istilet me s'ohele , ” ; [re HNTRT, fe Haute Ru HET FE HN H : | : sie hs te Her} tii Dreret. fit RH 1. HTete HE à hais indie , “1. sisieislete 1: Par hi 11 À Et Er Fsiotass $ Sieltinloleletets *eleiet, 21010 + +ispienst i. 1 DUREE NP CILIEAUE 2 Mieltloltioleiniétsi ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR FONDÉES SOUS LE PATRONAGE DE M. PASTEUR PAR E. DUCLAUX COMITÉ DE RÉDACTION D: CALMETTE, directeur de l'Institut Pasteur de Lille ; D' CHANTEMESSE, professeur à la Faculté de Médecine ; D' LAVERAN, membre de l'Institut de France ; D' L. MARTIN, directeur du service de Sérothérapie ; P' METCHNIKOFF, sous-directeur de l’Institut Pasteur ; D' ROUX, directeur de l'Institut Pasteur ; D' VAILLARD, membre de l'Académie de médecine. TOME VINGT-SIXIÈME 1912 AVEC VINGT-CINQ PLANCHES PARIS MASSON ET C'°, ÉDITEURS LIBRAIRES DE L'ACADÉMIE DE MÉDECINE 120, Boulevard Saint-Germain (6e). wÿ 26° ANNÉE JANVIER 1912 Net ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR ÉTUDES SUR LE PNEUMOCOQUE Il. — CONSERVATION DE LA VIRULENCE DES PNEUMOCOQUES HUMAINS POUR LA SOURIS par CH. TRUCHE el L. COTON. Le pneumocoque ne possède pas l’extrème fragilité qu’on lui attribue communément. Ainsi, M. M. Nicolle à pu faire plusieurs années de suite des expériences, tant à Constantinople qu'à Paris, sans éprouver de difficultés sérieuses dans la conserva- lion des germes qu'il étudiait. D’autres auteurs ont cité, de leur côté, des chiffres rassurants. Il n'en est pas moins vrai que le problème qui nous occupe n’a 7amais été abordé systématique- ment, avec la volonté arrêtée de trouver une technique simple etsûre, capable de s'appliquer indifféremment à tous les échan- tillons. C’est ce qui légitime les recherches que nous avons poursuivies depuis plus de deux ans et dont les résultats. comme on va le voir, nous ont donné pleine satisfaction. Nous nous sommes proposé le bwf suivant : étant données des cultures d'origine humaine virulentes pour les souris, con- server indéfiniment leur activité initiale vis-à-vis des animaux, sans faire aucun passage, soil par souris, soit par une autre espèce. Le principe de notre méthode consiste dans l'emploi de la gélatine (procédé de M. Nicolle et Adil-bey, pour la conserva- lion du virus de la peste bovine). Nous allons faire connaître, successivement, la {echnique suivie et Les résultats obtenus. fl [AS] ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR TECHNIQUE SUIVIE. Voici le schéma, dont nous nous sommes rapprochés autant que cela était réellement possible. Les lacunes, inévitables en pareille matière, demeurent négligeables au regard du nombre d'échantillons étudiés (quinze) et de la quantité de titrages effectués (des centaines). On à vu, dans notre travail antérieur, que nous partions toujours, pour le dosage initial, d’une culture en milieu T (1) (vingt-quatre heures à 37 degrés). En réalité, nous faisions, parallèlement, deux cultures-origines. L'une servait à déter- miner la virulence « au départ »; l’autre (n'ayant donc point passé par l'animal) était additionnée de deux volumes de gélatine à l’eau physiologique (gélatine à 15 p. 100, légèrement alcaline et préalablement fondue). Après mélange intime, on scellait le tube et on le portait à la glacière (/xbe 1). Au bout d’un mois, on le retirait, on liquéfiait à une douce chaleur, on prélevait pour ensemencer en milieu T, on scellait de nouveau et on reportait à basse température. La culture-fille (fwbe 11), après vingt-quatre heures d’étuve, était à son tour additionnée de gélatine et mise dans la glacière (avant l'addition de gélatine, on avait eu soin de prélever la quantité de liquide nécessaire à un titrage complet). Au bout d’un mois, le tube IT était traité comme, jadis, le tube L; et ainsi de suite. On réalisait, de cette facon, une première série d'expériences, destinée à conserver la virulence par des passages mensuels 22 vi/r0, suivis de mise à la glacière après addition de gélatine. Lors de chaque passage, l’activité des germes était, avons-nous dit, évaluée très exacle- ment (inoculation dans les muscles gastrocnémiens des souris, à des doses variées : 1 cent. Cube, 1/10 de cent. cube, 1/100 de cent. cube...) ; nous verrons, bientôt, ce qu'il en advient. Il était non moins intéressant de chercher comment se com- porte la virulence quand on supprime tout passage. Une seconde série d'expériences, destinée à élucider ce problème, a été conduite comme il suit. Le tube L (et, éventuellement aussi, un ou plusieurs des tubes IT, TTL...) était sorti de la glacière ous les mois pour repiquage et remis aussitôt à basse tempé- 1) Eau peptonisée à 4 p. 100 (peptone Chapotaul), salée à 0,5 p.100 et glu- cosée à 0,2 p. 100, de réaction légèrement alcaline ‘au tournesol.) ÉTUDES SUR LE PNEUMOCOQUE 3 rature (après avoir scellé de nouveau lorsque le tube devenait trop court, on transportait son contenu dans un autre, avec les précautions ordinaires). Le titrage des cultures-filles mensuelles se pratiquait comme d'habitude. 11 nous a donc été possible de voir comment la virulence 6vo- luait, d’un mois à l’autre, dans le cas des repiquages et en l'absence de ceux-ci. — Ajoutons que cèng échantillons inactifs «au départ » ont été soumis au mème traitement que les quinze échantillons actifs mentionnés en commencant. RÉSULTATS OBTENUS. L'étude que nous résumons aujourd’hui constituait la base indispensable de nos recherches sur le pneumocoque. Si elle a nécessité de notre part un travail compliqué et, disons-le, assez pénible, elle nous a fourni par contre des résultats non seulement satisfaisants, mais encore très curieux à certains égards. Ces résultats se classent, d’après ce qui précède, sous deux chefs différents. PREMIÈRE SÉRIE D EXPÉRIENCES. — Les pneumocoques très viru- lents conservent indéfiniment leur activité; ainsi, l’échantillon Aynaud amène toujours la mort au dix-milliardième de centi- mètre cube. Les cinq pneumocoques avirulents « au départ » (à la dose de | cent. cube) se sont montrés capables de. tuer la souris, après quelques passages in vitro, aux doses de 1 cent. cube, 1/10 de cent. cube et même 1/100 de cent. cube, selon les échantillons. Nous espérons montrer tout à l'heure que ce résultat, incon- : testablement inattendu, ne doit pas être considéré comme entaché de mystère; la façon dont nos expériences ont été con- duites ne permet point davantage de le considérer comme entaché d'erreur. Les pneumocoques peu virulents demeurent le plus souvent stationnaires; quelquefois ilsaugmentent d'activité, quelquefois ils fléchissent ou deviennent mème temporairement inactifs : rarement on les voit perdre leur virulence, mais rien ne permet alors de conclure, dans l’état actuel de nos recherches, à une perte définitive (voir plus loin). Les pneumocoques de virulence moyenne restent généralement 4 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR slalionnaires ou n'offrent que des oscillations modérées dans leur activité. Par conséquent, les pneumocoques conservés à la glacière après addition de gélatine et repiqués chaque mois gardent, dans la règle, leur virulence pleine et entière; tout au plus observe-t-on des fluctuations sans importance qui paraissent d'ailleurs inconnues chez les échantillons très infectieux: “ésullat essentiel au point de vue pratique. — Une minorité de germes oscille, plus ou moins lentement, autour de notre zéro (survie après injection intramusculaire de 1 cent. cube). Parfois on suit l’oscillation tout entière (disparition ef réapparition de la virulence); parfois, pensons-nous, on n’en suit que la moitié (disparition où apparition de la virulence). Nous sommes con- vaincus, en effet, d’après notre pratique de la question, qu'on doit considérer l'apparition de la virulence chez les échantil- lons inactifs « au départ » comme une réapparition pure et simple (ce qui enlève au phénomène toute allure mystérieuse) — et qu’on peut, par contre, douter du caractère définitif de la perte de la virulence chez les échantillons actifs tombés à zéro (une avirulence irrévocable n'aurait, du reste, aucun cachet énigmatique). SECONDE SÉRIE D EXPÉRIENCES. — Les pneumocoques très viru- lents conservent leur activité pendant au moins six mois; /es pneumocoques peu virulents, pendant deux à trois mois; les pneumocoques moyennement virulents, pendant un temps inter- médiaire. D'une façon générale, les résultats se montrent donc « logiques ». Toutefois, avec certains germes peu actifs, de curieuses oscillations ont été notées, ici encore. Exemple: on prélève dans un lube conservé six mois : culture-fille inactive ; on prélève dans le même tube quatorze mois après : culture- lille active. Nous pourrions citer d'autres faits de même ordre; ils démontrent clairement combien il serait imprudent d'affir- mer le caractère définitif d'une perte de virulence. Nous n'insisterons pas sur la conservation de la vitalité des pneumocoques. Elle n'offre aucune difficulté. Même sans repi- quages mensuels, les germes peuvent rester vivants deux ans (au moins) à la glacière, après addition de gélatine. A 37 degrés, ÉTUDES SUR LE PNEUMOCOQUE st ils peuvent garder un an leur vitalité (les résultats se montrent ensuite incertains). — Comme il fallait s'y attendre, la virulence fléchit, dans la règle, bien plus à l'étuve qu'à la glacière; on observe quelquefois, il est vrai, de bien singulières exceptions. mais elles sont lrop rares pour mériter une mention détaillée. Parallèlement aux pneumocoques humains, nous avons étudié quelques pneumocoques d’origine animale dont il sera question dans nos travaux ultérieurs etqu'ilconvient, par con- séquent, de « présenter » dès maintenant. Nous laissons avec plaisir ce soin à M. Grenier, notre collaborateur de tous les jours, qui a isolé la plupart de ces échantillons. IT, — SUR QUELQUES PNEUMOCOQUES D'ORIGINE ANIMALE (VIRULENCE POUR LA SOURIS CCNSERVATION DE CETTE VIRULENCE) par M. GRENIER. Les germes dont il va être question proviennent du cobaye (8 échantillons), du lapin (3 échantillons), et du cheva/ (1 échan- tillon). Comme l’histoire des pneumocoques animaux est en- core peu avancée, il nous à paru utile de résumer, chemin faisant, ce que l’on en sait actuellement. PNEUMOCOQUES DES COBAYES. — M. M. Nicolle, à propos de ses études sur la morve expérimentale du cobaye, a fait connaître le pneumocoque qui détermine la « maladie du nez » de cette espèce animale (1). Il a décrit les symptômes et lésions de l'affection, dans ses formes nasales et extranasales et men- lionné les caractères principaux de l’agent pathogène, d'après (4) Sous le nom, éminemment défectueux, de pseudo-pneumocoque. Nous sommes convaincu, aujourd'hui, de la nécessité d’abolir radicalement en bactériologie les préfixes pseudo et para. Il est bien plus rationnel, croyons- nous, de délimiter d’une facon suffisamment compréhensive chaque groupe microbien, puis d'y pratiquer les subdivisions intérieures jugées nécessaires, que de partir d’une définition trop étroite et de se trouver alors obligé d’opposer à un type « vrai » (seul légitime, seul orthodoxe) des types « faux » ou « à côté » (expressions aussi arbitraires que vides de sens), procédé qui conduit fatalement à une indétermination complète. — M. Nrcozze. 6 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR les travaux du D° Girard. Il à insisté aussi sur ce fait que le pneumocoque des cobayes, qui se rencontre chez les. supets sains à l'état saprophytique au niveau des voies digestives el respiratoires, et chez les sujets d'apparence saine au niveau de certaines lésions latentes, entre fréquemment en activité à la suite de l'injection des bacilles morveux vivants ou morts el manifeste alors cette activité sous forme d'infections locales, localisées ou septicémiques. La « sortie » est particulièrement à redouler chez les cobaves hypersensibles. Dans les expé- riences les plus diverses, poursuivies depuis son travail sur la morve (administration de toxines variées et de microbes, vivants ou morts, non moins variés), M. Nicolle a pu se con- vaincre de la banalité Yéritable du phénomène observé par lui, el les très nombreuses autopsies, qu'il nous a chargé de faire à ce point de vue, nous ont montré qu'à part quelques’ poussées épidémiques (somme toute, assez rares) et un nombre limité de cas sporadiques, les infections pneumococciques des cobayes, dans leurs différentes formes, reconnaissent pour cause la « sortie » des germes, provoquée par des injections toxiques ou virulentes; elle se produit 4 chaque instant et il n’est point de semaine où l’on ne puisse recueillir plusieurs échantillons des microbes en question. A la vérité, ceux-ci apparaissent volon- liers en même temps que la pasteurella (comme l’a indiqué, également, M. Nicolle), mais leur isolement n'offre aucune difficulté. Les spécimens, étudiés par nous, ne représentent qu'une infime minorité de ceux que nous possédions. Deux d’entre eux, inactifs vis-à-vis des souris, ont été laissés de côté. Les autres offraient une virulence moyenne; conservés dans la glacière après addition de gélatine et repiqués mensuellement, l’un à perdu son activité, les autres l'ont gardée, avec ou sans fléchissement selon les cas. Pxeumocoques DES Lapins. — M. Nicolle a constaté la grande rarelé des infections pneumococciques « spontanées » des lapins, mais il a vu « sortir » assez souvent le pneumococoque chez les sujets sains (en apparence ou en réalité), d’abord dans ses recherches sur le phénomène d'Arthus, puis au cours: d'autres travaux où les animaux étaient traités par des injec- ÉTUDES SUR LE PNEUMOUOQUE Ë tions de toxines ou de microbes. Parfois la pasteurella de la «maladie du nez » des lapins apparaissait en même temps. C'est uniquement chez des lapins soumis à des infections expérimentales que nous avons trouvé nos (rois échantillons. Le premier venait d’un animal inoculé avec la bactéridie charbonneuse, qui nous à été remis par M. Jouan; les deux autres de sujets inoculés avec le bacille de Schmorl, qui nous ont été donnés par MM. Cesari et Alleaux. L'échantillon Jouan, très virulent, a conservé intégralement son activité, grâce au procédé Truche et Cotoni; les échantillons Cesari et Alleaux, peu virulents, ont nettement « remonté » dans les mêmes conditions. PxeumocoquE pu cHEVAL. — Nous l'avons isolé d’un abcès pulmonaire à bacille de Schmorl, que nous avait remis M. Ce: sari. Le mécanisme de son développement in vivo s'explique par une « sortie » analogue à celle observée chez les deux lapins dont il vient d'être question. « Au départ », notre microbe ne luait pas la souris: après quelques passages ?2n vitro (addi- lion de gélatine et mise à la glacière), il est devenu actif, comme les cinq pneumocoques humains mentionnés dans le travail précédent. Nous espérons avoir le temps de compléter ces données, encore trop fragmentaires, sur les pneumocoques animaux. Il semble bien que l'on doive retrouver. chez eux les mêmes caractères généraux et les mêmes types particuliers que dans’ la série des pneumocoques humains. EXTRACTION DE LA ZYMASE PAR SIMPLE MACÉRATION par ALEXANDRE LEBEDEFF. Il y a bien peu de questions, dans la chimie biologique, qui aient, autant que l'extraction de la zymase, attiré sur elles l'attention des savants, soit par l'importance du problème à résoudre, soit par les noms illustres qui ont pris part à la discussion et dont le retentissement a trouvé. un écho même au delà du cercle étroit des spécialistes. II s'agissait en eflet de savoir si la fermentation alcoolique est due aux forces vitales de la cellule de levure ou bien à une banale diastase. Je ne suivrai pas ici toutes les péripéties de la discus- sion dont les grands traits sont connus de tous et qui a été tranchée d’un seul coup par Buchner; qu'il me soit seule- ment permis de souligner qu'on a tort de penser que Pasteur niait la possibilité de l'existence d’une diastase : bien au contraire, il l’a cherchée lui-même, en collaboration avec ses élèves, et ce ne sont que les résultats négatifs de ses tentatives expérimentales, obtenus d’ailleurs par nombre de savants (1), qui l’ont amené à combattre la théorie de Moritz Traube, soutenue par Berthelot, comme n'ayant aucune base expérimentale. Quelle était la cause de cet insuccès? Pasteur aussi bien que Buchner, d’après le témoignage de M. Roux (2), a broyé la levure dans un mortier, en a congelé les cellules pour les faire éclater et comme Lintner (3) et Van Laer (4) il a essayé de faire sortir le suc à travers l'enveloppe par osmose. Mais rien nv fit. Actuellement, après les recherches (1) Voir la littérature sur ce sujet dans le Zymasegürung (p. 12-14, 1903) de E. et H. Buchner et M. Hahn et le très intéressant chapitre sur la fermenla- tion alcoolique dans le livre de J. Duclaux : La Chimie de la matière vivante (1910). (2, Annales de la Brasserie et de la Distillerie, p. 512, 1898. (3) Centralbl. f. Bakteriologie, 1, t. V, p. 796, 1899. (4) Chem. Centralbl., t. 1, p. 352, 1901. EXTRACTION DE LA ZYMASE PAR SIMPLE MACÉRATION a de Hayduck (1), Delbrück, Lange, Kônig et Haymann (2), qui ont démontré que l’état de la levure est un facteur très important de son activilé, la réponse à la question ei dessus est facile : c'est que Pasteur a pris de la levure qui ne donnait pas de suc actif. IT arrive souvent, par exemple, que la levure provenant de la même brasserie donne un jour du suc très actif et un autre Jour du sue très peu actif ou mème inactif. D'autre part, la race Joue aussi un rôle prépondérant : la levure haute, dite « parisienne », comme j'ai pu le constater, ne donne pas de suc actif ni d’après le procédé Buchner, ni d’après le mien. -Or, Buchner a commencé ses expériences avec la levure de Munich qui donne presque toujours un sue actif et il n’est pas étonnant qu'il ait réussi. On peut dire, sans vouloir en quoi que ce soit amoindrir le grand et incontestable mérite de E. et H. Buchner, mérite de chercher quand môme malgré l’insuccès complet de ses prédécesseurs, que l'isolement de la zymase peut servir d'exemple classique du rôle que joue parfois la chance dans les découvertes scientifiques. Après les belles expériences de E. et H. Buchner, tout le monde convenait que l'on ne pourrait extraire la zymase que par l'action mécanique (broyage, congélation), ou chimique (dis- solvants divers de la membrane), et que Le procédé de Buchner était le plus pratique, bien qu'il exigeât un matériel très cher (presse hydraulique, appareil de broyage, ete.). En 1907, j'ai commencé mes expériences sur la kynétique de la fermentation alcoolique, mais au premier pas je me suis heurté à la difficulté que la presse n'était pas toujours dispo- nible aussi bien que la levure. Il fallait imaginer quelque chose pour y remédier et ne pas mettre les expériences sous la dépendance de ces circonstances accidentelles. Pour cela, j'ai commencé à employer la levure sèche en la mélangeant avec de l’eau (une partie de levure pour deux d'eau), et la broyant (3) ensuite comme d'ordinaire. Les premiers essais (1) Wochenschrift f. Brauerei, t. I, p. 117, 345, 697, 1884. (2) Jahrb. der Vers. u. Lehranst. f. Brauerei, t. IV, p. 16, 158, 298, 1901. Cité d'après Buchner : Loc. cit., p. 69; 275-276. {3) Le broyage est une opération pénible et qui même n’est pas sans danger pour la santé. 10 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR ont mal réussi. Le suc était très peu actif. En cherchant la cause, j'ai constaté que la levure sèche restait en grande partie intacte pendant le broyage avec du sable et de la terre d'infu- soire. C'est pourquoi j'ai laissé la levure avec de l’eau pendant quelque temps à la température ordinaire Jusqu'à ce qu'il se forme une masse bien homogène; broyée ensuite, elle a donné le suc non seulement extrêmement actif, mais s'écoulant de la presse deux à trois fois plus vite, ce qui était important pour moi. Ordinairement, c’est-à-dire d'après la méthode de Buchner, il fallait presser au moins trois heures : d’après la modification que j'ai apportée, il suffisait d’une heure à une heure et demie: en outre le suc était très clair et, laissé seul, sans addition de sucre, il ne dégageait pas d’acide carbonique, étant privé de: glycogène, circonstance qui dans beaucoup de cas devient très avantageuse. J'ai mené alors une série d'expériences parallèles, broyant la levure fraîche et la même levure préalablement desséchée {4 et J'ai pu constater que le suc de la levure séchée était toujours plus actif; il arrivait même souvent que le suc de la levure fraiche (de la brasserie de Schultheiss à Berlin) était presque inactif et ne s'écoulait que très difficilement, de sorte que d’un kilogramme de levure je n’obtenais que 100 et même 50 cent. cubes au lieu de 500 ou 400 cent. cubes, tandis qu'après la dessiccation elle donnait un suc très actif. La levure séchée, enveloppée seulement dans le papier-filtre, conservait son activité très longtemps. Comme exemple je puis citer ici le cas d’une levure (Schultheiss, à Berlin) qui après deux ans à montré son pouvoir de fermentation égal à 1,4 au lieu de 1,9 qu’elle avait donné au commencement. Cette circonstance permet de faire des expériences absolument comparatives pen- dant un temps très long, et « last not least », on sait toujours d'avance la quantité et l’activité du sue qu’on obtiendra d'un certain poids de levure (2). Je travaillais pendant deux ans en me servant de cette modification de laméthode de Buchner. En con- (1; Je commençais par sécher la levure à la température de 35 à 45 degrés, pendant quatre à cinq heures (d'après le procédé de Buchner et Mitscher- lich : Zeischr f. Physiol. Chem., &. XLIT, p. 554, 1904), et l'exposais ensuite à la température ordinaire. (2) Biochem. Zeitschr., t. XX, p. 116, 1909. EXTRACTION DE LA ZYMASE PAR SIMPLE MACÉRATION 11 linuant ensuite mes recherches au laboratoire d'Émile Fischer J ai rencontré une autre difficulté : il y avait bien là la presse hydraulique, mais pas d'appareil pour le broyage de la levure. Au lieu de suc j'ai essayé d'employer directement la levure sèche pour produire synthétiquement l’éther du sucre et de l'acide phosphorique dont je poursuivais alors l'étude (1). Pour interrompre la fermentation, je chauffais le liquide de fer- mentation au bain-marie et c'est pendant cette opération que mon attention füt attirée par la coagulation de tout le liquide, comme s'il se fût agi d'une solution des albuminoïdes et non pas d’une suspension des levures. Cette observation m'a donné pour la première fois l'idée d'essayer si le suc de macération ne fermermenterait pas, et mes recherches dans cette direction ont été couronnées d’un plein succès (2). Je vais maintenant décrire la méthode de préparation du suc de macération et les expériences que j'ai entreprises pour pré- ciser les conditions dans lesquelles on obtient le maximum d'activité, ainsi que quelques propriétés essentielles du suc. Méruooe. On prend un seau de levure fraiche, on le met dans un récipient cylindrique, d’une contenance d'au moins 50 litres, on le place sous le robinet d’une conduite d’eau muni d’un tube de caoutchouc; le récipient une fois rempli, on laisse couler le robinet légèrement pendant tout le temps du lavage. De temps en temps on remue bien la levure avec un bâton en bois. Si l’on fait soigneusement cette opération, l’eau dans le récipient devient tout à fait claire, la levure, bien divisée et blanche, tombant vite sur le fond du récipient. On laisse la levure immergée sous l’eau sans fermer le robinet pendant une nuil. En été il est préférable de mettre dans le récipient un gros morceau de glace après avoir fermé le robinet. Le matin, on trouve la levure bien déposée au fond du vase. On procède alors au décantage, puis on prend une grande terrine, sur (1) Ibid., t. 28, p. 226, 190. (2) Comptes rendus de l'Acad. des sciences, séance du 3 janvier et du 24 avril 1911. — Bul. de la Soc. chim. de France, séances du 27 janvier et du 24 mars 1911. 12 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR laquelle on place un tamis avec des trous assez grands (5 cent. carrés par exemple), on le recouvre d’une toile à filtrer bien mince et on jette dessus la levure. Après l'avoir laissée égoutter pendant quelque temps, on prend les quatre bouts de la toile, on les réunit ensemble et on les ficelle. Ensuite, on l'enveloppe avec une toile à presser, on met le tout sous une presse à main sur laquelle on agil jusqu’à ce que la levure devienne assez compacte pour la faire passer à travers un tamis, ayant des mailles de 5 cent. carrés, qui se trouve au-dessus du papier-filtre placé sur un portoir en bois. On étale la levure tamisée en une couche de 1 à | 14/2 centimètre d'épaisseur, et on laisse ensuite sécher à une température de 25 à 35 degrés. En deux jours la levure est complètement sèche. À ceux qui voudraient s'éviter la peine de cette opération préliminaire et la perte de temps, je conseille de faire venir la levure de chez M. Schroder, à Munich (1), qui la prépare d'après mes indications (2). Elle est toujours très active et propre. Pour obtenir le suc, on prend 50 grammes de levure séchée (3), on ajoute 150 grammes d'eau, on mélange bien avec une baguette en verre dans une capsule eton laisse macérer à 35 degrés pendant deux heures, ou à 25 degrés pendant six heures. Après on jette la masse sur le filtre ordinaire et on la laisse s’écouler. Fi n’y a pas besoin de refroidir le filtrat par de la glace (sinon en été), mais si l'on veut obtenir le plus pos- sible de sue (en 12 heures on peut en avoir de 70 à 80 cent. cubes), il est préférable de le faire, parce que la filtration devient de plus en plus lente (4). On pourrait aussi séparer le suc de la levure en centrifugeant le mélange à la vitesse de 3.000 tours à la minute, ou en pressant à travers un filtre- presse, etc. On peut conserver le suc assez longtemps après (4) Landwehrstr, p. 45, Ko-2 M. 2) I me semble qu'elle pourrait remplacer la levure fraiche ou la levure desséchée par l’acétone (zymine), dans le traitement de certaines maladies. II serail intéressant que des expériences dans cette direction fussent faites par des médecins. (3) Si l’on veut obtenir une plus grande quantité de suc, 1l est préférable de faire macérer dans plusieurs capsules en mettant dans chacune 50 grammes de levure sèche et en en filtrant le contenu, après la macération avec de l'eau, séparément. (4) Au commencement de la filtration en 15-20 minutes on obtient de 25 à 30 centimètres cubes de suc. EXTRACTION DE LA ZYMASE PAR SIMPLE MACÉRATION 13 l'avoir congelé complètement dans un mélange de glace et de sel, d’après F. B. Ahrens et J. Meisenheimer (1). En faisant macérer la levure pendant vingt-quatre heures, à une température un peu au-dessus de 0 degré (3 degrés par exemple), ce qui est facile en hiver, en opérant dehors, on oblient ordinairement, mais pas toujours, des sues bien actifs. Etant donné qu'en été la macéralion à une tem- pérature aussi basse devient difficile, souvent même im- possible, surtout si l’on veut la maintenir constante, Je recommande pour celte raison la macération à 35 degrés au thermostat, d'autant plus qu'en l’espace de deux heures on obtient déjà du sue, dont l’activité dépasse souvent celle du suc obtenu à une température très basse: en outre elle est plus 7- qulère, ce qui est important pour les recherches comparatives. Je viens d'indiquer jusqu'ici comment on obtient assez rapidement le maximum d’activilé; je vais maintenant rendre compte des expériences entreprises pour arriver à une étude systématique des conditions qui le favorisent. Exp. I, a). — Pour celle expérience, ainsi que pour toutes les expériences semblables, je me suis servi de petites fioles d'Erlenmayer (80 cent. cubes à peu près avec une soupape de fermentation de Meissl) que je chargeais de 20 cent. cubes de suc, 8 gr. de sucre et de 0,2 cent. cubes de toluène. C’est par cette méthode que Buchner déterminait le pouvoir fermentatif de son suc el j'ai jugé utile, pour obtenir des données comparables à celles de Buchner:. d'adopter la même méthode, purement empirique, bien qu'il soit plus rationnel d'exprimer l'activité du suc par une constante de la vitesse de la réaction pour la concentration optima en se servant de l'appareil de Valton (2). Levure de Moritz du 30 décembre (1 : 3), séchée à 25 degrés. La concentra- lion a été calculée pour 25 cent. cubes, 8 gr. de saccharose augmentant le volume du liquide après la dissolution de 5 cent. cubes. Pour 50 gr. de la levure séchée, j'ai pris 150 gr. d’eau et jai laissé macérer pendant 3 el 6 heures à 25 degrés (N°S 1 et 2). Après filtration j'ai recueilli 20 cent. cubes de suc en 25 minutes. GBAMMES DE CO? PAR JOUR CENT. CUBES | CONCENTRATION GRAMMES N°S de suc. p. 100. | 2 3 k 6 7 8 CO: fl 20 32 0,53[0,48/0,3s/0,21/0,20/0,02/0,00! 1,82 2 » ) 1,27/0.6710,36| » |o,33l0,00! » 2.63 41) Zymasegürung, p. 226, 1903. 2) Biochem., Zeitschr., t. X, p. 456 et t. XXVIII, p. 227-228. 1# ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Exp. I, b). — On a laissé s'écouler le mème suc à la Lempérature ordinaire pendant une nuit, et le jour suivant, c'est-à-dire après 17 heures de filtration. on a fait l'expérience analogue à I 4. : GRAMMES CO? par JOUR CENT. CUBES CONCENTRATION GRAMMES de suc. ». 100. CO: 1,00/0,06/0,03/0,07|u,00 1.16 1,04] — | — |0.60/0.00 1,64 Exr. IT, a). — La même levure macérée pendant 20 heures à 15 degrés, avec trois parties d'eau. ; GRAMMES CO* PAR JOUR CENT. CUBES CONCENTRATION GRAMMES de suc, p- 100. CO° 0,35| 0.09! 0.02] 0,00 Exp. If, b). — La même levure, macérée à 5 degrés (dehors) avec 3 parties d’eau pendant 24 heures. LE 2 2 D 2 RU SF DROLE I, AR GE D RE EN EE 2 RS RCE | GRAMMES CO? PAR JOUK CENT. CUBES CONCENTRATION GRAMMES de suc. p. 100. 1 2 & 6 7 CO: 32 10,60/0,6810,6010,0610,05!0,00 1799 Exp. 11, c). — Le même suc qu'on a laissé s'écouler pendant 24 heures à la température ordinaire. Le suc a commencé à fermenter de suile, mais la fermentation ne dura qu'un jour. # He ; GRAMMES CO PAR JOUR CENT. CUBES CONCENTRATION GRAMMES CO [eq Lo] Le] de suc. p: 100. 20 32 0,54 0,02 0.00 0.56 EXTRACTION DE LA ZYMASE PAR SIMPLE MACÉRATION 145 Exr. III, — La mème levure, mais macérée pendant 19 heures à 25 degrés. Le suc a commencé à fermenter de suite. 4 GRAMMES (CO? PAR JOUR ENT. CUBES CONCENTRATION GRAMMES de suc. p. 100. 0,89 0,03 0.00 Exr. IV. — La même levure, mais séchée à 35 degrés, et macérée ensuite 25 degrés, pendant 5,6 et 7 heures, et à 0 degré pendant 24 heures, avec parties d’eau (N°S 1, 2,3, 4). Le mélange en parties égales de ces quatre sucs contenait 16,17 p. 100 de résidu sec. Le suc macéré à 0 degré contenait 14,90 p. 100 de résidu sec. a 0] 2] GRAMMES CO? MACÉRATION 6 par jour. GRAMMES CO*. NUMEROS de suc, CONCENTRATION heures. | descrés. 1 2 5 6 0,68/0,36/0,20/0,00 0,77/0,41/0,27 0,19/0,36|0,20 0,5310.5510,00 Exp. V. — La mème levure séchée à la température ordinaire et macérée ensuite pendant 2 heures à 35 degrés, avec 3 parties d’eau (Résidu sec 15,66 p. 100). GRAMMES DE C0? CENT. CUBES CONCENTRATION PASEJOUE GRAMMES de suc. p. 100. CO*. Exr. VI. — La mème levure que dans l'expérience IV, mais après trois mois de conservation, a été macérée pendant 2 heures à 35 degrés. 16 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR GRAMMES DE CO? CENT. CUBES CONCENTRATION par jour. GRAMMES de suc. p. 100. | CO*: 1 3 4 5 7 8 20 32 6,4510,6510,13/0,07/0,05[0,00 1,35 Exp. VII, a). — Levure du 10 janvier (Moritz), lavée et pressée le même jour, séchée à 35 degrés, macérée pendant 4 h. 1/2 à 25 degrés avec deux parties d'eau. Cette levure broyée avec du sable a donné du suc qui ne fer- mentait pas du tout le sucre. La quantité d'acide carbonique dégagé pendant le deuxième jour est trois fois plus grande que pendant le premier. Ceci s'explique par ce fait que la fermentation a commencé après quelques heures seulement. Il y a des cas, d’ailleurs rares, où la fermentation ne commence qu'après 2% heures et mème davantage. Il est difficile, sans connaître complètement le méca- nisme de la fermentation, de donner une explication de ce phénomène curieux ; on peut faire seulement des suppositions plus où moins plausibles. , , É GRAMMES DE (0° PAR JOUR CENT. CUBES CONCENTRATION GRAMMES de suc. p. 100. 1 2 3 4 6 7 CO 20 32 0,28/0,66/0,46/0,2s/0.,22/0 ,01 1,91 ExP. VII, 6). — Le mème suc qu'on a laissé s'écouler pendant 16 heures à la lempérature ordinaire. GRAMMES DE CO° PAR JOUR . CENT. CUBES CONCENTRATION GRAMMES de suc. p. 100. { 9 3 4 20 22 0,41 (LEE | EXTRACTION DE LA ZYMASE PAR SIMPLE MACÉRATION 17 Exr, VIII, a). — Les mêmes conditions que dans l'expérience précédente, mais la levure à été séchée à 25 degrés. GRAMMES DE CO? PAR JOUR 6 CENT. CUBES CONCENTRATION ! GRAMMES de suc. p. 100. Exr. VIII, b). — Le même suc après 16 heures de filtration à la tempéra- ture ordinaire. GRAMMES DE C0? PAR JOUR CENT. CUBES | CONCENTRATION GRAMMES de suc. | p. 100. A à k : CO* 20 | 32 0,50 | 0,68 | 0,26 | 0,00 1,4% Exp. IX, a). — La même levure séchée à 15 degrés et macérée ensuite pendant # h. 1/2 à 25 degrés avec 3 parties d’eau. Après l'addition du sucre aucune fermentation ne s'était produite. Exp. IX, b). — Le même suc après 16 heures de filtration. Il a commencé à fermenter le deuxième jour. GRAMMES CO? CENT. CUBES CONCENTRATION PARTIES ; GRAMMES CO? de suc. p. 100. & 0,11 | 0,03 | 0,00 Exp. X, a). — La même levure, mais pressée le jour suivant, c’est-à-dire, après le séjour sous l’eau froide pendant la nuit, séchée ensuite à 35 degrés et macérée 4 h. 1/2 à 25 degrés. | GRAMMES CO* CENT. CUBES | CONCENTRATION ESAPRUE GRAMMES CO? de suc. | p. 100. 1 2 18 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Exp. X, b). — Le même suc après 16 heures de filtration à la température ordinaire. GRAMMES DE CO? par jour. CENT. CUBES CONCENTRATION : GRAMMES CO? de suc. 1 2 0,68 | 0,21 | 0,01 | 0,00 Exr. XI, a). — La même levure (X a) séchée à 25 degrés et macérée ensuite 4 h. 1/2 à 25 degrés avec 3 parties d’eau GRAMMES DE CO? CENT. CUBES CONCENTRATION PESTE GRAMMES CO? de suc. pML00 1,3010,:6/0,41/0,03/0,00 Les expériences X et XI montrent qu'il est préférable de laisser la levure sous l’eau froide que de la presser le même jour, comme dans les expériences VIT et VII. Exr. XI, bd). — Le mème suc après 16 heures de filtration. CENT. CUBES + GRAMMES DE CO? PAR JOUR CONCENTRATION GRAMMES de sue. p. 100. 5 CO: 0,02 | 0,00 Exp. XII. — Les sucs des expériences X a et XI a ont été mélangés à parties égales, et à 20 cent. cubes de ce mélange on a ajouté 2 gr. de sucre. PERL GRAMMES DE CO? PAR JOUR CENT. CUBES CONCENTRATION GRAMMES de suc. p. 100. 1 2 3 CO* 20 10 0,66 0,06 0,00 0,72 EXTRACTION DE LA ZYMASE PAR SIMPLE MACÉRATION 19 Exe. XIII, a). — La même levure que dans l'expérience X, séchée à la température ordinaire et macérée 4 h. 1/2 à 25 degrés, a donné du suc qui à commencé à fermenter le sucre (8 gr. pour 20 cent. cubes) le deuxième jour seulement; il donna en 24 heures 0,33 grammes de CO’, et la fermentation s'arrêta brusquement. Exp. XIII, b). — Le même suc après 16 heures de filtration n’a commencé à fermenter que le deuxième jour. La fermentation ne dura que deux jours. CONCENTRATION GRAMMES DE CO? PAR JOUR GENT. CUBES GRAMMES de suc. p. 100. Exr. XIV. — Les sucs des expériences IX 6 et XIII b ont été mélangés et à 20 cent. cubes (10 €. €. + 10 €. €.) on a ajouté 2 grammes de sucre. La fermen- tation commença après 24 heures et continua deux jours. 0,54 grammes d'acide carbonique se sont dégagés. Il va de soi que du toluène a été ajouté et même en quantité double (0,4 cent. cubes au lieu de 0,2) en vue de la faible concentration en sucre. Le résultat étrange des expériences IX à, IX b et XIIL& et XIII 4 ne peut être, en aucune manière, attribué à l'infection du liquide par levure vivante. On ne peut l'expliquer pour le moment, nos connaissances sur le mécanisme intime de la fer- mentation n'étant pas encore complètes. Il est à remarquer que les sucs pris après une longue filtration ne fermentent que 2-3 jours; ce fait est dû évidemment à la destruction de la coenzyme par une diastase spéciale, dont la présence dans le suc, d'après Buchner et Klatte, est très probable (1). Le suc obtenu par macération de la levure séchée à la temperature ordinaire ne manifeste presque aucune ou une très faible activité si la concentration en sucre est forte ; si elle est faible, la fer- mentation commence, mais après un laps de temps plus ou moins long, pendant lequel se produisent probablement des réactions, le préparant pour ainsi dire à l’activité. Le temps de repos est suivi d’une activité croissante; ce phénomène est analogue à celui qui a lieu dans les réactions chimiques con- sécutives et qui a été nommé par Bunsen et Roscæ période (1) Biochem. Zeitschr., t, VIA, p. 520, 1908. 20 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR de l'induction (1). Mellor a démontré que celui-ci était une conséquence nécessaire de la loi de l’action de la masse et énoncé la loi : « the period of induction is characteristic of chemical reactions which take place in a series of intermediate stages » (2). D'autre part, j'ai pu démontrer que la disparition du sucre et le dégagement de l'acide carbonique dans la fer- mentation alcoolique sont des processus différents (3); c’est pourquoi Je propose de nommer la période d'inertie qui pré- cède la fermentation même, et est suivie ensuite d’une crois- sance de Ja vitesse de la réaction, comme une période de l’in- duction; les expériences suivantes montrent que cette période peut être accélérée par élévation de la température ou diminu- tion de la concentration du sucre (4). ExP. XV, a). — La levure Moritz a été séchée à 15 degrés, macérée à 25 de- grés pendant # h. 1/2 avec 3 parties d’eau (XIII a). On a pris quatre fioles (1, 2,3, 4) avec des soupapes de fermentation; à chacune d'elles on a ajouté 20 cent. cubes de suc et 0,2 de toluène. Aux fioles 1 et 3 on a ajouté en outre 8 grammes de sucre à chacune, et, aux fioles 2 et 4, 2 grammes à chacune. Les deux fioles 4 et 2 ont été mises à fermenter au thermostat à 25 degrés et les autres (3 et 4) à 35 degrés. La fiole 1 a commencé à fermenter le deuxième jour et a donné dans 24 heures 0,33 grammes de CO®. La fiole 2 a commencé à ferm enter après 2 heures et a donné 0,71 grammes de CO?. La fermentation dura 3 jours. La fiole 3 a commencé à fermenter aussitôt l'addition du sucre et a donné en 24 heures 0,18 grammes de CO*. Le suc s'étant coagulé, je mis la fiole à 25 degrés ; le deuxième jour il s'est dégagé 0,09, le troisième 0,13, le qua- trième et cinquième ensemble 0,21 d'acide carbonique, ce qui fait en tout 0,66 grammes. La fiole 4 a commencé à fermenter aussitôt l'addition de sucre et a donné dans 24 heures 0,42 grammes de CO®. Exp. XV, b). — La mème levure séchée à 15 degrés, mais macérée à 35 degrés pendant 2 heures avec 3 parties d'eau. Le tableau suivant donne le résultat des expériences XV et XV b ensemble. (4) Voir la littérature sur ce sujet dans le beau livre de Mellor : Chemical Slalics and Dynamics, p. 113-118. 1908. (2) Jour. Chem. Soc. t. LXXXI, 1280, 1902. (3) Biochem. Zeitsch., 1. X, p. 456, 1890, et t. XXVIII, p. 227, 228, 1910. Je publierai prochainement un mémoire spécial sur la kynétique de la fermen- tation alcoolique. Jusqu'à présent on admettait ordinairement (Aberson, Hertzog, Euler) que ce processus était simple et obéissait à la loi d'une réaction monomoléculaire; en vérité il consiste au moins en deux réactions consécutives. (4) Elle peut être considérablement retardée par l'addition des phosphates. EXTRACTION DE LA ZYMASE PAR SIMPLE MACÉRATION 24 2 2 : vue |e GRAMMES DE CO? æ| MACÉRATION |à|E .|5 4 cc ma|xe|<« par Jour. 2 a > A Z k & 25 REMARQUES z APE 5 descré.|heures. O E 1 2 3 5 6 4 25 4 1/2 20132 »125 » 0,33 0,00 » » 0,33 Commence ?:° jour. 9 » » »| 9,5] »|0,6010,07/0,04/0,00| » |0,71|Après ? heures. 3 » » »|32 »|13510,18/0,09,0,1310,2610,00!0,66| Aussitôt l'addition; coa- : gœulation à 35°, à partir du 2° jour mis à 25°. 4 » » »l 9,5| »10.249 0,00 » » » 0,42 2 Sao 2 »|32 »1[2510,8310,3510,1310,05/0,00|1,36| Après quelques heures. 6 » » »l 9,5| »10,65 0,06 0,03 0,00 » |0,74 Aussitôt l'addition. » » »132 »13510,6210.,00 » » » 0,62 Coagulation. » » »| 9,5| »|0 ,4210,00 » » » |0,42 À | On aperçoit le fait curieux que la levure séchée à 15 degrés et macérée 4 h. 1/2 à 25 degrés a donné du suc qui fermentait faiblement (0,33 grammes de C0?) ; macérée au contraire à 35 de- grés, elle a donné du suc qui fermentait normalement (1,36 gr. de CO sur 8 grammes de sucre). Pour mieux faire ressortir l'influence de la dessiccation, de la température et de la durée de la macération sur l'activité du suc, Je vais décrire les expériences qui se trouvent réunies dans les tableaux suivants : ExPr. XVI. — La levure Moritz du 20 janvier. Concentration du sucre 32 p. 100, 20 cent. cubes de suc pour chaque fiole et 0,2 cent. cubes de toluène. La fermentation a eu lieu à 25 degrés. Une partie de levure pour trois d’eau. MACÉRATION GRAMMES CO? PAR JOUR DESSICCATION GRAMMES N°S 2 degrés. GO*. degrés. | heures. d 2 3 4 5 6 1 25 3) il 0,8810,4910,31| — 10,1010.00 1,18 2 » » 2 1,4010,5310,24/10,1010,05/10,01 27939 3 » » G 1,19/0,3810,18/0,06/10,02/0,00 1,83 4 » » % 1.1510,3610,16| — 10,07,0,00 4,14 5 » 25 6 1,2610,3810,1810,0610,0110,00 1,89 6 30 35 2 1,3410,5510,2210,0910,0210,00 2229 7 » » n 1,2010,31/0,10/0,02,0,0010,00 1463 8 » » 6 1,0910,36/0,1710,0110,000,00 1,63 ( » 25 6 1,6110,5110,12,0,04/0,0010,00 2,28 22 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Exr. XVIL. — La levure à bocks de Moritz. Mêmes conditions que dans l'expérience XVI. Pour les numéros 6, 7 et 8 on a pris une partie de levure pour deux et demi d'eau. Le suc a commencé à fermenter aussitôt l'addition du sucre. Le suc dn n° 6 contenait 18,95 p. 100 de résidu sec, et celui du no 8, 19,05. MACÉRATION GRAMMES CO? PAR JOUR DESSICGATION GRAMMES degrés. 4 degrés|heures 3 | 19 | 35 25 35 Se © I 0,00 0,00 0,13 12 © 0,19 0,20 0,08 0,10/0,00 SES © GE D Co NO [SU (œp] DS OO ÉE © D Exr. XIII. — On a mélangé 10 cent. cubes de suc du n° 1 avec 10 cent. cubes de celui du n° 7 (Expérience XVII) non bouilli (n° 1) et bouilli (n° 2), du tableau ci-dessous), on a ajouté 8 grammes de sucre avec 0,2 cent. cubes de toluène pour chaque fiole. Le tableau suivant montre la marche de la fermentation dans les deux cas. GRAMMES DE CO? PAR JOUR GRAMMES 0,00 On constate que la levure séchée à la température ordinaire donne du suc très pauvre en coenzyme ; si l'on mélange le suc peu actif avec du suc actif après l'avoir fait bouillir, celui-là devient à son tour bien actif, c’est-à-dire que l’inactivité du sue ne dépend pas ordinairement de l'absence de la zymase, mais de la coenzyme. Il y a d’ailleurs des exceptions, comme on verra plus loin, la levure dite « parisienne » ne donnant pas de suc actif, même si on le mélange avec du suc très actif préa- lablement bouilli. EXTRACTION DE LA ZYMASE PAR SIMPLE MACÉRATION 23 Exr. XIX. — Levure de Munich du 3 février. Cette levure, après avoir été séchée par Schroder pendant 4 heures à 30-35 degrés, m'a été envoyée encore humide; bien qu'elle ait supporté un transport par chemin de fer pendant 2 jours, elle a donné après sa dessiccation complète un suc très actif. MACÉRATION GRAMMES CO? PAR JOUR NUMÉROS CONCENTRATION DESSICCATION | Ps 3 # 5 6 heures. CA v (e] = t2 a co Co Co — |0,1210,00! » 210,11] » |0,06 — |0,4210,06 0,09/0,0210,00 — |0,3710,05 — |0,0310,00 ©2 GG © Co CŒ © ©2 O0 co + 2] O2 co En] u L 2 2) 4 r Qt [le] ; ND 2 10 IS © Q9 (SH (314 2 I © € Cr C7 © NE EE © N ON ON NN D & 0 À N° J + co CT D © [Se] Cr © La levure a été macérée avec 3 parties d'eau à l'exception du n° 4. Pour cette expérience j'ai fait macérer 100 grammes de levure avec 100 grammes d'eau; néanmoins on voit que la quantité d'acide carbonique dégagée a été égale à celle du n° 1, c'est-à-dire 2,22 et 2,33 grammes, bien que le suc fût beaucoup plus concentré. La fermentation était excessivement rapide, mais elle s'arrêta à cause de la coagulation des albuminoïdes (1). Le suc de levure à bock commençait à fermenter aussitôt l'addition du sucre, celui de la levure de Munich après une heure. La levure macérée 6 heures à 25 degrés donnait le suc qui commençait ordinairement à faire fermenter le sucre plus tôt que celle macérée 2 heures à 35 degrés. Pour faciliter l'aperçu des expériences décrites ci-dessus, dont le but était de préciser l'influence de la dessiccation, de la durée et de la température de la macération sur l’activité du suc, Je joins le tableau suivant dans lequel sont réunies les données expérimentales qui m'ont conduit à la formule de la préparation du suc que j'ai donnée dans les séances de la Société chimique de France des 27 janvier et 24 mars 1911. (1) Voir aussi mon mémoire : La zymase est-elle une diastase? Ces Annales, n0#9 D 40821911 24 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR = z MACÉRATION = = a É a Sues |E à É PE SIN ee E | ES |SeË = M Salles Celle | = FA ATX = EN PRSNIRENS EI ENS = ME E | £" 0 L ds # RO 26° ANNÉE FÉVRIER 1912 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR LORD LISTER (1827-1912) Lord Lister, le rénovateur de lachirurgie, est mort le 11 février dernier. Son nom évoque la révolution apportée, il y a qua- rante-cinq ans, par le pansement antiseptique. Jusqu'à Lister, les infections, à la suite des interventions chirurgicales, étaient si fréquentes, que la vie de tout opéré était menacée et que l'essor de la Chirurgie était arrèté. Eviter l'infection post-opératoire a été de tout temps la préoc- cupation des chirurgiens. Que de procédés, que de pansements ont été proposés dans ce but, sans résultat certain ! La chirurgie est restée impuissante contre les infections tant qu’elle n’a pas eu de doctrine capable d'expliquer la cause de celles-ci. Lister lui en donna une. Homme de science au courant de toutes les découvertes, et expérimentateur lui-même, il étendit à la chi- rurgie la théorie des germes que Pasteur venait d'établir par l'étude des fermentations. Convaincu que ce sont les infiniment petits qui provoquent les infections, Lister empêche leur culture à la surface des plaies au moyen des antiseptiques. Grâce au pansement phéniqué, son service de Glascow offrait le spectacle, merveilleux en 1869, d'opérés guérissant sans suppuration et sans fièvre. 