des matériaux sur lesquels ont porté mes investigations. C’est qu'à côté des aliments ternaires, il y a toujours des substances albuminoïdes dont les modifications marchent de pair avec celles que subissent les premiers. En présence de l’air, 1l est probable que les matières azotées . absorbent de l'oxygène et dégagent de l'acide carbonique, dans le cours de transformations qui préparent leur incorporation à la substance vivante; mais on ne sait rien sur la valeur des échanges gazeux qui peuvent être attribués à ce travail, et on ignore complètement quelle est la grandeur de la portion de la molécule albuminoïde alimentaire qu entre définitivement dans la constitution du cytoplasme et du noyau. Ainsi, il est impossible de démêler, même d’une façon approximative, la part qui revient aux matières ternaires et celle qu’ faut attribuer aux matières azotées dans la production du CO* qui se dégage au cours du processus d’assimilation. C’est pour cela que, dans l'estimation de l’acide carbonique éliminé par Les cotylédons d’arachide, tableau XIV, 1° mémoire, je n’ai considéré que la moitié seulement comme résultant du dédou- blement ou de la combustion du sucre, certain de cette façon de ne pas exagérer les faits en faveur du résultat à atteindre, UTILISATION DU CARBONE TERNAIRE 347 Si l’analyse des phénomènes manque déjà de précision dès l'origine des transformations premières qui s’elfectuent dans les aliments, à plus forte raison faut-il abandonner tout espoir de suivre les manifestations extérieures des travaux de synthèse et d'analyse qui s’opèrent continuellement dans la substance vivante déjà formée. Puisque le carbone quaternaire est si encombrant, il suffit de se placer dans des conditions qui permettent de l’éliminer; les mucédinées vont nous en fournir les moyens. Mais avant d'aborder cette question, je dois dire qu’il était cependant utile de suivre chez les végétaux supérieurs les transformations des aliments ternaires aussi loin que le permettent les notions acquises dans l’état actuel de la science; et il était surtout inté- ressant d'établir les relations de la vie végétative et de la vie fermentative, de montrer qu’en somme celle-ci n’est qu'un tronçon de celle-là. On devine aisément l'importance de cette notion. Puisqu’un végétal comme le pois.est capable de transformer les sucres fermentescibles, dans la vie anaérobie, exactement comme la levure, et que leur dédoublement en alcool et acide carbonique est une transformation normale accomplie en vue de l’incorpo- ration à la substance vivante de la fraction utilisable de la molé- cule de sucre, on est tout de suite conduit à se demander si les phénomènes de fermentation en général ne doivent pas présen- ter ce caractère physiologique, au lieu d’être une manifestation anormale de la vie gènée, comme le veut l'opinion courante. Les faits établis pour le pois se résument dans les deux pro- positions suivantes : Les semences de pois, privées d'oxygène, dédoublent les sucres fermentescibles en alcool et acide carbonique, maisils ne construisent pas de substances vivantes. Placées dans les conditions favorables, elles exercent la même action sur les sucres, et utilisent l’alcool à la construction de la plantule. Ces conclusions ne s’appliquent pas intégralement à la levure; mais c’est parce qu'on n’a pas pu les établir par Pexpé- rience, et non parce qu’elles ne correspondent pas à la réalité des faits. Par contre, elles s’appliquent à la lettre à un ascomycète 348 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. l'Eurotiopsis Gayoni! qui possède, parmi un grand nombre de pro- priétés physiologiques très curieuses, celle de faire fermenter les sucres avec la même activité que la levure, et de se développer en milieu minéral aux dépens de l’alcool, mieux, disons-le tout de suite, que si on lui offrait du dextrose. | C’est donc ce champignon qui va nous permettre de pousser, beaucoup plus loin que les végétaux supérieurs, l'étude que je poursuis, et en même temps de dégager les conclusions qui ont déjà été formulées, de ce qu’elles présentent de flottant. | A la rigueur, j'aurais pu m'adresser à d’autres champignons ; on connaît plusieurs espèces de mucors qui dédoublent active- ment les sucres fermentescibles en alcool et acide carbonique, et qui sont quelquefois capables de consommer l'alcool; l'asper- gillus niger se nourrit également très bien d’alcool, et si les spores ne peuvent pas se développer dans le milieu Raulin, où l'alcool remplace le saccharose, il est probable qu'avec un peu d’accoutumance, elles arriveraient vite à acquérir cette faculté. Ce qui m’a déterminé à accorder la préférence tà l’eurotiopsis, c'est son haut degré de polyphagie ; il est, en outre, capable de prendre son azote aux substances azotéesdes plus variées, depuis l’'ammoniaque et l’acide nitrique jusqu'aux matières albumi- noïdes, ce que les mucédinées ne font pas toujours-très volon- tiers. Il y aura donc là aussi un terrain tout préparé pour faire avec les matières azotées des observations analogues à celles que nous allons faire avec les substances ternaires. Il Pour reprendre les faits au point où on les a laissés dans le mémoire précédent, il faut commencer par étudier comparative- ment la nutrition hydrocarbonée et l’alimentation en alcool de l’eurotiopsis Gayoni. Ce champignon pousse très bien sur milieu Raulin; j'ai utilisé ce milieu sans apporter de modification à sa composition minérale, en mettant à profit les notions établies par M. Laborde (loc. cit.) dans un travail très complet sur la physiologie de l’eurotiopsis. 4. Laponne, ces Annales, 1897, p. 1. UTILISATION DU CARBONE TERNAIRE,. 3 19 Pour obtenir des résultats aussi comparables que possible, lorsqu'on fait varier la nature de l'aliment ternaire, il y a quelques précautions à prendre : Ainsi, la profondeur du liquide influe d'une manière inégale sur le développement du champignon, lorsqu'on lui offre des aliments différents. En milieu sucré, il émerge assez vite du liquide ; en milieu alcoolisé, il met un temps bien plus long, à égalité d'épaisseur, pour parvenir à la surface; cela tient non pas à une infériorité de l’aliment alcoolique, mais à une produc- tion plus abondante d’acide carbonique aux dépens du sucre, qui, en se transformant en alcool, donne naissance à une certaine quantité de gaz qui ne se forme pas lorsqu'on fournit directement de l’alcool. Le mycélium gonflé de bulles imperceptibles d'acide carbonique flotte dans le liquide et arrive facilement à la surface, condition nécessaire pour obtenir un développement rapide. Lorsqu'on remplace le sucre par l'alcool, le mycélium reste au fond du liquide; il parvient à la surface par voie de crois- sance en formant une végétation arborescente semblable à celle, bien connue des bactériologistes, que produisent toutes les moisissures qui poussent accidentellement dans les bouillons de culture; mais, dans ces conditions, le mycélium met un temps considérable à atteindre la surface, si l'épaisseur de la couche liquide atteint 4 à 5 c. c.; il construit peu de substance vivante tout en consommant beaucoup d'aliments pour son entretien. Il y a donc là un inconvénient qu'il faut éviter; on y arrive en faisant des cultures sur des milieux de quelques millimètres de profondeur seulement. Quand le mycélium a atteint la surface, il se développe avec une rapidité comparable à celle de l’aspergillus niger, de sorte qu'au bout de 2 ou 3 trois jours, le voile atteint une épaisseur telle que les conditions d’existence des portions inférieures deviennent difficiles; elles manquent d'oxygène; il faut donc mettre fin aux expériences avant que le végétal ne se soit créé à lui-même des conditions de milieu trop différentes de celles qu’il avait au début, Cet inconvénient n'existe pas pour l'alcool, car la nécessité de réduire l’épaisseur de la couche liquide fait que la quantité d’aliment ternaire que l’on peut introduire dans une culture est insuffisante pour permettre la formation d’un voile trop épais. 390 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Cette obligation entraîne la nécessité de choisir des réci- pients à fond parfaitement plan; s'il est inégal, le mycélium émerge plus vite dans les régions les-moins profondes; la cul- ture y sera relalivement plus âgée; elle aura consommé plus longtemps sans produire une augmentation correspondante de poids de végétal, car l'épaisseur du voile n’est pas proportion- nelle au temps ; on pourra donc obtenir des cultures, dans des récipients à fond irrégulier, d’un poids inférieur à celles qui se seront développées en voile régulier, et qui cependant auront quelquefois consommé une quantité d'aliments moins élevée que les premières. On trouvera quelques contradictions de cette nature dans le cours de ce travail ; c’est à cette cause qu'il faudra les rapporter; je n'ai pas pu les éviter parce qu'il est difficile de se procurer des fioles coniques tubulées semblables à celles qui m'ont déjà servi pour l'étude des végétaux supérieurs (1* mémoire, p. 211) dont le fond soit parfaitement plan. Les spores, suivant leur âge, mettent un temps plus ou moins long à germer; il y a done, au début des cultures, un temps mort qui précède le développement et qui présente une durée variable: ce détail n'offre aucun inconvénient si l’on ne consi- dère que le poids de substance vivante et la quantité d’aliment qu’elle a détruit; mais il n’en va pas de même si l’on introduit dans l'interprétation des résultats la notion de temps. Pour tourner la difficulté, on prenait les spores sur des cultures en voie de développement ; on les faisait germer préalablement et on vériliait l’état de la germination par un examen microsco- pique, avant de s’en servir comme semence ; de cette façon, la culture partait sûrement sans subir de temps d’arrèt; sa durée était donc nettement déterminée. Je dois dire enfin que la culture originelle que j'ai utilisée sortait de la collection de l’Institut Pasteur, où elle avait été conservée sur des milieux différents du liquide Raulin; elle poussait bien sur milieu sucré, mais très mal sur un milieu alcoolisé, Pour obtenir sur ce dernier un développement rapide, j'ai été obligé de laccoutumer pendant plusieurs mois à l'alcool ; les progrès de l'accoutumance se font encore sentir dans les résultats de mes expériences, et l'évolution a été telle qu'en ce moment l'augmentation de poids dans Punité de temps, une UTILISATION DU CARBONE TERNAIRE. 391 fois le voile bien formé, est plus élevée, dans le cas d'alimentation en alcool que dans la nutrition hydrocarbonée. Ces observations faites une fois pour toutes, on peut passer en revue les résultats des expériences. Le volume de liquide Raulin ordinaire, renfermant 5 0/0 de saccharose, employé pour chaque culture, était de 50 c. c.; la stérilisation de la liqueur à la température de 100° pendant un quart d'heure, provoquait l’inversion à peu près complète du saccharose, grâce à la présence de l’acide tartrique libre. La semence apportait 1 c. ec. de liquide, si bien que la quantité de sucre fourni par culture était légèrement supérieure à 2,5 gr. Le récipient dont je me suis servi a été déjà décrit dans le premier mémoire, ainsi que les appareils d'absorption. L’acide carboni- que a été recueilli suivant le procédé également indiqué. Toutes les expériences ont été réalisées à la température de 29-30. Chaque expérience permettait d'évaluer : 1° Le poids de végétal obtenu: 2° Le poids d’aliment consommé; 3° Le poids d’acide carbonique dégagé ; 4° Le rendement exprimé par le rapport du poids du végétal au sucre consommé, calculé sur 100 de sucre. Ces notions sont également importantes pour l'interprétation des résultats; mais celle qui doit attirer plus particulièrement l'attention, c’est l'acide carbonique dégagé; ses variations vont nous permettre de mettre en relief les relations qui existent entre les divers aliments ternaires qu'on peut offrir à l’eu- rotiopsis, considérés au point de vue de leur aptitude à pro- duire de la matière vivante. L'étude du rendement tend vers le même but; le rendement théorique fourni par le sucre ne peut pas être supérieur à 50 0/0, puisque l'alcool ne représente que la moitié du poids du sucre ; il peut atteindre 56 0/0 environ si l’on fait intervenir l’azote de l’am- moniaque, si toutefois il n’y a pas de perte de matière au cours des synthèses qui aboutissent à la formation des substances albumi- noïdes. Pratiquement, le rendement est bien inférieur à 50 0/0 du poids du sucre consommé, en raison des dépenses d’entretien qui viennent s'ajouter à celles qu’entraîne la construction. Avec l'alcool, au contraire, le rendement théorique atteint 100 0/0 à peu près ; 106 0/0, environ avec la participation de l'azote 3)2 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. ammoniacal, toujours avec la réserve de la perte possible de poids de matière. Pratiquement, il sera aussi bien 1nIREMR à ce chiffre; mais il doit rester de > beaucoup supérieur à celui que fournit le sucre ; car il n’y a pas de raison d'admettre «a priori que les dépenses d'entretien diffèrent d’un mode d’alimentation à l’autre, le sucre et l'alcool n'ayant aucune action sur la réaction du milieu. Voici maintenant les résultats fournis par none cultures faites sur milieu sucré : TABLEAU I Durée de Poids CO? dégagé Nos l'expérience Sucre du végétal CO? dégagé pr unitéde poids d'ordre, jours. mgr. mer. Rendement. mer. et de temps. ile SAN 4957 677 34,6 1630,8 0,41 2e 5 — 17 — 1863,4 (1) 552 30,7 1358,4 0,43 9. 4 — 18 — 1341,3 437,7 22,09 938,6 0,45 4. 4 — 18 — 1319,2 451,9 32,13 936,8 0,45 Les chiffres de la dernière colonne sont très voisins les uns des autres: on remarque, en outre, que plus la culture est âgée, plus la quantité d’acide carbonique baisse, mais si faiblement qu'il est inutile d’insister sur ce fait pour le moment. Les nombres qui expriment les valeurs des rendements sont en contradiction avec les résultats que l’on pouvait prévoir; plus la culture est âgée, plus le rendement doit baisser; c'est une loi qui ne demande pas d'explication; elle se conçoit d’elle- même ; la contradiction doit être mise sur le compte de l’accou- tumance de l’eurotiopsis au milieu Raulin sur lequel il n’avait pas été cultivé depuis longtemps. Les différences de cette nature n'ont fait que s’accentuer dans le cours de mes recherches; le rendement, qui est ici de 1/3 environ, va tomber, dans des expériences faites 6 mois plus tard, à 30 0/0 et au-dessous, tan- dis qu'entre les n° 1 et 2 d’une part, 3 et 4 d’autre part, il y a un intervalle de trois mois durant lequel l’eurotiopsis a subi une dizaine de passages sur milieu Raulin. Le tableau 11 résume les résultats fournis par les cultures faites sur milieu Raulin dans lequel on a remplacé le sucre par l'alcool; comme le courant d’air entraine une quantité sen- 4. Ce chiffre est erroné; il ne peut provenir que d’une faute de calcul que je n'ai pas pu rectifier, car le dosage du sucre par la méthode ordinaire à la liqueur de Fehling se fait très facilement dans le liquide Raulin; mais comme je l'ai fait figurer par mégarde dans la note des C. À., je l’ai conservé iei afin de faire remarquer l’erreur. UTILISATION DU CARBONE TERNAIRE. 393 sible d'alcool, on prévient les pertes par évaporation en inter- posant sur son trajet un double barboteur à eau distillée plongeant dans la glace fondante. Les cultures 4 et 2 ont reçu chacune 26 c. c. de liquide alcoolisé à 2, 5 0/0 environ en poids; le n° 3 en a reçu 35 c. c.; j'ai employé cette concentration parce qu’elle correspond à 5 0/0 de sucre; mais l’eurotiopsis se développe très bien en présence de 8 0/0 d’alcool, comme M. Laborde l’a montré. TABLEAU II Alcool Poids du CO? produit Nos Durée de consommé mycélium CO? dégagé par unité de poids d'ordre. l'expérience. mer, mgr. Rendement. mgr. et de temps. 4. 93h; 306,3 163,8 46,01 386,9 0,26 2. 10 8 440 185,4 42,11 495,1 6,26 3. Que 581,3 299 1 50,25 586,2 0,22 Les chiffres de la dernière colonne sont encore ici à peu près identiques. Les relations qu’ils présentent avec les chiffres correspondants du tableau I sont celles que l’on pouvait prévoir ; il faut remarquer, en effet, que la quantité d’acide carbonique dégagée est à peu près égale au poids d'alcool consommé. Or cet alcool correspond à un poids double de sucre; si donc on avait récolté, dans le même temps, le même poids de mycélium aux dépens du sucre, on aurait obtenu un poids double de CO?, c’est-à-dire que les chiffres de la dernière colonne eussent été de même ordre de grandeur que ceux du tableau [. Mais il n’en va pas de même du rendement; rapporté à un poids double de matière, 1l tombe bien au-dessous des chiffres obtenus avec le sucre. On peut mettre, du moins en apparence, ce résultat sur le compte du temps; car, je l’ai déjà dit, plus la durée de l’expérience augmente, plus le rendement baisse; mais le rendement et la quantité d’acide carbonique éliminé sont deux faits étroitement liés l’un à l’autre; plus le rendement baisse, plus la quantité de CO? dégagé augmente; done, si on met l’un des résultats sur le compte du temps, l’autre doit être rapporté à la même cause, si bien que l'identification des deux modes d'alimentation que nous poursuivons en ce moment se traduit dans ces résultats par une différenciation. Celle-ci s’accentue encore davantage si on veut la traduire par des chiffres. Considérons en effet les expériences réalisées en milieu alcoolisé; on peut admettre provisoirement que le 304 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. mycélium obtenu en partant de l'alcool et de l’ammoniaque représente, en alcool consommé, une quantité égale à son poids ; la différence entre le poids total d'alcool disparu et le poids de mycélium obtenu exprime donc la quantité d'alcool qui a servi à l’entretien du végétal; or cette portion a subi à peu près complètement la combustion totale. Mettons en regard les poids d'acide carbonique calculés de cette façon et les poids fournis par l’expérience. Faisons de même pour les expériences 3 et 4, du tableau I, en admettant que c’est l'alcool correspondant au sucre consommé qui à servi à la construction et à l’entretien du poids de plante obtenu. Les résultats sont les suivants : TABLEAU III SUCRE ALCOOL ———“m — — Poids Poids Poids Poids ù calculé obtenu Différences calculé obtenu Différences Expériences. mer. mgr. mer. Expériences. mgr. mer. mer. d. 1106,1 938,6 + 171,5 1 307,6 386,9 — 19,3 4. 1100,5 936,8 + 163,7 2 487,2 496,1 — 7,9 ; 3 5b3,2 586,2 — 33 Les différences, comme on le voit, sont de signe contraire; elles sont très sensibles dans le cas du sucre, faibles au con- traire dans le cas de l'alcool. Il y a donc là une distinction bien nette à établir dans le mode d’action de l’eurotiopsis Gayoni sur le sucre et l'alcool; mais nous ne sommes pas encore en mesure d’en donner l'interprétation. Cette anomalie m’a conduit à vérifier les résultats de mes expériences. J’ai fait, dans ce but, le bilan du carbone dans les cultures 3 et 4 tableau L. On a déterminé le carbone total du liquide de culture avant l'expérience par la combustion de l'extrait; on a fait la même opération sur le résidu après l’expé- rience; on a dosé également le carbone du mycélium. Voici les résultats de cette vérification faite sur les éléments de l’expé- rience 3. Carbone du mycélium...... D TA RSA 225,1 Carbone du C0? dégagé. .......... EN Dre te 256 Carbone dans-lie ITA DER EEE RE Re Re Te 616,4 TOILE EEE RARE 1097,5 GarbGnerbanni Es Re ER NA RTE RPALIRET 1094,4 Ces chiffres montrent qu’au point de vue de l'exactitude, les expériences 3 et 4 ne laissent rien à désirer; mais il y a dans UTILISATION DU CARBONE TERNAIRE. 309 les résultats quelque chose d’inexplicable: on ne saurait s’en étonner, car on sait peu de choses sur les phénomènes de la vie protoplasmique; relenons simplement, pour le moment, cette: contradiction à laquelle on ne s’attendait pas. Les rapports de l’euroliopsis avec l'oxygène atmosphérique peuvent servir à caractériser les deux modes d'alimentation que nous venons d'examiner, au même titre que le dégagement d'acide carbonique. Avec les notions que nous possédions, nous avons pu prévoir les divers résultats enregistrés ; il est facile d'en déduire aussi, & priori, que les cultures d’eurotiopsis absorberont, pour un même poids de plante fabriqué, [la même quantité d'oxygène, qu'elles se développent aux dépens du sucre ou qu'elles poussent en présence d'alcool. Le dédouble- ment du sucre en alcool et acide carbonique est, en effet, une transformation indépendante de l'intervention de l'oxygène atmosphérique. Ce n’est qu’à partir de la formation de l'alcool qu'il y a absorption d'oxygène, et c’est pour cela qu'il n’y aura toujours qu'une même quantité d’assimilée, du moins dans les conditions indiquées. Ces résultats se traduiront dans la valeur du quotient respiratoire ; le dénominateur du rapport de l’acide carbonique à l’oxygène restant le même dans les deux cas, celui-ci sera proportionnel au numérateur, Or nous venons de constater que l'alimentation hydrocarbonée donne naissance à une quantité d'acide carbonique deux fois plus grande que l'alimentation en alcool. Cela veut dire que si la valeur du quotient respiratoire est 1 dans le premier cas, elle sera 0,5 peu près dans le second. Pour vérifier cette déduction, il faut faire des cultures dans une atmosphère confinée, La connaissance de la composition de l'atmosphère limitée, avant et après l'expérience, permettra de fixer la grandeur et la nature des échanges gazeux entre Pair et la plante, pendant toute la durée de la culture. | Je n’ai pas déterminé directement la composition initiale de l'air mis en contact avec les cultures; elle a été déduite de la richesse de l'atmosphère finale en azote. J'ai donc admis impli- citement qu'il n’y a pas eu d’azote absorbé ou éliminé par les cultures. J'ai fait usage de récipients de grande capacité; les cultures, en présence de l'alcool, ont été réalisées dans des fioles à fond 396 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR plat de 1 litre de capacité; mais il fallait prendre la précaution d'ensemencer légèrement, de façon à obtenir quelques îlots de mycélium isolés à la surface du liquide; un voile régulier de 415 centimètres de diamètre environ, tel que les fioles permettaient d’en obtenir, aurait absorbé, au bout de quelques heures après son apparition, tout l'oxygène disponible. C’est ce qui se produit avec le sucre; le mycélium, si légère- ment que l’on ensemence, a une tendance à se développer à la surface du liquide de façon à former un réseau complet, avant de donner naissance à des filaments aériens. Dans ces conditions, l'oxygène est absorbé si vite, qu’on n’en trouve plus de traces dès que le voile devient nettement apparent. Pour cette raison, les cultures en milieu sucré ont été faites dans des ballons de 2 litres, à fond rond; on y introduisait seu- lement 50 c. ec. de liquide de façon à obtenir peu de surface; on pouvait ainsi laisser la culture se développer jusqu’au #° jour. Mais le procédé n’est pas non plus exempt de tout reproche ; l'inconvénient réside dans l’inégale épaisseur du liquide; le voile se forme d’abord à la périphérie; de plus, le mycélium, qui reste plus longtemps immergé vers le centre, produit de petites quantités d'alcool libre, dont on ne peut pas tenir compte; il y a donc un léger excès d’acide carbonique dû à une transforma- tion dont le champignon n’a probablement pas tiré parti. Les fioles et les ballons doivent remplir la double condition de résister au vide et de supporter la stérilisation à 1200. Ils sont fermés d’un bouchon à deux tubulures, au-dessous duquel on place un fort tampon de coton retenu par un étranglement du col. Sur l’une des tubulures on place un tube manométrique dont la branche descendante a 1 mètre de longueur; son extré- mité ouverte plonge dans un petit réservoir de mercure; celui-ci est formé par un petit tube cylindrique de 5 centimètres de hauteur, dans lequel on introduit 4 ou 5 c.c. de mercure; il porte une ouverture latérale qui permet la communication avec l’atmosphère; un bouchon à un trou laisse passage au tube manométrique qui vient plonger jusqu’au fond du tube; on a ainsi une colonne de mercure qui permet de suivre très exacte- ment les variations de pression dues à l'absorption ou au dégage- ment de gaz dans l’atmosphère de l’appareil. UTILISATION DU CARBONE TERNAIRE. 397 La deuxième tubulure porte un tube vertical, muni d’un joint en caoutchouc fermé par un obturateur ; c’est ce joint qui permettra d'adapter l'appareil à une pompe à mercure, de façon à en extraire complètement le gaz à la fin de l’expérience. Tous les joints et les bouchons sont noyés sous le mercure au moyen de manchons convenablement disposés. Pour la mise en train des cultures, il y a quelques précau- tions à prendre; les cultures sur milieu sucré dégagent plus d'acide carbonique qu’elles n’absorbent d'oxygène; il y a donc augmentation de pression dans l'appareil; pour prévenir les pertes de gaz provoquées par excès de pression, il faut y faire, au moyen d’une trompe, un vide de 10 à 12 c. c. de mercure. La précaution est superflue lorsqu'on cultive le champignon sur un liquide alcoolisé; il y a, en effet, dans ces conditions, plus d'oxygène assimilé que d’acide carbonique éliminé; la pression baisse à l’intérieur de la fiole et le mercure monte dans le tube manométrique. Pour recueillir les gaz des récipients de culture à la fin de l'expérience, on adapte, comme je l'ai dit, les fioles à une pompe à mercure, et on dirige les gaz dans un volumètre de 2litres environ de capacité, exactement 19,495,5 c. c. à 15°. Quand on a obtenu une dépression convenable au-dessus des cultures, on les porte à une température de 65°, de façon à tuer le mycélium, on laisse refroidir vers 30° et on continue le vide jusqu’à provo- quer une ébullition tumultueuse des liquides de culture ; on est certain de cette façon de recueillir complètement l’air des appareils. Le volume de l’atmosphère gazeuse après l’expérience étant déterminé, on en fixe la composition par l'analyse eudiomé- trique, et de sa richesse en azote on déduit le volume de l’atmosphère initiale fournie aux cultures; on a ainsi tous les éléments cherchés; on recueille également le mycélium et on en établit le poids; mais il est impossible de recueillir intégra- lement l'alcool non consommé. Les appareils d’analyse qui m'ont servi ne présentent pas de robinet ; ce sont : la pompe, le volumètre et l’eudiomètre de M. Schlæsing fils. Le tableau suivant résume les résultats fournis par deux expériences réalisées dans ces conditions. Les volumes gazeux sont ramenés à 760 et à 0°, 298 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. TABLEAU V Sucre interverti. Alcool. Poids du myceliumn 1.210) mor. a11 96,2 Durée de l'expérience..." jours. 4 6,#1 Matière consommée .......... mer. 630 — COdÉSA SÉPARER AR CHA 251,13 93,93 POISSON SR mor. 495 184,7 — par unilé de temps et de poids, 0,58 0,29 Oconsomme ee Pre rer CAC: 213,66 184,85 — DOIT SNS ENERER mor. 305 164,36 par unité de temps et de poids. 0,56 0,60 Co? 4 Rapport en volume.......,......... a AT 0,508 Voici maintenant, les chiffres qui ont servi à calculer les éléments du tableau V. TABLEAU VI Milieu sucré. Milieu alcoolisé. VoltmrendAninnittA le er ne en e. €. 1711,31 914,9 — ANT RAI RER — 1749,4 824 Composition | AOC TI — 711,28 87,12 centésimale de ; Oxygène .. ... — 8,39 0,88 l'atmosphère. | Acide carbon. -— 14,39 11,4 Composition | Azote........ EE 1351,93 722,81 absolue: ( Oxygène ES — 145,72 7,25 ) Acide carb... — 251,73 93,93 Le tableau VI montre que la culture sur milieu alcoolisé avait consommé presque tout l’oxygène de l'atmosphère confi- née au moment où l’on a mis fin à l'expérience; mais cela ne présente pas d'inconvénient, car le mycélium absorbe rapide- ment jusqu'aux dernières traces de ce gaz sans que son déve- loppement en souffre; l’ascension progressive de la colonne mercurielle dans le tube manométrique en témoigne; de plus, quand tout l’oxygène a disparu, la colonne de mercure reste stationnaire; elle traduit fidèlement les oscillations baromé- triques pendant des semaines et des mois, si on laisse les choses en l’état; ceci prouve que le mycélium, quoique affamé, ne libère pas le carbone de sa propre substance à l’état d'acide carbonique, en l'absence d’oxygène; et cependant, on sait qu'un végétal affanié est le siège de transformations diastasiques actives qui portent sur les matières albuminoïdes. Puisqu’on n’observe pas de dégagement d’acide carbonique, il faut en conclure que les diastases capables de dégrader les matières azotées, en l’absence d’oxygène, ne peuvent pas pro- duire d’acide carbonique ; la zymase n’a pas son analogue parmi les diastases des matières quaternaires de l’eurotiopsis Gayoni. C’est une observation que j'ai déjà faite chez le pois; il semble donc qu’elle soit générale chez les végétaux aérobies. é cv End Tél nas Te ain D RAP cn fe nT ele 1 eu dl à pe d'iéflal in 4 à mir es UTILISATION DU CARBONE TERNAIRE. : 309 Lorsque les cultures en milieu sucré sont privées d'oxygène, la fermentation alcoolique apparait; on constate un dégagement d'acide carbonique qui se poursuit tant qu'il reste du sucre, mais quand il est complètement terminé, on observe l’état stationnaire indéfini de la colonne mercurielle dans le tube manométrique. Pour obtenir des résultats probants avec les milieux sucrés, il faut mettre fin aux expériences avant que l’oxygène ait été consommé. Les chiffres du tableau VI montrent que cette condition a été réalisée dans l'expérience dont j'ai donné les résultats. Parmi les chiffres qui doivent attirer l'attention dans le tableau V, ce sont ceux qui donnent la valeur du quotient respi- ratoire qui sont les plus importants. Le chiffre 1,17 fourni par la culture en milieu sucré est légèrement supérieur au chiffre réel pour la raison que j'ai déjà donnée ; mais 1l n’en est pas moins vrai que si on le compare au chiffre 0,508 fourni par la culture en milieu alcoolisé, on constate qu'il existe entre eux la relation prévue, Nous avons donc ici un argument de plus à ajouter à ceux, déjà nombreux, que nous avons recueillis en faveur de la thèse soutenue dans ce travail; mais celui-ci pré- sente l'avantage d'être dégagé de toute complication relative à la présence de matières quaternaires. Il prouve une fois de plus que l’absorption d'oxygène ne commence qu'à partir du moment où le sucre est déjà dédoublé en alcool et acide carbonique ; cela revient à dire que l'alcool s’accumule dans les milieux de culture ou dans les tissus végétaux parce que la cellule ne peut pas l'utiliser en l’absence d'oxygène, ou encore que le dédou- blement du sucre en alcool et acide carbonique est une transfor- mation physiologique dont le but immédiat est de préparer l'assimilation de la fraction utilisable du sucre. A côté de ces résultats, j'ai mis en relief, dans le tableau V, quelques autres données qui semblent constiluer des caractères disunctifs des deux modes d’alimentation. Ce sont les quantités d'acide carbonique et d'oxygène dégagé ou absorbé par l'unité de poids de culture, dans l’unité de temps. Les chiffres ne présentent cependant rien de précis, en ce qui concerne l'oxygène; par contre, ils semblent fournir au sujet de l’acide carbonique une indication utile; il n’y a pour- 360 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. tant là qu’une simple coïncidence; et comme je vais maintenant passer à l’examen de ces irrégularités, qui peuvent se traduire quelquefois par des régularités accidentelles, je dois dire que l’on ne peut pas non plus accepter sans réserves les notions de même ordre fournies par les tableaux I et IT. Quelle importance faut-il accorder à la durée des cultures et au poids du mycélium obtenu, dans l’usage provisoire que j'en ai fait? La notion detemps et de poids, employée telle quelle, ne fournit aucun renseignement précis. On conçoit, en effet, que le poids de mycélium obtenu dans un temps donné ne peut être comparable d’une expérience à l’autre qu'autant que l’on opère avec un même milieu et dans des conditions identiques ; il ne l’est plus dès que la durée des cultures varie. C’est qu’en effet le poids de la culture n’est pas proportionnel au temps, et, d’un autre côté, il n’y a aucune raison d'admettre que la dépense d’entretien des cellules formées est constante d’un bout à l’autre de l'expérience, au contraire. On n’est donc pas fondé à tirer des conclusions précises de données qui ne peuvent en fournir; et si on le fait quand même, on tombe dans l’arbitraire. Le poids final de la culture n’est pas mieux défini que le temps; ce n’est pas la somme de substance vivante obtenue qui a consommé pendant toute la durée de l’expérience; la dépense d'entretien est due à un poids de mycélium variable d’un instant à l’autre. Je condamne ainsi, en apparence, un procédé de raisonne- ment que j'ai appliqué aux végétaux supérieurs dans le premier mémoire; mais là, les conditions de croissance sont différen- tes ; le développement peut être considéré comme à peu près proportionnel au temps, tant que les réserves ne sont pas épuisées; de sorte que si les augmentations de poids des plan- tules dans l’unité de temps, suivant les espèces végétales, sont entre elles comme 1, 2, 3,etc... par exemple, les poids définitifs à la fin de l'expérience seront également proportionnels à 1,2, 3, etc... de sorte que les résultats présentent entre eux des rapports constants, et cela suffit lorsqu'on établit seulement des comparaisons. Pour arriver à interpréter convenablement les résultats fournis par l’eurotiopsis, il faut définir plus exactement ce UTILISATION DU CARBONE TERNAIRE. 361 qu'est le poids d’une culture et préciser davantage la notion de temps. III M. Duclaux a symbolisé par une formule le travail de la vie cellulaire ‘. Les aliments servent à la construction des cellules ou à leur entretien. Si on désigne par S la somme des aliments consommés par une culture d’eurotiopsis, par CG la quantité employée à la construction du végétal, E celle qui est affectée à l’entretien, ces trois quantités sont liées par la relation sui- vante : S'= CHE; C peut être mis sous la forme «a P, P étant le poids de mycé- lium obtenu à la fin de l'expérience, et 4 un coefficient expri- mant la quantité d’aliment employé à la construction de l’unité de poids de plante. E dépend du temps et du poids P, on peut donc faire : P E— 0 — 1 n = est ce que l’on peut appeler le poids moyen de la culture, c’est-à-dire une quantité constante pendant toute la durée de l'expérience qui consomme pour son entretien la même somme d’aliment que la culture elle-même. La dépense d’entretien calculée à l’aide du poids moyen est donc proportionnelle au temps, ce qui justifie l'expression pré- cédente; b est la dépense d’entretien par unité de poids et de temps. De sorte qu’en définitive on a : S—aP+b-t. (1) C’est la formule proposée par M. Duclaux. Pour éviter les complications de calcul, je considérerai S comme représentant seulement la somme des aliments ternaires qui ont contribué à l’alimentation de l’eurotiopsis; comme P est constitué en partie, à peu près 5 0/0, par de l’azote emprunté à l’ammoniaque et à l’acide nitrique, les coefficients à et b, déduits par le calcul, seront inférieurs aux coefficients réels, puisque le 4. Traité de microbiologie, t. X et IIT, Masson, Paris. 24 362 . ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. premier membre ne renferme pas lazote utilisé: mais ils demeureront comparables entre eux d’une expérience à l’autre. M. Duclaux a appliqué cette formule à l’étude des résultats fournis par M. Laborde sur l'alimentation hydrocarbonée de l’eurotiopsis, et pour cela, faute de renseignements, il a considéré n comme égal à 3, chiffre déduit par M. Hansen de l'étude de la multiplication de la cellule de levure. | Il a admus en outre, comme conséquence de la revision méthodique des notions apportées par l’étude de la vie de la levure, que « doit être voisin de 2 pour la levure, 2 étant eepen- dant une valeur approchée par excès; pour l’eurotiopsis, il a fait 4115 Je n’ai pas besoin d’entrer dans de longues explications pour faire comprendre que, d’après les notions acquises dans le cours de ce travail, on doit trouver pour b la même valeur, que le champignon soit nourri de sucre ou d’alcooï, puisque les deux modes d’alimentation se confondent; mais ce n’est pas S qu'il faut employer dans le cas du sucre, mais bien + puisque la moitié du poids du sucre est perdue pour la cellule, à l’état d’acide carbonique. D'autre part, l’expérience nous apprend que 4 — 1 pour l'alcool. _ Cette formule se prête done à une FAN vérification des conclusions tirées de mes expériences. J'utiliserai d'abord les éléments de calcul fournis par les résultats de M. Laborde. (V. Duclaux, loc. cit.) Ce sont les suivants : Nature de l'aliment. Valeur de S. Valeur de P. Le Sucre interverti..... AT RL PR 100 29 6 ATCOO EN ES EE NS es TA NEA 160 44 42 En portant ces chiffres dans la formule P S=aP+0d 3 TE et en faisant à — 1 puisque l'alcool est la fraction utilisée, on a : 29 Pour le sucre 50 — 99 + b Le 6 d’où b — 0.27 41 Pour l'alcool 100 — 44 + b T 42 d'où à — 0,34 Ces chiffres, comme on le voit, sont suffisamment voisins pour justifier les prévisions; on n’a pourtant pas le droit d'y UTILISATION DU CARBONE TERNAIRE. 363 voir autre chose, pour le moment, qu’une simple coïncidence, et voici pourquoi : On a admis que = est égal à +3 c'est une supposition manifestement erronée ; les cultures d’eurotiopsis n’augmentent pas suivant la même loi que la levure ; le développement est lent au début, mais quand le mycélium recouvre complètement la surface du liquide d’un mince voile dont les filaments s'élèvent de quelques millimètres dans l'air, l'accroissement du poids de la culture devient extrèmement rapide; si donc, on veut tirer parti de cette formule si avantageuse, il faut déterminer par l'expérience la valeur du poids moyen = pour chaque aliment offert au champignon. J'ai fait cette détermination pour le sucre interverti et pour l'alcool. Les milieux additionnés de sucre interverti à la dose de 5 0/0 étaient placés dans des fioles coniques de 250 ec. c. à raison de 50 c. c. par récipient; on introduisait dans chaque récipient la mème qnantité de semence formée par des spores recueillies sur une culture jeune et soumises à une germination préalable de 24 heures. Les cultures ont été faites à la tempéra- ture de 30°. L'alcool était offert à la concentration de 3 0/0; mais on n'utilisait que 25 c. c. de liquide au lieu de 50, et on prenait toutes les précautions possibles pour réduire les pertes par éva- poration et pour évaluer celles qui se produisaient quand même. On prélevait à des intervalles indiqués dans les tableaux ci-dessous une culture de la série: on détermiuait le poids de mycélium fabriqué et la quantité d’aliment consommé. Pour obtenir des résultats aussi comparables que possible, on écar- tait soigneusement toutes les cultures qui présentaient la moindre irrégularité dans la formation du voile. Le tableau VII résume les résultats relatifs au sucre inter- verti; le tableau VIIL a été obtenu avec les cultures en milieu alcoolisé. 364 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. TABLEAU VII . Durée de Poids du Sucre Nos l'expérience mycélium consommé Rendement d'ordre. jours etheures. mpgr. mgr. p. 100. il 2 11,2 — 2 2 WEPeLS he 38,8 100,6 38,56 0) 3— 3 — 1291 389,9 33,48 % NME ns 182 537,7 33,8 5 4 — 3 — 260,1 814,5 32 6 D — 15 — 386,8 1289,5 30,71 7. 6 — 15 — 452,3 1651,3 27,4 TABLEAU VIII ALCOOL À. 3 j. 16 h. 12,8 æÆ 25: 2. RENTE 12 42 “ 3. 5 — 46 153 192 79,68 4. pie 997,7 323 70, 5. 6 — 16 349,3 640 53,48 Des courbes traduiront, mieux que les chiffres, la marche générale du développement des cultures; la courbe figure 4 représente le tableau VII; la courbe figure 2 correspond au tableau VIIT; elles traduisent la loi du développement das le poids du 77 pes us PA Fig. 1. — Développement de l'Eurotiopsis sur milieu sucré, temps; on peut se convaincre aisément que ces courbes s'écar- tent beaucoup de la forme parabolique. Elles permettent aussi de juger de l'allure tout à fait diffé- rente des cultures suivant qu’on leur offre du sucre ou de l’al- cool; à ce point de vue, elles matérialisent les diverses obser- UTILISATION DU CARBONE TERNAIRE. 365 vations que j'ai signalées dans le cours de ce mémoire, concer- nant le temps mort du début, la proportionnalité du développe- ES De juive Fa foids du mycelium en decigrammnes Fig. 2. — Développement de l'Eurotiopsis sur milieu alcoolisé. ment au temps, la vitesse de l'accroissement de poids, etc. ; elles montrent en effet combien les cultures sur alcool sont pénibles au début, bien que la semence ait été fournie au même état de développement que celle qui a servi pour les cultures en milieu sucré, et qu’on ait pris la précaution de réduire de moitié le volume du liquide de culture, afin. de diminuer autant que possible la durée du temps mort; mais une fois le voile formé, l'accroissement de poids ne le cède en rien aux cultures sur milieu sucré. Les courbes se comprennent d’elles-mêmes; elles vont nous fournir le poids moyen des cultures ; considérons, en effet, l’aire OPMN : elle est proportionnelle à la dépense d’entretien de la culture 7 (voir Duclaux, loc. cit., t. IT, p. 61 ); or cette aire est équivalente au rectangle qui a pour base OP et pour hau- teur l’ordonnée moyenne de la courbe; c’est donc cette ordon- née moyenne de la courbe qui est le poids moyen cherché; l'aire OPMN s'obtient assez exactement, par l'emploi d’un certain nombre de méthodes; j’ai appliqué dans le cas actuel la méthode de Simpson; connaissant l’aire OPMN et la base OP du rectangle équivalent, on en déduit le poids moyen de la culture 7; on comprend que l’on puisse obtenir aussi facilement les poids moyens correspondant aux cultures 6, 5, 4, etc., en x considérant les portions de courbe relatives à ces cultures, Le 366 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. rapport de l’ordonnée moyenne à l’ordonnéeïmaximum fournit les valeurs =: Voici les chiffres obtenus de cette facon, pour les cultures en milieu sucré et alcoolisé : TABLEAU IX Sucre intervertis Alcool. Culture n° 4..:.... 0,20 Culturein 57010 0,11 NTI On LA NEe 0,2% AN MORTE 0,14 ER M 1 LME 6) 0,32 ART DS RS EE 0,16 APE Ce CA EE 0,37 Si on porte ces valeurs dans la formule [, et qu'on y fasse 1/n — 0,20, 0,24, etc., on obtiendra les valeurs corres- pondantes de b: j’ai fait ce calcul en admettant que la quantité d’aliment utilisé S représente seulement la moitié du poids de sucre consommé. En faisant le même calcul pour les cultures en milieu alcoolisé, on en tire également les valeurs de b rela- tives à ces cultures. Le tableau X donne les différentes valeurs ainsi calculées : TABLEAU X Sucre interverti. Alcool. / Culture n° 4.5... 0,65 GULEUTE An ENS SMS 0,40 CORRE PPS PRE CPE 0,4: ARE : LU PRIE 0,67 EU PP Er an 0,34 2 On A 0, 0,81 225 SM TRU Le 0,33 Les deux séries de chiffres du tableau X ne présentent, comme on le voit, aucune relation l’une avec l’autre, ou tout au moins elles sont complètement. différentes du résultat auquel on pensait aboutir; on peut traduire ce résultat de la façon sui- vante: l’eurotiopsis cultivé sur milieu sucré consomme, pour son entretien, des quantités décroissantes d’aliments avec le RE EE RER RO DE MR OA NT A EFCDRRERE __!— CS20 22 ou np 7 SUCTE CONSONINE CI décigrarriines. Fig. 3. — Courbe du rendement (milieu sucré.) temps; nourri avec de l'alcool, il dépense, pour son entretien, des rations alimentaires qui vont en croissant avec le temps. UTILISATION DU CARBONE TERNAIRE. 367 Nous sommes ainsi bien loin de la concordance observée dans les chiffres fournis par l'exemple tiré des données de M. Laborde ; cela tient à ce que la valeur du poids moyen P/3, (21 à à ÿ Le À 228 08 70 2; 1 SE j alcool consomme et deécigrarrrres Fig 4. — Courbe du rendement (milieu alcoolisé). dont nous avons fait usage, s’accorde très bien avec le chiffre réel fourni par l'expérience dans le cas de l'alimentation hydro- carbonée, mais s'éloigne au contraire beaucoup de celui que l’on obtient lorsqu'on offre de l’alcool au champignon. _ Si singuliers que ces résultats paraissent, nous les avons déjà enregistrés, mais sous une forme beaucoup moins frap- pante, de sorte qu'ils n’ont pas attiré l'attention. Je les ai tra- duits dans le rendement des tableaux I et Il; et ici ils consti- tuent un mode d'expression des valeurs du rendement des tableaux VII et VIIL Avec les cultures en milieu sucré, le ren- dement décroît de 38,56 à 27,4 en 4 jours, tandis qu'avec les cultures en milieu alcoolisé, il baisse en 1 jour de 79,68 à 93,48. Les courbes figure 3 et figure 4 traduisent ces varia- tions. Le rendement est le rapport de l’ordonnée à l’abscisse correspondante. | Au point de vue physiologique, ces résultats signifient que l’eurotiopsis soumis à l’alimentation hydrocarbonée vieillit très vite, car une cellule qui consomme activement doit être considérée comme plus robuste, plus jeune qu'une autre où les échanges nutritifs sont très ralentis. L'alcool semble produire un effet inverse sur l’activité des cellules: plus elles vieillissent, plus elles consomment, du moins en apparence. Je ne puis rattacher ces faits qu’à l’influence de l’aération, qui se traduit, pour ainsi dire, d’une manière inverse, sur les deux modes d'alimentation. Dans le cas de l'alimentation hydrocarbonée, le mycélium 368 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. émerge très rapidement; mais les filaments aériens restent courts; quand le champignon est nourri d’alcool, son dévelop- pement est extrêmement pénible au début; mais quand le voile est bien formé, les filaments aériens s’allongent relativement beaucoup. Au point de vue de ses relations avec l’air ou le liquide, la culture se divise donc en deux parties : la partie aérienne et la partie immergée; c’est celle-ci qui se forme la première; elle est placée dans des conditions défavorables pour consommer l'alcool; les cellules qui la composent en absorbent donc peu ; la portion aérienne est placée, au contraire, dans les meilleures conditions pour le consommer activement; et plus elle augmente par rapport à la première, plus la dépense d’en- tretien s'accroît. C’est donc en apparence, seulement, que les cellules semblent se rajeunir ; la relation si étroite de l’alimen- tation en alcool avec les exigences en oxygène n'apparaît pas ici pour la première fois; on l’a observée également avec le pois, 1’ mémoire p. 203; mais la façon dont elle se manifeste dans le cas de l’eurotiopsis montre qu’un végétal aérobie est incapable de se nourrir d'alcool s’il n’est pas en rapport direct avec l’oxygène libre; s’il ne dispose que de l’oxigène dissous, il végète très péniblement, même lorsque l’alcool constitue pour lui un aliment de 1% ordre. Ea ramenant à l'influence de l’air les différences dans le mode de développement de l’eurotiopsis, suivant qu'il est nourri de sucre ou d’alcool, je ne fais qu’un rapprochement: la raison nous échappe jusqu’à présent; mais il est clair que la cause essentielle de ces différences tient à la présence de la zymase ou à son absence. Lorsque le champignon est cultivé sur milieu sucré, la zymase est pour lui une diastase indispensable; quand on lui offre de l'alcool, il n’en a plus besoin; mais la zymase est une diastase très oxydable, autant du moins que Buchner l’a montré; si elle disparaît au bout d’un certain temps, les cellules qui en sont privées ne doivent plus avoir qu’une action très limitée ou nulle sur le sucre; elles sont affamées, et dès lors elles brü- lent leur propre substance à l’exemple de toutes les cellules pri- vées d'aliments. Nous arrivons ainsi une fois de plus à admettre que la zymase, contrairement à toutes les conceptions actuelles, est une diastase normale chez les végétaux, qui prend nais- UTILISATION DU CARBONE TERNAIRE. 369 sance comme toutes les autres diastases cellulaires, pendant la vie végétative., Si elle persiste dans la vie anaérobie, c'est parce qu’elle se détruit plus ou moins vite suivant les espèces végé- tales; elle doit être toujours présente dans les cellules jeunes d’eurotiopsis, quoique développées au large contact de l'air. Il en est de même chez les levures ; mais, par contre, l’aspergillus nous apparaît, ainsi que les végétaux supérieurs, comme des orga- nismes où la zymase s’oxyde avec la plus grande facilité, si bien qu’on n’en trouve jamais que des traces. Toutes ces déductions seront vérifiées, point par Don dans un autre mémoire. Pour le moment, je vais résumer les recherches relatives au vieillissement des cultures; cette étude permettra d’élucider quelques points que j’ai laissés dans l'om- bre, en même temps qu’elle fournira quelques renseignements au sujet de la variation de la composition élémentaire du mycé- lium d’eurotiopsis. IV Le mycélium d’eurotiopsis est relativement riche en matiè- res saccharifiables. Pour les évaluer, j'ai soumis les cultures pulvérisées, à l’état sec, avec du sable très fin, à l’action de l’acide sulfurique à 2 0/0, à la température de 120° pendant 20 minutes ;les corps réducteurs obtenus de cette façon ont été dosés par la méthode de Lehmann, modifiée par Maquenne. Le tableau XI donne les résultats obtenus avec des cultures développées sur milieux sucré et alcoohsé. Pour entourer ces résultats de tous les renseignements utiles, j'ai fait les éva- luations sur les cultures des tableaux VII et VIEIL Voici les chiffres qu’elles ont fournis: : TABLEAU XI Matières saccharifiables Désignation des cultures. p. 100 de poids sec. a Lo Cultures 6 + 7 tableau VIT .......... AE 24,3 RER Gultüurerde jours EEE PEACE LE 18,87 { Cultures 4 + 5 tableau VIIL............ 16,41 Cultures 6 + 6 tableau VIIL............. 24,78 Milieu alcoolisé. 4 Autre culture conservée ASTOUES AR ÉTNENMRA DATES EELE. . Après la disparition de l’alcool......... 42,55 370 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Plus la culture vieillit, plus la quantité de matières saccha- rifiables augmente, et la production des matières hydrocar- bonées se poursuit activement en l’absence de tout aliment: cela prouve que ces substances prennent naissance par voie de désassimilation; or ces composés présentent beaucoup d’ana- logie avec les celluloses vraies ; parmi eux, une certaine por- tion doit d’ailleurs provenir de ces dernières ; je n’ai pas suivi les conventions établies pour séparer ces matières saccarifiables des celluloses vraies; j'ai forcé un peu la dose d'acide. C'est là une observation intéressante, car les physiologistes admettent unanimement que les celluloses dérivent du sucre par un phénomène de condensation moléculaire, dont l’amidon estun autre exemple , à un état de polymérisation moins avancée. Pour ce qui est des cultures en milieu alcoolisé, le doute n'est pas possible, au sujet de l’origine qu’elles assignent aux celluloses; car le mycélium n’y a jamais disposé d’une seule molécule hydrocarbonée en dehors de celles qu’il s’est cons- tituées, et nous verrons plus loin qu'il ne fabrique pas de gly- cogène. Quant aux cultures qui se sont développées aux dépens du sucre, elles doivent tout naturellement élaborer les enveloppes cellulosiques du mycélium par la condensation du sucre ; c’est encore une illusion; la diminution de la dépense d’entretien b avec l’âge de la culture montre que le mycélium relativement jeune consomme peu de sucre; j'ai même ajouté qu'il n’en absorbe pas du tout, et je l’établirai par l'étude de l’apparition et de la destruction de la zymase; mais cela n'empêche pas que dans les cellules dépourvues de zymase, les matières sacchari- fiables augmentent avec l’âge, exactement comme dans les cul- tures en milieu alcoolisé, après la disparition complète de l’al- cool. On doit donc admettre qu'ici encore, ces corpsse forment par voie de désassimilation des matières albuminoïdes. Ainsi, la physiologie assigne aux celluloses une origine toute différente de celle de l’amidon, si toutefois on peut se permettre de généraliser l’exemple de l’eurotiopsis ; on com- prend donc qu’elles puissent être constituées par des polymères des sucres en C* et C5, unis à d’autres substances que l’on ne connaît pas, car la saccharification des celluloses fournit des corps résiduels non encore définis, tandis que l’amidon issu des UTILISATION DU CARBONE TERNAIRE. 371 glucoses se résout toujours, en son constituant, le dextrose. La formation des membranes cellulosiques est une fonction normale et nécessaire des cellules végétales ; mais elle caracté- rise surtout la période de dégénérescence, celle où le proto- plasma, privé d’aliment ou incapable d'utiliser celui dont il dis- pose, s’oxyde ou se détruit rapidement, faisant ainsi passer la cellule de la fonction active de multiplication à la fonction passive d’organe de soutien ou de transport; et plus la cellule vieillit vite, et plus économiquement elle remplit son rôle. La désassimilation des matières azotées n’est pas accompa- gnée seulement de production de substances cellulosiques; 1l y a également appauvrissement du mycélium en azote et perte de carbone et d'hydrogène par voie d’oxydation. Voici, pour donner une idée de l’activité de ces phénomènes, quelques chiffres fournis par des cultures en milieu alcoolisé, appartenant à la même série que celles du tableau VIII, mais qui avaient été conservées à l’étuve, longtemps après la dispari- tion complète de l’alcool. Le n° 1 a été arrêté à peu près au moment où les dernières traces d'alcool venaient d’être absorbées. TABLEAU XII Age Poids Perte de poids Poids Augmentation des du calculée d'apres de de l'extrait calculée Nos cultures mycélium le n° 1 © l'extrait d’après le no 1 d'ordre. jours et heures. mer. mer. mer. mer. Le 6.17 329,7 — 86.8 _ Fe 7,17 308 21,7 99.6 9.8 3. 15 227 102,7 95,8 9 % 95 \ 495 434,7 108 24.2 : À ) 199 430,7 108 21,2 Le tiers du poids des cultures a disparu au bout de 25 jours, à l’état d'acide carbonique et d’eau, pendant que l'extrait a augmenté seulement de 2 centigrammes ; les matières saccha- rifiables ont passé de 24,78 à 42,58 0/0 (V. tableau XI). Le taux de l’azote voisin de 6 est tombée à 3 0/0 environ; ce sont donc les résidus azotés de la désassimilation qui ont con- tribué à l’augmentation de l'extrait. Mais ces faits ne comprennent pas toute l’histoire du vieil- lissement du mycélium d’eurotiopsis. Le champignon à l’état jeune renferme beaucoup de matières oléagineuses, qui disparaissent également avec l’âge. 372 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Le tableau XIIL montre dans quelle proportion ces subs- tances se rencontrent dans le mycélium; les cultures ont été réalisées sur milieu alcoolisé à 4 0/0; le n° 3 a été conservé dans des conditions de vie anaréobie, pendant 28 jours, à par- tir du moment où le n° 1 a été arrêté. Pour évaluer les matières grasses, j'ai pulvérisé le mycélium à l’état sec avec du sable silicieux ; l’épuisement a été fait avec de l’éther sec. TABLEAU XIII Nos Durée L Matières grasses d'ordre. Désignation des cultures. de conservation. p. 100 de poids sec.’ 1. Témoin AE ESS — 20,78 2° Caluremul'aar re v#002e 28 jours. 2,62 BE Culture anaérobie. ..... 28 — 21.48 La disparition des matières grasses à l’air est susceptible d'apporter quelque complication au mécanisme de formation des celluloses, tel que je l'ai expliqué plus haut ; il se peut que les matières azotées fournissent indirectement les matières cel- lulosiques en passant par l’intermédiaire des substances oléa- gineuses ; je n'ai pas eu le loisir d'approfondir les relations entre les trois catégories de composés — matières albumi- noïdes, matières grasses et substances hydrocarbonées; l’inté- rêt que présente cette question mérite qu’on y revienne. Les observations faites dans le cours de ce chapitre vont nous permettre de reprendre la critique des chiffres du tableau IT. Ils présentent, en effet, une anomalie dont je n’ai pas encore fourni explication. Mais avant d'insister sur ce point, je dois dire que l'intérêt du rapprochement en question, qui était plau- sible au moment où il a été fait, ne présente plus qu'un attrait historique. J’ai montré, en effet, dans la suite, que le mycélium d’eurotiopsis demeure capable de consommer de l'alcool, beaucoup plus longtemps qu’il n’est apte à absorber du sucre ; il en résulteque tout en conservant une composition rela- tivement plus constante, le mycélium brüle plus complètement l'alcool, si bien que dans la facon de traduire les résultats, adoptés dans le tableau III, on retrouve plus exactement l’ori- gine de l’acide carbonique avec les cultures faites sur milieu alcoolisé, qu'avec celles qui se sont développées aux dépens du sucre; celles-ci ont subi dans leur constitution des modifica- UTILISATION DU CARBONE TERNAIRE. H-MA VE. tions plus profondes par voie de désassimilation, et lorsqu'on les considère comme formées d’alcool et d'ammoniaque, on est loin de la réalité. La justesse de cette critique est appuyée par la comparaison des chiffres du tableau XIV : il en résulte que l'écart entre les chiffres obtenus par le calcul et ceux qui sont fournis par l'expérience doit être mis sur le compte de la perte de carbone par la désassimilation des matières albuminoïdes ; l'azote éliminé entraîne avec lui une certaine fraction de car- bone qui se trouve daas le liquide de culture, et c’est pour cela que cet élément s’obtient intégralement dans le bilan que j'ai dressé-p. 354. Mais à côté de cette interprétation, il y en a une autre qui vient également à l’esprit ; elle s'appuie sur la présence possible d’une certaine réserve de glycogène dans le mycélium d’euro- tiopsis. Si le champignon emmagasinait le sucre à l’état de glycogène, on devrait retrancher du sucre consommé la portion employée à constituer cette réserve, de même qu'il faudrait diminuer d'autant le poids du mycélium obtenu ; car ce sucre n’a pas été assimilé, et dans mes calculs j’ai admis le contraire. J’ai cherché vainement à établir le bien-fondé de cette sup- position. La réaction micro-chimique de l’iode ne peut fournir de garantie sérieuse, car le contenu du mycélium âgé de deux ou trois jours se résout en une masse granuleuse dont les élémentsse colorent, plus ou moinsfortement, en jaune par l’iode. J'ai soumis au traitement à l’eau bouillante pendant 6 heures du mycélium pulvérisé aussi finement que possible; le liquide filtré et traité par l'acide sulfurique à 2 0/0 à 120° pendant 20 mi- nutes a fourni seulement, en matières réductrices évaluées en glucoses, 2 0/0 du poids du mycélium traité. Ce chiffre est trop faible pour être rapporté à des substances autres que les matières sommeuses quise dissolvent peu à peu dans l’eau bouillante. Cette épreuve, que j'ai répétée plusieurs fois sur plusieurs échantillons de cultures jeunes obtenues sur des milieux à 5 et 10 0/0 de sucre, ne m'a jamais fourni de résultat plus concluant ; et cepen- dant la culture qui a donné, dans ces conditions, 2 0/0 de subs- tances réductrices renfermait 18,87 0/0 de matières sacchari- fiables. La démonstration de l’absence de glycogène est plus facile à faire avec des cultures obtenues sur milieu alcoolisé. Je l'ai 374 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. faite d’une manière indirecte sur la culture n° 3 du tableau XIII. Lorsque le ballon dont l’atmosphère interne avait à peu près 1 litre de capacité a été bouché, la disparition de l’oxygène aurait dù être suivie d’une fermentation lente du glycogène, comme cela se produit avec la levure; mais je n’ai jamais observé la moindre dénivellation du niveau du mercure dans le tube à dégagement dont le bouchon était muni, après l’absorp- tion complète de l'oxygène qui, avec une culture ayant fourni 2 grammes de matière sèche, à la fin de l'expérience, devait être complète au bout de 2 h. 40, d’après les données du tableau IV. Le mycélium d’eurotiopsis ne renferme donc pas de quantités sensibles de glycogène. C'est bien aux modifications causées par le vieillissement qu’il faut rapporter la contradiction relevée dans les chiffres du tableau HIT. L'absence de glycogène va nous permettre de traduire par la composition élémentaire du mycélium les changements sur- venus dans la constitution de la substance vivante, suivant l’âge des cultures. Le tableau XIV les synthétise assez fidèlement; jy ai réuni les chiffres relatifs à la composition cenfésimale d’un certain nombre de cultures sons l'histoire a été faite dans le cours de ce mémoire. TABLEAU XIV Milieu sucré. Milieu alcoolisé. | AE ES 1 2 3 4 ù 6 7 Culture de 2 jours. Culture 3. Culture 3. Culture4. Culture 1. Culture 2. Culture 3. Mycélium de 2#h. Tableau I. Tableau I. Tableau XIE Tableau XI. Tableau XI. Tableau XIII. 2. 56,48 51,67 50,45 2,99 53,38 46,86 24,23 H. Qu 7,14 1:21 7.04 7,86 7,07 120 Az. 6,63 4 8% 5.55 2,88 5,74 3.46 2,96 DÉS TT 35,75 36,74 26,09 33,02 42,61 35,61 Je n’ai pas tenu compte des cendres ; elles sont d’ailleurs négligeables, elles représentent seulement 4 à 2 0/00 du poids du mycélium; le liquide Raulin ne renferme en effet que des quantités très petites d'éléments minéraux non volatils au rouge. Ces chiffres se prêtent encore à une vérification importante, indépendamment des renseignements qu’on leur a demandés. Puisque le sucre ne fournit à l’eurotiopsis que la fraction de molécule qui se résout en alcool, il en résulte que la composition du mycélium, formé en apparence de sucre et d’ammoniaque, ne UTILISATION DU CARBONE TERNAIRE. 375 doit présenter aucun rapport de constitution avec le sucre; par contre on doit lui retrouver, à peu de chose près, la même com- position centésimale que l’alcool uni à une proportion d’azote ammoniacal, déterminée par l analyse. Dans une note que j'ai communiquée à l’Académie des scien- ces!, jai montré qu’il en est bien ainsi, mais on est en mesure ici d'approfondir un peu plus ce point particulier. On comprend qu’il n’est pas indifférent de s’adresser à la première culture venue, pour établir ce rapprochement ; les modifications causées par l’autophagiede la portion la plus âgée du mycélium sont assez importantes pour imposer le choix de cultures très jeunes, si l’on veut se faire une idée aussi exacte que possible des rapports des éléments empruntés à l’alcoolet à l’'ammoniaque pour édi- fier la substance vivante telle qu’elle se présente avant d’avoir été transformée par le travail d'entretien. J’examinerai donc les chiffres fournis par la culture 1 du tableau ci-dessus. Cette cul- ture a été obtenue sur un milieu à 10 0/0 de sucre ; elle a été arrêtée 24 heures après l'apparition des premiers filaments aériens; on à donc ainsi quelques chances d'opérer sur des cultures peu dégénérées, et par suite de composition à peu près homogène; de plus, j'ai forcé à dessein la dose de sucre, afin de montrer que l'oxygène des hydrates de carbone ne se retrouve pas dans la substance vivante. - La combinaison imaginaire d’aldéhyde et d’ammoniaque (on verra tout à l’heure pourquoi je prends l’aldéhyde), qui répond à la condition imposée par l’analyse de contenir 6,63 0/0 d’azote environ, est de la forme (C2 HO) (As H3)3— C2 H61 O!3 As ‘et présente la composition centésimale suivante ; j'ai placé en regard de ces chiffres ceux qui expriment la composition du mycélium jeune de la culture déjà indiquée : TABLEAU XV Culture 1. C?6 H61 OB Az3 Tableau XIV. | DAPEM EE M CAM FE DR TE Een 50,08 56,48 À PHRSAGUREREN EAN EE Az 9,79 9,1 AR STRESS Se A es eu HE 6,74 6,63 (4 PERMET NA EE Ar At 33,38 97,79 4. C. R., janvier 1902. 376 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. On voit que l'hydrogène et l’oxygène sont en excès, dans le composé aldéhydique hypothétique. Pour lhydrogène, cela se conçoit ; l’ammoniaque perd de l'hydrogène en se fixant sur un radical organique ; on sait d’ailleurs que les substances albumi- noïdes ne renferment que des groupements azotés, moins hydro- génés que l’ammoniaque ; mais on s'explique moins facilement la disparition de l’oxygène, car on est volontiers porté à admettre que la cellule vivante possède la faculté de faire inter- venir l'oxygène libre dans les conditions de vie aérobie, au cours du travail d'organisation des matières protoplasmiques. Les faits semblent établir, au contraire, que l'excédent d'hydro- gène apporté par l’ammoniaque s’élimine en entraînant une partie de l'oxygène emprunté à l’aldéhyde pour former de l’eau. Voilà ce que l’on peut déduire des chiffres qui précèdent. Cependant, ce que j’ai dit au sujet de l’organisation de la matière vivante semble laisser entendre qu’elle se crée de toutes pièces en partant de composés très simples par une série de migra- tions d’atomes, et ce n’est qu'au moment où ce travail de synthèse a abouti aux substances protoplasmiques que les Sn pren- nent part à l'entretien de la vie. Cette conception ne me paraît pas susceptible d'expliquer les manifestations extérieures du travail protoplasmique. La division du travail cellulaire en travail de construction et d'entretien est une spécialisation imaginaire, simple et commode pour la dis- sociation des idées, en même temps que très avantageuse au point de vue pédagogique; mais il ne faut pas la considérer comme une traduction de la réalité. On comprend, en effet, que l'édifice moléculaire d’une substance protoplasmique puisse ne jamais se créer de toutes pièces; la semence qui l’a hérité de ses ancêtres le transmettra à ses descendants. Quand la germination commence, c’est le travail d'entretien qui apparaît; de sorte que la vie semble se manifester d’abord par un processus de désassimilation qui donne naissance à de l’acide carbonique, de l’eau, des hydrates de carbone insolubles, des matières grasses, des résidus azotés, etc.; cette usure réduit l'édifice moléculaire initial, l’entame en quelque sorte de tous les côtés, et c’est pour réparer ces pertes que l'être vivant fait des emprunts incessants aux aliments dont il dispose; mais il ne les prend pas sous les formes UTILISATION DU CARBONE TERNAIRE. 311 où ils se présentent; il les prépare par un travail de digestion, les disloque, provoque des ruptures qui font naître des fonctions chimiques nouvelles douées de grandes affinités qui leur permet- tent de se combiner à l'édifice initial, de contrebalancer ses pertes, d'augmenter son poids. C’est dans ce dernier cas qu'il y a multiplication cellulaire et accroissement de substances vivantes. Cette vue suppose que l’aldéhyde et l’'ammoniaque préalable- ment unis ne franchiraient pas les degrés successifs d’une série de synthèses qui aboutiraient à la constitution des matières protéiques, mais s’uniraient au contraire, indépendamment l’une de l’autre, à la molécule albuminoïde, et c’est pour cela qu’on les retrouverait non pas en nature, mais en poids, à peu de chose près, dans le mycélium jeune. Quoi qu’il en soit, la composition élémentaire de la cellule n'est jamais identique à elle-même d’un moment à l’autre; le résultat des modifications qu’elle subit consiste en un enrichis- sement en oxygène et en un appauvrissement en carbone hydro- gène et azote. Il arrive donc un moment où les chiffres des deux colonnes du tableau XV concordent exactement. Cela se produit quand la composition du mycélium coïncide avec celle des cultures 2 et 3 du tableau XIV. Ce sont les deux exemples que j'ai donnés dans ma note des C. R. (janvier 1902). On constate cependant qu’il v a toujours un excédent d'hydrogène en faveur du corps aldéhydique hypothétique; j'ai indiqué l’origine de cet excédent d'hydrogène; si j'avais considéré l’alcool comme constituant la fraction utilisée du sucre, il eût été encore bien plus considérable. L'étude de la composition du mycélium vient donc prouver, à son tour, que l’hydrogène de la fonction alcoolique est éliminé avant l’incorporation du carbone ternaire emprunté au sucre; c’est la meilleure démonstration que l’on puisse donner de ce fait dont j'ai été conduit à admettre l'existence, à la suite de nombreuses observations relatées dans Le cours de ce travail. Y CONCLUSIONS Les deux modes d'alimentation de l'Eurotiopsis Gayoni étudiés dans ce mémoire sont complètement identiques en principe. 378 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. L’assimilation du carbone ternaire emprunté au sucre se réduit en définitive à l’incorporation de l’aldéhyde à la substance vivante. | L’alcooi est incorporé aussi à l’état d’aldéhyde éthylique:; il est superflu d’ajouter que l’aldéhyde est un produit transitoire, qui, dans les conditions normales de développement, ne se rencontre jamais à l’état libre dans le mycélium ou dans les liquides de culture. Ces conclusions sont les mêmes que celles qui ont été déduites de l'étude des végétaux supérieurs, avec cette différence que celles-ci doivent être modifiées dans le sens indiquées par celles-là : ce n’est pas l’alcool qui est la substance incorporée par les plantules, c’est l’aldéhyde. L'étude du rendement en substance vivante, des échanges gazeux entre l’eurotiopsis et l'atmosphère, celle de la composi- tion élémentaire du mycélium confirment ces conclusions. Si la nutrition hydrocarbonée de l’eurotiopsis et son alimen- tation en alcool se confondent en principe, il existe entre elles des différences que j'ai attribuées à la présence de la zymase, nécessaire à l’assimilation du carbone emprunté au sucre, inutile lorsque l’on offre directement de l'alcool au champignon. ÉTUDE MICROBIOLOGIQUE ET CHIMIQUE DU ROUISSAGE AÉROBIE DU LIN Par M. L. HAUMAN Travail du laboratoire de botanique de l’Institut agricole de Gembloux. Le rouissage des plantes textiles est le résultat de l’action des microbes, sur les corps pectiques qui constituent les lamelles mitoyennes des fibres, et la majeure partie des membranes des _parenchymes qui entourent les faisceaux fibreux. - L'étude des microbes qui interviennent dans le rouissage du lin, sous l’eau, a été entreprise par MM. Winogradsky et Fribes ‘ et M. Marmier *. Pour les deux premiers observateurs, ce serait l’œuvre d’une bactérie anaérobie, tandis que le dernier a trouvé un microbe aérobie capable, au contact de l'air, de rouir du lin stérilisé. Comme le fait remarquer M. Duclaux *, la qualité de rouir le lin ne semble pas être spécifique, mais paraît appartenir à des espèces multiples. Telle sera la conclusion qui se dégagera des études actuelles. Elles ont pour objet non pas le rouissage sous l’eau, mais celui qui s’exécute à l’air, lorsqu'on dépose le lin à la surface des prairies ou des champs. C’est le rouissage à la rosée ou rorage. Il se pratique dans nos contrées en juillet-août et même en septembre. La filasse obtenue est de qualité moindre que dans le rouissage à l’eau ; la fibre est plus foncée, moins résistante que celle que donne le rouissage à l’eau courante. Mais les deux procédés donnant, à cette remarque près, des résultats identiques, ils ne peuvent différer que par la nature des organismes qui en sont les agents. 4. Comptes rendus, t. CXXI, p. 742, 1895. 2. Cité par M. Duczaux, Traité de Microbiologie, t. IV, p. 453, 1901. 3. Id., p. 454. 380 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. I ÉTUDE DES AGENTS DU ROUISSAGE Il fallait tout d’abord étudier la flore microbienne des tiges du lin rou'. Ce fut fait par la méthode ordinaire, sur plaques de Pétri, en milieux acides et alcalins; ces analyses, plusieurs fois répétées et pour des lins de provenances différentes (Gem- bloux, Flandre, Hesbaye, Ardennes), ont permis de constater la présence des espèces suivantes : Bacillus coli communis ; Bacillus mesentericus fuscus ; Bacillus fluorescens liquefaciens ; Bacillus mycoïdes ; Bacillus subtilis ; Bacillus termo ; Streptothrix Forsteri ; Micrococcus roseus ; Penicillium glaucum ; Mucor mucedo ; Cladosporium herbarum, et des mycéliums stériles d’autres champignons. Comme il fallait s’y attendre, ce sont là des espèces banales de l’air et de la surface du sol. Il est évident que la présence de ces divers organismes sur le lin roui n'indique pas la parti- cipation de tous dans le rouissage ; ; les tiges examinées avaient longuement séjourné à l'air et avaient été plusieurs fois mani- pulées. Pourtant, l'abondance constante de certaines espèces montre leur uilueuée prépondérante dans les phénomènes étudiés. Il y a d’abord le Cladosporium herbarum qui envahit toutes les tiges et les noircit, ce qui fait croire dans les campagnes que, pour que le lin soit roui, il faut qu'il soit noir ; puis, et c’est la plus abondante des bactéries, le B. coli, dont j'ai isolé deux formes un peu différentes. J'ai observé aussi dans mes cultures sur plaques des colonies nombreuses du B. mesentericus, du B. subtilis et du Streptothrix. Ce sont les diverses races ainsi isolées qui ont été utilisées dans la suite de ce travail, SUR LE ROUISSAGE DU LIN. 381 Mais quels sont, parmi ces nombreux organismes, ceux qui sont capables de rouir ? Pour le déterminer, j'ai réalisé des rouissages en tubes par des cultures pures de ces différents microbes. La stérilisation des tiges de lin présentait une difficulté : le chauffage ordinaire à 120° produit une dissociation des fibres, tant toute valeur à l’expérience qui en est l’objet. La stérilisation à sec, au four à flamber (150°), et celle par des vapeurs d’aldéhyde formique n'ont pas donné de résultats satisfaisants. J’en suis arrivé à chauffer à l’autociave, sans dépasser 1109, Le lin mis en tube sans liquide. Trois de ces chauffages réitérés à un jour d'intervalle produisent une stérili- sation parfaite, sans altérer la consistance des tiges, M. Wino- gradsky relate des faits analogues dans son travail. La question de stérilisation résolue, je me suis servi du dispositif suivant pour réaliser, in vitro, un rouissage aérobie, sans qu'il y eût danger d'infection. Un long tube de culture contenant le lin à rouir était fermé à l’aide d’un bouchon de liège, percé d’un trou livrant passage à un petit tube de verre. Ce bouchon était à son tour recouvert d’unépais tampon d’ouate. Après stérilisation, pratiquée comme il a été dit plus haut, on introduisait, par le petit tube de verre, le liquide de culture (eau légèrement enrichie de bouillon ou de moût de bière, suivant la nature du microbe) et la matière d’ensemencement. Ce dispositif donnait toutes garanties de pureté et permettait d’agiter les tubes, afin de répandre sur le lin le liquide ense- mencé avec les microbes à étudier, ; Aux espèces énumérées plus haut, j'ai ajouté le Sclerotinia Libertiana, le Botrytis cinerea et l'Aspergillus niger. Dans toutes mes expériences, avec les quatorze espèces banales indiquées, la dissociation des fibres était déjà obtenue après quinze jours. Cependant, j'ai constaté des différences d'intensité dans l’action de ces divers organismes. D'une façon générale, comme c'était à prévoir, les moisissures sont beau- coup plus actives que les bactéries : non seulement elles rouissent, mais encore elles attaquent la cellulose de la fibre, qui perd toute solidité. Le Cladosporium herbarum est heureu- sement la moins énergique, fait important, sans lequel le rouis- sage en prairie serait impossible. 382 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Comme je ne recherchais pas de procédé pratique de rouis- sage en culture pure, je ne me suis pas attaché à comparer la valeur respective, comme agents rouisseurs, des différentes espèces. Au reste, l’intensité de Faction microbienne peut varier’ avec les races et avec les conditions de milieu. Foutefois, le B. fluorescens m'a semblé donner les plus beaux rouissages ; le Streptothrix attaque légèrement les fibres, comme les moisissures dont il est voisin ;: enfin, l'activité du Miccococus roseus est faible. Des expériences, qui ont duré un et deux mois, montrent que l'action microbienne, même très prolongée, est presque nulle sur la cellulose des fibres. La résistance de celle-ci n'avait que faiblement diminué et jamais aussi fortement qu’avec les moisissures citées plus haut. Il résulte done de ce qui précède que le rouissage n’est pas dû à un agent spécifique, mais qu’au contraire tous les microbes banaux de l’air et de la surface du sol peuvent exercer cette action sur les tiges. Il paraît, du reste, moins logique ici que partout ailleurs de pousser à l’extrême la spécificité des actions mierobiemnes. En effet, qu'est-ce que le rouissage, sinon le début surveillé, eonduit et arrêté à point des phénomènes généraux de réduction et destruction par les microbes des matières organiques mortes ? L'action microbienne, dans le rouissage des fibres textiles, est depuis longtemps indiscutée ; maïs on pouvait se demander, et spécialement dans le rouissage aérobie, si leur action m'était pas aidée par les agents atmosphériques. L'expérience suivante tend à élucider ce point : Deux poignées de lin ont été exposées sur une prairie, dans les conditions ordinaires du rorage ; l’une y est restée toute la durée de expérience, tandis que l’autre, tous les deux ou trois jours, était plongée pendant une heure dans une atmosphère d’aldéhyde formique, de manière à empêcher tout développe ment microbien notable. La stérilité relative des tiges a, du reste, été contrôlée plusieurs fois, au eours de l’opération, qui à duré du 23 avril au 29 mai. Pendant ce laps de temps, le lin a eu à subir des pluies abondantes, des rosées matinales, des gelées nocturnes et Ia chaleur parfois très forte du soleil. Le lin non stérilisé fut com- SUR LE ROUISSAGE DU LIN. 383 plètement roui, tandis que l’autre n’a pas même subi un com- mencement d’altération. L'action physique des agents extérieurs est donc nuile dans le rouissage en prairie; c’est bien l’œuvre unique des organismes inférieurs. IT ÉTUDE DU ROUISSAGE AU POINT DE VUE ANATOMIQUE ET CHIMIQUE Les microbes etles moisissures produisent donc la dissocia- tion des fibres textiles et leur séparation du cylindre ligneux central. Mais quelles sont les matières qu'ils CE pour arriver à ce résultat? Il existe toute une série de réactifs colorants permettant de différencier la cellulose et les corps pectiques : les safranines, le bleu de méthylène, le bleu de nuit, le bleu de naphtaline R en cristaux, réactifs si bien étudiés par Mangin ‘. La phénosafra- nine m'a donné d’excellents résultats. Elle colore en jaune orangé les corps pectiques, tandis qu’elle teint en rouge cerise les parois ligneuses et subérifiées. Une coupe de lin non roui, traitée par ce réactif, montre des faisceaux fibreux peu colorés, noyés dans le parenchyme cortical coloré en jaune orangé, grâce à la présence de membranes ou pré- dominent des composés pectiques. Entre les fibres, la lamelle mitoyenne qui est également de nature pectique a la même coloration. Au contraire, sur une coupe de lin roui, on voit les fibres séparées les unes des autres, par suite de la digestion des lamelles mitoyennes, et l’on constate la disparition des éléments paren- chymateux de l'écorce. Ces résultats de l’étude microscopique sont confirmés par l’analyse chimique. J’ai trouvé des quantités notables de corps pectiques dans des lins non rouis et il n’y en avait plus dans les lins rouis. Ce fait avait déjà été observé par Frémy. Le rouissage est donc bien une destruction de corps pectiques. Ce fait établi, j'ai voulu examiner de plus prèsla fonction diges- tive des bactéries et des moisissures vis-à-vis des corps pectiques. 1. Recherches anatomiques sur la distribution des composés pectiques chez les végétaux, Journal de Botanique, 1893. 384 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. Cette partie de mon étude a été facilitée par M. le professeur Droixhe, qui a bien voulu me procurer des quantités assez con- sidérables de pectine provenant de ses recherches sur les corps pectiques, et m'aider de ses conseils sur les propriétés de ces substances. Je lui en suis très reconnaissant. J'ai constaté que les bactéries et les moisissures (B. coli, B. fluorescens, Cladosporium herbarum, Aspergillus niger et Penicil- lium gluucum) se développaient dans des solutions de pectines ainsi composées : POUR OC DE I A ES CEE Aou ADN RENE 4,000 c. € PeCERe A NET Een DR LP CRM ASH se 10 grammes. PEDIONE 20 CITE ALL MAR AA PA SENTE 2 1 — Phosphate d'ammoniaque................. PAU 1 == SuLtate AE AID OLASSE PANNE RER Rens Os", TE (EM DES ONE A OP A LE CAS ELU EE &r,2 Les liquides ensemensés se sont troublés et j’ai constaté la disparition de la pectine par l’abaissement du degré polarimé- trique. Ainsi une solution marquant 2,2° au polarimètre, avant l’ensemencement, ne marquait plus que 0,4° après 10 jours pour l’Asgergillus niger et 1,1°, pour le Cladosporium herbarum. Il convient de remarquer que le niveau primitif des liquides avait été rétabli dans les tubes de culture, et que l’on avait tenu compte de la quantité de pectine retenue par le filtre Chamber-, land. Cette correction s'impose, car une solution marquant 2,5° polarimétriques avant filtration à la bougie de porcelaine n’en marque plus que 2,2° après. Certes, ce procédé ne donne pas la Dante précise de Pers tine disparue, car il se forme sans doute d’autres composés pectiques dont le pouvoir polarisant est différent. Néanmoins, on ne peut mettre en doute la diminution totale des corps pec- tiques dans les liquides de culture. La pectine libre est probablement très rare dans la nature; aussi, j'ai repris ces expériences sur ce que l’on est convenu d'appeler pectate de chaux, combinaison plus ou moins parfaite de pectine et de chaux. Le même liquide minéral a été employé, et on l’a additionné de 1,2 0/0 de pectine dont on a provoqué la transformation en pectate de chaux, par addition d’une solution d’acétate de cal- cium à 45 0/0. C'est avec cette concentration de 1,2 0/0 que j'ai SUR LE ROUISSAGE DU LIN. 389 obtenu les meilleurs résultats : une quantité moindre ne donne pas un milieu suffisamment ferme, pour y bien observer les progrès de la liquéfaction ; avec une dose plus forte, la gelée devient si compacte, que les microbes ne se développent pas, ou le font avec une extrême lenteur, à cause du pouvoir d’imbi- bition pour l’eau des corps pectiques. Ce milieu de culture (acidifié pour les moisissures et alca- linisé pour les bactéries), devait être stérilisé avec les mêmes précautions qui ont été adoptées pour la stérilisation des tiges de lin. Les solutions de pectines chauffées à 120° précipitent mal par l’acétate de chaux, et les pectates de chaux bien denses, chauflées aux mêmes températures, se liquéfient partiellement. Pour éviter ces inconvénients, on a stérilisé à 110° les tubes contenant la solution pectique qui était ensuite précipitée par une solution d’acétate de calcium également stérilisée. Les gelées de pectate de chaux ainsi obtenues ont été ense- mencées avec les espèces suivantes : Cladosporium herbarum, Aspergillus niger, Penicillium glaucum, B. coli, B. fluorescens liquefaciens, B. subtilis et B. mesentericus. Tous ces organismes ont liquélié la gelée ; l’action liquéfiante la plus rapide et la plus complète a été observée avec l'Asper- gillus etle Penicillium, parmi les moisissures, et avec le B. fluores- cens parmi les bactéries, celles-ci donnaient naissance à un léger dégagement gazeux pendant la liquéfaction. Il existe, comme on le sait, toute une série de corps pectiques assez mal définis et souvent difficiles à distinguer les uns des autres, série qui commence par la pectose, corps neutre et insoluble, et finit à l’acide méta-pectique, soluble et nettement acide et qui est le plus stable de tous. Ce serait celui-ci qui se formerait par l’action microbienne, et Kolb prétend en avoir trouvé de grandes quantités dans les eaux de rouissage. Je ne suis pas parvenu à le caractériser dans les produits de l’action des microbes sur le pectate de chaux. Le fait de la liquéfaction du pectate insoluble par les micro- organismes est donc prouvé. M. Winogradsky avait obtenu la même liquéfaction, mais beaucoup plus rapide, avec son ferment anaérobie du rouissage, STATISTIQUE DE L'INSTITUT ANTIRABIQUE DE TUNIS Par LE Dr A. LOIR L'Institut antirabique de Tunis a été ouvert le 15 juin 1894, il à donc plus de sept années d’existence. IL 4 été eréé pour éviter aux personnes mordues, sur le territoire de la Régence, les inconvénients et les retards d'un voyage en France. D'un autre côté, de nombreux Arabes des campagnes, sur- tout les femmes, refusaient de quitter la Régence, tandis qu’elles acceptent de venir à Tunis rechercher les bienfaits de la méthode pasteurienne. Bien qu’il n’existe aucun document antérieur à la fonüation de l’Institut Pasteur, relatant une statistique, la rage a été de tout temps une maladie fréquente et assez répandue en Tunisie. Ce qui en fait foi, c’est le nombre considérable de moyens mis en pratique par les indigènes pour guérir cette maladie. La superstition même attribue, à quelques marabouts, la faculté de prévenir la rage chez les mordus, et à l’eau de certains puits des qualités thérapeutiques à l'égard de cette maladie. De tout temps, Les toubibs (médecins arabes) se sont occupés de remédier à ce fléau et ont eu recours pour le faire aux pana- cées les plus extraordinaires. La tête du chien mordeur carbonisée, pulvérisée et absorbée dans du vinaigre est un remède préconisé, ainsi que la fiente de chameau. A Gabès, le remède considéré comme le plus effi- cace par les indigènes est celui-ci : vingt-trois jours après la morsure, On fait absorber au blessé du bouillon fait avec de la viande d’un agneau d’un an, le poids d’un grain de blé d’une variété de coléoptère vésicant appelé dzermouth. Le malheureux ne tarde pas à uriner du sang dans lequel, au dire des Arabes, on retrouve sept petits vers qui seraient des embryons de chiens engendrés dans le corps humain par le virus. Ceux-ci une fois expulsés, le malade guérit. Tous ces faits prouvent combien la rage est fréquente en Tunisie où elle se manifeste indifféremment, comme partout, en été et en hiver. Nous n'avons pas remarqué une fréquence plus STATISTIQUE DE L'INSTITUT ANTIRABIQUE DE TUNIS. 387 grande de la rage furieuse ou de la rage mue dans les diffé- rentes saisons. Sur les 827 personnes soignées à l’Institut du 45 juin 1894 au 15 juin 1904, on trouve 287 Français, dont 88 soldats; 164 Italiens; 30 Maltais; 218 Arabes (hommes); 42 Arabes _ (femmes); 1 Grec; 6 Espagnols. On compte 73 morsures à la tête, 468 aux mains, et 285 aux membres. Les animaux mordeurs ont été : chiens 762, chats 39, cha cals 2, ânes 2, chevaux 2, mulet 1, hommes 19. Cette quantité anormale de?personnes contagionnées par des hommes et qui sont venues se faire traiter s'explique par les usages d’une partie de la population tunisienne, les Siciliens, qui vont rendre visite au moribond, le chargent de commissions pour l’autre monde, Fembrassent et peuvent ainsi s’infecter. Deux personnes ont été prises de la rage pendant le traite- ment, une autre est morte 10 jours après la fin du traitement. D’après les règles adoptées à l’Institut Pasteur de Paris, on ne doit pas compter ces trois décès dans le calcul de la mortalité; ne doivent y figurer, en effet, que les personnes prises de rage plus de 15 jours après le dernier traitement. Elles sont au nombre de 3. Un homme est mort 41 mois après avoir subi les inocula- tions, un autre 3 mois et un troisième mois après Le traitement. Sur les 827 personnes traitées, la mortalité est donc de 0,36 0/0, c’est-à-dire à peu près le chiffre de la mortalité donné par presque toutes Les statistiques des différents Instituts Pasteur. La statistique de ces 7 années nous montre la nécessité de l’application de la loi française qui veut que tout chien mordu, ou simplement roulé, par un chien enragé, soitimmédiatement tué- Cette loi n’existe pas en Tunisie : aussi voit-on de véritables épidé- mies se produire à la suite de la morsure d’un chien enragé. Cet état de choses provient de ce que, au lieu de détruire les chiens mordus, on les met, dit-on, en observation. Or, le propriétaire de l’animal ne s'aperçoit jamais que son chien mis en observation offre des symptômes de rage. Le 2 décembre 1899, deux per- fonnes mordues par un chien viennent de Kairouan pour se saire traiter. L'animal atteint de rage a mordu un autre chien. Celui-ci est mis en observation, disent ces personnes. 388 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR, Le 21 janvier 1900 arrivent à l’Institut 2 nouveaux malades mordus par le second chien, en observation. Le 6 décembre une autre personne se présente à l’Institut, Elle a été mordue par un chien qui en a mordu cinq autres qui sont aussi mis en observation. Enfin, le 17 janvier 3 personnes mordues par un de ces chiens en observation viennent demander les inoculations antirabiques. Voilà plusieurs personnes qui auraient été à l’abri de la contamination. si la loi qui veut que tout chien mordu par un chien enragé soit immédiatement abattu était en vigueur. Le propriétaire d’un chien refuse toujours de reconnaître celui-ci pour suspect, et alors même qu’apparaissent des signes pouvant faire présumer l’hydrophobie, il ne veut pas les voir. Tout dernièrement nous avons été témoin du fait suivant. Un officier possédait deux chiens, qui ayant été roulés par un chien enragé, étaient en observation depuis un mois. Un jour, sur le point de sortir, il appela un de ses chiens à plusieurs reprises. Celui-ci n'obéit pas à l’appel de son maître qui, pour le punir, le cingla d’un léger coup de fouet. A son retour, au lieu de japper et d’accourir comme d’habitude, le chien restait immobile et abattu, et comme son maître s’approchait de lui pour le caresser, il le mordit à la main. Durant la nuit, éveillé par un bruit, sourd, il trouva le chien qui était tombé du fauteuil sur lequel il dormait habituellement ; en le relevant, il fut mordu à l’autre main; le lendemain matin le chien fut trouvé mort, et ce ne fut que lorsque les mêmes symptômes:se manifestèrent, 10 jours après, sur le second chien, et après l’avoir fair examiner par un vétérinaire qui reconnut la rage, qu'il vint se faire traiter à l’Institut Pasteur. La petite épidémie suivante, survenue à Sousse, montrera combien les mesures sanitaires sont efficaces pour arrêter l’évo- lution de la rage. Il a été traité à Tunis, venant de Sousse, 3 personnes en 1894, 4 en 1895, 2 en 1896, 16 en 1897 et enfin 41 en 1898. Le 9 février 1898 arrivent à Tunis 11 personnes qui ont été mordues à Sousse le 6 février par un chien enragé. Ce chien a mordu plusieurs autres chiens qui ont été tués, mais l’un d'eux, après être resté en observation pendant trois mois, est rendu à son maître et reprend sa place dans la maison. STATISTIQUE DE L'INSTITUT ANTIRABIQGUE DE TUNIS. 389 Le 31 août, c’est-à-dire sept mois après qu'il avait été mordu, ce chien mord un enfant de neuf ans, fils de son maître; on le met en observation, la nuit il casse sa chaîne et mord dans la journée du 1* septembre 5 personnes, dont 4 enfants. Enfin, on le reconnait atteint de la rage. Voilà 6 personnes obligées de subir le traitement arabique. Je signale cette épi- démie à l'administration : on prend des mesures et les mordus diminuent, puisque 6 personnes seulement viennent se faire traiter en 1899, 2 en 1900 et 7 en 1901. Souvent on signale la mort d’indigènes qui n'ont pas voulu venir se faire traiter ; d’autres viennent pendant un jour ou deux, puis ne veulent plus continuer à subir les inoculations parce que, fidèles aux traditions dont nous avons parlé plus haut, ils ont été se plonger dans l’eau d’un puits célèbre par ses guérisons. On ne tarde pas à apprendre la mort de ces malheureux quelque temps après. Deux musulmans des environs de Tunis vinrent se faire traiter en 1898. Ils subirent le traitement pendant 2 jours consécutifs, puis cessèrent de se présenter à l'Institut pour les inoculations. Je les fis avertir que le traitement n’était pas achevé; mais ils refusèrent de revenir s'y soumettre. L'unetl’au- tre moururent de la rage à 15 jours d'intervalle, { mois 1/2 après. Les premières années, nous appliquions le traitement clas- sique de Pasteur. Depuis 1896, nous faisons usage de la méthode préconisée par M. Calmette, nous conservons les moelles des lapins dans la glycérine ; on peut, grâce à cette méthode, faire seulement trois séries de lapins par mois. Nous n'avons pas constaté de différence dans les résultats obtenus par l'application de ce traitement. Nous pouvons ajouter que pendant ces 7 années nous n'avons pas eu un seul abcès sur les personnes inoculées. En faisant des recherches relatives à l’action de la glycérine neutre stérilisée sur le virus fixe de la rage et sur ce même virus à ses différents degrés d'atténuation, nous avons constaté que les cerveaux rabiques, conservés entiers dans 20 grammes de glycérine, à 30° et à une température de 10 à 15°, ne s’atténuent pas d’une manière progressive, comme on pourrait le croire. La virulence disparaît subitement, au bout d’une période qui n'a jamais dépassé 2 mois 1/2 dans nos expériences. 390 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Avec des émulsions de cerveaux qui avaient ainsi perdu leur virulence ayant été conservés de 4 mois à 2 mois 1/2 dans la glycérine et ne donnaient plus la rage par trépanation, nous avons inoculé, sous la peau, tous les 8 jours, plusieurs séries de lapins chaque fois, avec # c. c. d’une émulsion épaisse. Les -noculations ont été faites pendant 3 mois, sans amener aucun accident, puis ces lapins ont été trépanés avec du virus fixe et sont morts avec un retard moyen de 48 heures sur les témoins. L'INSTITUT ANTIRABIQUE DE LA VILLE DE BORDEAUX Par Le D' G. FERRÉ. Professeur à la faculté de médecine de Bordeaux. il L'institut antirabique de la ville de Bordeaux a été fondé par la municipalité bordelaise en 1900 : cette dernière pourvoit à son entretien avec subvention du département de la Gironde, Il fonctionne sous ma direction avec l’aide de M. le D' Buard. Dès le 1% mai 1900, les inoculations antirabiques auraient pu y être pratiquées, mais la première personne à traiter ne s’est présentée que le 19 mai. Le nombre des personnes traitées pen- dant la première année du fonctionnement, c’est-à-dire du 19 mai 1900 au 18 mai 1901, a été exactement de 100. Je grouperai les résultats obtenus dans un tableau semblable à celui que publie pérodiquement l’Institut Pasteur. Voici ce tableau : $ MAINS MEMBRES TOTAUX — | Traités. Mortalité. Tableau A Tableau B Tableau C e | e + ee | Mortalité. La mortalité est de 0. 392 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. IT Les personnes mordues sont venues de la région du Sud- Ouest. La Gironde en a fourni 45; le Lot-et-Garonne, 14; la Cha- rente, 12; la Charente-Inférieure, 3; les Basses-Pyrénées, 10: les Landes, 5; le Gers, 6: la Dordogne, 2; le Lot, 2; le Tarn- et-Garonne, 1. Le traitement a été commencé : 1 jour après la morsure, 6 fois; 2 jours après, 9 fois: 3 jours après, 15 fois; 4 jours après, 8 fois; 5 jours après, 25 fois ; 6 jours après, 5 fois; 7 jours et plus, 27 fois ; 10 jours et plus, 7 fois; plus de 15 jours après, 8 fois. Parmi les animaux mordeurs nous comptons 88 chiens, 40 chats, 1 porc et 1 lapin. Le traitement est absolument identique à celui quise pratique à l'Institut Pasteur. ; Je signalerai une innovation qui offre des avantages réels : les chiens mordeurs, les chiens suspects sont amenés par la police dans les chenils de l’Institut antirabique où ils sont mis en surveillance pendant le laps de temps voulu. Je suis heureux, en terminant, de rendre hommage à la bien- veillance de l’Institut Pasteur qui a recommandé, toutes les fois qu'il a pu le faire, aux personnes mordues de notre région de venir se faire traiter à Bordeaux. Sceaux, — Imprimerie E. Charaire. Le Gérant : G. Masson. 16me ANNÉE 25 JUIN 1902 N° 6 ANNALES L'INSTITUT PASTEUR IMMUNISATION ANTIRABIQUE AU MONEN DES INJECTIONS NTRANISCULARE DU VIRUS RABIQUE Par Le D' V. KRASMITSKI Travail du laboratoire de M. le professeur Wyssokowicz, de l'Institut bactériologique à Kiew. Parmi les diverses modifications auxquelles a été soumis le traitement pastorien de la rage, la méthode de dilution de M. Hügyes mérite une attention particulière. M. Hügyes prend pour point de départ le fait que la dessiccation, en diminuant la virulence du virus rabique, ne change pas sa qualité, mais seulement sa quantité. En effet, le lapin inoculé par du virus rabique fixe desséché succombe à la rage, après une période d’incubation dont la durée dépasse la durée normale; cependant sa substance bulbaire, inoculée au lapin suivant, lui donne la maladie avec la durée d'incubation normale. Cette idée que le principe virulent varie en quantité et non en qualité, dans la substance nerveuse desséchée, a conduit M. Hôügyes à étudier la virulence de diverses dilutions du virus non desséché. IL est arrivé aux résultats suivants : La dilution de 1/6,000-10,000 correspond à la dessiccation de 1%-8 jours, le virus ainsi dilué n’étant plus virulent. La dilution de 1/500 ne tue pas tous les lapins et la durée d’incubation est très longue, 26 294 ANNALES DE L’'INSTIFUT PASTEUR. La dilution de 1/300-250 présente déjà une virulence consi- dérable. Les nombreuses (70) expériences faites ensuite sur les chiens ont fait voir à M. Hügyes qu’au moyen de ces dilutions, on peut protéger les animaux contre tout mode d’inoculation du virus rabique, même du virus fixe. Cependant il faut distinguer Fino- culation intracranienne (ou intraoculaire) de l'infection sous- cutanée; tandis que dans le premier cas les vaccinations ne sont actives que faites avant l'introduction du virus, dans le deuxième on a des résultats positifs en faisant les vaccinations avant et après l'infection. Ce dernier fait a été mis en évidence par une expérience dans laquelle 8 chiens mordus par un chien enragé, et traités ensuite par les dilutions de M. Hogyes, sur- vécurent, tandis que parmi les 8 chiens de contrôle, 5 ont contracté la rage. Convaincu de l’innocuité et de l'efficacité de sa méthode, M. Hügyes a fait vacciner le personnel de l’Institut de Buda-Pest et ensuite trailer les mordus, en employant les dilutions de 1/10,000 jusqu'aux dilutions de 1/100, cette série étant répétée 3-7 fois suivant la gravité du cas. En même temps, dans le laboratoire de M. Pasteur de même que dans les autres instituts antirabiques, on a cherché une méthode de traitement plus intensive, afin d'éviter les rares insuccès qui suivaient de temps en temps le traitement employé jusqu'alors. D’après les données statistiques, fournies pendant un grand nombre d'années par les différents instituts antira- biques, on constate que 1,50/0 des personnes mordues ont contracté la rage malgré le traitement. Si on déduit de ce chiffre les cas où la maladie s’est déclarée pendant le traitement ou dans les 15 jours qui ont suivi la dernière injection (délai regardé comme nécessaire pour le développement de l’immunité), le pourcentage diminue, il tombe à 0,7-0,8 0/0. Ces insuccès — mettant à part les cas où Pimmunité n’appa- raît pas en vertu de particularités individuelles — trouvent leur explication dans la lenteur avec laquelle létat réfractaire se développe dans l'organisme; il faut au moins 20 jours de traite- ment pour que l’immunité puisse apparaître; plus de 15 jours sont nécessaires pour que l'effet des inoculations successives se produise. Si, avant ce terme, le virus rabique atteint … À. 2 had INJECTIONS INTRAVASCULAIRES DE VIRUS RABIQUE. 395 le système nerveux central, la vaccination restera sans nul effet. La question est donc d’accélérer le processus de l'immunisa- tion. Il semble démontré que le virus rabique se propage, du point d'inoculation (morsure faite par un animal enragé) jusqu'aux centres nerveux, en suivant les voies nerveuses (ce qui nous explique la variabilité et quelquefois la longueur des périodes d’incubation); tandis que les substances immunisantes intro- duites pendant les vaccinations dans l’organisme s’y propagent par le sang. Injectées dans le tissu cellulaire sous-cutané, elles y restent pendant 24 à 48 heures, — comme l’a démontré M. Kraïouchkine — avant de passer dans le système lymphatique, interposé entre le point d’inoculation et le sang. Tout naturellement, dans le but d'accélérer le procès d’immunisation, on a eu de- puis longtemps l’idée d’injecter les substances immunisantes directement dans le sang. Mais avant de le faire, deux questions doivent être résolues : premièrement, celle de l’innocuité des injections intravasculaires ; en second lieu, celle de leur effica- cité. M. Helmann, le premier, fit voir que si l'on injecte dans le tissu sous-cutané, même de grandes quantités du virus fixe, les animaux en expérience peuvent échapper à la maladie, à la condition que l’inoculation soit faite à l’abri des filets nerveux. Le même savant ainsi que d’autres expérimentateurs ont injecté de grandes quantités d’émulsions épaisses et virulentes dans la cavité péritonéale sans rendre les animaux malades. Le fait est facile à comprendre puisque le virus rabique ne peut s'implanter que sur le tissu nerveux. L'introduction du virus dans le sang est-elle inoffensive ? M. Pasteur, en expérimentant sur les chiens, à constaté que l'injection du virus rabique (salive des animaux enragés) dans le sang, leur donne la rage tout aussi infailliblement que l’inocu- lation intracranienne. Plus tard, il a constaté que le virus intro- duit dans le sang, en très petites quantités, n’occasionne parfois aucune maladie, mais n’exerce également aucune action immu- nisante!. 1. De quelques expériences sur les moutons, M: Galtier conclut que les injections intravasculaires da virus rabique (il opérait aussi avec la salive des animaux enragés) immunisent les herbivores au lieu de leur donner la rage. Get expérimentateur éprouvait les animaux immunisés par l'inoculation de bave rabique, sous la peau ou dans la peau. Ce procédé ne donnant pas sûrement la rage, ces conclusions ne pouvaient ère acceptées définitivement. 396 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. La question a été élucidée par MM. Roux et Nocard. Ces savants ont eu recours aux injections intravasculaires de la substance cérébrale du lapin, ayant succombé soit au virus rabique fixe, soit au virus des rues. Pour s’assurer de la valeur de l’immunité acquise, ils éprouvaient les animaux vaccinés par inoculation intraoculaire, inoculation qui est toujours mortelle. Dans leurs expériences, MM. Roux et Nocard ont opéré sur 10 moutons, 3 chèvres et 1 bouc, en injectant dans les veines de 0,5 à 5 c. c. d’émulsion de cerveau de chiens enragés ou de lapins de passage; après des délais variables ils les inocu- lèrent avec du virus rabique des rues. Tous survécurent. Mais quand ils ont éprouvé leurs animaux avec du virus fixe, 7 sur 11 contractèrent la rage, 4 seulement se sont montrés immunisés. Dans la deuxième série d'expériences, MM. Roux et Nocard ont injecté dans la veine de 3 vaches et de 3 veaux, en une fois, 10-20 gouttes d’émulsion du cerveau de lapin de passage; 7 semaines après ils ont fait à ces animaux des inoculations intraoculaires du virus des rues; tous contractèrent la rage après une période d’incubation quelque peu prolongée. Enfin les deux savants ont pratiqué des injections intravei- neuses aux moutons et aux brebis, après les avoir soumis préala- blement à l'infection intraoculaire par le virus rabique des rues, et sont arrivés aux conclusions suivantes : 1) Une vaccination est faite 2 jours après l'infection, tous les moutons (au nombre de 3) contractent la rage. 2) Une vaccination (12 c. c. d’émulsion) est faite 2 heures après l’infection, sur 3 moutons 1 résiste à la maladie. 3) Deux vaccinations sont faites à intervalle de 2 jours, les résultats varient suivant la durée de temps écoulé entre le moment de l’infection et la première vaccination. Ainsi, lorsque la première vaccination avait eu lieu 24 heures après l'injection, 1 seul mouton succomba sur #; tous les moutons prirent la rage lorsque la première inoculation vaccinale était faite 2 à 3 jours après l’inoculation La quantité d’émulsidon injectée variait de 0,5 à 3 c.c; Ainsi, MM. Roux et Nocard ont coufirmé l'opinion de M. Gal- tier, sur la possibilité de rendre les animaux réfractaires à la rage, au moyen des injections intravasculaires; ils ont montré, en outre, que cet état réfractaire se développe relativement vite, RE LA E DE ÉÉ d n D Ce ut de it) di INJECTIONS INTRAVASCULAIRES DE VIRUS RABIQUE, 397 et peut protéger l’animal contre l'injection la plus dangereuse, l'injection intraoculaire, à la seule condition que la première vaccination soit faite bientôt (24 heures) après l'injection. MM. Roux et Nocard ajoutent qu’on peut introduire impuné- ment, même de grandes quantités de virus dans le sang du chien. Néanmoins ils ne parlent de l'innocuité des injections intravas- culaires et de leur efficacité, au point de vue du développement de l’immunité, que pour les herbivores, qui pour eux se com- portent différemment des autres animaux, chien et lapin par exemple. M. Helmann, qui traite la même question,.croit que les injec- tions intraveineuses peuvent donner la rage, si le virus rabique passe du sang dans le système nerveux central. Ce passage à travers les parois vasculaires, d’après M. Helmann, est favo- risé ou empêché suivant la structure des capillaires et leur épaisseur plus ou moins grande. Ce qui expliquerait le fait que les lapins et les jeunes chiens succombent toujours aux injections intravasculaires ; les chiens adultes résistent quelquefois, et les chèvres, les moutons, les vaches, animaux de plus grande taille, sont beaucoup plus résistants. Parmi les savants russes qui ont travaillé sur la question dont nous parlons en ce moment, c’est M. Protopopoff qui est arrivé aux résultats les plus intéressants. M. Protopopoff a voulu donner au chien une immunité assez considérable pour que cet animal puisse résister ensuite à l’inoculation intracranienne du virus fixe. Pour atteindre cet état, au moyen des injections sous-cutanées, il faudrait en faire un nombre très grand. C'est pourquoi M. Protopopoff a eu recours aux injections intravasculaires de l’émulsion ordinaire de cerveau du lapin de passage. Il l’introduisait dans la veine fémorale. Dans la première série d'expériences, M. Protopopoff opérait avec les cerveaux desséchés : 3 vaccinations avec le virus âgé de 9-5 et de 2 jours ont donné des résultats négatifs, de même que 2 vaccinations avec le virus âgé de 6 et 2 jours ; mais 3 injec- tions de 6-3 et de À jour, ou bien 2 du vaccin de 5 et de 1 jour, ont été suivies de résultats positifs : les chiens inoculés sous la dure-mère avec le virus fixe, 15 jours après la vaccination, se sont montrés réfractaires à la rage. Dans la deuxième série d'expériences, M. Protopopoif prépa- 398 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. rait ses vaccins antirabiques de la manière suivante : les frag- ments de la moelle épinière des lapins de passage, soumis préa- lablement à la dessiccation pendant 5 jours et 1 jour, ont été con- servés dans du bouillon glycériné (30 glycérine p.100 de bouillon) jusqu’au moment où ils n'étaient plus virulents; émulsionnés. ensuite, ils sont injectés aux 3 chiens dans la veine fémorale; 8 jours après, on fait à ces chiens une inoculation intracranienne du virus rabique des rues : 1 seul sur 3 prend la rage, Donc, les moelles rabiques desséchées pendant 5 jours et 1 jour, de même que les moelles rendues non virulentes par la conserva- tion dans du bouillon glycériné se sont montrées, entre les mains de M. Protopopoff, des vaccins efficaces, Dans le même ordre d'idées, M, Moncet communiqua, il y a 2 ans, un cas intéressant : 3 vaches avaient été mordues par un chien enragé; ce chien étant tué, avec son cerveau M. Moncet prépara une émulsion qu'il injecta dans la veine jugulaire des vaches mordues, à la dose de 5 e. ce, pour chaque vache; toutes les trois échappèrent à la rage. Voilà toute une série d'opinions contradictoires sur la question de l’innocuité et de l'efficacité, au point dé vue de l’immunisation, des injections intravasculaires du virus rabique, Ce problème n'étant pas encore tranché et présentant un grand intérêt théorique et pratique, j'ai eu l’idée de faire une série d'expériences dans le but de contribuer à sa résolution. Déjà, « priori, on peut penser que l'introduction, dans le système sanguin, du virus rabique émulsionné, produira une infection, s'il y a formation d’une embolie, dans un capillaire du tissu nerveux, par les particules solides suspendues dans ladite émulsion. C'est pourquoi, pour éviter cet inconvénient, on aura soin, tout d'abord, de préparer une émulsion aussi fine et aussi homogène que possible et de la diluer suffisamment pour qu'elle puisse circuler librement dans les capillaires les plus fins. Alors, on pourra espérer que les particules du virus rabique, circulant librement, et étant séparées du tissu nerveux par les parois endothéliales des vaisseaux sanguias, seront inoffensives, En second lieu, on pourra attendre qu’elles aient aussi une action immunisante, car distribuées par le sang dans les diffé- rents organes, elles seront résorbées par les éléments phagocy- ‘0 INJECTIONS INTRAVASCULAIRES DE VIRUS RABIQUE, 399 taires, et de la sorte seront réalisées les conditions dans les- quelles apparaîtra l’état réfractaire. Pour prouver ces deux thèses j'ai conduit mes expériences de la facon suivante : L'émulsion est préparée avec les corps quadrijumeaux du lapin de passage (virus fixe) et la solution physiologique de NaCI, dans le rapport d’une partie de substance nerveuse pour trente de liquide ; elle est tellement fine et homogène qu’elle traverse facilement trois réseaux métalliques, superposés, excessivement fins (le diamètre des mailles du réseau est de 0%,2); elle est ensuite diluée encore une fois avec la solution physiologique, dans le rapport de 1 p. à 10-15. Ainsi préparée, cette émulsion est à peu près transparente, dans les couches peu épaisses: elle est en même temps virulente en injections intracraniennes. Avec celte émulsion j'ai fait des vaccinations sur les lapins (veine auriculaire externe) et sur les chiens (veine saphène in- terne du membre postérieur). Si, pendant les vaccinations, on a scrupuleusement tenu compte de toutes les précautions exigées : chauffage de l’émulsion à 37°, injection lente, rigoureuse propreté de la seringue stérilisée, le lapin et le chien supportent l’injec- tion parfaitement bien. Si, au contraire, quelqu’une de ces précau- tions a été omise, l’embolie se forme et il m’est arrivé de voir les lapins mourir sur place. Dans la première série d'expériences, j'ai cherché à obtenir uneimmunité stable en injectant de faibles quantités de l’émulsion virulente diluée. Ainsi conçues, mes expériences m'ont donné les résultats suivants : a) On introduit, une fois, dans la veine de 9 lapins de 1 à 3et 5 c. ce. d’émulsion du virus fixe, passée sur toile métallique, et diluée. Ensuite, après des délais variant de 3 à 16 jours, ces lapins sont inoculés sous la dure-mère, avec du virus fixe : 8 prennent la rage, 1 échappe à la maladie. (Tableaux I et II.) b) On introduit 1 ce. c. d’émulsion de virus fixe, filtrée et diluée, dans la veine de 6 lapins, et on répète l'injection du 5° au 9% jour. Puis, de 8 à 21 jours après la première vacci- nation, on leur inocule sous la dure-mère de l’émulsion épaisse du virus fixe : 2 de ces lapins, l’un qui a été éprouvé 8 jours après et l’autre 21 jours après la première injection, contractent la rage en même temps que les lapins de contrôle; un troi- 400 sième succombe après une période d’incubation prolongée de 2 jours; 3 restent sains. (Tableau I.) ESSAIS D'IMMUNISATION DES LAPINS, AU MOYEN D'INJECTIONS INTRA VEINEUSES, SULVIES D’INFECTION INTRACRANIENNE PAR L'ÉMULSION ÉPAISSE DU VIRUS FIXE. TABLEAU I É5s<|u g - ES | X£Z | QUANTITÉ = Es Ê 5 d’émulsion Ro injectée. 2= |A 4 À OT 2 1 Béne 3 (il Acc 4 1 1RCTeC 5 1 DAC LC 7 À DC CR 0 8 9:-|Par1c.c0 9 2 Par ACC: 10 2 Par1c.c. 41 2 ParAc:c. 19 2 IPar0c.c.9 Par 1c.c. TEMPS écoulé entre les injections et l'infection. MODE d'infection. Inoculation| Injection faite intracranienne|3 jours avant l'in- d'émulsion |fection. épaisse du vi- rus fixe. Idem. Inject. 9 jours avant l'infection. — Inject. 14 jours av. l'infection. Eh Idem. 2= Inject. 16 jours av. l'infection. = Inject. 8 jours avant l'infection. 22 Inject. 18 jours av. l'infection. — Inj. faites 8 et 3 j. avant l'infect. — Inj. faites 21 ct 5 j. avant l'infect. — Inj. faites 42 et 7 j. avant l'infect. — Inj. faites 21 et 8 j. avant l'infect. — Inj. faites 18 et 5 j. avant l'infect. — Inj. faites 143 et 5 j. avant l'infect. ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. RÉSULTATS OBTENUS Prend la rage et meurten même temps que les lapins de con- trôle (lapins de pas- sage). Idem. Prend la rage el meurt en même temps que les lapins de eon- trôle. Idem. Prend la rage et meurt en même temps que les lapins de con- trôle (lapins de pas- sage). Idem, Période d'incuba- tion de 7 jours; meurt après 13 jours. Résiste à la rage. Idem, détour pi éciséntt lai del à TR nt CON. C1 INJECTIONS INTRAVASCULAIRES DE VIRUS RABIQUE. 401 Les résultats sont peu satisfaisants dans l'expérience @, 1 lapin sur 9 estrendu réfractaire ; dans l’expérience b, 3 animaux résis- tent. Mais 1l y a à tenir compte de ce que cette infection diffère de celle qui a lieu dans les conditions naturelles : l’animal mordeur introduit dans la morsure le virus (virus des rues) très dilué avec la salive, tandis que dans les expériences précédentes, le lapin est infecté par l’émulsion épaisse du virus fixe. C’est pourquoi dans l’expérience suivante j'ai inoculé mes lapins sous la dure- mère (infection toujours mortelle) avec de l’émulsion filtrée et diluée, et alors les vaccinations intraveineuses ont donné des résultats plus encourageants. Voilà cette expérience en détail : c) On introduit dans le sang de 10 lapins, 1-1,5-3 c. ce. d’émulsion ; 2 fois l’injection est répétée de 3 à 9 jours après. Puis, de 5 à 21 jours après la première vaccination, on leur injecte sous la dure-mère de l’émulsion filtrée et diluée, mais toujours virulente, du virus fixe. Un seul prend la maladie en même temps que les lapins de contrôle, c’est le lapin qui a été trépané 7 jours après la première injection; 2 autres lapins deviennent enragés après une période d’incubation prolongée de 2 jours; 7 restent sains; parmi ces derniers se trouve un lapin qui a reçu une inoculation intracranienne du virus fixe 5 et 2 jours après les vaccinations. (Tableau IL.) L'examen détaillé des résultats nous montre que chez les lapins qui ont reçu deux injections intraveineuses de virus fixe, l’état réfractaire apparaît 15 jours aprèslapremière injection, et qu’ils résistent même au virus fixe inoculé sous la dure-mère. On arrive à rendre les lapins réfractaires au virus de la rage des rues en leur injectant l’émulsion de virus fixe dans les veines, et cela dans un délai plus court, ainsi que le démontrent les expériences suivantes : On introduit une fois dans la veine de 4 lapins de 0,5 à 3 c.c. d’émulsion filtrée du virus fixe ; après 16-45 jours, les lapins sont trépanés et inoculés sous la dure-mère avec du virus rabique des rues. Tous contractent la rage. La quantité employée d’émulsion a été trop faible. À deux lapins, au lieu de 3 c. #., injectons, toujours dans la veine, 5 c. c. d’émulsion du virus fixe, et éprouvons-les avec du virus des rues, 10-12 jours après l'injection (au lieu de 16-45 comme dans l'expérience précédente) ils résistent à l’infection. De même, à 4 lapins faisons 2 injec- 02 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. TABLEAU II ESSAIS D'IMMUNISATION DES LAPINS AU MOYEN D’INJECTIONS INTRAVEINEUSES, SUIVIES D'INFECTION INTRACRANIENNE, PAR L'ÉMULSION FILTRÉE ET DILUÉE DU VIRUS FIXE, ps 53 | g LEË £$ JQUANTITÉS MODE TEMPS : ÿ SE |SE d'émulsion No écoulé entre les RÉSULTATS OBTENUS 3 es Fa Ô = injectée. d'infection, injections ttl'infection, # &S| AT : 1 | Injections faites) Période d’incuba- L intracranienne|L4 ct 6 jours avant tion de 7 jours ; meurt , d’émulsion fil-|l'infection. après {1 jours. à tree ot diluée # du virus fixe. % eg | de, 0 Idem. Inj. 14 j. av. l'inf.| Résisie à la rage. l ; 81 2 | de ce.et _ Inj. faites 20 et Idem. 2 ALES 6 j. avant l’infect. # 4 Il 2DrICe — Inj. 16 j. avant], Prend la rage et 4 poids de l'infection. meurten même temps j Mao gr. que les lapins de con- | trôle (lap. de passage). : 5 | 2 |Paric. ec, se Inj. faites 16 et| Résiste à la rage. | p. de 1 j. avant l’infec- 3 Jo0 gr. tion. 4 : É Ge 2 ce: ref — Inj. faites 21 et Idem, F Up. de 4 ce,3 12 jours avant DQU gr. l'infection. 6 ÿ. É S (0 ec A LEE Oh CR DE — Inj. faites 45 ct — | 7 jours av. l'inf | 8| 2 |Parte,t Le Inj. faites 14 et! Mort. Période d'in 3 5 jours avant l'in-[cubation prolongée de SE. lection. 36 h. on comparaison i avec les lapins de con- 1 trôle (lap. de passage). 9-97 }Par acc: — Inj, faites 41 et| Résiste à la rage. : 4 jours av. l’inf. : 10 De POS EC RC —- Inj, faites 5 et! Inoculé encore la "4 2 jours avant l'in-|deuxième fois sous la “4 fection. dure-mère du virus £ fixe, résiste à la rage. | 1 A1 2 Par 8 ec: € — lui. faites 7 el] Prend la rage on à 4 jours avant lFin-Imême temps que les foction. lapins decoutrôle (ap * le passage). i 12 C2 PE D TE ON EE PT = Inj. faites 14 ot] Résiste à la rage. F 11 jours av. l'inf. RE 13 2, Par 3 04 — N'a pas été inoculé, carle 7e jour apres , la 2% injection if succombe à la rage. INJECTIONS INTRAVASCULAIRES DE VIRUS RABIQUE. 403 tions intraveineuses de faibles quantités d’émulsion du virus fixe, le premier recoit 0, 5 c. c., le second 1 c. c., le troisième 1,5 c. c., le quatrième 3 c. c. à chaque injection ; après 10 jours inoculons-les sous la dure-mère, avec du virus des rues, ils résistent à la rage à l’exception du premier qui n’a reçu que 2 fois 0, 5 c. c. d’'émulsion (Tableau III). Toute cette série d'ex- périences nous prouve l'efficacité des injections intraveineuses d'émulsion dilute, Pour la comparer avec l'efficacité des injections intrapéri- tonéales et sous-cutanées, j'ai fait les expériences suivantes : J'ai introduit dans le péritoine de 3 lapins 5-8 c. c. d’émulsion épaisse du virus fixe et dans le périltoine d'un quatrième lapin 2 fois 5 ce. c.: 7-17 jours après, je les inocule sous la dure-mère avec du virus fixe; 3 résistent à la rage, un seul succombe, celui qui a été vacciné une seule fois el trépané 10 jours après la vaccination. Les injections intrapéritonéales se montrent donc elficaces ; mais il faut tenir compte de la quantité d’émulsion employée, quantité beaucoup plus grande que dans le cas des injections intravasculaires, La même observation est à faire par rapport aux injections sous-cutanées, Sur 7 lapins, qui ont reçu en 2 fois 8et 20 c. c. d'émulsion épaisse du virus fixe, et qui, 12-25 jours après, ont été inoculés sous la dure-mère, avec du virus rabique des rues ou bien avec du virus fixe, un seul succombe, celui qui a reçu seulement 8 ce. c. d’émulsion. Mais si, au lieu de l'émulsion épaisse, on injecte sous la peau l’'émulsion diluée, utilisée pour les injections intraveineuses, on ne donne pas l'immunité. Deux lapins, qui avaient reçu dans le tissu sous-cutané 2 fois 5 c. c. de cette solution diluée, ont été éprouvés par inoculation sub-durale, ils ont succombé en même temps que les témoins. (Tableau IV.) | Douce, en tenant compte de la quantité d’émulsion employée pour les vaccinations, nous pouvons conclure que les injections intraveineuses sont plus eflicaces que les injections sous- cutanées et intrapéritonéales, Ceci étant démontré par rapport aux lapins, j'ai voulu voir l'effet immunisant des injections intravasculaires sur les chiens. 40% TABLEAU II ESSAIS D'IMMUNISATION DES LAPINS, AU MOYEN D'INJECTIONS INTRAVEI- NEUSES SUIVIES D’INFECTION INTRACRANIENNE PAR LE VIRUS DES RUES (A L’EXCEPTION DES 2 PREMIÈRES EXPÉRIENCES OU L'INFECTION A PRÉCÉDÉ LES INJECTIONS). ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. 3 Nat = » > = mes = = MODE 3 SE D = = z SE SE SES d'infection. UE PAG LE = = = AT 1 4 |Oc.c. 8! Inoculation intracranienne du virus rabi- que des rues. 2 2 Par -Tdem. BEC PARTE 3 LS NT-AÀC — 10 LA NCIRE — 11 be 2) Q EE cr) © re DÉLAIS entre les injections et l'infection. Injection faite 1 heure après l'infec- tion. Injections faites 1 heure et 24 heures après l'infect. Injection 12 jours avant l'infection. Injection 16 jours avant l'infection: RÉSULTATS obtenus. Mort. Pé- riode d’incu- bation de 15 jours. Mort. Pé- riode d'in- cubation de 17 jours. Résiste à la rage, Mort. Pé- riode d'’in- cubation de 16 jours. Injections| Mort. Pé- faites 16 et 7 j.[riode d’incu- avant l’infect.|bat. de 16 j. Injection] Mort. Pé- 16 jours avant|riode d'ineu- l'infection. bat. de 16 j. Injections| Résiste à faites21 et 10j.|la rage. avant l'infect. Injection] Mort. Pé- 45 jours avant|riode d’incu- l'infection. bat. de 15 j. Injections|, Résiste à faites 12 et 4 j.|la rage. avant l'infec- tion. Injection Idem. 10 jours avant l'infection. Injections — faites 10 et3 j. avant l'infect. Lelapin de con- trôle est mort après la période d’incubat.de18)j Idem. Le cobaye de contrôle con - tracte la rage fu- rieuse ‘ jours après l'infection. Lelapin de con- trôle succombe [après la période d’incub. de 45 j. Idem. TL Te TT, INJECTIONS INTRAVASCULAIRES DE VIRUS RABIQUE. 405 Dans ce but j'ai vacciné 3 chiens. Le premier a reçu 3 injec- tions intraveineuses de 8 c. c., 5 c. c. et 10 c. c. d’émulsion filtrée et diluée du virus fixe; le second, 2 injections de 10 c. c. et de 6 c. c.; le troisième aussi 2 injections de 10 c. c.; ces vaccinations ont été faites dans le délai de 7-9 jours. Le premier a été conservé sans être éprouvé, afin de s’assurer de l’innocuité des injections intravasculaires. Aux deux autres, 16 et 23 jours après la première vaccination, on a inoculé, dans la chambre antérieure de l’œil, du virus rabique des rues. Tous les trois résistèrent à la rage ; tandis que le lapin de contrôle, inoculé en même temps et de la même manière, finit par pren- dre la rage. (Tableau VI.) Par les expériences que je viens de rapporter, j’ai cru avoir démontré l’innocuité et l’efficacité, au point de vue de l’immu- nisation antirabique, des injections intravasculaires del’émulsion du virus fixe, filtrée et diluée, tant par rapport aux lapins que par rapport aux chiens. Dans ces expériences, j’ai cherché à montrer l’action préven- tive des injections faites avant l'infection intracranienne ou intraoculaire. Dans les recherches consécutives, c’est l’effet curatif des injections intraveineuses que j'ai tenu à élucider et je suis arrivé aux résultats suivants : Vingt lapins sont inoculés sous la dure-mère avec du virus rabique des rues. Le même jour, ou bien le jour suivant, on leur fait une injection intraveineuse de l’émulsion filtrée et diluée du virus fixe; on a répété ces injections pendant 3 à 6 jours en leur introduisant en tout 37 c. c. d’émulsion au maximum. L’émulsion qui a servi pour l’infection intracranienne était virulente, quoique considérablement diluée; les lapins de contrôle non injectés, de même que les lapins de contrôle injectés dans le tissu sous-cutané, succombèrent tous en même temps à la rage. Tandis que sur 20 lapins traités par les injections intra- veineuses, 4 résistèrent. (Tableaux VII, VII, IX.) Ce rapport de # sauvés sur 20 infectés est sûrement peu considérable ; néanmoins il est encourageant vu l'impossibilité absolue, admise jusqu’à présent, de sauver les lapins inoculés de virus rabique sous la dure-mère. 406 ESSAIS D'IMMUNISATION DES LAPINS, AU MOYEN D'INJECTIONS SOUS-CUTANÉES ET INTRAPÉRITONÉALES, SUIVIES D'INFECTION INTRACRANIENNE PAR LE ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. TABLEAU IV VIRUS FIXE OÙ LE VIRUS DES RUES. Nos des animaux en expérience (lapins). [2] 6 1 NOMBRE d'injections. [hs] MODE D'INJECTION Quantité et qualité d’émulsion injectée. 5e. c. d'émulsion épaisse du virus fixe injectés dans le péritoine, Idem. Par5c.c.d'émul- sion épaisse du virus fixe injectés dans le péritoine. 8 ©. ce. d’'émulsion épaisse du virus fixe dans le péri- toine. Par5c.c.d'émul- sion épaisse du virus fixe en injec- lions sous -cuta- nées. Par 10, c cAd'é- mulsion épaisse du virus fixe en .in- jections sous-cuta- lées, Par5c.c.d’émul- sion épaisse du vi- rus fixe en injec- tions sous-euta nées. Par 5c.c.d’émul- sion épaisse du virus fixe en injec- tions sous -cuta- nées. MODE d'infection. Inoculation intracranienne de l'émulsion diluée du virus fixe. Idem. Inoculation intracranienne du virus rabi- que des rues. Inoculation intracranienne d'émulsion di- luée du virus {ixe. DÉLAIS entre RÉSULTATS l'injection et obtenus. l'infection. Inj. 7 jours|Résiste à la rage. avant l'infec- tion. Inj. 10 jours| Prend larageet avant l'infec-|meurt en même tion. temps que les lapins de con- trôle. Inject, faites|Résiste à la rage. 17 et 9 jours avant l'infec- tion, , Inj, 14 jours Idem, avant l'infec- ion, Inject. faites — 2% et 16 jours avant l'infec- tion, Inject. faites — 17 et 9 jours avant l'infec- tion, Injeet. faites Le 12 et # jours avant l'infec- tion. Inject, faites! Prend a rage 71 et 4 jours|et meurt en même avant lPinfec-|temps qué les la- tion. pins de contrôle. INJECTIONS INTRAVASCULAIRES DE VIRUS RABIQUE. TABLEAU IV (Suite). 407 Nos des animaix en expérienct à (lapins). L=] 13 NOMBRE d’injections. MODE D'INJECTION Quantité et qualité d'émulsion injectée. Par 5c. c. d’érmul- sion filtrée et diluée du virus fixe en injections sous-cu- tancées, Par5e. e.d’émul- sion épaisse du virus fixe en jin- jections sous-cuta- nées, Par 5c.c.d’émul- sion épaisse du virus fixe en injec- ions sous - cuta- nées. (Grand abcès purulent au point d'injection.) 40 c.c. d’émulsion épaisse du virus fixe en injection sous-cutanée. Par 5c.e.d'émul- sion épaisse du tions sous - cuta- nées, Diet éliarC:cC: d'émulsion épaisse du virus fixe en injections SOuS-Cu- tanées, 1c.c. d’émulsion filtrée et diluée du virus fixe en injec- tion intraveineuse et 2 fois par 3 €. c. d’émulsion épaisse du virus fixe en injections sous-Cu- tanées, MODE d'infection. laoculalion inlracranicnne d’émulsion di- luée du virus fixe. Idem, DÉLAI entre l'injection et l'infection. Inject. faites 4% et 11 jours avant l'infec- tion, Inject. faites 15 et 9 jours avant l'infec- ton. Inj. faites 25, 16 et 8 jours avant l'infec- tion. Inj. 14 jours avant l'infec- lion, RÉSULTATS obtenus. Prend la rage et meurt en méme temps que les la- pins de contrôle. Résiste à la rage. Idem, Résiste àlarage. La veille de l'ino- culation intracra- nienne parésie des membres posté- rieurs, ensuite pa- ralysie, qui dure 21 jours, j N'a pas été inoculé sous la dure-mère, car lc 6° Jour après la première injection, et le 2e après! virus fixe en injec-|la seconde, contracta la rage el mourut. Inoculation Inject. faites intracranienne|14 et 6 jours du virus fixe./avant l'infec- Idem, tion, Inj. faites 16, 14 et 11 jours avant l'infec- tion, Prend la rage etl meurt en même temps que les la- pins de contrôle (lapins de pass.). Idem. 408 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. TABLEAU VII | ESSAIS DE TRAITEMENT, AU MOYEN D'INJECTIONS INTRAVEINEUSES, SUR DES LAPINS INFECTÉS SOUS LA DURE-MÈRE AVEC UNE ÉMULSION ASSEZ ÉPAISSE DE VIRUS RABIQUE DES RUES, ne esse | 5 à DATE UANTITÉ 22 ÊE DATE ET MODE Fe PE = et d'émulsion = S É : ; de traitement. — 5 © [mode d’injeetion. injectée. 2= © æ 28 Et = 14/vr. Inocu- lation intracra- nienne d'émul- sion assez épaisse du vi- rusrabique des rues. 44/vi. 5 €. ce. d’émulsion fil-| 20 €. €. 4 trée et diluée en injection intraveineuse. — 15/vr. Idem. — 20/vr. Idem.—24/vr. Idem. 2 |. Idem. A4/vr. 3e. e. d'émulsion fil-| 18 c. c.| 4 trée et un peu plus épaisse[d’émul- du virus fixe en injection[sion un intraveineuse. — 45/vr. Idem.|peu plus — A7/vi. 5 ©. ce. d’émulsion|épaisse du diluée du virus fixe. — 20/vr.| virus fixe. 4 c. ©. d’'émuls. un peu plus épaisse du virus fixe. — 24/vr. 3 c. c. de la même émulsion. A4/vi. 2e. c. d'émulsion fil-| # €. c.| 4 trée et un peu plus épaisse[d'émul- du virus fixe en injection in-[sion un 28/vI. traveineuse. — 45/vr. idem.[peu plus combe le — Le 21/vr et le 26/vr par|épaisse du 29/vr. 5 e. c. d'émulsion du cerveau|virus fixe d'un lapin immunisé en in-|et 10 €. c. jections sous-cutanées. d'ém. du cerveau d'un lapin immunisé. A partir du 14/vr,pendant| 30 c. c.| 15 Prend 12 jours, 45 injections sous-|d’émul- la rage le cutanées d'émulsion de cer-|sion épais- 26/vi. Suc- veaux desséchés (4 séries)|se de cer- combe le par 2 c. c. de chaque injec-|veaux des- 28/vr. tion. séchés. Lapin de contrôle non Prend traité. la rage le 28/v1. diet Di Tite INJECTIONS INTRAVASCULAIRES DE VIRUS RABIQUE. 409 TABLEAU VIII ESSAIS DE TRAITEMENT SUR DES LAPINS APRÈS L'INFECTION PRÉALABLE PAR L'ÉMULSION ASSEZ ÉPAISSE DU VIRUS DES RUES DÉLAIS È DURÉE MODE MODE entre Êe ; le moment du d'infection. de traitement. |J’infection et la 1re injection. QUANTITÉ d'émulsion NOMBRE d’injections, traitement. injectée. RÉSULTATS “# 5 à EN: 52 AE s à D 4 2: S | © Z © ER “| Inoculation in-| Inject. in-| 24 heures. [0 jours.| #4 |?20c.c. tracranienneltraveineuses d'émulsion non|d’émulsionfil- filtrée du virus|trée du virus rabique des rues.|fixe. 2e Idem. Idem. Idem, Idem. 5 Idem. 3 Inoculation in- — L’injection| 2 jours. 3 UM 16:e"c tracranienne est faite le d’émulsion filtrée méme jour, (assez épaisse) après l'infec- du virus rabique tion. des rues, 4 Idem. — Idem. Idem. |Idem.}| 48c.e. 5 2e 7— UE —_ — 217 0: 6 — — 3.jours. 4 | 25e. c. rl — — — Idem. |Idem.| 50 c. c. Tous les lapins prennent la rage en même.temps que les lapins de contrôle. 8 Le — _ _— 5 39 C. C 9 — Inject. in- — — 3 16c.c. traveineuses d’émul- d’émulsion fil- sion fil- trée du virus trée plus fixe, plus in-| : ECC jection sous- d’'émul- cutanée d’é- sion mulsion épaisse. épaisse du vi- rus fixe. 10 — Injections — 19 jours.; 19 45 ce. Isous-cutanées d’émul- d’après la mé- sion thode pasto- “54 rienne. MAÉ ARE | 27 410 MODE d'infection. Nos des animaux en expérience. Le | Inocul. in- tracranienne d'émuls, fil- trée ettrès di- luée du virus rabique des rues. 2 Idem, 3 | E% 5 Inocul. in- tracranienne d’émulsion fil- trée et diluée du virus rabi- que des rues. 6 Idem. En 7 cbr 8 12. TABLEAU IX ESSAIS DE TRAITEMENT SUR DES LAPINS APRÈS L'INFECTION PRÉALABLE PAR L'ÉMULSION FILTRÉE ET DILUÉE DU VIRUS DES RUES. MODE de traitement. Injections DÉLAIS Fe entre DURÉE le moment du d'infection et la fraitenent, 1'e injection. L’injection|2 jours. intraveineu-lest faite le ses d’émul- sion filtrée du virus fixe. Idem. N'a pas étè Injections intraveineu- ses d’émul- sion filtrée du virus fixe. Idem. Injections sous - eu ta - nées d’émul- sion épaisse du virus fixe. N'a pas été même jour, après l'infec- tion. Idem. Idem. traité (lapin de contrôle). L'injection|2 jours. est faite le même jour, après l'infec- tion. Idem. Idem. traité (lapin de contrôle). NOMBRE dE 6 d'injections. & 4 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. QUANTITÉ d'émulsion| RÉSULTATS injectée. 15 ec. c.| Résiste à l'infection . SOLCENC: 2UNCEC: tion de 16 j. 37c.c.| Résiste à d’émul-|la rage. sion fil- trée et diluée. 17c.c.| Prend la d'émul-|rage après sion fil-|[là période trée et|d'incuba- diluée. {tion de 26 j. 34c.c.| Prend la d'émul-|rage après sion |la période épaisse .|d’incuba- tion de 13 j. Idem. + On obtientles mêmes résultats sur les chiens. De quatre chiens inoculés dans la profondeur des muscles du membre postérieur, avec l'émulsion du cerveau d’un chien enragé, et traités ensuite par 2 injections intraveineuses, de 10 c. c. chacune, d’émul- sion diluée du virus fixe, un seul prend la rage: les chiens de contrôle sont devenus enragés. (Tableau VI.) dé n INJECTIONS INTRAVASCULAIRES DE VIRUS RABIQUE. 414 TABLEAU VI ESSAIS D'IMMUNISATION PRÉVENTIVE SUR DES CHIENS. ET TRAITEMENT (CONSÉCUTIF A L'INFECTION) AU MOYEN D'INJECTIONS INTRA VEINEUSES. 22 |Ê= QUANTITÉ ] DÉLAIS . EN de A , MODE re RÉSULTATS == | = | et qualité de l’'émulsion, RTS L SENS RU d'infection. les injections obtenus. = 2 = mode d'injection. et l'infection. Leapee È 1 3 23 c. c. d’émulsion, Le chien n’a pas été| Cinq mois sont filtrée du virus fixe en|infecté dans le but de s'as-|écoulés; se trouve injections intravei-lsurer de l'innocuité des|en ce moment en neuses: la premièrelinjections intraveineuses.|bonne santé. fois, 8 c. c.; 7 j.après, bicre.; 1rr-*après la 2° injection, 10 c. c. 2 2 40 €. ce. et 6. c. Inoculation| Injections| Reste en bonne d'émulsion filtrée en|intracranienne|faites 16 et|santé. Le lapin injections intravei-|d’ém. du virusi6 jours|de contrôle suc- neuses. rabique des|avant l’in-|combe à la rage. rues (cerveau).|fection. 3 3 Par 10 c.e. d'émul-. Inoculation| Injections Idem. sion filtrée du viruslintraoculairelfaites 98 et fixe en injections in-[d'émuls.du vi-|f4 jours traveineuses. rusrabique des|avant l'in- rues (cerveau). |fection. Par 10 c.c. d’émul-| 5 injections] Injections| Prend la rage 4 2 sion filtrée du virus|dans la profon-|faites 1 et|paralytique 16 j. | fixe en injections in-|deur des mus-|$S jour s|aprés l'infec., suc- : traveineuses. cles du mem-|après l'in-|combe & j. après. + bre postérieur|fection, Le lapin de con- de l’émulsion| . trôle inoculé sous du virus rabi- la dure-mère que des rues. prend Ja rage après une période d’inoculat.de15)., succombe4 j.apr. 6) 2 10 etSc. c. d'émul- Idem. Injections| Résiste à l'im- sion filtrée du virus faites 3 et|fection. fixe en injections in- 10 j. après traveineuses, l'infection. 6 15 40 c. c. d’émulsion — La {re in- Idem. épaisse du virus fixe > jection est injectés en 4 séries (en faite le 4e]. suivant la méthode or- après l'in- dinaire et en commen- fection. On çant par le cerveau poursuit les desséché de 7j.) en im- inject. pen- ject. sous-cutanées. dant 45 j. ee: jh Ce chien a été infecté comme les ehiens n° 4, 5 et 6, pour servir de À contrôle : il n'a pas reçu d’injections intraveineuses. Le 25° jour après l'in- ÿ fection il prend la rage et succombe 3 jours après. Le lapin de contrôle} É, inoculé avec la même émulsion sous la dure-mère prend la rage après une 4 période d’incubation de 10 jours et succombe 5 jours après. 2 E. 2 Le ts ?, > 412 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Un second lot de 4 chiens est inoculé avec du virus des rues, de la même façon, et traité, 2-5 jours après l’infection avec Fémulsion filtrée de virus fixe ; le premier a reçu en 2 injections intraveineuses 36 c. c., le second 43 c. c., en 2 fois, le troisième 80 c. c. en 4 injections. Tous trois résistent. Tandis qu’un quatrième chien de contrôle, traité par les injections sous- cutanées, prend la rage après la période d’incubation de 23 jours. (Tableau X..) TABLEAU X ESSAIS DE TRAITEMENT SUR DES CHIENS APRÈS INFECTION INTRAMUSCULAIRE PAR L'ÉMULSION DU VIRUS DES RUES ë 5 à té 3 2 DÉLAIS | purée |& 2] QUNIITÉ 25 MODE MODE Entre SN als Se A TA RENE Pro Ra see sn du = 9 émulsion| RÉSULTATS 3% : ; eee traitement . | © ÆJ injectée. o & 7 Z qd 4 Injections| Injections| L’injection|48 jours] 22 | 100c.c.| Prend la intramuscu -|sous - cuta-|est faite le d'émul -|rage après laires d'émul-Inées d'après/mème jour sion |la période sion épaissella méthode|après l'infec- épaisse .|d’incuba- du virus ra-|pastorienne.|lion. tion de 22 j. bique des rues faites en trois points dans l'épaisseur des museles des membres postérieurs. 2 Idem. Injections Idem, 4 jour | 2 | 36c.c.| Résiste à intraveineu - d’émul -|la rage. ses d’émul- sion fil- . sion filtrée et trée et diluée. diluée. 3 — Idem. — 2#jours| 2413 CC: Idem. 4 — — # jours| #4 | Sûe.c. — | Dans la troisième série, les chiens sont infectés sous la dure-mère; # avec l’émulsion épaisse, 4 autres l’émulsion toujours virulente, mais filtrée et diluée. Les premiers, traités ensuite au moyen de 3 à 5 injections dans la veine, reçoivent 26 à 80 c. c. en tout, d’émulsion filtrée du virus fixe ; ils succombèrent comme les chiens de contrôle traités au moyen d'injections sous-cutanées (Tableau XT). INJECTIONS INTRAVASCULAIRES DE VIRUS RABIQUE. 413 TABLEAU XI ESSAIS DE TRAITEMENT SUR DES CHIENS APRÈS. INFECTION PRÉALABLE PAR -L'INOCULATION INTRACRANIENNE D'ÉMULSION ASSEZ ÉPAISSE. 5 s > 1 mg € 4 : É #10 Scie ÊE DÉLAIS | DURÉE | 28 |: QUANTITÉ | < BE MODE MODE entre Me : = RE d'intoct FAURE * le moment du = © d'émulsion| = u ‘infection. e traitement. |q; i € AE ut RER = DE ï ; À PLESORNER l|{raitement| © £ injectée. | 1 z 1e injection. AZ (2 SE = Ê PS 2 l Inoculation in-| Injections| L'injection|2 Jours. 6) 26 c.c.|= tracraniennelintraveineu-lest faite le d'ém ul-| 4 à d’émulsion fil-lses d'émul-|même jour sion fil-|=< trée et dilute/sion filtrée du après l’infec- trée - |2= (dans la propor-|virus fixe. tion. du virus|£ © tion de 1 p. 150) fixe. qe du virus rabique | re des rues. (Ag ee 2 Idem. Idem. Idem. Idem. |Idem.| 40 c.c. [25 Ou 3 — Le = == — 56c.c. | — Le 4 = — — SHjours. Le ne Cine | ne : à == 5 — Injections —_ l4jours.| 20. 11060 c.c.|£ & sous-cutantes De d’après la mé- 82 \ thode pasto- RUE rienne : 5 sé- BE ries. ei Les # autres, qui ont été inoculés sous la dure-mère avec lémulsion diluée, ont reçu ensuite en 4 à 5 injections intravei- neuses 50 à 95 c.c. d’émulsion filtrée et diluée du virus fixe; 3 d'entre eux restent jusqu'à présent en surveillance et en bonne santé; le quatrième est mort deux mois après l’infection sans manifester de symptômes suspects. Donc, l'effet curatif des injections intraveineuses se manifeste sur les chiens aussi bien que sur lapins (Tableaux XI). A la fin de mes recherches, j'ai tenu à vérifier la possibilité d'arriver à l’immunité antirabique, en se servant du virus rabi- que ‘cerveau d'animal enragé) rendu non virulent par un agent atténuant quelconque, la dessiccation par exemple, le chauffage au bain-marie, la conservation dans l'alcool, etc., thèse posée par MM. Protopopoff et Babès. J'ai opéré sur 8 lapins en introduisant en 2 et 3 fois une émulsion non virulente, puis- qu'elle était sans effet quand on l’inoculait sous la dure-mère ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. TABLEAU XII 414 ESSAIS DE TRAITEMENT SUR DES CHIENS APRÈS INFECTION INTRACRANIENNE PRÉALABLE PAR L'ÉMULSION FILTRÉE ET DILUÉE DU VIRUS DES RUES pa A s ZE : = ; BE eu MODE NI TETE Loue | UNITÉS = 2 1 E Le NO) b 11. = Ve de le moment EE SEE d'émuision | RESULTATS m $ infection. ’j 4 at, gs injections. ñ ; ET traitement. |Ÿ DE BIS - ù injectée. as 1'e injection. 5 7 © 5 1 Inoculat.in-| Uneinjec-| L'irjection|13 j.| Ainject.| 20 c.c.| Reste tracranienneltion intra-lest faite le intravei -|d’émuls .|sain pen- d'émulsion|veineuse|mêème Jour neuse filtrée et| dant filtrée et di-|suivie d’in-|aprèsl’infec- 49 inject.|diluée +2 mois, luée du virus|ject. sous-|tion, sous-eu-|95c.c.dé-|s’enfuit rabique des|cutanées, tanées. |[mulsion|ensuite. rues, d’ap. la mé- épaisse. thode pas- 2 torienne: Idem. Inj. intra- Idem. 3 4 B0C:1c. Résiste 3 veineuses, à la rage. 4 — Idem. — 2 1AEIdems 56 €. €. Idem. 5 7 — — 3 5 in}. JoYEsiCr = — N'a pas été traité (chien de contrôle). — Prend la rage après 8 jours et succombe en présentant les symptômes de la rage paralytique. des lapins. Les uns ont reçu en tout 12 c. c. d’émulsion filtrée et diluée dans les veines, les autres 20 c. c. d’émulsion épaisse dans le péritoine ; 14-18 jours après je les ai inoculés sous la dure-mère avec du virus fixe ou bien du virus rabique des rues. Tous ont pris la rage en même temps que les lapins de contrôle. (Tableau V.) La quantité de lapins sur lesquels j'ai fait cette expérience n’est pas grande, il est vrai, mais l'identité des résultats obtenus sur tous les huit permet — il me semble — de nier la possibilité d’immunisation au moyen de la matière nerveuse d'animal enragé dont la virulence a été détruite. Je crois pouvoir mentionner en cette place une des observa- tons faites pendant mes recherches actuelles, encore inachevées, sur le sérum antirabique, cette observation servant — de même que l'expérience citée tout à l'heure — d’argument contre le pouvoir immunisant du virus rabique dont la virulence a été INJECTIONS INTRAVASCULAIRES DE VIRUS RABIQUE. 415 TABLEAU V ESSAIS D'IMMUNISATION DES LAPINS, AVEC L'ÉMULSION DU VIRUS RABIQUE RENDU NON VIRULENT, SUIVIE D'INFECTION INTRACRANIENNE PAR LE VIRUS RABIQUE FIXE OU LE VIRUS DES RUES. DÉLAIS entre les injections et l'infection. QUANTITÉ et qualité d’émulsion injectée. Mode d'injection. MODE d'infection. Nos des animaux en expérience. RÉSULTATS obtenus. NOMBRE d'injections a 1 €. e. d’émulsion filtrée du cer-| Inoculation] Injection veau non wvirulent (soumis à la/intracranienne|faites jours dessiccation de 8 jours) en injec-|d’émulsion duavant l'in- tion intraveineuse. virus fixe, fection. Les Injection faite 16 j. avant l'in- fection. Idem. Idem. Injec- tions faites 48 et 12 j. avant l'in- fection. Par 1 e. e. d’émulsion filtrée du cerveau non virulent (soumis à la dessiccation de 8 jours) en injec- tions intraveineuses. Par 5 ec. e. d’émulsion filtrée du| Inoculation| Injec- cerveau non virulent (soumis à la|intracranienne|tions faites dessiecation de 8 jours) en injec-[du virus rabi-|16 et6 jours tions intraveineuses. que des rues.|avant l’in- fection. Injec- Par 5 ©. ce. d'émulsion épaisse] Inoculation|. du cerveau non virulent (soumis à|intracranienne|tions faites la dessication de 8 jours) en injec-|d'émulsion fil-]16 et 7 j. trée et diluéelavant l’in- tions intrapéritonéales. r du virus fixe.|fection. Par 40 c. c. d’émulsion épaisse du cerveau de lapin de passage conservé dans l'alcool jusqu’à la perte de virulence (9 et 7 jours) en injections intrapéritonéales. % 7 et5 c. €. d'émulsion filtrée et diluée du cerveau de lapin de pas- sage conservé dans l'alcool Jjus- qu'à la perte de virulence (9 et 7 jours) en injections intravei- neuses, 3 €. ©. 5 et 5 c. c. d’émulsion filtrée et diluée du virus fixe rendu non virulent (plongé pendant 7-10 minutes dans de l’eau bouillante) en injections intraveineuses. Idem. Injec- tions faites SCT Se avant l'in- fection. Injec- tions faites 14 et 5 ]j. avant l’in- fection. Injec- tions faites 16 et 6 j. avant l’in- fection. « Tous les lapins prennent la rage et succombent en même temps que les lapins de contrôle, 416 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. 8 atténuée jusqu’à devenir nulle. J'ai à ma disposition un sérum qui présente nettement le pouvoir bactéricide spécifique ; son action sur la virulence de la matière nerveuse rabique est de même"ordrefque celle de la dessiccation, du chauffage, ou encore de l’action de lalcool, etc. En effet, si on inocule un lapin sous la dure-mère avec un mélange d’émulsion filtrée du virus fixe et de sérum, l'effet de l’inoculation est nul, le lapin ne prend pas la rage. C'est ce mélange ‘neutre que j'ai injecté à 2 lapins, dans la veine, en 2 à 3 fois par 3 à 4 c. c.; 15 jours après la première injection, leslapinsontétéinoculés sousla dure-mère avec du virus fixe ; tous succombèrent à la rage en même temps que les lapins de contrôle. Donc, la matière rabique non virulente n’exerce aucune action immunisante. Qu'il me soit permis d'ajouter que l’émulsion employée, dans l’expérience précédente, en mélange avec le sérum anti- rabique, injectée seule ou mélangée au sérum antidiphtérique a manifesté son pouvoir immunisant ; car tous les lapins inoculés ensuite sous la dure-mère avec du virus fixe résistèrent à la rage. Cette expérience démontre aussique le sérum anti-diphté- rique n’a aucune action et que seul le sérum antirabique est capable de modifier le virus rabique. En résumé toutes les expériences citées nous conduisent aux conclusions suivantes : 1) Les injections intraveineuses du virus rabique ne sont pas dangereuses, à la condition que le virus soit en émulsion filtrée et diluée, que l’émulsion soit chauffée à 37° et qu'elle soit poussée d’un mouvement lent!. 2){Par les injections intraveineuses on rend plus rapidement les animaux! réfractaires à la rage et on obtient uue immunité plus solide qu'avec les autres modes de vaccination; ces injec- tions faites! au lapin (l'animal le plus sensible à la rage), même après l’inoculation intracranienne du virus rabique (infection toujours mortelle), arrivent quelquefois à le préserver de la maladie. 1. Si ces conditions sont remplies, si par conséquent on exclut la possibilité de la formation des embolies, les injections sont toujours inoffensives. Pendant toutes mes recherches, sur un nombre très considérable de lapins en expérience, un seul à succombé à la suite de l'injection intraveineuse. INJECTIONS INTRAVASCULAIRES DU VIRUS RABIQUE. 417 3) La matière nerveuse rabique, rendue non virulente par un agent atténuant quelconque, n’a pas d’action immunisante ; tout au plus, elle exerce peut-être un pouvoir vaccinant, en faisant l’organisine moins sensible à l'introduction consécutive du virus renforcé. Étant donnée la grande importance qu'il y a à développer rapidement une immunité renforcée chez Les personnes mordues par des animaux enragés, surtout dans les cas de morsures graves ; étant données d'autre part non seulement l’innocuité mais aussi l'efficacité des injections intraveineuses de virus finement émulsionné, mon maître, M. le professeur Wysokowicz a fait — il y a un an — dans des cas d’une gravité excessive les premiers essais d’injections intraveineuses du virus fixe sur les mordus traités à l’Institut Bactériologique de Kief. Jusqu'à ce moment il y a eu 70 personnes mordues traitées par des injections intraveineuses du virus fixe. Ces injections ont donné en somme des résultats encourageants. Je tiens à exprimer ma reconnaissance au professeur Wiso- kowicz pour les conseils qu’il m’a donnés et pour la part person- nelle qu’il a prise aux expériences de ce travail. LITTÉRATURE Hôcxes, Die Lyssa, monographie, 1890. Pasteur, Comptes rendus, 1882, t. XCV. Nouveaux faits pour servir à la connaissance de la rage. Gazrier, Comptes rendus 1881, t. XCIII. Les injections de virus rabique dans le torrent circulatoire. GaLTIER, Comptes rendus 1888, t. CVI. Nouvelles expériences sur l’inocu- lation antirabique en vue de préserver des animaux herbivores. Roux et Nocarp, Annales de l'Institut Pasteur, 1888, no 17. Expériences sur la vaccination des ruminants contre la rage, par injections intravei- neuses de virus rabique, Proropoporr, Les injections préventives antirabiques (en langue russe), 1888, Charkow, Pasreur, Annales de l'Institut Pasteur, 1887, n° 1. Mowcer, Revue vétérinaire, 1898, n0 5. KRAIOUSCHKINE, Archives des sciences biologiques St-Pétersburg, t. UE, Action du virus fixe en injections sous-cutanées. ACTION DE LA CHALEUR SÈCHE SUR LE DEURES ET LA TOXINE TÉTANIQUE Par MM. V. MORAX er À. MARIE (Travail du laboratoire de M. Roux.) On a depuis longtemps remarqué que la chaleur agit de la même façon sur les diastases et sur les toxines microbiennes en solution. On sait, par exemple, qu’une température de 58, maintenue pendant 2 heures, détruit presque complètement l’ac- tivité de la toxine diphtérique. De même, un chauffage à 80°, pendant 30 minutes, rend la toxine tétanique oies En ce qui concerne les enzymes, on a constaté que d’une manière générale elles perdent définitivement leur action diasta- sique à des températures variant entre 55 et 80°, suivant la réaction et la nafure, du milieu dans lequel elles sont contenues : ainsi l’amylase, qui à 65° éprouve en quelques minutes un affai- blissement sensible, est complètement détruite après une assez courte exposition à 75-760. Il en va tout autrement si, au lieu d'agir sur les diastases en solution, la chaleur exerce son action sur ces mêmes substances desséchées. M. Hufnert, le premier, a montré que de la trypsine pancréatique desséchée pouvait être chauffée à 100° sans pee aucune de ses propriétés ; M. Salkowski® a établi ensuite qu’une température comprise entre 160 et 170° est nécessaire pour les annihiler. Plus tard, la même observation fut faite pour d’autres dias- tases, telles que l’émulsine, la pepsine, la plasmase. Il nous à paru intéressant d'entreprendre des recherches analogues sur les toxines desséchées, afin de voir si ces subs- tances présenteraient la même résistance que les diastases aux températures élevées. Nous avons choisi la toxine tétanique qu’il est facile d’obte- nir à l’état sec et dont l’inoculation de doses infinitésimales suffit pour produire les réactions les plus nettes chez les petits animaux de laboratoire. En outre, nous pouvions comparer 1. Hurner, Jarbuch. für prakt. Chemie N.S. T. XVIII ct Pfugers Archiv. T. XL. 2. Sazxowsxr, Vérchow's Archiv. T. LXX et LXXI. ; CHALEUR SÈCHE ET TOXINE TÉTANIQUE. 