3 2044 106 412 810 ■l ■ 3 > \ ^ W. G. FARLOW ^arfaarïi ÎKniberôttp FARLOW REFERENCE LIBRARY OF CRYPTOGAMIC BOTANY Digitized by the Internet Archive in 2017 with fundi'ng from BHL-SIL-FEDLINK https://archive.org/details/annalesdelinstit18inst ANNALES DE LINSTIÏUT PASTF.Uli SCEAUX. IMPRIMERIE CHARAIRE. ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR (JOURNAL DE MICROBIOLOGIE) FONDÉES sous LE PATRONAGE DE lïl. PASTEUR ET PUBLIÉES PAR M. E. DU CL AUX COMITÉ DE RÉDACTION : MM. D'' CALMETTE (A.), directeur de UInsIitut Pasteur de Lille ; CHAMBERLAND, sous-directeur de l’Institut Pasteur; CHANTEMESSE, professeur à la Faculté do médecine; GRANCHER, professeur à la Faculté de médecine; D'^ LAVERAN, membre de ITnstitut de France ; METCHNIKOFF, sous-directeur de l’Institut Pasteur ; Dr ROUX, directeur de l’Institut Pasteur; Dr VAILLARD, membre de l’Académie de médecine. TOME D 1 X - Il U I T I È M E 1904 AVEC NEUF PLANCHES PARIS MASSON ET Ci', ÉDITEURS LIBBAIRES DE L’ACADÉMIE DE MÉDECINE 120, BODLEVARD SAINT-GERMAIN i8“e année JANVIER 1904 No 1 ANNALES üi<: L’INSTITUT PASTEUR Etudes expérimentales sur la Syphilis Par El. MEïCHNlKOEF et Em. ROUX. DEUXIÈME MÉMOIRE. Il a été démontré dans notre premier mémoire (ces Annales, 1903, p. 809), que le cliimpanzé est sensible au virus syphilitique, qui produit chez cette espèce de singe anthropoïde des acci- dents primaires et secondaires tout à fait comparables à ceux de Phomme. Tout récemment M. Lassar\ de Berlin, a confirmé ce fait, en reproduisant la syphilis chez un chimpanzé mâle. Après avoir inoculé, à plusieurs endroits de la face et aux oreilles, du virus syphilitique provenant d’un chancre induré du bras, non traité, il a observé l’apparition d’accidents primai- res et secondaires. 14 jours après l’inoculation, le chimpanzé présenta plusieurs chancres indurés aux points d’introduction du virus. Quelque temps après, sur plusieurs endroits du corps et, notamment, sur les faces palmaires et plantaires, apparurent des papules syphilitiques caractéristiques. Cette expérience de M. Lassar et les deux que nous avons publiées, montrent que sur trois chimpanzés inoculés de syphi- lis, tous ont été pris d’accidents comparables à ceux de l’homme. Le doute n’est donc plus possible : le chimpanzé est une espèce animale qui prend la syphilis et qui par conséquent peut être d’une grande utilité pour l’étude de cette maladie. Le problème si patiemment recherché de la syphilis expérimen- tale, doit donc être considéré comme résolu. 1. Berliner klin. Wochenschr. 1903, n“ 52, p. 1189. 1 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Jusqu’à quel point les sypliiligraphes tiennent à avoir un animal sensible à la syphilis, c’est ce qui résulte du dernier tra- vail de M..4. Neisser^ exécuté en collaboration avec M. Veiel. Après avoir tenté, sans succès, de suspendre l’immunité natu- relle des porcs au moyen de la phloridzine ou de l’alcool % i\eis.' ; 15 — Eau distillée O. S. tjour faire 100 — TEIGNES CRYPTOGAMIQUES ET RAYONS X. 23 uns des autres, et que les uns dépilent plus complètement et plus vite que les autres placés dans des conditions identiques. Certains dépilent après une séance de 25 minutes, d’autres très rares dépilent incomplètement après 40 minutes de rayonne- ment, toutes autres conditions égales. 6° Un accident qui nous a causé plusieurs ennuis est le décen- trage de l’ampoule C En modifiant la position de tout l’appareil, comme il faut le faire pour chaque nouveau cas, l’ébranlement communiqué à l’ampoule la désaxe. Le diaphragme devenu excentrique projette son ombre sur la peau. On s’en aperçoit à la dépilation 20 jours plus tard. L’immobilité complète du patient est un problème. Rester immobile 40 minutes est difficile pour un adulte, impossible pour un enfant. Que dire des séances multiples que l’on rap- proche le plus possible pour ne pas augmenter le temps de trai- tement? 8° Plus une tête est couverte de points de teigne ou de plaques de teigne, plus son traitement par les rayons X se trouve com- pliqué. Les très bons cas sont ceux qui ont été pris à temps et ne montrent qu’une ou deux plaques petites. Dans ce cas, autant de plaques, autant d’applications. 9° Où le problème devient grave, c’est quand les points sont tellement nombreux et disséminés, qu’il faut provoquer la dépi- lation de la tête entière. On ne peut la pratiquer que par taches de 8 à 9 centimètres de diamètre. Il faut s’y prendre à douze reprises; en comptant 2 séances journalières, une le matin, une le soir, c’est une semaine de travail. L’expérience, pru- demment menée, nous a montré qu’on pourrait faire 5 opé- rations de 40 minutes sur 5 surfaces différentes de la même tête, l’une après l’autre, sans aucun intervalle de temps, sans même causer à l’enfant un mal de tête. Mais l’immobilité est impossible à obtenir dans ces cas, et alors le résultat final est mauvais. Une autre difficulté vient de ce qu’on ne peut procéder que par des aires rondes, et que, même en les juxtaposant, il reste entre elles des triangles courbes non insolés qui exigent chacun une opération complémentaire. Nous avons fait construire des tubes de cette forme pour faire dépiler à leur tour ces ^1. Un nouveau support d'ampoule avec chariot mobile à crémaillère suivant les 3 directions (Draulti remédiera à cet accident. ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. 24 écoinçons, mais il faut beaucoup de surveillance pour que ces surfaces traitées l’une après l’autre se juxtaposent exatement. Ces difficultés de pratique font comprendre la possibilité de quelques retards. Sur les bords d’une plaque dépilée coïncidant mal avec la plaque voisine, il demeure une lisière de cheveux sains parmi lesquels une dizaine de cheveux teigneux suffiront pour créer des récidives locales. Ou bien, pendant le traitement, on s’est abstenu quelques jours des applications antiseptiques de surface, et les cheveux parasites, morts, caducs, vont semer de nouvelles plaques dans des régions jusque-là saines. Toutes ces raisons font encore, malgré tout, .0 à 10 0/0 d’échecs relatifs, principalement dus à 3 causes. а. Une dépilation insuffisante sur 1 ou 2 points et qui laisse quelques cheveux malades sans les faire tomber. б. Un oubli opératoire réservant un îlot de cheveux malades difficiles avoir, et dont on s’aperçoit quand la guérison du reste est obtenue. 7. Quelques réinoculations en cours de traitement. Malgré ces cas particuliers qui viennent encore alourdir les statistiques, voici les résultats thérapeutiques que l’on est en droit d’espérer dorénavant de la méthode de traitement que nous' venons de décrire. VII COXGLUSIONS Avant le traitement radiothérapique, la moyenne du temps de traitement de la teigne tondante était à Thopital ^Saint-Louis de 18 mois. Partout ailleurs je n’hésite pas à la déclarer plus longue, à moins que les enfants ne fussent considérés comme guéris sans l’ètre en réalité, chose ordinaire, presque de règle. Avec les rayons X, le traitement des teignes cryptogamiques (teigne tondante et teigne faveuse) tombe en ce moment à 3 mois. Ce traitement nouveau raccourcira donc la maladie dés .o/G de sa durée. Si Ton songe que Paris contient endéiniquement environ 4,000 teigneux, que l’Assistance publique de Paris en hospita- lise environ GoO, que son budget des teigneux hospitalisés ou TEIGNES CllYPTOGAMIQUES ET RAYONS X. 25 soignés en ville est annuellement de 450,000 francs environ, énfm que TAssistance publique, faute de place et d’argent, ne pouvait parvenir à les soigner tous, on pourra mesurer le pro- grès que la nouvelle thérapeutique va permettre de réaliser. Ce progrès n’est l’œuvre exclusive de personne, et notre part contributive à sa naissance fut moindre que celle de beau- coup: l’histoire brève du sujet que nous avons esquissée plus haut suffira, j’espère, à ne point laisser de doute sur ce point. Mais il est inévitable, dans des sujets aussi ardemment creusés, que ce ne soit pas toujours ceux qui sèment qui récoltent V l. Qu’il me soit permis d'exprimer ma reconnaissance à M. Mesureur, directeur général de l’Assistance publique, pour avoir bien voulu donner au laboratoire de l’iilcole Tailler, à, l’Hôpital Saint-Louis, les tonds d’étude qui ont fourni les résultats que nous venons d’exposer. Recherclies sur la coagulation du sang. Pah les J. BOllDEï et ü. GENGOU TROISIÈME MÉMOIRE CONTRIBUTION A L’ÉTUDE DU PLASMA FLUORÉ (Travail de l’Institut Pasteur de Bruxelles.) .Parmi les plasmas spontanément incoagulables que Ton peut obtenir, le plasma fluoré est certes Tun des plus intéressants, en raison de ses caractères fort particuliers. Arthus et Pagès ont établi que l’addition, au sang qui sort des vaisseaux, de 3 0/00 environ de fluorure de sodium empêche la coagulation-. Jusqu’ici, rien de surprenant : les fluorures solubles précipitent les sels calciques, qui sont indispensables à la production du fibrin-ferment actif. Au premier abord, on serait donc tenté, d’assimiler le plasma fluoré au plasma oxalaté, et de réduire le rôle du fluorure, comme celui de l’oxalate, à l’influence inso- lubilisante exercée sur la chaux. Mais l’analogie entre le plasma fluoré et le plasma oxalaté ne saurait être acceptée dès qu’on soumet ces liquides à une étude plus approfondie. Arthus et Pagès ont montré en effet que le plasma oxalaté se coagule lorsqu’on lui restitue des sels calciques; au contraire, l’addition au plasma fluoré d’une quan- tité même forte de sels de chaux solubles ne provoque point sa coagulation : les caractères des deux plasmas ne sont donc, nul- lement concordants; une distinction fort tranchée s’impose. Le pouvoir coagulant des sels de chaux consistant en ce qu’ils permettent la transformation, en fibrin-ferment actif, de la sub- stance mère (proferment), génératrice de ce ferment, on a con- clu que le plasma oxalaté contient du proferment, tandis que le plasma fluoré en est dépourvu. Telle est l’interprétation généralement admise. Mais la con- COAGULATION DU SANG. PLASMA FLUORÉ 27 clusion ne s’est point bornée là. Certains expérimentateurs ont cherché à expliquer pourquoi le plasma Iluoré ne contient pas de proferment; ils ont proposé l’hypothèse suivante : le fluo- rure sodique est un poison cellulaire; lorsqu’on le mélange au sang qui sort. du vaisseau, on tue les cellules et notamment les leucocytes; ceux-ci se trouvent en conséquence dans l’incapacité, soit de sécréter le proferment, soit de le déverser dans le liquide sanguin. D’après cette conception, il faut donc invoquer, pour expliquer le rôle anti-coagulant des Iluorures, non seulement l’élimination des sels calciques solubles, mais " encore l’altération imprimée auxéléments cellulaires eux-mêmes, dont les manifestations vitales se trouvent suspendues. L’in- fluence qu’exerce le fluorure serait donc, en partie tout au moins, d’ordre biologique U A vrai dire, les expériences que nous allons résumer, et qui concernent le plasma fluoré^ ne plaident pas en faveur de cette interprétation. En présence des résultats que nous avons recueillis, nous pensons qu’il n’y a pas heu de faire intervenir, pour comprendre le rôle du fluorure, l’intoxication des élé- ments cellulaires. Bien plus, il nous paraît que cette notion primordiale, à savoir que le plasma fluoré ne contiendrait pas de proferment, n’est pas solidement établie; il est fort probable qu’elle est inexacte. .Nous avons jugé utile de recourir de préférence, pour faci- liter l’étude du plasma fluoré, non pas au sang complet, mais au plasma chloruré sodique de lapin. Dans notre second mémoire sur la coagulation, récemment publié dans ces Anudles, nous avons longuement insisté sur la préparation et les propriétés du plasma salé. On l’obtient en recueillant trois parties de sang, au sortir de l’artère, dans une partie de solution de NaCl à 20 0/0; le mélange, salé à 5 0/0, est soumis à une centrilugation prolongée, et l’on décante le plasma limpide surnageant. Ce plasma salé renferme tout ce qui est nécessaire à la coagulation. Il contient notamment du proferment. Seulement, la forte concentration saline s’oppose 1. Quand au fibrinogène, il n’est pas altéré dans le plasma fluoré. Arlhus a montré, en effet que ce dernier se coagule rapidement quand on l’additionne de fibrin-lerment (sérum). 28 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. à la transformation du proferment en ferment actif; cette métamorphose ne s’opère que si Ton abaisse, par addition de 4 volumes d’eau distillée, la teneur en sel jusqu’à 1 0/0 environ. Nous Je savons, la production de fibrin-ferment aux dépens de la substance mère exige la présence de sels de cbaux, dont le plasma est d’ailleurs suffisamment pourvu: elle est en outre, ainsi que nous l’avons fait voir antérieurement, grandement facilitée par le contact de corps solides rnouillables tels que le verre. Rien de plus simple que d’éprouver le pouvoir anti-coagu- lant du fluorure sodique en le mélangeant au plasma salé, et de rechercber si ce plasma, ainsi traité, a perdu le pouvoir de se coaguler par addition de la quantité voulue d’eau distillée, même si l’on prend soin de lui restituer, ultérieurement, du chlorure calcique en léger excès. Faisons-le remarquer tout de suite, s’il nous était possible d’obtenir, en partant d’un plasma salé limpide, privé de cellules^ un plasma fluoré absolument ana- logue, par tous ses caractères, au plasma classique que l’on prépare en fluorant directement Je sang complet au sortir du vais- seau, nous serions en droit d’admettre que la vraie cause du pou- voir anticoagulant du fluorure ne réside pas dans la toxicité qu’il manifeste à l’égaid des éléments cellulaires. Bref, nous devons rechercber tout d’abord si le fluorure sodique produit toujours les memes effets, soit lorsqu’on le fait agir sur le sang complet qu’on vient d’extraire, soit lorsqu’on l’introduit dans un plasma débarrassé au préalable de ses cellules; si les plas- mas fluorés obtenus par ces deux méthodes se montrent com- plètement identiques, il devient superflu de se préoccuper, pour comprendre le mode d’action du fluorure, des éléments figurés. Commençons par ajouter à du plasma (salé à 5 0/0), une dose minimes (3 0/00), de fluorure sodique (expérience 1). Dans 4 c. c. de plasma salé, introduisons 1 c. c. d’eau distillée ren- fermant 1,0 0/0 de fluorure. Un quart d’heure plus tard, ajou- tons au mélange, pour abaisser suffisamment la concentration saline, 20 c. c. d'eau distillée. La coagulation se produit, mais avec un retard notable. Notons que dans le volume total (plasma salé fluoré eau distillée), la teneur en fluorure est très peu élevée, car nous avons dilué dans 4 parties d’eau, 1 partie de plasma salé fluoré à 3 0/00. COAGULATION DU SANG. PLASMA FLUORÉ 29 Donc, le plasma de lapin privé de cellules, fluoré à 3 0/00, puis dilué assez fortement, se coagule. Le sang complet de lapin, fluoré au sortir du vaisseau, se comportera-t-il de même? L’expérience répond par l’affirmative. Si l’on ajoute à 1 volume de sang complet contenant 2 à 3 0/00 (ou même un peu plus) de fluorure, quelques volumes de la solution physio- logique de NaCl, la coagulation s’effectue, assez lentement, il est vrai .(au bout de quelques heures), mais d’une manière com- plétée Jusqu’ici, point de différence à signaler entre notre plasma salé fluoré et le sang complet également fluoré. Avant d’aller plus loin, demandons-nous pourquoi le sang fluoré se coagule lorsqu’on le dilue. L’explication est très vraisemblablement la suivante : le fluorure calcique n’est com- plètement insoluble dans l’eau qu’en présence d’un excès de fluorure sodique; ce fait se constate aisément : mélangeons des solutions à 2 0/0 de. chlorure calcique et de fluorure sodique, en proportions telles que ce dernier réactif se trouve en excès, et centrifugeons. Le précipité de GaFl“ se dépose; décantons le liquide clair surnageant; nous constatons qu’il précipite par BaCr^ (réactif de Fl) mais non par l’oxalate d’ammoniaque; tout le calcium a donc été insolubilisé. Transportons un peu du dépôt de Ga Fl- dans un large tube contenant de la solution physiologique de NaGl (bien exempte de sels calciques), et centrifugeons encore; nous lavons ainsi le précipité en le débarrassant des traces de NaFl: quand il s’est déposé, aspi- rons le liquide, remplaçons-le par une nouvelle quantité de solution physiologique, et agitons. On constate que cette solu- tion, séparée de GaFU par une dernière centrifugation, préci- pite assez abondamment par l’oxalate d’ammoniaque. Addition- née de NaFl concentré, elle donne quelques flocons légers; le fluorure calcique, soustrait par le lavage à l’action de NaFl, s’est donc partiellement redissous. On peut admettre, en consé- quence, que lorsqu’on dilue assez fortement du sang fluoré à 2 ou 3 0/00, et qu’on diminue ainsi la concentration de NaFl, on solubilise une trace de la chaux que le fluorure sodique avait précipitée; cette trace suffît à transformer, lentement il est 1. Il est saperllu de dire que ce sang complet Iluoré reste indéfiniment liquide lorsqu’on ne le dilue pas. 30 ANNALES DE L’INSTIïUï PASTEUR. vrai, le proferiiieiit en fibrin-ferment actif, et la coagulation apparaît. Si celte interprétation est exacte, on doit prévoir que du sang- Iluoré à 3 O/OO ne se coagule pas lorsqu'on le dilue dans de la solution pliysiologique fluorée elle-mênie à 3 0/00. C'est ce .que l’expérience vérifie. Si le plasma sab', privé de cellules, se comporte comme du sang complet, il doit rester indéfiniment liquide lorsqu’on y introduit une dose de fluorure supérieure à celle qu’on em- ployait dans l’expérience 1, où le plasma salé était bien fluoré à 3 0/00, mais était mélangé ensuite à 4 volumes d’eau distillée pure. Procédons maintenant de manière à ce que la teneur en fluorure du volume total (plasma salé -f- eau distillée) s'élève à 2 ou à 3 0/00. Versons dans quelques tubes 4 c. c. de solution de NaFl à 3 0/0. Ajoutons à chaque tube des quantités d’eau dis- tillée variant de 23 à oO c. c., puis introduisons partout 4 c. c. de plasma salé à o O/O. Aucun des mélanges ne se coagule (leur teneur en fluorure varie de 2 à 3 O/OO environ). On s’assure bien entendu de ce que le plasma salé se coagule nor- malement (au bout d'une demi-heure environ) lorsqu’on le dilue dans des volumes semblables d’eau distillée ne renfer- mant pas de fluorure. Voici donc un premier point acquis. On peut obtenir, aux dépens de plasma salé privé de cellules, un plasma dilué fluoré non coagulable. Mais ce plasma dilué possède-t-il les propriétés du plasma fluoré ordinaire, que M. Arthus obtenait par centrifu- gation du sang complet fluoré à 3 0/00? En d’autres termes, se coagule-t-il par addition de sérum, et d'autre part reste-t-il liquide lorsqu’on y introduit du chlorure calciqiie en quantité quelconque? Eh bien, l’expérience montre qu’il y a sous ce rapport analogie complète entre le plasma fluoré ordinaire et notre plasma dilué fluoré. Ce dernier se solidifie en quelques instants quand on l’additionne de fibrin-ferment (sérum provenant d’une coagulation normale de plasma salé dilué dans la quantité voulue d’eau distillée). Mais d’autre part le chlorure calcique, quelle qu’en soit la dose, n’en provoque point la coagulation. En conséquence, nous pouvons conclure, dès à présent, qu’il est inutile d’invoquer l’intoxication des cellules pour expliquer les caractères si particuliers du plasma fluoré, puisque ces pro- COAGULATION DU SANG. PLASMA FLUORÉ 31 priétés spéciales s'observent tout aussi bien si Ton a soin, avant de fluorer le sang, d’éliminer entièrement les éléments figurés qu’il renfermait. — Une seconde déduction se présente : on n’est pas autorisé à dire, en se fondant sur ce fait que le plasma fluoré ordinaire ne se coagule pas par addition de CaCU, que ce plasma ne contient pas de pro ferment. En efïet, le plasma salé à 5 0/0 renferme sûrement du proferment (voir notre mémoire anté- rieur) ; et cependant, lorsqu'il est dilué et fluoré, il reste liquide en présence du sel calcique. On comprend facilement pourquoi le plasma fluoré ne se coagule pas spontanément; le fluorure est en effet un agent décal- cifiant, et la chaux, nous le savons, est nécessaire à fa transfor. mation du proferment en fibrin-ferment actif. Mais on conçoit moins aisément la raison de l’incoagulabilité de ce plasma (et-^ notamment de notre plasma dilué Iluoré qui incontestablement renferme du proferment) en présence (Pun excès de sels calciques solubles. — Pour élucider ce point assez obscur, revenons à notre première expérience. Celle-ci nous a montré que du plasma salé, fluoré à 3 O/OU (4 c. c. de plasma salé à b 0/0 -j- 1 c. c. de solution de NaFl à 1,5 0/0) se coagule par dilution dans un volume suffisant (20 c. c.) d’eau distillée. Préparons main- tenant un mélange fort semblable, contenant les mêmes propor- tions de solution fluorée, de plasma salé et d'eau distillée, mais dans lequel la plus grande partie du fluorure a été, avant d’être ajoutée au plasma, neutralisée par du chlorure calcique. A'ersons dans un tube 1 c. c. de la solution de fluorure à 1,5 0/0, et ajoutons 1 c. c. d’eau distillée contenant à peu près 2 0/0 de chlorure calcique. (On s’est assuré au préalable de ce qu'un mélange à volumes égaux de ces deux solutions, mélange dans lequel apparaît un précipité de CaFP, contient un léger excès de NaFl, mais ne renferme plus de chaux à l’état soluble, précipi- table par les oxalates alcalins.) Ajoutons ensuite le plasma salé (4 c. c.), puis l’eau distillée (20 c.c.). On s’attendrait évidemment à ce que le mélange ainsi constitué se coagulât, plus vite même que la mixture précédente, car il ne diffère de celle-ci qu’en ce que l’agent anticoagulant, le fluorure soluble, a été presque tota- lement précipité avant d’entrer en contact avec le plasma. Or, 32 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. c’est le contraire qui se produit : ce second mélange se main- tient indéfiniment liquide. Ce résultat assez paradoxal s’expliquerait si le précipité de fluorure calcique, abondant dans le second mélange, possédait lui-même un pouvoir anticoagulant énergique. Telle est d’ail- leurs la véritable interprétation, ainsi qu'en fait foi l’expérience suivante: Mélangeons, en parties égales, le fluorure sodique à J ,5 0/0 au chlorure calcique à 2 0/0: accélérons par la centrifugation le dépôt du précipité de GaFP. Décantons et versons dans un tube un peu du liquide surnageant limpide, puis agitons le mélange centrifugé pour remettre le précipité en suspension. Comparons, au point de vue de leur influence sur la coagu- lation, le liquide limpide décanté (lequel contient un peudeNaFl mais point de CaFP) au liquide trouble dont la constitution chimique est la même, sauf qu’il renferme en outre du CaF’l- insoluble. Versons dans 2 tubes 4 c. c. de plasma salé; à l’un des tubes. A, ajoutons 2 c. c. du liquide clair; à l’autre B, 2 c. c. du liquide trouble; un peu plus tard, introduisons dans les tubes 18 c. c. d’eau distillée. Le mélange A se coagule au bout du temps normal: l’autre se maintient indéfiniment liquide. — Le rôle anticoagulant du précipité apparaît donc avec une parfaite évidence. On conçoit dès lors pourquoi le sang ou le plasma fluorés à 3 0/00 ne se coagulent point par addition de chlorure calcique, lequel y fait naître un précipité doué d’un pouvoir anticoagulant plus énergique que celui du fluorure soluble lui-même. Mais, objectera-t-on, le sang et le plasma salé qu’on additionne de 2 à 3 0/00 de fluorure sodique contenaient déjà une certaine pro- portion de chaux ; il s’y est donc fait un léger précipité de GaFl- : pourquoi dès lors ce sang ou ce plasma fluorés peuvent-ils se coaguler (lentement il est vrai) lorsqu’on les dilue fortement dans un liquide non fluoré (solution physiologique ou eau dis- tillée)? Cela tient, en réalité, à ce que le sang n’étant pas très riche en sels calciques, le précipité de CaFF qui s’y forme par mélange avec le Iluorure sodique n’est guère abondant; au reste une fraction de ce précipité se redissout, nous l’avons vu, grâce à la dilution. Les expériences qui suivent nous montreront que le pr-écipité absorbe les matières qui président à la coagulation. COAGULATfON DU SANG. PLASMA FLUORÉ ^3 Mais il faut, pour que cette absorption soit totale, le faire inter- venir en dose assez notable. Absorption des principes actifs par leprécipitéde fluorure calcique. — Pour obtenir une émulsion de tluorure calcique bien pur, précipitons une solution de GaCP par un excès de NaFl. Le précipité qui se dépose est soumis à des lavag-es répétés (suivis de centrifugations et de décantations) dans de Peau distillée additionnée de J 0/0 de NaCl. Après une dernièr e centrifugation, le dépôt, bien débarrassé de NaFl, est délayé dans un certain volume de la solution de NaCL et le liquide très louche obtenu est étudié au point de vue de son pouvoir aniicoagulanti. Il suffit d’ajouter un peu de cette émulsion de CaFF à l’eau distillée dans laquelle on dilue le plasma salé à o 0/0, pour que la coagulation soit complètement enrayée. C’est bien le précipité lui-même qui agit; la partie liquide de l’émulsion (débarrassée du précipité par centrifugation) ne possède point de pouvoir anti- coagulant, ainsi que le démontrait déjà l’expérience citée quel- ques lignes plus haut, expérience que nous pouvons refiiii^e en employant cette fois du Iluorure calcique bien lavé : Centrifugeons un certain volume de notre émulsion de CaFL dans la solution de NaCl à 1 0/0, et décantons le liquide sur- nageant limpide. Versons dans 2 tubes, d’une part .3 c. c. de ce liquide surnageant, d’autre part 3 c. c. de l’émulsion trouble non centrifugée. Ajoutons ensuite aux 2 tubes 10 c. c. de plasma dilué, qu'on a préparé quelques instants auparavant en mélan- geant 1 volume de plasma salé à 3 0/0 avec 4 volumes d’eau distillée. Ce plasma abandonné à lui-même, sans aucune addition (ou additionné pour 10 c. c., de 3 c. c. de solution de NaCl à 1 0/0) se coagule spontanément au bout d’une demi-beure. Le plasma mis au contact du liquide clair surnageant se coagule au bout du même temps, celui qu’on a mélangé à l’émulsion trouble reste liquide. Il ne se coagule pas davantage si par une centrifugation prolongée on le débarrasse de toute trace de précipité. Celui-ci à donc absorbé certains principes indispensables à la coagulation. Est- ce le fibrinogène, est-ce le principe coagulant? Le précipité, s’ilagit'à dose assez ïorïe, peut enlever au plasma Le fluorure <‘alcique n’est pas, nous l’avons dit antérieurement, complètement insoluble ; aussi, lorsqu’on laisse déposer le précipité contenu dans ce- liquide et qu’on additionne d’oxalate la couche supérieure décantée et linipidn, il se forme un trouble bien visible d’oxalate calcique. 3 31 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. la tolalKé de son [ibriuofjènc. Ce plasma ainsi traité, débarrassé ultérieurement du précipité par la centrifugation, ne se coagule plus lorsqu’on l’additionne d’une quantité quelconque de fd)rin- ferment très actif (sérum provenant d’une coagulation antérieure et normale de plasma dilué). Bien plus, il ne se trouble plus quand on lechaulfe vers G5°, ainsi qu’on le démontre comme suit : Préparons un certain volume de plasma dilué oxalaté, incoa- gulable spontanément (7 c. c. de plasma salé à o 0/0 4- 28 c. c. d’eau distillée -f- 4 c. c. de solution d’oxalate sodique à 1 0/0). Versons dans 2 tubes, d’une part (tube A) 2 c. c. de liquide clair surnageant (provenant de la centrifugation et décantation de notre émulsion de GaFP), d’autre part 2 c. c. de cette émulsion trouble (tube B). Ajoutons aux 2 tubes 10 c. c. de plasma dilué oxalaté. Laissons le contact se prolonger quelques heures, puis centrifugeons les 2 mélanges, et décantons les liquides limpides, bien débarrassés désormais de tout précipité. On constate que le liquide provenant du tube A, et qui n’a point été en contact avec le précipité de CaFb, se trouble fortement lorsqu’on le chauffe vers 60-65®; exposé à cette température, le liquide traité par le précipité reste parfaitement transparent. Un second essai montre que le premier liquide se solidiOe bientôt par addition de CaCP, lequel ne produit aucune coagulation dans le second; celui-ci résiste de même à l’action du fibrin-ferment. Mélangeons maintenant à du plasma dilué qu’on vient de préparer, une dose d’émulsion de CaFl'^ notablement plus faible que celle mise en œuvre dans l’expérience précédente; nous constatons encore l’absence de coagulation. Mais éliminons le précipité de CaFF par centrifugation, et ajoutons, au plasma limpide décanté, du sérum riche en fibrin-ferment. La coagulation s’effectue, avec une certaine lenteur il est vrai. La totalité du fibrinogène n’a donc pas été absorbée, la quantité de CaFl- employée étant insuffisante. Mais pourquo dans ces conditions, le plasma ne s’est-il point coagulé sponta- nément, sans- le secours du fibrin-ferment *? On doit soupçonner en présence de ce résultat, que le fluorure calcique absorbe le principe coagulant (fibrin-ferment ou proferment) avec plus d’énergie encore qu’il ne fixe le fibrinogène. Pour démontrer qu’il en est bien ainsi, il suffit de mélanger a de l’émulsion de CaFF, un certain volume de fibrin-ferment COAGULATION DU SANG. PLASMA FLUORÉ 35 bien actif (sérum provenant cFune coagulation antérieure de plasma dilué). Après quelque temps de contact, on centrifuge ; le sérum ainsi débarrassé du précipité a perdu tout pouvoir coagulant. Ajouté à du plasma dilué qu’on vient de préparer, il n’en empêche point la coagulation (la(|uelle exige une demi- heure environ) mais il ne l’accélère aucunement. Or, le même sérum, non traité par le GaFU, solidifie en quelques instants, nous le savons, le plasma dilué récemment obtenu. Il résulte de ces expériences que le précipité de CaFF entraîne très facilement, par une sorte de collage, le proferment, le fibrin- ferment, et même, lorsqu’il agit à dose suffisamment élevée, la totalité du fibrinogène. Cette propriété du fluorure calcique explique d’une manière très satisfaisante les caractères si parti- culiers du sang et du plasma fluorés, obtenus d’abord par M. Arthus. Si le sang fluoré ne se coagule pas spontanément c’est que le fluorure sodique en a précipité la chaux; s’il se coa- gule sous l’influence du fibrin-ferment, c’est que le précipité de CaFL^ qui s’y trouve, et qui résulte de Faction du fluorure alcalin sur la chaux naturelle du sang, est très peu abondant et ne saurait en conséquence, absorber le fibrinogène (ni peut-être même le proferment) d’une manière bien appréciable. S’il ne se coagule point par addition de CaCF, c’est que, comme nous l’avons déjà fait remarquer plus haut, l’introduction de ce sel augmente la teneur du sang fluoré en fluorure calcique insoluble, provoque donc une absorption plus intense des principes actifs, et par conséquent, loin de favoriser la coagulation, tend au contraire à l’enrayer davantage. Action anücoagiilanlede divers précipités. — Le fluorure calcique n’est pas le seul sel insoluble qui jouisse d’un pouvoir anticoa- gulant ; cette propriété appartient à d’autres précipités, tels que le sulfate ou le carbonate de baryte, Foxalate calcique, pour ne citer que ceux dont nous avons éprouvé le pouvoir. Tous ce« précipités, soigneusement lavés à la solution de NaCl à 1 0/0 et maintenus en suspension dans ce liquide, empêchent la coagu- lation du plasma dilué. Seulement ils sont nettement moin actifs que le fluorure calcique, notamment au point de vue de l’absorption du fibrinogène, dont ils dépouillent moins facilement 36 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUIL le plasma auquel ou les m(‘lauge\ Celui-ci, séparé ensuite (par ceutrifugalion) du précipité qu’on y avait introduit, se montre, en général, apte encore à se coaguler sous rinlluence d’une addition de sérum riche en librin-ferment. Mais ces précipités peuvent absorber totalement le fibrin- ferment du sérum et le priver ainsi de son pouvoir coagulant. Par exemple, si Ton mélange à 4 c. c. de sérum (provenant d’une coagulation normale de plasma dilué) 2 c. c. d’une émul- sion laiteuse de sulfate de baryte, puis qu’on centrifuge, le liquide décanté ne hâte plus la coagulation du plasma dilué récemment préparé. On peut aussi faire intervenir, comme réactif dénotant la disparition du fibrin-ferment, le plasma oxalaté. Il faut remar(|uer cependant que, pour obtenir une absorp- tion totale, il faut employer une assez grande quantité de pré- cipité. Le précipité d’oxalate calcique qui se forme lorsqu’on recalcifie du plasma oxalaté à 1 0 00 n’est pas assez abon- dant pour entraîner une fraction importante des substances actives. Aussi le plasma oxalaté se coagule-t-il, on le sait, dans -ces conditions, l’influence antagoniste du précipité n’étant guère appréciable Action agghitinantc du sci ion snc les précipités. — Il nous reste à dire quelques mots d’un phénomène que nous avons observé au cours de nos recherches sur le pouvoir anticoagu- lant des précipités insolubles, et qui nous paraissait an début assez énigmatique. Diluons du plasma salé à 5 0/0 dans la quantité voulue, (4 parties') d’eau distillée. Dès que ce plasma dilué est obtenu, versons-y une certaine quantité d’émulsion de précipité. Ajou- tons par exemple 8 gouttes d’émulsion laiteuse^assez épaisse de sulfate barytique à 1 c.c. de plasma dilué: dans ces condi- tions, le précipité ne subit aucun changement, les particules qui le constituent restent dissociées comme elles Tétaient dans Témulsion; ainsi qu’il a été dit plus haut, la coagulation ne 1. Cependant, en employant de loi tes doses d’émulsion épaisse de sulfate barv- tique, on peut enlever la totalité du fibrinogène. L’influence absorbante du sul- fate barytique à l’égard de certaines matières minérales en solution colloïdale a été signalée par Vanino {Berichte der deutschen chemischen Gesellschaft., 1902). 2. Comme M. Arthus Ta déjà suggéré, elle peut devenir manifeste lorsqu’on recalcifie des plasmas contenant de fortes doses d’oxalate alcalin; dans de pareils cas, la coagulation s’opère difficilement (Arthus). COAGULATION DU SANG. PLASMA FLUORÉ 37 s’effeclue point. D’autre part, clans un second essai, prenons encore du plasma dilué identicjue au précédent, mais attendons que la coagulation commence à s’y effectuer; dès que les parois du vase se revêtent de coagulum, défibrinons au moyen d’une baguette de verre, jusqu’à ce que toute la fibrine soit extraite; attendons encore quelque temps pour être sûrs que le sérum ainsi obtenu ne se coagule plus, est donc bien débarrassé de sa fibrine. Ajoutons alors à 1 c.c. de sérum, 8 gouttes d’émulsion bary- tîque. Presque instantanément, le précipité, s’agglomère en blocs volumineux qui ne se désagrègent point par agitation, se déposent rapidement, le liquide surnageant ne présentant plus aucun trouble. Du plasma ddué qui se coagule et qu’on défibrine ac({uiert donc le pouvoir, qu’il ne possédait pas avant la coagulation, d’agglutiner, avec une grande énergie, des précipités inertes, tels que le sulfate barytique, l’oxalate calcique, etc. Cette pro- priété nouvelle disparaît du sérum assez rapidement, au bout de 2 ou 3 jours, souvent même au bout de 24 heures environ. Le chauffage à 60'^ (pendant 1/2 heure) l’atténue considérablement ou la fait disparaître; le chauffage à .oo®, pendant le même temps, ne l’abolit pas. Cliose curieuse, le sérum qu’on a chauffé à 0.3^ (et dont on a détruit ainsi le fibrin-ferment, car ce liquide ainsi traité n’est plus capable de provoquer la coagulation du plasma oxalaté) conserve son pouvoir agglutinant vis-à-vis du précipité, beaucoup plus longtemps que s’il n’avait pas été chauHe. La coagulation, avec défibrination, du plasma (qu’il s’agisse -de plasma normal ou de plasma oxalaté dont on provoque la coagulation par l’addition de sérum) s’accompagne toujours de l’apparition de ce singulier pouvoir agglutinant. C’est le cas • même pour du plasma dilué qu’on a déjà mélangé (dès qu’il a été obtenu) à une forte dose de sulfate de baryte, et qui, après élimi- nation du précipité par centrifugation, devient coagulable grâce à l’addition d’une trace de sérum, et est soumis à la défibrina- tion. Une expérience très simple va nous dévoiler la cause de cette remarquable influence agglutinante qu’exercent sur les précipités, les sérums obtenus par défibrination. Diluons, suivant les proportions connues, le plasma salé dans 38 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. l’eau flislilléc. Une [»orlion du plasma dilun esl vers«*e dans un verre à j)ied ; dès que la coagulalion commence à s’y manifester, on défibriné activement et complètement, au moyen d’une baguette de verre; on obtient ainsi le sérum A. L’autre portion est abandonnée à elle-même, sans subir aucune agitation, et se transforme bientôt en caillot compact d’où s’exsude ensuite un sérum B. Si, à des volumes égaux des deux sérums, nous ajou- t)ns même quantité d’émulsion de sulfate barytique, nous con- statons une agglomération très énergique du précipité dans le sérum A; dans le sérum B, le précipité ne s’agglutine nullement. Prenons maintenant une certaine quantité de sérum A, qui pos- sède à un haut degré, nous venons de le voir, le pouvoir agglo- mérant. Versons-y un volume relativement faible de plasma dilué, tout récemment préparé, et n’agitons point le liquide pen- dant qu’il se coagule; nous trouvons que le sérum qui s’échappe du caillot a perdu entièrement sa propriété agglomérante. D’autre part, conservons pendant un jour ou deux nos deux sérums. Au bout de 24-36 heures (parfois moins), nous obser- vons que le sérum B a gardé toute sa limpidité; dans le sérum A, au contraire, quelques flocons très légers, transparents au point d’être à peine visibles, ont apparu. L’agitation les agrège en un filament de fibrine; en même temps, on constate que le liquide a perdu entièrement son pouvoir agglutinant. L’interprétation est désormais fort simple. Lorsque nous défibrinons le plasma au moyen d’une baguette de verre, nous ne récoltons pas sur cette baguette la totalité de la fibrine pro- duite ; une fraction du fibrinogène modifié par le fibrin ferment échappe à la défibrination, se dissémine dans le plasma, se main- tient ainsi à l’état d’équilibre instable, pendant un temps qui peut atteindre un jour ou deux, sans troubler aucunement la limpidité de la liqueur. Si l’on introduit un précipité, l’adhésion moléculaire réciproque intervient, les particules solides et la fibrine à l’état colloïdal s’accolent et, pour ainsi dire, se coa- gulent mutuellement.' Dans le cas où Ton ne fait pas agir le précipité, les molécules de fibrine exigent un temps souvent fort prolongé pour se condenser sous forme de flocons légers et transparents. Quand cette condensation s’est opérée, quand, en d’autres termes, il n’existe '"plus de fibrine disséminée dans le sérum, celui-ci se montre désormais privé de sa propriété agglo- COAGULATION DU SANG. PLASMA FLUORÉ 39 mérante. Mais si Fon abandonne à lui-même, sans l’agiter, le plasma qui se coagule, le caillot gélatineux que la défibrina- tion ne vient point déchirer englobe et retient, par un phéno- mène de collage, la totalité de la fibrine;; aucune fraction de celle-ci ne se retrouve dès lors dans le sérum. Aussi n’observe- t-on plus, dans ces conditions, l’apparition ultérieure de flocons; à aucun moment, le sérum ainsi préparé ne jouit du pouvoir agglutinant. On conçoit également pourquoi le sérum obt^^nu par défibri- nation conserve mieux son pouvoir agglomérant lorsqu’on le chauffe à . On supprime ainsi le fibrin-ferment, c’est-à- dire une influence très favorable à la condensation en flocons, des molécules disséminées de fibrine. Celles-ci peuvent donc se maintenir plus longtemps éparses, dispersées dans la liqueur, et provoquent le collage des particules solides avec lesquelles on les met en contact. On admet que lors de la coagulation, le poids de la fibrine solide formée est nettement inférieur à celui du fibrinogène que le plasma contenait à l’origine; on en conclut que la trans- formation en fibrine n’est pas l’unique modification que subit le fibrinogène. Il ne sera sans doute pas inutile, pour ceux qui désireraient reprendre cette question de la métamorphose du fibrinogène en fibrine, de savoir qu’on ne récolte pas nécessai- rement, en défibrinant avec une baguette un plasma qui se coa- gule, la quantité totale de fibrine réellement engendrée. - • ^ * ^ CONCLUSIONS Pour expliquer les propriétés particulières du sang ou du plasma fluorés, il n’y a pas lieu de faire intervenir l’influence toxique que le fluorure alcalin peut exercer sur les cellules san- guines ; 2® Il n’est point démontré que le plasma fluoré ne contient pas de proferment. S’il ne se coagule pas spontanément, c’est parce que les fluorures alcalins sont des agents décalcifiants. Mais c’est à cause de la production de fluorure calcique, et non pas en raison de l’absence de proferment, que le plasma fluoré ne se coagule pas par addition d’un sel soluble de calcium. Un plasma débarrassé au préalable de ses éléments cellulaires. 40 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. fluoré ensuile, et qui contient sûrement du proferment, ne se coagule pas quand on l’additionne de chlorure calcique; 3° On ne peut, en conséquence, invoquer les caractères du plasma fluoré en faveur de cette thèse, que les leucocytes con- tiennent normalerneut le proferment, el que Tintoxication de ces éléments les empêche de mettre cette substance en liberté dans le liquide ambiant; 4° Le fluorure calcique, comme d’autres précipités inso- lubles capables également d’empêcher la coagulation, absorbe le fibrin-ferment. Employé à dose suffisante, le précipité de GaFP peut fixer en outre la totalité du fibrinogène présent dans le plasma. — Les autres précipités étudiés, et notamment le sulfate ou carbonate barytique et l’oxalate calcique, ne manifes- tent qu’à un degré plus faible ce pouvoir fixateur à l’égard du fibrinogène ; 5® Quand on défibrine du plasma dilué en voie de coagu- lation, une fraction de la fibrine produite n’est pas récoltée, se maintient longtemps à l’état disséminé dans le liquide. Cette fibrine, qui passe inaperçue, peut se coller sur les particules de divers précipités et les agglomérer de la sorte avec beaucoup d’énergie. DE LA. VALEUR THÉRAPEUTIQUE N DES injections de Sérum dans la diphtérie SUIVANT LES DOSES ET LA VOIE DE PÉNÉTRATION Par le D'’ LOUIS CllUVEILHIEll Acluellement, les cliniciens considèrent comme un devoir de recourir au sérum dans les cas de diphtérie. — Mais, si Taccord est fait quant à Topportunité delà sérothérapie antidiphtérique, on ne s'entend pas encore au sujetde la de sérum à employer et sur l'avantage qu’il peut y avoir à répéter les injections. Le choix de la voie de pénétration de l'antitoxine a donné enfin lieu à des divergences d'opinion. Il nous a donc semblé qu’il serait utile de demander à des expériences comparatives la solution de ces problèmes. Toutes nos expériences ont été faites sur le même animal, le cobaye, et, constamment, nous nous sommes servis de sujets neufs. Tour à tour et comparativement, nous avons employé le microbe lui-même, puis la toxine diphtérique. I RÉSULTATS OBTENUS APRÈS INOCULATION DU MICROBE Le microbe auquel nous avons eu recours dans notre pre- mière série d’expériences est le bacille diphtérique n'^ 261, que nous devons à l’obligeance de M. le docteur Mornont. Nous avons employé d'abord des ensemencements en bouillon additionné de peptone Gbapoteaut, puis des cultures sur gélose. Dans l'un et l’autre cas nos animaux témoins sont morts entre 36 et 48 heures, et présentaient à l'autopsie les lésions carac- téristiques do la diphtérie. a) Injections intra- cérébrales comparées aux injections sous- 42 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. aitanves 10 de c. r. — On a insisté, à propos du tétanos, sur l’importance qu’il y a à mettre le sérum « au bon endroit ». Il était intéressant de rechercher si, dans la diphtérie comme dans le tétanos le bon endroit était le cerveau. Nous avons donc injecté à un premier lot de cobayes, ino-- culés au préalable de la diphtérie, 1/10 de c. c. de sérum sous la peau, et comparativement nous avons fait pénétrer la même- dose d’antitoxine dans le cerveau d’un second lot d’animaux de même espèce. Ces expériences, qui ont porté sur de nombreux sujets, tous approximativement de même poids, nous ont montré que, dans la diphtérie comme au cours du tétanos, « l’injection'intra-céré- brale augmente la période d’intervention efticace ». Ainsi, on peut, avec la même quantité de sérum, prévenir la mort par une injection intra-cérébrale alors que l’injection sous-cutanée reste sans résultat. Le gain obtenu par les injections intracérébrales au cours de la diphtérie n’a toutefois rien de comparable avec celui qu’on observe dans le tétanos. La voie cérébrale ne nous a jamais, en effet, permis de gagner sur la voie sous-cutanée plus de 4 lieures avec la même dose de sérum (1/10 de c. c.). D’autres fois, le gain n’a même été que de 2 heures. Le temps utile des injections de sérum s’est trouvé ainsi reporté de 10 heures à 14 heures, ou tout au moins à 12 heures. Ces résultats nous ont prouvé que si, comme l’ont montré MM. Roux et Borrel, la toxine diphtérique a pour le système nerveux une grande affinité, il n’en est pas de même de l’antitoxine. b) Injections sous-cutanees massives comparées aux injections ■intracérébrales. — En présence d’une intoxication sévère, comme c’est le cas dans nos expériences où les cobayes meu- rent en moins de 48 heures, il nous a paru intéressant de rechercher s'il serait possible d’arriver à balancer la valeur des injections intracérébrales par des injections sous-cutanées massives, dont on a maintes fois constaté l’efficacité en clinique. Comparativement à des injections intracérébrales de 1/10 de c. c., nous avons donc injecté à d’autres cobayes, sous la peau, 1 c. c. de sérum. Cette dose équivaut, pour un animal de INJECTIONS DE SÉRUM DANS LA DIPHTÉRIE 43 iiOO grammes à 20 c. c. pour un enfant pesant 10 kilogrammes, c’est-à-dire âgé de moins de 18 mois. Nous avons alors constaté que le gain obtenu par les injec- tions intra-cérébrales sur les injections sous-cutanées massives était d’ordinaire seulement de 2 heures, et exceptionnellement de 4 heures. Ainsi le temps utile des injections sous-cutanées est reporté le plus souvent à 12 haures. Dans de nouvelles expériences,, nous avons cherché s’il était possible d’arriver à de meilleurs résultats en augmentant la dose d’antitoxine, et nous avons injecté sous la peau de nouveaux sujets 2 c. c., 4 c. c., 6 c. c. et jusqu’à 10 c. c. de sérum en une seule fois. Deux de nos animaux qui avaient reçu 10 c. c. d antitoxine 12 heures après l’inoculation sont morts. Pour les autres, notre intervention a encore été utile 12 heures après l’inoculation, mais, ce laps de temps (“coulé, nous n’avons pu sauver aucun de nos cobayes. Le dose de 1 c. c. qui, dans les conditions où nous avons opéré, correspond aux quantités de sérum prescrites au congrès de Budapest de 1894, si elle est nécessaire, est donc aussi suffisante. c) Injcctiims sous cuhniéeset intra-cérêbrides répéiécs. — Les cli- niciens ont insisté sur l’importance qu’il y a d’injecter d’emblée une forte dose de sérum, mais ils ont aussi éprouvé, dans les cas graves, les bons eflets de la répétition de ces injections. Nous avons donc recherché tour à tour si, par la répétition des interventions sous-cutanées et intra-cérébrales, on obtien- drait de meilleurs résultats que parles injections sous-cutanées massives. Nous avons renouvelé nos injections sous-cutanées au bout de 6 heures et de 18 heures, et nous avons constaté que dans ces conditions on peut encore intervenir avec efficacité, constamment 12 heures eprès l’inoculation. Les injections intra-cérébrales ne donnent donc plus qu’un gain de 2 heures et parfois, même, elles n’ont pas de meil- leur effet que les injections sous-cutanées. Par la répétition des interventions dans le cerveau au bout de 1/2 heure, 1 heure, 1 h. 1/2, 2 heures et 3 heures nous n’avons pas obtenu de meilleurs résultats que par une seule injection intra-cérébrale dans 4 nouveaux essais. 44 ANNALES DE L’INSTIÏUÏ PASTEUR. d) Injections Inlntreineuses comparées aux injections intra-céré- brales et sons-cntanées. — Les bons ellets obtenus au cours des dernières épidémies de peste par la sérothérapie intravei- neuse nous ont amenés à rechercher si expérimentalement, dans la diphtérie, la voie intraveineuse ne présentait pas un avantage sur les voies intra-céréhrale et sous-cutanée, ainsi que semblaient déjà le prouver les observations cliniques de L. Cairns de Glas- cow (1902) et celles de Goncour de Bordeaux (1903). Dans nos expériences, les injections intraveineuses de J c. c. nous ont fait obtenir constamment un gain de G heures sur les injections sous cutanées de 1/TO de c. c., et un gain de 4 heures sur les injections massives et répétées, pratiquées sous la peau. Nous avons constaté en outre qu’on peut encore recourir utile- msTît à la voie intraveineuse à une phase de la maladie où depuis 4 heures les injections intracérébrales restent le plus sou- vent sans résultat. Pour faire pénétrer facilement l’antitoxine dans les veines de nos cobayes,. nous avons poussé nos injections dans la veine jugulaire, qu’on aperçoit facilement sur le côté, après une incision verticale et médiane des plans superficiels du cou. II RÉSULTATS OBTEXUS APRÈS IXJECTIOX DE TOXINE Dans une seconde série d’expériences nos cobaves ont été inoculés avec la toxine diphtérique du 8. XII. 02, qui nous a été fournie en quantité suffisante pour toutes nos interventions par M. le docteur Martin, que nous remercions de 'son obligeance. Après divers essais, nous nous sommes arrêtés à la dilution à 1/200. Nous en avons injecté 1 c. c. à nos cobayes dont les témoins sont morts entre 72 et 96 heures, a) Injections intra-cérébrales comparées aux injections soas-ciita- neescle 1 10 de c. c. — Dans ces conditions, avec une même dose d’antitoxine (l/IO de c. c.), nous avons pu par la voie intra-céré- brale sauver nos animaux 2 heures après que les injections sous-cutanées avaient cessé d’être efficaces. INJECTIONS DE SÉRUM DANS LA DIPHTÉRIE 45 b) Injectious intraveineuses comparées aux injections intra-céré- brales et sous-cutanées. — Comme dans notre première série d’expériences, les injections intraveineuses nous ont donné un gain constant sur tous les autres modes de pénétration de Pantitoxine. Ce gain a été le plus souvent de 2 heures, mais quelquefois de 4 heures sur les injections sous-cutanées. La voie veineuse nous a permis dans tous les cas d’intervenir 4 heures plus tard que la voie intracérébrale. c) Injections sous cutanées massives comparées aux injections intra-cérébrales. — Sur un autre lot de cobayes nous avons éprouvé Pimportance des doses massives qui nous a semblé plus considérable encore pour lutter contre la toxine que pour s’opposer au microbe. Dans la moitié de nos essais en effet, nous avons pu gagner encore 2 heures par la voie intra-cérébrale, mais dans les autres cas le résultat des 2 modes d’injection s’est trouvé en tous points comparable. Après injection de toxine, comme à la suite.d’inoculalion du microbe diphtérique, dans nos interventions, la dose de 1 c. c, de sérum a été nécessaire mais aussi sufOsante pour obtenir des injections sous-cutanées d’antitoxine leur maximum d’effet utile. d) Injections sous-cutanées et intra-cérébrales répétées. — La répé- tition des interventions a rendu encore plus manifeste l’avan- tage des injections sous cutanées massives, car alors le gain de ces dernières sur les injections intra-cérébrales a été le plus ordinairement de quatre heures. Par la répétition des injections intra-cérébrales, nous avons obtenu de moins bons résultats que par une seule injection.' III En résumé, dans les conditions où nous avons opéré : a) Nous avons pu intervenir utilement 10 heures après l’ino- culation de culture diphtérique par une seule injection de 1/10 de c. c. de sérum sous la peau. ' b) Le temps utile de nos interventions a été reporté à 12 heures le plus souvent par l’injection de doses massives. Ce résultat a ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. 4() été obtenu constamment par la répétition des interventions. c) 12 heures après l’introduction du microbe, et parfois même 14 heures après nous avons pu agir utilement par la voie intra- cérébrale. d) Les injections intraveineuses sont demeurées efficaces dans la majorité des cas 16 heures après l’inoculation. a) Nous avons pu intervenir utilement par la voie sous- cutanée en employant 1/10 de c. c. de sérum, 8 heures après l’injection de toxine. h) Grâce aux doses massives, ce temps utile s’est trouvé reporté de 8 à 12 heures dans la majorité des cas. La répétition des interventions nous a permis d’obtenir constamment ce résultat. c) Les injections intracérébrales se sont montrées inférieures aux injections sous-cutanées massives ou répétées puisqu’elles ne. nous ont laissé intervenir utilement que 10 heures après la pénétration de la toxine. La répétition de ces injections ne nous a donné aucun gain. • cl) Lavoie intraveineuse constamment nous a permis d’inter- venir 2 heures après que tous les autres modes d’injection avaient cessé d’être efficaces. IV De nos expériences nous pouvons conclure que : L Au cours de la diphtérie comme dans le tétanos, « il y a un temps après lequel l’antitoxine ne peut rien, quelle que soit la façon dont elle est employée » ; ’ 2^Danslescasde diphtérie provoquéequenousavons observés, il n’a pas été indifférent, mais utile et nécessaire, d’injecter d’emblée une dose massive de sérum. .3° On doit répéter cette injection tout au moins dans les cas de diphtérie grave, tels que ceux sur lesquels* nous avons expérimenté ; 4° Les injections intracérébrales nous ont permis d’inter- venir presque toujours un certain temps après que les injections sous-cutanées avaient cessé d’être efficaces. INJECTIONS DE SÉRUM DANS LA DIPHTÉRIE 47 La voie veineuse, qui nous a fait obtenir un gain cons- tant sur tous les autres modes de pénétration de l’antitoxine, est dans la diphtérie, comme au cours de la peste, « le bon endroit » pour Eantitoxine. Elle semble lui faire produire un maximum d’effet utile et constitue ainsi une ressource thérapeutique précieuse. Dans les tableaux ci-joints, on trouvera, dans les premières colonnes, le nombre des heures écoulées entre le moment de l’inoculation ou celui de l’injection de toxine et celui de Einjection du sérum, dans chacune des expériences signalées par leur n® d’ordre dans les colonnes suivantes. Dans le. premier tableau l’inoculation a été faitê au cobaye avec 1/4 de culture sur gélose dans un tube. On a ensuite fait des injections de sérum aux doses et dans les conditions indiquées en tête de la colonne. Le nombre d’animaux employés et leur sort sont indiqués ensuite; GS veut dire, 6 survivants surO à la suite du traitement; 3S -}-3M signifie 3 survivants et 3 morts. Chaque expérience compte en outre des témoins qui mouraient d’ordinaire avant les traités, en 36-48 heures dans le premier tableau, en 72-96 heures dans le second. MOYENNE DES EXPERIENCES APRES INOCULATION dE CUCTUBE DIPHTERIQUE 48 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. < «3 M ce P c c iO î-e W K K ^ •51 + £ S S c;r CO CO Ci < K CC £ ic O CO £ £ CO CO »îrc cfi ^ P CO 3C O ea oo O y: Z K CC ce I I I I I I I I Le Gérant : G. Masson. Sceaux. — Imprimerie Charaira, igme année FÉVRIER 1904 No 2 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR (LAC DE GRAND-LIEU 1903.) Par les Edmond et Étienne SERGENT. L’Hémamibe du* paludisme ayant deux hôtes : PHomme et le Moustique, elle peut être attaquée chez l’un ou chez l’autre de ses convoyeurs. La lutte contre les Moustiques constitue un mode de la prophylaxie du paludisme, la désinfection du sang des (iévreuK en constitue un autre. Et c’est sur ce principe : la guérison des hommes malades poursuivie dans le but d’enlever aux Anophelinæ la chance de s’infecter, qu’est basée la méthode de Robert Koch. Le savant allemand considère le problème- de prophylaxie du paludisme du même point de vue que celui de la prophylaxie de la fièvre typhoïde ou du choléra. Il pense qu’il faut atteindre les agents de ces trois affections non dans la nature extérieure, mais chez l’homme ; la prophylaxie du cho- léra. dn la fièvre typhoïde, comportera l’isolement des malades, la désinfection de leurs dejecta, des objets qu’ils ont pu conta- miner, et, de même, l’isolement et le traitement des personnes en état de microbisme latent, c’est-à-dire chez qui l’examen microscopique révèle la présence des mêmes microbes, en dehors de tout symptôme morbide. Par analogie, pour entreprendre la prophylaxie du palu- disme dans une région donnée, R. Koch conseille de recher- cher toutes les personnes en état de paludisme latent, c^est- à-dire de procéder à l’examen microscopique du sang de la population entière; cet examen montrera des hémamilies chez tous les anciens fiévreux non‘ complètement guéris et qui auront 30 ANNALIiS DE L’INSTITUT PASTEUR. encore des rechutes. Ces malades « en puissance » sont traités par le inéJicainent spécifique : la quinine, administrée métho- diquement, à intervalles réguliers, pendant toute la saison dan- gereuse : Man muss an jedem 10 und 11 Tage Morgens 1 Gramm Chinin nehinen. Il ne faut pas confondre cette méthode de désinfection du sang des fiévreux avec la méthode de la quinine préventive, qui consiste à donner de la quinine à toutes les personnes saines ou non, qui sont exposées à contracter le paludisme. Cette méthode de la quinine préventive, connue et appli- quée depuis longtemps, a fait ses preuves, et Ton peut en dire qu'elle vaut ce que vaut la façon dont on la pratique. Une personne intelligente et résolue en tirera de bons effets, mais on peut craindre des échecs s’il s'agit de traiter des col- lectivités. La méthode de Koch part donc d'un tout autre principe que la méthode de la quinine préventive. Elle a inspiré des expé- riences, exécutées dans des pays très différents et dont les résullats fort encourageants ont été publiés dans la Zeitschrift fur Hygiene iind Infektionskrankheiten L L'importance attribuée à cette méthode veut qu’on s’y arrête, et nous a inspiré le désir de l’expérimenter à l'exclusion de toute autre, dans une localité donnée, afin d’en éprouver l’efficacité. ^ vic- Nous avons choisi, comme lieu d'expérience, un canton de la Loire-Inférieure, situé aux confins de la Vendée, sur les bords du lac de Grand-Lieu. La région qui entoure le lac est plate, faite d’alluvions (argile, sables et graviers). Le lac couvre en hiver 8,000 hectares, il reçoit plusieurs' rivières et se déverse au Nord dans la Loire. Cette surface de 8,000 hectares se réduit en été à 4,000 hectares, et la partie découverte porte le nom de marais ; ce sont de vastes prairies où pousse la rouche, Carex, Tyfjha, Sparganimn, qui sert de fourrage et de lilière. D’ailleurs, le lac lui-même est peu profond (2 mètres au 1 Zeitsch. f. Hyg., t. XLIII, f. 1, 22 mai 1903, pp. 1-238; 3 planches, et figures dans le texte. Nous avons donné une analyse de ces importants travaux dans le Bulletin de l’Institut Passeur ^ tome 1, n® 11, pp. 467-472. Voir aussi le mémoire fondamental de Koch : Zusammenfassende Darstellung der Ergebnisse der Mala- riaexpedition, Deutsch. Medic. Wochensch. 1900, n®® 49 et 50. ( : A M PAGN E Ars T IPA LUDIQUE 51 plus); il se comble peu à peu, le marais qui lui sert de cein- ture grandit chaque année à ses dépens. On a aidé l’œuvre de la nature en ensemençant dans les eaux du lac ÏËlodea cana- densis qui croît abondamment, se reproduisant par bouturage naturel, et favorise le colmatage *. Le rebord de la cuvette du Bords du Jac de Grand-Lieu. Les villages défendus sont marqués d’une croix. Tous les bourgs ou villages figurant sur la carte ont présenté des cas de fièvre paludéenne en été-automne 1903. lac de Grand-Lieu s’élève, au Sud, vers le Bocage vendéen, avec des gneiss et des micaschistes; à LOuest de légères ondula- tions de terrain, dont l’ossature est formée de gneiss, séparent le lac de la baie de Bourgneuf qu’envahissent les alluvions. Ces terres gagnées sur l’Océan constituent le Marais vendéen. Le centre de nos opérations fut le bourg de Saint-Philbert 1. En 1876, James Lloyd, auteur de la Flore de l'ouest de la France, ccrivaitdans sa préface : « Les côtés sud et ouest (du lac de Grand-Lieu), entre la Boulogne et l’Aclienau, ne peuvent être suivis par le piéton, anêlé par une vase molle impra- ticable ou par une large bande de plantes marécageuses, qui s'avance de plus en plus. La plus envahissante est Sparganium ramosmn (Rubanier), qui, à en juger parles progrès accomplis depuis 2o ans, finira, en moins d’un siècle, par trans- former cette nappe d’eau en un vaste marais, surtout lor.squ’il sera aidé par Eloica canadensis q\x\ ne peut manquer d’y être apporte.» 52 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. ^ Cailleteau. Ces 62 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. (leux personnes, en dehors de leur séjour à l’Ar.sangle ne sont allées qu'à Nantes et à Rezé (près de Nantes). Nous ne pouvons pas déterminer d’une manière précise comment ces deux dernières personnes ont contracté le palu- disme. L’Arsangle est à environ 1 kilomètre à vol d’oiseau de la Haie. Il est possible que les Anopheles se soient infectés à l’Arsangle même, en piquant un paludéen dont l’accès est passé inaperçu. Mais l’avis du médecin traitant, M. le Caille- teau, est que ces deux personnes ont été infectées au cours d’un de leurs voyages à Nantes ou à Rezé. Nous avons observé un bon résultat de la médication qui- nique chez deux femmes du village de la Vinette : S. Léonie, 48 ans, et G. Sérapbine, 53 ans, anciennes paludéennes et sujettes à des névralgies fréquentes, qui n’étaient pas d’origine dentaire. Nous avions soupçonné des manifestations larvées de paludisme. Quoi qu’il en soit, le traitement quinique leur a procuré un réel soulagement, et elles réclamaient le médicament. L’expérience de prophylaxie du paludisme, basée exclusive- ment sur la ncélhode de Koch, que nous avons faite à Saint- Philbert-de-Grand-Lieu, ne nous a donc pas donné de bons résultats. Les reproches qu’on peut faire à cette méthode seront, dans notre cas particulier : Le diagnostic microscopique du paludisme latent n’est pas possible chez des populations comme celles auxquelles nous avions atlaire, toujours plus ou moins quininisées. La preuve de l’insuffisance de l’examen microscopique est fournie par ce fait que les deux petites filles : G. Louise et G. Madeleine, qui ont eu des rechutes vers le 13 septembre, n’ont pas montré d’héma- mibes dans leur sang au commencement de juillet, à la veille du commencement de la campagne; 2® Chez des ouvriers agricoles, comme le sont la plupart des personnes à défendre contre le paludisme, il est impossible (du moins pour ce qui regarde les Vendéens, àquinous avions affaire) d’administrer les doses de quinine prescrites par Koch. L’ivresse quinique, qui leur cause une réelle incapacité de travail, leur fait refuser des doses aussi fortes; 3^ Le traitement quinique, commencé avant la période épi- CAMPAGNE antipaludique 63 démique (qui est fort courte en Vendée, comme on le peut voir d'après ce que nous avons dit), n’a pas empêché deux anciennes paludéennes de rechuter. Il faut remarquer que ces deux petites filles ont pris exactement les doses mdiquées par Koch. 4° Comme conséquence de ces deux rechutes, deux cas de paludisme de première invasion ont éclaté chez des personnes habitant avec ces deux petites fdles. Deux autres cas de première invasion ne se lient point de façon évidente à des rechutes constatées dans le voisinage immé- diat, et peuvent s’expliquer par une inoculation survenue ailleurs que dans les villages défendus, étant donné le genre de vie des deux malades (une jeune dame et un bébé de IG mois faisant des voyages dans d’autres régions réputées palustres). Si nous comparons ces résultats peu encourageants avec ceux que nous avons obtenus, en Algérie, par la détense mécanique et le pétrolage des gîtes à larves d’ Anoplielinœy nous n’hésitons pas il conclure en faveur de la supériorité évidente de ces der- niers modes de défense. Le principe théorique de la désinfection du sang des fiévreux est très logique, et, s’il était applicable, il permettrait d’arrêter la renaissance annuelle des épidémies paludéennes. Malheureu- sement, en pratique, la quinine, qui est le meilleur spécifique du paludisme, n’empêche cependant pas toujours les rechutes de se produire. La cure quinique des anciens paludéens est évi- demment indiquée, dans l’intérêt général aussi bien que dans l’intérêt particulier, et constituera un des éléments de la prophy- laxie du paludisme ; elle ne peut pas, à notre avis, en constituer la base, à l’exclusion des autres méthodes. Elle sera un bon adjuvant, mais c’est de la lutte contre les moustiques que nous devons attendre les résultats les plus satisfaisants. Campagne antipaludique en Algérie (± 003.) P.\n LES D*’® Edmond et Etienne SERGENT, DE l’institut pasteur DE PARIS A la suite de notre première expérience, durant Tété de 1902, à la gare de l’Alma i, sur la propl]}daxie des fièvres paludéennes au moyen de mesures de défense contre les Ano- plieles, la Compagnie des chemins de fer de l’ Est-Algérien a décidé d’étendre en 1903 ces mesures de défense à plusieurs autres gares fiévreuses de son réseau, et, d’accord avec Elns- titut Pasteur de Paris, a chargé l’un de nous de mettre en œuvre ces mesures prophylactiques et d’exercer une sur’veillance médicale (au point de vue du paludisme) sur les personnes pro- tégées habitant ces gares. Parmi les gares particulièrement palustres indiquées par les renseignements très compétents du médecin en chef de la Compagnie, M. le docteur Stéphann, que nous sommes lieureux de remercier ici de sa cordiale amitié, nous avons choisi celles qui nous paraissaient les plus atteintes par le paludisme et, autant que possible, celles qui se trouvent éloignées des centres habilés, de façon à ce que les mesures prises fussent plus efficaces. Nous avons choisi 6 gares : Mirabeau, Thiers, Aomar- 1. Nous avions voulu, par notre expérience de l’Alma, répondre à la question suivante : « Est-il possible, dans les conditions pratiques où l’on se trouve en Algérie, d’y défendre contre les Ano heles, inoculateurs du paludisme, un grou- pement d’Européens ? » Les mesuivs prises ayant abaissé d'une façon extrême- ment marquée le nombre des moustique capturés à l’intérieur des habitations, empêché 1’ closion de nouveaux cas de paludisiue, et diminué les lechutes des anciens infeclé<, nous avons conclu que le' deux méthodes associées : protection mécanique contre les Anopheles adultes, et desiructiun de leurs larves, étaient applicables en Algérie. Nous avons voulu aloi-s vulgaiâser ce' notions en Algérie; M. Jeanmaire, recteur de l’Académie d’Alger, a bien voulu publier et envoyer à tous les instituteurs d’Algérie, un mémoire où nous exposions l’intérêt des découvertes réi-entes et la prophylaxie nouvelle qui en découle. {La lutte contre le paludisme^ d’après les travaux récents. Alger, tvpogf. Jourdan, mars 1903. ) Ed. Sergent et Et. Sergent, Résumé du rapport sur la campagne antipa- ludique organisée en 1902 à la gare de l’Alma (Est -Algérien). Anji. Inst. Pas- teur, t. XVII, 26 janvier 1903, pp. 68-74. — E. Sergent, La lutte contre les mous- tiques. Une campagne antipaludique en Algérie. Paris, 1903. GAMPxVGNE ANTIPALUDIQUE EN ALGÉKIE 05 Dra-el-Mizan, Ighzer-Ampkran, Takrits-SedJoiik, Ouled-Rah- moun. En outre, la campagne commencée en 1902 à l’Alma fut continuée en 1903. Deux des gares défendues sont à proximité de villages : Thiers et Mirabeau. Toutes les autres sont distantes de plusieurs kilomètres de toute agglomération. Ces 7 gares Fig. 1. Gares défendues de l’Est-Algérieii. sont éparses sur le réseau, à de grandes distances les unes des autres, une dans la plaine de la Mitidja, 5 dans les vallées de la Kabylie, une sur les Hauts-Plateaux. (Fig. 1.) Toutes les gares choisies ont des antécédents paludiques très chargés : d’après les renseignements rétrospectifs (]ue nous avons pu recueillir, les années précédentes, ont éclaté 79,3 0/0 de cas de première invasion, dont 2 suivis de mort, dès le premier été de séjour, chez 81 personnes nouvelles venues. En 1902, année qui ne fut pas particulièrement fiévreuse, il y eut 3o,2 0/0 cas de première invasion (chez 34 indemnes ou sensi- bles) et 93,4 0/0 rechutes (chez 46 anciens infectés). MESURES PRISES 1. Destruction des larves d’Anopheles. — Elle s’effectuait par projection de pétrole, à intervalles variant de 15 à.3u jours, selon les cas, sur les mares et canaux voisins des gares, gîtes à 5 ANNALES Dr: L’INSTITUT PASTEUR. (K) larves d'Anopheles soumis préalablement à un examen minu- tieux. Ces pétfolag’es étaient exécutés à l’aide d’une pompe dt* jardin, à air comprimé, par des agents des gares sous notre surveillance. Nous employions le pétrole qui sert à Téclairage des lampes de la Compagnie (Fig. 2). Fig. 2. Pétrolage d’une mare à larves d’Anofiheles dans le lit de l’Oued Djemaa, près de la gare d’Aomar-Dra-el-Mizan. , 2. Défense mécanique des habitations. — Des cadres de bois, tendus de toile mécanique, en fil de fer galvanisé, furent appli- qués à toutes les ouvertures des gares. Les cadres doublant les portes sont mobiles comme celles-ci, à l’aide de charnières. Aux fenêtres, les cadres sont immobiles, et la toile métallique est percée d’une lucarne pour permettre de tirer les volets. Aux fenêtres des chambres du premier étage, les lucarnes sont plus grandes qu’aux fenêtres du rez-de chaussée, et on peut y passer la moitié du corps pour surveiller les alentours. 67 CAMPAGNE ANTIPALUDIQUE EN ALGÉKIE 3. A chaque visite de l’un de nous, durant l’été (total de 63 visites) tous les habitants des gares étaient examinés au point de vue du paludisme; pour les cas suspects, on pratiquait sur- le-champ un examen clinique approfondi, et Pexamen micro- scopique du sang. C’est ainsi que l’on put déceler la véritable cause de plusieurs « fièvres » ou a malaises » attribués par les sujets au paludisme, et qui avaient en réalité d’autres causes : accès de fièvre d’origine dentaire chez les enfants; embarras gastriques ; insolation; dans un cas, troubles de la santé liés à la présence dans le sang, durant le jour seulement, d’un protozoaire nouveau, de forme très allongée et à grand noyau central Par contre, l’examen microscopique du sang nous permit de déceler chez un enfant (enfant du poseur M..., aux Ouled-Rahmoun), l’origine palustre de ses accès de fièvre continus qui, au début de la maladie, vu l'absence de certains symptômes (splénomégalie) et la présence d’un symptôme im- portant (diarrhée jaune) nous faisaient hésiter à porter un dia- gnostic ferme. Des préparations du sang de cet enfant examinées le jour même, nous montrèrent un très grand nombre de petites et grandes formes de schizontes. GARE DE L’ALMA La campagne antipaludique dans cette gare en 1903, n’est que la continuation de la campagne qui y fut organisé en 1902. Agents protégés : indemnes ayant séjourné plus de 3 mois 4 — ■ — — de 8 jours à 2 mois. . . 2 — infectés ayant séjourné plus de 3 mois 10 — — — de 8 jours à 2 mois 2 MESURES PRISES 1^ Destruction des larves d’Anopheles. — Les gîtes des larves d' Ano- phèles furent les mêmes qu’en 1902, canal d'irrigation à l’ouest : quelques flaques d’eau dans le lit de l’oued Boudouaou à l’est, et bords mêmes de l’oued. Il y eut en général bien moins de larves quel’été dernier; les pétro- lages furent commencés plus tôt. En 1902, les premiers pétrolages eurent lieu en juin (26 juin); en 1903, le 18 mai. On fit faucher les herbes encombrant le canal le 16 mai, comme il avait été fait en 1. Ed. et Et. Sergent. Sur ua nouveau protozaire, parasite cctoglobir laire du sang de l’homme. Soc, de Biologie, t. LV, p. 1163, 17 octobre 1903. 68 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUIL 190:2, pour faciliter l’élalement du pétrole. Nous n’avons plus fait faucher ces plantes le reste de l’été 1903 ; car, 15 jours après le pre- mier fauchage, elles avaient déjà recouvert la surlàce de l’eau. Nous avons voulu voir si, dans les conditions naturelles où nous nous trouvions celte année, nous pouvions éviter cette besogne si pénible, et qui d'autre part, dans certains marécages, est impossible. Nous nous étions munis cette année d’une petite pompe àair comprinïé pour projeter le péti ole à grande distance. Cette pompe, introduite dans le bidon à pétrole, manœuvrée par l’homme d’équipe que nous emplo> ions à cette opéi-ation, pouvait projeter dans toutes les directions, et à la distance de 5 à 6 mètres, un jet de pétrole ; de cette façon, on en pou- vait pi ojeter au milieu des herbes, partout où il y avait de l’eau, et l’opération se faisait complètement et facilement. Nous avons remar. qué déplus que les Anopheles vivaient surtout dans les clairières de ces buissons herbeux, qu’ils étaient toujours rares sous les touffes obscures des piaules. Cette remarque a été faite plus d’une fois que les ^arves à' Anopheles aiment la lumière. Dans le lit de l’oued Boudonaou, les mares laissées par l’oued furent plus abondantes et plus résistantes que l’été dernier. Elles donnèrent asile, fin juin, à de nombreuses larves; à la suite de pétro- lages répétés, il n’y en eut plus pendant Tété. Les bords de Toned, dont le courant est insignifiant, présentèrent quelques larves cachées deriière des [liantes, des mousses. Le canal fut pétrolé sur une longueur de 400 à 500 mètres. En octo- bre, le canal se dessécha en amont du ponceau de la voie. En aval- des (laques d’eau isolées donnaient asile à de nombreuses larves de C. pif ne ns. Défense mécanique des habitations. — Les grillages placés en juin 1902 purent servir encore pendant Tété 1903. En automne 1903. les grillages de la porte de la maison nette de la garde-barrière présen- tèrent de grands trous. La précaution de les retirera Tabri, Thiver précédent, avait été omise, de sorte que le fil de fer, quoique galvanisé, avait été louillé et devenait moins solide. Les autres grillages ont résisté. Le buffetier, dont la chambre a coucher avait été munie de grillages, s’est toujours félicilé de ces mesures contre les moustiques, mais il n’a pu se résoudre à fermer la porte grillagée de la cuisine où couchait sa domestique, disant que cette porte gênait quand on faisait du feu dans la cuisine. Cette pièce, petite, noire, basse de plafond, n’a pas la disposition des cuisines des agents de la Compagnie; ordinai- rement la cuisine se trouve dans le même corps de bâtiment que les autres éhanibres, de sorte qu’il n’est pas nécessaire de placer un cadre de toile métallique sur sa porte, le cadre grillagé placé à la porte d’en- trée suffit. Au contraire, chez le buffetier, la cuisine constitue un bâti- CAMPAGNE ANTIPALUDIQUE EN ALGÉRIE 69 ment séparé. D’ailleurs, nous n’y recueillîmes aucun Ânopheles ; les pétrolages pratiqués au voisinage avaient fait leur effet. RéSÜLTATS U Diisaux pélroldfjes, — Les pétrolages pratiqués pendant l’été 1902 eurent leur effet encore en 1903. Nous trouvâmes beaucoup moins de larves Anopheles daviS les gîtes, que Tannée 1902. 2o Résultats dus à la défense mécanique. — Dans les appartements protégés, nous ne trouvâmes en tout que 3 Anopheles pendant tout Télé. 30 Résultats sur la santé du personnel en expérience. — 5 personnes indemnes ont passé tout Tété sans symptômes de paludisme (4 avaient été protégées en 1902). 1 personne (un enfant, le fils du chef de gare) y a passé environ 1 mois, en juillet, et 8 jours en septembre sans être malade * . • Durant le même été de 1903, le docteur Pidoucet, de TAIma, a observé au village de TAIma plusieurs cas de première invasion, qu’il a bien voulu nous signaler. Le village est infesté par des Anopheles qui ont d’autres gîtes que ceux de la gare. 8 personnes anciennes infectées, ayant toutes eu des rechutes en 1902, ne présentèrent aucune manifestation paludique en 1903. Seuls le chef de gare et sa femme, impaludés tous deux depuis plusieurs années, eurent des manifestations larvées, bénignes, en automne (malaise, frisson, légère fatigue seulement). 2 personnes anciennes infectées passèrent. Tune 10 jours, Tautre 1 mois sans rechute. GARE DE TIIIERS. Situation : au fond de la vallée de Toued Tsser, à 4 ou 5 mètres au- dessus du village de Thiers qui lasépare de Toued. Altitude comparée de Toued et de la gare : 8 mètres. Eau potable : fontaine près de la gare (même eau que le village, eau assez bonne). Fontaine du brigadier, analogue, au-dessus de la mer : 189,40. Distance d’Alger : 88 kilomètres. Rdtinients de la Compagnie .•1*’ gare : rez-de-chaussée, bureau; premier étage, appartement du chef de gare; 2^ en face, de Tautre côté de la voie, maisonnette de l’homme d’équipe ; 3® à 300 mètres au N. -O., maisonnette du brigadier. 1. La présence de cet enfant à la gare de l’Alma, en été 1903, est une pi euve de la confiance qu’a inspirée au chef de gare notre expérience de 1902. Jamais il n’avait gardé son fils près de lui en été, de peur des fièvres; il n’a pas craint de le faire cette année. 71) ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUfl. IIabilalio7is voisines : A 3 ou 4 mètres plus bas et 150 mètres de dis- tance, les premières maisons du village. Puits voisins : Puits abandonné à 300 mètres près de la voie au S.-E. Végétation ; Bois d’eucalyptus entre le village et la gare. Gîtes à Anopheles : 1*^. Petite source à faible débit à 2 mètres du puits abandonné, au S.-E. Eau stagnante sur une longueur de 2 ou 3 mètres, une largeur de 50 centimètres. Cette source, nous disent les anciens agents de la gare, persiste tout l’été. En avril, nom- breuses larves Algei'iensis. Elle sécha dès les premiers jours de juillet, 2o A l’est du village, en contre-bas du lavoir public, mal entre- tenu, réservoir à eau croupissante, mousses vertes. Larves à' Anopheles Algei^ietisis en juillet, septembre, novembre. § II. — Antécédents paludiques de cette gare. Depuis 2 ans, sur 5 personnes indemnes ou sensibles habitant la gare, 1 contractait le paludisme. En 1902, sur 3 indemnes ou sensi- bles, personne n’était atteint. En somme, la gare de Thiers n’est pas tiès fiévreuse. Néanmoins, les habitants delà gare sont susceptibles d’y contracter les fièvres, puisqu’en 1901 une personne y tombait CAMPAGNE ANTIPALUDIQUE EN ALGERIE 71 malade (l’enfant du brigadier), assez gravement pour être hospitalisé à Thôpit.il de Ménerville où il resta 25 jours, présentant pendant 7 jours une lièvre élevée, continue, puis 5 accès les jours suivants. § IlL — Mesures prises. U Deslrnciion des larves d'Ânopheles. — 'Le 29 avril, premier pétro- lage de la source de l’est. Le 6 juillet, pétrolage. Le gîte d' Anopheles li'oiivé prè-^ du village (réservoir en maçonnerie) n’est pas pétrolé ; il fournit des Aiwplieles surtout au village. En même temps que la source, on pétrole une citerne située dans la cave et qui fournit les Ciilex très nombreux dans les apparteoients. 20 Défense mécanique des appartements. — Le 14 août, les grillages sont placés à la gare. A la fin du mois d’août, ils ont été placés aux 2 maisons de l’homme d’équipe et du brigadier. § IV. — Résultats. Dus aii.r pétrolages. — Les pélrolages de la source détruisirent un grand nombre de larves au priivemps. L’été étanrt pa rticulièreinent sec, la source fut desséchée en juillet, ce qui évita de nouveaux pétro- lages. Les pétrolages de la citerne de la cave firent bientôt disparaître les très nombreuses larves de Cule.r qui y pullulaient. Des myriades deCulex adultes achevaient d’hivernei', au printemps^ sur les murs de la cave. Ils disparurent, bientôt après les pétrolages. 2° Dus à la défense mécanique. — Avant la pose de grillages, de très nombreux Culex étaient recueillis dans le bureau et les chambres du chef de gare. Aucun ne put être recueilli après la pose. Aucun Anopheles n’a pu être recueilli durant tout l’été. 30 Résultats sur la santé du personnel en expérience : 5 indemnes ou sensibles ayant séjourné plus de 3 mois.. . 0 cas. 1 — — — de 8 jours à 1 mois... 0 — \ anciens infectés ayant séjourné plus de 3 mois 2 rechutes. Au village voisin, tous les habitants sont infectés depuis longtemps, de sorte que le médecin de la localité n’a pas pu nous donner de statistiques comparatives pour les cas de première invasion. GARE DE MIRABEAU Situation : vallée du Bougdoura, affluent du Sébaou. Altitude comparée de l’oued voisin et de la gare : à l’ouest, 0. Bougdoura 0 à 6 m. Au nord, 0. Sebaou, 5 m. 7^ ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Distance de Toued Bougdoura, 1 km. O. Sebaou; 1,500 m. envi ton. Eaïc potable : puits près de la voie, à 50 m. de la gare, puits couvert; eau bonne, durant l’été 1903 les habitants du village, man- quant d’eau, sont venus puiser à ce puits. Altitnde de la gare au-dessus de la mer : 48 m. Distance d’Alger : 96 km. Bdtiinents des agents de la Ci- : 1^ Gare (appartement du chef de gare) ; Fig. 4. Gare et village de Mirabeau. Maisonnette du facteur à 30 m. au nord; 30 Maisonnette du brigadier, 150 m. à l’ouest. Habitations Yoisines : maison du chef de gare de la Ci® du chemin de fer sur routes d'Algérie entre la gare de TEst-Algérien et la mai- sonnette du brigadier (à 40 m. de la gare). Les premières maisons du village sont à 150 m. à l’ouest. A l’est, gourbis kabyles à 150 m. Puits ou sources voisins : puits du village; source kabyle au N.-E, à 200 m. Village voisin : Mirabeau, à 150 m. Végétation : grands eucalyptus le long de la voie; céréales au sud. Gîtes à Anopheles : 1® Au nord-est de la gare à 200 m., source kabyle qui sert a l’alimentation des Kabyles dont les gourbis se 73 CAMPAGNE ANTIPALUDIQUE EN ALGElllE trouvent à 150 ra. de la gare. Le trop-plein de cette source s’écoule dans un petit fossé qui se dirige de l’est à l’ouest, sur une longueur de 100 à ^00 m., jusque sur la partie nord du village. Ce fossé fut le réceptacle dans le mois de juin et le mois de juillet, de nombreuses larves d'A. maculipennis. Il se dessécha complètement dès le commen- cement du mois d’août. Au sud, à 900 m. source très profonde, formant tout l’été des marécages très étendus des 2 côtés de la route de Boghni. Végétation luxuriante; grande abondance de larves d’A. maculipennis. AGENTS DE LA COMPAGNIE PUOTÉGÉS Indemnes ou sensibles ayant séjourné plus de 3 mois en 1903,8. Anciens infectés ayant séjourné plus de 3 mois, 1. — — — de 8 jours à ^ mois, 3. § II. — Antécédents paludiques de cette gare. Depuis 1 an (nous n’avons pas pu recueillir de renseignements surles années précédentes), 6 personnes indemnes ou sensibles sont venues y habiter; 4 contractaient le paludisme le premier été de séjour. ÿ III. — Mesures prises. 1*^ Destruction des larves dWnopheles. — 0 juin, pétrolage du fossé de la source du N.-E. sur une longueur de 300 m. et de la source du pont de la route de Boghni. 27 juin, pétrolage. 20 juillet, pétrolage de la source de la route de Boghni, le fossé de la source N.-E est à sec; pas de larves dans la source elle-même. 20 août, pétrolage de la source sud. 22 septembre (larves de C. fatigans et d’A. maculipennis touiour s présentes). 16 novembre, pas de larves ; 2o Défense mécanique des habitations. — L’installation des grillages ne fut terminée que le 5 août : A; au bureau du chef de gare. B; aux chambres (l®i’ étage) du chef de gare. G; à la maisonnette du facteur. D ; à la maisonnette du brigadier. A la maisonnette du facteur, l’installation des cadres métalliques a toujours laissé à désirer; les cadres des portes, mal scellés, sont tombés au bout d’un mois; replacés à nouveau, ils n’obturent pas parfai- tement. § IV. — Résultats. 1° Dus aux pétrolages. - Les gîtes à Anopheles que nous avons 74 ANNALES DE L’INSTITUT FASTEUK. pétroles (source N-E, source sud) étaient les seuls gîtes à Anopheles des alentours de la gare dans un périmètre de 900 ni. de rayon. L’oued Bougdoura ne formait pas de mares à Anopheles. Or, dans ce périmètre est compris tout entier le village de Mirabeau qui a bénéficié ainsi de ces pétrolages. Cependant, des gîtes a Cidex non pétrolés (vieux puits au nord du village ; abreuvoir abandonné au nord) ont donné asile, au printemps et en automne, à des myriades de larves de Ciilex, qui en été ont infesté les habitations du village. Un homme d’équipe, tra- vaillant le jour à la gare et ayant son domicile dans le village, décla- rait être très incommodé la nuit par de nombreux moustiques, :2o Uésultals dus aux moyens mécaniques . — Les agents ne se sont jamais plaints d’être dérangés par les moustiques. Avant la pose, le b iuin, quelques Cule.v urent recueillis chez le chef de gare, le facteur; le 27 juin, 1 Anopheles macuUpennis Qi 1 Culer chez le brigadier; en juillet quelques CulexchQz le chef de gare, le facteur et chez le brigadier. Pas un moustique ne fut recueilli après la pose des cadres grillagés. 30 Résultats généraux sur la santé du personnel. — Aucune des 8 personnes indemnes ou sensibles ayant passé l’été 1903 à la gare ne contracta le paludisme. Les premiers jours de septembre, le jeune fils du facteur, âgé de 8 ans. présenta des symptômes d’insolation, avec fièvre élevée. Il fut envoyé à l'hôpital de Tizi-Ouzou, avec le diagnostic d’insolation. On lui administra de la quinine. Les symptômes, l’absence de rate, la marche de la maladie, et l’absence de rechutes après son départ de l’hôpital (son séjour 3^ avait été de 8 jours) font écarter le diagnostic de paludisme. (Le traitement quinique ne fut pas continué après la sortie de l’hôpital.) 3 personnes anciennes infectées, qui séjournèrent de 8 jours tà 2 mois en été 1903, n’eurent pas de rechutes, 1 personne ancienne infectée, qui 3' séjourna 3 mois d’été, n’eut pas de rechutes. GARE D’AOMAR-DRA-EL-MIZAN Situation : Au fond de la vallée de l’oued Djemaa, affluent de Tisser. Vallée très encaissée. La voie, parallèle au cours de Toued, suit le fond de la vallée (flanc nord). Altitude comparée de Toued et de la gare : 8 à 10 mètres. Distance de Toued : 150 mètres. De plus, à 130 mètres à Test, perpendiculairement à la voie, descend un torrent qui se dessèche complètement en été (oued Ghaaba) sauf à la partie inférieure, dans le fond de la vallée (sous le pont de la voie). 75 CAMPAGNE ANTIPALUDlUüE EN ALGÉRIE Emi potable : grand puits datant de la construction de la gare et attenant à une prise d’eau. Altitude de la gare au-dessus de la mer : 237n\41. Distance d’Alger : 99 kilomètres. les gîtes à Anophele.^. Bâtiments des agents de la gare ; gare, i étage : appartements du chef de gare; 2o maisonnette du facteur à 30 mètres, rez-de- chaussée; 30 à 450 mètres à l’ouest, maisonnette du briga S IV. — Résultat>. lo Dus aux pêtvolages. — Commencé le 'l'I mai, ils ne purent être pratiqués en juin. D’autre part, les grillages, n’ayant été placés que le 18 juillet, n’ont pas pu venir corroborer l’elïet des pétrolages; c’est ce qui explique l’irruption à’Anopheles maculipennis et de Myzomyia hispaniola qui se produisit les premiers jours de juillet (avant les grillages). Le 10 juillet, on recueillait 24 M. Hispaniola et \A. macu- lipennis dans les chambres de l’homme d’équipe. 2o Résultats dus à la défense mécanique. — Les retards apportés à l’application des treillis métalliques aux ouvertures furent la cause que quelques rares Anopheles furent récoltés (après la pose) dans les appartements préservés ; ils s’étaient introduits avant la pose : le 23 juillet on récoltait 1 A. maculipennis chez le chef de gare, 1 A ma- culipennis Qi \ M. hispaniola chez l'homme d’équipe, qui s’étaient intro- duits avant la pose des grillages ; le 8 septembre, I A. maculipennis chez le chef de gare. En octobre, une irruption de Culex eut lieu à la gare. Le plus souvent, les Culex ont leurs gîtes à l’état larvaire dans les fosses d’aisance, c’est ce qui explique le grand nombre de Culex à l’intérieur des appartements ; au contraire, aucun Anopheles ne put y pénétrer à cette époque. 30 Résultats généraux sur la santé du personnel en expérience. — 3 personnes indemnes ou sensibles ont passé tout l’été sans symptôme de paludisme. Parmi 5 autres personnes indemnes ou sensibles ayant séjourné de 8 jours à 2 mois, nous relevons 1 seule personne ayant présenté des symptômes que nous avons mis sur le compte du paludisme, bien que ce diagnostic soit fortement douteux : le brigadier de la voie déclara à la fin d’août avoir des sueurs froides la nuit, puis des sueurs chaudes, avec de la fatigue les jours suivants; il n’a jamais été obligé d’aban- donner son travail, il ne s’est jamais alité; comme ces symptômes se sont répétés avec assez de régularité, pendant quelque temps, tous les 2 ou 3 jours, nous avons pensé au paludisme. La région splénique n’a jamais été douloureuse. L’examen du sang, fait, il est vrai, quelques jours après ces malaises, ne nous a jamais rien montré d’anormal. En somme, c’est un cas très douteux. Ce brigadier était dans les mêmes conditions que celui de Dra-el- Mizan, se trouvant souvent à plusieurs kilomètres de la gare à l’heure de la sieste. 2 personnes anciennes infectées, ayant séjourné tout l’été eurent toutes deux des rechutes de leur infection, datant de l’an dernier, à CAMPxVGNE ANTIPALUDIOUE EN ALGÉRIE 83 Mirabeau. Chez 3 autres, ayant séjourné de 8 jours à 2 mois, deux, venant d’Akbou, eurent des rechutes. Nous ne faisons pas figurer dans notre statistique l’homme d’équipe indigène, sa femme, les poseurs indigènes qui couchaient dehors, ne prenaient aucune précaution, GARE DE TAIvRITS-SEDDOUK. Situation : partie resserrée de la vallée de la Soummam, entre col- lines élevées. Altitude comparée de la gare et de l’oued :8 mètres environ. Distance de l’oued : 100 mètres. Eau potable : puits couvert derrière la maisonnette de l’homme d’équipe, eau bonne, mais insuffisante en été. Altitude de la gare au-dessus de la mer : Ml mètres. Distance d’Alger : 213 kilomètres (de Bougie 48 kilomètres). Fig. 7. Gare de Takrits-.Seddouk. Bâtiments de la Compagnie : 1" gare, rez-de-chaussée, bureau ; M*’ étage, appartement du chef de gare ; 2^ maisonnette de l’homme d’é- quipe, à 30 mètres; 3'^ maisonnette du brigadier, à 100 mètres au sud- ouest. Habitations voisines : 1*' près de la maisonnette du brigadier, baraque en traverses mal jointes, où habitent les poseurs dont 1 Euro- péen et les autres indigènes, impaludés depuis longtemps ; 2^ près de la gare, un magasin à orge, où couchent des indigènes. 84 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. Puits voisins : paits du brigadier, couvert (derrière la maison du brigadier. Village voisin : Sidi-Aïch, 5 kilomètres. Végétation : gare enfouie au milieu de grands eucalyptus. Oliviers et caroubiers sur les collines qui dominent la gare. Gîtes Cl Anopheles : mares laissées dans le lit d’un torrent à iOO mètres au sud-est des habitations. Ce torrent, désigné sous le nom d’Ighzer-Tazdei (Ravin des dattes, en kabyle) roulait en avril des eaux tumultueuses, descendant des hautes montagnes voisines. La pente de ce ravin est très prononcée. Les premiers jours de juin, une longue série de flaques d’eau stagnante au milieu d’énormes cailloux roulés, remplaçaient le courant impétueux. Des larves de M, liispaniola y pullulaient dès le 19 juin. Ces mares, entretenues par des sources à faible débit, ne séchèrent qu’en partie durant l’été. Il y eut constam- rnent de l’eau dans quelques-unes d’entre elles, eau contenant des larves d’A. maculipennis et de M. hispaniola, en compagnie de larves de C. fatigans, La Soummam, très resserrée en ce point de son immense vallée passe sous un pont près de la gare. Elle a toujours présenté un cou- rant suffisamment fort pour empêcher les Anopheles de pondre sur ses bords. AGENTS DE LA COMPAGNIE PROTÉGÉS Personnes indemnes ou sensibles ayant séjourné tout l’été 4 — — ayant séjourné 1 mois 1 Anciens infectés ayant séjourné tout l’été 4 Anciens infectés ayant séjourné 1 mois 1 § II. — Antécédents pa ludiques de cette gare. Le renom d’insalubrité particulière de cette gare lui a fait donner par les agents le surnom d’Antéchrist? Depuis 7 ans, sur 9 personnes nouvelles venues, indemnes ou sensibles, 6 contractaient le paludisme dès la première année de séjour. S III. — Mesures prises. O 1‘^ Destruction des larves d' Anopheles. — Les pétrolages, qui néces- sitaient à chaque opération deux à trois litres de pétrole, furent pra- tiqués ; 19 juin; 11 juillet; 24 juillet; 11 août; 9 septembre. En novem- bre, le torrent avait repris son cours habituel. 20 Défense mécanique des habitations. — Le 11 juillet, l’installation des grillages fut terminée aux trois bâtiments (bureau et premier CAMPAGNE ANTIPALUDIQUE EN ALGÉRIE 85 étage, maisonnette de l’homme d’équipe indigène, maisonnette du bri- gadier). Anopheles maculipennis Qi M. llhpaniola avaient pénétré quelques jours avant cette date, dans les appartements, aucune femelle n’y fut recueillie pendant tout le reste de l’été, après la pose des grillages. § IV. — Résultats dus aux pétrolages et a la défense mécanique. Les deux méthodes combinées réussirent à empêcher tout Ano- phèles àQ pénétrer dans l’intérieur des appartements. La maisonnette du brigadier, placée à très petite distance de l’Ighzer-Tazdei, était visitée l’année dernière par de nombreux mous- tiques ; cette année, les habitants des trois maisonnettes ne s’aper- çurent pas de la présence de ces insectes. Résullals sur la santé du personnel en expérience : 4 personnes indemnes ou sensibles ayant séjourné plus de 3 mois et une personne ayant séjourné un mois n’eurent aucun symptôme de paludisme. 4 anciens infectés ayant séjourné tout l’été n’eurent pas de rechutes; 1 ancien infecté ayant séjourné 1 mois eut des rechutes en septembre. Le brigadier et sa femme, qui avaient vu leur premier enfant contracter la fièvre dès son premier été de séjour, il y a trois ans, dans cette même maisonnette, se félicitèrent d’avoir vu leur second enfant, âgé de huit mois, jiasserson premier été à Takrits sans aucun symptôme de paludisme. L’homme d’équipe indigène, infecté les années précédentes aux environs d’Akbou, avait, au mois d’avril, sa rate dépas- sant de un travers de doigt le rebord des fausses côtes ; en novembre, la rate n’était plus sentie à la palpation, il n’y avait donc pas eu de réinfection en 1903. GARE DES OULED-RAIIMOUN. Situation : vallée de l’oued Boumerzoug, affluent de l’oued Kebir, entre des collines peu élevées. Altitude comparée de l’oued et de la gare ; même altitude. Distance de l’oued ; 100 mètres au sud. Eau potable : puits voisin, eau saumâtre parfois. Altitude au-dessus du niveau de la mer : 688 mètres. Distance d’Alger .*436 kilomètres. Bâtiments de la Compagnie : Gare : rez-de-chaussée, bureau du chef de gare, bureau des messageries; premier étage, appartements AxNNALES DE L'INSTITET PASTEUR. SO (lu chef (je gare et (Ju facteur en premier ; 2'^ chambre où couchent h m(3caniciens (en roulement, ils ne couchent que 2 ou 3 nuits par semaine); 3'^ maisonnette (ies facteurs (3 appartements ; 4 chambres) ; 4'> maisonnette des visiteurs (3 appartements ; 7 chambres); 5» cham- bre de Taide-visiteur (près du hangar); 6'^ maisonnette du brigadier (2 appariements; G chambres); 7^ buffet (3 chambres). Ifnbitatiom voisines : A 100 mètres de la gare, près de la route Fig. 8. Gare des Oiiled-Rahmoun. conduisant au village, tentes où habitent les familles des gardiens de nuit indigènes. A Test, sur une colline, près de la' maisonnette du brigadier, tentes et baraque en traverses mal jointes, où habitent les familles des gardiens de ligne indigènes. Canaux (.V irrigation .• 1*^ loO mètres au nord, canal parallèle à la voie, plus élevé de o mètres ; sec la plus grande partie de Tété; 2'^ Au su(j, entre l’oued et la gare, à 40 mètres de la maisonnette du facteur, un canal d’irrigation, à courant rapide, qui ne fut jamais à sec durant tout l’été ; 3'^ Plus au sud, à 300 mètres, un troisième canal, plus élevé de 4 mètres environ, sur le flanc d’une colline. L’oued n’a jamais été à sec. CAMPAGNE ANTIPALUDIQUE EN ALGEPIE 87 Végétât ion : Bois de pins devant la gare ; saules le long des canaux ; céréales au nord ; luzernières et prairies au sud. Village voisin : Ouled-Rahmoun à 2 kilomètres, caché par une col- line. Gîtes à Anopheles : Nous avons trouvé des larves d’Anopheles beaucoup plus tard qu’en Kabylie et que dans la Mitidja. Pour la première fois, le 17 juillet, nous avons vu de ces larves. Sur les Hauts Plateaux, la saison chaude est plus tardive que sur le littoral ; la saison des fièvres est aussi plus tardive, mais elle éclate plus brusque- ment. Les gîtes à larves à' Anopheles furent les suivants : It* Petit fossé (canal de détournement), parallèle au grand canal d’irrigation à courant rapide qui longe la voie à 40 mètres au sud de la maisonnette du facteur. Ce petit fossé-canal n’est séparé du grand canal d’irrigation que par une épaisseur de 50 centimètres ; il reçoit à intervalles périodiques très éloignés l’eau courante du grand canal d’irrigation qu’il longe. De mai à novembre, une seule fois, le 26 août, nous y avons de Peau courante. Le reste du temps, comme il a très peu d’inclinaison, il conserve plusieurs semaines de l’eau stagnante retenue par une végétation luxuriante de papyrus, de 60 à 80 centimètres de hauteur. Le voisinage du grand canal y maintient l’humidité par des fuites à travers la mince paroi de terre qui les sépare. Le 17 juillet nous y trouvâmes, en grande quantité, des larves dWnopheles maculipennis, ainsi que le 17 octobre; 2'^ Flaques d’eau stagnante séjournant dans des dépressions de la prairie au sud delà gare, prairie située entre le grand canal d’irrigation et l’oued Boumerzoug. Ces flaques provenaient des pluies de la fin du mois de septembre. Le 7 octobre, larves d' Anopheles ; 50 Petit fossé-canal longeant le canal à courant rapide, à l’est, près d’un pont, à 100 mètres de la maisonnette du brigadier. Le 5 août, nombreuses larves d' Anopheles ; 26 août, larves d' Anopheles ; plus tard jamais plus de larves ; 40 A l’ouest de la gare, à 80 mètres, flaques d’eau résultant d’une irrigation précédente de la prairie qui est au bord de la voie (flaques sur une longueur de 150 mètres, le 7 octobre). Ces gites à Anopheles sont donc très variables selon les irrigations ; ils ne sont jamais dus qu’au voisinage des fossés-canaux mal entre- tenus et qu’à des dépressions dans les prairies. Cette eau d'irrigation séjournant dans ces dépressions n’a aucune utilité au point de vue de l’agriculture. Nous n’avons pas trouvé, dans un périmètre de 800 mètres autour de la gare, d’autre gîte ;i Anopheles que ceux dont nous venons de parler. 88 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. § IL — Antécédents paludiques de cette gare. Depuis 12 ans. 37 personnes indemnes ou sensibles y sont venues. Le premier été de séjour, 31 contractaient le paludisme. Un enfant mourait de bilieuse hématurique. En 1902, sur 18 indemnes ou sen- sibles, 6 s’infectaient. Sur 11 anciens infectés, 10 avaient des rechutes en 1902. § 111. — Mesures prises. Nous avons essayé de faire éloigner de la gare les tentes des familles des gardiens de lignes indiganes, source d’hématozoaires sur lesquelles aucune prise n’était possible. Nous n’avons pas pu y réussir. 1® Destruction des larves d’Anopheles. — Le premier pétrolage fut pratiqué le 8 juin. C’était, à vrai dire, un pétrolage préventif; il fut pratiqué sur les gîtes supposés (gîtes qui d’ailleurs fourmillèrent de larves d’Anopheles dans le courant de l’été). Ces pétrolages étaient des- tinés à empêcher les Anopheles de venir pondre à la surface des eaux (fossé-canal parallèle au canal d’irrigation à 40 mètres de la maison- nette du facteur). Le 17 juillet, pétrolage pratiqué sur ce même fossé- canal, cette fois rempli de larves d’ Anopheles. 5 août, pétrolage du canal à 100 mètres de la maisonnette du bri- gadier. 26 août, pétrolage de ce même canal. 14 septembre, pétrolage des flaques de la prairie. 7 octobre, pétrolage du petit canal à 40 mètres des facteurs et des flaques d’eau à 80 mètres à l’ouest. 2® Défense mécanique. — L’installation des grillages ne fut ter- minée que le 25 août. Ce retard énorme fut très préjudiciable à la campagne, car les 3 pétrolages pratiqués avant cette date ne purent défendre les habitations de l’invasion des Anopheles hiverneuses qui, les premiers jours de juillet, envahirent les appartements. Les 7 appartements déjà désignés furent protégés! Par erreur, le service de la voie fit placer des grillages aux ouvertures des 3 cham- bres du buffet, destinées aux voyageurs; la buffetière, appréciant les avantages que procuraient ces moustiquaires aux agents qui en étaient pourvus, préféra prendre à son compte la dépense de ces cadres gril- lagés, plutôt que de se' les voir enlever. Nous avons fait poser des toiles métalliques aux ouvertures d’une chambre attenant au dépôt, où couchaient des mécaniciens, pour la plupart inTeciés, et qui n’y couchaient que 2 ou 3 fois par semaine. Dans les maisonnettes où il y avait beaucoup d’enfants, les grillages des portes à tambour étaient laissées très souvent ouvertes, ils ont été vite détériorés. CAMPAGNE ANTIPALUDIQUE EN ALGÉIUE 89 Les cadres-portes à deux battants placés au bureau du chef de gare et au bureau des messageries ont été, la plupart du temps, maintenus ouverts dans la journée, à cause des allées et venues inces- santes des agents; mais, le soir venu, ceux-ci les fermaient, au moment où les Anopheles commencent à voler. Le cadre-porte du bureau des messageries est clos de 8 heures à minuit; durant cet espace de temps, il n’y a pas de passage de train à la gare, et un fac- teur est obligé par son service d’y rester pendant ces heures particu- lièrement dangereuses. C’est à ce moment que les cadres-portes sont surtout utiles. § IV. — Résultats dus. Aux pétrolagps. — Les pétrolages, jusqu’au :25 août, ont été insuffisants, puisqu’ils ne pouvaient pas porter sur les adultes hiver- neuses; ils ont détruit ensuite beaucoup de larves pondues par ces dernières. Aux moyens mécaniques. — Tandis qu’avant la pose des grillages, le 3 juillet, on récoltait 40 Anopheles dans les appartements et le 17 juillet, 5, et le 5 août, 6 Anopheles ; après la pose des grillages, on ne récolta en tout, les 26 août, 31 août, 14 septembre, 7 octobre, 27 novembre, que 3 Anopheles, dans les maisonnettes où les habitants laissaient par négligence les portes ouvertes, 30 Résultats sur la santé du personnel en expérience. — Quelques temps après que les Anopheles adultes hiverneuses faisaient irruption dans les appartements, irruption contre laquelle on n’avait pas pu opposer de barrière, plusieurs cas de paludisme éclataient parmi les habitants de la gare. Aucune mesure contre les Anopheles adultes n’ayant été prise à cette époque, nous ne pouvons pas compter ces personnes parmi celles que nous avons défendues. 3 enfants et 2 grandes personnes eurent des symptômes cliniques suffisamment nets pour poser le dia- gnostic d’une façon précise : l’examen du sang, la palpation de la rate, et la marche de la maladie ne laissaient aucun doute sur la natirre de la maladie. Après l’installation des grillages, et la répétition des pétrolages, le nombre dQ% Anopheles fut de beaucoup réduit dans les appartements de même que les cas de fièvre (quoique les mois d’août, septembre et octobre soient réputés à juste titre les plus malsains de la saison chaude). Sur 20 personne^ indemnes ou sensibles, ayant séjourné plus de 3 mois, 1 personne contractait le paludisme, en octobre. Le facteur N. .., revenant d’un congé en France, eut, quelques jours après son ANNALES UE L’INSTIÏUT PASTEUR ‘)0 arrivée à la gare des Ûuled-Uahmoun, des frissons, des malaises suivis de fatigue, qui présentèrent une périodicité que nous mîmes sur le compte du paludisme. Ces malaises périodiques cédèrent à la quinine. C'est en somme un cas douteux. L’examen du sang ne put être fait qu’après l’absorption de quinine. Vers la fin d’octobre, un homme d’équipe arrivant de France eut ,1 jours après son arrivée à la gare, un accès typique, qui se reproduisit 8 jours après. Nous n'avons pu voir ce malade que 3 semaines après l’appari- tion de ces symptômes, qui ne se reproduisirent plus, du reste, ‘après l’absorption de quelques doses de quinine. Les accès ayant débuté 3 jours seulement après l’arrivée de cet homme à la gare des Ouled- Rahmoun, il est probable qu’il a contracté la paludisme en route avant son arrivée, la durée de l’incubation étant, comme l’on sait, de 8 à 10 jours, néanmoins, nous comptons ce cas pour suivre une règle. Donc, sur 20 personnes indemnes ou sensibles ayant séjourné plus de 3 mois : 1 cas douteux, et sur 2 ayant séjourné de 8 jours à 1 mois ; 1 cas. Sur 21 personnes anciennes intectées, 17 eurent des manifestations paludiques diverses, les une intenses (accès répétés), les autres béni- gnes (malaises à répétition, céphalalgies, splénal.i;ies, etc.). CONCLUSIONS Sur 62 personnes indemnes ou sensibles ayant séjourné l’été 1903 dans les 7 gares défendues, 4 contractaient le palu- disme, ce qui fait 6, 4o 0/0, alors que l’année précédente ce rapport était de 33, 2 O/O (chez 34 sujets). Parmi 65 anciens infectés, 31 eurent des rechutes, soit 47,7 0/0, alors que l’année précédente, ce rapport était de 93,4 0/0 (chez 46 sujets) *. Doit-on attribuer cette diminution dans le nombi‘e des cas de première invasion, constatée cette année, à une diminution générale dans l'intensité de l’endémie palustre dans les régions où nous avons opéré, diminution d’intensité qui n’aurait aucun' rapport avec les mesures prises contre les Anopheles ? Nous avons, pour élucider cette question, demandé aux médecins qui exercent dans les localités voisines des gares s’ils avaient eu, cet été 1903, parmi leurs malades, îles paludéens. Nous remercions vivement nos distingués confrères, qui ont^bien voulu nous communiquer ces renseignements. La plupart nous ont tout 1. !! est évident rjue bon nombre de prétendut's reehutes sont dos réinfectioiî'. 91 CAAfPAUNE ANTIPALUDIQUE EN AJ.GÉRIE d’abord fait remarquer que les colons appellent rarement le médecin pour les fièvres, qu'ils soignent eux-mêmes le plus sou- vent, et ({u’ils n’ont recours à lui que dans les cas très graves ; que par conséquent, le nombre de cas que les praticiens peuvent observer est très inférieur à ceux qui se manifestent en réalité. Par contre, surveillant nous-même étroitement, au point de vue du paludisme, toutes les personnes habitant les gares défen- dues, nous avons eu l’occasion de relever des manifestations très bénignes, qui auraient certainement passé inaperçues sans interrogatoire et sans examen clinique et microscopique. Nous avons relevé deux cas de nouvelle invasion (brigadier d’Amokran et facteur des Ouled-Rahmoun) dont certes les patients ne se sont pas beaucoup plaints, et qui n’en consti- tuaient pas moins, par leur marche clinique, des manifestations paludiques. Voici les cliilfres qu’ont bien voulu nous donner les médecins locaux D^' Pidoucet (Alma) : de fin août à fin septem- bre, sur K) cas de fièvre, 4 cas de première invasion au village de l’Alma et aux environs. Bouton (Akbou) constate 28.cas de paludisme sur 72 ma- lades venus à la consultation, les cas de paludisme étaient ori- ginaires, pour la plupart, de Beni-Mançour, dans la même vallée qu’lgbzer-Amokran et Takrits-Seddouk . D'’ Greutz (Aïn-Mlda) : au village des Ouled-Rahmoun tous les habitants sont d’anciens infectés ; deux nouveaux venus cet été y ont pris les fièvres, aussitôt arrivés. D‘’ Prengrueber (Palestro) : la population entière de Thiers est composée d’anciens infectés. Wolters (Tizi-Ouzou) constate, au contraire, une diminu- tion manifeste cette année dans l’intensité du paludisme au village de Mirabeau, voisin de la gare défendue. Or, nous avons pétrolé tous les gîtes à Anopheîes dans un périmètre d’un rayon de 800 à 900 mètres autour de la gare. Le village de Mirabeau tout entier se trouve englobé dans ce périmètre (voir le plan.) Ce fait explique la diminution du nombre des cas de paludisme au village, par suite de la diminution du nombre d' Anopheîes. En somme, le village entier a profité des mesures prises en faveur de la gare. Donc, sauf en ce qui concerne Mirabeau, et pour les raisons indiquées, le paludisme sévissait en 1903 dans les régions voisines des gares que nous avons défendues. . 92 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. Si l’on jette un coup d’œil sur les observations résumées (jui ont été rapportées de la défense de chaque pare, on voit que pour chacune d’elles se réalise le schéma étiologique de la lièvre palutléenne: toujours, nous trouvons des personnes infectées qui ont conservé l’hémamibe dans leur organisme ; elles consti- tuent le réservoir du virus; toujours nous trouvons les gîtes à larves d’Anopheles, d’où sortent ces propagateurs du paludisme; nous trouvons enfin des personnes nouvelles s^enues, proies désignées à la piqûre des moustiques et à l’infection palu- déenne. Les personnes infectées, qui conservent les hématozoaires d’un été à l’autre, sont surtout les indigènes. Les Européens anciens infectés qui habitent les gares ont tous pris, plus ou moins, de la quinine. De plus, comme les non-infectés, ils sont à l’abri des piqûres des Anopheles, dans leurs chambres munies de grillages. Mais les indigènes, arabes ou kabyles, se .traitent peu ou mal par la quinine, et ils passent volontiers la nuit à la belle étoile, même quand on leur donne des maisonnettes bien construites (gare d’Ighzer-Amokran) et enfin, un certain nombre d’entre eux viennent habiter ou camper près des gares, sans être employés de la Compagnie, (nomades établis en été 1903 près de la gare de Dra-el-Mizan) . A l’Alma: homme d’équipe arabe et sa famille; à Mirabeau, gourbis kabyles; à Dra-el-Mizan, poseurs et gardiens de nuit îndigèn^^s ; à Amokran, poseurs et gourbis kabyles près du lit de la Soummam; aux Ouled Rah- moun, tentes des familles des gardiens de nuit. Dans toutes les gares, il y a des hommes d’équipe indigènes. Nous avons recherché l’index endémique chez les indigènes des 7 gares : 33 furent examinés, 15 d’entre eux portaient des grosses rates paludéennes et, parmi eux, 3 montrèrent des para- sites dans leur sang, en dehors de tout état fébrile. De plus, un autre indigène, dont la rate n’était pas hypertrophiée, présentait des hémamibes. L’index endémique se traduit donc par 48,5 0/0 indigènes infectés. Pour compléter les renseignements que fournit l’index endé- mique, nous donnons un tableau indiquantle nombre d' Anopheles disséqués et celui des Anopheles trouvés naturellement intectès dans les gares défendues ou dans leur voisinage, en 1903. CAMPAGNE ANTIPALUDIQUE EN ALGÉRIE 93 Le 11/V, à l’Alma. 2 examinés, O. infectés VA. macul. et A . alger 9/VI, Birtouta . O A. macul. 27/VI, Ighzer. 7 — — Myzom. hispan. 30/ VI, Oued-Athmenia, 10 — — A. macul. I/VIl, Mirabeau . 1 — — A. macul. 3/ VII, Ouled-Rahmoun. 21 — — A. macul. 8/VlI, Dra-el-Mizao. 1 — — Myzom. hispan. 17/VII, O. Rahmoun. 4 _ _ A. macul. 20/VII, Amokran. 7 — — M. hisp.{^) ^iA.macul{\) 21 /VII, Takrits. 1 — — A. macul. 25/ VIL Alma. 1 — — A. macul. 5/VIIL O. Rahmoun. 2 — 1 inf. A. macul. 26/VIII. O. Rahmoun. 1 — — A. macul. L’un des Anopheles de l’examen du li/YIIl contenait des sporozuïtes dans la cavité cœlomique. Gela donne pour le pourcentage des trouvés infectés naturellement, le chiffre de 1,66 0/0. Le seul moyen d'éviter la contagion du paludisme chez des indigènes serait évidemment de les éloigner des habitations européennes. A vouloir réaliser ce desideratum, on se heurte à de grosses difficultés. Les Arabes et les Kabyles viennent se grouper autour des gares qui les font vivre. Nous avions demandéqu’auxO. Rahmoun, les tentesdes familles des gardiens de nuit indigènes fussent éloignés de la gare; nous n’avons pas pu l’obtenir. Les gîtes à larves ({'Anoplteles, dont nous avions étudié la for- mation dans un autre travail étaient constitués par des mares laissées dans le lit des oueds, ou des sources. Dans un pays aussi sec que l’Algérie, les’ mares provenant directement des eaux de pluie ont peu d’importance, elles ne durent pas assez longtemps pour devenir dangereuses. Les croquis de la page 75, qui re- présentent l’état des mares subsistant dans le lit de l’oued Djemaa, à divers moments de l’été, montrent comment varient ces gîtes à larves suivant les crues ou la sécheresse; les fluctua- tions dans le cours de l’oued dépendent à leur tour, non de la chute d’eau locale, mais des pluies et des orages lointains, dans les montagnes qui alimentent cet oued. Les larves trouvées dans ces gîtes étaient : dans la Mitidja, des Anopheles maculipennis et A. Algeriensis; en Kabylie, desA. ma- culipennis et Myzoïmjia hispcmiola; sur les Hauts-Plateaux, des A. maculipennis L 1. Formation des gîtes à larves à' Anopheles en Algérie. Ann. Inst. Pasteur, t. XVII, p. 763, novembre 1903. 2. Ed. et Et. Sergent, Présence de Myzomyia hispaniola en Algérie. Soc., Biologie, t. LV, p. 1361, 14 nov. 1903. 94 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Les pétrolag-es ont toujours été possibles et n’ont jamais entraîné d’inconvénient ni pour les cultures, ni pour les bestiaux. Dans le canal de l’Alma, le courant entraînait au bout de quel- ques heures la mince couche de pétrole répandue à la surface de l’eau. D’ailleurs, les bergers mènent le plus souvent leurs trou- peaux s’abreuver à l’oued Boudouaou voisin, où Peau est plus accessible et d’un courant plus rapide. Dansles marécages delà Soummam, il existe des trous d’eau où viennent d’habitude boire les bestiaux : ces trous d’eau représentent le type des r’dirs (mares servant d’abreuvoir où les bestiaux viennent boire direc- tement, en mettant les pieds dans Peau). Or, Peau de ces r’dirs est sans végétation, et, comme elle est bourbeuse (après le pas- sage d’un troupeau), elle ne présente pas les conditions favo- rables à la vie des Anopheles. Nous n’y avons d’ailleurs jamais trouvé de larves. Nous avons donc respecté ces mares. Au con- traire, nous faisions pétroler les flaques d’eau à végétation luxu- riante, souvent entourées de joncs, de broussailles, qui empê- chent les bestiaux d’approcher, car ces flaques contenaient toujours des larves dWnoplieles. Dans Poued Djemaa, ces brous- sailles n’existaient pas, mais les petites sources ne contenaient pas elles-mêmes des larves, à cause de leur faible courant. Aux ouled Rahmoun, les gites à Anopheles ne sont constitués que par des flaques peu profondes d’eau stagnant au creux des prairies, au fond des fossés, dans l'intervalle des irrigations, flaques dont le pétrolage ne présente aucun inconvénient. Les agents des gares se sont, en général, félicités de l’appli- cation des grillages à leurs portes et fenêtres. D’ailleurs, nous avions prié la Compagnie d’agrandir certaines lucarnes, de rectifier certaines dispositions, à Peflet de rendre l’emploi des cadres grillagés le plus commode possible. Ces mesures ne gênant pas les agents et, au contraire, les préservant de l’ennui des mouches et des autres insectes, elles ont été bien accueillies par les intéressés, tandis que pour les masques et les gants, par exemple, qui sont gênants, on aurait trouvé du mauvais vouloir. Aussi, cette année, nous sommes-nous gardés de pro- poser ces moyens de défense personnelle. La plupart des agents, comprenant l’intérêt que présentaient pour eux les précautions prises, avaient soin des grillages, ils constataient, en effet, qu’ils n’étaient plus ou presque plus importunés, CAMPAGNE ANTlPAi.UIMUUE EN ALGÉPIh: 95 comme les années précédentes, par les moustiques. Dans quel- ques maisonnettes où habitaient des familles très nombreuses, avec des enfants, les cadres étaient maintenus ouverts, la plu- part du temps, malgré l’appareil de fermeture automatique ; les cadres des fenêtres étant fixes, les chances d’infestation de l’appartement étaient pourtant toujours diminuées. Ces mai- sonnettes où les agents étaient négligents, d’ailleurs, n’étaient pas nombreuses. Les agents qui ont le mieux apprécié les portes grillagées sont ceux que leur service maintient la nuit dans les bureaux du rez-de-chaussée avec les lampes allumées. La lecture de notre rapport montre, pour chaque gare, qu’après le com- mencement des pétrolages et la pose des grillages, on n’a trouvé que des rares Aîiopheles (quelquefois aucun) dans les appartements où ils foisonnaient avant l’exécution de ces mesures. En résumé : les pétrolages ont toujours été possibles et effi- caces; les cadres grillagés appliqués aux ouvertures des appar- tements ont corroboré puissamment l’effet des pétrolages. Une diminution très notable a été constatée dans le nombre des cas de première invasion chez les nouv^eaux arrivants, après l’installation complète des grillages et la mise en pratique des pétrolages (en 1902, 35,2 0/0; en 19fJ3, G, 45 0/0). C’est ce que montre le tableau suivant : NOUVEAUX VENUS INDEMNES OU SENSIBLES 90 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR ANCIENS INFECTES CAMPAGNE ANTIPAT.UDIQUE EN ALGÉRIE 97 */ 7 EECHERCHE8 SUR LA COAGULATIOR DU SAHG Par les Jules BORDEl’ et Octave GENGOU (QUATRIÈME MÉMOIRE) SUR LE POUVOIR COAGULANT DU SÉRUM (Travail de l’Institut Pasteur de Bruxelles.) C’est une notion bien acquise que la coagulation du sang est due à ce qu'il se produit du fibrin-ferment aux dépens de la substance mère ou proferment. Cette transformation de la substance génératrice en principe coagulant actif exige Tinter- vention d’un sel soluble de métal alcalino-terreux, lequel est normalement le calcium. Quant au fibrin-ferment, il est capable de métamorphoser le fibrinogène en filirine sans le secours des sels de cbaux. Le fibrin-ferment d’une part, le calcium de Pautre, sont donc, mais à des titres très divers, des facteurs de la coagulation. L’un est l’agent coagulant proprement dit; l’autre intervient simplement dans la production du premier. Ainsi précisés, les rôles respectifs du calcium et du ferment apparaissent comme très distincts et très tranchés, chacun des facteurs ayant ses attributions particulières. Il semble en d’autres termes que ces deux phases de la coagulation, forma- tion du ferment d’abord, insolubilisation du fibrinogène ensuite, sont bien indépendantes l’une de l’antre, se déroulent sans se confondre, les causes qui les déterminuiit étant essentiellement différentes. A dire vrai, la démarcation est loin d’être aussi abs due. Nous verrons notamment, dans le présent mémoire, que le fibrin-ferment, ou — pour parlnr d’une manière moins précise, mais mieux en rapport avec l’imperfection de nos con- naissanres, — le sérum, ne se borne pas nécessairement à opérer la coagulation du fibrinogène. Il peut intervenir activement d'tns la production de nouvelles quantités de fibrin-ferment, en accélérant très nettement la transformation, en ferment actif, de la portion de proferment encore inaltérée. POUVOia COAGULANT DU SJAlUM 99 Nous employons couramment, pour les expériences dont l’exposé suit, le plasma salé de lapin; nous en avons parlé dans nos mémoires antérieurs, mais il ne sera pas inutile d’énumérer très brièvement ses propriétés. Cf plasma contient du profer- ment, lequel exige, pour se transformer eu ferment actif capable de provoquer la^ coagulation, que l’on abaisse fortement, par addition d’une quantité convenable d’eau distillée, la concen- tration saline U Dans ces conditions, cette transfornialion réclame néanmoins un certain temps 1/2 heure à 3/4 d’heure environ quand on emploie du plasma s;ilé à 3 0/0 addi- tionné de 4- volumes d’eau distillée); elle ne s’opère qu’en présence de sels de chaux, et est favorisée par le contact de corps solides mouillahles, tels que le verre. On peut (en raison de la lenteur relative de cette transfornialion) prévenir entièrement la -coagulation en introduisant de Uoxalate assez longtemps après que le plasma salé a été mélangé à l’eau distillée. Le plasma salé à 3 0/0 est d’un emploi commode; mais on peut utilement employer aussi le plasma salé à 3 0/0, dont on provocjue la coagulation en le mélangeant à 2 volumes d’eau distillée. Le plasma dilué dérivant de plasma salé à 3 0/0 est naturellement moins étendu (jue celui qu’on obtient en se ser- vant de plasma à 3 0/0; aussi se coagule-t-il plus rapidement; il fournit, en outre, un sérum plus riche en fibrin-fernient. La forte concentration saline, qui s’oppose à la formation de ferment aux dépens du proferment (et qui permet ainsi au plasma salé à 2, 3, 4 ou 3 0/0 de se maintenir indéfiniment liquide) met également, mais non d’une manière absolue, obstacle à rin/Iuence coagulante du ferment sur le fibrinogène. Pour le prouver, ajoutons à du plasma salé à 3 0/0, 2 volumes d’eau distillée; quand la coagulation apparaît, défibrinons; nous obtenons ainsi du sérum riche en fibrin-ferment, capable de coaguler rapidement du plasma dilué oxalaté ou de solidifier en quelques instants du plasma dilué qu’on vient de préparer. A une portion de ce sérum (qui est déjà salé à 1 0/0), ajoutons, d’une solution très concentrée de NaCl, la quantité qu’il faut pour le saler à 2 0/0; salons de la même manière d’autres 1. La coagulation survient le plus rapidement quand on ajoute de Teau dis- tillée en proportion telle que la teneur en sel soit légèrement inférieure à 1 0/0. 100 ANNALLIS UE L’INSTITUT UASTEUIL portions du sérum, soit à 3, soit à 4 0/0. A ces sérums diver- sement salés, ajoutons volumes égaux de différents plasmas de teneurs salines respectivement identiques; on a ainsi des mélanges de plasma et de sérum, salés tous deux, soit à 2, soit à 3 ou 4 O/O. Or, la coagulation s’effectue, mais lentement et avec un retard d’autant plus marqué que la concentration saline est plus forte. Ainsi, dans le mélange où la teneur en sel est de 2 0/0, la coagulation s’effectue au bout de 1 heure environ; elle se montre le lendemain dans celui qui est salé à 3 0/0, le surlendemain seulement dans le liquide dont la con- centration est de 4 0/0. Il est superflu d’ajouter que les divers plasmas salés non additionnés de sérum restent indéfiniment liquides. L’influence retardante du froid sur la coagulation du sang est connue depuis longtemps; elle se manifeste d’une manière frappante pour ce qui concerne le plasma salé dilué par Teau distillée. Ajoutons à un volume de plasma salé à 3 0/0, 2 volumes d’eau distillée ; immédiatement après, versons le plasma dilué dans divers tubes, que nous plongeons, les uns dans l’eau chauffée à 30°, les autres dans de l’eau à 0°; le plasma chauffé se coagule entièrement en 17 minutes, le plasma refroidi, en 1 heure 15. Il est facile de reconnaître que le froid ralentit la production du fibrin-ferment. En effet, si, 20 minutes environ après que les plasmas chauffés se sont coagulés entiè- rement, nous ajoutons 1 O/OO d’oxalate sodique aux plasmas refroidis qui à ce moment sont encore parfaitement liquides, ceux-ci ne se coagulent jamais, même si on les expose ensuite à la température de 30°. D’autre part, l’abaissement de la tem- pérature nuit également à l'influence coagulante du ferment : Procurons-nous du sérum par coagulation spontanée et défibri- nation de plasma dilué. Dès qu’il est obtenu, oxalatons-le à J O/OO; préparons alors des mélanges, en volumes égaux, de ce sérufii oxalaté et de plasma dilué également oxalaté à 1 0/00. Certains mélanges sont portés à 30°; d’autres, refroidis vers 0°. Dans ceux-ci la coagulation exige 20 minutes; elle s’opère en O minutes environ dans les mélanges chauffés. L’emploi du plasma salé présente incontestablement de réels avantages pour l’étude de la coagulation du sang. Le fait que le plasma salé exige un temps assez long pour se coaguler lors- P()ÜVüIll COAGULANT DU SCllU-Al iOl qu'on le dilue par Ueau distillée est notamment une circons- tance très favorable à Télude : on ale temps de faire intervenir, entre le moment de la dilution et celui où la prise en caillot doit apparaître, certaines influences susceptibles soit d’accélérer, soit de ralentir ou d'enrayer la coagulation, et dont on peut commodément estimer le pouvoir. Il convient de remarquer en outre, non seulement que Ton peut, en se servant du même plasma salé, instituer de nombreux essais, mais surtout qu’il est toujours possible de reproduire à n’importe quel moment, puisqu’on utilise toujours le même échantillon de plasma salé, des liquides (plasmas dilués, sérums) absolument identiques à ceux qui ont fait l’objet d’expériences antérieures. Rien de plus simple, par exemple, que d’obtenir du sérum et du plasma aussi rigoureusement comparables que possible, avec cette ditlérence unique que la coagulation s’est opérée dans Tun des liquides, n’a point apparu dans l’autre : il suffit de diluer par Teau distillée, de la même façon, mais à des moments différents, le même plasma salé. Au reste, parmi les plasmas privés de cellules et incoagulables que Ton peut obtenir, le plasma salé est le plus comparable au sang naturel, car, lorsqu’il est convenable- ment dilué, le sel qu’il contient ne représente plus une inlluence anormale. ^ ^ Un phénomène sur lequel nous devons, pour la clarté de ce (jui va suivre, attirer spécialement l’attention, est celui de Taf- faiblissement rapide que subit le pouvoir coagulant du sérum conservé pendant quelque temps. Ce fait, observé par Schmidt et d’autres expérimentateurs à propos du sérum naturel ou de solutions de fibrin-ferment, se constate avec beaucoup d’évi- dence lorsqu’on se sert de sérum obtenu par dilution et coagu- lation spontanée du plasma salé, et qu’on emploie comme réactif (le la puissance coagulante. Je plasma oxaJaté. Sans doute, c’est eu partie parce qu’ils employaient des sérums un peu vieillis, que certains auteurs ont considéré la coagulation en milieu oxalaté comme étant toujours lente et pénible; en réalité, le sérum oxalaté à 1 0/00 peut, lorsqu’il est très frais, coaguler en quelques instants le plasma dilué oxalaté. Voici quelques indications sur l’affaiblissement spontané du sérum : On prépare du plasma dilué oxalaté en ajoutant un volume 102 ANNALI^S UE L’INSTITUT PASTEÜU. de solation de NaCl à 1 0/0 contenant 1 0/0 d'oxalate sodique, à neuf volumes de plasma dilué qu’on vient d’obtenir (par mélange de 4 parties d’eau distillée, et d’une partie de plasma salé à o 0/0.) On distribue en outre, dans divers tubes, 1/10 de c. c. de la solution d’oxalate sodique à 1 0 0. On dilue d’autre part du plasma salé dans de l’eau distillée pour obtenir du sérum; quand la coagulation s’établit (au bout de 40 minutes environ) on défi- briné pendant quelques minutes, jusqu’à ce que la totalité delà fibrine soit extraite (on a soin, bien entendu, de s’assurer que le sérum formé ne se recoagule plus ultérieurement). A ce moment (7 à 8 minutes après que le plasma s’est solidifié), transportons 9/10 de c. c. du sérum dans un des tubes conte- nant 1/10 de c. c. d’oxalate; laissons le contact avec l’agent décalcifiant se prolonger pendant 7 minutes , puis ajoutons 1 c. c. de plasma oxalaté. Le mélange se prend en masse au bout de 3 minutes à peine; le sérum tout récemment obtenu est donc extrêmement actif. Répétons l’expérience 1 /4 d’heure plus tard : le sérum s’est déjà très nettement affaibli; il exige 1/2 heure pour coaguler le plasma oxalaté. Si nous éprouvons le pouvoir du sérum 3/4 d’heure après qu’il a été préparé, l’effet coagulant ne s’observe qu’au bout de oO minutes de contact. Le sérum vieux, soit de 2 b. 1 /2, soit de 7 heures (et oxalaté, bien entendu, comme nous venons de l’indiquer) coagule volume égal de plasma oxalaté, soit en 1 b. 1/2, soit en 3 h. 1/2. L’affaiblis- sement du sérum s’accuse encore ultérieurement. Le pouvoir coagulant du fibrin- ferment s’atténue donc très rapidement; cette dégradation est parfois tellement brusque que la conservation pendant 10 minutes d’un sérum fraîchement préparé peut suffire à décupler le laps de temps qu’il exige pour coaguler volume égal de plasma oxalaté '. Quant au plasma oxa- laté, ses propriétés ne sont guère influencées par la conserva- tion ; préparé depuis quelques minutes ou depuis plusieurs heures, il se laisse toujours coaguler rapidement par du sérum frais, lentement par du sérum vieilli. Un autre fait ressort encore de l’expérience que nous venons de relater. Lorsqu’on dilue du plasma salé dans de l’eau dis- 1. Il va i^ans dire qu’avant d’ôtre mélangé au plasma oxalaté, le sérum est toujours oxalaté de la même manière, et pendant le même nombre de minutes; au reste, la précipitation de la chaux dans le plasma dilué ou le sérum oxalatés à 1 0/00 s’accomplit rapidement. POUVOIR COAGULANT DU SÉRUM m lillée; le fibrin-ferment — et corrélativement la coagulation — ne commencent à apparaître qu’au bout d’un temps assez pro- longé ; mais si alors on défibrine, le sérum qu’on obtient atteint très rapidement le maximum de son pouvoir coagulant; peu d’instants apres que la totalité de la fibrine s’est séparée, le sérum se montre aussi actif que possible, et bientôt après s’affaiblit graduellement. Oans ces conditions, la production du ferment s’effectue donc, si l’on peut s’exprimer ainsi, d’une manière explosive. Il n’en va pas de même, comme l’a montré M. Artbus (dont nous pouvons confirmer les observations) pour ce qui concerne le sang normal, fraîchement recueilli, qui se coagule et que l’on défibriné. Dans ce sang normal, la produc- tion du ferment est plus traînante; elle se poursuit pendant un temps assez prolongé après la coagulation; peut-être la mise en liberté, par les cellules, du proferment, ne s’opère-t-elle que graduellement '. L’affaiblissement spontané que subit, dans son énergie coagu- lante, le sérum provenant de plasma salé et que l’on conserve, donne lieu à une remarque sur laquelle il convient d’attirer l’attention et que nous utilisero[is plus loin. En diluant par por- tions, de la même manière, mais à des moments différents, un même plasma salé, on se procure des sérums de constitution toujours identique, et dont le pouvoir coagulant à l’égard du plasma oxalaténe dépend que du temps qui s’est écoulé depuis qu’on les a obtenus. En éprouvant l’activité de ces divers échan- tillons de sérum, on peut en conséquence reconnaître si le fibrin- ferment soumis à l’essai est de production récente ou s’est formé depuis longtemps déjà. Accélération de la production du fibrin-ferment sous V influence du sérum. Nous avons estimé jusqu’ici le pouvoir coagulant du sérum en prenant, comme réactif, le plasma oxalaté. Mais on peut recourir à un autre moyen. On peut faire agir le sérum sur du 1. Chose assez curieuse, le sang défibriné oxalaté ne nous a point paru pos- séder, à auc*un moment, à l’égard du plasma oxalaté, un pouvoir coagulant égal à celui du sérum frais provenant de plasma salé dilué ; il exige généralement, pour coaguler un volume égal de ce plasma, 20 minutes au moins. Il y a là, dans la comparaison du sang défibriné et du sérum de plasma salé et dilué, matière à nouvelles recherches. 104 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. plasma dilué, non oxalaté, qu’on vient de préparer; dans ces conditions, celui-ci se solidifie très rapidement. Il est logique de prévoir que du sérum tout récemment obtenu (et qui, oxalaté, coagule rapidement le plasma oxalaté), se montrera capable d’accélérer beaucoup la coagulation du plasma dilué; cette pré- vision est confirmée par l’expérience. Mais il semble également rationnel d’admettre de même que du sérum conservé pendant un jour ou deux, et dont l’énergie coagulante à l’égard du plasma oxalaté s’est considérablement atténuée, ne bâtera plus que dans une faible mesure la prise en caillot du plasma salé qui depuis quelques instants est additionné de la quantité voulue d’eau distillée. Or, l’expérience dément cette supposition. Le sérum, en qui s’altère si vite le pouvoir de provoquer la coagu- lation en milieu oxalaté, garde intacte, pendant très longtemps, la faculté d’accélérer d’une manière frappante la solidification du plasma dilué non décalcifié L A quoi tient cette discordance? On pourrait imaginer qu’au sein de liquides contenant des sels calciques (tels que le plasma dilué) le passage du fibrino- gène à l’état de fibrine s’opère très facilement, qu’il suffit, pour cela, de l’amorcer simplement en faisant intervenir une influence même faible (telle que celle d’un sérum vieilli), et que dès lors la transformation se généralise et se propage d’elle-même à toutes lés molécules du fibrinogène, le phénomène devenant comparable à celui de la cristallisation dans une solution sursa- turée. En réalité, on n’observe point de pareille contagion de la coagulation. Prenons un bloc allongé de paraffine, grattons-en la surface suivant une ligne droite de manière à y creuser une gouttière longue et étroite ; remplissons ce canal de plasma dilué préparé quelques instants auparavant; au contact de la paraf- fine, on le sait, la coagulation spontanée exige un temps extrê- mement prolongé. Versons doucement dans le plasma, à Tune des extrémités du canal, deux ou trois gouttes.de sérum qu’on a eu soin de teindre légèrement en bleu; si l’on opère sans secousses, le mélange ne s’établit que dans une zone très peu étendue, où la coagulation apparaît du reste en quelques ins- tants. Mais la solidification ne se propage que très lentement, 1. l’out-ütre cette propriété s’affaiblit-clle quelque peu, mais en tous cas d’une manière presque inappréciable; le sérum conservé pendant (juelques jours la présente encore à un haut degré. .PnUVOIll COAGUI.ANT DU SEUUM 105 el ne s'avance guère plus que ne progresse, par diffusion, la teinte bleue du sérum. La coagulation de la niasse entière r(‘clame le mélange intime de ce dernier et du plasma. Sans insister davantage sur toutes les interprétations hypo- thétiques qui pourraient venir à* l’esprit, énonçons immédiate- ment l'explication réelle de ce fait singulier, qu’un sérum pré- paré depuis p-usieurs heures, qui, oxalaté, n’impressionne plus le plasma décalcifié qu’avec très peu d’énergie, convertit cependant, en peu d’instants, le plasma dilué normal en imbloc solide. Dans ces conditions, la vraie cause de la coagulation rapidu ne réside pas dans l’action directe et immédiate du sérum sur le fibrinogène; elle consiste dans' l'inlluence exercée par ce sérum sur le proferment du plasma. Nous le savons, le proferment du plasma dilué et non décalcifié est susceptible de se transformer, spontanément et sans le secours d’aucune addi- tion de substance quelconque, en fibrin-ferment actif. Mais si l’on n’intervient point, cette transformation est lente. Elle s’ac- complit au contraire avec beaucoup de rapidité si l’on ajoute au plasma qu’on vient d’obtenir une quantité même faible de sérum. Ce qui coagule alors le fibrinogène, ce n’est pas le fibrin-fer- ment apporté par le sérum; c’est celui qui se forme externpora- nément, aux dépens du proferment propre au plasma lui-même : le sérum agit donc, principalement, en excitant la production du ferment. Cette propriété « excitoproductrice » est, remar- quons-le, fort stable : le sérum la conserve beaucoup plus long- temps qu’il ne garde le pouvoir d’opérer directement en milieu oxalaté la conversion du fibrinogène en fibrine. Ajoutons immé- diatement (jue l’influence a excitoproductrice » du sérum n’est efficace qu’en présence de sels solubles de calcium. On met facilement en évidence la propriété que possède le sérum d’accélérer la métamorphose du proferment, en tirant profit de ce fait que du fibrin-ferment conservé depuis un temps assez prolongé et oxalaté, ne coagule que fort lentement le plasma oxalaté, tandis que du fibrin-fermenttout récemment pro- duit et oxalaté peut le solidifier en quelques minutes. Commençons par nous procurer du sérum par coagulation spontanée et défibrination d’un mélange de 4 parties d’eau dis- tillée et d’une partie de plasma salé à 5 0/0. Attendons un certain temps (4 ou 5 heures parexemple ; au reste, l’expérience 106 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUU. donne les memes résultats si Ton se sert de sérum âgé d’un jour ou davantage), au bout duquel le sérum, oxalaté à 1 0/00, ne coagule plus que fort lentement (2 ou 3 heures environ) volume égal de plasma dilué oxalaté également à 1 0/00. Appe- lons ce sérum vieilli, sérum Y. A ce moment, versons dans un tube A, 4 lOdec. c. de sérum V, et dans un tube B, 4/10 de c. c. de la solution de NaCl à 1 0/0 ; (on peut aussi mettre dans ce tube B, au lieu de cette solution, 4/10 de c. c. de sérum Y rendu inactif par un chauffage préalable à o8“). Préparons ensuite une certaine quantité de plasma dilué par mélange d’un volume de plasma salé à 5 0/0 (identique à celui dont on s’est servi pour obtenir le sérum Y), et de quatre volumes d’eau distillée. Dès qu’il est obtenu, versons-en 4 c. c. dans le tube A et dans le tube B. La coagulation s’effectue très rapidement, en 3 ou 4 minutes, dans le tube A; dès qu’elle se montre, défibrinons au moyen d’une baguette de verre; pour que tout soit comparable, prati- quons la même opération sur le liquide B (il ne s’agit, ici, que d'un simulacre de défibrination, car ce liquide ne se coagule pas à ce moment). Attendons encore quelques minutes, pour être certains que le sérum obtenu aux dépens du liquide A ne se coagule plus (ce dont on s’assure d’ailleurs encore ultérieure- ment); appelons ce sérum récemment formé, sérum N; quant au plasma dilué du tube B, il ne s’est point modifié, car une dizaine de minutes seulement s’est écoulée depuis que le plasma salé a été mêlé à l’eau distillée. Prélevons alors 9/TOde c. c. du sérum N, que nous versons dans un tube C contenant déjà l/TO de c. c. de solution d’oxa- late sodique à 1 0/0; transportons de même, quelques instants après, 9/10 de c. c. du liquide B dans un tube D contenant la même dose d’oxalate; enfin, mélangeons encore dans un tube E des doses correspondantes d’oxalate et de sérum Y ( identique à celui dont on s’est servi au début de l’expérience). Laissons, dans les tubes G, D, E, le contact avec l’oxalate se prolonger pendant le même temps (oou7 minutes par exemple) au bout duquel nous versons, dans chacun de ces 3 tubes, 1 c. c. de plasma dilué oxalaté à 1 0/00 (préparé encore aux dépens de la même provision de plasma salé à 5 0/0). Le contenu du tube C se coagule en bloc en 3 minutes environ ; celui du tube D reste POUVOIR COAGULANT DU SÉRUM 107 indéfiniment liquide ; celui du tube E ne se coagule que très len- tement, au bout de 2 à 3 heures par exemple. Mais bientôt le liquide B subit la coagulation spontanée défibrinons-le et éprouvons le pouvoir coagulant de ce nouveau sérum (on Toxalate comme il a été dit précédemment) sur le plasma oxalaté ; en même temps, recommençons le même essai pour ce qui concerne le sérum N. Nous constatons que ce der- nier s'est déjà affaibli (en raison de la conservation) et que la coagulation, sous son influence, du plasma oxalaté, exige envi- ron 15 minutes; actuellement, le sérum le plus actif, capable de coaguler le plasma oxalaté en trois minutes environ, est celui qui provient du tube B, et qui est donc le plus récemment obtenu; il s’affaiblit du reste ultérieurement comme le fait le sérum N. L’expérience ci-dessus résumée démontre nettement que l’addition d’un peu de sérum à du plasma dilué a comme consé- quence la transformation rapide en ferment du proferment du plasma, transformation qui nese serait accomplie sans le secours du sérum qu’au bout d’un temps beaucoup plus long. Du fibrin- ferment de nouvelle formation, et par conséquent très actif à l’égard du plasma oxalaté, apparaît en abondance; à ce moment, le même plasma, non additionné de sérum, ne renferme encore aucune trace de fibrin-ferment. En d’autres termes, du plasma dilué auquel on ajoute un peu de sérum V, et qui se coagule, fournit, en un laps de temps bien inférieur à celui qu’aurait exigé, en l’absence du sérum, la transformation du proferment, un sérum N qu’on ne saurait considérer comme une simple dilution du sérum Y dans un liquide inerte. Les deux fibrin-ferments, celui qu’apporte le sérum V, celui qui vient de se former, se distinguent l’un de l’autre par leur âge, c’est-à-dire par leur pouvoir coagulant en milieu oxalaté, ainsi qu’en témoigne la comparaison des tubes G et E. Ajoutons qu’il se produit, sous l’influence « excito-produc- trice )) du sérum V, autant de fibrin-ferment qu’il s’en forme normalement dans la coagulation spontanée. En effet, le sérum N se montre, lorsqu’il est bien frais, tout 1. Rappelons que la coagulation spontanée du plasma salé à 5 0/0 dilué dans 4 parties d’eau, exige environ une demi-heure, à la température du laboratoire. ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. 108 aussi actif que le sérum, également frais, résultant delà coagu- lation spontanée du liquide 13. Il est fort vraisemblable que la transformation affecte, dans l’un et l’autre cas, la totalité dupro- ferrnent. L’apparition, dans le plasma dilué, du fibrin-ferment grâce à (( l’excito-production )) (désignons ainsi, pour abréger, l’accélé- ration imprimée par le sérum à lamétamorpbose delasubstance- mère en ferment actif), bien que rapide, n’est cependant pas instantanée, surtout lorsque la dose de sérum mélangée au plasma est relativement faible L Si, à 1 c. c. de plasma dilué, tout récemment obtenu, on ajoute l/IO de c. c. de sérum Y, on peut s’opposer à la produc- tion du ferment, en introduisant immédiatement dans le mélange J/IO de c. c. de solution d’oxalate à 1 0/0; la coagulation ne s’effectue alors qu’au bout d’un temps très long (1 à 2 jours par exemple) sous l’influence de la trace de fibrin-ferment apportée par le sérum V. Pratiquée 1 à 2 minutes, parfois même quelques secondes plus tard, l’introduction de l’oxalate reste sans effet, la solidification s'effectue sans délai, du fîbrin-ferment actif venant déjà d’apparaître. Cette expérience nous montre en même temps que la pré- sence de sels calciques est indispensable à la manifestation do l'influence « excito-productrice » du sérum. Ce fait résulte déjà, à l’évidence, de ce que nous savons de la coagulation en milieu oxalaté. Du sérum un peu ancien ne coagule que très lentement le plasma oxalaté. 