82 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Débarrassés de la crainte des infections, les chirurgiens entre- prennent des opérations auxquelles ils n'auraient jamais osé songer avant l'ère Listérienne. Dès lors, la chirurgie commence son développement triomphal. Lister avait emprunté sa doctrine à la bactériologie, il a payé sa detle en ralliant à cette science une foule de partisans. Com- ment en effet ne pas reconnaitre la vérité de la théorie micro- bienne, quand sa première application à l’art de guérir épar- gnait des milliers de vies humaines et rénovait la Chirurgie ? C'est un devoir pour les disciples de Pasteur de rendre, dans ces Annales, un suprême hommage à celui qui a su tirer de l'œuvre de leur maître un si grand bienfait pour l'Humanité. LES FACTEURS DE TOXICITÉ DES BACTÉRIES (DEUXIÈME MÉMOIRE) ÉTUDE DES BACILLES DE PREISZ-NOCARD par M. NICOLLE, G. LOISEAU et P. FORGEOT Les bacilles de Preisz-Nocard jouissent d'une grande ubi- quité et leur rôle pathogène apparaît de jour en jour plus important. Ils s’attaquent à diverses espèces animales, occa- sionnant : chez le cheval, l'acné contagieuse, la lymphangite ulcéreuse, des abcès rénaux...; chez le mouton, une véritable pseudo-tuberculose, des altérations caséeuses viscérales et gan- glionnaires..….; chez le bœuf et le pore, des lésions diverses. M. Truche les a rencontrés récemment chez le lapin (abcès « spontanés »). Il serait intéressant de les rechercher chez l’homme, où tout porte à croire qu'on les trouverait. Nous avons eu entre les mains un nombre considérable d'échantillons de bacilles Preisz-Nocard d’origine équine et ovine; les uns isolés par MM. Panisset et Cesari ainsi que par nous-mêmes, les autres dus à l’obligeance de M. Carré. Ces échantillons se classent en deux catégories bien tranchées, germes virulents et germes avirulents, vis-à-vis du cobaye pris comme animal réactif. Les avirulents n’ont jamais manifesté de toxicité (neutralisable par Le sérum spécifique); les virulents, plus ou moins toxiques sur les milieux solides, formaient dans les liquides une quantité de « poison soluble » qui n'allait pas régulièrement de pair avec leur toxicité individuelle. Comme pour notre mémoire précédent (1), nous nous trou- vons en face des deux questions suivantes : (t) Étude des bacilles diphtériques. — Ces Annales, février 1911. 84 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR 1° Le poison des bacilles est-il identique à celui des filtrats? 2° Quel est le degré et le mode de toxicité du bacille lui- même, c'est-à-dire de sa « substance fondamentale »? Voici le « matériel biologique » employé à résoudre ce double problème. 1° Toxine soluble. — Nous prendrons comme type le filtrat (sur bougie) de l'échantillon dit Panisset (isolé d’un abcès du rein, chez le cheval). Les meilleurs résultats ont été fournis par le milieu de culture suivant. On mêle de la viande de cheval hâchée avec le double de son poids d’eau; on porte cinq minutes à l’ébullition; on filtre sur papier et on additionne (aa) le filtrat de « bouillon de panse » (préparé selon la formule du D" Louis Martin et couramment employé, ici, dans la préparation de la toxine diph- térique); on alcalinise franchement au tournesol; on chauffe à 120 degrés ; on répartit en ballons; on stérilise à 115 degrés. Le poison obtenu offre une activité sensiblement égale à celle dont parle Carré (1). Le maximum est atteint après sept jours d’étuve; il tue alors les cobayes de 500-600 grammes, en douze-vingt-quatre heures, sous le volume de 1 cent. cube à 0,1 cent. cube. Nous ne nous sommes pas efforcés de trouver une toxine plus forte, superflue pour le but que nous nous pro- posions. Rien ne prouve, d’ailleurs, que les bacilles Preisz- Nocard soient susceptibles de la produire. 20 Bacilles atoxiques. — Nous possédons plusieurs échantil- lons de cette catégorie, tous identiques. L'un d'eux, « Cham- pion », isolé par M. Carré chez la brebis (abcès ganglionnaire), sera pris comme type de description. 3° Bacilles toxiques. — Nous en avons eu autant que nous désirions, grâce surtout à l'obligeance de M. Cesari, qui voulait bien les isoler de son riche matériel de l’abattoir Brancion. Ces bacilles étaient constamment virulents. La virulence se traduisait par les réactions caractéristiques : abcès (inoculation sous-cutanée), vaginalite (inoculation intrapérilonéale), érup- tion pustuleuse généralisée (inoculation intraveineuse), très complètement étudiées par M. Panisset sous les yeux de l’un de nous et décrites en détail dans ces Annales (juin 1910). La toxicité n’affecte aucun rapport régulier avec la virulence : (1) Revue gén. de méd. vél., t. IV, 1908. PPT TC 1 TT LES FACTEURS DE TOXICITÉ DES BACTÉRIES 85 loin de là. — L'échantillon Panisset sera pris comme type de description, pour les germes toxiques. 4° Bacilles toxiques el atoxiques, tués par l'alcool-éther. — Dans nos recherches sur les facteurs de toxicité des bacilles diphtériques, les germes atoxiques vivants nous ont servi à établir les propriétés de la substance fondamentale du microbe de Lôüffler et les filtrats de cultures toxiques celles du « poison soluble », caractéristique du même microbe. Nous savions donc, d'avance, ce que donnerail l’inoculation des germes toxiques vivants, puisqu'ils ne se multiplient ni sous la peau ni dans le système circulatoire où nous les introduisions — et l'expérience a justifié schématiquement nos prévisions. Avec les bacilles Preisz-Nocard, il était également très facile de deviner ce que donnerait l’inoculation de germes toxiques, vivants mais avirulents, connaissant les propriétés de la sub- stance fondamentale (germes atoxiques vivants) et du « poison soluble » (filtrats de cultures toxiques). Malheureusement, nous n'avons Jamais rencontré de tels germes : on vient de le mentionner tout à l'heure. Il fallait donc éliminer la virulence en conservant, dans une mesure convenable, la propriété toxique; c’est-à-dire tuer les bacilles sans trop les altérer. Nous nous sommes arrêtés à l'emploi de l'alcool-éther (aa), prolongé pendant vingt-quatre heures et suivi de dessiccation (vide sulfurique). Ainsi qu'on devait s’y attendre, les microbes soumis à ce traitement sont beaucoup moins actifs que les microbes vivants; mais les différences d'activité demeurent constantes entre les spécimens examinés et c’est là tout ce que nous demandions. Nous n'avons donc pas cherché à obtenir des produits plus toxiques, soit en diminuant le temps d'ac- tion de l’alcool-éther, soit en expérimentant d’autres moyens. La comparabilité des recherches importait seule; aussi le trai- tement par l'alcool-éther a-t-il toujours été réalisé dans les mêmes conditions, qu'il s’agit de l’échantillon Panisset ou d'échantillons différents. On se rendra compte de la nécessité d'éliminer la virulence quand on aura vu combien le tableau de l'infection apparaît complexe et combien il serait téméraire de vouloir l’inter- préter sans une étude préalable des bacilles. toxiques et aviru- lents. Mais ceux-ci étant créés artificiellement par l'action de 86 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR l’alcool-éther, il fallait, à titre de comparaison, posséder égale- ment des bacilles atoxiques « alcool-éther »; d’où l'obligation d'agir avec le type Champion comme avec le type Panisset. 5° Sérum Carré. — Obtenu en injectant au cheval la toxine soluble d'un germe d'origine ovine et mis gracieusement à notre disposition par M.Carré,que nous ne saurions trop remer- cier de l’obligeance avec laquelle il a secondé nos études. 6° Sérwns de chevaux chroniquement infectés. — Comme nous le verrons plus loin, ces sérums (au moins tous ceux étudiés Jusqu'ici) jouissent d’un pouvoir antitorique indéniable, souvent égal et parfois supérieur à celui du sérum Carré. D'où une méthodenouvelle de diagnose(toxino-diagnostic), aussi nette dans ses résultats que simple dans son application. {Par contre, le sérum antidiphtérique demeure aussi ineffi- cace que le sérum normal de cheval, vis-à-vis de la toxine des bacilles Preisz-Nocard. On ne s'en étonnera guère quand on aura vu combien les deux poisons, diphtérique et Preisz- Nocard, diffèrent profondément l’un de l’autre.] Pour ce qui concerne la culture des germes envisagés, les animaux d'expérience, les voies d'introduction de la toxine et des bacilies, nous renvoyons textuellement à notre précédent travail. Comme dans celui-ci, deux grandes divisions s’impo- sent : étude des injections sous-cutanées et étude des injec- tions intraveineuses. ÉTUDE DES INJECTIONS SOUS-CUTANÉES ToxINE SOLUBLE. Nous avons administré des doses régulièrement décroissantes, échelonnées entre 5 cent. cubes et 0,1 cent. cube (il n’est ques- lion, ici, que des filtrats les plus toxiques). Les lésions obser- vées appartiennent incontestablement, comme on le verra, au type eschare humide. En réalité, il s’agit de la moins humide des altérations de ce genre, bien éloignée de celle que déter- mine, par exemple, le suc pancréatique actif (1), encore plus | 4 (4) M. Nicozze et Pozerski. — Ces Annales, avril 1911. LES FACTEURS DE TOXICITÉ DES BACTÉRIES 87 distante de la forme hémorrhagique caractéristique des venins de vipéridés. Mais, d'autre part, la différence avec l’eschare sèche de la toxine diphtérique est aussi profonde que celle qui sépare la mortification due aux alcalis, même assez dilués, de la mortification due aux acides. Il va de soi qu’à la période humide initiale fait suite une période de dessiccation secon- daire et obligée; tellement obligée, que la persistance de l'humidité, au delà des limites normales, constitue le signe pathognomonique d’une infection surajoutée (infection à pas- teurella, le plus souvent). Au-dessus de 0,2 cent. cube (environ), la mort vient inter- rompre le cours des accidents, d'autant plus vite, naturelle- ment, que l’on se rapproche davantage de 5 cent. cubes. De 0,2 à 0,1 cent. cube (environ), l'animal survit régulièrement et l'évolution locale suit son cours régulier, en trois périodes bien définies : période d'eschare humide, n'excédant jamais les vingt-quatre premières heures; période d'eschare sèche, durant en moyenne quarante-huit heures; période de réparation, annoncée par la chute de l’eschare et aboutissant à la cicatri- sation après huit-dix jours. Par conséquent, évolution bien plus rapide que dans le cas de la toxine diphtérique. Ajoutons, immédiatement : et non accompagnée ou suivie de complica- tions paralytiques. Nous distinguerons, dans notre description, les effets des doses mortelles et ceux des doses non mortelles. Doses MORTELLES. De 5 cent. cubes à 2 cent. cubes. — Au bout de la première demi-heure, on observe, /oco læso, un empâtement rénitent, plus ou moins allongé (du volume moyen d'un œuf de pigeon), avec teinte saumonée des tégu- ments (sur l'étendue de 0 fr. 50 environ). Puis, cette tache, cerclée de vermillon, gagne les parties voisines, en même temps que son aspect se modifie. C’est bientôt une maculature plus foncée (de l'étendue de 2 francs environ), souvent piquetée de violet et toujours limitée par une zone lie de vin. Pendant ce temps, l’empâtement s’est accru lentement, tout en dimi- nuant de consistance. Après cinq-six heures, il est mollasse et recouvert d'un placard ordinairement elliptique (6 centimètres sur 3, environ) à centre dénudé, luisant, humide, de coloration 88 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR variée (mélange intime de rouge sombre, de violet et de brun — « tons de charcuterie », si l’on veut bien nous passer la comparaison), à périphérie encore recouverte par l’épiderme et de nuance plus foncée. La mort survient habituellement en dix-quinze heures; lorsqu'elle est un peu moins rapide, la lésion locale a conservé son aspect humide central, mais s’est déjà entourée d’une bordure noirâtre, sèche, comparable à du vernis écaillé. Entre 2 cent. cubes et 0,2 cent. cube. — Ici, même après douze-quinze heures, l'empâtement n'excède pas le volume d'une noix. Les lésions tégumentaires sont représentées par une tache (étendue — d'une pièce de 0 fr. 50 à 1 franc) humide et de coloration saumon sale ou lie de vin au centre, bru- nâtre à la périphérie. Cette tache se transforme, soit partiel- lement, soit totalement, en « vernis noir », selon la durée de la survie (dix-huit à vingt-quatre heures). Les lésions que 1 on observe à l’autopsie des animaux tués par la toxine Preisz-Nocard consistent, avant tout : /ocalement, dans un œdème sous-cutané d'ordinaire rosé, assez souvent hémorrhagique (gelée de groseille) — au loin, dans une con- gestion très intense et habiluellement hémorrhagique des organes abdominaux, surtout de l'estomac (lilas ou « truffé »), du gros intestin (presque toujours lie de vin) et des reins (par- fois complètement noirs). Ces altérations, qui ne comportent ni congestion des surrénales ni épanchement intrathoracique, contribuent à différencier totalement la toxine Preisz-Nocard de la toxine diphtérique. Doses NON MORTELLES (entre 0,2 et 0,1 cent. cube). — En commençant ce chapitre, nous avons résumé l'évolution des accidents qu'elles déterminent; il suffira donc d’ajouter quel- ques détails. La première période est caractérisée par un em- pètement (allant du volume d’une amande à celui d’une noix), avec humidité et teinte violacée (plus ou moins pure) des téguments. Cette maculature (répondant environ, comme sur- face, à une pièce de 0 fr. 20) brunit, puis noircit et se trans- forme en une eschare sèche, brillante, couleur de jais, qui ne tarde point à se soulever sur ses bords et à se détacher de LES FACTEURS DE TOXICITÉ DES BACTÉRIES 89 la périphérie au centre. On aperçoit, alors, l’ulcus sous-jacent, tapissé d'un mince exsudat jaunâtre ; uleus bientôt détergé. Le bourgeonnement se fait activement, l’infiltration hypoder- mique, qui avait peu à peu rétrocédé, disparaît et la cicatri- sation est vite accomplie. [Les doses limites de toxine ne déterminent qu'un empâte- ment minime et fugace, avec croûtelles ambrées puis éro- sions transitoires des téguments.] BACILLE ATOXIQUE (CHAMPION). Nous étudierons, successivement, l’action des germes vivants et l’action des germes tués par l’alcool-éther. GERMES VIVANTS. La rapide rétrocession de l'infiltrat hypodermique, même après injection de masses considérables, démontre l’avirulence complète des bacilles du type Champion (un milliardième de centigramme de l'échantillon Panisset infecte encore le cobaye sous la peau!); jointe à l'absence de lésions tégumentaires et de phénomènes généraux, elle établit péremptoirement leur atoxicité (au sens : toxine neutralisable par le sérum spéci- fique). Avec 1 centigr., on n'observe pour ainsi dire pas de modi- fications locales. Avec 5-10 centigr., l'empâtement (seul symp- tôme réactionnel) oscille entre le volume d’une amande et celui d’une noix; il commence à diminuer, en s’indurant, après quarante-huit heures et, vers le neuvième-dixième Jour, on n’en trouve plus de trace. Il faut arriver à 30 centigr. pour obtenir des infiltrations du volume d'un œuf de pigeon; elles n'offrent point une évolution bien longue, mais se compliquent volontiers d'infections (pseudo-pneumocoque et pasteurella), ce que l’on conçoit sans peine, étant donnée la quantité vrai- ment exagérée de germes administrés. Les bacilles Preisz-Nocard atoxiques sont donc mieux ré- sorbés que les bacilles diphtériques atoxiques (type Brienne B) ; évidemment, parce que leur substance fondamentale offre une plus grande décoagulabilité. On ne conservera aucun doute à 90 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR cet égard après l'étude des injections intraveineuses (infra) et même, immédiatement, quand on aura lu ce qui va suivre. GERMES TUÉS PAR L’ALCOOL-ÉTHER. Les doses de 1-2 centigr. (poids sec, équivalant à 5-10 centigr. de microbes frais) réalisent absolument le type D, dû aux bacilles diphtériques atoxiques (voir notre mémoire précédent), avec sa double terminaison possible, par résolution lente ou par élimination du bourbillon sous-cutané. La coagulation des microbes de Preisz-Nocard ramène donc leur substance fonda- mentale au niveau de celle des microbes de Lüffler. BACILLE TOXIQUE (PANISSET). Nous envisagerons encore, successivement, l'action des germes vivants et celle des germes tués par l’alcool-éther; mais en commencant, cette fois-ci, par les derniers, chez les- quels le facteur-virulence n'intervient pas. GERMES TUÉS PAR L'ALCOOL-ÉTHER. Doses mMorTELLES (3 à 2 centigr., poids sec — 15 à 10 centigr. de microbes frais). — La mort survient en douze-vingt- quatre heures; les symptômes et lésions sont sensiblement les mêmes qu'avec la toxine soluble. Doses NON MorTELLES (1 centigr. à 0 centigr. 5 — 5 à 2,5 centigr. de microbes frais). — L'évolution étant ici moins brutale, on ne s'étonnera point de voir apparaître certaines différences réactionnelles, conséquence obligée des différences qui sépa- rent la « toxine liquide » des « microbes alcool-éther ». Ceux-ci apportent, avec eux, un poison coagulé (d’ailleurs intracellulaire) et une substance fondamentale coagulée, elle aussi, mais non négligeable, comme nous l’a montré l'étude du bacille atoxique tué par l’alcool-éther. Il n'en faut pas davan- lage pour rendre compte des phénomènes observés, que nous allons brièvement résumer (en les commentant encore plus brièvement). À la première période, l'eschare est moins humide qu'avec LES FACTEURS DE TOXICITÉ DES BACTÉRIES 97 la toxine soluble (libération progressive du poison intracellu- laire et coagulé); mais, par contre, l’empâtement s'exagère (effet de la substance fondamentale). A la période d'eschare sèche, Vempätement continue à s'étendre et devient mème parfois considérable, tout en restant mou; d'où une assez grande prédisposition aux 2nfections surajoutées. L’eschare, moins sèche et moins noire qu'avec la toxine soluble (conséquence du fort œdème sous-jacent), peut ètre comparée, comme consistance et coloration, à du varech séché au soleil. A la période de réparalion, l'empàtement diminue progressi- vement et s’indure ; l'eschare tombe, entraînant la majeure partie d'un bourbillon jaunâtre, dont le reste se retrouve à la surface de l’ulcus qu'elle recouvrait (on notera l’analogie avec le type B, décrit dans notre mémoire sur les bacilles diphtériques); cet ulcus demeure croûteux jusqu'à son entière cicatrisation. L'évolution n'est pas beaucoup plus longue que dans le cas de la toxine soluble, car tout se termine au bout de quinze jours environ. Les doses inférieures à 5 milligrammes déterminent des lésions de plus en plus réduites; finalement (injection d'un décimilligr.) : léger infiltrat hypodermique, croûtelles et simples érosions.| GERMES VIVANTS. L'injection de germes vivants, à dose régulièrement décrois- sante, met en évidence un fait des plus curieux. Tant que la quantité de « poison vif » demeure suffisante pour entraîner la mort (rapide), tout se passe, grosso modo, comme si on avait injecté du poison soluble. Mais dès que l’on abaisse sensible- ment cette quantité, on observe el la survie et une réduction très notable des lésions toxiques (c'est-à-dire « toxiniques ») locales — au profit de l'infection, qui se développe graduelle- ment et sûrement. Il existe donc là une coupure, dont nous allons indiquer la raison. Quand on introduit, sous la peau, une masse suffisante de microbes (masse correspondant à la dose mortelle), la toxine contenue dans les indi- 92 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR vidus déjà morts {qui représentent certainement la majorité au sein des cultures de plus de vingt-quatre heures) ou dans les individus peu résistants (et vite détruits) provoque un afflux de substances bactéricides qui décoagu- lent, à leur tour, un certain nombre de germes moins fragiles. Il s'ensuit la libération rapide de nouvelles masses de toxine, un nouvel afflux de sub- stances bactéricides..…. et ainsi de suite, jusqu'à ce que la quantité de poison résorbée amène la mort de l'animal. Au contraire, quand on introduit, sous la peau, une masse insuffisante de microbes (masse inférieure à la dose mortelle), il n’y a plus le quantum de toxine immédiatement libre (ou libérable) nécessaire à amorcer des décoa- gulations étendues. La proportion de germes détruits demeure trop restreinte pour déterminer une lésion locale marquée et aussi, bien entendu, pour enrayer (par afflux de substances bactéricides) la marche de l'infection. Celle- ci se développe donc avec régularité; les microbes continuent à fournir de la toxine, mais isolément et successivement et non plus collectivement et brutalement. La preuve qu'ils continuent à en fournir, bien que « sous un autre régime », c'est qu'ils provoquent des lésions rebelles et que le sérum de chevaux atteints de semblables lésions (nous n'avons pas éludié celui des cobayes, mais tout démontre qu'il se comporterait comme celui des chevaux) manifeste, ainsi qu'on le verra, un pouvoir antitoxique très accentué. Ceci posé, mentionnons que le bacille Panisset tue, à 1! centigr., en vingt-quatre heures; si l’on force les doses, on peut produire la mort en douze heures; si on les diminue, en un Jour et demi à deux jours. La coupure se manifeste aux environs de 1 milligr. [Les différents germes vivants, étudiés par nous au point de vue de leur toxicité, se sont montrés très inégalement actifs. Certains pouvaient supporter la comparaison avec le Panisset, d’autres lui demeuraient inférieurs, voire très inférieurs. — Nous avons omis de dire qu'il en va de même pour ces divers germes, tués par l’alcool-éther. | Doses morrezces (0,1 centigr. à 10 centigr. et plus). — On n'observe pas, pratiquement, de différences sensibles entre les effets de la toxine soluble et ceux des microbes vivants, lorsqu'on injecte un excès notable de ceux-ci; mais, à mesure qu'on descend vers la dose mortelle minima, les lésions locales se montrent (ainsi qu'il fallait s’y attendre) intermédiaires à celles que détermine le poison soluble et à celles que provo- quent les microbes alcool-éther (doses subléthales). Doses NoN morrezces. — L'intoxication tégumentaire se traduit uniquement ici par une petite tache violacée, dont le développement reste progressif et qui se transforme en une LES FACTEURS DE TOXICITÉ DES BACTÉRIES 93 eschare noirâtre. Celle-ci tombeet découvre un uleus peu étendu, à fond jaune et sec. Au contraire, l'empätementaugmente régu- lièrement depuis le début et peut devenir considérable. Ilestrare que l’ulcus évolue franchement vers la cicatrisation. On voit, dans la règle, le fond se remplir de pus (riche en bacilles Preisz-Nocard) et les bords se tuméfier et prendre une teinte rose, animée. Souvent, ces bords, festonnés, représen- tent une couronne de petits nodules infectieux; d’autres nodules, satellites, apparaissent habituellement autour de l’ulcus; et tous forment bientôt autant de pelits abcès, remplis de germes spécifiques. La réaction ganglionnaire ne tarde point à se manifester (tuméfaction des glandes inguinales, avec ou sans corde lymphangitique) et l’on se trouve en présence de l'infection type, dont la description sortirait entièrement de notre sujet. ACTION DU SÉRUM CARRÉ SUR LA TOXINE ET iES BACILLES. (Mentionnons, pour n'y plus revenir, que /e sérum Carré ne manifeste aucun pouvoir antivirulent; 1 cent. cube se montre, en effet, totalement incapable de neutraliser par mélange (une demi-heure de contact — température ordinaire) 0,01 centigr. de l'échantillon Panisset.! Nous avons fait agir le sérum Carré sur la toxine, les bacilles atoxiques et les bacilles toxiques, simultanément (à distance), par mélange et préventivement. SÉRUM A DISTANCE (dans les muscles gastrocnémiens). ACTION SUR LA TOiNe. — 2 cent. cubes de sérum empêchent la mort par 2 cent. cubes de toxine, mais les animaux offrent une petite eschare locale. Il suffit abaisser quelque peu la dose de poison, pour que la nécrose fasse défaut. Comme dans le cas de la toxine diphtérique, le sérum apparaît moins actif vis-à-vis du facteur-escharificalion que vis-à-vis du facteur- intoricalion générale. ACTION SUR LES BACILLES ATOXIQUES (b. vivants ou b. alcool- éther). — Elle demeure absolument nulle. ‘ 94 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR ACTION SUR LES BACILLES TOXIQUES. — D. alcool-éther. 2 cent. cubes de sérum empêchent la mort par 2 centigr. de microbes alcool-éther (— 10 centigr. de microbes frais), mais les cobayes présentent, habituellement, une légère mortification des tégu- ments. — B. vivants. 2 cent. cubes de sérum empêchent la mort (rapide) par intoxication, quand on injecte 2 centigr. de germes vivants et l’eschare locale reste minime; bien entendu, l'infection ultérieure n’est nullement influencée. Tout se passe comme si l’on avait administré une dose non mortelle (4 milligr. et moins); le sérum opère, ici, la coupure dont nous avons parlé plus haut. — Au regard des bacilles toxiques, ainsi qu’au regard du poison soluble, le sérum se montre donc moins actif sur la lésion locale que sur l’empoisonnement de l'organisme. SÉRUM PAR MÉLANGE (une demi-heure de contact. ACTION SUR LA TOXINE. — 2 cent. cubes de sérum neutralisent complètement 2 cent. cubes de toxine. — Le chauffage du poison détermine les mêmes effets que le sérum. ACTION SUR LES BACILLES ATOXIQUES (b. vivants ou b. alcool- éther).— Le sérum, mélangé à ces microbes, exagère volontiers l’empâtement réactionnel, surtout au début; d'où une certaine fréquence des infections secondaires. ACTION SUR LES BACILLES TOXIQUES. — À. alcool-éther. 1 cent. cube de sérum neutralise complètement 2 centigr. de microbes alcool-éther. — 8. vivants. 2 cent. cubes de sérum empèchent et la mort (rapide) et l’eschare locale, quand on les ajoute à 2 centigr. de germes vivants; mais ils ne sauraient conjurer, naturellement, l'infection subséquente. Le mélange du sérum aux bacilles toxiques (b. vivants ou b. alcool-éther) favorise, dans un certain nombre de cas, l'apparition d'infections sura- Joutées, en exagérant l’œdème initial — Le chauffage des microbes loxiques les rend totalement inoffensifs, comme fait le sérum. Il n’est pas étonnant que le sérum, administré par mélange, se révèle plus actif que le sérum injecté au loin. — Quant à la méthode préventive, dont nous allons parler, elle tient le milieu LES FACTEURS DE TOXICITÉ DES BACTÉRIES 95 entre les deux autres. Nous ne l’avons point employée dans nos recherches sur les bacilles de Lôffler, parce que l’action de la toxine diphtérique, toujours lente, se trouve aisément entravée par l'administration simultanée du sérum — elle s’imposait, au contraire, 1C1 puisque nous avons affaire à un poison très rapide dans ses effets et que l’antitoxine, injectée au loin, ne « rattrappe » généralement pas assez tôt. La méthode préven- tive offre donc, sur la méthode simultanée, l'avantage d’une efficacité plus grande; elle offre, sur les mélanges, l'avantage d'éviter toute infection secondaire (liée à l’exagération de l’empâtement local) : d'où son usage exclusif dans le toxino- diagnostic (voir plus loin. SÉRUM PRÉVENTIF (la veille, dans les muscles gastrocnémiens). ACTION SUR LA TOXINE. — 1 cent. cube de sérum empêche la mort par 2 cent. cubes de poison, mais les animaux offrent une petite eschare locale. Celle-ci cesse d’ailleurs de se manifester dès qu’on diminue légèrement la dose toxique. ACTION SUR LES BACILLES ATOXIQUES (b. vivants ou b. alcool- éther). — Nulle. ACTION SUR LES BACILLES TOXIQUES. — P. alcool-éther. 2 cent. cubes de sérum neutralisent complètement les effets de 2 centigr. de microbes alcool-éther. — P. vivants. 2 cent. cubes de sérum empêchent la mort (rapide) et l'eschare locale, quand on injecte . 2 centigr. de germes vivants; sans influer, bien entendu, sur l'infection ultérieure. | Le sérum équin normal et le sérum antidiphtérique ne mani- festent Jamais la moindre action sur la toxine, les bacilles aloxiques ou les bacilles toxiques.| L'étude des injections sous-cutanées du poison et des bacilles (toxiques ou non) soit seuls, soit combinés avec le sérum (admi- nistré préventivement, par mélange ou à distance), répond déjà, dans une large mesure, aux deux questions posées en débutant. L'identité de la foxine des microbes et de celle des filtrats 96 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR ne saurait être contestée, car le sérum Carré neutralise pareil- lement l’une et l’autre. Quant à la substance fondamentale, nous connaissons maintenant ses effets locaux (empâtement sous-cutané), que le sérum exagère volontiers quand on emploie la méthode des mélanges. La toxine Preiez-Nocard diffère profondément de la toxine diphtérique par la rapidité de son action, par la nature des lésions qu'elle détermine (sur place et au loin) et par l'absence de paralysies tardives. Elle n'est pas plus justiciable du sérum antidiphtérique que le poison des bacilles de Lôffler ne l’est du sérum Carré. La substance fondamentale des microbes Preisz- Nocard diffère de celle des bacilles diphtériques par sa plus grande décoagulabilité; aussi n'engendre-t-elle de bourbillon sous-cutané que si on la ramène au niveau de la substance fondamentale des microbes de Lôffler, en la coagulant par l'alcool-éther. ACTION DU SÉRUM DES CHEVAUX CHRONIQUEMENT INFECTÉS SUR LA TOXINE ET LES BACILLES. L'un de nous (Forgeot); possédant au lazaret de l'École Mili- taire deux chevaux atteints de lymphangite de Nocard, a pro- posé de comparer le sérum de ces animaux avec le sérum Carré. L'identité était complète : absence de pouvoir anti- virulent{, présence d’un pouvoir antitoxique très marqué. Nous avons alors prié M. Cesari de recueillir fous les sérums de chevaux sacritiés à l'abattoir Brancion et porteurs de lymphangite ou d'abcès rénaux, d'origine Preisz-Nocard. Voici comment les expériences ont été combinées. M. Cesari nous envoyait à la fois deux tubes étiquetés À et B, sans rien spécifier. Tantôt il s'agissait de deux sérums équins normaux, tantôt de deux sérums Preisz-Nocard, tantôt d’un sérum normal et d’un sérum Preisz-Nocard. Nous injections 2 cent. cubes de chaque sérum dans les muscles des cobayes et, le lendemain, 2 centigr. de bacilles toxiques alcool-éther sous la peau de ces animaux et d'un témoin. Les témoins et les « sujets sérum normal » ont toujours succombé très rapidement; les « sujets Preisz-Nocard » ont {oujours résisté, sans lésion locale ou avec une eschare minime. M. Cesari isolait, de son côté, les bacilles Preisz- LES FACTEURS DE TOXICITÉ DES BACTÉRIES 97 1 Nocard à l'autopsie des sujets dont il nous avait envoyé le sérum, et ces germes étaient rigoureusement identifiés. Nous sommes donc en présence d'une propriété antitoxique qui paraît constante chez les chevaux chroniquement atteints et grâce à laquelle le diagnostic des lésions latentes (abcès rénaux) pourra ètre aisément réalisé intra vitam. Il serait inté- ressant d'étudier, au mème point de vue, le sérum des cobayes inoculés et, avant tout, celui des moutons alteints de l’infec- tion naturelle. Inutile d'insister sur l'importance théorique et pratique des faits qui précèdent. Ws établissent l'existence inattendue d’un pouvoir antitoxique notable au cours d'une affection micro- bienne chronique ; ils conduisent, corrélativement, à une méthode de diagnostic non moins inattendue, le ’oxino- diagnostic (ou antitoxino-diagnostic, si l'on préfère), dont les applications pourraient bien dépasser l'histoire des maladies Preisz-Nocard. (Mentionnons, en terminant, que le sérum des chevaux chro- niquement infectés se montre parfois plus actif que le sérum Carré, soit sur le poison soluble, soit sur les bacilles loxiques. | ÉTUDE DES INJECTIONS INTRAVEINEUSES ToxINE SOLUBLE. Pour tuer sûrement les animaux, il faut atteindre le volume de 1 cent. cube. Au-dessous (jusqu'à 0,1 cent. cube), on déter- mine une émaciation transitoire, parfois assez marquée mais sans accidents consécutifs. Le passage de la dose mortelle à la dose pratiquement inoffensive se fait donc assez brusquement. 4 cent. cube amène la mort en vingt-quatre-trente-six heures (altération progressive de l’état général); 2 cent. cubes, dans la nuit (apathie, troubles respiratoires, sensibilité et ballon- nement du ventre); 3-4 cent. cubes, en quelques heures (coma à marche rapide, accompagné de phénomènes abdominaux et de dyspnée croissante); 5 cent. cubes, en une heure et moins ‘embarras respiratoire et convulsions). Quand la terminaison n'est pas trop précoce, Les lésions viscérales restent les mêmes 98 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR que lors de l'injection sous-cutanée ; autrement, tout se borne à une congestion banale des organes de l'abdomen. Qu'on l’introduise par la voie intraveineuse ou par la voie hypodermique, la toxine Preisz-Nocard apparaît donc toujours radicalement différente, quant à ses effets,'de la toxine diphté- rique. BACILLE ATOXIQUE (CHAMPION). GERMEs vivanrs.— Lescobayes ensupportentjusqu'à 10centigr. sans aucun accident immédiat ni tardif (on note, éventuelle- ment, une légère émacialion transitoire). Avec 15 centigr., apparaît le /ype mortel lent, décrit dans notre précédent mémoire, avec 25 centigr., le {ype rapide. Les bacilles Preisz- Nocard atoxiques font périr les animaux sous une masse plus faible que les bacilles diphtériques atoxiques, ce qui tient à la plus grande décoagulabilité de leur substance fondamentale, particularité déjà observée lors des injections sous-cutanées. Voilà donc un caractère différentiel simple, nouveau et assez inattendu, qui permetira de reconnaître aisément les types aloxiques du groupe Preisz-Nocard et du groupe Lôffler. GERMES TUÉS PAR L’ALCOOL-ÉTHER. — 15 centigr. de bacilles frais, traités par l’alcool-éther puis desséchés, fournissent 3 centigr. d'une poudre dont l’'émulsion ne produit aucun effet nuisible quand on l'injecte dans les veines. Cette disparition de Ia toxi- cité était certaine d'avance, puisque l’alcool-éther coagule la substance fondamentale des germes en jeu. BACILLE TOXIQUE (PANISSET). GERMES vivanrs. — Pour tuer par empoisonnement (rapide), il faut atteindre 1 centigr.; au-dessous, les sujets n'offrent jamais de symptômes toxiques (ils s'infectent d’ailleurs, sans exception, même avec 0 centigr. 061). Nous retrouvons, encore plus schématique, la coupure dont il a été parlé lors des injec- lions hypodermiques, ce qui nous permettra d'établir les deux divisions suivantes. Intoxication. — 1-2 centigr. amènent la mort dans la nuit; > cenligr.. en quelques heures; 10 centigr., en une heure et moins. Ces effets sont dus à la seule toxine, puisque 10 centigr. de substance fondamentale n'offrent, pratiquement, aucune LES FACTEURS DE TOXICITÉ DES BACTÉRIES 99 nocuité. Au-dessus de 10 centigr., par contre, cette substance entre en jeu et l'on comprend facilement queles cobayes puissent succomber très vite. [Parmi nos échantillons de bacilles toxiques, certains se sont montrés aussi actifs que le Panisset ; les autres s’en éloignaient plus ou moins, parfois beaucoup] Infection. — La mort survient après cinq-dix Jours (pour des doses de 0 centigr. 01 à 0 centigr. 001). Voici, en deux mots, ce que l’on observe. Tout d’abord, rien d’anormal, sinon une baisse de poids progressive. Vers le 3° jour seulement, apparaît l’éruption caractéristique, sur les bords de la plaie opéraloire (région cervicale), puis dans ses environs immédiats. Les pustules éclosent, ensuite, au niveau du scrotum, des oreilles, du nez, des lèvres, de la conjonctive..., où elles deviennent de plus en plus abondantes et volumineuses. Quand la survie le permet, se manifestent du gonflement des mains et des pieds, de la kératite (souvent suivie de fonte suraiguë de l'œil) et de vrais abcès cutanéo-sous-cutanés (scrotum, oreilles, nez...). A l’autopsie : granulomes du foie, de la rate, des poumons, du musculus testis et du corps adipeux, de l’albuginée (testicule et épididyme), du péritoine pariélal..….. et, lorsque la mort n’est pas trop rapide : gros nodules caséo-purulents du musculus Lestis, de l’albuginée… GERMES TUÉS PAR L'ALCOOL-ÉTHER. — Mentionnons simplement quelques chiffres : 0 centigr. 5 (— 2 centigr. 5 de microbes frais) tuent en vingt-quatre heures; 1-2 centigr. (— 5-10), dans la nuit; 3 centigr. (— 15), en six-douze heures. Mèmes symptômes et lésions qu'avec la toxine soluble et les bacilles vivants; différences d'activité, parfois très notables, entre le Panisset pris comme type et les autres échantillons étudiés. ACTION DU SÉRUM CARRÉ SUR LA TOXINE ET LES BACILLES. L'injection de sérum simultanément et à distance était encore plus contre-indiquée ici que dans nos études sur les bacilles diphtériques, en raison de l’action particulièrement rapide de la toxine Preisz-Nocard ; aussi l’avons-nous laissée volontaire- ment de côté.|! 100 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR ToxiNE SOLUBLE. — Préventivement. 2 cent. cubes de sérum empêchent la mort par 1 cent. cube de toxine.— Par mélange. | cent. cube neutralise aisément 1 cent. cube de poison. BaciLLes ATOxIQUES. — |Préventivement et par mélange.] Action nulle sur les microbes vivants et les microbes alcool- éther. Nous ne retrouvons donc pas, même avec les germes vivants, l'hypersensibilité passiveobservée lors de nos recherches sur les bacilles de Lôffler. À quoi attribuer cette différence? Certainement, à l'absence d’un pouvoir albuminolytique suffi- sant du sérum Carré; certainement, aussi, à la nalure des microbes étudiés. La grande décoagulabilité des bacilles Preisz- Nocard les rend mortels pour des doses plus faibles que celles employées dans nos expériences sur les bacilles diphtériques. D'où moins de latitude dans la recherche de l’hypersensibilité. Moins de latitude, encore, avec les bacilles toxiques, chez les- quels le poison spécifique tue déjà rapidement par lui-même quand on arrive à 10 centigr. [Nous verrons bientôt que l'Aypersensibilité active peut être obtenue sous certaines con- ditions. | BAGILLES TOxIQuEs. — B. vivants. 5 cent. cubes de sérum préventivement el 2 cent. cubes par mélange empèchent la mort rapide, quand on injecte 5 centigr. de germes vivants; bien entendu, l'infection ultérieure survient fatalement. — B.alcool- éther. 3 cent. cubes de sérum préventivement et 2 cent. cubes par mélange neutralisent l'effet de 2 centigr. [Mentionnons l'inefficacité absolue du sérum antidiphtérique el du sérum équin normal et indiquons que le sérum des chevaux chroniquement infectés se montre souvent au moins aussi actif que le sérum Carré. Pour démontrer l'existence de l’hypersensibililé active, nous avons traité, parallèlement, deux séries de cobayes par des injections répétées de germes Ponisset et Champion, chauffés une demi-heure à 55 degrés (on injectait, chaque fois, 5 centigr. de microbes dans les muscles) — puis, nous avons éprouvé ces animaux dans les veines, suivant le mode direct ou croisé, avec 10-15 centigr. de microbes homologues ou hétérologues, également chauftés une demi-heure à 55 degrés. Tandis que les témoins ont toujours parfaite- ment résisté à l'administration des bacilles ainsi modifiés, les sujets traités périssaient rapidement, en présentant les phénomènes habituels, suffisam- ment décrits dans notre travail antérieur pour qu'il soit inutile d'y revenir ici. RS der éd dde dd 2 0 LES FACTEURS DE TOXICITÉ DES BACTÉRIES 101 Justiftions les conditions expérimentales choisies par nous. Pour la prépa- ration des « cobayes Panisset », il était indispensable d'éliminer le facteur- virulence ; d’où le chauffage des germes (lequel éliminait, en même temps, le facteur-toxicité) ; ce chauffage s'imposait donc, ipso facto, dans le traitement des « cobayes-Champion ». Pour l'épreuve, il valait mieux, {héoriquement. employer les antigènes qui avaient servi à la préparation des animaux; pra- tiquement aussi, car ils donnent plus de marge que les microbes vivants. Ceci posé, nous ne devons point dissimuler que les bacilles Preisz-Nocard, comme l'établissent des expériences répétées entreprises sur le sujet — expériences dont le détail n'offrirait aucun intérêt — hypersensibilisent moins facilement les cobayes que ne font les bacilles de Lôffler. Nouveau caractère différentiel entre ces deux groupes de microorganismes. L'étude des injections intraveineuses confirme donc l'identité de la toxine des microbes et de celle des filtrats. Elle complète, d'autre part, l'histoire de la substance fondamentale, en prou- vant que celle-ci peut déterminer la mort quand elle pénètre, à dose suffisante, dans le système sanguin. Ici encore et d'une manière plus frappante, la toxine Preisz- Nocard se montre tout à fait différente de la toxine diphtérique par la rapidité de son action, la nature des lésions qu'elle engendre et l'absence de complications tardives — ici encore, la subslance fondamentale apparaît différente de celle des bacilles de Lôffler par sa plus grande décoagulabilité, que le traitement à l’alcool-éther permet de faire rétrocéder. CONCLUSIONS Parmi les facteurs de toxicité des bacilles Preisz-Nocard, V'un, constant, est représenté par la substance fondamentale ; V'autre, inconstant, par la toxine soluble. La substance fondamentale ne détermine qu'un simple empà- tement local quand on l’introduit sous la peau, mais elle peut tuer aisément les animaux lorsqu'on emploie la voie intra- veineuse. La toxine soluble se caractérise, avant tout, par la rapidité et l'intensité de ses effets, quel que soit le mode d’admi- nistration choisi; le sérum spécifique (sérum Carré) et celui des chevaux atteints d'affections chroniques à microbes de Preisz- Nocard la neutralisent sans difficulté (tandis qu’ils demeurent inactifs sur le facteur-virulence). Toxine soluble et substance fondamentale diffèrent absolu- ment de celles des bacilles diphtériques. NOUVEAU PROCÉDÉ DE DIAGNOSTIC DES INFECTIONS A BACILLES DE PREISZ-NOCARD par P. FORGEOT et E. CESARI Dans le travail qui précède, l’un de nous a fait connaître, avec M. Nicolle et G. Loiseau, l’action inattendue du sérum des chevaux chroniquement infectés sur la toxine des bacilles de Preisz-Nocard et indiqué de quelle manière, à la fois simple et sûre, il était possible de démontrer cette action. Il nous à paru intéressant de rapporter brièvement les docu- ments qui ont servi à établir l'existence de cette curieuse pro- priété des sérums. Ce sont : d'une part, les observations (très résumées) de deux juments étudiées à l'École Militaire, obser- vations dues à l'obligeance de notre camarade M. le vétérinaire en second Larieux; d'autre part, les protocoles d'expériences faites avec le sérum de onze chevaux de l’abattoir Brancion. Le sérum des juments de l'École Militaire a été étudié en connaissance de cause, c'est-à-dire après établissement du diagnostic clinique et bactériologique. Pour le sérum des chevaux de l’abattoir Brancion, au contraire, celui qui procé- dait à l'examen ignorait le diagnostic clinique (ou anatomo- pathologique) et bactériologique, ainsi qu'il a été mentionné dans le travail ci-dessus. Il recevait tantôt des sérums normaux, tantôt des « sérums Preisz-Nocard », tantôt les deux, sans indication aucune d'origine. Dansles protocoles qui suivent, les sérums normaux figurent comme témoins et non comme « pièges », pour la clarté de l'exposition. Rappelons, en quelques mots, la {echnique employée. Le sérum à examiner est injecté, à la dose de 2 centimètres cubes, dans les muscles gastrocné- miens d’un cobaye (animal de 500-600 grammes). Le lendemain, ce cobaye, ainsi qu'un témoin, reçoit, par la voie sous-cutanée, 2 centigrammes de bacilles Preisz-Nocard toxiques, tués par l’alcool-éther (et desséchés dans le vide sulfurique). Le témoin succombe toujours très rapidement, tandis que le sujet « sérum Preisz-Nocard » résiste toujours, sans lésion locale ou avec une eschare minime. Un cobaye « sérum équin normal » se comporte cons- tamment comme un témoin.