419 l’action de la chaleur sur les spores tétaniques desséchées et sur ‘la toxine sèche. La toxine tétanique que nous avons employée a été préparée par précipitation au moyen du sulfate d’ammoniaque, de cultures en bouillon filtrées. Le précipité recueilli sur un filtre, desséché dans le vide et réduit en poudre est conservé dans un excicateur, Il va sans dire que la toxine obtenue de cette façon n’est rien moins qu'un produit pur, mais qu'il s’agit d’un mélange complexe dans la composition duquel entrent les albumoses du milieu de culture, une petite quantité de sels ', et des produits microbiens, parmi lesquels la toxine tétanique. La proportion d'eau qui persiste est excessivement faible, ainsi que le prouve l'expérience suivante : Un décigramme de toxine télanique est soumis pendant 10 minutes à 158°; une nouvelle pesée montre qu'il a perdu 0,0045, soit 4,5 0/0 de son poids primitif. Nous avons expérimenté avec plusieurs échantillons diffé- rents de toxine tétanique : on trouvera plus loin le résumé de nos expériences. Ces toxines ont été soumises à des tempéra- tures comprises entre 120 et 1590. Nous avons d’abord utilisé, pour ce chauffage, le four à air chaud, mais nous lui avons préféré, par la suite, le bain de paraffine. De petites tubes de verre contenant 0,1 décigramme de toxine sont plongés, ainsi qu'un thermomètre, dans un tube de verre renfermant de la paraffine et baignant lui-même dans une capsule de porcelaine remplie de cette substance. Un thermo- régulateur placé dans le bain extérieur maintient la température voulue pendant la durée du chauffage. Les nombreuses expériences que nous avons faites nous per- mettent de dire que la toxine tétanique, de même que les dias- tases, supporte à l’état sec des températures beaucoup plus élevées qu'à l’état liquide. Une toxine tétanique chauffée 15 minutes à 120° présente le même degré d'activité qu'avant le chauffage; la même dose minima peut tuer une souris, mais avec un retard de 3 jours. 1. Nous avons expérimenté aussi la toxine obtenue par dessiccation immédiate de cultures en bouillon filtrées:; la quantité de NaCl est telle que la poudre esl irès hygroscopique et que dans le chauffage on ne peut négliger l'effet de la pro- portion d’eau contenue dans une telle toxine. 420 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Un chauffage à 135° pendant 20 minutes ne paraît pas alté- rer la toxine d’une manière plus sensible que le chauffage à 120°. Exposée à des températures de 150, 152, 1454, la toxine tétanique conserve encore une activité relativement forte, à la condition que le chauffage n'excède pas 15 à 20 minutes de durée. Voici quelques exemples : la toxine chauffée 20 minutes à 150° a tué la souris en 4 jours avec deux fois la dose mortelle; par contre, 5 doses mortelles de tétanine chauffée à 154° pen- dant 3 minutes n'arrivent plus à tuer qu’en 9 jours une souris de poids moyen. Il faut dépasser la température de 150°, et monter jusqu'à 159 pour anéantir l’activité d’un échantillon de toxine. Et même à cette température de 159, les principes tétanigènes ne sont pas détruits en totalité, puisqu'une dose 100 fois mortelle d’une toxine portée pendant 20 minutes à 159° parvient encore à provoquer chez la souris un tétanos local. Tels sont les résultats obtenus lorsque la température n'agit pas sur la toxine au delà de 15 à 20 minutes, car la durée du chauffage, plus que l'élévation thermique, semble exercer une influence sur la toxine. La même température de 140°, presque indifférente quand elle n’agit pas au delà de 20 minutes, altère sensiblement la toxine, dès que le chauffage est prolongé pendant une heure. Il faut alors une dose 200 fois mortelle pour obtenir un tétanos local. Au bout de 3 heures, la même température a complète- ment détruit la toxine tétanique. La prolongation du chauffage paraît être moins défavorable aux propriétés des enzymes qu’à celles des toxines, puisque M. Salkowski a montré que de la pepsine convenablement desséchée peut être soumise pendant 3 ou # heures à 160° sans présenter aucune différence avec la pepsine non chauffée. Nous avons voulu rechercher quelles relations existent entre la température nécessaire pour la destruction de la toxine et celle qui supprime toute végétabilité des spores tétaniques; en d'autres termes, il était intéressant de voir s’il y a corrélation entre la destruction de la toxine par la chaleur et la désorgani- sation de la matière vivante. | Les spores tétaniques provenaient des mêmes cultures qui nous avaient fourni notre toxine. Ces cultures étant préparées CHALEUR SÈCHE ET TOXINE TÉTANIQUE. 421 à la faveur du Bacillus subtilis, suivant les indications de M. Debrand!;il en résultait que les spores tétaniquesse trouvaient mélangées à des spores de subtilis. Ces spores étaient placées dans de petits tubes et chauffées au bain de paraffine dans les mêmes conditions que la toxine. Pour éprouver leur vitalité, il était fait, chaque fois, des ino- culations au cobaye et des cultures en bouillon. M. Vaillard? a démontré que les spores tétaniques, débarrassées de leur toxine et inoculées à l’état de pureté, sont incapables de germer dans l'organisme animal, mais que l’addition d’acide lactique ou bien de certains microbes permet la végétabilité de ces spores. Dans nos expériences, nous avons toujours inoculé des cobayes avec et sans acide lactique. Voici les résultats que nous avons obtenus. Après un chauf- fage pendant 20 minutes à 152°, les spores de B. sublilis se sont développées au bout de 24 heures, alors que les spores tétaniques élaient détruites. Une température de 155°, pendant 20 minutes, ne tue pas les spores du subtilis, mais bien celles du tétanos. Il ressort de ces expériences que la chaleur sèche détruit plus rapidement la vitalité des spores tétaniques que l’activité de la toxine. Dans toutes nos expériences, nous voyons la toxine conserver une activité relative, après un chauffage à des tempé- ratures qui détruisent définitivement la végétabilité des spores tétaniques, puisqu'il suffit d’un chauffage à sec à 140° pendant 1 heure pour que leur inoculation soit non seulement inoffen- sive pour un animal aussi sensible que le cobaye, mais encore pour qu’elles ne puissent se développer en présence du B. subtilis, Il est intéressant de rapprocher de nos expériences les obser- vations faites par M. L. Camus sur la résistance des sérums dessé- chés aux températures élevées. D’après lui, le sérum anti- diphtérique et le sérum antivenimeux* supportent un chauffage de 15 minutes à 140° et de 30 minutes à 110° sans perdre leurs propriétés. 4. Desrans, Ces Annales 1900, n° 11. 2. Varzran», Ces Annales 1892, n° 6 3. Des expériences que nous n'avons pas poursuivies nous ont montré que le venin desséché (venins de cobra et de bothrops, de M. Calmette) conserve encore la moitié de son activité après un chauffage de 15 minutes à 152, et qu’une tem- pérature de 158° est nécessaire pour le rendre presque Does (Voir, plus loin, le résumé de ces recherches.) 422 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. RÉSUMÉ DES EXPÉRIENCES I. ACTION DE LA CHALEUR SUR LA TOXINE TÉTANIQUE TAMAITPENDANENAS MINUTES DOSE MINIMA MORTELLE — 0.002 Souris 0.002 Souris 0.0015 Souris 0.002 T. T. non chauffée. 9. 440% PENDANT 20 MINUTES DOSE MINIMA MORTELLE — 0.002 RD Souris 020022 PRE 3. 1500 PENDANT 20 MINUTES SOURIS DE S GRAMMES. DOSE MINIMA MORTELLE — 0.002 œ Ca = S 11 Souris 0.00%4.,,... GO — = = + Souris 0.02....... CHALEUR SÈCHE ET TOXINE TÉTANIQUE. 493 4. 150° PENDANT 20 MINUTES SOURIS DE 15 GRAMMES. DOSE MINIMA MORTELLE — 0.002 Souris 0.00% Souris 0.01 5. 452% PENDANT 20 MINUTES. — 156 PENDANT 1 MINUTE DOSE MINIMA MORTELLE — 0.000000 6. 454 PENDANT 3 MINUTES DOSE MINIMA MORTELLE — 0,002. Souris 0,004.. Souris 0.01... 7. 458° PENDANT 15 MINUTES DOSE MINIMA MORTELLE —= 0,001. Souris 0,002 Souris 0,004..... 424 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. 8. 158° PENDANT 10 MINUTES DOSE MINIMA MORTELLE — (0,001. 2 2e Souris 0,004 Souris 0,01 SOUTISAD/D220n Souris 0,001 100 doses mortelles Souris @.0001 ... Souris 0.004 100 doses mortelles Souris 0.0001... Souris 0.00001 .. 9. 4599 PENDANT 20 MINUTES DOSE MINIMA MORTELLE — 0.00001 40. 155° PENDANT 920 MINUTES DOSE MINIMA MORTELLE — 0.00001 11. 1470 PENDANT 3 HEURES DOSE MINIMA MORTELLE — (0.0000005 CHALEUR SÈCHE ET TOXINE TÉTANIQUE, 425 42. 1409 PENDANT 3 HEURES DOSE MINIMA MORTELLE — 0.000000 43. 14409 PENDANT 1 HEURE DOSE MINIMA MORTELLE — 0.0000005 Souris 0.000! Souris 0.001 IT. ACTION DE LA CHALEUR SUR LES SPORES DESSÉCHÉES DU B. SUBTILIS ET DU B. TÉTANIQUE 1. 1529 PENDANT 20 MINUTES B. Subtilis. — Développement. RULES MORE B. tétanique. — Pas de développement. Inoculation à 3 cob. Rien. 9. 1559 PENDANT 20 MINUTES Callines B. Subtilis. — Développement. D'at > Re AR B. tétanique. — Pas de développement. Inoculation à # cob. Rien. 3. 458° PENDANT 10 MINUTES CUIÉLEES ER SR NS Tarte B. Subtilis. — Développement. 4. 1589 PENDANT 15 MINUTES B. Subtilis.… EU ares SALE PRE B. tétanique . : Pas de développement. Inoculation à 3 cob. Rien. 5, 120° PENDANT 5 HEURES EULEUNE ST ANNE EME B. Subtilis TR Es Ë RAIDE CLS { 5. tétanique Inoculation à 2 cob., Rien. 6. 1470 PENDANT 3 HEURES {B- Subtilis. .7..,.1...,.. Rien { B. tétanique ..... Re ie + L Développement, GUtEUTES NC SEA er Inoculation à 2 cob. Rien. 28 426 , ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. 7. 440° PENDANT 3 HEURES pe (BP SUbRHE EMULE Re CULEUTES | MODE REP LB tétanique cou LAN | Rien. 8. 140° PENDANT 1 HEURE $ RES (8, Snbtihs;,0 DATE De Ciltures a Ant ts (LB tétantoue cer te L Rien III. ACTION DE LA CHALEUR SUR LE VENIN DESSÉCHÉ HEURE | ANtMAUX | pos | LIQUIDE MODE | DR | Ge |49 | 20 | 21! 29 | 23 | 24 inoculé. d'inoculat. | d’inoc. TOR Lapin 80.[1.570 0 ç. c. 2 venin Sous- 140,41 2h,15 non chauffé | cutanée. Lapin 31.[1.970 id. Veineuse. | !4n,40 | 19,09 0 c. c… 2 ve- | Lapin 43 1.300! nin chaufié| SOUS [111,46 | 52,30 dD90? Lapin 85.|1.850 id. Veineuse, | 142,45 | 121,35 DrCLNC A TV el AS < ] À « a h< 5 SOUS - d 1 Lapin 21.11.400| nin chauffé! tance. 1141,49| O O | + à 158, Lapin 24.114.750 id, Veineuse.|141,48| O G|[0!/0![0|0!|+ SUR UN NOUVEAU PROCÉDÉ DE CULTURE DU TÉTANOS (DEUXIÈME MÉMOIRE) Par Le D' L. DEBRAND ‘4 (Travail du laboratoire de M. Roux.) Dans une précédente publication‘, j’ai démontré qu'il y a identité entre la toxine produite par la culture anaérobie du bacille de Nicolaier et la toxine résultant de la culture, à lair libre, du même bacille associé au Bacillus subtihs. S1 les toxines sont identiques, ajoutais-je, le sérum fourni par les animaux immunisés avec l’une ou l’autre aura les mêmes propriétés, Le but de ce travail est de prouver qu’il en est ainsi. La culture mixte, on se lè rappelle, s'effectue par le simple mélange du bacille du tétanos et du B. subtilis dans un bouillon d'âge quelconque, contenu dans, un récipient bouché par un tampon d’ouate. Est-il indispensable, de prendre chaque fois pour semence un bacille tétanique provenant directement d’une culture anaérobie? S'il en était ainsi, le nouveau procédé n’au- rait guère d'avantage sur l’ancien, Il est facile de tourner cette difficulté. On fait une culture mixte de tétanos ordinaire et de B, subtilis. Le jour où elle a atteint son maximum de toxicité (6° jour) on la soumet à l’ébullition pendant 2 minutes, On tue ainsi les bacilles. On agite avec soin le récipient, afin de répartir les spores dans toute la masse liquide. On remplit alors un très grand nombre de pipettes qu’on ferme à la lampe. On peut ainsi faire une abondante provision de semences, que l’on tiendra en réserve à l'obscurité, à la température du laboratoire, voire même à la glacière. Vienne le moment de faire une culture mixte, on ouvre la pipette et l’on procède à l’ensemencement comme de coutume. On voit done qu'il suffit d'entretenir à l'abri de l'air le bacille tétanique qui doit servir à ensemencer les cultures. 1. Ces Annales, novembre 1900. 428 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Le grand ennemi de ces cultures mixtes, c’est l’air qui exerce une influence délétère sur les spores elles-mêmes, si celles-ci sont conservées en milieu liquide et à l’air. Aussi, si les semences n'étaient pas mises à l’abri de l’air, elles deviendraient bientôt inactives. Le B. subtilislui-même perd la propriété de faire pousser le tétanos au bout d’un certain temps, si on le laisse séjourner dans le bouillon des tubes aérobies où il a poussé, sans fermer le tube à la lampe : capuchonner est une précaution insuffisante. Pour conserver au B. subtilis toute son activité, il faut faire de temps en temps des passages sur gélose; il vaut même mieux le conserver sur gélose jusqu’au jour de l’ensemencement. Cette action nocive de l’air nous explique aussi pourquoi un Bacillus subtilis qui résistait à 1 h. 20 d’ébullition, au moment où il a té isolé, supporte à peine pendant une 1/2 heure la température de 100°, lorsqu'il a été immergé pendant longtemps dans le bouillon de culture, soumis à l’action de Flair am- biant. C'est avec la toxine ainsi préparée que j'ai fait les expé- riences dont il va être maintenant question. 1/200 de c. c. de cette toxine donnait un tétanos rapidement morte] aux cobayes, mais 1l va sans dire que cette dose ne représente pas la dose minima mortelle. Par mon procédé, j'obtiens une toxine aussi forte qu'avec le procédé classique. J’ai déjà indiqué, dans la pre- mière partie de ce travail, que j'avais doublé la toxicité de mon bacille par le procédé des sacs, mais en retirant le sac du péri- toine d’autant plus tôt que la toxicité s’exaltait davantage; j'ai obtenu un microbe produisant une toxine qui tue un cobaye de 400 grammes en 3 jours avec 1/1200 de c. c. et la souris en 9 jours avec 1/6000. On peut même obtenir davantage, mais cela n’a pas d'importance dans la question qui nous occupe. Dans tous les cas, quel que soit le bacille employé, la toxicité des cultures anaérobies ordinaires sera la même que celle des cultures en symbiose des bacilles subtilis et tétanique. C'est la toxine ainsi préparée qui m'a servi à immuniser les lapins. J'ai commencé par leur injecter un mélange de toxine et de liqueur de Gram, d’après le procédé de MM. Roux et Vail- lard. Le tableau ci-joint indique la marche de l’immunisation d’un lapin contre le tétanos. 1. Ces Annales, février 1893. Décembre 20. 24. 28. Janvier Ler, Janvier Février Février Avril Juin. Juillet Septembre — Octobre. BACILLE DU TÉTANOS. TOXINE j Toxine... Lie 87} Gram re Toxine .. Graim?x.: 2000 a Toxine .. 2050 — FE { Toxine. 0] Pacs CN 2080 Gram.... Tox. pure. gr.|Tox. pure. id. id. id. € . C. >. C Je 0: POINTS D'INOCULATION Peau du dos. Peau du dos. id. tid. id. Péritoine, id. id, .|[Peau et Veine. Veine marg. Périt.-Veine. Pcritoine. fid. id. id, id. Peau. Péritoine, id. dPérit, et Veine. id. 429 OBSERVATIONS ne Yeine margivale de l'oreille. Je prends 40 ©. e. de sang. Le 10 avril, l’a- nimal prend cette maladie du lapin, désignée sous le nom vulgaire de «maladie du nez ». Je lui fais des in- sufflations quoti- diennes de sulfo- bore et je désin- fecte avec une s0- lution de sublimé à1/1000 ses pattes antérieures. L’ani- malse rétablit peu à peuet,lorsqu’ila repris son embon- point, je recom- menceles inocula- tions de toxine. Novembre...,|..... SN as SPC PE A EN LEA LAPS ES EUR Je prends 40 e. c. de sang. Décembre 3. — 13. 3280 —|Tox. pure. 100 c. .|Périt. et Veine. Je prends 40 ec. e. de sang, 430 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Le procédé exposé dans ce tableau diffère peu, on le voit, de celui qu'a indiqué M. Vaillard. Il permet d'opérer plus len- tement, avantage appréciable lorsqu'on a affaire à des animaux malingres ou de petite taille. Grâce à cette gradation prudem- ment progressive des doses de toxine, aucun des 20 lapins que j'ai immunisés n’est mort du tétanos, une fois que la formule a été établie. Cette formule est la suivante : Partant de 2 grammes de toxine et de 1 gramme de liqueur de Gram, injecter sous la peau, tous les 4 jours, une dose double de la précédente, et cela 3 fois de suite: 4 jours plus tard, par- faire l’immunisation en inoculant à l'animal 10 grammes de toxine et 2 grammes de liqueur iodo-iodurée; 4 jours plus tard, donner 5 grammes de toxine pure. L’embonpoint de l’animal étant le critérium d’une immunisation bien supportée, on ne donne la toxine pure,que quand celui-ci a recouvré et même dépassé son poids primitif, Pendant 4 semaines on augmente la dose de 5 grammes chaque fois, et pendant #4 autres semaines de 10 grammes. Lorsque le lapin supporte 60 grammes de toxine, on peut lui donner celle-ci ad libitum. Quand on injecte plus de 20 c. ce. il faut faire plusieurs piqûres ou recourir à la voie veineuse ou intra-péritonéale. Cependant, on doit éviter d'introduire plus de 100 e. c. de toxine, en une seule fois, dans la cavité péritonéale. J'ai toujours fait usage d'une toxine ayant six jours d’étuve, c’est-à-dire provenant d’une culture où le bacille tétanique a poussé pendant 5 jours, les 24 premières heures étant néces- saires à la croissance du B. subtilis. Cette culture était filtrée sur la bougie Chamberland, sous faible pression; elle était passée sur un tamis avant d'être versée sur la bougie, pour retenir les débris du voiie de Bacillus subilis. Le sérum des animaux immunisés comme nous venons de le dire, avec une toxine préparée au moyen des cultures mixtes de bacille tétanique et de Bacillus subtilis, est-il aussi anti- toxique que celui obtenu avec la toxine des cultures tétaniques anaérobies? Les expériences suivantes répondent à la question; elles portent sur deux séries d’animaux : À. Animaux recevant le sérum avant la toxine; B. Animaux recevant la toxine avant le sérum. de | BACILLE DU TÉTANOS, 431 A. Le sérum est injecté avant la toxine. —1" série. — Cobayes de 400 à 500 grammes, reçoivent 1 c. c. de sérum sous la peau du flanc droit, 10, 20, 30, 40, 60 minutes et 4 h. 1/2 avant l'injection de 1/200 de c. c. de toxine dans la patte gauche. Le témoin (450 gr.) meurt en 48 heures. Tous les animaux traités prennent un tétanos local dont ils guérissent. 2° série. — Cobayes de 450 à 500 grammes, recevant sous la peau du flanc droit 3 c. c. de sérum, aux mêmes intervalles que ci-dessus, avant l’inoculation dans la patte gauche de 1/200 de c. c. de toxine. Le témoin (400 gr.) meurt en 42 heures. Les animaux ayant reçu la toxine moins d’une heure après le sérum, prennent un tétanos très léger, qui disparaît en 2 ou 3 Jours. 3° série. — Cobayes de 450 à 500 grammes inoculés aux mêmes intervalles que ci-dessus, avec cette différence qu’ils reçoivent le sérum dans le péritoine. Aucun animal ne prend le tétanos. Donc aucun animal ne prend le tétanos, s’il reçoit le sérum avant la toxine, y eut-il une heure et demie d'intervalle entre Les deux inoculations. Ces résultats sont donc en concordance par- faite avec ceux que donne le sérum actuellement en usage. B. Toxine avant sérum. — 1" série. — Cobayes de 350 à 450 grammes, recevant 1/200 de €. c. de toxine dans la patte gauche et 1 c. c. de sérum sous la peau du flanc droit un certain temps après : 25, 35, 40, 60 minutes, 1 h. Di 2 h. JL 3 heures, 6 heures, 12 et 14 heures. Le témoin (500 gr.) meurt en 48 heures. Tous les animaux prennent le tétanos (raideur de la patte,etc. ) mais seuls survivent ceux qui ont reçu le sérum moins de 1 h. 1/2 après la toxine. 2e série. — Cobayes de 400 à 500 grammes recevant 1/200 de c. c.dans la patte gauche, puis 3 ©. c. de sérum sous la peau du flanc droit, aux mêmes intervalles que ci-dessus. Le témoin (465 gr.) meurt en 52 heures. Tous les cobayes qui ont reçu le sérum moins de 2 h. 1/2 après la toxine sont préservés, les autres meurent avec des retards de 1 à 5 jours. 432 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. 3° série. — Cobayes de 350 à 450 grammes ayant reçu 1/200 de c. c. de 1oxine à la patte gauche et 3 c. c. de sérum dans le péritoine, aux mêmes intervalles que ci-dessus. Le témoin (450 grammes) meurt en 50 heures. Tous les cobayes qui ont reçu le sérum moins de 3 heures après la toxine survivent. Ceux qui ont reçu le sérum 6 et 12 heures après, résistent plusieurs jours; quelques-uns même ne meurent pas. Les effets du sérum sont donc très satisfaisants. Avec de fortes doses les résultats sont encore meilleurs. Ainsi, un cobaye de 450 grammes ayant reçu sous la peau 6 c. ce. de sérum 6 h. 1/2 après l'infection par 1/200 de c. c. de toxine a survécu. Il en a été de même pour un cobaye qui avait reçu la même dose dans le péritoine. Enfin un cobaye de 400 grammes ayant reçu dans la patte gauche 1/200 de c. c. de toxine, a reçu, dans le péritoine, 14 heures plus tard, 12 c. c. de sérum, alors qu'il présentait déjà une gêne très évidente de la patte. Le tétanos suit son cours, paralysie de la patte gauche, puis de la droite, du train antérieur, etc. Le huitième jour je lui fais une injection de 5 c. c.de sérum. Peu à peu les phénomènes tétaniques s’amendent et aujourd’hui (6 mois après) l’animal est tout à fait bien portant, Conclusion. — Les expériences précédentes permettent d'affirmer qu’avec la toxine obtenue par la culture à l'air libre du bacille de Nicolaier en symbiose avec le B. subiilis, on obtient un sérum tout aussi actif qu'avec la toxine obtenue par le procédé classique. Le nouveau procédé de culture peut donc être employé à la place de l’ancien pour la préparation du sérum anti-tétanique. RECHERCHES SUR LES MODES DUNLBATION DU CARBONE TERNAIRE PAR LES VÉGÉTAUX ET LES MICROBES Par P, MAZÉ TROISIÈME MÉMOIRE Après avoir examiné de quelle façon l’Eurotiopsis Gayoni em- prunte son carbone au sucre interverti et à l’alcool, il était tout indiqué de rechercher le mode d’assimilation de quelques autres aliments ternaires. M. Laborde a montré que ce champignon se développe très bien lorsqu'on lui offre, comme unique aliment carboné, l’un des corps suivants : amidon, dextrine, maltose, lactose, galac- tose, mannite, glycérine, acide lactique, acide succinique, etc... De tous ces composés, ce sont évidemment les trois derniers qui offrent le plus d'intérêt, car tous les autres passent par le stade alccol, bien qu'il soit quelquefois impossible de constater, au contact ou à l'abri de l'air, la formation intérimaire d'alcool. Il en est ainsi, par exemple, de la mannite, et cependant, si l’on s’en rapporte aux résultats fournis par M. Laborde, on voit que les cultures développées aux dépens de la mannite con- duisent aux mêmes chiffres que celles qui ont été alimentées avec du sucre interverti ou du dextrose, que l’on considère la vitesse du développement, le rendement, ou la valeur de la dépense d’entretien. Il faut en conclure que la mannite est uti- lisée de la même façon que le dextrose, avec cette différence que l'hydrogène d’une fonction alcoolique primaire ou secondaire doit être éliminé à l’état d’eau par fixation d’oxygène libre. Les résultats relatifs à la glycérine ou à l'acide lactique semblent attester la mise en œuvre d’un processus d’assimila- tion différent de celui qui préside à l’incorporation du carbone des sucres. La différence peut n'être qu’apparente; la glycérine, tout en 434 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. étant un homologue de la mannite, peut offrir une résistance plus grande à l’action de l’Eurotiopsis. De même, l'acide lactique, grâce à sa fonction acide, impose au champignon des conditions de milieu différentes de celles que lui crée le liquide Raulin ordinaire. Mais c’est à l'expérience à se prononcer sur ces questions, qui, en raison du rôle alimentaire de la glycérine et de la fré- quence de l’acide lactique dans les fermentations microbiennes, présentent un intérêt général. Je commencerai par l'étude de la glycérine, en suivant le plan que j’ai déjà adopté dans le 2° mé- moire. IT Avant d'exposer les résultats -des expériences, je dois faire quelques observations sur les caractères que présentent les cul- tures sur glycérine. La culture originelle dont je me suis servi ne se développait pas sur milieu Raulin dans lequel on remplacait le sucre par la glycérine. Pour obtenir des cultures à développement abondant et rapide, j ai accoutumé l’Eurotiopsis à cet aliment pendant un an, par des passages successifs effectués au moyen de spores prélevées sur des cultures jeunes. Mais la sporulation était tout à fait irrégulière au début de mes essais; la culture était très peu abondante, le mycélium émergeait seulement le long des parois des vases, le voile ne se formait pas vers le centre, si mince que fût la couche liquide; au bout de plusieurs mois seulement j'ai pu obtenir un voile complet, mais très pauvre en spores et en filaments aériens. Ce n’est que lorsque ceux-ci se montrent en abondance sur toute la surface du voile, dans les quatre pre- miers jours qui suivent l’ensemencement, qu’on peut obtenir un développement rapide avec un rendement élevé; on peut, dans ces conditions, compter sur des résultats comparables. Tous ceux que j'ai rapportés dans ce mémoire ont été fournis par des cultures abondamment pourvues de filaments aériens qui por- taient toujours de nombreuses conidies. La glycérine a été employée à la dose de 5 0/0 en poids; mais on sait combien il est difficile de doser convenablement la UTILISATION DU CARBONE TERNAIRE. 435 glycérine, c’est pour cela que je n’ai pas tablé sur le chiffre ini- tial pour évaluer la quantité de glycérine consommée par les cultures, Ce chiffre a été déterminé de la façon suivante : on pré- parait un certain nombre de récipients qui recevaient tous le même volume de milieu de culture, on les stérilisait et on en ensemençait la moitié, le reste était conservé. Quand on arré- tait une culture, on dosait la glycérine à la fois dans le liquide de la culture et dans un récipient réservé; la différence donnait la glycérine absorbée par le champignon. En soumettant ainsi les deux dosages simultanément au même traitement, on avait plus de chances d'obtenir des chiffres comparables ; la méthode que j'ai employée est celle de Pasteur; le liquide Raulin s’y prête assez en raison de sa faible teneur en extraits. Les expériences ont été faites dans les mêmes conditions et avec les mêmes appareils que celles que j’ai réalisées avec le sucre et l’alcool. Voici maintenant les résultats obtenus dans des expériences disposées de façon à évaluer la quantité d'acide carbonique pro- duit,. TABLEAU I Durée de Poids du Glycérine Rendement Nos l'expérience mycélium. consommée. rapporté à 100 CO? dégagé. d'ordre. jours. mer. mer, de glycérine. mgr. Al 8 413 1162,3 PERTE) 814,1 2 ô 369, 1185 30,6 900 Si l’on rapproche ces chiffres de ceux qui ont été fournis par les cultures sur milieu sucré (2° mémoire, tableau I), on voit qu'ils présentent respectivement entre eux les mêmes relations. Le rendement oscille au voisinage des mêmes valeurs, de même que la quantité d'acide carbonique dégagé rapportée au poids total de la culture; il n’y a que la durée de l'expérience qui diffère, et cela grâce à la période de début qui est toujours plus difficile qu'avec le sucre. D’après ces résultats, on peut prévoir déjà que l’assimilation de la glycérine s'effectue probablement de telle façon que le mycélium lui emprunte ses éléments dans le même rapport qu'au sucre, à savoir que la moitié de la molécule de glycérine est utilisée, pendant que l’autre est éliminée à l’état d'acide car- bonique et d’eau. Mais avant de se prononcer sur le mécanisme 436 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. de ce dédoublement, il est prudent de s’entourer de nombreux renseignements, car la glycérine est Re RDS de fournir les dérivés les plus variés. Il est cependant vraisemblable que la première modification qu’elle subit, doit consister dans l’élimination de deux atomes d'hydrogène par voie d’oxydation, pour aboutir à un groupement aldéhydique ou cétonique. C'est d’ailleurs, comme je l’ai déjà fait remarquer, ce qui se passe avec la mannile. L’oxygène emprunté à l’atmosphère eu vue de cette trans- formation sera donc en excès sur la quantité exigée pour l'incor- poration du carbone du sucre, lequel se dédouble sans oxyda- tion préalable, pourvu, toutefois, que la dislocation que subit le produit dérivé soit de même nature que celle qui aboutit à la formation de l'alcool et de l'acide carbonique aux dépens des hexoses. Si, par conséquent, on a constaté dans les éléments du tableau [ un parallélisme assez étroit avec les chiffres fournis par les cultures sur milieu sucré, cette concordance n’existera plus dès que l’on fera intervenir l'oxygène absorbé. Voici, en effet, les résultats fournis par les cultures sur milieu glycériné, en atmosphère confinée. Le tableau IT donne les chiffres définitifs de l'expérience; le tableau IIT renferme les éléments qui ont permis de les calculer. Les volumes de gaz sont ramenés à la pression de 760 et à la température de 0e. TABLEAU II Poids dt my e Elu CEE DELTA SRE AU 277 MSP 1265 Durée de AlÉSPEMEN CERN ER E NE TRERRnEe jours. Glycérine CconSOMMEE LENAR ERA ER LENS mor. 409,4 CO? dégagé ÉnsvOolunre EN EAN EN SSSR PR CCR492 1 — ETLDOLGS ARRET SCANS NE CN VU mor. 249,77 = par unité de poids et de temps D en eta lo ee etre 0,42 0consomméten Volume) MMA Eten c. ©. 158,4 — ENADOIS NAME PRE LEUR AR NEA RERO mgr. 226,54 — par unité de poids et de temps........... 0,36 102 Rapport y 1 à AU LI TERRE PAIE RES TA PR ET ET 0,53 TABLEAU III Volume:d'air initial RE RARE ENTRE RER C'ECMSS 90 — prel Se ere en AU RS DATE due — 807,4 Gommposiion: MPAZOI NL EPA NEA Te RER ENS 51,57 centesimale ide MOYENNE. ERARPAIMIEMPN SRE ENS 2,07 l'atmosphère. | CO2............ RE fe 2 IR CAN EETE 16,36 Composition ( DV EN RSR A 2 7 LIRE PRET Es A absolue. < CE D AR NO ES SEE ANR RE AIT à ELA UTILISATION DU CARBONE TERNAIRE. 437 La tableau III n’appelle aucune observation en dehors de celles que j’ai faites dans le 2 mémoire à propos du tableau correspondant, si ce n’est que l’etmosphère confinée ne renfer- mait pas d'hydrogène. Le tableau Il nous fournit le renseignement cherché; le quotient respiratoire est 0,83, 1l tient à peu près le milieu entre les chiffres 1,17 et 0,508 fournis respectivement par le sucre et l'alcool ; cela prouve qu'il y a un excédent d'oxygène absorbé à mettre à l'actif de la glycérine, si on met en parallèle les chiffres 0,83 et 1,17; l'excédent est en faveur de l'alcool si on compare les chiffres 0,85 et 0,508. Ce résultat est conforme au fait prévu, à savoir que la glycérine perd deux atomes d’hydro- gène pour donner de l’eau par fixation d'oxygène libre; comme on connaît le poids de glycérine consommée, on peut déterminer le volume d'oxygène qui a été absorbé par cette transformation. Le calcul donne 50 c. c./Ceci va nous permettre de calculer d'autre part le quotient respiratoire fictif qui correspondrait à une culture d'Eurotiopsis faite avec de l’aldéhyde glycérique, ou de la dioxyacétone. Le rapport qui correspond à ces deux composés, tous deux possibles, est : SEP NE 158,4-50 Ce chiffre est, comme on le voit, suffisamment voisin de 1,17 pour nous permettre, avec l’aide des renseignements fournis par le tableau [, de conclure que le mécanisme de l’assimilation de la glycérine comporte les stades suivants : 1) CH2OH — CHOH — CH2OH + 0 — CH2OH — CHOH — CHO ou CH20H — CO — CH20H + H0. (2) CH20H — CHOH — CHO = CH5 — CH20H + CO. Mais l'expérience ne permet pas d'opter entre les dérivés cétonique ou aldéhydique de la glycérine. Comme M. Laborde l’a montré, 1l est impossible de mettre en évidence les produits de dégradation de la glycérine par l’Eurotiopsis : soit en immer- geant le mycélium jeune tout en laissant libre accès à l'air dans les récipients de culture, soit en lui imposant des conditions d’anaérobiose complète, il n’y a jamais ni production de corps 438 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR réducteurs dérivés de la glycérine, ni fermentation avec mise en liberté d'hydrogène. Malgré cette absence de preuve expérimentale directe, on n’en est pas moins fondé à conclure, abstraction faite de la formation préalable d’une molécule d’eau par molécule de glycérine consommée, que lassimilation de cet aliment se fait suivant le même processus que celle du dextrose, ainsi qu'en témoignent tous les faits exposés jusqu'ici. On connaît, d’ailleurs, beaucoup de microbes qui permettent de suivre l’un ou l’autre des modes de dégradations (1) et (2). 11 n'y a donc là rien de neuf. Dans le tableau IT, j'ai fait figurer, comme pour le sucre et l'alcool, les chiffres relatifs au dégagement d’acide carbonique ou à l'absorption d'oxygène par unité de poids de mycélium dans l'unité de temps; mais ces chiffres se prêtent aux critiques formulées dans le 2° mémoire et pour les mêmes raisons. Pour traduire avec une précision suffisante la valeur des dépenses de construction et d'entretien, nous allons encore avoir recours à la formule de M. Duclaux. Mais auparavant, il faut déterminer par l'expérience le poids moyen des cultures. Le tableau IV renferme les chiffres fournis par une série d'expériences réalisées dans ce but, en prenant toutes les pré- cautions indiquées dans le 2° mémoire pour obtenir des cultures comparables. Chaque culture était faite avec 21 c. c. de glycé- rine à 5 0/0 placés dans des vases coniques de 250 €, c. TABLEAU [V Durée des Poids du ‘Glycérine Rendement Nos cultures. mycélium. consommée. p. 100 de glycérine. d'ordre. jours et heures. mgr. mer. consommée, il PA à LD 1e tn — — 2 3 — 11,4 — — 3 3 — 15 — 28,6 44,7 = 4 Lk — 30,9 — — 5 4 — 16 — 72,9 171,6 42,4 6 5 — 16 — 175,8 _ — 7 6 — 16 — 219,2 621,4 24.6 on) 7 — 16 — 266,2 852 31,2 9 8 — 16 — 288,9 979 29,5 Pour calculer le poids moyen de ces cultures, il suffit de construire la courbe du développement dans le temps; on obtient UTILISATION DU CARBONE TERNAIRE. 439 ainsi, en portant les temps sur la ligne des abscisses et les poids du mycélium en ordonnées, la courbe figure 1. Ni N Ÿ Ÿ RS à D S è Ÿ À Temps en jours Fig. 1 — Développement de l'Eurotiopsis sur milieu glycériné. En appliquant la méthode de Simpson au calcul des aires des différentes portions de courbe définies par les cultures du tableau IV, on obtient la hauteur des rectangles équivalents; cette hauteur représente le poids moyen des cultures: si on l’exprime en fonction de l’ordonnée maximum correspondante, on obtient les valeurs des coefficients.1/n de la formule (3): Ces valeurs sont les suivantes (tableau V); les numéros des cultures sont empruntés au tableau IV. TABLEAU V Nos des cultures, Valeurs de Z. 5 : 0,10 6 0.197 7 0,26 8 0,324 à 0,37 NS Ces chiffres montrent que la valeur du poids moyen est une quantité variable qui augmente rapidement avec le temps, pourvu, bien entendu, que les cultures soient arrêtées au moment où 1l y a encore des aliments non consommés. La loi du développement des cultures en présence de la glycérine n’est pas encore une fonction parabolique, On remarque, en outre, que ces chiffres varient entre les mêmes limites, à peu près, que les chiffres correspondants fournis par les cultures sur 440 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. milieu sucré. Il en est de même de ceux qui expriment le ren- dement (courbe fig. 2); cette courbe a été construiteen portant en abscisses les quantités de glycérine consommée, et en ordonnées les poids de mycélium correspondants. Le rende- ment est exprimé par le rapport d’une ordonnée à l’#bscisse correspondante. RE LEE Foids de ne lycer: consonurée ert decigr. [ss] Es Pdu racel. et decigr. Fig. 2, — Courbe du rendement (milieu glycériné). Pour calculer avec ces données la valeur de la dépense d'entretien suivant l’âge des cultures, il suffit de remplacer dans la formule connue (3) les valeurs de P fournies par l'expé- rience, et celles de 1/n consignées au tableau V. 1 (3) S—aP+-Pbt. Je rappelle pour mémoire que S représente le poids d'ali- ment ternaire consommé; «un coefficient auquel les expériences rapportées dans le cours de ce mémoire assignent la valeur 2; b la dépense d’entretien moyenne par unité de poids de mycé- lium et par unité de temps; { la durée de la culture. Cette formule peut être appliquée de deux façons différentes, suivant que l’on rapporte les constantes & et b à la molécule entière de glycérine, ou que l’on ne considère que la portion de molécule réellement utilisée, laquelle n’est autre que l’aldéhyde éthylique. On à donc le choix entre les deux formules suivantes : 1 (4) S=2P +=PÜr, S il (5) 2=P+-Pbt. À n A J'emploierai la formule (5) qui fournit des valeurs de b deux UTILISATION DU CARBONE TERNAIRE, AA fois plus faibles que la formule (4); mais elle a l'avantage de ne tenir compte que de la fraction de molécule de glycérine incor- porée ; c’est d’ailleurs celle que j'ai déjà utilisée dans le cas du sucre. En effectuant les calculs, on obtient pour b les valeurs sui- vantes, relatives aux cultures désignés, dans le tableau V. TABLEAU VI Nos des cultures Valeurs de à 5 0,38 7 0,256 8 0,241 9 0,22 . Ces valeurs sont décroissantes, comme celles qui ont été fournies par les cultures sur milieu sucré. Elles expriment la dépense moyenne d'entretien pour les différentes cultures, ou pour une même culture à différents stades de son développe- ment; or, une culture se compose de cellules jeunes et de cellules vieilles ; comme la dépense d’entretien diminue à mesure qu’augmente la proportion de ces dernières, il faut en conclure que le mycélium d’'Eurotiopsis perd rapidement la faculté de se nourrir de glycérine même en présence d’un grand excès d’ali- ment. L'étude de l’alimentation sucrée nous a conduit à la même conclusion : jai attribué le fait à la destruction de la zymase par voix d’oxydation. Le phénomène est plus complexe lorsqu'il s’agit de la glycérine, car l'action dédoublante est précédée d’une action oxydante ; si cette dernière exige des conditions qui gênent la première, on comprend que le vieillissement des cellules nour- ries avec de la glycérine soit encore plus rapide que dans le cas où on leur offre du sucre interverti. De 1à la diminution de la vitesse d’accroissement du poids des cultures et la faible éléva- tion dela dépense d’entretien, car on ne saurait interpréter d’une autre manière les différences que présentent les cultures sur milieu glycériné avec celles qui se développent sur milieu sucré, puisque l'expérience prouve que les transformations ultérieures que subissent les deux aliments se confondent. J'aurais pu montrer que le vieillissement des cellules se traduit dans le cas de l’alimentation glycérinée par une augmen- tation des matières cellulosiques et des produits saccharifiables ; je me suis borné à établir qu'il n’y a pas de production de 29 442 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. glycogène, ou, d'une manière plus générale, A de | la glycérine en hexoses, avant son assimilation. | Pour le démontrer, j'ai placé une culture bien développée, | pesant environ 2 gr. 5 à l’état sec, dans des conditions d’anaé- robiose complète : on n’observe aucun dégagement gazeux. La | preésion à l’intérieur des ballons ne varie pas si longtemps | qu'on laisse les choses en l’état; cela prouve que le mycélium ne renferme aucune substance capable de se dédoubler en alcool et acide carbonique, et que, par conséquent, la glycérine n’est pas non plus mise eu réserve à l’état de glycogène. Il faut en conclure que le processus d’assimilation de la glycérine est bien celui que j'ai indiqué, bien qu’il soit impos- | sible de provoquer l'accumulation des substances intérimaires dans les liquides de culture. L'étude du rendement, celle des échanges gazeux, l’évalua- lon de la dépense moyenne d'entretien, constituent un ensemble d'arguments suffisants pour appuyer cette conclusion qui peut | seule s’accorder avec les faits expérimentaux. III : dt DD pet cote à L’acide lactique est un aliment pour l’Eurotiopsis; l’accou- tumance à l’acide lactique du mycélium cultivé sur milieu Raulin ordinaire se fait très facilement; deux ou trois passages suf- fisent pour obtenir des cultures abondantes ; mais il faut, comme toujours, prendre la précaution de n'employer qu’une très faible épaisseur de liquide. L’'Eurotiopsis peut se développer très bien en présence de 5 0/0 d'acide lactique inactif en volume. Les filaments aériens restent courts; mais l'aptitude à la production des conidies devient très grande; le mycélium se couvre d’une couche abondante de spores qui donnent au voile un aspect farineux, : Pour étudier l'assimilation de l’acide lactique, j'ai raie les expériences que j ‘ai déjà décrites assez souvent pour qu'il soit inutile d’y revenir. Je me contenterai done d'exposer les résul tats qu 7 ont fournis. i | | LE UTILISATION DU CARBONE TERNAIRE. TABLEAU VII Durée de Poids du Acide lactique Rendement Nos l'expérience, mycélium. consommé. rapporté à 100 d'ordre. jours. mer, mer. d'acide lactique. 4 8 192,2 871,4 22 2 8 201 832,7 24,1 TABLEAU VII ; CULTURE EN ATMOSPHÈRE CONFINÉE ROLE TN COURS Eu nu à do pat rn no eo mer. Durééde l'expérience. eue jours. Acide lactique consommé... ... esse mer. COS déPARC pe San rue ve do de ce des + — — CR OMR TE LAS MO en RAS De era EE TD POET GO NDO LES PA DES nee Mers ui gr, — CR FORTE re En MS ae das CAC 2e + 0 to,p eo er os € on ve 0 are © 0, dore es +0 TABLEAU IX ÉLÉMENTS UTILISÉS DANS LE CALCUL DU TABLEAU Mol ETAT MUR TE RE NRA Er PE Ve C: cc. Voie d'Air HN 18 RE A Tee Re DCS HODUSON TAROT, AS LR eee ere ee CODLCSIMAIENTE ADRESSES EE AE ER RER A en re Te Fatéosphenes 2 GORE PRE Su RG NL Dore se SR PVR RS EN SEE | RE LE SSRCE CAC: Composition ; 0 nu absolue END LÉS pe EE CR EEE _ À TABLEAU X = CO? dégagé. mer. 848 822 85.8 4,29 309,8 320,76 463.12 229,42 151,7 1,07 NII c ©2 LO 1 S 1 a] 1 our Y © C3 ES QI hY Co © NF AS ns —— 3: 19 Qz = OUR 19 L9 443 DÉVELOPPEMENT DE L'EUROTIOPSIS SUR MILIEU LACTIQUE A 6 0/0 .EN Pons Nos d'ordre Durée des Poids du Acide lactique Rendement p. 100 des cultures. mycélium, consommé, d'acide lactique cultures, jours etheures. mer. ° mer. consommé. 1 2 j.43h. 16.8 - 56 22,3 9 + 3— 22,2 100.8 21,9 3 3 — 15 — 84,6 385,6 21, 4 4 — 16 — 464,7 768,4 DAT 5 5 — 16 — 249;4 1007 24,6 6 616 . 257,6 1187,8 21 444 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. & & à Ÿ È S Ÿ Ÿ © NS à Ÿ È Ÿ Acide lactique ‘consomme en décigramines Fig 4, — Courbe du rendement (milieu lactique). (La longueur des ordonnées a été multipliée par 2 pour raison de symétrie.) TABLEAU XI VALEURS DU RAPPORT 2 DU POIDS MOYEN AU POIDS FINAL DES CULTURES, TIRÉES DE LA COURBE FlGe 9 Nos des cultures Valeurs de ns mêmes ue) de tableau IX, n 3 0,185 4 0,226 5 0,300 6 0,356 TABLEAU XII VALEURS DE Ü (DÉPENSE MOYENNE D'ENTRETIEN) TIRÉES DE LA FORMULE (3) Nos des culturese Valeurs de b, 3 4,91 4 1,26 5 0,76 (1 0,55 ét luttes PR. DOI NT, NP SPL 20 VU A PR RE D ue de OT OO ET ON A 0 PU ORPI UE ERP OT UTILISATION DU CARBONE TERNAIRE. 115 Le tableau VII met deux faits en évidence : la faiblesse du rendement, et la proportion élevée d’acide carbonique dégagé; ces résultats s’écartent nettement de ceux qu’on a obtenus avec les autres substances alimentaires étudiées ; l'impression qui s'en dégage est que le mode d'utilisation de l’acide lactique diffère de celui qu’on a observé avec le sucre, l’alcool et la glycérine. Mais le tableau VIILI nous ramène à d’autres idées ; si le dégagement d'acide carbonique est abondant, l'absorption d'oxygène est aussi très active; la valeur du quotient respira- toire est 1,07, chiffre suffisamment rapproché de 1,17 pour nous permettre de conclure que le mécanisme de l'assimilation de Vacide lactique doit être rapproché de celui des sucres. Ce corps a d’ailleurs la même composition centésimale que les hexoses, et il présente avec eux un rapport physiologique étroit, puisqu'il peut en dériver, sans perte de matière, par voie de dédoublement diastasique très probablement, bien que le fait n’ait pas encore été démontré expérimentalement. Ses fonctions chimiques imposent cependant aux microbes qui s’en nourrissent des conditions de vie tellement différentes de celles que leur constituent les substances neutres, commeles sucres et les alcools, qu’on n’a pas le droit de s’étonner de voir s’exalter ou s’atténuer en sa présence certaines fonctions phy- siologiques; c’est à cette cause qu’il faut rapporter l’activité si grande des échanges gazeux, entre le mycélium et lair, lorsqu'on cultive l’Eurotiopsis sur un milieu renfermant 6 0/0 d’acide lactique. L'exaltation des phénomènes de combustion en présence d'acide lactique entraine un certain nombre de conséquences dont les tableaux X et XII traduisent le sens et la valeur. C’est ainsi que le rendement, comme je l’ai déjà fait remar- quer, est extrêmement faible, eu égard aux chiffres que le sucre interverti, l'alcool et la glycérine nous ont fournis; ce qui est remarquable aussi, c’est sa constance, mais cette particularité est due à lintervention d'une autre cause : le vieillissement rapide des cultures. Tout se passe comme sile mycélium perdait en très peu de temps, peut-être en quelques heures, le pouvoir de se nourrir d’acide lactique; ce résultat est inscrit sous une forme un peu plus parlante dans les chiffres du tableau XII, qui 416 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR donne les valeurs de b, c’est-à-dire la dépense moyenne d’en- iretien suivant l’âge des cultures, calculée en considérant l'alcool comme la fraction utilisable de l’acide lactique. Ainsi, pendant que le poids de la culture varie du simple au triple, la dépense moyenne d'entretien suit une progression inverse. Pour qu’il en soit ainsi, il faut admettre que la formation d’une nouvelle cellule est accompagnée de la mort d’une autre, la mort étant définie, dans ce cas particulier, par la perte de la faculté de se servir de l'acide lactique comme aliment. On s'explique de cette façon que le rendement demeure à peu près constant, et que la courbe figure # soit représentée par une droite, à très peu de chose près, jusqu’à la enr com- plète de l'acide lactique. Tous ces faits concordent done à montrer que l’utilisation de l’acide lactique se fait suivant l’un des processus suivants : ta CSH6OŸ — CH — CH2OH + CO? à CH5 — CH20H + O — CH3 — CHO + H20. (5) CH608 -L O — CH? — CHO + H20. Les deux conduisent au même résultat, et sont compatibles. avec les données précédentes fournies par l’expérience; mais au point de vue physiologique, il y a entre eux une différencecon- sidérable. La premièretransformation n’aurait pas encore été observée, du moins à ma connaissance. La seconde est connue depuis longtemps des chimistes et s'obtient par l’électrolyse de l’acide lactique, ou par l’action à chaud du bioxyde de plomb ou du. permanganate de potassium en présence d'acide sulfurique. On se trouve ainsi conduit à établir expérimentalement le dédoublement de l’acide lactique en alcool et acide carbonique, ou à obtenir sa transformation en aldéhyde par voie d’oxydation par l'intermédiaire du mycéhun. Il y a beaucoup d'observations en microbiologie qui tendent à donner à la première transformation une certaine vraisem- blance, sinon un peu de probabilité. Un grand nombre de fer- ments lactiques proprement dits produisent, à côté de l'acide lactique, une quantité plus ou moins grande d’alcool. D’autres microbes, qui dans certaines conditions produisent des quan- tités assez élevées d’acide lactique, donnent naissance à de UTILISATION DU CARBONE TERNAIRE. 447 l'alcool éthylique ; ce sont, parmi Les plus connus: les pneumo- coques de Friedlander et le ferment mannitique de Gayon. Ces deux composés peuvent provenir du sucre indépendamment l’un de l’autre, mais il n’est pas invraisemblable que le second dérive du premier. L'expérience montre que le mycélium jeune d’Euwrotiopsis Gayoni développé sur milieu minéral additionné de 6 0/0 d'acide lactique produit de petites quantités d'alcool lorsqu'on le sub- merge dans des solutions d’acide lactique dont la concentration varie de 1 à 5 0/0. Les résultats relatifs à cette question seront exposés dans un autre mémoire; je me contenterai d'ajouter ici , que l’on ne peut pas rapporter cet alcool à des matières hydro- carbonées qui subiraient une simplification lente dans les con- ditions de l’expérience, pour aboutir en dernier lieu à la produc- tion d'alcool sous l'influence de la zymase. On constate également la présence de quantités sensibles d’aldéhyde éthylique; mais on ne peut pas admettre que ce com- posé résulte directement du dédoublement de l’acide lactique par un mécanisme d’oxydation suivant la transformation (5). La présence d'alcool libre rattache le mécanisme d’assimilation. de cet aliment aux transformations (4). Les renseignements consignés par le tableau XIT sont d’ail- leurs conformes à ces résultats: on a vu en effet dans le 2° mé- moire que la valeur de la dépense d'entretien chez le myeélium développé sur milieu alcoolisé va en croissant jusqu’à l’épuise- ment complet de l’aliment ternaire, dans les conditions où je me suis placé. Ce fait caractérise un processus d’assimilation qui ne fait intervenir qu'une diastase oxydante ; il se distingue en effet complètement de celui qui préside à l’incorporation du carbone du sucre interverti ou de la glycérine, lequel exige, comme nous l'avons vu, l'intervention de diastases dédou- blantes à côté de celle qui doit fixer l'oxygène atmosphérique sur l'alcool; avec la glycérine et le sucre, la dépense moyenne d'entretien diminue régulièrement du commencement à la fin de la culture ; ce caractère est encore plus accentué avec l'acide lactique, ce qui montre bien que son dédoublement n’est pas dû uniquement à un phénomène d'oxydation. Dans le 2° mémoire, j'ai utilisé dans mes démonstrations un , autre ordre de faits qui se présentent plutôt comme la con- 448 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. clusion des résultats enregistrés dans les expériences antérieures : ce sont ceux qui ont trait à la composition élémentaire du mycé- lium. Ils peuvent jouer ici le même rôle, et on peut même ajou- ter que le champignon développé sur milieu glycériné ou lac- tique doit présenter la même composition centésimale que celui qui a poussé sur milieu sucré ou alcoolisé, à condition de le prendre à des états aussi comparables que possible. C'est ce que montrent les chiffres du tableau suivant : TABLEAU XIII Glycérine Acide lactique Culture n° 1. Tableau I. Culture n° 2. Tableau VII. CHAT AEeE 48,89 51,51 L° PP RE ED 7.1 7,24 ATEN RER MORE 4,67 4,13 ORAN 39,34 36,52 Ces chiffres doivent être rapprochés de ceux des colonnes 2 et 3, tableau XIV, 2° mémoire; on voit qu'ils présentent avec ces derniers des rapports assez étroits. Je n’ai pas cherché à établir, par l’analyse, les variations qui se produisent dans la composition élémentaire, suivant l’âge des cultures, du mycélium développé aux dépens de la glycérine ou de l'acide lactique. Il est à peu près évident qu’elles sont de même nature que celles qui ont été exposées dans le 2° mémoire, c’est-à-dire que le vieillissement des cultures a pour conséquence un enrichissement du mycélium en oxygène et un appauvrisse- ment en carbone, hydrogène et azote. IV CONCLUSIONS Deux conclusions se dégagent des recherches que j'ai expo- sées dans le cours du 2° et du 3° mémoire. 1° Les phénomènes de digestion qui préparent l’incorpora- tion du carbone ternaire à la substance vivante varient suivant la nature de l’aliment offert aux champignons ; 2° La composition élémentaire du mycélium est constante pour les quatre aliments étudiés, si on le prend à un état de développement à peu près comparable dans tous les cas. Les sucres, l’alcool, la glycérine, l’acide lactique se rédui- UTILISATION DU CARBONE TERNAIRE. 449 sent avec plus ou moins de déchets à l’aldéhyde qui constitue la portion utilisée de chacun de ces aliments, d’où la variation dans le processus de digestion. Le mycélium nourri avec des compo- sés tout à fait différents n'utilise donc en définitive qu'une même substance, d’où la constance dans la composition centésimale. L'Eurotiopsis peut se développer aux dépens d’autres matières ternaires, telles que l’acide succinique, l’acide acétique, qui ne semblent pas se prêter aussi facilement à la production d’al- déhyde éthylique; il serait intéressant de voir jusqu’à quel point le travail de la digestion se rapproche de ce but, et par consé- quent de se rendre compte du degré de généralité des conclu- sions précédentes appliquées seulement aux aliments ternaires. M. Laborde a montré que l’Eurotiopsis peut emprunter son azote aux composés les plus variés; les résultats qu’il a obtenus avec les matières albuminoïdes prouvent qu’une fraction impor- tante de leur carbone contribue, à côté de leur azote, à l’édi- fication des substances vivantes; c’est dire qu’une même cellule peut emprunter ses éléments constituants à diverses sources alimentaires et, sans doute, suivant des mécanismes très variés. Le déchet éliminé par l'Eurotiopsis pendant le travail de la digestion, se traduit pour les sucres, l'alcool, la glycérine et l'acide lactique par une production d’acide carbonique et d’eau; le quotient respiratoire est donc une fonction de ce déchet et les variations de celui-là peuvent être prévues dans une certaine mesure par la nature de celui-ci; on a vu jusqu’à quel point ce fait s’est vérifié dans le cours de ce travail. Mais je dois faire remarquer que la valeur du quotient res- piratoire n’est pas une quantité constante; elle varie pour un même aliment suivant l’âge des cultures. Ce fait, que je n'ai pas vérifié directement, découle de la composition élémentaire du mycélium à diverses époques de son développement; on a vu en effet qu’il s'enrichit en oxygène; le quotient respiratoire qui est 1,2 à peu près, tout à fait au début de la culture, dans le cas de l'alimentation hydrocarbonée, doit décroître peu à peu et tendre vers l’unité. Les résultats inscrits au tableau V, 2° mémoire, permettent de dissocier les deux sources de production d’acide carbonique ou d'absorption d’oxygène dont la résultante s’exprime par le quotient respiratoire. 450 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. La plus importante, du moins dans le cas de alimentation hydrocarbonée, est celle qui représente Les résidus du travail de digestion; l'équation suivante permet de les calculer : C6H1206 + 20 = 2 C2H'0 + 2C0? + 2H20. Il y a deux molécules de CO* dégagé pour une d’0 absorbé, le rapport %° fourni par cette double transformation est donc égal à 2. L'autre source de C0° a son origine dans les combustions qui se produisent au sein des substances vivantes. Le tableau V nous fournit tous les éléments nécessaires à l'évaluation des deux termes du rapport résultant de ces combustions. Il y a eu, en effet, dans l’expérience visée, 630 milligrammes desucre consommé, lesquels ontabsorbé112 milligrammes d’oxy- gène et dégagé 308 milligrammes d'acide carbonique pour se transformer en aldéhydé. Les différences entre ces chiffres et Les quantités totales de CO? éliminé et d’O consommé expriment la part qui revient aux combustions des substances vivantes. En faisant le rapport de leur volume, on trouve comme quotient 0,70; c’est la valeur qu’on aurait obtenue si on avait pu faire absorber l’aldéhyde au champignon, comme unique aliment carboné; mais l’Eurotiopsis ne se développe pas en présence de l’aldéhyde même à dose très faible. IL est évident que si l’on effectue le même calcul sur les chiffres fournis par les expériences analogues réalisées avec la glycérine et l'acide lactique, on doit retrouver un chifire relati- vement voisin de 0,70. La vérilication fournit le chiffre 0,55 pour la glycérine, et 0,70 pour l'acide lactique. Mais à côté de ces faits concordants, il ne faut pas oublier les différences qu'on a relevées, et qui ne manquent pas d’inté- rêt, je veux parler de l'intensité relative des échanges gazeux suivant la nature des aliments ou l’âge des cultures ; mais ces faits semblent relever dans une certaine mesure de la destruction de la zymase ou des autres diastases que le mycélium met en œuvre dans la dislocation préalable des aliments qu’il incorpore à sa substance ; leur interprétation se trouvera done mieux à sa place à la suite de l'étude des conditions de la formation et de l CT me die nec strate di Lara itita titan he gén Sands indé de il a nonbt dé did s d'A Se US É ES SSert S nn ES GE UTILISATION DU CARBONE TERNAIRE. 451 la destruction de la zymasé, que j’aborderai dans le mémoire suivant. Il me reste encore à rappeler la conclusion la plus naturelle du 2e et du 3° mémoire, celle qui y a été particulièrement visée : c’est que l’Eurotiopsis, qui fait fermenter le sucre avec une éner- gie comparable à celle de la levure, est en même temps capable d'assimiler tous les produits de la fermentation alcoolique : alcool, glycérine, acide succinique. M. Laborde l'avait déjà éta- bli ; mon but consistait surtout à montrer que là où on constate seulement la disparition du sucre et la production corrélative de substance vivante, il y a malgré tout production d’alcool, d'aldéhyde et peut-être d'acide lactique; en d’autres termes, si les produits des fermentations s'accumulent dans les tissus d’un végétal, ou dans le milieu ambiant, ce n’est pas parce qu'ils for- ment des résidus inutilisables, mais bien parce que l’être vivant est placé dans des conditions qui empêchent de tirer parti du travail qu’il accomplit. LES VACCINATIONS ANTIRABIQUES A L'INSTITUT PASTEUR EN 1901 Par M. EUGÈNE VIALA Préparateur au service antirabique. I Pendant l’année 1901, 1,321 personnes ont subile traitement antirabique à l’Institut Pasteur : 8 sont mortes de la rage; chez 3 d’entre elles, la rage s’est déclarée avant la fin du traitement; ces 3 personnes ne seront pas comptées parmi les traitées. La statistique s'établit donc ainsi : Personnes traitées..... PAS RÉMET PAR MOSS 1.318 MOTS METRE Re PE le RSI HALE RES 5 MORTE TÉ 0/0 RENE PARA ESS Te 0,38 Dans le tableau suivant, ces chiffres sont rapprochés de ceux fournis par les statistiques des années précédentes. Années. Personnes traitées. Morts. Mortalité 0/0. 1886 2.671 25 0,94 1887 4.770 14 0,79 1888 1.622 9 0,55 1889 1.830 7 0,38 1890 1.540 B) 0,32 1891 1.559 % 0,25 1892 1.790 4 0,22 1893 1.648 6 0,36 1894 1.387 7 0,50 1895 1,520 ) 0,33 1896 1.308 % L 0,30 1897 4.521 6 0,39 1898 4.465 3 0,20 1899 1.614 4 0,25 1900 1.420 4 0,28 1901 1.321 D 0,58 Il Les personnes traitées à l’Institut Pasteur sont divisées en trois catégories correspondant aux tableaux suivants : VACCINATIONS ANTIRABIQUES A L'INSTITUT PASTEUR. 453. TagLeau À. — La rage de l’animal mordeur a été expérimen- talement constatée par le développement de la maladie chez des animaux mordus par lui ou inoculés avec son bulbe. Tagceau B. — La rage de l’animal mordeur a été constatée par examen vétérinaire. Tasceau C. — L'animal mordeur est suspect de rage. Nous donnons ci-après la répartition, entre ces catégories, des personnes traitées en 1904. MORSURES MORSURES MORSURES à la tête. aux mains. aux membres TOTAUX . EE = D. 2 ee Ë à & m à = à s 2 (=. . F =: » = £ 2 5 2 Œ 2 2 2 2 2 = Fa = = Eu = = 4 = P=. Ex — EAN NS RE ASE AE Mo À HO Ce Er À AA CRE Ne FES IR MENT DER CE de Mo EM MAR ne EE | = = À = Tableau A..... 20 0 O1 93| 0 0 | 58 0 01171, 010 Tableau B..... | 80 | 0 | 0] 521! 4 |0,77/184 | 0 | 0 | 785] 4 | 0,51 | Tableau C....…. 23 | 0 14,341 486] 0 lo 153 | 0 | 0 | 362| 4 | 0,27 | 123 4 10,791 800! 4 |0,301395 0 0 11318| 5 | 0,38 III Au point de vue de leur nationalité, les 1,318 personnes trai- tées se répartissent de la façon suivante : AMÉTIQUE eee den er ten r ei nue 1 HOME Me To bac hp don no bon 1 IGNTE Sonde oder pb Don 2 CRÉCOR RER PR RE EN ENT CET Met est 4 TE Se Ro te ADS UD ODPAOC 1 CAN E RRS EAESIE LR AS EUR FE) Soit 9 étrangers et 1,309 Français, Voici la répartition par départements des 1,309 Français. Il ne fautpas oublier, dans la comparaison avec les tableaux antérieurs, que cinq Instituts antirabiques fonctionnent aujour- d'hui qui n’existaient pas autrefois : Lille, Marseille, Montpel- lier, Lyon et Bordeaux drainent les mordus dans la région envi- ronnante. 454 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. ABS ST ins et te ao 4 ""Finistèrerieemee re 12-00 S Seite 15 MAISne 2e. LR OL ANGEL EEE ER Er Ja On EEE #40 NIQUE DRM EE à SénGarontre (Hautes) 20 eLOrn es Me rEReerE 7 Alpes (Basses-)...... Mr 1Gers AE FAT MEE 13 Pas-de-Calais.,...., 3 Alpes (Hautes-)..... 0 Gironde........ 0 M PUY-de-Domet er 19 Alpes (Marilimes-).. © Hérault. .... 'ÉRRE 0 Pyrénées (Basses-).. 10 Alger RE AMERREES. 0 Jlle-et-Vilaine....... 16 Pyrénées (Hautes-). 2 ATTÉCDER A EEE SE D'AMNANE RER EES LRES 27 Pyrénées-Orientales. 0 ArdenDes ENT 0 Indre-et-Loire ...... 3 Rhin (Haut-)....... (] Ariège.fistiAirs 0p ASÉREES TEE LORS CT MEDION MORT 0 AND ETS ET re ED Ur REA Et 0 2 Saôné (Haute-)..... 2 AIO TRE LR RCE OPLANTES SERRE ENT 12 Saône-et-Loire ..... 6 AVE VDO PEER CAT DID eCRERREEARRE Ds Sarthe ee me raie Bouches-du-Rhône. 0 Loire.............. D SAVOIR RE ES Me () Calvados ete 9 Loire {Haute-)...... 9 Savoie (Haute=) .... 2 Cantal. "* Rte & © Loïre-Inférieure.;..., #4, Seine. 2... 623 CRATÉRICRU EURE LS, CAT DORE: ES RER 0 Seine-et-Marne... ze Charente-Inférieure. 20 Lot ..... RE INT 28 Seine-et-Oise,...... 49 CET: RAT EE 1% Lot-et-Garonne ..... 8 Seine-Inférieure.... 5 Constantine ......., D AILOZÈTE TESTER MR 7_ Sèvres (Deux)...... 8 Corrére Mrs tee 10 Maine-et-Loire ..... 1Q SES DAME: METRE 41 COTSe RMS TOUTE 0 Manche ...... et il oi NL APR RE M EN 2 Cote-d'Or LEE DE MMarne RÉ 0 Tarn-et-Garonnt 6 Côtes-du-Nord..….... 30 Marne (Haute-)..... DNA ESS er 0 Creuse re TUE 225 Mayenne. s:#3100 re Naucluse ne (D Dordogne.…........ 230? = Meurthe-et-Moselle # - 3, "Vendée. 1 138 Doubs rer D 2 MOUSO RS Rte URCNTENNE RE ee 9 Dre: een 0 Morbihan....... …. 4 Vienne (Haute-)... .. 12 DUPONT ee ee 2 ANIOUTEsR TE coiecue DENIS DOS. rue Fe Eure-et-Loir......., OMNOREPREETREe Fetes by MONNOME De NET T () PERSONNES PRISES DE RAGE EN COURS DE TRAITEMENT Mr HARDIVILLER Berthilde, 47 ans, demeurant rue des Carrières à Suresnes. : Mordue le 12 février à lalèvre supérieure, côté droit; mor- sure pénétrante et déchirure nécessitant un point de suture; non cautérisée. La tête du chien a été remise à l'Institut Pasteur et le bulbe, inoculé le 16 février à un lapin, à donné la rage le 15 mars. Me Hardiviller a été traitée à l’Institut Pasteur du 14 février au 6 mars; les premiers symptômes rabiques se sont manifestés chez elle les derniers jours de son traitement. Morte le 10 mars. Le même chien a mordu 2 autres personnes, qui ont subi le traitement antirabique à l’Institut Rasteur, et qui se portent. bien. . ro HEISSAT Émile, 29 ans, demeurant à Londronde (Vendée). Mordu le 24 janvier, lèvre supérieure 3 cicatrices, menton côté VACCINATIONS ANTIRABIQUES A L'INSTITUT PASTEUR. 455 droit 1 cicatrice; mordu par un chien dont latêtea étéenvoyée à l’Institut Pasteur, et le bulbe, inoculé le 26 janvier à un lapin, a donné la ragele 17 février, Un cheval morduen mêmetemps que Heissat a été pris de rage le 24 février. Traité du 20 février au 10 mars. Heissat est mort à l'hôpital Pasteur Le 10 mars, il était malade depuis plusieurs jours. Son bulbe, inoculé à 2 lapins, a donné la rage 24 jours après. DENIS Henri, 4 ans, demeurant chez son père, rue des Fon- taines, 17, à Paris. Mordu le 21 septembre, joue droiteune érail- lure faite parla dentdu chienet léchéeensuite par ce même chien, La plaie a été lavée au vinaigre. Traité du 23 septembre au 13 octobre; les premiers sÿmptômes rabiques se sont manifestés «chez lui le 13 octobre. Mort le 17 octobre. . Le chien avait été reconnu enragé par un vétérinaire. PERSONNES TRAITÉES, MORTES DE RAGE APRÈS LE TRAITEMENT AUPETIT Henri, 62 ans, 102, rue de Clignancourt, à Paris, Mordu le 21 juin au pouce gauche, par un chien reconnu enragé par an vétérinaire, 1 morsure pénétrante qui a saigné, La bles- sure a été lavée au vinaigre de suite après. Aupetit a été traité à l’Institut Pasteur du 24 juin au 11 juil- let. Les premiers symptômes rabiques se sont manifestés chez lui le 5 août. Mort le 6 août à l’hôpital Lariboisière. JEUNEHOMME Albert, 30 ans, 14, passage Parmentier, à Paris. Mordu le 15 juillet 1901, aux deux mains; plusieurs morsures dont deux très profondes ont saigné beaucoup. Chien reconnu enragé par un vétérinaire. Plaie non cautérisées. Jeunehomme a été traité à l’Institut Pasteur du 16 juillet au 2 août. Entré à l’hôpital Lariboisière le 24 avril 1902, présen- tant des symptômes rabiques, mort le jour même. Son bulbe, envoyé à l’Institut Pasteur, a été inoculé le 29 avril à 2 lapins qui n’ont encore donné aucun résultat. Cinq autres personnes mordues par le même chien et traitées à l’Institut Pasteur se portent bien. BOULINGREJ.-Baptiste, 72ans, demeurantà Livry(S. -et-0.) Mordu le 19 juillet au poignet droit; 2 morsures pénétrantes qui ont saigné beaucoup. Chien reconnu enragé par un vétérinaire. 456 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Plaies non cautérisées. Boulingre a été traité à l’Institut Pasteur du 20 juillet au 6 août. Les premiers symptômes rabiques se sont manifestés le 23 août. Mort le 26 août. NAVARRE Louis, 6 ans, demeurant chez son père, 30, rue de Sambre-et-Meuse, à Paris. Mordu le 15 septembre, sous le menton côté droit, 1 morsure pénétrante; lèvre supérieure et lèvre infé- rieure, chacune 1 morsure pénétrante. Le chien, jeté dans le canal aussitôt, n’a pu être examiné par un vétérinaire. Navarre a été traité à l’Institut Pasteur du 17 septembre au 7 octobre. Les premiers symptômes rabiques se sont manifestés le 26 octobre. Mort à l'hôpital Pasteur le 28. ROCHELLE Louis, 46 ans, 4, rue Bayard àParis. Mordu le 14 octobre à la main droite, face dorsale et face palmaire ; 6 mor- sures profondes qui ont saigné. Lavées seulement à l’eau salée, Mordu par un chat reconnu enragé par un vétérinaire. Rochelle a été traité à l’Institut Pasteur du 26 octobre au 12 novembre. Les premiers symptômes rabiques se sont mani- festés le 26 décembre. Mort à l'hôpital Pasteur le 29 décembre. Le Gérant : G. Masson. Sceaux. — Imprimerie Charaire. i6me ANNÉE 23 JUILLET 1992 N° 7, a LES Fe INSTITUT PAS TEUR RECHERCHES SUR LA DIRES LION CHE LES ANIBES ET SUR LEUR DIASTASE INTRASELLULAIRE Par HENRI MOUTON I INTRODUCTION Les diastases extracellulaires sécretées par les orgauismes iuférieurs qui, comme les bactéries, se nourrissent par osmose sout aujourd’hui bien connues. Les propriétés diastasiques des liquides digestifs des animaux supérieurs, ont été aussi bieu étudiées maigré que des travaux récents aient montré, dans le mécanisme de leur action, une complexité jusqu'ici insvuy- çonnée. # Au contraire, l’action des diastases intracellulaires, qui à l’intérieurides cellules dissolvent des éléments figurés englobés dans des vucuoles digestives, n’est le plus souvent connue que par des études microscopiques failes in vivo. Ces diastases jouent pourtant dans la nature un rôle important. La digestion intra- cellulaire/a depuis longtemps été signalée chez les Protozoaires (amibes, infusoires ciliés, etc.), chez les Myxomycètes. On sait aussi, surtout depuis la remarquable série de tra- vaux de Metchnikoff ‘, que la digestion est ellectuée exelusive- ment à l’intérieur des cellules endodermiques chez la majorité des Cœlentérés et des Plathelmiuthes. Un travail réceut de Mesnil’ a levé tous les doutes à cet égard en ce qui concerne 4. Mercanixorr, Zool. Angeiger (1878), t. 1: (1880), t. III; (1882), € V. Mesxiz, Ann. {nst. Pasteur (1901), t. XV. 9 ue 30 458 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. les Actinies, et c’est là un résultat bien fait pour surprendre si l’on songe au volume considérable des proies vivantes que ces animaux sont capables de digérer. Enfin, chez les animaux plus élevés en organisation, de nom- breuses cellules de lorganisme, dites à cause de cela phagocytes, ont conservé la propriété de digérer intracellulairement, soit les corps étrangers qui S’introduisent dans l'organisme, soit même les éléments de l'animal qui ne présentent plus une résistance suffisante. On leur doit ainsi la défense active de l'organisme contre les microbes et la disparition des tissus vieillis dans ces transformations profondes qu’un grand nombre d'animaux subissent à certaines périodes de leur développement etauxquelles on réserve aujourd’hui le nom de métamorphoses. C’est encore à Metchnikoff que l’on doit ces notions que, aidé de ses élèves, il a appuyées d'observations nombreuses. Si le phénomène de digestion intracellulaire est très répandu dans le règne animal, nulle part il n’est aussi facilement obser- vable que chez les Protistes, et des observations nombreuses ont été faites sur la nature des matières qu'ils sont capables de dis- soudre et sur les conditions de cette digestion. Des recherches de nombreux auteurs au nombre desquels il faut citer Meissner, Greenwood, Le Dantec!, Rhumbler, ete., il résulte que ce sont surtout des matières protoplasmiques empruntées à des êtres vivants (algues ou bactéries) que les amibes dissolvent dans leurs vacuoles digestives. Des résultats analogues ont pu être obtenus chez les infu- soires ciliés où plusieurs observateurs ont vu cependant quelques variétés d’amidon (amidon de pomme de terre) légèrement atta- quées dans les vacuoles digestives *. Les Métazoaires qui font de la digestion intracellulaire leur mode normal de digestion, dissolvent surtout des matières albuminoïdes. Il existe donc'dans les vacuoles digestives des cellules une diastase protéolytique dont l'existence a élé mise en évidence, pour la première fois chez les Myxomycètes, par les travaux de De Bary et de Krukenberg. Or, on connaît diverses protéases différant entre elles par les conditions de leur activité et parles 4. Le Danrec, Thèse de la Facullé des Sciences. Paris (1891), et Ann. de d'Inst. Pasteur, t. IV et V. 2, Mexsner, Zetlsch. f. uiss. Zoo. (18E8). — FaBre-DoMERGUE, Ann. Sc. nat Zool., t. V, 7° sèr. (1888). - cut SE fé HR. RS A LA DIGESTION CHEZ LES AMIBES 459 produits qu’elles donnent aux dépens de la matière transformée : la pepsine de lestomac des mammifères, par exemple, digère en milieu nettement acide; elle donne aux dépens des matières albuminoïdes des peptones ; la trypsine, versée par le pancréas dans l'intestin des mêmes animaux, agit en milieu neutre ou faiblement alcalin et donne, en mème temps que des peptones, des corps de composition plus simple parmi lesquels on ren- contre toujours la leucine et la tyrosine. Ces deux diastases pro- téolytiques forment ainsideux typesdifférents dont serapprochent un grand nombre d’autres diastases extraites d’animaux ou de plantes. On a tenté depuis longtemps de connaître les conditions d'activité des protéases intracellulaires, en faisant absorber aux animaux des réactifs colorants dont la teinte soit apparente au microscope et soit capable de changer suivant la réaction acide ou alcaline du milieu. IL est seulement bien entendu que lon doit choisir des substances non toxiques. Chez une amite et chez plusieurs espèces d'infusoires ciliés, Engelmann put ainsi constater que les grains de tournesol ingérés. devenaient rouges, mais il attribua la réaction acide au proto- plasme. Metchnikolf rectilia cette erreur en montrant que le protoplasme était en réalité alcalin et les vacuoles seules. acides chez deux infusoires ciliés : Vorticella et Stylonychi«. Il essaya en vain, ainsi que d’autres auteurs, d'obtenir le même virage du tournesol chez certaines autres espèces d'infu- soires ciliés et chez les amæbiens. Le liquide dans lequel vivent tous ces animaux est d'ordinaire assez alcalin au tournesol. En le sensibilisant par une addition ménagée d'acide, ce que peu d'espèces supportent, Le Dantec a pu montrer, avec le même réactif, la sécrétion d'acide dans les vacuolesdigestives du Stentor, de la Paramécie, etc... Il a démontré fort élégamment que les grains rouges que l’on trouve au bout d’un certain temps dans les vacuoles digestives des animaux sont bien des grains de tournesol, en écrasant les infusoires sous le microscope {. On voit alors brusquement les grains rouges reprendre Jeur teinte bleue primitive. Le même changement subit de couleur peut s’observer lorsqu'une vacuole se trouve rejelée par l’animal. 1 Mercaniorr (Ann. Znst Pasteur) avait déjà employé ce procédé chez les Myxomycèles. e- 460 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. D’autres réactifs que le tournesol peuvent être employés dans le même but et j'ai eu souvent l'occasion d'observer chez Paramæcium aurelia le bleuissement des vacuoies digestives lorsqu'on plonge les animaux en expérience quelques instants dans une solution étendue de rouge Congo. Au bout d'un temps assez court, tous les individus contieunent de nombreuses vacuoles dont la teinte varie du rouge (réactivn neutre ou alca- line) au bleu (réaction acide). Au,ourd'hui, la sécrétion d'acide dans les vacuoles digestives de toutes les cellules qui digèrent intracellulairement peut être considérée comme tout à fait établie. Mais il a fallu pour la mettre en évidence recourir souvent à des réactifs plus sensibles que le tournesol, capables de virer pour une moindre acidité. Pour les infusoires ciliés et les amibes, par exemple, Le Dantec a employé avec succès l'alizarine sulfo-conjuguée qui, violette en milieu alcalin, jaune en milieu acide, passe d'une couleur à l'autre d'abord par une série continue de teintes allant du violet au rose, avant de subir le virage brusque qui l’amène au jaune. Dans le milieu généralement assez alcalin où vivent les animaux en expé- rience, l’alizarine est violette, et comme ce milieu contient sou- vent une petite quantité de sels de calcium, elle y forme de petits cristaux aciculaires violets qu'ingèrent et dissolvent les amibes ou les infusoires. Les vacuoles qui les contiennent deviennent peu à peu roses, — et même jaunes chez les ciliés, comme il est facile de s’en convaincre en répétant cette expé- rience sur Paramwæcium aurelia. Il faut noter ici que l’ingestion de grains de tournesol par les cellules endodermiques d'une planaire a été obtenue par Met- chnikoff qui en présentait aux animaux mêlés à du sang : un petit nombre de grains prennent dans les cellules une teinte violet clair. Par le même procédé, on a obtenu à l’intérieur des filaments mésentériques des actinies une coloration lilas des grains absorbés. Dans tous les cas, les grains restaient franche- ment bleus dans le milieu extérieur. Toutes ces observations indiquent donc toujours la sécrétion dans les vacuoles digestives d'un acide, souvent d'ailleurs en trop petite quantité pour amener la réaction à une acidité .. 4:Je me contente de rappeler iciles observations faites par Metchnikoff avec le neutralroth et dont il sera question plus loin. LA DIGESTION CHEZ LES AMIBES : AGE franche au tournesol. Aussi le ferment qu’elles contiennent doit-il être plus voisin de la trypsine que de la pepsine qui digère en milieu très franchement acide. Une telle diastase à d’ailleurs été déjà extraite de plusieurs organismes. Krukeuberg ‘, Frédéricq, les premiers, ont pu, à l’aide de la glycérine, obtenir de plusieurs éponges et actinies un ferment trypsique. C’est un semblable ferment que tout récemment Mes- nil a extrait des filaments mésentériques des actinies broyés dans l’eau de mer. Quant aux protozoaires, on n'avait pu jus- qu'ici en extraire aucune diastase. af Il faut en effet pour entreprendre ce travail disposer d’une masse considérable d'animaux. 11 faut d'autre part se mettre à l'abri de l'intervention des bactéries, qui sont de très acufs pro- aucteurs de ferments. Or, les amibes, les infusoires ciliés vivent constamment dans des milieux chargés de ces bactéries dont ils font leur nourriture ordinaire, Mème les espèces de ciliés qui vivent d'infusoires plus petits fréquentent forcément les mêmes milieux. J'ai vainement cherché jusqu'iei à me procurer une quantité suffisante de ciliés sensiblement purs de bactéries pour pouvoir tenter une extraclion de leurs ferments. J'ai donc été conduit à me proposer de cultiver purement les amibes comme on cultive puremeut un grand nombre d’espèces . de bactéries ou de champignons. Le problème n'était pas nou- veau. Il avait été abordé par divers auteurs dans des buts diffé- rents. Les uns cherchaïent surtout à séparer les différentes espèces amæbiennes, à étudier leur cycle de développement et quelques poiuts de leur physiolog'e. Ils n'avaient pas à se soucier de la prisence des bactéries, puurvu que les diverses espèces d’amibes fussent, dans les cultures, isolées les unes des autres. D'autres auteurs avaient surtout pour but de montrer le rôle pathogène que joueraient certaines espèces dans la dysenterie, par exemple. Ceux-là devaient essayer d'obtenir des cultures strictement pures. Or, on peut affirmer aujou d'hui que, malgré la varieté des milieux employés, de telles cultures n’ont été obte- nues, ni avec les amibes banales, ni avec les amibes prétendues pathogènes. On doit admettre, jusqu'à nouvel ordre, la néces- sité d'introduire dans les cultures d’amibes au moins une espèce 1. KrukENBERG, Ueber die Enzymbildung in den Geweben und Gelässen, Unter- suchungen d. phys. Inst. d. Univ. Heidelberg, t. IX. 462 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. bactérienne vivante, car une telle nourriture semble absolument indispensable à ces êtres. Dans ces con litions, on peut obtenir sans de trop graades difficultés un développement assez abou- dant des amibes. Je dirai ici quelques mots des travaux antérieurs aux miens sur la culture des Amibes. J'exposerai ensuite les caractères de l'eshèce que j'ai employée et j'indiquerai le procédé de culture que j'ai suivi. Enfin je parlerai de quelques observations micros- copiques que j'ai été conduit à faire sur celte espèce avant d'aborder l'étude de la diastase que j'en ai extraite. IL TRAVAUX ANTÉRIEURS SUR LA CULTURE DES AMIBES On trouve des amibes à l’état naturel dans l’eau, surtout dans celle qui, contenant des débris organiques en décomposi- tion, est riche en bactéries, dans la terre humide, et aussi sur diverses matières en fermentation ou en putréfaclion. Je ne par- lerai pas des espèces qui ont été rencontrées dans le tube diges- tif ou dans ses annexes chez l’homme ou chez les animaux saius ou malades. On se procure aisément des amibes en abandonnant à elles- mêmes des macérations de foin ou de paille dans l'eau. De nombreux milieux liquides permettent de les cultiver. Il paraît seulement important d'éviter un trop luxuriant dévelop- pement des microbes qui les accompagnent ‘. L'emploi de milieux peu nutritifs, l'addition ménagée d’alcali ou d'antisep- tiques permettent d'atteindre ce but. Il est aussi facile de cul- ver les amibes sur des milieux solides transparents, à base de gélatine ou de gélose, qui rendent facile la séparation des diverses espèces et l'étude de leur cycle de développement. Celli et Fiocca * les premiers ont usé dans ce but d'uue gelée 1.11 ÿ a certainement une lutte active entre 1:s amibes et les proies qu'elles ingèrent. Metchnikoff a developpé cette idée dans son livre Sur l’Immunité (Paris, 1901). Voir aussi Centralbl. f. Bakt.(1902),2e parue, p.431, les récentes obser- vations de Chrzaszez sur une myxamibe qui se nourrit de levures. Dans la cul- ture, quand l'un des deux organismes devient florissant, l'autre est étouffé. 2. Ceuct er Fiocca, Centralbl. Bakt., t. XN (1894), p. 470, et t. XVI (1894), p. 829. La Riforma medica (189%), n° 187. LA DIGESTION CHEZ LES AMIBES 463 de Fucus (Chondrus) crispus, gelée transparente et, à ce que J'ai expérimenté, plus molle que la gélose. Cette gelée est ou non additionnée d’une petite quantité de bouillon et fortement alcalinisée. Les mêmes auteurs firent d'ailleurs des efforts infructueux pour séparer leurs amibes des diverses espèces bactérienves qui les accompagnaient. Dans un travail plus récent, Beyerinck' à pu cultiver sur milieu solide deux espèces d'amibes dans des conditions dillé. rentes, mais dignes pour toutes deux d’être rapportées. La première a été obtenue en mème temps que le ferment nitrique et diverses autres espèces bactériennes sur une gélose épuisée par des lavages répétés et additiounée de quelques sels. Elle se multiplie sur les colonies de bactéries et s'en nourrit. L'auteur l'appelle 4. nitrophila. Daus une autre recherche, exposée par l’auteur dans le méme travail que la précédente, uue amibe a été isolée en présence d’une seule espèce microbienne. Cette espèce, que Beyerinck a nvummée À, 3ymophila, parce qu'il la rencontrée en association avec des levures, a été isvlée de raisins attaqués par des guëèpes et en voie de fermentation spontanée. Dans une culture sur extrait de malt gélatiné apparurent, avec uue levure apiculée et un ferment acétique, des amibes que l’auteur parviut, par des isolements, à obtenir en présence de la levure seule ou du ferment acétique seul. Ces cultures purent être propagées sur l'extrait de malt gelatiné ou mème sur le bouillon gélatiné. Elles paraissent pouvoir être indéfin:- ment couservées par repiquage à la façon des cultures bacté- rlennes. | Que l'organisme qui les accompagne soit la levure ou la bactérie, les amibes forment des amas sur les colonies dont elles se nourrissent. L'auteur du mémoire fait au sujet de ces cultures une remarque fort curieuse : tandis que ni la levure ni le ferment ne liquéfient la gelatine, la liquéfaction se produit très rapidement en présence des amibes et ce phénomène est plus sensible dans les cultures avec la levure que dans celles qui contiennent le ferment, ce que Beyerinck attribue à la secrétion par l’amibe d'une diastase protéolytique liquéfiant la 4. Bevennex, Centralbl. Bakt. l'? partie, t. XIX (1896), p. 257, et t. XXI (1897), p. 101. 464 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. gélatine et plus active en milieu alcalin qu’en milieu acide, et, par ce caractère, semblable à la trypsine. Il est assez singulier que cette diastase ne peutêtre attribuée au liquide rejeté par la vacuole pulsatile, l'espèce considérée n’en possédant pas : elle sorlirait donc de l’amibe soit par osmose, soit lorsque se vident au dehors les vacuoles contenant les résidus de la digestion. On pouvait penser que, comme c’est le cas pour les bactéries, cette diastase pouvait préparer à l’amibe des aliments absorbables par osmose. Cependant, des substances diffusibles que l’auteur à essayé de lui offrir, aucune n’a pu lui permettre de se multiplier sans bactéries, et c’est toujours sur les points de la culture où se remarquent les colonies microbiennes que l’amibe forme des amas abondants. La protéase qu’elle exerète paraît donc être un simple produit de rejet, inutile à l'animal. Mais si elle provient des vacuoles digestives, comme il est permis de le supposer avec Beverinck, elle a eu un rôle utile ct du même coup nous donne une indication sur la nature des diastases digestives intracellulaires. J'ai cité nlanent ce travail parce qu'il est très précis et nous fournit, outre cette dernière remarque intéressante, un. exemple de ce que j’appellerai désormais une cullure pure mixte dans laquelle nous voyons associée à l’amibe une seule espèce microbienne dont elle fait sa nourriture et au choix de laquelle elle se montre dans une certaine mesure indifférente. Je ne cilerai pas un certain nombre de travaux peu impor- tants, mais je ne puis ne pas dire quelques mots des travaux d'auteurs qui ont obtenu d'autres cultures pures mixtes, mais n’ont malgré tous leurs efforts pu réussir à faire développer les amibes en culture pure, bien qu ils aient pu les isoler de toute espèce bactérienne. L'isolement des amibes a été obtenu par Frosch' de la manière suivante : après un certain temps de culture en milieu liquide ou solide, les conditions finissent toujours par devenir peu favorables pour les amibes, et elles s’enkystent, devenant ainsi plus résistantes aux agents physiques (chaleur, dessiceation) ou chimiques que sous leur forme mobile. Ayant donc cullivé en présence de bactéries une seule espèce amæbienne extraite de la terre de jardin et ayant obtenu par 1. Froscs, Centralbl f. Bakt. 1" partie, t XXI (1897), p. 926. LE 2 TE didier PS LEP = ere # d' on LA RS es en Cr LA DIGESTION CIIEZ LES AMIBES 455 des séparations répétées qu’elle ne fût accompagnée que d'espèces bactériennes asporogènes, Fro8ch chercha un moyen de détruire les bactéries, mais non les kystes. Il eut recours pour cela à une solution très concentrée de soude caustique (à 20 °/,) qu'ilfitagir sur la culture pendant 3 jours à la température du laboratoire. Au bout de ce temps, on put s'assurer que les bactéries étaient mortes et que les kystes vivaient. Ils étaient en effet capables de donner une culture lorsqu'on les ensemençait sur une gélose contenant des colonies d’une épaisse et courte bactérie asporo- gène immobile et arrondie aux bouts, que l’auteur avait isolée. Au contraire, ni les milieux solides et liquides, ni les milieux modifiés par la bactérie, ni même les corps des mêmes bactéries tuées ne permettaient le développement des kystes. Il paraît toutefois possible dans certaines conditions de nourrir les amibes de corps bactériens tués par la chaleur, puis- que Tsujitani ! a décrit dans une note assez courte comment 1l y était parvenu. Cet auteur cultive d’abord en présence de bac- téries une seule espèce amæbienne. Aux bactéries qui l’accom- pagnent naturellement, il substitue peu à peu le vibrion cholé- rique. Il reste à faire disparaître ce microbe asporogène. Tsujitani imbibe d’une culture vieillie, contenant des kystes, des fils de soie stériles et les laisse se dessécher dans un exsic- cateur à acide sulfurique dans des conditions de stérilité parfaites. Au bout d’un temps convenable, on ensemence des fragments des fils desséchés. Les vibrions sont morts, les kystes restent susceptibles de régénération : il suflit de les ensemencer sur un milieu contenant des bactéries vivantes pour obtenir une culture d'amibes, Au contraire, tout développement est impossible sur tous les milieux stériles essayés. Jusqu'ici, point de résultat nou- veau et la dessiceation permet seulement d'obtenir le même elfet que l’on avait précédemment obtenu par l’action des aleais. Mais en luant des bactéries à une lempérature peu élevée et les offrant en nourriture aux amibes, Tsujitani a pu obtenir des cultures, à vrai dire médiocres. Toutefois une espèce bacté- rienne particulière, que l'auteur a isolée d’une infusion de foin et dont il décrit les caractères, réussit, luée par un chauffage de trois quarts d'heure à 60°, à permettre le développement d'aussi bonnes cultures d’amibes que les bactéries vivantes. 4. Tsusranr, Centralbl. f. Bakt. 4° partie, t. XXIV (1898), p. 666. 466 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Récemment, les expériences de Frosch ont été reprises par Laubitzer‘ sur une amibe isolée d’une infusion de paille, Il a employé la même méthode de séparation par les alcalis con- centrés et n’a pu que confirmer les conclusions des autres auteurs relativement à la nécessité de donner aux amibes une proie vivante, puisque tous les autres aliments qu’il a pu leur offrir, mème les microbes tués par la chaleur, ont été npuissants à assurer le développement de la culture. J'ai cru devoir donner cet historique un peu complet de la question de la culture des amibes qui allégera d'autant l’exposi- tion de mes propres recherches sur ce sujet*. J'arrive mainte- nant à la descriplion de l'espèce d’amibe qui a servi dans ce travail et à l'exposé des méthodes de culture que j'a employées. IH DESCRIPTION DE L'AMIBE De nombreuses espèces d’amibes ont élé nommées depuis ciuquaute ans par divers auteurs, Un certain nombre manquent de description précise et d’autres font certainement double “emploi, tandis que beaucoup sont trop compréheusives. Suivant les conditions dans lesquelles on la place, suivant même la nourriture qu'elle englobe, l'aspect d'une amibe peut varier beaucoup. IL faudrait certainemeut, pour un graud nombre d'espèces, faire ce que Celli et Fiocca ont fait pour certaines d'entre elles, ce que Beyerinek a fait pour 4. nitrophila et À. zymophila : étudierle eyele complet du développement pour avoir des diagnoses précises. Je doune ici les caractères de l’amibe que j'ai employée. Forue momie. — Elle comprend un ectoplasme parfaite- ment hyalin, un endoplasme granuleux rempli de vacuoles digestives dont le nombre est parfois très considérable. A l'inté- rieur, est un noyau formé d'un gros karyosome réfringent entouré d’une auréole claire, le tout bien visible sur le vivant 1. Zauerrzer. Arch. f. Hygiene, t. XXIV (1901), p. 103. 2 Pour des détails plus complets, consulter R. BeuLa, Die Amôben (Hirschwald éd.), Berlin (1598). gi En ne ren ES de 2e ce ES Pot ane re Ai À 3 re LA DIGESTION CIIEZ LES AMIBES 467 (lig. 6). Les dimensions de l’amibe sont assez variables. On peut donner comme diamètre moyen 20 &. Cette mesure est prise au moment où l'animal est sensiblement sphérique, comme il arrive lorsqu'on vient de l'agiter un peu eu délayant une petite quantité de culture dans une goutle d’eau pour faire une préparaliun microscopique. Si l'on abaudonne eusuile cette pré- paration à elle-mème peudaut quelque temps, et que l'amibe, s'accoultumant à ce nouveau milieu, élale ses pseudopodes à la surface du porte objet, son diamètre devient plus considérable. Je revieadrai sur ces variations de diamètre dues à l'aplatisse- ment à propos de l'aspect des cultures. Lorsque l'amibe, dans une préparatiou, chemiue en étalant ses pseudopodes, on voit à l avant daus le seus de la marche une zone très étendue d'ecto- plasme hyalin. Cet eclop'asiue est au contraire peu étendu à l'arrière. Cett: amibe n'a pas de mouvements brusques, mais sem- ble couler d’uue manière continue, à la suriace du support. Les pseudupodes qui ne sont pas très aigus se forment et se rélractent avec une lenteur uniforme, La vacuole pulsatile, qui bat environ toutes les minutes à la température du laboratoire, se trouve à l'arrière. Elle m'a toujours paru unique et jamais je ne l'ai vue accompagnée de vacuvles secoridaires. Kysres. — Les kystes, à peu près spaériques, ont un dia- mètre assez constamment compris entre 15 et 20 p. Leur euve- luppe épaisse montre uu double contour : l'extérieur est généra- lement polygonal, l'intérieur arroadi. Le protoplasme contenu dans ces kystes est uuiformément granuleux, saus aucune vacuole quandilest au repos. Mais la vacuole digestive apparaît souvent _au moment où le kyste va s'ouvrir et ne disparaît quelorsqu'ilest déjà formé. Lorsqu'elle existe, elle bat toujours. Ou peut facilement obtenir l'enkystement des amibes dans une préparation microscopique qu'on laisse se dessécher très lentement. On observe dans ces conditions le rejet des vacuoles digestives après que l’amibe s’est arrondie et la traus- formation de la parue externe du protoplasma en L'euveloppe dure du kyste. Les caractères de celte espèce la rapprochent assez de l'espèce que Frosch a employée et qu'il avait également isolée de la terre de jardin. Les kystes sont seulement ici d'un peu 168 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. plus grande dimension. Cette espèce d'amibes a été obtenue dans les conditions suivantes. EN RECHERCHE ET ISOLEMENT DE L'AMIBE Une gélose très pauvre en matière nutritive, lavée à plusieurs reprises à l’eau distillée, est finalement transformée en gelée et sté- rilisée par chauffage à 120°. Cette gelée contient environ 2 0/0 de gélose sèche. On l’étale dans des boîtes de Pétri où on l’ensemence largement. Pour cela, on y répandune couche d’eau stérilisée dans laquelle on a d’abord délayé un peu debonne terre (prise dansle jar- din de l'Institut Pasteur) puis qu'onalaissé déposer les plus grosses particules de terre. L’ensemencement est donc faitavec le liqu'de légèrement trouble qui surnage; on enlève ensuite l'excès de cette eau. À la surface de la gélose ne tardent pas à apparaître de très maigres colonies bactériennes au milieu desquelles se déplacent des amibes qui bientôt deviennent très nombreuses. On reprend alors avec une aiguille de platine un ‘peu de ces amibes et de ces bactéries et on les ensemence en un certain nombre de stries sur d’autres boîtes de Pétri contenant la même gélose. La culture bactérienne se développe cette fois sur les stries, et là aussi commence la multiplication des amibes. Mais celles-ci ne tardent pas à s'écarter de la ligne de culture, en cheminant en tous sens à la surface de la g-lose. Au bout de quelques jours, un assez grand nombre d’entre elles peuvent s'être éloignées de 1 ou 2 em., tandis que d’autres derrière elles continuent ce même mouvement. Il arrive alors que Îles unes continuant à errer à la surface du milieu de culture, les autres s’enkysteut en donnant de place en place des amas fort caractéristiques (voir planche, fig. 1). C’est qu’en etfet, au moment de s’enkyster, les amibes viennent s'appliquer les unes sur les autres, et il n’est pas rare de voir, en faisant une cul- ture sur couche mince de gélose, de la manière que j'indique- rai plus loin, une amibe encore à l'état végétatif venir s’aceo- ler à un amas de kystes déjà formé, et là s’arrondir et s’enkys- LA DIGESTION CHEZ LES AMIBES 4R9 ter à son tour. Quelle est la cause de celte agglomération? Peut-être les phénomènes de tension superficielle qui, comme plusieurs auteurs l'ont déjà montré, jouent un si grand rôle dans la biologie de ces êtres, doivent-ils être ici iuvoqués. Il est probable que lamibe aplatie à la surface du milieu de culture peut s’arrondir plus facilement au contact de la saillie que fout les kystes déjà formés à la surface de la gélose. Quoi qu'il en soit, les kystes sont'si bien appliqués les uns sur les autres qu'ils deviennent polygonaux sur les faces par lesquelles ils se touchent (fig. 2). On peut reprendre un amas de ces kystes et l’'ensemencer à nouveau sur une géluse fraiche. Un certain nombre de bactéries tuujours collées sur la paroi des kystes se multiplient alors et fournissent la nourriture nécessaire au développement des amibes. Les kystes éclusent, les amibes se multiphent, puis un cérlaiu nombre d’entre elles émigrent à leur tour hors de la colonie bactérienne, s'arrêtent à la surface de la gélose sur d’autres amas bactériens ou vont former en divers points du milieu de culture des amas de kystes au moyen desquels une culture pourra de nouveau êlre ensemeucée. En opérant ainsi, dans des milieux très pauvres, on a tou- jours un faible déveluppement de bactéries, et si la gélose est assez humide, une abondante multiplication d'amibes. Ces cul- tures d'amibes n'’atteignent toutefois jamais la richesse des cultures bactériennes, et au lieu de former à l& surface de la gélose d’épais amas visibles à l'œil nu, elles ue donnent qu'un léger dépoli, une apparence mate à la surface, partout ailleurs brillante, du milieu de culture. cn à CULTURES PURES MIXTES DE L'AMIBE Les auteurs qui se sont occupés de la culture des amibes ne sont pas arrivés (à uneexception près) à en obtenir en l'absence de bactéries vivantes. Aussi, renonçant provisoirement à obtenir des cultures pures, ne me suis-je proposé que d'obtenir ce que j'aidéjà ‘appelé plus haut des cultures pures mixtes, c’est-à-dire des cultures 470 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. en présence d’une seule espèce microbienne. Cela me suffisait, comme je le montrerat, pour atteindrele but principal de ce travail qui est d'obtenir et d'étudier la diastase protéolytique desamibes. J'ai donc cherché à nourrir exclusivement d’une espèce bacté- rienne déterminée l'espèce que j'avais isolée. Je me suis servi le plus souvent dans ce but du Bacterium coli commune. Voici com- ment ont été conduites les recherches sur ce sujet. De la gélose peu nutritive et assez molle est coulée en boîtes de Pétri. Au centre d’une boîte, on dépose, avec une anse de platine, une petite quantité d’une culture impure (contenant, outre les amibes, diverses espèces bactériennes). Les amibes ne tardent pas à se multiplier sur place, puis à émigrer en tous sens hors de la tache où elles avaient été placées d'abord. Elles vont ainsi, transportant avec elles quelques bactéries, former plus loin des amas de kystes ou même d’autres colonies lorsque les quelques bactéries qu'elles ont abandonnées en un point ont eu le temps d’y former une colonie microbienne. Mais, sur la gélose, disposons de place en place des amas d'un microbe dont nous voulons nourrir notre amibe, Celle-cr, arrivant sur cet amas, au hasard de son cheminement à la surface de la culture, s’y multipliera plus ou moins abondamment, et, au bout de quelque temps, des individus formés dans cette colonie émigreront à leur tour dans {outes les directions. Ils contiendront dans leurs vacuoles digestives ou entraineront collés à leur surface un nombre de microbes de l'espèce choisie beaucoup plus considérable que de toutes les autres espèces qui les accompagnaient préalablement, ce dont ilest facile de s’as- surer par des préparalions mieroscopiques. Cut entrainement de microbes par les amibes et l'extension des cultures bactériennes qui en résulte peavent être vériliés facilement à l’aide des cultures en boîte de Pétri dont la conta- mination par les microbes de l'air est facile. Quand la géiose se trouve ainsi spontanément ensemencée d’une colonie bac- térienue dans une boite qui ne contient pas d’amibes, celte colonie se développe, bien entendu, absolument isolée et con- servant une forme généralement circulaire. Supposons au contraire qu'on ait ensemencé au centre de la boiîle une tache d’amibes, et qu’à mi-chemin du bord se soit formée une colonie d’une bactérie facile à reconnaître à l'œil LA DIGESTION CHEZ LES AMIBES ATI nu, par exemple de Micrococcus prodigiosus où de certaines sarcines jaunes. Lorsque les amibes atteignent cette colonie, elle ne tarde pas à être entourée uniformément en tous sens d'un grand nombre de petites colonies-filles dont le nombre et l'aire de dispersion vont sans cesse en augmentant. C'est re que j'ai eu souvent l’occasion d'observer (voir planche, fig. 10). Cela prouve aussi que les amibes reviennent vers la tache cen- trale aussi bien qu'elles s'en éloignent et que leur marche, à la surface de la culture, est absolument désordonnée. C’est ce qu’on peut conclure aussi de l'aspect des pistes dont je parlerai plus loin. Bien entendu, Le microbe nouveau introduit dans la culture ne fait que s'ajouter ainsi à ceux qu'elle contenait déjà, mais il est en quantité prépondérante chez les amibes qui, dans la culture, ont dépassé son amas. Disposons maintenant les choses autrement. Autour de la tache centrale ensemencée d’amibes, traçons des stries rayonnantes formées du microbe que nous voulons substituer aux autres. Les amibes s’avancent dans la culture beaucoup plus rapidement le long de chaque strie que dans les intervalles. Au fur et à mesure qu'elles cheminent, la culture se purifie et les microbes étrangers diminuent en nombre. On peut se rendre compte de son degré de pureté par des pré- parations microscopiques et mieux encore par des cultures répétées sur des milieux favorables aux bactéries. Quand les amibes ont atteint à la périphérie la limite des stries, on les reprend en ce point pour en ensemencer la tache centrale d'uve nouvelle boîte et ainsi de suite. L'expérience montre qu’au bout de plusieurs opérations, on peut le plus souvent obtenir ce que j'ai appelé une culture pure mixte. Ce n’est qu’une affaire de temps. Ce procédé est, en somme, assez voisin de celui que Tsuji- tani a employé pour isoler l’amibe dont il a fait la culture en présence d’un vibrion cholérique et que j'ai rappelé plus hant. J'ai pu ainsi isoler l’amibe dont j’ai donné la description, en présence du Bact. coli commune, du Vüibrio Metchnikovi, d'un Vibrion cholérique (var. dite de la Prusse orientale), du Staphylo- coque doré, du bacille du charbon (var.'asporogène), du bacille de la morve et mème d’une petite espèce de levure (Saccharomyces exiguus) de taille assez faible pour que l’amibe puisse l'ingérer 472 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. facilement. On voit donc que l’amibe n’a pas mauifesté d’exi- gences très spéciales au point de vue du choix de l’espèce dont elle se nourrit. Elle a aussi bien accepté le B. coli que la levure el a donné avec l’un et l’autre d’abondantes cultures. D’autres microbes toutefois ont paru moins favorables, et avec le B. anthracis, les cultur:s ont toujours été fort médiocres. I m'a paru toutefois à plusieurs reprises que des microbes de cette espèce (var. asporogène), préevés sur uue vieille cullure qui refusait de se mulliplier à nouveau, et qui devaient douce être sinon morts, du moius très affaiblis, élaient acceptes plus faci- lement que ceux qui coutinuaient à se développer dans la culture concurretnment avec les amibes. Je n'ai pu poursuivre assez Les expériences sur ce point pour arriver à uue certitude absolue. Ce résultat ne serait pas forcément en contradietion avec le fait que les amibes refusent de se nourrir de microbes morts. Ceux qu'on leur offre sont généralement tuës par la chaleur qui doit coaguler et ainsi modifier assez profondément leur proto- plasme. Lorsque les cultures out été expérimentalement reconnues pures, on en prélève uue petite quantité que l’on sème sur selose inclinée dans des tubes à essai où l’on à eu soin d’ense- meucer d'avance le microbe qui doit servir de nourriture afin que la culture puisse se développer rapidement. Après avoir pris, au bout de quelques jours, leur plus grande extension, ces cultures s’enkystent. Dans cet état, elles peuvent être conser- vées très longlemps, el, pourvu que la gélose ne soit pas devence complètement sèche, elles peuvent encore être très facilen.eut régénerées après plus de six mois. J'ai dit que les meilleures cultures d’amibes étaient toujours peu abondantes. Aussi a-t-il fallu, pour la recherche de la dias- tase intracellulaire, faire des cultures sur de très grandes surfaces. Je me suis servi pour cela de grandes boîtes plates qui servent d'ordinaire pour la culture en grand des bacilles de la tuberculose ou de la peste. Chaque boîte offre une surface utile de plus de 2 décimètres carrés. On peut en stériliser uu grand uombre à la fois dans uu autoclave de Vaillard et Besson. 11 est dans ces conditions possible, sinon facile, d'obtenir, en employaut uu matériel suffisant, une masse appréciable d’amibes, beaucoup moindre toutefuis que la masse de microbes que LA DIGESTION CHEZ LES AMIBES AT3 l'on pourrait obtenir sur une même surface de culture. Ces boîtes offrent encore l’avantage de pouvoir être placées, comme les-boites de Pétri, sous le microscope, et l’on peut y suivre la marche de la culture, chose indispensable si l’on veut récolter les amibes au moment où elles sont nombreuses et ne se sont pas encore enkystées. On introduit dans les boîtes de la gélose obtenue par le mélange suivant : 100 c. c. de bouillon de veau ordinaire des laboratoires, 900 c. c. d’eau, 10 grammes de gélose; le tout doit être légèrement alcalinisé. On stérilise et l’on ensemence avec une pipette le contenu délayé dans un peu d’eau stérile d’un des tubes de culture précédemment obtenus. On peut couvrir la gélose de liquide, puis aspirer de nouveau le liquide en excès pour ensemencer d’autres boîtes, ou encore, ne lançant dans la boîte qu'une petite quantité de liquide, agiter pour la mêler à l’eau de condensation et faire couler le tout à la surface de la gélose qu’on couvre ainsi d’un réseau de traces liquides. La culture va commencer sur ces traces. Les bactériesse développent d’abord, marquant bientôt les régions ensemencées, puis les amibes se multiplient et l’on voit au microscope des amas de petites taches rondes réfringentes au milieu des bactéries. Elles commencent alors à envahir tout l’espace occupé par ces bactéries. Elles le remplissent tout entier vers le quatrième jour de la culture, et, dès ce moment, émigrent peu à peu dans l’espace encore libre qui se trouve entre les mailles du réseau. C’est alors qu'on peut apercevoir parfois (mais non toujours) de curieuses pistes réfrin- gentes très sinueuses qui se croisent en tous sens et à l’extré- mité de chacune desquelles on aperçoit une amibe. Peut-être faut-il en rapporter l’origine à l’excrétion de la vacuole pulsatile. Peut-être aussi convient-il de les rapprocher de ces filaments visqueux extraordinairement longs et fins que laissent après eux, d’après Leidy, en se retirant, les pseudopodes d’un amc&æ- bien testacé (Difflugia lobostomua). Quoi qu'il en soit, dès que les amibes quittent la partie de la culture occupée par les bactéries pour la partie qui en est encore libre, elles changent d’aspect. Elles étaient sphériques et de petit diamètre. Sans changer de volume, elles s’aplatissent et deviennent par conséquent plus larges et leur contour prend des formes variées. Comme 31 474 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. elles entraînent toujours avec elles un certain nombre de bacté- ries, la culture de celles-ci s’étend à son tour, et vers le 6° ou 1° jour, toute la surface est également peuplée d’amibes mobiles et de bactéries, et rien ne distingue plus les régions d’ensemencement. C’est le moment où l’on doit récolter la cul- ture, pour obtenir le plus d’amibes à l’état végétatif et par suite la plus grande quantité de diastase. Passé ce temps, le nombre d’amibes mobiles diminue très brusquement, et la culture se remplit d’amas parfois énormes de kystes dont j'ai décrit plus haut l'aspect très caractéristique. Les cultures peuvent alors être conservées comme semence. Lorsque les kystes ont vieilli dans une culture, un certain nom- bre d’entre eux sont vides et ne montrent plus que l'enveloppe extérieure ouverte; les autres ont un contenu uniformément granuleux. Je n’ai pu mettre en évidence à l’intérieur des kystes une sporulation donnant naissance à un très grand nombre de germes possédant chacun un noyau dérivé du noyau unique de l’amibe enkystée, comme cela a été figuré par Scheel! chez A. proteus où cet auteur estime à 400 le nombre des germes dans un seul kyste, comme cela a été vu aussi par Schaudinn *? chez Paramæba eilhardi, une amibe assez aberrante, puisqu’elle a dans son cycle d'évolution des formes flagellées rappelant la forme Cryptomonas. Mais j'ai souvent aperçu dans les prépara- tions des germes assez petits, généralement groupés par 2 ou 4, et qui ne sont nettement vacuolaires que lorsqu'ils ont une taille suffisante. On ne les observe pas lorsqu on repique sur un milieu neuf des kystes qui viennent de se former dans une culture, mais seulement en réensemençantdes kystes vieillis. Il y a lieu de penser queces germes se forment dans les kystes par division du noyau et du protoplasme lorsque les kystes sont longtemps abandonnés dans un milieu défavorable. Au contraire, lorsqu'on réensemence les kystes aussitôt après leur formation, la divi- sion n’a pas eu le temps de s’accomplir à leur intérieur, el du kyste ne sort qu’une seule amibe. J'ai observé autrefois un fait analogue chez les euglènes. Je l’ai d’ailleurs retrouvé depuis, exposé dans un travail de 1. Scuæez, Beiträge zur Fortpflanzung der Amôben, Festschr., f. v. KUPPFER, Iéna, 1899. ®, ScauDinN, Séteungsber. d. kgl. preuss. Akad. d. Wiss. Berlin, 1896. LA DIGESTION CHEZ LES AMIBES ATS Garcin, Dans certaines conditions, ces êtres s’enkysient, et, suivant les circonstances, le noyau du kyste se multiplie ou non, Dans le premier cas, la masse intérieure prend l’aspect d'une morula ; dans l’autre, elle est entièrement sphérique; et suivant le cas, 1l sort du kyste soit une seule euglène, soit un certain nombre de ces flagellés, mais de taille nécessairement plus petite. Les cultures peuvent généralement être conservées au labo- ratoire, et leur développement y est le plus souvent assez rapide. Toutefois, pendant les grands froids de l'hiver où la température s’abaisse beaucoup la nuit, je me suis trouvé bien de les mettre à l’étuve à 22°. L'étuve à 37°, qui convient à la culture de la plupart des espèces bactériennes, ne saurait être employée pour les cultures d’amibes qui cessent de se multiplier et s’enkystent. Avant d'aborder la question de l'extraction et de l’étude in vitro de la diastase des amibes, je crois bon d'exposer ici quelques observations microscopiques que j'ai pu faire sur les échanges des amibes avec le milieu extérieur. J’exposerai d’abord des faits relatifs à la digestion. Je dirai ensuite quelques mots des propriétés osmotiques du protoplasme de ces êtres. VI OBSERVATIONS MICROSCOPIQUES SUR LA DIGESTION CHEZ LES AMIBES On peut facilement observer l’amibe soit dans l'eau entre lame et lamelle, soit en goutte pendante, soit encore dans des conditions qui se rapprochent davantage de celles de mes cultures, en étalant à la surface inférieure d’une lamelle une goutte de,gélose encore liquide, y ensemençant quelques kystes d’amibes et déposant la lamelle sur un porte-objet creux. On peut ainsi suivre l’éclosion des kystes et le cheminement des amibes sur la gélose, même avec l'objectif à immersion si la couche de gélose est suffisamment mince. J’ai indiqué plus haut l'aspect de l’amibe et son mode de progression. Je dois mainte- nant attirer l'attention sur un phénomène curieux, et qui peut 476 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. être dans la nutrition de l’amibe d’une grande importance. AGGLUTINATION DES MICROBES PAR LE LIQUIDE DE LA VACUOLE PUL- sATILE. — Ce phénomène s’observe très bien chez les amibes nourries de B. coli. Lorsque ces amibes sont placées entre lame et lamelle et qu’elles étalent leurs pseudopodes, on voit souvent au voisinage de la vacuole pulsatile, qui, comme on le sait, occupe toujours une position périphérique, des amas nombreux de microbes dont un certain nombre s’agitent sur place sans s'éloigner de ce point. J'avais d’abord attribué ce fait à une chimiotaxie positive exercée par la sécrétion de la vacuole pul- satile. M. Borrel, chef de laboratoire à l’Institut Pasteur, m'a suggéré que l’apparence observée ressemblait exactement à une agglutination. Il est très vraisemblable que ce phénomène aide beaucoup à la capture des microbes par l’amibe, puisqu'il lui permet de les rassembler et de les retenir tout contre elle. On sait d’ailleurs que chez les animaux supérieurs dont les leu- cocytes s'adaptent à digérer rapidement une espèce microbienne déterminée, l’agglutination est quelquefois le prélude de la digestion et qu’elle la rend plus facile. Cette propriété a surtout été observée chez des amibes nourries depuis longtemps exclusivement de B. coli. S'agit-il là, comme pour les leucocvtes des vertébrés, d’une propriété acquise et est-elle limitée à l'espèce microbienne à laquelle l'amibe s’est adaptée? Nous penchons pour l’affirmative. En effet, nous n’avons jamais observé de phénomène semblable chez les amibes nourries de staphylocoque. Des amibes ordinairement nourries de levure ne nous ont pas paru non plus agglutiner le B. Coli qu’on y mélait dans une préparation. Je n’ai pas à insister ici sur l’englobement des microbes qui a été très bien décrit par un grand nombre d’auteurs et que j'ai exposé au début de ce travail. Jé n’ai rien à ajouter à cette des- cription. J’ai aussi rappelé les travaux qui ont été faits sur la variation de la réaction de la vacuole digestive chez l’amibe. J’ai suivi par deux procédés différents le sort des microbes ingérés dans la vacuoledigestive : 1° par coloration sur le vivant, et 2° sur des préparations fixées. COLORATION DES MICROBES DANS L'AMIBE VIVANTE PAR LE NEUTRAL- ROTH. — J’ai employé pour colorer les microbes dars l’amibe LA DIGESTION CHEZ LES AMIBES 477 vivante une substance qui a été introduite dans la technique par Ehrliclr : le rouge neutre (neutralroth). Metchnikoff s’est aussi servi de ce colorant pour’teindre les inclusions des vacuo- les digestives chez les turbellariés et les actinies. On peut teindre par le même procédé les microbes englobés par les leu- cocytes des animaux supérieurs. Enfin, chez les infusoires ciliés, on obtient aussi avec ce réactif de très bonnes colorations du contenu des vacuoles digestives. Une propriété intéressante du neutralroth est de virer au jaune dans les milieux très alcalins et ensuite, lentement, du rouge cerise au rouge pourpre lorsque les liquides deviennent acides. Par leur coloration, les matières qui prennent la couleur dans les vacuoles attestent, dans tous les cas ci-dessus, une acidité plus grande que celle du milieu extérieur. Sur les indications de M. Metchnikoff, j'ai employé le même réactif pour colorer les bactéries ingérées par les anibes (voir planche, fig. 5). Elles se teintent d’une couleur d’un rouge plus foncé que les éléments qui ne sont pas englobés et manifestent ainsi que la réaction des vacuoles digestives est plus acide que celle du liquide extérieur. Ce sont seulement les éléments déjà morts qui se laissent colorer, et l’amibe elle-même finit par prendre la couleur si une trop grande concentration de la liqueur vient à la tuer. Si l’on colore au rouge neutre une amibe ayant absorbé uniquement des levures, un certain nom- bre restent incolores, d’autres prennent le rouge : ce sont celles qui sont déjà en voie de digestion. COLORATION DES MICROBES EN VOIE DE DIGESTION DANS LES PRÉPARA- TIONS FIXÉES. — Les colorations faites sur des préparations fixées permettent de suivre avec plus de précision la transformation que subissent les microbes en voie de digestion dans les vacuoles digestives. La méthode de coloration qui m'a donné les résultats Les plus intéressants à ce point de vue est celle qui a été imaginée par Laveran pour la coloration des hématozoaires endoglobu- laires et qu'il a employée aussi avec succès, en collaboration avec Mesnil, pour l'étude des trypanosomes. On fait sur un porte-objet un frottis d’un peu de culture délayée dans une goutte d’eau. On étale et l’on fait sécher rapi- dement. On fixe ensuite par l'alcool absolu pendant dix minutes et l’on colore par un mélange en proportions déterminées de 478 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. bleu de méthylène à l’oxyde d'argent (bleu Borrel) et d’éosine, mélange qui doit être préparé au moment même de l’emploi, car il précipite rapidement. On différencie ensuite par le tannin à 5 0/0. L’endoplasme se colore en bleu violacé, l’ectoplasme souvent en bleu, les microbes en violet. Quant au noyau, ül prend en enlier une coloration pourpre. On n’y voit pas le karyo- some : c’est la vacuole qui l'entoure qui prend la couleur, et sur des préparations mal colorées, on se rend compte qu’en réalité il prend une teinte bleu clair moins intense que celle du protoplasme. Dans quelques individus, le noyau est allongé et étranglé en son milieu; c’est le début d’une division directe. On sait que la division directe est de règle chez les amibes, bien que quelques espèces présentent une division karyokiné- tique comme cela a été indiqué pour A.- binucleata par Schaudinn. Les préparations faites avec des amibes nourries de diverses espèces microbiennes montrent les microbes dans les vacuoles digestives. On peut par le procédé indiqué bien mettre en évi- dence l’englobement du B. coli ou du vibrion cholérique. Les microbes remplissent les nombreuses vaeuoles digestives qui réduisent à un réseau de mailles Pendoplasme interposé. Je n'ai toutefois pas réussi à observer une transformation des vibrions cholériques en boules comme cela se présente lorsqu'ils sont englobés par des leucocytes. M. Metchnikoff dit également avoir fait absorber à des paramécies du vibrion cholérique sans observer le même phénomène. Les préparations que l’on obtient avec des amibes nourries de levure sont fort belles. Elles montrent dans chaque vacuole digestive une et une seule cellule de levure qui la remplit presque complètement, la cavité de la vacuole n'étant représentée que par une mince auréole claire qui l’en- toure. Au point de vue de la digestion des microbes dans les vacuoles digestives, les plus intéressantes préparations ont été obtenues avec des amibes nourries de staphylocoque. Les microbes, à l’extérieur des cellules, prennent une belle coloration violette et il en est de même d’un certain nombre de ceux qui sont englobés. Dans plusieurs vacuoles, on trouve les microbes gonflés et prenant une couleur lilas pâle. Dans d’autres encore, ils sont réduits à l’état de granulations à peine teintées. Les pas- LA DIGESTION CHEZ LES AMIBES 479 sages entre les divers stades de ce processus de digestion peu vent être très facilement suivis sur les préparations (fig. 9). VII PROPRIÉTÉS OSMOTIQUES DE L'AMIBE A. PÉNÉTRATION ET FIXATION DES MATIÈRES COLORANTES. — L'0s- mose semble, ainsi que nous l’avons dit, ne jouer aucun rôle dans la nutrition des amibes. Ce n’est pas cependant que leur protoplasme soit incapable d’être pénétré d'aucune substance. Nous pouvons mettre surtout en évidence cette pénétration à l’aide de matières colorantes capables de teindre dans la cellule certains éléments et qui, se portant exclusivement sur ces points, peuvent déceler même une très faible perméabilité de la matière vivante. C’est à Brandt (1879) que l’on doit la première indication de cette introduction facile de certaines substances colorantes peu toxiques à l’intérieur de la cellule vivante. Plus tard, le botamiste Pfeffer (1886) a employé entre autres couleurs le bleu de méthy- lène dont Hertwig s’est aussi servi pour teindre sur le vivant le noyau d'œufs de métazoaires. Un grand nombre de couleurs telles que la vésuvine, le bleu de quinoléine peuvent ainsi péné- trer les cellules vivantes. Cette dernière couleur a ainsi été employée par Cetres pour teindre des granulations grasses chez des infusoires. Nous-même avons utilisé plus haut cette facile pénétration dans les cellules du rouge neutre pour suivre dans les vacuoles digestives le sort des microbes englobés. Une solution faible de blew de méthylène donne assez rapi- dement au karyosome du noyau une teinte bleu clair tandis que la vacuole nucléaire qui l’entoure reste absolument incolore et que les microbes qui se trouvent dans les vacuoles digestives prennent une teinte bleue plus foncée. C’est cette apparence qui a été représentée sur la figuré 7 de la planche qui accompagne ce travail. Il est curieux de noter que ce karyosome, qui fixe bien la 480 LA DIGESTION CHEZ LES AMIBES couleur lorsque l'animal est vivant, la fixe bien moins que le protoplasme lorsque l’amibe a été tuée et fixée soit par la cha- leur, soit par l'alcool absolu ou lalcool-éther. Le bleu de méthylène employé après ces fixations ne permet de discerner qu'assez mal le noyau marqué seulement au milieu de l’endo- plasme par une tache un peu pâle, sans contours nets, et par l’absence de vacuoles digestives. On sait d’ailleurs que le noyau des protozoaires en général présente des propriétés spéciales au point de vue «les colorations et que les couleurs qui différencient le noyau chez les métazoaires réussissent souvent mal au con- traire chez eux. Le même phénomène peut être observé chez les kystes au moins jeunes dans lesquels le karyosome du noyau se colore bien par pénétration très lente du bleu de méthylène, et ne se co- lore pas au contraire si l’on a employé quelque moyen de fixation. Le bleu de méthylène n’est pas la seule couleur qui puisse . pénétrer dans l’amibe vivante et la colorer. J’ai employé aussi le violet dahlia qui teint très vivement le karyosome. Mais cette couleur est certainement toxique, car lorsque le noyau se colore, on ne tarde pas à voir l’amibe, qui reste d’ailleurs bien étalée avec ses pseudopodes nets, ses vacuoles digestives remplies de microbes, prendre tout entière une coloration violet pâle et rester immobile. J'ai obtenu des résultats semblables avec le rouge de ruthé- nium que j'ai pu employer grâce à l’obligeance de M. Nicolle. Ce réactif, dont l’emploi est malheureusement restreint en histo- logie à cause de son prix élevé, teint vivement le karyosome en rouge, mais le protoplasme prend en même temps une colora- tion rose päle, comme il a été représenté sur la figure 8. IL faut noter que ce réactif continue à colorer l’amibe après la fixation par l'acide osmique qui gène d’ordinaire beaucoup les colorations, et que, dans ces conditions, l’électivité du karyosome pour la couleur est maintenue. Au point de vue de la pénétration des matières colorantes et de leur fixation sur le noyau, je pourrais répéter pour les kystes tout ce qui vient d’être dit pour les amibes, à ceci près que, la membrane prenant très vivement les couleurs, il est souvent difficile de voir les différences de coloration prises par les par- ties internes. LA DIGESTION CHEZ LES AMIBES 48! B. Pcasmozyse Des kysTEs. — Si les amibes se laissent facile ment pénétrer par de petites quantités de matières colorantes, qui s'y introduisent lentement, en revanche leur substance est peu perméable à un grand nombre de substances solubles dans l'eau telles que les sels. C’est ce qu’il est possible de montrer, sinon chez les amibes à l’état végétatif, au moins chez leurs kystes, par l’étude du phénomène de la plasmolyse. Les kystes jeunes d’amibes que l’on trouve en très grande abondance dans une culture d'environ 8 à 10 jours permettent d'observer facilement ce phénomène de plasmolyse. Si, par exemple, nous plongeons dans une goutte d’eau salée à 2 à 3 0/0, sous le microscope, une petite quantité de kystes extraits d’une culture, nous voyons le protoplasme se rétracter, abandonnant en un certain nombre de points ou même parfois sur toute la surface de contact la paroi du kyste qui joue ici le même rôle que la paroi de cellulose dans les cellules végétales, et ne sert que de repère pour mettre en évidence la diminution de volume de son contenu. Elle-même ne subit aucune rétraction : ce n’est pas qu’elle soit très rigide, car lorsqu'on soumet les kystes à la dessiccation, on la voit se plisser très facilement; cela prouve seulement qu'elle est parfaitement perméable à toutes les sub- stances qu'on peut mettre en solution dans l’eau. On peut le moutrer pour les matières colorantes en plongeant des kystes dans l’eau salée à 2 0/0 colorée par le bleu de méthylène, puis remplaçant rapidement par de l’eau salée de même concentration non colorée. Les espaces abandonnés par le protoplasme restent colorés. En disposant entre lame et lamelle un grand nombre de kystes et faisant passer des courants lents de solutions de diverses concentrations, on peut observer différentes phases de la plas- molyse. Une solution de concentration légèrement inférieure à la concentration limite ne produit aucun changement dans l’état des kystes. Pour une concentration un peu plus forte, on voit le protoplasme d’un certain nombre d’entre eux abandonner sur une surface peu étendue la paroi du kyste et dessiner en ce point un contour concave (voir planche, fig. 4). On se rend compte alors, en faisant un peu rouler les kystes avec précau- tion, que la plasmolyse se manifeste sur un nombre d'individus un peu plus considérable qu’on ne le penserait d’abord, parce 482 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. que la calotte le long de laquelle Le protoplasme et la paroi sont détachés peut être vue de eôté ou être placée au-dessus ou en dessous, points où elle est moins nettement visible. Si la con- centration augmente encore, le décollement doit d'abord grandir, puis peut se faire en plusieurs points jusqu à réduire le proto- plasme d’une partie très sensible de son volume primitif. Cepen- dant ce protoplasme n’est pas largement vacuolaire comme celui des cellules végétales, et l’on ne peut ici, comme on a voulu le faire ailleurs, expliquer la plasmolyse par un échange entre les « tonoplastes » de la cellule et le milieu extérieur. Les échanges d’eau ne peuvent avoir lieu dans le cas présent qu’en- tre la masse protoplasmique même et le milieu extérieur, ou mieux, si l’on attribue au protoplasme une structure finement alvéolaire, entre le liquide des alvéoles et ce milieu extérieur. Tout en pensant que les tonoplastes jouent, là où ils existent, un rôle important, nous devons conelure que leur présence n’est pas nécessaire à la manifestation du phénomène plasmolytique. On peut aisément aussi, sur les kystes, mettre en évidence le phénomène inverse qui ramène le protoplasme de la cellule à son volume primitif, lorsque l’on vient à remplacer la solution plasmolysante par de l’eau pure ou seulement par une solution d’une concentration plus faible que la solution-limite. L'expé- rience se dispose de la même manière que précédemment en remplaçant les solutions les unes par les autres sous le micros- cope : pour cela, on ajoute d’un côté du couvre-objet quelques gouttes dela solution nouvelle et l’on aspire lentement l’ancienne de l’autre côté avec un fragment de papier buvard. Pour ce qui concerne la comparaison de différentes substances au point de vue de leur pouvoir plasmolysant sur les kystes d'amibes, voici comment on peut opérer. Entre les solutions qui plasmolysent franchement et la solution-limite qui plasmo- lyse extrêmement peu, il y a toute une zone de passage établie par des solutions qui donnent une plasmolyse plus ou moins étendue ou, quand elle l’est très peu, visible sur un nombre plus ou moins grand d'individus. Cette zone est assezétroite, puisque les concentrations extrêmes peuvent être, pour une même sub- stance, représentées par les nombres 14 et 17. Mais on peut apprécier, avec une plus grande sensibilité, Vétat de plasmolyse des kystes pour une concentration de la LA DIGESTION CHEZ LES AMIBES 183 zone de passage, et un observateur un peu exercé reconnaît facilement à 1/15 près la concentration d’une solution qui déter- mine une plasmolyse d’une certaine intensité. On peut ainsi, en employant un sel déterminé, établir l'échelle suivante : Azotate de calcium. Concentration —12,8..... pas de plasmolyse. RTS plasmolyse très légère de quelques kystes. AGREE plasmolyse nette. BTE SN — assez intense. 16,4..::. — très forte. Pour comparer différents sels entre eux, je n'ai pas eu recours à l'analyse chimique, mais, prenant des sels purs et bien cristallisés, j’en ai fait des solutions dont j'ai mesuré la température de congélation. L'appareil employé pour mesurer ces températures était un appareil de Raoult. On déterminait le refroidissement par l’évaporation d’éther. On n’appréciait que le 50° de degré. Comme j'ai noté sous le nom de concentration l’abaissement de la température de congélation exprimée en 1/10 de degré, le chiffre décimal comporte une erreur de 1 à 2/10. La température de congélation n’a pas été prise “directement pour chaque concentration, mais seulement, sauf quelques vérifications, pour deux solutions extrêmes. Les autres étaient obtenues par mélange de ces solutions et l’on admettait que pour ces intermédiaires l’abaissement de la témpérature de congélation pouvait être obtenu par interpolation, ce qui, entre — À et — 2°, peut être considéré comme exact‘. Voici les résultats de quelques mesures faites avec des kystes de la même culture que précédemment : Oxalate de potassium. Chlorure de sodium. CEE CRETE pas de plasmolyse. CERN ES pas de plasmolyse. Mesa — —— 44,2..... plasmolyse légère. L IE ENT TER — — 1H THE ee assez intense, 1 ER plasmolyse légère, POCAÈCRE — très forte. 1#,8-220 — nette. AGE I € — intense. | AO US. — très forte. Chlorure de baryum. 19e pas de plasmolyse. ie EPS) plasmolyse légère. e HMS SE — nette. pe No — forte. LUE ER — tres forte. 1. La précision de la méthode plasmolytique, avec quelque sorte de cellule qu'on opère, est très limitée. La comparaison avec des températures déterminées avec une très grande rigueur serait illusoire. 484 _ ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. On peut conclure de ces mesures que, dans la limite de sensibilité du procédé employé, des solutions salines, ayant une même température de congélation, sont isotoniques vis-à-vis des kystes d’amibes. VIN PRÉPARATION DE LA DIASTASE DES AMIBES A. Récoure pes AMIBES. — Lorsqu'on veut récolter les cultures d’amibes cultivées sur gélose dans des boîtes plates de manière à avoir le plus grand nombre possible d'individus mobiles bour- rés de vacuoles digestives, il faut le faire généralement vers le 6° jour de la culture, alors que la surface de la gélose a pris un aspect uniforme. En attendant plus longtemps, on récolterait surtout des kystes et la culture serait pauvre en diastase. Avec environ 50 ©. c. d’eau qu’on agite rapidement à l’intérieur de la boîte, on enlève un très grand nombre d’amibes. On peut s’aider d’un ràcloir en verre ou en fil de fer, mais on risque alors, si l’on n'opère avec de grandes précautions, d'enlever un peu de gélose dont on ne se débarrasse qu’incomplètement par des tamisages du liquide. Le liquide chargé d’amibes est porté dans une deuxième boîte, dans une troisième et ainsi de suite. On peut procéder à un second lavage des boîtes. On réunit tous les liquides obtenus. On ne peut récolter les amibes sans une masse d’eau relati- vement fort considérable, Il faut ensuite enlever la plus grande partie de cette eau. C’est à quoi l’on arrive par une centrifuga- tion. Les amibes, dont la densité est plus grande que celle de l'eau, se précipitent au fond. La précipitation des microbes a lieu aussi, mais elle est beaucoup moins rapide. On peut donc obtenir au fond du tube un dépôt assez cohérent d’amibes alors que le liquide qui surnage et qui en est débarrassé est complète- ment troublé par les bactéries. Avec la petite centrifugeuse à eau que j'employais, l'opération demandait une heure environ. On doit alors décanter le liquide avec précaution. Au fond du tube, on obtient un dépôt mou, blanc s’il est formé d’amibes mobiles presque exclusivement, au contraire jaune brun à la base s'il contient une assez forte proportion de kystes qui se préci- LA DIGESTION CHEZ LES AMIBES 485 pitent les premiers. Le dépôt contient encore un assez grand nombre de microbes pour que, si on le délaye dans l’eau et qu'on le soumette à une deuxième centrifugation, on obtienne encore au-dessus du dépôt d’amibes un liquide assez trouble. Néan- moins les amibes constituent de beaucoup la masse prépondé- rante d’un tel dépôt, et si on en étale une petite quantité entre deux lames de verre sous le microscope, on voit toutes les amibes, leurs pseudopodes rétractés et pressées les unes contre les autres, devenues polygonales par pression réciproque et offrant alors un aspect analogue à celui d’un parenchyme végétal. On reconnaît cependant très bien dans chacune d'elles le noyau, les vacuoles digestives et la vacuole pulsatjle. C'est de ce dépôt que nous allons nous servir pour la préparation de la dias tase. La quantité naturellement variable de dépôt que l’on obtient peut être évaluée en moyenne à 1/4 de ce. c. par boîte. Il faut d’ailleurs employer souvent d'assez grandes quantités de culture pour avoir de la diastase en quantité appréciable, et certaines expériences rapportées ci-dessous ont exigé l'emploi de 20 boîtes à elles seules. B. PRÉPARATION DE L'EXTRAIT GLYCÉRINÉ. — La centrifugation terminée, le dépôt doit être traité immédiatement. On décante le liquide eton y ajoute quelques (2 à 3) c. ce. de glycérine pour 1 c. c. d’amibes. On a soin de bien délayer de façon que la glycérine pénètre bien dans tous les amas. Si l’on regarde au microscope une goutte de ce liquide très trouble, on y voit flotter quantité d’amibes fortement ratatinées par la forte plasmolyse qu'a déter- minée l’action du réactif. On peut en débarrasser dès lors la glycérine par une centrifugation. Le liquide glycérique contient dès ce moment la diastase protéolytique dont nous devons main- tenant étudier les propriétés. On ne se débarrasse pas toujours à ce moment des corps d’amibes, mais souvent seulement quand on dissout plus tard la diastase dans l’eau. L’extrait glycériné peut être conservé quelque temps à la glacière. Il vaut mieux néanmoins en faire usage le plus rapidement possible. C. PRÉPARATION DU LIQUIDE DIASTASIQUE. — Pour obtenir une solution aqueuse active à partir de l'extrait glycériné précédent, on ajoute à 10 c. ce. de cet extrait environ 50 c. c. d'alcool à 90°. IL se fait presque aussitôt un abondant précipité flocon- neux que 10 minutes de centrifugation précipitent en une masse 486 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. parfaitement cohérente, On décante rapidement l'alcool et on redissout aussitôt le précipité dans l’eau; de même que tous les corps semblables, 1l perd en effet très rapidement son pouvoir diastasique par un contact prolongé avec l’alcool. On obtient un liquide trouble contenant encore en suspension avec les corps d’amibes un certain nombre de bactéries tuées par les opéra- tions précédentes. On peut éliminer par une centrifugation rapide un certain nombre de ces éléments figurés. On filtre ensuite sur papier. Les cadavres d'amibes sont arrêtés. La filtration est lente. et l’on est obligé de changer le papier plusieurs fois, Le liquide qui passe reste légèrement louche et contient encore de nombreux corps bactériens. Mais, conservé au laboratoire, il s’éclaircit complètement dans l’espace d’une nuit. J'aurai l’occasion de revenir sur ce sujet. D. Cnoix DES CULTURES A EMPLOYER POUR L'ÉTUDE DES DIASTASES. — Il n’est pas indifférent, pour l'étude des diastases que fournit l’'amibe, de se servir de cultures où elle est accompagnée de telle ou telle espèce bactérienne. Il ne faut pas en elfet que la diastase observée puisse être attribuée aux bactéries qui servent de proie à l’amibe. Les expériences dont je vais parler ci-après ont été faites avec une diastase obtenue dans des cultures pures mixtes d’amibes et de Bacterium coli commune, espèce connue comme très peu capable de protéolyse, qui ne liquéfie pas la gélatine dans ses cultures et ne s’autolyse pas, tandis que les espèces bactériennes très protéolytiques, comme par exemple le B. anthracis ou le vibrion cholérique, sont détruites, digérées par leurs propres diastases quand, aprèsles avoir émulsionnées dans l’eau, on les tue à l’aide du chloroforme. IX ACTION PROTÉOLYTIQUE DE L'AMIBODIASTASE. Le liquide diastasique que nous avons obtenu et que nous _appellerons pour abréger l’« amibodiastase », nom qui lui a été donné par M. Metchnikoff dans son ouvrage sur l’Immunité dans les maladies infectieuses, se montrera surtout actif sur les albuminoïdes. C’est ce qu'il était permis de prévoir si la dias- LA DIGESTION CHEZ LES AMIBES AST tase est bien celle que contiennent les vacuoles digestives dont l’animal est bourré au moment où, par une brusque immer- sion dans la glycérine, nous l’avons tout à coup tué. Le liquide des vacuoles digestives digère en effet normalement des bacté- ries. C’est donc sur les albuminoïdes que nous étudierons d’abord son action. A. ACTION SUR LA GÉLATINE. — Bien que ce corps soit peut-être quelque peu éloigné de ceux dont l’amibe fait ordinairement sa nourriture, la facilité avec laquelle on peut observer la liqué- faction de la gélatine, la généralité avec laquelle toutes les diastases protéolytiques la dissolvent, devaient nous porter à étudier d’abord sur elle l’activité de l’amibodiastase. Le temps plus ou moins long que demande pour se solidifier à une basse température donnée une gélatine imparfaitement digérée fournit aussi un repère commode de l’activité plus ou moins grande d'une diastase affaiblie. — Les recherches ont été faites avec une gélatine à 20 0/0 qu’on ramenait pour l'usage, par l'addition de diastase, d’eau, etc., à 10 0/0. On y ajoutait comme antisep- tique une petite quantité de thymol. Dans quelques expériences de contrôle, on a remplacé le thymol par le chloroforme ou le xylol sans obtenir des résultats différents. Pour vérifier l’action de l’amibodiastase sur la gélatine, il suffit de préparer deux tubes semblables contenant, en présence de la gélatine, respectivement la même quantité de diastase fraiche et de diastase chauffée 5 minutes à l’ébullition. Après quelques heures de séjour à l’étuve à 37°, le contenu du tube où l’on a mis la diastase fraîche ne se solidifie plus. Dans l’autre tube, au contraire, la gélatine se prend en gelée aussi facilement qu'avant l’opération. On ne peut en aucune façon attribuer cette action à une dias- tase que pourrait sécréter le coli-bacille qui accompagne l’amibe dans les cultures. J’ai déjà rappelé que ce microbe ne liquéfie. pas la gélatine dans les cultures qu’on en fait sur ce milieu. Si l’on fait des expériences directes de contrôle, soit à l’aide de macérations de microbes dans l’eau chloroformée, soiten traitant par la glycérine des microbes raclés d’une culture sur gélose comme je l’at fait pour les amibes, on constate que les liquides obtenus n'ont sur la gélatine aucune action liquéfiante. Il en résulte que l’action observée précédemment reste tout entière 488 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. imputable à une sécrétion des amibes. Étudions maintenant les conditions de cette action. a) Influence de la réaction du milieu. — Nous rappelons que l'emploi de réactifs introduits dans les vacuoles digestives des amibes avait conduit un grand nombre d’auteurs à penser que la diastase qui y existe agissait dans les mêmes conditions que la pepsine. Voyons quelle réaction manifestera le milieu où se liquéfiera la gélatine sous l'influence de l’amibodiastase. Au lieu d'employer pour constater cette réaction le tournesol, je pren- drai deux autres matières colorées, dont l’une vire pour une acidité plus grande, l’autre pour une acidité plus faible du milieu. Ce sont le méthylorange et la phénolphtaléine. Nous amenons deux masses égales de gélatine par addition respective d'acide phosphorique et de soude, la première à être acide au méthylo- range et la deuxième à être alcaline à la phtaléine. Dans l’un et l’autre cas, le virage doit être dépassé de peu. Nous mêlons alors les deux gélatines dans diverses proportions qu’on peut représenter de la manière suivante, les deux liquides étant représentés par les lettres A et B. 5 e. ©. À L acide, — 5 ©. ce. A, — 4c. c. AH c.c. B, — 3A+L92B,—2A+3B, —A+4B,—5B,—5B + soude. On porte à l’étuve à 37° pendant 17 heures, — puis pendant 13 heures encore à 28°. Des tubes témoins contenant de la diastase bouillie avaient été adjoints aux tubes contenant de la diastase active. Voici les temps de solidification qui furent observés dans cette expérience : Temps de solidification. = au Tube. Après 17 h. PR h. DA ACIDE RÉ SENEE net 5’ 6’ == LOMONN Res Be 6° RIM ANNONENR A ARTE Pat RES SLT 6’ 6’ LAND ARR ARS A ee te É 6° , SAR DB ART 14 co NES CR 1 SP RS tre SE a co oo hé MONNIER RTE 210 2 ARBRE Ne ete Ce So BBA LEA RIRE SIRET PE ARR Ce æ DB soude PER AAE 2? 2! L'expérience achevée, il fut vérifié que 5 A était acide au méthylorange, 5 B légèrement acide à la phénolphtaléine. Il en résulte que la diastase employée a liquéfié la gélatine dans des - LA DIGESTION CHEZ LES AMIBES 489 milieux acides à la phtaléine, mais alcalins au méthylorange. A la vérité, 1l y a eu un peu de liquéfaction même au delà de l’aci- dité au méthylorange, mais elle n’a pas été plus considérable que celle qu'on observe dans le tube témoin de même réaction. et elle témoigne seulement que l'acidité du milieu suffit à liqué- fier la gélatine. Cette action mise à part, il est facile de tirer du tableau précédent que c’est surtout entre la neutralité à la phénolphtaléine et la neutralité au tournesol (correspondant à peu près au mélange 2 1/2 À + 2 1/2 B) que la diastase se montre active. Son activité se manifeste encore dans des milieux légère- ment acides néanmoins au tournesol. Des expériences analogues qu'il est inutile d'exposer en détail confirment ce résultat. A la vérité, nous ne pouvons pas conclure de plano des résultats quinous sont fournis par la gélatine à ceux que nous donneraient d’autres matières albuminoïdes. Celles-ci devront être étudiées à leur tour. b) Influence de la température sur la destruction de la diastase. — On sait que les diverses diastases sont toutes détruites par la chaleur, mais à des températures assez différentes. J'ai étudié de la manière suivante la destruction de l’amibodiastase par le chauffage. Des tubes contenant chacun un même volume (1 c. e.) de solution diastasique diluée dans un même volume d’eau (5 c.c.) sont soumis pendant trois quarts d’heure à des tempé- ratures élevées différentes, Dans tous ces tubes, la réaction du liquide est la même (comprise entre la neutralité au tournesol et à la phtaléine du phénol). Après chauffage et refroidissement on ajoute à chaque tube une même quantité de gélatine, et tous les tubes sont portés à l’étuve à 37°. On les reprend au bout de 16 heures et, les plongeant dans l’eau froide, on compte le temps que met à se solidifier le contenu des divers tubes. Voici les résultats obtenus dans cette expérience. Tubes chauffés 3/4 d'heure à 100. — Temps de solidification. 3° 1/2, — — _ à 67. — — _ se — — — à 630. De 3’ 1/2. — — — à 59, — — — ci — — = à D — — —— co — non chauffôs........ EE — — 22 L'expérience, plusieurs fois répétée avec des résultats ana- logues, montre bien l’affaiblissement considérable que la diastase 32 490 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. subit déjà au-dessous de 59°. Au-dessus de 60°, son activité disparaît complètement. Mais même au-dessous de 55°, l’activité de la diastase est déjà atténuée par la chaleur, et après un chauf- fage de trois quarts d'heure à 54°, on peut voir que la puissance de la diastase est devenue sensiblement égale à 1/10 de sa valeur primitive. C’est ce qu'il est facile de constater en ajou- tant à la gélatine des quantités décroissantes de diastase fraîche ou chauffée et examinant pour tous les tubes en même temps les durées de solidification. Voici les résultats obtenus dans une telle expérience : Diastase chauffée à : Quantité de diastase. Temps de solidification. 100 pendanta Dee EE AREA NES 2! GORE TR er Cat LIEPEIUS CANCER 59e — SR SR EST EE A DECHICE 2. 