11 est clair que s’il pouvait y faire naître de nouvelles quantités de fibrin-ferment. la coagulation survien- drait très vite, le fermentrécemment produit ayant précisément ce caractère de solidifier rapidement le fibrinogène décalcifié. Mais la nécessité des sels de chaux pour « l’excito-produc- tion » peut se démontrer expérimentalement d’une manière ‘plus tangible. On peut, en elfet, ajouter du sérum à du plasma dilué préalablement décalcifié, et constater que « l’excito-pro- duction » ne s’effectue que si l’on a soin d’additionner le mélange d’une trace de sel calcique. Voici le détail de l’expérience : T La propriété <' excito-productrice» ne se manifeste plus d’une manière per- ceptible lorsque la proportion de sérum ajouté au plasma dilué récemment obtenu est trop réduite; c’est ainsi que le sérum n’accélère pas notablement la coagulation lorsqu’on en verse 1 volume dans 100 volumes de plasma dilué. FOUVOIIl COAGULANT DU SÉRUM 109 Décalcifions du plasma salé en ajoutant à 6 parties de ce plasma une partie de solution de Na Cl à U 0/0 renfermant 0,5 0/0 d’oxalate sodique. Au bout d’un temps de contact assez prolongé, versons dans le mélange 24 parlies d’eau distillée; le plasma dilué ainsi obtenu ne se coagule jamais spontanément U Introduisons d’autre part, dans deux tubes A et B, 6/10 de c. c. de sérum V obtenu 24 heures auparavant par coagulation spontanée de plasma dilué normal; versons en outre, dans un tube C, 6/10 de c. c. de ce même sérum V, cbaulfé au préalable vers 60o pendant une demi-heure. Ajoutons ensuite, aux 3 tubes, 1,8 c. c. du plasma dilué in- coagulable qu’on vient de préparer. Immédiatement après, additionnons successivement, le tube B de 2/10 de c. c. d’une solution de NaCl à 1 0/0, les tubes Cet A de 2/10 de c. c. d’une solution de NaCl à 1 0/0 contenant en outre 1 0/00 de chlorure calcique U Aussitôt après que ces mélanges sont effectués, et avant que « Texcito-production » n’ait eu le temps de s’opérer dans le tube A, on prélève 9/10 de c. c. de chacun des liquides A, B, C, qu’on transporte rapidement dans 3 tubes nouveaux D, E, F, contenant déjà 1/10 de c. c. de la solution d’oxalate sodique àl 0/0; il se produit un trouble bien net d’oxalate calcique, ré- sultant delà précipitation complète de la chaux, dans les 2 tubes qui ont reçu les liquides A et C ; laissons le contact avec l’oxalate se prolonger, dans chaque tube, pendant 8 minutes, puis ajou- tons à ces 3 tubesD, E, F, 1 c. c. de plasma dilué oxalaléà 1 0/00. On constate ultérieurement que la coagulation n’apparaît jamais dans le tube où le plasma oxalaté est mêlé au liquide provenant du tube G ; elle ne s’opère qu’au bout de 1 à 2 jours, et encore incomplètement, dansles2 tubes qui ont reçu soit du liquide A, soit du liquide B (lesquels renferment unpeu de fibrin- ferment ancien appartenant au sérum Y). Mais, sur ces entrefaites, unedizaine de minutes après l’intro- duction de la trace de sel calcique dans les tubes G et A, la coagulation apparaît dans ce dernier (A), sous l’influence combi- 1. L’excès d’oxalate que renferme ce plasma est léger, et sa concentration devient très faible en raison de la forte dilution par l’eau distillée. 2. Les liquides A et C, pont le volume total est de 2,6 c. c, sont donc calcifiés à^4 13 p. 1000, c’est-à-dire à raison d’environ 8 milligrammes pour 100 grammes. J!0 ANNALES DE L’INSTITUT PAS’IEUR. née de la chaux et du sérum V non chauffé. On le défibriné, tout en imprimant des mouvements semblables aux contenus des tubes B et G. Le tube A fournit ainsi du sérum, B et G ne se coagulant pas à ce moment. B, en effet, contient bien du sérumV non chauffé, mais point de chaux; G renferme de la chaux, mais ne possède que du sérum V chauffé. Transportons alors 9/10 de c. c. de sérum A dans un tube AA corttenant déjà 1/10 de c. c. d’oxalate à 1 0/0; oxalatons de même (tube BB) 9/10 de c. c. de liquide B, et 9/10 de c. c. (tube GG) de liquide G. Au bout de 8 minutes de contact avec Toxalate, ajoutons aux 3 tubes AA, BB, GG, 1 c. c. de plasma oxalaté dilué. La coagulation survient en quelques minutes dans le tube AA, n’apparaît jamais dans le tube GG, s’opère incom- plètement dans BB, au bout de 1 à 2 jours. Il reste, après la confection des mélanges AA, BB, GG, un peu de liquide non encore coagulé dans les- tubes B et G. Le contenu du tube G (où le plasma a été additionné de GaGP et de sérum chauffé) se coagule oO minutes après le moment auquel on a introduit la trace de sel calcique. Le liquide du tube B (plasma et sérum Y, mais pas de chaux) se solidifie en 12 heures environ. On le voit, il est indispensable, pour faire apparaître rapide- ment, par (( excito-production », le fibrin-ferment dans du plasma dilué tout récemment préparé, de faire intervenir simul- tanément le sel calcique et le sérum. Ajoutons que, dans ces conditions, le ferment se produit tout aussi activement si le liquide est maintenu en vase paraffiné que s’il est contenu dans un verre ordinaire. Notons encore, pour compléter ces données, que les expé- riences de ce genre donnent les mêmes résultats si l’on emploie, pour accélérer la formation du ferment dans le plasma dilué récemment obtenu, non pas du sérum provenant de plasma salé et dilué, mais du sang normal défibriné. Gelui-ci, comme le sérum de plasma dilué, garde pendant longtemps sa propriété «excito- productrice ». Signalons encore, sans insister sur les détails, quelques essais relatifs à l’action d’un chauffage modéré et peu prolongé sur le plasma salé qu’on a, quelques instants auparavant, dilué dans la quantité voulue d’eau distillée. On le sait, le fibri- POUVOIR COAGULANT DU SÉRUM 111 iiogène est légèrement plus sensible à la chaleur que ne Test le proferment. Du plasma salé à 5 0/0, additionné de 4 parties d’eau, et chauffé ensuite pendant 10 minutes vers 53®, se coagule encore; il ne se coagule plus si la température s’est élevée, pendant le même temps, à 54® environ, et le liquide devient légèrement opalescent. On se procure ainsi du plasma incoagulable, mais dans lequel, le proferment n’étant pas détruit, la marche de la production du lihrin-ferment suit à peu près son cours habi- tuel. Au bout de 45 minutes environ, le liquide acquiert (sauf si on le décalcifie par Toxalate un peu après qu’il a été chauffé), la propriété de coaguler -le plasma oxalaté, d’accélerer la production du ferment dans le plasma dilué normal récemment obtenu. On peut même démontrer, en se servant de plasma chauffé de la sorte, Tiiiffuence empêchante de la paraffine sur la produc- tion spontanée du ferment. Mais si l’on chauffe à 5fi® ou un peu au-dessus, le profermenl s’altère, et le plasma devient incapable de fournir ultérieurement du ferment. xAu reste, cette températui’e est aussi, très approxi- mativement, celle qui abolit l’activité du fibrin-ferment du sérum. La substance qui confère au sérum ou au sang défibriné le pouvoird’accélérer la production dufibrin-ferrnentdans le plasma dilué, est-elle bien identique au fibrin-ferment lui-même, c’est- à-dire au principe qui, même en l’absence de sels de chaux, convertit le fibrinogène en fibrine? Wooldridge avait signalé que l’addition au sang de divers extraits d’organes, en accélère la coagulation. Delezenne, à propos du sang d’oiseau, Spangaro ensuite pour ce qui concerne le sang des mammifères, ont montré que le contact avec la plaie, le mélange avec le suc de tissus, favorisent d’une manière très accusée la coagulation du sang. Mais il ne s’agit point, dans ces recherches, de substances propres au sérum lui-même. Bien au contraire, Arthus, qui a repris cette question, déduit de ses expériences qu’il n’y a point de fibrin-ferment dans le suc de plaie ou dans l’extrait d’organes; 112 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR la substance active de ces liquides hâterait la coagulation du sang en accélérant la formation du fibrin-ferment, mais cela sans être elle-même ni du ferment ni du proferment; on doit admettre, d’après Artlius, que les macérations d’organes con- tiennent des substances qui sont des excitants chimiques de la sécrétion fibrin-ferment des globules blancs. Ue ne sont, certes, point des substances de cette catégorie qui interviennent dans les expériences que nous avons rela- tées. Dans celles-ci, c'est bien le liquide sanguin lui-même, obtenu sous foi’me de plasma salé que l’on dilue ensuite, et non un sucétrangerdeplaie ou d'organes, qui fournitleprincipeactif. Bien plus, ce principe, susceptible de hâter considérablement la métamorphose du proferment, ne se rencontre pas dans le plasma salé que Ton vient de diluer dans de l’eau distillée. Le plasma dilué, que l’on abandonne à lui-même et qui exige un temps prolongé pour se prendre spontanément en caillot, doit, pour hâter l’apparition du ferment dans une nouvelle por- tion de plasma dilué, s’être lui-même coagulé, s’être converti en sérum; en d’autres termes, il doit lui-même avoir été le siège de la production du ferment. La matière douée de la propriété a excito-productrice )) apparaît donc en même temps que le fibrin-ferment. A vrai dire, il semble bien que les deux principes ne sont en réalité qu’une seule et même matière; si l’on se range à cette opinion, il faut observer toutefois que l’une des propriétés du fibrin-ferment, celle de coaguler directement le fibrinogène (même en l’absence de chaux) résiste moins à la conservation que la seconde, celle d’accélérer la transformation du profer- ment en ferment actif (propriété « excito-productrice »). Cette notion de Funicité de la substance coagulante et (( excito-productrice » est en harmonie avec les constatations relatives àl’inlluence de la chaleur sur le sérum provenant de plasma dilué. Le chauffage de ce sérum, pendant une dizaine de minutes, vers o6®, abolit à la fois les deux propriétés. Il est superflu de faire remarquer toutefois que l’attribution, à un seul et même principe, de deux propriétés distinctes, ne saurait s’appuyer sur des preuves absolues et vraiment irréfutables, quand il s’agit de matières dont' la nature intime reste très mystérieuse. POUVOIR COAGULAfsT DU SÉRUM H3 Le fait que le sérum hâte la transformation du proferment comporte quelques conséquences que nous signalerons briève- ment. Dans le plasma salé étendu d’eau distillée, le fibrin-ferment ne commence à apparaître qu’au bout d’un temps prolongé. Mais si l’on défibriné au moment où la coagulation débute contre la paroi, la quantité de ferment s’accroît très rapidement et atteint bientôt son maximum. On le conçoit, les premières traces de sérum formé inter- viennent alors pour généraliser la transformation à la totalité (lu proferment; telle est bien, semble-t-il, l’explication de l’appa- rition (( explosive » du ferment dans le plasma défibriné. Lorsqu’on mélange un peu de sérum à du nlasma contenant du proferment et de la chaux (tel que le plasma dilué), la rapidité de « l’excito-production » est naturellement en rapport avec la quantité de sérum mis enjeu. Mais comme le fibrin-ferment se multiplie en quelque sorte grâce à la métamorphose du profer- ment, la vitesse et l’intégralité de la coagulation ne dépendent pas aussi étroitement delà dose de sérum que si l’on opère en milieu décalcifié, où la production de nouveau ferment ne peut s’opérer. La coagulation du plasma oxalaté est très lente et peut même rester incomplète, lorsqu’on n’ajoute à ce liquide qu’une quantité faible de sérum oxalaté. Dans le même ordre d’idées, M. Artbus a d’ailleurs fait voir antérieurement que le plasma fluoré peut être utilis(‘ comme réactif quantitatif du fibrin-ferment. D’autre part, le sérum que fournit la coagulation de plasma oxalaté sous l’influence de sérum oxalaté, ne jouit lui-même, à l’égard d’une seconde portion de plasma oxalaté, que d’un pou- voir coagulant relativement faible : il ne représente en effet qu’une dilution du sérum primitif, aucune trace de ferment nou- veau n’ayant pu se produire. Au contraire, le sérum B, ([u’on obtient en quelques instants en ajoutant à du plasma dilué, récemment préparé, un peu de sérum A, coagule très rapidement à son tour, en y bâtant l’apparition du ferment, une nouvelle quantité de plasma dilué, transforme par conséquent ce liquide en sérum C, lequel pos- 114 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. sède des caractères identiques à ceux des sérums précédents, et ainsi de suite indéfiniment. C’est vraisemblablement grâce encore â lapropriété « excito- productrice » du sérum que s’explique un fait fréquemment observé dans nos expériences sur la coagulation en milieu oxalalé. Nous avons dit antérieurement que le sérum provenant de - plasma salé dilué, lorsqu’on l’a conservé pendant une ou quel- ques heures et qu’on l’oxalate à 1 0/00, ne coagule plus que len- tement volume égal de plasma semblablement oxalaté. Mais la coagulation survient beaucoup plus rapidement si l’on ajoute, à du plasma oxalalé, non plus à 1 0/00, mais à 2 0/00, volume égal d’un pareil sérum non oxalaté au préalable; et cependant, dans ces conditions, la teneur du mélange en oxalalé est encore de 1 0/00. Par exemple, au lieu d’ajouter d’abord à 9/10 de c. c. d’un tel sérum (une ou deux heures après qu’on l’a obtenu par coa- gulation spontanée de plasma salé à 3 0/0 etdilué), 1/10 de c. c. de solution d’oxalate à 1 0/0, puis de verser dans le tube 9/10 de c. c. de plasma dilué oxalaté à 1 0/00, nous pouvons tout aussi bien introduire dans 9/10 dec. c. de ce plasma oxalalé, 1/10 de c. c. de la solution d’oxalate, puis ajouter au mélange 9/10 de c. c. de sérum non oxalaté. Or, ces différences dans la manière d’opérer influent consi- dérablement sur la vitesse de la coagulation; dans le second cas, celle-ci s’effectue généralement en quelques njinules; dans le premier, elle exige une heure au moins. 11 est probable que dans la seconde manière de faire, les sels calciques apportés par le sérum ne sont pas instantanément précipités d’une manière complète par l’oxalate, et permettent ainsi au sérum de transfor- mer en ferment actif tout au moins une petite fraction du profer- ment propre au plasma oxalaté. A vrai dire, nous ne donnons pas celte explication comme définitive; il nous a paru en effet que d’autres causes sur les- quelles nous ne sommes pas encore suffisamment renseignés interviennent également dans le phénomène. POUVOIR COAGULANT DU SÉRUM 115 4- 4 CONCLUSIONS 1° A côté] du pouvoir de coaguler le fibrinogène, le sérum ou le sang défibriné) possède encore celui d'accélérer considé- rablement, dans le plasma dilué auquel on l'additionne, la pro- duction du fibrin-fermeni aux dépens du proferment propre à ce plasma. La première propriété (celle de transformer le fibrinogène eu fibrine) peut, on le sait, s’exercer même en l’absence de chaux; la seconde (celle d'exciter la production du ferment) exige pour se manifester la présence de sels calciques. 2® Le principe doué de ce pouvoir d’exciter la production du ferment (propriété « excito-productrice) ne se rencontre pas dans le plasma salé qu'on vient de diluer dans l’eau distillée; il apparaît, de même que lefibrin-ferment, lors de la coagulation; en d'autres termes, il est propre au sérum, et doit probablement être considéré comme identique au fibrin-ferment lui-même. Comme ce dernier, il est détruit par le chauffage à une tempé- rature voisine de 5fi^. 3^ La propriété « excito-productrice » explique diverses particularités du phénomène de la coagulation, et notamment le fait que la teneur du plasma dilué, en fibrin-ferment, nulle pen- dant un temps assez prolongé, devient très rapidement considé- rable lorsqu'on défibrine le liquide au moment où il commence à se coaguler. 4® Dans le sérum que’ l'on conser/e, le pouvoir de coaguler le fibrinogène en milieu oxalaté s'atténue plus manifestement et plus rapidement que la « propriété excito-productrice ». 5® Le froid retarde la coagulation du plasma salé et dilué; il agit d'abord en ralentissant la transformation spontanéedu pro- ferment en ferment actif, ensuite en déprimant l'activité de ce ferment. 6*^ La forte concentration saline, qui s'oppose d’une manière absolue, dans le plasma salé, à la production du ferment, con- trarie aussi, mais avec moins d’énergie, l'influence coagulante du fibrin-ferment sur le fibrinogène. ACTION DE LA LACCACE EUR LE GAIACOL Par M. GABRIEL BERÏKAND J’ai sig^nalé autrefois l’existence d’une relation étroite entre la constitution des composés organiques et leur oxydabilité sous l’influence de la laccase : d’une manière générale, les composés nettement oxydables sont ceux qui, appartenant à la série cyclique, possèdent au moins deux des groupements* OH ou NH^ dans leur noyau, et dans lesquels ces groupements sont situés, les uns par rapport aux autres, soit en position ortho, soit surtout en position para L Cette relation m’a permis non seulement de caractériser la laccase, mais aussi de découvrir la tyrosinase, qui s’attaque à des composés d’une constitution différente. En outre, la môme relation a déjà servi à prévoir, dans une certaine mesure, la constitution de plusieurs principes naturels, comme les aloïnes, le bolétol, etc., d’après la façon dont ils se comportent avec la laccase. AprèS' avoir déterminé, au moins d’une manière générale, quels sont les corps susceptibles' de subir l’action des ferments oxydants, il fallait étudier une nouvelle question, très impor- tante au point de vue du rôle que ces ferments peuvent jouer dans l’organisme : c’est la constitution chimique des produits engendrés au cours de l’oxydation. Lorsqu’on opère avec l’hydroquinone, que j’avais prise tout d’abord à cause de la netteté de la réaction, il y, a départ des deux hydrogènes phénoliques et production de quinoneL Mais le phénomène est en général plus compliqué. Une pro- portion notable du carbone peut même être séparée à l’état d’acide carbonique : par exemple dans le cas du pyrogallol. Ce 1, C. R. Acad, des Sciences, t. CXXII, p.-llSji-J 135 (1896) et Bull. Soc. Chimiq. 3e série, t. XV, p. 791-793 (1896). . 2. En prati(jue, celle-ci se combine, molécule à molécule, avec une partie de ’liydroquinone non encore oxydée, et on voit apparaître dans le liquide de beaux cristaux mordorés de quinhydrone. ACTION DE LA LACGASE SUR LE GAIACOL 117 corps donne, comme on sait, un produit cristallisé, la purpuro- galline, dont la constitution n’a pu être établie d’une façon cer* taine. Aussi n’est-il pas sans intérêt de revenir en détail sur quel- ques-unes des réactions oxydasiques dont, à l’origine, j’avais pu indiquer seulement le caractère général. Je rapporterai aujour- - d’hui les résultats que j’ai obtenus en étudiant l’action de la lac- case sur le gaïacol. En faisant réagir le suc de divers champignons sur une solu- tion aqueuse de gaïacol, M, Bourquelotavu le liquide se colorer en rouge orangé, puis laisser déposer un précipité rouge L Mais, comme je l’ai démontré, le suc de champignons renferme à la fois de la laccase et de la tyrosinase ; on ne peut savoir, a 'priori, laquelle de ces deux oxydases intervient dans la transformation du gaïacol, ce corps étant, comme on sait, l’éther monométhy- lique de la pyrocatécliine : G^H^.OH.OCTlL II est même permis de se demander, d’après la richesse des champignons en diastases de toutes sortes, s’il n’y a pas là autre chose qu’une simple action oxydasique, s’il n’y a pas en même temps une transforma- tion accessoire. Je me suis assuré, à Taide de laccase type, provenant de latex de l’arbre à laque, que c’est uniquement à cette oxydase qu’on doit rapporter la transformation du gaïacol par le suc de champignons. Le gaïacol devient, par suite, un véritable réactif de la laccase. Ce point acquis, j’ai préparé une certaine quantité du pro- duit d’oxydation pour en déterminer les propriétés et la consti- tution chimique. Cinquante grammes de gaïacol pur cristallisé ont été dissous dans 4 à 5 litres d’eau distillée tiède; on a ajouté 5 grammes du ferment de l’arbre à laque et fait passer un courant d’air. Après quatre jours, l’oxydation était pratiquement terminée. Le précipité a été recueilli, lavé à fond à l’eau distillée et séché dans le vide. Il pesait 42 grammes. C’est une poudre formée de cristaux excessivement fins (aiguilles diversement groupées ou globulites, suivant les cir- constances de l’oxydation) de couleur rouge pourpre foncé, avec un léger reflet vert métallique. Elle est insoluble dans l’eau, r. C. R. Ac. dè Sc., t. CXXin, p. 315-317 (1896). 118 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUK faiblement soluble clans l’cther, un peu plus dans l’alcool, davan- tage encore dans le benzène. Ses meilleurs dissulvanls sont le chloroforme et l’acide acétique. Toutes ces solutions ont la même couleur rouge acajou. Si on ajoute de l’eau à la solution acétique concentrée, la substance dissoute se précipite en flocons denses, violet pourpre, qui, une fois séchés, fondent au bloc Maquenne entre + 135 et 140 degrés. D’après sa composition et ses propriétés, le produit qui résulte de l’action de la laccase sur le gaïacol est formé par l’union de quatre molécules de gaïacol ayant perdu chacune deux atomes d’hydrogène : 4 C6H^.OH.ÜCH3 + 02 = (C6H3.0.0CH3)4 + 2H20 C’est une tétragaïacoquinone, dont la constitution est repré- sentée par la formule suivante : r:6H3 I C6H3 C6H3 c:6H3 O O.CH» O.CH3 0 1 U O.CH3 O.CH3 O La tétragaïacoquinone se dissout dans la potasse et la soude diluées en donnant des solutions rouge brun, virant bientôt au vert intense, puis, lentement, au jaune sale. Avec l'ammoniaque, la dissolution est moins facile et la coloration primitive persiste. Traitée par la poudre de zinc, en solution acétique, elle est réduite, dès la température ordinaire, avec une extrême faci- lité. La solution se décolore presque complètement et, si on filtre et qu’on reçoive le liquide dans l’eau, il se précipite des flocons blancs de tétragaïacohydroquinone : C6H3 I C6H3 C6H3 I C6H3 OH O.CH3 O.GH3 0 1 U O.CH3 O.CH3 OH dontle point de fusion est compris entre + LIS et + 120 degrés. La tétragaïacohydroquinone se colore peu à peu en rose au contact de l’air, par retour au corps précédent. Cette ACTION \m LA LACGASE SUR LE GAIACOL. U 9 réoxydation devient extrêmement rapide dans les solutions alcalines. Les formules ci-dessus ont été établies par l’analyse élémen- taire et la détermination du point de cong-ëlation des solutions acétiques. Les analyses ont donné les chiffres suivants : Télragaïacoquinone t C. L26H2408 I H Tétragfiïacohydroquinono l C. C28H2(i08 J H Calculé. Trouvé. 68,85 »/„ 68,70 0 „ 68,66 4,91 5,16 5,19 68,57 68,48 68,6 't 5,86 5,49 5,40 Quant aux déterminations cryoscopiques, on les a faites par comparaison, en se servant de composés voisins : le gaïacol et riiydroquinone. L’acide acétique pur s’hydrate à l’air avec une grande facilité et les chilfres calculés avec la constante 39 sont à cause de cela toujours un peu forts. Ici, comme il ressort des résultats fournis par le gaïacol et Thydroquinone, l’excès a été d’environ 10 0/0. Formules. P. M. calculé. P. M. trouvé Gaïacol Hydroquinone Télragaïacoquinone Tétragaïacohy d ro q u i no n e Gni802 124 128 011^02 JIO 119 C28112J08 488 527 C28H2C08 490 542 Pour mettre en évidence l’existence de deux fonctions phéno- liques dans la tétragaïacohydroquinone, cinq grammes de cette substance ont été dissous dans 10 fois leur poids d’anhydride acétique, et après addition d’un petit fragment de chlorure de zinc fondu, on a chauffé légèrement. La réaction, d’abord très vive, s’est calmée peu à peu. On a porté quelques minutes à l’ébullition tranquille, puis, après refroidissement, le liquide a été jeté dans un excès d’eau. Le précipité, résineux au début, est devenu dur après quelque temps. On Ta dissous à chaud dans oO c. c. d’alcool à 93/100. En refroidissant, le dérivé acétique s’est déposé en grains sphériques, de couleur jaune, fondant à -f- 135-160®. On en a recueilli ainsi 2"‘’,7o. L’analyse montre que c’est un dérivé diacétylé : Calculé Trouvé. C28Iin08(C2I130)2 66.89 66,74 5,22 5,19 L’existence des deux oxhydriles phénoliques a d’ailleurs été confirmée par l’action de l’iodure de méthyle. 1-20 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUIL On a dissous 5 grammes de télragaïacohydroquinone dans 20 c. c. d’alcool absolu, ajouté de sodium préalablement dissous dans 10 à i'i c. c. du même alcool, et chauffé le tout, en tube scellé, à + 100 degrés, avec 5 grammes d’iodure de méthyle. Après 2 h. 1/2, en agita'nt de temps en temps, la réac- tion paraissait terminée. Le contenu du tube a été évaporé au bain-marie pour chasser l’excès d’iodure de méthyle, puis l’extrait sirupeux a été dilué dans un peu d’alcool et traité par l’eau ammoniacale afin de dissoudre l’iodure de sodium et les traces de la substance primi- tive qui auraient pu échapper à la méthylation. Le résidu solide, pulvérulent, pesait après dessiccation 5"'', 25, soit presque exactement le chiffre théorique : 5?l28. On l’a purifié en le redissolvant à chaud dans l’alcool à 95/100, filtrant la solution concentrée et précipitant par l’eau froide. Le produit ainsi obtenu a la couleur rosée du sulfure de manganèse. Il fond facilement vers -f- 80°, en un liquide limpide prenant l’aspect d’une résine par refroidissement. Chauffé à nouveau avec l’iodure de méthyle et l’alcoolate de sodium, il ne subit aucune transformation; on le récupère sans changement de poids. L’analyse élémentaire montre que c’est bien de la dirnéthylté- tragaïacohydroquinone : Calculé. Trouvé. G28H2^08(GH3)2 j ^ D’après ces expériences et celles que j’ai publiées antérieu- rement, la laccase est donc susceptible de provoquer soit uni- quement l’oxydation, soit à la fois l’oxydation et la condensation des corps sur lesquels elle exerce son activité. Le second cas s’est présenté aujourd’hui avec un corps dont la molécule ren- ferme un seul oxydrile phénolique et la condensation a eu pour' résultat de fournir, précisément comme dans le cas plus simple l’hydroquinone, un dérivé à fonction quinonique. On verra plus tard l’intérêt qui s’attache à cette remarque quand il s’agira d’interpréter le processus des actions oxydantes de l’organisme. ÉTUDES D’HYDROGKAÉHIE SOUTERRAINE (Suite. A'oir t. X^IT, p. 8oT.) i’iir M. E. ÜUCLAUX XI TERRAINS CALCAIRES Nous avons maintenant à faire, pour la partie non volca- nique du Cantal, l’équivalent de ce que nous avons fait pour le volcan qui en occupe le centre : chercher en chaque point quel est le régime d’eaux, où sont les ressources disponibles, et dans quelle direction il faut aller pour en tirer le meilleur parti. Nous avons vu les sources que le volcan alimente lorsqu’il est seul, et aussi les gouttières qu’il a creusées dans les couches calcaires qu’il a enfouies et masquées aux yeux, et dans lesquelles les eaux circulent longuement avant de reparaître. J’ai suffi- samment insisté sur l’importance de ce niveau d’eaux et sur la puissance de ses ressources. Toutes les belles sources du Cantal lui appartiennent. Ce qui nous intéresse maintenant, c’est la partie extérieure de ce plateau calcaire, celle qui n’a pas été ensevelie souslalave. Elle n’est représentée, aujourd’hui, que par quelques larges lam- beaux de calcaire miocène et éocène, aux environs d’Aurillac, et par quelques saillies, comme celle d’une falaise, qu’on trouve suspendues à un niveau voisin de 700 mètres sur les flancs solides du volcan, partout où ce niveau est à découvert, sur les bords ou au fond des vallées qui s’y creusent. La carte ci-dessous donne bienune idée du caractère découpé de ces calcaires et du groupe qu’ils forment dans leur en- semble (fig. 1) ’. 1. Cette carte a été dessinée avec les documents les plus récents : la carte de M. Michel Lévy (Paris, Baudry et C'®) et celle de M. Boule. Naturellement, je les ai simplifiées en n’y mettant que ce dont j’avais besoin : le plateau volcanique (en grisé), les couches calcaires (en hachures), elle terrain primitif (resté en blanc). J’ai aussi supprimé les terrains dits quaternaires. Quand il s’est formé un éboulis au pied et tout le long d’une falaise, j’ai compté qu’il était fait des mêmes matériaux que la falaise, et uu’il devait compter comme falaise pour nos études. m ANNALES DE L’INSTITUT PASLEÜR ■ Le mot de falaise vient naturellement sous la plume, car tous ces saillants du sol profond sont exposés à Taction destruc- tive des agents atmosphériques, et subissent une dégradation continue. Les couches volcaniques qui ont protégé ce qu’elles ont recouvert des anciens dépôts, marins ou lacustres, ont hâté la destruction de ce qu'elles en avaient laissé à l’air. Une masse conique de 1,200 à l,o00 mètres d’épaisseur, qui s’implante sur une pirt'e d’un fond plat de lac, y apporte deux jChande/rai^ucs' rwiel Hoches a islallinesjjiùnairei Terrcun calcaire Teiraun ooknnijue F.g. 1. actions nouvelles : des pentes d’abord, et ensuite une augmenta- tion de pluie, qui, grâce aux pentes, exagère son action. Le résultat est que, si ce qui est recouvert est mieux protégé, ce qui est resté exposé à l’air se détruit plus irrégulièrement et plus vite. Aux environs d’Aurillac, nous trouvons, dans les trois vallées de la Gère, delà Jordanne et de l’Authre, l’ancien plateau cal- caire à son niveau de 700 mètres, là où il a été recouvert par le ÉTUDES D’HYDROGRAPHIE SOUTERRAINE. 4:23 volcan, et aussi au fond de la vallée, dont le creusement l’a amené à 600 mètres, en moyenne. Plus loin, dans la plaine commune que se sont faite ces trois rivières, le terrain calcaire se trouve traversé complètement par l’érosion et, là où il est le plus creusé, apparaît le terrain cristallin primaire. Plus loin encore, on ne trouve plus que les îlots calcaires les mieux conservés, coiffés encore d’un chapeau volcanique; d’autres nus, et plus ou moins réduits. Tout disparaît ensuite, et la rivière. doit se frayer sa voie dans les mica-schistes. Cette destruction sur place du bord Ouest de l’ancien bassin calcaire, dont le bord Est, le seul que nous ayons étudié, est invi- sible parce qu’il est enseveli sous la lave, fait qu’il est difficile de se faire une idée de son étendue. Pour le bord Sud de l’ancienne mer calcaire, on est un peu mieux renseigné : la rive gauche de la Gère est dominée, encore aujourd’hui, par un massif de gneiss et de mica-schiste qui dépasse constamment (de 100 mètres aux environs de la Roumi- guière) l’ancien niveau calcaire de 700 mètres, et qui, n’ayant pas bougé, nous sert aujourd’liui de terme de comparaison. Les eaux n’ayant jamais été profondes, nous avons là la rive méridionale de l’ancienne mer. Plus au Nord, le haut plateau entre la Gère et la Maronne est resté aussi en dehors de l’eau, et si Ton veut chercher, sur le piton central du volcan, les couches contemporaines de celles qu’on trouve encore éparpillées en larges débris à Saint-Santin, à Arnac, à Pleaux, il faut chercher à un niveau supérieur à celui auquel on trouve aujourd'hui, sur ces divers points, la dernière des assises calcaires. Plus au Nord, on retrouve le calcaire à chaque ouverture de vallée, celle del’Auze, du Mars, partout où l’érosion a été assez profonde. Je ne suis pas allé plus loin, et je ne me risque pas à ratta- cher à CCS terrains la large plaque calcaire des environs de Bort, que je n’ai pRs étudiée. Nous sommes d’ailleurs ici plus sur le domaine d’action du volcan du Puy-de-Dôme que sur celui du volcan du Gantai. G est une étude nouvelle à faire, à laquelle se joindra, probablement, celle du calcaire de la Limagne et de la Haute-Loire que je n’ai pas abordé. 124 ANNALES DE L’INSTITUT PASTECK. EAUX DU TERBAIX CALCAIRE Avec les allures que nous venons de reconnaître aux terrains calcaires du Cantal, il est facile de se rendre compte de la façon dont s'y comportent les eaux qui y tombent. Celles qui y arrivent par la portion ensevelie sous la lave sont très réduites : c’est ce qui peut passer de pluie à travers une toiture à grands éléments, qui n’ont pas besoin d’être très bien jointoyés pour donner une couverture presque imperméable. Justement, à la partie supérieure de ces couches miocènes, on trouve des calcaires compacts qui alimentent des fours à chaux, et des lits de marne grasse. ’ C’est là le toit de 700 mètres que nous avons étudié, et dont les gargouilles correspondent aux grandes sources placées à ce niveau dans le terrain volcanique. Quant à la portion de ces terrains qui reçoit encore directement de la pluie sur sa surface plus ou moins dénudée, ses couches sont horizontales, et la dénu- dation sur les pentes créées par le volcan les a découpées en biais sur toute leur épaisseur ; leur ensemble repose d’ailleurs sur un terrain absorbant. Nous ne trouvons donc là aucune indication pour l’existence de couches aqueuses qu’on pourrait exploiter par des puits arté- siens. Ces puits ne sont que l’utilisation sur une région des pluies tombées sur d’autres régions plus ou moins éloignées, et ils exigent, des unes aux autres, des moyens naturels de transport souterrain qui manquent ici. Nous ne pouvons nous attendre à trouver autre chose qu’une courte circulalion superficielle le long des lignes de pente, sur les flancs des vallées. C’est là la région des petites sources super- ficielles à température variable, et des puits. Ce qui était l’excep- tion en pays volcanique devient ici la règle. L’agriculture traduit cette situation par un mélange de cultures de prairies et de céréales : des prairies là où il y a de l’eau, des céréales là où elle manque. Quant aux eaux de boisson, tant que les maisons sont un peu disséminées, il est facile d’en trouver' pour les hommes et les animaux. Mais déjà, pour beaucoup de communes, il y a là un problème plus ou moins heureusement résolu. Pour donner une idée de la façon dont il se présente, je n’ai ÉTUDE D’HYDROGRAPHIE SOUTERRAINE qu’à faire l’histoire du chef-lieu, Aurillac, placé sur un large lambeau de terrain calcaire. Cette ville est assise sur la Jordanne, de préférence sur la rive droite, le versant le plus riclie en eau. Elle occupe le long de la rivière, un terrain en pente dont la déclivité est d’à peu près 50 mètres pour 1 kilomètre en long et en large. Sur cette surface, on a découvert et on utilise depuis bien longtemps une vingtaine de sources : on a creusé à peu près autant de puits.' Les sources, peut-être bonnes à l’origine, venaient sourdre à flanc de coteau aux affleurements des couches de marne. Elles sont devenues impures et dangereuses à mesure que le coteau se peuplait. Quant aux puits, ils ont pris, avec le croît de la population, l’aspect de petits égouts. Voici la composition de ces eaux en 1895-1900. Les analyses .ont été faites de la même façon que dans tout ce mémoire. J’insiste surtout sur la valeur des chiffres relatifs au sel marin, dont il n’y a que très peu lorsque les sources de contamination sont rares. L’ordre est à peu près celui des altitudes décrois- . santés. La côte de la ville est de 022 mètres. K AUX D AURILLAC No* d’ordre. ’ Origine. Diiles. Temj)'e, Résidu. Chaux. Sel marin 230 RuedeTÉgalité, Vigier 17 iV97 10,0 390 123 32 237 — (i VIII 97 12,2 400 122 22 ■ 238 — 31 VIH 97 13,2 406 136 27 239 — Auradour (> Vlll 98 9,0 422 150 32 240 Aurinques, Coudert 17 IV 97 8,8 311 119 11 241 — 6 VHI 97 15,0 316 111 15 242 — 22 VIH 98 10,0 304 144 11 243 — Fau 17 IV 97 8,2 653 175 iO 244 Raulhac, Viallard 10 VII 90 )) 431 203 32 245 — 22VH198 10,0 428 123 16 240 Raulhac, Treiity 17 IV 97 8,2 582 129 37 247 — 22 Vlll 98 ‘14,0 422 192 27 248 Pompe de l’Aumône 17 IV 97 8,2 376 88 46 249 — G VIH 97 12,6 226 60 20 250 -r*- 22 VI 11 98 15,0 325 75 40 251 Puits Leymarie 17 IV 97 7,8 523 98 86 252 Puits Besse 17 IV 97 8,2 159 48 . 18 • 253 Font du Pradet 17 IV 97 7,8 211 63 17 126 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. 254 Font du Pradet 6 VUI 97 13,4 131 40 8 255 — 22VI[198 14,4 124 32 11 i59 Pont Rouge 17 IV 97 8,4 293 134 4 160 — 6 VIII 97 » 312 122 6 161 — 22 VIII 98 16,4 312 98 3 162 Enclos Tourdes 22 VJ II 98 » 312 175 2 Observations, — 236 à 238, sources au bord de la route, très variables de l’hiver à l’été. — 239, pompe. — 240 à 243, sources des deux auberges du faubourg ; la dernière est un peu, en été, une eau d’égout. — 244 à 247, anciennes sources de l’enclos Raulhac. — 248 à 250, la plus ancienne pompe publique de la ville, adossée à l’église, sur l’emplacement de l’ancien cimetière. — 231, 252, anciens puits aban- donnés.— 253 à 255, fontaine très ancienne, autrefois hors la ville, dite du Pradet ou du Pont d’Alliès. — 159 à 162, sources sur la rive gauche de la Jordanne; elles sortent d’un coteau inhabité et font suite à celles que nous avons étudiées parmi les eaux du bassin de la Jor- danne. La comparaison de ces dernières eaux, les plus basses, avec les premières est instructive. Ce sont partout des eaux de sur- face qui descendent le long du coteau calcaire, jusqu’à ce qu’elles arrivent au niveau de la rivière. Dans la zone du faubourg, elles servent surtout à l’arrosage des jardins et y rencontrent d’abord du fumier; plus bas, c’est du détritus humain et des matériaux de fosses d’aisance. Dans une ville qui, àcemoment, n’avait pas encore d’égouts, il y apartout des nitrates. Mais ce qui avertit le mieux de leur impurification, de sont les doses de sel marin, qui s’élèvent jusqu’à 40 milligrammes par litre à la pompe publique de l’Au- mône, alors qu’elle ne devrait pas dépasser 2 ou 3. En pays cal- caire, comme en terrain volcanique, là où il n’y a pas d’hommes et d’animaux, il n’y a pas de sel. Cette fontaine est faite pour en être chargée; elle en contiendrait davantage si elle ne se trouvait pas sur les bords souterrain d’un canal d’arrosage qui a été la première tentative faite par nos aïeux pour se procurer de bonne eau. Il ne remplit plus évidemment son rôle; c’est un égoùt, et la pompe ne mérite plus les fidèles qu’elle a conservés. Ces sources ou ces puits pollués sont fréquents en ville. J’ai pu en repérer environ une quarantaine et je ne les connais pas tous, surtout dans les faubourgs. On dit qu’on n’y boit pas : on ÉTUDE D’HYDROGRAPHIE SOUTERRAINE 127 boit toujours, peu ou prou, Peau qu’on a dans la maison, sur- tout quand elle est fraîche, comme l’est d’ordinaire l’eau de puits. En tous cas, lorsqu’une épidémie de fièvre typhoïde éclate sur une ville bien pourvue d’eau à tous les niveaux, comme l’est Aurillac, personne n’a le droit de suspecter, dèsl’abord, les eaux officielles, comme on le fait toujours, parce qu’elles ont toujours quelqu’un derrière elles, ne fût-ce que le garde-champêtre. Il faut d’abord s’assurer que les eaux de puits n’y sont pour rien, et c’est à quoi personne ne songe. A Aurillac, les eaux les plus réputées, celles de la fontaine de l’Aumône ou celles du Pont d’Alliès, sont 10 et 20 fois plus redoutables, pour ceux qui les consomment, que les eaux muni- cipales, si souvent accusées, et qui peuvent passer pour bonnes, pendant que celles des sources et des puits sont très mauvaises. Ce serait pourtant aussi une faute que de considérer les eaux de la ville comme à l’abri de tout reproche. 11 y a 2 canalisa- tions : l’une, qui date d'à peu près un siècle, amène en ville les eaux du Maurou, réunion, en un point, de divers filets d’eaux sur une colline calcaire à 2 kilomètres de la ville : ces filets sont mal protégés contre des infiltrations. Ils desservent les 5 fontaines jaillissantes. Au même niveau, vient déboucher en ville une seconde cana- lisation, empruntée à la rivière, à Bracqueville, à 3 kilomètres en amont d’Aurillac. Cette eau alimente les bornes-fontaines, les bouches d’arrosage et d’incendie, les établissements publics et les concessions privées. Elle n’a pas d’autre pureté que celle d’une rivière quelconque qui, pendant l’été, est parfois presque à sec. Elle est pourtant la plus largement distribuée. Voici une analyse de ces diverses eaux prélevées, à diverses époques, à leur entrée dans le château d’eau de la ville, aux bornes-fontaines ou chez les particuliers. 133 S. du Maurou 17 IV 95 8,2 131 43 3 454 — 10 IX 96 12,2 160 41 3 258 Jordanne 17 IV 95 7,4 64 12 2 259 — 30 III 96 6,2 43 7 3 260 Fontaine jaillissante 27VIII95 )) 124 32 3 261 — 30 HI 96 7,3 117 43 O O 262 — 22 VIH 98 15,6 146 48 5 263 Borne-fontaine 22Vni98 18,0 99 25 3 264 Lycée. Réservoirs — » 95 25 3 m ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. 265 26() 267 — Filtre — — Réfrigérant — Encl. Rengade 17 IV 97 2.3.6 19.6 » 94 26 4 103 25 10 57 10 3 On voit que les deux eaux distribuées à Aurillac diffèrent nota- blement (ce qu’avaient, du reste, très bien vu ceux qui ont fait leur étude): l’une est calcaire : c’est l’eau du Maurou, qui a la composition de toutes les eaux à ce niveau; celles de la Jordanne ont la composition des rivières qui ont coulé seulement sur le terrain volcanique, pauvre en chaux comme en sel marin. On voit aussi qu’il ne reste plus, dans la pratique, de distinc- tion entre les deux canalisations ni entre les deux eaux. Les fontaines jaillissantes débitent beau du Maurou. Les bornes-fontaines débitent des mélanges. Les arrangements hygiéniques pris au lycée ont le sort com- mun de tous les arrangements pareils quand la foi est olficielle, c’est-à-dire n’ouvre pas volontiers un œil. D’où pouvaient pro- venir ces 10 milligrammes de sel par litre du n® 266, dans un réservoir placé dans un sous-sol et à coup sûr rarement nettoyé ? Je m’en suis bien informé, mais je n’ai pas eu de réponse. A la caserne, les circonstances étaient différentes. Comme je n’avais que le mandat que je m’étais donné, je me suis abstenu. En résumé, Aurillac s’abreuve avec trois sources d’eau : une très mauvaise, qu’il faut soupçonner tout d’abord : c’est celle des sources et des puits à l’intérieur de la ville; une médiocre, c’est celle de la rivière, qui peut s’empoisonner en masse et pro- mener dans toute la ville les germes d’une épidémie, à raison de ce qu’elle va partout; une troisième, celle des sources du Maurou, qui n’est pas parfaite comme eau de source, mais qui est la meilleure de toutes les trois, et la moins bien utilisée. Il est clair que cette situation ne peut pas durer. C’est pour y mettre un terme qu’on a mis à l’étude ce projet dont j’ai parlé. Si on consulte à son sujet les données de l’hydrographie de la région, elles nous disent ceci : le mieux estde recourir aux eaux de cet important niveau de 700 mètres, à son aflleurement le plus voisin d’Aurillac, qui est à peu près à 9 kilomètres L 1. Voir : Ville d' Aurillac. Question des eaux. Rapport de M. l'abbé Mou- lier. 1903. Le gérant : G. Masson. Sceaux. — Imprimerie Gharaire. 48™e ANNÉE MARS 1904 NO 3 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Par le G. LEVADITI. (Laboratoire de M. MetchnikofT ) Marchoux et Salimbeni‘ ont décrit récemment, dans ces Annales une maladie qui sévit chez la poule et qui est provo- quée par un spirille particulier. Cette maladie offre plus d’une analogie avec la spirillose des oies, étudiée par Sakharoff 2, Gabritschewsky^ et Cantacuzène*. Elle est caractérisée par sa courte durée, par la crise, ou plutôt par la lyse qui met fin à la pullulation des spirilles dans le sang, et par l’immunité durable qui succède à l’infection, lorsque ranimai guérit. L’étude de cette maladie présente un grand intérêt, étant donné qu’elle permet de préciser la nature intime de certains phénomènes morbides que Ton rencontre dans la pathologie humaine, en particulier dans la fièvre récurrente. Aussi avons-nous été heureux de pouvoir l’entreprendre, grâce à la bienveillance de M. Marchoux, qui a mis à notre disposition le virus apporté de Rio-de-Janeiro, et qui nous a communiqué les résultats de ses recherches antérieures. ' Les expériences de Marchoux et Salimbeni ont montré que la transmission de la spirillose des poules s’effectue, dans les conditions ordinaires, grâce à l’intervention d’un hôte intermé- diaire, Vargas. En piquant les poules infectées, l’argas al^orbe le virus et le conserve pendant très longtemps; il le transmet 1, Marchoux et Salimbexi, ces Annales, vol. XVII, sept. 1903, p. 5G9. 2. Sakharoff, ces Annales, vol. V, p. 5Gi. ' 3. Gabritsghewsky, Cbt für Bakt., vol. XXIII, n"® 9-18; vol. XXVI, n®* 10, 16 et 17 ; Vol. XXVII, n® 2. r 4. Gantacuzène, ces Annales, 1899. 9 430 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. facilement à une poule neuve, laquelle montre les premiers signes de l’infection après une période d’incubation variableU Mais on peut infecter la poule en lui injectant sous la peau une trace de sang contenant des spirilles. Dans ce cas, la maladie commence d’babitude 2 jours après l’inoculation et dure de 4 à b jours, moment où apparaît généralement la lyse. Les spirilles disparaissent alors de la circulation générale et l’animal guérit définitivement. Il n’est pas rare pourtant d’ob- server que certaines poules succombent quelque temps après l’achèvement de cette lyse, en présentant des signes de paralysie, ou bien avant la crise, en pleine période d’infection. La poule n’est pas le seul organisme susceptible de prendre la spirillose. Les recherches de Marchoux et Salimbeni, ainsi (|ue nos propres cornstatations, ont montré que l’oie, les jeunes poussins, le pigeon, le domino, le capucin, l’alouette et le calfat {Padda onjzivora) peuvent être aisément infectés par l’injection sous-cutanée de quelques gouttes de sang contenant des spirilles. Néanmoins, ces oiseaux ne se comportent pas d’une façon uni- forme à l’égard de la septicémie spirillique. Ainsi, les jeunes poussins ne font jamais la crise et meurent farcis de spirilles. 2 à 8 jours après l’inoculation; il en est de même des capucins. Par contre, la crise sembleêtre constantecbezle domino, l’alouette et le pigeon. Ajoutons enfin que la pintade se montre réfractaire, ce qui est en désaccord avec les observations de Marchoux et Salimbeni. Nos recherches se rapportent en particulier à l’étude de l’incubation et de la période d’infection, du mécanisme intime de la lyse, et des propriétés du sérum provenant des poules guéries de spirillose. D’autre part, nous avons entrepris un cer- tain nombre d’expériences en vue d’apporter une contribution à la question si discutée, de l’état de la cytase bactériolytique dans le plasma circulant. Les résultats que ces recherches nous ont permis d’obtenir font le sujet du présent travail. I INCUBATIOX ET PÉRIODE d’iXFECTIOX Lorsqu’on introduit, dans le tissu sous-cutané d’une poule, une certaine quantité de sang renfermant du virus, on ne constate 1. Cette incubation a été de 5 et 6 jours dans nos expériences. SPIRILLOSE DES POULES. 131 des spirilles isolés dans la circulation générale, qu’au bout de 2 jours L La méthode de coloration à la vésuvine et au bleu polychrome de Unna, que nous avons décrite récemment^, per- met alors de déceler quelques spirochètes libres parmi les élé- ments figurés du sang, qui ne montrent encore aucun changement quantitatif ou qualitatif. 11 existe donc chez les poules infectées une vraie période d’incubation, que l’on ne peut raccourcir, quelle que soit la quantité de sang infectant introduite sous la peau. Comment expliquer cette période d’incubation? Inoculons dans le tissu hypodermique ou musculaire d’une poule 0,75 c. c. de sang prélevé sur un animal en pleine période de la maladie, et examinons ce qui se passe au point d’inocula- tion. Nous verrons que les spirilles, très nombreux et mobiles 35 minutes après l’opération, diminuent de nombre après 2 heures et deviennent sensiblement rares vers la 9® heure. La mobilité de ces spirilles, très accentuée au début de l’expé- rience, est remarquablement lente au bout de 1(1 heures. Le lendemain, on ne constate que de rares exemplaires immo- biles, qui peuvent parfois feire défaut. En nul instant on ne remarque Uenglobement des vibrions par les leucocytes; par contre, la phagocytose des hématies de la poule, ou des noyaux de ces hématies, est quelquefois très prononcée. Les spirilles disparaissent donc de l’endroit où on les a introduits; il n’y a pas de multiplication locale. Or, si l’on exa- mine microscopiquement le sang de la poule à l’instant même où les microbes ont disparu du tissu sous-cutané, on remarque que ce sang est entièrement dépourvu d’éléments spirilliens. Il résulte donc que les spirilles, puisqu’ils disparaissent du point où on les a injectés et qu’ils sont absents de la circulation, doivent s’ètre réfugiés quelque part dans rintimitéderorganisme. L’expérience qui consiste à sacrifier l’animal au bout de 26 heures après l’infection, et à injecter à des poussins du sang défibriné ei des émulsions dans de l’eau salée, faites avec le tissu sous- cutané, le foie et la rate, confirme cette prévision. En effet, tandis que ce tissu s’est montré sans effet, l’organe splénique et la pulpe hépatique ont transmis à ces poussins une spirillose mortelle. 1. Chcz les petits oiseaux et les jeunes poussins, les spirilles apparaissent dan^ la eirculation générale déjà au bout de heures. 2. Levaditi, c. R. de la Soc. de Biologie, 1!)03, vol. XL, p. 1503. 132 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. Néanmoins, il est à remarquer qu"un des poussins qui a reçu le sang délibriné a présenté également des signes d’infection spi~ rillienne. Ceci prouve que ce sang, quoique stérile au point de \ ue de l’examen microscopique, n’en renfermait pas moins des spi- rilles capables d’infecter un animal aussi sensible que le poussin. La rareté excessive de ces spirilles dans la circulation générale explique les résultats négatifs de cet examen microscopique. Les spirilles disparaissent donc plus ou moins vite du point (le l’injection, pour se multiplier dans les organes et la circula- tion générale. Là, ils se divisent par segmentation transversale et prolifèrent d’une façon démesurée. Cette prolifération s’accom- pagne bient(jt de modifications dans l’aspect histologique du sang, telles que la leucocytose mono et surtout polynucléaire, et la baso- philie plus ou moins prononcée des hématies. Parmi ces modifica- tions, la plus remarquable est certainement l’apparition dans le sang^ de gros leucocytes mononucléaires non granulés, très pro- bablement d’origine splénique, ainsi que la vacuolisation extrême de ces cellules. Cette vacuolisation, dont la signification nous apparaîtra au cours de ce mémoire, a été déjà vue par Cantacu- zène dans la rate des oies atteintes de spirillose; elle est caracté- risée par l’apparition dans le protoplasma de ces leucocytes, de grosses vacuoles remplies d’un liquide digestif, et devient d’au- tant plus profioncée, que l’on se rapproche de la période critique i. Un autre fait qui caractérise les derniers jours de l’infection spirillienne, est l’agglutination des spirilles. Cette agglutination, déjà observée par Marchoux et Salimbeni, peut être facile- ment mise en évidence, si on place une goutte de sang entre lame et lamelle, ou si l’on prépare une goutte suspendue. Sa' présence semble plaider, au premier abord, en faveur de la formation d’agglutinines spécifîquesau cours de la maladie causée par le spirille brésilien. Il se peut en effet, que dans cette maladie, comme dans lafièvre typhoïde, il s'opère une résorption de corps microbiens, résorption qui aboutit à l’élaboration des principes agglutinatifs. L’étude attentive de ce phénomène montre pourtant que cette interprétation ne saurait être justifiée. II suffit de suivre un certain temps sous le microscope, à la température de la chambre ou à 38®, les amas de spirilles, pour 1 . Rarement on constate dans le sang, des macrophages ayant englobé des hématies nucléées. SPIRILLOSE DES POULES. 133 se convaincre qu’au bout de quelques minutes, ces spirilles se détachent de leurs congénères,, redeviennent libres et se répandent d’une façon uniforme sur toute la préparation. Le temps employé par les vibrions pour reconquérir leur liberté, a varié dans nos expériences, de 4 à 83 minutes; il s’est montré d’autant plus bref, que l’on pratiquait l’examen vers le début de l'infection et que la température se rapprochait de 38®. Ajoutons enfin, que même les amas de spirilles fournis parla poule à une période très rapprochée de la crise finissaient par se défaire au bout de quelques instants. Il résulte donc qu’il ne peut y avoir là un vrai phénomène agglutinatif. En effet, les agglutinines spécifiques agissent d’une façon d’autant plus intense que le temps de contactestplus durable, et d’autre part, leur action agglomérante croît avec l’élévation de la température. Les spirilles eux-mêmes, lorsqu’ils sont sou- mis à l’influence d’un sérum provenant d’une poule guérie, sérum qui contient de vraies agglutinines, forment des amas compacts, qui persistent longtemps et qui apparaissent d’une façon plus prompte à 38®. Il est très probable que cette fausse agglutination des spirilles est due au changement brusque que subit, au moment de la prise du sang, le milieu où vivent ces spirilles, et quelle ne correspond pas à une agglomération des vibrions dans l’organisme vivant. Ce qui nous le fait penser, c’est que les coupes d’une crête de poule infectée, excisée à un mo- ment où le sang examiné m üùro, montrait des spirilles disposés en gros amas, ne renfermaient que des ' spirochètes isolés. Ce phénomène ne saurait donc nullement être interprété dans le sens d’une formation d’agglutinines au cours de la septicémie spirillique. Ces agglutinines n’apparaissent dans le sérum qu’a~ près la crise, en même temps que d’autres principes actifs, les immohilisine^. II LA CRISE. La pullulation des spirilles dans le sang des poules infec- tées augmente jusque vers la fin du o® ou du 6® jour. On assiste alors, dans l’espace de quelques heures, à la disparition complète de ces spirilles du torrent circulatoire 134 ANNALES UE L’INSTITUT PASTEUR. disparition qui coïncide avec une chute de la température, augmentée pendant l’infection (Marchoux et Salimbeni). En peu de temps, tous les vibrions abandonnent les capillaires périphé- riques, et si Ton sacrifie à ce moment l’animal, on remarque que les organes sont exempts de spirilles libres. Quel peut être le mécanisme de cette crise ? Ce mécanisme a fait le sujet de nombreuses recherches, parmi lesquelles on peut citer celles de Metchnikoff % Bardach% Rudkewitsch LœwenlhaP, Gabritschewsky % Cantacuzène % etc. Ces recher- ches ont abouti à des conclusions qui sont loin d’établir un parfait accord entre les savants qui se sont occupés de cette question. Ainsi, tandis que Metchnikoff et Gantacuzène, s’appuyant sur des observations faites à l’aide du spirille d’Ober- meyer et du spirille qui provoque la maladie de Sakbarofï, admettent que les phagocytes sont les vrais agents de la crise, pour Gabritsche\vsky,cette crise est due surtoutàTintervention des propriétés bactéricides des humeurs. Les arguments sur lesquels se basent Metchnikoff et Cantacuzène pour admettre le méca- nisme phagocytaire de la crise, sont, entre autres, la persis- tance de spirilles très mobiles, dans le sang, jusqu’aux derniers moments de la maladie, l’absence de toute transforma- tion granulaire des spirochètes, et la constatation directe de l’englobement des vibrions par les leucocytes (polynucléaires, dans la fièvre récurrente, et macrophages de la rate, dans la spirillose de Sakharoff). De plus, il résulte des expériences de Soudakewitch sur le singe, que l’extirpation de l’organe splénique, qui assure la destruction phagocytaire d’un grand nombre de spirilles circulants, entrave l’apparition de la crise et donne à la maladie un caractère chronique. Par contre, suivant Gabritscbewsky, le rôle prépondérant dans la destruction des spirilles pendant la crise, doit être accordé à l’intervention des bactériolysines du sérum. Cet auteur constate, en premier lieu, que le sérum des individus et des animaux guéris, acquiert bientôt après la crise, la faculté 1. Metchnikoff, Virchow Arch., v. 109, p. 170. ïî. Bardach, ces Annales. 1899. 3. Rddkewttsch, Arch. russes de Patholog., 1897-1898. 4. Loewenthal, Deutsch. med. Woch., 1897, n® 33. 3. Gabritschewsky, déjà cité. 0. Cantacuzène, déjà cité. 7. Soudakewitch, ces Annales, vol. V, p. 543. SPIRILLOSE DES POULES. 135 d’immobiliser in vitro l’agent pathogène de la fièvre récurrente et de la spirillose des oies. Il voit, d’autre part, que les spirilles ont une vitalité variable suivant l’âge de la maladie, en ce sens que les vibrions retirés à une époque rapprochée de la période critique, perdent plus rapidement leurs mouvements que ceux quel’onprélève versledébutde l’infection. Enfin, Gabritschewsky affirme avoir observé la transformation granulaire des spirilles précédée par l’apparition d’un état moniliforme, s’opérer soit in anima vili, soit dans le tube à essai. Le mécanisme de la crise est donc, à l’heure actuelle, un sujet de discussion, et de nouvelles recherches sont nécessaires pour apporter une solution définitive de ce problème. Voyons si les observations fournies par l’étude de la spirillose des poules permeftent de préciser d’une façon satisfaisante la nature intime du processus critique. Si l’on admet la destruction surtout humorale des spi- rilles au cours de la lyse, et si l’on tient compte des données nouvellement recueillies dans le domaine de l’immunité, on peut concevoir comme il suit la disparition rapide de ces spirilles du torrent circulatoire et des organes Au cours de l’infection, un certain nombre de vibrions ou leurs produits, sont résor- bés quelque part dans l’organisme, et provoquent, à la façon des principes immunogènes {antigènes de Deutsch), une forma- tion plus ou moins prononcée de sensibilisatrice bactériolytique. La quantité de cette sensibilisatrice augmente au furet à mesure que la maladie progresse, pour atteindre au moment même de la crise, un summum. A ce moment il s’est formé, chez l’ani- mal infecté, assez de sensibilisatrice spirillolytique pour que la destruction intégrale des spirilles soit possible, naturellement à la condition que cette sensibilisatrice ait à sa disposition une quantité suffisante de cytase. 11 s’ensuit alors forcément la bac- tériolyse in vivo, phénomène, qui dans l’hypothèse, est la cause principale de la crise. Rappelons que cette manière de voir a été soutenue par Sachs*, au sujet de la résorption des hématies d'espèce étran- gère, introduites dans la circulation générale du lapin. Cet auteur constate que les érythrocytes de bœuf, injectés dans les veines du lapin, persistent assez longtemps dans le 1. H. Sachs, f. Anat. u. Physiolog., 1903, p. 494. 13G ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. sang périphérique, pour disparaître brusquement, à un moment' donné, de cette circulation. Il voit, d’autre part, que cette dispa- rition des hématies de bœuf coïncide avec l’apparition de l’am- bocepteur hémolytique dans le sérum et avec l’appauvrissement de ce sérum en cytase. Quelle que soit la simplicité de cette hypothèse, elle ne saura être acceptée tant que l’on ne réussira pas a démontrer, d’une façon rigoureuse, la transformation granulaire et la dissolution extracellulaire des spirilles pendant la crise. Déjà, pour ce qui concerne la question des érythrocytes, nous avons montré avant Sachs ^ que les hématies de pigeon introduites dans les veines du cobaye se détruisent à l’intérieur des macrophages de la rate, et ne subissent nullement l’hémolyse en dehors des cellules. Pour la spirillose des poules également, nos constatations sont loin de venir à l’appui de la théorie suivant laquelle la destruc- tion critique des spirilles serait surtout humorale. Examinons ce qui se passe chez une poule depuis les quel^ ques heures qui précèdent la crise, jusqu’à la complète dispari- tion des spirilles de la circulation générale et des organes. Nous verrons que, d’une façon constante, les microorganismes con- servent jusqu’à la fin de l’expérience leur entière mobilité, et que^ de plus, ils continuent à se diviser comme d’habitude. D’autre part, les préparations faites avec le sang critique montrent, quel que soit le procédé de coloration, l’absence de tout signe de transformation granulaire ou moniliforme des spi- rilles. On peut affirmer, sans crainte d’être contredit, que les derniers vibrions qui persistent dans les capillaires périphériques, à la lin de la crise, conservent intactes leur mobilité et leurs propriétés morphologiques et tinctoriales. De plus, si on a soin de sacrifier les animaux à l’instant même où les spirilles ont disparu de la circulation, et si l’on pratique l’examen des organes (foie, rate, moelle osseuse, pou- mon) sur des frottis, sur des coupes, ou en goutte suspendue (coloration vitale au rouge neutre ou bleu crésyl), on remarque que ces organes sont exempts de spirilles libres, et qu’ils ne renferment aucune production qui pourrait résulter de la trans- formation moniliforme ou granulaire de ces spirilles. Ces constatations sont assez probantes, • pour mettre i. Levaditi, Congr. inievn. de Bruxelles, sect. Bactér., 1903. SPIRILLOSE DES POULES. 137 déjà en doute l’existence réelle de la destruction extra-cellulaire des spirilles, par un mécanisme analogue à celui qui préside à la dissolution des vibrions cholériques (phénomène de Pleilïer). Mais d’autres faits, concernant les propriétés bactéricides du sérum des poules atteintes de spirillose, ou guéries de la maladie, s’opposent également à la conception humorale de la crise. Le sérum des poules qui ont survécu à la septicémie spiril- lique, prélevé quelques jours après la lyse, possède des qualités immobilisantes et agglulinatives très accentuées. Expérience A. — Une poule ayant fait sa crise le 5e jour, est saignée 4 jours après la disparition des spirilles. On emploie comme témoin, le sérum de poule neuve et l’eau physiologique, et on apprécie lepouvoir immobilisant et agglutinant de ces liquides, vis-à-vis des spirilles contenus dans 1 goutte de sang de poule malade. L'expérience est faite à la température de la chambre. Elle montre que si 2 gouttes de sérum de la poule guérie immo- bilisent instantanément les spirilles et les agglutinent en gros amas, la même, quantité de sérum de poule neuve n’arrête les mouvements de ces spirilles qu’au bout de plusieurs heures. On observe également que la vitalité des vi- brions est plus durable dans ce dernier sérum, que dans l’eau physiolo- gique. La constitution du sérum immobilisant est complexe; elle reproduit lacomposition mixte decertains sérums antimicrobiens et anticellulaires, en ce sens que le sérum de poule guérie est formé par une cytase thermolabile et par une sensibilisatrice thermostabile. Les recherches de Sawtchenko^ ont prouvélaréalité de cette constitution complexe du sérum antispirillique, chez les cobayes activement immunisés. Les expériences que nous avons entreprises à ce sujet, en ayant recours à l’épreuve de Bordet, ne font que confirmer celte manière de voir. En effet, si l’on fixe sur les spirilles une certaine quantité de sensibilisa- trice provenant d’un sérum inactif de poule guérie, on observe que ces spirilles, plongés dans du sérum de poule neuve, débar- rassent ce dernier sérum d’une partie de la cytase hémolytique qu’il contient. Voici une expérience qui a trait à ce sujet : Expériknce b. — Une poule est saignée le 5e jour de la maladie. On recueille les spirilles du sérum et du sang défibriné, au moyen de la force centrifuge, et on les répartit en deux portions égales a et h. La portion a est mise en contact à 38o, pendant 1 h. 1/2, avec 4 c. c. de sérum de poule neuve, préalablement inactivé à ofio. La portion b est mise pendant le même temps en présence de 4 c. c. d’un sérum inactif de poule guérie, saignée 1. Sawtchenko, Arch. russes de Pathol. 1900, p. 573. 138 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUIl. G jours après la crise. On recueille de nouveau, par centrifugation, les spi- rilles, et on les introduit dans 80 gouttes de sérum frais de poule neuve. Les liquides sont maintenus pendant 4 heures à 38o et jusqu’au lendemain à la température de la chambre; on débarrasse ces liquides des spirilles au moyen de la force centrifuge, et on apprécie leur richesse en cytase hémo- lytique. en se servant d’une sensibilisatrice fournie par des lapins auxquels on a injecté des hématies de bœuf. 1 Cytase. Sens. héin. Eau P 0 y s. j Sérum témoin. Sérum a. ! 1 1 Sérum b. I 0,0o 0.3 1,65 bcp. 0 0 0,1 » 1,0 compl. bcp. O 0,5 » 1,2 compl. compl. p. compl. 0,75 >* 0,95 compl. compl. , . compl. Le sérum antispirillique est donc constitué par une cytase thermolabile et une sensibilisatrice thermostabile. Néanmoins, il est facile de constater qu'un tel sérum, quoique préa- lablement chauffé pendant une 1 j'I heure à 56®, continue à immo- biliser, comme le sérum frais, les spirilles renfermés dans une goutte de sang infectant. Cette observation, en apparence en contradiction avec la thermolabilité de la cytase, s’explique facilement, si l’on pense que le sérum chauffé, mis en présence du sang riche en spirilles, est réactivé par l’alexine que les leu- cocytes de ce sang mettent en liberté, sitôt le mélange fait. La constitution complexe du sérum des poules guéries nous permet de préciser davantage certains termes de l’hypothèse de la destruction extracellulaire des spirilles. On sait que la cytase existe dans le sérum des animaux neufs, et que la richesse de ce sérum en complément est sensiblement constante {vmn Dun- gern, Simnitzky *). 11 est établi d’autre part (J. Bordet), que l’immunisation ne modifie guère la teneur du sérum en alexine bactériolytique et hémolytique, et qu’elle se borne à déterminer l’apparition des anticorps spécifiques, en particulier de la sensi- bilisatrice et de l’agglutinine. On peut donc admettre, si l’on veut se placer au point de vue de l’hypothèse précitée, qu’au cours de l’auto-immunisation qui s’opère pendant l’infection 1. Simnitzky, Münch. med. Woch. 1903, n« 50, p. 2175. SPIRILLOSE DES POULES. 139 spirillienne, il se forme une certaine quantité de sensibilisatiâce, et que la richesse des humeurs en cette sensibilisatrice, s’ac- centue au fur et à mesure que Eon se rapproche de la crise. Celle-ci apparaît à l’instant même où ces humeurs renferment suffisamment d’ambocepteurs pour que les spirochètes puissent se dissoudre sous l’influence de la cytase hactériolytique, laquelle ne varie guère pendant l’évolution de la maladie. Si les phénomènes se passaient réellement ainsi, on devrait constater que les spirilles, puisés aux divers moments de l’in- fection, sont doués in vitro, d’une vitalité inégale, en ce sens que les individus cueillis au voisinage de la crise succombent plus rapidement que les microbes retirés de l’organisme au début de la maladie. De plus, on devrait observer que cette vitalité des spirilles est de beaucoup plus courte, lorsqu’on a soin de placer ces microorganismes dans un excès de sérum frais renfermant de la cytase. En effet, si l’on admet que, vers la fin de l’infection, les spirilles sont insuffisamment sensibilisés, pour pouvoir s’immobiliser et se dissoudre dans le plasma supposé riche en alexine, un excès de cetle alexine, ajouté in vitro à ces spirilles, ne pourra qu’abréger la durée deleur mobilité. On sait, par exemple, depuis les recherches de Morgenrolli, que la présence d’une grande quantité de cytase hémolytique pro- voque la dissolution complète des hématies insuffisamme[it sensibilisées.. Que répond l’expérience à ce propos? Expérience G. — Une poule, atteinte de spirillose, est saignée le 3e, le 4e et le 5e jour de la maladie. Elle fait la crise à la lin du 5e jour. Deux gouttes de sang, provenant de ces 3 saignées, sont diluées dans 40 gouttes de sérum frais de poule neuve, et dans une quantité égale du même sérum, rn w TE.MPÉRATURE DE LA CHAMBRE 1 3So ’ cc. UJ , Sérum actif. Sérum inactif. Sérum actif. Sérum inactif. 3c j. 4.. j 5c j. 3c j. ic j. oc j. 4c j. 5c j. 3c j. 4c j. 4c j. 24 h. lent. lent. act. lent. lent. act. lent. act. nul. lent. act. nul. 48 h. lent. act. lent. lent. lent. lent. part. nul. nul. part. nul. nul. 70 h. part. lent. lent. part. lent. lent. part. nul. nul. nul. nul. nul. 96 h. — lent. — lent. — — — — — — — — d40 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR préalablement inactivé à 5oo. On apprécie la vitalité des spirilles, maintenus à la température de la chambre et à 38o, Il résulte de cette expérience que les spirilles sont d’autant moins viables, en dehors de l’organisme, que l’on se rapproche de la fin de la maladie, comme l’avait déjà affirmé Gabrits- chewsky. Elle montre de plus, que la température du thermostat exerce une influence défavorable sur la vitalité de ces spirilles. Mais, chose remarquable, on constate que cette vitalité est la même, que les spirilles soient mis en présence d’un sérum actif ou d’un sérum préalablement chauffé à o6°. L’excès de cytase nin- pue donc nullement la longévité des vibrions retirés de ranimai infecté. Cette dernière observation permet de mettre en doute l’hypo- thèse de la destruction extracellulaire des spirilles pendant la période critique. En effet, si les mouvements des microbes puisés au voisinage de la crise cessaient rapidement par suite de l’intervention de la sensibilisatrice, on devrait constater une différence entre les microorganismes soumis à l’influence d’un excès de cytase, et ceux qui ne le sont pas. Il faut donc admettre que d’autres causes entrent en jeu pour déterminer cette variabilité dans la longévité des spirochètes, et parmi ces causes, on devrait peut-être invoquer l’âge de ces microorga- nismes, et la quantité plus ou moins grande d’individus qui se trouvent dans un même volume de liquide. On peut pourtant objecter que, dans l’organisme vivant, les spirilles sont réellement chargés de sensibilisatrice au voi- sinage de la crise, mais qu’ils ne se dissolvent pas encore, pour le motif qu’ils n’ont pas à leur disposition une quantité suffisante de cytase. Néanmoins, l’expérience la plus simple qui consiste à introduire dans la circulation générale d’une poule infectée, une grande quantité de sérum de poule neuve, riche en cytase, et d’examiner l’état des spirilles après l’injection, montre que cette objection n’est pas fondée. En effet, même lorsqu’on administre par voie intra-veineuse, à une poule arrivée au 5® jour de la maladie, de 5 à 6 c. c. de ce sérum, on ne remarque aucune immobilisation des spirilles circulants, et nul signe de transformation granulaire. Tout porte donc à penser que la sensibilisation des spirilles au cours de la septicémie brésilienne et pendant la crise, n’est SPIRILLOSE DES POULES. 141 rien moins que démontrée. Malgré nos efforts pour la mettre en évidence d’une façon indiscutable, les résultats que nous avons obtenu ont été des plus défavorables. Nous avons pensé, par exemple, que l’appréciation de la teneur du sérum des poules malades en cytase hémolytique, pourrait fournir des faits en faveur de l’hypothèse de la sensibilisation. Mais, là aussi, les constatations faites ont été en désaccord avec les desiderata de cette hypothèse. Si les spirilles se détruisaient dans l’organisme en se dissol- vant, comme se dissout le vibrion cholérique soumis à l’influence d’un imrnun-sérum spécifique, on devrait observer immédiate ment avant la crise, ou pendant cette crise, une diminution marquée du pouvoir réactivant du sérum vis-à-vis de l’ambo- cepteur hémolytique. On sait, depuis les recherches de Bordet et Gengou que lorsque ce vibrion cholérique fixe la sensibi- satrice bactériolytique et se transforme en granules, il absorbe non seulement l’alexine microbicide, mais aussi la cytase hémo- lysante. En se dissolvant dans la circulation générale ou dans les organes des poules infectées, les spirilles devraient forcé- ment appauvrir le sérum de ces poules, non seulement en com. plément spirillolytique, mais aussi en cytase hémolytique. Or, les expériences que nous avons entreprises dans cette direction, nous ont montré que si le sérum des poules malades perd une partie de sa cytase hémolysante, cette perte est très minime et peut faire même défauU. Elle peut s’expliquer faci- lement, si l’on se rappelle que tout changement dans l’état physiologique d’un organisme, amène des variations marquées dans la teneur du sérum en alexine hémolytique, que ce chan- gement soit une intoxication (phosphore, Ehriich et Morgenroth), ou une infection (abcès, Métalnikofl). Il est donc évident que la disparition des spirilles pendant la crise, ne saurait reconnaître l’intervention d’une sensibilisatrice spécifique, considérée comme agent bactériolytique. Pour cela, il faudrait que le sérum des poules guéries de la maladie possédât des propriétés spirilloly tiques manifestes; il fau- drait surtout que ce sérum, retiré au moment même de la 1. Bordet et Gengou, ces Annales, 1902. 2. Ces expériences ont été faites avec une sensibilisatrice fournie par les lapins injectés avec du sans de bœuf. Les variations de la cytase ont oscillé entre 0,05 et 0,1. 142 ANNxVLES DE L’INSTITUT PASTEUR. crise, montrât des qualités immobilisantes accentuées. Il faudrait en un mot, (jue ce sérum eût toutes les particularités du sérum fourni par les animaux vaccinés contre le vibrion cholérique, lequel immobilise, agglutine et transforme en granules ce vibrion. Or, Texpérience montre que ni le sérum des poules guéries, ni celui que l’on prélève au cours de Tinfection spiril- lienne, n’exercent, dans le tube à essai, aucune influence lytique sur les spirochètes. Elle prouve également que les immo- hilisines ne font leur apparition, dans les humeurs, qu’à une période assez reculée de la crise (24 heures et plus, dans nos recherches) Si la dissolution extra-cellulaire des spirilles est un fait plutôt supposé que réel, et si un troisième mécanisme capable d’expli- quer la disparition critique de ces spirilles, n’intervient pas ^ il faut bien supposer que cette disparition est due à l’action phago- cytaire des cellules. Cette action phagocytaire, le microscope nous la montre aisément dans les organes hématopoiétiques, particulièrement dans la rate et la moelle osseuse; elle a été déjà maintes fois constatée (Metchnikoff, Cantaeuzène, Ivanoff, Tiktin et n’est pas niée même par Gabritchewsky, le défenseur le plus ardent de la destruction humorale des spirochettes. Il y a peu à dire sur cette intervention des phagocytes dans la réalisation de la crise, qui ne soit déjà décrit et figuré par les auteurs qui ont étudié de près cette question. Les figures ci-jointes (planche I), montrent que dans la septicémie de Marchoux et Salimbeni, comme dans la spirillose de Sakharoff, ce sont les macrophages de la rate et de la moelle osseuse qui englobent et digèrent dans leurs vacuoles des spirilles ayant conservé l’intégrité de leurs caractères morphologiques. Les coupes de rate de jeunes poussins, d’alouettes et de domi- nos, quoique assez difficilement colorables, montrent d’une 1. L’immobilisation des spirilles n'est pas toujours un indice de la mort de ces microorganismes. Souvent, les spirochètes dépourvus de mouvements peuvent se remettre en marche et posséder une virulence assez prononcée. '2. On peut penser, par exemple, que les spirilles se transforment au moment de la crise, dans les formes particulières, représentant un stade quelconque, dans le cycle évolutif de ces parasites. Cette hypothèse, qui a pour elle les constatations récentes de Schaudinn, n’a pas pu être vérifiée par les quelques recherches que nous avons entreprises dans cette voie. 3. Tictin, Cbt. f. allg. Path-und-Palhol. an^ voi. YÏII. SPIP.ILLOSE DES POULES. 143 façon indubitable ce phénomène de la phagocytose, que Pon peut déceler d’ailleurs sur les frottis teints à la thionine phéni- quée. Mais dans ce dernier cas, les cellules étant plus ou moins détruites par la compression, on ne peut établir qu’avec une certaine difficulté les rapports qui existent entre les spirilles et les macrophages de la rate. Néanmoins, ce qui apparaît d’une façon frappante sur ces frottis, ce sont des vacuoles parfois con- sidérables, remplies de spirilles entortillés ou ondulés, mais nullement granuleux. Ces vacuoles font partie de quelque macro- phage écrasé ; il n’est pas rare en effet, de constater qu’elles sont incluses dans les débris protoplasmiques qui entourent le noyau modifié de ces macrophages. Ce qui fait penser de plus, que ces vacuoles appartiennent réellement à des mononucléaires partiel- lement détruits, c’est que les gros lymphocytes du sang, consi- dérés au moment même où l’on examine la rate, renferment un certain nombre de cavités vacuolaires remplies de liquide, fait qui a été déjà remarqué par Cantacuzène. Un point seulement doit attirer notre attention dans cet ordre de faits. Si f on sacrifie les animaux à des intervalles plus ou moins rapprochés de la crise, ou en pleine période critique, et si l’on apprécie l’intensité des phénomènes pliagocytaires qui s’opè- rent dans les organes hématopoïétiques, on voit que la phago- cytose, accentuée pendant l’infection, peut être très faible immédiatement avant cette crise. C’est là une observation qui semble venir à l’encontre de la destruction intra-phagocytaire des spirilles, comme cause déterminante delà crise. Néanmoins, un examen attentif montre que chez les poules sacrifiées pendant l’évolution de la crise, il est possible de déceler parle procédé de la coloration vitale au rouge neutre, des macrophages splé- niques renfermant, dans leurs vacuoles, des spirilles dont la digestion est déjà avancée. Il est probable que le pouvoir assimi- latif des globules blancs s’accroît au cours de l’infection spiril- lienne, ce qui fait qu’au moment même de la crise, les spirilles sont anéantis aussitôt qu’ils sont englobés par ces globules blancs. Il est possible également que la sensibilisatrice joue un certain rôle dans la réalisation de ce phénomène de destruction rapide des spirilles à l’intérieur des macrophages. La présence dans les humeurs de l’organisme infecté, d’une quantité d’ambo- cepteur insuffisante pour provoquer la dissolution extra-cellu- 144 ANNALES DE L’INSÏITUT PASTEUR laire des vibrions, peut faciliter l’englobement et la digestion intra-protoplasrnique de ces vibrions. On sait, en effet, depuis les constatations de Sawtscbenko, que, chez le cobaye, l’ambo- cepteur spécifique incite les phagocytes à englober les spirilles, et, très probablement, rend plus efficace l’action digestive des diastases leucocytaires. Quoi qu’il en soit, l’existence de la phagocytose des spirilles au cours de la septicémie brésilienne, contraste trop avec l’absence de preuves en faveur de la destruction extra-cellulaire de ces spirilles, pour qu’on ne soit autorisé à lui attribuer un rôle déter- minant dans le mécanisme de la crise. Les observations que nous avons faites sur la septicémie de Marchoux et Salimbeni, sont ainsi d’accord avec les constatations de Metchnikoff et de Cantacuzène concernant la fièvre récurrente et la spirillose des oies, pour accorder aux leucocytes une influence de premier ordre dans la guérison spontanée des animaux. 111 QUELQUES PROPRIÉTÉS DU SÉRUM DES POULES GUÉRIES DE LA SPIRILLOSE Nous avons vu, dans le chapitre précédent, que le sérum des poules guéries depuis un certain temps de la spirillose acquiert la propriété d’immobiliser avec une extrême rapidité, les spi- rilles in vitro. Il était intéressant d’étudier l’action exercée par ce sérum sur les poules infectées, et voir, par exemple, s’il n’est j)as capable de déterminer l’apparition précoce de la crise. Dans ce cas, on aurait le moyen de préciser le mécanisme de cette crise provoquée, et d’établir un rapprochement entre ce mécanisme et celui qui préside à la production de la crise spon- tanée. Si l’on injecte dans les veines d’une poule arrivée au 3^ ou au jour de la maladie, de 2 à 4 c. c. de sérum de poule guérie % préalablement inactivé à 56®, on constate que cette injection est rapidement suivie de troubles très graves, qui souvant se termi- nent par la mort de l’animal. La poule est prise d’une forte dyspnée, tombe sur le côté, devient somnolente, présente des convulsions et succombe au bout de quelques minutes. Le sérum •1. L’expérience réussit mieux si l’on se sert de sérums de poules guéries ^depuis plusieurs jours. SPIRILLOSE DES POULES. 145 de poule guérie est donc toxique pour Ranimai atteint de spiril- lose; il n’exerce aucune action nocive sur les poules neuves, qui peuvent recevoir, sans danger, 5 et 6 c. c. de ce sérum. Quelle peut être la nature de cette action toxique du séruuï de poule guérie? L’examen du sang, pratiqué à divers intervalles, montre que, malgré les propriétés immobilisantes accentuées de ce sérums les spirilles continuent à se mouvoir jusqu’à la mort de l’animal; il permet de voir également que ces spirilles s’agglutinent d’une façon intense, et que les amas formés, à l’encontre de ceux que l’on observe au cours de l’infection, persistent indéfiniment L Mais l’action du sérum ne se borne pas là. Les préparations colorées montrent, en elfet, que les leucocytes mono et polynu- cléaires de la circulation générale, se disposent en agglomérats autour des spirilles agglutinés et subissent une transformation vacuolaire des plus accentuées. En outre, dans un assez grand nombre de cas, ces leucocytes, inlluencés par le sérum injecté, saisissent des spirilles entiers et des hématies nucléées, ayant conservé leur hémoglobine (fig. 15). Le sérum de poule guérie exerce donc une action double" sur les éléments qui circulent dans le système vasculaire des animaux malades. Il provoque à la fois l’agglutination des spirilles et l’agglomération des globules blancs, suivie de la vacuolisation plus ou moins intense de ces globules. La mort de l’animal s’explique ainsi facilement, si l’on pense que ces amas de spirilles et de leucocytes déterminent des embolies capil- laires dans le poumon et le système nerveux, embolies qui peuvent amener des troubles graves de la respiration et de l’innervation. La question est de savoir si le sérum tue en agis- sant sur les spirochètes, ou sur les globules blancs de l’animal en expérience. Nos recherches montrent que la première inter- préiation est la plus vraisemblable. En effet, nous avons constaté que, d’une part, le sérum de poule guérie se montre inoffensif pour des animaux qui, exempts de spirilles, ne présen- tent pas moins une forte leucocytose (spirillose avortée); nou& avons vu, d’autre part, qu’il suffit de fixer dans le tube à essai, 1. Les sérums employés immobilisaient instantanément à les spirilles la dose de 1/10® de goutte pour 1 goutte de sang. 2. Surtout les amas des premières prises de sang (immédiatement et o minu- tes après l’injection). 10 146 ANNALES ÜE L’INSTITUT PASTEUR. sur les spirilles, l’agglutinine et l’immobilisine contenues dans ce sérunfi, pour lui enlever la plus grande partie de son pouvoir toxique. Le sérum des poules guéries détermine donc la mort des animaux infectés, pour le motif qu’il agglutine in aninta vili les spirochètes circulants et qu’il provoque ainsi des embolies capillaires dans les divers organes. L’influence particulière qu’il exerce sur les leucocytes s’explique par la présence d’une isoleucoagglutinine, dont la formation est très probablemnnt due à la résorption des globules blancs qui s’opère au cours de la septicémie spirillienne. Ajoutons enfin que ce sérum ne pos- sède nul pouvoir isolytique pour les hématies de poule neuve ou malade. Mais, tous les animaux infectés ne succombent pas après l’inoculation intraveineuse du sérum de poule guérie. Un cer- tain nombre d’entre eux, surtout ceux qui ont reçu des petites doses, survivent, et alors on peut assister à l’apparition précoce de la crise, qui peut avoir lieu le 3^ ou le 4® jour de la maladie. ■Cette crise succède de très près à l’introduction du sérum : elle survient parfois 3 ou 4 heures après l’opération et ne diffère en -rien de la crise spontanée.' L’examen microscopique du sang et des organes montre en effet, que cette crise précoce s’accompagne également de l’englohement plus ou moins accentué des spirille'^ par les macrophages; il permet de voir en outre, qu’aucun signe 18 » + + f 0,17.0 0,138 21 » + + f 0,341 0.136 28 >; 4- + f 0,820 0,139 30 » + + f 0,045 0.137 o/X + + f 1,306 0,222 8 » + 4- f 1,512 0,217 10 » 0 4- 4- 1,30i 0,621 12 » » + + » 1,345 14 » » 0 4- 0 2,211 1 1. D’’ A. Calmetfe, Les Procédés Biologiques d’épuration des eaux résiduaires. Revue d' Hygiène, tomo XXIII, mars 1901. 2. C. R. de l'Académie des Sciences, t. GIX. 188 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. Les conclusions à tirer sont nettes : il n’y a pas eu symbiose, mais action successive des deux organismes. Le ferment nitreux a d’abord transformé tout le sulfate d’ammoniaque en nitrite, et ce n’est que quand cette transformation a été complète que le nitrique a attaqué le nitrite. 11 semble bien y avoir eu une ten- tative de multiplication du ferment nitrique vers le 5/10, un peu avant la fin de la fermentation nitreuse, mais l’augmentation en nitrates est restée faible tant que le réactif de Nessler a indiqué de l’ammoniaque. Remarquons aussi la puissance extraordinaire d’oxydation de notre ferment nitrique dans cette expérience : en six jours, tout le nitrite est passé à l’état de nitrate, soit en moyenne 50 milligrammes d’azote nitreux oxydé par jour. Deuxième expérience. — Nous avons alors voulu nous rendre compte si, en cultivant les deux ferments dans un grand ballon en présence de scories, on ne peut pas favoriser la symbiose. On imite ainsi ce qui se passe dans la pratique de l’épuration des eaux résiduaires par les procédés biologiques. 1.200 c. c. de liquide minéral à 1^^,8 de sulfate d’ammoniaque par litre ont été placés dans un grand ballon à fond plat, contenant des scories jusqu’à 2 centimètres au-dessus du niveau du liquide. Ensemen- cement simultané des deux ferments le 12/9. Le tableau suivant résume les résultats obtenus : DATES RÉACTIOXS NITRITE produit en gr. de AzO^Na par litre. NITRATE produit en gr. de .Azo^Na par litre. Ne 1 1 Tr Di 12,' IX 1- f t) » 17 » + + f 0,222 0,125 19 » + + f » 0,127 21 » + + f l,0Gi 0,123 22 » + + f » 0,171 23 » f + + 1.298 0,230 24 » 0 -f + » 0,428 23 » » + 4- » 0,779 26 » » + + » 1,343 27 » » 1' + » 1,802 28 ). » 0 + ' 0 1,884 ETUDES SUR LES MICROBES NITRIFIANTS, 189 Nous voyons ici que la symbiose s’est effectuée pendant un temps très court, quand le taux d’ammoniaque est devenu faible. Mais l’augmentation de nitrates n’a été rapide qu’à la fin de la fermentation nitreuse. Le résultat est en somme à peu près identique à celui de l’expérience précédente : fermentation nitreuse d’abord, puis fermentation nitrique intense qui a amené en 5 jours tout le nitrite à l’état de nitrate. La marche du phénomène a encore été identique avec un ensemencement très copieux : 100 c. c. de fermentation nitreuse et de 100 c. c.- de fermentation nitrique pour un litre de liquide. Les deux fermentations ont toujours été sucessives. Symbiose des deux organismes. — Dans ses premières études sur les microbes nitrificateurs, M. Winogradsky en recher- chant les causes de la formation des nitrites dans les cultures en voie de nitrification, signale une observation qui, rapprochée de ce que nous savons aujourd’hui sur l’action de l’ammoniaque sur le ferment nitrique, revêt un caractère particulièrement intéressant. Sur une nitrification qui a donné successivement des nitrites et des nitrates, M. Winogradsky rajoute une très faible quantité de sulfate d’ammoniaque (4 milligrammes) et renouvelle cette addition chaque fois que les nitrites ont disparu. Dans ces conditions on observe le passage direct de l’ammonia- que à l’état de nitrates, comme dans le phénomène naturel. En rajoutant des doses plus fortes de sulfate d’ammoniaque, les nitrites réapparaissent. Il était difficile alors de préciser cette observ'ation et d’en donner une explication plausible. La seule conclusion à tirer était que la production des nitrites ou des nitrates dans la nitrification dépend non pas des qualités physi- ques ou chimiques du milieu, mais est d’ordre biologique. Les notions acquises depuis sur l’action de l’ammoniaque sur le ferment nitrique rendent l’ohservalion de M. Winogra- dsky encore plus singulière. Nous avons donc dirigé nos recher- ches dans cette voie, qui nous paraissait susceptible de nous donner une explication précise des phénomènes de symbiose. Dans le matras à scories de notre deuxième expérience, qui vient de terminer sa nitrification par le mécanisme que nous avons indiqué, enlevons aseptiquement le liquide, et rajoutons maintenant un litre de nouveau milieu minéral à environ 1. Annales de V Institut Pasteur, 1891, p. 587. :190 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. (le sulfate d’ammoniaque par litre. Ces opérations se font aisé- ment dans ces grands matras munis de tubulures latérales. Faisons de temps à autre des prises d’échantillons pour nous rendre compte de la marche du phénomène. Les résultats obtenus vont être tout à fait différents. Nous allons voir apparaître la symbiose parfaite des deux organismes, symbiose qui va se continuer désormais de la façon la plus régulière. Voici en effet les résultats des dosages effectués à intervalles de 24 heures en moyenne : RÉACTIONS NITRITE formé en gr. de AzO^Na par litre. jNITRATE formé en gr. de AzO^Na par litre. DA’J . ES Ne Tr Di 7 X + O + 0 0,337 10 » 4- f + traces » 12 » .+ S + 0J48 0,«23 13 » S + 0,146 0,951 13 )) 4- s 4- 0,191 1,186 16 )) + f 4- traces 1,426 17 )) + 0 4- 0 1,732 10 )) S 0 4- 0 2,236 20 0 (1 -f • 0 2,324 Réactions : o, nulle: /*, faible ; s, sensible; +, forte. Ce tableau nous montre que le taux des nitrites a toujours été très faible dans le liquide, et que les nitrates ont augmenté progressivement depuis le début jusqu’à la disparition complète de l’ammoniaque. Malgré la dose de 460 milligrammes d’ammo- niaque par litre, les deux fermentations ont été simultanées et non successives, et il y a eu véritable symbiose des deux organismes dans un milieu riche en ammoniaque. Cette expérience a été renouvelée d’une autre manière. Nous avons effectué d’abord une première nitrification qui a donné lieu aux deux fermentations successives; puis, sans retirer le liquide nitrifié, nous avons ajouté une nouvelle dose de 2 grammes par litre de sulfate d’ammoniaque, sous forme d’une solution stérile. La symbiose s’est produite aussitôt et s’est ETUDES SUR LES MICROBES NITRIFIANTS. 191. poursuivie jusqu’à disparilion complète de l’ammoniaque. Nous avons alors ajouté une troisième dose de 2 grammes de sulfate d’ammoniaque par litre, qui a nitrifié dans les mêmes condi- tions ; puis une quatrième dose pour laquelle la nitrification symbiotique s’est encore produite. Nous n’avons pas cru utile de pousser l’expérience plus loin, car elle pouvait se compliquer d’influences qui n’ont rien de commun avec le problème. Nous avons enfin réalisé la même expérience sur une nitri- fication en milieu liquide, sans présence de scories. Les résul- tats ont été identiques : la première nitrification a donné lieu aux deux fermentations successives, la seconde à la symbiose. Lorsqu’on place les deux microbes dans des conditions de culture exceptionnellement favorables, on peut même arriver à produire du premier coup la symbiose dans le milieu minéral à 2 grammes par litre de sulfate d’ammoniaque. Il suffit pour cela d’employer la méthode que nous avons indiquée dans notre premier mémoire, c’est-à-dire d’ensemencer très copieusement (100 c. c. pour 1 litre), les deux ferments dans de petits tonneaux roulants en verre remplis de scories, stérilisés et parcourus par un courant d’air stérile. La nitrification s’eflectue alors complètement en symbiose avec une formation intermé- diaire de nitrites presque insensible. Les résultats sont encore plus nets avec la culture pure des deux organismes dans un long tube de verre vertical, de fi cen- timètres de diamètre, composé de trois morceaux de 80 centimè- tres superposés, slérilisables séparément et remplis de scories. Cet appareil correspond en somme parfaitement à l’appareil vertical allemand pour la fabrication du vinaigre. 11 recevait à la partie supérieure goutte à goutte la solution minérale à 2 grammes par litre de sulfate d’ammoniaque, fortement ense- mencée par les deux ferments : le liquide recueilli à la partie inférieure était remonté, par une petite pompe à air stérilisé, dans le réservoir du haut. Tout l’appareil, dans lequel les microbes nitrificateurs étaient maintenus à l’état pur, était parcouru par un très lent courant d’air filtré sur coton, et chaque tube portait une tubulure de prise d’échantillon. Dans ce « nitri- ficateur vertical », le phénomène a été d’une intensité extrême. Les trois tubes ont donné indistinctement du premier coup peu ou pas de nitrites et beaucoup de nitrates, jusqu’à disparition 192 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. de l'ammoniaque, La symbiose était donc complète partout. Mais ce sont là des conditions exceptionnelles, et dans les procédés de culture ordinaires du laboratoire, le phénomène se passe toujours comme nous l'avons indiqué plus haut : les deux fermentations sont d’abord successives, et ne deviennent simul- tanées qu’après une première nitrification qui a permis le déve- loppement des deux org-anismes. Ces diverses observations nous conduisent à la nécessité d'une étude plus précise de faction de l’ammoniaque sur le ferment nitrique. Les résultats qui précèdent semblent indiquer que si l’ammoniaque agit très énergiquement sur le ferment nitrique « végétal » et gêne beaucoup sa multiplication, elle paraît très peu active sur la fonction oxydante du microbe déve- loppé. Ainsi s’expliqueraient les résultats opposés de la nitrifi- cation au laboratoire et dans la nalure. Au laboratoire, on ense- mence le microbe, généralement en petite quantité, dans le milieu ammoniacal, et la multiplication du ferment nitrique se fait mal ; d’où pas de symbiose. Dans la nature, au contraire, nous sommes ordinairement en présence de supports peuplés, comme le sol et les lits bactériens d’éparation, supports en voie de nitrification continue : c’est le cas de notre dernière expé- rience, dans lequel la symbiose est la règle. Action de V afnmoniaque sur Je ferment nitrique. — Pour forti- fier l’hypothèse qui précède, nous pouvons dès maintenant donner les premiers résultats de nos expériences actuellement en cours sur l’action de l’ammoniaque sur le ferment nitrique. Cette action a été mise pour la première fois nettement en évidence par MM. Winogradsky et Oméliansky L Mais ces savants se sont bornés au simple examen de la réaction nitritée, qui ne peut indiquer si la nitrification a été nulle ou partielle. Nous avons donc d'abord répété leur expérience en ensemen- çant le ferment nitrique dans le milieu minéral à 1 gramme par litre de nitrite de soude, en présence de doses croissantes de sulfate d’ammoniaque, et au bout de deux mois environ, nous avons dosé le nitrite restant dans les matras qui n’avaient pas terminé leur nitrification. L’ensemencement a été assez fort, 1 c. c. de culture jeune pour 25 c. c. de milieu. Voici les résul- tats obtenus : 1. Archives des Sciences biologiques de Saint-Pétersbourg , tome VII, p. 233. ETUDES SUR LES MICROBES NITRIFIANTS. 193 Action sur le ferment de r ammoniaque ajoutée avant l’ensemencement. AIHONIAQUE en gr. RÉACTIONS Dates. AU Tn. DURÉE de la nitrifi- NITRITE inilialen gr. NITRITE restant en gr. p. litre de liquide. East 20/10 27 28 29 30 4/11 0 6 14 16 2/T2 6 12 cation. de AzO^Na p. litre. de Azo^Na p. litre. 0 témoin + S 0 8 jours 1,081 0 0,00515 4- + S O 10 — — 0 0,0103 + + + 4- 4- S O 16 — — 0 0,0206 + -h + 4- 4- 4- S O 17 — — 0 0,0412 + + 4- 4- 4- 4 4 S f O 27 — — 0 0,0824 4- 4- 4- 4 + 4- 4- 4- + 4 S f O 53 — — 0 0,1236 + + + 4- -h 4- 4 4- + 4- 4 4- 4- incomplète — 0,507 0,1648 -f 4- + 4- 4- 4- 4- 4- 4- 4 4- 4- 4- — — 0,830 0,2575 + + 4 4 4- 4 4- 4- 4- 4- 4 4 -h — — 0,891 0,4120 + 4- 4- 4- 4- 4- + 4- 4- 4 4- 4- 4- — — 0,914 0,721 + 4- 4- 4- 4- 4- 4 -h 4- 4- 4- 4- 4- — — 0,952 1,034 + + 4- 4 4 4- + 4- 4- 4 4- + 4- - — 1 0,951 1,500 4- 4- 4- 4- 4- 4- 4- 4- -h 4- 4- + 4- — — 0,937 2,040 + 4- 4- + 4- 4- 4- 4- 4- 4- 4- 4- 4- )) Nous arrivons donc ici aux mêmes conclusions que MM. Winogradsky et Oméliansky. Depuis la dose de 5 milli- grammes d’ammoniaque par litre, les durées de nitrification s’allongent de plus en plus, et, pour 82 milligr. le retard sur le témoin atteint 45 jours. Pour les doses supérieures, le réactif de Trommsdorfl' indiquait encore après 2 mois la présence de fortes quantités de nitrites. Si nous examinons les résultats des dosages, nous constatons que le ferment nitrique a agi par- tout. A la dose de 164 milligr.,' dose limite indiquée par MM. Winogradsky et Oméliansky, il n’y a plus qu’un cinquième environ qui a nitrifié. Aux doses d’ammoniaque supérieures, la diminution de nitrites est faible et à peu près la même par- tout. 11 semble donc y avoir une dose, voisine de 160 à 180 mil- ligrammes d’ammoniaque par litre, au delà de laquelle on 13 j94 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. n’observe qu’une légère transformation due aux microbes jeunes introduits par la semence. Plaçons-nous maintenant dans le cas de notre symbiose. Faisons d’abord nitrifier le ferment nitrique sur une dose de 2 grammes par litre de nitrite; puis, quand la nitrification est terminée, rajoutons une nouvelle dose de nitrite et en même temps des doses croissantes de sulfate d’ammoniaque sous forme de solutions stériles. Voici ce que nous observerons : Action de V ammoniaque sur le ferment nitrique en voie de nitrification. — Addition du nitrite le 26 novembre. 1 AMMONIAQUE en gr. par litre de liquide. RÉACTIONS AU Tr. Dates. NITRITE ajouté en gr. de AzO-Na par litre. NITRITE restant en gr. de 26/ H 27 28 29 1 30 1/12 O 12 AzO^Na p. litre. 0 témoin’ , H- + S O 1 1 1,080 0 0 — + + S O i 1 ! — 0 0 — -f + + s O — 0 0,0046 + + S O — 0 0,0092 + + s O — 0 0,0184 + + s f O — 0 0,0368 + + s f O — 0 0,0736 H- + s f O — 0 0,1104 + + s f O — 0 0,1472 + F + s f f f f — traces 0,2298 4- 4- + + s r f f — — 0,3680 + 4- 4- + s f f f — — 0,6437 + + 4- + s f f f — — 0,9200 + 4- 4- 4- s f f f — — 1,3794 + 4- 4- 4- + S s S — 0,150 1,8400 + 4- 4- + 4- s s s — 0,180 Réactions : o, nulle; f, faible: s, sensible; +, intense. Quand on ajoute du sulfate d’ammoniaque sur un ferment nitrique en voie de nitrification, on observe donc les phénomènes suivants : ETUDES SUR LES MICROBES NITRIFIANTS. i9o 1® Il n’y a pas de retard dans la nitrification jusqu’aux doses de HO milligrammes d’ammoniaque par litre; 2° Jusqu’aux doses de 2 grammes par litre, le retard est peu accusé et atteint à peine 48 heures, mais l’oxydation du nitrite n’est pas absolument intégrale, et il reste au Trommsdorft* une petite réaction bleutée qui ne disparaît que très lentement. Les quantités de nitrite restant ne sont pourtant dosables que pour les proportions de H^,37 à H^’,84 d’ammoniaque par litre, où elles atteignent environ ISO à 180 milligrammes de nitrite par litre^ sur 1,080 introduits. Ces résultats concordent parfaitement avec ceux que nous avons obtenus dans la culture des deux organismes en symbiose et donnent l’explication du phénomène. L’ammoniaque agit sur le ferment nitrique surtout en gênant sa multiplication, et il faut atteindre des doses très fortes d’ammoniaque pour retarder légèrement la fonction oxydante du microbe. Cherchons maintenant à appliquer ces notions h la nitrifica- tion dans la nature. Les milieux qui nitrifient contiennent en général une quantité d’ammoniaque inférieure à la dose qui arrête tout développement du ferment nitrique. Cette dose, qui est de 200 milligrammes par litre environ, n’est atteinte et dépassée que dans quelques eaux résiduaires très impures, comme les eaux d’abattoirs. Dans les terres, qui sont en voie de nitrification incessante, il y a généralement peu d’ammo- niaque. Le ferment nitrique se multiplie donc dès le début, plus ou moins vite suivant la quantité d’ammoniaque présente. Ces notions sont bien d’accord avec les observations des auteurs qui se sont occupés de l’épuration des eaux résiduaires, et qui ont constaté que dans la mise en marche des lits bactériens, la pro- portion de nitrites est en général plus grande au début que par la suite. Quand le support est peuplé, c’est-à-dire quand les deux microbes sont développés, la symbiose s’effectue alors d’une façon absolue. Si même les conditions viennent à changer et si le taux d’ammoniaque s’élève, nous avons vu (jue le ferment nitrique qui s’est développé en oxydant une dose donnée de nitrite est toujours capable de transformer en présence d’ammo- niaque une dose de nitrite au moins égale à la première. La sym- biose ne cessera donc pas de s’exercer; le ferment nitreux abaisse de plus en plus le taux d’ammoniaque et bientôt la m ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. multiplication du ferment nitrique recommence. Comme la dose de 200 milligrammes d’ammoniaque par litre, qui arrête toute multiplication du ferment nitrique, n’est que très rarement dépassée dans la pratique, on comprend sans peine que les phénomènes de nitrification ne se présentent à nous dans la nature que sous la forme symbiotique qui résulte de l’action simultanée des deux organismes. Ceci ne veut pas dire que la question soit complètement tranchée, et il reste maintenant à étudier le mécanisme même de l’action du ferment nitrique sur le nitrite en présence de fortes doses d’ammoniaque, car ce mécanisme seul permettra de tirer tout à fait au clair la question de la vie symbiotique des deux microbes. Cette étude est aujourd’hui assez avancée, et nous espérons pouvoir l’aborder prochainement ici. ETUDES D’HYDROGRAPHIE SOUTERRAINE (Suite. A^oir p. 1:21.) Par M. E. Duclaux • X TERRAINS PRIMITIFS Des terrains de gneiss, laissés en blanc sur la carte, (v. p. 122) une partie nous apparaît telle qu’elle était lorsqu’elle formait les rivages de la mer calcaire miocène que nous avons décrite. C’est surtout au sud d’Aurillac, où ils dominent encore la vallée delà Gère. Ils ont vu le lac se dessécher, le volcan naître et mourir, se creuser les 3 vallées de la Gère, de la Jordanne et de l’Authre, sous l’influence des pluies et des glaciers, et celui d^^ nos aïeux qui habitait les plateaux de Prunet, de la Roumiguière, de Labrousse, a pu voir de curieux spectacles. Les pentes du volcan étaient à peine consolid(‘es (jue leur érosion commençait. Les premières portions enlevées étaient celles de la surface, et nous avons vu les îlots volcaniques (|ui sont les derniers témoins de l'elfrangement et de la dislocation des couches de basalte et de pbonolite étalés sur les couches cal- caires. Plus loin, à partir du centre, nous voyons de même des îlots de calcaire, en général éocènes, qui apparaissent sur le terrain primitif, réserves, pour l’érosion de demain, de celle d’aujour- d’hui. Puis vient le terrain primitif, sur lequel tout revêtement calcaire a disparu, et où, les étages de calcaire et de terrain volcanique ayant été arrasés, il n’y a plus que l’étage du rez-de- cbaussée avec celui des caves. Dans l’étude de ce terrain, je n’ai pas fait de distinction entre les gneiss, les micaschistes, les granulites ou les granités, car, à notre point de vue, tous sont identiques. J’ai aussi négligé, parce qu’elle est sans importance, la mince bande de terrain houiller qui traverse le Gantai, et qui est surtout visible près du confluent de la Gère et Je l’Authre. Dans ce sol, qui s’abaissait peu à peu, les rivières s’occu- paient à creuser leur lit, et elles y avaient de la peine. 198 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. Tant qu’elles coulent dans le terrain volcanique, ce sont des torrents. Le fond de leur lit est occupé par des débris, parfois très volumineux, provenant de l’éboulement des hauteurs. Le travail des eaux-, bien moins puissant qu’autrefois, s’emploie aujourd’hui à dégrader ces débris et à en faire du sable, à user, par suite, le fond du lit. Quand cette érosion, qui creuse le fond, est venue rencon- trer les couches calcaires, celle de la Gère à Vie, de la Jordanne à Yelzig, de l’Authre à Marmanhacou à La Roquevieille, la vallée s’élargit. Le fond devient moins dur, plus facile à dissoudre et à briser. Le cours se régularise. C’est la rivière tranquille, gla- ciaire, qui dure sur toute la traversée du terrain tertiaire, jusqu’à ce qu’elle ait rencontré des gneiss et des granulites en masse ou en filons. C’est là que se dresse devant elle l’obstacle dont elle doit triompher pour sortir de ce fond de cuvette dont j’ai parlé en débutant, et pour quitter le département. De Sansac pour la Gère et la Jordanne, d’Ytrac pour la rivière d’Autlire, on voit bien, même sur la carte routière, que le sol a changé. La vallée s’est resserrée. La vallée n’est plus qu’un ravin. C’est le régime du début qui recommence, et quand les trois rivières se sont réunies à La Gapelle-Yiescamp, la Gère n'a plus qu’un cours tourmenté, que le chemin de fer côtoie, jusqu’au moment où elle rencontre la grande vallée, où elle oublie ses origines volcaniques. On retrouverait des faits analogues pour les autres rivières du Cantal, en faisant attention que, pour elles, les deux premières parties du cours se confondent presque en une, la rivière passant directement du terrain volcanique sur le terrain pri- maire. La Bertrande n’a qu’un seul point de transition, visible par le faible lambeau de calcaire qu’on trouve au sud, et près de Saint-Cbamand. La Maronne a un palier calcaire en face de Salers, et l’Auze s’élargit en face de Salins à peu près comme la Gère au Pas-de-Cère. Il y a donc, sous les différences apparentes, une ressemblance profonde dans le régime de toutes ces eaux. A toutes ces ressemblances générales, nous savons mainte- nant ajouter une différence qui est de détail, mais qui n’a pas moins une grande importance. C’est que le micaschiste du Can- tal est en moyenne plus absorbant (|ue le terrain volcanique, et ETUDE DTIYDllOGRAPHIE SOUTERRAINE 199 même que le terrain tertiaire. Le gneiss absorbe d’ordinaire tout ce qui lui arrive d’eau de pluie, soit par sa porosité naturelle, soit que le manteau de végétation, que cette porosité favorise en maintenant de Eliumidilé dans les couches superficielles, pro- duise l’effet- de tous les couverts. H y a peu ou pas de ruissel- lement: le sol est moutonné, et, dans les vallées ou ravins, les pentes ne s’éboulent pas, c’est pour cela que le fond du ravin qui est toujours nu se creuse toujours. On retrouve partout la même tendance, et la Truyère coule dans un ravin qui se creuse comme les gorges delà Gère. Tout ce que nous venons de voir nous renseigne sur l’hydro- graphie souterraine de la région. Il est clair qu’on ne peut s’attendre ici à aucun grandmouvement des eaux, et que le régime sera celui des petites sources ou des puits, comme dans la partie calcaire. Seulement, la ressemblance des mots cache une pro- fonde dilTérence des choses. Ici, le sol n’est pas formé de couches superposées, inégale- ment perméables ou même tout à fait imperméables. En principe, il reste perméable, et il s’y forme à chaque pluie un approvision- nement d’eaux qui pénètre plus ou moins profondément, et se met à couler de suite sur les lignes de plus grande pente, ou plutôt sur les lignes de plus facile pénétration, qui se modèlent plus ou moins sur les premières. C’est une éponge qui s’égoutte, La comparaison avec une éponge s’impose d’autant plus que les grandes masses de micaschiste et de gneiss sont parcourues dans tous les sens par des lignes de feuilletage, qui les divisent en fragments très inégalement perméables et pénétrables par l’eau. Les grandes masses aqueuses qu’elles conservent et limitent sont presque sans relation entre elles : il n’y a pas de niveau pié- zométrique, au sens défectueux qu’on donne aujourd’hui à cette expression. Bien qu’il y ait partout de l’eau, la pression est dif- férente quand la distance delà surface est la même. 11 résulte de cette pénétration inégale de l’eau par tous les points de la surface deux choses : 1^ on trouvera de l’eau en creusant où l’on voudra, et cette eau, qui n’aura pas cessé de faire partie de la masse, aura pourtant son niveau et sa pente particulière, le long de laquelle elle coulera régulièrement : voilà pour les puits, 2® il suffira d’une petite dénivellation, ou de la 200 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. moindre tranchée, pour faire naitre une petite source qui aura aussi naturellement ses voies d’évacuation. 3*^ Les puits comme les sources ne voudront rien connaître des prétendues lois pié- zométriques. XI EAUX DU TERRAIN PRIMITIF La réalité est tout à fait d’accord avec ces prémisses. Les puits sont presque aussi nombreux qu’on le veut. A toutes les altitudes, au sommet d’une colline comme sur les pentes d’un vallon, il suflit de creuser le sol à quelques mètres pour trouver, plus ou moins haut, un niveau d’eau qui, parfois est indépendant, et parfois se forme à l’aide des puits voisins. Comme on a d’or- dinaire choisi un sol de schiste pourri, qui est fendu et se délite, on se met à l’aise pour creuser. 11 n’est pas rare de voir des puits de 2 mètres de large. Comme ces puits sont d’ordinaire communs, on ne les respecte pas et ils sont exposés à toutes les pollutions. Si les habitations ainsi desservies ne sont pas voisines, le mal n’est pas encore trop grand. Il faut seulement éviter le voi- sinage immédiat de» fosses d’aisances ou des fumiers. Mais si les maisons sont condensées en village, le mal grossit en se répercutant. Je n’en sais pas de meilleur exemple que celui que j’ai trouvé dans la petite ville de Montsalvy (Cantal ). C’est un gros bourg de commerce et de transit, assis sur un petit mamelon porté par un contrefort qui court du Nord au Sud, en s’abaissant vers les vallées delà Truyère et du Lot. Quand il s’est agi de trouver de l’eau pour ce village qui grossissait, on a imité ce qui avait été fait pour les premières mai- sons bâties. On a fait des puits à l’extérieur de la maison, dans le jardin; on en a fait dans des caves quand les maisons se ser- raient et qu’il n’y avait pas de place ailleurs, parce que cela diminuait les frais, de sorte que les habitants avaient tranquille- ment pris l’habitude d’envoyer leurs déjections et leurs eaux- vannes dans le même sous-sol qui leur donnait de l’eau de boisson. A ce défaut de propreté intérieure venait s’ajouter un défaut de propreté extérieure. Quand le temps est mauvais, le sol, poreux, s’humecte à fond et devient boueux et visqueux. Pour rendre la circulation plus facile, on répand sur le sol des lits de ÉTUDES D’HYDROGRAPHIE SOUTERRAINE. 201 bruyère et de fougère, que le piétinement décompose sur place, et qui, dans toutes les rues (les routes sont protégées par les règlements), forment une couche de fumier absorbant, de sorte que la ville semble avoir pris à tâche de conserver et de laisser ^02 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. à portée de ses habitants tout ce dont ceux-ci ont intérêt à se débarrasser. Les plaintes provoquées par un pareil état des choses doivent dater de longtemps, car la ville s^est donné dePeau prise au puy de l’Arbre, à une distance d’environ 1.000 mètres. Ce puy, dont l’altitude est de 814 mètres, domine tout le pays à plusieurs kilo- mètres à la ronde. Sur un autre terrain, on n’ aurait guère trouvé d’eau, car le puy n’est pas étendu, mais avec le gneiss, comme j’ai dit plus haut, il y a toujours de la ressource. Une petite source, la fontaine d’Argent, réunie au produit de plusieurs drai- nages, fournit, au moyen d’un travail, terminé seulement en 1894, un volume d’eau qui s’élève à 40 m. c. par jour pendant les mois d’iiiver, mais qui retombe à 2 ou 3 m. c.en été. Le puy de l’Arbre est stérile et désert, heureusement, car, grâce à cela, on peut dire qu‘un peu d’eau vierge entre journelle- ment en ville, mais la population ne semble pas en avoir pris encore Pbabitude, et la fontaine publique n est guère fré- quentée. Ce sont les puits qui fournissent à l’usage; le puits de l’Arque, en particulier qui ne tarit point et qui semble être un égouttage du puy de l’Arbre. Lorsque j’ai visité Montsalvy, c’était au moment d’une petite épidémie de lièvre typhoïde, qu’on accusait ce puits d’avoir amenée. Cela est possible. Le jardin, dans le mur duquel est creusé le puits, contient, à une distance de quelques mètres, un tas de fumier sur lequel est établie une fosse d’aisance rudimentaire, qui n’est heureusement pas publique, mais l’eau du puits est à la portée de tous. Il est donc possible que la contagion se soit faite par ce point : mais je dois dire qu’en visitant la ville, j’ai trouvé, sur une sur- face d’environ 2 hectares, 22 puits dont chacun pouvait être accusé au même titre que tous les autres. (Voir la carte.) J’ai donc jugé utile de faire à ce moment un relevé de situa- tion, en comparant la composition de l’eau des puits de Mont- salvy à ceux des régions avoisinantes. Je suis allé 2 fois, à lo jours d’intervalle, en octobre 1897, prélever les eaux sur tout mon parcours, en insistant, bien entendu, de préférence sur celles de la petite ville, que j’ai recueillies à leur entrée, dans les puits, dans les maisons et jardins, et en suivant aussi bien que j’ai pu le faire le trajet de ETUDES DTIYDUOGRAPHIE SOUTERRAINE. 203 la nappe des puits à la sortie de la ville, au moment où elle enüle le ravin encaissé qui la conduit à la Truyère, du côté delà roule d’Entraygues. Je suis ensuite allé visiter quelques localités des environs, dans le meme horizon géologique. L’été de 1897 avait été très pluvieux. Là où il y a eu 2 échantillons prélevés, le premier l’a été après 8 jours de beau temps, le second après une période de 15 ou 20 jours de pluies. Il y a au moins, par provenance, une analyse complète, je veux dire réduite aux mêmes termes que dans tout ce travail, dont les éléments sont ici tous utiles. A^oici les chiffres des analyses. Le qo I est celui de la première tournée, fin septembre 1897 ; le n°ll celui de la seconde, le 20 octobre de la meme année. KALX DE MOXTSALVY Xoi d’ordi'e Ori>,rine Tcilipfe Ut'sidii Chaii.x Sel marin 2()S Source sur la route 10,4 26 1 5,0 2Ô9 Fontaine d’argent 10,6 35 ::^,0 5,0 270 Source Viguier 11,2 36 1,1» 6,0 271 Pré hastid 9 35 1,5 5,8 272 Source Pi cou 9 42 4,0 10, 0 273 Fontaine publiq. I. ? 35 ^,5 6, 6 274 — 11. 9,8 22 1,5 8,3 275 Puits de M. D. 1. 10.6 563 54 221 276 — II. 10,5 575 31 205 277 Puils de M. M. I. 1 1 .6 188 33 25 278 — II. 9 233 » )) 279 Puits de M. V. M. 10,5 323 35 97 280 Puits du Couvent l. 12,0 256 38 39 281 — II. ? 267 30 45 282 Puits public 1. 12,6 534 30 179 283 — 11. ? 601 28 195 284 Puits du Cloître 1. 10,6 423 107 80 285 — II. 9 425 » » 286 Puits de M. Fl. 1. 10,6 676 74 213 287 — 11. 10,4 690 59 220 288 Puits de M. C. 11,0 449 40 176 289 Font. del’Arque 101. . 11,2 348 28 91 290 — 11. ? 364 28 90 291 Puils de M. M. 1. 9,8 135 17 40 292 — II. 9,3 137 14 36 204 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. 293 PuitsdeM. G. 1. . 9,8 218 29 72' 294 — IL 8,3 222 )) )) 295 Puits de M. II. I. 9,8 335 48 83 296 — IL 9,8 328 » )) 297 Puits de M. R.-B. 1. 12,3 308 20 108,0 298 — 11. 10,8 301 )) » 299 Puits des Frères. 9,2 105 14 21,0 Observations. — 268 à 270, sources du Puy-de-TArbre. — 27i et 272, source en entrant à Montsalvy. — 273 et 274, eaux de la ville. — 275 et 276, puits fermé, mais alimentant une pompe dans la cuisine. — 277 et 278, eau un peu blanchâtre ; prof. 5 mètres. — 279, prof. 2“,60, de l’autre côté de la route. — 280 et 281, pompe placée dans la cuisine. — 282 et 283, ancien puits privé, rendu public par M. D...,. filaments gélatineux : eau à U", 50. — 284et 285, puits ouverts: prof. 5'ï’.50. Matières flottantes et abondantes que je filtre. — 286 et 287, eau' laiteuse : prof. 4™, 50. — 288, près l’école : quelques flocons en suspen- sion. — 289 et 290, au fond d’une niche creusée dans le mur d’un jardin. Dans ce jardin, à 10 mètres environ du puits, un fumier avec latrines. Autour du puits, étables ou écuries avec purin ; en ce moment, l’épidé- mie a fait abandonner lepuits. — 291 et 292, eau louche ; puits couvert : prof. 9^,40. — 293 et 294, eau un peu louche ; — 295 et 296, voisins du 289 et 296, sur l’autre versant du précédent : à 20 mètres environ de la fosse d’aisances. — 297 à 299, ces 2 puits sont dans 2 jardins voisins. Le premier à 0‘",80 au-dessous du sol, lesecond à 4“,70 au-des- sous d’un sol plus élevé, ce qui leur fait des différents niveaux. Les eaux sont très différentes. De cesnombres, ou peut tirer tout de suite quelques conclu- sions rien qu'eu les rapprochant, en tenant seulement compte des variations qu’ils subissent et non des matériaux qu’ils représentent. La densité des puits sur un étroit espace comme celui de la carte témoigne d’abord de l’existence d’un vaste réservoir d’eau souterraine. Je ne voudrais pas dire d’une puissante nappe d’eaux souterraines, car il n’y a pas qu’une nappe: chaque puils a la sienne à un niveau différent de l’autre, quelquefois même à des niveaux très différents à petite distance. Il n’y a pas deux eaux qui se ressemblent dans tous ces puits, et le même puits ne fournit pas la même eau à 15 jours de distance. La température est variable aussi, le même jour et d’un jour à l’autre. Bref, l’industrie des habitants aurait visé à se faire, aux ÉTUDES D’HYDROGRAPHIE SOUTERRAINE. 205 ‘dépens de l’eau de pluie, toujours très pure, de Peau de puits, toujours très impure, qu’elle y aurait très bien réussi. Si nous abordons maintenant ce point, nous pouvons compa- rer la composition moyenne des eaux de Montsalvy avec celles des eaux de la même région, prises aux environs de Montsalvy. Voici quelques-unes des analyses faites : s. et p. sont les sources et les puits. EAUX DES ENVIRONS DE MONTSAI.VY No» d’ordi'e Origine Temprc Résidu Chaux Sel marin 300 Abiouradoii, s. 11,0 174 17 45,0 301 La Grangeotte, s. 10,8 41 3 5,0 302 Lahesserette, p. ? 128 13 15,0 303 — 5. 12,2 67 4 6,0 304 Boussaroque, s. 11,0 39 2 6,0 .305 — s. 9,4 55 2 6,0 306 La Morinie, s. 10,6 67 6 8,0 . 307 Junhac, s. 1 1 ,0 42 2 6,0 308 Sansac-N'einazès, s. 12,0 60 2 6,0 309 LeBoiiissou, s. 11,2 57 2 8,0 310 La Feuillade, p. I. 9,8 26 3 7,0 311 — H. ? 24 3 4,0 312 La Roiimyguière 11, 64 3 5,f) 313 Peyrebrune, s. 11,0 22 . 1 2,0 Observations. — 300 et 301, haut du ravin qui va de xMontsalvy au Lot. — 302, puits Vaissière. — 303, source du village. — 304, source en face de l’étang. — 305, source de la ferme. — 306, captage de M.,Nugou. — 307 et 308, sources du village. — 309, source au bord de la route. — 310, 311, puits de chez le maréchal-ferrant. — 312, -source du ravin. — 313, source de l’enclos. L’étude de ce tableau, comparé avec le tableau précédent, conduit aux conclusions suivantes : 1° La preuve de la contamination des eaux de Montsalvy est faite par l’apparition, dans l’eaudes puits, de 2 éléments, presque absents dans les eaux vierges de la même région géologique : la chaux et le chlore. La chaux, qui fait ici surtout défaut et qui est presque aussi absente que sur les hauts sommets du terrain vol- canique, est apportée par les aliments de l’homme et des animaux ; c’est de l’intestin qu’elle passe dans les puits où sa proportion est parfois 50 fois plus grande que la proportion normale. La chaux ^06 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. a ici la mêaie valeur diagnostique que le chlore dans les lerrains^ vohaniques. Le chlore provient lui aussi des écuries et des fumiers, et il y en a dans certains puits SO fois plus que dans les eaux vierges, encore faut-il remarquer que ces dernières, lorsqu’elles cir- culent dans la nappe sous des sols non habités, mais cultivés, leur ont emprunté eu les traversant un peu de la chaux et du chlore apportés par le fumier, ce dont on voit quelques exemples dans les villages aux environs de Montsalvy. Quand elles cir- culent sous les sols en friche ou couverts de hois, la chaux n'y dépasse pas, en terrain de gneiss, 1 mgr. et le chlore 3 mgr. par litre, tandis que dans Teau des puits nons trouvons des chiffres de 107 mgr. de chaux et de 200 mgr.de sel marin. ( 284,. 275, 270, 283,287,288.) 2® Si grande qu’elle soit, la variation de la chaux et du sel marin n’est qu’une fraction assez laihle de la variation du résidu d’évaporation, qui ne dépasse pas 40 mgr. en amont et en aval de la ville, tandis qu’il dépasse 600 mgr. dans les puits 283, 286 et 287. D’une manière générale, ce chiffre va en augmentant à mesure que l’on s’approche du centre de l’agglomération, et diminue quand on s’en éloigne. Il y aurait eu là une étude intéressante à faire : chercher de quoi se compose, dans le résidu total, tout ce qui n’est ni de la chaux, ni du sel marin : silice (qui en fait la plus grande partie), matières organiques, sels ammoniacaux, nitrates, peut-être de l’urée. Ces renseignements n’étaient |)as faits pour plaire à ceux qui ne les demandaient pas, et je me suis abstenu de les fournir dans le détail. Je n’en dirai ^ue ceci : les eaux du puits 288, creusé dans la cave d’une maison très sale, réduisent faiblement l’hypermanganate de potasse en solution acide ou alcaline. Elles ne contiennent pas d’ammoniaque, les nitrates y sont abondants et atteignent des chiffres compris entre 100 et 200 mgr. dépotasse par litre. Dans un autre puits (291, 292) il m’est arrivé de les voir cristalliser, pendant l’évaporation d’un litre d’eau, au fond de la capsule. 3® On peut inférer de là que malgré toutes ces causes de pol- lution, le sol poreux et absorbant de la petite ville en protège les habitants à leur insu en nitrifiant, avant de la laisser arriver dans ÉTUDES D’HYDROGRAPHIE SOUTERRAINE. 207' le puits, la matière organique qui le traverse. Tel était au moins le cas après l’été pluvieux de 1897. Pendant un été sec, la situation peut être meilleure, mais cet équilibre de nitrification n’est pas assez stable pour qu'on puisse compter sur lui. Nous venons de le voir troublé pour le puits n® 288 qui recevait de l’extérieur delà matière organique incom- plètement transformée. On peut prévoir qu’il ne se réalisera pas constamment, dans tous les temps et dans tous les lieux, et que, par conséquent, les habitants sont toujours exposés à retrouver dans leur eau de boisson un peu de la matière organique et quelques-uns des microbes provenant de leur fumier et de leurs déjections. 4° En acceptant l’bypothèse la plus favorable, celle où la nitrification de la matière organique, garantissant son innocuité, serait toujours assurée, l’eau des puits n’en contiendrait pas moins, à coté des nitrates, tous les autres matériauxdes excré- ments ou des fumiers que le sol ne retient pas : à savoir, le chlo- rure de sodium et les^phosphates des urines : je ne parle pas, le cas échéant du bacille typhique. Les eaux des puits que j’ai déjà étudiées atteignent à ce point de vue à un degré exceptionnel d’impureté. Il y en a qui sont sensiblement salées au goût, et la proportion moyenne d’acide pbosphorique y atteint 25 mgr. par litre. C’est environ 50 fois plus que dans les eaux vierges de la région, qui en contiennent moins de 0 mgr. 5 par litre. C’est, d’un autre coté, 50 fois moins que dans l’urine. 5*^ Nous arrivons donc par différentes voies à cette conclu- sion : que l’eau des puits de Montsalvy était, après les pluie.s abondantes de 1897, un mélange d’un litre d’urine avec 50 litres d’eau de pluie. La proportion d’urine doit être plus considérable pendant les étés secs, parce que l’eau est plus rare. C’est aux inté- ressés de savoir s’ils admettent une compensation. On leur dit que c’est pour cela qu’ils se portent mal ; mais ils sont libres de ne pas l’admettre. En tout cas il est curieux de voir une population vivre et croître dans de pareilles conditions d’insalubrité. Il ne faut pas évidemment la prendre pour exemple. Un pareil niilieu, acceptable pour ceux qui sont habitués, est mauvais pour qui le traverse ou s’y implante. Mais l’exemple de Montsalvy, et de beaucoup d’autres localités que je pourrais signaler dans le Can- ‘208 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR tal, si je ne craignais de ni’y faire lapider, montre avec quelle puissance la nature travaille pour conserver les espèces, même celles qui ne se défendent pas. Il ne faudrait pas croire non plus que le Cantal est le seul département de Franco qui fournisse des exemples pareils à ceux que nous venons de passer en revue. Montsalvy représente une petite ville un peu en retard sur son temps, mais qui s’est formée sur le même modèle que les autres: deux ou trois maisons qui se donnent rendez-vous autour d’un puits ou d’une source, au- près desquels de nouveaux groupements viennent s’agréger, en restant le plus possible fidèles aux habitudes prises en fait il’eau potable, jusqu’au moment où le puits ou la source sont devenus insuffisants ou se révèlent pollués. C’est ainsi que se forment les grandes villes, sans aller jamais bien vite dans la voie du progrès, et Paris lui-même, à l’époque où Boussingault a fait une campagne contre ses eaux de puits, était aussi une sale ville, qui s’alimentait en vertu de principes pareils à ceux que nous avons rencontrés à Montsalvy. Je crois qu’il serait temps d’imiter partout l’exemple donné par Paris et les grandes villes, d’aller chercher de l’eau autre part que sur place, dans les régions habitées, pour l’amener pure et saine dans la ville ou le village. Seulement il faut pour cela qu’on puisse dire avec suffisamment d’assurance quel est pour chaque localité le secteur dans lequel il faut chercher. Et c’est pour cela qu’un travail fait en chaque département, analogue à celui que nous venons de faire pour le Cantal, rendrait des services. Le gérant : G. Masson. Sceaux. — Iiiipriuieile Cliaraire. 18'«e année AVRIL 1904 NO 4 ANNALES [)E L’INSTITUT PASTEUR Sit ftïpîiiîiK relatiits an pltnaièr. ie l’ajîlitmt* DES MICROBES Par M. CIIAIÜÆS NICOLI.E Dii'ccleup de ITnstilut Pasteur de Tunis. Le travail que nous présentons aujourd'hui est l’exposé, aussi simple que possible, d’un certain nombre d’expériences relatives au phénomène de l’agglutination des microbes. Ces expériences portent sur des points très différents, elles ont été pratiquées d’ailleurs à des époques diverses. Le lien qui unit les différents chapitres où nous les rangerons est donc artificiel. 11 nous a semblé cependant préférable de les grouper plutôt que d’en faire l’objet de notes spéciales. La multiplicité môme des questionsque nous devons aborder ne nous a pas permis de donner pour chacune d’elles l’énumé- ration des travaux antérieurs. Nous nous en excusons. Nous ne pouvions agir autrement, sous peine d’entrer dans des dévelop- pements hors de proportion avec l’importance de nos recher- ches. Le lien le plus naturel qui unisse nos expériences est l’uniformité de la technique que nous avons suivie. * ‘ * NÉCESSITÉ d’une TECHMOLE UNIFORME COUR l’ÉTUÜE DU PHÉNOMÈNE DE l’agglutinatiüN. 11 ne semble pas que les auteurs qui ontétudiéle phénomène de l’agglutination se soient toujours astreints à une technique uniforme. Si nous bornons nos remarques au bacille typhique, le mieux 14 210 ANx\ALES DE L’INSTITUT PASTEUIl. éLuJié de tous les microbes à ce point de vue, nous voyons que le réactif passif de ragglutination. la culture, varie essentielle- ment avec les différents auteurs. Les uns se servent de cultures en bouillon ordinaire, d’autres préfèrent des bouillons spéciaux, d'autres enfin ne font usage que d’émulsions de cultures sur milieux solides. L’âge de la culture est tout aussi variable, la réaction du milieu Test également. De même, le temps pendant lequel on laisse agir le sérum sur la culture avant d’arrêter les résultats de Texpérience; de même aussi la température à laquelle on fait Texpérience. En un mot chacun emploie sa méthode propre, et cette méthode n’est pas toujours identique pour les expé- riences d’un même auteur. ^ Aussi n’est-il pas étonnant d(‘ constater que, placés dans des conclitioîis aussi variables, des observateurs, étudiant un même phénomène, aient obtenu parfois des résultats sensiblement dif- férents. Il est certain qu’en particulier les chiffres donnés pour l’appréciation du pouvoir agglutinant ne peuvent être mis en ]jarallèle d’un auteur à l’autre, Il serait très désirable qu’une même technique fût adoptée qui rendît comparables les résultats obtenus. C’est ce qu’avait compris M. Sac(juepée‘, qui le premier montra la nécessité d’employer toujours comme réactif passif une culture de la même abondance, et qui s’astreignit à cette règle dans ses travaux. La culture dont il convient de faire usage, d’après cet auteur, doit présenter exactement le trouble que donne le nitrate d’argent, lorsqu’on l’ajoute à une solution de NaCl à 0,10 pour mille dans Teau distillée. Nous préférons au mélange de M. Sacquepée, dont l’aspect est, à notre avis, trop difïerent de celui que présente une culture en bouillon de bacille typhique, le réactif suivant dont nous avons précisé la formule avec M. Catouillard. On prépare d’une part une solution de bicarbonate dépotasse à l/lOO, d'autre part une solution d’acétate neutre de plomb au même titre. A 100 centimètres cubes de la seconde solution, il suffit d’ajouter cinq gouttes (compte-gouttes de Duclaux) de la première pour obtenir le degré de trouble voulu. Le mélange mh dans un tid>e à essai présente un aspect extrêmement voisin . 1, Sacquepke, Ces Annales^ -lo avril 1901. PlIKNOMÈNES DE L’AGGEUTTNATION 211 de celui que donne une culture de bacille typhique en bouillon fie Ib à 18 heures, il ne s’en différencie que par une teinte un peu spéciale et une légère lluorescence. Les cultures dont nosunous sommes servis dans nos recherches sur l’agglutination (sauf pour les plus anciennes, ont été préparées en nous conformant à cette règle. Nous avons fait usage d’une manière constante de cultures en bouillon peptoné de IG à 18 heures (étuve à 35®). Un inconvénient du bouillon, c’est que le bacille typhique y donne souvent un voile et de faux amas; cet inconvénient est très fréquent et des plus gênants. On peut même dire que la présence d’amas spontanés dans la culture rend impossible l’étude du phénomène de l’agglutination. Tl est facile d’empêcher cet accident. Nous avons observé que les amas spontanés et le voile ne se produisent qu’en milieu net- tement alcalin. Il suffit donc, pour les éviter, de faire exclusive- ment usage d’un bouillon neutre. Dans ce milieu, le bacille typhique le plus enclin à produire des amas spontanés ne donne, après quelques passages, que des cultures rigoureusement homo- gènes. Les cultures en bouillon neuti‘e sont un peu moins riches en microbes que celles en bouillon alcalin. Leur trouble, après IG ou 18 heures de séjour à l’étuve, est précisément celui que présente la solution qui nous sert de réactif. Pour plus de rigueur, nous avons pris l’habitude de ne faire usage, dans une même série d'expériences, que de tubes d’un même bouillon. Nous en préparons une provision à l’avance. Jamais nous ne mettons le mélange de la culture et du sérum à l’étuve. Nous pensons que ce serait compliquer inutilement la technique, en obligeant à prendre des précautions d’aseptie auxquelles il n’est pas possible de s’astreindre en pratique. Pour la même raison nous arrêtons nos expériences après une heure de contact. 11 est certain qu’en laissant agir le sérum un temps plus long sur la culture, nous obtiendrions des chiffres plus élevés. Il suffit que ceux-ci soient comparables. Nous déterminons le taux du pouvoir agglutinant au mi- croscope. Le chiffre que nous indiquons comme représentant le degré d’activité du sérum est celui de la dilution la plus étendue à laquelle le microscope montre des amas nombreux, indiscu- ANNALES DE L’INSTITUï PASTEUR 1>P2 tables, conslilués par la réunion de b à 10 microbes tout au moins, épars au milieu de microbes isolés, ceux-ci étant eu nombre restreint et ne présentant que des mouvements, ralentis ou nuis. couhiîp: typk dk daxs le sÉar.M saxguix lTx laplv ixt)- Cl Li: AVEC UNE CI L'ITRE VIVANTE DE BACILLES TYPHIQUES ('oiirbe (le V agglutinine active. Aucun auteur, à notre connaissance, n’a publié de courbe complète de l’ag»lutioine chez les animaux inoculés expérimen- talement, (diez Ehomme atteint de fièvre typhoïde, le pouvoir ag-j^Iulinant est soumis à des variations incessantes; la courbe de l’agg-lutinalion est par conséquent très irrégulière. Certains auteurs ont avancé qu’il en était de même chez les animaux infectés. Nous n’avons pas constaté ces variations dans nos expériences; ce résultat est dû probablement' à la technii|ue (]ue nous avons suivie. Le type de la courbe de l’agglutinine dans l’infection tv- phique expérimentale est réalisé par l’expérience suivante (Voir Tableau Ij. I.APix 22. — Le pouvoir agglutinant normal du sérum sanguin decelapin est de 1/tO vis-à-vis du bacille typhique. — Le 8 décembre 1898, inoculation intraveineuse d’un c. c. d’une culture de 24 heures en bouillon de bacille typhique. Taux du pouvoir agglutinant : le 8 décembre (10 minutes après l’inocu- lation) 1/10: les 9 et lOdécembre : 1 '5, le 11 : 1/90, le 12 : 1 800, le 19 : l/loOO, le 14 :'l d80O, le lo : 1 2000, le 16 : 1/2200, le 17 (9^ jour) : 1/2500 (chiffre maxijiium), le 18 et 19 : 1 '2200, le 20: 1/1900. le 21 ; 1 1200, les 22. 29. 24: 1/1000. le 25 : 1 '800, les 26. 27, 28, 29 et 90: 1, 600, le 91 décembre et les 1. 2. 4. 5 janvier: 1/500, les 6, 7, 8 janvier: 1 400. les 9. 10. 11 : 1 300, 12 et 19 : 1/200. 14,15, 16, 17 : 1/100. 18. 19, 20, 21, 22. 29, 2ï : 1/80. 26 et 28 l/<)0. (Pour la suite delà courbe voirie chapitre suivant.) On rapprochera de cette courbe, typique et complète, les courbes atypiques qui seront données plus loin. Elles lui sont toutes superposables, rapportées à la même ér-helle, du jour de l’inoculation de la culture jusqu’au moment où un accident créé artificiellement par nous est venu les modifier. De ces faits, on peut conclure que la courbe de l’agglutinine, chez le lapin infecté expérimentalement par l’inoculation d’une 'f iibleau PJIÉNOMÈNES DE L’AGGLUTINATION, 213 culture de bacille typhique, présente successivement les phases suivantes : 1® une période d’incubation de 3 jours [)endaiit la(juelle ANNALES DE L’INSTITUÏ PASTEUR. le sérum ne montre aucun pouvoir agglutinant, à moins quTl n’en possède un normal; 2° une période d’ascension rapide, aboutissant, du lU au 15® jour, à un maximum égal pour une même quantité de culture inoculée; 3® une période de descente, d’abord assez rapide, puis de plus en plus ralentie. Le pouvoir agglutinant extraordinairement réduit peut persister pendant plusieurs mois dans le sérum avant de disparaître. * ^ .MODIFICATIONS DE CA COURBE DE l’aCG LUTININE CONSÉCUTIVES A UNE NOUVELLE INOCULATION DE CULTURES DU MEME MICROBE. Lorsqu’un lapin, inoculé préalablement avec une culture de bacille typhique, reçoit ultérieurement une seconde culture du même microbe, la courbe de l’agglutinine se trouve modifiée cbezlui d’une façon très dillerente suivant que la secondeinocu- lation est faite dans la période d’ascension de l’agglutinine, au début ou à la fin de la période de descente. Les expériences suivantes montrent ces modifications : L La SECONDE INOCULATION EST FAITE A LA FIN DE LA PÉRIODE DE DESCENTE. — L’étude de laseconde partie de la courbe du lapin 22 (voir Tab. I) donne un e.xemple de ce qui se passe dans ce cas. On assiste au développement d’une seconde courbe, identique comme forme à la première, quoique présentant une amplitude plus grande. La seule différence à noter est l’absence de période d’incubation. Dès le lendemain de l’inoculation, le pouvoir agglu- tinant remonte pour atteindre rapidement un chiffre élevé. Lai>l\ {suite). — Le':^8 janvier, le i»onvoir agglutinant étant do 1 'tiO, on pratique une nouvelle inoculation intraveineuse de 1 c. c. d’une culture de bouillon de 24 heures de bacille typhique. Taux du pouvoir agglutinant : 29 Janvier : 1/150, 30 : 1 400, 31 : 1 500, 1er février ; 1/800, 2 : 1 1500, 3 : 1/1800, 4 : 1/2000, 5 : 1/2300, 0 : 1 3000, 12 : 1/4000, 14 : 1/5000, 10 (15e jour) ; i '0(100 (chiffre maximum), 19 et 23 : 1/5000, 20 : 1 AOOO, 1er et 5 mars ; 1 3000, 13 : 1 1500. IL La SECONDE INOCULATION EST FAITE AU DÉBUT DE LA PÉRIODE d’ascension. — L’observation de la courbe du lapin 12 montre ce qui se passe dans ce cas (voir T.ableau II). La seconde inoculation faite 4 jours après la première, c’est- ii-dire vers la 48® heure après l’apparition de la réaction aggluti- nante, a déterminé un arrêt de 3 jours dans lamontée. Après cet PJIKNOx>JÈNES DE L’AGGLUTINATION. 2!o arrèl, l’ascension s'est faite rapidement pour atteindre un chiffre voisin de celui obtenu consécutivement à l’inoculation de la seconde culture chez le lapin n‘^ 22. La descente de la courbe a eu lieu comme dans le cas précédent. I.AiMx 12. — Pouvoir agglutinant normal nul à 1 1 . Le lu mars 181)9, ino- culation intraveineuse de 1 c. c. d’une culture en bouillon de heures de bacille h phique. Taux du pouvoir agglutinant : les 1(5 et 17 mars : 0; 18; l .‘lU, 19 ; l/oOO. Le même jour et quelques heures avant la constatation de ce pouvoir? seconde inoculation intraveineuse de 1 c.c. de culture de bacille typbique. Les 20 et 21 : 1 'iOO, 22 : 1 1000, 2:1 : 1 2000, 2i ; 1 2000, 2:5 : 1 OOOO. 2(5 : 1 .‘{o()0,27 : 1 4000,28: 1 oOOO, 29 ; 1 7000 (chilïre maximum), 00; 1 (5000, 01 mars, l' i- et 2 avril ; 1 4000, 0, o et 7 avril : 1 OoOO, 9: 1 0000, 12: i/2o00, 17 : 1 1900, 24 ; l/loOO, 00 : 1 1000. 111'^ La seconde inoculation est faite au début de la péiuode de DESCENTE. — Daiis cc cas, on observe à la suite de l’inoculation un arrêt de 0 à 4 jours dans la descente, puis le pouvoir aggluti- 216 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUIL nant se relève et dépasse rapidement le maximum primitivement atteint, sans présenter toutefois un chill re aussi élevé quelorsque Tinoculation est pratiquée au début de l’ascension ou tout à fait à la lin de la descente. C’est du moins ce qui semble ressortir de l’observation des ’2 courbes suivantes (voir Tabiæavx H1 et IV). Lapin 7(l(TAHLKAr lit). — Pouvoir agglutinant normal, de 1 oà 1 TO, vis- à-vis du bacille (vphique. Le o janvier 1899, inoculation intraveineuse de J c. c. de culture en bouillon de 24 heures de bacille tjphique. Tableau III. Taux du pouvoir agglutinant; les b et 7 janvier i : 0, le 8 : 1, oO, 9 ; 1 '400, 10; 1/800, i:i ; 1, 1000, lo; l/loOO, 10 ; 1 2000, 17 ; 1 2200, 18 (12^ jour) ; 1 2o(M) (chiffre maximum), 19 ; idem, 22 ; 1 2200, 20; 1 1800. Le 27 janvier, seconde inoculation intraveineuse de 1 c. c. de culture de bacille typhique; les 28,29, :10 : 1/1800, le :il ; 1 1400, le le.- février ; 1/2000, le 0 ; 1/:100 (second maximum), le 4 ; idem, les o et 0 ; 1 2o00, les 8, 10, 12, 10 et 19; 1/2000, le 20 ; l/oOO, les 20 et Ier mars; i looo, le 5 mars ; 1/800, le 12 : J/7O0, le 21 ; 1/200, les 01 mars et 7 avril ; 1/100. le 00 avril ; 1 70. On remarquera la lenteur excessive de la descente. La]un21 (Tableau IV). — Pouvoir agglutinant normal nul àl 1. Le 10 jan- vier 1903, inoculation intraveineuse de I c. c. de culture en bouillon de 24 heures de bacille typhique. J. 11 esta reniaïquer que lorsque le sérum prés.mte un pouvoir agglutinant normal, l’inoculation a généralement pour effet d’abaisser ci; pouvoir dans les jours qui suivent ( voir égaliMUciit l^pjx 22). Ce fait est à rappi-oclier de l’arrêt qiio subit l’ascension du pouvoir agglutinant lorsqu’une nouvelle inoculation est pratiquée peu de jours après la premiéiN'. PlIÉXOiAJÈNES DE L’AGGLUTINATION. 217 Taux du pouvoir agglutinant : les II et 1:2 janvier : O, le Ll : I .‘1, les Ui -et l'i : 1/10, le 10: 1 /:io, le 18 : 1/100, le:20 : 1 000, le 21 : 1/1000, le n d’ableau IV. (ll'î jour) : 1/200 (cliiirre maximum), le 20 : 1 luOO, le 00 ; 1 1200. Le .‘Il janvier, seconde inoculation intraveineuse del c. c. de culture de bacille typhi(jue ; les et 2 février: 1 1000, le d : 1/1200, le : 1 TdOO, le ') : l/2d00, le 0 : 1 dOOO, le 8; 2 ''1000 (second maximum), le 0 : 1/dOOO, le 1 1 : 1/2000. (La suite de la courbe indique l’effet de saignées répétées; voir le cha[iitre suivant). ^}c -îr INFLUENCE DES SAIGNÉES SANGUINES SU II LA COURBE DE lLaGG LUTININE. n était intéressant de rechercher quelle peut être rinlluence d’une ou de plusieurs saig’nées sur le développement de la courbe de l’agglutinine. Dans nos expériences, nous avons pratiqué -218 ANNALES DE i^aNSTITUT PASTEUU. exclusivement les saignées dans la période de descente de la courbe, et nous avons constaté que leur effet constant est d’arrê- ter momentanément la baisse du pouvoir agglutinant; souvent même celui-ci se relève pendant les jours qui suivent. Toute sai- gnée (Tant suivie d’une augmentation du nombre des globules blancs, il résulte de ce fait une présomption en faveur du rôle de ceux-ci dans la production de l’agglutinine. Même observation avait déjà été faite au sujet de rinlluence de la saignée sur la courbe de l’antitoxine, chez les chevaux pro- ducteurs du sérum antidiphtérique. Lai'lv 20 (Takleau A’). — Pouvoir agglutinant nonual du sérum de ce lapin ; 1 1 vis avis clu bacille tjpbique. Le dl janvier 190d, inoculation intraveineuse de 1 c. c. de culture de bouillon de 2i heures de bacille typhique. Taux du pouvoir agglutinant : Lr février : 1 1, le 2 ; 1/10. d : 1 20. A : 1 200, : 1 oOO, 8 ; 1 2000 (chiffre maximum), 11:1 loOO. Lemème joAir petite saignée cardiaque de 3 c. c. Cette saignée minime s’est montrée sans effet sur la courbe : le 12 février le pouvoir agglutinant a baissé à 1/1000. Le même jour, saignée cardiaque de 10 c. c. Le 16, le pouvoir agglutinant est de l/loOO, il s’est donc notablement relevé. Une nouvelle saignée de 10 c. c. ne Pempèche pas de retomber le 19 à 1 1200. Lapi.v 23 (Tableau VI). — Pouvoir agglutinant normal nul à 1/1 vis-à-vis du bacille typhique. Le 31 janvier 1903, ce lapin reçoit dans les veines une inoculation del, 2 c. c. de culture en bouillon de bacille typhique, et de plus PllKNOMÈXES DE L’AGGLUT1.\AT10N. 219 iine quanlité égale de culture de bacille de Eriedlauider ; nous verrons plus loin que l’adjonction de ce naicrobe au bacille typhique ne modifie nullement la courbe de l’agglutinine. Taux du pouvoir agglutinant : et 2 levrier : 0. led février: l/2(l. \ : lA'ib, d : I 500, 9: 1 ' loOO (maximum), 12 : 1/1000. Ce même jour, saignée car- diaque de 10 c. c. Le pouvoir agglutinant cesse aussitôt de descendre; il est le 15 de [ lOOO; le 1(5 il remonteà 1/1500. Une nouvelle saignée de 10 c. c. pratiquée ce môme jour ne l'empèche pas de tomber à 1 500 le 19. Lai>ln 27. — Pouvoir agglutinant normal nul à I/l. Le 2(5 lévrier 190,‘>,. inoculation de i/ï de c. c. d’une culture en bouillon de 2'i hcuies de bacille typhique sous la peau. Taux du [)oiivoir agglutinant : P'' mars : 0, 't ; 1/10. 5 : 1/20, (5 : 1/(50 (chilTre maximum), 8 et 9: 1 50. Ce dernierjour, saignée cardiaque de 10 c. c. ; le 10 et le 12 : pouvoir agglutinant 1 50. Ce dernier jour, seconde saignée de 10 c. c., le 15 même pouvoir. Laim.v 21 (voir Tahleat 1\'). — Ce lapin, dont la courbe a été en grande partie donnée dans le chapitre précédent, a subi, on se le rappelle, 2 inocu- lations de cultures tyi)hiques, La première pratiquée le lOjanvier a provoqué une réaction agglutinante ayant eu son maximum â 1 2000 le 2i janvier; la seconde, pratiquée le 51 , a été suivie d’un second maximum de 1 4000 le 8 fé- 'Vrier. Le lendemain le pouvoir est descendu cà 1/5000, le 11 il est de 1, 2000. Ce même jour, saignée cardiaque de (5 c. c,, le 12 le pouvoir agglutinant est encore de 1/2000. Ce même jour, nouvelle saignée de 10 c. c. Le 13, pouvoir agglutinant de 1 2000; le 1(5, il atteint encore le mômechiffre. Une troisième saignée de 10 c. c. n’empêche pas Tagglutinine de baisser rapidement en 5 jours à 1/500. : Lai‘lv 31. — Nous avions constaté antérieurement un fait analogue chez ANNALES DE L’INSTITUÏ PASTEUR. 