— Le sérum à examiner peut être injecté, si l’on DIAGNOSTIC DES INFECTIONS A BACILLES DE PREISZ-NOCARD 103 veut, à deux animaux, comme nous l'avons fait assez souvent au début, mais il nous semble maintenant inutile d'employer plus d’un cobaye (c'est-à-dire «eux, avec le témoin). ANIMAUX DE L'EcorE MiLiTaIrE. Ces deux juments ont pu être observées au lazaret, grâce à l'intervention de M. le vétérinaire principal Sandrin, qui les y avait fait venir et que nous sommes heureux de remercier 1C1. Jument Cocotte, huit ans. — Entrée à deux reprises à l'infirmerie, en 1907, pour lymphangite du membre postérieur gauche. Passée aux indisponibles, à deux reprises, en 1907; à deux reprises, en 1908 ; une fois, en 1910. Réformée en 1911. Le diagnostic bactériologique et le prélèvement du sérum ont été faits en novembre 1910. . Le sérum a servi à de /rès nombreuses expériences; en voici deux, prises au hasard (avec témoins). Cobaye I. (Sérum Cocotte). Eschare minime. Cobaye IT. (Sérum Cocotte). Mème résultat. Cobaye III. (Sérum équin normal). Eschare étendue, mort en moins de vingt-quatre heures. Congestion des viscères abdominaux Cobaye IV. (Sérum équin normal). Eschare étendue, mort en un jour. -Congestion des viscères abdominaux. Cobaye V. (Pas de sérum). Mème résultat que pour le cobaye IV. Jument Déconsidération, sept ans. — Entrée aux indisponibles, deux fois, -en 1910, pour traumatisme du membre postérieur droit; entrée ensuite à l'infirmerie, la même année, pour lymphangite de ce membre. Réformée en 1911. Examen bactériologique et prélèvement du sérum en novembre 1910. Expériences très nombreuses, ici encore, avec le sérum. En voici deux, entre autres. Cobaye I. (Sérum Déconsidération). Eschare minime. Cobaye IT. (Sérum Déconsidération). OEdème transitoire. Cobaye III. (Sérum équin normal). Eschare étendue, mort en vingt-quatre heures. Congestion des viscères abdominaux. Cobaye IV. (Sérum équin normal). Même résultat que pour le cobaye III. Cobaye V. (Pas de sérum). Encore le même résultat. ANIMAUX DE L'ABATTOIR BRANCION. [Le diagnostic bactériologique a toujours élé pratiqué concurremment avec l’'élude des sérums.] Cheval A. (Abcès du rein). Cobaye I. (Sérum A). OEdème transitoire. Cobaye II. (Sérum A). Même résulta” Tue pour le cobaye I. 104 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Cobaye IIT. (Pas de sérum). Eschare étendue, mort en un jour et demi. Congeslion gastrique. Cheval B. (Lymphangite). Cobaye I. (Sérum B). Eschare minime. Cobaye IT. (Sérum B). Eschare peu étendue. Cobaye IIT. (Sérum équin normal). Eschare étendue, mort en deux jours et demi. Congestion du gros intestin. Cobaye IV. (Sérum équin normal). Eschare moyenne, mort en un jour. Congestion des viscères abdominaux. Congestion hémorrhagique de l'estomac. Cobaye V. (Pas de sérum). Eschare étendue, mort en trois jours. Conges- tion des viscères abdominaux. Cheval C. (Abcès du rein). Cobaye I. (Sérum C). Eschare minime. Cobaye IT. (Sérum C). OEdème transitoire. Cobaye IIL. (Pas de sérum). Eschare peu étendue, mort en un jour. Con- gestion gastrique. Cheval D. (Lymphangite). Cobaye I. (Sérum D). OEdème transitoire. Cobaye IT. (Sérum Dj). Eschare minime. Cobaye III. (Pas de sérum). Eschare peu élendue, mort en moins de vingt- quatre heures. Congestion violente et hémorrhagique de l'estomac; conges- tion des viscères. Cheval E. (Abcès du rein). Cobaye I. (Sérum E). Eschare minime. Cobaye II. (Pas de sérum). Eschare moyenne, mort en un jour et demi. Congestion des viscères abdominaux. Chevaux F et G. (Abcès du rein). Cobaye I. (Sérum F). OEdème transitoire. Cobaye IT. (Sérum G). Eschare minime. Cobaye III. (Sérum équin normal). Eschare étendue, mort en un jour. Congestion des viscères abdominaux. Cobaye IV. (Pas de sérum). Eschare étendue, mort dans la nuit. Conges- tion violente des viscères ; congestion hémorrhagique de l'estomac. Cheval H. (Abcès du rein). Cobaye I. (Sérum H). OEdème transitoire. Cobaye II. (Pas de sérum). Eschare étendue, mort en moins de vingt- quatre heures. Congestion hémorrhagique de l'estomac. Cheval I. (Abcès du rein). Cobaye I. (Sérum I). Eschare minime. Cobaye IT. (Sérum équin normal). Eschare moyenne, mort en un jour el demi. Congestion violente de l'intestin et de l'estomac. Cobaye IIT. (Pas de sérum). Eschare étendue, mort en un jour. Congestion de l'estomac. DIAGNOSTIC DES INFECTIONS A BACILLES DE PREISZ NOCARD 105 Chevaux J et K. (Abcès du rein). Cobaye [!. (Sérum J). Eschare minime. Cobaye IT. (Sérum K). OEdème transitoire. Cobaye IT (Pas de sérum). Eschare étendue, mort en un jour et demi. Congestion violente de l'estomac. Il résulte de ce qui précède que le sérum de treize chevaux. alteints d'infections chroniques à bacilles de Preisz-Nocard et pris au hasard s'est montré suffisamment antitoxique pour conjurer la mort des cobayes traités par le poison homologue, administré sous la forme de microbes alcool-éther (unique- ment parce que c’est la plus pratique) et pour réduire à zéro, ou à peu de chose, la lésion locale. Sur ces treize chevaux, neuf n'étaient porteurs que de lésions latentes (abcès rénaux), insoupçonnables par les moyens d'investigation dont nous dis- posions jusqu'ici. Ce seul fait démontre et la nouveauté et l'importance du toxino-diagnostic. Il invite également à des recherches ultérieures, susceptibles de faire connaître : le moment où s'établit la propriété antitoxique du sérum, l'évolution de cette propriété et ses rapports quantitatifs avec l'âge et l'intensité de l'infection. EXPÉRIENCES SUR LA VIE SANS MICROBES par Micuez COHENDY Travail du laboratoire de M. le professeur Metchnikoff.) INTRODUCTION La vie sans microbes est-elle possible? Pasteur (1) dit à ce sujet : « Il y aurait grand intérêt à tenter l'expérience. L'œuf de la poule (s'y) prêterait sans difficulté sérieuse CL. Ainsi furent posées les bases de l’étude d'une question si intimement liée à l’œuvre qu'il venait de créer, la physiologie des microbes. Pour Metchnikoff, élucider ce problème biologique, c'était S'éclairer du même coup sur le rôle tenu envers nous par les microbes de notre tube digestif, microbes avec lesquels nous vivons en communauté constante. Il voulut savoir tout d’abord s’il existait dans la nature des êtres vivants ne portant normalement « en eux » aucune bac- térie. Ses recherches lui révélèrent l’asepsie totale de l'intestin du scorpion et des larves de plusieurs espèces de mites (Gal- leria, Tinea, elc.) (2). Portier (3), depuis lors, observa que parmi les chenilles de microlépidoptères, celles de Lithocol- letis, du Nepticulus du rosier sont toujours aseptiques. Parmi les helminthes, parasites de l’homme, nous avons trouvé quei- ques lombrics jeunes vides de microbes; d’autres, adultes, pro- venant soit de l’homme, soit du chien, bien que très pauvres en bactéries, en contenaient cependant de deux à quatre espèces. ) Comptes rendus de l'Académie des Sciences, 1885, t. C, p. 66. ) Les microbes intestinaux (revue). Bullelin de l'Institut Pasteur, L. I, n°17, 68. (3) Comples rendus de la Société de Biologie, 1905, I, avril, p. 605. (1 (2 2 p. EXPÉRIENCES SUR LA VIE SANS MICROBES 107 Weinberg et M"° Inga Sœves (1) n’ont rencontré qu'exception- nellement des microbes — encore étaient-ils isolés — dans les coupes du tricocéphale, de l'oxyure et de l'enkylostome de l'honime et du chimpanzé. be plus, Weinberg nous à commu- niqué que l'intestin de certains lézards en hibernation, observés en Tunisie par M. Romanovitch et lui, ne contenait que très peu ou pas de bactéries. Chez l’homme, qui devait nous servir de terme de compa- raison, nous avons complé 1#43.870.000 bactéries, d'espèces très variées, pour 1 milligramme de fèces (2); chez le chien, nous en avons trouvé un nombre presque égal, nombre environ quatre fois plus faible chez les grands fauves en ménagerie ainsi que chez le sanglier, mille fois moindre chez les oiseaux coureurs (casoar, tinamou); ce nombre est réduit à quelques milliers chez les oiseaux de proie (condor, aigle, faucon) et chez le cor- beau, à une centaine chez Ie perroquet adulte (Chkryzotis ama- sonica), — une des espèces microbiennes isolées de cet animal digérait la cellulose, — à quelques unités chez un jeune perro- quet de la même variété. Tout aussi rares sont les bactéries dans le tube digestif du caïman. Nous venons de voir que dans la nature le développement de certains invertébrés se passe du concours des bactéries; il ne paraît pas qu'il en soit de mème chez les vertébrés. S'il est vraisemblable que la richesse de la flore intestinale soit la même depuis l’origine de l'espèce animale, on admettra aisé- ment que la coexistence de l'individu et de sa flore ait établi entre eux une adaptation mutuelle parfaite sans laquelle la vie deviendrait impossible. C'est l'opinion de Ribbert (3); elle est comme celle de Pasteur (4), basée sur des conceptions théo- riques. Qu'en dit l'expérience? Maintes fois des recherches furent « tentées », mais non « sans difficulté sérieuse ». Nous avouons pour notre part qu'elles nous ont demandé 1) Comptes rendus de la Société de Biologie, 1906, t. LXI, Dée., p. 560. (2) Comptes rendus de la Société de Biologie, 1906, t. LX, p. 415. (3) Archiv für Anatomie und Physiologie, Physiologische Abtheilung, Supp. : 1908, p. 173. (4) Comptes rendus de l'Académie des Sciences, 1885, t. C. 108 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR plus de trois années de patience et que nous nous sommes souvent heurté à des obstacles déconcertants. Sur les invertébrés, deux essais d'élevage stérile ont été faits. Bogdanow (1}, après avoir désinfecié des œufs de mouche, les introduit dans des récipients contenant de la viande stérile; une fois, par exception, les larves stériles ainsi obtenues, s'étaient aussi bien développées que les larves normales, con- taminées. Il conclut de l’ensemble de son travail que pour se développer ces larves ont besoin de microbes. Wollman (2), dont nous avons pu apprécier la parfaite technique expéri- mentale, à fait, à son tour, vivre stérilement des larves de mouche (Lucia Cesar et Caliphora vomitoria). Il observe «que pendant les premiers jours de la vie, ses larves stériles se développent plus lentement que les lémoins contaminés ; plus tard les larves stériles atteignent le poids et la taille des larves adultes normales ». Il arrive finalement à des conclu- sions différentes de celles de Bogdanow et attribue les résultats défavorables obtenus par ce dernier à la stérilisation des milieux d'élevage faite à une température trop élevée. On le voit, ces derniers faits expérimentaux concordent avec ceux observés dans la nature. Ils permettent de conclure net- tement que certains invertébrés peuvent arriver à un dévelop- pement normal sans le concours des microbes. Le problème n'est pas résolu pour les vertébrés. Schottelius (3) a consacré plusieurs années à l'étude de cette question. Pour ses expériences, il a pris l’œuf de poule. Son installation comporte un grand laboratoire possédant une chambre de verre de 6 mètres cubes, à double porte, dans laquelle sont disposés les petits appareils d'élevage. Ceux-ci sont des caisses métalliques d'environ 10 décimètres cubes placées sur un réservoir à température constante réglable de l'extérieur, ouvertes sur une de leurs faces verticales. Devant cette ouverture est disposée une glace de verre, mobile, occupant environ les deux tiers inférieurs. Le tout est stérilisé d'abord par les vapeurs d’aldéhyde formique, celles-ci sont (1) Der Todaus Allerschwäche. Bonn, 1908, p. 33. (2) Annales de l'Instilut Pasteur, Janvier 1941, t. I, p. 79. (3) Archiv für Hygiene, 1899, t. XXXIV ; 1902, t. XLII; 4908, t. LXVII. EXPÉRIENCES SUR LA VIE SANS MICROBES 109 saturées par l’ammoniaque, ensuite on fait une deuxième stérilisation en brûlant du soufre précipité. L'opérateur, pourvu d'un vêtement en toile aseptisée laissant libre seulement le haut du visage, muni de gants et de chaussures en caoutchouc stérilisés, pénètre dans la chambre de verre le premier jour de l'expérience et dispose dans les petits appareils d'abord les aliments (millet et blanc d'œuf) et l’eau de boisson stérilisés par la chaleur, puis les œufs prêts à éclore, désinfectés. L'éclo- sion ayant eu lieu, portes et interstices du laboratoire et de la chambre de verre restent soigneusement clos pendant les pre- miers jours de l'expérience; vers le 10° jour, et suivant les besoins de l'expérience, on pénètre de nouveau dans le labora- toire et la chambre de verre avec les mêmes précautions que la première fois. L'expérience lerminée, le contrôle est fait par des ensemencements en gélaline. Nous avons pu suivre ces expériences dans tous leurs détails pendant un séjour de plusieurs mois fait au laboratoire du professeur Schottelius. Souvent répétées par lui, elles l'ont con- duit à formuler cette opinion que la vie est impossible sans les microbes. M®° Metchnikoff (1) a pensé que, parmi les vertébrés, les larves de Batraciens réunissaient les meilleures conditions pour l'élevage à l'abri des bactéries. Avec une grande habileté de technique, elle réussit à faire se développer stérilement toute une série de têtards de grenouille rousse. Mais ces tètards sont chétifs, « mal venus ». Dans la suite, M°*° Metchnikoff fait de nouvelles tentatives en variant les aliments; c’est en vain. Ses lètards, comme les poussins de Schotlelius, sont moins déve- loppés que les témoins contaminés ; ils deviennent cachectiques. Il en est de mème des têtards élevés par Moro (2). Nuttall et Thierfelder (3) tentèrent l'élevage stérile de petits cobayes retirés par l'opération césarienne de l’utérus maternel. Ces pelits animaux ont paru augmenter de poids normale- ment, mais de très grandes diflicultés techniques obligèrent ces savants à interrompre leurs expériences le 10° Jour; ce qui fit dire à Schottelius que l’augmentation de poids des cobayes (1) Annales de l'Institut Pasteur, 1901, p. 603. (2) Jahrbuch für Kinderheilkunde, 1905, t. IT, p. 467. (3) Zeitschrift für physiologische Chemie, 1895, t. XXI, p. 109. 110 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR était fictive et due en réalité au lait ingéré; ce lait coagulé, mais non digéré, ayant été retrouvé à l’autopsie accumulé dans le gros intestin. L'hypothèse, émise par Pasteur, concernant vraisemblable- ment les vertébrés seuls, paraît donc confirmée par les expé- riences que nous venons de citer. Cependant le fait contradic- toire présenté par Nuttall et Thierfelder, bien qu’insuffisamment établi, ainsi que la pauvreté microbienne de certains orga- nismes tels que celui du perroquet, du caiman, firent penser à Metchnikoff que le problème était loin d’être résolu ; c’est alors qu'il nous pria d'apporter notre contribution à ces études expé- rimentales de la vie aseptique chez les vertébrés. Nous avons choisi, comme Schottelius, l'œuf de la poule léqué par Pasteur. Nos expériences correspondent à deux périodes distinctes. Celles de la 1"* période, succinctes, sont des expériences d'essai ; elles ont été faites lors de notre séjour à l’Institut d'Hygiène de Fribourg-en-Brisgau, dans le laboratoire du professeur Schottelius; celles de la 2° ont été exécutées par la suite dans notre laboratoire. Après avoir été mis au courant très obligeamment par le professeur Schottelius et ses élèves des détails de leur instal- lation et des connaissances techniques d'élevage qu'ils avaient pu acquérir, nous avons pensé à adopter, pour les expériences que nous voulions entreprendre, un dispositif particulier. Les conditions d'existence imposées à l'animal étant de la sorte différentes, il devenait plus aisé de dégager la part qui revient à celles-ci dans les résultats obtenus. Pour ces essais à Fribourg, nous avons établi un appareil de fortune dont les petites dimensions nous ont permis de sub- stituer à la stérilisation par l'aldéhyde formique et le soufre la stérilisation par la vapeur, comme pour les récipients à culture ordinaires : cet appareil est muni d’une circulalion d'air con- tinue el rend possible l'apport journalier d'aliments et d’eau stériles. EXPÉRIENCES SUR LA VIE SANS MICROBES 111 Appareil (Figure 1) et Technique. — Une cuve de verre cylindrique, de 28 centimètres de diamètre et de 15 centimètres de hauteur, esf munie d'un couvercle, d'un diamètre de 30 centimètres, en toile métallique avec rebord en fer-blanc de 5 centimètres de hauteur. Une épaisse feuille d'ouate placée dans le couvercle et le débordant de toute part est fortement comprimée entre sa toile métallique et une 2° (oile métallique de 25 centimètres de diamètre. à l’aide de solides ligatures de mince fil de laiton. Le couvercleine peut être mis en place qu'en comprimant fortement la feuille d'ouate entre le bord extérieur de la cuve et le rebord de fer-blanc du couvercle. Deux trous mé- nagés dans le couvercle laissent passer l'un: un tube rectiligne (A) en verre de 12 centimètres.de long, de 2 centimètres de diamètre, placé obli- quement, son orifice supérieur bouché au coton, son orifice inférieur s’ou- vrant à 2 centimètres dans l'intérieur de la cuve ; l’autre : 2 tubes de 1 centi- mètre de diamètre, d'environ 25 centi- mètres de long et coudés à la hauteur de leur tiers supérieur; leur ouverture inférieure se trouve également à 2 cen- timètres de profondeur dans la cuve. Le 1er de ces tubes (C') communique librement par un tube de caoutchouc avec un récipient d'eau (C) disposé en pisselle, soigneusement bourhée el pourvue d’une rentrée d’air avec gros filtre de coton ; le 2e (E') est muni d'un tampon de coton à son orifice supé- rieur qui est relié par (E) à une trompe à eau. Les 2 trous ménagés dans le couvercle sont tamponnés de coton, lequel est soigneusement ligaturé au- tour des tubes (A) (C') (E'). En (F) se trouve un petit tube de bouillon devant servir de contrôle; il n'a pas été utili- sable dans la pratique. Avant la stérilisation, on répartit sur le fond de la cuve une couche de sable stérilisé une fois à l’autoclave et encore humide. Sur le sable, on dispose au-dessous de (A) une boîte de Pétri sans couvercle ; au-dessous de (C'), un autre récipient de verre de même diamètre. mais 3 fois plus haut. La figure (2) représente le petit dispositif utilisé pour distribuer journel- lement la nourriture stérilisée. Un tube de verre de 3 centimètres de dia- mètre, à fond rond, et d'environ 15 centimètres de long, contient un 2€ tube de verre de 1,5 centimètre de diamètre dans sa moitié inférieure, de 0,7 cen- timètre dans sa moitié supérieure, long de 15 centimètres, muni d'un filtre de coton dans sa partie amincie, bouché au coton à son ouverture inférieure. La partie amincie traverse le tampon de coton qui bouche le plus gros tube. L'expérience comporte : 1° Des élèves asepliques élevés dans l'appareil avec aliments et eau stéri- lisés. 20 Des élèves témoins non aseptiques élevés dans l'appareil avec aliments eb eau stérilisés, mais souillés ensuite par les mains de l'expérimentateur et par l'exposition à l'air. Fred 112 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR 30 Des élèves normaux mis en éleveuse d'aviculteur avec aliments et eau non stérilisés. Deux appareils, disposés comme il vient d'être dit, munis de leur récipient {C) et détachés de (E), sont enveloppés de serviettes pour la stérilisation. Ne disposant pas d’autoclave d'une dimension suffisante, ils sont stérilisés à deux reprises en marmite de Koch à 99° pendant 4 heures de suite. Dès qu'un des œufs placés dans l'incubateur artificiel ordinaire est « bêché », ce qui se produit du 19 au 20° jour d'incubation, nous prenons six œufs non bèchés et que nous reconnaissons être bien vivants à l’aide du « mirage ». Nous les transportons dans un petit laboratoire lavé et fermé depuis la veille ; là, nous procédons sans perdre de temps à leur désinfection sous l'abri d'une cage de balance vide et lavée au sublimé. La façon de procéder à cetle désinfection, qui est celle employée par Schottelius, consiste à prendre les œufs avec des gants de caoutchouc stérilisés, à les brosser pendant 35 secondes avec une solu- tion de sublimé à 5 p. 1000 chauffée à 400, puis à les rincer avec de l'eau salée à 10 p. 1000 stérilisée et également à 400. Chaque œuf, aussitôt désinfecté, est placé dans une boîte stérilisée, à culture sur pomme de terre. Pendant qu'un aide entr'ouvre délicatement le couvercle de l'appareil (dépouillé de sa servietle), nous déposons 3 œufs dans chacun des appareils. Ces 2 appareils sont placés aussitôt dans un rhéostat réglé à 400, bien aéré et dans lequel est entretenu un degré d'humidité suffisant pour Féclosion; Île tube (E') est mis en communication avec la trompe à eau. L'air de la cuve aspiré en (E!) est remplacé par l'air du rhéostat, qui se filtre par son passage à travers la couche d'ouate comprimée du couvercle. Le lendemain de l'éclosion, on abaisse à 35 degrés la température du rhéostat et on donne aux poussins leur 1re nourriture. Dans ce but, on remplit chaque jour d'aliments la partie élargie du tube intérieur (fig. 2). Rebouché, celui-ci est replacé dans le gros tube et le tout est porté à l'auloclave pendant 25 minutes à 115 degrés. Au moment où les aliments sortis de l’autoclave sont encore tièdes, on adapte à la partie amincie du tube intérieur un tube de caoutchouc à l’aide duquel on fera glisser, par une insufflation, les ali- ments dans l'ouverture (A) de la cuve: ils tombent en (B). Chaque jour également l'eau est distribuée en (D) par le tube (C') relié à la pissette (C). L'alimentation consiste pour tous les poussins de l'expérience en : 1er jour : rien. 2 jour : miettes de pain rassis, jaune d'œuf dur, le tout écrasé et mélangé. 3° jour : une partie du mélange précédent, une partie d'une pàätée spéciale \ (maïs, pomme de terre, riz, orge, laitue). 4° et 5e jours : même nourriture mouillée au lail. 6e jours : pälée spéciale, millet, mouches. Te, 8e, 9e, 10e, 11e, 12e jours : pâtée spéciale, œuf entier broyé, chicorée. EXPÉRIENCES SUR LA VIE SANS MICROBES 113 La lumière du jour arrive jusqu'aux poussins par la porte vitrée du rhéostat. C’est par des déjections prises sur le sable par l'ouverture (A) et ensemencées en gélose Veillon que nous contrôlons la stérilité au cours de l'expérience. Tous les 2 jours, la cuve des témoins est nettoyée, le sable lavé et séché. Résultats. — Après divers échecs accidentels (éclosions manquées, saute à 46° du rhéostat, contamination, arrêt de la trompe à eau), nous avons obtenu une expérience dont tous les œufs, bien vivants, étaient de la même origine (Forêt Noire) et du même jour d’incubation. Expérience du 22 juin 1907. — Fribourg. (A) 3 œufs désinfectés : 2 poussins aseptiques (appareil, figure 1). (B) 3 œufs désinfectés : 3 poussins témoins, non aseptiques (id.). (C) 3 œufs non désinfectés : 3 poussins normaux (éleveuse d’aviculteur). Un des élèves aseptiques (A) est moins développé et moins alerte que son compagnon. Des témoins (B), l’un, malade, meurt le 13° Jour, les deux autres sont vifs et bien portants. Les élèves normaux (C) sont très différents, ils se montrent très vigoureux, plus développés que les À et les B. Les déjections, débris alimentaires et plumes des (A) sont stériles le 9° jour, ceux des (B) et (C) contiennent d'innom- brables bactéries aérobies et anaérobies avec grande prédomi- nance de coli et de mesentericus. Dès le 2° jour, un phénomène physique que nous n'avions pas prévu, met dans une très fâcheuse situation les poussins (A) et (B) élevés dans nos appareils. L'élévation de tempéra- ture produite dans la petite cuve de verre par la chaleur cor- porelle des animaux fait que la condensation de la vapeur d'eau se produit sur la paroi interne de l'appareil; il en résulte au fond de la cuve un mélange boueux formé de sable, d’ali- ments et de déjections, sur lequel les poussins piétinent cons- tamment; leurs plumes souillées, restent collées au corps, et protègent mal contre le froid l'animal, qui frissonne sans cesse. Pour la même cause, le coton de sûreté de l'extrémité supé- rieure de E’ (aspiration d'air) s’humidifie, il est gagné peu à peu par de l'aspergillus niger venu du tube non stérile auquel cette extrémité est reliée. Devant ce danger imminent de conta- mination, nous sommes obligé d'arrèter l'expérience le 12° jour. 8 114 ANNALES DE. L'INSTITUT PASTEUR Les ensemencements des (A) faits en gélose Veillon aérobie et anaérobie avec des plumes, des déjections intestinales, du sable, de l’eau, des aliments, des coquilles d'œufs, du coton de l'appareil sont stériles. Les frottis ne décèlent la présence d’au- cun microbe. Par contre, ceux du contenu intestinal des témoins dévoilent une flore bactérienne très abondante et très variée. Poids respectifs. (A) No 1 — 54 gr. 10 (B)'Nol= 5er 01» (C) No 4 = 70 gr. No Scr. 50 No 6 ere 50 N° 2 — 64 gr. No Mie" > Nos —"68 07: Les poussins élevés stérilement n'ont nullement souffert par la suite. Transportés en France avec 2 témoins, ils y ont fait souche nombreuse. La lecture des poids respectifs met en lumière un fait expé- rimental différent de ceux observés jusqu'alors sur un vertébré; il se trouve que les poussins stériles (A) et ceux non stériles (B) élevés les uns et les autres dans les mêmes conditions phy- siques ont augmenté au 12° jour, d'un poids moyen, sensible- ment égal. Les stériles ont donc pu se développer sans l’aide des microbes; les microbes n’ont donc été d'aucun secours comme d'aucune gène pour les non stériles. Cette constatation (dont des expériences postérieures devaient nous donner par rapprochement avec elles toute la valeur) était faite sur des sujets âgés de si peu de jours qu'elle ne fut pour nous nullement probante: elle nous suggéra cependant la pensée qu'un dispositif nouveau basé sur le principe de notre petit appareil de fortune permettrait peut-être de mettre en évidence une série de faits nouveaux concernant l'élevage des vertébrés à l'abri des microbes. Il L'infériorité du poids et du développement des poussins élevés dans nos deux petits appareils (A et B), par rapport aux poussins normaux (C) n’était certainement pas due uniquement à l'alimentation stérilisée. Les conditions d’existence, encore défectueuses, que nous leur avions imposées devaient intervenir so à EXPÉRIENCES SUR LA VIE SANS MICROBES 115 pour une large part. Pour réduire celle-ci au minimum, nous avons cherché à établir dans la suite un appareil qui offrît aux animaux en expérience de l’espace, de l'air pur sans cesse renouvelé, de l'eau fraiche, une mère artificielle à 38°-40°, une petite cour à température modérée, de la lumière en abon- dance; l'appareil, comparable à un récipient à culture, devait être facilement transportable et stérilisable à l’autoclave. Grâce à M. P. Lequeux, qui parvint à surmonter de grandes difficultés de construction, nous avons atteint notre but, regrettant toutefois que les dimensions de l’appareil aient été forcément restreintes par les exigences de la fabrication. Il devient, en effet, passé le 40° jour d'élevage, une demeure trop exiguë pour les poulets. L'appareil. — La figure représente l'appareil au 1/13 de sa grandeur. Il se compose de deux parties principales, un cylindre en verre et une chambre cylindrique en cuivre se faisant suite; à la partie inférieure de l'un et de l’autre est disposé un plateau métallique, à bords relevés de 1 centimètre, servant de sol. Le cylindre de verre. de 35 centimètres de diamètre et de 80 cen- timètres de longueur, représente la cour d'élevage, la chambre en cuivre de 25 centimètres de diamètre et de 25 centimètres de longueur sert de mère artificielle. La cour et la mère communiquent par une large ouverture devant laquelle est placé un rideau mobile, en laine, fendu en son milieu et muni dans le haut d'une glace de mica rendant visible l’intérieur de la mère. Sur la paroi postérieure de celle-ci est ménagée une ouverture pouvant laisser passer un œuf. La paroi de la mère est tapissée jusqu'au 2/3 de sa hauteur d'un épais carton d'amiante, ce qui permet à la chaleur de venir d'en haut, comme sous la poule. Le cylindre de verre est maintenu en place par 2 plaques de bronze sur lesquelles ses bords rodés viennent s'appliquer hermétiquement par l'inter- médiaire d'un joint de caoutchouc mou et de 4tirants. Sur une des plaques de bronze s'ouvre à l'intérieur du cylindre et au-dessus de l’entrée de la mère, un orifice de 3 centimètres de diamètre pour l'entrée de l'air; à cet orifice est fixé extérieurement un bouchon de coton et intérieurement un bouchon de caoutchouc percé d'un trou et muni d’un tube de verre s’ouvrant d'un côté sur le coton, de l’autre au fond et en haut de la mère, Sur la plaque opposée sont disposés : au-dessous du plateau, un orifice de vidange de 3 centimètres, au-dessus du plateau, une ouverture permettant l’introduc- tion de la main, une autre le passage d'un tube de verre de 2 centimètres de diamètre ou d'une pince. Chacune de ces ouvertures ainsi que celle de la mère pour le passage des œufs est munie extérieurement d’un tube de cuivre de diamètre correspondant et d'environ 10 centimètres de longueur; ce tube permet le bouchage au coton, ainsi que pour un tube de culture. Un petit grillage métallique mobilisable avec le bouchon de coton empêche les poussins de venir becqueter le coton. Chacun de ces tubes est entouré d'une chambre cylindrique faisant corps avec la paroi métallique : ces chambres sont munies d'un couvercle avec vis de pression et joint en caout- 116 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR chouc permettant une fermeture hermétique. Gràce à ce dispositif de ferme- ture et à celui du cylindre sur la plaque de bronze, l'appareil est étanche à volonté. Sur la chambre de l'orifice placé au-dessus de la mère et sur celle de l'ouverture pour le passage d’une pince est disposée une amorce avec robinet: l'une sert à l'entrée, l'autre à la sortie de l'air filtré. Un cercle en cuivre ayant un diamètre supérieur de 2 cm. au diamètre du cylindre de verre est fixé par la plaque de bronze; il permet de bourrer entre le cylindre et soi-même un cordon d'ouate destiné à empêcher la pénétration des mi- crobes dans l'appareil au cas où l'étanchéité du joint serait accidentellement imparfaite. À la plaque de bronze placée à droite sur la figure, est fixé un serpentin en tube de cuivre nickelé d'un diamètre et d'une longueur déter- minés, servant de réfrigérant à eau; il pénètre horizontalement dans le haut du cylindre et en sort sans que sa cavité intérieure ne communique en aucun point avec l'intérieur de l'appareil. Une gouttière de même métal fixée au- dessous du serpentin est disposée de facon à recueillir les gouttes d’eau de condensalion. Sur le plateau, ou sol, de la cour est disposé, comme tout accessoire, contre la plaque droite, un petit baquet en argent pourvu de godets latéraux, d'un couvercle percé d'un trou et d'une vidange placée à 1 millimètre au- dessous du bord des godets. Le sol de la mère forme un bourrelet de 1 centimètre de hauteur au niveau du rideau: il est percé de 2 trous munis d'une amorce inférieure, l'un près du fond, l’autre près de la cour; il est de plus recouvert d'une épaisse toile de lin, recouverte elle-même d'une toile de nickel marquée d'une dépression médiane faite pour recevoir les œufs. Un tube de caoutchouc partant de la gouttière et aboutissant au trou du couvercle de l’abreuvoir y déverse l’eau de condensation: un autre tube de caoutchouc passant sous le plateau conduit l'eau de la vidange de l'abreuvoir à l'amorce antérieure du sol de la mère: l'eau, après avoir imbibé la toile de lin gagne l’amorce postérieure, munie elle-même d'un tube court par lequel l'écoulement se fait dans l'espace laissé libre entre le plateau et le cylindre. Un fil de lin parcourant toutes ces petites canalisations assure par capillarité l'écoulement de l'eau. Un thermomètre est suspendu horizontalement à la hauteur des œufs dans la mère; ses degrés sont visibles en dehors du rideau, dans la cour. Un autre thermomètre vertical est fixé à la gouttière. L'appareil est entièrement stérilisable à 120 degrés par la vapeur sous pression. Un réservoir cylindrique en forme de gaine s'engage autour de la mère : il est muni d'un régulateur qui commande une petite rampe de gaz à flamme blanche placée au-dessous du réservoir. Le réservoir et la rampe sont recouverts librement d'une toile d'amiante. L'appareil est placé sur une table à la hauteur et près de la fenêtre dans le laboratoire d'expériences. Une « avant-chambre » de toile caoutchoutée, stérilisable au sublimé, esL destinée aux manipulations diverses, faites aseptiquement en dehors de tout flambage. Elle mesure 60 centimètres de côté, elle est cubique. Une de ses faces verticales est pourvue d'une ouverture circulaire à coulisse destinée à recevoir et à enserrer la chambre précédant les ouvertures de l'appareil. Elle est munie de deux fenêtres de mica, l’une sur la paroi supérieure, l'autre sur la paroi faisant face à l'ouverture circulaire. Installation et accessoires. — Le laboratoire d'expériences est transformé en étuve à température constante, à l’aide d’un calorifère à air chaud, com- a ES SUR LA VIE SANS MICROBES C EXPÉRIEN 118 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR mandé par un régulateur à gaz et aménagé de telle sorte que sa prise d'air éoit extérieure et que les gaz de combustion soient conduits au dehors. Le laboratoire mesure 65 mètres cubes environ ; une grande fenêtre unique, large de 2 mètres, est exposée à l'est. Porte et fenêtre sont garanties par un double rideau mobile, leurs interstices sont calfeutrés. Toute circulation d'air et partant des poussières peut donc être évitée. Un thermomètre enregistreur est placé à côté de l'appareil. Diverses canalisations en verre ou caoutchouc sont reliées à l'appareil. L'une s’ouvrant à l'air extérieur, à près de 1 mètre de distance du bâtiment, aboutit à l'amorce de gauche ; elle est destinée à déverser de l'air pur dans l'intérieur de la mère ; sur cette canalisation sont branchés deux filtres dé: coton faits avec des tubes de verres de 3 centimètres de diamètre et de 35 centimètres de long; en dérivation est mis un barboteur témoin, rempli d’une solution de sublimé et protégé en outre par un troisième filtre d'air. Deux tuyaux de plomb conduisent de l’eau, l’un du robinet de débit au réfri- gérant condensateur, l’autre du réfrigérant condensateur à l’évier. La mise au point de notre installation a été faite à l’aide d'essais répétés. d'éclosions d'œufs et d’élevages non stériles. Un incubateur électrique reçoit les œufs jusqu'à leur mise en place dans l'appareil. Les œufs fécondés (que nous nous procurons à grand'peine pendant l'automne et l'hiver) proviennent de races pures, « Faverolles » ou « Hou- dan » ; quand cela est possible, nous choisissons de préférence cette dernière à cause de sa plus petite taille. Technique expérimentale. — Elle comporte deux séries d’élevages, une pendant laquelle nous avons donné à nos poussins une alimentation dis- tribuée chaque jour, l’autre pour laquelle nous avons disposé à l'avance sur le sol de la cour une quantité de nourriture suffisante pour toute la durée présumée de l'élevage. Nous avons voulu éviter ainsi, dans cette 2e série, la cause principale de contamination. De ce fait, les conditions de l'élevage devenaient moins favorables. Nos petits élèves devaient en souffrir dans une proportion qu'il nous serait facile de fixer par comparaison avec les élevages de la 1re série. Dans celle-ci, l'alimentation n’a pas été d’un type uniforme, nous la décrivons en relatant les élevages stériles. Stérilisée à 1150 degrés pendant 25 minutes dans un tube de verre de 2,5 centimètres, muni d'un piston, elle est propulsée dans l'appareil à travers la petite ouverture de gauche protégée par l'avant-chambre. Pour la 2e série, elle est stérilisée en même temps que l'appareil. Elle consiste uniformément en un mélange de graines diverses; chardon, sorgho, millet blanc, millet rouge, chènevis, ortie, moha, alpiste, lin. Afin de faire éclater leur enveloppe et les rendre plus sûrement stérilisables, elles sont d’abord immergées dans l'eau bouillante et mise de la sorte à « gonfler » pendant deux heures. :ssorées et mélangées à du sable lavé et encore humide, elles sont aussitôt répandues sur le sol de la cour, juste avant la stérilisation. En même temps, on place dans l'appareil, sur la gouttière et au-dessous du serpentin, une boite de Petri, sans couvercle, contenant de la gélose sucrée, el deux tubes ouverts, remplis de bouillon. Boîte et tubes serviront de témoins d’aseptie ; la dessiccation de la gélose sera évitée au cours de l'expérience, grâce aux gouttes d’eau de condensation tombant des spires du serpentin, placées directement au-dessus de la boîte de Petri. Les deux amorces, ouvertes, sont protégées par du coton; les couvercles des cham- bres, fermés, sont enveloppés d’une serviette. EXPÉRIENCES SUR LA VIE SANS MICROBES 119 Ces préparatifs terminés, on transporte, à l’aide d'un brancard, l'appareil dans un grand stérilisateur Vaillard. La stérilisation se fait par la vapeur à 118° pendant 1 h. 30 minutes. Ensuite l'appareil est replacé dans le laboratoire d'expériences, et relié aux diverses canalisations. Les écrous des couvercles et des tirants de bronze sont resserrés; la trompe à eau à l'aide de laquelle se fait la circu- lation d'air dans l'appareil, est mise en action, le réservoir cylindrique est engagé autour de la mère, son régulateur est mis en marche. Le calori- fère de la pièce est allumé plusieurs jours à l'avance. Le régulateur du laboratoire, le régulateur et le réfrigérant de l'appareil sont disposés de façon à obtenir, le jour de la mise en place des œufs (la veille de l’éclosion) et les deux jours suivants, une température de 30° dans le laboratoire, 40° dans la mère, 27° dans la cour. De cette manière, la tem- pérature de la cour étant inférieure à celle du laboratoire, la condensation de la vapeur d'eau ne se fait pas, comme dans notre appareil d'essai, sur la paroi intérieure du cylindre de verre; l'asséchement de la nourriture et du sable est Lerminé le 2° jour après la stérilisation. Le débit d'air pur circulant dans l'appareil est abondant, près de 3 litres par minute. La mise en place des œufs est d'une pratique délicate : A l'aide de sa coulisse, on fixe l'avant-chambre à la chambre de l’ouver- ture des œufs, de façon à ce que le couvercle de bronze puisse s'ouvrir à l'intérieur de l'avant-chambre. Suivant l'antique procédé de Lister pour ses opérations chirurgicales, on pulvérise dans l’avant-chambre de la solution au sublimé à 5 p. 1000. Ceci fait, on arrête le réfrigérant et on ferme le robinet des amorces pour le passage de l'air, afin d'établir à l'intérieur de l'appareil une légère élévation de température produisant une tension d'air suffisante pour qu'il y ait refoulement, de l'intérieur à l'extérieur, au moment de l'ouver- ture de la chambre aux œufs. Les œufs, au nombre de 3 ou de #, sont intro- duits dans l'avant-chambre, stérilisés d’après le procédé de Schottelius (1), procédé parfaitement inoffensif pour le poussin. Ils sont introduits successi- vement, aussitôt après leur stérilisation, dans un verre de lampe réguliè- rement cylindrique, bouché de coton à chaque extrémité et stérilisé. Le cou- vercle de bronze est ouvert; on débarrasse rapidement de ses cotons le verre de lampe tenu horizontalement en face de l'ouverture aux œufs; ayant débouché celle-ci on y engage quelque peu le verre de lampe, puis on pousse les œufs dans la mère à l'aide d’une baguette stérile introduite dans le verre de lampe. Les œufs viennent se placer dans la dépression ménagée sur la toile de nickel. Le bouchon de coton de l'ouverture, remis en place, on ferme le couvercle de bronze. Cette technique, suivie pendant la 2 série des élevages, est un peu différente dans la 1r° série, où les œufs désinfectés au nombre de 4 ou de 5, sont transportés dans la mère à l’aide d’une pince appropriée à cet usage. Pendant les manipulations, les mains et les avant-bras recouverts de gants de caoutchouc à longs crispins sont seuls introduits dans l'avant- (1) Ce mode de désinfection (v. p.110) n'a aucun effet nuisible ni sur l'éclosion ni sur le développement consécutif de l'animal, Il en est de même de la désin- fection au KMnO‘ que nous avons tentée (brossage des œufs 35 minutes avec la solution à 40 degrés : K Mn O‘1 g.; HCI, 0 g.5; eau distillée, 100 centimètres cubes). Celle-ci ne présentant cependant aucun avantage, nous nous en sommes tenu à la première. 120 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR chambre. Etant dans cette position, la fenêtre de mica placée sur la paroi postérieure de l’avant-chambre se trouve près du visage et permet de voir l'intérieur éclairé par la 2° fenêtre, située sur la paroi supérieure. La mise en place des œufs terminée, condensateur et circulation d'air sont remis en marche. L'œuf trouve dans la mère la chaleur (40°), le degré hygro- métrique (environ 0,80) et l’air pur nécessaire à l'achèvement de son incu- bation. A partir de ce moment, une surveillance de jour et de nuit est préférable, si l'on veut éviter qu’un incident imprévu ne vienne influencer la tempéra- ture de la mère et n'empêche l’éclosion. Le lendemain de celle-ci, on abaisse la température à 36° dans la mère, 24° dans la cour, 27° dans le laboratoire ; 8 jours après, on ramène la mère à environ 32, la cour à 220, le laboratoire à 250. Quelques heures à peine après l’éclosion, les poussins viennent sponta- nément écarter le rideau qui les sépare de la cour. Dès le lendemain, ils circulent dans la cour, picorent, vont à l’abreuvoir et regagnent d'eux-mêmes la mère. Cependant pour que les élèves de l'appareil soient « bien venus » il faut prendre en quelque sorte la place de la mère poule, leur rendre de fréquentes visites, leur faire prendre de l'exercice en les faisant courir le long du cylindre à la poursuite de la main. En dehors de ces obligations « maternelles » les élevages du type de la 2° série ne demandent, pendant toute leur durée, aucune intervention, mais simplement une surveillance des débits d’eau et de gaz. Chaque expérience comprend en dehors des élèves de l'appareil, des éléves témoins et des élèves normaux. Tous proviennent de la même origine et de la même couvée. Les élèves témoins, en nombre inférieur à 5, sont élevés dans des conditions aussi voisines que possible de celles de l'élevage stérile, sans cependant être placés dans un appareil identique; les difficultés du nettoyage, indis- pensable tous les 2 jours, rendaient la chose impossible. Après avoir élé désinfectés au sublimé, les œufs des témoins sont mis à nouveau dans l'incu- bateur électrique. Après l'éclosion, les poussins sont « séchés », puis placés dans leur éleveuse, constituée par une mère chauffée électriquement, com- muniquant par l'intermédiaire d’un rideau avec une petite cour, l'une et l’autre de la dimension de celles de l'appareil à élevage stérile. Ils reçoivent une nourriture identique à celle du poussin de l'appareil : pour la 1re série, elle est renouvelée chaque jour, mise en tube de verre et stérilisée pendant 25 minutes à 1150; celle de la 2° série est préparée en quantité suffisante pour toute la durée présumée de l'expérience, mélangée à du sable fin lavé, stérilisée pendant 1 h. 30, asséchée, mise en provision à l'abri des poussières et distribuée par fraction surabondante à chaque nettoyage. De l'eau dis- tillée, fréquemment remplacée, est disposée dans un petit abreuvoir placé sur le sol de la cour. La pièce où se trouvent les témoins est portée à l’aide d'un radiateur à vapeur à une température voisine de celle de la cour de l'appareil à élevage stérile; elle est largement aérée. Les poussins sont visités chaque jour. Les élèves normaux sont placés dans la même pièce que les élèves témoins. La mère et la cour de l'éleveuse sont plus spacieuses. La nourriture, de même nature, n’est pas mise dans l’eau bouillante ni stérilisée; elle est remplacée chaque jour pour la 1re série, fréquemment pour la deuxième. De l'eau de source remplace l’eau distillée. Les œufs n'ont pas été désinfectés. Le contrôle, dans le cours de l’expérience, est fait à l’aide des tubes de EXPÉRIENCES SUR LA VIE SANS MICROBES 121 bouillon et de la gélose disposés, ouverts, dans l'appareil; nos contaminations voulues ou accidentelles ont toujours été décelées en moins de quatre jours par les bouillons ou la gélose ainsi que par l'odeur de l'air entrainé par la trompe et venant de l'appareil ; cet air est inodore pendant l'asepsie. Tous les cinq jours pendant l'élevage de la 1re série, des prises de déjections ou de détritus sont faites avec une pince par le pelit orifice de droite, muni de l'avant-chambre, et ensemencées en gélose Veillon aérobie et anaréobie. Un contrôle général de l'asepsie est fait à la fin de l'expérience. Dans la crainte de laisser passer quelque imperfection dans ce contrôle final, nous avons demandé l'assistance de notre maître le professeur Metchnikoff el de nos camarades Besredka et Salimbeni; voici la technique à laquelle nous sous sommes arrêté : Le jour fixé pour la fin de l'expérience, nous adaptons un barboteur de chloroforme à l'entrée du filtre commandant le barboteur témoin d'entrée d'air; celui-ci est mis en action et bientôt l'animal meurt chloroformé. A l’aide d'un crochet stérile, on ramène au besoin le poulet près de la grande ouverture de droite ; là il est pris avec une pince et mis en boite stérile. On recueille en même temps des déjections, des débris d'œuf, des graines, des plumes, de l'eau de l’abreuvoir, de l’ouate des bouchons ainsi que la boîte de gélose elle-même. Cette opération se fait à l'abri de l’avant-chambre comme toutes celles, du reste, nécessitant l'ouverture d'une des chambres. Les animaux étant pesés, des ensemencements sont faits en bouillon, en gélose inclinée, en gélose Veillon profonde, afin de déceler la présence des aérobies et des anaérobies, avec le sang du cœur, avec le contenu de l'esto- mac, du duodénum, de l'iléon, du cæcum, du rectum, avec les pattes, les ailes, le bec et toutes déjections, eau et débris divers puisés dans l'appa- reil. Le tout est laissé à l'étuve pendant cinq jours. Comme garantie de la qualité du milieu de culture, on ouvre quelques-uns des tubes stériles; ils doivent se contaminer rapidement. Des préparations sont faites en même temps que les ensemencements. L'état des organes est noté pendant l’autopsie. On prend également le poids des témoins et celui des poussins de l'éle- vage normal. Un des témoins est autopsié; le contenu de son tube digestif est examiné sur préparation et ensemencé. OBsEervarion. — Nous avons rencontré une fois à l'examen des préparations de déchets provenant de l'appareil quelques rares formes microbiennes prenant le Gram. Comme nos ensemencements étaient stériles, nous avons pensé que ces bactéries pouvaient être vivantes, mais ne pas pousser dans nos milieux. Il n'en était rien. Du genre Sporogenes Metchnikovii, ces microbes se trouvaient, avant la stérilisation, dans le sable où nous avons pu les isoler. Ils se sont très bien accommodés des milieux de cul- tures du contrôle. LES ÉLEVAGES sTÉRILES. — Sans entrer dans l’énumération des écueils que nous avons rencontrés, il est aisé de comprendre que le succès de l'expérience dépend de facteurs très divers qu'il n’est pas facile de grouper ou d’écarter à sa guise ; comme exemple, nous ne donnerons que l'influence défavorable, sur les éclosions, de toute saison autre que le printemps. 