540 — —.,.., HAT Es AEMCAUE 18 = Se Et CAS DA NNIEUE ZI IFRANCE 7h — AN PME AP PLEINS IL ANRNTE 4 — — ne LE RAR A TEE 4/4 c. c ÿ. NONICHAUITÉE- PEN NEEUE AAUCRC: eZ M RE ARLES PS NE 41/8 c. c 10’ — A PSE MRE N RSS 4/16 c. ec 5 RAR EN PATES 1/32 c. c 31/2 Ainsi l’amibodiastase se montre, au moins dans son action sur la gélatine, d’une très grande sensibilité à une élévation de température, même peu considérable, semblable en cela aux « alexines » contenues dans le sérum sanguin des mammifères et dont la température de destruction se montre tout aussi peu élevée. c) Influence de la température sur l'activité de la diastase. — Des tubes contenant tous des quantités égales de diastase et de gélatine et dont l’un avait été porté pendant quelques instants à l’ébulhtion pour servir de témoin ont montré que l’activité de la diastase est plus forte au-dessus qu’au-dessous de 25°. Ainsi, tandis que le tube témoin se solidifiaiten2 minutes, deux tubes lais- sés quelques heures à 45° et à 37° restaient indéfiniment liquides dans les mêmes conditions, et un autre tube abandonné pendant le même temps à environ 20° faisait prise en 10 minutes.Maisl'acti- vité de la diastase ne doit devenir nulle qu’à une température assez basse : c’est ainsi qu’un tube préparé de la même façon que les précédents, mais refroidi aussitôt et conservé 24 heures à 8°, a été réchauffé côte à côte avec un témoin le temps nécessaire à la - liquéfaction de la gélatine. Celle-ci faisait prise ensuite par refroj- LA DIGESTION CHEZ LES AMIBES 491 dissement en 4 minutes dansle tube conservé à 8°, en 2 minutesdans le témoin. Il paraissait bien à priori qu'il devait en être ainsi, car, à cette température, la vie des amibes se manifeste parfaitement et leur diastase doit être capable de digérer, dans ces conditions, les proies ingérées. En revanche, aux températures élevées, la diastase se montre active à des températures qui déjà sont très nuisibles aux amibes. d) Produits de digestion de la gélatine. — 1] ne semble pas que, au moins dans les condilions où je me suis placé, la transfor- mation de la gélatine par la diastase protéolytique extraite des amibes soit poussée très loin. Il est vrai que je me suis servi d'un extrait diastasique faible ajouté en petite quantité à une grande quantité de gélatine, pour ne pas avoir à tenir compte des produits solubles (albumoses ou peptones) que la solution diastasique elle-mème pourrait contenir. J'ai opéré sur envi- ron 18 c.c. degélatine à 20 0/0 approximativement. Cette gélatine ayant été maintenue quelques jours à l’étuve à 370 en présence de la diastase (avec addition d’une petite quantité de thymol) a été ensuite traitée par le formol, d’abord à la température ordinaire, ensuite à 110°. Après 10 heures d’action, le produit est complètement sec : on en a recueilli 34", 28. On épuise par l’eau sur un filtre taré : celui-ci retient 0,7 de matière repré- sentant la gélatine non transformée. Le liquide filtré et partiel- lement évaporé est précipité par le sulfate d’ammoniaque à satu- ration. Le filtrant à nouveau, on obtient un liquide qui ne contient pas sensiblement de peptones, car il ne donne pas la réaction du biuret. Bien que cette réaction ait pu être gênée par la grande quantité de sulfate d’ammoniaque présente dans la liqueur, elle se serait produite cependant dans ces conditions si la quantité de peptones avait été tant soit peu considérable, et il semble bien, vu l'abondance du précipité produit par le sulfate d’ammoniaque, que celui-ci a entraîné sensiblement toutes les matières dissoutes. Ainsi l’action de la diastase parait s’être arrêtée, au moins en très grande partie, à l’état de transformation peu profonde qui caractérise les « albumoses ». Peut-être ces produits sont-ils assimilables directement par la cellule amæbienne. Au reste, des matières analogues à la gélatine doivent se rencontrer rarement dans la nutrition naturelle des amibes, et nous verrons l’amibodiastase pousser plus loin la 492 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. transformation d’autres albuminoïdes plus voisins de ceux qui forment leur nourriture ordinaire. J'ai surtout mis, comme je l'ai dit, la gélatine en tête de cette étude à cause de sa facile liquéfaction et de la possibilité de caractériser par des chiffres l'intensité des actions obtenues. J’ai cherché encore avec la gélatine si l’on pouvait mettre en évidence l’action d’une sensibilisatrice, si, par un chauffage ménagé de la diastase, on obtiendrait comme avec le sérum sanguin un liquide inactif par lui-même, mais capable d'augmenter l’acti- vité du liquide non chauffé. Le chauffage a été fait à 60° pen- dant trois quarts d'heure. On a fait les mélanges suivants, volume à voiumeé : liquide non chauffé + liquide chauffé à 100° (1); non chauffé + chauffé à 60° (2); chauffé à 60° + chauffé à 100° (3); 2 volumes de liquide chauffé à 100° (4). Agissant sur des quan- tités égales de gélatine, les tubes (1) et (2) ont donné ensuite le même temps de solidification ; — (3) et (4) (témoin) ont donné le même temps. On n’a donc pu mettre en évidence ainsi aucune sensibilisatrice. B. AcrioN SUR LA FIBRINE. — La fibrine sur laquelle a été essayée l’action de la diastase est de la fibrine de porc conservée dans la glycérine et chauffée pendant 2 heures à 58° dans la solution physiologique de NaCI à 7 0/00. On sait que cette pré- caution est indispensable à la correction des expériences. Non chautfée, la fibrine entraîne avec elle, en se séparant du sérum sanguin, une diastase protéolytique qui la dissout spontanément quand on la met à l’étuve en présence de solution physiologique et d'un peu de chloroforme. Chauffée à une température supé- rieure à 58°, la fibrine change évidemment d'état d'agrégation. Elle devient plus dure et cassante et elle est plus difficilement attaquable. Le chauffage ménagé indiqué ci-dessus et qui suffit à empècher la digestion chloroformique de la fibrine, tout en la laissant bien attaquable par les diastases protéolytiques, est donc à employer ‘. L'action de l’amibodiastase sur la fibrine ainsi préparée m'a d’abord paru nulle. C’est que je plongeais la fibrine dans la solution diastasique faite avec de l’eau distillée. En remplaçant celle-ci par la solution physiologique de sel marin à 7 0/00, on 4. Ce procédé, recommandé par M. Delezenne, a déja été employé par M. Mesnil dans son travail sur les Diastases des Actinies. LA DIGESTION CHEZ LES AMIBES 493. obtient au contraire, à l’étuve à 37°, une dissolution très nette _et très rapide de la fibrine. Certainement ce résultat peut être attribué en partie à l’altération que subit la fibrine quand on la maintient au contact de l’eau distillée, et il est certain que dans ces conditions elle devient moins attaquable. Je ne pense pas toutefois que la totalité du phénomène doive être expliquée de cette manière, car même la fibrine, maintenue quelque temps dans l’eau distillée, se laisse bien dissoudre ensuite par la dias- tase en solution salée, et l’on est ainsi conduit à admettre l’in- fluence très grande du sel sur l’action de la diastase. Cette influence, dont M. Duclaux a souvent signalé l'importance à propos d’autres actions diastasiques, apparaît ici avec la plus grande netteté. En comparant l'influence que la présence du sel exerce sur Paction de l’amibodiastase avec celle qu'elle a sur une pepsine ou une trypsine commerciale, on constate que cette influence est ici beaucoup plus grande. Peut-être faut-il admettre que les diastases qui agissent intracellulairement ont des conditions d'action plus étroites, sont moins souples que les diastases extracellulaires qui forcément agissent sou- vent dans des milieux de composition un peu plus variable. Comme nous l’avons fait pour la gélatine, nous allons étu-- dier pour la fibrine les principales tn nee qui modifient l’activité de la diastase. Les détails nombreux que nous avons donnés à propos de la digestion de la gélatine nous permettent d'être ici plus bref et nous insisterons seulement sur les phéno- mènes nouveaux que nous rencontrerons. a) Influence de la réaction du milieu. — La réaction du milieu qui convient à la digestion de la gélatine par l’amibodiastase convient aussi à la digestion de la fibrine. La digestion est donc nulle lorsque l’alealinité est supérieure à celle qui fait virer la phénolphtaléine. En decà de cette limite jusqu’à la neutralité au tournesol et même un peu au delà, il y a digestion. L'action cesse lorsqu'on s'approche du virage au méthylorange, et pour une acidité supérieure à celle qui produit ce virage, la fibrine se trouve bien gonflée par l’acide, mais nullement digérée par la diastase. Ainsi le résultat obtenu d’abord avec la gélatine se maintient vrai avec un albuminoïde incontestable. b) Influence de la température sur l'activité et la destruction de la diastase. — L’amibodiastase se montre active sur la fibrine 494 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. aux mêmes températures que sur la gélatine. Je n’ai pas vérifié toutefois son activité au voisinage de 40°. Les mêmes chauf- fages qui affaiblissent et détruisent l’action sur la gélatine agissent de même à l’égard de la fibrine. Ainsi l’activité se trouve très réduite à 58° et nulle au-dessus de 60°. Je n'ai donc rien à ajouter sur ce point aux résultats obtenus plus haut. c) Fixation de la diastase sur la fibrine. — L’amibediastase se fise sur la fibrine comme le font généralement les diastases qui attaquent cette substance. Plaçons dans deux tubes deux frag- ments égaux de fibrine. Dans le premier, mettons de l’eau phy- siologique, dans le deuxième de la diastase dissoute dans le même liquide. Abandonnons les deux tubes quelques heures à la gla- cière, puis changeons de tube nos flocons de fibrine et portons le tout à l'étuve. Le fragment qui a pu s’imprégner de diastase dans le deuxième tube se dissout dans le premier. L'autre se trouve à l'étuve dans le deuxième tube dont la diastase a été enlevée et reste tout à fait ou presque inaltéré. d) Produits de digestion de la fibrine. — Lorsque la fibrine se trouve placée à l’étuve dans le liquide diastasique, elle devient d’abord grisâtre et très friable. Elle ne tarde pas, si l’on agite le tube qui la contient, à se résoudre en une poudre grise con- tenant souvent des fragments plus ou moins gros et qui se pré- cipite au fond. Lorsque la quantité de diastase est suffisante, la fibrine altérée finit par disparaître presque complètement. Cer- tainement la diastase que j'ai obtenue n’a pas l'activité de la trypsine, par exemple, et l’on a quelque peine à mettre en évi- dence les produits de dégradation avancée de la librine. Je n’ai jamais obtenu ces très abondants cristaux de tyrosine que l’on rencontre dans les digestions trypsiques. Toutefois, en évaporant doucement le liquide de digestion, on peut mettre en évidence l'existence de ce produit. On obtient alors de petits eris- taux très peu solubles dans l’eau froide, mais solubles dans l'eau chaude et dans l'ammoniaque d’une part, dans les acides de l’autre. Eofin et surtout, ces cristaux, quoique petits, pré- sentent bien la forme caractéristique en double éventail qui ne laisse aucun doute sur leur nature. Je rappelle que M. Mesnil n’a pu obtenir aussi que de fort petits cristaux de tyrosine par l'ac- tion de l’actinodiastase sur la fibrine, bien que la digestion fût parfaitement nette. LA DIGESTION CHEZ LES AMIBES 495 Une réaction qui a donné au même auteur les meilleurs résultats a également très bien réussi avec les produits de digestion de la fibrine par l’amibodiastase. C’est la réaction du tryptophane où bromkürper, corps qui accompagne toujours la tyrosine dans les digestions trypsiques, et que l'on ne trouve pas dans les digestions pepsiques. Le liquide de digestion de la fibrine auquel on ajoute de l’eau de brome fraîchement préparée prend une coloration d’abord rose, qui devient violette en même temps qu'il se forme de légers grumeaux. Ces grumeaux violets finissant par se précipiter laissent parfaitement incolore le liquide surnageant. Cette réac- tion, que V. Harlay a récemment indiquée comme caractérisant très nettement les digestions trypsiques, rapproche bien, comme un certain nombre d’autres caractères déjà étudiés, l’amibodias- tase de la trypsine. Je n’insisterai pas ici sur les ressemblances que tous ces caractères lui donnent avec l’actinodiastase de Mesnil et les autres diastases intracellulaires, me réservant de faire plus loin cette comparaison. Des expériences de contrôle ont naturellement été faites avec la fibrine comme avec la gélatine pour mettre en évidence s’il n’y avait aucune action digestive due aux microbes accom- pagnant les amibes. Ni dans les cultures en bouillon chlorofor- mées et portées à l’étuve, ni dans le liquide obtenu de la même manière que l’amibodiastase avec le produit de räclage de cul- tures en gélose de B. coli, je n’ai obtenu de digestion de fibrine, et l’action ici encore doit bien être tout entière rapportée à l’amibe. CG. ACTION SUR L'ALBUMINE. — J'ai fait quelques expériences sur la digestion de l’albumine cuité très finement émulsionnée que l’on peut obtenir en coagulant par la chaleur du blanc d'œuf dilué dans l’eau et amené d’abord à la neutralité au tour- nesol. Bien que cette émulsion soit très fine et présente par suite une large surface d’attaque à l’action digestive, cepen- dant le changement observé dans l’émulsion après un certain nombre d'heures d’étuve, quoique net, reste toujours faible. On a pu l’observer de la manière suivante : deux tubes sem- blables sont placés côte à côte, contenant la même quantité ‘émulsion et de diastase et ne différant que parce que dans l’un (témoin), le liquide diastasique a été préalablement bouilli. 496 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Les deux tubes sont identiquement troubles après le mélange, et après 16 heures d’étuve, il y a éclaircissement du tube conte- mant la diastase active, ce qu’on peut constater par comparai- son. On peut conclure de ceci que l’action de la diastase sur un albuminoïde coagulé par la chaleur est faible. La Donner des microbes nous conduira à la même conclusion. D. AcrioN SUR LES MicROBEs. — L’amibodiastase dissout très activement les corps de microbes morts. Lorsque, dans la pré- : paration du liquide diastasique, on filtre sur papier, j'ai déjà dit qu'on obtient un liquide encore troublé par des corps bacté- riens immobiles et que ce liquide, abandonné à lui-même sur la table du laboratoire, s’éclaircit spontanément en 12-24 heures. On n’observe pas que les microbes se soient précipités, et après agitation, le liquide reste parfaitement limpide. Si d’ailleurs, pendant l’éclaireissement du liquide, on en fait de temps autre des préparations microscopiques, on voit les microbes se. réduire d’abord à ‘l’état de granules, puis disparaître petit à petit du liquide. Or le coli-bacille est un microbe qui ne secrète que peu ou pas de diastase protéolytique et est incapable de subir lautolyse comme cela arriverait, par exemple, avec le B. anthracis : un liquide chloroformé dans lequel on fait macé- rer du coli-bacille reste indéfiniment trouble. La dissolution des corps microbiens dans ces conditions ne peut être attribuée qu'à la diastase sécrétée par l’anube. ; On à pu, en faisant expérimentalement agir la diastase sur des émulsions très fines de corps microbiens, et la dissolu- tion de ces corps. Si, parexemple, nousajoutons, dans deux tubes à essai contenant la même quantité de liquide diastasique et dans l’un desquels le liquide a seulement été bouilli (témoin), un même nombre de gouttes d’une émulsion de coli-bacille tenue quelque temps au contact du chloroforme, les deux tubes, qui sont d'abord d’une égale opacité, présentent, après quelques heures de séjour à l’étuve, une différence bien mette ; le liquide deve- nant, dans celui où la diastase est active, d’abord transparent et même ensuite complètement limpide si la quantité de diastase employée est assez considérable. On a répété avec le coli-bacille des expériences analogues à celles qui avaient été faites avec la gélatine et la fibrine, dans le but de connaître les conditions dans lesquelles s’accomplit cette 3 Adi LA DIGESTION CHEZ LES AMIBES 497 protéolyse. Ces conditions se sont montrées identiques à celles où se manifeste sur d’autres substances l’activité de l’amibo- diastase. a) Influence de la réaction du milieu. — Par l'addition d’une petite quantité d'acide phosphorique dilué d’une part, de soude caustique d'autre part, on amène deux parties d’une même émul- sion de coli-bacille tué par un contact prolongé avec le chloro- forme, respectivement à la neutralité au méthylorange et à la phénolphtaléine. Les deux liquides, après avoir été additionnés de quantités égales de liquide diastasique, sont mêlés dans diverses proportions. Appelant À le liquide acidulé, B le liquide alcalinisé, nous pouvons représenter ainsile contenu des divers tubes où nous plaçons ces mélanges : 5A, LALB, 3A+2B, 2A+3B, A+4B, 5B Le virage du tournesol se place au voisinage (un peu à droite) de 3 A + 2 B. L'éclaircissement a été maximum dans 2 À + 3 B, un peu plus faible dans 3 AL 2 Bet A+4B.II était encore plus faible dans 5 B (un peu moins alcalin que le virage de la phtaléine), et nul dans 5 A (un peu moins acide que le virage du méthylorange). Nous pouvons représenter ces. résultats dans le tableau suivant : Virage du méthylorange. LD LEARN 4 éclaircissement nul. DE EU ES EN ONE PE —- médiocre. SA 2B 0e Ed — assez grand. Virage du tournesol. DAS RUN UNIES — maximum. AL4B........... — assez grand. D ar nee _ médiocre. Virage de la phtaléine. La réaction optima coïncide donc bien avec celle qui a été déterminée pour les autres substances étudiées. b) Températures d'activité et de destruction de la diastase. —-La diastase se montre active sur le coli-bacille dans les mêmes conditions que pour les substances précédemment étudiées, c’est- à-dire jusqu’au delà des températures qui sont fatales à l’amibe. — Pour rechercher quelle température détruisait la diastase agissant sur le microbe, on a encore employé la même émulsion de coli-bacille tué par le chloroforme qui a servi aux expériences précédentes. Le liquide diastasique à été chauffé à différentes 498 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. températures pour les différents tubes d’essai, puis additionné dans chaque tube d’une égale quantité d’émulsion de coli-bacille. Après 20 heures à l’étuve à 37°, les tubes sont examinés : le résultat de cet examen est consigné dans le tableau suivant : Température et durée du chauffage. Résultat obtenu. 5 minutes à 100° (témoin)...... éclaircissement nul. 45 MA TA C2 OS SA — —_ 45 AAA ON AL ARE re — intermédiaire. Pas de chauffage préalable... .., — complet. Cette expérience, bien moins précise que celle qui a été faite avec la gélatine, en corrobore tout à fait les résultats. c) Action de la diastase sur diverses espèces microbiennes. — On pouvait se demander si la ‘'diastase de l’amibe nourrie de coli- bacille depuis un certain temps dissout ce microbe de préférence à tout autre. Pour répondre à cette question, on devait mettre en présence de la diastase amœbienne des microbes morts de diverses espèces, de manière à en former des émulsions égale- ment opaques, puis on devait chercher si toutes s’éclaircissaient | à l’étuve et dans quel ordre. Cette expérience comporte une cause d'erreur avec un grand nombre d’espèces qui, au con- traire du coli-bacille, sécrètent de grandes quantités de diastase protéolytique. Lorsqu’on tue ces microbes au moyen du chloro- forme, cette drastase fait subir aux corps microbiens une ( auto- digestion » ou « autolyse » à laquelle j'ai déjà fait allusion, et qu'il faut éviter si l’on veut que l’expérience soit correcte. On est alors conduit à chauffer ces émulsions microbiennes pour en détruire la diastase. Mais on se heurte alors à une autre cause d'erreur, parce que de cette manière on coagule plus ou moins les alhaminoïdes dont les microbes sont formés ct on les rend ainsi moins sensibles à l’action de la diastase. J’ai rangé ci-des- sous par ordre d’éclaircissement des tubes les noms des microbes mis en expérience, avec l'indication du mode de préparation de l’émulsion, en commençant par le microbe le plus facilement dissous : B. coli commune (chloroformé). B. typhique (chloroformé). Staphylocoque doré (chauffé à 100°, puis chloroformé). Vibrio Metchnikovi — — = B. anthracis, var. asporogène — —— — LA DIGESTION CHEZ LES AMIBES 499 On voit que les microbes chauffés sont moins facilement dissous que ceux qui sont simplement tués par le chloroforme. J'ai d’ailleurs pu constater que le coli-bacille lui-même est moins facilement dissous après un moment d’ébullition de l’émulsion. Cela n'empêche pas ces microbes de présenter entre eux des différences assez considérables au point de vue de leur dissolu- tion, le B. anthracis, par exemple, n'étant sensiblement pas attaqué, tandis que le staphylocoque montre une dissolution nette. On ne peut tirer argument de la digestion du B. coli, plus facile que celle du staphylocoque, pour affirmer une adaptation de la diastase, les microbes ne se trouvant pas présentés dans les mêmes conditions. On peut remarquer toutefois que le B. coli est un peu plus facilement dissous que le B. typhique, espèce très voisine et préparée de la même manière. Après avoir constaté la digestion par l’amibodiastase des corps microbiens tués par la chaleur ou par le chloroforme, il s'imposait de rechercher son action sur les microbes vivants. C’est ce que j'ai tenté de faire sans succès. Le B. coli vivant, émulsionné dans l’eau stérile ou dans la solution physiologique stérile, et auquel on ajoute de la diastase, n’est pas détruit par un séjour prolongé à l’étuve. La diastase extraite des amibes ne présente non plus, vis-à- vis des microbes, aucun pouvoir agelutinant, ce qui est curieux si l'on rapproche ce fait de l’agglutination très nette que l'on peut constater autour de la vacuole pulsatile. II faut peut-être conclure de là que la matière agglutinante est exclusivement due à la vacuole pulsatile, que les vacuoles digestives n’en con- tiennent pas et qu’elle est rapidement fixée par les microbes. J'ai recherché également sans succès si le sérum des ani- maux immunisés contre le B. coli contiendrait une sensibilisa- trice capable d’exalter l’action de l’amibodiastase sur les émul- sions chloroformées de ce microbe. Un sérum de cheval immunisé m'a été procuré par M. Lesage : ce sérum avait sur le B. coli un pouvoir agglutinant très manifeste. Ajouté à la dias- tase, il ne paraît pas augmenter la rapidité de l’éclaircissement de la dissolution. Mais les tubes en expérience sont difficiles à comparer, à cause du phénomène d’agglutination qui ne se pré- sente pas dans le témoin. 500 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. APPENDICE A RECHERCHE D’AUTRES DIASTASES. — J’ai cherché à mettre en évidence dans l’amibodiastase la présence de diastases non protéolytiques. Je n’ai pu obtenir de saponification appréciable de la monobutyrine. En revanche, l'iode et la liqueur de Fehling permettent de constater la présence d’une petite quantité d’amy- lase. Mais cette diastase ne peut être sûrement rapportée a. l'amibe, car le B. Coli en produit aussi. On peut faire la même observation à propos de la présure dont la présence dans l’amibodiastase peut être constatée. X L' AMIBODIASTASE EST BIEN LA DIASTASE INTRACELLULAIRE DES AMIBES L’amibodiastase dont j'ai indiqué le mode de préparation et étudié les actions est bien une diastase extraite de l’amibe, comme je l’ai montré plus haut en faisant voir que les cultures pures du microbe accompagnant lamibe sont incapables de donner un produit agissant semblablement. Ni émulsion ni culture en bouillon de B. coli ne nous ont donné de diastase active. J’expose ici quelques expériences qui permettronr de mieux voir encore que la présence et la quantité d’amibodias- tase sont liées à.la présence et à l’abondance d’amibes dans un milieu donné. Ces expériences ont été faites, non à l’aide d’extrait glycé- riné, mais avec des émulsions dans l’eau de microbes et d’amibes tués par le chloroforme. Un dépôt centrifugé d’amibes, préparé comme pour le trai- tement par la glycérine et traité par le chloroforme après émulsion dans l’eau (ou la solution physiologique), donne un liquide dissolvant la gélatine et la fibrine. Le liquide chargé d’amibes, que l’on recueille des boîtes de culture, traité par le chloroforme, dissout la gélatine. Il fait subir à la fibrine un commencement de digestion : la fibrine devient grise et friable et tombe en petits morceaux au fond du tube où l’on fait l'expérience 4 4 3 $ à 4 4 ft mn habit ‘te in ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. 501 Le même liquide décanté après centrifugation et traité de la même manière est dépourvu de toute action sur la gélatine et la fibrine. + ” + Non seulement cette diastase vient de l’amibe, mais encore nous devons la considérer comme la diastase intracellulaire que l’on voit agir sur les matières alimentaires dans les vacuoles digestives. Je voudrais établir ici qu’il y a accord à ce sujet entre les observations microscopiques et celles que j'ai pu faire in vitro, et que les propriétés attribuées à l'une et à l’autre per- mettent de conclure à leur identité. J'ai montré que l’amibodiastase est surtout protéolytique. Elle agit sur la gélatine, sur la fibrine et sur les corps de microbes morts, en milieu alcalin, neutre ou légèrement acide au tournesol, mais toujours alcalin au méthylorange et acide à la phtaléine. En agissant sur la fibrine, elle donne de la tyro- sine. La diastase, dont les effets ont été étudiés au microscope, est aussi surtout protéolytique. Elle ne paraît digérer mi les graisses, ni sensiblement l’amidon. Une propriété importante semble d’abord -la différencier de notre amibodiastase; elle dissout les albuminoïdes en milieu acide; au moins écrit-on ainsi souvent. Il serait plus éxact de dire qu’elle digère en milieu plus acide que le liquide extérieur où vivent les amibes, et ce liquide est généralement fort alcalin. Nous avons précédemment constaté, à l’aide du rouge neutre, comme on l’a fait auparavant avec le tournesol ou l’alizarime sulfoconjuguée, l’acidification progressive des vacuoles diges- lives. Cest là un fait qui doit être mis hors de doute. Mais nous avons vu que Le Dantec, par exemple, n’était pas le plus sou- vent arrivé à déceler cette acidification avec le tournesol, et qu'il avait dû pour cela employer un réactif capable d'indiquer une acidité beaucoup plus petite. On sait que dans l’eau pure dans laquelle on fait dissoudre une petite quantité de soude, l'addition d'acide chlorhydrique amène à un certain moment un passage brusque à la réaction acide, que tous les réactifs colorants indiquent sensiblement au même moment. 502 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Au contraire, par l’addition d'acide phosphorique, le pas- sage de l’une à l’autre réaction se fait par deux ressauts brusques! que sépare une sorte de plateau incliné; ces deux ressauts correspondent respectivement à l'addition dans la liqueur de 1/2 et de 4 molécule-gramme d’acide phosphorique pour 1 molécule-gramme de soude, et entre eux l'acidité du liquide n’augmente que lentement. La plupart des acides poly- basiques donneraient lieu à un phénomène analogue. De même le mélange d’un acide fort et d’un acide faible. Bref, si l’on se trouve en présence d’un mélange complexe de bases et d'acides forts et faibles, on pourra, par addition d’acide, ne passer de l’alcalinité forte à l’acidité forte que par une sorte de rampe inégale de forme variable suivant les mélanges et dont les divers réactifs colorés indiqueront les différents points. Les réactifs qui virent pour une acidité au voisinage de laquelle l'augmentation est lente dans le milieu considéré ne donneront qu'un virage lent et progressif. C’est ce qui arrive toujours dans les liquides chargés de matières organiques tels que ceux dans lesquels vivent les amibes. C’est ce qui arrive assurément aussi à l’intérieur de leurs vacuoles digestives. Là, comme dans le liquide ambiant, il y a certainement toujours une certaine quantité de phosphates. La présence de sels à composants (acides ou bases) plus ou moins forts ou faibles, et notamment de phosphates, explique l'existence de ces zones sensibles dont Le Dantec parle à propos de l’alizarine sulfoconjuguée et que l’on peut retrouver pour les autres réactifs qui ont servi de réaclifs physiologiques ‘. Ces substances : l’alizarine, le neutralroth, le tournesol, présentent ce caractère commun, lorsqu'on les met dans une solution de soude qu'on acidifie petit à petit avec de l’acide phosphorique, l. Je parle ici de l'acidité et de l'alcalinité comme de grandeurs numérique- ment définies susceplibles de croitre ou de décroitre. Il faut rappeler que des notions de physico-chimie sur lesquelles je n'ai pas à insister permettent en effet de déterminer numériquement l'acidité d’un liquide. On peut alors tracer des courbes d’acidification des liquides par addition d’un acide. C'est à ces courbes que correspondent les expressions de ressaut, de plateau, etc. Voir les courbes de Bôttger : Zeëtsch. f. physik. Chemie, XXIN, p. 295. 1. En réalité, on se trouve toujours dans la pratique placé dans le cas d’un mélange d'acides forts et faibles, même lorsqu'on mêle de l'acide sulfurique à de la soude, celle-ci introduisant toujours un peu d'acide carbonique dans le mélange. C'est pourquoi ce mélange a fourni à Le Dantec avec l’alizarine une zone sensible appréciable. LA DIGESTION CHEZ LES AMIBES 203 de présenter à un moment un virage assez brusque précédé ou suivi d’une série de teintes qui vont se succédant l’une à l’autre par transitions insensibles. J’ai cru bon de résumer dans un tableau les variations des teintes de ces différents réactifs dans les conditions que je viens d'indiquer. En présence de mélanges complexes d’électrolytes tels que les présentent les milieux natu- rels, le tableau pourrait se modifier un peu, mais son allure générale serait certainement conservée. : ec | PHTALÈNE ROUGE NEUTRE du phénol. QUANTITÉ : $ FÉNRN METAYLORANGE ALIZARINE TOURNESOL 0c.c.9 Rouge vineux. 1 jaune orangé pâle. Rouge franc. 1 sep D Virage complet. 41,1 Rouge orangé. . — Virage. 3 S d = © | 1,8 = = = = c mn NS 4 S S = = me à = & Era ë Te, c RUE hè = © 5 Ê = NE un T 5 & 5 AUX 1,6 ë $ = © © © © ET re £ 2 1,8 Eu Violet lilas, S S ES Virage. EVE 159 ‘A Bleu. a =) © 2 CS ï © = 2,1 S Orangé. Virage. Virage. 2,3 Teinte rouge vineux. Jaune pâle. J'ai opéré de la manière suivante. A 1 c. c. d’acide phospho- rique déci-normal, j’ajoutais des quantités de soude déci-nor- male variant de 0 c..e. 9 à 2 c. c. 4. J’ajoutais ensuite des quantités d’eau distillée suffisantes pour amener tous les liquides au mème volume de 8 c. c. Dans chacun des liquides obtenus on mettait une goutte du réactif colorant et l’on faisait ainsi des séries de tubes que l’on comparait. On a noté comme repères les points de virage du méthylorange et de la phénolphta- D04 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. léiné qui, comme on le sait, sont très nets dans les mélanges d'acide phosphorique et de soude, et correspondent précisément aux deux ressauts indiqués de l’acidité, c’est-à-dire à la présence de 1 ou 2 molécules-grammes de soude dans le liquide pour 1 d'acide phosphorique. Ce sont toujours des teintes de cette zone sensible comprise entre l’alcalinité du biphosphate et l’acidité du monophosphate de sodium que les auteurs ont observées dans les vacuoles digestives des amibes. Nous rappelons que c’est précisément dans cette zone, et plutôt dans la moitié inférieure (alcaline) que se manifeste la digestion des matières protéiques par notre amibodiastase. Nous nous croyons donc autorisé à conclure que ses propriétés sont celles de la diastase intracellulaire et qu’elle lui est identique à l’activité près. ? XI COMPARAISON DE L'AMIBODIASTASE AVEC LES AUTRES DIASTASES INTRACELLULAIRES La première diastase à laquelle 1l convient de comparer l’amibodiastase est certainement la diastase liquéfiant la gélatine que Beyerinck a vue excrétée par son 4. zymophila. Nous avons dit que cette diastase, que l’auteur n’a d’ailleurs pas obtenue en a$sez grande quantité pour opérer in vitro, liquéfie de préférence la gélatine lorsque le microbe qui accompagne la levure ne secrète pas d'acide, d’où il conclut que cette diastase est une trypsine, Il est à supposer, avec l’auteur, que cette diastaseest versée dans le milieu extérieur lorsque les vacuoles digestives sont expul- sées, ce qui la ferait tout à fait analogue à notre amibodiastase. Pour s’assurer si sa trypsine n’est pas accompagnée de sucrase ou d’amylase, Beyerinck emploie ce procédé très ingénieux d'essayer de cultiver dans le milieu où vit l’amibe un microbe (mycoderme) qui a besoin de glucose et ne secrète ni sucrase ni amylase. En introduisant dans la culture pour tout aliment hydrocarboné du sucre de canne ou de l’amidon, on connaît par le développement ou le non-développement de ce microbe si LA DIGESTION CHEZ LES AMIBES 505 l’amibe lui a préparé l'aliment nécessaire. Or, il n’en est rien. Comme notre amibodiastase, la diastase de Beyerinck ne con- tient donc sensiblement qu'un ferment trypsique. On sait qu'aucune diastase n’a été jusqu’à ce jour isolée des Infusoires ciliés pour les mêmes raisons qui en rendent l’extrac- tion chez les amibes fort laborieuse. Je rappellerai seulement que les observations microscopiques la font très proche parente de la diastase des amibes. Comme elle, elle paraît surtout être protéolytique, puisque ce n’ést qu'exceptionnellement qu’on a pu voir des grains d’amidon attaqués chez les ciliés. Encore n’étaient-ils pas dissous ou seulement très peu, mais transformés en une matière qui devenait rouge brun par l’iode. Les réactifs colorants indiquent dans les vacuoles une acidité semblable à celle qu’on voit chez les amibes, parfois un peu plus forte puis- qu'il arrive assez fréquemment que le tournesol vire au rouge franc, l’alizarine au jaune. Chez les Eponges, une extraction de la diastase n’a été faite que par Krukenberg. Il a conclu successivement à l'existence chez ces êtres d’une diastase pepsique, puis trypsique. Mais ces résultats semblent douteux et auraient besoin d’être confirmés, Récemment, Cottei a confirmé l'existence d’une trypsine des éponges, mais ces résultats mériteraient aussi d’être précisés. Krukenberg a aussi extrait d’un plasmode de Myxomycète (Æthalium septicum) une diastase qu'il dit pepsique. En revanche, chez les Actinies, Mesnil, dans untravail récent déjà cité, a montré l’existence d’une diastase digestive intracellu- laire à la fois protéolytique (trypsique), et aussi présurante, lipasique et faiblement amylolytique. Au point de vue de la réac- tion des vacuoles, les réactifs colorants indiquent encore ici une acidité plus grande que celle du milieu extérieur, mais faible et ne dépassant pas celle du monophosphate de sodium : le rouge neutre prend une teinte rouge vif dans les vacuoles des cellules des filaments mésentériques et le tournesol communique aux mêmes tissus une couleur lilas. Ces indications concordent bien avec celles que fournit l’étude in vitro de la zone d’activité de la diastase. Les indications fournies par les réactifs colorants (tournesol et rouge neutre) chez les Turbellariés, dont on n’a pas encore tenté 1. Corte, Notes sur le Suberites domuncula, thèse .de médecine, Paris (1901), 33 506 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. d'extraire de diastases, assignent à leur protéase une zone d'action placée assez bas dans le tableau établi ci-dessus !. Quantauxleucocytes des Mammifères, dans lesquels plusieurs travaux ont démontré la présence de l’amylase *, on sait peu de choses de leurs protéases. D’un pus de l’hypopion qu'il a vérifié stérile, Leber * à pu faire un extrait qui digérait la fibrine coa- gulée à 25° et liquéfiait la gélatine. Des leucocytes du pus égale- ment, Achalme ‘ a extrait un liquide doué de plusieurs propriétés diastasiques différentes. Avant tout, ce liquide est protéolytique et digère les différents albuminoïdes en milieu alcalin, neutre ou légèrement acide au tournesol, c’est-à-dire qu'il est encore trypsique. Il présente cette particularité curieuse de ne digérer la gélatine qu’en milieu salin. . Si nous comparons aux deux types classiques de la pepsine et de la trypsine des Vertébrés supérieurs toutes celles des dias- tases intracellulaires que l’on connaït bien, nous sommes ame- nés à conclure qu’elles se rattachent toutes au type trypsique, c’est-à-dire qu’elles digèrent en milieu alcalin, neutre ou faible- ment acide et poussent assez loin la désagrégation de la molé- cule albuminoïde, jusqu’à des corps cristallisés tels que la tyrosine. Notre amibodiastase n’échappe pas à cette règle. Les indications que donnent les virages des réactifs colorés placent d’ailleurs dans la même zone de réaction l’activité des diastases intracellulaires que l’on n’a pas aussi bien étudiées. Au reste, le type trypsique semble être très répandu dans les deux règnes de La nature. En dehors de la trypsine des vertébrés supérieurs, on rencontre des protéases de ce type dans des groupes d'animaux très divers : Annélides (lombric et Nereis), Crustacés (écrevisse), Insectes et Arachnides, etc. 5, et aussi chez des végétaux (latex du carica papaya, du figuier, jus de l’ananas, Aspergillus niger, etc.) À coup sür, ces diastases présentent entre elles des différences notables. Les unes ont leur optimum 1, Metchnikoff et Mesnil ont vu que le virage du tournesol dans les vacuoles digestives est exceptionnel; en revanche, Metchnikoff a observé le virage du rouge neutre. 2. Voir Mercuxixorr, L'Immunité dans les maladies infectieuses, Paris (1904), p. 102. - 3. Leser, Die Enstehung der Entsündung. Leipzig (1891), p. 508 4, ACHALME, GC. Z&. Soc. Biol. (1899), p. 568. 5. Pour la bibliographie des diastases digestives, voir Ricuer, Dict. de physio- logie. Article : digestion (Hédon). ht ds. LA DIGESTION CHEZ LES AMIBES 907 d'action pour une réaction un peu plus acide, les autres pour une réaction plus alcaline. Il en est, comme l’endotrypsine des levures de Hahn et Geret', qui, aux dépens des matières albumi- noïdes, donnent bien de la leucine et de la tyrosine, mais ee de peptones, alors que les autres en produisent. Plus les études sur ce sujet deviendront nombreuses, plus il apparaîtra certainement qu'il existe des variétés de protéases différentes par les conditions ou par les produits de leur action. Il n’en est pas moins vrai qu’elles se groupent bien sous les deux rubriques classiques et que, dans la nature, les trypsines semblent être de beaucoup les plus répandues. Les diastases pepsiques, au contraire, digérant en milieu fortement acide et ne poussant pas la simplification de la molécule albumi- noïde au-delà des peptones, peuvent être considérées comme exceptionnelles. CONCLUSIONS Je résume les résultats obtenus dans ce travail : J'ai isolé du sol une espèce d’amibes que j'ai cultivée sur des milieux solides et j'ai étudié son mode de développement dans ces cultures (multiplication et enkystement). J'ai donné un procédé pour isoler cette amibe en présence d’une seule espèce bactérienne, qu’on peut d’ailleurs faire varier. Cette amibe agglutine les microbes (B. coli) dont elle est nourrie, grâce à la sécrétion de la vacuole pulsatile. J'ai insisté sur l'intérêt de ce phénomène. Le rouge neutre m’a permis de suivre au microscope l’acidifi- cation progressive des vacuoles. - Des colorations faites après fixation ont montré à l’intérieur de ces vacuoles les modifications que subissent les microbes ingérés. J'ai étudié la pénétration par osmose dans l’amibe de quelques matières colorantes et leur fixation sur le noyau. J'ai montré aussi que le protoplasme des amibes (au moins à l’état de kystes) n’est pas facilement perméable aux solutions salines puisqu'il 4. Haux et Gerer, Zeitschr. f. Biologie (1900),-t. XL, p. 118. 508 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. se comporte vis-à-vis d’elles comme une membrane semi-per- méable et permet de mesurer correctement l’isotonie des solu- tions. Enfin j'ai extrait des amibes cultivées une diastase surtout protéolytique qui se rapproche de la trypsine, tant par sa réac- tion optima que par les produits de son activité. J'ai d’ailleurs établi par des expériences de comparaison que le microbe qui l’accompagne dans les cultures (B. coli) n’est pour rien dans la production de cette diastase. Comparant les résultats de ces expériences in vitro avec les observations faites in vivo, j'ai été amené à conclure que la protéase extraite des amibes est bien celle qui agit à l'intérieur de leurs vacuoles digestives. La longueur des manipulations nécessaires pour se procurer une quantité peu considérable de diastase explique que je n'aie encore pu suivre dans tous ses détails l’action de cette substance. J'espère toutefois avoir apporté une contribution utile à l'histoire encore peu connue des diastases intracellulaires. Que mes anciens maîtres qui m’ont ouvert leurs laboratoires, MM. Ed. Perrier et Costantin, veuillent bien recevoir ici mes plus sincères remerciements. MM. Duclaux, Roux et Metchnikoff m'ont accueilli à l’Institut Pasteur et m'ont souvent soutenu de leurs encouragements et aidé de leurs conseils. Qu'ils me permettent de leur en témoigner ma profonde reconnaissance. M. le docteur Borrel a bien voulu exécuter les dessins qui accompagnent ce mémoire; M. Delezenne m'a souvent donné au cours des expériences de très utiles indications; M. Mesnil m’a fait profiter de l'expérience que lui a donné un travail récent sur un sujet voisin. Je suis heureux de pouvoir ici les en remercier tous trois. EXPLICATION DE LA PLANCHE VII Lettres communes à toutes les figures : n, noyau; k, karyosome du noyau; ect, ectoplasme; end, endoplasme; vd, vacuole digestive; vc, vacuole con- tractile ; »m, membrane du kyste. Fig. 4. — Amas de kystes d'amibes dans une culture sur gélose de 10 jours. Fig. 2. — Groupes de kystes de l’amas précédent pour montrer l'aspect poly- gonal du contour des kystes pressés les uns contre les autres. Gr. — 650 env. Fig. 3. — Kyste isolé coloré par le rouge de ruthénium. Gr, = 650. LA DIGESTION CHEZ LES AMIBES 509 Fig. 4. — Kyste plasmolysé par une solution de sel marin. Fig. 5. — Amibe nourrie de B. coli et plongée dans une solution faible de neutralroth. Les microbes, dans plusieurs vacuoles digestives, sont colorés par le rouge (a). Au voisinage de la vacuole pulsatile s’est formé un amas de microbes agglutinés. Gr. — 1,000 env. Fig. 6. — Amibes mobiles nourries de B. coli dans une solution faible (2/1000) de rouge de ruthénium. La couleur n’a pas encore pénétré les amibes; les microbes libres dans le liquide et ceux qui sont agglutinés au voisinage de la vacuole pulsatile ont pris la couleur. Gr. — 850 env. Fig. 7. — Amibe colorée vivante par le bleu de méthylène. La teinte a dû être changée dans la figure. Le karyosome doit être bleu pâle, les microbes se teignent en bleu foncé. Gr. — 1,100. Fig. 8. — Amibe colorée sans fixation par le rouge de ruthénium. Fig. 9. — Amibes colorées après fixation (alcool : 10 minutes) par la méthode de Laveran. Dans 9 à, on voit plusieurs vacuoles digestives conte- nant des microbes (staphylocoques) à différents états de digestion de plus en plus avancés (dans l’ordre 1, 2, 3). Dans 9 b, on voit bien l'aspect que prend ordinairement le noyau par cette coloration. Gr. = 1,100. Fig. 10. — Une colonie microbienne dans une culture où l’on a ensemencé des amibes en un point extérieur à cette colonie. Les amibes ont atteint la colonie et ont semé en tous sens autour d'elle un grand nombre de colonies secondaires. ACTION DU SÉRUM SANGUIN SUR LES PARAMÉCIES Par LE Dr LEDOUX-LEBARD (Travail du laboratoire de M. le Dr Roux.) Les infusoires se prêtent bien à l'étude des substances toxiques pour leur organisme. Beaucoup d’entre eux sont visibles à de faibles grossissements. Ils sont mobiles et l’alté- ration de leur motilité devient un signe, facile à observer, de l'influence du poison. Celui-ci, chez les infusoires très différen- ciés, peut agir, en outre, sur les différents organes : vésicules contractiles, portion mobile de l’endosare, couche à trichocystes, cils vibratiles dont il modifie la forme ou le fonctionnement. Nous étudierons, dans ce mémoire, l’action sur les paramécies du sérum sanguin de quelques espèces animales. Raab ‘ a constaté que des paramécies qu'il avait mises dans du sérum humain, dans le but de rechercher l’action de la fluores- cence, sont mortes en 15 minutes, et en 30 minutes lorsque ce sérum était mélangé d’eau, à parties égales. Il ne put démontrer aucune action de la lumière et conclut que la substance qui, dans le sérum, tue les paramécies est inconnue. Faisons observer que l’eau physiologique tue également les paramécies dont le contenu est isotonique, d’après Balbiani * avec une solution de chlorure de sodium à 0,30 pour 100. Il faut donc employer le sérum en dilution étendue, lorsqu'on veut étudier son pouvoir toxique sur ces infusoires. Me Metchnikoff * a essayé l’action, sur les paramécies, du sérum d’anguille. « Celui-ci n’a point manifesté de pouvoir toxique supérieur à celui du sérum sanguin d’autres animaux ». 1. Zeitschr. f. Biolog., XXIX Bd, 4 Heft, 1900. 2. Arch. d’Anat. microscop., 1898, p. 547. 3. Citée dans l’?Zmmunité dans les maladies infectieuses, par E. Metchnikoff, p:122: ACTION DU SÉRUM SANGUIN SUR LES PARAMÉCIES, 544 Les paramécies dont nous nous sommes servi pour nos expériences appartenaient à l'espèce P. caudatum. Elles étaient cultivées suivant le procédé indiqué par Balbiani !. Autant que possible, vn n'utilisait que les cultures contenant de 500 à 1,000 paramécies par centimètre cube. La technique est simple: on prépare dans un verre de montre un mélange d’eau et de sérum et l’on ajoute la culture de paramécies. Ces liquides sont dosés exactement, avec une ‘pipette graduée en dixièmes de centimètre eube. Le volume total du liquide ne doit pas dépasser 2 c. c. à 2e. c. 5, pour être facilement explorable. Le verre de montre est placé dans une chambre humide. Étudions d’abord l’action du sérum de cobaye qui reproduit, avec des différences en plus ou en moins, l’ensemble des effets obtenus avec les autres sérums. On prépare une dilution n° 1 de sérum de cobaye, à1/20 dec.e, de sérum pour 1 c. c. du mélange. N°1 JHGUR EEE GER LR RE PURE NS RE Er RS BE EUES ER 418/107e2"C Sérum: decobaye. es Parole RON UE EME AT UIEEUT 14e; ec: GULÉRES OrR R PA E sle Re des sp A /E0ECNCE Les paramécies nagent d’abord avec agilité ; au bout de 10 à 30 minutes, leurs mouvements se ralentissent, un grand nombre tombent au fond du liquide tandis que d’autres continuent à nager. Bientôt, toutes sont au fond, immobilisées avec des mouvements sur place ou progressant lentement. Pendant cette phase de ralentissement et d’immobilisation apparaît, à l'extrémité postérieure de chaque paramécie, une masse floconneuse, irrégulière, de forme variable, très petite d’abord, augmentant peu à peu de volume et acquérant des dimensions qui peuvent atteindre environ le tiers du volume de l’infusoire. Celui-ci traîne cette masse dont il parvient quel- quefois à se débarrasser, soit par une nage plus rapide, soit par des mouvements alternatifs de progression et de recul: ou bien la masse se fragmente;, des portions se détachent et le fardeau est ainsi allégé, mais seulement pour quelques instants, car il ne tarde pas à s’accroître d’un nouvel apport de matières. La _masse est visqueuse; pendant la progression, elle s’étire sou- 4. Loc. cit. d12 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. vent en un long filament qui semble partir de l'extrémité posté- rieure de la paramécie; l’autre bout est libre ou relié au gros de la masse, ou bien encore celle-ci se fractionne en renflements successifs. Cette disposition en chapelet aide à découvrir des filaments qui, par leur ténuité, et leur transparence pourraient échapper à l’observation. Nous reviendrons, dans un instant, sur l’origine et la com- position de ces masses adhérentes. Continuons maintenant l’ob- servation des paramécies gênées dans leurs mouvements par de telles entraves, affaiblies ou paralysées par suite de l’action du sérum. Elles nagent de plus en plus lentement au fond du liquide. Deux d’entre elles se rencontrent. Leurs extrémités antérieures se dégagent encore assez bien des masses visqueuses, mais lorsque celles-ci se mettent en contact, elles s’accolent en une masse unique qui lie les paramécies l’une à l’autre par leurs extrémités postérieures. Elles tirent, chacune de leur côté, en ligne droite et en sens opposé. Cédant à cette traction, le lien s’allonge et se rompt quelquefois, libérant les paramécies. Le plus souvent, elles restent unies. D’autres surviennent et se laissent prendre de même par leurs masses visqueuses. Ainsi se forment des agglomérations étoilées ou rayonnantes de 3, 4 ou d’un plus grand nombre de paramécies. Celles-ci sont disposées comme les rayons d’une sphère, les extrémités antérieures libres, à la périphérie. les extrémités postérieures réunies au centre par les masses visqueuses confluentes. C’est une disposition ana- logue à celle des agglomérations en rosace des trypanosomes, décrites par Laveran et Mesnil 1. Les agglomérations nombreuses offrent une disposition plus ou moins irrégulière. D'ailleurs, l’agglutination entre paramé- cies se complique de l’agglutination avec des corps étrangers qui peuvent se trouver dans la préparation ; dépôts de la cul- ture, brins de coton, etc. Ces corps ténus s’attachent aux masses visqueuses et sont entraînés par la paramécie, lorsqu'elle possède encore assez de vigueur. Si le poids est trop lourd, ou la force épuisée, c’est la paramécie qui reste attachée au corps étranger. Il est fréquent de voir des fragments de fibres végé- tales auxquels plusieurs paramécies sont appendues par leurs 1. Ces Annales, 1901, n° 9, et 1902, n° 1. ACTION DU SÉRUM SANGUIN SUR LES PARAMÉCIES. 513 extrémités postérieures, au moyen des masses adhérentes, comme les fruits d’une grappe à leur axe. Au terme de cette période d’agglutination commencée vers la fin de la première heure, achevée dans la deuxième ou troi- sième heure, plus tôt ou plus tard suivant l’activité du sérum, l'aspect de la préparation est bien différent de celui de la période précédente, Plus de paramécies nombreuses nageant rapidement dans les diverses couches du liquide comme au début, ou lente- ment au fond, mais seulement des paramécies agglutinées en agglomérations rayonnantes ou irrégulières, d’autres attachées à de petits corps étrangers, quelques-unes seulement ayant échappé à l’agglutination, toutes gisant inertes au fond du liquide. Les paramécies n’ont pas encore cessé de vivre. À de forts grossissements on constate des mouvements de rotation autour du grand axe ou de faibles déplacements. Les vésicules pulsa- liles se contractent, bien que plus rarement, la cyclose de l’en- dosarc persiste, les cils vibratiles continuent leurs oscillations. Bientôt, les vésicules contractiles se paralysent, elles présentent une dilatation considérable souvent limitée à l’une d'elles, tout mouvement cesse, le corps se déforme et devient ovoïde. Au bout de 24 heures, les 50 ou 60 paramécies contenues dans la préparation sont presque toutes mortes. Quelques-unes seulement ont résisté, sans avoir acquis, pour cela, l'immunité contre l’action d’une nouvelle dilution de sérum à 1/20. Pour avoir une notion plus précise de l’activité du sérum de cobaye, on a préparé en même temps que la dilution n° 1 d’au- tres dilutions n° 2, n° 3, n° 4, n° 5. Elles diffèrent de la dilution n° 1 seulement en ce que, au lieu de 1/10 c. c. de sérum, on à mis dans n° 2, 1/10 c. c. de sérum dilué à 1 : 2; dans n° 3, 1/10 ce. c. de sérum dilué à 1 : 4; dans n° 4, 1/10 c. c. de sérum dilué à 1 : 8; dans n° 5,1/10 c. c. de sérum dilué à 1 : 16. Le volume du liquide étant 2 c. c., on voit que ces dilutions contiennent respectivement, par centimètre cube : n° 4, 1/20 c. c.; n° 2, 1/40 c. e.; n° 3, 1/80 c. e.; n° 4, 1/160 c. c. ; n° 5, 1/320 c. c. de sérum. Le ralentissement, l’immobilisation des paramécies, l’expul- sion de masses adhérentes, l’agelutination peuvent s’observer dans les dilutions n° 1, n° 2, n° 3, n° 4. Les phénomènes tardent 014 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. d'autant plus à apparaître et à se généraliser à toutes les para- mécies que la dilution est plus étendue. Dans le liquide n° 5, on remarque au bout de quelques heures une rapidité un peu moindre des mouvements, et quelques paramécies expulsent des masses visqueuses d’un faible volume. L'action du sérum est donc encore sensible dans la dilution de 1 : 320. Après 24% heures, on trouve des paramécies mortes et d’autres immobiles, dans les dilutions 2, 3; la mobilité reste diminuée dans la dilution 4, elle ést redevenue normale dans la dilution 5; les paramécies agglutinées qui restent vivantes se désagrègent. Le phénomène de l'expulsion des masses adhérentes exige une étude complémentaire. Ces masses, après leur expulsion, s’attachent à«la région postérieure de l’infusoire, par linter- médiaire des cile vibratiles altérés par le sérum. L’adhérence est souvent limitée à la touffe de cils qui recouvre l’extré- mité postérieure. Grâce à des examens répétés, on découvre des paramécies munies de masses étirées en filaments et pour lesquelles cette adhérence aux cils postérieurs ne s’est pas encore établie. Lorsqu’elles nagent en zigzag, on observe, en effet, que le filament ne s'attache pas à l’extrémité postérieure à laquelle il s’applique seulement pendant la progression recti- ligne, mais dont il s’écarte au moment des changements de direction. Il s’insère en réalité en avant de cette extrémité, et sous une zone transversale qui est celle assignée à l’anus, sans que nous ayons pu arriver à une détermination plus précise. C’est par cet orifice, croyons-nous, que la masse est expulsée. Notre opinion s’appuie sur les faits que nous allons exposer. La masse éliminée, lorsqu'elle a acquis un certain volume, s'étale à l'extrémité postérieure de la paramécie, et par suite de ses adhérences aux cils, pendant les mouvements de l’infusoire, elle s'étend plus ou moins vers la région antérieure. Elle s’ap- plique, par sa surface adhérente, à la cuticule dont elle est sépa- rée par une ligne claire répondant au revêtement cillaire. La surface libre est irrégulière et, lorsque l'expulsion est récente, formée de petites bosselures assez égales dont la présence est liée au mode de formation de la masse. Celle-ci se composait, pour nos paramécies, de petits bâtonnets de 3 y de longueur formées d’une portion axiale plus réfringente entourée d’une ACTION DU SÉRUM SANGUIN SUR LES PARAMÉCIES. 515 zone claire. Ces bâtonnets étaient semblables, par leur forme et leur colorabilité, à ceux qui composaient les bols alimentaires circulant dans l'endosarc. Ces bacilles représentaient sans doute l’aliment de choix des paramécies, parmi les microbes qui pullulaient dans la macération de mâche servant de bouillon de culture. Après leur expulsion, ces bols alimentaires incomplète ment digérés conservaient plus ou moins longtemps leur forme sphérique et donnaient à la masse adhérente, qui est une masse fécale, son aspect muriforme. Microbes encore entassés en boule, microbes dissociés sont unis par une substance visqueuse qui nous paraît devoir prove- nir des vacuoles digestives. Nous ignorons s’il faut y ajouter une portion de la substance sarcodique ; mais nous n'avons pas trouvé dans les matières éliminées de cristaux semblables à ceux qui circulent dans l’endosarc. Enfin, on observe des amas de trichocystes à l’état de, spicules intriqués en tous sens et situés à la périphérie ou çà et là, dans l’intérieur des masses adhérentes. Nous avons assisté à une décharge de trichocystes par une paramécie placée dans une dilution de sérum de rat; il existait une masse adhérente ‘qui fut repoussée à quelque distance. Tous ces caractères ne s'appliquent qu'aux masses récentes qui viennent d’être éliminées, ils disparaissent en peu de temps parce que les masses se déforment, s’altèrent et perdent leur transparence. Les précipités qui se produisent fréquemment dans les dilutions de sérum peuvent former ainsi, à la surface des paramécies, des dépôts adhérents qu’explique l’altération des cils. Ces dépôts se distinguent des masses que nous venons de décrire par leur opacité, leur composition différente, leur siège dans n'importe quelle région du corps de l'infusoire. Lorsqu'ils occupent un seul côté, ils provoquent des mouve- ments de rotation uniforme. L'agglutination des paramécies s’effectue donc par l'intermé- diaire de masses visqueuses composées presque en totalité de fèces. IL faut, pour qu'il y ait agglutination, que les matières éliminées aient d'elles-mêmes ou acquièrent, au contact du sérum, le degré de viscosité nécessaire. L’expulsion de matières se distinguant, par leur abondance, de la défécation normale, peut s’observer, sans qu'il y ait agglu- 516 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. tination, Ce qui est particulier ici, c’est la propriété qu'ont les masses expulsées d’adhérer à la fois entre elles et aux para- mécies. Dans une dilution de sérum de rat à 3/20 et aussi à 1/10, - nous avons vu les paramécies immobilisées en quelques minutes. Les masses expulsées étaient abondantes, etnéanmoins il n’y avait pas d’agglutination, alors qu’elle se produisait dans la dilution du même sérum à 1/40. Le défaut d’agglutination n'était pas attribuable à ce que les paramécies eussent conservé assez de force pour rompre les masses visqueuses par leurs tractions. La diminution de la mobilité était au contraire plus marquée dans les dilutions à 3/20 et à 1/10 que dans celle à 1/40 où l’agglutination existait. D'autre part, il était difficile d’invo- quer une insuffisance de la mobilité qui, supprimantles contacts, eût empêché l’agglutination, car celle-ci ne s’est pas produite dans une préparation semblable, malgré l'agitation du liquide. Il y a donc, outre la composition qualitative de la dilution de sérum, des conditions tenant à la proportion des corps en présence, qui favorisent ou empêchent l’agglutination. Une dose trop forte de sérum supprime le phénomène. Enfin, en supposant ces conditions remplies : viscosité des masses expulsées les faisant adhérer entre elles et aux para- mécies; viscosité supérieure à la force des paramécies ; l’agglu- tination se produira-t-elle nécessairement? Les chances de ren- contre des paramécies se mouvant avec lenteur au fond du liquide, sont-elles assez grandes pour réaliser l'agglutination possible, ou faut-il encore supposer une attraction réciproque de ces infusoires? C’est ce que l'observation ne permet pas de décider. Les détails qui précèdent nous permettent de résumer très brièvement lés résultats obtenus avec d’autres sérums. Comme précédemment, les nombres indiquant les titres des dilutions, donnent en -centimètres cubes, le volume du sérum contenu dans 1 c. c. dela dilution. Le mot : immobilisation, signifie que les paramécies, au lieu de nager dans les diverses couches du liquide, sont tombées au fond et ne progressent plus que lente- ment ou sont tout à fait immobiles. ACTION DU SÉRUM SANGUIN SUR LES PARAMÉCIES. 517 Sérum de lapin. Sérum de chèvre (un seul essai). — Les sérums à 1/20 ont agi sur les paramécies comme le sérum de cobaye. Mais, pour le sérum de lapin, plus faiblement. Sérum de cheval. — À 1/20, produit en 2 heures l’immo- bilisation et l'expulsion de masses fécales. Nous n'avons pas constaté d’agglutination dans les dilutions à 1/20, à 1/10. Sérum de mouton (un seul essai). — Agglutination faible, en 2 heures, dans la dilution à 1/20. Déformation des paramécies. Mort. Sérum de bœuf. — Ce sérum est très actif. A 1/20 : immobi- lisation des paramécies en 15 minutes, expulsion de masses adhérentes, faible agglutination, dilatation excessive des vési- cules. Mort en quelques heures. A 1/40 : immobilisation en 20 minutes suivie d’aggluti- nation. A 1/200 : immobilisation en 30 minutes, agglutination, mort. À 1/320 : immobilisation, légère agglutination. Le sérum de veau (un seul essai) s’est comporté comme celui de bœuf. Sérum de rat blanc. — Très toxique. À 1/20, 1/40 : immobi- lisation, expulsion des masses adhérentes, agglutination, dans un intervalle de 20 minutes à 1 heure. Mort des paramécies. À 1/30, 1/160, mêmes phénomènes, mais un certain nombre des paramécies survivent. À 1/320, le pouvoir toxique s’est encore manifesté par un ralentissement marqué des mouvements. Sérum de pigeon (un seul essai). — A 1/20 : immobilisation au commencement de la 2° heure. Expulsion des masses adhé- rentes. Faible agglutination. Sérum d'oie (un seul essai). — A 1/20, 1/40, 1/80, 1/160, 1/320 : immobilisation au bout de 1 à 4 heures, d'autant plus rapide que la dilution est plus forte. Expulsion de masses adhé- rentes. Au bout de 24 heures, survie d’un certain nombre de paramécies qui ont recouvré leur mobilité. Sérum humain. — Nous avons examiné 28 échantillons de sérum humain provenant des services hospitaliers de MM. les docteurs Letulle et Doléris à qui nous exprimons nos bien vifs remerciements. Le sang a été obtenu, soit par l’application de ventouses scarifiées (14 cas) sur des malades atteints d’affections D18 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. très diverses, soit par la section du cordon ombilical (14 ne immédiatement après l’accouchement. Dans les 14 derniers cas, le sérum s’est montré 10 fois très peu actif dans les dilutions à 1/20 où il ne produisait qu'un peu de ralentissement, quelquefois à peine appréciable, des mouve- ments, 4 fois actif pour la même dilution. (Immobilisation. Mort des taie ou d’un grand nombre d’entre elles au bout de 24 heures.) Dans la dilution à 1/10, 4 fois sur 5 essais, le sérum ét toxique. Sur les 14 échantillons de sérums pathologiques, 6 fois le sérum s’est montré inactif ou à peu près inactif et 8 fois actif dans la dilution à 1/20. Cette variabilité du pouvoir toxique n’est point particulière au sérum humain. Nous l’avons constatée pour les sérums de cobaye, de rat, de cheval. Nous sommes porté à croire, d'après nos observations, que lorsqu'il s’agit de sérums normaux, le pouvoir toxique varie, pour une espèce animale, entre des limites assez rapprochées. Parmi les sérums que nous avons étudiés, ceux de bœuf, de rat, d’oie sont les plus toxiques, le sérum humain est celui qui l’est le moins. \ Le sérum de cobaye chauffé à 55° pendant une demi-heure perd son pouvoir d’immobiliser et d’agglutiner les paramécies. Déjà, après 10 minutes de chauffage à cette température, ce sérum ne produit plus qu’un ralentissement des mouvements dans les dilutions à 1/20. A 55°, le sérum de lapin est modifié comme celui de cobaye. Le pouvoir agglutinant des sérums de cobaye et de lapin, aboli à 55°, se distingue, par cette faible résistance à la chaleur, le la propriété analogue des sérums antimicrobiens; ceux-ci restent agglomérants après le chauffage à 55°. Le sérum de bœuf, qui est très toxique, conserve encore, lorsqu'il a été soumis à la température de 55°, pendant une demi-heure, une toxicité qui ne disparaît à peu près complè- tement que par le chauffage à 60° pendant une demi-heure. Pour le constater, on prépare des dilutions à titres croissants, à 1/20, 2/20, 3/20, avec le sérum chauffé à 55° et aussi avec le sérum de bœuf chauffé à 60°. La comparaison des dilutions de ACTION DU SÉRUM SANGUIN SUR LES PARAMÉCIES, 519 même titre démontre l'influence de la température; celle des dilutions de titres différents permet d’apprécier la toxicité. Or, les paramécies sont plus ou moins complètement immobilisées dans les dilutions de sérum chauffé à 55°; la mobilité persiste dans les dilutions de sérum chauffé à 60°, mais est diminuée dans les deux plus fortes, à 2/20 et 3/20. La même expérience répétée avec le sérum de cheval et avec celui de cobaye démontre que le premier conserve une légère toxicité après le chauffage à 55°, qui suffit au contraire à sup- primer le pouvoir toxique du sérum de cobaye, dans les dila- tions à 1/20, 2/20, 3/20. La persistance du pouvoir toxique dans certains sérums après le chauffage à 550 n’est‘pas en contradiction avec ce que nous savons sur les propriétés des sérums hémolytiques. Lors- qu'on chauffe à 55° un sérum hémolytique pour une espèce d'hématies, ce sérum exerce encore une action sur les cellules ; mais à défaut de l’hémolyse qui est le signe utilisé avec le réac- tif globule rouge, cette action reste latente. La moindre atteinte portée à l’organisme de la paramécie retentit sur la motilité dont l’altération décèle la faible toxicité de certains sérums chauffés. Les choses se passent comme s’il y avait dans ces sérums soit plusieurs substances toxiques destructibles à différentes tempé- ratures, soit une seule substance toxique donnant, à partir de 550, des dérivés de toxicité décroissante, La suppression du pouvoir toxique du sérum sous l'influence de la chaleur conduit à rechercher s’il est possible de faire réapparaitre la toxicité, par l'addition au sérum chauffé, d’un autre sérum inactif ou peu actif. Ce dernier est représenté dans l'expérience suivante par un sérum humain inactif à 1 : 20. Le sérum inactivé par le chauffage était du sérum de cobaye porté à 55° pendant une demi-heure. | On prépare les trois dilutions : No 4, DRE ÉNERGIES LE DIE LCR DFA SRE ATOS LC Né CNAUTEELCOPAVE. ARMAND RL ce 1 ADPO EC SÉRUEQUMAN EMA EEE EE RTE Re NA ee Cats eme 4740020 Guiture de DATA LICE Ar CRM AN LE SERIES 1/10"6%EC 520 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. No 2. au R neMe PP FAR ET OS SAT EEE mt eee ee 07 TON TCr Sérum chañffétde CODAVE ARE ERP Re Re threee DALUÉEANCE Sérum humain ....,.... NRA STE DEA Se Er AK LE SN Culture de param........... ones tete etre dy ADNGE SEE No 3. AT Te Sn ee ne Cet os VASE scene: 240) l0NEEUCS Sérum chauffé de cobaye. RCE SORT NE DO »/102c C7 Sérumhumamissntoierter Re ee Et Pie SU MONS RCE Culture de param... SUR ANSE ANSE A LE 25 red lOICECs On prépare aussi trois dilutions témoins n° 4, n° 5, n° 6 qui diffèrent de n° 1, n° 2, n° 3, en ce que le sérum humain y est remplacé par la même quantité du même sérum humain chauffé une demi-heure à 55°. Enfin, une dilution n° 7 est ainsi composée : HA ee Paie Hs Or te lee Aa ane NS ADI 207 SÉTUMONMAIN CRE ERA EME ER ER Re A Een A ILE ERA EE Culture de parameter terre mess ter d/ALDT CAC Voici les résultats observés. Dansles dilutions n° 1, n° 2, n°3 se produisent, en 3 heures, l’immobilisation avec expulsion de masses adhérentes, l° clualou des paramécies. C’est dans n° à que les phénomènes apparaissent d’abord, puis dans n° 2 ete i La mobilité des paramécies persiste dans les dilutions témoins n° 4, n° 5, n° 6. Mais on note l’expulsion de masses non adhé- rentes. Elle persiste également dans la dilution n° 7, Au bout de 24 heures, toutes les paramécies sont mortes ou encore absolument immobilisées dans n° 1, n° 2, n° 3; elles nagent dans n° 4, n° 5, n° 6, aussi bien que dans n° 7, Cette expérience ne donne pas la preuve décisive que le sérum chauffé ait été réactivé par le sérum humain. Une autre interprétation est permise. Le sérum humain, bien que non toxique aux doses employées, est plutôt nuisible aux paramécies; le sérum chauffé agit peut-être dans le même sens; ces deux effets, tolérés séparément, peuvent en s’ajoutant l’un à l’autre produire les phénomènes observés. Nous avons recherché si les paramécies traitées par un sérum chauffé sont devenues plus sensibles à l’action d’une dilution de sérum humain à 1/20 non toxique pour des paramécies neuves. Après plusieurs essais, nous avons adopté le procédé suivant qui permet de réaliser simplement l'expérience. Des paramécies ACTION DU SÉRUM SANGUIN SUR LES PARAMECIES. 521 sont laissées dans le sérum chauffé de cobaye et dilué à 1/5, pendant environ 1 h. 20 dans une expérience, pendant 2 jours dans une seconde expérience. On transporte ensuite chaque paramécie séparément, au moyen d’une effilure de pipette, dans un verre de montre distinct contenant une dilution de sérum humain à 1/20. Or, les paramécies traitées par le sérum de cobaye ont conservé leur mobilité normale dans cette dilution, aussi bien que des paramécies neuves. Ce fait négatif justifie les réserves que nous exprimions au sujet de l'interprétation à donner à l'expérience précédente sur le pouvoir toxique du mélange de sérum chauffé et de sérum humain. De nouvelles recherches sont nécessaires pour savoir si l’action du sérum sur les paramécies est comparable à celle d’un sérum hémolytique sur les hématies, 34 RECHERCHES SUR LE MODE DE RÉSORPTION DES CELLULES HÉPATIQUES INJECTÉES DANS L'ORGANISME Par Le Dr J. CANTACUZÈNE (Travail du laboratoire de M. Metchnikoff.) Avec les planches VIII et IX. Il Le problème de la résorption des cellules dans l'organisme sain ou malade préoccupe depuis longtemps lés biolozistes et l’on connaît déjà le mécanisme suivant lequel disparaissent un grand nombre d'organes larvaires, de cellules affaiblies par l’usure vitale ou de produits pathologiques; les travaux clas- siques de Kowalewsky, v. Rees, Metchnikoff nous ont appris que l'histolyse larvaire chez les insectes, la résorption de la corde dorsale chez les tuniciers ou celle de la queue chez les batra- ciens anoures sont l’œuvre de phagocytes d’origine mésoder- mique. Dans la rate, les ganglions, les capillaires du foie, chez les vertébrés supérieurs, les leucocytes mononucléaires (macro- phages) détruisent journellement une quantité considérable d’hématies ou de leucocytes qu'ils englobent et digèrent; les mêmes éléments sont les agents de la résorption ovulaire, ainsi qu'il résulte des recherches d'Henneguy et de plusieurs autres auteurs, entre autres de Matchinsky ‘ qui a publié récemment un travail soigné sur cette question; dans un grand nombre de cas pathologiques, les cellules de notre organisme deviennent la proie des phagocytes.: ainsi disparaissent les fibres nerveuses, les fibres musculaires, les cellules nerveuses ou les agrégats cel- lulaires de nouvelle formation (cellules géantes, etc.) qui subis- sent la transformation dite fibreuse. Les scléroses de tout ordre, qu’il s'agisse de celles qui s'installent à la suite d’intoxications À. Ann. Inst. Pasteur, 1901. MODE DE RÉSORPTION DES CELLULES HÉPATIQUES. 523 fortuites ou qu'il s’agisse de scléroses séniles, nous apparaissent également aujourd’hui comme le reliquat de la lutte qui s'établit ‘entre certaines cellules de l’organisme d’une part et les macro- phages de ce même organisme de l’autre. Les quelques résultats fournis jusqu'ici dans cet ordre d'idées, par la méthode expérimentale, n’ont fait que rendre plus évident ce rôle des macrophages: lors de ses expériences entreprises dans le but d'étudier le sort de.la toxine tétanique injectée dans l'organisme, Metchnikoff ! vit les cellules nerveuses, introduites dans le péritoine des cobayes, englobées par les macrophages et digérées à leur intérieur. La découverte des cytolysines est venue donner à cette question un nouvel intérêt. En cherchant à se rendre compte du lieu de l’organisme où s'opère la destruction des spermatozoïdes et des hématies injec- tées dans le péritoine des cobayes, M. Metchnikoff* vit ces élé- ments détruits exclusivement à l’intérieur des leucocytes, plus particulièrement, des mononucléaires, qui les englobent vivants et les digèrent. Il put se convaincre qu’il n’existe pas dans ce cas de dissolution extracellulaire des produits injectés, et que des diverses parties de la cellule, c’est le noyau qui résiste le plus longtemps à l’action des diastases digestives. Les macrophages bourrés d’inclusions cellulaires rentrent au bout de quelque temps dans les ganglions mésentériques et dans la rate; on les trouve accumulés en grand nombre, surtout dans le premier de ces organes. La découverte d’un sérum hépatolytique, obtenu à la suite d’injections répétées de cellules du foie d’un animal à une espèce différente, m'a engagé à entreprendre des recherches dans le but d'élucider le mécanisme suivant lequel les cellules hépatiques sont résorbées dans l'organisme. Tillmanns *, dans un travail, publié en 1879, sur la cicatrisation des plaies du foie, avait déjà observé que des fragments de tissu hépatique introduits dans le péritoine d’un animal étaient rapidement entourés, envahis et pénétrés par des leucocytes; il considérait ces der- nièrs comme les éléments formateurs du tissu fibreux que l'on voit souvent s'organiser autour des fragments injectés. 4. E. Mercanikorr, Ann. /nst. Pasteur, 1898, t. XIT, p. 263. 2. E. Mercanirorr, Ann. Jnst. Pasteur, 1899, t. XIII, p. 737. 3. TizLMANNs, Virchows Archiv., 1879, t. LXX VIII, p. 437, D24 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. M. Delezenne !, en injectant des émulsions de foie de chien à des canards; M. Deutsch °, en injectant à des lapins du foie de cobaye, sont arrivés, indépendamment l’un de l’autre, à obtenir un sérum spécifiquement toxique pour la cellule hépatique dont il détermine rapidement, in vivo, la dégénérescence graisseuse ou la nécrose. M. Delezenne a vu cette action spécifique s’accom- pagner de phénomènes d'insuffisance hépatique tels que la dimi- nution, dans l’urine, de la proportion durée, l’augmentation parallèle des sels ammoniacaux, l’excrétion de quantités notables de leucine et de tyrosine, et, enfin, dans certains cas, l’apparition du sucre. Moi-même * j'avais signalé, à la même époque, le fait que les cellules hépatiques, injectées dans le péritoine, sont détruites à l'intérieur de macrophages isolés ou réunis en cellules géantes, que cette résorption est souvent très lente et n'est parfois pas achevée au bout de 10 semaines. C’est l'étude détaillée des phénomènes qui accompagnent la résorption expérimentale de la cellule hépatique que je vais présenter ici. J'ai étudié cette résorption dans deux cas : 1° dans celui où l'espèce qui a fourni le foie et celle qui a reçu l'injec- tion sont très voisines l’une de l’autre dans la série animale : tels sont le lapin et le cobaye; 2° dans celui où les deux espèces appartiennent à des groupes très -éloignés; c’est ainsi que j'ai observé le mode de destruction du foie de grenouille, injecté dans le péritoine des cobayes ou dans les veines des lapins. J’ajou- terai que tandis que les cobayes supportent assez facilement l'injection du foie de lapin, lapins et cobayes sont au contraire très sensibles à l'injection du foie de grenouille. Cette injection s'accompagne souvent de phénomènes toxiques graves, tels que anémie rapide et cachexie aboutissant à la mort au bout de 1-3 semaines. Il faut donc, lorsque l’on veut renouveler les injections, procéder avec une extrême prudence, n'injecter au début que de très faibles doses (1/2 foie de grenouille à la fois pour commencer) et préparer 24 heures à l'avance l'animal au moyen d'injections intrapéritonéales et intraveineuses faites avec 4. DeLEzENNE, Sérum antihépatique. C. À. du Congrès international de méde- cine, Paris, 6 août 1900. Decezenne, C. À. Acad. Sciences, 11 août 14900. 9. L. Deurscn, C. À. du Congrès internat. de médecine, # août 1900. 3. J. Canracuzène,' C. R. du Congrès internat. de médecine, Sect.de bacté- riologie, p. 6. MODE DE RÉSORPTION DES CELLULES HÉPATIQUES. 525 la solution physiologique de NaCI, suivant que l’on veut injecter le foie dans le péritoine ou dans les veines. En prenant ces pré- cautions, on arrive à vacciner les animaux et à obtenir un sérum spécifique fortement toxique. D'ailleurs, j’insisterai surtout dans cette étude, sur la description des phénomènes qui accompagnent l'injection du foie à des animaux neufs. L'étude des coupes a été faite sur des pièces fixées avec la solution saturée acide de bichlorure de mercure. J'ai employé, après bien des essais, le liquide colorant suivant, qui m'a permis de bien suivre les diverses transformations de la cellule hépa- tique au sein des macrophages : Sol, a) Eosine aqueuse............ 0 gr. 25 centigrammes, AICOOMArA OST Tee 100 grammes Sol. b) Solution saturée de methyl-orange dans l’alcool absolu. On mélange les solutions & et b en parties égales. Les coupes sont laissées en contact pendant 5 minutes avec ce mélange acide ; on décolore à fond avec l’alcool absolu, puis on colore pendant 10 minutes avec l’hématoxyline de Delafield. Les hématies se colorent alors en jaune-vert pâle ; le protoplasma des cellules hépatiques injectées est coloré en rose assez vif à l'extérieur des macrophages et pendant les premières heures qui suivent leur englobement ; il prend une coloration de plus en plus orangée, à mesure que progresse la digestion intracel- lulaire ; finalement, et lorsqu'il est sur le point de se dissoudre dans l’intérieur des vacuoles HART sa coloration est d’un orange très franc. Il L'injection d’une émulsion de foie dans le péritoine du cobaye, qu’il s’agisse de foie de lapin ou de foie de grenouille, donne lieu à une série de phénomènes macroscopiques sensible- ment analogues dans les deux cas. Dès les premières heures qui suivent l’injection, les fragments de foie se fixent et s'accumulent sur l’épiploon, le mésentère, surtout les mésentères gastro- splénique et gastro-hépatique ; ces surfaces prennent un aspect rouillé quand il s’agit du foie de lapin, noir dans le cas de la grenouille (le foie de cet animal étant très riche en pigment noir brun que le broiement de l’organe met en liberté dans l’'émul- sion). À mesure que le liquide péritonéal, brun au début, s’éclaircit, le dépôt épiploïque s’épaissit et se fonce davantage ; 526 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR, en même temps il se concentre sur certains points de l’épiploon et disparaît graduellement sur d’autres, si bien que 4 jours environ après l'injection, l’exsudat péritonéal est entièrement clair; les surfaces mésentériques et épiploïques apparaissent nettes et brillantes sur presque toute leur étendue ; au contraire, un épais dépôt de foie s’est accumulé, sous forme de bourrelet, le long du bord inférieur de l’épiploon, au niveau de la portion glandulaire de l’organe ; çà et là, dans les replis de l’épiploon et du mésentère, on trouve également des grumeaux hépatiques dont la taille peut atteindre le volume d’un gros pois : mais ces grumeaux sont bien délimités, adhérents au substratum; le dépôt diffus a disparu. De petits amas, beaucoup plus rares, existent également à la face inférieure du diaphragme et en divers points de la paroi. Ces grumeaux diminuent progressivement de volume et se résorbent. Nous avons déjà vu le dépôt diffus disparaître au bout de 3-4 jours; au bout de 10 jours les plus petits amas, ceux dont le volume ne dépasse pas celui d’une épingle, ont disparu également. Au bout de 2 mois il ne reste plus que des fragments fixés au bord glandulaire de l’épiploon, mais très réduits, très fragmentés et fortement adhérents au substratum. Il m'est arrivé d’en trouver encore au bout de 3 mois : ils sont alors à peine perceptibles à l'œil nu. Jamais je n’en ai observé au delà de 4 mois après l'injection : done, à ce moment, la résorption du foie injecté dans le péritoine est complète. La résorption graduelle du foie introduit dans l’organisme par la voie veineuse est impossible à suivre à l'œil nu : cette injection donne lieu à une hyperhémie intense du foie et de la rate; ce dernier organe en particulier double et triple parfois de volume; à la coupe le sang s’en échappe à flots. Dans le cas d’injections intraveineuses répétées, sa surface devient bosse- lée et montre de petits tubercules durs et l’organe tout entier prend une consistance fibreuse, De nombreux foyers de pneu- monie lobulaire parsèment les poumons pendant les premiers jours qui suivent l’injection intraveineuse; des ecchymoses : sous-pleurales et sous-capsulaires apparaissent dans les poumons et les reins. Ces divers phénomènes conjestifs et échymotiques sont particulièrement intenses dans le cas où l’on injecte du foie de grenouille. MODE DE RÉSORPTION DES CELLULES HÉPATIQUES. 397 Très peu de temps après l'injection du foie dans le péritoine, on constate l’engorgement des lymphatiques de la paroi abdo- minale ainsi que de ceux qui se rendent aux ganglions mésen- tériques ; 3-8 jours après l’inoculation, les ganglions mésenté- riques prennent une teinte d’un brun violet qui disparaît graduellement au bout de quelques semaines. La rate, dans le cas où le foie injecté appartient à la grenouille, acquiert au bout d’une semaine une coloration franchement brune. Nous verrons plus loin que ces changements de coloration sont en rapport avec la rentrée, dans la rate et les ganglions, de nombreux macrophages chargés de pigment hépatique qu'ils ont englobé dans la cavité péritonéale. Il y a donc ici transport en divers points de l’organisme des produits absorbés dans le péritoine, phénomène qui n’existe pas lorsque l'on fait dans cette séreuse des injections de carmin, ainsi que l’a démontré Ricoux ! dans sa thèse inaugurale. Presque toujours quelques adhérences fibreuses finissent par réunir entre eux les replis de l’épiploon où se trouvent logé les grumeaux de foie. Il s’agit là, ainsi que nous le verrons plus loin, d’un développement de tissu conjonctif de nouvelle forma- tion, qui s'organise autour de la masse hépatique, au sein de la coque fibreuse qui entoure cette dernière. Cette réaction fibreuse est d'autant plus énergique que l’animal est mieux vacciné; elle est particulièrement intense dans les cas où on injecte du foie de grenouille. Souvent, dans ce dernier cas, et surtout lorsqu'il s’agit de grumeaux volumineux, la masse hépa- tique se trouve, vers le 3° mois, logé dans une épaisse coque fibreuse, alors que son centre n’est pas encore complètement résorbé. L'injection de l’émulsion du foie donne lieu à un certain nombre d’effets toxiques s’accompagnant de lésions cellulaires du sang, du rein, du foie, du poumon, de la rate et d’autres organes ; ces lésions sont beaucoup plus profondes avec le foie de grenouille qu'avec celui de cobaye ou de lapin, et surtout lorsque l'injection a lieu dans les veines. Sang. — L’injection de foie est toujours suivie d’un court stade d’hypoleucocytose, extrêmement marqué lorsque l’injec- 4. Ricoux, Contribution à l'étude du problème de l’inflammation, thèse de Paris, 1898. 228 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. tion se fait dans les veines. À ce moment, en effet, il se produit une accumulation énorme de polynucléaires dans les petits vais- seaux du poumon, dans les sinus de la rate, dans les capillaires du foie. Vers la 6° heure apparaît une hyperleucocytose considé- rable, le nombre des polynucléaires atteignant à ce moment 15 ou 80 0/0 du nombre total des leucocytes en circulation. Au bout de 24 heures, on constate invariablement une destruction très énergique de globules rouges dans les sinus de la rate et des ganglions lymphatiques, ainsi que dans les capillaires du foie, destruction qui s'opère toujours au sein des macrophages, Ces derniers, particulièrement dans la rate, sont tellement bourrés d’hématies que l'organe présente souvent à ce moment l'aspect microscopique d’une rate malarique. Les globules ainsi détruits appartiennent bien à l'espèce animale ayant subi l’injec- tion et non pas à l'espèce ayant fourni le foie, ainsi qu'il est facile de s’en rendre compte lors des injections faites avec du foie de grenouille. Dans les cas de cachexie toxique survenant après des injections répétées, on voit apparaître en grand nombre dans le sang des hématies nuclées. Ces cas coïncident avec une abondante formation de globules rouges nucléés dans la rate. Rate. — Les modifications de la rate sont extrêmement inté- ressantes à observer dans les cas de cachexie toxique; on y voit apparaître, en effet, avec une abondance variable, tous les éléments cellulaires caractéristiques de la moelle osseuse. Cette transformation myéloïde de la rate, que d'ailleurs je n’ai jamais vue totale, est faible après une seule injection de foie, très éner- gique, au contraire, chez les individus en cours de vaccination. Voici les éléments anormaux que l’on trouve constamment eten grande abondance chez ces derniers : 4) de grands éléments à noyau bourgeonnant (megacaryocytes) distribués par très peuts groupes et relativement rares; b) des éléments éosino- philes en très grand nombre : les uns mononucléaires, à proto- plasma assez peu développé, d’autres plus volumineux avec noyau en boudin, d’autres enfin à noyau identique à celui des polynucléaires du sang. Les granulations oésinophiles sont très petites et appartiennent au groupe des pseudo-éosino- philes de Ekrlich; c) des éléments à protoplasma fortement baso- MODE DE RÉSORPTION DES CELLULES HÉPATIQUES. 529 phile et bourrés souvent de très petites granulations se colorant en violet par la thionine; ils sont mono ou polynucléaires ; d) de nombreuses cellules mères des hématies, à protoplasma acidophile, à noyau très compact, se colorant en violet noir homogène par la thionine. Tous ces éléments nouveaux venus apparaissent dans les sinus de la pulpe; je ne les ai que très rarement observés dans les glomérules. Cette transformation myéloïde est précédée et accompagnée d’un très grand nombre de karyokinèses des petits éléments de la pulpe : ce fait conduit à penser que la transformation a lieu sur place et qu'il ne s’agit pas là, tout au moins d’une façon exclusive, d'éléments issus de la moelle osseuse et immigrés dans la rate. La moelle osseuse ne présente d’ailleurs, au cours de ces injections, aucune modi- fication appréciable. La transformation myéloïde de la rate est donc un fait facile à constater chez les animaux-traités par les injections répé- tées de foie; pour ce qui est de la description morphologique de ces éléments et de leur mode de groupement, je n’ai pu que confirmer les faits établis par Dominici' dans ses savants mémoires. Dans les cas d’injections uniques, cette transformation est nulle ou à peine marquée; elle est en tout cas incomplète et l’on ne rencontre alors que certains des types cellulaires énu- mérés plus haut; ce sont les megacaryocytes qui m'ont semblé apparaître les premiers; puis viennent les myélocytes éosino- philes. La transformation paraît s'arrêter à ce stade. Chez les animaux ayant subi des injections intraveineuses multiples, on constate dans la pulpe des îlots nombreux de tissu fibreux qui présentent, dans une gangue fibreuse, des cellules géantes encore bourrées de pigment hépatique, nés de la con- fluence des gigantophagocytes pulpaires et rattachés par de nombreuses brides conjonctivés du tissu fibreux environnant. Rein. — Les injections intraveineuses de foie de cobaye ne déterminent que des phénomènes de légère irritation passagère. L'hyperhémie capillaire est faible ; la plupart des cellules des tubuli ont leur protoplasma creusé d’une énorme vacuole refou- lant le noyau contre la paroi et témoignant d'une suractivité sécrétoire. Au bout de 24 heures tout est terminé: quelques 4. Douwinict, Arch. méd. expér., novembre 1900, p. 744, et janvier 1901, p. 1, 530 . ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. lambeaux de protoplasma sont tombés dans la lumière du tube. Il n’y a pas d'infiltration leucocytaire. Les injections de foie de grenouille donnent lieu, au con- traire, à de sérieux phénomènes de néphrite aiguë : 48 heures après l'injection, on observe souvent une altération profonde des cellules des tubuli; certains tubes sont complètement dépouillés de leur épithélium : protoplasme et noyaux forment un magma réuni au centre de la lumière; ailleurs l’épithélium adhère encore par lambeaux, ou bien on constate un gonflement énorme des cellules épithéliales. Les espaces lymphatiques intertubulaires sont infiltrés de nombreux mononucléaires à noyau fortement chromatique; bon nombre de ces éléments ont pénétré dans l’intérieur des tubes contournés, Les tubes collecteurs contiennent de gros cylindres urinaires, mais leurs cellules propres sont en bon état. Les capillaires sont partout gorgés de sang. Ces formes de néphrite aiguë sont d’ailleurs suivies de la mort rapide de l'animal. Foie. — La cellule hépatique ne semble pas souffrir de l’in- jection de foie de cobaye. Le seul phénomène appréciable est l’apparition dans le protoplasme cellulaire, 24-36 heures après l'injection, de grains ovoïdes se colorant en jaune orange par le méthyl-orange, en vert par la thionine; leurs réactions colo- rantes sont sensiblement les mêmes que celles des hématies digérées dans l’intérieur des macrophages. Il s’agitlà évidemment l’un produit d'élaboration de la cellule hépatique ; il est aisé de se rendre compte que ces grains apparaissent sous forme de petits microsomes qui se multiplient par division : on les trouve en effet le plus souvent accolés deux par deux et souvent ratta- chés l’un à l’autre par un pont transversal (formes en haltères). Les injections de foie de grenouille sont au contraire toxiques pour la cellule hépatique ; bon nombre de ces éléments, en effet, bien que l’aspect de leur protoplasma paraisse normal, sont entourés de leucocytes mononucléaires à gros noyau qui fré- quemment pénètrent dans l’intérieur même de la cellule attaquée. Poumon. — 24-48 heures après l'injection intraveineuse de foie, on trouve dans le poumon des lésions de pneumonie lobu- laire disséminées en foyers. A ce niveau les alvéoles contiennent de nombreuses hématies au milieu desquelles pénètrent des macrophages qui les englobent en masse. MODE DE RÉSORPTION DES CELLULES HÉPATIQUES. 534 L’épithélium alvéolaire n’est que rarement altéré. Des phéno- .mènes analogues s’observent au milieu des bronches lobulaires. D'ailleurs ce processus pneumonique s'éteint rapidement et sans laisser de traces ; les exsudats se résorbent et au bout de 10 jours Paspect microscopique du poumon est normal, III Telles sont les principales lésions anatomo-pathologiques dues à l’action des poisons hépatiques. Nous allons maintenant étudier le sort des cellules hépatiques elles-mêmes injectées dans le péritoine ou dans les veines. Résorption des cellules hépatiques en suspension dans l'exsudat péritonéal. — Jusque vers la fin du 3° jour après l'injection, on trouve dans l’exsudat des cellules hépatiques libres, en nombre, il est vrai, de moins en moins grand. Ces éléments, dont le pro- toplasme est plus ou moins déchiqueté, présentent un noyau intact et vivant. Si, en effet, nous faisons avec l’exsudat de 48 heures une goutte suspendue à laquelle nous ajoutons une trace de solution aqueuse de bleu de méthylène, nous y observe- rons une masse de gros leucocytes mononucléaires gorgés de débris de cellules hépatiques; les noyaux de ces dernières s’y colorent en violet pâle; les noyaux des cellules libres ne prennent au contraire aucune coloration. En outre, et dans le cas d’injec- tions de foie de lapin seulement, ces mêmes macrophages con- tiennent en abondance de gros microsomes colorés en vert pâle par le bleu. Ces microsomes ne s’observent pas dans les cellules hépatiques libres, ou-du moins ils n’y présentent pas les mêmes réactions colorantes; il s’agit donc là de certaines portions du protoplasme hépatique ayant subi de la part des macrophages une élaboration spéciale. Dès les premières heures qui suivent l'injection, le péritoine est envahi par une masse énorme de leucocytes ; polynucléaires et gros mononucléaires s’y trouvent en nombre à peu près égal. Les polynucléaires aussi bien que les macrophages englobent aussitôt des fragments de cellules hépatiques. Les polynucléaires se gorgent d’une substance granuleuse, empruntée à la cellule hépatique, qui refoule le noyau et se colore bientôt, au sein du 532 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. protoplasma leucocytaire, en vert par la thionine. Ce méta- chromatisme estabsolumentcaractéristique. Au bout de 24 heures la masse intracellulaire devient acidophile, se colore en rose vif par l’éosine, tandis qu'une foule de fines granulations éosino- philes apparaissent tout autour dans le protoplasma du leucocyte. Jamais ces polynucléaires n’englobent de noyaux hépatiques. Les mononucléaires englobent également dès le début des portions de cellules hépatiques, non plus sous forme d’un amas granuleux et mal délimité, mais bien sous forme de fragments protoplasmiques à bords nets et très fréquemment munis de leur noyau. Ces fragments se trouvent inclus dans de grandes vacuoles où la thionine les colore en vert; ils y deviennent de moins en moins distincts, mais sans jamais subir la transforma- tion éosinophile. Quant aux microsomes dont nous avons parlé plus haut, ils ne se rencontrent pas dans les polynucléaires. Dans les mononucléaires, ils s'accumulent de préférence autour du noyau. Il est difficile d'affirmer si ces microsomes sont l’ho- mologue du pigment hépatique noir si abondant dans le foie de la grenouille. Lorsque l’on injecte du foie de grenouille dans le péritoine d’un cobaye, on trouve d’abord ces grains de pigment librement suspendus dans l’exsudat péritonéal qui à ce moment rappelle une solution d'encre de Chine. Les polynucléaires et les mononucléaires englobent des quantités considérables de ce pigment, mais les mononucléaires s’en gorgent avec une vora- cité toute particulière. Le macrophage apparaît alors comme une tache d’un noir d'encre; il faut souvent quelque peine pour retrouver le noyau refoulé à la périphérie, et noyé au milieu de ce pigment hépatique. La présence de ce pigment à l’intérieur des macrophages les signale immédiatement à notre attention, et nous permet de les suivre ensuite dans toutes leurs migrations à travers la séreuse péritonéale et jusque dans l’intérieur des organes lymphoïdes. Ce pigment est digéré au sein de petites vacuoles bien délimitées. La digestion est d'autant plus rapide que l’animal est mieux vacciné. Au bout de 3 jours, l’exsudat péritonéal ne contient plus ni cellules hépatiques ni pigment libre; on y rencontre encore quelques macrophages contenant des débris de cellules ainsi que des polynucléaires englobés. L’exsudat est clair au bout de 4 jours; on y trouve à partir de ce moment une foule de gros MODE DE RÉSORPTION DES CELLULES HÉPATIQUES. 533 lymphocytes (ou petits mononucléaires), à noyau très chroma- tique, à protoplasma franchement basophile, et dont nous aurons l’occasion de parler plus loin à propos de la néo-formation du tissu fibreux. Quandon injecte dans le péritoine des cobayes non plus du foie de lapin, mais du foie de cobaye, on observe que la mono- nucléose l’emporte cette fois dès le début de beaucoup sur la polynucléose; on rencontre en général un polynucléaire pour 5 mononucléaires. De plus, les polynucléaires présents ne pha- gocytent pas; leur protoplasma reste clair. Les macrophages englobent au contraire rapidement les cellules hépatiques injec- tées et les digèrent dans de grandes vacuoles. Jamais, néan- moins, ces fragments ingérés ne présentent, après coloration par la thionine, le métachromatisme vert signalé plus haut. Tandis qu’un certain nombre de cellules injectées se détruisent ainsi dans l’exsudat à l’intérieur des phagocytes, le phénomène principal se passe à la surface de l’épiploon et s’y continue alors que l’exsudat péritonéal est déjà clarifié. C’est là que, par La méthode des coupes, nous allons pouvoir l’étudier dans tous ses détails. IV RÉSORPTION DES GRUMEAUX HÉPATIQUES ACCOLÉS AU BORD INFÉRIEUR DE L'ÉPIPLOON a) Étude d'un grumeau hépatique 24 heures après l'injection. — Étudions, par la méthode des coupes, un grumeau de taille moyenne, par exemple, du volume d’un grain de blé, 24 heures après l'injection du foie de lapin ou de grenouille dans le péri- toine d’un cobaye. À un examen d'ensemble, nous voyons ceci : au centre se trouve une masse de cellules hépatiques, bien reconnaissables, accolées les unes aux autres, tout en conser- vant leur individualité; leurs noyaux se colorent bien, seulement la chromatine, au lieu de se présenter comme dans le foie en place sous forme de 1 ou 2 gros grains centraux, avec couronne périphérique de très petits grains, est ici réduite en une sorte de poussière de grains chromatiques diffusés dans la masse entière du noyau. Cette zone centrale, qui représente environ le 1/5 de l'épaisseur totale du noyau, n’est pas infiltrée 534 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. de leucocytes. Çà et là un noyau leucocytaire, appartenant exclusivement à des leucocytes polynucléaires. Autour de cette zone centrale se trouve une bande, brusque- ment délimitée vers le centre, moins bien définie vers la péri- phérie, où nous voyons la masse hépatique infiltrée d’un rombre colossal de leucocytes ; les polynucléaires prédominent dans !a portion centrale ; du côté périphérique, les gros mononucléaires apparaissent presque exclusivement. A ce niveau, les noyaux de cellules hépatiques ne se colorent plus que rarement: dans ce cas même, la chromatine a disparu ét le noyau apparaît comme une pâle tache lilas. Vers la périphérie de cette zone d’infiltra- tion, beaucoup de noyaux se colorent en rose par l’éosine. Cette zone moyenne occupe de chaque côté 1/5 environ de l’épaisseur totale du grumeau. A la périphérie du grumeau, nous trouvons une zone où l'infiltration leucocytaire est, à première vue, moins abondante; on y voit moins de noyaux de leucocytes : c’est qu'ici, en effet, les polynucléaires manquent presque totalement. Le tissu hépa- tique, vu à un faible grossissement, y apparaît comme divisé en segments irréguliers de forme et de dimensions, mais nettement séparés les uns des autres. À ces segments sont accolés des. noyaux de mononueléaires; on a là un tableau qui rappelle l'aspect des Kürnchen Kugeln. Les noyaux des cellules hépatiques ne sont plus visibles en général; là où on les trouve encore, ils apparaissent comme une tache ovoïde et nettement éosinophile. Cette bande périphérique se creuse de lacunes nombreuses remplies de leucocytes mononucléaires, L'amas tout entier est entouré d’une coque fibrineuse peu épaisse qui l'isole de l’épiploon. On y trouve quelques leucocytes polynucléaires et un nombre un peu plus considérable d'éléments mononucléaires, à noyau volumineux et très chromophile, à protoplasma basophile. Nous verrons plus loin le rôle de ces éléments. L’endothélium péritonéal est en bon état. Immédiatement sous l’endothélium, il y a une accumulation considérable de leu- cocytes mononucléaires, grands et petits, le protoplasma vide d’inclusions et sortant des fentes lymphatiques sous-endothé- liales. Partout ils traversent l’endothélium et pénètrent dans . soque fibrineuse qui entoure le grumeau. MODE DE RÉSORPTION DES CELLULES HÉPATIQUES, 533 Nulle part, dans le tissu conjonctif sous-endothéhial, je n'ai pu trouver de karyokinèses. Il est hors de doute que ces élé- ments mobiles ne sont pas nés sur place, mais viennent de plus loin, en suivant la voie lymphatique. 1ls sont identiques, mor- phologiquement, avec les leucocytes mononucléaires à gros noyau vésiculeux, de la pulpe splénique ou des lacunes gan- ghonnaires. D'ailleurs, sur des coupes de rate du même animal, on voit la capsule infiltrée en tous sens par une foule d’éléments semblables, qui pénètrent directement dans la cavité périto- néale à travers l’endothélium splénique. J'ajoute que cet endo- thélium est fortement turgescent; il fait une saillie prononcée dans la cavité, mais il semble demeurer en place. -_ Analysons de plus près ces divers tableaux microscopiques. Nous voyons donc que notre grumeau présente : une zone cen- trale non attaquée où les cellules hépatiques sont intactes; une zone moyenne, abondamment infiltrée de leucocytes avec pré- dominance des polynucléaires dans la portion centrale; une zone périphérique où le magma hépatique est complètement disloqué, on n’y trouve que des leucocytes mononucléaires. La zone périphérique est entièrement infiltrée et disloquée par des mononucléaires et des mononucléaires seulement, Les uns s’étalent à la surface du grumeau; d’autres s’insinuent comme des coins dans les interstices cellulaires : ceux-là sont très allongés, le noyau occupant l’extrémité postérieure, leur direction générale est radiaire par rapport à la coupe du gru- seau. Chemin faisant, même lorsqu'ils ne contiennent aucun fragment de protoplasma hépatique, ils se chargent de grains vert bleu, qui permettent de délimiter exactement leur masse protoplasmique; un grand nombre, très étirés, pénètrent dans l'intérieur des cellules hépatiques et les disloquent; d’autres enfin, et ce sont les plus nombreux à ce niveau, s'étalent à la surface des fragments hépatiques disloqués et les englobent complètement. Dans ce cas le noyau est refoulé à la périphé- rie; les microsomes verts sont accumulés entre le noyau et le fragment hépatique employé ; quant à ce dernier, il remplit la presque totalité du phagocyte. Ce sont les fragments hépati- ques enfermés dans les macrophages qui donnent au grumeau l'aspect segmenté qui nous avait frappé tout d’abord. Dans cette zone périphérique on ne trouve plus de cellules de foie libres; s 936 ANNALES DE L’INSTITET PASTEUR. toutes sont englobées. Les noyaux hépatiques sont invisibles, ou se colorent en rose par l’éosine : ils semblent donc subir l’action des ferments digestifs plus rapidement que le proto- plasma lui-mème. ; Souvent, et surtout dans la zone la plus externe, on trouve des cellules géantes formées par la confluence des macropha- ges. Tous les noyaux sont rejetés vers la périphérie et de ce côté les cellules sont encore distinctes les unes des autres : au contraire, les extrémités des corps allongés dans le sens de la progression se confondent si bien que la cellule géante aflecte la forme d’un éventail. La digestion intracellulaire semble plus avancée à l’intérieur de ces plasmodes; les fragments de cellu- les hépatiques y sont enfermés dans de grandes vacuoles ; quel- ques-uns sont presque dissous, ne prennent plus que faiblement la couleur acide. Les microsomes verts y sont constamment situés autour du noyau leucocytaire. Si, de là, nous nous reportons vers une région plus centrale du grumeau, là où les polynucléaires ont pénétré en grand nombre, nous voyons que de ces polynucléaires les uns encom- brent les lacunes interstitielles du magma hépatique; leur pro- toplasme y est bourré de cette substance granuleuse déjà ob- servée dans l’exsudat; ces inclusions sont enfermées dans des vacuoles et y ont une réaction franchement éosinophile. Un très grand nombre de polynucléaires ont pénétré dans l’intérieur des cellules hépatiques; là, les noyaux leucocytaires prennent les formes les plus étranges : les uns s’épanouissent en bou- quets de filaments, chaque filament se terminant par un gros bouton chromatique, offrant ainsi l’aspect d’une gerbe en évan- tail; d’autres affectent la forme de grappes allongées dont les éléments s’insèrent le long d’un filament central. On y retrouve toutes les formes décrites et figurées par Guarnieri‘ dans son mémoire sur la pustule vaccinale, et que Salmon * a considérées, à juste titre, comme des leucocytes immigrés. Il est hors de doute, après cela, que les polynucléaires se chargent de cer- tains éléments du protoplasma hépatique. Jamais ils ne con- tiennent de noyaux hépatiques ou de grains verts. Un grand nombre de ces polynucléaires dégénèrent dans 4. Guarniert, Archive per le sciense mediche, 1892. 2. Sazmon, Annales Inst. Pasteur, 1897, t. XI, p.288. MOÉE DE RÉSORPTION DES CELLULES HÉPATIQUES 537 les lacunes interstitielles de cette région. Leur noyau est sou- vent en chromatolyse, réduit en une infinité de petits grains chromatiques; souvent aussi le noyau présente cet aspect va- cuolaire propre aux polynucléaires des exsudats tuberculeux. Ils semblent tués par quelque substance toxique qu’ils absor- bent avec le protoplasma hépatique. Cette zone moyenne est également infilirée de mononu- cléaires; un grand nombre contiennent des fragments hépati- ques; bon nombre de cellules hépatiques sont, néanmoins, encore libres. Un très grand nombre de macrophages y avalent des polynucléaires chargés de débris. La description précédente s’applique à la résorption du foie de lapin injecté dans le péritoine des cobayes. Les phénomènes qui accompagnent la résorption du foie de grenouille sont sen- siblement les mêmes. Ici seulement le pigment noir accumulé dans les macrophages est infiniment plus abondant ; de plus, les polynucléaires de la région centrale du grumeau contiennent, eux aussi, du pigment noir, bien que en quantité beaucoup moins grande que les leucocytes mononucléaires. Comment expliquer cette polynucléose abondante du cen- tre de l’amas alors que les polynucléaires font défaut dans la portion périphérique? Il est vraisemblable que dès les premiers moments de l’accumulation des cellules hépatiques sur l’épi- ploon, les polynucléaires à ce moment présents dansla cavité péri- tonéale y ont pénétré en grand nombre. Puis; de nouveaux poly- nucléaires ne pénétrant plus dans la cavité (sans doute en vertu du faible pouvoir chimiotactique du foie sur ces éléments) et de nouvelles couches de cellules hépatiques venant s’agglomérer au-dessus des couches primitives, l’infiltration leucocytaire n’a plus été due qu’aux seuls mononucléaires sortant en grand nombre des organes lymphoïdes. A cette période, sur une coupe de la rate, on trouve un nombre assez considérable de mononucléaires chargés de pig- ment noir dans la portion sous-capsulaire de la pulpe; on n’en trouve guère dans les grands sinus sanguins. Ce fait semble indiquer que la rentrée de ces éléments dans la rate s'effectue en passant directement de la cavité péritonéale à travers l’en- dothélium splénique. Ces éléments se retrouvent également, mais beaucoup plus rarement, dans les ganglions mésentéri- 9% Qu) 538 ANNALES DE L’INSFITUT PASTEUR, ques; enfin, les cellules de Kupfer du foie ne contiennent aucune trace de pigment. Tels sont les phénomènes que lon observe dans la masse des grumeaux hépatiques. Au niveau de la coque fibrineuse qui entoure le grumeau, on peut déjà observer la formation de quelques fibres conjonctives. Le mécanisme en est intéressant à signaler. Ces jeunes fibres conjonctives sont courtes, épaisses, très ondulées. Elles se présentent sous l'aspect de longs boudins flexueux montrant une portion axiale qui occupe presque toute l'épaisseur de la fibre, ne se colorant pas par l'éosine, bril- lante, fendillée dans le sens de la longueur de façon à figurer un écheveau compact. Cette portion centrale est enveloppée d'un minée manchon, se colorant en rose par l’éosine, présen- tant des épaississements au niveau des noyaux de la fibre. Ce manchon lui-même montre une fine structure fibrillare. Sur cette gaine sont appliqués les noyaux, très allongés, de la jeune fibre conjonctive, les uns volumineux, pâles, riches en suc nu- cléaire; les autres d’une extrême petitesse, très minces, et for- tement chromatiques. Ces fibres se forment de la façon suivante : la coque fibri- neuse est abordée de l'extérieur, par des éléments mononucléai- res, à noyau volumineux, présentant au centre un ou deux gros grains de chromatine et un réseau de chromatine périphérique. Leur protoplasma, assez volumineux, est homogène et baso- phile. En somme, ces éléments rappellent les formes jeunes des mononucléaires macrophages. Ils s’étalent à la surface du fila- ment de fibrine; leur noyau s’y applique intimement. Leur protoplasma s'étale de plus en plus, engainant ainsi ua filament de librine qu'il encapuchonne aux deux extrémités; souvent plusieurs cellules s’étalent à la surface du même filament au- tour duquel ils forment un plasmodium allongé; le filament de fibrine se trouve de la sorte rapidement inclus dans ce plas- modium ou dans cette cellule unique, et isolé du reste du réseau fibrineux. Au sein de ce plasmodium la portion centrale de la fibrine perd rapidement son affinité pour l’éosine ; elle reste incolore, se fendille dans le sens de la longueur, constituant ainsi un écheveau de fibrilles. 1 s’agit là évidemment d’une élaboration deb: épi its dit dit ttes dis. PURE PRES SO CTP PENSE TRES EU LE pate Se dde Et de Sd L 20 CS er: 2 FN ERA Ses » x 4 k Le Ê Æ ; MODE DE RÉSORPTION DES GELLULES HÉPATIQUES 539 de la fibrine due aux ferments digestifs du plasmodium. La gaine périphérique conserve sa colorabilité et représente pour ainsi dire l’exoplasme cellulaire. Ses noyaux étalés à la surface perdent rapidement leur caractère primitif; ils semblent grossir d’abord, se gorger de sucs nucléaires, puis ils s’allongent, diminuent, « maigrissent » et, dans la fibre constituée, ont acquis un volume très petit par perte du sue nucléaire. La fibre toute entière s’allonge, s’amincit, s’étrangle même de place en place. Tel est le mode d'apparition des jeunes fibres conjonctives dans les cas observés par moi; la substance fibril- laire est le résultat d'une élaboration protoplasmique nettement en rapport avec le pouvoir phagocytaire. Quant à l’origine des éléments qui ont servi à la formation de la fibre, il n’est pas douteux pour moi qu’il ne s’agisse là de leucocytes et de stades jeunes de macrophages. Ce sont des éléments migrateurs et, de plus, des phagocytes; à ce point de vue mes observations sont complètement d'accord avec celles de F. Marchand‘; mais tan- dis que ce savant considère ces « fibroblastes » comme des cellules du tissu conjonctif mobilisées, en s'appuyant sur le nombre considérable de karyokinèses qui s’observaient à ce moment dans le tissu conjonctif de la région, je crois pouvoir : affirmer que, du moins dans le cas présent, ces éléments ont une origine tout autre. En effet, non seulement je n’ai observé à ce moment aucune karyokinèse dans-le tissu conjonctif de l’épiploon, mais j'ai vu ces mêmes éléments se montrer en grand nombre dans Les espaces lymphatiques sous-endothéliaux, mélan- gés aux macrophages en diapédèse. De plus, ils sont identiques aux formes jeunes de ces mêmes macrophages que l’on observe dans la pulpe de rate. D’ailleurs, nous verrons plus loin que les macrophages adultes, même associés en cellules géantes, peuvent devenir à un moment donné cellules fixes du üssu conjonctif ; : b) Étude d'un grumeau hépatique 3 jours après l'injection intra- péritonéale. — Ici nous trouvons la portion centrale du grumeau complètement infiltrée et disloquée par les mononucléaires. On y trouve encore, néanmoins, bon nombre de cellules hépatiques non englobées dont les noyaux se colorent faiblement par les” couleurs basiques. Dans les grumeaux de foie de grenouille, les 4, F. Marcaanp, Der Process der Wendheilung, Stuttgard, 49041, p. 116. | 940 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. noyaux de la région centrale ne prennent plus la couleur. Ils sont visiblement atteints de nécrose. ; ; La zone moyenne, à polynucléaires, est entièrement envahie par les mononucléaires ; la masse hépatique y présente cet aspect segmenté que nous avions observé, dans le cas précédent, à la partie périphérique du grumeau. C’est qu'ici, en effet, presque toutes les cellules du foie se trouvent enfermées à l’intérieur des macrophages qui, en bien des endroits, se fusionnent et forment des cellules géantes bourrées de débris hépatiques. On ne trouve plus guère, dans les grumeaux de foie de lapin, de polynucléaires libres. Presque tous sont enfermés à l’intérieur des macrophages. Cette destruction des polynucléaires peut s’ob- server dans tous ses détails à l’intérieur de vastes lacunes qui, maintenant, existent en grand nombre dans la région moyenne du grumeau. Celte même destruction des polynucléaires est beaucoup moins avancée dans le foie de grenouille ; on y trouve encore un nombre considérable de ces microphages libres, le noyau refoulé à la périphérie, et contenant dans des vacuoles de larges fragments de protoplasma hépatique. En somme, comme on le voit, la destruction de l’amas hépatique par les macrophages est beaucoup plus avancée que dans le cas précédent. La région la plus intéressante à considérer dans le cas qui nous occupe est la zone périphérique du grumeau. Elle est entièrement occupée par de grandes cellules géantes à l’inté- rieur desquelles la digestion des fragments hépatiques est très avancée et souventpresque terminée. Ces plasmodia commencent par avoir leurs noyaux situés à la périphérie, les fragments de protoplasma hépatique enfermés dans de grandes vacuoles, occupant le centre de la formation. Autour du noyau sont accumulés les microsomes verts signalés plus haut. Ce sont les fragments de foie les plus voisins du noyau qui sont digérés les premiers; on peut suivre facilement leur dissolution à l'intérieur des vacuoles; ils prennent les couleurs acides avec de moins en moins d'énergie; finalement la vacuole reste pleine d’un liquide incolore. À mesure que s’opère cette dissolution, les noyaux tendent à avancer de plus en plus vers le centre du plasmodium et à se mettre en contact avec des portions de pro- toplasma hépatique dont la digestion est moins avancée ; si bien MODE DE RÉSORPTION DES CELLULES HÉPATIQUES 541 que, là où la digestion intracellulaire est presque complète, les noyaux tendent à se réunir au centre de la cellule géante dont la périphérie est maintenant occupée entièrement par d'immenses vacuoles claires, séparées les unes des autres par de minces brides protoplasmiques. Le groupe central de noyaux entraîne, en se déplaçant, les grains de pigment vert disposés autour d'eux. Les mêmes phénomènes s’observent dans les macrophages isolés, non fusionnés en plasmodia : le noyau avance à l'inté- rieur de la cellule à mesure que se poursuit la digestion intra- cellulaire du foie; il se trouve ainsi transporté bientôt d’une extrémité à l'autre de l’élément, sa position primitive étant maintenant occupée par les grandes vacuoles qui contiennent les résidus de la digestion intracellulaire. Cette portion vacuolaire de la cellule géante ne tarde pas à se détruire; les bords du plasmodium s’effacent, se confondent avec le milieu ambiant: on voit se former autour de la cellule comme une atmosphère nuageuse, parsemée de fins granules légèrement colorée en rose par l’éosine. Le plasmodium « fond » par sa périphérie, il entre en phagolyse. La conséquence de ce fait est que les produits élaborés à leur intérieur sont mis en liberté dans le milieu ambiant. Ce phénomène que j'ai observé aussi bien dans la rate, après les injections intraveineuses de foie, que dans les grumeaux, fixés sur l'épiplo‘on jusqu’au moment de leur complète résorption, me semble être absolument cons- tant. Il est donc possible que tel est le mécanisme suivant lequel la substance sensibilisatrice est sécrétée dans les humeurs de l'animal. Parmi ces macrophages en phagolyse, un grand nombre ont perdu, par suite de leur fonte, presque tout leur protoplasma; ils restent réduits au noyau, entouré de grains de pigment, et à unemasse protoplasmique relativement faible. C’est sous cette forme qu’on les voit rentrer en masse dans la circulation lym- phatique et dans les organes lymphoïdes ; les lymphatiques sous- endothéliaux du péritoine, la pulpe splénique, surtout la région sous-capsulaire, sont remplis à ce moment de macrophages bourrés de pigment hépatique. On en trouve également en notable quantité à l’intérieur des lacunes des ganglions mésen- tériques. 542 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. Au contraire, ces éléments ne semblent pas rentrer dans la moelle osseuse qui paraît ne prendre aucune part à ces phéno- mènes de résorption. Un grumeau de taille moyenne met de la sorte 10 jours à 1 mois pour se détruire complètement. Le mécanisme est tou- jours le même que celui étudié jusqu'ici. Les mononucléaires gagnent de plus en plus le centre de l’amas. Toutes les cellules hépatiques sont successivement englobées, digérées à l’intérieur de ces éléments ; ceux de la périphérie subissent la fonte pha- golytique, puis rentrent dans la circulation lymphatique. C’est ainsi que vers le 15° jour on voit souvent des grumeaux réduits à 1 ou 2 cellules géantes. | ; | La production de fibres conjonetives jeunes est peu abon- dante; tout se réduit à la formation de quelques fibres qui, développées, comme nous l’avons vu, dans la coque fibrineuse, établissent quelques adhérences entre les replis épiploïques où se trouvait logé le grumeau hépatique. Nous allons voir que cette néo-formation fibreuse est beaucoup plus énergique chez les animaux qui-ont déjà subi plusieurs injections antérieures de foie, et tout particulièrement lorsque le foie injecté est celui de grenouille. Avant de terminer ce paragraphe, disons quélques mots de larésorption du foie de cobaye injecté dans le péritoine du cobaye même. Cette résorption est plus rapide que dans le cas où l’animal qui fournit le foie et celui qui subit l'injection appartiennent à des espèces différentes. Un grumeau de faibles dimensions est, 24 heures après l'injection, complètement infiltré jusqu’en son centre. Les polynucléaires ne prennent ici aucune part à l'attaque des cellules hépatiques; les mononucléaires seuls sont attirés. Jamais, en outre, on n’assiste aux phénomènes de fonte cellulaire et de phagolyse que nous avons observés plus haut; c) Résorption du foie de grenouille dans le péritoine d'un cobaye ayant subi des injections répétées. — Étude d'un grumeau de 5 jours. — Le fait le plus remarquable dans ce cas, c’est l’énergie de la réaction fibreuse et la participation des cellules géantes, bourrées de fragments hépatiques, à la constitution du tissu fibreux. La coupe d’un semblable grumeau nous montre : au centre, une masse peu volumineuse de cellules hépatiques non infiltrées, MODE DE RÉSORPTION DES CELLULES HÉPATIQUES 543 ayant subi un commencement de nécrose, les noyaux élant devenus complètement invisibles. Autour de cette masse centrale, une couronne unique de cel- lules géantes, disloquant l’amas hépatique, bourrées de fragments à divers stades de digestion intracellulaire, parsemées à la péri- phérie de grandes vacuoles et subissant déjà à ce niveau la fonte phagolytique. La portion périphérique de ces cellules géantes envoie dans tous les sens de longs prolongements dans lesquels le protoplasma présente un aspect fibrillaire. Ces prolongements se ramifient, s’anastomosent entre eux, entourant ainsi la cellule séante d'un réseau de mailles assez larges. Le long de ces mailles s’élalent de nombreux éléments migrateurs à gros noyaux chromatiques, à protoplasma basophile, en tout semblables aux cellules que nous avons vues, plus haut, contribuer à la forma- tion de la fibre conjonctive. Ces «€ fibroblastes » s’allongent, s’éticent en longs filaments qui s’accolent aux prolongements des cellules géantes. Ea dehors de cette zone on trouve un amas de fibroblastes analogues, mais très étirés, émettant de toutes parts des prolon- gements qui s’anastomosent entre eux, constituant ainsi un tissu conjonctif à mailles très lâches, à corps cellulaires très volumi- neux et à noyaux présentant encore tous les caractères de ceux des leucocytes mononucléaires. Çà et là, au milieu du réseau, se voient de grandes cellules géantes, à couronne périphérique de noyaux, bourrées de pigment hépatique, mais ne contenant généralement plus de fragments cellulaires. Elles émettent, de toutes parts, des prolongements ramifiés, qui s’anastomosent avec le tissu conjonctif qui les entoure. Plus on approche de la péri- phérie du grumeau, plus on voit les fibroblastes s’allonger, prendre une structure librillaire et rubannée; de plus, ils s’orientent parallèlement les uns aux autres et concentriquement par rapport au centre de l’amas. 2 Au milieu de celte gangue fibreuse sont plongés de nombreux macrophages isolés ou réunis en cellules géantes, et rattachés au tissu fibreux par de nombreux prolongements ramifiés. Sa masse fibreuse se continue directement avec le réseau conjonctif de lPépiploon dont lendothélium a disparu en ee point. ILest évident que lamas conjonelif tout entier a une double origine, étant constitué par une masse defibroblastes anastomosés La D44 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. entre eux d’une part, et de l’autre par de nombreuses cellules géantes, témoins d’un processus phagocytaire déjà terminé et devenues cellules fixes de ce tissu conjonctif de nouvelle for- mation. Quelle est maintenant l’origine de ces fibroblastes ou plutôt de ces petits mononucléaires à noyau chromatique? Dans tout le tissu conjonctif environnant, on ne voit aucune karyokinèse ; par contre, les vaisseaux lymphatiques de l’épiploon, et cela surtout en certains points déterminés, sont remplis de mononucléaires analogues à ceux qui donnent les fibroblastes. On les voit se diriger, par trainées, vers l’amas fibreux, traverser celui-ci et confluer en masse vers la couronne de cellules géantes en train de dévorer le reliquat hépatique. Le sens de la progression de ces cellules est nettement indiqué par le sens de leur allonge- ment. Sans pouvoir affirmer que le tissu conjonctif préexistant ne joue aucun rôle dans la constitution du tissu conjonctif jeune, je me suis convaincu néanmoins que tout au moins la plus grande partie de ce tissu nouveau se forme par la fixation de leucocytes mononucléaires jeunes, issus, par migration, de l’appareil lym- phatique. Quant à la fixation des cellules géantes qui ont achevé leur rôle phagocytaire, elle ne peut être mise en doute un instant. On trouve dans l’épiploon de nombreux macrophages char- gés de pigment qui de toutes parts pénètrent dans les fentes lymphatiques. En certains points du rebord glandulaire de l’'épiploon, ils sont accumulés au point d'y simuler de véritables amas ganglionnaires. Bon nombre de cellules fixes du tissu conjonctif mésenté- rique sont bourrées de pigment noir, sans qu’il soit possible de dire s’il s’agit là de macrophages fixés nouvellement ou de cel- lules fixes ayant joué un rôle phagocytaire. Toute la pulpe de la rate ainsi que les lacunes des ganglions mésentériques contiennent un grand nombre de ces macro- phages chargés de granulations hépatiques. Signalons encore ce fait, en terminant, que chez les animaux ayant subi des injections répétées, les polynucléaires ne jouent aucun rôle dans la destruction du foie injecté. MODE DE RÉSORPTION DES CELLULES HÉPATIQUES 545 y RÉSORPTION DES CELLULES HÉPATIQUES INTRODUITES DANS L'ORGANISME PAR VOIE INTRAVEINEUSE Le foie de cobaye ou de grenouille que l’on injecte à un lapin par voie intraveineuse subit une destruction plus rapide que celui introduit dans l'organisme par voie intrapéritonéale. Dans la rate, qui est le lieu principal de destruction du foie, je n'ai guère retrouvé de fragments apprétiables de protoplasma hépatique plus d’une semaine après l'injection. Par contre, la destruction des polynucléaires, très énergique dès le début dans la pulpe de rate, se continue souvent pendant 15 jours ou 3 semaines, Les trois barrières d'arrêt du foie injecté sont, au début, le poumon, le foie, la rate. Le rôle du poumon est vite terminé ; au bout de 36 heures on n’y trouve plus de fragments hépatiques. Celui du foie dure plus longtemps; mais c’est dans la rate, à l'intérieur des sinus sanguins, que s’opère la presque totalité de la destruction. Quant aux ganglions mésentériques, leur rôle est tardif et, en somme, peu important; ce n’est que vers le 3° jour que l’on voit apparaître quelques macrophages chargés de granulations hépatiques. Poumon. — 4 heures après l’injection intraveineuse on trouve des fragments hépatiques, avec noyaux bien conservés, arrêtés dans les vaisseaux de petit calibre. Ces fragments sont infiltrés de leucocytes polynucléaires qui contiennent déjà des débris de protoplasma hépatique. On n’y voit pas de mononucléaires. Au bout de 12 heures, ces mêmes amas sont entourés, péné- trés en tous sens par les mononucléaires qui ont déjà réduit le fragment tout entier à l’état de kürnchenkugeln. Ces macro- phages, en même temps que les ceilules du foie, englobent les polynucléaires qui y ont pénétré. Ces mononucléaires remplissent les vaisseaux lymphatiques et pénètrent dans les vaisseaux par diapédèse à travers l'endothélium. Celui-ci reste en place, intact. 546 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Au bout de 24 heures, on ne trouve plus que de rares macro- phages gorgés de fragments hépatiques. Il est évident que la majorité d'entre eux, entraînés par le courant sanguin, a dû venir échouer dans la rate ou le foie, car l’on n’en retrouve pas ailleurs. Foie. — Dès 4 heures après l’injection, les cellules de Kupfer démesurément gonflées et étalées sont remplies de petits frag- ments hépatiques se colorant en rose par l’éosine. Quand l'injection a été faite avec du foie de grenouille, elles sont telle- ment bourrées de pigment noir que l’on a souvent une peine infinie à trouver le noyau. Ce pigment hépatique, qui semble se détruire plus lentement que le‘protoplasma hépatique lui-même, se retrouve encore dans les cellules de Kupfer au bout de 10 jours, mais beaucoup moins abondant et moins foncé. | Rate. — C'estici le foyer principal pour la destruction des cel- lules hépatiques. Quatre heures après l’injection intraveineuse, les sinus sont encombrés de fragments déchiquetés où l’on retrouve les noyaux des cellules hépatiques. A leur intérieur pénètrent des polynucléaires en nombre très grand; une masse énorme de macrophages contiennent déjà presque tous de volu- mineux fragments hépatiques, bien délimités et se colorant en rose par l’éosine:; ailleurs, on voit plusieurs macrophages entou- rer un même fragment de foie et accoler leurs noyaux à sa surface. Au bout de 12 heures, la quantité de fragments libres a beaucoup diminué; on n’en voit guère où ne soit accolé un macrophage. Dans le protoplasma de ceux-ei, bon nombre de fragments hépatiques commencent à fixer d’une façon énergique le méthyl-orange. | Mais le phénomène le plus remarquable, à ce stade, est la destruction en masse des polynucléaires dans lintérieur des macrophages; ceux-ci en sont souvent bourrés à éclater. Les polynucléaires y dégénèrent rapidement; dès maintenant leur role semble terminé. : Au bout de 24 lieures, on ne trouve plus de fragments hépa- tiques libres; dans beaucoup de sinus les macrophages forment d'énormes plasmodia, occupant toute la largeur du sinus, avec noyaux périphériques et bourrés de fragments roses ou légère- ment orangés enfermés dans de vastes vacuoles. Comme dans le A EE 2e de TP TNT RD), UT MODE DE RÉSORPTION DES CELLULES HÉPATIQUES 547 cas de Ja résorption intrapéritonéale du foie, on voit ces vacuoles se disposer petit à petit vers la périphérie de la cellule géante, puis se confondre avec le liquide ambiant, Là encore nous assis- tons à la fonte périphérique du plasmodium. Au bout d’une semaine, la résorption des cellules paraît terminée et les macrophages, dépourvus de vacuoles, ne con- tiennent plus guère à ce moment qu'un peu de pigment hépa- tique. Chez les lapins qui ont déjà subi un certain nombre d’in- jections antérieures, cette destruction du foie dans les sinus de la rate estinfiniment plus rapide ; 24 heures après l'injection les sinus tranchent sur le reste de la pulpe par leur coloration d’un orangé vif. Il est facile de s'assurer que cet aspect est dû au fait que les macrophages sont démesurément bourrés de protoplasma hépatique, lequel, à leur intérieur, fixe avec inten- sité le méthyl-orange. En outre, on ne trouve plus à ce moment de fragments extracellulaires libres. Un autre fait caractéristique est que chez ces mêmes animaux, les polynueléaires semblent ne jouer aucun rôle : ils n’englo- bent point de fragments hépatiques, et l’on n'observe plus, dans ce cas, leur destruction à l’intérieur des macrophages. . 4 1 RÉSUMÉ L’injection du foie d’une espèce animale dans le péritoine d'une espèce différente donne lieu aux phénomènes suivants : 1° Le foie injecté se rassemble en amas sur l’épiploon, prin- cipalement sur sa portion glandulaire. Ils s’y résorbent graduel- lement, le temps nécessaire à celte résorption variant, selon leur taille, de 10 jours à 3 mois. Cette résorption est complète ; 2° Les cellules du foie injecté restent vivantes pendant 3 jours environ. Jusqu’à ce moment leurs noyaux ne se colorent pas en goultes suspendues, Au contraire, elles sont tuées dès D48 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR qu'elles ont été englobées par les macrophages, cet englobement débutant aussitôt après l’injection. Après 3 jours, l’amas hépa- tique non encore phagocyté est frappé de nécrose de coagula- tion ; 3° Les leucocytes polynucléaires jouent un certain rôle au début dela résorption des celulles hépatiques. Ils se chargent de protoplasma qui subit, à leur intérieur, la transformation éosi- nophile. Jamais ils n’englobent de noyau. Ils n’englobent que faiblement le pigment hépatique. Très souvent les polynu- cléaires chargés de débris hépatiques dégénèrent après 2 ou 3 jours. En tout cas, fous, au bout de 3 jours, sont détruits par les mononucléaires. On ne peut donc leur attribuer aucun rôle dans l'élaboration de l’anticorps; 4° La destruction des cellules hépatiques est exclusivement dévolue aux mononucléaires qui, progressivement, pénètrent jusqu’au centre de l’amas, disloquent les cellules du foie, les englobent et les digèrent dans de grandes vacuoles où le foie acquiert une affinité de plus en plus grande pour le méthyl- orange, à mesure que la digestion intracellulaire est plus avancée. Cette réaction microchimique est surtout très nette chez les animaux vaccinés. Les mononucléaires seuls avalent et détruisent les noyaux; 5° En même temps qu'ils détruisent le protoplasma hépa- tique, les mononucléaires se chargent de pigment qui se con-- centre autour du noyau du macrophage, entre ce noyau et les vacuoles digestives. Cet amas accompagne le noyau dans ses migrations à travers le protoplasma cellulaire : en effet, le noyau tend à se mettre en contact avec les fragments de proto- plasma en voie de digestion; 6° Les macrophages en activité se groupent souvent pour former des plasmodia (cellules géantes). Qu'il s'agisse de ces plasmodia ou de phagocytes restés isolés, les vacuoles où s’est achevée la digestion intracellulaire, se disposent à la périphérie de l'élément. Le protoplasma de ce dernier subit la fonte pha- golytique et le contenu des vacuoles se trouve’ ainsi déversé dans les humeurs ambiantes. Il y a là un phénomène tout à fait comparable à la sécrétion des glandes dites « par fonte cellu- laire ». Tel est, peut-être, le mécanisme du passage, dans les humeurs, de la substance sensibilisatrice. Le même phénomène MODE DE RÉSORPTION DES CELLULES HÉPATIQUES 549 s'observe dans la rate, lorsque l’on introduit le foie par voie veineuse ; 1° Les macrophages chargés de granulations hépatiques rentrent dans l'appareil lymphatique, soit qu’ils cheminent à l'intérieur des vaisseaux lymphatiques aboutissant à l’épiploon, soit qu'ils rentrent directement dans la rate et les ganglions mésentériques en passant directement à travers l’endo- thélium péritonéal. Les deux voies sont également suivies ; 8 Ni dans l’exsudat ni à la surface de l’épiploon, on ne peut observer de digestion extracellulaire des celulles hépatiques. Dans les amas volumineux, dont le centre n’est atteint que tar- divement par l'infiltration des mononucléaires, le magma hépatique demeure intact et compact pendant plus de 2 mois jusqu’au moment où intervient l’action: phagocytaire ; 9° La résorption de l’amas est d’autant plus rapide que l'animal qui a subi l'injection est plus voisin de l'espèce qui a fourni le foie. La résorption la plus rapide s'effectue lorsque l’on injecte à un cobaye le foie d’un autre cobaye; ce même animal résorbe plus lentement le foie de lapin. C’est le foie de grenouille qui est le plus long à disparaître. La résorption chez les animaux ayant subi des injections répétées, s’accomplit incomparablement plus vite que chez les animaux neufs. 10° Autour des amas de foie se développent des fibres con- jonctives jeunes. Cette réaction fibreuse, très peu intense chez les animaux neufs, est très énergique chez les vaccinés. Chez les neufs, elle s'effectue grâce à de petits leucocytes monorucléaires (fibroblastes) qui s’étalent à la surface des filaments de fibrine qu’ils englobent. Les fibrilles conjonctives résultent d’une élabo- ration interne du protoplasma, suite d’un acte de digestion intra- cellulaire. Chez les animaux déjà inoculés antérieurement, le tissu fibreux se constitue par un afflux énorme de fibroblastes qui entourent les cellules géantes chargées de pigment, celles-ci s'unissent à eux au moyen de fins prolongements protoplas- miques. Beaucoup de cellules géantes se fixent de la sorte et deviennent partie intégrante du tissufibreux nouvellement formé. Ces fibroblastes sont des leucocytes mononucléaires (cellules épithélioïdes) issus des vaisseaux lymphatiques et ne proviennent pas du tissu conjonctif préexistant. À ce niveau je n'ai guère observé de karyokinèses; 990 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR L'injection du foie dans les veines donne lieu aux phéno- mènes suivants : | 11° Une partie du foie est arrêtée dès le début dans les vais- seaux sanguins du poumon. Les grumeaux hépatiques, d’abord pénétrés de polynucléaires, sont rapidement disloqués et englo- bés par les mononucléaires qui au bout de 24-36 heures les charrient dans les organes lymphoïdes. Les cellules de Kupfer du foie arrêtent, également dès le début, une portion des cellules hépatiques injectées. La des- truction graduelle du protoplasma et du pigment hépatique s'y effectue en 8 ou 10 jours; | 12 Le lieu principal de la destruction des cellules hépa- tiques introduites par voie sanguine, se trouve dans les sinus sanguins de la rate. On y observe la même série de faits que sur l’épiploon; seulement ici la résorption totale est plus rapide et ne semble guère dépasser une semaine. Elle est encore bien plus rapide chez les vaccinés. Le rôle destructeur est dévolu ici aux gigantophagocytes de la pulpe. Ils digèrent le foie dans de grandes vacuoles, en s’associant sous forme de vastes plas- modia. Vers la fin du processus ces cellules géantes subissent une phagolyse partielle. Dès les premières heures qui suivent l'injection, il s'opère dans les macrophages une destruction intense de polynucléaires. Il est, dès lors, hors de doute que les leucocytes mononucléaires issus des organes lymphoïdes sont les agents exclusifs de la résorption des cellules hépatiques. Les ganglions mésentériques semblent jouer, dans cette résorption, un rôle moins actif que la rate, du moins lorsque le foie est injecté par voie veineuse. La moelle osseuse semble rester absolument inactive. 13° Les injections de foie déterminent un certain nombre de lésions toxiques sur les cellules de l’organisme, tels que des phénomènes de néphrite portant exclusivement sur Les cellules des tubuli. La modification la plus intéressante entraînée par ces injections est la transformation myéloïde (non totale) de la rate, telle qu’elle a été observée et décrite pas Dominiei. MODE DE RÉSORPTION DES CELLULES HÉPATIQUES 551 EXPLICATION BES PLANCHES PLANCHE VII Fire. 1, — Injection de foie de lapin dans le péritoine du cobaye, Exsudat péritonéal 24 heures après l'injection. Transformation éosinophile de la subs- tance hépatique englobée par les polynucléaires. Fig. 2. — Injection de foie de lapin dans le péritoine d’un cobaye. Coupe d'un grumeau hépatique 24 heures après l'injection. Zone moyenne. Les macropbhages s’insinuent entre les cellules hépatiques. Pénétration des poly- nucléaires dans le protoplasma hépatique. Fig. 3. — Idem. Zone périphérique. Englobement de fragments hépati- ques par les macrophages chargés de grains de pigment. Fig. 4. — Injection de foie de cobaye à un cobaye. Portion d'une coupe d’un grumeau hépatique de 24 heures. Zone périphérique, complètement disloquée, Cellules hépatiques incluses dans les macrophages. Fig, 5. — Injection de foie de lapin dans le péritoine d’un cobaye, coupe d’un grumeau de 3 jours, Lacune interstitielle; on y voit des polynucléaires chargés de débris, en karyolyse; des macrophages digérant des fragments de foie, des polynucléaires, du pigment hépatique. PLANCHE IX EG. 6. — Idem. Zone périphérique. Plasmodium de macrophages contenant des fragments de foie. En bien des points, la digestion intracellulaire est achevée; les vacuoles sont claires; elles commencent à se disposer à la péri phérie du plasmodium. FiG. 7. — Injection de foie de grenouille dans le péritoine d’un cobaye ayant subi plusieurs injections antérieures. Coupe d'un grumeau de cinq jours. Cellule géante attaquant la masse hépatique. Elle contient des frag- ments hépatiques. A la périphérie, formation de vacuoles. Le plasmodium émet par sa périphérie des prolongements qui commencent à se fixer à ceux des fibroblastes immigrés. F16. 8. — Injection de foie de grenouille dans les veines d'un lapin. Coupe D92 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEER du foie 4 heures après l'injection. Les cellules de Kupfer sont chargées de pigment hépatique. Fic. 9. — Injection de foie de cobaye dans les veines d'un lapin. Coupe de la rate 24 heures après l'injection. Dans un sinus, on voit les fragments de foie entourés et partiellement englobés par les macrophages. Abondante destruction de polynucléaires dans l'intérieur des macrophages. Le cours et les manipulations du service d'analyse et de chimie appliquée à l'hygiène (3° année), commenceront en novembre. Ce cours s'adresse spécialement aux pharmaciens, médecins et chimistes industriels. S'adresser pour renseignements à l’Institut Pasteur, 26, rue Dutot. — ———_———"——————————————— — ———— Sceaux, — Imprimerie Charaire. Le Gérant : G. Massox. 16ne ANNÉE 23 AOÛT 1902 No 8 ANNALES L'INSTITUT PASTEUR SUR LA RECHERCHE ET SUR L'EXISTENCE DE L'ARSEMIC DANS L'ORGANISME Par M. GABRIEL BERTRAND Jusqu'aux recherches publiées en 1899 et 1900, par M. Arm. Gautier ',on admeitait, d'une manière absolue, l'absence de lar- senic dans le corps de l'homme. Les quelques cas où des traces de cet élément avaient été signalées s’expliquaient sinon par l'impureté des réactifs employés pour les recherches, du moins par quelque circonstance accidentelle, comme l’ingestion de médicaments, d'aliments ou de poussières contenant de l’arsenic. En démontrant que les glandes thyroïdes et quelques autres parties de l’homme et des animaux renferment normalement de petites quantités d’arsenie, M. Arm. Gautier a transformé et défini l’aspect de cette question importante de médecine légale. Bien mieux, il a fait entrer l’étude de l’arsenic dans le domaine de la physiologie. Mais, pour que cette démonstration, avec toutes ses vonsé- quences, conserve sa valeur, il faut que le fait principal sur lequel elle repose, c’est-à-dire l'existence normale de l’arsenic dans l'organisme, reste établie d'une façon indiscutable. Or, plusieurs mémoires, dus à Hôdlmoser *, Ziemke*, Cerny*, 4. Sur l'existence normale de l’arsenic chezles animaux et sa localisation dans certains organes, C. 2. Acad. d. Sciences, t. CXXIX, p. 929-936, 1899. Localisation, élimination etorigines de l’arsenic chez les animaux, C. 2. Acad. d. Sciences, t. CXXX, p. 284-291, 1900. La fonction menstruelle et le rut des animaux. Rôle de l’arsenic dans l'écono- mie, C. À. Acad. d. Sciences, t. CXXXI, p. 361-367, 1900. 2. Enthalten gewisse Organe des Kürpers physiologischer Weise Arsen. Zeitsch. f. physiol. Chemie, t. XXXII, p. 329-344, 1901. 3. Apothelker Zeitung, t. XVII, 1902. 4. Ucber das Vorkommen von Arsen im thierischen Organismus, Zeitsch. für physiol. Chemie, t. XXXIV, p. 408-416, 1902. [D Ed 50 D94 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. viennent de mettre les assertions de M. Arm. Gautier formelle- ment en doute. Vivement intéressé par le rôle possible de l’arsenic dans l'organisme vivant, rôle comparable sous certains rapports à celui du zinc, de l'iode, du manganèse et de quelques autres éléments qui n'existent, eux aussi, qu’en très petites proportions, j'ai été conduit à répéter, pour ma part, les expériences de M. Arm. Gautier. Les résultats auxquels je suis parvenu me paraissent si démonstratifs que je crois utile de les communi- quer. Mes premiers essais ont été effectués en janvier 1900, avec des glandes thyroïdes de veau achetées à labattoir. Après avoir vérilié qu’un poids de réactifs bien supérieur à celui qui devait être employé dans une expérience ne fournissait pas trace d'arsenic, j'ai examiné comment se comportait la méthode de destruction et de recherche de M. Arm. Gautier en me ser- vant d’abord de 100 grammes de muscles de lapin, puis de 100 grammes des mêmes muscles additionnés de 1/10 de milli- gramme d’arsenic : les muscles seuls ne donnèrent rien; les autres fournirent un enduit arsenical absolument identique à celui qu'on obtenait en introduisant directement 1/10 de milligramme d’arsenic dans l’appareil de Marsh. Trente grammes de glandes thyroïdes furent alors attaqués avec soin : ils ne donnèrent aucane trace d’arsenic; il en fut de même dans un second essai. | Supposant alors qu'il y avait dans le procédé de destruction quelque particularité dont je n'avais pas saisi l'importance, j'eus recours aux conseils personnels de M. Arm. Gautier : le tissu thyroïdien est des plus difficile à détruire et j'avais trop ménagé l'emploi de l'acide nitrique. De nouveaux essais furent entrepris d’après celte indication; ils fournirent des anneaux très appréciables d’arsenie. Ces essais furent répétés, avec le même suceès, dans mon laboratoire, par M. Guglielmetti, professeur de toxicologie à la Faculté de méde- cine de Montevideo, et par M. Heupel, mon préparateur. Comme les quantités d’acid:s employées dans ces nouveaux essais ne s'écartaient pas de celles de l'expérience de contrôle, je me crus en droit d'admettre l'existence de l’arsenic dans la glande thy- roïde de veau. "hat js Ar sr ob DE dite te En Ne RFA DE L’EXISTENCE DE L’ARSENIC DANS L'ORGANISME. 555 C’est quelques mois plus tard que parut le mémoire de Hüdimoser. L'auteur énumère dans ce mémoire près de 20 expé- riences, entreprises chacune avec 85 à 200 grammes de glandes thyroïdes humaines. Sans exception, déclare-t-il, les résultats ont été négatifs. Il y avait bien quelquefois des traces à peine perceptibles d’arsenic, mais, ajoute Hüldmoser, ces traces n’apparaissaient pas plus souvent avec les glandes thyroïdes qu'avec les foies des mêmes individus, examinés comparativement. Et il conclut en admettant que les résultats positifs de M. Arm. Gautier sont peut-être en rapport avec la constitution géologigue du sol. Des recherches et des résultats identiques à ceux de Hüdl- moser ont été publiés plus récemment encore par Ziemke et par Cerny. La lecture de ces publications contradictoires, et aussi cer- taines remarques faites au cours de mes premiers eséais, m'ayant mis en défiance contre ie procédé de recherche de l’ar- senic, je repris successivement l'étude du procédé de Marsh, de la destruction des matières organiques et, finalement, de l’arsenic normal. En suivant les indications que je vais décrire, on pourra retrouver des quantités infinitésimales d’arsenic et se convainere de la présence de ce métalloïde dans l’organisme normal. Je suis arrivé, en effet, à perfectionner dans ses détails d'exécution la méthode bien connue de Marsh au point qu'il est possible d'obtenir des anneaux visibles avec des poids aussi minimes qu'un millième et même un demi-millième de milligramme d’arsenic. Pour atteindre une sensibilité aussi grande, il faut observer plusieurs précautions. Tout d'abord, l’arsenic doit être rassem- blé dans un très petit volume de liquide. J’opère ordinairement avec des volumes tels qu’à la fin de l'opération il n’y ait pas plus de 30 à 60 c. c. de liquide dans lappareil producteur d'hydrogène. C’est par exception que ce volume atteint le double. Il faut ensuite débarrasser l’appareil de toute trace d'oxygène; sans cela, une partie ou la totalité de l'arsenic mis _en liberté s'oxyde et passe à l’état d'acide arsénieux beaucoup plus difficile et mème impossible à apercevoir. On atteint 556 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. aisément ce but en purgeant l’appareil, une fois monté et garni de zinc, avec un bon courant de gaz carbonique pur!. Si on voulait purger avec l'hydrogène produit directement dans l'appareil, on serait conduit, à moins de manœuvres spéciales, faciles à concevoir, à laisser dans celui-ci une quantité notable de liquide acide qui diluerait d'autant la solution arsenicale. On gagne d’ailleurs beaucoup de temps en opérant comme je l'indique; avec un bon courant d’anhydride carbonique, il suffit de quelques minutes pour obtenir une purge parfaite”, ce qu'on ne pourrait faire, avec l'ancienne technique, en moins d’une heure, au minimum. Quand l'appareil est bien purgé d'air, on verse sur le zinc À ou 2 gouttes de solution de chlorure de platine diluées dans 10 c. c. environ d’acide sul- furique au 1/5, et l’on attend une dizaine de minutes avant d'introduire le liquide arsenical. Comme tubes à analyse, il faut prendre des tubes de verre de petit diamètre et très finement étirés. Si lon recherche, par exemple, des quantités notablement inférieures à 1/100 de milligramme, il est bon de prendre des tubes n'ayant pas plus de 1 millimètre de diamètre intérieur. Après les avoir bien lavés à l’acide sulfurique chaud ou à l’eau régale, puis à l’eau, à l’alcool et à l’éther, on les dessèche complètement. On les coupe d’une longueur telle que lextré- mité bre soit à 10 ou 15 centimètres de l’endroit où se formera l'anneau; enfin, on étire cette extrémité très finement, sur plusieurs centimètres, pour éviter la diffusion de l'air dans leur intérieur, pendant lopération. Faute de ce soin, des enduits très faibles d’arsenic deviennent invisibles en s’oxydant au fur età mesure de leur production ?. Il n’est pas nécessaire de chauffer le tube à analyse à une température plus élevée que le rouge naissant, ni même, semble-t-il, sur une grande longueur, Cependant, dans presque 4. Comme on peut en trouver dans les bouteilles d'acide carbonique liquide. Le gaz que j'employais contenait 0,08 0/0 d'oxygène. 2. Au commencement de la purge, on sépare le tubes à analyse, pour que le gaz passe plus facilement. 3. Cette oxydation s'opère même assez vite à froid dans les tubes où on conserve les anneaux, si on na pas pris la précaution de sceller les tubes pleins d'hydrogène see. A la place du dépôt noir, bien visible du métalloïde, on n’a plus alors qu'une trace blanchätre d'acide ars'nieux, quelquefois imper- ceptible, même sur un fond noir. DE L’EXISTENCE DE L’ARSENIC DANS L'ORGANISME. 557 toutes mes expériences, jemployais une petite rampe de 20 centimètres de longueur, très commode, de préférence au bec Bunsen à flamme plate qui me servait antérieurement. Il est utile de dessécher le courant gazeux, au sortir du flacon, en le faisant passer à travers une colonne d’ouate préala- blement chauffée à + 110-120°. La cellulose ainsi déshydratée retient énergiquement la vapeur d’eau sans agir sur la composi- tion du gaz. Enfin, pour éviter l’étalement de l’enduit arsenical sur une trop grande surface du tube à analyse, ce qui arrive aisément avec les tubes capillaires à parois épaisses, il est bon de favo- riser la condensation immédiate des vapeurs arsenicales en entourant le tube, en un point convenablement choisi, d'un petit réfrigérant. Celui-ci se compose tout simplement d'une bande de papier à filtrer, de 4 à 5 millimètres de largeur; cette bande fait plu- sieurs fois le tour du tube et recoit de l’eau, goutte à goutte, d’un petit réservoir placé au-dessus. L’excès d’eau s'écoule par l'extrémité libre de la bande qui pend sur une longueur de 1 à 2 centimètres. L’enduit d'arsenic, rassemblé ainsi sur un très petitespace, ne risque plus d'échapper à l'observation. Avec des quantités de métalloïde supérieures au 1/100 de milli- gramme et des tubes à paroi mince, l'usage du petit réfrigérant n’est plus nécessaire. En adjoignant toutes les précautions qui viennent d’être énumérées à celles décrites antérieurement par M. Arm. Gau- tier', on peut obtenir, avec 1/1000 de milligramme d’arsenic, un anneau noir, nettement visible, de plusieurs millimètres de longueur. On comprend qu'avec un procédé de recherche aussi délicat, il soit très diflicile de trouver dès réactifs exempts d’arsenic. Cela est vrai surtout pour l'acide nitrique. Le plus pur que j'ai pu mie procurer dans le commerce, et qui avait été préparé spécialement, donnait encore près de trois centièmes de milli- gramme de son poids de métalloïde par kilogramme. Il fut im- possible de le débarrasser plus complètement par 3 distillations simples dans une cornue de verre. C’est seulementpar2 nouvelles distillations, en présence, chaque fois, de 1/10 de son poids 1. Annales de Chimie et de Physique, 5 série, t. VIII, p. 38% ‘1876), 558 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. d'acide sulfurique pur, qu’on put abaisser cette teneur à moins de 1/300.000.000, c’est-à-dire au point de ne plus trouver que 1/1000 de milligramme d’arsenic dans 300 grammes d'acide". La méthode de destruction de la matière organique qui m'a donné les meilleures résultats est celle de M. Arm. Gautier*. Les modifications qu’on a récemment proposé de faire subir à cette méthode et qui mettent en jeu une grande quantité d'acide sont mauvaises pour l'étude de l’arsenice normal de l'organisme. Comme j'ai pu m’en convaincre, en effet, par des expériences directes, comme on l’a vu d’ailleurs, à propos de la purifica- tion des réactifs, il y a toujours des traces d’arsenic entraînées par les vapeurs acides : de sorte que les modifications propo- sées, qui conduisent à des solutions complètes de la matière organique, et qui paraissent très bonnes lorsqu'on recherche ‘des quantités appréciables d’arsenice, ne valent plus rien pour des proportions infinitésimales du métalloïde. En attaquant, par exemple, 50 grammes de foie de veau additionnés de 1/100 de milligramme d’arsenie, par 10 grammes d'acide sulfurique et 45 d'acide nitrique,-dans une première expérience; par 50 grammes d'acide sulfurique et 200 d’acide nitrique, dans une seconde, on à obtenu un anneau repré- sentant à très peu près la quantité d’arsenic introduite dans le premier cas, tandis qu'il n'y avait rien ou tout au plus une trace douteuse dans Le second. Au lieu d'acide nitrique seul, pour conduire l'attaque, j'ai trouvé préférable d'employer un mélange de 10 parties d'acide nitrique avec 1 d'acide sulfurique. Ce mélange pénètre mieux la masse charbonneuse et, n'étant pas aussi volatil que l'acide nitrique, il permet, vers la fin de l'attaque, de laver plus facile- ment les parois chaudes de la capsule. A part cette légère variante, on opère exactement d'après les indications de M. Arm. Gautier ; il y a un peu plus d'acide sulfurique dans le liquide d'extraction, mais cela ne présente aucun inconvénient. Pour déceler des traces d’arsenic aussi minimes que celles 41. L'examen de l'acide se fait en évaporant dans une capsule de porcelaine conb'ôlée 300 grammes de réactif, versés par portions, avec 20 grammes d'acide sulfurique pur. L'évaporation est poursuivie jusqu’à ce qu'il ne reste plus qu'une quinzaine de grammes d'acide sulfurique ; on dilue dans # parties d’eau et, après refroidissement, on introduit dans l’appareil de Marsh. 