2'20 ce lapin, sonniis, dn l^r novembre au 0 décembre 1808, à 8 inoculations soiis- culaiiées de 1 c. c. de culture typhique. Le pouvoir agglutinant, qui avait atteint quelques jours avant 1/1(1000, était tombé le 20 décembre à J/2000, Nous prati(juons au lapin une saignée de 20c. c.. le lendemain le pouvoir agglutinant est encore de 1,2000. La conclusion à tirer de ces expériences est qu’une saignée pratiquée pendant la périoiede descente de la courbe de l’agglu- tinine provoque d’une façon constante un arrêt dans la baisse de celle-ci. Une seconde saignée, pratiquée à peu de distance de la .première, a souvent, maisnon constamment, le meme elle!. Une d'ableau Vil. saignée nouvelle parait accélérer plutôt la l’apidité de la des- cente. •eo[’nnEDE i/agijlltimxe chez les AxnJArx ayant recx’ une inoci lation UE SÉRUM AiOiLUTiNANT (Uo^(/éc (h 1‘ cigglii t i lüiie passive). 4 Dans ce cas, l’organisme de l’animal ne réagissant pas vis à vis de la substance inoculée, il y a baisse régulière du'pouvoir agglutinant du sérum à partir du moment de l’inoculation. Cette baisse se fait lentement. Les deux observations suivantes le démontrent : Lapin 77 (voir Tabiæai- VII). — Pouvoir agglutinant normal nul à 1/1 vis- à-vis du bacille typhique. Le 23 décembre 1899, ce lapin reçoit dans les veines une inoculation de "1 c. c. du sérum d iin autre lapin injecté préalablement avec des cultures typhiques. Ce dernier sérum est agglutinant à 1/iOOO. Taux du pouvoir agglutinant chez le lapin 77 ; le 2.3 décembre. 1 heure après l’inoculation : 1/1()(), le lendemain 2 1 décembre : 1/80, le 23 et le 2() : PilKiNOMÈNES DE L’AGGLUTINATION. 22^ 1/1)0, le il ; I/oO, le 20 : l/'iU, le i janvier : 1 'tO, le 15 Janvier ; 1 20. Lai'IX 48. — Pouvoir aiigliilinanl norinal nul à 1/4 vis-à-vis du bacille typliiijue. I.e 21 décembre 1001. inoculation dans les veines de 5 c. c. d’un sérum de la[)in actif à 1/2000. Taux du pouvoir agglutinant. 2 heures après l’inocnlalion : 1/75; le len- demain 22: 1/55, le 25 : 1/50, les 24.25, 20 el27 ; 1 20, le 20 : 1/15, le 50; 1 10, le P’i' janvier nul à 1 10- m KXPIOUENCES SU K QUELOUt> [‘«01*10 ÉTÉS DE i/aÔGLUTIM.N'E. l. Action de la (tialeuo su« i/acclutlmne. — Nous avons^ montré antérieurement avec llalipie^ que le pouvoir aj^gluti- iiant du sérum typliifiue n’est pas sensiblemeiit modifié par un cliaullage d’une ij'l heure à (JO". Les expéiaences suivantes per- mettent de préciser l’action de la chaleur sur l’agglutinine. D'o Expérienck. — Le sérum frais d’un lapin, inoculé préalablement avec une culture typhique, donne, mélangé à une culture en bouillon de 18 heures,, des amas très volumineux à 1/500, des amas moyens bien visibles à 1,800. petits à peine perceptiblesàl’ieil à 1 1000. Au microscope, l’agglutination peut être constatée jusqu’à 1 1500. Tous ces cbifCres représentent les résultats constatés après 1 heure de contact. Ce même sérum est essayé sur la même culture après avoir été préala- blement porté pendant 1/2 heure aux températures suivantes : 50'*, 55«, 00". 05", 75". Si'ri(U( i)or(r' ô. 50" r! 55". — 11 se com{)orte vis-à-vis du bacille typhique exactement comme le sérum non chauffé. Sérum y>o/7éà00". — Mêmes résultats. Cependant, à 1 1000, il n’y a plus agglutination visible à l'œil nu: au microscope, les amas moins volumineux, à cette dilution sont à peine perceptibles à 1 1500. Sérum i)()rléài5rÿ\ — L'agglutination est des plus faibles au microscope à 1/1500; elle est d'^jà peu marquée à 1/800 et médiocre à 1/500. Le phéno- mène n'est apjjréciable à l'œil nu qu’à cette dernière. .sV/VD// 70". — L’agglutination n’est plus visible à l’œil nu aux dilutions employées; elle est encore ébauchée au microscope à l,/500. A cette température, le sérum présente un trouble manifeste, début de la coagula- tion. L’agglutinine insensible aux températures inférieures à 55" est donc très légèrement atteinte entre 55" et hO"; elle perd une partie très notable de son activité entre ()ü"et 55", mais elle n’est pas encore totalement détruite à 70". 1. G, Nicolle et A IIalipib, Presse médicale, iz juillet 18!Ki. ANxNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. 2^2 2'^ K\périe.\ck. — LeLte expérience porte sur le sérum d’un lapin (n'> 17), avant reçu, le \\ décembre RMKl, une inoculation soiis-cnlanée de ï/2 c. c. d'une cullnre de bacille dysentérique (Shiga) portée préalablement pendant 1/2 heure à Le môme lapin reçoit encore sous la peau, le 7 janvier, 1 c.c. d’un mélange à parties égales d’une culture vivante de bacille typhique et d'une culture du môme bacille dysentérique, chaulTée 1 2 heure à bO". Courbe des agglutinines typhique et dysentérique dans le sérum chauffé ou non de ce lapin : Avant l'inoculation typhique : pouvoir agglutinant sur Ile bacille dysen- térique au 20 décembre: sérum non chauffé : 1/40, chauffé à boo (d/ 4 d’heure) l/dO, le 2b décembre, sérum non chauffé : 1 20, chauffé à b2o (1 '2 heure) : 1 10, le P'i’ janvier sérum non chauffé : 1 10 (faible),. chaulfé à (E 2 h.) : lu. Après la seconde inoculation, le 13 janvier: 1'^ Sur le bacille typhique : sérum non chauffé : l/oO, cliautîé à uo'J (20 minutes) : même résultat, à bOo (20 minutes): l/oO égalemenl, imiis un peu i)lus faible. 2<î Sur le bacille dysentérique, respeclivement : 1/20, 1/20 et 1/10. Le 10 janvier : lo Sur le bacille typhique : sérum non chauffé : L'uO, sérum chauffé à oO" (20 minutes): l/oO, sérum chauffé à 00» (20 minutes) : 1/50 également. 2'^ Sur le bacille dysentérique les 3 sérums sont actifs à 1 20. Donc, résultats analogues à ceux obtenus dans la première expérience et mêmes conclusions; applicables (‘gaiement à Eagglutinine dysentiTique. 2*" DIALYSE. — On sait, par les recherches antérieures que Tagglutinine a peu de tendance à traverser les membranes. Les expériences suivantes confirment cette donnée. Expérience faite iù vitro. — Le Ib décembre 1898, 2 sacs de collodion, ayant chacun une contenance de 4 c.c., sont remplis après stérilisation avec un sérum typhique actif à 1 2000, puis placés séparément dans un tube de bouillon stérile . Trois jours après, le bouillon se -montre dépourvu de toul pouvoir agglu- tinant vis à-vis du bacille typhique ; même résultat au bout de 10 jours. On met alors les tubes et leur contenu à l’étuve à 35»^; 3 jours après, même résultat. L’agglutinine typhique ne traverse donc pas la ])aroi d’un sac de collodion. Expériences faites in-viro. — Ces exi)ériences sont au nombre de 2. Dans la première, un sac en papier mousseline stérilisé est rempli de bouillon peploné, puis fermé au collodion et placé dans la cavité péritonéale d’un lapin, le 18 octobre 1897. Ce lapin reçoit ensuite en i fois 3 c.c. 1 2 de cultures typhi([ues en bouillon. Le U»’ décembre, on enlève le sac et on PHKNOMKNES DE î;A^IGLUÏI^’AT^ON 223 l’ouvre. Son contenu a perdu l’odeur caractéristique des solutionspeptonces, il se coagule légèrement par la chaleur. Centrifugé, il montre quelques glo- bules blancs exceptionnels. Le pouvoir agglutinant du sérum sanguin du lapin est de 1 '9000, celui du contenu du sac est de J ia. Ce pouvoir agglutinant léger doit être attribué à la préseçïce des globules blancs qui ont pénéiré à travers la paroi du |>apier. 3Iême expérience avec un sac de collodion inclus dans la cavité périto- néale d'un autre lapin le 21 octobre. C.e lapin reçoil en buit fois 9 c. c. de cultuie de bacille lypbique. Le 1.9 novembre on enlève le sac. Le sérum du lapin est actif à 1,10000, le liquide du sac, clairet faiblement coagulable, se montre dépourvu de tout pouvoir agglutinant. (]es expériences montrent que l’agglutinine n’a pas plus de tendance à dialyser in lien que in vifro. Il semble d’ailleurs (jue dans l’organisme animal l’agglutinine reste renfermée dans les leucocytes. 1! y avait donc double raison pour que nous ne puis- sions en déceler la présence dans le contenu de nos sacs. LA l'HKSEXCK DE l’aIU x’eST PAS I.XOISPENSABLE POUIl LA PRODUCTIOX in vitro or puéxo.mèxe de l’agoli tixaiiox Salimbeni ‘ a avancé ((ue la présence de l’air était indispen- sablc à la production in vitro du phénomène de l’agglutination. L’expérience suivante semble indiquer que cette opinion est au moins exagérée. Le 27 janvier 1900, on ensemence avec une goutte de culture de bacille typhique un tube de bouillon recouvert d’huile de vaseline; l’air a été chassé du bouillon par une ébullition prolongée à l.loo. On sait que, dans ces con- ditions, le milieu est à peu près totalement privé d’air, et qu’il convient à la culture des microbes anaérobies les plus stricts On porte le tube à l’étuve à 3oo, le bacille typhique s’y développe lentement; au bout de 18 heures la culture présente cependant un trouble manifeste et uniforme. La quantité 1. — Sérum saniiuin pris au bout plaeenlMire du cordon, l’ouvoir agglulinanl nul à 1/i sur Is bacille Ivpbique et le bacille de la psittacose, légèrement aclif à 1 MO sur le bactérium coli; N'i 2. — Sérum {uds au boni placentaire. — Pouvoir agglutinant nul sur le bacille de la psillacose; faible à 1/1 sur le bacille tvpbique et le bactérium coli; N‘> 3. — Sérum du boni placentaire. Pouvoir agglutinant nul à i/1 sur le bacille typhique et le bacille de la psittacose, faible à 1/3 sur le bactérium coli; No 4. — Sérum du bout [ilacenlaire. Pouvoir agglutinant nul à 1/1 sur le bacille typhique et le bacille de et la [isittacose, faible à 1/1 sur le baclé- rium coli ; No 3. — Sérum du bout placentaire. Pouvoir agglutinant nul à 1/1 sur le bacille de la, psittacose, faible à 1 '3 sur les deux autres microbes. 1. SxACdiDLr, Centralblatt /'. Bakl\\. Originale. 1. XXXIII, n“ 1901, pp. 37o-3S9. ANNALES UE L’INSTITÜT UASTEÜR. ±2S N" l>. — Sunim sani>uin pris au l)Oul fœtal, l’ouvoir agglutinant nul à J 1 sur les trois niicrohes. i\" T. — Sérum du bout bol al, même résultat. N'* . — Sérum du bout placentaire. Pouvoir agglutinant nul à J/l sur le barille l_vphi(|ue et celui (x70. — Inoculé le u janvier 181)!) avec 1 c. c. de culture de bacille typhique dans les veines. La courbe do l’agglutinine typhique du sérum de ce lapin a été donnée plus haut (Voir tableau 111). Le sérum de l’animal ne présentait avant l’inoculation aucun pouvoir agglutinant vis-à-vis du bacille delà psittacose, môme à 11. Taux du pouvoir agglutinant vis-à-vis du bacille de la psittacose à partir de l’inoculation typhique :‘les 7, 8 et 1) janvier, nul à 1 10; les 1 1 et 12 : très faible à 1 10, les i;l et \ï : actif à 1 10, le lu à 1 lu, le 10 ('1 P jour) à l/20 (chiffre maximum), les 17, 18, 11), 20 et 20 à 1 10; le 20, aucun pouvoir à cette dilution. Il est intéressant de comparer cette courbe rudimentaire de Pagglntinine secondaire à la courl)e bien plus développée do l’agglutinine principale, (les deux courbes sont })i-esque paral- lèles. COURHK DR l’agglutinine DANS LES INFECTIONS MIXTES Il (dait intéresssant de savoir ce que devient la courbe de l’agglutinine lorsqu’on inocule à la fois, ou successivement à un même animal, des cultures d'un microbe agglutinogène, tel que le bacille typhique, et des cultures d’autres microbes doués ou non delà même propriété. Un seul auteur, Castellani', a entrepris quelques expériences sur ce sujet. Il a op. lactis a(‘nufini(>x. Taux du pouvoir agglutinant : 3, 4 et 3 décembre, nul à 1 I poiD’ Ps trois microbes, 7 décembre nul pour le h. ladix arrofirnes, net à 1 HO pour le bactérium coli, faible à cette dilution pour le bacille typhi(|ue; le 8 décembre nul pour le h. laclix acroj/t'iicx^ faible à I 10 pour les deux autres microbes; le 12 décembre, faible à 1 10 pour le bacille typhique, nul à celte dilution pour les deux autres microbes; le 22 décembre, net à 1 20 pour le bacille typhique, nul à 1/20 pour le bacille iyphi(iue, nul à 1 10 pour les deux autres. Le développement des agglutinines s’est donc fait d’une façon très faible et très irrégulière pour le bacille tvphique et le bactérium coli ; il n’y a i)as eu production d’agglutinine active vis-à-vis du h. lactix (lenujcucx. Il n’est pas naturellement possible de tirer de conclusions générales de ces expériences trop peu nombreuses. COURBE DE l’agglutinine CHEZ LES ANIMAUX SOUMIS A l’iNOCULATION SIMULTANÉE DE CULTURES TYPHIQUES ET DE SÉRUMS AGGLUTINANTS d’oRI- GINE DIVERSE, MIS EN CONTACT OU NON AVEC LES CULTURES Dans un travail antérieur b nous avons montré que Tinocu- 1. Nicolle et M. Trenel, Société de Biologie, 22 décend»re J!»00. ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR 232 lation dans les veines du lapin, d’un mélange à peu près exac- tement compensé d’une culture morte de bacille typhique et de sérum agglutinant, déterminait chez lui la productionde l’agglu- tinine spécifique, et que la courbe de cette substance était sensi- blement identique à celle que provoque chez le même animal l’inoculation d’une quantité égale de la même culture non addi- tionnée de sérum. Une semblable constatation avait été diqà faite par M. Reims U Notre conclusion, comme la sienne, était qu’on ne peut voir dans le phénomène de l’agglutination une neutralisation véritable de la substance agglutinable par l’agglu- tinine et que, s’il y a combinaison chimique entre les deux substances, cette combinaison est singulièrement instable, puisque l’inoculation aux animaux suffît à la détruire. Nous nous basions sur cette constatation pour conclure que l’agglutination est plus voisine des phénomènes physiques que des actions chimiques. Nous plaçant aujourd’hui à un tout autre point de vue, celui de l’influence du sérum agglutinant sur la courbe de l’agglutinine, nous apportons un certain nombre d’expériences qui, d’autre part, viennent à Tappui de nos conclusions antérieures. Dans ces expériences, nous nous sommes servis de cultures vivantes, et le sérum, lorsqu’il a été mélangé aux cultures, y a toujours été ajouté en excès. Nous avons fait usage de deux sérums d’origine différente. L’un provenait d'un lapin soumis à une seule inoculation de cultures typhiques, l’autre d’un âne immunisé par des injections répétées d’une toxine typhique soluble très active et de corps microbiens. Tantôt les deux substances ont été inoculées (dans les veines ou sous la peau) après un contact plus ou moins long; tantôt l’inoculation en a été faite simultanément en des régions éloignées. Nous exposerons d’abord les résultats très différents que nous ont donnés nos expériences. Nous rechercherons ensuite et nous trouverons facilement les raisons de ces différences. I. IXOCULATIOX d’uX MÉLANGE DE SÉRUM AGGLUTINANT DE LAPIN ET DE CULTURES typhiques. J^e sérum de lapin dont nous avons fait usage était actif à 1. Rehxs, Société de Biologie, 8 décombre l'.)00. PHÉNOMÈNES DE L’AGGLUTINATION, 233 Lapix 31). — Le 20, avril 1903, ce lapin reçoit sons la pean 1 c. c. d’un mélange à parties égales d’une culture tvphique de 2't heures en bouillon el du sérum actif à 1/1,300. Le sérum a donc été ajouté en excès. Le mélange a été laissé en contact pendant une heure. Taux du pouvoir agglutinant : avant rinoculation 0 à 1/1 ; le 22 aviâl I 20, le 2V : 1/AO, le 30 : 1800. . . Le développement de l'agglutinine s’est donc fait norma- lement. Le résultat de cette expérience esta rapprocher de ceux relatés dans le travail que nous avons publié avec M. Trenel. Que le sérum soit en excès ou non, que les cultures soient vivantes ou niortes, le développement du pouvoir agglutinant se fait, dans ces conditions, de la même manière. Lapin 03. — Le 't avril 1903, ce lapin est inoculé sous la peau avec I c. c. d’un mélange à parties égales d’une culture en bouillon de 2't heures de bacille typhique et du meme sérum agglutinant. Le contact a été maintenu pendant 1 heure 1 2. Taux du pouvoir agglutinant : avant l'inoculation 1 1 ; le 3 avril 1 3, le () avril 1 10, le 8 avril 1 200. Par suite d’un accident, l’expérience n'a pu èire poussée plus loin; le i-ésultat est cependant comparable à celui obtenu avec le lapin 30. H. InOCUCATIOX SIMULTAXKE et dans des IlÉtilONS DIFFÉHENTES d’fX ■ SÉRUM AOliEUTIXAXT d’aNE ET DE CULTURES TYPHIQUES. Lapin 80. — Le D'’ avril 1903, on inocule simultanément à ce lapin sous la iieaii de régions différentes, d'une part 1 '2 c. c. de cultures vivantes de bacille typhique en bouillon de 2i heures, d’autre part 1/2 c. c. de notri' sérum d’àne. Ce sérum est actif à d/'rOOO. Taux du pouvoir agglutinant : avant l'inoculation, faible à 1 1, le 2 avril : 1/1 ; le 3 : I 3; le 4 ; 1 10; le 3 : 1/20; le 0 ; L'200; le 8 : 1/2000. L’inoculation du sérum agglutinant d’àne pratiquée en môme temps que celle de la culture, mais dans une région éloignée, n’a donc modifié en rien la courbe normale de l’agglutinine. • III. — Inoculation d’un mélanoe de sérum vcclutinant d’ane et de CUI/rURES TYPHIQUES. Lapin 28. — Ce lapin est inoculé sons la pma, le 20 février 1903. avec un mélange de 10 gouttes de culture typhique en bouillon de 24 heures (soit environ J 3 de c. c.) et de 3 gouttes de notre sérum d’àne actif à 1/4000. Le mélange a été laissé au contact pendant 3/4 d’heure. Taux du pouvoir agglutinant : avant l’inoculation, faible à 1 G ; les !, 4, 3 et 0 mars : 1 1 ; le 8 mars : ICI, le 10 mars : 1/1. ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUU. L’inoculation, sous la peau du lapin, du mélange de culture typliique et sérum agglutinant d’àne (ce dernier en excès) n’a donc été suivie du développement d’aucun pouvoir agglutinant. Lapix 8:L — Celîipin est inoculé sous ht peau le 13 avril 1903, avec un c. c. d’un mélange de deux parties de cullure typhique en bouillon de 2-4 heu- res et du meme sérum d’àne, après un contact d’une heure. Taux du pouvoir agglutinant : avant l’inoculation faible, à 1 1 ; le 14 avril même constatation, le 10 : I/o, les 22, 24 et 30 : 11. Donc, même résultat que dans l’expérience précédente, pra- tiquée dans des conditions identiques. Lai'in 49. — Inoculé dans les reines le 12 mars 19;)3 avec un c. c. d’un mélange de deux parties de culture typhique en bouillon de 24 heures et d’une parlie du même sérum d’àne, après une heure de contact. Taux du pouvoir agglutinant : avant l’inoculation, faible à {/ï ; le 14 mars : 1 T, le lo : 1/1, les 16, 17, 19 et 20 faible à I/o. L’inoculation intraveineuse du mélange n’a donc pas été plus^ suivie de l’apparition de l’agglutinine- que ne l’avait été l’inocu- lation sous-cutanée. Le même lapin inoculé à nouveau le 23 mars avec un c. c. d’une cul- ture de bacille typhique a donné le 30 mars un sérum actif à l 'IoOO. L’injection du mélange cultures sérum, inactive par elle-même, est donc sans inlluence sur le développement ultérieur de l’agglutinine. REMARQUES A PROPOS DE CES EXPÉRIENCES ET CONCLUSIONS 11 ressort des expériences que nous venons de relater que : I" L’inoculation au lapin d’un mélange de sérum aggluti- nant de lapin et de cultures typhiques donne lieu à la produc- tion dans son sérum d’un pouvoir agglutinant, dont la courbe est sensiblement identique à celles que produit l’inoculation de cultures seules. 2'» L’inoculation simultanée, mais en des régions différentes, de notre sérum agglutinant d’âne byperimmunisé et de cultures^ typhiques est suivie de l’apparition d’une courbe analogue. 3*^ Au contraire, l’inoculation, après contact prolongé, d’un mélange de sérum agglutinant du même âne et de cultures typhiques n’est suivie du développement d’aucun pouvoir agglu- tinant. Nous devons nous demander â quoi tiennent ces dilïérences et pourquoi, dans ces expériences, le sérum d’âne se comporte PQÉNOMÈNES DE L’AGGLUTINATION. 235 autrement que le sérum de lapin, lorsqu'on le mélange aux cul- tures typhiques. La solution du problème nous sera donnée par la simple observation des phénomènes qui se passent tn vitro. L’addition du sérum de lapin (actif à 1/1500), à la dose mas- sive employée dans nos expériences, provoqu(‘ l’ag-g-lutination immédiate des cultures auxquelles on [ ajoute. Il y a production d’amas volumineux qui, rapidement, se déposent au fond du tube. Ces amas ne subissent ultérieurement aucune modification ; ils sont sensiblement aussi volumineux après I ou 2 heures d(‘ contact qu’à la première minute. Au microscope, mêmes cons- tatations qu’à l’œil nu. Le sérum d'âne employé par nous se comporte d’une façon tout à fait différente. Ajouté in vitro^ à dose également massive à la culture, il détermine une agglutination immédiate, peut- être encore plus brutale. Les amas sont plus gros et la clarifi- cation du liquide plus rapide, mais ces amas ne conservent pas longtemps leur volume. Si Ton examine de temps en temps b* mélange, on remarque que peu à peu le phénomène perd de son intensité, les amas deviennent de moins en moins gros, pour atteindre, au bout d’une heure, des dimensions qui les rendent à peine perceptibles à l’œil nu. Au microscope, on peut suivre cette fonte progressive des amas, et l’on s’aperçoit qu’elle s’ac- compagne d’une dimunilion du nombi*e des microbes. Ceux-ci, immobilisés et souvent altérés dans leur forme (sans cependant présenter le type de granules), semblent se dissoudre peu à peu dans le liquide ((ui les baigne. A l’action agglutinante seule, manifeste dans le mélange culture et sérum d’âne, s’est donc ajoutée dans ce cas une véri- table action dissolvante, bactériolytique. C’est à la présence de celte bactériolysine qu’est due, on ne peut en douter, l’absence de production de l’agglutinine chez les animaux auxquels on inocule un mélange de ce sérum et de cultures. Les choses se passent de même, nous ravonsvu,querino- culation du mélange soit faite sous la peau ou dans les veines. Lorsque les deux produits sont inoculés simultanément, mais en des régions éloignées, le conlact ne se réalisant pas, la produc- tion de l’agglutinine se fait normalement. Nous avons recherché quelle était l’action de la chaleur sur ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. ^36 la .sijhslancf‘ l)actériolytiquo du sérum d’àne immunisé. Nous avons couslaté qu’elle n’était })as détruite par un chauffage d’une demi-heui’c à OtU. Cette bactériolysine se présente donc comme une substance spéciale, différente des cytases (jui sont, on le sait, détruites à (iO®. Nous n’avons pas eu le loisir de pousser plus loin cette étude : nous nous réservons d’y revenir un jour. L’action très spéciale du sérum de cet àne sur la bacille typhi- que nous paraît également intéressante au point de la théorie même du phénomène de l’agglutination. Ce que la hactérioly- sine détruit, c’est d’abord et avant tout la membrane d’enveloppe des microbes. Au moment où l’on pratique l’inoculation aux ani- maux, on distingue encore dans le mélange un très grand nom- bre de bacilles typhiques réunis en amas de volume médiocre. Si l’inoculation de ces microbes ne donne lieu plus tard à l’ap- ])arition d’aucun pouvoir agglutinant, c’est que le sérum a détruit ou neutralisé ce qui dans ces microbes constitue la subs- lance agglutinogène. L’agglutinine seule n’a pas, nous l’avons vu, ce pouvoir. Il est donc naturel de penser que le siège de cette substance agglutinogène est à la surface même du microbe, puisque c’est sur la membrane d’enveloppe que porte d’abord l’action du sérum. C’est l’opinion, qu’avec M. Malvoz et ses élèves, nous avons toujours défendue. Un autre point intéressant, quoique d’un ordre différent, est à noter à propos de ces expériences. On sait, et nous avons déjà insisté sur ce faiti, que l’inoculation d’une culture typhique au lapin, s’accompagne pendant quelques jours d’une modifica- tion dans la coagulabilité du sang de cet animal. A partir du 4^‘ jour qui suit l’injection, jusqu’au 8® ou 10® jour, on constate généralement que le sang retiré des veines se coagule avec la plus grande rapidité; la conséquence de ce fait est de rendre souvent difficile la prise de quelques gouttes de sang au niveau de la veine de l’oreille, surtout aux environs du o® et du 6® jour. Le môme phénomène se passe si, au lieu du bacille typhique, on inocule au lapin un échantillon de bactérium coli ou de bacille de la psittacose. (^diez les animaux qui reçoivent simultanément, en des l. C. Nicolle et M. Trenel, Ces Annales^ 1902, page 581. PIJKNOMÈNES DE L’AGGLüTliXA'llüN. -237 régions (liHérentes ou en mélange, des cultures typhiques et du sérum d’àne ou de lapins immunisés, la coagulabilité du sang lEest nullement modifiée. Il eu est de même chez les animaux soumis ultérieurement à une inoculation de cultures typhiques, lorsqu'on pratique une nouvelle injection de ces cultures. ACTION in vilro oe la ciiAuaii si ii un méi.ance oe cilti hes TYPIIIOEES ET DE SÉIU Al AGC LUTIXANT iSOLis venons dt‘ voir que l'inoculation au lapin d'un mélange de sérum agglutinant et de culture, provoque chez cet animal le dévidoppement < DE LA RAGE EXPÉRIMENTALE. 243 chasser le sérum. On dilue le virus dans un peu d'eau stérilisée, et on Tinocule sous la dure mère de 2 lapins. L’un d’eux a suc-* combé à la rage paralytique le 31 décembre (14^ jour), Tautre le 1®^' janvier (la® jour). Retard sur les témoins : i et 3 jours. b) Le 5 janvier, l’animal est trépané très sévèrement avec du virus fixe. Aucun symptôme morbide. Après deux mois, il est encore vivant et parfaitement portant. Comme témoin, nous avons inoculé, dans la' chambre antérieure, un chien qui avait reçu un mois auparavant, dans la jugulaire, lOc. c. d’émulsion rabique, et n’avait présenté à la suite aucun symptôme morbide. Il mourut de la rage 3 semaines plus tard. Il s’ensuit que le fait de n’avoir pas pris la rage après trépanation, ne doit pas être attribué à l’inoculation du virus dans la jugulaire. Il doit être mis à Tactif de l’affection qui suivit. La nature rabique de célle- ci se trouve ainsi démontrée. Observation II. Le 28 novembre 1903, un « chien de rue », adulte, de couleur noire, reçoit, dans la jugulaire, 8 c. c. d’une émulsion laiteuse de virus rabique fixe, soigneusement passée à travers une mousseline, de façon à éviter toute em- bolie. Aucune particularité à signaler jusqu’au 10 décembre. Le 10 décembre (12e jour) on note de l’inappélence' et une légère parésie du train postérieur. Le lendemain, l’anorexie est absolue. La paralysie du train postérieur est beaucoup plus accusée. L’animal se tient couché. Si on le force à se lever, il chancelle aussitôt et tombe. Les membres antérieurs sont indemnes. 12 décembre. État stationnaire. Un peu d’excitation dans la soirée. décembre. La paralysie est toujours limitée aux membres postérieurs. Elle n’est pas tout à fait complète. Si on excite violemment l’animal avec une tige de fer, il finit par se lever, se tient un instant sur ses pattes, puis chancelle. 14 décembre. Même état. 15 décembre. Amélioration. Le malade se fait moins prier pour se lever. Il fait quelques pas dans sa cage, mais sa démarche est toujours titubante. L’anorexie persiste. 16 décembre. L’appétit est revenu. Les membres postérieurs ne présentent plus qu’une légère parésie. 17 décembre. Même état. 18 décembre. Le malade peut être considéré comme guéri. Toutefois il est très amaigri, et la vision paraît affaiblie, surtout à droite. Par la suite, ces symptômes se sont peu à peu amendés, et la santé est redevenue par- faite. Il a été impossible d’obtenir de la bave pour l’inoculer dans les muscles d’un cobaye. Le 26 décembre, l’animal est saigné. 244 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. Le 28, émulsion de virus fixe et de sérum. Le 29, trépanation d’un lapin avec le virus lavé et dilué dans de Feau stérilisée. Le lapin est pris le 11 janvier (13® jour). Il meurt le 13 (15® jour), avec un retard de 5 jours sur le témoin. Le 5 janvier, trépanation très sévère du chien avec du virus fixe. Aucun symptôme morbide. Après deux mois, Fanimal se trouve encore vivant et en excellente santé. Un témoin choisi dans les mêmes conditions que celui de Texpérience précédente a contracté la rage. On remarquera que chez le 2® chien, la rage a été beaucoup moins accusée que chez le premier. Les deux observations ména- gent ainsi une transition graduelle entre les cas où l’inoculation de virus rabique dans la jugulaire n’est suivie d’aucun effet (4 fois sur 10 d’après nos expériences), et ceux où, au contraire, elle en- traîne mortàlasuited’une atteintedela rageclassique (4 fois sur 10 également). Une atteinte de rage même atténuée confère l’immu- nité contre une épreuve aussi sévère que l’inoculation sous-dure- mérienne. Le sérum d’un chien ainsi immunisé possède des propriétés rabicides. Il y a, dans tous ces faits, un argument en faveur de la possibilité de vacciner le chien contre la rage, par voie intra-jugulaire, ainsi que le fait a été réalisé par Kras- mitski*. Nos observations ne confirment toutefois, que partiel- lement, les expériences de ce savant, pour qui l’injection intra- veineuse de virus rabique est inoffensive, à condition que l’émulsion soit filtrée, diluée et poussée avec lenteur. La diffé- rence des résultats obtenus est sans doute en rapport avec le degré de concentration de l’émulsion. Les faits qui précèdent doivent attirer l’attention sur un deuxième point. Si la rage expérimentale est susceptible de gué- rison, il en est sans doute de même de la rage clinique. Dans cette hypothèse, une personne mordue par un animal malade, n’est pas sûrement à l’abri du danger si l’animal est encore vivant 8 à à 10 jours après l’accident, ainsi qu’il est classique de l’enseigner. La survie de l’animal mordeur n’est plus un cri- térium absolu. Un chien peut inoculer une rage mortelle, alors que lui-même aura échappé à la maladie. Un examen vétéri- naire très minutieux s’impose par conséquent, et le traitement pastorien devra être suivi dans tous les cas douteux. 1. Kr.vs.vîitski, Injections iatra vasculaires de virus rabique, ces, 4 juin 1902. RECHERCHES SUR LES FERMENTS DE MALADIES DES VINS Par mm. P. MAZÉ et P. PACOTTET Depuis les travaux de Pasteur % on sait que les altérations des vins sont dues, le plus souvent, au développement de ferments particuliers qui en modifient la composition et en altè- rent le goût. Dès qu’on a su faire des cultures pures de microbes, divers savants se sont attachés à isoler les ferments de maladie, de façon à les caractériser mieux que n^avait pu le faire Pasteur, dont le travail a aujourd’hui 40 ans ^ MM. Gayon et Dubourg ^ ont isolé des vins mannités, en 1894, un ferment spécial, le ferment mannitique, dont ils ont fait une étude complète. M. Laborde * est parvenu à transporter le ferment de la tourne d’un vin malade dans un vin sain; il a en outre isolé sur plaques de gélatine un grand nombre d’espèces bactériennes dont quelques-unes lui ont permis de reproduire la maladie dans des vins stérilisés. Parmi les produits de fermentation qu’il a trouvés dans ses cultures, il a signalé la mannite et l’acide lactique. MM. Bordas, Joulin et Rackowski ^ avaient également isolé, avant M. Laborde, des vins amers et tournés, des ferments variés qui poussent sur tous les milieux ordinaires; ils signalent la présence de l’acide lactique parmi les produits des fermenta- tions. Dès 1890, Kramer® avait caractérisé la mannite dans les vins gras; il y a trouvé aussi de l’acide lactique; parmi les produits gazeux figurent le gaz carbonique et l’hydrogène. Mach et 1. Pasteur, Etudes sur le vin, Paris, 1872. 2. Pasteuk. Comptes rendus, t. LVIII, janvier 1864. 3. Ces Annales, J 894 et 1901. 4. C. r., 1898, t. 'CXXVI, p. 1223, 1898. — Revue de Vit., 1901. — C. r., t. CXXXVIII, p. 228. 5. C. r., 1898, t. CXXVI, p. 598, 1050 et 1443. 6. Weinbau u. Weinhaudel, p. 121, 1890. — Die Bak. u. ihr. Bezieh. zur Landwirts, 1892. 246 ANNALES DE L’INSTITÜT PASTEUR Portele ’ trouvaient, en 1889, de l’acide lactique dans un vin du Tyrol. On considère aujourd’hui, d’ailleurs, l’acide lactique comme un produit constant et normal du vin. Cette opinion est peut- être exagérée. Dès l’année 1900, nous avons commencé l’étude des ferments que nous avons pu isoler des vins malades. Déjà, en 1901, M. Duclaux, qui a bien voulu examiner nos cultures, n’a pas hésité à affirmer que nous avions isolé un ferment de la tourne et un ferment de la graisse L Nous nous proposons, dans ce mémoire, de donner un résumé des résultats que nous avons obtenus; on verra par la suite que nous laissons bien des questions sans réponse ; nous n’avons pas pu reproduire les caractères objectifs de l’amertume; mais cela ne prouve pas encore que nos ferments soient différents de ceux qu’a rencontrés Pasteur ; des essais ultérieurs établiront leur identité ou permettront de les diflérencier. Nous nous contenterons donc de les décrire du point de vue morphologique et physiologique, et nous les appellerons, pour abréger, par les noms des maladies d’où ils tirent leur origine; mais lorsque nous parlons des ferments de l’amer, il ne faut accorder à cette appellation qu’un sens restreint, indiquant seu- lement qu’ils ont été isolés de vins caractérisés comme vins amers, en raison de leur saveur, de leur aspect, et des caractères microscopiques des ferments qu’ils renferment. / MÉTHODE d’iSOLEMEM Nous nous sommes adressés de préférence aux vins âgés, ayant plusieurs années de conservation en bouteille. Ces vins ne renferment pas de levures ou de spores de champignons vivants; ils sont dépourvus également de germes de bactéries banales que les vendanges apportent dans les cuves, et que l’on retrouve facilement dans les vins jeunes; ils laissent complète- ment stériles tous les milieux ordinaires dans lesquels on en introduit quelques c. c., quelles que soient les réactions de ces milieux et leurs qualités nutritives, qu’ils soient placés à l’abri de l’air ou exposés librement à son contact. 1. Landicirts Versuchsst^ t. XXVII, p. 305, 1890. 2. Traité de rnicrobiologie, t. lY, p. G28, 1901. MALADIES DES VINS. 247 Ces constatations étant faites, il est tout indiqué cependant de recourir aux méthodes des cultures anaérobies; les vins vieux sont en effet complètement dépourvus d’oxygène, et les ferments qui s’y développent s^ passent certainement de son intervention. Le choix de la nature du milieu présente quelques difficultés; nous avons essayé, sans grande conviction, tous ceux qui sont d’un usage courant dans les laboratoires ; il est en effet puéril de penser à priori que leur emploi puisse conduire à un résultat positif, car il n’est pas douteux qu’ils n’aient déjà été mis à l’épreuce par beaucoup de chercheurs. • Si on se laisse guider par la composition du vin, on est porté à accorder la préférence à des milieux d’origine végétale; le bouillon de haricot convient très bien aux microorganismes qui se développent de préférence dans les infusions végétales. C’est lui qui nous a donné les meilleurs résultats. On ensemence donc environ I c. c. à 2 c. c., du dépôt qui se forme au fond des bouteilles, dans une pipette Roux, renfermant de 15 à 20 c. c. de bouillon de haricot à 3 0/0 de saccharose, neutre ou faiblement acide (0,2 à 0, 3 0/0 d’acide tartrique) ; on en purge l’air et on ferme à la lampe. Après plusieurs semaines et même plusieurs mois de séjour à la température de 30^, on observe la formation d’un dépôt blanchâtre au-dessus de la masse colorée produite par la semence. L’examen de ce dépôt au microscope montre qu’il est formé invariablement de chaînettes à éléments ovoïdes (ferment de la graisse), et de bâtonnets et filaments allongés, si l’on est parti d’un vin amer ou tourné. Si on reporte ce dépôt dans un milieu neuf en se plaçant dans les memes conditions, on constate que la prolifération devient de plus en plus active ; à la suite de quelques passages, on observe même une production de mousse favorisée par le yide. Les cultures réussissent très bien en tubes ouverts à condi- tion d’ensemencer largement ; le développement est rapide, il se m.anifeste au bout de 3-4 jours, et on peut le considérer comme terminé au bout de 3 semaines à 30®. Les cultures en tube ouverts en plein développement nous ont servi à faire des isolements ; ceux-ci réussissent très bien dans le même bouillon solidifié par de la gélose, à condition 248 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. d ensemencer dans la masse à la température de 40° à 45°, pen- dant que la gélose est encore liquide ; si la gélose est inclinée, on voit les colonies apparaître à partir du 4°-6® jour dans les régions profondes; de là elles gagnent pèu à peu les régions moins épaisses et le voisinage de la surface, où elles restent toujours plus petites. Nous avons ainsi obtenu : 4 bacilles isolés des vins amers; 4 bacilles isolés des vins tournés; 2 ferments mannitiques, identiques à celui de M. Gayon, retirés de vins altérés récoltés dans le Caucase; 1 coccus à grains inégaux, retiré des vins du Caucase et isolé également du vin de Champagne; 3 ferments en chaînettes, retirés, 2 des vins blancs filants et 4 de vins tournés ou amers. CARACTÈRES DES MICROBES Tous ces ferments possèdent un certain nombre de réactions communes, ils prennent le Gram lorsqu’ils sont vivants, ne donnent jamais de spores, ne résistent pas à une exposition de 10 minutes à la température de 65°; ils se développent très mal dans la gélatine qu’ils ne liquéfient pas; ils poussent de préfé- rence dans l’intérieur de la gélose; le ferment mannitique, le ferment de la graisse et le coccus du vin de Champagne peuvent cependant être isolés en surface, après un certain nombre de passages en tubes ouverts. L’ajr gêne leur développement; il faut toujours ensemencer largement en tubes ouverts; dans une atmosphère confinée, l’air à la pression de 40 cm. de mercure, amène un retard de 15 jours dans des cultures faites dans 1,200 c. c. de bouillon en ballons de 3 litres, si on les compare à celles qui sont réalisées dans le vide. L’oxygène n’est pas absorbé sensiblement; tous ces ferments peuvent donc se passer de l’intervention de l’oxygène; ce sont des ferments anaérobies. Us ne se développent ni dans l’eau de levure sucrée, ni dans le bouillon Liebig, ni dans le bouillon de viande sucrés, le fer- ment mannitique mis à part, bien entendu. On pourrait très probablement les y acclimater. Ils ne se multiplient pas beaucoup dans le lait en tube ouvert; MALADIES DES VINS. 249 le ferment mannitique et un échantillon de ferment de tourne Font cependant coagulé au bout de 1 mois à 30®. COCCLS DES VINS DE CHAMPAGNE Ce microbe se présente au microscope en grains sphériques isolés ou groupés par deux, trois ou quatre, très inégaux comme diamètre (PI. II, fig. 1). Il forme des colonies spliériques, petites, dans la masse de la gélose, à contour bien délimité quand elles sont jeunes, pré- sentant au contraire des diverticules denses et courts quand elles sont âgées, leur couleur vire au café au lait en vieillissant; ceci est d’ailleurs un caractère commun à tous les ferments que nous avons isolés. En milieu liquide, il se produit un louche très persistant qui se dépose finalement sur les parois des vases où il forme un enduit très adhérent. Les transformations chimiques qu’il produit dans le bouillon de haricot à 5 p. 100 de saccharose sont très limitées; il donne naissance à de l’acide acétique en petite quantité; une culture laite dans 1,200 c. c. de bouillon à l’abri de l’air à 30® a fourni 48 c. c. d’acide carbonique au bout de 1 mois; il est plutôt nui- sible par le louche et le dépôt qu’il forme que par les altéra- tions qu’il provoque dans le vin; nous ne donnerons pas d’aulres renseignements sur ce microbe; nous pouvons cepen- dant affirmer qu’il est beaucoup plus répandu qu’on ne l’admet généralement ; il passe souvent inaperçu, en raison de l’irrégula- rité de ses éléments dans un dépôt où d’autres espèces prédo- minent. FEUMENT DE LA GRAISSE . Le ferment de la (iraisse ou des vins filants forme d’énormes chaînes dans les milieux liquides (fig. 3 et 4); il s’est toujours montré le même partout où nous l’avons rencontré, et peu de vins malades en sont exempts; parmi les échantillons de vins tournés ou amers que nous avons examinés, un seul vin tourné en était dépourvu; il doit jouer un grand rôle dans la maladie de l’amertume comme nous le verrons plus loin: ses éléments \, Kramer {loc. cit.) Ta rencontré sous cette forme très probablement. {Bac. viscosus vini.) 2o0 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. ne sont pas sphériques comme on peut s'en convaincre; ils s’al- longent de plus en plus en vieillissant, en même temps que les chaînes se disloquent ; il est alors nettement bacillaire ; dans les vins malades il peut passer inaperçu parce qu’il se rencontre le plus souvent sous cette forme ; Pasteur l’a dessiné sous sa forme caractéristique, à côté de gros bâtonnets du ferment de l’amertume. Quand on ensemence un dépôt de vin malade où le micros- cope nele décèle pas, c’est cependant lui qui pousse toujours le premier dans les milieux dont nous nous sommes servis. Ce résultat permet d’affirmer que nos ferments sont difî'érents de ceux que la plupart des auteurs ont obtenus. De tous les ferments que nous avons isolés, c’est lui le plus rustique après le ferment mannitique. Ses colonies sont caractéristiques dans la profondeur de la gélose; elles revêtent l’apparence de petites lentilles ovoïdes très aplaties à contours parfaitement limités. Quand elles sont rares, elles deviennent énormes et émettent des segments toujours aplatis et bien délimités. En milieu liquide il produit un trouble intense et assez tenace; il se dépose en une masse cohérente et visqueuse difficile à disloquer; lorsqu’on laisse les cultures dans une immobilité complète, le liquide devient huileux; il dégage beaucoup de CO^ et produit de l’alcool; il contribue donc à produire la ma- ladie connue sous le nom de pousse. Lorsqu’on brise la pointe des pipettes Roux, on observe la production de bulles de gaz, qui montent lentement à la surface en raison de la viscosité du mi- lieu. L’ensemble de ces caractères démontre donc nettement que le microbe que nous avons isolé est bien identique à celui qu’on rencontre dans les vins. FERMENT DES VINS TOURNÉS Les colonies qui se développent dans la masse de la gélose sont translucides, à contours très diffus; elles ressemblent, à un faible grossissement, à des colonies de bactéridie charbon- neuse; en vieillissant elles deviennent plus compactes, mais conservent toujours un contours effiloché : lorsqu’elles sont très clairsemées, elles grossissent beaucoup et poussent des diver- MALADIES DES VINS, .251 ticules formant le plus souvent trois ailettes se coupant suivant une même intersection, en formant des angles de lâC^ environ. .Ce caractère est comnaun au ferment de Tamertume et au ferment mannitique. Le nombre des lobes augmente lorsque les colonies atteignent un volume très grand. En bouillon, les cultures reproduisent exactement l’aspect des dépôts qui se forment dans les bouteilles; si la semence est faible, le liquide ne se trouble jamais ; les parois des vases se tapissent d’une couche feutrée peu adhérente, présentant de nombreux flocons sphériques très faciles à mettre en suspen- sion. La culture est formée de bâtonnets entrelacés avec de longs filaments sinueux (flg. 5); ceux-ci' sont* beaucoup plus nombreux dans les cultures anaérobies, .surtout quand les cultures sont âgées. FERMENT DE I.’ AMERTUME* Les cultures de ce microbe ne se distinguent dé celles du ferment de la tourne par aucun détail; tout au plus peut-on observer quelquefois, en milieu liquide, et en tubes ouverts, une plus grande tendance à la segmentation (fig. 6). On verra plus loin qu’on ne peut pas les distinguer non plus par les caractères physiologiques. PR()PRIÉTP:S PRYSIOEOGigUES DES DIVERS FERMENTS On n’a pas pu réussir, jusqu’à présent du moins, à établir, au point de vue physiologique, une distinction quelconque, entre les ferments de la graisse, de la tourne et de l’amer- tume. Tous se comportent de la même façon vis-à-vis du saccha- rose, du glucose, du lévulose ou du sucre interverti introduits dans le bouillon de haricot, et en cela, ils se confondent égale- ment avec le ferment mannitique. Les produits principaux auxquels ils donnent naissance sont : du CO 2 pur, comme produit gazeux; de l’alcool éthylique, de l’acide acétique, seul représentant des acides volatils, de l’acide lactique comme acide fixe et peut-être des traces d’acide succinique ; de la mannite en présence de lévulose libre, peut- être de glycérine, en milieux aérobies. Ces corps ont été déterminés qualitativement sur tous nos 252 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR échantillons de ferments. Nous donnons dans le tableau I les résultats quantitatifs obtenus dans des cultures faites en présence de lévulose ou de glucose à 1,8 0/0, à 30®, en ballons de 250 c. c. fermés seulement avec du coton. Le bouillon de haricot employé était neutre. Tableau I. GRAISSE TOURNE AMER Glucose. Lévulose. Glucose. Lévulose. Glucose. Lévulose. Alcool p. 1000 en poids. 1,72 0,20 1,34 0,22 1,40 0,23 Acide acétique p. 1000.. 1.22 2,43 0,76 2,11 0,43 1,71 — lactique — L35 1,32 2,42 2,16 2,84 2,51 Mannite — 0,00 11,49 0,00 6,12 0,00 4,94 Sucre restant — 12,01 1,10 11,64 0,08 12,20 7,30 Extrait sec — 29,69 32,10 30,34 32,76 31,90 33,29 Durée de l’expérience, . . 16 j. 16 j. 16 j. 16 j. 15 j. 15 j. Les chiffres de ce tableau montrent que la qualité des pro- duits est partout la même; on ne constate que des variations de quantité. L’alcool est peu abondant dans les cultures faites en présence de lévulose; par contre, l’acide acétique augmente en raison de la production de mannite ^ ; l'acide lactique reste à peu près constant en présence des deux sucres, pour un même microbe. Nous avous cultivé d’autre part les ferments de l’amertume et de la tourne, dans du moût de pinot, obtenu par macéra- tion du raisin à la température de GO®, afin de dissoudre la matière colorante; on a ensemencé une levure de Bourgogne, après, en même temps, ou avant l’introduction des ferments. Les cultures ont été réalisées à la température de 30» dans des ballons de 230 c. c. remplis jusqu’à la base du col. Le moût, stérilisé à la température de 120®, renfermait 17®’’, 45 0/0 de sucre, et possédait une acidité de 5,987, évaluée en acide tartrique. Les conditions imposées aux cultures les plaçaient au bout de quelques jours, sinon de quelques heures, à l’abri de l’oxygène, car les ballons étaient munis de bouchons en caoutchouc, qui portaient des tubes de dégagement dont l’extrémité plongeait sous Je mercure. ' 1. P. Mazé et A. Perrier. Annales de l’Institut Pasteur, t. XVII, p. îj87. MALADIES DES VINS. 253 Les résultats obtenus sont consignés dans le tableau II. Tableau II. levure et Tourne 1, Amer 1 et Amer 2 et Levure et Levure ense- Levure Levure Levure Tourne 2, Amer 1 Amer 2 seule. mène é s eusemble. 12 jours après. 12 jours après. seule. 6 jours après. seul. seul. 1 2 3 4 5 6 7 8 Alcool p. 1000 en V. 101,3 58,9 70,7 45 86 100 2,01 1,42 Acidité volatile, G^in02 Acidité fixe, pro- 0,ü7 7,23 6,02 7 0,51 1,03 6,73 8,86 duite, en acide lactique » 7,02 6,09 9,75 » 0,41 6,05 6,43 Acidité fixe totale, en acide taitri- que 6,05 11,84 11,06 14,11 5,96 6,33 11,02 11,34 Mannite p. 1000.. 0,00 31,7 31 40,92 0,00 0,65 28,60 42,10 Sucre restant, — . » » 24,27 39,47 36 21,83 120,93 111,45 Kxtrait sec, — . 39,26 96,27 83,12 102,6 67,11 37,63 199 187,22 Durée des cultures. 47 j. 47 j. 51 j. 51 j. 92 j. 106 j. 92 j. 92 j. On voit que le moût de raisin convient très bien à tous ces ferments; lorsqu’ils sont introduits dans les cultures en même temps que la levure, ils se développent aussi bien que lorsqu’ils sont ensemencés seuls; la levure ne les gêne pas ; par contre ils gênent la levure, en acidifiant très fortement les milieux, sur- tout en produisant de l’acide acétique; l’influence de cette action se traduit dans l’aspect de la levure: ses éléments s’allongent et se déforment beaucoup; si les ferments de maladie sont intro- duits 6 jours après la levure, ils se développent encore, et com- muniquent au produit les caractères d’un vin tourné, mais la liqueur ne renferme comme acides volatils que de l’acide acé- tique (col. 1). Mais pour obtenir ces résultats, il faut ensemencer largement des ferments jeunes (environ 2 c. c. du dépôt formé dans un tube, renfermant 12 à 15 c. c. de bouillon). Lorsqu’on emprunte la semence à des cultures âgées, le fer- ment n’a pas le temps de se développer avant la fin de la fer- mentation produite par la levure, et le vin reste inaltéré. Une culture âgée renferme en effet peu de germes vivants; on a véri- fié ce fait à diverses reprises par des isolements directs ; il en est d’ailleurs de même dans les vins altérés ; le dépôt est relati- vement pauvre en éléments jeunes, et c’est pour cela qu’il est si difficile d’obtenir des cultures en partant de ces dépôts. 251 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Si l’on considère la transformation que ces ferments réali- sent dans le moût de raisin, on voit qu’ils produisent des quan- tités relativement élevées d’acide lactique et de mannite ; ces deux composés ont été déjà signalés dans les vins malades ou dans les milieux artificiels avec lesquels on avait cultivé les fer- ments de maladie ; Pasteur a retiré d’un vin tourné plusieurs décigrammes d’acide lactique mais ni l’un ni l’autre n’ont été trouvés jusqu’ici dans les vins amers; leur abondance dans les milieux artificiels, opposée à leur rareté dans 'les vins, ne saurait cependant nous surprendre; le vin, malgré la fréquence de ses altérations, reste malgré tout un milieu médiocre où les transformations restent limitées en raison même de l’absence ou de la rareté des composés qui les favorisent. . . . L’acide lactique provient des sucres, la mannite du lévulose, or, les sucres sont toujours peu abondants dans les vins, et il suffit qu’ils dépassent 2 ou 3 grammes par litre pour que les fer- ments de -maladie s’y implantent et s’y développent. Malgré la lenteur avec laquelle ils se multiplient,' ils attei- gnent néanmoins un poids élevé, que l’on peut évaluer sans exagération à 0,o — 1 gr. par litre; c’est donc 1 gr. de sucre,' au bas mot, qui disparaît à l’état de substance vivante; le reste donne de l’acide lactique, de la mannite, de l’alcool, du CO^ et de l’acide acétique ; la part qui revient à chacun est donc très fai- ble, si bien que, lorsqu’on n’est pas prévenu, l’acide lactique et- la mannite peuvent passer inaperçus ; rien ne prouve du- reste que l’acide lactique, en particulier, ne soit pas détruit peu à peu dans les cours de la maladie; on sait en elfet que la glycérine et l’acide tartrique sont quelquefois détruits; l’acide lactique n’est pas plus réfractaire qne ces deux composés aux actions microbiennes; il peut donc être détruit comme eux. Tout autres sont les conditions qu’on réalise dans les milieux artificiels; le sucre est abondant et la température favo- rable ; les ferments se développent mieux et plus vite ; les trans- formations ne sont limitées que par l’accumulation des pro- duits de fermentation, et c’est toujours l’acidité qui arrête les cultures; on trouve donc facilement tous les composés qui se sont formés aux dépens des sucres. I. Le Vin, page 56. — Balard a retiré directement de l’acide lactique de plusieurs espèces de vins, et notamment de vins qui n’avaient jamais été réputés altérés. Cite par Pasteur, p. 55. MALADIES DES VINS. 255 Malgré la vraisemblance de cette interprétation, il faut reconnaître que la présence de l’acide lactique et de la mannite dans les cultures artificielles du ferment de l’amèr, et l’absence d’acide propionique dans celles du ferment de la tourne, sem- blent indiquer que nous n’avons pas isolé de vins amers ou tour-' nés les espèces réellement actives. Il s’agit donc de se demander si les ferments que nous venons d’étudier sommairement sont capables de se développer dans les vins. Le meilleur moyen de l’établir, c’est assurément de les y cultiver; mais il n’est pas toujours facile de se procurer du vin dans un état convenable pour une pareille démonstra- tion. A défaut de cette démonstration qui ne saurait tarder, on peut déjà faire remarquer que tous les ferments que nous avons isolés possèdent des propriétés telles qu’aucun des éléments constituants du vin ne saurait empêcher leur dévelop- pement. L’acidité est l’agent antiseptique le plus actif du vin ; cette acidité est toujours doublée ou triplée par les ferments de mala- die dans le moût de raisin; leur développement sera donc tou- jours assuré là où il y aura 3 ou 4 0/00 de sucre et de matières azotées. Si on ajoute à cela que l’isolement des espèces microbiennes présentes dans une maladie donnée conduit toujours à des résul- tats identiques, du moins si l’on part d’un vin amer, on a quel- que raison d’admettre que les ferments que l’on obtient, se con- fondent avec ceux qui agissent dans les vins. VINS TOURNÉS ET AMERS La conclusion qui ressort le plus nettement de l’étude des propriétés physiologiques des ferments que nous avons isolés, c’est qu’ils agissent tous de la même façon sur les sucres ordi- naires; le coccus (fig. 1) excepté. Ils semblent avoir les mêmes besoins et partant, sont capables de se développer dans les mêmes milieux; c’est pour cela qu’ils poussent indifféremment dans les vins blancs ou rouges ; l’amer seul semble se localiser dans les vins rougesi; on peut donc prévoir qu’ils sont capables de se développer simultanément dans, un même, vin. Pratique- ment, c’est ce qui se produit; l’association de ces espèces dans ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. 2;>(> les vins altérés est la règle ; la présence d’une espèce unique est une exception qui n'est réellement fréquente que dans les vins blancs filants, ouïes vins troubles de Champagne. Deux vins du Caucase, un rouge et un blanc, nous ont fourni la série complète de nos ferments, celui de l’amer excepté. La tourne et l’amer sont toujours accompagnés du ferment de la graisse; mais jusqu’ici nous n’avons rien dit de la part gui revient à ce dernier dans les altérations causées par les associations microbiennes; notre méthode d’isolement ne permet pas en effet de se faire une idée de l’abondance relative des ferments associés ; le microscope ne fournit pas des indications sûres sur ce point particulier; le ferment de la graisse se montre en général sous son aspect caractéristique dans les vins filants, parce que cette altération est aussi brusque que passagère; mais lorsque la maladie affecte un développement lent, comme la tourne et l’amer, le ferment de la graisse se disloque et ses éléments s’allongent beaucoup, un œil prévenu distingue faci- lement à côté des filaments de tourne et d’amer des bâtonnets beaucoup plus fins groupés en chaînettes de deux ou trois éléments qu’il est impossible d’identifier avec la forme prédo- minante; ce sont des ferments de la graisse déjà vieux. Nous avons eu l’occasion, une seule fois, d’étudier un vin de l’année en voie de tourner. Ce vin avait été mis en bouteille dans le courant de janvier; vers le milieu du printemps, il a présenté tous les symptômes d’un vin tourné: la maladie s’est aggravée durant l’été, et au mois de septembre, quelques bou- teilles se sont débouchées spontanément. Au microscope, on constate la présence du ferment de la tourne, qui forme un dépôt très abondant au fond des bouteilles, quoique complètement privé de cellules de levure. L’analyse chimique fournit les renseignements suivants relatifs aux éléments les plus intéressants. Tabi.eau 111. Acidité totale en l‘ar litre. 7,468 Acidité volatile — 4,5.83 Acidité fixe CUT60« — 5,551 Acide acétique — 1,277 Acide propionique ‘ — 0,315 On a pris une goutte du dépôt, et on l’a diluée dans 12 c. c. de bouillon; avec la dilution, on a ensemencé des tubes de MALADIES DES VINS. 257 • : v,.. . • gélose encore liquide à la température de Des colonies nombreuses se sont développées dans la masse de la gélose; elles étaient dues en grande partie au ferment de la graisse, c’est-à-dire un ferment de tous points identique à ceux des figures 3 et 4 ; les colonies de tourne étaient bien moins nombreuses. Si Ton se reporte aux chiffres du tableau I, on voit que le ferment en chaînettes fournit les mêmes produits de transfor- mations que son associé, et contribue pour sa part à 'donner de l’alcool et du CO % des acides volatils qui caractérisent la pousse et la tourne, au même titre que le ferment en bâtonnets de la tourne. Voilà donc une observation directe qui confirme ce que nous avons annoncé dés le début de ce travail ; les maladies des vins sont dues presque toujours à des associations microbiennes; c’est un fait dont il faudra tenir compte lorsqu’on voudra com- muniquer à des vins sains, des maladies déterminées en partant de cultures pures: Le ferment en chaînettes est, de toutes les espèces que nous avons isolées, de beaucoup le plus répandu; nous l’avons aussi rencontré, nous le répétons, dans tous les vins amers que nous avons examinés, nous avons même constaté, dans ces derniers, qu’il semble survivre au ferment de l’amer; nous citerons deux observations qui tendent à le démontrer : Un vin de Bourgogne, reçu au laboratoire au commencement de 1902, est caractérisé à la dégustation comme vin tourné ; le microscope confirme ce diagnostic; à l’isolement, ce vin donne deux ferments ; le ferment en bâtonnets et le ferment en chaînettes ^ On bouche une bouteille laissée intacte avec un bouchon en caoutchouc, et on l’abandonne pendant un an à la température de 2oo. Au bout de ce temps, on l’examine de nouveau. On constate d’abord une pression assez forte à l’intérieur de la bouteille, le vin est décoloré et possède une saveur amère très prononcée; le dépôt présente la plus belle flore de vin amer que nous ayons rencontrée. 1. Lorsque la maladie de l’amer est à ses débuts, le ferment jeune et libre de tout dépôt inconstant de matière colorante peut être confondu avec celui de la tourne. 17 258 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Après 6 mois cTun nouveau séjour à la température ordinaire du laboratoire, on voit que les faisceaux de bâtqnnets qui caractérisent les vins amers commencent à se dissocier ; par contre, le ferment de la graisse a sensiblement repris, et on trouve les chaînettes typiques que le ferment reproduit exclu- sivement pendant qu’il est jeune. L^amertume a presque disparu et le bouquet est agréable. Le tableau IV, colonne Bg, résume la composition de ce vin, en ce qui concerne les éléments intéressants. On remar- quera que son titre alcoolique est très élevé, et que par contre, son acidité fixe est faible. Un autre échantillon de vin de Bordeaux amer, reçu à peu près à la même époque, a été conservé dans les mêmes condi- tions et pendant le même temps. Au début, le microscope montre encorele ferment de l’amer- tume ; le vin est très amer et très décoloré. Au bout d’un an, le dépôt est complètement transformé en une masse de petites spères brunâtres, où on ne trouve plus les gros faisceaux enrobés de matière colorante, si nombreux lors de la première observation. Six mois plus tard, les sphérules se sont transformées en une masse de dépôt amorphe, oùTon trouve des bacilles fins assemblés en chaînettes et des ferments jeunes carac- téristiques du ferment de la graisse. Le vin est moins amer à la dégustation, et son bouquet n’est pas très altéré. On avait isolé de ce vin, au moment de sa réception, un bacille qualifié amer 2 dans les tableaux I et II, et un ferment de la graisse, qui est reproduit dans la figure 2. Ce dernier s’est donc conservé 1 an et 6 mois dans ce vin, à une température relativement élevée, et au bout de ce long- intervalle de temps, il se multipliait encore, alors que le ferment de Tamer avait complètement disparu. L’analyse de ce vin est reproduite dans le tableau IV, colonne Bd. MALADIES DES VINS. 259 Tableau IV. Vin BS' Vin Bd. Observations Alcool en V. p. 100 . 1 1 ,56 8,07 L’acidité 1 vo- Acidité volatile en (.-ll+ü- Diir iiln 2,01 l,()3 latile est cons- Acidité fixe en — 5,35 5,36 tituée par du Substances réductrices en ^nucose. — 0,20 traces (1^11^02 pur dans Extrait dans le vin filtré — li,06 16,03 Bg, inélan’gé Aldéhydes traces à peine sensibles. traces d'une trace d’a- cide propion, dans Bd. On voit que l’acidité totale de ces vins est peu élevée : c’est ce qui favorise la durée d’action des ferments de maladie ; de plus, le sucre est très peu abondant et l’extrait ég-alement très faible; ce sont donc des vins très dépouillés, et les ferments qui s’y implantent ne sauraient, en raison de la pénurie des su(‘res, pré- senter la rapidité de développement qu’on observe assezsouvent dans les vins atteints de pousse ou de tourne; la rarcb) de cet aliment peut être invoquée aussi pour expliquer la disparition de la glycérine, observée par M. Duclaux, et peut-être la décom- position de la matière colorante. La constitution du vin jouerait ainsi un grand rôle dans l’évo- lution et la spécifiléde la maladie ; nous avons dit que les diverses espèces de ferments que nous avons isolés peuvent se dévelop- per indifféremment dans un vin susceptible de s’altérer; l’iiistoire de ces deux vins amers en est une nouvelle preuve, et on peut alors se demander si, en réalité, ce n’est pas la composition du vin qui détermine le genre de la maladie qu’il est susceptible de présenter sous l’influence d’une invasion microbienne. CAUSES d’altération DES VINS On connaît depuis Pasteur les causes qui favorisent le déve- loppement des ferments des maladies; nous n’avons pas d’obser- vations nouvelles à présenter sur cette question. Tout au plus, nos recherches permettent-elles de les mieux cataloguer. Si l’on veut mettre les vins à l’abri des invasions micro- biennes, il faut favoriser autant que possible la disparition des substances qui les provoquent. ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. ^>30 En tête de ces substances viennent les sucres et les matières azotées; comme les vins en renferment toujours, on peut affir- mer que, théoriquement, ils ne sont jamais à fabri des ferments de malad'es; mais, pratiquement, leur prolifération est presque toujours très limitée, et comme les produits qu’ils forment aux dépens des sucres sont à peu près les mêmes que ceux que donne la levure, l’altération ne devient sensible que lorsque ces corps, en particulier les acides, atteignent une proportion élevée ; il faut pour cela que le vin renferme une quantité assez grande de sucres. ; Bien des facteurs influent sur le montant des sucres qui échappent à la fermentation ; tous ceux qui tendent à l’exagérer constituent des causes indirectes d’altérations. En premier lieu, il faut citer les mauvaises fermentations; celles-ci se produisent généralement par les basses températures. Les cuves de dimensions exagérées prolongent également la durée des fermentations, parce que la levure ne peut pas se multiplier aussi activement dans une masse aussi considérable où l’air ne saurait se renouveler une fois qu’il a été absorbé ; on sait que la prolifération de la levure est limitée à l’abri de l’air; le poids de cellules actives n’est pas proportionnel au poids de la vendange, il est surtout en rapport avec la quantité d’air dont dispose la levure; et pour une même quantité d’oxygène absorbé, la fer- mentation s’achèvera d’autant plus vite que le volume du moût est plus faible. Le degré de maturité du raisin influe également sur la marche de la fermentation ; lorsque la vendange est bien mûre, elle fermente mieux; le raisin insuffisamment mûri est trop riche en acide, et une acidité élevée paralyse l’activité de la levure parce que la zymase se conserve moins bien en milieu acide. Les années de mauvaise maturation sont des années de tourne. Une circonstance qui aggrave le danger résultant d’une fer- mentation incomplète, c’est que l’azote qui passe dans le vin varie dans le même sens que le sucre; si la prolifération de la levure est limitée, il y a moins d’azote entraîné dans la lie; une fermentation paresseuse retarde le premier soutirage et la levure subit une autophagie avancée ; elle rend donc au vin une partie de l’azote qu’elle avait emprunté au moût. MALADIES DES VINS. 261 Le raisin, de son côté, apporte, suivant les circonstances, plus ou moins d’azote dans le vin ; en particulier le raisin de vigne mildiewsée est plus riche en azote que celui qui est récolté sur unevigne saine. Les vins récoltés sur les vignes mildiewsées sont très fragiles^ . Un mauvais collage laisse de l’azote dans le vin et peut être le point de départ d’une invasion microbienne. Les différents crus sont naturellement plus ou moins riches en azote; les vins deBourgogne sont réputc's pour leur fragilité; ils sont deux fois plus riches en azote (jue les vins* des autres régions; cette particularité n’est pas sans inconvénient au point de vue delà conservation. L’acidité, toutes choses égales d’ailleurs, est un obstacle au développement des ferments de maladies. Mais elle ne peut, en aucun cas, mettre les vins à, l’abri de toute atteinte, si les autres conditions favorables sont réalisées. Nous avons vu en effet que les levures sont plus sensibles aux acides que les ferments de la tourne, de l’amer ou de la graisse; ceux-ci produisent jusqu’il J /1 00 d’acide acétiqae si le sucre est abondant; pendant que l’acidité totale monte à 2/100; aucune levure ne peut faire fer- menter un moût aussi acide, surtout quand l’acide acétique y entre pour la moitié. C’est dire qu’un moût capable de subir la fermentation alcoo- lique ne peut pas se défendre par la suite, en raison de sa cons- titution, contrôles ferments de maladies. Le seul moyen de le mettre à l’abri des altérations qui recon- naissent cette origine, c’est de l’épuiserlepluspossible en sucres et en azote ; comme il est impossible de l’en priver complètement, il faut considérer le vin le plus sain comme ayant été ou comme étant susceptible de devenir plus un moins malade. L’alcool aussi peut contribuer a paralyser les microbes, le tanin peut-être; mais ni l’un ni l’autre ne sont évidemment des agents protecteurs absolus ; le tanin semble jouer un cer tain rôle dans la maladie de la graisse, car les vins rouges, où il est très répandu, sont rarement filants, mais cela ne veut pas dire que le ferment ne s’y développe pas . Il ne faut pas oublier cependant que des doses élevées d’aci- dité, d’alcool et de tanin donnent de la stabilité au vin, et toutes 1. Manceau, C. R., t. CXXXVII, p. 9^8. 2G2 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. les causes qui interviennent pour diminuer ces doses, diminuent aussi sa résistance ; les cuves en ciment non affranchies ont l’in- convénient de diminuer l’acidité; la précipitation delà crème de tartre agit dans le même sens. Parmi les agents de protection du vin qui interviennent natu- rellement, quoique n’entrant pas dans sa composition, il faut citer l’oxygène; tous les ferments que nous avions étudiés sont anaérobies; l’oxygène gêne beaucoup leur développement- Dans les vins en bouteille, ces ferments ne rencontrent pas d’oxygène ; il faut le regretter car, pour les vins de Bourgogne, par exemple, une petite quantité d’air suffirait souvent pour les protéger contre la maladie de l’amer; nous pensons même qu’il suffirait quelquefois de placer les bouteilles debout, au lieu de les incliner, pour constater les bons effets de l’oxygène qui diffuse à travers les bouchons. Babo et Nessler recommandent d’ailleurs d’aérer les vins atteints d’amer, parce que l’aération fait disparaître l’amertume par voix d’oxydation; à cela, nous ajouterons qu’on arrête en même temps le développement du ferment. C’est aussi une pratique excellente, dans les pays chauds, que celle qui consiste à faire circuler les moûts en fermentation sur des réfrigérants; non seulement on régularise la marche du phénomène en modérant la température et en aérant la levure, mais on entrave d’une façon très efficace le développement des ferments de maladie dont les invasions sont si soudaines lorsque la levure est gênée par la température. RÉSUMK Les vins malades, jeunes ou vieux, sont envahis par un certain nombre d’espèces microbiennes qui sont presque toujours associées. Les vins tournés renferment quelquefois presque toutes les espèces (|ue nous avons étudiées; le ferment de l’amertume est toujours accompagné du ferment de la graisse dans les vins que nous avons examinés. La raison de ces associations se trouve dans ce fait que les propriétés physiologiques de ces ferments sont à peu près iden- tiques; ils délruisent les sucres ordinaires suivant les mêmes MALADIES DES VINS. 263 processus, et les produits de fermentation se forment à peu près dans les mêmes proportions. Ils peuvent donc se développer dans les mêmes milieux, et comme ils sont plus résistants aux acides que les levures, ils prolifèrent indilFéremment dans tous les vins, pourvu qu’ils y trouvent des sucres et des matières azotées. Nous n'avons pu reproduire ni les caractères objectifs de l’amer, ni observer la destruction de la crème de tartre ou la formation d’acide propionique dans les cultures pures de nos fer- ments. Cela tient à ce que nous avons opéré en présence de grandes quantités de sucre, et peut-être aussi à l’emploi d’une espèce pure; les associations sont toutes indiquées par les nombreuses observations que nous avons faites. Le plus répandu de tous les ferments de maladie est celui de la graisse; c’est le plus facile à isoler, et comme il n’a jamais été cultivé par les auteurs, nous pensons que les ferments que nous avons retirés des vins vieux atteints de tourne ou d’amer sont différents de ceux qui ont été isolés jusqu’ici. Les vins pauvres en sucres et en azote peuvent être considé- rés comme stables vis-à-vis des ferments de maladie ; mais lorsque ces deux substances sont présentes en quantités sen- sibles, aucun élément constituant du vin ne peut offrir une bar- rière suffisante au développement des microbes. LÉGENDE DE LA .PLANCHE II Les photographies reproduites dans la planche ont été faites avec des pré- parations colorées parla méthode de Gram. Ces préparations ont été obte- nues avec les dépôts qui se forment dans les cultures en milieu liquide et en tubes ouverts. Le grossissement (800 D) est le même partout. Fig. 1.* — Goccus isolé des vins du Caucase et des vins de Champagne. . Fig. 2. — Ferment mannitiqiie retiré des vins du Caucase. Fig. 3. — Ferment de la graisse isolé d’un vin rouge amer ; les éléments ne sont pas sphériques (cultures trèsjeunes). Fig. 4. — Ferment de lagraisse retiré d’un vinblanc filant. Identique an précédent comme aspect. Fig. 5. — Ferment de la tourne. Fig. g. — Ferment de l’amer. APPAREIL POUR L’AGITATION CONTINUE DES CULTURES LE Di- £. BODIN ET LE D' E. CASTEX Professeur ù l’École de médecine de Rennes. Professeur à l’École de médecine de Rennes. L’action de l’agitation continue sur les cultures liquides des bactéries a déjà donné de remarquables résultats, notamment pour la tuberculose; on peut s’en rendre compte par divers travaux, comme ceux d’Arloing, de Courmont et Descos, d’Auclair. Il est donc fort utile de posséder dans un laboratoire de bactériologie un appareil permettant de soumettre les cul- tures à cette agitation. Plusieurs instruments destinés à remplir ce but existent actuellement, mais ils offrent l’inconvénient d’être fort dispen- dieux : tel par exemple celui qu’a proposé récemment M. Cour- mont^; nous avons donc pensé qu’il est intéressant d’indiquer ici un petit appareil d’un prix de revient extrêmement modique et avec lequel il est aisé de soumettre à l’agitation continue les cultures liquides en tubes. Au laboratoire de bactériologie de l’Université de Rennes, où cet appareil fonctionne depuis plusieurs mois, nous avons grâce à lui obtenu rapidement et entretenu d’une manière constante des cultures de tuberculose parfaitement homogènes, pouvant être utilisées pour le séro-diagnostic ou pour toute autre expé- rience. Il se compose (lîg. 1, plan A et coupe B) d’une plate-forme a sur laquelle se placent les tubes à agiter, au nombre de douze, Cette plate-forme peut tourner autour d’un axe horizontal bb' et reçoit un mouvement alternatif au moyen d’un galet c, qui roule sur une came elliptique et excentrée d, mue par un arbre e avec une poulie f. L’axe de rotation de la plate-forme est constitué par deux vis à bois à tête ronde, vissées dans la plate-forme sur le pro- 1. P. Courmont, Agitateur électrique pour obtenir et entretenir des cultures liquides homogènes, de physiol. et de pathol. générale, t. V, n° 3, la mai 1Ü03, p. 538. appareil pour L’AGITATION CONTINUE DES CULIURES. 265 longement Tune de l’autre. Elles tournent dans deux supports fjg' fixés à la tablette h. Il est bon d’interposer, entre la plate- forme et les supports, deux rondelles ü pour diminuer le frot- tement de ces pièces. Le galet c, en bois ou en métal, garni de caoutchouc, tourne entre deux cornières jj\ en cuivre de 1 millimètre d’épaisseur. L’arbre e de la came est un tube de cuivre ou laiton de 8 mil- 206 . 4NNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. limètres de diamètre extérieur et de 1 millimètre d^épaisseur. La came en bois peut être simplement goupillée sur le tube, la goupille affleurant la surface de la came. L'arbre tourne dans deux supports en bois kk ; pour amoindrir le frottement qui, cuivre sur bois, serait assez grand, le plus simple est de garnir le trou de chaque support d’un bout de tube de cuivre l (D) de diamètre intérieur convenable. Deux bouts de ce même tube, w et m (A et D), goupillés sur l’arbre e, avec un jeu suffi- sant, empêchent les mouvements de latéralité de l’arbre. La poulie en bois f est vissée sur une rondelle n (G) soudée à un bout O du tube qui sert pour les pièces /, m, m'. Une gou- pille fixe le tube o à Tarbre. Les échelles donnent les dimensions exactes de cet agitateur. Il peut se placer dans l’étuve du docteur Roux, modèle n° 2 de Wiesnegg, qui n’a besoin d’aucune modification; l’arbre e sort par un des trous d’aération et la poulie, placée à l’extérieur, permet d’entraîner l’agitateur par un moteur quelconque. Nous nous servons personnellement d’une petite turbine à eau de Rabe, fournie par la maison Cogit; à la vitesse convenable, la dépense d’eau est de 400 litres environ à l’heure (pression de l’eau au laboratoire, 45 m.). Étant donné le faible rendement de ces petites turbines, un moteur électrique de2 à 3 kilogrammètres serait certainement suffisant pour le fonctionnement de l’appareil. L'inclinaison de la plate-forme supportant les tubes est calculée de telle sorte que le liquide contenu dans ces tubes (remplis jusqu’à 1/3 environ de leur hauteur) ne puisse venir au contact du bouchon de ouate. Quand l’appareil fonctionne, le liquide est animé d’un mouvement de va-et-vient dont l’amplitude est suffisante pour brasser toute la masse et que l’on peut rendre plus ou moins rapide en réglant la vitesse de l’appareil. Une remarque doit être faite relativement à l’agitation des cultures déjà bien développées : si l’agitation est intermittente, après les périodes de repos les grumeaux de la culture se déposent au fond du tube, et, comme c’est la partie du vase où le liquide est le moinsagité, certains de ces grumeauxpeuvent rester adhérents aux parois lorsque l’on fait à nouveau fonctionner l’appareil. Pour parer à cet inconvénient, il suffit d’agiter vive- ment les tubes à la main pour bien décoller les grumeaux avant la mise en marche. Par M. TRIOLLET Il est bien démontré que la stérilisation du catgut à Tauto- clave est la seule qui offre les garanties bactériologiques indis- pensables. Mais le catgut ne doit pas subir à cbaud le contact de la vapeur d’eau qui le gélatinise et le rend* friable. Aussi, comme l’a démontré le D'’ Répin*, faut-il opérer en milieu anhydre. Mais l’alcool à 100®, dont on se sert ordinairement pour cette stérilisation, s’bydrate aisément, d’où la fragilité trop fréquente du catgut stérilisé en milieu alcoolique. Il est préférable de substituer de l’acétone, qu’on obtient plus facilement anhydre, et qui conserve mieux, par conséquent, la solidité du catgut. Toutefois, s’il est utile d’avoir un catgut stérile et solide, il est nécessaire qu’il soit souple. Or, la souplesse ne peut s’obtenir qu’en présence d’eau. Cette eau étant nuisible pendant la stérili- sation, mais indispensable après, il fallait trouver le moyen de l’ajouter au catgut, stérilisé en milieu anhydre, sans ouvrir le flacon M. J’ai résolu la difficulté en faisant usage du dis- positif suivant: on enroule le-catgut autour d’un petit flacon — 1. Annales de l'Institut Pasteur, 1894, vol. VIII, p. 20. 208 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. bobine A — fermé comptais beaucoup sur le nouveau venu, le géologue, que la force des choses obligeait à prendre le plus souvent hors du service départemental, parmi les auxiliaires du service de la carte géo- logique de France, et j^avais commencé à travailler pour lui, non pas pour lui donner, bien entendu, une leçon de géologie, qu’il savait mieux que moi, mais pour lui montrer dans un cas particulier quelles étaient les questions à résoudre‘«et comment elles se présentaient, lorsque je vis apparaître la loi sur la Protection de la Santé Publique promulguée le lo février 1902. Je ne saurais cacher qu’elle m’a désolé. Je rends volontiers hommage à tous ceux qui se sont dépensés autour d’elle. Je ne dis même pas que l’état actuel de l’opinion publique à l’égard de l’hygiène rendît possible de mieux faire. Mais on peut apprécier l’effort et ne pas applaudir au résultat. Tout mon livre à'Hijfjiène sociale ‘ était à l’avance dirigé contre cette loi. Je la considère toujours comme inexécutable, et cette ambi- tion de faire grand, lorsqu’on ne peut pas même être sur de faire petit, me semble maladive. Mais ce n’est pas une raison pour ne pas continuer à travailler. J’avais commencé, pour donner un peu de compétence à ceux qui n’en avaient pas; la loi nouvelle en a augmenté le nombre dans les Conseils d’hygiène des dépar- tements et arrondissements : elle augmente aussi leurs respon- sabilités; c’est à eux. qu’il faut penser, et que s’adressent les résultats du travail précédent. Ils se résument, en somme, en ceci: on peut se faire assez vite et à peu de frais une idée approximative, mais juste, de la circulation des eaux souterraines, des plans d’eau qu’elles pré- sentent, de leur pente, de leurs chances d’infection, de l’abon- dance et la de qualité des sources ou des puits par une ana- lyse chimique faite dans des conditions particulières. Lesélémentsdecetteanalysesontvariables eten petit nombre. Dans le Cantal, ça a été du calcaire et du sel marin. Ailleurs, ils pourront être autres. Il faudra dans tous les cas faire plusieurs analyses sur un même point et dans la région, pour pouvoir se faire une idée de l’état moyen et établir les comparaisons néces- saires. C’est parce que, autrefois, les analyses se comptaient par unité qu’il était impossible d’en tirer quelque chose. J’en peux dire autant de la température. C’est parce qu’on se contentait i. L’Hygiène sociale. Paris Tâbrairie Félix Alcan, oct. 1901. 272 ANNALES DE L’INSTIÏUT PASTEUR. de plong-erune fois un thermomètre dans l’eau qu’il n’y avait rien à conclure du cliilfre obtenu. En somme, ce ne sont pas des élé- ments nouveaux (jue j’apporte dans la question; ce sont des moyens nouveaux de tirer parti de ceux que l’on possède. Pour ne rien compliquer, j’ai laissé de côté tous les rensei- gnements d’ordre bactériologique. Ce n’est pas que je les dédai- gne: c’est cftie je n’ai pas eu le temps. On peut, comme je le montrerai, tirer de leur étude des renseignements utiles. Mais, à moins de circonstances exceptionnelles, il faut bien savoir qu’ils sont de second ordre et qu’une étude préliminaire peut les négliger. Les autres suffisent pour nous donner l’indication des bonnes eaux, ce qui est l’essentiel, et, en les employant, les hommes, comme les cités, s’apercevront qu’il y en a toujours, et que l’hygiène est une amie, au lieu d’être l’ennemie qu’on se représente, bonne surtout quand elle a passé. Le gérant : G. Masson. Sceaux. — Inipriinenc Cliaraire. Hêlio^.Din ardin. Pkot.Rives. année MAI 1904 No 5 - ANNALES DE L’INSTITÜT PASTEUR L’Institut Pasteur est encore une fois en deuil; Emile Duclaux, son directeur, le fonda- teur de ces Annales^ est mort le 3 mai dernier. En moins d’une année, Nocard et Duclaux nous ont été ravis ! Tous ceux qui ont fréquenté l’Institut Pas- teur comprendront notre profond chagrin, car ils connaissent les sentiments qui unissaient les travailleurs de cette maison à son directeur. Ces sentiments étaient ceux de confiance, de respect et d’affection qu’inspire un véritable chef. Après Pasteur nul ne convenait mieux que Duclaux pour diriger cet Institut, où sont rassemblés de jeunes savants dont il savait respecter l’indépendance, tout en orientant leurs efforts vers un but commun. Son autorité était aimée, car elle tenait non à sa situation mais aux qualités de son esprit et de son cœur. On allait vers lui lorsqu’on se sentait perdu dans les obscurités d’une recherche scientifique, on y allait aussi quand on se sentait atteint par les misères de la vie. La confiance naissait dès l’abord, tant son accueil était cordial, tant le lumineux regard de son œil bleu un peu railleur exprimait de bonté. Duclaux avait bientôt com- pris ce qüe vous attendiez de lui ; sa lucide intel- ligence écartait l’obstacle qui vous arrêtait et 18 son bon cœur trouvait toujours de quoi ré- conforter. Il ne perdait jamais une occasion d’obliger. En le quittant on se sentait meilleur pour les luttes scientifiques comme pour les luttes morales. La conversation de Duclaux, simple, imagée, pleine d’idées originales, était charmante; elle était de plus bienfaisante, parce qu’elle laissait transparaître un caractère d'une rare beauté. Aussi, cet homme si jaloux de son indépendance, si respectueux de celle des autres, était-il devenu, sans s’en douter, un directeur de consciences. Aucun de nous, disciples ou amis, n’aurait eu l’esprit tranquille si Duclaux avait désapprouvé quelqu’une de ses actions. Cette infiuence, Duclaux la devait à ce que ses actes valaient encore mieux que ses paroles. Lorsqu’il croyait une chose juste, rien ne l’aurait empêché de l’entreprendre. Il allait de l’avant sans forfanterie, sans souci des préjugés à renverser non plus que des coups à recevoir. Il était de ces hommes peu communs qui soutien- nent une cause, non pour les avantages qu’elle peut rapporter, mais simplement parce qu’ils la jugent bonne. Duclaux défendait celles qu’il avait adoptées avec la ténacité de sa race auver- gnate et aussi avec une force de pensée, une clarté, une allégresse généreuse qui rendaient sa foi communicative. Quant aux attaques contre sa personne, il les supportait avec une impertur- bable sérénité; ce savant au corps mince et aux membres frêles possédait le vrai courage, il le possédait au point d’en donner aux autres dans les moments tragiques. La bonté, le culte désintéressé du juste et du vrai ont été les règles de sa vie privée comme ÉMILE DUCLAUX 275 de sa vie scientifique. C’était un bonheur pour lui que de rencontrer dans un mémoire des faits nouveaux et des expériences bien conduites^ Si le travail venait d’un jeune, sa joie était complète. Il le signalait dans ses articles des Annales^ qui étaient des merveilles d’exposition et de critique. Si bien que l’auteur trouvait souvent dans les analyses de Duclaux plus qu’il n’avait mis lui-même dans Toriginal. Pour faire valoir les travaux d’un débutant, Duclaux n’hésitait pas devant la tâche ingrate de retoucher le manuscrit, de l’élaguer, parfois même de le récrire pour que ressortît mieux le point intéressant qui n’était pas toujours celui que l’auteur avait cru. Ses critiques pénétrantes et justes, d’un tour original et piquant, ne blessaient jamais; elles remettaient dans le droit chemin et gardaient de la vanité. Des correspondants de tous les pays recher- chaient les conseils de Duclaux qui passait une bonne part de son temps à converser avec eux. Il excellait à découvrir les jeunes talents et à leur donner conscience d’eux-mêmes. Il était vraiment un accoucheur d’esprits, car il savait amener au jour ce qu’il y avait de bon dans les conceptions les plus confuses. Duclaux était avant tout un indépendant. Il estimait les doctrines scientifiques à leur fécon- dité sans les croire définitives, et pensait volon- tiers que les périodes fructueuses de la science sont celles où les dogmes sont ébranlés. Son savoir était yéritablement encyclopédi- que ; Duclaux avait étudié à fond les sciences mathématiques et physiques et était apte à com- prendre toutes les autres. Aussi était-il capable 276 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. d’écrire un livre comme son Traité de microbio- logie et de traiter avec compétence des sujets de physique et des sujets de médecine. Les lec- teurs de ces Annales en ont eu maintes fois la preuve dans les revues critiques où il mettait une question au point avec une précision et une aisance admirables. Ce n’est pas à eux qu’il est besoin de rappeler les qualités de Duclaux écrivain. Aucun savant de son temps n’a mieux écrit que lui, aucun n'a mieux employé son talent. Duclaux a été un professeur incomparable. Sa facilité de parole n’a jamais servi à masquer les difficultés d’un sujet; il allait au fond des choses sans fatiguer l’attention parce qu’avec lui tout devenait facile à comprendre. Ses leçons ont déterminé plus d’une vocation et provoqué de nombreux travaux. Il semait des idées et se réjouissait de les voir lever sur le terrain d’autrui. Les regrets qu’inspire la perte d’un tel homme ne s’éteindront qu’avec ceux qui l’ont connu. Mais l’estime et l’admiration pour Duclaux seront durables, car ses ouvrages seront là pour attester qu’il était un homme de science de premier ordre et, ce qui est beaucoup plus rare, un noble caractère*. 1. Dans le prochain no de ces Annales, les leclenrs trouveront une notice sur les travaux scientifiques de E. Duclaux. RECHERCHES Sur le mode d’utilisation du carbone ternaire PAR LES VEGETAUX ET LES MICROBES Par P. MAZÉ (QUATRIÈME MÉMOIRE) PREMIERE PARTIE Dans le cours des trois mémoires que j’ai déjà publiés sur ce sujet, j’ai soulevé quelques questions qui n’ont pas encore reçu de réponse. Lorsque j’ai aflirmé que Talcool constitue la portion utili- sable des sucres, j’ai présenté cette conclusion comme la con- séquence logique d’un ensemble de faits suffisamment probants. On peut cependant grouper d’autres preuves autour de cette con- clusion; leur nécessité s’impose d’ailleurs, car les faits que j’ai rapportés s’accordent aussi bien avec une autre interprétation. -En supposant que le sucre soit assimilé en nature, on peut admettre que la cellule vivjnte le transforme de telle façon que la fraction définitivement incorporée corresponde à l’alcool ou à l’aldéhyde, sans que ni l’un ni l’autre ne se forment meme à l’état transitoire. La zymase apparaît en effet comme une diastase de la vie anaérobie; l’exemple de la levure semble le démontrer sura- bondamment, et si on admet qu’elle se forme dans les cellules qui vivent au large contact de l’air, il faut le prouver. Ce sera là le principal objet de ce mémoire; mais lorsque ce point sera élucidé, on aura en même temps résolu d’autres problèmes, déjà posés aussi dans les mémoires précédents. J’ài admis que la diminution de la ration d’entretien avec l’àge du mycélium, lorsque l’Eurotiopsis est nourri avec du sucre, est due à la destruction de la zymase ^ ; cette destruction 1. Ces Annales, 2® Mémoire, p. 368, t. XVI. 278 ANNALKS DE L’INSTITUT PASTEUIl. n"est pas la conséquence delà mort du mycélium; les échanges gazeux suivent leur cours: mais la cellule âgée est incapable de prendre du carbone au sucre; considérée sous ce point de vue, sa longévité est beaucoup plus grande lorsqu’elle est alimentée avec de l’alcool; non seulement la ration d’entretien ne diminue pas dès les premiers jours, mais elle augmente très sensiblement au contraire; l’augmentation est liée à l’aération, qui devient plus facile et plus complète à mesure que les filaments mycéliens s’épanouissent dans l’air; il suffit de constater que ce facteur ne décroît pas dans l’alimentation alcoolique pour relever la con- tradiction avec les résultats fournis par les cultures en milieu sucré; cette contradiction a ses causes; j’ai supposé qu’elles mettent enjeu la zymase, il s’agit de le démonirer. J’aborderai enfin l’étude de l’alimentation anaérobie de la levure qui viendra se présenter tout naturellement à la suite de la première partie du mémoire. VARIATION DE LA ZTMASE AVEC l’aGE DU MYCÉLIUM i. La zymase présente dans un milieu donné se mesure par son action sur les sucres qu’elle dédouble; on connaît aujourd’hui les moyens de l’isoler de la cellule vivante; mais on n’en obtient qu’une fraction assez faible. Pour l’évaluer exactement, on en est encore réduit à faire agir les cellules qui la renferment sur des solutions sucrées. L’alcool produit dans un temps donné et à une température déterminée, par un poids connu substance vivante, mesure la quantité de diastase présente ; l’acide carbonique dégagé donne le même résultat à condition cepen- dant que le gaz formé provienne entièrement du dédoublement du sucre par la zymase. Cette dernière restriction a sa valeur, car il est à peu près certain que les ferments anaérobies et la levure en particulier dégagent du CO- indépendamment de celui qui est fourni par la zymase. Mais l’Eurotiopsis alimenté avec de l’alcool ne dégage pas de quantité sensible de 00% lorsqu’il est privé d’air; si le mycé- lium, placé sur une solution sucrée à l’abri de l’oxygène, donne naissance à du C0% il faut l’attribuer exclusivement à l’action de la zymase. L’évaluation de cette diastase par la mesure de 1. Voir C. 7?., Juil. 1902. UTILISATION DU CARBONE TERNAIRE. 279 L’acide carbonique dégag-é, présente l’avantage de suivre ses yariations d’heure en heure ou de jour en jour, pendant long- temps sur le même mycélium. C’est le procédé que j’ai adopté. Comme appareil je me suis servi du ballon représenté par la Cg. 2. Le ballon (fig. 1) reçoit les solutions sucrées dans les- quelles on doit introduire le mycélium d’Eurotiopsis; on stérilise le tout à l’autoclave; on introduit ensuite le voile mycélien tout d’une pièce dansle ballon (fig. 1) ; on étire aussitôt le col et on soude le tube à dégagement muni de son tube latéral (fig. 2); celui-ci est adapté immédiatement à une trompe à eau, l’extrémité du tube de dégagement étant fermée ; on chasse l’air de l’atmos- phère interne par quelques purges rapides à l’hydrogène, et on ferme à la flamme sur une atmosphère d’hydrogène (fig. 3). On porte alors à l’étuve, on ouvre l’extrémité du tube de déga- gement sous le mercure et on recueille le gaz sous le mercure. Le dégagement se manifeste aussitôt; il est lent au début parce que le liquide retient, à l’état dissous, une portion assez importante du gaz qui est d’abord libéré ; mais il atteint son maximum au bout de deux à trois heures, c’est-à-dire au moment où le liquide est saturé et où sa température s’est mise en équilibre avec celle de l’étuve. Avant d’aborder la déte-rminationdes quantités dezymase pré-' sentes dans le mycélium, il est indispensable de fixer la concen- tration des solutions sucrées qui convient le mieux à l’activité de la zymase. C*est, en apparence, une précaution superflue; on sait que les actions diastasiques sont indépendantes de la con- centration, à condition qu’elle ne descende pas au-dessous d’une limite donnée; mais cette loi ne se vérifie que pour les diastases 280 .ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. solubles, ou celles qui peuvent être uniformément réparties dans les liquides. Lorsqu’elle est fixée dans la masse mycélienne, la diffusion joue certainement un grand rôle dans les transfor- mations diastasiques. La substance transformée dans l’unité de temps dépend de la quantité qui passe à travers le mycélium et les cloisons cellulaires; l’expérience seule peut renseigner sur ce point. J’ai placé des voiles mycéliens de même âge dans des solutions de sucres de concentration variable, à fabri de l’air, suivant la méthode que je viens de décrire, et à la température de 30*^. Le poids du mycélium est évalué une fois l’expérience terminée; on trouve ainsi des chiffres inférieurs au poids réel, puisque le travail de désassimilation continue à l’abri de l’air; mais les résultats restent comparables. Ils sont réunis dans le tableau T. Les volumes de CO ^ sont ramenés à 0*^ et à 760. Tableau I. Concontration en sucre interverti, p. 100. O 10 20 30 40 50 CO- «légagO, en c. c., dans les U®* 24 h. 99,8 129,2 201,7 207,7 79,7 36,3 _ _ 2-=* — 64 83,9 169,3 219,4 118,1 24,7 — — — 59 78,1 142,5 172,8 114,1 23,8 _ _ 4es _ 43,8 67,2 133,8 » 113,7 23,4 _ _ — 44,8 60,8 133,2 161,4 113,4 19,2 _ _ — 35,7 58,7 129 156,8 97,6 15,6 Poids du mycélium, en mgr Volume de CO^ maximum dégagé, en c.c., 259,4 317 289 307,8 273,3 207,2 par 1 gr. de mycélium, en 24 h. 384,7 407,0 697,8 680,3 428,9 173,1 On voit que la concentration optimum varie entre 20 et 30 0/0; j’ai adopté la concentration de 20 0/0 dans les essais qui suivent. Une autre conclusion découle de ces chiffres; c’est que la quantité de CO^ dégagée décroît du commencementderexpérience à la fin; la zymase n’augmente pas dans un mycélium jeune à l’abri de l’air; si on fait remarquer en outre que le poids du mycélium décroît également, que les spores ne germent pas même dans les solutions minérales ou organiques complètes, on peut déjà prévoir que la zymase de l’Eurotiopsis ne se forme pas en vie anaérobie. Elle diminue rapidement aussi, avec l’âge du mycélium. Pour vérifier cette proposition, on fait une série de cultures en fioles coniques de 250 c. c. dans lesquelles on introduit 23 c. c. de liquide Raulin â 10 0/0 de sucre ; on élimine les cultures qui présentent quelque irrégularité dans la formation UTILISATION DU CARBONE TERNAIRE. 281 du voile; Rage du mycéliuhi est compté à partir du moment où les premiers filaments aériens émergent à la surface du liquide. J’ai réuni dans le tableau II les résultats que j’ai obtenus avec des cultures âgées de 24 heures, 48 heures et 4 jours. Ces cultures ont été faites à 30° ; de même que les fermentations à l’abri de l’oxygène. Les volumes de gaz sont ramenés à la pression de 760 et à la température de 0°. Tableau II. A<2:c (lu mycélium .. 24 h. 48 h. •'* j C02 déc jagé, en c c., , pendant les 24 h. 140 46,4 21,7 — — — 2es — 130,7 90,1 30,2 — — — 3es — 111,2 87,5 .33,7 — — — 4es — 104,3 83,3 .39 — — — 5cs — 101,0 78,8 40,7 — — — (;cs — 100,9 74,1 40,8 — — — 7'* — .98,4 09,1 42,5 — — — Ses — 94,2 04,7 40,7 — — — yes — 92 2 02,3 40,7 — — — 40es — 89 59 45,0 — — — 1 h* — 78.7 55,3 45,0 — — — — 70,5 55,2 44,0 — — — ISes 03,9 49,8 42,8 — — — 1 4's — 00,2 48,0 39,6 — — — — 49,0 45,3 38,3 — — 1(3'* — 30,8 43,2 — — — I7cs — 20,1 37,5 — — — ISes — 15,1 32,2 — — — IRe* — 6,1 Poids du mycélium, en mgr . . 215 347 446,0 Vol. de GO2 maximum dégagé, en c. c, ., par 1 gr. de mycél ium en 24 li , . Col 259 104 Ce tableau fournit un certain nombre de renseignements : tout d’abord, on voit que la teneur du mycélium en zymase baisse rapidement avec l’âge, et cornmeTe sucre doit être préalablement dédoublé en alcool et acide carbonique pour être assimilé, le mycélium privé de zymase n’a plus aucune action sur le sucre; ainsi se trouve vérifiée l’interprétation que j’ai donnée de la décroissance de la ration d’entretien, en milieu sucré ; le mycé- lium alimenté avec de l’alcool se comporte d’une autre façon parce qu’il peut se passer de l’intervention de la zymase. Si on considère, les volumes de CO 2 recueillis toutes les 24 heures, on voit qu’ils présentent également quelques particu- larités intéressantes, suivant l’âge des cultures. Un voile de 24 heures dégage le volume de gaz maximum le jour; la destruction de la zymase est même très rapide dès le début, carie volume obtenu ne correspond pas au volume réel 282 ANNALES DE L^INSTITUT PASTEUR. dégagé; la solution sucrée placée en présence d’une atmo- sphère d’hydrogène se sature peu à peu de CO ^ pendant les premières heures, le volume dégagé devrait donc être augmenté de tout le gaz retenu à l’état dissous. Pour cette raison, le maximum observé le 2® jour avec la culture de 48 heures est fictif à peu près; il ne présente donc aucun intérêt; cette culture , se distingue de la précédente par la régularité du dégagement gazeux; la zymase se conserve mieux en apparence; mais on va voir qu’on se trouve ici en présence d’un phénomène de nature assez complexe. La culture de 4 jours se distingue en effet des deux précé- dentes par l’allure qu’y affectent les variations de la diastase; le mycélium très pauvreen zymase s’enrichit peu àpeu; le CO^dégagé croît, et passe vers le 10® jour par un maximum pour décroître ensuite très lentement. Contrairement à toutes les observations que j’ai déjà faites, il s’est donc formé de la zymase en vie anaérobie; on voit ainsi que, dans cette culture, l’acide carbo- nique dégagé qui mesure la diastase présente, ne fournit en somme que la résultante d’un double phénomène: un phéno- mène de destruction qui est commun à toutes les cultures et un phénomène de régénération qui ne s’observe qu’avec les cul- tures âgées; j’emploie à dessein le mot de régénération car il correspond mieux, à mon avis, à la réalité ; dans une culture âgée, il y a de la zymase. active, de la zymase inactive et de la zymase détruite; on peut supposer que la destruction de cette diastase est due aux phénomènes d’oxydation qui se produisent normalement dans les cellules aérobies ; mais qu’il s’agisse d’une destruction par oxydation ou par tout autre mécanisme chimique, on peut, je dirais même qu’on doit admettre qu’il y a des degrés dans la destruction, et suivant cos degrés, une diastase rendue inactive peut retrouver son activité, ou se régénérer, dans un milieu réducteur, qui est capable de défaire en partie ce qu’un milieu oxydant avait fait. Dans un mycélium âgé, il y a donc delà zymase qui se régé- nère lorsqu’on le place à l’abri de l’air parce qu’il renferme de la diastase plus ou moins altérée qui est capable de reprendre en partie son activité dans un milieu réducteur. Dans ces condi- tions, la quantité de diastase présente, évaluée par le procédé décrit, exprime la résultante de deux actions inverses puisque UTILISATION DU CARBONE TERNAIRE. 283 celle qui existe déjà se détruit peu à peu. Si la régénération Remporte sur la destruction, la quantité de diastase évaluée passe par un maximum; c’est ce qu’on a obtenu avec une culture de 4 jours ; si les deux phénomènes inverses sont à peu près de même grandeur, la quantité de diastase reste à peu près cons- tante pendant longtemps; la culture de 48 heures en est un Fig. 4. exemple; dans ce mycélium il y a aussi en elTet de la diatase altérée puisque sarichesse en zymaseestinférieuredeplusde moi- tié à celle de la culture de 24 heures. Si le mycélium est très jeune, il a conservé à peu près la totalité de sa diastase, de sorte que les phénomènes de destruction ne sont pas contrebalancés par les phénomènes inverses, et la décroissance rapide des quantités de zymase se manifeste d’un jour à l’autre. On peut embrasser plus facilement l’ensemble de ces faits si on les représente par des courbes. Les courbes fig. 4 ont été déterminées en portant les temps sur la ligne des abscisses, et les volumes de sur l’axe des ordonnées. Elle s’interprètent d’elles-mêmes; nous trouverons plus loin la signification de la courbe M. ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR 281 ISOLEMENT DE LA ZYMASE DE l’eUROTIOPSIS GAYOM La zymase de l’Euriotopsis peut être isolée par les mêmes procédés qui servent à extraire celle de la levure; mais comme on a pu le voir, le mycélium est beaucoup moins riche en dias- tase que la levure ; une culture de 24 heures d'Euriotopsis décom- pose un peu plus de son poids de sucre en 24 heures lorsqu’il est placé à l’abri de l’air ; la levure en décompose 10-20 fois son poids dans le même temps. L’opération de l’extraction de la zymase devient donc plus aléatoire avec l’Eurotiopsis. Il est tout indiqué d'employer des voiles de 24 heures, puisque, à poids égal, ils sont plus riches en zymase que les cultures un peu plus âgées. On prépare donc un certain nombre de cultures sur milieu Raulin à 10 0/0 de sucre ; on prend le mycélium et on le presse entre des doubles de buvards de façon à lui enlever son eau d’imbibition ; on le plonge alors dans un mélange d’al- cool et d’éther secs, composé de 3 parties d’alcool pour 1 d’éther; la zymase conserve d’autant mieux son activité que le mélange éthéro-alcoolique est plus anhydre ; pour cette raison, il est utile de presser avec soin le mycélium sans cependant le sou- mettre à des pressions trop élevées qui élimineraient par écrase- ment le contenu des cellules; l’immersion dans l’alcool-éther dure 3 à 4 minutes; ce séjour est suffisant pour tuer le mycé- lium ; quand on le sort du bain, il est translucide et corné comme du parchemin; on le débarrasse de l’alcool-éther par une nou- velle compression dans du buvard, et on achève de le dessécher dans le vide sulfurique pendant 24 h. Il est alors réduit en poudre fine dans un mortier et introduit dans un tube assez large avecunesolutiondeglucoseà307oà raison de 1 grammedepoudre pour 10 c.c. de solution; la masse ainsi obtenue devient pâteuse au bout de quehjues minutes ; placée à la température de 36-37®, elle se boursoufle en se creusant d’alvéoles qui laissent passer le GO^, le dégagement se manifeste au bout de 30 à 43 minutes ; pour recueillir le gaz, il suffit de boucher le tube avec un bouchon muni d’un tube de dégagement capillaire, pour réduire autant que possible le volume de l’appareil. Le dégagement ne dure pas longtemps; il se ralentit assez brusquement, à cette température, au bout de la cinquième heure; je ne sais pas à quoi attribuer cette brusque disparition UTILISATION DU CARBONE TERNAIUE. 28o de la zymase, car le milieu n’est que faiblement acide au moment où le dégagement s’est arrêté; peut-être faut-il la rat- tacher, à Texemple de Buchner pour la zymase de la levure, à une digestion protéolytique qui serait bien plus rapide chez TEuro- tiopsis; la difficulté de préparer de grandes quantités de poudre ou de suc mycéliens ne m’a pas permis d’approfondir ce phéno- mène qui s’observe également d’une façon identique avec le suc. Voici les volumes de CO^ que j’ai recueillis dans quelques essais ; les chiffres sont légèrement inférieurs à la réalité parce que je n’ai pas extrait le gaz retenu dans la solution. Tableau III. Volume de CO^ dégagé en No» d’ordre. Poids de matière. 5 h. à 37». gr. c c. 1 2 21,9 2 1,384 16,4 3 2 4,5 4 2 (24 h. à l’abri 1,8 (le l’air). Tous ces essais ontété faits surdes voiles de24 heures tués en pleine vie aérobie, ce qui est le meilleur moyen d’établir l’ori- gine aérobie de la zymase de l’Eurotiopsis. Si on opère de la même façon sur des voiles de même âge, mais préalablement privés d’air pendant 24-48 heures dans le récipient de culture même, on trouve toujours des chiffres de CO^ inférieurs aux précédents; il n’en saurait d’ailleurs être autrement, étant don- nés les résultats que j’ai déjà exposés tableaux I et II. L’extraction du suc par la presse hydraulique fournit aussi un liquide diastasifère actif ; mais il faut préparer un grand nom- bre de cultures pour un essai de ce genre; j’ai opéré sur 43 cul- turesfaitesdansdesboites de2Dcentimètres dediamètre; les voiles avaient 36 heures d’âge ; on les a tous réunis et pressés ensemble avec une puissante presse à bras; le tourteau qu’on a obtenu pesait 473 grammes. On Ta broyé dans des mortiers avec du sable fin de Fontainebleau et, pour compléter la dilacération des cellules, sur une plaque épaisse de verre rodé à l’aide d’une forte mollette rodée. On a alors mélangé du tripoli en quantité suffi- sante pour faire une pâte liante qui a été conservée dans là glace fondante pendant les préparatifs de la presse hydraulique. — La pâte a été soumise à une pression de 400 atmosphères. 286 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUll. chiffre limite que Ton a atteint graduellement en faisant surtout de longues pauses aux pressions faibles entre 0 et 50 atmos- phères. On a recueilli ainsi environ 200 c.c. de suc cellulaire dans un récipient placé dans la glace fondante. Le liquide était trouble et renfermait surtout des globules gras dont le mycélium est bourré; chauffé à 70-80®, il se prend en masse; son odeur est agréable et rappelle celle de la levure ; l’odeur caractéristique de champignon a à peu près disparu. Pour recuillir la totalité du gaz produit et pour évaluer l’alcool avec toute la précision voulue, j’ai introduit le suc à raison de 25 c.c. dans des ballons de 1 litre à col étiré et effilé; on y avait placé au préalable 78%5 de glucose et on les avait sté- rilisés à 120® de façon à réduire d’autant les causes étrangères de fermentation. Le suc mycélien étant introduit, on y a fait le vide et on les a scellés à la lampe. Ces ballons pouvaient donc contenir, sans danger de rupture, 2 grammes de CO% ce qui est largement suffisant comme on va le voir. Les ballons ont été placés à la température de 30®; la fer- mentation s’est déclarée instantanément favorisée par le vide dans sa manifestation extérieure; mais le suc ne mousse pas; il pétille à la façon des cuves de mélasse ou de moût de grain en fermentation ; dans les tubes à essai il se forme une couronne de mousse de 0,5 centimètre d’épaisseur, à la température de 35o ; mais ce n’est pas non plus une mousse persistante ; elle tombe par agitation, en même temps que se blanchit, par les bulles du gaz, la masse de liquide en fermentation. - A la température de 36-37®, la fermentation se ralentit brusquemment au bout de 5 heures environ ; à 30®ellese poursuit pendant une dizaine d'heures; il est donc inutile de faire usage d’antiseptiques; les ferments n’ont pas encore eu le temps d’in- tervenir, et, effectivement, tout dégagement s’arrête quand la zymase a perdu son activité. Il est inutile également de poursuivre plus longtemps les ex- périences puisque la quantité de sucre transformé ne varie plus ; aussi les deux expériences que je rapporte dans le tableau IV ont été arrêtées en même temps; la 3® a été faite avec 60 c. c. de suc additionnés de 18 grammes de glucose et placé à la tem- pérature de 38® après 4 heures de conservation dans la glace; l’activité de la zymase avait déjà diminué; cette expérience- UTILISATION DU CARBONE TERNAIRE. 287 ayant été faite en vase ouvert, je n’ai évalué que l’alcool. Les gaz des ballons scellés ont été extraits par la pompe à mer- cure elle GO^ mesuré surle mercure après absorption par la potasse. Tableau IV. N<** d’ordre. Volume de suc. Alcool formé. CO* dégagé. c. c. mgr. mgr. 1 2o 385 372,') 2 23 3o2 324,8 3 60 403 » Ces résultats montrent donc q ue la zymase de TEurotiopsis ; peut être isolée très facilement par pression du mycélium broyé mais si on remarque que l c. c. de suc correspond à peu près à 1 gramme de mycélium sec, on voit qu'on n’a pu obtenir de cette façon qu’une faible portion delà diastase présente, environ I /12. ZYMASE DES CHAMPIGNONS ET DES VÉGÉTAUX SUPÉRIEURS Les courbes figure 4 représentent les variations delazymase suivant l’àge du mycélium, ou dans un même mycélium suivant la durée du séjour à Tabri de l’air. Puisque la richesse du champignon err diastase décroît rapidement avec l’âge, il est facile de prévoir le moment où une culture traitée comme je l’ai indiqué, tableau II, fournira une courbe de la forme M ; cette courbe correspond à une culture qui est privée de zymase au moment où on la place à l’abri de l’air; elle en récupère peu à peu par régénération, si bien que les quantités de zymase observées de jour en jour augmentent peu à peu, passent par un maximum, et décroissent ensuite lentement jusqu’à 0. Si on rappelle que tous les végétaux placés à l’abri de l’air présentent les mêmes phénomènes, cette courbe prend un grand intérêt, car elle est la reproduction graphique fidèle de la marche des fermentations qu’on a si souvent observées dans les milieux privés d’oxygène. Rapportée à des cas isolés, cette courbe demeure énigma- tique ; mais lorsqu’elle est rattachée à sa véritable cause, telle qu’on vient delà découvrir chez l’Eurotiopsis, elle se présente, comme la suite d’une action diastasique qui a son origine dans la vie normale. 288 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. La solution de continuité qui semble exister entre les deux modes de vie n’est qu’apparente; chez la plupart des végétaux la zymase se détruit dès qu’elle a agi, par un processus dont le mécanisme nous échappe, mais qui se rattache probablement aux phénomènes d’oxydation. Comme dans le mycélium d'Eu- rotiopsis âgé, il y a dans ces végétaux une quantité plus ou moins grande de zymase susceptible de se 7*égénérer, ou de reprendre son activité dans un milieu réducteur. On arrive ainsi, par l’observation directe, à une conclusion que j’ai déjà formulée à diverses reprises: l’assimilation du sucre exige la présence de la zymase en vie aérobie ; de ce qu’on ne peut pas la mettre en évidence, on ne peut pas conclure à son absence, la régénération à l’abri de l’air vient prouver qu’elle a existé en vie aérobie. % CONCLUSIONS GÉNÉRALES A côté des conclusions particulières que j’ai exposées à leur place, à la suite des faits qui les établissent, il y a des conclu- sions d’une portée plus générale qui découlent de l’ensemble de cette étude. Elle peuvent se résumer dans la proposition suivante : Les phénomènes de fermentation représentent des actes de digestion; ' Chaque produit de fermentation marque une étape dans la marche du travail digestif. Si un ferment utilise comme aliment» de l’amidon, par exemple, les dextrines, le maltose, le glucose,' les alcools éthylique ou butylique, les acides lactique, acétique,' butyrique, propionique, etc., ont la môme signification physio- logique ; chacun de ces corps prend naissance sous l’action d’aune diastase particulière et il n’y a pas plus de raison de con- sidérer le maltose ou le glucose comme des produits de digestion plutôt que l’alcool ou l’acide acétique. ] ^ -Tous ces produits peuvent être abondants ou rares dans les liquides en fermentation ; s’il y en a qui s’accumulent, cela tient à ce que les diastases qui leur donnent naissance agissent indé- pendamment de la cellule vivante et ne règlent pas leur action sur ses besoins. rp c - A mesure que l’être vivant sè complique et que les cellules qui le forment se perfectionnent et se diflérencient, un certain UTILISATION DU CARBONE TERNAIRE. 289 nombre de ces produits disparaissent de la circulation; ce sont les plus dég’radés et en même temps les plus dangereux pour la vie de la cellule; dansles végétaux supérieurs on ne trouve plus d’alcool ni de zymase; pour mettre ces produits en évidence, il faut priver d’air, pendant un temps plus ou moins long, la plante entière ou simplement une fraction quelconque de cette plante. Dans les conditions normales de son développement, Talcool et l’aldéhyde sont assimilés sur le lieu même de leur formation; la localisation de la zymase et sa fixation sur les substances protoplasmiques sont en quelque sorte des mesures de garantie pour l’existence de la cellule vivante, et la précaution dans ce sens va jusqu’à la destruction de la zymase à mesure qu’elle a agi, si bien que rien ne peut faire soupçonner sa présence dans la plupart des végétaux. On peut cependant la mettre en évidence par des artifices d’expérience dans les conditions de vie normale; j’ai montré que les cotylédons de pois en voie de germination fournissent à la plantule non seulement des dextrines etdu sucre, mais encore de l’alcool en abondance^. Si l’on se contente d’observer dans les conditions ordinaires la marche delà nutrition chez les microbes et chez les végétaux supérieurs, on est frappé de la contradiction qui existe à ce point de vue entre ces deux séries d’êtres vivants. Les premières notions sur l’alimentation ont été tirées de l’étude des animaux et des végétaux supérieurs; les microbes ne sont venus que beaucoup plus tard et comme ils ont tout de suite présenté des phénomènes qui ne rentraient pas dans le cadre des idées établies, on les a mis à part; les produits des fermentations qui paralysent bientôt les ferments ont été consi- dérés comme des produits de désassimilation. Une barrière intrancbissable semblait ainsi se dresser entre les infiniment petits et le reste du monde vivant; mais en y regardant de près, on a trouvé des intermédiaires entre ces deux grandes catégories d'êtres, et les espèces comme l’Euro- tiopsis gayoni ne constituent pas des exceptions; au point de vue de la nutrition hydrocarbonée, les besoins de l’Eurotiopsis sont les mêmes que ceux de l’aspergillus par exemple; la seule différence qui existe entre eux c’est que la zymase est abondante 1. Ces Mémoire. 19 290 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR dans le premier et absente en apparence dans le second, tous deux se nourrissent cependant d'alcool quand on leur offre du sucre ; tout se réduit à une question de quantité de diastase, exac- tement comme chez le pois et l’orge, deux graines amylacées, où tout l’amidon disparaît pendant la germination sous l’action de l’amylase; mais il est difficile de mettre cette dernière diastase en évidence chez le pois, et elle est si abondante dans l’orge que l’industrie des fermentations en tire un grand parti. DEUX1È.V1E PARTIE VIE AXAÉROBIE DE LA LEVURE Il semble que les conclusions fournies par l’étude de la zymase de l’Eurotiopsis puissent s’appliquer aussi à la levure. On sait en effet que la levure cultivée en surface, sur des milieux solides, ou dans un liquide en couche mince, construit surtout de la substance vivante et ne produit pas d’alcool; elle renferme peu ou pas de zymase; si on ménage l’accès deT’air par un moyen quelconque, le poids de cellules diminue en même temps que l’alcoolaugmente, la zymase devient abondante. Tous ces faits rentrent dans le cadre de ceux que nous venons d’examiner. Mais la levure possède une propriété que l’on ne trouve ni chez les champignons ni chez les végétaux, elle se multiplie à l’abri de Pair même dans une solution de sucre dans l’eau distillée, si on la prend à état convenable. L’Eurotiopsis, je le répète, ne pousse pas à l’abri de Pair: ses spores ne germent ni dans le liquide Raulin ni dans un milieu organique, si on les prive -d’oxygène libre. C’est un végétal strictement aérobie. La levure est à la fois aérobie et anaérobie. En vie aérobie elle consomme une quantité d’oxygène que Pon peut évaluer au double de son poids approximativement; lorsqu’elle se multiplie dans uu milieu dépourvu d’oxygène libre, elle doit emprunter cet élément au sucre. Elle ne peut pas le demander à l’alcool qui est un ahment de la vie aérobie: tdle n’assimile pas non plus le sucre en nature, car sa composition élémentaire s’éloigne trop du sucre; il faut donc admettre qu’elle met en œuvre un processus d’assimilation anaérobie que Pon a ignoré jusqu’ici : c’est ce que je me propose d’établir maintenant. UTILISATION DU CARBONE TERNAIliE. 291 Le développement de la levure s'accompagne toujours de la production de glycérine, d’acide succinique et d'acide acétique; on regarde ces composés comme des produits do désassimilation. Si on néglige cette opinion pour les considérer comme des produits de digestion, l’attention doit se porter de préférence sur les acides, car la glycérine se prête aux mêmes objections que le sucre; les acides présentent cet avantage de fair(‘. partie intégrante des substances protoplasmiques; Tacidc acétique en particulier y occupe une place importante; il est donc possible qu’il puisse servir d’aliment de la vie anaérobie; M. Duclaux* a montré que c’est un produit de désassimilation de la levure; rien de plus naturel s’il entre dans sa constitution ; mais c'est une raison .pour qu’il remplisse le rôle que je lui suppose; si les phénomènes de protéolyse le mettent en liberté, cela prouve qu’il existe à l’état combiné dans les albuminoïdes de la levure et en quantité assez élevée, puisque l’ammoniaque (jui se forme aussi dans les mômes conditions ne suKit pas aie saturer. Cet acide est d’ailleurs très répandu dans les fermentations anaérobies, où il se présente comme un produit de dédouble- ment du sucre; et comme on doit considérer maintenant les phénomènes de fermentalion comme des actes de digeslion, l'acide acétique représente un processus de digeslion anaérobie du sucre. Mais ce cor[)S possède la môme composition élémen- taire que le sucre, et à ce titre il ne peut pas satisfaire aux con- ditions que Ton est en droit d’exiger d’un aliment anaérobie de la levure. C’est le moment de faire reniarajuer encore que l’acide acé- tique ne se présente jamais seul dans les fermentations anaéro- bies; il est toujours accompagné d’un alcool; c’est l’alcool éthylique dans toutes les fermentations lacticjues; c’est l'alcool butylique dans les fermentations butyriques. Les deux fonctions chimiques se complètent au point de vue physiologique, et comme l’alcool est plus pauvre en oxygène que lalevure, l’acide acétique plus riche, l’assimilation des deux aliments en propor- tion convenable conduit à la moyenue voulue. Le raisonne- ment fournit, comme on le voit, la réponse à la question posée. Mais il faut interroger les faits et leur demander la confirma- tion de ces déductions. 1. Annales (le l’Ecole normale supérieure, t. T, 18G5. 292 ANNALES DE L’JNSÏITUT PASÏEUIL Un produit de fermenlalioii peut êire regardé comme un produit de digestion s’il est assez abondant*, c’est-à-dire en proportion telle par rapport aux poids de matière vivante for- mée et à la durée de l'expérience qu’on ne puisse le considérer comme un produit de désassimilation. On voit de suite qu’en portant sur ce terrain le principe d’une méthode de recherche, le facteur le plus important dans une fermentation est toujours le poids du ferment et c’est ce qu’on a généralement négligé. Les produits les plus intéressants à déterminer sont ensuite les aci- des, du moins dans les conditions où je me place. Ces conditions imposent en outre l’obligation de faire un choix de la levure. Les levures de brasserie et les levures de vins les mieux étudiées doivent être écartées parce qu’elles sont estimées justement en raison de la faible acidité qu’elles donnent aux milieux qu’elles font fermenter. Je me suis adressé à une levure de distillerie de mélasse, très rustique, capable de faire fermenter des solutions riches à 30 et 40 0/0 de sucre à une température de 30 et 30*^ au besoin. L’utilité de ce choix est évidente; si l’acide acétique est un produit de digestion, la diastase acétique agit d’autant plus longtemps que le sucre est plus abondant, car la zymase le lui dispute énergiquement ; son action sera d’autant plus rapide que la température sera plus élevée. Comme appareil, je me suis servi du ballon figure 2; la levure peut être introduite par la tubulure latérale, de sorte que le ballon est entièrement préparé d’avance. La levure est empruntée à des cultures en surface, faites à la température de 30° dans des fioles coniques de 500 c. c. ou 1 litre de capacité. La gélose forme une couche de 2 ou 3 centimètres d’épaisseur. Pour faire une prise de semence, on met rapidement la culture en suspension dans de l’eau distillée stérile, et on répartit dans les ballons de culture des volumes égaux de la dilution conte- nant un poids connu de levure. On remplace l’air du ballon par de l’hydrogène, en prenant la précaution de chasser l’air aussi 1. Un produit de digestion est quelquefois en quantité très faible ou fait coni- jdètement défaut dans un liquide de fermentation : par exemple, le sucre interverti dans le cas du saccharose, l’alcool vis-à-vis des hexoses fermentescibles; mais lorsqu’il s’agit de l’acide acétique, qui peut se présenter comme un produit d'autophagie de la levure, il est nécessaire de faire intervenir les notions de (piantité et de tempis, si on se propose de le rattacher à un processus de _diges- tion. UTILISATION DU CARBONE TERNAIRE. 293 complètement que possible. On ouvre alors sous le mercure et on recueille le gaz sous le mercure. Toutes les cultures ont été faites dans du bouillon de haricot ; j’ai employé ce milieu qui vaut d’ailleurs tous ceux qui sont en usage pour la culture de levure, parce qu’il y en a toujours dans le laboratoire ; la tempéra- ture que j’ai adoptée est enfin la température de 30® ; les cultures qui ont fourni les semences avaient toujours 4 ou 5 jours. Avant d’aborder le fond du problème que je me suis posé, je donnerai quelques renseignements sur les propriétés de la levure que j’ai utilisée i. Le tableau suivant montre quelle est sa puissance de multi- plication à l’abri do l’air. Tableau Y. Xos Volume du Concentration Poids de la Poids de la Durée de d’ürdrj. bouillon. en sucre. semence. culture. l'expérience c. c. 0/0 mgr. mgr. jours. t 210 40 (siccharose). 37 364,8 7 2 id. id. id. 265,0 11 3 id. id. id. 253 15 • 4 — — id. 270,6 24 5 — — 80 514 4 6 — — id. 482,1 8 7 — — id. 410,7 1 1 8 l.ülO 30 54 1 . 4.5 ),0 8 y id. id. 0,001 705.5 8 10 .'iSO 2 (glucose). 44,8 777,2 45 h. 11 i'r. 0,0 Bouillon dératures inférieures à zéro. C. R. Ac. d. Sc., 1876, LXXXIIl, p. 1049. Sur l’évolution des corpuscules dans l’œuf du ver à soie. Ann. Inst. Past., 1895, Vil, p. 885. ÉTUDES SUR LE PIIYLLOXER.A, AGRICULTURE, ETC. De l’influence de ITiiver sur les graines végétales. C. R. Ac. d. Sc., 1872, LXXIV, p. 802. Notes relatives aux résultats obtenus dans ses études sur les ravages du phylloxéra. C. R. Ac. d. Sc., 1872, LXXV, p. 834. Sur la maladie de la vigne dans le sud-est de la France. C, R. Ac. d. Sc., 1872, LXXV, p. 722 et 1686. Observations relatives au phvHoxera vaslatrix. C. R. Ac. d. Sc., 1872, LXXVl, p. 1431. SUll LA VIE EF LES TKAVAUX D’ÉMILE DUCLAUX 355 Sar un moyen d’aiTÔter les progrès de la maladie de la vigne. d'agr. hist. naturelle et actes utiles de Lyon, 1874. Pays vignobles atteints par le phylloxéra en 1 87 4. C. fî. Ac. d. Src., 18755 LXXX, p. 1083. Traitement, par les sulfocarbonates, de la tache (pii avait signalé Faiipari- tion du iihylloxera à Villié-Margon. C. l{. Ac. d. Sc., 1875, LXXXI, p. 829, Pays vignobles atteints par le phylloxéra, 1877. C. H. A. d. Sc., 1877, LXXX\', p. 1145. Progrès du phylloxéra dans le sud-ouest de la France. C. R. A. d. Sc.. 1877', lAXXV, p. 1206. Sur la germination dans un sol riche en matières organiipies, mais exempt de microbes. C. H. Ac. d. Sc., 1885, C, [). 66. Oliservations relatives à une note de MM. Th. Schlœsing et Km. Laurent sur la fixation de l’azote libre par les plantes. C. lî. Ac. d. S 1892, CXV^ p. 733. Les bactéries [larasitaires des céréales. Revue crithine. Ann. Inst. Pa.si., 1888, II, p. 621. Le rcjle agricole des microbes. Revue scientifique, 1893, t. LU p. 834. Sur la fixation de l’azote ■atmosphéri(iue. Revue critique. Ann. Inst Pasl.j 1894, VIII, p. 728. P.VGTÉHIOLOGIE Influence de la lumière du soleil sur la vitalité des germes des microbes. C. R. Ac. d. Sc., 1883, G, p. 119. Sur la vitalité des germes des microbes. C. R. Ar. d. Sc., 1885, C, j). 184. Influence de la lumière du soleil sur la vitalité des micrococcus. C. R. Ac. d. Sc., 1883. Cl, p. 393. Action de la lumière sur les microbes. Revue critique. Ann. hisl . Past., 1887, I, p. 88. Les microbes du jsol. Revue critique, Ann. Inst. Past., 1887, 1, p. 246. Contribution à l’étude des besoins des bactéries en oxygène. 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Past., 1892, VI, p. 55. 358 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Sur la dillerenciation des matières albuminoïdes, Revue critique. Ann. Inst. Pasf., 1802, VI, p. 199. Nucléo-albumines, globulines et albumines. Revue critique. Ann. Inst. Past., 1802, VI, p. 274. Études de chimie biologique. Revue critique. Ann. Inst. Past., 1892, VI, p. 381. Sur la coagulation. Revue critique. Ann. Inst. PaSt., 1802, t. VI, p. 584. Sur une lermentalion pure de mannite et de glycérine. Fermentations pro- duites parle pneumocoque de Friedlander. Fermentation pure de mannite et de dulcite. Décomposition de la mannite et du dextrose par le bacillus eiha&eticus. Fermentation de l’arabinose par le bacillus ethaceticus. Revue critique. Ann. Inst. Past., 1892, VI, p. 651. Sur les actions coagulantes. Revue critique. Ann. In.st. Past., 1802, VI, p. 854. Sur le mécanisme de la coagulation. Revue critique. Ann. Inst. Past., 1893, VII, p. 57. Sur l’étude chimique des aliments. Revue critique. Ann. Inst. Past., 1893, VU, p. 676. Sur l'étude chimique des aliments, les celluloses. Revue critiqua. Ann. Inst. Pa.st., 1803, Vil, p. 786. La distribution de la matière organique et des microbes dans le sol. Revue critique. Ann. Inst. Past., 1893, VII, p. 823. Sur la saccharification de l’amidon. Revue critique. Ann. Inst. Past., 1895, IX, p. 56. Les théories de la saccharification. Revue critique. Ann. Inst. Past., 1895, IX, p. 120. Amidons, dextrine et maltose. Revue critique. Ann. Inst. Past., 1895, IX, p. 214. Les laits stérilisés. Revue critique. Ann. Inst. Past., 1895, IX, p. 28'1. La digestibilité du lait stérilisé. Revue critique. Ann. Inst. Past., 1895, IX, p. 352. Sur l’origine des levures alcooliques. Revue critique. Ann. Inst. Past., 1895, LX, p. 776. Sur l’élection des aliments organiques. Revue critique. Ann. In.^t. Past., 1805, IX, p. 854. Nutrition sans bactéries. Revue critique. Ann. Inst. Past., 1895, IX, p. 896. Sur les odeurs de putréfaction. Revue critique. Ann. Inst. Past., 1896, X, p. 59. Le pouvoir ferment et l’activité d’une levure. Revue critique. Ann. Inst. Past., 1896, X, p. 119 et 177. Digestion sans microbes. Revue critique. Ann. Inst. Past., 1896, X, p. 411. Sur la structure des bactéries. Rev ne critique. Ann. Inst. Past., 1896, X, p. 729, Sur l’action des diastases. Revue critique. Ann,, Inst. Past., 1897, XI, p. 793. Que savons-nous de l’origine des saccharomyces. Revue critique. Ann, Inst. Past., 1898, XII, p. 156. Sur les proenzymes. Revue critique. Ann. Inst. Past., 1898, XII, p. 407. Sociologie et biologie. Revue scient if ., 1899, t. LXIV, p. 833, SUR LA VIE ET LES TRAVAUX D’ÉMILE DUCLAUX 359 Tkaité de microbiologie. 1891 à 1991, 4 forts vol. in-8'\ Sur le rôle protecteur des microbes. Ann. Inst. Past., 1893, VU, p. 30'j. Sur le vieillissement des vins. Ann. Inst. Past., 1893, Vil, p. 537. Sur la coagulation de l’albumine. Ann. Inst. Past., 1893, Vil, 0-41. Dosage des acides volatils. Ann. Inst. Past., 1893, IX, p. 263. 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Past., 1892, p. 593. Le filtrage des eaux, Revue critique, Ann. Inst. Past., 1890, p. 41. Action de l’eau sur les bactéries pathogènes. Revue critique. Ann. Inst. Past., 1890, p. 109. Sur les relations du sol et de l’eau qui le traverse. Revue critique. Ann. Inst. Past., 1890, p. 172. Sur la vitalité de divers microbes dans le lait. Revue critique. Ann. Inst. Past., 1890, p. 185. Sur la stérilisation du lait. Revue critique. Ann. Inst. Past., 1891, p. 50. Le filtrage des eaux de fleuve. Revue critique. Ann. Inst. Past., 1891, p. 257. S:ir quelques antiseptiques de la série aromatique. Revue critique. Ann. Inst. Past., 1891 , p. 617. La purification spontanée des eaux de fleuve. Revue critique. Ann. Inst. Past., 1894, p. 117. La purification spontanée des eaux de fleuve. Revue critique. Ann. Inst. Past., 1894, p. 178. Moyens d’examen des eaux potables. Revue critique. Ann. Inst. Past., 1894, p. 514. Sur ralimeiitation des nouveau-nés. Revue critique. Ann. Inst. Past., 1894, p. 811. La falsification des substances alimentaires. Revue critique. Ann. Inst. Past., 1896, p. 244. La falsification des substances alimentaires. Revue critique. Ann. Inst. Past., 1896, p. 309. La question de l’alcool. Revue critique. Ann. Inst. Past., 1896, p. 358. Réponse à M. Arm. Gautier à la suite d’une lettre de ce dernier, relative à la revue critique récemment publiée dans Ann. Inst. Past., 1896, p. 244. Revue critique. Ann. Inst. Past., 1896, p. 408. Rapport présenté au nom de la sous-commission de l’hygiène à la commis- sion extra-parlementaire du monopole de l’alcool. Ann. Inst. Past., 1898, p. 73. Rapport général sur les enquêtes concernant les eaux de source distribuées à Paris. Ann. Inst. Past., 1900, 816. L’alcool est-il un aliment? Revue critique. Ann. Inst. Past., 1902, p. 857. Ce que c’est qu’un aliment. Revue critique. Ann. Inst. Past, 1903, p. 307. L’alcool et ses droits naturels. Revue critique. Ann. Inst. Past., 1903, p. 770. An! iseptiques. Revue d'hygiène et de pot sanit., 1890, p. 74. SUR LA VIE ET LES TRAVAUX D’ËMILE DLCLAUX 361 Lait stérilisé. Revue d'hygiène et de pol. sanit., 1891, p. 570. Acide formique antiseptique. Revue d'hygiène et de pol. sanit., 1893, p. -foG. Lutte 'contre la diphtérie. Revue d'hygiène et de pol. sanit., 1893, p. 63. Dosage des alcools. Revue d'hygiène et de pol. sanit., 1893, p. 1033. Alcool et alcoolisme. Revue d'hygiène et de pol. sanit., 1896, p. 727. Lait congelé. Revue d'hygiène et de pol. sanit., 1897, p. 266. Contamination des puits. Revue d'hygiène et de pol. sanit., 1898, p. 64. Cours d’hjgiène sociale. Revue d'hygiène et de pol. sanit., 1901, p. 93. Eaux de sources. Revue d'hygiène et de pol. sanit., 1901, p. 298. Eaux de sources. Revue d'hygiène et de pol. sanit., 1901, p. 334. LTïygiène sociale, 1902, 1 vol. in-8o. Études d'hydrographie souterraine. Ann. Inst. Past., 1903, p. 523, 640, 837. id. 1904. p. 121, 197, 269. PHYSIQUE Sur la formation des gouttes liquides. C* R. Ar. d. 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Pasteur, histoire d’un esprit 1896, 1 vol. in-8o. Discours prononcé aux funérailles de M. J. Bertrand, au nom de ITnstitut Pasteur. G. R. Ac. d. Sc. 1900, GXXX, p. 972. Préface du Bulletin de l'Institut Pasteur, 1903. L’enseignement des mathématiques. Revue scientifique, 1899, t. LXIII, p. 333. Discours prononcé à l’inanguration de l’Institut Pasteur de Lille, 1899. Le Sérum antistreptococcique et son mode d’action Par le I)>’ BESREDKA (Laboratoii'es de MM. Metchnikoff et Roux.) Le sérum anlistreplococcique, quoique entré depuis déjà une dizaine d’années dans la thérapeutique humaine, est loin d’y avoir acquis le droit de cité. Tout au contraire, depuis sa découverte, jamais il n’a soulevé tant de discussions qu’en ces temps derniers. Le fait est que, outre les imperfections que ce sérum partage avec la majorité des sérums antimicrobiens, il a un point faible, qui lui appartient en propre et qui dérive de l’incertitude qui plane de tout temps sur la nature même du streptocoque. Marmorek, qui s’est occupé beaucoup de la sérotliérapie anti- streptococcique, soutenait, même jusqu’à ces temps derniers, que tous les streptocoques, d’où qu’ils viennent, appartiennent à une seule et même espèce. Cette opinion, sans être unanime, a été celle que l’on ensei- gnait généralement : dans les traités aussi bien que dans les cours de bactériologie, on parlait couramment du streptocoque. Aujourd’hui, c’est l’opinion contraire qui semble être en faveur; il paraîtrait qu’il n’y a pas deux streptocoques qui se ressemblent; non seulement au cours de maladies différentes, mais dans une seule maladie, cliniquement bien déterminée, telle que la scarlatine, les streptocoques seraient différents les uns des autres. On conçoit aisément qu’une divergence aussi profonde d’opinions n est pas sans avoir eu une répercussion sur la sérothérapie antistreptococcique, et voici pourquoi celle-ci a mis tant d’années à se frayer un chemin dans la clinique. Il n’est pas douteux que nos connaissances sur la biologie du streptocoque sont encore imparfaites; ü n’en est pas moins certain que la tendance actuelle de voir partout et toujours des streptocoques variés est aussi peu fondée que l’opinion des 364 ANNALES DE L’INSTIïUT PASTEUR. unicistes hypnotisés par la ressemblance morphologique de cocci en chaînettes. Il en est, d’après nous, des streptocoques comme des vibrions et des spirilles. Le streptocoque n’est qu’une expression de la forme de microbes dont il existe plusieurs variétés, aussi dis- tinctes peut-être que le sont le vibrion cholérique et le mhrio Metchnikovi, par exemple. Le problème qui se pose aujourd’hui est de trouver les moyens permettant d’individualiser les streptocoques; c’est là, pensons-nous, l’avenir de la sérothérapie antistreptococcique, et tant que ce problème ne sera pas résolu, on sera réduit à des tâtonnements et à de l’empirisme plus ou moins réussi. Nous reviendrons sur ce sujet à la fin de cet article. La question du milieu a été, pour le streptocoque, toujours une de celles qui préoccupaient le plus les bactériologistes. Marmorek, qui essaya un grand nombre de milieux, s’arrêta finalement au bouillon-ascite. Plus près de nous, Aronson, auquel nous devons le sérum le plus actif jusqu’à présent connu, se sert de bouillon glucosé, milieu excellent, mais fort capri- cieux, nous disait-il. D’autres bactériologistes ont employé des milieux plus ou moins compliqués, mais toujours à base de bouillon. Guidé par certaines considérations sur lesquelles nous reviendrons ultérieurement, nous avons résolu de déroger à cet usage et d’opérer, autant que possible, sur des streptocoques cultivés en milieu solide. Or, sur gélose, le streptocoque forme des colonies très petites et souvent, comme c’est le cas pour le microbe de Marmorek, c’est à peine si l’on distingue une trace de culture. Il a fallu cependant, pour immuniser les chevaux, avoir de grandes quantités de corps microbiens. Pour cela, nous avons eu recours au procédé suivant. Tous les échantillons de streptocoques — et nous en pos- sédons plus de 40 — sont ensemencés et conservés dans un mélange à parties égales de bouillon Martin et de sérum chauffé (56« — i/’2\\.) de cheval; dans ce milieu les streptocoques restent longtemps vivants et conservent très bien leur virulence. Après s’être ainsi habitués à vivre en présence du sérum, les strepto- LE SÉRUM ANTISTREPTOCOCCIQUE 365 co(|ues poussent ensuite très abondamment sur de la gélose que l'on a eu soin d’arroser préalablement avec un peu de sérum de cheval. Nous faisons nos cultures dans des boîtes de Roux, ayant 22 centimètres de longueur sur 11 centimètres de largeur. Une heure avant de procéder à l’ensemencement, on ajoute dans chaque boîte de gélose 1-1,5 c. c. de sérum chaullé de cheval; sur une gélose ainsi préparée, puis largement ensemencée, on a, 24 heures après, une culture si riche que, pour être injectée dans les veines d’un cheval, elle a besoin d’être diluée dans 100 c. c. environ d’eau physiologique. Ce milieu de gélose sérum , tout en fournissant une grande quantité de corps microbiens, offre cet avantage qu’il permet un dosage assez précis du virus injecté, ce qui n’est pas à dédaigner, vu la sensibilité extrême des chevaux aux injections intraveineuses^ les seules que nous pratiquons pour les immu- niser. A chaque injection nous introduisons de b à 8 différents streptocoques dont tous, sauf un seul, ont été isolés dans de slreptococcies humaines (scarlatine, érysipèle, fièvre puerpurale, phlegmon, septicémie, etc.). Ces streptocoques de provenance humaine, étant généralement peu pathogènes pour les ani- maux de laboratoire, né peuvent guère servir au dosage du sérum; c’est pourquoi nous leur avons adjoint un streptocoque qui, par des passages successifs, était rendu très virulent pour la souris et pour le lapin. En admettant — ce n’est qu’une hypothèse — que le cheval s’immunise d’une façon à peu près égale vis-à-vis de tous les streptocoques qu’on lui inocule, il y a lieu d’espérer que le streptocoque virulent, qui a fait des passages, pourrait servir on quelque sorte d’indicateur de l’état d’immunité du cheval vis-à-vis delà totalité des streptocoques. Chaque injection est suivie d’une forte réaction thermique (plus de 40°) qui, du reste, ne se maintient pas longtemps; après 48 heures, tout rentre dans l’ordre. Mais, de temps à autre, on observe ceci : un cheval qui paraissait complètement rétabli, est de nouveau pris de fièvre. 366 ANNALES DE L^INSTITUT PASTEUR. 10-13 jours après Pinjection. Tantôt il accuse des troubles arti- culaires, tantôt il pre'sente des phénomènes inflammatoires à quebjue distance des articulations. Dans ce dernier cas on voit apparaître dans l’épaisseur des muscles un liquide séreux qui finit par se frayer un passage au dehors. L’animal maigrit et pendant des semaines il est hors de service. Dans un cas, le cheval est mort après quelques jours seulement de maladie; à l’autopsie faite par M. Frasey, médecin-vétérinaire de l’In- stitut Pasteur, on a trouvé les muscles de la région malade infiltrés de masses gélatineuses baignant dans un liquide séreux absolument stérile. Les mêmes altérations ont été observées chez un autre cheval qui, pris des mêmes symptômes, avait été abattu. Ces accidents, dont les causes nous échappent et qui peuvent survenir à tous les stades d’immunisation, sont liés, évidem- ment, au mode d’inoculation; mais, si ce dernier procure des déboires, il offre aussi des avantages précieux, car il permet, en peu de temps relativement, d’obtenir un sérum doué de propriétés préventives et curatives très marquées. Voici quelques chiffres pour donner une idée du pouvoir thérapeutique de notre sérum. Les dosages ont été faits sur des souris et sur des lapins. Une souris inoculée sous la peau avec une dose plus de dix fois mortelle de streptocoques, peut être sauvée si on lui injecte 18-24 heures après 1/1000 c. c. de sérum dans le péritoine. Avec 1/40 — - 1/400 c. c. de sérum on peut préserver dans les mêmes conditions contre une dose au moins 2,000 fois mortelle. La dose mortelle, prise comme unité, a été dans nos expériences égale à 1/10000000 c. c. de culture de 24 heures en bouillon- sérum; en réalité, on pourrait tuer une souris avec une dose beaucoup plus faible: mais nous nous sommes arrêtés au chiffre indiqué pour éviter de trop grandes dilutions. Quant à l’effet préventif du sérum, il a été déjà manifeste avec des doses dix fois inférieures à celles qui étaient nécessaires pour obtenir un effet curatif. Chez les lapins, il faut employer des doses plus fortes de LE SÉRUM ANTISTIIEPTOCOCCIQUE 367 sérum ; ainsi, après avoir inoculé sous la peau d'un lapin une dose de streptocoque plus que 100 fois mortelle (1/40,000 c. c.), on peut le sauver sûrement en lui injectant deux heures après, dans les veines ou dans le péritoine, 1,3 à 2 c.c. de sérum. Ces cliiffres ne sont pas définitifs; nous ne sommes pas encore arrivé au terme de l’immunisation, et nous espérons avoir sous peu des sérums plus actifs. Nous passons sur les propriétés agglutinantes du sérum sur lesquelles nous comptons revenir une autre fois pour nous arrê- ter sur ses propriétés fixatrices ou sensibilisatrices. Le sérum antistreptococcique est, jusqu’à présent, à peu près le seul dans lequel on n’ait pas constaté la présence de fixateur. Aronson a voulu se rendre compte de la manière dont agit son sérum; après avoir mis le sérum en conlact avec des streptocoques, il a pu s’assurer qu'il est resté après cela aussi actif qu’avant : les streptocoques n’ont donc rien fixé. Grâce à l’obligeance de M. Aronson qui a bien voulu nous envoyer du sérum pur, non additionné de tricrésol, ainsi que son streptocoque, nous avons pu faire l’épreuve de Bordet- Gengou et nous assurer que, réellement, le sérum d’Aronson ne contenait que des traces de fixateur vis-à-vis de son propre streptocoque. Ce dernier, mis en présence du sérum spécifique et de la cytase (alexine), a laissé cette dernière à peu près complètement libre, de sorte (jue les globules sensibilisés, ajoutés quelque temps après, se sont dissous presque aussi bien que dans les tubes témoins, contenant du sérum normal. Cette expérience fut répétée plusieurs fois et toujours avec les mêmes résultats. Or, chose curieuse, le fixateur antistreptococcique que nous avons vainement eberebé dans le sérum d’Aronson, est toujours présent dans tous les échantillons de notre sérum. Cette différence doit tenir, évidemment, à ce que notre mode d’immunisation diffère de celui d’Aronson : d’abord, les chevaux d’Aronson sont immunisés avec des cultures en bouillon, alors que les nôtres reçoivent des cultures provenant du raclage de boîtes de gélose-sérum; puis, nous injectons toujours les microbes directement dans les veines, alors qu’Aronson, autant 368 ANNALES DE L’INSTITUT PASTUR que l’on peut juger d’après son mémoire, s’adresse de préférence à la voie sous-cutanée. Les expériences ultérieures vont élucider cette question. Ce qui nous intéresse en ce moment, ce "n’est pas tant de connaître la ou les causes qui président à la production du fixa- teur que de se rendre compte du rôle que celui-ci joue dans les sérums spécifiques. Ce rôle justlfîe-t-il le terme de « substance immunisante », ou (( d’immuncorps » sous lequel le désignent généralement les auteurs allemands? Nous ne le pensons pas, et voici pourquoi. Si le fixateur représentait réellement la substance active du sérum, celle qui lui confère son action spécifique, on aurait dû s’attendre à ce que le sérum d’Aronson, qui est presque dépourvu • de fixateur, fût aussi presque dépourvu de propriétés préven- tives. Or, ce sérum est sûrement très actif vis-à-vis du streptocoque d’Aronson ef, sous ce rapport, nos expériences confirment en tous points les résultats annoncés par cet auteur. Il y a donc dans le sérum d’Aronson autre chose que le fixa- teur ou (( l’immuncorps » qui permet à l’animal de lutter avec succès contre les streptocoques. Que le fixateur n’est pas tout dans un sérum spécifique cela ressort encore de l’observation suivante que nous avons eu l’oc- casion de vérifier à plusieurs reprises. Afin de nous rendre compte de la marche de l’immunisation de nos chevaux, nous faisions de temps à autre de petites sai- gnées d’essai ; à chaque saignée on essayait le sérum au point de vue de sf‘.s propriétés préventives, ainsi qu’au point de vue de sa teneur en fixateur, par le procédé de Bordet-Gengou. Or, aucun parallélisme n’a pu être constaté entre ces deux propriétés dans les divers échantillons de nos sérums. En plus, en examinant comparativement le sérum d’Aronson avec les échantillons des premières saignées, nous avons vu que ces derniers, tout en contenant le fixateur, étaient quatre fois moins actifs que le sérum d’Aronson qui en contenait des traces seulement. Un sérum peut donc être actif sans renfermer de fixateur, et il peut renfermer le fixateur sans pour cela être bien actif. LE SÉRUM ANTISTREPTOCOCCIQUE 309 Quel est le rôle de ce fixateur, nous l’ignorons pour le moment, mais, ce qui est certain c’est que l’animal n’en a pas besoin pour venir à bout des streptocoques. * * Comment agit donc le sérum? 