122 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Ceci explique pourquoi nos élevages stériles n'ont pas été effectués en aussi grand nombre que nous l'eussions voulu. (Première série). — Expérience du 12 mai 1908 (Œufs de Faverolles). (A). 3 œufs désinfectés : 1 poussin (appareil d'élevage stérile). (B). 3 œufs désinfectés : 3 poussins (éleveuse des témoins). (C). 5 œufs non désinfectés : 3 poussins (éleveuse normale). Un seul poussin sur 3 œufs est né dans l'appareil par suite du manque accidentel d'humidité dans la « mère ». L'alimentation journalière préparée avec moitié aliments secs, moitié eau chaude est, comme il a été dit, stérilisée à 115 degrés pendant 25 minutes pour (A) et (B), non stérilisée et servie tiède pour (C). Elle consiste en : Le 13 et le 14 mai : rien. Le 15 : œuf écrasé et sable. Le 16, 17, 18 : œufs, farine spéciale Spralt’s, sable. Le 19 : farine Spratt’s, sable, riz, lait, graines Spratt’s. Le 20, 21, 22, 23 : farine Spratl’s, œufs. Le 24, 25, 26, 27, 28 : farine et graines Spratt’'s, 8 mouches. Le 29, 30, 31 mai, le 1°", 2 juin : farine Spratl’s, œufs, sable, salade. Le 3, à 9 heures du matin : œufs, sable. Les prises de contrôle sont faites Les 4°, 10° et 15° jours. Les séloses couchées et profondes restent stériles. Le sacrifice est fait par le chloroforme à 10 heures du soir. L'expérience n’est pas poussée plus avant par crainte de conta- mination semblable à celles survenues du 12° au 18° jour dans des expériences précédentes. L'animal est très gai, très vigoureux pendant les 20 jours de l'expérience. 17 paraît plus développé que les témoins (B). I est également plus vorace. Les déchets alimentaires semblent ètre rendus en plus grande abondance. Leur aspect est très particulier, en ce sens que l'urine n'est jamais trouble et ne se mélange pas aux fèces toujours bien formées. A l’autopsie, les organes se montrent en bon état. Sur les préparations du contenu intestinal, on ne voit aucune bactérie. Elles décèlent par contre de très nombreux déchets EXPÉRIENCES SUR LA VIE SANS MICROBES 123 alimentaires. Le duodénum contient de nombreux noyaux cellulaires. Ce fait que nous avons déjà observé chez un jeune perroquet à alimentation normale, ne se reproduit pas avec la même netteté dans les autopsies des expériences suivantes. Les ensemencements sont stériles le 5° jour d’étuve et se maintiennent stériles au laboratoire par la suite. Poids respectifs au 20° jour. CAEN 06e ST: (BAIN 1 —;85%07 (C)- N° 1 — 84 gr. (une patte crochue). N° 2 — (mort NP EST le 24 mai). N° 3 — (mort le 20 mai). Expérience du 21 juillet 1908 (Œufs de Faverolles). (A). 5 œufs désinfectés : 2 4 poussins (appareil). (B). 5 œufs désinfectés : 4 poussins (éleveuse des témoins). (C). 5 œufs non désinfectés : : poussins (éleveuse normale). La cause de la mauvaise éclosion dans l'appareil nous est inconnue. L'alimentation est préparée et distribuée de même que dans l'expérience du 12 mai. Elle consiste en : Le 21, 22 Juillet : rien. Le 23, à 8 heures du soir : blanc et jaune d'œuf écrasés et sable. Le 24, 25, à 3 heures du soir : blanc et jaune d'œuf et farine Spralls. Le 26, à 9 heures du matin : farine Spratt’s, 8 mouches par poussin, sable. Le 27, à 1 heure du soir : farine Spratt’s, œuf entier broyé, sable. Le 28, à 1 heure du soir : farine et graines Spratt's, sable, uz. lait. Le 29, à 11 heures du soir : farine et graines Spratt’s, sable, lait, graines. Le 30, 31, à 4 heure du soir: farine Spratt’s, sable, 6 mouches par poussin. Le 1° août, le 2 : farine Spratt's, œuf entier broyé. Le 3, 4 : farine Spratt’s, œuf entier broyé, salade. Le 5° et 10° jour, des prises de matières sont faites dans l’ap- pareil; elles sont stériles. 124 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Jusqu'au 15° jour, les 2 poussins (A) sont bien portants, très vifs, et semblent au moins aussi développés que les témoins (B). Comme les 2 (A) paraissent d’une taille identique nous en reli- rons un de l'appareil (après engourdissement au chloroforme) à l’aide d’une pince, par la grande ouverture de droite, avec l'intention de laisser le 2° jusqu'au 30° jour. L'opération ne se fait pas sans difliculté. L'animal est mis dans une cloche à pomme de terre stérilisée contenant du chloroforme aseptique. Il est pesé, autopsié, ensemencé ainsi que les déchets et matières fécales. Les tubes de culture, gélose Veillon et bouillon avec blanc d'œuf, restent stériles. Par contre, 2 espèces microbiennes ont pénétré dans l'appa- reil pendant nos manipulations; elles sont décelées le 9 août par la gélose contrôle de l’appareil. L'élevage stérile ne com- porte donc que les résultats du 15° jour. L'autopsie du poussin stérile ne révèle rien d’anormal, ses organes ne diffèrent pas de ceux du témoin sacrifié. Poids respectifs au 15° jour. CN EME SET: (B)MNAMRENG IST (CYAN GE ere ND EP? NES lNer: N2E= "6er N° 3 — 68 gr. N° 3 — 58 gr. N° 4 — (retiré Nec er- le 23 juillet). (Deuxième série). — Expérience du 24 octobre 1909 (Œufs de Faverolles). ( ( ( ). 3 œufs désinfectés : 1 poussin (appareil). ). 2 œufs désinfectés : 2 poussins (éleveuse des témoins). A B C). 1 œuf non désinfecté : 1 poussin (éleveuse normale). :) L'eau de condensation n'ayant pas eu le temps de gagner le sol de la mère, le manque d'humidité entrave l’éclosion dans l'appareil. Le poussin (A), assez chétif pendant les premiers jours, devient rapidement vigoureux. Un des témoins (B) meurt le 5° Jour. L'appareil n’est pas ouvert pendant toute la durée de l'expérience, soit 33 Jours. L'animal est sacrifié au chloroforme. Tous lés ensemence- ments sont asepliques. Qc EXPÉRIENCES SUR LA VIE SANS MICROBES 12 Le 33° jour, Le poulet (A) est bien portant et présente cepen- dant une légère raideur des jambes; (B) a les deux coudes presque totalement ankylosés ; Le (C) est très bien portant, son plumage est plus développé. Poids respectifs au 33* jour. CNE ES 0er: (B)ANME MISE (GC) ANA M5 N° 2 — (mort le 10 décembre). Expérience du 10 juin 1910. (Œufs de ? — pas noté.) (A). 5 œufs désinfectés : 4 poussins (appareil). (B). 5 œufs désinfectés : 5 poussins (éleveuse des témoins). (C). 4 œufs non désinfectés : 4 poussins (éleveuse normale). Dès le 5° jour, 2 des animaux de l’appareil sont haletants, tous les 4 semblent souffrir, ils mangent très peu; les témoins (B) et les poussins (C) sont très vigoureux. Le 6° jour, un des (A) meurt, un autre meurt le 8° jour: Les barboteurs témoins démontrent que, pour une cause qui nous échappe, une très faible quantité d'air passe dans l'appareil. Les 2 survivants sont chétifs, visiblement éprouvés par le manque d'air; ils ont les ailes pendantes, mais ils sont cependant assez vivaces; le 40° jour, nous clôturons l'expérience. L'autopsie nous montre que le foie, les poumons et le tube digestif des (A) sont très anémiés. Les ensemencements ne donnent aucune culture. Poids respectifs au 40° jour. (A). N° 1 = 50 gr. (B).. N° 1 — 180 gr. (C). N° 1 = 162 gr. INDE PES or: NI MAR ST HO = ur N° 3 — (mort le 16 mai). N° 3—=U25er NES or. N° #4 — (mort le 18 mai). No UPS ere No — 130, sr. N°5 — (mort le?): Observation. — L'examen de l'appareil démonténous a permis de constater que l’amorce de sortie (aspiration) d’air était en partie obstruée. Expérience du 5 mars 1911 (Œufs de Houdan). (A). 3 œufs désinfectés : 2 poussins (appareil). B). 5 œufs désinfectés : 5 poussins (éleveuse des témoins). (C). 3 œufs non désinfectés : 3 poussins (éleveuse normale). y 126 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR De petits fragments de viande et de graisse sont ajoutés à l'alimentation de (A) (B) (C) dans le but de la rendre plus riche. Cette graisse, fondue pendant la stérilisation, fait prise au refroidissement et forme à la surface des aliments une croûte très dure et en partie inattaquable par les poulets. De ce fait ceux de (A) et de (B) ont une grande difficulté à se nourrir. Un des (B), malingre dès le début, meurt le 19° jour. Les poulets (A\ sont bien portants pendant les trois premières semaines. Le 25° jour, l’un d'eux est moins vif, ses pattes sont anémiées, ses plumes par instants se hérissent, il porte l'aile basse; il en est de même chez deux témoins (B). Le sacrifice est fait le 9 avril, 35° Jour. A l’autopsie, le n° 2 des poulets (A) et les n° 1 et 4 des (B) sont très anémiés. Les cultures de contrôle sont stériles. Poids respectifs au 35° jour. CENT re (BANG E Te (CAN STTEEr N°2 —"64%er. NP 69e re INDE OR en NS Ode: NE MOrere NA ion N° 5 — (mort le 24 mars). Expérience du 1T avril 1911 (œufs de Houdan). L A. 3 œufs désinfectés : 3 poussins (appareil). (B (C 4 œufs désinfectés : 4 poussins (éleveuse des témoins). 2 œufs non désinfectés : 2 poussins (éleveuse normale). ). J. Les poussins (A) sont très vivaces dès le lendemain de l'éclosion. Le 5° jour, des graines projetées par les poussins avec leurs pattes pénètrent dans l’abreuvoir et viennent se placer entre le tube d'arrivée d’eau et la vidange. L'eau imbi- bant les graines remonte par capillarité jusqu’à la vidange, ce qui fait que les godets où les animaux viennent boire restent vides. Un des poulets souffre dès le lendemain de la soif; couché sur le flanc le surlendemain, il met 5 jours à mourir. Les deux autres, plus alertes, saisissent en bondissant de rares rares gouttes d’eau suspendues à la gouttière et se formant là chaque jour. Ces quelques gouttes de boisson sont insuffisantes, les animaux sans cesse assoiffés font des efforts inutiles pour se procurer de l’eau à l’abreuvoir; ceci nous oblige à arrêter l'expérience, le 22° jour. —} EXPÉRIENCES SUR LA VIE SANS MICROBES 12 L'autopsie du n° 1 de (À) ne révèle rien d’anormal, celle du n° 2 n'est pas faite. Les organes du n° 3 mort depuis 10 jours sont presque exangues el fort diminués de volume, mais — ainsi qu'il était facile de le prévoir par suite de l'absence de bactéries — n'ont subi aucune altération; seule la paroi du duodénum, de l'iléon et du cæcum est amincie, friable et semble avoir été en partie digérée. Son contenu intes- tinal ainsi que toutes les autres prises (habituelles) sont stériles. Poids respectifs au 22 jour. CSN EST (BNP AEA 60e CN NEMR RE NE 5er: Na2%— 5er. NE RS er N° 3 — (mort le NO ESMUIE 29 avril). NE 62 er Observation. — Les témoins n’ont été privés d’eau à aucun moment de l'expérience. Expérience du T juin 1911 (œufs de Houdan). (A). 3 œufs désinfeclés : 2 poussins (appareil). (B). 4 œufs désinfectés : 4 poussins (éleveuse des témoins). (C). 5 œufs non désinfectés : 5 poussins (éleveuse normale). - Les poulets (A) paraissent identiques aux (B)et aux (C) jusqu’à une période de temps où ils sont privés d’eau à trois reprises différentes; la première pendant 1 jour, la deuxième et la troisième pendant 2 jours. Ce manque d’eau provient de l'élévation à 20 degrés de la température de l’eau du réfrigé- rant rendant impossible la condensation. Les témoins (B) ne reçoivent pas de boisson pendant le même laps de temps. Ces privations répétées affaiblissent les (A) et les (B): ils man- quent d’appétit et d’entrain. Ce n'est que le 3° jour après les deux dernières journées d’assoiffement (17 juillet) qu'ils retrouvent leur bonne allure. Ils restent bien portants jus- qu’au 22 juillet, jour du sacrifice (45° Jour). Les (A) et Les (B) présentent le même développement. A l’autopsie, on trouve les organes des uns et des autres assez fortement anémiés. 128 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Poids respeclifs au 45° jour. (A): N° A=Méter (BANEMEY62 1er (CAN 0er No ESEer ND — 57 gr. ES UE NO Dre NS Te er N° 4 — 57 gr. NORMES NOUS Te Observation. — La différence de poids très sensible entre les (A) et les (B) d'une part, les (C) de l’autre est exceplion- nelle. Nous croyons pouvoir l’attribuer à la privation de boisson supportée par les (A) et les (B), seuls. LES ÉLEVAGES EN CULTURES PURES. — Parmi les contaminations accidentelles survenues en cours d'expérience, quelques-unes ont été des cultures pures. De ce fait, ces expériences sont entrées d’elles-mèmes dans le cadre des recherches que nous comptons entreprendre ultérieurementsur l’action exercée par divers microbes isolés ou symbiosés sur l’animal stérile. Nous les relatons ici parce que les bactéries introduites étant connues comme saprophytes ou comme faiblement patho- gènes, ces expériences nous renseignent, dans une certaine mesure, sur les effets que la vie sans microbes, plus ou moins prolongée, peut produire sur la sensibilité (à l'infection) de l'animal. Elles ont été faites pendant la deuxième période de nos expériences. Pour les deux premières, nous avons suivi la technique de la première série (alimentation fréquemment renouvelée); pour les autres, celle de la deuxième série (alimen- tation donnée une fois pour toutes). (Première série). — Æxpérience du 21 juillet 1908 (œufs de Faverolles). — Symbiose de coli commune d’ En ren et de mesentericus fuscus de Flügge. La première DES de cette expérience se trouve décrite dans l'expérience de la même date, des élevages stériles. La contamination se fait le 15° jour pendant la prise d'un des deux poussins aseptiques. L'expérience se continue pendant 10 jours, jusqu'au 15 août. L'alimentation donnée seulement tous les deux jours se com- pose uniformément de farine Spatt's et de salade. EXPÉRIENCES SUR LA VIE SANS MICROBES 129 L'aspect du poulet de l'appareil n'a pas changé; il reste en parfaite santé ainsi que les témoins. Tous les ensemencements et la gélose de l'appareil donnent du mesentericus fuscus et un coli ordinaire. Poids respectifs au 30° jour. (A). N° 1 — (sacrifié le (B). N° 1 — (sacrifié le (C). — ? 5 août). _5 août). NEO gT: N° ? — 102 gr. NOR EN EE Expérience du 28 juin 1909 (œufs de Houdan). — Strepto- coque de Grütenfeld alias entérocoque. (A). 4 œufs désinfectès : 4 poussins (appareil). A (B). 4 œufs désinfectés : 4 poussins (éleveuse des témoins). (C). 5 œufs non désinfectés : 5 poussins (éleveuse normale). La nourriture est donnée tous les deux jours; sa composi- lion, qui n'a pas été notée chaque jour, se rapproche de celle du 21 juillet 1908. Les prises de déchets et de fèces faites dans l'appareil le 8° et le 14° jours sont aseptiques. Sur la plaque de gélose, en partie desséchée, de très petites colonies sont visibles seulement le 26 juillet (28 jours). La troisième prise faite le 27° Jour, révèle la présence d’un petit diplocoque prenant le Gram, identifié par la suite avec le streptrocoque de Grütenfeld. En raison de l'abondance des microbes contenus dans les déchets, nous estimons que la con- tamination s’est produite peu de temps après la deuxième prise, entre le 14° et le 22° jour. Les animaux de l'appareil font preuve de la même turbu- lence et du mème bon appétit pendant toute la durée de l’expé- rience, du premier au dernier jour. Il en est de même des témoins et des poussins normaux. Le sacrifice est fait le 30° jour. L'autopsie montre que les {A} sont en parfaite santé. Elle n’est pas faite pour les (B). Tous les ensemencements et toutes les préparations contiennent du Grôtenfeld en culture pure. Poids respectifs au 30° jour. 105 (A). N°4 — 8lgr. (B) N°1 gr. : (C). N°1 — 95 gr. NME er N° 2 104 er Nu2 = Er. NA Ne 000 Ne SM er. NOME=E) TE N° 4 68 gr N°20 80 er. N° 5 — (mort le ?). y 130 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR (Deuxième série). — Expérience du 15 août 1910 (œufs de Houdan). — Coli commune d’Escherich. (A). 3 œufs désinfectés : 2 poussins (appareil). (B). 3 œufs désinfectés : 3 poussins (éleveuse des témoins). (C). 4 œufs non désinfectés : 4 poussins (éleveuse normale). Les poulets de l’appareil sont en très bon état jusqu'au 10° jour, où ils ont à souffrir pendant quelques heures d'une mauvaise circulation d’air dans l'appareil. Cet accident n'a pour eux aucune suite fâcheuse. La contamination a lieu vers le 25° jour de la vie stérile. L'aspect des colonies apparues sur la gélose contrôle et l'odeur caractéristique de l'air entrainé par l’eau de la trompe nous font penser à du coli. En deux jours les poulets ont changé d’allure, ils ont presque constamment l'air souffreteux, et il en est ainsi jusqu à la fin de l'expérience que nous poursui- vons jusqu'au 60° jour. Leur développement semble s'être arrèté le 27° jour. À l’autopsie, nous ne relevons aucune lésion orga- nique, mais seulement de l’hypérémie de tout l'intestin, des poumons et du foie; le sang du cœur ne contient pas de microbes. Le contenu intestinal et toutes les prises mis en milieu de culture donnent de très nombreuses colonies d'un coli que nous identifions au coli commune d'Escherich. Poids respeclifs au 60° jour. CASERNENE 62 0 (B'ANME ME 0er (CAN EME DEEE NET NES er: ND IG) Er NAS M021er Nos Ecr N° 4 — 1463 gr Observation. — Ce coli que nous avons ingéré (mélangé à du cacao cuit à l’eau) à la dose de 100 centimètres cubes de culture de vingt-quatre heures en bouillon Martin n’a en rien modifié notre bon état de santé. Donné aux mêmes doses à deux chiens adultes pendant deux jours de suite, il n'a provoqué chez eux aucun malaise. Il en a été de même chez les poulets (B) et (C) dont les aliments ont élé arrosés de cultures du 69° au 80° jour. Peut-êlre des poussins de 20 jours élevés normalement en auralent-ils souffert; toujours est-il que ce coli reconnu comme n'élant pas particulièrement pathogène, le fut très net- EXPÉRIENCES SUR LA VIE SANS MICROBES 131 tement pour nos élèves stériles, soit que leur organisme eût acquis une sensibilité spéciale, — ce que nos élevages stériles semblent contredire, — soit que son pouvoir pathogène fût annihilé chez le poulet normal par la présence d’autres bactéries . il est à remarquer que, dans notre expérience du 21 juillet 1908, un coli en symbiose avec un mesentericus n’a ni entravé ni favorisé le développement de poussins ayant été stériles. Nous attirons l'attention sur les observations que nous venons de relater, parce qu’elles sont en contradiction avec les résultats que nous-même avons vu obtenir dans les expériences du professeur Schottelius. Ce désaccord est-il dû à ce que notre coli était très éloigné de la variété « gallinarum » employé de préférence par ce savant? Le fait que nous signalons est-il une exception? — II ne peut de toute manière infirmer à lui seul la série des nombreuses observations de Schottelius. Expérience du 24 janvier 1911 (œufs de Houdan). — Subtilis. (A). 3 œufs désinfectés : 1 poussin (appareil). (B). 3 œufs désinfectés : 3 poussins (éleveuse des témoins). (C). 4 œufs non désinfectés : 3 poussins (éleveuse normale). Deux œufs mal placés dans la mère de l'appareil n’éclosent pas. Les 2 premiers jours après l’éclosion, le (A) n’est pas vigou- reux. Il le devient rapidement ensuite et se porte très bien jusqu'au 22 février, le 28° jour. Le 23 février, la grande ouver- ture est ouverte afin de redresser, à l’aide d’une pince, la boîte de gélose fortement inclinée. Malgré les précautions prises, l'appareil est contaminé pendant l'opération, car 3 jours après apparaissent sur la gélose de très petites colonies cristallines. Le 20 février, l'air aspiré dans l'appareil dégage une odeur de graines sures. Le 22, l'animal change brusquement d'aspect : ses pattes sont presque ankylosées, ses ailes sont tombantes; le lendemain, ses plumes se hérissent, il est mourant. Nous le sacrifions le même jour. Les poumons sont rétractés, la plèvre et le péritoine contiennent une sérosité transparente, filamen- teuse. Les bronches et tout le tube digestif sont tapissés de spores et de bâtonnets. Il en est de même des graines répan- dues sur le sol. 132 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Tous les ensemencements donnent un aérobie strict, du sub- üilis, nettement différencié d’un mesentericus. Poids respeclifs au 28° jour. (A). N°1—53gr. (B). N°1 — 61 gr. (C). N° 1 — 66 gr. IN. er NA ere N° 3 — (retiré le ?). No 3 — (retiré le ?). Observation. — Le subtilis, reconnu comme un saprophyte non pathogène, a eu manifestement sur le poussin stérile des effets rapidement toxiques. Nous ne croyons pas cependant devoir les attribuer à une sensibilité particulière du sujet, mais aux produils de la décomposition opérée sur les graines par les cultures, ou bien au véritable tapissage exceptionnel fait par ces cultures dans la trachée et les grosses bronches de l'animal. TABLEAU RÉSUMÉ DES MOYENNES DES pois. — Ce tableau nous montre que, parmi les élevages stériles, deux expériences (12° jour et 35° jour) donnent pour les poussins de l'appareil (A) comparés à leurs témoins (B) une différence de poids insigniliante, l’une en moins, l'autre en plus. En raison des écarts de poids parfois assez sensibles constatés normalement entre les poussins d'une couvée, même de race pure, on peul considérer ces 2 élevages comme équivalents. Restent 3 élevages stériles (15° jour, 20° jour, 45° jour), d'un poids nettement plus fort que celui des élevages témoins, et 3 autres (22° jour, 33° jour, 40° jour), d'un poids nettement plus faible. L'état d'infériorité manifeste dans lequel ont été mis nos élèves stériles dans 2 de ces derniers élevages (manque d’eau pour celui de 22 jours, manque d’air pour celui de 40 jours), fait pencher la balance en faveur du poids des élèves stériles. D’après le tableau, on voit que ce « meilleur poids » ne se rapporte pas seulement à des poussins d'un même âge donné, mais qu'il se retrouve à diverses périodes de leur croissance, 15°, 20°, 35°, 45° jour. 133 » EXPERIENCES SUR LA VIE SANS MICROBES (9) enb — (y (9) onb + ( (9) onb (9) nb — (1 (2) enb — (« (9) enb — (« (9) onb — (« 15 9) LE (4) 19 (4) onb — (8 ‘418 ge) ‘ quasqd (y) ‘T 09 ne (‘1978 ‘T ça) * : a8 ç ) LE (g) 10 (4) onb — (« 48 01) - quosad (y) ‘0€ ne (agi T 02) * * 18 1) À (g) v | (g) onb + (g &) FE quosod (y) ‘0€ ne (‘aggs *l gr) : : è (g) 1 (g)onb—(ç'ax8 8) = quosqd (y) ‘l ça ne (agis ( y) "Saind Ssounyino Ua Sa0DG2)4 Tosedde,r suep are p onbuext (4 ‘18 Le) FE (g) 30 (4) onb + (c'a8 1 ) 88 quosad (y) :[ .gy ne : ouos 3 odAJ 18 17) e (g) 29 (g) onb — («418 98 Et juosad (v) T 07 ne : ou9os .z 9d4J ‘18 £a) LE (4) 99 (4) onb + (c'axsg ) Le quesad (y) ‘[ .cg ne : ons .z 9dA : : 15 LI) ; (a, 10 (4) onb — («48 Gr) 3 quosad (y) "leg ne : ou9os .5 od4) 15 9) s (4)-39 (4) onb — (z'a88 ) ; quosad (y) ‘l .23 ne : ou9s .3 od 48 G JE (ag) 39 (g) onb + («48 Ja) : quosad (y) ‘T .03 ne : ou9s «7 od{ ‘48 +) “ (4) 19 (g) onb + (ge as ç) . quesad (y) ‘T .cy ne : ons 7 od4j 13 @] LE (4) 9 (q) anb — {« 418% ) . quosad (+) ‘l'oar ne : a119s 11 dj "SOJI19}S Sobnaa) ‘SOIOd A SANNAAON S4Q A4ILVHVANON NVATAVI SHONATUIAXA SA ANNASAH : PraJua1o um) . . “°Q 109 ‘juosou ‘8 op ‘(,) A ‘806I ‘uepnoFf — ‘SOI[OIOARA * * ! 109 “S 2 “H ‘O6 1uoe ‘srnqus ©S 8 ‘II ‘r167 ‘auel nf — ‘|loredde,| Suep uosstoq ep neo,p onbuex (4) ‘ uepnoH Fr6F um (g1ou sed) 4 sn ‘(,,) 0165 umf °° uBpnoH SN ‘IIGI SAP © SO[TOIDAB, SN ‘GOGI 2140790 ° * “ugpnop SJn® (,) 1164 [AR ‘ © ‘ SAT[OI9AR,J SIND ‘06F IE "SOTTOTABX SJn@ ‘8067 1011mnl AION-FHIO0H 9p Sn ‘2067 um £ oaP ‘() H ‘6067 um TG YG CE 134 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR La comparaison faite entre les témoins et les élèves nor- maux établit que l'appareil à élevages stériles permet de réaliser de très bonnes conditions d'expérience (type de la 1" série); en outre, elle nous permet d'apprécier dans quelle proportion sensible une de ces conditions expérimentales est modifiée défavorablement— sans entraver l'expérience, comme on le voit — par la suppression de l'alimentation journalière et par sa stérilisation en bloc à 118 degrés pendant 1 h. 30 (type de la 2° série). A en juger par la moyenne de poids des élevages en cultures pures, la présence du streptocoque de Grülenfeld semblerait influencer favorablement le développement du poussin stérile ; celle du coli en symbiose avec le mesentericus fuscus serait plutôt défavorable ; le coli seul gènerait considérablement ce développement qui serait enfin rendu impossible par la pré- sence d'abondantes cultures de subtilis. OBSERVATIONS GÉNÉRALES FAITES EN COURS D EXPÉRIENCE. — À Côté des expériences que nous venons de relater ici, d’autres, que nous n'avons pas mentionnées, ont été interrompues acciden- tellement. Ces dernières, nombreuses, nous ont permis sou- vent, tout aussi bien que les premières, d'observer attentive- ment la vie du poulet élevé sans microbe. Elle nous a paru en tous points, sauf en un seul, semblable à celle des témoins ; et il en est ainsi à tous les stades de leur développement observés par nous. La seule restriction porte sur la fonction digestive; l'appétit des stériles est plus développé que celui des témoins, ses déjections sont plus fréquentes et plus abondantes. Chez les uns et les autres, même turbulence, même attitude ; même déve- loppement des pattes, des ongles, du bec et des plumes; mème état organique, révélée par l’autopsie. Si le poussin stérile paraît à un moment plus volumineux, c'est, semble-t-il, parce que n'ayant jamais la peau irritée par des poussières septiques, il se gratte moins souvent et conserve ainsi son duvet plus longtemps. Contrairement à un fait signalé par Schottelius, nous n'avons pas vu, dans les cas d’éclosion normale et en dehors d'un mauvais fonctionnement accidentel de l'appareil, d’ani- maux cachectiques ni dès le 10° jour ni plus tard. Nous avons cependant constaté, à partir du 32° jour chez les stériles, et : EXPÉRIENCES SUR LA VIE SANS MICROBES 435 chez leurs témoins, de race Faverolles, de la raideur articulaire des pattes, due vraisemblablement à l'exiguité de l'appareil et de l’éleveuse des témoins. Nous ne voulons pas dire cependant que tous nos poulets stériles soient des animaux extrêmement robustes; ils sont simplement au moins aussi robustes que leurs témoins, ce qui seul importe dans les déductions à tirer de l'expérience. En effet, si les stériles et les témoins de la 1" série étaient aussi développés que les élèves normaux, — ce qui confirme l'obser- vation de Belonowsky (1) sur l'alimentation stérilisée donnée dans des conditions favorables, — il n’en est plus de même dans la 2° série où élèves stériles et témoins sont, malgré leur allure souvent très vivace, des animaux de taille plus petite. aux plumes moins poussées que chez les normaux, et reconnus à l’autopsie comme étant plus ou moins anémiés. Le poulet stérile offre une très grande résistance à la mort par le froid, l'humidité, la soif, la faim. Chacun sait que rien n’est fragile comme la vie d’un poussin ordinaire; elle est à la merci d’une ondée, d’une privation; les poussins stériles de notre 1" expérience ont pu rester impunément pendant 12 jours, les plumes constamment mouillées et collées au corps ; d’autres, dont un signalé dans notre expérience du 17-3-11, ont mis plus de 5 jours à mourir de faim, de soif et de froid. C'est là une preuve du rôle actif de l'infection s’attaquant au poulet normal dont la résistance vient d'être amoindrie par une cause phy- sique. Tous Les animaux rendus à la vie normale, après une exis- tence aseptique plus ou moins longue, sont devenus des adultes bien constitués. CONLUSIONS. La vie sans microbe est possible pour un vertébré — le poulet — pourvu normalement d'une riche flore microbienne. Cette vie aseptique n’entratne par elle-méme aucune déchéance de l'organisme. Telles sont les conclusions qui se dégagent de la lecture du (1) Centralbl. f. Bakter., I., Origin., 1907, t. XLIV, p. 322. 136 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR tableau de la moyenne des poids en même temps que des obser- vations générales recueillies en cours d'expérience. Nos sujets stériles ont en effet dépassé victorieusement les premières semaines critiques pendant lesquelles on supposail que les sécrétions digestives du jeune animal n'étaient pas suffisantes pour qu'il pût se passer du secours des bactéries; ceux de 15 jours sont aussi «bien venus » que ceux de 6 semaines et réciproquement. En nous donnant la preuve que leurs fonctions digestives pouvaient pourvoir à leur développement sans l’aide micro- bienne, ils ont confirmé du même coup que cette aide était effective chez le poulet ordinaire, ce que l'expérience n'avait pas encore élabli; ne voyons-nous pas en effet que les diges- tions du poulet aseptique sont plus chargées en déchets ali- mentaires et que ce poulet supplée de lui-même à cette digestion moins complète en ingérant une quantité plus grande d'aliments? On peut donc dire que la flore intestinale, wtilisée par l'animal, ne lui est pas endispensable. La vie aseptique, plus ou moins prolongée, n'a fait subir aucune déchéance au sujet en expérience puisqu'il est au moins aussi développé que ses témoins et que, rendu à l'infection microbiennenormale, il ne soullre pasde la présence des innom- brables bactéries, saprophytes et pathogènes, qui, en moins de 24 heures, ont envahi son tube digestif. Il grandit, devient adulte, fait souche normale. Ce fait expérimental semble démontrer que la préparation à la lutte contre ces microbes n'est pas le résultat d’une acquisition individuelle, mais est bien héréditaire. Les états cachectiques provoqués par le coli et Le subtilis, dans les élevages en cultures pures, semblent mettre hors de cause une hypersensibilité du poussin stérile et faire entrer en jeu une action parliculière exercée sur l'organisme par une bactérie mise à l'écart de toute autre influence microbienne. Les diverses constatations qui précèdent, faites sur le poulet, se rapportent-elles à une loi générale s'étendant à tout Le règne animal? Le fait, déjà établi par l'expérience de laboratoire et l’ob- servalion puisée dans la nature pour les invertébrés, paraît se confirmer pour les vertébrés en général depuis que, pour- EXPÉRIENCES SUR LA VIE SANS MICROBES 137 suivant la série de ses recherches, Metchnikoff, en collabo- ration avec quatre de ses élèves (1), a fait connaîre la vie nor- male presque aseplique d’un petit mammifère, le Péteropus medius, communément appelé la roussette. De mème que nos poulets stériles, la roussette rejette en excès des parcelles alimentaires non digérées et une nourriture plus abondante lui est nécessaire. Son étude a permis d’éclaircir plusieurs questions très discutées, telles que celle de la trans- formation de la cellulose par l'organisme et celle de l’origine microbienne des poisons phénoliques urinaires. Bien d’autres problèmes concernant la digestion et l'immu- nité deviendront solubles à leur tour quand l'expérience de laboratoire pourra utiliser sans grande difficulté comme ani- maux aseptiques de petits mammifères tels que le chat, le cobaye, le rat ou le lapin. Ainsi, le principe d'adaptation indissoluble entre l'animal et ses bactéries, principe qui semblait s'imposer à nous comme une loi biologique bien établie, n’est pas d'accord celte fois avec l'expérience. Nous venons de voir que les microbes — à l'aide desquels la matière vivante se perpétue dans la nature — ne sont pas indispensables à certains vertébrés en eux; el cette constatation, jointe à ce que nous savons de la roussette, peut déjà nous guider dans la conduite que nous avons à tenir vis-à-vis du monde microbien peuplant notre tube digestif. (4) Mercanikorr, WE&iNBERG, Pozersxtr, Disraso et BErTHELOT, Roussettes et microbes, Annales de l'Institut Pasteur, t. XXIIT, décembre 1909. LA DESTRUCTION INTRASPLÉNIQUE ET INTRAHÉPATIQUE DE CORPUSCULES ROUGES DU SANG DANS LES CONDITIONS NORMALES ET PATHOLOGIQUES par le Dr I.-I. LINTVAREV Prosecteur à l'hôpital Alexandre. à Saratov. (Suite et fin.) Dans toutes les affections que nous venons de passer en revue, maladie de Banti, cirrhoses du foie, splénomégalie de Gaucher, on trouve une anémie susceptible d'expliquer la pathogénie de ces états morbides. Ce sont des anémies primi- tives par suractivité des érythrophages et qui se traduisent par des altérations qualitatives et quantitatives plus ou moins accusées du sang, ne différant des anémies dites pernicieuses que par une moindre intensité des modifications dans la com- position sanguine. Dans l’anémie pernicieuse, comme dans les maladies préci- tées (anémie de Banti, cirrhose du foie et splénomégalie), les modifications qualitatives de la composition du sang sont essentiellement les mêmes : apparition de formes jeunes, incomplètement développées d’érythrocytes (Jugendformen des auteurs allemands), telles que polychromatophiles (Grawitz, loc. cit., p. 120), éléments nucléés (érythroblastes), mégalo- cytes et microcytes (Hayem, Eichhorst, Eisenlohr) (*). En ce qui concerne les poikilocytes, reste encore ouverte la question de savoir s’il faut les compter pour des formes dégénératives ou s’ils peuvent être rangés aussi dans le groupe des éléments irrégulièrement développés lors d'une néoformation forcée d'érythrocytes. En tout cas, il n'existe pas dans la littérature médicale de preuves concluantes de ce que les poikilocytes soient des formes dégénérées. (*) Voy. GRawiTz, loc. cit. LA DESTRUCTION DE CORPUSCULES ROUGES DU SANG 139 D'ailleurs, leur nombre est généralement des plus restreints dans les cirrhoses du foie, dans la maladie de Banti et dans la splénomégalie, et, d'autre part, les formes granulées ne se rencontrent que dans les anémies pernicieuses Les plus graves. Cela étant établi, les modifications du sang dans l’anémie pernicieuse ne se distinguent de celles des trois affections sus- mentionnées que par le degré d’altération des globules rouges et surtout par le nombre de ces globules et par leur teneur en hémoglobine. Mais, dans l’anémie pernicieuse, l'augmentation du volume de la rate est, comme on sait, chose presque constante; 1l y à une splénomégalie qui, d’après les auteurs, proviendrait d’une hyperplasie de tous les éléments figurés du tissu splénique. Je n'ai pu trouver nulle part d'étude plus complète de la rate dans cette forme d'anémie. Cependant, dans quelques cas d'anémie pernicieuse dont il m'a été donné de faire l’autopsie, la rate était très augmentée de volume. Les travaux de Heinz (18) et nos recherches personnelles sur les altérations du tissu splé- nique dans l'anémie pernicieuse provoquée par des substances toxiques, permettent de supposer que, dans l'anémie perni- cieuse chez l’homme, il y a dans la rate, par l'effet d'une substance toxique, formation excessive d’érythrophages qui absorbent en masse les globules rouges du sang. Les recueils scientifiques sont également pauvres en ren- seignements sur les modifications du foie dans les anémies pernicieuses. On sait seulement — ce qui nous importe sur- tout — par les travaux de Quincke que, dans toute anémie per- nicieuse plastique, la teneur du foie en fer est très augmentée. Ainsi, chez l’homme sain, la quantité de ce métal pour 100 grammes de substance hépatique desséchée est de 100 à 200 milligrammes, tandis que dans l’anémie pernicieuse elle atteint 1.900 milligrammes. Cette énorme teneur du foie en fer est l'indice d'une destruction considérable de globules rouges. Pareille destruction ne se produit pas, sans doute, dans le liquide sanguin lui-même, mais elle résulte, comme nous en sommes convaincu, d'une absorption excessive d'éléments figurés du sang par les érythrophages de la rate et de leur des- truction dans le foie. Nous en avons décrit le mécanisme. La génération des globules rouges destinés à remplacer 140 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR ceux qui ont été détruits se fait, comme dans toute anémie, au sein de la moelle osseuse qui est toujours rouge dans l’anémie pernicieuse. L'’anémie dite aplasique fait seule excep- lion à cette règle, mais en pareille occurence, alors qu'il s’agit, par exemple, d’un néoplasme de la moelle osseuse, l’anémie est due à l’abolissement de la fonction hématopoiétique de cet organe. Et il faut remarquer que, dans ce cas, il n'y a pas de sidérose du foie (Leube, 19). Les altérations du tube gastro- intestinal dans l’anémie pernicieuse, comme, d’ailleurs, dans toutes les maladies précitées, sont constantes et se traduisent par des phénomènes plus ou moins accusés de gastro-entérite. Nous pouvons donc affirmer que, dans la maladie de Banti, de même que dans les cirrhoses du foie, dans la splénomégalie et dans l’anémie pernicieuse, on trouve constamment les altéra- tions morbides suivantes : 1° Anémie qualitative et quantitative ; 2° Augmentation du volume de la rate: 3° Alltérations du foie: sidérose ou cirrhose ; 4° Lésions atrophiques du tube gastro-intestinal: 5° Moelle osseuse rouge. Toutes les affections ci-dessus énumérées sont à classer dans un même groupe d'anémies primitives. Les particularités cli- niques de chacune de ces formes résultent de la prédominance d’un ou plusieurs des signes que nous avons indiqués et qui fixent surtout l'attention du clinicien. Lorsque prédominent les altérations graves du sang, on parle d’anémie pernicieuse, attribuant aux autres symptômes le rôle de phénomènes concomitants. Est-on surtout frappé par les symptômes liés à l'induration du foie, on dit «cirrhose ». En présence d'une hypertrophie de la rate, dont les causes ne sont pas apparentes, on dit « splénomégalie ». Enfin, on diagnostique la maladie de Banti lorsqu'on a affaire au syn- drome; anémie, splénomégalie et cirrhose du foie. Or, la différence entre ces trois formes morbides n’est que qualitalive. L'érythrémie ou polyglobulie de Vaquez, accompagnée d'aug- mentation du nombre de globules rouges, doit aussi être classée dans ce groupe de maladies du sang, si étrange que cela puisse paraître. LA DESTRUCTION DE CORPUSCULES ROUGES DU SANG 141 On sait que la polyglobulie va de pair avec la splénomé- galie, l'augmentation du volume du foie et l'hyperplasie de la moelle osseuse. Au point de vue anatomo-pathologique, cette maladie — dont nous avons eu l'occasion d'étudier elinique- ment deux cas — est encore peu ou point connue, mais on peut supposer que l'augmentation du volume de la rate y est due à une destruction excessive de globules rouges, tout autre cause de splénomégalie faisant ici défaut. Comme le mon- trèrent mes recherches sur la maladie de Banti, ainsi que les faits constatés par Donitz (20), on peut admettre, avec grande probabilité, une destruction intrasplénique massive d'érythro- cytes dans l'érythrémie également. En effet, ce processus se manifeste 1c1 (comme c'était le cas dans mon observation) par la présence de formes Jeunes de globules rouges dans le sang et d’urobiline dans le liquide urinaire. Dès lors, il est facile d'expliquer l'augmentation du volume du foie où se détruisent précisément les cellules venues de la rate et ayant happé des globules rouges. Mais comme on à affaire ici non à une diminution, mais, au contraire, à une augmentation du nombre de globules rouges, il faut admettre que l'élaboration de ces éléments par les organes hématopoiétiques est également augmentée. En effet, la moelle osseuse est rouge dans la polyglobulie. Or, pour avoir une augmentation du nombre de globules rouges dans un volume donné de sang, pendant que, d'un autre côté, les érythrocytes sont détruits en masse, leur formation doit être singulièrement activée, et, sil n'y a pas équilibre entre ces deux processus contraires, si la formation prédomine sur la destruction, 11 y aura nécessairement polycytémie. Il existe actuellement deux explications différentes de cet état morbide. D'après certains auteurs, l'augmentation du nombre de globules rouges est l'effet de leur surproduction, leur destruction demeurant normale. Pour d’autres, l'éry- thrémie pourrait être due à une destruction ralentie d'érythro- cytes formés en quantité normale. En ce qui nous concerne, nous ne pouvons accepter ni l’une ni l’autre de ces inter- prétalions. Elles ne nous donnent pas, en effet, la cause de la splénomégalie qui est, pourtant, constante dans cette ma- ladie. 142 | ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Ii faut nous arrêter encore sur une affection particulière, appelée pseudo-leucémie. Nos notions sur cette maladie sont si vagues que Virchow était porté à n'y voir qu'un « fouilli » (Mischmasch). Les signes cardinaux de pseudo-leucémie ou maladie de Hodgkin sont : anémie quantitative et, en partie, qualitative; splénomégalie : tuméfaction des ganglions lymphatiques périphériques et hyperplasie de la moelle osseuse. Ces symptômes s’accom- pagnent d'élévalion du degré thermique, laquelle est irrégulière, comme dans toute anémie primitive. La différence essentielle de cette maladie d'avec les états anémiques dont il a été ques- tion, consiste en la présence de ganglions lymphatiques tuméfiés. La littérature médicale ne renseigne pas sur la question de savoir si les ganglions sont augmentés dans l’anémie perni- cieuse et dans la cirrhose du foie. Cependant, comme il a été dit, Schlagenhaufer a constaté, dans les ganglions Iympha- tiques hyperplasiés de splénomégaliques, la présence de grosses cellules avec vacuolisation en rayons de miel. Elles sont si caractéristiques et ressemblent tant à nos érythrophages que nous ne doutons pas un instant de leur identité avec ces der- niers. Chacun peut facilement s'en convaincre en jetant un coup d'œil sur le dessein du professeur Schlagenhaufer (fig. 8). Nous retrouvons donc dans les ganglions lymphatiques des splénomégaliques le même processus d'absorption de globules rouges par les érythrophages, et il est facile d'expliquer ce phé- nomène, si l’on admet que la cause qui incite les érythro- phages à se multiplier dans la rate, agit de même facon sur les éléments des ganglions lymphatiques où les érythrophages se forment également. Cela n’a rien d'invraisemblable, puisque les ganglions lymphatiques ont, dans leur structure, tant d’ana- logie avec la rate, notamment avec ses corpuscules de Mal- pighi. Si donc les éléments cellulaires des corpuscules de Mal- pighi engendrent des érythrophages sous l'influence d’un poison circulant dans le sang (voir plus haut), pourquoi les gan- glions Ilymphatiques ne le feraient-ils pas aussi dans des con- ditions analogues? Dans notre observation de maladie de Banti, nous avons noté une hyperplasie des plus manifestes des ganglions mésen- tériques. Suivant toute probabilité, nous y eussions trouvé des LA DESTRUCTION DE CORPUSCULES ROUGES DU SANG 143 érythrophages, mais, en faisant l’autopsie, nous ne pensâmes pas à conserver ces glandes pour l'examen microscopique, ce que nous regrettons beaucoup. Cependant, il fault en convenir, si dans la littérature médi- cale 1l n'est pas fait mention de ces phénomènes, ni dans l'anémie pernicieuse, ni dans la cirrhose du foie, il ne s’en- suit pas que ces altérations ne puissent exister en réalité. Quant à moi, Je suis enclin à penser que les altérations décrites par le professeur Schlagenhaufer dans les splénomé- galies doivent exister également dans les anémies primitives. Par contre, nous savons, par les travaux de Sternberg (20), que les ganglions pseudo-leucémiques contiennent nombre de cellules sur generis, mononucléées ou polynucléées, avec proto- plasma abondant, à noyau volumineux, rond et polymorphe, se colorant facilement. Ces cellules rappellent celles des néo- plasmes. On trouve des formes de transition entre elles et les cellules endothéliales des capillaires. Renferment-elles des globules rouges ou des « vacuoles en rayons de miel »? L'au- teur ne nous le dit pas. D'après les recherches les plus récentes (V. Bleichræder, loc. cit., p. #76), on admet, dans la pseudo-leucémie, comme substratum anatomique de cette affection, trois sortes de modi- lications des ganglions lymphatiques, se distinguant entre elles histologiquement et étiologiquement, à savoir : 1° Simple hyperplasie : Iymphome simple; 2° Hyperplasie tuberculeuse : lymphome tuberculeux, et 3° Hyperplasie de la syphilis tertiaire : lymphome gom- meux. Sternberg a trouvé ces cellules dans les Ilymphomes tubercu- leux, Be rh (22) dans les Iymphomes syphilitiques. Ils les décrivent comme offrant une grande ressemblance avec les cellules endothéliales et épithéliales. Elles sont, d'après Sternberg, volumineuses, à protoplasma finement granulé, mais cet auteur re parle pas de leurs inclusions. On pourra les trouver, très probablement, dans les hyperplasies simples (si elles existent) des ganglions pseudo-leucémiques, et il est permis de supposer que ces cellules sont pareilles à celles que Schlagenhaufer constata dans les ganglions lymphatiques de sujets atteints de splénomégalie. 14% ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Dans la plupart des cas de pseudo-leucémie, la rate est crosse, de consistance moyenne, et elle présente des signes non douteux d'hyperplasie : augmentation du nombre de corpuscules de Malpighi et prolifération des éléments de la pulpe. D'après Bleichræder (/oc. cit., p. #47 et 448), la rate offre des altérations similaires dans la cirrhose du foie, dans l'anémie pernicieuse et autres maladies du sang où cet organe accuse une augmentation de la teneur en fer, indice de des- truction excessive des globules rouges. On y trouve de grosses cellules particulières (formes irritatives, Beinzungsformen de Turek) et une prolifération, d'intensité variable, du stroma conjonclif. D'après Ziegler (/oc. cit., p. 129 à 131), on observe, dans la pseudo-leucémie, une splénomégalie d’origine tuber- culeuse. Parfois, elle est accompagnée d'une dégénérescence caséeuse peu apparente, caractérisée par la formation de nodules à grosses cellules, sorte de prolifération d'éléments polynucléés. En admettant, dit l’auteur, que cette splénomé- galie tuberculeuse fût liée à des lésions analogues des gan- glions lymphatiques, on pourrait expliquer le tableau clinique et anatomique de la pseudo-leucémie. Il est donc permis de supposer — el nous pâmes nous en convaincre par l'examen de rates de tuberculeux — que l'anémie quantitative des pseudo-leucémiques est produite également par l'augmentation du nombre des érythrophages dans la rate. Comme le fait a déjà été signalé, la pseudo-leucémie accom- pagne, dans la plupart des cas, la tuberculose que C. Stern- berg (loc. cit.) a constaté quinze fois sur dix-huit observations de pseudo-leucémiques. D'autres ont souvent trouvé des bacilles tuberculeux dans les ganglions de ces malades, soit à l'examen purement bactérioscopique (Askanazy, 23) soit, le plus souvent, après inoculations aux animaux du sue de ces ganglions, alors même que ceux-ci ne présentaient pas de lésions microscopiques propres au processus tuberculeux (Fischer, 24, et Sabrazès, 15). La présence, dans les ganglions pseudo-leucémiques, d'éry- throphages dont les dimensions, la forme et le protoplasma varient suivant leurs inclusions, pourrait peut-être, fournir au professeur Ziegler lexplication de l'origine des « lym- LA DESTRUCTION DE CORPUSCULES ROUGES DU SANG 145 phomes, polymorpho-cellulaires », forme particulière de lésions tuberculeuses dans les ganglions pseudo-leucémiques (/oc. cit., p. 149). Pour ce qui en est de l’élat du foie dans la pseudo-leucémie, nous n’en savons encore rien, mais, du moment que les éry- throphages sont nombreux dans la rate — comme nous n’en doutons pas — on doit évidemment en trouver aussi dans le foie, où, apportés par le torrent circulatoire, ils se détruisent, fournisssant en abondance le matériel nécessaire à l’élabora- tion de la bile et à la production de dépôts d'hémosidérine et amenant, dans certains cas, des lésions interstitielles. De cette façon, entre la pseudo-leucémie et les maladies pré- citées (anémie de Banti), splénomégalie primitive, cirrhose du foie, anémie pernicieuse d’une part, et la tuberculose ou la syphilis d'autre part, il existe un lien inlime. Dans toutes ces affections, l’anémie est due à certaines substances toxiques produisant dans la rate, dans les ganglions lymphatiques, et peut-être aussi dans la moelle osseuse, une augmentation con- sidérable en éléments phagocytaires préexistant à l’état normal, qui happent les globules rouges du sang et les portent avec le torrent circulatoire au foie, pour y subir une destruction définitive ? Quels sont ces poisons ? Pour essayer de résoudre cette question, nous avons mis à prolit les données de l’hématopathologie. D'après Gravitz (/oc. cit, p. 232 à 233), il y a deux sortes de poisons du sang qui produisent l'anémie. Les premiers, une fois introduits dans l'organisme, détrui- sent les globules rouges dans le sang circulant. Ce sont les poisons dits hémocytolytiques. Les poisons du second groupe exerceraient une action dite plasmotrope : sans altérer les globules rouges de la circulation sénérale, ils leur conféreraient la propriété de se détruire dès qu'ils auront pénétré dans la rale ou dans le foie. À ce groupe apparliendraient la phényl-hydrasine el ses dérivés : pyro- dine ou acétyl-phényl-hydrasine (hydracéline), l'acide acéty- lopropionique (anlithermine ou antiorthine), ele. Mais expliquer l'action de ces poisons par leur « plasmotro- pisme » nous parait assez élrange. Comment, en effet, com- 10 146 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR prendre que, à dose active, ils n'influenceraient les érythro- cytes que dans la rate et le foie et non ailleurs? Déjà dans le travail de Heinz (/0oc. cit.), qui a établi précisément la théorie de l'action « plasmotrope » de ces poisons, on peut trouver des indications, de nature à laisser supposer que les choses se passent, en réalité, autrement que ne le pense l'auteur. Heinz fait ressortir que, dans les vaisseaux hépatiques, sous l'influence de la phényl-hydrazine ou des poisons similaires, les globules rouges des vaisseaux de la rate prennent un aspect granuleux (Kærnchenbildung), — probablement du fait d’une organisation particulière de l’endothélium vasculaire, — aug- mentent de densité et se transforment en pigment granuleux à l’intérieur des cellules spléniques. Et plus loin Heinz dit que ces cellules augmentent beaucoup de nombre et de volume et qu'on peut les trouver aussi bien dans les vaisseaux que dans les tissus. Elles sont remplies de produits d’altérations morpho- logiques et chimiques des érythrocytes inclus. On pourrait observer la dissolution progressive et la disparition de leurs noyaux. Pour Heinz, ce sont là des cellules endothéliales anor- malement augmentées de volume par absorption des débris de globules rouges. Il estime que, sous l'influence du poison, il se produit primitivement une altération el une destruction d'éry- throcytes, et que c’est consécutivement qu'apparaissent les « dévoreurs » de ces éléments avariés. Mais ne serait-il pas plus simple de supposer que les poisons anémiants du second groupe, introduits dans l'organisme d’une façon répétée, excitent les érythrophages préexistant norma- lement dans la rate et que cescellules, à mesure que s’accroîl leur nombre, absorbent de plus en plus de globules rouges. Cette manière de voir n’est pas en contradiction avec ce que nous savons de la marche des phénomènes chimiotaxiques dont l'intensité augmente par l'introduction répétée d'éléments hétérogènes à l'organisme, qu'il s'agisse, en l'espèce, de poi- sons bactériens ou d’autres substances chimiques. Nous avons répété sur le lapin les expériences de Heinz, avec la pyrosine, nous bornant à l'emploi de petites doses, afin de ne pas provoquer d'intoxication aiguë. La dose thérapeutique de cette substance, pour l’homme, étant de 0 gr. 10, nous njeclâmes à un lapin, du poids d’un kilogramme et demi, LA DESTRUCTION DE CORPUSCULES ROUGES DU SANG 147 2 milligrammes et demi chaque jour, dans la veine auriculaire. Avantl'expérience, l'animal pesait exactement1.580grammes; sa température était entre 37 et 38 degrés, on comptait dans 1 centimètre cube de sang, 5.900.000 globules rouges et 5.100 leucocytes. Le taux de l’hémoglobine était à 85 p. 100 (hémoglobinomètre de Fleischl). Les érythrocytes et les leuco- cytes ne présentaient rien d'anormal. Dès le quatrième Jour, donc après trois injections du poison, on nota l'apparition de polychromatophiles, une certaine dimi- nution du nombre des érythrocytes (5.780.000) et une augmen- tation de celui des leucocytes (5.400), Le cinquième jour, on remarqua des formes nucléées d’éry- throcytes (rares, il est vrai), à plasma chromatophile. La tem- pérature était à 39 degrés et le poids du corps avait diminué jusqu'à 1.562 grammes. Le huitième jour, la température était à 38°2, le nombre d'érythrocytes à 5.650.000. Beaucoup de cyanophiles avec ou sans noyau. Îl y avait souvent des éléments dont le noyau s’échappait du protoplasma. Parfois, on trouvait aussi des noyaux complètement libres dont les dimensions et autres par- ticularités correspondaient à ceux des érythroblastes. Le neuvième jour, le taux de l’hémoglobine n’était que de 60 p.100 et, dans le sang, à côté des forces constatées anté- rieurement, il y avait des macrocytes, quelques microcytes et ce queles auteurs allemands appellent des ombres (Schatten). Les premiers poikilocytes furent constatés le quinzième jour: la température variait alors entre 38 degrés et 38°5. Enfin, le dix-septième jour, après examen hématologique, on tua le lapin par une piqüre du bulbe. Il pesait 1.670 grammes (augmentation de 90 grammes). On comptait 4.720.000 érythro- cytes (diminution de 33 p. 100), 7.225 leucocytes (augmenta- tion de 1.825) et 47 p. 100 d'hémoglobine {diminution de 33 p. 100). Plus de la moitié des éléments figurés du sang étaient des polychromatophiles nucléés ou anucléés. On apercevait quelques microcytes, beaucoup de macrocytes toujours poly- chromatiques, peu de poikilocytes. Jamais au cours de l’expé- rience on ne vit de formes granulées. Autopsie : rate augmentée de volume, comparativement à celie d’un lapin sain de même poids: capsule tendue, tissa de 148 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR couleur rouge foncé, pulpe flasque, s'enlève facilement par le raclage; corpuscules de Malpighi bien apparents. Foie sans altérations. La moelle osseuse des fémurs est partout rouge. La rate pèse 4 gr. 70 (le poids de la rate d’un lapin normal est de 0 gr. 78), elle mesure 5 centimètres de long sur 1 centimètre de large, son épaisseur est de 0 cent. 7. Le foie pèse 13 grammes. À: l'examen microscopique, en solution isolonique, du pro- duit de raclage de la rate, beaucoup d’érythrophages contenant des globules rouges, pour la plupart altérés, ou leurs débris; ou bien du pigment foncé seulement. Les globules rouges ne présentaient nulle part de phénomènes de désintégration. L'examen microscopique de coupes de rate et de foie fixées par l’acétone et par le liquide de Koultchitzki, fit voir ce qui suit : Sinus et veines gorgés de sang. Les vaisseaux contiennent des globules rouges dont la colorabilité est variable. Pas de différence entre les monochromatophiles et les poliochromato- philes. Abondance de formes nueléées et de noyaux libres. Pas de globules granuleux ni de fragments d'érythrocytes. Beaucoup de leucocytes et de grosses cellules contenant des globules rouges nucléés et anueléés, leurs débris, du pigment foncé ou seulement des ombres de globules, parfois un leucocyte. Un spécimen d'érythrophage provenant d’un sinus de rate de lapin est représenté sur le photogrammme (fig. 9). On ne trouve que cet unique érythrophage, le reste du champ du microscope n'étant pas net. Sur les préparations, on peut suivre toutes les phases de destruction des érythrophages. On voit beaucoup de formes en voie de désintégration, les érythro- phages non altérés sont assez rares: on ne Îles aperçoit qu'à l'intérieur des vaisseaux sanguins (sinus et veines). Ils ont un noyau assez volumineux, facilement colorable, situé quelque part à la périphérie, dans une sorte de renflement du bord protoplasmique, fortement coloré par l’éosine (Giemsa). 11s contiennent des globules rouges souvent nucléés. En dehors des vaisseaux de la rate, dans la pulpe splénique, on trouve des érythrophages à toutes les périodes de la destruction. Très grand nombre d’érythrophages dans la rate, on peut en compter 10 environ dans le champ du microscope, à un grossissément moyen. LA DESTRUCTION DE CORPUSCULES ROUGES DU SANG 149 Les corpuscules de Malpighi offrent un phénomène très inté- ressant. Ils sont nombreux et plus ou moins gros, par suite d'hyperplasie des éléments cellulaires. Sur le photogramme ci-joint (1), on voit une division par mitose des noyaux des cel- lules Iymphoïdes des corpuscules de Malpighi. Nombre de cel- lules des corpuscules de Malpighi de la rate sont hypertro- phiées et cette hypertrophie intéresse à la fois le corps cellu- laire et son noyau. Ces grosses cellules sont surtout nom- breuses à la périphérie du corpuscule, quelques-unes d’entre elles renferment plusieurs globules rouges encore peu altérés : ce sont les érythrophages les plus jeunes. De cette descriplion de l'état des éléments cellulaires des corpuscules de Malpighi de la rate d'un lapin intoxiqué chro- niquement par la pyrodine, on peut conclure, avec toute évi- dence, que les érythrophages proviennent des corpuscules de Malpighi de la rate, par voie de multiplication et d'hypertrophie des éléments lymphoïdes, et c'est en cela qu'il faut voir le rôle principal des corpuscules de Malpighi. Sur un autre microphotogramme (fig. 11), on voit trois cellules situées dans un sinus, au bord d'un corpuscule de Malpighi, dont la partie centrale est représentée sur le micro- photogramme précédent. La cellule de droite a un gros noyau en mitose, la cellule moyenne est petite et contient un noyau à l’état de repos. À gauche, on voit un érythrophage ayant déjà absorbé plusieurs globules rouges qui se désagrègent. Ainsi donc, les corpuscules de Malpighi de la rate sont le lieu de naissanee des érythrophages, ce que confirme aussi ce fait que la plupart des érythrophages se situent au pourtour et à proximité des corpuscules de Malpighi. Notre manière de voir n’est nullement contredite par les faits enregistrés dans la science. Ainsi, par exemple, nous lisons dans le mémoire de Dominici (26) : « Les corpuscules de Malpighi prennent part à l'élaboration des éléments de la pulpe, lesquels, par la suite, se transforment en myélocytes et autres cellules de la pulpe. » On obtient des tableaux très nets sur des préparations de rate, qu'on traite, avant de les colorer, par le ferro-cyanure de (4) Voir PI. IT, n° de janvier. 150 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR potassium, puis par l'acide chlorhydrique, pour y faire ressortir l'hémosidérine. Par cette réaction microchimique, la coupe, une fois sortie de la solution ferro-cyanique et plongée dans l'acide chlorhy- drique, prend rapidement une couleur bleu foncé, car elle contient beaucoup de fer. À l'examen microscopique, les amas de fer correspondent surtout aux érythrophages. Presque tous les érvthrophages d’une rate de lapin donnent avec plus ou moins d'intensité la réaction du fer; quelques-uns seulement font exception. Il s'ensuit que, dans les érythrophages de rate de lapin, le processus lié au dégagement du fer par l'hémoglobine se fait, sous l’influence de la pyrodine, d’une façon très rapide et énergique. En plus, par l’action de ce poison, du moins chez le lapin, la destruction des globules rouges dans la rate se pour- suit sur une vaste échelle. En effet, avec ce procédé de traite- ment des préparations microscopiques, on trouve beaucoup d'érythrophages en voie de destruction à l’intérieur des sinus et des veines, et surtout parmi les éléments de la pulpe splé- nique. Fait à retenir, on peut constater à l'intérieur des érythro- phages des globules rouges adultes et des globules jeunes, nucléés. [1 se fait donc, dans les vaisseaux de la rate, une absorption non seulement d’érythrocytes mourants ou en voie de destruction, comme le suppose Heinz (/oc. cit.), mais de tous les éléments figurés venant en contact avec les érythro- phages : éléments adultes ou jeunes et même leucocytes. Dans les anémies dues aux maladies que nous avons passées en revue, on ne trouve guère, dans le sang de la rate, d’élé- ments en voie de destruclion autres que les érythrophages : leurs débris, en forme d’amas de pigment, n'apparaissent dans la pulpe qu'après désintégration complète des cellules conte- nant des globules rouges. Mème dans les conditions normales, comme nous l'avons déjà dit, les érythrophages absorbent non pas des éléments mourants, mais des éléments normaux, dès que ceux-ci viennent en contact avec leur protoplasma flasque el visqueux. Le foie de notre lapin n'est pas altéré. Ses cellules ne se dis- tinguent pas de celles d'un foie normal. Il en est de même du Ussu de la capsule de Glisson, dans lequel il n’y à que relati- LA DESTRUCTION DE CORPUSCULES ROUGES DU SANG 151 vement peu d'érytrophages. Ceux-ci se situent à la périphérie du lobule, dans les capillaires, et donnent, tous, la réaction nette du fer. On en (rouve également dans les cellules hépa- tiques, mais en pelit nombre. Cependant, en comparant ce foie à celui d’un lapin normal, la différence apparait nettement. Dans le foie normal, il est très difficile de déceler des érythro- phages, tandis qu’on les rencontre iei dans chaque lobule, sinon dans tous les capillaires. L'examen de la moelle osseuse montre le tableau habituel de l'hyperplasie cellulaire bien caractérisée de cet organe, accompagnée d’une augmentation de l'hématopoièse. Donc, l’intoxicalion du lapin, par introduction de petites doses de pyrodine dans le sang, amène une anémie (quantitative et qualitative) du fait de l'absorption en masse de globules rouges, non modifiés, par de grosses cellules sui generis dans les vaisseaux de la rate. Ce sont des érythrophages qui se détruisent avec leur contenu, et d’une facon si rapide qu'un petit nombre d'entre eux seulement pénètre dans le foie. Ces remarquables cellules sont engendrées dans les corpuscules de Malpighi de la rate, dont la prolifération est activée par le poison. Ainsi, sous l'influence d’une substance toxique, — de la pyrodine dans notre expérience, — la destruction des cellules qui absorbent en masse les globules rouges se fait surtout dans la rate; ce processus est beaucoup moins intense dans le foie. Nous savons déjà qu’un dégagement excessif des produits de désintégration de globules rouges a lieu dans le foie au cours des états anémiques chez l'homme et que ce processus, effectué par l'intermédiaire des érythrophages, aboutit, dans certains cas, à la cirrhose hépatique. Si, comme on l'observe chez le lapin sous l'influence de la phényl-hydrasine, ce processus n'est que de faible intensité dans le foie, on comprend qu'on ne puisse s'attendre à voir se développer des lésions cirrho- tiques, même en prolongeant l'expérience. Cest en cela, croyons-nous, qu'il faut chercher l’explication de ce fait qu'on n'arrive pas à obtenir artificiellement une cirrhose hépatique par la pyrodine ou n'importe quel autre poison, notamment par l'alcool. Ces expériences sont à vérifier, en particulier en ce qui 152 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR concerne l'alcool, mais d'ores et déjà on peut dire que les insuccès de ceux qui expérimentèrent avec l'alcool tien- nent, d’une part, à la nature même du poison employé el des procédés de son introduction et, d'autre part et surtout, à certaines particularités d'organisation des animaux en expé- rience, dont les érythrophages sont moins stables que ceux de l’homme. Il est également probable que les poisons qui inci- tent les cellules à une activité excessive exercent en même temps une très forte aclion sur leur protoplasma dont ils amènent la destruction rapide, de telle sorte que très peu de ces cellules parviennent au foie. Ces conditions peuvent bien engendrer la splénomégalie, mais pas la cirrhose hépatique. Chez l'homme aussi, l'alcool ne produit pas loujours la cirrhose. Les cirrholiques sont loin d'être aussi nombreux que les ivrognes. Certains auteurs font ressortir le caractère primilif des lésions de la rate dans les cirrhoses du foie. Rosch (/oc. cut. dit : « Il résulte de nombreuses observations cliniques que les lésions de la rate précèdent celles du foie. » Il faut donc admettre que l'alcool agit sur les tissus du foie indirectement, en y provoquant la cirrhose par l'intermédiaire des érythrophages de la rate, lesquels, sous son influence, se multiplient dans les corpuscules de Malpighi, tout en se détrui- sant dans la rate (qui augmente de volume) et dans le foie, où peut survenir une prolifération inflammaioire du lissu con- jonelif interlobulaire, en rapport avec le nombre des érythro- phages détruits. La différence entre les animaux qui n'ont jamais de cirrhose alcoolique du foie et l'homme, consiste en ce que, chez ce dernier, les érythrophages étant plus résistants à ce poison, sont transportés, avant d'être détruits, par le torrent circulatoire dans les capillaires des lobules hépatiques, landis que les érythrophages d'animaux et ceux d'individus humains sans prédisposition à la cirrhose du foie, sont presque tous détruits dans la rate elle-même, si bien qu'une partie infime seulement d’entre eux réussit à pénétrer dans le foie où, en raison de leur petit nombre, ils ne peuvent amener de prolifération du tissu conjonctif interlobulaire. Par rapport à la tuberculose, les animaux ne diffèrent pas essentiellement de l’homme : dans les deux cas, les érythro- LA DESTRUCTION DE CORPUSCULES ROUGES DU SANG 153 phages sont évidemment de même résistance au virus tuber- culeux el ils passent dans Le foie où, en se détruisant, ils déterminent une irritalion du lissu conjonctif avec, parfois, phénomènes de cirrhose. Il va sans dire qu'il faut tenir aussi compte des différences individuelles d'exemplaires de la même espèce animale, ainsi que de la quantité et de la qualité du poison. D'après ce qui vient d'être dit, il y à lieu de penser que le nombre de poisons analogues à la pyrodine, à l'alcool et à la loxine tuberculeuse, poisons produisant de l'anémie avec alté- Lions, d'intensité variable, de certains organes, ne saurait être restreint. On peul, en général, admetlre une aclion anémiante des poisons par Île mécanisme de l'érythrophagie dans les cas suivants : 1° Dans nombre de maladies infectieuses (tuberculose, svphilis, lèpre, malaria, fièvre typhoïde, ete.); 2° Dans les intoxications chroniques (alcool, ete.) ; 3° Dans l'helminthiase (botriocéphale 1) ; 1° Dans les tumeurs malignes (anémie des cancéreux, mais ici c'est un phénomène inconstant) : 5° Dans les décompositions intestinales et dans la copros tase (V..chez Grawitz; loc. cit., p.233). Les thèses que nous venons de formuler appellent, sans doute, un contrôle rigoureux el de nouvelles recherches dans la même direction, recherches à faire dans des laboratoires bien agencés, par plusieurs expérimentaleurs et dans des conditions plus favorables que celles dont il fallut me contenter. Je ne larderai pas à y contribuer pour ma part, mais, en attendant, je voudrais énoncer quelques considérations sur ma cinquième thèse, concernant les anémies par action des produits anor- maux de fermentation intestinale et les états pathologiques qui y sont liés. Pour provoquer une cirrhose du foie, les expérimentateurs avaient recours, comme on sait, à divers poisons, surtout à l'alcool, mais ils en oblenaient loujours des résultats négatifs. (1) GrRawirz (loc. cit.) qualifie de « plasmotrope » le poison sécrété par ce parasite. 154 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR On sait aussi que, dans la cirrhose du foie chez l'homme, on trouve des lésions de degrés divers dans le tube digestif. Cela étant, L. d’Amato (27) se demanda si l’inflammation du tissu interstitiel du foie avec production de cirrhose n'était pas liée à une résorption de produits de décomposition du contenu intes- tinal. Il entreprit de nombreuses expériences sur les animaux (lapins et chiens) qu'il intoxiquait soit par les produits de putréfaction de la viande de bœuf, soit par l'acide butyrique qui se forme toujours, comme on sait, dans les décompositions intestinales. Dans toutes ces intoxications, réalisées pendant un temps variable, parfois prolongé, l’auteur n’a jamais pu obtenir de vérilable cirrhose du foie, telle qu'on l'observe chez l'homme. Tout au plus notait-il une infiltration cellulaire insignifiante, nullement comparable à la cirrhose hépatique. Par contre, il observa des lésions de la rate et du foie. Malheureusement, d’Amalo n'a pas étudié les modificalions du sang ni l’état de la moelle osseuse. Pour ce qui en est des altérations de la rate, elles se mani- festaient, pour la plupart, par une hyperémie très marquée et par l'abondance de pigment sanguin ; parfois, on trouvait de grosses cellules dont quelques-unes contenaient du pigment. On notait aussi une prolifération plus ou moins considérable et presque constante du tissu conjonctif avec hyperplasie des corpuscules de Malpighi. Dans un cas (9° expérience avec l'acide butyrique, p. 451), « certaines cellules Ilymphoïdes des corpuscules de Malpighi étaient disparues et se trouvaient remplacées par de grosses cellules mononucléées ». Le foie présentait les lésions suivantes : 1° Infiltration cellulaire, d'intensité variable, du tissu con- jonctif interlobulaire ; 2° Altérations des cellules hépatiques, intéressant {es parties périphériques des lobules. Vacuolisalion constante des cellules hépaliques, parfois si prononcée qu'il ne subsistait plus qu'un Hn réliculum de leur protoplasma. Pas d'allérations des noyaux. Souvent les cellules se colorent mal, se détachent des lrabécules et sont parfois frappées de nécrobiose. En certains points, on voit des groupes de telles cellules contenant beau- coup de pigment sanguin brun jaunâtre (p. 449) ; LA DESTRUCTION DE CORPUSCULES ROUGES DU SANG 155 3° Apparition, à la périphérie des lobules, de formations que l’auteur tient pour des amas de pigment (Pigmentklumpen). Ces formations sont représentées sur la fig. 1 de la table XIIT. Ici, d'Amato reproduit nos érythrophages avec tous leurs traits caractéristiques ; 4° Hyperémie peu apparente ; 5° Parfois, thrombose des veines centrales (l’auteur ne dit pas de quel genre de thrombose il s'agit). De cette description des lésions de la rate et du foie dans les intoxications par les produits de décomposition du contenu gastro-intestinal, il résulte que d’Amato avait affaire à une destruction excessive de globules rouges par l'intermédiaire d'érythrophages en voie de multiplication dans les corpuscules de Malpighi de la rate. En conséquence, il y avait, dans cet organe, beaucoup de pigment sanguin et splénomégalie. Les cellules vacuolisées à la périphérie des lobules hépatiques, leur nécrobiose plus ou moins accusée, leur teneur en pigment sanguin (Pigmentklumpen) et la (hrombose des veinules cen- trales (parces mêmes cellules, probablement, ou, plutôt, par leurs débris\ : tous ces faits indiquent que l’auteur a trouvé dans le foie des érythrophages auxquels il a attribué les pro- priétés des cellules hépatiques pour celte raison, vraisembla- blement, que, disposés le long des parois des capillaires, ils se trouvaienten contact intime avec les cellules du foie. Dans quelques cas, il est vrai, il a vu des cellules « déta- chées » des travées hépatiques, mais c'élaient là, sans aucun doute, des érythrophages libres, à l'intérieur des capillaires. Après ce travail d'Amato, si intéressant pour nous, il importait d'établir la dépendance entre l’érythrophagie exces- sive el la résorplion des produits de fermentations anormales dans les affections du tube digestif. Nous nous croyons donc autorisés à attribuer une des causes les plus importantes des anémies primitives et des lésions qu'elles produisent dans la rate et dans le foie — cirrhose hépatique ou splénomégalie, anémie pernicieuse ou syndromé de Banti — à des troubles chroniques du tube qastro-intestinal, accompagnant la résorption dans le sang des produits de putré- faction alimentaire, et nous pouvons, en pareil cas, recom- mander aux médecins de fixer leur attention sur le tube 156 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR digestif des malades atteints de l’une ou de l'autre variété de ces anémies. Remémorons-nous l'adage du clinicien expéri- menté qu'était le professeur Leyden : « Qui bene nutrit, bene medetur. » Les ferments lactiques du professeur Metchnikoff auront, nous en sommes convaincus, une place importante dans la thérapeutique de ces affections. Une guérison est parfois obtenue par l'élimination du toyer principal de destruction des érythrophages, de la rate, opéra- lion que Banti fut le premier à recommander. CONCLUSIONS Ma communication étant lerminée, je vais maintenant for- muler mes thèses principales : 1° Le processus de régénération du sang s'effectue, dans les conditions normales, par l'intermédiaire de cellules spéciales, d'érytrophages, qui, dans la rate, happent les éléments figurés, notamment les globules rouges. Ces cellules sont détruites, en partie, dans la rate elle-même, mais la plupart d’entre elles sont transportées, par le torrent circulatoire, au foie où elles se détruisent définitivement, fournissant aux cellules hépatiques, pour l'élaboration de la bile, les produits de destruction intracellulaire des globules rouges. Sans ces adaptations remar- quables, il serait impossible de se figurer le mécanisme de la résorption des globules rouges dans les capillaires du foie. La moelle osseuse remplace par de nouveaux érythrocytes Les glo- bules rouges détruits. 2° Dans les états pathologiques avec symptômes d'anémie primitive, l'absorption de globules rouges par les érythrophages est augmentée d'intensité. 3° La maladie de Banti, la cirrhose du foie, la splénomé- salie primitive et l'anémie pernicieuse ne sont pas des mala- dies autochtones. Elles doivent être rangées dans un groupe commun d’anémies primitives, ne différant entre elles que quan- litativement par leurs manifestations dans les divers organes. On parle d'anémie pernicieuse, si au premier plan du tableau clinique figurent les altérations du sang: de cirrhose hépatique, LA DESTRUCTION DE CORPUSCULES ROUGES DU SANG 157 lorsque prédominent les troubles liés au développement! excessif du tissu conjonctif du foie; de splénomégalie, en pré- sence d'une tuméfaction de la rate, les troubles du côté du foie et les altérations du sang étant relégués au second plan; enfin, de maladie de Banti, si tous ces symptômes cliniques sont au complet. | 4° Toute cirrhose du foie résulte d’une irrilation inflamma- toire du tissu conjonctif de la capsule de Glisson par les pro- duits de désintégration d'érythrophages et de leur contenu, irritalion qui se localise dans les parties périphériques des lobules. 5° Dans les états anémiques, la splénomégalie dépend essen- tiellement d'un développement exagéré du stroma conjonctif de la rate et de son irritation par des produils résultant de la des- truction de globules rouges à l’intérieur des érythrophages. 6° Le foyer d'origine des érythrophages est dans les corpus- cules de Malpighi de la rate. La production excessive de ces éléments est déterminée par divers poisons, soit élaborés dans l'organisme lui-même, soit venus du dehors. 1° L'ictère dit hématogène, lors d'une destruction excessive de globules rouges par les érythrophages, s'explique fort simplement par l’osmose entre les cellules hépatiques et les érythrophages. 8° Les allérations du sang dans les anémies primitives con- sistent, d’une part, en une diminution du nombre total des globules rouges, du fait de leur destruction excessive, dans la rate el dans le foie, par le protoplasma des érythrophages en suractivilé, et, d'autre part, en une modification daus la composilion qualitative du sang, les globules rouges détruits étant remplacés par de nouveaux érythrocytes hâtivement élaborés dans la moclle osseuse. Un surcroit de besoin en glo- bules rouges fait apparaître dans le sang des formes jeunes de ces éléments : polychromatophiles, érythroblastes, macroeytes et microcyles. Les poikilocytes appartiennent, vraisemblable- ment aussi, à ces formes jeunes. 9% Le poison tuberculeux provoque dans les corpuscules de Malpighi de la rate une surproduclion de phagocyles pour là lutte contre lintoxication. Ces phagocytes sont en même temps des érythrophages : ils engendrent, comme ces derniers, 158 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR l’'anémie, l'augmentation du volume de la rate et les lésions cirrhotiques du foie. 10° Les poisons tuberculeux et syphilitique (quelques autres aussi) déterminent une surproduction de phagocytes (autre- ment dire, d'érythrophages), par prolifération excessive des éléments des corpuscules de Malpighi de la rate et des éléments analogues des ganglions lymphatiques où se produit aussi, si les conditions y sont favorables, une multiplication de ces « phagocytes à tout faire », parfois en grande quantité. En terminant, je tiens à exprimer ma sincère gratitude au D' A. A. Vinogradov pour ses beaux microphotogrammes qui montrent si bien les phénomènes qu'il m'a été donné de constater, Saratov, avril 1910. INDEX BIBLIOGRAPHIQUE 1, OuinckEe. — Deutsch Archiv f. klin. Med., Bd XX und XXV, et Centralblatt f. med. Wissenchaft., 1887, n° 47. 2. BanrTi. — Splenomegalie mit Lebercirrhose. Ziegler's Beilrüge zur path. Anat. u. allg. Path., v. XXIV, 1898. 3. Kcopsrock (Félix). — Ueber Milztumor, Icterus und Ascites bei Leber- cirrhose. Virch. Arch., v. CLXXX VII, 1907. 4. ZteGLER (E.). — Lehrbuch der speciellen pathologischen Anatomie. lena, 1906. 5. SILBERMANN. — Berlin. klin. Wochenschrift, 1886, p. 473. 6. RosEensTEIN. — Ueber chron. Leberentzundung. Ref. f. inner. Med., 1892. 1. WLayew. — Ueber einige Veränderungen des Blutes bei Erkrankungen der Leber (E. Gravitz, loc. cil.) 8. Gravirz. — Klinische Pathologie des Blutes. Leipzig, 1906. 9. BLercaroEDER. — Ueber Lebercirrhose und Blutkrankheiïten. Virch. Arch., v. CLXXVII, 1904. 10. 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Auaro (Luigi d'Amato). — Ueber experimentelle vom Magendarmkanal aus herforgerufene Veränderungen der Leber und über dabei gefundenen Veränderungen der übrigen Bauchorgane. Virch. Arch., v. CLXXXVII, 190% ERRATUM Mémoire pe M. Legoeur, &. XXV, décembre 1911. Page 890, 16e ligne, lire : « des individus fournisseurs de sérum toujours les mêmes », au lieu de : « qu'un nombre limité ». Le Gérant : G. Masson. Paris. — L. MARETHEUX, imprimeur, 1, rue Cassette. # 26° ANNÉE MARS 1912 N°3 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR INFLUENCE DE LA TEMPÉRATURE SUR L'ACTIVITÉ DE L'ÉMULSINE Par MM. GaBriEL BERTRAND et Arraur COMPTON. On ne connaît pas encore d’une manière définitive la censti- tution de l’amygdaline, mais on peut déjà considérer ce gluco- side comme résultant de l'union du nitrile de l'acide mandélique (ou phénylglycolique) gauche avec un disaccharide analogue au maltose. Traitée par l'extrait diastasique d'amandes douces où émul- sine, l’amygdaline subit une hydrolyse totale : non seulement le nitrile est séparé, puis décomposé en aldéhyde benzoïque et acide cyanhydrique (1), mais le disaccharide lui-même est scindé en deux molécules de glucose ordinaire. CHFO"N H2H°0 — CH°.COH + CNH + 2CH"0° Cette décomposition exige certainement la présence de deux diastases hydrolysantes dans l'émulsine, car elle peut être réalisée en deux temps distincts. Si, en effet, comme l’a montré E. Fischer (2), on fait agir la macération aqueuse de levure sur l'amygdaline, on n'obtient qu'une hydrolyse partielle : une 1) La décomposition du nitrile, qui s'effectue déjà spontanément au sein de l'eau, serait accélérée, d'après Rosenthaler, par une diastase particulière. Biochem. Zeit., t. XIV, p. 238 (1908) ; t. XVII, p. 257 (1909) ; t. XX VI, pp. 1, 7et 9 (1910). Voir aussi K. Feist, Archiv d. Pharm., t. CCOXLVII, p. 226 (1909) et t. CCXLVIII, p. 101 (1910). 2) Ber. d. chem. Ges.,t. XXVIII, p. 1508 (1895). 11 162 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR seule molécule de glucose est séparée et il reste du mandélo- nitrilglucoside : C'HEON _ H°0 = CH=0° + CAHAON. ce dernier étant séparable, à son tour, par l’extrait d'amandes, en aldéhyde benzoïque, acide cyanhydrique et une seconde molécule de glucose. En admettant le nom d'amygdalose pour le disaccharide engagé dans l’amygdaline et en se conformant à la nomencla- ture habituelle des diastases, on peut dire que la macération de levure renferme de l’amygdalase (1), active seulement vis-à- vis du disaccharide, tandis que l'émulsine contient, en outre, de l’amygdalinase, capable de séparer le nitrile de la molécule sucrée. Les expériences que nous allons décrire concernant l'influence de la température sur l’activité de l’émulsine, ont été faites en. tenant compte de cette manière de voir, c’est-à-dire que nous avons toujours mesuré simultanément l’activité de l’'amygdali- nase en dosant l'acide cyanhydrique et celle de l’amygdalase en déterminant le pouvoir réducteur. De plus, comme nous avions l'intention de comparer les résultats obtenus avec ceux fournis antérieurement par l'étude de la cellase des amandes (2), nous avons opéré avec la même préparation diastasique — dont nous possédions une réserve suffisante — et, d'autre part, nous avons réalisé des conditions équivalentes de concentration en diastase el en substance hydrolysable. Ainsi, au cours de nos expériences sur la cellase, nous avions fait réagir le poids de préparation diastasique extraite des amandes douces, qui élait capable de dédoubler, après quinze heures d'action à la température optimale, environ 60 p. 100 du cellose, celui-ci étant dissous à raison d’une molécule gramme dans 27 litres 36, soit, pratiquement, de 50 milligrammes dans 4 centimètres cubes. Nous avons pris, dans chacune des nouvelles expériences, la quantité (1 milligramme) de la même préparation diastasique (1) Ce nom a d'ailleurs été proposé déjà par Caldwell et Courtauld (Proc. Roy. Soc., t. LXXIX, p. 350, 1907). (2) Bulletin Soc. chim., 4e série, t. IX, p. 100 (1941). LA TEMPÉRATURE ET L'ACTIVITÉ DE L'ÉMULSINE 163 qui pouvait, aussi après quinze heures d'action à la température optimale, dédoubler environ 60 p.100 de l’amygdaline dissoute à la concentration d’une molécule gramme dans 27 lit. 36, soit de 373 milligrammes dans 20 centimètres cubes d’eau. Le mode opératoire, comme dans nos précédentes expériences, a été Le suivant : La préparation diastasique, en quantité suffisante pour une série d'expériences, en général 10 milligrammes pesés au dixième de milligramme, a d’abord été dissoute dans milie fois son poids d’eau pure, redistillée dans le vide. Une demi-heure après le commencement de celte dissolution, on a prélevé 1 centimètre cube de liquide que l’on a introduit dans un petit imatras renfermant 0 gr. 373 d'amygdaline cristallisée et 19 centimètres cubes d’eau pure. Le matras, étant alors bien bouché, a été plongé dans un bain réglé à température conve- nable. Un quart d'heure après le premier prélèvement de la solution d'émulsine, on a prélevé un nouveau centimètre cube avec lequel on a préparé un second matras, et, ainsi de suite, de quart d'heure en quart d'heure, jusqu’à ce que le nombre de matras devant former une série ait été atteint. A partir du moment où le premier matras a été laissé le temps voulu en réaction, on à commencé les analyses. Chaque matras étant examiné un quart d'heure après l’autre, à cause du temps nécessaire au dosage de l'acide cyanhydrique. Voici comment ce dosage a été fait. On a intercalé successi- vement chaque matras dans un appareil distillatoire entre une chaudière et un réfrigérant. On a envoyé la vapeur, recueilli le distillat dans un verre à pied contenant 10 centimètres cubes d’ammoniaque, 10 centimètres cubes d’iodure de potassium au centième et quinze gouttes de lessive de soude à 40 p. 100, puis on a litré avec une solution de nitrate d'argent décinormale, suivant Denigès (1). A la fin de la distillation, on a pris la pré- caution d'arrêter le courant de réfrigération de manière à ce que la vapeur d’eau, cessant de se condenser, entraine les dernières traces de CNH restées dans l'atmosphère du réfri- gérant. L'opération a été arrètée aussitôt que la vapeur tendait (1) Ann, Chim. Phys., 1° série, t. VI, p. 381 (1895). 164 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR à atteindre le mélange à titrer, pour que celui-ci ne s'échauffât pas, ce qui aurait reculé un peu le point de virage. Les quantités d'acide cyanhydrique ont été calculées en tant pour cent de glucoside dédoublé. Limite d'erreur du dosage : une goutte au plus de solution décinormale d'argent, soit 0 milligr. 27 de CNH ou 1,4 p. 100 d’amygdaline. Le tableau À contient les résultats donnés par l’'amygdalinase dans quatre séries d'expériences. TABLEAU A P. 100 DE GLUCOSIDE DÉDOUBLÉ EN 15 HEURES d’après L'ACIDE CYANHYDRIQUE TEMPÉRATURES extrêmes de chaque expérience. 3 38°0-3 38°5-38° BTe0-568 . . 5S°5-58°9 . Ces résultats sont représentés d'une manière plus saisissable par la figure 1, dans laquelle les pourcentages de glucoside dédoublé sont portés en ordonnées et les températures en abscisses. Le tableau B contient les résultats attribuables, dans les mêmes séries d'expériences, à l’amygdalase. Le pouvoir réduc- teur du liquide restant dans le ballon après le départ de l'acide LA TEMPÉRATURE ET L'ACTIVITÉ DE L'ÉMULSINE 165 30° +35 +40 +457 +50 +55° +60 Rire. de TABLEAU B P.100 DE GLUCOSIDE DÉDOUBLÉ EN 15 HEURES TEMPÉRATURES da extrêmes d'après LE POUVOIR RÉDUCTEUR de chaque expérience. 1 9 3 A A NAME € Bet ET RS 18,1 » » DRE ee) 32,1 34,6 » » JUL ARS 49,0 » » » AT OS 6 OCR RE ES DE 0 hé 54,0 JS10=-30 1 EN ET 1 59,0 » » SARA, 0 AO OM ERA) CRE «sec 58,9 SSD es close IE est 65,2 » HILOR ES AUS 62,2 » » » HOLD AID IS PRE EEE 2 Le ste se 67,0 » RASOIR PET Manque. » » PROS TC CE PR ETS LOIRE Er 51,0 42°0 . Me alloneantedel ES RRREREt 60,1 » BOOEREONE, . eloero 16 RIRE 57,0 » AOL NOR D3,0 » » » AGO ASS OMR | ER Nl 56,5 » » PSS SM CIRE RSA RE le 52 Le ve 50,9 REA MENEN ETEEMI REP EREE 5159 » AREA CESR ie 53,4 » » » DE MA RO TEMPS | à 3 4 ec à 4 2019 HICTEAD 06 ils ae RER rue 31,7 » DOC ON EN IPE ERIC 35,0 » » HE USE 29,8 » » » 57°0-56°8 LÉGER ASE CT 16,3 » » HE ETONE OI EMRE 1222 » » cyanhydrique a été déterminé sur une partie aliquote (1/5 du volume ramené à 100) suivant la technique décrite autre part 166 = ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR par l’un de nous (1); les chiffres, exprimés en glucose, ont servi ensuite à calculer les proportions de glucoside dédoublé, en supposant que deux molécules de glucose aient été produites par une d’amygdaline. Limite d'erreur du dosage : une à deux gouttes de solution de permanganate à 0,5 p. 100, soit 0 milligr. 27 à 0 milligr. 54 de glucose ou 0,1 à 0,2 p. 100: d’amygdaline. Voici la figure tracée avec les résultats : = 15e 2 0 2/51 . 35° +40° D NET 11) FTG-22 L'examen des deux tableaux A et B, ou des deux figures I et Il, montre que, dans les conditions où nous nous sommes placés, la température la plus favorable au dédoublement de l'amygda- line par les diastases des amandes douces est située au voisi- nage de +40 degrés. Nous avions, dans des conditions expéri- mentales comparables, trouvé + 46 degrés environ pour le dédoublement du cellose (2;. Le même examen montre de plus que l’amygdalase et l’imyg- dalinase se comportent, toujours dans ces conditions spéciales, à peu près de la même manière sous l'influence de la tempéra- ture : aux erreurs près d'expériences, en effet, les chiffres sont identiques et les courbes superposables. (1) Bull. Soc. Chim., 3e série, t. XXXV, p. 4285 (1906). (2) Bull. Soc. Chim., 4 série, t. IX, p. 100 (1911). LA TEMPÉRATURE ET L'ACTIVITÉ DE L'ÉMULSINE 167 Il n’en est plus tout à fait de même si, au lieu de maintenir 15 heures les mélanges en réaction, on limite la durée des expériences à deux heures (en prenant trois fois plus de diastase, pour que les proportions de glucoside dédoublé restent faci- lement mesurables). Les résultats obtenus dans ces nouvelles conditions sont rassemblés dans les tableaux C et D ; représentés graphique- ment, ils fournissent les séries de courbes des figures IE et IV. TABLEAU C TEMPÉRATURES P. 100 DE GLUCOSIDE DÉDOUBLÉ EN 2 HEURES FR d'après EXTRÈMES L'ACIDE CYANHYDRIQUE de chaque expérience. GC ER RE PEACE D5°1-55°5 . DOPOPATE NAT 5508-56°0 . . . DHPS-O NOIRE 168 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR TABLEAU D TEMPÉRATUEES P. 100 D Fo DÉDONSPE EN 2 HEURES après CXILEIMES LE POUVOIR RÉDUCTEUR de chaque expérience. 41°8-416 | . . | 4305-4307 . . . 46:8-46°0 . . 48°6-248°2 . ADD craie 49°0-49°9 . . 50°8-51°0 . DURS ee 5908-5300 . . . 