2. Comptes rendus Ac. d. Sciences, t. GXXIX, p. 936-938, 1899. DE L’EXISTENCE DE L’ARSENIC DANS L'ORGANISME. 559 indiquées plus haut, il ne faut introduire dans l'appareil de Marsh que des produits bien attaqués, exempts de matières organiques. Lorsque le précipité, obtenu par l'action du gaz sulfhydrique, donne avec l’ammoniaque une solution brune, chargée de quantités notables de matières organiques, on attaque le résidu laissé par l’évaporation dela solution ammonia- cale exactement de la mème manière que la matière primitive. Si la solution aqueuse, séparée par filtration d’un peu de produits humiques, est maintenant incolore ou presque incolore, on l’évapore à sec et le résidu, dissous dans l'acide sulfurique au 1/5, est versé dans le flacon producteur d'hydrogène. Si, au contraire, la solution aqueuse est fortement colorée en jaune, comme cela arrive quelquefois quand on n’est pas très exercé dans l'emploi de la méthode de destruction, il faut précipiter à nouveau l’arsenic par l'hydrogène sulfuré. Maintenant que j'ai rapporté mes observations personnelles concernant la recherche de larsenic dans les matières orga- niques, je vais indiquer les résultats que j'ai obtenus en appli-. quant ces observations à l'étude de l’arsenic normal. A la ques- tion : y a-t-il, oui ou non, de l’arseniedans l'organisme ? je vais ré- pondre d’une façon positive et, je l'espère, à l’abri des critiques. J'ai évité de me servir pour cette étude de glandes thyroïdes et de tissus humains, parce qu’il est presque impossible d'affir- mer que les individus servant aux expériences n’ont jamais été soumis à quelque médication ou contamination arsenicale, J'ai évité aussi les recherches sur le cheval, parce que celui-ci est quelquefois traité par l’acide arsénieux et qu'on ne peut être sûr, par suite, de l’origine naturelle de l’arsenic retrouvé dans ses organes. J'ai recherché d’abord l’arsenic dans des glandes thyroïdes de veau et de pore, puis dans les soies de ce dernier animal, les plumes de l’oie, la corne du bœuf, les poils et les ongles du chien, etc. Je n’ai pas tardé à remarques que les tissus kérati- niques étaient relativement très riches en arsenic, beaucoup plus mème que les glandes thyroïdes. 39 grammes de poils noirs, par exemple, provenant de trois chiens, fournirent un bel anneau de près d'un dixième de milli- gramme d’arsenic ‘. 4. Employé pour la destruction : 100 grammes du mélange acide, 260 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. 50 grammes de corne de bœuf, pulvérisée au laboratoire, donnèrent même l’énorme proportion de deux dixièmes et demi de milligramme d’arsenic, c'est-à-dire de cinq milligrammes de ce métalloïde par kilogramme *. Mais, comme tous ces objets d'étude, malgré les précautions dont je m’entourais, ne présentaient pas encore pour moi toute la sécurité désirable, je m’adressai à M. Nocard. Le distingué professeur de l’école d’Alfort voulut bien m'envoyer des pièces provenant d’un veau, âgé d’un mois, né à l’Ecole vétérinaire, et d’une génisse de 18 mois, d'origine connue, achetée très jeune, et élevée également dans ses écuries d’étude. Les résultats obtenus avec les poils et les ongles de ces deux animaux, mais surtout avec les cornes de la génisse, furent tout à fait positifs. Vingt grammes de substance, dont la destruc- tion exigeait seulement une soixantaine de grammes du mélange acide, suffirent dans tous les cas pour obtenir des anneaux très nets d’arsenic. Celui qui provenait des cornes représentait environ deux centièmes de milligramme, soit cent fois davantage que n’en contenaient les réactifs employés. La peau et mème le foie * fournirent aussi des traces de métalloïde (quelques millièmes de milligramme). D'une manière générale, les tissus de la génisse étaient plus riches que les üssus correspondants du veau. Il semble qu’il y ait accumulation d’arsenic avec l’âge, car les cornes du bœuf étaient à leur tour, comme on peut sen rendre compte par les chiffres indiqués plus haut, beaucoup plus riches que celles de la génisse. Il semble aussi, en comparant la série des expériences, que les poils noirs soient plus riches que les poils blancs. Il serait curieux d'examiner si les tissus kératiniques représentent une réserve d’arsenic et si les cellules pigmentophages, découvertes par M. Metchnikoff*, jouent un rôle dans les migrations de cet élément à travers l’organisme. Je puis ajouter encore une preuve convaincante de l’existence normale de l’arsenic dans l'organisme. Grâce à l’obligeance de Employé pour la destruction : 165 grammes du mélange acide. . Le foie est très facile à détruire : pour 50 grammes, on employait seulement grammes d'acide sulfurique et 50 grammes du mélange acide. Pour la peau, on pris le double de ces quantités. 3, Annales de l'Institut Pasteur, t. XV, p. 865-979 (1901), 1. 5 DE L’EXISTENCE DE L’ARSENIC DANS L'ORGANISME. 561 S. A. S. le prince de Monaco, j’ai pu examiner des glandes thy- roïdes provenant de phoques (Phoca barbata), capturés au voi- sinage du Spitzhberg, dans des conditions, par conséquent, où on ne peut même pas invoquer la contamination industrielle de l'atmosphère respirée par les animaux. Cinquante grammes de ces glandes, attaquées par 75 grammes de mélange acide et 10 grammes d’acide sulfurique, ont donné un anneau très net, d'au moins un centième de milligramme. Je n'insisterai pas trop, en terminant, sur les variations de la teneur en arsenic que paraissent éprouver les glandes thy- roïdes quand on compare les résultats de M. Armand Gautier avec ceux obtenus par Hüdlmoser, Ziemke, Cerny et moi-même. J’estime, en effet, que les dosages de quantités aussi minimes d’arsenic sont si délicates, que les comparaisons ne peuvent être faites utilement que par un même observateur, bien en posses- sion de la méthode. La seule conclusion qu’on puisse alors retenir à ce sujet est uniquement d'ordre qualitatif. Or, les contradicteurs mêmes de M. Armand Gautier ont signalé, l’un dans plusieurs de ses essais, l’autre dans presque tous, l’apparition de traces arsenicales. La crainte, très légitime d’ailleurs, d’avoir introduit ces traces au cours des opérations, a pu seule empêcher ces savants de con- elure avec certitude en faveur de l'existence de l’arsenic dans l’organisme, Après mes expériences, cette crainte ne peut plus, je crois, persister. La richesse des tissus kératiniques en arsenic est tellement au-dessus, dans certains cas, des erreurs expérimen- tales, qu’il ne reste plus qu'à envisager l’importance et le rôle physiologique de cet intéressant métalloïde. RECHERCHES SUR LEPHENOMENE DE L'AGGLUTINATION V'ariabilité de l'aptitude agglutinative et de la fonction agglutinogène. — Leurs relations entre elles; leurs rapports avec la mobilité des microbes. Par MM. CHarzes NICOLLE er M. TRENEL (ne Roue). L'aptitude agglutinative (agglutinabilité) est une propriété très commune chezles êtres vivants unicellulaires. Nous connaissons aujourd'hui un grand nombre de microbes et de cellules libres qui présentent la propriété de se réunir en amas sous l'influence d'agents divers; il paraît même probable qu’à un degré évidem- ment variable tous les microbes et toutes les cellules libres jouis- sent de propriétés anelogues. L'agglutination des éléments sensibles peut être réalisée par des substances très diverses : composés chimiques en solution; produits de Pactivité des microbes ‘; sérums normaux; sérums spécifiques provenant d'organismes animaux infectés spontané- ment ou inoculés avec des cellules, microbes, produits cellu- laires ou produits microbiens. Ces sérums sont les corps qui présentent au plus haut point la propriété agglutinante. La fonction agqlutinogène semble aussi répandue que l'aptitude agolutinante. Nous savons en effet qu'il est presque toujours possible de provoquer dans les humeurs des animaux inoculés avec des microbes ou des cellules l'apparition d’un pouvoir agglutinant vis-à-vis de ces éléments. Mais si l'aptitude agglutinative et la fonction agglutinogène paraissent constituer des propriétés inhérentes à toutes ou pres- que toutes les cellules libres, microbiennes ou non, ces deux propriétés offrent des différences considérables suivant qu’on les étudie sur tel ou tel de ces éléments. Ces différences sont si marquées qu'elles pourraient tromper un observateur super- ficiel. Quel rapport, en effet, semble-t-il exister à première vue entre le phénomène de l’agglutination du bacille typhique de 4. CG. Nicouce, Soc. de Biologie, 12 novembre 1898; Mazvoz, ces Annales, 25 août 1899. e PHÉNOMÈNE DE L’AGGLUTINATION. 563 nos laboratoires par le typhosérum, dont une goutte peut préci- piter mille, dix mille et même un million de fois son volume de culture !, et l’action si incertaine de certains sérums spécifiques capables seulement d’agglutiner les cellules ou les microbes correspondants lorsqu'ils sont ajoutés à ceux-ci à dose égale ou manifestement supérieure ? Cette différence vraiment énorme dans l'intensité d’un même phénomène est un fait d’une importance très grande. Si une explication en peut être donnée, la connaissance du méca- nisme du phénomène de l’agglutination en sera certainement éclaircie, | Nous retrouvons, d’ailleurs, des variations analogues, lors- qu'au lieu de comparer, au point de vue des propriétés aggluti- nable et agglutinogène, microbes et cellules d'espèces diffé- rentes, nous étudions diverses races ou divers échantillons d'une espèce microbienne. C’est là un fait qui commence à être bien connu pour certains microbes, en particulier pour le bacille typhique. L'existence de races ou d'échantillons de bacille d’Éberth peu ou pas sen- sibles à l’action du sérum typhique (bacilles typhiques inagglu- tinables) domine aujourd’hui le problème de l’analyse bactério- logique des eaux. Comment! distinguer d'espèces voisines, mais banales, et sans intérêt au point de vue de l’hygiène, un bacille typhique légitime auquel manque la propriété la plus caractéristique de ce microbe? La connaissance des causes qui font varier l’agglutinabilité du bacille d'Éberth rendra plus facile le diagnostic de ses formes anormales. Par ce que nous connaissons du bacille typhique, mieux étudié à ce point de vue que les autres bactéries, nous savons que la fonction agglutinogène varie tout autant que l’aggluti- nabilité suivant que l’on considère tel ou tel échantillon de ce microbe. Enfin, les cultures successives d’un même microbe offrent souvent des différences considérables au point de vue de son agglutinabilité. Là encore, c’est principalement l’étude du bacille typhique qui nous a fait connaître ces variations; un échantillon de bacille d'Éberth, primitivement peu sensible à l’action du sérum, le devient de plus en plus en vieillissant. 1. Van DE VELvE, Soc, de Biologie, 9 octobre 4897. D64 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Nos expériences personnelles confirment cette grande varia- bilité des propriétés agglutinative et agglutinogène signalée déjà par les auteurs pour les diverses espèces microbiennes et pour les races ou échantillons d'origines différentes d’une même espèce, ainsi que la sensibilité variable à l’action du sérum des cultures successives d’un même microbe. Elles nous ont, en outre, permis de mettre en évidence, ce qui n'avait pas été fait avant nous, les variations du pouvoir agglutinogène d’un même microbe placé dans des conditions de culture différentes. Les plus importantes de ces expériences seront relatées au cours de notre travail. Nous nous sommes limités dans nos recherches à l’étude des conditions et des causes de la variabilité des propriétés aggluti- native et agglutinogène chez les microbes, et nous avons laissé de côté la partie du problème qui concerne l’agglutination des cellules libres de l’organisme. Ces éléments paraissent se com- porter à ce point de vue de la même manière que les microbes faiblement agglutinables et faiblement agglutinogènes. * VARIABILITÉ DE L’APTITUDE AGGLUTINATIVE CHEZ LES DIFFÉRENTES ESPÈCES MICROBIENNES ; CHEZ LES ÉCHANTILLONS D'UNE MÊME ESPÈCE; CHEZ UN MÊME MICROBE DANS LES DIVERSES CONDITIONS DE SA VIE. — RAPPORT DE CES VARIATIONS AVEC LA MOBILITÉ DES MICROBES 1° Variabilité de l'aptitude agglutinative chez les différentes espèces microbiennes. — Il existe, au point de vue de leur aptitude à se mettre en amas sous l'influence des sérums spécifiques, les différences les plus considérables entre les diverses espèces microbiennes. Nous avons déjà signalé ce fait. Pour en trouver une explication, il nous parait utile de parcourir rapidement la liste des microbes fortement ou faiblement agglutinables étudiés par les auteurs et par nous-mêmes, Les microbes qui, suivant les auteurs, présentent au plus haut degré l’aptitude agglutinative sont : le bacille typhique, les diverses races du B. coli, les microorganismes voisins de ces deux espèces (bacilles éberthiformes ou coliformes), le bacille de la psittacose, les vibrions cholériques ou cholérifor- PHÉNOMÈNE DE L'AGGLUTINATION. 563 mes, le Proteus vulgaris, le pyocyanique. On peut dire que ces microbes offrent une sensibilité extrême à l'action des agglu- tinines spécifiques ; il suffit d’une trace de ces substances pour les mettre en amas; et l'intensité du phénomène, lorsqu'il s’agit d'échantillons types de ces microbes, semble dépendre moins de leur sensibilité au réactif, laquelle est toujours extrème, que des: variations du sérum employé (que ce sérum provienne d'individus ou d’animaux infectés spontanément, ou que ce soit un sérum expérimental). Infiniment moins sensibles, et d’une sensibilité souvent variable suivant les échantillons examinés ou les conditions de vie d'un même échantillon, sont les microbes suivants : bacille du tétanos, vibrion septique, B. Chauvæi, bacille tubercu- leux, bacilles de la diphtérie, du charbon, de la morve, de la peste, champignon du muguet et quelques autres. Il faut par- fois, pour les agglutiner, employer des sérums expérimentaux très actifs (sérums antitoxiques du tétanos, de la diphtérie, etce.). Le sérum de l’homme ou des animaux infectés spontanément n’a sur eux qu'une action faible, incertaine ou nulle. D'autres microbes enfin se montrent d’une sensibilité si légère à l’action des sérums spécifiques qu'il semble, pratique- ment au moins, qu'ils y soient parfaitement réfractaires. Tels sont, pour én citer seulement quelques-uns, le bacille de lin- fluenza, le meningocoque, le bacille de Friedlander, le bacille de Fritsch, etc. Nos expériences personneiles confirment, pour un certain nombre de cés microbes, les données des auteurs. Entre nos mains, le bacille typhique des laboratoires, plusieurs races de B. Coli, le bacille de la psittacose, les vibrions cholériques, le pyocyanique se sont montrés d'une sensibilité parfaite vis-à-vis des sérums correspondants. Il en a été de même du b. cyanogène sur lequel nous croyons avoir été les premiers à expérimenter et qui s’agglutine très facilement sous l’action du sérum d’un lapin inoculé avec ses cultures. Nous n’avons, au contraire, ubtenu que très difficilement l’agglutination du bacille tétanique par l’action du sérum d’une poule inoculée avec des doses considérables de cultures téta- niques. Et, d'autre part, le bacille de Friedlander et le bacille diphtérique n’ont été nullsment impressionnés par le sérum 566 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. d’animaux infectés avec ces microbes (cobaye et lapin pour le bacille de Friedlander, rat ayant reçu des quantités très consi- dérables de cultures pour le bacille diphtérique), même en employant ces sérums à la dose d’une partie pour une partie de culture ‘. L’explication de cette grande variabilité de l'aptitude agglu- tinative dans la série des espèces microbiennes nous paraît simple. Le bacille typhique, le B. Coli, le bacille de la psit- tacose et les bactéries voisines, les vibrions cholériques et cholériformes, le pyocyanique, le b. cyanogène, le Proteus sont des microbes d’une mobilité parfaite et ciliés. Le bacille tuber- culeux, les bacilles du tétanos et du charbon symptomatique, le vibrion septique ne sont que faiblement mobiles, et dans des conditions particulières de leur développement. Les autres microbes ne présentent aucune mobilité. Si l’on considère les diverses espèces microbiennes étudiées jusqu’à ce jour, laptitude agglutinative paraît donc en rapport avec la mobilité. Les microbes très mobiles sont très aggluti- nables; les microbes peu ou point mobiles sont peu ou point sensibles à l’action des sérums spécifiques. C’est là un fait qu'il convient de retenir ; 2° Variabihié de l'aptitude agglutinative des races ou échantillons d'une mème espèce microbienne. — Certains microbes, parmi ceux qui sont sensibles à l’action des sérums spécifiques, présentent des variations dans leur aptitude agglutinative, suivant qu’on examine tel ou tel échantillon ou telle et telle race. Le fait est bien connu en ce qui concerne le bacille typhique. Les auteurs ont décrit, principalement dans les eaux, des races peu ou point agglutinables de ce microbe. Il est possible que dans ces cas, la perte (le l'aptitude agglutinative soit définitive et qu'il s'agisse bien là de races particulières caractérisées avant tout par l'ab- sence (le cette propriété. Mais il se peut également que la perte de Pagglutinabilité ne soit chez ces microbes qu’un phénomène transitoire, et que soit spontanément, soit expérimentalement, aptitude agglutinative leur puisse être restituée. Toutes les fois que l'étude d’un bacille typhique inagglutinable a pu être prolongée pendant un certain temps, l'aptitude agglutinative, d’abord absente, s’est peu à peu régénérée. 4, Voir C. Nicozze, ces Annales, 1898, p. 186 et suivantes, PHÉNOMÈNE DE L'AGGLUTINATION. 567 L'existence de races définitivement inagglutinables n’est donc point absolument démontrée; aussi, jusqu’à nouvel ordre, la question des variations de l'aptitude agglutinative du bacille typhique, suivant les échantillons examinés, nous parait-elle se confondre avec celle des variations de l'agglutinabilité d’un même échantillon de ce microbe examiné dans les différentes conditions de sa vie. Et ce que nous disons du bacille typhique peut également se dire, jusqu'à nouvel ordre, des autres espèces microbiennes, moins bien connues à ce point de vue que le bacille d’Éberthi. 3° Variabihté de l'aptitude agglutinative d'un même microbe dans les diverses conditions de sa vie. — Deux microbes seulement ont été étudiés jusqu'à présent à ce point de vue : le bacille tubercu- leux et le bacille typhique!. MM. Arloing et P. Courmont ont montré que le bacille tuber- culeux, insensible dans les conditions ordinaires de sa vie saprophyte à l’action des divers sérums tuberculeux, pouvait être agglutiné par ceux-ci lorsqu'on le cultive dans des condi- tions spéciales, et ils ont indiqué la technique à suivre pour arriver à ce résultat. Dans les cultures homogènes, utilisées depuis leurs travaux pour le séro-diagnostic de la tuberculose, le bacille de Koch se présente sous forme de bacilles parfaite- ment isolés les uns des autres et mobiles. En mème temps qu'il est devenu mobile, le bacille tuberculeux est devenu aggluti- nable. Mobilité et agglutinabilité vont donc absolument de pair dans ce cas encore, et, phénomène intéressant que nous retrouverons à propos du bacille typhique, l'aptitude agglutina- tive s’est de plus en plus développée pour ce microbe à mesure que des cultures successives en ont été faites dans des condi- tions appropriées; si bien que l'échantillon de MM. Arloing et P. Courmont est devenu de plas en plus sensible à l'action du sérum des tuberculeux. 4. On pourrait leur adjoindre la bactéridie charbonneuse ; M. Malvoz a montré, en effet, que le vaccin charbonneux présentait à la fois une légère mobilité et une sensibilité manifeste aux agglutinines spécifiques séerétées par le bacille du charbon dans ses cullures. (Ces Annales, 25 août 1899.) Il serait intéressant de rechercher si certaines des espèces bactériennes agglutinables regardées comme immobiles n’acquièrent pas dans leurs cultures successives une légère mobilité, laquelle expliquerait leur agglutinabilité; à ce point de vue, Fétude du bacille de la morve serait peut-être la première à entreprendre, étant donnée la sensibilité de ce microbe aux agglutinines des sérums normaux ou spécifiques, 968 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. On croyait autrefois que le bacille typhique présentait, quelle qu'en soit l’origine, une sensibilité à peu près égale à l’action du sérum spécifique. Il est démontré aujourd’hui qu’il n’en est rien; des échantillons nombreux, peu ou pas sensibles à l’action des agglutinines, ont été isolés par divers auteurs de lorga- nisme des malades atteints de fièvre typhoïde ou des eaux. Ce sont Kolle, Johnson et Tuggart, Van de Velde, Rodet qui ont fait les premières constatations à cet égard. M. Sacquépée, en 1901, a isolé trois En lan de bacilles d'Éberth inagglutinables de la rate de malades morts de la fièvre typhoïde, et trois autres de l’eau. Ces échantillons ont récupéré en trois mois, par simple vieillissement, leur aptitude aggluti- native !. M. Rémy”, au moyen de la méthode qu'il préconise, a isolé des eaux des microorganismes semblables; MM. Cambier ?, Emery ‘, ont fait des constatations analogues. Les microbes isolés par ces auteurs ont récupéré peu à peu, par des cultures successives, leur agglutinabilité d’abord faible ou absente. * M. Rehns® a trouvé, dans une autopsie, un bacille typhiqueun tiers de fois moins agglutinable que l'échantillon de laboratoire type sur lequel il opérait. Sur 9 échantillons de bacille d’'Éberth isolés par lui du sang des typhiques pendant la vie, M. J. Courmont ‘ en a trouvé 8 dont l’aptitude agglutinative lui a paru inférieure d’un quart environ à celle d’un bacille typhique type de son laboratoire. M. Bancel ‘ a trouvé dans trois suppurations d’origine typhique (abcès de la rate, périostite de l'humérus, ostéomyélite du fémur) trois échantillons de bacille d'Éberth primitivement insensibles à l’action du sérum typhique expérimental et à celle du propre sérum des malades; ces échantillons ont récupéré leur aptitude agglutinalive après 6 à 11 mois de culture sur les milieux artificiels. Aucun de ces auteurs n’a donné de renseignements sur la plus ou moins grande mobilité de ces ire peu ou point 4, Ces Annales, 25 avril 4901. 2. Ces Annales, 25 mars 1901. 3. Revue d'hygiène, janvier 1902. 4. Revue d'hygiène, février 1902. 5. Soc. de biologie, 1 décembre 1901, 6. Journal de physiologie et de pathologie générale, janvier 1902. 1. Société médicale des hôpitaux de Lyon, 14 mars 1902. PHÉNOMÈNE DE L'AGGLUTINATION. 569 agglutinables. Dans certains travaux, publiés sur les analyses d'eaux, il est bien noté quelquefois que les bacilles typhiques isolés par telle ou telle méthode (celles de Peré, de Vincent principalement) sont peu ou pas mobiles ; mais nulle part dans ces travaux, dont la plupart sont d’ailleurs anciens, il n’est fait allusion à un rapport quelconque entre l’immobilité des microbes isolés et la pauvreté ou l'absence de leur aptitude agglutina- tive ‘. | Un seul auteur, M, Sacquépée *, a, jusqu’à présent, cherché à créer expérimentalement des races de bacille typhique inag- glutinables ; il y est parvenu en cultivant pendant 3 mois le bacille d'Éberth dans des sacs de collodion inclus dans la cavité péritonéale de rats fortement immunisés vis-à-vis du bacille typhique. Cet auteur ne nous dit pas si le bacille devenu inagglutinable avait perdu totalement ou partiellement sa mobi- lité. Nos études personnelles ont porté sur deux points : nous avons, d’une part, recherché quelle était la sensibilité, vis-à-vis d’un sérum typhique connu, d'échantillons nombreux de bacille d’Eberth isolés par nous de la rate de malades morts de fièvre typhoïde. D'autre part, nous nous sommes attachés à modifier expérimentalement l'aptitude agglutinative d’un bacille typhique extrêmement sensible à l’action des agglutinines. . Dix rates de typhiques ont été étudiées par nous *. Les résul- tats ont été Les suivants : Rare B (enfant). Isolement de 5 colonies de bacille typhique. Soumis à l'action d'un sérum expérimental très actif, trois de ces échantillons se montrent d’une sensibilité égale à celle d’un bacille typhique type de labora- toire. Deux sont un peu moins sensibles; mais la différence est faible, et ne se traduit que par un retard de quelques minutes dans la production des amas. Rare F (enfant). Isolement de 5 colonies de bacille typhique. Examinées 4. Des faits analogues ont été notés également à propos d'échantillons de bacilles d'Éberth isolés du sang des typhiques. Teissiee (Archives de méd. exp. 4895, juillet), Coce (Johns Hopkins Hosp. reports, 1901, juillet), Busouer (/evue méd., 21 juin 1902), en particulier, ont montré la moindre mobilité des bacilles typhiques isolés dans ces eas. 2. Ces Annales, 25 novembre 1904, 3. Dans toutes nos expériences, nous avons opéré sur des cultures en bouillon peptoné de 2% heures. Ces cultures ont été laissées en contact avec le sérum pendänt une heure à la température du laboratoire, La recherche de l’aggluti- nation a été faite au bout de ce temps à l'œil nu et 4u microscope. 37 570 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR, comme les précédentes, elles se montrent aussi agglutinables que la culture témoin. RATE L (enfant). 5 échantillons isolés ; même résultat Dans ce cas comme dans les deux cas précédents, la mobilité des microbes n'avait pas été notée. Rare P (adulte). 26 colonies sont isolées et étudiées. Les bacilles typhiques sont parfaitement mobiles en culture. Avec un sérum expérimental actif à 1/100, l’agglutination se fait pour un bacille typhique de laboratoire en 10 minutes; elle est complète en 25 minutes. Vingt-trois de nos échantillons se comportent de même; trois présentent un retard minime. Rare M (adulte). 1 échantillon de bacille typhique isolé dans ce cas et mobile, examiné dans les mêmes conditions, offre un léger retard dans son agglutination par rapport au bacille typhique témoin. Le sang du malade prélevé dans la période d'état de la maladie est également actif sur ces deux microbes à 1/10; le sang prélevé la veille de la mort se montre actif à 1/10 sur le bacille typhique M et à 1/30 pour le bacille témoin. Rare C (adulte). 1 échantillon isolé se montre d’une sensibilité égale à celle du bacille typhique témoin pour un sérum expérimental actif à 1/100. Il est parfaitement mobile. Rare J (adulte). 4 échantillon est isolé, il est mobile. Même résultat. RaTe P (adulte). 10 échantillons sont isolés; mobilité parfaite. Même résultat. Rare T (adulte). 6 colonies isolées de la rate et ensemencées en bouillon ordinaire sont soumises, comparativement à un bacille typhique type, à l’action d’un sérum d'âne actif à 1/5000. Deux des échantillons donnent des amas très petits à 1/1; quatre agglutinent à 1/1, mais pas au-dessus. Le sérum du malade, actif à 1/100 sur le bacille typhique type, agglutine très faiblement à 1/1 quatre de ces échantillons, il se montre sans aucune action sur les deux autres. Ces six échantillons offrent une mobilité nulle ou douteuse. Des réensemencements de nos cultures,en bouillon ordinaire, pratiqués après 18 et 19 jours, présentent une sensibilité variant de 1/500 à 4/1.000 avec le sérum d'âne actif à 1/5000 pour le bacille typhique témoin. Les cultures primitives elles-mêmes, après 19 jours, présentent une agglutina- bilité analogue. En même temps qu’on ensemençait en. bouillon ordinaire aérobie les six colonies isolées de la rate, une seplième colonie avait été portée directement en bouillon anaërobie. Au bout de 18 jours, cette colonie est repiquée en bouillon ordinaire aérobie; l’agglutinabilité de la culture obtenue est de 1/5000 avec le même sérum d’âne. Vingt-cinq jours après l’autopsie, un isolement nouveau est pratiqué avec une trace de la pulpe de la rate conservée dans une pipette stérile, les 3 cultures obtenues sont agglutinables à 41/1000 avec le même sérum. L'aptitude agglutinogène, absente ou très faible au début, s’est donc r'égé- nérée avec une grande rapidité. En même temps, dans tous les cas, la mobilité a reparu. RATE D (adulte). 4 colonne est isolée de la rate et ensemencée en bouillon PHÉNOMÈNE DE L’AGGLUTINATION. 571 ordinaire; le bacille {yphique est très faiblement mobile. Le sérum d’äne actif à 1/5000 sur le bacille témoin agglutine cette culture à 1/10 seulement, Une culture fille de cette culture, pratiquée le jour mème, est agglutinable à 1/100 par le même sérum, ” Quatre jours après l'autopsie, un nouvel isolement est fait avec une trace de la pulpe de rate conservée dans une pipette stérile; les colonies isolées dont agglutinables à 1/1000 par le même sérum d'âne ; elles sont mobiles. Comme dans le cas précédent, l’aplilude agglutinative et la mobilité, d'abord absentes, sont réapparues rapidement, D'une manière générale, ces expériences confirment les données des auteurs. Le bacillé typhique, isolé récemment de la rate de l’homme, se montre le plus souvent parfaitement sen- sible à l’action du sérum spécifique; mais dans un certain nombre de cas, cette sensibilité est ou très affaiblie ou nulle. Elle se régénère rapidement dans les cultures successives ; quelquefois même sa réapparition est subite dès la première cul- ture, peu agglutinable à la seconde, très sensible à l’action des agglutinines. Toutes les fois que notre attention a été attirée de ce côté, nous avons remarqué la parfaite mobilité des bacilles typhiques agglutinables et la mobilité nulle ou douteuse des bacilles inag- glutinables. Lorsque ceux-ci récupèrent leur aptitude agglutina- tive, la mobilité reparait en même temps. Nous avons cherché, d'autre part, à modifier expérimentale- ment l’agglutinabilité d'urf échantillon de bacille typhique par- faitement sensible à l’action du sérum spécifique dans le but de créer une race de bacilles d'Eberth dépourvue de l'aptitude agglutinative. Le passage par l'organisme d'animaux sensibles (cobayes, Lapins) ne nous a donné aucun résultat. Les bacilles typhiques isolés du sang des animaux inoculés se sont montrés, même après un grand nombre de passages, aussi sensibles à l’action d’un sérum étalon qu’au début de nos expériences. Dans un cas cependant, la perte de la propriété agglutinable s’est produite. Ce cas mérite d’être relaté. Un cobaye est inoculé, le 25 février 1901, daus la plèvre avec 1/4 de c. ©. d'une culture de bacille typhique, âgée de 7 jours, en bouillon spécial servant à l'un de nous pour la préparation de la toxine soluble du microbe. Cette culture est mobile et très agglutinable. Le cobaye meurt le 2 mars. A l’autopsie, on ne trouve aucune lésion pleurale, la rate et les capsules surré- 972 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. nales sont un peu grosses, l'intestin est normal, les poumons congestionnés. La vésicule biliaire, très distendue, contient un liquide purulent. Les tubes de culture ensemencés avec le sang demeurent stériles. Une trace du pus de la vésicule portéesur gélose donne lieu au développement de colonies de bacilles d'Eberth. Trois de ces colonies sont ensemencées en bouillon; les cultures obtenues ne s'agglutinent qu’au bout de plusieurs heures à 1/10 sous l’action d'un-sérum typhique expérimental actif à 14/2000. Les bacilles typhiques n'offrent qu'une mobilité douteuse, Ces trois cultures mises en pipettes sont réensemencées en bouillon après 10 mois. Les cullures filles ont récupéré leur aptitude agglutinative; un sérum typhique expérimental aclif à 14/1590 sur un bacille typhique type, les agglutine à 1/500 environ. La mobilité est parfaite. Le vieillissement ne nous a pas donné de résullats appré- ciables. Nous avons examiné quelle était l’agglutinabilité de sept échantillons de bacilles typhiques légitimes et bien agglu- tinables ayant séjourné en pipeltes pendant quatre ans. Les cultures filles obtenues, avec les réensemencements en bouillon de ces sept échantillons, se sont montrées sensiblement aussi agglutinables, par l’action d’un sérum expérimental, qu'une culture étalon ; dans un seul cas, 1l y a eu un retard manifeste dans l’agglutination Ls procédé qui nous a ia d'obtenir le plus facilement un amoindrissement de l'aptitude agglulinante est la culture à 42°. A cette température, le bacille typhique se développe en bouil- lon ordinaire en donnant un trouble léger; il ne pousse ni sur les milieux solides, ni en solution de peptone (d'une façon appré- ciable tout au moins). Si la température s'élève un peu au-des- sus de 42°, il n’y a pas de développement apparent. La vitalité du microbe à l’étuve à cette température est courte ; au bout de 3 à 4 jours généralement, les réensemencements deviennent stériles. Il faut donc repiquer les cultures tous les jours, ou tout au moins tous les deux jours. Nous avons cultivé à la température de 42°, 2 échantl- lons de bacilles typhiques légitimes bien agglutinables etmobiles, d'origines différentes. Les résultats ne ont été sense ment les mêmes. ÉcHanTiLLon n01. — L'échantillon n° 4, examiné au début de l'expérience avec un sérum élalon, est agglutiné à 1/1000 par ce sérum. Au 15e passage à 429, il n'est plus agglutinable qu'à 1/10 et très faiblement, sa mobilité est douteuse. (Une cullure fille de celle culture du 15e passage à 420, mise à PHÉNOMÈNE DE L'AGGLUTINATION. D73 l’étuve à 360, s’agglutine à 1/30 sous l’action du même sérum.) L’étuve ayant baissé aux environs de 400 pendant 48 heures, l'agglutinabilité s’est en partie récupérée aux 18e el 19e passages (à ce dernier passage, le même sérum donne une agglutination à 1/100); elle s’est ensuite atténuée à nou- veau, l’étuve ayant été maintenue à 420, mais sans disparaitre complèleméntL. Au 54e passage (le dernier pratiqué), un sérum actif à 1/3000 pour le bacille typhique étalon donne avec cette culture des amas petits à 1/5, de très pelits amas à 4/10, rien au-dessus; la mobilité est nulle ou douteuse. ÉcHANTILLON n9 2. — L'échantillon n° 2 a été isolé de la vésicule biliaire d'un cobaye mort de septicémie éberthienne expérimentale; ïl est d’üne agglutinabilité parfaite. Le sérum étalon agit sur lui à 41/3000. Au {er pas- sage à 420, l’agglutinabilité est déjà tombée à 1/100; au 2° passage à 1/10 environ ; il n’est plus ou presque plus mobile, L'agglutinabililé ne s'est pas modifiée ultérieurement jusqu'au 23° passage à 420 (le deraier pratiqué); des mensurations faites de temps en temps ont montré des écarts variant de 1/5 à 1/20 sous l’action du même sérum étalon — ces variations doivent être attribuées à des oscillations légères de Ja température de l'étuve. Au même jour, nous arrêtons les .passages à 42° de ces 2 échantillons à peu près également inagglutinables, et nous en faisons des cultures successives en bouillon ordinaire à 36° (repiquage pratiqué chaque jour). Au {er passage à 360, le sérum étalon (actif à 1/3000) ayglutine l’'échan- tillon 4 à 4/200, l'échantillon 2 à 1/100; la mobilité est déjà réapparue dans les deux cultures. Au 2 passage, le taux de l’agglutinabilité est de 1/1000 pour l'échantil- lon 1, de 1/500 pour l'échantillon LE | A 3e passage, résullat sensiblement égal. Au 5e passage, l'échantillon { s’agglutine à 1/2000 environ, l'échantillon 2 à 1/700, Il est à noter que la culture en bouiilon de l'échantillon 2 s’est montrée, à tous les passages, à peu près deux fois moins abondante que la culture de l'échantillon 1, ce qui indique un retour à peu près égal de la sen- sibilité à l’agglutinine pour les deux échantillons, Au 5e passage, la mobilité des deux cultures est parfaite. — Nous n'avons pas poussé plus loin nos recherches. Ces expériences montrent qu’il est très facile d’atténuer à l'extrême l'aptitude agglutinative du bacille typhique en faisant les cultures de ce microbe à 42%, A cette température, l’aggluti- nabilité baisse très rapidement ; après quelques passages, elle est tout à fait amoindrie. Elle ne disparaît cependant pas entiè- rement, et il suffit de quelques cultures en série à 36° pour la restituer presque complètement. La mobilité du microbe dispa- raît ou reparait en même temps. Siintéressants que fussent ces résultats, ils ne nous donnaient D 74 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. pas entière satisfaction. Le but de nos recherches était de trouver une race ‘de bacille typhique définitivement privée de l’aptitude agglutinative, sur lequelle nous puissions expérimen- ter à notre aise et rechercher, par comparaison avec une race de même origine, mais bien agglutinable, les rapports existant entre l'aptitude agglutinative, la fonction agglutinogène et la mobilité. Nos isolements de bacilles typhiques de la rate, comme nos tentatives de création de races inagglutinables, ne nous avaient donné que des échantillons temporairement privés (et. jamais d’une façon absolument complète) de la sensibilité aux agglutinines. Il nous était impossible d’expérimenter sur elles puisque, du jour au lendemain, l'aptitude agglutinative très atténuée pouvait être récupérée presque totalement. Nos recherches se trouvaient donc arrêtées, lorsque le hasard mit entre nos mains l’échantillon microbien que nous avions cherché sans succès à créer. Cet échantillon n’est pas, ainsi que nous l'avons cru pen- dant un certain temps, une race particulière du bacille typhique, mais un microbe pathogène très voisin, Nous lui conserverons ici le nom que nous lui avons primitivement donné de bacille "ER Il nous paraît intéressant de rapporter ici brièvement l’histoire de ce microbe. Depuis plus d’un an, l’un de nous pratiquait alternativement des passages d’un bacille typhique, légitime, mobile et bien agglutinable, par l'orga- nisme animal et par des milieux de cullure spéciaux destinés à la produc- tion de la toxine soluble du bacille d'Éberth. Un cobaye inoculé dans la plèvre avec 6 gouttes d’une de ces cultures âgée de 4 jours meurt en 9 jours; à son autopsie, nous trouvons la vésicule biliaire distendue par un liquide purulent, comme dans le cas du cobaye atteint de cholécystite typhique relaté plus haut'. — Un isolement est pratiqué de suite avec ce ce pus sur gélose et nous donne deux colonies, qui, repiquées en bouillon, se montrent à la fois immobiles el inagglutinables à 1/2 par l’action d’un sérum typhique expérimental actif à 1/10.000. Au point de vue morphologique, comme au point de vue des caractères de culture, le microbe isolé est iden- tique au bacille typhique. Son immobilité et son inagglutinabilité persistent dans les cultures successives faites à une température de 250, puis de 360 (les repiquages étant pratiqués d’abord tous les jours, ensuite tous les deux jours). À cette température, les cultures en bouillon sont peu abondantes; 4. On se rappelle que dans ce cas nous avions isolé un bacille typhique très peu agglutinable. PHÉNOMÈNE DE L'AGGLUTINATION. D 19 elles le sont devenues un peu plus dans Ja suite, mais sans atteindre jamais l'abondance de cultures typhiques ordinaires. Nous pensions alors avoir en notre possession un échantillon de bacille typhique inagglutinable et nous cherchâmes à la fois à conserver ce caractère à certaines cultures et à déve- lopper chez d'autres l'aptitude agglutinative absente jusque-là. Nous som- mes parvenus facilement à ce double résultat en faisant des cultures à des températures différentes. Conservé et repiqué à 250-350, notre microbe est resté jusqu’à présent ce qu'il était primitivement, c'est-à-dire immobile et insensible à l’action du sérum spécifique (nous verrons plus loin comment nous sommes arrivés à préparer ce sérum), Au contraire, cultivé et repiqué à une température de 480 à 200, il ne tarda pas à présenter une mobilité d'abord faible, puis de plus en plus nette,en même temps qu’une sensibilité de plus en plus grande à l’action du sérum spécifique. La première eullure à 200, venant d’une des cultures primitives, conservée en pipette dépuis 2 mois, était encore immobile, — La seconde culture pré- sentait déjà une mobilité très faible — Pensant que nous avions affaire à un échantillon de bacille typhique, nous fimes agir sur elle un sérum typhique expérimental actif à 1/300 ; ce sérum donna quelques amas à 1/1, rien au- dessus, Le même sérum, essayé plus tard, à plusieurs reprises, surdes cultures de passage à 200, de plus en plus mobiles et finalement d’une mobilité parfaile ne se montra pas sensiblement plus actif vis-à-vis d'elles. Ce résultat, en complet désaccord avec nos expériences antérieures, nous amena alors à pen- ser que notre microbe, malgré sa grande analogie avec lui et malgré son origine, n’était pas le bacille typhique. La preuve nous en fut donnée rapide- ment par l'expérience suivante : un lapin inoculé avec une culture de ce microbe mobile fournit un sérum agglutinant pour ce microbe dans sa forme mobile, inactif sur ce mème microbe dans sa forme immobile et aussi sur le bacille typhique . A la suite de ces expériences, nous nous sommes donc trou- vés avoir entre nos mains deux variétés différentes d'un mème microbe, provenant toutes les deux de la même culture origi- nelle et conservant, dans des conditions de culture différentes, leurs caractères spéciaux : Une première variété immobile, inagglutinable par l’action du sérum spécifique, produit par l'inoculation aux animaux de cultures vivantes de la variété mobile. (Nous verrons plus loin 4. Les caractères de ce microbe se sont peu à peu modifiés par les cultures successives. Immédiatement après son isolement, il présentait les caractères de culture du bacille typhique, en particulier le faible développement en gélatine et sur pomme de terre, l'absence de production d’indol et d'action sur le lactose. Après une cinquantaine de passages, le développement sur pomme de terre et en gélatine est devenu plus abondant, et le microbe à commencé à donner de l'indol. Cette réaction peu nette pourles cultures faites à 35°est évidente pour celles à 180-20p, La virulence (voir plus loin) ne s’est pas modifiée par les cultures successives. 76 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. que cette variété inagglutinable est également inagglutinogènée.) Une seconde variété mobile, sensible à l’action du sérum spé- cifique; représentant probablement le microbe sous sa forme ancestrale, limmobilité n'étant, suivant toute apparence, qu'un caractère de dégradation dû au passage par l’organisme animal. La possibilité de conserver indéfiniment à ces deux variétés leurs caractères différentiels, en les cultivant aux températures respectives de 18 à 20° et de 25 à 35°, nous a permis non seu- lement de nous rendre compte, d’une façon encore plus mani- feste, que dans nos expériences antérieures, des relations qui existent entre l'aptitude agglutinative d’un microbe et sa mobi- lité, mais encore de saisir les rapports intimes qui relient pour un même microbe la fonction agglutinogène à l'aptitude agglu- tinative ‘. Afin d'éviter des redites, nous donnerons le détail des expé- riences relatives à l’action du sérum spécifique de notre microbe sur ses cultures mobiles et agglutinables dans un pro- chain chapitre qui aura trait, précisément, aux rapports exis- tant entre la fonction agglutinogène des microbes et leur apti- tude agglutinative. VARIABILITÉ DE LA FONCTION AGGLUTINOGÈNE CHEZ LES DIFFÉRENTES ESPÈCES MICROBIENNES ; CHEZ LES ÉCHANTILLONS D'UNE MÊME ESPÈCE ; CHEZ UN MÈME MICROBE DANS LES DIVERSES CONDITIONS DE SA VIE. —RAPPORTS DE CES VARIATIONS AVEC LA MOBILITÉ DES MICROBES. — RAPPORTS DE L'APTI- TUDE AGGLUTINATIVE AVEC LA FONCTION AGGLUTINOGÈNE. Nous savons, par ce qui précède, qu'il existe, dans la série des espèces microbiennes comme pour une même espèce, un rapport frappant entre la mobilité d’un microbe et son aptitude agglutinative. Immobiles, certains microbes peuvent être agglu- tinés par l’action des sérums spécifiques, mais cette action est 4, L'immobilité chez ce microbe ne parait pouvoir être conservée qu'à la con- dition d'élever progressivement la température de culture. Au début, le bacille TG se montrait immobile à 25°; nous avons dû pour éviter le retour de la mobilité faire au bout d’un certain nombre de passages les cultures à 28°, 30, puis 35°. A cette température le mierobe est encore immobile ; il est probable qu'il y réprén- dra plus tard sa mobilité. — Nous ne serons done très probablement parvenu, en fin de compte, qu'à retarder le retour de cette mobilité; mais ce retard a été suffisant pour permettre nos expériences. PHÉNOMÈNE DE L’AGGLUTINATION. 577 toujours peu prononcée ; elle se montre au contraire intense, proportionnelle seulement au degré d'activité du sérum, lorsque la mobilité du microbe est parfaite. Nous allons retrouver à propos de la fonction agglutinogène des faits semblables. Nous nous rendrons compte, de plus, des relations étroites qui lient l’une à l’autre l’aptitude agglutina- tive et la fonction agglutinogène. Variabilité de la fonction agglutinogène chez les différentes espèces microbiennes. Ses rapports uvec la mobilité des microbes et leur apti- tude agqlutinative. — Nous pourrions répéter à peu de chose près dans ce chapitre ce que nous avons dit plus haut à propos des variations de l'aptitude agglutinative. — Ce sont les mêmes espèces microbiennes qui se montrent parallèlement mobiles, bien agglutinables et agglutinogènes ou, d'autre part, peu ou pas mobiles, peu ou pas agglutinables, peu ou pas agglutinogènes. Quelques exemples suffiront à le démontrer. Les microbes les plus aptes à déterminer, dans les humeurs des animaux ino- culés, l'apparition d’un pouvoir agglutinant intense sont, d’après les travaux des auteurs (confirmés pour la plupart de ces mi- crobes par nos expériences personnelles), le bacille typhique, les différentes races du B. coli, les espèces voisines de ces deux microbes, le bacille de la psittacose, le pyocyanique, les vibrions cholériques et cholériformes, le b. cyanogène (ce der- nier microbe d’après nos expériences), etc. Tous ces microbes sont doués d’une mobilité extrême; ils sont, nous l'avons vu, très sensibles à l’action des agglutinines. — La propriété agglu- tinante ne se montre pas seulement, pour cette catégorie de microbes, dans les humeurs des animaux inoculés expérimenta- lement; elle existe aussi, d’une façon presque constante, dans le sang de l’homme ou des animaux infectés spontanément par ces bactéries. J Parmi les microbes doués d’une propriété agglutinogène faible, nous trouvons le bacille de la tuberculose, le bacille de Nicolaïer, le vibrion septique, le B. Chauvæi; les mi- crobes de la diphtérie, de la morve, de la peste, etc. L’inocula- tion des cultures de ces microbes ou des produits de leur acti- vité aux animaux détermine généralement dans leurs humeurs l’apparition de propriétés agglutinantes plus ou moins mani- festes, mais dont l’activité n’atteint jamais celles des aggluti- D78 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. $ ! nines produites par les microbes de la catégorie précédente. Les humeurs de l’homme ou des animaux, infectés sponta- nément par ces microbes, ne présentent pas d’une façon constante la réaction agglutinante spécifique; JS celle-ci existe, elle est toujours peu intense. Pour ne citer qu’uñ exemple, le sang des malades atteints de la diphtérie ou du tétanos ne possède aucun pouvoir agglutinant vis-à-vis des bacilles de Nicolaïer et de Lœæffler; il faut, pour agglutiner ces microbes, recourir à l'emploi de sérums antitoxiques très actifs. Les microbes de cette seconde catégorie sont ou bien immo- biles, ou bien doués d’une mobilité très faible, souvent tempo- raire; 1ls possèdent, nous l’avons vu, une aptitude agglutinative peu développée. Une troisième catégorie de microbes est celle des microbes inagglutinogènes : bacille de l’influenza, bactéries encapsulées dont le bacille de Friedlander est le type, méningocoque, etc. Ces bactéries sont immobiles et inagglutinables ‘. Variabilité de la fonction agylutinogène chez un même microbe dans les différentes conditions de sa vie. Rapports de ces variations avec la mobilité du microbe et son aptitude agglutinative ?. — L'étude des variations du pouvoir agglutinogène chez une même SENTE microbienne dans les différentes chndidoe de sa vie n’a été jusqu’à présent qu’ébauchée. Les rares travaux où il y est fait allusion ont trait au bacille typhique. Plusieurs auteurs, M. Rémy en particulier‘, conseillent, lorsqu'on a isolé des eaux un microbe semblable au bacille typhique, mais inagglutinable, de l’inoculer aux animaux et de 1. Rappelons encore une fois que les termes inagglutinable, inagglutinogène ne doivent pas être pris dans un sens absolu. Il est possible (et nous le croyons pour notre part) que les microbes dits inagglutinables puissent être agglutinés, à un degré probablement très faible, par un sérum extraordinairement actif, employé à doses considérables par rap- port à la quantité de culture mise en expérience. Nous avons cependant conservé les termes déjà usités de microbes inaggluti- nables et inagelutinogè nes, parce qu'ils sont simples, commodes, et que, pratique- Fi au moins, ils traduisent un fait exact. - Nous avons dit, à propos de l'étude des variations de l'aptitude agglutina- tive se différentes races d’une même espèce microbienne, qu'il n’était pas prouvé qu'il existât des races chez lesquelles la propriété ag glutinative normale dans l'espèce fût définitivement perdue ; et qu'il s'agissait plutôt, à notre avis, dans ce cas, d'échantillons ayant perdu temporairement leur agglutinabilité. La même remarque nous parait s'imposer en ce qui concerne l’existence de races inaggluti- nogènes d'un microbe normalement agglutinogène. 3. Ces Annales, 25 novembre 1900. PHÉNOMÈNE DE L’AGGLUTINATION. D719 rechercher au bout de quelques jours si le sérum de ceux-ci devient actif vis-à-vis d’un échantillon de bacille typhique légi- time. Lorsque ce sérum présente un pouvoir agglutinant de 1/40, le microbe doit être considéré comme un bacille typhique véritable. Ces auteurs admettent donc qu’il peut y avoir, jusqu’à un certain point, dissociation entre les propriétés agglutinative et agglutinogène du bacille d’Éberth, Tel n’est pas l'avis de M. Rehns'. Cet auteur, ayant isolé d’une rate de typhique un échantillon de bacille d'Éberth peu agglutinable et l’ayant inoculé à des animaux d’expérience, vit que le sérum de ceux-ci se montrait sensiblement moins actif, vis-à-vis d’un bacille typhique légitime, que le sérum d’animaux ayant reçu une dose égale de culture d’un bacille d’'Éberth de laboratoire. M. Rehns a fait ses expériences avec des cultures stérilisées par la chaleur. M. Rodet? a combattu ces conclusions. Pour cet auteur, il n'existerait aucun rapport entre l'aptitude agglutinative d’un microbe et son pouvoir agglutinogène. Les expériences de M. Rodet ont porté sur le bacille typhique et sur le B. coli. Nos expériences personnelles nous ont conduit à une conclu- sion diamétralement opposée. Nous avons opéré d’une part avec le bacille typhique, d’autre part avec le bacille TC, isolé par nous d’une cholécystite suppurée d’un cobaye. (Voir plus haut.) : 1° Expériences pratiquées avec le bacille typhique. — Les échan- tillons de bacilles d'Éberth, spontanément inagglutinables et peu mobiles, isolés par nous de la rate d'individus morts de fièvre typhoïde se prètaient mal aux recherches, puisque, d’une culture à l’autre, ils récupéraient quelquefois leur agglutinabilité et leurs mouvements. Les expériences que nous avons pratiquées avec eux ne nous ont amenés à aucune conclusion; aussi ee nous inutile de les rapporter. Nous avons fait, par contre, un certain nombre d'expériences intéressantes avec nos cultures de bacille typhique à 420. A cette température, nous l'avons montré, au bout de quelques passages le bacille d’Éberth devient peu mobile et peu aggluti- 4. Société de biologie, 21 décembre 1901. 2, Société de biologie, 15 février 1902. 580 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. x nable. Reporté en bouillon à 36°, il récupère rapidement sa mobilité et son agglutinabilité normales. Voici quelques-unes de nos expériences : Lapin 82, — Ce lapin reçoit dans les veines, le 26 avril, un demi-centi- mètre cube d’une culture de bacille typhique à 420. (Cette culture appartient au 2% passage à 420 du second échantillon dont il a été question dans le chapitre précédent.) La culture inoculée est très peu mobile; un sérum expérimental actif à 14/2000 sur le même échantillon cultivé à 360 n’agglu- tine la culture, faite à 420, qu'a 1/5. Le sérum normal de ce lapin est sans action sur le bacille typhique à 360. Le ler mai (6e jour), le sérum est actif à 1/3 seulement sur le bacille typhique à 860; le 6 mai (12 jour), à 4/30; le 13 mai (19e jour), à 41/1000: Lapin 83. — Le pouvoir agglutinant normal du sérum de.ce lapin est de 1/1 sur Je bacille typhique à 360, Inoeulation le 30 avril, dans les veines, de À c. e. d'une culture du même échantillon faite à 420 (5e passage à cette Lem- péralure); cette culture est très peu mobile, elle est agglutinable à 1/1 seulement par le sérum étalon actif à 1/2000 sur Ja culture à 360, Le 6 mai (6e jour), le pouvoir agglütinant du sérum du lapin sur le bacille typhique à 360 est de 1/5 au maximum; le 42 mai (12e jour), il est de 1/49 environ; le 18 mai (18e jour), de 1/75. Lapin 55. — Le pouvoir agglutinant normal du sérum de ce lapin est nul à 4/1 sur le bacille typhique à 360. Inoculation le 22 mai, dans les veines, de 3/4 de e. c. d'une culture représentant le 12 passage du même échantillon à 420. Cette culture est d’une mobilité douteuse: un sérum étalon actif à 41/1000 sur le bacille typhique à 360 ne donne pas avec elle d’amas nets à 1/1. Le 28 mai (6e jour), le pouvoir agglutinant du sérum du lapin sur le bacille typhique à 360 esf de 1/10 environ; le 3 juin (12° jour), il est de 1/40; le 9 juin (18e jour), de 1/20 à peine. LariN 18 (TÉmonv). — Pouvoir agglutinant normal nul, Ce lapin reçoit dans lés veines le 8 janvier, 1/2 c. c. d'une culture du même échantillon (mobile, agglutinable) à 360. Le 15 janvier (6° jour), le pouvoir agglutinant du sérum est de 1/25 sur ce microbe et sur un autre échantillon de bacille typhique de laboratoire; le 21 janvier (12 jour), il est de 1/1000 sur lui- même (un peu plus faible pour l'autre échantillon); le 4 février (1Se jour), de 1/3000 sur les deux échantillons. Ces expériences montrent que le bacille typhique rendu peu agglutinable et presque immobile par des passages successifs à 42° perd également en grande partie son pouvoir agglutinogène ; 1. Toutes nos expériences ont été faites avec ou sur des cultures en bouillon présentant rigoureusement un trouble identique, Nous avons pris pour (type, afin d'avoir des résultats comparables, une culture de notre bacille TG de 2% heures à 180. Cette culture est à peu près moitié moins abondaute qu'une culture de bacille typhique ordinaire de 24 heures à 35°. Tous les chiffres cités, en particu- lier ceux représentant le pouvoir des divers sérums (sérums étalons, sérums des expériences) se rapportent à des cultures présentant un trouble égal. PONENEERT 20" PHÉNOMÈNE DE L'AGGLUTINATION. 581 20 Erpériences pratiquées avec le bacille TC. — Nous rappelons que ce microbe, isolé par nous d’une suppuration de la vésicule biliaire d’un cobaye inoculé avec une culture de bacilletyphique, n’est pas le bacille d'Eberth, mais qu'il appartient à une espèce voisine, Cultivé à 25°-359, il conserve les caractères qu'il avait au moment de son isolement, ilest immobile, inagglutinable. Mis à l'étuve à 18°-20°, il est devenu peu à peu mobile! et a recouvré en même temps son aptitude aggelutinative. La virulence de ce microbe est très grande et sensiblement égale, quelle que soit la température à laquelle il s’est développé. Sur une douzaine d'animaux inoculés avec des cultures vivantes de ce microbe, plus de la moitié sont morts, un certain nombre même avant d’avoir pu être utilisés pour nos expériences. L'inoculation des cultures de ce microbe au lapin détermine, dans les jours qui suivent, une altération très manifeste du sang, lequel devient poisseux et se coagule très rapidement. Ce phé- nomène a son maximum vers le 6° jour; il a généralement disparu au 12%. Nous avons remarqué une altération identique du sang chez les lapins inoculés avec des cultures de bacille typhique, de B, coli et du bacule de la psittacose. Les expériences que nous avons pratiquées avec le bacille TC, dans ses deux formes nous ont montré de la façon la plus nette les relations intimes qui existent entre l’agglutinabilité, la fonc- tion agglutinogène et la mobilité d’un microbe. Ces résultats peuvent être résumés dans les trois propositions qui vont suivre, et que justifient les expériences citées à l'appui de chacune d'elles. Le bacille TC, dans sa forme immobile et inagglutinable, est inag- glutinogène pour lui-même. Nous avons opéré sur deux échantillons provenant de deux colonies iso- lées du pus de la vesicule biliaire et ayant tous deux conservé également, en cultures à 250-350, leur inagolutinabilité et leur immobilité primitives. Lapin 27. — Poids : 14,500 grammes. Le sérum de ce lapin est sans action à 1/1 sur les deux échantillons de TC immobile, comme d’ailleurs sur deux races de bacilles typhiques types. L'animal reçoit le 11 janvier 1/2 c. c. d'une culture en bouillon de 24 heures de TC (4er échantillon) sous la peau. Le 417 janvier (6e jour), son sérum est sans action sur les quatre microbes cités 1. 11 nous à été jusqu'à présent impossible de colorer par les méthodes clas- siques les cils de ce microbe; un échantillon de bacille typhique pris comme témoin dans nos expériences montrait des cils parfaitement colorés. D82 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. plus haut; le 23 janvier (12e jour), même résultat; le 7 février (18e jour), même résullat. Lapin 97. — Poids : 2,480 grammes. Son sérum est sans action, à 1/1, sur les deux échantillons de TC immobile et sur deux races de bacille typhique type. Cet animal reçoit le 17 janvier 1/2 c. c. d'une culture en bouillon de 24 heures de TC immobile (2e échantillon) sous la peau. Le 23 janvier (6e jour), son sérum est sans action sur les deux cultures de bacille typhique et sur les échantillons de TC immobile; le 30 janvier (12 jour), même résultat pour les deux TC immobiles, très légers amas à 1/1 avec les deux échantillons de bacille typhique ; le 13 février (18e jour), résultat identique au précédent. Le sérum des animaux inoculés parallèlement avec deux cultures diffé- rentes de bacilles typhiques légitimes s’est montré sans action sur les deux échantillons de TC immobile, ainsi que le montrent les expériences sui- vantes : ÿ Lapin 25. — Reçoit la même dose d’une culture de bacille typhique légi- lime. Au 6€ jour, le sérum agit à 1/50 sur les deux échantillons de bacille typhique ; le 12e jour à 1/200; le 18e jour à 14/5000. Aucune action les 6e, 12e et 18e jours sur les deux échantillons de TC immobile. LapiN 18. — Inoculé avec 1 c. c. de culture de bacille d'Éberth. (Voir plus haut son action sur le bacille typhique). Aux 6e, 12e et 18e jours, il est inactif pour les deux échantillons de TG immobile. Le bacille TC, dans sa forme mobile (et agglutinable), est aggluti- nogène pour lui-même, mais non pour sa forme immobile. Nous rappelons encore une fois que par des passages succes- sifs à 18°-20°, la culture de TC primitivement immobile (et le restant à 25°-35°), a acquis peu à peu une mobilité très nette. En même temps que cette mobilité, l’aptitude agglutinable et la fonction agglutinogène se sont développées. Expériences faites avec celte forme mobile de TC : Lapin 90. — Poids : 1,560 grammes. Le sérum de ce lapin agglutine très légèrement à 1/1 l'échantillon TC dans sa forme mobile ; il est sans action sur un bacille typhique dé laboratoire. Ce lapin reçoit sous la peau, le 7 mai, 1 €. c. d’une culture en bouillon de 24 heures de TC mobile. Le 14 mai (7e jour), son sérum est actif à 1/100 sur TC mobile, à 1/1 sur 2 échantillons de TC immobile, à 1/20 sur un échantillon de bacille typhique légitime ?. Le 20 mai (13e jour), le pouvoir agglutinant du sérum est de 4. L'apparition dans le sérum d’un animal inoculé avec une cullure micro- bienne d’un pouvoir agglutinant manifeste vis-à-vis d’un microbe d'une espèce étrangère et mobile (le bacille typhique dans le cas particulier) est un fait intéressant et qui mérite d'être signalé. Sans être constant, il n’est pas exceptionnel; plusieurs de nos expériences le montrent. Ce pouvoir agglutinant apparait généralement vers le 4e ou 6e jour après l'inoculation ; il a son maximum vers le 10e jour, il baisse PHÉNOMÈNE DE L'AGGLUTINATION. 083 1 /800 pour TC mobile, de 1/1 pour un échantillon de TC immobile (échan- tillon correspondant) et de O pour l'autre; deux cultures différentes de bacille typhique sont agglutinées à 1/20. Le 29 mai (21e jour), le pouvoir agglutinant est de 14/1500 pour TC mobile, de 1/1 et de 0 pour les deux échantillons de TC immobile ; il est de 1/10 à 1/20 pour les deux cultures de bacille typhique, de 4/1 pour le bacille de la psittacose (mobile), de 1/5 pour un bacille éberthiforme de H. Durham (mobile), de 1/5 pour un échan- tillon de B. coli. Lapin 98. — Poids : 1,330 grammes. Le sérum de ce lapin agglutine incomplètemeni à 1/1 un échantillon de bacille typhique légitime; il donne des amas à 1/10 avec TG mobile. Ce lapin recoit sous la peau, le 17 mai, 1/2 ce. ec. d’une culture en bouillon de 24 heures de TC mobile. Le 23 mai (6e jour), le pouvoir agglutinant du sérum est de 1/1 pour le bacille typhique, de 1/10 pour TC mobile. Le 29 rai (12e jour), le sérum agglutine TC mobile à 1/300 ; il agglutine incomplètement à 1/1 les deux échantillons de TC immo- bile ; le bacille typhique est agglutiné à 1/5. Le 4 juin (18e jour), le pouvoir agglutinant est de 1/300 pour TG mobile, de 1/1 à 1/5 pour deux échantillons de bacille typhique ; de 1/1 à peine pour un échantillon de B. coli, de 1/5 pour le bacille éberthiforme de H. Durham, de 1/1 pour le bacille de la psittacose. Le bacille TC, dans sa forme immobile et inagglutinable, est inag- glutinogène non seulement pour lui-même, mais encore pour sa forme mobile et agglutinable. Les expériences suivantes le démontrent : Lapin 71. — Poids : 1,365 grammes. Le sérum de ce lapin est inactif à 1/1 sur TC dans ses deux formes mobile et immobile; il donne à ce taux de très petits amas avec une culture d'un bacillé typhique type. Ce lapin reçoit sous la peau, le 6 juin, 1/2 c. c. d'une culture en bouillon de 24 heures de TC immobile (56e passage à 250-350). Le 12 juin (6e jour), le pouvoir agglu- tinant du sérum est nul à 4/1 pour TC mobile et immobile et pour le bacille typhique. Le 48 juin (12 jour), le sérum agglutine le bacille typhique à 1/1, il est sans action sur TC immobile et donne de très petits amas à 1/1 avec TC mobile, Le 24 juin (18 jour), le pouvoir agglutinant est de 1/1 pour le bacille typhique et TC mobile, il est nul pour TG immobile. Lapin 87. — Poids : 830 grammes, Le sérum de ce lapin est inactif à 1/1 sur les deux formes mobile et immobile de TC et sur le bacille typhique. Ce lapin recoit sous la peau, le 7 juin, 1/2 c. c. d’une culture en bouillon de 24 heures de TC immobile (57e passage à 250-350). Le 13 juin (6e jour), le ensuite pour disparaitre au bout de 20 à 30 jours, Le pouvoir agglutinant n’est jamais bien élevé; il à atteint cependant dans un cas 1/40. (Voir lapin 87.) Il n'est done pas possible de considérer comme bacille typhique légitime, ainsi que le fait Rémy, un microbe inagglutinable dont linoeulation aux animaux d'expérience détermine dans leurs humeursl'apparition d'un léger pouvoir agglu- tinant vis-à-vis du bacille typhique. b84 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. pouvoir agglutinant du sérum est nul à 1/1 pour TC mobile et immobile, ül est de 4/40 environ pour le bacille typhique ‘. Le 49 juin (12e jour), le sérum agglutine le bacille typhique à 1/20, il est sans action à 1/1 pour TC immo- bile, il agit d'une façon très incomplète au même taux sur TC mobile. Le 25 juin (18e jour), le pouvoir agglutinant est de 1/10 pour le bacille typhique, il est nul pour TC immobile et de 1/5 au plus pour TC mobile. Lapin 55. — Poids : 1,420 grammes. Le sérum de ce lapin est inactif à 1/1 pour le bacille typhique et pour TC immobile, il donne des amas très petits à 1/1 avec TC mobile. Ce lapin reçoit sous la peau, le 8 juin, 1/3 de c.c. d'une culture en bouillon de 24 heures de TC immobile (58e passage à 250-300), Le 14 juin (6e jour), le pouvoir agglutinant du sérum est nul à 1/1 pour TC mobile et immobile et pour le bacille typhique; le 20 juin (12e jour), même résultat pour TC immobile et pour le bacille typhique ; TG mobile est agglutiné à 1/1. Le 26 juin (18e jour), le sérum est inactif à 1/1 pour les trois microbes. Ces expériences portent en elles-mêmes leurs conclusions. CONCLUSIONS GÉNÉRALES ET DÉDUCTIONS PRATIQUES Il résulte des faits que nous venons d’exposer que l'aptitude agglutinative et la fonction agglutinogène, propriétés probable- ment inhérentes à toutes les cellules libres, en particulier aux microbes, offrent les variations les plus grandes, soit qu’on les considère dans la série des êtres unicellulaires, soit qu'on les étudie chez certaines espèces microbiennes, dans des conditions différentes de leur vie. Ces variations sont telles qu’on serait en droit de diviser pratiquement les microbes en espèces ou races agglutinables et inagglutinables et en espèces ou races agglutinogènes et mag- glutinogènes. En ce qui concerne spécialement le bacille typhique, le plus intéressant et le mieux étudié de ces microbes au point de vue expérimental, ladivision de ses échantillons divers en agglutinables et inagglutinables s’est déjà complètement imposée aux auteurs. Agglutinabilité et pouvoir agglutinogène sont des propriétés parallèles, indissociables chez un même microbe ; nos expériences le montrent de la façon la plus nette. Aussi croyons-nous que l’on peut avancer que tout microbe agglutinable est en même temps agglutinogène et que tout microbe inagglutinable est inag- glutinogène, 4, Voir la note précédente. PHÉNOMÈNE DE L’AGGLUTINATION. 585 Bien que la mobilité ne soit pas une condition absolue de l'existence des propriétés agglutinative et agglutinogène chez les microbes, 1l semble démontré qu’elle joue un rôle indéniable, au point de vue de l'importance de ces fonctions. Seuls les microbes mobiles sont doués d’une sensibilité véritable à l’action des agglutinines, seuls ils sont nettement agglutinogènes; les microbes dépourvus de mobilité sont peu ou pas agglutinables, peu ou pas agglutinogènes. La mobilité des microbes tenant à la présence de cils à leur surface, il paraît légitime de penser que c’est la tunique ciliée de ces êtres qui joue le rôle capital dans le phénomène de Fagglutination !, Les microbes mobiles doivent l'importance de leurs propriétés agglutinative et aggluti- nogène au développement de cette tunique ciliée. Les microbes immobiles, chez lesquels cette tunique est rudimentaire et se réduit sans doute à un simple revêtement, ne possèdent ces propriélés qu'à un degré infiniment plus faible. Aucun microbe cependant ne doit en être absolument dépourvu, car tous pos- sèdent une membrane d’enveloppe. La conclusion générale à tirer de nos expériences comme des travaux antérieurs nous paraît être la suivante : l'aptitude agglu- tinative et la fonction agglutinogène sont des propriétés de la membrane d’enveloppe des microbes; elles sont d'autant plus marquées chez ces êtres que cette membrane est plus impor- tante”, Une même conclusion nous paraît devoir s'appliquer aux cellules libres de l'organisme, Au point de vue pratique, nos expériences n’auront peut-être pas été sans utilité. L'existence de races ou échantillons de bacilles typhiques inagglutinables et inagglutinogènes rend actuellement très délicat le problème de l'analyse des eaux. La difficulté qu'on éprouve à distinguer ces races anormales du bacille d'Eberth de bactéries analogues, mais banales, est sou- vent extrême, Si les conclusions auxquelles tendent nos expé- riences se trouvent confirmées, le diagnostic de ces diverses espèces se trouvera simplifié. Tout microbe agglutinable étant 1, Nous pouvons citer à l'appui de cette hypothèse les expériences de M. Malvoz montrant que les bacilles typhiques lavés, c'est-à-dire privés en grande partie de leurs cils, sont infiniment peu sensibles à Paction du sérum spécifique. Ces expé- riences ont été confirmées par les recherches personnelles d'un de nous (ces Annales, loc. cit.) et par celles d'Harrison (Centralblatt f. Bakt. 31 août 1901.) 2. Ou plutôt que cette membrane contient en plus grande abondance la substance agglutinable ct agglutinogène spécifique. 33 \ 586 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR, doué de mobilité, 1l deviendra inutile de tenir compte dans une analyse d’eau des microbes voisins du bacille d'Eberth inagglutinables par le sérum typhique et mobiles. N'ayant plus à se préoccuper que des bactéries immobiles et inagglutinables, l’expérimentateur devra chercher à leur restituer leurs pro- priétés disparues. Des cultures successives à une température relativement basse rendront plus facile sans doute le retour de la mobilité originelle. Lorsque la mobilité sera revenue, l'aptitude agglutinative et la fonction agglutinogène seront en même temps récupérées et 1l deviendra facile de reconnaître si le microbe étudié est ou non un bacille typhique légitime. Une solution complète pourrait donc être obtenue, sauf dans le cas où il s'agirait de microbes ayant perdu définitivement leur mobilité et avec elle l’agglutinabilité et la fonction aggluti- nogène. Mais nous avons déjà vu qu'il n’était nullement prouvé qu'il existait de ces races, et qu’au contraire dans tous les cas où les échantillons de bacille typhique inagglutinables au moment de leur isolement avaient pu être suivis pendant assez longtemps, le retour de l’agglutinabilité s'était opéré d'une façon constante. Il serait sans doute téméraire d'ériger dès à présent en loi les quelques réflexions que nous venons de formuler et d’en faire la base de la marche à suivre dans une analyse d’eau pour le diagnostic des formes anormales du bacille typhique. L'avenir montrera quelle est au point de vue pratique la portée exacte de nos expériences. ACTION DE LA LUMIERE SUR LA TOMICITÉ DE L'ÉOSINE ET DE QUELQUES AUTRES SUBSTANCES POUR LES PARAMÉCIES Par Le D' LEDOUX-LEBARD. (Travail du laboratoire de M. le Dr Roux.) Raab! a étudié action, sur les paramécies, d’un certain nombre de substances dont les solutions aqueuses sont fluores- centes : l’acridine, la méthylphosphine, la quinine, l’éosine. Il a observé que, dans ces solutions, les paramécies meurent plus rapidement à la lumière qu’à l’obscurité. Cet effet de la lumière ne serait pas dû à toutes les radiations, mais seulement à celles qui produisent la fluorescence, soit surtout aux rayons violets pour l’acridine, aux rayons verts pour l'éosine. Aucun dévelop- pement de substance toxique n’a pu être constaté dans les solu- tions éclairées. Raab, considérant que la fluorescence est la propriété commune à ces solutions d’acridine, de phosphine, d’éosine, de quinine, dont le pouvoir toxique augmente à la lumière, attribue ce résultat à la fluorescence. Celle-ci est le signe d’une transformation d'énergie qui serait funeste aux para- mécies et causerait leur mort*. La conclusion est singulière et 1. Ueber die Wirkung fluorescirender Stoffe auf Infusorien, Zeitsch. f. Biolog., Bd. XXXIX 1900. 2. Raab écrit : «Es ist wahrscheinlich dass fluorescirende Kôrper die Energie des Lichtstrahlen in lebendeschemische Energie umzuse{zen vermügen, » Tappeiner dans un article de la Münch med. Woch (n° 44, 1901) mentionne le t’avail de Raab ct rappelle l'explication donnée par cet auteur: Les substances considérées deviendraient plus toxiques, par la production de la fluorescence, à . éause d’une augmentation de leur énergie chimique. Dans le même article de Tappeiner, on trouvera l’analyse de deux travaux que nous regrettons d'avoir connus trop tardivement pour les citer dans le texte de notre mémoire: celui de Danielsohn qui à étudié l'action sur les infusoires, de différents dérivés de l’acridine et celui de Jacobson qui a observé l’action combi- née de l’écsine et de la lamière sur les cellules épithéliales du pharynx de la gre- nouille et attribue à la fluorescence une action possible sur les phénomènes d’os- mose. Il à injecté à des grenouilles 0,02 gram. d’éosine dans l’eau physiologique, en les maintenant à l'obscurité, après cette injection, Au bout de 48 heures, Pépithélium à cils vibratiles était coloré en rouge. Exposés à la lumière dans l'eau physiologique, les cellules perdaient la mobilité de leurs cils, en quelques heures à l'obscurité, les cils restaient mobiles pendant plus d’un jour. ? 588 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. l’auteur, après ses intéressantes expériences, nous ramène au point de départ, car il s’agit de savoir comment cette transfor- mation d'énergie produit la mort des paramécies. C’est ce que nous voudrions éclaircir dans ce mémoire. La technique est semblable à celle que nous avons indiquée dans notre précédent mémoire!. On verse la solution à étudier dans un verre de montre et celui-ci est placé dans une boîte de Petri renversée, couvercle en bas, contenant un peu d’eau et servant de chambre humide. Un support plat, lame métallique, pièce de monnaie, sert à maintenir le verre de montre à hauteur suffisante au-dessus de la couche d’eau inférieure. Nous versons 2 c. c. de solution dans le verre de montre, en y ajoutant, sui- vant la richesse de la culture, un ou plusieurs dixièmes de centimètre cube de culture. Les boîtes de Petri contenant ces dilutions sont, les unes, soumises à l’action de la lumière, les autres, servant de témoins, mises à l’obscurité. La toxicité des solutions est évaluée d’après le temps néces- saire pour tuer une quantité déterminée de culture. Ou bien, on compte les paramécies tuées, en faisant, s’il est nécessaire, des additions successives de 1/10 c. ec. de culture, jusqu’à ce que les paramécies ne meurent plus, dans l'intervalle de 24 heures, à l'obscurité. Les nombres obtenus mesurent le pouvoir toxique des liquides à comparer. Les paramécies appartiennent à l'espèce P. Caudatum et sont cultivées par le procédé Balbiani *. L’éosine utilisée était l’éosine W. G. de Grübler. Une solu- tion mère à 0,50 pour 100, maintenue à l'obscurité, servait à préparer des solutions à titre connu, et particulièrement la solution à 1 : 1000, dont l’action sur les paramécies n’est ni trop lente ni trop rapide et peut être facilement suivie. On prépare dans un verre de montre 2 c. c. de solution d'éosine à 1 : 1000 additionnée de 1/10 c. ce. de culture; le verre de montre est placé dans une boîte de Pétri qu’on expose à la lumière. Une dilution de paramécies identique à la précé- dente est mise à l’obscurité. 1. Ces Annales, juillet 1902. 2. Arch. d’anat. micr., 1898, p. 518. TOXICITÉ DE L'ÉOSINE POUR LES PARAMÉCIES. 589 Les paramécies ne tardent pas à mourir dansl’6osine éclairée ; elles nagent d'abord moins rapidement, puis elles abandonnent les couches supérieures du liquide, se tiennent au fond en pro- gressant lentement. Souvent, elles présentent des mouvements de rotation autour de l’axe transversal du corps, ou bien l’axe longitudinal, par un mouvement continu dans le même sens, décrit une surface conique, ayant pour sommet l’une des extré- mités. Les vésicules contractiles se paralysent, offrent une dila- tation excessive, souvent limitée à l’une d’entre elles. La mort est suivie de la coloration du noyau, puis le protoplasme se colore, à son tour. Des altérations modifiant le pouvoir osmo- tique du sarcode ou la perméabilité de la membrane d’enveloppe, causent parfois une déformation de l’infusoire, ou bien il se produit des boules transparentes d’exsudation superficielle. Il est assez fréquent de constater une agglutination des paramécies en agglomérations irrégulières. Dans la solution maintenue à l'obscurité, les paramécies continuent à vivre et à nager, pendant un temps très variable. On en retrouve quelquefois de vivantes après deux ou trois semaines ; elles ont diminué de volume et nagent avec lenteur. Le pouvoir microbicide de l’éosine éclairée augmente avec l'intensité de la lumière. Les paramécies mises dans l’éosine meurent en quelques minutes au soleil, en un temps plus long à l’ombre,et qui augmente, à mesure que la lumière diminue. Les expériences qui précèdent confirment simplement celles de Raab. | Pour le même éclairement, l'action microbicide est d’autant moins rapide que le nombre des paramécies est plus élevé, On peut s’assurer facilement, ainsi que Va fait Raab, que la mort des paramécies, dans l’éosine éclairée, est due aux radia- tions absorbées et que les autres sont inactives. Il suffit de placer le mélange d’éosine et de paramécies dans un tube qu'on fixe suivant l’axe d'un bocal contenant la même solution d’éo- sine, et de manière que la surface libre du liquide dans le tube soit inférieure à celle de la solution qui l'entoure. Lorsque celle-ci est en couche suffisamment épaisse, les radiations provoquant la fluorescence de l’éosine n'arrivent plus au tube central; les paramécies continuent à vivre, bien qu’expostes à la lumière, 9 990 j ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Contrairement aux conelusions de Raab, nous allons voir que les radiations actives altèrent la composition de l'éosine et y développent une substance toxique pour les paramécies. On expose au midi, le 26 novembre, à 11 h. 11, par un temps nuageux, un verre de montre contenant 2 ec. ec. d’éosine à 1 : 1000, en chambre humide, Un autre verre de montre conte- nant une solution semblable est mis à l'obscurité. Après une heure d’éclairement, on ajoute 1/10 c. ce. de paramécies à la première solution et on la met à l'obscurité. On ajoute aussi la mème quantité de culture à la seconde solution qu’on laisse à l'obscurité. Cette quantité de culture représente une soixantaine de paramécies. Au bout de trois quarts d'heure, les paramécies ne nagent plus qu'avec lenteur dans l’éosine éclairée, elles tombent au fond, bientôt elles sont toutes immobilisées et, en moins de 3 heures, la plupart commencent à se colorer. Dans l’éosine non éclairée, toutes les paramécies continuent à nager. La lumière altère donc la composition de l’éosine. On sait bien que c’est une couleur fugace, peu résistante à la lumière, comme le démontre la décoloration assez rapide, au soleil, des solutions faibles d’éosine, L'expérience qui précède nous apprend qu'il se produit alors une substance toxique qu'il appar- tient au chimiste de déterminer. Nous voulons montrer seule- ment qu’à l’aide des paramécies il est possible d'analyser d’un peu plus près quelques-unes des conditions de l'expérience. L'intensité de la lumière est un facteur important. On expose des solutions d’éosine à 1 : 1000, les unes à une forte lumière, les autres à une lumière faible ; les solutions sont éclairées, par exemple, à des heures différentes du jour. On constate que les paramécies ajoutées, après l’éclairement, meurent d'autant plus vite que la lumière était plus intense. L'influence de la durée de l’éclairement est moins facile à déterminer avec une lumière variable comme celle du soleil. Si une solution est éclairée plus longtemps qu’une autre et qu'à la fin del’éclairement l'intensité de la lumière augmente, on pourra attribuer à cette circonstance les résultats observés, aussi bien qu’à la durée plus grande de l’éclairement. Nous avons cherché à éviter cet écueil, dans notre expérience. sn rc ob TOXICITÉ DE L'ÉOSINE POUR LES PARAMÉCIES. 591 Quatre solutions d'éosine à 4 : 1000 : n°1, n° 2, n°3, n° 4, ont été exposées à la lumière à la fenêtre du laboratoire, côté sud, le 27 novembre. N° 1, pendant 1/2 heure, de 11 h. 25 à 44 h. 55. N° 2, pendant 1 heure, de 41 h. 25 à 12 h. 25. N° 3, pendant 1 h. 1/2, de 11 h. 11 à 12 h. 41. N° 4, pendant 2 heures, de 11 h. {4 à 4 h. 41. Après l’éclairement, les solutions ont été additionnées cha- eun de 1/10 ce. ce. de culture et mises à l'obscurité. Les para- mécies sont mortes dans n° 1, n° 2, n° 3, n° 4 après des inter- valles de temps représentés respectivewent par 1 h. 44. 4 h, 37, 1h. 35, 1 h.19. Ces temps sont d'autant moins longs que l’éclai- rement a duré davantage. Toutefois, la toxicité ne paraît pas augmenter indéfiniment avec la durée de l’éclairement, Des solutions d'éosine à 1 : 1000 ont été exposées à la fenêtre nord du laboratoire pendant le pre- mier jour, puis à des lumières plus faibles pendant les jours suivants. La toxicité des solutions éclairées pendant 6 jours de suite n'était pas supérieure à celle des solutions éclairées pen- dant le premier ou les deux premiers jours. D’autres expériences vont nous conduire à l'explication de ces faits : elles ont pour but de montrer en quoi se distingue l’action de l’éosine éclairée, suivant que les paramécies sont ajoutées au début ou à la fin de l’éclairement. On prépare des dilutions à 1 : 4, à 1 : 2, à 3 : 4, d’une culture de paramécies, et des verres de montre marqués a, b, a',b', a”, b", a”, b”, contenant chacun 2 ec. c. de solution d’éosine à 1 : 1000. On ajoute, à la solution a, 4/10 c. c. de la dilution de cul- ture à 1 : 4; à la solution a’, 4 1/0 c. c. de la dilution à 1 : 2; à la solution a”, 4/10 ce. ce. de la dilution à 3 : 4; à la solution a”, 4/10 c. e. de la culture elle-même. On expose alors les solutions a, a’, a”, a” à la lumière, ainsi que les solutions b, b’, b’, b” auxquelles on a rien ajouté. On suit avec attention le sort des paramécies. Elles sont mortes au bout de 1 h. 6, dans a. À ce moment, on ajoute aussi à b, 4/10 c. c. de la dilution à 1 : 4 et l’on met b à l'obscurité. Or, il faut 1 h. 55 pour que toutes les paramécies soient mortes dans b. On répète les mêmes opérations avec a’, b’, Les paramécies 592 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR sont mortes dans a’ au bout de 1 h. 16. On ajoute alors à b’4/10 de la dilution à 1 :2 et on met b’ à l'obscurité. Au bout de ä heures, il y a encore des paramécies vivantes dans b:. Dans a” les paramécies sont tuées en 1 h. 23, mais dans b, additionnée, après l’éclairement, de 4/10 ce. c. de dilution à 3 : 4, la plupart des paramécies vivent encore le lendemain bien que ralenties dans leurs mouvements. Dans a” les paramécies sont tuées au bout de 2 h. 9, tandis que dans b” elles survivent presque toutes, après 24 heures. Les solutions a se sont done montrées plus actives que les solutions b. La quantité de substance toxique qui se produit dans l’éosine éclairée est inférieure à celle qui se produit, pendant le même temps, dans une solution semblable contenant des para- mécies. On voit aussi que dans les solutions b additionnées de cul- ture, puis éclairées, le temps nécessaire pour tuer les paramé- cies augmente avec leur nombre, ainsi que nous l'avons dit précédemment. Il en est de même dans les solutions b, additionnées de cul- ture, après l’éclairement. Le temps nécessaire pour tuer les paramécies s'accroît aussi avec le nombre des paramécies, mais ici cet accroissement est très rapide, si bien que les paramécies, lorsqu'elles sont assez nombreuses, finissent par résister. Ces faits s’expliquent aisément si, dans les mêmes conditions d'intensité lumineuse, de température, la quantité de substance toxique produite sous l'influence de la lumière ne dépasse pas un certain degré de concentration. Les paramécies sont-elles dans l’éosine pendant l’éclairement, elles absorbent la substance toxique qui se reforme aussitôt par l’action de la lumière, est de nouveau absorbée, et ainsi de suite jusqu'à la mort de toutes les paramécies. Celles-ci, au contraire, sont-elies ajoutées à l'éosine préalablement éclairée puis mise à l’obscurité, si leur nombre est assez grand, le pouvoir toxique du liquide s’abaisse au-des- sous du degré qui cause la mort, grâce à une absorption de chaque infusoire, la substance nuisible n’est pas renouvelée par l’action de la lumière, la toxicité diminue et permet la survie des organismes. On comprend ainsi comment laltération de l'éosine et l'ac- croissement de toxicité, dus à l’action de la lumière, peuvent TOXICITÉ DE L'ÉOSINE POUR LES PARAMÉCIES. 593 échapper facilement à l'observation, soit qu’on ajoute à la solu- tion préalablement éclairée un nombre très grand de paramécies, soit que, pour un nombre déterminé de ces infusoires, on emploie une quantité trop faible de solution. L’éosine éclairée, mise à l'obscurité, à la température ordi- naire, perd, au bout de 8 à 15 jours, cet accroissement du pou- voir toxique du à l’éclairement. L’éosine obtenue par évaporation à 37° ou à la température ordinaire d'une solution éclairée, puis redissoute dans la même quantité d’eau perd sa toxicité surélévée et se comporte comme l’éosine non éclairée. Le contact de la solution avecl’air purunelarge surface favorise l'apparition du pouvoir toxique. Celui-ci est faible lorsque la solution est contenue dans un tube fermé, effilé et rempli de liquide jusque dans l'effilure. Le vide incomplet obtenu à l’aide de la trompe diminue également la production de substance toxique, sous l'influence de la lumière. La possibilité d’une oxydation de l’éosine éclairée en présence de Pair nous avait conduit à supposer qu’en ajoutant à l’éosine faible (à 1 : 5000) des plantes vertes, le dégagement d'oxygène, à la lumière, favoriserait l’apparition du pouvoir toxique. C’est le contraire qui s’est produit, Une touffe de spirogyres ajoutée à l’éosine à 1 : 5000, avant l’éclairement, supprime le pouvoir toxique : les paramécies ajoutées à la solution après l’éclaire- ment ne meurent pas, comme dans la solution témoin. L’absorption d'acide carbonique et le dégagement d'oxygène dus à la fonction chlorophyllienne ne paraissent pas intervenir dans ce cas; on obtient en effetle même résultat lorsqu'on ajoute les spyrogyres après l’éclairement. Nous croyons qu'il s’agit plu- tôt de phénomènes d'absorption, car les mêmes faits se produi sent avec la craie et la poudre de lycopode. D'autres substances se comportent comme l’éosine, sous l'influence de la lumière; ce sont : l’acridine, la fluorescéine, les sels de quinine. Les solutions de ces corps sont plus toxiques, * pour les paramécies, à la lumière qu’à l’obseurité. L’accroissement de toxicité se manifeste également pour les paramécies ajoutées après l’éclairement. On le démontre comme pour l’éosine. Ces FR D9 4 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. corps s’altèrent à la lumière et donnent naissance à des composés plus toxiques. Raab, dans ses expériences, s’est servi d’une solution d’acri- dine à 1 : 20,000, après addition d'acide chlorydrique. C'est aussi une solution à ce titre qui nous a servi dans nos recher- ches. La fluorescéine à 1 : 1000 s’est montrée sensiblement moins toxique, après éclairement, que l’éosine W. G. au même litre. Le sulfate de quinine est extrêmement toxique pour les infu- soires. D’après Grethe1, la solution à 1 : 1000 les tue en 2 minutes, la solution à 4 : 10,000 es tue en 2heures avecsignes de paralysie au bout de 5 minutes. Aussi est-il nécessaire, pour mettre en évi- dence l’action de la lumière de prendre une solution très faible, par exemple à 4 : 50,000. Les résultats observés ont été moins cons- tants qu'avec l’acridine, la fluorescéine et l’éosine. Les solutions de ces corps sont fluorescentes ; les radiations absorbées se transforment; si, dans cette transformation, une partie de l'énergie est utilisée pour une action chimique, les pro- duits formés peuvent augmenter la toxicité de la solution pri- mitive. Telle est, croyons-nous, la relation entre la fluorescence et l'apparition ou l'accroissement du pouvoir toxique, sous l’in- fluence de la lumière. L'organisme des paramécies est un réactif biologique qui permet, à l’aide d'un procédé très simple, de reconnaitre soit la production, soit la variation quantitative d'une substance toxique pour les infusoires. 4. Deutsch. Arch. {. KT. Med., Bd. LVI, 1896. gi et 1 de RECHERCHES SUR LE ROLE DE L'ENVELOPPE DES MICROBES . DANS L'AGGLUTINATION Par W, DEFALLE Le point de départ de ces recherches est une observation rapportée par M. Malvoz dans son travail sur l’agglutination du bacillus typhosus (1). Ayant filtré et lavé à grande eau sur bou- gie Chamberland des bacilles d’'Eberth-Gaffky qu'il voulait débarrasser des produits de culture dont ils étaient imprégnés, il trouva que les microbes obtenus en raclant la bougie ne s’ag- glutinaient plus par les substances chimiques actives, forma- line, safranine, etc., pas plus que par le typhus-sérum. En même temps, ces bacilles lavés n'étaient plus mobiles et on ne parvenait plus à déceler des cils chez ces microbes. M. Malvoz émit l'hypothèse que peut être les cils jouaient un rôle dans l’agglutination. Dineur (2) reprit cette recherche, et dans un travail intéres- sant montra l'importance de l'enveloppe ciliaire dans le phéno- mène de l’agglutination. Il alla beaucoup plus loin que M. Mal- voz en concluant que le mécanisme de la réaction agglutinante subie par le bacille typhique sous l'influence du typhus-sérum ou des agglutinants chimiques de M. Malvoz «estintimement lié à la présence de l'enveloppe ciliée et résulte apparemment des modifications qui atteignent celte dernière. Sous leur influence, les flagella acquièrent la propriété d’adhérer les uns aux autres en s’entremêlant peu à peu et emprisonnant ainsi dans leur réseau les bacilles auxquels ils sont fixés et qu’ils ont entraînés à leur suite ». Cette interprétation, proposée en 1898, né serait plus soute- nable aujourd’hui, sous cette forme tout au moins, et Dineur lui- 296 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. même doit y avoir renoncé depuis que l’on a découvert que des éléments incontestablement dépourvu de cils, tels que les héma- ties (Bordet, Nolf), les levures (Malvoz) subissent parfaitement l’agglutination par les sérums spécifiques. Mais l'observation de M. Malvoz que les cils jouent un rôle dans le phénomène de l’agglutination des microbes reste par- faitement soutenable : l'expérience précitée reste un fait con- trôlé et amplifié par Dineur et elle ne peut guère être interpré- tée autrement que ne l’avait fait le professeur de Liége. D'ailleurs, s’il est parfaitement vrai que des éléments non ciliëés (globules du sang, microbes dépourvus de flagella) con- fèrent au sérum, après leur résorption dans l’organisme, un certain pouvoir agglutinant, les titres d'agglutination sont géné- ralement bien plus élevés avec les bacilles richement ciliés. Jamais, à notre connaissance, on n’a obtenu, même après des injections longtemps continuées soit d’hématies, soit de microbes sans cils tels que le streptocoque, le bacille de la tuberculose, le bacille diphtérique, des titres agglutinatifs comparables à ceux du typhus-sérum obtenu chez certains animaux et qui sont de 1/100,000 et même davantage, c'est-à-dire qu’un litre de ce sérum est capable de floculer 100,000 litres d’émulsion de bacille typhique. Courmont (3) cite un titre agglutinant de sérum antitétanique de 1/50,000. Or, les bacilles typhique et tétanique ont une belle enve- loppe de cils longs et flexueux., Le sérum antistreptococcique par contre, bien qu'obtenu à la suite d’injections de strepto- coques, agglutine à peine ces derniers : ce microbe est complè- tement dépourvu d’enveloppe. Il a paru à M. Malvoz que son hypothèse renfermait encore, à l'heure actuelle, une certaine part de vérité et 1l nous a engagé à étudier systématiquemént, d’une façon pius étendue qu'on ne l'a fait jusqu'ici, le rôle de l’enveloppe des microbes aussi bien dans le phénomène de l’agglutination que dans la production elle-même des anticorps. Notre travail a consisté d’abord à réunir une collection de microbes se prétant particulièrement bien à l'étude de ces phé- nomènes. Nous avons choisi des bacilles possédant de nombreux cils et d’autres bacilles de même taille approximative, mais peu ou point ciliés. Il fallait se demander aussi quelle influénce ENVELOPPE DES MICROBES DANS L'AGGLUTINATION. 597 pouvait avoir l'enveloppe des microbes, quand celle-ci est constituée non pas par des flagella, mais soit par une couche muqueuse plus ou moins développée qui existe chez certains organismes, soit par une capsule nettement différenciée. Ce qui fait surtout la difficulté d’un bon choix de microbes pour ce genre de recherches, c’est qu'il faut trouver des microorga- nismes dont on puisse, sans trop de difficultés, obtenir des émulsions riches en microbes isolés et agglutinables; or beau- coup de bacilles et de cocci ne sont pas dissociables dans les liquides physiologiques. Voici les microbes qui ont servi à nos essais : 1° Bacillus typhosus : (a) échantillon dit Gaffky, provenant du laboratoire de Gaffky, et cultivé depuis longtemps à l’Institut de Liége. Bacille très mobile, avec 12-15 cils longs et flexueux (méthode Van Ermengem); (b} échantillon isolé par M. Malvoz : typhosus V de sa collection, un peu moins mobile que Gaffky; (c) typhosus isolé par M. Beco de la rate d’un typhique, très mobile ; 2° Bactérium coli. Microbe isolé par M. Malvoz des selles de nourrisson, Cultivé artificiellement depuis plusieurs années : bacilles peu mobiles, les uns sans cils, les autres avec 1-2-3-4 cils, mais moins longs que ceux du typhosus ; 3° Bacille V, de la collection de M. Malvoz, longs bacilles pourvus de magnifiques cils (12 à 15), très mobiles; 4° Bacillus mesentericus, de la collection idem, beaux bacilles avec cils nombreux comme le précédent et très mobiles ; 5° Bacillus mycoïdes, id., id., id. : 6° Vaccin 1 du charbon, de l'Institut Pasteur : bacilles non ciliés, quoique très légèrement mobiles ; 1° Bacillus capsulatus, isolé par M. Herla et conservé depuis longtemps au laboratoire de Liége. Ce microbe, voisin du pneumo-bacille de Friedländer, présente une capsule muqueuse excessivement épaisse, dont le contour externe est irrégulier, mal délimité; le microbe est enfoui dans cette gangue muqueuse comme un noyau de fruit (la méthode Van Ermen- gem teinte cette capsule en gris). 8° Bacillus mucosus, du laboratoire de Kraal : bacille très court avec capsule muqueuse énorme, visible même sans coloration du microbe ; LQ 598 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR, 99 Bacillus capsulatus de Pfeiffer, dulaboratoire de Kraal, bacille court avec mince capsule muqueuse ; 10° Bacillus capsulatus septicus, microbe comme le précédent, mais un peu plus long; 11° Pneumobacille de Friedlander : culture entretenue depuis longtemps à Liége; ce microbe, qui présente habituellement une capsule dans les cultures fraîches, a perdu celle-ci après un long séjour au laboratoire. Il a pris les dimensions du B. coli, immobile, non capsulé ; 42° Myco-bacterium Phle, bacille de la phléole, provenant de l’Institut Pasteur de Lille : c’est un bacille morphologique- ment semblable au bacille de la tuberculose, immobile, dépourvu de cils, isolé par Moëller de certaines graminées: - 13° Micrococcus agilis ruber, du laboratoire de Kral, micro- coque mobile, avec cils ; 14° Microcoque, microbe banal recueilli dans les eaux, immo- bile sans cils ; 159 Spores de divers microbes (B. mycoïdes, B. mesentericus, B. alveï, ete.) : on les obtient presque complètement débarrassées de leurs bacilles par des cultures sur gélose sans peptone, dont on prépare de bonnes émulsions. Ces spores ont une membrane résistante, pas d’enveloppe muqueuse ni de cils; 16° Levure du vin de Huy, isolée par M. Malvoz, belles cellules avec une membrane nette à double contour ; les cultures s’émul- sionnent bien, en éléments isolés, en eau physiologique. Tous ces microorganismes se développent bien sur gélose nutritive au bouillon de viande (pour la levure, on prendde lagar à l’eau de malt). Les injections faites aux animaux étaient pré- parées en broyant le dépôt de la culture dans l’eau physiolo- gique à 9 0/0. Le phénomène de l’agglutination — soit dit une fois pour toutes — a toujours été étudié par addition du liquide agglutinant non pas à des microbes en bouillon (ce qui complique le phéno- mène à cause des produits variés des bouillons), mais à des émulsions de microbes pris sur gélose, bien dissociés en eau salée à 9 0,0. On ajoute d’abord une anse de sérum, par exemple, à une anse d'émulsion sur porte-objet, puis on dilue le sérum à 1 p. 10, 1 p. 20, etc., etc, et on ajoute chaque fois une anse de cette dilution à une anse d’émulsion, ft 1 2 mon éée ltn ins nid ietss à) à ét) PP Ste OST Ph ARE ENVELOPPE DES MICROBES DANS L’AGGLUTINATION. 599 Il est clair que s’il y a agglutination nette quand on ajoute une anse de la dilution à 1 p. 20 à une anse d’émulsion, le titre du sérum sera de 1/40, L'observation du phénomène a toujours été faite pendant le même temps, (une heure à peu près). Pour ce qui concerne un des microbes étudiés, le Mycobacte- rium phlei, on n'obtient des émulsions homogènes qu'en usant d’un artifice : il faut d’abord broyer le dépôt de la culture sur gélose, dansun mortier d’agatheavec de l’eau physiologique, puis, après avoir trituré longtemps, on jette le liquide trouble sur un petit filtre de papier Schleicher mouillé; le liquide qui passe, légèrement opalescent, montre des bacilles fins et grêles, suffi- samment isolés pour l'étude de l’agglutination. Ce microbe est tout à fait semblable, morphologiquement, au bacille de la tuberculose. Une première série de recherches a consisté dans l'injection ntrapéritonéale, à des cobayes, de ces divers microbes, dans le but de comparer le pouvoir agglutinant du sérum obtenu. Chaque microbe est cultivésur gélose nutritive ; on émulsionne le dépôt de la culture dans 1 ©. ©. d’eau physiologique; on chaufle une 1/2 heure à 57 (sinon les microbes pathogènes injectés vivants, comme le bacille typhique, tuent souvent le cobaye), et on pousse l’injection dans la cavité péritonéale à travers une petite incision de la paroi du ventre. Oa mesure, avant l'injection, le pouvoir agglutinant du sérum normal vis-à- vis du microbe injecté : aucun microbe n’était agglutiné parle sérum normal de cobaye (dans les conditions déjà décrites de notre technique de mensuration) même à parties égales de sérum et d’émulsion de microbes, sauf le Z. coli qui subissail une légère agglutination, mais pas au-delà du titre de 1/5. Beau- coup de sérums normaux agglutinent plus ou moins le B. coli, ce qui est sans doute dû à la résorption physiologique de cadavres de ce bacille si abondant dans le tractus intestinal, et à la production consécutive d’une petite quantité d'anticorps. Dix jours après la première injection à cette série de cobayes, on recueille du sérum et on mesure son pouvoir agglutinant. On obtient les Litres suivants, comme taux extrèmes du phénomène : Typhosus 1/10; B. mycoïdes 1/60; Mesentericus 1/10; Bacille V 1/50; Capsulatus septicus 1/35; Capsulatus Herla 1/25 ; Vaccin 1 600 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR, Paris 1/15; B. coli 1/20 ; pneumobacille de Friedländer 1/1; Cap- sulatus de Pfeiffer 1/1; Mycobacterium phlei 1/1; Micrococcus agi- lis 1/1 ; levure de Huy 1/1; microcoque banal de Pair 0 ; On constate de plus que le sérum Friedländer qui n’agglu- tine presque pas les microbes de l’espèce injectée hu à 1/45 le Capsulatus Herla, la réciproque ne se produit pas. Le sérum Pfeiffer agglutine le Septicus à 1/25. On pousse une nouvelle injection eton constate, après 10 jours, (ce qui est le moment le plus favorable pour le titrage des agglutinines), que le titré de lagglutination n’a augmenté sensi- blement que chez les cobayes injectés de : B. typhosus 1/140 ; B. mycoïdes 1/130 ; B. mesentericus 1/140, bacille V 1/110; B. coli 1/50, Capsulatus 1/50; Micrococcus agi- lis 1/15. < Or, si l’on s’en rapporte à la description morphologique de ces microbes, on est immédiatement frappé de ce fait que c’est l'injection des microbes ciliés, ouenveloppés d’une épaisse gaine muqueuse, qui a conféré au sérum le pouvoir agglutinant le plus considérable. De plus, parmi les microbes ciliés, ce sont les éléments pos- sédant le plus de flagella qui se montrent surtout sensibles aux agglutinines : le B. coli, qui possède moins de cils quele Typhosus ; 13 bite etc., agglutine moins fortement que ces microbes. Quant aux divers microbes dit capsulés, on constate que ceux qui produisent le plus d’agglutinines, dans le sérum, sontles Capsulatus Herla ; au contraire, le pneumobacille de Friedländer et le Capsulatus de Pfeiffer ont présenté des titres très faibles d’agglutination. Ce sont cependant des microbes de la même famille naturelle; mais, comme il a été dit dans la description de ces microorganismes, tandis que les microbes de Herla et le Capsulatus septicus avaient conservé dans les milieux artificiels une capsule muqueuse très développée, celle-ci était devenue extrèémement réduite pour les microbes de Friedländer et de Pfeiffer; ce fait a été cité, d’ailleurs, par d’autres observateurs, et il est admis aujourd’hui que des microbes d’un même groupe peuvent perdre leur capsule dans les milieux de culture des laboratoires ‘. Ce qui prouve bien que ces microbes appartien- 1. D'après Danysz, certains microbes s'entourent d’une gaine muqueuse dans un but de protection contre des éléments nuisibles (charbon et arsemic). ENVELOPPE DES MICROBES DANS L'AGGLUTINATION. 604 nent à un même groupe naturel, à ce groupe étudié tout réce m- ment encore par Clairmont (4) dans un travail très complet, c’est que le sérum Friedländér agglutine le C. Herla et le sérum Pfeif- fer le Septicus. Le vaccin du charbon s’est comporté non comme les micro- bes ciliés, mais comme les éléments revêtus d’une capsule muqueuse tels que le B. capsulatus de Herla. Or, on sait que le bacille du charbon est enveloppé d'une gaine muqueuse bien visible dans les cultures fraîches et dans le sang des animaux charbonneux. Ce ne sont donc pas seulement les microbes à flagella qui sont particulièrement sensibles à l’action des sérums agglutinants, mais la gaine muqueuse enveloppante de certains bacilles joue également un rôle dans le phénomène de l’agglutination. Le fait suivant vient encore à l’appui de cette thèse : il existe un microbe, le Capsulatus mucosus qui, d’après le travail elas- sique de Clairmont, appartient à la même famille que le Fried- länder, le C. Herla, le Pfeiffer, etc. C’est un bacille court engainé dans une gangue muqueuse tellement considérable que les microbes sont véritablement englués dans celle-e1 : 1l est même impossible d'obtenir avec ce microbe des émulsions homogènes permettant la mesure de leurs agglutinines. Mais on peut injec- ter le C. mucosus à des cobayes et mesurer le titre d’agglutina- tion non pas sur le mucosus lui-même, mais sur les autres repré- sentants de ce groupe naturel se prêtant à la floculation. Eh bien, le sérum mucosus agglutinait après deux injections au cobaye, la Capsulatus Herla à 1/20, mais était sans action sensible sur le Friedländer et le Pfeiffer. Continuant dans cette voie, nous avons encore comparé, d’une façon plus précise, le sérum Herla et le sérum Friedländer. Nous avons injecté à 2 chiens des cultures jeunes de ces microbes (cultures gélose) dans le tissu cellulaire sous-cutané. Après 8 injections faites de 2 en 2 jours, le chien — Herla donne un sérum agglutinant ce microbe à 1/170 mais sans action sur le baacille de Friedländer ; inversement, le sérum du chien Friedländer agglutine le B. de Herla à 1/40, mais nullement le microbe de Friedländer lui-même. Après 22 injections, le titre agglutinatif du sérum Herla pour le B. de Herla est de 1/200, mais l’agglutination du B. de Fried- ; 39 602: :. ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. linderest toujours nulle; réciproquement, lesérum du chien Fried- läinder agglutine le Capsulatus Herla à 1/120, mais est sans action sur le Friedländer. Comment méconnaître dans l'interprétation de ces résultats la haute importance de l'enveloppe microbienne dans la sensi- bilité aux agglutinines, puisque voilà 2 microbes considérés comme très voisins dans la systématique bactérologique, qui ne diffèrent que par la constitution de leur paroi, et qui se com- portent tout différemment en présence des sérums spécifiques ? Les bacilles dépourvus de cils ou de capsule muqueuse non seulement sont peu agglutinables, mais ils confèrent au sérum des animaux injectés un pouvoir agglutinant qui reste toujours relativement peu élevé, Tout particulièrement démonstratives sont les deux expé- riences suivantes : D'une part, on injecte à un chien, sous la peau, des cultures chauflées du bacille V (bâtonnets pourvus de 10-15 flagella); à un autré chien des cultures de mycobacterium phleï, en milieu de Hesse et également chauffées 1/2 heure à 60°. Après 6 injections, le sérum du chien du bacille V agglutine ce bacille à 1/600, tandis que le sérum du chien injecté de b. phleï. agglutine 1/20. On a continué les injections de ce dernier microbe tantôt 9 €. €. tantôt 4 ce. c., tantôt 10 c. c. à la fois, pendant plusieurs mois. En tout, le chien reçut 100 c. c. de culture de b. phléole : il n’a pas été possible de pousser le titre agglutinatif au delà de 1/20. Les émulsions homogènes du b. phleï étaient pré- parées comme il à été dit. Les injections du même microbe chez le lapin n'ont pas donné un pouvoir agglutinant plus élevé que chez le chien. Le bacille phleï ressemble beaucoup au bacille de la tubercu- lose, On sait que la séro-réaction dans la tuberculose reste habi- tuellement faible, en ce sens que les titres agglutinants sont généralement de 1/10,1/20,1/50 maximum, alors que danslafièvre typhoïde chez l’homme on à souvent noté une agglutination pouvant aller à 1/1000 et même davantage. Le bacille phleï comme le B. tuberculosis n’a ni flagella ni enveloppe muqueuse analogue à celles de certains microbes capsulés : de là leur faible agglutination. ENVELOPPE DES MICROBES DANS L’AGGLUTINATION. 603 Nous ferons remarquer, en passant, que l’on a donné (Beco, de Nobele, entre autres) des titres agglutinants relativement con- sidérables pour une variété de bacille de la tuberculose, qui est le bacille d’Arloing Courmont. Ce bacille, dont la morphologie n’a pas encore été bien étu- diée, est donné comme légèrement mobile dans les bouillons et les émulsions; peut-être présente-t-il soit de petits flagella, soit une gaine enveloppante particulièrement sensible aux agglu- tinines: De plus, les injections faites avec ce microbe, et qui ont conféré au sérum un pouvoir agglutinant allant jusque 1/200 et parfois plus, étaient faites non avec des émulsions en eau salée, mais avec des cultures en bouillon; de plus l’agglutination elle- même était vérifiée sur ces mêmes cultures. Nous croyons que de cette façon il se produit non seulement des aggluti- nines pour le microbe, mais des précipitines pour certaines subs- tances du bouillon de culture, d’où l’augmentation apparente du titre d’agglutination. Il faudrait injecter des émulsions en eau salée de bacilles d’Arloing et éprouver le sérum sur une telle émulsion pour vérilier si notre hypothèse est bien exacte. Si l’on compare les microbes ciliés entre eux, il apparaît bien encore qu'il y a réellement un rapport entre le nombre et l'importance des flagella et Pagglutination. Prenons deux microbes inégalement ciliés, l’un le B. typho- sus (12-15 cils), l’autre le B. coli (1-2-3-4 cils), et injectons-les à des lapins. Après 5 injections de ! €. c., faites de 4 en # jours, le sérum du lapin-typhosus produit de grands flocons visibles à Pœil nu dans l’émulsion, tandis qu’on ne voit qu'au microscope les petits amas des microbes agglutinés par le sérum-coli. Voici, du reste, des résultats qui viennent d’être publiés dans un travail de Castellani (5) et qui montrent très nettement le rôle des flagella dans l’agglutination. Le travail de Castellani n'a pas été fait au point de vue où nous nous plaçons : il voulait vérifier si les animaux injectés de divers microbes en même temps présentaient un sérum les agglutinant tous, et il commença par injecter séparément chaque microbe ; il a pris très soigneu- sement, jour par jour, les titres agglutinatifs, qu’il consigne dans les tableaux que nous reproduisons ci-dessous et quise rap- portent à des injections de B. typhosus et de B. coli. 604 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. LAPIN INJECTÉ AVEC 3 CENTIMÈTRES CUBES DE CULTURE EN BOUILLON DE BACILLE € TYPHOSUS » VIVANT TITRE D'AGGLUTINATION POUR LE BACILLE TYPHIQUE —_—_—_——_—— Nos des Avant Après | Après | Après | Après Après Après Après Après animaux. |l’injection.|3 jours.|5 jours. |7 jours.|10 jours.|15 jours.|30 jours.|60 jours.|120 jours. 200 LAPIN INJECTÉ AVEC 3 CENTIMÈTRES CUBES DE CULTURE EN BOUILLON DE BACILLE € COLI » VIVANT TITRE D'AGGLUTINATION POUR LE BACILLE COLI Er Nos des Avant Après | Après | Après | Après Après Après Après Après animaux. |l’injection.|3 jours.|5 jours.|7 jours.|10 jours.|15 jours.|30 jours.|60 jours.|120 jours. 16 40 40 400 250 | 4,000 | 4.000 |. 200 17 10 20 200 11.000 | 2.000 | 4,500 18 20 20 250 400 | 2.000 | 2.000 200 Il suffit de jeter un coup d’œil sur ces tableaux, pour être immédiatement frappé de la moindre sensibilité du B. coli à ses agglutinines, comparativement au B. typhosus : généralement, 10 à 15 jours après l'injection, le typhus sérum agglutine le B. typhosus à un titre presque dix fois supérieur à celui du coli-sérum sur le B. coli. On pourrait croire qu’eninjectant, comme on l’a fait dans ces expériences, des cultures en bouillon, celles-ci renferment pro- portionnellement plus de corps microbiens dans un même volume quand il s’agit du B. typhosus et que c’est là la raison du pouvoir agglutinant plus considérable du typhus sérum. Mais c’est le con- traire qui est vrai : le B. coli en bouillon est plus prolifique que le B. typhosus et certainement dans les expériences dont les résultats viennent d’être transcrits, on injectait plutôt davantage de B. coli que de B. typhosus. ENVELOPPE DES MICROBES DANS L’AGGLUTINATION. 605 Voilà donc deux microbes, morphologiquement très voisins, constitués par des bâtonnets de dimensions égales, ayant des propriétés biologiques très voisines, puisque certains bactériolo- gistes ont été jusqu'à les considérer comme appartenant à une seule espèce, et qui se comportent tout différemment vis-à-vis de leur sérum spécifique : mais l’un présente de nombreux fla- gella, l’autre deux ou trois cils seulement, et c’est là certaine- ment une des raisons principales de leur sensibilité différente à leurs agglutinines. On sait que les microbes ne sont pas seulement agglutinables par les sérums préparés contre eux, mais que ie sub- tances chimiques bien définies, ainsi que les recherches de M. Malvoz (6) l’ont montré, produisent très nettement un phé- nomène identique : telles sont la formaline, alcool, l’acide acé- tique plus ou moins dilué, la soude, etc., etc. Ces agglutinants, dits chimiques, se comportent-ils vis-à-vis des microbes ciliés et capsulés comme les sérums spécifiques, en ce sens que, toutes choses égales d’ailleurs, un microbe à flagella par exemple sera plus facilement agglutiné qu'un mi- crobe dépourvu de cils ? Nous avons institué toute une série de recherches dans cette direction. À des émulsions en eau physiologique des divers microbes de la collection, nous avons ajouté des proportions très variées de formaline, d'alcool, d'acide acétique, de soude, etc., etc., etnous avons observé on éventuelle, aussi bien à l'œil nu qu’au microscope. Nous ne nous attendions nulle- nient à obtenir dans cette série d'essais des résultats aussi nets qu'avec les sérums spécifiques. Comme le fait très justement remarquer Nolf dans son travail classique sur les sérums antihématiques (7), les agents chimiques proprement dits, qui sont capables de provoquer l’agglutination des microbes, dé- ploient une activité plus brutale que le sérum spécifique. L’agglutination de celui-ci, quand il est suffisamment dilué, produit à peine une légère modification de la surface du mi- crobe, suffisante néanmoins pour être le point de départ d’une agglutination. Au contraire, une substance chimique aggluti- nante saisit plus brusquement et modifie plus fortement les éléments microbiens : nous avons vu ces derniers perdre immé- diatement leurs mouvements, et se rapprocher de suite en quel 606 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. ques instants, ce qui ne peut être dû qu’à une altération. consi- dérable et rapide de l'enveloppe. Néanmoins, on se rend très bien compte que l'acide äcétique, par exemple, agglutine encore très bien, à certaines dilutions, les microbes ciliés ou les éléments entourés d’une capsule mu- queuse, alors que le phénomène ne se produit plus sur les autres microbes. Le B. typhosusest encore agglutiné par l'acide acétique à la dilution de 1/3600, le capsulatus Herla à 1/4500, le B. coli à 1/130Œ le microc. agilis à 17300. Au contraire le mycobacterium phlei n’est plus agglutiné au delà de 1/100 d'acide acétique, le microcoque banal de Pair 1/15 maximum etle B. de Friedlander à 1/10. La formaline agglutine bien le B. 1yphosus et pas le B. coli, ni le B. de Friedländer, il en est de même pour Le sublimé à 20/00. L'alcool absolu est très agglutinant pour le bacille mycoïdes (très cilié) le capsulatus Herla (enveloppe muqueuse énorme), bien agelutinant pour le B, typhosus, moins pour le B. coli, nullement pour le B. de Friedländer, la levure, les spores, le B. de la phléole, etc., éléments non ciliés ni entourés d'une cap- sule muqueuse. Avec la soude à des dilutions de 1 p. 60 à 1 p. 100, à cause de la réaction brutale de cette substance sur one très délicate des microbes, on n’observe plus, d’un élément microbien à l’autre, que des différences trop peu considérables pour qu'il y ait intérêt à les citer ici. _ Les observations que nous venons d'exposer plaident certes en faveur du rôle considérable que l'enveloppe microbienne joue dans le phénomène de l’agglutination. Mais, dira-t-on, entre tous ces microbes si variés, n’y a-t-il pas d’autres pro- priétés que celle qui tient à la nature de leur gaine externe aux- quelles il faudrait attribuer la raison des différences qui se mani- festent d’une espèce à l’autre au point de vue de l’agglutina- tion ? Bien qu'il nous paraisse que l’ensemble des faits réunis dans ce travail plaide singulièrement en faveur d’une influence prépondérante des caractères de l’enveloppe microbienne dans la sensibilité aux agglutinines, la thèse soutenue serait bien plus solide encore si 1 expériences s’appuyaient non plus sur ENVELOPPE DES MICROBES DANS L’AGGLUTINATION. 607 des microbes d'espèces différentes, mais sur une seule et même espèce de bacilles, dont on produirait à volonté des modifica- tions de l’enveloppe ciliaire. Certains observateurs (Migula entre autres, 8), ont cité cer- tains microbes, tel que le microbacillus prodigiosus, qui ne présentent des cils que quand on les cultive à une température déterminée. Ce fait nous autorisait à rechercher s’il ne serait pas possible, avec un seul et même microbe à flagella, d'obtenir une variété richement ciliée, et une autre sinon dépourvue de cils, tout au moins présentant une enveloppe très réduite. Après avoir tenté bien des essais variés, qu'il est inutile de rapporter ici, nous avons réussi, pour ainsi dire au delà de ce que nous espé érions, en choisissant comme microbe le B. mycoïides, qui est un excellent élément d’études. Le B. mycoïdes, cultivé à l’étuve à 37°, sur gélose nutritive peptonisée ordinaire et repiquée chaque jour, se présente comme un beau bacille très mobile, et pourvu de nombreux cils longs et flexueux plus beaux encore que ceux du B. typhosus (méthode Van Ermengem). Mais si on examine une culture sur agar, ensemencée non plus avec un microbe ayant poussé lui-même sur agar peptonisé, mais avec des spores de B. mycoïdes, l'aspect du microbes est tout différent, Les spores sont obtenues très facilement et en abondance si on ensemence du B. mycoïdes à 31°sur de la gélose non peplonisée : après 4 ou 5 jours, on _ne voit presque plus que des spores, Il est nécessaire qu'il n’y ait plus de bacilles visibles à côté des spores. Prenons une oese de ces spores, ensemencçons-les sur agar nutritif peptonisé ordinaire et placons à 37° : le lendemain, on constate que toutes ces spores ont germé, mais les bacilles qui en sont issus, tout en ayant les dimensions du B. mycoïdes ordinaire, sont infiniment moins mobiles, et par l'emploi de la méthode Van Ermengem, on ne leur trouve qu’une enveloppe très réduite, avec cils rares et courts, ou même sans cils du tout. Ce fait n’est pas accidentel : 1l se produit avec une régularité constante, et nous avons obtenu ces bacilles à enveloppe ciliaire rudi- mentaire aussi souvent que nous l’avons voulu. Les aggluti- nants chimiques, tels que l'acide acétique et la soude, agissent beaucoup mieux sur la variété cilite que sur l’autre : la première est encore agglutinée par l’acide acétique jusque 1/1000, La 608 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. soude jusque 1/80, la seconde ne l’est plus à ces dilutions des réactifs. ; En possession de bacilles mycoïdes très ciliés et peu ciliés, nous avons injecté à des cobayes des émulsions des deux variétés de microbes, préparées de façon identique et contenant très approximativement le même nombre d'éléments (dépôt d’un tube de gélose émulsionnée dans 2 €. c. d’eau physiolo- gique). Huit jours après cette injection, le sérum du cobaye traité par le mycoïdes très cilié produit une agglutination de cette variété du microbe jusqu’au titre de 1/50; :1l agglutine le mierobe peu cilié, moins fortement, jusqu’au titre de 1,20, mais le sérum du cobaye ayant reçu le microbe peu eilié n’agglutine ni lune ni l’autre des 2 variétés de bacilles. On fait de nouvelles injections à deux autres cobayes et on les répète à 10 jours d'intervalle. 8 jours après, le sérum présente les propriétés suivantes : le sérum du cobaye traité par la variété très ciliée, agglutine à la fois les 2 variétés, mais la ciliée plus que l’autre; mais le sérum de l’autre cobaye injecté 2 fois de microbes peu ciliés, s’il agglutine mainte- nant légèrement le bacille peu cilié (ce qui ne se produit pas après une seule injection) agglutine beaucoup plus fortement la variété ciliée. Ces faits, que nous avons contrôlés plusieurs fois, se sont produits avec une grande nelteté. Aussi croyons-nous qu'ils apportent la preuve décisive du grand rôle joué par l'enveloppe ciliaire dans l’agglutination. Ils prouvent non seulement qu'un microbe pourvu de grands et nombreux cils est plus aggluti- nable, toutes choses égales d’ailleurs, qu’un bacille à tunique ciliée incomplète, mais, en outre, qu'à la suite de linjection d’une variété peu ciliée il apparaît proportionnellement moins d’agglutinines dans le sérum que chez les animaux traités par les bacilles à nombreux flagella, puisque après une première injection de B. mycoïdes, variété peu ciliée, le sérum n’agglutine encore aucune des deux variétés. C’est un fait expérimental qu'avait prévu M. Nolf dans son travail sur les sérums anti- hématiques, lorsqu'il annonçait qu’à son avis il devait y avoir avantage au point de vue de la production abondante d’anti- corps, tels que les agglutinines, à injecter des éléments à enve- ENVELOPPE DES MICROBES DANS L'AGGLUTINATION. 609 loppe très développée comparativement au poids du microbe. Pendant le cours de ces recherches a paru un travail de Harrison (9) qui a montré que les bacilles typhiques en partie digérés par la pyocyanase et dépouillés ainsi de leurs couches externes ne sont plus agglutinables par le typhus sérum. Ce n’est pas seulement le phénomène de l’agglutination des microbes qui est influencé par la nature de l’enveloppe des microbes : les substances du sérum, appelées sensibilisatrices par Bordet, fixateurs par Metchnikof sont aussi plus facilement décelables vis-à-vis des éléments à tunique développée. Si on compare, à ce point de vue, les sérums des cobayes ayant servi aux essais précédents, on obtient les résultats sui- vanis : La recherche des sensibilisatrices a été faite par la méthode Bordet-Gengou : les microbes sont traités par une certaine pro- portion (3 parties) du sérum spécifique chautfé à 56° additionné d'alexine fraîche. Après quelques heures on détermine si cette alexine est ou non fixée, en d’autres termes si les microbes sont ou non sensibilisés, par l'addition d’hématies sensibilisées elles, mêmes par un sérum hémolytique chauffé à 56° : s'il n°y à pas d'hémolyse, c’est que les microbes ont été sensibilisés et inver- sement. Bien entendu, on fait des témoins dans lesquel le sérum spé- cilique est remplacé tantôt par de l’eau salée, tantôt par un sérum normal chauffé. Dans ces conditions, nous avons observé que le sérum du cobaye traité par la variété très ciliée de mycoïdes, et qui agglu- tine si nettement ce microbe, le sensibilise fortement, tandis que la variété peu ciliée ne fixe presque pas l’alexine, ce qui montre qu’elle a retenu peu de fixateurs. Le sérum du cobaye, ayant reçu la variété peu ciliée, renferme d'abord moins de fixateurs que le précédent et de plus ces fixa- teurs impressionnent bien plus la variété tiliée que l’autre. On ne possède pas encore à l’heure actuelle de méthode pré- cise de titrage des substances sensibilisatrices, mais l’obser- vation de la rapidité et de l’intensité de l’hémolyse dans les divers essais précédents ne laisse pas de doute sur les relations étroites qui existent, aussi bien au point de vue de leur abon- dance dans le sérum que de l’impressionnabilité des éléments au 610 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. sérum lui-même, entre cils et sensibilisatrices, comme entre cils et agglutinines. On ne peut plus douter, semble-t-il, du rôle dominant de la substance enveloppante des microbes dans le phénomène de l'agglutination. Et il semble bien que l’on puisse dire que les agglutinines sont réellement les anticorps de l'enveloppe micro- nan quelle que soit la nature: de -cette dernière. Ce qui le prouve bien, c'est que des éléments, telles que les levures, qui sont pourvus d’une belle capsule différenciée, de nature très résis- tante, sont encore agglutinables et confèrent au sérum un pou- voir agglutinant quand on se sert de levures réduites à cette capsule, M. Malvoz a placé pendant trois mois sous le chloro- forme la levure du vin de Huy ayant poussé abondamment sur gélose à l'eau de malt. On sait que, dans ces conditions, sefpro- duit une auto-digestion par des ferments spéciaux de la levure, L'examen microscopique. montre des coques pour ainsi dire vides, quand on à lavé plusieurs fois à l’eau physiologique; il reste seulement au centre de l’élément quelques granulations se colorant en gris noirâtre par l'acidité osmique, solubles dans un mélange d'alcool et d’éther (matières grasses). On a injecté ces levures ainsi réduites à leur capsule à des lapins, comparative ment avec d’autres lapins traités par des levures moins digérées. Après quelques injections, le sérum était aussi agglutinant chez les uns et les autres animaux (titre 1/80), et l’agglutination se produisait aussi facilement sur les levures vides que sur les levures intactes. Les sensibilisatrices se sont formées également bien dans les deux séries d'animaux, c'est-à-dire que la résorption des coques de levure injectées aux lapins est suivie de la produc- tion non seulement d'agglutines, mais de fixateurs et ces fixateurs sensibilisent non seulementles levures normales, mais les levures vides de leur contenu. De plus, si on chauffe les levures à 115°, leur injection con- fère au sérum à la fois le pouvoir agglutinant et sensibilisateur, tout comme les spores microbiennes, et à la différence des microbes dépourvus d’une capsule résistante du type de celle de la levure. Si on traite les levures par des substances destructives du protoplasme (eau de javelle), on note, après des lavages à l’eau ENVELOPPE DES MICROBES DANS L'AGGLUTINATION. 611 physiologique, que les levures sont encore agglutinées par leur sérum spécifique et au même titre que les levures intactes. ù Des faits expérimentaux d’un autre ordre ne peuvent s’expli- quer qu'en admettant une influence toute particulière des subs- tances constituant l’enveloppe microbienne dans la production des agglutinines et dans le degré de sensibilité à ces dernières. Nous avons injecté à un cobaye du B. mycoïdes vivant : après 2 injections, son sérum agglutinait le bacille vivant jusqu’au titre de 1/130, mais vis-à-vis des mêmes bacilles préalablement chauffés à 1159, l'agglutination positive, avec une forte concen- tration du sérum, ne dépassait pas le titre de 1/20. Si au lieu de bacilles mycoïdes vivants on injecte les mêmes bacilles chauffés à 1159, le sérum n’agglutine plus les microbes vivants, comme les microbes traités à 115°, qu’à 1/40. Un sérum antityphique très actif (provenant de M. Van de Velde) qui agglutinait le B. typhosus Gaffky à 1/1.300, n’agglutine le bacille chauffé à 1159 qu'à 1/400 Nous avons injecté à un cobaye du B. typhosus chauffé à 115° : ce sérum n’a pas agglutiné le bacille chauffé à cetie température ; quant à son action sur le bacille vivant, l’agglutination n’a pas dépassé le titre de 1/10, alors que le cobaye traité par une seule injection de B. typhosus non modifié à 115° fournit un sérum dont le titre agglutinant dépasse toujours 1/100. Par contre, si au lieu de microbes à tunique ciliée délicate comme les précédents, on se sert, pour des expériences de même genre, d'éléments à capsule très résistante aux agents physiques, tels que les levures et les spores, ceux-ci chauffés à 115° et injectés ensuite confèrent au sérum un pouvoir agglutinant pres- que aussi considérable que dans le cas de l'injection d'éléments normaux et, de plus, la sensibilité de ces spores et de ces levures aux agglutinines reste considérable. Ces faits ne peuvent être interprétés qu’en admettant que chez les microbes à cils délicats une température de 115° produit une telle altération des substances qui constituent cette enveloppe que la production des agglutinines et beaucoup moins forte qu'à la suite de l'injection de microbes non altérés ou chauffés seule- ment à 60°, de même que les substances dites agglutinables de la tunique ciliée sont également altérées à 415°. Au contraire, la capsule des spores et des levures doit être constituée par des subs- 612 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR, tances beaucoup moins altérables à 115° : de là la production considérable d'anticorps à la suite de l’injection de ces éléments ainsi chauffés, et leur sensibilité toujours considérable aux agglutinines. En résumé, les anticorps tels que les agglutinines et même dans une certaine mesure tout au moins les sensibilisatrices apparaissent comme des produits formés dans l’organisme à la suite de la résorption des enveloppes microbiennes : toutes choses égales d’ailleurs, plus est développée la couche périphérique d'un élément microbien, plus riche est-elle en substances capables de provoquer une réaction organique, plus abondante sera la pro- duction d'anticorps, et plus sensible aussi sera le microbe lui- même vis-à-vis de ces derniers. Il y aura lieu dans la pratique de tenir compte déc ces Carac- tères de la gaine d’enveloppe des microbes, plus qu’on ne Pa fait jusqu’à présent, dans le diagnostic des microorganismes par les sérums spécifiques. On sait notamment qu'en injectant cer- taines races de Z. coli, le sérum obtenu est plus agglutinant vis- à-vis d’autres races ile coli-bacilles que vis-à-vis du microbe injecté lui-même : or, rien ne varie davantage, d'un échantillon de B. coli à l’autre, que la longueur et le nombre des cils et il parait certain, d’après nos expériences, que le microbe le plus cilié sera celui qui aura le plus de chances d’être le mieux agglutiné par un sérum donné. Les variations si considérables observées dans les titres d’agglutination des sérums obtenus. contre tous ces bacilles de la même famille naturelle (B. enteritidis) bacilles de Sirault, bacille de Moorzeele, etc.), qui jouent un si grand rôle dans certains accidents alimentaires ne sont peut- être dues qu'aux caractères particuliers de leur tunique ciliée. Rien ne dit qu'il ne puisse se trouver dans la nature ou dans des cultures artificielles des microbes qui ont plus ou moins perdu leurs flagella tels que le B. typhosus : or un tel microbe se montrera fort peu sensible au typhus-sérum et de plus son injec- tion provoquera la formation d’une proportion modérée d’agglu- tinines. L'emploi d’un tel sérum exposera à des erreurs graves celui qui ne tiendra pas compte des caractères spéciaux de la morphologie du microbe qui a servi aux injections ou du bacille vis-à-vis duquel on a vérifié son activité. ENVELOPPE DES MICROBES DANS L'AGGLUTINATION. 613 BIBLIOGRAPHIE 1. Mazvoz, Agglutination du Bacillus typhosus par des substances chimiques, ‘Annales Pasteur, n° 6, 1897. 2. Dixéur, Recherches sur le mécanisme de l’agglutination du bacille typhique. Bulletin de l'Académie de médecine de Belgique, 1898. 3. Courmoxr, Deuxième note sur l’agglutination du bacille de Nicolaïer, Société de biologie, 4 mars 1899. 4. CLAtRMoNT, Differential diagnostische Untersuchungen über Kapselbakterien Zeitschrift für Hygiene. Bd, XXXIX, 1902. | 5. CasrezLant, Die Agglutination bei gemischter Infection, Zeitschrift für Hygiene. XL, 1. 6. CASTELANNI, loco citalo. 7. Nour, Contribution à l’étude des sérums antihématiques. Annales Pasteur, 1900, n° 5 8. Micuzs, System der Bakterien. Bd. I, p. 128 et suivantes. 9. HarrissoN, The Agglutinating Substance. Centralblatt für Bakteriologie, vol. XXX, n° 3 Le cours et les manipulations du service d'analyse et de chimie QpHSUUESS à l'hygiène (3° année), commenceront en novembre, Ce cours s'adresse spécialement aux pharmaciens, médecins et chimistes, industriels. S'adresser pour renseignements à l’Institut Pasteur, 26, rue Dutot,. LES ACCIDENTS CONSÉCUTIFS AUX VACCINATION LEUR PATHOGÉNIE ET LEUR PROPHYLAXIE Par M. E. LECLAINCHE, pe Tourouse, Er M. H. VALLEE, p’Arrorr. Toutes les méthodes d’immunisation par les virus-vaccins exposent à des accidents; le pourcentage général de ceux-ci est toujours très peu élevé ; il n'est pourtant point négligeable ; de plus les accidents se répartissent très irrégulièrement et, là où ils se produisent, les propriétaires en éprouvent parfois des pertes considérables. | Les mêmes faits s’observent pour les trois affections pas- sibles de la «vaccination » par les virus modifiés : la fièvre char- bonneuse, le rouget, le charbon symptomatique. La vaccination contre le charbon bactéridien est certaine- ment la plus sûre dans ses résultats, et cependant de loin en loin on apprend qu’elle a provoqué une certaine mortalité entre les mains de tel ou vétérinaire expérimenté. Dans un travail d’un haut intérêt et sur lequel nous reviendrons tout à l'heure, Bi- ‘woteau a rapporté des exemples frappants de ces fâcheuses surprises ‘. Les mêmes faits s’observent dans tous les € pays à charbon ». Le charbon symptomatique sembla pendant longtemps échapper à ces vicissitudes. La vaccination est obtenue ici avec une extrème facilité, puisqu'il suffit d'insérer à la queue des matières impures comme les vaccins pulvérulents ou simple- ment le «sue des tumeurs », comme le fait Thomas, pour immu- niser sans danger dans la quasi-totalité des cas. Une plus longue expérience est venue démontrer l'insécurité de l'inter- vention : le taux des pertes s’est accru subitement en ces der- nières années et l’excellence des résultats antérieurs a rendu d'autant plus apparente une défaillance peu alarmante en réalité. En ce qui concerne le rouget, les accidents consécutifs à la vaccination sont encore plus nombreux. En France, la mé- 4. Bicoreau. Sur la pathogénie de la fièvre charbonneuse. Revue vétérinaire, 1895, p. 97. ACCIDENTS CONSÉCUTIFS AUX VACCINATIONS. 615 thode pasteurienne ne s’est pose répandue comme on pouvait Fespérer, dans la plupart des régions où la maladie sévit en permanence. Les documents que nous possédons montrent que de nombreux essais ont été tentés, mais qu’en beaucoup de points on a renoncé à la vaccination à la suite de quelque échec, bruyamment exploité d’ailleurs par des adversaires inconscients ou intéressés. Il nous est ou et il nous paraît inutile d'appuyer par des statistiques cette affirmation de la nocuité possible des vacci- nations, et à plus forte raison d’en mesurer l'importance par des chiffres. Le fait est connu et admis par tous. On verra plus loin comment parfois la statistique la plus complète et la plus sincère est Inévitablement faussée. D'où proviennent les accidents constatés? Pourquoi les méthodes qui donnent dans le laboratoire des résultats certains se montrent-elles infidèles dans la pratique? Est-il possible d'éviter ces accidents? Ce sont ces questions complexes que nous nous proposons d'étudier ici. I PATHOGÉNIE DES ACCIDENTS POST-VACCINAUX Un premier point est hors de doute. Les vaccins ne peuvent être ineriminés qu'en un très petit nombre de cas. En ce qui concerne les virus-vaceins employés contre la fièvre charbon- neuse et le rouget, les procédés d’atténuation permettent de régler la virulence avec une certitude presque mathématique. L'observation montre que des vaccins de même origine provo- quent des accidents sur un où quelques points seulement, alors qu’ils donnent partout ailleurs d’excellents résultats. Très sou- vent l’opérateur lui-même constate que le mème virus employé, le même jour, dans les mêmes conditions, occasionne des pertes dans une exploitation, tandis que rien d’anormal ne se produit dans une autre toute voisine. Enfin, les vaccins éprouvent une petite partie seulement des animaux traités, les autres restant tout à fait indemnes. Des constatations d’un autreordre peuvent êlre faites. Les vi- rus affaiblis peuvent provoquer une évolution virulente chez des animaux, qui, dans le laboratoire, supportent impunément une 616 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. inoculation du virus fort. Les bovidés, par exemple, résistent bien à l’inoculation de bactéridies très virulentes pour les autres espèces animales; comment s’expliquer que un quart de centi- mètre cube d’un virus aussi faible que le premier vaccin, à peine capable de tuer le lapin, puisse causer chez certains bo- vidés une évolution virulente mortelle ? La même constatation est faite pour le rouget : le porc supporte très bien 2, parfois 5 et 10c. c. de virus fort sous la peau; comment peut-il suc- comber à l’inoculation de 1/8 de centimètre cube du virus très attenué qui représente le premier vaccin de Pasteur ? Le charbon symptomatique peut aussi donner lieu à des constatations analogues, bien que les vaccins soient obtenus par une méthode tout à fait différente dans sa technique et dans son inspiration, Le vaccin tue quelques animaux inoculés à la queue alors que d’autres supportent sans faiblir l’inoculation sur le thorax, infiniment plus sévère. Des virus desséchés, chauffés à plus de 100° tuent, tandis que d’autres simplement desséchés sont inoffensifs. L'hypothèse simpliste d'une évolution déjà commencée au moment de l’inoculation vaccinale n’est admissible qu’en de très rares circonstances. Il est puéril d’invoquer une telle coïn- cidence alors que la moitié des vaccinés sont affectés en même temps après l’opération. La relation entre les accidents et l’inter- vention est évidente. « Ce n’est pas le vaccin qui tue, c’est la vaccination. » Une conclusion s’impose : les accidents sont dus à des varia- tions dans la réceptivité des vaccinés. Pour expliquer celle-ci, on a invoqué toutes les causes banales de l'étiologie, et leur insuffisance étant manifeste, on s’est livré à d’invérifiables hy- pothèses. En réalité les accidents sont dus presque toujours à une infection latente par le virus dont on cherche à neutraliser les effets par la vaccination : celle-ci est l’occasion qui permet Pin- vasion et l’évolution microbiennes. I. Charbon bactéridien. — Dès 1893, Bigoteau a donné de cette interprétation, en ce qui concerne la fièvre charbonneuse, une démonstration aussi rigoureuse'que possible. Ses observations montrent que les accidents sont observés, dans tousles cas, chez des animaux exposés à l'infection, dans les jours qui précèdent la vaccination. « On peut vacciner sans aucune crainte les ani- : ACCIDENTS CONSÉCUTIFS AUX VACCINATIONS. 617 maux importés des pays indemnes pendant les six jours qui sui- vent l'importation ; plus tard, au contraire, ils résistent moins bien que les autres sujets, » 2. Charbon symptomatique. — Nous avons pu, en ce qui a trait au charbon symptomatique, faire une série de constatations expérimentales et pratiques qui ne laissent aucun doute sur le rôle des infections latentes dans la genèse des accidents consé- cutifs à la vaccination. Rappelons, tout d’abord, qu'il est possible d'obtenir des cul- tures pures et virulentes de charbon symptomatique, en utili- sant le bouillon Martin récemment préparé. Le chauffage, à diverses températures de cultures sporulées du bactérium Chauvæi, permet d'obtenir une série de vaccins d'énergies différentes. Outre les avantages qu'ils présentent au point de vue pratique, ces vaccins permettent d’étudier d’une façon précise, le mécanisme de limmunisation qu'ils procurent et autorisent à établir une comparaison exacte entre les effets de leur inoculation à des animaux sains et à des sujets en état d'infection latente. Il s’agit en effet de vaccins liquides, purs de toute souillure par des bactéries diverses, et dont les propriétés sont toujours rigoureusement comparables à elles- mêmes, à l'encontre de ce que l’on sait des vaccins pulvérulents forcément impurs, variables dans leur composition et par suite irrégulièrement actifs. | On peut inoculer impunément à des animanx de l'espèce bovine, provenant de régions non infectées, des doses considé- rables de ces virus-vaccins très énergiques, atténués par chauf- fage à 65° et même seulement à 60°. Exemples. — Vache n° 6, reçoit Le 18 février 1901, en ar- rière de l’épaule gauche, 3 c. c. de virus atténué à 65° pen- dant 2 heures. On note à la 48° heure une hyperthermie de G°,7; une pelite plaque d’œdème apparaît au point de l’inoculation et disparaît en 40 heures. Vache n° 5, inoculée le 2 février en arrière de l’épaule gauche avec 3 c. c. de vaccin oblenu par atténuation à 60° seule- ment. On observe localement une réaction insignifiante sans troubles généraux. Vache n°4, inoculée de la mème façon que la vache n°5; pas de réaction thermique, réaction locale fugace et très limitée. 40 618 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Ces vaccins, cependant, sont actifs puisqu'ils provoquent, à la dose de 1c. e., des accidents locaux non mortels chez le cobaye et qu'ils tuent en 24 heures le mouton, réactif plus sensible au charbon que le cobaye. D'ailleurs, les bovidés qui reçoivent une seule inoculation de ces vaccins résistent à une inoculation d’épreuve très sévère, pratiquée plusieurs jours après la vacei- nation. Ces expériences delaboratoireautorisaient pleinement àtenter une application pratique de notre procédé de vaccination. En février 1901, un éleveur éclairé, M. Perrin, ingénieur agronome, nous demandait de vacciner tous, les animaux de sa riche exploitation, C’est grâce à son zèle et à sa libéralité que nous avons pu effectuer nos premiers essais de vaccination; qu'il accepte ici l'expression de notre gratitude. M. Perrin possède dans l'Aveyron un superbe domaine dans lequel il entretient en permanence 50 à 60 bovidés. Il n’a jamais constaté un seul cas de charbon sur ses animaux; par contre, la maladie sévit depuis plusieurs années à 8 ou 10 kilomètres de son exploitation. En octobre 1900, M. Perrin achète 21 ani- maux Salers dans le Cantal; aucun de ces animaux introduits dans son étable ne contracte le charbon; il achète plus tard à Allanche, dans le Cantal, 16 animaux Salers qu'il place à l’étable à côté du premier lot de 21 sujets. | Deux cas de charbon surviennent le 26 janvier et 7 février dans le lot provenant d’Allanche; un autre propriétaire qui a acheté, le même jour à Allanche, # animaux de 12 mois en perd 2 du charbon. Les animaux de celte provenance sont donc contaminés. Avec des précautions dignes d’éloges et trop rarement prises ailleurs, M. Perrin fait enfouir les animaux morts du charbon et considère, avec raison, comme contaminés les sujets de son dernier achat. Inquiet d’autre part d’avoir chez lui ce foyer d'infection, il décide de soumettre tout l'effectif de son étable à l'inoculation préventive, et nous pratiquons cette opération les 21 et 22 février 1901. Nous avons ulilisé des cultures chauffées à 70° durant 2 heures et éprouvées sur 3 cobayes. Ces animaux ont résisté et n’ont présenté que des lésions peu graves au point d'inoculation. Les expériences rapportées plus haut (effectuées avec des cultures . ACCIDENTS CONSÉCUTIFS AUX VACCINATIONS. 619 du virus que M. Perrin nous avait envoyées) nous ayant montré l'innocuité de fortes doses de cultures chauffées à 659 et 60° seulement, nous opérions avec la plus grande prudence en employant du vaccin chauffé à 70° et inoffensif pour le cobaye. Nous vaccinons donc avec ce virus 38 animaux, savoir : 2 bœufs de 3 ans avec 2 c. ce. ; 3 veaux d’un an avec 4,5 c. c.; 34 génisses de 2 ans environ avec 1 c. c. Chez tous les animaux l’inoculation a été pratiquée en arrière de l’épaule. Sur ce total, 24 animaux étaient considérés comme non contaminés puisqu'aucun cas de charbon n'avait été constaté parmi eux, tandis que les 14 autres étaient suspects de contamination comme faisant partie du lot de 16 animaux d'Allanche dans lequel 2 cas de charbon mortel ont été cons- tatés. L’inoculation a été pratiquée dans des conditions identiques chez tous, avec le même vaccin, la même seringue, la même aiguille. Tandis que les 24 animaux non suspects résistaient à la vaccination, 4 animaux sur 14 du lot contaminé mourraient des suites de l'opération et, chose curieuse, les lésions observées au point d’inoculation étaient nulles, tandis que d'importantes lésions avaient évolué dans la cavité abdominale, | Nous avions ainsi la démonstration que des vaccins, inof- fensifs pour le cobaye, inoffensifs aussi pour des bovidés sains, sont dangereux chez des animaux contaminés, en état d’infec, tion latente. Cet état d'infection latente est donc nettement démontré ; il était aisé de prévoir son existence. Comment expliquer en effet que les animaux de l’espèce bovine deviennent réfractaires au charbon en vieillissant, si l’on n’admet l’existence de petites infections successives chez les sujets qui, entretenus dans les régions infectées ingèrent fréquemment des quantités plus ou moins considérables de spores charbonneuses ? 3. Rouget du porc.— Les documents abondent en ce qui con- cerne le rouget du porc, Une première et sommaire enquête montre que la vaccination pasteurienne fait peu de progrès dans beaucoup de fégions où le rouget sévit en permanence et avec le plus de gravité. Cette résistance n’est point due seule- ment à l'incurie des paysans et la négligence des vétérinaires. 620 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Presque partout desessaisont étélentés. Souvent, après quelques séries heureuses, ou même d'emblée, des accidents sont sur- venus. Dans la Corrèze, des séries de « vaccinations » pratiquées à titre de démonstration par les soins de l’administration donnent 10 0/0 de pertes; dans la Haute-Garonne, les résultats sont aussi fàcheux. Au contraire, dans les régions du Nord, où le rouget presque toujours importé ne sévit pas en permanence, la vacei- nation pasteurienne donne des résullats excellents. La cause de l'abandon de la vaccination tient aussi au malen- tendu qui s’établit entre les laboratoires et la pratique. Aux doléances des vétérinaires, les laboratoires répondent toujours dans le même sens: «nos vaccins sont inoffensifs ; en dehors des preuves directes que nous avons de leur innocuité, nous savons que le vaccin qui vous a été envoyé a été inoculé sans aucun accident à des centaines d’animaux. Les suites fächeuses ne peuventêtre imputées qu’àune erreur de technique.» L'opérateur renouvelle ses essais avec plus de prudence. Au second échec il abandonne pour toujours une méthode qu'il considère comme dangereuse et qui l’expose à perdre sa clientèle. Cette fois encore l'observation et l’expérience montrent que les accidents sont imputables à une infection préalable des ani- maux. On pouvait affirmer à priori la présence du bacille chez les porcs entretenus dans les milieux infectés ; Les recherches de OIL apportent une démonstration directe de ce fait’. Tout aussi bien, qu’il s'agisse de fièvre charbonneuse, de charbon symptomatique ou de rouget, la présence passagère, sinon permanente de la bactérie spécifique dans le tube digestif des animaux entretenus dansles régions infectées estindéniable. L'invasion des tissus, l’évolution virulente n’est épargnée que grâce aux défenses naturelles de l'organisme : conditions chimiques du milieu stomacal ou intestinal et surtout défense phagocytaire. Si l'organisme, déjà en état de lutte contre une infection par la voie intestinale, est attaqué sur un autre point, même par des agents peu actifs tels que des virus-vaccins, sa défense fléchit 1. Our, Ueber die regelmässige Vorkommen der Rothlaufbacillen im Darrm des Schweines. Deutsche thierargtliche Wochenscrift; 1901, ARE M ee RENE PES ACCIDENTS CONSÉCUTIFS AUX VACCINATIONS. 