11 n’est pas bactéricide; c’est un fait établi depuis longtemps. Il n’a pas besoin d’être sensibilisateur, nous venons de le montrer. Il n’exerce donc pas d’action directe sur les streptocoques. Pour se rendre compte du mécanisme de cette action, on n’a qu’à regarder, microscope et pipette en mains, ce qui se passe in Vitro. C’est ce que fit si bien Bordet en 1897 en se servant du sérum de Marmorek. Cette même question fut reprise récemment par Aronsonpour son propre sérum. Nous-mêmes venons d’étu- dier le mécanisme de l’immunité passive en nous servant de sérum riche en fixateur. Quel que soit le sérum, le mécanisme de son action est tou jours le même : les phagocytes interviennent si vite après; l’infection et opèrent un englobement si parfait des streptocoques que l’action du sérum sur les leucocytes ne peut pas être mise en doute. Certes, on peut admettre que le sérum agit en raison de son pouvoir antitoxique, mais cette hypothèse n’a pour elle aucun fait expérimental. Étant donné notre mode d’immunisation par les corps microbiens, ne renfermant pas de toxine, il est peu admissible que ceux-ci produisent de l’antitoxine; quant au sérum d’Aronson, préparé avec des cultures en bouillon dont les filtrats ne sont que très peu toxiques, l’hypothèse d’une ac- tion antitoxique est aussi peu probable; elle n’est même pas soulevée par l’auteur. Il ne reste donc qu’une seule interprétation possible qui s’accorde, du reste, très bien avec les données microscopiques et d’après laquelle la survie des animaux traités par le sérum est due à l’action stimulante que ce dernier exerce sur les globules blancs. Cette interprétation trouve une confirmation indirecte dans le fait que nous avons signalé déjà, en passant, à savoir que le sérum agit différemment selon l’espèce animale. Ainsi, nous 24 370 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. possédons un streptocoque vis-à-vis duquel la souris et le lapin sont ;à. pou près .également sensibles. Or^ tandis que pour protéger la souris contre une dose 100 fois mortelle de strepto- coques, il suffit d’injecter 1/200 c. c. de sérum, une dose beaucoup plus élevée — 1,0-2 c. c. — de ce dernier est néces- saire pour obtenir le même effet cliez le lapin, inoculé avec le même nombre de microbes. Si le sérum devait son pouvoir curatif à l’action qu’il exer- cerait directement sur la toxine streptococcique ou sur les corps de streptocoques ne serait-on pas en droit de s’attendre à ce que l’effet du sérum fût le même qu’il s’agisse de lapins ou de souris ? Si ce n’est pas une preuve, c’est au moins un argument en plus en faveur de l’action indirecte du sérum. Au commencement de cet article, il a été question de la mul- tiplicité des streptocoques et de la nécessité qu’il y a, ne fût-ce que dans l’intérêt de la sérothérapie, de pouvoir établir une classification rationnelle. Ni l’origine, ni les caractères culturaux, ni l’aspect micros- copique, ni l’action pathogène ne fournissent d’éléments néces- saires pour ébaucher celte classification. Aujourd’hui, chaque fois que l’on isole un streptocoque, que cela soit chez l’iiomme ou les animaux, à l’état normal ou au cours d’une affection grave, on est extrêmement embarrassé de dire si l’on se trouve en présence d’une nouvelle espèce ou d’un microbe déjà vu. Pour apporter un semblant d’ordre, on classe souvent les streptocoques d’après les maladies où on les avait rencontrés; il est à peine besoin d’ajouter combien celte classi- fication est illusoire. On a pensé que l’agglutination pourrait fournir un critérium plus sûr; mais de ce côté aussi il n’y* a pas beaucoup à espérer, du moins pour le moment. L’agglutination a été tour à tour invoquée .jiour plaider la parenté étroite de tous les streptocoques, de même que pour sou- tenir la Thèse contraire, soit la spécificité de certains d’entre eux, et cela .parce que l’agglutinine streptococcique n’est pas LE SÉllUM ANTISTREPTOCOCCroLE 371 comparable aux autres et ne se prête pas, comme Tag-glutinine typhique, par exemple, à un dosage rigoureux. D’abord, les* streptocoques poussent souvent en amas qui ont à subir une désagglutination préalable, et, comme celle-ci n’a rien d’absolu, elle varie nécessairement avec chaque expéri- mentateur. Ensuite, le titre agglutinatif d’un sérum antistrepto- coccique peut varier, dans une large mesure, pour le même strep- tocoque, selon la virulence qu’il présente à un moment donné (Neufeld); de plus, le titre agglutinatif \)eut subir d’importantes variations, jusqu’à disparaître même, en présence de certaines substances ( VVeaver, Aronson). Bref, à l’heure actuelle, avec la technique que nous possédons, l’agglutination no semble pas en état d’éclairer la ({uestion de l’individualité des streptococjues. On sera peut-être plus heureux en s’adressant au phéno- mène de lixation. Au cours de nos recherches sur les fixateurs dans les sérums antistreptococciques, nous avons employé, en plus des strepto- coques ayant servi à l’immunisation, différents autres échantil- lons, à titre de contrôle. En combinant de dilférentes façons sérums et streptocoques, nous avons ac(juis la conviction (jue les fixateurs sont rigoureu- sement spécifiques : un cheval immunisé avec un streptocoque déterminé A contient seulement le fixateur lui correspondant A vis-à-vis de tout autre streptocoque que A, le sérum de ce cheval se comporte comme un sérum normal, c’est-à-dire donne une réaction négative. Telle est la règle générale; mais elle n’est pas absolue. Dans le nombre de streptocoques témoins, il est facile d’en trouver un oii deux (/i, G) qui, mis en contact avec le fixateur A, se compor- tent tout à fait comme le streptocoque A. Étant donnée la spécificité bien démontrée des fixateurs, il reste à conclure que ces nouveaux échantillons (G, C) sont identi- ques au streptocoque A ou, pour ne pas nous avancer trop, nous dirons qu’ils en sont très voisins. C’est de cette façon que nous avons pu établir l’identité ou la parenté de trois streptocoques de provenance très différente, que jusqu’à ce jour nous considérions comme n’ayant rien de commun entre eux. Un de ces streptocoques fut isolé par M. Roux du liquide 372 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUIL d’œdème chez un enfant mort àe septicémie streptococcique; c’est avec ce streptocoque que nous avons immunisé un cheval; des deux autres streptocoques (!Jui ont réagi spécifiquement vis-à-vis de ce même fixateur, un a été isolé du sang d’une femme mortd d’érysipèle à l’hôpital Pasteur (strept. Girard-Loiseau), et l’autre nous a été très obligeamment envoyé de Vienne par M. Jelli- nck; il a été isolé du sang du cœur d’un enfant mort de scarla- tine. Ces trois streptocoques, isolés à des époques différentes, ont été cultivés depuis longtemps dans les mêmes milieux artifi- ciels que tous les autres streptocoques ; rien, dans leurs carac- tères biologiques, ni morphologiques, ne faisait prévoir la parenté entre ces trois échantillons, pas plus qu’entre ces derniers et les autres streptocoques de la collection. On aurait donc dans lephénonène de fixation * un moyen de différenciation très sensible qui permettrait de mettre un peu d’ordre dans celte question si importante de biologie et de méde- cine clinique. C’est dans cette direction que vont être dirigés nos efforts. I, La réaction est très facile à réaliser : on mélange. 20 gouUes de sérum chauffé avec 4-6 gouttes de cytasc et 15 à 20 gouttes d’émulsion assez épaisse/le slreptoco({iies dans l’eau physiologique; après 4-5 heures de contact, on ajoute des globules sensibilisés; })our les détails, voir le travail de Bordet et Gengou (Ces Annales, t. XV, p. 289). Rappelons que, si le strei)tocüque est déjà hénmlytique à lui seul, il faut le chautfer à 60° pendant 1 heure; mais, s’il n’hémolyse pas, il est de beaucoup préférable de se servir de streptoco({ues vivants qui fixent notable- ment mieux que les chaudes. Les streptocoques proviennent dans nos expé- riences de cultures sur gélose-séi um. CONTRIBUTION A L’ÉTUDE Par mm. BESREDKA et DOPTER La présence de streptocoques dans la scarlatine a été de tout temps considérée comme un fait banal, et bien rares étaient ceux qui voulaient y voir autre chose qu'une simple association microbienne. ^ La communication bien connue de Moser ‘ au Congrès de Carlsbad fut de nature à ébranler sérieusement celte manière de voir; devant les beaux résultats thérapeutiques de son sérum anti-scarlatineux, nombre de bactériologistes ont fini par se demander si, dans leur dédain pour les chaînettes si souvent rencontrées dans la gorge ou le sang du cœur de scarlatineux, ils n’étaient pas passés à côté de l’agent pathogène de la scarla- tine, ou du moins, d’un des agents les plus importants de cette affection. Et l’on eut beau se dire que la scarlatine avait des caractères trop bien définis pour être causée par un streptocoque, les témoignages de cliniciens, comme ^Escherich etBokay, furent si éloquents que la question de spécificité du streptocoque scarlatineux a gagné beaucoup de terrain.. Donc, d’une part, fréquence incontestable du streptocoque au cours de la scarlatine, d’autre part, action spécifique du sérum préparé avec les streptocoques de la scarlatine, à l’exclu- sion de tout autre, tels sont les faits que Moser et ses partisans invoquent en faveur de la spécificité. Mais, pour être réellement démonstrative, cette thèse aurait besoin de s’appuyer sur d’autres preuves, notamment sur celles que l’on a l’habitude d’apporter chaque fois qu’il s’agit de démontrer l’identité d’un microbe nouveau nous voulons parler de la séro-réaction sous ses différentes formes. Une des réactions les plus sensibles et les plus précieuses pour l’idenlification d’un microbe est, sans contredit, l’agglutina- tion ; dans l’immense majorité des maladies, spontanées ou expé- rimentales, le passage du microbe pathogène dans l’organisme 4. P. Moser, Wiener klin. Woch., n® 41, 9 oct. 1902; pp. 10d3-10o5. 374 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUIL est marqué, tôt ou tard, par Lapparition, dans le sang, de la réaction agglutinante: cette dernière est d’une sensibilité telle qu’elle révèle parfois la présence d’un microbe, même étranger à l’affection principale; tel est, par exemple, le cas du sérum des varioleux qui agglutine le streptocoque, satellite du microbe de la variole (de Waele). Si donc le streptocoque qu’on rencontre dans la scarlatine jouait réellement le rôle important que lui attribue Gloser, on aurait pu s’attendre à voir le sérum de scarlatineux doué d’un pouvoir agglutinant bien manifeste vis-à-vis de ce germe. Or, les nombreuses expériences de Moser lui-même et de v. Pir- quet L les observations consciencieuses et variées de Weaver% enfin, celles toutes récentes de Tun de nous ^ prouvent surabon- damment qu’à aucun stade de la maladie le sérum de scarlatineux n’agglutine d’une manière spécifique les streptocoques recueillis chez ces malades. A part Salge qui a constaté une agglutina- tion notable avec le sérum de scarlatineux, aucun des auteurs précédents n’a pu constater de différence nette à cet égard entre les streptocoques de la scarlatine et les autres strepto- coques d’origine variée. La recherche du pouvoir agglutinant vis-à-vis du strepto- coque et surtout son appréciation ne sont pas sans présenter dos difficultés, car bien souvent ce microbe pousse agglutiné dans les cultures, et pour pratiquer la réaction, il faut commencer par le désagglutiner, ce qui peut être obtenu de plusieurs façons. Ce traitement préliminaire rend naturellement difffeile le dosage du titre agglutinatif du sérum, et les résultats notés par différents auteurs ne sont plus comparables entre eux, Weaver a particulièrement insisté sur ces causes d’erreur. En présence de ces faits, nous avons pensé que la question serait peut-être plus facilement résolue par la recherche du fixa- teur (sensibilisatrice), au moyen du procédé devenu classique de Bordet et Gengou. Ce procédé d’une sensibilité remarquable a permis à ces auteurs de mettre en évidence dans différents sérums, les fixateurs pour le bacille typhique, le bacille de la peste, le bacille du rouget, etc. 1. Moser et v. Pirquet, Centralbl. /. Bacter., I., Orig., t. XXXIY; pp. 560; 714. 2. WE.A.VER, Journ. of infect, diseases, vol I, pp, 91-106; 1904. 3. Dopter, Société de Biologie, 14 mai 1904. STIIEPTOGOQÜES AU COURS DE LA SCARLATINE 375 Or, les expériences de Tun de nous, exposées dans un mé- moire précédent ont montré que les animaux qui ont reçu en inoculation des cultures de streptocoques, ne font pas exception à Ja règle générale et qu'un pareil sérum peut aussi contenir un fixateur facile à mettre en évidence. Dès lors nous pouvions nous demander si le sérum de scar- latineux ne contiendrait pas, lui aussi, une sensibilisatrice vis-à- vis du streptocoque de la scarlatine. Le résultat positif serait, à n'en pas douter, la preuve évi- dente de l’intervention spécifique de ce germe dans l’étiologie de l’affection; il faut ajouter cependant qu’un résultat négatif ne serait pas de nature à infirmer complètement la thèse de Moser, car, même dans le sérum des chevaux longuement im- munisés contre le streptocoque, nous avons vu le fixateur faire quelquefois défaut. Cette restriction faite, résumons brièvement nos expériences. Nous avons exaniiné le sérum de sept malades ayant pré- senté une scarlatine typique, terminée par guérison : OiiS. I. — Lang. .. Scarlatine à caractère grave. Forme nerveuse; rachialgie; hyperesthésie généralisée. Pseudo-rhumatisme. Fièvre ayant persisté 13 jours à partir du début. Sérum prélevé le 30e jour, en pleine convalescence. Obs. II. — Lar. . Scarlatine d’intensité moyenne. Pseudo-rhumatisme. 12 jours de fièvre. Sérum prélevé le 32e jour. Obs. III. — Met... Scarlatine d'intensité moyenne. Albuminurie prolongée dans les premiers jours. Forme nerveuse : délire, agitation, 6 jours de lièvre modéfée. Sérum prélevé le 23e jour. Obs. IV. — Mach... Scarlatine de moyenne intensité. Forme nerveuse : agitation, délire, vertiges. Pseudo-rhumatisme; 10 jours de fièvre modérée. Sérum prélevé le 12e et le 27e jour. Obs. V. — Lav. .. Scarlatine de forme moyenne. 7 jours de fièvre modérée. Sérum prélevé le 17e et le 33e jour. Obs. VI. — Desch.., Forme bénigne. 3 jours de fièvre légère. .Sérum recueilli le 7e jour. Obs. vu. — Mil... Forme grave, nerveuse. Pseudo-rhumatisme. Sérum recueilli le 10e et le 25e jour. ► . Nous avons donc ainsi utilisé du sérum prélevé aux 7®, 10% 1. Voir dans ce même fascicule : Le sérum antistreptococcique et son mode d’action. 376 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. H '' 12", 17®, 23®, 23®, 27®, 30®, 32®, 33® jours; de plus, cfiez trois malades, le sang a été examiné trois lois, à quinze jours d’inter- valle : les divers échantillons de sérum ont donc été prélevés à différents stades de la maladie. En outre, pour avoir un terme de comparaison, du sérum a été recueilli chez trois malades convalescents de pleurésie tuberculeuse, d’angine simple et d’érysipèle, et n’ayant jamais eu de scarlatine antérieure. Tous les échantillons de sérum étaient préalablement chauffés à 56® pendant une demi-heure, puis conservés'à la'glacière. .r»o Les streptocoques dont nous nous sommes servis^ ont été cultivés sur gélose-sérum (voir le mémoire précédent). Dans une première série d’expériences, les races de strepto- coques employés (n® III et n® VII)‘ étaient isolées du sang du cœur de personnes mortes de scarlatine; dans une deuxième série, nous avons employé les streptocoques isolés des malades mêmes qui nous ont fourni le sérum. Avant chaque expérience, on s’assurait que les streptoco- ques ne dissolvaient pas, à eux seuls, les globules rouges de lapin ; pour la grande majorité de nos cultures, ce n’était pas le cas, au moins dans nos conditions d’expérience, c’est-à-dire qu’ils n’hémolysaient pas à la température du laboratoire, dans l’espace de 18 à 24 heures. Dès qu’on remarquait dans une culture une tendance à l’hémolyse, on faisait une expérience de contrôle avec la même culture, chauffée à 60® pendant une heure. La cytase (alexine), nécessaire pour la réaction de fixation, était fournie par du sérum de cobaye saigné de la veille. Nous avions l’habitude d’employer pour chaque sérum et chaque variété de streptocoques plusieurs tubes dans lesquels on plaçait des quantités variables de cytase (4 à 7 gouttes). La quantité de sérum humain dans lequel on recherchait lé fixateur, était toujours la même : 20 gouttes; quant à la culture, le nombre de gouttes ajoutées variait de 10 à 20, suivant sa richesse. Après cinq heures de contact entre losérum humain à essayer, la cytase et les streptocoques, nous ajoutions des globules sen- sibilisés de lapin. La réaction ne se faisait généralement pas longtemps attendre : 1, Ces streptocoques nous ont été gracieusement fournis par les docteurs Jellinek et R. Kraus, de Vienne ; nous sommes très heureux de saisir cette occasion pour leur exprimer notre profonde reconnaissance. STRliPTOCOQUIiS AU COURS DE LA SCARLATINE 377 après un quart d’heure environ, les résultats se dessinaient déjà très nettement ; ils devenaient encore plus accentués dans les heures suivantes. î • O Ces résultats peuvent être résumés de la façon’ suivante : danslaucun des échantillons de sérum provenant de malades atteints de scarlatine et en voie de guérison, il n’a été possible de constater la présence de fixateur, ni vis-à-vis de streptocoques isolés du sang du cœur, chez des personnes mortes dé scarla- tine, ni vis-à-vis de leur propre streptocoque, isolé de la gorge. jLe ‘Streptocoque que l’on rencontre dans la scarlatine, ne paraît donc pas être spécifique de cette infection; il n’y inter- vient, probablement, qu’à litre d’agent d’association secondaire. I lj rij MM h b j f ir ' i »t • j , - ’l to n-0 -v: ’d up ; l r-iii 1; - r .. y ' ! : il 5% ,■ i ^ . b; i J ; nr* . : î î : }f ' =( - !.. Sur l’isolement de lazymasedanslestissusanimauxetvépaux V\n P. MAZP. J’ai établi que l’on peut isoler la zymase du mycélium jeune d'Eurotiopsis Gcujoni développé en voile superficiel, en large contact avec fairi ; j’ai montré également que ce mycélium privé d’air pendant 24 à 48 heures ne s’enrichit pas en zymase comme la levure^ Ces faits démontrent que cette diastase se forme en vie aérobie et qu’elle est indispensable à l’assimilation du sucre. M. Stoklasa et ses collaborateurs ont isolé récemment la zymase des végétaux et des tissus animaux^ Comme j’avais eu déjà l’occasion d’examiner cette question et de constater qu’une simple dessiccation dans le vide des grai- nes de pois fermentés, ou des plantules de pois ou de maïs frais ou préalablement privés d’air pendant 48 heures et plus, suffit pour détruire la zymase qu’ils renferment, j’ai repris les expériences de M. Stoklasa et Czerny en suivant les indications qu’ils fournissent dans leur premier mémoire. Mes essais ont porté sur des graines de pois placées sous l’eau à 30^’ pendant 48 heures: 5 kilogrammes; des plantules de pois dont on employait seulement les tiges longues de 5-10 cen- timètres : 500 grammes à l’état frais, — 500 grammes après une submersion préalable de 48 heures à 30®; des poumons de bœuf encore tièdes : 5 kilogrammes. Les. pois et les plantules ont été broyés entre deux cylindres de granit que l’on pouvait serrer à volonté; on les a ensuite broyés dans des grands mortiers avec du sable fin de Fontaine- bleau, puis additionnés de poudre de tripoli, de façon à obtenir une pâte friable, qui se laisse épuiser facilement par la presse hydraulique. Les poumons étaient réduits en pulpe dans un fort hache- viande et traités ensuite comme les pois ou les plantules. Le jus qui s’écoule de la presse est recueilli dans un ballon 1. C. R. Juin J902. Los Annales, niai 1904. 2. J. Stoklasa, Joli. Jklink nnd. E. Vitek. Beiirage, zur Chem. Phy. und. Patho. Diiilor Bfl., p. 460, 1903, et Stoklasa nnd Czerny, Ber. d. d. Ch. Gesell., t. XXXVI, 21 lévrier 1903, p. 622-634. ISOLEMENT DE LA ZYMASE 379 entouré de glace fondante; on a pressé, suivant les indications de M. Stoklasa, jusqu’à 300 atmosphères. Le jus est aussitôt traité par un mélange d alcool absolu (3 p.) et d’éther sec (1 p.), ce sont les proportions indiquées par AlbertL On obtient ainsi un précipité volumineux qu’on jette sur un libre et qu'on maintient sous l’éther pendant 2 à 3 minutes, de façon à entraîner complètement l’alcool; on lave une dernière fois avec de l’éther sec. Le précipité est alors essoré dans du papier buvard, puis desséché à l’air ou dans un courant d’air à 30°, ou dans le vide sulfuri({ue. Toutes ces opérations, comme le recommandent les auteurs, ont été faites très rapidement. La recherche de lazymase a été faite : Dans le jus entier tel qu’il s’écoule de la presse ; ' 2® Dans le précipité séché à l’air libre pendant quelques minutes; celui-ci renfermait donc encore un peu d’éther; 30 Dans les précipités séchés complètement dans un courant d’air et dans le vide. Les auteurs ont fait usage de précipité séché dans un cou- rant d’air à 30o. Pour observer la production de GO^ et l’instant précis où le dégagement commence, j’ai introduit le jus entier à lu 0/0 de glucose, ou les solutions de glucose à lu 0/0 additionné de 10 grammes d’extrait éthéro-alcoolique, dans des ballons' de, 150 c. c. environ munis d’un tube à dégagement soudé au col, et dontla branche descendante a de 80 à 100 centimètres de longueur ;‘ la branche ascendante porte un tube latéral qui permet d’intro- duire le liquide à étudier et de faire immédiatement le vide à la trompe. Le ballon scellé à la llamme est ouvert sous le mer- cure, qui monte dans les tubes à dégagement à une hauteur que l’on note. Dans ces conditions, voici ce que j’ai observé : 1« Le dégagement de gaz cornmeiiceau bout de 12-10 lieureà à 30°; de 10-12 heures à 38°; 2° Les premières portions de gaz recueilli sous le mercure renferment toujours de l’hydrogène de 30 à 00 0, 0 en volume; le reste étant du CO’^ ; 3° Le toluène à 1‘ 0/0 et le sublimé à 0,01 0/0 rètardent le dégagement gazeux, si on la compare au thymol 0,4 0/0» Le 1. Berichte d. d. Chem. Gesell, t. XXXIII, 1900, p. 3775. 380 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. thymol est donc Je plus faible des trois antiseptiques employés par les auteurs, bien que le toluène et le sublimé soient également très médiocres dans les conditions indiquées; 4° Le jus entier de poumon fermente beaucoup moins acti- vement que les extraits étbéro-alcooliques; il faut attribuer ce résultat à la présence de substances antiseptiques que le jus normal emprunte aux cellules. Le fait est général; je Tai observé non seulement avec les sucs animaux mais avec ceux de la levure, de Teurotiopsis, des pois, des plantules de maïs, de ricin, de pois, etc... ; 5® Les liqueurs qui ont fermenté très activement renferment de l’alcool, de Tacide lactique et de l’acide acétique. En résumé, on trouve tous les éléments des fermentations microbiennes. J’ai isolé ces microbes avec le concours de M. Perrier; nous en donnons les caractères et les propriétés dans une p. — note. M. Stoklasa et ses collaborateurs ont négligé de déterminer la nature des gaz fournis par les fermentations et de préciser l’instant exact où le dégagement commence. Ce sont justement les seuls facteurs qui leur auraient démontré que les fermentations observées ne sont ni immédiates, ni tumultueuses dès le début; elles doivent être rattachées exclusivement à une origine microbienne. Voilà ce que j’avais obtenu dès le mois de juin 1903. Depuis, les auteurs ont publié bien d’autres résultats et précisé enfin, en la variant, leur méthode de recherches. Leurs affirmations sont devenues moins absolues. L’inter- vention des microbes a été envisagée et écartée à tort, puisqu’ils n’ont pas recherché l’hydrogène dans les gaz des fermentations; ils ajoutent même qu’ils ont démontré l’existence de la diastase lactique dans les végétaux et les tissus animaux; ils auraient dû étendre leur conclusion à la diatase acétiqne. J’ai répété mes essais en me conformant ponctuellement aux dernières indications des auteurs et en opérant encore sur des poumons de bœuf, parce que c’est l’organe qui semble, d’après leurs résultats, renfermer le plus de zymase. J’ai séparé les sucs qui s’écoulaient jusqu’à 250 at. et à partir de 250 at. jusqu’à 400, pour les traiter ensuite séparément. Ces essais m’ont fourni exactement les mêmes résultats que ISOLEMENT DE LA ZYMNASE. 381 les premiers. La conclusion qui en découle esl donc la suivante * lès cellules végétales et animales renferment de la zymase puis- qu’elles produisent de l’alcool; mais les méthodes d’isolement employées jusqu’ici ne permettent pas de l’extraire L -Do. P .ï(r ■ t ^ rj*) i.^Voir plus loin. j ‘ • i^lll i! :l ,, .. . |. . > . : Il i Oj . if.'i ' xijoo 00 -»i tm !. r • . - • I • rijcni Ml ^ • 1 In o 1 I : 1 i V I I *iK . 1 ‘ ' ! ! y il M I i; !(î o*.vrt } ^ : -ion , : !-M U ' ni. ■ OÎon q OJ'U -M I. - n>nnn 1 -j^h oh •; r , f 0‘iq N I i ^ • > in 'f. tufi omi ii!| ■ i , iliOlnnoiiii oi - , ^ iiÎMO Odi / O UI 1 • ii -Toin/ .1 ÿMuh-.yd ^ . '■i- rq.yiüq (ru}î a ' i . . : <û,oiiuloourî d - dl Oi' •■di;-' / . /Hi'Siua- 7.Ü.: Juouu'HorUofuo; r ' : OUd 0'î;.‘Ur'* hl: ? '0'' ■ < , Mdiol -P U!;= Md . >*;■ •; I-Od V ,• î i C JJIuni Ji; !M I ; ôiq? ylnUneoa cTOJXIÔrd -Sur le rôle des microbes dans la fermentation alcoolique que M. Stoklasa attribue à la'zymase isolée des tissus végétaux ou animaux, Par P. MAZÉ et A. PEllUlER. L’un de nous a iiionlré, dans la note précédente, que les extraits de végétaux frais ou fermentés, de tissus animaux frais, additionnés de 15 O/O de glucose, fermentent au bout de quelques heures à 30'5 sous l’influence des microbes ; le dégage- ment de CO* et la production d’alcool doivent être attribués au développement de microorganismes et non, comme l’affirment AI. Stoklasa et ses collaborateurs, à la présence d’une zymase fournie parles cellules végétales ou animales. Ces derniers ont constaté aussi la présence de bactéries dans les solutions à la fin de leurs expériences ; mais les espèces qu’ils y ont rencontrées (B. coli commune^ B. siibtilis, B. fluores- cent) ne donnent pas d’alcool. Les milieux obtenus en additionnant 100 c. c. d’une solu- tion de glucose à 15 0 0, de 10 grammes d’extrait de tissus végétaux ou animaux, sont cependant très favorables au déve- loppement des microbes producteurs d’alcool et des ferments lactiques et, en réalité, ce sont eux qui s’y implantent; nous avons toujours constaté qu’ils y prédominent. Nous en avons isolé 4 espèces, a, b, c, d, différentes par leur aspect microscopique, leur mobilité et les caractères que présentent leurs cultures sur divers milieux ; elles font fermen- ter les solutions de glucose à 15 0/0 en bouillons nutritifs en moins de 24 heures à 30'^ ; la fermentation n’est pas accompa- gnée de dégagement visible de gaz, mais le liquide reste toujours sursaturé de CO* et mousse abondamment quand on l’agite. L’activité des cultures persiste pendant très longtemps, et, quand on met fin à l’expérience, on constate que la liqueur est très peu acide, peu riche aussi en alcool. C’est la conclusion qui découle des cbitfres du tableau 1. MICROBES BANS LA FERMENTATION ALCOOLIQUE 383 Tableau I. I Cultures en solutions de glucose à 15 0/0 {Bouillon de harieo-t 100 c. c.) Espèces Acidité totale en Alcool pour lOü Sucre disparu. Diirée des cullivées. C2II*02 p 1,000. en Aolume. Grammes. cultures a b c d 0,888 0,200 3,733 - • 12 jours, 0,8üG 0,180. 3.333 12 — ■ 0,555 0,250 4, -010 12 — 1,110 0,213 3,733 12 — On voit que l’alcool et les acides ne représentent pas le 1/10 du sucre détruit; on constate en outre que les 4 espèces micro- biennes sont assez voisines comme propriétés pliysiologiques. Quelques prises de gaz faites sous le mercure ont été sou- mises à l’analyse; on y a constaté de l’Iiydrogène et du CO®, Ces microbes font fermenter également le bouillon de viande additionné de glucose. L’espèce b a été cultiv^ée dans ce milieu en présence de diffé- rents sucres. Les résultats que nous avons obtenus sont réunis dans le tableau IL . ' . ' Taiuæal 11. ' ■ Laclose .Mal (ose Lévulose .Ma 11 ni le Glycéciue Amidon 5 0,Ü 5 0/0 13 0/0 2 ü/a 5 0/0 2 0, 0 Acidité totale en 3,845 p. 1000 1,825 0,531 2,()76 _ 1,825 0,747 — volât. — 3,3 >0 » O )) ' » B Alcool p. 100 0,103 0,147 0,250 0,5 0,487 0,07 Sucre restant p, 100 3,421 ' . * 0,03 1,00 B » » Durée des cultures 28 jours 28 j. 42 j. ■ 28 j. 28j. 28 j. La glycérine et la mannite fou fuissent comme on le voit la plus grande proportion d’alcool ; on n’a pas constaté la présence de sucres réducteurs dans les milieux- additionnés de glycérine ou de mannite. ■ . . • . L’amidon fermente également en donnant une petite quantité, d’alcool. En G semaines, le microbe détruit 14 grammes de lévulose sur 15, et on ne trouve comme résidu (ju’un peu d’alcool et des traces d’acides ; le lévulose a été entièrement brûlé. La puissance comburante du bacille b se manifeste encore en l’absence d’oxygène, car il est anaérobie facultatif, comme les ' trois autres, d’ailleurs. Une expérience réalisée en vase clos, dans un ballon de 3 litres avec 100 c. c. de bouillon do haricot renfermant de glucose, nous a donné les résultats suivants au bout de 48 heures à 30*^ ; 384 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUU. C02 dégagé en poids l5',301 — en volume 660,2 c. c. H dégagé en poids 0e%0292 — en volume 330,2 c. c. Acidité totale en 0s^091 Alcool 0"%813 Acidité volatile en Os^ûSS Poids de microbes Os^^jl^St La proportion d’alcool est plus élevée en vie anaérobie qu’en vie aérobie ; mais une fraction sensible du sucre a disparu par combustion totale; l’eau a été décomposée; l’oxygène a servi à oxyder le sucre ou plus exactement l’alcool qui manque; l’hy- drogène a été mis en liberté; les acides fixes manquent; les aci- des volatils sont constitués par de l’acide acétique et une faible proportion d’acide formique. Un fait à rapprocher des résultats de M. Stoklasa, c’est la disproportion qui existe entre l’alcool réduit et le CO^ dégagé; la même anomalie se retrouve dans les chiffres de la communica- tion que l’auteur a faite au congrès de Chimie appliquée de Ber- lin (juin 1903), ceux qui se rapportent du moins à l’action des extraits de tissus animaux. La raison de cette anomalie est facile à donner dans nos expériences ; il n’est pas douteux que les chiffres de Stoklasa doivent s’interpréter de la même façon. En résumé, l’étude bactériologique vient confirmer, à son tour, les conclusions formulées dans la note précédente les résultats obtenus par M. Stoklasa et ses collaborateurs sont exacts, si on ne considère que la nature des fermentations qui se déclarent dans les solutions de glucose additionnées d’extraits végétaux ou animaux ; mais l’origine des diastases qui y inter- viennent est tout autre que celle qu’ils indiquent. SUR LA FERMENTATION MANNITIQUE Par mm. U. GAYON et E. DUBOURG. Dans un important mémoire publié dans ces Annales en septembre 1903, MM. P. Mazé et A. Perrier ont étudié la pro- duction de la mannite par* un microbe issu d'un vin malade et par le ferment que nous avons nous-mêmes isolé en 1894. Leurs résultats, sensiblement identiques pour les deux ferments, diffé- rent en plusieurs points de ceux que nous avons obtenus ». C’est ainsi qu’e'n aucun cas ils ne trouvent de glycérine ni d’acide succinique et que, par contre, ils observent de l’alcool dans les fermentations du lévulose en bouillon de haricots. Avant d’appeler l’attention sur ces divergences, nous avons tenu à répéter nos expériences avec notre ferment, en variant les milieux de culture et en nous plaçant, en particulier, dans les mêmes conditions que MM. P. Mazé et A. Perrier. ' Nous n’avons rien à changer aux conclusions de nos travaux précédents. Gomme dans nos premiers essais, nous obtenons toujours de l’acide succinique et de la glycérine, et en propor- tions plus grandes avec le glucose qu’avec le lévulose. La pro- duction de glycérine vient d’ailleurs d’être confirmée par M. Laborde % non seulement avec notre ferment, mais encore avec des microbes extraits de vins malades, dans lesquels il a, le premier, reconnu le pouvoir de faire de la mannite avec le lévulose. Il n’est donc pas permis de négliger l’acide succinique et la glycérine dans le bilan des transformations du glucose et du lévu- lose produites parle ferment mannitique. Et, comme les matières dosées par MM. P. Mazé et A. Perrier représentent déjà plus de 100 0/0 des sucres employés , il faut bien admettre que quelques- uns au moins de leurs chiffres sont trop élevés et que certaines de leurs méthodes d’analyse ne comportent pas une précision suffisante. Pour établir l’équation de la réaction, et spécialement pour rechercher et doser l’acide succinique et la glycérine, il est utile que tout le sucre ait disparu de la culture; or, il n’en est pas ainsi dans le mémoire dont il s’agit. On peut déduire en effet de l’une des expériences faites avec notre ferment : 1. Annales de V Institut Pasteur; juillet 1901, 2. G. R. 25 janvier 1904. 25 386 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Glucose. Lactose. Sucre total emjjloyé - oBs^OOO SO^^OOO Sucre disparu 1^!, 110 24. 379 Sucre restant 2>, 89U o, 021 Le volume de chaque liquide de culture étant de 1,200 c. c , c’est donc environ 19 grammes de .glucose et de lévm- lose par litre que le ferment n’avait pas touchés. On comprend que, dans ces conditions, il ait été difficile d’extraire la glycé- rine et l’acide succinique par les procédés habituels. En ce qui concerne la formation d’alcool aux dépens du lévu- lose, MM. P. Mazé et A. Perrier ne paraissent pas l’avoir cher- chée avec le bouillon Liebigni avec l’eau de levure où ni M. La- horde ni nous n’en avons trouvé; mais, avec le bouillon de haricots, ils en ont obtenu o27, soit 0^S7o pour 1,200 c. c. de liquide, ce qui représente environ 0*^% fi par litre ou fi/10,000. A ce degré de dilution, il est bien possible de caractériser l’alcool, mais non de le doser avec exactitude, surtout si l’on tient compte, comme il est nécessaire, des causes d’erreurs résultant de la nature spéciale des bouillons et des impuretés du lévulose employé. La présence accidentelle d’aldoses ou de saccharoses, pro- ducteurs normaux d’alcool, oblige en effet à faire des correc- tions incertaines, souvent de même ordre de grandeur que les nombres trouvés. En fait, avec du lévulose parfaitement pur et avec du bouil- lon de haricots, exempt de sucre réducteur, nous n’avons pas obtenu d’alcool. Dès lors, si l’alcool est absent, il n’y a pas lieu de le faire intervenir pour expliquer la formation de la mannite en face du lévulose; et la théorie basée sur l’oxydation de cet alcool par les ferments anaérobies, assurément très ingénieuse, ne setrouve pas ici justifiée. Il est d’ailleurs difficile d’admettre que le même ferment soit capable d’oxyder l’alcool en présence du lévulose et non en présence du glucose, et de faire de Tacide acétique par deux processus diftérents dans le premier cas et par simple dédoublement diastasique dans le second. Quant au microbe qu’ils ont puisé dans un vin tourné, les auteurs n’établissent pas qu’il soit réellement un ferment de la tourne, puisqu’ils ne l’ont cultivé ni dans un vin sain ni dans des solutions d’acide fart'rique libre ou. combiné. SUR QUELQUES PROPRIÉTÉS PHYSIOLOGIQUÉS DES DIFFÉRENTS VENINS DE SERPENTS Par le F. NOG Médecin aide-major de l'*" classe des trcupes coloniales. Travail du laboratoire de .M. Calmette. Les nombreux et importants travaux qui ont été publiés au cours de ces dernières années sur les venins ne sont pas encore parvenus à élucider d’une façon précise le mécanisme de Faction de ces substances toxiques sur les dilïérents tissus ou bumeurs de l’organisme. La complexité de leur constitution, suivant l’espèce du serpent qui les fournit, (Fune part, et, d’autre part, les effets variés qu’ils produisent sur le sang, sur les endotbé- liums vasculaires ou sur les éléments nerveux, en rendent l’étude extrêmement difficile. Il ne faut donc pas s’étonner de rencontrer, dans les publi- cations dont ils ont été Fobjel, des interprétations contradictoires de faits pourtant bien observés ; c’est ainsi que, d’après certains expérimentateurs, les venins coagulent le sang in vitro et in vivo, tandis que d’autres ont trouvé qu’ils empôcbent la coagulation. Des contradictions analogues peuvent être signalées dans les divers travaux sur les propriétés hémolytique ou protéo- lytique. J’ai donc pensé faire œuvre utile, en reprenant, sous la direction de M. Calmette, avec diverses espèces de venins, l’étude comparée de leurs fonctions hémolytiques, protéolytiques, coagulantes ou anticoagulantes et neurotoxiques, en vue de préciser davantage leurs caractères physiologiques différentiels. I POUVOIR HÉMOLYTIQUE COMPARÉ DES VEMNS DES SERPENTS. Le pouvoir hémolytique constitue une des propriétés physio- logiques les plus importantes des venins. Constaté in vivo depuis 388 ANIMALES DE L’INSTITUT PASTEUR. longtemps, il a fait Pobjet, tout récemment, de plusieurs tra- vaux qui ont déterminé le mode d’action in vitro des hémolysines du venin sur les globules rouges de diverses espèces ani- males U Les recherches de Kyes, effectuées dans le laboratoire du professeur Ehrlich,ont surtout contribué à élucider le mécanisme intimejle l’action hémolytique^. Celles que j’ai entreprises ont eu pour principal but de préciser les modalités de cette action avec les diverses espèces de venins. Dans cet ordre d’idées, MM. Flexner et H. Noguchi, expéri- mentant avec les venins de Cobra, de Mocassin, de Copper-head, et de Serpent à sonnettes, ont déjà publié un certain nombre de faits importants L Ces savants ont pris comme unité hémolytique vis-à-vis de différents érythrocytes (M. H. D.) la dose minima de venin nécessaire pour produire une trace d’hémolyse en 24 heures sur 1 c.c. de sang défibriné dilué à 5 0/0. Cette méthode, conforme aux principes de la théorie chi- mique de l’hémolyse d’Ehrlich et Morgenroth, n’est pas avanta- geuse pour comparer avec exactitude les divers venins : en elfet, la dose minima active est souvent difficile à apprécier vis-à-vis de globules dont la résistance est variable chez la même espèce animale; et, d’autre part, la longue durée de l’expérience est susceptible d’amener des modifications importantes dans les milieux en présence, en raison des autres propriétés (digestive, agglutinante, etc.) des venins étudiés. Dans mes expériences, j’ai employé une dilution de 5 par- ties de globules de cheval (lavés et centrifugés plusieurs fois) dans 9o parties d’eau salée physiologique à 9 0/00. A cet état de dilution, ces globules ne s’hémolysent jamais sous la seule influence du venin. Pour que l’hémolyse apparaisse, il est 1. W. Stephens, On the hemolytic action of snaketoxins and toxic sera. {Jouvn. of. path. and bact. 1899-1900). Flexneh et II. jNoguchi, Snake venom in relations to hemolysin and toxicity, [Journ. of. experim. med. 17 th March 1902). Galmette, Sur l’action hémolytique du V. de Cobra {C. R. Ac. des Sc. 1902). P. Kyes, Ueber die Wirkungsweise des Gobragiftes {Berlin. Klin. Wochens. 1902, n«^ 38-39). 2. P. Kyes, Zur Kenntniss der Cobragift activirenden Substanzen (Berlin. Klin. Wochens. 1903, n° 2-4.; — Ueber die Isolirung von Schlangengift-Lecithiden [Berlin. Klin. Wochens. 1903, n®* 42 und 43). 3. Flexner et H. Noguchi, The constitution of snake venom and snake sera Univ. of Pensylv^j medic. Bull. nov. 1902. PROPRIÉTÉS DES DIFFÉRENTS VENINS DE SERPENTS 389 nécessaire de restituera 1 c. c. de la dilution, 0 c. c. 2 de sérum de cheval. Je me suis servi de sérum normal chauffé à 58°, afin de me placer dans des conditions toujours aussi identiques que possible (absence d’alexine ‘). Les difierents venins de serpents sont tous hémolytiques, mais à des doses très variables. En vue de Fétude comparative que je désirais poursuivre, j’ai pris comme base, pour chaque venin, la dose unitaire de 1 milligramme (0 c. c. 1 d’une solution à 1 0/0 fraîchement préparée et non filtrée, car la filtration sur porcelaine diminue sensiblement le pouvoir hémolytique) et je notais le temps strictement nécessaire pour que 1 milligramme de venin hémolysât complètement (solution uniformément lim- pide) 1 c. c. de globules lavés et dilués à 5 0/0 ^ Les venins que j’ai expérimentés provenaient des espèces suivantes d’Ophidiens, déterminées d’après la classification du « catalogue of Snakes » de Boulenger {British Muséum de Londres). Cobra [Naja tripudians), Inde. Naja noir {Naja nif/ricollis), serpent craclieur de Guinée. Bungarc {Bungarus cœruleus)^ Inde. Hoplocephalus variegaius (//. bunçaroïdes), Australie. in Q «a Vipérinés.. Crolalinés. Vipère de France [Pelias berus, Vipera berus). Daboia [Vipera Bussellii), Inde. Mocassin [Ancistrodon piscivorus), Amérique du Nord. Gopper-bead i [Ancistrodon contortrix), Amérique du Nord. Trimeresurus Riukinanus [L. flawviridis), du ( Japon. r , . I Jararacussu [L. lanceolaius), Brésil. ac lesis jai’araca [L. lanceola(us), Brésil. ' Urulu [L. Neuwiedii), Brésil. Botlirops [L. lanceolatm), Martinique. 1. Tt igonocephalus conto7'trix de certains auteurs. Voici les résultats fournis par plusieurs séries d’expé- riences : Avec 1 c. c. de globules de sang de cheval lavés et dilués à 1. Certains sérums non chauffés, comme l’a montré M. Calmette, favorisent moins Thémolyse que les sérums chauffés. (C. R. Acad, des Sc. 1902.) 2. En lisant les divers travaux sur les hémolysines en général et l’hémolyse par les venins en particulier, j’ai été frappé de ce fait que les expérimentateurs emploient des doses très variables de substance hémolysante et des produits hémolysables préparés de manière différente, les uns se servant du sang défibriné de divers animaux, d’autres de dilutions globulaires à différents titres. J’ai pensé qu’il était préférable d’utiliser toujours les mêmes doses de* venin, en faisant agir sur des globules bien lavés et débarrassés de toutes traces de sérum les substances capables d’activer le venin. ANNALES DE L’iNSTlTUT PASTEUR. ;{90 ') 0/0, en présence de 0,2 de sérum de cheval normal chaulfé à 1 milligr. du venin de Cobra donnait une hémolyse complète en 5 min. — — Biingare — — K) — — — Naja noir — 20 — — — BojJocephalus — — 10 — — — Vipera herus — — 60 — — — Daboia — — 30 — — — Trimeresurus — — 3o — — — Mocassin — — 40 — — — Copper-heacl — — 66 — — — Jararacussu — — 2 h. — — Jararaca — — 2 h. 1/2 — — Urutii — — 3 h. — — Bothrops — — 3 h. J’ai trouvé préférable de me servir pour ces expériences de globules provenant du même cheval. Ces globules se conservent quelques jours à la glacière : les variations de la température influent sur la rapidité de l’hémolyse. Toutefois, avec des glo- bules bien lavés, les limites dans lesquelles varie l’action hémo- lysante sont peu prononcées pour les venins d’un même groupe. On voit, par le tableau précédent, que le pouvoir hémolytique est le plus intense chez les venins de la famille des Colubridés (Protéroglyphes). L’hémolyse devient moins rapide à mesure qu’on se rapproche des Crotalinés. Elle est très lente avec les venins du genreLachesis. Le venin du Trimeresurus Riukinanus, classé parmi les Lachesis, renferme toutefois une hémolysine assez active. On peut supposer, conformément à la théorie d’Ehrlich, que la molécule liémolysante du venin de Cobra, par exemple, a de nombreux groupes haptophores, capables de se combiner aux récepteurs du globule rouge, ce qui expliquerait la grande puis- sance hémolytique de ce venin. Le venin de Bothrops, au con- traire, posséderait des groupes haptophores beaucoup moins nombreux. On constate, d’autre part, que le sérum normal chauffé à o8° et ajouté aux globules rouges joue un rôle capital dans l’hémolyse par les venins. En augmentant la dose de sérum dans de notables proportions, on accroît sensiblement le pouvoir hémolytique des venins faibles : l’action dissolvante du venin de Bothrops, par exemple, peut, grâce à cette addition de sérum, se manifester en quelques minutes, alors que de fortes doses de sérum seul laissent intacts les érythrocytes. PROPRIÉTÉS DES DIFFÉRENTS A'ENINS DE SERPENTS 391 Dans ses publications récentes, P. Kyes a montré quel est le principe actif dans Fhémolyse par les venins E Ce principe est la lécithine qui jouerait le rôle de complément, d’après la théorie d’Elirlich. On peut môme obtenir une combinaison de venin et de lécilhine, la lécithide, qui, isolément, est capable d’bérnolyser toutes les espèces de grlobules rouges. La nature de cette der- nière substance n’est pas encore complètement élucidée; mais il paraît bien établi que la substance hémolytique du venin se combine avec la lécithine des sérums suivant des proportions variables et qu’il s’agit bien là d’une véritable combinaison chimique. Celle-ci agit-elle en mettant en liberté de la névrine ou de l’acide distéaryl-phosphoglycérique qui amènerait la dis- solution des globules? Ou bien ne fait-elle que de déplacer la lécithine du globule rouge? Ce sont là des (juestions auxquelles l’état actuel de nos connaissances ne nous permet pas de répondre. Il est cependant à noter que cette nouvelle substance, la léci- tbide, est plus résistante à la chaleur que chacun de ses compo- sants, puisqu’on peut la chauffer plusieurs heures à 100° sans que son pouvoir hémolytique soit même atténué, tandis que le venin de Cobra et les lécithines ne supportent pas une ébullition prolongée (Kyes) E Il semble, d’autre part, que les hémolysines des divers venins sont de nature très voisine. Kyes a pu obtenir des léci- thides très actives avec les venins de différentes espèces, et j’ai pu moi-même constater qu’en augmentant la quantité de léci- thine dans les expériences in vitro, on peut égaliser l’intensité d’action des venins. Les différences que montre le pouvoir hémolytique de divers groupes de venins sont cependant très grandes. Le venin de Cobra et celui de Bungare par exemple ont une action dissol- vante rapide pendant laquelle les cellules n’ont pas le temps de s’agglutiner. Avec les venins des Crotalinés et des Vipérinéà, il existe une période d’agglutination qui accompagne Thémolyse pirtielle des globules. Il semble se produire un temps d’arrêt 1. Loc. citato. 2. La résistance de div^erses espèces de globules résulte peut-être de ce que la constitution chimique de l’hémoglobine est variable suivant les espèces animales. On sait que les cristaux d’oxyhémoglobine sont de forme variée : on peut penser qu’il existe un rapport entre cette cristallisation, indice d’une constitution dilfé- rente, et la résistance à l’hémolyse. 392 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. dans la dissolution, après lequel le laquage du sang devient parfait. Le venin de Bothrops lanceolatus produit une précipitation rapide des globules au fond du tube : Thémolyse apparaît ensuite et n’intéresse tout d’abord qu’une partie des hématies. Puis, lentement, les érythrocytes agglutinés finissent par s’hé- molyser et la dissolution s’achève en 3 heures. Il semble que l’hémolysine, n’existant ici qu’en faible quantité au début de l’expérience, épuise son action sur la deuxième moitié de glo- bules, de même que l'on épuise la force hémolytique d’un sérum par l’addition de doses fractionnées de globules rouges. Cette différenciation des hémolysines montre en somme qu’en étudiant l’action hémolysante d’un venin vis-à-vis d’une espèce de globules à résistance moyenne comme ceux du cheval, il est posible de déterminer avec assez de précision à quel groupe de la classification zoologique se rattache le reptile qui a produit ce venin. On peut arriver, d’autre part, à obtenir avec certains venins des sérums antihémolytiques à doses variables contre la plu- part des espèces de venins de serpents, ce qui tendrait à démontrer, avec les considérations précédentes, que l’activité de ces sécrétions est due à la présence, sinon d’une substance hémolysante unique, du moins de substances de nature similaire dont un sérum antihémolytique, spécifique pour une sorte de venin déterminée, peut mesurer le degré de similitude. Immunisons par exemple un animal contre un venin d’es- pèce A La dose antihémolytique du sérum de cet animal étant connue à l’égard du venin A, nous pouvons rechercher si cette dose est active contre la dose unitaire des venins B, G, etc. Nous pourrons voir alors que ces venins B, G... exi- gent pour neutraliser leur hémolysine d’autant plus de sérum actif que celle-ci s’éloigne de l’hémolysine A par ses carac- tères. Avec le sérum d’un animal immunisé contre le venin de Cobra et contre celui de Bothrops lancœolatus, il m’a fallu les doses suivantes pour neutraliser la dose unitaire de divers venins en présence de 1 c. c. de globules lavés, dilués à O 0/0, et de de sérum normal chauffé à 58^^. PROPRIÉTÉS DES DIFFÉRENTS VENINS DE SERPENTS 303 SÉRUM antivenimeux. VENINS HÉMOLYSE 0 c,c. 5 V. Cobra. 0 0 c. c. 5 V. liotbrops. 0 0 c. c. 5 V. Urutu. 0 0 c. c. 5 V. lUmgare. 0 0 c.c. 6 V. Jararaca. 0 0 c. c. 6 V. Naja noir. 0 0 c.c. 7 V. Vipère. 0 t c. c V. Tvimeresurus. IFémolyse. On sait que le pouvoir antitoxique d’un sérum antivenimeux est surtout en rapport avec son action antineurotoxique. Cependant, l’expérience montre que les deux pouvoirs antineu- rotoxique et antiliémolytique se superposent ordinairement et qu’un sérum très antitoxique vis-à-vis d’une espèce venimeuse empêche le plus souvent l’hémolyse par les autres venins. On peut donc déduire des données précédentes qu’un sérum anti- hémolytique et antitoxique contre le venin de Cobra est aussi antihémolytique et antitoxique contre les venins de Naja Noir, de Bungare, et contre d’autres venins du même groupe de Colu- bridés, ou même contre certains venins de Yipéridés, bien qu’il n’ait été élaboré qu’avec l’aide du venin de Cobra seul. L’échelle d’antitoxité de ce sérum vis-à-vis de ces divers venins peut être dressée d’après les doses nécessaires pour neutrali- ser leur action hémolytique, comme l’ont déjà montré M. Ste- phens et M. Calmette. En résumé, de l’étude comparée du pouvoir hémolytique chez les différents venins de serpents, on peut tirer les conclu- sions suivantes : La différenciation des hémolysines permet de classer les venins en plusieurs groupes qui se rapprochent des groupes déterminés par les naturalistes dans la classification des espèces venimeuses ; 2® Cette étude des propriétés hémolytiques des venins montre que les mêmes lois ont présidé à la différenciation mor- 394 ANNALES DE L’INSIITUT PASTEUU. phologique des espèces venimeuses et à la diiïèrenciation fonc- tionnelle de leurs glandes à venin. Elle permet de compléter ou de confirmer les bases de la classification naturelle ; 3*^ L’échelle d’activité anlitoxique d’un sérum antivenimeux vis-à-vis de plusieurs venins peut être dressée par la mesure in vitro de son pouvoir antiliémolytique (en tenant compte, bien entendu, des propriétés spéciales à chaque espèce de venin et de la résistance propre à chaque espèce animale). II POUVOIR COAGULANT DES VENINS DE SERPENTS Lorsqu’on fait l’autopsie des animaux qui succombent à l’inoculation de divers venins ou d’un même venin à doses variables, on trouve le sang tantôt coagulé en masse, tantôt dissous. Weir Mitchell* expliquait ces différences par l’hypothèse que dans le cas de mort rapide, le sang n’avait pas le temps d’être modifié par le venin et la coagulation ne se produisait pas, tandis que, si la mort survenait plusieurs heures après la morsure, le venin agissait sur les éléments du sang et coagu- lait ce liquide. Les travaux ultérieurs de J. Fayrer, de Halford, de G. -J. Martin, de Lamh, montrent que cette hypothèse n’est pas justifiée et que certains venins produisant presque toujours la coagulation du sang in vivo et in vitro, d’autres, au contraire, ne la produisent jamais. En serrant de plus près l’étude de cette question, j’ai cons- taté que les venins de Goluhridés — du moins ceux»que j’ai pu expérimenter — Xaja TnpiuUans, Xaja SigricoUis, Bnngarus cæruleus, ne coagulent jamais le sang in vitro, ni les plasmas chlorurés, oxalatés, citrates, fluorés, ni le sang rendu incoa- gulahle par l’extrait de sangsue. Au contraire, les venins de Vipéridés sont presque tous plus ou moins coagulants et j’ai pu les ranger d’après l’intensité de leur action coagulante sur les divers plasmas, dans l’ordre suivant : 1. Smithsonta7i /nstitution-{i^O-iSlj[) ci Experimental contrib. tothe toxical of Rattlesnake Venom. (New-York’ 1868). PROPRIÉTÉS DES DIFFÉRENTS VENINS DE SERPENTS 395 Crotal[nés ; Lachesis tanceolatus (lïotlirops), Martinique. Lachesis uriitu [Neuwiedii), Brésil. Lachesis jararaca, Brésil. Lachesis jararacussu,\lrH\\. Lachesis flavoviridis ou Trirneresurus IHukinanas, Japon. Vipérines : Vipera liusseliii (Daboia), Birmanie. J’ai trouvé tout à fait inactifs deux venins de Crotalinés de l’Amérique du Nord : Ancistrodon conJortriæ et Ancislrodon pisci- voriis. Il y a donc une diflérenciation très nette entre les divers venins au point de vue de leur pouvoir coagulant : cette dilïe- renciation paraît être en raison inverse de celle que présente leur pouvoir hémolytique. d’ai étudié spécialement l’action in vitro du venin du Lachesis lanccolatus de la Martinique sur les divers plasmas citratés, chlorurés, oxalatés, fluorés et sur le sang- rendu incoagulable par l’extrait de têtes de sangsues. Voici les résultats de mes expériences : DOSES de venin de + 1 c. c. DE PLASMA DE LAPIN OU DE CHEVAL Lâche. ^is lanceolatus . Citraté. Chloruré. Oxalaté. Fluoré. A la sangsue. 1 nigr Coagulation en 5'. Coagulation en 10'. Coagulation en 10'. Coagulation en 5'. Coagulation en 5'. 2 mgr Id. Id. Id. 1(1. Id. 3 mgr G O a g U 1 U m dil'll lient. Coagul U m difiluent. C O a g U 1 U m difiluent. G O a gu 1 U m difiluent. G O a g U 1 U m diftluent. 4 mgr Pas de coagulation. Pas de coagulation. Pas de coagulation. Pas de coagulation. Pas de coagulation. 5 mgr. .... Id. Id. Id. Id. Id. 10 mgr Id. Id. Id. Id. Id. Donc les doses faibles de venin de Lachesis coagulent rapi- dement les divers plasmas^ tandis que les doses supérieures à 3 milligrammes ne coagulent plus. J’ai observé d’autre part que le même venin chaulfe perd ses propriétés coagulantes. Celles-ci s’affaiblissent déjà à partir 1. Plasma citraté à 1 p. 100; pl. o.Kalaté à2 p. 1000; pl. chloruré au NaCl à 4 p. 100; pl. fluoré à 3 p. 1000 : 1 c. c. de ces plasmas coagule en 15 à 20 minutes- par addition de 0'’=,4 à 0<-%6 d’une solution de GaGl^ à Ü,50 p. 100. 396 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. de 58° et disparaissent entièrement après une demi-heure de chauffage à 80° en tube scellé. Mécanisme de Vaction coagulante du venin. — On sait que dans les plasmas citratés, chlorurés, oxalatés, la plasmase (ou fibrin- l'erment) se trouve inactivée et que celle-ci réapparaît lorsqu’on ajoute au plasma des doses suffisantes de chlorure de calcium. Or, le venin^ produisant une coagulation plus rapide de ceS plasmas que l’addition de chlorure de calcium, on peut en con- clure qu’il agit en activant la mise en liberté de la plasmase. Nos connaissances sur la nature de la plasmase étant encore à l’heure actuelle fort limitées, il est difficile toutefois d’affirmer si le venin agit simplement par activation de la plasmase à la façon des extraits d’organes, ou comme une véritable plasmase. La substance coagulante de ces venins est précipitable par l’alcool. Le précipité redissous a les mêmes propriétés que la solution de venin originelle. Les globules rouges ne jouent aucun rôle dans la coagula- tion par le venin : si l’on sépare ces globules par centrifugation du plasma, le venin coagule le plasma déglobulisé dans le même temps et avec la même intensité que le sang total. D’ailleurs l’action destructive du venin sur les hématies ne peut intervenir dans la coagulation : celle-ci est un phénomène presque instan- tané, tandis que l’hémolyse nécessite avec le venin de Lachesis lanceolatus plusieurs heures de contact. L’examen microscopique du mélange de sang et de venin ne décèle d’ailleurs aucune altération ni des globules rouges, ni des leucocytes. Le sérum antivenimeux n’empêche nullement l’action coa- gulante des venins. Il est facile d’expliquer ce fait, puisque les venins qui servent à l’élaboration du sérum ont été chauffés à 70, température à laquelle est fort atténué leur pouvoir coagu- lant. Il est possible toutefois de préparer des sérums actifs contre la substance coagulante des venins en se servant de venins non chauffés injectés à petites doses fréquemment répétées; de tels sérums pourraient rendre des services dans les contrées où abondent presque uniquement les serpents à venin coagulant. En résumé, les divers venins de serpents se différencient PROPRIÉTÉS DES DIFFÉRENTS VENINS DE SERPENTS 397 nettement d’après l’intensité de leur pouvoir coagulant sur le sang*. Il est possible d’utiliser cette diflérenciation pour une clas- sification rationnelle des espèces venimeuses. Les venins coa- gulants paraissent agir en activant le fîbrin-ferment ou en pro- voquant sa mise en liberté dans le sang. La difierencialion des venins au point de vue de leur pouvoir coagulant permettra d’expliquer plusieurs des divergences qui séparent les observations des pliysiologistes sur les effets du venin sur la coagulation in vivo. III PUOTÉOLYSE PAR LES VENINS Si la propriété coagulante est l’apanage de quelques espèces de venins, les phénomènes de protéolyse s'observent, comme le processus hémolytique, à un degré variable avec tous les venins de serpents. Il est possible d’en faire l’étude Jcompara- tive soitmr/üo, soit in vitro, sur les albuminoïdes du sérum, sur la fibrine, sur les endothéliums vasculaires, sur le collagène des tissus, sur l’ovalbumine coagulée, etc. /. Protéolfjse et incoagnlabilité du sang. — Parmi ces phéno- mènes protéolytiques, les plus importants sont ceux qui se produisent aux dépens de la fibrine dissoute (fibrinogène) et provoquent du sang. De nombreux expérimen- tateurs ont noté qu’à la phase de coagulation du sang par les venins succédait une phase d’incoagulabililé et des divergences se sont produites depuis de longues années sur l’interprétation de ce phénomène variable lui-même suivant les venins et la tehnique expérimentale. J’ai pu étudier in vitro l’incoagulabilité du sang sous l’in- fluence de diverses espèces de venins et j’ai pu [me convaincre que ce phénomène était lié intimement dans tous [les cas à l’ac- tion protéolytique de ces sécrétions. J’ai constaté tout d’abord que ni le sang au sortir des vaisseaux, ni les plasmas citratés, oxalatés, etc., lorsqu’ils ont été traités par les venins, ne sont susceptibles de se coaguler ni spontanément, ni par addition de doses de chlorure de calcium 398 ANNALES DE LINSTITUT PASTEUR suffisantes pour coaguler des quantités égales en tubes témoins. L’apparition de Tincoagulabilité est plus ou moins accélérée suivant les doses de venin employées. C’est ainsi que le venin de Lachesis lanceolatus, qui coagule 1 c. c. de plasma citraté à la dose de 1, 2 ou 3 milligrammes, manifeste la propriété anti- coagulante à partir de 4 milligrammes. Enfin le temps de contact nécessaire pour produire Fincoa- gulabilité esta considérer : 1 milligramme de venin de Lachesis lanceolatus qui coagule 1 c. c. de plasma en 2 à 5 minutes liquéfie le coagulum en 10 à 12 heures s’il s’agit du sang total, en 3 heures s’il s’agit du plasma déglobulisé. Ce plasma, ainsi dis- sous, est incoagulable désormais, soit par dilution, soit par addition de CaCF. En comparant les divers venins d’après ces variations, j’ai pu les ranger dans l’ordre suivant selon l’intensité de leur action anticoagulante : ' Anchtrodon piscivorus (mocassin). ^ v'c ' Anchtrodon contoririx (copper-head) . CHorALiNE < lanceolatus (Brésil et Martinique). \ Trimeresurus Riukinanus. VipÉniNÉs : Viper a Riissellii (daboia). ( Xaja nigricollis (serpent cracheur). CoLCBBiDÉs Bungarus cœruelus. Naja tripudians (cobra). Il est important de considérer, pour expliquer ce qui se passe chez l’animal envenimé, que les venins coagulants eux-mêmes, employés à dose suffisante, provoquent rapidement Fincoagula- bilité du sang. J’ai vérifié ce fait non-seulement pour les venins du genre Lachesis, mais aussi pour celui d’un vipériné, le Daboia Russellii. Dans son étude comparative du Y. de cobra et du Y. de daboia, Lamb\ ayant voulu démontrer la différenciation profonde de ces deux venins, a constaté que ce dernier est coagulant même à la dose de 5 milligrammes. Or avec la dose de 6 milligrammes, j’ai obtenu Fincoagulabilité du sang, ce qui montre bien que le Y. de daboia rentre, à ce point de vue, dans la loi générale. Voici quelles sont les doses fixes anticoagulantes que j’ai obtenues pour les principaux types de venins : 1. (j. L.\mb, On the action of the renoms of the Cobra and of the Daboia on the red blood corpu'scles and on the blooi plasma. Calcutta, 1903. PROPRIÉTÉS DES DIFFÉRENTS VENINS DE SERPENTS 399 VENINS DOSES PLASMAS citratés, oxalatés, etc. RÉSULTATS par addition, 10 minutes après, de 1 c, c.i sol. CaCl2 à 0,50 0/0. [ - 1 1 C. C. Goagulrition en 13 minutes. Ancistrodon piscivorus. 1 mgr. 1 C. c. Pas de coagulation en 24 heures. Ancistr. cotitorlrix 2 mgr. 1 c. c. — — ~ Lachesis lanceolatus . . . 4 mgr. 1 c. c. — — — Vipera Ilussellii ü mgr. 1 c. c. — — “ .Yaja ti'ipudians 10 mgr. 1 c. C- — — ~ Le processus protéolylique dans le phénomène de Fincoagu- labilité est facile à mettre en évidence avec le venin de Lacliesis, puisque celui-ci digère le plasma coagulé à la dose de : Fincoagulahilité consécutive est bien la résultante delà digestion de la fibrine précipitée. ' Quant aux venins non coagulants de Colubridés et de certains Crotalinés, on peut démontrer qu'ils agissent sur la fibrine dis- soute ou plutôt sur le fibrinogène du sang. En effet : Les plasmas au venin diflerentessentiellenient des plasmas à la peptone, à la sangsue, etc., dans lesquels l’incoagulabilité passagère est provoquée par la neutralisation du fibrin-ferment. On sait que ces plasmas, soumis à Faction de thvomb(VôCs\ coagu- lent, soit par addition d’eau distillée, ou de sels solubles de chaux, soit spontanément après un temps variable. Le plasma à la sangsue coagule également, par addition de substances qui accélèrent la mise en liberté de fibrin-ferment, telles que les doses faibles de venin de Lachesis. J’ai constaté par contre que les plasmas rendus incoagulables par le venin de Cobra ne sont susceptibles de se coaguler ni par addition de venin de Lachesis, ni par addition de sérum anti- venimeux, de sérum normal ou de sérum physiologique, ni par addition de GaCF. Ces plasmas sont donc profondément modifiés non dans leur principe coagulant, mais dans leur substance coagulable . En présence' de 1 c. c. de divers plasmas et de 1 milligram- mes de venin de cobra : 1. Duclaux, Traité de microbiologie^ t. II, Diastases. 400 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUIl. VENIN de cobra . 4 HEURES après, addition de RÉSULTATS 1 mgr 1 mgr, V. Lachesis. Pas de coagulation en 24 heures. — Oc. c. 5 sérum antivenimeux. — — — — O c. c. 8 — — — — — — Oc. c. 3 sérum normal. — — — - 0 c. c. 8 — — — — — 0 c. c. 8 solution physiologique. _ — — 0 c. c. 4 solution de CaCl^. 0 c. c. 4 — — Coagulation en 20.' 2® Il est d'ailleurs possible d’étudier isolément l’action des venins sur les albuminoïdes dissoutes et sur la fibrine. Launoy‘ a constaté, en expérimentant sur les substances albuminoïdes dissoutes (caséine, albuminoïdes du sérum de bœuf) que les venins de Cobra et de Vipère produisent la désin- tégration de la molécule albuminoïde. Il a vu, d’autre part, comme l’avait établi Delezenne^ en ce qui concerne l’ovalbumine coagulée, que ces venins sont sans action sur les albuminoïdes coagulées (ovalbumine et albuminoïdes du sérum) et sur la fibrine. MM. Flexner et II. Nogucbi® ont observé l’action liquéfiante des venins de Crotale et de Cobra sur la gélatine et ont vu aussi la désintégration des fibres musculaires in vitro par ces venins. IL Action protéoh/ tique des venins sur la fibrine et la gélatine, — En étudiant l’action protéolytique des venins sur la fibrine isolée par battage du sang et desséchée, j’ai pu constater le parallélisme étroit de la fibrinolyse et de l’action anticoagulante. Je résume dans le tableau ci-après les résullats que j’ai observés avec la fibrine du sang de cheval et celle du sang de lapin en milieu toluolé à 37<^. l e. c. solution à 1 0 0 V. Ancist. piscivorus digère 3 cgr. fibrine en 2 heures. 1 c. c. — — V. Ancist. contortrix — — — 2 — 1 c. c. — — V. Lachesis lanceol. — — — 2 — 1. Sur l’action protéolytique des venins. C. R. Ac. des Sc, 1«’‘ septembre 1902 et Thèse doct. ès sc. Paris, 1903, n® 1138. 2. Sur l’action kinasique des venins. C. R. Ac. des Sc. 11 août 1902. 3. The constitution of snake venom and nake sera (Univ.o/'. Pensylv. i902}. PROPRIÉTÉS DES DIFFÉRENTS VENINS DE SERPENTS 401 i c. c. solution à 1 0/0 V. Trùneresurus R. digère 3 cgr. fibrine en 3 heures. 1 c. c. — , — V. Daboia Russellii 1 c. c. — — V. Naja tripudians l e. c. — V. Naja nigricollis 1 c. c. — — V. Bungarus cœruU J’ai obtenu, d’autre part, des résultats presque identiques en étudiant l’action protéolytique des venins sur la gélatine. On peu! utiliser dans ce but une solution de gélatine à 20 p. 100, thymolée à 2p. 1000. On mélange intimement à le. c. de cette gélatine encore liquide 1 milligramme de chaque venin (0 c. c. 1 de solution à 1/100) dans de petits tubes qu’on porte à l’étuve à 37®. Les tubes sont retirés toutes les heures et plon- gés dans l’eau à 15®. On note au bout de combien de temps de séjour à l’étuve les tubes restent liquéfiés avec la dose unitaire de 1 milligramme de venin ^ Il résulte de ces recherches comparatives que les phénomènes d’incoagulabilité sont bien liés à l’action protéolytique. J’ai constaté d’ailleurs que Faction fibrinolytique des venins et l’action anticoagulante sont complètement détruites pour les divers venins à. la température de 80® après une demi-heure de chauffage au bain-marie en tubes scellés. 11 n’est donc pas nécessaire de faire intervenir dans le phé- nomène de Fincoagulabilité par les venins les théories émises ces dernières années par les physiologistes sur les substances anti- coagulantes, notamment par G. -J. Martin (1805)2, Delezenne (1897-1808-1899)% C. Phisalix (1809-1902-1903) L En dehors du rôle du foie dans Fincoagulabilité, Delezenne attribue à la résistance respective des leucocytes et des hématies suivant les espèces une part importante dans les variations de la coagu- labilité, tandis que Phisalix estime qu’iP faut rattacher ces variations sous l’influence des venins à la présence dans le sang de certains animaux d’une antihémolysine, à celle d’une sensi- bilisatrice chez d’autres. 1. G. Malfitano, Protéolyse par V Aspergillus niger. Ces Annales^ 1900, p. 60. 2. G. -J. Martin, On the physiol. action of tlie venom of thè Austral, black snake. {Pseudechis povphyriacus). Melbourne, 1893. 3. G. Delezenne, Action du ser. d’anguille et des extraits d’organes {Arch. de physiologie, 1897). Action leucolytique des agents anticoagulants du groupe delà peptone. [Arch. de physiologie 1893.) — Erythrolyse et actions anticoagu- lantes. [Soc. bioL, 28 oct. 1899.) 4. G. Phisalix, Venins et coagulation du sang [Soc. biol. 28 oct. 1899). — Soc. biol. i wov. 1899 (V. de vipère, peptone et extrait de sangsue). — Action du v. de vipère sur le sang de chien et de lapin [Soc. biol., 26 juillet 19C2). — Rapports des venins avec la biol. générale. [Reo. générale des sciences pures et app., 30 déc. 1903.) attaquent légèrement la fibrine en 24 heui'es. 26 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. 40^ Je me suis rendu C(>rnpte que dans les plasmas incoagulables par les venins de Cobra, de Mocassin, de Lachesis, etc.jTexa- rnen microscopique ne révèle d’altération, ni des leucocytes, ni des hématies. Certains leucocytes ont même conservé leurs mou- vements amiboïdes. Les phénomènes d’hémolyse et de leucolyse n’apparaissent in vitro que tardivement ou par l’emploi de doses très fortes de venin plus que suffisantes pour produire l’incoa- gulabilité. Il est sans doute difficile d’isoler la substance anticoagulante ou protéolytique des venins de la substance hémolysante. L’alcool et les sels précipitent presque toutes les substances albuminoïdes dans les solutions aqueuses : on retrouve toutes les propriétés du venin dans le précipité redissous dans l’eau physiologique. Mais il est possible de provoquer l’hémolyse de diverses espèces de globules avec des venins chauffés à 80° ayant perdu toute action coagulante ou anticoagulante. Je me suis assuré d’ailleurs que le sérum antiveninieux n’empêche pas l’action anticoagulante des venins in vitro. Ce phénomène tient à ce que le sérum est préparé à l’aide de venins chauffés à 70° et ayant perdu presque entièrement leur pouvoir anticoagulant. Or ce même sérum est fortement anfi- hémolytique, ce qui montre bien que les antihémolysines ne jouent aucun rôle dans les phénomènes de coagulation et d’incoagulabilité. En résumé : 1° Tous les venins de serpents possèdent une action protéo- lytique variable sur les substances albuminoïdes non coagulées par la chaleur ; 2° Leur action fibrinolytique explique leur rôle important dans les phénomènes d’incoagulabilité du sang à la suite des injections de venin ; 3° La substance protéolytique et anticoagulante des venins est détruite par le chauffage à 80°; 4° Les liémolysines et les antihémolysines n’ont aucune corrélation avec les phénomènes de coagulation et d’incoagula- hilité ; 0° Il y aurait intérêt à préparer des sérums contre la gubstance protéolytique et anticoagulante des'venins. PROPRIÉTÉS DES DIFFÉRENTS VENINS DE SERPENTS 403 IV NEUROTOXINES Lorsqu'on injecte sous la peau d’animaux sensibles des doses mortelles de divers venins, on observe des phénomènes fort différents suivant les espèces venimeuses. Alors que les venins du Colubridés tuent par action neurotoxique et paralysie bul- baire sans provoquer d’autres phénomènes locaux qu’un peu d'œdème au point d'inoculation, les venins de la plupart des Vipéridés produisent des désordres violents dans les tissus : hémorragies en nappe dans tous les points où a diffusé le venin, apparition plus ou moins étendue d'une escliare suivie d’une véritable digestion des tissus et des pertes de substance considérables. Les venins de Vipéridés possèdent donc une pro- priété qui les différencie nettement des autres venins : c’est ce que l’on appelle la propriété hémorragipare. Il était intéressant de rechercher si ces venins possèdent au même titre que les venins de Colubridés la neurotoxine dont Faction est masquée par les effets des substances hémorragipares. Les travaux de M. Galmette et de MM. Phisalix et Bertrand ont déjà bien montré que le chauffage des venins vers 80'^ leur fait perdre leur propriété phlogogène, tandis que le pouvoir toxique n’est détruit, pour des doses massives, qu'à une tempé- rature voisine de l’ébullition. En chauffant les divers venins graduellement de 60^ à 80° pendant une demi-heure en tube scellé au bain-marie, j'ai pu me rendre compte que tous les venins perdent complètement la propriété hémorragipare et ne déterminent chez la souris qu’un léger œdème pour toute réaction locale. Il est nécessaire, dans ces essais à diverses températures, d'expérimenter tour à tour avec des doses simplement mortelles et des doses massives : on observe en effet que certains venins tels que celui de Daboia qui ne développent plus d’hémorragie à la dose de 1 milligramme, après chauffage à 70°, sont encore hémorragipares à la dose de 1 centigramme. On peut donc arriver à débarrasser les venins de toute substance hémorragipare par le chauffage à 80°. Par centrifu- gation on sépare les substances coagulées et l'on obtient des 1. Galmette, Etude expérim. du v. de Cobra, ces Annales, 1892. ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR 40 i solutions limpides qui doivent contenir la neurotoxine, puisque celle-ci n’est détruite qu’aux environs de 100° et au delà^ D’après cette méthode, j’ai rotoxine mortelles en 1 h. 1/2 obtenu les résultats suivants : DOSES MORTELLES DE VENIN (Solutions fraîchement préparées à 1 0/ 0.) V. Cobra Os^OOOOo et 0s>-,0001 V. Naja noir Os^OOOi V. Bungare 0s‘',0004 V. Daboia 05>-,00ü8 V. Mocassin 0s^001 V. Trimeresurus. 0e'‘,001 V. Lachesis lanc. ûs'‘,005 et 0s^006 DU rechercher les doses de neu- à 2 heures pour la souris et j’ai DOSES MORTELLES DE NEUROTOXIXE (Solut. de venin ch. à 80® et centrifugées.) V. Cobra Qs^OOOl V. Naja noir Osr.ooOi V. Bungare 0s'‘,0004 V. Daboia 0e>-,001 V. Mocassin Os^OS à 0s'’,05 C V. Trimeresurus. \ Ne tuent pas à V. L. lanceolatus. ( Os-, 05 centigr. 1- La résistance peut se prolonger au-delà de 2 heures. Donc les venins fortement hémorragipares (Crotalinés) pos- sèdent une neurotoxine très peu active ou sont dépourvus de neurotoxine et ne déterminent la mort des animaux que par les lésions réactionnelles qu’ils provoquent dans les tissus (coagula- tion, protéolyse, hémorragies). J1 est à remarquer toutefois que, dans ces expériences, lapro- priété neurotoxique ne résiste pas isolément, mais que les venins ont conservé pour la plupart leur propriété hémolytique. Seule l’hémolysine peu active des venins de Lachesis est détruite à 80®; les autres sont conservées intégralement. Ce fait différencie d’une part la propriété hémorragipare, qui est indépendante des hémolysines, et montre en outre l’affinité étroite qui existe entre les neurotoxines et les hémolysines du venin, affinité déjà connue par la concordance d’action des antihémolysines et des antineurotoxines du sérum antivenimeux. Pour compléter ces notions, j’ai recherché les doses de sérum nécessaires pour neutraliser les neurotoxines isolées à VENINS NEUROTOXINE DOSE DE SÉRUM antineurotoxique pour la souris. V. Cobra 0 gr. 0001. 0 C. C. 015 ou 0 c. c. 0:2. V. Naja noir 0 gr. 0004. 0 c. c. 08 à 0 c. c 1. V. Bungare 0 gr. 0004. ü O O 1. Galmette, Ces Annales 1894-1897. PROPRIETES DES DIFFÉRENTS VENINS DE SERPENTS 405 80°. J’ai obtenu les résultats ci-après qui sont d’ailleurs identi- ques pour les venins chauffés et non chauffés. ^Ce sont là les résultats les plus importants au point de vue pratique, ces venins étant éminemment toxiques et les plus répandus. En ce qui concerne le V. de Daboia, il y a lieu d’admettre que sa neurotoxine est différente de celle du V. de Cobra, le sérum préparé contre ce dernier n’ayant pour résultat que de retarder la mort de l’animal. Il serait intéressant de préparer un sérum contre la neurotoxine de ce venin, bien qu’il soit peu répandu et agisse également par ses substances hémorragi- pares. Les venins des Grotalinés enfin étant dépourvus de neuro- toxine ou possédant une neurotoxine d’action extrêmement faible, il serait surtout utile de chercher à préparer des sérums efficaces contre les substances coagulante et protéolytique. CONCLUSIONS Sécrétions de nature complexe, les venins de serpents pré- sentent, dans leur constitution, des substances importantes pour le physiologiste, dont les principales sont des hctuolysines, des coaguUnes, des proléolf/sines et des neuroloxines. Ces substances confèrent aux divers venins des caractères nettement différenciés qui peuvent servir à confirmer ou à com- pléter les bases de la classification zoologique des espèces veni- meuses. C’est ainsi que les venins de Colubridés sont des venins pour- vus d’hémolysines et de neurotoxines résistantes à la chaleur. Parmi les venins de Vipéridés, la plupart des Crotalinés ont des propriétés coagulante et protéolytique énergiques, mais sont dépourvus de neurotoxine et possèdent des hémolysines peu résistantes. Les venins de Vipérinés occupent une place intermé- diaire, par leurs caractères physiologiques, entre les venins des -Colubridés et ceux des Crotalinés. Les venins de serpents possèdent encore d’autres propriétés (cytolytique, leucolytique, agglutinante, amylolytique, etc.), encore peu connues. On pourrait trouver dans l’étude de ces propriétés de nou- 406 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. veaux éléments de différenciation des venins et en retirer des conclusions importantes pour la chimie générale des sécrétions et des produits cellulaires. Je remercie M. Calmetle des conseils si bienveillants qu’il m’a prodigués pendant l’exécution de ce travail. ACTION DU SÉRUM DE CHEVAL CHAUFFÉ INJECTÉ DANS LE PÉRITOINE Son utilisation en chirurgie abdominale Par Le RAYMOND PETIT Depuis les travaux de M. Metchnikoff, on sait que Porganisme &e défend contre les infections microbiennes par un mécanisme particulier, la phagocytose. — Cette découverte comportait comme déduction pratique que tous les moyens aptes à stimuler la sortie des leucocytes au niveau du foyer infecté, devaient favo- riser la phagocytose et par conséquent aider à la guérison. - Dans la cavité péritonéale en particulier, certaines substances déterminent un appel leucocytaire très accusé qui peut être uti- lisé pour combattre l’infection de la séreuse. Sur les conseils de M. Metchnikoff, j’ai cherché à voir dans quelle mesure cette propriété pourrait être utilisée dans les opé- rations abdominales en général et plus particulièrement dans celles qui sont pratiquées pour des affections septiques. C’est dans son laboratoire à l’Institut Pasteur que nous avons pu faire les expériences dont nous allons exposer briève- ment les résultats ‘ Dans mes premières expérimentations, je pratiquais la lapa- rotomie chez un cobaye préparé par une injection intra-périto- néale d’eau physiologique faite la veille, et chezun cobaye témoin ; chez les deux animaux je faisais une perforation intestinale, je laissais sortir un peu de matières fécales dans le péritoine, puis je suturais la perforation et refermais l’abdomen. Voici les ré- sultats obtenus. Dans une D® expérience, le cobaye préparé est mort 41 heu- res après le cobaye témoin; dans une 2® expérience, le cobaye préparé est mort 24 heures plus tard que le cobaye témoin. Un second cobaye témoin a survécu après avoir fait une péritonite l.Voir notre première communication à la Société de biologie du 28 décembre 1901, p. 1815. . : . , 408 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR localisée, mais la perforation intestinale avait porté sur une anse vide. Les résultats de cette dernière expérience prouvaient que les infections ne pouvaient pas être exactement comparables. J’es- sayai alors de faire une perforation, delà suturer sans laisser sortir de matières et d’injecter dans le péritoine des quantités déterminées de matières fécales de cobaye. Dans une 1^® expérience, le cobaye préparé est mort 26 heures plus tard que le cobaye témoin. Dans une 2"^® expérience, le cobaye préparé est mort 24 heures plus tard que le témoin. De toutes ces expériences il ressort un fait, c’est que l’ani- mal préparé par l’injection intra-péritonéale d’eau physiolo- gique résiste plus longtemps que les témoins. Mais il y a encore dans ces deux dernières expériences des conditions défectueuses. J’essayai de déterminer la dose minima de matière fécale de cobaye nécessaire pour tuer un animal de même espèce par injeclion intra-péritonéale et je me rendis vite compte que les diverses prises de matières n’avaient pas le même pouvoir infectant et qu’il était impossible de faire ainsi deux expériences comparables entre elles. J’ai donc dû reprendre des expériences analogues à celles que Isaëff avait faites avec le bacille du choléra. Pour cela, j’ai déterminé d’abord la dose mortelle de cultures de bacilles typhi- ques, de bactériuiii coli, de staphylocoques, en injection intra-péritonéale chez le cobaye. Je me servais, pour chaque espèce microbienne, d’une môme race en culture de 24 heures, sur gélose inclinée ; j’émulsionnais la totalité de cette culture en surface, dans 10 c. c. d’eau physiologique et j’injectais à une série- de cobayes des doses progressivement croissantes de cette émulsion dans la cavité péritonéale. Entre temps, j’ai cherché à savoir, comme Isaëff, quelle est la substance dont l’injection intra-péritonéale détermine le plus puissant appel de leucocytes polynucléaires et par conséquent stimule le mieux la phagocytose. J’a i doncinjecté comparativement dans le péritoine descobayes de l’eau physiologique, du sérum de cheval chauffé. Toutes les 2 heures je prélevais, avec une pipette très effilée, un peu du liquide exsudé dans la cavité péritonéale et, l’examinant au SERUM INJECTÉ DANS LE PÉRITOINE 409 microscope, je pouvais suivre pour ainsi dire pas à pas les pro- grès de l’afflux leucocytaire. Le sérum de cheval nous a paru produire manifestement une leucocytose maxima. Cette leuco- cytose est notamment beaucoup plus abondante et plus durable que celle qui résulte déjà d’une simple laparotomie; elle atteint son maximum au bout de 24 heures environ. C’est donc au sérum de cheval normal que nous avons donné la préférence. Sur le conseil de notre ami M. Besredka, nous avons fait chautfcrce sérum au bain-marie pendant 2 heures, à la tempé- rature de Sd® avant de l’utiliser, parce que le sérum chauffé est de ce fait même beaucoup moins toxique. Ajoutons que ces injections qui produisent un afflux leucocytaire ne déterminèrent aucun a( cident chez les animaux. Elles sont inoffensives. Lé liquide à injecter étant choisi et la dose mortelle d’une culture exactement déterminée, j’ai préparé un certain nombre de cobayes par une injection intra-péritonéale de sérum de cheval chauffé. Le lendemain je leur injectais dans le péritoine de une à cinq fois la dose mortelle de culture émulsionnée, tandis que des animaux témoins recevaient de la même façon une dose mortelle, sans avoir subi l’injection préparante de sérum. Les résultats ont été très caractéristiques et constants dans toutes les séries d’expériences. Avec le bacille typhique comme avec le hactériutn coli, les animaux préparés ont tous survécu à des injections de 5 fois la dose mortelle, tandis que tous les témoins, avec une seule dose mortelle, ont succombé en 24 à 30 heures. Avec le staphylocoque, les résultats ont été identiques et les animaux préparés ont pu résister à G et 8 doses mortelles, tandis que tous les témoins sont morts en 24 à 32 heures. J’ai cherché à répéter ces expériences avec des cultures de streptocoques et de gonocoques, mais je n’ai pas pu y parvenir. Il m’a été en effet impossible d’entraîner la mort des animaux avec des injections intra-péritonéales de gonocoques; avec le streptocoque, je n’ai pas pu déterminer la dose mortelle, parce que j’expérimentais sur le cobaye qui lui résiste bien. Il est donc possible par une injection intra-péritonéale de sérum de cheval chauffé de provoquer une polynucléose consi- 410 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. dérable dans la séreuse, cette polynucléose a pour conséquence une phagocytose des microbes injectés, suffisamment intense et rapide pour permettre aux animaux de résister à Tinjection intra-péritonéale de 5 à 8 doses mortelles de microbes patho- gènes. Pour utiliser cette méthode chez Thomme au point de vue chirurgical il faut distinguer deux catégories de cas : ceux dans lesquels l’intervention chirurgicale porte sur un péritoine non infecté, et ceux dans lesquels l’infection de la séreuse existe déjà. Les premiers sont les seuls dans lesquels puissent se trouver réalisées les conditions expérimentales. On pourrait alors faire une injection de sérum dans le péritoine 24 heures avant l’opé- ration: mais l’injection présente des difficultés; on risque de piquer l’intestin et d’injecter le sérum dans sa cavité. Il est vrai que l’on pourrait souvent parer à cet accident en faisant l’injec- tion, le malade étant dans la position inclinée de Trendelenhurg; mais nous ne croyons pas qu’il y ait à cela un gros avantage. En effet, au cours de l’opération, i’exsudat péritonéal provoqué par le sérum s’écoulera au dehors, ou sera épongé par les com- presses, et le malade perdra le bénéfice de son injection préven- tive. Il est donc préférable, croyons-nous, de verser le sérum dans le péritoine à la fin de l’opération, avant de refermer l’abdomen. Dans la seconde catégorie de cas, il ne peut être question d’injection préventive de sérum avant l’opération, puis- que les malades ont déjà de l’infection péritonéale localisée ou généralisée. Il faudrait donc, après avoir évacué le liquide septique de l’abdomen, après avoir traité comme il convient les lésions (appendicite, salpingite, perforation intestinale, etc.), assécher aussi complètement que possible la cavité péritonéale, et y verser une certaine quantité de sérum de cheval (20 c. c. par exemple) avant de suturer la paroi. On aurait ainsi enlevé la majeure partie des microbes, et la polynucléose due au sérum viendrait permettre une phagocytose rapide des éléments microbiens restés, dans la séreuse. Nous nous sommes demandé si le sérum de cheval chauffé ne pourrait pas- avoir une action agglutinante sur les microbes pathogènes. Nous avons essayé à ce point de vue l’action du SÉRUM INJECTÉ DANS LE PÉRITOINE 411 sérum de cheval sur une émulsion de colibacilles: l’agglutination s’est produite au bout de 2 boures avec le sérum de bœuf tandis qu’elle a été presque immédiate avec le sérum de cheval. Mais les microbes pathogènes que l’on peut rencontrer dans les infections péritonéales sont-ils tous agglutinés par les sérums de cheval? Nous ne saurions le dire. Nous avons essayé de comparer l’action du sérum de cheval sur différentes races de colibacilles et nous avons trouvé des différences considérables. Dans une première expérience, nous avons pris 5 échantil- lons de colibacilles de provenances diverses, en cultures de 24 heures sur gélose inclinée. Chaque culture a été émulsionnée dans 10 c. c. d’eau physiologique et nous avons ajouté à 1 c. c. de l’émulsion 1, 3 et 3 gouttes de sérum de cheval chauffé. L’agglutination s’est produite en 2 heures pour un échantil- lon, en 24 heures pour 3 autres; elle a complètement fait défaut pour le cinquième. Nous avons renouvelé la meme expérience avec 10 races de bacterium coli de differentes provenances, et en n’ajoutant que 1 dixième de goutte, 5 dixièmes de goutte et une goutte de sérum. L’agglutination a eu lieu en 24 heures avec 1 dixième de goutte de sérum pour 4 échantillons, avec 1 cinquième de goutte pour 2 autres, avec une goutte pour 2 autres encore ; enfin 2 races de colibacilles sont restées inagglutinahles parle sérum de cheval chauffé. On ne peut donc compter d’une façon constante sur l’action agglutinante du sérum; mais elle peut exister et dans ce cas elle est très favorable, car elle se manifeste rapidement et donne, pour ainsi dire, le temps aux polynucléaires d’affluer pour pha- gocyter les germes microbiens. Convaincu de l’action utile du sérum déposé dans la cavité péritonéale à la fin d’une intervention chirurgicale, certain d’ail- leurs de son innocuité, nous l’avons utilisé dans un bon nombre de cas chez Thomme. Les résultats que nous avons obtenus ont été conformes à ce que l’expérimentation permettait de prévoir et nous avons obtenu des guérisons dans des cas d’infection grave et même généralisée du péritoine. Ces observations cliniques sont l’objet d’un travail quo nous publierons prochainement autre part. Chez quelques-uns de mes malades j’ai observé une éléva- 412 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUlî. ti(»n passagère de la température. Tétât général restant d’ailleurs excellent; j’ai cherché quelle en pouvait être la cause, je me suis demandé si les injections intra-péritonéales de sérum chauffé ou d’eau physiologique ne pouvaient pas déterminer une élévation thermique par elles-mêmes. Pour résoudre cette question, j’ai fait des expériences sur les cobayes. J’ai constaté que les cobayes ayant reçu 4 c. c. d’eau physio- logique avaient une élévation thermique à peine appréciable si Ton compare leur température à celle des témoins. En injectant du sérum de bœuf chauffé, la température s’élève de 9/10 à 6/10, tandis que celle des témoins ne varie que de 5/10. Enfin, l’injection de sérum de cheval chauffé détermine une oscillation thermique qui varie de 7/10 à 2® 4/10, tandis que la température des témoins, prise en même temps, ne varie que de 1° 1/10 au maximum. En outre, l’élévation thermique ne paraît pas en rapport avec la dose de sérum injectée, puisqu’elle n’a été que de 1® 4/10 pour une injection de 4 c. c. tandis qu’elle était de 2° 4/10 pour 2 c. c. Encore faut-il ajouter qu’il semble y avoir, dans l’élévation thermique avec une même dose, des variations individuelles assez considérables, puisque chez 2 cobayes ayant reçu chacun 2 c. c. de sérum, la température a monté de 7/10 chez Tun et de 2^ 4/10 chez l’autre. On ne peut donc conclure qu’une seule chose, c’est que Tinjection intra-péritonéale de sérum chauffé peut amener une élévation thermique passagère et inconstante. Nous pouvons donc dire, en résumé, que Tinjection intra-péri- tonéale de sérum de cheval chauffé détermine une polynucléose abondante et une phagocytose assez active pour permettre aux animaux de résister à 5 ou 8 doses mortelles de microbes pathogènes. Ce sérum a une action agglutinante inconstante et son injec- tion dans le péritoine peut amener une élévation thermique pas- sagère et sans gravité. Chez Thomme, il peut rendre de grands services dans les opérations abdominales, à la fin desquelles on le verse dans le péritoine, soit pour combattre une infection pos- sible, soit pour combattre une infection existant déjà avant l’opération. Les Yaccinatlons antirabiques à l’Institut Pasteur EN 1903 ■ Par M. J. VI AL A Préparateur au service antirabique. Pendant Tannée 1903, 030 personnes ont subi le traitement antirabique à TInstitut Pasteur. 4 sont mortes de rage, soit une mortalité totale de 0,03 0/0. Mais chez 2 d’entre elles, la rage s’est déclarée moins de 13 jours après la fin du traitement, elles doivent être défalquées pour le calcul de la mortalité. La statistique s’établit donc ainsi : Personnes traitées 628 Morts 2 Mortalité 0,32 0/0 Il est bon de faire remarquer que le chilfre des personnes traitées est le plus faible constaté depuis le fonctionnement du service. Ceci tient à deux causes : d’abord, à la création de services antirabiques à Lyon, Marseille, Bordeaux, Lille, Montpellier, et en second lieu aux mesures prises par la Préfecture de police contre les chiens errants. Ces mesures sur la police des chiens, bien qu’incomplètes, ont déjà produit des résultats appréciables; mais dès qu’elles sont abandonnées, les cas de rage augmentent dans le département de la Seine. C’est ce que nous constatons déjà au début de cette année 1904. Ces simples remarques font voir combien il serait facile, avec de la constance et de la volonté, de diminuer et presque de faire disparaître les chiens enragés. Et aussi quelle recrudescence de rage il y a, dès que toutes mesures de prophylaxie sont aban- données. Chiffres fournis par les statistiques des années précédentes . 414 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. ANNÉES PERSONNES TRAITÉES MORTS MORTAI.ITÉ 188G 2671 23 0.94 O'O 1887 1770 14 0.79 1888 1622 9 0 . 33 1889 1830 7 0.38 1890 1340 6 0.32 1891 1559 4 0.23 1892 1790 4 0.22 1893 1648 6 0.36 1894 1387 7 0.30 1893 1320 5 0.33 1896 1308 4 0.30 1897 1321 6 0.39 1898 1463 3 0.20 1899 1614 4 0.23 1900 1420 4 0.33 1901 1321 6 0.38 1902 1103 2 0.18 1903 628 2 0.32 II Les personnes traitées à l’Iüstitut Pasteur sont divisées en trois catégories correspondant aux tableaux suivants : Tableau A : la rage de l’animal mordeur a été expérimenta- lement constatée par le développement de la maladie chez des animaux mordus par lui ou inoculés avec son bulbe. Tableau B : la rage de Ranimai mordeur a été constatée par examen vétérinaire. Tableau G : l’animal mordeur est suspect de rage. Nous donnons ci-après la répartition, entre ces catégories de personnes : LES VACCINATIONS ANTIRABIQUES EN 1903 415 III Au point de vue de leur nationalité, les 030 personnes traitées se répartissent de la façon suivante : Maroc 1 Suisse 1 Hollande 5 Turquie 2 Angleterre 1 Soit 10 étrangers et 020 Français. Voici la répartition par départements des 020 Français. Il ne faut pas oublier, dans la comparaison avec les tableaux antérieurs, que 5 instituts antirabiques fonctionnent aujour- d’hui qui n’existaient pas- autrefois : Lille, Marseille, Mont- pellier, Lyon, Bordeaux, drainent les mordus des régions envi- ronnantes. Aisno 2 Allier 9 Alpes (Basses-) 1 Alpes-Maritimes .... 1 Ardèche 2 Aveyron 5 Bouches-du-Rhône.. 1 Cantal 20 Calvados 7 Cher 6 Charente 4 Charente-Inlcrieure. 6 Côtes-du-Nord 13 Corrèze 30 Creuse la Dordogne 4 Eure 2 Eure-et-Loir 5 Finistère 51 Garonne (Haute-). . . 11 DEPARTEMENTS Gers 4 Ile-et-Vilaine 6 Isère 1 Indre 10 Indre-et-Loire 6 Jura 1 Loire (Haute-) 4 Loire-Inférieure 14 Loiret 2 Loir-et-Cher 4 Lot 7 Lot-et-Garonne 0 Maine-et-Loire 3 Manche 6 Mayenne 8 Meurthe-et-Moselle.. 2 Meuse 4 Morbihan 6 Nièvre 8 Nord 1 Oise O Orne 8 Pas-de-Calais 2 Puy-de-Dôme 16 Pyrénées-Orientales. 1 Pyrénées (Hautes-). . 2 Sarthe 3 Savoie (Haute-) 5 Sèvres (Deux-) 8 Seine-et-Marne ...... 3 Seine-Inférieure .... 29 Seine et-Oise 30 Seine 178 Somme 16 Vaucluse 1 Vendée 6 Vienne 7 Vienne (Haute-) 9 Yonne 1 PERSONNES TRAITÉES MORTES DE RAGE MOINS DE I O JOLRS APRES LA FIN DU TRAITEMENT D’H... Jacques, 9 ans, chez ses parents, à Fouras (Charente- Inférieure) : mordu à la jambe droite, 2 plaies énormes ayant déchiré les muscles; ces plaies s’étendent aux deux tiers de la circonférence de la jambe. Le chien a été reconnu enragé par un vétérinaire. D’H... a été traité du 28 juillet au 11 août. 416 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. Les premiers symptômes rabiques se sont manifestés chez lui le 16 août, il est mort le 22 août. Le même chien a mordu deux autres personnes qui ont subi le traitement antirabique à Tlnstitut Pasteur et qui se portent bien : ces derniers avaient des morsures beaucoup moins graves que D'H... A... Charles, 30 ans, garçon laitier, boulevard Victor-Hugo, à Clichy (Seine) : mordu le lo février à la main droite, 3 morsures profondes à la face dorsale. Le chien a été reconnu enragé par un vétérinaire, A. .. a été traité du 16 février au 5 mars. l^a rage a débuté par de fortes douleurs à la main droite. H est mort le 13 mars. PERSONNES TRAITÉES MORTES DE RAGE APRÈS LE TRAITEMENT B. .. André, 3 ans, chez ses parents, à Villemornble (Seine) : mordu àla joue droite, 1 forte morsure pénétrante, par un chien errant. B. .. est traité du 3 au 23 mars. Un chien mordu en même temps que B... est mort de rage le 12 avril. Le 27 avril, l’enfant B... est mouillé toute la journée, il rentre le soir frissonnant. Le 28 avril, il boit et mange difficilement. Le 29 avril, il est amené à l’hôpital Pasteur; on constate de Paérophobie et de Thydrophobie. Il succombe dans la nuit du 29 au 30 avril. Le bulbe de B..., inoculé, sous la dure-mère, à plusieurs lapins, ne leur a pas donné la maladie. Ces animaux ont été gardés bien portants pendant plus de 7 mois. C. .. Constant, 7 ans, chez ses parents, lue Clignancourt, à Paris : mordu le 13 septembre à la cuisse gauche par un chien errant, est traité du 13 au 30 septembre, meurt le 23 octobre. Le bulbe de C..., inoculé sous la dure-mère à des lapins, a donné la rage le 13® jour. Le gérant : G. Masson. Sceaux. — Imprimerie Charaire. iSme année. JUILLET 1904 No 7 .ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Études sur quelques épizooties DE L’INDO-CHINE Par le YERSIN (PREMIER MÉMOIRE) (Travail du laboratoire de Nhatrang.) 1 INTRODUCTION Périodiquement éclatent et se propagent dans toutes les régions de l’Indo-Chine des épizooties qui causent.une mortalité souvent énorme parmi les animaux de travail. Il en résulte une gêne considérable pour les travaux agri- coles et la presque impossibilité, pour les colons, de se livrer à l’élevage et à l’amélioration de la race bovine. L’Institut Pasteur de Nhatrang, dès sa création, s’est préoc- cupé de ce grave problème; il consacre depuis huit ans presque tous ses efforts à des études sur les épizooties de l’Indo-Ghine. Nous n’avons encore fait aucune publication détaillée de nos travaux. Il n’existe sur les recherches du laboratoire que quelques rapports sommaires adressés par le directeur du laboratoire au gouverneur général de l’Indo-Chine*. Je crois le moment venu de publier un travail d’ensemble sur les recherches entreprises à Nhatrang au sujet des épizooties. 1. Bulletin économique de l’Indo-Chine. — Année 1899 : Expériences sur la peste bovine. — Année 1900 : L’Institut Pasteur de 'Nhatrang. — Année 1901 : instructions pour l’emploi du sérum contre la peste bovine. — Année 1903 : Bar- bone. — Charbon au Tonkin. 418 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. Je m’efforcerai de marquer les étapes parcourues, de mettre en lumière les faits acquis, de signaler ceux qui restent douteux ou encore obscurs. Historique. — Au cours de ce travail, les résultats obtenus par les divers bactériologistes qui se sont succédé au labora- toire seront repris et discutés ; je me bornerai donc ici à un un historique succinct des recherches faites à Nhatrang sur les épizooties. Le 13 décembre 1897, MM. Carré et Fraimbault, attachés au laboratoire de Nhatrang, commençaient à Hanoï une série d’ex- périences sur une épizootie qui sévissait alors avec violence sur les bovidés du Tonkin. Après quelques tâtonnements, ils réus- sissaient à reproduire expérimentalement la maladie et pouvaient transporter à Nhatrang du virus vivant. A la suite de longues et minutieuses études, ils concluaient que l’épizootie étudiée par eux au Tonkin était la peste bovine. Puis, appliquant les méthodes employées au Transvaal, en Russie, à Constantinople, ils réussissaient à préparer un sérum antipestique. Ce sérum fut essayé à plusieurs reprises au Tonkin avec succès. M. Carré se rendit lui-même au Cambodge en 1898, et put pratiquer, en pleine région infectée de peste bovine, une série de vaccinations dont les résultats excellents ont fait l’objet d’un rapport consigné au Bulletin économique de VIndo-Cliine\ Vers le milieu de 1900, MM. les vétérinaires Carougeau et Rlin succédèrent à MM. Carré et Fraimbault au laboratoire de Nhatrang. ' Mes nouveaux collaborateurs, ne reconnaissant pas, dans les symptômes de la maladie étudiée à Nhatrang, tous les caractères décrits dans les ouvrages classiques pour caractériser la peste bovine, crurent pouvoir affirmer que la peste bovine de l’Indo- Chine n’était que de la Septicémie hémorrhagique ou Pasteurellose des bovidés. On a donné ce nom à une maladie des bovins étudiée et décrite surtout par M. le vétérinaire Lignières^ Cette maladie, 1. Bulletin économique de l’Indo-Chine. — Année 1899 : Expériences sur la peste bovine. “2. Bulletin de la Société centrale vétérinaire.— Années 1898, 1900 : Lignières, La pasteurellose bovine. ÉPIZOOTIES DE L’INDO-CHINE 419 qui affecte des formes cliniques très diverses, est toujours causée par un microbe ovoïde de la classe des Pasteurella. En novembre 1902, MM. Garougeau et Blin me soumettaient un mémoire dans lequel ils déclaraient que « la maladie désignée en Indo-Chine sous le nom de peste bovine n’est qu’une septi- cémie hémorrhagique du groupe des pasteurelloses ». Les expériences relatées dans ce travail ne me parurent pas convaincantes, et je combattis l’opinion de mes collaborateurs. Leur mémoire fut cependant présenté par eux à la Société des études indo-chinoises. Cette société le publiait dans son Bnlletin sous le titre : « La pasteurellose bovine en Indo-Chine (prétendue peste bovine). » En même temps ce travail parais- sait dans le Recueil de médecine vétérinaire (février 1902) . Quelques personnes acceptèrent trop facilement, à mon avis, les conclusions de MM. Carougeau et Blin; depuis lors, toutes les épizooties qui se sont succédé en Indo-Chine sont considérées^ comme de la Septicémie hémorrhagique. Je tiens à bien établir que je n’ai jamais partagé l’opinion de MM. Carougeau et Blin, et je ne voudrais pas être rendu responsable de conclusions que j’ai repoussées. Malheureusement Blin est mort à Saïgon en décembre 1902 et M. Carougeau est alors rentré en France. Il me fut donc impossible de reprendre ces études avec eux, M. Schein, vétéri- naire, qui leur a succédé au laboratoire depuis plus d’une année, a exécuté, sur mes indications, une série d’expériences qui me permettent d’apporter aujourd’hui un peu de lumière dans cette question des épizooties des bovidés de l’Indo-Chine. II LA PESTE BOVINE EXISTE EN INDO-CHINE A l’ÉTAT ENDÉMIQUE Un des arguments principaux des personnes qui ne croient pas à l’existence de la peste bovine en Indo-Chine repose sur une différence profonde qui existerait entre la maladie appelée par nous peste bovine et la peste, telle qu’elle est décrite dans les ouvrages classiques vétérinaires. Il me paraît donc nécessaire de résumer avec quelques détails ce que dit à ce sujet l’ouvrage 420 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. de Nocard et Leclainche intitulé : Maladies microbiennes des animaux. Voici ce que nous y lisons au chapitre « Peste bovine » : « La peste bovine ou typhus contagieux est une maladie virulente, inoculable, caractérisée par un état typhoïde extrê- mement grave et par des accidents spécifiques sur les muqueuses. (( Elle frappe principalement les bovidés sous la forme d’épi- zooties rapidement envahissantes, détruisant la quasi-totalité du bétail dans les régions atteintes. (( Permanente dans l’Europe orientale et dans tonte V Asie, la peste ne s’étend qu’exceptionnellement à l'Europe occidentale. (( Il est prouvé aujourd’hui que le sang et les tissus des animaux malades de pesté bovine, quoique virulents et inocu- lables, ne renferment awcM/ï microbe apparent, et que leur ensemen- cement dans les milieux usuels, à l’air ou dans le vide, reste stérile. « Les bovidés sont particulièrement aptes à l’évolution de la peste. Le buffle peut aussi être affecté, mais la maladie évolue sous une forme atténuée le plus souvent. « Parmi les petits animaux, le cobaye seul a pu être infecté expé- rimentalement (Gamaléia, Semmer). « Symptômes. — La maladie débute comme les fièvres éruptives par une élévation rapide de la température. De 38°5 à 39°, chiffre normal, elle monte en 24 à 48 heures à 40°5 et 41°. Dès le 2° jour, on observe un état d’abattement de plus en plus accentué. Les muqueuses sont injectées. A une période plus avancée, la prostration est absolue et la faiblesse extrême. L’animal reste couché, a des frissons, grince des dents. La conjonctive est infiltrée, couverte de taches ecchymotiques; il y a du larmoie- ment et de la salivation. Les excréments, d’abord durs, deviennent mous, puis liquides, et sont mélangés de sang. (( Plus tard les muqueuses s’altèrent de plus en plus; la pitui- taire (muqueuse nasale) est infiltrée et recouverte d’un exsudât muco-purulent. L’animal a du jetage. « Une diarrhée intense s’établit; l’animal maigrit rapidement, la température s’abaise au-dessous de la normale et la mort sur- vient. . (( Sous cette forme grave, qui est larègle enEurope, la maladie évolue en 4 à 7 jours. Quelques animaux succombent dès le ÉPIZOOTIES DE LTNDO-ClilNE 421 2® jour. Dans quelques cas, les symptômes présentent une moindre intensité; l’évolution n’est complète qu’en 8 à 12 jours et la guérison est possible. t . (( La peste se termine par la mort dans la très grande majorité des cas. La moyenne générale des statistiques publiées donne un taux de mortalité de 75 0/0 des malades. Cependant, il est à cet égard des différences considérables suivant les races, affectées et suivant les épizooties considérées. Dans l’Europe occidentale, le taux des pertes varie entre 50 et 98 0/0. Dans la Russie méri- dionale, le bétail résiste mieux à la peste et les pertes sont évaluées en moijenne à 30-40 0/0 des animanx ajfectés. « Lésions. — Le cadavre est amaigri ; il présente de nombreuses ecchymoses sous-cutanées. Le péritoine est congestionné et contient un liquide rosé. (( Tous les viscères sont congestionnés : le foie est jaune, friable; la vésicule biliaire est distendue et contient un' liquide abondant. Le poumon est congestionné et présente presque toujours de l’empliysème limité aune partie de l’organe ou géné- ralisé. « La muqueuse digestive est le siège d’une congestion intense et d’une desquamation épithéliale plus ou moins marquée selon les régions. Dans la bouche, on observe fréquemment des érosions. La caillette est tout particulièrement atteinte; sa muqueuse est en partie dénudée de son épithélium. (( DansPintestingrêle, ilyades bémorrhagiessous-nmqueuses; les follicules solitaires et les plaques dePeyer sont détruits. (( Des lésions de même]ordre, moins accentuées, se retrouvent dans le gros intestin, le colon flottant et le rectum. « La muqueuse respiratoire est injectée et parsemée de taches ecchymotiques. Au niveau de la trachée et des (/rosses bronches, la muqueuse est recouverte par des fausses membranes jaunâtres< formant un revêtement épais. {Exsudât croupal.) (( Résistanceduvirus . — On ne possède sur cette question que des documents peu précis. Il est cependant admis que la dessiccation assure une stérilisation rapide; deux jours de dessiccation suf- fisent pour détruire la virulence du sang. (( La solution saturée de sel marin n’altère pas la virulence ; au contraire, la glycérine stérilise très rapidem.ent les objets virulents qui sont mis en contact avec elle. 422 ANNALES DE L’INSTITÜT PASTEUR « D’après certains auteurs, la virulence persisterait plusieurs semaines et même plusieurs mois dans les cadavres enfouis ou dans les écuries infectées. )> Telle est en résumé l’opinion des maîtres en science vétéri- naire. Nous verrons tout à l’heure si la maladie observée en Indo- Chiné diffère notablement de la description donnée dans a Les maladies microbiennes des animaux ». Observations de Koch au Transvaal 'K — Je remarquerai tout d’abord que M. Koch, qui a étudié en 1897 une grave épizootie de peste bovine au Transvaal, signale que : « Les symptômes et les lésions de la peste bovine au Cap diffèrent sur certains points de la peste bovine classique. Ainsi les altérations exanthéma- tiques et diphtéritiques des muqueuses de la bouche et des voies respiratoires ne sont que peu marquées au Cap. » M. Koch confirme la sensibilité du virus à la dessiccation : du sang desséché pendant quatre jours seulement a perdu toute virulence. Il insiste sur l’action antiseptique de la glycérine, qui détruit en peu d’heures la virulence du sang. M. Koch a déterminé la maladie mortelle en inoculant des doses très petites de sang défibriné; ainsi un animal inoculé avec 1/50 centimètre cube de sang virulent est mort aussi vite que les témoins. Le lapin et le cobaye se sont montrés absolument réfractaires à la peste bovine. Travaux deM. Nicolle. — M. Nicolle a étudié à Constantinople la peste bovine qui sévit d’une façon permanente dans l’empire ottoman. Il a publié dans les Annales de l’Institut Pasteur trois mémoires très intéressants sur cette question. Voici quels sont les symptômes et les lésions de la peste bovine en Turquie, tels que les décrit M. Nicolle ^ L’incubation est de trois jours pleins, puis la température de l’animal s’élève rapidement à 40°-41°. Au 6® ou 7® jour ( après l’inoculation), on observe de l’inappétence et de la constipation. L’animal est triste, les poils sont hérissés, les yeux larmoyants, la salivation est exagérée. On observe souvent un liséré 1. Koch, Reiseberichte (Berlin, 1898). 2. Annales de l’Institut Pasteur : l®’’ mémoire, année 1899: — 2® mémoire, année 1901; — 3® mémoire, année 1902. ÉPIZOOTIES DE L’INDO-CHINE 423 congestif de la muqueuse buccale, au niveau des incisives. Aux 8® et 9® jours, l’état général s’aggrave : l'animal est abattu, indifférent; il grince des dents, tousse par moments; il a des tremblements musculaires au niveau des flancs. On O bserve dans la bouche des érosions irrégulières à fond saignant et à odeur fétide. La conjonctive s’injecte, des larmes muco- purulentes s'écoulent constamment des yeux. Un jetage, égale- ment muco-purulent, s'établit. Enfin, la constipation fait place àune diarrhée intense alimentaire, puis séreuse, souvent sanglante. Les 9® ou 10® jour, la température, qui s’était maintenue autour de 41*^ sans rémissions notables, s’abaisse au-dessous de 40®. L'animal reste couché, maigrit à vue d’œil. L’hypothermie s'accuse de plus en plus et la mort arrive du 10® au 11® jour, rarement plus tard. A l’autopsie, on retrouve les lésions buccales dont nous avons parlé. La pituitaire est congestionnée, parfois semée de pété- chies. Dans la caillette, on constate de la congestion souvent accompagnée d'un piqueté hémorrhagique. L’intestin grêle est congestionné et présente souvent un granité hémorrhagique. Les ulcérations et les lésions des follicules sont peu communes. Dans le gros intestin, toutes ces altérations sont rares. La rate n'est jamais hypertrophiée. Le foie, congestionné, est jaune verdâtre. La vésicule biliaire distendue de liquide. Les poumons montrent un emphysème discret des lobes antérieurs. M. Nicolle a observé que certaines races de bovidés sont plus sensibles que d’autres à la peste bovine. Parmi les plus sensibles, il cite les races de Grimée, d’Alep, d'Égypte, d'Ana- tolie. La race grise de Roumélie se montre au contraire moins réceptive. En Turquie, la peste bovine est presque toujours compli- quée de fièvre du Texas, maladie causée par un héma- tozoaire, le (( piroplasma bigeminum ». M. Nicolle a constaté que chez les animaux infectés tout est virulent : humeurs, viscères, déjections. Le sang infecte cons- tamment les sujets sensibles, à la dose d’une goutte (1/20 c. c.) et même à 1/60 c. c., M. Nicolle a inoculé sans succès 1/1,000 c. c. (une seule expérience.) ANNALES DE L’INSTlTüT PASTEUR. AU ' Du sang défibriné et étendu au dixième filtré sur bougie Berkefeld, s’êst montré actif. Le virus de la peste- bovine traverse donc les bougies les plus [meuses, il est donc très petit et rentre dans H catégorie des microbes invisibles. Les animaux ont été infectés par diverses méthodes, qui, toutes, se sont montrées efficaces : inoculation sous-cutanée, intraveineuse, intratrachéale, cohabitation, badigeonnage des muqueuses avec du sang, des déjections, etc. La quantité de virus injecté n’a aucune influence sur la marche de la maladie; elle est la même, que Ton injecte une dose une fois mortelle ou une dose un million dé fois mortelle. Le sang défibriné ou non et conservé en pipette perd rapi- dement son activité. Après une semaine de séjour à la glacière, il est devenu inactif. La virulence disparaît beaucoup plus vite à la température de Pair en été : au bout de trois ou quatre jours, le sang placé dans ces conditions a perdu toute viru- lence. En prenant des précautions toutes spéciales, M. Nicolle est arrivé à conserver du sang virulent pendant 32 jours. Les petits animaux de laboratoire : pigeon, lapin, cobaye, sont absolument réfractaires à la peste bovine. Les animaux guéris de la maladie naturelle possèdent une immunité solide et durable. On peut arriver à immuniser solide- ment des animaux en leur injectant à la fois une dose suffisante de sérum d'animal guéri et du sang virulent. Il est préférable d’hyperimmuniser certains sujets qui fourniront ainsi un sérum plus actif et pouvant être employé à plus faible dose. M. Nicolle hypérimmunise les veaux en leur injectant en même temps une dose suffisante de sérum (20 c. c. par exemple) et 2 litres de sang d'un animal malade. Au bout de 15 jours, l’animal ainsi traité est bon à saigner et fournira un sérum très actif. Pour maintenir l'animal en état, il suffira dans la suite de lui injecter périodiquement, tous les mois, par exemple, une forte dose de sang virulent (2 à 4 litres). Plus tard, M. Nicolle a perfectionné son procédé : il a remarqué que si l’on injecte dans le péritoine d'un veau malade fi à 8 litres d'eau salée à 8/1,000, et que, 3 heures plus tard, on retire ce liquide, celui-ci est devenu virulent et peut rem- placer le sang avec avantage pour la préparation des animaux ÉPIZOOTIES DE LTNDO-CHINE 425 tà sérum. M. Nicolle croit, toutefois, que le liquide provenant du lavage péritonéal est moins riche en germes que le sang de ranimai. Comparaison de ces divers travaux. — La lecture attentive des travaux sur la peste bovine que nous avons résumés ci- dessus nous démontre que, sur plusieurs points, Koch et Nicolle sont en désaccord avec quelques-unes des assertions des ouvrages classiques. Je signalerai en particulier la réceptivité du cobaye à la peste bovine, affirmée par Gamaleïa et Semmer, niée par Koch et Nicolle. Les lésions croupales de la trachée et des grosses bronches, décrites dans « Les maladies, microbiennes des animaux » n"ont été observées ni au Transvaal ni à Constantinople. La longue conservation du virus; affirmée par certains vété- rinaires, semble être en contradiction avec les expériences de laboratoire qui nous démontrent, au contraire, la fragilité excessive du virus de la peste bovine. "D’où peuvent provenir ces contradictions? Elles sont, me semble-t-il, facilement explicables. Dans un ouvrage classique, les maladies sont décrites avec des détails provenant non seulement des observations person- nelles des auteurs, mais aussi de celles d'autres savants ayant écrit sur le même sujet. Il en résulte un tableau clinique plus complet sans doute, mais qui risque de ne pas s’appliquer inté- gralement à tous les cas particuliers. Ainsi, en ce qui concerne la peste bovine, les lésions crou- pales ont dû être observées chez certaines races d’animaux ultra-sensibles, en France, par exemple, mais elles peuvent être moins marquées ou nulles dans d'autres pays, où la sensibilité à la peste est moindre et où les races de bovidés sont autres. La réceptivité du cobaye à la peste bovine, la conservation de la virulence dans des cadavres enfouis depuis plusieurs mois sont probablement des erreurs d’observation. On a pu confondre la peste bovine avec d’autres épizooties ayant des symptômes semblables ^ et décrire sous le nom de 1. Dernièrement, en Espagne, des vétérinaires ont cru à une épizootie de peste bovine, alors qu’il ne s’agissait que de fièvre apùteuse très virulente. 426 \NNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. pesté plusieurs maladies différentes, autrefois confondues, aujourd’hui bien différenciées. Symptômes et lésions de la peste bovine en Indo-Chine. — Voici maintenant la description de la maladie, telle que nous l’avons observée au laboratoire de Nhatrang ^ . Chez les veaux infectés, après une incubation d’une durée moyenne de 3 jours, la température s’élève, dépasse 40® et se main- tient très haute sans rémissions. En même temps, apparaissent la tristesse, l’inappétence, la constipation; les veaux ont le mufle sec; ils restent volontiers couchés, ont des frissons, grin- cent des dents. Du 6® au 8® jour après l’inoculation, on remarque du larmoiement, du jetage muco-purulent, de la diarrhée qui est fréquemment mélangée de sang. Les animaux ne mangent plus, toussent, maigrissent considérablement; ils sont épuisés par une diarrhée profuse; la température redevient normale, puis descend au-dessous de la normale; l’agonie commence et la mort peut survenir à partir du 9® jour L La description que nous venons de donner des symptômes de la maladie ne s’applique pas intégralement à tous les cas; tel symptôme peut être plus ou moins accentué ou manquer com- plètement : ainsi nous avons vu des veaux mourir sans avoir présenté de jetage, de larmoiement, ni de toux, etc. Les seuls symptômes constants, que nous avons presque toujours observés chez les animaux infectés par nous, ont été la durée de l’incubation, la période d’hyperthermie sans rémission et la diarrhée. Il serait encore plus difficile de donner un tableau général des lésions trouvées à l’autopsie. Il est probable que la diversité que nous avons observée provient en grande partie de la durée très variable de la maladie chez des bovins indo-chinois. Nous avons fréquemment trouvé de la congestion pulmo- naire, des ulcérations véritables des follicules de l’intestin chez les animaux ayant succombé après plus de 15 jours. 1. Le virus provenait d'une épizootie du Tonkin et avait été rapporté à Nha- trang par MM. Carré et Fraimbault, en janvier 1898. 2. Sur plusieurs centaines de cas de peste bovine mortelle, nous avons cons- taté que la mort est survenue (à partir du jour de l’inoculation) : Du 6® au lo« jour dans 37 0/0 des cas. Du 16® au 29« — — 54 0/0 — Du 30c au 60® — — 9 0/0 — ÉPIZOOTIES DE I/INDO CHINE 427 Les excoriations de la muqueuse buccale sont assez rares. La congestion avec piqueté hémorrhagique de la caillette, de rintestin grêle, sont des lésions constantes. La»muqueuse tra- chéale et bronchique est souvent congestionnée, mais nous ne l’avons jamais vue recouverte de fausses membranes croupales. L’emphysème pulmonaire des lobes antérieurs est une lésion constante. La rate est normale. Le foie est souvent jaune verdâtre et la vésicule biliaire est distendue par la bile. Modes d’inoculation. — Nous avons infecté presque toujours nos animaux d’expérience en les inoculant avec du sang d’un animal malade pris vers le milieu de la période (G® ou 7*^ jour après l’inoculation ). Nous avons observé plus d’une fois qu’après la mort, surtout si elle survient tardivement, le sang n’est plus virulent. De même nous n’avons pas réussi à donner l’infection avec le sang, les excréments ou l’urine d’animaux en période d’hypothermie. Le contact, même de courte durée, d’un animal sain et d’un animal malade a presque toujours réussi à provoquer l’infection. Les inoculations de sang virulent ont été faites avec succès sous la peau, dans les veines, dans le péritoine, dans la trachée; certaines expériences nous laissent croire que l’inoculation intratrachéale provoque une maladie plus sévère et plus souvent mortelle. La gravité de la maladie ne dépend nullement de la quantité de virus inoculée. Des animaux inoculés avec 1/10 c.c. de sang virulent ont contracté la maladie aussi bien que ceux qui rece- vaient 10 centimètres cubes de sang. 11 semble même que les faibles doses soient préférables ainsi que le démontrent les expé- riences suivantes : Expérience n® 1. — Trois veaux sont inoculés : le premier avec 10 c.c. de sang virulent; le 2e avec 1/10 c.c.; le 3e avec 1/100 c.c. du même sang. — Le veau no 1 contracte une maladie bénigne; le veau n» 2, une maladie assez grave; le veau no 3, seul, prend une maladie mortelle. Expérience no 2. — Trois veaux sont inoculés : Le premier avec 10 c.c. de sang virulent; le 2e avec 2 c.c.; le 3e avec 1 c.c. du même sang. — Les veaux 2 et 3 seuls contractent une maladie mortelle. Le veau no 1 guérit après avoir eu une maladie assez grave. 428 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. Conservation du virus. — La conservation du sang virulent est difficile. MM. Carré et Fraimbault ont fait de nombreuses expériences à ce sujet. D’une façon générale, le sang vieux de quatre jours ne tue plus sûrement les animaux inoculés. , Le petit tableau ci-joint résume nos expériences sur le vieil- lissement du sang. Nombre des essais. Age du sang i Résultats positifs. Résultats négatifs. Observations. 1 4 jours 1 1 6 — — 1 5 8 — 3 2 1 9 — — ï 1 10 — 1 — 1 12 — — 1 6 15 — 4 Rate conservée dans de l’eau ) salée. 1 18 — — 1 1 26 — 1 Le sang desséché perd très rapidement sa virulence : Expérience 3. — On met à dessécher dans le vide 2 c. c. de sang viru- lent. Au bout de 48 heures, on dilue 4 de résidu sec dans 2 c. c. d’eau stérilisée et on inocule un veau (no 133 de nos registres). — Aucun résul- tat. — L’animal est inoculé ultérieurement avec du sang frais virulent et contracte la maladie ordinaire. La glycérine, lorsqu’on la laisse agir quelque ternp^ sur du sang virulent, semblé exercer une véritable action antiseptique sur le virus de la peste bovine, qui perd toute activité. Expérience no 4. — On mélange 1 c. c. de sang virulent avec 1 c. c. de glycérine et on inocule aussitôt à un veau (no 164 de nos registres). — L’animal contracte la maladie ordinaire. : Expérience no 5. — On mélange 0, 5 c. c. de sang> virulent avec 1 c. c. de glycérine. On laisse agir pendant 2 jours et on inocule à un veau (no 118 de nos registres). — Aucun résultat. — L’animal, éprouvé ultérieurement avec du sang virulent prend la maladie ordinaire. Expérience n^ 6. — On mélange 1 c. e. de sang virulent avec 1 c. c. de glycérine; 4 heures plus tard, le mélange est injecté à un veau (no 172 de nos registres). — Aucun résultat. — Le veau est ultérieurement éprouvé avec du sang virulent : il contracte la maladie ordinaire. I : : ' Filtration du vii^us. — Nous avons constaté, commeiM. Nicolle que le virus traverse les filtres poreux. Nous avons employé, ÉPIZOOTIES DE LTNDO-CHINE 429 pour nos expériences, le liquide de lavage péritonéal et les bougies Chamberland marque B et marque F. — Le virus est arrêté par la bougie B, mais traverse constamment la bou- gie F. Expérience 7. — Le 15 janvier 1904, on stérilise à l’autoclave quel- ques litres d’eau salée à 8/1,000. La solution, stérilisée et refroidie, est injec- tée dans la cavité péritonéale d’un veau infecté de peste bovine (8 jours après l’inoculation; Séjour de laréaction; 1 jour avant la mort), — Après un séjour de 4 heures, la solution saline est retirée du péritoine du veau malade. Le liquide est devenu albumineux et légèrement louche. 11 ne con- tient cependant aucun microbe cultivable : des tubes de bouillon ensemen- cés restent stériles. On contrôle sa virulence en inoculant 2 veaux et 1 lapin. L’un des veaux reçoit l e. c, sous la peau; le 2e veau 1/100 c. c. ; le lapin 1 c. c. — Le premier veau meurt en 10 jours; le 2e meurt en 17 jours. Le lapin reste bien portant. Avant la filtration, on ajoute au liquide de lavage péritonéal le contenu de deux tubes de culture de barbone virulent. Cette opération a pour but ,de vérifier rélanchéilé aux microbes visibles des filtres que l’on va employer. Si les filtres ne sont pas étanches, le microbe du barbone les traversera; nous pourrons le constater par l’inoculation du liquide filtré à des lapins, animaux très sensibles au barbone. Si des microbes du barbone ont traversé le filtre, les lapins inoculés mourront. Le liquide de lavage péritonéal est filtré : partie sur bougie Ghamber- land B; partie sur bougie Chamberland F. Nous savons que la bougie B arrête tous les microbes visibles et invisibles au microscope, tandis que la bougie F arrête bien les microbes visibles au microscope, mais laisse passer un certain nombre de germes invisibles (peste bovine, péripneumonie des bovidés, fièvre aphteuse, clavelée, fièvre jaune, etc.). Le liquide filtré B (bougie B) est inoculé à la dose de 1 c. c. à un veau et à un lapin : les animaux restent bien portants. Le liquide filtré F (bougie F) est aussi inoculé à 1 veau et à l lapin : chacun reçoit 1 c. c. sous la peau. Le lapin reste bien portant, tandis que le veau contracte la peste bovine, dont il meurt en 14 jours. Enfin 1 lapin inoculé avec une trace de la culture de barbone qui a servi pour cette expérience meurt en moins de 12 heures. J’ai relaté avec quelques détails cette expérience, car son importance est grande. Elle démontre que notre virus pestique contient un microbe invisible. Cette constatation à elle seule nous permettrait d’identifier la peste bovine de l’Indo-Ghine avec celle de Constantinople. Elle prouve également l’inexactitude des théories de Carougeau et Blin qui prétendent que la peste 430 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. de rindo-Gliine est une septicémie causée par un microbe visible au microscope {pasteurella de Lignières.) Inoculation aux petits animaux de laboratoire : Le virus de Nhatrang, inoculé aux petits animaux de laboratoire (lapins, cobayes, etc.) ne leur a donné aucune maladie. Expérience tio 8. — Le 24 septembre 1903, on saigne un veau au 7e jour après l’inoculation (jour de la chute de la température et veille de la mort de l’animal.) — Avec ce sang, on inocule 2 lapins : Lapin ne 1 reçoit 2 c. c. de sang virulent. Lapin n» 2 reçoit 5 c. c. de sang virulent. Le 7 décembre, les lapins sont toujours bien portants. 3 veaux témoins sont inoculés en même temps que les lapins : 2 meu- rent de peste bovine; le 3e guérit après avoir eu une maladie grave. Expérience no 9. — Le 1er octobre 1903, on saigne un veau le 7e jour après l’inoculation (4e jour de la réaction et 2 jours avant la mort.) — Avec ce sang on inocule : Lapin no 1 reçoit 5 c. c. sang virulent. Lapin no 2 reçoit 5 c. c. de liquide de lavage péritonéal du veau malade. Le 5 janvier 1904, ces lapins sont toujours en bonne santé, alors qu’un veau témoio, inoculé en même temps que les lapins est mort en 9 jours. Expérience no 10. — Un bufflon infecté est saigné le 7e jour après l’ino - culation (3e jour de la réaction et 3 jours avant la mort.) Avec ce sang on inocule : 1 lapin qui reçoit 5 c. c. sous la peau. 4 cobayes qui reçoivent chacun 3 c. c. dans le péritoine. Aucun de ces animaux n’est malade. 2 veaux témoins ont été inoculés en môme temps que les lapins et les cobayes, avec le sang du bufflon : l’iin d’eux contracte une maladie mor- telle; l’autre guérit après avoir eu une maladie très grave. 3Iortalitp de la peste bovine en Indo-Cliine. — La mortalité des animaux atteints de peste bovine est -extrêmement variable en Indo-Ghine. La maladie est en général très sévère lorsqu’elle apparaît dans une région où depuis longtemps il n’y a pas eu d’épizootie. La mortalité des animaux infectés atteint alors faci- lement 90 0/0 à 100 0/0. Il est cependant à remarquer qu’en général, lorsqu’un gros troupeau est atteint, une fraction impor- tante des animaux peut résister. Gette fraction épargnée sera de 30 0/0, de 60 0/0, de 73 0/0 des animaux du troupeau, selon les cas. Dans nos expériences de laboratoire, nous avons eu aussi à enre- gistrer de grandes différences dans la mortalité des animaux ÉPIZOOTIES DE LTNDO-CHINE 431 inoculés, sans qu’il nous ait toujours été possible de déterminer la cause de ces irrégularités. Nous avons pu cependant conserver le même virus par passages successifs de veau à veau pendant trois ans et trois mois (180 passages successifs; en moyenne un passage par semaine) . Voici un tableau qui représente la mortalité de nos veaux de passage par trimestres, de janvier 1898 à mars 1901 : Janvier, février', mars 1898 Mortalité. = 68 0/0 Avril, mai, juin 1898 — = 70 0/0 Juillet, août, septembre 1898 — =.35 0/0 Octobre, novembre, décembre 1898. — = 31 0/0 Janvier, février, mars 1899 — =26 0/0 Avril, mai, juin 1899 — = 43 0/0 Juillet, août, septembre 1899 — = 20 0/0 Octobre, novembre, décembre 1899.. — = 17 0/0 Janvier, février, mars 1900 — = 19 0/0 Avril, mai, juin 1900 — = 33 0/0 Juillet, août, septembre 1900. — = 50 0 0 Octobre, novembre, décembre 1900.. — = 84 0/0 Janvier, février, mars 1901 — = .53 0/0 Mortalité moyenne. = 42 0/0 Peste bovine du buffle. — Le buffle semble être plus sensible que le bœuf à la peste bovine en Indo-Chine, contrairement à ce qui a été observé ailleurs. Les symptômes de la maladie sont les mêmes chez le buffle que chez le bœuf ; ils sont seulement plus accusés. On observe en particulier, dès les premiers jours de la réaction, une rougeur intense des conjonctives, un lar- moiement et un jetage plus constants. Sur 36 buffles et bufflons que nous avons inoculés avec du sang virulent, 26 sont morts ; soit une mortalité de 66 0/0. La mort survenait en général le 11® jour. Causes de h( mortalité relativement faible de la peste bovine eu Indo-Chine. — La mortalité, relativement faible, causée par la peste bovine en Indo-Chine, peut être rapprochée de celle de la Russie méridionale qui serait de 30 à 40 0/0 L Je pense que ce taux peu élevé de la mortalité provient de ce que la peste bovine est endémique en Indo-Chine, comme elle l’est en Russie. Il s’est formé peu à peu une race de bovins plus résistante. Nous savons, en effet, qu’un animal qui a guéri 1. Nocard et Leclainche, Maladies micvobiemies des animaux. 43-2 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. de la poste est très solidement vacciné contre celte épizootie. Nous avons pu observer à Nhatrang que les veaux qui naissent de vaches vaccinées sont eux- mêmes , singulièrement réfrac- taires au virus pestique et ne contractent tout au plus, lorsqu’ils sont infectés, qu’une maladie légère, qui vient encore renforcer leur immunité naturelle. Il est probable que beaucoup des veaux que nous achetons aux cultivateurs indigènes pour nos expériences se trouvent dans les mêmes conditions que les veaux du laboratoire, nés,de vaches vaccinées; cela suffirait à expliquer les irrégularités que nous avons observées dans la mortalité de nos animaux d’expé- riences. Origine des épizooties de peste bovine 'en Indo-Chine. — Presque chaque année, des épizooties de peste bovine éclatent spontané- ment sur plusieurs points en.Indo-Chine. Nous avons remarqué que dans la vallée du Nhatrang, un village appelé Phu-Cap a ^té à plusieurs reprises le point de départ d’épizooties de peste. Ce village est situé à une dizaine de kilomètres du laboratoire, dont il est d’ailleurs séparé par une large rivière. Nous ne saurions donc être incriminés d’être la cause de ces épizooties périodiques. Les indigènes ont l’habitude de réunir les animaux de plu- sieurs villages pour les mener paître aux champs. La maladie peut ainsi gagner de proche en proche et bientôt la région entière se trouve infectée. A ce moment survient le marchand de bestiaux. Les indi- gènes se hâtent de lui vendre à vil prix les animaux qui leur restent, car une longue expérience leur a fait connaître la gra- vité de la peste bovine. Le marchand de bestiaux conduit par terre ses nouvelles acquisitions en Cochinchine, pour s’en défaire à des conditions avantageuses. Tout le long de la route, il sème la contagion et provoque des épizooties d’autant plus graves que les régions traversées ont été indemnes depuis plus longtemps. Ce que j’ai dit jusqu’ici suffirait déjà à démontrer que la maladie étudiée par Carré et Fraimbault, à l'Institut Pasteur de Nhatrang, est bien la peste bovine. Les symptômes, les lésions, la mortalité, s’ils diffèrent sur quelques points des descriptions classiques, n’en sont pas moins [ÉPIZOOTIES DE L’INDO-GHINE 433 assez caractéristiques pour me permettre cette affirma- tion. J’ai déjà insisté sur l’importance des expériences de filtration du virus. Nous avons constaté que le virus pestique traverse les filtres poreux : le microbe de la pes'.e bovine doit donc être rangé dans la catégorie des microbes dits invisibles ; ce n’est pas une pasteurella et la peste bovine de l’Indo-Cliine ne peut plus être confondue avec la pasteurellose des bovidés. Sérum antiseptique. — Nous préparons à Nhatrang un sérum- vaccin contre la peste bovine depuis avril 1898. Les premières expériences ont été faites par MM. Carré et Fraimbault. Ils employaient, pour l’hyperimmunisation des ani- maux, des procédés semblables à ceux de M. Nicolle : les veaux à sérum n’étaient au début que des veaux guéris de la peste et •dont on renforçait l’immunité au moyen d’injections de doses croissantes de sang virulent. Plus tard, nous avons préparé en une seule séance des veaux hyperimmunisés en leur injectant simultanément une dose de sérum antipestique (40 c. c.) et plusieurs litres de sang virulent. Aujourd’hui, nous employons de préférence au sang virulent du liquide de lavage péritonéal préparé de la manière suivante : On injecte dans la cavité péritonéale d’un veau malade (3® jour de la.réaction) 8 à 10 litres d’eau salée à 8/1,000. On laisse séjourner ce liquide 3 à 6 heures dans le péritoine, puis on le retire, sans qu’il soit nécessaire pour cela de sacrifier l’animal. Nous avons constaté, comme M. Nicolle, que l’eau salée ayant séjourné quelques heures dans la cavité péritonéale d’un veau malade s’est chargée de substances albuminoïdes et, déplus, est devenue parfaitement virulente. Nous avons en effet réussi à donner la peste bovine à des veaux en leur injectant sous la peau 2 c. c., 1 c. c. et même 1/100 c. c. de liquide de lavage péritonéal. Nous injectons 2 à 3 litres de liquide de lavage péritonéal à nos animaux producteurs de sérum; 15 jours après, nous com- mençons à les saigner. Nous pratiquons sur un même animal 4 saignées successives à 7 jours d’intervalle. Après la 4®saignée, nous injectons de nouveau 2 à 3 litres de liquide de lavage péritonéal au veau, qui, 15 jours après, sera bon à saigner. 28 • 434 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. Le sérum préparé par ce procédé nous a paru très bon à la dose de 20 c. c. Je ne reviendrai pas ici en détail sur les nombreux essais de vaccination que nous avons pratiqués avec le sérum anti- pestique de Nhatrang. Du 30 avril 1898 au 31 janvier 1901, plus de 300 essais de sérum ont été faits au laboratoire sur des animaux particulière- ment sensibles. Nous avons eu une mortalité moyenne de 4 0/0 chez les vaccinés, alors que celle des témoins dépassait 40 0/0. Ces chiffres me dispensent de tout commentaire. Je rappellerai encore le voyage de M. Carré au Cambodge en octobre 1898, pendant lequel il eut l’occasion de pratiquer, avec un plein succès, une série de vaccinations antipestiques dans des régions désolées par la peste bovine u La vaccination antipestique dans la pratique. — Comment se fait-il que, devant des résultats si encourageants, la vaccination antipestique ne soit pas mieux entrée dans la pratique? Il y a plusieurs causes à cet état de choses. Du côté des indigènes, nous devions nous attendre à beau- coup de méfiance en face d’un procédé nouveau. Cela n’a pas manqué, et même à Nhatrang, où nous sommes cependant installés depuis longtemps et bien connus des indigènes, nous n’étions en général avertis de l’apparition des épizooties que par hasard, et alors qu’elles avaient déjà ravagé la contrée. Les colons européens n’auraient pas demandé mieux que de bénéficier de vaccinations ayant fait leurs preuves, mais le ser- vice des épizooties n’existait pas encore à cette époque et la difficulté des communications rendait tout secours illusoire. Enfin, au moment où l’organisation du service des épizooties allait rendre possible l’utilisation du sérum antipestique de Nha- trang, MM. Carougeau et Blin publiaient, sous leur propre res- ponsabilité, un mémoire dans lequel ils niaient l’existence de la peste bovine en Indo-Ghinel 'Quelles sont les raisons qui ont déterminé ces vétérinaires à affirmer une thèse si absolue ? Je vais essayer de les exposer ici. La peste bovine au laboratoire de Nhatrang en 1901. — De juil- let à décembre 1900, une de ces épizooties spontanées et pério- 1, Bulletin économique de VIndo- Chine. Année 1899, p. 248* ÉPIZOOTIES DE L’INDO-CHlNlî 435 cliques, dont nous avons parlé plus haut, ravageait la vallée de Nhatrang et les régions voisines (Ninh-Hoa, Phan-Rang.) Grâce à des vaccinations antipestiques rapidement exécutées, nous sauvions presque entièrement nos troupeaux de réserve, (jui étaient d’ailleurs en grande partie constitués par des ani- maux ayant guéri de la peste bovine expérimentale, ou ayant servi à des essais de sérum. Mais cette épizootie eut, dans la suite, de graves inconvé- nients pour nos expériences. Nous achetons nos animaux d’ex- périences aux cultivateurs indigènes de la vallée de Nhatrang, ou des localités voisines. Bientôt nous constations que les veaux de passage, c’est-à-dire ceux qui nous servent à perpétuer le virus de la peste bovine au laboratoire, ne prenaient plus qu’une maladie extrêmement bénigne, ne se manifestant que par un peu d’hyperthermie du 4® au 7® jour après l’inoculation. Je crus d’abord que ce phénomène provenait d’une atténua- tion de notre virus pestique et j’envoyai M. Blin à Saigon, en mai 1901, pour ramener du virus frais à Nhatrang. Celui-ci se comporta comme notre virus ancien : les animaux inoculés ne présentaient qu’un peu d’hyperthermie du 4® au 7® jour. Je m’explique aujourd’hui la cause réelle de cette anomalie. Elle provenait tout simplement de ce que les veaux que nous achetions pour nos expériences avaient tous une immunité naturelle plus ou moins grande, ou bien parce qu’ils avaientdéjà été malades en 1900, ou bien parce qu’ils étaient nés de vaches guéries de la peste. MM. Carougeau et Blin, ne reconnaissant pas chez les ani- maux inoculés les signes classiques de la peste bovine, telle qu’elle est décrite dans les ouvrages vétérinaires, crurent à l’existence d’une autre maladie et pensèrent à la septicé)nie hémor- rhagique ou pasteiirellose des bovidés. On a donné ce nom à une maladie des bovidés causée par une bactérie ovoïde {P a stcH relia) *. La septicémie hémorrhagique se présente sous plusieurs formes cliniques distinctes : forme œdémateuse, forme pneu- monique, forme entérique (avec diarrhée), etc. Il y a des cas aigus et des cas chroniques. En général, on observe à Tautopsie: des lésions de pneumonie, de la péricardite, de laîpéritonite. j. Ligniêres, Société centrale de médecine vétérinaire^ 1900. 436 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. La bactérie ovoïde (PasteureUa) existe dans le sang, dans les poumons, dans le péritoine. On peut la cultiver dans les milieux de culture habituels. L’inoculation du microbe aux petits ani- maux d’expérience tue le lapin, le cobaye, le pigeon, etc. Si l’on injecte à des veaux des cultures pures de pasleurella y on peut reproduire chez ces animaux les diverses formes de la septicémie hémorrhagique avec leurs lésions caractéristiques. On peut enfin vacciner les veaux contre la septicémie hémorrha- gique en les inoculant avec des cultures atténuées àe pasteurella. Une telle inoculation confère l’immunité contre la pasteurellose. En résumé, la septicémie hémorrhagique ou pasteurellose des bovidés est une maladie épizootique, affectant des formes cliniques diverses, mais dans laquelle on retrouve toujours une bactérie ovoïde, visible au microscope et appartenant à la classe des Pasteurella. Le virus de Phan-Rang. — En août 1901, éclatait à Phan- Rang une épizootie qui faisait de nombreuses victimes parmi les bovins de cette région. Je m’y rendis de suite pour vacciner et pour tâcher de rapporter du virus à Nhatrang. Les veaux que nous avons inoculés dans la suite avec le virus de Phan-Rang ont pris une maladie souvent mortelle, et dont les symptômes se rapprochaient beaucoup de ceux de la peste bovine. Il y avait cependant certaines anomalies dans la marche de la maladie et dans les lésions trouvées à l’autopsie. Ainsi, l’incubation était irrégulière; quelquefois, le jour même de l’inoculation, la température dépassait 39“ et se maintenait élevée. On notait cependant une nouvelle hyperthermie vers le 4® jour. Le larmoiement, le jetage, la salivation, la diarrhée étaient constants. Al’autopsie, on trouvait des lésions de pneu- monie très marquées, de la pleurésie, de la péritonite fibrineuse que nous n’avions pas l’habitude de relever chez les animaux morts de peste bovine. M. Carougeau observait de plus que des lapins, inoculés avec quelques centimètres cubes de sang virulent, prenaient régulièrement une maladie mortelle d’une durée de 9 à 12 jours ‘. A l’autopsie des lapins, on trouvait des lésions de 1. Une cause d’erreur est l’infection des cagôs. J’ai constaté que tout lapin, même non inoculé, placé dans des cages non désinfectées, prenait spontané- ment la maladie mortelle. ÉPIZOOTIES DE L’INDO-CIIINE 437 congestion pulmonaire, de pleurésie et de péritonite semblables à celles de nos veaux de passage. Enfin, le sang des lapins con- tenait en grande quantité un petit cocco bacille. Ce microbe pouvait être cultivé dans les milieux nutritifs habituels (gélose, bouillon). On arrivait à exalter sa virulence par des inoculations successives de lapin à lapin, et M. Carougeau obtenait, après quelques passages, un virus fixe tuant le lapin en trois jours. Il restait à démontrer que l’inoculation du cocco-bacille au veau produirait chez cet animal la maladie typique observée avec le virus de Phan-Rang. M. Carougeau n’a jamais réussi à faire cette preuve. Les veaux inoculés, même avec des dose& énormes de coccobacilles, succombaient quelquefois, mais sans que la maladie eût présenté en aucune façon le cycle habituel. Enfin, jamais M. Carougeau n'a pu perpétuer son cocco- bacille par passages successifs de veau à veau. Devant ces résultats contradictoires, il était naturel de sup- poser que le cocco-bacille en question n’agissait dans le virus de Phan-Rang que comme complication microbienne ; en d'autres termes, je crus entrevoir que le cocco-bacille devait être consi- déré, non comme la cause réelle de l'épizootie, mais comme une impureté, mélangée au virus de Phan-Rang, et dont elle modi- fiait l'action. Pour m’en assurer, j’entrepris une série d'exp(‘riences dont voici le résumé : Nous avons vu plus haut que le virus de la peste bovine ne supporte ni la dessiccation, ni l’action de la glycérine. J’ai donc essayé de soumettre le virus de Phan-Rang à cette double épreuve. Expérience nf> 11. — Le 17 oclobre 1901, je mélangeai 2 c. c. de sang virulent d’un veau de passage Phan-Hang avec 2 c. c. de glycérine. Au bout de 24 heures, le sang glycériné était inoculé à un veau (no 1244 de nos registres) et à un lapin. Le 23 octobre (0 jours après l’inoculation), le veau mourait sans avoir présenté d’autres symptômes qu’une température irrégulièrement élevée, dès le jour même de l’irioculalion. A l’autopsie : pneumonie fibrineuse et péritonite intense avec exsudât jaune louche et fibrine. Le sang du cœur contenait beaucoup de coccobacilles. Le 24 octobre, le lapin mourait avec les mêmes lésions. Expérience no 12. — Le 23 octobre 1901, un lapin est inoculé avec 2 c. c. fie sang du veau précédent. Le lapin meurt le 31 octobre (8 jours de maladie) 438 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR avec des lésions intenses de pneumonie et de péritonite. Son sang est rempli de coccobacilles. Expérience 13. — 2 c. c. de sang virulent d"un veau de passage de Phan-Rang sont mis à dessécher dans le vide. Au bout de 48 heures, la dessiccation est complète. Le résidu sec est alors dilué dans 2 c. c. d’eau distillée et on l’inocule à un veau (no 1245 de nos registres) et à un lapin. Le veau contracte une maladie grave, caractérisée par une hyperthermie irrégulière et de la diarrhée. Il finit par guérir. Le lapin meurt le 12e jour avec de la pneumonie et de la péritonite. Expérience n° 14. — Un petit veau reçoit dans la veine 5 c. c. de sang d’un lapin mort de coccobacillose. Le 6e jour, le veau meurt après n’avoir présenté aucune hyperthermie. A l’autopsie : pneumonie et péritonite. Ces diverses expériences démontrent que le virus de Phan- Rang- n’était pas un virus pur de peste bovine, car nous savons : Que celui-ci ne tue pas le lapin ; 2^ Qu’il est rapidement détruit soit par l’action de la glycé- rine, soit par la dessiccation. 