5304-5303 . . . HOME OST D825-00P20 0 HR EUMENNE x Ces nouveaux résultats sont instructifs à comparer soit avec les précédents, soit simplement entre eux. Dans le premier cas, ils montrent que la température optimale, loin d’être une sorte de constante, comme on l’admet habituel- lement, varie beaucoup, au contraire, avec la durée des expé- riences. [ci, l’action destructrice de diastase due à l'élévation de la température étant beaucoup moins marquée que celle due à la prolongation du chauffage, la température optimale se trouve située d'autant plus haut que la durée de l'expérience LA TEMPÉRATURE ET L'ACTIVITÉ DE L'ÉMULSINE 169 est plus courte. Trouvée au voisinage de 56 à 58 degrés après . < A . . d deux heures, elle s’'abaisse à 40 degrés environ si on attend 15 heures pour la déterminer. Fc. 4. La comparaison des derniers résultals entre eux montre, d'autre part, que les courbes de l’amygdalase et de l’amygda- linase, qui étaient sensiblement les mêmes dansles expériences de 15 heures, sont devenues nettement distinctes : la première p 170 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR présentant un maximum d'activité voisin de +56 degrés et la seconde de +58 degrés. | La figure V, obtenue après un décallage en hauteur des cour- bes partielles et une légère retouche d'ensemble (1), fait ressortir, en la schématisant un peu, ilest vrai, la manière différente dont se sont comportées l'amygdalase et l'amygdalinase sous l'in- fluence de la température, dans les dernières expériences. \ à FT DD MAC TAG RE SU NSE Li FCO ECTS En résumé, dans la préparation diastasique retirée des aman- des sous le nom d'émulsine, il y a lieu de distinguer, au point de vue de l’action sur l'amygdaline, deux diastases différentes : L° l'amygdalinase, qui, si elle était seule, scinderait la glucoside en nitrile phénylglycolique et en amygdalose, exactement comme la vicianinase seinde la vicianine en nitrile phénylgly- colique et en vicianose (2), et : 2° l'amygdalase, dont l'action (1) On remarquera qu'en pesant les dix milligrammes de préparation dias- lasique nécessaires à l'exécution d'une série d'expériences, une erreur d'un dixième de milligramme correspond déjà à une différence d'un pour cent. Etant donnés l'état pulvérulent de la préparation et ses propriétés hygrosco- piques, une différence de plusieurs dixièmes de milligramme est, possible d'une pesée à une autre. C’est probablement pour cela, surtout, que les courbes partielles, correspondant à chaque série d'expériences, sont situées à des hauteurs un peu différentes. (2) Gab. Berrrano et G. WeisweiLLer, Bull. Soc. Chim., 4 série, t. IX, p. 38, p. 84 el p. 147 (1911). LA TEMPÉRATURE ET L'ACTIVITÉ DE L'ÉMULSINE 471 hydrolysante est limitée à l'amygdalose comme celle de la vicianase l’est au vicianose (1). L'amygdalinase et l’'amygdalase se comportent à peu près de même sous l'influence de la chaleur ; elles présentent une tem- pérature optimale d'autant plus haute que la durée de l'expé- rience faite pour la déterminer est plus courte. Dans une expé- rience de 45 heures, la température optimale est presque iden- tique pour chacune d'elles et voisine de + 40 degrés; dans une expérience de deux heures, cette température monte à +56 degrés pour l’amygdalase et à 58 degrés pour l'amygdalinase (2). Dans les conditions où ils ont été obtenus, ces résultats ne fournissent pas seulement un argument en faveur de l’indivi- dualité de l’amygdalinase et de l'amygdalase, ils apportent encore une preuve nouvelle de la différence, d’abord si difficile à établir, existant entre ces deux diastases et celle, également contenue dans l’émulsine, qui hydrolyse le cellose. Enfin, en se plaçant à un point de vue plus général, ces résul- tats démontrent de la manière la plus nette que la température optimale, loin d'être une valeur constante, varie beaucoup avec la durée de l'expérience et qu'elle ne saurait servir à caractériser certaines diastases que dans des conditions rigoureusement comparables. (1) Gab. BerrranD el G. WEISWEILLER, Bull. Soc. Chim., 4e série, t. IX, p. 38, p. 84 et p. 147 (1911). (2) Il est intéressant de rappeler ici qu'en traitant l'amygdaline par l'émul- sine, à une température non indiquée, Auld a vu se produire relativement plus de sucre réducteur que d'acide cyanhydrique ou d’aldéhyde benzoïque. En arrètant l'hydrolyse lorsqu'elle atteignait environ 75 p.100, il a même réussi à isoler un peu de mandélonitrilglucoside (J. Chem. Soc., t. XCHT, p. 1276, 1908). H. E. Armstrong, E. F. Armstrong et E. Horton ont observé, d'autre part, en faisant agir l'émulsine sur l'amygdaline à la température constante de + 950, que l'hydrolyse était généralement plus grande lorsqu'on l’'évaluail d'après le pouvoir réducteur que d’après l'acide cyanhydrique. Dans une série particulière d'expériences, la différence a augmenté d'abord avec le temps, puis elle a diminué jusqu'à devenir presque nulle après 25 heures (Proceedings Roy. Soc., t. LXXX, p. 321, 1908). Ces résultats, qui ont pu être produits en dehors des différences dans les températures optima, par la simple disproportion des diastases présentes. sont au moins d'accord avec les nôtres en ce qui concerne l'existence dis- tincte de l’'amygdalase et de l'amygdalinase dans l'émulsine. L'IMPORTANCE DE LA PHAGOCYTOSE DANS L'IMMUNITÉ DE LA SOURIS A L'ÉGARD DE QUELQUES FLAGELLÉS par P. DELANOË (Avec la PI. III.) (Travail du laboratoire de M. Mesnil, à l'Institut Pasteur.) Il y a dix ans que Laveran et Mesxic ont, pour la première fois, dans un mémoire publié dans ces Annales (1), montré que l’immunité du rat, blanc ou pie, à l'égard du 7. Lewisi Kexr, est uniquement d'ordre phagocytaire. Chez le rat, activement immunisé, ces deux savants on montré que la destruction des trypanosomes à lieu dans la cavité péritonéale même, c'est-à-dire au lieu de l'injection, sans que les parasites puissent pénétrer dans la circulation san- guine. En observant en goutte pendante et en frottis colorés le liquide péritonéal d'un rat activement immunisé et récemment inoculé, Laveran et MEsniz ont très nettement vu toutes les phases de la phagocytose. Les flagellés, tout en gardant leur pleine mobilité, se piquent sur les phagocytes. Ceux-ci ne tardent pas à réagir et poussent de part et d'autre du parasite deux fins tentacules qui finissent par l'englober en totalité. Le trypanosome, qui, jusqu'à la fin, n’a cessé de se révolter contre la prise du leucocyte, une fois inclus dans le cytoplasme de ce dernier, est très rapidement digéré ; si bien qu'à la coloration, on ne retrouve, la plupart du temps, à l'intérieur des mononu- cléaires, que des boules irrégulières présentant les réactions de la chromatine et qu'il est possible d'interpréter comme les derniers vestiges de la digestion des trypanosomes. Chez le rat, passivement immunisé, auquel ils injectent succes- sivement dans le péritoine un sérum très actif et des trypano- (1) « Recherches morphologiques et Expérimentales sur le Trypanosome des Rats (T. Lewisi Kent)», n° du 25 septembre 1901. Voir aussi : Trypanosomes el Trypanosomiases. Paris, Masson, 1904. LA PHAGOCYTOSE DANS L'IMMUNITÉ DE LA SOURIS 173 somes, Laverax el Messi constatent la destruction des para- sites par phagocytose. Les flagellés, demeurés mobiles malgré l'action agglutinante du sérum, sont englobés en pleine vitalité et cela tout comme chez le rat en immunité active. Ajoutons que Laveran et Mesxir ont très minutieusement mis en évidence que les actions agglutinante et préventive du sérum anti-Lervisi sont des propriétés nettement distinctes. Ainsi, dès 1901, Laverax et Mesniz établissent, les premiers, ces deux faits essentiels : l'immunité active et passive du rat à l'égard du 7. Lewisi est fonction d'une stimulation phagocy- taire ; les trypanosomes sont détruits en pleine vitalité. En outre, dans leur mémoire, ces auteurs montrent que le cobaye est susceptible de s’infecter légèrement à la suite d'une inoculation péritonéale de T. Lerwisi : ils constatent, en effet, pour la première fois, une discrète multiplication des parasites dans le péritoine de cet animal. Avec KanrHack, Duran et Bcaxprorp (1), ils établissent que le trypanosome des rals, inoculé dans le péritoine du cobaye, pénètre dans le sang où ils le retrouvent déjà vingt-quatre heures après l’inoculation. Les trypanosomes augmentent d'abord de nombre dans la circula- tion sanguine jusqu à atteindre 1/20° à 1/50° des hématies, puis deviennent plus rares et enfin disparaissent. La disparition des trypanosomes du péritoine est due à la phagocytose. Il ressort de ces expériences que la phagocytose joue un rôle capital aussi bien chez le rat, animal réceptif, que chez le cobaye, animal réfractaire, infectés avec le T. Lewisi. C'est même pour ces auteurs le seul mode de disparition du parasite. Levaprrr et SEvix (2) montrent en 1905 que l'immunité de la souris et des calfats, naturellement réfractaires au T. paddæ, est une immunité d'ordre phagocytaire. Le trypanosome, avant de disparaître, est susceptible de se multiplier légère- ment. SAUERBECK (3), dans la consciencieuse étude qu'il a consacrée (1) Proceedings of the R. Society. t. LXIV, 1898, et Hygienische Rundschau, no 24, 1898. (2) Comptes Rendus de lu Soc. de Biologie, 15 avril 1905, p. 694, t. LVIIL. A (3) Zeilsch. f. Hyg. und Inf. Krankheilen, 1905. 174 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR à l’histologie pathologique de l'infection des rats, des cobayes, des lapins et des chiens, par le Trypanosome du Nagana (T. Bru- cei), considère la phagocytose comme l’arme fondamentale de la défense. Par la méthode des coupes aussi bien que par celle des frottis, SauErBEcx a observé la phagocytose dans la rate, le foie, les ganglions lymphatiques, la moelle osseuse et l’épiploon. Il a très rarement observé des figures typiques de phagocytose : il n’a constaté, la plupart du temps, dans les mononucléaires des viscères et dans les cellules qui leur sont propres (cellules de Kupffer pour le foie, cellules endo-alvéolaires pour le pou- mon et peut-ètre cellules endothéliales des sinus pour les gan- glions lymphatiques) que des restes analogues à des noyaux de flagellés. En ponctionnant le péritoine des cobayes inoculés, depuis vingt-quatre à quarante-huit heures, avec 7. Brucet, SAUERBECK a pu constater l’attachement des flagellés aux leucocytes, soit par leur extrémité antérieure, soit par leur extrémité postérieure. Les trypanosomes attachés à un seul mononucléaire étaient au nombre de plusieurs, deux, trois el même quatre. SAUERBECK n'a pu constater l’englobement en pleine vitalité des éléments lixés. Il ne nie d'ailleurs pas le processus décrit par Laverax et MEsniz, « puisque ces auteurs l’ont constaté », mais il croit que ce processus doit être très rare. SAuERBECK pense que le trypanosome une fois attaché au leucocyte est d'abord paralysé par un poison que sécrèle le globule blanc. Il perd alors ses mouvements et, lorsque le phagocyte s'apprête à l’englober, il est déjà réduit à l’état de « grumeaux » plus ou moins ronds. Bref, l'originalité de la conception de Sauergeck est que le trypa- nosome, une fois fixé au phagocyte, est d’abord paralysé par une sécrétion du globule blanc avant d’être incorporé. « Dans la règle, dit SauErBECx, il se produit d'abord une fixation, puis une paralysie (1) ». Rooer et Varzer (2), dans la rate du rat et du chien naganés (T. Brucei), constatent à l'approche de la mort et surtout après elle, une destruction très accentuée des trypanosomes en dehors (1) « In der Regel aber wird wobhl eine Fixirung und nachfolgende Lähmung den Process einleiten », p. 717 du tiré à part. (2) Comptes rendus de l’Acad. des Sciences ; 28 mai 1906, 6 août 1906, 29 juillet 1907, et Archives de Médecine Expérimentale, juillet 1906. LA PHAGOCYTOSE DANS L'IMMUNITÉ DE LA SOURIS 175 des leucocytes. Pour eux, SauErBEcx à eu tort de négliger ce phénomène qu'il a vu le premier « pour exagérer l'importance de la phagocytose (1) ». Celle-cin'’a qu'un rôle secondaire. Elle se borne à enlever les déchets des trypanosomes détruits par l’action trypanocide de la rate. Du reste, il n'y a aucun doute. En mélangeant, entre lame et lamelle, une goutte de sang nagané et une goutte de suc splénique, Roper et Vazcer n'ont-ils pas constaté la mort rapide des trypanosomes? Lavera et Tairoux (2) ont critiqué les résultats obtenus par Roper et VarLer en ce qui concerne la propriété trypanolytique de la rate. Leurs expériences ont été faites chez des cobayes inoculés avec 7. togolense (virus fort de Martini) et des chiens inoculés avec 7. Pecaudi. Pour Laverax et Tmiroux, les frottis faits avec la rate, sitôt après la mort, ne montrent pas de trypa- nosomes désintégrés. L’extrait de rate ne jouit d'aucune action trypanocide. Les résultats de Roper et Varrer s'expliquent en grande partie par des fautes de technique (3). Maxreurez (4), en injectant des T. Lewisi dans le péritoine de rats immunisés activement ou passivement, a bien vu l’atta- chement des trypanosomes aux mononucléaires par leur extré- mité non flagellée. Ce phénomène n'aurait cependant aucune importance : les trypanosomes, au cours de leurs mouvements, sont susceptibles de s'attacher à tout ce qu'ils rencontrent sur leur passage, globules rouges et bulles d'air aussi bien que leu- cocytes. ManTEUrEL n’a pas vu l'attachement des trypanosomes être suivi d’englobement. « Une seule fois, il a pu observer, sans aucun doute, un trypanosome mobile, bien reconnaissable, à l’intérieur d’un globule blanc. » A l'examen des frottis colorés, (1) P. 479 du Mémoire des Archives de Médecine Expérir.entale. (2) Comptes rendus de l'Acad. des Sciences, 1‘r et 29 juillet 1907, et Annales de l'Inslilut Pasteur, t. XXI, août 1907. (3) Nous noterons ici, simplement à titre documentaire, que Jarré (Centr. f. Bakter. I, Orig., t. LV, f. 6, 6 septembre 1910, pp. 519-527) a montré que les produits d'autolyse de la rate du rat, du lapin et du cobaye, neufs ou naganés, exercent une action trypanocide marquée. Il est, en conséquence, légitime de se demander si, dans certaines expériences faites in vitro, Roner et VALLET n'ont pas eu affaire, à leur insu, à des phénomènes d’autolyse. Cette hypo- thèse est d'autant plus plausible que les expériences de Roner et VALLEr ont été faites, à Montpellier, en été (p. 481 du mémoire). On sait bien aujourd'hui que les endoferments cellulaires, responsables des phénomènes d’autolyse, ont leur optimum d’action à 38 et 40 degrés. Consulter à ce sujet l'excellente Revue de L. Lauxoy in Bulletin de l'Institut Pasteur, 1908, t. VI. (4) Arbeilen aus dem Kaiserlichemn Gesundheitsamte, novembre 1909. 1:6 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR l'auteur n’a rencontré à l'intérieur des leucocytes que de petits amas, plus ou moins irréguliers, ayant les réactions de la chro- matine et qu'il interprète comme des vestiges de trypano- somes. Manrgurez pense que la destruction des trypanosomes relève exclusivement de la propriété lytique des humeurs. En février 1909, F. Meswic et E. Brimonr (1) ont étudié le mode de destruction des trypanosomes du Nagana du Togoland, T. togolense Mesxiz et Brimonr (2), inoculés dans le péritoine des souris en mélange in vitro avec le sérum d'un bouc infecté avec ce virus. Ces auteurs ont constaté que la disparition des trypanosomes pathogènes a lieu chez la souris d’une manière identique à celle du 7. Lewisi chez le rat immunisé. L'englobe- ment du trypanosome du Nagana se fait même plus rapidement que celui du 7. Lerwisi. Toujours en février 1909, MassaGcra (3) fit paraître un long travail dont une grande partie est consacrée à l’étude de l’im- munité dans les trypanosomiases. C'est sur le cobaye, injecté avec Le T. Lerwisi, que MassaacrA poursuivit ses « recherches relatives à la manière dont les trypanosomes sont détruits quand on les inocule à des animaux réfractaires ». Les expériences de MassaezrA portent sur deux cobayes de 300 et 400 grammes. Pour MassaGzrA, le cobaye serait absolument réfractaire au T. Lewisi, qui ne passerait pas dans la circulation sanguine et serait détruit en quelques heures dans le péritoine, à l'endroit de l'injection. En faisant des ponctions abdominales de demi- heure en demi-heure, MassaGztA aurait constaté que les trypa- nosomes ne commencent à êlre détruits qu'au bout d'une heure et demie à deux heures après le moment de l'injection. Jusqu'alors, les flagellés resteraient en parfaite intégrité. Il y a donc, de l’aveu même de MassaGriA, une phase en quelque sorte latente, qui suit l'injection des parasites, au cours de laquelle ceux-ci demeurent intacts; phase de durée sensible puisqu'elle peut persister deux heures, c'est-à-dire la moitié (1) Annales de l'Institut Pasteur, t. XXIIT, février 1909. (2) F.'Mesniz. Sur l'identification de quelques trypanosomes pathogènes. Sociélé de Pathologie Exotique, juin 1910. (3) Communication faite à la Société médico-chirurgicale de Modène, séance du 13 février 1909. LA PHAGOCYTOSE DANS L'IMMUNITÉ DE LA SOURIS 177 du temps nécessaire à la destruction de tous les parasites. Pour Massaëcra, le rôle de la phagocytose, chez le cobaye, est sinon nul, du moins très secondaire. Ce sont les trypanoly- sines contenues dans le liquide péritonéal qui détruisent les microbes et nullement les phagocytes. La destruction des trypanosomes à lieu par un mécanisme analogue à celui qui se passe chez les animaux immunisés contre le vibrion de Koch (1). L'immunité active et passive du rat à l'égard du T. Leroisi serait également pour Massactia d'ordre humoral. Au mois de septembre 1909, ce savant (2), étendant ses premières recherches, étudia, dans le laboratoire du professeur Laveraw, le mode naturel de défense de certains vertébrés à sang froid — couleuvre à collier, tortues, grenouilles (mainte- nues à la température ordinaire ou chauffées), tritons, lézards — à l'égard du trypanosome du Surra, 7. Evansi Sreez, inoculé sous forme de sang de cobaye, de rat et de souris riche en para- sites. MassaGciA ne constate pas la phagocytose : les trypano- somes sont très rapidement détruits en dehors des leuco- cyles. Levaorri et Murermizcu (3) ont dernièrement appelé l’atten- tion sur le mécanisme de la phagocytose. En mélangeant, dans un tube à essai, 1 goutte de sang de souris naganée (7. Brucei), des globules blancs de cobaye neuf et du sérum trypanolytique, préalablement inactivé, de cobaye saigné au moment de la crise (Roper et Vazcer, MassaGLia), ces (1) Cette comparaison est faite également par Me Ncar au cours d’un mémoire sur « le Cycle évolutif du T. Lewisi et du T. Brucei ». Journ. of Inf Diseases, vol. I, n° 4, 5 nov. 1904, p. 517-543. Voici le passage de Mc NEAL auquel nous faisons allusion : « By injecting trypanosomes (7. Lewisi) into the peritoneal cavity of guinea pigs immunized to this organism, and subse- quently examining the peritoneal fluid, Laveran et Mesniz were able to find various stages of ingestion ofthe protozoa by the leucocytes. We have attemp- ted to confirm this by a similar procedure. Instead of phagocytosis, howewer, we could find evidence only of the immobilization and gradual solution of the trypanosomes in the peritoneal fluid. Stains made from time to time showed the protoplasm of the parasites paler than before, until finally it seemed to have dissolved. The process appeared to be quite analogous to that met with in the well-Known Pfeiffers phenomenon. In other words, the trypanosomes disappear as the result of the presence and action of cylolytic agents rather than by phagocytosis. » P, 526-527. (2) Comptes rendus de l'Acad. des Sciences, 1 septembre 1909, p. 516. (3) Comptes rendus de la Soc. de Biologie, séance du 18 juin 1940, t. LXVIIT. p. 1079. 42 178 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR auteurs constatent que les trypanosomes, après s'être fixés sur les leucocytes, sont finalement englobés. L'attachement des trypanosomes aux leucocytes est un phé- nomène d'ordre physico-chimique, dans lequel la vitalité des leucocytes n'est pour rien. Il se produit aussi bien avec des leucocytes tués (par séjour prolongé à 0 degré, par congéla- tions et décongélations successives, par chauffage à 45 degrés, 55 degrés et même 60 degrés) qu'avec des leucocytes vivants. Cet attachement n'en est pas moins spécifique. Mélangés à une bouillie d'organe (foie ou rein), les trypanosomes se fixent exclusivement sur les leucocytes contenus dans cette bouillie. Le trypanosome, au cours de l’englobement, ne resterail mobile qu'autant que la région du noyau n'est pas atteinte, mais, « 4 partir de ce moment, il se meut de moins en moins, finit par S'immobilhiser et devient transparent (rRYPANOLYSE) avant qu'il soit totalement phagocyté ». Levavrr et Morermirca pensent que les leucocytes vivants, excités par l'attachement de l’objet phagocytable, sécrètent un poison microbicide des- tiné à imprégner le trypanosome sensibilisé et à le détruire, avant qu'il soit complètement incorporé. Cette sécrétion aurait lieu au moment même de l'acte phagocytaire, car il a été impos- sible à Levanrri et à Murermicu de retirer des globules blancs une substance capable de détruire in vitro les trypanosomes sensibilisés. De cet ensemble de données bibliographiques, il ressort qu'il existe une divergence d'opinions : Laveran et Mesxir, Mesnir et Briuoxr décrivent des phénomènes de phagocytose tout à fait typiques; Massaccra, Manreurez, Roper et Varcer pensent au contraire que la destruction des trypanosomes relève exclusi- vement de l’action trypanocide des humeurs, les leucocytes jouant seulement le rôle de balayeurs de déchets. SauerBecx est d'opinion mixte : la destruction des trypano- somes est due au leucocyte. Celui-ei est l’âme même de la défense. Seulement la destruction des parasites, à cause de l’activité toxique des globules blancs, arriverait avant que l’englobement soit complet. Telle est aussi, nous l’avons vu, l'opinion de Levaprri. LA PHAGOCYTOSE DANS L'IMMUNITÉ DE LA SOURIS 179 Il n'était donc pas sans intérêt d'envisager à nouveau l’im- portance de la phagocytose dans la destruction des flagellés. Nous avons dans ce but étudié, sur les conseils de notre maître M. Mes, professeur à benne Pasteur, l’immunité de la souris à l'égard d’un certain nombre de protozoaires. L'IMMUNITÉ NATURELLE DE LA SOURIS A L'ÉGARD DES CULTURES DE BOUTON D'ORIENT ET DE KALA-AZAR TUNISIENS (Leishmania tropica J. H. Wricur, 1903, et Leishmania infantum Cu. Nicocce, 1908.) La souris blanche possède à l'égard des cultures (1) de Kala- Azar et de bouton d'Orient tunisiens une immunité naturelle très forte, que des injections péritonéales fréquemment répé- tées et faites pendant des mois n'arrivent pas à vaincre (1). Ainsi, du 7 octobre 1910 au commencement de mars 1911, nous avons, sans aucun succès, inoculé, à cinq ou six Jours d'inter- valle, douze souris avec des cultures de ces virus arrivées au (1) Ces cultures ont été aimablement fournies à M. MEsniz par M. Cu. Nrcore, de Tunis.Elles ont été depuis régulièrement entretenues dans le labo- ratoire de M. MEesxiz par passages en milieu Novy, simplifié par CH. NicoLLe. Voici la manière exacte dont nous préparons le milieu de culture : sel marin, 6 grammes; gélose non lavée, 14 grammes ; eau, 900 cent. cubes. Répartir dans des tubes sans neutralisation ou alcalinisation préalable, puis stériliser à l’autoclave par un chauffage à 120 degrés un quart d'heure. Les tubes sont encapuchonnés et conservés à l'abri de la lumière. Au moment de s'en servir, on en fait fondre le contenu dans de l’eau bouillante. On les laisse ensuite se refroidir et quand la température est descendue à 45-50 degrés, on y incorpore, en volume, un tiers de sang défibriné de lapin. On mélange inti- mement gélose et sang. Les tubes, afin de permettre au milieu d’adhérer au verre, sont conservés, inclinés, à 28° pendant une nuit. Le lendemain, on les encapuchonne de nouveau et on les place à 37 degrés seulement deux à trois heures. Cela suffit pour permettre au liquide de condensation de se former en petite quantité. Les tubes sont ensuite placés à la glacière, où on peut les conserver pendant un mois et plus, à une température voisine de 0 degré, jusqu'au moment de l'ensemencement. Le sang défibriné doit être aussi frais que possible. Il est entendu qu'avant la préparation des milieux, on en éprouvera la stérilité par ensemencement en bouillon simple. (2) MM. A. Laveran et A. Perrir ont pu déterminer chez la souris et le rat des infections légères, essentiellement guérissables, en leur inoculant une émulsion de rate et de foie de chien infecté de Kala-Azar tunisien. 180 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR maximum de leur développement. Les injections étaient faites à la dose de un demi-centimètre cube environ. Le mécanisme de cette immunité naturelle est des plus simples. Il est le même, qu'il s'agisse de Bouton d'Orient ou de Kala-Azar. Il est particulièrement facile à mettre en évidence avec les cultures de Bouton d'Orient; car ces cultures, en milieu Novy simplifié, sont sensiblement plus riches que celles de Kala-Azar. Silôt injectés, les leptomonas de culture se piquent sur les lymphocytes, gros et pelits, qui normalement abondent dans le péritoine de la souris. Cette fixation des flagellés est très rapide. Déjà, une minute après l’injection, on constale qu'un grand nombre de leptomonas sont adhérents. En quinze minutes, la fixation est quasi totale. Le nombre des flagellés attachés à un leucocyte est très variable. On peut en constater jusqu'à 10 à 12 sur un seul globule blanc. C'est ordinairement par l’extrème bout du flagelle que les Iepto- monas se piquent sur les leucocytes, mais ils peuvent y adhérer soit par leur extrémité postérieure, soit plus rarement en un point quelconque du corps. On peut aussi constater, mais rarement, la fixation d’un leptomonas sur un globule rouge; cette fixation a lieu par le bout du flagelle. Elle peut être telle que le leptomonas n'arrive pas à se débarrasser de lhématie, qu'il secoue avec violence. La fixation des leptomonas n'a done pas lieu exclusivement sur les globules blancs. Nous n'avons pas vu plusieurs lepto- monas attachés à un seul globule rouge. Par contre, ce fait est très fréquent avec les mononucléaires. Les lymphocytes ne tardent pas à réagir à la fixation des protozoaires. On peut les voir, sous le microscope, une fois accommodés à la température du laboratoire, montrer un petit promontoire protoplasmique juste au point de fixation du flagelle, puis, de part et d'autre de celui-ci, allonger deux minces el fins pseudopodes, transparents et dépourvus de gra- nulations cytoplasmiques. Ces pseudopodes, peu à peu, gran- dissent et finissent par saisir en totalité le leptomonas. Une fois l'englobement complet, le leucocyte rentre ses pseudo- podes et régularise son contour. Peu après, on voit apparaître en plein cytoplasme, une vacuole claire, transparente, ronde LA PHAGOCYTOSE DANS L'IMMUNITÉ DE LA SOURIS 181 ou plus fréquemment ovalaire, à contours parfaitement nets, dans laquelle on distingue le leptomonas, renflé en boule, dont les contours épousent étroitement ceux de la vacuole. Celle-ci, on le devine, n'est rien autre qu'une vacuole diges- tive. Rapidement, en effet, le protozaire inclus devient transparent; les granulations eytoplasmiques de son proto- plasme sont animées d'un mouvement brownien très net, diminuent de grosseur, puis de nombre, et ainsi Jusqu'à dispa- rition complète. Il est d'ailleurs facile de contrôler par des préparations colorées toutes les phases de la digestion phago- cytaire qu'on aura pu suivre simplement entre [ame et lamelle. Il suffit même de déposer sur une lame une goutte de l'exsudat péritonéal d’une souris neuve et une goutte de cul- ture et de recouvrir le tout d'une lamelle pour assister en vitro à toutes les phases de l’englobement. La technique que nous avons employée, pour la coloration des frotlis de liquide péritonéal, est la suivante : fixation humide aux vapeurs osmiques (solution aqueuse à 1 p. 100) quinze secondes; après dessiccation, surfixation à l’alcool-éther, parties égales, deux minutes. Laisser sécher. Laver à l’eau courante et colorer vingt minutes dans une dilution de Giemsa, au 10° (1 cent. cube de Giemsa pour 10 cent. cubes d’eau dis- üllée). Il est nécessaire que la coloration suive de près la fixation. Des préparations fixées seulement depuis 48 heures se colorent mal, dans tous les cas moins bien que si elles avaient été colorées de suite après la fixation. Pour les frotlis, les dilutions de Giemsa au 10° valent mieux que les dilutions au 50° ou au 100°. Celles-ci, en raison du long espace de temps qu’elles exigent (12 à 15 heures au minimum), donnent lieu à un abondant précipité rougeûtre qui gène la lecture des préparations. Pour les coupes, au contraire (nous détaillerons plus loin leur mode de coloration), les dilutions au 50° ou au 100° valent mieux : le précipité rou- geâtre est entièrement enlevé par l’acétone au moment de la déshydratation. C'est en pleine vitalité que les leptomonas de culture sont englobés. On se rend surtout compte de ce fait quand on a affaire à des leptomonas fixés par leur extrémité postérieure. 182 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Le flagelle, qui est alors la dernière partie englobée, reste mobile jusqu'à complète disparition. Nous n'avons Jamais con- staté d'action lytique en dehors des globules blancs. Le sérum de la souris n’a d’ailleurs aucune action nocive sur les cultures de Bouton d'Orient et de Kala-Azar; par l’immunisation, on développe simplement une légère propriété agglutinative qu'on ne peut d’ailleurs affirmer que dans le cas des cultures de Bouton d'Orient, puisque le Kala-Azar donne déjà en culture de nombreux amas de microbes. Notons, en passant, que les leptomonas des cultures de Bouton d'Orient s’aggelutinent de facon quelconque; ils se rapprochent les uns des autres et s’entremêlent sans disposition spéciale. On ne peut donc trouver ici confirmation de la théorie de Prowazer (1905), qui prétend qu’au cours de l’agglutination des trypanosomes en rosaces, le blépharoplaste sécrète une substance visqueuse qui tend à les réunir les uns aux autres. Si cette théorie était exacte, les leptomonas auraient tendance à se grouper par leurs extrémités antérieures. Bref, l’immunité naturelle de la souris à l'égard des Leish- mania tropica et infantum, en culture, estune immunité d'ordre exclusivement phagocytaire. Les leptomonas,introduils dans le péritoine, sont l'objet d’une phagocytose rapide. En une 1/2 heure à 3/4 d'heure, une souris neuve se débarrasse totalement des flagellés contenus dans 1/2 cent. cube de culture arrivée au maximum de richesse. Enfin, même en injectant de très fortes doses de culture dans le péritoine d’une souris, 2 à 3 cent. cubes par exemple, on ne constate Jamais la pénétration des éléments flagellés dans le sang. La défense est victorieusement assurée par les seuls lym- phocytes de la cavité péritonéale. LA PHAGOCYTOSE DANS L'IMMUNITÉ DE LA SOURIS 183 L'IMMUNITÉ NATURELLE DE LA SOURIS A L'ÉGARD DES CULTURES DE TRYPANOSOMES DIVERS (T. rotatorium MAYER, 1843; 7°. noctuæ SchAUDINN, 1904; 7”. scardinii BruuwpT, 1906; 7°. phoxini (1) Brumpr, 1906; 7°. T'heileri LAVERAN, 1902, et 7°. vespertilionis BatraGztA, 1905.) La culture de ces divers flagellés a été faite, par nous, au laboratoire de M. MEsniz, dans le milieu de Novy-Nicolle, dont nous avons donné la formule et le mode de préparation. Nous avons isolé le T. rotatorium Mayer le 8 mai 1911, d’une Rana esculenta L., achetée sur les quais de la Seine. La culture de ce trypanosome fut entretenue pendant # mois. Elle se fait très abondante du 8° au 10° jour, à la température ordinaire du laboratoire. L'isolement fut fait en ponctionnant la veine abdominale, que l’on découvre après incision et écartement de la peau. Cette veine est recouverte par une légère couche mus- culaire, qu'il est facile de cautériser complètement sans léser aucunement le vaisseau. A la ponction, on recueille, par aspi- ration, plus de 1/2 cent. cube de sang. Ce procédé nous a paru plus pratique et plus fidèle que celui de la ponction du cœur : il nous à constamment donné des succès. Nous avons inoculé aux souris des cultures de T. rotatorium des 5°, 6°, 7°, 8° et 9° générations, faites du 5 juin au 26 juillet 1911. Le T. noctuæ, avec lequel nous avons expérimenté, provient du laboratoire du professeur Harrmaxx. Nous l’entretenons régulièrement depuis le 15 mai 1911. Les cultures de T. noctuzæ sont remarquables par leur richesse. Nous avons isolé T. scardini de rotengles (Scardinius ery- throphtalmus) provenant de l'étang de Garches. L'isolement fut pratiqué le 25 mars 1910. Ce trypanosome fut entretenu pen- dant plus d'un an en milieu artificiel. Nous avons inoculé aux souris des cultures provenant des 15°, 16°, 18° et 19° générations faites du 27 novembre 1910 au 30 janvier 1911. (1) Nous employons les noms spécifiques créés par Bruwrr et dérivés du nom générique du poisson infecté. Mais il est très possible qu'il n’y ait pas là d'espèces distinctes du T. Danilewskyi LAverAN et MEsxiz de la carpe. 184 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Nous avons isolé T. phoxini de vairons (Phoxinus lœvis AGass.) achetés sur les quais de la Seine. L’isolement, difficile en raison de la petitesse de l'animal, fut fait, pour la première fois, par nous le 29 novembre 1910. Nous avons entretenu ce trvpanosome pendant 8 mois en milieu Novy-Nicolle. Nous avons inoculé aux souris des cultures provenant des 3°, 4°, 5° et 6° générations faites du 14 février au 7 mars 1911. Nous avons isolé (1), le 15 janvier 1911, un trypanosome voisin de 7. Theileri des bœufs d'Alfort, dans le service de M. le professeur Moussu. La première culture fut faite en bouillon simple, les suivantes en milieu Novy-Nicolle. Nous avons inoculé aux souris Les cultures des 5°, 6°, 7° et 8° passages, ensemencées du 3 au 23 mars 1911 et injectées au maximum de leur croissance, vers Le 7° jour. Le T. vespertilionis, qui nous a servi, est dû à l’amabilité de M. Cu. Nicorze. Ce trvpanosome, qui fut cultivé par nous pen- dant près de deux ans, est isolé depuis 1907; et à partir de ce moment, il fut sans interruption cullivé en milieu de Novy- Nicolle. L'immunité naturelle de la souris à l'égard de ces divers flagellés est très forte. Les microbes ne pénètrent jamais dans le sang quand ils sont injectés dans le péritoine, même à haute dose. Ils sont détruits sur place, en 1/2 heure au plus. On peut se faire une idée irès exacte de la rapidité de destruction en mélangeant sur lame une goutte de culture et une goutte de liquide péritonéal d'une souris neuve. Très rapidement, les Crithidia el les irypanosomes de culture sont la proie des mononucléaires (2). Fixés généralement par leur extrémité postérieure, on peut, en 3 à # minutes, assister à leur englo- bement complet. Les flagelles, dernière partie englobée, restent mobiles jusqu'à la fin, c’est-à-dire jusqu’à ce qu'ils soient entièrement pris par les deux minces pseudopodes du leucocyte. C'est donc en pleine vitalité que les flagellés des cultures sont détruits. La phagocytose est le seul mode de destruction des parasites, et il est très facile de s’en assurer. (1) Soc. de Pathologie exotique, séance du 11 octobre 1911, t. IV, n°8. (2) Les polynucléaires sont susceptibles, mais dans une très faible mesure, de jouer le rôle de phagocytes. LA PHAGOCYTOSE DANS L'IMMUNITÉ DE LA SOURIS 185 L'IMMUNITÉ DE LA SOURIS A L'ÉGARD DE T. LEWISI KENT, 1881. A. — IMMUNITÉ NATURELLE. SON MÉCANISME. Les souris sont, en général, réfractaires au T. Leuusi. Le fait est classique. Nous avons vu que les flagellés de diverses cultures de pro- tozoaires sont {rès rapidement phagocytés in vivo comme in vitro par les leucocytes de la souris. Avec le 7. Lerisi, il n'en va pas de même. Zn vitro, le mélange de sang trypanosomé et de liquide péritonéal n'est pas suivi de phagocytose. Chez le vivant, l'injection des trypanosomes dans le péritoine est suivie d’une phase latente, de durée variable, pendant laquelle les flagellés, non seulement se conservent, mais peuvent se multiplier, ce qu'atteste la présence de pelites formes et de rosaces à 4 ou 5 éléments au plus. Levanini et SEvIN, nous l'avons vu, ont constaté un fait analogue chez les calfats naturellement réfractaires au 7. paddæ. Les trypanosomes peuvent, en parlie, facilement pénétrer du péritoine dans le sang. Après une forte inoculation (1/2 à 1 cent. cube de sang trypanosomé), déjà 20 minutes à 1/2 heure après, on peut se rendre compte de cette pénétration : en examinant une goutte de sang prise à la queue, on y constate de rares trypanosomes. Ceux-ci augmentent de nombre pendant plu- sieurs heures (4 à 5 en moyenne), puis leur nombre décroiît lentement. Les trypanosomes cessent d’être visibles dans le sang plus rapidement que dans le péritoine. La disparition totale des parasiles à lieu entre 36 et 48 heures. LAVERAN et MEsxiz, avant nous, ont, à ce sujet, fait des constatations analogues. « Après avoir injecté, disent-ils, du sang riche en trypanosomes dans le péritoine des souris blanches, nous avons vu que les trypanosomes se retrouvaient dans le péritoine et dans le sang après 24 heures; au bout de 48 heures, ils avaient toujours disparu (1). » (4) Loc. cit. 186 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Lorsqu'on inocule une dose faible, 1 à 2 gouttes de sang, pour se rendre compte de la présence des trypanosomes dans Île torrent circulatoire, il faut sacrifier les souris, aspirer le sang du cœur et le centrifuger : on trouvera des trypanosomes dans le culot de centrifugation. Bref, que l’on injecte une dose forte ou faible, la pénétration des trypanosomes dans le sang a toujours lieu; de telle sorte que, pour résoudre le problème de limmunité naturelle de la souris, il faut se demander ce que devient le 7. Lewis, non seulement dans le périloine, mais encore dans les viscères. Lorsqu'on ponctionne, à intervalles rapprochés, le péritoine d’une souris inoculée, on constate très nettement, lors des deux ou trois premières ponclions, que les trypanosomes sont tous ou presque tous entièrement libres et dans un parfait état d'intégrité. Roupsky (1) a vu, à l'état frais, des mononucléaires de souris phagocyter des trypanosomes, et cela par le même processus que Laverax et Mesniz ont fait connaître chez le rat immunisé et chez le cobaye. Nous avons, de notre côté, fail semblable constatation. Mais il faut ajouter que la phagocytose se constate rarement. Et c’est bien là qu'est la difficulté du problème. Le plus souvent, on n’observe que des trypanosomes fixés par leur extrémité postérieure sur les leucocytes. Ceux-ei ne réagissent pas à l'attachement des protozoaires et l’on peut, pendant des heures, observer des trypanosomes piqués sur des mononucléaires, sans que la moindre réaction se manifeste de la part du globule blanc. Les leucocytes de la souris, placés entre la lame et la lamelle, à la température du laboratoire, se trouvent dans des conditions très désavantageuses pour phago- cyter le 7. Lewisi. Nous avons vu qu'il en était tout autrement avec les flagellés des cultures. Pour que la phagocytose du Leiwisi puisse se faire in vitro, il faut qu'elle débute dans le péritoine et qu'elle soit déjà en partie faite. De là, sans aucun doute, la difficulté que l’on éprouve à la constater. Comme l'acte phagocytaire est difficilement visible, dans l'espoir de mieux le rencontrer, nous n'avons pas hésité, ainsi que l’a fait MassaGLra chez le cobaye, à multiplier les ponctions péritonéales. A partir d'un nombre de ponctions, variable suivant les souris, nous (4) Comptes rendus de la Soc. de Biologie, 6 mai 1941, &. LXX, p. 693. LA PHAGOCYTOSE DANS L'IMMUNITÉ DE LA SOURIS 187 avons constaté la présence de trypanosomes détruits en dehors des leucocytes. Dès lors, il fallait se demander si la disparition des parasites est due à la phagocytose ou à l’action trypano- lytique du liquide péritonéal, ou encure à ces deux processus réunis. Après de nombreuses recherches, nous avons la con- viction que la phagocytose est le seul processus normal de destruction des trypanosomes. Par la répétition des ponctions, on met le péritoine dans un véritable état pathologique. On sait bien aujourd’hui qu'il suffit d'une simple piqûre de la paroi abdominale pour amener, durant plusieurs heures, une leuco- pénie plus ou moins manifeste, sur le déterminisme de laquelle on ne s'entend pas d'ailleurs pas. Pour les uns, du fait seul de la piqûre, il y a destruction d'un nombre plus ou moins considérable de leucocytes; pour les autres, la piqûre amène la transformation du fibrinogène du liquide péritonéal en fibrine; le réseau de fibrine, en se constituant, enserrerait dans ses mailles plus ou moins de leu- cocytes. Quoi qu'il en soit, il paraît établi que toute piqûre de la paroi du ventre, si minime soit-elle, surtout chez un animal aussi petit que la souris, peut entrainer des lésions appré- ciables. Nous pensons que celles-ci sont constituées, pour une grande part, par des altéralions leucocytaires. Nous avons, en effet, constaté sur les froltis de liquide péritonéal, prélevé après plusieurs piqûres abdominales, des leucocytes avec des noyaux en karyolyse, réduits à l'état de boules régulières, mais d'inégale grosseur, répandues dans le cytoplasme : témoi- gnage histologique indéniable de la souffrance du péritoine. Grâce aux altérations des leucocytes, les substances trypano- lytiques contenues dans les phagocytes diffusent dans Île liquide péritonéal. Cette hypothèse se renforce du fait que nous avons assisté tn vitro à la destruction extracellulaire des trypanosomes. En voici, entre plusieurs autres, un exemple des plus convaincants : le 22 mars 1911, nous inoculons, dans le péritoine d’une souris neuve, de 20 grammes, un centimètre cube de sang citraté d’un jeune rat très fortement infecté. Treize heures après, le sang de la souris contient quinze à vingt parasites par champ (oculaire compensateur n° 4, objectif STIASS\IE n° bd). Nous en mettons une goutte entre lame et lamelle que nous lutons à la paraffine. Nous traitons de même 188 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR une goulte de liquide péritonéal de ponction. Les trypano- somes, sitôt qu'ils viennent d'être retirés de l'organisme, sont tous, sans exception, très mobiles. Les préparations, de con- trôle, au Giemsa, montrent que les trypanosomes sont en parfait état d’intégrité. Au bout de dix minutes, manifeste- ment au bout d'un quart d'heure, alors que les flagellés contenus dans la goutte de sang conservent leur aspect nor- mal, les trypanosomes contenus dans le liquide péritonéal montrent des altérations de plus en plus accentuées. Celles-ci débutent à certains endroits de la préparation; puis, elles s'étendent et se généralisent. C’est d’abord une paralysie no- table du trypanosome; le flagelle et la membrane ondulante se mouvant si paresseusement qu'il devient incapable de se déplacer. Finalement, c’est l’immobilité complète. Alors, le protoplasme devient clair, vitreux ; il montre des vacuoles d'inégale grosseur, de plus en plus nombreuses. Le contour du trypanosome finit par ne plus être reconnaissable ; on ne voit plus que le flagelle auquel adhère le blépharoplaste. Bref, le trypanosome a littéralement fondu, en l’espace de quinze à vingt minutes, sous l'œil qui l’'observait. La destruction des trypanosomes s’échelonne pendant plusieurs heures. Au bout de six heures, presque tous les trypanosomes sont détruits. Les trypanosomes, contenus dans la goutte de sang, gardent, au contraire, leur intégrité première. Roupsky (1) a observé, de son côté, que « le sérum sanguin de la souris blanche consti- lue un milieu favorable pour la conservation ?n vitro du T. Lervisi ». Aïnsi, en conservant, entre lame et lamelle, le liquide péri- tonéal de souris infectées, les trypanosomes, très mobiles au sortir de l'organisme, peuvent se détruire complètement en l'espace de quelques heures et se réduire à l'appareil flagel- laire. Il faut, en conséquence, se résigner à ne ponctionner qu'une fois le périloine des souris et à faire, silôt après la prise, des frottis avec le liquide péritonéal de ponction. Le seul inconvé- nient de cette technique est de multiplier beaucoup le nombre des animaux mis en expérience. On devra également ne tenir (1) Comples rendus de la Soc. de Biologie, séance du 12 mars 1910. LA PHAGOCYTOSE DANS L'IMMUNITÉ DE LA SOURIS 189 compie que des préparations d'une parfaite coloration : de la sorte, on constate que les trypanosomes retirés des péritoines des souris, quel que soit le moment de la ponction, sont en parfaite intégrité. Par contre, sur ces mêmes frottis, on ren- contre, par lame, deux ou trois figures indéniables de pha- gocytose. Il est probable que la digestion des trypanosomes se fait très vite; la digestion du protoplasme serait très rapide, car, avec la plupart des auteurs, nous n'avons que très rarement observé dans les leucocytes des trypanosomes renflés en boule à l’inté- rieur de vacuoles digestives. Nous avons seulement vu, plon- geant en plein cytoplasme cellulaire et tranchant vigoureuse- ment par contraste de coloration, le noyau et le blépharoplaste. Fréquemment, le blépharoplaste existe seul. Aïlleurs, nous avons observé dans Îles leucocytes des enclaves ayant la réaction de la chromatine nucléaire; sont-ce des restes de trypanosomes digérés? Nous avons aussi recherché la destinée des trypanosomes dans les viscères. Nous fûmes obligé, dans ce but, d’inoculer aux souris une forte proportion de virus (au moins 1/2 cent. cube de sang; la plupart du temps, 1 à 2 cent. cubes de sang). Avec les doses faibles (1 à 2 gouttes), la quantité de trypano- somes qui passent dans la circulation est si faible, qu'il serait puéril de vouloir les rechereher sur les coupes. Nos recherches, tant par la méthode des frottis que par celle des coupes, ont porté principalement sur la rate, le foie, les poumons, les gan- glions lombaires, la moelle osseuse : accessoirement, sur lépi- ploon et la paroi abdominale fixée en pleine épaisseur muscu- laire. Les souris étaient tuées au chloroforme ou asphyxiées au gaz d'éclairage. D'une manière générale, au point de vue de [a coloration des trypanosomes, les frottis nous ont donné des résultats bien supérieurs à ceux des coupes. Nous n'avons pas réussi à diffé- rencier le flagelle des trypanosomes contenus dans les coupes. Par contre, nous avons coloré avec une grande netteté le corps même du trypanosome ainsi que les noyau et blépharoplaste : le cytoplasme apparaît en bleu délicat, très finement alvéolaire : le noyau en rouge; le blépharoplaste en violet foneé. La méthode que nous avons employée pour la fixation et la 190 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR coloration des coupes est à peu près celle qu'a fait connaître dernièrement Gremsa (1). Comme fixateur, le sublimé hydro- alcoolique acétique de ScHauninx et PROWAZER : Solution saturée aqueuse de sublimé . . . . . . 