621 en se divisant, et il a de grandes chances pour succomber au choc de deux légères infections dont il eût triomphé si elles avaient agi séparément. La défense se fait mal, notamment au point d’inoculation et l’on voit alors un animal inoculé à l'épaule avec du vaccin symplomatique succomber avec des tumeurs absolument géné- ralisées. C’est ainsi qu’une évolution « naturelle » de la fièvre char- bonneuse, du charbon symptomatique ou du rouget est provo- quée par la vaccination. Il n’est point paradoxal de dire que ce n'est pas le vaccin qui tue, mais la vaccination. Malheureusement il est difficile de faire saisir aux paysans intéressés une distinc- tion aussi subtile! IT PROPHYLAXIE DES ACCIDENTS POST-VACCINAUX Ces accidents étant dus à une infection latente antérieure, il doit être possible de les éviter en exaltant la puissance défensive de l'organisme. C'est le but qui est cherché et atteint par les inoculations successives de sérum immunisant et de virus. Pour le charbon symptomatique, l’inoculation préalable du sérum permet à tous les animaux, même à ceux qui sont en état d'infection latente, de supporter le vaccin sans danger. Nousavons ainsi vacciné déjà plusieurs centaines d'animaux, dans des étables infectées, sans qu'un seul accident se soit pro- duit lorsque le sérum était d’une activité suffisante. Nous ferons connaître très prochainement les expériences réalisées. La démonstration est complète en ce qui concerne le rouget du porc. On peut vacciner sans dangers les sujets appartenant à des effectifs gravement contaminés, à cette condition de les sou- mettre tout d'abord à une inoculation de sérum pur. Non seu- lement celle-ci répond à une indication immédiate : éviter une évolution probable ou certaine, mais elle permettra en outre d'intervenir quelques jours plus tard par la vaccination. La sensibilité des organismes infectés est telle que non seu- lement les virus atténués, mais les séro-vaccins (mélange de virus et de sérum immunisant) ne peuvent être employés sans danger E 622 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. dans les milieux contaminés. Les quelques accidents, constatés avec la séro-vaccination, sont observés toujours sur des animaux que L’ON REGARDAIT A TORT COMME INDEMNES DE CONTAMINATION; au CON- traire, des pores CERTAINEMENT INFECTÉS supportent sans danger soit la vaccination pasteurienne, soit le séro-vaccination, s'ils ont reçu au préalable une injection de sérum. Les résultats obtenus avec le rouget et le charbon sympto- matique par l’inoculation du sérum, pratiquée avant la vaccina- tion des animaux, entretenus dans les régions infectées, est une démonstration indirecte du rôle et de l'importance des infections latentes dans la genèse des acccidents post-vaccinaux. Ces inoculations agissent en exaltant la phagocytose qui débarrasse alors l'organisme des germes qu'il recèle. On voit disparaître dès ce moment ces oppositions étranges entre les résultats expérimentaux et ceux de la pratique. On ne voit plus succomber à l'inoculation d'une dose insignifiante d'un virus à peine actif, des animaux qui, en d’autres conditions, supportent impunément une dose vingt fois supérieure d’un virus exalté. L'association de la sérothérapie et de la vaccination est indispensable pour une catégorie déterminée de sujets. Les deux méthodes se compléteront l’une par Pautre à tous égards. Le sérum assurera en quelques instants l’immunisation que les vaccins eussent assurée trop tard ; le sérum garantira l’innocuité de la vaccination. Nous croyons avoir apporté la preuve de ces faits en ce qui coucerne Le charbon symptomatique et le rouget du porc; nous essaierons de la fournir pour la fièvre charbonneuse. : 4 L'emploi des sérums ne permettra pas cependant d'éviter à coup sûr tous les accidents post-vaccinaux. À côté des acci- dents mortels, résultat d’une infection par le microbe dont on cherchait à neutraliser les effets, il peut s’en produire d’autres provoqués par un agent bien différent. Nous montrerons plus loin qu’à la suite de vaccination contre le rouget, les animaux peuvent succomber à la pasteurellose. Ici encore il semble que c’est la vaccination qui est l’occasion de l’évolution virulente; il n’est pas illogique de penser que a ACCIDENTS CONSÉCUTIFS AUX VACCINATIONS. 623 l'organisme est particulièrement impressionné par la vaccination. Ce qui le prouve, c’est qu’une inoculation virulente, inoffensive dans les conditions ordinaires, ébranle vivementunanimal vacciné depuis trop peu de temps ; dans les jours qui suivent la vaccina- tion, la phagocytose doit s’exercer aussi d’une façon particulière- ment élective à l'égard du virus inoculé et devenir ainsi moins vive, plus paresseuse dans la lutte contre d’autre germes. Il se passe sans doute là quelque chose d’analogue à ce que l'on observe dans la si curieuse expérience de Roger sur l’inocu- lation simultanée au lapin de B. Chauvæi et M. prodigiosus On sait que normalement le lapin peut être considéré comme réfractaire au charbon symptomatique, car les bactéries spéci- fiques inoculées à cet animal sont aussitôt phagocytées ; mais si l'on inocule, en même temps que celles-ci, un microbe banal, le M. prodigiosus, les phagocytes absorbent celui-ci, négligeant le B. Chauvwi ; le charbon peut alors évoluer chez le lapin. On voit, d'après ce qui précède, que la matière est d’une diffi- culté et d’une complexité extrêmes. On ne peut qu'admirer l'audace des savants qui lancent des méthodes nouvelles basées sur quelques tentatives heureuses dans le laboratoire. Il faut être cent fois sûr de ses procédés avant que de les exposer au con- trôle de la pratique. Même en ces conditions on ne peut attendre sans angoisse La confirmation des prévisions les plus auto- risées ! L'exemple suivant est intéressant à plus d’un titre : au cours de séro-vaccinations contre le rouget pratiquées dans le Cher, l’un de nos meilleurs collaborateurs constate des séries d’acci- dents à la suite de l'intervention. Quelques porcs succombent en des temps variables; certains présentent les signes d’un rouget . authentique ; d’autres, des troubles un peu différents; les acci- dents atteignent non seulement des animaux ayant reçu d’emblée le séro-vaccin, mais aussi ceux qui ont été traités au préalable par le sérum. L'examen des rates envoyées montre qu’en tous fes cas, les animaux ont succombé à cette forme de pneumo-entérite que Lignières a démontré être due à la pasteurella. Depuis, les mêmes faits ont été constatés sur divers points. Dans l'Ariège, le rouget éclate dans un grand élevage ; on vaccine un certain nombre de sujets. Après l'opération plusieurs animaux 624 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. tombent malades ; ils sont essoufflés ; l’un d’entre eux succombe. Les vicères renferment en abondance la pasteurella. Ici encore l'interprétation n’est pas douteuse. Il est évident que les accidents sont le fait de la vaccination, ils doivent être imputés à son passif. Les porcs succombent parce que vaccinés; il est à peu près certain qu’ils n’eussent présenté sans cela aucun accident. L’injection du vaccin, en diminuant la résistance de l'organisme, permet à la pasteurella, hôte normal en certaines régions des voies respiratoires ou digestives, de provoquer une infection mortelle. On a là l'explication de certains faits. Maintes fois les vis- cères de pores ayant succombé après la vaccination pasteu- rienne ont été adressés à des laboratoires qui ont fait cette réponse : ( Le porc a succombé à la pneumo-entérite. Le vaccin n’a rien à faire par conséquent en l'espèce. » Le vétérinaire, non plus que le propriétaire, ne parvenait à s'expliquer comment la pneumo-entérite Survenait au moment précis de la vaccination, tuant seulement les vaccinés, épargnant tous les autres dans le même étable et dans le voisinage. Les conséquences de ces à--coups sont faciles à prévoir : on cesse désormais de vacciner. * Ainsi l'emploi du sérum ne supprimera pas tous les accidents post-vaccinaux ; ce qui se produit pour le rouget pourra se reproduire pour les affections charbonneuses : on pourra aussi voir des moutons ou des bovidés vaccinés contre la fièvre char- bonneuse succomber à des affections pasteurelliques. Mais on aura supprimé au moins la principale cause des accidents. D'autre part, on sera prévenu de l'éventualité de défaillances qui n'auront plus rien de mystérieux, et c’est en pleine connais- sance de cause que les praticiens interviendront. Mgr CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DES FIXATEURS DU SERUM NORMAL DE CHIEN Par E, MALVOZ. Dans leur beau mémoire sur les sensibilisatrices ou fixateurs des sérums antimicrobiens!, MM. Bordet et Gengou disent n'avoir pas décelé ces substances dans les sérums neufs des animaux témoins qui ont servi à leurs expériences. C’est ainsi que le sérum antipesteux, préparé chez le cheval, est très riche en sensibilisatrices spécifiques, alors que le sérum normal de cet animal ne révèle pas de fixateurs pour le bacille pesteux. Le cobaye injecté de vaccin du charbon fournit un sérum sensi- bilisateur pour ce microbe, mais le sérum neuf de cobaye se . montre totalement dépourvu de cette propriété. Et de mêm poure le bacille typhique, le proteus, etc., vis-à-vis desquels les sérums normaux ne manifestent pas de propriété sensibilisatrice. Cette question des fixateurs des sérums normaux présente un grand intérêt au point de vue des doctrines générales de l’im- munité : en ce qui concerne particulièrement l’état réfractaire naturel de certains animaux, il est très important d'établir si la défense est due aux seules alexines ou si celles-ci ont besoin du concours des substances sensibilisatrices, comme chez les ani- maux immunisés. Les observations publiées, jusqu’à présent, de fixateurs dans les sérums neufs. sont fort clairsemées. Dans son mémoire sur l’agglutination et la dissolution des hématies” , Bordet s’est déjà demandé si dans les sérums neufs, l’action de l’alexine n’était pas favorisée par celle d’autres ma- tières. En combinant l’action de 2 sérums neufs, il put constater des faits qui ne s’expliquaient bien que par la présence de fixa- teurs. Ainsi, les vibrions cholériques, qui ne subissent de trans- formation granuleuse ni dans le sérum de cheval neuf ni dans celui du cobaye normal, se transforment facilement en granules lorsqu'on les met en contact du mélange des deux sérums. Mais 4. Annales Pasteur, mai 19091. 2, Annales Pasteur, 1899, p. 295. 626 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Bordet faisait toutes ses réserves quant à une généralisation hâtive de cette observation. Tout récemment, Wechsberg', discutant certaines expé- riences de Wasserman, sur l’action des anticompléments chez les cobayes injectés de bacilles typhiques et se livrant à un contrôle de celles-ci, découvre que le sérum neuf chauffé de lapin doit renfermer des ambocepteurs (sensibilisatrices) pour le bacille typhique, n’agissant bien qu'avec le concours de l’alexine, non de lapin, mais dé cobaye. Pfeiffer ?, de son côté, a signalé des sensibilisatrices pour le vibrion cholérique dans le sérum normal de chèvre. Nous venons, de notre côté, de découvrir que le sérum normal de chien renferme des fixateurs pour le bacille du char- bon, ou tout au moins que si on soumet du sérum de cet animal à la série d’essais qui, dans les mains de Bordet et Gengou, ont permis la découverte de fixateurs dans les sérums antimicrobiens, le sérum de chien se comporte tout à fait comme celui d’un animal tel que le cobaye qui aurait été traité par des microbes du charbon. Nous sommes arrivé à cette constatation d'une manière indi- recte, au cours d’une étude que nous faisions sur les causes du pouvoir bactéricide du sérum de rat vis-à-vis du charbon. Ce pouvoir microbicide, on le sait, est tout particulier : il ne disparaît pas, notamment, à la suide d’un chauffage du sérum à 56°. Est-il dû à une alexine ? Non, d’après Bordet. Pour élucider la question, nous voulions rechercher si l'in- jection de ce sérum chauffé, de rat à d’autres animaux serait suivie de l’apparition de substances antibactéricides(antialexines, antisensibilisatrices ?) dans leur sérum. Il fallait s’assurer d’abord que l'animal choisi pour cés injections ne présenterait pas lui- même dans son sérum des substances agissant comme anti- alexines ou antisensibilisatrices vis-à-vis du charbon, On sait que certains sérums neufs renferment des anticorps tels que les antitoxines diphtérique et tétanique (cheval), l’antistaphylotoxine (homme), l’anticrotine(porc), des antiferments (antiprésurs, anti- thrombase, anticynarase); le sérum de chèvre renferme une antisensibilisatrice contre l’hémolysine des hématies de chèvre 4. Zeitschrift für Hygiène, vol. 39, fasc. 1, p. 183 ets. 2, Deutsche medicinische Wochenschrift, n° 51, 1901, p. 892. s dns éd ne FIXATEUR DU SÉRUM NORMAL DE CHIEN. 627 (Ebrlich}, etc. Or, en soumettant le sérum neuf de chien aux divers essais préalables qu'il fallait instituer pour déterminer notre choix, nous avons vu que, bien loin de renfermer des substances antialexiques ou antisensibilisatrices par égard au microbe du charbon, ce sérum se comporte comme s’il contenait, en abondance, des fixateurs spécifiques pour cette espèce bacil- laire. Voici les essais variés qui nous paraissent établir ce fait: C’est la méthode Bordet-Gengou qui a été appliquée dans ces expériences ; chaque série dont l'exposé suit a été faite sur les vaccins Ï et II de l’Institut Pasteur, sur le bacille du charbon virulent, et sur un bacille atténué par des cultures en phénol qui nous avait été très obligeamment fourni par le D' Malfitano. Au moyen de cultures fraîches sur gélose à 37°, on prépare d'abord des émulsions très concentrées du microbe en eau salée à 9 0/0; puis dans de tout petits tubes à essai on introduit les mé- langes suivants : 1° Émulsion de microbes, 4 souttes ; sérum normal de chien adulte chauffé à 56° une demi-heure, 12 gouttes; alexine fraiche de lapin, 2 gouttes. On laisse 6 heures en contact à la tempé- rature de la chambre, puis on ajoute 2 gouttes d'hématies de poule bien lavées et sensibilisées par du sérum chauffé à 56° provenant d’un lapin injecté à 3 reprises avec du sang délibriné de poule ; 2° Même mélange que 1°, mais dans lequel le sérum chaufté de chien est remplacé par du sérum normal chauffé de cobaye ; 3° Même mélange que 1°, mais ‘avec sérum normal de bœuf chauffé : 4° Même mélange que 1°, mais sans microbes; 50 Même mélange que 1°, mais où l’alexine fraîche de lapin est remplacée par de f’alexine de rat; 6° Même mélange que 5°, mais où le sérum chauffé de chien est remplacé par de l’eau physiologique ; | 1° Même mélange qua 1°, mais où l’alexine fraîche de lapin est remplacée par de l’alexine de cobaye; 8° Mème mélange que 7°, mais où le sérum de chien est remplacé par de l’eau physiologique ; 9° Même mélange que 1°, mais où le sérum normal de chien chauffé est remplacé par de l’eau physiologique ; 628 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. 10° Même mélange que 1°, mais où le microbe du charbon est remplacé par le bacillus mycoïdes ; 119 Même mélange que 1°, mais où le mierobe du charbon est remplacé par le bacillus mesentericus ; 12° Mème mélange que 1°, mais où le microbe du charbon est remplacé par le bacille de Friedländer. Tous ces mélanges sont placés pendant une heure à 37, puis abandonnés jusqu’au lendemain à la température de la chambre. Le résultat est frappant: il n’y a pas d'hémolyse dans les mélanges où le sérum normal de chien chauffé se trouve en présence d’une part, des microbes, d'autre part, de l’alexine de lapin, de cobaye ou de rat; tous les autres mélanges présentent une forte hémolyse des hématies. L'examen microscopique confirme le résultatmacroscopique ; l’hémolyse, là où elle existe, se caractérise par la destruction des hématies dont on ne voit plus que les noyaux. Le résultat est surtout très net quand il s’agit du vaccin et du charbon atténué par le phénol; parfois dans les mélanges où se trouve le charbon virulent, on trouve quelques hématies détruites. Dans les tubes où le sérum de chien était remplacé par du sérum chauffé de cobaye ou de bœuf, l'hémolyse s’est produite aussi rapidement que dans les témoins, renfermant seulement de l’alexine, de l’eau physiologique et des microbes. Tout se passe donc comme si le sérum normal de chien renfermait des fixateurs pour le bacille du charbon, n’agissant pas sur d’autres microbes. On remarquera que les hématies employées étaient des glo- bules de poule sensibilisés par du sérum chauffé lapin-poule ; nous avons pu nous assurer — comme Bordet l'avait fait déjà — que l’on peut hémolyser ces hématies sensibilisées aussi bien par l’alexine fraîche de cobaye de rat ou de chien que par celle du lapin. Pourquoi n’avons nous pas employé l’alexine de chien dans tous les mélanges précités ? C’est qu'il suffit d'ajouter, au mélange de 4 gouttes d'émulsion de charbon et de 12 gouttes d’eau physiologique, 2 gouttes de sérum frais de chien pour obtenir un liquide incapable d’hémolyser les héma- ties sensibilisées de poule : il est vraisemblable que les fixa- Le 0 Cité à dit db nn, 6 * FIXATEUR DU SÉRUM NORMAL DE CHIEN. 629 teurs présents dans cette petite quantité de sérum frais de chien suffisent pour fixer l’alexine sur les bacilles. Quand, au lieu de sérum normal chauffé de chien comme source des sensibilisatrices, on emploie le sérum de lapin chauffé, les résultats sont variables : certains lapins nous ont fourni un sérum dépourvu de fixateurs; dans d’autres cas, le sérum paraissait renfermer une certaine proportion de sensibilisatrices, mais le phénomène était toujours moins net qu'avec le sérum de chien. On remarquera aussi que les mélanges où le sérum de chien chauffé se trouvait seul en présence de l’alexine, sans bacilles du charbon, détruisaient parfaitement les hématies sensibilisées de poule; on ne peut donc expliquer nos résultats par la pré- sence, dans le sérum de chien, de l’une ou l’autre substance s’opposant à l’action de l’alexine : il faut la présence de microbes du charbon pour fixer la sensiblisatrice et après celle-ci l’alexine, Des essais d'un autre genre viennent encore plaider en faveur de l'existence de sensibilisatrices du charbon dans le sérum du chien. On prépare une émulsion, très concentrée en eau physiolo- gique, de bacilles du charbon (variété atténuée par le phénol). On introduit dans 2 petits tubes, et dans chacun d’eux (A,A) 6 gouttes de cette émulsion qu'on addilionne ensuite de 6 gouttes de sérum normal de chien chauffé. Tandis que le tube A” sert de témoin, le mélange A, après un repos de 6 heu- res, est soumis à l’action de la turbine pendant 1 heure, puis on enlève avec beaucoup de précaution, au moyen d’une fine pipette le liquide, qui surnage et on l’introduit dans un tube B Nous ajoutous 2 gouttes d’alexine fraîche de lapin à la fois à B. et à A’ (A” contient encore les bacilles du charbon; B n’en contient plus). On abandonne au repos pendant quelques heures, puis à B et a A” on ajoute des hématies de poule sensibi- lisées par du sérum chauffé lapin-poule (on fait en même temps des témoins avec alexine de lapin, eau salée et hématies sensi- bilisées). Après 2 heures à 37°, on constate que les hématies sont hémolysées dans le témoin et dans B. mais sont restées intactes dans A’, où il ne se produit pas de destruction des globules. L'interprétation de ces résultats est facile si l’on admet la 630 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. présence de fixateurs dans le sérum normal de chien. Ce sérum chauffé, dépouillé de ces substances par l'addition d’une grande quantité de bacilles du charbon et débarrassé ensuite des micro- bes sensibilisés, laisse l’alexine, ajoutée ensuite, parfaitement libre, tandis qu’en présence des bacilles impressionnés, l'alexine se fixe fortement sur ces derniers. Dans toutes les expériences qui viennent d’être relatées, on a fait usage du sérum de grands chiens adultes. Si, par les mêmes méthodes, on recherche la présence de fixateurs dans le sérum de jeunes chiens, les résultats sont négatifs. Nous avons pris du sang d’un chien âgé de 15 jours : chauffé 1/2 heure à 56°, le sérum ne fixe sur les vaccins et sur le charbon virulent, ni l’alexine de chien ni celle de lapin ou de cobaye. L’alexine de ce jeune chien était nettement hémolytique pour les hématies sensibilisées de poule. Si, au lieu d'opérer sur le sérum de chien, on recherche par ces méthodes les fixateurs éventuels du sérum normal de rat, on obtient des résultats négatifs. Si on prend, par exemple, des microbes du charbon ou du vaccin charbonneux, mélangés à du sérum normal de rat préalablement chauffé à 56° et addi- tionnés d’alexine de lapin, ou de cobaye dans les conditions habituelles de ces expériences, on n’observera pas de sensibilisa- tion des bacilles : l’alexine reste libre et capable d’hémolyser, aussi fortement que les témoins où le sérum de rat est rem- placé par de l’eau physiologique, les hématies sensibilisées de poule. Le résultat est le même si, au lieu d’alexine de lapin ou de cobaye, on se sert d’alexine de rat, qui elle aussi détruit parfaitement les globules de poule sensibilisés par le sérum lapin-poule. Mais si nous ne constations l'absence de sensibilisa- trices des bacilles du charbon, en présence du sérum de rat chauffé, qu'en nous servant de l’alexine de rat le résultat resterait douteux, En effet, le sang de rat est tout différent de celui des autres animaux. Son pouvoir bactéricide ne disparaît pas après un chauffauge à 56°, alors que le sérum de lapin, souvent bactéricide pour le charbon, n’est plus actif après avoir été soumis à cette température. Au contraire, l’alexine hémolytique de rat, ainsi que nous l'avons constaté, ne résiste pas à un chauffage à 56°, c'est-à-dire que le sérum PP Re FIXATEUR DU SÉRUM NORMAL DE CHIEN. 631 frais de rat ainsi chauifé n’est plus capable d’hémolyser les hématies sensibilisées de poule. Bordet! avait déjà signalé que le sérum de rat chauffé à 56° perd l’alexine capable de pro- voquer le phénomène de Pfeiffer sur les vibrions sensibilisés par le choléra-sérum. Il y a donc dans le sérum de rat deux substances actives très différeates : une alexine, semblable à l’alexine des deux autres sérums neufs, et une autre substance, qui n’est peut-être pas une alexine, douée de propriétés bacté- ricides et résistant à 56°. Même si une hémolyse se produisait dans les mélanges de bacilles du charbon, de sérum de rat chauffé et de sérum frais de rat, additionnés d’hématies sensi- bilisées de poule, on ne pourrait donc pas en conclure que le sang de rat ne renferme pas de fixateurs pour le charbon, l’alexine hémolytique étant différente de la substance bactéri- cide. Mais l'expérience faite avec l’alexine de lapin ou de cobaye permet de conclure à l’absence de sensibilisatrices, tout au moins à la quantité incomparablement inférieure de celles-ci par rapport au sérum de chien, dans le sérum de rat chauffé à 56°. Il est impossible de ne pas être frappé dé ce fait qu'il existe une relation entre l'existence ou l'absence de fixateurs pour le bacille du charbon dans les divers sérums que nous avons étudiés et la sensibilité des animaux correspondants à l'infection charbonneuse. Le chien adulte est considéré comme l'animal le plus réfrac- taire au charbon; or, son sérum parait contenir des fixateurs spécifiques en abondance. Le chien nouveau-né est beaucoup plus sensible au charbon que l'adulte : son sérum est dépourvu de sensibilisatrices spécifiques. - Le cobaye, le bœuf, animaux sensibles, ont un sang dépourvu de ces sensibilisatrices. Le lapin, qui présente parfois une cer- taine résistance au charbon virulent et en tout cas ne succombe pas au premier vaccin, manifeste dans certains cas des pro priétés sensibilisatrices de sérum vis-à-vis de la bactéridie. Reste le cas du rat : bien que son sang in vitro soit très bactéricide pour le charbon, il est admis aujourd’hui que cet 1. Annales Pasteur, 1899, page 291, 632 . ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. animal n’est nullement réfractaire au charbon; que, bien au contraire, si au moment de l'injection de bacilles, on sait éviter l’action bactéricide du sang extravasé, le long de la piqûre, le rat devient très sensible à l'infection. Or, son sérum ne paraît pos renfermer de sensibilisatrices spécifiques pour le microbe du charbon. C'est à se demander si ce pouvoir bactéricide in vitro des sérums normaux vis-à-vis du charbon n’est pas une propriété accidentelle n’ayant rien à faire avec la défense de l’organisme vivant. En effet, le sérum de chien n’est pas bactéricide in-vitro pour le charbon, et cet animal est beaucoup plus réfractaire que le rat! Et cette absence de pouvoir bactéricide dans le sérum de chien n’a pas laissé d’embarrasser beaucoup ceux qui ont fait de ce phénomène la base de leur explication de l'état réfractaire. Mais la présence de fixateurs spécifiques vient jeter une nouvelle lumière sur les causes de l’immunité naturelle du chien vis-à-vis du charbon. Ces fixateurs ne suffisent pas, même avec l’aide de l’alexine normale du chien, pour tuer les bacilles du charbon en dehors du corps dans le sang extravasé! Mais dans l'organisme vivant où les conditions sont toutes différentes, ces fixaleursdoivent favoriser énergiquement l’action des alexines contenues dans les phagocytes et qui sont autre- ment puissantes que celles qui s’échappent des globules blanes pendant la coagulation du sang in vitro. Nous avons essayé, mais sans avoir réussi jusqu'à présent, de détruire les bacilles du charbon in vitro au moyen de sérum chauffé de chien réactivé par des alexines autres que celles du chien (cobaye, par exemple). Il nefaut pas perdre de vue que les sérums d'animaux les plus fortement immunisés contre les microbes pathogènes, contenant de grandes quantités de sensi- bilisatrices spécifiques, ne sont guère bactéricides in vitro, sauf pour le cas de microbes très fragiles tels que le vibrion cholé- riques, Les espèces microbiennes résistantes, même sensibilisées par les fixateurs spécifiques, ne semblent pouvoir être bien détruites qu'à l'intérieur des phagocyles vivants grâce aux alexines élaborées par ceux-c1. ———————_—_—_———_——]—————]———————— —…"…"’—…—"—"’…—…"…"…—…— -_ —— —— er Le Gérant : G. Masson. Rs 46ue ANNÉE 23 SEPTEMBRE 1902 Nv 9 ANNALES L'INSTITUT PASTEUR RECHERCHES SUR QUELQUES BAUILLES ANAËROBIES ET LEUR DIFFÉRENCIATION Par Prerre ACHALME. La différenciation et la délimitation des espèces microbiennes sont au nombre des problèmes les plus difficiles de la bactério- logie. Dès que l’on se trouve ou que l’on croit se trouver en présence d’une espèce nouvelle, on est frappé de l'insuffisance des moyens que l’on possède pour la caractériser, en même temps que des analogies qu’elle présente avec d’autres espèces certainement distinctes, mais dont la définition incomplète est susceptible de créer des confusions souvent impossibles à éviter. | Si le microbe étudié présente une virulence à peu près fixe, quelque relative que soit la valeur de la fonction pathogène, on trouve en elle un auxiliaire précieux. Mais si au contraire la virulence est nulle ou varie, comme on l’oberve souvent, dans de grandes proportions, et cela dans des conditions difficiles à définir, la fonction pathogène doit être forcément reléguée au second plan. | Je n’ai jamais mieux ressenti ces difficultés que lorsque _ J'ai voulu préciser les caractères du bacille que nous croyons être l'agent pathogène du rhumatisme articulaire aigu. Le caractère des lésions qu’il provoque chez les animaux, sa nature _anaérobie, les diastases tryptiques qu’il sécrète, le rappro- chaient évidemment du vibrion septique et du bacille du char- bon symptomatique, dont il se différenciait par les caractères de sa culture sur lait et la difficulté avec laquelle il sporule sur les milieux habitueis. D'autre part, l'inconstance relative de ses effets pathogènes et les chutes brusques de virulence 42 612 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR qu’il présente permettaient de le confondre avec des espèces peu pathogènes comme le Bacillus putrificus coli (Bienstock) et certains tyrothrix présentant la même action sur les substances albuminoïdes. J'ai donc pensé faire œuvre utile en étudiant, par une technique simple et en dehors de leurs effets pathogènes, un certain nombre d'espèces anaérobies bien caractérisées, et en créant une sorte de cadre où pourraient venir prendre leur place des espèces voisines ultérieurement déterminées par les mêmes moyens. Les bacilles que nous avons ainsi étudiés ont été, pour la plupart, mis gracieusement à notre disposition par M. Binot, conservateur du musée de l’Institut Pasteur. 1° Vibrion septique. A, de la collection de l’Institut Pasteur ; B, de la collection de la Faculté de médecine. 20 Bacille du charbon symptomatique. A, de la collection de l'Institut Pasteur; B, dû à l’amabilité de M. Vallée, de l’école vétérinaire de Toulouse. | 3° Bacille du tétanos. À, de la collection de l’Institut Pasteur ; B, de la collection de l’École de médecine. 4° Bacille du botulisme (Van Ermenghem) de la collection de l’Institut Pasteur, 5 Bacillus putrificus coli (Bienstock) de la collection de l'Institut Pasteur. 6° Bacille connu sous le nom de bacille d’Achalme, trois échan- tillons provenant de myocardes de rhumatisants. 1° Bacillus enteritidis sporogenes (Klein), échantillon dù à l’amabilité de M. Hewlett, du Jenner’s Institut, de Londres. 8° Bacillus perfringens (Veillon), échantillon dû à l’amabilité de M. Rist. 9° Bacille isolé de l’eau de Seine par Legros (pages 68 et 69 de sa thèse) et donnant lieu à une gangrène gazeuse chez le cobaye. 10° Comme point de comparaison, bien qu’il s'éloigne consi- dérablement par ses propriétés biologiques des espèces précé- dentes, j'ai cultivé le Bacillus orthobutylicus de Grimbert, si méthodiquement étudié par cet auteur. Je signalerai au cours de ce travail quelques particularités nouvelles de ce microorga- nisme ; mais les descriptions générales ne se rapportent pas à lui BACILLES ANAËROBIES ET LEUR DIFFÉRENCIATION. 643 particulièrement en ce qui concerne la sécrétion de trypsine et la sporulation. Morphologie. — La morphologie des bactéries a déjà bien perdu de sa valeur en ce qui concerne les microbes aérobies; . mais elle n’est absolument d'aucun secours pour différencier entre eux les microbes anaérobies étudiés. La forme, le diamètre, la longueur des bâtonnets, leur rapport entre eux, la forme arrondie ou carrée de leurs extrémi- tés, sont tellement variables, suivant les milieux, qu’on ne saurait vraiment fonder sur ces caractères aucune distinction utile. Le Bacillus putrificus coli, par exemple, après sept jours de culture, se présente en effet sous l’aspect suivant : Sur le milieu blanc d'œuf galactosé, longs filaments non sporulés, indépendants les uns des autres; sur le même milieu maltosé, filaments enchevêtrés formant des grumeaux, pas de spores; sur glucose, petits bâtonnets grèles sans spores; sur amygdaline, formes très courtes, en chapelets simulant des chaînettes de streptocoque; sur saccharose, gros bâtonnets sporulés ; sur dulcite, spores isolées, sans vestiges de bätonnets. Il en est de même des autres espèces, bien qu’elles présentent en général des variations un peu moins étendues. Sur des milieux plus complexes, tels que le bouillon, on observe des différences sensibles dans la forme du microbe, suivant que le milieu est plus ou moins fraichement préparé, la température de là culture plus ou moins élevée, le vide plus ou moins rigoureux. La moindre gène dans le développement a pour résultat la formation de formes involutives très diverses. Tout essai de distinction basé sur la morphologie de ces espèces repose donc sur un caractère par trop fragile. Mobilité. — La mobilité, lorsqu'elle existe, peut avoir une certaine valeur, mais seulement comme caractère d'appoint. Le bacille tétanique, le vibrion septique, le bacille du charbon symptomatique sont les plus mobiles des microbes étudiés. Néanmoins, on peut observer chez tous quelques mouvements pendant une période plus ou moins brève de leur existence. Quant à l’époque précise de cette mobilité, elle est elle- même variable. On a bien dit que le bacille tétanique s’immo- bilisait au moment de l’apparition de la spore ; d’autre part, j'ai remarqué qu'à ce moment, au contraire, le bacille que j'ai 644 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. décrit présente des mouvements très accusés, alors qu'il est le plus souvent immobile aux autres périodes de son évolution. Mais là encore on ne trouve rien de suffisamment constant. J’ai souvent vu en effet des bacilles tétaniques, sporulés, présentant la forme classique en baguette de tambour, animés de mouve- ments propres aussi marqués que des bâtonnets non sporulés. Réactions colorantes. — La manière dont se comporte le corps microbien, vis-à-vis de certains colorants, présente une grande importance, lorsqu'il s’agit de différencier rapidement les unes des autres des espèces microbiennes relativement éloignées par l’ensemble de leurs caractères biologiques. Il n’en est plus de même lorsqu'il s’agit de microorganismes aussi prochainement parents que les espèces étudiées. Tous se montrent très avides des matières colorantes, les retiennent assez vivement, mais se décolorent sous l’influence des acides forts. La méthode de Gram n’est elle-même d'aucune utilité. Tous restent colorés par elle, mais mal, irrégulièrement et seulement lorsqu'il sont jeunes. La modification apportée par Claudius (acide picrique au lieu de solution iodo-1odurée) donne de beaucoup meilleurs résultats. La coloration est franche, homogène, bien nette même dans les formes involutives. Les résultats de cette coloration, opposés aux effets incertains de la méthode de Gram, sont un bon signe de diagnostic différentiel du groupe, mais ne peuvent permettre d'établir aucune différence entre les espèces qui le composent. Aspect des colonies sur milieux solides. — D'une utilité incon- testable au point de vue de la séparation et de la purification des germes anaérobies, les cultures sur milieux solides et spé- cialement sur gélose, glucosée ou non, ne sauraient fournir aucun signe différentiel utile. La grosseur des colonies est en général en raison inverse de leur nombre, par suite de la gène qu’elles exercent les unes sur les autres; gêne due à l’excrétion de substances nuisibles; il est done impossible d’en tirer aucune indication. Leur forme est aussi des plus variables. Habituel- lement sphériques, elles s’entourent parfois d'une auréole nuageuse ou de rayons divergents; mais toutes les espèces étudiées peuvent présenter cet aspect, qui est plutôt en relation étroite avec la composition et surtout la consistance du milieu. Sporulation. — La production de spores est au nombre des À dalle résine) Méseedhh és ce ta ram ot Hide da ue RUE BACILLES ANAÉROBIES ET LEUR DIFFÉRENCIATION. 643 plus capitales fonctions des microorganismes. Il est donc d’une très grande importance de déterminer avec soin les circonstances dans lesquelles un bacille sporule et les modifications que subit le bacille du fait de cette sporulation. En dehors de sa valeur au point de vue du diagnostic différentiel, la production de spores permet, en général, un isolement facile et une longue conservation ; elle présente en outre un intérêt spécial au point de vue de la fixation des caractères de l’espèce. De même que, lorsqu'il s’agit de ‘végétaux supérieurs, la reproduction par - graines, opposée à celle par bouture, a pour résultat d'éliminer les qualités temporairement acquises, pour ne conserver, au bout de quelques passages, que les caractères fondamentaux de l’espèce, de même on peut considérer comme réellement fixées, pour un même microbe, les propriétés fermentatives, pathogènes, ete., qui résistent à un certain nombre de sporu- lations consécutives sur un milieu indifférent. En ce qui concerne les espèces étudiées, sauf le bacillus orthobutylicus, qui se montre moins exigeant, la moindre acidité du milieu constitue une condilion très défavorable à la production des spores. Or comme, d'autre part, cette acidité du milieu est due le plus souvent aux fermentations produites par le microbe lui-même, principalement aux dépens des hydrates de carbone, cette sporulation se trouve donc sous la dépendance étroite de la composition du .milieu de culture, et ne se produit que si ce dernier ne contient pas de substances transformables en acide par le microbe étudié. L'étude des fermentations produites par chaque espèce microbienne est donc, à ce point de vue, d’une importauce capitale, et, inver- sement, la sporulation ou la non-sporulation sur un milieu déterminé peut fournir une indication utile sur les transfor- mations chimiques résultant du développement microbien. D’autre part, avant d’affirmèr qu’un microbe de ce groupe ne produit pas de spores, ilest nécessaire de le faire développer sur un milieu ne contenant pas de substance hydrocarbonée fermentescible. Cela n’est pas, pour certaines des espèces pré- cédentes, aussi facile que l’on peut le croire. Le bouillon de viande ordinaire contient, en dehors d’une petite quantité d’inosite, une quantité de glycogène variant entre 3 et 4 grammes par litre, pouvant produire par sa fermentation une G46 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. acidité assez considérable pour s’opposer à la production de spores. Il en résulte que les bacilles ayant la propriété de faire fermenter le glycogène (bacille d’Achalme, bacillus enteri- hdis sporogenes, bacillus perfringens, etc.) ne sauraient sporuler sur ce milieu dont l'emploi se trouve restreint aux espèces assez nombreuses qui laissent le glycogène intact. Il est donc nécessaire de préparer pour ces microorganismes des milieux nutritifs purement azotés. Je reviendrai plus loin sur leur choix el leur préparation. Quant aux différentes formes que présentent les bacilles au moment de la sporulation, elles présentent des caractères assez nets pour que Kruse (traité de Flügge) ait cru trouver en clles une base scientifique de classification de ces microor- ganismes. Pour lui,on doit considérer trois types : le type œdème- bacille (vibrion septique), danslequel la spore apparaît à l'inté- rieur du bâtonnet sans le déformer ; le type bacille du charbon symptomatique, ayant pour caractère une déformation du corps bacillaire en fuseau (Spindel) ou en massue (Æeulen); enfin le type bacille du tétanos, présentant au moment de la sporulation l'aspect classique en baguette de tambour (Trommelschlagel) ou en épingle (Stecïnadel). Ainsi présentée, la classification peut être utile en ce sens qu'elle est l’expression des faits les plus fréquemment observés. Mais l'auteur lui-même reconnaît que les transitions et les exceptions sont nombreuses, ce qui en alténue singulièrement la rigueur. Si, du reste, on analyse la signification de ce caractère différentiel, on voit qu'il est basé sur le rapport entre le volume de la spore, élément à peu près invariable, et la largeur du bätonnet, élément au contraire très variable, non seulement suivant les espèces, mais encore selon les milieux. En outre, le moment de l'observation joue aussi un grand rôle dans l’aspect du bacille sporulé ; le corps bacillaire, en effet, disparaît plus ou moins rapidement après l'apparition de la spore, et présente une réduction progressive de son dia- mètre pouvant, dans toutes les espèces étudiées, produire les formes invoquées comme caractéristiques. On ne peut non plus baser aucun signe différentiel sur le siège médian ou terminal de la spore, ce caractère n’offrant pas BACILLES ANAÉROBIES ET LEUR DIFFÉRENCIATION. 647 une constance absolue, excepté peut-être en ce qui concerne le bacille tétanique. La forme de la spore est plus constante; celle du bacille tétanique est plutôt sphérique alors que celle des autres bacilles étudiés est nettement ovoïde; mais il s’agit là d’une appréciation souvent bien délicate. En résumé, tout en étant beaucoup plus intéressante que ceux fournis par la morphologie des bacilles ou des colonies, les faits résultant de l'observation de la sporulation ne sont pas suffisants pour servir de base à une différenciation nette des espèces étudiées. Fonctions d’assimilation. — La fonction la plus importante des microbes est certainement la fonction d’assimilation : c’est donc dans l’étude de cette fonction que l’on peut espérer trouver les signes ditférentiels les plus tranchées. A ce point de vue, on peut la considérer sous trois aspects différents : 1° La recherche des substances chimiques pouvant servir d’aliment à l’espèce étudiée 2° L'observation des moyens employés par le microbe pour l'utilisation de ces aliments ; 3° La détermination des modifications chimiques du Rue produites par le développement microbien. Les deux grandes classes d’aliments, azotés et hydrocar- bonés, sont justifiables de cette méthode. Alimentation azotée. — En procédant du simple au composé, on peut constater que les microbes étudiés ont besoin, comine source d’azote, d'aliments à molécules relativement complexe, Les nitrates, les sels ammoniacaux (azotate, lactate, tartrate, phosphate, malate), l’urée, l’asparagine, soit en simple solution dans l'eau, soit mélangés à du glucose, 2 0/0, et à un phosphate neutre alcalin, ne peuvent être utilisés directement; sur les milieux ainsi préparés on n'obtient aucun développement. Les substances extractives azotées du bouillon fournissent aux microbes étudiés un très bon aliment; ceux-ci se développent tous abondamment sur le bouillon de viande de bœuf ou de cheval, moins bien sur celui de veau, de lapin ou de cobaye, faiblement sur le bouillon de poisson (congre, hareng). Mais la présence, sauf chez ce dernier, d’hydrates de carbone dans le 648 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. milieu, la difficulté de la détermination des substances extractives utilisées, les résultats variables obtenus suivant le plus ou moins de temps écoulé depuis la préparation des bouillons, enlèvent à ce milieu toute valeur précise au point de vue de la définition des microbes étudiés. | Parmi les matières albuminoïdes, la peptone donne des résultats très variables. Plusieurs marques de peptone (Cornélis, Chassaing) en solution à 2 et 5 0/0, n’ont donné lieu à aucun déve- loppement. Je n’ai obtenu des cultures que sur une solution à 5 0/0 de peptone Chapoteaut, et sur le bouillon de panse préparé suivantla formule de Martin. Il est difficile, dans ces conditions, d'affirmer que la peptone est un bon aliment pour les espèces étudiées, les peptones commerciales étant des substances rela- tivement impures et complexes, et le bouillon Martin contenant les substances extractives de la viande, ainsi qu’une certaine quantité d’hydrates de carbone. La gélatine seule n'est pas utilisée par les bacilles étudiés, les milieux simplement géla- tinisés restent stériles. Mais s'ils contiennent d’autres substances capables de pourvoir aux frais de premier établissement des microbes, la gélatine est liquéfiée et partiellement transformée en glycocolle. La caséine dissoute dans une solution faible de phosphate alcalin, la fibrine du sang, la syntonine préparée par l’action de l'acide chlorhydrique sur la chair musculaire déjà macérée, l’albumine coagulée de l’œuf, sont des substances très favorables au développement de toutes les espèces étudiées; elles les digè- rent rapidement et donnent sur les milieux ainsi préparés detrès abondantes cultures. Les sérosités naturelles fraîches et non chauffées ne fournissent pas à ces microorganismes un milieu favorable. Les cultures sur sérum, sérosité pleurétique, liquide d’ascite ou d'hydrocèle, sont toujours maigres et fragiles. Les mêmes milieux, longtemps conservés ou coagulés par la chaleur, donnent au contraire des cultures abondantes. Je pense que l’action antitryptique du sérum et des sérosités, sur laquelle nous aurons à revenir, n'est pas étrangère à la production au moins partielle de ce phénomène. L'hémoglobine en solution à 5 0/0, coagulée par la chaleur, peut également fournir un milieu favorable ; mais stérilisée par filtration, elle reste toujours stérile, de dd s fr sde het has es été Le À PAT NT Fe “à BACILLES ANAËROBIES ET LEUR DIFFÉRENCIATION, 649 Cette faculté de digestion des substances albuminoïdes solides, commune à tous les bacilles étudiés, est assez impor- tante pour constituer un des meilleurs caractères du groupe, et même dans certain cas un procédé assez commode d’isolement. Sur un milieu composé uniquement d’eau tenant en suspension des cubes d’albumine d'œuf euit, ou des flocons de fibrine soigneusement lavée, le nombre des microbes pouvant donner lieu à un développement anaérobie est très restreint. Sur ces milieux privés à peu près complètement de substances hydro- carbonées, toutes les espèces étudiées sporulent facilement et abondamment. Par le chauffage, on peut ensuite facilement obtenir des cultures ne contenant que des microbes de ce groupe. Sécrétion de trypsine. — Cette digestion des substances albu- minoïdes est, ainsi que l’on devaits’y aitendre, liée à la sécrétion d’une véritable trypsine. Néanmoins, la mise en évidence de cette action tryptique n’est pas aussi facile que l’on pouvait l’espérer. Par la filtration sur bougie de cultures douées d’un pouvoir digestif considérable, on n’obtient en effet qu'un liquide complètement inactif. Si l’on prend soin d'opérer dans un cou- rant de gaz d'éclairage ou d'hydrogène, le filtrat possède quelques propriétés digestives; mais, pour mettre en évidence une action tryptique de quelque intensité, tout en se mettant en garde contre l’action directe des microbes, iFest nécessaire de recourir à un-procédé plus complexe. Après avoir soigneuse- ment centrifugé, j'ai pu constater que la diastase est libre dans le liquide et nullement fixée, comme on aurait pu le craindre, à la surface de la spore. Le liquide clair possède en effet les mêmes propriétés digestives que le dépôt. La centrifugation ne débarrassant pas le liquide de tout germe, j'ai cherché à supprimer physiologiquement l'action vitale des bacilles restés en suspension, en les plaçant dans des conditions absolument défavorables à leur développement, alors que l’action diastasique n’en subit aucune atteinte. En opérant à 48° et en présence de quelques gouttes de chloro- forme ou, mieux, d'essence de moutarde, il m'a été possible d'étudier l’action tryptique produite par les microbes de ce groupe. Dans ces conditions, en effet, il est facile de mettre en évidence la peptonisation de la substance albuminoïde qui 650 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. constitue le stade digestif le plus long et le plus important, l'apparition de la leucine et de la tyrosine étant considérablement retardée. Sur les cultures vivantes, au contraire, le stade de peptonisation est immédiatement suivi de l’utilisation de la peptone par le bacille et de sa décomposition en produits plus simples, ce qui fait qu'à aucun moment on ne trouve, dans les milieux de culture, de la peptone en quantité notable. Cette diastase agit puissamment sur la gélatine qu’elle liquéfie, la caséine, la fibrine, la syntonine, l’albumine de l’œuf qu’elle peptonise. Elle se rapproche de la trypsine du pancréas par l'influence qu’exerce sur elle la réaction du milieu. Son action, nulle en un milieu acide au méthyl-orange, |faible dans un milieu neutre au méthyl-orange mais encore acide au tournesol, n’est vraiment efficace qu’à partir de la neutralité au tournesol, pour avoir son maximum en présence de l’alcalinité au tournesol, bien avant l’alcalinité à la phtaléine du phénol. Elle se rapproche encore davantage de la pancréatine par l’action antitryptique qu’exercent sur elle les sérums. Il suffit en effet de quelques gouttes de sérum d'animal adulte (homme, chèvre, lapin, cobaye) pour empêcher l’action de la trypsine contenue dans 3 ou 4 c. e. de liquide de culture centrifugés. L'action du sérum semble être parallèle à celle qu’il exerce sur ‘Ja trypsine pancréalique. Le sérum des animaux vaccinés contre la pancréatine, au point d’avoir un pouvoir antitryptique dix fois plus fort que celui du sérum normal, se trouve également plus efficace, bien que dans une proportion un peu moindre, vis-à-vis de la trypsine des bactéries étudiées. Cela semble donner l'explication d’un fait que J'avais observé depuis longtemps. Si l’on conserve dans des pipettes la sérosité pathologique produite par l’inoculation du vibrion septique, du bacille du rhumatisme, etc., on obtient, surtout en ce qui concerne ce dernier dont la virulence est très variable, on obtient, dis-je, des résultats très ditérents suivant l’âge et Je sexe de l'animal — le cobaye dans l'espèce. — Si l’on a opéré sur une femelle pleine ou sur un cobaye très jeune, le sérum, après quelques jours de séjour à l’étuve, est complètement digéré, répand une odeur aromatique et sulfurée spéciale, et contient des spores en grande abondance. Si l'animal était au contraire âgé, on n’observe ni digestion ni sporulation, sans x ER Lu Dletaite és El lies DITS BACILLES ANAÉROBIES ET LEUR DIFFÉRENCIATION. 651 néanmoins que la réaction du milieu soit devenue acide. Or, si l’on mesure le pouvoir antitryptique du sérum de cobaye soit vis-à-vis de la pancréatine, soit vis-à-vis des trypsines bacté- riennes," on constate que celui du sérum de l’animal adulte est beaucoup plus considérable que celui des animaux jeunes, qu’il est nul à la naissance, plus marqué chez les mâles que chez les femelles, et qu'il subit pendant la grossesse un affaiblissement très marqué. Il y aurait peut-être lieu de rapprocher ce fait de la prédisposition incontestable des cobayes jeunes et des femelles pleines aux formes graves des infections par les bactéries pré- citées. Quant à l'époque de la sécrétion de la trypsine par les microbes, on peut constater que pendant les 36 à 48 premières heures de la culture, on ne trouve presque pas de diastase libre dans le liquide de culture. Celle-ci ne commence à apparaître que lorsque, la sporulation se produisant, le corps microbien com- mence à se résorber. Elle atteint son maximum lorsque, presque tous les corps bacillaires ayant disparu, on ne trouve plus que des spores libres. Plus tard, l’alcalinité du milieu augmentant, le pouvoir tryptique dimiaue pour devenir nul après neutralisation, au bout d’un mois à cinq semaines. L’excrétion de trypsine semble donc être fonction de la sporulation et de la résorption du corps microbien. Lorsque, par la suite de la fermentation d'un hydrate de carbone, la liqueur s’acidifie et que le bacille ne sporule pas, le liquide, après neutralisation, ne possède aucune propriété tryptique. En somme, la digestion des substances albuminoïdes, par les bacilles de ce groupe, est absolument analogue, au moins dans ses premières phases, à la digestion pancréatique, et diffère notablement des digestions dues à l’action de la pepsine, de la papaïne, de de et de la diastase protéolytique de l’aspergillus. Produits formés. — À part la gélatine qui se transforme partiellement en glycocolle sous l'influence des microbes étudiés, la fibrine, l’albumine, la peptone, la caséine, donnent comme produits ultimes des substances analogues, quel que soit le microbe de ce groupe. Le processus est un processus de putréfaction rapide et produit une simplification progressive de la molécule albuminoïde en l'attaquant par son côté uréique. 652 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. L’odorat, réactif très sensible en l'espèce, ne peut déceler aucune différence entre les différents microbes du groupe; mais l’odeur spéciale, difficile à définir, que dégagent les cultures, est, à mon’avis, un des meilleurs caractères de ce dernier, L'analyse chimique décèle la présence d'hydrogène sulfuré, d'acide carbonique, d’ammoniaque, d’ammoniaques composées (triméthylamine), de peptone en quantité souvent très faible, de leucine, de tyrosine et d'acides gras. Parmi ces derniers se rencontre un peu d'acide butyrique et d’acide valérianique que l’on peut caractériser par la distillation fractionnée. L'eau bromée ne décèle pas la présence de phénol libre. Ce dernier, en effet, s'unit aux acides gras pour former des corps complexes, parmi lesquels se trouve toujours, en certaine abondance, l’acide paroxyphénylpropionique. Il est intéressant, en outre, de signaler que sur fibrine, sur albumine, mais surtout dans les solutions concentrées de peptone, tous les bacilles du groupe donnent lieu à la formation, en quantité variable et jamais très abondante, d’un pigment noir insoluble dans l’eau, l'alcool, Les alcalis concentrés, soluble dans l'acide sulfurique et qui présente de grandes analogies avec la mélanine. Alimentation hydrocarbonée. — A l'inverse des aliments azotés, les substances ternaires sont impuissantes, à elles seules, à assurer le développement des bactéries étudiées. IL est donc indispensable de bien fixer les conditions expérimentales de ces recherches et en premier lieu la nature de aliment quaternaire qui doit constituer la source d'azote. À ce prix seulement les résultats seront comparables, car, ayant le choix entre ses ali- ments, le microbe commence toujours par consommer celui dont l'assimilation lui est le plus facile. I est donc nécessaire, pour pouvoir étudier les différences dans Faction des bactéries sur les hydrates de carbone, que l'alimentation azotée constitue un élément fixe et bien défini, Cette considération suflit pour éliminer les bouillons de viande usuels, Ils contiennent, en effet, des hydrates de carbone (glycose, Inosite, glycogène), et les méthodes préconisées pour les en priver n’atteignent qu'incomplètement leur but. En outre, leur composition varie dans de trop grandes propor- tions suivant l’âge de l’animal, le muscle choisi, l’état de nb SÉe sé ANT PP OPES FORT PU RES C7 9 UE RENE Léo à raté és de dd. nr: ma LL À se m2 lie à tés de dés DE de D ES SE Se Su nat BACILLES ANAËROBIES ET LEUR DIFFÉRENCIATION. 653 fraicheur plus ou moins grande de la viande, Le temps écoulé depuis la préparation, etc. Le bouillon de poisson, bien que ne présentant pas la plupart de ces inconvénients, n’est pas un milieu assez nutritif pour obtenir la préférence. La peptone, nous l'avons vu plus haut, donne des résultats très variable, et le milieu préconisé par M. Grimbert pour ces recherches reste le plus souvent stérile, Les milieux à l’hémoglobine, la syntonine, la fibrine, l'albumine de l’œuf, sont mieux définis. Voici la méthode qui m’a paru donner les résultats les plus comparables tout en per- mettant, sans ouvrir le tube et sans faire d'analyse chimique, de constater si l'hydrate de carbone étudié a subi ou non la fermen- tation acide. Le blanc d'œuf de poule, frais et cuit dur, soigneusement séparé du jaune, est coupé en petits cubes qui sont placés dans un tube à essai avec quatre ou cinq fois leur volume d’eau, soit environ 2 grammes de blanc d'œuf pour 10 c. c. d’eau de rivière. Le tout est ensuite stérilisé pendant un quart d'heure à 120°. Ce milieu, très facile à préparer, donne lieu à des cultures abondantes et présente de grands avantages si l’on veut étudier l’action des bacilles sur les hydrates de carbone. Il suffit, en effet, de dissoudre à la dose de 3 0/0 la substance à étudier dans l’eau où sont plongés les cubes d’albumine. Si l'hydrate de carbone n’est pas attaqué, l’albumine se dissout sous l'influence de la trypsine sécrétée par les microbes. On peut alors affirmer la présence de spores dans les cultures. Si, au contraire, l'hydrate de carbone subit la fermentation acide, l’albumine reste intacte, l'action de la trypsine ne pouvant s'exercer en milieu acide. On peut de cette manière apprécier, sans ouvrir le tube de culture, la réaction qui s’est produite, par suite de la constance des rapports entre les facteurs suivants : d'une part, fermentation de l'hydrate de carbone, acidité, albumine intacte, absence de sporulu- tion, d'autre part, hydrate de carbone non fermenté, alcalinité, dissolution des cubes d'albumine, sporulation. Néanmoins, pour que les résullats soient absolu ment com. parables, la constance du milieu n’est pas suffisante; il faut encore déterminer étroitement les conditions de l’ensemence- ment. Si, en effet, on se sert d’une culture sporulée, contenant, 654 _ ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. par résorption du corps microbien, de la trypsine à l’état libre, cette dernière peut agir sur Falbumine avant que la fermenta- tion de l’hydrate de carbone ait produit une acidité suffisante pour en empêcher l’action, et alors la culture s'oriente d’une manière toute différente. Ou peut éviter cet obstacle de deux manières : 1° En ensemençant avec une culture datant de moins de 36 heures; 20 En chauffant pendant 10 minutes, à 90°, la culture sporulée avant de pratiquer l’ensemencement qui doit toujours être très discret. Dans ces conditions bien déterminées, la méthode donne des résultats fort comparables auxquels il ne faut pourtant pas demander une rigueur trop absolue. En eflet, il semble bien que, dans certains cas, les microbes utilisent en très faible pro- portion l’hydrate de carbone ajouté, sans que cette fermenta- tion s’oppose à la digestion de l’albumine. Cette utilisation se traduit surtout par un développement plus abondant. Mais il est permis de se demander s'il ne s’agit pas principalement dans cette action d’une modification osmotique du milieu qui le rend plus favorable à la culture. Ces restrictions faites sur la valeur chimique absolue du pro- cédé, il est incontestable que, dans l'application, il donne des résultats très constants et par cela même très utiles comme élé- ment de différencialion entre les espèces. Produits de fermentation. Sauf quelques insignifiantes diffé- rences de proportion, les produits de fermentation se sont montrés les mêmes, quelques soient l’hydrate de carbone et le microbe étudiés. Dans aucun cas, le compte-goutte de Duclaux et alcoomètre n’ont permis de déceler la présence d’un alcool dans la liqueur distillée après neutralisation; pendant la distillation, on n'ob- serve à aucun moment le phénomène des stries. Dans le liquide distillé se trouvent néanmoins quelques corps, de nature proba- blement aldéhydique, générateurs d’iodoforme et donnant, mais peu franchement, la réaction de Legal. Les bacilles étudiés se différencient ne nettement du Bacillus orthobutylicus 15 Grim- bert et des autres microbes analogues. Après addition d'acide oxalique, la distillation meten évidence BACILLES ANAÉROBIES ET LEUR DIFFÉRENCIATION. 653 une proportion notable d'acides volatils dont on peut facilement augmenter la quantité en ajoutant de la craie au milieu de cul- ture. Le dosage en devient alors plus facile. La méthode de dis- tillation fractionnée de M. Duclaux montre que l’on n’a pasaffaire à un seul acide mais bien à un mélange. Les chiffres obtenus, dans un grand nombre de distillations ne varient que de quelques dixièmes, ce qui indique que le mélange d'acide se fait à peu près constamment dans la même proportion. Voici la moyenne de plusieurs dosages. __Théorie pour un mélange de : Nombre Proportion 0/0 1 partie d’acide 2 parties d'acide 1 partie d'acide de d'acide passé butyrique. butyrique. butyrique. centimètres à la 1 partie d'acide 4 partie d'acide 8 parties d'acide cubes. distillation. acétique. acétique. propionique, 10 13,47 20 26,02 25 30 38,04 35,2 32,9 36,7 40 49,34 46,0 50.8 41,1 50 59,56 55,7 60,7 58,3 60 68,69 65 69,8 68,1 70 74:39 TT 78 11,3 80 85,21 82,2 85,6 90 99,17 100 109 On aurait pu hésiter entre un mélange d’acide acétique et butyrique, ou d'acide butyrique et propionique; mais quelques dosages ont donné des chiffres inférieurs, dans les premières portions distillées, au chiffre théorique de l'acide propionique pur. Il s’agit donc bien d’un mélange d'acide acétique et butyrique dans la proportion moyenne de 5 parties d'acide acétique pour 3 parties d'acide butyrique. _ L’acidité fixe est toujours peu considérable et semble due à de faibles quantités d'acides lactique el succinique. Mais si les produits fournis sont les mêmes, le pouvoir acidi- fiant varie suivant le bacille observé, et la réaction s'arrête plus ou moins tôl suivant la sensibilité du microbe, aux acides formés. Voici, en effet, la quantité d’eau de chaux nécessaire pour neu- traliser un centimètre cube de culture arrêtée dans son dévelop- pement par l'acidité consécutive à la fermentation du maltose, Ces chiffres sont, j'ai pu le vérilier plusieurs fois, à peu près constants lorsque la culture est livrée à elle-nème. Bacille Bacille Vibrion Bacille Bacille ch. Bacille Bacille Bacille putrijicus. Legros. septique. botulisme. symptomatique, Achalme. Klein. perfringens 0,60 0,65 0,68 0,74 0,88 0,94 0,95 - 0,97 656 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Fermentation des hydrates de carbone en particulier. Maltose. — Le maltoseestle sucre qui fermente le plus facile- ment sous l’influence des microbes étudiés. Seul, le bacille téta- nique dissout l’albumine en sa présence, et encore, pour obtenir ce résultat, est-il nécessaire de prendre quelques précautions. Le milieu blanc d'œuf coagulé est, en effet, légèrement alcalin. Si l’on porte trop longtemps à une trop haute température ce milieu contenant 3 0/0 de maltose, il se produit une légère cara- mélisation du sucre, ayant pour résultat de teinter le liquide et les cubes d’albumine en un jaune brun plus ou moins accentué. Lorsque le milieu a été ainsi modifié, l’albumine devient d'une digestion plus difficile, et il en résulte, par comparaison, une fer- mentation plus facile du sucre qui, dans ces conditions, fermente sous l’action du bacilletétanique. Pour éviter cette caramélisation, il est nécessaire de neutraliser exactement le liquide avant la sté- rilisation et de se contenter pour cette dernière d’une exposition pendant 10 minutes à la température de 110°-115°, Glycose. — La même observation s'applique à la préparation des milieux glycosés. Le glycose fermente un peu plus difficilement que le maltose. Le bacille tétanique, le vibron septique, le bacille du charbon symptomatique, sont sans action sur lui, lorsque le milieu a été préparé avec soin, mais ils l’acidifient en cas de caramélisation légère. Galactose. — Ce sucre est un peu muins fermenteseible encore. que le glycose. L’albumine se dissout dans les cultures de bacille tétanique, de bacille du charbon symptomatique, de bacille du botulisme et de vibrion septique. Lactose, — Iei a lieu la scission absolue entre les deux sous- groupes que forment les bacilles étudiés. D'une part, le bacille téta- nique, le vibrion septique, le bacille du charbon symptomatique, le bacille du botulisme, le bacille décrit par Legros, le Bacillus putrificus coli ne font jamais, dans les conditions définies, fer- menter ni la lactose ni aucun des sucres suivants. D'autre part, le bacille que j’ai décrit, celui de Klein, le Bacillus perfringens exer- cent au contraire sur un certain nombre d’entre eux une action fermentative vigoureuse. Saccharose. — Sous l'influence de ces dernières bactéries, le saccharose fermente directement et sans qu'il soit possible BACILLES ANAÉROBIES ET LEUR DIFFÉRENCIATION. 657 à aucun moment de déceler soit un ferment inversif, soit une trace de sucre interverti. Inosite. — La structure moléculaire, probablement cyclique, de ce sucre, et sa présence constante dans l’organisme animal, rend particulièrement intéressante l'étude de sa fermentation. Or, ilse comporte comme les deux sucres précédents, fermentant sous l'influence des mêmes bacilles et ne présentant aucune particularité quant aux produits formés. Glycérine. — La glycérine est également attaquée par le Bacillus perfringens, les bacilles d’Achalme et de Klein; les autres espèces ne lui font subir aucune modification; sa présence, à l'inverse de celles des substances précédentes, semble plutôt les gèner dans leur développement. Dextrine. — La présence de dextrine favorise au contraire la culture de toutes les espèces étudiées; tmais les trois mêmes baeïlles sont seuls à provoquer une fermentation acide suffisante pour paralyser l’action tryptique. Cette fermentation est consé- cutive à l’action d’une amylase transformant la dextrine en maltose. On peut isoler l'action de cette diastase d’une manière analogue à celle signalée plus haut pour la trypsine. Amidon. — L’amidon se comporte comme la dextrine. Une particularité assez constante pour être utile, doit en plus être signalée. Le bacille du charbon symptomatique possède la pro- priété de liquéfier l’empois d’amidon à 3 0/0, mais sans pouvoir en pousser plus loin la transformation. Le bacille tétanique, le vibrion septique, le bacille du botulisme, le bacillus putrificus, le bacille de Legros ne présentent pas cette particula- rité. Mannite-Dulcite. — Dans les milieux à la mannite et à la dulcile, la digestion de l’albumine se fait rapidement, quelle que soit l'espèce en expérience. Néanmoins la culture est plus abon- dante que dans les milieux ne contenant que l’albumine et l’eau. Le Bacillus orthobutylicus de Grimbert fait fermenter au contraire activement ces deux substances. Inuline. — L'inuline reste également intacte sauf en pré- sence du Bacillus orthobutylicus. L’amylase sécrétée par les bacilles agissant sur l’amidon, reste sans effet sur l’inuline conformément à l'observation de Grimbert. | Erythrite. — Cette substance ne donne lieu à aucune fermen- 43 658 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. tation et sa présence semble plutôt nuire au développement des cultures. Amygdaline. — La fermentation de ce glycoside est intéres- sante, en ce qu’elle permet de séparer nettement le Bacillus putrificus coli des autres espèces étudiées. Alors qu’en présence de l’amygdaline l’albumine est rapidement digérée par ces dernières, elle reste intacte dans les tubes ensemencés avec le Bacillus putrificus. Lorsqu'on ouvre le tube, on eonstate une forte odeur d'amandes amères; l’acidité n’est jamais très consi- dérable et la fermentation du glycose, résultant de la décompo- sition de l’amygdaline, semble surtout gênée par les autres pro- duits formés. Par le procédé signalé plus haut à propos de la trypsine, on peut facilement mettre en évidence la présence - d’une émulsine. Le Bacillus orthobutylicus partage avec le Bacillus putrificus cette propriété. L'aspect de l’albumine en présence des différentes substances bydrocarbonées, ainsi que l'influence de ces dernières sur l’abondance de la culture, peut donc offrir un intérêt marqué dans la différenciation des bacilles étudiés, ainsi que l'indique le tableau de la page suivante. En dehors de leur action pathogène, on peut donc caractériser de la manière suivante les bacilles qui font l’objet de cette étude. Caractères communs du genre. Bacilles anaérobies, se colorant par la ne de Gram et mieux par celle de Claudius, produisant des spores, mais seule- ment en milieu alcalin, liquéfiant la gélatine, dissolvant à l’aide d’une trypsine, l’albumine, la fibrine, la caséine : donnant nais- sance par la fermentation des hydrates de carbone à la forma- tion d'acides volatils consistant en un mélange d’acide acétique et d'acide butyrique. Si l’on veut caractériser par un mot la fonction chimique de ce groupe, on pourrait leur donner le nom de groupe des bacilles anaérobies trypto-butyriques. Pour différencier chaque espèce, il est possible de tirer du tableau la table dichotomique suivante : 659 LA 4 EROBIES ET LEUR DIFFERENCIATION. » BACILLES ANA à - © 2 < 2 CS) Se ë É 8 2 ë # = ü ë à Ë = 2 à Bacille du tétanos..|dissoute|dissoute |dissoute| dissoute | dissoute dissoute | dissoute | dissoute RIT |H HR RE ENEHER ES + OUT Vibrion septique... | intacte |dissoute|dissoute| dissoute! dissoute [dissoute dissoute | dissoute mm OS EE Er Bacille du charbon|. à symptomatique . intacte |dissoute|dissoute|dissoute| dissoute l dissoute dissoute | dissoute el ES Bacille du botulisme. | intacte | intacte |dissoute|dissoutel dissoute dissoute dissoute | dissoute RARE EE EEE RENE RE) + ER Bacille de Legros.. | intacte | intacte | intacte |dissoute|dissoutel dissoute dissoute | dissoute mo PE EE nr Bacillus putrifieus.| intacte | intacte | intacte |dissoute| dissoute dissoute dissoute dissoute em DE DE DER Bacille d’Achalme. . | intacte | intacte | intacte | intacte intacte | intaete | intacte | intacte RH HÉEESTE EEE RAR ER RENE Bacille de Klein... | intacte | intacte | intacte | intacte intacte | intacte | intacte | intacte D mm me EE CRE ERREUR Bacillus per fringens.| intacte | intacte | intacte | intacte | intacte | intacte | intacte intacte HR E HE EEE EEE EEE EE EEE cs = a , @ £ S £ 2 F £ = sc 5 Le) de] < 5. El S s = j=£ Fa < = La) 4 = a a < amidon intact dissoute dissoute dissoute |dissoute | dissoute [dissoute Se nm ei PE 2 FORTE amidon intact dissoute dissoute |dissoute |dissoute| dissoute dissoute HH+ MEAHEEEE EE) 2 +4 amidon liquéfié |dissoute|dissoute|dissoute| dissoute |dissoute dissoute he LI HR HIER) Eee D are ES EL M AP a amidon intact À dissoute dissoute |dissoute|dissoute| dissoute |dissoute D a Po FOUR amidon intact dissoute dissoute |dissoute dissoute |dissoute [dissoute HET EH EHIE ET = HE odeur l k amandes amidon intact sméères dissoute dissoute|dissoute|dissoute| dissoute! intacte ++ +++ HE) LE LEX amidon saccharifié j intacte dissoute|dissoute|dissoute|dissoute|dissoute H+H MEH+EAE + = [A+ amidon saccharifié | intacte dissoute |dissoute|dissoute|dissoute|dissoute HEH RH EEE + ++ amidon saccharifié } ’ intacte dissoute |dissoute dissoute dissoute |dissoute +++ EEE LEE + ++ Le signe + indique une augmentation dans l'abondance des cultures. Le signe — indique une diminution. 660 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. 4. Culture en présence d’amidon 3 0/0. — amidon intact. Albumine dissoute, 2. — — liquéfié. Albumine dissoute. B. du charbon symptomatique. — — : saccharifié et fermenté. Bacille d’Achalme. — Bacille de Klein. me Ce Bacillus perfringens. 2. Culture sur amygdaline. Albumine intacte. Bacillus putrificus col. == — Albumine dissoute, 3. 3. Culture sur Biens Albumine intacte, 4. Albumine dissoute, 5. k. Cuiture sur galactose. Albumine intacte. Bacille de Legros. QE Albumine dissoute. Bacille du botulisme. >. Culture sur mallose ARE Albumine intacte. Vibrion septique. — Albumine dissoute. Bacille tétanique. De la lecture du tableau précédent et de cet essai de différen- clation, il est facile de se convaincre que, si certaines distinc- tions sont fragiles, par exemple celle entre le bacille du charbon symptomatique et Le vibrion septique, il est possible d'isoler des autres espèces un sous-groupe bien caractérisé formé par le bacille d’Achalme, celui de Klein, et le Bacillus perfringens. Mais, il est impossible de pousser plus loin la différenciation entre ces trois bacilles, et ma conviction est qu'ils ne forment qu’une seule et même espèce, à laquelle il faut probablement ajouter le bacille du phlegmon gazeux de Fraenkel et certains microbes que l’on rencontre parfois, bien que fort tardivement, à l’état normal, dans la flore cadavérique. En ce qui concerne en effet les trois bacilles précités, leurs propriétés pathogènes sont expérimentalement les mêmes. Les lésions qu’ils provoquent chez les cobayes, les lapins, etc., ne présentent aucune différence sensible. Leur virulence est soumise aux mêmes amples variations. Chez l’homme même l’action semble analogue. En effet, l'absorption involontaire de spores du bacille que j'ai décrit a provoqué chez moi des phéno- mènes intestinaux pouvant justifier le nom de Bacillus enteri- lidis, et rappelant en même temps les accidents connus sous le nom de coliques d’amphithéâtre. Au fond, les différences signalées par les auteurs ne sont autre chose que des différences d’origine, et s'il a été déerit plusieurs espèces différentes, c’est que sa description biologique ne s’est complétée eee à peu. ‘En résumé, il s’agit là, comme je l'ai déjà indiqué au congrès de 1900, d’un bacille à tout faire que l’on ne peut mieux comparer qu'au streptocoque dans son action pathogène. La maladie spécifique qu’il provoque par son développement imp dr: Lee : LL TT * ne PONT MIO NOR M PUS AE : BACILLES ANAÉROBIES ET LEUR DIFFÉRENCIATION. 661 dans le myocarde est le rhumatisme articulaire aigu, de même que le streptocoque produit la maladie spécifique, l’érysipèle; mais il est susceptible, comme ce dernier, de provoquer, soit seul, soit associé, des maladies à lésion banale, tels qu'abcès, gangrènes, entérites, infections puerpé- rales, etc., etc. IL est donc nécessaire de donner, pour la clarté des faits, un état civil unique à ce bacille que j'ai décrit, pour la première fois en 1891, comme agent pathogène du rhumatisme articulaire aigu, puis dont la description a été donnée en 1892 par Welch et Nuttal dans la flore cadavérique, par Fraenkel en 1893 comme agent pathogène du phlegmon gazeux, par Klein en 1895 sous le nom de Bacillus enteritidis sporogenes, enfin en 1898 par Veillon et Zuber sous la dénoinination de Bacillus perfringens. Voici, du reste, pour servir à son histoire, la liste des princi- paux travaux auxquels ces divers avatars ont donné lieu. BACILLE DU RHUMATISME ARTICULAIRE AIGU AGHALME, Sociélé de biologie, séance du 25 juillet 1891, Examen bactériolo- gique d’un cas de rhumatisme articulaire aigu terminé par la mort. ACHALME, Société de biologie, séance du 13 mars 1897. Pathogénie du rhuma- tisme, Examen bactériologique d’un cas terminé par la mort, p. 276. TarmoLoix, Société de biologie, 1897, séance du 13 mai, p. 268; séance du 9 octobre, p. 882; séance du 6 novembre, p. 945. Société médicale des hôpitaux, séance du 5 novembre 1897. AcHALME, Recherches bactériologiques sur le rhumatisme articulaire aigu. Annales de l'Institut Pasteur, 1897, novembre, p. 845. TaiBouLer Er Coyon, Société médicale des hôpitaux, séance du 24 décembre 1897; _Le Rhumatisme articulaire aigu, Baïllère, in-16, 95 pages. SAVICHENKO, Sur le rhumatisme articulaire et la bactérie d’Achalme, Archives russes de pathologie, mai 1898, avec planche en couleurs, p. 558; extrait en français par l’auteur, p. 613. Carrière, Société de biologie, 1898, p. 736. Rhumatisme articulaire aigu. épan- chement pleurétique, présence du bacille d’Achalme. Pic et Lesieur, Contribution à la bactériologie du rhumatisme articulaire aigu, Journal de physiologie et de pathologie générale, 1898, p. 1007. DE Berrexcourr, Note sur la présence du bacille d'Achalme dans le sang d’un homme atteint de rhumatisme articulaire aigu, Archivos de Médicina,t. IT, n° 2. HewLerr, Présence du bacille d’Achalme dans un cas de rhumatisme articulaire aigu; son identité probable avec le Bacillus enteritidis sporogenes (Klein), Patho- logical Society of Londonin The Lancct, 1901, p. 705. 662 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. BACILLUS EMPHYSEMATOSUS DE FRANKEL FRAENKEz, Centralblatt für Bakteriologie, Bd, XIII, p. 13, et Ueber Gasphleg- monen, Hamburg et Leipzig (L. Voss). Cuaviewy, Gangrène gazeuse subaiguë provoquée par un bacille spécial, Annales de l'Institut Pasteur, 1897, n° 11, p. 860. FRAENKEL, Sur la cause du phlegmon gazeux, Munchener Med. Wochenschrift, 1899, n° 42, p. 1369. Hier, Recherches sur la connaissance des bactéries anaérobies étudiés dans les maladies de l'homme et des animaux, Centralbl. f. Bakteriol., 1629 vol. XXV, p. 215. HirscHamanN Er LiNnELTHAL, Recherches sur la gangrène foudroyante, Arch. f. Klin, chirurgie, Bd. LIX, 1899, 1'° partie, et XXVIIH, congrès allemand de chirurgie, Beriin, 5-8 avril 1899. BACILLUS PERFRINGENS (VEILLON) VeiLon ET Zu8er, Recherches sur quelques microbes anaérobies et sur leur rôle en pathologie, Archives de médecine expérimentale, juillet 1898. Risr, Étude bactériologique sur les infections d’origine otique, Th. Paris 1898. Guicremor, Pecherches sur la gangrène pulmonaire, Th. Paris 1898. — Sur un cas de gangrène gazeuse due à un bacille anaérobie différent du vibrion septique, Soc. biologie, 5 nov. 1898. BACILLUS ENTERITIDIS SPOROGENES KLei, Rapport sur les relations entre le choléra asiatique et le choléra nos- tras, Æeport of the med. offices, local governement board, 1895, p. 197; 1896, p. 225. KLeix, Morphologie et biologie du bacillus enteritidis sporogenes, son rôle dans ls diarrhées infantileset le choléra nostras et sa présence dans le lait, le fumier, etc. Report of the medical officer, local governement board, 1897-98, p. 210; Auxiliary scientific association, 1898. Oskar WiLp, Travail sur la connaissance du Bacillus enteritidis sporogenes. Centr. f. Babies tologie, 1898, vol. XXIII, p. 913. HiBzer, V. plus haut. Hewzer, Observations préliminaires sur la présence du Bacillus enteritidis sporogenes (Klein) dans la colite ulcérative et les selles normales, Transactions of the Jenner Institut of preventive medicin, vol. IT, p, 70. BACILLUS CADAVERIS BUTYRICUS WeLcx er Nurraz, Bacille produisant des gaz et capable d'un rapide dévelop- pement dans le cadavre PRE la mort, The Johnson Hopkins Hopital, Bul- letin 1892, no 24. Enxsr, Sur un bacille producteur de gaz et sa présence dans le cadavre humain, Ferchows Archiv., t. CXXXIIT. STERNBERG, Cité in Traité de Flugge, t. XXI. Gosez, Sur le bacille des organes emphysémateux (Schaumorganen) Centr. f. Pathol, Anatomie, Bd. VI. HeypEenreica, Emphysème du foie. Centr. f. Bakteriol., t. XXI. Bupay, Sur la production anormale de gaz après la mort. Centralbl.f, Bakler. 1898,t. XXIV, p. 369. NX TRE NET PEN EU TE SP NEVER VE RERGE 4 ‘“ ERP RP NT PM TU UT, ANA We E LE ROUGE NEUTRE (NEUTRALROTH) Son rôle dans l'étude de la phagocytose en général et dans celle de la blennorrhagie en particulier. Par LE D' I. HIMMEL (pe Kazan). (Travail du laboratoire de M. Metchnikoff.) Le rouge neutre (neutralroth) est un chlorhydrate de dimé- thyldiamidotoluphénacétine. Ehrlich ‘ a le premier signalé la propriété que possède cette matière colorante de teindre les éléments cellulaires vivants. D’après cet auteur, cette propriété est surtout due à ce fait que le rouge neutre (neutralroth) diffuse facilement à travers les éléments cellulaires vivants, éléments contenant des subtances qui fixent énergiquement cette matière colorante. Le rouge neutre a été ensuite étudié par plusieurs auteurs, et notamment par M. Plato, qui a consacré plusieurs mémoires à ce sujet; voici comment il résume les résultats de ses expé- riences. Les substances qui se colorent à l’intérieur des leucocytes sont des matières albuminoïdes englobées telles que : microor- ganismes, hématies, spermatozoïdes, produits de désagrégation d’autres cellules, etc. La coloration de la majeure partie de ces inclusions dépend de la vitalité de la cellule englobante; l’auteur désigne cette coloration sous le nom d’intravitale. La coloration se conserve seulement dans le granuloplasme et disparaît dans l’hyaloplasme. La coloration intravitale dépend de la position des inclusions colorées qui perdent leur couleur en quittant la cellule. Ea partie vitale colorable des vacuoles, ainsi que celle des 4. Exrziou, Ueber Neutralroth, Al!lg. Medic. Centralgeitung, 1894, n° 2. 6 64 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. produits des échanges nutritifs et de sécrétion intraleucocytaire, ne doivent pas être prises pour la partie constituante de la cellule en état de fonctionnement. La coloration intravitale des microorganismes intracellulaires dépend aussi bien de l’état vital de la cellule que de l'influence qu'exercent ces microorganismes sur la cellule englobante. Le granuloplasme produit sur le rouge neutre un effet oxydant, l’hyaloplasme exerce sur lui une action réductrice. Dans mes recherches personnelles j’ai commencé par étudier les changements de coloration subis par le rouge neutre, quand ses solutions sont additionnées d’acides et d’alcalis. Étant donné que j'ai, pendant tout le cours de mon travail, expérimenté, comme Plato, avec des solutions faibles, j'ai préparé la même solution que cet auteur, c’est-à-dire que je mélangeais 1 ce. c. de la solution saturée à froid de neutralroth avec 100 c. c. d’une solution à 0,6 p. 100 de chlorure de sodium. Déjà Ehrlich avait indiqué que des traces d’alcali et même l'eau de puits, ainsi que l’acide carbonique de l’air, influent consi- dérablement sur le changement de couleur de la solution de rouge neutre. Je prenais 100 c. c. d’une solution à 1/4 p. 100 d’un alcali ou d’un acide quelconque, et j’y ajoutais 5 gouttes de la solu- tion de neutralroth, préparée comme je viens de le dire; dans tout le cours de mon exposé, je parlerai seulement de cette solution, et je ne mentionnerai spécialement que les solutions d’une autre concentration. En mème temps, j'ajoutais, à 100 c. c. d'eau distillée, 5 gouttes de solution de neutralroth. Tandis que ce dernier mélange restait à peu près incolore, la solution acide se colorait en rouge intense. La ,nuance prise par le mélange de rouge neutre avec les acides chlorhydrique, sulfu- rique, azotique, lactique, citrique, oxalique, acétique, tartrique était violette, tandis qu'avec des amido-acides, surtout avec la Jleucine, ce mélange présentait une couleur rouge brique. L'addition d’une même quantité de neutralroth aux solutions alcalines ne provoquait aucun changement : la solution alcaline restait aussi incolore qu'avant l'addition du rouge neutre. Ces observations m'ont permis d’en tirer cette conclusion qu’on peut obtenir, même avec des solutions faibles de neutralroth, une colo- ration rouge intense si les substances colorables ont un ‘degré ir ir dl \ nt É nj GE der ro: AND 4 Les De Mar Ha El id à À sé D Daft eee vidé es É Lit ds nu dont! ol 1 LE ROUGE NEUTRE. 665 suffisant d’acidité. Point n’est besoin d’expliquer ce phénomène de coloration intense par l’accumulation plus considérable de matière colorante dans les -subtances à colorer. J'ai en effet observé qu’une seule et même quantité de matière colorante peut colorer les liquides en rouge intense ou ne pas les colorer du tout, suivant leur degré d'’alcalinité ou d’acidité. J'ai pu m'en convaincre au cours de mes recherches ultérieures en examinant au microscope la cellule de différents fruits. J’écra- sais un fragment de fruit quelconque sur la lame porte-objet et, après l'avoir additionné de 1 ou de 2 gouttes d’une solu- tion de rouge neutre, je le couvrais d’une lame couvre-objet et je l’examinais à l’aide d’un objectif sec. Or, j'ai constaté qu'avec la même quantité de couleur la coloration des cellules végétales et du liquidé ambiant était plus intense dans les cas où l’acidité du fruit était plus prononcée (ce dont on pouvait se convaincre par l'épreuve au tournesol) ; dans ceux, au contraire, où la réaction des fruits était neutre ou faiblement acide, on pouvait à peine constater un changement dans l'intensité de la coloration. J'ai également examiné des substances à réaction manifeste- ment neutre, tels que le tale, le coton réduit en petits frag- ments et bouilli plusieurs fois dans l’eau distillée, et je les ai colorées au neutralroth. Les fragments de talc ne se coloraïent nullement, tandis que les fragments de coton se coloraient légè- rement; cette coloration était d'autant plus intense que le flocon d'ouate était plus gros en d’autres termes, la coloration du coton était d'autant plus manifeste que la couche de rouge neutre com- prise entre Les lames porte et couvre-objet était plus épaisse. Le talc ne fixe pas le rouge neutre, tandis que le coton, composé de fibrilles isolées circonscrivant des espaces libres, permet la pénétration de la matière colorante dans ces espaces et augmente ainsi l'épaisseur de la couche du liquide coloré. J'ai pu observer le même phénomène pendant la coloration des bactéries mortes et vivantes. Toute une série de microorganismes tels que le gonocoque, la bactéridie charbonneuse, le bacillus subtilis, le coli-bacille, les bacilles de la grippe, de la diphtérie, du choléra, les bacilles de la tuberculose humaine et aviaire, le streptobacille du chancre mou, la bactérie de Rabinovitch et encore quatre autres 666 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. variétés de bacilles pseudo-tuberculeux ne fixent pas du tout la matière colorante tant qu’ils sont vivants, tandis qu’ils se colo- rent faiblement, 1l est vrai, dès qu’ils sont morts. La coloration de ces microorganismes morts est d’autant plus intense, que la bactérie est plus grosse; ainsi, la coloration de la bactéridie char- bonneuse et du bacillus subtilis était-elle plus prononcée que celle du bacille de la tuberculose ou du chancre mou. La durée du temps de contact des solutions faibles de rouge neutre est sans aucune influence, et les bactéries laissées dans une goutte pendante, mélangée à du neutralroth, pendant quelques jours, ne présentaient pas de coloration plus intense. J'ai procédé ensuite à la coloration de différentes cellules de l'organisme animal, telles que les cellules épithéliales à cils vibra- tils, les cellules endothéliales, les fibres-cellules musculaires du cœur, les cellules hépatiques, les cellules glandulaires de l’es- tomac, et les cellules nerveuses des cornes antérieures et des ganglions spinaux. Ces recherches m'ont démontré que les noyaux nee fixent la matière colorante d’une façon plus ou moins intense ; dans quelques cas, leur coloration est très faible, et permet seulement de distinguer Les contours du noyau colorés en rose ; dans d’autres cas, au contraire (dans les cellules nerveuses, par exemple), la coloration des noyaux est si intense, qu'ils prennent une couleur rouge rubis. Si l’on sèche ces préparations en les chauffant légèrement à la flamme d’un bec de Bunsen, cette coloration ne disparaît pas et se conserve indéfiniment. Dans tous ces cas, le protoplasma cellulaire ne se colore pas du tout pendant toute la durée de l’opération. Si je voulais chercher à établir une analogie dans la colora tion des substances à réaction alcaline et neutre, je pourrais émettre cette hypothèse que la coloration du noyau est due à sa réaction faiblement acide. Mais je préfère m’abstenir d’une telle conclusion avant d’avoir des exemples plus probants. Pour mes recherches ultérieures, je me suis servi de leuco- cytes frais, qui ne contenaient aucune substance étrangère dans leur intérieur. Ainsi, je recueillais à l’aide d’une pipette une goutte de liquide péritonéal d’uu cobaye absolument sain, auquel LE ROUGE NEUTRE. 667 on n’avait pas fait d'injection dans le péritoine, et je l'examinais au microscope après coloration au neutralroth. Généralement, presque tous les leucocytes restaient incolores; leurs noyaux ne fixaient pas non plus de matière colorante, de sorte que pour les distinguer, il fallait se servir d’un éclairage modéré. Dans quelques leucocytes isolés, on pouvait voir des granu- lations colorées en rouge vif, avec reflet couleur brique et non violet. En observant une semblable préparation pendant quelques heures au microscope, on pouvait voir que le nombre de gra- nulations colorées devenait de plus en plus considérable et que leur présence pouvait être constatée même dans les cellules qui, au début, n’en contenaient pas. 24 ou 48 heures après le début de l'expérience, ces granula- tions comiñençaient à se décolorer, et les cellules devenaient incolores. Pour me procurer un plus grand nombre de leuco- cytes, je provoquais la leucocytose en injectant dans le péritoine de cobayes 3 à 5 c. c. de solution physiologique de sel marin; je cherchais à éviter aussi la phagocytose des corps albuminoïdes. A l’examen des leucocytes ainsi obtenus et colorés au rouge neutre, on voyait que le nombre de granulations colorées n’était pas supérieur à celui constaté dans le premier cas, et que l’appa- rition des granulations colorées et leur décoloration progressive s’effectuait de la même manière. Eafin, pour l’étude de la coloration des granulations intra- cellulaires, je me servais également des leucocytes obtenus par injection intrapéritonéale de 3 à 5 c. ‘e. de bouillon stérilisé. On voyait dans ce cas que le nombre de granulations colorées était, même au début de l'opération, supérieur à ce qu'il était dans les deux premiers*cas, et qu'avec le temps leur nombre augmentait relativement plus vite; cependant, en continuant l'observation, on constatait que leur coloration s’effectuait de la même manière que dans les deux cas précédents. La question se posait de savoir ce que représentent ces granulations colorables de la cellule vivante? Est-ce le stroma cellulaire ? Sont-ce des granulations basophiles ou éosinophiles colorées pendant la vie? La coloration de contrôle faite à ce dernier point de vue n’a donné aucune indication. S'il s’agis- sait de la charpente cellulaire, toutes les cellules auraient certai- 668 | ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. nement été colorées, et nous n’aurions constaté aucune différence dans les cas où l’on avait injecté une solution physiologique et du bouillon. Mais, ainsi que je l’ai déjà dit, dans les cas où la leucocytose a été provoquée par l'injection de bouillon, le nombre de granulations colorées était plus considérable que dans le cas où la leucocytose a été provoquée par le liquide physiologique. Diverses opinions ont été émises sur la nature des granu- lations colorables. Przumycki pense que ces granulations font partie constituante de la cellule vivante; pour Galleoti, au contraire, les seules particules qui se colorent proviennent de substances englobées par les phagocytes ou sont des produits de l’activité sécrétoire de la cellule. Ehrlich considère ces granu- lations comme résultant des échanges nutritifs et leur reconnait une grande affinité pour le rouge neutre. Plato soutient la même opinion. Avec Galleoti, Ebhrlich et Plato, j'admets que ces granulations résultent de l’activité sécrétoire de la cellule, mais j'ajouterai que leur réaction est acide, et que c’est pour cela qu’elles apparaissent colorées d’une façon si intense avec des solutions aussi diluées de neutralroth. Après avoir examiné une série de préparations de leucocytes qui n’ont phagocyté aucune substance étrangère, j'ai passé à l'étude de la coloration de leucocytes ayant englobé différentes matières. Dans toutes mes expériences, la leucocytose était provoquée par l'injection intrapéritonéale de culture de bouillon chez des cobayes. Pour obtenir la phagocytose, tantôt j'introduisais 18 à 24 heures après la première injection, diverses substances, dans le péritoine, tantôt je mélangeais l’exsudat péritonéal avec différents produits destinés à être englobés, puis je rassem- blais les leucocytes à l’aide de la centrifugation, comme le fai- sait aussi Plato. Tout d'abord, j'injectai dans le péritoine des cobayes du tale en suspension dans la solution physiologique de sel marin, et j’examinai ces leucocytes après le début de la pha- gocytose, soit 1/2-1 heure après l'introduction du talc. Un peu de l'exsudat péritonéal est mélangé avec une partie égale de solu- tion de rouge neutre, et si l’on examine le mélange dans la goutte pendante, on voit que des parcelles de tale libres non phagocy- tées sont complètement incolores, tandis que les fragments inclus dans les leucocytes sont colorés en rouge vif, rappelant crie. : 2 ed mit nt af Fe AP EE CRETE PT 77) LE ROUGE NEUTRE. 669 la coloration des gonocoques englobés. Cette coloration se con- servait durant 24-48 heures, et à côté des particules de tale colorés apparaissaient, avec le temps, dans les leucocytes des granulations colorées; puis, quand la cellule mourait, il y avait décoloration des particules de tale et des granulations teintées. Je ne veux pas m'arrêter pour le moment à discuter ce phéno- mène et'je passe aux autres substances dont je me suis servi. Des fragments de coton injectés dans la cavité péritonéale d'un cobaye étaient rapidement englobés par les leucocytes. Ces fragments colorés par le rouge neutre dans la goutte pendante, prenaient rapidement à l’intérieur des leucocytes une coloration rouge intense; les flocons de coton libres étaient faiblement colo- rés en jaune clair. Si l’on conservait celte préparation jusqu'à décoloration complète, on pouvait voir que les grosses fibres intracellulaires se désagrégeaient en fibrilles plus ténues, qui se divisaient à leur tour en fragments plus petits; finalement il y avait dans la cellule une quantité considérable de petites granulations nettement colorées et ne se décolorant qu'à la mort de la cellule. J’ai fait aussi des recherches sur la coloration des bactéries mortes et phagocytées. Je me suis servi de 15 variétés et j'ai procédé comme dans les expériences précédentes. Le tableau microscopique était identique dans tous les cas; j'y reviendrai quand je parlerai de la coloration des bactéries vivantes englobées par les phagocytes. Toutes les bactéries mortes se coloraient très faiblement par le rouge neutre; mais elles prenaient une coloration rouge intense quand elles étaient dans l'intérieur des phagocytes. Il est vrai que dans quelques cellules la coloration n'était pas très nette, mais si l’on examinait attentivement la cellule en ques- üon, on pouvait constater que sa vitalité n’était pas très pro- noncée et qu'elle succombait rapidement, sans doute à la suite de quelque avarie subie pendantles manipulations. Ace moment, les microorganismes morts, contenus dans son intérieur, se déco- loraient complètement. Si l’on observe des microorganismes morts englobés par les phagocytes, on peut voir qu'après s’être fortement colorés, ils gonflent, puis se fragmentent en particules de plus en plus petites, mais restent toujours teintés, Les bactéries, tout comme les particules de tale et les flocons d’ouate, 670 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. sont colorées tant qu’elles restent dans le granuloplasme, mais dès qu’elles passent dans cette zone claire et homogène que forme l’hyaloplasme autour de la cellule, leur coloration dispa- raît aussitôt, et elles deviennent complètement transparentes. Puis, quand le courant intracellulaire ramène ces substances dans le granuloplasme, elles apparaissent de nouveau colorées. Ces phénomènes étaient surtout intéressants à observer sur des phagocytes ayant englobé un filament de coton ou une chaînette de bactéridies charbonneuses dont une partie restait en dehors de la cellule. La partie englobée qui se trouvait dans le granuloplasme avait une coloration rouge, celle qui traversait l’hyaloplasme restait complètement incolore; enfin, la portion extracellulaire avait une coloration jaunâtre. J'ai remarqué, dans toutes ces expériences, qu'au bout de 24 à 48 heures la décoloration des inclusions intracellulaires était complète; à ce moment les leucocytes sont morts ou sur le point de mourir. Quant à l'influence des agents nocifs agissant sur la cellule au point de vue du changement de coloration, j'en parlerai plus loin. | Lorsque les leucocytes ont englobé des bactéries vivantes, l’aspect des préparations n'est pas aussi simple, ni aussi homogène. Dans le cas des bactéries mortes, toutes celles qui sont dans l’intérieur des phagocytes se montrent colorées ; il n’en est pas de même avec les bactéries vivantes : très souvent à côté de bactéries colorées, d’autres restent incolores: à côté d’un microorganisme présentant une coloration intense, un autre est à peine teinté. Je me suis servi des variétés microbiennes suivantes : bacté- ridie charbonneuse, premier vacein charbonneux, bacillus subtilis, colibacille, bacille de la diphtérie, bacille de la grippe, vibrion du choléra, bacille du chancre mou, bacilles de la tuber- culose humaine et aviaire, bactérie de Rabinovitch et quatre autre variétés de bacilles pseudo-tuberculeux. Je choisissais, autant que possible, des cultures jeunes, pour éviter les formes dégénérées. Si l’on injecte la culture charbonneuse virulente et récente dans le péritoine d’un cobaye auquel on a préalablement fait une Lee PADNTN, LE ROUGE NEUTRE. 671 injection de bouillon stérilisé, et que l’on examine en goutte pen- dante, l’exsudat, additionné de rouge neutre, on peut voir,au bout de 15-30 minutes, que les bactéridies non englobées restent complètement incolores, tandis que les bactéridies englobées se colorent assez fortement en orangé avec reflet rouge brique. J’ai remarqué qu'il y a toujours un reflet rouge brique dans la colo- ration de toutes les substances phagocytées, de sorte que je ne mentionnerai plus ce fait jusqu’au moment où je parlerai des propriétés oxydantes que possède la cellule vis-à-vis de la substance qu’elle englobe. Cette coloration devenait peu à peu plus faible et disparais- sait par places au bout de 1-2-3 heures; sur d’autres, elle se conservait à peu près 24 heures; mais l'intensité de la couleur n'était pas aussi prononcée qu'avec les cultures charbonneuses mortes. : Je n’ai jamais constaté de multiplication des bactéridies charbonneuses englobées dans l’intérieur des leucocytes, après leur décoloration ou, ce qui revient au même, après la mort du leucocyte. Mais je considère ce phénomène comme parfaitement possible, car après la mort des globules blancs, les bactéries trouvent dans les corps leucocytaires un milieu de culture favorable, en même temps qu’elles ne subissent plus l'action destructive de la cellule vivante. Au début de la décoloration, on ne distingue dans le leuco- cyte aucune modification morphologique, mais si l’on observe ce leucocyte un certain temps après que la décoloration s’est effectuée, on constate qu’il subit aussi des altérations. On peut donc juger de la mort de la cellule d’après la déco- loration de la substance englobée, qui se fait avant que cette cellule subisse des modifications morphologiques appréciables, La coloration était beaucoup plus intense dans le cas où le cobaye recevait du premier vaccin charbonneux, La marche de la coloration et de la décoloration était la même qu'avec la culture virulente, mais il y avait une différence dans la rapidité de la décoloration. La décoloration du vaccin n'était pas aussi rapide et la teinte était plus intense, ce qui peut s’expliquer parce que la bactéridie atténuée altère moins la vitalité du leucocyte que la bactéridie virulente. ‘672 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Les bacilles du foin phagocytés et fortement colorés per- daient leur coloration au bout de 24-48 heures. Il en est de même pour le colibacille, les bacilles de la grippe, de la diphtérie, du choléra, du chancre mou; leur coloration est beaucoup moins intense que celle du bacille du foin. Tandis que ceux-ci, dans l’intérieur des phagocytes, se colorent tous d’une façon intense et uniforme, on observe un autre phénomène avec les bactéries que nous venons de citer: certaines d’entre elles se colorent fortement, d’autres plus faiblement, et on peut même trouver des formes complètement incolores. Ces formes non colorées se rencontrent surtout avec le colibacille, plus rarement et parfois pas du tout, avec la bactérie du chancre mou. La même différence m'a surtout frappé quand j'ai étudié la phagocytose des bacilles vivants de la tuberculose et de la pseudo-tuberculose. Aïnsi, si l’on examine l’exsudat d’un cobaye auquel on à injecté des bacilles pseudotuberculeux ou des bacilles de la tuberculose aviaire, on constate que ces bacilles englobés par les leucocytes ont une teinte orangée et que celle-ci disparaît au bout de 24 heures, comme cela se passe pour les microorganismes qui n’ont pas d'influence prononcée sur les cellules. Si, au contraire, on prend l’exsudat d’un cobaye auquel on & fait une injection intrapéritonéale d’une culture de bacilles de Koch, on observe alors un phénomène tout différent : les bacilles de la tuberculose englobés par les phagocytes n’ont qu'une coloration jaune paille; si l’on observe un leucocyte englobant un bacille de la tuberculose coloré, on peut constater sa décoloration complète au bout de 1, 2, 3 heures tout au plus. On peut dire que les leucocytes sont altérés et possèdent peu de vitalité. L'examen de la préparation donne l’impression que peu de bacilles sont englobés. Mais si l’on colore cet exsudat à la fuchsine phéniquée, puis au bleu de méthylène, on voit que les leucocytes ont englobé une quantité colossale de bacilles de la tuberculose, que ces derniers remplissent les cellules et que celles où l’on ne trouve qu’une ou deux bactéries sont rares. Ainsi donc, quand le nombre des bacilles de Koch englobés par es phagocytes est considérable, leur action toxique sur la cellule est très prononcée, et il n’y a pas de coloration. Dans les cas, au contraire, où l’on n’en trouve qu’un ou deux, où ils n’ont pas LE ROUGE NEÛTRE, | 673 encore eu le temps de développer suffisamment leur action toxique pour atteindre les fonctions vitales des leucocytes, qui réagissent sur eux, aussiils apparaissent colorés, il est vrai pour peu de temps. Dans les leucocytes des cobayes, les bacilles de la tubercu- lose aviaire se colorent aussi bien que les bacilles de la pseudo- tuberculose. Mais quand on les injecte sous la peau d’un pigeon ou d’une poule et qu'ils sont englobés par les leucocytes de ces oiseaux, ils ressemblent parfaitement par leur coloration aux bacilles de la tuberculose humaine englobés par les leucocytes d'un cobaye. Si l’on injecte des bacilles de la tuberculose humaine sous la peau d’un pigeon ou d’une poule, on voit que ces bacilles, qui se coloraient à peine dans les leucocytes des cobayes, prennent la couleur dans les leucocytes des oiseaux aussi bien que les bacilles de la pseudo-tuberculose ou les bacilles de la tuberculose aviaire englobés par les leucocytes des cobayes. Ces expériences me permettent d'émettre l’opinion que la coloration par le rouge neutre des bactéries englobées par les leucocytes, qui est la conséquence des propriétés oxydantes.des leucocytes, nous fournit le moyen de juger de limmunité d’un animal vis-à-vis de telle ou telle espèce bactérienne. Dans la description de la décoloration des bactéries englobies, j'ai toujours parlé des cas où la mort de la cellule était anté- rieure à celle de la bactérie. Mais les choses ne se passent pas toujours ainsi, et très souvent la mort de la bactérie précède celle du leucccyte qui lenglobe. Dans ces cas, si le phagocyte pos- sède encore assez d'énergie vitale, on voit que la bactérie, quelle qu'elle soit, commence par se gonfler et par se colorer d’une facon plus intense. Si la bactérie est assez longue, malgré ce sonflement, elle conserve sa forme bacillaire, elle est seulement un peu plus épaisse. Mais si le bacille était court, il prend l’aspect d’un coccus. Une fois le gonflement des bactéries produit, leurs modifica- tions ultérieures suivent la même marche que celles des bactéries _mortes, englobées par les phagocytes. Elles se désagrègent de plus en plus en donnant naissance à des petits amas fortement colorés qui rappellent un peu les granulations dans les leucocytes. 44 674 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Après ces observations sur la coloration des substances orga- niques et inorganiques, et sur celles des bactéries vivantes et mortes, libres ou englobées, qui m'ont conduit à distinguer par la coloration l’état des éléments phagocytés, je vais exposer les expériences que j'ai faites sur la phagocytose des gonocoques. Grâce à l’amabilité du corps médical de l'hôpital Ricord, j’ai pu prélever du pus provenant de plusieurs cas de blennorrhagie récente et de blennorrhagie chronique. J'ai pu ainsi traiter par le rouge neutre des échantillons de pus recueillis depuis l'apparition de la sécrétion jusqu’à deux mois après. Les observations sur le pus le plus ancien n’ont pas été con- tinues, mais faites à intervalles assez longs. Je ne me charge pas de décider si le pus blennorrhagique d’une urétrite récente datant de 1 à 3 jours seulement se distingue nettement, par sa coloration au rouge neutre, du pus d'une urétrite de 1 à 3 mois. Je peux dire seulement qu’à mon avis on ne peut pas reconnaître, d’après la coloration par le neutralroth,une urétrite ancienne d’une urétrite récente. Ni le nombre des gonocoques libres, ni celui des gonocoques englobés et colorés ou incolores ne peuvent servir de base à un observateur attentif pour juger de l’âge d’une blennorrhagie. On peut observer les mêmes tableaux microscopiques aussi bien dans les urétrites de courte durée que dans les urétrites chroniques. De même qu’on ne peut juger d’après le nombre de gono- coques libres et englobés de la date de l’urétrite, on ne peut rien dire d’après la durée de la décoloration, car les leucocytes de l’homme qui contiennent des gonocoques, se décolorent dans tous les cas dans un même laps de temps. L'organisme humain ne paraît pas acquérir d’immunité contre les gonocoques. Lors même que la maladie dure depuis un certain temps, les leucocytes qui entrent en lutte avec les gonocoques, se compor- tent toujours de la même façon et ne manifestent pas une résis- tance spécifique comme cela s’observe dans beaucoup d’autres maladies infectieuses. | Les gonocoques libres et vivants d’une culture âgée d’un jour, ne fixent pas le rouge neutre en solution telle que je l’emploie. Les gonocoques morts se colorent, mais très faible- ment. En résumé, ils se comportent vis-à-vis de la matière colo- LE ROUGE NEUTRE, 675 rante de la même façon que les autres microorganismes. La plupart des gonocoques englobés par les leucocytes de l’homme sont colorés en rouge intense; à côté de ces formes fortement colorées on en trouve d’autres qui restent complète- ment incolores. Notons encore que plus un leucocyte renferme de gonocoques, plus on y rencontre des formes non colorées et que, dans les leucocytes qui ne contiennent que 2 ou 3 gono- coques, ceux-ci sont plus fortement teintés que ceux qui sont en grand nombre dans une même cellule. Les gonocoques extracellulaires ne prennent pas de colora- tion du tout, ou bien seulement 1 sur 100 d’entre eux se colore faiblement en rouge. Si on laisse ces préparations dans une goutte pendante durant 24-48 heures, on peut voir l’apparition dans les leucocytes, à côté des gonocoques colorés, de granu- lations colorées, de sorte que certains leucocytes semblent com- plètement remplis de petites granulations rouges ; toute la cel- lule, excepté quelques petits interstices, paraît colorée en rouge intense. Peu à peu les gonocoques englobés par les phagocytes commencent à perdre leur coloration et, à la fin de la seconde journée, tous les leucocytes sont décolorés; sur quelques-uns seulement on observe encore un peu de coloration qui persiste indéfiniment. Tel est le tableau que présente au microscope du pus uré tral coloré par le rouge neutre; quelle que soit la durée de l’urétrite, le pus, coloré par ce procédé, ne se distingue en rien, au microscope, du pus d’une autre urétrite plus ancienne ou plus récente. Les gonocoques englobés par les phagocytes ne sont nulle- ment modifiés; ils conservent tout le temps leur forme en bis- cuit, même si l’on observe au microscope un seul et même leucocyte jusqu'à sa complète décoloration. Après ces observations sur les leucocytes de l’homme conte- nant des gonocoques vivants, j’en ai fait d’autres sur les leuco- cytes ayant englobé des gonocoques morts. Pour cela, je pre- nais deux parties de pus blennorrhagique; dans l’une je tuais les gonocoques et je la mélangeais avec l’autre où les gonocoques et les leucocytes étaient vivants; je centrifugeais ensuite le mélange. J'ai pu alors observer le phénomène suivant : dans un seul et même leucocyte, une partie des gonocoques qui avaientété certai- 676 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. nement englobés parlesleucocytes encore dans l’urètre, restaient non modifiés et conservaient leur forme caractéristique en biscuit; une autre partie de ces microorganismes, formée par des gonoccques morts et englobés, avaient un tout autre aspect: les gonocoques se gonflaient, perdaient rapidement leur forme caractéristique, se résolvaient ensuite en pere amas qui res- taient toujours fortement colorés. Dans mes expériences ultérieures avec les gonocoques, je procédais de la façon suivante : je provoquais chez les cobayes une leucocytose péritonéale par injection de bouillon, puis j’in- jectais dans le péritoine de ces animaux des cultures de gono- coques, les unes vivantes et les autres tuées, et du pus urétral qui contenait un nombre considérable de gonocoques. Dans tous ces cas, que les gonocoques injectés fussent morts ou vivants, le tableau microscopique était toujours le même. Les gonocoques, après s'être fortement colorés, gonflaient rapidement, perdaient leur forme caractéristique, se désagrégeaient en formant des granulations excessivement petites et très fortement colorées. L'aspect était le même que lorsqu'on fait agir les leucocytes de l’homme sur des gonocoques déjà morts. Ces faits sont analogues à ceux que j'ai observés dans mes recherches précédentes avec la tuberculose humaine et aviaire, Là aussi on était frappé de ce que les bacilles de la tuber- culose humaine se coloraient mal et ne se désagrégeaient pas dans les leucocytes de l’homme, tandis qu’ils se coloraient bien et se désagrégeaient dans les leucocytes des oiseaux. Inver- sement, les bacilles de la tuberculose aviaire se coloraient bien et gonflaient dans les leucocytes d’un mammifère, tandis qu'ils se. coloraient faiblement et en petit nombre dans les leucocytes des oiseaux. Nous avons observé un phénomène analogue avec les gonocoques ; dans les leucocytes de l’homme les gonocoques englobés, tout en se colorant très fortement, ne se colorent cependant pas tous et ne se désagrègent pas complètement. Dans les leucocytes d’un animal, réfractaire à l’infection blennorrhagique par injection intrapéritonéale, les gonocoques prennent une coloration intense, subissent rapidement toutes les modifications ullérieures, notamment le gonflement et la désagrégation. Cette coloration, qui s’etfectue pendant l’examen - microscopique, permet de juger du degré d'immunité que pos- LE ROUGE NEUTRE. 677 sède une espèce animale vis-à-vis tel ou tel microorganisme, ét cela non pas tant d’après l'intensité de la coloration que d’après le degré des modifications que subit le corps en- globé, et que cette coloration permet de constater. Si Le corps englobé n’a pas d'influence trop nocive sur le leucocyte intact, la coloration s’y effectue rapidement et est très intense, comme on l’observe, par exemple, pour la coloration des particules de tale englobés; parfois les choses en restent là, et malgré la colora- tion intense, c’est-à-dire malgré la réaction oxydante très pro- noncée du leucocyte sur le corps englobé, la cellule n’est pas en état de détruire ce corps. Nous observons ce phéaomène dans la phagocytose des gonocoques au cours de la blennorchagie, où le leucocyte réagit contre le gonocoque englobé. Ceux-ci exer- cent aussi une action nocive sur la cellule sans cependant l’altérer profondément. On voit donc que ces expériences, avec la matière colorante indiquent en quelque sorte l'immunité naturelle qui se mani- feste par l'influence destructive des leucacytes sur les micro- organismes qu'ils englobent. Les bacilles de la tuberculose, tout en étant englobés par les leucocytes des animaux, résistent bien à l'action de la cellule; aussi ne se colorent-ils que faiblement par le rouge neutre, et encore pas tous, et ils ne présentent pas de formes de destruction ultérieure. Le gonocoque qui est plus modifié par les leucocytes, se teint fortement, mais l’action ne va pas jusqu’à la mort du microbe. De même celui-ci sécrète des produits nuisibles à la cellule sans arriver cependant à lui faire perdre sa vitalité. Plato a attiré l'attention sur le fait suivant : Si l’on injecte du pus blennorrhagique dans la cavité périto- néale d’un cobaye, chez lequel on a provoqué préalablement la ‘ Tleucocytose par injection de bouillon, on constate, au bout de quelque temps, dans l’exsudat formé, que les leucocytes du cobaye englobent les leucocytes humains morts. Il arrive que des leucocytes du cobaye absorbent à la fois des gonocoques libres dans le pus, et des leucocytes humains bourrés de gono- coques. Dans ce cas, le rouge neutre colore fortementles noyaux du leucocyte humain et les gonocoques qui viennent d’être saisis, tandis que les gonocoques contenus dans la cellule englobée restent incolores, de mème que les noyaux dela cellule englobante. 678 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Plato, en parlant de l’oxydation du neutralroth dans la substance englobée et de sa désoxydation dans l'élément englo- bant, ne donne pas d’explication suffisante de ce phénomène. L'absence de coloration du noyau de la cellule englobante est du reste très compréhensible. En effet, il n’y a pas d’autodestruction de la cellule, son noyau bien vivant n’est pas coloré. Quant aux autres éléments englobés, gonocoques, leucocytes contenant des gonocoques, ils ne sont que des corps étrangers et comme tels devraient naturellement se colorer. Ce phénomène se produit en effet pour les gonocoques et pour les noyaux des leucocytes phagocytés ; mais, d'après Plato, les gonocoques inclus dans la cellule englobée ne se colorent pas. Je me suis demandé si la coloration des gonocoques n’était pas simplement masquée. Pour élucider cette question, je me suis servi d'une solution alcaline faible qui, pénétrant dans le leuco- cyte de la périphérie vers Le centre, amène des changements dans l’aspect de la préparation. En diffusant, l’alcali neutralise le milieu acide qui entoure les inclusions, et on voit que ce sont les gonocoques inclus dans la cellule englobante qui se déco- lorent tout d’abord, tandis que le noyau et les gonocoques de la cellule englobée apparaissent fortement colorés. Un peu plus tard survient la décoloration soit des gonocoques de la cellule englobée, soit des noyaux. Si ce sont les noyaux qui sont décolorés les premiers, on peut voir que les gonocoques de la cellule englobée sont teintés et qu’ils perdent peu à peu leur couleur sous l’action de l’alcali. | En me servant dans ces expériences de solutions d’alcalis de concentrations diverses, je suis arrivé à la conclusion que ce sont les solutions de potasse à 0,05 0/0 qui conviennent le mieux à cet effet. Avec des solutions d’alcalis de cette concentration, la décoloration s'effectue en 15 ou 30 minutes ; pendant ce temps on peut observer tous les changements de coloration dont je viens de parler. 4 goutte d’exsudat, déjà colorée par le rouge neutre, était mise sur une lame porte-objet avec 1 gouttelette de la solution alcaline, et j’examinais la préparation en goude pendante. Si l’on fait usage, pour la coloration des gonocoques, de solu- tionsplusconcentrées de rouge neutre, en prenantparexemple10, 20, 30, 40 et même 50 c. c. d’une solution aqueuse saturée à froid LE ROUGE NEUTRE, 679 pour 100 c. c. d'une solution physiologique de sel marin, on voit que ces solutions de neutralroth ne se distinguent en rien des autres couleurs d’aniline, à cause dela coloration foncée quimas- que la préparation. Il faut dissoudre la matière colorante dans le liquide physio- logique, car une solution dans l’eau distillée a une influence funeste sur la cellule et modifie sensiblement la coloration intravitale des substances englobées par les phagocytes. Dans toutes les expériences que je viens de décrire, les cellules phagocytaires n’ont subi aucune influence étrangère nocive, sauf celle de la subtance englobée parles phagocytes. Mais déjà Plato a attiré l’attention sur ce fait, que si l’on soumet les phagocytessoit à l’action d’une température élevée, soit à celle du sérum d’un animal d’une autre espèce, ou bien encore si l’on - diminue par la quinine les propriétés phagocytaires des-leuco- cytes, ôn peut constater que la vitalité de la cellule s’affaiblit et que la coloratior des corps persiste moins longtemps que dans le cas où les agents nocifs font défaut. En traitant les leucocytes contenant des inclusions colorées par une température élevée, ou par différents sérums, ou encore en diminuant leur résistance au moyen dela quinine, j'ai pu cons- tater dans tous les cas que plus les leucocytes subissent l’in- fluence nocive, plus la décoloration des inclusions survient rapidement. Si l’on détruit par la quinine les propriétés phagocy- taires des leucocytes, on peat voir que la coïoration ne s’effec- tue presque pas à l’intérieur de ces leucocytes. L’effet est le même que l’on fasse agir une température élevée, un sérum altérant, ou même si on emprunte les leucocytes à un animal affaibli; dans tous ces cas, les propriétés phagocytaires et oxydantes des leucocytes sont diminuées. Cette diminution de vitalité des leucocytes s'observe encore suivant que la phagocytose s’est faite in vivo ou in vitro. Des bactéridies charbonneuses sont injectées dans le péritoine d’un cobaye, une autre portion de la même culture de charbon est mélangée in vitro à un exsudat riche en leucocytes ; puis, on centrifuge et on examine simultanément en gouttes pendantes le liquide retiré du péritoine et celui resté en dehors de l’orga- nisme. 680 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR _ I y a une différence dans la coloration : les bactéridies char- bonneuses phagocytées in vivo se colorent un peu plus que les bactéridies phagocytées in vitro. Cette différence de coloration, tout en n'étant pas très grande, indique néanmoins que la moin- dre altération des leucocytes modifie leur action sur les subs- ances phagocytées. En dehors de l’organisme vivant,ils perdent leurs propriétés oxydantes vis-à-vis de la matière englobée. Il est très possible que les leucocytes de l’homme se trouvent dans une situation ana- logue vis-à-vis desgonocoques.Restésà l’intérieur de l'organisme, ils auraient pu développer plus d'énergie destructive. On pour- rait ainsi expliquer, en partie du moins, ce fait clinique que malgréla très grande fréquence de la blennorrhagiechezl’homme, les cas d’endocardites, d’arthrites et d’autres lésions indiquant une infection gonococcique générale de l'organisme, sont exces- sivement rares et n’ont commencé à être connus que récemment. Nous avons déjà examiné la nature des granulations qui se colorent dans les leucocytes n’ayant certainement rien englobé, granulations que la plupart des auteurs sont d'accord à consi- dérer comme résultat des échanges nutritifs ou, en d’autres termes, comme des substances étrangères à la structure de la cellule. Me basant sur mes recherches personnelles, je me rallie aussi à cette opinion en ajoutant qu’en effet on ne peut pas supposer que la cellule vivante, possédant toutes ses pro- priétés vitales, ait une tendance à l’autodestruction, à l’auto- oxydation. Je passe maintenant à l’opinion de Plato qui veut que seules les substances albuminoïdes phagocytées se colorent à l’intérieur de la cellule. Il est difficile d’admettre que cette première con- clusion de Plato soit péremptoirement démontrée, car j'ai vu une belle coloration intense par le rouge neutre des particules de tale et des flocons d’ouate, qui n’ont rien de commun avec les substances de nature albuminoïde. Toute substance phagocytosée se colorant par le rouge neu- tre, qu’elle soit morte ou vivante, organique ou inorganique, se trouve à l’intérieur du leucocyte dans ua milieu oxydant et se tinte en rouge. | Examinons maintenant l'opinion de Plato sur l’origine LE ROUGE NEUTRE. 681 de la coloration? D’après cet auteur, la coloration se pro- duit grâce à la diffusion de la matière colorante dans la subs- tance englobée; cette matière colorante s’y accumule en beaucoup plus grande quantité que dans la cellule englobante, et en plus elle subit la transformation de leuco-produit en oxy-produit. Cette interprétation pouvait être admise dans les expériences où Plato employait des substances qui se laissent imprégner par la couleur, comme les matières organiques mortes ou encore les bactéries vivantes qui sont pénétrées moins facile- ment; mais elle devient insuffisante à expliquer la coloration des particules de tale à l'intérieur du leucocyte. Le tale, corps cristallin, n’absorbe pas la couleur, et c’est en me basant sur ce fait que je voudrais donner une explication de la coloration des substances phagocytées. Je dois ici répéter ce que j’ai déjà dit plus baut, qu'avec une seule et même solution de neutralroth, l'intensité de la coloration dépend de l'acidité et de l’alcalinité du milieu coloré. On comprend que les leucocytes, qui possèdent naturellement une réaction faiblement alcaline, ue doivent pas se colorer par le rouge neutre, et en effet ils ne se teintent pas. Si Le talc englobé se colore, c’est que chaque fragment est entouré d’une zone de sécrétion acide produite par le leucocyte. C’est justement cette zone acide autour du fragment de tale qui se colore fortement par le rouge neutre présent dans la cellule. Le granuloplasme semble seul posséder les propriétés oxydantes, l’hyaloplasme n’y prend aucune part. 1l va sans dire que si la substance englo- bée par les phagocytes se laisse imprégner pas la sécrétion acide qui l’entoure, l'intensité de la coloration sera augmentée. Avec cette explication, la décoloration, qui se produit pendant la mort de la cellule, est beaucoup plus facile à inter- préter. : Le leucocyte, une fois mort, n’élabore plus de sécrétion acide; mais alors apparaissent les phénomènes de diffusion à l'intérieur même du leucocyte, et la réaction, naturellement alcaline de la cellule, neutralise le milieu acide autour.de l’in- clusion qui se décolore. De la rapidité de la mort de la cellule dépend aussi la rapi- dité de la décoloration ; de même la décoloration se produit dans l’hyaloplasme, lequel ne possède pas de propriétés oxy- 682 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. dantes. Pour les substances qui permettent la pénétration de la matière colorante dans leur intérieur, j’admets donc la colora- tion dans le sens propre du mot, quand la matière colorante se combine à la substance qu’on colore; mais je ne peux pas en dire autant des substances qui ne permettent pas la diffusion, comme, par exemple, le tale et les bactéries vivantes où il n’y a, à mon avis, qu'une coloration apparente, laquelle dépend de la sécré- ton acide du leucocyte entourant le corpuseule inclus et chan- geant la couleur du neutralroth qui s’y trouve. En effet, une bactérie vivante, qui se trouve en dehors du leucocyte et qui oppose une résistance à la diffusion, ne se colore pas du tout, tandis qu’une bactérie morte, qui se trouve dans les mêmes con- ditions, se colore, grâce à la diffusion, faiblement il est vrai, mais se colore tout de même. Le talc se comporte de la même façon que la bactérie vivante. Je peux dire que le rouge neutre possède la propriété de changer l'intensité de la couleur de ses solutions, suivant la réaction alcaline ou acide du milieu ambiant, et qu’il ne peut être comparé à d’autres couleurs d’aniline. M. Metchnikoff ‘ pense que les couleurs d’aniline ne peuvent colorer dans les leucocytes que des bactéries mortes. Gette opi- nion sur l’action des couleurs basiques d’aniline peüt aussi s'ap- pliquer, à mon avis, au neutralroth, qui ne diffuse pas et ne précipite pas dans les bactéries vivantes; mais avec cette matière colorante, grâce à sa propriété spécifique de changer de couleur suivant la réaction du milieu ambiant, on obtient une coloration certaine des bactéries même vivantes. L'intensité de la colora- üon dépend non pas de la diffusion et de la concentration du rouge neutre dans l'inclusion, mais des propriétés oxydantes des leucocytes; cela est surtout apparent dans les cas où les facultés vitales des leucocytes sont affaiblies soit par la tempé- rature élevée, soit par l’action du sérum d’autres animaux, ou par les poisons élaborés parles bactéries englobées par les phago- cytes. Ainsi, nous voyons dansle cas de phagocytosedes bacilles de Koch, par exemple, que les bacilles, tout en prenant la matière colorante, sont faiblement colorés et pas tous, en d’autres termes que les bacilles, en diminuant les propriétés vitales de la 4. Mercaxixorr, Ueber die Immunität bei Infectionskrankheiten mit beson- derer Berücksichtigung der Cellulartheorie, Lubarsch. Ostertag. Ergebnisse, 1, 1896. LE ROUGE NEUTRE. 683 cellule, se trouvent dans un milieu faiblement oxydant ou n’oxy- dant pas du tout. Nous pourrons constater facilement un autre fait en colorant le pus blennhoragique par le rouge neutre. Dans ce cas, quoique l’action toxique du gonocoque sur les leucocytes soit minime, puisque la coloration est intense, les leucocytes ne possèdent pas assez d'énergie pour que tous les gonocoques englobés soient colorés. Si le leucocyte renferme peu de gono- coques, 1, 2, 3 seulement, ces gonocoques se colorent tous; mais, s'ils sont en nombre considérable, on peut constater qu'il y a parmi eux desgonocoques non colorés.Or,commeil découle denos expériences queles microorganismes morts se colorent plus forte- ment, nous pouvons supposer que les formes non colorées représentent des gonocoques plus résistants, ayant des proprié- tés vitales plus prononcées. Cesgonocoques peuvent, peut-être, par eux-mêmesneutraliser le milieu ambiant acide sécreté par les cellules, et cette neutra- lisation paralyserait en partie l’action destructive des leucocytes sur les gonocoques qui y sont inclus. En colorant différentes cellules de l’organisme animal, j'ai pu voir que le noyau de certaines d’entre elles prend une légère coloration claire et que le proloplasma reste incolore, tandis que dans les autres le noyau prend une coloration rouge som- bre. Partant de ce fait que les substances qui possèdent une réaction acide, peuvent se colorer fortement par le rouge neutre, je peux conclure que les noyaux cellulaires ont une réaction acide par comparaison avec le protoplasma, et que le degré d’acidité des noyaux des différentes cellules n’est pas le même ; la réaction la moins acide s’observe dans les noyaux des cellules endothéliales, la plus acide dans ceux des cellules nerveuses. . Il serait certainement intéressant de définir chimiquement l'acide élaboré parle leucocyte, mais dans/’état actuel de la science nous n’avons pas encore de procédés pour exécuter de telles recherches. On peut seulement s'approcher plus ou moins de la solution. Me basant sur le fait que la nuance de la couleur des substances englobées par les phagocytes, et colorées par le rouge neutre, ne ressemble nullement à la couleur d’un mélange de cette matière colorante et des acides minéraux, où le reflet est violet, je suis enclin à supposer que l'acide élaboré par 684 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. les leucocytes doit être voisin des amido-acides ; en effet, les com- binaisons de ces derniers (la leucine, par exemple.) avec le rouge neutre ont une coloration rouge avec reflet rouge brique, sem- - blable à celle que nous avons observée pendant la coloration des substances phagocytées. Mais il n’est pas facile de démontrer la probabilité de cette hypothèse. Sans vouloir préjuger de l’avenir du rouge neutre, je crois que les observations déjà réunies sur ce réactif, ont un intérêt notable et que les observations ultérieures ne feront qu'augmen- ter nos connaissances sur ce chapitre très intéressant des pro- priétés vitales des éléments cellulaires en général et de leur lutte pour l’existence en particulier. En terminant mon travail, je tiens à exprimer ma profonde reconnaissance à mon très honoré maitre, M. le professeur Metchnikoff, qui m’a suggéré ce sujet d’études; je le remercie de sa direction éclairée, de ses savants conseils et aussi de lin- térêt si bienveillant avec lequel il atoujours suivi mes recherches. Nous prions M. le docteur A. M. Besredka, qui ne nous a jamais refusé ses conseils expérimentés durant tout le temps de notre séjour au laboratoire, d’accepter également nos meilleurs remerciements. CONCLUSIONS 1. Dans les leucocytes vivants, toutes les substances phago- cyvtées se colorent par le rouge neutre (1 c. c. de solution de rouge neutre saturée à froid pour 100 c.c. d’une solution physio- logique de sel marin). 2. Les granulations qui se colorent dans les leucocytes vivants, ne sont autre chose que des produits des échanges nutri- üfs ou des résultats de la sécrétion de ces leucocytes. 3. La coloration par le rouge neutre dépend des propriétés oxydantes des phagocytes. 4. La durée et l'intensité de la coloration des substances englobées par les phagocytes dépend des propriétés vitales de ces phagocytes et de l’action plus ou moins nocive qu’exerce sur eux la substance englobée. 5. L’hyaloplasme ne possède pas des propriétés oxydantes ou, ce qui revient au même, des propriétés colorantes. RL Seat Ac À CN RME LE ROUGE NEUTRE. | 685 6. A la mort de la cellule, le milieu qui entoure l'inclusion est neutralisé et cette inclusion se décolore. 7. Tous les facteurs qui affaiblissent la vitalité de la cellule ont une action analogue sur la coloration. 8. La coloration des cellules vivantes par des solutions plus concentrées de rouge neutre ne se distingue en rien de la colora- tion par les couleurs basiques non toxiques d’aniline. 9. La substance acide, élaborée par les leucocytes, semble êlre voisine des amido-acides. 10. La coloration des gonocoques vivants ou morts, englobés ou non par les phagocytes, ne diffère en rien de la coloration d’autres bactéries par le rouge neutre. SUR LES CILS COMPOSÉS Par E., MALVOZ Avec la planche X. Travail du laboratoire de l’Institut de Pathologie et de Bactériologie de l’Université de Liége. En 1890, Léæffler !, examinant une préparation de bacilles du charbon symptomatique traitée par la nouvelle méthode de coloration des cils, qu'il venait de découvrir, ne fut pas peu surpris d'y voir, à côté des microbes et de leurs flagellas, des formations toutes particulières, qui frappèrent vivement son attention. C’étaient de longues torsades, se résolvant à leurs extrémités en de fines spirales et traversant souvent tout le champ du microscope. Ces torsades se voyaient même dans les préparations non colorées. Leurs réactions colorantes étaient les mêmes que celles des cils proprement dits. - Lœffler les considéra comme des cils détachés des microbes et réunis en de véritable tresses, constituées par l’agglomération de nombreux flagellas. Il chercha en vain ces formations chez d’autres microbes, ce qui le portait a croire que c'était là quel- que chose de spécial au bacille du charbon symptomatique. Mais peu de temps après, Sakharof ? décrivait les mêmes torsades dans une culture d’un bacille qu’il avait isolé des selles d’un cholérique, et qu'il nomma bacillus asialicus. Ces forma- tions étaient, comme celles de Léœffler, visibles aussi bien à l’état incolore que dans les préparations traitées par les mor- dants et les réactifs colorants des cils proprement dits ; Sakharof considère ces spirales comme des ficelles composées de cils. Ce fut ensuite Novy * qui retrouva des éléments semblables dans des préparations colorées d’un bacille particulier de la famille du microbe de l’œdème malin. De notre côté, travaillant avec M. Wathelet, nous trouvions, véritablement par hasard, dans une culture sur gélose, vieille de 4. Untersuchungen über die Beizung und Färbung der Geisseln, Centralblatt für Bakteriologie, vol. VII, n° 20. 2. Saxxaror, Cils composés chez une bactérie trouvée dans les selles d’un cholérique, Annales de l'Institut Pasteur, juillet 1893. 3. Novy,.Ein neuer anaerober Bacillus des malignen Oedems, Zeitschrift für Hygiene, 1894, t. XVII, p. 209. SUR LES CILS COMPOSÉS, 687 2 jours, d’un bactérium coli isolé des selles typhiques, des. spirales rappelant celles que Lœæffler avait décrites, mais plus développées et plus typiques encore, Ces éléments se trouvaient en assez grande abondance dans des préparations colorées par la méthode de Léæffler, tantôt isolés, tantôt réunies en véritables amas de spirales. Le profes- seur Nuel, qui eut l’occasion de voir ces préparations à notre laboratoire, fut frappé de la ressemblance de ces formations avec des éléments spiralés qu'il venait de découvrir dans des cornées malades : il voulut bien en faire une étude microsco- pique très serrée dont il présenta Les résultats à l’Académie de Belgique !, Laissant de côté cette question des altérations spéciales de la cornée dans certaines maladies et des éléments particuliers qu'y a décrits M. Nuel, nous retenons, de la description qu'a faite le savant histologiste de nos préparations, qu’il ne peut rester le moindre doute sur la nature ciliaire de ces spirales. On voit, en effet, toutes les transitions entre de toutes petites spirales, dont les dimensions ne dépassent guère celles d’un eil ordinaire, et des spires géantes traversant tout le champ du microscope. Dans ces éléments énormes la disposition spiralée peut ne pas sauter aux yeux, mais en les étudiant plan par plan, la vis micrométrique à la main, on s’assure facilement qu'il s’agit bien d’un filament disposé en spirale et dont les divers tours de spire augmentent progressivement et graduellement de dimen- sion, en même temps qu’ils se serrent de manière à se toucher. Ils circonscrivent ainsi un fuseau qui, suivant la comparaison de M. Nuel, rappelle tout à fait certains blocs de tabac à mâächer, sauf qu’il n’y a qu'une seule couche de spires circonserivant un espace central fusiforme, occupé par une masse dont la nature est difficile à préciser. ; Ces spirales ont été vues dans la suite par divers observa- teurs, notamment par Fischer, chez d’autres microbes. On n’est pas encore fixé sur leur mode de formation. M. Nuel et d’autres observateurs les considèrent comme consti- - tuées par un seul cil détaché du bacille, ayant vécu d’une vie 4, Nuez, D'une maladie microbienne de la cornée, Bulletin de l’Académie de médecine de Belgique, 1893. 688 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. indépendante et ayant acquis ensuite des dimensions colossales, d'où la dénomination de « cils géants » qui leur a été donnée. Mais pour d’autres savants il s’agit de paquets de cils; ceux- ci, après s'être détachés des microbes, se sont entortillés, mais avec une telle régularité qu'il en est résulté de véritables spirales. C’est, nous paraît-il, Migula ! qui a fourni l'explication la plus satisfaisante de ces formations bizarres. Suivant ce savant observateur, il est inévitable que les cils d’un microbe, étant donné le peu d’espace dont les bacilles disposent dans un milieu de culture, s’entremélent parfois avec les cils d’un autre bacille. Deux cils n'arrivent pas toujours à se démêler et, ainsi unis accidentellement, les bacilles continuant à se mouvoir, il arrive un moment où il faut bien que l’un des cils se détache de lun des microbes, restant fixé à l’autre cil. Il est tout naturel qu’habituellement le cil détaché se fixe plutôt à la partie médiane ou à l’extrémité libre de l’autre cil, de là l'allongement de ce dernier. Dans ces conditions, ce cil ainsi allongé, par la superposition d'un autre flagellum, et conti- nuant à exécuter ses mouvements spiraloïdes, a plus de chances encore que précédemment de s’entremêler avec l’un ou l'autre cil d’un autre bacille, qui se détache à son tour et reste appli- qué sur la petite torsade déjà constituée. De nouveaux cils venant encore s'ajouter aux précédents et la petite masse conli- nuant à tourbillonner, il se forme bientôt des tresses de cils qui finissent par se détacher des bacilles et restent libres dans le liquide. On comprend très bien de cette manière, que lon puisse observer, dans une préparation, toutes les transitions entre de petites spirales formées de quelques cils entortillés et de longues spires qui en renferment un très grand nombre à cause des superpositions successives de cils détachés qu’elles entraînent avec elle. L'expression de « cils composés » parait donc plus exacte que celle de « cils géants ». Si nous nous sommes décidé à publier cette observation, c’est. d’abord que ces cils composés n'avaient pas encore été signalés chez le bacterium coli, mais c'est surtout à cause des magnifiques photogrammes que M. Albert Dubois, notre assistant, a réussi a en obtenir et qui montrent mieux que toutes 4. System der Bakterien, vol. 1, 1897, p. 1917: SUR LES CILS COMPOSÉS 689 les descriptions la beauté et la régularité de ces formations, ainsi que les dimensions colossales qu’elles présentent parfois par rapport aux bacilles eux-mêmes. On n’a pas encore publié jusqu’à présent des figures aussi démonstratives (voir planche X, fig. Let IT). La fig. 1 a été obtenue au moyen de l'objectif. E, oculaire à projection n° 2 de Zeiss ; la fig. IT, idem, avec l'objectif apochromatique immersion homogène 20 millimètres et l'oculaire à projection n° 2. Sur Ja dissociation des propriétés ajulatinante et sensibiisatrice DES SÉRUMS SPÉCIFIQUES Par Le Dr Azgertr DUBOIS Travail du laboratoire de l'Institut de Pathologie et de Bactériologie de l Université de Liége. Identifiées encore par quelques observateurs, les substances spécifiques des sérums antimicrobiens ou antihématiques, qui constituent les agglutinines et les sensibilisatrices ou fixateurs, sont de plus en plus considérées comme bien distinctes, malgré certaines propriétés communes, telles que la résistance au chauf- fage à 56°, à la putréfaction, àla lumière, etc., qui les distinguent des alexines ou cytases des sérums. Un des principaux faits qui ont été invoqués contre les partisans de l'identité des agglutinines et des fixateurs est la découverte, par Bordet et Gengou, de sérums contenant des sensibilisatrices spécifiques à la période de convalescence de la fièvre typhoïde, mais dépourvus de ces agglutinines si abondantes pendant le cours même de la maladie. Nous sommes parvenu à dissocier plus nettement encore les deux anticorps spécifiques, en étudiant comparativement les propriétés du sérum obtenu en injectant d’une part des hématies intactes, de l’autre des globules rouges préalablement chauffés à 1150. On sait qu'en traitant un animal par les globules du sang d'un autre animal, le sérum du premier devient agglutinant ‘et hémolytique pour les hématies du second, en d’autres termes ce sérum renferme une proportion considérable d’agglutinines et de sensibilisatrices spécifiques, qui, avec l’aide de l’alexine du sérum normal frais, produisent la destruction des globules. Mais on n'avait pas encore recherché ce qui se produit quand, au lieu d’injecter des hématies intactes, on introduit des globules rouges profondément modifiés par un chauffage dans la vapeur a 15° Nous avons réalisé ces expériences de la façon suivante. IL ne fallait pas songer à chauffer simplement du sang complet de poule (c’est l'animal que nous avions choisi pour ces essais, les 1. Borpet et GENGou, Substances sensibilisatrices dans la plupart des sérums autimicrobiens, Annales Pasteur, mai 1901. DISSOCIATION DES SÉRUMS SPÉCIFIQUES. 691 hématies d'oiseaux se prêtant très bien à l'étude de l’hémolyse). En effet, du sang défibriné, soumis à 115°, se prend en une masse oo cible: à injecter. Mais si on délaie les Roaes de poule, préa- lablement bienlavées dans l'eau physiologique, pour les débarras- ser des autres éléments du sérum, dans une proportion convenable d’eau salée à 9 0/00 (généralement 20 c. c. d’eau pour 3 c. c. d'hématies), on peut chauffer l'émulsion dans la vapeur à 115° pendant un quart d'heure et obtenir un liquide, trouble et flo- conneux il est vrai, mais se prêtant bien à une injection, surtout si l’on a soi d’agiter énergiquement et longtemps le flacon qui les contient. Au microscope, les hématies de poule chauffées sont encore reconnaissables au sein des flocons jaune brunâtre de l’émulsion. Nous avons injecté cette émulsion à un lapin sous la peau de la cuisse, en même temps que nous traitions, de la même façon un témoin par une émulsion d’hématies préparées de la même manière (mêmes proportions, etc.), mais non chauf- fées. La résorption des flocons de globules chauffés, s’est faite très facilement et très rapidement sans inflammation locale. Les injections ont été renouvelées 3 fois, à 8 jours d’in- tervalle. Le sang des lapins a été recueilli 8 jours après la der- nière injection. Le sérum frais du lapin, qui avait été traité par les hématies non chauffées de poule, produisait en quelques minutes in vitro la destruction des hématies fraiches lavées à la turbine et émul- sionnés en eau physiologique. Au contraire, le sérum frais du lapin qui a reçu les hématies chauffées à 115° ne produisait pas la moindre hémolyse, même après un contact de 24 heures. En chauffant le sérum du second animal à 56° pour le débar- rasser de son alexine, et en l’additionnant ensuite d’alexine très fraîche de lapin, on ne constatait pas davantage de pouvoir hémolytique sur les hématies de poule, tandis que le sérum chauffé du premier lapin montrait, dans les mêmes conditions, une forte action destructrice sur les hématies. Le sérum du lapin traité parles hématies de poule chauffées à 115° ne renferme donc pas de sensibilisatrices spécifiques. Contient-il des agglutinines ? Le sérum du lapin injecté d’hématies non chauffées agglu- tinait celles-ci jusqu’au titre de 1/80, mais le sérum de Fat 692 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. lapin renfermait lui aussi une assez forte proportion d'aggluti- nines, produisant encore la floculation des hématies au titre de 1/20. Il se produit donc moins d’agglutinines, toutes choses égales d’ailleurs, quand on injecte les globules très altérés par la chaleur, mais il s’en produit une certaine proportion, c’est 1à le fait essentiel. | Et ces agglutinines ne sont pas des anticorps banaux élaborés à la suite de lexcitation de l’organisme par les substances de l’émulsion chauffée : ce sont des substances qui n’agglutinent que les hématies de poule et nullement celles d’autres animaux, tels que le cobaye, le lapin, etc., ainsi que nous nous en sommes assuré. M. Defalle, au laboratoire de M. Malvoz, a observé, de son côté, que les microbes tels que les bacilles typhiques, mycoïdes, mesentericus, etc., chauffés à 115°, confèrent également au sérum un certain pouvoir agglutinant; mais les sensibilisatrices n'apparaissent pas dans ces conditions ‘alors qu’elles sont très faciles à décéler après l'injection de microbes non chauflés. Au contraire si, comme l’a fait M. Malvoz, on injecte des éléments comme des levures, qui possèdent une capsule différen- ciée très résistante, on obtient, même après résorption des levures chauffées à 115°, à la fois des agglutinines et des sensi- bilisatrices spécifiques pour ces éléments ‘. M. Defalle est arrivé au même résultat en injectant des spores qui, elles aussi, ont une paroi très résistante. Un autre fait que l’on peut constater après l’injection d’héma- ties de poule chauflées à 115°, c’est l'absence de pouvoir préci- pitant du sérum de l’animal injecté sur le sérum de poule. Nous avons inoculé deux lapins comparativement, l’un avec des hématies bien lavées de poule et intactes, l’autre avec des héma- ties, en même proportion, lavées et chauffées à 1150. Le sérum du premier produisait un fort précipité dans le sérum de poule, tandis que l’autre laissait ce sérum parfaitement limpide même après quarante-huit heures. Ce résultat peut être invoqué contre les auteurs qui soutien- nent l’opinion que la formation de précipités dans les sérums est la condition sine qua non de l’agglutination, puisque le sérum 4. Mazvoz. Le Diagnostic des maladies infectieuses par les anticorps microbiens, ‘Annales de la Société médico-chirurgicale de Liége, 1901. “4 DISSOCIATION DES SÉRUMS SPÉCIFIQUES 693 . d’un animal traité par des globules chauffées à 115° est agglu- . tinant et non précipitant, alors que celui de l’animal témoin, qui a reçu les mêmes globules non chauffés, est à la fois précipitant et agglutinant. Bordet était arrivé à la même constatation, mais par des expériences d’une autre nature ‘. On remarquera que dans nos essais l'injection des hématies lavées a été suivie de l’apparition de précipitines dans le sérum, Ce résullat diffère de celui qui a été obtenu par d’autres obser- vateurs. Il faut en chercher la cause, semble-t-il, dans les con- ditions particulières où nous nous sommes placé : le sang de poule, immédiatement après sa récolte, était défibriné par agitation avec des perles de verre, lavé plusieurs fois à la turbine | au moyen d’eau physiologique, puis les hématies étaient éten- dues de 20 c. c. d’eau salée pour 3 c. c. de globules. On a fait 5 injections de ce mélange de 8 en 8 jours. © 1. Borner, Annales Pasteur, 1899, page 235. ERRATA Errata du numéro 8 (août) 1902 : Travail de W. Defalle (enveloppe des microbes ae l’agglutination): page 598, lignes 30 et 36, au lieu de : eau salée à 9 0/0, lire : à 9 pour mille. — Page 610s ligne 22, au lieu de : levures moins digérées, lire : levures non digérées,. Travail de E. Malvoz (fixateur du sérum normal de chien) : page 627, ligne 16, . au lieu de : eau salée à 9 0/0, lire : eau salée à 9 pour mille, — Page 628, ligne 12, lire : microbes du charbon, au lieu de : microbes. Les deux travaux viennent des laboratoires de l'Institut de Pathologie et de Bactériologie de l’Université de Liége. RECHERCHES SUR LE MICROBE DE LA * LOQUE ” MALADIE DES ABEILLES Par Le D' Ur. LAMBUTTE Travail du laboratoire de l'Institut de Pathologie et de Bactériologie de l'Université de Liége. Comme les vers à soie, dont les maladies furent l’objet des études préférées de Pasteur, les abeilles, ces autres insectes travailleurs, paient leur tribut à des infections variées, parmi lesquelles la loque est la plus redoutée des apiculteurs. Cette maladie est connue depuis des siècles, et au dire de Francis C. Harrison *, qui a publié la bibliographie la plus com- plète que nous possédions sur la loque, les anciens, grands éleveurs d’abeilles, redoutaient déjà cette véritable peste des ruchers. ae Tous les apiculteurs savent bien reconnaître la loque, qui frappe de préférence les larves en voie de développement. On reconnaît facilement, dans une ruche, les cellules renfermant les larves malades, à la coloration plus foncée de l’opercule, qui est déprimé vers le centre et percé généralement d’une petite déchi- rure due, croit-on, à l’échappement des gaz développés au -sein de la larve malade. En brisant l’opercule, on trouve, au lieu d’une belle larve opaline bien vivante, une masse flasque, jaune ou jaune brunâtre, noirâtre même, à un stade plus avancé de la maladie; cette larve malade est visqueuse, filante et dégage une odeur nauséabonde, spécifique de la loque. Les ravages que cette maladie exerce dans les ruches peuvent être très considérables. Dans les circonstances les plus favorables, lorsque les abeilles sont bien vigoureuses, on les voit arracher les parois des cellules contenant les larves malades et se livrer à leur nettoyage complet en emportant au dehors les produits mor- bides; bientôt, elles rebâtissent de nouvelles cellules et la maladie semble s'arrêter. Mais si celle-ci prend de l'intensité, 1. The foul brood of Bees, « Bacillus Alvei », Centralblatt fur Bakteriologie, 1900. Pages 421 et 513 (Zweite Abtheilung), TR NN ST TER RECHERCHES SUR LE MICROBE DE LA LOQUE, 695 ou bien si les abeilles ne sont pas très vigoureuses, on les voit s’agiter au trou de vol, véritablement désespérées, et bientôt elles renoncent à butiner. La maladie, au dire des apiculteurs, pourrait se propager de ruche en ruche et de localité en localité. Il est inutile d’insister sur la perte considérable que constitue une invasion de loque dans un rucher, la mortalité du couvain amenant la dépopulation, et la reine, de son côté, ne trouvant plus de place pour la ponte. On considère généralement la loque comme due à un bacille tout particulier, spécifique, qui a fait pour la première fois l’objet d’une étude véritablement scientifique vers 1885. Ce fut Watson-Cheyne et Cheshire qui découvrirent dans les larves loqueuses des bacilles qu'ils isolèrent et cultivèrent, et auxquels ils donnèrent le nom de Bacillus alveif. Ils recon- nurent que ce microbe donnait des spores presque aussi grosses que les bâtonnets eux-mêmes. Le bacillus alvei peut être cultivé facilement sur gélatine, gélose, sérum, lait, pomme de térre, etc. Ce microbe fut bientôt accepté par tous ceux qui s’occupent d’apiculture et on le considère comme un bacille nettement spécifique, essentiellement pathogène au même titre que les .bacilles de la peste et du choléra dans l’espèce humaine, n’envahissant les larves qu'après avoir été apporté du dehors dans la ruche par une véritable infection externe. La loque n’a cessé de préoccuper les apiculteurs et de faire l’objet de discussions passionnées au sein de leurs journaux et de leurs congrès : c’est que l’étude bactériologique de Watson- Cheyne et Cheshire est loin d’avoir résolu une foule de points concernant l’étiologie de cette maladie. Bien des faits d’obser- vation d’épidémies loqueuses, survenant en dehors de toute infection de voisinage, ne reçoivent pas une interprétation satis- faisante si on admet la spécificité absolue du bacillus alvei. Aussi, en 1900, la Société d’Apiculture du bassin de la Meuse sollicita-t-elle un crédit du ministère de l'Agriculture de Bel- gique, en faveur de l’Institut de bactériologie de l'Université de Liége, pour une nouvelle étude scientifique de la loque. Ce crédit fut très généreusement accordé, et M. Malvoz, directeur 4. The pathogenic History under cultivation of a new Bacillus (2. alvei), Journal of the royal Microscopical Society, 1885. 