11 est intéressant de constater que le sérum antipestique préparé avec le virus de Phan-Rang n’a donné que de mauvais résultats : les veaux vaccinés et éprouvés avec le même virus contractaient une maladie presque aussi grave que les témoins. 11 est à noter d’autre part que notre sérum antiseptique était absolument sans action sur la maladie du lapin : Expérience n^ 15. — Un lapin reçoit sous la peau 2 c. c. de sérum anti- septique et 1 c. c. de sang d’un veau de passage (virus de Than-Kang). L’animal meurt, le 7e jour en même temps qu’un lapin témoin. M. Carougeau a essayé d’immuniser une vache contre le cocco-hacille. Cette expérience n’a eu aucun succès : Expérience no 16. — Une vache reçoit sous la peau un tube de colturesur gélose du cocco-bacille Carougeau-Blin. Elle présente de l'hyperthermie le jour même et le lendemain, puis la température redevient normale. Au bout de 8 jours, on la réinocule avec la même dose d’une culture de même origine : réaction identique accompagnée d’un peu de diarrhée san- guinolente ; l’animal maigrit. 15 jours plus tard, on opère une 3e injection, toujours avec un tube de culture sur gélose du cocco-bacille Carougeau-Blin. La vache a, le soir même, 40o de température; ses selles sont dysentériques et sanguinolentes. La réaction dure 30 heures environ et, par suite, l’animal maigrit de nouveau considérablement. EPIZOOTIES DE L’INDO-CHINE 439 La vaccination paraît impossible et les inoculations sont •suspendues. Un mois plus tard, la vache est inoculée avec du barbone; •elle meurt en moins de 24 heures. Cette expérience démontre que le cocco bacille Carougeau- Blin ne peut même pas être identifié avec la Pasteurella de Lignières. Nous savons en effet que la vaccination contre la Pasteurella est facile. MM. Carougeau et Blin n’ont jamais réussi à vacciner contre leur cocco-bacilie. MM. Carougeau et Blin ont déduit de cette série de faits, un peu confus, que a la maladie désignée en Indo-Chine sous le nom de peste bovine n’est qu’une septicémie hémorrhagique du groupe des pasteurelloses » . Voici les arguments principaux qu’ils donnent pour appuyer cette thèse ‘ : 1. La maladie est inociilableau lapin. — Nous venons de voir que cela n’a été démontré que pour le virus de Phan-Rang, qui doit être considéré comme douteux et impur. 2. La cohabitation est un mode peu sur de contagion. — C’est tout à fait inexact. MM. Carré et Fraimbault considéraient plutôt, et avec de nombreuses expériences à l’appui, ce mode d’infection comme le plus certain. 3. La gravité de V affect ion consécutive à V injection de sang virulent dépend de la (luantité de virus injecté; il faut donner 20 c. c. de sang pour être sur d'infecter un animal. — Nous avons vu que, tout au contraire, il semblerait que la maladie est d’autant plus grave que la quantité de sang virulent injectée est moins forte. 4. L’ hyperthermie s\iccusc du 2® au 6® jour. — Cela n’est vrai qu’avec le virus impur de Phan-Rang, ou lorsqu’il s’agit du barbone, maladie dont nous nous occuperons plus loin. 3. Le virus perd sa virulence par des passages successifs. Certai- ms séries mettent 6 mois à s'éteindre, d'autres 2 mois. — Nous vivons vu plus haut que notre première série de passages était aussi active après 3 ans qu’au premier jour, et que, si elle s’est éteinte, c’est parce que nous n’avions plus à notre disposition, •comme animaux d’expérience, en 1901, que des veaux réfrac- taires à la peste. 1. La pasteurellose bovine en Indo-Chine, prétendue peste bovine par ‘Carougeau et Blin, (Bulletin de la Société centrale de médecine vétérinaire, îl3 février 1903) . 440 ANNALES DE L’INSTITUT PASIEUR. Dans la peste bovine, il y a toujours des lésions intenses, et constamment au niveau des muqueuses un processus d'inflammation très vive accompagné cV exsudations croupales et d'ulcérations . — Nous avons vu que cette lésion, fréquente peut-être en Europe^ n’a été observée ni par M. Koch au Transvaal, ni par M. Nicolle à Constantinople. En définitive, il nous paraît évident que, sous le nom de septicémie hémorrhagique, MM. Carougeau et Blin ont confondu deux épizooties distinctes Tune de l'autre : la peste bovine et le barbone. La base de leur argumentation est un cas particulier, celui du vh^us de Phan-Rang. Ce cas, fort intéressant d’ailleurs, ne doit pas être fréquent, car, malgré toutes nos recherches, nous n’avons pu en retrouver d’analogues depuis plus d’une année. III LE BARBONE Voici, d’après Nocard et Leclainchei, les signes principaux du barbone : Le barbone est une maladie contagieuse des buffles et des bœufs, se traduisant par des symptômes fébriles aigus et par des engorgements œdémateux en diverses régions. Le barbone est dû à un microbe de la classe des coccoba- cilles : il se présente sous la forme d’une bactérie presque ronde, à pôles plus colorés, avec un espace central difficile à percevoir. La coloration est obtenue avec les couleurs d’aniline; la bactérie se décolore par le procédé de Gram. Les cultures s’opèrent dans le bouillon, sur gélatine, et surtout sur agar glycériné. L’inoculation tue le buffle, le bœuf, le cheval, le porc, le lapin, le cobaye, le rat, la souris, le pigeon, etc. Symptômes. — Le buffle ou le bœuf atteint se sépare du trou- peau et cesse de manger et de ruminer. Il grince des dents, a la tête basse, le regard fixe et immobile. La température oscille entre 40® et 42®. La respiration est accélérée et pénible, les muqueuses sont congestionnées. Chez un certain nombre de malades, apparaît dans la régiou ^ - 1. Nocard et Leclainche, Maladies microbiennes des animaux. ÉPIZOOTIES DE L’tNDO-CHINE AAi de la gorgée une tumeur dure, chaude, douloureuse. La respira- tion est gênée, un jetage muqueux, jaunâtre, s’écoule des narines. Ces symptômes ont une évolution très rapide ; l’animal tombe sur le sol et meurt avec des crampes et des convulsions. La durée moyenne de Dévolution est de 12 à 24 heures; les animaux résistent rarement pendant 2 à 3 jours; tout à fait exceptionnellement pendant (i à 8 jours. Le taux de la mortalité varie entre 70 et 96 0/0. Lésions. — A l’autopsie, on constate de la'péritonite fibrineuse,- une tuméfaction des ganglions. Le foie et les reins sont conges- tionnés; la rate est normale. Les voies respiratoires sont très congestionnées; les poumons sont engorgés de sang et œdé- matiés. Les microbes spécifiques sont rencontrés en abondance dans les exsudations et dans le sang. Presencedii barbone en Indo-Chine. — En juillet 1901, M. Schein était envoyé à Saigon pour pratiquer des vaccinations contre une épizootie qui sévissait alors en Gochinchine. Au cours de sa tournée, à Tay-Ninh, M. Schein remarqua que l’épizootie se manifestait avec un caractère tout particulier. Les animaux frappés mouraient en un temps extrêmement court et présen- taient presque toujours une tumeur œdémateuse dans la région du cou. M. Schein pensa de suite au barbone. Il envoya à INhatrang du sang pris sur un animal mort. Nous avons pu facilement confirmer son diagnostic, et dès lors, nous avons étudié au laboratoire le barbone en même temps que la peste bovine. MM. Carougeau et Blin ^ ont essayé d’hyperimmuniser des chevaux contre le barbone. Cette opération est délicate, car le cheval est extrêmement sensible au barbone. Des injections répétées de cultures du microbe font maigrir considérablement les chevaux et les affaiblissent beaucoup. MM. Carougeau et Blin ont cependant réussi à obtenir en petite quantité du sérum de cheval immunisé. Ce sérum a été employé pour quelques essais de vaccination du veau et du buffle. Pour que ces vaccinations réussisent à coup sûr, il est préférable de mélanger à une dose suffisante de sérum (20 c. c. 1. Bulletin économique de V Indo-Chine. Janvier 1903. -442 4NNALES DE'L’INSTITUT PASTEUR. par exemple) une petite quantité de virus actif de barbone (2 c. c. de culture en bouillon peptonisé). Il convient d’ajouter ici que l’immunité conférée par cette vaccination n’est que relative : son efficacité et sa durée ne sont pas comparables à celles de la vaccination anlipestique. Après le départ de M. Caroug-eau, M. Schein a repris les -expériences de vaccination contre le barbone. Il a renoncé au cheval, comme sujet producteur de sérum, à cause de l’impossi- bilité de maintenir cet animal en bon état. La sensibilité du cheval au barbone est telle que, même en espaçant les injections et en les réduisant à de très petites doses, le cheval maigrit au point d’être rapidement inutilisable. Le bœuf ne présente pas ces inconvénients; en agissant avec prudence, on arrive à obtenir en deux mois des animaux liyper- immunisés, nullement amaigris, et donnant un sérum efficac^^ à la dose de 20 c. c. Fréquence du barbone en Indo-Chine. — Le barbone est-il aussi répandu en Indo-Chine que la peste bovine? Je ne le crois pas; je ne pense pas notamment que les •épizooties de barbone prennent l’extension considérable (|ue l’on observe dans les épizooties de peste bovine. Certaines observations et des expériences de laboratoire nous laissent croire que le simple contact d’un animal malade avec un animal sain est insuffisant pour causer l’infection. Nous avons observé à plus d’une reprise des cas de barbone isolés au milieu de troupeaux nombreux. — Nous avons pu mettre en -contact intime des animaux malades avec des animaux sains, sans parvenir à contaminer ces derniers. Peut-être est-il nécessaire que le virus soit inoculé par l’in- termédiaire de certains insectes : moustiques, taons; ou bien les animaux s’infectent peut-être aussi en broutant des plantes épi- neuses souillées parles déjeclions d’un animal malade? Celte question importante est encore ùTétude et sera l’objet -d’un prochain mémoire. Diagnostic différentiel entre la peste bovine et Je barbone. — Lorsque le barbone se manifeste à l’état aigu, le diagnostic n’est pas difficile : la tumeur œdémateuse au cou, la marche rapide -de la maladie permettent d’établir sans hésitation le diagnostic. Il y a cependant des cas de barbone qui sont moins aisés à ÉPIZOOTIES DE LTNDO-CÏIINE 443 reconnaître. On a observé des épizooties dans lesquelles la mort ne survient qu’après S ou 10 jours et où les symptômes sont à peu près les mêmes que ceux de la peste bovine : larmoie- ment, jetage, salivation, diarrhée. Les lésions à l’autopsie n’ont rien de caractéristique, comme nous l’avons déjà vu. M. Schein a observé une épizootie semblable à Tientsin en novembre 1900. Il croyait avoir affaire à la peste bovine et avait pratiqué des injections de sérum antipeslique; elles furent sans aucun effet. L’épizootie était due, non à la peste bovine, mais au barbone ; aussi tous les animaux vaccinés moururent lorsqu’on les inocula avec du sang virulent. Nous connaissons heureusement un procédé simple qui per- met de faire un diagnostic cei tain et rapide dans les cas douteux. Le lapin, qui est complètement réfractaire à la peste bovine, est, au contraire, extrêmement sensible au barbone : des doses infimes de virus barboneux tuent cet animal en moins de 24 heures. Dans les épizooties douteuses, on pourra utiliser cette sensi- bilité toute spéciale des lapins et les inoculer pour assurer le -diagnostic. La peste bovine ne vaccine pas pins contre le barbone que le ■barbone ne vaccine contre la peste bovine. — MM. Carougeau et Blin ont émis l’idée que le barbone n’est autre chose que la septi- cémie hémorrhagique (ou pasteurellose bovine) à l’état aigu, tandis que la prétendue peste bovine représenterait la forme chronique de cette maladie. Ce que nous avons dit plus haut suffirait à réfuter l’opinion de MM. Carougeau et Blin. Nous pouvons encore fournir d’autres arguments d’un ordre différent : Si le barbone et la peste bovine étaient deux manifestations d'un seul et même virus, il est probable que l’une de ces formes vaccinerait contre l’autre; en d’autres termes, la peste bovine (pasteurellose bovine chronique de MM. C^^rougeau et Blin) devrait vacciner les animaux contre le barbone (pasteurellose aiguë des mêmes auteurs). 11 n’en est rien, et nous avons de nombreuses expériences qui prouvent qu’un animal rendu réfractaire à la peste bovine par vaccination prendra le barbone mortel aussi facilement 4;|u’un animal neuf. 444 ANNALES DE L’INSTITUÏ PASTEUR De 'même, les animaux vaccinés contre le barbone ne se sont nullement montrés réfractaires à la peste bovine, qui a évolué chez eux avec la même gravité que chez les témoins. L’expérience n^ 16, relatée plus haut, est un nouvel argu- ment en faveur de ma thèse : une vaclie inoculée à plusieurs reprises avec des cultures de coccobaciile Garougeau-Blin, non seulement n’a pas résisté à une inoculation de barbone virulent, mais même n’a présenté aucune tolérance contre le coccobaciile, malgré des injections répétées cie ce microbe. Cette expérience nous démontre que le coccobaciile Carou- geau-Blin qui, suivant ces vétérinaires, était la cause unique de la peste bovine et du barbone, n’a aucune relation avec ces deux maladies. IV LE CHARBON On distingue deux maladies charbonneuses que l’on désigne- sous les noms de charbon bactéridien et de charbon sympto- matique. La présence du charbon symptomatique n’a pas encore été démontrée scientifiquement en Indo-Chine; il nous est permis de supposer, jusqu’à preuve du contraire, que les rares cas de- charbon symptomatique signalés jusqu’ici n’étaient que du barbone. Le charbon bactéridien est caractérisé par le développement, dans le sang et les organes des animaux atteints, d’une bactérie spéciale appelée bactéridie charbonneuse. Les moutons sont surtout susceptibles de prendre cette maladie. Les bovidés et les chevaux paraissent être beaucoup moins sensibles. En 1897, M. Fraimbault a pu constater près de Nliatrang quelques cas de charbon bactéridien. Ces cas s’étaient produits dans un troupeau de bœufs appartenant à des cultivateurs indigènes. Ils sont restés isolés et n’ont jamais pris une allure épidémique. Quelques chevaux du laboratoire sont morts du charbon pour avoir pâturé avec le troupeau de bœufs conta- minés. Ces chevaux étaient d’ailleurs des animaux affaiblis par des injections répétées de cultures de peste humaine, donc ils se- trouvaient dans un état de réceptivité tout spéciaL ÉPIZOOTIES DE LTNDO-CHINE 445 Nous n’avons jamais entendu parler, depuis cette époque, •de cas de charbon dans la vallée de Nhalrang. En juin 1902, Blin a constaté la présence de quelques cas isolés de charbon dans la province de Thay-Nguyen et dans le Yen Thé, ad Tonkin Des vaccinations charbonneuses ont été dès lors pratiquées en grand dans la région par le service des épizooties : plus de 10.000 vaccinations auraient été pratiquées ^n 1903. Nous avons fait à Nhatrang une série de recherches pour déterminer la sensibilité des bovins de ITndo-Chine au charbon et nous sommes arrivés à cette conclusion singulière que, même en employant des cultures très virulentes, il est extrêmement difficile de donner expérimentalement la maladie charbonneuse mortelle aux bovins. D’un autre coté, les semences de vaccins charbonneux que nous avons fait venir de Paris, sur la demande du chef du service des épizooties, sont arrivées trop atténuées pour pouvoir être utilisées; et nous avons assisté, en 1903, au singulier spectacle de 10.000 vaccinations charbonneuses faites par le service des épizooties avec de la bactéridie virulente, sans aucun accident ^ Ces résultats, fort intéressants d’ailleurs, me portent à croire que l’on s’est peut-être exagéré l’importance du charbon en Indo- Chiné. La maladie y existe, cela n’est pas douteux; d’autre part, n’est-il pas à craindre qu’en lui attribuant une importance non justifiée, on ne risque de négliger d’autres épizooties plus redou- tables, et qu’on n’ait, un jour, la désagréable surprise de voir les troupeaux vaccinés contre ie charbon, décimés par la peste bovine ou le barbone. V ÉPIZOOTIES DIVERSES Surra. — M. Carougeau a étudié en 1902 une maladie des chevaux assez répandue dans certaines régions de l’Indo-Chine et qui se rapproche beaucoup du Surra des Indes anglaises. Dans le sang des animaux atteints, on trouve en grande 1. Bulletin économique de VIndo-Chine. Notes sur des vaccinations charbon- neuses, août 1902. 2. Bulletin économique de VIndo-Chine. Rapport sur le charbon bacU'ridien au Tonkin par Lepinte, Douarche et Bauche. 446 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. quantité un protozoaire de la classe des trypanosomes. La maladie dure un mois environ et se termine toujours par la mort. Les symptômes principaux sont de la fièvre, de l’œdème du ventre, une anémie et un amaigrissement profonds. Nous ne connaissons aucun remède contre le surra. Fièvre aphteuse. — Cette épizootie existe en Indo-Chine, où elle détermine une mortalité considérable. Nous avons été, en 1898, visités à Nhatrang par la fièvre aphteuse. La complication dite des « onglons » est très fréquente : par suite des lésions des pieds, les animaux ne peuvent plus se tenir debout; le décubitus prolongé entraîne des troubles de l’appareil digestif, qui peuvent amener la mort. Tétanos. — Nous avons observé le tétanos chez nos cbevauxr à la suite d’injections sous-cutanées, suivies d’abcès, et plus souvent chez les bovidés blessés par le tigre. Nous avons réussi à supprimer complètement cette grave complication en pra- tiquant, chaque fois que cela paraissait indiqué, des injections de sérum antitétanique aux animaux. Maladies encore inconnues. — fl y a toute probabilité pour qu’il y ait en Indo-Chine d’autres maladies contagieuses de» animaux encore ignorées par nous. Je rappellerai l’histoire du virus de Phan-Rang, qui reste peu claire. Tous les propriétaires de troupeaux de bovins ont pu obser- ver, parmi leurs animaux des cas mortels isolés ressemblant à la peste bovine par les symptômes, mais n’en ayant pas la contagiosité. S’agit-il de peste bovine, de barbone, à l’état spo- radique ou d’une autre maladie? Nous n’en savons rien. Beaucoup de points restent encore obscurs dans nos connais- sances sur les épizooties de l’Indo-Chine. Il appartient à l’Ins- titut de Nhatrang de faire les recherches nécessaires pour com- pléter nos connaissances à ce sujet. Le passé, les traditions de ce laboratoire, ses relations intimes avec l’Inslitut Pasteur de Paris, l’ont préparé à cette tâche. Je souhaite que, dès que le personnel du laboratoire sera suffisamment nombreux, un de nos bactériologistes puisse constamment être envoyé en mission partout où sévira une épizootie. Nous pourrons ainsi contrôler nos expériences anciennes et acquérir des connaissances nouvelles. ÉPIZOOTIES DE L’INDO-CHINE 447 VI CONCLUSIONS Nous croyons avoir démontré dans ce mémoire les faits sui- vants : 1. La peste bovine existe en Indo-Chine à l’état endémique;, cette épizootie est la cause principale de la mortalité des bovidés. 2. On a confondu sous le nom de septicémie hémorrhagique deux maladies absolument distinctes : \di peste bovine le barhone. 3. Le barbone et le charbon bactéridien ne paraissent pas avoir l’importance et l’extension de la peste bovine en Indo- Chine. • Il me semble résulter de ces constatations que la loi sanitaire de 1881 ne saurait être appliquée dans toute sa rigueur en Indo-Chine. Cette loi visait, en ce qui concerne la peste bovine, une maladie étrangère au territoire français, importée accidentel- lement, et dont le législateur a voulu débarrasser à tout prix le pays; de là les mesures draconiennes prises contre la peste bovine en France, telles que l’abatage en masse des troupeaux atteints et les indemnités payées aux propriétaires (pour les animaux abattus seulement). La situation se présente en Indo-Chine sous un tout autre aspect : la peste bovine est endémique; nous ignorons encore la façon dont les épizooties locales prennent naissance; donc, d’ici longtemps, nous ne pouvons songer à débarrasser défini- tivement rindo-Chide de ce fléau. Il y aurait lieu, me semble-t-il, de modifier la loi sanitaire de 1881 pour l’Indo-Chine en ce qu’elle a de trop rigoureux, et de la compléter par des mesures résultant de nos connaissances nouvelles. L’abatage des troupeaux contaminés me paraît être une mesure excessive et inutile ; il y a dans les troupeaux infectés une certaine proportion d’animaux qui résistent; ces animaux ont acquis l’immunité contre la peste bovine, leur destruction serait donc à tous points de vue regrettable. Il est à souhaiter que les vaccinations antipestiques soient placées au premier rang des mesures nouvelles à prendre. Ces 448 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR.' vaccinations ont fait leurs preuves; elles doivent aujourd’hui entrer dans la pratique J'estime que lescolons et les propriétaires de bestiaux devront compter plus sur eux-mêmes^ pour assurer cette vaccination, que sur le service des épizooties. Je n’entends par là faire aucune critique désobligeante de ce service ; mais quels que soientlezèle et le dévouement desvété- rinaires inspecteurs des épizooties, ces fonctionnaires trop pt*u nombreux, mal secondés par un personnel indigène sans ins- truction pratique, risquent le plus souvent d’arriver trop tard et de se trouver désarmés devant l’extension du mal. Nous savons en effet que la mortalité atteint rapidement des proportions énormes dans les troupeaux atteints de peste bovine. La diffi- culté des communications fera perdre un temps précieux, pen- dant lequel presque tous les animaux du troupeau infecté seront contaminés et voués à la mort. Il serait donc utile que dans chaque province, chez chaque colon même, au besoin, il y eût des dépôts de sérum antipes- lique qui permettraient de parer aux premiers besoins. Alors pourrait intervenir utilement le vétérinaire, ou au besoin des vaccinateurs indigènes bien dressés, qui, s’il était nécessaire, pourraient préparer sur place, d’après nos métho- des et au moyen des animaux du troupeau infecté, un supplé- ment de sérum. La vaccination des bestiaux de toute la région serait ainsi assurée à peu de frais. Nous avons salué avec joie la création toute récente d’une société d’assurance mutuelle agricole, dirigée par M. Fort. Cette société a plus d’intérêt que qui que ce soit à combattre la mor- talité des bestiaux. Nous avons constaté déjà l’initiative hardie, du Directeur de la société, qui a bien voulu envoyer àNbatrang un certain nombre d’indigènes tonkinois dans le but d’en faire des vaccinateurs praticiens des épizooties pour les troupeaux assurés. Il est évident que la vaccination des troupeaux infectés ne devra pas empêcher les services des épizooties de prendre des mesures d’isolement et de désinfection, dont personne ne con- testera la nécessité. 1. L’Institut Pasteur de Nhatrang est aujourd’hui en mesure de préparer 2,000 doses de sérum antipestique par mois. ÉPIZOOTIES DE LTNDO-CHINE 449 Nous pouvons espérer que si chacun contribue pour sa part k combattre le mal : l’Institut de Nhatrang en préparant les sérums et en continuant ses études ; les colons et la Mutuelle agricole en assurant la vaccinations des troupeaux; le Service des épizooties en prenant part à ces vaccinations et en assurant les mesures générales d’isolement et de désinfection, nous ver- rons peu à peu décroître la mortalité des bestiaux, pour le plus grand avantage de tous et pour la prospérité de l’agriculture et de l’élevage en Indo-Ghine. 28 CONTRIBUTION A L’ÉTUDE DU TÉTANOS dit MÉDICAL OU SPONTANÉ INFLUENCE DE LA CHALEUR Par M. h. VINCENT ‘ Médecin-mijor de classe, Professeur au Val-de-Grâce. (Travail du Laboratoire de Bactériologie du Val-de-Grâce.) I Les recherches expérimentales qui ont été entreprises par M. Vailiard et nous-même, en vue d’élucider la pathogénie du tétanos, ont démontré que le microbe de cette maladie est inapte à végéter dans l’organisme vivant, s’il n’est secondé par diverses influences favorisantes telles que : associations bactériennes, action de poisons chimiques ou microbiens, altération mécanique des tissus, hémorragie, etc. Ces conditions annihilent ou retar- dent rimmigration phagocytaire et la réaction cellulaire défen- sive au foyer infecté. Elles permettent la multiplication locale, si restreinte qu’elle soit, du bacille de Nicolaier, et telle est l’ac- tivité de la toxine tétanique, que laquantité impondérable qui en est secrétée en ce point, suffit à empoisonner le système nerveux et à déterminer la mort. Il y a, peut-être, lieu de se demander si toutesles circonstances adjuvantes qui régissent l’infection tétanique, nous sont bien connues et si, à côté des précédentes qui sont d’importance capi- tale, il n’en est pas d’autres capables, à leur tour, d’exercer le même rôle. L’histoire médicale du tétanos renferme, en effet, un grand nombre de faits d’observation dont l’étiologie est demeu- rée très obscure. Aucun traumatisme, aucune plaie, n’ont paru présider au développement de la maladie : de là, le nom de tétanos idiopathique, essentiel, spontané, etc., donné improprement à cette variété de l’affection. Or, la spontanéité du tétanos ne saurait être admise aujour- TETANOS DIT MÉDICAL OU SPONTANE 451 d’hui. L’éclosion de cette maladie exige, d’une part, la pénétra- tion évidente ou cryptogénétique du bacille — d’habitude sous sa forme sporulée — et, d’autre part, la fructification de ce mi- crobe sous l’influence de quelque cause seconde ou favori- sante. De ce que l’une ou l’autre de ces causes adjuvantes, mais indispensables, nous échappent parfois, il serait imprudent de conclure qu’elles n’existent pas et que le tétanos dit idiopathique se réclame d’une pathogénie différente. Pour éclaircir les conditions qui président à l’apparition de cette variété clinique du tétanos, on ne peut tirer profit des cas observés chez l’homme. L’examen attentif du malade, la recher- che du foyer initial de culture du bacille demeurent presque tou- jours infructueux. Chez un homme atteint de tétanos primitif, que j’ai observé en 1892, et qui succomba à la forme suraiguë de cette affection, l’enquête aussi bien que l’examen bactériologique sont restés sans résultat. Le seul renseignement important qui me fut donné, c’est que cet homme avait fait, 6 ou 7 jours avant le début de son tétanos, une marche en plein soleil et par une forte chaleur. A son retour, il avait eu de la fièvre, de l’insomnie, une céphalée violente, en un mot, tous les symptômes d’une insolation. Examiné avec soin, ce malade ne présentait que quelques traces cicatrisées d’excoriations insignifiantes. La voie de péné- tration du bacille, comme il arrive si souvent, est demeurée inconnue. Quelle avait été la cause favorisante de l’infection? Fallait-il incriminer le coup de chaleur et l’élévation thermique qu’il déter- mine ? La pathologie humaine ne permettait pas d’approfondir aisément ce problème : il pouvait y avoir quelque intérêt, à en aborder l’étude au point de vue expérimental. Tel est l’objet de ce travail. II De nombreuses observations ont démontré l’influence per- nicieuse que possède la chaleur sur l’apparition, chez l’homme, de certaines infections telles que la fièvre typhoïde, et sur la gravité particulière que ce facteur imprime à la maladie. Expérimentalement, la grenouille, réfractaire au charbon, le 452 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. gros lézard, indifférent à l’inoculation du bacille de la tubercu- lose aviaire, succombent aux progrès de ces infections si on les fait vivre dans une atmosphère de25 à 30®. Lannelongue, Achard et Gaillard ont constaté que l’exposi- tion à Uétuve accélère l’évolution de la tuberculose chez les lapins inoculés avec le bacille de Koch. L’infection tétanique de la grenouille peut être rendue pos sible par une cause semblable. L’insolation, la chaleur provoquent, en effet, chez les ani- maux, des phénomènes pathologiques qui rappellent entière- ment ceux que l’on observe chez l’homme. Un chien, un lapin, un cobaye, immobilisés et exposés à Tac tion directe des rayons du soleil, ne tardent pas à présenter une augmentation progressive de leur température propre. Ils meu- rent en 3 ou 4 heures, dans le coma, après avoir manifesté une dyspnée intense, de l’agitation, des convulsions. Leur température agonique atteint 43®, 44® et davantage. On peut aussi facilement observer les mêmes symptômes en mettant l’animal dans une étuve dont la température n’a pas besoin d’être très élevée (38 à 42® )‘. Si l’on veut étudier certaines des conséquences qui résultent ultérieurement de cet échauffement artificiel, il faut arrêter l’ex- périence au moment où la température des animaux atteint 42®,5; au delà de ce chiffre, les animaux meurent, tantôt en 24 heures, tantôt au bout de quelques jours, et dans un état cachectique. Nos expériences ont été pratiquées sur le cobaye, le lapin, le •rat blanc et la souris. L’animal de choix pour cette étude est le cobaye. Le lapin n’est pas favorable parce qu’il est beaucoup moins sensible au tétanos et que, ainsi qu’on le montrera dans des recherches prochaines, beaucoup de conditions favorisantes de l’infection tétanique, très puissantes chez les autres ani- maux, restent sans effet sur lui. On prend un cobaye vigoureux et on lui injecte, sous la peau, un cinquième dec.c. de culture tétanique sporulée, débarrassée de sa toxine par le chauffage à 85® pendant 3 heures. On place 1. II. Vincent, Recherches expérimentales sur V Hyperthermie. Paris, O.Doin, 1887. TÉTANOS DIT 3JÉD1GAL OU SPONTANÉ 453 ensuite cet animal dans Pétuve à 40® ; sa température est prise toutes les demi-heures. Un cobaye témoin ayant reçu la même dose de culture, est laissé dans sa cage. Lorsque la température du premier cobaye a atteint 42® à 42o,5, Panimal est retiré de Pétuve. On constate qu’il n’est nul- lement affaissé; son état paraît normal. L’hyperthermie décroît en 1 heure à 3 heures. Or, tandis que chez le cobaye témoin on n’observe pas de tétanos, au contraire, chez le cobaye surchaulie apparaissent, après 2 ou 3 jours, les premiers signes de tétanos. D’ordi- naire il s’agit d’une pleurosthotonos qui cède la place, au bout de 3 ou 4 heures, parfois avant, à une raideur généra- lisée. A partir de ce moment, les symptômes sont symétriques et la marche du tétanos est suraiguë, presque foudroyante. Cer- tains animaux ont eu un tétanos généralisé d’emblée, et telle est la rapidité de l’intoxication, que l’un est mort 11 heures, l’autre 9 heures après le début des accidents. La symptomatologie de ces cas mérite d’être relevée, car elle est assez spéciale. L'animal atteint est agité d’un tremble- ment généralisé vibratoire. Lorsqu’on le saisit et qu’on le laisse retomber sur ses pattes, il rebondit. Tantôt alors il réussit à marcher les membres raides et écartés, la tête relevée, tantôt il est pris de crises convulsives toniques avec tremblement, suivies d’une période d’asphyxie et d’inertie complète. La mort arrive dans l’une de ces crises. La température de Panimal est abaissée; elle est, en moyenne, de 36®. L’élévation thermique accélère également la marche du tétanos déjà déclaré. Lorsqu’on soumet un cobaye atteint de tétanos léger, à évolution chronique et curable, à l’action de Pétuve jusqu’à ce que sa température atteigne 42®, la marche du tétanos s’en trouve brusquement aggravée, et Panimal meurt en 12 heures à 24 heures. ' On peut constater, en résumé, que l’ensemble des symp- tômes offerts par les animaux inoculés avec le tétanos et soumis aussitôt après à l’action de la chaleur, se rapproche singulière- ment de ceux, que l’on observe dans le tétanos splanchnique dont Binot a donné la description i. 1. J. Binot, Etude expérimentale’ sur le tétanos, Th. de Paris, 454 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. Le fait paraîtra d’autant plus remarquable que ies cobayes chez lesquels j’ai fait ces expériences ont toujours reçu la cuL ture sous la peau. Il est donc à présumer déjà que l’hyper- thermie réalise des conditions d’infection analog-ues à celle du tétanos splanchnique, c’est-à-dire une infection viscérale. C’est un point sur lequel je vais revenir bientôt. Le tétanos aigu et généralisé n’exige pas, pour se produire, que l’inoculation ait été faite en même temps que la mise à l’étuve. La résultat est aussi marqué si l’inoculation a été faite 1, 2, 3, 4 jours auparavant. Toutefois, si l’on attend davantage, la marche du tétanos se ressent de la durée de l’intervalle qui sépare la date de l’infection tétanique de celle de l’hyperthermie expérimentale*. Plus cette période est brève, plus le tétanos est aigu. Plus elle est prolongée, plus les symptômes de toxi-infec- tion s’atténuent. La durée de l’aptitude à l’infectiosité peut parfois, quoique exceptionnellement, se prolonger, chez le cobaye, pendant 30, 4 0, 60 jours. En d’autres termes, le bacille tétanique, inséré à l’état sporulé sous la peau du cobaye, peut se conserver, à l’état de microbisme latent, pendant les périodes indiquées. Chez un cohaye, le tétanos est apparu au 5® jour et a été mortel, bien que l’injection des spores ait été faite 48 jours auparavant. Un cobaye chauffé a présenté un peu de raideur tétanique 60 jours ap^ès l’injection des spores sans toxine, 9 jours après avoir été mis ensuite à l’étuve. Ces faits sont évidemment applicables à la pathologie humaine et ils permettent d’expliquer qu’on ne puisse si souvent découvrir la porte d’entrée du bacille par une plaie, depuis longtemps cicatrisée. Il importe, cependant, de faire remarquer que si la période de vie latente Iles spores peut être très prolongée, elle est très variable aussi suivant l’animal. Certains cobayes inoculés 30 et même 15 jours auparavant, et soumis à l’action de l’étuve ou à celle du soleil, n’ont pas présenté le plus léger signe de tétanos. D’autres n’ont eu qu’une raideur minime et éphé- mère. Quelle que soit l’acuité des symptômes et celle de leur marche, parfois foudroyante, il existe toujours une phase d’incu- bation de 2 à 3 jours, en moyenne. Même dans les cas où l’animal va être emporté en quelques heures, il reste, en appa- TÉTANOS DIT MÉDICAL OU SPONTANÉ 455 rence, très bien portant pendant la période prététanique. Celte incubation, à peu près fixe dans les formes graves, plus pro- longée dans les formes subaiguës ou chroniques du tétanos expérimental, correspond au temps nécessaire pour que le bacille ait eu le temps de se multiplier et de sécréter sa toxine. h'autO'psie des animaux ayant succombé à la forme suraiguë, •ne montre aucune lésion locale. Les viscères sont normaux. Cependant le foie a paru plus friable. La rate n’est pas tumé- fiée. Le sang est normal; Texamen microscopique y montre de très rares leucocytes, presque tous appartenant aux polynu- cléaires pseudo-éosinophiles. Le système nerveux paraît sain. Si les lésions d’autopsie sont, comme d’ordinaire, peu appréciables, Vexamen bactériologique a, par contre, révélé des faits dignes d’être notés. Dans les cas de tétanos ordinaire, d’origine traumatique, même dans ceux qui ont entraîné la mort à brève échéance, les prélèvements ne fournissent le bacille de Nicolaier qu’au seul point inoculé. Même lorsqu’on ensemence de grandes quantités de sang, de foie, de rate, etc., le milieu nutritif reste stérile. Ce n’est qu’exceptionnellement qu’un ensemencement copieux de tissu cérébral (presque tout le cerveau) a pu donner lieu à une culture L Le tétanos est, en effet, le type des infections locales. Ainsi qu’on vient de le voir, la végétation bactérienne paraît être beaucoup plus diffuse chez les animaux dont on a élevé artificiellement la température pendant quelques heures^ L’influence de la chaleur et l’hypertliermie peuvent modifier entièrement les conditions pathogéniques habituelles du tétanos et créer un état de réceptivité tel que Je bacille se généralise dans toute V économie de V animal infecté. Chez les cobayes ayant, en effet, succombé à la forme suraiguë du tétanos, tous les tissus (rate, foie, moelle osseuse, tissu nerveux) ensemencés en très petite quantité, ont réguliè- rement donné, par la culture, le bacille de Nicolaier. Le sang l.L. Vaillard et H. Vincent, Contribution à l’étude du tétanos, Annales de l'Institut 2o janvier 1891. 456 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. ’ lui-même, ensemencé à la dose de une à quatre gouttes, a fourni des cultures positives. Les frottis de rate et surtout de foie ont montré, à l’examen microscopique, des bacilles très nets. Il semble donc résulter de ces recherches que, parmi les diverses conditions qui favorisent le développement du tétanos, il n’en est pas de plus énergiques que la chaleur. L’élévation de la température agit-elle sur le microbe pour lui communiquer une virulence particulière, ou bien sur l’orga- nisme inoculé dont elle atténuerait le degré de résistance? La première hypothèse paraît bien peu vraisemblable, non seulement parce que l’hyperthermie des animaux n’est que de courte durée, mais encore; et surtout, parce qu’il n’est pas habituel qu’un microbe pathogène voie grandir son activité lorsqu’il est cultivé à une température élevée telle que 42°. J’ai, du reste, essayé de cultiver le bacille à cette température : la culture a été à peu près nulle. On est donc autorisé à conclure que la fièvre expérimentale et la chaleur exercent leurs effets, non sur le microbe pathogène, mais sur l’organisme, non sur la graine, mais sur le terrain. Elle annihile à un tel degré les forces de résistance de l’individu, qu’une maladie d’intoxication, telle que le tétanos, à foyer d’évolution exclusivement local, peut devenir une maladie générale, une sorte de septicémie tétanique. De là les caractères cliniques de l’affection qui rappellent ceux du tétanos splanchnique. De là, encore, l’acuité extraordi- naire des symptômes observés. Présent dans tous les viscères et le système nerveux, le bacille du tétanos déverse simultanément dans tout l’organisme une abondante quantité de toxine qui foudroie l’animal parfois en quelques heures, ainsi qu’on l’a vu. On a signalé parfois, dans quelques maladies d’intoxication telles que la diphtérie, la diffusion du microbe dans les viscères. Cette généralisation est toujours favorisée par quelque cause adjuvante telle que les associations microbiennes. Mais jamais pareille constatation n’avait été faite pour le tétanos. L’hyper- thermie a donc la propriété de transformer, en quelque sorte, l’animal en un milieu inerte où le bacille de Nicolaier, d’ordi- TÉTANOS DIT MÉDICAL OU SPONTANÉ 457 naire si peu adapté à la végétation in vivo, peut se multiplier sans rencontrer de résistance. Il nous faut, en conséquence, essayer d’étudier le mécanisme intime qui préside à cette récep- tivité si particulière et qui détermine un état infectieux si anormal. III Dans les recherches que nous avons faites, M. Vaillard et moi touchant la pathogénie de l’infection tétanique, nous avons montré quelle part considérable revient au processus leucocytaire dans la défense de l’organisme contre les spores tétaniques. Ces spores, débarrassées de leur toxine par le chauf- fage et insérées sous la peau, sont très rapidement englobées par un grand nombre de cellules polynucléaires; certaines de ces cellules renferment jusqu’à 30 spores. Après six heures, il ne reste presque plus de spores libres. Beaucoup d’entre elles, attaquées par les sucs cellulaires, ont diminué de volume, restent pâles et se colorent peu ou point par la méthode de Ziehl. Après 18 à 2i heures, il devient impossible de retrouver les spores au point lésé. La phagocytose exerce, en effet, un rôle capital dans la pro- tection contre le microbe du tétanos. Immobilisées ou, en partie, digérées par les phagocytes, ces spores ont perdu momentané- ment leur aptitude à se développer et à cultiver dans l’orga- nisme. Il est donc vraisemblable que, dans les expériences men- tionnées ci-dessus, la chaleur à laquelle sont soumis les animaux doit avoir pour effet de neutraliser les forces vives défensives de l’organisme et de paralyser l’influence protectrice des phago- cytes. En vue de vérifier l’exactitude de cette proposition, j’ai recherché quels sont les effets déterminés par la chaleur sur les leucocytes, dans le sang des animaux. A cet effet, un certain nombre de cobayes sains, n’ayant pas mangé depuis 24 heures, afin d’éviter l’influence de la leucocytose alimentaire, ont été mis dans l’étuve à 40*^. Leur température était fréquemment prise. A chaque éléva- 1. Vaillard et Vincent, Igc. cit. 458 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. tion notable de celle-ci, on pratiquait la numération des leuco- cytes, leur détermination qualitative et l’étude de leurs altéra- Fig. 1 — Modifications de l’équilibre leucocytaire chez les animaux soumis à la chaleur (Hypoleucocytose thermique). lions histologiques, s’il s’en présentait. Cette recherche a été faite un grand nombre de fois, soit chez le lapin, soit chez le cobaye. Elle a donné, d’ailleurs, chez l’un et l’autre, des résultats semblables . . TÉTANOS DIT MÉDICAL OU SPONTANÉ 459 O On observe, chez les animaux ainsi surchauffés, des modifi- cations quantitatives et qualitatives des cellules blanches du sang-. Fig. 2 — Modifications qualitatives des leucocytes mono et polynu- cléaires en fonction de la température de l’animal. (Hypopolynucléose.) Modifications numériques des leucocytes. — Le fait dominant, c"est la diminution progressive du nombre des leucocytes contenus dans le sang-, à mesure que la T propre des animaux s’élève. Il y a eu, constamment, relation inverse entre le degré 460 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. thermique et la proportion numérique des leucocytes du sang. Le graphique ci-joint reproduit la moyenne des numérations leucocytaires chez 3 cobayes, pris au hasard, avec indication corrélative delà T de l’animal {fig. ï). Le chiffre des leucocytes s’abaisse dès le début de l’expé- rience, et dès que la T. de l’animal commence à s’élever. La diminution est progressive. Toutefois, lorsque la T de l’animal atteint le voisinage de 42®, il existe presque toujours une éléva- tion fugace du taux des leucocytes qui tend à ramener leur nombre auprès de la normale {Voir la ftgure 1). Cette réaction est parfois très accentuée. Si l’animal est retiré de Tétuve à ce moment, il se rétablit presque aussitôt et le nombre de ses leuco- cytes se relève au bout de 4 à 8 heures, dépassant même le chiffre initial. S’il est laissé à l’étuve, le nombre des leucocytes décroît ensuite régulièrement. Au moment de la mort, il n’est pas rare de trouver, au lieu de 8,000 à 10.000 leucocytes, chiffre de l’état normal, 3,000 et même 2,000 leucocytes. Un de ces animaux en présentait 1,820 seulement*. 2® Modifications gualitatives des éléments leucocytaires. — Il existe, chez les animaux surchauffés, des différences assez no- tables, d’un animal à l’autre, dans la composition des éléments leucocytaires du sang. Chez les uns, et c’est le plus grand nombre, la diminution des leucocytes a porté plus spécialement sur les cellules polynucléaires. Chez les autres, elle s’est effec- tuée surtout aux dépens des éléments mononucléaires. Ces différences ont paru être en rapport avec le degré et la durée de la résistance des animaux à l’influence de la chaleur. Les animaux qui résistent peu à l’action de l’étuve, et chez lesquels les symptômes de torpeur sont précoces, montrent surtout une diminution des polynucléaires, alors que les lymphocytes ne paraissent subir qu’une faible modification proportionnelle de leur nombre : ce sont ces animaux qui présentent plus tard la forme foudroyante du tétanos. Au contraire, chez les cobayes qui ont résisté plus énergiquement et plus longtemps, et chez lesquels la mort a été plus lente, le taux de la mononucléose a été trouvé abaissé et les polynucléaires ont été, par rapport 1. Il serait intéressant d’étudier ces modifications leucocytaires quantitatives et qualitatives, chez l’hornme atteint d’insolation ou de coup de chaleur. TÉTANOS DIT MÉDICAL Oü SPONTANÉ 461 aux mononucléaires, plus nombreux qu’à l’état normal. Il ne s’agit, bien entendu, que d’une augmentation relative de ces derniej’s, puisque le chiffre global des leucocytes décroît tou- jours dans l’hyperthermie (fig. 2). J’ai signalé précédemment une augmentation momentanée dans la proportion totale des leucocytes au moment où la T de l’animal atteint 42'^ environ. Ce relèvement du nombre des leu- cocytes est dû à l’augmentation de toutes les variétés de leuco- cytes, lymphocytes et polynucléaires pseudo-éosinophiles. Il traduit bien certainement une réaction défensive. L’augmenta- tion des polynucléaires ne coïncide pas toujours avec celle des lymphocytes. Quelles que soient les variations observées dans l’équilibre leucocytaire, il est deux sortes d’éléments qui disparaissent à peu .près entièrement : ce sont les grandes cellules mononu- cléaires et les éosinophiles. Pendant la première partie de l’expérience, c’est-à-dire jusqu’au moment de l’augmentation critique du chiff re des leucocytes, leur nombre, qui n’est jamais bien élevé, reste stationnaire. Pendant la seconde partie, le chiffre des grands mononucléaires diminue avec rapidité; les cellules éosinophiles (1 à 1,5 0/0) disparaissent d’une manière semblable. 3^ Altérations histologiques des leucocytes. — Que deviennent les cellules lymphatiques ayant ainsi disparu du sang? Sont- elles emmagasinées dans les viscères ou les organes lym- phoïdes? Sont-elles détruites? Il semble que cette dernière hypothèse soit la plus acceptable. Le sang du cœur ponctionné pendant la vie ou aussitôt après la mort, manifeste la même hypoleucocytose que le sang des vaisseaux périphériques. D’autre part, on peut observer des lésions assez prononcées des leucocytes. Dès que la température de l’animal a dépassé 42®, 5, on assiste à la cytolyse des leucocytes qui débute par le gonfle- ment du plasma et du noyau des grands mononucléaires et des poly nucléaires. Plus tard, le noyau de ces cellules est disloqué, diffusé; sa chromatine s’est dissoute partiellement ou morcelée dans le protoplasma de la cellule. Il devient, dès lors, difficile de reconnaître la nature des cellules ainsi altérées. Dans les cellules éosinophiles, les globules de même nature 462 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR sont, en partie, fusionnés, effacés, irréguliers. Quelques-uns sont incolores et paraissent comme vidés. Les globules sanguins n’ont jamais montré de lésions. En résumé, chez les animaux surchauffés et dès que leur température atteint 42°, 5 à 43°, on constate une leucolyse qui porte plus spécialement sur les cellules phagocytaires : cellules polynucléaires et grands mononucléaires, microphages et ma- crophages. Le déficit leucocytaire et la diminution des phagocytes peu- vent donner l’explication de la défaillance de Torganismeen face de l’invasion microbienne. Désorganisées ou surprises par Thy- perthermie, les cellules polynucléaires, qui entrent particuliè- rement en jeu dans l’absorption et la digestion des spores téta- niques, abandonnent ces dernières et la pullulation du microbe dans tous les points de l’organisme devient ainsi possible L La cytolyse des cellules sporifères livre l’organisme sans défense à l’invasion du bacille du tétanos. Délivrées de l’obsta- cle qui les immobilisait, les spores ne tardent pas à germer silencieusement jusqu’au moment où leurs sécrétions viennent imprégner le système nerveux. La dissémination des spores dans tous les tissus et tous les viscères, dans le sang lui-même (bien que les spores n’y puissent germer en raison de la pré^ sence de l’oxygène), explique à la fois la rapidité foudroyante des symptômes tétaniques et leur généralisation d’emblée, enfin les caractères séméiologiques de l’affection, absolument analo- gues à ceux du tétanos splanchnique. IV Il y a lieu, maintenant, de se demander si les conclusions qui découlent de ces recherches expérimentales ne sont pas égale- ment applicables à l’homme. La chaleur, l’insolation, sont-elles susceptibles de favoriser l’infection tétanique chez l’homme, au même titre que chez certains animaux, tels que le cohaye ? Ques- tion d’un certain intérêt car, s’il en est ainsi, nous connaissons l’une des causes qui peuvent déterminer le tétanos dit idiopathi- i. C’est certainement la même cause qui permet d’expliquer la présence des bactéries venues de l’intestin dans tous ies viscères des animaux, pendant la période agonique. De là, aussi, la putréfaction précoce de leurs cadavres. TÉTANOS DIT MÉDICAL OU SPONTANE. 463 que, et il sera possible d'en prévenir les effets si redoutables. Or, il paraît hors de doute- que l’influence prolongée de la chaleur, celle du soleil, de ses radiations calorifiques et chi- miques, interviennent dans la pathogénie de certains cas de tétanos, chez l’homme. L’histoire médicale du tétanos fournit, en effet, à cet égard, des renseignements de grande valeur. Les climats chauds et tropicaux sont signalés depuis longtemps comme particulièrement féconds en cas de tétanos. Heyfelder, Morehead, Bajon, F. Raymond, Emery-Desbrousses, L. Vincent et Burot, etc., ont mentionné cette fréquence anormale du tétanos à la Guyane, dans les Indes, en Afrique, notamment à Madagascar, etc... C’est surtout en été qu’on l’y observe. Le (( tétanos des pays chauds », comme il a été appelé, est non seulement plus commun, mais encore plus rapidement mortel que dans les pays tempérés. « Dans les pays chauds, dit Burot, le tétanos revêt une forme presque foudroyante, puisqu’il tue ordinairement en moins de 24 heures ‘ ». Pendant les guerres, Larrey, Thierry ont signalé la coïnci- dence de chaleurs très fortes avec les épidémies de tétanos. « En Espagne, dit Fournier-Pescay, plusieurs fois après avoir fait route pendant toute une journée, par l’ardeur d’un soleil brû- lant, sur un sol incandescent... plusieurs de nos hommes étaient pris, le lendemain, de tétanos universer-. » D’autres auteurs ont «aussi décrit des exemples de tétanos consécutif à une insolation. J. More a publié le cas d’un agricul- teur ayant travaillé dans les champs, au mois de juillet, par une chaleurintense.il eut, à la suite, une prostration profonde et un grave malaise. Peu de jours après, il offrait les premiers signes d’un tétanos mortel. Il n’avait eu aucune plaie, aucune piqûre L J. Benton a rapporté un cas qui se rapproche du précédente Chez le malade que j’ai moi-même observé, et dont j’ai fait mention au début de ce travail, je n’ai pu découvrir d’autre cause favorisante de son tétanos qu’un coup de chaleur. Il suffira, sans nul doute, que l’attention soit appelée sur la complicité possible de cette cause adjuvante, pour qu’un certain 1. Burot, Bulletin de V Académie de médecine, 2 février 1897, p. 12(1. 2. Cité par Ghaillous. Thèse de Paris, 1899. 3. J. More, Tetanus following sunstroke, The Lancet, septembre 187G, p. 393. 4. Bentox, a case of idiopathic tetanus, Ibid., 11 novembre 1890, p. 682. 464 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR. nombre d’autres cas de tétanos, en apparence spontanés, puis- sent désormais lui être rattachés. En tout état de cause, il paraît utile d’injecter préventive- ment du sérum antitétanique aux sujets exposés à une insolation ou à un coup de chaleur, lorsque ces malades ont eu antérieu- rement des pJaies ou des traumatismes ouverts qui aient pu don- ner passage au bacille de Nicolaier. C’est surtout dans les pays chauds que cette mesure prophylactique pourra rendre de grands services. ANATOMIE PATHOLOGIQUE ... ' ' Des lésions syphilitiques observées chez les singes anthropoïdes Par ARNAL et PAUL SALMON Avec la planche IV. * (Travail du laboratoire de M. iMetchnikoff.) I Cette (Rude constitue une annexe au mémoire de MM. Metchni- koff et Roux paru dans ces Annales en décembre 1903 sous le titre : Études expérimentales sur la syphilis. ' Nous avons eu comme matériaux d’études : 1° un chancre induré et des syphilides secondaires, provenant d’un chimpanzé femelle; — 2» un chancre induré pris sur un chimpanzé mâle. I JJ Le chancre du chimpanzé femelle datait de 79 jours — Sié- geant sur le prépuce clitoridien et en contact avec le sol souillé d’impureté; il présentait les signes d’une infection secon- daire surajoutée. A la surface, l’épiderme a disparu par places, remplacé par un tissu conjonctif cicatriciel, formé de faisceaux parallèles enfermant des cellules conjonctives, des cellules mononucléaires à noyau rond, et tout près de la superficie des polynucléaires En résumé, la lésion n’est pas nettement spécifique. C’est un chancre en voie de guérison, et infecté secondairement. III Au moment de la mort de l’animal, en même temps que le chancre de la vulve existaient sur divers points de la peau des papules, syphilides secondaires datant de 49 jours au plus. Au niveau de ces lésions, la couche épithéliale est très amincie. Au-dessous, le tissu cellulaire est parsemé de cellules 30 466 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. rondes, mononucléaires, à noyau peu coloré ; Tinflammatioii semble en voie de régression, prouvée par la prolifération du tissu conjonctif et la rareté relative des mononucléaires dans la région immédiatement sous-épithéliale. A la partie profonde du derme, les petits vaisseaux sont entourés de ces cellules mononucléaires*, abondantes. On ne voit pas de cellules géantes, mais des mastzellen. On peut admettre que les syphi- lides sont en voie d'effacement, de disparition. IV Plusimportantes etplus caractéristiques sont les observations faites sur le chancre de la cuisse du chimpanzé mâle. Il s’agissait d’un ulcère primitif de 4o jours, en voie de guérison. L’épiderme est conservé sans solution de continuité. Il est très aminci au centre de la lésion et hypertrophié sur les côtés. Dans le tissu dermique s’enfoncent des bourgeons malpighiens avec nombreuses ramifications ; ces bourgeons épidermiques sont rétrécis à leur partie superficielle et comme étranglés. Le tissu cellulaire du derme a disparu, transformé en œdème séreux, contenant un réseau de fibrine, et une très grande quantité de cellules rondes inflammatoires. L’infiltra- tion s’étend presque jusqu’à la couche cellulo-graisseuse pro- fonde. Sur les bords, elle diffuse sans limites bien précises. Les cellules rondes ont un gros noyau arrondi périphérique, plus ou moins clair, entouré d’un protoplasme coloré de façon uniforme, sans granulations ; certains éléments correspondent ,aux plasmazellen de Unna. Ils se montrent surtout groupés au voisinage ou autour des vaisseaux sanguins, et principalement des artérioles ; ils sont disposés en cercles concentriques autour des tuniques du vaisseau. Les glandes sudoripares ne sont pas accompagnées de cel- lules inflammatoires. Dans la partie superficielle du derme, les capillaires sanguins apparaissent très dilatés, remplis d’hématies et de globules blancs abondants (^leucocytose locale). En un point, une arté- riole rompue a donné naissance à une infiltration hémorrlia- gique. Enfin, dans le tissu cellulaire sous-cutané, une veine se LÉSIONS SYPHILITIQUES CHEZ LES SINGES 467 montre atteinte d’endophlébite ; Tépaisseur de la tunique interne est très augmentée et Pendothélium proliféré obture presque la lumière du vaisseau. Dans la zone inflammatoire, on voit des cellules pigmento- pbages, remplies du même pigment que l’on retrouve à la base de l’épiderme, dans quelques cellules épithéliales. La syphilis, chez le singe encore plus que chez l’homme, laisse à sa suite une cicatrice brune, pigmentée. En résumé, on n’observe dans ce chancre du chimpanzé mâle, ni cellules géantes ni polynucléaires, mais presque uni- quement des plasmazellen. Ce fait, la présence des monu- cléaires, lamononucléose,est une des caractéristiques delà lésion syphilitique. Les lésions de périartérite ont une valeur pathogé- nique analogue. 11 est donc permis de rapprocher, d’identifier le chancre syphilitique du chimpanzé et le chancre syphilitique de l’homme, puisque l’on retrouve dans les deux cas le même aspect histologique et la même réaction inflammatoire. M. Darier, dont on connaît la compétence, a bien voulu examiner ces coupes et confirmer le diagnostic histologique de chancre syphilitique du chimpanzé mâle. Et comme ce chancre du chimpanzé mâle est une lésion de passage, provenant d’un premier chimpanzé femelle, il est logique d’admettre que les deux animaux ont été atteints de syphilis. EXPLICATION DE LA PLANCHE IV Fig. I — Coupe d’un chancre de la cuisse (chimpanzé mâle). (l'Y — Bourgeons épithéliaux s’enfonçant dans le derme. //). — Infiltration du derme. c'j , — Foyer inflammatoire périvasculaire. d) . — Foyer d’apoplexie hémorrhagique. , _ Région sous-cutanée dans laquelle on voit un vaisseau à parois épaissies. Fig. h. — Montre un foyer périvasculaire dans lequel on reconnaît de grandes cellules mononucléaires dites « Plasmazellen ». Fig. III. — Cellules « Mastzellen »dans la paroi externe d’une petite artère. b). Nombreuses cellules « Mastzellen» disséminées autour du vaisseau. lY. _ Vaisseau montrant une prolifération intense des cellules endothéliales oblitérant presque complètement sa lumière. ÉTUDE EXPÉRIMENTALE SUR LA PATHOLOGIE DE LA GOUTTE la léaoniUoo le Me oripe et le l'nrate le soale Par le J. -J. VAN LOGllEM (d’Amsterdam). Dans un mémoire, publié par les Archive!< de VivcJioïc, Rindlleisch ^ a décrit des préparations microscopiques, provenant d’un tophus, extirpé chez lui-même. Ce savant observait une phagocytose des cristaux du tophus, — fait intéressant, qui lui permettait d'expliquer la modification de la grandeur que le tophus avait’ subie durante vita. M. Metchnikoff a bien voulu me charger d’examiner cette question déplus près. En commençant l’étude de ce sujet, il m’est apparu que le phénomène observé par Rindfleisch — et avant lui par Rielh- — n’a pas seulement l’importance d’un simple fait biologique ; mais que, pour bien le comprendre, il fallait entrer dans les questions spéciale's de la pathologie de la goutte. C’est pour cela qu’il faut les résumer en quelques mots. L’étude de la goutte n’est pas assez avancée pour qu’il soit permis de parler d’une maladie expérimentale; les notions sur les causes et les conditions de cette maladie sont tellement vagues qu’il est impossible d’amener l’organisme normal jus- qu’à l’état goutteux. Toutefois la méthode expérimentale a aussi sa place dans ce chapitre spécial de pathologie, puisque la chimie et la" morphologie ont démontré le rôle de l’acide urique dans la goutte. Dans riiistoire de la goutte, la période expérimentale com- mence avec les travaux d’Ebstein L Ce savant considère l’acide urique comme materia peccans, opinion déjà exprimée par 1. E. Rindfleisch, Ueher Eildung und Rückbildung gichtischer tophi. Virchow' s Archiv, Band 171, H. 3, 1903. - 2. G. Riehl, Zur Anatomie der Gicht, Wiener Klinische Wochenschrift, 26 Aug. 1897, p. 761, 3. W. Ebstein, Gicht Deutsche Klinikdes, 19, J. h. III, 23-26, pag 130, 1901. Die Natur und Behondlung der Gicht. Wiesbaden. 1882. SUR LA PATHOLOGIE DE LA GOUTTE 469 Garrod*; d’après Ebstein, Facide urique est une substance toxique qui cause des modifications inflammatoires et nécrosantes des tissus, lesquelles finissent par la nécrose complète; dans le tissu mort, Facide urique est précipité sous la forme d’urate de soude. La présence de Facide urique dans les tissus en'quantité anormale est due à une « stase » ; le plus souvent cette stase est localisée (goutte articulaire primaire); en d’autres cas, elle est généralisée et dépend d’une lésion rénale (goutte rénale primaire). Pour fonder cette théorie, qui est admise à présent par un grand nombre de pathologistes, Ebstein a fait deux séries d’expériences. D’abord, pour savoir si la stase de Facide urique aboutit à une modification des tissus, comparable à celle qu’on trouve dans la goutte, il a pratiqué la ligature des uretères chez des oiseaux. C’est l’expérience classique de Galvani, qui, des- tinée à résoudre une question de morphologie, fut appliquée à la physiologie et à la pathologie. Déjà Galvani avait signalé en passant alba terrestris mciteria : une précipitation d’urate de soude dans les tissus d’animaux morts à la suite de ces liga- tures; Ebstein examine de plus près ces produits de la stase expérimentale et les compare aux précipitations cFurates dans le corps des goutteux. Les résultats de ses expériences confirment absolument sa conviction, acquise pendant ses études anatomiques; U a réussi à reproduire chez la poule des altérations qui, au point de vue ana- tomique, sont équivalentes à celles observées chez Vhomme, au cours de r arthrite uratique ^ Dans la seconde série de ses expériences faites pour prouver Faction nuisible de Facide urique sur les tissus, Ebstein n’eut pas tant de succès. ' Ni l’injection dans la cavité abdominale, ni celles dans la chambre antérieure de Fœil, les reins et le cartilage de l’oreille n’ont été répétées. La disparition de dépôts artificiels d’acide urique dans la cornée ne fut même pas étudiée microscopique- ment. La seule expérience regardée comme décisive est celle de l’injection dans la cornée, d’acide urique dissous dans 1. A. B. Garrod, A Treatise on Goût and Rheumatic Goût, 3'’ édition, London, 1876. 2. W. Ebstein, Die Natur, etc.,p. 71. 470 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. une solution de phosphate de soude. L’auteur pouvait cons- tater die ioxische Wirkung^ (l’action toxique) de l’acide urique, par la présence de leukomes dans la cornée. (P. 81). Mais des dépôts cristaJUns d’urates ont été rarement observés ainsi que les nécroses (p. 82). Les recherches anatomiques et expérimentales d’Ebstein ont été vivement critiquées. Riehl % Aschoff, Duckuorth Dyce et récemment Krause - trouvaient souvent chez des goutteux du tissu normal, contenant des cristaux d’urate de soude; selon eux la thèse que la nécrose précède la précipitation des urates ne serait pas soutenable. Ebstein ne nie pas le fait, observé par ces auteurs, mais l’explique corhme phénomène postmortel ^ C’est Likhatscheff % qui attaque la doctrine d’Ebstein au moyen d’expériences; il répète la ligature des uretères et for- mule une conclusion qui diffère considérablement de celle d’Ebstein. D’abord, Likhatscheff remarque que les dépôts d’urates, dans le corps de la poule morte, se trouvent surtout dans les organes internes, riches en sang, tandis que la formation des tophus du malade goutteux a lieu le plus souvent dans les petites articulations et dans les parties du corps mal nourries par le sang; ensuite il a observé plusieurs fois des cristaux dans du tissu qui n’avait subi aucune modification visible. Aussi la seconde série d’expériences d’Ehstein — sur l’in- fluence nuisible de l’acide urique sur le tissu de la cornée du lapin — était attaquée. Leber % dans son travail complet sur l’inflammation, ne peut pas admettre une action nocive intense de l’acide urique; les cristaux introduits dans la cornée et dans la chambre antérieure de l’œil disparaissent très vite et sans réaction considérable. Tandis qu’Ebstein visait le centre même de la question, d’autres, tels qu’Ilis et Freudweiler, Pfeiffer, etc., ont préféré l’aborder par la périphérie. 1. Riehl, l. c. 2. K. A. Krause, Zur Kenntniss der Uratablagerungen im Gewebl, Zeitschr. . Klin Medicin, Band 50, 1, II, p. 136. 3. Ebsteiv, Deutsche Klinik, L c., p. 139. i. Likhatsuheff, Eæperimentelle Untersuchungen über die Folgen der üre- teren-Unterbindung bei Hühnern, Ziegler’s Beitràge. Band XX, 1896, p. 102. 5. Th. Leber, Die Entstehung des Entzündung . Leipzig, 1891, p. 254. SUR LA PATHOLOGIE DE LA GOUTTE 471 Dans un travail très étendu, Freudweiler^ a suivi le sort de cristaux à’urate de soude introduits sous la peau des lapins; il a vu que ces cristaux sont eng'lobés par des cellules du tissu con- jonctif, par des leucocytes et des cellules géantes. (Nous avons retrouvé dans nos préparations tout ce que Metchnikoff a décrit au sujet de la phagocytose dans les tissus.) Ilis^a complété ces expériences en injectant les mêmes cristaux dans la cavité abdominale et les articulations de lapins et de cobayes; les dépôts ainsi obtenus disparaissent par le même processus que les cristaux sous-cutanés. Dans un second mémoire \ Freudweiler donne ses recherches sur la genèse du tophus goutteux; les résultats de ce travail sont négatifs. L'auteur admet une augmentation de Pacide urique dans les humeurs des tissus du malade goutteux comme condition indispensable de la précipitation des urates, mais il n'a pas réussi à trouver les causes locales qui déterminent la cristallisation; je reviendrai plus tard sur ce travail. En résumé, les résultats des études expérimentales sur la goutte sont plutôt maigres. La théorie d’Ebstein ne trouve qu'un faible appui dans les expériences de son fondateur ; les recherches de Ilis et Freudweiler donnent bien une idée sur la façon dont les tophus disparaissenU mais ne nous font pas savoir comment ils se forment. EXPÉRIENCES SUR LA RÉSORPTION DE l'uRATE DE SOUDE ET DE l’aCIDE ' URIQUE ' .l'ai commencé par répéter quelques-unes des expériences de Freudweiler et Ilis. En injectant sous la peau de lapins de l'eau physiologique' <*.ontenant une quantité de 0, 1-0,5 grammes d'urate de soude, j'obtenais des dépôts sous-cutanés de ce sel; déjà, après quelques heures, le gonflement local provoqué par l'injection subit une diminution considérable (résorption de l'eau physiologique) et il en reste un « tophus artiliciel » : une petite 1. M. Freudweiler, Ueber das Wesen der Gichtknoten, Deutsches Avchiv. fur Klinische Médixin, Band 63, p. 266, 1899. 2. Ilis, Schicksal und Wirkung der s. hams. Nafrons im Bauch und Gelen- khôhle des Kaninchens, Ibid^ Band 67, p. 81. 3. Freudweiler. Ueber die Entstehung der Gichtrnoten^ Ibid^ Band 69. p. 155. 472 ANNALES DÈ L’INSTITUT PASTEUR. tumeur sous-cutanée, dure, dans la rég-ion de laquelle la peau devient rouge et chaude. Après quelque temps le dépôt est sensiblement diminué, et il finit même par disparaître tout à fait. En examinant des tophus de différents âges, — après fixa- tions et durcissement par Talcool absolu, inclusion dans la paraf- fine et coloration par la safranine, la thionine ou le brun de Bismarck, — on peut confirmer les observations de Freudwei- 1er qui ont montré que les cristaux disparaissent par phagocytose. Après la description détaillée de Freudweiler, il me semble inutile d'insister sur ce procès; j’attirerai l’attention seulement sur un petit fait. Dans les coupes d’un dépôt qui date d’un mois (expér. 18) on trouve quelques rosaces d’aiguilles ; il est clair qu’il ne s’agit pas ici des cristaux injectés, mais d’une reprécipitation d’urate de soude qui avait été dissous. De quelle manière cette dissolu- tion s’est-elle faite? Par les humeurs des tissus? Cela semble peu probable parce que les humeurs vivantes ne montrent guère d’action sur l’urate de soude (v. ci-dessous les expériences aux sacs de collodion). De même, on doit exclure la possibilité d’une précipitation post mortem, parce que quelques-unes ^des rosaces sont déjà englobées par des cellules géantes; la seule explication plausible est que la dissolution de l’urate de soude s’est faite par digestion intracellulaire et que la réprécipitation s’est pro- duite après 1 1 mort de la cellule. Une auLie série d’expériences, faites avec ïacide urique, — pour le comparer avec l’urate de soude, — donnait un résul- tat surprenant qui s’oppose absolument aux obser cations de Freudwei- ler. FreudweileF a injecté des cristaux d’acide urique sous la peau de lapins; il appelle ces injections « lediglich Vorversuche » (essais préliminaires), pour établir l’action de cette substance sur le tissu vivant; il examine au microscope des dépôts de 0, 2, 4, 6, 9, 12, 18, 24 heures et de 2, 3, 4, 5, 6, 7, 9, 11, 12, 18, 20, 21, 28, 33, 30 jours. Il a observé que l'acide urique détermine une nécrose complète des tissus là où il est amassé. Les masses cristallines sont transportées par les phagocytes à partir du troisième jour (p. 164-163). 1. Freudweiler, second mémoire déjà cité. SUR LA PATHOLOGIE DE LA GOUTTE 473 Les préparations provenant de mes expériences montrent tout autre chose. Déjà après 24 heures, une partie considérable de la masse des cristaux d’acide urique a disparu; un noyau seulement des cristaux injectés est resté sur place. A la périphérie du dépôt, dont les limites primitives sont bien marquées par les leucocytes, et parmi les cristaux d’acide urique, on trouve des rosaces régulières d’aiguilles, de vérita- bles soleils, qui diffèrent absolument des cristaux larges et isolés, qui avaient été injectés^ ; Ces rosaces sont entourées par des leucocytes. La nature de cette reprécipitation est facile à établir; les aiguilles en soleils disparaissent vite par la formaline et par l’acide acétique ; avec ce dernier réactif on obtient après la dis- solution une précipitation des cristaux rhomboïdes bien connus de l’acide urique. Ces réactions microchimiques, combinées à la morphologie des cristaux, et les conditions sous lesquelles la précipitation s’est faite, montrent nettement que nous avons observé une pré- cipitation d’urate de soude dans un tissu baigné par un liquide conte- nant de V acide urique en quantité considérable. On ne peut pas méconnaître que le phénomène décrit ci- dessus soit identique à la genèse du tophus ; il est nécessaire d’examiner ce fait nouveau de plus près. 1. La précipitation d’urate de] soude après injection de cristaux d’acide urique est-elle constante ? Sept dépôts de cristaux d’acide urique sous la peau dorsale de trois lapins (expér. o, 1, 4, 3, 2, 6, 9) furent examinés après 1, 4 1/2, 24, 3 X 24 et 4 X 24 heures, après 14 jours et après 1 mois. Dans une des préparations faite seulement après 4 heures 1/2, je trouvai déjà à sa limite, une rosace d’urate de soude, selon toute apparence encore intacte. Après 24 heures, la couche périphérique des cristaux injectés a disparu, elle est remplacée par des leucocytes, de la fibrine et des rosaces d’urate de soude. 1. Il semble étonnant que M. Freuchveiler ait examiné les préparations de 22 dépôts sans s’apercevoir que les masses des cristaux qu’il avait sous les yeux n’étaient pas delà même nature que celles qu'il avait injectées. Probablement cet expérimentateur a employé des cristaux du commerce qui, étant tassés ou agglomérés, avaient perdu leur aspect caractéristique. 474 ANNALES DE L INSTITUT PASTEUR. Les autres dépôts montraient les mêmes modifications, en rapport avec leur âge et la quantité d’acide urique injectée. 2. La modification des tissus par le tranmatisme de Vinjection joue-t-elle un rôle f Pour cela, je modifiai les conditions locales en injectant dans la cavité abdominale de lapins et de cobayes. En ouvrant la cavité abdominale d’un lapin (expér. 52) 1 heure après l’injection intrapéritonéale de cristaux d’acide uri- que en suspension dans de l’eau physiologique, on retrouve une partie considérable de ces cristaux encore libres dans la cavité, mais agglomérés en petites masses blanches par la fibrine; par-ci par-là, l’une d’elles est légèrement adhérente à l’épiploon, au mésentère ou à la paroi de l’intestin ; en faisant des coupes à paraffine, on observe que les cristaux sont réunis et entourés par de la fibrine, dans laquelle se trouvent des leu- cocytes. Si on ouvre après 17 heures la cavité abdominale d’un lapin traité de la même manière (expér. 35) et si on étale, sous le microscope, une partie de l’épiploon ou du mésentère colorée par le brun de Bismarck, on voit que ces masses de cristaux d’acide urique sont transformées en rosaces, c’est-à-dire en urate de soude. Cette transformation se fait voir encore plus nettement dans les coupes d’une masse de cristaux collée à la paroi du colon. Dans ce cas, le traumatisme de l’injection semble être exclu tout à fait : la petite masse de cristaux d’acide urique s’est fixée ,à la paroi intestinale et offre le même aspect que les dépôts sous-cutanés : un exsudât sérofibrineux contenant un grand nombre de leucocytes a remplacé la plus grande partie des cristaux injectés, seulement les cristaux du centre ne sont pas encore dissous, quoique leurs contours aient subi déjà une transformation visible. Les autres cristaux injectés sont dissous et reprécipités en forme de rosaces d’urate de soude. Dans la paroi intestinale iLne se trouve aucune cristallisa- tion. La figure ci-contre est un dessin demi-schématique de cette préparation; la partie gauche est faite d’après une préparation qui avait été traitée pendant quelques heures par la formaline 10 0/0;. l’acide urique est resté, les urates ont disparu. SUR LA PATHOLOGIE DE LA GOUTTE 475 La même expérience répétée sur un cobaye donne après 20 heures un résultat encore plus net (expér. 50). Entre deux lobes du foie, sur une place bien protégée et à l’abri de tout trau- matisme, une petite quantité de cristaux d’acide urique, enve- oppée de fibrine, avait trouvé place. Ce dépôt, examiné en coupes de paraffine, avait subi la même transformation : un noyau d’acide urique entouré par des leucocytes et des rosaces d’urate de soude. Dans le tissu du foie, pas de cristallisation. On peut modifier les conditions de l’expérience. J’ai exa- miné des dépôts dans la paroi abdominale antérieure, sur le draphragme, entre les muscles, — toujours avec le même résultat. 3. La cornée, fait-elle une exception '? Déjà Ebstein a injecté des cristaux d’acide urique dans le tissu de la cornée, mais apparemment il n’a pas suivi au micros- cope le sort de ces cristaux. Leber a établi que les dépôts artificiels d’acide urique dimi- nuent très vite et que le reste des cristaux, qu’il retrouve après »2 jours, est probablement constitué par de l’acide urique. Pour savoir si la cornée faisait une exception, qu’on pouvait 476 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. soupçonner après les recherches de Leher, j’ai répété celles-ci. Expérience b. — Samedi 19 décembre 1909, 11 heures du matin, je fais chez un lapin un petit cul-de-sac à l’aide d’ûn bistouri, entre les lamelles de la cornée gauche, cocaïnisée ; avec une spatule en platine je remplis le cul-de-sac avec une émulsion de cristaux d’acide urique en eau physiologique. Le lendemain le dépôt est diminué à peu près de moitié, tandis que l’œil ne montre aucune réaction grave... A 3 heures, l’animal est sacrifié ; la cornée est étudiée sur des coupes à la paraffine. Dans Pexsudat, qui remplit le cul-de-sac, il se trouve quel- ques rosaces eVurate de soude ; daus le tissu cornéal non modifié, il n’y a pas de cristaux. La cornée se comporte donc comme les autres tissus. 4. La cristallisation d'iirate de soude se fait-elle dans du tissu normal ? Les préparations nombreuses provenant de différentes expé- riences montrent que partout la présence de Turate de soude est limitée au dépôt d’acide urique, dont les frontières primi- tives sont toujours faciles à reconnaître grâce à une couche de leucocytes. 0. U acide urique peut-il être dissous dans les humeursdu corps, en dehors de V influence des leucocytes ? Se comporte-il différemmenl de Vurate de soude ? Les questions de ce genre se posent si souvent dans l’étude de l’immunité que le dispositif de l’expérience ne présentait aucune difficulté ; j’ai pensé que l’emploi des sacs de collodion me per- mettrait de répondre. Expérience 54. — Deux sacs de collodion, montés sur des pipettes de Pasteur, sont remplis d’eau physiologique ; à l’un on ajoute des cristaux d’acide urique, à l’autre de Purate de soude. Après stérilisation, les sacs sont introduits dans la cavité abdominale d’un lapin anesthésié à Téther ; 17 jan- vier, 1 animal est sacrifié; à l’autopsie on retrouve les deux sacs, collés à la paroi abdominale antérieure et entourés par de la fibrine.' Le sac qui contenait, au commencement de l’expérience, l’émulsion de l’acide urique est devenu transparent, ne renferme plus que quelques cris- taux; sa paroi est intacte. Le sac à Purate de soude est un peu aplati : pour le reste il n’a subi aucune modification appréciable; il semble * contenir la même quantité 1. Je ne me suis pas servi d’une méthode rigoureuse ; je comparais la quantité des cristaux eh mesurant la hauteur du sédiment formé par les cris- taux dans un même tube avant et après l’expérience. SUR UA PATHOLOGIE DE LA GOUTTE 477 d’urate de soude que celle qui y avait été introduite ; microscopiquement les cristaux ne se montrent pas changés. La masse de fibrine autour des sacs ne contenait pas de cristaux. Les humeurs . du corps montrent non seulement in-vivo mais aussi in vitro, un pouvoir dissolvant vis-à-vis de Tacide urique. Une goutte d'un sérum filtré de lapin auquel on avait ajouté des cristaux d'acide urique donne, avec une goutte d'acide acétique des cristaux d’acide urique. Si on examine après quelques jours le sédiment d'un tube contenant du sérum et des cristaux d’acide urique, on trouve une précipitation spontanée d’urate de soude. Ce fait intéressant, — il nous représente pour ainsi dire la formation d’un (( tophus in vitro » est cité dans les mémoires de Robert» et de MordborstL Selon le premier auteur on peut l’obtenir aussi av ec une solu- tion de chlorure de sodium (0,b 0/0) et de bicarbonate de soude (0,2 0/0). 6. L'acide urique est-il précipité en entier, ou seulement en partie sous forme d' mates dans les dépôts artificiels^. Quoiqu'il soit difficile de donner une réponse absolue, les expériences montrent que, très probablement, une partie de l'acide urique reste en dissolution et disparaît dans la circulation, tandis que le reste est précipité. - En faisant chez un lapin (expér. 28) 3 dépôts d’acide urique et 3 dépôts d’urate de soude, dans les mêmes condi- tions — en .tenant compte du poids moléculaire — à gauclu* et à droite sous la peau du dos, je pouvais comparer la rapi- dité de la résorption des deux substances. Après 17 jours l’animal est sacrifié ; les 3 dépôts d'âcide urique ont disparu sans laisser de trace; les autres — d’urate de soude — sont faciles à retrouver. Ce qui prouve que très probablement une quantité assez considérable de l'acide urique est résorbée à l’état dissous. 7). De quelle manière est résorbé Vurate de soude précipité f Les expériences de Ilisavec Freudweiler, confirmées par les miennes, font déjà soupçonner par quel procédé les rosaces 1. SiR William Roberts, Ili Croonian Lecture, British medical journal, 2 .July 1892. 2. G. Mordhorst, Uratablagerungen bei G'icht , Vichow's archiv. B. 48, 1897, page 285. 478 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUH. expérimentales disparaissent; après leur formation elles sont entourées par les leucocytes, dont le groupement, surtout dans les préparations à formaline, est caractéristique. Les dépôts plus âgés confirment que les cristaux du tophus expérimental sont englobés par les phagocytes, comme Riehl et Rindfleisch Font décrit pour le tophus goutteux et Ilis avec Freudweiler pour les cristaux injectés. J'ai essayé d'examiner de plus près la résorption de l’urate de soude dans l'intérieur des phagocytes, en me servant de grenouilles (expér. 55-64). Des cristaux d'urate de soude injectés dans la cavité abdo- minale d'une grenouille, sont englobés par des leucocytes; surtout par les macrophages qui apparaissent bourrés d’ai- guilles cristallines; on trouve aussi de grands polynucléaires qui contiennent des cristaux, mais toujours en quantité peu considérable. Le rouge neutre montre que la cellule répond d'abord par une réaction acide dans la région des cristaux englobés. Ensuite des vacuoles à réaction nettement acide se forment, et la dissolution intracellulaire des cristaux commence. Souvent on observe une aiguille dont le milieu est situé dans une vacuole trois fois plus petite que le cristal. Plus tard, après plusieurs jours, on ne trouve que de petits morceaux de cristaux dans l'intérieur des vacuoles. Les préparations faites avec l’exsudât péritonéal puisé depuis quelques heures, et traitées par le rouge neutre ou fixées à l'alcool et colorées par la thionine, montrent des cristaux if acide urique dans l’intérieur des leucocytes. Cette précipitation de l’acide urique en milieu acide, après la dissolution d’urate de soude (réaction bien connue), n’a pas été observée dans des préparations fraîches. Des expériences pour déterminer la chimiotaxie de l’acide urique et de l'urate de soude vis-à-vis des leucocytes du cobaye et de la grenouille — en me servant des procédés deMassart et Bordet, Buchner, etc.^ ont montré qu’elle est indifférente; c’est- à-dire qu’elle ressemble à la chimiotaxie de l’eau physiologique servant comme contrôle. SUR LA PATHOLOGIE DE LA GOUTTE RÉSUMÉ 479 L’observation de Freudweiler, que des cristaux d’acide urique introduits sous la peau du lapin disparaissent par phago- cytose, n’est pas confirmée. L’acide urique, au contraire, est facilement dissous dans les humeurs in vivo et in vitro. Dans les humeurs du corps qui contiennent de l’acide urique en solution concentrée — in vitro ainsi qu’m vivo — il se fait facilement une précipitation d’urate de soude en forme d’ai- guilles agglomérées, qui sont identiques aux cristallisations des tophus goutteux. Cette précipitation n’a pas lieu dans les tissus normaux. L’urate de soude qui se trouve dans les tissus du corps par pn‘cipitation, ou qui y est introduit par injection, disparaît par réaction phagocytaire. L’urate de soude est dissous dans le protoplasme des phago- cytes de la grenouille li l’aide d’une réaction acide. Les phénomènes trouvés ou confirmés par cette recherche ne sont pas d’une importance assez grande pour qu’il soit déjà permis de critiquer à leur aide les différentes théories de la goutte. Je ne les considère que comme un deuxième pas dans la voie inaugurée par les expériences de llis et Freudweiler. Puisqu’il est nettement démontré, par l’expérimentation, que l’acide urique, dissous dans les humeurs des tissas, peut cristal- liser sous une forme qui est identique aux précipitations dans le corps du malade goutteux, il sera possible d’établir par l’expé- rimentation les conditions dans lesquelles cette précipitation se fait. Déjà maintenant on peut s’expliquer le rôle des traumatismes qui causent si souvent un accès véhément chez les malades goutteux. L’exsudât qui suit le traumatisme est, chez le goutteux, un liquide contenant de l’acide urique en quantité anormale; nos expériences ont montré la facilité avec laquelle la cristallisation d’urate de soude se fait dans les exsudais et le sérum in vitro. Les accès qui suivent l’influenza — maladie provoquant sou- vent des inflammations articulaires — peuvent être expliqués en admettant une exsudation suivie de cristallisation. 480 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. Au point de vue pharmacodynamique, l’expérimentation avec des sacs de collodion peut rendre des services considérables ; en introduisant des urates, à Pabri des phagocytes, dans les tissus, on pourra étudier quantitativement l’influence de moyens théra- peutiques. Il n’est pas temps encore d’aborder les questions théoriques; mais il n’y a aucun doute que la poursuite des recherches sur l’acide urique, dans la direction indiquée par Roberts, combinée aux expériences in vivo, permette d’explorer un terrain si mal connu. ERRATUM Numéro du 2o juin. Page 343*, ligne 15, au lieu de « une allégresse », lire « un entrain ». Ligne 25, au lieu « il dut Pinterrompre », lire « il dut interrompre ». Page 344, ligne 12, au lieu de a en 1862 », lire « en 1863 ». 3® ligne en partant du bas de la page, au lieu de « Lorsqu’il y a un ou plusieurs », lire « lorsqu’il y a plusieurs ». Page 352, ligne 2, au lieu « sous le titre de Microbes et Maladie », lire « Le Microbe et la Maladie ». Page 354, intercaler entre ligne 9 et ligne 10 « Fermentation. London, W.Clowes and Sons, 1884 » . Le gérant : G. Masson. Sceaux. — Imprimerie Charaire. iSrae ANNÉE AOUT 1904 No 8 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR CONTRIBUTION A L’ÉTUDE DE L'ÉPURATION DES EAUX RÉSIDUAIRES DES VILLES ET DES INDUSTRIES Par le Dr A. CALMETTE Directeur de ITnstitut Pasteur de Lille. L’un des plus graves problèmes dont la solution s’impose aux villes et aux grandes industries est celui de Vépuration des eaux résiduaires. Par ce terme épuration, il faut entendre la destruction com- plète des matières organiques putrescibles et la minéralisation de celles-ci, c’est-à-dire leur désintégration en éléments minéraux simples. On a longtemps confondu et on confond encore souvent Vépuration avec la clarification. Or, la clarification des eaux rési- duaires se borne à réaliser la séparation mécanique, ou la pré- cipitation par des réactifs chimiques des particules flottantes non dissoutes ou coagulables. Elle ne réalise pas une véritable épuration, car elle laisse intactes toutes les substances organiques dissoutes telles que les peptones, les amides, l’ammoniaque. L’eau qui renferme une proportion plus ou moins considérable de ces substances est putrescible; elle reste mal odorante; elle pollue les cours d’eau et elle est nuisible à la vie des poissons ou des plantes. On ne peut donc pas la considérer comme épurée. Toutes les fois qu’on traite des eaux résiduaires industrielles par la simple décantation ou par des réactifs divers, chaux, sulfate d’aluminf», sulfate ferreux ou sulfate ferrique, chlorures 31 482 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. ou hypoclilorites alcalins, on fait de la précipitation ^ on débar- rasse Peau des matières albuminoïdes coagulables et des corps flottants, mais Dépuration reste incomplète. Les seuls agents capables d’effectuer la désintégration et la minéralisation des molécules organiques sont les microbes ou la combustion directe par le feu. Ce sont les microbes qui désagrègent et décomposent les cadavres d’animaux et de végétaux, et les fumiers que l’on enfouit dans la terre ou qui s’accumulent à la surface de celle-ci. Ce sont eux encore qui réalisent l’épuration spontanée des rivières ou des fleuves auquels l’homme confie le soin d’éloigner de lui les déchets de la vie. Et c’est grâce à eux enfin que, dans le procédé de Vépandage, le sol cultivé transforme les souillures de toutes sortes qu’on déverse à sa surface en éléments gazeux qui s’échappent dans l’atmosphère sous forme de vapeur d’eau, d’azote libre ou d’acide carbonique, et en nitrates de soude, de potasse ou de chaux qui servent d’aliments aux plantes. Il était donc tout indiqué qu’à partir du moment où ce rôle des microbes nous fut révélé par la science, on cherchât à adapter ceux-ci plus directement à nos besoins de destruction rapide des résidus de nos agglomérations et de nos industries. Et c’est ainsi qu’on a été amené à la découverte des procédés récents d’épuration biologique, sur lesquels l’attention des ingénieurs sanitaires et des hygiénistes du monde civilisé est aujourd’hui concentrée. Je dois me borner à indiquer ici les principes sur lesquels s’appuient les principaux d’entre eux, et j’exposerai brièvement le plan des recherches nouvelles que j’ai pu entreprendre à leur sujet à l’Institut Pasteur de Lille et dans l’installation expéri- mentale de La Madeleine, grâce aux libéralités de la Caisse nationale des recherches scientifiques. Uépuration biologique des eaux résiduaires peut être réalisée par diverses méthodes basées sur le travail exclusif des microbes, ou par des systèmes mixtes qui utilisent certains réactifs chi- miques avec des actions microbiennes consécutives. EAUX RÉSIDUAIRES DES VILLES ET DES INDUSTRIES 483 Lorsqu’on s’adresse aux microbes seuls, il faut que ceux-ci désagrègent et dissolvent d’abord les corps organiques en sus- pension dans l’eau, et qu’ils oxydent ensuite les molécules organiques dissoutes, pour les minéraliser. Dans le second cas, si l’on fait précéder les actions micro- biennes de l’emploi d’un réactif chimique capable de précipiter les matières en suspension et les albuminoïdes coagulables, le rôle des microbes se réduit à un travail d’oxydation et de miné- ralisation des molécules organiques dissoutes. La détermination des matières entraînées par les eaux nous montrera tout de suite quels peuvent être les avantages et les inconvénients respectifs de ces deux systèmes. Les eaux d’égout des villes et les eaux résiduaires indus- trielles contiennent, en proportions très variables, deux sortes de substances : 10 Des substances ternaires^ composées surtout de carbone, d’oxygène et d’hydrogène, et dont les plus importantes sont les résidus cellulosiques de papier ou de végétaux, l’amidon, les dextrines et les sucres, les alcools, les acides organiques (lacti- que, malique, succinique, etc.), les matières colorantes et les graisses; 20 Des substances quaternaires composées elles aussi de car- bone, d’oxygène et d’hydrogène, et en plus d’azote, avec des pro- portions plus ou moins considérables d’autres corps minéraux simples- tels que le soufre, le phosphore, l’arsenic, le fer, le manganèse, les métaux alcalins ou alcalino-terreux, etc. On les trouve dans les résidus animaux et dans une foule de détritus végétaux. Les principales sont la fibrine, les albumines, caséines, la lécithine, l’urée, le gluten, etc. La désintégration moléculaire des substances ternaires s’ef- fectue surtout par des microbes anaérobies ou par des espèces microbiennes capables de vivre en anaérobies facultatifs, c’est-à-dire à l’abri de l’oxygène de l’air. Ces microbes emprun- tent alors l’oxygène dont ils ont besoin comme tous les êtres •vivants aux substances mêmes qu’ils décomposent et cette •décomposition aboutit à la formation d’hydrogène libre ou 484 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUlU cPhydrogène carboné (CIU ou gaz des marais) et d’acide carbo- nique. Les substances quaternaires, abondantes surtout dans les eaux d’égout des villes ou de certaines industries (abattoirs, laiteries, tanneries), peuvent être désintégrées par une multitude d’espèces microbiennes anaérobies, anaérobies facultatives ou aérobies. Leur désintégration s’opère par une série d’éiapes successives qui aboutit à la formation de peptones, de composés ammoniacaux et d’ammoniaque libre, puis de nitrites et de nitrates alcalins, avec élimination d’une proportion plus ou moins grande d’azote, d’hydrogène libre ou carboné et d’acide carbonique. Suivant que l’un ou l’autre de ces deux ordres de substances prédominera, il sera plus avantageux, au point de vue écono- mique, de confier aux actions microbiennes le soin de détruire la totalité des matières contenues dans les eaux à épurer, ou de séparer d’abord, par une précipitation mécanique ou chimique celles de ces matières qui peuvent être vendues avec profit comme engrais. On ne doit pas se dissimuler cependant que la récupération des résidus, même riches en azote, des eaux d’égout, est une opération rarement rémunératrice. Au début d’une exploitation de quelque importance on parvient presque toujours à écouler ces résidus au voisinage des grandes villes. La culture les achète volontiers. Mais bientôt, celle-ci n’en ayant plus l’utilisation - immédiate, on est obligé de les céder à vil prix, puis de payer pour s’en défaire, parce qu’on ne peut les laisser s’accumuler ot qu’il devient indispensable de les évacuer au loin. Les frais de transport deviennent alors plus élevés que leur valeur propre. Toutes les villes qui ont essayé l’application en grand des systèmes d’épuration chimique ont éprouvé ces vicissitudes et ces déboires . On ne saurait en être surpris si l’on veut bien réflé- chir à ce fait que partout, à l’heure actuelle, l’usage des engrais chimiques s’est largement répandu, et qu’il est facile aux cultivateurs éclairés de se procurer des engrais riches dont 100 kilogrammes renferment une valeur de 10 à 12 francs d’azote par exemple. Pourquoi ces mêmes cultivateurs s’avise- raient-ils alors de transporter à grands frais 2 ou 3,000 kilo- EAUX RÉSIDUAIRES DES VILLlîS ET DES INDUSTRIES 48) grammes de boues |^sèches, valant ensemble 10 ou* 12 francs d'après leur teneur en azote, c'est-à-dire exactement ce qu’ils peuvent trouver dans 100 kilogrammes d’un engrais chimique de composition plus constante et répondant plus exactement à leurs besoins? Outre cet inconvénient si grave de l’encombrement des boues, les procédés chimiques en présentent d'autres également redoutables : ils obligent à des dépenses continuelles pour l’achat de réactifs, et pour que ceux-ci agissent efficacement, il est indispensable de varier à chaque instant leurs proportions dans l’eau à traiter, suivant les changements incessants de com- position que présente celle-ci. Dans les villes aussi bien que dans les industries, les eaux résiduaires subissent de larges oscillations dans leur volume, dans leur aspect et dans la nature des résidus qu’elles reçoivent. Il est facile de comprendre que les quantités de réactifs à mélanger doivent osciller parallèîe- naent, si Ton veut que la précipitation s’elleclue d’une manière satisfaisante. Et c'est là, peut-être, la difficulté la plus difficile à vaincre! . Toutes cés considérations nous incitent à chercher plutôt la solution du problème du côté des systèmes d’épuration exclusi- vement biologiques. Ceux-ci, du moins, visent à la suppression des boues et à la suppression des réactifs, en même temps qu'ils réalisent une épuration vraie par la désintégration totale des matières organiques et non plus seulement la précipitation des matières en suspension ou des substances albuminoïdes coagulables. Épiiralion par le sol. Épandage. Le prototype de ces systèmes biologiques est représenté par V épandage, avec ou sans utilisation agricole. Le sol est, sans conteste, le meilleur agent d’épuration, parce qu’il constitue l’habitat normal des innombrables espèces microbiennes aux- quelles la nature a confié le soin de décomposer toutes les substances organiques végétales ou animales, résidus ou déchets des êtres vivants. .. Mais, pour qu’il soit efficace, deux conditions essentielles 486 • ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR s'imposent : le sol clioisi doit être très absorbant et perméable à Vair. L’épandage n’est donc possible que sur les sols poreux^ profonds et très bien drainés. Dans le nord de la France, les sols de porosité moyenne sont capables d’épurer environ 110 mètres cubes d’eau d’égout par jour et par hectare sur 1 mètre de profondeur. Or ce chiffre, qui correspond à 40,000 mètres cubes par hectare et par an, est celui qui a été adopté par la ville de Paris pour les champs d’épandage d’Achères. If ne peut être que rarement dépassé. A ce taux, une ville de 100,000 habitants, produisant, avec le tout à l’égout, à raison de 100 litres par habitant et par jour, 10,000 mètres cubes d’eaux résiduaires ou 3,650.000 mètres cubes par an, nécessiterait une surface d’épandage égale à 91 iiectares. En supposant qu’une telle surface, uniformément perméable, fût disponible à son voisinage, elle serait le plus souvent d’un prix trop élevé. Et si Ton tient compte de la difficulté extrême que rencon- trent les villes à se procurer à bon compte des terrains peu éloignés et convenables pour l’épandage, on comprend que ce système d’épuration n’ait pu être adopté que par de grandes capitales comme Paris, Berlin, ou par quelques villes comme Reims, qui avaient à leurs portes de vastes terrains sablonneux ou calcaires très absorbants et presque sans valeur. Les cités industrielles du nord de la France, Lille, Roubaix, Tourcoing, pour ne citer que les plus importantes, ne son- geront jamais à s’adresser ' à lui pour épurer leurs eaux d’égoùt. Outre que le sol arable y possède une valeur énorme (10,000 francs l’hectare), sa perméabilité est très faible à cause de la couche épaisse d’argile qui recouvre les assises calcaires sur presque toute la région. Il est incontestable, d’autre part, que l’épandage présente, au point de vue de l’hygiène, des inconvénients graves qui ne permettent plus d’en conseiller l’emploi lorsqu’on peut l’éviter ; l’exemple de Gennevilliers et d’Achères, et surtout celui de Carrières-Triel, montrent que les nappes souterraines qui alimen- tent les puits des villages voisins se contaminent trop facile- EAUX RÉSIDUAIRES DES VILLES ET DES INDUSTRIES 487 ment par les infiltrations profondes du sol, et que la grande culture sur laquelle on avait fondé tant d'espérances, soufl’re très souvent d’être obligée d’absorber de trop grandes quantités d’eau d’égout. C’était d’ailleurs une erreur de compter, comme on l’a fait au début, sur le rôle épurant de la culture. On supposait que les plantes agissaient de deux manières en se développant: on pensait que la pénétration de leurs racines rendait le sol plus perméable, ce qui est exact; mais on croyait aussi qu’elles pouvaient utiliser pour leur nutrition une grande partie des matières organiques de l’eau d’égout. Or la science a montré, depuis les acquisitions récentes de la physiologie végétale et de la bactériologie, que les plantes ne peuvent assimiler les matières organiques qu’à l’état de nitrates solubles. Il faut, pour que ces matières organiques servent d’aliments aux plantes, qu’elles soient préalablement minéralisées ou trans- formées en nitrates solubles par les actions microbiennes dues aux ferments figurés du sol. Tl y a donc tout avantage à réaliser cette transformation dans les eaux résiduaires avant d’utiliser celles-ci pour l’irrigation. Enfin, il est aujourd’hui démontré que l'accumulation des matières organiques en train de se décomposer à la surface du sol arable favorise le développement et la multiplication d’in- sectes tels que les moustiques et les mouches, dont le rôle comme agents de transmission des maladies infectieuses appa- raît de plus en plus important. Elle favorise aussi le développe- ment, sur les végétaux, de toutes sortes de vers et de parasites intestinaux (trichocéphales, ascaris, oxyures), capables de pro- duire des désordres souvent graves chez l’homme et chez les animaux domestiques nourris avec les légumes crus ou avec les fourrages que l’on cullive sur les champs d’irrigation. Le seul moyen d’éviter ces inconvénients consiste à ne pra- tiquer l’épandage que sur les sols perméables, non cnitirés ou seulement boisés, assez loin de toute agglomération et même de toute habitation pour que les nappes souterraines superficielles qui alimentent des forages et des puits ne puissent en éprouver aucune contaminalion. 488 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. Épuration biologique Les acquisitions de la science relatives à la putréfaction et aux fonctions des microbes du sol arable comme agents de désin- tégration des matières organiques devaient forcément conduire les chimistes et les bactériologistes à l’essai de procédés d’épu- ration exclusivement biologiques. En précisant les conditions nécessaires à la vie des microbes capables, d’une part, de solu- biliser les substances ternaires et quaternaires complexes que charrient les eaux d’égout, et, d’autre part, d’en disloquer les molécules pour les ramener à Tétat d’éléments minéraux simples, on devrait théoriquement réaliser la destruction com- plète de tous les détritus humains, animaux et végétaux. On pouvait donc concevoir un système idéal d’assainissement qui supprimerait les accumulations de boues encombrantes lais- sées par la précipitation chimique et qui permettrait de ne rendre au sol arable, aux rivières et aux fleuves, que des eaux parfaite- ment limpides et imputrescibles, immédiatement utilisables, s’il le fallait, pour les besoins alimentaires, agricoles ou industriels de l’homme. Il ne semble plus douteux aujourd’hui que ce but soit bien près d’être atteint. Les expériences poursuivies depuis 10 ans à la suite de^ importantes démonstrations de Dibdin, de sir Henry Roscoë, de Percy Frankland, de Gilbert Fo^Ader en Angleterre, de Dunbar en Allemagne, de Hiram Mills et Kinnicut en Amérique, ont forcé l’attention des ingénieurs sanitaires de tous les pays. Plus de 22 villes anglaises, au premier rang desquelles il convient de citer la grande ville industrielle de Manchester, n’emploient déjà plus que les procédés biologiques ou bactériens pour se débarrasser de leurs eaux d’égout et, malgré les tâtonne- ments inévitables dans l’application pratique de toute nouvelle découverte, les résultats obtenus sont déjà signalés partout comme très satisfaisants. * Le système bactérien appliqué aux eaux du tout à l’égout comprend 3 phases bien distinctes : La décantation et la séparation des résidus solides non EAUX RÉSIDUAIRES DES VILLES ET DES INDUSTRIES 489 putrescibles (sable, gravier, scories, charbon, débris de fer, de pierres, etc.); 2® La dissolution des matières organiques par fermentation anaérobie en fosse septique; 3'’ La transformation des matières organiques dissoutes en nitrites et en nitrates par oxydation sur lits bactériens aéro- bies. Dans la première phase, purement mécanique, les microbes ne jouent aucun rôle. Il s*agit seulement d’empêcherTintroduc- tion, dans les fosses septiques, des corps étrangers minéraux, plus ou moins abondants dans toutes les eaux d’égout, qui ne sont pas susceptibles de se décomposer et qui entraîneraient bientôt une réduction importante de la capacité des fosses sep- tiques. • La seconde phase est d’une importance capitale. Elle con- siste à recevoir dans des bassins de 3 mètres de profondeur envi- ron, qui doivent rester constammentpleins, toutes les substances organiques putrescibles qui restent en suspension dans Teau : les débris de papier, de végétaux divers, les détritus ménagers de toutes sortes (viandes, graisses), les résidus d’abattoirs ou de laiteries, les excréments humains et animaux, les déchets indus- triels. La dimension des fosses septiques doit être calculée de telle manière que les eaux qui y pénètrent puissent y séjourner pen- dant environ 24 heures; c’est-à-dire qu’à chaque quantité d’eau admise à l’entrée, doit correspondre un volume égal à la sortie. Les fosses restent ainsi constamment pleines, et déjà quelques jours après leur mise en travail, il s’y établit une fermentation spontanée très active. Les microbes anaérobies s’y multiplient enfermant un véritable levain et s’attaquent à toutes les molé- cules organiques solides en suspension, aussitôt que celles-ci arrivent à leur contact. Lorsque ce levain est constitué, on trouve qu’il est capable de dissoudre, en 24 heures, un poids de matières organiques en suspension égal à celui que les eaux d’égout apportent dans le même temps. Il en résulte que, même après plusieurs années de fonctionnement, le volume des boues qui se déposent au fond des fosses n’augmente plus. Au sortir des fosses septiques, l’effluent ne contenant plusque 490 ANNALES DE L’INSTiTÜT PASTEUR. des matières organiques dissoutes (à l’état de peptones, d’amides ou d’ammoniaque libre), doit être dirigé vers un canal collecteur qui permetle déversement alternatif sur une série de lits bacté- riens d’oxydation, où l'épuration proprement dite s’effectuera : c’est la phase. Celle-ci, dans le langage technique adopté, comporte 1, 2 ou contacts successifs sur lits bactériens, c’est-à-dire que l’eau à épurer devra traverser successivement 1, 2 ou 3 bassins peu profonds, remplis de scories ou mâchefer, qui servent de sup- ports aux microbes oxydants. Ces bassins, dont la capacité utile est telle que chacun d’eux puisse être facilement rempli en i heure et vidé dans le même temps, sont construits en pente douce, à partir de la vanne d’entrée jusqu’à la vanne desortie, et d’un drainage en forme d’arête de poisson, assurant l’écoulement facile de l’eau qui y est admise. On y entasse, sur 1 mètre environ d’épaisseur, d’abord des grosses scories au-dessus des drains, puis des scories de 3 centi- mètres de diamètre environ, puis, à la surface, des scories fines criblées, de 1 centimètre à 5 millimètres de diamètre. L’eau recueillie au sortir des fosses septiques dans le canal collecteur est déversée sur chaijue lit au moyen d’un déversoir en év'entail, et des rigoles rayonnantes assurent sa répartition régulière dans toute l’étendue du lit. Elle y séjourne pendant un temps variable qui if excède jamais 2 On la dirige ensuite sur un second lit bactérien exactement semblable au premier; elle y reste encore pendant 2 C'est le second contact. Après ce second contact, l’épuration est ordinairement par- faite. Un troisième contact sur un troisième lit n’est nécessaire que lorsqu’il s’agit d’épurer certaines eaux résiduaires d’usines extrêmement chargées. Celles, très diluées, du tout à l’égout des villes sont, en général, suffisammenl épurées après un seul contact. J’ai indiqué tout à 1 heure que les scories des lits bactériens servent de supports aux microbes oxydants. Ceux-ci sont appor- tés par les eaux d’égoutelles-mêmes. Us se multiplient dans les anfractuosités des scorieset üxent la matière organique dissoute comme par une sorte de phénomène de teinture. Cette fixation ne s’effectue bien que lorsque les lits sont mûrs, c’est-à-dire EAUX RÉSlDüAIttES DES VILLES ET DES INDUSTRIES 491 après 1 ou 2 mois de fonctionnement, lorsque les microbes aéro- bies sont assez nombreux. A partir de ce moment, on règle les périodes alternatives d’immersion et d’aération des lits de la manière suivante : 1 heure pour remplir; 2 heures de plein ; 1 heure pour vider; 4 heures dévidé, pour aérer les scories; soit 8 heures par période. Chaque lit peut fonctionner suivant 3 périodes semblables par jourde24 heures Si leur capacité est calculée de manière à ce qu’à chaque période ils puissent recevoir en moyenne 333 litres d’eau d’égout par mètre cube ou par mètre carré de surface de lit (1/3 de la capa- cité volumétrique des lits, les deux autres tiers étant occupés par les scories), il en résulte qu’on peut déverser facilement sur chaque lit 1 mètre cube d’eau d’égout par mètre carré de surface et par jour. Avec 2 contacts, on épurera donc, au total, 300 litres par mètre carré de surface et par jour, soit 3,000 mètres cubes par hectare et par jour, c’est-à-dire un volume d’eau d’égoutau moins 45 fois plus considérable que par l’épandage (5,000 mètres cubes par hectare et par jour au lieu -de 110 mètres cubes si l’on adopte le taux réglementaire pour les champs d’épandage pari- siens). L’eau sortant du second lit bactérien, et souvent meme du premier, doit être rendue imputrescible, d’une limpidité égale à celle des eaux de rivière, et inoffensive pour les plantes aqua- tiques et les poissons. Lorsque les bassins de décantation séparent bien les matières lourdes imputrescibles (sable, gravier, charbon et scories), et lorsque la solubilisation en fosse septique des matières putres- cibles s’effectue convenabtement, les scories qui servent de sup- ports aux microbes oxydants ne reçoivent que des eaux char- gées de substances organiques dissoutes : elles ne se colmatent ou ne s’encrassent donc jamais et elles restent intactes pendant de longues années. Tout au plus doit-on, tous les 2 ou 3 mois, râcler leur surface au râteau et, tousles 4 ou 5 ans, retourner à la bêche leurs couches superfîcielies. 492 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUll. On pouvait craindre que, pendant les hivers rigoureux, la congélation des lits empêchât les phénomènes d’oxydation de se produire. L’expérience a prouvé que celte éventualité devait être écartée : les eaux d’égout sont toujours maintenues assez chaudes par les fermentations exothermiques qu’elles subissent, pour empêcher le gel des scories, et on a constaté en Angleterre que, même parles plus grands froids, la nitrification s’effectue avec une activité un peu ralentie mais suffisante pour assurer l’épuration. Dans toutes les villes anglaises, déjà nombreuses, où le sys- tème biologique a été appliqué à l’épuration des eaux d’égoût (Manchester, Exeter, Yeovil, Birmingham, York, Hampton, Hüddersfield, Lincoln, Oldham, Oswestry, Sheffieldj, les auto- rités sanitaires sont unanimes à déclarer que ses résultats sont des plus satisfaisants. Les dispositions adoptées dans la plupart de ces villes sont cependant loin d'être parfaites et elles ne réa- lisent qu’incomplètcmeiit les 3 phases essentielles que j’ai décrites. En certains endroits, commeà Hampton, on n’a aménagé ni chambres de décantation pour séparer les corps lourds imputres- cibles, ni fosses septiques, et on reçoit directement l’eau d’égout sur une série successive de 3 étages de lits bactériens. Il en résulte que le premier lit fonctionne mal, so colmate et nécessite soit des périodes de repos prolongées, soit un labourage trop fréquent. A Manchester même, où, l’installation est, de beaucoup, la plus parfaite et la plus grandiose qu’on puisse voir, on a voulu utiliser comme fossesseptiques, et par mesure d’économie, d’an- ciens bassins de précipitation chimique qui ne sont ni assez vastes ni assez profonds pour percnettre la bonne marche des fermentations anaérobies. On a négligé aussi d’assurer, par des bassins de décantation préalable, la séparation des corps lourds^ imputrescibles, de sorte que les fosses septiques reçoivent une grande quantité de sable, de scories et de charbon. Leur capa- cité volumétrique se trouve ainsi réduite en quelques semaines aux 2/3 delà capacité initiale, et on est obligé de les vider, ce qui n’arrive jamais lorsqu’on prend soin, comme à Birmingham, de n’y admettre qne des eaux bien décantées. On discute encore la question très importante de savoir s’il EAUX RÉSIDUAIRES DES VILLES ET DES lINDUSTRIES 493 convient de couvrir les fosses septiques, comme le préconise Cameroun elleSeptic Tank Syndicale^ ou s’il est possible d’éviter cette dépense considérable en laissant une profondeur suffisante aux fosses septiques pour que les fermentations anaérobies s’y poursuivent rég-ulièrement. lî]nfin, une foule de systèmes, pour l’exploitation desquels leurs inventeurs ont pris des brevets, proposent de supprimer l’intermittence de fonctionnement des lits bactériens et de répar- tir l’eau d’égout à la surface de ces dérniers à l’aide de moyens mécaniques souvent aussi compliqués qu’ingénieux (tourniquets hydrauliques, gouttières basculantes, etc.). Tels sont les systèmes Stoddart, Wittaker-Bryant, ^Yerner- Candy, etc. Installation expérimentale de la Madeleine On voit donc combien sont nombreux les essais tenlés par nos voisins d’Outre-Manclie en vue d’appliquer le travail des microbes à l’épuration aussi complète et aussi rapide que possible des eaux d’égoùt. En Allemagne et, plus encore, aux États-Unis, on se préoc- cupe activement de résoudre le même problème. Dunbar à Ham- bourg, Kinnicut à Worcester (États-Unis) ont publié, dans cet ordre d’idées, d’importants travaux dont nous devons faire notre profit. En France, il n’est malheureusement pas douteux qu’un très petit nombre d’hygiénistes sont au courant de ces questions, pourtant d’une si haute portée. Dans les sphères officielles, on considère encore l’épündage comme réalisant l’idéal de la per- fection, et sous prétexte qu il donne d’excellents résultats par- tout où on dispose de terrains suffisamment vastes et perméables pour l’appliquer, comme à Paris et à Reims, on oublie trop que la plupart des grandes villes, pour les raisons que j’ai indiquées précédemment, sont dans l’impossibilité absolue d’y avoir recours. J’ai donc pensé qu’il était nécessaire, non seulement de répandre dans nos milieux scientifiques les notions qui se dégagent déjà très nettes des travaux étrangers, mais d’instituer aussi chez nous, à proximité d’une grande ville industrielle et 494 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. d’un laboratoire bien outille, de nouvelles recherches orientées dans la même direction. Grâce à la Caisse nationale des re- cherches scientifiques, qui a bien voulu mettre à ma disposition les crédits indispensables, et grâce aussi au mouvement d’opi- nion et de solidarité provoqué par le Consortium d’assainisse- ment du Nord, sous l’impulsion énergique et dévouée de son président M. Ory, j’ai pu organiser à Lille tout un centre d’études pour cet objet. Avec la collaboration de M. A. Buisine, professeur de chimie industrielle à la Faculté des Sciences, deM. le docteur Marmier, de MM. Rolants, Boullanger, Bonn, Constant et Massol, chi- mistes ou ingénieurs agronomes, et de M. Le Noan, conducteur des ponts et chaussées, j’ai tracé tout un programme de tra- vaux dont les résultats devront être contrôlés par une commis- sion supérieure composée des membres de la Caisse des recher- ches scientifiques et de délégués du Comité consultatif d’hygiène de France. Je me suis proposé tout d’abord de réaliser à proximité de la ville de Lille, et en empruntant tout l’égout collecteur d’un de ses faubourgs, une grande expérience d’épuration d’eaux d’égoût particulièrement difficiles à épurer à cause de leur con- centration et de leur teneur élevée en résidus industriels -de toutes sortes (brasseries, teintureries, filatures, usines métallur- giques). J’ai arrêté mon choix sur l’égoût collecteur de la Made- leine, qui se déverse dans la Basse-Deùle en un point très voisin des fortifications de Lille, et dont le débit moyen oscille entre oOO et 700 mètres cubes par 24 heures. J’ai donc loué sur la rive droite de la Basse-Deùle un terrain de 1,500 mètres carrés de superficie, surélevé d’environ au-dessus du niveau supérieur de la rivière, et j’ai dérivé vers l’angle le plus élevé de ce terrain, la totalité de l’égout collecteur dont il s’agit. L’espace dont je disposais ainsi m’a permis d’aménager toute une installation d’expériences pour l’épuration biologique, chimique ou chimico-bactérienne, d’un volume d’eau d’égout tel qu’on ne puisse plus objecter qu’il s’agit là de simples essais de laboratoire. J’y trouvais en outre la possibilité d’expérimenter simultanément ou successivement, sur la même eau d’égout, tous les systèmes d’épuration qu’il était intéressant ou utile de mettre à l’étude. Je dressai donc mes plans de EAUX RÉSIDUAIRES DES VILLES ET DES INDUSTRIES 495 manière à ce que cette même eau pût être soumise aux traite- ments ci-après : Décantatioa des matières minérales non putrescibles,, et séparation des corps flottants de plus de o centimètres de diamètre; 2® Fermentation anaérobie en fosse septique ouverte à l’air libre, de 3 mètres de profondeur ; 3° Fermentation anaérobie en fosse septique couverte de 3 mètres de profondeur; 4° Oxydation de l’effluent de chaque fosse septique sur lits bactériens aérobies; 3° Épuration directe de l’eau d’égout sur lits bactériens, sans fermentation anaérobie en fosse septique; 6° Traitement initial des eaux d’égout par divers réactifs chimiques; 7® Oxydation sur lits bactériens aérobies de l’effluent chi- mique, après séparation des boues précipitées. Les plans de cette installation d’expériences (v. fig. 1 et 2) indiquent très clairement la disposition respective des fosses septiques, l’une ouverte, l’autre couverte; celle du bassin collecteur destiné à recevoir les eaux sortant des fosses septiques et celle des lits bactériens de premier et de second contact, qui reçoivent les eaux à épurer du bassin collecteur. Au point d’arrivée des eaux en D ffig. J), celles-ci passent à {ravers une grille à larges mailles et pénètrent dans l’ouverture rectangulaire d’un déversoir qui permet d’en mesurer constam- ment le débit, soit par l’épaisseur de la lame d’eau déversée, soit au moyen d’un enregistreur de niveau, mû par un mouvement d’horlogerie. Du déversoir, les eaux passent, à volume égal, dans leurs bassins de décantation ou chambres à sable {uu) qui ont chacune 2 mètres cubes de capacité, 1 mètre de profondeur et dont il est facile d’enlever, avec une drague à main, tous les corps lourds qui s’y déposent. Elles sont ensuite dirigées, toujours en volume égal, dans chacune des 2 fosses septiques dont la capacité volumétrique est de 250 mètres cubes, soit 500 mètres cubes pour les deux fosses. Leur profondeur utile est de 2^,60. Elles sont munies de 5 cloisons incomplètes ou chiccmes (fîg. 2, coupe, suivant GDEF) alternativement disposées de la 496 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUH. surface à O^.GO du fond, et du fond à 0“,60 de la surface. L’extrémité de chaque fosse septique opposée à celle où Peau arrive est munie d’un déversoir F etH(fio:. 1) qui prend seule- ment la nappe d’eau située à 0™,o0 de la surface, de manière à ne point entraîner les croûtes ni les matières grasses flottantes, dont la décomposition n’est pas achevée. La fosse septique couverte est munie de 2 cheminées de 0™,10 de diamètre (oo, fig. 2, coupe suivant GH) permettant l’évacuation et l’analyse chimique des gaz qui résultent de la fermentation à l’abri de Pair. Le bassin collecteur destiné à recevoir l’effluent de chacune des 2 fosses, ou, si l’on veut, directement Peau d’égout brute, a 50 mètres cubes de capacité et seulement 0°^,40 de profondeur utile. Il commande les vannes de déversement sur les lits bactériens aérobies, de premier contact (vv). Entre les lits de premier et de second contact, j’ai disposé une rigole permettant d’évacuer directement à la rivière l’eau sortant des premiers lits (par F et G) ou de diriger celle-ci à volonté sur chacun des 2 lits de second contact. Les lits bactériens, au nombre de 4 (2 pour le premier et 2 pour le second contact), ont chacun 150 mètres cubes de capacité volumétrique et 50 mètres cubes de capacité utile, les deux tiers de la capacité volumétrique étant occupés par les scories. Le drainage et la distribution des eaux à leur sur- face est disposé, comme je Pai indiqué précédemment, de manière à assurer une répartition aussi égale que possible de l’eau à épurer dans toute la masse des scories, et de manière à assurer, après chaque période d’immersion, la vidange rapide et l’aération facile des lits. Les vannes de sortie après le second contact (“°) déversent Peau complètement épurée à la rivière (par g.). Une dérivation permet de recueillir dans un petit bassin spécial 2 mètres cubes d’eau épurée, afin de se rendre compte de son aspect et de son aptitude à permettre la vie des plantes et des poissons. Une autre dérivation, avant l’entrée aux fosses septiques (en b), dirige vers deux bassins de précipitation chimique Peau brute sur laquelle il s’agit d’expérimenter les divers réactifs chimiques dont l’emploi pourrait paraître avantageux. Toute l’installation d’épuration bactérienne a été mise en EAUX IIÉSIDUAIKES DES VILLES ET DES INDUSTRIES 497 marche le 8 juillet. La maturation des lits bactériens exigeant environ 1 mois, je publierai seulement à la fin de cette année 1904 les premiers résultats d'ensemble que nous fourniront les analyses. Je me borne à indiquer ci-dessous la composition moyenne des eaux de l’égout collecteur de la Madeleine à l’entrée des fosses septiques. Ces eaux, dont l’aspect est noir et l’odeur putride sulfliydri- que, ont une réaction le plus souvent alcaline, correspondant entre 35 et 365 milligrammes de carbonate de chaux par litre. Elles renferment de 235 à 882 milligrammes de matières orga- niques et de 0"%670 à 1^'^’,367 milligrammes de matières miné- rales dissoutes, de 3 à 24 milligrammes d’ammoniaque libre ou saline et de 1 à 19 milligrammes d’azote organique. Elles sont de beaucoup plus souillées que les eaux de la Deuledans laquelle elles se déversent et qui, à la même période, donnaient, à l’analyse, de 145 à 170 milligrammes de matièi es organiques et de 242 à 295 milligrammes de matières miné- rales dissoutes, avec 3 à 8 milligrammes ci’ammoniaque libre ou saline et 0,7 à 3 milligrammes d’azote organique. Épuration biologique appliquée aux eaux résiduaires industrielles . En même temps que l’installation expérimentale de la Made- leine va permettre de réaliser sur une assez large échelle l’étude comparative des procédés biologiques, chimiques et chimico- bactériens appliqués à la même eau d’égout et à la totalité des eaux résiduaires d’une petite ville de 12,500 habitants, j’ai outillé spécialement un des laboratoires de Tlnslilut Pasteur de Lille en vue des recherches à entreprendre sur l’épuration des eaux résiduaires de chacune des grandes industries de la région du Nord de la France et sur la biologie des microbes nitrifica- teurs’.- Actuellement, les industries puissantes qui enrichitsent cette région sont obligées de se débarrasser de leurs eaux usées en les rejetant dans les rivières ou les canaux : il en résulte des inconvénients de toutes sortes dont le plus grave, en dehors I. Voir Boullanger, Annales, t. XVIL J903, p. 492, et t. XVIII, 1904, p. 181. 32 498 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR EMPLACEMENT POUR L’INSTALLATION DES EXPÉRIENCES D'ÉPURATION CHIMIOUE deM. BUISINE C ouverte^ ^osse sepli^^ Jermee^ Ca^cii^ 250^. TTr»;. 77. /r/7/////// P Groupé vÿ.u/Tî^/’ir^ue^l (facile tkile ^ \ ' ■ -/ -■ i - - r 0^-'- \- pH^ai&eur e^j : b\f'8C >//////////7^72^ çorves '|7r32222» EAUX RÉSIDUAIRES DES VILLES ET DES INDUSTRIES 499 Coupe suivajil AB, du plctn d (Z echelU ejl- douhiejiour 2eJ AauleuTj) Coupe suivant GH dzd plan d'ensejnlle (Z echelie es/ ^e pûiu’ 7es ÂomZsuj’s.) Vratnaqe du fond des lik T^éversoù- de jau^e " '7 Elévation Coupe cd Lépe/id-e cL Conduih d arrivée des eaux h —id —j?ûur l'ins/aUoLfwn dt M Suistne Q _ ,j_ d'atneneetZles eemxiru/a riansis as/ln/ear san/jiasser parlesjpsses sqjUjues d - -id- ddmenee des eaux dans le réservoir des eaux irules C id des eaux du Collecll dans lercserx ' des eaux f iti des eaux dul^conbxct — - d. eaux^ureej y Conduite dévacuaition à la Seule h ■ ^ zd. ~ delrop pslein j . Sop plein de la fosse jephque ouverte p- id. yèrniee 1 tuyau d isunenée des eaux de/a/ossejrplzç'/ie/ermee dans rot/atl' i. hop plein du collecteur m .Can^-ddm‘ldes eaux de tofossesystip ouverte dans le caSeiH n .. i^eyards au dessus de lapsse sep/tyiie fer-jnee 0 ■ ■ Frolèye -y arme P ..Séversoir de dùlriiulion sus les ùds (T Tuie del'apparl enreyisir de débit des eaux yources r.....Chiuiruss'deJond eldesupefcie dasu lesjosses sepliques J . . ..Tuyau déiuzcuatîon desyaz de li^se syshyrueprmce f.. C/iambre de la pSe. du deeersair eldel oppaddyaufe Zleo e t’oo U ....Chambres d sable avec ahica/ie V . Vannes de O.ZS d ouverture 500 ANNALES DE L’INSTÎTUÏ PASTEUll même de dangers pour la santé publique, est que les industries ne pourront bientôt plus trouver, dans les nappes souterraines polluées, assez d’eaux propres pour subvenir à leurs besoins. 11 était donc urgent d’aborder Tétude des moyens pratiques à proposer aux industriels pour leur permettre d’épurer leurs eaux usées, de manière à ce qu’ils puissent sans dommage, soit les rejeter dans les rivières, soit les utiliser de nouveau immé- diatement. A ce point de vue spécial, nous avons déjà obtenu des résul- tats très importants en ce qui concerne les eaux résiduaires de sucreries et celles d’amidonneries. Nous avons entrepris pendant les deux dernières campagnes sucrières, avec la collaboration de MM. Leroux et Yié, ingé- nieurs, des essais d’épuration des eaux résiduaires de sucrerie à l’usine de la Société Say, à Pont-d’ Ardres (Pas-de-Calais). Ces essais ont porté sur un volume d'environ 300 mètres cubes par j^>ur. Ils ont montré que les eaux résiduaires de sucrerie, que l’on rangeait jusqu’à ces derniers temps parmi les plus difficiles à épurer, sont parfaitement justiciables du système biologique, sous réserve de certaines modifications aux dispositifs habituelle- ment employés pour les eaux d’égout. Tout d’abord, il est indispensable de ne pas faire usage de fosses septiques avec ces eaux qui renferment presque exclusi- vement des matières hydrocarbonées telles que la cellulose, les matières pectiques et le sucre. L’emploi des fosses septiques aurait eu pour effet de développer des fermentations anaérobies butyriques et de donner naissance à des quantités considérables d’acide butyrique qui gênerait par la suite les actions oxydantes sur lits bactériens à cause de son pouvoir antiseptique relative- ment élevé. D’autre part, les eaux de presses à cossettes de sucreries étant très concentrées et riches en sucres (elles renferment par litre 4à 6 gr. de matières organiques dont 28^8 de sucre et 5 à 6 gr. de pulpes flottantes), il est nécessaire de les diluer avec un tiers ou une moitié d’eaux provenant du lavage des bette- raves, qui contiennent une quantité très grande de microbes du sol et qui facilitent puissamment l’action oxydante des lits bactériens. EAUX RÉSIDUAIRES DES VILLES ET DES INDUSTHIES 501 On reçoit donc directement et successivement les eaux de p^’esses à cossettes diluées sur une série de 3 lits bactériens aérobies. Elles séjournent 2 heures sur chaque lit et sortent du dernier contact sans trace de sucre. Le pourcentage de l’épuration totale sur chaque lit s’élève progressivement à : 30 0/0 après le premier contact ; 63 0/0 après le deuxième contact ; 90 0/0 et jusqu’à 92 O/O après le troisième. L’eau épurée n’est ni putrescible ni toxique pour les pois- sons, alors que ces derniers succombent presque instantanément quand on les plonge dans l’eau brute. M. G. Barrois-Brame, fabricant de sucre à Marquillies (Nord), a bien voulu, lui aussi, essayer l’épuration bactérienne de scs eaux de presses à cossettes pendant la dernière campagne sucrière. 11 a employé, pour cette expérience, trois bacs en tôle, de 3 mètres cubes environ de capacité chacun, surélevés en cascade au-dessus du sol. Au fond de chacun d’eux, on a disposé des drains et, au-dessus de ceux-ci, une couche de 1 mètre d’épaisseur de mâchefer. J’ai fait laver les scories une fois par jour pendant une semaine avec de la délayure de terre arable, pour provo(|ucr une multiplication plus rapide des microbes oxydants. On y a admis ensuite les eaux des presses à cossettes, d’abord diluées aux 2/3 avec de l’eau de lavage de betteraves, puis diluées à 1/2, puis diluées à 1/3. Les résultats ont été identiques à ceux obtenus à la sucrerie de Pont-d’Ardres. On peut donc considérer comme résolu le problème de l’épuration des eaux résiduaires des sucreries. Nous entreprendrons ainsi successivement avec le concours d’industriels éclairés de la région du Nord, l’étude des meil- leurs systèmes à employer dans les diverses industries, et nous publierons tous nos résultats d’expériences à mesure qu’ils nous paraîtront pouvoir servnr de base à des applicalions définitives. Nous espérons de la sorte, mes collaborateurs et moi, con- tribuer utilement aux progrès de nos connaissances sur l’assai- nissement des industries et des villes, et nous nous eliorcerons de justifier la conQance que le Conseil d’administration de la Caisse des recherches scientifiques veut bien nous témoigner en nous accordant les moyens de poursuivre nos travaux. L'Infection mixte dans la tubefcnlose cliirnrgicale Par le N. PETROFF (de Petersbourg) Travail du laboratoire du professeur Metcbnikoff Le rôle important des associations microbiennes dans la tuberculose chirurg-icale n’est plus méconnu de nos jours. L’expérience journalière des chirurgiens, ainsi que plusieurs travaux de laboratoire, semblent avoir démontré que les foyers tuberculeux fermés et ouverts ont un pronostic très différent, que les divers microbes de l’infection secondaire exercent une influence considérable sur l’évolution même de la tuberculose. Mais, à part ces grands principes, on aurait delà peine à trouver UQ point important de cette intéressante question qui fût appuyé par des faits assez nombreux et bien établis pour ne pas donner lieu à des affirmations sensiblement divergentes. Ainsi, pour ce qui concerne le contenu des foyers ouverts de tuberculose cliirurgicale, les analyses bactériologiques, plutôt rares, ont été preque toujours exécutées pour ainsi dire en passant, au courant de différentes recherches, dont elles ne présentaient pas le hut principal. (Babes, Pawlowsky, Yerneuil et Béretta, Dor, Pasquale, Lannelongue et Achard.) Pour les foyers fermés, les recherches ont été plus exactes (Garré, Hoiïa, Lannelongue et Achard, Krompecher u. Zim- mermann; et leurs résultats, à peu près identiques pour tous, permettaient d’affirmer l’absence de microbes associés dans l’immense majorité de ces foyers. Pourtant, dans une étude récente, Y. Brunn serait parvenu à cultiver des streptocoques de 39 abcès froids suppurés, dans des cas d’adénites tubercu- leuses du cou sans commnnication extérieure. Yoilà donc l’incertitude revenue dans ce domaine. L’étude expérimentale de l’influence des associations micro- biennes sur la tuberculose, inaugurée par Baumgarten en 1884, fut reprise par Pawlowsky, Prudden, Arloing et Nicolas, Ramond et Ravaut, Sata et Michelazzi. Les auteurs ne sont pas unanimes à reconnaître la nocivité INFECTION MIXTE DANS LA TUBEllCULOSE CHIRURGICALE 503 de ces associations pour l’organisme. Selon Sata, une association de staphylocoques ou de streptocoques peu virulents pourrait même stimuler les forces de défense de l’organisme et prolon- ger sa lutte contre le mal envahissant (p. 142 et 170). Des conditions comparables à la tuberculose chirurgicale humaine à infection secondaire furent créées par Pawlowsky et Ramond et Ravaut. Les expériences de ces auteurs semblent avoir démontré l’influence favorisante de l’infection mixte sur la marche du processus tuberculeux local et sur sa généralisa- tion dans l’organisme. Seulement, les expériences de P. sont trop peu nombreuses (3 avec 1 tétnoin), quant à celles de R. et R., elles se rapportent à des injections répétées de microbes absolument dépourvus de virulence dans des foyers préalable- ment tuberculisés avec un mélange de bacilles tuberculeux et de ces mêmes microbes. Les résultats obtenus par ces auteurs sont relatés en termes très sommai^;es. De nouvelles recherches sur la bactériologie des foyers ouverts et celle des foyers fermés et ‘aussi une étude expéri- mentale furent entreprises par moi sur les avis et conseils de M. Metchnikolf. Le matériel pour la presque totalité de mes recherches bactériologiques a été fourni par des malades du service du professeur Lannelongue à l’hôpital des Enfants malades. Le pus des abcès froids osseux, articulaires et ganglionnaires, prélevé au cours des opérations dans des pipettes stériles, fut ensemencé dans plusieurs tubes de gélose glycérinée, où il fut réparti sur toute la surface du milieu après dilution dans l’eau de conden- sation. Les restes de pus furent employés à faire des frottis sur lames, examinés après coloration. Les analyses de pus d’abcès ouverts comprennent 44 cas, dont trois seulement ne donnèrent aucun développement dans les milieux de culture. Dans ces cas-là, l’ensemencement ne put être réalisé qu’avec des quantités trop insignifiantes de pus. Les autres 41 cas donnèrent des colonies. Toutes les espèces micro- biennes, arrivées au développement, furent isolées, et leur diagnostic précis fut obtenu à l’aide de cultures sur les différents milieux, souvent complétées par l’inoculation à des animaux. 23 fais nous rencontrâmes des staphylocoques (l(r blancs, 504 ANNALES D:l L’INSTITUT PASTEUR. G dorés et 1 citrin), J8 fois des streptocoques, 8 fois des bacilles pseudo-diphtériques, 4 fois du bacille pyocyanique, 2 fois du tétragène, autant de sarcines, 1 fois le bactérium coli et encore plusieurs espèces saprophytes, dont nous ne pûmes déterminer la nature. On voit que la fréquence relative des principaux microbes pyogènes dans les abcès froids ouverts correspond parfaitement à celle qui est observée dans les suppurations aiguës des mêmes régions. En effet, la grande statistique de Jakowski sur la bactériologie des suppurations aiguës, basée sur 821 cas, compte 60.J cas de staphylocoques et 154 de streptocoques. Afin d’élucider les rapports existant entre les microbes de l’infection secondaire et les tissus des abcès froids qui les con- tiennent, nous exécutâmes une série de recherches histologi- ques. A cet effet, des fragments de granulations, de membranes synoviales ou autres particules de la paroi des abcès, enlevées au cours des opérations, furent fixées par l’alcool, incluses dans la paraffine, divisées en coupes et étudiées après différentes colorations, propres à mettre en évidence les bactéries (méthodes de Ziehl, de Gram, bleu de Lüffler, tbionine). Or, parmi les 27 cas ainsi examinés, il ne s’en trouva qu’un seul (péritonite tuberculeuse ouverte, examen des fausses membranes), où les tissus continssent des amas de bactéries (staphylocoques), entourés de foyers nécrobiotiques, dus à leur présence. Dans la totalité des autres cas, il nous fut impossible de démontrer la présence de microbes dans les tissus; tout au plus s’il s’en trouvait de petits groupes isolés, situés au voisinage immédiat de la surface et n’ayant provoqué aucune réaction appréciable de la part des tissus environnants. Et pourtant, plusieurs de ces cas-présentaient des signes d’acuité très pronon- cés et parfois avaient même provoqué des symptômes généraux d’infection pyogène. Notamment dans un cas de tuberculose du pied, ouverte et très enflammée, ayant nécessité l’amputation, un examen très minutieux des coupes de la synoviale (articu- lation tibiotarsienne) ne réussit pas à démontrer la présence de microbes dans l’épaisseur des tissus ; cette synoviale baignait littéralement dans le pus contenant une association de staphylo- coques, de streptocoques et de bacilles pyocyaniques. Ceci nous porte à conclure que dans les foyers ouverts de INFEGTrON MIXTE DANS LA TÜBEaCUT.OSE CHIRURGICALE .^05 tuberculose chirurgicale, les microbes de Tinfection secondaire, démontrés par Uensemencemenl du pus, ne résident que rare- ment dans la profondeur des tissus en quantité notable. Toutes les préparations examinées contenaient des tubercules typiques, mais jes bacilles tuberculeux ne purent être mis en évidence que deux fois sur 27. Si nous passons maintenant aux foyers fermés, nous nous trou- vons en présence d’analyses bactériologiques portant sur 57 cas. Autant que possible, la quantité de pus ensemencée fut con- sidérable, 1/2 c. c. et au delà; tous les pus des abcès fermés furent soumis à la cullure aérobie (sur gélose glycérinée) et anaérobie, après évacuation de l’air (sur gélose sucrée). Parmi les 57 cas mentionnés, 49 ne donnèrent lieu à aucun développement de germes. 7 d’entre eux présentaient des signes locaux d’acuité et 5 avaient causé en outre une réaction fébrile générale. Des faits analogues ont déjà attiré l’attention de Lan. et Acli., et d’autre part Koch a signalé l’appjrition d’abcès stériles après l’introduction de bacilles tuberculeux tués (en suspension dans sa 2® tuberculine) dans le tissu sous-cutané de l’homme. L’injecîion dans les articulations de deux lapins, d’une émul- sion do bacilles tuberculeux, détruits par la chaleur, m’a permis également d’assister à l’évolution d’arthrites, franchement aiguës au début et dont le pus ne fut pas cultivable. Nous voyons donc que les données de la bactériologie clinique, ainsi que les résultats de l’expérimentation poussent à conclure que les bacilles tuberculeux sont capables — de par l’action des produits élaborés pendant leur vie, ou provenant de la destruction de leurs corps — de produire des poussées inflam- matoires aiguës sans la concurrence de microbes associés quelconques. Les résultats positifs des cultures de pus d’abcès froids fermés sont au nombre de 8, (3 staphylocoques blancs, 2 strepto- coques, 2 microcoques sans virulence et ne liquéfiant pas la gélatine, et un bacille saprophyte indéterminé). Mais dans aucun de ces huit cas l’analyse bactériologique ne fut exempte de causes d’erreur. Les uns notamment avaient été ponctionnés dans un passé plus ou moins proche; les autres, intacts eux-mêmes, avoisinaient des trajets fistuleux et des 506 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. excoriations de la peau, ce qui rendait impossible le prélèvement stérile du pus des foyers en question. Ainsi nous ne réussîmes pas une seule fois à trouver des microbes associés dans des abcès froids fermés recouverts et entourés de peau saine. Ce résultat, en conformité absolue avec les données de presque tous les auteurs, est en opposition avec les conclusions déjà mentionnées de V. Brunn. L’auteur allemand a trouvé des streptocoques dans la totalité de 39 adénites tuberculeuses sup- purées du cou. Or, parmi nos cas d’abcès fermés, il y avait adénites du cou, dont trois seulement contenaient des microbes et encore l’analyse en fut faite dans les conditions défectueuses ci-dessus indiquées; 2 de ces 11 adénites étaient en un état de colliquation très prononcé, et ne contenaient pas de germes cultivables. Il est très probable que les résultats étonnants des recherches de y. Brunn sont dus à l’infection des ganglions cervicaux de ses malades par des microbes provenant de la cavité buccale (ce qu’il admet lui-même) grâce à des particularités dans l’état de cette cavité, ainsi que dans la nourriture des malades. Les recherches bactériologiques ci-dessus exposées nous ayant fixé sur la nature et les particularités de l’infection n ixte dans la tuberculose chirurgicale, nous entreprîmes l’étude expé- rimentale de la question. A cette fin nous pratiquâmes l’infection artificielle des articu- lations du genou chez des lapins et ceci pour les raisons sui- vantes: 1° la tuberculose articulaire est l’une des formes les plus communes, souvent très graves, de cette maladie chez l’homme; 2^ la présence de deux articulations homonymes chez chaque animal permet d’observer l’influence produite par l’infection secondaire sur l’une d’elles, pendant que i’aulre reste purement tuberculeuse; 3*^ les articulations du genou de lapins offrent toutes les commodités pour le dosage exact des matières à ino- culer. Des inoculations de 1/3 de c. c. d’une émulsion de bacilles tuberculeux humains furent donc pratiquées sur deux séries d’animaux, dans les deux articulations du genou de chaque animal. Une partie des animaux, servant de témoins, fut abandonnée à elle-même, le reste fut soumis â une infection secondaire de l’un des genoux tuherculisés, par l’inoculation de INFECTION MIXTE DANS LA TÜBEKCULOSE CHIRURGICALE 507 différents microbes : streptocoque, staphylocoque, bacille pyocyanique, baclerium coli, microcoque tétragène. Tous ces microbes, à l’exception du tétragène, provenaient de nos ense- mencements de produits tuberculeux humains. L’autopsie des animaux fut toujours suivie de l’excision des deux articulations malades, lesquelles furent fixées, décalcifiées, incluses dans de la celloïdine, divisées en coupes et examinées au microscope à faible grossissement. Dans tous les cas où l’infection secondaire avait eu une durée assez prolongée 4^ 0^ ^2, 20 du tableau), cet examen révéla la présence de foyers de granulations et de destruction bien plus considérables dans les articulations infectées secon- dairement que dans celles qui étaient restées purement tuber- culeuses. Notamment les cartilages et les épipliyses osseuses, faisant partie des articulations à infection double, étaient tou- jours attaquées par le processus destructif, tandis que dans les articulations à infection tuberculeuse pure ce n’étaient que les synoviales et les ligaments intra-articulaires, c’est-à-dire les tissus moins résistants, qui avaient souffert de la maladie. L’examen bactériologique du pus des articulations à infec- tion secondaire démontra, dans tous les cas, la présence du microbe respectif en culture pure. Le tableau ci-dessous servira à exposer l’influence de l’infec- tion secondaire sur la généralisation de la maladie. On voit bien qu’une infection secondaire, associée à la tuberculose articulaire, accélère notablement la généralisation de la tuberculose primitive, qui se localise dans les pou- mons. Cette accélération est due à deux causes : l’une, c’est l’affaiblissement de l’organisme, attaqué par une infection secondaire, l’autre, et probablement la plus importante, c’est le changement subit, apporté par l’infection secondaire à l’évolu- tion de la tuberculose locale. Celle-ci, en eflet, se déroulant len- tement, laisse à l’organisme pleine faculté de créer, à l’aide d’un processus inflammatoire chronique, une barrière, un vrai rempart contre la propagation des bacilles tuberculeux; or l’association d’une infection aiguë et destructive produit des brèches dans ce rempart longuement constitué et les bacilles tuberculeux, entraînés par un courant libre de leucocytes, 508 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. gagneat le système circulatoire et se propagent dans l’orga- nisme. Les ganglions lymphatiques du fémur, de Taine et autres, n’étaient pris dans aucun de nos cas et Torgane unique qui avait contracté la tuberculose était le poumon. Ces faits se trouvent en parfaite conformité avec une série d’observations, recueillies dans ma thèse; leur nombre total, dépassant maintenant la cinquantaine, me paraît suffisant pour établir que la tuberculose articulaire se propage habituellement par la voie des vaisseaux sanguins et non par celle des vaisseaux lymphatiques, comme le prétendait Pawlowsky. Les microbes de Tinfection secondaire ne purent être retrou- vés que deux fois à Texamen des frottis et des coupes des foyers tuberculeux pulmonaires; il paraît donc que, dans la majorité des cas, le bacille tuberculeux fut seul à se propager, Tinfection secondaire restant localisée dans l’articulation. Aucun symptôme, indiquant un avantage quelconque retiré par Torganisme du fait de l’association microbienne, no se pré- senta à notre observation. Les conclusions générales de mon travail sont les sui- vantes : Les foyers fermés de tuberculose chirurgicale, n’ayant subi aucune intervention chirurgicale, recouverts et entourés de peau saine, ne contiennent pas, dans la grande majorité des cas, de microbes associés aérobies ou anaérobies. Ces foyers peuvent présenter des signes d’acuité très prononcés; 2^ Les foyers ouverts de tuberculose chirurgicale contiennent toujours des microbes associés, qui sont pour la plupart des cocci pyogènes à faible virulence; ces derniers sont rares dans l’épaisseur des tissus; 3® Les associations microbiennes exaltent la destructivité de la tuberculose articulaire et accélèrent sa généralisation dans Torganisme. Le premier organe envahi par la tuberculose e.st le poumon; donc la généralisation suit le cours de la circula- tion sanguine. Les microbes associés ont une tendance beaucoup moindre à la propagation, tout en restant vivants dans les articulations inoculées ; 4° Le fait clinique bien connu de la malignité plus considé- rable des formes ouvertes que des formes fermées de la tuber- INFECTION MIXTE DANS LA TUBERCULOSE CHIRURGICALE 309 F" Cet animal, comme étant mort après 9 jours d'infection secondaire et 58 de tuberculeuse, pourrait être rangé parmi les témoins. 510 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR culose chirargicale trouve une explication parfaitement suffisante dans l’infection secondaire. Le traitement rationnel de ces formes ouvertes, ayant deux buts à atteindre : guérir le processus local et empêcher sa géné- ralisation, doit donc toujours être guidé par l’idée maîtresse de l’aseptisation des foyers dans la mesure du possible. BIBLIOGRAPHIE Arloing et Nicolas, De rinfhience d’une Infection streptococcique (•4“' Congrès pour l’étude de la tuberculose, Paris, 1898.) 