2 parties. Alcool 'absolutoutan5 "degrés: : . . Tel partie: Acide acétique pur, 1 p. 100 du total. Suivant les conseils donnés par M. Borrez dans ses Cours, c'est à la glacière, à une température voisine de 0 degré, que nous avons fait nos fixations. Comparativement, les fixations faites à basse température nous ont paru supérieures à celles faites à la température du laboratoire. Suivant la grosseur des pièces, le temps de la fixation varie de 5 à 12 heures. Les poumons ont été fixés ?n foto, suivant l'excellente pratique préconisée par M. Borrez (2), la trachée est liée avant que d'ouvrir le thorax. Puis, tout l'arbre pulmonaire est enlevé d’un bloc, plongé à même le fixateur et recouvert d'une couche d’ouate hydrophile suffisante pour empècher les poumons de flotter. Au bout de 5 à 6 heures, pour faciliter la pénétration du fixateur, on pratique au bistouri des incisions dans les poumons. Au bout de 12 heures, la fixation est faite. La ligature de la trachée avant l'ouverture du thorax a pour but de fixer le poumon en extension physiologique. Sans cette précaution, les alvéoles s’affaissent parfois, si bien que les coupes deviennent absolument illisibles. Avec des alvéoles moyennement distendues, les coupes de poumons apparaissent comme une dentelle bien ajourée, et il devient très simple de s’y retrouver. Au sortir du fixateur, afin d'être bien certain d'enlever tout le sublimé, les fragments d'organes sont plongés pendant trois jours dans l'alcool à 70° iodé. Puis, on les fait passer par la série classique : alcool à 80 degrés, 24 heures; alcool à 95 de- grés, 24 heures; alcool à 100 degrés, 12 heures; xylol, 12 heures; xylol-paraffine, 12 heures; paraffine, 12 heures. Les coupes sont débitées à 6 & et colorées au Giemsa en solu- tion faible : 1 goutte pour 2-5 cent. cubes d’eau distillée. (1) Deulsche mediz. Woch., 1910, n° 12. (2) Annales de l'Institut Pasteur, &. VII, p. 593. LA PHAGOCYTOSE DANS L'IMMUNITÉ DE LA SOURIS 191 Laisser agir trenle-six à quarante-huit heures, et renouveler le bain colorant au bout de vingt-quatre heures. La déshydra- tation, après lavage à l'eau courante, a lieu dans des mélanges, à proportions variables, d'acétone et de xylol. Il est pratique de mettre ces mélanges dans des tubes Borrel étiquetés 1, 2, 3 et 4, et de porter les lames successivement du tube 4 au tube #. Les mélanges contenus dans les tubes sont les suivants : Hubete ir ACEtONes 2: 1504000 1-0 0905rcent.icubes: VID IEEE 4e. 1e |. 1 CPR ESSTS — RUES PACÉLONES." … . : : SE ee eul0 — TOITS ET RENNES À — Tube le = eAGéÉ One 2 de TEE 0 _— NII ed 6. CU TNT D = Tube IV. — Xylol pur. Après passage dans le tube #, il ne reste plus qu'à monter au baume. D'après S.-B. Wozcsack et S.-H. Mc Ke, l'addition de colo- phane à l'acétone (20 p. 100 de colophane) empècherait la décoloration de l’éosine. Nous n'avons pas obtenu de meilleurs résultats en appliquant ce procédé (4). Nous devons tout de suite dire que, sur les nombreuses coupes que nous avons pratiquées, nous n'avons pas trouvé une seule figure histologique susceptible d’être interprétée nettement comme le résultat de la phagocytose. Nous avons simplement rencontré dans les phagocytes des enclaves ana- logues à celles des leucocytes du péritoine. Par contre, nous avons constaté avec la dernière netteté que les trypanosomes contenus dans les viscères, et notamment dans la rate (2), sont en parfait état d’intégrité, ce qui rend très improbable leur destruction par (rypanolyse. Il nous est arrivé à maintes reprises de voir des trypano- somes piqués sur les leucocytes et à divers stades de phago- cytose sur des frottis de rate et de ne rien constater de sem- 1) Journ. of med. Res., t. XXIV, n° 2, avril 1911. 2) Quand on examine, entre lame et lamelle, un fragment de rate trypa- nosomée disséquée dans de l'eau physiologique, il passe dans le champ du microscope une série de formes bizarres que l’on pourrait prendre pour des trypanosomes altérés et qui ne sont en réalité que des amas d'hémato- blastes. Aussi ne doit-on faire confiance qu'aux préparations colorées. 192 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR blable sur les coupes. Ce résultat s'explique par l'imparfaite coloration des trypanosomes autant que par le trop grand tas- sement des éléments cellulaires dans les coupes. Du fait de la compression des leucocytes, il y a une réelle impossibilité à dire si les trypanosomes sont à l’intérieur des leucocytes ou simplement à côté d'eux, étant donné que le cytoplasme du phagocyte et celui du trypanosome se colorent dans le même ton, en bleu plus on moins foncé. Les trypanosomes, dans la rate, se rencontrent au niveau de la pulpe splénique et surtout au niveau des sinus veineux. Nous n'avons pas noté leur pré- sence au niveau des corpuscules de Malpighi. Une lésion est constante au niveau du foie : l'hyperplasie des cellules de Kupfter. Celle-ci peut présenter tous les degrés. Tantôt, elle se limite au simple boursouflement du noyau: tantôt, c'est toute la cellule qui est tuméliée, allongée en un long fuseau, parallèlement au vaisseau. Il est probable que les cellules de Kupffer en hyperplasie abandonnent la paroi des capillaires, car ceux-ci peuvent être dénudés sur un par- cours plus ou moins long. L'endothélium des capillaires hépa- tiques joue vraisemblablement un rôle actif dans la phagocy- tose des trypanosomes. Il nous est cependant impossible d'en fixer exactement l'importance, car nous n'avons trouvé dans le cytoplasme des cellules endothéliales que des fragments irréguliers, ayant les réactions de la chromatine et qu'on ne pouvait qu'hypothéliquement rapporter à des trypanosomes dégénérés. | Les capillaires hépatiques des souris infectées sont plus riches en globules blancs que normalement. On y rencontre peu de lymphocytes, surtout des mononucléaires gros et moyens el quelques mastzellen. Le cytoplasme des mononucléaires des capillaires contient fréquemment des enclaves chromati- ques. ; L'abondance des trypanosomes dans les vaisseaux du pou- mon contraste singulièrement avec leur rareté dans les vais- seaux des autres viscères. Cela est, sans doute, dû à ce que les poumons sont, dans un temps donné, traversés par une quantité de sang infiniment plus grande que celle qui traverse les autres organes. Nous avons facilement trouvé des trypa- nosomes jusque dans les fins capillaires, à peine plus larges LA PHAGOCYTOSE DANS L'IMMUNITÉ DE LA SOURIS 193 qu'un globule rouge, qui rampent à la surface des alvéoles. Ces trypanosomes n'étaient séparés de la lumière alvéolaire que par la couche endothéliale limitante. Nous n'avons jamais constaté la pénétration des trypanosomes dans l’intérieur des alvéoles. L'endothélium alvéolaire ne joue donc aucun rôle dans la destruction de T. Lewisi. Nous rappelons, par comparaison, que SauERBECk à Constalé la pénétration de 7. Brucei dans les alvéoles des poumons du rat, et la phagocytose de ce trypano- some par l’endothélium alvéolaire. Le tassement des éléments lymphatiques est tel au niveau des ganglions lombaires qu'on ne peut avoir aucun renseigne- ment utile de l'examen de la couche corticale et du système caverneux. Le tissu sous-capsulaire donne seul des rensei- gnements utiles : à son niveau, les cellules Ilymphatiques sont écartées les unes des autres et les trypanosomes peuvent facile- ment être mis en évidence. On note leur intégrité parfaite. On trouve également des trypanosomes en parfait état dans les fins capillaires du tissu graisseux qui entoure incomplètement la capsule du ganglion. La moelle osseuse des fémurs et des tibias n'a été examinée qu'en frottis. Elle contient de rares trypanosomes, tous in- tacts. La phagocytose doit être accentuée au niveau de l’épiploon, à la surface duquel nous avons rencontré, dans un réseau de fibrine, un grand nombre de leucocytes parfois littéralement bourrés d’inclusions chromatiques. En somme, les coupes renseignent sur la distribution topo- graphique des trypanosomes dans les viscères et l'existence dans les leucocytes de nombreuses inclusions chromatiques qui sont vraisemblablement des trypanosomes en voie de digestion. En plus, elles montrent très nettement l'absence de trypano- lyse en dehors des globules blancs. B: MÉCANISME DE LA GUÉRISON. IMMUNITÉ ACTIVE ET PASSIVE. SOURIS RÉCEPTIVES. Il était classique d'admettre jusqu'ici que la souris est réfrac- taire au T, Lervisi. En modifiant expérimentalement ce virus, et, pour employer l'expression de MM. Lavera et Perrnir, en le 13 194 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR « renforçant », Roupsxy, le premier, a pu inoculer en série des souris (1). Il déclare d'ailleurs, avec les auteurs, que cet ani- mal est réfractaire non seulement au virus normal, mais encore aux cultures de celui-ci. Les faits que nous apportons corroborent les données de Roupsky en les élargissant, si on peut ainsi dire. Nous avons pu, en effet, à notre grande surprise, infecter d'emblée des souris avec le Lewisi normal, tel qu'on le trouve soit chez un rat d’égout (infection spontanée), soit chez un rat blanc ou pie (infection expérimentale), soit encore dans les cultures (2). Les souris ont été infectées par inoculation d'une simple goutte de sang prise à la queue d’un rat, soit au moment de la période d'état de l'infection sanguine, soit à celle de la multi- plication des parasites. On peut, au lieu de sang, se servir du liquide péritonéal d’un jeune rat récemment inoculé. Le pour- centage des résultats positifs n’est pas plus élevé quand on se sert d’un sang riche en formes de multiplication. Les souris de T1 à 8 grammes ne sont pas plus sensibles que les souris de 15 à 20 grammes. Nos expériences ont été faites avec 3 origines différentes de Leivisi, que nous numérotons 1, 2 et 3. Les Lewisi 2 et 3 ont été isolés par nous de rats d'égout. En faisant des inoculations péritonéales à l’aide d’une goutte de sang de rat infecté, sur 26 souris inoculées avec le Lerisi 1, nous avons eu 6 résultats positifs; sur 10 souris inoculées avec le Lerwisi 2, 4 succès; et sur 42 souris inoculées avec le Lewis 3, seulement 5 succès. On peut, de ces 3 séries d'expériences, conclure que les diffé- rentes races de Lewisi ne sont pas également inoculables d’em- blée à la souris; elle peut être complètement réfractaire à cerlaines races. La souris peut également être infectée par la voie sous- (1) Comptes rendus de la Soc. de Biologie, 5 el 12 mars 1910, 12 novembre 1910; et Comptes rendus de l' Acad. des Sciences, 5 janvier 1941. (2) Nous avons, pour la première fois, signalé dans les cultures de T. Lewisi de petits trypanosomes qui, après fixation humide aux vapeurs osmiques el coloration lente au Giemsa, ont, en moyenne, 1 u 8 de long sur 1 w 7 de large. Le blépharoplaste fait souvent saillie tout à l'extrémité postérieure du para- site. Ces petits trypanosomes de culture ressemblent beaucoup aux « small trypanosomes » signalés par SWELLENGREBEL et SrRICKLAND dans l'intestin de la puce du rat, Ceratophyllus fasciatus Bosc. Consulter à ce sujet la note que nous avons fait paraître à la Sociélé de Biologie, Séance du 6 mai 1911, p. S0%, t. LXX. LA PHAGOCYTOSE DANS L'IMMUNITÉ DE LA SOURIS 195 cutanée, qui est aussi bonne que la voie péritonéale. Nos injec- lions, pour la plupart, par simple commodité d'étude, ont été faites dans le péritoine. Nous avons pu infecter des souris en leur inoculant des cultures faites en Novy-Nicolle. Nous avons constamment eu un pourcentage de résultats positifs plus élevé avec les cultures qu'avec le sang du rat. Et cette différence, très certainement, ne tient pas à ce que la dose de culture contenait plus de para- sites que celle du sang; car, on n’a pas de résultats meilleurs en inoculant à des souris de fortes doses de virus; l’immunité naturelle, quand elle existe, est, en effet, une immunité très solide, que l’on ne peut faire fléchir en injectant de grandes quantités de trypanosomes. Alors que, sur 26 souris inoculées dans le péritoine avec une goutle de sang à Lerwvisi 1, 6 seule- ment prennent la maladie, sur 23 souris inoculées dans le péritoine avec des cultures de ce virus, 11 s’infectent. De même, sur 42 souris inoculées avec du sang à Lewvisi 2, 5 succès; et sur 19 souris inoculées avec les cultures de ce virus, 10 succès. Il faut en conclure que T. Lerwisi en culture perd un peu de sa spécificité étroite pour le rat, etque, de ce fait, il peut mieux infecter la souris. Rappelons, à ce sujet, que Roupsky, dans la première note qu'il a communiquée, indiquait comme idée directrice d'élucider l'influence des passages en milieux de cul- ture sur l’évolution de 7. Lerwvisi. Il nous a semblé que la maladie n'évolue pas chez la souris avec cette régularité ponctuelle que Lavera et Mesxiz ont fait connaître chez le jeune rat. L'infection du sang se fait soit en même temps, soit après celle du péritoine. La durée de la maladie est très inégale : en moyene, 15 jours; maximum, 24 jours; minimum, # à 5 jours. La disparition des parasites a parfois lieu brusquement; bien plus souvent, elle se fait len- tement, progressivement, durant 2 à 3 jours. Les formes de multiplication dans le péritoine et dans le sang sont absolu- ment identiques à celles du rat. A noter dans certains cas la présence, seulement durant la phase de multiplication des parasites, de trypanosomes sans flagelle libre, quoique avec une membrane ondulante bien développée, et surtout de formies à blépharoplaste seul, sans noyau, et qui, à la colora- tion, nous paraissaient être en parfaite intégrité. Ces formes à 196 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR blépharoplaste seul sont toujours très rares, au nombre de 4 ou ÿ au plus sur un frottis. Nous avons dernièrement constaté la présence de formes à blépharoplaste seul dans le sang de jeunes rats, pesant 15 grammes, inoculés depuis 5 à 8 jours, en pleine période de multiplication sanguine des parasites. À la période d'état de l'infection, les trypanosomes, chez la souris comme chez le rat, sont d’une régularité parfaite. Il est plutôt exceptionnel que l'infection de la souris soit légère. Le plus souvent, il y abondante multiplication des parasites. Notamment, les rosaces sont, dans le sang, quelque- fois si nombreuses qu'on peut en rencontrer avec un objectif 5, jusqu'à 7 à 8 dans un champ microscopique. L’infection trypa- nosomienne peut, ainsi que l’a signalé Roupsxy, entraîner la mort. Nous avons observé celle-ci 2 fois sur 233 cas, dont 55 positifs. La multiplication des parasites dans ces 2 cas mortels a duré jusqu'à la mort, survenue 3 et 5 jours après l’inocula- tion. Le sang était si riche en parasites qu’il était manifeste- ment décoloré, comme un liquide rosé. Aucune bactérie, aérobie ou anaérobie, n’a cultivé. Une fois sur deux, la mort est survenue brusquement, comme chez un rat nagané. À vrai dire, nous avons observé la mort 5 fois. Seulement, dans 3 cas, le sang des souris mortes nous a fourni sur gélose simple une abondante culture microbienne. En conséquence, nous n avons pas cru devoir attribuer ces 3 décès à l'infection trypanosomienne. Comme lésions anatomo-pathologiques macroscopiques, chez les deux souris dont la mort à pu être avec vraisemblance imputée au 7. Lewisi, nous avons observé une dégénérescence granulo-graisseuse accentuée du foie. Les veines intralobu- laires apparaissent sous forme de taches rouge foncé, irré- gulièrement arrondies, entourées du tissu lobulaire jaune pâle. La rate était grosse, violacée, très congestionnée. Les reins étaient normaux. Chez une souris, nous avons noté un léger œædème du poumon avec de rares ecchymoses. A l’examen microscopique, nous avons observé une atteinte profonde de la cellule hépatique. Les cordons de Reuak, com- primés par la dilatation des capillaires, étaient partiellement détruits. Dans les capillaires, nous avons noté une accumula- ion considérable de leucocytes, formés en majeure partie de LA PHAGOCYTOSE DANS L'IMMUNITÉ DE LA SOURIS 197 mononucléaires (moyens et gros) et de plasmazellen; pas de mastzellen, pas d’hématies nucléées. A. Perur (1) a montré que, dans diverses trypanosomiases expérimentales, le foie subit, du fait de l'accumulation de leu- cocytes, formant manchon autour des vaisseaux hépatiques, une véritable transformation lymphoïde. D. Rounskx (2) a observé la même lésion chez les souris inoculées avec le T. Lewisi Kexr renforcé. Nous n'avons rien constaté de sem- blable chez les deux souris mortes d'infection trypanosomienne et chez les souris en cours d'infection. L'accumulation des leucocytes a lieu simplement dans les capillaires. La transformation lymphoïde du foie telle que l’a observée Rouosky semble done bien, ainsi que l’affirme A. Pernr, répondre à une propriété nouvelle acquise par le T. Leisi KEwT renforcé. Nous ajouterons que les tout jeunes rals inoculés avec le T. Lewvisi normal ne présentent pas la transformation lymphoïde du foie, méme quand ils succombent à l'infechon trypanoso- mienne. Nous en avons observé dernièrement 1 cas très nel. Un jeune rat de 15 grammes, inoculé de sang trypanosomé le 9 octobre, meurt le 30 du mois. A l’autopsie, nous notons une transformation granulo-graisseuse accentuée du foie, avec teinte jaune manifeste, mais sans trace aucune de transforma- tion Iymphoïde. Avec le Lewisi n° 1, nous n'avons pas réussi les passages en série de souris à souris. Du moins, avons-nous subi des échecs répétés. Nous avons groupé sous forme de tableau Îles différents résultats que nous avons obtenus. La guérison survient chez les souris réceptives par phago- cytose. Celle-ci, comme chez les souris qui ont d'emblée l'immunité naturelle, est difficile à constater lorsqu'on examine, entre lame et lamelle, le liquide péritonéal de ponction. Les meilleurs renseignements sont fournis par les frottis colorés, (1) Comptes rendus de la Soc. de Biologie, séance du 4 février 1911, t. LXX, p.165, et Archives internationales de Pharmacodynamie el de Thérapie, fasc. 34, vol. XXI. (2) Loc. cit. 198 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR sur lesquels on peut rencontrer de bonnes figures de phago- cytose. Les coupes ne donnent rien de particulier ; des inclu- sions chromatiques dans les mononucléaires de la rate, des poumons, du foie, dans les cellules de Kupffer hyperplasiées. NOMBRE DE SOURIS NOMBRE DE SOURIS INFECTÉES SÉRIES Du 4° Du 2° Du 3° Du 4e Lors du | Lors du | Lors du | Lors du passage. | passage. | passage. | passage. 3° &° der 9e passage. | passage. | passage. | passage. à Les souris qui ont eu une première infection sont toujours réfractaires à une seconde inoculation, quelle que soit la dose de trypanosomes inoculée dans le péritoine. La souris, comme le rat, est donc susceptible de s’immuniser activement à l'égard du 7. Lewisi. Nous avons constamment observé que les trypanosomes passent dans le sang lors de la 2° inoculation. Le fait est plus rare lors de la 3° inoculation. La 4° inoculation n'est jamais suivie d'infection sanguine : les parasites sont alors détruits dans la cavité péritonéale même. Nous avons immunisé nos souris par injection de sang trypa- nosomé de rat ou de souris. Avec le sang de rat, il faut aller avec prudence et se contenter d’inoculer 1 à 2 gouttes. Les doses plus fortes sont mal supportées, et souvent les souris meurent vers la 6° et 7° réinoculation. Il vaut mieux injecter du sang de souris infectée. On n’a pas alors à craindre l'effet LA PHAGOCYTOSE DANS L'IMMUNITÉ DE LA SOURIS 199 toxique des injections et la phagocytose des globules rouges ne vient pas compliquer celle des trypanosomes. On peut encore immuniser des souris avec du sang de souris, puis au moment où l’on désire étudier le mécanisme de l'immunisation active, inoculer du sang de rat. La destruction des globules rouges du rat est alors tardive, celle des trypanosomes précoce. Les deux phénomènes se succèdent, et on peut les étudier l’un après l’autre. La plupart de nos recherches sur l’immunité active ont été faites sur des souris qui avaient reçu au minimum #4 à 5 injec- tions. La première chose qui frappe chez une souris en immunité active est l’agglutination des trypanosomes. Celle-ci a lieu dès que l'injection est faite. Au bout de 2 à 3 minutes, on assiste à la formation de gros amas de trypanosomes, affectant ou non la forme de rosaces. Les trypanosomes, et cela dépend de l'importance du traitement que l'on a fait subir à l'animal, peuvent ètre simplement agglutinés, et alors à cause de leur mobilité persistante ils se disposent en rosaces (LaAvErAN et Mesxi), ou à la fois agglutinés et paralysés. La paralysie n’est d’ailleurs jamais totale. Chez les souris qui ont reçu près de 20 injections, les trypanosomes conservent encore quelques mouvements de la membrane ondulante et du flagelle. Nous n'avons jamais observé la lyse des trypanosomes en dehors des éléments cellulaires. L'immunité active de la souris, si poussée soit-elle, fait donc apparaître simplement la propriété aggluti- nante, jointe ou non à la propriété paralysante. La destruction des trypanosomes, par phagocytose, chez les souris en immunité active, est facile à observer. La phagocy- tose est précoce. Déjà 2 à 3 minutes après l'injection, elle est manifeste. Elle est au maximum au bout de 10 à 20 minutes. On voit alors de gros amas de leucocytes, au milieu ou sur le pourtour desquels se rencontrent de nombreux trypa- nosomes à divers stades d’englobement. Les préparations colo- rées donnent souvent des déceptions : les amas de leucocytes et de trypanosomes sont si épais qu’ils prennent la coloration d’une manière très intense, et il est alors impossible de les utiliser. Les meilleurs renseignements sont fournis par des leucocytes isolés, ou par les petits amas de leucocytes. On peut 200 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR alors étudier tous les stades de la phagocytose, depuis le simple attachement jusqu’à la présence dans le cytoplasme des noyaux et des blépharoplastes, ainsi que de simples enclaves chroma- tiques. Nous avons injecté à des souris en immunité aclive des trypanosomes du sang de rat et de souris, débarrassés par centrifugation des globules rouges et lavés deux fois à l'eau physiologique, ces différentes manipulations ne deman- dant pas plus d'un 1/4 d'heure à 20 minutes. Nous avons, dans ce cas, constaté très nettement non seulement la phago- cytose, mais aussi la destruction extra-cellulaire d'une partie des flagellés. Nous pensons que la centrifugation, si ménagée soit-elle, amène de graves altérations chez beaucoup de fla- gellés.' Certains seraient même, de ce fait, complètement détruits, réduits au flagelle et au blépharoplaste ainsi que l’attestent les frottis du eulot de centrifugation colorés au Giemsa. On comprend, étant donné le trouble apporté dans léquilibre leucocytaire par la piqûre abdominale, que les try- panosomes, en voie d’altération grave, puissent continuer à se détruire avant mème que la phagocytose se produise. Quand nous avons étudié l’immunité naturelle, nous avons montré quelles précautions il fallait prendre à l'égard de la ponction du péritoine. Ici, c’est en quelque sorte l'envers de la médaille ; et les expériences, rapportées plus haut, montrent quelles précautions il faut prendre vis-à-vis des {rypanosomes que l’on injecte. Pour manifester l’immunité passive, nous avons injecté à des souris neuves d’abord le sérum immunisant (sérum de rat ou de souris) et, 2 à 3 minutes après, le sang trypanosomé (sang de rat ou de souris). Il n'y a aucun inconvénient à injecter les trypanosomes d’abord, le sérum ensuite. Cette technique est préférable à celle qui consiste à injecter en même temps sérum ettrypanosomes, mélangés in vitro. On évite ainsi la formation de trop gros amas de trypanosomes dus à l'action agglutinante du sérum. L'immunité passive est exclusivement d'ordre phagocytaire. Ce phénomène saute aux yeux, tout autant que l’agglutination des trypanosomes, quand on inocule une dose forte d’un sérum LA PHAGOCYTOSE DANS L'IMMUNITÉ DE LA SOURIS 201 immunisant très actif (2 cent. cubes de sérum pour # à 5 gouttes de sang trypanosomé). Très rapidement, au bout de 2 à 3 minutes, on constate, par ponction du périloine, qu'un grand nombre de trypanosomes, demeurés parfaitement mobiles malgré l’action agglutinante, sont piqués sur les leucocytes par leur extrémité postérieure. Les trypanosomes, une fois piqués, ne se maintiennent pas en position plus ou moins per- pendiculaire par rapport au leucocyte. Ils sont comme atlirés invinciblement vers lui, si bien que tout le corps du flagellé arrive en contact avec le leucocyte. Nous avons pu voir ainsi des amas de 3 ou # leucocytes entièrement cernés par une véritable couronne de trypanosomes. Ceux-ci gardent toute leur mobilité. Ils se déplacent, comme en glissant, à la surface des leucocytes sans cependant pouvoir s'en détacher. Pour constaler l’englobement du parasite entre lame et lamelle, nous répélons ici ce que nous avons déjà dit : il faut que cet englo- bement commence dans le péritoine. Il s'achève alors 2n vitro, mais il ne peut se faire intégralement entre lame et lamelle, du moins à la température du laboratoire. Les leucocytes augmentent rapidement de nombre. Au bout de 20 à 25 minutes, ils forment de gros amas en marge des- quels on reconnaît facilement la phagocylose à tous les stades. Les trypanosomes sont détruits en pleine vitalité. Leur dispa- rition est plus ou moins rapide, suivant la quantité de sérum injectée. Avec une dose de sérum faible, égale à celle du sang, on retrouve des trypanosomes vivants et très mobiles 12 à 15 heures après. Avec une dose de sérum forte, en moins de 2 heures, tous les parasites sont détruits. CONCLUSIONS Nous pouvons résumer ainsi l'ensemble de notre travail : 4° L'immunité naturelle de la souris à l'égard des cultures de Leishmania tropica Wricur, de Leishmama infantum Cu. Nicozze; de T, rotatorium Mayer; de T. noctuæ SCHAUDINY : de T. scardinii Brumer; de T. phoxini Brumer; de T. Therleri Laverax et de T. vespertilionis BatraGziA, est une immunité d'ordre exclusivement phagocytaire. Les flagellés de culture 202 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR sont détruits sitôt qu'ils sont injectés dans le péritoine, et leur disparition est très rapide; 2° L'immunité naturelle de la souris à l'égard des cultures de T. Lewisi KENT est une immunité d'ordre exclusivement phagocytaire. La défense, dans ce cas, n’a pas seulement lieu dans le péritoine, mais aussi dans tout l’organisme. Dans le péritoine, la phagocylose se fait durant 36 à 48 heures. Elle s'effectue par étapes successives. De là, une réelle difficulté à la manifester. Dans les viscères, les parasites sont très rapidement détruits, si bien qu'on ne les retrouve plus dans les phago- cytes qu'à l'état de vestiges tout à fait méconnaissables. Les coupes montrent neltement l'absence de trypanolyse en dehors des globules blancs, ce qui nous porte à considérer la phago- cylose comme le seul mode de destruction des parasites; 3° Certaines souris sont susceptibles de s'infecter par le T. Lewisi Kexr NorMAL. Le pourcentage des souris infectées nous à paru plus élevé quand les inoculations étaient faites avec les cultures: 4° Les souris réceptives acquièrent l’immunité active. Celle- ci est d'ordre exclusivement phagocytaire. Ce fait est d'autant plus saillant que l’immunité active a été elle-même plus poussée ; 5° L'immunilé passive des souris à l'égard de T. Lewisi Kenr est d'ordre exclusivement phagocytaire. On s'en rend bien compte quand on inocule une forte dose de sérum immunisant par rapport à celle du sang trypanosomé; 6° Les flagellés sont détruits en pleine vitalité, ce que l’on constate avec la plus grande netteté quand la dernière partie englobée est le flagelle : celui-ci reste alors mobile jusqu'à complète disparition. EXPLICATION DE LA PLANCHE III DESSINÉES SUR LE PLAN DE LA TABLE, AVEC UNE CHAMBRE CLAIRE ZEISS, L'OCULAIRE COMPENSATEUR ZEISS N° # ET L'OBJECTIF A IMMERSION STIASSNIE 1/15e. FiGures 1, 2, 3, 4, 5 el 6. — Différents stades de la phagocytose des flagellés d'une culture de Bouton d'Orient par les mononueléaires de la souris. F16. 1. — Le leptomonas est piqué par l'extrême bout du flagelle sur un lymphocyte. LA PHAGOCYTOSE DANS L'IMMUNITÉ DE LA SOURIS 203 Fic. 2. — Plusieurs leplomonas, dont les flagelles sont déjà englobés, sont piqués sur un lymphocyte. Fic. 3. — Dans un mononucléaire, on ne voit que le noyau et le blépharo- plaste d’un leptomonas dont on ne distingue plus le contour; dans l'autre mononueléaire, un leptomonas renflé en boule et un leplomonas en voie d'englobement. Fic. 4 et 5. — Mononucléaires avec des vaceuoles dont le contenu prend une leinte acidophile quasi homogène. Il s'agit vraisemblablement d'un stade avancé de la phagocytose des leptomonas. Fi. 6. — Dans le cytoplasme d'un mononucléaire, sous forme de granu- lations plus ou moins grossières, des enclaves chromatiques qui ne sont peut-être que le stade ultime de la digestion des leptomonas. FiG. 7. — Tryp. phoxini Bruupr dans le sang du vairon. Fi. 8 et 9. — Deux trypanosomes de culture de T. phoxini. Chez l'un des 2 trypanosomes, le flagelle est en division avant que le blépharoplaste ne se soit divisé. Ce fait est fréquent. Entre lame et lamelle, on se rend compte que les flagelles de nouvelle formation s’'agitent violemment, à la manière de véritables microgamètes, ce qui pourrait faire croire à un processus de fécondation. FiG. 10 et 11. — Formes de culture d'un trypanosome voisin de T. Theileri que nous avons isolé des bœufs de France. On remarquera la forme Leishmania, que SWELLENGRESEL n'a pu retrouver dans les cultures du trypa- nosome des bœufs de Hollande. Fic. 12, 13 et 14. — Phagocylose des flagellés de culture de T. nocluæ par les leucocytes de la souris. Préparation faite vingt minutes après avoir mélangé sur lame une goutte de liquide péritonéal de souris et une goutte de culture. La figure 14 représente un polynucléaire qui a phagocyté un élément cultural. F16. 15. — Appareils flagellaire et blépharoplastique de T. Lewisi détruits en conservant entre lame et lamelle le liquide péritonéal de souris infectées. F16. 16. — Amas de leucocytes, dont on voit mal le contour cytoplasmique, et de T. Lewisi, à différents stades de phagocytose chez une souris qui a reçu 2 centimètres cubes de sérum immunisant et 1/4 centimètre cube de sang de souris infectée. En dehors des leucocytes, des granulations de Mastzellen. FiG. 17. — Petits trypanosomes dans les cultures de T. Lewisi. On remar- quera les petits trypanosomes renflés en boule et qu'on pourrait facilement prendre pour des kystes, n'était la coloration du flagelle. LES AGGLUTININES ET LES SUBSTANCES SENSIBILISATRICES DES SÉRUMS DYSENTÉRIQUES par T. GRYGLEWICZ (Laboratoire du Dr W. Palmirski, à Varsovie.) La bactériologie de la dysenterie clinique, dans l’état actuel de son développement, considère que cette maladie est causée non seulement par le bacille dysentérique de Shiga-Kruse, mais aussi par les bacilles dénommés pseudodysentériques. Kruse (1) est le premier qui fit la distinction entre le bacille pseudodysentérique et le bacille dysentérique. D'autres auteurs désignent les bacilles pseudodysentériques sous le nom de paradysentériques ou de bacilles de Flexner. Shiga (2), dans son travail récent, les considère comme une variété du bacille dysentérique. La différenciation des bacilles de la dysenterie a été facilitée par Lentz et Martini (3) qui ont employé dans ce but un milieu colorant et un sérum agglutinant de haut pou- voir. Depuis on a observé de nombreux cas sporadiques ainsi que des épidémies entières, provoquées par des bacilles para- dysentériques. On les a même retrouvés plus fréquemment que le bacille dysentérique. Dans ce travail, mes expériences ont porté sur cinq cultures du bacille dysentérique: Shiga de Kräl, Moscou, Cracovie, Kieff, Varsovie et sur six cultures paradysentériques : Flexner (1) Kruse, Ueber die Rubr als Volkskrankheit und ihren Erreger. Deutsche medicinische Vochenschrift, 1900, n° 40, p. 637. — Kruse, Der jetzige Stand der Dysenteriefrage. Deutsche Ærzteseitung, 1902, n° 2. (2) Snica, Typen der Dysenteriebacillen, ihr epidemiologisches Verhalten und serotherapeutische Studien. Zeitschrift für Hygiene und Infeklionskran- kheiten, Bd LX, H. 1, 1908, p. 15. (3) Mann: und Lenrz, Die Differenzierung der Rubhrbacillen mittels der Agglutination. Jbidem, Bd XLI, 1902, p. 540. — Lenrz, Vergleichende kultu- relle Untersuchungen über die Ruhrbacillen nebst Bemerkungen über den Lakmusfarbstoff. 1bidem, Bd XLI, 1902, p. 559. SÉRUMS DYSENTÉRIQUES 205 de Kräl, Cracovie, Kieff, Saarbrücken, Müller V, Varsovie I et Varsovie IT. | Le tableau ci-dessous donne les résultats de mes expériences sur la faculté des cultures ci-dessus de produire les acides aux dépens de différents hydrates de carbone et de la mannite. DEXTROSE MALTOSE SACCHAROSE DEXTRINE LACTOSE Shiga de Kräl . . Moscou . Cracovie Kieftes Varsovie da bacille dysentérique. m © mn [=] Es e) Le] Flexner de Kräl. Cracovie nr: *]. Saarbrücken. . . Kieff. . “1: Varsovie. - - Cultures des bacilles paradysentériques. J'ajouterai que dans ces expériences je me servais des plaques de Pétri à l'agar, colorées à l'aide d’asolithmine (1). + désigne que durant 24 à 48 heures (1) En ce qui concerne la préparation et la technique de l'ensemencement, je les ai indiquées dans mon travail précédent : « W sprawie etyologii dy- zenteri i i jej leczenie surow ica. » (L'étiologie de la dysenterie et son trai- tement par le sérum). Gazeta lekurska, 1908, n° 9 — 13, p. 284. A 100 cent. cubes d'agar ordinaire de laboratoire à 2 p. 100, contenant 2 p. 100 de peptone de Witte, j'ajoute 1,5 gr. d'hydrate de carbone ou de mannite, précédemment dissoute dans une petite quantité d’eau et 0,04 gr. d'asolitmine dissoute dans 1 cent. cube d'eau; je maintiens l’alcalinité de la solution par l'addition d’une ou de deux gouttes de potasse caustique au fur et à mesure du besoin; j'ajoute en plus 1 cent. cube de solution de cristal- violette (1 p. 1000). L'’asolithmine est une substance colorante cristalline bleue- violette, soluble dans l’eau, insoluble dans l'alcool et l’éther; sa formule chimique est CTHINO“; comme indicateur de la formation dans le milieu des acides ou des alcalis, elle se comporte comme le lacmus liquide. Une émul- sion des bactéries, fortement diluée dans une solution physiologique de NaCI, est ensemencée sur les plaques de Pétri à la surface de ce milieu solide à l’aide d'une baguette en verre, courbée à l'angle obtus. 206 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR on a obtenu des colonies nettement rouges; — veut dire que dans cet inter- valle de temps les colonies n'ont pas changé la couleur bleue-violette du milieu ; F1 — Flexner. Hiss (1) distingue quatre groupes divers de bacilles parady sentériques, et Shiga (2) y ajoute un groupe nouveau. Les résultats de l'agglutination, obtenus par Hiss et Shiga concor- daient en règle générale avec cette division. Par contre, Kruse (3) est d'avis que la faculté de décomposition des hydrates de carbone que présentent différentes cultures para- dysentériques n’est pas toujours constante, et qu'il est difficile par conséquent de s’en servir comme base de classification des bacilles. Mes expériences ne font que confirmer l'avis de Kruse. Dans le tableau ci-dessus je n’ai pris en considération qu'une colo- ration rouge nettement prononcée obtenue en 24 à 48 heures. Les cultures paradysentériques FI. Cracovie et FI. Saarbrücken se comportaient à cet égard d’une manière identique; évidem- ment ces cullures présentaient une étroite parenté sous d’autres rapports encore, cependant leurs agglutinines n'étaient pas identiques, comme on le verra par la suite. Toutes nos cultures dysentériques ne différaient point de la culture originale de Shiga. Quant aux cultures paradysenté- riques, elles se distinguaient non seulement par la faculté de décomposition des hydrates de carbone et de la mannite, mais encore par leur propriété de former de l’indol, à l'exception de la culture paradysentérique Varsovie [. J’appelle l'attention sur le fait que la culture paradysentérique de Doerr (4), provenant d’une épidémie à Vienne, ne produisait également pas d’indol:; cependant l’auteur, se basant sur ses recherches, l'identifie avec le bacille de Flexner de Manille. Leiner (5) mentionne les cultures paradysentériques caillant le lait en quelques jours. Toutes mes cultures paradysentériques ne caillent point je (4) Hiss, On fermentative and agglutinative characters of bacilli of the dysentery group. Journ. of med. Research., vol. XIII, 1904. (2) Surca, Loc. cit. (3) KrüsE, RirrerrHaus Keue und MEerz, Dysenterie und Pseudodysenterie. Zeitschrift für Hygiene und Infecktionskrankheiten, 1907, Bd LVII, p. #17. (4) Dore, Beobachtungen über bacilläre Dysenterie. Centralblatt für Bakte- rioloyie und Parasitenkunde, Bd XXX VIII, 1905, p. 420. (5) Leiner (CarL), Ueber einige atypische Dysenteriestäume. Zbidem, Bd XLIIT, 1-8, p. 183. SÉRUMS DYSENTÉRIQUES 207 lait, même en deux semaines à la température de 37 degrés centigrades. Toutes les cultures dysentériques se distinguaient en outre des cultures paradysentériques par la faculté de produire une vraie toxine soluble, de même que par leur manière de se com- porter dans l'organisme du lapin et par les altérations qu’elles produisaient dans le cæcum. J'ai exposé dans mon travail pré- cédent (1) les résultats de mes expériences sur la toxine dysen- térique et sur les altérations anatomo-pathologiques qu’elle peut produire. Pour obtenir des sérums spécifiques, j'immunisai les lapins. L'on sait que les bacilles dysentériques sont éminemment toxiques pour les lapins, c’est pourquoi il était difficile d'obtenir chez eux une immunité bien prononcée; quant à la substance sensibilisatrice, dont il sera question plus loin, elle ne pouvait ètre retrouvée à l’aide de l'épreuve hémolytique d'après la méthode de Wassermann, que dans le sérum des lapins ayant préalablement supporté l'injection intraveineuse de doses considérables des corps bactériens (1/2 à { culture (4) Loc. cil., p. 183, 203, 233 et 236. J'ai réussi à obtenir une toxine puis- sante, non seulement des cultures faites dans le bouillon de Martin, mais aussi des cultures faites dans le bouillon ordinaire de veau, contenant 2 p. 100 de peptone de Witte. La plus forte toxine est celle qu'on obtient des cultures faites dans un bouillon neutre ou faiblement alcalin. La dose de toxine mortelle pour un lapin pesant 1.500 gr. atteignait, dans les cultures sur bouillon de trois semaines, jusqu'à 0,04 cent. cubes (en injection intra- veineuse). 0,1 cent. cube de filtrat d'une culture de 5 jours, produisait le même effet. Les extraits de corps bactériens, faits par la solution phy- siologique de NaCI et filtrés sur une bougie Chamberland, possédaient tous les caractères de la toxine obtenue dans le filtrat des cultures sur bouillon. Le sérum des animaux immunisés à l’aide des bactéries avait des propriétés antitoxiques. La toxine et l’antitoxine se neutralisaient pro- portionnellement (Gesetz der Multipla). La toxine dysentérique ressemblait à une vraie toxine soluble. Aussi bien la toxine que les bacilles vivants provoquent chez les lapins, dans le cæcum, des allérations plus ou moins profondes. Ces altérations, on pourrait les exprimer par la gradation suivante : 1. Hyperémie et tuméfaction de la muqueuse; 2. Hémorragies dans la muqueuse; 3. Formation des exsudats des membranes de fibrine et ulcérations super- ficielles ; 4. Abcès profonds accompagnés d'infiltration de la sous-muqueuse, d'in- filtration el d'hypertrophie de la couche musculaire. J'ai constaté ces altérations chez 45 p. 100 des lapins (28 sur 63) et seule- ment dans le cæcum. Quant aux bacilles paradysentériques, ils ne produisaient pas ces altéra- tions et ne formaient pas de toxine soluble. 208 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR sur agar). Je commencais l’immunisation par de faibles doses de cullures sur agar, tuées par le chauffage durant une demi-heure à la température de 60 degrés centigrades, et ensuile je passais graduellement aux cultures vivantes. Je débutais par des injections sous-cutanées de l'émulsion bacté- rienne, passais ensuite aux injections intrapérilonéales et, enfin, aux injections intraveineuses. Malgré toutes les précautions prises, une partie de mes lapins succomba; néanmoins, je suis arrivé à en immuniser la majorité à tel point que, dans l’es- pace de 3 à 4 mois, ils supportaient parfaitement l'injection intraveineuse d'une, même de deux cultures sur agar. Les bacilles paradysentériques sont, on le sait, peu virulents pour les lapins, l’immunité y pouvait donc être facilement acquise. De mes expériences ainsi conduites, je ne citerai que celles qui concernent l'agglutination et les antigènes recherchés à l'aide d'hémolyse d’après la méthode de Wassermann. Je procédais à l’agglutination de la manière suivante : A 1 cent. cube de sérum, dilué en proportion de 1 p. 25, 1 p. 50, etc., j'ajoutais 1 cent. cube d'émulsion de culture sur agar obtenu en 2# heures dans 2,0 cent. cube d'une solution de NaCI à 0,8 p. 100; je laissais la culture pendant 8 heures à la température de 37 degrés, après quoi je notais les résultats. Pour l'absorption des agglutinines, je me servais des plaques de Petri (9 cent. de diamètre), ensemencées sur toute la surface. Je lavais les cultures de 24 heures sur chaque plaque à l’aide de 2 cent. cubes d'une solution de NaCI à 8 p. 100. Je mêlais 3,5 cent. cubes d'’émulsion obtenue de deux plaques à 0,5 cent. cube de sérum non dilué et je tenais le mélange pendant 2 heures à la température de 37 degrés centigrades, et pendant 24 heures à la température de la chambre. Puis je procédais à la centri- fugation du liquide trouble; le liquide transparent obtenu servait aux épreuves d'agglutination en tenant compte de la dilution créée par l'ab- ALL 0e T sorplion 4 TR : L'exemple suivant prouve, que pour l'absorption de l’agglu- tinine du bacille dysentérique, des doses beaucoup plus petites de bactéries étaient suffisantes. Un cent. cube de sérum d'un lapin immunisé à l’aide du bacille dysentérique Moscou, fut mélangé avec différentes quantités de corps bactériens du bacille dysentérique Cracovie : a) 1 cent. cube de sérum + 2 cent. cubes d'émulsion bactérienne. b) 1 cent. cube de sérum + 1. cent. cube d’émulsion bactérienne. c) 1 cent. cube de sérum <+ 0,5 cent. cube d’émulsion bactérienne. SÉRUMS DYSENTÉRIQUES 209 Après 24 heures, on centrifuge les liquides a, b, €, et l'on procède aux épreuves d’aggelutinalion. SÉRUM A à CULTURES Après l'absorption. de bacilles dysentériques. Avant 1 l'absorption. a b c SNS AE RTE 1.500 () 0 50 CTACOMEENE AA 1.500 (] 0 100 MOSCOU ERREUR 500 0 0 0 LEE KEN RCE MR NT ARE 500 (] 0 0 MAFSONVIE AR TR UT 800 0 0 100 | Les chiffres indiquent la plus forte dilution du sérum à laquelle l’aggluti- nation était encore possible; O, qu'à la dilution de 1/50 l’agglutination ne se faisait plus; — que l'épreuve n'était pas faite. Les mêmes signes ont été conservés dans d’autres tableaux concernant l’agglutination. Cet exemple prouve qu'un cent. cube d'émulsion, contenant approximativement une quantité de bactéries correspondant à la moitié d’une plaque en agar, suffisait complètement pour l'absorption de l’agglutinine d'un cent. cube de sérum. Par contre, les agglutinines des bacilles paradysentériques, surtout les agglutinines collatérales, étaient absorbées par les bactéries beaucoup plus difficilement, de sorte que souvent 3,5 cent. cubes d’émulsion de deux plaques étaient insuffi- santes pour l'absorption de l’agglutinine de 0,5 cent. cube de sérum (1). Dans ces cas, je répétais l'absorption des liquides soumis à La centrifugation après la première absorption. Toutes ces expériences d’agglutination étaient exécutées macroscopiquement. Si après l'absorption la quantité de liquide nécessaire à l’agglutination était très petite, j'exécutais les essais dans les tubes minces, en utilisant non pas 4 cent. cube entier de la dilution du liquide, mais0,3 ou 0,4 cent. cube, en y ajoutant 1) Pour les relations entre l'agglutinogène et l’agglutinine, voir le travail d'Eisenberg et de Volk : « Untersuchungen uber die Agglutination », Zeitschrift für Hygiene und Infeklionskrankheiten, Bd XL, 1902, p. 155. 14 210 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR la même quantité d'émulsion d’une culture sur agar dans 12 cent. cubes d’une solution de NaCl à 0,8 p. 100. AGGLUTININES DES SÉRUMS DES LAPINS IMMUNISÉS PAR LES CULTURES DU BACILLE DYSENTÉRIQUE. TABLEAU [. — Sérum du lapin, immunisé par le bacille dysentérique Cracovie. RE SE APRÈS L'ABSORPTION PAR LES CULTURES = E ; =. | & 5 ts EE VA LA NN SNS A ERREUR E RE NS A ROSE ARS AIRE SERRE) SI la léle)s < Si [El © ex ; = das Serum. FE Shiga de Kräl 011500! 0! 0! 0! 0! 0/1500!1500/150011500/1500/1500 8 &|Moscou. .. | 0} 500! of of of o! 0! 500! 500! 500! 500! 500! 500 a à Cracovie . . . . . .| 011500! 0! 0! 0! 0! 0/1500/1500/1500/1500/1500| 1500 5 9 Kieff . 0! 500! 0! 0! 0! 0! 0! 500! 500! 500! 500! 500! 500 a% Varsovie . 0! 900! o! 0! o! 0! o! 900! 900! 200! 900! 900! 900 s 2|Flexner de Kräl . .| 0[ 50! 0! 0! 0| 0] 0 DL ED SO A0. ON an|. à 8 x|FIl. Cracovie . . . .| 0j 0—|-|—|—|—| — = Ou El. KiBfe 20 20e NO) AU [== =) ao FI. Saarbrücken . 0 0|—|—|— = | = | = = | — ge I VaArSOMIe men El == —|—)—| — | —|—=|—|—|—= = S à DS FI Varsovie Il:-:.110 O[————— — | — | — | — | — | — Fe} | | Les résullats furent identiques avec le sérum du lapin immunisé par le bacille dysentérique Moscou, et avec le sérum du lapin immunisé par le bacille Kieff, c'est pourquoi je ne donne point de tableau correspondant à ces expériences. Il résulte de ces expériences que le sérum de lapin convient particulièrement pour la distinction des bacilles dysentériques et paradysentériques. Les premiers ne font presque pas naître, dans l'organisme du lapin, d'agelutinines collatérales pour les b. paradysentériques. En mème temps, ces expériences prou- SÉRUMS DYSENTÉRIQUES 211 vent que toutes les cultures dysentériques, de provenances diverses, sont parfaitement identiques au point de vue de l'agglutination. Parmi les bacilles expérimentés, quelques- uns seulement avaient une faculté d’agglutination moindre (Moscou, Kieff). Le sérum des lapins, immunisés par une culture quelconque du bacille dysentérique, acquiert la pro- priété d’agglutiner toutes les cultures du même bacille. TABLEAU Il. — Sérum du lapin, immunisé par le bacille dysentérique Varsovie. 6 £ APRÈS L'ABSORPTION PAR LES CULTURES =] —, Æ | . = Z = Se cm 5 a) a: ee AE Élus) lei“ |Slulélele CA 2 g e & | 4 & © & = S S Ne ps ©) 2 ARAIEN ARS “ < n = e? = = = Serum CRE Shiga de Kräl : . 011800! 0! 0! 0! 0! 