696 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR, de cet Institut, voulut bien nous charger des recherches spéciales qu’il fallait exécuter. . Un matériel d’études fut bientôt à notre disposition, grâce à appel qui fut adressé aux apiculteurs dans les journaux spé- ciaux. Nous avons reçu de nombreux rayons loqueux prove- nant des régions les plus variées du pays. Un simple examen microscopique des larves malades nous fit faire connaissance de suite avec les spores décrites par Watson et Cheshire. Il suffisait d’étaler sur porte-objet une parcelle de larve filante, de dessécher, de colorer par la fuchsine ou le violet de méthyle, et de laver ensuite à grande eau, pour retrouver au sein des détritus des spores plus ou moins nom- breuses, ovoïdes, souvent accolées parallèlement au nombre de 3, 4, 5, 6 éléments. Cette méthode de coloration rapide teint seulement l’enveloppe de la spore dont le contenu reste incolore. Le plus souvent, on ne voit, comme éléments microbiens, que des spores dans les préparations. Les bacilles décrits comme bacillus alvei y sont rares. De plus, on note presque toujours l’absence de ces microbes variés (bacilles, bactéries, micro- : coques) qui pullulent dans tous les cadavres. | Cette constatation nous surprit beaucoup, car nous nous attendions à trouver, dans un milieu aussi putride que des larves loqueuses, renfermées dans des rayons malpropres et enlevés des ruches depuis plusieurs jours, toute la série des microbes variés que l’on trouve dans toutes les substances organiques en décomposition. Il devait certainement y avoir parmi les produits que renferme une larve malade des substances empêchant le déve- - loppement des microorganismes de la putréfaction. En effet, si on se contente de plonger une anse de platine dans une larve loqueuse et d’ensemencer des tubes de gélatine, de gélose ou de bouillon, on constate que ces milieux restent stériles. Les choses se passent comme si une substance antiseptique avait été ajoutée au milieu de culture, empêchant la germination aussi bien des spores de la loque que des microbes vulgaires. Cette observation n’avait pas échappé à Watson-Cheyne et Cheshire qui disent que, pour obtenir des cultures, il faut ense- mencer des larves malades fraîches, l'exposition à l’air pendant 2 ou 3 jours suffisant, d’après eux, pour tuer les spores. RECHERCHES SUR LE MICROBE DE LA LOQUE. 697. Or, cela est en contradiction avec les propriétés bien connues des spores microbiennes, qui résistent pendant des années aux agents extérieurs. Du reste, nous n’avons jamais réussi à obtenir des cultures du microbe, même en ensemençant une anse de platine plongée dans des larves malades très fraiches. Ce n’est qu’en lavant au préalable les produits loqueux dans une grande quantité de bouillon stérile, qu’on réussit à faire proliférer les spores dans les cultures, Sans aucun doute, les larves malades contiennent des substances jouant véritablement le rôle d’antiseptiques vis- à-vis des spores. Il faut délayer les spores dans un grand excès de liquide indifférent pour annihiler l’action empêchante de ces substances; on a signalé des produits du groupe de l'acide formique dans les ruches d’abeilles, c’est peut-être à ces substances du miel qu’il faut attribuer la difficulté de la culture des spores. Les bacilles que la germination de ces spores met en hiberté dans les milieux de culture sont de grands bäâtonnets mobiles, à extrémités arrondies, de 3 à 5 w de longueur. Ils prennent le Gram. La méthode de coloration des cils de M. Van Ermengem montre des bacilles entourés d’une enveloppe de laquelle partent 10, 12, 15 cils longs et flexueux. Les spores qui se forment après un certain temps sont bien celles qui ont été décrites par Watson-Cheyne. Les bâtonnets se renflent considérablement là où se forme la spore, et comme les bacilles sont souvent accolés parallèlement, après leur dispari- tion, les spores restent groupées de la même façon. Le microbe pousse bien sur gélatine et sur tous les milieux usuels des laboratoires. Sur gélatine, en plaques, on voit, après { ou 2 jours, des colonies profondes, peu caractéristiques, et des colonies superficielles; celles-ci sont de fines pellicules à bords irréguliers, montrant au microscope des stries ondulées paraissant correspondre à l’existence de plis dans fa colonie. Bientôt, cette pellicule se liquéfie à son centre, et la colonie se fond et se désagrège dans le liquide. Le lait stérilisé, ensemencé de ces bacilles, se coagule d’abord, puis une partie du coagulum se redissout. Sur pomme de terre, il se forme une couche grisâtre, festonnée. Le sérum coagulé est rapidement liquéfié. En poursuivant l'étude des caractères de ce microbe dans les » 698 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. divers milieux de culture, nous fûmes bientôt frappé des grandes ressemblances que présentait ce bacillus alvei, spécifique de la loque, avec un microbe bien connu dans les laboratoires de bactériologie, le bacillus mesentericus vulgaris ; mêmes caractères microscopiques, mêmes spores, même appareil ciliaire, même développement dans la gélatine. Nous possédions dans la collec- tion de l’Institut de bactériologie un bacillus mesentericus type; néanmoins, pour compléter cette étude comparative, nous demandâmes à M. Binot, de l’Institut Pasteur de Paris, des échantillons de ses divers mésentéricus. Nous avons alors procédé à des ensemencements comparés ‘de tous ces divers microbes, et nous avons acquis la certitude absolue que le bacillus alvei, considéré par les apiculteurs comme une espèce microbienne spécifique, n’est qu’une variété d’un germe très banal, le bacillus mesentericus vulgaris, très répandu dans les milieux extérieurs, notamment sur les végétaux. Sur gélose, sur pomme de terre, sur gélatine en tubes et en plaques, sur bouillon, sur sérum, sur lait, le bacillus alvei ne se différencie pas du bacillus mesentericus. Que l'on note bien que nous avons opéré non pas avec un seul bacillus alvei isolé d’une larve loqueuse, mais avec de nombreux échantillons provenant de ruchers loqueux, envoyés de diverses régions du pays. Toujours les bacillus issus des spores, après lavages de celles-ci, ont montré les caractères du bacillus mesentericus. D'ailleurs, la des- cription donnée par Watson-Cheyne et Cheshire est bien celle d’un bacillus mesentericus ; à l'époque où le travail de ces obser- valeurs a paru (1885), on connaissait mal le bacillus mesentericus, il n’est pas étonnant que l’on ait pris pour un germe tout particulier et spécifique un microbe en réalité fort banal. L'identité est particulièrement remarquable dans des milieux tels que le lait et la mie de pain. Sur lait, en tubes, le bacillus alvei et le bacillus mesentericus vulgaire produisent d'abord la coagulation de la caséine ; puis celle-ci est de nouveau liquéliée en partie. Le liquide se sépare alors en trois couches : une cou- che supérieure formée d’une sorte de crème visqueuseet filante, remplie de bacilles ; une couche moyenne plus claire, non vis- queuse ; une couche inferieure formée de caséine non dissoute. L'odeur est fade, urineuse. Sur de la mie de pain mouillée et stérilisée, en flacons d'Érlenmeyer, les deux microbes poussent RECHERCHES SUR LE MICROBE DE LA LOQUE,. 699 très bien et, particularité curieuse, le pain devient filant, tout comme les larves loqueuses. Mais la similitude des deux microbes apparaît encore bien mieux quand on fait l’étude de leurs anti-corps. On sait que l’un des meilleurs critériums que l’on possède actuellement en bactériologie pour l'identification des espèces microbiennes est leur sensibilité aux sérums dits spécifiques, renfermant deux sortes de substances n’agissant bien que sur le microbe en jeu, les agglutinines et les sensibilisatrices. Pour élucider définitivement la question de l'identité ou de la non- identité du bacille de la loque et du bacillus mesentericus, iden- tité déjà très vraisemblable d’après la comparaison de leurs caractères de morphologie et de culture, nous avons injecté à une série de cobayes des émulsions de ces deux microbes. Ces émulsions étaient obtenues en broyant, dans la même quantité d’eau salée physiologique, les dépôts dela culture sur gélose des deux bacilles. Après quatre injections, espacées de huit en huit jours, on recueilie le sérum de ces animaux. Tandis que le sérum normal de cobaye se montre dépourvu de propriétés agglutinautes sur le bacillus alvei et sur le bacillus mesentericus, le sérum des cobayes traités par le bacillus alvei agglutinait les émulsions de ce dernier jusqu’au titre de 1 p. 300 et le bacillus mesentericus au titre de 1 p. 250. Inversement, le sérum des cobayes injectés de bacillus inesentericus agglutinait le mesentericus aussi bien que lalvei au titre de 1 p. 250. Les microbes autres que ces deux bacilles ne subissaient aucune agglutination à ces dilutions des sérums. On obtient des résultats identiques en recherchant les sensi- bilisatrices spécifiques par la méthode de Bordet-Gengou!. I est inutile de transcrire ici les détails assez compliqués de cetterecherche, bienconnuedesbactériologistes. Qu'ilnous suffise de dire que le sérum d’un animal traité par le bacillus alvei a la propriété de sensibiliser, c’est-à-dire de rendre ce microbe apte à fixer l’alexine des sérums normaux, aussi bien le bacillus alvei que le bacillus mesentericus et réciproquement, et cette propriété n'existe que vis-à-vis de ces deux microbes. . Il n’est pas un bactériologiste qui, mis en présence des 1. Bonnet et Gexçou, Substances sensibilisatrices dans la plupart des sérums antimicrobiens, Annales Pasteur, mai 1901. 100 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. résultats de cette étude comparative, n’acquière la conviction que le bacille de Watson-Cheyne et Cheshire n’est autre que le bacil- lus mesentericus vulgaris. * #* # Cette question de l’identité du microbe étant résolue, com- ment faut-il se représenter la pathogénie de la loque? Il n’est pas douteux que l’affection ne soit due au bacillus mesentericus : on ne trouve, en effet, que ce microbe au sein des larves mala- des ; celles-ci sont visqueuses, filantes, tout comme certains milieux de culture (pain mouillé notamment) ensemencés de bacillus mesentericus ou de bacillus alvei. La maladie des abeilles serait donc due, non pas à un microbe tout particulier dont l'apparition ne s’observe qu'au cours des épidémies de loque — les choses se passent ainsi dans l'espèce humaine pour la peste, le choléra, etc. — mais à la pullulation intempestive au sein des larves d’un germe fort vulgaire, très répandu dans les milieux extérieurs et acquérant à un moment douné, pour l’une ou l’autre cause, les qualités d’un microbe pathogène. Des faits de ce genre sont excessivement fréquents en pathologie humaine. Nos muqueuses normales sont le réceptacle de microbes banaux, habituellement inoffensifs — tels que les streptocoques, les staphylocoques, le bacteriwm coli, etc. — qui, dans certains cas, sans que l’on puisse toujours déterminer les conditions de cette exaltation de virulence, deviennent pathogènes et provoquent des troubles graves de la santé. La virulence de ces micropara- sites peut même devenir telle, que ces germes, éliminés par le malade, deviennent très dangereux pour lessujets sains et, sans qu’il y ait prédisposition apparente chez ces derniers, sont capa- bles d’y provoquer de nouveau une maladie infectieuse et con- tagieuse, Il faut bien admettre que le bacillus mesentericus joue vis à vis des larves d’abeilles le même rôle que les streptocoques. bacte- rium coli et autres microparasites de l’homme normal. En fait, nous avons retrouvé le bacillus alvei chez des abeilles et des lar- ves saines; seulement le nombre des germes y est infiniment moins considérable que dans une larve loqueuse. Lorsque l'on fait des cultures d’abeilles et de larves non malades, on n’observe jamais le développement de microbes appartenant aux espèces habituelles des muqueuses des animaux supérieurs à J RECHERCHES SUR LE MICROBE DE LA LOQUE. 101 l’état de santé {bacterium coli, streptocoque, ete.) Mais on obtient du bacillus mesentericus et du bacillus subtilhs, espèces à spores très résistantes et très répandues dans les milieux extérieurs, notamment à la surface des végétaux. Pourquoi, à un moment donné, dans une ruche pleine de larves, le bacillus mesentericus se met-il à attaquer ces dernières, à proliférer dans les tissus et à provoquer toutes ces altérations qui constituent la loque? Il faut bien admettre que les larves ont dû se trouver dans des conditions anormales, qui ontmodifié profondément la résistance physiologique de leurs tissus aux microbes présents habituellement autour d'elles et dans leur tube digestif. Le bacillus mesentericus est d’ailleurs coutumier de ces méfaits. C’est lui qui provoque cette maladie si curieuse du pain filant: dans certaines conditions mal connues encore de fermentation anormale du pain, ou de mauvaise conservation de ce dernier, on voit la pâte prendre un aspect filant tout parti- culier. Le professeur Laurent, de Gembloux, a étudié autrefois cette maladie du pain et il a décrit comme agent causal un bacille qu’il a dénommé : bactérie de la fermentation panaire _La question a été reprise par d’autres et l’on sait aujourd'hui que ce microbe n’est autre que le bacillus mesentericus . Vincent, dans un remarquable travail, a montré que l’on pouvait, par une éducation progressive, transformer des micro- bes saprophytes, notamment Le bacillus mesentericus, en microbes pathogènes, et créer artificiellement, avec leur aide, des maladies expérimentales analogues à celles que provoquent les agents infectieux usuels ?. Le fait que ces microbes vulgaires, très répandus dans les milieux extérieurs, peuvent devenir les agents de maladies graves, a été établi pour la première fois par Pasteur, précisé- ment dans sa magistrale étude des maladies des vers à soie, qui présentent tant de rapports avec l'affection que nous étudions. Pasteur avait parfaitement noté que les vers à soie peuvent devenir malades, non seulement à la suite de l'attaque des corpuscules, germes très spécifiques, mais aussi quand, mal nourris, mal entretenus, leurs tissus n’opposent plus de résis- 1. Bulletin de l'Académie Royale de Belgique, 3° série, t. X, 1885. 2. VincenT, Sur les aptitudes pathogènes des microbes saprophytes. Annales Pasteur 1898, n° 12. 702 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR tance sufiisante à l'invasion des bacilles vulgaires de leur tube digestif. C’est alors la maladie de la flacherie, toute différente de celle due aux corpuscules. La flacherie n’a plus guère été étudiée depuis Pasteur : nous croyons que si cette étude était reprise, à la lumière des connaissances actuelles, l’on décou- vrirait peut-être que, tout au moius l’une des formes de cette flacherie est due à des microbes de la famille du mésentéricus. Bien qu'il soit difficile de réaliser expérimentalement les conditions naturelles d’une infection, nous avons tenté des essais de production artificielle de la loque dans une ruche au moyen du bacillus mesentericus et du bacillus alvei. Nous avons réussi à conduire à bonne fin l’éducation d’une ruche à l’Institut même, aidé en cela par les conseils d’apicul- teurs éclairés de la Société du Bassin de la Meuse. (MM. Pirotte, Stroven et Sior.) Quand nous avons été en possession de larves bien vivantes, dans notre ruche en pleine prospérité, nous en avons tué quelques-unes par simples piqûres, et nous avons répandu autour d'elles, dans leurs cellules, quelques gouttes d’émulsionde culture sur gélose de bacillus mresentericus. Le gâteau ainsi ensemencé a été remis en place dans la ruche. Après trois jours, les abeiïlles avaient déjà complètement nettoyé les loges des larves tuées, où il ne restait plus traces ni de larve ni de culture. Des tentatives répétées pour produire laltération loqueuse de cette façon ont toujours échoué. Mais si au lieu de cultiver le bacillus mesentericus sur gélose putritive ordinaire, on le fait se multiplier sur un milieu tout spécial, préparé avec des larves d’abeilles elles-mêmes, on obtient des résultats tout différents. Après avoir recueilli une grande quantité de larves, on les broie, on les iriture et on compose avec elles un bouillon nutritif, suivant la formule habituelle des laboratoires. Le mésentericus pousse abondam- ment dans ce bouillon et également dans la gélose, la gélatine préparées avec ce bouillon de larves. Après une série d’ense- mencements successifs, on obtient une race spéciale de bacillus mesentericus. À l’aide de cultures de celle-ci, on recommence des essais de production de la loque dans une ruche saine. Au premier essai, fait dans des conditions identiques à celles qui avaient été réalisées antérieurement, on constate, RECHERCHES SUR LE MICROBE DE LA LOQUE. 703 après quatre jours, que plusieurs des loges ensemencées ne sont pas nettoyées. Leur contenu est grisätre et filant, absolu- ment comme le contenu de cellules loqueuses. Les loges oper- culées présentent une petite déchirure dé l’opercule, encore une fois comme dans la loque. La seule différence entre nos couvains rendus loqueux et un couvain provenant d’une ruche atteinte de la loque naturelle, est que le nombre des larves malades est moindre dans nos conditions artificielles. La cinquième partie environ deslarves ensemencées au moyen du bacillus mesentericus exalté est devenue loqueuse; les autres cellules ont été débar- rassées et nettoyées de leur contenu par les abeilles. Au microscope, on constate la présence, dans le contenu filant des cellules, d’un bacille en tout semblable au bacillus alvei de Watson-Cheyne. Quelques jours après, ce contenu est surtout riche en spores caractéristiques pour la plupart du bacillus alvei et du bacillus mesentericus. Cette expérience positive a été réalisée au-déclin de l'été, à un moment où la vie dans la ruche était considérablement ralentie et où la reine-mère ne pondait presque plus. Nos résultats relativement heureux d’inoculation doivent être attribués d’une part à la modification subie par le bacillus mesentericus cultivé en bouillon de larves d’abeilles, et d'autre part à ce que les essais de production de la loque ont été tentés à un moment de l’année où l’activité de la ruche avait beaucoup diminué. Cette seconde circonstance est probablement la plus importante : en effet, une ruche se trouvant dans d'excellentes conditions, au début de l’année, en pleine prospérité, ensemencée à diverses reprises, tantôt avec le bacillus alvei, tantôt avec le bacillus mesentericus provenant d'une culture en bouillon de larves, ne s’est jamais laissée envahir par la loque. CONGLUSIONS :. 4, — Le bacillus alvei, décrit par Watson-Cheyne et Cheshire comme l’agent spécifique de la maladie loqueuse des abeilles, n'est autre qu'une variété d’un microbe banal, irès répandu dans la nature, le bacillus mesentericus vulgaris. 2. — Le bacillus mesentericus peut se rencontrer dans les 4. Les principales conclusions de ce mémoire ont été présentées en 1900, au Congrès des Apiculteurs de Dinant, (Belgique.) 704 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. ruches saines, aussi bien dans les cellules des gâteaux que dans le contenu intestinal des abeilles. 3. Le bacillus mesentericus produit par sa pullulation dans les tissus des larves les altérations caractéristiques de la loque. Ces données, basées sur les constatations expérimentales, doivent être prises en considération par les apiculteurs. Certes, on ne peut exclure, «à priori, quand la loque apparaît dans une ruche, l’arrivée du bacille par le dehors, soit par les abeilles butineuses souillées au contact d’abeilles d’une ruche loqueuse, soit par la cire ayant servi à la préparation des rayons artificiels et renfermant des spores provenant d’une ruche malade. Mais l'apiculteur ne doit pas toujours chercher au dehors les causes de la maladie de ses ouvrières, et accuser le voisin des désastres qu’il observe dans son rucher. Comme la flacherie des vers à soie, la loque doit résulter souvent de mauvaises conditions, mal déterminées encore, il est vrai, mais dont la réalité n’est pas douteuse, de nutrition et d'hygiène de la ruche et de ses habitants. C’est donc avant tout (et ce n’est pas seulement aux mala- dies des abeilles que s'applique cette vérité), l'hygiène, dans toutes ses exigences, qui doit être la préoccupation de lapi- culteur. Certes, en cas de loque, celui- ci doit neutraliser radicalement le foyer d'infection : la grande résistance bien coñnue des spores du bacillus mesentericus aux agents chimiques — tels que la formaline, le sublimé, l’acide phénique et les désinfectants usuels en général — doit faire rejeter toutes ces substances comme n'ayant que des effets illusoires et faire adopter la seule pratique efficace, la destruction par le feu des ruches atteintes. Mais la loque ne disparaîtra pas d’un rucher, eût-on détruit toutes les spores des larves malades, si l’on ne veille pas à la rigoureuse observation des lois de l’hygiène apicole : le bacillus mesentericus est tellement répandu dans la nature qu'il envahira de nouveau les larves si les délicats habitants de la ruche ne sont pas placés dans les conditions normales indispen- sables à leur développement. Sceaux. — Imprimerie Charaire. - Le Gérant : G. Masson. {6ne ANNÉE 25 OCTOBRE 1902 N° 10 ANNALES L'INSTITUT PASTEUR SUR LE SORT DES BAGILLES DE LA LÈPRE DANS L'ORGANISME DES ANIMAUX (COBAYES) Par le D' W.-W, IWANOW (ne Saint-PéTERsBouRG) (Travail du laboratoire de M. Metchnikoff, avec les PI. XI et XII.) C'est en 1873 que Hansen a découvert la présence, dans les lépromes, d’un bacille spécifique. En 1881, Neisser a démontré que, par ses caractères morphologiques, ce bacille appartient à la catégorie de ceux qui ne se décolorent pas par les acides. Depuis, le bacille de Hansen-Neisser à été constaté dans les tissus frappés par le processus lépreux, avec une cons- tance et en quantité telles qu'il est désormais impossible de mettre en doute la nature infectieuse de la lèpre. Et pourtant les conditions et le mode de pénétration de ce bacille dans l'organisme humain demeurent inconnus, et l’on continue même à discuter sur la possiblilité de la transmission directe de la lèpre d'homme à homme. Ce qui rend actuellement la solution du problème difficilement abordable, c’est l'impossi- bilité de recourir à la démonstration expérimentale. En effet, tous les efforts pour cultiver le bacille de la lèpre sur des milieux artificiels sont restés jusqu'à présent vains, ou bien n’ont abouti qu’à des résultats peu probants. Il en est de même des tentatives d’inoculation de la lèpre aux animaux. Les expériences ont été surtout faites sur des lapins et des cobayes; un certain nombre d’inoculations ont été pratiquées sur des chats, des chiens et sur diverses espèces de singes. On A6 706 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. a également cherché à inoculer la lèpre aux porcs, à des oiseaux (poules, pigeons, perroquets), à des poissons de mer et d’eau douce, aux souris domestiques; il faut enfin signaler quelques essais d'inoculation aux chèvres, ânes, souris blanches, rats blancs et grenouilles. Le mode d'inoculation auquel on recourt le plus volontiers est la transplantation de lépromes excisés, dans la chambre antérieure de l’œil, dans la cavité péritonéale, sous la peau, sous la dure-mère céphalo-rachidienne. | Dans un nombre de cas relativement restreint, on s’est servi d’émulsions préparées avec des lépromes excisés, ou bien de sang obtenu par scarification des lépromes cutanés. Les inoculations ont été pratiquées aussi dans les muscles, le sang, la peau et la pituitaire. On à également employé le pus d’ul- cères lépreux, le dépôt urinaire des sujets atteints de lèpre, ainsi que divers organes provenant de cadavres des lépreux. La plupart des auteurs, avec Hansen, Neisser, Kübner, arrivent à la conclusion que jusqu'à présent on n’a pas encore réussi à inoculer la lèpre aux animaux. Quelques-uns, cepen- dant, croient avoir provoqué chez les animaux inoculés la pro- duction de lépromes locaux, mais sans généralisation du pro- cessus morbide. Ainsi, Neisser, dans ses premières expériences, était tenté de croire à la possibilité de provoquer chez le chien un léprome au point inoculé ; mais de nouvelles et nombreuses expériences lui montrèrent qu'il n’en était rien. Sans nous y arrêter, nous allons résumer en quelques mots les essais de Damsch et de Vossius. La plupart des nombreuses expériences de Damsch ont donné des résultats négatifs, mais il considère les quatre sui- vantes comme démontrant la possibilité d’inoculer la lèpre aux animaux. On transplante des fragments de lépromes dans la chambre antérieure de l'œil sur deux lapins. Au bout de 3 à 5 se- maines, il se développe chez tous les deux une opacité, en stries, de la cornée, qui ne cesse de progresser jusqu'à la mort et qui s’est installée sans être précédée de phénomènes inflam- matoires. Au 4° mois, on constate chez l’un des lapins, une femelle, des troubles cérébraux, sous forme d’hémi-contracture sauche des muscles de la nuque, des mouvements fréquents de - SUR LE SORT DES BACILLES DE LA LÈPRE, 107 rotation du corps autour de l’axe longitudinal, du strabisme et du nystagmus de l’œil inoculé; 139 jours après linoculation, l'animal succombe à une péritonite suppurée post-puerpérale. Chez le deuxième lapin, des phénomènes cérébraux analogues se montrent au 6° mois,etla mort survient le 219 jour après l’inocu- lation, avec amaigrissement excessif et convulsions toniques et cloniques du côté gauche de la face et des membres droits. A l’autopsie on trouve, à l'examen des yeux inoculés, une opacité en stries et une vascularisalion de la cornée, au niveau du frag- ment transplanté, avec, tout autour, de petits nodules jaunâtres faisant saillie dans la chambre antérieure. Ces nodules, par leur confluence, occupaient la plus grande partie de la moitié inférieure de la chambre antérieure de l'œil. Sur la membrane de Descemet et la cristalloïde antérieure, il y avait des dépôts blanc jaunâtre, sous forme de points ou de stries. L'iris est très injecté et tuméfié. L'examen microscopique démontra que l'iris et le corps cilaire sont infiltrés de grosses cellules contenant des bacilles lépreux et disposées en bandes. Les dépôts se composent de cellules rondes contenant un plus ou moins grand nombre de bacilles. Le tissu de nouvelle formation développé autour du fragment implanté est formé par du tissu granuleux composé de cellules épithélioïdes, rondes et fusiformes, avec, dans leur intervalle, une petite quantité de cellules contenant des bacilles. Tous ces produits sont tellement riches en bacilles, qu’on est obligé d'admettre une multiplication des bactéries inoculées, d'autant plus que la tumeur transplantée reste elle-même tou- jours très riche en bacilles. Ces derniers semblent partout nor- maux; beaucoup d’entre eux présentent une apparence de sporulation, sous forme de quelques vacuoies non colorées. Dans les autres membranes de l’œil, ôn n’a pas trouvé de cellules con- tenant des bacilles, La pie-mère présente une infiltration micro- cellulaire, mais sans bacilles. Par contre, chez le 2° lapin on trouve dans la substance protubérancielle des groupes de 6 à 12 bacilles, qui semblent librement disposés dans les fentes Iym- phatiques, sans altérations secondaires autour d'eux. Dans les autres organes, rien ne parle en faveur de généralisation de l'infection. Dans une autre expérience, un fragment de léprome fut 108 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. transplanté sous la peau d’un chat. L'examen, pratiqué au bout de 120 jours, démontre que ce fragment est rataliné, et entouré de tissu de granulation néoformé, se distinguant du tissu de gra- nulation ordinaire par sa richesse en grosses cellules, remplies de bacilles lépreux fortement colorés. Un petit nombre de bacilles se trouve aussi en dehors des cellules. Dans le fragment trans- planté, les bacilles conservent également leur propriété de se colorer. Au delà des limites du tissu de granulation on trouve, dans l’adventice des vaisseaux sous-cutanés, des séries de petites cellules englobant des bacilles. À un autre chat, la trans- plantation est pratiquée dans Ja cavité péritonéale et l'animal est sacrifié au bout de 120 jours. On constate alors que le frag- ment transplanté, ratatiné et calcifié, adhère au tissu graisseux de l’épiploon et est entouré d’une gaine de tissu de granulation. Ce tissu présente en général les mêmes caractères que chez le premier chat inoculé, mais le tissu transplanté est très pauvre en bactéries. Vossius insère également des fragments de lépromes dans la chambre antérieure de lapins. Les lésions locales de l'œil corres- pondent par leurs caractères et leurs traits généraux à ceux’ observés par Damsch. Vossius les considère, lui aussi, comme étant celles d’un léprome local. Les résultats obtenus par ces deux auteurs ont été confir- més par d'autres expérimentateurs (Campana, Leloir, Wesener, et d’autres). Toutefois ces derniers auteurs ont donné une tout. autre interprétation aux lésions histologiques constatées au point d’inoculation et dans son voisinage. D’après eux, l’inoculation d’un fragment de lépromé provoque une réaction inflammatoire dans son voisinage immédiat; le fragment lui-même subit une dégénérescence granuleuse, en même temps que se produit l'infiltration des leucocytes destinés à englober les bacilles et le tissu désagrégé, La présence des bacilles de la lèpre, même en quantité notable, dans le tissu inflammé cireumvoisin, est due, non à la multiplication de ces bacilles, mais à leur transport du fragment désagrégé du léprome transplanté. Les trois auteurs que nous venons de citer démontrent la justesse de leur interprétation de la façon suivaute : ils inocu- lent du tissu lépreux conservé pendant deux à trois ans et demi dans de l'alcool absolu; or, linoculation de bacilles lépreux cer- SUR LE SORT DES BACILLES DE LA LÉPRE. 709 tainement morts s’accompagne de lésions histologiques identi- ques à celles que provoque l’inoculation de tissu lépreux frais. Examinons maintenant les expériences des quelques auteurs qui croient avoir réussi à provoquer chez les animaux une in- fection lépreuse générale. En 1885, Melcher et Orthmann introduisirent dans la chambre antérieure de l'œil d’un lapin un fragment de léprome fraîchement excisé. L'animal succomba au bout de 300 jours. Les expérimentateurs constatèrent, en outre des lésions locales de l’œil, des lésions de la plèvre et des régions superficielles des poumons. Ces lésions consistaient en une éruption de nom- breux nodules blanc jaunâtre, du volume d’une tête d’épingle. De plus, le feuillet pariétal du péricarde présentait des épaissis- - sements durs et nombreux du volume d’une lentille. L'année suivante, les mêmes auteurs ont rapporté les résul- tats de nouvelles expériences sur deux lapins auxquels ils avaient pratiqué des inoculations analogues. Les, animaux succom- bèrent au bout de 4 mois, et à l’autopsie on trouva presque tous les viscères parsemés de nodules. Les auteurs attirent plus spécialement l’attention sur les lésions de la muqueuse intestinale et des ganglions mésenté- riques. Se basant sur l'examen microscopique des lésions cons- tatées chez les 3 lapins en expérience, Melcher et Orthmann croient qu'ils avaient affaire à une infection lépreuse géuérale. Nous ne nous arrêterons pas à la description des lésions histologiques constatées par ces auleurs: disons seulement qu'il est très difficile de les différencier d'avec celles dues à la tuberculose, Hansen, qui a vu les préparations de Melcher et Orthmann, ne considère pas les lésions comme étant de nature lépreuse. Et en effet, les preuves invoquées par les auteurs en faveur de la nature lépreuse des lésions en question (manière dont les bactéries se comportent vis-à-vis des matières colo- rantes, leur disposition intra-cellulaire, etc.) ne peuvent pas être considérées comme démonstratives, surtout étant donné qu'on n’a pas fait d'expériences de contrôle, ayant pour but d’exclure l'hypothèse de la tuberculose. Le grand nombre d'inoculations faites à des lapins au cours des seize années qui suivirent l’expé- rience de Melcher et Orthmann n’ont pas donné de résultats positifs. Cependant, récemment, Barannikow, qui, depuis ces trois 710 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. dernières années, s’occupe de culture des bacilles de Hansen et a obtenu des résultats encourageants, a communiqué les résul- tats positifs auxquels il est arrivé en inoculant la lèpre par transplantation de fragments lépreux dans la chambre anté- rieure de l’œil d’un lapin. Macroscopiquement, les lésions pro- voquées ressemblent à celles observées par Melcher et Orth- mann ; l'examen microscopique n’est pas encore terminé; quant au diagnostic différentiel avec la tuberculose, aucune expérience n’a été faite pour l’établir. Il faut cependant signaler ce fait qu’un certain nombre des animaux, et notamment des lapins, auxquels on avait inoculé des produits lépreux, succombent avec des lésions qui rappel- lent macroscopiquement et au microscope la tuberculose géné- ralisée. En plus des expériences que nous venons de citer, on peut encore signaler celles de Wesener qui, chez 2 des 8 lapins inoculés par lui, a observé les mèmes lésions. Les expériences de Vnoukof méritent particulièrement d’at- tirer l'attention; sur 20 lapins auxquels il avait inoculé des tubercules lépreux récemment excisés (sous la peau, dans la cavité abdominale, dans la chambre antérieure), cet auteur a constaté chez 14 de ces animaux la tuberculose des organes internes. Malheureusement, le diagnostic n’a été établi, comme dans les cas des auteurs précédents, que sur l’examen histo- logique, et dans un seul cas on a pratiqué des ensemence- ments sur des milieux appropriés, lesquels ont donné des résul- tats positifs. C’est un fait qui mérite toute notre attention et qui montre combien il est nécessaire dans des cas semblables de faire des expériences de contrôle. La communication préliminaire faite par Tedeschi en 1893 occupe une place à part et n’a pas été confirmée depuis. Cet auteur a transplanté un léprome cutané, récemment enlevé, sous la dure-mère rachidienne d’un singe. L'animal succomba au bout de 8 jours; avec des phénomènes de paralysie du train postérieur. À l’autopsie on constata que la moelle était, sur une étendue assez considérable, comme engainée d’une substance jaune rougetre, de consistance molle, et entourée d’un liquide blanchâtre, trouble. Cette gaine était formée par du tissu jaune, et contenant un certainnombre de cellules rondes et épithélioïdes, SUR LE SORT DES BACILLES DE LA LÈPRE, 711 ainsi que d’une quantité énorme de bacilles lépreux, Les liqui- des des ventricules centraux de l’espace sous-arachnoïdien et du canal rachidien étaient également très riches en bacilles. En outre, l’auteur constata des lésions d’hépatite parenchymateuse et de tuméfaction aiguë de la rate; cette dernière contenait des bacilles présentant les mêmes propriétés que ceux de l’exsudat méningé. Les ensemencements sur gélose glycérinée et sur sérum ont donné des résultats négatifs. L'auteur considère les lésions morbides qu'il a provoquées comme dues à l’action des hacté- ries lépreuses. Tels sont les ae des tentatives faites jusqu’à présent dans le but d’inoculer la lèpre aux animaux. Il serait prématuré d'en conclure que les animaux possèdent une immunité natu- relle absolue vis-à-vis de la lèpre. La résistance de certains d’entre eux est néanmoins très grande. Pour l’étudier, il est nécessaire de savoir ce que deviennent les bacilles lépreux dans un organisme animal. Les données obtenues à ce sujet jusqu’à présent ne per- mettent que la conclusion générale suivante : l'introduction dans l’organisme de produits lépreux s’accompagne d’inflam- mation réactionnelle; il se produit un afflux de leucocytes, les- quels englobent les bacilles lépreux et les transportent dans la région la plus voisine du point inoculé, d’où production de tissu d’inflammation néoformé. Après un-laps de temps plus ou moins long, les produits inoculés disparaissent complètement, etil n’en reste plus aucune trace dans l’organisme. D'ailleurs les expériences de Campana semblent démontrer qu'après injection d’une émulsion de produits lépreux, on peut trouver les bacilles dans des régions éloignées du lieu d’inocu- lation. Cet auteur a injecté sous la peau et dans la cavité péri- tonéale des cobayes l’émulsion d’un léprome ayant séjourné 2 à 3ans dans de l'alcool; vingt-quatre heures après, il a provo- qué, à l’aide d'une ligature, de l’'œdème des membres postérieurs et aexaminé la sérosité qui les infiltrait ; on y trouvait toujours des bacilles lépreux, libres ou inclus dans des leucocytes. Le laps de temps au bout duquel les bacilles disparaissent de l’économie, lorsque des fragments de lépromes récemment excisés ont été transplantés sous la peau, dans le péritoine ou dans la chambre antérieure, est de plusieurs mois. Ainsi, dans 719 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. les expériences de Wolters, qui a introduit sous la peau de deux cobayes des fragments de lépromes frais, on ne trouva plus trace des produits inoculés, au bout de # mois. D'autre part, Leloir, qui à pratiqué des inoculations dans le péritoine de 3 cobayes, en a encore trouvé. des traces, entourées de tissu néoformé, 2 ans 1/2 après l'inoculation. L'examen micros- copique a démontré que ces restes avaient subi la dégéné- rescence caséeuse et contenaient très manifestement des bacilles lépreux dont la plupart étaient fragmentés ; le tissu de nouvelle formation quiles entourait ne contenait point de bacilles. Signalons encore la courte communication de Luca. Cet auteur avait injecté dans le péritoine des lapins une émulsion de lépromes cutanés, et a trouvé que déjà, au bout de quelques heures, les bacilles lépreux étaient englobés par les phagocytes. Au bout de 24 heures. pas un des bacilles englobés n’était intact : tous étaient fragmentés, et cette fragmentation continuait jus- qu'à leur complète disparition, ce qui avait lieu vers le 12° jour. Tels sont les faits qui résument nos connaissances actuelles sur le sort des bacilles lépreux introduits dans l'organisme animal. Comme on voit, la question ne peut pas être consi- dérée comme définitivement épuisée. Aussi avons-nous entrepris des recherches à ce sujet. Nos expériences ont porté exclusivement sur des cobayes ; nous nous sommes servi à cet effet de lépromes cutanés, excisés à plusieurs reprises, chez le même malade qui s’est volontairement et consciemment prêté à cette opération. C’est seulement pour la première expérience que nous avons employé un nodule lépreux provenant d’un autre malade:. L’excision n’était point douloureuse, on la pratiquait sans anesthésie. Chaque fois on excisait un seul nodule, du volume d’un petit pois à celui d’une cerise, une ou 2 heures après l’excision, on triturait les fragments excisés dans un mortier en porcelaine, avec une solution physiologique de sel marin, pour les trans- former en une émulsion aussi fine que possible, Durant toutes 1. Les deux malades se trouvaient à l'hôpital Saint-Louis, dans le service de M. le docteur Hallopeau, auquel nous exprimons ici, ainsi qu’à son interne, M. Fouquet, nos plus vifs remerciements, SUR LE SORT DES BACILLES DE LA LÈPRE. 113 ces manipulations, on observait rigoureusement les règles de l’asepsie. L'émulsion ainsi préparée était injectée à plusieurs cobayes ; celle du premier nodule, lequel contenait une quantité colossale de bactéries, n’a été injectée qu’à 2 cobayes. Nous étions convaincu que le but que nous poursuivons ne demande pas l’introduction d’une telle quantité de bactéries ; nous avons, dans nos expériences ultérieures, réparti l’émulsion sur un plus grand nombre d'animaux, en tächant de donner à chacun d’eux à peu près la même quantité de bactéries; ainsi, dans chaque série d'expériences, la quantité et la concentration de l’émulsion étaient-elles différentes. Du reste, chez quelques cobayes, on a introduit intentionnellement une quantité notablement moindre d’émulsion. Injection de bacilles lépreux dans la cavité péritonéale. — Voyons d'abord ce qui se passe nue injection de l’émulsion dans la cavité péritonéale. Dans l’exsudat fluide, contenant une quantité relativement peu considérable de polynucléaires et encore moins de mono- nucléaires, on trouvait, une heure après l'injection, à côté d’un grand nombre de bactéries libres, une certaine quantité d’autres, déjà phagocytées par ces deux variétés de cellules. Durant les heures suivantes, l’exsudat devenait peu à peu plus riche en éléments figurés, et au bout de 6 heures 1l se com- posait principalement de cellules polynucléaires. Un nombre assez considérable de ces leucocytes, ainsi que des mononucléaires, englobaient les bâtonnets de la lèpre; toutefois le plus grand nombre de ces derniers se trouvaient encore à l’état libre. Plus tard, l’exsudat s’épaississait de plus en plus; Île nombre de mononucléaires augmentait graduellement, en même temps que celui des bactéries libres diminuait, de sorte qu'au bout de 20 heures, l’exsudat prenait généralement la consis- tance visqueuse du pus. Les nude et les mono- nucléaires sont, à ce moment, à peu près en nombre égal, la presque totalité des bactéries est phagocytée surtout par les mononucléaires. Il va sans dire qu'à côté des bacilles de la lèpre l'exsudat contenait en même temps quelques débris de tissus, tels que fragments de noyaux, petits lambeaux de tissu conjonctif 714 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. et de tissu élastique, cellules épidermiques, gouttelettes de graisse, etc. Tous ces débris deviennent surtout nets vers la 20° heure, étant en ce moment pour la plupart inclus dans des mononucléaires. Les modifications ultérieures de l’exsudat consistaient en la diminution marquée des polynucléaires, le nombre des mononucléaires continuant toujours à augmenter, el vers la 48° heure l’exsudat, tout en restant épais, se compo- sait en grande partie de cette variété de leucocytes. Les bactéries lépreuses étaient toujours aussi nombreuses, mais ce n’est qu'exceptionnellement qu’on en voyait de libres. La pha- gocytose était presque exclusivement l’œuvre des mono- nucléaires, et il n’était pas rare de voir un polynucléaire conte- nant souvent une ou plusieurs bactéries, être englobé par un mononucléaire. Puis l’exsudat commençait peu à peu à devenir liquide, mais tout en conservant cependant ses autres caractères. Les bactéries non englobées ne se rencontrent plus qu’à titre tout à fait exceptionnel; on pouvait alors presque toujours constater qu'elles se trouvaient au voisinage d’un lambeau plus ou moins volumineux de tissu, et étaient entourés, ainsi que ces lambeaux, d'un groupe de mononueléaires. Vers le 5° ou 6° jour, l’exsudat était plus fluide, mais cepen- dant nettement trouble; parmi les éléments morphologiques prédominaient les mononucléaires, qui ont englobé les nombreux bacilles lépreux. La liquéfaction de l’exsudat continue les jours suivants, ct l'aspect microscopique est à peu près le même. Cependant, au fur et à mesure que l’exsudat se liquéfie, les bactéries diminuent graduellement en nombre. On en trouvait encore facilement, dans des mononuceléaires, même 2 ou 3 semaines après l'injection, Au cours du 2 mois, ainsi que plus tard, l’exsudat ne diflérait essentiellement d’un exsudat normal que par sa plus grande teneur en éléments figurés, parmi lesquels prédo- minent les mononucléaires; les lymphocytes sont généralement très peu nombreux; les polynucléaires n'apparaissent en plus grand nombre que par moments, et la plupart d’entre eux sont des pseudo-éosinophiles. Au second mois, et même plutôt, chez quelques cobayes, les bactéries deviennent peu nombreuses dans l’exsudat : dans une goutte on peut compter 10 à 20 mononucléaires contenant des SUR LE SORT DES BACILLES DE LA LÉPRE. 715 bacilles. Plus tard, leur nombre est encore plus faible; toutefois on rencontre facilement des préparations contenant 1 à 5 mono- nucléaires englobant des bactéries. Le laps de temps le plus court au bout duquel nous ne trouvions plus de bactéries dans l’exsudat a été de 4 semaines, chez un cobaye. Notons ici que ce cobaye (n° 45) a succombé à la tuberculose, ainsi que nous avons pu nous en convaincre. Chez un autre cobaye (n°98) les bactéries semblaient avoir disparu à la 8° semaine: d’autre part, chez le cobaye n° 30, elles ont persisté durant 5 mois, et chez le cobaye n° 90-on a trouvé des bactéries pendant les 8 mois qu’a duré l'expérience. Parmi les cobayes auxquels on avait injecté intentionnelle- ment des doses plusieurs fois moindres, il en est un (n° 28) chez lequel les bactéries avaient disparu de l’exsudat au bout d’un mois !. Chez les autres, on les a trouvés pour la dernière fois après 3 mois. Le cobaye n° 60, qui avait reçu dans la cavité péri- tonéale une demi-culturesur gélose de proteus vulgaris, et 2 heures après une dose ordinaire d’émulsion lépreuse, fournissait après 5 semaines un exsudat où on ne voyait plus de bacilles lépreux. Lorsque l’on suit la diminution progressive des bactéries dans l’exsudat, il est difficile de l’attribuer exclusivement à la digestion des bactéries par les macrophages de l’exsudat. On remarque bien, il est vrai, dès les premiers jours, un nombre relativement assez considérable de bactéries qui semblent altérées. Mais il ne faut pas perdre de vue que dans l’émulsion qui servait aux injections, les mêmes formes ne faisaient point défaut. Bien au contraire, tant qu’il est possible de constater les bacilles dans l’exsudat, la plupart apparaissent avec leur aspect normal et leur réaction tinctoriale habituelle. Cependant, à des périodes plus éloignées, la proportion des bacilles altérés augmentait un peu. On trouvait, en outre, à ce moment, des bacilles à contours irréguliers, présentant une teinte rouge, pas brillante, mais mate, et aussi des bacilles frag- mentés en des grains de dimensions diverses. Ces faits semblent démontrer qu’une certaine quantité de bacilles se laissent tout de même attaquer par les agents digestifs des leucocytes. 1. Le cobaye fut sacrifié au bout de 15 semaines: on a trouvé dans l’exsudat un mononucléaire contenant une bactérie parfaitement conservée. 716 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Voyons maintenant ce qu'on peut constater lorsque lon sacrifie les animaux à des intervalles déterminés. Après 48 heures, on ne constatait qu’un certain degré d’injec- tion des vaisseaux du péritoine et d’hyperémie des organes abdominaux, et une petite quantité d’exsudat épais, visqueux. Sur la séreuse étaient semés des amas blanchâtres, à peu près du volume d’une tête d’épingle; ils se détachaient facilement; leur consistance élait molle, visqueuse, et ils se laissaient faci- ment écraser entre deux lamelles. La coloration de ces frottis démontre que les amas en question se composaient d’un conglo- merat de poly-et de mononucléaires, avec prédominance de ces derniers. Les uns etles autres, mais surtout les mononucléaires, contenaient un grand nombre de bactéries, mais la plus grande partie de ces bâtonnets se trouvaient à l’état libre; il n’était pas rare aussi de rencontrer des préparations où des amas plus ou moins volumineux de bacilles étaient entourés d’un groupe de mononucléaires, disposés en couronne autour d’eux. Des amas analogues, au nombre de deux, trois ou plus, se trouvaient aussi à la surface de l’épiploon, surtout dans ses replis; eux aussi, se laissaient facilement détacher. Déjà, au bout de 48 heures, de petits épaisissements nodu- laires, gros comme une tête d’épingle ou un grain de chènevis, existent çà et là dans le tissu même de l’épiploon: ils se confon- dent, sans limites précises, avec le tissu voisin. Chez les cobayes sacrifiés au bout de 6 à 7 jours, ces formations sont plus nette- ment circonscrites, se présentant alors sous forme de véritables nodules sphériques ou ovoïdes, de couleur blanc grisâtre, de volume variant d’un grain de mil à celui d’un grain de chènevis et parfois même plus considérable. Des nodules semblables se retrouvaient facilement 2 à 4 semaines après l’injection; leur nombre était variable ; parfois de 3 à 4; d’autres fois, comme chez le cobaye n° 4, il s'élevait jusqu’à 20 à 30. A des intervalles plus éloignés de l'injection, ces nodules semblaient devenir moins nombreux; toutefois nous les avions retrouvés chez tous les cobayes examinés. Le cobaye n° 28, auquel on avait injecté une dose de microbes 15 à 20 fois moindre que la dose ordinaire, ne faisait pas exception à la règle. Il faut dire toutefois que dans quelques cas, à l’autopsie, même à un examen attentif, ces for- mations semblaient faire défaut; en réalité, elles existaient, mais SUR LE SORT DES BACILLES DE LA LÈPRE. 717 étaient difficiles à distinguer d’avec le tissu du pancréas. Lorsque tout l’épiploon est excisé avec la glande et qu’ils ont été durcis dans l’alcool, les nodules deviennent plus nets, se distinguant du pancréas par leur couleur plas blanche. Si dans ces condi- tions, la présence des nodules n’était pas encore relevée, on les verra lorsque, l'épiploon ayant été monté, on éclaircit les coupes par le chloroforme et la paraffine ; les nodules apparaissent alors sous forme de points plus opaques. Quelle est la structure microscopique de ces nodules ? Sans vouloir entrer dans des détails, disons seulement que durant les premiers jours les nodules représentent une agglomération de cellules mono-et polynucléaires (ces derniers étant surtout abon dantes dans la partie centrale du nodule). Au milieu et à l’inté- rieur se trouvent une multitude de bactéries de la lèpre (fig, 3.) Le nodule se confondait, sans limites précises, avec Le tissu envi- ronnant, Les nodules âgés de une à deux semaines présentent un autre tableau (fig. 4) : la partie centrale, dépourvue de vais- seaux, est occupée principalement par des leucocytes polynu- cléaires, disposés au milieu d’une masse granuleuse se colorant bien par les couleurs acides. Ces polynucléaires sont en partie bien conservés, en partie déjà désagrégés, ou en voie de désagrégation; entre eux se trouvent quelques cellules épithé- lioïdes; plus près dela périphérie, on trouve untissu formé surtout de cellules épithéliodes et d’une quantité notable de cellules géantes; enfin, formant capsule, des cellules dites rondes el fusi- formes, les dernières occupant surtout la périphérie. Des amas de bactéries existent au centre du nodule, elles sont moins nom- breuses à la périphérie où elles sont en majeure partie englobées par des cellules épithélioïdes et des cellules géantes. Dans la capsule, les bactéries sont relativement en petit nombre; toute- fois on trouve çà et là des cellules « rondes » ou fusiformes renfermant une ou plusieurs bactéries. | Les nodules âgés d’un mois présentaient une structure à peu près analogue, avec celte différence que leur partie centrale était à ce moment presque entièrement formée par un nombre colossal de cellules épithélioïdes et un grand nombre de cellules géantes. — Dans les nodules âgés de deux à trois mois et demi, le tabieau changeait en ce sens qu’une partie plus ou moins grande de cellules épithéloïdes se désagrégeait et se transfor- 718 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. mait en masses granuleuses, se colorant bien par les acides. — Enfin, chez un cobaye injecté six mois auparavant, le centre des nodules (fig. 1) était transformé en un tissu fibreux ou en une masse presque amorphe ne prenant plus les couleurs acides et infiltrée de sels calcaires. Cette calcification commençait par la partie la plus centrale du nodule; quelques nodules étaient entièrement calcifiés, à l'exception de la capsule. | La capsule conservait à peu près la même structure que dans les nodules plus jeunes et, par places, quelques cellules” renfermaient des bactéries isolées de la lèpre. us Quant à ces dernières, elles se trouvaient en nombre consi- dérable dans tous ces nodules, principalement au centre; mais il semble qu'avec le temps leur nombre diminue graduellement. Les deux outrois premiers mois, on ne peut pas dire avec certi- tude qu’ils fussent digérés ; mais, chez un cobaye de six mois, les formes dégénératives étaient assez fréquentes (fig. 10). Cette dégénérescence se marquait en ce que les bactéries fixaient moins bien les matières colorantes; des bâtonnets n'étaient colorés qu’à une seule extrémité, l’autre se présentant sous forme d’un corpuscule brillant incolore : on trouvait enfin des bacilles et des amas de bacilles qui, tout en ayant conservé leur forme, perdaient complètement la propriété de se colorer et se présentaient alors sous forme de bätonnets brillants (infiltration par des sels minéraux ?) Chez quelques cobayes, surtout chez le cobaye n° 28, nous avions constaté des ligures (fig. 2 et 5) qui rappelaient la «dégénérescence jaune », décrite par le professeur Metchnikoff dans la tuberculose des spermophiles (Spermophilus quitatus Temminck). I faut cependant reconnaître ce fait que la plupart des bactéries trouvées dans les nodules conservaient leur aspect normal. Dans le reste du tissu épiploïque de tous les cobayes, on trouvait des formations qu’on pouvait considérer comme des nodules microscopiques de même nature que ceux décrits plus haut. En plus, on pouvait toujours trouver çà et là des bactéries isolées, phagocytées par des cellules endothéliales et, parfois, conjonctives qui font partie constituante de l’épiploon. 1. Mercanixorr, Ueber die Phagocytüre Rolle der Tuberkulose Riesenzellen Virch. Arçh.. 1888, t. CXIIT, p. 63. SUR LE SORT DES BACILLES DE LA LÈPRE. 719 Au cours de notre étude, nous nous sommes demandé siles bactéries de la lèpre pénètrent dans d’autres organes. Pour résoudre cette question, nous avions pratiqué des coupes du foie, de la rate, des reins, des ganglions mésentériques et des poumons. Nous avions fait aussi des frottis de la moelle osseuse, et dans quelques cas nous en avons fait des coupes. Dans tous les organes énumérés, à l’exception des poumons et, fait parti- culièrement intéressant, des ganglions mésentériques des cobayes, examinés au plus tard 1 mois après l'infection, les bâtonnets de la lèpre pouvaient être retrouvés avec une cons- tance plus ou moins grande, mais en nombre toujours relati- vement très faible. Cestdanslarateetle foie que les bactéries se retrouvaient avec le plus de régularité, et toujours plus nombreuses dans la rate que dans tous les autres organes, Dans les reins et la moelle osseuse, la présence des bactéries était loin d’être constante. Pour donner une idée de leur quantité, il suffit de dire que les bacilles se trouvent généralement, dans presque toutes les coupes de la rate, au nombre de 3 à 5, quelquefois plus. Notons cependant qu'il fallait quelquefois examiner un nombre consi- dérable de coupes avant de trouver 5 ou 10 bactéries dans toutes les préparations examinées. La recherche des bactéries dans le foie était toujours plus longue; toutefois, dans quelque cas, on peut dès la première coupe tomber sur de petits amas de 3 à 5 ba- cilles. Les reins étaient encore plus pauvres en bacilles, et il nous arrivait quelquefois d'examiner un certain nombre de coupes d’un des reinssans le moindre résultat, et de n’en trouver dans l’autre que quelques exemplaires sur 15 ou 20 coupes. Quant à leur nombre dans la moelle osseuse (fémur), on les trouvait sur des frottis au nombre de 5 à 10. Le temps écoulé depuis l'injection ne faisait guère varier le nombre des bactéries. Tout ce que nous pouvons dire, c’est que l’on trouvait des bacilles aussi bien 2 jours que 1 mois après l’injection. Chez les cobayes examinés après un laps de temps plus long, on ne trouvait des bactéries que dans l’épiploon. Les bacilles étaient le plus souvent inclus dans des cellules, le plus souvent dans des mononucléaires, parfois aussi dans. des cellules endothéliales de la rate ; dans le foie, on les trouvait 720 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR dans les cellules de Kupfer, dans les cellules endothéliales et conjonctives (?) de l’adventice des vaisseaux de petits calibres. Dans la moelle osseuse, ils étaient englobés par les macro- phages et les éléments endothéliaux(?). Dans les reins, les bac- téries se trouvaient dans les glomérules de Malpighi, apparem- ment dans les éléments endothéliaux, parfois aussi dans les cel- lules du stroma. Il était parfois difficile de dire si les bactéries étaient libres ou bien englobées ; dans quelques cas, cependant, il semblait que les bactéries étaient libres. La présence des bac- téries ne s’accompagnait d'aucun phénomène réactionnel du tissu voisin ; on ne trouvait, non plus, rien d’anormal dans aucun des organes, sauf la rate. Dans la rate, au contraire, on trouvait tou- jours une accumulation considérable des polynucléaires, que lon constatait facilement sans avoir besoin de comparer avec les coupes de contrôle, Notons que ce phénomène se rencontrait à un degré plus ou moins marqué chez tousles cobayes examinés, alors même qu’on ne trouvait de bactéries dans aucun autre organe que l’épiploon. Cetteaccumulation de polynucléaires était, nous semble-t-il, plus prononcée chez les cobayes sacrifiés au cours des 15 premiers jours après l’inoculation. Tous ces faits, qui se rapportent aux diverses phases de la lutte de l’organisme contre les bacilles lépreux, peuvent dans leur ensemble être interprétés de la façon suivante : Lesbactériesintroduites dans la cavitéabdominale provoquent rapidement une leucocytose intense; les phagocytes s'emparent des bactéries qu'ils dirigent progressivement vers les stomates de l’épiploon où probablement s’introduisent aussi un grand nombre de bactéries libres. Chemin faisant, cette masse de bacilles trouve un très grand nombre de phagocytes venus à leur rencontre, qui les arrêtent. Les bacilles se trouvent de cette façon immobilisés dans divers points de l’épiploon, et donnent ainsi naissance aux nodu- les macro-et microscopiques décrits plus haut. Une partie de bacilles libres ou englobés arrive sans doute à se dégager de l'obstacle; dans ce cas, ils sont ensuite ou bien arrêtés par un nouvel amas de leucocytes, ou bien englobés par des cellules ‘conjonctives et endothéliales de l’épiploon. Dans l’exsudat péri- tonéal, les microphages n’interviennent activement que durant le premier jour après l'injection, et comme, d'autre part, dans les SUR LE SORT DES BACILLES DE LA LÉPRE. 721. nodules épiploïques, ces leucocytes commencent à succomber déjà au cours de la première semaine de l’expérience, 1l est évi- dent que la lutte ultérieure, ou tout au moins la lutte sur place, à surtout lieu grâce à l'intervention des macrophages. Les bacilles lépreux jouissant d’une résistance remarquable à l’action des sucs digestifs des phagocytes, un organisme résistant réagit natu- rellement par des moyens de défense plus efficaces. Cette réaction a pour résultat la transformation des points d’immobilisation, dont nous avons parlé, en des productions composées d’un nom- bre très considérable de cellules épithéliales et géantes destinées à lutter directement contre les bactéries. De plus, pour mieux cireonserire le champ de bataille, l'organisme entoure ces foyers de lutte phagocytaire prolongée, d’une enveloppe ou capsule formée des cellules dites « rondes » et de cellules conjonctives fusiformes. Enfin, au fur et à mesure que, sous l'influence de causes diverses, les phagocytes succombent en se transformant en une masse granuleuse amorphe, l’organisme met en mouve- meni un autre puissant moyen de défense, Pinfiltration calcaire des nodules. Nous avons vu plus haut qu’un petit nombre de bactéries peut arriver jusque dans les viscères; mais comme leur nombre est très restreint, comparé à celui des bâtonnets restés dans lépi- ploon, il est évident que c’est bien à ce dernier organe qu’appar- tient le rôle principal dans la lutte de l'organisme contre les bacilles lépreux injectés dans Le péritoine des cobayes. Bien que, chez aucun de nos animaux, nous n’ayons constaté la disparition complète des bacilles lépreux, nos expériences prouvent, une fois de plus, la résistance des cobayes vis-à-vis du bacille de la lèpre. Tous les animaux dont nous venons de parler ont été sa- crifiés moins de 6 mois après l’injection, et semblaient doués d’une immunité solide. ù Cependant, chez un cobaye conservé pendant près de 8 mois, les bacilles ont persisté dans l’exsudat jusqu’à la mort! Dans le courant du 6° et du 7 mois, ils n'étaient plus assez nombreux pour qu'on pût déceler leur présence à chaque exa- men, Un certain nombre d’entre eux présentaient des altérations comme s’ils étaient en voie d’être digérés. Au 8° mois, la recher- che des bactéries dans l’exsudat péritonéal était de nouveau 47 122 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR, plus facile, et dans le liquide retiré 1 heure avant de sacrifier le cobaye, elles étaient notablement plus nombreuses qu’aupara- vant. Dans un mononucléaire, nous avons à ce moment ren- contré un petit amas de bactéries intactes (fig. 6). Ces amas ne se voient ordinairement qu’au cours des premiers mois qui sui vent l'injection, et il y avait longtemps que nous ne les avions plus observés chez le cobaye en question. L’auimal ne présentait rien d’anormal pendant tout le cours de l’observation. Il avait notablement maigri à un moment donné; puis il se mit à augmenter de poids, et Le jour de l’autop- sie il pesait 100 grammes de plus qu’au début de l'expérience. L'autopsie ne révéla rien d’anormal et l'examen attentif de l’épi- ploon ne décela aucun nodule. Une partie de l’épiploon étendue sur une lame montra facile-- ment desbacillesdelalèpre; ces derniersétaientlogés dans desilots cellulaires microscopiques analogues à ceux décrits plus haut. On trouva, en plus, des bactéries isolées, bien conservées, phago- cytées par des éléments endothéliaux et conjonctifs. Le reste de l'épiploon et du pancréas ont été fixés dans l’alcool; le traite- ment ultérieur de ces pièces, et notamment l'éclaircissement par le chloroforme. ont permis de constater au voisinage du pancréas deux îlots nodulaires moins transparents, dont un du volume d’un grain de chènevis, l’autre deux fois plus volumineux; le premier était assez nettement circonscrit : le second se confon- dait insensiblement avec le tissu environnant. Ces deux nodules furent montés séparément dans la parafline. Sur les coupes du reste de l’épiploon, on a pu constater des figures démontrant, mieux que celles des coupes provenant des autres cobayes, le fait que les nodules épiploïques, tout au moins les nodules microscopiques, peuyent subir la transformation fibreuse et emprisonner ainsi les plus résistantes parmi les masses bacté- riennes. Les coupes du premier des deux nodules présentaient des modifications analogues à celles observées chez le cobaye sacrifié le 6° mois; ce nodule était à moitié calcifié, tout en étant cepen- dant très riche encore en bactéries ; la plupart de ces dernières élaient bien conservées, mais quelques-unes étaient dégénérées. Mais c’est surtout dans la seconde production nodiforme qu'on a trouvé des modifications intéressantes : cette produc- SUR LE SORT DES BACILLES DE LA LÈPRE. 1923 tion étaitconstituée par un grand nombre de cellules épithélioïdes etun nombre assez considérable de cellules géantes, logées dans les mailles d’un réseau de tissu cellulaire lâche. A la périphérie, cette masse cellulaire était entourée d’une couche de tissu con- jonctif formé de cellules « rondes » et fusiformes ; toutefois, ces dernières ne formaient pas par leur ensemble de capsules, comme nous l’avons vu pour les autres nodules, mais se confondaient avec le tissu du voisinage, sans présenter des limites nettes. Au milieu de cet amas de cellules épithélioïdes et géantes du centre du nodule, il y avait aussi quelques espaces arrondis ou ova- laires, entourés chacun d’une capsule fibreuse plus ou moins épaisse, pauvre en éléments cellulaires. Ces espaces étaient rem- plis par des masses de bactéries serrées les unes contre les autres, absolument intactes et se colorant très bien, disposées en amas (fig 8). Dans aucun de ces derniers, l'examen le plus attentif n’a permis de déceler des formes dégénératives : tous les bacilles ressemblaient les uns aux autres. Pour caractériser en deux mots ces agglomérations bactériennes, on peut dire qu’elles donnent l'impression d’une jeune colonie de culture pure (fig. 9). Il est difficile de dire ce que représentent les espaces où logent les masses bactériennes : s’agit-il de modifications patho- logiques, de vaisseaux lymphatiques à parois épaissies, ou bien sont-ce des productions néoformées? La seconde hypothèse nous semble plus probable ; nous y reviendrons plus loin; pour le moment, nous attirons l’artention sur ce fait qu'entre les cou- ches de la capsule il y avait de petits amas bactériens où les bacilles étaient aussi bien conservés que dans les gros amas décrits plus haut. L’examen attentif de la préparation démontre que la plupart de ces petits amas sont réellement logés entre les couches de la capsule. Si nous soulignons ce fait, c’est que nous sommes enclins à penser que tout au moins quelques-uns des espaces en question étaient en réalité complètement remplis de bactéries; le tableau que représentent les figures 8 et 9 peut s'expliquer par cette circonstance qu'au moment de la prépara- tion des coupes, des parties de ces amas avaient pu se détacher et tomber dans la région voisine de la coupe. Tandis que dans les amas décrits ci-dessus, aucune des bac- téries ne présentait de traces de dégénérescence, un grand nom- bre de celles qu: sont englobées par les cellules épithéliodes et “124 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. géantes, et qui forment la masse principale du nodule, présen- tent des altérations de désagrégation décrites plus haut (fig. 2). Si nous ajoutons maintenant que dans les autres parties de l’épiploon nous avons également trouvé un certain nombre de nodules microscopiques ayant la même structure que celle que nous venons de décrire, et qui ne contenaient pas d’amas consi- dérables de bactéries, nous aurons épuisé l’énumération des principales lésions trouvées à l’examen microscopique de l’épiploon. ? Avant d'aborder l'interprétation de ces modifications, signa- lons que l’examen des organes internes a facilement permis de déceler, dans la rate et les reins, un petitnombre de bâtonnets de la lèpre. On n’a trouvé d’autre altération dans aucun des organes examinés, sauf une leucocytose polynucléaire dans la rate comme chez tous les autres cobayes. Nous ne pouvons pas dire que le nombre de bactéries trouvées dans les organes de ce cobaye fut plus considérable que dans ceux des cobayes sacrifiés au cours des premiers mois qui suivirent l'injection, Disons ‘seulement que dans la rate on pouvait les observer au nombre de plusieurs exemplaires par coupe ; dans les reins ils étaient moins nombreux; pas de modifications réactionnelles dans les zones circumvoisines. Les rapports de ces bactéries avec les élé- ments cellulaires des tissus étaient les mêmes que chez tous les autres cobayes. Quant aux gros amas de bacilles trouvés chez ce dernier cobaye, ils nous ont d'autant plus surpris que les examens faits sur les cobayes précédents nous avaientconvaincu que lorganisme prend facilement le dessus dans la lutte contre le bacille lépreux. Nous avons pensé d’abord que ces accumulations de bacilles étaient dues à ce qu’au moment de Finjection des amas bacté- riens avaient été entraînés par le courant de la lymphe dans un vaisseau où ils avaient formé thrombus. Mais s’il en était ainsi, le thrombus aurait provoqué des phé- nomènes de réaction, et après 8 mois nous devrions trouver une organisation du thrombus, ou, au moins, la formation d’un nodule semblable à ceux déjà décrits. De plus, parmi les bacté- ries ainsi groupées, un certain nombre auraient subi une dégéné- ration manifeste, d'autant plus que dans la matière injectée il y en a toujours en voie de dégénérescence. 1lest difficile aussi SUR LE SORT DES BACILLES DE LA LÉPRE. 725 de comprendre comment, dans un espace aussi limité, une série de thrombus auraient pris naissance; chez aueun des autres cobayes d'expérience nous n'avons rien vu de semblable. Cette hypothèse n’explique pas non plus la présence des bacilles dans: les parois des prétendus vaisseaux lymphatiques. La disposition des bactéries, les unes par rapport aux autres, la conservation complète de leur forme et de leur réaction tineto- riale donnent à ces amas l’aspect de jeunes colonies d'une culture pure du bacille lépreux. Ces bacilles ont en effet l'apparence- jeune et se distinguent nettement de ceux contenus dans les. cellules épithélioïdes et les cellules géantes voisines, et qui sont en majorité désagrégés. Tous ces faits nous incitent à supposer que dans ce cas il y a eu multiplication des bactéries. La signi- fication des espaces où sont logées des colonies bactériennes est plus difficile à interpréter. Toutefois nous ne croyons pas que ces espaces puissent représenter des coupes transversales des vaisseaux lymphatiques. En effet, leur disposition en groupes, l'épaisseur de leurs parois, l'absence complète de fibres élastiques (coloration d'après Weigert et Unna-Taenzer), puis la présence de bactéries dans cette paroi même, tout cela est contraire à une semblable interprétation; une autre nous parait plus pre bable : les espaces en question ne seraient autre chose que des fentes lymphatiques distendues sous l'influence de la multipli- cation bactérienne. On ne peut pas dire d’une façon certaine si la formation des parois de ces cavités est le résultat d'une réaction répondant à la prolifération bactérienne, ou s’il s’agit de parois préformées développées avant le début de celle-ci. Quant à la multiplication bacillaire, a-t-elle eu lieu peu de temps après l'injection ou bien à une-date plus éloignée, notamment au cours, des derniers mois ? La dernière hypothèse nous paraît plus plausible, et en sa. faveur parlent les considérations suivantes. Nous avons vu sur: les cobayes précédents que l'injection de bactéries s’accampagne de formation de nodules dans l’épiploon, nodules qui représen-- tent des foyers dans lesquels se passe la lutte avec les bacilles injectés ; nous avons également vu que ces nodules subissent la transformation crétacée ou fibreuse, mais qu’ils conservent néan- moins toujours un grand nombre de bacilles complètement intacts. Il n’y a dès lors rien d’impossible à ce que ces bactéries, 726 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. sous l'influence d’une cause quelconque, commencent à se mul- tiplier, à écarter les tissus environnants et à amener la série des phénomènes que nous avons observés chez notre dernier cobaye. Si l’on admet cette interprétation, on comprend pourquoi on a pu trouver facilement des bacilles dans l’exsudat au cours des dernières semaines, pourquoi des bactéries existaient dans la rate et les reins d’un cobaye de 8 mois, tandis que chez les autres il n’y en avait plus à partir d’un mois après l'injection. Nous croyons donc que nous sommes tombé sur un fait démon- trant la possibilité de la multiplication des bactéries de la lèpre chez les cobayes. Le tableau ci-joint montre que trois de nos animaux en expérience ont succombé à la tuberculose; ce fait, ainsi que ceux rapportés par quelques autres auteurs, nous à suggéré l’idée de faire quelques expériences sur des cobayes en leur introduisant une culture peu virulente de bactéries tuberculeuses en même temps que l’émulsion lépreuse. Les résultats ont été peu probants. Puisque nous sommes en train de parler de la tuberculose, nous croyons nécessaire, à propos du cobaye de 8 mois, d’insister sur ce point que ni les lésions histologiques de l’épiploon, ni l’ensemble des autres phénomènes ne nous auto- rise à supposer chez cet animal une infection tuberculeuse. y + * À Injection de l'émulsion lépreuse sous la peau. — Nous serons bref sur ce point, étant donné le petit nombre d'expériences et la courte durée de ces observations. À la suite des injections de l’émulsion sous la peau du ventre, on observait chez quelques cobayes, au bout de 8 jours, la forma- tion d’une petite infiltration mal circonscrite. Cette infiltration persistait 2-3 semaines, puis disparaissait. Si 24 ou 48 heures après l'injection on recueillait un peu d’exsudat au niveau du point injecté, on pouvait constater que. cet exsudat présentait essentiellement les mêmes caractères que dans l’injection intrapéritonéale, avec cette différence, toutefois, qu'il était plus riche en cellules polynucléaires et contenait pas mal de bactéries libres. Toutefois, d’après l'examen des coupes provenant du cobaye n° 64, sacrifié au bout de 8 jours, les bac- SUR LE SORT DES BACILLES DE LA LÈPRE. 127 téries étaient englobées par les éléments cellulaires du tissu inflammatoire, lesquels formaient le substratum anatomique de l'infiltration. L'examen des organes internes des deux cobayes, dont un fut sacrifié 48 heures et l’autre 8 jours après l'injection sous-cutanée, a démontré qu'avec ce mode d'introduction, les bactéries pénètrent en petite quantité dans divers organes : foie, rate, épiploon, reins; en plus, on en trouvait toujours dans les ganglions lymphatiques de laine. Chez le cobaye n° 91, sacrifié au bout de 38 jours, on n’a trouvé de bactéries que dans les ganglions lymphatiques de laine et, en petit nombre, dans le tissu cellulaire sous-cutané de la région où a été pratiquée l'injection. Chez deux cobayes auxquels l'injection avait été faite sous la peau du dos (n° 1 et n° 7), on n’a trouvé des bactéries que dans les ganglions de l’aine; enfin, chez le cobaye n° 40, sacrifié au bout de 24 jours, en dehors des ganglions lympha- tiques, on a réussi, après de longues recherches, à démontrer la présence de quelques bactéries sur des coupes de la rate. Se basant sur ce fait, on pouvait penser que l'injection sous la peau du ventre crée des conditions plus favorables à la péné- tration des microbes dans les organes:internes. Mais dans l’expé- rience suivante chezun cobaye, auquel on avait injectésous la peau du dosune émulsion lépreuse, stérilisée à l’autoclave à 120° durant 1 heure, on a pu facilement trouver, au bout de 48 heures, des bactéries non seulement dans les ganglions inguinaux, mais aussi dans la rate, le foie et les reins. Quant à la quantité de bactéries trouvées, dans toutes ces expériences, dans les organes internes, nous pouvons dire qu’elle était à peu près la même que dans les injections intrapéritonéales, c’est-à-dire relativement très peu considérable. Les rapports entre les bactéries et les éléments cellulaires étaient également les mêmes. Les ganglions lymphatiques, surtout du côté correspondant au siège de l'injection, étaient plus riches en bacilles que les autres organes; chaque coupe en contenait de 10 à 30 exem- plaires, et les coupes provenant d'organes des cobayes n° 91 et surtout de celui n° 1, étaient encore plus riches. Ces bacilles n'y étaient pas à l’état libre, mais toujours englobés par les macrophages. Une seule fois nous avons constaté des altérations accompagnant la présence de bactéries dans le ganglion ingui- 728 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. nal. C'était chez le cobaye n° 1, ‘dont les ganglions lvmpha- tiques contenaient un nombre de bacilles notablement plus élevé que ceux des autres. Sur les coupes des ganglions de ce cobaye, on voyait que le tissu ganglionnaire renfermait dans son épais- seur tout une série de petits foyers à contours nets, composés de cellules épithélioïdes et géantes: c’est précisément dans ces cellules que se trouvaient les bactéries (fig. 4). Nulle part il n’y avait de dégénérescence caséeuse, ni de productions analogues aux tubercules de Wagner-Schüppel. L'examen microscopique des organes internes n’a révélé rien d’anormal. Ces lésions n'ayant été constatées que dans un seul cas, nous n’entrons pas dans Pappréciation de leur signification, nous dirons simplement qu'il y a, sans doute, une analogie entre les altérations que nous avions toujours constatées dans l’épiploon de cobayes injectés par voie péritonéale. Signalons encore le fait suivant, toujours constaté par nous: chez tous les cobayes, aussi bien dans J’injection sous-cutanée que dans l'injection intra-péritonéale, il y avait une leucocytose polynucléaire très marquée dans la rate. Nous avons vu plus haut que les bacilles lépreux opposent une résistance énergique à l’action digestive des phagocytes. Il était intéressant de savoir quelle est, à ce point de vue, la résis- tance des bactéries soumises à une haute température. Après avoir stérilisé une émulsion lépreuse à l’autoclare à la température de 120° pendant 1 heure, nous l'avons injectée à 3 cobayes dans la cavité péritonéale. Nous avons observé, à l'examen de cet exsudat péritonéal, les mêmes phénomènes que dans les expériences analogues avec l’émulsion non stérilisée, avec cette différence, cependant, que chez 2 cobayes les bacté- ries disparaissaient de l’exsudat après 6 à 7 semaines (le 3° cobaye a succombé au bout de 3 semaines). On n’a pas cons- taté dans l’épiploon de nodules macroscopiques. Nous n'avons pas étudié d’une façon plus détaillée les altérations de l’épiploon, nous bornant à examiner les préparations faites avec de petits lambeaux d'épiploon étendus sur des lamelles. Aussi, pouvons- nous seulement dire que 10 semaines après l'injection, la très grande majorité des bactéries retrouvées était complètement intacte. Résumant les résultats de nos recherches, nous croyons pouvoir en tirer les conclusions suivantes : SUR LE SORT DES BACILLES DE LA LÉPRE, 129 1. — Vingt-quatre heures après l'injection intra-péritonéale de bacilles lépreux, on constate, à l'examen de l’exsudat, que presque tous les bacilles sont déjà englobés. A partir du 3° jour, la phagocytose se fait exclusivement au moyen des mononu- cléaires. 2. — C’est dans l’épiploon que se passe surtout la lutte avec les bacilles lépreux. 3. — Dans cette lutte, Le principal rôle revient aux macro- phages qui, en l’espace de 8 mois, arrivent à digérer un certain . nombre de bactéries. 4. — 8 mois après l'injection, les bacilles sont encore extré- mement nombreux, et la plupart sont parfaitement intacts. 5. — Parmi les bacilles injectés dans le péritoine, un petit nombre pénètre toujours dans les organes internes, et chez les cobayes sacriliés, au plus tard { mois après l'injection, on trouve les bacilles avec une régularité plus ou moins grande, en dehors de l’épiploon, dans la rate, le foie, les reins et la moelle osseuse, 6.— Lorsque des bacilles lépreux sontintroduits sous la peau, on en rencontre également un petit nombre dans la rate, le foie, les reins, l’épiploon; les ganglions de l’aine en contiennert toujours une plus grande quantité. _ 1, — Dans la rate, il existe chez tous les animaux en expc- rience une leucocytose polynucléaire plus ou moins marqüée. 8. — Chez les animaux auxquels on injecte des bacilles préa- lablement soumis pendant 1 heure à l’action d’une tempéra- ture de 120°, on constate que 2 mois 1/2 après l'injection ils sont encore nombreux dans l’épiploon et parfaitement intacts. 9. — Chez un cobaye inoculé par voie péritonéale et sacrifié au bout de 8 mois, on a trouvé dans l’épiploon des altérations qui parlent en faveur de la multiplication possible des bacilles lépreux dans l'organisme du cobaye. En terminant, nous prions notre éminent maître M. Metchni- Koff de vouloir bien accepter notre respectueuse reconnaissance pour nous avoir fourni le sujet de ce travail, et nous avoir bien voulu nous faire le grand honneur de nous agréer parmi ses nom- breux élèves. Nous adressons également nos plus vifs remercie- ments à notre très estimé ami M. Besredka, qui s'est toujours montré prêt à nous aider de ses conseils. ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. 730 ‘SInof £ 9p Jn0q ne JA ‘LL où SUEP auIuIO9 9[OdJUO09 ep ‘IN2OU *SOUMOJIIO9 ‘[Ioeq S9p SUUOP E 4anW9 NP SUBS NP ‘WOSU9/T ‘08 oN ‘a[eJuapI99r asne9 9P 3/F SIOW y 2p Jn0q ne qIOJ{ ‘aÂeq{O09 un,p oulood 91 suep 2919e{ur 359 (Xn941d9] ‘[I9E{ S0p JIBu9JU09 e][e) UOS[NUS Ua -ysued} ‘uoordido,r ap o1ied euN ‘Se]119S quaysau LL où 24e4{09 np ‘Ju9d ‘PnsX9,] 29AP 99 AnD9 np Sues np 99AB SJJEJ SJUALIAOUOUISUS SAT *‘sanof (7 9p Jn0q ne ane] ‘sanof Gy 2p Jnoq nu 99SI[PJQU98 ‘oJaqny ep ‘wWOugud 2948 9q{W099nS e JOItUAIl 97 ‘(a[eauoqI -adeaqui 92414neb,] ‘ogurpno-snos gun) $s24P409 3 e uOIJBINOOUT ‘os0pnoa4eqny 9p sanbrdAY SUOISII Sap quouranpbrdoosoroetu aquas)1d E 6F ou 248409 9] SHQNÜUVNAU ‘asn9ss0 ajpoou ‘suowmod ‘“quesgu ‘[sues ‘su194 ‘al0] ‘2904 ‘UuOO)hNAIT ‘2509850 aj[e0uu ‘suownod “‘sujou ‘‘quosotu suoy|#ues ‘ojea ‘ol0} ‘00)did7 ‘esnosso o[jeout ‘2994 ‘910/ ‘UO0]d1d7 “ojea ‘/007Md7 ‘asnosso 9/[90w ‘9l07 ‘oJe4 ‘/0001d 7 ‘9SN298S$0 9]J90W ‘‘IRJU9SQU SUOIS -ues ‘suowmod ‘suraa ‘220/ ‘990.4 ‘u00)01dy ‘2SN9SS0 27)2001 ‘aure,] ep Suorygues ‘suroi ‘920/ ‘o9n4 ‘uoopdd *‘osn9sso ajjootu ‘sulai ‘220/ ‘a920.4 ‘uU00)ddy “asnasso aj[oou ‘uowunod ‘‘19) -u9Sgu SUOI[BURS s9/104 ‘9904 ‘910{ ‘UOOdH ‘259860 a[[80u ‘suoumod ‘sanbr19} -U9SQu SuOr[SueSs ‘sUI9I ‘oui 10] “0077 (à) 287980 277201 ‘uowmod ‘197 -u9sou SuOSUueS ‘s1/194 “9104 ‘a10[ ‘u00]hdy ‘asona1aqn} 9p S0)S9JIUBUI SUOISAI Sap daJuos -p1d sues %/7 SIOW ÿ 9p Jnoq ne JON “248409 adqne un PR ‘JIH9d-BIJUI “oOuJ ‘oddnuyos-r1ousem ap Se[nodoquy Ss9p onbidA7 91n)0n1)S EJ JUO 810] np 49 suowunod sap ‘24aqn} Sa] ‘‘dOPSOUOII ‘St -9)981B9 99S1[BIQU98 ASO[N9I9qN} : ‘AOPSOIIEIN ‘JPJQu9s ‘19qn} P SIOU uN,p Jn04 ne JON ‘248409 e4qne un,P egue]no-sn0s ‘[NoOUT ‘280] -n919qn7 9p sanbrsd9)0e1e9 suoIsar ‘“ad0980410fu ne :sanbHaquesgui SUOI[SUES Sap as0[NoJoqn I, (Conbi1092 ue quos sasnoudgl Sa11999Eq S9P PANOIJ EU UO S[anbsa[ SUP Xn9) ‘24098019 NE SQUIUIEXO SAINVOUO SH NOILVHANANA Lspm'uwusg c79 = ‘SIou Z 067 ‘eut04419d ‘saanau 8r 144 = (some | 01e — ‘(+) soureues 6| 0çz Æ ROME 007 — sInof 97 4: — ‘Sanof 06€ “ul0}H94 ‘S91Nn9U 87 02€ ‘QUIBUUOS 07 En ‘(+-)saurues | 00% — ‘sano( cr (+4 ‘oul0}94 "sanof 9 079 (2) 2/7 Siow £| ogg “oureues 08 | ‘eul0JM9 4 | ‘SauIeues 6 06€ à Juewowu has ap Jnoq ne ‘uor}oa {ut QUt0ES 919 9pP 32 Jepnsx9,] 9418] > 2 : opnardsp | #19 8 no |° ME ot] Pol RUE AIT |AvHINV SaHP0EQ Sy 0FG GYY c0Y 0GF 076 GGe 06€ 086 08€ OTE Gye 065 009 067 qaour ef | *oa[ur,] 9P Anof a SdI0d4 06 86 TG 08 LL YL 94 &L sg y YG 18 8c -sa4eqoo 9 4/83 ‘AI ‘dx ‘5948409 Z A/TY ‘III “dx ‘s248409 » ‘II “dx ‘S2484{09 Z °T067 A1/9T Gi ‘dx ‘59,24 SIONAIHIdXA RE TS dE à PO | 731 « SUR LE SORT DES BACILLES DE LA LEPRE. ‘850198 ANS $N220.44d 9p AOIeA 91n7[n9 eun,p 91}I0u 8] ‘esnoada] UOISINUUY,I 2P uOrJoeluL I jueAB Ssognog Xn9p ‘Ndoi B 09 où 948409 9 ‘sodqne sa onb S9IpUIOU SI0OJ 0% R CF UOITAUA UOISINUW9Y,P SAS0P Sop n994 ju0 ‘Le ‘02 ‘62 “SZ soU S9ÂB4O9 Sa] ‘aurad que a9p1u08s 919 e ‘oouordadxe,] ap a91np e[ Juepuod 1puP4s E (GC où 248409 97 ‘A[IPJU9pI,9e 9Sn89 9p ‘sa1Jne XN9P anb 1su1Ie ‘JqWO99n8 JU0 $F 19 LY SaÂEq00 s97 SHAÔÜHVNAN ‘uCO)0d7 ‘aSn9S60 900 ‘27/20,) 2p Suo16uDD ‘suiau ‘910 ‘agwa ‘uoordidq ‘suroi ‘uoordida ‘2710, 0p Su01B UE ‘o20Y ‘u00701d5 “U00d7 ‘U00)0d 7 ‘esnasso oppootu ‘oqea ‘0020107 “xnvDuinbur SuorbunG ‘oyea ‘uoordid' ‘201,9 9P NDoniu NN IN9-SN0$ ‘1n7929 nS829 ‘xnDuinbun ‘‘xpquosou suorsues ‘osnassO eJ[20U ‘Suj9i ‘910 ‘ae ‘uoo[did'} ‘xnvnu -inÜur suor)DunD z ‘“suowmod ‘oyex ‘uoordid'} ‘2Snass0 ajpeou ‘suowunod ‘‘419} -U9sgu suorpgues ‘SUIOAI ‘o10] ‘Je ‘Y007d7 “a10} ‘oyea ‘00/47 ‘u00)d 7 Ce9stH91s uoIsn uw» ) Aur0YI9 4 : 99SH191S UOISFNTU sop np neod e[ Sn0S ‘auletues Es * D9SIA9S UOIS[NUU a *‘QUJEUI9S 99 ‘LU of NP UF “U 97 NP ULJ ‘eur071194 ‘adqua4 np neod BJ Sn0S £sopnp nrad E[ Sn0S UI 9G NP UIA ‘aur0JH9 A ‘SUIOL SOI 90 210} 9[ SUBP SoH9J08q op sed SIEUI : 79 où 948409 A] Zou9 anb SJ8J[NS91I SAW ‘suotunod ‘sy294 ‘a10f ‘asnasso areour ‘‘quasout suorsuesS ‘S2909 œnap Sap ænnuinbu) Ssuory0unË ‘ag04 ‘uoopdido ‘‘ynooun 2p NDaaIu ND ‘JN2-SNOS ‘1999 NSS1) 99 NV2d “onbi7n91 ua juos sesnoldal Sa119)9P4 S9p 9ANO4J 8 UO S[onbse] sUEP XNa9) ’adopsouoitu ne SaUItUEXA SANVOHO SAG NOILVHANNONA “nead B[ Sn0S i Juewou onb e 19 Jepnsxeo.,] 9p naedsip Sa[[9-Ju0 Sson9)98q 591 * uop99futT 9718} 949 E Qo NTI “AlOQU9 JIA "3/4 SIOw 3% ‘Soinau 9 ‘sanof F3 "Soul8wu9s } (+) seureuwes £g ‘SAuIPLUeS LT ‘JJAINS ‘SOUTEUeS CF "sanol gg Cgz “sanof gr cre ‘SAno( 98 088 8 4 ‘m9 ) SAUTEUSS ) SAuTetues OCZ 097 086 ( Û “samoy 8r | 01 *sanof Z OLE | SLS ep gnogq ne |you e| ‘oelul,] gpuoes 979 2p e no ‘(—+) juow| anof ‘JueAIA 89 TIVNINVI D SdiOd | + Le} ‘Sa4eqo9 sop SOJ9UUnN] ‘s948q09 Z IX/3} sa4eq09£7 XI/FG ‘IA ‘dxA sa4eqoo IA /£8 ‘A ‘4x4 -Sa4Rq{09 9 A/88 (Capans) ‘AI ‘dxA SAINATATA XXE 7132 CO 1 © O7 & O9 9 9° 7 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. 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SUR LE SORT DES BACILLES DE LA LÈPRE. 133 EXPLICATION DES PLANCHES XI ET XII Les coupes ont été colorées par la fuchsine de Zieh]l, et décolorées par l'alcool chlorhydrique (alcool absolu ou à 90° : 100 p. HCI : 2 p.) et colorées ensuite par le bleu de méthylène 1. Microscope Zeiss. Nous avons employé encore d’autres méthodes de coloration. Pour diffé- rencier les bacilles de la lèpre avec ceux de la tuberculose, nous avons eu recours à la méthode de Gram. Faisons remarquer que dans certains cas, les bacilles lépreux, colorés par la méthode de Gram, se décoloraient après 1-2 jours. Fig, 4 — Cob. 50. Nodule épiploïque, 6 mois et 1/2 après l'injection. Le centre de ce nodule est calcifié. La coupe passe à côté de cette partie calcifiée, a, Capsule du nodule constituée par des cellules rondes et fusiformes; D, tissu normal de l’épiploon. La couche centrale du nodule présente une masse granu- leuse amorphe. Les bacilles sont colorès en rouge. Oc. I. Ob. A. A. Fig. 2. — Cob. 90. Cellules géantes et épithélioïdes d’une production épiploïque nodiforme (8 mois après l'injection). a, Cellule géante avec bacilles dégénérés et cristaux; 0, cellule géante contenant des bacilles en « dégénérescence jaune », Homog. Immers. 4/12. Oc. 5. Fig. 3. — Cob. 21. Nodule épiploïque, 48 heures après l'injection. Hom, Im- mers: 41712. Oc. 4. Fig. 4. — Cob. 1. Ganglion lymphatique inguinal, 26 jours après linjection sous-cutanée. Au centre, cellules épithélioïdes contenant des bacilles. A la péri- phérie, tissu ganglionnaire normal. Hom. Immers. 1/12. Oc. 1. Fig. 5. — Cob. 28. Une partie du centre d’un nodule épiploïque du cobaye sacrifié, 8 mois et 4/2 après l'injection. Au milieu du tissu amorphe, on voit des bacilles intacts et d’autres dégénérés:; a, « Dégénérescence jaune » des bacilles; b. bacilles décolorés. Hom. Immers. 1/19. Oc. 5. Fig. 6. — Cob. 90. — Un mononucléaire trouvé dans l'exsucat péritonéal du cobaye le jour où il à été sacrifié, contenant un petit amas de bacilles. Mème grossissement. : Fig. 7. — Cob. 90. Exsndat péritonéal du même cobaye, 7 mois après l'injection. a, Mononucléaire avec 2 bacilles en désagrégation ; b, mononueléaire avec 1 bacille intact. Même grossissement. Fig. 8. — Cob. 90. Partie centrale d’une production épiploïque nodiforme, 8 mois après l'injection. aa, Grands amas de bacilles dans les espaces; D, sorte d’enveloppe conjonctive autour de ces espaces; c. cellules épithélioïdes, contenant des bacilles dégénérés. Oc. 4. Ob. DD. Fig. 9. — Cob. 90. Le point @ , de la préparation précédente, à un fort grossis- sement. Tous les bacilles sont intacts et présentent les mêmes dimensions. Hm. Im. 1/12. Oc. 5. Fig. 10. — Cob. 50. Nodule épliploïque, 6 mois et 1/2 après l'injection. La partie centrale est fibreuse. Beaucoup de bacilles dégénérés à côté des bacilles intacts. Même grossissement. Fig. 11. — Cob. 76. Nodule épiploïque, 2 semaines après l'injection. a, couche de leucocytes polynucléaires ; b, couche des cellules épithélioïdes et géantes ; e, couche des cellules rondes et fusiformes, Oc. 4. Ob. DD. SUR LES SENSIBILISATRICES DES SÉRUMS ACTIFS CONTRE LES SUBSTANCES ALBUMINOIDES Par LE D' GENGOU. (Travail de l'Institut provincial de bactériologie du Brabant, à Bruxelles.) L'étude expérimentale, in vivo, de l’immunité anticholérique amena Pfeiffer! à observer un phénomène qui porte aujour- d’'hui son nom, et qui consiste dans la transformation granuleuse extracellulaire des vibrions de Koch que l’on injecte dans la cavité péritonéale de cobayes vaccinés contre le choléra. Le même phénomène s’observe encore, ainsi que le montra Pfeiffer, lorsqu'on introduit, dans la cavité péritonéale de cobayes neufs, des vibrions cholériques, préalablement mélangés avec un peu de sérum provenant d'animaux solidement immunisés contre ce microbe. Cette transformation régressive des vibrions trahissait une action bactéricide énergique. Pfeiffer attribua à des cellules fixes, les cellules endothéliales du péritoine, la propriété de sécréter rapidement, dès qu'elles se trouvaient en présence de vibrions injectés dans la cavité, des matières très nocives pour ces microorganismes. Celte interprétation était inexacte, ainsi que Metchnikoff ? le montra bientôt. Ce savant produisit in vitro la transformation granuleuse des vibrions, en les mélangeant à du sérum préventif additionné d’exsudat péritonéal provenant d’un cobaye neuf; cet exsudat ne renfermait pas de cellules endothéliales, mais bien des globules blancs. Pfeiffer, dans ses expériences, n'avait pas constaté la trans- formation granuleuse des vibrions, lorsqu'il mélangeait ceux-ci, dans un tube, à du sérum provenant d'animaux vaccinés contre ces microbes. On peut supposer aujourd'hui qu'il employait du choléra-sérum trop vieux, et qui avait perdu ses propriétés bactériolytiques. En effet, Bordet ? obtint le phénomène de Pfeiffer in vitro, en Preterer, Zeitschr. f. Hyg., t. XVIII, 1894. 1% 2, Mercanixkorr, ces Annales, juin 1895. ?, Bonper, ces Annales, juin 1595. SENSIBILISATRICES DES SÉRUMS ACTIFS. 135 mélangeant simplement, à des vibrions cholériques, du sérum préventif frais. Il démontra que la propriété bactériolylique du sérum anticholérique était due à la collaboration de deux sub- stances, toutes deux nécessaires à la production du phénomène : l’une, la matière préventive spécifique ou sensibilisatrice, comme il l’a appelée, acquise par l'animal vacciné du fait de son immu- nisation, matière susceptible de se conserver longtemps, résis- tant à des températures assez élevées (65-70°); la seconde, l'alexine de Buchner, existant dans le sérum des animaux neufs comme dans celui des vaccinés, disparaissant assez rapidement dans les sérums conservés, facilement destructible par la cha- leur (55°). A elle seule, l’alexine est peu active sur les vibrions normaux, mais elle le devient infiniment davantage quand ces vibrions ont subi l'influence de la sensibilisatrice ducholérasérum. Cette notion de la dualité des substances bactériolytiques fut établie en 1895 par Bordet, grâce à une série d'expériences, parmi lesquelles la plus importante est la suivante. Si l'on chauffe du cholérasérum à 55°, on le prive de ses propriétés bactériolytiques ; mais si à ce liquide on ajoute du sérum frais d'animal neuf (sérum par lui-même peu bactéricide), le cholé- rasérum récupère, dans son intégrité, la propriété bactérioly- tique énergique qu’il possédait avant le chauffage. Le sérum neuf frais (alexine) « réactive » donc le cholérasérum chauffé. En effet, dans un tel mélange, les deux substances dont la colla- boration est nécessaire sont de nouveau présentes. L’alexine, ainsi que l’ont démontré Metchnikoff et son école, est d’origine leucocytaire; c’est grâce à elle que, dans les études de phagocytose faites par Metchnikoff, se produisait la bacté= riolyse des vibrions à l’intérieur des globules blancs, même chez les animaux neufs. Bordet! injecta ensuite à des animaux, non plus du vibrion cholérique, mais des globules rouges d'espèces différentes. Le sérum de ces animaux acquiert alors la propriété d’hémolyser in vitro ces globules, et ici encore cette action se produit par la collaboration de deux substances : l’alexine normale, destruc- tible à 55°, et une sensibilisatrice acquise. Quelles sont les créa- tions intimes qui se passent entre les substances actives du sé- rum et les cellules sensibles? 1. Borper, ces Annales, octobre 1898 # 736 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. On savait que si l’on fait agir sur des globules rouges déterminés l’immunsérum approprié, préalablement chauffé à 55°, l'hémolyse ne s’opère pas, l’alexine ayant été détruite par le chauffage. Or, Ehrhch et Morgenroth ! montrèrent que dans ces conditions, ces hématies fixent la sensibiisatrice de l’immun- sérum; celui-ci, décanté, se montre désormais privé de ses propriétés spéciales, Mais les hématies ne fixent pas seulement la sensibilisatrice, Si, au lieu d'employer du sérum hémolytique chauffé, on met les hématies au contact de l’immunsérum frais, ces globules absorbent, ainsi que le montra Bordet*, à la fois la sensibilisatrice et l’alexine dont elles dépouillent entière- ment le liquide ambiant. Ce même phénomène de l’absorption de l’alexine se produit encore, bien entendu, si on introduit les globules non pas dans le sérum hémolytique frais, mais [dans .un mélange du sérum hémolytique préalablement chauffé à 55° et d’un sérum frais d'animal neuf; en effet (c’est 1à l'expérience de Bordet que nous rappelions au début) on sait qu’un immun- sérum chauilé est complètement régénéré par l'addition de sérum normal frais : 1l redevient identique à ce qu'il était avant le chauffage. Mais comment décèlera-t-on l'absorption de l’alexine dans ce mélange de globules, d’alexine et de sensibilisatrice appropriée? D’une manière bien simple : en y ajoutant uliérieu- rement de nouveaux éléments sensibilisés, tels que des vibrions cholériques impressionnés par du cholérasérum chauffé à 55°. Si le mélange contenait encore de l’alexine, les vibrions sensi- bilisés qu’on y introduit s’y transformeraient sûrement en gra- nules. Or ils y restent intacts, montrant ainsi que l’alexine a disparu du liquide. On peut aussi faire cette expérience inver- sement, en mélangeant à l’alexine d’abord le vibrion et le cho- lérasérum, ensuite les globules sensibilisés : ce sont alors les vibrions qui sont détruits et qui absordent l’alexine, et ce sont cette fois les globules, introduits ultérieurement, qui restent intacts. De ces expériences, Bordet tira la conclusion que l’alexine qui se fixe sur les hématies sensibilisées et les détruit est iden- tique à celle que les microbes sensibilisés absorbent en subissant son influence nocive. Dans un même sérum, il n’y aurait 1. Enrucx et MorGenror, Berlin. Klin. Wochenschr., 1899, n° 1. 2. Ces Annales, mai 1900. SENSIBILISATRICES DES SÉRUMS ACTIFS. 137 qu’une alexine, s’attaquant indifféremment soit aux microbes, soit aux globules. Que l’on donne raison à cet observateur en admettant comme lui l’unicité de l’alexine ou tout au moins l’unicité fonctionnelle de cette substance, ou bien qu'on se rallie à la thèse d’Ehrlich et Morgenroth, à savoir qu'un sérum nor- mal contient un grand nombre d’alexines diverses, respective- _ment adaptées à tel ou tel élément cellulaire ou microbien qu’on désire soumettre à l’action de ce sérum, — le fait incontestable est qu’en présence de la sensibilisatrice appropriée, un élément microbien ou cellulaire quelconque prive complètement de son alexine le sérum frais, et le rend ainsi inactif pour de nouveaux éléments sensibilisés identiques ou très différents. Il est à peine besoin de dire que dans les expériences dont il est question, et dans lesquelles le sérum neuf employé (alexine) provenait généralement du cobaye ou du lapin, on ne constatait pas l’absorption de l'alexine lorsque les éléments, les globules par exemple, n'étaient pas sensibilisés par l’immunsérum spé- cifique. En d’autres termes, si, au lieu du mélange: alexine, globules, sérum hémolytique (chauffé à 55°), on préparait une mixture analogue, mais où le sérum hémolytique était remplacé par du sérum (également chauffé à 55°) d’animal neuf de même espèce, le liquide restait chargé d’alexine, et ne perdait point, en conséquence, son pouvoir destructif vis-à-vis de nouveaux éléments sensibilisés. Les sérums normaux sont donc, en règle générale, impuissants à provoquer l’absortion de l’alexine. S'ils contiennent des sensibilisatrices, ces matières sont trop peu abondantes, ou bien leur activité est trop faible pour que la fixation de l’alexine puisse s’effectuer d’une manière constatable par le procédé ci-dessus mentionné. Cette règle générale souffre cependant, disons-le en passant, quelques exceptions. Il existe des sérums normaux dont l’alexine se fixe avec une très grande énergie sur certains éléments figurés, sans le secours d'aucun immunsérum. M. Malvoz, tout récemment:, a montré que tel estle cas pour le sérum de chien neuf mis en présence du bacille charbonneux ; en outre, ce sé- rum peut même provoquer la fixation, par ce microbe, d’alexines d'espèces animales différentes (lapin, cobaye, rat); il se com- porte donc comme s’il contenait une véritable sensibilisatrice. 1. Ces Annales, août 1902. Ê 48 138 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Dans le mème ordre d'idées, M. Bordet et nous-même avons vu récemment que si l’on mélange à du sérum frais de chien reuf des globules de lapin (préalablement lavés), lhémolyse se pro- duit très activement et la fixation d’alexine s'opère avec une telle énergie que le sérum perd ses propriétés bactériolytiques ; on peut, ultérieurement, introduire dans le mélange des vibrions cholériques sensibilisés (par du cholérasérum chauflé à 55°) sans que ceux-ci subissent la transformation granuleuse. Mais, nous le répétons, de pareils cas sont rares. Le sérum neuf de la plupart des animaux employés au laboratoire n'im- pressionne pas suffisamment les éléments figurés pour leur faire absorber l’alexine avecuneréelle énergie; lesimmunsérumsdeces animaux, au contraire, rendent ces éléménts très avides de cette matière. La réaction de fixation de l’alexine permet donc, en général, de distinguer facilement le sérum d'un animal vac- ciné contre un élément connu, d'avec le sérum d’un animal de même espèce, mais non immunisé. Elle permet, en d'autres termes, de reconnaître la présence des sensibilisatrices spécili- ques crées par la vaccination. Une sensibilisatrice, avant les expériences de Bordet sur l'absorption de l’alexine, ne pouvait se définir que comme suit : c'était uné substance rendant un élément déterminé (globule, vibrion) destructible, ou tout au moins morphologiquement alté- rable, par une dose d’alexine normalement incapable de l’atta- quer. Mais puisque la propriété que possède la sensibilisatrice de multiplier l’actien nocive de l’alexine n’est pas la seule dont cette substance est douée, puisqu'elle a en outre le pouvoir de faire absorber l’alexine par l'élément qu’elle a impressionné, 1l n’est plus du tout nécessaire, pour pouvoir affirmer l'existence d’une sensibilisatrice dans le sérum d’un organisme immunisé, de cons- tater que l'élément, soit microbien, soit cellulaire, contre lequel l'animal a été vacciné, subit en présence de l’alexine et de l'immun- sérumunealtération morphologique bien visible. Isuffit que, dans ces conditions, l'alexine disparaisse du mélange. C’estce principe qui a permis à Bordet et Gengog' de constater la présence de sensibilisatrices dans la plupart des sérums antimicrobiens, tels que ceux d'animaux injectés de peste, de rouget du porc, de pre- nier vaccin charbonneux, de bacilles d'Éberth, de proteus vulga- 1. Bonper et Gencou, ces Annales, mai 1901. œ SENSIBILISATRICES DES SÉRUMS ACTIFS. 139 r'is, ainsi que dans le sérum de convalescents de fièvre typhoïde. Si on met, par exemple, dans 2 tubes, une même dose d’émul- sion de bacilles pesteux dans l’eau physiologique et une même quantité d'alexine, puis qu'on ajoute au premier une dose déterminée de sérum de cheval neuf chauffé à 55° et dans le second la même quantité de sérum, chauffé à 55°, d’un cheval vacciné contre la peste, on constate que des globules de lapin bien sensibilisés, mis ultérieurement dans ces tubes, s’hémoly- sent parfaitementdans le premier et restent complètement intacts dans le second. Done, l’alexine est restée libre dans le premier tube et a disparu dans le second; des mélanges témoins mon- trent, bien entendu, que ce sont bien les bacilles pesteux qui, influencés par le sérum préventif, ont fixé l’alexine. Ces faits n’ont pas été contestés, que nous sachions tout au moins ; cependant, M. Aschoff! vient récemment de critiquer la méthode employée par Bordet et Gengou, prétendant que la production de l’hémolyse ne permet pas de conclure à l’absence. de sensibilisatrice (dans le sérum neuf probablement); car, dit il, « à côté des alexines adéquates aux amboceptors bactérieides, il peut y avoir des alexines adéquates aux amboceptors hémoly- tiques ». Là n’est pas la question, car Bordet et Gengou n’ont pas cherché à établir qu’il n’y avait pas de sensibilisatrice dans le sérum neuf, mais ils ont établi qu’il y en a une dans les im- munsérums. Au surplus, si M. Aschoff croit à l'existence de sen- sibilisatrice antipesteuse dans le sérum neuf de cheval, comme dans le sérum antipesteux, comment explique-t-il que le second fixe « ces alexines hémolytiques » sur le bacille pesteux, et que le premier n’en fasse pas autant? Il résulte de cet exposé que, jusqu’à présent, les sensibilisa- trices n'ont été décelées et étudiées que dans les sérums qui agissent sur des éléments morphologiques organisés (microbes, cellules diverses). Il semble que l’on puisse aller plus loin et se poser la question suivante : Un élément doit-il être nécessairement organisé, morpho- logiquement descriptible, pour que son injection à un animal donne lieu à la production de sensibilisatrices adéquates ? On a déjà bien des fois injecté des substances dépourvues de toute struc- ture cellulaire. Bordet?, par exemple, vaccina autrefois des 4. Ascuorr, Ehrlich's Leitenket(entheorie undihre Anwendung auf die küns{li- chen Immuniätsprozesse, Zeitschr./f. allgem. Physiol., 1902, 3-Hft, { ter Bd, p. 159. 2, Boroer, Mécanisme de l’asglutination, ces Annales, mars 1899. 740 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. lapins contre du lait de vache et obtint un sérum précipitant ce lait. Wassermann ! montra qu’on peut arriver au même résultat avec diverses espèces de lait. Tchistovitch *, Bordet * injectèrent des sérums d'animaux à des espèces différentes, et ceux-ci four- nirent un sérum précipitant les premiers. Mijers' obtint aussi des sérums précipilant l’albumine du blanc d'œuf, la globuline du sang de mouton et de bœuf, la peptone, Depuis, ces injec- tions ont été faites par de nombreux auteurs, dont la liste allon- gerait inutilement cet exposé. Mais l’on n'a signalé jusqu'ici que ce pouvoir précipitant dans le sérum des animaux injectés de matières organiques non cellulaires, provenant d’autres espèces animales. Il nous a paru désirable de rechercher si l'organisme se bornait là au cours de ces injections, et s'il ne id pas, ici également, des sub- stances de même ordre que les bi de antimicro- biennes et hémolytiques. Nous avons employé dans ce but la méthode suivie par Bordet et Gengou, basée, comme nous l'avons dit plus haut, sur la fixation par un élément sensibilisé quelconque de toute l’alexine qu’il rencontre. Nous avons recherché si cette fixation peut se produire sous l'influence du sérum de lapins injectés de liquide tels que du lait de vache, du blanc d’œuf de poule, du fibrinogène pur de cheval, du sérum de chien chaufféà 55°, — ou bien encore sous l'influence du sérumde cobayes injectés de sérum de lapin chauffé à 55°; nous avons recherché, en d’autres termes, si ces sérums d'animaux traités contiennent, outre une précipitine, une sensibilisatrice pour les substances qui ont été injectées. Sérum de lapins vaccinés contre le lait de vache. — Nous avons injecté à ces lapins des doses relativement considérables de lait de vache, chauffé au préalable à 70° pendant une 1/2 heure. Ils recoivent successivement 10 ©. e., 10 c. c., 12 c. c., 42 c. ec. de lait à 7 jours d'intervalle. Leur sérum, recueilli 14 jours après la dernière injection, est chauffé une 1/2 heure à 56°; nous le désignerons sous le nom de sérum lapin-lait 56°. Comme alexine, e WASssERMANN, Deutsche med. Wochenschr., 1899, n° 80. Terisroviren, ces Annales, mars 1899. BorperT, ces Annales, mars 1899. Muers, Centralbl. für Bakter., 1900, Bd. XX VII. & ©: Lo = SENSIBILISATRICES DES SÉRUMS ACTIFS. _nous nous sommes toujours préparé la veille, dépouillé 741 servi du sérum d’un lapin neuf, de globules par centrifugation et e) O maintenu à la température du laboratoire (16° C.). On prépare avec ces réactifs les mélanges suivants : Le fer tube contient : 2/10 de c. c. de lait de vache; 6/10 de c. c. de sérum lapin-lait 560; 1/10 de c. e. de l’alexine de lapin; Le 2e tube contient : 2/10 de c. ce. de lait de vache ; 6/10 de ec. c. de sérum de lapin neuf 560; 1/10 dec. c. d’alexine de lapin ; Le 3e tube contient : 2/10 de c. c. d’eau physiologique à 7,5 0/00; 6/10 de c. c. de sérum lapin-lait 56 ; 1/10 de c. c. d’alexine de lapin; Le 4e tube contient : 2/10 de c. ce. d’eau physiologique à 7,5 0/00; 6/10 de c. c. de sérum de lapin neuf 560; . 4/10 de c. ce. d’alexine de lapin; Le 5e tube contient : 2/10 de c. c. de lait de vache ; 6/10 de c. c. de sérum lapin-lait 560; 1/10 d’eau physiologique ; 2/10 de lait de vache ; 6/10 de sérum de lapin neuf à 560 ; 1/10 d'eau physiologique. Le 6e {ube contient : Tubes 1 et 2. — C’est dans ces tubes que l’on compare réel- lement l’action sur le lait du sérum lapin-lait 56° à celle du sérum de lapin neuf 56°. Tubes 3 et 4. — Ces tubes sont destinés à établir l’action du sérum lapin-lait 56° et du sérum de lapin-neuf 56°, sur le sérum alexique, en l’absence de lait. Tubes 5 et 6. — Ne contenant pas d’alexine, ces tubes servent à constater que les sérumslapins-lait 56° et lapin neuf56° n’hémolysent pas, en l’absence d’alexine, et permettent d’obser- ver, par comparaison, l’état de l’hémolyse dans les quatre pre- miers tubes. Le tout est laissé 5 heures à la température du labora- toire, et agité de temps à autre, pour assurer le mélange intime des divers constituants. On introduit alors dans chacun des tubes, 1/30 de c. c. de globules de poule sensibilisés'. Voici ce 4, Du sang défibriné de poule cst lavé dans une grande quantité d'eau salée à 7,5 0/00; les globules sont remis en suspension dans un volume d’eau salée égal à celui du sang défibriné, d'où on les à obtenus. Ainsi privés de sérum sanguin de poule, ils sont sensibilisés par l’addition de 2 volumes de sérum chaufté à 56°, provenant d’un lapin injecté à plusieurs reprises de globules de poule. 742 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. que l'on constate, 2 heures environ après l’introduction de ces globules dans Les tubes; le résultat se maintient, même le len- ain Dans les tuée 2,3 et 4, l’hémolyse se fait complètement et pour ainsi dire dansle même temps; visible après 30 minutes, elle est complète 1 heure et demie environ après l'introduction des zlobules sensibilisés. Les tubes 1, 5 et 6, au contraire, ne montrent aucune hémolyse, même après 24 heures de contact. Que faut-il conclure delà? Dans lestubes 5 et6.,1ln’y a pas d'hémolyse, parce qu'il n’y a pas d’alexine: dans les tubes 3 et 4, l’alexine est restée libre een présence du sérumdelapin- dir sérum delapinneuf 56°; ilen est de même dans le tube 2 où l’alexine n’a pas été fixée par le lait. Quand au tube 1, il s’est comporté comme les tubes 5.et 6, comme s’il ne contenait pas d’alexine. Celle que nous y avions mise n’a pu être fixée par le sérum de lapin-lait 56° seul {voir tube 3), et n'aurait pu l'être par le lait (voir tube 2), si celui-ci n'avait subi, de par l’action du sérum lapin-actif-lait 56°, une mor cation identique à celle que subissent, dans les expé- riences de Bordet, de Bordet et Gengou, les microbes divers ou les globules sensibilisés par les immunsérums appropriés. Nous pouvons done admettre que le sérum de lapins injectés de lait de vache contient, outre la précipitine, une sensibilisatrice qui, comme celles qui existent dans les sérums antimicrobiens et hémolytiques, confère au lait de vache le pouvoir de fixer l’alexine des sérums normaux. Sérum de lapins injectés de blanc d'œuf de poule. — Ces lapins ont reçu également de fortes doses de blanc d'œuf; nous leur avons injecté successivement 10 c. e., 10:e. c., 12 c. c., 40 €. c. de blanc d'œuf, à 7 jours d'intervalle, la dernière inoculation étant suivie, après 14 jours, de la prise de sang. Le sérum — que nous di pellerans sérum lapin-œuf 56° — est chauffé à 56° pendant 30 minutes, L’alexine est encore du sérum d’un lapin neuf saigné la veille, et privé de ses globules par centrifugation. On établit avec ces sérums la même expérience que pour l’étude du sérum lapin-lait 56°; le blanc d’œuf est naturellement partout substitué au lait de vache et le sérum lapin-œuf 56° rem- place Le sérum lapin-lait 560. Les résultats de cette expérience sont absolument identiques à ceux que nous avons décrits à propos du sérum lapin-lait 56°. SENSIBILISATRICES DES SÉRUMS ACTIFS. 143 Ici aussi, sous l'influence du sérum lapin-œuf 56°, Palexine est fixée par le blanc d'œuf de poule, tandis que cette fixation n’a pas lieu en présence de sérum de lapin neuf chauffé à 56° (tube 2) ou en l'absence d’œuf de poule (tubes 3 et 4). Notons aussi que nos sérums lapin-œuf 56° déterminent dans le blanc d'œuf un abondant précipité, que n’y produit pas le sérum de lapin neuf 56°. Sérums de lapins injectés de sérum de chien chauffé à 569. — Ce sérum, Sérum lapin-actif-chien 56°, fut obtenu comme les sérums lapin-lait 56° et lapin-œuf 560. Les infections de sérum de chica, préalablement chauffé à560, respectivementde8 c. e., 10et12c. ce... furent faites à 1 semaine d'intervalle. La saignée des lapins vaccinés eut lieu 2 semaines après la dernière inoculation et le sérum obtenu fut porté pendant 30 minutes à 56°. Les expériences que ce sérum lapin-actif-chien servit à réa- liser sont calquées sur les précédentes, et l’on fait, outre les mélanges importants, la série habituelle des témoins accessoires, sur lesquels nous n’insistons plus. Les mélanges importants sont évidemment ceux où l’on met en présence : a) de l’alexine de lapin (1/10 de e. c.), du sérum lapin-actif- chien, préalablement chauffé à 56° (6/10 de e. c ), du sérum de chien chauffé à 56° (2/10 de c. c.); b) mélange constitué des mêmes doses des mêmes éléments, sauf que le sérum lapin-actif-chien est remplacé par une quan- tité équivalente de sérum de lapin neuf chauffé à 56, On laisse, comme d'habitude, les mélanges 5 heures à la température du laboratoire ; puis on ajoute à chaque tube 1/30 de ce. ©. de globules de poule sensibilisés. Les résultats sont entièrement conformes à ceux qui ont été consignés plus haut. Les globules sont détruits par l’alexine dans b; dans &, au contraire,-l’hémolyse n’apparaît pas. Le sérum lapin-actif-chien a donc fixé sur le sérum de chien l'alexine de lapin; à côté de la précipitine de Tchistovitch, il contient donc une sensibilisatrice comme le sérum lapin-lait et le sérum lapin-œuf. Sérum de cobayes injectés de sérum de lapin chauffé à 50°. — Nous nous sommes proposé d'étudier cet exemple, car 1l est 744 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. assez particulier. On sait, en effet, d'après les recherches de Bordet, que, contrairement à la règle générale, les cobayes injectés de sérum de lapin ne produisent pas de précipitine active vis-à-vis du lapin. On pouvait tout d’abord se demander, en présence de ce résultat exceptionnel, si l’on n’arriverait pas à obtenir, même dans cet exemple, un sérum précipitant, en pratiquant non pas 2 injections de sérum, comme cela suffit dans les cas étudiés jusqu'ici, mais des injections de sérum de lapin plus fréquemmrent répétées. Nous avons donc pratiqué à des cobayes, 6 injections successives de 4 à 5 c. c. de sérum de lapin, Nous sommes arrivés ainsi à obtenir un sérum qui, à la vérité, ne provoquait pas de précipité dans le sérum de lapin, mais qui y faisait naître une opalescence nettement visible. Comme le faisaient donc prévoir les résultats obtenus par nos prédécesseurs, le cobaye n’élabore que des précipitines peu énergiques à l'égard du sérum de lapin. Nous avons recherché si la propriété sensibilisatrice pouvait être décelée dans un pareil sérum « cobaye-actif-lapin ». Ici encore, nous avons constaté la fixation de l’alexine du cobaye sur le sérum de lapin 56°, sous l'influence du sérum de cobaye-actif-lapin; toutefois, cette fixa- tion nous à paru moins énergique que les précédentes, car nous n’avons pas constaté une absence d’hémolyse, mais un simple retard, notable il est vrai, sur l’hémolyse normale. Nous pen- sons donc que dans l’exemple du sérum cobaye-actif-lapin, on peut admettre l'existence de la propriété sensibilisatrice, : mais que celle-ci, de même que la propriété précipitante, est relativement peu énergique. Sérum de lapin injectés de fibrinogène pur de cheval. — En injec- tant du fibrinogène pur à des lapins, nous avons voulu recher- cher s’il nous serait possible, comme on l'a fait à maintes reprises pour la coaguline des globulines, de la caséine, etc.,-de provoquer la production de sensibilisatrices vis-à-vis d'une substance chimiquement pure. Nous avons employé, pour obtenir le fibrinogène de cheval, la méthode de Hammarsten 1. 4. Du plasma de cheval, oxalaté à 4 0/00, centrifugé, est additionné de son volume d’une solution de chlorure sodique à 30 0/0. Le précipité formé est redissous dans du chlorure sodique à 8 0/0, puis précipité à nouveau par du NaCI à 30 0/0: après 3 ou 4 précipitations succcessives, le fibrinogène est redis- sous dans de l'eau distillée stérile, dissolution faciles grâce au chlorure sodique SENSIBILISATRICES DES SÉRUMS ACTIFS. 745 Nos lapins ont reçu, à 7 jours d'intervalle, successivement 10 ec. c., 12 ec. c., 12 c. c. et 15 c. c. de notre solution; on les a saignés 2 semaines après la dernière injection. Leur sérum, que nous appellerons sérum lapin-fibrinogène 56°, est, après chauffage, expérimenté sur une solution de fibrinogène, dont nous avions, comme il a été dit plus haut, contrôlé la pureté. Il y provoque immédiatement un précipité très abondant, qui ne se produit pas sous l’action du sérum de lapin neuf 56°. De plus, en appliquant à cet exemple notre technique habituelle, maintes fois signalée dans les pages qui précèdent, nous avons constaté que le sérum lapin-fibrinogène provoque la fixation, par le fibrinogène pur de cheval, de l’alexine de lapin. Cela revient à dire que cet immunsérum possède une sensibilisatrice active sur le fibrinogène. Il résulte des faits que nous venons d’exposer que le lapin, quand on lui injecte des substances telles que du lait, du blanc d'œuf, du fibrinogène, du sérum d’espèces différentes, fabrique et des précipitines et des sensibilisatrices actives sur ces diverses matières. Ainsi donc, la production de sensibilisatrices par un orga- nisme n'est pas nécessairement liée à la morphologie de l'élément injecté; l'organisme fait contre des substances dépourvues de structure cellulaire ce qu'il fait contre des éléments histologiquement définis. De même que les sensibilisatrices des sérums antimicrobiens et hémolytiques firent l'alexine des sérums normaux frais sur les microbes ou les globules qui ont été injectés aux animaux, de même les sensibilisatrices des sérums non anticellulaires fixent cette alexine sur les substances qui ont amené leur fabrication. Parmi les immunsérums que nous avons obtenus, la plupart agissent sur des mélanges complexes, tels que le sérum, le lait et l'œuf. On peut se demander si la sensibilisatrice porte son action sur l'ensemble des substances qui constituent ces mélanges entrainé par le fibrinogène dans sa précipitation, Pour nous assurer de sa pureté, nous l’avons additionné d'une part de chlorure calcique, d'autre part de sérum sanguin frais. Le second nous a donné une coagulation, ce qui prouve que nous avions bien du fibrinogène en solution; le premier n'en a pas produif, ce qui démontre que le proferment était absent de notre solution. Nous nous sommes assuré .en outre, par l'action de la chaleur, qu’elle ne contenait pas d’autres albumines ou globulines. 746 -__ ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. ou plus spécialement sur l’une ou l'autre d’entre elles. Cette recherche a été faite pour la coaguline par divers auteurs, qui sont du reste arrivés à des résultats quelque peu différents. On peut considérer comme admis, nous semble-t-il, que la coaguline agit parfaitement sur les globulines (Nolf!, Mijers ?, F. Hamburger *, Van Steenberghe ‘, Leblane ‘). Mais il est difficile de se rendre compte de son action sur les albumines; F. Hamburger prétend en effet avoir une coaguline pour la lactalbumine, Mijers pour l’albumine de l’œuf et Leblanc pour l’albumine du sérum; au contraire, Nolf n'a pas obtenu d’action sur la séralbumine. Nous avons entrepris quelques expériences à ce sujet, en nous bornant toutefois à rechercher l’action du sérum de lapin- actif-chien et du sérum de lapin-actif-lait sur les éléments isolés du sérum de chien et du lait. Action du sérum de lapin-actif-chien sur les globulines et Falbu- mine du sérum de chien. — Nous avons isolé les globulines du sérum de chien par la saturation au moyen de sulfate magné- sien. Après redissolution dans l’eau distillée, elles sont préci- pitées à nouveau par la saturation au moyen du chlorure sodique ; cette précipitation est répétée encore deux fois, et les globulines sont finalement remises en solution dans un volume d’eau distillée identique au volume du sérum initial. La disso- lution y est assurée par le NaCI entrainé par les globulines. L’albumine est obtenue, par l'acide acétique, du liquide ma- gnésien, dépouiilé de ses globulines, puis est remise en solution dans l’eau physiologique; on neutralise la liqueur par quelques gouttes de soude à 2 0/0, de façon à la ramener à la neutralité au papier de tournesol. On établit ensuite avec ces deux produits, deux séries de tubes dans lesquels on fait agir, sur chacun d’eux, du sérum de lapin neuf 56° et du sérum de lapin-chien 56°, en présence et en l'absence d’alexine de lapin. En l’absence d'alexine, les glo- bules de poules sensibilisés, mis après 5 heures, restent intacts; les solutions de globulines et d’albumine que nous . Nozr, ces Annales, 1900. Muers, loc. cit. . F. HawBurGer, Wien. klin. Wochenschr., 1901, p. 4202. F . VAN STEÉNBERGH, ces Annales, 1901. . LesLaxc, La Cellule, t. XVIII, 2 fascic. rt & 22 De SENSIBILISATRICES DES SÉRUMS ACTIFS. 747 avons employées n'étaient donc pas hémolytiques par elles- mêmes. En présence de sérum de lapin neuf 56°, l’alexine hémo- lyse très bien les hématies sensibilisées; au contraire, ce fait manque en présence du sérum de lapin-chien. IL semble donc, d’après cette expérience, que le sérum de lapin-chien fixe l’alexine de lapin tout aussi bien sur les globu- lines que sur l’albumine du sérum de chien. Nous n’attribuons toutefois qu’une signification limitée à cet essai, que nous n avons pu répéter, faute de matériel. Action du sérum lapin-lait sur la caséine, la lactoglobuline et la lactalbumine du lait de vache. Il n’en est pas de même des expé- riences que nous avons entreprises avec les divers éléments du lait, et que nous avons exécutées à maintes reprises, toujours avec le même résultat. Nous nous sommes procuré la easéine du lait par le procédé bien connu consistant à diluer d’abord le lait dans trois fais son volume d’eau et à précipiter la caséine par 1 à 2 0/00 d'acide acétique. Le précipité est redissous dans de l’ammoniaque à 1 p. 200, puis précipité à nouveau deux fois par l'acide acé- tique. La caséine, ainsi purifiée, est dissoute dans un volume d’eau ammoniacale égal à celui du lait dont on est parti; on neutralise ensuite par l'acide phosphorique. La lactoglobuline et la lactalbumine furent obtenues du petit lait par la même méthode que celle qui nous a servi à préparer les globulines et l’albumine du sérum de chien. Elles ont toujours été redissoutes, en dernier lieu, dans un volume de liquide de beaucoup inférieur à celui du petit-lait qui les avait fournies. Nous savons, en elfet, par les recherches de Bor- det, que pour fixer sur des microbes toute l’alexine d’un sérum frais, sous l'influence du sérum actif correspondant, il faut que ces microbes soient en nombre considérable. Or, la lactoglobu- line et la lactalbumine sont en trop petite quantité dans le lait pour que, en l’absence de la caséine qui entre pour une forte part dans les matières organiques du lait, elles puissent éven- tuellement assurer à elles seules la fixation de toute l’alexine sous l'influence du sérum de lapin-lait. C’est pourquoi nous avons toujours redissous ces substances dans un volume de 748 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. liquide, cinq fois plus petit que celui du petit lait d’où nous les avions obtenues. Ces substances ainsi préparées servent à établir trois séries de tubes absolument identiques, chacune d'elles étant semblable à l'expérience que nous avons décrite à propos du sérum lapin- lait 569. À côté d’une 4° série où l’on répète exactement la fixa- tion de l’alexine de lapin parle lait sous l'influence de sérum de lapin-lait, on fait donc trois séries, où le lait est successivement remplacé par la caséine, la lactoglobuline et la lactalbumine. Dans les tubes des quatre séries, qui contiennent respective- ment le lait, la raséine, la lactoglobuline et la lactalbumine, et du sérum de lapin neuf 56°, l’hémolyse se fait parfaitement ; l’alexine n'a donc pas été fixée par ces éléments en l’absence de sérum lapin-lait. Mais là où ces divers éléments sont soumis à l’action du sérum actif, on ne trouve d’hémolyse qu’en présence de lac- talbumine, au contraire, elle ‘fait totalement défaut en présence de caséine ou de lactoglobuline, tout aussi bien que de lait. L’alexine est donc fixée par le sérum lapin-lait, et sur la caséine et sur la lactoglobuline; au contraire, elle ne nous a pas paru absorbée par la lactalbumine. Nous ajouterons que le pouvoir précipitant de nos sérums «a marché complètement de pair avec le pouvoir sensibilisant; nous avons en effet observé, sous l'influence du sérum lapin-actif lait, un précipité très net dans la caséine et dans la lactoglobuline, tandis que la solution de lactalbu- mine est restée absolument limpide. Nous ne nous sommes done pas rencontré à ce propos avec F. Hamburger. * Une des principales propriétés des sensibilisatrices des sérums antimicrobiens et hémolytiques est d’être spécifiques. En très grande majorité, en effet, les immunsérums ne sont actifs qu'à l'égard des éléments cellulaires dont l'injection a provoqué leur apparition, On ne connaît guère, pensons-nous, d'exception à cette règle; toutefois Ehrlich et Morgenroth ont observé que le sérum de lapins injectés de sang de bœuf sensibilise non seule- ment les hématies du bœuf, mais aussi celles de la chèvre. Au contraire, nombreuses sont Les exceptions à la règle de la spécificité, dans le domaine des coagulines. Wassermann et SENSIBILISATRICES DES SÉRUMS ACTIFS. ; 149 Schütze!, Stern*?, Nuttall’ notamment, ont montré que du sérum d'animaux injectés de sérum humain précipite non seu- lement ce dernier, mais aussi celui des grands singes, Grünbaum * ‘obtint, en injectant le sérum de trois espèces de singes, trois sérums agissant sur chacun des trois premiers et aussi sur celui de l’homme. Linossier et Lemoine * observèrent que du sérum d'animaux injectés de sérum de bœuf peut précipiter celui d’autres espèces animales. Enfin, Moro a montré récemment que du sérum précipitant le lait de vache agit aussi bien sur celui de chèvre. Nous avons cru bon de rechercher jusqu’à quel point nos sérums actifs contre des substances albuminoïdes présentent, notamment au point de vue de la propriété sensibilisatrice, le caractère de la spécificité. Sérumlapin-aclif-lait.— Ce sérum, préalablementchaufféà 56°, et qui provient de lapins injectés de lait de vache, fut mis en contact avec du divers laits : lait de vache, de brebis, de chèvre, de jument et de femme. Pour chacun de ces laits, on opère dans 2 tubes les mélanges suivants, où l’on compare l’action qu'ont sur eux du sérum de lapin neuf 56° et du sérum actif : er tube : 2/10 de c. c. de lait (de vache, par exemple); 6/10 de ec. c. de sérum lapin-lait 560 ; 4/10 de c. c. de sérum alexique de lapin. 2e tube : 2/10 de c. c. de lait de vache; 6/10 de c. c. de sérum de Japin neuf 56; 4/10 de c. c. d’alexine de lapin. La série se continue par des tubes identiques, où l’espèce de lait seule varie. A côté de cette série en furent instituées d’autres, contenant (les quantités de lait et d’alexine de lapin restant toujours les mêmes) des doses de moins en moins fortes de sérum actif et de sérum de lapin neuf chauffé : 4/10, 2/10 et 1/10 dec. c. . WASSERMANN et SCHUTZE. . STERN, Deutsche med. Woch., 1901, p. 135. . Nurraz, The Journ. of Hyq., vol. Juli 1901, n° 3, . GRuxBauM, 7’he Lancet, Jan. 18, 1902. . Linossier et LEMOINE, Comptes rendus de la Soc. de biol., 1902, p. 85. . Moro, Wiener Ælin. Wochenschr., 1902; p. 121, QG © # RS 150 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Nulle part évidemment, le sérum de lapin neuf 56° ne fixa l’alexine sur ces divers laits; partout, au contraire, en présence de sérum lapin-lait 56°, l'absorption de-l’alexine eut lieu. La spécificité du sérum lapin-lait est nulle quand on fait agir 6/10 de ce. e. de ce sérum et 1/10 de c. ce. d’alexine de lapin sur 2/10 dec. c. delait de vache, de brebis, ete. Si on diminue les doses de sérum actif, même à 1/10 de c. c., on ne constate aucune différence dans son action sur les laits de vache, de brebis et de chèvre. Le lait de femme, au contraire; fut moins sensibilisé par nos sérums lapin-lait; même à la dose de 6/10 de ec. c. de ces sérums pour 2/10 de c, c. de lait, la fixation de l’alexine, quoique presque totale, est néanmoins imparfaite et on peut dire qu’elle est presque nulle quand on n’emploie que 2/10 de ce. c. au lieu de 6/10 de c. c. de sérum actif. Le lait de jument vient s’intercaler entre les laits du premier groupe et le lait de femme; totale, quand on emploie 6/10, 4/10 ou même 2/10 de ec. ec. de sérum actif, la fixation n’est plus complète quand celui-ci est réduit à la dose de 1/10 de c. c. En résumé, la sensibilisatrice qui existe dans nos sérums de lapins traités par le lait de vache n’est guère spécifique. Elle agit très énergiquement sur certains laits provenant d'espèces animales différentes (vache, brebis, chèvre), un peu moins nettement sur d'autres (laits de femme et de jument). Sérum lapin-œuf 56°. — Les mêmes expériences furent faites pour la sensibilisatrice du sérum lapin-œuf. Obtenu par des injections de blanc d’œuf de poule, ce sérum fut mis en contact avec du blanc d'œuf de poule, de pigeon, de dinde et de cane. Dans nos premières recherches, nous avons toujours fait agir sur 2/10 de c. c. du blanc de ces divers œufs, 6/10 de ce. c. de sérum actif; chez tous, ce sérum a produit un précipité intense, et chez tous aussi il a fixé l’alexine de lapin sur le blanc d'œuf, de telle sorte que l’hémolyse des globules de poule sensibilisés n'eut plus lieu ultérieurement. L'hémolyse se produit, au contraire, très bien partout quand on remplace le sérum actif par du sérum d’un lapin neuf, chauffé à 56°. Nous n'avons pu établir avec ces diverses espèces d'œufs une expérience à doses étagées, comme nous l’avions fait pour le sérum lapin-lait; elle fut possible cependant avec l’œuf de poule et de pigeon. Chez ces deux espèces, la fixation de 1/10 de c. c. SENSIBILISATRICES DES SÉRUMS ACTIFS. 151 d’alexine de lapin sur 2/10 de ec. e. de blanc d'œuf se fait très bien quand on sensibilise ce dernier par 6/10, ou même 5/10 de c. c. de sérum actif. Avec 4/10 de c. c., elle est presque totale, et elle devient très faible avec 2/10 de e. ce. de ce sérum. Ces deux espèces de blanc d'œuf n’ont donc pas montré de différence dans la fixation de l’alexine, sous l'influence de la sensibilisation par des quantités variables de sérum d’un lapin injecté de blanc d'œuf de poule. : En somme, nous n'avons pas constaté de spécificité ni de la sen- sibilisatrice, ni de la précipitine de nos sérums lapin-œuf. Sérum lapin fibrinogène 56°. — Pas plus que dans les deux pré- cédents, nous n’avons observé de spécificité dans l'action préci- pitante et sensibilisante du sérum lapin-fibrinogène. Ce sérum, que nous avions obtenu par des injections massives de fibrino- gène pur de cheval, fut mis en contact avec deux autres échantil- lons de fibrinogène, l’un de bœuf, l’autre de chien, les trois fibrinogènes ayant été préparés exactement de la même façon. Toustrois, sous l’action du sérum lapin-fibrinogène, ont précipité abondamment et instantanément; nous n’avons pu voir de ce côté aucune différence entre eux, même quand nous avons réduit à 1/10 de ce. c. la dose de sérum actif mise en contact avec 2/10 de c. c. defibrinogène, en présence de 1/10 de c. €. d’alexine de lapin. De même, la sensibilisatrice de ce sérum agit sur ces trois fibrinogènes, Quelle que soit la dose de sérum actif employée (3, 2, 1 ou 1/2 volume pour { volume de solution de fibrinogène et 1/2 volume d’alexine de lapin), la fixation de l’alexine sur chaque fibrinogène s’est produite; complète pour tous avec les doses fortes de sérum actif, elle a été de moins en moins totale avec les quantités plus faibles. ; Sérum lapin-actif-chien 56°.-— Étant donnée l'importance, au point de vue pratique, des phénomènes de précipitation des sérums dont Tchistovitch a donné le premier exemple, nous avons aussi recherché si la sensibilisatrice de nos sérums lapin-chien était spécifique. Ces sérums furent mis en contact, à des doses variables (6/10, 4/10, 2/10 et 1/10 dec. c.), avec la même quantité (2/10 de c. c.) de divers sérums chauffés à 56° et de 1/10 de c. c. d'alexine de lapin. 752 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Nous les avons fait agir de la sorte sur du sérum de chien, de cheval, de bœuf et de cobaye. Avec les doses de 6/10 et 4/10 de c. c., le précipité obtenu dans le sérum de chien est très net; il le devient moins avec 2/10 et il n’est plus perceptible avec 1/10 de c. e. de sérum actif. Dans les autres sérums expérimentés, le trouble a, au contraire, toujours fait défaut, De même, l’alexine ne fut fixée que sur le sérum de chien, par 6/10 de €. c. de sérum lapin- chien; déjà moins complète en présence de 4/10 de c. e. de ce dernier, elle est nulle avec les doses moindres. Mais le sérum actif, quelle que fût la dose mise en jeu, ne provoqua aucune fixation d’alexine parles autres sérums (cheval, bœuf, cobaye). La spécificité de la sensibilisatrice a donc été, dans ce cas, aussi nette que celle de la précipitine, et nous semble bien comparable à celle des sérums antimicrobiens et hémolytiques. LR Il nous reste à relater quelques essais que nous avons faits, précisément guidé par l’absence de spécificité dont il a été question plus haut à propos de la plupart de nos sérums. Nous avons cherché si ces sérums étaient actifs uniquement sur les substances qui avaient servi aux injections, s’ils n'avaient aucune influence sur d’autres éléments des mêmes animaux. Nous ne faisons du reste, de la sorte, qu’ajouter quelques exemples de plus à d’autres signalés par divers auteurs. Leclainche et Vallé !, Mertens ?, Dieudonné *, Imelzer ‘, Schütze* ont observé que des sérums antihumains (obtenus par l'injection de sang humain) pouvaient déterminer des précipités dans l’urine, les exsudats pleuraux:; inversement on peut obtenir par l'injection d’exsudats ou de transsudats un sérum précipitant le sang humain, Schütze ‘, en injectant de la poudre de muscle humain, obtint un sérum sensibilisant les hématies de l’homme. . LeGLAINGHE et VaLLé, La Sem. médic., 1901, n° 4, . MERTENS, Deutsche med. Woch., 1901, ne 11 + DIEUDONNÉ, Münch. med. Woch., 1901, no 14. . IMELZER, Deutsche med. Wochenschr., 1901, p. 219. . Scu1zE, Zeitschr, f. Hyq. Ba. XXXVI, 1901, p. 459. - ScHurze, /bid., Bd. XXXVIII, 1901, p. 487. QG OO & Lo D = SENSIBILISATRICES DES SÉRUMS ACTIFS, 753 F. Hamburger ‘ a montré que des sérums précipitant la lacto- globuline et la lactalbumine précipitent aussi le sang de bœuf. Nous nous sommes demandé si le blanc d’œuf de poule ne pouvait pas être précipité et sensibilisé par d’autres sérums que nos sérums lapin-œuf 56°. Voici une expérience où nous avons cherché à constater l’influence, sur ce blanc d’œuf, d’un sérum de lapin injecté de sang défibriné de poule et très actif contre les globules de celle-ci. er tube : 2/10 de c. c, de blanc d'œuf de poule; 6/10 de c. c.de sérum delapininjecté de globul, de poule 560, 1/10 de c. c. d’alexine de lapin. 2e tube : 2/10 de c. c. de blanc d'œuf de poule; 6/10 de ce. c. de sérum lapin-œuf 560; 1/10 de c. c. d'alexine de lapin. 3e tube : 2/10 de c. c. de blanc d’œuf de poule; 6/10 de c. c. de sérum de lapin neuf 56»; 1/10 de c. c. d’alexine de lapin. À tous trois, après 5 heures de contact, on ajoute 1/3, 1/10 de c. c. de globules de poule sensibilisés. . Dans les 2 premiers tubes apparaît rapidement un trou- ble intense, qui fait défaut dans le troisième. Dans les deux pre- miers aussi, la fixation de l’alexine est complète; dans le troi- sième, elle est nulle, Le sérum d’un lapin injecté de sang défibriné de poule est donc capable de précipiter et de sensibiliser le blanc d'œuf de poule, tout comme du sérum lapin-œuf. L'inverse est-il aussi possible? C'est-à-dire, le sérum lapin- œuf est-il capable d’agglutiner et de sensibiliser des globules de poule? Cette expérience comporte les 3 tubes suivants : 4er tube : 1/10 de ec. c. de globules de poule lavés, non sensibilisés; 3/10 de c. c. de sérum lapin-neuf 560; 2/10 de c. e. d’alexine de lapin. 2e tube : 1/10 de c. c, de globules de poule lävés, non sensibilisés ; 3/10 de c, c. de sérum lapin-œuf 560; 2/10 de c. c. d'alexine de lapin, 3e tube : 1/10 de c. ce. de globules de poule lavés, non sensibilisés ; 3/10 de c. c. de sérum de lapin 560, injecté de sang défibriné de poule; 2/10 de c, c. d’alexine de lapin. 1° F. HameurGEr, Wiener klin, Wochenschr., 1901, p. 1202. 49 254 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR: L’hémolyse ne se fait pas du tout dans le premier tube, elle æst au contraire rapide dans le troisième, dans le second elle a lieu, mais plus lentement que dans le dernier; dans ce second tube, il ne nous a pas paru y avoir d’agglutination des hématies. Nous avons ensuite recherché si ce sérum lapin-œuf pouvait agir sur du sérum normal de poule; nous n’avons constaté aucune influence. Il en a été de même quand nous avons fait agir du sérum lapin-actif-lait sur du sérum sanguin de vache. £a somme, on voit que lorsqu'on fait agir un immunsérum donné sur des éléments autres que ceux qui ont servi à l’immu- nisation, mais provenant de la même espèce animale, les résul- tafs varient suivant les cas : on ne peut « priori prévoir ce que l'expérience donnera. Tandis que le sérum lapin-lait n’a aucune influence sur le sérum de vache, et le sérum lapin-œuf sur du sérum de poule, on constate que ce sérum lapin-œuf sensibilise jusqu’à un certain point des globules de poule, et que le sérum d'an lapin injecté de sang défibriné de poule est très actif vis- à-vis du blanc d'œuf de poule. CONCLUSIONS Les expériences que nous venons de rapporter nous per- mettent, croyons-nous, d'admettre : 1° Que dans les sérums que nous avons obtenus en injectant à des lapins des quantités assez fortes de lait de vache, de blanc d'œuf de poule, de fibrinogène pur de cheval et de sérum de chien chauffé à 56°, il existe, à côté des précipitines de Bordet et de Tchistovitch, des substances analogues aux sensibilisa- trices que Bordet a décrites dans les sérums bactériolytiques et hémolytiques et qui ont été retrouvées dans la plupart des sérums antimicrobiens. Il en est de même dans le sérum de cobayes injectés de sérum de lapin, quoique, dans ce cas, la sensibilisa- {rice paraisse moins puissante. 2° Les sensibilisatrices que Bordet a étudiées provoquent la fixation de l’alexine par les cellules ou les microbes. Les sen- sibilisatrices que nous venons de décrire provoquent le même phénomène, mais elles sont actives vis-à-vis de matières inor- ganisées. Dans les cas qui nous occupent, ce sont des substances SENSIBILISATRICES DES SÉRUMS ACTIFS. 155 chimiques sans structure, et non plus des éléments morphologi- quement définis, qui absorbent l’alexine sous l'influence du sérum actif. 3° Dans le sérum de lapins injectés de sérum de chien, la sensibilisatrice paraît agir à la fois sur la globuline et l’albumine du sérum de chien; dans le sérum de lapins injectés de lait de vache, la sensibilisatrice porte son action sur la caséine, la lactoglobuline et non sur la lactalbumine. 4o On sait que les sensibilisatrices des sérums antimicro- biens et hémolytiques présentent en général d’une manière très stricte le caractère de spécificité. Nous avons retrouvé ce carac- tère dans la sensibilisatrice que renferme le sérum de lapins injectés de sérum de chien et qui est active vis-à-vis de ce der- nier. Mais, au contraire, les sensibilisatrices de divers sérums que nous avons étudiés n’ont montré qu’une spécificité nulle ou peu marquée. Ces sérums sont notamment ceux qui provenaient d’animaux injectés soit de lait, soit de blanc d'œuf, soit de fibrinogène. Il est vraisemblable que ces matières — substances albuminoïdes du lait, fibrinogène, blanc d’œuf— présentent chez les diverses espèces animales une identité de constitution presque complète, suffisante en tout cas pour qu'un même sérum actif les impressionne également, ques que soit l'espèce qui les a fournies. 5° Au point de vue de leur propriété sensibilisatrice, les immunsérums peuvent agir parfois sur des éléments provenant de la même espèce animale, mais non identiques à ceux qui ont servi à la production du sérum. Aïnsi un sérum d'animal injecté de sang de poule agit sur le blanc d’œuf de poule. Mais les choses ne se passent pas de même.dans tous les exemples que l'on peut considérer, et 1l n’y a pas de règle générale à établir à cet égard. Ce travail a été fait à l’Institut provincial de bactériologie du Brabant, à Bruxelles. Nous remercions M. le D' Bordet, qui dirige cet établissement, de l'intérêt si vif et si éclairé qu'il nous a amicalement témoigné au cours de ces recherches. RECHERCHES SUR LESANTICORPS DES SPORES Par W. DEFALLE. (Travail du laboratoire de l'Institut bactériologique de l'Université de Liége.) On connaît bien aujourd’hui les propriétés acquises par le sérum des animaux traités par toute une série de substances et d'éléments étrangers. On sait que l'injection de certaines albu- mines et de la plupart des diastases est suivie de l’apparition dans les humeurs de substances antagonistes produisant habi- tuellement in vitro la précipitation de l’élément résorbé par l’or- ganisme. On a déterminé aussi les propriétés nouvelles acquises par le sérum des animaux auxquels on a injecté des microbes ou d’autres éléments cellulaires tels que les hématies, les glo- bules blancs du sang, les spermatozoïdes, et même des cellules d'organes nobles comme les centres nerveux, le foie, le rein, etc. En vertu d’une loi générale, le sérum se charge, à la suite de la résorption par l'organisme de tous ces éléments étrangers, de substances encore mystérieuses dans leur composition, et qui constituent tout un groupe de produits variés auxquels on donne le nom générique d'anticorps, comprenant les précipitines, Les agglutinines, les sensibilisatrices, les stimulines, etc. Bien que l’on ait vérifié déjà au point de vue de la formation des anticorps la plupart des substances susceptibles d’être résor- bées dans l’organisme, il existe tout un groupe d'éléments qui n’a fait jusqu'à présent l’objet d'aucune recherche systématique dans cette direction : ce sont les spores des microbes. Et cepen- dant il s’agit là d'éléments biologiques très importants, que les cellules de l’organisme sont capables de s’assimiler avec une grande activité dans certaines circonstances données, résorption dont il importe beaucoup de connaître les résultats au point de vue des qualités ue acquises RTS les humeurs et spéciale- ment par le sérum 4. C'est Metchnikoff qui a observé le premier directement, sous le microscope, la digestion des spores dans l’organisme. (Monospora, chez la Daphnie.) Vaillard a vu l'englobement des spores tétaniques par les leucocytes. RECHERCHES SUR LES ANTICORPS DES SPORES. 757 Il faut sans doute chercher la raison de l'abandon dans leque l'étude des anticorps des spores a été laissée jus qu'aujourd'hui dans la difficulté d’obtenir de bonnes préparations pour l'étude in vitro de leurs propriétés. La principale de celles-ci, ou tout au moins la plus facile à décéler dans un sérum, est la réaction dite agglutinante. Or, pour la mettre en évidence, il faut que l’on dispose d'émulsions dites homogènes de l'élément à étudier, c’est-à-dire de liquides contenant les éléments sensibles en suspension et bien isolés les uns des autres, sans être groupés en amas ou en paquets. Pour étudier l’agglutination des spores en particulier, il faut avoir en sa possession des liquides physiologiques riches en spores nettement isolées et capables de se grouper en flocons sous l’action de la substance active. Or, il est difficile de se procurer des émulsions homogènes de spores : c’est certaine- ment une des raisons pour lesquelles l'étude de leurs agglutinines n’a pas été abordée dans un travail d'ensemble. Après bien des essais et des tàätonnements, nous avons réussi à obtenir d’excellentes émulsions de spores microbiennes de diverses espèces, sur lesquelles nous avons pu étudier les anti- corps des sérums. Le plan de notre travail est le suivant : 1° Choix des spores et obtention d’émulsions homogènes; 2° Injection de spores à des animaux.et recherche des anti- corps dans leur sérum (agglutinines et sensibilisatrices) : 3° Diagnostic des microbes et de leurs spores par leurs anti- corps. I CHOIX DES SPORES Le meilleur milieu pour l'obtention de spores abondantes, avec le moins possible de corps bacillaires, faciles à émulsionner en liquide physiologique, est la gélose au bouillon de viande, non additionné de peptone. En ensemençant des microbes choisis sur ce milieu de culture réparti en tubes inclinés et en laissant 2 à 3 jours à 37°, on réussit parfaitement à atteindre le but, c’est- à-dire à obtenir des spores abondantes : une anse du dépôt - 758 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. trituré dans un 1 ec. c. d’eau salée à 9 0/00 stérilisée montre sous le microscope de très nombreuses spores, bien isolées et parfaitement agglutinables, aussi bien par le sérum corres- pondant que par les divers agglutinants chimiques signalés par M. Malvoz. On ne trouve dans ces émulsions que de très rares bacilles, au point que l’on est véritablement en droit de ne pas tenir compte de leur présence : comme on le verra au cours de ce travail, ces quelques corps bacillaires sont une quantité négli- geable dans le phénomène. Après beaucoup d'essais, nous avons fixé notre choix sur les microbes suivants pour la production de spores et les expériences variées que nous avions à instituer : Bacillus mycoïdes ; Bacillus mesentericus vulgatus ; Bacillus subtilis ; Bacillus alvei (microbe de la loque des abeilles) ; Vaccin TI du charbon (vaccin O T); Charbon atténué par le phénot (charbon-phénol). Toutes ces cultures provenaient de la collection de l’Institut bactériologique de l’Université de Liége. IT INJECTIONS AUX ANIMAUX ET RECHERCHÉ DES ANTICORPS DANS LE SÉRUM Nous avons injecté à des animaux, surtout au chien et au cobaye, tantôt sous la peau, tantôt par voie péritonéale, des émulsions très concentrées de diverses spores. Bien que les spores choisies pour ces injections fussent celles de microbes non pathogènes pour nos animaux, il fallait se demander tout d’abord si l'injection de ces spores encore vivantes n'était pas suivie de leur germination dans l'organisme, et si les propriétés antagonistes que le sérum allait éventuelle ment accuser n'étaient pas la conséquence de la résorption non pas des spores comme telles, mais des bacilles produits de leur développement chez l'animal. Pour résoudre ce premier point, il n’y avait qu’à rechercher si les spores complètement tuées, et incapables de germer, pouvaient encore, à la suite de leur RECHERCHES SUR LES ANTICORPS DES SPORES. 