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Ces études, précisant quel est l’organe ou la catégorie cellulaire qui, chez les animaux immunisés, se charge d’élahorer les substances spécifiques des innnun-sera, permettent de pénétrer plus intimement le mécanisme qui pré- side à la fabrication de ces substances. Or, on est encore loin d’être d’accord sur la nature de ce mécanisme, qui varie sui- vant les diverses théories de l’immunité. Si le lieu d’origine des antitoxines, étant donnée la difficulté du problème, est relativement peu précisé, celui des précipitines a été récemment déterminé d’une façon certaine par MM. Kraus et Levaditi ^ Ces auteurs ont prouvé que les leucocytes qui absorbent les principes protéiques d’espèce étrangère, injectés dans la cavité péritonéale, s’accumulent dans l’épiploon, où ils élaborent des précipitines capables d’agir d’une façon spécifique sur ces albumines. Mais c’est surtout l’origine des anticorps bactériolytiques qui est mieux précisée à l’heure actuelle. Pfeiffer et Marx ^ ont été les premiers à déterminer cette origine pour les bactérioly- sines anticholériques. Leurs recherches, restées classiques, ont prouvé que de tous les organes provenant des lapins immunisés contre le vibrion cholérique, les leucocytes du sang y compris, seuls la moelle osseuse, la rate et les ganglions lymphatiques, interviennent d’une façon active dans la production des choléra- 1. Ce travail fait partie d’une série de recherches que Kraus et Levaditi se sont proposé d’entreprendre dans le but de préciser le rôle des leucocytes dans la production des anticorps. 2. Kuaus et Levaditi, C. R. de V Acad, des Sciences, séance du 5 avril 1904. 3. Pfeiffer et Marï, Zft. fur Hygiene., vol. XXVII, 1898, p. 272. 512 ANNALES DE LINSTITUT PASTEUR. anticorps. D’un autre côté, M. Wassermann, dans une série d’études concernant la production des substances immunisantes contre le b. typhique* et le pneumocoque % a démontré que si le sang”, le cerveau, la moelle épinière, les muscles, le foie et le rein se montrent presque dépourvus de qualités préventives, par contre ces qualités apparaissent d’une façon frappante dans le thymus, la raie et surtout la moelle osseuse. Enfin, à cet ordre de recherches se rattachent les constatations de Deutsch 3, d’après lesquelles la rate doit être considérée comme une source principale d’anticorps, chez les lapins immunisés contre le bacille typhique. Il résulte de ces observations que les organes qui produisent les substances actives des immun-sera sont le thymus, la moelle osseuse, les ganglions lymphatiques et la rate. Ces organes sont reliés entre eux par un trait commun, la leucopoïèse, et ce fait, dont l’importance ne saurait être méconnue, conduit à penser que le système leucocytaire est le véritable producteur des anticorps hactériolytiques. C’est là l’interprétation la plus simple des résultats recueillis par les auteurs cités. Néanmoins, pour des motifs que nous aurons à examiner au cours de ce mémoire, cette interprétation n’est pas acceptée d'une façon unanime par les savants qui se sont occupés de celte question. II Les recherches qui font le sujet de ce travail ont été entre- prises avec le spirille décrit récemment par Marchoux et Salim- beni C et étudié au point do vue du mécanisme de la crise, par nous-même L On savait, depuis les constatations de Metchni- koff, de Sawtchenko ® et de Marchoux que l’injection à des mammifères (lapin et cobaye) de sang d’oiseaux riche en spi- rilles (spirille de SacharolT, spirille de Marchoux et Salimbeni), est rapidement suivie d’une formation d’anticorps spécifiques®. Ces anticorps^ manifestent leur action élective sur les spiro- 1. A. Wassermax.v, Berl. kl. Woch, 1898, n“ 10, p. 209. 2. A. Wassermann, Deutsche med. Woch, 1899, 9, p. 141. 3. L. Deutsch, Ann. Inst. Pasteur, 1899, p, 689 4. Marchoux et Salimbeni. Ces Annales, vol. XVII, 1903, p. 569. 0. Levaditi, Annales, vol. XVIII, 190i, p. 129. 6. Sawtchenko, Arch. russes de Pathol., 1900, p. 373. 7. Marchoux, communication orale. 8. Ces anticorps sont identiques à ceux découverts par Gabritchewsky dans le sang des oies infectées par le spirille de Sacbarotf. Tableau I SPIRILLES DE LA SEPTICÉMIE DES POULES 5ia 33 1 . -f- signifie mort ; O signifie survie sans infection, Pancréas Asscli. 514 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. chètes, soit en immobilisant ces vibrions, soit en conférant une immunité passive aux animaux sensibles à l’ég-ard de la septi- cémie spirillique. Il nous a semblé intéressant d’étudier le lieu de formation de ces anticorps, dans l’organisme du lapin vacciné contrôles spirilles de la septicémie brésilienne et, pour ce faire, nous avons procédé de la façon suivante : Méthode. — Plusieurs lapins du même poids recevaient dans le péri- toine de 15 à 25 c. c. de sang riche en spirilles, provenant d"une poule sacrifiée au 3e jour de l’infection. Quelque temps après l’inoculation, on sai- gnait à blanc ces lapins et on prélevait les divers organes pour la prépara- tion des extraits. Ces extraits étaient obtenus en triturant les organes avec de la poudre de verre dans des mortiers stériles, en émulsionnantla bouillie cellulaire dans de l’eau salée à 8 p. 0/00, et en laissant macérer ces mélanges à 38» pendant 2 à 3 heures*. A la fin de l’opération et après décantation, on filtrait les liquides à travers du papier, et on obtenait ainsi des produits clairs, ne renfermant que très peu de débris cellulaires. Le pouvoir iminobilisant de ces extraits d’organes vis-à-vis des spirilles, était apprécié en mélangeant des quantités variables de liquide actif, à une dose donnée de sang spirillé (d’habitude 4 gouttes). L’observation microsco- pique avait lieu après une heure et demie de contact à 38o. D’un autre côté, on examinait la virulence des spirilles ayant subi l’influence des extraits d’organe, en injectant les mélanges de ces extraits et de spirochètes à des dominos, des capucins et des petits poussins. RÉSULTATS OBTENUS Série A, expériences I, II et 111. 3 lapins ayant reçu dans la cavité péritonéale 25 c. c. de sang spirillé sont sacrifiés le 3e, le 5e et le 7e jour. On apprécie le pouvoir immobilisant des extraits d’organes et du sérum provenant de ces lapins et d’animaux témoins; on détermine en même temps le pouvoir bactéricide in ü^uodeees extraits, en se servant de capucins (v. tableau n» 1). Cette expérience permet de tirer les conclusions suivantes : 1® Le 3® jour, aucune formation d’anticorps n’a eu lieu dans les organes et le sérum des lapins sacrifiés. 2® Le 7® jour, Uextrait de 7'ate immobilisait les spirilles, et il en était de même, quoique à un plus faible degré, de l’extrait d'épiploon. 3® Le 5® et le 7® jour, le sérum entravait l’apparition de la maladie chez les oiseaux inoculés, cela à un moment où aucun 1. L’émulsion était faite dans une proportion de 10 gr. d’organe pour 100 c. c, de solution salée. SPIRILLES DE LA SEPTICÉMIE DES POULES 515 •des organes examinés ne montrait la moindre propriété bacté- ricide appréciée in vivo. Si ces résultats prouvent que la rate et l’épiploon peuvent ■être considérés jusqu’à un certain point comme un dépôt, sinon comme une source d’ immobilismes, ils ne tranchent nullement la question de l’origine des principes bactériolytiques du sérum. A l’encontre de ce sérum, aucun des organes étudiés n’a fourni des extraits capables de sauver la vie des animaux qui recevaient 6 Tuberculose pulmonaire-.. 15 décembre. R = 3° 16 décembre. R=r2«3 18 décembre. R = 2“ Tuberculose pulmonaire.. 30 nov. 1903. R = 3ol 2 déc. 1903. R= lo8 7 décembre R = 2»6 Tuberculose pulmonaire.. 30 novembre. R = 2«l 2 décembre. R = 2»7 7 décembre. R = 3®8 Il semble donc difficile de réaliser une véritable immunisa- tion contre la réaction à la tuberculine. Même en utilisant préalablement des doses massives de tuberculine très toxique (üO grammes de tuberculine brute), on n’arrive pas à supprimer, dans tous les cas, pour les jours qui suivent, les réactions consécutives aux injections de la dose classique de tuberculine utilisée pour le diagnostic expérimental. Il est donc possible de tirer des constatations rapportées ci-dessus des indications utiles pour déjouer les fraudes si fré- quentes dans le commerce et à l’importation des animaux de l’espèce bovine. Si le vétérinaire soupçonne que l’animal suspect qui lui est présenté a subi une tuberculinisation préalable, il devra prati- quer l’épreuve révélatrice de la façon suivante : Injecter à V animal suspect vers 5 heures ou 6 heures du matin une dose de tuberculine double de celle qu’on utilise ordinairement (8 c. c. de tuberculine diluée au dixième pour les grands animaux 4 c. c, pour ceux de petite taille ‘). Prendre les températures toutes les deux heures à partir du moment de V injection jusque vers la 14® ou la 15® heure. La réaction est mesurée par V écart entre la température du moment de V injection et la plus haute température relevée durant les heures qui suivent. Tout animal qui fournira une réaction de 1®,5 1. A cette dose, !a tuberculine est admirablement supportée par les ani. maux les plus tuberculeux; elle ne donne aucune réaction chez les sujets indemnes. ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR oo2 devra être considéré comme tuberculeux ; 'une réaction comprise entre 0^,8 et entramera la suspicion. Il est absolument indiqué de ne point soumettre à l'épreuve tout animal dont la température atteint 39°. On évitera en outre de faire boire les animaux dans l’heure qui précède chaque prise de tem- pérature. Je suis convaincu qu’en s’entourant de ces précautions, on retirera toujours d’utiles indications des inoculations répétées de tuberculine. Des injections fréquentes de fortes doses de tuberculine permettraient sans doute d’obtenir une véritable immunisation des bovidés tuberculeux contre l’action hyperthermisante de ce précieux réactif. Cette opération ne peut être menée à bien par les personnes qui exploitent actuellement la soi-disant accoutumance à la tuberculine; elle serait d’ailleurs fatale à nombre d’animaux malades. SECHERCHES SUR LA COMBUSTION RESPIRATOIRE Production d'acide citrique par les citroinyces Par P. MAZÉ et A. PEIUUER Toutes les cellules vivantes sont le siège d’une combustion lente produite par Poxygène libre ou combiné. On connaît peu de choses sur le mécanisme de cette combustion malgré les edorts dépensés dans ce sens depuis les travaux de Lavoisier. On s’est surtout attaché à l’étude de ses manifestations exté- rieures qui se traduisent par une absorption d’oxygène et un dégagement de CO\ Si on considère les volumes de gaz échan- CO* gés avec le milieu ambiant, on constate que le rapport “jjr’ est généralement voisin de l’unité, lorsqu’il s’agit de cellules aérobies. Les chimistes s’en sont autorisés pour conclure que la combustion est directe, c’est-à-dire que l’oxygène se fixe direc- tement sur le carbone pour le transformer en acide carbonique. Mais les physiologistes, après avoir montré qu’un muscle au repos prend plus d’oxygène qu’il n’élimine de gaz carbonique, qu’il produit au contraire plus de GO- qu’il n’absorbe d’oxygène pendant le travail, qu’il dégage enfin de l’anhydride carboni- que, pendant un temps assez long, dans une atmosphère de gaz inerte, n’admettaient pas sans réserves Popinion des chimistes. D’après eux, l’oxygène est certainement un agent de combus- tion; mais les oxydations sont indirectes. « Le phénomène consiste en des dédoublements chimiques très certainement de la nature des fermentations, mais actuellement plutôt soupçonnés que bien connus. » Tout inconnu que soit le rôle de l’oxygène, (( il est bien certain que ce gaz est fixé dans l’organisme et qu’il devient un des éléments de la constitution ou de la création organique!. » Après avoir fait quelques détours, et tenté quelques interpré- tations dans un sens ou dans l’autre, l’opinion revient aux idées de Claude Bernard. 1. Claude Bernard, Leçons sur les phénomènes de la vie communs auj' animaux et aux végétaux, p. 170 et 171. Baillière et fils, Paris, 1878, 554 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. Ainsi, si on considère la combustion du sucre, on constate qu’il se dédouble le plus souvent en alcool et CO% avant de servir à l’alimentation de la cellule vivante. Le gaz carbonique se forme donc de cette façon sans intervention de l’oxygène libre. Il est le produit d’un acte de digestion et non d’une com- bustion respiratoire. L’alcool doit être oxydé à son tour, et à son sujet, on peut rééditer la double hypothèse déjà énoncée : l’oxydation est-elle directe ou indirecte ? Les faits manquent pour répondre. Entre l’alcool d’une part, le gaz carbonique et l’eau d’autre part, on ne trouve pas d’intermédiaire. Tout au plus, peut-on montrer, en se plaçant dans des conditions particulières, que les cellules aérobies produisent de petites quantités d’aldéhyde L Mais ce corps n’est jamais libre parce qu’il disparaît dès qu’il se forme : L’un de nous a interprété les phénomènes de nutrition de la manière suivante ^ « On peut concevoir que l’édifice moléculaire d’une substance protoplasmique puisse ne jamais se créer de toutes pièces, la semence qui l’a hérité de ses ancêtres le trans- mettra à ses descendants. Quand la germination commence, c’est le travail d’entretien qui apparaît; de sorte que la vie semble se manifester d’abord par un processus de désassimila- tion qui donne naissance à de l’acide carbonique, de l’eau, des hydrates de carbone insolubles, des matières grasses, des résidus azotés, etc...; cette usure réduit l’édifice moléculaire initial, l’entame en quelque sorte de tous les côtés, et c’est pour réparer ces pertes que l’être vivant fait des emprunts incessants aux aliments dont il dispose, mais il ne les prend pas sous les formes où ils 'se présentent; il les prépare par un travail de digestion, les disloque, provoque des ruptures qui font naître des fonctions chimiques nouvelles douées de grandes affinités qui leur permettent de se combiner à l’édifice initial, de contre- balancer ses pertes, d’augmenter son poids. C’est dans ce der- nier cas qu’il y a multiplication cellulaire et accroissement de substances vivantes. » Claude Bernard avait déjà exprimé la même opinion ^ : (( Nous devons faire ici une remarque importante. Nous n’assis- 1. P, Mazé, Ces Annales, t. XIV, page 350; t, XVI, p. 346, 2. Mazé, Ces Annales, t. XVi. Mai 1902, pages 376 et 377. 3. Loc. cit., page 208. PRODUCTION D’ACIDE CITRIQUE PAR LES CITROMYCES 555 tons pas à la syntlièse directe du protoplasma primitif non plus qu’à aucune autre synthèse primitive dans Torg-anisme vivant. Nous constatons seulement le développement, l’accroissement de la matière vivante: mais il a toujours fallu qu’une sorte de levain vital ait été le point de départ. Au début du développement d’un être vivant quelconque, il y a un protoplasma préexistant qui vient des parents et siège dans l’œuf. Ce protoplasma s’accroîl, se multiplie et engendre tous les protoplasmas de l’organisme. En un mot, de même que la vie de l’être nouveau, n’est que la suite de la vie des êtres qui l’ont précédé, de même son protoplasma n’est que l’extension du protoplasma de ses ancêtres. C’est toujours le même protoplasma, c’est toujours le même être. Le protoplasma a la propriété de s’accroître par syn- thèse chimique ; il se renouvelle à la suite d’une destruction orga*- nique. Ces deux propriétés constituent la vie du protoplasma... » Si on veut résumer brièvement l’état actuel de la question, on peut dire que la combustion respiratoire consiste, soit en dédou- blements diastasiques qui donnent naissance au gaz carbonique sans intervention d’oxygène libre, soit en oxydations plus ou moins directes qui aboutissent en dernier lieu à la production de CO^ et d’eau. Si l’on n’envisage que les quantités de chaleur dégagée, le résultat est le même, quel que soit le mécanisme de la combus- tion; une molécule de sucre brûlée directement par l’oxygène comme le charbon dans le foyer d’une machine, ou dédoublée préalablement en alcool et CO-, l’alcool étant oxydé ensuite progressivement dans la substance vivante à laquelle il s’est combiné, dégage toujours la même quantité d’énergie. Mais si on se propose de reproduire ces phénomènes de combustion en dehors de la cellule vivante, on peut prévoir qu’il est possible de réussir si la combustion est directe; si, au con- traire, elle se fait dans la molécule même de substance vivante, il devient difficile de la réaliser avec un suc cellulaire, parce qu’elle doit exiger une organisation protoplasmique qu’on ne saurait respecter. Quelle que soit d’ailleurs la justesse de cette vue, les faits plaident pour la difficulté de telles recherches. On a isolé des oxydases; on en a imaginé des synthèses plus ou moins vraisem- blables; on a supposé l’existence de peroxydases et envisagé la 556 ANNALES DE L’INSTITUT DASTEUll possibilité de l'intervention de l’eau oxygénée, de Toxygène naissant, d’un o>;ygène actif, mais on n’a pas encore réussi à produire in vitro la combustion complète d’une molécule de sucre. Les oxydases sont pourtant aussi répandues que toutes les autres diastases, et leur rôle est des plus importants, si l’on veut bien considérer qu’elles fournissent à la cellule vivante la presque totalité de l’énergie qu’elle utilise. Leur existence se manifeste d’ailleurs dans tous les sucs cellulaires exposés au contact de l’air; mais celles qu’on a isolées dans ces conditions n’agissent que sur les dérivés benzéniques qui ne sont pas des aliments. M. Gessard a établi qu’elles ont cependant un rôle physiologique en montrant la part de plus en plus grande qu’elles prennent à la formation des pigments i. On connaît pourtant une oxydase des substances ternaires alimentaires; c’est la diaslase acétique du mycoderma aceti qui transforme l’alcool en acide acétique, par fixation directe d’oxygène. Elle a été mise en évidence par MM. Bucbnt'r et Meisenheimer dans le ferment acétique tué par l’acétone L L’acide acétique se présente, dans ces conditions, comme un produit intermédiaire de la combustion de l’alcool, car il est repris par le mycoderme quand l’alcool vient à manquer, et brûlé ensuite sans formation de produits intermédiaires apparents. Il y a donc des phénomènes d’oxydation directe dans la cellule vivante, que l’on peut reproduire in vitro à côté des phénomènes de combustion que l’on n’a pas réussi, jusqu’à présent, à obtenir avec des sucs cellulaires. Nous nous sommes proposé de préciser les notions que Ton possède sur ces derniers, en étudiant le mode de formation de l’acide citrique. Nous avons dit que les combustions respiratoires vont, le plus souvent, jusqu’à la formation d’anhydride carbonique et d’eau; mais il y a des exceptions nombreuses à cette règle, surtout dans le monde végétal. Les acides oxalique, tartrique, malique, succinique, citrique peuvent être considérés comme des produits intermédiaires, entre le sucre et les produits de sa 1. C. R., 9 mars 1903, 4 mai 1904. 8. E. Buchner, Meisenheimer, Berichte d. et chim. Genells., t. XXXVI, p, 634, 638, PRODUCTION D’AClüE CITRIQUE PAR LES CITROMYCES 55T combustion totale, et, comme M. Duclaux le faisait très juste- ment remarquer, il y a des respirations carbonique, oxalique, tartrique, etc. Si Ton peut saisir le mode de la formation de chacun de ces termes, on aura élucidé un certain côté du méca- nisme des oxydations physiologiques. De tous ces composés c’est l’acide citrique qui se prête le mieux à la démonstration que nous allons aborder. Si l’on admet que ce corps provient du, sucre par oxydation directe, l’équation suivante traduit le phénomène : Gfiin-’O'î + 30 = G6II80' + 2fl^0. (1). Ce mode de formation, s’il correspond à la réalité, permet de rapprocher l’acide citrique de l’acide acétique au point de vue de son rôle physiologique. Comme ce dernier, il peut être repris par la cellule qui l’a produit si le sucre fait défaut. Il se présenterait donc aussi comme un produit de digestion du sucre qui se formerait, dans certaines conditions, plus vite qu’il n’est utilisé. Mais à côté de cette interprétation, il y en a une autre qui cadre mieux avec les notions que l’un de nous a établies au sujet de la nutrition hydrocarbonée de la cellule vivante. Partant de cette idée que le sucre est préalablement dédoublé en alcool et CO^ avant d’être assimilé, on est conduit à orienter les investigations vers une autre voie dont les points de repère sont marqués par les transformations suivantes : GGHi^oe = 2G2H60 2G02 (a). 3021160 + 90 = G6II807 + oIPO [b). 3G6H1206 + ISO :== 2G61160' + 10H2O -f- 6G02 (2). Le sucre est d’abord dédoublé en alcool et CO^ (a), l’alcool étant assimilé et ensuite oxydé et transformé plus ou moins directement en acide citrique (b) ; si on double les deux membres de l’équation (b) et qu’on leur ajoute ensuite 6 CO^, on obtient l’équation (2) qui peut être comparée plus facilement à l’équation (1). Ces transformations montrent que la production d’acide citrique ne peut être envisagée comme un phénomène d’oxyda- tion directe, car la combustion de l’alcool ne peut donner (jue de l’aldéhyde, de l’acide acétique et de l’acide oxalique. Elles supposent implicitement que la combustion se fait dans la substance vivante même, et que l’acide citrique s’en détache, Ôo8 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. dans certaines conditions, comme un produit de désassimilation. On voit donc que, si on oppose l’une à Tautre les équations (1) et (2), on pourra conclure que la combustion respiratoire est directe ou indirecte, suivant que l’une ou l’autre de ces deux équations sera vérifiée par l’expérience. II GÉNÉRALITÉS SUR LES Citromyces. Avant d’aborder par l’expérience l’examen de la question que nous venons de poser, nous donnerons quelques renseigne- ments sur les champignons que nous avons utilisés dans nos recherches. L’acide citrique, on le sait, est très répandu dans la nature, il existe surtout dans les végétaux; on en rencontre aussi chez les animaux, en particulier dans le lait de vache. Wehmer 1 a découvert des champignons qui produisent de l’acide citrique aux dépens du sucre; ces champignons se ran- gent au point de vue morphologique parmi les Pénicillium. Wehmer leur a donné le nom de Citromyces ; il a décrit 2 espèces : le C. Pfelferianiis et le C. Glaber; niais il a été sohre de détails sur leurs propriétés physiologiques, parce qu’il les a utilisés dans la fabrication industrielle de l’acide citrique. Ces champignons se prêtent très bien à l’étude du mode de formation de l’acide citrique, parce qu’ils permettent de se rendre maître de toutes les conditions de milieu, de température ou d’aération qui favorisent ou entravent le phénomène en ques- tion. Aussi, c’est à eux que nous avons eu recours. Ils sont très répandus dans les laboratoires; ils appartiennent à cette catégorie de moisissures qui envahissent spontanément les solutions d’acides organiques. Nous en avons isolé 4 espèces différentes; elles se distinguent soit par le caractère de leurs cultures, soit par leurs propriétés physiologiques. On les rencontre généralement à l’état de pureté dans les solutions concentrées — acide tartrique et citrique à 2o 0/0, acide oxalique à saturation, acide lacticjue à 4,5 0/0. — Nous n’avons utilisé ni l’acide succinique ni l’acide malique pour rechercher d’autres espèces; quant à l’acide acétique, aucune 1. Wéhmer, Bull, de la Société ch. de Paris, 1893. PRODUCTION DIACIDE CITRIQUE PAR LES ClTROMYCES 559 moisissure n’y pousse spontanément, si faible qu’en soit la con- centration. Pour faciliter la nomenclature, nous appellerons ces diverses espèces par un nom qui rappelle leur origine. Nous aurons ainsi les Citromijces citricus, G. tartriciis, G. oxalicus, G. lacticus. On peut les réunir en deux groupes. L’un renferme le G. citricus et le G. tartricus; tous deux donnent des voiles très épais qui flottent assez difficilement dans les récipients à grande surface; les' filaments aériens sont longs; la couleur ordinaire delà culture sporulée est d’un gris ardoisé clair; mais elle vire au vert foncé dès que l’acide citrique apparaît dans la culture; cette couleur se présente dès le début, lorsqu’on la cultive en milieu minéral avec de l’acide citrique comme unique aliment carboné. Sur bouillon de viande sucrée, le mycélium du G. citricus reste toujours blanc, même en présence d’acide citrique. Les G. lacticus et oxalicus se ressemblent beaucoup, mais diffèrent des précédents par l’aspect de leur voile. Gelui-ci reste toujours mince et se développe surtout en surface, de sorte qu’il se plisse beaucoup; les filaments aériens sont très courts et les spores se présentent comme une poussière cendrée d’un bleu ardoisé à la surface du voile membraneux. Le G. lacticus produit beaucoup plus d’acide citrique que le G. oxalicus. Dans nos démonstrations, nous avons utilisé surtout le G. citricus et le G. lacticus. III MARCHE A SUIVRE DANS LA DÉMONSTRATION ET PROCÉDÉS DE DOSAGE EMPLOYÉS L’orientation à donner aux recherches se déduit aisément des considérations développées à priori sur le mécanisme pos- sible de la formation d’acide citrique. Il est en effet tout indiqué d’établir la relation qui existe entre l’apparition de l’acide citrique et le développement des cultures. Si ce composé se forme par voie de désassimilation, on constatera sa présence au moment où le milieu de culture, renfermant encore un excès de sucre, sera privé d’un élément indispensable à la nutrition du 560 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. champignon. Mais il faut remarquer qu’une telle hypothèse n’exclut pas la possibilité d’une combustion directe : il suffit de faire observer que l’oxydation directe s’arrête au terme acide citrique en raison des conditions difficiles dans lesquelles se trouve la moisissure. 11 faut donc chercher d’autres preuves. Les sucres ne sont pas les seuls aliments hydrocarbonés de ces champignons; ils se développent, nous l’avons dit, aux dépens des acides organiques, il est donc naturel de rechercher s’ils produisent de l’acide citrique aux dépens de l’acide lactique, de l’acide tartrique, par exemple: ils assimilent aussi la glycérine et l’alcool; nous sou- mettrons ces composés à la même épreuve. On conçoit en elfet que, si l’oxydation du sucre est directe, la production d’acide citrique doit être le résultat d’une action diastasique; mais, comme ces actions sont limitées à des composés de constitution définie, elles ne sauraient s’étendre à des composés aussi diffé- rents du sucre que la glycérine ou l’alcool; mais on n’a pas le droit de s’étonner de le voir prendre naissance aux dépens de ces différents aliments, s’il se présente comme le produit d’une action protéolytique s’exerçant sur les substances azotées qui en renferment les éléments constitutifs. Pour reconnaître la présence de l’acide citrique, nous avons eu recours à la réaction de Denigés ‘ basée sur la formation d’un précipité blanc par l’action du sulfate mercurique sur, l’acétone dicarbonique, produit d’oxydation de l’acide citrique par le permanganate de potassium; mais ce procédé doit être employé avec prudence, surtout lorsque l’acide citrique est peu abondant. En effet, certains liquides organiques, tel le bouillon de hari- cots, donnent en présence du sulfate mercurique un trouble blanchâtre qu’il ne faudrait pas confondre avec le précipité en question. Pour obtenir la réaction dans toute sa netteté, il suffit de précipiter l’acide citrique à l’état de citrate de calcium et de le transformer ensuite en sel de soude par ébullition avec du. carbonate de sodium. Mais lorsque l’acide citrique est abondant, il se révèle de lui-, même par la formation d’une couche de citrate de chaux, si la culture est faite en présence de carbonate de calcium. Pour le doser, nous avons utilisé la propriété du citrate de. 1. Denigés, Soc. des Sc. phys. et nat. de Bordeaux, 1897-1898 PRODUCTION D’ACIDE CITRIQUE PAR LES CITROMYCES 561 calcium d’être insolul)le, lorsqu’il est maintenu pendant un cer- tain temps à l’ébullition. IV CULTURE SUR MILIEUX SUCRÉS , Les milieux que nous avons employés sont le liquide Raulin, le bouillon de viande et le bouillon de haricots; c’est ce dernier qui donne les meilleurs résultats. La culture de citromyces que nous avons utilisée dans ces expériences se développe lente- ment, l’acide citrique apparaît quand le voile a atteint à peu près son développement maximum ; sa formation est indiquée par le changement de couleur de la moisissure et il se produit aussi bien en l’absence qu’en présence du carbonate de calcium. Dans ce dernier cas, sa production est accompagnée d’un déga- gement d’acide carbonique provenant de l’attaque du carbonate. Les chiffres du tableau I donnent quelques indications sur les conditions d’apparition de l’acide citrique, dans les cultures sur bouillon de haricots additionné de glucose, à une tempéra- ture moyenne de I()-22^. Tableau L I II III Durée de la culture. . 14 jour; 3 30 jours 45 jours. Apparition de l’acide. 12« jour • 19« jour 19<= jour Acide citrique formé, 0.671 4.373 4.002 Poids du mycélium . . 0.891 'l.!)77 0.988 Volume ( lu liquide de culture. 200'-« 200«e Ces résultats sont complétés par ceux du tableau II, fournis par des cultures en bouillon de haricots dans des (ioles coniques de 500 c. c. renfermant 100 c. c. de bouillon. 11 gr. 627 de sucre et 22 milligrammes d’azote. Tableau II. Rendement Durée de la Poids du Sucre Ac. citrique Azote ac. cit., sucre culture. mycélium. disparu. formé. disparu. disparu. li jour. s 0.722 2.138 traces 17.1 7" 18 — 0.70!) 3.029 0.923 17.5 30.4 0/0 1>I — 0.7!)7 :5. 192 1.142 16.3 33.0 27 — 0 Sol 4.487 1.700 ^ 16.3 35 . 6 34 — 0.890 5 .536 2.283 ' 17.5 41 .2 41 — 1.033 8.628 3.859 17.4 40. l 57 — 1.132 9.877 4.474 17.4 45.2 36 562 \NNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. Ces chiffres montrent que l’acide citrique se forme au moment où la culture a déjà atteint son développement maxi- mum; il va en augmentant tant qu’il reste du sucre, c’est-à-dire pendant prés de deux mois; mais la quantité d’azote assimilé demeure à peu près constante. Gomme le poids de la culture augmente, il faut admettre que les cellules jeunes empruntent au mycélium formé antérieurement l’azote dont elles ont besoin. Nous retrouvons là l’image de ce qui se passe dans les solu- tions d’acides organiques qu’elles envahissent spontanément. Cette allure laisse supposer que l’acide citrique, survenant seu- lement au moment où tout l’azote est assimilé, doit être regardé comme le résultat d’un processus de désassimilation. L’apparition de l’acide citrique est retardé ou avancé sui- vant que le milieu est pauvre ou riche en azote. Ce fait résulte des cultures effectuées sur liquide Raulin renfermant des doses d’azote variables, 1/4, 1/2, 1 et 2, la dose normale étant repré- sentée par 1. La culture qui a reçu 1/4 de la dose normale d’azote a fourni un voile très léger, son développement a été très lent, si bien que l’acide citrique y est apparu plus tard que dans la culture qui a reçu la dose 1/2. L’apparition de l’acide citrique s’est faite dans l’ordre suivant : 1/2, 1/4, 1. La culture 2 ayant reçu une quantité d’azote double a donné un développement énorme de mycélium, mais l’acide citrique ne s’est montré que longtemps après. La germination des spores a d’ailleurs été pénible en raison de la production d’une trop grande quantité de carbonate d’ammoniaque par l’action de l’azotate d’ammonium sur le carbonate de calcium. Avec le bouillon de viande, très riche aussi- en azote, on obtient également une abondante production de mycélium, mais l’acide citrique n’apparaît encore que très tardivement. Tous ces faits viennent, comme on le voit, à l’appui des déductions précédentes. V ASSIMILATION DE LA GLYCÉRINE Le bouillon de haricots additionné de doses relativement considérables de glycérine est un excellent milieu de culture pour les espèces de citromyces que nous avons isolées. Toutes PRODUCTION D’ACIDE CITRIQUE PAR LES CITROMYCES 563 produisent de Tacide citri(jue aux dépens de la glycérine. Voici les chiffres que nous avons obtenus avec le G. citricus. Tableau III. Durée de la culture en jours. Poids du mycélium. Acide citrique formé. Azote disparu. — — — — 14 - 0.071 0.091 13.8 18 0.862 0 . 385 15.9 21 0.882 0.634 15.1 27 0.000 1.204 15.1 34 1 . 003 2.846 15.7 41 0.964 3.804 17.4 57 1.132 3.81 18.8 Les conclusions que nous avons déduites de Pexamen des chiffres du tableau II s’appliquent à la lettre aux résultats du tableau III. On est donc autorisé à insister ici sur la variation dans l’action d’une oxydase qui transformerait directement le sucre et la glycérine en acide citrique. L’oxydation directe du glucose provoquerait les échanges et les transformations suivants : CII-’OII — (GIIOIl)''^ — CIIO + lîO = Cü^fl — CIP - COM — CIP’ — COOll + 21PO co^ir qui sont bien différents de ceux qui s’opèrent avec la glycérine, comme on peut s’en convaincre par l’équation suivante : 2 CIPOII — CHOU — CIPüll + 50 = C0211 — CIP — cou — CIP - CTPII 4- 4IP0 I C02U L’acide citrique serait d’après cette dernière transformation un produit de synthèse; ce résultat ne doit pas cependant nous surprendre; il suffît, en effet, que la cellule vivante puisse produire une diastase particulière pour réaliser cette transfor- mation, car, somme toute, la glycérine peut se transformer faci- lement en sucre et cette transformation est parmi celles que les cellules vivantes réalisent facilement. La glycérine n’est pourtant pas acceptée dans toutes les conditions par le G. citricus. Le liquide Raulin dépourvu d’acide tarlrique et de sucre et additionné de glycérine et de carbonate de calcium est impropre à la culture de ce champignon. Les spores ne germent pas, mais elles se réveillent immédiatement dès qu’on introduit une trace de sucre, après plusieurs semaines de séjour en présence de glycérine. Dans ces conditions, le déve- loppement devient très rapide, et la production d’acide citrique 564 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUIL est très abondante. Le G. iacticus est plus rustique, il se déve- loppe sans addition de sucre dans le liquide Raulin glycériné, mais son développement est très pénible au début. YI ASSIMILATION DE l’aLCOOL L’alcool est un aliment pour le G. citricus et le G. tartricus; les spores germent rapidement sur liquide Raulin privé d’acide tartrique et de sucre, et additionné de 1 0/0 d’alcool en présence de carbonate de chaux. Mais le voile reste léger, son développe- ment s’arrête; le mycélium examiné au microscope est chargé de cristaux d’oxalate de calcium. Le liquide distillé permet de caractériser la présence de quantités sensibles d’aldéhyde. Les citromyces Iacticus et oxalicus, au contraire, se déve- loppent assez facilement; le premier seul produit de l’acide citrique, mais difficilement. Pour tourner les difficultés, le G. citricus et G. Iacticus ont été cultivés sur 100 c. c. de liquide Raulin sans acide, dans quatre flacons coniques contenant chacun 1 gramme de glucose. Une fois le voile bien formé, on introduit de l’alcool dans deux de- ces flacons, les deux autres sont conservés comme témoins. On ajoute ensuite à toutes les cultures un lait de car- bonate de calcium. Dans ces conditions, on constate un surcroît de développement dans les cultures qui ont reçu de l’alcool, mais on n’observe à aucun moment la production d’acide citrique dans le milieu. En substituant le bouillon de haricots au liquide Raulin, il est facile de constater au microscope la présence de nombreux cristaux de citrate et d’oxalate de chaux. • L’analyse donne les résultats suivants : Tableau IV. c. citricus. C. Iacticus. Témoin Alcool. Témoin. Alcool. Poids (lu mycélium. En <>r. O.rjPJ 1.098 0.906 Acide cilri([U(' - - )) 0.12(3 0.275 Acide o\arK[ue - traces » (races Ges essais ont été répétés dans de grands matras à plat, sans addition de carbonate de calcium, permettant ainsi la production d’une culture plus abondante. Dans deux de ces PRODUCTION D’ACTDE CTTRïOUE PAR LES CïTROMYCES 565 inatras, ayant reçu au début 2 grammes de glucose, ou introduit, une fois le voile formé, 10 c. c, d’alcool. La culture devient très llorissante, le milieu donne très nettement la réaction de l’acide citri(jue et, lorsque les cultures sont arrêtées, on obtient les cbilfres suivants : Taiîi.eau y. Cultures additionnées d'alcool. Culture témoin. Mycélium... Mn ^r. :2.78l 3.463 l.*.)o6 Sucre restant — » » » Alcool restant — 1.8 6 » Acide citrique formé .. . — 0.271* 0.267 » Acide oxalique — traces traces » Le citromyces lacticus ensernmencé sur bouillon de haricots non additionné de glucose, mais renfermant 2 0/0 d’alcool, a fourni, pour i«c830 de mycélium, O"', 782 d’acide citrique tou- jours accompagné de traces d’acide oxalique. L’alcool, comme la glycérine et le sucre, peut donc servira la production d’acide citrique, mais la quantité de cet acide formé avec cet aliment est toujours très faible. Il faut cbercber la raison de cette différence dans la propriété que possèdent ces moisissures de brûler très facilement les acides et de les brûler préférablement à l’alcool, lorsque ces composés sont mis en concurrence. C’est ce qui résulte de l’expérience résumée dans le tableau VI, ^ faite avec le citromyces lacticus sur bouillon de baricots addi- tionné d’acide citrique et d’un excès d’alcool. Tableau YI. I II III Durée de l'cxpérienee en jours.. . 8 10 17 Mvcélium . En gr. 0.867 0.968 1.515 Acide citrique restant..., — 2.595 2.205 traces Alcool restant — 0.849 7.68 4.500 Acide cilriquo initial — 3.536 3.536 3 . 336 L’acide citrique disparaît le premier et l’on comprend ainsi qu’il ne se forme pas en abondance lorsque ces moisissures n’ont que de l’alcool comme aliment hydrocarboné. Il n’en est pas moins vrai que l’acidexitrique peut se former dans ces con- ditions. Les citromyces se développent aux dépens des acides lactique, tartrique, malique, succinique oxalique; mais nous 560 ANx\ALES DE L’TNSTiTUT PASTEUR. ii’civons pas conslaLé la production d'acide citrique aux dépens de C(‘S composés, parce qu’ils sont des aliments inférieurs à cet acide. Puisque les citromyces produisent de l’acide citrique aux dépens de l’alcool, il faut admettre l’existence de la transforma- tion suivante : 3C^H60 4-00 = Gfifiso" 4- Nous ne pouvons pas admettre que cette transformation soit due à une oxydation directe, accomplie avec le concours d’une diastase oxydante; si nous l’avons provisoirement admis pour la glycérine, c’est parce que ce corps se transforme facilement en sucre. La transformation de l’alcool en sucre est le résultat d’une réaction trop complexe pour être réalisée par voie d’oxy- dation directe; les seuls corps qui dérivent de l’alcool par fixa- tion directe d’oxygène sont, nous le répétons, l’acide acétique, l’acide oxalique, et nous avons vu précisément ce dernier se former abondamment dans la culture du G. citricus nourri avec de l’alcool comme source unique de carbone ^ Dès lors, si le mode de formation de l’acide citrique par oxydation directe ne semble pas pouvoir être généralisé, il est probable que ce corps prend naissance suivant un autre pro- cessus. Pour justifier l’bypothèse que nous avons admise, il faut donc montrer d’abord que l’assimilation du sucre par les citro- myces exige son dédoublement préalablement en alcool et acide carbonique. VII PRODUCTION DE l’ ALCOOL EN VIE ANAÉROBIE Le procédé employé pour cette démonstration est connu depuis longtemps; il suffit de mettre les végétaux en vie anaé- robie pour que l’alcool formé par l’action de la zymase, ne pou- vant être utilisé dans ces conditions, s’accumule dans le milieu et dénonce ainsi par sa présence l’existence de la diastase alcoolique. Dans ce but, les quatre citromyces ont été cultivés dans des 1. Nous ne voulons pas dire par là que ces composes se forment aux dépens de l'alfool par un phénomène de combustion suscej)tible d’être reproduit in vitro ; nous admettrons au contraire comme conclusion de nos recherches que l’acide oxali([ue se toiane par oxydation de la substance vivante. PRODUCTION D’ACIDE CITRIQUE PAR UES CITROMYCES 567 ballons à fond rond contenant 500 c. c. de I)ouillon de haricots additionne de 5 0/0 de glucose. Lorscjne la culture est l)i(‘n développée, on fait le vide au moyen de la pompe à mercure ou sim|)lemeiit à la trompe, et l’on abandonne ainsi les moi- sissures à l’étuve à 30'^ pendant une dizaine de jours. La quantité d’alcool (jui se forme dans ces conditions est toujours faible. Le liquide de culture neutralisé est distillé dans un appareil Scblœsing et l’alcool recueilli dans 20 c. c. est caracté- risé par la formation d’iodo forme, d’aldéhyde, etc., puis dosé au moyen du compte-gouttes de M. Duclaux, ou par la méthode de M. Nicloux. Le tableau Vil résume ces essais. Taiîlkau vil c. citricus. C. c. C. I 3.205 H tarti'icus. locticus. oxâlicus ■ Mycélium . En gr. 3.025 1 .550 2.705 2.004 AlCDOl — 0.100 0.104 0.130 0.332 0.212 Acide citrique. . . — 3.205 4.679 0.847 2.925 2.773 Acidité volatile en C-llHj2. 0.345 0.334 0.130 0.725 0.0U8 Gomme nous opérons en présence d’acide citrique, l’alcool pourrait être attribué à la décomposition de cet acide; on sait, en effet, qu’il peut se dédoubler en alcool, acide acétique et acide carbonique. Mais les citromyces privés d’air ne produisent pas cette transformation.' Voici, en effet, les résultats obtenus dans une expérience identique à celle relatée au tableau VII et dans laquelle le sucre était remplacé par de l’acide citrique. Tableau VIIL c. citricus. C. Incticus. Mycélium 1.003 0.050 Alcool » » Acidité volatile en G^IUO^ 0.05G traces L’alcool se présente donc comme un produit de dédouble- ment du sucre et l’acide acétique qui l’accompagne en très faible quantité doit être considéré comme un produit d’autolyse, plus abondant dans un milieu neutre que dans un milieu acide. Comme on sait maintenant que la formation de lazymase en vie anaérobie doit être considérée comme une preuve de son exis- tence en vie aérobie, l’assimilation du sucre par les citromyces se fait suivant le processus ordinaire. 568 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR VU I/ACJDE CITRIOUE EST UN PRODUIT DE DÉSASS13IILAT10A’ Nous sommes ainsi conduits à établir la dernière partie de notre hypothèse, celle qui a trait à la mise en liberté de l’acide citrique. Lorsque la culture est privée d’azote, alors que le sucre est encore abondant, la prolifération cellulaire reste possible si les éléments jeunes peuvent emprunter leur azote aux cellules âgées. Ce phénomène est très fréquent dans le monde végétal : on sait depuis longtemps qu’une plante affamée d’azote ou d’ali- ments minéraux continue de végéter très longtemps sans périr; la tige s’allonge lentement; quand de nouvelles feuilles se for- ment, les anciennes meurent et se vident en grande partie de leurs éléments minéraux au profit des plus jeunes. Les citro- mycesqui se développent spontanément dans les solutions d’aci- des organiques dans l’eau distillée ne se comportent pas autre- ment. Les plantes et les champignons ainsi affamés se trouvent d’un côté en présence d’une pénurie extrême de certains éléments et de l’autre d’une grande quantité d’aliments carbonés ;ils sont très économes vis-à-vis des premiers et très prodigues des seconds. Dans le cas de nos cultures, c’est l’azote qui est l’ali- ment rare, c’est lui qui passe d’une cellule à l’autre, décrivant ainsi un cycle ininterrompu tant qu’il reste du sucre en excès et pendant aussi qu’il n’entre pas entièrement dans des combi- naisons que la cellule ne peut plus défaire. . Dans cette migration continue, l’azote est libéré plus ou moins complètement de ses groupements carbonés, par voie de protéo- lyse, et l’acide citrique apparaît au nombre de ces produits ter- naires de désassimilation. Il est donc plus ou moins complète- ment formé dans la substance vivante et, comme il dérive du carbone assimilé, il faut admettre que les phénomènes d’oxyda- tion se produisent dans la molécule de substance, vivante même et que l’oxygène emprunté à l’air doit être considéré, suivant l’expression de Claude Bernard, comme un élément de cons- truction organique et non pas comme un élément comburant qui brûlerait les aliments dans les cellules comme il brûle le charbon dans le foyer d’une machine. Pour montrer que ces considérations sont l’expression PUODUCTION D’ACIDE CITÜIQUE PAK LES CITROMYCES 569 exacte de la réalité, il sul’lit de prendre des cultures de citro- riiyces au moment où elles sont bien développées et où elles iPout pas encore produit d’acide citrique, et de les priver d’air. Dansces conditions, le mycélium s’autolyse et, comme ses dias- tases continuent à agir en l’absence d’oxygène, on doit constater la présence d’acide citrique dans le milieu. Le C. cilricus se prête beaucoup mieux que les autres à cette démonstration parce qu’il fournit un développement mycélien très abondant avant de produire de l’acide citrique. Nous avons donc préparé des cultures de cette moisissure dans des fioles à fond plat capa- bles de résister au vide- et renfermant 350 c, c. de bouillon de liaricots à 5 0/0 de glucose ; ce milieu est ensuite alcalinisé légèrement avec du carbonate de soude, puis coloré par du tour- nesol d’orcine. Lorsque le mycélium est bien développé, on fait le vide au moyen de la pompe à mercure et on abandonne la culture à l’étuve à 30” pendant quelques jours. Voici les résul- tats obtenus dans une de ces expériences: (1) (2) Mycélium. 0.980 1.039 Taolkaii L\. Acide citrique formé. 0 . 242 0.185 Acidité volatile cni‘o2. 0.131 0.088 Alcool. 0.000 0.030 La culture I contenait déjà un peu d’acide citrique au mo- ment où elle a été mise en anaérobiose. Cette expérience, on le conçoit aisément, ne réussit pas tou- jours; l’acide citrique susceptible d’être libéré, par ce moyen, du mycélium n’est pas abondant. Si l’on peut en obtenir de gran- des quantités en présence de l’air, il ne faut pas oublier que ce n’est qu’avec le concours du temps. On peut voir en examinant le tableau 1 que 1 gramme de mycélium en produit de 15 à 0^*’, 2 en 24 heures, la quantité présente à un moment donné est donc très limitée et ce n’est que sur celle-là seule qu’il faut compter, puisque l’alimentation du mycélium estimpossible à l’abri de l’air. Il faut donc conclure de ces expériences que l’acide citrique prend naissance par voie de protéolyse et qu’il constitue un produit de désassimilation accidentel, subordonné à des condi- tions de vie difficile pour le cbampignon et à une alimentation carbonée convenable. ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. ruo VI 11 On peur fournir d’autres arguments à l’appui de cett(‘ con- clusion. Ils sont nombreux, mais moins probants que ceux qui viennent d’être exposés. En premier lieu, nous ferons remarquer que les rendements en acide citrique, comparés aux chiffres théoriques qui résultent des formules (1) et (2), sont d’accord avec les indications de cette dernière. Mais, pour évaluer ce rendement, il faut faire abstraction de la quantité de sucre employée à la construction du mycélium. Il suffit pour cela de se reporter aux résultats consignés dans le tableau II. Chaque culture comparée à la pré- cédente, à partir de la culture (3), possède à peu près le même poids de mycélium; si nous retranchons respectivement les poids de sucre consommé et les poids d’acide citrique formé, nous aurons à peu près les quantités d’acides correspondant au sucre disparu dans le même temps. Le tableau suivant résume ce calcul. Tableau X. Poids du Sucre Ilifférence entre 2 cultures Acide citrique Rendement mycélium . disparu. successives . formé. Différences. O.'O. — — — — — — 0 . 799 3.029 » 0.923 » » 0.797 3.492 0.4G3 1.142 0.219 47 0. 851 4.487 0 . 997 - 1.700 0.558 56 0 . 890 5.53G • 1.049 2.283 0.583 55.5 1.033 8.G28 3.092 3.859 0.57G 50.9 1.13^ 9.877 1 . 249 4.474 0.615 49.2 La dernière colonne donne le rendement ainsi calculé. Si l’on cherche le rendement théorique d’après la formule (1), on prévoit un rendement d’environ lOfi 0/0; d’après (2), 71 0/0 seulement. Si l’oxydation se faisait suivant le processus indiqué par la formule (1), comme le mycélium n’augmente pas beaucoup en poids, le rendement pourrait atteindre un chiffre supérieur à 71 0/0; comme il se maintient au-dessous de cette limite, il est d’accord avec les prévisions déduites de l’équation (2). Gela n’est cependant pas suffisant pour conclure au rejet de l’équation (1), car le sucre détruit peut se répartir en deux por- tions ; Tune qui est brûlée pour Tentretien du champignon, et l’autre qui sert à la production de Tacide citrique. La même observation enlève également toute valeur pro- PRODUCTION D'ACIDE CITRIQUE PAR UES CTTROMYCES 571 liante aux arguments tirés de Uétiide des écliauges gazeux entre le champignon et le milieu ambiant. Nous avons tenu néan- moins à voir comimmt sont inllnencés ces échanges par la for- mation de l’acide citrique. A cet effet, nous avons cultiv(‘ la moisissure en atmosphère confinée, fournissant à la plante de l’oxygène au fur et à mesure de sa consommation et absorbant d’un autre côté l’acide carbonique produit. L’appareil employé pour cette étude est représenté par la figure 1 ; il se compose d’un ballon à fond plat de I litre environ de capacité, communiquant d’un côté avec une série de tubes absorbants, de l’autre avec la trompe à mercure du volumètre au moyen d’une branche à trois voies. Le meme dispositif per- met également la communication de la trompe avec le volumètre ou avec la pompe à mercure. Tous les joints sont noyés sous le mercure et l’appareil tout entier est soumis au vide pendant 24 heures avant l’expérience. La manœuvre est évidente. Le volumètre sert pendant toute la durée de la culture, de réservoir d’oxygène. Celui-ci, préparé avec du chlorate de potasse pur, est introduit au moyen de la cloche C, et analysé à l’eudiomètre. La communication avec la pompe et le ballon étant inter- rompue, on introduit l’oxygène dans la culture au moyen de la trompe et du tube rnanométrique B. Le niveau du mercure dans ce tube permet de juger la quantité de gaz introduite, quantité qui peut d’ailleurs être mesurée exactement par le volumètre. L’acide carbonique produit est absorbé par la potasse, lorsqu’on fait circuler le gaz dans l’appareil, au moyen de la trompe, les communications avec la pompe et le volumètre étant sup- primées. L’expérience terminée, le vide barométrique étant fait dans le volumètre, on fait passer dans celui-ci l’atmosphère confinée, d’abord au moyen de la trompe, en prenant la précaution de por- ter à l’ébullition le liquide de culture, puis, pour les dernières traces de gaz toujours difficiles à extraire, au moyen de la pompe à mercure. Le gaz ainsi obtenu est mesuré et analysé. Il est donc très facile de savoir la quantité d’oxygène absorbé par la culture et la quantité d’acide carbonique produit. La valeur du quotient respiratoire calculé sur la totalité de l’oxygène absorbé et du gaz carbonique éliminé par la plante est voisin de 1,2 tant qu’il n’y a pas d’acide citrique formé. Ce 572 ANNALES DE L’INSïITUT PASIEUR. f' ^ c/ B 1 Ui RSPSIilliliii i { In 1 Ü T 1 APPAREIL POUR L’ÉTUDE DES MOISISSURES EN ATMOSPHÈRE CONFINÉE A. — Vohimètrc servant, pondant l’expérience, de réservoir d’oxygène. B. — Cloche iiudDile terminant le tube manoniétrique, pouvant se placer sur l’oritice de la trompe ou à côté. C. — Cloche mobile pouvant se placer sur l’orifice de la pompe à mercure D ou à côté. E. — Vase de culture. F. — Tubes al)sorbants : 1, 2. 5, tubes à acide sulfurique; o, tube à potasse; 4, barbotteur à potasse; 5, tube à ponce sulfurique. G — Trompe à mercure du volumètre. rapport baisse rapidement à mesure que ce composé augmente dans la culture. Les équations (1) et (2) permettent de prévoir ce résultat, puisque la première comporte une absorption d’oxygène sans dégagement correspondant d’acide carbonique, et que la seconde PRODUCTION D’ACIDE CITRIQUE PAR LES CÏTROMYCES 573 entraîne une absorption de 9 molécules d'oxygène pour un dégagement de (1 molécules d’anhydride carbonique seulement. Il semble donc, à priori, que l’on puisse déduire de l’examen des échanges gazeux des arguments en faveur de l’une ou de l’autre équation, mais pour la raison indiquée plus haut, la con- clusion reste indécise. Le tableau XI donne les variations du quotient respiratoire, suivant les quantités d’acide citrique produit. Tacleau XL - DiiréP (ie la Poids O.Kygène Ac. carboni- co^ Acide Vol. de culture du absorbé en que produit Sucre citrique la fil jours. mycélium. vol. en vol . ÔT* disparu. formé. culture. 14 0.804 901'- '•,4 1056.7 1.06 3.239 0.671 100 C. C. 30 1.977 3948 3527.8 0.893 10.955 4.573 200 — 4.J 0 . 988 2630 2059.1 0.78 7.509 4.002 100 — Nous avons enfin soumis le mycélium du C. cilricns à l’hydro- lyse acide et alcaline à la température de 120*^. Nous n’avons pas pu caractériser l’acide citrique parmi les produits qui se forment dans ces conditions, cela semble indiquer que l’acide citrique n’est pas relié par une simple liaison à la molécule de substance vivante. CONCI.USIONS L’acide citrique formé par les citromyces est un produit de désassimilation accidentel qui prend naissance lorsque les milieux de culture épuisés en azote assimilable sont encore riches en aliments ternaires : sucres, glycérine, alcool, llseprésente comme le résultat d’une action protéolytique qui s’exerce dans la cel- lule âgée et qui permet aux cellules jeunes de leur emprunter l’azote qu’elles ne trouvent plus dans le liquide de culture. La production d’acide citrique est indépendante de la pré- sence ou de l’absence de l’oxygène; elle peut être obtenue avec le mycélium jeune placé à l’abri de l’air et maintenu pendant quelques jours à la température de 30«. Si Ton veut suivre les transformations qui le rattachent â l’alimentation hydrocarbonée, on constate que' le sucre* est 574 ANxNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. d’abord dédoublé en alcool et acide carbonique, l’alcool est incorporé à la substance vivante dont les cbaînons ternaires s’oxydent peu à peu pour se résoudre en dernier lieu en eau et anhydride carbonique. C’est la marche ordinaire de la combus- tion dans les conditions de vie normale ; mais lorsque le milieu ne convient plus, la combustion de la substance vivante s’arrête au terme acide citrique. Cet acide semble être caractéristique de la pénurie d’azote, car il ne faut pas oublier qu’il existe bien d’autres moyens de paralyserle développement d'une culture; si par exemple on cultive les citromyces sur du liquide Raulin additionné d’alcool au lieu de sucre, ce n’est plus l’acide citri- que qui se forme en général, mais l’acide oxalique. D’une manière générale, on peut dire que les acides organi- .ques se présentent comme des produits de désassimilation acci- dentels et prennent naissance problablement de la même façon que l’acide citrique chez les citromyces. Leur formation peut dépendre d’ailleurs d’influences de même nature : le végétal, dans les conditions ordinaires, règle son alimentation hydrocarbonée, mais il n’a aucune action sur sa nutrition minérale et azotée qui dépendent de la fertilité du sol et aussi de l’activité de la trans- piration. L’apport des aliments minéraux n’étant pas régulier, les conditions suivant lesquelles se forme l’acide citrique chez les citromyces sont pour ainsi dire la règle chez les végétaux ; aussi ce sont des producteurs actifs d’acides organiques. En général l’acidité est plus grande le matin que le soir, la nuit que le jour, parce que la transpiration est plus active le jour que la nuit. M. AmarL dans un travail récent, a été conduit également à considérer l’acide oxalique comme un produit de désassimi- lation. Nos résultats permettent de conclure en outre que la combus- tion respiratoire s’exerce sur la molécule vivante même; le car- bone et l’hydrogène ne sont pas brûlés à la façon du charbon dans le foyer d’une machine. Cette localisation, dans les con- ditions de vie normale, des phénomènes respiratoires, explique l’absence de termes intermédiaires dans les produits de combus- tion puisque le carbone, riiydrogène et l’oxygène ne se déta- 1. Amah, C. /{,, U CXXXVI, p. üûl. 1>R0DUCTI0N D’ACIDE CITRIQUE PAR LES CIÏROMYCES 575 client de la molécule de substance vivante qu’a l’état d’acide carbonique et d’eau. On conçoit aussi que l’étude des phénomènes delà combus- tion respiratoire ne donne aucun résultat appréciable in vitro, elle exige probablement, ainsi que nous le faisions remarquer, non seulement la présence de corps oxydables et de l’oxygène, mais encore une organisation qui fait toujours défaut dans les sucs cellulaires tels qu’on les retire des tissus vivants. De l'influenee de l’ingestion des bactéiies ET DES PRODUITS BACTÉRIENS SUR LES PROPRIÉTÉS DD SÉRDÏÏ SANODIN Par le Di- A. TCHITCHKINE. (Laboratoire de M. Metchnikoff.) L'étude de Ja résorption par l’intestin des produits bactériens et des modifications du sérum sanguin qui peuvent en résulter, présente un intérêt théorique et pratique. Toutefois, cette question est encore loin d’être résolue; cela ressort des lignes suivantes du ProL Metchnikotf ‘ : (( Même dans le cas où Jes microbes restent enfermés dans le contenu intestinal, ils peuvent être nuisibles par leurs produits résorbés dans la circulation. Nous abordons ici un problème difficile, complexe et encore insuffisamment étudié. » La difficulté de cette étude, qui exige d’assez longues et minutieuses observations, est sans doute la cause principale de son peu d’avancement. Sur la proposition de M. MetcbnikolF, nous avons entrepris, dans le courant du mois de mai 1903, l’étude de cet intéressant problème. Le but de notre travail est de constater les propriétés acquises par le sérum sanguin d’un animal qui ingère des bactéries ou des produits bactériens. Pour ces expériences, nous avons choisi le lapin et le bacille delà fièvre typhoïde. Ce choix nous a permis de vérifier en outre les résultats déjà publiés sur la fièvre typhoïde expérimentale du lapin. Avant d’entreprendre la description de nos propres expé- riences, exposons sommairement l’état de la question. Gaffky ayant isolé, pour la première fois en 1884, le bacille 1. Les Microbes inlestinaux, Bulletin de V Institut Pasteur^ 1903, 6 et 7. PROPRIÉTÉS DU SÉRUM SANGUIN 577 (PEhertIi, avait déjà essayé, en faisant ingérer ce microbe, do provo(jiier la lièvre typhoïde expérimentale chez différents animaux. Mais l(‘s résultats de toul(‘S cos tentatives restèrent négatifs. A. Fraenkel, (jui inti’oduisait les cultures typln(|ues dans le duodénum des coLvayes, affirme qu’il a obtenu des résultats positifs dans 7 cas sur 14. Seitz déclare que, par l’introduction, 'per os, de cultures de bacille typhique ou de déjections typhiques de ITiomme, on peut provoquer chez les cobayes une m'aladie semblable à la fièvre typhoïde humaine, lorsque ces animaux ont été préparés par l’injection de soude ou de teinture d’opium. Les expériences de Sirotinin’, faites dans le laboratoire de Flügge, ont donné des résultats négatifs. Sirotinin a fait ingérer à des cobayes des bacilles typhiques. Il pense que les cas de mort survenus dans ses expériences, aussi bien que dans celles de Seilz, sont dus à une intoxication et non à une infection analogue à la fièvre typhoïde naturelle. Les auteurs qui vinrent ensuite, Rendinger% Gliantemesse etRamoïKp, communi(juent presque simultanément des résul- tats positifs concernant la fièvre typhoïde expérimentale : Remlinger a fait ses expériences par ingestion sur les rats blancs et les lapins; Gliantemesse et Ramond, sur le singe macaque et les lapins. D’ailleurs, ces derniers auteurs ont, comme ils disent, humanisé leurs lapins, en pratiquant sur eux, au préalable, 3 semaines durant, des injections sous-cutanées de sérum humain ou d’urine. Ils mentionnent en outre, mais rien qu’en passant, que le sérum de leurs animaux a agglutiné les bacilles typhiques. Ainsi, sans insister sur la critique des travaux cités, nous voyons qu’ils ont tous un but commun ; obtenir chez les ani- ^ maux la fièvre typhoïde expérimentale; ils ne touchent presque pas à la question qui nous intéresse. Passons maintenant à la description de nos propres expé- riences. Gomme nous l’avons dit, c’est exclusivement sur des lapins que nous avons opéré; tout en limitant à cette seule espèce notre expérimentation, nous avons tenté d’étudier les 1. Zeitschrift für Hygiene Bd I, 1886, p. 465. 2. Société de Biologie, t. V, 1897, p. 713. . ■ 3. Société de Biologie, 1897, p. 719. 37 o78 annales de L’INSTITUT PASTEUR. phénomènes de la résorption chez des animaux d’âges différents et placés dans des conditions diverses. Partant, nos expériences se divisent en 2 cat(*gories par rapport à l’âge des animaux : 1° expériences sur les lapins adultes; 2° expériences sur les petits lapins à la mamelle. Avec les lapins adultes, nous avons varié nos expériences de la manière suivante : Nous nous sommes servi des lapins en les maintenant dans les conditions ordinaires de leur vie captive (nutrition : son et herbe en été, son et carotte en hiver); 2° En vue d’obtenir des modifications dans leur flore intesti- nale, nous les avons soumis à un régime spécial : lait et son mélangés ; 3° Avant de leur faire absorber des bactéries, nous les avons fait jeûner un certain temps ; 4° Avant de faire ingérer les bactéries par nos lapins, nous avons voulu nettoyer leur intestin au moyen d’un purgatif; mais disons de suite qu’il nous a été impossible de provoquer la purgation soit avec le calomel, le sulfate de soude, le sulfate de magnésie, la cascara sagrada, etc. Quant au bacille typhique utilisé au cours de nos expériences, R provient de la collection de l’Institut Pasteur. Les bacilles ont été employés à l’état vivant et à l’état de cadavres (émulsion dans l’eau physiologique chauffée à 60® pendant 1 heure). Nous nous sommes servi du filtrat de cultures typhiques en bouillon, d’âges différents (l-o jours), et aussi d’une toxine typhique pré- parée par la méthode de M. Besredka. La virulence de notre microbe était telle que 1/10 de culture sur gélose faisait périr un cobaye. Exposons maintenant la méthode que nous avons suivie pour introduire les différents produits dans le tube digestif des ani- maux. En ce qui concerne les lapins adultes, nous avons eu recours tout d’abord à une sonde élastique qui ne pouvait causer aucune lésion à la muqueuse de l’œsophage. La substance à introduire pénétrait quelquefois dans la trachée et le poumon, et provo- quait la mort de f animal. Pour éviter cet accident et pour nous soustraire à toute critique portant sur la possibilité de lésions accidentelles ou inaperçues de la membrane muqueuse, non PROPRIÉTÉS DU SÉRUM SANGUIN 579 avons fait manger les bacilles par les lapins en les plaçant dans leur bouche, les animaux les avalaient d’eux-mêmes. C’est de cette dernière méthode seule que nous nous sommes servi dans nos expériences portant sur les petits lapins. Ainsi, après avoir introduit différents produits dans le tube digestif, nous observions d’abord Pétat général des animaux. Puis, de temps en temps, nous prélevions leur sang, pour examiner leur sérum au point de vue des agglutinines et des précipitines ; enfin, nous tenions compte de l’apparition dans le sérum, soit du fixateur (substance sensibilisatrice, ambocepteur), soit des propriétés préventives. Expériences portant sur les lapins adultes. I. Dans les conditions normales d’existence. Avant de commencer l’expérience, on a pesé chaque animal et noté les propriétés agglutinantes de son sérum normal i. Chez la moitié des sujets éprouvés, le sérum n’a donné aucune agglutination, chez le quart Pagglutination apparaissait à 1/5 do goutte; chez le huitième restant, à 1/2 goutte; chez un hui- tième, à 1/10 de goutte, et très rarement à 1/20 de goutte. Ensuite nous commencions à faire ingérer aux lapins soit des cultures vivantes pures, diluées dans l’eau physiologique, soit les mêmes cultures tuées par le chauffage à 60'^ durant 1 heure. Nous commencions habituellement par ne donner qu’une seule culture sur gélose plusieurs jours de suite ou par intervalles, puis nous avons augmenté peu à peu les doses en arrivant jus- qu’à en donner 20 cultures et même plus à la fois. Les animaux étaient soumis à ce traitement pendant plusieurs mois, jusqu’à ce qu’ils fussent sacrifiés ou succombassent à une cause étrangère quelconque. La période d’observation durait au maximum 5 et 0 mois. Cette ingestion ne produisait aucun effet apparent nui- sible, ces animaux conservaient leur poids, et leur santé restait satisfaisante. La plupart des lapins ont même augmenté de poids. La température qui, dans quelques expériences, était prise 2 fois par jour, ne présentait pas de variations. 1. Dans notre reclierclie de ragglutinalion, nous nous sommes servi de cul- tures sur gélose, de 24 heures, diluées dans 20 c. c. d'eau physiologique. Pour chaque épreuve nous prenions 20 gouttes de cette émulsion, en y ajoutant ensuite le sérum à éprouver, commençant par 1 goutte, puis 1/2-1/û-l/lO et ainsi de suite. L’observation était faite à la température du laboratoire. 580 ANNALES DE^iyTNSTTTUT PASTEUR. Remarquons à ce propos que pendant les grandes chaleurs de l’été la température des lapins normaux varie dans d’assez larges limites (de jusqu’à et môme il^,dj. De temps en temps nous prélevions de leur sang et le sérum était examiné ensuite au point de vue des propriétés énumérées plus haut et surtout de l’agglutination. Quelquefois cette dernière apparaissait vers le 9® jour après la première ingestion, mais dans la plupart des cas elle n’apparaissait que plus tard. La force agglutinante du sérum augmentait graduellement et après avoir atteint une certaine intensité (différente chez les différents animaux ), elle demeurait stationnaire. Quand l’ingestion cessait, l’intensité agglutinative commençait à diminuer. Le plus fort sérum que nous ayons jamais observé donnait l’agglutination à 1/200 dégoutté (dans les conditions décrites plus haut), mais en général le pouvoir agglutinant était moindre. Pour nous, du reste, il était important de constater l’élévation quantitative relative pendant l’ingestion. En réalité, il n’a pas été possible de l’observer sur tous les lapins sans exception. Il y en avait (mais ces cas étaient fort rares) chez qui l’introduction de petites doses ne provoquait aucune augmentation des propriétés agglu- tinantes du sérum. Quant aux précipitines sur lesquelles se portait aussi notre attention, elles ne furent constatées que dans quelques sérums et en très faible quantité. On fit avec minutie la recherche du fixateur (substance sensi- bilisatrice amhocepteur), selon la méthode de J. Bordet et O. (fengouL Les sérums de tous les animaux furent éprouvés à cet égard. Il est superflu de dire que toutes les expériences ont été faites dans les mêmes conditions et que tous les sérums ont été com- parés au sérum normal. Dans les sérums dont la force agglutinante n’avait pas encore atteint un assez haut degré d’intensité, il ne fut jamais possible de constater la présence du fixateur. Les sérums qui agglutinaient au 1/20 de goutte n’en con- tenaient pas; ceux qui agglutinaient au 1/50-1/ 100 de gouttes en renfermaient des quantités insignifiantes. Enfin, avec les sérums agglutinant à 1/100 et surtout à 1/200 1. Annales de l'Institut Pasteur, XV, 1901, p. 289. PROPRIÉTÉS DU SÉRUM SANGUIN 581 de goutte, la réaction de fixation était toujours assez nettement prononcée. Ainsi, nous voyons que l’apparition, aussi bien que l’augmentation de la quantité du fixateur dans nos sérums va parallèlement avec l’apparition de Tagglutinine. Il nous reste à dire quelques mots sur l’épreuve de nos sérums quant aux propriétés préventives. Du petit nombre d’expériences que nous avons faites sur les cobayes, il résulte que les sérums de nos animaux ne possèdent pas de propriétés préventives appréciables. Tels sont les résultats des expériences sur les lapins adultes ayant ingéré des bacilles vivants. L’ingestion des mêmes bacilles, tués par le chauffage à 60° durant 1 heure, aboutit en somme aux mômes phénomènes, mais qui apparaissent dans le même ordre avec moins d’intensité. En d’autres termes, l’agglutination n’est pas aussi prononcée que dans les expériences décrites plus haut avec les bacilles vivants. Le sérum le plus actif que nous avons observé agglutinait à 1/50 de goutte. On peut en dire autant de l’apparition du fixateur. Nulle part il n’est apparu abondamment, bien qu’on puisse néanmoins en constater la présence. Les sérums ne possédaient aucune propriété préventive. Quant à la dernière série d'expériences relatives à l’ingestion de filtrat des cultures typhiques dans le bouillon et de la toxine de Besredka, nous avons opéré de la manière suivante : après avoir donné aux lapins, touslesjours ou par intervalles, le filtrat par doses d’environ 10 c. c. durant 2-4 mois, nous avons fait ingérer la toxine à ces mêmes animaux, dans le but de savoir si elle renforcerait les propriétés du sérum. Nous n’avons pu constater aucun accroissement. En général, dans ces expériences, bien que les propriétés agglutinantes des sérums se soient mani- festées, l’agglutination fut toujours insignifiante (environ 1/20 dégoutté). Nous n’avons pas réussi éprouver la présence du fixa- teur; les sérums ne possédaient pas de propriétés préventives. II. Le régime du lait mélangé avec du son, où nous intro- duisions des bacilles vivants, ne change pas essentiellement les résultats. Le mélange de lait et de son suffit à provoquer des déjections liquides. Quant aux propriétés des sérums, leur inten- sité ne varie en aucune façon. 582 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. III. La dernière modification de nos expériences sur les lapins adultes consistait comme il a été dit à faire ingérer les cultures t^^pliiques vivantes ou mortes après un jeûne préalable de 1 ou 2 jours. Le résultat fut' à peu près le même que dans les expériences sur les lapins dans les conditions normales. EXPÉRIENCES PORTANT SUR LES PETITS LAPINS A LA MAMELLE Les expériences qui suivent ont été faites sur deux portées de petits lapins. Aux lapins de Tune des portées nous avons fait ingérer des bacilles morts, tués par le cbauffage à 60° durant 1 lieure. Habituellement nous commençions l’ingestion le 6° jour après la naissance, en nous servant toujours des cultures d'Ebertb de 24 heures sur gélose. L’ingestion était opérée de la façon suivante : on raclait la couché superficielle des bacté- ries à Taide d’une fine baguette en verre, et on transportait cette couche directement sur la langue des animaux; ou bien, avec de l’eau, on détacliait cette couche, puis on centrifugeait l’émul- sion d’aspect laiteux qu’on avait obtenue, on décantait le liquide et le culot bactérien était ingéré. Des 4 lapins de la première portée, 2 sont morts le 14® jour de l’expérience (19® de leur vie), après avoir absorbé, l’un environ 2 cultures et demi (en 3 doses) et l’autre environ 28 cultures (en 9 doses). L’autopsie de l’un et de l’autre n’a relevé aucun changement macroscopique dans les organes. Le tube digestif surtout fut soigneusement examiné sur toute son étendue. Les ensemencements des organes n'ont donné aucune culture. Quant à deux autres lapins, l’un fut tué par saignée à blanc le 23® jour de l’expérience (28® de sa vie), 13 jours après la der- nière ingestion, ayant reçu environ 42 cultures (en 9 doses); l’autre, ayant mangé environ 96 cultures (en 12 doses), fut tué par le meme procédé le 39® jour de l’expérience et 13 jours éga- lement après la dernière ingestion. L’autopsie de l’un et de l’autre a démontré que tous les organes étaient macroscopiquement normaux. Les ensemence- ments des organes n’ont donné aucun résultat. Le sérum de ces derniers lapins fut examiné par rapport à PROPRIÉTÉS DU SÉRUM SANGUIN 583 Pagglutination et à la présence du fixateur. Quant à Pagglutina- tion, on peut la constater, mais à un très faible degré (1/10 de goutte dans les conditions décrites plus haut). Dans l’un et l’autre cas, il n’y eut pas même trace de fixateur. fi lapins de l’autre portée recevaient, comme nous l’avons dit, des microbes tués. Les conditions et la méthode d’expéri- mentation étaient exactement les mêmes que dans le cas précé- dant, avec cette seule dilférence que l’émulsion d’aspect laiteux était, avant la centrifugation, chauffée durant 1 heure à la tem- pérature de fiO'^. De ces fi lapins, l’un mourut le 24® jour de l’expérience, après avoir reçu environ 32 cultures; 2 lapins sont morts le 26® jour, après avoir avalé 77 cultures chacun, et le 4® lapin est mort le 31® jour, après avoir mangé 4fi cultures. L’autopsie de ces 4 lapins n’a permis de constater aucune modification appré- ciable. Les ensemencements des organes, dans un cas seulement (chez le lapin mort le 26® jour), ont donné deux espèces de microbes : un diplocoque et un bacille; tous les autres ense- mencements restèrent sans résultat. Deux lapins furent saignés à blanc : l’un le 21® jour de l’ex- périence, ayant reçu environ 8 cultures; l’autre, le 22® jour de l’expérience, ayant reçu25cultures. Le sérum de ces deux lapins fut examiné au point de vue de leurs propriétés agglutinantes et de la présence du fixateur. Il ne s’est trouvé de fixateur ni dans l’un ni dans l’autre sérum; quant aux propriétés aggluti- nantes, le sérum du premier lapin n’en possédait aucune, le sérum du second agglutinait à un très faible degré (I/o de goutte). Il faut mentionner que, pour la comparaison, nous avons examiné le sérum d’un lapin de lait normal le 30® jour de sa vie. Ce sérum ne différait en rien de celui des lapins en expé- rience : il agglutinait à I/o de goutte. En résumé, nous pouvons adopter les conclusions suivantes : 1. — Le. sérum des lapins adultes normaux aussi bien que celui des petits lapins possède très souvent (dans la moitié des cas) de faibles propriétés agglutinantes pour les bacilles d’E- berth. 2. — Par l’introduction, dans le tube digestif des lapins adultes et des petits lapins, meme de grandes doses de bacilles 584 ANNALES DE L’INSTITUT PxVSTEUR. typhiques vivants, on ne peut pas réussir à provoquer chez les lapins quelque chose de semblable à la fièvre typhoïde de l’homme. La mort de deux petits lapins, observée par nous, s’explique, selon toute probabilité, soit par des causes étran- gères inconnues, soit peut-être par la simple intoxication ; cette dernière est d’ailleurs peu probable... 3. — Mais cette ingestion laisse néanmoins des traces dans l’organisme de l’animal. Il s’y opère une'résorption des éléments d’origine bactérienne qu’on introduit. La preuve est que le sérum des animaux acquiert de nouvelles propriétés : on peut y constater notamment la présence d’agglutinines, de fixateur et quelquefois de précipitines. 4. — Ces sérums ne possèdent pas de propriétés préventives. .5. — L’ingestion des bacilles typhiques tués par le chauffage donne les mêmes résultats, mais avec une intensité moindre. G. — Après l’ingestion du filtrat de cultures typhiques en bouillon ou de toxine préparée selon la méthode de Besredka, bien qu’on réussisse à constater dans les sérums seulement l’appa- rition des propriétés agglutinantes, ces propriétés sonttrès faibles. 7. — Le régime du lait mélangé avec du son ne provoque aucunement l’apparition renforcée des anticorps dans le sérum. 8. — Le jeûne de 1 ou 2 jours, auquel on a soumis les lapins avant chaque ingestion, ne change pas les résultats. 9. — Le sérum des petits lapins qui ingèrent des l)acilles typliiques morts ou vivants n’acquiert aucune propriété nou- velle. Ce fait peut être interprété de deux manières différentes : ou la vraie résorption des produits microbiens ne se produit pas chez les petits lapins, ou bien cette dernière existe, mais l’organisme n’est pas en état d’élaborer de nouveaux produits. Pour lerminer, nous joignons à cet exposé quelques tableaux concernant les expériences décrites. Nous poursuivons nos recherches dans la même direction, mais en employant cette fois de vraies toxines. Il nous reste l’agréable devoir d’assurer de toute notre gra- titude M. le professeur MetchnikolF qui nous a proposé cette étude et nous a permis de travailler dans son laboratoire. Nous adressons aussi nos sincères remerciements à M. le docteur Besredka, pour le concours dévoué qu’il nous a prêté au cours de notre travail. PROPRIETES DU SERUM SANGUIN 585 LAPINS ADULTES (6). — Ingestion de microbes vivants. DATE Jour à par- tir du dé- but de l’exp. POIDS TEMPE Matin . RATURE Soir. NOMBRE de cultures in- gérées. AGGLUTINATION 15 1 1.602 » 38,5 Emulsion de 1 h. 30, 1/5 de goutte de 1 cuit. sérum. 16 2 » 38,6 39,0 Em. de 1 cuit. 17 3 » 39, 5 39,4 — 1 — 30 m., 1; 1 h., 1/2, 1/5; 1 3 h., id. ll8 4 » 38,8 40,4 4 119 5 1.532 39,7 39,6 4 120 6 » » 39,7 s^’22 8 » 39,2 » 15 m., 1,5; 30 m., 1/10 ; “ \ 1 h., l '20; 20 h., 1/50. 9 1.545 39, 0 » 2i 10 » 39,4 39,8 25 11 )) 89, 5 39. G [2G 12 » 39,4 39,9 15 m., 1/50; 30 m., I MOO; 2 h., 1-/200; 20 h., id. 27 13 » 39,4 40, 1 29 15 » 39,1 40,1 si) IG » 39,1 39, 9 1 17 1.825 39,5 39,9 30 m., 1/100; 1 h. 30, 1/200. ! - 18 » 39, 1 » 19 1.9G0 39,2 » — 1 — 1 4 20 » ' 39,2 39,8 1 22 » )) 40,0 23 » 39, 5 39,7 — 4 2i » 39,5 39,8 25 » 39,4 39, G if '10 2G » 39,6 » 27 >) » 39, 7 _ 1 _ “S il3 29 » 39,3 » /l5 31 » 39,2 39,9 IG 32 » 39,4 » 15 m., 1/20; 1 h.. 1 100; 1 1 h. 30, 1 200. |17 33 » » 39, 8 Saign éo d’essai. 23 39 » » » 1 h., 1/50; 2 h., 1/200. 24 40 » » » O / 1 48 » » » J l 7 54 » » — 1 — J20 G7 » » » 20 m., 1/20; 1 h. 30, 1/100; 0 5 4 h., 1/200; 20 h., id. ^/24 71 2.720 » ,, — 4 — Ul 78 » » ), — 4 — . / ^ 8G » 1, >, — 10 — p, 14 92 2.795 » » — 10 — -5^18 96 » » » 50 m., 1/20; 20 h., 1/50, b ■ 1;100, 1/200. ^/21 99 » » ))■ - 10 — o(25 103 » » » — 20 — ',29 107 2.805 » » — 20 — MG 124 2.935 » ), • 20 h.. 1/100. ->ü 12s » » » 30 m., 1 /5 ; 1 li., 1/20 ; 20 h., 1/20, 1/5Ü, 1/100. 2 \22 130 )) » » — 13 — Saignée 0/ d’essai. \2G 134 » » » 1 44 » » — 20 — «( 9 148 » » » 586 ANNALES DE L’INSTIÏUT PASTEUR. LAPINS ADULTES (19). — Ingestion de microbes morts. t- 4) ^ NOMBRE DATE POIDS de cultures ingé- AGGLUTINATION t. ^ rées. O Sept. 8 30 m., 1/2; 1 li. 30, 1/5; 3 h., 1/10; 20 h., l 'IO. — 9 1 2.075 Em.de 2 cuit. — 10 . 2 » — 2 — — 11 3 » 2 — 12 4 2.000 - 3 — — 14 6 » — 3 — — 15 7 » — 3 — — 17 9 » — 3 - — 18 10 » — 3 — — 19 11 » — 3 — — 21 13 » 30 m., ; 1 b. 1/2; 2 h., 1/5; 3 h., l'iO; 20 h., 1/20, 1/ûO, 1/100. — 23 15 )) — 6 — — 28 20 2.055 — 14 — Üct. . 17 39 2.230 15 m., 1 '10; 1 h.. 1/20; 1 h. 15, 1/50; 20 h., i/iOO. — 26 48 » ~ 16 — Nov. 5 58 ■ Saignée d’essai. — 10 63 » — 20 — — 17 70 » ■— 20 — Déc.. 1 84 » — 12 — — 15 98 » 30 m., 1 10; 1 h. 15, 1/50; Saignée 2 h., 1/50; 20 b., 1/100, 1/200. d’essai. LAPINS ADULTES (22). — Ingestion de microbes vivants. DATE Jour à par- tir du dé- but (le l'exp. 1 ■ POIDS NOMBRE de cultures ingé- rées. AGGLUTINATION Sept. 10 » 0. — 11 1 )) Eni. de 1 cuit. - 12 2 » — 2 — — 14 J ;; 4 2.215 — 3 — — 16 O 6 » — 3 — 17 7 » — 3 — — 18 '8 » O — — — 19 9 » _ 4 _ — 21 11 » _ 4 — — 21 14 . » — 6 — — 28 18 2.490 — 15 — Oct. . 19 39 2.600 30 m., 1 ; 2 b., id. , 20 b., 1/5. — 26 46 )) — 13 — — 31 51 » — 26 — Nov. 5 56 » — 20 — — 12 63 » — 20 — — 24 75 » 20 m., 1/5: 1 b. 20. 1/10; Saignée 4),., 1/20; 20b., 1/20, 1 50. d ’cssai. Déc.. 10 91 MAL DE CADERAS ' CHEZ LES ANIMAUX DOMESTIQUES ET SAUVAGES {ÉPIDÉMIES PARALLÈLES) Par les D>s M. ELMASSIAN et E. MIGONE Malgré l’apparition, dans ces derniers temps, de nombreux travaux sur le mal de Caderas, l’important problème de son mode de propagation n’a pas encore reçu sa solution définitive. Le rôle vecteur des Diptères ailés a été parfois soutenu ; mais cette théorie manque jusqu’ici de bases positives. Nous avons déjà exposé ailleurs ‘ des faits qui sont contraires à cette manière de voir, sans pouvoir, du reste, lui en opposer une autre. Pour effectuer une série d’expériences sur les champs infectés mêmes, nombreux au Paragua3^, il nous aurait fallu des installations très coûteuses, pour le moment inabordables eu égard aux ressources modiques de notre Institut. Dans cet ordre d’idées, nous nous proposons d’exposer en (juelquos lig-nes l’iiistoire d’une épidémie produite à la fois sur les animaux domestiques et sauvages d’une localité. Elle mon- tre la corrélation étroite qui existe entre ces deux séries d’in- fections parallèles, et elle permet de comprendre l’origine, jus- qu’ici très obscure, des épidémies spontanées et localisées au milieu des régions désertes. * ■ » * L’un de nous (Migone) possède sur le lac d’ipacarai (Para- guay), — plus exactement sur un des côtés de la petite rivière qui relie ce lac au Rio Paraguay et qui porte le nom de Rio Salado, — une propriété où se pratique l’élevage des bœufs et des chevaux. Cette propriété a la forme d’un rectangle allongé, et est limitée d’un côté par ce Rio Salado, dont les environs très marécageux sont infestés d’innombrables carpincbos (Ihjdro- choerHs capibura), et de l’autre côté par une forêt vierge inextricable. Les deux extrémités de ce rectangle sont fermées par des fils de* fer tendus horizontalement (alambrado). La 1. Cos Annales, L XVII, 1903. 588 ANNALES DE L’INSTITUÏ PASTEUR. région, bien que très insalubre pour les chevaux, n’a pas pré- senté de mal de Caderas depuis 8 ans, en dépit de quelques cas constatés de temps à autre aux environs. L’année dernière (1903), en mars-avril, les domestiques de la ferme se mirent à chasser des carpinchos pour en vendre la peau et laissèrent manger leurs cadavres aux chiens chasseurs; ils périrent les uns après les autres ; les autres chiens et les chevaux de l’élevage restèrent en bonne santé. Dans les premiers mois de cette année (1904), une nouvelle chasse fut organisée, et cette fois encore, suivant la coutume, les chiens dévorèrent les cadavres encore chauds : nouvelle épizootie sévissant sur les chiens chasseurs àl’exclusion des autres; cette fois, 2-3 mois plus tard, le mal de Caderas apparaît sur les che- vaux avec des allures très alarmantes. Ne pouvons-nous pas en tirer une preuve à Tappui de notre thèse? Puisque tous les chiens vivent ensemble et sont exposés à la piqûre de tous les insectes ailés; il semble bien que ces insectes sont incapables de pro- pager la maladie. On peut penser aussi que l’origine de l’infec- tion chez les chevaux n’est pas les chiens contaminés, mais bien l’épidémie des carpinchos. Nous avons pu avoir dans notre laboratoire, aux différentes époques de l’épidémie que nous rapportons, plusieurs chiens et chevaux malades provenant de la propriété citée, et toujours il nous a été facile d’établir chez eux l’existence du Trypanosome du mal de Caderas. Il semble résulter de ce qui précède que les carpinchos paient un large tribut à la Trypanosomiase. Elle doit être chez eux à l’état latent, comme la peste chez les rats; plus résistants que les autres espèces sensibles, ils doivent servir d’agents de conservation pour le Trypanosome, durant des mois et des années entières. Ainsi s’explique le fait delà mortalité des chiens ayant ingéré la viande de carpinchos ne paraissant pas malades. Arrive-t-il des circonstances favorables pour la transmission du Caderas de ces derniers aux chevaux, nous aurons alors sous les yeux deux infections parallèles dont l’une, selon nous, sera la conséquence de l’autre. Tels sont, du moins, les commentaires (jue l’on peut tirer logiquement des faits observés. Nous ne voyons pas d’autre manière d’expliquer l’éclosion soudaine d’un foyer de mal d(i Cadei*as dans une localité isolée, à plusieurs MAL DE GADERAS CHEZ LES ANIMAUX DOMESTIQUES 589 kilomèires de distance de toute agglomération équine . Plus d’une fois, étant invités à rechercher l’origine d’un de ces foyers, nous avons pu découvrii-, dans les champs infectés, quelques petits ruisseaux on les carpinchos avaient élu domi- cile et où ils venaient mourir, comme l’indiquait la présence de plusieurs tas de leurs ossements sur les rives. Les chevaux qui, par la nécessité même de s’abreuver, ne peuvent pas s’éloigner des cours d’eau, sont ainsi exposés à la contagion. Quant à la question de la transmission du mal entre équins, et aussi et surtout des carpinchos à ces derniers, on est réduit à des hypothèses. Examinons tout cl’ahord les mœurs si bizarres de ces am- phibies, et nous verrons (ju’il y a là plus d’un détail des plus intéressants pour nous. Les carpinchos choisissent, pour y vivre, les zones de terrains à proximité des rivières et des lacs, par conséquent recouvertes de vastes nappes d’eau etd’une luxuriante végétation aquatique. Tous les jours, à la tombée de la nuit, ils sortent de ces endroits marécageux pour aller sur les parties assez sèches des rives où ils trouvent un pâturage plus tendre. C’est aux mômes heures que le bétail vient pour s’abreuver et se baigner. Etant donné le caractère farouche des carpinchos, on admet difficilement leur mélange avec d’autres espèces. 11 n’y a pourtant qu’à ce moment de la journée que la contagion puisse être réalisée. Les seuls vecteurs ailés que l’on puisse incriminer à cette heure nocturne sont les moustiques qui n’ont pas encore été, que nous sachions, mis en cause. Des moustiques recueillis sui- des rives infectées, broyés et inoculés aux espèces sensibles n’ont pas produit le mal de Gaderas, mais lors même que les Culicides auraient un rôle actif dans ce cas, on n’en pourrait pas déduire qu’il en est de même dans la transmission de l’affec- tion de cheval à cheval. Son épidémiologie telle que nous la connaissons s’y oppose formellement. Tuberculose osseuse et troubles circulatoires et trophiques l‘Aii LE 1)*’ N, F^ÉTROFF (de Saim-Péteksbouug.) (Travail du laboratoire de M. Metchnikolï. ) L'influence des troubles trophiques et vasomoteurs sur l’ap- parition des foyers locaux dans les maladies infectieuses est très peu étudiée. Des recherches sur les phénomènes dus à cette influence, ont été faites par Herman % Kasparek ^ et Hofbauer et Czychlarz ^ pour les infections pyogènes. Leurs travaux semblent avoir démontré que la congestion artérielle pure et simple (section du sympathique abdominal), ainsi que la congestion, suiyie de troubles de nutrition (section du sciatique), favorisent la localisation dans la patte d’un lapin ainsi énervée, des germes infectieux (staphyl., streptoc., pneumoc.), introduits dans le système circulatoire parla veine de l’oreille, par exemple. Vérifier ces données par de nouvelles expériences, concer- nant cette fois-ci l’infection tuberculeuse, tel fut le but de mon travail. Trois séries d’expériences furent exécutées à cet effet sur des lapins. Les deux premières consistaient respectivement en la section du sympathique abdominal et en celle du sciatique, la troisième en la ligature de la veine crurale. Toutes ces expé- riences furent suivies d’injections d’un virus tuberculeux très actif dans les veines de l’oreille des animaux. A l’autopsie, nous pratiquâmes toujours un examen très attentif des articulations et de la moelle des os longs des deux pattes postérieures de chaque animal. Des fragments de cette moelle furent, en outre, régulièrement soumis à l’examen microscopique en frottis et en coupes. Les résultats de ces expériences peuvent être résumés en 1. Herman, De l’inlluence Je quelques modiûcaüons... [Annales Pasteur. 1891.) 2 Kapsarek, Ueber den Einfluss des Nerwensystems... [Wien. klin. Woch., 1895, no 32-3.) 3. Hofbauer unu Czychlarz, Ueber die Ursachen... [Centralbl. f. allgem. Pathol.^ 1898, n"® 16,17. TUBERCULOSE OSSEUSE ET TROUBLES CIRCULATOIRES 591 quelques’ mots : pas une seule fois il n’y eut de préférence de localisation tuberculeuse pour la patte énervée ou congestionnée. Dans les .cinq cas où des foy(*rs tuberculeux purent être découverts dans les extrémités postérieures, ils se trouvaient situés symétriquement du côté intact, aussi bien que du côté opéré. Donc, aucune des conditions réalisées dans nos expériences ne suffit à provoquer l’apparition d’un foyer local de tuberculose dans l’endroit troublé. Ces conditions étaient les suivantes : congestion artérielle simple (section du sympathique,, 11 expé- riences réussies *), congestion veineuse simple (ligature de la veine crurale, 8 expériences réussies), congestion artérielle, suivie de troubles trophiques graves, allant parfois jusqu’à la formation de véritables ulcères trophiques (section du sciatique, 12 expériences réussies). A côté de ces résultats négatifs nous avons à noter un résul- tat positif très intéressant. Il concerne un lapin, ayant suhi le jour même de l’opération (section du sympathique), une fracture delà cuisse. A l’autopêie de l’animal, mort de tuberculose géné- ralisée, le foyer de la fracture représentait un hématome consi- dérable, un sac clos, rempli de caillots et à la paroi entière- ment recouverte de granulations frêles, grisâtres, criblées de tubercules. La moelle osseuse et les articulations de toutes les autres extrémités ne contenaient pas de tubercules. Il paraît donc clairement démontré par cette expérience et par d’autres expériences analogues, rapportées dans m?» thèse % que la rupture des vaisseaux, avec effusion sanguine dans les tissus, constitue réellement une condition prédisposante à la localisation du virus tuberculeux, circulant dans le sang. Quant au peu d’influence que paraissent exercer sur la loca- lisation de la tuberculose les troubles vasomoteurs et trophiques, cette particularité peut être mise à profit pour l’explication de la différence des lieux d’élection coutumiers à la tuberculose osseuse et à l’ostéomyélite aiguë. L’ostéomyélite, maladie essentiellement commune à l’âge de croissance, frappe le plus souvent les extrémités juxta-épiphy- 1. Nous désignons comme réussies les expériences où les animaux moururent avec une tuberculose indiscutable des organes internes. 2. PÉTROFF. Thèse de Saint-Pétersbourg, 1902, (Pages 41 et 47 et ligures 1 et 2, en russe.) 592 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. sairos des diapliyses. Ces endroits sont le siè^e de phénomènes de prolifération très intenses ‘ et, eomnie tels; ils sont particu- lièrement sensibles à toutes sortes de troubles nutritifs et circu- latoires. Or, ces troubles, comme nous l’avons vu ( travaux de Herman, Kasparek, Ilofbauer et Czyclilarz), favorisent la loca- lisation des microbes pyogènes. La tuberculose montre sa prédilection pour les épipbyses des os longs. La prolifération y est moins intense et par consé- quent les troubles de nutrition et de circulation y sont moins ressentis. Aussi nesont-ce pas ces troubles qui préparent l’appa- rition de foyers tuberculeux; ce seraient plutôt les traumatismes si fréquents et passant souvent inaperçus avec leur conséquence presque fatale : la rupture de vaisseaux sanguins, qui n’ont pas ici, comme dans les diapbyses, une couche musculaire pour les protéger. Je ne voudrais nullement exagérer la portée de ces expé- riences. Plus d’une cause, inconnue encore, doit exercer son influence sur la localisation de la tuberculose osseuse ; n’em- pêcbe que les faits indiqués aient leur importance, qui sera pré- cisée, je l’espère, par des recherches à venir. 1. Il est connu que les processus de prolifération sont beaucoup plus intenses du côté de la surface diapliysaire que du côté de la surface épiphysaire des « cartilages épiphysaires ». Le Gérant : G. Masson Sceaux. — Imprimerie Cliaraire. |8me année OCTOBRE 1904 No 10 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Les propriétés des antisensibilisatrices ET les théories chimiques de l’immunité Pau le I)-- JULES BOlîDET Directeur de l’Institut Pasteur de Bruxelles. Parmi les questions qui se rattachent àTétude de Pimmunité, celle de la spécificité des sérums est au nombre des plus impor- tantes et aussi, il faut le reconnaître, des plus difficiles à ré- soudre. Le problème est fort complexe. Les anticorps qu’on trouve dans les immunsérums sont, on le savait depuis long- temps, spécifiques, en ce sens qu’ils agissent sur certains élé- ments, et non sur d’autres. Mais, à coté' de cette spécificité d’ac- tion, il semble bien qu’on doive leur reconnaître, en outre, une spécificité d’origine. Par exemple, il convient de définir une sensibilisatrice quelconque (ambocepteur, fixateur) non seule- ment en désignant le globule ou le microbe qu’elle' impres- sionne, mais encore en précisant l’espèce animale qui l’a éla- borée. Deux sensibilisatrices, actives toutes deux contre le vibrion cholérique, mais dont l’une provient du lapin et l’autre 4u cobaye, ne se comporteront point, en toute circonstance, d’une manière complètement identique ; il en est de même pour ce qui concerne les sérums aniitoxiques. On sait notamment que la durée de l’immunité passive conférée par un sérum pré- ventif varie suivant que ce sérum provient d’un animal sem- blable à celui qu’on injecte, ou d’un organisme appartenant à une espèce diiïérente. 38 594 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. L’etiide des antisensibilisatrices est tout particulièrement susceptible de nous documenter à ce point de vue de la spécifi- cité des sérums, et notamment de nous apprendre si cette pro- priété est aussi stricte et absolue qu’on pourrait le supposer. A priori, il est assez rationnel de prévoir que c’est à propos des antisensibilisatrices (ou, d’une manière plus générale, des anti- corps) que la loi de la spécificité apparaîtra avec le plus d’évidence. Elles agissent en effet sur des substances qui, étant aussi des anticorps, sont elles-mêmes spécifiques et le sont, comme nous venons de le rappeler, au double titre de l’action et de la provenance. On a donc bien des chances, en les consi- dérant, de voir la spécificité se manifester de la façon la plus curieuse et la plus instructive. C’est en vaccinant des animaux contre un sérum hémoly- tique que l’on put signaler l’apparition d’une antisensibilisatrice dans le sang de l’organisme traité. Après avoir montré h en 1899 (à la suite des travaux de Camus et Gley, Kossel, sur l’anti- toxine du sérum d’anguille), que si l’on injecte à un animal d’espèce A (lapio) du sérum d’espèce B (poule), cet animal A fournit bientôt un sérum capable de neutraliser le pouvoir hémolytique du sérum B à l’égard des globules d’espèce A, nous fîmes connaître ensuite, d’une manière plus détaillée, les propriétés des sérums antihémolytiques ^ Ayant injecté à des lapins du sérum hémolytique spécifique, provenant de cobayes immunisés au préalable contre les globules rouges de lapin, nous constatâmes que ces lapins fournissaient un antisérum capable de paralyser l’inlluence hémolytique de ce sérum spé- cifique de cobaye, et qui, chose assez remarquahle, dirigeait son activité à la fois contre les deux substances intervenant dans l’hémolyse. D’une part, en effet, il annihilait la sensibili- batrice caractérisant le sérum hémolytique de cobaye; de l’au- tre, il se montrait antitoxique à l’égard de l’alexine de cobaye ( pouvoir antialexique). Etant antialexique, cet antisérum proté- geait contre l’alexine (cytase, complément) de cobaye non seulement les hématies de lapin, mais aussi des éléments sen- sibles quelconques, tels que des microbes. Par exemple, des 1. Agglutination et dissolution des globules rouges par le sérum, mémoire. Ces Annales, avril 1899. 2. Les sérums hémolytiques, bmrs antitoxines, etc. Ces Annales, mai 1900. 595 TlïEOR[ES CHIMIQUES DE L’IMMUNITÉ. vibrions cholériques sensibilisés par du cholérasérum (de pro- v('nance quelconque, mais* préalablement privé de son alexine propre, grâce au cliauffage à o.5‘Q pouvaient, sans se transfor- mer en granules, être transportés dans du sérum frais de cobaye, pourvu que celui-ci eût été additionné d’une dose convenable de l’antisérum Bref, l’addition d’antisérum à Talexine de cobaye abolissait toutes les manifestations — soit hémolytiques, soit bactéricides — de cette substance. L’antia- lexine était nettement spécifique ; elle n’exerçait point d’in- fiuence sur les propriétés hémolytiques ou bactéricides des sérums provenant de la plupart des animaux autres que le cobaye. Le pouvoir antialexique de pareils antisérums fut étudié ensuite par divers observateurs. M. Wassermann, notamment, put confirmer Texpérience, ci-dessus rappelée, du rôle antiba(‘- téricide de l’antialexine ; il y apporta même une modification intéressante. Au lieu de neutraliser in vitra, par l’antiséruni* approprié, Talexine du sérum frais, il opéra in vira : injectant Tantisérum dans le péritoine, il put annihiler, dans la cavité même, chez Tanimal vivant, le pouvoir bactéricide de Texsudat. Quant au pouvoir antisensibilisateur, c’est surtout dans ces derniers temps qu’il a vivement intéressé les expérimentateurs. Nous nous en occuperons particulièrement et aurons l’occasion, au cours du présent mémoire, de rappeler lès faits qu’ils ont consignés. I PUOPHIKTÉS DES AXïiSENSIBJLISATRICES Pour étudier fructueusement les aiitisensibilisatrices , il faut tout d’abord être en possession d’un cas favorable, d’un exemple se prêtant bien aux expériences. Le pouvoir antisen- sibilisateur n’est souvent que faiblement développé dans les antisérums ; parfois même, on ne peut le déceler qu’à l’aide d’une technique un peu délicate ; en outre, on est en pareil cas forcé d’employer, pour neutraliser efficacement une quantité î. Cef, antiséruiii devait, bien entendu, avoir été privé de son alexine propre par le chautïage à Bo®. Cette température respecte l’antialcxinc qui. dans cetto expérience, protège les vibrions contre l’alexine de cobaye. 596 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. donnée de sensibilisatrice, des doses fort élevées d’antisérum, et cette nécessité constitue souvent un réel obstacle à la com- modité et au succès des expériences. U faut donc que l’on dispose d’un antisérum dont le pouvoir antisensibilisateur soit accusé; il faut aussi que la sensibilisa- trice contre laquelle l’antisérum est actif soit elle-même éner- gique. 11 est nécessaire en outre que les sérums neufs provenant des espèces animales identiques à celles qui fournissent respec- tivement la sensibilisatrice ou l’antisensibilisatrice soient aussi inactifs que possible ; ils interviennent en effet à titre de té- moins de comparaison, chargés de mettre en relief les propriétés spéciales des immunsérums. Ces conditions sont réalisées d’une manière très satisfaisante dans l’exemple que nous avons choisi, et qui est le suivant : La sensibilisatrice que nous ferons le plus souvent inter- venir est du sérum de lapins qui ont été soumis, au préalable, à 3 ou 4 injections de o à 7 c. c. de sang défibriné de bœuf. Nous emploierons aussi, dans certaines expériences, du • sérum de lapins immunisés contre d’autres globules, tels que ceux de poule ou d’homme. L’antisensibilisatrice est du sérum de cobages qui ont reçu, au préalable, à 12-15 jours environ d’intervalle, 2 ou 3 injections de 3 à 5 c. c. de sérum de lapin neuf. On les saigne lo jours après la dernière injection. Avant de servir aux expériences, ces sérums sont privés de leur alexine* par un chauffage d’une demi-heure ii 55-56^. Cette température respecte, on le sait, la sensibilisatrice et l’antisen- sibilisatrice. Pour plus de simplicité, nous désignerons les sen- sibilisatrices sous les noms de sérums « lapin-bœuf 50° )), « lapin-poule 5ü^ », « lapin-homme 56® », et l’antisensibilisa- trice sous le nom de « antisérum cobaye-lapin 56® ». Les sérums témoins seront naturellement : sérum lapin neuf 56®, séram cobaye neuf 56®. Gomment faut-il instituer les expériences susceptibles de mettre en évidence le pouvoir antisensibilisateur? A priori, on peut recourir à deux méthodes fort différentes. En premier lieu, on peut mélanger tout d’abord la sensibi- lisatrice et l’aritisérum, ajouter après un certain temps les glo- bules qui servent de réactif, et rechercher ensuite si ces élé- ments sont, grâce à l’antisérum, à l’abri de la sensibilisation à THÉORIES CHIMIQUES DE L’IMMUNITÉ 597 rinlluence de l’alexiae. Cette manière de procéder a été fré- (juemment adoptée par les auteurs. Elle fait intervenir l’antisé- rum k titre préventif, puisque la sensibilisatrice est neutralisée avant d’avoir impressionné les globules. Mais on peut tenter, d’autre part, de guérir par l’antisérum des globules déjà touchés par la sensibilisalrice. Des essais de ce genre ont été réalisés par Pfeiffer et Friedberger qui opé- raient non sur des globules, mais sur des microbes. Les expé- riences ainsi conçues sont fort comparables à celles que Mad- sen Kraus et LipschiUz ‘ instituaient lorsqu’ils guérissaient, par l’addition d’antitoxines appropriées, des globules déjà intoxiqués par des poisons bactériens. C’est ce second mode opératoire qui nous a paru mériter la préférence. Il permet, en effet, de faire agir l’antisérum sur une sensibilisatrice déterminée, à l’exclusion de toute autre. A coté de la sensibiliaatrice spécifique, le sérum lapin-bœuf contient vraisemblablement soit une, soit (d’après certains auteurs) un grand nombre de substances analogues, mais qui sont normales et préexistaient, avant l’immunisation, dans les humeurs de l’animal neuf. Si l’on commence par mélanger l’antisérum et le sérum lapin-bœuf, il est à présumer que ces sensibilisatrices normales participeront à la réaction. Mais si l’on a soin de mettre d’abord en contact le sérum sensibilisateur et les glo- bules de bœuf, de laver ensuite ceux-ci dans un grand volume d’eau physiologique pour éliminer le sérum en excès, puis de les introduire (ainsi chargés de la substance active spécifique qui électivement s’est fixée sur eux). dans l’antisérum, ce der- nier rencontrera uniquement la sensibilisatrice spécialement appropriée à ce genre d’hématies et qui leur est combi- nable. Reste à choisir l’alexine. Elle ne doit, bien entendu, ètie aucunement annihilée ou affaiblie par l’antisérum. Le plus simple est donc de faire intervenir le sérum frais de cobaye neuf, c’est-à-dire de l’espèce animale qui a fourni l’antisérum ; on peut prévoir, ce qui est confirmé par l’expérience, que ce 1. Centrabaltt fùr Bakleriologie, Orig-, t. XXXIV, p. 2. Zeitschrift für Hygiene, t. XXXII. 3. Idem, t. XLVI, p. 49. 598 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. dernier ne nuira pas ii cette alexine. D’autre part, celle-ci s’ac- corde très bien avec les sensibilisatrices employées L Voici comment, d’après ces données, on met en évidence l’inlluence antisensibilisatrice : On prépare tout d’abord, d’une part du sang sensibilisé, d’autre part du sang non sensibilisé destiné à servir de contrôle. On verse dans deux larges tubes 1 c. c. de sang de bœuf lavé à l’eau physiologique ^ Dans le tube A, on introduitensuite 2 c. c. de sérum lapin-bœuf 56°, et dans le tube B, 2 c. c. de sérum lapin neuf 56°. Environ une demi-heure après, on remplit les deux tubes d’eau physiologique, on agite et on centrifuge. On décante par aspiration la totalité des liquides, et on ajoute aux. sédiments de globules, pour les délayer, 3 c. c. de la solution physiologique. Les deux émulsions de globules obtenues ne diffèrent donc l’une de l’autre qu’en ce que, dans la première, les hématies se sont chargées de la sensibilisatrice spécifique et lui servent de véhicule. Préparons maintenant les mélanges suivants : Tube a, — On y introduit 1/10 de centimètre cube de sang sensibilisé, et 3/10 de centimètre cube d’antisérum cobaye- lapin 56o. Tube b. — Identique au précédent, sauf que l’antisérum est remplacé par du sérum de cobaye neuf 56° en quantité égale. . Tubes c et d. — Respectivement identiques aux tubes a et b, sauf qu’ils contiennent du sang non sensibilisé. On attend une heure environ, puis on ajoute aux quatre tubes 1/10 de centimètre cube de sérum non chauffé, et récem- ment obtenu, de cobaye neuf (alexine). • On constate alors que l’hémolyse s’effectue très rapidement, en quelques minutes, dans le tube b. Dans les tubes a, c, d, les globules sont encore intacts après 24 heures. L’absence d’hé- molyse dans le tube a est bien due à la neutralisation de la sensibilisatrice par l’antisérum. En effet, si l’on ajoute ultérieu- rement au tube a un peu de sérum lapin-bœmf 56°. on fait ap- 1. L’alexine d’homme convient également fort bien. 2. Ce sang lavé est « ramené à volume normal », c’est-à-dire qu’il est aussi riche en globules que le sang déübriné primitif. On verse dans un tube une petite quantité de sang défibriné, s’élevant à une hauteur qu’on note par un trait sur le verre. On remplit d’eau physiologique, on centrifuge, on aspire la totalité 04 termes (à vrai dire, nous nous réservons de faire bientôt à ce sujet des expériences plus complètes), que la combinaison anli- sensibilisatrice-sensibilisatrice spécifique se consolide en quelque sorte par le temps, et devienne ainsi moins apte à se laisser toucher par les sensibilisatrices normales du sérum de lapin neuf. D’autre part, la combinaison paraît aussi plus stable, plus solide (et moins attaquable par ce dernier sérum employé même à forte dose), si Tantisérum est très puissant. Que le sérum de lapin neuf contienne des substances douées d’affinité pour l’antisensibilisatrice, le fait n’a rien de surpre- nant. Nous avons fait voir en 1899 qu’on peut déceler, dans un neuf^ des matières fort comparables aux sensibilisatrices^ et MM. Ebrlich et Morgenroth ont fait connaître de nombreux exemples analogues. Aussi est-il (en présence de ces raisons et surtout de l’expérience que nous venons de relater) presque superflu de dire que si Ton ajoute tout d’abord du sérum de lapin 56'^ à de Tantisérum, celui-ci perd le pouvoir de protéger des globules sensibilisés contre Tinlluence de Talexine. Cela va de soi, puisque dans le cas même où les globules ont été déjà guéris par Tantisérum, l’addition de sérum de lapin neuf peut supprimer la protection que Tantisérum avait accordée. Un autre fait, qui résulte encore de l’évidence de ce qui pré- cède, c’est que des globules sensibilisés de bœuf, guéris par Tantisérum, puis lavés, et qui résistent si bien à Talexine de cobaye ou d’homme, se détruisent quand on les transporte dans Talexine de lapin, le sérum de cet animal rétablissant la sen- sibilisation. Le pouvoir de faire disparaître la guérison des globules opérée par Tantisérum se retrouve-t-il dans le sérum de lapin neuf, chaulfé à des températures dépassant notablement 56^? Oui, si le sérum a été chauffé à 70'^ pendant une demi-heure. Non, si Ton éprouve le liquide exprimé d’un caillot de sérum coagulé à 100®. D’autre part, ce pouvoir ne se retrouve pas ou n’est que faiblement développé dans l’humeur aqueuse de lapin 1. Elles ap})artienncnt à la mèaie catégorie de substances, mais elles semblent (sauf dans certains cas assez exceptionnels) fort inférieures aux sensibilisatrices spécifiques au point de vue de l’énergie des affinités qu’elles manifestent à l’égard des éléments sensibles. Au surplus, elles sont mal connues et ce n’est qu’avec certaines réserves qu’il convient de leur donner ce nom de sensibilisatrices nor- males. THÉORIES CHIMIQUES DE LTMMUiNITE. 605 neuf (chaulfée à 56°). S’il est dù, ce qui est bien vraisemblable, à des sensibilisatrices normales, celles-ci n’existent pas dans ce liquide, ou y sont très rares. Ce fait est en parfaite barmonie avec les résultats expérimentaux que nous avons communiqués en 1895, datis le mémoire (ces Annales) oii nous avons pu démontrer que le pouvoir bactéricide du cholerasérum est dû à la collaboration de deux substances bien distinctes, l’une spéci- lique, résistant à la chaleur, propre au sérum des vaccinés (matière préventive ou sensibilisatrice); l’autre, l’alexine ou matière bactéricide proprement dite, destructible à 55°, non spécifique, répandue en quantité approximativement égale dans le sérum des neufs et dans celui des vaccinés, — la première de ces substances préparant le microbe à l’action de la seconde. L’expérience déjà ancienne dont il s’agit consistait à mélanger de riiumeur aqueuse (chauliee à 56°) d’animal immunisé contre le vibrion cholérique, du sérum frais d’animal neuf quelconque et des vibrions; la baclériolyse ne se produisait pas tandis qu’elle s’opérait énergiquement si le mélange contenait, au lieu d’hu- meur aqueuse, du sérum (chauffé à 56°) provenant du mê.me animal. L’humeur aqueuse est donc d(‘pourvue de sensibilisa- trice. F.) Lorsqu’on observe qu’un meme antisérum, celui que nous étudions par exemple, neutralise plusieurs sensibilisatrices spé- cifiques provenant d’animaux qui, bien entendu, appartiennent à la môme espèce, mais qui ont été immunisés contre des éléments microbiens ou cellulaires différents, doit-on conclure que cet antisérum contient plusieurs antisensibilisatrices égale- ment différentes, respectivement combinables à chacune des diverses sensibilisatrices considérées? Ou bien faut-il admettre que Vantisévuni ne ren ferme qu une seule antisensihiUsafrice, capable de neulraliser, sans préférence spéciale, ces sensibilisatrices diffé- rentes f A vrai dire, cette question, sans avoir fait l’objet de reciier- •ches expérimentales directes, semble avoir reçu déjà, de. la part de MM. Wassermann ‘ et Ford% une réponse assez nette, à propos d’un autre problème. Ces savants se sont proposé d’élucider le point suivant : Dans bien des cas, on le sait, le 1. Zeitschrift fur Hygiene, t. XLII, p. :2G7, l'J03. :2. Idem, t. XL, p. 363, 190?. 606 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. sérum cTun animal neuf possède, avant toute vaccination, un pouvoir agglutinant ^ bien constatable, s’exerçant par exemple envers un globule d’espèce A. Mais si l’on immunise cet animal contre le globule A, l’agglutinine spécifique, qui se développe bienlot avec activité, doit-elle être considérée comme identique à celle (]ue l’on trouvait déjà, avant le traitement, dans le sérum normal? Bref, l’immunisation se borne -t-elle simplement à exagérer beaucoup la production d’un principe qui préexistait (au moins à faible dose), sans créer à proprement parler de substances nouvelles et particulières? S’il en était ainsi, l’immiinisation ne se signalerait que par une modification pure- ment quantitative. Or, 31M. Wassermann et Ford ont pensé que le fait (observé par M. Ford) que nous avons rappelé plus haut, suffit à éclaircir ce point obscur et démontre avec une parfaite évidence l’iden- tité des anticorps actifs sur le même élément, mais qui se rencon- trent respectivement dans le sérum des animaux neufs et dans celui des vaccinés contre cet élément. Le fait, répétons-le, c’est que des poules vaccinées contre le sérum de lapin neuf donnent un antisérum neutralisant rinfîuence agglutinante qu’exercent sur les hématies de poule, d’une part, le sérum de lapin neuf; d’autre part, celui de lapins immunisés contre ces mêmes glo- bules. Et la conclusion est la suivante : si l’antisérum obtenu grâce à l’injection de l’agglutinine normale neutralise aussi l’immunagglutinine, c’est que la seconde agglutinine est iden- tique à la première. A vrai dire, nous ne concevons point pourquoi MM. Wasser- mann et Ford considèrent ce raisonnement comme fondé. 11 ne serait valable que si l’on avait acquis, au préalable, la certitude qu’une antiagglutinine (ou antisensibilisatrice) unique ne peut, en aucun cas, neutraliser plusieurs agglutinines (ou sensibilisa- trices) différentes. Mais MM. Wasserman et Ford n’ont rien démontré de pareil. Pourquoi, dès lors, si nous formulions tout d’abord l’hypothèse contraire, — à savoir qu’une seule et même antiagglulinine (ou antisensibilisatrice) paralyse indilférem- 1. Il s’aj^it, il est vrai, dans l’exemple de MM. Wassermann et Ford, non de sensibilisatrices, mais d’agfilutinines. Mais ce n’est pas dépasser les bornes de la vraisemblance que d’appliquer aux sensibilisatrices des résultats obtenus à ]iropos d’agglutinines, et d’étendre par conséquent aux antisensibilisatrices des oonclusions relatives aux antiagglutinines. THEORIES CHIMIQUES DE L'IMMUNH’É. (■)07 ment, sans manifester de spécificité stricte, toutes les aggluti- - nines (Ou sensibilisatrices) diverses qu’une même espèce animale est susceptible d’élaborer, — pourquoi ne pourrions-nous pas admettre que les deux agglutinines en question, actives sur le globule de poule (celle du sérum de lapin neuf, celle de l’immun- sérumi, ne sont pas complètement identiques, présentent entre tdles certaines différences comparables, par exemple (ceci n’est qu’une comparaison), à celles qui séparent l’une de l’autre deux immunagglutinines provenant de la même espèce, mais impres- sionnant des globules différents? Pourquoi en effet devrions-nous accepter sans contrôle cette thèse, que MM. Wassermann et Ford semblent considérer comme un axiome, qu’à chaque' substance active correspond régulièrement un anticorps spécifique, stricte- ment et exclusivement approprié, ou que, ce qui revient au même, l’identité de deux substances résulte nécessairement du fait qu’elles sont neutralisées par le même anticorps? Pourquoi serions-nous finalement, en raison de l’expérience de M. Ford, forcés d’accueillir celte notion que l’immunisation se borne à augmenter dans l’organisme la dose d’une matière active, sans la changer en rien au point de vue qualitatif? On le voit, il est indis- pensable, avant d’admettre la conclusion de MM. Wassermann et Ford (dont l’importance relativement à la genèse des matières actives des immunsérums est évidente) de traiter tout d’abord la (juestion F posée plus haut. Or des expériences qui suivent h‘ démontrent) une même antisensibilisatrice peut neutraliser des sensibilisatrices qui sont différentes, qui le sont même nettement, car elles impressionnent des éléments différents. Quand on mélange à notre antisérum des globules de bœuf chargés (par absorption spécifique suivie de lavage) de sensibi- lisatrice lapin-bœuf, l’antisensibilisatrice, nous le savons, se consomme en guérissant les hématies sensibilisées, de telle sorte que le liquide surnageant, décanté après centrifugation, ne pro- tège plus de nouveaux globules sensibilisés. Mais ce liquide ne protègera-t-il pas davantage des globules différents des premiers, chargés d’une autre sensibilisatrice, par exemple des globules de poule traités par du sérum lapin-poule? L’expérience, dont le détail suit, répond négativement. La môme antisensibilisatrice neutralise donc deux sensibilisatrices différentes (lapin-bœuf et lapin-poule). On démontre en même temps, bien entendu. 608 ANNALES DE LINSTITUT PASTEUR. d’abord que des globules de bœuf traités par la sensibilisatrice lapin-poule (qu’ils ne fixent pas) ne font pas disparaître, dans l’antisérum, le pouvoir de protéger ultérieurement des hématies sensibilisées de poule ou de bœuf; — ensuite, que le sérum lapin-bœuf n’est pas sensibilisateur à l’égard des globules de poule. Du sang de bœuf préalablement lavé (et dont la richesse en globules est sensiblement égale à celle du sang défibriné pri- mitif) est réparti dans 2 larges tubes, à dose de 1, o centimètre cube, et additionné de deux volumes (3 c. 'c. ) soit de sérum lapin-bœuf 56'^, soit de sérum lapin-poule 30. On lave (rem- plissage des tubes par l’eau physiologique, centrifugation décan- tation), et l’on ajoute aux sédiments de globules 1, 5 centi- mètre cube d’eau physiologique. L’un des sangs obtenus est donc sensibilisé, l’autre ne l’est pas. De même, on prépare du sang de poule sensibilisé ou non, en suivant une technique identique, en soumettant donc les hématies à l’action soit de sérum lapin-poule 3G'’, soit de sérum lapin-bœuf 56°. D’autre part, on dilue, pour diminuer son activité et le rendre ainsi plus maniable, de l’antisérum dans volume égal de- sérum de cobaye neuf 56°. Appelons ce mélange antisérum dilué i. Préparons alors les mélanges suivants, dans lesquels l’anti- sérum se trouve en présence de fortes doses des 2 sangs de bœuf que nous venons d’obtenir : Tube A. On y met 1 c. c. de sang de bœuf sensibilisé, et 2,5 c. c., d’antisérum dilué. Tube B. Identique au précédent, sauf que le sang n’est pas sensibilisé (c’est celui qui a été traité par le sérum lapin-poule). Au bout d’une heure, on centrifuge et on décante les liquides surnageants A et B, dont le premier, nous pouvons le prévoir, est dépouillé d’antisensibilisatrice. Ils servent à la confection des mélanges suivants : Tubes C et D. Tous deux reçoivent 1 c. c. de liquide A; on ajoute, en outre, à C une petite quantité (1/10 de centimètre 1. Disons en passant que 4 parties de cet antiscrum protègent complètement, contre l’addition ultérieure d’alexine, une partie environ du sang sensibilisé employé dans l’expérience. Dans le tube de contrôle où rantisérum est remplacé pai’ du sérum de cobaye neuf o6°, riiémolyse n'exige que 5 minutes. 601> THEORIES CHIMIQUES DE L’IMMUNITÉ cube) de sang de bœuf sensibilisé, à D la même dose de sang de poule sensibilisé. Tubes E etF. Même cjomposition respectivementque les tubes G et D, sauf qu’au lieu d’y mettre du liquide A, on y verse du liquide B. ' On prépare encore des mélanges témoins, contenant I c. c. de sérum de cobaye neuf et l/K) de centimètre cube de sang sensibilisé de poule ou de bœuf, ou bien encore offrant la même composition, sauf que les globules ne sont pas sensibilisés. Ce sont les témoins sans antisérum. On attend environ 3/i d’heure, puis on ajoute aux tubes G,D,E,F, et aux témoins, 2/10 de centimètre cube d’alexine (sérum frais de cobaye neuf). On constate qu’aucune hémolyse, soit des globules de bonif, soit des globules de poule, ne survient dans les tubes E et F, qui contiennent du liquide B, c’est-à-dire de l’antisérum qui (n’ayant été en contact antérieurement qu’avec des globules de bœuf non sensibilisés) n’a pas été privé de son pouvoir antiseii- sibilisateur. Pas d’hémolyse non plus, cela va de soi, dans les témoins sans antisérum contenant des globules non sensibilisés. Au contraire, dans les tubes G et D, renfermant le liquide A (dont l’antisensibilisatrice a été au préalable consommée par les globules de bœuf sensibilisés), l’hémolyse des globules de poule ou de bœuf s’effectue très vite, tout aussi rapidement que dans les témoins sans antisérum, contenant des globules sensibilisés identiques. La même antisensibilisatrice neutralise donc les deux sensibilisatrices employées, les({uelles sont nette- ment différentes, puisque l’une, spécifiquement appropriée aux globules de bœuf, est combinable à ceux-ci, tandis que l’autre ne l’est pas. Au surplus, cette expérience n’était même pas indispensable, car la conclusion qu’elle comporte se dégage, avec une entière évidence, d’un autre fait, relatif aux propriétés du sérum de lapin neuf. Nous avons vu plus haut que, lors(|u’on ajoute à un mélange de globules sensibilisés, d’antisérum et d’alexine (dans lequel les hématies sont restées intactes, la sensibilisatrice ayant été annihilée) un peu de sérum de lapin neuf o(P, l’hémolyse apparaît; on doit admettre que ce dernier sérum renferme une substance capable de déplacer, au moins partiellement, la seiisi- 39 •ôlO ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. bilisatrice spécifique en s’emparant de l’antitoxine. Que cette substance ne doive pas être considérée comme étant de la sensi- bilisatrice lapin-bœuf, qui préexisterait en certaine dose dans le sérum des lapins neufs, cela résulte déjà du fait que ce dernier ne rend nullement les globules de bœuf plus sensibles à Tin- lluence alexique. Mais, pour en être plus sûr, et éliminer toute objection, recherchons si le sérum de lapin neuf se comporte encore de même lorsqu’au préalable on le traite par un grand excès de sang de bœuf. Versons dans un large tube 1 c. c. de sang défibriné de bœuf; remplissons d’eau pliysiologique, centrifugeons et aspi- rons tout le liquide, en ne laissant que le culot de globules, que nous délayons ensuite dans 1 c. c. de sérum de lapin neuf ob^. Le lendemain, centrifugeons cette émulsion, séparons le sérum -surnageant et versons-le sur un nouveau sédiment de globules préparé comme le précédent aux dépens de 1 c. c. de sang de bœuf. On peut espérer qu’à la faveur de ces deux contacts successifs, les globules auront absorbé, dans le sérum neuf, ce qui leur est combinable. D’autre part, on se procure du sang de bœuf sensibilisé et lavé (semblable à celui de la expérience). A deux tubes A et B contenant tous deux 1/10 de centimètre cube de sang sensibilisé lavé et 3/10 de centimètre cube d’anti- sérum, on ajoute tout d’abord 1/10 de centimètre cube d’alexine de cobaye; on additionne ensuite le tube A de 2/10 de centi- niètre cube de sérum de lapin neuf traité comme il a été dit. Les globules s’iiémolysent en une dizaine de minutes dans le tube A. Us restent intacts dans le tube B. Un témoin montre que l’introduction du sérum neuf ne produit aucune hémolyse dans un mélange en mêmes proportions de globules non sensibilisés, d’antisérum et d’alexine. On peut réaliser une expérience identique en se servant, au lieu de sérum de lapin neuf, de sérum de lapin-bœuf préalable- ment dépourvu (ainsi que le montrent des mélanges témoins) de toute activité spécifique grâce à deux contacts successifs avec des globules de bœuf. Le résultat est le même que pour le sérum de lapin neuf. Le sérum de lapin-bœuf se combine donc encore avec Tantisensibilisatrice, même s’il a été entièrement dépouillé de tout pouvoir sensibilisateur spécifique à l’égard des globule^’, de bœuf: si, en d’autres termes, il ne contient plus que des ïlIEOillES CHIMIQUES DE L’IMMUNITÉ (311 sensibilisatrices normales ‘ n’ayant pas d’aflinité spéciale pour ces liéniaties. On ne peut donc pas, comme le font MM. Wassermann et Ford, admettre sans autres preuves que deux sensibilisatrices {ou agglutinines) sont identiques parce qu’elles sont neutralisées par le même anticorps. La conclusion de ces savants relative à ndentité des agglutinines, actives sur le même globule, mais^dont l'une existe déjà chez les neufs tandis que Vautre est obtenue par inimunisation, ne découle pas de leurs expériences. Elle est peut-être exacte, mais rien jusqu’ici n’en démontre le bien-fondé. La réponse à la (juestion F est donc qu'une seule et même àntisensihilisatrice peut neutraliser plusieurs sensibilisatrices prove- nant de la meme espèce animale, mais agissant spécilîquement sur des éléments di/férents. Si, d’autre part, on tient compte de ce fait, noté déjà par plusieurs observateurs ( Elirlicli et Morgen- roili, Pfeiffer et Friedbèrgerj, qu’un antisérum obtenu par injec- tion à un animal A- d’un sérum d’espèce B n’agit pas sur (ou n’impressionne que rarement et faiblement) les sensibilisatrices fournies par des espèces G ou D, la conclusion doit être qu'au point de vue de Vinjluence de ranlisensibilisatricef il g a plus de parenté entre des sensibilisatrices de provenance commune, mais actives à l'égard d'éléments dijférents, ([U entre des sensibilisât l ices actives sur le même élément, mais gui ont été élaborées par des orga- nismes divers. U OBSEaV.VTlONS CONCERNANT LES THÉORIES C1U3IIQUES DE l’iM>IUNITÉ. L'étude des antisensibilisatrices suggère diverses remarques ■sur lesquelles nous croyons devoir attirer l’attention; elles nous paraissent en effet susceptibles de faciliter la compréhension de certains faits insuffisamment expliqués ou qui ont été l’objet d’interprétations parfois inexactes ou prématurées. Nous émet- 1. Insistons encore sur ce fait que, lorsque nous donnons à cos substances du sérum neuf le nom de sensibilisatrices normales, cette désignation assez conven- tionnelle signifle simplement que ces matières peuvent, comme les sensibilisa- trices spécitiques, se combiner à l’antisensibilisatrice. Mais nous ne savons pas grand’chose relativement à leur nature et à leurs autres propriétés. Et si nous leur donnons un nom précis, c’est plutôt pour faciliter le langage. 612 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. Irons donc quelques observations relatives, d’abord à la théorie d’Elirlicb, ensuite au mécanisme de l’immunité passive. Il est un troisième point toutefois qu’il serait utile égalem( nt de considérer de plus près : c’est la question du mode d’action des antitoxines sur les toxines, pour laquelle l’étude des anti- sensibilisatrices semble devoir apporter des renseignements intéressants. En effet, grâce à cette propriété que les globules possèdent d’extraire électivement, du sérum hémolytique o6‘^ la sensibilisatrice spécifique qui leur est appropriée, on peut facilement, nous l’avons vu, épurer la solution toxique, isob r •en d’autres termes la seule toxine que l’on désire soumettre à l’influence antitoxique. D’autre part, le fait que les sensibilisa- trices normales du sérum de lapin neuf (non toxiques pour les globules, mais douées néanmoins pour l’antitoxine d’une affinité très comparable à celle que manifeste la toxine véritable ou sen- sibilisatrice spécifique), ajoutées à la toxine déjà neutralisée (globules sensibilisés antisérum), font réapparaître celle-ci en s’emparant d’une certaine dose d’antitoxine, permettra, on peut l’espérer, de déterminer suivant quelle loi s’établit l’équilibre entre les substances antagonistes. Mais nos recherches à ce sujet n’étant pas terminées, nous ne discuterons point, dans le présent mémoire, les théories qui concernent la réaction des antitoxines sur les toxines. Nous nous bornerons pour le moment à signaler un fait tendant à faire admettre que l’annihilation d’une toxine par une antitoxine est rarement absolue, — soit que la réaction ne s’opère jamais complètement, le mélange contenant toujours des traces de toxine libre (Arrhenius et Madsen), soit que, comme nous l’avons supposé, la neutralisa- tion d’une toxine par une antitoxine n’est en réalité qu’une alU'nuation, qui peut être plus ou moins prononcée, suivant que la toxine a fixé plus ou moins d’antitoxine. D’après notre hypo- thèse en effet, les deux substances s’unissent en proportions variables, peuvent donc fournir, entre ces deux termes extrêmes, toxine libre, toxine entièrement saturée, toute une série de com- posés intermédiaires dont la richesse en l’une ou l’autre matière dépend des proportions relatives employées pour constituer le mélange, et dont la toxicité baisse (sans devoir nécessairement se réduire à zéro au fur et à mesure qu’ils renferment plus d’antitoxine. On le sait, les toxones d'Elirlicb (dont on constate 613 THÉORIES CHIMIQUES DE LTMMUNITÉ Tapparitioa lorsqu'on mélange à de la toxine une dose d’anti- toxine qui ne suffît pas à réaliser la neutralisation complète) repl'ésentent simplement, pour Arrhenius et Madsen, une petite (jiianlité de toxine libre; pour nous, elles consistent en molé- cules toxiques insuffisamment saturées d’antitoxine et dont corrélativement la toxicité n’est qu’affaiblie sans être détruite. Or, il semble bien que nous assistions, lorsque nous mélangeons l’antisérum et la sensibilisatrice, à la formation de toxones dérivant réellement de la toxine elle-même, en ce sens que sous l’influence de l’antisérum, la sensibilisatrice ne subit qu’une diminution et non une abolition complète de son énergie pri- mitive. La sensibilisation, nous le savons, est très affaiblie, et c’est pourquoi les globules restent intacts dans les conditions ordinaires des expériences, c’est-à-dire quand ils baignent dans un milieu de composition convenablement approprii'e (sérum). Mais elle n’est pas, comme on va le voir, totalement annulée, car elle se trahit encore lorsque les globules sont rendus plus vulnérables par le séjour dans un liquide moins favorable à leur c )nservation (solution physiologique), lorsque, en d’autres termes, les conditions de milieu sont de nature à faciliter la manifestation du pouvoir sensibilisateur. En pareil cas, la pro- tection accordée par l’antisérum est inefficace; elle est impuis- sante à empêcher l’hémolyse. Ajoutons à2/10 de centimètre cube de sang de bœuf sensibi- lisé (en émulsion assez diluée dans l’eau physiologique), de l’antisérum en dose (6/10 de centimètre cube) notablement supé- rieure à celle qui suffit habituellement à protéger les hématies. Remplissons ensuite d’eau physiologique, centrifugeons et décantons tout le liquide. Au sédiment de globules, ajoutons 6/ 10 de centimètre cube de sérum de cobaye neuf ')fi'\ puis 2/10 de centimètre cube d’alexine de cobaye. Dans ces conditions, nous le savons, les globules sont encore intacts le lendemain. Réalisons d’autre part lamômeexpérience, avec cette variante qu’après le lavage, nous ajoutons au sédiment, au lieu de 6/10 de centimètre cube de sérum de cobaye neuf o6", 6/10 do centimèlre cube de solution physiologique de NaCl (à 7,6 ou même 9 0, 00) ; introduisons ensuite 2/10 de centi- mètre cube d’alexine. Nous constatons que l’hémolyse s’effec- tue avec une certaine lenteur, il est vrai, mais est complète au 614 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. bout d'une lieure environi. La guérison des globules n'était donc que relative; la sensibilisation, simplement atténuée, produit encore ses effets si les globules sont maintenus dans un milieu défectueux diminuant leur résistanceU Ne peut-on pas comparer ce fait avec celui que MM. Roux et Vaillard ont observé il y a longlemps déjà, et d'après lequel un mélange de toxine et d’antitoxine tétaniques, inoffensif pour des cobayes normaux, était dangereux pour des cobayes débi- lités antérieurement par la vaccination contre le vibrion cholé- rique ? Sans insister davantage, pour le moment, sur ces questions,, revenons au sujet proprement dit du présent chapitre. Throrie (VEhrlich. — Relative à l’origine des anticorps, elle consiste, on le sait, en ceci : quand on injecte à un animal une substance dont l’inoculation est susceptible de déterminer la production d'un anticorps, cette substance se soude à certains éléments chimiques (récepteurs) appartenantà des cellules déter- minées. Celles-ci, troublées, réagissent. Pour rétablir l'intégrité constante de leur constitution, elles élaborent de nouveaux récepteurs, lesquels, reproduits en abondance exagérée (la réac- tion étant trop intense), quittent la cellule et se déversent dans les humeurs, où ils constituent l'anticorps caractérisant le sérum obtenu. La théorie fournit donc une recette commode pour découvrir la nature des anticorps. Appliquons-la à l'antisensibilisatrice qui, dans nos expériences, neutralise notamment la sensibilisa- trice lapin-bœuf. Quand on immunise des cobayes contre le sérum de lapin neuf, il faut supposer, d'après la théorie, que les cobayes possèdent des récepteurs capables (comme ceux qu'on trouve dans les globules de bœuf) de se combiner à certains principes actifs (sensibilisatrices normales) du sérum neuf de lapin. Les récepteurs, atteints par l'injection, sont ultérieure- ment, grâce à la réaction cellulaire, reproduits avec activité, et l'excès se répand dans le sérum auquel il confère la propriété de 1. On s’assure de ce que des globules traités de la même manière, mais non seD'ibilisés, ne s’altèrent pas. On sait d’autre part que le sérum de cobaye n?uf5G° n’est pas antisensibilisateur. 2. Que l’eau pliysiologique rende les globules peu résistants à l'action de trac3s de sérum liémolytique, c'est un fait couramment observé par b s- oxpérimentateurs. 615- T[IÉOIllES CHIMIQUES DE L’IMMUNITÉ neutraliser la sensibilisatrice spécifique lapin-bœuf. En consév quence, l’antisensibilisatrice est constituée de récepteurs iden tiques ou très analog’ues à ceux qui dans le globule de bœuf se combinent à la sensibilisatrice’. Elle doit donc se comporter comme ces derniers, puisqu’elle n’est, si l’on peut s’exprimer ainsi, qu’une solution dans le sérum de semblables récepteurs. Cette constitution de l’antisensibilisatrice est au surplus bien celle que M. Morgenroth a récemment acceptée. Or, l’inexactitude de cette conception, issue de la théorie d’Ehrlicb, ressort à l’évddence des faits que nous avons signalés dans le présent article. Tout d’abord, si l’antisensibilisatrice était identique aux récepteurs de globules (de bœuf par exemple) intervenant dans les expériences, elle ne se combinerait pas à la sensibilisatrice déjà saturée de ces récepteurs, c’est-à-dire déjà fixée sur les globules. Et la guérison, par l’antisérum, des globules sensibilisés, serait impossible. D’autre part, si l’antisensibilisatrice était identique aux récepteurs dont il s’agit, il est clair que toute substance capable de se combiner à elle s’unirait aussi, de la même façon, aux globules de bœuf. Or, le sérum neuf de lapin contient des matières qui ne sont point combinables aux récepteurs des globules de bœuf (en etfet, ceux-ci n’en dépouillent aucune- ment le liquide) et qui pourtant sont tellement avides d’antisen- sibilisatrice qu’elles peuvent la disputer avec succès à la sen- sibilisatrice lapin -bœuf. De même, le sérum lapin-bœuÉ complètement dépouillé au préalable de‘ sa sensibilisatrice spécifique à l’égard des globules de bœuf, sature encore l’anti- sensibilisatrice. Bien plus, que la meme antisensibilisatrice sature indifféremment diverses sensibilisatrices, dont l’une est combinable aux globules de bœuf, tandis que les autres ne le sont pas, c’est ce qui résulte encore de l’expérience où nous montrons que l’antisérum, traité par des globules de bœuf chargés de leur sensibilisatrice appropriée, ne protège plus désormais d’autres globules d’espèce différente, impressionnés par une sensibilisatrice différente de la première. La théorie que nous discutons est encore en opposition directe avec le fait que l’antisérum enlève aux globules sensibi- 1. Selon la tenninologie de M. Ehrlicli, tous ces récepteurs doivent avoir le mémo groupement haptopliore. ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. Usés le pouvoir d'ahsorberl’alexine. Il est clair que si l’antisensi- hilisairice était formée de récepteurs de globules, sa combinaison avec la sensibilisatrice devrait, au même titre que celle de cette dernière substance avec le globule, s’emparer énergiquement de Talexine présente. Et c’est le contraire qu’on observei. En résumé, les faits suivants: J° l’antisensibilisatrice s’unit à la sensibilisatrice déjà fixée sur les globules appropriés et guérit ainsi ces derniers; 2^ Tantisérum doit son activité à une seule et même susbtance, conférant à cet antisérum le pouvoir de protéger des éléments sensibilisés différents, c’est-à-dire de neutraliser des sensibilisatrices différentes et qui en conséquence sont respectivement combinables à des récepteurs différents; par exemple, la môme antisensibilisatrice se combine non seule- ment à la sensibilisatrice lapin-bœuf, mais aussi à d’autres sensi- bilisatrices (normales ou spécifiques) incapables de s’unir aux bématies de bœuf; 3® l’antisérum enlève aux globules sensibilisés le pouvoir d’absorber Ealexiue, — ces divers faits nous paraissent formellement inconciliables avec la théorie d’Ehrlicb, et contri- buent à démontrer qu’en thèse générale, les antitoxines (ou autres anticorps) ne sauraient être assimilées aux récepteurs qui fixent les poisons. Nous les considérons toutes (qu'elles agissent contre les poisons microbiens, végétaux ou animaux) comme des substances de même ordre, d'origine cellulaire commune, appartenant à la môme catégorie de matières, offrant les unes avec les autres des liens étroits de parenté. Et si la théorie des récepteurs était vraie, aucune analogie n’unirait entre elles les -diverses anti- toxines, car — on peutraisonnablementl’admettre, semble-t-il, — les l'écepteurs atteints par les diverses toxines, microbiennes, animales ou végétales, doivent être bien différents suivant la nature et les propriétés de chacun de ces poisons 1 MM. Ebrlich et Morgenrotli ont consacré à l’élude des antisensibilisatrices la plus grande partie d’un mémoire^ dont l’importance, pour les partisans de la théorie des chaînes laté- 1. Si nous pouvions acc(‘i)ter les notions défendues par M. Ehrlieh et son vcole (notamment que la sensibilisatrice se combine avec l’alexine et qued’antre part chacune des propriétés qu’une substance peut manifester est représentée dans la molécule par un groupement particulier), nous dirions que l’antisensibi- lisatrice ne devrait s’unir qu’au groupement cytophile de la sensibilisatrice et non pas à son groupement complémentophile. C’est ce que l’expérience dément. Ueber Ilaemolyse VI Mittheilung. Berlincr Klin. Wochenschrift, 1901, no* TlIÉOlllES CHIMIQUES DE L’IMMUNITÉ 617 raies, est essentielle. Cet article, en elfet, est Eun de ceux qui ont le plus contribué à propager cette conception et qui ont paru fournir, en sa faveur, les arguments les plus convaincants. Les données qu’il renferme sont d’ailleurs en opposition for- melle avec les nôtres et nous devons les discuter. Mais nous envisagerons tout d’abord un travail récemment publié par M. MorgenrotliU On connaît l’hypotbèse de la « déviation du complément » (Komplementablenkung), formulée à propos des constatations de MM. Neisser et Wechsberg relativement à l’influence empê- (dianle qu’exerce, sur le phénomène de la bactériolyse (lorsque la dose d’alexine ajoutée aux microbes est assez faible), l’inler- venlion d’une quantité trop forte de sensibilisatrice. Il a été admis — sans démonstration directe, — que, les microbes ne pouvant absorber entièrement la forte dose de sensibilisatrice mise enjeu, l’excès de cette matière qui persiste dans le liquide s’unit à l’alexine, en ac<;apare ainsi une part plus ou moins im- porUinte, laquelle ne peut dès lors atteindre les microbes. Mais, chose assez singulière, ce rôle empêchant d’un excès de sensibi- lisatrice n’avait pu être constaté dans les expériences d’hémo- lyse, et M. Morgenroth s’est efforcé de combler cette lacune fâcheuse pour la théorie. Il admet tout d’abord que les sensibi- lisatrices hémotoxiques ont besoin, pour manifester beaucoup «l’affinité à l’égard de Ualexine, de s’ôtre au préalable combinées aux l écepteurs des globules appropriés ^ Par conséquent, dans un mélange de globules, d’alexine et d’une dose trop forte de .sensibilisatrice, l’excès de cette dernière substance, qui reste à l’état libre dans le liquide, ne peut s’emparer d’aucune portion d’alexine, car il exige, pour se montrer avide de complément, qu’on mette à sa disposition des récepteurs de globules. L’intro- duction de ceux-ci est nécessaire pour que la déviation du complément (alexine) se manifeste. Or, partant de cette idée (conforme à la théorie des chaînes latérales) que Tantisensibilisa- 1. Koiiiplcirientablenkung dur (-Jiliamolytisclie Anibozcploren. Centralblalt für Bakleriologie. Orig., t, xxxv, p. 301, 1904. i. On peut se demander pour([uoi les sensibilisatrices aniimicrobiennes ne ressenlent pas, au même degré, le même besoin. Il est certain (jue si l’expérience avait montré 1 inverse, c’est-à-dire que le phénomène d(' la déviation du complé- ment se constate pour riiémolyse et non pour la bactériolyse, l’explication n’en aurait pas soulïert : il eût suffi de la retourner. 618 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. trice est identique aux récepteurs de globules au point de vue de ses affinités (possède un groupement haptophore identique à celui des globules), M. Morgenroth a prévu qu’un mélange de sensibilisatrice et d’antisensibilisatrice devait pouvoir fixer une certaine quantité d’alexine, devait en d’autres termes se com- porter exactement comme un mélange de sensibilisatrice et de globules, lequel, ainsi que nous l’avons montré’, absorbe l’alexine avec beaucoup d’énergie. Il est clair que si l’on iden- tifie ces deux éléments : récepteurs de globules, antisensibilisa- trice, l’introduction, soit de l’un, soit de l’autre, dans un mélange de sensibilisatrice et d’alexine, doit provoquer, de la même façon, la consommation (fixation ) d’une certaine portion de celte matière active, et diminuer en conséquence la force hémolytique du liquide. Des globules sensibilisés, ultérieurement employés comme réactifs de l’énergie destructive, auront donc moins de chances de s’hémolyser si on les introduit dans un mélange d’alexine, d’antisensibilisatrice et de sensibilisatrice, que si on les plonge dans une mixture contenant en mêmes proportions l’antisensibilisatrice et l’alexine, mais ne renfermant pas de sen- sibilisatrice. La cause de cette différence réside naturellement en ce que, dans le premier cas, une partie de l’alexine aura été déjà consommée par le complexe « sensibilisatrice-antisensibi- lisatrice », lequel fonctionne exactement comme le ferait le complexe « sensibilisatrice-globules » puisque, d’après M. Mor- genroth, les termes antisensibilisatrice et récepteuj's de globules sont synonymes. Or, l’expérience a confirmé les prévisions de M. Morgenroth. On peut, en mélangeant (suivant des proportions soigneuse- ment calculées) de l’alexine (de cobaye), de la sensibilisatrice sérum lapin-bœuf et de l’antisensibilisatrice (sérum, chauffé à ')()'% de chèvre qui a reçu des injections de sérum lapin-bœuf) constater que l’alexine ne persiste plus à l’état libre. En effet, si l’on ajoute au bout de quelque temps des globules sensibilisés, d’une part à ce mélange, d’autre part à un mélange identique, sauf qu’il ne contient pas de sensibilisatrice, l’hémolyse peut, si les doses sont convenablement choisies, apparaître dans la seconde mixture, et faire défaut dans la première dont l’alexine semble avoir disparu. 1. Ces AJinaleSy mai 1900. 619 THÉORIES CHIMIQUES DE L’IMMUNITÉ Seulement, M. Morgenroth ne démontre point que les effets observés sont dus bien réellement aux substances qu'il met en cause. Rien ne prouve que la disparition de Talexine soit due à ce que cette substance s'est combinée à la sensibilisatrice lapin-bœuf soudée elle- même aux récepteurs, c’est-à-dire à Uantisensibilisatrice. Pour démontrer que cette sensibilisatrice commande le phénomène, en d'autres termes accapare dans ces conditions l'alexine, il aurait fallu constater notamment que Ton n'obtient nullement le même résultat expérimental, si on mé- lange de Talexine, de Uantisensibilisatrice et de Timrnunsérum lapin-bœuf préalablement dépouillé de sa sensibilisatrice spéci- fique grâce à un contact préalable avec les globules appropriés U Le phénomène observé par M. Morgenrotb nous paraît, en effet, justiciabled’une explication toutedifférente. Outre Talexine, deux sérums interviennent dans l'expérience. Le premier (anti- sensibilisatrice) a été obtenu par injection (à des chèvres) du second (sérum de lapins immunisés contre les globules de bœuf). 