553% résorption, conférer au sérum des propriétés spécifiques. On sait déjà que les microbes typhiques, cholériques, etc., après avoir été chauffés, sont encore capables de rendre le sérum aggluti- nant après leur injection aux animaux; seulement on ne chauffe ces microbes qu’à 60°-65°, température suffisante pour les tuer: mais, pour tuer sûrement des spores, il faut un chauffage pro- longé dans l’autoclave à vapeur à 115°. L'injection d'éléments ayant subi une pareille altération serait-elle encore suivie de l'apparition d'anticorps dars le sérum ? C'était là un point tout particulièrement intéressant à. vérilier. : Expériences T et II. — Deux chiens de moyenne taille recos- vent, à des intervalles de trois à quatre jours, des injections sous-cutanées de spores. Au chien 1, on injecte chaque fois le dépôt d’un tube de- gélose non peptonée, trituré dans l’eau physiologique stérilisée, de spores de bacillus mycoïdes non chaullées. Au chien 11, on inocule la mème quantité d’une émulsion des: mêmes spores, mais préalablement tuées par un chauffage pre- longé dans la vapeur à 115° (on s’est assuré par des cultures de la mort des spores). Avant les injections, on avait prélevé un peu de sang chez ces chiens, et constaté que le sérum n'agglutinait nullement les. spores, même à parties égales de sérum et d'émulsion. Disons une fois pour toutes que le phénomène de l’agglutina- tion a toujours été observé de la même façon et suivant la même technique dans toutes nos expériences : ce n’est qu’en suivant scrupuleusement ces indications que l’on peut avoir des résultats. comparables. On dépose sur un porte-objet, à chacune de ses extrémités, une anse de l’'émulsion qui servira de témoin et une autre anse de l’émulsion à laquelle on ajoute d’abord partie égale de sérum, ensuite des dilutions de plus en plus considé- rables de celui-ci, bien entendu en changeant chaque fois l'anse d’émulsion. Les préparations sont tenues pendant plusieurs heures em observation en chambre humide et examinées fréquemment. Le sérum normal de chien n’a gglutine donc pas les spores du bacillus mycoïdes. Mais après 9 injections, le sérum du chien I (à spores non tuées) présentait un pouvoir agglutinant 760 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. bien marqué dont le titre était de 1/120, c’est-à-dire qu’une partie de sérum était capable de transformer en flocons 120 par- ties de l’émulsion sporifère. Dans ce phénomène d’agglutination, on ne voit pas la moindre trace de précipité autour des spores, comme dans le phénomène de l’agglutination bacillaire’: les élé- ments impressionnés se rapprochent de plus en plus et on obtient des amas de 20, 30, 50 spores et même davantage. (Les rares bacilles des préparations ne prennent pas part au phénomène, à moins que parfois ils ne soient entraînés passivement dans les amas.) Fait presque inattendu, le sérum du chien II ( à spores tuées à 115°) non seulement présentait un fort pouvoir agglutinant, mais déjà après 7 injections le titre était de 1/170, supérieur à celui du chien I. Il est vrai que ce chien II était un peu plus petit de taille que le chien I. Mais l'essentiel, c’était la preuve obtenue que les spores complètement tuées confèrent au sérum un pouvoir agglutinant relativement considérable, et on peut affirmer que les agglutinines ne sont pas produites par les bacil- les issus des spores qui auraient germé dans l’organisme. Disons encore que les émulsions de spores tuées à 115° ne diffèrent pas, au microscope, des émulsions non chauffées : les spores sont parfaitement distinctes, bien isolées les unes des autres; il ne serait pas possible de reconnaître au microscope une émulsion qui a été chauffée à cette température. Et l’on estamené ainsià constater un phénomène très curieux, c'est que les spores ayant subi l’action d’une température aussi élevée subissent encore parfaitement l’action des agglutinines spécifiques. Le sérum du chien I agglutinait les spores tuées au titre de 1/120, celui du chien IT au titre de 1/130 : il y a une légère diminution, mais peu prononcée, comparativement aux spores non tuées. Une autre question qui se pose est celle de savoir si le sérum qui agglutine si nettement les spores présente les mêmes propriétés vis-à-vis des bacilles de l’espèce correspondante. Des émulsions en eau salée de bacillus mycoïdes sont agglu- tinées par le sérum du chien I au titre de 1/40, par celui du chien IT au titre de 1/20 (le sérum normal du chien n’agglutine pas des microbes à ces dilutions). RECHERCHES SUR LES ANTICORPS DES SPORES. 761 Mais la production d’agglutinines pour les bacilles chez ces deux animaux ayant reçu des spores, n'est-elle pas simplement due à la résorption des quelques débris de corps bacillaires pré- sents dans les émulsions de spores injectées ? IL semble bien qu'il en soit ainsi : en effet (Exp. III et IV), si l’on injecte com- parativement à deux animaux des émulsions non plus de spores, mais de bacilles {provenant de cultures en gélose peptonisée), les unes non chauftées, les autres chauffées à 115°, s’il est vrai que l’on obtient encore un sérum agglutinant avec ces dernières, le titre est inférieur à celui du sérum de l'animal ayant reçu des bacilles vivants. Tandis que l'injection des spores chauffées à 115° confère au sérum un pouvoir agglutinant aussi intense que l'injection des spores intactes, il n’en est pas de même pour les bacilles proprement dits, qui, après avoir subi l’action des- tructive d'une haute température, produisent, par leur résorp- tion dans l'organisme, moins d’agglutinines, toutes choses égales d’ailleurs, que les bacilles vivants et intacts. C’est — on le verra plus ioin — dans la résistance de la membrane de la spore à l’action des hautes températures qu'il faut chercher la raison de ces différences. Si, au lieu du chien, on s’adresse à d’autres animaux, tels que les cobayes, on obtient également des agglutinines pour les spores. Trois cobayes (Expériences V, VI, VID reçoivent dans la cavité péritonéale 2 injections, à 10 jours d'intervalle, d’émul- sions de spores de bacillus mycoïdes, de bacillus mesentericus et de bacillus alveï. Le sérum de ces cobayes n’agglutinait pas, à parties égales, les émulsions de ces spores. Après deux injections intrapéritonéales, le cobaye V don- nait un sérum agglutinant les spores de bacillus mycoïdes à 4 p. 40 ; le cobaye VI idem, les spores du bacillus mesentericus à 1p. 10; le cobaye VII idem, les spores du bacillus alveï à 1 p. 2. On voit que ces spores de microbes différents qui, au micros- cope, se montrent presque identiques comme aspect, dimen- sions, etc., au point qu'il est impossible de les différencier par cet examen, ne se comportent pas de la même façon dans la 762 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. production des, agglutinines, an point de vue quantitatif. Dans une autre expérience (Expérience VIIT), on a injecté dans le péritoine du cobaye des spores chauffées à 115° de bacillus mycoïdes. Le titre agglutinant obtenu a été de 1/25, un peu plus faible que dans l'expérience V où il s'agissait de spores non tuées. Le cobaye se comporte donc comme le chien, qu'il s'agisse de l'injection à spores tuées ou non tuées. Vis-à-vis du bacillus mycoïdes lui-même, le sérum d’un cobaye (Expérience IX), ayant reçu des spores non tuées, agglutine l’émulsion de bacilles au titre de 1/40, tandis que le sérum d’un autre cobaye (Expérience X), traité par des spores chaulfées à 120°, n’agglutine que faibiement les bacilles. Ici encore, il faut attribuer l’agglutination des bacilles par le sérum de l’ani- mal qui a reçu des spores, à la présence inévitable dans l’émulsion injectée de quelques corps bacillaires. En effet (Expériences XI et XIT), l'injection à deux cobayes, à l'un de bacilles intacts, à l’autre de bacilles chauffés à 115°, donne plus d’agglutinines dans le premier cas que dans le second. Le sérum d’un animal traité par des émulsions bacillaires (cultures très jeunes sur milieux peptonisés) agglutine-t-1l les spores ? Un cobaye (Expérience XIID) ainsi injecté de bacalles sans spores donne le sérum agglutinant les bacilles mycoïdes à 1/170, mais sans la moindre action de ce genre sur les spores. Nous nous sommes aussi demandé si les spores des moisis- sures étaient capables de conférer au sérum des animaux injectés des propriétés agglutinantes. Un cobaye (Expé- rience XIV) a reçu dans la cavité péritonéale des spores d’un mucor. On avait obtenu celles-ci en promenant un pinceau stérile sur des végétations d’une culture de cette moisissure ; de cette façon, on prépare un liquide très riche en grosses spores. Le sérum n’a pas gagné le moindre pouvoir agglutimant pour ces spores. Il est infiniment probable que l'enveloppe de ces spores est toute différente comme constitution de la membrane des spores microbiennes, et qu’elle ne subit pas dans l’organisme les phénomènes de digestion nécessaires à l'élaboration des ‘anticorps. Mais les agglutinines ne sont pas les seules substances qui apparaissent dans le sérum des animaux traités par des éléments Ets x à RECHERCHES SUR LES ANTICORPS DES SPORES. 763 étrangers. On attache de plus en plus d'importance à d’autres substances antagonistes, que les beaux travaux de Bordet nous ont appris à décéler in vitro dans les sérums, et qui sont les sensibilisatrices de ce savant, encore appelées fixateurs par Metchnikoff, corps intermédiaires ou ambocepteurs par Ehrhch, immunisines par Sawtchenko, etc. Ces substances qui résistent, comme les agglutinines, à un chauffage du sérum à 56°-57° sont un produit spécifiqne de sécrétion de l’organisme impressionné par des éléments étrangers, tels que les microbes, les sperma- tozoïdes, ete. Pas plus que les agglutinines, les. sensibilisatrices des spores n'avaient été études jusqu'à présent. Il est vrai que jusque dans ces tout derniers temps, on ne disposait pas d’un .procédé permettant de décéler la présence des fixateurs in vitro. On doit à MM. Bordet et Gengou la révélation d'une méthode aussi précise qu'ingénieuse, qui donne le moyen de mettre assez aisément en évidence les sensibilisatrices des sérums antimicro- biens. Grâce à cette méthode, on a pu découvrir déjà les fixa- teurs spécifiques des sérums typhique, cholérique, pesteux et charbonneux (Bordet et Gengou), tuberculeux (Widal), diphté- rique (Lambotte). Cette méthode est basée sur les principes suivants : Si l’on ajoute à des microbes une certaine proportion d'un sérum spécifique chauffé à 56°, ses sensibilisatrices se fixent fortement sur les corps microbiens et ceux-ci acquièrent une pro- priété qu'ils ne possédaient pas, celle d’absorber l’alexine du sérum frais, cette substance mystérieuse qui se trouve dans tous les sérums et qui a notamment la propriété de détruire les hématies quand celles-ci ont été sensibilisées par leur sérum spécifique chauffé à 56°. Si la résorption des spores dans l’organisme est suivie de l'apparition dans le sérum de substances sensibilisatrices, on devait les déceler par la méthode Bordet-Gengou. C’est ce que la série suivante d'expériences va mettre en lumière. Nous avons commencé par préparer un sérum hémolytique spécifique, en injectant 5 centimètres cubes de sang de poule défibriné à un lapin, sous la peau, trois fois de suite, à huit jours d'intervalle entre chaque injection. Après un mois, on saigne le lapin, on recueille le sérum par une saignée à la caro- 164 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. tide et on en fait une provision qui est chauffée 30 minutes à 56°. Ce sérum chauffé a la propriété de sensibiliser les hématies fraîches de poule bien lavées à l’eau salée physiologique, c’est- à-dire de rendre celles-ci très sensibles à l’action destructive du sérum normal frais non chauffé (alexine) aussi bien du lapin que du chien et du cobaye, ainsi que nous nous en sommes assuré dans de nombreux essais. Toutes les expériences sur Îes sensibilisatrices des spores ont été conduites d’une façon identique : on prépare d'abord des émulsions, soit des spores, soit des microbes correspondants, en eau salée physiologique à 9 0/00. On introduit 4 gouttes de cette émulsion dans un petit tube à essai, et on y ajoute 12 gouttes du sérum dans lequel il s’agit de rechercher les sensibilisa- trices, préalablement chauffé à 56° pendant 30 minutes; on ._ agite le mélange et on l’additionne enfin de 2 gouttes de sérum normal frais provenant d'un sang recueilli la veille (alexine). On laisse 6 heures en contact à la température de la chambre. Entre temps, on a recueilli du sang de poule que l’on défibrine par agitation avec des perles de verre, et dont on lave plusieurs fois les globules à la turbine au moyen d’eau salée physiolo- gique: on sensibilise ces globules en y ajoutant 1 €. c. de sérum hémolytique chauffé du lapin traité par le sang de poule, pour 10 gouttes de globules. Après les 6 heures de contact du sérum spécifique, des spores et de l’alexine, on ajoute à ce mélange 2 gouttes du liquide contenant les globules de poule, on agite, on place le tube à essai pendant 1 heure à 37° et ensuite à la température de la chambre. Si le sérum que l’on étudie contient des sensi- bilisatrices pour l’élément correspondant (spores), l’alexine n’est plus libre dans le mélange et les hématies de poule res- tent intactes. Mais s’il n’y a pas de sensibilisatrices, les héma- ties de poule sont rapidement détruites par l’alexine et le con- tenu du tube prend une teinte rouge laque caractéristique; un contrôle microscopique montre les globules de poule détruits complètement, réduits à leur noyau. Cette méthode a été appliquée à toute une série de sérums d'animaux traités par des spores tantôt intactes, tantôt préala- blement chauffées à 115°; les résultats sont consignés dans le tableau suivant. Comme toujours dans des expériences de ce RECHERCHES SUR LES ANTICORPS DES SPORES. 765 genre, on s’est assuré que des tubes-témoins contenant les uns du sérum normal, les autres de l’eau physiologique, en rem- placement du sérum spécifique, ne révélaient pas de sensibilisa- trices. | x ExPÉRIENCES. [. à) Sérum chauffé à 56° de chien ayant reçu 1 injections de spores de bacillus mycoïdes chauffées à 115° + spores de bacillus mycoïdes non chauffées + alexine de chien. Après 6 heures, addition d’hématies sensibilisées : pas d’hémolyse. b) Même essai, mais au lieu de spores non chauffées, spores tuées à 1159 : pas d'hémolyse. Témoins : eau salée + spores de bacillus mycoïdes + alexine de chien; après 6 heures hématies sensibilisées : hémolyse rapide. Sérum normal chien chauffé + bacillus mycoïdes + alexine de chien : hémolyse rapide. 2. Sérum chauffé à 56° de chien injecté de spores de b. my- coïdes chauffées à 115° -L spores non chauffées de b. mycoïdes + alexine de lapin, etc. : pas d'hémolyse. Témoins : eau salée + spores idem : hémolyse rapide. Sérum normal chien chauffé —L idem hémolyse rapide. 3. a) Sérum chauffé à 56° de chien injecté de spores mycoïdes non chaulfées + spores de mycoïdes non chauffées + alexine de chien, etc. : pas d'hémolyse. b) Expérience avec le même sérum, mais agissant sur spores chauffées à 1150 -L alexine de chien, etc. : pas d'hémolyse. c) Même essai, mais alexine de lapin au lieu d’alexine de chien : pas d’'hémolyse. N. B. — Quand il est dit : pas d’hémolyse, ce qui correspond . à présence de sensibilisatrice, l'observation a été prolongée un jour, c’est-à-dire qu'après 24 heures les globules de sang sont encore intacts. à Ces essais démontrent nettement : 1° Que le sérum normal de chien ne renferme pas de sensi bilisatrices pour les spores ; 2° Que l'injection de spores de bacillus mycoïdes à des chiens, qu’elles soient vivantes ou tuées par un long chauffage dans la vapeur à 115°, est suivie de l'apparition dans le sérum de 766 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR, substances dites sensibilisatrices pour ces spores, qu'elles soient elles-mêmes tuées ou non tuées; 3° Que les spores sensibilisées fixent non seulement l’alexine de l’animal de l'espèce injectée (chien), mais même l’alexine d’auires espèces (lapin). Il eut été intéressant de rechercher si les injections de bacilles confèrent au sérum des propriétés sensibilisantes pour les spores correspondantes, et inversement : ces recherches, nous les avons faites, mais les résultats sont discutables, parce qu'il est très difficile d'obtenir des spores absolument libres de bacilles, et on est amené à considérer comme sensibihsatrices de spores, par exemple des produits qui agissent sur les bacilles. Mais ce qui est certain, c’est que l'injection aux animaux de bacillus mycoïdes (culture très jeune sur gélose peptonisée) ne contenant pas de spores, et tués par un chauffage dans la vapeur à 1150, ne rend pas le sérum sensibilisant pour les bacilles, ainsi que le montrent les essais suivants, contrairement à ce qui se produit quand on injecte des bacilles non tués. Expériences. 1. 4) Sérum chauffé à 56° de cobaye injecté deux fois de bacillus mycoïdes vivants sans spores + bacillus mycoïdes vivants + alexine de lapin. Après 6 heures, addition d’hématies sensibilisées de poule : pas d’hémolyse (forte aggiu- Lination des bacilles). b) Même essai, mais avec alexine de cobaye : pas d’hémolyse. Témoins : eau salée + etc. : hémolyse. 2. a) Sérum chauffé à 56° de cobaye injecté deux fois de bacillus mycoïdes tués à 115° + bacillus mycoïdes vivants + alexine de cobaye, etc. : Forte hémolyse (et forte agglutination des bacilles). b) Mème essai, mais bacillus mycoïdes tués à 115° : forte hémolyse et agglutination des bacilles. Ces expériences comportent plus d’un enseignement. Elles démontrent d’abord que l'injection des bacilles tués à 115° n'amène pas la production de sensibilisatrices pour les microbes. Quand done, comme dans la première série d’expé- riences, on obtient, après l’injection de spores tuées à 115, des sensibilisatrices pour ces dernières, on peut affirmer que c’est RECHERCHES SUR LES ANTICORPS DES SPORES. 767 bien à la résorption des spores comme telles, et non à celle des quelques rares corps microbiens qui les accompagnent, qu’il faut attribuer la production de ces substances spécifiques. Mais ces expériences de comparaison entre les anticorps des spores et ceux des bacilles correspondants nous ont amené à une autre constatation très intéressante, l’indépendance des agglutinines et des firateurs des sérums. On vient de voir, en elfet, que s’il est très facile d'obtenir des sensibilisatrices pour les bacillus mycoïdes, en injectant des émulsions fraîches de bacillus mycoïdes vivants, on n’obtient plus cette variété d'anticorps si les injections sont faites au moyen des mêmes bacillus modiliés et tués par un chauffage dans la vapeur à 115°. IL y à plus : ce sérum d'animaux traités par des microbes ainsi chauftés, s’il n’est plus sensibilisant pour les microbes, est encore nettement agglutinant pour ces deruiers, et d’une façon spécifique, ainsi que nous nous en sommes assuré en faisant agir le sérum sur d’autres microbes. Voilà donc un nouveau fait à mettre en avant pour établir la possibilité de la dissociation des propriétés agglutinante et sensibili- satrice. Ces expériences doivent être mises en parallèle avec des résultats obtenus à l’Institut bactériologique de Liége par M. le docteur Albert Dubois. D'après des expériences non publiées de ce dernier, on peut aussi montrer l’indépendance des agglutinines et des sensibilisatrices des globules rouges en injectant d’une part des hématies non chauffées en suspension dans l’eau physiologique, et d’autre part des hématies chaulfées à 1150. Les animaux de la première série fournissent un sérum à la fois riche en agglutinines et en sensibilisatrices pour les globules injectés, tandis que ceux qui ont reçu des hématies modifiées à 115°, s’ils présentent un sérum agglutinant et spéci- fique, c'est-à-dire n’agglutinant que l'espèce d’hématies injectées, ce sérum est tout à fait dépourvu de fixateurs, et n’est plus hémolytique. | Si on compare les qualités du sérum après des injections faites au moyen de corps bacillaires et de globules du sang, chauffés et non chaulfés, avec Les propriétés du sérum après l'injection de spores chauffées et non chauffées, on est immédia- tement frappé d’une différence essentielle : c’est que le sérum des animaux traités par des spores tuées à 115° contient non 168 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. seulement des agglutinines, mais également des substances sen- sibilisatrices! On n’a qu’à se reporter aux premières séries de nos expériences pour s'assurer de la netteté de cette constatation. Quelle peut être la raison de ces différences dans les produits de la résorption des bacilles et des hématies, d’une part, des spores, de l'autre ? Nous croyons qu'il faut expliquer ces faits par la constitu- tion particulière de la spore qui, on le sait, présente une membrane d’enveloppe nettement différenciée et d’une grande résistance à tous les agents physico-chimiques. D’après cette hypothèse, les microbes proprement dits et les globules rouges, éléments dépourvus d’une membrane différenciée et résistante, éléments véritablement nus, sont quand on les chauffe à 115°, tellement altérés dans leur composition, que les substances spéciales dont la digestion dans l'organisme est suivie de l'apparition d'anticorps sensibilisants sont détruites, et par suite il n’y a plus de formation de fixateurs. Par contre, les substances du microbe ou du globule rouge dont la résorp- tion produit les agglutinines résistent mieux, même à 115, d’où le pouvoir agglutinant du sérum après l'injection de microbes ou d’hématies chauffées à cette température. Si maintenant, les spores chauffées à 115° confèrent au sérum, après leur digestion dans l'organisme, la double pro- priété agglutinante et sensibilisatrice, ce ne peut être, semble- t-il, que dans la résistance toute particulière à la chaleur des substances qui constituent la membrane de la spore qu'il faut en chercher la raison. L’enveloppe de la spore renferme vraisem- blablement des produits protéiques, encore suffisamment intacts après un chauffage à 115° pour que leur résorption amène la formation des deux variétés d'anticorps. S'il en est bien ainsi, l'injection d’autres microorganismes pourvus comme les spores d’une membrane résistante et différenciée, et chauffés à 115°, doit conférer au sérum les mêmes propriétés que les spores. M. Malvoz, qui étudie depuis longtemps les anticorps des levures, nous a communiqué les résultats d'expériences encore inédites, qui confirment l'hypothèse qui vient d’être énoncée. Les levures possèdent une belle membrane que certains savants considèrent comme constituée par des substances excessive- ment résistantes du groupe de la chitine. RECHERCHES SUR LES ANTICORPS DES SPORES. 769 Si l’on injecte comparativement à des lapins des émulsions de levure (M. Malvoz se sert dans tous ses essais d’une levure qui s’émulsionne très facilement, et se prête particulièrement à ‘étude de l’agglutination, 4 levure du vin de Huy), les unes pré- parées avec de la levure vivante, les autres avec de la levure chauffée à 115°, le sérum, après 7 à 8 injections sous cuta- nées, devient à la fois agglutinant et sensibilisateur pour la levure injectée, aussi bien chez les animaux traités par la levure tuée que chez les autres. Et la preuve que c’est bien la capsule qui est en jeu dans tous ces phénomènes, et non le protoplasme du micro-organisme, c’est que les levures ayant subi l’auto- digestion sous le chloroforme pendant plusieurs semaines, et réduites ainsi à leurs capsules avec quelques détritus de matières grasses à l'intérieur, ces levures sont nettement sensibilisées par leur sérum spécifique et confèrent aux animaux la propriété sensibilisatrice des humeurs. Quelle que soit d’ailleurs la raison des différences constatées dans nos essais d'injection de microbes nus d’une part, de spores de l’autre, le fait important c'est qu'il devient de plus en plus difficile de soutenir l'identité des substances agglutinante et sensibilisatrice, que certains savants admettent encore. Nos expériences confirment la thèse soutenue notamment par Bordet que les agglutinines et les fixateurs sont des produits différents. Enfin, un dernier point qu'il nous a fallu vérifier, pour com- pléter cette étude des anticorps des spores, c’est la recherche du pouvoir microbicide ou mieux sporicide in vitro. Ce sérum spécifique contre les spores contenant des agglutinines et des fixateurs est-il assez puissant, avec l’aide de ses alexines, pour tuer les spores, ou tout au moins les empêcher de germer in vitro? En d’autres termes, ce sérum se comporte-t-il comme certains sérums antimicrobiens, tels que le choléra-sérum, le proteus-sérum, tuant facilement les microbes en dehors de l’or- ganisme? Nous avons ajouté à 1 c. c. de nos sérums non chauffés, contenant encore leur alexine, 1 anse de spores. Nous n'avons pas constaté, par la méthode des plaques, c’est- à-dire par des ensemencements en gélatine nutritive coulée en boîtes Petri, après 1 heure, 8 heures, 24 heures, de diminution du nombre des spores. Celles-ci sont trop résistantes pour être tuées aussi facilement en dehors de l'organisme. On sait d’ail- 50 170 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. leurs qu'il faut le concours de l'animal vivant immunisé pour que la plupart des microbes, après avoir subi l’action des anti- corps spécifiques, soient détruits. III DIAGNOSTIC DES SPORES PAR LES ANTICORPS SPÉCIFIQUES Nous n'avons pas encore abordé l’importante question de savoir si un sérum contre une espèce de spores est hautement spécifique, en ce sens qu'il n’agglutinerait ou ne sensibiliserait que cette espèce, à l'exclusion des spores d’autres microbes. À un autre point de vue, peut-on instituer une méthode pratique de diagnostic des spores par leur sérum correspondant, comme on possède des sérums servant au diagnostic de certains bacilles et de certaines hématies ? Le sérum d’un chien traité par plusieurs injections de spores de vaccin du charbon (Vaccin O T) agglutinait ces spores au titre de 1/120, mais il avait la même action sur les spores du bacille mycoïdes. Le sérum de chien traité par les spores de B. mycoïdes agglu- tine, à plus de 1/100, non seulement les spores dece microbe, mais les spores du charbon-phénol et du bacillus subtilis. Par contre, il agglutine très peu (1/20) les spores de bacillus mesentericus et de bacillus alveï. Si l’on étudie l’action du sérum contre les spores, non plus sur les spores vivantes, mais sur les spores tuées à 115°, on note que le sérum contre les spores de bacillus mycoïdes agglutine celles-ci (chauffées) à 1/110, à 1/100 les spores tuées du B. sub- tilis, et à 1/40 les spores tuées du B. mesentericus. Et un autre sérum, obtenu à la suite de l'injection de spores de mycoïdes chauffées à 115° agglutine les spores tuées de ce microbe à 1/150, celles du subtilis tuées à 1/115 et celles de mesentericus tuées à 1/65. Ê On voit que tous ces sérums contre les spores, s'ils mani- festent une certaine spécificité d'agglutination vis-à-vis de Pes- pèce de spores injectée, présentent cette propriété à un degré beaucoup moindre que les sérums antibacillaires. RECHERCHES SUR LES ANTICORPS DES SPORES. 712 Il serait actuellement prématuré de proposer une méthode de diagnostic des spores par leur sérum spécifique. On comprend d’ailleurs très bien cette spécificité limitée des sérums contre les. spores. Ces éléments ont des caractères UE des dimensions, des réactions microchimiques très voisines : qui saurait dur au microscope des spores isolées de tel ou tel microbe ? Au contraire, les éléments bacillaires se comportent tout autrement vis-à-vis de leurs‘ sérums, et sont bien plus faciles à différencier par leurs anticorps, grâce à leurs particularités (exis- tence ou absence d’une enveloppe ou de cils plus ou moins abondants, etc., autant d'éléments jouant un grand rôle aussi bien dans la production des agglutinines que dans le degré de sensibilité à ces dernières ‘). 11 convient d’ailleurs dbuier que la spore de l'espèce injectée s’est toujours rencontrée plus sen- sible au sérum que d’autres spores : c’est bien la preuve qu'il existe des différences dans la composition chimique intime de chaque spore. Nos expériences sufliraient à elles seules à démon- trer une fois de plus que les sérums immunisants révèlent des propriétés que le chimiste le plus expert ne peut mettre en lumière. | Quant à la spécificité des sensibihsatrices, s’il est certain _ que ce sont surtout les spores de l'espèce microbienne corres- pondante qui fixent ces substances du sérum, il faut bien dire que d’autres spores subissent également l'impression de ces fixateurs. Si l’on possédait une méthode de mesure de la quan- tité de sensibilisatrice contenue dans un sérum donné, il serait peut-être possible de prouver que le sérum contre une spore donnée renferme plus de fixateurs pour cette spore que pour d’autres, Mais, jusqu’à présent, on n’est pas arrivé à trouver une méthode quelque peu précise permettant de titrer les sensibilisa- trices comme on titre les agglutinines. | Il serait fastidieux de reproduire les nombreux essais que nous avons faits de croisement de sérums contre certaines spores et de spores d’autres espèces. Il suffira de citer ceux-ci : Le sérum d’un chien traité par des spores tuées de B. 4. W. Derarre. Rôle de l'enveloppe des microbes dans l'agglutination. Annales Pasteur, août 1902. 172 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. mycoïdes sensibilise non seulement les spores, tuées ou non, de ce microbe, mais aussi les spores de subtilis, tuées ou non, et de mesentericus. Ce chien avait reçu 7 injections de spores ; pour démontrer la présence de sensibilisatrices, on a eu recours à la méthode déjà décrite, et on s’est assuré en même temps que le sérum normal de chien ne renfermait pas de fixa- teurs pour ces diverses spores. Il ne semble donc pas possible, à l'heure actuelle, de pro- poser une méthode de diagnostic des spores soit par les sensi- bilisatrices, soit par les agglutinines des sérums contre ces éléments. Réussirait-on mieux en se servant des agglutinants dit chimi- ques ? On doit à M. Malvoz et à ses élèves la découverte de quel- ques substances purement chimiques qui produisent l’agglutina- tion des bacilles aussi fortement que leurs sérums spécifiques : citons la formaline pure, l’alcool, les acides minéraux dilués, l'acide acétique, certaines matières colorantes, etc. Nous avons soumis nos diverses espèces de spores en émulsion dans l’eau physiologique à l’action de ces substances agglutinantes. La formaline pure agglutine très légèrement les spores, vivantes ou tuées à 115, à parties égales de cet agent et d’é- mulsions de spores, quand il s’agit des spores de B. mycoïdes, de vaccin 0 T et de charbon-phénol. La formaline plus ou moins diluée n’a plus le moindre pouvoir agglutinant (différence avec les corps bacillaires). L'alcool fort n’agglutine pas les spores. La soude, qui au titre de 1/80 à 1/100, agglutine fort bien les bacilles de diver- ses espèces, n’agglutine que faiblement les spores et au titre de 1/15. Le meilleur agent d’agglutination pour les spores, tuées ou non, est l’acide acétique : soit pur, soit dilué jusque 1/300, il agglutine nettement ces éléments. En résumé, il apparaît que les bacilles — tels que le B. typhosus, le B. mycoïdes, le B. mesenterieus, etc, — sont bien plus sensibles à l'influence des agglutinants chimiques que les spores mi:robiennes. Le B. typhosus — ainsi que M. Malvoz l'a montré — est encore agglutiné nettement par l'acide acétique RECHERCHES SUR LES ANTICORPS DES SPORES. 773 à 1 p. 5000, de même que ses émulsions subissent une forte agglutination par l'alcool, la soude à 1 p. 100, la formaline, etes ete; C'est encore une fois dans la présence d’une membrane différenciée et d'une constitution toute différente des microbes qu'il faut chercher la raison, en partie tout au moins, de ces différences entre bacilles et spores dans la sensibilité aux agglu- tinants chimiques. Les levures — qui elles aussi sont pourvues d’une membrane particulière — se comportent sensiblement comme les spores vis-à-vis de ces substances agglutinantes la formaline n'a pas d'action et l’acide acétique n'agit que concentré, incomparablement moins activement que sur les bacilles typhique, mesentericus, etc. Les spores de moisissures qui, on l’a vu, ne confèrent pas au sérum des animaux injectés la propriété agglutinante, sont insensibles aux agglutinants chimiques : à ce nouveau point de vue encore, on voit que leur constitution, et notamment leur membrane, doit être toute différente des spores microbiennes. CONCLUSIONS 1. L'injection de spores microbiennes aux animaux est suivie de la production d’anticorps (agglutinines et sensibilisa- trices) dans leur sérum. Au contraire, l’injection de spores de moisissures ne confère pas de propriété spéciale au sérum. 2. Cette production d'anticorps est certainement le résul- tat de la résorption des spores comme telles et non de leur germination dans l'organisme, puisque les résultats sont sen- siblement les mêmes, qu’il s'agisse de l'injection de spores non pathogènes complètement tuées ou de spores vivantes. « 3. Les anticorps des spores — tout en étant plus actifs vis-à-vis de la variété de spores ayant servi à l'injection — agissent aussi sur les spores d’autres espèces microbiennes. 4. Dans la formation d'anticorps par l'organisme, les spores se comportent tout différemment des bacilles. Les bacil- les vivants, ou modérément chauffés, confèrent au sérum les 774 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. pouvoirs agglutinant et sensibilisateur, tandis que les bacilles chauffés à 115° ne produisent plus, après leur résorption, que les agglutinines. Au contraire, après l'injection de spores chauffées à 115°, le sérum renferme à la fois des agglutinines et des sensibilisatrices. L'indépendance des deux propriétés prin- jours. Une souris inoculée avec {4 c. c. de sérum et du sang à Trypan. au méme point, ne s'infecle pas. Une souris inoculée avec { c. e. de sérum et du sang à Trypan., en deux points différents, meurt en #]jours. Une souris ino- culée avee2 e, ce desérum etdusang à Trypan. en deux points différents,meurt en 3j. 1/2, aussi vile qu'une souris témoin. Deux souris qui ont reçu, l’une { c. c. de sérum et l'autre 2 c. ce. sont inoculées 29 heures après avec du sang à Trypan.; elles meurent aussi vite qu'une souris témoin. Le même sérum, conservé 14 jours à la glacière el essayé de nouveau, n’a plus aucune action en mélange. Expérience faite T jours après la 41e réinoculation, Une souris inoculée avec 1 c. e de sérum et 1/20 de c- c. de sang à Trypan. en mélange ne s'in- fecte pas. Une souris inoculée avec 1/2 €. €. de sérum et 1/29 de c. e. de sang à Trypan. en mélange meurt en 8 jours. Une souris inoculée avec { c. c. de sérum eçt du sang à Trypan. en deux points differents meurt en 5 jours. Les souris témoins meurent en 5 jours eb5 j. 1/2. Expériences faitesaveclesérum dela chèvresaignée6,respeclivement7 jours après Ja 156 et la 16e réinoculalions. Ce sérum n'a aucun pouvoir curatif. Injecté 40 heures avant les Trypan. ou en même temps qu’eux, mais en un point différent du corps, le sérum, à la dose de 4 ct même 2 c. c., n'a aucune aclion. Employé en mélange avec le sang à Trypan., /! n'empêche pas l'infection, muis la relarde de plusieurs jours. Ainsi, une souris inoculée avec un mélange de 1 c. ©. de sérum et de 0 c. c. 05 de virus (avec Trypan. nombreux), est prise cn 7 J. 4/2 ct meurt en 9% j. 1/2 [lc {émoin, pris en 2 3. 4/2, meurlen #4]. 4/2]; une souris inoculée avec un mélange de 1 c. c. de sérum et de 0 €. c. 2 du même virus, est prise en 6 jours et meurt en S j. 1/2; le témoin, pris en 1 j.14/2, meurt en: j: 1/2]. Le pouvoir microbicide du sérum de la chèvre a donc baissé, malgré les nombreuses inoculations qu'elle a reçues. Mais il ne faut pas oublier que ces iuoculations, surtout les dernières, ont produil de graves abcès et que l'im- munisation a dû être suspendue à deux reprises. Les expériences suivantes ont été faites avec le sérum d’un mouton gueri du Nagana!, ayant Pimmunité pour cette maladie et auquel on praliquait, tous les huit jours environ, comme chez 1 chèvre, des injections sous-cutanées de sang de chien nagané, riche en Trypanosomes. Expérience faite T jours après la 3e réinoculation. Uue souris est inoculée avec À c. e. de sérum du moulon et 4/20 de c. c. de sang à Tryptn. en 1. Pour lobservalion de la maladie de ce mouton, voir Bull. Acad. de méde- cine, 3 juin 1902, p. 669. : “ TRAITEMENT ET PRÉVENTION DU NAGANA. 809 mélange: la souris ne s’infecle pas. Une souris inoculée avec 1c. c. de sérum et 1/20 de c. c. de sang à Trypan. en deux points différents meurt en 2j. 1/2 comme une souris Lémoin. Expérience faile 7 jours après la 6° réinoculation. Une ‘souris inoculée avec À ©. c. du sérum du mouton et 1/20 de c. c. de sang à Trypan. en mélange est prise en 5 jours e£ meurt en 19 jours; Févolution de la maladie est irrégulière au point de vue de la durée de la maladie et de l’augmen- tation du nombre des Trypan., quine suit pas, comme d'ordinaire, une pro- gression régulière, Une souris inoculée avec { c. c. de sérum et 4/29 de €. c. de sang à Trypan. en mélange est prise en 3 jours et meurt le 10e jour: l'évolution de la maladie est irrégulière. Une souris inoculée avec { c. ec. da sérum et 1/20 de €. e. du sang à Trypan. en deux points différents du corps meurt au bout de 4 j. 1/2. Deux souris témoins meurent au bout de 5 Jours -et5]j. 1/2. Expérience faite avec le sérum d’un autre mouton guéri du Nagana et ayant reçu depuis 3 inoculations de sang de chien ) 3; q P Ë nagané. 2 souris témoins, inoculées chacune avec 1/10 de €. c. de sang de chien à Trypan., meurent en 4 jours 1/2 et 6 jours. — { souris qui reçoit, en 2 points différents du corps, 2 ce. c. de sérum et la même dose de virus que les témoins, ne contracte pas d'infection. — Il en est de même des 4 souris qui reçoivent en mélange le sérum et le virus: { c. c. dé sérum et 1/10 c. c. de virus pour 2 d’entre elles; 1/2 c. ec. de sérum et 1/10 c. c. de virus pour la 3; 1 c. c. de sérum et 1/2 c. c. de virus pour la 4e, M. le professeur Nocard a bien voulu nous communiquer la note très intéressante qui suit : Une jeune vache est inoculée le 7 juin 1992, avec 2 ce. c. de sang de rat nagané. Le 10 juin, la température de la vache monte à 4008 et l'examen histologique du sang révèle l'existence de Trypan. non rares ({ à 2 par champ). A partir du {1 juiu la température reste normale et l'examen histo- iogique du sang est négatif. Depuis le {1 juin cetile vache a été inoculée 8 fois (inoculations intra- péritonéales). Elle a reçu au total 852 ce. c. de sang de chat ou de chien, très riche en Trypanosomes. Son sang, inoculé à des souris à cinq reprises, les 20 juin, 14 juillet, 16 août, 3 septembre et 10 octobre, ne s’est montré infectieux que les deux premières fois. Les souris inoculées sans succès les 16 août, 3 septembre et 10 octobre n'étaient pas vaccinées; elles ont succombé à une deuxième inoculation de sang virulent. Le sérum de celte vache mélangé, à parties égales, avec du sang d’un animal nagané, retarde notablement l'apparition des Trypanosomes chez les animaux inoculés avec le mélange, mais il n'empêche ni l'infection, ni la 810 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. mort. Injecté sur un autre point que le sang virulent, il semble n’exercer aucune influence sur la marche de linfection. Le sérum de cette vache est très agglutinant pour les Trypanosomes. Le sérum de cette vache, ayant acquis l’immunité pour le Nagana, n'avait donc qu'une très faible activité préventive, bien qu’on se fut efforcé de renforcer l’immunité au moyen d'injections intra-péritonéales de sang riche en Trypanosomes. Les sérums de poule et d'oie ayant reçu des injections de sang riche en Trypanosomes, ont montré une activité pré- ventive nulle ou très faible. Nous devons signaler, cependant, le fait suivant : une souris inoculée avec 1/2 c. c. de sérum de poule traitée, en mélange avec du sang à Trypanosomes, a survécu 15 jours, alors qu'une souris témoin mourait au bout de 7 jours; les Trypanosomes inoculés dans cette expérience étaient peu mobiles au moment de l'inoculation. Les sérums des rats naganés ayant reçu de 3 à 7 injections arsenicales n’ont montré qu'une action préventive très faible. Nous avons constaté, comme Bruce, que l’arsenic n’avait pour le Nagana aucune vertu préventive. Les animaux traités pré- ventivement par l’arsenic s’infectent aussi facilement et aussi rapidement que les autres, et l’évolution de la maladie n’est pas modifiée. : 20 Essais d'alténuation du virus. — Nous avons employé différents procédés pour atténuer la virulence des Trypanosomes du Nagana. Le sang des animaux atteints de Nagana perd assez rapide- ment sa virulence, quand il est conservé à la glacière ou à la température du laboratoire; au bout de quelques heures, les mouvements des Trypanosomes sont considérablement ralentis : au bout de 24 heures, on ne trouve que de rares Trypanosomes mobiles, quelquefois tous les Trypanosomes sont immobiles. Lorsqu'on inocule du sang ainsi conservé, la période d’incuba- üon est notablement plus longue qu'avec le sang frais, conte- nant des Trypanosomes très mobiles, mais l’affaiblissement des Trypanosomes n’a pas d'autre effet sur l'évolution de la maladie; dès que les Trypanosomes se sont montrés dans le sang des animaux inoculés, ils s'y développent avec la rapidité ordinaire, et la maladie ne perd rien de sa gravité. Nous avons expérimenté avec du sang à Trypanosomes TRAITEMENT ET PRÉVENTION DU NAGANA. 811 chauffé à différentes températures et pendant un temps variable. Lorsqu'on examine du sang riche en Trypanosomes du Nagana qui a été chauffé pendant 1 heure à la température de 41°, on constate que les parasites sont immobiles, déformés, globuleux; le sang ainsi chauffé produit l'infection avec un retard très marqué, mais la maladie ne perd rien de sa gravité; un chauffage plus prolongé à 41° et un chauffage d’une durée ‘plus courte, aux environs de 440, tuent les Trypanosomes. On voit donc que par le chauffage on ne réussit pas à atténuer la virulence du Nagana ou que, du moins, l’atténuation ne se tra- duit que par l’allongement de la période d'incubation de la maladie. En mélangeant au sang d’un animal nagané une solution de bleu de toluidine à 1 p. 100, on atténue la virulence des Trypa- nosomes du Nagana. Chez les animaux inoculés avec ce mélange, la période d’incubation est plus longue que chez les animaux inoculés avec le sang pur. Chez deux rats inoculés avec un mélange de sang à Trypa- nosomes 8 parties, et bleu de toluidine 1 partie, préparé depuis 20 minutes, les Trypanosomes ne se sont montrés dans le sang que du 7° au 8° jour. Chez un cobaye inoculé avec un mélange de sang à Trypa- nosomes et de solution de bleu de toluidine à 1 p.100, fait depuis deux minutes, les Trypanosomes ne se sont montrés dans le sang qu’âäu bout de 12 jours. En général, l’affaiblissement de la virulence des Trypano- somes ne se révèle que par cet allongement de la période d’incubation ; la maladie une fois déclarée, suit son cours normal. Il y a cependant des exceptions. Chez une souris infectée avec du sang à Trypanosomes mélangé de bleu de toluidine, lès Trypanosomes ont apparu le 8 jour seulement après l’inoculation, et l'infection à eu une marche trainante tout à fait exceptionnelle. Chez un rat inoculé dans les mêmes conditions, les Trypano- somes se sont montrés dans le sang le 5° jour après l’inocu- lation, et ils ont disparu définitivement au bout de 3 à 4 jours : fait unique dans l’histoire du Nagana des rats. Ge Nagana atténué n'avait pas donné l'immunité au rat. 812 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Ce dernier fait est à rapprocher des exemples de réinfection que nous avons cités (p. 800) chez des souris guéries du Nagana au moyen du sérum humain. Il semble prouvé qu'une atteinte de Nagana provoquée par un virus atténué ou jugulée par le traitement ne suffit pas à donner l'immunité: nous n'avons observé l’immunité contre le Nagana que chez des animaux {chèvre, mouton, vache) qui, après une infection de longue durée, avaient guéri spontanément. On peut en conclure qu’on arrivera difficilement à immuniser des animaux contre le Nagana en leur inoculant des Trypanosomes à virulence atté- nuée et en provoquant chez eux des formes légères du malf. Des inoculations préalables de sang à Trypanosomes con- servé quelques jours à la glacière, ou quelques heures au-des- sus de 40°, ou mis un certain temps en contact avec une matière colorante et ayant perdu toute virulence, n'empêchent pas lin- fection que produit un virus frais ou atténué dans les condi- tions que nous venons d'exposer et ne changent rien à la marche de cette infection. On a vu (p. 787) que R. Koch et Schilling ont essayé d’'atté- auer la virulence des Trypanosomes du Nagana en faisant passer ces parasites par des espèces animales différentes et qu'ils disent avoir obtenu, par ce procédé, quelques résultats favorables, On a vu aussi que les faits cités par ces auleurs n'étaient pas concluants. | D'après nos observations, la virulence de Tr. Brucei peut ètre un peu atténuée par le passage chez des espèces différentes, mais le Trypanosome se désadapte peu en passant d’une espèce à l’autre et, en tout cas, il récupère rapidement sa virulence, comine le prouve l'expérience suivante : - Le 24 avril 1902, un chien est inoculé avec le sang d'un moulon infecté de Nagana depuis 6 mois. Le 4er mai, les Trypan. apparaissent chez le chien. Le ? mai, on iuocule, avec quelques gouttes du sang du chien, fortement dilué dans l’eau physiologique cilratée, un rat et deux souris; l'inoculation est faite sous la peau. 4. Une femelle de rat, inoculée le 23 septembre 1902 et soumise au traitement mixte alternatif par le sérum humain et l'arsenic, à partir du 25, fait, le 1% octobre, 7 pelits, {ous vivants et bien conformës; elle les élève, Le 10 no- vembre, les petits mangent seuls; deux d'entre eux sont inoculés sous la peau avec du sang à Trypanosomes en même:temps que deux petits du méme poids: provenant d'un rat non nagané; les quatre petits rats présentent la même sensi- bilité au Nagana, sensibilité un peu plus grande que celle des rats adultes. TRAITEMENT ET PRÉVENTION DU NAGANA. 813 Le 4 mai, les Trypan. apparaissent dans le sang dural; le 6 mai, ils sont très nombreux, et le rat est trouvé mort le 7 au matin. Le 4 mai, les frypan. apparaissent dans le sang des souris; le 6, ils sont très nombreux. et, le 7 au matin, les deux souris sont trouvées mortes. Des Trypanosomes qui avaient passé par le mouton (6 mois) et ensuite par le chien ont donc donné lieu, chez le rat et la sou- ris, à des infections aussi aiguës que celles qui Sont produites par les Trypanosomes inoculés de rat à rat ou de souris à souris. Il est possible, d’ailleurs, que l’atténuation du virus pour un espèce donnée se produise à la suite de très nombreux passages chez une autre espèce; c’est peut-être le cas du virus avec lequel nous avons fait nos expériences. Alors que le Nagana est très grave chez les Bovidés, en Afrique, notre virus, inoculé par M. Nocard à trois vaches, n’a produit chez ces animaux que des infections légères. La différence d'action peut teuir à une question de race des Bovidés ; mais elle peut tenir aussi à une atténuation due aux innombrables passages par Mammifères divers (autres que des Ruminants), qu'a subis le virus depuis 1896, époque à laquelle il a été importé du Zoulouland en Europe. En tout cas, il serait très important d'essayer la virulence des Trypanosomes, que nous avons actuellement en mains, sur les Bovidés de l'Afrique australe; peut être, si notre seconde hypothèse est vraie, ce virus est-il devenu un vaccin, utilisable en Afrique, pour préserver les Bovidés de Finfection naturelle. x En résumé, en ce qui concerne le traitement du Nagana, l'acide arsénicux et le sérum humain sont les seuls médicaments auxquels nous ayons reconnu une activité incontestable. L'acide ursénieux peut rendre des services quand il s’agit de prolonger la vie d'animaux de trait; en dehors de ces condi- lions spéciales, son emploi ne peut pas être conseillé; les ani- maux ainsi trailés ne guérissent presque jamais, ils sont une cause d'infection pour les animaux sains; enfin, il serait dan- gereux de donner, à des animaux destinés à la boucherie, Les fortes doses d'acide arsénieux qui sont nécessaires pour com- battre le Nagana. Le sérum humain, qui nous a donné quelques guérisons 814 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. complètes chez les souris, re fait, le plus souvent, comme l’arse- nic, que retarder la mort; d’ailleurs, le traitement des gros animaux par le sérum humain est impraticable, à cause des doses de sérum qu'il faudrait employer. Nous n'avons pas mieux réussi à prévenir le Nagana qu’à le guérir; mais nous ne donnons pas comme définitifs Les résultats auxquels nous sommes arrivés; nous comptons poursuivre nos recherches, et ces recherches, si importantes, seront évidem- ment poursuivies également par d’autres observateurs. Peut- être des expériences faites sur des espèces animales autres que celles qui étaient à notre disposition pourraient-elles aboutir. Il serait intéressant, par exemple, d’expérimenter sur les anti- lopes ou sur les buffles d’Afriquequi, souventinfectés de Nagana, présentent à là maladie une grande résistance. De pareilles expériences ne pourraient être faites qu'en Afrique. Dans l’état actuel de nos connaissances, on peut dire qu’il n’existe aucune médication efficace et pratique contre le Nagana et qu'on ne connait pas de procédé sûr d’immunisation des ani- maux contre cette maladie. Ces conclusions s’appliquent aussi au Surra, si voisin du Nagana. Les mesures de prophylaxie destinées à restreindre les zones d’endémicité de ces maladies et à empêcher leur importation dans les pays encore indemnes ont, par suite, une très grande importance. On devra étudier, dans tous les pays, la répartition des ma- ladies à Trypanosomes, signaler avec précision les zones dan- sereuses et rechercher comment ces maladies se propagent. Nous ne sommes exactement renseignés à ce sujet que pour le Nagana ; on sait que c’est la Mouche tsétsé (Glossina morsitans) qui propage cette maladie dans l'Afrique centrale. La tsétsé n’est dangereuse qu’autant qu’elle a piqué récemment des ani- maux atteints de Nagana ; il est prouvé qu’elle s’infecte surtout en piquant le gros gibier : antüilopes et buffles. Les recherches de Bruce ont démontré que ces animaux étaient souvent naga- nés, mais sous des formes latentes. Fo! et Theiler* constatent que la destruction du gros gibier a toujours pour effet d’assainir les régions à tsétsé et à .Nagana. La civihsation d’un pays a pour résultat constant la 1. Fo, Du cap au lac Nyassa, Paris, 1897. 2. Tueirer, Schweiser-Archiv f. Thierheilkunde. XLTIT, 19014, TRAITEMENT ET PRÉVENTION DU NAGANA. 815 destruction ou le refoulement du gros gibier; on peut donc espérer que les zones à Nagana iront en se restreignant, à mesure que les Européens avanceront davantage dans ce conti- nent africain, dont les côtes seules étaient connues naguère, mais que sillonnent déjà, sur beaucoup de points, des chemins de fer de pénétration. Quand on connaît bien les zones à tsétsé et à Nagana, on peut souvent prendre des mesures préventives efficaces, s’il s’agit seulement de traverser ces régions ; une de ces mesures, la meilleure peut-être, consiste à ne voyager que la nuit; la tsétsé ne pique en effet que le jour. On a conseillé d’enduire les animaux que l’on veut protéger avec différentes substances, la créoline notamment'. Dans Le hinterland du Togo où règne le Nagana, les indigènes enduisent les animaux avec le suc d’une plante : Amomum Melequeta, pour les protéger contre les piqûres _ de la tsétsé”. La fumée éloigne les tsétsé et peut être utilisée, dans les campements par exemple. Les pays qui ont élé épargnés jusqu'ici par les maladies à Trypanosomes doivent prendre des mesures contre l'importation de ces maladies, d’autant plus à redouter aujourd’hui, que le commerce d'exportation du bétail vivant a pris une grande extension. De graves épizooties de Surra ont été observées récemment à Java *, aux Philippines ‘ et à l'île Maurice”. L'épizootie qui a été pour l'île Maurice une véritable calamité présente un grand intérêt et les enseignements qu’on peut tirer de son histoire doivent être attentivement médités. Maurice s’approvisionne ordinairement de bétail à Mada- gascar; pendant la guerre du Transvaal, beaucoup d'animaux ayant été achetés pour l'Afrique du Sud, on à dû faire venir des bestiaux de l'Inde, etce sont des Bovidés infectés de Surra, venant de l'Inde, qui ont causé l’épizootie. La nature de la maladie ayant été méconnue, les animaux malades ont été ven- dus et répartis sur différents points de l'île; on s'explique ainsi que lépizootie se soit propagée avec rapidité. 4. Sroroy, l'he Veterinarian, janv. 1899, LXXII, p, 11-20. 2. Scaizue, Centralbl. f. Bakter., Erste Abteïl. Original; 1902, XXXI, p. #52. 3. Scuar, {rch. de l’industrie sucrière à Java, 1902. 4. New-York med. Journal, 8 février 1902, et Sazmox el SriLes, L. €. S 5. Laveran et Nocann, Acad. de méd., 1 juillet 1902, — Lavenax, Acad. de smed., 28 octobre 1902. 816 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR, Au commencement du mois de juin dernier, la mortalité occasionnée par le Surra chez les Équidés et les Bovidés était effrayante; les propriétaires de Maurice se demandaientavec in- quiétude s'il serait possible de rentrer la récolte des cannes à sucre. Quelques-unes de nos colonies : la Réunion, Madagascar, la Cochinchine, le Tonkin, sont évidemment très exposées à devenir le théâtre d’épizooties aussi meurtrières que celle qui vient de causer à Maurice de si grandes pertes. Quelques cas d'une maladie à Trypanosomes ont été constatés déjà à la Réunion par le D' Vassal', et M. Carrougeau, vétérinaire de l’Institut Pasteur de Nha-Trang, a observé sur les Équidés de l'Annam des cas non douteux de Surra, M. Carrougeau a bien voulu nous envoyer des- préparations du sang des animaux malades; les Trypanosomes existant dans ces préparations sont identiques à ceux qui ont produit l’épizootie de Maurice. L'importation des animaux provenant des régions conta- minées doit être interdite ou du moins sévèrement réglementée. Les animaux vivants importés de régions suspectes doivent ètre examinés avec soin par des vétérinaires, à l’arrivée dans les ports, et abattus si l’existence d’une Maladie à Frypanosomes est constatée. « Alors même que des animaux infectés de Surra ou de Nagana ont été introduits dans un pays indemne, on peut prendre encore des mesures efficaces pour empècher la propa- gation de la maladie, à condition que le diagnostic soit porté rapidement. Les animaux infectés seront abattus dès que la maladie aura été reconnue, les animaux suspects seront isolés. « Lors de l’épidémie de Java, une visite générale des étables a élé prescrite, les animaux malades ont été abattus ou isolés des animaux sains ; on s’est cHorcé de protéger les animaux contre les piqüres des mouches, et on a réussi ainsi à limiter l'épizootie; ces mesures sont, on le conçoit, d’une application d'autant plus difficile que la maladie a pris plus d'extension au moment où sa véritable nature est reconnue ; 1l importe donc que l'attention des vétérinaires soit attirée sur ces Maladies à Trypanosomes dont le diagnostic est d’ailleurs facile, à condition de faire l'examen du sang ?. » 4. LaveraN et Nocanp, loc. cit. 2, Laveran et Nocarp, loc. cit. TRAITEMENT ET PRÉVENTION DU NAGANA. 817 Le 1° juillet dernier, l'Académie de Médecine à émis le vœu « que l'importation en France ou dans les Colonies françaises d'animaux provenant de pays où règnent le Surra, le Nagana ou d’autres Maladies à Trypanosomes, soit interdite ou sévère- ment réglementée ». A D3 -RECHERCHES SUR L'ABSORPTION DE LA TOXINE TÉTANIQUE Par MM. À. MARIE ET V. MORAX (Travail du laboratoire de M. Rouxe) L’affinité de la tétanine ! pour la substance nerveuse cons- titue une des propriétés les'plus remarquables et les plus inté- ressantes de cette toxine. En quelque point qu’on l’inocule chez les mammifères, on assiste toujours, après une période d’incu- bation, à l'éclosion de réactions nerveuses presqueexclusivement motrices, qui semblent traduire la souffrance du neurone moteur et font supposer une action élective sur lui. Le but des expériences que nous résumerons dans ce travail a été de rechercher le mécanisme de la propagation de la toxine, depuis son point de pénétration jusqu’à la cellule sensible. 1 ABSORPTION DE LA TOXINE TÉTANIQUE PAR LES NERFS PÉRIPHÉRIQUES Il ne suffit pas de constater des troubles de la motilité pour affirmer que la tétanine a lésé directement le neurone moteur. On peut supposer avec M. Goldscheider que l'état d'activité de ce neurone se manifeste par le seul fait de l'application péri- phérique de la toxine; avec MM. Vaillard et Vincent que la téta- nine agit à la fois sur la moelle épinière et sur le muscle. Mai on peut aussi admettre que le neurone moteur se trouve lésé par la pénétration de la toxine dans la substance d’un de ses éléments, cylindraxile ou cellulaire, et que, suivant l’un ou l’autre cas, la nature ou l’ordre d'apparition des symptômes réactionnels seront différents. Lorsqu'on expérimente sur le lapin, animal relativement peu sensible à l’intoxication tétanique, on constate que l'injection d’une dose mortelle dans un muscle de la patte donne lieu, après 24-36 heures d’incubation, à une contracture localisée d’abord aux muscles de ce membre, et qui est suivie d’un 1. Nous employons le mot « tétanine » comme synonyme de toxine tétanique ABSORPTION DE LA TOXINE TÉTANIQUE. 819 tétanos généralisé, Introduisons au contraire la toxine directe- ment dans le sang, en ayant soin d’injecter une dose dix fois supérieure à la dose inaculée dans le muscle : nous verrons éclater après 48 heures environ des contractures généralisées d'emblée : c’est le tétanos splanchnique. Pour expliquer ces différences entre les’ deux formes le tétanos, l’un de nous! avait émis l'hypothèse d’une pénétra- tion de la toxine par les nerfs périphériques dans les cas de tétanos local. L'hypothèse de l'absorption par les nerfs périphériques était basée sur les expériences suivantes : 1° L’inoculation, dans le nerf sciatique d’un lapin, d’une dose de toxine insuffisante pour tuer l'animal par la voie sanguine, provoque l'apparition d'accidents tétaniques; 20 L'inoculation à un lapin d’une dose mortelle dans la patte antérieure, qu'une section du deuxième nerf cervical a totalewent paralysée, n'est suivie d’aucun phénomène _tétanique. L'expérience de M. Wassermann?, conçue dans le but d'appuyer lhypothèse des chaînes latérales dans la théorie de M. Ehrlich, vint donner la démonstration in vitro la plus frap- pante de l’affinité de la toxine tétanique pour la substance nerveuse. On sait, en effet, qu'il suffit d'introduire une faible quantité d’émulsion cérébrale dans une solution de tétanine pour fixer la totalité du poison et pour rendre le liquide _surnageant inoffensif. Le même résultat peut être obtenu avec une émulsion de moelle épinière, à la condition d’augmenter la dose de subs- tance nerveuse. En ce qui concerne les nerfs périphériques, qui sont en partie constitués par le cylindraxe, expansion du protoplasma du neurone, M. Knorr * dit ne connaître aucun résultat positif direct. 11 ajoute cependant que les expériences permettent de supposer dans les nerfs la présence d’une substance analogue à celle que M. Wassermann a mise en évidence dans le cerveau 4. A. Marne, Recherches sur la toxine tétanique. Ces Annales, 1897, juillet, p. 597. 2. WasserMANN. Berl. Klin. Woch. 1898, ne 1. 3. Kxorr, Das Tetanusgift und seine Berichtungen zum thierischen Organismus, Munchener Med. Woch. 1898, no 12. 820 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. et dans la moelle, Nous avons cherché à élucider ce point par les expériences suivantes. EXPÉRIENCE LI, On broie dans un mortier 5 grammes de nerf sciatique d’un chien, au contact d’une solution de 5 doses mortelles pour le cobaye de toxine tétanique. La même opération est faite avec la substance cérébrale du chien. Après 24 heures de séjour à la glacière, on ajoute à chaque émulsion 2 c. ce. d’eau physiolo- gique, puis on centrifuge. On injecte séparément le dépôt et le liquide à un cobaye et à une souris. Le tableau ci-dessous résume une de ces expériences. INJECTION 27 JUIN 1902 à 282080) 2 3 OBSERVATIONS Cobaye. Dépôt. 01 — | —= | =.|;=|—\ Inj.'dans la patte. ; a Liquide. | 0 0 0 0 | + Inj. dans le périt. | £ Pas de tétanos. pa L : 2 S Souris. — 0 0 () 0 | 0 6 | Inj. dans la patte. Cobaye. Dépôt. —|—= | = | + Inj. dans la patte. sue te | 2 a =] & Liquide. | 0:| = | + Inj. dans le périt. = Souris. — —= | + Inj. dans la patte. | a / Dans une autre expérience, nous avons étudié comparati- vement le pouvoir fixateur du foie, de la rate, du cerveau et du sciatique. Il en est ressorti que les sciatiques ne présentent pas un pouvoir fixateur supérieur à celui du foie ou de la rate, alors que le pouvoir neutralisant du cerveau apparaissait aussi neltement que dans l’expérience ci-dessus. On serait tenté de conclure de ces expériences que la toxine tétanique n’a aucune affinité pour la substance des nerfs. Il n’en est rien, car, ainsi que M. Meyer ! l’a signalé, la toxine tétanique se retrouve dans la substance des nerfs périphériques lorsqu'une injection de plusieurs doses mortelles a élé faite dans les muscles qu’ils innervent. L'expérience de M. H. Meyer consiste en ceci : on injecte 4. Hans Meyer, Tetanus Studien. Festschrift zur Feier des sechz. Geburtst, von Max Jaffe, Braunschweig, 1901, p. 295. ABSORPTION DE LA TOXINE TÉTANIQUE. 821 si dans la patte d’un cobaye 10 doses mortelles de toxine tétanique ; après 24 heures, lorsque l’animal est en plein tétanos, ou encore après sa mort, on resèque le sciatique correspondant entre le creux poplité et l’'échancrure sciatique, et on l’insère sous la peau de la patte postérieure d’une souris : celle-ci prend le tétanos. Si l’on injecte de même à d’autres souris moelle, cer- veau ou tout autre organe, à If exception du sang, nous savons que le résultat est négatif’. Cette expérience de M. Meyer fournit donc une démonstration directe de la présence de la tétanine dans le nerf périphérique. Il s’agit bien, en effet, d’une fixation élective de la tétanine sur la substance du nerf : les tissus qui entourent celui-ci, le muscle, par exemple, à la con- dition que ce ne soit pas celui dans lequel la toxine a été injectée, ne donnent jamais de tétanos aux souris qui les reçoi- vent sous la peau. Voici une de ces expériences : on ects dans les muscles de la patte d’un cobaye 10 doses mortelles de toxine tétanique; 24 heures après, on sacrifie l'animal et on prélève des fragments e de tissus. ExPÉRIENCE I. 11 AOUT 1902 | INOCULATION SOUS-CUTANÉE DE 12 13 14 15 Souris, DPHECAC = 2 Sang du cœur. : ; = Sciatique gauche. (l Æ + — Languette musculaire avoisi- 0 0 0 0 nant le sciatique. — Muscle extenseur de la cuisse. 0 0 0 0 —— Nerf brachial. ÿ () 0 0 — Tissu adipeux du creux poplité, 0 0 1 0 On peut démontrer indirectement qu'il se produit une fixa- tion de la toxine sur la substance cylindraxile du nerf périphé- rique. Il suffit pour cela de provoquer la dégénérescence du cylindraxe par la section du tronc nerveux au voisinage de son origine rachidienne. Réalisons cette section chez 3 lapins, puis attendons 2,6 et 15 jours avant d'injecter dans les deux 1. À. MARIE, loco cit. 822 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. pattes 10 doses mortelles de tétanine. Reséquons ensuite les sciatiques après 24 heures; l’inoculation du sciatique normal servira de témoin à l’inoculation du sciatique sectionné. ExPÉRIENCE HIT, TEMPS écoulé entre la a : section du nerf et SOURIS 3 l'injection inoculée avec de la tétanine. [RSR SERRE EU FÉELTE \ Sciatique normal. == = + Dour ) _ seetionné. == = + s \ nn normal. — = + 6 — rs € == sectionné. (! 0 = — — \ — normal. 0 (] (] = = = + 15 — *) y Le, sectionné, 0 (l (1 (! 0 0 De cette expérience il résulte que le nerf séparé de son centre médullaire présente encore après 48 heures des pro- ” priétés fixatrices aussi fortes que celles qu’il possède dans les conditions normales. Après 6 jours, au contraire, il ne fixe plus de quantités appréciables de tétanine. Or, c’est entre le Ar et le 3° jour que le segment périphérique du nerf sectionné du cobaye perd son excitabilité, et que se produisent la dégéné- ration et le morcellement du cylindraxe. Nous sommes donc autorisés à conclure quil existe réellement une affinité spécifique de la tétanine pour le cylindraxe des troncs nerveux périphériques. Demandons nous maintenant par quelle voie la toxine pénètre dans le nerf: par les terminaisons périphériques ou par les capillaires du tronc nerveux? Les expériences suivantes sont favorables à la première hypothèse, ExPéRENcE IV. On pratique sur un cobaye la section du sciatique, au niveau de l'articulation du genou, puis on injecte dans les muscles du mollet 10 doses mortelles de tétanine. Après 24 heures, l’animal présente un tétanos généralisé : ABSORPTION DE LA TOXINE TÉTANIQUE. 825 on enlève le bout central du sciatique que l’on insère sous la peau de la patte d'une souris : celle-ci ne présente par la suite aucun symptôme tétanique. Sur un autre cobaye, nous avons sectionné le sciatique au niveau de sa racine et inoculé la même dose de tétanine dans le mollet, L'insertion du bout périphérique du nerf a provoqué chez la souris des accidents tétaniques graves. Ces expériences nous fournissent déjà des indications précises sur le mode de pénétration de la toxine dans le nerf. Le tronc nerveux séparé de son centre ganglionnaire conserve ses propriétés d'attraction pour la toxine, sous la condition expresse de garder ses connexions naturelles avec le muscle ‘. Lorsque, au contraire, le tronc nerveux a été séparé de ses éléments terminaux, ilne renferme pas de toxine. Il nous a paru intéressant de déterminer le temps néces- saire à la toxine pour pénétrer en quantité appréciable dans le tronc nerveux. Dans ce but, nous avons repris expérience de M. Meyer en enlevant le tronc du sciatique à des temps variables, 5, 10, 30, 60 minutes, après linjection de la toxine dans les muscles du mollet. L'insertion du sciatique dans la patte des souris n'« jamais donné le tétanos quand le tronc nerveux était réséqué moins de 1 heure après l'injection. Par contre, toutes les fois que le nerf était prélevé plus de 60 minutes après l’inoculation de la toxine, les souris présentaient un télanos plus ow moins sévère, Voici cette expérience : 4. Néanmoins, l'expérience démontre que la pénétration du nerf par la toxine est beaucoup plus lente lorsque le centre médullaire est détruit. Alors que, dans les conditions normales, le sciatique se montre tétanigène pour les souris 4 heure 1/2 après l'injection dans les muscles du cobaye normal, il faut attendre 24 heures pour constater une dose équivalente de tétanine dans le sciatique d'un: animal qui a subi la section de ee nerf à l’échancrure, ou la destruction, de sa moelle lombaire. : 824 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. ExPÉRIENCE V. 16 JUIL. 1902| INOCULATION DE | 17 | 18 | 19 | 20 | 21 OBSERVATIONS Souris. Sciatique. 0 (] 0 0 0 l 15 minutes après de l'injection. Souris. 0,5 sang du en | UN \ 1 cœur. Souris. Sciatique. 0 0 0 | 0 } à . Souris. 05 ang idn lee \ 30 minutes. cœur, ) Souris. Sciatique. —|= | = | + | Souris. 0,5 sang du | — | = | = | + 60 minutes, cœur. \ L’absorption de la toxine par le nerf est donc assez rapide : une heure après l'injection, celui-ci en contient des quantités mortelles pour la souris. La pénétration dans le sang est, il est vrai, antérieure, puisque 15 minutes après l'injection ce liquide en renferme déjà une notable proportion. Nous verrons plus loin l'importance et le rôle relatif de ces deux modes de diffusion de la toxine au point de vue de sa pénétrâtion dans la cellule nerveuse. Il ÉTAT DE LA TÉTANINE DANS LES NERFS PÉRIPHÉRIQUES Les expériences in vivo nous ayant démontré l’affinité de la tétanine pour les nerfs périphériques, nous sommes amenés à expliquer ce fait en supposant une combinaison de cette toxine avec la substance du cylindraxe. Étudions donc les caractères de cette combinaison ou, si l’on veut, de cette fixation : 10 L'un des plus remarquables, c’est la grande facilité avec laquelle on réussit à séparer les deux éléments de la combi- naison, contrairement à ce que l’on observe lorsqu'on a mélangé la tétanine avec la substance cérébro-médullaire. La toxine, fixée sur le nerf pendant la vie de l’animal, ne tarde pas à ABSORPTION DE LA TOXINE TÉTANIQUE, 825 s’en séparer complètement : l'expérience in vivo, consistant dans l’inoculation à la souris du sciatique du cobaye téta- nique, nous à déjà révélé ce fait; l’expérience suivante in vitro va rendre cette propriété encore plus manifeste. Expérience VI. Enlevons le sciatique d’un cobaye qui a reçu dans les mus- cles du mollet 10 doses mortelles, et plongeons le nerf pendant 1 heure dans 1 c. c. d’eau physiologique stérilisée, puis inocu- lons à une souris le liquide et à une autre le nerf. Répétons la mème expérience en prolongeant pendant 6 et 24 heures là durée de la macération dans l’eau physiologique. l DURÉE INOCULATION 9 3 É de la macération. à la souris du : À £ £ | Biquidensor ses Nu = = = AÉEUTE SNS ESS LE | ; l NOT PES () — — ( AGEN IC EAN — = + 6 heures..... LE : l NET SERRES (] (] 0 (] biquides is. — = = = = DA SET NA EN es 20e : EN ee ere n nl 0 0 () Une heure a donc suffi pour que la toxine passe en grande partie dans le liquide de macération; après 6 heures la totalité de la toxine semble avoir abandonné la substance nerveuse. 2 On sait que la combinaison du cerveau avec la toxine n’est pas la même pour toutes les espèces animales, que le cerveau du lapin, par exemple, est beaucoup moins actif que celui du cobaye. En serait-il de mème pour la combinaison de la toxine avec le nerf? Pour résoudre cette question, il nous suffira de doser la quntité de toxine contenue dans le sciatique d’un lapin, inoculé dans les muscles du mollet, dans les mêmes conditions qu’un cobaye témoin, tout en tenant compte de la différence de sensi- bilité des deux animaux à la tétanine. Nous injectons donc au cobaye ainsi qu’au lapin 10 doses mortelles pour chacun d’eux (en poids 0,001 pour le-cobaye et 0,1 pour le lapin). 826 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Après 24 heures, on enlève les sciatiques : celui du cobaye pèse 0,023 milligr; il est inséré sous la peau d’une souris qui meurt du tétanos en 48 heures. Le sciatique du lapin est divisé transversalement en deux tronçons dont l’un pèse 0,023, poids égal au nerf du cobaye, l’autre, le double, exactement 0,045 milligr. La souris inoculée avec le plus petit fragment ne présente aucun symptôme; la seconde est atteinte au 3° jour, elle ne présente qu'un tétanos très léger. On se trouve amené à conclure que l'afinité de la toxine pour le nerf du lapin est très inférieure à celle qu'elle présente pour: le nerf du cobaye. Nous rapprocherons ce fait de la faible sensi- bilité du lapin vis-à-vis de la toxine tétanique. 3° Maintenant, si l'on compare l'affinité si grande de la tétanine pour la substance des corps cellulaires des neurones avec l'attraction élective, mais fugace, de cette toxine pour leurs expansions périphériques, on se trouve conduit à admettre l'existence de phénomènes de déplacement de la tétanine dans la substance cylindraxile; ces phénomènes donnent l’'impres- sion d’une véritable circulation de la toxine dont le courant serait toujours cellulipète, se produisant par conséquent de la substance douée de l’affinité la plus faible vers celle qui possède l'affinité la plus forte : c’est ce que les expériences suivantes vont démontrer. Nous avous vu qu une heure après l'inoculation de la tétanine dans les muscles de la patte du cobaye, le nerf seiatique se trouve déjà imprégné de toxine. Nous savons d’autre part qu’en sectionnant le sciatique au creux poplité, on empêche la péné- tralion de la tétanine dans le bout central du nerf. Pratiquons maintenant la section du sciatique au creux poplité, non pas avant, mais 2 ou 24 heures après l’inoculation de la toxine, c'est-à-dire à un moment où nous savons que le nerf est chargé de cette substance. Notre section aura pour but de supprimer l'arrivée de nouvelles quantités de toxine. S'il existe réellement un déplacement cellulipète de celle-ci, le bout central demeuré en connexion avec le centre médullaire devra se dépouiller peu à peu de la toxine qu’il contenait : c’est ce que l'expérience vérifie pleinement. Rue ” PS PRO A ORALE 1e PORN PS VS SR RE | Cobäye 1. Témoin. Souris. () = = == "= — 2, | 15 minutes. — — — — — — — — 3. | 60 == Æ ER? es Le 2 ue Es — X 90 — — (] = — —— 5) 2 heures. — 0 0 0 Ô — 6.1 2% — —— (l 0 0 0 0 0 ABSORPTION DE LA TOXINE TÉTANIQUE. 827 Expérience VIT. 6 cobayesreçoiventchacun dans les muscles du mollet 10 doses de tétanine; ! h. 1/2 après l'injection, le sciatique est sectionné au creux poplité et le tronc nerveux laissé en place. Puis 15°, 60, 90’, 2 heures et 24 heures après la section, on enlève le tronc de sciatique et on l’inocule à des souris. Il ressort très nettement de cette expérience que le nerf $est dépouillé de la presque totalité de la toxine qu'il contenait 2 heures après le moment où le courant d'arrivée a été interrompu (section au creux poplité). En comparant le résultat de l'insertion du sciatique du cobaye n° 2, sectionné au creux poplité 15 minutes avant son ablation, avec le cas du cobaye n° 1, le témoin, on voit que ce court espace de temps a suffi pour que le nerf se débar- rasse d’une partie de sa toxine et pour que son inoculation ne soit plus mortelle pour la souris. Le déplacement de la toxine dans le neurone périphérique est cel- lulipète : de plus ilest exclusivement cellulipète. Pour le démontrer, nous pouvons injecter la toxine dans la moelle lombaire du cobaye, puis, une fois Le tétanos généralisé, inoculer le sciatique à des souris. Expérience VIT. On injecte 1 goutte d’une solution concentrée de tétanine, représentant 10 doses mortelles, dans le renflement lombaire de la moelle d'un cobaye. L'animal meurt en moins de 24 heures avec des symptômes 828 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. tétaniques généralisés. L’inoculation aux souris donne les résul- tats suivants pour les nerfs, la moelle épinière et le sang : SOURIS INOCULÉE AVEC re 1° co rs ot o = N. sciatique, 0 0 0 0 N. brachial. (0 0 0 0 0 Moelle dorsale {1 centim. de long). | Il (ll Lie se Moelle lombaire (1 centim.) = + Sang 0,5 c.c, — = + Cette expérience démontre que {a tétanine ne diffuse pas dans le cylindraxe après son injection au niveau du centre cellulaire, tout au moins en ce qui concerne le neurone périphérique: car, dans la moelle, on trouve la toxine tétanique non seulement au point où elle a été injectée, mais encore au-dessus. Le courant cellulipète de la tétanine est par conséquent le seul qui se fasse dans la substance cylindraxile du neurone périphé- rique. Lorsque, au lieu de prélever le sciatique quelques heures après une injection dans la patte, on attend que l’animal présente des symptômes tétaniques généralisés, on peut constater par l’inocu- lation que le sciatique du côté opposé à l'injection de la tétanine renferme, lui aussi, de la toxine, bien qu’en plus faible quantité. L'expérience ci-dessus nous ayant démontré l’absence d’un courant descendant de diffusion, nous sommes conduits à admettre que le nerf a puisé la tétanine en circulation dans les humeurs par ses expansions périphériques ou par les étrangle- ments annulaires disposés le long des filets nerveux. L’expérimentation va nous permettre de préciser ce dernier point. ExPÉRIENCE IX. Deux cobayes subissent la section du sciatique de la patte gauche, lun au creux poplité, l’autre au niveau de l'échancrure sciatique. Chacun d’eux reçoit ensuite dans la patte opposée, la patte droite, 10 doses mortelles de tétanine. Après 24 heures, ABSORPTION DE LA TOXINE TÉTANIQUE. 829 les symptômes tétaniques sont généralisés : on tue les deux cobayes et on prélève leurs sciatiques gauches, un sciatique droit et le nerf brachial, qui sont inoculés à des souris. La por- tion de nerf réséquée chez le cobaye 1 est donc la même que chez le cobaye 2, celle qui va du jarret à l’échancrure sciatique. 24 HEURES ES 25 AOÛT 1902 LAAHBURES APRES inoculation à des souris. Cobaye 1 inoculé avec | Sciatique droit. | — | = | = | = | + 10 doses dans la patte droite, après ISA. section du sciatique Sciatique gauche. gauche dans l’échan- 4 crure. Brachial. = (= [=] (=) | [==] [=] (= [=] [==] [= (= Cobaye 2 inoculé | Sciatique gauche. comme le cobaye 1, après section du sciatique gauche au creux poplité. [= [=>] [=] © © [= Le sciatique sectionné à léchancrure renfermait donc de petites quantités de toxine: le sciatique sectionné au creux poplité n’en contenait pas de quantités appréciables: enfin, le sciatique témoin du côté correspondant à l’moculation de la tétanine a donné un tétanos mortel à la souris. Nous devons ainsi penser que seule l’absorption par les terminaisons péri- phériques joue un rôle important dans la pénétration du nerf par la tétanine. Comme il s’agit d’un point très éloigné du lieu d'injection, il est évident que la tétanine provient ici des humeurs en circulation. Dans l'expérience relatée plus haut, on a vu que l’inocula- tion à la souris du nerf brachial du cobaye n’avait été suivie d'aucun effet. Cela ne signifie pas que le nerf ne renfermait pas de toxine, mais seulement que la quantité fixée était trop faible pour provoquer des manifestations tétaniques chez la souris, | Il résulte, en effet, de la même expérience que tout filet ner- veux doit absorber la tétanine en circulation dans les humeurs, et la transporter de ses terminaisons périphériques jusqu’au centre médullaire. Si l'absorption n’est pas prédominante dans une certaine zone d'innervation (comme cela se produit quand on injecte la tétanine dans un muscle), les symptômes sont géné- , 830 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. ralisés d'emblée, car ils n’apparaissent que si l’ensemble des neurones renferme une quantité suffisante de tétanine. Voilà pourquoi si, au lieu d’inoculer un seul nerf sciatique, on insère sous la peau de la même souris les deux sciatiques et les nerfs brachiaux, on constatera la présence de la tétanine même lorsque l’inoeulation aura été faite ailleurs que dans un membre, par exemple dans le corps vitré ou dans le testicule. : Expérience X, Deux cobayes reçoivent chacun 10 doses de tétanine, l’un dans le corps vitré, l’autre dans le testicule. Après 24 heures, les animaux étant en plein tétanos généralisé, on les sacrifie et on inocule à des souris quelques-uns de leurs nerfs et un peu de sang. SOURIS COBAYES LR ES fl 2 3 4 5 6 inoculées avec | TS monte | see | { . sciatique. ( ) 0 1] ( 0 | | i £ 11 F2 Inoculation 1,220 GE dE. Ps ER en intratesticulaire. | 2-2) Dra ide) | 05 CACESane: = SE ne À 2 n. sciatiques. Inoculation dans } SA AIS bu 2 re Ête le corps vitré. / 9 5 brachiaux. \ | Cette expérience prouve que l'absorption de la toxine ‘par les nerfs périphériques est un phénomène constant et qui n'exige pas, pour se produire, de lésion de neurone périphérique. D'autre part, il ressort jusqu'à l’évidence de la comparaison des expériences IX et X, avec l'expérience de M. Meyer, que le degré de concentration de la solution de toxine au niveau des terminaisons nerveuses périphériques influence directement l’absorption par le nerf. CONCLUSIONS L’absorption de la tétanine par les nerfs périphériques est la conséquence d’une affinité spécifique pour la substance eylin- draxile. Cette affinité, qui n'apparaît pas dans Les expériences in vitro, contrairement à ce qu’on observe avec la moelle ou avec ABSORPTION DE LA TOXINE TÉTANIQUE. 831 le cerveau, peut être mise en évidence avec la plus graude faci- lité par les expériences in vivo. La fixation de la tétanine sur les nerfs se fait très rapidement; elle présente le caractère par- ticulier de n’être pas stable : nous avons en effet montré que la toxine tétanique une fois fixée se déplace dans le sens cellu- lipète avec une rapidité relativement faible. Cette cireulation cylindraxile à pour effet de transporter la tétanine diluée dans les humeurs jusqu’à la cellule ganglionnaire. Dans un mémoire ultérieur, nous chercherons à établir le - rôle respectif des différents neurones dans cette fixation et dans ce transport de la toxine. Un grand nombre de points sont encore obscurs dans l’ab- sorption de la toxine tétanique; néanmoins nous croyons pou- voir formuler les hypothèses suivantes. Injéctée dans un muscle ou dans une région peu éloignée d’une masse musculaire, la toxine se répand dans la sérosité qui imprègne les tissus et passe en partie dans le sang où on la retrouve de très bonne heure. Dans la zone d’inoculation, la sérosité chargée de toxine s’est trouvée en contact avec les expansions nerveuses. Les nerfs moteurs ainsi que les nerfs vaso-moteurs l’absorbent et s’en remplissent à tel point qu'en un temps relativement court la substance du nerf périphérique en contient des qüantités infiniment plus considérables que les humeurs qui baignent les tissus, à quelque distance du point d'absorption. La diffusion de la toxine suit une voie centripète : il s’agit d’un véritable mouvement de propagation que l’on pour- rait comparer à l'absorption des liquides nourriciers par les racines d’une plante. La proportion de toxine contenue dans la lymphe au point d'injection reste pendant un certain temps (24 heures au moins) supérieure à la proportion contenue dans le sang, et par conséquent dans la lymphe en des points diffé- rents du corps. L’absorption par les filets nerveux de la région inoculée est donc pendant 24 heures supérieure à celle qui se produit dans les autres régions. Le neurone moteur corres- pondant sera par conséquent le premier saturé par la toxine, et cette saturation se manifestera par une contracture localisée, par un tétanos local. Cependant, en d’autres régions, les terminaisons nerveuses auront absorbé une certaine quantité de toxine, puisée au sein de la lymphe, quantité suffisante pour rendre sensible 832 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. la souffrance de leurs neurones d’origine : c’est alors qu’au tétanos local succédera le tétanos DEnéraliee. Nous ne sommes pas encore en état de décider si la tétanine est susceptible en outre de passer du neurone périphérique au neurone central, avec lequel il s’articule, et si les contractures sont attribuables à l’action de la toxine sur l’un ou l’autre de ces deux éléments cellulaires. Dans l’absorption d’une toxine, 1l faut considérer non seule- ment le nombre des éléments absorbants, mais aussi la concen- tration de la solution de toxine : or cette concentration est toujours beaucoup plus considérable au point d’inoculation que dans les autres régions du corps, où la toxine ne diffuse que très diluée dans la masse du sang. Cette absorption prépondérante par les filets nerveux de la région inoculée explique pourquoi l'injection, en plusieurs points du corps, d’une dose non mortelle de tétanine, provoque l’appa- rilion d’un tétanos plus précoce et plus sévère que l’inoculation en un seul point. Quand, au lieu d’injecter la toxine sous la peau ou dans le muscle, on l’introduit directement dans le sang ou dans un vis- cère, les symptômes tétaniques n'apparaissent que lorsque les neurones moteurs ont puisé dans le sang la Loxine en circulation. Alors la tétanine atteint tous les neurones moteurs dans le même état de dilution, et ceux-ci l’absorbent simultanément, ce qui explique le début plus tardif des contractures et leur générali- sation d'emblée dans le tétanos splanchniqu e. TES EE -e fnéinliaèéé , die au << LE riials Lu à 0 DS M 2 Lo dd assé: est pal dci, CONTRIBUTION À L'ÉTUDE DES SÉRUMS PRÉCIPITANTS Par Le Dr A. FALLOÏSE (Travail du laboratoire de physiologie de l'Université de Liége.) Bordet (1), en injectant du sang défibriné de poule à des lapins, constata, dans le sérum des lapins ainsi injectés, l'apparition de trois propriétés nouvelles : le sérum est, vis-à-vis du sang de poule, agglutinant, globulicide et précipitant, c’est-à-dire qu’il produit, mélangé avec du sérum de poule, un précipité plus ou moins abondant. Tchistovitch (2) étudia cette propriété précipi- tante. Il constata que des lapins injectés de sérum de cheval don- nent un sérum qui trouble et précipite le sérum du cheval; le sérum des lapins injectés de sérum d’anguille trouble et préci- pite le sérum d’anguille. Nolf (3) étudia le phénomène de plus près. Il démontra d'une façon irréfutable que le pouvoir précipitant était dù au sérum ou au plasma seuls, et que les globules rouges ne jouaient aucun rôle dans sa production. Ce résultat acquis, il poussa plus loin l’ana- lyse. Le sérum est une solution de divers albuminoïdes encore mal connus. On peut en extraire un groupe, facile à précipiter, appelé « globuline », un autre plus soluble appelé « albumine » ou sérine. Le pouvoir précipitant est-il dû à l’un ou à l’autre de cesgroupes d’albuminoïdes, ou à tous deux à la fois ? Pour résoudre cette question, Nolf s’adressa au sérum de cheval. | IL en sépara la globuline par saturation au sulfate de magnésie à 30 et filtration, l'albumine, en ajoutant 1 0/0 d’acide acétique au filtrat après refroidissement. Après une dialyse de 8 jours dans l’eau chloroformée, les solutions de globuline et d’albumine sont injeciées à des lapins, chaque lapin recevant 5 injections à 8 jours d'intervalle. D4 834 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Nolf constata alors que, seul, le sérum des lapins injectés dela solution de globuline trouble et précipite le sérum du cheval. Il trouble également les’solutions de globuline et laisse limpides les solutions d'albumine. Le sérum des lapins ayant reçu en injections la solution d’albumine ne trouble ni le sérum de che- val, ni les solutions de globuline, ni celles d’albumine. Nolf en concluait « que la réaction précipitante est la réponse de l’orga- nisme à l'injection d’une catégorie bien déterminée de substances albuminoïdes du sang, que c’est la globuline seule qui la produit, à l'exclusion de l’albumine ». Leblane (4) reprit le procédé imaginé par Nolf. Ii injecta à des lapins des solutions de globuline et des solutions d’albumine provenant du sang de vache. Il précipitait les globulines par demi-saturation au sulfate ammonique, la sérine par saturation au moyen du même sel; mais, au lieu d’injecter toutes les globulines comme le faisait Nolf, il injectait uniquement les pseudo-globulines, leuglobuline étant précipitée par une dialyse prolongée. Les lapins recevaient environ 8 injections. Il constata, comme Nolf, que le sérum des lapins ayant reçu des injections de globulines de vache provoque, dans Le sérum de vache, un trouble manifeste après quelques minutes et un dépôt notable après quelques heures. Mais le sérum des lapins injectés d’albumine produisait, à l'inverse de ce que Nolf, après un petit nombre d'injections, il est vrai, avait constaté : un trouble et un précipité dans le sérum de vache, lesquels étaient même plus importants que ceux que donnait le sérum des lapins injectés de globuline. La spécificité de ces sérums précipitants quant à l’es- pèce animale était absolue, L'immun-sérum ne donnait aucun trouble, ni avec le sérum de cheval, ni avec ceux de mouton, de cochon, etc. La spécificité n’était pas moins nette vis-à-vis des différents protéides du sérum de vache : le sérum du lapin injecté de pseudo-globulines laissait parfaitement limpides les solutions d’albumines, tandis qu’ii troublait énergiquement les solutions d’euglobulines. Le sérum du lapin injecté d'albumines laissait parfaitement limpides les solutions de pseudo-globulines et troublait éner- giquement les solutions d’albumines. Si ce résultat était exact, on posséderait un procédé facile et PR AU SR Sue ren ÉD due à 5 x à SÉRUMS PRÉCIPITANTS. 838 précis pour déceler la nature chimique des albuminoïdes en solution. . Aussi Leclaincke et Vallée (5) tentèrent-ils d'appliquer ce procédé à la clinique, pour le diagnostic de la nature chimique des albuminoïdes de lurine dans les néphrites. Ils injectèrent, pendant 3 mois, à des lapins une urine chargée de sérum. Le sérum de ces lapins précipite la sérine dans l’urine; 1l ne pro- voque aucun trouble dans les urines contenant de la globuline. Linossier et Lemoine (6) reprirent l'étude de ces différents points. Ils constatèrent d’abord que la spécificité quant à l'espèce n’est pas absolue, mais la sensibilité de la réaction diffère : « Les précipités obtenus sont en général d'autant moins volumineux que l'animal dont on étudie le sérum est plus éloigné, dans l'échelle des êtres, de celui‘ dont le sérum a servi à faire les injections. » Ces deux auteurs (7) reprirent alors l'expérience fondamen- tale de Nolf, consistant à injecter séparément les divers albumi- noïdes du sérum. Ils précipitèrent la globuline du sérum de cheval très légèrement acidifié par l’acide acétique en y ajoutant 6 parties d’une solution de sulfate ammonique. Le liquide, filtré, contenait la sérine. Après injections répétées à des lapins, ils constatèrent que le sérum des lapins ayant reçu de la sérine acquiert le pouvoir précipitant, mais à un degré bien moindre que le sérum des lapins ayant reçu des injections de globuline. L'action de ces sérums n’est pas spécifique: tous deux précipitent la globuline, Mème, le sérum obtenu au moyen des injections de sérine précipite plus nettement la globuline que la sérine. Michaëélis (8), en injectant de la globuline seule, obtient une précipitine n’agissant que sur la globuline. En injectant de l'al- bumine, il obtient une précipitine agissant aussi bien sur la globuline que sur l’albumine. | Rostoski (9) sépare la globuline de l’albumine dans le sérum du cheval par demi-saturation au sulfate ammoniques Il ne constate non plus aucune spécificité quant à la nature chimique des albuminoïdes. Les lapins injecté£de globuline ou d’albumine donnent un sérum qui précipite également bien tout les albumi- noïdes du sérum de cheval. Enfin, Umber (10) applique le même procédé aux albumi- noïdes du blanc d’œuf. Il constate que les lapins injectés soit de 836 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. globulines, soit d’albumines de l'œuf, donnent un sérum qui pré- cipite les solutions de globulines de l'œuf, mais qui ne trouble nullement les solutions d’ovalbumine. Nous nous sommes demandé si Îles différences dans les résultats, suivant les expérimentateurs, n'étaient pas dues soit à l’origine des sérums employés (cheval ou vache), soit aux procé- dés chimiques utilisés pour séparer les globulines et les albu- mines, soit encore au nombre des injecüons, ou bien à la facon de chacun d'observer la réaction précipitante. La question a bien son importance, puisque, d’une part, d'après Leblanc, on posséderait un moyen nouveau et très sen- sible pour distinguer les globulines des albumines; d’autre part, se basant sur la spécificité de la réaction précipitante vis-à-vis du sérum injecté, on se sert du procédé, en médecine légale, pour reconnaître le sang humain, Nous nous sommes adressés à du sérum de cheval et à du sérum de bœuf, Dans chacun d'eux, nous avons précipité les globulines et les albumines au moyen des procédés employés par Nolf et par Leblanc, les deux auteurs dont les résultats sont les plus différents. | A cet effet, la moitié du sérum de cheval dont nous disposions est saturée à 30°, au moyen de sulfale de magnésie. On filtre, le précipité est redissous dans l’eau distillée et reprécipité deux fois. Théoriquement, on obtient ainsi une globuline totalement exempte de sérine. Les albumines sont précipitées du filtrat en ajoutant 1 0/0 d’acide acétique après refroidissement et éloi- gnement de l’excès de sulfate. Une moitié du sérum de bœuf est traitée de la même facon. L'autre moitié du sérum de cheval, de même que celle du sérum de bœuf, est débarrassée des globulines par demi-satu- ration au sulfate ammonique. Le précipité est repris par l’eau distillée et reprécipité deux fois. Les albumines sont précipitées du filtrat par saturation au sulfate ammonique. Toutes ces opéralions sont faites avec le plus grand soin. Tous les précipités sont soumis à la dialyse dans l’eau chlo- roformée pendant 8 jour$ additionnés de 1 0/0 de NaCI, et conservés sur une couche de chloroforme. La teneur en albu- minoïdes est déterminée au polarnnètre. 5 à 10 c. ec. de ces solutions sont injectés à des lapins à 7 jours d'intervalle pendant 2 mois. Chaque lapin reçoit de la sorte 8 injections. Avant les Eden bu dicie d nt à crus be dus art 837 IPITANTS. à À r » SERUMS PREC Sérum lapins injec- tés de globulir de cheval p par saturalion MESOECE NE au Sérum lapins injec- tés de globulines de cheval préparés par demi-saturation au (NH1)2S0%.. Sérum lapins injec- tés d’albumines de cheval préparées par MgSO# + ac. acétique /.:......% Sérum lapins injec- tés d'albumines de cheval préparées par N I all (NH! ,250 SOLUTION de globulines de cheval préparées par MysO'. D. nn A U © rs NO = 0 | NES + LE FN > ct D a = CNRS D << Fi à Trouble, Dépôt très très intense.|abondant. Trouble! Dépot très très intense.|abondant. SOLUTION nes de globt tion (NH4)2S04. dinaire. Ap. 24h. tempér. or- Trouble tres intense. Dépôt très abondant. SÉRUM de cheval. D. 2 “d fa = à : RES Où Se ci 5'é CE MAE TE Dépôt S très intense. |abondant. Trouble! Dépot très très intense.|abondant. Trouble! Dépôt léger. | faible. Trouble| Dépôt peu |faible. intense. Trouble! Dépôt peu peu intense./abondant. Trouble! 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Trouble peu intense. l'rouble assez intense, Dépôt peu abondant, Dépôt Presque rien. \p. 24 h. dinaire. tempér or- | Dépot tres faible: Dépôt tres faible. Pr rien. SOLL de globulines de cheval. TT TT . ' 5 2,9 = © GET ee CRC a Lan sm % = a SE) arte Q a [oi 0 æ CES a = PERS Ce PAS n'AT Bsran. + D |: 2 1,2 LA + x Rien. Rien. Rien. JTION SOLUTION Dépôt} Rien. très Dépôt} Rien. Rien. À Rien. d'albumines de cheval, ér. Or- \ dinaire. Ap temp Rien, Rien, SÉRUMS PRÉCIPITANTS. 839 x injections, on a pris aseptiquement à chaque lapin environ 30 c. c. de sang dont on recueille les sérums pour servir de témoins. Pour étudier la réaction précipitante, on mélange énergique- ment, dans de très petits tubes à réaction, 1 volume de sérum de cheval ou de bœuf ou 1 volume des solutions de globulines ou d’albumines, à 2 volumes du sérum actif d’une part et à 2 volumes du sérum témoin d’autre part. Parfois, on observe avec le sérum actif un trouble au moment même du mélange ; parfois, il ne se produit rien, le trouble ne survenant que plus tard. Quoi qu'il en soit, tous les tubes sont mis à l’étuve à 37° pendant 2 heures, puis examinés. On les laisse alors au repos pendant 24 heures à la température du laboratoire, puis on les observe de nouveau. Les sérums-témoins, dans ces conditions, ne produisent ni trouble ni précipité dans les sérums de bœuf et de cheval, ni dans les diverses solutions d’albuminoïdes. Les résultats ont été très nets. Disons tout d’abord que, quelle que soit l’origine du sérum (cheval ou bœuf), quel que soit le mode de séparation des substances albuminoïdes, les résultats sont identiques. Nous les avons groupés dans le tableau ci- contre, Le sérum des lapins injectés de globulines de cheval, ajouté, soit à des solutions de globulines de cheval, soit à du sérum de cheval, y détermine un trouble intense, qui se dépose en un pré- cipité abondant. Ajouté à des solutions d’albumine de cheval, il y détermine un trouble à peine appréciable et un dépôt très faible. Ajouté à du sérum de bœuf ou à des solutions de glo- bulines de bœuf, il produit après 24 heures un dépôt extrèmement faible ; ajouté à de l’albumine de bœuf, il ne produit rien. re sérum des lapins injectés de globulines de bœuf se com- porte de la même façon, c’est-à-dire précipite fortement les solutions de globulines et le séfum de bœuf, très faiblement les autres hidure: Le sérum des lapins injectés d’albumine de heal déter- mine un trouble et un précipité manifeste, mais peu abondants dans le sérum de cheval. Il détermine également un trouble peu abondant dans les solutions d’albumines du cheval et un trouble identique dans les solutions de globulines du cheval. Il ne produit qu'un dépôt extrèmement faible dans le sérum du bœuf et 840 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. dans les solutions de globulines provenant de ce sérum; il ne produit rien dans les re d’albumine. Il en est de même pour le sérum des lapins injectés d’al- bumine de bœuf. On constate, en outre, que non seulement le sérum des lapins ayant reçu des injections de globuline possède un pouvoir pré- cipitant beaucoup plus intense que celui des lapins ayant reçu l’albumine, mais que ce pouvoir précipitant se produit après un nombre moins grand d'injections. C’est ainsi que Nolf a obtenu le pouvoir précipitant après 5 injections de globuline, alors que 6 injections d’albumine ne donnent encore aucun résultat. D'autre part, nous avons déjà mentionné que le sérum des lapins ayant reçu de l'albumine précipite les solutions d’albumine, mais précipite aussi, et au même degré, les solutions de globuline. En présence de ces faits, deux explications sont possibles : l’albumine injectée aux lapins donne à leur sérum un pouvoir précipitant faible, demandant pour se produire un grand nombre d’ injections, tandis que les injections de globuline leur confèrent un pouvoir précipitant énergique et se produisant rapidement ; ou bien — et c'est pour nous l'explication la plus vraisemblable — les procédés classiques employés pour séparer les globulines et les albumines dans le sérum ne sont pas parfaits, les solutions d’albumine que l’on injecte contiennent des traces de globulines, etce sont ces dernières qui, après des injections nombreuses, finissent par conférer au sérum du lapin un pouvoir précipitant peu énergique, et s’exerçant aussi bien sur les solutions de glo- bulines que sur les solutions d’albumines impures. C’est en revenir à la conclusion de Nolf, qui attribue à la globuline seule la propriété de faire naître le pouvoir précipitant. Dans tous les cas, il résulte des expériences précédentes que la réaction précipitante ne nous fournit pas un procédé per- mettant de différencier sûrement, dans des solutions, les glo- bulines des albumines. Il en résulte encore, comme l'avait déjà constaté, Linossier, que la spécificité, quant à l'espèce animale, n’est pas absolue, puisque le sérum des lapins injectés de glo- bulines de.cheval, par exemple, précipite, bien que très faible- ment, le sérum du sang de bœuf. IR PR OR ES ER ET SÉRUMS PRÉCIPITANTS. 841 BIBLIOGR APTITE 4. Bonver, Agglutination et dissolution des hématies, Annales Pasteur, 1899. 2, Temsrovrren, Etude sur l’immunisation par le sérum d’anguilles, Annales Pasteur, 1899. 3, Nozr, Contribution à l’étude des sérums antihématiques, Annales Pasteur. > Lescawc, Contribution à l'étude de l’immunité acquise, La Cellule, t. 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Les recherches faites à l’Institut Pasteur de Paris, sous la direction de M. Roux, ont montré que le cheval est très sensible au virus pesteux, qu'il est facilement tué par de faibles doses, mais aussi qu'il peut être progressivement immunisé et amené à supporter des quantités de virus qui égalent plusieurs cen- taines de fois la dose primitivement mortelle. | Il à été établi en même temps que l’on obtient un sérum antipesteux plus actif, quand on injecte aux producteurs des microbes vivants et virulents. Les bacilles sont détruits dans le sang (phagocytés), et le résultat de la réaction de l’organisme est la production de substances qui donnent à son sérum des propriétés nouvelles, préventives, et curatives vis-à-vis de l'infection pesteuse. Il était intéressant de rechercher expérimentalement com- bien de temps les microbes ainsi injectés restent vivants dans le sang et s'ils sont atténués avant de disparaître. . Chargé depuis deux ans de la préparation du sérum anti- pesteux à l’Institut Pasteur de Nha-Trang, cette question avait pour moi un intérêt particulier. Les chevaux producteurs de sérum ne peuvent être entre- tenus en permanence à Nha-Trang, le laboratoire étant situé au r1 14 F Û E - # CPE EN EP ER CNRS NP LE MICROBE DE LA PESTE CHEZ LE CHEVAL. 843 bord de la mer, sur une dune de sable privée de tout pâturage. Ils doivent être renvoyés après chaque inoculation dans une plantation annexe, située à 18 kilomètres, où ils trouvent en. assez grande abondance l'herbe qui leur est indispensable. Il était donc important de savoir si ces animaux peuvent être dangereux après avoir reçu le bacille de la peste, pendant com- bien de temps leur sang contient ce microbe vivant et virulent. - Ces recherches me permettaient de déterminer la durée minima du séjour de mes animaux à Nha-Trang. Elles me permettront aussi de répondre aux détracteurs du séram antipesteux qui ont prétendu que ce liquide pouvait donner une peste atténuée!. Mes expériences ont été faites sur des chevaux immunisés depuis longtemps, c’ést-à-dire pouvant supporter des doses énormes du microbe de la peste. Il est impossible de faire ces recherches sur des animaux neufs : ceux-ci, très sensibles au poison pesteux, sont tués par des doses très faibles de bacilles vivants *, Mais lorsqu'un cheval a reçu pendant un temps assez long (plusieurs mois) des doses progressivement croissantes de cul- turc, il ne présente plus, même à la suite d’injections considé- rables, de réaction sensible. Il semblerait donc que les animaux amenés à ce degré d’immunité ont acquis le pouvoir de fixer et de détruire rapidement le microbe et sa toxine. Nôus verrons que l'expérience prouve le contraire. 1. Voir en particulier à ce sujet l'article du D*° Leroux (Gazette hebdoma- daire, 1901, p. 1172), sur les accidents consécutifs aux injections de séram anti- pestoux faites aux passagers du Sénégal pendant leur séjour au Frioul. Dans un cas unique, sur 133 injectés, un médecin observa sur sa femme, après une injec- tion de 7 ©. c. de sérum antipesteux sous la peau du flanc droit : douleur de la fosse iliaque, trainées de lymphaugite, gonflement considérable d’un ganglion inguinal, fièvre, faiblesse générale, prostration, etc., etc... Ce médecin attribue ces accidents non à une infection par une aiguille ou une seringue mal aseptisées, mais au sérum qui aurait donné unè peste atténuée!!... Cette conclusion est d'autant plus extraordinaire que le sérum anti-pesteux avait subi trois chauffages à 58°, 2. Exemple : Un cheval australien de 1.56, àgé de 14 ans environ, recoit à Gheures du matin dans la jugulaire le râclage de 2 tubes de culture de peste sur gélose : sa réaction est wve : à 11 heures sa température est de 40,01, il est très abattu, refuse de manger: à 5 heures du soir T. 40,08. L’abattement et la fièvre persistent le lendemain; pendant la journée l’animal reste couché, il est coma- teux à 6 heures du soir et meurt dans la nuit. D>s prises de sang faites à la jugulaire permettent de retrouver le microbe de la peste, virulent pour le rat. Le cadavre est brûlé sans avoir été ouvert. 844 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Avant d'entrer dans le détail de ces recherches il est indis- pensable de donner les caractères du microbe utilisé. Caractères du bacille. Il provient de l'épidémie de peste de Nha-Trang, 1898. Depuis cette époque il a été conservé en cultures, successives sur gélose. Les repiquages sont faits assez régulièrement, au moins une fois par semaine. Peu à peu, ce bacille pesteux s’est habitué à la gélose, il y pousse très rapidement à la température ambiante, qui varie de 26 à 320. Au bout de 24 heures les colonies apparaissent, très visibles, en un fin pointillé bleuâtre qui augmente jusqu’à former des colonies assez épaisses, blanchâtres, translucides, sans tendance à s'étendre. À la température ordinaire, les cultures se font mieux qu'à l’étuve à 37-380. Les températures élevées, 42-449, retardent la pullulation des bacilles pesteux. Ces températures sont dysgénésiques : il semble que les microbes les moins virulents sont tués, et que les colonies qui se fornrent sont entièrement constituées par les bacilles dont la vitalité, par conséquent la virulence, est la plus grande. La culture à températures élevées est donc un moyen de faire une sélection et conserver des cultures virulentes. On constate que des cultures sur gélose abandonnées à lair s’affaiblissent peu à peu, mais tous les microbes qui constituent une culture ne subissent pas également l’action atténuante du vieillissement. Ceux qui se trouvent dans les couches profondes gardent plus longtemps leur activité, car ils sont préservés de l’action oxydante de l'air par des couches superficielles. Aussi, quand on réensemence une culture âgée sur un milieu neuf, on obtient une culture jeune, composée en proportion variable de microbes virulents et de microbes atténués. Le chauffage à 44° permet d'éliminer tous les microorga- nismes alténués, de sélectionner des colonies virulenteset d'obtenir une abondante culture de bacilles très actifs. Exemple : Une culture ancienne de peste, âgée de 6 mois dau. Li bec 67 “aps € dy dot node atteint Rire is Liber hé à LD Amal dom à LE MICROBE DE LA PESTE CHEZ LE CHEVAL. 849 environ, est repiquée largement sur deux séries de tubes de gélose. Les uns sont placés à la T. ordinaire de la chambre, ils don- nent, en 24 heures, des colonies abondantes, transparentes, carac- téristiques, couvrant toute la surface qui a été touchée par le fil de platine. Les autres, mis dans l’étuve réglée à 44°, ne montrent au bout de 24 heures que de rares et fines colonies, 2, 3, 5 par tube. à Ces colonies, repiquées sur de la gélose neuve qui est aussi placée dans l’étuve à 44°, fournissent en 24 heures des cultures plus abondantes après 3 passages ; les cultures à 44° sont en 24 heures presque aussi belles que celles de la première série aites à la T. ordinaire, Une inveulation d’épreuve montre la différence d'activité des deux séries de cultures. | 1re Série : 4 rats inoculés par piqüre sous-cutanée meurent en 54, 108, 120, 134 heures. 2 Sirie: ‘4 rats inoculés par la même méthode meurent en moins de 48, 50, 54 et 72 heures. - La différence est évidente. Les rats dela première série ont reçu des microbes virulents en petit nombre, dilués qu'ils étaient par des germes peu actifs. Ceux de la seconde n’ont reçu que des germes très viru- lents. Cette expérience répétée à dix reprises différentes a toujours donné les mêmes résultats. C’est à l’aide de ce procédé que je puis conserver un virus sensiblement fixé, tuant le rat, par piqûre sous-cutanée, en 48 à 60 heures. Ce microbe sert pour les injections chez les chevaux producteurs de sérum. . Production du sérum antipesteux. Des cultures sont faites sur gélose dans les boîtes modèle de M. Roux. Au bout de 48 heures, à la température ordinaire, elles sont abondantes. 846 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Un de leurs caractères constant est d’avoir avec la gélose une très faible adhérence. Si l’on introduit dans la boïte quelques centimètres cubes d’eau stérilisée, les colonies microbiennes se détachent et flottent comme un voile à la surface du liquide. k Quelques mouvements brisent ce voile et la dilution ainsi opérée est filtrée sur du coton, stérilisée, puis injectée. | Il me semble inutile d’entrer dans les détails de la technique de ces injections, extrèmement faciles, mais auxquelles il faut apporter quelque attention pour éviter de contaminer ses aides ou soi-même. Chaque cheval immunisé contre la peste reçoit, avant d'être saigné, 4 injections consécutives à une semaine d'intervalle et correspondant à des doses progressivement croissantes de 1/#, 1/2, 3/4 et une boîte de culture sur gélose. Les chevaux sont saignés dans la quinzaine qui suit la der- nière injection. Ils sont ensuite mis au repos pendant un mois et peuvent recevoir à nouveau du virus. Recherche des bacilles pesteux. J'ai procédé à la recherche des microbes dans le sang après l'injection de la quatrième semaine, c’est-à-dire La plus considé- rable. J'ai fait des prises de sang à des intervalles de plus en plus éloignés de l'heure de l'injection, puis, j'ai recherché dans ce sang le bacille pesteux par l'examen microscopique, l’inocula- tion au rat, les cultures. Prises pE sanG. — Elles ontété faites dans la jugulaire opposée à celle qui avait reçu l'injection, après avoir fixé convenable- ment le cheval, rasé les poils et désinfecté la peau. La jugulaire est ponctionnée avec une grosse aiguille d’in- jecteur et le sang recueilli dans un tube à essai renfermant À à 2 c.c. de solution de citrate de soude, pour empêcher la coagulation du sang. L'examen microscopique est un moyen défectueux pour la recherche des microbes dans le sang, il ne donne que des résul- tats incertains, les microbes étant trop rapidement dilués. Pour les mettre en évidence, il faut employer l’inoculation LE MICROBE DE LA PESTE CHEZ LE CHEVAL. 847 au rat ou la culture en bouillon ou sur plaque de gélose. Peu de temps après l'injection, les bacilles pesteux, unifor- mément répartis dans la circulation générale, sont très abon- ‘dants. La moindre goutte de sang en contient. Expérience. — Cheval n° 34. Il’recoit dans la jugulaire gauche une culture sur gélose, diluée dans 20 €. ce. d’eau stérilisée. Au bout de 3 minutes, une prise de sang est faite dans la jugulaire droite, 10 tubes de gélose sont ensemencés aussitôt, chacun avec une anse dece sang. Les tubes, examinés après plusieurs jours, montrent des ‘colonies dans tous les points touchés par le fil de platine; c'est de la peste pure. 4 rats inoculés avec 1/2 c. c. du sang recueilli 3 minutes après l'injection meurent de peste. Peu à peu les microbes deviennent moins nombreux. Au bout de 10 minutes, 2° prise de sang; sur 10 tubes ense- mencés avec une anse de sang, 7 seulement ont montré quelques colonies de peste. Après 15 minutes, sur 10 tubes 3 seulement ont développé chacun 2 colonies de peste. Après 30 minutes, sur 10 tubes aucun n’a fourni de culture. Pourtant il existe encore dans le sang des baailles libres et vivants, car des rats inoculés avec 1/2 c. c. sont morts de peste. Autre expérience. — Cheval n° 75. Il reçoit dans la jugulaire droite une culture sur gélose, diluée dans 20 ce. ce. d’eau stérilisée. Les prises de sang sont faites à la jugulaire gauche après : 10 minutes : 10 tubes de gélose sont ensemencés avec une anse de sang ; tous cultivent. ù 10 rats inoculés chacun avec 1/2 c. c. de sang ; tous meurent de peste en 3 à 7 jours. 16 minutes : sur 10 tubes, 5 cultivent. 10 rats reçoivent 1/2 c. c. de sang et meurent en 3 à 9 jours. 30 minutes : sur 10 tubes, aucune culture. Sur 10 râts inoculés avec 1/2 c. c. de sang, 2 meurent au bout de 4 jours, 2 en 6 jours, les autres ne sont pas morts. Autre expérience. — Cheval n° 25. a. 848 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Il reçoit à droite une boîte de culture sur gélose. Prises de sang à gauche au bout de : 10 minutes : 6 tubes de gélose ensemencés avec une goutte de sang, T jours après tous ont de petites colonies de peste pure, 7 rats inoculés sous la peau avec 1 c. c. de sang meurent de peste en 3, 5, 6 et 7 jours. 6 tubes de gélose ensemencés avec 4 gouttes de sang chacun : au bout de T jours, 4 tubes ont donné de petites colonies de peste pure. 6 rats sontinoculés, l’ur meurt en 4 jours; le 2° en 5; les autres résistent. Expérience. — Jument n° 84. Inoculation : une boîte de culture à droite. Prise de sang : ! heure après dans la jugulaire gauche ; 4 rats inoculés avec 1/2 c. c. de sang meurent de peste en 6 jours. 4 tubes de gélose ensemencés avec 3 gouttes de sang, au bout de 7 jours, 1 seul a présenté des petites colonies qui, repiquées et inoculées au rat, lui ont donné la peste mortelle. Expérience. — Cheval n° 4, Injection : une boîte de culture à droite. Prise de sang à gauche, 1 heure 1/2 après. Deux boîtes de gélose et deux ballons sont ensemencés avec 10 c. c. de sang :il se développe d’abondantes cultures, qui, inoculées à 2 rats, les tuent en 72 et 80 heures. Des témoins inoculés avec la culture primitive sont morts en 72 heures. Ces expériences démontrent que les bacilles pesteux, très nombreux dans le sang immédiatement après l’inoculation, se raréfient rapidement, pourtant il en reste encore de vivants après { heure 1/2. L'expérience suivante va nous montrer qu'on peut en retrouver à un moment encore plus éloigné de l’inoculation, mais ils doivent être recherchés dans une plus grande quantité de sang. Expérience. — 3 chevaux, n° 4, 46, 47, reçoivent chacun une boîte de culture sur gélose ; ils sont saignés 2, 4, 6, 7 et 10 heures après l’inoculation, des ensemencements avec 2, 5 et 10 c. c. de sang sont faits sur boîte de gélose et dans des ballons de bouillon. Le tableau suivant donne les résultats de l'expérience : 849 LE MICROBE DE LA PESTE CHEZ LE CHEVAL. 0 ENSEMENCEMENTS SUR BOITE DE GÉLOSE ENSEMENCEMENTS EN BALLON DE BOUILLON ————— ET CE ] È - Mae Cheval n° 4. Cheval n° 46. Cheval n° 47. Cheval n° 4. Cheval n° 46. . Cheval n° 47. de sang ense- D Ed ; r, ZEN a. mA A 3 SR ——— - BR. UE; nn mencée.| 2 c.e. | 5 c.ce. | A0c.c. | 2c.c 5c:c" |10:c./c:| 910.0 5c.c. |L0 c. c:|| 2 cc. | 5e.c. 10 0. c.| 2 c ct | 5 c.c. |l0-c"c:| 21c: ce. 5 0" c. |" 101c ic. où! Cul- | Cul- | Cul- | Cul- | Cul- | Cul- | Cul- | Cul- | Cul- || Cul- | Cul- | Cul- | Cul- | Cul- | Cul- | Cul- | Cul- Cul- tures.| tures. | tures. | tures.| tures. |tures.| tures.| tures. |tures.|fures.|tures.|tures.|tures.| tures. |tures.|tnres, tures. | tures. a | Cult. | Cult. | Cult. | Cult. | Cult. | Cult. | Cult. | Cult. | Cult. || Cult. | Cult. | Cult. Cult. | Cult. | Cult. | Cult. | Cult. | Cult. = £ = . ‘ & |L4 Pas- de! Cult. (0) Cult. Quelq. — — & cul- co- = tures. lonies. E | 5 à lIQuelq.|Pas de — = wi ë À — Score: | d s | . Sy UE ë PA 5 |lonies.| tures. ca 12 © di El ; = El : S P ec! es £ © le] ce. 72 = T. mn = le) un = Ÿ pe! Len se | FE = d pe © D pa L pe n . = = f=. ‘S a El : Fa LE Fu = © a (F1 = mn (CN re è . 2 & = 2 mn =] o 5 5 = 3 rs o | Ü nes = n = cs) LE; 5 5 © = o = pe À d d En A : =} A FA d Le es Le Cu! rs = > Fe TS F4 ; © D Fa = 5 3 G= 5 = su : RS æ £ sh n = 2 o 5 Z ee == el mn © S Es 3 : = & cg = ps T Mec] Las + 3 1 (ei (= À [&) eee Cu 3 = 2 pa = en © ee > Fe 7 © 8 8 tD Le) Æ [sb] A d e| a We) La) TS S F a en ) h S a Pas de 10 Ex eul- tures. —————————"—]—_—_—_—_ << 850 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Ainsi, 40 heures après l’ EURE il peut encore exister des microbes vivants. Ces bacilles sont virulents comme le montrent des inocula- tions faites avec le repiquage des cultures de 10 heures des chevaux n° 46 et 47. Le 19 mai 1902 à 8 heures du matin : 5 rats sont inoculés avec la culture du cheval n° 46 (10 heures) ; ils meurent: 1 le 22 mai à 7 heures, 3 le 23 dans la-journée, 1 le 24. 5 rats inoculés avec la culture du cheval n° 47 (10 heures) meurent : 4 le 22 mai dans la nuit, 2 le 23, 1 le 24 et 1 le 25. Deux témoins sont morts en 75 et 94 heures. Tous ces rats ont montré le bacille de la peste à l’autopsie. Plus on s'éloigne de l'heure de l’inoculation, plus les micro- bes se raréfient, aussi les résultats obtenus par l'injection sous- cutanée de sang au rat sont-ils de plus en plus incertains. Ainsi après 10 heures, les rats ne succombent plus à des doses de 1/2, 2/5, 1 c. c. de sang. Remarque intéressante, ils ne sont pas immunisés, car ino- culés au bout d’une semaine, avec une culture virulente, ils meurent aussi vite que des témoins. Les propriétés préventives n apparaissent donc pas aussitôt après l'injection du virus. Expérience. — Cheval n° 4 Inoculation : une boîte de culture. Saignée : 14 heures après. Ensemencement avec 10 c. e. de sang de 1 boîte gélose et 1 ballon bouillon. Il n’y pas eu de culture. 5 rats inoculés avec 2 c, c. de sang résistent; 8 jours plus tard ils reçoivent, ainsi que 2 témoins, une culture virulente âgée de 48 heures. Les témoins meurent en 3 et 4 jours: les autres, 2 en 3 jours, 2 en 4 jours, 1 en 5 jours. A l’autopsie, le sang du cœur à donné pour tous des cultures de peste. Cette expérience pourrait faire penser qu'après 14 heures il n’y a plus de microbes libres et vivants dans le sang. Des recherches faites à une époque plus éloignée de l’inocu- lation ont montré des variations suivant les individus et sui- vant la dose injectée. DS PL ON T0 PE UP AT PES Gdihdi LA MICROBE DE LA PESTE CHEZ LE CHEVAL. 851 Un cheval n° 83 recoit 4 boîtes de culture sur gélose, diluées dans 100 c. e. d’eau stérilisée. Des saignées faites 20 et 40 heures après l’inoculation ont fourni des cultures de peste. Chez certains chevaux, qui ont reçu seulement 1 boîte de culture, on retrouve encore, mais non d’une manière constante, des microbes 40 heures après l’inoculation. Il semble que ce soit la limite. Au delà de 40 heures, à 45 à 48 heures, je n'ai jamais retrouvé de bacille. Je donne comme type des recherches à 40 heures les 2 expé- riences suivantes : Chevaux no 4et n° 12. Inoculations : 4 boite de culture sur gélose. Saignées : 40 heures après l’inoculation. Ensemensements : 2 ballons bouillon chacun avec 10 ce. c. de sang. Au bout de quelques jours des cultures se sont développées, répiquées sur gélose, elles montrent les caractères de la peste. 8 rats inoculés par piqûre sous-cutanée avec un repiquage de 48 heures de chacune de ces cultures meurent tous : 5 en moins de 60 heures, 3 en moins de 72 heures. L'examen microscopique du sang du cœur a montré le bacille en abondance. Des témoins inoculés avec un repiquage de 48 heures de la culture qui avait servi à l'injection des chevaux n° # et 12 sont morts en un temps plus long, 72, 80, 96 heures. Il est remarquable que le microbe ainsi extrait de l’orga- nisme du cheval reste virulent. Il semblerait même que sa virulence ait augmenté, En réalité il n’y a pas eu augmentation de la virulence. Le résultat est tout à fait comparable à celui de la culture à haute température. Les microbes les moins virulents sont détruits les premiers par la phagocytose et ceux qu’on retrouve longtemps après l'inocu- lation sont les plus résistants, les plus virulents, Quand le temps écoulé depuis inoculation dépasse 40 heures, les bacilles de la peste disparaissent définitivement de la cireu- lation ou se raréfient tellement qu’on ne peut plus les mettre en évidence. 852 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Après 45, #7, 48 heures, je n’en ai jamais retrouvé. Expérience : chevaux n° 4, 12, 15, 24, 85. Injections : chacun 1 boîte de culture sur gélose. Saignées : 48 heures après l’inoculation. On‘ensemence 20 c. c. de sang de chaque cheval dans des ballons de bouillon (1/2 litre). Deux seuls cultivent; le microbe qui s’est développé n’est pas le bacille de la peste. Une observation générale s'applique à toutes ces expériences, la détermination des microbes obtenus par la culture doit être faite minutieusement (par examen microscopique, réaction de Gram, inoculation au rat). C'est qu’en effet, l’inoculation d’une forte dose de culture de peste affaiblit le pouvoir bactéricide du sang et favorise la pénétration dans la circulation de microbes étrangers, probable- ment d’origine intestinale. C’est une cause d'erreur à éviter. CONCLUSIONS I. La culture à température élevée, le passage par l’orga- nisme du cheval des bacilles de la peste opèrent une véritable sélection des microbes virulents, les germes peu virulents étant détruits les premiers par la chaleur ou par les phagocytes. IL. 48 heures après l’inoculation intra-veineuse d’une boîte dé culture sur gélose, tous les bacilles pesteux ont disparu de la circulation. IT. Le sérum obtenu 15 jours après la dernière inoculation de microbes vivants ne peut donner donc la peste même lorsqu'il est injecté à grandes doses. Nora. — Toutes ces expériences ont été faites sur des che- vaux de se annamite, de petite taille, ee en moyenne, âgés d'au moins 5 ans. DE L'INFLUENCE DE L'OXYGÈNE Sur la Protéolyse en présence de ChLOrOIOrme Par G. MALFITANO On sait que le chloroforme détermine, ou tout au moins favorise l’autoprotéolyse. Certaines cellules microbiennes, les éléments de certains tissus, ou des matières provenant d’un organisme exposé à l’action de ce réactif, subissent des modi- fications consistant dans là décoagulation et la désintégration des matières protéiques qui les composent. Dans les conditions particulièrement favorables qu'on réalise en mettant la matière organisée en suspension dans l'eau chlo- roformée, on peut parfois suivre la marche de cette autodiges- tion et mettre en évidence l’agent de nature diastasique!, Le chloroforme, ainsi que d’autres antiseptiques, le toluol, le xylol, le phéaol, le thymol et l’alcoo! faible, ne doivent agir qu'indirec- tement en créant les conditions favorables à l’autolyse. Par contre d’autres antiseptiques, le sublimé, le fluorure de sodium, le for- mol, etc., agissent en fixateurs. Or le chloroforme, qui est très favorable à l'auioprotéolyse, l'em- pêche dans certains cas, en absence de l'oxygène. Expérience [. — On prépare une émulsion de bactéridies charbonneuses en raclantune culture, en surface, sur gélose, âgée de 18 à 24 heures, et en délayant les corps microbiens dans 20 c. c. d’eau physiologique, et l’on distribue cette émulsion dans quatre tubes. Toute l'opération est faite. aseptiquement. Le tube A, simplement bouché avec un tampon d’ouate, est placé à la température de 40°. Déjà au bout d’une demi-heure, la bactériolyse se manifeste, elle est assez avancée après 2 heures; à ce moment, une grande partie des cellules sont désagrégées, et les autres apparaissent en forme de chapelets dans les préparations colorées. 4. La bactériolyse de la bactéridie charbonneuse. Comptes rendus de l'Ac, des Sciences. T. CXXXI, p. 295. 854 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Le tube B est scellé à la lampe, après qu’on l’a vidé d’air au moyen de la trompe. Les autres conditions étant égales d’ailleurs, la bactériolyse se manifeste un peu plus rapidement que dans le tube A. Le tube C, bouché simplement à la ouate, reçoit une goutte de chloroforme. Après l'avoir agité, ce tube est placé dans les mêmes conditions que les précédents. La bactériolyse est, dans ce cas, particulièrement intense et rapide. Il ne reste plus dans ce tube, après 2 heures d’étuve, qu'un faible dépôt de débris informes. Le tube D reçoit aussi une goutte de chloroforme, et il est scellé après extraction de l'air. Le processus de bactériolyse ne se manifeste pas dans ce tube. Les cellules s’agglutinent à la longue, mais elles ne s’émiettent pas, et, bien que leur matière ait dû subir de faibles modifications qu’on remarque après coloration, elles restent intactes après des mois. Cette expérience, répétée maintes fois, a donné toujours le même résultat, à la seule condition qu'on opère avec des cellules jeunes. Elle peut être réalisée avec les différentes races de bactéridies, qui, comme on sait, se bactériolysent plus ou moins vite. Le résultat ne change pas si, au lieu de faire le vide, lon remplace dans le tube l'air par de l'hydrogène. D'autre part, le phénomène n’est pas le même avec les autres antiseptiques connus comme favorables à l’autolyse. Les essais que j'ai faits en me servant de xylol, toluol, phénol, thymol, cyanure de potassium, ont montré que l’absence de l'oxygène ne change pas l’action de ces réactifs sur les cellules. J'ai recherché si la! présence de l'oxygène était aussi néces- saire pour les autres digestions opérées en présence de chloro- forme, EXPÉRIENCE ÎI, — On prend 4 grammes de fibrine de chien toute fraîche et non lavée qu’on partage en deux portions égales. Chacune de ces deux portions est mise en suspension dans 50 c. c. d’eau physiologique, additionnée d’un excès de chloro- forme, La portion A est contenue dans un petit ballon bonché avec de la ouate, qu’on maintient à 40° en l’agitant de tempsen temps. OXYGÈNE, PROTÉOLYSE, CHLOROFORME. 855 Après 24 heures déjà, les flocons de fibrine sont finement émiettés et au bout de 48 heures, il ne reste qu'un dépôt très fin et très léger. + La portion B est contenue dans un petit ballon qu'on a scellé après l’avoir vidé d’air. La fibrine, dans ce cas, reste en gros flocons, et Le liquide se trouble fortement. Après une semaine, on jette sur deux filtres tarés le contenu de chaque ballon. La portion A filtre très facilement et laisse un résidu qui, pesé sec, ne dépasse pas 0 gr, 007. La portion B filtre très lentement, et les flocons de fibrine restants, pesés à l’état sec, donnent 0 gr, 115 J'ai répété l'expérience plusieurs fois; en opérant avec la même fibrine de l’expérience précédente, qu’on avait gardée 36 heures à la glacière, le résultat a été moins net. La différence n'était pas bien saisissable, non plus, quand j'ai opéré avec de la fibrine de porc apportée de l’abattoir. La nécessité de la présence de l'oxygène, pour mettre en train la digestion chloroformique de la fibrine, esttrès manifeste, Des expériences que j'ai faites sur l’autodigestion de la muqueuse stomacale et, en général sur des digestions opérées par la pepsine, il résulte d'une manière assez nette, que le chloroforme affaiblit considérablement la diastase et que, dans ces cas, l'absence de l'oxygène ne modifie pas la marche de la digestion. Il en: est différemment pour le sue pancréatique. Expérience HI. — On prépare un mélange à parties égales de suc pancréatique inactif recueilli purement et de sue intes- tinal filtré; on en fait quatre échantillons pareils dans des tubes à essai, où l’on introduit des petits cubes d’albumine d’œuf stériles, et on les porte à l’étuve à 40°. Le tube À est bouché avec de l’ouate; au bout de 18 heures, le cube d’albumine est presque complètement dissous, le liquide est clair. ; Le tube B est scellé, vide d’air : la dissolution du cube d’al- bumine sc fait dans les mêmes conditions que dans l’échan- tillon A. Le tube C recoit une goutte de chloroforme. Toutes choses étant égales d’ailleurs, la dissolution du cube d’albumine est plus lente et moins complète. Le tube D est scellé, vide d’air, après addition d’une goutte 856 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. de chloroforme. Au bout du même temps le cube d’albumine est intact et seulement devenu plus transparent aux arêtes; après une sémaine, il présente des crevasses : il s’est en partie désa- grégé, mais la matière solide ne paraît pas diminuée. J'ai répété l'expérience seulement précédente, en plaçant à l'étuve à 40° les quatre échantillons de suc pancréatique, sans les mettre en présence de la matière à digérer; après 10 heures je les ai retirés, j'ai ajouté à chaque essai un petit cube d’albumine et je les ai portés à l’étuve, tous étant dans les mêmes conditions, bouchés simplement avec de la ouate. Au bout de 24 heures, le résultat était analogue à celui de l’expérience HIT. Des expériences que j'ai faites en opérant avec le suc pan- créatique, il apparaît très manifestement que le chloroforme affaiblit la diastase, et que cette action nuisible est plus intense en l’absence de l’oxygène. Dans les milieux albuminoïdes où se trouvent des protéases, ont lieu des phénomènes de coagulation et de décoagulation (selon les cas)et, souventen même temps. Ces deux processus paraissent antagonistes, mais leurs agents n'ont pas été jusqu'à présent séparés, el leur mécanisme est encore fort obscur. L'étude de l'influence du chloroforme dans des conditions variées sur les diastases d’une part, et sur la matière albuminoïde de l’autre, permettra, je crois, de pénétrer un peu la nature de ces phénomènes, et je me propose d'exposer dans une prochaine note les observations recueillies à ce propos. (Je remercie MM. Delezenne et Frouin de m'avoir fourni les matériaux physiologiques employés dans cette étude.) beat rit int ant tons tin tbe _ L'ALCOOL EST-IL UN ALIMENT ? à REVUE CRITIQUE Arwarter, Woops et Benenicr, Sur le métabolisme de l'azote et du carbone dans l'organisme, avec un calorimètre à respiration humaine d'une construction épéciale, Office of Exper. Stations of the U. S. Depart of. agriculture, n° 44. — Arwarer et Rosa, Description d'un nouveau calorimètre et expériences sur la conservation de l'énergie dans le corps humain, 44., n° 63. — ATWATER, BENEDICT, avec la coopération de MM. Surra et Bryant, Expériences sur le métabolisme de la matière et de l'énergie dans le corps humain, 2d., n° 69. — ArwarTer et BENE- pic, avec la coopération de MM. BnyanT, Suirx et SxeLzz, Nouvelles études sur le même sujet, 2d., n° 109. — Arwater et Benenicr, Étude expérimentale concer- nant la valeur nutritive de l'alcool, Mémoires de l'Académie nationale des sciences, t. VIII, Washington, 1902. L'alcool est-il un aliment, traversant le canal intestinal au même titre que la viande et le pain, et faut-il alors le traiter en ami, ou bien est-il un ennemi, qui blesse toutes les cellules qu'il touche, et que nous devons craindre et repousser ? Voilà évidemment une grosse question, qu'on pourrait croire étudiée et, sinon résolue, poussée au moins au même degré que pour les substances notoirement alimen- taires. Quand on cherche dans cette direction, on s'aperçoit que lal- cool a été totalement négligé. On ne sait ce qu’il vaut comme aliment. Ïl est vrai, qu'il y a, avec lui, des difficultés plus grandes qu’avec les autres. Il est volatil, et une partie de celui qui est ingéré s’en va par évaporation ‘. De plus, ces expériences sur la valeur alimentaire se font surtout sur les animaux, dont aucun précisément ne boit de l'alcool. Bref, cette étude a été délaissée, et la solution, si importante qu’elle soit, est restée dans le domaine des solutions instinclives, celles qui se paient le plus facilement de mauvaises raisons. En ce moment, par exemple, l’alcool, si longtemps prôné, n’a pas pour lui l'opinion publique : c’est un poison, qui n’a de place que dans les pharmacies, tel est le cri général. Les physioiogistes lui sont, en général, indifférents ou hostiles. Les microbiologistes ont aussi tendance à le condamner, en se disant que, dans toutes les fermen- tations où ils le rencontrent, dans la fermentation alcoolique surtout, l'alcool a un caractère de produit. résiduaire, de caput mortuum, qu'il x fallu toute la malice de l’homme pour apprendre à aimer. Tout cela a contribué à donner à l'alcool une place à part, peu enviable. Heureusement, un procès de revision a commencé, il y a quatre ou cinq ans. Au lieu de conclure contre l’alcool de ce qu’on le rencontre si souvent comme produit et résidu d'action microbienne, on com- _mence à voir qu’il s’en forme partout, qu'il s’en consomme partout, et que n’en laissent que ceux qui en fabriquent plus qu'ils n'en 4. Celte part est beaucoup plus faible qu'on ne le supposait. Elle ne dépasse pas 2 à 2,5 0/0 d’après M. Atwater. -858 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. peuvent consommer. Voilà pour les microbiologistes. Quant aux phy- siologistes, un mémoire tout récent, inséré en 1902 dans les Mémoires de l’Académie nationale des sciences des États-Unis, permet de dire aujourd'hui que non seulement l'alcool n’est pas un poisôn, mais qu'il doit être placé à côté de l’amidon et du sucre, qu’il dépasse même par sa valeur alimentaire, car, à poids égal, il contient plus d'énergie. C'est un changement complet de point de vue au sujet de l’homme, et, pour les animaux, le moment approche où l'alcool entrera dans tous les tableaux de rations alimentaires. Le travail, qui a ainsi changé nos idées, est le fruit d’une collabo- ration curieuse. À l’origine, nous trouvons un Comité de 50 per- - Sonnes pour les recherches sur les boissons, créé par la Wesleyan Univer- sily: en cours de route, ce comité a rencontré une Commission qui avait un objet similaire, celui de l’étude alimentaire des animaux, et qui avait été nommée par le ministre de l'Agriculture. La question de l’alcool préoccupait tout le monde, parce qu'elle n’est pas exclusivement scientifique. Elle a son côté moral, elle a son côté économique. On ne savait pas ce qu’elle donnerait, mais on vou- lait la traiter à fond. L'accord entre toutes ces bonnes volontés ten- dant dans le même sens fut vite conclu. La Wesleyan University et le Comité de cinquante, qui étaient arrivés les premiers et avaient un laboratoire, conservèrent la direction. Pour l’argent, on réunit ses ressources, que vinrent augmenter de grosses souscriptions. Bref, le problème fut attaqué comme un gros problème, exigeant de grandes dépenses et un nombreux personnel. Les choses ont bien marché depuis. Les premières publications ont été des communications faites par MM. Atwater et Benedict en 1897, les signataires du dernier mémoire qui clôt pour le moment la question. Tout semble avoir été harmonieux et heureux dans l'affaire. Ce déploiement de forces s'explique : c’est la première fois qu'on a tenu compte, pour les mesures, de tout ce que peut donner et de ce que donne l'aliment comburé physiologiquement dans l’organisme, la matière vivante, la chaleur, le mouvement, la force en travail et en réserve. Tout cela est alimentaire. Nous avons pris la mau- vaise habitude d'y voir des effets différents, sous prétexte que nous les mesurons par des moyens différents. Mais l’expérience nous a toujours répondu en nous remettant dans le droit chemin. Nous avons cru pendant longtemps que la définition de l’aliment pouvait ètre donnée par la chimie, et que, par exemple, la gélatine était alimentaire parce qu'elle contient du carbone, de l’oxygène, de l’hydro- gène et de l'azote comme le musele, et dans des proportions à peu près les mêmes. Il à fallu en rabattre. La chimie se borne pour le aéèrah.: REVUES ET ANALYSES. 859 moment à établir le bilan de l'opération. Sachant le poids de l'aliment et sa composition élémentaire, elle cherche seulement comment se sont partagés, après l’opération faite, son carbone, son hydrogène, son oxygène et son azote, ce qu'on peut en retrouver dans les fèces, l'urine, la sueur, et ce qui semble avoir disparu sous forme de produits de la respiration et de la transpiration cutanée. Ce classement de quantité est à peine un classement de qualité. Le meilleur aliment est évidemment celui dont le passage se traduira par une respiration et une combustion intimes plus actives. Dans le détail, ou est mêins assuré, et il reste beaucoup de doutes. On n’a par exemple, aucun droit de ne voir dans le canal intestinal que des matières inassimilables, qu'aucun animal n'aurait pu digérer. Le même animal, le lendemain, aurait pu suffire à la besogne, car rien n’est contingent, surtout en présence des microbes, comme un acte digestif, Mais, si peu probants qu'ils soient, ces nombres sont nécessaires à connaître, et c’est à les recueillir que sont destinés ces appareils complexes dont les plus connus sont ceux de Regnault et Reiset, de Voit et Pettenkofer,de Nowak et Segen, etc., et dans lesquels on aspire dans des masques ou des chambres de respiration les produits gazeux fournis par l'aliment sous l'influence de la vie. Toutes ces peines prises, nous connaissons les matières premières entrées dans l’usine, et ce qui en sort par les égouts ou la cheminée. Ce qui serait plus important, c'est de savoir ce qui se passe dans l'usine, Elle est en activité: partout il y a des mouvements, des frottements, 1] serait curieux de savoir ce quise dépense de l'aliment dans cette trans- formation en actes de volonté consciente ou inconsciente. 1 faut de la chaleur pour toutes ces petites machines fonctionnant dans la grande, Il en faut en outre pour chaufferla grande, pour maintenir partout latem- pérature des tissus, au niveau requis pour leur fonctionnementrégulier. - Ce sont les aliments qui sont chargés de cette dépense. Ils sont des sources de force, et on peut mesurer ce qu’ils en contiennent en les brûlant dans une bombe calorimétrique, On peut même, sur ce total connu à l’avance, faire le même décompte que sur les éléments chimiques, mesurer ce qui est allé à la chaleur animale, et à la force dépensée en travail. Au fond, ce n’est pas un phénomène nouveau qui s'ajoute ainsi au phénomène chimique; c’est une forme nouvelle du phénomène général, et nous pourrions, si nous voulions, calculer la chaleur disponible en partant de la connaissance complète des alt- ments. Mais on a préféré d'ordinaire en faire quelque chose à part, qu’on évalue en calories, et le physicien qui la mesure est, d'ordinaire aussi, tout autre que celui qui fait les études de chimie dont nous avons parlé plus haut. Cela posé, l'original et le nouveau des expériences américaines, 860 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. c’est que tout s’y mesure à la fois, que l'aliment est étudié au point de vue chimique et au point de vue calorimétrique. Il y a autre chose de curieux : l’être soumis à l'expérience est un savant qui y prend part. Au lieu de la surveillance, continue et inquiète, qu’exi- geraitunanimalinerte, l’opérateursesurveille lui-mêmeen même temps que les aides répandus autour de lui, car, naturellement, un homme dans ces conditions est en cage, mais dans une cage dont le modèle est tout à fait inédit. Le problème que la Commission a résolu est enæeffet celui-ci : un homme en bonne santé, adulte, en équilibre, c'est-à-dire tel que son poids n’augmente et ne diminue pas, est, à un moment donné, intro- duit dans un espace limité qu’on peut comparer au réservoir d'un thermomètre, c’est-à-dire que toute variation thermométrique y devient sensible et mesurable. Il emporte avec lui, dans son asile. la dose d’aliments nécessaire à sa vie de plusieurs jours, car, comme il y a toujours un moment de perturbation au moment de la transition, il est meilleur que cette perturbation porte sur une expérience plus longue. Comme la chambre est close, un courant d’air la ventile cons- tamment, apportant l'oxygène utile, enlevant les produits usés, ana- lysé, cela va sans dire, à l’entrée et à la sortie, tant en quantité qu’en qualité. L'opérateur prend lui-même l’état de son pouls, de sa tempéra- ture, inscrit les états hygrométriques, exécute les divers articles de son programme nutritif affiché sur la chambre, extérieurement et intérieu- rement, et reste en communication téléphonique constante avec ses aides ‘. Sa chambre est d’ailleurs assez confortablement meublée : un lit, une table, une chaise pliante. S'il veut essayer, ce qui vient si naturellement à lesprit, de voir l'effet du travail intérieur sur la nutrition, il y a un motocycle, dans lequel la force qu'il verse prend, au moyen d’une dynamo, la forme d’un courant électrique, ce cou- 1. Voici un de ces programmes. C’est celui d'un régime à l'alcool, avec tra- vail, celui de la seconde expérience du groupe D, qu'on trouvera plus loin. 7 h. matin. Lever, uriner, collecter 3 h. 50. Arrêter, repos de 10 m., les condensateurs, peser les absorbants, | boire l'alcool, boire aussi 200 gr. d'eau. se peser soi-même nu et habillé. 4 h. Commencer le travail. 7 h.45 Déjeuner, boire 200 gr. d'eau. 6 h. Arrèter le travail. 8 h. 20. Commencer le travail. 6 h 30. Souper, changer les vêète- 10 h. 20. Repos de 10 m., boire d© | ments de dessous,se peser nuethabillé. l'alcool, boire aussi 200 gr. d'eau. 7 h. Uriner, récolter les condensa- 10 h. 30. Recommencer le travail. tions, peser les absorbeurs. 42 h. 30. Arrêter. Boire 200 gr. d’eau. | 10 h. Couvrir d'une couverture les 4 h, Uriner, collecter les condensa- | provisions de bouche, boire 200 gr. tions, peser les absorbants. d'eau, coucher. 4 h. 15. Diner, 4 h. Uriner. 4 h.50. Commencer le travail. Les mesures relatives au pouls, à la température, à l'état hygrométrique se faisaient ad libitum. REVUES ET ANALYSES. 861 rant va se dépenser dans une lampe Edison, enfermée comme tout le reste dans la chambre, où sa chaleur va retrouver la chaleur versée par les autres formes de transformation de l'aliment, De la sorte, venues ensemble par l’aliment, toutes ces formes repartent sous la même forme, celle de chaleur, et sont récoltées par le même appareil. Cet appareil est fait d’une série de tubes étroits en cuivre cireu- Jant dans la chambre, et récoltant dans l’air tout ce qui s’y trouve de chaleur excédant la sienne. Toute la chaleur produite vient donc se totaliser dans l’eau écoulée. Il suffit de la faire passer par un compteur et sur un thermomètre. Je n’entre pas dans plus de détails relatifs à l'évacuation des produits de la digestion. L'opérateur peut, lorsqu'il le veut, recueillir à part, à l’aide de tubes à eau froide, les produits de la respiration, ou dans des linges la sueur quand il a travaillé, peser par différence les produits obtenus et les étudier à part. Bref, il y a un opérateur de plus, et intelligent, dans la petite cage. Ceux qu’intéresserait cet instrument, qui me semble devoir rester dans la physiologie, en trouveront la description et le fonctionnement dans les premières publications de M. Atwater signalées dans la Biblio- graphie, Malgré la simplicité de sa construction et de sa marche, il suffit à tant de choses qu’on peut être tenté de se demander s’il fait bien tout ce qu’il fait. Les deux expériences suivantes répondront à ce scrupule, Il est à la fois un calorimètre et chambre de respiration. Nous pouvons l'étudier comme calorimètre en y envoyant de l'extérieur un courant d'électricité, qui s’y dépense par l’intermédiaire du motocycle, de la dynamo et de la lampe électrique, qui tous sont enfermés dans la chambre, et donnent de la chaleur que le courant d’eau emporte. Cinq expériences, faites par ce moyen, ont montré qu’en moyenne, le récepteur retrouvait 100,01 de la chaleur apportée par le courant électrique. On voit donc que l’appareil est bien protégé contre l’in- fluence du rayonnement, ce à quoi aide naturellement beaucoup la constance de sa température. Pour faire de même fonctionner l’appareil comme chambre de res- piration artificielle, on y a brùlé un certain poids d'alcool bien pur, qui donnait à la fois de la chaieur, de l’eau et de l’acide carbonique. Le tableau suivant indique ce que devait donner l'alcool qu’on a brûlé, et ce qu’on a trouvé en réalité : CO? H?0 Calories. Valeur théorique. ........ 19,240 12,264 64,554 Valeur trouvée..:...1 49,207 12,378 64,510 PTOPOrRIONT-F ER Ce 99,8 100,9 99,9 L'appareil récolte donc très bien à la fois les matériaux chimiques et la chaleur, Il se révéle donc comme un instrument de premier ordre, auquel sont promis des résultats du plus grand intérêt. 862 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. M Maintenant que nous avons une méthode de travail et de bons instru- ments, revenons à notre question : quelle est la valeur alimentaire de l'alcool? Nous trouvons de suite une difficulté à résoudre, dont la solu- tion va nous faire faire un pas considérable. Ce que nous voyons bien jusqu'ici, c’est que nous pouvons, après avoir introduit dans notre appareil un homme dans les conditions voulues, c’est-à-dire dans lequel rien ne reste, savoir ce que donne chez lui son régime d'entretien : respiration, excrétions, chaleur animale ou transformée en travail. Mais son aliment, qui le tient en bonne santé, doit être physiologique. Une boisson purement alcoolique ne peut pas être un aliment complet, et se substituer, même pendant une demi journée, à un aliment tel que du pain ou de la viande, qui, outre le carbone l'hydrogène et l’oxygéne, contiennent de l'azote. En le jugeant par la valeur alimentaire qu'il possède lorsqu'il est seul, on lui ferait tort, et on sortirait en outre du domaine de l’hygiène. En réfléchissant d’ail- leurs un moment, nous voyons que nos meilleurs aliments ressemblent en cela à l’alcool. Tous deviennent dangereux au delà d’une certaine dose. On ne fait vraiment de la physiologie que si la nourriture est variée, si on vit de régime. Mais l’opérateur peut toujours à l'avance, par un tàtonnement en général assez court, se faire deux menus, assez complexes pour satis- faire ses goûts, et qui diffèrent seulement en ceci que dans le second, lun des aliments est remplacé par l'aliment qu’on veut étudier. Avec ce que nous savons sur les alimeñts, ce qu’il y a de mieux consiste, au moins pour commencer, à faire ce remplacement entre deux aliments très voisins, et à poids isodynamiques.Dans les expériencessur l’alcoo!, ce sont les aliments sucrés ou farineux qu’on à remplacés par de l’alcool. De plus alcool donnant à poids égal plus de chaleur que l’ami- don ou la matière grasse, on en mettait moins. Ainsi, dans un Cas, je vois qu’on à remplacé par 79,5 grammes d'alcool, ayant en tout 512 calories pour chaleur de combustion, 37 grammes de corps gras et 45 grammes d’hydrates de carbone représentant 520 calories. Une fois maître de ces deux régimes, assuré qu'ils peuvent se substituer Pun à l’autre sans trouble pour l'hygiène, on peut revenir à la marche signalée tout à l'heure, on peut commencer une expérience. Il n'est pas douteux que les résultats de la comparaison seront attribuables à l’alcool. Trois opérateurs, un Suédois, un Américain, un Canadien, tous assistants du Laboratoire, ont fait les 26 expériences que nous allons résumer. Chose à signaler, deux d’entre eux étaient des absti- nents de l’alcool, et en ont bu sans difficulté dans ces essais, La dose en était faible et équivalait tout au plus à un litre de vin léger par jour: PET a] CRT NT NT NT 0 PPS TS SSI IN U 7 REVUES ET ANALYSES. 863 elle n’a produit aucun effet particulier bien sensible; nous sommes toujours dans des conditions physiologiques. Voici une partie du tableau récapitulatif des expériences, avec leurs dates. On les a divisées en groupes qui sont très comparables, Dans chacun de ces groupes, le régime était le même,et les deux parties ont été souvent le calque l’une de l’autre, car l’expérience avec l’alcool faisait sandwich avec elles, sans que l’opérateur quittât la chambre. SAMIR Albuminoïde Énergie de l'expérience : RE de de GROUPES DATES DURÉE Repos. Régime l'aliment. l'aliment. De : À 6 Cr, Cal. À Janvier 19-14 1898. 4 jours. Repos . Ordinaire. 419 DTAT Février 15-19 1898. 4 — — Alcool. 193 2,109 B Mars 19-22 1899. 3 — —- Ordinaire. 124 3,061 — 13-16 1899. 3. — — Alcool. 12% 3,044 GC. Février 14-17 1900. 3. — LE Ordinaire. 400 2,490 — 17-20 1900. 3 — — Alcool. 99 2,494. — 20-23 1900. 3 — — Ordinaire. 99 2,459 D Mars 22-26 1898. 4 — Travail. Ordinaire. 124 3,862 Avril 12-16 1898. k — — Alcool. 121 3,891 (D Mars 16-19 1900. > — = Ordinaire. 100 3,487 — 19-22 1900. 3 — — Alcoo!. 99 3,458 — 23-25 1960. 3 — — Ordinaire. 100 3,495 F Avril 20-23 41900. 3 — — Ordinaire. 401 3,487 — 23-26 1900. 3 — —— - Alcool. 100 3,486 _- 26-29 1900. 3 — — Ordinaire. 