11 est certain que le premier est antisensibilisateur à l'égard du second, en ce sens qu’il peut neutraliser la sensibilisatrice spéci- fique de ce dernier. Mais il est aussi, à un autre point de vue, sensibilisateur à l'égard de ce second sérum, et c’est ce dont M. Morgenrotb ne tient pas compte. En effet, Tantisérum (^sérum I) provient d'animaux injectés de sérum d’espèce étran- gère (sérum II) et, à ce titre, il doit sensibiliser le sérum II con- sidéré comme solution d’albuminoïdes, exactement comme du sérum d'animaux vaccinés contre du lait sensibilise celui-ci, c'est-à-dire confère à certains constituants du lait le pouvoir d'absorber Talexine L M. Gengou a mis en évidence ce fait inté- ressant que Ton peut obtenir des « sensibilisatrices antialbumi- noïdes » tout à fait comparables aux sensibilisatrices antimicro- biennes ou antihématiques, et qui, comme ces dernières, provoquent la fixation de Talexine par Télément impressionné. M. Gengou a prouvé l’existence de semblables sensibilisatrices non seulement dans le sérum d'animaux immunisés contre du lait, mais encore (et ceci rentre tout à fait dans les conditions expérimentales de M. Morgenrotb) dans celui d’organismes 1. Oa bien encore si l’on mélange de l'alexine, de l'anlisensibilisatiice et du sérum de lapin neul'. 2. Gengou, Sur les sensibilisatrices d(‘S sérums actifs contre les substances albuminoïdes. Ces Annales, octobre 1902. 1)20 ANNALES DE L^NSTITUT PASTEUR traités par du sérum étranger. On peut donc supposer que l'absorption d’alexine est opérée, non par le complexe résul- tant de l’union de l’antisensibilisatrice avec la sensibilisatrice spécifique pour les globules de bœuf, mais simplement par certains albuminoïdes sensibilisés appartenant au sérum lapin- bœuf. La conclusion de M. Morgenrotli nous paraît donc, jusqu’à plus ample informé, inacceptable. Pour nous, la théorie de la déviation du complément par l’ambocepteur (sensibilisatrice), est une légende. Quant à l’identité des récepteurs et des anti- corps, elle nous paraît, nous l’avons dit, inadmissible. Incom- patible avec nos résultats, elle ne rencontre aucune confirmation dans les recbercbes de 31M. Pfeiffer et Friedberger, dont le zèle pour la théorie d’Elirlicb reste d’ailleurs inaltérable. Signalons en passant ce fait que, dans ses expériences, àJ . -Morgenrotb n’a point constaté que son antisensibilisatrice pût guérir des globules déjà sensibilisés. Ce résultat est différent du notre; il est vrai que nous n’avons pas employé le même anti- sérum. Mais on peut se demander si l’emploi exagéré, dans les mélanges, de la solution physiologique (laquelle, nous l’avons vu, nuit beaucoup à la protection des globules et doit autant que possible être écartée des expériences sur l’hémolyse) n’a pas compromis l’exactitude des observations de ce savant. Considérons maintenant, aussi brièvement que possible, les idées émises par MM. Ebrlicb et Morgenroth, à propos des anti- sensibilisatrices, dans leur sixième mémoire sur l’hémolyse. Ces savants étudient un immunsérum de lapins immunisés contre le sang de bœuf. Ils observent que ce sérum permet I hémolyse des globules de bœuf sous l’influence de diverses alexines, celles de cobaye et de chèvre notamment. Seulement, ils constatent que, pour provoquer l’hémolyse, il faut sensibi- liser les globules plus fortement (en d’autres termes, il faut les ti’aiterpar une dose plus forte d’immunsérum chauffé) lorsqu’on met en jeu l’alexine de chèvre ({ue lorsqu’on fait intervenir l’alexine de cobaye. Ce résultat, à vrai dire, n’a rien de surpre- nant. On sait bien que les alexines d’animaux différents ne sont pas complètement identiques; il serait dès lors bien étrange qu’étant differentes, elles eussent toutes exactement la même aptitude à détruire une hématie déterminée; il ne faut pas 6^1 THÉOfllES CHIMIQUES DE L’IMMUNITÉ s’étonner, en conséquence, de voir certaines d'entre elles exiger, pour effectuer l’hémolyse, que les globules soient rendus très attaquables grâce à une sensibilisation fort énergique, d’autres espèces d’alexine détruisant sans peine des globules faiblement impressionnés par la sensibilisatrice. Mais MM. Ebr- licb et Morgenrotb rejettent cette explication si simple. Ils pré- fèrent admettre que l’immunsérum contient en réalité deux (ou davantage) sensibilisatrices distinctes x et /y; l’une (x), la plus abondante, est très efficace lorsqu’on emploie l’alexine de cobaye, qui lui convient, mais ne trouve pas, dans le sérum de chèvre, de complément (alexine) approprié avec lequel elle puisse s’accorder; cette première sensibilisatrice n’intervient donc pas dans l’hémolyse réalisée par l’alexine de chèvre. Mais d’autre part celle-ci convient très bien à la seconde sensibilisatrice (y) de l’immunsérum; toutefois, cette substance y n’existant qu’à faible dose, n’exerce ses effets que si l’on a soin de faire inter- venir une grande quantité d’immunsérum. Voilà pourquoi il faut employer beaucoup d’immunsérum lorsque, pour provoquer l’hémolyse, on se sert d’alexine de chèvre. Acceptons jusqu’à nouvel ordre, sans insister davantage sur son invraisemblance, cette thèse de la multiplicité des sensibilisatrices dans un même iminunsérum, et poursuivons. MM. Ebrlicb et Morgenrotb ont un second sérum (antisérum), qui peut neutraliser l’immunsérum lapin-bœuf et qui provient de chèvres injectées au préalable de cet immunsérum. Ils ajou- tent tout d’abord à une dose assez forte (que nous appellerons dose A) d’antisérum, une petite quantité de sérum lapin-bœuf, et introduisent dans ce mélange des globules de bœuf. Ceux-ci sont ensuite (après lavage) additionnés d’alexine de cobaye. Les globules résistent, ce qui démontre que le pouvoir sensibilisateur a été aboli par l’antisérum. La conclusion est la suivante : L’antisérum est antitoxique à l’égard delà sensibilisatrice ,rqui convient à Talexine de cobaye. MM. Ebrlicb et Morgenrotb réalisent ensuite une seconde expérience, fort semblable à la première, avec cette différence qu’ils mettent en jeu cette fois l’alexine de chèvre. Dans ces conditions l’antisérum ne paraît nullement protéger les globules : riiémolyse apparaît. Et voici la conclusion : L’antisensibilisatrice est tellement spécifique que, tout en étant apte à neutraliser la 022 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. sensibilisatrice elle se montre inactive à l’égard de la sensi- bilisatrice//, qui convient spécialement à Talexine de cbévre. Et ce fait contribue à prouver qu’il y a vraiment deux sensibilisa- trices distinctes. Seulement, le second essai diffère du premier par un détail dent il convient de signaler l’importance. Imbus de cette idée que l’immunsérum lapin-bœuf ne contient qu’en dose très faible cette sensibilisatrice particulière // qui s’accommode del’alexine de chèvre, MM. Ehriich et Morgenroth jugent indispensable de mélanger à la dose A d’antisérum (dose identique à celle mise en jeu dans la première expérience) une quantité d’immunsérum lapin-bœuf très supérieure à celle que contenait la mixture pré- cédente. Ils s’imaginent que cette technique se justifie pour celte raison qu’un volume même fort grand de sérum lapin-bœuf ne contient qu’une dose très modérée, nullement exagérée, de la sensibilisatrice spéciale ij qu’on désire soumettre à l’action de l’antisérumet qui seule doit intervenir dans l’expérience, étant seule capable d’opérer l’hémolyse avec le concours de l’alexine de chèvre. Ils ne songent point qu’en agissant ainsi, en ajoutant à la dose A d’antisérum un pareil excédent de sérum lapin-bœuf, ils introduisent dans cet antisérum, non seulement beaucoup trop de sensibilisatrice spécifique (qui seule attire leur attention ), mais encore une forte quantité de sensibilisatrices normales, lesquelles, nous le savons, accaparent et consomment la plus grande part de l’énergie antisensibilisatrice, empêchant ainsi, à l'insu de ces savants, l’annihilation par l’antisérurn, de la sensi- bilisatrice spécifique exclusivement considérée. Naturellement les globules s’bémolysent, il ne saurait en être autrement. Pour rendre imperceptible l’influence protectrice de l’antisérum, il n’eût point été nécessaire d’y introduire un pareil excédent de sérum lapin-bœuf; il eût suffi que l’excédent fût constitué sim- plement de sérum de lapin neuf. Et dans ces conditions, aucune protection des globules n’eût été observée, même si l’on avait employé, au lieu d’alexine de chèvre, del’alexine de cobaye. Les laborieuses considérations de MM. Ehriich et Morgenroth sur la nature des antisensibilisatrices, sur la multiplicité des anticorps et notamment des sensibilisatrices dans un même immunsérum, résultent d’une compréhension fautive et erronée des résultats expérimentaux. On voit par cet exemple que l’argumentation 623 THÉORIES CHIMIQUES DE T/IMMUiNITÉ employée pour défendre la théorie des chaînes latérales est loin d’être toujours inattaquable; elle est, dans certains cas, fort sujette à critiques et ne saurait être acceptée sans discussion. Théories de l’immunité passive. — L’immunité conférée par l’injection de sérum préventif présente certaines particularités qui dans ces derniers temps surtout, ont beaucoup attiré l’atten- tion. On pensait autrefois que l’org-anisme auquel on administre ■ par exemple de l’antitoxine, et qui bénéficie du pouvoir protec- teur de cet anticorps, se comporte comme un dépositaire passif de la substance immunisante, sans réagir contre élle, sans rien élaborer qui puisse l’annihiler, même si le sérum injecté provient d’iin animal différent de celui que l’on traite. Et si l’immunité passive est fugace, cela tient simplement toujours, croyait-on, à ce que les anticorps sont éliminés peu à peu, sans subir toute- fois d’altération dans l’organisme. C’était l’opinion générale, et nous la partagions, lorsqu’on 1893 nous avons fait connaître le fait de la collaboration nécessaire des deux substances (sensibi- lisatrice, alexine) dans la bactériolyse du vibrion cholérique. L’animal immunisé par le cholérasérum et qui corrélativement acquiert, comme l’avaient montré Fraenkel et Sobernheim, l’état bactéricide des humeurs, doit, nous avons pu nous en convaincre, ce pouvoir microbicide nouveau d’une part à ce qu’il possédait déjà antérieurement, comme tout animal neuf, l’une des sub- stances indispensables (alexine), d’autre part à ce qu’on lui pro- cure la seconde, la sensibilisatrice spécifique, présente dans le cholérasérum injecté. Le pouvoir bactéricide naît donc dans les humeurs de l’animal traité comme il apparaît dans un tube à réactif contenant du sérum frais d’animal neuf auquel on ajoute un peu de sensibilisatrice anticholérique; dans les deux cas, il reconnaît pour cause la rencontre de deux substances \ Et si ITmmunité disparaît bientôt, c’est que la sensibilisatrice répandue dans les humeurs se perd peu à peu par élimination simple. Cette explication du fait que l’immunité passive est fugace reste sans doute vraie dans les cas où l’organisme reçoit du sérum provenant d’un animal de même espèce. Mais, quand cet animal appartient à une espèce différente, la durée de Eimmunité pas- sive se montre, divers observateurs l’ont constaté, remarquable- 1. Gos Annales. Juin 1895, p. 506. 624 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUIL mont brève *. Et MM. Pfeiffer et Friedberger, à propos précisé- ment du cholérasérum, ont émis cette hypothèse fort plausible que si dans de tels cas l’immunité passive s’évanouit très vite, cela tient à ce que Vorganisme traité combat lui-même les matières actives injectées, en élaborant des principes antagonistes, notam- ment des antisensibilisatrices, susceptibles de les annihiler. On doit dès lors se demander si, en injectant à des animaux d’espèce A des immunsérums quelconques (antitoxines, agglu- tinines, lactosérum, etc.) provenant d’une espèce B, on obtiendra régulièrement, dans tous les cas, des antisérums comparables à ceux qui neutralisent les sensibilisatrices hémolytiques et que nous avons étudiés. Nous l’avons vu, MM. Pfeiffer et Friedberger ont obtenu un anticholérasérum. M. Schütze- a obtenu un anti- lactosérum. Mais MM. Kraus et Eisenberg % qui ont fait dans cette voie des tentatives nombreuses et systématiques, n’ont pu constater, chez le lapin, la production d’anticorps capables de neutraliser l’antitoxine diphtérique de chèvre, l’agglutinine typhique de cheval. Les résultats sont donc fort disparates. Pourquoi la loi qui régit ces phénomènes ne semble-t-elle pas générale? Pour concilier ces données contradictoires, on a émis, cela va de soi, l’explication suivante, conforme à la théorie d’Ehrlich : L’antitoxine diphtérique, l’agglutinine typhique ne manifestent d’afOnité que pour certains récepteurs propres aux bacilles diphtériques ou typhiques. Il est fort naturel qu’elles restent libres dans l’organisme auquel on les injecte, car elles n’y trou- vent point de récepteurs appropriés; ceux-ci, faisant défaut, ne peuvent être reproduits en abondance, et par conséquent on n’obtient point d’antisérum actif. On peut objecter à cette expli- cation que, si elle était vraie, MM. Pfeilfer et Friedberger n’auraient point obtenu d’antisensibilisatrice active à l’égard du cholérasérum. Mais il suffit, d’autre part, pour que cette remarque soit réfutée à son tour, de dire que, si l’organisme ne possède pas de récepteurs identiques à ceux des bacilles typhiques ou diphtériques (susceptibles par conséquent, d’abord, de fixer 1. Voir nolaïuiiient, à ce propos, parmi les travaux récents : Sciltze, i'ebe)* das Verschu'inden verchiedener . Immunsera aus dem tierischen Organisrnus. Festschr. v. 60 geburtst. v. R. Koch, p. (iüT. 2. Revliner Klin. Wochenschrift, tOOl, n" oO, p. 12G3. O. Centralblatt für Bakteriologie. Orij^inale, 1902, t. XXXI. p. 208. 625 THÉORIES CHIMIQUES DE L’IMMUNITÉ les matières actives impressionnaat ces microbes, ensuite, de se reproduire) il en possède au contraire qui ressemblent fort à ceux du vibrion cholérique. Et si l’expérience avait montré l’inverse, c’est-à-dire qu’on obtient plus facilement un antity- pbosérum quTin anticholérasérum, il eût été opportun d’affirmer, au sujet dej’existence ou de l’absence des récepteurs, exacte- ment le contraire. Bref, qu’on obtienne ou non l’antisérum que l’on cherche, ces résultats opposés sont tous deux également favorables à la théorie des récepteurs; en cas d’insuccès, ceux- ci manquent; ils existent si l’on réussit. Quoi qu’il arrive, leur intervention facilite, dans une large mesure, la compréhension des faits. Il est néanmoins possible, pour expliquer la divergence des résultats, de proposer une autre explication. Nous l’avons vu, quand on immunise des cobayes contre le sérum de lapin neuf, ces animaux fournissent un antisérum qui neutralise indifférem- ment soit diverses sensibilisatrices spécifiques de lapin (lapin- bœuf ou lapin-poule par exemple), soit les sensibilisatrices nor- males (ou les substances d’ailleurs peu connues, appartenant à cette catégorie) du sérum de lapin neuf. Bien plus, une dCuJe et niêiiie antisensibilisatrice confère à l’antisérum ses propriétés antagonistes, est susceptible en d’autres termes de manifester ces affinités diverses en s’unissant aux dilférentes sensibilisatrices. Il suit de là que, si l’on désire neutraliser efficacement, sans grande dépense d’antisérum, une sensibilisatrice spécifique déterminée (disons pour préciser la sensibilisatrice lapin-bœuf), il est fort utile d’obtenir tout d’abord celle-ci à l’état pur, sans mélange d’autres sensibilisatrices , avant de la soumettre à l’action de l’antisérum. L’énergie neutralisante de ce dernier est alors, dans sa totalité, exclusivement dirigée sur cette sensi- bilisatrice isolée : on la concentre, on la fait converger uni- quement vers le but poursuivi. Cette purification de la sensibi- lisatrice était réalisée dans nos expériences, grâce à l’absorption élective opérée par les globules mélangés de sérum lapin- bœuf ‘. Mais, si l’on néglige cette précaution, si par exemple on 1. A vrai dire, il serait désii-ablc que l’on p'it se procurer, par un autre inoyi'n, une sensibilisatrice spécifique à l’état pui-. On pourrait alors (ce qui serait d(' b('aueoup préférable) la soumettre à l’action de rantiséruia avant de ia mettre vn eontact avec b's ftiobules sensibles. Cidte technique est jusqu’à présent inexé- cutiibb'; mais elb; est théori([uemont beaucoup mieux ai)propriée que cclb' dont nous avons dû faire usage. En elhd, il se pourrait qu’une antisensibilisatrice ffd 40 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. Cr2Q mélange tout d’abord l’antiséruin à l’immunsérum complet qui\ à côté delà sensibilisatrice spécifique soumise à l’étude, contient d’autres principes analogues, on dissémine en pure perte reffet neutralisant. Lorsqu’à nos globules sensibilisés nous ajoutions, soit avant, soit même après les avoir mélangés à l’antisérum, des ' sensibilisatrices normales sous forme de sérum de lapin neuf 56*^ (ou bien sous forme de sérum lapin-bœuf expurgé au préa- lable de sa sensibilisatrice spécifique par contact antérieur avec des globules de bœuf), la guérison des globules était gravement compromise, parce que le pouvoir neutralisant cessait d’être concentré uniquement sur la sensibilisatrice dont le sort des globules dépendait. Si donc on mélange simplement (comme on le fait d’babitude) l’antisérum avec l’immunsérum complet contenant la sensibilisatrice spécifique (ou l’antitoxine, ou l’agglutinine, — car les remarques que nous venons d’émettre peuvent s’appliquer, semble-t-il, à l’ensemble des recherches relatives aux anti-anticorps) dont on veut abolir l’énergie, les. chances que Von aura de constater la neutralisation prévue dépen- dront de la teneur de Vininiunséruiu en sensibilisatrices .respective- ment spéci/ique et normales. Plus celles-ci seront abondantes, moins la spécifique sera atteinte par l’antisérum, et l’atténuation qu’elle subira pourra être si faible, que l’observation ne la déno- tera plus. Et si les antisensibilisatrices — on pourrait dire aussi les anti-antitoxines — ont la réputation d’être des substances, antagonistes d’une énergie plutôt médiocre — parfois même nulle — cela tient en partie tout au moins à ce que nous ne constatons point, dang leur ensemble, les elFets qu’elles produi- sent. Quand nous exigeons d’elles qu’elles neutralisent un anti- corps déterminé, quand nous leur présentons un immunsérum,. nous ne tenons pas compte de ce que leur pouvoir s’épuise à. saturer d’autres matières présentes aussi dans l’immunsérum, mais que notre expérimentation néglige et que nous ignorons. Il serait étrange que la proportion relative des substances iiic rencontreront j)eul-èti-e. 627 TIIÉOIUES CIlIMIQUliS DE L’J.M.ML'MTÉ actives, normales d'une part, spécifiques de l’autre, fût tou joui s la même dans les immunsérums, quels que soient les exemples clioisis, quelles que soient aussi les espèces animales dont le sérum provient. Il faut donc s’attendre à ce que les anti-anli- coi ps ne soient pas toujours décelables par l’expérience. De là sans doute l’irréj^ularité des résultats obtenus. Mais d’autres facteurs encore interviennent, susceptibles d’inlluencer ces résultats. Des affinités diverses entrent en confiit dans les expériences de ce genre. Il y a l’affinité de l’anti-anticorps pour l’anticorps spécifique, ou pour les substances normales de mémo catégorie, il y a l'affinité de l’anticorps spécifique pour l’élément ou matière sensible qui sert de réactif. Il faut consi- dérer en outre la plus ou moins grande vulnérabilité de cet élément, la plus ou moins grande stabilité de cette matière sensible. La résultante de ces facteurs divers est seule à nous apparaître et peut être variable, les résultats semblant dès lors incobérents, sans que les lois qui régissent ces phénomènes cessent d’être générales. L’étude de l’immunité est fertile en exemples (jue l’on peut invoquer à ce propos. C’est une loi générale que l’injection de microbes jirovofjue rapparilion do sensibilisatrices, et nous savons que celles-ci tendent à exalter l’activité microbicide de l’alexine; c’est pourtant un résultat assez exceptioniKd que d’obtenir un immunsérum fortement bactéricide pour les microbes inoculés. Pourquoi? Parce que s’il existe des microbes délicats, pour lesquels les sérums dt^ vaccinés sont funestes, il en existe beaucoup d’autres qui sont plus résis- tants, et ([ui, ensemencés dans unsemblable milieu, n’y subissent comme M. MetchnikolF l’a prouvé par tant d'exemples démons- tratifs, aucune avarie. Lorsqu’on injecte aux animaux un immunsérum dans l’espoir d’obtenir un anti-anticorps, on obéit assez naturelle- ment à cette idée directrice que l’animal va diriger particuliè- rement ses ell'orts contre l’anticorps qui intéresse et monopolise l’attention. Si l’expérience réussit et porte par exemple sur le cboléraséruni, si en outre ôn est partisan de la théorie d’Ebrlicb, on énoncera cette conclusion que l’animal fournit un anticlio- lérasérum parce qu’il a surproduit des récepteurs assez analo-. gués à ceux dont le vibrion cholérique est doué. En réalité les choses ne se passent pas ainsi. Si la cbolérasensibilisatrice est 628 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. touchée, elle ne le sera point en raison de ses qualités spécifi- ques et particulières, en raison de ce fait qu’elle impressionne le vibrion cholérique. Si elle est neutralisée, ce n’est point (( à titre personnel », si Ton peut s’exprimer ainsi; c’est uniquement parce qu’elle appartient, comme toute autre sensibilisatrice (et sans doute aussi comme les antitoxines) à une catégorie de substances qui déterminent une réaction, lorsque, provenant d’une espèce A, elles sont injectées à une espèce B. Et si un lan- gage très familier était permis, on pourrait dire que l’animal injecté ne s’inquiète nullement de savoir si l’anticorps qu’on lui administre influence les toxines tétanique ou diphtérique, ou bien encore impressionne les microbes cholérique ou typhique; les récepteurs de ces bacilles, les groupes baptopbores de ces toxines le laissent indifférent et ne commandent guère sa réac- tion. Mais ces anticorps appartiennent à la famille des matières actives du sérum. Ce que l’animal sait, ce contre quoi il proteste, c’est que certains membres de cette famille (sinon tous) déter- minent en lui un certain trouble, lorsqu’il ne les a point éla- borés lui-même, lorsqu’ils portent le cachet d’une espèce étrangère. N’oublions pas, au surplus, que l’injection d’immun- sérum comporte non seulement celle d’un anticorps spécifique, mais aussi celle (Je sérum neuf. Percevant donc la présence inusitée de ces matières étrangères, l’organisme sécrète une substance antagoniste. Et il se fait que celle-ci rut pas de spécificité stricte , ne choisit pas telle matière active plutôt que telle autre. Elle peut donc servir à protéger, dans les expériences, soit des microbes, soit des globules divers, contre les anticorps appro- priés dont on dispose. Si donc on peut neutraliser des anticorps spécifiques en se servant d’antisérum provenant d’animaux injectés simplement de sérum neuf (pourvu que ces anticorps spécifiques et ce sérum neuf aient été fournis par la même espèce animale, différente de celle qui a subi l’injection) — cela tient pré- cisément à ce que l’antisérum porte son action sur la catégorie tout entière des matières actives. Certes, on ne saurait nier que la réaction de l’animal pourra (théoriquement du moins) être plus intense s’il reçoit du sérum manifestant à son égard une très forte toxicité, s’il reçoit par exemple un immimsérum dont la spécificité est dirigée précisé- 629 THÉORIES CHIMIQUES DE LTMMÜiNIïÉ ment contre ses propres cellules C Toutefois, ce n'est point là, nous l’avons vu, une condition indispensable à l’apparition de la réaction — ce qu’on conçoit facilement du reste, car le sérum normal lui-même produit toujours certains elfets nuisibles sur les org’anismes d’espèce différente. Mais, lorsqu’on voit un organisme injecté d’un immunsérum spéciRquement actif à l’égard de microbes ou de cellules quel- conques n’ayant absolument rien de commun avec cet organisme, réagir en sécrétant une matière antagoniste capable de neutra- liser l’anticorps injecté, on ne pourrait légitimement conclure, nous semble-t-il, à VeæUtence nécessaire d’une identité ou d'une étroite parenté de constitution entre les éléments cellulaires de l’organisme et ceux ( microbes, cellules, produits microbiens etc.) vis-à-vis desquels le sérum injecté manifeste électivement ses propriétés spécifiques. Il n’y a point lieu de faire intervenir rid<^e de la communauté des récepteurs. En réalité, dans de tels cas, l’antisérum ne dillère pas de celui qu’on aurait obtenu en injectant simplement du sérum neuf; il porte, nous le répétons, globalement et indistinctement son action sur la classe toute entière des matières actives que le sérum étranger est suscep- tible de renfermer. Nous croyons donc que l’extrême fugacité de l’immunité passive créée par l’injection de sérum étranger doit réellement être attribuée à ce que l’organisme tend, en règle très générale, à sécréter une substance antagoniste. Si la présence de celle-ci ne se décèle pas toujours facilement dans les expériences, cela tient à ce que diverses conditions sur lesquelles nous avons insisté plus haut doivent être réunies pour que les elfets de cette substance se développent efficacement. Ceux-ci dépendent des doses employées et vraisemblablement aussi des affinités que manifestent les éléments divers participant à la réaction. Pour ce qui concerne les doses, il faut remarquer que lorsqu’on injecte un immunsérum dans le but de conférer l’immunité pas- sive, la dose de sérum administrée est toujours très faible rela- tivement à la masse de sang de l’animal traité; dans ces con- ditions, le pouvoir antagoniste qui se développe bientôt a plus de chances de se manifester que dans les expériences où l’on 1. Roiuarquons copondant que MM. Kraus et Eiscnberg n’ont point obtenu, en injectant à des chiens un immunsérum spécifiquement actif à l’égard des glo billes de cet animal, d’antisérum dont l’efficacité ait pu être décelée. 630 AA'NALES DE L’INSTITUT PASTEUR. a souvent une tendance à faire intervenir Eantisérum à dose véritablement trop minime. * ^ COVCLUSIOVS Un antisérum obtenu par injection, à des animaux d’espèce A, de sérum neuf d’espèce B, donne lieu aux observations sui- vantes : I. Des globules rouges divers, sensibilisés par des sérums hémolytiques appropriés (chauffés au préalable à o6'^) provenant de l’espèce B, perdent leur sensibilisation à l’alexine si on les met en contact avec l’antisérum. Toutefois la sensibilisation est plutôt fort atténuée que complètement abolie : elle peut en effet ^se manifester encore si les globules sont placés dans un milieu défectueux qui diminue leur résistance (solution physiologique ). IL Pour obtenir un antisérum capable de neutraliser diffé- rentes sensibilisatrices spécifiques qu’une même espèce B peut élaborer sous l’influence de traitements immunisants, il n’est pas nécessaire d’injecter aux animaux ces sensibilisatrices spé- cifiques, il suffit de leur injecter du sérum normal d’espèce B. Itl. Le pouvoir que Lantisérurn ainsi obtenu possède de neutraliser ces diverses sensibilisatrices spécifiques et aussi les anticorps du sérum neuf B (sensibilisatrices normales) doit être attribué à la présence dans cet anlisérum d’une anti- sensibilisatrice unique. Il n’y pas lieu d’admettre la multiplicité des antisensihilisatrices dans un même antisérum. Au point de vue de l’influence de l’antisensibilisatrice, il y a plus de parenté entre des sensibilisatrices de provenance commune, mais actives à l'égard d’éléments différents, qu’entre des sensibilisatrices actives sur le même^éléraent, mais qui ont été élaborées par des organismes divers. lY. L’antisensibilisatrice se consomme en agissant. Des glo- bules sensibilisés introduits dans l’antisérum enlèvent à ce der- nier le pouvoir de protéger désormais de nouveaux globules sensibilisés soit de même espèce, soit d’espèce différente. — De même, les anticorps normaux du sérum neuf B neutralisent ’antisérum. Y. L’antisérum guérit les globules sensibilisés en se combi- 631 THÉORIES CHIMIQUES DE LTM.MUNITÉ nant à la sensibilisatrice spécifique fixée elle-même sur ces derniers. Les globules ainsi préservés résistent àEalexine même si on les débarrasse par le lavage de l’excès du sérum protecteur. \l. Tout se passe comme si le complexe formé par Tunion de l’antisensibilisatrice avec la sensibilisatrice spécifique soudée au globule pouvait être décomposé ila sensibilisation réapparaissant) lorsqu’on le soumet à l’action des anticorps normaux (sérum neuf B ou bien encore immunsérum d’espèce B dépouillé au préalable de son anticorps spécifique par contact avec l’élément sensible approprié), ceux-ci étant capables de s’emparer d’une partie tout au moins de l’antisensibilisatrice précédemment combinée à la sensibilisatrice spécifique. VU. Le pouvoir de s’opposer à l’inlluence curatrice de l’anti- sérum sur les globules sensibilisés, que le sérum neuf B mani- feste grâce aux anticorps normaux ([u’il contient, résiste à la température de 70^, mais non â celle de 100'’. On ne le constate pas dans l’humeur aqueuse d’espèce B. Il a été démontré anté- rieurement que l’humeur aqueuse des animaux vaccinés ne con- tient pas de sensibilisatrices spécifiques. VIIL En saturant la sensibilisatrice fixée sur les globules, l’anlisérum enlève à ces derniers la faculté (conférée par la sen- sibilisation) d’absorber l’alexine. IX. On doit considérer comme insuffisamment démontrée l’opinion de certains auteurs relative à l’identité des anticorps, iïnpressionnant le même élément sensible, et que l’on trouve dans le sérum, d’une part des animaux neufs, d’autre part des animaux de même espèce immunisés contre cet élément. X. La théorie d’Ehrlich, d’après laquelle les anticorps spéci- fiques seraient identiques aux récepteurs cellulaires combinables aux substances contre lesquelles l’organisme est immunisé, est erronée. Les arguments tirés de l’étude des antisensibilisatrices, et qui ont servi à étayer cette théorie, ne sont pas valables. La thèse qu’un même immunsérum hémolytique renferme plusieurs sensibilisatrices spécifiques distinctes n’a pas reçu de sanction expérimentale. L’idée de la déviation du complément par un excès de sensibilisatrice est purement hypothétique. XL La brièveté de l’immunité passive conférée par une injection d’immunsérum d’espèce étrangère semble bien du3 à ce que l’organisme, en règle très générale, élabore une matière 63^ ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR antagoniste. L’influence de celle-ci n’est pas spécialement dirigée contre l’anticorps spécifique qui a conféré l’immunité. Elle s’exerce, d’une manière globale, sur l’ensemble des anti- corps (normaux ou spécifiques ) que le sérum étranger renferme. La production de la matière antagoniste n’est donc nullement subordonnée à l’existence d’une identité ou d’une étroite parenté de constitution entre les éléments cellulaires de l’organisme et ceux ('microbes, cellules quelconques, poisons, etc.) vis-à-vis desquels le sérum injecté manifeste électivement ses propriétés spécifiques. Il n’y a pas lieu, en d’autres termes, de faire inter- venir l’idée de la communauté des récepteurs sur la k orpues k Pau P. PORTIER. Travail du laboratoire de M. Gab. Bertrand. Historique. — Au cours de l’année 1903, Stoklasa fit paraître- une série de mémoires qui avaient pour but d’établir la possi- bilité d’extraire des tissus des végétaux, et meme des organes des animaux supérieurs, un ferment soluble analogue ou identique à la zymase de Bücbner; qui, par conséquent, provoquait la décomposition des sucres, du glucose par exemple, en un mélange d’alcool et d’acide carbonique. L’intérêt de cette découverte était considérable, aussi bien au point de vue de la physiologie générale que de la pathologie; les travaux sur la question se multiplièrent : nous allons d’abord les exposer successivement et en faire la critique. Le premier travail de Stoklasa paru dans le Journal de Hof- ineister \ a trait à la respiration anaérobie des plantes supé- rieures ( raves, pois, etc. ). 11 montre que cette respiration est iden- tique à la fermentation alcoolique; formation de GO% d’alcool éthylique et des produits accessoires habituels. En employant un procédé analogue à celui de Bücbner (organes broyés et soumis à 300 atmosphères de pression), il obtient un suc qui, traité par l’alcool et l’éther, fournit un ferment soluble capable de produire in vitro la fermentation alcoolique. Résultats analogues d’ailleurs avec les plantes non soumises à l’asphyxie. Stoklasa ne tarde pas à étendre ses recherches aux tissus des animaux. Il aurait constaté d’abord que des organes entiers (cœur, pou- mons, etc.), prélevés aseptiquement aussitôt après la mort de- l’animal, plongés dans une solution faible de sublimé, puis introduits dans une solution de glucose en présence d’une atmosphère d’hydrogène, provoque la décomposition du glucosa- 1. Voir les indications bihliograpliiques à la fin du inémoiir. 034 ANNALES DE L’INSTITUT PASTUR cil alcool ~(‘t acide carbonique. L’action n’est pas négbNi^eable puisqu’un cœur de chien, du poids sec de 21 grammes, produit en 10 jours D'L/JOG d’acide carbonique et 28^09 d’alcool. 11 serait possible d’extraire la zymase des organes en les hachant, les broyant avec du sable, et soumettant la masse à la presse hydraulique à 300 ou 400 atmosphères. Le liquide obtenu, précipité par un mélange d’alcool et d’éther, fournirait une pondre qui posséderait toutes les propriétés de la zymase. Le mélange obtenu im délayant cette poudre dans l’eau pourrait môme être filtré sur terre d’infusoire sans perdre ses propriétés, puisqu’à 37*^, elle produirait une fermentation immédiate L 11 existerait donc dans les différents organes (cœur, foie, muscle, etc. ) des animaux supérieurs un ferment analogue à la zymase. L’auteur assure s’être prémuni contre Tinvasion possible des bactéries, et n’avoir tenu compte que des recherches où les cultures des liquides d’expérience sur bouillon et sur gélatine n’ont donné que des résultats négatifs, ou tout au moins n’ont décelé que des bactéries incapables elles-mêmes de produire les effets observés. Feinschmidt cherche à reproduire les expériences de Stoklasa; il arrive à peu près aux mêmes conclusions, mais signale l’influence néfaste exercée par les antiseptiques sur le ferment de Stoklasa. Simacek s’attache à isoler le ferment du pancréas, il y par- vient: mais à la lecture de son travail, on est étonné du procédé employé pour faire la part de l’action due au ferment soluhle et de celle due aux bactéries; nous reviendrons sur cette question. Son travail ne tarde pas à être critiqué par Conheim qui n’obtient la glycolyse que par le mélange du suc de pancréas à celui de muscle. Bientôt paraissent de nouveaux mémoires de Simacek, de Stoklasa seul ou en collaboration avec Czerny, où les auteurs s’efforcent de réfuter les critiques de Conheim et insistent sur ce fait que l’action observée ne tient pas à la présence de bactéries. Batelli, employant la méthode indiquée par Stoklasa, constate que dans les solutions additionnées d’une quantité suffisante d’antiseptique, il ne se produit pas trace de fermentation. Si 1. C iutralhlalt f. Physiologie^ I t février 1903, p. 636, GLYCOLYSE DES ORGANES DES .MAMMIFERES 635 i’antisepiique est en quanlité insuffisante, la fermentation alcoo- lique s’établit, mais on peut toujours, dans ce cas, déceler la présence de bactéries, (ielles-ci se développent même dans les solutions contenant 30 0/0 de saccharose contrairement à l’opi- nion de Simacek. La lecture attentive des difierents mémoires de Stoklasa et de ses élèves révèle en etfet une sin2:ulière méconnaissance de la biologie des bactéries. C’est ainsi que Simacek, dans son mémoire du Centralbliitt F. Fhfjsiologie du. 18 juillet 1003, après avoir constaté qu’en 24 heures à 37'^ degrés il s’est produit de (ioO à 720 milligrammes d’acide carbonique et de l’alcool, reconnaît que les bactéries intervien- nent dans le phénomène observé. Il cherche alors à faire la part de cette action des bactéries en ensemençant 5 c. c. du liquide d’expérience dans une solution à 10 pour 100 de sac- charose. Dans ces recherches a de contrôle » ainsi que les qua- lifie l’auteur, il se forme la moitié (et quel(|ue fois davantage) de la quantité d’acide carbonique des expérences type, et Simacelc croit pouvoir en tirer la conclusion qu’une bonne part de l’action observée est due à la zymase. Aucun bactériologiste ne sera cependant étonné que des bactéries transport(*es d’un milieu donné dans un autre moins favorable (ici moins riche en albu- minoïdes) (( travaillent » moins bien que précédemment, et le fait de vouloir tirer d(‘s conclusions fermes d’une telle expé- rience jette une suspicion sur tout le reste du travail. L’auteur nous affirme bien, à la vérité, que les cultures faites avec B. Suc de ])i’csse do iiiusclo non précipita i.'i c. c. — — pancréas — 5 c. c. Glucose ? 1 gramme. 2 l^ourcs à 36°, sans antiseptique. L’analyse donne 1^'% 007 de glucose. Soit une dilTérencc en jdus de 0,7 })our 100, rentrant dans les erreurs d’analyse. G. Suc (le })resse de muscle non précipiti- 31 c. c. — — pancréas — o c. c. Fluorure de sodium à 4 0 0 14 c. c. Glucose 1 gramme. :£.■) heures à 36'*. On retrouve juste 1 gramme de glucose. E-rpérience IW — Miisde de b(eu[. Üu muscle de bœuf traité à la manière habituelle est soumis à la pression de la presse hydraulique. Le liquide qui s’écoule pendant les premières phases de ^opération, c’est-à-dire pendant (|ue la pression varie de 0 à 7o kilogrammes par centimètre carré, est rejeté; d’après Stoklasa,il contiendrait en effet pt‘u de ferment. * Le liquide s’écoulant de 7.7 à -300 kilogrammes par ciuitimètre carré est précipité par l’alcool-éther. On jirépare le flacon : l-^au distillée i lU c. c. Précipité sec 3 grammes. Glucose 1 gr. 'i 4 hohros à 30°, sans antiseptique. L’analyse donne l gr. 50, soit une différence en plus de 0c‘-,00, ou (i 0 0. lieni/nqiie. Cette production de sucre s'opère proliahlement aux dépens du glycogène contenu dans le muscle. Il serait pos- sible que ce phénomène vint masquer Faction de la zymase, aussi m’a-t-il paru dans ce cas utile de rechei'cher la présence de l’alcool. Pour cela, les 2/3 du liquide d’analyse du tlacon sontlégère- ment acidiliés par l’acide sulfurique, on distille 3c. c. au moyen de l’appareil deSchlœsing. On additionne Ce distillât de potasse ; caustique et d’iodure de potassium ioduré ; on perçoit immédiate- ment une odeur d’iodoforme. D’autre part, 1 goutte d’alcool à 73'^ est mélangé à 3 c. c. d’eau ; on traite de là même manière que précédemment, et on ohticmt '610 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. lin dépôt de cristaux d’iodoforme supérieur à celui du liquide d’expérience. Il n’existerait donc dans ce liquide que des traces d’alcool. Expérience V. — Foie de bœuf. (’.omrne dans l’expérience précédente, on recueille seulement le suc de presse qui s’écoule de 7o à 390 kilogrammes par cen- timètre carré. On précipite par Talcool-éther. On prépare les flacons : A. Eau distillée 10 c. c. (llucose. 1 gr. 50 Précipité 3 grammes. B. Eau distillée 10 c. c. Précipité 3 grammes. I*as de glucose. Les flacons sont laissés 3 heures et demie à 30 degrés sans addition d’aucun antiseptique. On procède à ce moment à leur analyse, et on trouve que A contient 1 gr. fil do glucose. B — 0 gr. 19 — Donc, encore ici, on ne constate aucune disparition de sucre, il y a même apparition dans le flacon A de 1,61 — l,o0 == 0"^11 de glucose. Ce glucose s’est formé aux dépens du glycogène existant dans la liqueur, c’est ce que révèle l’examen du flacon B, dans lequel il s’est formé O^^IO de sucre. On voit que dans ce flacon B. il s’est formé plus de sucre que dans A (0"LI9 au lieu de 0"LM), soit0"%08 en plus; ce qui n’a rien d’étonnant, la saccharification du glycogène par les ferments, dans A. étant entravée par la présence du glucose ajouté. Expérience VL — Poumon de bœuf. Suc de presse obtenu en pressant de 0 à 375 kilogr. par centimètre carré, et précipité par Talcool-éther. On prépare les flacons. A. Eau distillée (ilucose Précipité . . . B. Eau distillée Précipité Pas de glucose. 10 c. c. 1 gr. 30 3 grammes. 10 c. c. 3 grammes. On laisse les flacons 3h. \/'l à 30'^ sans antiseptique. Au bout de ce temps, Tanalyse démontre que : OLYCOLYSE DES ORGANES DES MAMMIFÈRES G il A contient 1 4o B — 0 gr. 01 On voit donc qu’il a disparu O^^Oo de glucose^ ce qui donne une différence de 3,09 pour 100. En tenant compte de B, il aurait même disparu au plus Go^’jOG de glucose. En distillant une portion des liquides des flacons A, B et du flacon G immédiatement analysé, et dosant l’alcool au moyen du l)ichromate de potasse et de l’acide sulfurique, on constate que : A contient milligraninies d’alcool. B — 8 — G — 8 — — On voit donc que les petites quantités d’alcool qui existent dans les flacons ne sont nullement en rapport avec les quantités de glucose disparu. Conclusions. — 1'^ En présence d’antiseptiques suffisants, comme le fluorure de sodium à 1 pour 100, les sucs de presse des différents organes agissant à dG*^ et pendant 2 jours ne pro- duisent aucune glycolyse; 2*’ En l’absence d’antiseptique ou en présence de chloro- forme, les sucs de presse (ou leurs précipités) agissant pendant 2 à 3 heures à la température de 3(P à 30'^ ne sont encore capables de produire aucune glycolyse ‘. Avec le suc de certains organes riches en glycogène, on observe même une augmentation du pouvoir réducteur, ce qui tient à une transformation du glycogène sous l’influence de de l’amylase et de la maltase des tissus ; 3° Jamais, dans les conditions précédentes, on n’observe de formation d’alcool en quantité appréciable. J’ai toujours constaté, au cours de manipulations (broyage, extraction à la presse hydraulique), que les liquides d’expérience prenaient une réaction nettement acide, 'probablement due au développement des bactéries. En résumé, il m’a été impossible de retrouver les faits décrits par Stoklasa et Simaeek, même en réunissanl tonies les con- ditions e.rpérimmtales les pins favorables indiquées par ces auteurs. 1. Les faibles quantités de glucose disparues dans quelques cas i'ontrent dans la valeur des erreurs d'expér ience. 4J ■642 ANNALES DE L’INSTITÜT PASTEUR Je pense que la consomiiîation du glucose, dans lefi.expé- rieuces de longue durée des auteurs précités, tient au dévelop- pement de bactéries en présence d’antiseptiques insuffisants. Quanta la fermentation instantanée est intense qu’elle s’accom- pagne de productien de mousse, je renonce à l’expliquer, je constate seulement que je ne l’ai jamais remarquée. En terminant, je ferai remarquer que je n’ai opéré que sur •de glucose, mais d’après les auteurs précédents, Simacek en particulier, les bioses (saccharose, lactose) subiraient très éner- giquement la fermentation alcoolique sous l’action des sucs de presse des différents organes. Cette fermentation s’accomplirait •en deux temps : 1® dédoublement du biose sous l’influence d’un ferment soluble approprié (invertine, lactase), 2^ fermentation les hexoses formés sous l’influence delà zymase. Cette zymase d’après Stoklasa et Simacek serait très fragile; elle n’agirait pas en présence des antiseptiques en quantité suffisante pour empêcher le développement des bactéries; elle se détruirait spontanément dans l’espace d’une douzaine de jours. Mais on connaît bien les autres ferments (invertine et lactase), on sait qu’ils se conservent’longtemps à l’état sec, qu’ils agissent bien, meme en présence de fluorure de sodium à 1 pour lüO. On devrait donc pouvoir facilement constater la présence de ces ferments dans les sucs de presse des différents organes, sucs précipités par l’alcool-éther et conservés depuis 13 jours ou un mois. J’ai entrepris quelques expériences à ce sujet et elles ne m’ont donné que des résultats négatifs. J’ai confié les préci- pités que j’ai obtenu au moven des différents sucs à MM. Bierry et Permilleux; leurs résultats, qui seront publiés prochainement, sont aussi nettement contraires à la présence de lactase ou d’in- vertine dans les sucs de presse ; ils viennent donc aussi à l’en- contre des résultats de Stoklasa et Simacek. (l’est grâce aux bons conseils que m’a prodigués M. G. Ber- trand que j’ai pu mener à bien ce travail; qu’il me soit permis de lui adresser ici mes sincères remerciements. GF.YCOLYSE DES ORGANES DES .RAMMIFÉKES 648 BIBLIOGRAPHIE 1903. Stoki.asa, Di' Julius, Der anaërobe Stoffwechsel der hôlieren Pflanzen inid seine Beziehungen ziir aikoliolischen Gahrung. {Hopneisters Btùtra'je, Bd III, Ileft. Il u. 12.) 1903. Stoklasa, I)i’ Julius (unter Mitwirkung des Assistenten Cerny), lleber die anaërobe Atbmung der Thierorgane iind über die Isolierung eines gabriingserregenden Enzyms ans dem Tbierorganismus. (Centralblalt far PhusiolO(jir, XVI, 1903, s. 632.) 191)3. 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Le 17 avril 1903, un garde forestier indigène d’Aïn-Draham (Kroumirie) et son fils âgé de 3 ans se présentaient à l’Institut Pasteur pour y suivre le traitement antirabique; ils apportaient avec eux le cadavre de l’animal suspect de rage qui les avait mordus, c'était un raton. L’accident avait eu lieu dans les cir- constances suivantes : l’avant-veille au soir, vers 7 heures, la f aihille était réunie à table pour le repas, quand tout à coup, par la porte restée ouverte, le raton était entré, s’était brusquement précipité sur l’enfant qui lui tournait le dos et l’avait mordu à la nuque, le \ ère avait aussitôt saisi et étranglé Eanimal, non sans avoir essuyé une morsure à la main. Lne émulsion du bulbe de la mangouste fut inoculée dans la chambre antérieure de l’œil de deux lapins ; ceux-ci contractè- rent la rage et moururent au bout de 10 et 11 jours; des pas- sages prouvèrent qu’il s’agissait bien de rage légitime. Malgré la virulence renforcée du virus, le traitement antirabique fut suivi de iu cès chez les deux malades. FAITS ET EXPÉRIENCES CONCERNANT LA RAGE 645 Il nous parût intéressant, à la suite de ce fait, de rechercher quelle était Révolution de la rage expérimentale chez la man- gouste. Dans ce but, nous nous procurâmes un animal de cette espèce, lequel fut inoculé dans la chambre antérieure de Fœil, le juillet avec une émulsion de virus fixe, en même temps que les lapins de passage destinés à la préparation du vaccin anli- l ahique. Les premiers symptômes se montrèrent exactement en même temps (8 juillet) chez les lapins et chez la mangouste. La rage, chez elle comme chez eux, revêtit la forme paralytique. Il n’y eut apparence de phénomènes d’excitation qu’au début, l’animal réagissant lorsqu’on le piquait et mordant alors les objets qu’on lui présentait. Le 10 juillet (9® jour), ces phéno- mènes avaient disparu et la paralysie gagnait les muscles des mâchoires; il nous lut impossible, ce jour, de faire mordre par le raton un lapin qu’on avait introduit dans sa cage. Les jours suivants, les phénomènes paralytiques se généralisèrent pro- gressivement et l’animal mourut le 12 juillet (11® joui), dans la nuit, en môme temps que les lapins de passage. Deux lapins inoculés dans l’œil le 13 juillet avec une émul- sion du bulbe du raton contractèrent la rage le 19 juillet ifi^joun et moururent l’un le 20, l’autre le 23 juillet. Un troisième lapin inoculé dans l’œil le môme jour’|que les précédents avec une émulsion des glandes salivaires de la mangouste mourut le 19 juillet sans avoir présenté de symptômes rabiques nets ; l’ino- culation de ses centres nerveux à un autre lapin donna un résultat négatif. L’observation que nous avons relatée et le résultat de ces expériences nous amenèrent à rechercher s’il n’existait pas, dans la littérature scientifique, de cas analogues au nôtre. Nos recher- ches furent négatives. M. le professeur Trolard, directeur de l’Institut Pasteur d’Alger, à l’obligeance duquel nous eûmes recours, nous écrivit qu’il n’avait jamais observé de morsures par mangouste chez les malades traités par lui. Cependant, en compulsant les archives de l’Institut Pasteue de Tunis, nous découvrîmes une observation analogue à lanôtrt et demeurée inédite. Il s’agit d’un indigène algérien, ayant suivi le traitement antirabique du 14 au 31 juillet 1901. Cet 646 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. individu avait été mordu aux environs de Bône le 8 juillet par un raton et portait deux plaies, Tune au pouce, l’autre à la face dorsale de la main droite, M. Senac-Pagès, vétérinaire à Bône, qui avait pratiqué l’autopsie de l’animal, concluait à la rage; aucune étude expérimentale ne fut faite dans ce cas. Un peu plus tard, nous avons eu connaissance de deux autres cas de rage chez la mangouste. Le 22 janvier 1904, trois Algériens français se présentaient à l’Institut Pasteur de Tunis pour suivre le traitement antira- bique ; ils avaient été contaminés quelques jours auparavant, à Bône, par la bave d’un chien reconnu enragé à l’examen vétéri- naire. Ce chien avait été lui-même mordu 33 jours avant l’ap- parition des premiers symptômes rabiques par un raton qui lui avait fait des morsures multiples à la tête et aux oreilles ; la rage chez ce chien avait revêtu la forme paralytique. L’autopsie du raton ne fut pas pratiquée. Le dernier fait du même ordre dont nous avons eu connais- sance grâce à l’obligeance de MM. Ventre (de Bône) et Boulant, vétérinaire militaire de la même ville, avait été observé en mars 1903 à Héliopolis près Guelma par M. Gauharou, vétéri- naire. Ce praticien eut l’occasion de pratiquer l’autopsie d’un raton qui s’était attaqué sans provocation à une femme indigène et l’avait mordue à la face et à la main. Le rapport très détaillé de M. Gauharou, dont nous avons eu la copie entre les mains, concluait nettement à la rage. D’après les renseignements un peu vagues qui nous ont été fournis, la femme mordue aurait succombé à la même maladie. Ces observations et nos expériences montrent que la man- gouste ichneumon est susceptible de contracter la rage et de la transmettre à l’homme ou aux animaux; il y a donc lieu de prendre vis-â-vis des morsures du raton les mêmes précautions que vis-à-vis de celles des chiens errants. Ces précautions sont d'autant plus légitimes que le virus rabique semble augmenter de virulence en passant par l’organisme de la mangouste . FAITS ET EXPÉRIENCES CONCEllNANT LA RAGE G47 11 ( viPiiLENCE DES GLANDES chez les lapins inoculés pau TRÉPANATION avcc le vipus lixe (lapins de passage). Nous avons recherché, par quelques expériences, la virulence des glandes salivaires chez les lapins servant à la préparation du vaccin de la rage (lapins de passage). La question n’a pas^ une bien grande importance pratique, puisque la rage furieuse n’existe guère chez le lapin et que celui-ci ne figure point parmi les (inimaux tuovdeurs. Elle n’est cependant pas dépourvue do tout intérêt à ce point de vue, car il peut arriver qu’un employé de laboratoire souille accidentellement ses mains au niveau «l’une écorchure avec la bave d’un lapin de passage. D’autre part, il nous a semblé qu’il y avait là un détail à étudier au point de vue de la répartition de la matière. virulente chez les animaux atteints de rage. C’est principalement dans ce but que nous avons institué les expériences dont l’expose suit : D-''î Séhie, — Avec une émulsion peu épaisse des (rois glandes salivaires d un lapin de passage (inoculé le avril [tar trépanation, mort le 9) on inocule sous la dure-mère deux lapins. hifiui Tl. — Inoculé le 9 avril; les symptômes rabiques débutent chez lui le dO aviâl (21e jour), mort le 2 mai (23e jour). Un passage pratiqué avec les centres nerveux de ce lapin montre qu’il est bien mort de rage légitime; en effet, le hiiiin 31 inoculé dans Tœil avec une émulsion du cerveau du lapin 11, présente les premiers symptômes rabiques le 20 mai (ISf* jour) et meurt le 22 (20*? jour). Laj)(n 60. — Inoculé le môme jour — aucun symptôme. — Le 13 juillet (99e jour), ce lapin est réinoculé par trépanation avec une émulsion de virus lixe, il contracte la rage le 20 juillet ("e jour) et meurt le 23 (12« jour), exactement comme les lapins de la série. (I.es lapins de la série inoculés le même jour (9 avril), avec les centres nerveux du lapin de passage dont les glandes salivaires avaient été employées dans' les expériences précédentes, sont morts de rage le 20 avril (lie jour, dans les délais ordinaires). 2e SÉRIE. — Le même jour, avec une émulsion peu épaisse des trois glandes salivaires d’un autre lapin du même passage, on inocule dans les mêmes conditions deux lapins. Lapin 3. — Inoculé le 9 avril, — aucun symptôme. — Le 13 juillet 99e jour), ce lapin est réinoculé avec le même virus fixe et dans les mêmes conditions que le lapin 60, il contracte ta rage le 21 juillet (8e jour) et meurt le 23 (12e jour). 64) ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. Ijipin TC). — Inoculé le même jour — aucun symptôme. Ce lapin, réino- culé comme le précédent le 13 juillet (OO»; jour), est mort des suites du traumatisme opératoire. IP SÉHiE. — Avec une émulsion peu épaisse des trois glandessalivaires d’un lapin de passage (inoculé le 9 avril, mort le 20), on inocule, le 20 avril, sous la dure-mère, deux lapins. Lapin 10. — Inoculé le 20 avril. — Mort le 10 mai (20^ jour) sans avoir présenté de symptômes rabiques nets. — Le même jour, on pratique avec une émulsion de ses centres nerveux, une inoculation dans l’œil du lapin 2S, celui-ci meurt le 25 mai (IS^* jour) sans avoir présenté de symptômes rabiques nets. Le lapin 94, inoculé le même jour sous la dure-mère avec une émulsion des centres nerveux du lapin 28, n’a présenté dans la suite aucun symptôme rabique; il a été suivi plus de trois mois. Lapin 12. — Inoculé le même jour — aucun symptôme. — Le 21 juillet (Ojc jour) ce lapin est réinoculé par trépanation avec une émulsion de virus) lixe, il contracte la rage le 28 juillet (7e jour) et meurt le 3 août (13e jour avec un très léger retard sur les lapins de la série, morts exactement le TP jour. (Les lapins de la série inoculés le même jour (20 avril), avec les centres nerveux du lapin de passage dont les glandes salivaires avaient été employées dans les expériences précédentes, sont morts de rage le 30 avril (10? jour) dans les délais ordinaires.) 4? SÉRIE. — Avec une émulsion peu épaisse des trois glandes salivaires d’un lapin de passage (inoculé le 29 décembre, mort le Tl janvier), on inocule, le 11 janvier, sous la dure-mère, deux lapins. Lapin 27. — Inoculé le 11 janvier — aucun symptôme. — Le 16 avril <90? jour) ce lapin est réinoculé par trépanation avec une émulsion de virus fixe, il contracte la rage le 27 avril (11? jour) et meurt le 30 avril (14? jour), avec un très léger retard sur les lapins delà série morts aux 10? et 11? jours. Lapin 71. — Inoculé le même jour — aucun symptôme. — Le 16 avril <96? jour) ce lapin est réinoculé dans les mêmes conditions et avec le même virus que le lapin 27, il contracte le rage le 22 avril (8? jour) et meurt le 25 <10? jour) exactement dans les mêmes délais que les lapins de la série. (Les lapins de passage inoculés le même jour, avec les centres nerveux du lapin dont les glandes salivaires avaient servi dans les expériences précé- dentes, sont morts de rage dans les délais ordinaires.) 5? SÉRIE. — Le même jour, avec une émulsion peu épaisse des trois glandessalivaires d’un lapin du même passage, on inocule, dans les mêmes conditions, un autre lapin. Lapin 13. — Inoculé le Tl janvier, symptômes rabiques débutant le 21 janvier (10? jour), mort le 22 (1 1? jour) en même temps que les lapins de la série. Un passage, pratiqué avec les centres nerveux de ce lapin, montre qu’il est bien mort de rage légitime; en effet le lapin 84 inoculé dans l’œil avec une émulsion du cerveau du lapin 13, contracte la rage le 4 février <10? jour) et meurt le 6 (12? jour). FAITS ET EXPÉRIENCES CONCERNANT LA RAGE fUR En résumé, sur neuf Jupins inoculés par trépanation avec une /iinalsion de glandes salivaires de lapins de passage : 2 ont contracté la rage, Pun dans les délais normaux, l’autre avec un retard de dix jours sur les lapins de la série ayant reçu sous la dure-mère une émulsion des centres nerveux du même apin. 6 n’ont présenté aucun sijmptome. Dans ce cas, il ne semble pas que l’inoculation de l’émulsion des glandes salivaires ait créé chez eux la plus légère augmentation de résistance vis-à- vis du virus fixe ; en effet, une inoculation d’épreuve, pratiquée avec’ce virus a été suivie de l’apparition des symptômes rabiques et de la mort dans un temps qui n’a excédé que deux fois seule- ment, et de fort peu (1 et 2 jours), les délais ordinaires. Cttez un lapin, le résultat a été douteux (lapin 10). Il est à noter qu’une même émulsion (sériel), inoculée à deux lapins, a déterminé chez l’un l’apparition d’unerage typique, tandis que chez l’autre elle s’est montrée dépourvue de toute activité. La conclusion à tirer de ces expériences paraît être la sui- vanle : Les glandes salivaires des lapins de passage ne sont gne rare- ment virulentes (une fois sur quatre), elles ne contiennent qu’une aihle quantité de virus, mais la virulence de celui-ci, lorsqu’il s’y montre, n’y est nullement atténuée. Pratiquement, il y a lieu de prendre des précautions dans les laboratoires vis-à-vis de la bave des lapins de passage. III LA RAGE EXPÉRIMENTALE CHEZ LE RAT L’étude de la rage expérimentale chez le rat ne semble pas avoir tenté jusqu’à présent de nombreux auteurs. Le seul docu- ment que nous connaissions sur la question est une courte note de M. Remlingeri, consacrée surtout à l’étude de la rage expé- rimentale de la souris. Dans cette note, l’auteur se borne à nous apprendre que le rat blanc et le rat tigré (il n’a pas opéré sur le rat gris), se comportent vis-à-vis du virus fixe comme la souris blanche et qu’une inoculation sous-cutanée ou intramusculaire 1. Société de Biologie, 9 janvier 190 i. 650 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. de ce virus leur donne la rage dans un cas sur deux. Cette absence de^documents étonne d’abord, car le rat figure comme aninml mordeur dans les statistiques de quelques Instituts anti- rabiques (Kbarkoff-Gonstantinople). Elle s’explique cependant facilement par la difficulté de l’expérimentation sur ces animaux, principalement sur le rat gris. Le maniement en est en effet déli- cat, dangereux même pour l’opérateur ; d’autre part, la sensibilité du rat aux anesthésiques (cbloroforrne surtout) rend l’emploi de ceux-ci pratiquement impossible. Plus heureux que nos devanciers, nous avons pu pratiquer quelques expériences sur ces animaux. Les raisons que nous venons d’indiquer expliquent le petit nombre de celles qui ont eu le rat gris pour objet. Nous avons perdu d’ailleurs la plupart des animaux de celte espèce, du fait de l’anesthésie ou des suites du traumalime opéra- toire, lorsque nous avons cherché à pratiquer chez eux l’inocula- tion intracrânienne sans anesthésie, ce qui est cependant le seul procédé pratique. Voici le résumé de nos expériences : INOCULATION DE VIRUS FIXE. lo Au HAT (iHis. — Rail. — Inoculé le 16 mars 1903, dans la chambre antérieare de l'œil, avec une goutte d’une émulsion épaisse de virus fixe pro- venant d’unJapin de passage mort le même jour. Premiers symptômes ral)iques le 26 (10*" jour), paralysie du train postérieur à marche rapide, aucun phémomène d’excitation, l’animal mord seulement quand on le pique; le soir du même jour la paralysie est presque complète et l’animal meurt le 27'au matin (l le jour). Ce même jour, avec les centres nerveux du rat qui vient de mourir, ou inocule dans la chambre antérieure de l’œil un lauin 64 et un ral n^ 9. Le lapin meurt le 4 avril (8e jour), après avoir présenté depuis le matin les symptômes rabiques les plus nets. Le rat présente les premiers symptômes de la rage dès le 1er avril (.je jour) et meurt le 2 (6e jour). Un rat no 10 inoculé dans Tœil, le même jour, avec les centres nerveux du rat 9, con- tracte la rage le 16 avril (14e jour) et meurt le lendemain (l.je jour). Nous avons recherché qu’elle était la virulence des glaiules salivaires du rat 7. Une goutte d’une émulsion d’un mélange des trois glandes, inoculée dans la chambre antérieure de Tœil du lapin 41 le 27 mars, a déterminé chez lui Uapparition d’une rage typique avec mort le 7 avril (lie jour); d’autre part un rat »o 8, inoculé dans les mêmes conditions, est demeuré indemne de rage. FAITS ET EXPÉRIENCES CONCERNANT LA RAGE 651 Hfitfÿ. — Inoculé le li mars 1903, dans la dtambre antérieure de l’adl, avec une goutte d’une émulsion épaisse de virus fixe provenant d’un .lapin de passage mort le même jour. Ce rat est trouvé mort le 20 mars (12e jour) sans avoir présenté aucun symptôme rabique net. Un lapin inoculé avec les centrés nerveux de ce rat est mort des suites du traumatisme opératoire. liai 6. — Inoculé le 14 mars, da)is les muscles de la cuisse, avec le même virus ({Lie le rat5, n’a présenté ultérieurement aucun symptôme rabique. 2o Au RAT Ri.ANC. — Ral 1. — Inoculé le 12 janvier 1904, sous la dure-mère, avec une goutte d’émulsion épaisse de virus fixe provenant d’un lapin de passage. Ce rat est trouvé mort le 19 janvier au matin (7e jour), sans avoir présenté le moindre symptôme rabique. (11 est à noter que la cage renfer- mant le rat avait élé laissée en plein air et que la nuit du 18 au 19 janvier a été exceptionnellemont froide : + 3o. Le lapin 4.5 inoculé dans l’œil le 19 janvier avec une émulsion des cen- Ires nerveux du rat 1, a contracté la rage le 27 janvier (8e jour) et est mort le 30 (lie jour). Ral — Inoculé le même jour et avec le même produit que le ratl, mais l’inoculation ayant été faite dans la chambre antérieure de l’œil. Les premiers symptômes rabiques ont apparu chez ce rat le 19 (7e iour), iis se sont carac- tériséspar une parésie du train postérieur, avec quelquespliénomènes d’exci- tation et de la tendance à mordre. Les jourssuivantslaparalysie est devenue plus étendue et plus complète, les phénomènes d’excitation ont cessé; l’animal est mort le 22 juin. Le lapin 96, inoculé ce jour sous la dure- mère, avec une émulsion d’un mélange des glandes salivaires du rat 2, n’a présenté ultérieurement aucun symptôme; réinoculé par trépanation avec un virus de passage le 29 avril, il a contracté la rage sous la forme classique et est mort le 7 mai (8e jour). Rat’.\. — Inoculé le même jour que le rat 2 avec le môme produit et comme lui dans la chambre antérieure de l'œil. Les premiers symptômes ont apparu Je 20 janvier (8e jour), l’évolution a été identique à celle décrite pour le rat 2, mort le22 (Rje jour), Le lapin o(),inocn]é ce joursousla dure-mère avec une émulsion des centresnerveux du rat3, acontractéla rage le28jan- vier Gejour) etestmort le 30 (8e jour). Le lapin 2, inoculé dans la chambre antérieure de l’œil avec une émulsion d’un mélange des glandes salivaires du rat 3, a contracté larage le 14 février (23e jour) etest mortle 17 (26® jour). Rat 4. — Inoculé dans les muscles le même jour et avec le même produit que les rats 2 et 3 il n’a présenté aucun symptôme. Réinoculé avec une émul- sion de virus fixe sous la dure-mère le 22 avril, il a contracté la rage le 28 ((>6 jour) et est mort le Rr mai (9e jour). Rat Tl. — Inoculé dans les muscles comme le précédent. Aucun symptôme; mort le 21 janvier (9® jour). Aucun passage n’a été pratiqué avec les centres nerveux de cet animal. INOCULATIONS DE VIRUS DES RUES. Les expériences qui suivent ont été pratiquées avec les centres nerveux d’un chien mort de rage spontanée le 13 janvier au matin. Le lapin 1, ino- culé dans la chambre antérieure de l’œil, a contracté larage le 28 janvier ANNALES DE L’[NSTITUï PASTEUR. -(15o jour) et est mort le 30 (17*5 jour). Avec le même produit, le môme jour, 'On inocule trois rats blancs : Ral 12. — Inoculé sous la dure-mère. N’a présenté aucun symptôme. Mort dans la nuit du 24 au 27 janvier (12^ jour). Le lapin 34, inoculé cejour dans la chambre antérieure de l’œil avec une émulsion des centres nerveux du rat 12, a contracté la ragele 0 février (12e jour) et est mort le 7 (13e jour). fiat [‘3. — Inoculé dans la chambre antérieure de l'œil. N’a présenté aucun «jmplùme. Mort le 9 février (13e jour). Un passage pratiqué sur le lapin 3 4 n’a donné aucun résultat, cet animal étant mort accidentellemant le lende- main de l’inoculation. Rat. 14 — Inoculé dans les muscles de la cuisse. Aucun symptôme, encore vivant en juin. En résumé, clans ces expériences, la totalité des rats gris (4) OH blancs (3), inoculés sons la dure-mère d) ou dans la chambre a ntérieure deTadl (6), avec une émulsion de virus fixe, a contracté la rage ; il en a été de même des rats blancs (2 ) inoculés semblablement arec un virus des rues. U inoculation intramusculaire de ces mêmes virus ne no}isa donné que des résultats négatifs, sauf cependant dans un cas (rat 11 ) douteux. Les centres nerveux des rats ayant succombé à la rage se sont montrés, d’une façon constante, virulents et souvent même doués d’une virulence exaltée pour le lapin et pour le rat; dans un cas, nous avons pu réaliser trois passages successifs par cet animal. Les glandes salivaires du rat atteint de rage sont souvent viru- lentes pour le lapin (2 fois sur 3). . Le rat (gris ou blanc) est donc un animal parfaitement sen- sible à la rage et susceptible, dans des cas évidemment très rares, de communiquer cette maladie à l’homme ou aux animaux. Malgré sa sensibilité au virus rabique, le rat ne sera que bien rarement choisi comme animal d’étude de la rage. La difficulté de l’expérimentation surlui est un premier obstacle. D’autre part, l’évolution de la rage chez le rat est souvent si rapide, qu’il est impossible de reconnaître la nature de l’infection à laquelle succombe 1 animal inoculé. Sur un total de neuf rats ‘ ayant 1. Nous no comptons pas dans ce total le rat 1 1, mort également sans symptôme’, parce qu'il nous manque la preuve absolue qu'il ait succombé à la rage. FAITS ET EXPÉRIEINCES CONCERXAISÏ LA RAGE G53 contraclé la rage clans nos expériences, quatre sont morts sans avoir présenté le moindre symptôme, et des passages ont élé nécessaires pour démord rt'r que leur mort était bien due cà l’ino- culation du virus. PENDANT L’ANNÉE 1903 Pah M. CII. NICOLLE Directeur de l’Institut Pasteur de Tunis. Du 1®*’ janvier, date de notre entrée en fonctions, au 31 dé- cembre 1903, 284 personnes ont suivi le traitement antirabique à l’Institut Pasteur. De ce chiffre, on doit retrancher o person- nes ayant interrompu le traitement au bout de quelques jours pour causes diverses et o autres appartenant au personnel de rinstitut, ces dernières ayant subi des inoculations préventives sans morsure antérieure. Restent donc 214 personnes traitées. La mortalité a été nulle. On peut ainsi classer les cas : morsures à la tète : 22; aux mains : 137; au tronc et aux membres : llo. L’existence delà rage chez l’animal mordeur a été reconnue expérimentalement dans 38 cas: 110 fois elle l’a été par un examen vétérinaire; dans 120 cas l’animal était suspect de rage. Les animaux mordeurs ont été : chiens 242, chats 11, bovi- dés 8, ânes o, mules 3, chacals 3, mangoustes 2. C’est la première fois, croyons-nous, que la mangouste figure dans une statisti- que parmi les animaux mordeurs; ce fait nous a paru assez inté- ressant pour faire l’objet de la note précédente. • Sur les 274 personnes traitées, 170 avaient leur domicile en Tunisie (Français 70, Italiens 3, Grec 1, Maltais 6, Israélites 2, Arabes 05), 104 venaient d’Algérie. (Province de Constantine.) Une des personnes domiciliées en Tunisie avait été mordue à Lyon. La méthode employée à l’Institut Pasteur de Tunis pour le traitement préventif de la rage consiste dans l’emploi de moelles glycérinées (procédé de M. Galmette). Dans les cas] ordinaires, la succession des moelles est la suivante : 1®' jour, moelle de STATISTIQUE DE L’INSTITUT PASTEUR DE TUNIS 655 13 jours le malin, de II le soir; jour, moellede9-10 lematin, de 7-8 le soir; 3® jour moelle de 6 jours, puis les jours, suivants successivement moelles de 5, 5, 4, 3, 5, 5, 4, 4, 3, 3, 5, 5, 4, 4, 3, 3 jours. Soit 21 inoculations en 19 jours. La quantité (Pémulsion inoculée est de 6 centimètrescubes jusqu’à la moelle de 6 jours, puis 4 centimètres cubes. En cas de Inorsure parti- culièrement grave ou de retard très grand dans le traitement, nous opérons ainsi : L*’, 2^ et 4® jours comme ci-dessus, avec celte différence que la dose d’émulsion inoculée est portée à 10 centimètres cubes; puis les jours suivants, successivement moelles de 3, 5, 5, 1, 3, 2, 5, 5, 4, 4, 3, 3, 2, 5, o, 4, 4, 3,2 jours (4 centimètres cubes d’émulsion); soit 22 jours de traitement et 2i inoculations dont trois de moelle de 2 jours. On notera que pour ce traitement intensif, nous passons au début, de la moelle de 6 à celle de 3 jours 3$ La dernière statistique des résultats du traitement antira- bique publiée par l’Institut Pasteur de Tunis* s’arrêtait au 15 juin 1901. De cette date au 1®^’ janvier 1903, le service anti- rabique dirigé par MM. Ducloux et Allemand-Martin a eu à soi- gner 349 personnes, desquelles il faut en retrancher 9 pour cau- ses diverses. Restent 3 iO traités. Il y a eu 2 décès, dont un chez un indigène ayant succombé le 8® jour après la fin du traitement. Suivant les règles habituelles, ce décèsme doit pas être retenu, l’immunité n’étant acquise que 15 jours après la dernière ino- culation. La mortalité rectifiée a donc été d’une personne sur 33!), soitO, 2!) 0/0. Les cas traités peuvent serépartir ainsi : morsures à la tête 19 ; aux mains f58; au tronc et aux membres : 162. L’existence de la rage a été démontrée expérimentalement dans 22 cas, par un examen vétérinaire 139 fois; dans 178 cas, l’animal était sus- pect de rage. Les animaux mordeurs ont été : chiens 224, chats 11, bovi- dés 2, ânes 6, mangouste 1. Sus 339 personnes traitées, 266 avaient leur domicile en Tunisie, 73 venaient d’Algérie. Depuis la publication de la dernière statistique de l’Insti- tut Pasteur de Tunis, un décès par rage s’est produit chez une 1. Annales de l'Institut Pasteui\ 2o mai 1902. Pages 386 et suivantes. 656 ANNALES DE L’INSÏITUÏ PASTEUR. despersonoesportées comme guéries; lescliiffrespubliesdoivciit doncetreainsirectiüés: 827 traités, 4 décès, mortalité : 0, 4i0/0. Au total, depuis sa création jusqu'au 31 décembre 1903, l’Institut Pasteur a soigné 1.440 personnes, 3 seulement ont contracté la rage ; soit une mortalité de 0, 34 0/0. OBSERVATIONS DES RERSONNES AYANT CONTRACTÉ CA RACE Année 1901. — Belkassem ben Ali Abrouk, indigène musul- man, 8 ans, de Mokenine, caïdat de Monastir, contrôle civil de Sousse, mordu le 17 avril au mollet gauche par un chien errant, trois morsures. Traité à l'Institut Pasteur du 29 avril au 19 mai. Décédé vers le 20 juin d’une afiection qui semble être la rage. Il n’y as pas eu d’examen médical du malade. . Année 1902. — Mohamed ben Hassin el Amari, indigène musulman, 7 ans, de Mahdia, mordille 24 janvier au poignet et à la fesse gauches, plaies pénétrantes. Le chien mordeur a été examiné par un médecin qui a porté le diagnostic de rage. Aucun soin local. Traité à l’Institut Pasteur du 29 janvier au 21 février ; décédé le 12 avril, d’une affection qui semble être la rage, mais au sujet de laquelle aucun détail n’a été donné à ITnstitut. Pasteur. Le même chien aurait mordu deux chiens, un chat, un chameau et quatre personnes, dont une a suivi le traitement avec succès (aucun renseignement n’a été fourni sur les troia autres). Le gérant : G. Ma)(;>on. Sceaux. — Iiiipriiiicrie Charaii’O. 18™e année NOVEMBRE 1904 NO 1 1 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Etudes expérimentales sur la Syphilis Par El. METCIÏNIKOFF et Em. ROUX (TROISIÈME MÉMOIRE) (Avec les planclies V et Yt). I LA SYPHILIS DU CHIMPANZÉ. Après avoir établi que les chimpanzés sont sensibles à la syphilis ( premier mémoire ) et après avoir signalé que les accidents syphilitiques de ces anthropoïdes varient selon l’ori- gine de la substance inoculée (deuxième mémoire), nous nous sommes mis à étudier les propriétés du virus sypliililique sous l’influence de divers facteurs. Une partie des résultats que nous résumons dans ce mémoire ont été communiqués par l’un de nous, à Berlin, en septembre dernier, au Congrès international de dermatologie. La base fondamentale de nos études, c’est-à-dire la syphilis expérimentale des singes anthropoïdes, n’a plus besoin de preuves nouvelles. Après nos publications sur l’inoculabilité de la syphilis humaine au cbimpBnzé et sur la possibilité d’entre- tenir par passage le virus syphilitique chez ces anthropoïdes, M. Lassar^ a obtenu la syphilis expérimentale sur un premier chimpanzé, inoculé avec du virus d’un chancre induré humain, et ensuite ^ chez un second chimpanzé, inoculé avec du virus syphilitique du premier. - ^ i. Berliner klin. WochenschrAWo, p. 1189. ‘i. Ibid., 1901, p. 801. ^ • • 42 658 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Plus tard M. A. Neisser ^ a rapporté les résultats des inocu- lations du virus syphilitique à plusieurs chimpanzés, dont quelques uns ont manifesté des accidents primaires et secon- daires des plus typiques. Il a en outre inoculé plusieurs orangs- outangs et un gibbon qui se montrèrent sensibles à la syphilis mais à uu moindre degré que les « himpanzés. En tout, nous avons inoculé jusqu'à présent, dix chimpanzés avec du virus syphilitique de diverses provenances et nous avons obtenu dix résultats positifs. Comme les deux expériences de M. Lassar ont été aussi couronnées de succès, il s'ensuit que douze chimpanzés inoculés ont tous pris la syphilis. Il est donc certain que cette maladie fst inoculable à coup sûr aux chimpanzés, ce qui constitue un fait important pour l'étude expérimentale de la syphilis. Sur les dix chimpanzés de nos expériences, sept ont été inocules acec du virus humain de diverses origines. Tous ont reçu de la sérosité des chancres indurés de plusieurs individus et quaire ont été inoculés en outre avec le produit d'accidents secondaires : plaque muqueuse et syphilide chancriforme. Un chimpanzé a été inoculé avec les exsudais du chancre et d’une syphilide papuleuse d’un autre anthropoïde. Un autre chimpanzé a reçu la sérosité de l’accident primaire d’un maca- que bonnet chinois (Macacus sinicus), et un autre a été inoculé avec le produit d’un chancre du macaque de Buffon (Macacus cynornolgus). Les virus de toutes ces origines sont, comme nous Lavons déjà dit, inoculables aux chimpanzés. L’inoculation se faisait presijue toujours avec le scarifica- teur Vidal et consistait en petites scarihcations nombreuses très superficielles, pratiquées aux arcades sourcilières, aux pau- pières et aux organes génitaux : clitoris, capuchon clitoridien, prépuce et verge. Dans quelques expériences, nous injections en outre, avec une seringue, du virus syphilitique sous la peau des cuisses. L’incubation de la syphilis d’origine humaine a varié entre 22 et 37 jours. Elle a été dans nos sept cas de 22, 22, 26, 33, 33 et 37 jours. L’acci'lent primaire débutait sous forme d’une petite tache à peine [)lns rose que les parties environnantes et faisant une saillie t ès légère (fig. 1). Quelquefois ces caractères étaient si 1. Deutsche, médic. Wochenschv., 1904, p. 1369 et 1431. ÉTUDES EXPÉRIMENTALES SUR LA SYPHILIS 659 peu prononcés au début que Pon pouvait hésiter sur leur signification, et ce n’est que plus tard que leur nature syphili- tique s’accusait d’une façon indiscutable. Les taches rondes ou ovales ne tranchaient jamais brusquement sur les parties voisines, mais se confondaient avec elles graduellement. Deux fois seulement nous avons vu apparaître au milieu des taches roses de petites vésicules fermées et remplies de liquide. C’était d’abord sur le prépuce clitoridien de notre premier sujet d’expérience, où la vésicule initiale était trans- parente; et, ensuite, sur la paupière supérieure d’un autre chimpanzé (fig. 3) où les deux petites taches roses du début se sont présentées le lendemain, couvertes de deux vésicules opalines, grisâtres, non transparentes (fig. i). Bientôt après leur apparition, les vésicules s’aplatissaient et se transformaient en croûtes; d’abord très petites, celles-ci grandissaient pro- gressivement. Sauf ces deux cas exceptionnels, les vésicules ne se déve- loppaient jamais. Les petites taches roses présentaient, le len- demain ou plusieurs jours ap.'ès leur apparition, de toutes petites squames dans leur partie centrale. Ces squames, d’abord sèches, se transformaient plus tard en croûtes jaunes ou bru- nâtres qui devenaient de plus en plus grosses, se fendaient et laissaient souvent suinter une sérosité claire. Au bout d'un nombre variable de jours, les lésions décrites se transformaient en chancres indurés très caractéristiques (fig. 2, 5). Leurs bords étaient saillants et le fond, après la chute de la croûte, se présentait sous forme d’une ulcération humide avec une surface pâle, lardacée. Ces chancres qui étaient le plus souvent multiples et se développaient parfois sur des portes d’entrée du virus très éloignées les unes des autres, telles que l’arcade sourcilière, les paupières et la cuisse, se maintenaient pendant des semaines et des mois. Leur guérison se faisait lentement et durait un nombre variable de jours. Quelques jours après l’apparition de la lésion primaire, les ganglions lymphatiques de la région voisine s’hypertrophiaient. On sentait, à la palpation, un ou plusieurs ganglions durs, facilement mobiles et indolores à la palpation. On voit bien, d’après cette description, que l’accident primaire chez le chimpanzé correspond sous tous les rapports à 660 ANNALES DE L’ÏNSTITUT PASTEUR. celui de l’homme. Cet accident est suivi de manifestations, secondaires, également comparables à 'celles de l’homme. Nous avons déjà décrit, dans un de nos mémoires, les syphilides papulo-squameuses qui s’étaient développées sur diverses parties du corps de notre premier chimpanzé syphi- litique. M. Lassar a observé des papules semblables sur la tête, les bras et surtout sur la plante des mains et des pieds de ses deux chimpanzés inoculés. Développées environ un mois après le début du chancre, ces syphilides présentaient tous les caractères typiijues des lésions analogues chez riiomme. La nature syphilitique de cette affection cutanée était bien évidente d’elle-mêrne; mais, pour lever toute hési- tation, nous avons inoculé un peu du raclage d’une syphilide papuleuse de notre premier chimpanzé à un second individu du même genre. Ainsi que nous l’avons déjà rapporté dans un de nos mémoires, le résultat de cette expérience a été positif. Depuis, nous avons observé des accidents secondaires chez deux autres de nos chimpanzés. Dix-huit jours après le début du chancre de l’arcade sourcilière, chez l’un d’eux se son montrées sur la surface de la langue deux petites érosions superficielles avec des contours très marqués. Elles ont été suivies, deux jours plus tard, par l’apparition de deux nouvelles érosions analogues, plus rouges que le reste de la langue. Ces plaques se distinguaient parleur persistance et quelques-unes pouvaient être observées encore plus de six semaines après leur apparition. Environ 40 jours après le début des accidents secondaires, il est apparu sur la pointe de la langue deux nouvelles plaques muqueuses rouges avec un bord pâle et un peu relevé, très caractéristiques. Un peu plus lard se développa une plaque muqueuse des plus typiques sur la lèvre inférieure, (hg. 10) Chez un autre cliimpanzé, des papules syphilitiques, au nombre de quatre, ont apparu à la face, 29 jours après le début de l'accident primaire et 66 jours après l’inoculation du virus. Ces papules guérirent environ deux semaines plus tard, ayant laissé des cicatrices blanches très marquées. La nature syphilitique de ces lésions peut être d’autant moins mises en doute que l’inoculation du raclage d’une des premières érosions de la langue, faite à l’arcade sourcilière de ÉTUDES EXPÉRIMENTALES SUR LA SYPHILIS 661 deux macaques (Macacus sinicus et M. cynomolgus) a été suivie d’acci'lenls primaires très caractéristiques. L’étude histologique des lésions syphilitiques des chim- panzés, faite d’ahord avec le matériel de M. Lassar par MM. Becker et Mayer et ensuite par MM. Arnal et Salmon*, sur des pièces provenant de nos animaux, a démontré une analogie très grande avec la syphilis humaine. Dans les cas où ces lésions n’étaient pas modifiées par des infections sura- joutées, elles étaient constituées par une grande accumulation d’éléments mononucléés et par une périartérite caractéristique. Chez quelques-uns de nos chimpanzés syphilitiques, la rate se trouvait augmentée pendant la période secondaire et se maintenait à cet état pendant longtemps. Par contre, nous n’avons pu constater d’autres lésions d’organes. Chez le chim- panzé atteint d’érosions muqueuses de la langue et de la lèvre, nous avons observé une paraplégie qui s’est maintenue pendant plus d’un mois. Peut-être faut-il l’attrihuer à l’infection syphi- litique généralisée. II VIRUS SYRIIILITIQUE FILTRÉ Les faits que nous venons de résumer suffisent pour donner une idée générale de la syphilis expérimentale des chimpanzés. Après les avoir constatés il était important d’établir les pro- priétés du virus syphilitique, si pathogène pour ces anthro- poïdes. Les recherches microscopiques que nous avons entreprises ne nous ont pas donné de résultat satisfaisant. L’examen minutieux de la sérosité retirée des vésicules initiales que nous avonsdécrites plus haut,nous arévélé la présence d’amas leucocy- taires, ainsi que d’un certain nombre de globules rouges, mais ne nous a permis de distinguer aucun microbe. Les gra- nulations minuscules du liquide — évidemment quelques débris cellulaires — n’ont pas accusé de mouvements que l’on pût attribuer au choc produit par le voisinage de microbes mobiles. Si les parasites de la syphilis étaient des spirilles beaucoup plus 1. Berliner Klin, Woch., 1993, p. 1192. 2. Annales de C Institut Pasteur^ 1901 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUJi. 6'6'2 petits que ceux d'Obermeier ou de la spirillose brésilienne des oiseaux, on aurait pu constater leur présence par les mouve- ments des corpuscules, suspendus dans la sérosité syphilitique. L’absence de ces mouvements fait plutôt supposer qu’il s’agit dans la syphilis d’un microbe immobile. L’addition, à la sérosité, de rouge neutre, qui fait si bien apparaître les spirilles des oiseaux, n’aboutit à aucun résultat dans la recherche du microbe syphilitique. On pourrait donc supposer qu'il s'agit ici d'un de ces microbes invisibles dont on est amené à admettre l’existence dans certaines maladies infectieuses, telles que la fièvre aphteuse ou la fièvre jaune. L’expérience récente de MM. Klingmüller et Baermann ^ plaide cependant contre cette supposition. Ces chercheurs se sont inoculé des produits syphilitiques humains, triturés avec de l’eau physiologique et filtrés à travers une bougie Berkefeld. Le résultat de plusieurs inoculations succes- sives a été absolument nég itif, d’où les auteurs ont conclu que le virus syphilitique était retenu par le filtre. Contre cette con- clusion, on pourrait soulever l'ohjection que l’expérience a été exécutée sans contrôle. 11 manquait un témoin pour prouver que le virus, traité par le procède de Klingmüller et Baermann, mais non filtré, était bien capable de donner la syphilis. Le delai de plusieurs heures, nécessaire pour obtenir le liquide filtré, et l’eau dite physiologique qui servait pour la dilution, étaient peut-être déjà capables d'rtlterer la virulence. Comme il est inadmissible de se servir d’un être humain comme sujet de contrôle, on conçoit bien la supériorité des expériences, exécutées sur des anthropoïdes. Assurément moins héroïques, elles sont cependant plus concluantes et plus précises que celles que l’on fait sur l'homme. Nous avons donc prélevé du virus sur les chancres indurés de la verge de deux hommes syphilitiques et sur deux syphilides chancriformes d'une femme et nous l'avons dilué avec 2 c. c. d'humeur aqueuse de mouton, retirée aussitôt après l’abattage. Après la filtration de ce mélangé à travers une bougie Bei kefeld 12 A, nous avons inoculé un peu de ce liquide filtré à l’arcade sourcilière et à la cuisse d’un chimpanzé neuf, à l’aide du scari- ficateur de Vidal. Cette inoculation très superficielle n’a 1. Deutsche medic. Wochenschr.^ p. 76G. ÉTUDES EXPÉRIMENTALES SUR LA SYPHILIS 663 demandé que quelques gouttes de liquide. Le reste, c^est-à-diro de beaucoup la plus grande partie du mélange filtré, a été aussitôt après inoculé sous la peau de la cuisse du même animal. Toute Popération, à partir du prélèvement du virus jusqu^à Tinocülation, n’a duré que oO minutes. Le filtre employé pour cette expérience a été d'avance bien éprouvé par M. Dujardin- Beaumetz, qui a établi qu’il laisse passer le microbe de la péri- pneumonie des bovidés sans permettre le passade des bactéries, telles que vibrions des eaux et vibrions du choléra. L’inoculation du virus filtré n’a donné lieu à aucun accident pathologique et n’a pas provo(|ué la moindre lésion syphilitique ou autre. Pour s’assurer que ce résultat négatif ne pouvait être attribué à l’altération du virus par l’humeur aqueuse du mouton ou par le temps nécessaire à la filtration du liquide, nous avons exécuté une expérience de contrôle sur un autre chimpanzé qui avait reçu les mêmes virus avec la même humeur aipieuse et aux mêmes endroits que le premier. La seule différence consis- tait en ceci que le chimpanzé de contrôle avait reçu le même mélange non filtré. Eh bien, le ST'’ jour après l’inoculation, à l’ar- cade sourcilière de ce chimpanzé apparurent tro's taches rondes et saillantes qui ne tardèrent pas à se transformer en trois chancres indurés des plus caractéristiques. Biemôl après, on a pu constater la tuméfaction du ganglion lymphatique au- dessous de l’angle de la mâchoire inférieure du même côté que les chancres. Peu de jours après se développèrent sur la peau delà cuisse inoculée deux chancres indurées des plus typiques. La conclusion de cette expérience, exécutée d’une façon aussi précisé que pos^^ible, est donc conforme au résultat de Klingmüller et Baermann : le virus syphilitique ne traverse pas la bougie Berkefeld qui laisse cependant passer le virus de la péripneumonie des bovidés. III VIRUS TRAITÉS PAR LA CHALEUR ET LA GLYCÉRINE La filtration n’est évidemment pas le seul moyen capable d’enlever sa virulence au virus syphilitique. Comme les virus sont en général sensibles à l’action de températures plus ou- moins élevées, il était tout naturel de se demander à -quel 664 \INNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. degré doit être chauffé le virus de la syphilis, pour être dépourvu de toute action pathogène. De nos expériences desti- nées à résoudre cette question, nous ne citerons que celle où nous nous sommes servis du virus syphilitique humain, mélangé avec de l’humeur aqueuse de mouton. Deux c. c, du mélange ayant servi à l’inoculation du chimpanzé témoin de l’expérience sur la tiltration, ont été introduits dans un tuhe scellé et chauffés pendant une heure à ol®. Aussitôt après, quelques gouttes de ce liquide ont été inoculées par scarification à l’arcade sourcilière, à la paupière et à la cuisse d’un chimpanzé neuf, tandis que le reste, c’est-à-dire de beaucoup la plus grande partie, à été injecté sous la peau de la cuisse du même animal. Le résultat a été absolument négatif, ce qui prouve que le chauffage prolongé pendant une heure à 51° suffit déjà pour dépouiller le virus syphilitique de toute sa virulence. Le peu de résistance du virus syphilitique à la chaleur permet de supposer qu’il est également très sensible à l’action des substances chimiques. Pour résoudre cette question, nous nous sommes servi de virus syphilitique; mélangé à de la glycérine. Quelques gouttes de virus, provenant d’un chancre syphilitique de la verge d’un homme atteint de onze chancres simultanés, ont été mélangées in vitro avec plusieurs volumes de glycérine concentrée. Ce mélange a été aussitôt inoculé avec le scarificateur à l’arcade sourcilière, à la paupière supérieure et à la vulve d’une jeune chimpanzé. Comme d’habitude, les petites plaies, produites par l’instrument, ont été guéries en peu de temps. Mais 33 jours après l’inoculation, trois lésions tout à fait insignifiantes apparurent à l’arcade sourcilière qui, quelques jours plus tard, se transformèrent en trois chancres indurés des plus typiques. Dans une autre expérience semblable, le virus du chancre induré d’homme, mélangé avec de la glycé- rine, a provoqué chez un chimpanzé, 35 jours après l’inoculation, un acci'lent secondaire des plus typiques. La conclusion n’est donc pas douteuse : la glycérine ajoutée dans les conditions que nous venons de dire, au virus syphilitique, ne lui enlève pas son pouvoir pathogène. Les matières infectieuses, dépouillées de leur virulence, étant souvent capables de préserver l’organisme contre la mala- die correspondante, il était tout naturel de se demander si le ÉTUDES EXPÉRIMENTALES SUR LA SYPHILIS 665 virus syphilitique, après passage par le filtre ou bien après chauffage à 51^, ne pouvait pas être transformé en vaccin. Dans ce but, nous avons soumis nos deux chimpanzés mentionnés plus haut à une inoculation d^’épreuve. Celui qui avait été traité avec du virus filtré a été, trois semaines après cette expérience, inoculé à l’arcade sourcilière et à la paupière supérieure avec un peu de virus, provenant d’un chancre syphilitique induré de la verge d’un homme, datant seulement de 5 jours et non accompagné d’adénopathie. Aussitôt après, le même anthro- poïde reçut avec le scarificateur, à la peâu de la cuisse, du virus, prélevé sur un chancre d’un autre individu atteint de syphilis. Vingt-deux jours après cet essai, nous avons remarqué à l’arcade sourcilière, inoculée avec du virus non filtré, un petit point rose légèrement proéminent. En même temps, la partie de la cuisse, soumise à Faction du virus d’épreuve, est devenue rose, sans cepenbules tout ce qu’ils sont susceptibles d’abandonner. Dans ce but, laquons ces globules par Teau distillée; puis lavons-les plusieurs fois à Teau salée à 7 0/00; nous estimons qu’après quelques lavages, la teneur saline dans le stroma, et par suite dans la zone périt-lobulaire, ne peut plus dépasser celle du liquide interglobulaire; nous n’avons donc plus à tenir compte, dans toutes les parties de Témulsion de stromas, que du NaCl de Teau physiologique. Puisq\j’il n’y a plus de sels endoglobulaires qui diffusent des stromas, ceux-ci ne devraient pas être agglutinables par un col- loïde ou une poudre. Or, si à ces stromas on ajoute un peu de CaFl -, on observe une agglutination absolument comparable à celle des globules rouges; il en est de même si on remplace CaFl* par Ba So^ ou Tliydrate ferrique colloïdal. Nous ne croyons pas qu’il y ait lieu d’admettre pour Tag- glutination «les stromas et pour celle des globules rouges par les colloïdes et les-poudres des explications ditfére[ites. Tout ce qu’on observe, en effet, dans l’agglutination des globules par une poudre, par CaFl* par exemple, on le retrouve dans l’aggluti- nation des stromas provenant de ces globules, par la même poudre. Ainsi, dans les deux cas, l’intensité de Tagglutination dépend de la quantité de fluorure employée; le maximum se 685 AGGLUTINATION DES GLOBULES ROUGES produit avec une close optimale, eu. dessous et au-dessus de laquelle l’agglutination diminue. Dans les deux cas aussi, l’addition cl une faible quantité de sérum empêche l’agglutina- tion. Les deux phénomènes sont donc abosohirnenl superpo- sables. ce qui, à notre avis, montre à l’évidence (joe clans Tag- glutination des globules par les poudres, les sels endoglobu- laires diffusés n’ont pas à floculer ces poudres, pour que l’agglutination se fasse ; l’action fondamentale se passe entre les éléments albuminoïdes (stromas j des globules, et les poudres L A vrai dire, il est une conséquences delà théorie de M™® Gi- rard-Mangin et V. Henri qui semble vérifiée par l’exfiérience ; mais ce n’est là, comme nous allons le voir, qu'une apparence, le phénomène dont nous voulons parler devant recievoir une explication différente de celle qui lui reviendrait de par cette théorie. Voici ce dont il s’agit : si les sels endoglobulai res interve- naient en floculant les colloïdes et les poudr es autour des glo- bules, on devrait, en extrayant ces sels des gbdmles par le laquage, obtenir un liquide L qui, debarrassé de. stromas par la centrifugation, empêcherait Tagglulination de nouveaux gbdmles par une poudre ; il devrait surtout en êire ainsi, si dans ce liquide L on introduit la poudre avant les nouveaux globules, ce qui lui penrietrait d’être floculée par les sels endo;4lobulaires contenus dans le liquide. Laquons donc des globules dans l’eau distillée.; ajoutons ensuite assez de NaCl pour y ramener la teneur saline de l’eau physiologique à 7 0/00 et éloignons les stromas parla centrifugation; puis décantons le liquide surna- geant qui s’est chargé de tout ce qui peut diffuser des globules. Introduisons dans un volume déterminé de ce licjuide, des quantités connues de CaFl% de BaSO^ou d’bydrate ferrique col- loïdal, et après un certain temps additionnons tous ces mélanges d’une petite dose de globules neufs lavés. Nulle part il n’y a agglutination. Le liquide où l’on a laqué des globules, privé de 1. Noloas.en effet. que l’agglutination des stromas peut ôtre obienue par BaSo '* contenu soit dans de l'eau distillée, soit dans de l’eau chlorurée même à 20/0, il nous paraît difficile d’.idmettre que celte pou'ir.-,si insensible aux electrolyles, soit induencée par les traces de sels qui pourraient encore diffuser des stromas. Mme Girard-Mangin et V. Henri ont observé des pbénomèries analouue^ dans l’agglutination des globules par les colloïdes; les stromas .sont aussi agglutinés par ces derniers. Aussi pensons-nous qu’d n’y a pas lieu d’a-lmetire dans ce cas non plus l,e rôle actif que ces auteurs attribuent aux sels endoglobulaires. 686 ANNALES DE L INSTITUT PASTEUR. stromas, empêche donc complètement Tagglutination de nou- veaux globules par les poudres ou par l’hydrate ferrique. Ce fait, qui cadre si bien à première vue avec les idées de Mme Girard-Mangin et V. Henri, ne peut cependant s’expliquer, pensons-nous, par la théorie émise par ces auteurs. Si, en effet, le pouvoir empêchant de ce liquide était dû à des sels endoglo- hulaires diffusés, il devrait résulter de la précipitation des col- loïdes et des poudres par ces sels; cette précipitation survenant dans ce cas en l’absence de globules introduits dans la suite. Or, on n’observe pas cette précipitation des colloïdes ou des poudres dans le liquide de laquage; c’est précisément l’inverse que l’on constate. Tandis que l’eau physiologique llocule assez rapidemenlCaFP, l’hydrate ferrique et laisseBaSO^ se sédimenter assez vite, le liquide L, dépouillé de stromas, maintient assez longtemps ces poudres en suspension et même l’hydrate ferrique si sensible cependant aux sels. Les électrolytes de ce liquide ne pouvant avoir qu’une action floculante, ne sont évidemment pas responsables de cette suspensions ^ Nous croyons (bien que cette opinion ne repose pas sur une démonstration expérimentaleirréfutable) que si l’hydrate ferrique et CaFl ^ ne sont pas précipités par les électrolytes du liquide L et que si BaSO^ reste dans ce dernier finement dissocié, cela tient à ce qu’ils sont maintenus en émulsion par des colloïdes, probable- ment albuminoïdes, sortis des globules lors du laquage. Il s’agi- rait d’un phénomène identique à l’action dissociante du sérum surBaSo^ action que nous avons signalée antérieurement et sur laquelle nous allons revenir tantôt. Ce pouvoir dissociant est épuisable, comme le pouvoir dissociant du sérum; si nous vou- lons l’attribuer à une substance, nous dirons que cette substance peut être enlevée au liquide dejaquage. Pour le prouver, intro- duisons une quantité un peu forte de CaFP dans ce liquide L sans stromas ; puis, après un contact d’une quinzaine de minutes, éloignons CaFl ^ par la centrifugation. Nous obtenons alors, par décantation, un liquide A qui ne diffère du liquide initial de laquage L que par le fait d’avoir subi l’action d'une forte dose 1. Neisser et Friedmann* ont vu, il est vrai, que des colloïdes, floculés par des doses déterminées de sels, ne le sont plus si Ton exagère la quantité de sel, mais il s'agit dans leurs expériences de sels de métaux lourds, et ils ont pu rap- porter ce fait à la formation d’hydrate colloïdalpar l’hydrolyse de ces électrolytes. Ce n’est évidemment pas le cas pour les sels qui diffusent des globules rouges. * Neisser et Friedmann, Münch. med. Woch.^ 1904, n® 11. AGGLUTINATION DES GLOBULES ROUGES 687 de fluorure. Or, tandis que, comme nous venons de le voir, la floculation de CaFP et de Ehydrate ferrique, la sédimentation de BaSO ^ introduits dans le liquide L, sont empêchées, cette floculation et cette sédimentation se produisent très bien dans le liquide A. De plus, alors que Tagglutination des globules neufs par les poudres et par l’hydrate ferrique ne se fait pas dans le liquide L, elle se fait parfaitement dans le liquide A. Quelque chose a donc été enlevé du liquide L par la forte dose de CaFl 2, quelque chose qui empêchait d’une part la flocu- lation de GaFl^, de l’hydrate ferrique par les électrolytes ainsi que la sédimentation de BaSO * ; d’autre part, l’agglutination des globules par ces trois corps. Nous croyons que ces substances (ou cette substance?) sont des colloïdes albuminoïdes sortis des globules lors du laquage; nous basons cette hypothèse sur les résultats que nous a donné l’étude de l’action empêchante du sérum (albuminoïdes colloïdaux) sur l’agglutination des globules par les poudres L Une fois ces colloïdes enlevés, on a donc un liquide (liquide A) où la floculation de CaFU et de l’hydrate ferrique par les sels endoglobulaires dilfusés lors du laquage peut se faire , et en ejffet, ces substances floculent. Mais cela ne les empêche nulle- ment d’agglutiner les globules que l’on ajoute ensuite. Ces expé- riences montrent, à notre sens, que les sels endoglobulaires, extraits par le laquage, ne s’opposent pas à l’agglutination de globules neufs par les poudres ou les colloïdes ; nous avons vu tantôt que d’autre part les stromas, privés de sels endoglobu- laires sont, tout autant que les globules, agglutinables par les colloïdes et les poudres. Enrésuméilressortde tout ceci qu’en ce qui concerne les poudres que nous avons employées, il n’est pas nécessaire, pour expliquer leuraction agglutinante sur lesglobuleSjde supposer une floculation deces poudresparlessels endoglobulairesditfusésdeces globules. Nous avons vu, en effet : 1® que cette agglutination est encore possible par les poudres floculéesau préalable par les électrolytes ; 2 qu’il en est de même si l’on ramène au minimum la surcharge saline de la zone périglobulaire des hématies, de façon à annihiler 1. Nous avons, en efînt, signalé dans notre première note — nous nous bornerons en ce moment à rappeler le lait — que si le sérum empêche l’action aguluti- nante des poudres sur les globules, on peut lui enlever ce pouv*dr empêchant en le traitant au préalable par une forte dose de CaFl ^ ou de BaSO^. 688 ANNALES DE L’INSïlTUT PASTEUR. Faction floculante hypothétique de cette zone sur les poudres ; 3® que les phénomènes d’agglutination des stromas et des glo- bules par les poudres sont identiques ; 4® que la sensibilité de celles-ci à Faction floculante des sels n’est pas une condition sine qua nonde leur pouvoir agglutinant vis-à-vis des gloliules BaSO\ Toutes les particularités de l’agglutination des globules par les .poudres s'observant aussi si on remplace ces dernières par des colloïdes, nous pensons que, si ceux-ci sont réellement floculés par les sels endoglobulaires didusés, ce n’est pas là la cause de leur pouvoir agglutinant sur les hématies. Nous nous sommes du reste efforcé de démontrer ce fait (Fune laçon plus directe ; nous avons recherché si Fon n’obtien- drait pas des phénomènes d’agglutination analogues à ceux que nous avons rapportés jusqu’ici en faisant agir nos poudres non sur des globules rouges, mais sur une émulsion dont les parti- cules ne contiendraient pas de sels et ne pourraient par consé- quent en laisser diffuser. Nous avons employé à c« tte fin des émulsions d’huile dans Feau, que nous avons préparées en ajoutani 5 gouttes d’huile d’olive à 10 c. c. d’eau disiillée, addi- tionnée de 1/10,000 de carbonate de soude. Ces émulsions, à peine alcalines, peuvent être d’ailleurs neutralisées et même acidifiée^s, sans présenter aucune modification. Nos expériences ont été faites avec des émulsions neutralisées aussi exactement que possible. Dans cesconditions, on voit les goutteleMes d’huile de l’émulsion et les poudres qu’on y ajoute (CaFF, BaSO*) s’agglutiner réciproquement en gros amas; il en est de même si Fon fait agir sur ces émulsions d’huile l’hydrate ferrique col- loïdal. Tous les flocons ainsi obtenus se montrent, au micros- cope, formés de la poudre ou de l’hydrate, et parsemés de gout- telettes d’huile. De même que nous l’avons observé dans l’agglutination des globules rouges parles précipités chimiques, l’addition d’uiie quantité très faible de sérum empêche complè- tement l’agglutination des globules d’huile par les poudres et l’hydrate ferrique. Etant donnée l’analogie complète que présente l’agglutination des globules rouges et des globules d’huile par les précipités chimiques et par Fhydrate ferrique, nous pensons que le phé- nomène relève dans les deux cas des mêmes causes, et que Fagglutiuatiûn des hématies par les poudres et les colloïdes AGGLUTINATION DES GLOBULES BOUGES ()8b n’est pas une conséquence indirecte de l’action d’électrolytes sur ces derniers, mais qu’elle a pour point de départ une action directe de ces éléments les uns sur les autres. * Nous venons de voir que certaines poudres (CaFU, BaSOS) agglutinent les globules; remplaçons mainte[iant les globules par du sérum et mettons ces deux poudres en contact de petites quantités de ce dernier: CaFD, est agglutiné tandis que BaSO^ sc comporte d’une façon absolument différente. Introduit dans de l’eau physiologique, BaSO^ subit très bien l’action de la pesan, teur et descend assez rapidement au fond du tube ; dans du sérum, au contraire, il ne descend plus ou ne se sédimetite que très lentement; il reste dans le liquide à un état de division extrôme^^ ment fine. Cette action dissociante du sérum surBaSO^ est très marquée ; elle est, en effet, encore visible, si nous ajoutons à 1 c. c., par exemple, d’eau physiologique à 8 ü/00, contenant 4 gouttes de notre émulsion de BaSO', 1 goutte de sérum dilué au 4/20. 11 y a donc, d’un côté, agglutination (BaSO^ et globules), de l’autre un phénomène tout à fait différent, une dissociation de la poudre (BaSO^ et sérum). 'Or on admet généralement que les albuminoïdes du sérum sont en solution colloïdale. L’émul- sion de globules et le sérum sont donc tous deux des émulsions d’albuminoïdes, dont les particules sont volumineuses dans la première, extrêmement petites dans la seconde. De plus, toutes deux ont la même charge électrique, négative». Gomment se fait-il, dès lors, que l’addition d’une même substance BaSO% à deux émulsions si comparables (globules et sérum), donne lieu à des phénomènes d’aspect aussi opposé? Agglutination et disso- ciation semblent en effet le contraire l’une de l’autre; mais sont- elles réellement aussi opposées qu’elles le paraissent à première vue? Ne sont-elles pas simplement deux conséquences trèsdiffé- rentes d’un seul et même phénomène fondamental, dont l’abou- tissant nous apparaîtrait, suivant les cas, être une agglutination ou une dissociation? 1. N'oublions pascependantque si,pourM“® Girard-Mangin et V. Henri le sérum peut être considéré comme un colloïde négatif, d’autres auteur*, notamment Neisseret Friedemann se basant sur les travaux de Hardy, font à ce sujet leurs réserves. # M®® Girard-Mangin et V. Henri, Soc. de Biol., 1904, n® 24. ** Neisser et Friedmann, L c. 44 690 ANNALES DE L^INSTITUÏ PASTEUR. Lorsque nous voyons les globules et BaSO^ s'agglutiner, il nous faut bien admettre une adhésion entre la poudre et les globules. Lorsque au lieu de globules on emploie du sérum et que BaSO^ est dissocié par celui-ci, une adhésion ne se produirait- elle pas aussi entre la poudre et les particules alluminoïdes du sérum? Des lors, le phénomène fondamental serait une adhésion de la poudre avec les globules, d’une part, avec les albuminoïdes du sérum, de l’autre; mais cette adhésionseraitsuivie tantôt d’une agglutination des deux éléments (BaSO^ etglobules), tantôt d’une dissociation de la poudre (BaSO^ et sérum). Voici les expériences que nous avons établies pour vérifier le bien-fondé de cette hypothèse : Expérience. — Si une adhésion existe entre les particules albuminoïdes du sérum etBaSO^, le pouvoir dissociant du sérum vis-à-vis de cette poudre, doit avoir une limite. Pour nous en assurer, nous allons faire agir sur une petite quantité de sérum, une forte dose de BaSO‘. Centrifugeons d’abord 5 tubes conte- nant chacun 2 c. c. de notre émulsion de sulfate, puis rejetons Jes liquides surnageants. Délayons ensuite l’un des culots ainsi obtenus dans le sérum à expérimenter (6/10 c. c. de sérum frais de cheval dilué avec 1,5 c. c. d’eau physiologique). Après quel- ques minutes de contact, centrifugeons et délayons de même, dans le liquide décanté de ce premier tube, le deuxième culot ; puis passons au troisième, et ainsi de suite. Après cela, faisons agir le sérum ainsi traité sur une petite dose de BaSO^ ; nous consta- tons qu’il n’a plus aucune action dissociante sur cette poudre ou une action infiniment plus faible que le sérum dilué d’où nous sommes parti. De même il n’agglutine plus GaFP et n’empêche plus l’agglutination des globules ni par GaFiS [^ni par BaSOL La solution colloïdale que constitue le sérum perd donc ses substances albuminoïdes par son contact avec de fortes doses de BaSOS tout comme une émulsion de globules rouges, qui agglutine le sulfate, perd ses globules. 2® Expérience. — Sila comparaison estjuste, nous devons admet- tre qu’au BaSO^ mélangé à du sérum, adhérent les colloïdes du sérum qui le maintiennent dissocié, comme les globules s’unis- sent au sulfate pour former des amas. Si on lave à plusieurs reprises dans l’eau physiologique ces amas qui sont le résultat de l’adhésion des globules et de la poudre, ils persistent, c’est- AGGLUTINATION DES GLOBULES ROUGES 691 à-dire que Tunion des deux éléments se conserve. Si nous lavons de même du sulfate de baryum qui a été au contact de sérum, restera-t-il dissocié, c'est-à-dire l’adhésion de la poudre aux colloïdes dissociants du sérum persistera-t-elle? Une certaine quantité de BaSO‘ (12 gouttes de notre émul- sion) est mélangée à une forte dose de sérum de cheval (3 c. c. de sérum frais dilué au 1/4-); on centrifuge après 15 minutes environ. Le culot est ensuite lavé dans l’eau physiologique jus- qu’à ce que les eaux de lavage ne contiennent plus trace de sérum libre, ce dont on est certain quand ces eaux, portées à l’ébullition, ne blanchissent pas, ou encore quand elles ne disso- cient plus du nouveau sulfate. Or si, à ce moment, nous repor- tons dans de l’eau physiologique le sulfate qui a été au contact du sérum, il reste émulsionné. Nous avons obtenu de la sorte une émulsion différant complètement du BaSO^ neuf contenu dans l’eau physiologique; cette émulsion, d’un aspect très col- loïdale, ressemble à du lait ; elle finit toutefois par se clarifier, mais sans qu’il paraisse y avoir une agglutination de ses parti- cules, car une légère secousse remet le tout en parfaite émulsion. Cette expérience est la contre-partie de la précédente : le sérum doit son pouvoir dissociant à des substances colloïdales qui adhérent au BaSO^, tout comme les globules s’accollent ‘à cette poudre. i ; 3® Expérience. — Nous avons cherché à démontrer d’une façon plus directe l’union qui s’établit entre les colloïdes du sérum et les poudres que ce sérum dissocie. Gomme on va le voir, nous avons pu remettre en liberté ces colloïdes, les séparer de la pou- dre à laquelle ils s’étaient attachés. Pour cela, il était nécessaire de pouvoir éliminer cette poudre, par exemple en la dissolvant; nous nous sommes servi à cet effet non du BaSO* difficile à dissoudre, mais de phosphate tricalcique en émulsion dans l’eau distillée. De même que BaSO% le phosphate tricalcique, qui se sédimente assez rapidement dans l’eau physiologique et dans l’eau distillée, reste longtemps en émulsion en présence de sérum de cheval : 3 gouttes de notre émulsion, par exemple, restent longtemps dissociées dans 1 c. c. de sérum frais dilué au 1/10. Saturons donc de sérum (4 c. c. de sérum dilué au i/4 par de l’eau physiologique) une dose assez considérable de phosphate tricalcique (20 gouttes de notre émulsion); puis 694 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUli. après 1 /4 d’heure de contact centrifugeons le précipité et lavons- le à maintes reprises à Teau physiologique, jusqu’à ce que cette dernière ne contienne plus de sérum libre, ce que l’on vérifie comme dans l’expérience précédente. Le phosphate est ensuite remis dans un volume d’eau physiologique égal à celui du sérum avec lequel il avait été en contact. Nous obtenons ainsi une émulsion homogène, comme dans le cas du sulfate de baryum imprégné de sérum. Introduisons dans un tube (t. 1) 1 c. c. de cette émulsion (phosphate-sérum); dans un tube 2 une quantité correspondante de phosphate neuf; diluée dans 1 c. c. d’eau physiologique, dans un tube 3, une très faible quantité (0,025 c. c.) de sérum et 1 c. c. d’eau physiologique. Ajoutons ensuite à chacun de ces 3 tubes, 1 goutte d’acide acétique. Le tube 3 ne présente aucune modification ; dans les tubes 1 et 2, une certaine quantité de phos- phate se dissout, le reste demeurant en suspension. Après 1/4 d’heure, centrifugeons ces deux tubes, puis décantonsles liquides obtenus. Ces liquides ne diffèrent entre eux que par ceci : l’un pro- vient de la dissolution de phosphate neuf (t. 2), l’autre delà disso- lution du même phosphate imprégné au préalable des substances dissociantes du sérum (t. 1). Si, comme nous le disions tantôt par la dissolution du phosphate auquel elles étaient fixées, nous avons remis ces substances en liberté, elles doivent être pré- sentes dans le liquide du tube 1 , de sorte que si nous introduisons à présent du sulfate de baryum, elles devront le dissocier comme le ferait du sérum. C’est, en effet, ce que l’on observe : ajoutons à ces deux liquides, ainsi qu’au tube 3, 4 gouttes de BaSO^ il se sédimente rapidement dans le tube 2 (dissolution du phos- phate neuf), tandis qu’il reste dissocié dans le tube 1 (phosphate- sérum redissous), ainsi que dans le tube 3. Des tubes témoins montrent que ni les eaux de lavage ni l’acide acétique n’ont la moindre action dissociante sur BaSOL On peut donc, en choisissant une poudre susceptible d’être dissociée par le sérum et facile à solubiliser, défaire la combinaison qui s’établit entre elle et les substances colloïdales du sérum qui la dissocient L 1. Notons que si, au lieu d’âcide acétique, on emploie HCl, qui dissout la totalité du phosphate, on constate que BaSO^ n’est pas maintenu dissocié dans le liquide provenant de la dissolution du phosphate imprégné de sérum; mais il faut remarquer qu(" BaSO^ se sédimente .au!«si dans du sérum additionne de la même quantité de HCL Gela tient donc simplement à ce que HCl empêche l'action dissociante du sérum. AGGLUI'INATION DES GLOBULES ROUGES B93 Ces expériences montrent, nous semble-t- il, que tout au moins dans les cas qui nous ont occupé, les phénomènes d’agglu- tination (globules BaSO^) et de dissociation (sérum Ba SO^), d’aspect si différent ont cependant pour point de départ le même fait : l’atfinité de la poudre pour les globules et les colloïdes du sérum. Quelle est la cause qui, dans des cas aussi voisins, détermine des phénomènes aussi o.pposés? Nous n’essayerons pas de donner une raison définitive de cette dissemblance; nous nous contenterons d’émettre une hypothèse; nous avons du reste cherché à l’étayer par quelques faits. Puisqu’il est acquis qu’une adhésion se produit dans ces deux cas entre la poudre et les particules qui constituent soit Uémulsion de globules rouges, soit le sérum, on peut se demander si, lorsque les com- binaisons dues à cette adhésion se sont produites, les propriétés respectives desélérnents employés n’influencent pas la tournure que prend la réaction. BaSO^, comme on le sait, ne demande qu’à se déposer, étant très sensible à l’action de la pesanteur. Or o[i le met en présence, d’un côté, de globules, c’est-à-dire de particules qui, elles aussi, se sédimentent, qui ne restent pas aisément en suspension ; nous pouvons supposer que la tendance de BaSO* à se sédinieuter n’étant que médiocrement neutralisée par une tendance contraire des globules, l’influence du sulfate va prédominer et la combinaison BaSO^-globules descendre rapidement au fond du tube. Au contraire quand on met BaSO‘ en présence de sérum, il rencontre les colloïde» de ce dernier, colloïdes extrêmement difficiles à précipiter; la tendance de BaSO^ à se sédiinenter sera donc ici contrebalancée par une influence opposée très prononcée ; si celle-ci prévaut, la com- binaison BaSO% ne se sédimentera pas, mais restera dissociée dans le liquide; c’est ce qu’on observe, ainsi qu’il a été dit plus haut. Dans cette hypothèse, ce serait de l’issue d’une lutte d’influ- ences opposées que dépendrait l’apparition de la dissociation de BaSÜ^ par le sérum. S’il en est ainsi, nous pouvons chercher à modifier le résultat de cette lutte, en affaiblissant l’une ou l’autre de ces influences; c’est ce que nous nous sommes efforcé de réaliser. On sait que lorsqu'on le chauffe à 60^ — 65® le sérum passe par une série d’états transitoires dont l’aboutissant est la 694 ANNALES DE L’INSïlTUT PASTEUR. coagulation en bloc. On peut éviter ce bloc en diluant au préalable le sérum; alors les albuminoïdes du sérum se coagulent enoore parle chauffage, — plus ou moins complètement suivant le degré de dilution, — mais sans se prendre en masse. En laissant un quart d’heure, par exemple, dans l’eau bouillante, du sérum de cheval additionné de 3 fois son volume d’eau physiolo- gique, on obtient un liquide blanchâtre où les albuminoïdes sont, tout au moins en grande partie, coagulées, sans former bloc; ce liquide est encore une véritable solution colloïdale; mais com- paré à du sérum non chauffé, il représente une solution col- loïdale dont les particules ont plus de tendance à s’agglomérer et à se sédimenter. Préparons deux tubes, contenant la même quantité de BaSO\ dans le même volume d’eau physiologique, puis ajoutons, à l’un d’eux, une dose déterminée de sérum dilué au 1/4 dans l’eau physiologique, non chauffé, et à l’autre un volume iden- tique du même sérum dilué, mais porté au préalable 1/4 d’heure dans l’eau bouillante. BaSO^ reste finement dissocié dans le premier tube, tandis qu’il forme dans le second des blocs, que l’on ne peut confondre avec la sédimentation spontanée de cette poudre dans l’eau physiologique sans sérum. Une fois cette agglutination faite et les amas déposés, on constate que l’aspect lactescent du liquide surnageant a diminué et, si on y ajoute une nouvelle dose de BaSO^, on observe que corrélativement à cet éclaircissement du liquide, son pouvoir agglutinant a baissé. Quand BaSO^ est agglutiné par le sérum chauffé, il y a donc soudure entre cette poudre et les substances colloïdales, aux- quelles le sérum chauffé doit son aspect laiteux. Puisqu’il en est ainsi, on peut enlever à du sérum chauffé son pouvoir agglutinant, en le faisant agir sur des quantités suffisamment fortes de BaSO\ En effe.t, amassons par centrifugation, au fond d’un tube, le sulfate contenu dans 4 c. c. de notre émulsion et rejetons le liquide surnageant; puis délayons le culot dans un mélange contenant 0,6 c. c de sérum de cheval et 1,8 c. c. d’eau physiologique (mélange porté au préalable pendant 15 minutes dans l’eau bouillante); après quelques minutes, centrifugeons à nouveau. Le liquide surnageant est absolument limpide, sans action sur du nouveau BaSO\ et ne blanchit plus à 100% même AGGLUTINATION DES GLOBULES ROUGES 695 si oa le laisse pendant une heure à cette température. En résumé, nous avons vu que la dissociation du BaSO* par le sérum, et l’agglutination de cette poudre par les globules rouges ont comme point de départ le même phénomène : l’adhésion du sulfate des particules qui constituent le sérum et l’émulsion de globules. Nous avons émis l’hypothèse que le sort de la combinaison ainsi formée dépendait de l’intensité de la tendance à rester en suspension des particules unies au BaSOS et qu’en diminuant cette tendance nous parviendrions peut-être à rendre prépondérante l’influence de la poudre et à provoquer ainsi une agglutination là où nous avions une dissociation. L’expérience, comme nous venons de le voir, appuie celte sup- position/. 1. Nous rencontrons évidemment ici deux objections, qu’il nous paraît utile de combattre avant de nous avancer plus loin. On pourait en effet penser que les substances qui provoquent l’agglutination ou la dissociation de BaSO^ suivant que le sérum a été chauffé ou non, ne sont pas les mêmes; et on pourrait croire que le chaufïage a simplement fait apparaître le pouvoir agglutinant du sérum en détruisant les substances dissociantes de ce dernier. Il ne paraît pas en être ainsi. En effet, si on traite une certaine quantité de sérum frais dilué (5/10 c. c. -f 1,5 c. c. d’eau physiologique) par de fortes doses de BaSO'% on enlève, ainsi que nous l’avons dit tantôt, les substances dissociantes du sérum. Si on porte à 100°, pen- dant 1/4 d’heure, le sérum dilué ainsi traité, en même temps qu’un autre tube contenant le même sérum, mais non traité par BaSO^, on voit ce dernier devenir absolument laiteux par coagulation des albuminoïdes, tandis que le premier ne blanchit pas ou à peine. Mis en contact d’une faible dose de BaSO^, il ne l’agglutine pas ou extrêmement peu. En enlevant au sérum frais, par de fortes doses de sul- fate, les substances qui dissocient ce dernier, on lui enlève en même temps la possibilité de devenir, par le chauffage, agglutinant pour cette poudre, c’est là une forte présomption pour que ce soit aux mêmes substances que le sérum doit d’agir différemment sur BaSO^, suivant qu’il a été chauffé ou non. On pourrait encore nous objecter que le pouvoir dissociant du sérum est con- servé même après le chauffage de ce dernier, mais qu’il est masqué par les pro- priétés agglutinantes que développe le chauffage. Gela ne nous semble pas être exact. En effet, nous avons vu tantôt que l’on peut enlever au sérum chauffé ses propriétés agglutinantes en le traitant par de fortes doses de BaSO^, mais on peut remarquer, en examinant nos chiffres, que cet épuisement est bien plus facile que celui du pouvoir dissociant du même sérum, non chauffé. Ainsi, tandis que 4 c. c. de notre émulsion de sulfate suffisent pour enlever à 2,4 c. c. de sérum au 1/4, chauffé à 100«, toute propriété agglutinante pour cette poudre, 10 c. c. de la même émulsion ne font qu’appauvrir le pouvoir dissociant de 2 c. c. du même sérum au 1/4, non chauffé. On pourrait donc, si les propriétés agglutinante et dissociante du sérum appartenaient à des substances différentes, enlever la première par une quantité assez faible de BaSO^, tout en conservant la seconde. Traitons donc un volume déterminé de sérum chauffé par la quantité de sulfate justement suffisante pour en enlever le trouble; nous lui enlevons de la sorte tout pouvoir agglutinant, mais il est aisé de constater qu’il n’a pas retrouvé trace de sa propriété disso- ciante. Nous pouvons donc admettre que c’est bien aux mêmes substances, modi- fiables par la chaleur, que sont dues les deux actions opposées du sérum sur BaSO^. 696 ANNALES DE L’INSTITUT PAS'IEUR. S'il en est ainsi, l’agglulinalion de BaSO^ et du sérum chauffé repose sur la diminution de l'état colloïdal de ce dernier, nous obtiendrons peut-être des phénomènes différents, suivant que nous mettrons en contact d’une même quantité de poudre tantôt une dose faible, tantôt une dose forte de sérum chauffé. Intro- duisons dans deux tubes des quantités identiques (4 gouttes de notre émulsion) de BaSO'*, puis ajoutons à Tun d’eux 0,95 c. c. d’eau physiologique et 0.05 e. c. de sérum chauffé; à l’autre 0,6 c. c. d’eau physiologique et 0,4 c. c. du même sérum. Nous obtenons une belle agglomération dans le premier tube (peu de sérum), tandis que la poudre reste dissociée dans le second (beaucoup de sérum). Il a donc suffi de remédier à l’affaiblisse- ment que le chauffage détermine dans le pouvoir dissociant du sérum, en employant une plus grande quantité de ce dernier, pour obtenir de nouveau la dissociation de la poudre. Non seulement une forte dose de sérum chauffé peut disso- cier du BaSO^ neuf, mais elle peut remettre en suspension fine du sulfate préalablement agglutiné par une faible quantité du sérum. Préparons deux tubes contenant chacun 0,95 c. c. d’eau physiologique, 0.05 c. c. de sérum chauffé et 4 gouttes de notre émulsion de BaSO^ ; quand l’agglutination est complète, ajou- tons à l’un d’eux (tube 1) 0,35 c. c. du même sérum chauffé et à l’autre (t. 2), 0,35 c. c. d’eau physiologique. Agitons énergi- quement les deux tubes; tandis que l’agglutination persiste dans le tube 2, la poudre est finement dissociée dans le tube 1 ; celui-ci présente absolument le même aspect qui si on eût fait agir d’emblée sur les 4 gouttes de BaOS*, 0,4 c. c. de sérum chautié L Quand le sérum a été chauffé 1/4 d’heure à 100°, après avoir été dilué dans 3 volumes d’eau physiologique, et qu’il est ainsi devenu opaque, il faut, pour obtenir la dissociation de BaSOS employer une forte dose de sérum chauffé. Cependant on peut chauffer à 100° du sérum dilué et lui conserver intact, ou peu s’en faut, son pouvoir dissociant ; si nous diluons en effet le sérum non plus avec 3 volumes d’eau physiologique, mais avec 3 volumes 1. Signalons la ressemblance que présente ce fak avec l’observation de Henri et Mayer, qui ont vu que des amas résultant de l’agglutination réciproque de deux colloïdes de signe électrique contraire se redissolvent dans un excès de l’un ou de l’autre de ces colloïdes*. * Henri et Mayer, Soc. de Biol, 1904, n° 19. AGGLUTINATION DES GLOBULES ROUGES 697 d’eau distillée, et si nous le chauffons 1/4 d’heure à lOO^^, il conserve presque complèlement son pouvoir dissociant des poudres. Mais hâtons-nous de faire remarquer que, tandis que le sérum dilué d’eau physiologique est fortement blanchi, le sérum dilué d’eau distillée l’est à peine, c’est-à-dire que les albuminoïdes du sérum n’ont été coagulées que très incomplètement. Cette modification des albuminoïdes est donc indispensable, pour que, les colloïdes perdant suffisamment de leur tendance à rester en solution, Tin- fluence contraire du sulfate de baryte puisse prévaloir et pro- voquer la formation de grumeaux. Et en effet, si nous chauffons pendant 1/4 d’heure du sérum dilué dans l eau physiologique, à des températures variables : 55*^, 70°, 85°, 100°, nous constatons que l’agglutination du BaSO* se fait par le sérum chauffé à 85° ou à 100°, ta[idis qu’il y a dissociation de la poudre quand la tempé- rature ne s’est élevée qu’à 55° ou 70°. Or, le sérum chauffé à 70° n’a pas blanchi, tandis qu’à 85° le sérum dilué est devenu laiteux. Tous ces faits montrent que lorsqu’on mélange BaSO‘ à du sérum, on obtient une agglutination des deux éléments ou une dissociation de la poudre par le sérum, suivant que l’état col- loïdal de ce dernier est plus ou moins prononcé. Mais ces deux phénomènes, si différents^ reposent sur le même fait : l’adhésion des colloïdes à la poudre, tout comme, dans un mélange de sulfate et de globules, ceux-ci se collent au sulfate. Les deux laits, d’aspect si contraire : agglutination des globules par les précipi tés chimiques, suspension de ces derniers dans le sérum, ont donc un point commun. L’existence de cette adhésion du sérum avec les poudres, comme BaSO ’, rend aisée, nous semble-t-il, l’explication du rôle empêchant que ce colloïde joue dans l’agglutination des globules par ces poudres. Cette adhésion résultant évidemment d’une affinité entre ces poudres (BaSO\ etc.) et le sérum, il nous suffit d’admettre que celle affinité est plus forte que celle qui cherche à unir globules et poudres. Ayant à choisir entre les globules et le sérum, les poudres optent pour le sérum. Jusqu’ici nous avons simplement relaté les expériences que nous avons exécutées avec les poudres, les globules et le sérum, et indiqué les conclusions qui découlent des faits observés. Qu’il nous soit permis — bien que nous entrions peut-être ici dans le 698 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR domaine de l’hypothèse — de jeter un coup d’œil, en utilisant ce que nous avons appris au sujet des poudres, sur les phénomènes que l’on a constatés dans l’étude des substances colloïdales, y. Henri, Lalou, Mayer et Stodel ^ ont vu que si on mélange un colloïde, négatif par exemple, stable’ c’est-à-dire peu impres- sionnable par les électrolytes, à un colloïde de même signe, instable, c’est-à-dire sensible aux sels, le mélange ne se précipite pas et devient même plus insensible aux électrolytes que ne l’est le colloïde instable. Quand les électrolytes parviennent àfloculer le mélange, le précipité obtenu contient les deux colloïdes. Mal- heureusement, ce fait ne nous renseigne pas sur les rapports qu’ont entre eux les deux colloïdes pendant qu’ils sont en solu- tion. On est tenté d’admettre que si le colloïde stable protège le colloïde instable contre l’action des électrolytes, c’est parce qu’il y a adhésion entre leurs particules. Cette protection d’un colloïde instable par un colloïde stable ressemble évidemment à la pro- tection que le sérum exerce sur BaSO^ contre l’action de la pesan- teur. Nous avons montré que cette protection, qui amène une suspension de la poudre, relève précisément d’une adhésion de la poudre aux colloïdes du sérum. Aussi pensons-nous qu’il ne serait pas déraisonnable d’admettre que dans les mélanges de même signe électrique, la protection de l’instable par le stable relève aussi d’une adhésion des particules de ces deux corps. Il y aurait donc là adhésion comme dans les mélanges de deux colloïdes de signes opposés, mais tandis que dans ce dernier cas il se produit une floculation, celle-ci manque dans les mélanges de colloïdes de même signe. L’adhésion se ferait ainsi entre les colloïdes, sans tenir compte de leur charge électrique ; suivant les cas, il se produi- rait ou non une floculation ultérieure. Mais cette floculation n’apparaîtrait plus comme la démonstration indispensable de l’adhésion des deux colloïdes; l’absence de floculation ne pour- rait plus être interprétée comme l’indice certain d’une absence d’adhésion entre les colloïdes. La précipitation de ceux-ci serait due à des facteurs dont un certain nombre paraissent actuelle ment connus (électrolytes, charges électriques contraires). L’existence d’une telle adhésion expliquerait aisément un phénomène observé par M*^® Girard-Mangin et V. Henri et qui 1. Hexri, Lalou, Mayer, Stadel, loc. cit. AGGLUTINATION DES GLOBULES ROUGES G99 consiste dans Fobstacle apporté par de faibles quantités de sérum à Fagglutination des globules par les colloïdes, aussi bien négatifs que positifs \ Le sérum étant considéré comme un colloïde négatif, on comprend facilement qu’il s’oppose à Fac- tion des colloïdes positifs sur les globules; car il flocule ces colloïdes comme tout colloïde négatif flocule les colloïdes posi- tifs et inversement. Mais cette explication, dans la pensée de M“® Girard-Mangin et V. Henri, ne peut s’appliquer au cas des colloïdes négatifs, puisqu’ils ne sont pas précipités par le sérum. Se basant sur l’interprétation qu’ils ont donnée de l’agglutination des globules rouges par les colloïdes, interpré- tation que nous avons examinée dans la première partie de ce travail, ces auteurs ont expliqué le rôle empêchant du sérum sur le pouvoir agglutinant des colloïdes négatifs, par Fobstacle qu’apporte tout colloïde stable (sérum) à la floculation des colloïdes instables de même signe (négatif) par les électrolytes qui, dans le cas présent, sont les sels endoglobulaires diffusés des hématies. Si l’hypothèse d’une adhésion entre les colloïdes stables (sérum) et instables de même signe, combinaison de même ordre que celle du sérum avec BaSO^ est exacte, il suffit, pour expliquer l’entrave qu’apporte le sérum à l’agglutination des globules par les colloïdes instables négatifs, d’admettre que l’aflinité des colloïdes pour le sérum l’emporte sur leur affinité pour les globules. Ce serait donc toujours pour la même raison que le sérum empêche l’agglutination des globules rouges, et par les colloïdes positifs qu’il flocule, et par les colloïdes négatifs qu’il ne flocule pas, et par BaSO^ qu’il dissocie. CONCLUSIONS 1® Certains pré(îipités chimiques agglutinent, puis hémo- lysent les globules rouges lavés; 2° Cette agglutination a pour origine une action directe des précipités sur les globules, et inversement; 3® Il est probable que le pouvoir agglutinant des colloïdes sur les globules, doit avoir aussi pour base une action directe de ces éléments les uns sur les autres; 1. C’est évidemment là un fait analogue à celui que nous avions nous-même relaté dans notre première note, à savoir que le sérum empêche l’agglutination et l’hémolyse des globules par les poudres. 700 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. 4® Le sérum empêche, même à petites doses, Tagglutination et l’hémolyse des globules par les précipités ; 5® Le sérum trais maintient en suspension fine certains pre'cipités, tels que le sulfate de baryum; 6° Dans cette dissociation de BaSO^ par le sérum, il y a adhésion à cette poudre, des colloïdes albuminoïdes du sérum; cette dissociation de BaSO^ par le sérum et l’agglutination de BaSO^ par les globules ont donc un point initial commun ; l’adhésion à la poudre de particules en suspension (globules, colloïdes du sérum). L’adhésion des albuminoïdes du sérum aux poudres qu’ils dissocient peut se démontrer notamment, soit par ce fait que les poudres qui ont été dissociées par du sérum, restent dissociées si on enlève tout excès de sérum, soit par cette circonstance que l’on peut, en employant des précipités convenables (Ca® (PO *), remettre en liberté les substances col- loïdales qui s’y étaient attachées et les maintenaient en suspen- sion ; 7° Dans l’apparition d’une agglutination ou d’une dissocia- tion du précipité, il semble que l’intensité avec laquelle les par- ticules qui s’attachent à la poudre tendent à rester en suspen- sion, joue un certain rôle; 8® Il est possible que, dans un mélange de deuK colloïdes de même signe électrique, dont l’un est stable, l’autre instable, la protection que le premier exerce sur le second contre l’action floculante des électrolytes soit due à une adhésion réciproque des particules des colloïdes. [E U SYMBIOSE DJ BAClUE lYPHUDE AVEC D’AUIRES MICROBES LA FIËVRE TTPHOÏDE EXPERIHEHTAIE Par le D'' J. ATLASSOFF (Travail du laboratoire de M. Metchnikoff. ) I DE LA SYMBIOSE DU BACILLE d’eBERTII AVEC d’aüTRES MICROBES Le but que nous nous sommes proposé était de trouver les microbes qui favorisent le développement du bacille typhique, dans Fespoir de reproduire, avec leur concours, chez les animaux, la fièvre typhoïde expérimentale. Pour résoudre cette question, il a fallu déterminer d^abord dans quelles conditions le bacille typhique ne poussait plus ou ne poussait que très faiblement. Si nous pouvions trouver des microbes favorisants qui permettraient au bacille typhique de cultiver, .même dans ces conditions défavorables, la solution du problème que nous étudions serait peut-être facilitée. On sait que le bacille d’Eberth se développe mal dans des milieux acides; il a donc fallu préciser les limites de Pacidité qui commencent à être incompatibles avec la vie du bacille typhique. Les milieux employés étaient la gélose et la gélatine; cette dernière, à cause de sa transparence, permet d’apprécier des détails des cultures, d’autant plus qu’elle ne se trouble pas comme la gélose, après l’addition d’acides. Pour acidifier nos milieux, nous nous sommes adressé à la solution normale d’acide chlorhydrique (36?^5 de HCL pour 1 litre d’eau). En faisant pousser le bacille typhique dans des milieux dont la teneur en acide augmentait de plus en plus, nous avons 702 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. constaté que la culture ne se faisait plus, lorsque la teneur en acide était de 0,0121 HCL pour 10 c. c. de milieu, soit de 0,121 0/0. Ceci établi, nous nous sommes mis à ensemencer, dans des boîtes de Pétri, simultanément le bacille typhique et différents autres microbes, tantôt en croix, tantôt en faisant des stries parallèles. Nous avons étudié de’ la sorte la symbiose du bacille d’Eberth avec les microbes suivants : B. coli comm., proteus vul- garisa stapkylococcus aureus, B, subtilis. B, mesentericus , B. Fried- lànder, sarcina rosea, sarc. Palm., sarcina flava, sarcina' alba et îonikL Sans entrer dans les détails de ces expériences, nous nous contenterons de formuler les conclusions auxquelles nous sommes arrivés. 1° Le B. coli comm. pousse bien avec le bacille typhique, mais souvent il empiète sur ce dernier; il donne encore des cul- tures dans des milieux ,dont Tacidité est de 0,1825 0/0 HCL et dans lesquels le bacille typhique ne se développe plus; 2® Nous avons constaté que la plupart des microbes cités plus haut n’avaient aucune influence quelconque sur la culture du bacille typhique; Le bacille de Friedlander favorise un peu le développe- ment du bacille typhique : a) ce dernier peut donner encore une culture, en présence du bacille de Friedlander, bien que le milieu ait atteint la limite d’acidité, soit 0,121 0/0; si celle-ci est dépassée, le bacille typhique cesse de cultiver, alors que le bacille de Friedlander continue à se développer, même dans un milieu contenant 0,1825 0/0 de HCL; b) lorsqu’on ensemence ces deux microbes en croix, on voit que le bacille typhique abandonne la strie suivant laquelle il devait se développer, et suit celle du bacille de Friedlander dans ce dernier cas; il peut même pousser plus abondamment que lorsqu’il est seul; 4^^ L’action favorisante est surtout très nette pour la torula rosea. En présence de cette dernière, le bacille typhique supporte une acidité de 0,1825 0/0, parfois même de 0,243 0/0, soit double de celle qu’il est capable de tolérer étant seul. Le phé- nomène signalé pour le bacille de Friedlander est beaucoup plus prononcé dans le cas de la torula. Nous avons étudié sous ce rapport plusieurs espèces de 703 LA FIÈVRE typhoïde EXPÉRIMENTALE torula, mises obligeamment à notre disposition par M. le D^^Binot de l’Institut Pasteur : T. Hansen, T. nigra, T. alba et T. rosea. Les meilleurs résultats de tous ont été obtenus avec la T. rosea ; vient ensuite T. alba, puis T. nigra; T. Hansen exerce Faction la plus faible de toutes. Les résultats de la symbiose deviennent manifestes après plusieurs jours, souvent après une semaine et plus. Quel est le mécanisme de Faction favorisante de la torula rosea? Est-ce le changement de la réaction du milieu, est-ce l’influence favorable de ses produits de sécrétion, est-ce le chan- gement de la constitution du milieu de culture, est-ce, enfin, que le microbe favorisant sert de substance nutritive au bacille typhique? Dans l’impossibilité de résoudre ces questions, nous nous sommes proposé de voir seulement s’il ne s’agit pas ici d’un changement de réaction du milieu qui, d’acide, deviendrait alcalin. ' Pour résoudre cette question, j’ai fait, sur le conseil de M. Metchnikolf, l’expérience suivante : profitant de ce que beaucoup de champignons transforment le milieu acide en milieu alcalin, j’ai ensemencé sur de la gélose acide (0,14G 0/0 — 0,1825 0/0 — 0,243 0/0 HCL) le bacille typhique en même temps que les champignons suivants : Aspergülus oryzœ, A. fumigatus, A. nigei\ A. glaiicus, Pénicillium glaucum. Ils ont tous donné des cultures sur gélose acide, sauf le A. glaucus qui ne pousse plus, quand l’acidité est de 0,1823 0/0 HCL. A partir du 5® jour, on pouvait constater, par le bleuissement du tournesol, l’apparition de la réaction alcaline, mais malgré cela le bacille typhique ne se développait' pas; or, ce dernier, ensemencé avec la torula rosea dans ces mêmes milieux, a donné une culture sans même que la réaction des milieux fût devenue alcaline. Ce n’est donc pas dans le changement de la réaction du milieu qu’il faut chercher la cause de Faction favorisante de la torula rosea sur le bacille typhique. Le même fait a été, du reste, observé par M. Metchnikofl* au sujet du vibrion cholérique (2). Cette action de la torula joue-t-elle aussi un rôle, au point de vue clinique ou épidémiologique? On sait que la torula est très répandue dans la nature (3) et (4). On la trouve très sou- vent dans l’estomac chez l’homme; ainsi De Bary (5), sur 17 per- 704 ANNALES DE 1/lNSTITUT PASTEUR. sonnes examinées à Strasbourg, l’a trouvée dans 76 0/0 des cas; cette fréquence a été également constatée par Capitan et Moreau (6); Metchnikoff, en examinant le contenu stomocal chez l’homme, y trouvait plus souvent des toriiîa que des sarciens (7). Une étude plus approfondie de cette question projetera peut- être une lumière sur la prédisposition de certaines personnes à la fièvre typhoïde, ainsi que sur d’autres problèmes d’ordre épidémiologique. Nous passerons maintenant, aux expériences ayant trait à la fièvre typhoïde expérimentale chez les jeunes lapins. Bien que l’agent de la fièvre typhoïde soit connu depuis plus de 20 ans, on est encore loin d’être fixé sur la possibilité de reproduire expérimentalement cette maladie. D’après certains auteurs, tels que Neufeld (8), Beumer et Peiper (9), Siroti- nin (10), Ali-Cohen (H), Baumgarteii (12) et d’autres, les lésions produites chez les animaux par l’injection du b. typhique ne sont pas spécifiques et peuvent être obtenues par n’importe quels autres bacilles, pourvu que l’on en injecte beaucoup. D’autres auteurs, qui ont cru pouvoir déterminer la fièvre typhoïde expérimentale chez les animaux, injectaient les bacilles typhiques sous la peau, dans le péritoine ou dans les veines, (Gilbert et Girod (13), Petruschky (14), Germano et Moreau (15), Pfeiffer et Kolle (16), (]hantemesse et Widal (17), Sanarelli (18) et d’autres). Quel que soit du reste le mode d’jnjeclion, il est clair qu’il est très différent de celui qui s’observe chez l’homme. Le mode d’inoculation de choix est l’inoculation par la voie gastro-intestinale. Il a été mis en usage seulement deux fois : d’abord, par Chantemesse et Ramond (19), puis, par Remlinger (20). Chan- temesse et Ramond auraient obtenu des résultats positifs chez un macaque qu'ils avaient nourri avec un mélange de confitures et de bacilles typhiques, puis chez des lapins qu’ils avaient préa- lablement (( humanisés » en leur injectant pendant 3 semaines du sérum humain et de l’urine. Les expériences de Remlinger sont plus simples. Ce savant a obtenu une affection mortelle chez les animaux, en leur donnant à manger des légumes souillés de cultures typhiques, après 2-3 jours de jeûne. Rappelons ici les expériences de Metchnikoff sur le choléra. Après avoir démontré l’importance des microbes favorisants et LA FIÈVRE typhoïde EXPÉRIMENTALE 705 empêchants sur la culture du vibrion cholérique, il pensa que si Ton ne réussit pas à reproduire le choléra chez les animaux de laboratoire, en introduisant des vibrions dans leur tube digestif, cela devrait tenir à ce que les vibrions y rencontrent des microbes exerçant une action^ antagoniste. L'asepsie de l'appareil gastro-intestinal étant très- difücile à réaliser, comme cela ressort des recherches de Stern (21) et comme cela a été plus tard confirmé par Strasburger (22) et d'autres, Metchnikoff eut l’idée de s'adresser aux lapins nouveau-nés dont la flore gastro-intestinale est très pauvre en microbes. Chez des lapins âgés de 8 jours, Tissier (23) n'a trouvé que des streptocoques et une espèce de diplocoques. L'expérience a fort bien réussi '‘chez des jeunes lapins auxquels on fît avaler des cultures de choléra, surtout lorsqu’on ejouta des microbes favorisants. Il y avait donc lieu de supposer que, pour la fièvre typhoïde expérimentale, il en serait de même, si les bacilles d’Eberth ren- contraient des microbes antagonistes dans la flore bactérienne très riche de l'intestin. Guidé par cette considération, nous avons expérimenté sur de jeunes lapins et, pour plus de certi- tude, nous avons adjoint, dans la plupart des cas, aux cultures typhiques, la torula rosea. , Les cultures typhiques étaient d'abord introduites dans la bouche, suivant la technique de Metchnikoff, au moyen d’une baguette en verre avec laquelle on avait raclé la surface de la gélose; plus tard, je préparais une ^émulsion de bacilles typhi- ques que je faisais avaler aux jeunes lapins, au moyen d'une tétine en caoutchouc. Les deux procédés donnent de bons résul- tats. Les cultures typhiques étaient toujours âgées de 24 heures; celles de torula étaient du même âge, la plupart du temps; ce n’est que dans des cas très rares que j'employais des cultures - de torula âgées de 2-3 jours, quand celles de 24 heures étaient trop pauvres. Au cours de mes expériences j’ai eu à ma. dis- ' position quatre origines différentes de bacille typhique. La culture (A), dont je me suis servi au début, était peu virulente; la culture (B), âgée de 24 heures, tuait un cobaye de 300 grammes en 22 heures, en injection intrapéritonéale; elle n'était donc pas bien virulente non plus. La culture (G), que j'ai isolée du cœur du cobaye infecté avec (B), s'est montrée 45 706 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR plus virulente : 1/5 de culture de 24 heures sur gélose tuait un cobaye de 340 grammes en 16 heures, en injection intrapérito- néale. Les résultats les plus sûrs ont été obtenus avec cette même race, ayant fait deux passages par le cobaye. Cette cul- ture, que nous appelons (D), tuait un cobaye de 310 grammes en 19 heures, à la dose de I/o de culture de 24 heures sur gélose, en injection intrapéritonéale. Les jeunes lapins recevaient tou- jours une culture entière et restaient pendant tout le temps auprès de leurs mères. Première série d’expériences. Le 10 juin 1903, on introduit os chez 4 petits lapins, âgés de 10 jours, la culture typhique B, mélangée avec la toruLa rosea. Les animaux ne mani- festent pendant plusieurs jours aucun symptôme morbide. Le 20 juin on leur administre un mélange de la culture G. et de torula. Les lapins résis- tent bien. Le 24 et le 26 juin on répète l’opération. Les lapins ne présen- tent rien d’anormal. Les résultats négatifs de cette expérience doivent évi- demment être attribués à la faible virulence de la culture B. Deuxième séiHe d’expériences. Le 8 juin on injecte os un mélange de bacille typhique A et de torula à 5 petits lapins âgés de 7 jours. Le 11 juin on introduit chez trois autres lapins de même portée, (âgés de 10 jours), par la même voie, un mélange de bacille typhique B et de torula rosea. Le 24 juin, tous les lapins (7), sauf un (no 8), reçoivent un mélange de culture G + torula. Le 27 juin, les mêmes 7 lapins reçoivent une culture de bacille D -f- torula rosea. Ils n’accusent aucun signe de maladie. Le 29 juin, je les ai séparés de leur mère. Le lendemain j’ai trouvé 2 petits lapins morts. Nous décrirons plus loin les résultats de l’examen anatomo-pathologique et bactériologique; faisons seulement remarquer que chez ces 2 lapins l’estomac renfermait des aliments et les intestins étaient pleins, ce qui doit écarter l’hypothèse de la mort par inanition. Le 30 juin, au matin, nous avons remis les 6 lapins restants dans la cage de leur mère et â cinq d’entre eux (le no 8, n’est pas infecté, il sert de témoin), nous avons fait manger un mélange de bacilles D et de torula rosea. Sur ces 5 lapins inoculés, un meurt dans la nuit du 1er au 2 juillet, 2 meurent le 4 juillet; le 7 juillet il en meurt encore un. Sur la totalité de 8 lapins, 6 sont morts; 1 a résisté à l’inoculation, ainsi que le no 8, qui a servi de témoin et n’a pas été injecté. Troisième série d’expériences. Gontrairement aux animaux de la série précédente, dans cette troisième série, l’inoculation avait été faite une seule fois. Le 29 juin, 7 lapins, âgés de 13 jours, reçoivent un mélange de b. typhiques D. et de torula rosea; déjà 707 LA FIÈVRE typhoïde EXPÉRIMENTALE trois jours après, le 2 juillet, un de ces lapins est mort; il pesait au moment de l’inoculation 270 grammes; après la mort, son poids était de 230 grammes. Le 4 juillet, deux autres lapins sont morts (250-240 grammes, 260- 220 grammes). Le 5 juillet, il y eut encore deux morts; leurs poids étaient au moment de l’inoculation et après la mort : 240-230; 240-210 grammes. Tous ces animaux accusaient, après l’inoculation, un état de dépression profonde; ils restaient immobiles dans leur cage, leurs poils étaient hérissés, les yeux à demi clos; ils ne réagissaient presque pas aux influences exté- rieures. Ils rendaient des matières molles sans avoir de diarrhée, à propre- ment parler. Le 6 juillet, il y eut encore un mort (300-340 grammes). Le dernier lapin est mort le 8 juillet, après avoir augmenté de poids de 50 grammes (290-340 grammes). Les expériences de la 2® et surtout de la 3® série montrent donc d’une façon certaine que Pon peut déterminer chez les animaux une maladie mortelle en leur introduisant des cultures virulentes dans le tube digestif. Pour résoudre la question du rôle que joue la torala rosea dans cette maladie expérimentale de jeunes lapins, nous avons fait une quatrième série d’expériences. Quatrième série (fexpérieuces. Le 9 juillet on introduit dans la bouche de trois lapins, âgés de 11 jours, une culture de b. typhique D. non additionnée de toriila. Le 13 juillet, on trouve un des lapins mort; le lendemain, un autre est mort; le troisième a survécu. Examen anatomo-pathologique et bactériologique des lapins. — Les lésions anatomo-pathologiques rappellent celles que l’on constate chez l’homme, mais elles présentent aussi quelques particularités. Le siège principal des lésions est le tube gastro- intestinal. On remarque tout d’abord des altérations dans l’intestin grêle, surtout au voisinage du gros intestin. Il y a à ce niveau de l’hyperémie et des ecchymoses ponctuées, les plaques de Peyer sont augmentées, dans tous les cas, elles sont fortement hyperémiées et ont 9/10 de longueur sur 4/5 de largeur; ce qui frappe surtout, c’est leur épaississement; elles font saillie sur le tissu environnant beaucoup plus que cela n’a lieu chez les lapins normaux; dans les cas où la mort survenait au 6® ou 7® jour après l’inoculation, on a même pu observer des ulcérations au niveau des plaques de Peyer. Nous n’avons pas observé d’ulcérations très profondes, ce qui tient, évidemment'. 708 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR à l’espèce animale employée, à Pâge des animaux et surtout à la courte durée de la maladie, celle-ci n’ayant jamais dépassé 10 jours; or, chez l’homme, les ulcérations typhiques com- mencent seulement à se former après le 10® jour. Nous devons signaler également des altérations du cæcum observées dans 11 cas sur 15 (73 0/0). Ces altérations se traduisent par une hyperémie intense des replis de cæcum, ainsi que par une hyper- rémie et des suffusions sanguines de son bout terminal. Dans un grand nombre de cas (53 0/0), nous avons constaté, au niveau de la muqueuse stomacale, une forte hyperémie et des suffu- sions sanguines assez étendues, ayant atteint dans un cas les dimensions d’une pièce de 10 francs; ce fut le cas chez un lapin de la 3® série, mort le 6® jour après l’infection; ces lésions étaient le plus prononcées au niveau de la grande courbure, près du pylore; parfois, il y avait également une hyperémie du duodénum. Dans trois cas (20 0/0), nous avons constaté de l’hyperémie du côlon. La rate a été normale dans un cas seulement; dans tous les autres cas, elle était augmentée de volume, foncée, souvent de consistance friable. Le foie était également augmenté de volume, fortement hyperémié. Les poumons étaient normaux. Dans un cas, le liquide péritonéal était trouble (ascite) ; dans un autre cas, i^ y eut, en plus, une péricardite adhésive. Les reins étaient hype- rémiés; la capsule s’enlevait facilement dans tous les cas. La vessie était tantôt pleine, tantôt vide. L’estomac renfermait tou- jours des aliments; le contenu intestinal était, dans la majorité des cas, de consistance molle, mais jamais liquide. L’examen histologique des plaques de Peyer a montré que "J’épithélium de la muqueuse manque et laisse à nu les couches sous-jacentes; la muqueuse et la sous-muqueuse sont très infil- trées; il y a des hémorragies; les replis du cæcum présentent des lésions analogues, avec cette différence que l’épithélium est conservé. Sur les coupes on voit un grand nombre de bacilles sous forme d'amas; ils sont situés dans la muqueuse et la sous- muqueuse ; certains d’entre eux sont englobés par les phagocytes. Dans tous les cas (15) qui s’étaient terminés par la mort, nous avons ensemencé en bouillon et sur gélose le sang, la rate, les parois intestinales et les plaques de Peyer; dans 3 cas, j’ai ensemencé, en plus, lé foie. A l’examen du sang, nous avons LA FIÈVRE typhoïde EXPÉRIMENTALE 709 pu constater le b. typhique dans 12 cas; dans 2 cas, il était associé au bac. coli comm. Dans les 3 autres cas, le b. typhique a été constaté dans les parois intestinales (1 fois) et dans la rate (2 fois). Dans la rate, le b. typhique a été constaté 12 fois. Dans les parois intestinales et dans les plaques de Peyer, le bacille d'Eberth a été vu 9 fois. Nous voyons donc que, chez tous les lapins morts, nous avons pu trouver le bacille typhique tantôt dans un organe, tantôt dans plusieurs à la fois. Nous pouvons donc affirmer qu’il s’agit; dans tous ces cas, d’une fièvre typhoïde expérimentale, à localisai ions gastro-intestinales. Pour différencier le b. d’Eberth du colibacille, nous faisions des ensemencements dans du lait, sur gélose lactosée et tourne- solée ; nous avions également recours à l’agglutination; à cet effet, nous nous sommes servi du sérum d’une chèvre immunisée contre le b. typhique; ce sérum nous a été fourni par le docteur Besredka, auquel nous exprimons ici notre vive reconnaissance. Un essai préliminaire nous a montré que ce sérum agglutinait le bacille’typhique D. dans la proportion de 1 : 100, OOt), alors qu’il n’agglutinait le colibacille qu’à la proportion de 1 : 40; en nous aidant de ce réactif si sensible, ainsi que des deux milieux indiqués plus haut, nous étions à même d’éviter toute erreur. Le rôle de la toriila dans V infection typhique. — Nous avons vu que la torula favorise Je développement de b. d’Eberth. En est-il de même iu vivo? Il suffit de comparer les expériences de la 3® et de la 4® série, pour répondre affirmativement. Dans la 3® série,^ où les animaux étaient infectés avec le mélange de b. typhique et de torula, nous avons pu constater des morts dès le 3® jour; de plus, tous les 7 lapins ont fini par succomber. Dans la 4® série, où l’inoculation fut pratiquée 2 fois avec la culture D. seule, sans addition de torula, la mort eut lieu le 7® jour, et sur 3 lapins, 1 a survécu. Si nous ajoutons à cela que les animaux de la 3® série étaient un peu plus âgés que ceux de la 4® série, ce qui est un facteur très important, le; rôle de la torula rosea devient incontestable. ' \ ; . . ^ . CONCLUSIONS ' •" ’-’r ■ ^ (; 1. On peut déterminer chez les lapins une fièvre typhoïde expérimentale en introduisant des bacilles typhiques dans leur 710 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR tube digestif; il est nécessaire pour cela que les animaux soient très jeunes. 2. Les altérations anatomo-pathologiques de cette fièvre typhoïde expérimentaledes jeunes lapins rappellent cellesque l’on observe chez Thomme, surtout chez les enfants; les ulcérations profondes sont relativement rares. 3. Les différentes espèces de torula^ et surloyii Isl torula rosea^ favorisent l’infection. 4. La fièvre typhoïde expérimentale, provoquée par l’intro- duction du virus dans le tube gastro-intestinal, se prête mieux à rétude des questions de prophylaxie et de traitement que l’infection produite par la voie sous-cutanée ou intrapéritonéale. BIBLIOGRAPHIE 1) Kolle u. Wassermann, Handbuch der pathogenen Mikroorganismm, Jena 1902. — Antagonismus und Symbiose in Mischkulturen, I, Zief, p. 122. 2) Metchnikoff, Recherches sur te choléra et les vibrions, 4e mémoire, Annales de l’Institut Pasteur, 1894. 3) Alb. 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Kuhn ^ isola ce bacille de matières putréfiées. M. Günther ^ le trouva dans une saucisse. M. Berlioz* remarque qu’on Ta trouvé aussi, dans le sang- de canards, dans la terre et dans beau. Je Tai trouvé dans du lait insuffisamment stérilisé. Il me semble donc qu’on est justifié de [conclure que ce bacille s’associe à la plupart des procès de putréfaction. Dans les grands ouvrages de bactériologie, on n’est pas d’accord sur les propriétés de B. Zopfii. D’ailleurs il n’a pas été l’objet de beaucoup de recherches. On l’a confondu souvent avec B. Zenkeri, B. vulgare et B. vulgare p mirabilis. Sans doute, B. Zopfii ressemble beaucoup à ces autres espèces, mais il s’en distingue par des propriétés constantes, et par consé- (juent, il faut le regarder comme une espèce bien marquée. Ce bacille se distingue de B. vulgare par la propriété de ne pas liquéfier la gélatine, et de B. Zenkeri, avec lequel il jouit de* la même propriété par l’aspect caractéristique de la culture en piqûre et sur plaques de gélatine. * Propriétés morphologiques. — Bac. Zophii est un bâtonnet de 2-5 |A sur 0,1-1 p.. Les bâtonnets sont réunis en longues chaînes ondulantes, dans lesquelles on ne peut souvent plus retrouver les différents individus. Le bacille est très mobile, grâce à de nombreux cils péritriches, qu’on peut apercevoir facilement, quand on les a colorés d’après les méthodes de Lôffler ou de Bunge. Le bacille lui-même se colore facilement d’après les méthodes ordinaires, il prend le Gram, et il est aussi colo- 1. Botanische Zeitung 1883. 2. Archiv für Hygiene. Tome XIII n» 1. • 3. Archiv für Hygiene^ XXVIII, p. 153. 4. Précis de bactériologie médicale^ p. 530. Paris, Masson, 1903. 713 BAC'J ÉlUUM ZOPFII râble d’après la méthode du médecin danois Claudius. (On colore une minute avec le violet de méthyle, puis on décolore par l’acide picrique ell’on traite par Thuile de girofle.) Le bacille, cultivé pendant environ septjours sur l’agar-agar, commence à produire des formes d’involution : des individus longs, gonflés irrégulièrement, à forme de massue, qui se divisent plus tard en particules minces. D’abord ces formes d’involution sont parfaitement colorables d’après la méthode de Claudius, plus tard elles ne conservent plus la couleur. MM. Lehmann et Neumann^ et M. Günther^ disent que B. Zopfii ne produit pas de spores. M. Berlioz ^ affirme au con- traire, que ce bacille forme des spores ovoïdes de la même largeur que le bâtonnet lui-même, et qui sont situées à l’extré- mité renflée du bâtonnet. J’avais déjà vu très souvent, dans les formes d’involution, des taches claires incolorables, mais j’avais cru qu’elles étaient la suite d’une plasmolyse ou d’une dégéné- ration. Cependant, j’ai réussi à colorer ces taches d’après la méthode de Môiler (bain d’acide chromique, fuchsine de Ziehl- Neelsen, décoloration parl’acide sulfurique, coloration des bacilles au bleu de méthylène). Il était donc possible que ces taches fussent des spores réelles. Pour résoudre cette question, j’ai ensemencé des bacilles, qui contenaient les corpuscules que je prenais pour des spores, sur des plaques d’agar-agar. Celles-ci furent mises à l’étuve à 26® pendant 5 heures. Après ce temps, dans le cas ou ces formations seraient des spores, on pouvait s’attendre à voir celles-ci commencer à germer. J’ai donc fait des préparations de cultures toutes les deux heures, et je les ai colorées d’après la méthode de Moller : on pouvait aisément suivre les phases de la germination, eu comparant les différentes préparations. Les spores se crevassaient à l’un des pôles, ce qui permit à l’individu jeune de sortir. La membrane de la spore restait le plus souvent adhérente au bâtonnet nouveau-né, même quand celui-ci commençait à se multiplier. La membrane de la spore, après la germination, ne conservait pas toujours la cou- leur rouge : quelquefois elle fut décolorée par l’acide sulfu- rique et se montrait par conséquent teinte en bleu. Ceci n’est 1. Atlas und Grundriss der Bakleriologie München. J. F. Lehmann, 1904. 2. Einführung in das Studium der Bakleriologie. G. Thieme,- Leipzig, ‘1902. 3. Loc. cil, 714 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. pas d’accord avec la remarque de M. Alfr. Fischer ^ qui affirme que la membrane de la spore conserve sa propriété de ne pas se décolorer dans les acides, même après la germination. Propriétés culturales. — En ce qui concerne les propriétés culturales de B. Zopfii, les auteurs ne sont pas toujours d’accord, mais iis s’accordent tous sur le mode de développement sur plaques de gélatine. Aussi cette culture est très caractéristique, et elle fournit une des propriétés les plus importantes de ce micro- organisme. Les colonies ont des noyaux blancs, d’où rayonnent plusieurs minces rejetons. Observant ces colonies au microscope, par exemple à 105 : 1, on remarque une partie centrale opaque, d’où rayonnent les rejetons, qui sont composés à leur tour de petites colonies rondes ou ovales, transparentes et de couleur jaunâtre. Elles sont situées Tune auprès de l’autre, en formant ainsi de longues chaînes. Parmi ces chaînes, on observe des « spirulines » : des paquets de fils ondulants ou étendus. M. Berlioz * affirme que B. Zopfii ramollit la gélatine, puis la liquéfie lentement. Je n’ai jamais pu constater aucune trace de liquéfaction ; MM. Lebmann et Neumann ® et M. Gün- ther * disent que la liquéfaction n’a jamais lieu. Quant à la culture par piqûre dans la gélatine, les témoi- gnages des auteurs différent considérablement, MM. Lebmann et Neumann’’ affirment que les bacilles se développent très bien, le long de la piqûre, et qu’ils produisent des rejetons trans- versaux dans la gélatine. A la surface le développement a lieu sous la forme d’une mince voile, où on observe souvent de fins fils qui s’étendent dans le voile. M. Günther % au contraire, nie que le développement ait lieu le long de la piqûre et dit que ces bacilles ne croissent que sur la surface de la gélatine. M. Berlioz * est d’accord avec MM. Lebmann et Neumann, en ce qui concerne le développement au-dessous delà surface. J’ai fait plusieurs cultures par piqûre en gélatine, mais je ne pouvais d’abord constater que le développement à la surface. Ceci ayant lieu à la température de la chambre, j’ai mis mes cultures à l’étuve à 22^. Alors le développement eut lieu aussi le long de la piqûre, d’après le mode précédemment décrit. 1. A. Fischer, Vorlesungen über Baklerien, p. 40. Jena, G. Fischer. 2. Loc. cit. 3. Loc. cit. 4. Loc. cit. BAGTÉUIUM ZOPFII 715 La culture en plaques d’agar-agar montre des variations con sidérables dans te mode de développement, MM. Lehmann et Neumann* indiquent qu'à l’œil nu, elle se montre comme une petite colonie d'un blanc grisâtre, aux rejetons minces et innombrables, puis s'entoure graduellement d'une zone transpa- rente. Peu de temps après, toute la surface est couverte d'un voile grisâtre. Reuardée à un grossissement de 50 elle a l’aspect d'une pelote de fils très minces aux ramiflcations multiples. D’abord elle se colore en jaune, puis en jaune brunâtre. Je jjouvais con- stater deux types : l’un était identique à celui de MM. Lehmann et Neumann, l'autre était plus robuste, quoique de même cons- truction. Quand on ensemençait de ces deux types sur agar- agar incliné, les bacilles provenant des deux types se dévelop- paient de la même manière : une couche mince et transparente où se répandaient des fils fins. Ce mode de développement sur l’agar-agar incliné est d’accord avec les observations de MM. Lehmann et Neumann, seulement ces auteurs remarquent que la production des fils n’a lieu que très rarement, tandis que dans ma culture, elle était la règle. La culture en bouillon présentait de grandes variations, selon la température. M. Berlioz remarque que le bouillon se trouble et qu’il se forme un voile mince et fragile. MM. Leh- mann et Neumann, au contraire, affirment que le bouillon reste absolument clair et qu'il ne se forme pas de voile, mais un sédiment faible. J’ai reconnu que le bouillon ne se trouble pas quand on l’a mis à la température de la chambre et il n’y avait point de voile, mais seulement un sédiment; ceci est donc d'accord avec le témoignage de MM. Lehmann et Neumann; quand on met la culture à l'étuve à 26®, il se forme un voile quelquefois très mince, quelquefois plus épais, qu'on peut aisément détruire en agitant l'éprouvette. Une fois le voile détruit, il ne se reforme plus. Je n'ai observé dans aucune circonstance que le bouillon se troublât. La réaction est alcaline. M. Günther remarque que le développement dans le bouillon devient de plus en plus faible quand la température s’accroît et qu’on ne peut plus le constater à une température de 30®. Je n'ai pu observer cette propriété 716 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. de B. Zopfii, au contraire : le développement se) faisait à 30'’, aussi bien qu’à la température de la chambre. Les témoignages des auteurs sur le mode de développement sur pommes de terre et dans le lait s’accordent parfaitement. Mes cultures’ démontrèrent aussi les mêmes propriétés : sur pommes de terre, il se forme un voile d’un blanc grisâtre, qui ne couvre pas toute la surface de la pomme de terre. Dans le lait il ne s’opère pas de coagulation et la réaction ne change pas. ^ . J’ai aussi essayé de cultiver B. Zopfii dans le liquide nutritif de Fraenkel et Voges * (on dissout dans un litre d’eau : chlorure de sodium, 5 gr. ; phosphate de soude, 2 gr.; lactate d’ammo- niaque, 6 gr. ; asparagine, 4 gr.) Dans ce liquide, le bacille poussait à merveille, formant de petits flocons blanchâtres, quoique le liquide n’ait pas été neutralisé', comme on le fait généralement. Propriétés biologiques. — Les témoignages des auteurs sont trèsditférents, en ce qui concerne le développement deB. Zoplii en bouillon, contenant du glucose ou du lactose^ M. Güuther^ affirme que la réaction ne change ni dans le bouillon glucosé ni dans celui lactosé, qu’il ne se forme pas de gaz et que le déve- loppement ne se- fait qu’assez faiblement dans ces liquides. MM. Lehmann et Neumann, au contraire, observèrent que ce bacille produit de l’acide dans le bouillon glucosé. Ils eurent besoin de 0,25 c. c. d’une solution normale de KOH pour neu- traliser l’acide qui s’était formé dans 100 c. c. de bouillon. Ils ne recherchèrent pas l’action de B. Zopfii sur le lactose. J’ai .ensemencé ce bacille dans'les bouillons à 2 0/0 de glucose et à 2 0/0 de lactose et j’ai mis ces cultures à l’étuve .à 26®. Après cinq jours, j’eus "besoin de 1,46 c. c. de solution normale de KOH pour neutraliser l’acide de 100 c. c, de bouillon glucosé et 0,625 c. c. de cette solution pour le bouillon lactosé. Le développement avait été fort abondant; Je bouillon glucosé s’était troublé et manifestait une odeur fétide, le bouillon lac- tosé était resté clair; mais il y avait dans le liquide des flocons blanchâtres. J’avais aussi mis ces bouillons dans des tubes de verre; recourbés pour démontrer la production de gaz, s’il y Hygîenîsche Rundschau, , • 2. Loc. et, . ■ BAGTÉRIUM ZOPFII 717 en avait. Il ne s’en produisit pas, mais il se manifesta une différence marquée entre le développement en bouillon glucosé et en bouillon lactosé. Dans le premier, le bacille poussait aussi dans la partie fermée du tube, tandis que dans le bouillon lactosé, il ne se développait que dans la partie ouverte : dans ce premier milieu le bacille pouvait donc mieux se passer d’air que dans le second. M. Günther* remarque que B. Zopfii ne produit pas d’indol, M. Knhn^ n’en a pas observé non plus. MM. Lehrnann et Neu- mann* réussirent à en démontrer la présence. Je crois que la propriété de ce bacille de former de l’indol est très variable et dépend des circonstances extérieures; la chaleur surtout favo- rise cette production. J’ai mis deux éprouvettes de bouillon pendant sept jours à la température de la chambre. Après ce temps, la réaction de l'indol ne se produisait pas. Alors j ai mis deux éprouvettes pendant sept jours à l’étuve à : la réaction se munira positive, quoique d’intensité différente. Puis j’ai répété la première expérience avec le même résullat négatif, et ensuite la deuxième avec une réaction positive et une négative. Une culture de sept jours (26®) dans une solution de peptone (2 0/0) donna une réaction fortement positive. B. Zopfii' produit une grande quantité de nitrite dans un milieu contenant un nitrate. Je l’ai ensemencé dans du bouillon contenant du nitrate de soude et j’ai mis cette culture à l’étuve à 26® eh présence d’une éprouvette de contrôle. Après sept jours, Tune des deux cultures se colora très vivement en bleu brunâtre, avec la solution d’iodure de potassium amidonée addi- tionnée d’acide sulfurique à 5 0/0, l’autre resta tout à lait in- colore. La production de H^S par B. Zopfii est très variable, tantôt il en produit une assez grande quantité, tantôt il en produit si peu qu’on ne peut le mettre en évidence. Pur démontrer/ la présence de H*S, je me suis servi de la méthode d’Ernst (culture en gélatine à tartrate de fer) qui est très sensible. L’ad- dition de thiosulfate de soude ou de nitrite de soude n’augmen- tait pas la production de H*S, mais le soufre libre la rendait plus abondante ; quand on avait mis un peu de soufre dans la 1. Loc. cit. . • ; 2. Loc. cit. 3. Loc. cit. ' ' 718 ANNALES DE .L’INSTITUT PASTEUR. gélatine, celle-ci, cultivée à 26^, s’était déjà colorée en noir le jour suivant. Dans l’urine, le développement est très marqué. Il se forme une grande quantité de carbonate d’ammoniaque. La surface est couverte d^un voile assez épais ; le liquide se trouble. J’ai observé aussi le mode de développement dans plusieurs milieux nutritifs, décrits par M. Alfred Fischer*. Les résultats de ces expériences sont consignés dans le tableau ci-dessous. Afln de pouvoir comparer la manière dont B. Zopfii et B. vul- gare se comportent envers ces milieux nutritifs, j’ai mis les résultats des expériences de M. A. Fischer pour B. vulgare à côté des miens. i fi SOLUTION DE 1 0/0 DE REMARQUES 04 c N à I.... Pcptone. Saccharose. Trouble léger. Sédiment. Point de voile. 3 3 II... — Peptone. Trouble léger. Sédiment. Point de voile. 3 3 III .. Pept. + KN03. — Trouble irrégulier. Sédiment. Point de voile. 3 3 IV.,. Asparagine. Saccharose. 0 1? V.. . — Asparagine. , 0 0 VI... Tartrate d’am - moniaque. Glycérine. Développement faible. 2 0 VIL . Tartrate d’ain - moniaque. Acide tartrique. 0 0 VIII. Nitrate de soude. Glycérine. 0 0 IX... Sulfate d’ammo- niaque. CO^ de Pair. Développement très faible en forme de fils. 1 ? 0 X N. de Pair. Saccharose. 0 0 3 = Développement abondant. 2 = Développement moins abondant. 1? = Développement qu’on peut à peine constater. B. Zopfii produit, dans une culture en bouillon, du protéi- nochrome, qu’on peut aisément démontrer d’après la méthode de i. Loc. cit. BACTERIUM ZOPFII 719 MM. Erdmann et Winternitz ^ (ajouter à la culture une solution aqueuse de chlore ou de brome), la culture se colore en violet clair. Place du Bacterium Zopfii (Kurth) dans les différents systèmes bactériologiques. — Sans doute B. Zopfii accuse quelque parenté avec B. vulgare. Ce dernier bacille a un caractère plus purement saprophyte et décompose plus énergiquement les matières organiques, ce qui se démontre par le développement insignifiant de B. vulgare dans un milieu ^dépourvu d'albumine, par la production plus grande de H 2 S et d’indol, par la liqué- faction de la gélatine, etc. Hauser a démontré que Bacterium vulgare B. mirabilis, qui ne liquéfie la gélatine que très lente- ment', et Bacterium Zenkeri, qui ne la liquéfie pas et ne produit que peu de H ^ S, ne sont que des races de B. vulgare, qu'on peut transformer l'une en l’autre à son gré. Par cette propriété, la ressemblance de B. vulgare et B. Zopfii devient plus étroite encore. Dans le système de Hüppe % les bâtonnets sont divisés en deux genres: 1° Bacterium (point de production de spores); 2°Bacillus (production de spores). Puisque B. Zopfii produit des spores, il faut ranger ce bacille sous le genre Bacillus ; ainsi B. Zopfii et B. vulgare sont séparés l’un de l'autre dans ce sys- tème, ce qui n’est pas d’accord avec leur parenté évidente. Dans le système de M. Migula*, on divise les bâtonnets en trois genres : 1® Bacterium (point de cils); 2® Bacillus (cils diffus); 3° Pseudomonas (cils polaires); la parenté est donc exprimée plus clairement; il en est de même avec le système de M. Macé % où les genres Bacterium et Bacillus sont réunis en un seul : Bacillus. Ainsi on ne fait attention ni à la production de spores ni aux cils, ce qui offre l’avantage de n’être pas obligé de changer la place qu'occupe un bacille dans le système, aus- sitôt qu'on a découvert des cils ou des spores chez ce bacille. C'est dans le système de M. A. Fischer ® qu’on met le mieux en évidence l’alliance entre B. vulgare et Zopfii. Cet auteur divise les bâtonnets (famille des Bacillacées) selon leur forme 1. Münchener. mediz. ' Wochenschrift, 4903, no 23. Ref. Centralbl. f. Bakt. 2. Centralbl f bakt. Tome XII, p. 360. 3. Die Formen der Bakterien. 4. System der Bactérien. O. Traité de bactériologie. 6. Loc. cit. 720 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR extérieure en trois sous-familles : Bacillacées (bâtonnets qui ne se changent pas en formant des spores et ceux chez qui on n’a pas encore découvert de spores) ; 2® Glostridiacées (bâtonnets adoptant la forme du clostridium butyricum en formant les spores); 3° Plectridiacées (bâtonnets adoptant la. forme de Bac. tetani en formant les spores). Il divise la sous-famille des Bacil- liacées en 4 genres : 1® Bacillus (immobile); 2® Bactrinium (cils monotriches); 3® Bactrillum (cils lophotriches); 4® Bactridium (cils péritriches). Dans ce système-ci, on réunit B. Zopfii et B. vulgare (B. mirabilis et Zenkeri) dans le même genre : Bactridium, qui est plus restreint que dans tout autre système et ainsi l’alliance est fort bien mise en évidence. Selon la nomen- clature de ce système, il faut donc désigner Baclerium Zopfii (Kiirth) sous le nom de Bactridium Zopfii (A. Fischer.) Le gérant : G. Masson. Sceaux. — Imprimerie Gharaire. 8me année DÉCEMBRE 1904 No 12 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR RECHERCHES SUR PAR LES VÉGÉTAUX A CHLOROPHYLLE Par mm. P. MAZÉ et A. PERRIER I Les nombreuses reclierclies suscitées par la théorie minérale de Liebig avaient abouti, il y a environ un demi-siècle, à une conception très simple de la nutrition des végétaux à chloro- phylle; on peut la résumer en quelques mots : la plante verte tire tout son carbone du gaz carbonique, son azote et ses cendres des substances minérales du sol. Les matières organiques désignées sous le nom d’humus ne participent pas à son alimentation; elles doivent être préalable- ment minéralisées ; en d’autres termes, le carbon doit être transformé en gaz carbonique ; l’azote en acide nitrique ou en ammoniaque, l’hydrogène en eau, le soufre en acide sulfurique, le phosphore en acide phosphorique, etc. En réalité, la pratique semble confirmer pleinement cette conception; on sait bien aujourd’hui qu’un sol est fertile en raison de la quantité de substances minérales assimilables qu’il renferme ; les cultivateurs règlent leur intervention sur ces indications ; l’humus, dans lequel on voyait autrefois l’unique source de fertilité, ne doit être considéré que comme une réserve qui devient peu à peu assimilable et un élément qui concourt à donner à la terre des qualités physiques et chimiques favorables à la végétation. 46 722 annales de LINSTITUT PASTEUR. Mais, malgré tous les arguments qui plaident en sa faveur, cette théorie n’a pas été acceptée longtemps sans réserves par les physiologistes et les agronomes : elle est trop exclusive. Sans nier l’influence capitale des substances minérales sur le déve- loppement des végétaux, ils se sont demandé si les matières organiques du sol ne peuvent pas concourir à leur alimentation dans une proportion plus ou moins sensible suivant les circons- tances. Cette idée s’est affirmée surtout quand on a vu les sucres et quelques alcools polyvalents former directement de l’amidon, à l’obscurité, dans les feuilles séparées ou dans les plantes entières. Les sucres peuvent donc pénétrer par les racines dans les végé- taux et, une fois qu’ils circulent dans la sève, on ne saurait leur attribuer un autre rôle que celui qui est dévolu aux mêmes substances issues plus ou moins directement de la synthèse chlorophyllienne. Il restait donc à montrer qu’une plante, cultivée dans une . solution nutritive additionnée d’un sucre, absorbe régulièrement ce corps, même à la lumière. Bien des essais ont été tentés dans cette voie; parmi les résultats enregistrés, tous ceux qui n’ont pas été obtenus dans des milieux débarrassés des microorga- nismes sont sujets à caution ; mais des recherches récentes ont établi, en tenant compte de cette condition essentielle, que les végétaux supérieurs peuvent assimiler les sucres et la glycé- rine. C’est ce qui ressort en particulier des expériences de M. J. Laurent ‘ ; mais si l’on considère les poids à l’état sec des plants de maïs obtenus au bout d’un temps relativement long, ôn peut s’étonner de les trouver si faibles. Les poids les plus élevés enregistrés par M. J. Laurent, sont : 1° 0g‘',682 au bout de 31 jours; 2® lg^l86, au bout de 62 jours. Si l’on admet avec M. J. Laurent que la liqueur de Detmer est très favorable au développement du maïs, on est obligé de conclure que l’introduction du sucre dans la solution gêne révolution de la plante à la lumière et que son assimilation, bien que réelle, porte atteinte aux lois de la nutrition de la cellule végétale ; mais nous pensons que c’est plutôt le liquide 1. J. Laurent. Thèse présentée à la Faculté des sciences de Paris, 1903. ASSIMILATION DE QUELQUES SUBSTANCES TERNAIRES m Detmer qui ne réalise pas les conditions favorables à la végé- tation. Le rôle efficace du sucre qui pénètre par les racines ne sau- rait être mis en doute; mais, pour le prouver, il faut montrer que les plantes cultivées en présence de sucre fournissent un poids de substances sèches plus élevé que des plantes témoins cultivées dans la même solution minérale non additionnée de sucre. Les témoins doivent en outre se développer aussi vigou- reusementque des plantes de même âge, cultivées dans un sol très fertile. Si on réalise ce double but, on aura le droit de conclure que les matières organiques solubles du sol peuvent concourir à l’alimentation carbonée des végétaux et contribuer à aug- menter les poids des récoltes. C’est là une des questions que nous nous sommes posées; on verra de quelle façon nous l’avons résolue. Dans le même ordre d’idées, nous avons examiné aussi l’influence d’un certain nombre d’autres substances ternaires sur la végétation, telles que la glycérine, l’alcool éthylique, l’alcool mélhylique, la paraldéhyde ; nous avons enfin étudié l’action de ces divers corps sur la germination. Nous expose- rons donc successivement, l’action de ces substances sur la germination du maïs, sur son développement à l’obscurité, sur son développement à la lumière. Dans le cours de ces recherches nous avons eu l’occasion de faire quelques observations sur la chlorose du maïs, nous les résumerons également dans ce mémoire. Il MARCHE DE LA GERMINATION EN PRÉSENCE DES SUCRES, DE LA GLYCÉRINE, DE l’alcool MÉTHYLIQUE, DE l’aLCOOL ÉTHYLIQUE ÉT DE PARAL- DÉHYDE. Dans tous nos essais, nous nous sommes servis exclusive- ment du maïs (variété jaune gros) ; les graines que nous avons utilisées provenaient entièrement de nos récoltes; lorsque nous avons mis en expérience des séries de plantes, celles-ci prove- naient toutes du même épi ; nous avons éliminé ainsi autant que possible, les influences individuelles. Il est en outre superflu d’ajouter que toutes nos cultures ont été faites dans des milieux préalablement stérilisés avec des graines débarrassées de germes 724 ANNALES DE L^NSTITUT PASTEUR microbiens par un procédé que l’un de nous a déjà indiqué, mais que nous rappelons brièvement L On sait que la germination s’effectue à l’abri des microbes, dansTeau distillée aussi bien que dans les solutions additionnées de substances minéralesL C’est donc l’eau distillée qu’il faut prendre comme milieu de comparaison, si l’on veut mettre en évidence les différences attribuables aux substances introduites dans l’eau de germination. On constate ainsi qu’à la température de 30®, le dextrose employé à une concentration de 4 0/0 retarde la germination de 4 à 5 jours; avec la glycérine à 2 0/0, le retard est encore plus sensible ; nous avons fixé ces différences par la photogra- phie (pl. YII.) En présence d’alcool éthylique à 1 0/0, le retard est de même ordre qu’avec la glycérine; l’alcool méthylique à 0,7 0/0 agit comme l’alcool ordinaire ; la paraldéhyde à 1 0/00 retarde égale- ment la germination du maïs, mais elle ne l’empêche pas, et, 1. Le procédé auquel nous a,vons eu recours, consiste essentiellement en un lavage mécanique des graines. Celles-ci recueillies avec soin, conservées dans un endroit sec, à l’abri des poussières, sont débarrassées des parties rugueuses au moyen d’un scalpel flambé, lavées ensuite à l’alcool absolu, puis agitées pendant lü minutes avec du sable de Fontainebleau très fin, contenu dans un flacon avec un peu d’eau stérilisée. Après cette opération dont le but est d’enlever les germes adhérents, les graines sont lavées avec de Peau stérilisée, puis immergées pendant lo minutes dans du sublimé au 1/1,000. Cette immersion seule, même prolongée, n’est pas suffisante pour stériliser les graines. M. Geppert a montré* en effet, on reprenant les expériences de Koch** sur le pouvoir antiseptique du bichlorure de mercure, que celui-ci agit surtout par la quantité introduite dans le milieu de culture, quantité suffisante pour arrêter le développement des germes. Lorsqu’il précipite le mercure ainsi trans- porté, par le sulfhydrate d’ammoniaque, la spore de la bactéridie charbonneuse, peut se développer malgré un séjour prolongé de 24 heures dans le sublimé, au 1/1000. Le bichlorure de mercure ne peut donc être employé seul pour la stérili- sation des graines, puisqu’il n’est efficace que dans des conditions qui gênent également le développement de l’embryon. Après leur sortie du sublimé, les graines subissent 4 à 5 lavages à l’eau distillée stérile, puis sont distribuées au moyen d’une pince flambée, dans des tubes à essai également stérilisés. Elles reposent sur de faibles tampons de coton, qui, placés à la surface de l’eau distillée, les maintiennent dans un état d’humidité convenable pour la germination (planche Vil). Lorsque les tiges ont atteint 15 à 20 centimètres de longueur, on les place dans des flacons à col étranglé, munis d’un fort tampon de coton. Ces flacons, d’une contenance de 2 à 3 litres (planche VIII), sont remplis d’une solution nutritive stérilisée à 120®. Ils portent une petite tubulure latérale fermée avec du coton qui permet l’introduction du liquide pendant toute la durée de l’expérience sans toucher à la fermeture principale. Il est très facile de vérifier la pureté des cul- tures. * Geppert. Sur la question des antiseptiques^ Berl. Klin. Vocb.,3), 1889. ** Koch. Mitteilungen a. d. K. Gesundh.^ t. I, p. 234. ASSIMILATION DE QUELQUES SUBSTANCES TERNAIRES 725 chose assez curieuse, Révolution des plantules est normale en présence de ces diverses substances ; si Bon ne considère que le sucre et la glycérine, le fait n’a rien qui doive nous étonner; on sait en effet, depuis les recherches de Van Tieghem, de Brown et Morris, que les embryons végétaux, ou les plantules en germination, peuvent emprunter leurs aliments soit à des albumens artificiels, soit à des solutions de sucres sur lesquelles on les cultive ; l’amidon de réserve est même épargné dans ces conditions; c’est le sucre qui est assimilé de préférence; les sucres sont des constituants normaux de la sève, de sorte que le rôle que nous leur voyons jouer dans le développement des plantules est d’accord avec ce que l’on pouvait logiquement prévoir. Les alcools éthylique et méthylique ne se rencontrent jamais en quantités sensibles dans la sève; mais le premier^ constitue un produit transitoire de l’assimilation du sucre ; il semble donc que nos résultats viennent apporter une preuve de plus en faveur de ce fait. Nous devons ajouter que ces résultats tiennent surtout au dispositif que nous employons pour l’étude de la germination ; les plantules sont constamment placées dans une atmosphère saturée; l’évaporation est donc peu sensible et par suite aussi la transpiration chez les plantules ; mais si on transporte celles-ci dans des flacons remplis de solutions minérales complètes, de façon à exposer leurs organes aériens à l’atmosphère ambiante, on constate que les plantules cultivées à l’obscurité en présence d’alcool éthylique et d’alcool méthyli- que périssent assez rapidement, et d’autant plus vite que la température est plus élevée ; on voit ainsi intervenir le rôle de la transpiration dans les résultats observés. Le développement nor- mal des plantules en présence d’alcool éthylique ou d’alcool méthylique ne permet pas de conclure à l’assimilation de ces substances. Lorsque lesplantuies sont exposées à une atmosphère saturée de vapeur d'eau, elles règlent plus facilement leur absorption et peuvent, sans manifester le moindre trouble, évaporer complètement le liquide de germination. Les mêmes résultats s’observent en présence de paraldéhyde, mais de là encore on ne peut pas déduire que ce corps soit com- plètement assimilé ; tout ce que l’on peut dire, c’est qu’une fraction plus ou moins importante est rejetée par la transpiratioa. 726 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. En résumé, dans les conditions où nous nous sommes placés les substances examinées ne gênent pas le développement des graines de maïs ; mais elles retardent de quelques jours Révolu- tion deUembyron. III INFLUENCE DES SUBSTANCES PRÉCÉDENTES SUR LE DÉVELOPPEMENT DU MAIS A l’ OBSCURITÉ. - L’un de nousa déjà montré' que la vesce de Narbonne, cultivée dans des solutions nutritives additionnées de dextrose à Rabri de la lumière, assimile le sucre et même les nitrates; le poids de substances sèches obtenues de cette façon est bien supérieur à celui de la graine ; mais Rexcédent n’est pas aussi élevé qu’on aurait pu le supposer à priori; en ofl’rant à une plante à chloro- phylle le sucre qu’elle peut se procurer aux dépens du gaz carbo- nique dej’air, on était fondé à admettre que le végétal pourrait se passer delà fonction chlorophyllienne; les champignons, qui se développent sur une solution minérale ne renfermant que du sucre comme unique substance carbonée, poussent avec une vigueur remarquable; il sont placés, il est vrai, dans des conditions de vie normale ; cette distinction ne saurait pourtant nous satisfaire, car il faut remarquer aussi que les végétaux supérieurs ne se développent pas bien dans les milieux liquides ; le maïs ne semble pas en souffrir; c’est donc à lui qu’il faut s’adresser de préférence pour le genre de recherches qui nous préoccupent; on a donc refait les mêmes essais avec lui. Voici les résultats qu’on a obtenus. Témoins. Saccharose. Lactose. Glycérine. Amidon. Durée de l’expé- rience en jours. 40 49 49 78 90 49 49 49 PoidSj total de [la plante en grammes 0,2o27 0,3711 0,8324 0,8G6o 1,3385 0,6105 0,5385 0,4535 Poids de l’extrait en grammes... 0,0024 0,0921 0,3090 0,2180 0,2445 0,2020 0,0262 0,0314 Poids réel de la plante en grammes 0,2503 0,369 0,5234 0,6485 1,0938 0,4085 0,5118 0,4221 Concentration 0/0 » » 4 4 4 4 2 2 Le poids maximum des graines employées était inférieur à 0 gr. 5. Les chiffres inscrits à la 4® ligne donnent le poids sec des plantes, déduction faite de l’extrait de la solution nutritive calculé 1. Wazé. GXXVJIl. 1899, page 185. ASSIMILATION DE QUELQUES SUBSTANCES TERNAIRES 727 sur un volume de liquide correspondant à la différence du poids des plantules a Tétât sec et à Tétât frais ; cette correction, qui n’est qu’approximative puisque le sucre se dépose à Tétat d’a- midon dans la tige et dans les feuilles, laisse encore un excédent sensible sur le poids de la graine. La conclusion tirée des expé- riences faites avec la vesce de Narbonne subsiste donc tout entière, et comme le maïs cultivé à la lumière se développe dans la solution employée aussi bien que dans les meilleurs sols, il faut en déduire que les végétaux à chlorophylle ne peuvent pas se passer des radiations lumineuses. Au moment oùTon a mis fin aux expériencees, les feuilles commençaient à se dessécher et il était visible qu’elles auraient bientôt péri. Ce résultat est d’accord avec ce que Ton sait aujourd’hui des influences mul- tiples des radiations lumineuses sur le développement des végé- tauxà chlorophylle ; la lumière n’est pas seulementindispensable à la synthèse des sucres ; elle active aussi l’assimilation azotée et d’une manière générale la nutrition minérale ; elle q une in- fluence prépondérante sur la structure anatomique, elle donne naissance enfin à un dégagement abondant d’oxygène naissant dans toutes les parties vertes de la plante; toutes ces influences essentielles manquent à l’obscurité, de sorte que, malgré tout, les plantes restent étiolées et manquent de vigueur. Si au lieu de sucre, on leur offre de la mannite, de l’alcool éthylique, de Talcool mélhylique, les poids obtenus à la fin de l’expérience que Ton pousse jusqu’à la mort des plantules, ne dépassent en aucun cas le poids sec des graines ; cela ne vent pas dire qu’aucune de ces substances ne soit assimilée; mais de ce qu’elles présentent un poids sensiblement plus élevé que celu des plantes témoins cultivées dans des solutions minérales, on ne peut pas déduire d’une façon indiscutable qu’il y ait eu assimilation, car ces substances peuvent s’accurnuler en nature dans les tissus, ou bien entraver les phénomènes d’autophagie qui se continuent pendant très longtemps dans les plantules témoins. Si Ton veut démontrer que ces divers corps sont assimilés à l’obscurité, il est nécessaire de modifier le dispositif des expériences. 728 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. IV INFLUENCE DES SUCRES SUR LE DÉVELOPPEMENT DU MAIS CULTIVÉ A LA LUMIÈRE Il y a deux façons d’envisager la question; on peut se pro- poser de faire pousser la plante dans une atmosphère débar- rassée de gaz carbonique de façon à atténuer autant que possible le rôle de la fonction chlorophyllienne ; nous n’avons pas adopté ce procédé parce qu’il exige l’usage d’appareils clos qui restent constamment saturés de vapeur d’eau, condition qui gêne considérablement la* transpiration des feuilles; rien ne prouve d’ailleurs que le gaz carbonique produit par la respira- tion soit soustrait intégralement à la synthèse chlorophyllienne même en présence de solutions alcalines placée dans la cloche de culture. Nous avons donné la préférence à la deuxième méthode, qui consiste à exposer les organes aériens à l’air libre de façon à imiter autant que possible les conditions réali- sées dans la grande culture ; le but visé, nous le répétons, revient d’abord à constater une assimilation active et abondante des substances hydrocarbonées, ensuite à obtenir un poids de substances sèches plus élevé que celui que peuvent produire des plantes de même âge cultivées dans une terre très riche.' Pourles cultures en solutions nutritives nous avons fait usage d’un abri vitré largement ouvert sur toutes les faces; les témoins de plein air étaient placés à une vingtaine de mètres de cet abri et setrouvaientpar conséquent exposés à des conditions climaté- riques identiques. •La solution minérale que nous avons utilisée avait la com- position suivante : Eau distillée Azotate de sodium Phosphate de potassium Siillate d’ammoniaque. . Sulfate de magnésie Sulfate de fer Chlorure de manganèi^ Chlorure de zinc Silicate de potasse Carbonate de calcium.. L’expérience que nous en avions permettait de supposer 1000 1 1 0,2o 0,20 0,1 0,1 j traces ASSIMILATION DE QUELQUES SUBSTANCES TERNAIRES' 729 qu'elle satisferait à toutes les exigences que nous avons formulées ; et on verra plus loin que nos prévisions se sont réalisées. La solution nutritive était préparée par centaines de litres avec des produits chimiquement purs et répartie ensuite dans des flacons de 3 litres que les photographies que l’on trouvera dans ce mémoire nous dispensent de décrire. On avait donc ainsi des milieux absolument identiques. Tous les flacons que nous avons utilisés dans les diverses séries de culture que nous allons décrire ont été préparés avec la même solution, stérilisés en une seule fois dans le même autoclave. Les substances ternaires ont été stérilisées à part, soit dans l’autoclave, soit par filtration sur bougies Chamberland. On les a introduites ensuite dans les solutions minérales en quantités rigoureusement dosées. Ajoutons enfin que les graines qui ont servi provenaient toutes du même épi, de sorte qu’en définitive, tous les résultats sont comparables entre eux, non seulement pour une substance alimentaire donnée, mais pour toutes celles que nous avons employées. Voici les résultats que nous avons obtenus avec les sucres : Saccharose Saccharose introduit dans les solutions par flacon : 32 gr. 088 Nos Durée des Saccharose Poids sec des Sucre restant d’ordre cultures disparu plantes Saccharose Sucre interver t jours grain nies grammes grammes grammes 1 18 4,800 5,400 14,980 12,959 2 30 9,694 13,200 1,453 22,042 3 30 13,847 14,100 5,654 13,039 4 30 14,046 19,430 9,156 9,563 3 30 10,446 21,950 1,359 21,328 Dextrose Dextrose introduit dans les solutions par flacon : 33 gr. 782 6 2i 3,277 4,6 (i) 7 24 6,417 6,6 (i) 8 21» 11,267 13,333 Ces chiffres permettent de formuler les conclusions sui- vantes : 1*^ Les plants de maïs végétant dans des solutions minérales additionnées de saccharose et de dextrose absorbent et assi- milent très activement ces substances; 2*^ 11 n’y a aucune corrélation entre le poids du sucre emprunté à la solution nutritive et le poids sec du végétal; cela 1 . Ces deux plantes étaient atteintes de chlorose de sorte que la fonction chloro phyllienne a pris une part très restreinte à leur alimentation. 730 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. tient à la part plus ou moins grande prise par la fonction chlo- rophyllienne à l’élaboration des aliments carbonés; il se trouve justement que c’est la plante qui a fourni le poids le plus élevé de substances sèches qui a absorbé le moins de sucre ; ce résul- tat s’explique si on fait observer que les organes foliaires ne sont pas également bien développés chez toutes les plantes; 3° Le dextrose s’est montré légèrement inférieur au sac- charose si l’on fait exception des plantes 6 et 7 qui ont souffert de la chlorose; cette différence peut être attribuée à la pression osmotique de la solution de dextrose bien plus élevée surtout au début que dans la solution de saccharose; mais il est toujours prudent de ne pas émettre d’opinion bien arrêtée sur des ques- tions de cette nature; peut-être l’avantage du saccharose réside-t-il dans ce fait qu’il met à la disposition du végétal un mélange de 3 sucres que l’on trouve toujours dans la sève des végétaux; malgré la tendance que nous aurions à considérer cette différence comme accidentelle, nous devons cependant rappeler que MM. Brown et Morris ont obtenu des résultats analogues en cultivant des embryons d’orge sur des solutions d’hydrates de carbone ; 4° La présence de grandes quantités de sucre interverti dans les solutions qui ont reçu du saccharose permet de conclure à la diffusion de la sucrase dans le liquide qui baigne les racines; cette diastase intervertit peu à peu le saccharose dans un milieu neutre; 5® La quantité de sucrase diffusée est très variable d’une plante à l’autre et n’est pas en relation avec le développement des racines; cette variation traduit des influences individuelles; 6® Les poids des plantes consignés au tableau précédent sont bien plus élevés que ceux des témoins à la même époque; on n’a pas arrêté ces derniers parce qu’on les a réservés pour d’autres essais; mais l’observation suivie de tous ces végétaux nous a permis de faire quelques remarques intéressantes que nous allons maintenant résumer brièvement. Quelques jours après la mise en flacon, les plantes qui ont reçu du saccharose prennent le pas sur toutes les autres séries : dextrose, glycérine, alcool éthylique, alcool méthylique, témoins. Celles qui végètent dans les solutions de dextrose les ASSIMILATION DE QUELQUES SUBSTANCES TÉRNAIRES T3l suivent cependant d’assez près et devancent aussi les témoins. Fig. 1. — Saccharose ^ Les figures 1 à 4, permettent de constater ces faits. Dans les figures 1 et 2, nous avons reproduit 4 plantes cul- Fig. 2. — Saccharose. 1. Toutes les photographies que nous reproduisons dans le texte ont été prises le même jour, le 16® après la mise en flacon. 732 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. tivées sur saccharose à côté du plus beau des témoins qui nous a servi partout de terme de comparaison. Malgré la vigueur qu’elles possèdent, les plantes qui assi- milent du sucre ne présentent pas une allure normale. Les Fig. 3. — Dextrose. feuilles sont rigides, étroites, lancéolées, très longues; chez quelq ues-unes, le parenchyme est déchiqueté sur les bords, Fig. L — Dextrose. ASSIMILATION DE QUELQUES SUBSTANCES TERNAIRES 733 parcheminé, de gorte que le limbe est réduit à sa portion cen- trale ; chez d’autres, la chlorophylle est absente presque com- plètement et, malgré cela, la tige est très forte et les racines normales, mieux développées que celles du témoin. Cet ensemble de caractères montre bien que c’est le sucre des solutions nutritives qui fait les frais de la nutrition carbonée, à l’exclu- sion de la fonction chlorophyllienne; mais, à partir de ce moment, l’aspf^ct change, des feuilles normales apparaissent et l’avance sur le témoin devient de plus en plus considé- rable. A mesure que le liquide s’évapore, on le remplace; les tubu- lures latérales permettent de faire cette opération avec la plus grande facilité sans risque de contamination; les solutions qu’on introduit de cette façon renferment 0,3 0/00 de phosphate de potassium et 0,5 0/00 de nitrate de sodium, car la quantité Ml’azote introduite au début suffit à peine à l’élaboration de 14 à 15 grammes de substances sèches. V INFLUENCE DE LA GLYCÉRINE La glycérine gêne le développement du maïs à la lumière; comme nous avions déjà observé ce fait, nous avons diminué la dose de glycérine; elle a été fournie à la dose de 0,61 0/00; malgré cela, 2 plantes sur 3 ont péri, après avoir végété péniblement pendant plus d’un mois; les premières feuilles qui apparaissent semblent pourtant normales; ‘mais elles ne tardent pas à sécher ; la dessiccation débute par l’extrémité, puis s’étend peu à peu jusqu’à la base; on dirait quelles ont subi l’action d’une température trop élevée; la photographie (fig. 5) reproduit les deux plantes les mieux développées à côté du témoin qui présente une avance sensible sur elles; on voit qu’elles mani- festent déjà les symptômes que nous venons de décrire. La plante qui a résisté a végété pendant 2 mois; mais elle est restée chétive, ce qui n’a pas empêché l’épi mâle de s’épanouir; son poids sec n’atteignait pas 7 grammes. Ce résultat prouve par conséquent que, si la glycérine est assimilée en petite quantité, elle n’en est pas moins nuisible à la vie de la plante; les substances alimentaires ne peuvent pas s’accumuler. indilleremment dans les organes de la plante sans 734 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. troubler la nutrition générale; lorsque les végétaux sont placés à l’obscurité et dans une atmosphère saturée, ils supportent mieux Fig. 5. — Glycérine. la présence de ces sortes de substances; mais, lorsqu’on les expose à la lumière et au grand air, l’activité de la transpiration appelle dans les feuilles plus de glycérine que la plante ne peut assimiler, si bien que l’excédent ne tarde pas à devenir nuisible. VI INFLUENCE DE l’aLCOOL ÉTHYLIQUE L’alcool éthylique employé à la concentration do 5 0/00 envi- ron arrête le développement du maïs à la lumière; son action est beaucoup moins sensible sur la germination. Après la mise en flacon, la végétation fait des progrès visibles pendant quelques jours; mais, lorsque les racines ont acquis un peu de développe- ment, elles se transforment peu à peu et, au lieu de continuer à s’allonger, elles s’épaississent en donnant de courtes ramifica- tions. Les feuilles se dessèchent, et la plante meurt. La photographie (fig. 6) permet de se rendre compte du mau- vais état de ces plantes au bout de 15 jours d’exposition la lumière. Si on distille ces plantes après les avoir lavées à l’eau, on trouve toujours de l’alcool dans le liquide qui passe à la distilla- iotn; il colore en outre la fuchsine décolorée à l’acide sulfureux; ASSIMILATION DE QUELQUES SUBSTANCES TERNAIRES 735 si on fait les mêmes déterminations sur des pieds de même déve- loppement qui ont poussé en pleine terre, on ne trouve que des traces d’alcool et pas d’aldéhyde; c’est à Taldéhyde qui se forme Fig. 6. — Alcool éthylique. en excès en présence d’alcool libre qu’il faut attribuer les résul- tats observés. Cette notion a déjà été développée dans un tra- vail publié par l’un de nous, il y a quelques années L VII INFLUENCE DE l’aLCOOL MÉTHYLIQUE Bien différents des précédents sont les résultats fournis par les plantes cultivées en présence d’alcool méthylique à la dose 4,0 0/00. Non seulement ce corps n’est pas nuisible, mais il active le développement du maïs ; comme rien ne nous permet- tait de prévoir ce fait, nous n’avons cultivé que deux plantules en présence d’alcool méthylique; toutes deux présentent une avance visible sur le plus beau des témoins vers le quinzième jour de l’expérience, comme on peut le voir sur la photogra- phie (fig. 7.) Les flacons qui les ont reçues n’étaient pas munis de tubu- lures latérales, de sorte qu’on ne leur a pas donné de nouvelle solution nutritive; on les a laissées se développer jusqu’à l’éva- poration à peu près totale de la solution, et, quand on a mis fin à 1. Mazé. Annales de VI. P. 1900, p. 350, mars 1902, p. 195. I 736 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. Texpérience, tout Pazote avait disparu du liquide; il restait encore d'alcool méthylique. Après 37 jours de culture, les deux plantes pesaient, à l’état sec : i dGsr 07 N 2 losr 3 Malgré les conditions difficiles qu’on leur a imposées, elles Fig. 7. — Alcool métliylique. ont poussé vigoureusement jusqu’à la fin; les témoins ne les ont pas sensiblement devancées. Ces résultats permettent de conclure que l’alcool métliylique ne nuit pas à la végétation du maïs; comme on ne peut pas admettre que l’alcool qui a disparu de la solution ait été rejeté directement dans l’atmosphère après avoir été filtré par la plante, on est conduit à supposer que ce corps est assimilé en partie. VIII DÉVELOPPEMENT DES PLANTES TÉMOINS Il nous reste maintenant à montrer que la solution minérale que nous avons employée favorise le développement rapide et complet du maïs; il suffit pour cela de suivre jusqu’au bout l’évolution des plantes témoins. Nous aurions pu également suivre beaucoup plus longtemps celles des séries précédentes; mais il n’est pas facile d’alimenter régulièrement un nombre aussi considérable de végétaux placés dans des flacons de 3 litres. ASSIMILATION DE QUELQUES SUBSTANCES TERNAIRES 737 Au surplus, les causes de contamination aug-mentent à mesure que les plantes s’allongent, parce qu’elles^ offrent plus de prise au vent; l’agitation continue des tiges fait glisser peu à peu les grains de poussière entre le coton et le corps de la plante; et comme tous les germes qui parviennent jusqu’à la solution peu- vent se développer dans celles qui sont pourvues de sucres, nous Fig. 8. _ Plantes de pleine terre et trmoin en solution minérale. avons arrêté les séries les plus exposées à la contamination. Sur les 15 témoins que nous avons réservés, È ont été envahis par les champignons assez tardivement et ont été éliminés ; un certain nombre d’autres ont été réservés pour dés essais dont nous parlerons plus loin; on en a conservé 9, auxquels on a fourni régulièrement, à mesure que la transpiration des feuilles vidait en partie les récipients, des „ solutions stérilisées renfer- mant 0,5 0/00 de nitrate de soude et 0,5 0/00 de phosphate de potasse. Les autres éléments minéraux qui entrent dans la com- 738 ANNALi:S DE L’INSTITUT PASTEUH. position de la solution nutritive ont été introduits dès le début, en quantité sulfisante pour face faire aux besoins de la végéta- tion jusqu’au moment où on a mis fin à l’expérience. Fig. 9 — Témoin en solution minérale Henri et plantes de pleine terre de même âge. Nous avons reproduit dans la planche VIII les 5 pieds les plus avancés ; cette photographie a été prise le 25 août, c’est-à- lire un peu moins de 2 mois après la mise en flacons. On voit qu'ils ont acquis leur maximum de taille, environ 1“570 à 1“,80, flacon compris; ils sont en outre munis de leurs organes de fructifications qui sont tout à fait normaux; dans les plus avancés, la fécondation est terminée, et l’épi est déjà formé; ASSIMILATION DE QUELQUES SUBSTANCES TEUNAÏRES 739 la pollinisation a été très abondante. La photographie (lig. 9) montre que la taille de nos maïs égale celle des plantes de la même espèce, poussant dans un sol très riche; celles-ci possè- dent déjà des épis bien avancés, mais elles sont plus anciennes de 1 mois et demi. La photographie (fig. 9) reproduit les plantes de même âge qui ont servi de témoins de plein air; malgré les soins de binage, d'arrosage et de butage qu’on leur a prodigués, elles sont en retard de plusieurs jours sur celles qui ont poussé dans les fla- cons. Pour faciliter la comparaison, nous avons placé à côté des premières la même plante que nous avons déjà reproduite dans la figure, 8. Celte différence n’est pas due exclusivement à la valeur alimentaire de la solution nutritive ; elle se présente aussi comme la conséquence de la température plus élevée à laquelle les plantes en flacons ont été exposées ; la solution nutritive est chauffée directement par les rayons solaires; sa tempéra- ture est donc relativement élevée, surtout le jour, et influe sur celle de la tige et des feuilles ; les plantes de pleine terre reçoi- vent au contraire une solution très sensiblement moins chaude, qui abaisse la température des organes aériens et retarde les progrès de la végétation. 11 n’en est pas moins vrai que le but que nous nous étions proposé est largement atteint. IX AUTRES RECHERCHES SUR l’aSSI3I1LATION DE l’aLCOOF. |’;THYLFQUE FCT DE i/aIXOOL MlîrHYLIQUE Les résultats que nous avons exposés page 734 étaient prévus; ceux qui ont été fournis par l’alcool méthylique l’étaient moins ; cette discordance dans l’action de deux substances .chimique- ment aussi voisines semble difficile à interpréter; on ne peut pas la rapporter à des propriétés antiseptiques inégales, puisque ces caractères ne se sont pas manifestés pendant la période de germination à l’obscurité et qu’ils ne se traduisent pas davan- tage lorsqu’on transporte les plantules dans des flaconsjdoujours à l’obscurité, puisqu’elles meurent rapidement en présence, de l’un et l’autre corps. La raison de cette différence est ailleurs; 740 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. si on àdmet que l’alcool éthylique et l’alcool méthylique ne peuvent pas circuler en nature dans la sève d’une plante à chlorophylle sans être modifiés dans leur composition et si l’on rappelle que ces modifications ne peuvent consister qu’en une oxydation qui débute par la formation d’aldéhy^des, on est con- duit à examiner les relations que présente la production possible d’aldéhyde méthylique avec la synthèse des sucres. L’aldéhyde éthylique ne peut pas aboutir aux sucres par voie de polymérisation; l’aldéhyde méthylique en forme au contraire avec la plus grande facilité dans les végétaux à chlorophylle, on le suppose du moins; et nous arrivons, comme on le voit, par un chemin détourné, à l’hypothèse la plus généralement adinise pour interpréter le mécanisme de la synthèse chlorophyl- lienne. ' Considérée sous ce point de vue, la question de l’assimilation de l’alcool méthylique mérite d’être approfondie; on peut se propofeer'd’abord de montrer que l’alcool mélhylique peut contri- buer à former des réserves d’amidon dans les chloroleucites à l’obscutâté, bien que cette propriété ne lui ait pas été reconnue jusqu’à présent. Les végétaux à chlorophylle ne se prêtent pas indifférem- ment à des recherches de cet ordre ; il y a des espèces plus résistantes' à des doses élevées d’alcool ; il y en a qui sont plus ou moins capables d’oxyder l’alcool méthylique. Parmi celles qui résistent à de très fortes doses d’alcool, il faut citer le lilas, le troène, la clématite des haies. Nous avons placé des branches de lilas dans des solutions d’alcool méthy- lique et éthylique à 10 0/0 ; elles ont résisté plusieurs jours en plein soleil à une température souvent supérieure à 30<^, exacte- ment comme des branches témoins placées dans l’eau distillée ; des branches qui pesaient 8 à 10 grammes à l’état sec ont évaporé 500 c. c. d’une solution alcoolique renfermant 50 c. c, d’alcool métlxylique à 09 0 /0 ou 50 c. c. d’alcool éthylique, avant de périr. ; ; La présqué totalité de l’alcool a été rejetée dans l’atmosphère, mais iune certaine quantité a été transformée; les plantes ainsi traitées* exhalent en effet un parfum très prononcé, que l’on perçoit crh^êm es à distance; le lilas en particulier dégage une odeur; très! agréable, le parfum produit par l’alcool éthylique est ASSIMILATION DE QUELQUES SUBSTANCES TERNAIRES 741 dû en partie à l’acétate d’éthyle ; l’alcool est donc oxydé et éthérifîé ; on peut s’assurer directement par la distillation de la présence d’aldéhyde éthylique ou méihylique. ; r ,) ; lî Le troène, laclématite supportent égalementdes doses de 5,0/0 d’alcool dans les mêmes conditions. Nous nous sommesser.visdo ces trois espèces végétales pour étudier la formation dei l’amidon dans les feuilles à l’obscurité en présence d’alcool méthylique ou éthylique à 4 0/0. L’alcool éthylique ne saurait, nous le répé- tons, produire directement de l’amidon ; mais il peut retarder la disparition de ce corps, s’il est assimilé en quantité sensible. Nous résumons brièvement les résultats obtenus, qui d’ailleurs sont tous négatifs, en ce qui concerne la formatioir d’amidon : Les rameaux feuillés qui ont perdu leur amidon de réserve par un séjour préalable à l’obscurité ne le récupèrent pas aux dépens de l’alcool méthylique. Les branches placées dans les solutions alcoolisées au moment où les leucites sont remplis d’amidon, perdent leurs réserves comme celles qui sont placées dans l’eau distillée. Les mêmes observations ont été faites sur des pieds de maïs bien développés, placés dans des solutions minérales dans lesquelles on introduisait 2 0/0 d’alcool éthylique ou méthylique . Nous devons ajouter que les branches qui avaient subi ce traitement ne reformaient pas d’amidon à la lumière, exception faite cependant des cellules stomatiques; les résultats obtenus h l’obscurité, ne prouvent donc pas que ces alcools ne sont pas assimilés. Dans tous ces essais, l’alcool méthylique s’est comporté comme l’alcool éthylique, ce qui donne encore plus d’intérêt aux observations de la page 735. - . X OBSERVATIONS SUR LA CHLOROSE DU MAIS ' 1 Lorsqu’on place les plantules de maïs dans des solutions minérales additionnées de sucres, on constate assez souvent la décoloration quelquefois complète des feuilles ; cette chlorose se manifeste parfois chez les premières feuilles qui se forment après la mise en flacons ; tout dépend de la concentration 742 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. en sucres, et dans une cerlaiïie mesure de la résistance inégale des plantules. Sur les trois plantes alimentées avec du dextrose dont nous avons donné Thistoire page 729, deux sont devenues chlorotiques. Le plus souvent, les maïs surmontent assez vite cette crise ; la chlorophylle se forme peu à peu, d’abord le long des nervu- res et de là elle se propage dans tout le parenchyme; la plante reprend alors sa vigueur. Lorsque la chlorose dure longtemps, elle retarde sensible- Fig. iO. — Flante développée en solution sucrée à 1,2 0/0 de dextrose au milieu plante chlorotique ; à droite et à gauche, plantes témoin de même âge. ment le développement du végétal, de sorte que ce sont les plantes témoins. qui prennent les devants. Nous en donnons un exemple dans la figure 10. La plante du milieu végète dans une solution additionnée de 1,2 0/0 de dextrose; elle est atteinte de chlorose et présente un retard très sensible sur les deux témoins du même âge qui l’encadrent La chlorose provoque en outre quelques symptômes de souffrance tels que la formation de tiges secondaires à l’aisselle des feuilles (fig. Il); le retard sur le témoin est très marqué aussi dans ces conditions L 1. Ces plantes, de même que celles de la figure 10, n’appartiennent pas h la même série que celles dont nous avons parlé précédemment. ASSIMILATION DE QUELQUES SUBSTANCES TERNAIRES 743 On voit ainsi conibien il est utile de multiplier les expérien- ces avant Je formuler des conclusions solides. Les exemples que nous venons de citer, nous auraient plutôt conduits à envisager Fig. H. — A gaucho, plante chlorotique, en solution sucrée, potirvue de nom- breuses ramiücations; à droite, plante témoin en solution minérale. Taction du dextrose comme nuisible ; c’est le contraire qui est exact; ce composé est favorable au développement du maïs quoique à un degré moindre que le saccharose; les accidents de végétation qu’il provoque constituent une exception. Ces résultats montrent que la disparition de la chlorophylle dans les plantes vertes peut être provoquée par des causes multiples, en particulier par des substances tout à fait indispen- sables à la vie des plantes et cela, en présence d’un excès de fer. On attribue toujours la chlorose à la pénurie de fer dans la plante. Rien n’est en effet plus facile que de rendre les végé- taux chlorotiques par défaut de fer. Nous avons, après beaucoup de physiologistes vérifié ce résultat sur des plantules de maïs poussant à l’abri des microbes. 744 _ ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. En supprimant le fer dans la . solution dont nous avons donné la composition page 728 voici ce que nous avons observé : les premières feuilles qui se forment après la mise en flacon sont complètement décolorées, et à partir de ce moment toutes celles qui apparaissent sont dépourvues entièrement de chlorophylle tout en étant exposées directement au soleil; les plantules n’augmentent pas de poids, les feuilles restent très petites, et à mesure que de nouvelles se forment, les plus âgées se flétris- sent: la marche de la végétation est identique chez les plantules placées dans l’eau distillée, avec cette différence essentielle que les feuilles conservent indéfiniment leur couleur verte; dans les deux milieux, le développement des racines atteint des propor- tions démesurées par rapport à la plantule ; celles-ci forment un lacis de fin et long chevelu, dont les filaments principaux pour- vus de très nombreuses ramifications atteignent de 40 à 50 cen- timètres de longueur. Quelques plantes ont végété ainsi pendant deux mois; elles étaient encore très vivaces ; placées dans une solution minérale complète, elles ont formé des feuilles normales, et ont repris de la vigueur; la hampe qui s’édifie sur la tige courte et grêle développéejusquelà, augmentebrusquement dediamètre. Au bout de quelques jours, on voit apparaître un épi simple, émergeant d’un bouquet de trois ou quatre feuilles de grandeur moyenne, qui présente cette particularité curieuse d’être constitué par .des fleurs mâles vers rextrérnité, et des fleurs femelles à la base. Pour obtenir ainsi la chlorose par privation de fer, il n’est pas nécessaire de faire usage d’une solution minérale de consti- tution aussi complexe que celle que nous avons employée ; nous avons reproduit le même phénomène en utilisant des solutions renfermant 1 0/00 de phosphatede potassium et 1 OjOO de nitrate de sodium; mais pour le rapporter à sa véritable cause il était indispensable d’employer la première solution. Pour interpréter ces résultats, il est nécessaire de multiplier les observations, étant donné que la chlorose peut avoir, comme on l’a vu plus haut, des causes très variées; on peut déjà se proposer pourtant de fournir une explication des derniers faits que nous venons d’exposer. Puisque les plantes cultivées dans l’eau djstillée conservent leur couleur verte, il faut bien admet- tre que le fer y circule librement, et comme c’est le contraire ASSIMILATION DE QUELQUES SUBSTANCES TERNAIRES 745 qui s’observe chez les plantes cultivées dans, des solutions privées de fer, c’ést bien aussi la conclusion opposée qu’il faut en déduire. Les bases alcalines et alcalinp-terreuses - semblent donc i rnmobiliser le fer apporté par la semence si on les introduit en grande quantité dans la solution; ces mêmes bases existent également dans les plantules qui poussent dans Teau distillée, et, comme il ne s’y produit rien d’anormal, il est permis d’en déduire qu’elles ne suppriment pas l’action du fer. Il existe donc entre ces bases et. le fer un rapport numérique tel que le rôle de ce .dernier peut être favorisé ou au contraire supprimé. En partant de cette idée, nous avons rendu chlorotiques des maïs vigoureux et bien développés, en introduisant dans les solutions minérales complètes des doses de plus en plus fortes de carbonate de potassium ou de sodium. Les jeunes plantules ne résistent pas à une alcalinité de 1/10,000 évaluée en NaOU ; c’est pour cela qu’il faut faire usage de plantes bien dévelop- pées; mais, comme celles-ci réagissent, il est nécessaire d’aug- menter progressivement l’alcalinité du milieu de façon à obtenir la décoloration partielle des feuilles, sans faire périr la plante : Les feuilles dfja développées conservent leur couleur normale; la chlorose ne se manifeste que sur les feuilles formées après l’addition de carbonatesalcalins .-quand elle apparaît on constate un ralentissement sensible de la végétation: La chlorose ainsi provoquée présente beaucoup d’analogie avec la chlorose naturelle qui sévit principalement sur les vignes greffées, plantées dans des sols trop riches en calcaire. Dans ces vignes, la chlorose se présente aussi comnîe la conséquence d’un excès de chaux dans la plante, et non d’une absence totale de fer. Il arrive même fréquemment qu’une vigne devient malade brusquement à la suite de pluies persistantes, alors que d’ordi- naire elle n’est pas sujette à la chlorose ; ce ri’est pas le fer qui manque dans ces Conditions, c’est la chaux qui est absorbée en trop grande quantité à la suite des pluies; il y a donc excédent de chaux par rapport au fer. Le traitement imaginé par Ressé- guier, et qui fournit de très bons résultats, n’est pas efficace seulement par la réserve de fer qu’il introduit dans la plante, mais aussi par racide sulfurique qui neutralise une .partie de la chaux. , I > • - . Voilà ce que l’on peut déduire des obserVàtiôns que nous 746 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. avons faites jusqu’ici ; mais nous ne donnons pas cette interpré- tation comme définitive, car, nous le rappelons encore une fois, des conclusions fermes doivent reposer sur des expériences nombreuses et variées. XI RÉSUMK DES CONCLUSIONS Les sucres, la glycérine, Talcool méthylique, Talcool éthy- lique retardent de quelques jours la germination des graines de maïs, mais ne gênent nullement l’évolution des plautules. Les sucres sont assimilés à l’obscurité, mais ils ne peuvent suppléer l’action de la lumière dont le rôle ne se borne pas à faire la synthèse du sucre. Ces substances introduites dans la solution minérale sont assimilées très activement à la lumière, ctmcurremment avec celles qui résultent de la fonction chlor(>phyllienne ; les plantes se développent plus vite que les témoins placés dans des solu- tions minérales, lesquels devancent, de leur côté, les plantes qui poussent en pleine terre dans un sol très fertile. On peut prévoir, en s’appuyant sur ces résultats, que les substances organiques solubles du sol peuvent conlribuer à l’alimentation des végétaux supérieurs; le fumier est utile non seulement parles sels minéraux qu’il peut fournir, mais aussi par les matières organiques solubles qu’il renferme. La glycérine est absorbée également à la lumière, mais elle gêne le développement des plantes. L’alcool éthylique est très nuisible à la lumière du moins pour le maïs; sa nocivité tient à la production d’aldéhyde. L’alcool méthylique active la végétation du maïs à la lumière, ce qui permet de supposer qu’il est assimilé. La tolérance des végétaux à chlorophylle pour les alcools mélhylique et éthylique est variable; il y a des espèces qui résistent à des doses très élevées, mais ces composés ne peuvent pas conlribuer à la formation d’amidon à l’obscurité, ni proté- ger 1 amidon emmagasiné dans les leucites; ce dernier disparaît en leur présence à l’abri de la lumière, aussi vite que dans la tige feuillée, ou dans les végétaux entiers placés dans l’eau distillée, ou dans une solution minérale complète. ASSIMILATION DE QUELQUES SUBSTANCES TERNAIRES 747 L’additioQ de dextrose aux solutions minérales peut provo- quer la chlorose chez le maïs exposé à la lumière ; c’est une cause de plus à ajouter à bien d’autres d’une maladie qui se manifeste fréquemment chez les végétaux. En examinant la chlorose produite par la pénurie de fer, nous avons été conduits à Taltribuer non à l'absence complète de fer, mais à une exagéra- tion de la teneurdu végétal en bases alcalines ou alcalino-terreuses qui immobilise le fer, ou tout au moins supprime son action. LÉGENDE DES PLANCHES VII ET YIII Les photoaraphies reproduites dans le texte et dans les planches ont été prises par M. le Loiseau ou par M. Roussel, qui ont birn voulu consacrer à ce travail leur temps et leur habileté de photographes expérimentés. Nous'leur exprimons toute notre reconnaissance. Planche Vil. — Germination du maïs, dans l’eau distillée (série du bas); dans une solution de dextrose à 4 0/0 (série du milieu), dans une solution de glycérine (série du haut). Planche VIII. — Plantes témoins en solution minérale complète, photogra- phiées le 25 août, c’est-à-dire 59 jours après la mise en flacons. TÉTANOS ET QUININE ' ‘ V.wi M. Ef VINCENT ’ ' ’ ' MÉDKCIN-MajoH de CLASSE. PROFESSEUR AU VaE-DE-GrACE. (Trnvaii du Laboratoire do Bactériologie du Val-de-Grflce.) » ' . . •) : 1 L’histoire médicale du tétanos fait mentiond’un nombre assez élevé de cas de cette affection survenus à la suite des injections de quinine. Roberts ‘,Odevaine % en ont relaté plusieurs exemples* Dans les pays tels que la Grèce, où le paludisme règne fréquem- ment sous la forme grave, Marcoussis, Kapetenakis, etc., ont vu le tétanos succéder au même mode de traitement ^ Il en est de même à Madai^ascar où les médecins de la marine ont constaté Papparition du tétanos dans de semblables conditions ^ Laugier a observé quatre faits, tous mortels, de tétanos chez des paludéens soumis aux injections de quinine L Segard ® a noté un cas iden- tique, suivi de mort. Burot rapporte avoir vu, en 189o,4 décès par tétanos ayant la même origine L Pendant l’expédition de Madagascar, Emery-Desbrousses signale qu’en moins d’un-mois, il se produisit, àMajunga, un total de 11 cas de tétanos survenus après des injections de quinine ^ ■ Enfin M. A. Laveran ® et, plus récemment, Patrick Manson ont spécialement appelé l’attention sur les dangers des injections de quinine et sur le tétanos qu’elles peuvent déterminer. La caractéristique clinique de ces cas de tétanos postqui- nique est leur marche ordinairement suraiguë^ parfois foudroyante . Beaucoup de malades sont morts 24 heures et même moins 1. H. P. Roberts. Tetanus followingthe hypod. inj. of. quinine in malarious fever. The Lancet, “iO mai 1876, p. 736, 2. Odevaime. Cité par Richelot. Nature et traitement du tétanos. Revue des sciences médicales, X, 1877, p. 727. 3. Conf. Le Dentu et Delbet. Traité de Chirurgie. T.T, p. 87. 4. L. ViNCENTet Burot. Le palud. àMadagascar..4ca^/. de Médecine, 7avrill896, p. 385. 5. Cité par Borot, Acad, de Médecine, 2 févr. 1897, p. 126. 6. Sega.d, Arch. d*> Médec. nav., 1886, t. XLVl. 7. Burot. Le tétanos à Madagascar. Loc. cit.. 8 Emery. De-:broussès. Tétanos et inj. hypodermique de quinine. Bullet. génér, de thérap., 1901. t. CXLI, p. 647, 9. A. Laveran. Traité du paludisme. Paris, 1898, p. 349. 10. P. Manson. Malad. des pays chauds. Traduct. Guibaud et Brengues. Paris, 1904, p. 15a, TÉTANOS ET QUININE 749 de 18 heures après le début des symptômes tétaniques (Roberts, Seg-ard, Burot, etc. . ). Il n’a pas paru douteux aux médecins dont Je viens de rap- porter les travaux que le tétanos a bien réellement été la consé- quence des injections de quinine, et leur «onviciion était telle que certains ont cru devoir abandonner ce mode de traitement, dette opinion était corroborée par ce fait, que les tétaniques ne présentaient souvent, au moment de ces accidents, aucune lésion traumatique. Toutefois, quelques-uns des observateurs ont constaté, sur diverses parties du corps de leurs malades, des excoriations ou des plaies ayant pu servir de porte d’entrée au bacille de Nicolaièr.: Comment pouvait-on interpréter ces faits? En lisant les observations, déjà nombreuses, de Tétanos survenu dans les conditions qui précèdent, on ne peut, évidem- ment, se défendre de l’idée que cette atfection a été, purement et simplement, la conséquence d’une faute de technique chirur- gicale. Mais cette explication, acceptable pour les cas antérieurs à la période antiseptique de la chirurgie, paraît plus difficile- ment applicable aux faits récents, dans lesquels il a été expres- sément spéciliéque le tétanos est apparu bien que les injections eussent été faites « avec toutes les précautions d’antisepsie et d’asepsie ’». ■ Sans doute, cette affirmation peut ne pas apporter avec elle la conviction. Sa valeur se fortifie, cependant, d’une utile remarque : c’est que le tétanos n’a frappé que certains sujets, respectant d’autres malades soumis simultanément au même procédé de traitement. La raison qui précède semble devoir être opposée aussi à l’hypothèse d’une infection due, non aux instruments ou à l'état septique de la peau, mais à l’impureté de la solution de quinine elle-même. Toutefois ce dernier point reste en suspens parce que nous ne savons pas si le bacille du tétanos conserve sa vita- lité en présence des sels de quinine. Avant de poursuivre cet exposé, je suis donc conduit à men- tionner ici brièvement les essais que j’ai faits en vue de vérifier l. Emery Desbroitsses, loo. cit.. ‘ ' 750 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. l’action des sels de quinine, sur le bacille pathogène du tétanos. Le pouvoir antimicrobien "de la quinine, depuis longtemps démontré, n’est pas cependant très accusé à l’égard du bacille de Nicolaier. Comme tous les microbes sporulés, ce dernierolfre, en effet, une grande résistance à l’action des antiseptiques. Les cultures sporulées, mélangées, à volume égal,àdes solu- tions à 1/20, 1/10, 1/5 de sulfate, de sulfovinate, de bromhy- drate, de chlorhydrate de quinine, ont conservé toute leur vitalité et leur virulence après 15 et 20 jours; les essais n’ont pas été poursuivis au delà. Seul, le chlorhydrate neatfeAa^ quinine a, sur lesspores téta- niques, un pouvoir bactéricide beaucoup plus énergique. C’est, du reste, le sel le plus usuellement employé dans les injections. Sa solution à 1/2 mélangée, à volume égal, à une culture sporulée de tétanos, détruit la vitalité du microbe en 40 à 48 heures, parfois moins. L’addition au bouillon, d’une proportion de chlorhydrate neutre de quinine égale à 3 0/00, empêche la multiplication de ce microbe. Ce dernier sel possède donc des propriétés germicides réelles à l’égard des spores du bacille de Nicolaier. Ces propriétés s’expliquent, en partie, par la réaction très acide qu’il présente. Quoique chimiquement neutre, il rougit fortement le tournesol et atlaque même les métaux. Dès lors, la propagation du tétanos par les solutions non stérilisées de chlorhydrate neutre de quinine doit se trouver fort restreinte par suite de la rapidité avec laquelle il lue les spores. Mais les autres composés de quinine iLont pas la même propriété et il est indéniable que leurs solutions, mal stérilisées, pourraient être capables d’apporter avec elles le microbe du tétanos, comme la gélatine est susceptible de le faire dans des conditions semblables. C’est un fait qu’on ne doit pas oublier dans la pratique. Toutefois, une pareille interprétation ne semble pas devoir tout expliquer. Ainsi qu’on* le verra, le problème de l’étiologie du tétanos postquinique est plus complexe. Il est loin de se ramener à la formule simple d’une inoculation accidentelle due à la négligence de l’opérateur. N’est-il pas très remarquable, en effet, que la quinine, bien qu’elle soit infiniment moins TÉTANOS ET QUININE 731 p- employée en injections hypodermiques que d'autres médicaments tels que la morphine, la caféine, la strychnine, la cocaïne, Télher, etc., présente seule, la propriété de provoquer Téclosion du tétanos? J’ai consulté avec soin des documents très nom- breux et n’ai vu qu’une fois mentionné un cas de tétanos paraissant avoir succédé à une injection de morphine. N’a-t-on pas, dès lors, le devoir de se demander si une injection de quinine, pratiquée avec toutes les précautions antiseptiques que comporte une opération aussi simple, ne serait pas, cepen- dant, capable d’évoquer l’infection tétanique chez un individu porteur du microbe à l’état latent ? En d’autres termes, si, à l’exemple de certaines substances chimiques telles que l’acide lactique, la trimétiiylamine, le chlorure de sodium en solutions hypertoniques ou même isotoniques*, certains poisons micro- biens, etc., la quinine, introduite sous la peau, n aurait pas la propriété d'exercer un rôle favorisant dans le développement de l’infection tétanique. Celte question présente un certain intérêt pratique. Les recherches qui suivent vont essayer de lui donner une réponse. 11 Avant de commencer ces expériences, il était nécessaire de déterminer les proportions de quinine que les animaux de laboratoire peuveLit supporter impunément, et si ces derniers ne présenteraient pas, à l’égard de cette substance, une sensibilité trop vive, capable d’exclure toute comparaison avec les résultats observés cliez l’homme. La dose mortelle, sous-cutanée, de chlorhydrate neutre de quinine, m’a paru être égale à 1/3,000, en moyenne, du poids du cobaye. Pour le lapin, cette quantité est de 1/4,500, environ, du poids de 1 animal.. Les animaux jeunes (cobaye, lapin) sont un peu moins résistants que les adultes. Le pigeon, la grenouille, sont comparativement plus résistants aux injections de celte substance. La toxicité de la quinine pour Vhomme ne paraît pas être inférieure à celle qu’elle présente pour le lapin et pour le 1. H. ViNCENT.Infl. favoris, du NaCl sur certaines infections. Soc. de Biologie, 4 juin 1904. ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. 75-2 cobaye. Peut-être, même, Thomme est-il plus seusible que ces animaux. La dose mortelle, sous-cuTànée, pour ITiomme, n’est pas connue. Mais, par la voie digestive, cette dose peut se déduire d’un exemple suivi de mort, cité par M. Laveran et emprunté à Baills; cette quantité^ est de 12 grammes de sulfate de quinine absorbés en une fois. Pour un homme d’un poids moyen, elle serait’donc égale à 1/5,000 ou 1/6,000 du poids du corps. , Or on « peut introduire une dose proportionnellement semblable dans l’estomac du cobaye, sans jamais tuer cet animal. - ' Puisque da sensibilité des animaux pour la quinine ne dépasse pas^ celle de l’homme et qu’elle paraît niême plus faible, nous sommes en mesure d’expérimenter in anima vili si la quinine exerce réellement une influence favorisante sur l’infec- tion tétanique. Pour imiter, aussi exactement que possible, les conditions observées en pathologie humaine, et afin» de vérilier si ce médicament joue un rôle favorisant local ou général, la quinine a été injectée 1® au même point que la culture de tétanos; 2® en un point éloigné. Ces diverses injections ont été faites tantôt simultanément, tantôt à des dates différentes. Influenee favorisante locale des sels de quinine. — A une solu- tion titrée et stérilisée d’un sel de quinine, on mélange une petite quantité de culture sporulée de tétanos. Cette culture a été chauffée préalablement à 80® pendant 3 heures pour en dé- truire la toxine. = On injecte ensuite, sous la peau d’un cobaye témoin, i/5 de c. c. de culture sporulée chauffée et, à un autre cobaye, la même culture additionnée de la solution quinique : la quantité de sel quiniqiià injectée est de 2 à 5 centij^rammes. Or, tandis qué le cobaye témoin demeure indemne, le cobaye ayant reçu le mélange quinine et spores présente, au bout de 3 jours, les symptômes d’un tétanos auquel il succombe en 24-48 Iieures. Certains animaux (1 sur 5, en moyenne) ont eu un tétanos suraigu avec généralisation d’emblée des contractures, ébauche de tremblement vibratoire. Ils sont morts en 18 à 24 heures;. 1. A. Laveran. Traité du paludisme. Paris, 1898, page 363, TÉTANOS ET QUININE 753 Lorsqu'on fait Tautopsie des cobayes, on découvre, au foyer d'inoculation, un léger exsudât gris-jaunâtre, renfermant de nombreux bacilles. La lésion locale a été toujours plus mar- quée avec le chlorhydrate neutre de quinine qu’avec les autres composés de cet alcaloïde. Le microscope et la culture permettent de constater la mul- tiplication du^ bacille de Nicolaïer au seul foyer d’inoculation. Mais, fait plus remarquable, chez ceux des cobayes qui ont succombé à la forme suraiguë du tétanos, il n’a pas été rare de rencontrer le bacille par l’ensemencement de parcelles du foie, de la rate, des reins, des ovaires, de la moelle osseuse. A la •vérité, cette extension partielle de l’infection dans les viscères n'a pas la constance ni surtout l’intensité qu’elle présente chez les animaux inoculés du tétanos et échauffés artificiellement à l’étuve ^ En particulier, l’examen microscopique des frottis • viscéraux ne montre pas de bacilles, et le sang ensemencé n’a jamais fertilisé les milieux de culture. Toutefois, il était utile de faire remarquer que l’action favorisante des sels de quinine est, expérimentalement, très accusée, puisqu’elle peut, dans quelques cas, faire perdre à l’infection tétanique son caractère habituel d’infection exclusivement locale. Quelque soit le selde quinine utilisé, son addition aux spores s’est révélée comme un adjuvant fidèle de l’infection, chez le cohaye. Le rat blanc, la souris blanche, prennent également le tétanos, dans les conditions qui précèdent. Chez le lapin, ce moyen est, cependant, hahituellement incapable de provoquer l’éclosion de la maladie. Ce n’est pas là, du reste, un fait ex;cep tionnel dans l’histoire du tétanos expérimental, car cet animal est beaucoup plus rebelle que le cobaye, la souris ou le rat, à l’infection tétanique, et certaines conditions favorisantes, telles que l’injection de Na Cl ou même l’action si énergique de l’hyper» thermie demeurent, à cet égard, sans effet sur lui, ainsi que je l’ai montré dans d’autres travaux. Lorsque, chez le cobaye, on fait pénéirer le mélange quinine et spores, non plus sous la peau, mais dans les viscères, la puis- sance favorisante de la quinine se montre extrêmement redou- table, et la production du tétanos splanchnique, si elle est iden- tique, par son ensemble de symptômes, à ceux que détermine 1. H. VixciENT, Annales de V Institut Pasteur, 1904, p. 450. 48 754 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. l'inoculation des spores seules, en diffère, cependant, par une marche encore plus aiguë et une survie plus brève. La mort peut survenir en 14 à 16 heures. Le bacille peut être retrouvé non seulement dans le viscère inoculé, mais encore dans les autres viscères. - Dans les expériences ci-dessus, la solution de quinine et le tétanos ont été injectés simultanément. Qu’adviendra-t-il si, après avoir introduit des spores tétaniques sous la peau du cobaye, on n’injecte qu’un ou plusieurs jours après — toujours (odem toco — la solution favorisante? Dans ce cas, on voit également se produire le tétanos, à la condition que l’intervalle qui sépare l’inoculation des spores de l’injection de la quinine ne soit pas trop grand. Après 1 à 4 jours, celte injection éveille l’infection; lorsque le délai atteint une semaine, le tétanos est apparu une fois sur trois. Au-delà, le tétanos est exceptionnel. L’explication de ces faits réside évidemment dans la propriété que possèdent les spores tétaniques de se conserver assez long- temps en état de vie latente dans l’organisme où elles ont été déposées. L’action delà quinine rompt cet équilibre; elle permet la germination des spores demeurées vivantes. Je dirai bientôt par quel moyen. Lorsque, inversement, on injecte d’abord la solution qui- ninée et, quelques jours plus tard, au même point, une culture de tétanos sans toxine, on détermine également le tétanos même si la quinine a été injectée 6 et 8 jours auparavant. Il y a là, en apparence, un fait bien singulier, sinon para- doxal, car, dans ces cas, la quinine a été depuis longtemps éli- minée de l’organisme ‘. Il est, cependant, facilement expli- cable: c’est qu’alors l’influence de la quinine s’est exercée d’une autre manière, par l’intermédiaire de la lésion locale qu’elle détermine dans le tissu cellulaire. En ce point, il se forme une sorte d’ulcère sous-cutané, lent à guérir, recouvert ’ d’un exudat gris-jaunâtre. Ce foyer de nécrose locale constitue un lieu de moindre résistance où les spores tétaniques peuvent facilement germer dès qu’elles y ont été déposées. Le microscope y montre, en effet, une grande rareté des cellules leucocytaires. Les bacilles s’y multiplient 1. Cette élimination totale se fait on 36 ou 48 heures, par les urims (Kerner). TÉTANOS ET QUININE To5 dans les mêmes conditions que dans un foyer contusou hémor- rhagique. 2° Influence favorisante générale des sels de quinine à V égard de l’infection tétanique. — Quelle que soit la nature du sel de quinine associé aux spores tétaniques, il favorise donc localement la la germination de ces dernières. On peut, encore, se demander si, introduite en un point éloigné de la porte d’entrée du tétanos, la quinine posséderait la même propriété. Cette question n’est pas sans intérêt. Ne se pose-t-elle pas, du reste, toutes les fois que le tétanos succède, chez l’homme, à des injections de quinine apparemment bien faites ? Un sujet, ayant eu une plaie accidentelle qui a permis la pénétration insidieuse du bacille, sera-t-il, plus tard, à l’abri du tétanos, h la suite d’injections hypodermiques de quinine opérées avec les plus rigoureuses précautions? L’expérience est facile à réaliser chez l’animal. Ses résultats sont non moins précis. On prend un cobaye pesant 300 à 400 grammes et on ino- cule, sous la peau du flanc droit, cinq gouttes de culture spo- rulée privée de toxine. Deux jours après, on injecte sous la peau dw côté opposé^ c’est-à-dire à gauche, 1/10 de c. c. de solution stérilisée de chlorhydrate neutre de quinine à 1/2. ' Or, trois jours après cette injection de quinine, apparaît une , raideur du tronc; le lendemain, le tétanos affecte un caractère aigu et la mort survient en 24-3G heures, en moyénne. Les deux cobayes témoins ayant reçu, l’un la même quantité l de culture, l’autre la même dose de quinine, restent parfaite- ; ment indenines. ; Cette expérience, répétée plusieurs fois, a toujours fourni ^ un résultat uniforme. Chez les cobayes jeunes, la mort survient / plus rapidement à la suite de la double injection faite, cependant, ^ en des point différents, I Au foyer d’inoculation des spores tétaniques, il n’existe \ aucune lésion. L’examen microscopique du frottis du tissu f cellulaire, maintes fois pratiqué, ne montre, aucun bacille ; les I spores ne se sont donc pas multipliées en ce point. Seul l’ensemen- f cernent de parcelles du tissu cellulaire donne une culture. Mais I il est évident que le microbe du tétanos n’y -existe qu’à l’état i extrêmement rare. 756 ANNALES DE L’INSTIÏUT PASTEUR. Dès lors, où s'est localisé le foyer d'infection tétanique? Du côté opposé, au point où la quinine a été injectée, il existe un placard pseudo-membraneux blanchâtre, œdémateux. Or les frottis de cet exudat renferment des bacilles parfois très nombreux, agglomérés en petits bouquets de quatre, six, dix éléments. La culture donne le bacille de Nicolaïer à l’état pur. Insistons un peu sur cette constatation. On sait que chez les animaux ayant succombé à l’infection tétanique, le bacille prolifère exclusivement là où il est inoculé. 11 ne se généralise pas. En conséquence, sa rareté extrême, dans le cas présent, au foyer même d’inoculation du bacille et, par contre, sa présence abondante en un point éloigné où la quinine, seule, a été injectée, constituent un fait digne d’étre signalé. Elles indiquent que le bacille s’est arrêté et qu’il s’est multiplié presque exclusivement non pas au point oit il a été déposé, mais au foyer même d’injection du sel de quinine J’ai déjà signalé ailleurs que les solutions hyper — et même isotoniques de chlorure de sodium possèdent la même et remarquable propriété de favoriser et de fixer l’infection téta- nique*. On voit, dès lors, que dans l’un et l’autre exemple, en présence d’un cas de tétanos survenu, chez l’homme, à la suite d’injections de quinine ou de' sérum artificiel, il pourrait être imprudent d’attribuer à l’absence de précautions antiseptiques les bacilles tétaniques constatés au niveau du foyer d’injection de ces solutions. Chez les animaux détenteurs, à l’état latent, de spores téta- niques, la propriété que possède la quinine de réveiller l’infec- tion disparaît au bout de G à 8 jours, en moyenne. Au delà de ce délai, les injections de quinine ont été inefficaces. Les symptômes observés chez les cobayes sont assez variés. Quelques animaux ont eu un tétanos chronique. Chez un autre, le tétanos est apparu seulement une semaine après l’injection stérilisée, mais il a été très redoutable, et a tué l’animal en 20 heures. Pareils cas, à incubation très prolongée et à évolution pourtant suraiguë, ont été observés également chez l’homme, à la suite des injections de quinine. Contrairement à l’opinion 1. H. Vincent, loc, cit., Tl est probable que d’autres' substances favorisantes possèdent la même influence. TÉTANOS ET QUININE 757 consacrée, l’apparition tardive des symptômes tétaniques n’implique donc pas toujours leur bénignité. Chez deux de ces cobayes, l’incurvation du tronc a débuté non du coté où les spores ont été inoculées, mais du cô(é opposé, correspondant au siège de l’injection de quinine. La multiplication habituelle du bacille en ce dernier point explique cette particularité. Si l’on injecte la quinine en premier lieu et qu’ultérieurement on inocule, du côté opposé, une culture sans toxine, le tétanos peut apparaître, mais avec beaucoup moins de fixité que dans tes conditions inverses, étudiées ci-dessus. Au bout de deux ou trois jours, le tétanos ne se réalise plus. 111 Les sels de quinine ne semblent capables de favoriser l’infec- tion tétanique, soit chez l’homme, soit chez les animaux, que lorsqu’ils sont administrés sous la peau. Si l’on en fait absorber per os, à des cobayes, une dose élevée, suffisante pour déter- miner l’ivresse quinique, et qu’on leur inocule simultanément sous la peau des spores sans toxine, ils ne prennent pas le tétanos. Même résultat négatif avec les injections intrarectale, intravésicale, intranasale, intratrachéale de quinine. On a fait ingérer de force, à plusieurs cobayes, du verre pilé arrosé de culture tétanique et on a injecté en même temps sous leur peau une certaine quantité de quinine ; ces animaux sont restés indemnes L L’essai inverse (quinine par la voie digestive, spores sous la peau) a été également infructueux. Il résulte des recherches qui précèdent que les sels de quinine, injectés sous la peau, exercent une double action favo- risante, locale et générale, sur l’infection tétanique. Par la nécrose partielle du tissu cellulaire qu’ils déterminent, ils agis- sent comme le fait l’acide lactique et ils permettent ou même ils peuvent appeler loco lœso la multiplication du bacille pathogène. 1. Oq ne doit admettre qu’avez réserve l’hypothèse d’après laquelle le tétanos dit médical ou spontané reconnaîtrait souvent pour porte 'l'entrée le tube digestif lui-même. J’ai tenté à diverses reprises, même chez de très jeunes cobayes, de provoquer le tétanos en faisant avaler aux animaux des débris piquants (clous, fragments de verre), largement arrosés de culture tétanique. Jamais le tétanos ne s’est produit. 758 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. L’influence toxique relative de la quinine peut aussi entrer en ligne de compte, à titre d’agent favorisant général, lorsque, introduite directement dans le tissu cellulaire sous-cutané, elle est mise, dans sa totalité et très rapidement, en rapport avec les éléments défensifs de l’organisme et avec le système nerveux. Une autre raison, qu’il me reste à énoncer, filiale de la précédente, intervient sans doute aussi. La quinine possède une action spéciale sur les leucocytes du sang. Binz, Scharrenbroich ont vu que trois grammes de qui- nine, absorbés par un sujet pesant GO kilogs, abaissent au quart du chiffre normal la proportion des globules blancs du sang. Cette bypoleucocytose dure plusieurs heures. Chez la grenouille, une dose égale à 1/5,000 du poids produit la paralysie des globules blancs est l’arrêt de la diapédèse. Confirmés par Zabn et Kohler, Jerusalemsky, Maurel, ces résultats ont été contestés par d’autres, en particulier par Hayem. Il ne paraît pas douteux, cependant, que l’injection de quinine amène, chez l’homme, une bypoleucocytose notable. J’ai pratiqué plusieurs numérations des leucocytes chez trois sujets soumis à cette médication, en évitant les erreurs dues à la leucocytose alirnentataire. J’ai constaté ce. qui suit : NOMBRE. DE LEUCOCYTES • (1) (2) (3) Avant l’injection de quinine lOgr. 60). . . 9600 8100 6260 20' à 30' après l’injection . 6300 3440 ■ » 1 heure après 5000 4220 . 3130 7 heures après 8680 » 3680 24 heures après 9200 9300 . 9540 Chez les animaux (cobaye, lapin), j’ai également observé une bypoleucocytose très notable et presque immédiate, après l’injection de quinine. Le taux des leucocytes se réduit parfois de un tiers -et même de moitié. Chez les animaux ayant reçu de fortes doses de quinine, les leucocytes paraissent avoir perdu leur mobilité. Cette action est encore plus facile à vérifier in vitrOi lorsqu’on met une solution de quinine en contact avec du sang frais et qu’on examine ce sang au microscope. Une propor- tion de chlorhydrate neutre de quinine mélangée dans la propor- tion de 1/200 immobilise en quelques minutes les leucocytes qui n’adhèrent plus aux parois de la lame. d. Cités par G. Hayem. Leçons de thérap., t. l, p. 236 759 TÉTANOS ET QUININE D’après Maurel, le bromhydrate neutre de quinine lue instantanément les leucocytes du sang dès qu’il est dans la pro- ’ portion de 1 0/0. Il immobilise et tue les cellules blanches même la dose de 0^^2o 0/0 : or celle-ci est très inférieure à la dose toxique pour les animaux U Cette action spéciale de la quinine, paralysante des leucocytes à doses faibles et leucocyticide à dose- plus élevée, est significative. Elle fournit l’explication des effets favorisants très accusés que déterminent les injections des sels de quinine sur l’infection tétanique. Au surplus, la quinine possède des propriétés chimiotaxiques négatives. Binz, Disselliorst, en arrosant le mésentère de gre- nouille avec des solutions de quinine ont vu s’arrêter la diapédèse des globules blancs. A leur sortie des vaisseaux, ces cellules reprennent leur mobilité. M. Metchnikoff explique ce phénomène par la chimiotaxie négative des leucocytes qui, quoique mobiles, ne se dirigent pas vers l’endroit arrosé par cette substance \ D’un autre côté, si l’on insère, sous la peau de l’oreille du lapin, des tubes capillaires renfermant des solutions, à divers degrés, de bichlorhydrate de quinine, il est facile de constater que le bouchon, situé à l’entrée du tuhe, n’est formé que d’albu- mine coagulée et de très rares leucocytes. Bien qu’elle exerce, sur les leucocytes du lapin, une inlluence analogue à celle qu’elle a sur les autres animaux, la quinine est cependant, chez le lapin, dépourvue d’action favorisante. C’est que ce dernier présente normalement une résistance beaucoup plus considérable contre la toxi-infection tétanique. Au contraire, chez l’homme, extrêmement sensible à cette intoxication (Nicolas), ainsi que chez les animaux également très réceptifs, tels que le cobaye et la souris, il est rationnel de penser que la lésion locale sous-cutanée provoquée par la quinine retient le bacille du tétanos, s’il a été apporté avec elle — : et l’appelle ou le fixe s’il existe déjà, à l’état latent, dans l’organisme* D’autre part, les propriétés antileucocytaires et chimiotaxiques négatives que présentent les sels de quinine, ralentissent le rôle - défensif des cellules polynucléaires, particulièrement aptes à l’englobement des spores et permettent ainsi la végétation du microbe. 1. Maurel, Bull.de la Société de Biologie, l®'' novembre 1902 et li mars 1903. 2. Metchnikoff, Leçons sur lapatlwl.comp. de l inflammation, Paris, 1902, p. 173 760 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. Les constatations qui précèdent paraissent devoir entraîner une conséquence pratique, applicable à l’homme. Chez les paludéens ayant eu antérieurement des plaies mal soignées ou des excoriations qui aient pu livrer passage "au bacille du tétanos, il sera utile d’injecter préventivement du sérum antitétanique, en même temps que la solution de quinine. COLORATION DES PROTOZOAIRES Et OBSERVATIONS SUR lA lEOIBOPHILIE DE lEOE NOÏAO Pau le D*- F. MAUINO Avec la planche IX (Travail du laboratoire de M. Metchnikoff) Grassi ’ et Felelti ont le mérite d’avoir vu les premiers le noyau de l’hématozoaire du paludisme. Ils mettaient une goutte d’une solution diluée de bleu de méthylène, faite dans de l’eau distillée, sur une lame et y dépo- saient une lamelle sur laquelle on avait prélevé une gouttelette de sang malarique. En relevant et réappliquant cette lamelle plu- sieurs fois de suite, ils ont pu voir la couleur se mélanger très bien au sanget doioTQv fortement les granulations ?î?/c/ca?rc5des parasites. Romanowsky % plus tard, a démontré la coloration spéci- fique de la chromatine du noyau en se servant d’un mélange de bleu de méthylène et d’éosine. L’auteur pense — sans preuve aucune — que ce mélange produit dans le tube à essai une troisième substance colorante neutre qui serait capable d’agir seulement à Vétat naissant et qui aurait une très grande affinité pour la chromatine des noyaux. Ziemann % qui a modifié la méthode de Romanowsky croit que la couleur neutre, due h un mélange de bleu et d’éosine, est soluble soit dans un excès de bleu, soit dans un excès d’éosine et qu’ainsi elle perd tout pouvoir colorant. 11 est nécessaire donc, d’après Ziemann, d’obtenir par tâtonnement un certain mélange de deux matières colorantes dans lequel cette couleur neutre ne se dissout pas. D’autres encore sont persuadés que le principe colorant actif de la chromatine existe dans le bleu de méthylène. 1. Grassi G. B., M. R. Feletti, Ueber einige Fiirhungsmethoden der Malaria parasiter!. Centv. f.Bakter, 1S91. Bd X, p. 519, 2. Romanowsky, Zur frage der Parasitologie und Thérapie der Malaria, Peiersb. medec. WochenschrAS>^i. 3. ZiF.MANv, Uebev Malaria und and ere Blutparasiten, lena, 1891. 762 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Comme l’on voit, les idées de Romanowsky, Ziemann et autres sont assez vagues pour ne pas avoir la prétention d’ex- pliquer sérieusement le mécanisme intime suivant lequel s’opère la coloration spécifique de la chromatine. Nous avons étudié depuis longtemps cette question et toutes les recherches faites à cet égard, nous ont amené à conclure que les phénomènes qui se vérifient dans le protoplasma ne sont pas identiques à ceux qu’on observe dans le noyau. Dans le premier, l’azur, couleur basique, reste combiné de telle façon qu’il ne peut pas attirer l’éosine, couleur acide, qCiand on fait agir cette couleur après la coloration obtenue avec l’azur. Dans le noyau, les phénomènes de teinture sont différents. Ici, l’azur est fixé de telle manière qu’il peut attirer l’éosine et faire changer la coloration bleue de la masse nucléaire en colo- ration rouge rubis. (V. planche IX, fig. 4, n^® 7, 9' 10', et 11.) Ces résultats de coloration, qu’on peut expliquer dijféremment et que nous avons vus, pour la première fois, dans le protoplasma et dans le noyau des protozoaires, sont applicables aussi au pro- toplasma et au noyau des lymphocytes, des gros mononu- cléaires, des plaquettes et d’autres cellules. Mais, à propos des lymphocytes et des gros mononucléaires, il faut observer que leur protoplasma devient amphophik au moment où l’on y voi^ paraître des granulations. (V. fig. 4, n^s 7,7', 9', 9,.) Nous admettons ’ deux espèces de groupements actifs, tant dans ces granulations que dans celles des leucocytes dits macro et (éosinophiles et neutrophiles d’Ehrlich). Le protoplasma des protozoaires, contrairement à celui des lymphocytes et des gros mononucléaires, reste toujours basophile. Avant d’aller plus loin, nous croyons très utile d’exposer les idées de M. Ehrlich sur \oi neutrophilie, en général. M. Ehrlich considère tout corps neutrophile, et, dans le cas particulier, chaque granulation des noyaux des protozoaires comme résultant de deux espèces de groupements : acides et basiques. Les premiers ayant de l’affinité pour les couleurs basi- ques (basophiles), et les seconds pour les couleurs acides (acidophiies). Pour mieux expliquer les idées d’Ehrlich, qui nous ont été 1. Annales de VJnstitut Pasteur, avril l't mai 1903, COLORATION DES PROTOZOAIRES 763 communiquées par lui-même, à Toccasicu d’une visite qu’il a bien voulu nous faire dans notre laboratoire, représentons une C02 Nh^ Fuschine Bleu granulation chromatique neutrophile du noyau d’un trypano- some, par un rectangle où les groupements acides sont indi- qués par CO“ et par la fuschine et les groupements basiques par Nh^ et par le bleu. M. Ehrlich ne se contente pas d’admettre cette double espèce de groupements, que nous admettons, et avec grande réserve, pour les granulations amphophiles des lencocytes de l’homme et du singe, mais il croit encore que les groupements acides par leur nombre et par leur force cV affinité vis-à-ris des matières colorantes sont tout à fait ou presque égaux aux groupements basiques, c’estj à-dire que, si, dans une granulation chromatique, il y alO gi oupe- ments acides, ayant 100 affinités pour les couleurs basiques, dans la même granulation il y aura environ 10 groupements basiques, ayant 100 affinités pour les couleurs acides. Voici pourquoi, (c’est M. Ehrlich qui parle) le réseau chromatique attire les cou- leurs neutres. Nous avons pensé souvent aux idées théoriques d’ Ehrlich et nous avons tâché devoir s’il était possible d’en faire une rigoureuse démonstration chimique. Malheureusement il nous est advenu le contraire. Nous nous sommes demandé : Si les idées d’Ehrlich sont vraies, il doit être possible de colorer les granulations des noyaux des protozoaires, aussi bien avec les couleurs acides qu’avec les couleurs basiques. Eh bien, nos recherches* faites avec des couleurs acides ont été toujours négatives, tandis que nous avons obtenu de très jolies colorations en nous servant des couleurs basiques (azur, bleu de méthylène). Donc, il est tout naturel de penser que les groupements basiques de ces noyaux — s’ils existent — ne fonctionnent pas. Ehrlich, qui précise le rapport numérique des groupements dans la constitution des noyaux, ne peut pas démontrer la raison du non- fonctionnement d’une partie de ces groupements. 764 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. Pour nous, un corps ayant deux espèces de gToupemenlsac?//'s est toujours amphophile. Après avoir démontré que l’azur en solution aqueuse ou alcoo- lique, colore assez bien le protoplasme et le noyau des pro- tozoaires, fixés dans l’alcool absolu, et que l’éosine en solution aqueuse très faible (1/20,000) les différencie, nous avons tâché de rendre ces deux couleurs plus sensibles en les unissant avec le bleu de méthylène, et obtenir ainsi de jolies préparations en très peu de temps. Dans ce but, on mélange une solution aqueuse de bleu de méthylène et d’azur (bleu, 0"S50 ; azur, 0?%b0 ; eau, 1 00 grammes) avec une solution aqueuse de carbonate de soude (O^L^hO 0/0); puis, après un séjour de 24-48 heures à l’étuve à 37®, ou mieux au thermostat à une température plus élevée, on unit ce mé- lange avec une solution aqueuse d’éosine. Cette solution varie selon la qualité du bleu. Il faut l’établir par tâtonnement (0"’^,10-0"^25 0"^30 0 0). Ensuite on filtre ce mélange et on obtient une poudre soluble dans l’eau et dans l’alcool méthy- lique. C’est précisément cette poudre dissoute dans l’alcool méthy- lique qui sert dans notre coloration etqui agit avec une rapidité énorme, quand elle est au contact des protozoaires et neutralisée sur la lamelle, par une solution aqueuse d’éosine. L’éosine, peut-être, dans ces conditions, agira-t-elle comme matière colorante, et aussi comme mordant. Méthode de coloration . . On dissout le bleu préparé comme il vient d’être dit dans la proportion de 0?^04 pour 20 c. c. d’alcool méthylique pur, et l’éosine dans la proportion de 0"^0ü en 1,000 d’eau. Sur une lamelle de 18 millimètres contenantdu sang avec des protozoaires, on met 4 petites gouttes (4/30 c. c.) qu’on fait agir 3 minutes précises et puis, sans laver, on laisse tomber sur le bleu 8-10 gouttes de la solution aqueuse d’éosine, qu’on fait agir 2 minutes. Si les lamelles sont plus grandes (22 millimètres) on met une plus grande quantité de bleu (8-10 gouttes) et d’éosine (16-20 gouttes). Si, au lieu de se servir de lamelles, on emploie des lames, on COLORATION DES PROTOZOAIRES 765 met 1/4, 1/2 c. c. de la solution de bleu et 1/2, -1 c. c. d’éosiue. On lave à Peau, on sèche et on monte au baume. Dans CCS préparations, les globules rouges sont colorés en bleu ou en rouge, selon la quantité d’éosine qu’on y ajoute. Quelquefois, pour certains protozoaires (trypanosomes des oiseaux, des poissons et autres), il faut prolonger l’action du bleu (4-5-10 minutes) et celle de l’éosine (8-10-20 minutes). Du reste, on peut colorer ces mêmes trypanosomes assez vite si, après avoir fait agir le bleu quelques minutes, on y met l’éosine et qu’on porte ces .préparations au thermostat à 56®. Dans ces conditions il faut toujours empêcher l’évaporation des couleurs pour ne pas avoir de précipités. A propos de la solution alcoolique de bleu, nous faisons observer qu’elle garde son pouvoir colorant spécifique pour les noyaux des protozoaires pendant 2 mois environ si l’alcool méthylique est pur. Dans le cas contraire, il faut la renouveler tous les 25-30 jours. Pour colorer tous les microbes, fixés 3 fois à la-llamme, on emploie seulement une solution aqueuse de bleu 1/500 qu’on fait agir 1/2-1 minute. On peut se servir aussi de la solution alcoolique de bleu qui reste toujours active. Dans ce dernier cas, il est inutile de fixer les microbes à la chaleur. EXPLICATION DE LA PLANCHE IX Fig. 1. — Sang de rat à l’état frais. Coloration avec notre bleu Ogi*, 04/20 d’alcool méthylique pur. (Leitz 1/16, Imm. homog. oc. 3). — 1. Trypano- some Lewisi. — 2. Forme de division inégale du même Tryp. — 3. Division en rosace. — 4. Petit Tryp. détaché d’une rosace. — 3. Autre forme de divi- sion. — 6. Trypanosome du Nagana ou Tryp. Bruçei. Fig. 2. — 1. Trypanosome paddae. — 2. Try. ayant le noyau, le centro- some et la membrane ondulante colorés en bleu. — 3. Le même Tryp. ayant le noyau, le centrosome et la membrane ondulante colorés en rouge rubis. — 76G ANNALES DE L’INSTITUT DASTEUK. h. (ilobule rouge normal. — o. Globule rouge contenant un petit lialteridium (élément mâle). — G. Globule rouge refermant un lialteridium dans un état de développement plus avancé (élément mâle). — 7. Globule rouge contenant une petite forme d’halteridium (élément femelle). — 8. Globule rouge avec un halteridium.plus développé que le précédent (élément femelle). Fig. d. — 1. Globule rouge ayant un petit protéosorae. — 2. Globule rouge avec un proteosome dans lequel la chromatine est divisée en deux petits amas. — 3. Quatre petits protéosomes libres. — 4. Globule rouge ayant un protéosoma en voie de division. Fig. 4. — 1. Parasite libre de la fièvre quarte. — 2. Parasite endoglobu- laire. — 3. Le même plus développé. — 4. Parasite qui a consumé toute 'hémoglobine et se trouve"^ en voie de division. — 5. Formes libres. — (). Lymphocyte sans granulations. — 7. Lymphocyte avec des granulations colorées en rouge. — 7'. Le même lymphocyte avec des granulations colorées en bleu. — 8. Mononucléaire sans granulations. — 9. Mononucléaire avec des granulations colorées en rouge. — 9'. Le môme mononucléaire avec des granulations colorées en bleu. — 10. Plaquettes ayant le protoplasma et le noyau colorés en bleu. — 10'. Plaquettes ayant le protoplasma coloré en bleu et le noyau en rouge rubis. — 11. Leucocyte microgranuleux parsemé dans tout son protoplasma par des granulations colorées en rouge rubis. — 11'. Le même leucocyte avec des granulations colorées en bleu. Fig. 5. — 1. Parasite libre de la fièvre tierce. — 2. Parasite endoglobul aire. — 3. Le même dans un état de développement plus avancé et où Ton voit déjà la division delà substance chromatique en deux petits amas. — 4. Para- site dans un degré de division plus avancé. — 5. Formes libres. Fig. 0. — 1. Sang de chien. — 2. Globules rouges contenant des piro- plasma bigeminum. — 3. Formes libres de piroplasma. Fig. 7. — 1. Sang de poule avec des spirilles de la fièvre récurrente. Fig. 8. — 1. Diplocoques fixés trois fois à la flamme et colorés, pendant une demi-minute, avec une solution aqueuse (l/oOO) de bleu. 2. Bacilles de la diphtérie traités par le môme procédé. Importance de l'Examen bactdriologipe PRATIQUÉ SUR- LES CADAVRES Par le ü' R. B. H. GRADWOHL Instructeur d’anatomie pathologique à l’Université. Médecin attaché au Parquet de Saint-Louis (Missouri) E.U..V. Autrefois on pensait que l’examen bactériologique du sang des cadavres devait être d’un très grand secours, pour déter- miner la cause de la mort; et de fait, les microbes spécifiques de plusieurs maladies infectieuses ont été découverts à l’étude du cadavre. L’examen bactériologique du sang dans les cadavres a pour but de déterminer les bactéries qui s’y trouvent et leur rôle dans la production de la mort. Il cherche aussi à savoir parmi ces bactéries, lesquelles ont pénétré dans le sang pendant la période agonique et après la mort. Plusieurs auteurs prétendent que dans les derniers moments de la vie et immédiatement après la mort, le corps est envahi par les différents micro-organismes de la putréfaction et que par conséquent, la présence d’une bactérie dans le sang du cœur n’est pas une preuve qu’elle ait causé la mort. Récemment une ardente controverse s’est élevée sur ce point entre les docteurs Simmonds de Hambourg et Canon de Berlin. Le docteur Simmonds, dans une étude approfondie publiée dans le Virchows Archir fur Pathologmhe Anatomie und Physiologie 175, n® 3, 1904), consigne les résultats de ses recherches bactériologiques sur le sang cardiaque de 1,200 cadavres. Il arrive à cette conclusion que des données importantes peuvent être obtenues par l’examen bactériologique systématique du sang des cadavres. Sa principale expérience consiste à faire des cultures du sang cardiaque. Il prétend que les microbes dont il a démontré l’existence dans le sang du cœur, sont les microbes spécifiques qui peuvent être trouvés libres, dans le sang encircu- ation, pendant la vie, et non pas d’autres qui seraient venus de certaines parties du corps après la mort. Dans ces expériences. 768 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. les autopsies étaient pratiquées de 12 à 36 heures après la mort et même, quelquefois plus tard. De plus, l’expérimentateur pré- tend reconnaître les différents microbes d’invasions scondaires et cependant dans 93 0 0 de ces essais, une seule variété s’y ren- contrait : le streptococcus. Les causes déterminantes de la mort du sujet dans le sang duquel se retrouvait le streptococus étaient : la scarlatine (88 cas), la diphtérie (38 cas), la phtisie (28 cas), l’érysipèle (23 cas), phlegmons ou phlébite (29 cas), la pyémie, la septicémie, l’endo- cardite maligne cas), enfin diverses maladies infectieuses. Le docteur Simmonds déclare, qu’excepté dans les cas de com- plications entraînant la mort, l’examen du sang restait sans résultats dans les cas d’alcoolisme chronique, de leucémie, d’anémie pernicieuse, de diabète, de marasme sénile, enfin dans les maladies chroniques du système nerveux et de l’appareil circulatoire. Le docteur Canon dans des publications dont la dernière parut dans le Centrahlatt fur AUgenieine Pathologie luid Pathologische Anatomie (XV, n® 4, 1904), jeta un premier doute sur la réalité de cette théorie. La principale critique que fait ce dernier au docteur Simmonds, est qu’il a employé le sang cardiaque au lieu du sang des veines périphérique, entre autres celui de la veine media basilica. Le docteur Canon prétend que deux cultures faites en même temps, l’une avec le sang de la veine périphérique, l’autre avec celui du cœur, montreront, dans certains cas, de grandes différences, c’est-à-dire, qu’aucun microbe ne sera trouvé dans le sang veineux et qu’un très grand nombre sera re-ncontré dans le sang du cœur. Au dire du docteur Canon, ces bactéries, dans presque tous les cas, ont émigré des organes voisins, et surtout des poumons. Le fait que le docteur Simmonds dans les cas de tuberculose des poumons-a trouvé si fréquemment des streptococcus dans le sang cardiaque seulement, semble fournir le principal argument de son adversaire : savoir que les cavités pulmonaires de ces malades tuberculeux sont le refuge de nombreuses espèces de bactéries qui, durant la période agonique ou après la mort, passent dans le cœur. L’opinion du docteur Canon est qu’on peut obtenir d’excellents renseignements des recherches bactériolo- giques pratiquées sur les cadavres, mais pas en ensemençant le EXAMEN PRATIQUÉ SUR LES CADAVRES 769 sang cardiaque. De même il croit pouvoir affirmer que non seulement les bactéries de la décomposition commencent leur tra- vail dans le cœur, mais qu’en plus, celles qui ordinairement rési- daient dans les poumons, le foie et les viscères, doivent naturel- lement et en raison meme de la proximité du cœur, envahir cet organe dans les derniers instants de la vie, ou immédiatement après la mort. Les observations bactériologiques deviennent de ce fait encore plus difficiles. A l’appui de son dire, le docteur Canon cite le cas suivant : Un sujet dont la jambe entière avait été écrasée dans un acci- dent, fut amputé à la jointure de la hanche; il mourut d’une pyémie. L’examen du sang avant et après la mort n’amena aucun résultat. L’autopsie 2i heures plus tard montra de lagangrène des poumons à la suite d’un infarclus. L’examen du sang cardiaque prouva l’existence de nombreux microbes de la putréfaction et du slrepîococcus. Tous ces microbes venaient des poumons sans aucun doute, puisque durant la vie il n’y en avait pas un seul dans le sang en circulation. Le docteur Eiselsberg a corroboré ces résultats par des expériences sur le sang cardiaque moins de 10 minutes après la mort du sujet. De plus, la théorie du docteur Canon est confirmée par les expériences des docteurs Achard et Phulpin faites sur 49 sujets. Us se servaient de sang cardiaque, de sang de la veine du bras et enfin de sang obtenu par ponction du foie ; l’étude du foie et de la rate était faite à l’autopsie. Dans huit de ces cas, aucune bactérie ne fut rencontrée dans le sang veineux du bras, tandis que leur présence fut toujours signalée dans le sang provenant de la ponction du foie. Dans fi de ces cas le sang cardiaque était stérile pendant les 10 premières heures après la mort; 18 à 24 heures après, les mêmes espèces signalées dans le sang retiré du foie {baciUus coU conimunis^ staphijlococcus et bacilles de la décomposition) étaient retrouvés dans le sang cardiaque. Dans les autres cas, peu de temps après la mort, ils remarquèrent dans le sang cardiaque les mêmes bactéries observées déjà dans le sang du bras, bien que les cultures de sang cardiaque quelques heures plus tard aient montré la présence des bacilles de la putréfaction. Inspiré par les travaux de ces savants et par les expériences faites sur les animaux par les D‘’® Wurtz, Beco, Chvostek, Hau- 49. 770 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. scr et Birscli-Hirschfeld, j’ai entrepris une série de cultures pour déterminer exactement quels sont les microbes trouvés dans les cadavres après la mort. Mes sujets sont ceux dont j’ai pratiqué les autopsies sous la direction du « coroner» de Saint-Louis (Mo), le Robert Funkhouser, à la courtoisie duquel je dois les résul- tats que j’ai obtenus. Je crois pouvoir dire que dans la plupart de ces cas j’ai eu des renseignements plus précis que ne pou- ' valent l’être ceux des Simmonds et Canon, en raison de la facilité qui m’a été donnée d’observer les sujets aussitôt après leur mort. En vertu des lois allemandes, les corps doivent être conser- vés un certain nombre d’heures avant que Tautopsie puisse être pratiquée. Quoique le Simmonds prétende que la conserva- tion des corps dans le caveau de l’hôpital prévient toute décom- position, je crois pouvoir maintenir que le meilleur résultat dans ce genre d’expériences est donné par les autopsies faites dans le plus bref délai après la mort. Un autre avantage, c’est que les sujets sont conservés, à la morgue de Saint-Louis, dans des réfrigéra- leurs parfaitement aménagésqui, à mon avis, sont très supérieurs au système des caveaux en usage dans la Morgue allemande. Mes expériences personnelles sur l’examen bactériologique du sang veineux du bras et du sang cardiaque ont été faites sur 30 cas. Le sang était recueilli dans la veine }nedia basUica à la façon dont on prend les cultures sur les sujets vivants; il était ensuite ensemencé dans Tagar-agar liquéfié, qui était maintenu à la température de 30®. Le sang cardiaque était obtenu par la méthode de Schottmueller : après l’incision du péricarde, une partie de la surface du ventricule droit est stérilisée par une lame de scalpel chauffée à blanc, une canule stérilisée est introduite dans le ventricule et le sang est aspiré dans une seringue également stérilisée. Plusieurs gouttes de ce sang (de 1 à 30) sont introduites dans des tubes d’agar-agar liquéfié, on agite, puis on verse dans des boîtes stérilisées de Pétri pour la culture. Les autopsies dont je donne les résultats ci-dessous ont été faites dans certains cas moins de 2 heures après la mort. La cause de la mort de mes sujets était les suivantes : 7 cas de blessure d’armes à feu (3 à la poitrine, 2 au ventre 2 à la tête); EXAMEN PRATIQUÉ SUR LES CADAVRES 771 1 cas de fracture de l’os frontal avec hémorragie cérébrale; 2 cas de fracture de la base du crâne ; 10 cas de maladie des valvules du cœur ; 3 cas d’hémorhragie par suite de la rupture d’un anévrisme de l’aorte ; 1 cas d’empoisonnement par l’acide oxalique ; 1 cas de pyémie provenant d’accident ; i cas de pneumonie lobaire ; 1 cas de péritonite à la suite de perforations intestinales (coup de couteau) ; 1 cas de fracture compliquée du crâne ; 1 cas de cancer du sein et du foie ; 2 cas de péritonite purulente à la suite d’avortement cri- minel; 2 cas de pneumonie traumatique, causée par fractures des cotes; 1 cas de blessure d’arme à feu à la cuisse, amputation et septicémie ; 1 cas d’enfant mort-né ; 3 cas de dégénérescence graisseuse du cœur; 1 cas d’empoisonnement par la inorpbine; 1 cas de méningite cérébrale; 1 cas de péritonite à la suite de perforation d’un ulcère typhoïde ; () cas de néphrite. Les sept cas de blessures par armes à feu ont causé la mort presque instantanément. Dans ces différents cas, j’ai noté la présence des bactéries dans les conditions suivantes : Un examen du tableau ci-après montrera que sur ces 50 cas lesculturesdu sang cardiaqueontdonné des résultatspositifsdans 30 cas et des négatifs dans 11. En d’autres termes, dans 78®/o de ces cas, des bactéries ont été trouvées dans le sang cardiaque, i)ien qu’il fut évident qu’elles n’étaient pas présentes dans le sang durant la vie. Au contraire, l’absence de microbes a géné- ralement été remarquée dans les cultures du sang de la veine du bras, sauf dans quelques cas d’infection générale avant la mort. Dans ces conditions, les mêmes bactéries qui avaient été trouvées dans le pus de la partie infectée se sont rencontrées 1~L± ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR CAUSE DE LA MORT TEMPS entre la mort et l’autopsie. BACTÉRIES trouvées dans le sang cardiaque. BICTÉRIES trouvées dans la veine du bras. 1 . Blessure d’armes à feu, à la poitrine. 4 heures Slreptococcus. 0 2. — — — — 6 — Streptococcus etstaphylococcus. 0 3 , — — — — 2 — 0 0 -i. — — — au ventre... 4 — 0 0 5. . — — 8 — Streptococcus. ü 6. — — — ù la têle . . . . 10 — Proteus vulgaris et staphylo- coccus. 0 8. Fracture de l’os frontal avec hémorrh®' 3 — Streptococcus et B. subtilis. 0 gie cérébrale 7 - Streptococcus. 0 9. Fracture à la base du crâne ' • 5 — 0 0 10. — — — . 8 — Streptococcus, B coli commuais et staphylococcus. 0 ,11. Maladie des valvules du cœur 3 — 0 ü 12. — — — 7 h. 1/2 Staphylococcus. ü 13. — — — . 9 heures B. coli commuais, B. mesenteri- cus et streptococcus. 0 l**' 6 — B. coli communis et B. subtilis. 0 15. — — — 6 — Proteus vulgaris. 0 'l6 — — — 10 — Streptococcus. 0 17. — — — 3 — 0 ü 18. — — — ... 2 h. 1/2 Staphylococcus. ü 1 19. — — — 8 — B. coli communis. 0 20. — — — 21. Rupture d’un anévrisme de l’aorte 4 — Streptococcus. B. coli communis et staphylo- 0 1 (hémorrhagie) 22. Rupture d’un anévrisme de l'aorte 6 — coccus. 0 (hémorrhagie) 23. Rupture d’un anévrisme de l’aorte 7 — Streptococcus et B. subtilis. 0 (hémorrhagie) 3 — 0 0 24. Empoisonnement par l’acide oxalique. 11 — Streptococcus. 0 25. Pyémie 8 — Staphylococcus pyogenes aureus. Staphylococeus p. aureus 26. Pneumonie lobaire 5 — Pneuraococcus et streptococcus. 0 27. — — 6 — 0 0 28. — — 7 — Streptococcus. B. subtilis et staphylococcus. 0 29. — — 30 Péritonite à la suite de perforation des 4 h. 1/2 Streptococcus. Staphylococcus et B. coli ü intestins (coup de couteau) 5 heures communis. 0 |31. Fracture compliquée du crâne 2 Streptococcus. 0 |32. Cancer du sein et du foie ,33. Péritonite à la suite d’avortement cri- 5 — B. coli communis et B subtilis. 0 minel ,34. Péritonite à la suite d’avortement cri- 3 — Streptococcus et staphylococcus . B. coli communis et staphylo- Streptococciis. minel 35 . Pneumonie traumatique causée tar frac- 7 — coccus.. 0 tures des côtes 36 . Pneu tnonie traumatique causée par frac- 5 — 0 B. coli communis, pneumococ- ü tures des côtes 37. Blessure d’armes à feu à la cuisse 8 — cus et streptococcus. 0 (septicémie) 4 — Slreptococcus. Streptococcus . |38. Enfant mort-né 8 — Staphylococcus. 0 |39. Dégénérescence graisseuse du cœur.. 6 — 0 0 40. — — — .. 3 — Streptococcus. ü ,41 . — 9 — B. coli communis et Proteus vulgaris. 0 42. Empoisonnement par la morphine. . . . 5 — 0 0 ; 43 . Méningite cérébrale j44. Péritonite à la suite d’un ulcère ty- 4 h. 1/2 Streptococcus. 0 pho’ide .... 3 heures B. coli communis. 0 45. Néphrite 10 — Staphylococcus et streptococcus. 0 46. — 8 — Staphylococcus, B. coli commu- nis et B. subtilis 0 ,47. — 7 h. 1/2 B. pyocyaneus et streptococcus 0 48. — 9 heures Streptococcus et sarcina lutea. 0 49 — 3 — 0 0 50. — 8 — Streptococcus. 0 773 EXAMEN PRATIQUÉ SUR LES CADAVRES dans le sang veineux du bras. Ce résultat constamment négatif de Texamen du sang de la veine medica basilka montre claire- ment que dans cette partie, il n’y a pas émigration des microbes après la mort. De même, la présence presque constante de streptococcus et de hacillns coll communis dans le sang cardiaque indique un envahissement du cœur pendant les derniers instants de la vie par les bacilles des organes voisins : des poumons, du foie et des intestins. Par conséquent, les renseignements obte- nus par un examen bactériologique du sang cardiaque après la mort ne doivent pas être acceptés sans contrôle. Je crois que les renseignements les plus sérieux sont pro- curés par l’examen bactériologique, après la mort, du sang pro- venant de la veine media basilka. Par exemple, Canon a répété souvent que, dans les cas médico-légaux, le pathologiste est incapable de trouver la cause déterminante de la mort. Tous les organes vitaux semblent normaux. Un examen bactériolo- gique du sang du bras montrera une infection due aux strepto- coccus qui ne laisse aucune marque visible à l’œil nu sur les principaux organes. BIBLIOGRAPHIE J) Deutsche Zeitschrift fiir Chirurgie, Bd 37, S. 571. :2) Wiener klin. Wochenschrift, 1890, n» 38. 3) Arch. de med . expériment., Ser. 1, t. VU, 1895. 4) Comptes rendus de la Soc. de Biologie, 1892. 5) Annales de l'Institut Pasteur, t. IX. G) Wiener Klin. Wochenschrift, 1896, no U], 7) Zeitschrift fiir Heilkunde, Bd 18, s. 421. 8) Ziegler Beitrage, Bd 24, S. 304. Slmmonds. Virchou'S Archiv.. Bd 175, Hfl 3, 1904. Can'on. Centralblatt fiir Allgemeine Pathologie, Bd 15, no 4, 1904. TABLE DES MATIÈRES Pages. Etudes expérimentales sur la syphilis, par M\J. El. Met- CHMKOFF et Em. Roux 1 Les teignes cryp.togamiques et les rayons X, par MM. R. Sabouraud et h. Noire 7 Recherches sur lacoagulation du sang (3*^ niénioire ; Con- tribution à l’élude du plasma fluoré, par MM. J. Bor- DET et O. Ge.ngou) 2G De la valeur thérapeutique des injeciions de sérum dans la diphtérie, suivant les doses et la voie de pénétra- tion, par M. L. Cruveilher 41 Essai de campagne antipaludique selon la méthode de Koch (lac de Grand-Lieu, 1903j, par MM. Ed. et Et. Sergent. 41> Campagne antipaludique en Algérie (1903) par MM. En. et Et. Sergent 04 Recherches sur la coagulation du sang (4® mémoire) : Sur le pouvoir coagulant du sérum) par MM. J. Bordet et O. Gengou 98 Action de la laccase sur le gaïacol, parM. Gabriel Bertrand. 1 10 Etudes d’hydrographie souterraine (suite), par M. E. Du- CLAUX 121 Contribution à l’étude de la spirillose des poules, par M. C. Levaditi 129 Le passage du virus rabique à travers les filtres, par M. P. Remlinger .' 130 Recherches sur la coagulation de l’amidon (D^ mémoire), par MM. A. Fernbach et J. Wolff 103 Etudes sur les microbes nitrificateurs t2® mémoire), par MM. E. Bouf.langer et L. Massol •. . . 181 Etudes d’hydrographie souterraine parM. E. Du- CLAUX 197 Suite d’expériences relatives au phénomène de l’aggluti- nation des microbes, par M. Ch. Nicolle 209 Deux cas de guérison de la rage expérimentale chez le chien, par MM. Remlinger et Mustapha Effendi 241 Recherches sur les ferments de maladies des vins, par MM. P. Mazé et P. Pacottet 24.3 TABLE DES MATIÈRES. 77S Pages Appareil pour Tagitalion continue des cultures, par MM. les E. Bodl\ et E. Gastex 264 Dispositif pour stériliser le catgut à Tauloclave, par M. Triollet 267 Études d’hydrographie souterraine (/#7?), par M. E. Duclaux 269» Émile Duclaux, nécrologie, par M. E. Roux 273^ Recherches sur le mode d’utilisation du carbone ternaire par les végétaux et les microbes (4® mémoire), par M. P. Mazé 277 Contribution à Tétude de la pathogénie de la crise dans la pneumonie fibrineuse, par M. N. Tchistovitch 304 Un cas d’appendicite chez le chimpanzé, par M. le D>^^ M. Weinberg 323 Une méthode de culture des microbes anaérobies, par M. J. Bordet 332 Notice sur la vie et les travaux d’Emile Duclaux, par le Dr E. Roux 337 Le sérum antistreptococcique et son mode d’action, par le Dr B ES RED K A 363' Contribution à Tétude du rôle des streptocoques au cours de la scarlatine, par MM. Besredka et Dopter 373 SurTisolementde lazymase dans lestissusanimaux et végé- taux, par M. P. Mazé 378 Sur le rôle des microbes dans la fermentation alcoolique, que M. Stoklasa attribue à la zymase isolée des tissus végétaux ou animaux, par MM. P. Mazé et A. Perrier. 382. Sur la fermentation mannitique, par MM. U. Gayon et E. Dübourü 383 Sur quelques propriétés physiologiques des différents venins de serpents, par M. F. Noc 387 Action du sérum de cheval, chauffé, injecté dans le péri- toine, par le Dr Raymond Petit 407 Les vaccinations antirabiques à l’Institut Pasteur, en 1903, par M. J. ViALA 413 Études sur quelques épizooties de 1 Iiido-Chine, par le Dr Yersin 417 Contribution à Tétude du tétanos dit medical ou spontané, influence de la chaleur, par M. H. Vincent 430 776 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR Pages Anatomie pathologique des lésions syphilitiques observées chez les singes anthropoïdes, par MM. Arnal et P. Sal- M0.\ 465 Étude expérimentale sur la pathologie de la goutte, par le D*" J. J. Van Loghem 468 Contribution à l’étude de l’épuration des eaux résiduaires des villes et des industries, par le A. Calmette 481 L’infection mixte dans la tuberculose chirurgicale, par le D^’ N. Pétroff 502 Contribution à l’étude de l’origine des anticorps, par le D*’ C. Levaditi 511 Sur l’existence d’un fixateur dans l’organisme de l’animal jouissant do l’immunité naturelle, par M. P. Zabolot- NOFF 527 Sur l’isolement de la zymase des végétaux et des tissus animaux, revue critique, par M. P. Mazé. 535 Sur l’accoutumance à la tuberculine, par M. H. Vallée. . . 545 Recherches sur la combustion respiratoire. — Production d’acide citrique par les citromyces, par MM. P. Mazé et A. Perrier , 553 De l’influence de l’ingestion des bactéries et des produits bactériens sur les propriétés du sérum sanguin, par M. A. Tchitchrine 576 Mal de Caderas chez les animaux domestiques et sauvages, par MM. M. El.massian et E. Migone 587 Tuberculose osseuse et troubles circulatoires et trophiques, par le D*’ N. Pétroff 590 Lés propriétés des antisensibilisatriccs et les théories chi- miques de l’immunilé, par le D^’ J. Bordet 593 Recherches sur la glycolyse des organes des mammifères, par M. P. Portier 633 Quelques faits et quelques expériences concernant la rage, MM. Cii. Nicolle et J. Ciialtiel 644 Statistique des personnes traitées à l’institut Pasteur de Tunis pendant l’année 1903, par M. Cii. Nicolle 654 Études expérimentales sur la syphilis, par MM. El. Met- CHNiKOFF et Ém. Roux 657 Sur la composition chimique et la formule de l’adrénaline, par M. Gabriel Bertrand 672 TABLE DES MATIÈRES 777 Pages. Recherches sur l’agglutination des globules rouges par les précipités chimiques et sur la suspension de ces préci- pités dans les milieux colloïdaux, parle O. Gengou. 678 La fièvre typhoïde expérimentale, par le D‘'J. Atlassoff. . 701 Quelques notes sur la morphologie et la biologie du Bac- teriiim Zopfii (Kurtb), par M. N. Swellexgrebel 712 Recherches sur l’assimilation de quelques substances ter- naires par les végétaux à chlorophylle, par MM. P. Mazé et a. Perrier 721 Tétanos et quinine, par M. II. Vinceist 748 Coloration des protozoaires et observations sur la neutro- philie de leur noyau, par le D‘’ F. Marino 761 Importance de l’examen bactériologique pratiqué sur les cadavres, par le D*” R. -B. -IL Gradwohi 767 Table des matières 774 Table alphabétique par noms d’auteurs 778 TABLE ALPHABÉTIQUE PAR NOMS D’AUTEURS Aiîxal et Salmon Atlassoff. : Bertrand (G.) Besredka Besredka et I)(»pter . . Bodin et Castex . . . . BoRDET et (iUNOOU . . . Bordet, Boullanger et Massol . . . Calmette Castex Chaltiel Cruveilher ÜOPTER Dubourg . Duclaux Lésions sypliililiqiips chez les singes an- thropoïdes La fièvre typhoïde expérimentale Action de la laccase sur le gaïacol .... Composition chimique et formule del’adré- naline Le sérum antistreptococcique et son mode d’action Rôle des streptocoques dans la scarlatine. A.ppareil pour l’agitation continue des cultures Sur la coagulation du sang (3e mémoire). — — (4e mémoire). Méthode de culture des microbes anaérobies. Théories chimiques de l’immunité Microbes nitrificateurs (2e mémoire). . . . Epuration des eaux résiduaires Voir Bodin Voir Nicolle (Ch.) Valeur thérapeutique du sérum dans la diphtérie Voir Besredka Voir Gayon Études d’hydrographie souterraine (5M/Tp). Elmassian et Migone. . . . Fernbach et Wolff . . . . Gayon et Dubourg Gengou — — (fin). . Mal de Caderas Sur la coagulation de l’amidon Sur la fermentation mannitique Voir Bordet — Sur l’agglutination des globules rouges. . Gradavohl Examen bactériologique des cadavres. . . Levaditi . . .^ Spirillose des poules — Origine des anticorps Logheai (Van) Sur la pathologie de la goutte 3Iarino Coloration des protozoaires Massol Voir Boullanger Mazé et Pagottet Sur les ferments de maladies des vins Mazé Utilisation ducarboneternaire(4e mémoire) — Sur l’isolement de la zymase. — Isolement de la zymase (revue critique).. . 463 701 116 672 363 373 264 26 08 332 393 181 481 264 644 41 373 383 121 197 260 587 163 383 26 08 678 767 129 311 468 761 181 243 277 378 333 TABLE DES MATIÈRES 779 Mazè et Perrier Rôle des microbes dans la fermentation alcoolique — Production d’acide citrique par les cilro- myces — Assimilation de substances ternaires parles végétaux. Metgh.mkoff et Roux . . . Etudes expérimentales sur la syphilis (2« mémoire) — .... Etudes expérimentales sur la syphilis (3e mémoire) Migone Voir Elmassian Mustapha Effe.xdi Voir Remlinger Nicolle (Ch.) * . Sur l’agglutination des microbes — Vaccination antirabique à Tunis en 1903. — ET Chaltiel. . Expériences concernant la rage Noc Propriétés physiologiques des venins de serpents Noire Voir Sabouraud Pagottet Voir Mazé Perrier — Petit (R.) Vction du sérum de cheval dans le péri- toine PÉTROFF Infection mixte dans la tuberculose chirur- gicale — Tuberculose osseuse et troubles circula- toires Portier Glycolyse des organes des mammifères.. . Remlinger _. Passage du virus rabique à travers les filtres — et Mustapha Effendi. Cas de guérison de la rage expérimentale. Roux Voir Metghnikoff — Emile Duclaux, nécrologie — Notice sur la vie et les travaux de E. Du- claux — Voir Metghnikoff Sabouraud ET Noire . * . . Lesteignescryptogamiques et les rayons X. Salmon Voir ârnal. Sergent (Ed. ET Et.). . . . Campagne antipaludique 1903 (Loire-lnf.) — .... — — — (Algérie).. Swellengrebel Morphologie et biologie du Bactenum Zopfii Tchistovitgh De la crise dans la pneumonie fibrineuse. Tghitghkine Influence de l’ingestion de bactéries sur les propriétés du sérum Triollet Stérilisation du catgut 38“2 553 721 1 657 587 241 209 654 644 387 7 245 382 553 721 407 502 590 633 150 241 1 273 337 657 465 49 64 712 304 576 267 "80 ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR. Vallée . VlALA. . Vlxceat Weinberg. . WûLFF . . . Yersin . . . Zabolotnoff Sur l’accoutumance à la tuberculine 543 Vaccinations antirabiques en 1903. . . . 413 Tétanos médical ou spontané 450 Tétanos et quinine 743 Un cas d’appendicite chez le chimpanzé. . ‘323 Voir Fernbach 155 Épizooties de l’Indo-Chine 417 Ex.istence d’un fixateur dans l’organisme . animal ; 527 TABLE DES PLANCHES Pl. 1. Pl. 11. Pl. 111. Pl. IV. Pl. V et VI. Pl. VH et Vlll. Pl. LX. Mémoire de M. Levaditi, — MM. Mazé et Pagoïtet — M. Weinberg — MM. Arnal et Salmon — MM. Metchnikoff et Roux — MM. Mazé et Perrier 31. Mari NO • 129 245 323 465 637 721 761 Le Gérant : G. Masson. Sceaux. — Imprimerie Gharaire. ’ ATiîiales de V Institut Pasteur Vol. aVIII PII. levâditi,del. lmp. d'Art,l.lafon{ame,Ihris. E .Ren^Jith ■ ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR V^ülurne XVIII. — PI II Institut Pasteur, Ph. Photo Larger, 13, rue Chapon, Paris Annales de l'instilut Pasteur Vol. (Mèm. deM-WeinlieT^.i Jmp L.L afon taine, Pan s E Remy, del. & lUh. Annales de rinsiitnt Pasteur Vol.IYllI _ PI. W. Mém.Arnal Xl 5 almon. 1 E. Eiemj, del. &. Jith lmp . l .Lafontaine .Taris VolXVKl.PLV. Annales de T'institnt Pasteur E Remj-, del. So RLh. îm.p .L.L a£bntdin.e , Pans . Ann ale s d e 1 ’ 1ns tiliLt Pasteur VoLÂYIll PI VI Tj. Remj, del Eo Iith. Jmp.l .I4 afontaine ,Pôris . ANNALES DE L’INSTITUT PASTEUR VOL. XVXII — PL. VII iMém. Mazé et PenRiEH) Intp. boucliel, Cusset. T?» - f: f k >•1 f ■'» i fi 1- ^ Roussel, Phüt. Bouchet, Tussei. Annales de rinstilnt Pasteur Marina, del. lmp -L.l afontain e, Pans. Yol.XYIll. PL IX Mém. Manno.) V. Roussel, lith.