100 3,493 L'alcool a été étudié, comme on voit, pendant l’état de repos, c'est- à-dire de vie aussi inerte que possible du sujet, et cette même vie dans laquelle entraient huit heures par jour de travail au vélocipède. Bien entendu, il fallait ici un entrainement spécial : le régime était plus généreux. La dose d’al:0ol n’était pas changée, cependant. Seulement, l'alcool qui, dans les cas de repos, représentait 1/5 de la dose d’ali- ments, eu représentait 1/6 ou 1/7. : Enfin, il faut savoir aussi que les chiffres de Ia dernière colonne sont les nombres de calories fournis par les matériaux du régime journalier dont la pratique avait révélé l’équivalence. C'est celle qu'il faut surtout envisager. Elle nous dit ceci : Dans le régime ali- mentaire de trois hommes valides, on à pu, sans inconvénient, remplacer du beurre, des léqumes ou autres atiments analogues par de l'alcool sous forme de vin ou d’eau-de-vie. Ces remplacements et ces alternances ne dépendent pas de l'état de repos ou de travail, ni d'aucune circonstance relative au consommateur. Tout est commandé par le coefficient isodynamique de l'aliment, qui reste physiologiquement le méme, si la substitution se fait en tenant compte de ces coefficients, et quand on sup- prime le vin dans un repas, à faut le remplacer par quelque chose. Voilà ce que nous dit le tableau. En réalité, et contrairement aux apparences, l'expérience se faisait en dehors de l'appareil, elle con- 864 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. sistait à trouver par tâtonnement un régime dans lequel on pouvait changer sans inconvénient un élément par de l'alcool. C’est un point sur lequel les auteurs du mémoire, perdus dans le dédale des faits expérimentaux, n'insistent peut être pas assez. L’instrument n'est intervenu avec sa perfection qu'au moment où il a fallu mesurer, et où on vit ressortir l'équivalence. # x E Voilà donc le changement de point de vue que je signalais en commençant; je ne dis pas le changement de doctrine, il n’y avait pas de doctrine. La science n’avait pas étudié cette question, elle s’y heurtait de divers côtés, et quand on réfléchissait au sujet de cet obstacle rencontré dans son chemin, on se disait que c'était vraiment ficheux de le trouver toujours là, car la science se faisait autour de lui, et il commençait à gèrer de belles perspectives. L’obstacle est tombé, et on a vu qu'il ne cachait rien d’imprévu. L'alcool était à sa place comme aliment, ainsi qu’on pouvait le deviner par ce qu’on savait de lui en microbiologie. Mais cela, il fallait le dire, et c’est le mérite de M. Atwater et de ses collaborateurs de l'avoir dit. Ils nous ont montré que l'alcool ne chan- geait pas les qualités physiologiquement alibiles d’une ration normale, celle qui maintient les forces pendant l’état de santé. Il est donc un ali- ment au même titre que les aliments variés qu’il remplace. De plus, la substitution utile doit se faire non pas poids pour poids, mais par parties dégageant, quand on les brüle, la même quantité de chaleur, et contenant la même quantité d'énergie, Sous ce point de vue, l'al- cool est aux premiers rangs de la liste. Nous devons donc lui faire nos excuses pour la façon dont nous l'avonstraité jusqu'ici. — L’ivresse qu’il donne ?Je sais bien, c’est le côté fâcheux. Un aliment placé à un aussi bon rang, et qui arrive si facile- ment dans les tissus, a les inconvénients de ses avantages. |Tsez : n’abu- sez pas. Surtout, ne raisonnez pas à la façon d’un skopzoi. Quant aux conséquences fiscales qui résultent pour l’alcoo! de sa mauvaise réputation, elles sont aussi à changer depuis-que l’alcool est devenu quelqu'un. Mais nous sommes là sur un terrain qui n’est plus celui de ce journal. Et puis, il faut laisser les esprits s’habituer à la lumière et à la vérité. E. DucLaux. Sceaux. — Imprimerie Charaire. Le Gérant : G. Masson. ANS SE RON PT Dee VI RE TT) US i6ne ANNÉE 25 DÉCEMBRE 1902 Ne 42 ANNALES L'INSTITUT PASTEUR RECHERCHES SUR LA PUTRÉFAGTIN DE LA VIANDE DE BOUCHERIE Par MM. Hexry TISSIER ET MARTELLY Ancien interne des Hôpitaux Interne en pharmacie à l'Asile Ste Anne, Depuis longtemps, le phénomène de la putréfaction ou décomposition d’origine microbienne de la molécule albumi- noïde attire l'attention des chercheurs. Les travaux qui s’y rat- tachent sont nombreux, et quoique nous ne puissions ici faire l'historique complet de cette importante question, nous devons tout au moins citer les principaux auteurs. C’est Pasteur qui le premier, en 1877, en étudiant le vibron septique, put démeon- trer l’existence d’une bactérie douée d’un pouvoir protéolytique. Il prouva l'existence de la vie anaérobie, et établit le rôle primor- dial des espèces vivant à l'abri de l’air dans la putréfaction. Les travaux de Kerry, Nencki, Bovet ne firent que confirmer ces premières recherches. Mais après les études de Hauser, Kühne, Foa et Bonome, Tito-Carbone, Gaillard, Lannelongue et Achard sur le Proteus, on admit que les aérobies devaient également jouer un rôle. Malvoz en 1899 trouva toujours chez le cadavre le B. coli et il Jui attribua une action primordiale. Peu à peu on oublia les anaérobies, et Macé, en décrivant les phases de la putréfaction, , les passa sous silence. (€ Tout d’abord, écrivait cet auteur dans son traité de bactériologie, apparaissent le B. subiilis, le B. mesentericus, le B. termo, on ne perçoit qu’une odeur plutôt fade, ce n’est pas encore la putréfaction. Un ou deux jours après, ces espèces ont cédé le pas à d’autres où dominent le B, fluores- cens liquefaciens, le B. fluorescens putidus, le B. violaceus : c’est une seconde phase du phénomène. Quelques jours après, l’odeur 866 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR, est nettement putride: c’est alors, troisième phase, qu’appa- raissent les Proteus vulgaris et mirabilis qui dominent bientôt et deviennent envahissants. » Cependant Veillon et Zuber en 1898, puis Hallé, Rist, Guil- lemot, Cottet, dans une série de remarquables travaux, démon- traient que dans tous les pus à odeur putride il existait constam- ment et souvent même uniquement des anaérobies. I! était donc probable que dans l'attaque de la matière albuminoïde morte, il devait également s’en trouver. C’est ce que démontra à nouveau Bienstock en 1900, dans ses intéressantes recherches sur le B. putrificus coli. En 1884 cet auteur avait trouvé cette espèce dans l'intestin de l'homme, mais 1l la considérait comme un aérobie; il avait vu depuis qu’il s'agissait d’un anaérobie et il en donnait une description fort exacte. Dans un travail ultérieur, il avouait ne plus pouvoir l'obtenir dans les matières fécales, Mais - un des points les plus curieux de son mémoire était la démons- tration d’une action d’arrêt, produite par les B. coli et B. lactis aerogenes sur cette bactérie de la putréfaction, action surtout évidente dans le lait ou dans des milieux contenant des hydrates de carbone, Il l’attribuait à ane sorte de force antagoniste des deux bactéries, hôtes habituels de l'intestin, qui empêchaient ainsi la putréfaction intestinale. Ce travail de Bienstock présentait pour nous un grand inté- rêt, Tout d’abord, il donnait une description complète d’une espèce anaérobie protéolytique semblable à celle que lun de nous venait d'isoler da méconium. Nous devions donc chercher le B. putrificus dans la putréfaction pour voir si ses caractères étaient identiques. En outre, l’action d’arrèt causée par la force antagoniste du B. coli et du B. lactis sur ce protéolytique, rappe- lait l’action empêchante des bactéries de la flore normale de l'intestin du nourrisson vis-à-vis de certaines espèces anormales1. Il nous fallait done étudier à nouveau ces faits, ces deux actions empèéchantes pouvant avoir la même cause. C’est ainsi que nous avons été tout d'abord amenés à isoler le B. putrificus des viandes altérées, puis à chercher les autres espèces qui y vivent en symbiose, pour élucider leur action respective. Ces recherches ont donc été, nécessairement, très longues et 4. H. Tissen, Recherches sur la Flore intestinale du nourrisson. Paris 1900. PUTRÉFACTION DE LA VIANDE DE BOUCHERIE. 867 très minutieuses. Elles sont encore forcément incomplètes, Les données chimiques, que nous possédons sur la matière albumi- noïde, sontencore rudimentaires etil ne nous était guère possible de préciser, d’une façon plus exacte, l’action chimique des diverses espèces protéolytiques que nous étions parvenus à isoler, de faire en un mot, pour ces bactéries, ce que d’autres auteurs ont pu faire pour des fermentations plus simples, comme la fermen- tation lactique ou butyrique. TECHNIQUE Nous nous sommes bornés pour ces premières recherches à la viande de bœuf commerciale, prise dans une boucherie quelconque, et présentant toutes les garanties exigées pour la consommation courante. Pour éviter autant que possible l’in- fluence du passage par le même abattoir ou la même boucherie, nous avons eu soin de prendre notre matériel d'observation à des boucheries différentes, et à le faire distribuer, dans les ballons d'expérience stérilisés, dans des laboratoires différents. Nous ne touchions en aucun cas à la viande prélevée, et, pour les ensemencements, nous ne nous servions que de pipettes flambées, Les manipulations et la mise en œuvre des échantillons se faisaient aussi dans des laboratoires différents. Toutes ces précautions n'étaient pas inutiles, puisque, comme nous nous y attendions, les résullats étaient concordants et les principales espèces les mêmes. Les ballons d'étude ont été mis dans une étuve à 20°. Pour étudier une putréfaction, comme elle se pro- duit d'ordinaire, la viande fut mise sur une plaque de verre stérilisée recouverte d’une cloche. Pour faire cette même recher- che, mais à l’abri des germes de l'air et des poussières, nous nous sommes servis de ballons stérilisés, bouchés avec de l’ouate également stérile. Pour faire cette même étude en milieu privé d'oxygène, la viande fut mise dans un grand ballon conte- nant de l’eau distillée stérilisée. Quand nous voulions connaître la marche, la date d'apparition, des espèces d’une putréfaction, on se servait d'une même viande répartie dans 10 ou 15 ballons. Tous les 2 à 3 jours ou tous les 8 jours, on examinait, au point de vue bactériologique et chimique, Le contenu. Pour isoler les espèces, nous nous sommes servis de la méthode de Veillon qui nous permet d'obtenir facilement les aérobies, les facultatifs et 868 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR, les anaérohies. Cette méthode commence à être connue et nous n’avons pas à la décrire ici. Ce qu'il est important de répéter, c'est qu'il est impossible, au moyen des autres méthodes em- ployées dans les laboratoires, d'obtenir un résultat comparable. Nous avons été amenés, cependant, à y ajouter une légère complication. Dans une putréfaction, en effet, surtout à son début, la quantité des espèces aérobies, ou facultatives, est telle qu’elle empêche l'apparition des anaérobies, soit en modifiant la réaction du milieu, soit en le disloquant. Pour obvier à cet inconvénient, nous nous sommes inspirés de la méthode employée par Rist dans son étude du Leben pour éliminer les aérobies stricts. Cet auteur, avant de faire ses ensemencements en tubes profonds, faisait des cultures en bouillon privé d'air. Il obtenait ainsi, après un certain nombre de passages, les espèces facultatives seules. Nous procédons d’une façon analogue.Avant de faire nos répar- titions, dans les tubes de gélose sucrée, en profondeur, nous faisons d’abord des cultures sur gélose couchée, afin d’obtenir les aérobies et les espèces facultatives, puis nous ensemençons un ou deux tubes de bouillon ordinaire, que l’on ferme à la lampe, après y avoir fait le vide. Ces tubes ne sont ouverts qu'au bout de 8 jours. Nous avons pu nous rendre compte ainsi, que si les facultatifs n'ont pas absolument disparu, leur vitalité et leur nombre diminuent; par contre, les anaérobies se multi- plient et il est facile de les isoler d’après la méthode de Veillon. Si après ce temps, il existe encore trop de facultatifs, on peut faire une série de passages en bouillon privé d'air. Cette modification nous a permis d’avoir d’excellents résul- tats. Les espèces une fois isolées, nous étudions leurs caractères morphologiques, chimiques et biologiques. (À) ÉTUDE DES/CARACTÈRES MORPHOLOGIQUES. Nous avons suivi, pour cette étude, les procédés en usage dans tous les laboratoires. — Examen microscopique, étude de la mobilité, réaction chromophile, forme des cultures, leurs caractères sur les milieux liquides, bouillons simples, peptonisés, sucrés, lait, gélatine, gélose couchée ou profonde, etc. Ce n’est que lorsque toutes les espèces étaient ainsi caractérisées que PTE TRS Rae re ce ei ER LR PUTRÉFACTION DE LA VIANDE DE BOUCHERIE. 869 nous cherchions leur action chimique sur les diverses sub- stances. (B) ÉTUDE DES PROPRIÉTÉS CHIMIQUES. La viande est formée de subtances très diverses. Pour con- naître le rôle d’une espèce dans le processus putride, il est donc nécessaire de l’ensemencer dans des milieux minéraux très sim- ples, contenant ces diverses substances, de chercher son action chimique sur chacune d’elles, puis enfin de l’ensemencer sur une viande de constitution identique à celle qui nous avait servi au prélèvement. Comme la partie la plus importante da musele n’est pas con- nue à l’état pur, il est impossible d'opérer ainsi. Voici les procédés que nous avons appliqués, pour connaître l’action d’une espèce isolée sur les substances ternaires (graisse, sucre, etc.), sur les substances protéiques naturelles hydratées ou leurs dérivés (protéoses et peptones, amines, créatine, urée, etc.) et enfin sur la viande de bœuf. ACTION SUR LES HYDRATES DE CARBONE, — 4° Sucres, — Nous nous sommes servis de glucose, lactose, maltose et amidon, tantôt mis dans des milieux ne contenant que des sels ammoniacaux, tantôt dans des milieux plus complexes, avec de la fibrine, de la caséine, de la gélatine, ete., suivant les cas. On procédait ensuite au dosage du sucre restant, des acides volatils, des acides fixes, ainsi qu’il est dit dans les ouvrages classiques. Les autres substances étaient examinées comme nous allons le voir. 2° Graisses. — En général la plupart de nos milieux étaient dépourvus de matières grasses, mais dans les cas où nous nous servions de viande de bœuf broyée, il était nécessaire de cher- cher s’il s'était produit une modification de ce côté. On recueil- lait donc soigneusement les graisses et on les dosait. Quand il s'était formé des savons ammoniacaux, ce qui se produit assez fréquemment, on traitait par l'alcool sodé, pour déplacer la base et on distillait. L’ammoniaque ainsi recueillie était dosée. ACTION SUR LES SUBSTANCES PROTÉIQUES. — 1° Albuminoïides. — Nous avons choisi la fibrine, dont la préparation est la plus facile. Cette fibrine soigneusement lavée est mise d'ordinaire soit dans du liquide de Cohn, ou mieux d’'Utschinsky-Frankel légèrement 870 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. alcalin, comme la bien fait remarquer Bienstock. Pour avoir un milieu anaérobie on met environ 30 grammes de fibrine pour 250 grammes de ce liquide dans un ballon à long col, avec une couche d'huile de vaseline. Le tout est stérilisé à 120° ou mieux à 100° pendant trois jours. Le ballon ensemencé est ensuite mis à l’étuve à 37° pendant un temps variable, 15 jours à 1 mois au plus. On procède ensuite à l’analyse. Au début de nos recherches, nous avons tenu à suivre exac- tement toutes les méthodes de Bienstock, dont les analyses chimiques, faites par Wallach, sont décrites dans ces An- nales !. Le procédé consiste dans ses grandes lignes à traiter le liquide de la façon suivante : aprèsdistillation et clarification, on filtre, puis on traite par l’éther qui dissout les phénols, l'indol, le scatol et les bases. Le résidu est concentré en pré- sence de NaC0”, puis repris par l'alcool, qui dissout les acides butyrique, valérianique, la leucine, ete. Ce résidu contient en outre l’acide paraoxyphénylpropionique. Cetre méthode n’est pas à l'abri de tout reproche. En effet, pour la recherche des acides volatils, on ne les caractérise que par leur odeur ; il nous semble qu’il est préférable d'opérer sui- vant la méthode de Duclaux. Pour la recherche des amines, nous avons remplacé l’éther sodé par une solution alcoolique sodée de chloroforme (réaction d'Hoffmann). Pour les phénols, leur dosage, leur séparation avec l’indol et le scatol, nous avons suivi le procédé ordinaire. Voici, en résumé, comment nous procédons : on ajoute à la culture entière 100 c.c. d’eau distillée froide et on laisse en con- tact 24 heures à la glacière, on pèse et on filtre. À) Le filtral obtenu est divisé en cinq parties : 1° La première sert à l'examen des gaz, à la recherche d'H?S. On ajoute de l’acide chlorhydrique et on distille. Le produit est recueilli dans un liquide contenant de l’acétate de plomb qui se colore en brun du fait de ce gaz. On contrôle par la réaction au nitroprussiate de soude en faisant une nouvelle distillation dans un liquide contenant 1 0/0 de ce corps; 2° La deuxième portion sert à doser Les acides volatils, par le procédé de Duclaux; les acides fixes restant dans la cornue sont caractérisés par les méthodes appropriées ; l. Annales de l'Institut Pasteur, 25 nov. 1899, n° 41, p. 860. PUTRÉFACTION DE LA VIANDE DE BOUCHERIE. 874 3° Cette partie du filtrat sert à doser les bases volatiles. On additionne de magnésie et on distille. Le produit est recueilli dans des vases fermés. Les amines y sont caractérisées par la réaction d'Hoffmann, l’ammoniaque par ses réactions d'identité. On fait ensuite un dosage alcalimétrique et le tout est évalué en AzH°. Il ne faut pas oublier que le milieu de Frankel est ammoniacal ; on déduira de la quantité obtenue, l’ammoniaque du milieu qui est connue; 4° La quatrième portion du filtrat primitif sert à doser les corps entraînés par la vapeur d’eau, l’indol, le seatol .et les phé- nols. On acidule avec l'acide acétique, on distille jusqu’à ce que le liquide ne précipite plus avec l’eau de Brome. On neutralise avec de la soude et on ajoute de l’éther. La solution éthérée décantée est abandonnée à l’évaporation. Le résidu huiieux se prend en une masse cristalline. On dissout à l’eau bouillante, on filtre et on obtient les cristaux de scatol. Le liquide séparé de ces cristaux abandonné ensuite l’indol par évaporation. La liqueur, débarrassée de ces deux corps, contient encore les phé- nols, on les précipite par la potasse et on distille. Les phénates restés dans la cornue sont mis en liberté par HCI, on distille à nouveau, et.le produit traité par l’eau de Brome laisse déposer le tribromophénol que l’on pèse !: 5° On étudie alors les produits fixes. Denaeyer ? a montré que si l'on traitait un produit de digestion par l’alcool à 95° en excès, on obtient un précipité (albumines, protéoses, pep- tones), l'alcool dissout les principes extractifs (carnine,créatine, créatinine), les produits de décomposition des protéoses (len- cine, tyrosine, acide aspartique) et des gélatoses (alanine, glyco- colle, acide amido-butyrique). Cette réaction nous sera d’une grande utilité, car Le rapport entre le précipité formé surtout de protéoses et les substances solubles (poids d’extractif) nous renseignera sur l'intensité de a destruction de la matière albu- minoïde. On additionne donc cette partie du filtrat de carbonate de soude et on évapore au bain-marie, on traite par l’alcool en excès et on laisse déposer pendant 24 heures. On décante la solution alcoolique, on évapore et on pèse *. 4. Ducraux, Chimie biologique, p.758. 2. Dupuy, Cours de pharmacie, t. TI, p. 631. 3. Il faudra déduire de ce poids d’extractif le poids dos sels minéraux et d' asparagine contenu dans le liquide de Frankel. 872 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. La leucine et la tyrosine seront facilement décelées au microscope. Le précipité est repris par l’eau qui dissout les protéoses et les albuminoïdes solubles. On porte à l’ébullition, puis on filtre, on a Le poids de ce dernier corps. Les protéoses en solution sont évaporées, séchées et pesées, Pour en séparer les peptones, on précipite par le sulfate d’ammoniaque et on dialyse. B) Le résidu solide de la culture filtrée est séché et épuisé pendant 12 heures par l’éther bouillant pour obtenir les graisses. On traite ensuite ce résidu par l’eau distillée bouillante, la liqueur abtenue est filtrée, évaporée. Ce dernier produit séché et pesé est considéré comme de la gélatine. On sait que d’après les recherches de Selmi, de Gautier, qu'il existe dans la putréfaction, des bases toxiques, ayant les caractères des alcaloïdes, ce sont les ptomaïnes. Il faudra dont chercher quelles seront les bactéries suscepti- bles d'en produire dans les cultures. Nous nous sommes servis pour caractériser ces corps des procédés décrits par les auteurs et modifiés par Ogier. Nous verrons dans le cours de ce travail que les microbes qui digèrent la fibrine sont nombreux ; nous avons cherché pour chacun d’eux leur diastase, pour les comparer entre elles. Pour cette recherche, nous avons, de prime abord, rejeté toutes les méthodes basées exclusivement sur l’action de l’alcool, qui donnent en général un mauvais rendement. Nous nous sommes servis du procédé de Cohnheimet de Wroblesky. La cul- ture filtrée, acidulée par l’acide phosphorique, est traitée par le sucrate de chaux. Ie précipité entraîne la diastase qui est reprise par l’eau. On met ce liquide à l'étuve à 50° avec un cristal de thymol. C’est un procédé couramment employé. Daus certains cas il semble qu’il y ait adhérence de la diastase aux corps microbien. Il faut alors ajouter une substance facilitant l’osmose comme la glycérine. On peut alors se rendre compte que le ren- dement en diastase est bien supérieur. Nous avons pensé qu'il était nécessaire de faire des recher- ches avec une substance analogue, la caséine du lait. Nous avons d’abord pris du lait de vache, ordinaire, stérilisé à 1200. Pour le dosage du lactose, des acides fixes, des acides volatiles, nous n'avons rien fait d'autre que ce qui a été dit pré- PUTRÉFACTION DE LA VIANDE DE BOUCHERIE. 873 cédemimnent. Les matières protéiques sont analysées comme nous l’avons vu, après séparation de la caséine par l'acide acétique. Mais le lait est une substance complexe ; nous avons cherché un autre milieu ne contenant surtout que de la caséine. Le plasmon nous a paru remplir ces conditions. On sait en effet qu'il contient 77 0/0 de caséine, 1,3 seulement de corps gras, 2,8 de lactose et 6,2 desels minéraux. De plus, il se dissout facilement dans l’eau et sa réaction est alcaline. C’est donc un milieu de choix. À ACTION SUR LES DÉRIVÉS DES SUBSTANCES PROTÉIQUES, — 1° Peptones. — On peul pendre comme milieux d’expérience des liquides simples, contenant des peptones commerciales qui, comme on le sait, sont des mélanges complexes. Si elles sont alealines, il fau- dra loujours avoir soin d’en faire l'analyse et d'en doser l’am- moniaque dans des tubes témoins, préparés en même temps, et avec la même peptone. 2° Créaline. — Ce corps existe dans la viande fraîche, il faudra donc faire des milieux contenant cette substance. Nous nous sommes $ervis de créatine pure coramerciale. 3° Urée, Acide urique. — Nous avons d’abord pris de l’urine dun adulte normal, stérilisée, qui était ensuite ensemencée, mise à l’étuve et analysée. Il ne faut pas oublier, ainsi que l’a indi- qué Miquel, que du faitde la stérilisation, une partie de l’urée-se transforme en carbonate d'ammoniaque. Il faut toujours avoir un tube témoin dans lequel on dose l'azote avant et après l’ébulli- tion on sait de cette façon la quantité véritable d’urée que con- tient l'urine en expérience. Lorsque l'attaque de celte substance est faible, il est préférable de faire un dosage alcalimétrique dans le tube témoin et dans le tube ensemencé. Nous avons employé également l’urée commerciale, mais c’est un produit très impur. Nous avons eu soin de chercher tou- jours, avant de nous en servir, la quantité exacte d’urée qu’elle pouvait contenir. Tels sont, en résumé, les procédés de dosage que nous avons employés. Ils sont évidemment imparfaits, mais on ne connaît pas assez la constitution de la molécule albuminoïde, pour avoir des résultats plus précis. La plupart sont approximatifs, mais ils suffisent pour nous renseigner sur les grandes lignes et sur la marche générale de la putréfaction. 874 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. DESCRIPTION DES MICROORGANISMES AÉROBIES FACULTATIFS. Les espèces que nous avons isolées sont au nombre de 13. La plupart sont connues et nous nous bornerons à préciser leur action chimique. Quelques-unes ne nous semblent pas avoir été décrites; nous en donnerons une description plus complète. Micrococcus flavus liquefaciens (Flugge). — C'est une espèce fréquente dans les poussières de l'air. Dans les putréfactions elle est assez rare, elle apparaît surtout au début et disparaît par la suite au bout F 8 à 15 jours. Ses caractères morphologiques sont connus : nous n'avons pas à les décrire. Elle possède les propriétés chimiques suivantes : c’est un ferment actifdes divers sucres, glucose, lactose, etc... aux dépens desquels elle produit des acides gras et en particulier de l'acide lactique. Le lait est en effet rapidement coagulé, les milieux glu- cosés sont acides au bout de 24 heures. Son action sur les substances protéiques est peu considérable. Sur ces mêmes substances hydratées, elle donne du carbo- nate d’ammoniaque et de l’ammoniaque. Son rôle dans les putréfactions a donc son een C'est, comme nous le verrons plus loin, un rôle préparatoire. Diplococcus griseus non liquefaciens (espèce nouvelle). — Ce diplocoque est plus fréquent dans les viandes altérées. On peut le trouver, dans toutes les périodes de la putréfaction, au bout de 24 heures comme au bout de trois mois. A l'examen direct, il se présente sous la forme d’un gros diplocoque isolé ou en amas, formant aussi de courtes chaînes de 4 à 5 éléments. Dans les milieux liquides, on trouve surtout des diplocoques; mais sur les milieux solides, il devient très polymorphe. Dans les cultures un peu vieilles, à côté de coccus réguliers, disposés par paires, il n’est pas rare de trouver des formes allongées, et même des bacilles à extrémités renflées formant des massues. On peutwvoir, par exemple, des chaînettes dont les grains médians sont arrondis et terminés par ces for- mes bacillaires. Il se colore bien par les méthodes A et garde la colo- ration par la méthode de Gram. Les formes allongées ne pren- NT DD LA ds En ‘ti dt dot 7 PE UT WEP A éd dé ic ti Led tenéat lt dédie Gi pi pi née he LS Pr PAIN TT CT ; , ; PUTRÉFACTION DE LA VIANDE DE BOUCHERIE. 879 ment la coulear que par places, comme des formes d’involution. Il pousse à 22° comme à 37°. Il est tué par l’ébullition. Sa vitalité est assez considérable, on peut le réensemencer de cul- tures datant de plus de 3 semaines. Sur gélose ordinaire à 31°, après 24 heures d’étuve, on voit € petits points gris blanchâtres qui s’accroissent lentement ; 8 heures après, ces colonies deviennent plus nettes. Elles sont . régulières, à bords nets, d’une teinte gris bleu et transparentes. Le centre s’éclaircit, les bords deviennent plus épais. En vieillissant, elles deviennent granuleuses, piquetées de points blancs et les bords sont diffus. L’eau d’exsudation de la gélose est trouble, il s'y forme un dépôt pulvérulent. Sur le même milieu sucré, le développement est plus rapide, les colo- nies plus épaisses. Inoculée en gélatine, en piqüre, cette espèce pousse dans les 24 heures, donnant des masses arrondies, fines, le long du canal d’inoculation. Le milieu n’est pas liquéfié. Ou n'obtient pas de culture apparente sur pomme de terre. Dans la gélose sucrée profonde, le développement se fait dans toute la hauteur du tube, en formant des colonies lenticu- laires régulières. Il ne se forme pas de gaz. Le bouillon ordi- naire devient trouble au bout de 24 heures, 1l s’y forme peu à peu un dépôt blanchâtre pulvérulent. La culture est plus abon- dante en bouillon sucré. Le lait n’est pas coagulé, même après un mois d’étuve. L’urine ensemencée se trouble également assez rapidement, il sy forme un dépôt. Les milieux contenant de la fibrine, de la viande se comportent comme le bouillon. On ne remarque aucune attaque apparente des albumines. L'analyse chimique de ces divers milieux montre que ce diplocoque agit sur certains sucres comme le glucose, avec lequel il donne des acides gras, mais il ne dédouble pasle lactose. Cette action s'arrête quand l’acide atteint environ 4 0/00 en SO'H. Il ne possède aucune action sur les substances protéiques naturelles, il ne les modifie que lorsqu’ellesont subi une première hydratation. Ainsi il attaque fortement les protéoses en donnant de l’indol, du carbonate d’ammoniaque et de l’ammoniaque. Gette action ne se produit que dans des milieux à réaction alca- hne neutre ou faiblement acide. 876 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Dans les milieux mixtes, peptonisés et sucrés, les deux substances sont attaquées. La production d’acide est plus rapide que la production d'ammoniaque et la culture s'arrête quand la réaction atteint le chiffre indiqué. Tout dépend de la quantité de glucose primitive. La culture continuera et deviendra alcaline avec 10 grammes au plus de sucre p. 1000. On obtient le même résultat avec des doses supérieures en ajoutant du carbonate de chaux. Ce diplocoque attaque aussi les dérivés ultimes des albumi- noïdes. Il transforme l’urée en ammoniaque. De l'urine conte- nant 17,37 d’urée n’en contient plus que 14,50 au bout de 8 jours de culture. Dans un milieu mixte contenant à la fois urée et glucose, la fermentation des deux corps est aussi simul- tanée; la production d’ammoniaque est plus grande qu'avec la peptone et plus rapide. Streptocoque pyogène. — Nous avons isolé également un streptocoque ayant tous les caractères morphologiques du pyogène ordinaire, mais de virulence faible, puisqu'il tue la souris en 8 jours à la dose de 1/2 c. ce. d’une culture en bouillon de 24 heures. Ses caractères chimiques rappellent ceux de cette espèce. Les sucres, et particulièrement le glucose, sont rapidement attaqués, avec production d'acides gras et surtout d’acide lactique, L’acidité produite dépasse toujours celle produite par le B. coli dans des milieux identiques. Aucune action sur les substances protéiques naturelles, mais en revanche, attaque rapide de ces mêmes substances pepto- nisées. Avec les protéoses, il produit de l’ammoniaque, mais jamais d’indol. Sur l’urée, il ne forme que de très petites quan- tités de carbonate d’ammoniaque. Staphylocoque pyogène blanc. — Nous avons, par contre, trouvé une race de staphylocoque qui présente des particularités plus intéressantes. Au point de vue morphologique, elle ne se différencie de la description classique que par des colonies plus fines, d’une coloration gris blanc. Le lait est coagulé d’une facon assez spéciale. Après 24 heures d’étuve, il se sépare en 3 couches. Une superficielle, crémeuse, est formée de gouttes huileuses, PUTRÉFACTION DE LA VIANDE DE BOUCHERIE. 877 une médiane transparente roussätre et une couche profonde constituée de fins grumeaux de easéine. Il pousse sur pomme de terre et liquéfie la gélatine. Au point de vue chimique, il attaque vivement les hexoses en donnant de l'acide lactique, des traces d’acide acétique et valérianique. Il agit aussi sur le lactose qu’il dédouble en donnant, surtout, de l'acide lactique. Les graisses sont émul- sionnées et saponifiées dans les milieux contenant de la viande. Il transforme les substances protéiques eu secrétant une diastase. Si on ensemence en effet cette espèce sur un milieu contenant de la fibrine dans du liquide d'Utschinsky-Frankel, nous voyons le milieu se troubler, dégager une odeur désa- gréable, et la fibrine est désagrégée. A l’analyse, on voit qu'il s’est produit des traces d’indol et d'hydrogène sulfuré, des pro- téoses, des acides gras et aromatiques, acétique, butyrique, valérianique, des amines, de la leucine et de la tyrosine, mais pas de phénols. Cette transformation n’a pu se faire que sous l'influence d’une diastase. Pour l’isoler, on se sert du procédé de Conheim. Le liquide obtenu, mis à 50° en présence de fibrine stérilisée avec un cristal de thymol, transforme nettement la matière albuminoïde. En faisant varier la réaction du milieu, on voit que l'attaque, faible en présence d’une trace d'acide, devient nette quand la réaction est alcaline. C’est done une diastase trypsique. Klle agit de même façon sur la caséine et la gélatine. Nous devons dire, cependant, qu'elle est moins énergique que la diastase de certains anaérobies, comme le B. putrificus, par exemple. La quantité de peptones pro- duites dans le même temps est bien moindre. Cherchons maintenant ce qui se produira quand ce staphy- locoque, à la fois ferment du sucre et ferment de l’albumine, se trouvera en présence de ces deux substances. Ensemençons un milieu contenant de la fibrine et du sucre dans du liquide d'Utschinsky-Frankel. Tout se passe comme sil y avait sécrétion simultanée de deux diastases. Mais la fermentation de l'hexose produira plus d'acide que l’autre ne produit de base. Peu à peu le milieu de neutre devient acide, jusqu’à ce que la réaction, atteignant un certain chiffre d’acidité, la culture s’errête. Dans cette culture arrètée on trouve, à côté de l’acide 878 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. 0 lactique, acétique, de petites quantités d’indol, des amines, de la leucine, de la tyrosine, etc., indice certain de l'attaque de l’albumine. Reprenons le résidu de fibrine non transformé, traitons-le par l’éther, nous obtenons une couche aqueuse au dessous de la couche éthérée. Cette couche aqueuse contient de la diastase. Il suffira de la diluer, d'ajouter une petite quantité de soude, pour obtenir, avec une fibrine neuve, une nouvelle protéolysation. Dans le lait, nous voyons qu’il se produit une action ana- logue. Après 15 jours d’étuve, le lactose, de 4#,517 0/0, atteint 3,114 0/0. L'extrait sec de 11,2 0/0 est descendu à 9,5, les cen- dres de 0,80 à 0,65. La caséine est en partie peptonisée. On ne trouve pas d'indol ni d'H°S, mais des caséoses, des acides butyrique, lactique, acétique. Il attaque les protéoses en donnant des corps extractifs, de l’ammoniaque et des traces d’indol. Tout ceci ne se produit qu'en milieu neutre, alcalin ou faiblement acide. Avec un mélange de sucre et de peptones, ilse produit les mêmes faits qu'avec le glucose et la fibrine. IL dédouble l’urée. Un liquide contenant 0,10 c. d’urée n’en contient après 8 jours de culture que 0,08 c. de ce corps. Ce staphylocoque est donc un ferment mixte agissant à la fois sur les sucres et sur les substances protéiques naturelles ou transformées, Son rôle est donc important dans la putréfaction. B. coli (variété commune). — Bienstok considérait cette espèce comme possédant, vis-à-vis du B. putrificus, une véri- table force antagoniste paralysant l’action protéolytique de cet anaérobie. Or Malvoz l’a isolé souvent chez le cadavre. De notre côté, dans tous les examens de viande altérée que nous avons faits, nous l’avons toujours trouvé. Ce n’est que dans les périodes ultimes de la putréfaction, qu’il semble disparaitre, Nous n'avons donc rien à signaler du côté morphologique. Les caractères chimiques de cette espèce sont également bien connus. On nous permettra cependant de les bien préciser, car il est utile d’être bien fixé à leur sujet, pour apprécier d’une façon définitive le rôle de ce bacille dans la putréfaction. Nous avons fait, dans ce but, une série d'expériences en ComnE toujours nos variétés avec le coli A. ie nt a RE ru PUTRÉFACTION DE LA VIANDE DE BOUCHERIE. 8179 Comme on le sait, le B. coli est un ferment actif des sucres. Toutes ces fermentations, pour se produire, nécessitent la présence de substances azotées et un milieu alcalin, neutre, ou faiblement acide. Nous avons cherché la dose d’acide nécessaire pour arrêter cette fermentation. Elle est de 1,73 p. 1000 en SO‘H° pour le coli A de l’Institut Pasteur et de 0,56 pour le coli des putréfactions. Son action sur les substances protéiques naturelles est nulle ou presque nulle. L'action sur la caséine signalée par Escherich et Kohler n’est que peu importante. Mais il transforme très vivement ces mêmes substances hydrolysées. Les syntonines et surtout les protéoses sous son influence se décomposent en donnant des phénols, de l’indol, de l’ammoniaque et du carbonate d'ammoniaque. Le milieu doit être également neutre, alcalin ou faiblement acide. Dans les milieux mixtes, peptonisés et sucrés, le B. coli présente des particularités curieuses. Péré à fait à ce sujet une série d'expériences très nettes, dont je ne rappellera que celles qui se rapprochent à la peptone. Il a vu que, en ce qui concerne son action sur le sucre, la nature de l'acide produit dépendait de la nature et de la quantité de la substance azotée. Avec des sels ammoniacaux, on obtient de l’acide lactique gauche; avec 12 grammes de peptones p. 1000, on a de l'acide gauche et de l’acide lactique droit; en augmentant les peptones ; l’acide: droit augmente; avec 40 p. 1000 il n’y a plus d'acide gauche. Pour une autre variété de coli, l'acide produit n’est pas sous l'unique dépendance de la substance azotée, mais aussi dans une certaine mesure, de la nature du sucre mis en expérience. Péré a vu que la bactérie ne touche la peptone que lors- que le sucre a disparu. La présence du sucre garantit la peptone contre la putréfaction. Tant qu'il y aura du sucre, il n’y aura point d’indol. Il y a antagonisme entre ces deux fermentations. « Quand on cherche la raison, dit-il, on sait qu'elle est due non pas à ce que l'indol serait masqué par un phénomène chimique, mais à ce qu'il n’a pas pris naissance, et comme il se produit dans des solutions acides de peptone, même lorsque l'acidité est due à l'acide lactique, on ne peut songer à une 880 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. influence de la réaction acide du liquide. La causalité du phé- nomène semble résider dans une modification imprimée par la matière hydro-carbonée à la nutrition de fa cellule, le microbe, ayant à sa portée du carbone sous une forme qui luiconvient, mé- nages on attaque sur la peptone et n’aboutit pas jusqu’à l’indol. » Cependant l’auteur admet que la présence de matières azo- tées est nécessaire pour la fermentalion des hydrates de carbone. Il faut donc qu'elles soient utilisées d’une façon quelconque et qu'elles, aussi, soient attaquées. D'autre part, si à partir de 40 grammes de peptone, le coli n’est plus ferment lactique, est-il encore ferment du sucre? Pour répondre à ces deux questions, nous avons fait des cul- tures dans des milieux contenant des doses progressives de peptone et de glucose, sans adjonction de carbonate de chaux. Après 8 jours d’étuve, pendant lesquels on notait chaque jour la réaction, on procédait à l'analyse chimique. A ce propos, il ne faut pas oublier qu'il peut exister de l'ammoniaque dans les peptones mises en expérience, et que, par l’action de la magnésie calcinée sur les substances azotées, il peut s'en produire de faibles quantités. Il faut donc toujours avoir soin de faire une analyse identique sur un tube témoin contenant une quantité équivalente de peptone. Voici le résultat de nos analyses. Les chiffres donnés cor- respondent à 1,000 c. e. de liquide. Acidité |Alcalinité Réaction du milieu. en en AzH3 Indol. Sucre SO“ | AzH TER 10 | Toujours alcaline. 1,39 |Présence.| Réaction nette. 10 1.21 Traces, & 1,04 Traces. Acide. Au bout de 0.40 3 jours alcaline. Toujours acide, ‘PUTRÉFACTION DE LA VIANDE DE BOUCHERIE. 881 Ces chiffres nous montrent que pour cette race de coli prove- nant des putréfactions, la fermentation du sucre s’arrête dans un milieu présentant une acidité de 0,46 en SO‘H° ou, ce qui revient au même, quand on UE 15 grammes de élucose à un milieu peptonisé. Si, en outre, on ne trouve pas d’indol tant qu’il reste du sucre, il y a de l’ammoniaque combinée, preuve de l'attaque de la peptone. Prenons maintenant les doses limites de dextrose 10, 15, 25 et ajoutons de la peptone en dose croissante, toujours sans ajouter du carbonate de chaux. FA & Acidité |Alcalinité 8 a Réaction du milieu. en en AzH3 Indol Sucre _ = ESS DS restant. = 5 SO'H? AzH (de) à : 40 20 | Acide. Alcaline au 0,53 |Présence. 0 0 bout de 6 jours. 10 30 | Acide. Aïcaline au 0,62 — (] 0 bout de 6 jours. 10 40 | Acide. Alcaline au 1,04 _ 0 0 bout de 5 jours. 45 | 40 | Acide encore après | 0,16 — 0 Sucre. 1 mois 4/2. 15 80 — 0,46 | — ( — 15 | 110 — 0,46 MATE 0 — | 15 | 160 _ 0,46 RACE Û LA 25 | 920 Toujours acide 4,73 — (] — {coli À). 25 | 30 _ 175 = û _ 95 40 = 4,73 — (8 — Dh) 80 — ST — 0 = RSR eu M eh A PE RS PURE ER RE RE ER RE N.-B. — Les quatre derniers tubes ont été ensemencés avec le coli À des collections de l’Institut Pasteur, a Ainsi, quelles que soient les quantités de peptones, il y a toujours fermentation du sucre. Il y a déviation dans le type habituel de la production d’acide lactique, mais il ÿ a fermenta- tion. D? 882 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. On ne trouve pas d’indol dans les tubes contenant du sucre, mais il en est de même pour les 4 premiers quin'en con- tiennent pourtant plus. Enfin, on trouve encore d’une façon constante de l’ammoniaque en quantité beaucoup plus grande que dans les tubes témoins. Il y a donc attaque de la peptone quelle que soit la quantité de sucre. La présence de l’mdolest-elle seule à l'indiquer? Nous savons que non. De nombreux aérobies disloquent les protéoses sans en produire. Certains anaérobies, comme le putrificus, ete., qui mènent la désagrégation de lalbumine jusqu'aux corps les plus simples, ne donnent ni phénols ni corps azoïques. La production d'indol n'indique qu’un mode d'attaque, un sens spécial imprimé à la dislocation. Il est donc probable que le coli agit vis-à-vis des peptones, en présence du sucre, comme vis-à-vis du sucre en présence des peptones. Il y a déviation dans le mode habituel de fermentation. Nous pouvons donc dire que ces deux attaques se produi- sent ensemble et qu’une acidité variant avec les races les arrête. Cette espèce agit aussi sur les dérivés plus éloignés des corps protéiques ou sur des substances similaires existant dans la viande. La créatine est faiblement attaquée : nous n’avons pas pu savoir la nature des corps de dédoublement. L'urée est transformée en carbonate d’ammoniaque et ammo- niaque. Une urine contenant 17,37 de ce corps n’en contient plus que 158,30 au bout de 8 jours. L’urée est plus facilement décomposable que la peptone et produit, du fait de sa destruction, plus de substances basiques dans un même temps. Un milieu mixte (sucre et urée) devra donc s’acidifier moins vite si l’attaque des deux corps est simul- tanée. C'est ce que nous avons vu. En ajoutant à 15 p. 1,000 de sucre, 50 p. 1,000 d’urée, le milieu reste alcalin. On ne peut dire cependant que les acides se soient combinés au fur et à mesure de leur production avec l’urée, car pour neutraliser une culture témoin faite avec la mème dose de sucre, il fallait une dose 50 fois plus forte. Nous savons également que le B. coli attaque aussi lammo- niaque quand ilne lui reste plus d’autres substances assimilables, C’est aussi un dénitrifiant énergique. - PUTRÉFACTION DE LA VIANDE DE BOUCHERIE. 883 .. D'après tout ce que nous venons de dire, cette espèce peut jouer un rôle assez important dans la putréfaction. Bacillus filiformis aerobius (espèce nouvelle). -- Ge petit bacille est relativement rare dans les processus putrides, on peut le trouver soit au début, soit au bout de 8 à 15 jours. Il semble ensuite disparaître. C’est un bacille mince, extrèmement grêle, rigide, donnant parfois des filaments dans les vieilles cultures. Dans les milieux solides ou liquides, il conserve sa forme -bacillaire. Il se colore bien par les colorants basiques ordinaires et par la méthode de Gram. Il est immobile et ne donne pas de spores. Il est tué à 60°. Sa vitalité est assez considérable, On le réensemence facile- ment au bout d’un mois. C'est une espèce facultative poussant à 22° et à 37°. Sur gélose ordinaire, le développement est lent. Les colonies après 24 heures sont semblables à une fine poussière, 2 jours après elles sont plus apparentes. Les bords en sont nets, régulièrement arrondis, la surface à peine saillante, le centre acuminé, la coloration grisâtre. Peu à peu, le centre s’épaissit et devient plus opaque. Sur gélose sucrée, le développement n’est guère plus abondant. En piqüre sur gélatine, il se produit le long de l’ensemen- cement une strie grise qui peu à peu brunit. Il n’y a pas de liquéfaction. | Il ne pousse pas sur pomme de terre. Dans la gélose sucrée profonde, les colonies sont régulières, lenticulaires, disséminées dans toute la hauteur du tube, sans production de gaz. Il trouble le bouillon ordinaire et le bouillon sucré. Après 3 à À jours d’étuve, le milieu s’éclaireit et 1l se dépose une masse visqueuse. Dans l'urine, la culture se fait de façon identique. Le lait n’est pas coagulé. Dans les milieux contenant de la viande ou de la fibrine, il n'y a pas de transformation appréciable. L'analyse chimique de ces divers milieux nous montre que ce bacille attaque faiblement le glucose. Ce n’est qu'au bout de # 884 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. 8 jours que le bouillon sucré présente une légère réaction acide. Il n’attaque pas le lactose. Il en est de même pour les substances protéiques naturelles. Il agit sur les protéoses en donnant de l’ammoniaque, mais jamais d'indol. E Il décompose l’urée comme le diplococcus griseus non lique- faciens. Ce n’est donc qu'une espèce tout à fait accessoire. Proteus. — Nous avons vu dans l'historique que le proteus vulgaris fut longtemps considéré comme l'espèce principale de la putréfaction. Feltz, cependant, ne put jamais obtenir dans des cultures sur de la viande de l’indol, quoiqu'il y eût produc- tion de gaz putride; il en conelut que ce bacille n’avait d'action véritable que sur Les albuminoïdes peptonisés. Nos résultats sont un peu différents. Nous avons isolé deux sortes de proteus, le vulgaris et le Zenckeri. (a) Proteus vulgaris. — Nous ne donnerons pas les caractères morphologiques : ils existent dans tous les traités de bactério- logie. Nous insisterons sur les caractères chimiques. Tout d’abord, nous avons vu, ainsi que l’indiquait Liborius, qu'il n’attaque pas le lactose. En ce qui concerne le glucose, la lévulose, la maltose, la saccharose, Gaillard indique qu'il pro- duit de l'acide acétique. La race que nous avons isolée n’a sur les hexoses, en particulier, qu'une action insignifiante et n’aci- difie jamais nettement les milieux qui en contiennent. Dans les milieux faits avec de la viande, on note une émulsion et une saponification des matières grasses. Il décompose, par contre, les substances protéiques en st- crétant une diastase du genre trypsine. Si nous ensemençons cette espèce sur des milieux contenant dans de la fibrine, dans du liquide d’'Utschinsky-Fränkel, on voit au bout de 24 heures le liquide devenir trouble et dégager, 2 jours après, des gaz fétides. La fibrine est attaquée. Au bout de 15 jours, cette attaque semble se ralentir et s'arrêter. L'analyse montre la présence d'indol, de H'S, de phénol, d’amines, leucine, acides acétique, formique, butyrique, valérianique. On trouve 0,1597 p. 100 de protéoses. Il y a donc eu attaque. On peut isoler PUTRÉFACTION DE LA VIANDE DE BOUCHERIE. 885 de cette liqueur une diastase agissant surtout en milieu alcalin, neutre ou légèrement acide, mais bien moins active que celle des anaérobies que nous étudierons par la suite, L'attaque de la caséine ne se fait notamment qu'après l’action d’une présure. Le lait ensemencé devient visqueux et dégage une odeur désagréable. Au bout de 6 jours, il se dispose en 3 couches. La crème surnage, les grumeaux de caséine se déposent, et au milieu, on voit un sérum brunäâtre. La réaction est toujours alcaline et le lactose intact. A l’analyse, on trouve 0,24 p. 100 de caséoses, de lindol, H?S, des phénols, de la leucine et de la tyrosine. Ce n’est donc pas à l’acide qu’est due la précipitation de la caséine, mais bien à une présure. Cette race de proteus transforme Re prdonient les protéoses en formant les mêmes corps que dans les ballons contenant de la fibrine. Cette action est gènée par les acides, elle est arrêtée avec 0,65 p. 1,000 de SO‘H?, comme l’avail bien vu Feltz. Sous son influence, l’urée se dédouble activement. Une urine contenant 19 grammes d’urée ne possède après 3 semaines d’étuve que 6 gr. 40 de ce corps. Dans les milieux mixtes, glucose et peptone, glucose et urée, son action n’est nullement gènée par la présence de l'hexose qu’il n’attaque pour ainsi de pas. b) Proteus Zenckeri. — Cette espèce est fréquente dans les putréfactions. Elle est surtout aérobie. Elle n’agit nullement sur les sucres, glucose, lactose, etc. Elle n’attaque pas les substances protéiques naturelles et ne sécrète pas de diastases. Elle produit avec les protéoses du carbonate d’ammoniaque et de l’ammoniaque, mais jamais d’indol. ANAÉROBIES Diplococcus magrus anaerobius (espèce nouvelle). — Ce diplo- coque à été isolé dans le cours d’une putréfaction. Il est difficile de le distinguer, dans la viande, des autres cocci. Il se présente dans le bouillon sous la forme d’un gros coceus isolé ou disposé le plus souvent par paires; dans ce dernier cas, les grains sont opposés par une face aplatie. On voit aussi, disséminés dans la préparation, des amas ou de courtes chainettes. Dans les cultures 886 | ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. vieilles, il n’est pas rare de noter des grains déformés, vésicu- leux, pyriformes, ete. ILse colore bien par les colorants ordinaires et par la méthode de Gram. C’est un anaérobie strict, poussant à 22° et à 37°. Ilest tué par l’ébullition. Sa vitalité est assez considérable, on peut le réensemencer de cultures de 3 semaines. Dans la gélose sucrée profonde, au bout de 24 heures à.37, on voit de fines colonies s’arrêtant à 2 c.c. de la surface. Quand ces colonies sont bien séparées et bien développées, c’est-à-dire au bout de # à 5 jours, elles atteignent parfois un diamètre de | à 2 millimètres. Vues à la loupe, elles semblent formées de cercles concentriques. Le centre est épais, blane, les zônes suc- -cessives sont de plus en plus claires, les bords finement découpés, la surface granuleuse. Il ne se forme pas de gaz. Dans la gélatine, les colonies apparaissent très lentement dans le fond du tube. Elles sont plus granuleuses et comme:flo- conneuses. Le lait n’est pas modifié. Le bouillon privé d'air, sueré ou non, se trouble peu à peu; au bout de # à 5 jours, il devient clair et laisse déposer une masse visqueuse. L’urine se trouble au bout de 3 à 4 jours. Les milieux contenant de la fibrine ne présentent aucune modification appréciable. L'analyse de ces divers milieux nous montre que ce diplo- coque n’a aucune action sur les sucres : glucose, lactose, etc. Les milieux qui en contiennent restent toujours alcalins. I en est de même pour les substances protéiques naturelles. Il attaque par contre les protéoses en donnant du carbonate d'ammonia-- que et de l’ammoniaque, mais jamais d’indol. Dans les milieux mixtes, cette action est la même. IL dédouble l’urée en carbonate d'ammoniaque. Une urine ayant 174,93 de ce corps n'en possède plus au bout de 8 jours que 446',50. Nous devons signaler en terminant que ce microorganisme semble particulièrement favorisant pour Le perfringens. Gette dernière bactérie, qui meurt si rapidement dans les milieux sucrés, peut vivre dans ces mêmes conditions 15 jours à ch PURE 4 PUTRÉFACTION DE LA VIANDE DE BOUCHERIE, 887 3 semaines. Gette particularité semble due à l’alcalinité du milieu constamment maintenue par le diplocoque. Bacillus gracilis putidus (espèce nouvelle). — C’est un bacille fréquent danses putréfactions, on l'isole facilement vers la fin de la première semaine. Il est petit, grèle, rigide, beaucoup plus mince que le putrificus de Bienstock. Dans les milieux liquides, on le trouve isolé ou disposé en courtes chainettes de 4 à 5 éléments. Dans les cultures âgées, il donne des formes plus longues. IL se colore par les colorants basiques, mais: il est décoloré par la méthode Gran. Sa vitalité n’est pas considérable, 0 peut encore le réense- mencer de cultures de 15 jours. Il est immobile, ne donne pas de spores et'est tué à 1009. C’est un anaérobie strict. Il pousse en gélose sucrée profonde jusqu'à 2° de la péri- phérie. Les colonies ne sont nettes qu'au bout de 48 heures, Elles sont lenticulaires, assez régulières tout d’abord, puis. bos- selées, marronnées, de coloration gris blanc. Elles atteignent au maximum la grosseur d’une tête d'épingle. ILne donne jamais de gaz. Le développement se fait aussi bien dans la gélose ordiaaire profonde, toutefois les colonnes sont plus irrégulières, hérissées de piquants. Il ne liquéfie pas la gélatine, ses colonies y sont semblables à celles dela gélose ordinaire. Le bouillon, sucré ou non, se trouble ; au bout de 48 heures, il se forme un dépôt pulverulent. Le lait n’est pas modifié, même après un séjour prolongé à l’étuve. Ce bacille pousse assez bien dans l'urine. Toutes ses cultures dégagentune odeur putride très marquée. Quand.elles contiennent de la fibrine ou de la viande, on: peut voir que les particules solides sontgonflées, désagrégées et pren- nent une teinte jaunàlre. Le dégagement de gaz est abondant IL n’attaque pas les sucres, ni le glucose, ni le lactose, etc. Les milieux qui en contiennent restent alcalins, on y retrouve le sucre intact. 888 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Il sécrète une lipase, car dans les milieux contenant de la viande de boucherie, on note une saponification et une émulsion des graisses. Il transforme nettement les albuminoïdes, Les cultures conte- nant de la fibrine donnent des protéoses, des amines, des acides acélique, butyrique, valérianique, une faible quantité d’'H?S, pas de phénol ni d’indol. On peut en isoler une diastase du genre trypsine dont l’activité est peu considérable. Nous avons vu que cette espèce agit peu sur la caséine et la gélatine, elle agit mieux sur la fibrine. L’explicatien de ce fait se trouve probablement dans la peu d’activité de cette diastase. Ce bacille transforme les protéoses qu’il a formées en don- nant de l’acide acétique, butyrique, de l’ammoniaque et de l’'H°S. Son attaque de l’urée est assez importante, il l’abaisse dans l'urine de 17 gr. 93 à 13 gr. 87 après 8 jours d’étuve. Nous ne pensons pas que l’on ait donné une description de cette espèce. Elle diffère du putrificus par son immobilité, l'absence des spores, la décoloration par le Gram, sa petitesse et les caractères de ses cultures. Le bacillus fragilis de Veillon s’en rapproche plus. Mais cette dernière espèce est plus grosse, se colore beaucoup plus mal et est bien moins vivace. Bacillus putrificus coli (Bienstock).— Nous avons vu au début de ce travail comment Bienstock avait été amené à considérer ce bacille comme un anaérobie. | Dans l'intervalle de son mémoire de 1884 et de celui de 1899, d’autres auteurs avaient décrit cette espèce qui, somme toute, est très répandue. Tavel' l'avait rencontré dans une péritonite et la description qu’il en donne est excellente. L’un de nous :, en 1900, postérieurement par conséquent au dernier travail de Bienstock, l'avait signalé dans le méconium. Depuis, Rodella, reprenant l’étude des selles des nouveau-nés. a décrit 3 bacilles qu'il différencie du Putrificus par leur action sur le lait, sur la gélatine, leurs caractères de culture. Nous allons voir que ces bacilles, sauf cependant le bacille I, qui est pathogène, doivent être considérés comme des variétés de ce putrificus. Cette bactérie peut en effet se présenter sous des aspects un 1. Taver, Ueber Pseudotetanusbac. Centralbl. f. Bakt. Bd. 93, ne 13, p. 538. 2. Tissrer, Recherches sur la Flore intestinale du nourrisson. FI TN NET PUTRÉFACTION DE LA VIANDE DE BOUCHERIE. 889 peu différents qu’il est important de bien définir. Nous en don- nerons une description un peu détaillée. C’est un bâtonnet de 5 à 6 &# de long sur 0,8 & de large, rigide, à extrémités arrondies. Dans les milieux pauvres en albumine, comme des viandes altérées de 4 à 5 mois, e méconium, le bouillon ordinaire, les cultures vieilles en gélose ordinaire profonde ou en surface, ilest plus flexueux, comme plissé et filamenteux. [l donne des spores terminales ovales, appendues à l'extrémité du bâtonnet, ce qui lui donne un peu l’aspect du bacille de Nicolaïer. Il est mobile dans les cultures jeunes en milieu liquide. Sa mobilité se ralentit un peu quand il donne des spores. Il se colore bien par les colo- rants ordinaires et la méthode de Gram. Sa vitalité est considé- rable, grâce à ces spores qui peuvent supporter une ébullition de 1 à 2 minutes. C’est un anaérobie strict qui pousse à 22° et à 37°. Dans la gélose glucosée profonde, il donne au bout de 24 heu- res de très fines colonies qui ne deviennent nettes qu’au bout de 48 heures. Elles sont d’abord marronnées, bosselées, irrégu- lières, puis apparaissent, soit sur un point ou sur toute leur sur- face, de fins prolongements. En se développant, la colonie devient floconneuse ; à la loupe, elle paraît formée d’un noyau central opaque entouré de fines et élégantes arborisations. Il se produit alors des gaz disloquant le milieu qui dégage une forte odeur putride. | Dans la gélose ordinaire, le développement est plus lent. Les colonies sont plus éloignées de la surface, ce qui tient à ce que le milieu ne contient pas de subtances réductrices. Dans la gélatine, les colonies sont chevelues. Le milieu se ramollit lentement. Il est liquéfié au bout de 5 à 6 jours. Sur de la gélose ordinaire, maintenue à l'abri de l’air, les colonies sont fines, bleutées, transparentes. Le bouillon ordinaire ou sucré se trouble au bout de 24 heu- res. Le dépôt qui s’y forme est fin, granuleux. Il dégage une odeur fétide. Le lait ensemencé dans les mêmes conditions d’anaérobiose prend au bout de # à 5 jours une teinte rosée ou mieux jaune ocre. Il devient petit à petit transparent. La couche superficielle crémeuse laisse voir de fins grumeaux de caséine qui ne tardent 890 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. pas à se déposer au fond du vase. Le sérum est jaune vert clair Progressivement, la caséine disparait:complètement. L’urine se trouble comme le bouillon, mais d'une façon moins nette. | Les milieux contenant de la fibrine ou de la viande, sucrés ou non, se troublent, dégagent des gaz à odeur fétide. Les par- ticules. solides se gonflent et disparaissent, laissant un résidu noiratre pulvérulent. Telle est la description de la variété la plus fréquente, mais il n’est pas rare de trouver des races moins actives. Certaines n’agissent que très peu sur le lait, ne font que ramollir la géla- tineau bout d’un temps plus ou moins long, attaquent faiblement la fibrine. C’est le cas des variétés provenant de milieux pau- vresen albumine, de putréfactions anciennes, de vieilles cultures, du méconium, de l’estomac ou de l'intestin du chien, ete. Ce n’est qu’au moyen d'un examen: attentif des caractères chimi- ques que l’on voit qu’il s’agit bien de la même espèce dont la puissance de la diastase est simplement diminuée. : Ajoutons que cette espèce, comme la bien indiqué Bienstock, n’est pas pathogène pour les animaux de laboratoire. Ses caractères chimiques sont les suivants : Il atiaque la glucose d'une façon insignifiante !. Les milieux: qui en contiennent ne sont jamais nettement acides. Il est sans action sur le lactose. Il sécrète une lipase, car il émulsionne et saponifie les grais- ses dans les milieux faits avec de la viande. Il transforme rapidement les substances protéiques naturel- les. Dans l'attaque de la fibrine on trouve, comme l'ont dit MM. Bienstock et Wallach, de l'FS, mais jamais de phénols et d'indol, des protéoses dont la quantité diminue avee l’âge de la culture, des amines, de la leucine, tyrosine, de l’ammonia- que, des acides acétique, butyrique, valérianique;, paraoxy- phénlypropionique. Au bout de 3 semaines, sur 30 grammes de fibrine, on ne trouve que 0,02 0/0 d’albumine insoluble; 0,1285 0/0 de protéoses et 0,70 0/0 d’extractif. 1. Au moment de mettre sous presse, nous avons eu connaissance du travail de M. Achalme (Annales de l'Institut Pasteur, n° 9, sept. 1902). Pour cet auteur le putrificus attaquerait le maltose, le: glucose, le galactose, au: point: d'arrêter les cultures contenant à la fois de l'albumine ct un de ses sucres. Nous. n'avons pas constaté ce fait dans nos nombreuses-expériences. Cette attaque des sucres nous à paru insignifiante. Nous devons ajouter que ces résultats concordent avec ceux qu'a obtenus Bienstock. L ( F É | PUTRÉFACTION DE LA VIANDE DE BOUCHERIE. 891 On y trouve également de ces bases toxiques. ou. ptamaines ayant tous les caractères desalcaloïdes. Leur quantité est moin- dre, cependant, que dans une viande putréfiée par l’action de toutes les espèces réunies, ce qui prouve que ce bacille n’est pas le seul à les produire. Cette attaque si active des albuminoïdes se fait par l’inter- médiaire d'une.diastase trypsique qu'il est facile d'isoler par le procédé indiqué. Elle se montre très active, digère en. 8: à 15 jours 30 grammes de fibrine. Son action est paralysée par les acides. La dose d’arrêt est de 1.75 0/00 évaluée en SO'‘H®. IL est intéressant de faire l’analyse de cette fibrine digérée sous l’action de cette diastase, pour établir jusqu'à quel point ce ferment désintègre la matière albuminoïde. Il ne se produit aucun dégagement de gaz. On ne trouve pas d’acides gras. ou aromatiques, nide phénols. Les protéoses sont en grande quan- tité. On. peut décéler la présence d’amines, de leucine et. de tyrosine. Néanmoins, le poids d’extractifs est faible. Les autres produits résultent done de l’action du bacille sur les protéoses. Le putrificus agit également sur la caséine. Agit-il direete- ment par sa diastase,, ou après l’action d'une présure qui le pré- cipite en fins grumeaux? Nous ne pouvons rien affirmer, n’ayant pas isolé ce dernier ferment. Ea tout cas la substance albumi- noïde est presque entièrement transformée dans le lait. On y trouve des caséoses et toutes les substances que nous avons indiquées plus haut. En examinant une culture faite avec du plasmon, il ne reste après trois semaines que des traces de substances précipitables par l'acide acétique. Le poids d’extractif — 0,74 0/0 ; les caséoses — 0,44 0/0: Les substances collagènes sont transformées d'une façon aussi rapide. Les dérivés des corps protéiques sont attaqués également, en produisant des acides gras et aromatiques, de la leucine, de la tyrosine, de l'ammoniaque. © Lesdérivésultimes, comme l’urée, sont dédoublés. Une urine contenant 175,93 d'urée n’en contient après 8 jours que 14#",5. Ce bacille est done, comme l’a dit Bienstock, une espèce de la plus grande importance dans la putréfaction. Nous l’avons comparé au bacille tétanique. Les différences morphologiques sont peu importantes, mais au point de vue chimique et surtout biologique, la dissemblanee est grande. Le 892 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. bacille de Nicolaïer sécrète une diastase peu active sur les albu- minoïdes et les protéides, plus sur les subtances collagènes. Il donne en outre de l’indol avec les protéoses. Par contre il donne une toxine redoutable. Pour le putrificus c’est l’inverse, il ne donne pas de toxine, mais la diastase est très puissante. Bacillus perfringens (Frankel, Welch et Nuttal, Veillon et Züber). Ce bacille fut d’abord isolé par Frankel! dans un cas de gangrène gazeuse, puis par Welch et Nuttal chez le cadavre. En 1898, Veillon et Züber purent, au moyen de méthodes nou- velles, le trouver dans les appendicites. Ils en donnèrent une description complète et détaillée. Depuis, Guillemot, Rist, Cottet purent le retrouver dans des su ppurations fétides. C’est une espèce commune. On la rencontre fréquemment dans la putréfaction, surtout au début. Elle semble diminuer à un moment donné, puis disparaître. Ses caractères morphologiques sont connus, nous ne pou- vons les donner ici. Jusqu'ici ses propriétés chimiques n’ont pas été étudiés : nous avons donc pensé qu'il nous était nécessaire de bien les connaître pour déterminer son rôle dans la putréfaction. Ce bacille saccharifie lPamidon, attaque les sucres d'une façon très intense, au point qu'il ne se développe vraiment bien que dans les milieux contenant ces hydrates de carbone. Dans les cultures de 24 heures, glucosées, la réaction est déjà très acide. Cette transformation est tellement mtense et accompagnée d’un tel dégagement de gaz à 37°, que les milieux sont disloqués complètement en 48 heures et que l'acidité pro- duite suffit à arrêter la culture. Ce fait avait déjà été nettement indiqué par Veillon et Züber. Le glucose, le lactose sont dédoublés et brûlés avec production de gaz hydrogène, CO*, susceptibles de faire éclater les ballons fermés, et formation d'acides acétique, butyrique, propionique, lactique. Dans les cul- tures sur viande de boucherie, on peut voir que ce baaille sécrète une diastase émulsionnant et saponifiant les graisses. Il attaque également les substances protéiques, en sécré- 4. Franker, Ueber Gazphlegmonen, Voss, Hamb. u. Leipsig, 1893, VEiLLon Et Zuser, Arch. de Méd. expérim., 1898, p. 539 dite, _, 6 mois et, peut-être mème, plus longtemps: elle peut donc rendre des services des plus importants en cas d'épidémie. Mais, à côté de cet avantage que presque personne ue conteste plus aujourd’hui, la méthode en question — la méthode de M. Haffkine — présente certains inconvénients, assez sérieux pour rendre son application souvent inopportune. Lorsqu'on injecte à un animal des microbes tués, en vue de l'immunisation, que cela soit sous la peau ou dans le péri- toine, il s'écoule toujours un certain temps avant que l’animal acquière un degré d'immunité suflisant pour résister à une infection mortelle. Cette période d’incubation dure de 8 à 12 jours, d’après. la plupart des expérimentateurs; et, pendant tout ce temps, l'animal est à la merci de l'infection, tout comme un animal non vacciné. Ce n’est pas tout. D'après les expériences de MM. Calmette et Salimbeni, un animal qui est vacciné contre la peste par des cultures chauf- 920 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Îtes, se trouve, pendant tout le temps qu’il prépare son immu- nité, en état d’infériorité manifeste vis-à-vis de la peste, par comparaison avec le témoin, non vacciné. Ainsi, ces savants ont vu que les souris qui étaient en voie d’immunisation, succombaient à des doses de microbes pesteux, non mortelles pour les souris normales. Il est donc certain, disent les auteurs, « qu'après les injections de cultures chaut- fées et jusqu’à ce que l’immunité que confèrent celles-ci soit complète, c’est-à-dire pendant 8 à 10 jours après l'injection vaccinale, l’organisme se trouve momentanément sensibilisé à égard d’une infection, même très légère ». Cette sensibilité exagérée de l’ die dans le cas de peste, par exemple, n’a rien % surprenant, si l’on songe que le vaccin lui-même, la lymphe de Haffkine, est toxique, et que son injec- Lion est suivie, chez l’homme, des troubles à la fois généraux et locaux. Déjà quelques heures après l’injeetion, la température monte au-dessus de la normale pour atteindre 389-399 et même 40°-40°,5. Cet état fébrile persiste pendart 15 à 48 heures. L’in- dividu est pris de malaise général, d’abattement, de céphalalgie. Au niveau de linoculation, la région est rouge, tuméfiée et douloureuse; on observe quelquefois la formation d’abcès : souvent, les ganglions correspondants sont engorgés et dou- loureux; dans certains cas, il y a de la tuméfaction douloureuse des bourses. Ce n’est qu'au bout de 3 à 5 jours que tout rentre générale- ment dans l’ordre. : Si peu prononcées que soient les suites de la vaccination, on conçoit qu’en plein foyer d'épidémie ces symptômes qui, en plus, simulent la peste au début, ne peuvent laisser que d’être parfois très inquiétants!, En résumé, la vaccination par les microbes chauffés con- ère une immunité durable; celle-ci ne s'établit pas avant 8 à 12 jours, pendant lesquels la résistance naturelle de l'individu est affaiblie; l'injection est généralement accompagnée de troubles généraux et locaux. 1. Consulter : Les Épidémies de peste en Extrème-Orient, par MM. Simon» et Yersin, Congrès international de Médecine, PariS, 1900. Sous-section coloniale ; — Reports and Papers on bubonic plague, by Bruce Low, London, 1902; — Sur Le traitement de la peste (en russe) Wratch, 1902, par M. KascakapAmorr. pr he don, “déni, LS “és ets et ir ot mu RMOË 4 IMMUNISATION ACTIVE. 921 Pour remédier aux inconvénients de l’irmmunisation par les microbes chauffés, MM. Calmette et Salimbeni ont pensé à employer le mélange de sérum et de microbes. Cette méthode pourra certainement rendre des services, car, tout en mettant le vacciné à l’abri de fächeuses conséquences dues aux cultures chauffées, elle pourra lui assurer une immunité plus stable que ne peut le faire le sérum seul. Des expériences sur des souris faites dans cet ordre d'idées, nous permettent de l’affirmer, mais elles nous ont aussi montré que l’immunité acquise dans ces conditions, tout en étant supérieure à celle conférée par le sérum seul, n’est pas de longue durée; tout au plus siaprès 7 à Ssemaines on peut encore constater l’état réfractaire chez les souris ainsi immunisées, alors que l’immunité peut persister 4, 5, 6 mois quand les bacilles sont injectés seuls. Nous nous sommes alors demandé si, en réduisant la quantité de sérum au strict minimum, on n’arriverait pas à éliminer son action défavorable, tout en utilisant, en partie au moins, ses propriétés spécifiques si précieuses. Nous savons, depuis les expériences de MM. Ebrlich et Mor- genroth, que toute cellule mise en contact avec son anticorps, fixe eelui-ci, et cela à l'exclusion de toute autre substance qui pourrait s’y trouver mélangée. En laissant aux microbes la liberté de prendre la quantité d'anticorps qu'ils peuvent fixer et en enlevant le reste du sérum, nous avons cru pouvoir réaliser de la sorte le minimum du sérum voulu. Ce sont des microbes ainsi préparés que nous avons employés pour immuniser les animaux. Avant de passer à la description de la technique adoptée, nous voudrions ajouter encore quelques mots au sujet de cette action empêchante et paradoxale, au premier abord, du sérum sur la production de l’immunité. S Cette idée, nousl’avons trouvée nettement exprimée dans un travail soigneusement fait de M. Beinarowitsch, paru en 18981. Cet auteur s’est proposé d'étudier la valeur de l’immunité, dans les cas où l’on combine l'effet du sérum antesteux avec les bacilles pesteux vivants ; il est arrivé à cette conclusion que « l'aptitude d’élaborer l’immunité active et la durée de cette 1. Archives des Sciences biologiques, t. NI, fase. 3. 1898. 922 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. dernière sont en raison inverse de la quantité de sérum injecté avant l'inoculation des bacilles ». L'auteur se borna à faire cette constatation si curieuse, sans y insister autrement. Tout récemment, M. R. Pfeiffer et Friedberger', travaillant dans une direction toute différente, ont apporté une preuve indirecte à l’appui de l’action empêchante du sérum. Ils ont injecté à une série d'animaux une dose de vibrions cholériques capable de faire paraître dans leur sérum des anti- corps; à d’autres animaux ils ont injecté les mêmes doses de vibrions, en ajoutant en plus des quantités croissantes de sérum anticholérique. Or, ils ont constaté que, plus ils ajoutaient du sérum spécifique, moins bien ces animaux élaboraient dés anti- corps et, à un certain moment, ils n’en élaboraïient plus du tout, bien que la dose de vibrions injectés fût restée toujours la même. De l’ensemble de ces expériences, 1l ressort donc avec évi- dence que le sérum exerce une influence nuisible au point de vue de la production de l'immunité, et, lorsqu'il se trouve en excès, les microbes injectés en même temps que lui traversent l'organisme sans que l'animal en garde le moindre souvenir. C'est en nous inspirant de cette idée que nous avons cru utile de mettre à profit la découverte dé MM. Ehrlich et Morgen- roth, mentionnée plus haut, et d'employer des microbes avec aussi peu d'anticorps que D Het Voici la technique que nous avons adoptée. Nous nous servons de cultures de 48 heures sur gélose; les microbes ràclés de la surface de celle-ci, sont émulsionnés dans très peu d’eau physiologique. Lorsqu'il s'agit de bacilles pesteux, on commence par chauf- fer l’émulsion au bain-marie à 60° pendant 4 heure, ce qui suffit pour tuer sûrement tous les microbes. L'émulsion, devenue visqueuse, est versée le long des parois dans un vase cylindrique contenant du sérum antipesteux, bien agglutinant Il se forme deux colonnes superposées et bien délimitées : les microbes en haut, le sérum en bas. Les microbes qui occupent la couche inférieure de la colonne et qui baignent dans le sérum, au bout de quelque temps, se réunissent en amas floconneux de plus en 1. Berliner, Klin. Wochenschrift, 1902, ne 95. | IMMUNISATION ACTIVE. 993 plus gros, et finissent par tomber au fond du tube; peu à peu tous les microbes subissent le même sort, de sorte qu’au bout de 12 heures, ils se trouvent tous entassés dans la partie infé- ricure du tube, et le liquide surnageant devient complètement limpide. Ce dernier est décanté; le dépôt microbien est soigneuse- ment lavé à la turbine plusieurs fois dans l’eau physiologique jusqu’à la disparition de dernières traces de sérum. La masse ainsi obtenue est de consistance pâteuse, demi-liquide, blanche, et donne, après addition d’eau physiologique, une émulsion fine et tout à fait homogène. C'est cette masse que nous injectons pour conférer à l'animal limmunité active et que nous désignons sous le nom de vaccin antipesteur. Les vaccins anticholérique et antityphique sont préparés de la même façon, avec cette différence que les corps microbiens sont traités par leurs sérums respectifs avant de subir le chauftage au bain-marie, ce qui leur permet de fixer mieux la substance spécifique du sérum‘; on les soumet ensuite aux lavages à la turbine, et, lorsque tout le sérum est complètement chassé, on lés porte à la température de 56° pendant une heure. Il ne sera pas inutile, peut-être, d'ajouter quelques détails en plus, pour ce qui concerne la pratique de préparation de ces vaccins. Les sérums que nous employons à cet effet doivent être bien agglulinants: cette remarque s'applique notamment au sérum antipesteux qui, malgré un pouvoir préventif et même antitoxique très prononcé, peut n'être que très faiblement agglutinaut ou ne pas l’être du tout. On conçoit que, dans ce cas, les microbes restent en suspension dans le liquide et ne se Li pas aux manipulations nécessaires. Nous préférons pour ‘ela nous servir de sérum non chauffé. Autre détail : les microbes doivent être Re débarrassés du sérum dans lequel ils baignent, et cela pour les raisons que nous avons exposée es plus haut au sujet de l'influence- défavorable du sérum; mais il faut se garder de tomber dans l’autre extrême et de laisser macérer 1 microbes longtemps dans l’eau physiologique, où ils perdraient une partie de la 1. Si nous commençons par chauffer les bacilles pesteux avant de les traiter par leur sérum, c’est simplement par mesure de précaution, pour ne pas avoir à inanipuler-des bacilles vivants. 924 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. substance active. Les lavages des microbes doivent se succéder rapidement, de façon que toute l’opération soit terminée le même jour; il faut, bien entendu, opérer dans des conditions d’asepsie absolue. Lorsqu'on n’est pas sûr de la stérilité des vaccins ainsi préparés, on peut les chauffer de nouveau sans inconvénient à 56° pendant 1/2 à 1 heure. u L Le vaccin antipesteux préparé d’après le procédé indiqué est dépourvu de toute action toxique. | On sait que les cultures de bacilles pesteux conservent leur toxicité même après avoir été tuées par la chaleur; ainsi, la lymphe de Haffkine (culture en bouillon chauffée à 70°) tue les souris à la dose de 1/10 €. c. environ, d’après les données de MM. Wurtz et Bourges!; d’après nos propres expériences, les cultures sur gélose ne sont pas moins toxiques : 1/10-1/15 de culture de 48 heures tue la souris dans les 24 heures avec des phénomènes d'intoxication ; à des doses inférieures à la mortelle, les souris sont manifestement malades. Or, notre vaccin anti- pesteux, même à des doses 20-30 fois supérieures à celle que nous venons d'indiquer, est très bien supportée par les souris; ainsi, nous avons injecté à des souris sous la peau du dos le contenu de 2 tubes de gélose de vaccin antipesteux sans provoquer aucun phénomène morbide, appréciable à l'œil. Il est donc certain qu’à la suite du traitement qu’il a subi, le bacille pesteux a perdu son pouvoir toxique pour l’animal. Étant donnée la non-toxicité du vaccin antipesteux pour les souris, on comprend que l'injection de ce dernier à l’homme ne doit pas être suivie de troubles généraux, comme c’est le cas pour la fymphe de Haffkine. La seule observation que nous possédons à ce sujet est celle que nous avons faite sur nous-même. Au mois de mai 1902, nous nous sommes fait injecter sous la peau du flanc une quantité de vaccin qui est équivalente à deux doses de lymphe de Haffkine *. 1. Archives de médecine expérimentale, 1902, p, 145. 2. A l'Institut Pasteur, au lieu du procédé classique de M. Haffkine, on se sert de cultures sur gélose émulsionnées dans l’eau physiologique; 1 €. c. de cette émulsion correspond à 1 dose de lymphe de Haffkine pour un adulte: la dose que nous nous sommes injectée était égale à 2 c. c. de cette émulsion, dunte. ste dite, ht ÉORE : IMVUNISATION ACTIVE. 925 Quelques heures après, nous avons éprouvé au niveau de linoculation une douleur qui avait à peu près disparu le lende- main; la nuit le sommeil était agité, bien que la température n'ait pas dépassé 370,7. Ce fut tout. Ni le jour de l’inoculation, ni le lendemain, nous n'avons cessé de vaquer à nos occupations ordinaires au laboratoire. Localement, sauf la douleur, à aucun moment, il n’y a eu la moindre trace de tuméfaction, ni de rougeur. Si la bénignité de la réaction générale dans le cas cité doit être attribuée à la non-toxicité du vaccin, l'absence de la réaction locale est due, très probablement, à la présence du fixateur dans les bacilles injectés. Qu'il s'agisse de cellules (hématies, sperma- tozoïdes, ete.), ou de microbes, dès qu'ils sont chargés de la substance fixatrice, ils deviennent presque instantanément la proie des phagocytes, alors que, dans les conditions normales, ces mêmes éléments auraient demandé des heures et des jours pour être complètement phagocytés. Le rôle du fixateur dans les phénomènes de résorption est surtout manifeste lorsqu'on fait simultanément des injections des vaccins et des cultures ordinaires correspondantes. Ainsi, il nous était impossible de faire à un lapin, par exemple, une injection sous-cutanée de vibrions cholériques tués, sans qu’il s'ensuivit une réaction inflammatoire avec for- mation d’abcès suppurants et n'ayant aucune tendance à se fermer. Il en était de même pour les bacilles typhiques morts, injectés sous la peau du cobaye ou du lapin. Or, les mêmes microbes, injectés aux mêmes doses et aux mêmes animaux en un point du corps différent, ne déterminaient jamais la moindre induration, ni abeès, s'ils avaient été préa- lablement chargés de fixateurs. IL nous reste à examiner les deux questions les plus impor- tantes : 1° à quel moment apparaît l’immunité après l'injection des vaccins en question; 2° cette immunité une fois établie, combien de temps peut-elle durer. L Y26 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. J Le moment auquel les animaux vaccinés deviennent réfrac- taires à l'infection, varie selon la nature de celle-ci et, proba- blement, selon l'espèce animale. Dans le cas de la peste, les souris: devenaient réfractaires à l’inoculation du virus à la patte, 48 heures après l'injection du vaccin antipesteux; les vaccins aaticholérique et antityphique conféraient l’immunité aux cobayes déjà après 24 heures. Il était intéressant de savoir comment les souris se compor- taient vis-à-vis du virus pesteux dans les. 48 heures qui précèdent l’apparition de limmunité; à cet effet, après avoir injecté à une série de souris du vaccin anlipesteux, on les a inoculées 6, 12, 24, 36 heures après. Toutes ces souris sont mortes, cela va de soi, mais loujours avec un retard de 3, 4, 8 jours sur le témoin. Ce fait mérite d’être opposé aux expériences, citées plus haut, de MM. Calmette et Salimbeni, d’après lesquelles les souris vac- cinées d’après le procédé Haffkine succombent déjà aux doses qui n'étaient pas mortelles pour les souris témoins. Comme nous l'avons déjà fait remarquer, après l'injection du vaccin anticholérique ou antityphique, l'immunité vis-à-vis des microbes correspondants s'établit encore plus vite que dans le cas de la peste. Déjà dès le lendemain, le cobaye est immunisé contre la dose qui tue le témoin dans les 24 heures. 1. La grande partie de nos expériences sur la peste ont été faites sur des souris blanches ; ces animaux sont très commodes à cause de leur extrême sen- sibilité et de la facilité avec laquelle on les manie, ce qui n’est pas à dédaigner dans les recherches sur la peste. Mais l'inconvénient est qu'il est impossible de doser exactement le virus introduit par piqure, et il arrive souvent que deux souris vaccinées dans des conditions identiques, se comportent différemment à l'inoculation du virus. Sur un total de 120-130 souris nous avons eu 25 0/0-30 0 0 de mortalité, bien que toujours avec une survie de plusieurs jours sur le témoin qui succombaient invariablement dans les 36-40 heures. Dans les expériences de MM. Wurtz et Bourges, faites avec la lymphe de ITaffkine aussi sur les souris blanches, mais dans des conditions un peu différentes des nôtres, la mortalité était de 72 0/0. Cela s’observe du reste aussi lors des essais de sérums antipesteux; des sérums nofoirement actifs ne parviennent quelquefois à sauver qu'une souris sur deux à la dose de 1/4 c. c., alors que le mème sérum, à un autre moment, ou un sérum moins actif, préserve les souris à Ja dose de 1/10 ©. c. F. Toutes nos expériences sur le virus pesteux vivant ont été faites dans le laboratoire aménagé à cet effet à l’Institut Pasteur. À mon ami, le D' Dujardin- Beaumetz, chargé de ce laboratoire, j'exprime ma profonde reconnaissance pour son concours toujours très bienveillant. IMMUNISATION ACTIVE. Ë 927 Le vibrion cholérique qui nous a servi, tuait à la dose de 1/10 de culture sur gélose, en injection intrapéritonéale; le bacille typhique tuait dans les mêmes conditions à la dose de 1/6-1/5 de culture de 24 heures. Or, les deux vaccins — anti-cholérique et anti-typhique — injectés sous la peau à la dose d'une culture environ (l'effet aurait été peut-être le même, si l’on en avait injecté moins), préser- ._vaient sûrement dès Le lendemain contre la dose mortelle injectée dans le péritoine, alors que les cobayes témoins qui, au lieu de vaccins, recevaient dans les mêmes conditions des cultures sim- plement chauffées de choléra ou de b. typhiques, succombaient dans les 24 heures, aussi bien que les cobayes neufs, Contrairement à ce que nous avons observé sur des souris inoculées de peste, les cobayes qui avaient été vaccinés contre le choléra ou le b. typhique, d'après le procédé indiqué, survi- vaient tous à l'inoculation, sans exception, ce qui s'explique très probablement par la facilité avec laquelle on pouvait doser le virus dans ces cas et l’impossibilité de le faire dans le cas de peste chez les souris. Comment expliquer cette apparition précoce de l’immunité dans ces trois maladies ? Deux suppositions sont possibles: on peut admettre que le fixateur véhiculé par les corps microbiens devient libre dans l'organisme et agit dès lors comme agirait un sérum préventif, c’est-à-dire qu'il favoriserait la phagocytose du virus introduit ultérieurement lors de l’inoculation de bacilles vivants ; il assu- rerait de la sorte l’immunité de l'animal le premier temps, pen- dant que celui-ci est occupé à se créer une immunité active. Si cette hypothèse répondait à la réalité, on ne compren- drait pas pourquoi il eût fallu dans le cas de la peste, par exemple, attendre 48 heures pour que le fixateur manifestât son action préventive ; cetle action ne devrait-cile pas, en ce cas, être d’autant plus nette que l’on serait plus près du moment de l'injection du vaccin ? Nous sommes plus enclin à adopter une autre hypothèse, plus conforme aux faits; d'après cette hypothèse, le fixateur n'aurait d’autre fonction que d’exalter et d'activer le travail de \ 928 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. phagocytes (Sawichenko) de façon à leur faire accomplir la besogne intra-cellulaire en moins de temps qu’ils ne le font pour les microbes ordinaires, soit en absence de fixateur; le temps nécessaire pour faire naître l’immunité active se trouve- rait de la sorte notablement abrégé. 11 va sans dire que cette apparition rapide de limmunité active ne doit pas forcément entrainer aussi l'apparition rapide des anticorps chez l'animal vacciné. Quelle est la durée de l’immunité que confèrent nos vaceins ? Il est impossible de donner une formule unique, s'appliquant à tous les cas; la dose de vaccin, sa nature, le point d’inocula- tion, l'espèce animale sont autant de facteurs qui obligent à in- dividualiser les cas. à Ainsi, chez les cobayes vaccinés contre la peste, par la voie sous-cutanée ou Iintra-péritonéale, soit par le procédé de M. Haffkine, soit par le nôtre, il est impossible d'obtenir une immunité dépassant un mois et demi. Après avoir été vaccinés par un de ces procédés, les cobayes résistent généralement à l’inoculation du virus pesteux pendant un mois ; après 6 semaines, la survie est exceptionnelle, et, sous ce rapport, les deux procédés se valent complètement. Il en est autrement chez les souris. En commençant ces recherches, nous n’avions espéré, en chargeant les bacilles du minimum d'anticorps, que pouvoir prolonger l’immunité ua peu au-delà de ce que peut donner le sérum seul. Étant donné l’innocuité des vaccins en question et certains avantagesque ceux-ci présentent sur la lymphe Haffkine, le résultat nous a paru tout à fait satisfaisant quand nous avons vu l’immunité persister encore deux mois après la vaccination. C'est à ce moment-là que nous avons fait notre communica- tion à l’Académie des Sciences, croyant que nous avions touché là presque à la limite de l’immunité possible. Désireux de déter- miner cette limite avec précision, nous avons continué à éprou- ver l’immunité des souris vaccinées depuis plus de deux mois, en en essayant une ou deux tous les 8 jours. À notre grand étonnement, nous finîmes par constater que nous étions bien IMMUNISATION ACTIVE. 929 au-dessous de la vérité en évaluant la durée de l’immunité à 2 mois : des souris vaccinées depuis 4 mois, 5 mois, 5 mois 1/2 ont résisté à l’inoculation du virus pesteux, auquel les souristémoins succombaient, comme d'habitude, en 36-40 heures. Malheureusement, notre provision de souris, ayant élé vac- cinée depuis si longtemps, est actuellement épuisée, de sorte que pour le moment, nous sommes obligé de nous arrêter au chiffre de 5 mois 1/2, comme limite atteinte; peut-être cette limite pourra-t-elle être dépassée; Les expériences ultérieures le mon- treront ; toujours est-il que, déjà dès maintenant, la durée de limmunité obtenue par le vaccin antipesteux, se trouve être aussi solide que celle que lon obtient avec la lymphe de M. Haffkine :. Quant aux vaccins anticholérique et antityphique, la durée maximum de l’immunité que nous avons pu constater était de 5 mois environ, mais il est fort probable que l’immunité persiste au-delà de cette période. Il nous a été impossible de pousser plus loin nos recherches dans cette voie, faute d'animaux vac- cinés. * Tout en cherchant surtout la persistance de limmunité active chez les animaux vaccinés, nous nous sommes également préoccupé de savoir si les animaux injectés avec des vaccins, ne seraient pas capables de fabriquer des anticorps spécifiques. Pour ce qui concerne les vaccins anticholérique et antipes- teux, nous pouvons répondre par l’affirmative ; le sérum des lapins qui ont reçu du vaccin anticholérique à plusieurs reprises se montra nettement agglutinant et préventif; il en est de même pour le vaccin antipesteux *. LE ñ Z Pour terminer, faisons remarquer que les vaccins employés 4. La dernière souris que nous avons inoculée, avait été vaccinée 6 mois et demi auparavant; elle a eu une survie de 5 jours, alors que son témoin est mort en 36 heures. 2, Un cheval immunisé par M. Dujardin-Beaumet{z, sur le conseil de M. Roux, avec du vaccin antipesteux, a fourni, après 5 injections, un sérum qui préser- vait les souris à la dose de 1/4 c. c, et leur donnait une survie de 10 jours à la dose de 1/10 c. c. lorsque 16 heures avant on inoculait le virus pesteux à la patte. 50 930 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. au cours de ces recherches, peuvent conserver pendant long- temps leurs propriétés spécifiques; ainsi, dans une de nos expériences, nous nous sommes adressé à un vaccin antipesteux qui avait été préparé il y a six mois et gardé dans un tube scellé à la température du laboratoire. Il se montra doué des mêmes propriétés que le vaccin fraîchement préparé. Il va sans dire que, lorsqu'on se propose de conserver les vaccins pendant un temps assez long, il faut avoir soin de retirer l’eau physiolo- gique qui sert à les diluer. CONCLUSIONS L'immunisation par le sérum est rapide, inoffensive, mais fugace (8 à 15 jours). Le sérum ajouté aux microbes exerce une action défavo- rable sur [a production de l'immunité active. L'immunité conférée par les corps microbiens seuls, {méthode de M. Haffkine) est de longue durée; elle s'établit au bout de 8 à 12 jours, pendant lesquels la résistance de l'organisme est affai- blie; l'injection est généralement accompagnée de troubles locaux et généraux. L'immunité conférée par les vaccins — antiposieux, anticho- lérique et antityphique — est de longue durée; elle s’étabht tantôt après 24% heures (choléra, b. typhique), tantôt après 48 heures (peste), pendant lesquelles la résistance de l’organisme est renforcée; l'injection ne s'accompagne d'aucun phénomène local, ni général quelque peu appréciable. Les animaux injectés avec ces vaccins élaborent des anti- corps spécifiques. L Les vaccins conservent, en tubes scellés, pendant longtemps, leurs propriétés irmunisañtes. i par a te LÉ ET Ms ET os Le dé 7e dt ls RS GS OS pos 1 ti \ You l Recherches expérimentales sur le charbon symptomatique Par MM. E. LECLAINCHE (9e Tourouse) er I. VALLÉE (n’ALvorr) TROISIÈME MÉMOIRE : Nous avons exposé, dans un précédent travail, des recher- c'es sur l'immunisation contre le charbon symptomatique par les cultures pures, le sérum préventif et l'emploi combiné des cultures e: du sérum. Nous apportons ici, avec de nouvelles expériences, les ‘ésultats de Putilisation pratique des différents procédés de vaccination, Î VACCINATION PAR UNE SEULE INOCULATION D'UN VIRUS PUR ATTÉNUÉ L'étude expérimentale de limmunisation contre le charbon symptomatique nous avaitconduits à formuler cette conclusion : -« L'utilisation des virus purs permettra sans doute de réaliser la vaccination par une seule inoculation; elle paraît devoir constituer une méthode de choix, en raison de sa sécurité et de sa simplicité. » Le procédé répondait en effet aux desidérata des praticiens, qui réclament à la fois une intervention unique et la suppres- sion de toute manipulation pour la préparation des vaccins. L'utilisation de produits purs paraissait une garantie suffi- sante d’innocuité. L'épreuve de ceux-ci, pratiquée sur des bovi- dés entretenus dans les étables du laboratoire, montrait qu'ils réagissent à peine à l’inoculation, sous {a peau de l'épaule, de 2à3c. ce. de culture chauffée à 70, 65 et même à 60°. Éprouvés après 9 jours, par une inoculation intra-musculaire d'un jus virulent qui tuait le témoin en 30 heures, les vaccinés résis- taient parfaitement. Il semblait que l'opération püût être pratiquée en pleine 1, Voyez ces Annales, 1900, pages 202 et 313. 932 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. sécurité dans toutes les conditions. L'application fut tentée sur 39 animaux. Les résultats immédiats ont été mauvais : 4 des vaccinés succombaient au charbon à la suite de l’inocula- tion. Les survivants étaient solidement immunisés ; aucun ne contracta le charbon dans les milieux gravement infectés où ls étaient entretenus. Les détails de cette expérience ont été précisés dans notre mémoire sur les accidents consécutifs aux vaccinations!. Il était acquis désormais qu'une intervention certainement inof- fensive pour des animaux indemnes de contamination anté- rieure est dangereuse pour des sujets exposés à des infections permanentes, dans des régions contaminées. Ua procédé d’immunisation solide, durable et sans danger reslait à trouver. Deux nouvelles solutions s’offraient : 1° Abandonner la vaccination en un seul temps; intervenir à deux reprises, avec des vaccins purs, liquides, d'énergie crois- sante, le premier vaccin étant aussi atténué que possible ; 20 Combiner l'injection de sérum préventif et l’inoculation de vaccin suivant l’un des modes utilisés déjà par l’un de nous pour le rouget du porc. IT VACCINATION EN DEUX TEMPS PAR LES VACCINS LIQUIDES PURS L’extrême sensibilité des bœufs « en état d'infection latente » à l’inoculation virulente expérimentale oblige à employer, pour la première vaccination, un virus très affaibli. D'autre part, il est nécessaire qu’une imprégnation vaccinante soit réalisée ; un vaccin trop faible laisserait l’organisme indifférent, et des acci- dents seraient provoqués par le second vaccin. Nous avons montré antérieurement que les cultures chauf fées à 80° ne produisent aucun accident chez le cobaye, et qu’elles ne confèrent pas l’immunité. L'expérience suivante prouve que le bœuf se comporte de la même façon : Une vache bretonne reçoit, sous la peau de l’encolure, 10 c. c. du dépôt d’une culture sporulée très riche, chauffée à 80° pendant deux heures; la matière inoculée renferme plusieurs 4. Ges Annales, 1902, p. 614. ñ CAR TO Te PR A0 AT TE RE OU PE PS AP ET PR ANNE SN PU TON PE PTE EN CHARBON SYMPTOMATIQUE. 933 dizaines de millions de spores. On ne constate pas trace de réaction. L'animal, éprouvé 15 jours plus tard par une inocu lation virulente, succombe au charbon en 48 heures. Nous utilisons comme jremier vaccin une culture pure chauf- fée à 75° pendant 3 heures, capable de provoquer une très légère réaction chez les inoculés. Le deuxième vaccin est obtenu par un chauffage à 68-70° pendant le même temps. On injecte 1 c. c. de chaque vaccin pour les adultes, et 1/2 c. c. pour les animaux âgés de moins d’un an. Les inocula- tions sont faites, à 8 ou 10 jours d'intervalle, sous la peau, en arrière de l'épaule, au flanc, ou à la queue, à la limite du tiers moyen et du tiers supérieur. Mille et deur animaux ont été vaccinés en diverses régions : SÉNE NT LISE OR EN er A ET At ARE EEE 568 INT ON O TRS EnR A ER NE RAT ET RP ee 182 (BE PANNE SR RE NE RE SR A DE ETS RUE ES TR UE 133 MECS = EMROMÉES MO Er ee er NME EE EN 89 NON N 0 A EE AR LE AE RU PE PES SE 3 Tous les bovidés vaccinés font partie de troupeaux qui per- dent chaque année entre 10 et 20 0/0 de leur effectif. Le plus souvent, la vaccination est pratiquée à la suite d'un cas de mort par charbon, survenu dans un voisinage immé- diat ou dans le troupeau même, par conséquent chez des ani- maux exposés à l'infection et contaminés pour la plupart. : Tous les vaccinés ont résisté ensuite au charbon, tandis que les non-vaccinés succombaient autour d'eux. Les résultats obtenus avec la vaccination unique démontraient d’ailleurs que les cultures pures confèrent une immunité solide. Le principal intérêt de l’expérience réside dans les suites immédiates de l’opération : 7 animaux ont succombé; 1 après la première vaccination ; 6 après la deuxième. Chez certains, les lésions étaient généralisées. Tous les accidents ont été relevés chez des sujets inoculés à la queue; ies vaccinés à l’ épaule n'ont présenté aucun trouble. Cette série d'expériences prouve que les vaccins purs, même très atténués, ne sont pas sûrement inoffensifs. Ils ne se compor- tent pas mieux que les vaccins pulvérulents impurs, et l’on a ainsi la preuve indirecte que les impuretés ne jouent qu’un rôle insignifiant dans la genèse des accidents post-vaccinaux. Eu 934 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR presque tous les cas, ceux-ci relèvent d’une invasion par les germes que recèlent"en permanence les animaux entretenus dans les milieux infectés. If VACCINATION PAR L'EMPLOI COMBINÉ DU SÉRUM ET DU VIRUS a) Vaccination par les mélanges sérum-cirus. — L'un de nous a montré, 1l y a plusieurs années, que le mélange d’un sérum imiunisant contre le rouget dn porc avec une culture viru- lente du bacille, inoculé sous la peau ou dans les veines, ne tue pas les antinaux sensibles et leur confère sans danger une immunité solide et durable. Il a montré ensuite que le mélange du vibrion septique avec un sérum immunisant ne tue pas le cobaye; mais, à l'encontre de ce qui se passe pour le rouget, il ne confère pas d'immunité durable. Nous avons établi d'autre part que le mélange sérum-virus symptomatique ne tue pas le cobaye, mais ne l’immunise pas. Arloing fait une constatation analogue chez le mouton; mais il admet que ce même mélange donne Pinmmunité au bœuf. Peu après, Arloing recommande un procédé de vaccination du bœuf basé sur l'emploi de 2 vaccins pulvérulents, d'énergie différente, inoculés en une mme séance, après mélange avec 1/10 de ce. e. de sérum préventif. Dans sa note à l'Académie des sciences, Arloing rapporte seulement des expériences faites sur le mouton ; l'association du sérum à une très faible quantité du virus atténué serait capable « de modérer les effets immédiats du vaccin, tout en lui laissant ses effets immunisants ». Ce que nous savons de la seusibilité aux vaccins les plus faibles des animaux entretenus dans les milieux infectés fait présager le danger d'une double attaque simultanée avec des vaccins forts, même associés à une dose homéopathique de sérum. On ne saurait d’ailleurs comparer le mélange de poudre et de sérum, préparé au moment de l’emploi, au mélange de sérum et de culture. La petite quantité de sérum inoculé ‘est résorbée avant que la spore ait pu germer, avant même que l'appel phagocytaire se soit effectué, et l'opération revient à inoculer des vaccins pulvérulents forts à un animal traité par 1/10 ou 1/5 dee.c. de sérum, doses manifestement insulfisantes. CHARBON SYMPTOMATIQUE. 955 ‘On ne peut admettre davantage que la sensibilisatrice du sérum ait été fixée en quelques minutes par les spores, enfermées dans des écailles d’albumine cuite. La méthode ne parait donc pas inoffensive « priori, et il est douteux qu'on se hasarde à l’utiliser dans la pratique. L’expé- rience va nous montrer qu’elle est incertaine dans ses résultats, Les expériences faites à Nevers, par Arloing, en septembre 1900, sont déjà démonstratives à cet égard; puisque certains des vaccinés ont succombé à l'épreuve. Nous apportons de nouveaux documents. On autilisé dans ces recherches un sérum très actif, fourni par le cheval, Vacne xx. — Recoit, sous la peau de l'épaule, un mélange de 40 c. e. sérum et 10 gouttes sérosité virulente. Meurt du charbon en 50 heures; _Aésions locales presque nulles; envahissement de tous les muscles. Vacue xx. — Reçoit, sous la peau de l'épaule, un mélange de 2 €. €. sérum avec 10 gouttes sérosité virulente. Aucun trouble consécutif. CoBAyE 400. — Reçoit dans la cuisse 5 €. c. sérum mélangé avec 5 gouttes sérosité virulente. Weurt en 30 heures. Copaye 401. — Inoculé en même temps que le précédent avec 2 ce. ce. sérum et 5 gouttes sérosité. Résiste. Vacne xxv. — Reçoit, sous la peau de l'épaule, un mélange de 2 €. e. sérum avec 40 gouttes sérosité virulente. Meur du charbon en T2 heures ; pas de lésions locales ; tous les muscles altérés. VacHe xxvI. — Reçoit, sous la peau de l'épaule, un mélange de ? c. ec. de sérum avec 6 gouttes de sérosité virulente. Resiste. Les mélanges sérum-virus sont done inconstants dans leurs effets immédiats chez le bœuf. La même variabilité est d’ailleurs constatée chez le cobaye et nous l'avons signalée déjà. D'autre part, les sujets qui résistent au traitement ne sont pas immunisés à coup sûr. La preuve en est fournie par l’expé- rience suivante : Vacxe xxi (voir ci-dessus). À résisté à l'inoculation du mélange 2 e. €. sérum et 10 gouttes sérosité. Vacxe- xxvI (voir ci-dessus). A résisté à l'inoculalion du mélange 2 €. c. sérum et 6 gouttes sérosité. Les deux vaches sont éprouvées, 18 jours après la vaccination, avec une mème dose de virus. La vache xx1 succombe, La vache xxvr résiste, quoique ayant reçu une dose moindre de virus. Il est done acquis que les inoculations du mélange sérum- 936 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. virus sont aussi peu sûres dans leurs effets immédiats qu'incer- taines dans leurs résultats éloignés. La substitution de virus pulvérulents et impurs aux virus liquides purs employés par nous ne peut qu’aggraver les incertitudes et les inconvénients du procédé. La vaccination par le mélange de sérum immunisant et de virus, à la fois dangereuse et infidèle, est totalement à rejeter. b) Vaccination par les inoculations successives de sérum et de virus. — Les premières recherches de Kitt montrent que le mouton acquiert une immunité solide et durable par les inocu- lations successives de sérum et de virus. Arloing confirme cette donnée et démontre que le même résultat est obtenu chez le bœuf. | À priori, la méthode des inoculations successives de sérum et de virus semble devoir éviter les dangers résultant d’une attaque d’emblée par les vaccins, même très atténués. L'un de nous a montré le parti que l’on pouvait en tirer en ce qui con- cerne la vaccination contre le rouget du porc. Nous avons indiqué dans un précédent mémoire’ le méca- nisme habituel des accidents post-vaccinaux dans les milieux infectés et le rôle de l «infection latente antérieure » dans leur genèse. L’injection préalable de sérum aura cet effet de débar- rasser l'organisme des germes qu’il recèle, ou tout au moins d’exalter momentanément sa résistance, et d'assurer l’innocuité de l’inoculation vaccinale. Le bœuf qui reçoit sous la peau 10 c. c. de sérum, puis, 24 heures plus tard, 10 gouttes de sérosité virulente, présente à l'ordinaire une réaction thermique intense (plus de 2°) qui se prolonge pendant 2 à 3 jours; la réaction locale est exprimée par une plaque d’œdème de la largeur de la main; l’état général n’est pas modifié et l'appétit persiste. Les animaux qui réagissent ainsi acquièrent une immunité solide et durable, Ils résistent ensuite à l'inoculation dans le muscle de 1 ce. ce. de sérosité virulente. L'emploi du virus normal pour la vaccination serait dange- reux à coup sûr. Déjà, certains des animaux d'expériences sont très éprouvés et les suites d’une semblable inoculation pourraient être désastreuses dans la pratique. 1, Ces Annales, 1902, p. 614. ! | J CHARBON SYMPTOMATIQUE. : 937 Nos expériences de vaccination ont été pratiquées de la façon suivante, Les bœufs reçoivent une injection de 10 à 20 c. ce. de sérum, suivant leur poids; puis, de 5 à 8 jours plus tard, une inoculation sous-cutanée à l'épaule, au flanc ou à la queue, avec 1 ce. c. d’une culture pure chauffée à 70° pendant 3 heures. Nous avons employé deux sérums dont l’un possédait une acti- vité double de celle de l’autre. Six cent quarante-huit animaux ont été vaccinés en diverses régions : Scine-Inférieure ù ner totes se cran a al as pra re led e fee are eo ea toast lp es lets O1 IN DENT A PT TR RE BUS or Ra NX 313 APT ALORS SRE Te Un RC SEL e ee PTE 88 NORME ER ET DAS D RE me PR Pa Ces ARE Nes de ERA 415 CAM TES RE PAUL RNA M0 Et tion ee US ST 95 Les résultats des opérations sont indiquées ci-après : Animaux Pertes après Pertes Pertes lraités. la vaccination. dans l’année. avant la vaccination Sérum faible. 201 8 10 à 20 p.100 [=] Sérum fort. 44T 0 1 Id. (0,22 p. 100) On voit qu'il est nécessaire d'employer un sérum assez actif pour éviter tout accident immédiat; à cette condition, on n’a rien à craindre de l'intervention, en quelque condition que ce soit. Il est à remarquer que la méthode permet d'intervenir effi- cacement et sans danger dans les milieux gravement infectés, c'est-à-dire en des conditions où la vaccination proprement dite expose à des accidents et n’assure qu’une protection tardive. L'inoculation du sérum met immédiatement à l'abri les animaux menacés; toujours, la vaccinàtion par notre procédé a été utilisée dans des troupeaux qui venaient de perdre un ou plusieurs ani- maux ; toujours, la mortalité a cessé aussitôt après l'injection du sérum. La solidité de l’immunité conférée par une seule inoculation d’un vaccin fort est démontrée par la statistique qui précède. On ne relève qu'un cas de mort dans l’année qui suit l’inter- vention sur un total de 648 vaccinés, soit une proportion insigni- 938 me ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. fiante de 0,15/100. Les troupeaux étaient entretenus cependant dans des milieux gravement infectés. Dans une étable du Tarn- et-Garonne, 14 animaux sont vaccinés, tandis que 2 ne sont pas traités. Ces deux derniers sont émportés par le charbon, tandis que les 14 autres restent indemves. Une plus large expérience viendrait-elle à démontrer que l’immunité ConTÈEe ée est insuffisante ou trop courte, dans certains milieux, qu'il serait très facile de la renforcer en pratiquant, 19 ou 12 jours après l’inoculation du premier vaccin, une seconde inoculation avec un virus chauffé à 65° seulement. Nos recherches avaient pour objectif la découverte d’une méthode simple et sûre de vaccination, et nous arrivons à cette conclusion que ces deux qualités sont incompatibles. Deux interventions au moins sont indispensables pour assurer sans danger l’immunisation: elles exigent la préparation d’un sérum immunuisant et de virus purs affaiblis. Les indications des méthodes simples et des méthodes sûres sont faciles à prévoir. Il est possible de tout sacrilier à la simplicité de l’interven- tion dans les pays où le bétail n'a qu’une faible valeur. Les méthodes rapides seront applicables aussi chez les populations résistantes au virus. C’est ainsi qu'elles ont été bien accueillies aux États-Unis, en Algérie et dans certaines parties de l'Italie. En ces conditions, l’inoculation à la queue permet d’employer des virus à peu près quelconques et les procédés empiriques triomphent. Les conditions sont tout aulres dans certains pays et en France en particulier. Les animaux entretenus ont une grosse valeur presque loujours; la morcellement de la propriété rend plus pénibles les pertes subies par les petits propriétaires ; la méthode doit être avant tout sans danger; on renonce pour longtemps à la vaccination si quelque accident se produit. La méthode de vaccination que nous avons indiquée permet d'assurer sans danger la vaccination du bœuf contre le charbon symptomalique. Nous croyons inutile de faire ressortir ses avantages sur Îles procédés utilisés jusqu'ici. En résumé : La vaccination par une seule inoculation d'un vacein pur, CHARBON SYMPTOMATIQUE. 939 plus ou moins atténué, expérimentalement réalisable, expose dans la pratique à des accidents graves. La vaccination en deux temps, avec des vaccins purs, même très atténués, n’est pas sûrement inoffensive, Les inoculations du mélange sérum immunisant et virus exposent à des accidents immédiats et l’immunisation est incer- taine. La méthode de choix consiste en des inoculations successives de sérum immunisant et d’un virus pur atténué. OBSERVATIONS SUR LES ANOPAELES DE LA BANLIEUE DE PARIS Par MM. Enmoxn SERGENT er Énexxe SERGENT L'importance du rôle joué par les Anopheles dans la propa- gation du paludisme donne un grand intérêt aux observations détaillées que l’on peut faire de leurs conditions de vie, dans toutes les régions où on les rencontre, Car peut-être de ces éludes comparées sortiront d’utiles indications prophylactiques. Parmi ces contrées où les Anopheles sont loin d’être rares, il en est qui, cependant, sont indemnes de paludisme 1, C'est le cas pour la banlieue de Paris; nous avons trouvé des Anopheles durant l’été et l’automne 1902 dans les bois de Meu- don et de Saint-Cloud et au bois de Boulogne. L'existence d’Ano- pheles près de Paris avait été signalée par d’anciens observa- teurs. Réaumur, dans ses Mémoires pour servir à l'histoire des insectes, publiés en 1738, donne de très bonnes descriptions accompagnées de dessins de «cousins capturés dans les cam- pagnes des environs de Paris » en qui l’on reconnaît très facile- ment des Anopheles. C'est d'après un spécimen recueilli à Paris que Joblot : publia la première description de la larve d’'Anopheles 3. Walckenaer ‘ et Robineau-Desvoidy * mentionnent la présence À. Nurrazz, Journ. of Hygiene, 1901, no 1. — Cerur ET Gaisperinr, // Policlis nico, 1901. — L. Lécer, Dauphiné médical, sept. 1901. — Er. SenGeNr, Ann. Inst. Pasteur, 1901. F. Brazzola décrit la propagation d’une épidémie palustre dans un district de la commune de Bologne, non paludéen jusqu’alors, mais où de tout temps exis- terent des Anopheles, Annali d'Iqiene sperimentale, vol. XII (Nuov. Ser), 1902. 2. Joscor, professeur en mathématiques, Observations d'histoire naturelle, faites avec le microscope. Paris 1754, vol. I, part. II, chap. L. « Description d’un Douveau poisson que j'ai trouvé dans l’eau du bassin de Saint-Magloire du fau bourg Saint-Jacques. » Il y a un excellent dessin de larve d’'Anopheles. L'auteur dit : «Ces sortes de chenilles sont si rares, qu'elle est la seule que j'aie vue jus- qu’à présent. » Il ajoute en note que c’est «le ver du cousin ». 3. G.-H:-F, Nurrazz et A.-E. Sarre, The Structure and Biologie of Anopheles, Journ. of Hygiène, 1901, n° 1. 4. Dans sa Faune parisienne, Walckenaer signalait en 1802 un C.//rifurcatus, qui, d’après Macquart, est le même qu’A. bifurcatus. 5. J.-B. RoBixeau Desvorny. Essai sur la tribu des Culicides, Mémoires de la Soc. d'Hist. na‘ur. de Paris, WI, p. 390-413, 1827. Poe VON NON 2 C3 LOL ALES ANOPHELES DE LA BANLIEUE DE PARIS. 941 d’Anopheles à Paris. Ce fait est resté ignoré d’une façon générale, bien que la découverte de Ross (1898) ait fait de la recherche des Anopheles une question d'hygiène générale. L'année dernière, la discussion soulevée à l’Académie de médecine!, à propos de moustiques, ne porta que sur l'abondance des Culer à Paris et près de Paris (vallée de Ia Bièvre) *. Nous n’avons jamais trouvé d’Anopheles à l'intérieur des fortifications, et nous avons des rai- sons de croire qu'iis n'y peuvent être que bien rares, mais le bois de Boulogne est aussi fréquenté des Parisiens que les jar- dins publics intra muros, surtout le soir. Anopheles adultes. — Nous n’avons capturé qu’un petit nom- bre d’Anopheles adultes, relativement à la quantité de larves pêchées *. Il faut tenir compte, pour s'expliquer ce fait, de la dif- ficulté apportée à la chasse de l’Anopheles ailé par le mimétisme dont il fait preuve. On le voit rarement, et seulement lorsqu'il est gorgé de sang, se poser sur un mur blanc. Il aime les coins sombres, les dessous de meubles, où il est peu visible. Au con- traire, le Culex se pose au hasard sur le premier objet à portée. Une expérience édifiante consiste à lâcher en plein jour un Anopheles et un Culex dans une chambre : le Culex vole aux vitres de la fenêtre, ou bien va se poser sur le mur le plus rapproché. L’Anopheles, sans hésiter, va droit à un coin sombre d’où il ne bouge plus. Le mois où nous avons trouvé la plus grande quantité d. Año- pheles ailés est celui de septembre. À partir du 15 octobre, nous n’en avons plus vu dans les chambres. Au laboratoire, il y eut encore une éclosion le 10 novembre, et il y a encore des larves vivantes le 5 décembre. | Voici, à titre d'exemples, les nombres des moustiques cap- turés le 26 septembre dans une habitation du bois de Boulogne : Anopheles maculipennis, 7 dont 6 femelles et ! mäle Culea: pipiens, 19 dont 15 femelles et 4 mâles. 1. Bulletin de l'Académie de médecine, XLV, p. 474, 9 avril 1901, ct Rapport sur les Moustiques de Paris, présenté par R. Blanchard à l’Académie de méde- cine le 30 juillet 1901. V. 4rch. de Parasit. IN, n° 4, p. 615, 1901, 2. PoLarzLon, dans sa thèse de Médecine 19014, Æistoire naturelle et médicale des Moustiques signale les Anopheles les plus rapprochés de Paris à Chantilly (40 kil, au N. de Paris). L’un de nous les signale Ja même année, à Mennecy, à 40 kil. au $S. de Paris. (Ann. de l'Inst. Past. 1901.) 3. Comparer E.-0. Jorpax. Notes on the occuren:e and habitat of A. puncti- pennis and À. maculipennis in the valley of the Androscoggin, Journ. of Med, Research, janv. 1902. 942 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. La maison est à moins de 100 mètres d’un étang où foison- naient les larves d'Anopheles, mais absolument dépourvu de larves de Culer. Les Culer adultes capturés provenaient des fosses d’aisance. Les femelles capturées ou écloses au laboratoire, en septem- bre, nous piquaient assez difficilement; en octobre,.elles ne piquaient plus du tout!. Elles se nourrissaient de sucs de fruits et paraissaient vouloir entrer en hibernation, suspendues aux parois ou au plafond de leur cage dans la position classique (tête, thorax et abdomen en ligne droite, presque perpendicu- laire au mur). À la fin d'octobre, la chaleur paraissait les incom- moder. Chaque fois que la température de la chambre dépassait 20°, quelques-unes mouraient ; sionlamaintenaitentre 44° et 71°, aucune mort ne se produisait, Les mâles, naturellement, mou- raient tous. Larves. — Nous avons été étonnés de la grande abondance des larves que nous pêchions. C’est en octobre qu'elles furent le plus nombreuses ; nous rappelons que c’est en septembre que nous trouvions dans les chambres le plus d'adultes. Nous n'avons jamais vu davantage de larves d’Anopheles dans les localités très paludéennes d'Algérie que nous avons explorées. Le 3 octobre, on prenait dans l'étang de Chalais par coup de filet 21, 15, 14 larves ou nymphes; le 13 octobre, 34,29, 30, 26. A la même époque, à Maison-Carré (Algérie), point très éprouvé par le paludisme, avec les mêmes engins et la mème technique, on prenait en moyenne 15 larves d’Anopheles par coup de filet. Les nymphes capturées sont peu nombreuses en été ; parfois, nous n’en prenions aucune dans une pèche de 200 ou 300 larves. Plus défiantes que les larves, elles plongent avant celles-ci, au moindre ébranlement des couches liquides. On peut supposer que c'est une raison pour qu'elles échappent plus facilement que les larves au filet de pêche. Une autre raison de la rareté des nymphes, par rapport au nombre de larves, doit être, comme le pensent G.-H.-F, Nuttallet A.-E. Shipley *, la mortalité effrayante qui sévit sur les larves à tous les âges. Sur plusieurs centaines de larves recueillies cette année, 149 adultes seulement sont éclos au laboratoire. #5 1. Le 15 novembre, des A. maculipennis femelles, arrivées à l’état adulte d'Algérie, nous piquaient très facilement à Paris. 2. Loc. cit. ANOPHELES DE LA BANLIEUE DE PARIS. 943 À la fin de la saison, la proportion des nymphes augmente énormément. Ainsi, le 25 octobre, à Chalais, un coup de filet donne 5 grosses larves et T nymphes. Un autre, 14 grosses larves (de 5 à 8 %), 3 petites larves (2 à 4 %) et 10 nymphes A partir du 4 novembre, le nombre de larves ou nymphes diminue partout, et le 8 novembre, nous n’en trouvons plus. (Toutefois, 1l y en a encore à cette date dans les bocaux du labo- ratoire, dans des conditions forcément un peu artificielles.) Les larves d’Anopheles maculipennis n'hivernent done pas dans la région de Paris!. Habitat. — Tous les gîtes de larves d’Anopheles que nous avons explorés se ressemblent complètement. Les principaux caractères en sont : eau limpide, pas absolument stagnante, ensoleillée, présence de plantes d’eau (Lemna, algues vertes, Nénuphars), ce qui exige que le fond de la pièce d’eau ne soit pas maçonné, surtout sur les bords où se tiennent de préférence les larves ?. Ces conditions sont réunies, par exemple, par l'étang de Chalais ; aussi les larves d'Anopheles y sont-elles nombreuses. L'eau de cet étang est envoyée par une machine élévatoire au réservoir du Bel-Air, au-dessus de la terrasse de Meudon et dans le bassin de l'Orangerie du pare de Meudon. Ces 2 pièces d’eau ne renferment pas de larves d’Anopheles. La cause en est, sans doute, que le réservoir contenant l’eau distribuée à Meudon est souvent neltoyé, débarrassé de ses herbes, et que le bassin de l'Orangerie est peuplé de poissons rouges. De même, l'étang de Villeneuve à Garches contient des larves d’Axnopheles, les bassins d1 parc de Saint-Cloud, qui sont au-dessous, bien cimeniés et bien entretenus, n'en renferment pas. Les étangs qui longent le champ de courses de Longchamp sont presque naturels; ils sont infeslés d'Anopheles qui manquent dans les 2 grands Jaés, dont les bords sont pavés, et que trouble une nombreuse popu- lation volatile. 2 co M CORRE © Ennemis des Anopheles. — Ge besoin d’eau bien claire mani- 4. D'après Gazur-Vazério et M. Rocuaz, Centralblalt für Bakt.1902, p.601, les larves d'A. bifureatus hivernent à Lausanne, mais non celles d'A. mac ulipenni Si 2. Des pièces d'eau de ce genre n'existant pas à l'intérieur des fortifications, nous croyons peu probable que des femelles d'Anopheles viennent pondre dans Paris. 944 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. x festé par les larves d’Anopheles tient, croyons-nous, à ce que leurs plus dangereux ennemis sont les microbes des eaux pour- ries. Les larves de Culex vivent parfaitement et même avec pré- dilection dans les eaux stagnantes où macèrent des débris végé- taux, à l'ombre épaisse de grands arbres : véritables milieux de culture, protégés de l’action bactéricide du soleil, où les microbes poussent en voile à la surface. Des larves d’Anopheles, placées dans des conditions analogues, sont bientôt couvertes de filaments mycéliens, leurs mouvements se ralentissent, elles meurent au bout de quelques jours. Les observateurs ont remarqué qu’ils perdaient beaucoup de larves d’Anopheles dans leurs aquariums, et qu'il était à peu près impossible de mener à terme la vie d’une larve née au labora- toire. Nous croyons que cela tient surtout au dévsloppement de micro-organismes dans l’eau de aquarium. Nous avons fait à ce sujet l’expérience suivante : De jeunes larves de 1 à 3 m/m sont mises, le 3 octobre, dans 3 bocaux con- tenant chacun 3 litres d’eau pure avec quelques Lemna (5 à G larves dans chaque bocal). Le 4er bocal est placé à la lumière diffuse à 229, température constante jour et nuit. Le 2e bocal est à la lumière du jour dans une chambre (150 à 200). Le 3e est placé au dehors (50 à 159) à la lumière. On ne change pas l’eau. Dans le 1er bocal, l’eau se trouble vite; un voile apparaît à la surface, les larves meurent en quelques jours. L’eau du 2e bocal est restée claire plus longtemps; les larves ont grossi, jusqu’à atteindre environ 6 à 7 m/m; elles sont mortes vers le 20 octobre. Dans le 3e bocal, où l’eau est demeurée limpide, il y a une larve qui ne meurt que gelée, le 5 décembre (après 63 jours), une autre est morte le. 5 novembre seulement, plus d’un mois après son éclosion. La température basse et variable, l’insolation, semblent donc être favorables à la vie des larves, parce qu’elles sont funestes au développement des microbes. Les poissons, à part les cyprins, nous paraissent peu dan- gereux pour les larves d’Anopheles, dans la région étudiée. Ces larves, cachées dans les plantes aquatiques, fourmillaient dans des étangs très poissonneux, Enfin, les larves d’Anopheles trouvent des ennemis parmi elles-mêmes. Nous avons remarqué, comme Schaudinn !, que, 4. Fr. ScnauoiNn, Séudien über Krankheïtserregende FProtosoen. Arbeiten aus dem Kaiserlichen Gesundheitsamte. Bd IX, Heft. 2, 1902, p. 186. Css ee den Le éd sh ES ER OS né, Li OA don Rd M mdr he à né ed 6 Co din 52 if) ah aÛr ANOPHELES DE LA BANLIEUE DE PARIS. 945 si les‘larves de Culex sont nettement herbivores, celles d’Ano- pheles sont bien plus volontiers carnivores. Souvent, nous les avons vues dévorer de petits crustacés, des moucherons tombés à la surface de l’eau, les cadavres de leurs congénères, Les ‘dépouilles des nymphes et s'attaquer à d’autres Anopheles sortant de leurs nymphes. Au moment où l’insecte ailé pose ses pattes à la surface de l’eau pour donner le temps à ses ailes de sécher, nous avons vu plusieurs fois de grosses larves de T à 8 % se précipiter sur ces pattes. L'imago, s’envolant, les traînait un ins- tant à la surface de l'eau. La patte examinée au microscope laissait voir un moignon informe: le dernier article du tarse manquait parfois complètement. . Durée de la vie larvaire et pupale. — La durée de la vie des larves d'Anopheles est assez malaisée- à calculer, en raison de la difficulté qu'il y a à la faire s’écouler entière au laboratoire. Nous sommes arrivés à élever une larve depuis la taille de 2 % environ jusqu à celle de 8 % en 36 jours. Une larve pêchée le 13-octobre à 4 % environ (15 jours d’âge à peu près?) est devenue imago le 10 novembre, 26 jours après. La vie moyenne d'une larve paraît être de 30 à #0 jours. Pour la vie de la nymphe, on peut avoir des chiffres plus précis. En septembre, maxima 20° minima 17°, l’imago nais- sait au bout de 4 à 6 jours. A la glacière (5°), l'évolution était retardée ordinairement de 2 jours. Sexe des adultes éclos au laboratoire. — Sur les 149 Anopheles éclos en aquarium, il y avait 97 femelles et 52 mâles. Dans le même temps, naquirent 165 Culex, dont 122 femelles et 43 mâles. Plusieurs Anopheles, au moment de leur éclosion, s’amputaient d'une, de deux ou même de trois pattes. Un certain nombre ne pouvaient même pas quitter leur dépouille nymphale et mou- raient. Presque tous les Anopheles que nous avons capturés apparte- naient à l'espèce À. maculipennis Meigen (sclaviger Fabricius). Quelques A». bifurcatus Linné, adultes, furent pris, mais nous n'avons pas pêché leurs larves. Les Culer sont d’une extrême-rareté dansles gites à Anopheles. Nous pensons que cela tient à la présence constante, dans les mêmes eaux que les Anopheles, d’uae punaise d'eau 1lyocoris cimi- coides. De nombreuses expériences nous ont montré que cette 61 946 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. punaise capture très facilement les Culex en prenant leur grosse tête pendante, alors que les Anopheles flottant à la surface lui échappent. Les larves de Culex trouvés en compagnie de larves d’Anopheles appartenaient aux espèces C. pipiens Linné C. spa- thipalpis Rondani, qui n’a pas encore été signalée dans cette parie de la France, et C. annulatus Schrank. Dans Paris même, nous avons capturé C. pipiens, C. annulatus. Il existe donc aux portes de Paris des quantités considérables d’Anopheles. I y à d'autre part à Paris un certain nombre d’an- ciens paludéens qui ont contracté les fièvres aux colomies et ont encore parfois des accès. Et pourtant, il ne sévit pas ici d’en- démie palustre. Nous n’avons même pas entre les mains une seule observation complète et précise de cas de paludisme con- tracté dans la ville ou la banlieue: et nous serions reconnais- sants aux médecins qui voudraient bien nous communiquer des observations de ce genre. î Il doit donc exister des conditions encore indéterminées, pour que le paludisme puisse s'établir dans un pays à l’état endémique. Nonea Brogeur pour à préparation de Là pue ÉTqauES Par M. LATAPIE. (Laboratoire de M. Metchnikott.) On a fréquemment besoin dans les laboratoires d'obtenir une pulpe d'organes, suffisamment fine et homogène pour être -injectée aux animaux d'expérience à l’aide d’une seringue ordi- naire. Le broyage au mortier ne permet ni l’asepsie des opéra- tions ni la préparation d’une pulpe convenable. On ne peut en effet songer à broyer par ce procédé un organe entier, pour peu qu'ilait une certaine consistance, et, d’autre part, il est difficile d'éviter la présence de fragments assez gros pour obstruer l'aiguille qui sert à l’inoculation. = Fig. 4. Ces difficultés nous ont amené à imaginer un appareil facile à stériliser, et fournissant une pulpe qui répond à toutes les exigences. Descriprion. — L'appareil (fig. 1) se compose essentielle- 948 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. ment d’un cylindre creux portant à une extrémité Le système de couteaux destiné à diviser les organes. Ce système comprend (fig. 2): 1° un disque A d'un dia- mètre mférieur à celui du cylindre, percé de 5 ouvertures ctr- culaires évasées vers l’intérieur du cylindre et dont le bord, en contact avec la pièce B est tranchant ; | 2° Un second disque B, d’un diamètre plus grand, plan con- | cave. Sa face plane, en contact avec Le couteau A, est percée d’un assez grand nombre d'ouvertures circulaires de 1 à 2 millimètres de diamètre, qui aboutissent au milieu des cannelures tran- chantes que porte la face concave; 3° En contact avec celle-ci est une pièce C qui a la forme d’un plan convexe se plaçant dans le creux de la pièce B. La face convexe de C porte des cannelures tranchantes dirigées en sens inverse de celles de B. À = mr CN S = À . K ER LENS R* an \ _ ! _— il UT ————= a ——— DL: a TS W, a EE ee 1 IE oo TE À vrouse. NSSS Dora US NS 2 VE À NI. 1 VA Nat | V 4, NS Fig. 3. Ces trois pièces s'emmanchent sur un axe eu acier K qui porte un disque de laiton N; cet assemblage est lui-même sou- tenu par une partie M munie de deux oreilles qui viennent BROYEUR POUR LA PRÉPARATION DES PULPES. y49 s’emboiter sur les tiges de deux boulons de serrage, lesquels se vissent dans un élargissement de l'extrémité du cylindre I. La partie de l’axe K qui dépasse la pièce M est munie d’un carré sur lequel on peut monter soit une manivelle E (fig. 1), soit une poulie mise en mouvement par un moteur quelconque. Dans ce mouvement de rotation, A et C tournent avec l'axe, le disque B étant fixé par la pression qu’exerce sur lui la pièce M. La substance à brover est introduite dans le cylindre par une ouverture T que l’on peut obturer à l’aide d’un couvercle U. Elle est progressivement repoussée contre les couteaux au moyen d’uu piston P qui avance sans tourner à l’aide d’une vis V, por- tant une manivelle D, et tournant dans un écrou fixe L. Ce der- nier est appuyé contre l'extrémité du cylindre par la pression de deux écrous disposés comme ceux qui retiennent la pièce M à l’autre extrémité. La pulpe obtenue sort par un conduit S et peut être recueillie dans un vase R. Il est préférable de diluer la matière broyée en injectant lentement un peu d’eau physiologique dans la chambre située entre M et N. Le liquide est contenu dans un flacon O: la pression exercée par une poire double en caoutchouc XX° le force à passer par le tube F qui aboutit à un téton porté par la pièce M (et non visible sur la figure). Le cylindre I doit être parfaitement alésé à l’intérieur: ilest porté par l'intermédiaire d’une bride Y munie d’un écrou de ser- rage sur un pied de fonte Z, solidement fixé à une table. Cette disposition permet de donner à l’appareil l'inclinaison désirée, Toutes les pièces en contact avec les organes à broyer sont en laiton nickelé, à l'exception des couteaux A B et C, qui sont en acier trempé. * L'appareil tout entier, sans la manivelle bien entendu, est stérilisée au four à flamber ; si on emploie l’autoclave ou l’eau bouillante, la stérilisation ne doit être faite qu’au moment où l’on doit se servir de l'appareil, afin d’éviter la formation de rouille sur Les couteaux. Lorsqu'il est refroidi, on le fixe sur son pied et on introduit l'organe à broyer, coupé en fragments s’il est trop volumineux, par l'ouverture T. On tourne la manivelle D de la main gauche, de façon à amener l'organe au contact des out eaux ; on commence alors à injecter de l’eau physiologique 950 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. en arrière de ceux-0à et on les fait tourner en agissant avec la main droite sur la manivelle E, en comprimant peu à peu la substance. On doit faire progresser le piston très lentement, en faisant faire environ un quart de tour à la vis V pour 5 à 6 tours de la manivelle E. Dans ces conditions, il s'écoule dans le vase stérile placé au dessous de l’ajutage S une pâte claire, parfaitement homogène, qu'il est facile d’inoculer aux animaux. L'expérience d’une année, faite à, l’Institut Pasteur, au labo- ratoire de M. Metchnikolf, nous a permis de constater que notre appareil donne de bons résultats avec les organes les plus divers. M. le D' Charcot, qui l’a expérimenté pour le broyage d’un cer- tain nombre de tumeurs cancéreuses, a bien voulu nous en exprimer sa satisfaction *. Il nous semble que cet appareil pourrait recevoir un cer- tain nombre d'applications, parmi lesquelles le broyage de la viande crue destinée à certains malades semble tout indiqué, car il fournirait une matière aussi parfaitement divisée que possible. Du reste, il existe plusieurs modèles munis de couteaux qui per- mettent de faire varier la finesse de la pulpe. La facilité avec laquelle on peut le démonter et le nettoyer permettrait de le confier même à des personnes non exercées. 1. Voir les Comptes rendus de la Socièlé de biologie, 1902, page 15. Due. das one. Le-b, dd. € et at TABLE DES MATIÈRES Recherches morphologiques et expérimeutales sur le Try- panosome du Nagana, ou maladie de la mouche tsétsé, par: ML. A. Laveranret R'MEsuiL.. 4. 1 Études sur la peste bovine, par MM. Nicouse et Ann-Bev.. : 56 Études sur un lait fermenté comestible, le Leben d'Égypte, DA NE RS Tel JE RGbERN UE ee DU US Re 65 Sur un rôle particulier des hydrates de carbone dans l'utilisation des sels insolubles dans l'organisme, par 1 Ra D PET NE A ER AS ee A RE 85 Sérum normal dans la pneumo-entérite , par M. Sacryrkow. 94 Pseudotuberculose streptobacillaire du surmulot (Mus HEC RANUS) par MENT ES ABRAZES. 2 sSCNEEnNReE 97 Du rôle des immunisines (fixateurs) dans la phagocytose, RE I SANS GRÉNRO Te EN ere en ne 106 Dur des cytases par MEL TARASSENITORL ML Rest ue 127 Recherches sur les lésions vasculaires provoquées par les toxines diphtériques, par M. Komorzky.............. 7156 Modifications leucocytaires dans la peste bovine, par M. Ré- UNE NEED PE AE RSR EN AA PAT Ah a Le A PR 165 La toxine streptococcique, par M. le D' A. Marmorer .... 1069 L'unité des streptocoques pathogènes pour homme, par RE SLAM OEM 0 0 anne a ns 172 Sur le bleuissemeut de certains champignons du genre boletus par M: Gabriel BERTRAND 044 A 179 Contribution à l’étude au paludisme et de son hématozoaire en Algérie (Constantine), par M. Le D' A. Bicer...... 485 Recherches sur les modes d'utilisation des aliments ter- naires par les végétaux et par les microbes, par LEE AS EN CR SE PA CT EE 195 Contribution à l’étude de l’anémie expérimentale. État de la cytase hémolytique dans le plasma des animaux nor- maux, par M. C. Levaniri, de Bucharest............. 233 Contribution à l’étude de la piroplasmose canine, par MM. Nocarp, d’Alfort, et Moras, de Bucharest ....... 257 Seconde note sur la malaria des bovidés (piroplasmose Feb a52 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. bovine), par MM. M. Nicouee et ADiIL-BEY . .. ..:...... Sur la marche de la courbe d’antitoxine dans l'immuni- sation active contre le botulisme. par MM. J. Forssuax etE. Luxpsrrom Recherches sur la transformation expérimentale de a ries banales en races parasites des plantes, par M. L. Le- POUTRE SEE UAL NE SEE et PR nee CRE se Essai sur la biologie du bacille pyocyanique, pa M. C. Ges- SARD das ele ete erené ete le eo hels tel etseleuete (stp te leolete robe rero ls ere tie telentetetere Contribution à l'étude des propriétés el de la nature des mé ie pe toxines avec leurs antitoxines, par pa sur les modes d'utilisation du carbone ternaire par les végétaux et les microbes, par M. P. Mazé. .... Étude microbiologique et chimique du rouissage aérobie du Hi -par, ML ÉauAn Er A rene Re ner Statistique de l’Institut antirabique de Tunis, par M. le D' A. Loi sAoa le) jet ete le ie "al etellente Peter fete leo ete atalfo teNie /pishese te latest dlaijo fe ete sie telle tele ete) offeltel so le Mete lo, se Melen ele) le lotte amer s nelle En one nie au moyen des injections intra- vasculaires du virus rabique, par M. le D' V. Krasurrskr. Action de la chaleur sèche sur les spores et sur la toxine tétaniques, par MM. V. Morax et A. MARIE... ........ Sur un nouveau procédé de culture du tétanos, par M. le D' L. DepranD 1e Recherches sur les modes d'utilisation du carbone ee par les végétaux et les microbes, par M. P. Mazé (3° mé- MOTTE: NON RL CR ARE PEN A AP M PRO PE 2e Les vaccinations antirabiques à l’Institut Pasteur en 1901, par MEN ALAN EU AN RE RS ee R Recherches sur ja digestion chez les amibes et sur leur diastase nella par M. Henri MouTon......... Action du sérum sanguin sur les paramécies, par M. Lenoux- LEsarD celte se Xe sie eo netiete tetes er etes et etes ufie tete Enlet etre Det arere tas nee Recherches sur le mode de résorption des cellules hépa- cut Die dans l’organisme, par M. le D' J. Cax- INBye eee ere tel eratee tete tefolel ee enter. re) ete er alietret elle ea teen er? Caire) TABLE DES MATIÈRES. Sur la recherche et sur l'existence de larsenie dans l’or- PSM ODA MS GPDERTRAND,. :. 24 Sue Recherches sur le phénomène de lagglutination, par BEM CE re b EL CU LHENELS 2006. CR nn or Action de la lumière sur la toxicité de l’éosiue et de quel- ques autres substances pour les paramécies, par M. le D RO MEBAR DR LEP PRRRPRNRR TR Rn SAUNA M eES Recherches sur le rôle de l'enveloppe des microbes dans Parelutination, par MI DErALLE LL Les dents consécutifs aux vaccinations, leur pathogénie et leur prophylaxie, par MM. Leccaince et VALLÉE. . Contribution à l'étude des fixateurs du sérum normal de AR AA OA Se LU FN CE RAR EE M NT UE RS Recherches sur quelques bacilles anaérobies et leur diffé- reneiation par.M: le D: Pi TACHAEME ie UN. Le rouge neutre (neutralroth) ; son rôle dans l'étude de la phagocytose en général, et dans celle de la blennor- rhagie en particulier, par M. le D' [. Himmez. ........ Sur les cils composés, par M. le D'E. Mazvoz........... Sur Ja dissociation des propriétés agglutinante et sensibi - lisatrice des sérumns spécifiques, par M. le D' A. Dupois. Recherches sur le microbe de la loque (maladie des abeilles), Do Mie DU ae re de en einer uen Sur le sort des bacilles de la lèpre dans l'organisme des animaux (cobayes), par M. le D'Iwaxow............. Sur les sensibilisatrices des sérums actifs contre les sub- stances albuminoïdes, par M. le D' GExGou........... Recherches sur les anticorps des spores, par M. Drerazrr. Sur les diverses pasteurelloses observées en Turquie, par PRES NIDOLE RTE SES ER PER T ARS Sur le chauffage électrique ‘des étuves à température cou- sante par M-MaARiibr. UNS ARR LE Recherches sur le traitement et la prévention du Nagana, par MM. Laverax et Mess... .... AA SE RAR EE Recherches sur l’absorption de la toxine tétanique, par MM. Marie et Mon FOR AC SERA TEE EE s YEN Contribution à l’étude des sérums Drébipi(ant: par le DE MPALEOISE NN RS ne ne PE ARE Er Rte 833 954 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Recherches sur la durée de [a présence du microbe de la peste injecté vivant dans les veines du cheval, par MLDAROUEDAR, US Te eee ta Re ae SR 842 De Pinfluence de l’oxygène sur la protéolyse en présence du’ chloroforme; par M. Marrirano::. 10m 853 L'alcool est-il un aliment? revue critique... ........ TH PDO Recherches sur la putréfaction de la viande de boucherie, par MM. "TsiEn et. MARMEE LE NE RON . 856 Vi Contribution à l’étude des lésions des ganglions nerveux - périphériques dans les maladies infectieuses, par Études biologiques sur la vieillesse, par M. E. Mrerenni- korr. Recherches sur la vieillesse des perroquets, par MM. Mercaniorr, Mesniz et WEINBERG. ............. 912 De limmunisation active contre la peste, le choléra et infection typhique, par le D' BesRepka............. 918 Recherches expérimentales sur Le charbon Spam par MM: Decramone et VALLÉE PRIE en MEnUER 931 Observations sur les Anopheles de la banlieue de Paris, par MAT ES el EC SERGENT SCA en en SRE 940 Nouveau broyeur pour la préparation de la pulpe d’or- games, par MAS LATAPIEE HE UNN EAN EU 947 Table: désMatibros Senna en 951 CRE Tant v LS ATS A, 7rs ds PORTE 7 - TABLE ALPHABETIQUE PAR NOMS D'AUTEURS AGHARME à HN he di: 1, VUS TS MN Ne PQ et BERTRAND (G.). . . . ES EDR SE RSS ON LUC 219 AH SR OR RAR CANTACUZENE.. Je 20: CAROUGEAU : . . . DER D IAE A DEBRAND . DEFALLE. Dugois . . RADEON EEE FRE CPR IONE Le Ne ue ForsmANX et LUNDSTROM . . GENGoU. GESSARD EN 00e CORRE SAINS NI HA DAESNN 224.60 2 HIMMEÉE NC E Iwaxow. KHoury. Koworsky. . KRAMISTSKY. LAMBOTTE. . : LAvERAN et Meatirs MATABER EST. AE 2 LECLAINCHE et Var LÉE Lenoux-LEBarD . LEPOUTRE . . Levapin . POUR LUNDSTROM.. MALFITANO. MAzvoz. Bacilles anaérobies et leur différenciation. Voir NicoLie. Bleuissement des bolets . . . . . .. . .. Arsenic dans l'organisme . Immunisation active. . Se Paludisme et son NE PME E Ve Résorption des cellules hépatiquesinjectées. Survie du microbe de la peste injecté .:, . Mélanges des toxines et de leurs anti- FOREST ‘ LAON ARE Procédé de cities a ES HEURE Enveloppe des microbes et oo É AILIOGEDS dES SDOPOS EN AU. UE URL NENLRE Propriétés agglutinantes et eee Re Que ren SÉCUTIS RPC PHASE Eee nd ete Institut antirabique de Dos SORA - Courbe d’antitoxine dans le botulisme . Sensibilité des sérums actifs, . . Bacille pyocyanique . . : .. .. . . . Ganglions nerveux périphériques . . . . . Le rouissage du lin. . . . . . . $ Le rouge neutre dans l’étude 4e ne Den morrhagie. "Li ve e MSUEE Bacilles de la lèpre de d' organisme . Voir Risr. Lésions vasculaires par le bacille diph- térique* 75. Injechionsinlravasculaifes du viruerabique. Microbe de la loque . Trypanosome du Nagana . Traitement et prévention du NE Nouveau broyeur. Accidents consécutifs aux ne Charbon symptomatique. Lumière et toxines. Sérum sanguin et Hide Transformation des bactéries . Anémie expérimentale. . . . Institut antirabique de Tunis . Voir FoRssuAN. Oxydation de la protéolyse. £ Fixateurs du sérum normal du cbien Sur les cils composés . 146 393 654 Il 785 O47 614 931 D87 510 306 233 386 853 025 686 x ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. Marie et Morax . . . . . . Absorption de la toxine tétanique. . . . . 818 — Voir Morax MARMIER. Chauffage électrique des étuves . . . . . . 719 MARMOREK . Tôoxine Stréptococeique:t. |" ie ee ti — Streptocoques pathogènes pour Lhotne 172 MARTEELY. 2: . Voir TisstEr. MATE UE Utilisation des aliments ternaires, 4er me- DO TEA AU NEA ANT PE ARS SEE ce Deuxième mémoire. : - 1346 = Troisième mémoire. Len ee SE 433 METCHNIKOFF . Vieillesse’du perroquets 2 FE Mr ol NRSNDES PAIE Voir LAVERAN — Voir MErcaNiKorr Morax et MARIE. Action de la chaleur sur les spores téta- PES ETS OR RU ER AR Sn nee CAO ge se Voir Marie. Moras Voir NocarD MOUTON REA Digestion chez les amibes. . 457 NicozLe et ADIL-BEY. D'ESLENDOVIMERL TA NE NUENPAE 56 — — Piroplasmose”bovine "0" te 291 — Pasteurelloses observées en ire 775 NicoLze (Ch.) et THENEL. Aéoluinatran NL AN eee D02 Nocarp et Moras. Piroplasmose canine . PRES RE a A Rérik-BEY Modifications leucocytaires dans la peste DOvITe nu PAS ETS Rusr et KHourY Leben d'Égypte. 65 SABRAZES . Pseudotubereulose du surmulot. . . . . . 97 SALTYKOW Sérum normal dans la pneumoentérite. . 94 SAWTCHENKO . Rôle des fixateurs dans la phagocytose . . 106 SERGENT Anopheles de la Banlieue de Paris . . . . . 940 TARASSEVITÉH J . : Sur lés cytases :.:2,. SES EMA PE AA 127 Tissrer et MARTELLY. Putréfaction de la nie RES Pnre LU ee AQU VALLÉE. Voir LECLAINCHE. VAUDIN. . Migration des sels insolubles . . . . . . . 85 ViaLa. . Vaccinations à l’Institut Pasteur en 1901 452 WEINBERG Voir METCHNIKOFF. REVUES CRITIQUES DüUcLAUX |... SEX T T'alcool'estil'un aliment? mme Sceaux. — Imprimerie Charaire. Le Gérant : G. Masson. Vol.XVE PEL Annales de l'Institut Pasteur (Mem. Komotzki) ce8e s COS 7er EN: Ses # Fee, Sy Fr A Là D} 6.108 a ES ce Es De ol OZ CRC PRO Ve Annales de l'Institut Pasteur Vol. XVI. PI.II. (Mem.Komotzki) ee (] ; È o 2 D) à Te Ba & 1‘) . ADS ET AIT ete. Annales de l'Institut Pasteur. Vol XVL.PLIIL (Mem.Levaditi) NI 1 YRou L Jith D7 Levaditi, del. Roussel, lith fnp. L.Lafontame, Paris Vol.XVI PIN (Mem.Levaditi } Annales de l'Institut Pasteur. Y. Roussel, lith. D” Levaditi, del. Jap. L Islontaine Paris. Annales de l'Institut Pasteur. Motas, del. T TT 7 n imp. L.Laiontamme, Faris. Vol. XVI PIV (Mém. Nocard et Motas.) Annales de l’Institut Pasteur. Vol. XVI. PIE. Mem. Nocard et Motas) A ue, 4 RER à s 9 & AE Em r er _ imp. L. Lafontaine, Paris Annales de l'Institut Pasteur. Vol. XVI_PI VIL. (Mem Mouton) > D=Borrel, del V Roussel, litk AS r CAN: PE 4 ; ” a 6: , 2800 à "3 x AT + - F am Lu à n- 2 à TRE JAP 2" 4. à is Annales de | Insutut Pasteur. ém. Cantacuzène) (Me V. Roussel, lith . }7 TJ. Cantacuzene, del. n L Lafontaine, Paris. imp. 1 Annales de | Institut Pasteur. Vol XVI PLIX. {Mem Cantacuzene.) D? JT. Cantacusène, del. V. Roussel, th. D D'Üafontaime, Paris. [eù! « LT EE AL do x L VOL.XVI - PL XIII ZE DE ne —— De HE E RS == = Annales de l'Institut Pasteur. E.Remy, lith. Imp.L.Lafontaine del. ns 3 El. Metchnikoff | ANNALES _ DE L'INSTITUT PASTEUR (JOURNAL DE MICROBIOLOGIE) FONDÉES SOUS LE PATRONAGE DE MN. PASTEUR ET PUBLIÉES PAR M. E DUCLAUX MEMBRE DE L'INSTITUT PROFESSEUR A LA SORBONNE DIRECTEUR DE L'INSTITUT PASTEUR Assisté d’un Comité de rédaction composé de MM. D: CALMETTE (A.), directeur de l’Institut Pasteur de Lille ; CHAMBERLAND, chef de service à l’Institut Pasteur ; D' GRANCHER, professeur à la Faculté de médecine; D' LAVERAN, membre de l'Institut de France; METCHNIKOFF, chef de service à l’Institut Pasteur ; NOCARD, professeur à l'École vétérinaire d'Alfort ; Dr ROUX, sous-directeur de l’Institut Pasteur; D: VAILLARD, professeur au Val-de-Grâce. TOME SEIZIÈME 1902 AVEC QUATORZE -:PLANCHES PARIS MASSON ET Ci, ÉDITEU LIBRAIRES DE L'’ACADÉMIE DE »ECINE 120, BOULEVARP SAINT-GERMAIN A LA MÊME LIBRAIRIE fraité de Microbiologie, par E. Ducraux, directeur de l'Institut Pasteur. professeur à la Sorbonne. Tome I : Microbiologie générale, 1 vol. grand in-8e, avec figures. 15 fr. Tome II : Diastases, toxines et venins, À vol. grandin-8,avecfig. 15 fr. Tome IIT : Fermentation alcoolique, 1 vol. grand in-8e, avec fig. 15 fr. Tome IV : Fermentations variées des diverses substances ternaires. 4 vol. grand in-8° avec figures. (L'ouvrage formera 7 volumes qui paraîtront successivement.) Traité de Pathologie générale, par Ch. Boucaarp, membre de l'Institut, professeur de pathologie générale à la Faculté de médecine de Paris. Sécré- taire de la rédaction : G.-H. Rocer, professeur agrègé à la Faculté de médecine, médecin des hôpitaux. 6 volumes grand in-8°, avec nombreuses figures dans texte sein Enrs AT PR ART Rp A SR ERA UT LE ad DA RU RAP Pa EU 1 Précis de Microbie : 7echnique et microbes pathogènes, par le Dr L.-H. THoiNoT, professeur agrégé à la Faculté de médecine de Paris, médecin des hôpitaux, et E.-J. MasseciN, médecin-vétérinaire. Ouvrage couronné par la Faculté (Prix Jeunesse). 4e édition, revue et augmentée, avec 210 figures, dont 20 en cou- - leurs. 4 volume in-16 diamant, cartonné à l’anglaise, tranches rouges. 8 fr. La Pratique dermatologique, 7ailé de Dermatologie appliquée, publié sous la direction de MM. £rnest Besnier, L. Broco. L. Jacquer. 4 vol. gr. in-80 for- : mant ensemble 3,600 pages, très largement illustrés de figures en noir et de? planches en couleurs. £n souscription jusqu'à la publication du tome IV. 150 fr. Traité d'Hygiène, par À. Proust, professeur d'hygiène de la Faculté de méde- | cine de Paris, membre de l'Académie de médecine, inspecteur général des Services sanitaires. Troisième édition revue et considérablement augmentée, avec la collaboration de À. Nerter, professeur agrégé à la Faculté de méde- cine, membre du Comité consultatif d'hygiène publique de France, et H. Bouress, chef du laboratoired'hygiène à la Faculté de médecine.1{ vol: in-8, avec figures et cartes dans le texte, publié en 2 fascicules. Zn souscription........ AS fr. Les Maladies infectieuses, par G.-H. Rocer, professeur agrégé à la Faculté de médecine de Paris, médecin des hôpitaux. { vol, in-8 de 1,520 pages, avec figures dans le texte, publié en 2 faseicules...... LOUE PRISES BAR RREN A SET L'Immunité dans les Maladies infectieuses, par Elie Mercanixorr, membre étranger de la Société royale de Londres, professeur à l’Institut Pasteur. 4 vol. in-12, avec 45 figures dans le texte. ..:.1....3 NS RER BA ARTE Me ADO Maladies du Cuir chevelu. —1. LEs MALADIES SéBoRRHÉIQUES : Séborrhée, Acnés, Calvilie, par le D: R. Sasouraun, chef du laboratoire de la Ville de Paris à Phôpital Saint-Louis. 1 vol. in-8, avec 91 figures dans le texte, dont 40 aqua- relles en couleurs............ RAA EE EC Re A TE EAU ae Collection de Planches murales destinées à l’enseignement de la bactério- logie, publiée par l’Institut Pasteur de Paris. La collection comprend actuel- lement 65 planches du format 80 X 62 centimètres, tirées sur papier toile très fort et munies d’œillets permettant de les suspendre sur 2 pitons. La collection entière est réunie dans un carton disposé spécialementà cet effet; elle est aceom: pagnée d’un texte explicatif rédigé en trois langues|(f'ançais, allemand, anglais). Prix de la collection, port en sus......,.... PART DEA L'URL EE RD ARE Les Maladies microbiennes des Animaux, par MM. Er. Nocanrp, professeur à l’École d’Alfort, membre de l’Académie de Médecine, et E. LEcLAINCHE, professeur à l'École vétérinaire de Toulouse. Ouvrage couronné par l’Acadé- mie des Sciences, Prix Monrayon (1898). Zroisième édition entièrement refon- due et considérablement augmentée. 2 volumes grand ïin-8, formant ensemble 319 pass En RE EN REA SE VAR 2 RITE Précis de Bactériologie médicale, par FERNAND BerLioz, professeur à l’'Uni- versité de Grenoble, directeur du Bureau municipal d'hygiène et del’Institut sérothéraphique, avec préface par L. Laxpouzy, professeur de clinique médi- cale à la Faculté de médecine de Paris, 1 vol. in-16, de la collection Diamant, avec figures dans le texte, cartonnage à l'anglaise, tranches rouges... 6 fr. Sceaux. — Imp. Charaire. MBL/WHOI LIBRA LULU se # Ve . LA toiritleisiele 1107 ve elaletrieieielole 11 tirs +tysivée trees HELENE METRE SE Prettieliriolete 41e alt RAIN IE ZE flore eieseis sy'otéiqie +. vtr etete tiereiers pie t'atersielieieie le tin Rise Hoiriets tel MR NTNTTT vt'rle + 2 HA R LAC IE trees DONNE +'aliévlereielels ririrloielrielelete g ? ; +" sisttte + 1'eleltipheletesele rittehe He triple ++ 14 ee trrit ditiritieheliietiermielelerele els te +lshile thrletsle el se thr + +'rietrlripielele tte niitelrrehe #tiriolelole tree pa as +iee 11611 Ÿ this sisfetets Virtioiets 1slste Li 155244 Phreretehel | . 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