0!1800/1800|1800/1800!1800|11800 2 [Moscou 0! 600! 0 0! 0] 0! 0] 600! 600! 600! 600! 600! 6v0 5S Cracovie 011500! 0! 0! 0! 0! 011500/1500115001150011500!1500 Bo |Kief. . 0! 500! 0! 0! 0! 0! v| 500! 500! 500! 500! 50| so =] Be Varsovie. 011200! 0! 0! 0! 0! 0112001120011200/1200!1200/1200 . 8 |Flexner de Kräl. .| 0| 0——|—|—|-| —|—|—|—|—|— Le] 58 EACraCOVIeL EenM 0 — — | le SCIE Rae ne AN UO etage |. | | 2) nee RER ERSER DEUS a o° © FI. Saarbrücken. .| 0 OÙ———|—— — | —|— | — | — | — Eg|FL Varsovie 1. . .| 0 le MN EE AE 84|FL Varsovie IL . .| 0| 0 y nes 2e eur À Les sérums des lapins immunisés ne montrent presque aucune parenté entre les cultures dysentériques et paradysen- tériques. Par contre, le sérum des chevaux immunisés par le bacille dysentérique, contient en général des quantités notables d'agglutinines collatérales pour les bacilles paradysentériques. 222 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Dans les expériences d'Eisenberg (1), le sérum d'un cheval immunisé exclusivement par le bacille dysentérique Shiga, avait la propriété d’agglutiner le bacille dysentérique en dilu- tion de 1/1.200 à 1/2.400, et le bacille paradysentérique de Flexner en dilution de 1/600. Dans les expériences d’absorp- tion, l’aggelutinine du bacille Flexner montrait les propriétés de l’agglutinine collatérale : les cultures des bacilles dysenté- riques absorbaient du sérum leur propre agglutinine aussi bien que l’agglutinine du bacille de Flexner; quant aux cultures du bacille Flexner, elles n'absorbaient que leur agglu- tinine sans changer le pouvoir agglutinatif par rapport aux bacilles dysentériques. Dans mes expériences personnelles, le sérum d'un cheval, immunisé par les cultures dysentériques de trois semaines sur bouillon, agglutinait les diverses cultures de ce bacille en dilution de 1/750 à 1/1.200, et les bacilles paradysentériques en dilution de 1/50 à 1/100. Les cultures dysentériques absorbaient de ce sérum, à côté de l’agglutinine principale, les agglutinines collatérales des cultures paradysentériques. Je dois remarquer que le sérum de ce cheval n'était pas examiné avant l’immu- nisation; or, dans les expériences failes sur le sérum des quinze chevaux non immunisés, le sérum de quatre d’entre eux agglutinait les diverses cultures de bacilles paradysenté- riques en dilution de 1/60 à 1/120. Ces sérums n'agglutinaient jamais les bacilles dysentériques en dilution supérieure à 1/10-1 7/20. Eisenberg (/oc. cit.) mentionne le sérum d'un cheval non immunisé, qui agglutinait le bacille paradysentérique avec lequel il expérimentait, en dilution de 1/375. Les tableaux (HE, IV, V, VI) nous montrent que le sérum des lapins immunisés par les bacilles paradysentériques ne contenait point d'agglutinine pour des cultures dysentériques, et que celles-ci étaient incapables d'absorber de ce sérum les agglutinines des cultures paradysentériques. Quant à la litté- rature sur la question, je n'ai trouvé un résullat un peu dif- (1) Erseneer (Frzre), O pokrewiénstwie obu typow bakteryi ezerwonkowych na podstawie odezynow biologicznych. (De la parenté de deux types de bacilles dysentériques, basée sur leurs propriétés biologiques.) Przeglad lekarski, 1904, no 20. SÉRUMS DYSENTÉRIQUES 213 férent que dans une expérience de Kruse (1). Le sérum d’un lapin immunisé par le bacille paradysentérique « Constanti- nople À » agglutinailt ce bacille en dilution de 1/100.000, et le bacille dysentérique en dilution de 1/100 (expérience micros- copique ). AGGLUTININES DES SÉRUMS DES LAPINS IMMUNISÉS PAR LES CULTURES PARADYSENTÉRIQUES. TABLEAU III. — Sérum du lapin, immunisé par le bacille paradysentérique F1. Kral. APRÈS L'ABSORPTION PAR LES CULTURES FI. Kieff. AVANT L'IMMUNISATION APRES L IMMUNISATION Moscou Cracovie. F1. Cracovie. F1. Saarbrücken. Shiga de Kräl. Flexner de Kräl. Shiga de Kräl. Moscou. . Cracovie . Kieff . . ENS 22 Es DE “2 SE # © 5 m EE 2T [e) lexner de Kräl . MR 1° end À il FI, Cracovie . F1 F Culture des bac.parady- sentériques. Dans mes expériences, la culture paradysentérique FI. Kieff (tableau V) se comportait d'une manière toute particulière. Le sérum des lapins immunisés par les cultures FI. Kräl, FL. Cra- covie et FI. Saarbrücken (tableaux TE, IV, VI) n'agglutinait point cette culture. Mais le sérum du lapin immunisé par la culture FI. Kieff (tableau V) agglutinait toutes les cultures para- 1) Kruse, Rirrernaus, Kemr et MErz, loco cilato, p. 439. 214 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR dysentériques à l'exception des cultures FI. Varsovie I, FI. Var- sovie Il. Les cullures paradysentériques dont on se servait pour immuniser les lapins, absorbaient de leur sérum, à côté de leur agglatinine principale, des agglutinines collatérales appartenant aux autres cultures (tableaux III, IV, VI. Le résultat est différent dans le tableau V. La culture FI. Kieff n'absorbait de son sérum que son agglutinine propre, sans absorber celle des cultures FI. Kräl, FI. Cracovie et FI. Saar- brücken. Il serait difficile d'expliquer d’une manière satisfaisante ces relations entre les agglutinines de diverses cultures para- dysentériques dans ce sérum. Tagzeau IV. — Sérum du lapin, immunisé par le bacille paradysentérique F1. Cracovie. é 8 APRÈS L'ABSORPTION PAR LES CULTURES 5 - = = 5 £ el = Z =) re Ex o |: SAME) 6. | CANNES SAN ARE “< <« & È en < A E Sérum êa Shea de Kral 210) 20) 2e) 2). RARE SR ES :s © Moscou. () 0 —|— | —|— | — | —|—|—| — | — ‘28 Cracovie | 0 —|— | —|— | — | — | —— | — | — Le Ce doreu pee ne | — || tee er CN es 3e |Varsovie 0 O—|—|—|— | — | —|—|— | — | — [e] s |Flexner de Kräl. .| 0150 | 150] 150) 150! 150! 150 0| 0! 0 0 0 SE FI. Cracovie. . . .| 0/4000!/4000/4000/:000/:000/4000/4000! 0! 0|4000/4000 SS|FI. Kieff. ... . .. (DE PS EEE DEA PEN SP Æ Fl. Saarbrücken. .| 0/1500/1500/1500/1500/1500/1500/1500! 0! 0/1500/1500 ES Fl. Varsovie I. . .| 0| 300! 300] 300! 300! 300| 300! 0! 0! 0! oo! oo = Fl. Varsovie II . .| 0! 800! 800! S00| 800! 800! 800| 800! 0! 0] 0! o SÉRUMS DYSENTÉRIQUES TaBceau V. — Sérum du lapin immunisé par le bacille paradysentérique F1. Kieïf. PP É Z APRÈS L'ABSORPTION PAR LES CULTURES 7 Z + C SE UE C. : | é Den, L'ENNeER | NN | CNE) ol She NS 5 AM Es EN OO RU AS 2 6 | sURSIRE RIRE NIUCMES EIRE S < ° D = re a Serum. FE Shiga de Kräl. 0 OIL == Cet Eee nn | lee 35 Moscou . . . 0 (1 RER ES ee Pt RE | D Re E + Cracovie 0 1j) ERA ER EN Al BS|kier o| o SEEN } SL Varsovie û (1 EEE ER LE (LS et Le PE QU O sé|Flexner de Kräl. .| 0| 100| 100! 100! 100! 100! 100! 0] 100] 400! 0 S 5 : p. 100 en solution dans le NaCI à 0,9 p. 100. J'ai ajouté à toutes ces épreuves le complément non dilué, soit 0,1 cent. cube. Le volume du mélange était donc le même dans tous ces essais et égal à 4,1 cent. cubes. Dans chaque expérience, je me servais des globules rouges frais. Chacune d'elles était exécutée durant un Jour. Chaque fois, les doses de contrôle étaient préalable- ment déterminées ainsi qu'il suit : 1° La plus petite dose du sérum hémolytique dissolvant complètement les globules rouges à l’aide de 0,1 cent. cube du complément (D.M.S.= dWdosis minimalis solvens). 2° La dose maximale du sérum spécifique du lapin, qui ne dévie pas par elle-même le complément (D. max. non abs. S. — dosis maximalis non absorbens sert); 3° La dose maximale d'extrait bactérien, ne déviant pas le complément par elle-même (D. max. non abs. E.— dosis mazxi- malis non absorbens extracti). Sur les vingt expériences ainsi exécutées, je n’en citerai que deux comme exemple : l’une concernant le sérum du lapin immunisé par le bacille dysentérique Cracovie, l’autre concer- nant le sérum du lapin immunisé par le bacille dysentérique Kiefr. Exe. IT. — Le lapin fut immunisé par le bacille dysentérique Cracovie et il a reçu, depuis le 27 août jusqu'au 28 décembre 1907, des injections sous- cutanées, intrapéritonéales et intraveineuses, contenant au total l'émulsion de 10 cultures sur agar. Pour la première fois, l'injection sous-cutanée de 2 milligrammes d’une culture sur agar, tuée à la température de 60 degrés centigrades, provoqua chez un lapin, pesant 4.000 grammes, une maladie sérieuse d’une durée de deux semaines. Un autre lapin, ayant recu la même dose de culture Moscou, succomba après quatre jours. En continuant la vac- cination très prudemment, je suis arrivé à faire supporter au lapin des injections intraveineuses d’une et même de deux cultures sur agar. 222 1° Définition de la force du sérum hémolytique (D.M.S.). ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR d © ue RE sn OS LE 3 3 4 à re Z 3 & 2 5 Be AE 2 £ Siote © = æ æ CE] LÉ = E É gs ZE CAS Eh =. RESULTATS RENE £27 sE ER DE © CE ce £25 S— CEA 3 £ ne An c << 2 © — 5 2 © Se S ES CHE 0,01 2,0 0.1 1.0 Hémolyse complète. (l) 5 005 » | » » » 0,0025 » » ) ; 0,001 » | » ; ; 0,0005 » » » Hémol. presque complète 0,00025 » » » Hémolyse incomplète. _—_— » LL] » (l (4) 0,01 » » » 0 (1) 0 indique que les globules rouges restent parfaitement insolubles. D.M.S — 0,001. Le complément et le sérum hémolytique eux-mêmes ne faisaient pas dis- soudre les globules rouges. 20 Détermination de la dose maximale du sérum spécifique ne déviant pas par elle-même le complément. 2 m5 £ Eu ei _ ne ee) F2 E 5 Le a 82 SE dE & pe ER m © © So > "a © ES AS Emo . er % = © EE À © rl IE 2 El AS Z _ © AE Z Z 2 © CE RÉSULTATS MIE DT gs < & CR ©) " La EhCIRE D 5 à = © D £ = EL SZ © = © = © © © 3 = @ © CS 3 a A E n = ne 2 Per e © = Z © 05 27 pt PE Se © = D .v ) TD 4 TD © on mm mr En nn 0,2 10 1,0 GS t5 0,002 1,0 | Hémolyse incomplète. 0,1 » » ste » » Hémolyse complète. nt “ 0,05 » » = £ Qp) » » » CAD 0,2 » — AT » » 0 Le sérum spécifique par lui-même, ne dissout pas les globules rouges. SÉRUMS DYSENTÉRIQUES 223 3° Détermination des doses maximales d'extraits des cultures dysentériques Cracovie et Kieff et paradysentérique F1. Cracovie, qui par elles mêmes ne déviaient pas le complément. È 3 — CE ARS — & 2 — e: = 2 « = < ” © ZA. = is Z 62 == : MER 25 | as RÉSULTATS ENSMNESUIRE E © D = EMI IE ae Z 8 ne ES Re ee SAR mE 2 © n+- |[Ac| «a & = ge T So lan CS 5 oh lUe mg © | E& — = ES] « Cl AE Su |AQ| EE se US : < ; ; © = A Œ ee a ES = EXTRAITS DE CULTURES : = © © > ET © SE E 0 s a . < 3 & o Cracovie. Kieff. FI. Cracovie. 0,16 | 1,0] 0,1/< | 0.002| 1,0 |H. très faible.|H. très faible.|H. très faible. TE — ñ . A . , . 0,12 » » IE » » _|[Hém. incomp.|Hém. incomp.|Hém. incomp. —. 4 r . . . , 0 0,1 DE AITERS » » [Hém. incomp.|Hém. incomp.|Hém. incomp. © É r , 0,08 | » DA te » » | Hém. compl. | Hém. compl. | Hém. compl. (l] : 06 » » : (-b] » » D] » » 0,1 » » E a » » (ll (I) (1) D. max. non abs. E : CrACONMIERMENMN EUR CPR nu CT ET NS OS ne 0,1 RICE ANSE EC PRET M CU, ET RSS 08 OI RIM ETA CON EME EE Si + ER OA (USE END Les extraits par eux-mêmes ne dissolvent point les globules rouges. Cette expérience nous prouve que le sérum du lapin, immunisé par la culture dysentérique Cracovie, a fixé le com- plément à l'aide des extraits des cultures dysentériques Kieff et Cracovie, sans le fixer cependant avec l'extrait de la culture paradysentérique FI. Cracovie. Exr. XVIIE. — Le lapin fut immunisé par le bacille paradysentérique FI. Kieff. Depuis le 2 janvier jusqu'au 8 mars 1908, il a reçu des injections sous- cutanées, intrapéritonéales et intraveineuses au nombre de 10 cultures sur agar. À la fin de l’immunisation, il supportait bien une culture sur agar en injection intraveineuse. 224 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR 4° Fixation du complément par les extraits bactériens à l'aide du sérum immunisé. a] S 2 = = © = =) . 5 = z 5 . k = m2| 52 = ep Ge 22| 85 | & oi RÉSULTATS FA 2 =) Ræ Hd E © nm © cs = 2 D CAEN = 5 AVE A 5 © © = -2 2,2 aË| &£ Si DE |ez ge INss A Se la SIN. 8 = 7 2 Aa © = = ZA rep = [2e a 2 —. E Le] s © © = pe SE 2£| Fé 7 2 |»: EXTRAITS DE CULTURES : = E & “ E & 2 T ZT e = T © < © 2 ET =) < n , à É = = Cracovie. Kieff. F1. Cracovie. 0,02]0,05 OAI A R0 002 | ME (] (] Hém.compl. » |0,02 » 5 &o » » 0 (l » d — = » [0,01 » [GS » » (l Ü » _.. Put eo Là + * La » 10,005) » Se » | » | Trace d’hém.| Trace d'hém. » ARE 7 « A Ë » [0,005 » [ST » » |Hém. incomp.|Hém.incomp. » Ne © © » [0.05 — |ST » » Ü 0 0 — Le sérum contrôlant d'un lapin non immunisé A. 0,0210,075 | 0,1 == 0,002! 1,0! Hém. compl. | Hém. compl. | Hém. compl. » |0,05 » [SS| » » » » » » [0,075 | — T2] » | » 0 0 0 — |0,075 | 0,1 io » » | Hém. compl. | Hém. compl. | Hém. compl. Dans cette expérience, on a mis à l'épreuve les extraits aqueux des trois cultures paradysentériques : FI. Kieff, FI. Cracovie et FI. Saarbrücken (1). 10 D.M.S. du sérum hémolytique . 7 (ENUZ DONDAMTAX. MON ADS SN EE RP EN DE 10 30.D. max. non abs. E:" PSI TB ILE NAS. LR ER EL. OT 0 FÉACTACONIE Le SN TT (D: — #00 FMSaarbrUCkEN EC 0 0'DS ON (4) Toutes mes autres expériences furent exécutées d'après les schémas présentés dans les expériences II et XVIII. Les doses maximales d'extraits incapables de dévier le complément par elles-mêmes sont entre 0,08 à 0,1 ou bien entre 0,1 à 0,12, les doses correspondantes des sérums sont entre SÉRUMS DYSENTÉRIQUES 225 5° Fixation du complément par les extraits à l'aide du sérum immunisé. el = a = = = © = _ _ ee = ; Eve =. St a Éd ee Ze ET = 5 = a © À L <8| 48 |£ SO ES RÉSULTATS = n »| ‘= © = Te Ë = m'a: | DS PES =S Z = = 8 ALES 9 © Q NON RS SN ES ERINS) DE |SS dE) De) es E + hit = g = qq Ur = © d a un ©? n m 2? FSU Oo E © SEA DRE ES ra © &n Zi — _ al en pue = ? Fe = NE > a du a: 2] « Z 36 LS | CHER EXTRAITS DE GULTURES : co = À ÿ + = TD AS = En S = = Z | D < Sa (=) [=) a re TL : : . © = FI. Kieff. FI. Cracovie. |F1. Saarbrücken. | —— — 0020240507) 0,004! 1,0 (] Hém. compl. |Hém. compl. se » 0.02 » |£ 2L » » Ü » » d = » 0.01 DEEE RES » » 0 » » » |0,0075| » | _S » » |Hém. incomp. » » Es DS 0N 005 Pr » » | Trace d'hém. » » DE) ÿ 0.05 DS » » { { ( Le sérum contrôlant d'un lapin non immunisé F. 0,2 10,075 [0,1 0,004! 1.0! Hém. compl. | Hém. compl. | Hém. compl. » (1) . 05 » » » » » ») » 0 : 07 —— » » {) 0 û — |0,575 | » » » | Hém. compl. | Hém. compl. | Hém. compl.: 0,1 à 0,2. Dans Loules mes expériences, je me servais de 1,02 d'extrait, c'est- à-dire d'une dose quatre ou cinq fois plus petite que la dose maximale d'extrait, ne déviant pas le complément. La première dose du sérum, égale loujours à 0,05, étail de moitié plus petite que la dose maximale de ce sérum, ne déviant pas le complément (0,1 à 0,2). Je me gardais de prendre des quantités plus élevées d'extraits ou de sérum, de peur que le complément ne devie pas, parce que les albumines se condensent trop dans les mélanges. Les résultats très nets, d'expériences ainsi faites, permettaient de reconnaitre l'identité ou la différence, voire même le degré de parenté des diverses cul- tures dysentériques et paradysentériques. Par exemple, le sérum du lapin, immunisé par le bacille paradysentérique FI. Cracovie, fixait le complément par extrait de ce bacille et de celui du bacille FI. Saarbrücken, sans le fixer cependant par les extraits d’autres cultures paradysentériques. Les aggluti- nogènes des bacilles FI. Cracovie et FI. Saarbrücken, sans être parfaitement identiques, présentaient une parenté plus prononcée que celle qui existe entre les bacilles FI. Cracovie et FI. Kräl ou entre FI. Cracovie et FI. Kieff el ainsi de suite (voir table d'agglutination). 15 226 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Le tableau ci-dessous donne les résultats d’autres expé- riences, exécutées comme les précédentes : 22 124 2 2 222002 22 2 2 IN 7 2 AN ON 4 SÉRUMS DES LAPINS IMMUNISÉS F1. F1. Moscou. | Cracovie. | Kieff. | Varsovie. | ,, - Æ Cracovie. | Kieff. aË Shiga de Kräl. . + — _ + 0 () 835|Moscou io qe Le LS ô L th an 4 |Cracovie. + < + ee 0 0 Roe ln À a Kief 2e + ie 2 U 0 Te|Varsovie — + + = 0 0 É Flexner de Kräl. (0 0 0 0 0 0 aie Fl. Cracovie” . : (] 0 0 (] ss 0 S88|FL kief. . . ..| 0 () 0 Û 0 + el u Ho FI. Saarbrücken . 0 0 1) 0 + 0 F2 HIVarsovie ten 0 0 0 0 (] 0 cl Fl. Varsovie II. .| 0 0 0 () — (] +, veut dire que l'hémolyse était fortement enrayée, comme dans les expériences HIT ou XVIIT; 0, que l'hémolyse était parfaite dans toutes les épreuves; —, que l'épreuve n'était pas exécutée. Le sérum de deux lapins, immunisés exclusivement par des injections sous-cutanées des cultures paradysentériques FT. Kräl et FI. Saarbrücken, ne fixait pas le complément par les extraits des cultures homologues. Ces lapins ont reçu, durant six semaines, quatre injections sous-cutanées de cultures sur agar. Moreschi (1) constate qu'on obtient la fixation du complé- ment aussi bien avec les extraits des bactéries qu'avec leur émulsion. En ce qui concerne les bacilles de la dysentérie, 1) Moreseur, Ueber den Wert des Komplement ablenkungsverfahren in der bakleriologischen Diagnostik. Berliner klinische Wochenschrifl, 1906, n° 38, p. 4243 ; 1907, n° 38, p. 1204. Levensuxo Scnôxe, Ueber die Verwendbarkeit der Komplemente bindung zur Typhusdiagnose. Zeitschrift für Hygiene und Infeklionskrankheilen, 1908, Bd LX, p. 149. SÉRUMS DYSENTÉRIQUES 227 l'expérience suivante démontre que, dans ce but, les extraits conviennent mieux que les émulsions. Exr. XV et XXI. — Sérum du lapin ayant recu depuis le 2 janvier jusqu'au 18 mars 1908 en injections sous-cutanées, intrapéritonéales et intraveineuses un total de 9 cultures de bacille paradysentérique FI. Cracovie. 19 D.M.S. du sérum hémolytique. . . "1. . . . 0,002 DOME MINANONADSS S > . RP 0 102 SSD Min OU ADS d EXACT CE 012 LoMT); min. non ‘abs. d'émulsion "Mu 0 1—10,25 2 à ; = 2 > = ASE CS 3.185 09 2 2 V2 oo Jo Fe Ve Jo Je Je JO Je Je Je ESS NES ES NES ES RES LES LES 1 co =oDwe-e [=>] SD & = © — S 2 © N 19 & Gr — © CO © © D A © ue de ya 3 so US 1 LE OÙ) [io] ©9 Æ 02 H vo Ê 2 D [=] SONNNRRÉRkE À (sje) ( © Le] individuelles et ACTION DU MANGANÈSE SUR L’ASPERGILLUS NIGER 247 montrer la nécessilé d'opérer en séries, nous consignons, à côté des poids moyens, les poids minima et maxima obtenus dans cette expérience. ExP. 9. — Flacon de 500 cent. cubes. Milieu : 100 cent. cubes. Temp., + 31 degrés. Durée de la culture : 5 jours. POIDS POIDS ne minima. maxima. moyens. CHUTES TTÉMOME MEME. D EETAEE 0 gr. 625 0 gr. 610 Cullures en présence de 1/1.000.000 Mn. 0 gr. 605 0 gr. 680 0 gr. 631 — = de 1/500.010 Mn 0 gr. 600 0 gr. 680 0 gr. 637 - - de 1/100.000 Mn . O0 gr. 655 Ogr. 100 O0 gr 680 — — de 1/10.000 Mn. . 0 gr. 660 0 gr. 750 0 gr. 667 = — de 1/1.000 Mn 0 gr. 665 0 gr. 735 0 gr. 7 0 — — de 1/500 Mn. . 0 gr. 755 0 gr. 810 0 gr. 782 = — de 1/333 Mn. . 0 gr. 735 0 gr. 850 0 gr. 803 — — ded/210/Mn =, 027.800 1 gr. 045 0 gr. 951 — — de 1/100 Mn. . . . O0 gr. 840 À gr. 125 0 gr. 982 — _ de EDRNEES ur: 9 » 0 gr. 170 Ces résultats montrent que le manganèse possède réellement une influence favorable sur le développement de l'Asserqiilus niger. L'existence d'un « zone optima » de concentration, si nelte dans le cas du zinc avec l'Aspergillus (1), dans celui du bore avec les phanérogames (2), est ici fort imprécise. Les récoltes augmentent d’abord assez vite avec la proportion du manganèse, puis de plus en plus lentement. Elles ne diminuent qu'en présence de très grandes quantilés de métal. Mais, à ce moment, il faut sans doute allribuer le fléchissment de la courbe représentative du phénomène plutôt à l'action nuisible d’une trop forte pression osmolique qu'à l'influence, devenue nocive, du manganèse. L'attention doit donc surtout se porter, au point de vue de la démonstration du rôle favorable exercé par le manganèse, sur les résultats obtenus avec de très petites doses. Dans ce cas, en effet, l'influence adventice des impuretés, s'il en est introduit avec le sel de manganèse, devient tout à fait négli- geable. D'autre part, l'augmentation du soufre apporté avec le manganèse n'entre plus en ligne de compte, car il y à déjà, dans les témoins eux-mêmes, un excès important de soufre disponible. (1) M. Javiczer, Thèse citée, p. 63-71. (2) H. Ac Luox, Recherches sur la présence et le rôle du bore chez les végétaux. Th?se doct. ès se., Paris 1910. 248 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Le manganèse possède également une action qui, sans être très marquée, est cependant sensible sur la formation des conidies, autant qu'on en peut juger par la coloration des cultures Les Aspergillus cultivés svr des doses moyennes de ce métal (1/25.000 à 1/1.000) sont, à l'arrêt des cultures, sen- siblement plus noires que les Aspergil/lus témoins, d’une part, et les Aspergillus plus riches en manganèse, d'autre part. Il faut nous demander maintenant dans quelle mesure l’'Aspergillus fixe le manganèse qui lui est offert. Le fixe-t-il en totalité, au moins pour les petites doses, et se comporte-t-il, vis-à-vis de ce métal comme vis-à-vis du zinc? Nous avons fait, pour éclairer ce point, des séries de dosages de manganèse dans des mycéliums secs. MANGANÈSE AE POIDS FORS MANGANÈSE RSS LOT du des manganèse Ds de mat ère D d secs. fixé. introduit. SUD cendres. sèche. Exp. 5 (°). Témoin. gr. .. 108 0,00008 er. 1419 | 1 mg. 2! 0,0266 r. 0393 ». 0469 or. 0526 r. 0552 Fr. 0710 gr. 074% pr. 0821 . 0907 Pl; 0 1465 0 00006 = SS SO OS e 1 L'4 1% 1 Le 2 à 2 24 3 Le] 3 € Do So oo D Exp. 9. 0,0015 0,018 0 ,! 020 0,0026 0,015 0,154 0,21 0,448 0,526 PS 0,863 . 06 0,622 Témoin. 0 mg. 1 0,2 1 10 100 200 410 500 1.000 2.000 gr. 0227 or. 0244 rr. 0254 gr. 0256 gr. 0253 r. 025: r. 0294 1 DS NT or. 0385 *. 0470 r. 0119 MEN NN NT) S SOSSCS 0 OS000© © O7 9 ND © Sœ © © © (*) Conditions evpérimentales précédemment indiquées. Dans la note des Com les rendus de l'Acad. drs Sciences, dont ce mémoire est le développement (t. CLII, p. 225; 1911), les quantités de manganèse fixées ont été, par erreur, réduites de moitié. ACTION DU MANGANÈSE SUR L'ASPERGILLUS NIGER 249 Ceux-ci étaient incinérés; les cendres étaient sulfatées de facon à faire disparaitre toute trace de charbon, et le dosage effectué colorimétriquement, après transformation du manga- nèse en acide permanganique, suivant une technique dont le détail a été donné antérieurement par lun de nous (1). Ces résultats prouvent, tout d'abord, que du manganèse est fixé par la plante. Les augmentations de récolte dans les milieux manganésés ne sont pas seulement dues à la présence du manganèse dans le liquide ; le métal pénètre dans la cellule, où il joue, sans doute, un rôle actif dans le processus d'assimi- lation des aliments. Les quantités de manganèse fixées par la moisissure sont très éloignées de celles qui lui sont offertes ; dans aucun des cas ci- dessus, même celui des plus petites doses, et contrairement à ce qui a été observé au sujet du zinc (2), l'Aspergillus n'a fixé la tolalilé du métal. Si l’utilisation du manganèse par les plantes supérieures a lieu de la même manière, on s'explique aisément les effets avantageux obtenus en ajoutant du manga- nèse à des sols qui en renferment déjà une proporlion notable, même sous une forme assimilable. On voit aussi que les quantités de manganèse fixées sont, à partir d’une certaine dose, sensiblement proportionnelles aux quantités de métal introduites. Dès ce moment, il est vraisem- blable que la totalité du manganèse n'est pas physiologique- ment utilisée el qu'au moins une partie se fixe sur les mem- branes, soit par quelque phénomène de teinture, soit par formation d'une combinaison insoluble. On peut se demander aussi quelle part les conidies prennent dans cette fixation ; cette part est-elle, proportionnellement à leur poids, plus élevée que celle du mycélium? Il se présente à ce sujet un certain nombre de problèmes que nous étudions actuellement. Mais nous sommes, dès maintenant, suffisamment renseignés sur l’action propre du manganèse pour pouvoir aborder utilement l'étude de l’action simultanée de cet élément et du zinc; c’est ce que nous ferons dans un prochain mémoire. (4) Gas. BerTrAnD, Bull. Soc. chim., 4° série, t. IX, p. 361: 1911. (2) M. Javizcier, Thèse citée, p. 75. RECHERCHES EXPÉRIMENTALES SUR LE TYPHUS EXANTHÉMATIQUE ENTREPRISES A L'INSTITUT PASTEUR DE TUNIS PENDANT L'ANNÉE 1911 TROISIÈME MÉMOIRE) Ce troisième mémoire apporte Ja constatation d'un fait utile, la sensibilité du cobaye au virus exanthématique. Il con- tient, en outre, des données nouvelles sur le siège de l'agent inconnu du typhus et sur les conditions de l’immunité vis-à- vis de la maladie expérimentale. Enfin, on y trouvera les résultats de quelques essais thérapeutiques. LE TYPHUS EXPÉRIMENTAL DU COBAYE par Cuarres NICOLLE, E. CONSEIL et A. CONOR. Lorsqu'on inocule, dans la cavité péritonéale de plusieurs cobayes d'un même lot, des quantités variables (8, 6, 4, 3, 2 cent. cubes) du sang d’un malade atteint de typhus exanthé- mutique, une parl de ces animaux succombe en quelques jours dans l’amaigrissement et l'hypothermie, avec parfois des para- lysies; ce sont ceux qui ont reçu les doses les plus élevées. Les autres, au contraire, inoculés de quantités faibles (3,2 cent. cubes), ne présentent d'ordinaire aucun symptôme apparent, tout au plus une perte de poids peu importante et passagère. Cependant, si l'on prend la température de ces cobayes qui n’ont témoigné d'aucune réaction objrelive, on constate que, chez certains, non chez tous, il se produit une fièvre de quel- ques jours, comparable à celle que monirent les singes témoins, inoculés du mème sang et at.eints du typhus expéri- mental le plus net. Ces faits nous avaient frappés au cours de nos travaux de RECHERCHES EXPÉRIMENTALES SUR LE TYPHUS 251 1910 et nous avions déjà pu nous convaincre de la réalité de l'infection de certains cobayes, inoculés dans ces conditions, par le résultat positif d’un passage de cobaye à singe. Mais d'autres recherches nous absorbaient alors et M. Roux, mis au courant de nos expériences, nous avait très judicieusement conseillé d'en remettre à plus {ard l'étude complète et la publi- calion. Nous nous étions contentés d'une allusion à ces faits dans nolre précédent mémoire (1). Nous avons repris en 1911 nos recherches et nous en avons signalé les premiers résultats dans une note à l'Académie des Sciences (séance du 6 juin 1911, p. 1632). Ces expériences sont décisives : Sans présenter la grande sensibilité du singe, qui demeure l'animal réactif du {yphus exanthématique, le cobaye offre une sensibilité suffisante vis-à-vis de cette infection pour qu'elle puisse être mise utilement à profit dans les recherches expérimentales ullérieures, en particulier pour la conservalion du virus. Le typhus du cobaye se résume en une élévation de la tempé- rature d'une durée de quelques jours. Sans le secours du ther- momètre, la maladie passerait inaperçue. L'incubation en est variable : sept à seize Jours. Certains cobayes ne réagissent pas; d’autres ne présentent qu'une réaction douteuse; dans les cas les plus nets, la fièvre dure de quatre à onze jours, le ther- momètre peut atteindre alors et dpasser 41 degrés. L'examen des courbes reproduites plus loin donnera de [a fièvre exanthématique du cobaye une idée plasexacte que ne le ferait une description difficile et oiseuse. Dans quelques cas, on note, à Ja fin de la période fébrile, un amaijrissement léger: il n°y a jamais hypothermie consécutive; le retour intégral à la santé suit immédiatement la chute thermique. Si un grand nombre de nos cobayes sont morts en cours d'expérience, cette terminaison est la conséquence de ponetions cardiaques desti- nées au prélèvement du sang pour les passages. Deux de ces animaux, cependant, semblent avoir succombé à l'infection : l’un au cinquième jour de la fièvre, l'autre au premier jour de l'apyrexie ; leur aulopsie n’a montré aucune lésion apparente (4) Ces Annales : Recherches expérimentales sur le typhus exanthématique entreprises à l'Inslilut Pasteur de Tunis pendant l'année 1910 (Deuxième mémoire, p. 130 et 136). 252 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR des organes. Nous n'avons pratiqué sur aucun cobaye a exa- mens histologiques du sang. Il nous a été possible de réaliser deux fois deux passages par cobaye et une fois trois ; nous n'avons pu dépasser ce chiffre, soit que les doses inoculées fussent trop faibles, soit que le virus avec lequel nous opérions ait été trop peu aclif. Pour juger la question, il eût fallu employer à chaque passage un plus grand nombre de cobayes que nous ne avons fait, une forte propor- tion de ces animaux ne présentant à l'inoculation qu'une réac- tion faible et douteuse. 11 y a là une précaution indispensable que les expérimentateurs futurs devront connaître et suivre. Il ne nous à pas paru que les passages par cobaye diminuaient ou augmentaient la virulence du sang pour cet animal ou pour le singe. L'examen des observations qui suivent et du tableau général qui les accompagne démontre que l'infection transmise au cobaye dans nos expériences est bien le typhus; on y lira en effet qu'au 1° passage le sang d'un malade a contaminé deux cobayes et un singe neufs, mais non un singe vacciné par une atteinte antérieure de typhus; que le sang d’un des deux cobayes infectés s'est montré virulent pour un singe et a fourni ensuite une longue série de passages alternalifs, par cobayes et singes, et que le singe infecté avec le sang du malade (bonnet 64) à con- tracté une immunilé consécutive vis-à-vis de l'inoculation ullé- rieure du virus passé par le cobaye. L'ensemble de ces expé- riences suffit à trancher définilivement la que- seuuCs COURBE 2. LÀ LR (Témoins les bonnets 68, 77 et 82 qui ont contracté un typhus classique. Voir plus loin). 17 Témoin : Bonnet chinois 64, a recu le même jour 4 cent. cubes de sang 256 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR du même malade. Incubation 6 jours, typhus classique de 10 jours de durée. 2e Témoin : Bonnet chinois 42, vacciné par une atteinte antérieure en août 1940, reçoit 5 cent. cubes de sang du malade.’ liéaction nulle. PASSAGE Il Bonnet chinois 10 (Courbe 3), inoculé le 30 mars avec 3 cent. cubes 1/2 de sang du cobaye 50, prélevé par ponction cardiaque au 4 jour de son infection (température 4193). Ce singe a contracté un typhus grave. Incubation 5 jours, fièvre de 12 jours de durée, suivie de 4 jours d’hypothermie. Une ponction cardiaque, pratiquée au 4° jour de l'infection du bonnet chinois 70, a permis PRE 41) A MIRE. : Rey LIARE CourBE 3. le passage au bonnet 71 témoin et aux cobayes neufs 72, qui a réagi, el 75, dont la température n’a point été influencée et dont le sang cependant s'est montré virulent (Voir plus bas); d'autre part, le bonnet 6%, vacciné par une atteinte antérieure, a résisté. PASSAGE III Cobaye 72 (Courbe 4), inoculé le 7 avril avec 4 cent. cubes de sang du bonnet 10, au 4° jour d'un typhus grave. Incubalion 11 jours, fièvre élevée, d'une durée de 10 jurs, mort spontanée au 1€ jour de l'apyrexie. À l’autopsie de cet animal, on note des adhérences récentes, mais déjà organisées, des divers viscères abdominaux (foie, rale, estomac), el consé- culives à l'inoculation du sang, quelques taches ecchymotiques sur l'intestin srêle el la vessie et une hypertrophie considérable des capsules surrénales. Les poumons sont sains, la rate et le foie petits. Au 3 jour de la fièvre, nous avions pratiqué sur ce cobaye une ponction cardiaque de 8 cent. cubes, non mortelle et suivie d’une chute momentanée RECHERCHES EXPÉRIMENTALES SUR LE TYPHUS 257 de la température. Le sang prélevé a été utilisé pour l'inoculation des cobayes 78 et 19 et du bonnet chinois 76 (Voir 4° passage). Cobaye T5, inoculé en même temps que le cobaye 72 avec une dose identique du même sang. Ce cobaye n'avait présenté aucune réaction thermique, lorsqu'il est mort, au 14 jour, des suiles d'une ponction cardiaque. Nous jugeons inutile de reproduire sa courbe thermométrique absolument normale. Le sang de cet animal s'est montré virulent pour le bonnet 77 et non pour les “obayes 81 et 89 (Voir plus bas, 4° passage). ET ee PLAEE COURBE 4. Témoin : Bonnet chinois T1, inoculé en mème temps que les cobayes 72 et 15 avec 4 cent. cubes de sang du bonnet 70. /IncubalionS jours, ltyphus très grave «lune durée de 12 jours, Suivi d'hypothermie. PASSAGE IV. — LIGNE ISSUE LU COBAYE 12. Cobaye 78 (Courbe 5), inoculé le 20 avril avec 2 cent. cubes de sang du <% 2 = 2 An MOMA 0,1 0.2 | = 0.1 _ l (I 0,1 INCAICAINS : É : = 2 | 0,1 0.2 0,4 SNA C4) AUTRE EN APE 0,9 |© 3021 — DIR 0,1 = SO A LOS 0,8 à ; : © ? © 3 Ÿ » » » » = » = 4 i 0,1 0,4 (DT = "1 0 || » E DRAP 0S 0,6 - » » » » © » 2 6 0.1 0.6 0,5 À = = È = = 4 | 0,1 0,1 ÉDAIrS 0,2 © 1 0,1 0,7 0,4 ty) , ; = ; à 4 5NO 0,2 0,1 0,2 50 0.1 0,8 0,3 GRO — 0.3 0,2 9 0,1 0,9 0,2 » » » » » 10 0,1 1NC°C: 0,1 Lorsqu'on à quelques raisons de croire (tuberculose, cancer, suppuration, etc...) qu'on est en présence d'un sérum forte- (1) La question de l'antigène ne nous préoccupe pas ici. Il est bien entendu que dans le cas de syphilis nous employons, comme maximum, le tiers de la dose la plus forte d'antigène, incapable par elle-même d'empêcher l’hémo- lyse. Nous avons toujours obtenu les meilleurs résultats dans les cas d'échi- nococcose avec le liquide hydatique de foie de mouton. TECHNIQUE RATIONNELLE DE LA RÉACTION DE FIXATION 429 ment hémolytique, on peut employer des doses doubles d'hématies, en allant de 0,2 à 2 cent. cubes. D'ailleurs, si, en procédant d'après les indications ordinaires, on obtient une hémolyse complète dans le dernier tube, ce qui indiquerait que l'index 10 peut être dépassé, la durée de l'expérience n’en est nullement prolongée. En effet, si élevé que soit cet index, on doit continuer l'expérience de la même facon : ajouter dans chaque tube de la première série (tubes 1, 2, 3) 0,1 cent. cube de globules rouges et 0,2 cent. cube dans chaque tube de la deuxième (tubes 4, 5, 6). On a tout le temps, pendant la 1/2 heure de séjour de ces tubes à l’éluve à 37 degrés, de compléter la détermination de l'index hémolytique en prépa- rant de nouveaux mélanges de 0,1 cent. cube avec des doses plus considérables de globules rouges. Nous avons dit que nous ajoutions toujours, dans chaque série de tubes composant une expérience de fixation, la dose constante de globules rouges (0,1 cent. cube pour la première et 0,2 cent. cube pour la deuxième série); et en cela aussi notre pratique diffère de celle conseillée par Hallion et Bauer, d'une part, et par Busilla, d'autre part. Ces savants déterminent la dilution maxima de globules rouges dissous par 0,1 cent. cube de sérum frais et emploient pour leur réaction une émulsion beaucoup plus faible. Cette pratique est défectueuse car la dose employée par ces auteurs est, dans beaucoup de cas, supérieure à celle qui donne le meilleur résultat. D'autre part, il est très dangereux d'employer une dilution de globules rouges inférieure à 1/20, ce que ces auteurs sont nécessairement amenés à faire lorsque l'index hémolylique est de 1. Interprétation. — NH arrive exceptionnellement que le sérum frais soit anti-alexique; dans ces conditions, la pratique du procédé rapide est impossible. Si l'index hémolytique est 0, on peut, le plus souvent, comme cela a été déjà indiqué par d’autres auteurs, obtenir l’hémolyse en doublant la dose de sérum. Nous avons vu plus haut que dans nos observations, l'index hémolytique était 91 fois sur 400 de 0 à 3; cela veut dire que, dans 22,75 p. 100 de cas, le résultat oblenu ne pouvait être considéré comme définitif que lorsqu'il était nettement négatif. 430 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR On peut parfois obtenir une réaction négative, même en employant 0,2 cent. cube de globules rouges avec du sérum dont l'index est de 2 ou 3, surtout en utilisant un antigène très pauvre en subslances anticomplémentaires. Lorsque l'index hémolytique dépasse la moyenne (8-10), ilne faut tenir compte du résultat que s’il est obtenu avec 0,1 cent. cube de globules rouges. Encore faut-il se rappeler qu'on trouve des sérums, nous en avons parlé déjà plus haut, qui peuvent donner un index hémolytique élevé tout en étant pauvres en alexine. Ces cas sont heureusement très rares. Lorsque l'index dépasse 10, le résultat positif obtenu avec 0,1 cent. cube d’hématies doit être, en général, considéré comme certain et définitif. En somme, pour nous, la pratique de l'expérience en double et la détermination de l'index hémolytique servent uniquement à juger avec certitude le résultat obtenu avec 0,1 cent. cube de globules rouges. Ceux fournis par 0,2 de globuies rouges ne seront utiles qu'autant qu'ils confirmeront le résultat négatif obtenu avec la première dose d'hématies. On ne doit se contenter du procédé rapide que lorsqu'on obtient un résultat nettement négatif avec les sérums dont l’in- dex ne dépasse pas 3, el un résultat nettement positif lorsqu'on a une fixation très nette avec un sérum dont l'index dépasse 10, la dose de globules rouges restant de 0,1. Si les résultats donnés par les deux expériences du procédé rapide sont contradictoires, on doit les considérer comme dou- teux, et recourir au procédé lent. PROCÉDÉ LENT. Pour que la réaction soit pratiquée dans de bonnes condi- tions par le procédé lent, il est indispensable que tous les tubes de l’expérience renferment la même quantité d’ambocepteurs hémolytiques et d’alexine. Or, ces condilions sont rarement réalisées; cela provient de la teneur variable du sérum humain en ambocepteurs anti-mouton, dont l’action s'ajoute à celle du sérum hémolytique artificiel et trouble ainsi la régularité de l'expérience. TECHNIQUE RATIONNELLE DE LA RÉACTION DE FIXATION #31 La lecture du tableau IV permet de se rendre compte des différences quantitatives considérables que présentent les sérums chaulffés, quant à leur propriété de sensibiliser les globules de mouton. On y voit que, dans 121 cas sur 254 (dans 47 p.100 des cas environ), l'index ne dépasse pas 3; que, dans un quart de cas (62 sur 254), il atteint ou dépasse 10 ; enfin, il peut atteindre leschiffres 20 et 25, c’est-à-dire que exceptionnellement 0,1 cent. cube de sérum serait capable de sensibiliser 2 cent. cubes et mème 2,5 cent. cubes de globules rouges de mouton. TABLEAU IV. Propriétés hétérolytiques du sérum humain chauîfé une demi heure à 56 degrés. NOMBRE QUANTITÉ ALEXINE AREA E DFI de sérums de sérum de cobaye de mouton ; SHRETANE Pre = È a à 5 p. 100 d'ambocepteurs examinés. employée. à 50 p. 100 ASsontel hétérolytiques. 13 | ONec ri UNCAC Crea (0 37 MAO CI OICICM 0ÉCACA il 31 PH TOC... A 0 e.c. 1 0 c.c. 2 2 40 ONCNCE ONCAC 1 OFCACNS 3 20 ORCNC (Dean ONCE 4 12 OMC 4A 0rertcui OMerc 5) 20 URCACAA (DE es Ml 0NCAE6 6 11 IMAONC CE ÜRerc ai ORC TC ï 3 | Oc.c.l 0e. c: 1 ÜPereee 8 5 IPRRORG CE 0ACACEE DRCACAI 9 25 PAMONCACE (D'EXer Nl 1NCIC0 10 3 l'M'Ocic 1 0 c.c. 1 1#c.C. 1 11 6 DES ES MI ONercm 111022 12 7 ECC ONerC'El TER EES) 13 4 (HAE EE URCAC INCNCRZ 1% î DE Col OPA el 1NCNCES 15 3 (Das ol Deal 1NC1eM0 16 l (there OC: e-u MECS 17 3 UNCACAL | ONc:c. 4 21C:C::0 20 LG ce. 1 0 c.c. 1 2 €.c. 3 23 1 | 0 c.c. 1 0er Cu DCR CAE 24 1 | CAGE DNerc DGA 25 254 La richesse parfois considérable du sérum humain chauffé en 432 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Si ambocepteurs hémolytiques avait inspiré à Bauer un procédé dans lequel on se passe de sérum hémolytique artificiel. Cette manière de faire, appliquée uniformément à tous les sérums, est aussi défectueuse que la pratique dans laquelle on ne tient pas du tout compte de l'index de la sensibilisatrice. Notre expérience nous a, en effet, montré que la réaction de fixation faite avec des globules rouges non sensibilisés, ne peut donner de résultats convenables que lorsque l'index des sensi- bilisatrices du sérum chauffé atteint ou dépasse 10. Or, cet index élevé n'est obtenu, comme nous l'avons vu plus haut, qu'avec 25 p. 100 des sérums. De plus, il faut noter qu'on trouve quelquefois des sérums à index 10, lesquels, examinés par le procédé de Bauer, donnent une légère fixation non spécifique. L'explication de ce fait doit être cherchée dans l’action des substances anli-alexiques con- tenues en quantités plus ou moins considérables dans le sérum chauffé, et dont l'existence nous a déjà permis de constater la grande différence qui existe parfois entre l'index apparent et l'index vrai d'ambocepteurs d’un même sérum chauffé (1). Dans le procédé lent, on emploie les doses de 0,3 cent. cube de sérum chauffé; or, l’action des doses croissantes du sérum chauffé est très inégale. Ainsi les 0,3 cent. cube d’un sérum à index 10 peuvent, en présence d’une même alexine, provoquer l’hémolyse d'une quantité de globules notablement inférieure à 3 cent. cubes, comme le montre le tableau ci-dessous. Il faudra donc tenir compte de cet affaiblissement du pou- voir hémolytique des doses croissantes lorsqu'on voudra déter: miner la quantité de sérum hémolytique à ajouter dans chaque tube de l’expérience renfermant du sérum chauffé. Le tableau VI indique les doses que nous employons dans le procédé lent, que la réaction soit faite avec le sérum syphili- tique ou échinococcique. Comme on le voit, nous répétons la première partie de l’ex- périence en double. Nous admettons que, pour la bonne conduite de la réaction de fixation, il faut employer 30 unités hémolytiques; c’est-à-dire qu'il faut sensibiliser chaque centimètre cube de globules 1) Voir notre communication à la Société de Biologie, séance du 18 novem- bre 1911, t. LXXI, p. 453. TECHNIQUE RATIONNELLE DE LA RÉACTION DE FIXATION 433 rouges avec 0,1 cent. cube d’une dilution de sérum lapin- mouton capable par lui-même de sensibiliser 3 cent. cubes d'hématies. TABLEAU V: NOMBRE QUANTITÉ DE GLOB. ROUGES ; INDEX : de sérums (à 5 p. ne ayant Ê : Ar dissous par la le mème d'ambocepteurs mème quantité d’alexine pouvoir 5 123 après sensibilisation sensibilisant, ar 0,3 c.c. ë : sensibilisant Sr Hier par 0,3 c.c. de sérum El Te Se 11 0,3 c.c. pour 10 sérums. : 0,2 c/C, DEMO 0,8 c.c. pour 1 sérum. 9 2 0,6 C'C MESURE 0,5 ce — D o — 0,8 c.c. pour #4 sérums. 10 3 ONIFCNICRE & — 0,5 c.c. — 2 — : ; ( 1,1 c.c. pour Asérum: "4 + | 1 08 C.c. — 1 — & 5 1,3 c.c. pour 1 sérum. F ; 1:2:cic:1 MAIS rTUME. À 6 \ 1,5 c.c. pour 3 sérums. £ 2 l 14 c.c. «—UMNsérum. 2 rl 1,8 c.c. pour 2 sérums. 1 9 2,5 c.c. pourmiesémiEe \2,5 e.c. pour 1 sérum à M nCrE Ù ! É a | 20 CORRE l 11 2,5 c.c. pour 1 sérum. | : _ | 3,0 c c. pour 1 sérum. + ) 2,5: CCS SÉRUIMISS 1 13 3,0 c.c. pour 1 sérum. à ; ( 4,0 c.c. pour 1 sérum. 2 de PROGRESS — il — 4 . 3,0 c.c. pour 1 sérum. É 15 3,5 CCR — 53 53 sérums. La première série de tubes recevra comme sérum hémoly- 28 43% ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR tique non pas 30 unilés, mais 30 unités moins le nombre qui sera indiqué par l'index d’ambocepteurs déterminé pour chaque sérum à examiner, d'après les indications données dans la partie droite du tableau VI. Prenons un exemple concret. Supposons que nous ayons obtenu le chiffre 6 comme litre de la sensibilisatrice hémoly- tique anti-mouton du sérum chauffé A. Cela veut dire qu'un dixième de ce sérum est capable de sensibiliser 0,6 cent. cube de globules rouges. Ce sérum renferme donc, à la dose de 0,4 cent. cube, 6 unités d'ambocepteurs. Comme nous employons dans notre expérience de fixation 0,3 cent. cube de chaque sérum à examiner, il s'ensuit que les 4 premiers lubes renfermeront déjà, de par la présence du sérum, 18 unités hémolytiques, tandis qu'il n’y en aura pas du tout dans les tubes témoins. Comme d'autre part chaque tube de l'expérience doit recevoir 30 unités, il faudra donc n'ajouter dans les 4 premiers {tubes que 12 unités seulement. En réalité, pour corriger l’action anti-alexique des doses croissantes de sérum chauffé, il faut faire le calcul en se basant sur le chiffre d’une unité inférieure à celui indiqué par l'index. Ainsi dans notre exemple l'index étant de 6, nous ferons notre calcul d'après l’index 5. Nous agirons donc comme si les 0,3 cent. cube de sérum renfermaient 15 et non 18 unités d'ambocepteur. Il est évident qu'on ne versera pas du tout de sérum hémo- lytique dans les # premiers tubes de l'expérience lorsque le titre de la sensibilisation atteint ou dépasse 10. Pour bien pratiquer la réaction de fixation, il faut titrer avec soin le sérum hémolytique lapin-mouton et établir exactement la dilution dont 0,1 cent. cube sensibilise 1 cent. cube de glo- bules rouges, c’est-à-dire correspondant à 40 unités hémoly- liques. On prépare rapidement une dilution extemporanée, supplémentaire, suivant la quantité d'ambocepteurs à ajouter dans les premiers tubes. Dans la pratique courante, comme un léger excès de sensibi- lisatrice n'influe pas défavorablement sur le résultat de la réaction, nous procédons de la façon suivante : Nous ne tenons pas compte de l'index tant qu'il ne dépasse pas 3; dans ce cas, il est inutile de faire l'expérience en double, tous les tubes recoi- TABLEAU VI. TECHNIQUE RATIONNELLE DE LA RÉACTION DE FIXATION 435 ‘S9189pP L£ BP 9ANJ9.P 91n9U auf} 0,9 , | 2 rl ] 2 ? » ) » ‘ L © “anbrSoçors4Aud ne si FA © = EE < RS 3 à A a EE TN ZE CPHRRROUEEETT Ne OCR UN an LI <£ Gi ‘007 ‘d € e uomnou 9p RO OCTO CCE LE LOC SAR ET Li so3n0I So[nq{o[:) Ses se = D a a Se "einou &/F SP1S0p 90 re SL SES En QHUEU? WniIPS SE = ES SE A = -Soqn4 S9P soN — GI 67 “#19 © I © © © À à & —————————————————————…——————————— ‘S9189P L£ R 9ANJ9,P 94N9U 9U/] ee. CR. HS Sd S S © 9 © © © © (ss ÉcAaIsues) S 0 5 NES Soünoi Se[uq{ofr) Ds Te = mm = — — *S9199P L£ ER 9ANJ9 P 91N9U OU] Z © Lai > 3 < 2 = Oo CO 20 Ye © > 25 | OS a “onbiSoçors {qd ne <= -------- Ei + - J ê ÊE © ee ‘21HOUu ep 99n[Ip EE Niue S eUIXO[Y Se © SR El © EE = < ne) « SU Le] Ê + = GI = Nm Gi # © à œ “onbiprydis auesqux ESS anus os au ni à “eine &/F Sy1Sop 96 e CA), FRERE RE Net AS) apneyo WnI9S S2S22eSe IV a == - + = | V ; os | 0 (] — | V a ES _e Douteux. Maintenant nous allons examiner l’un après l’autre les cas qui peuvent se présenter, en laissant de côté, bien entendu, les résultats concordants par les deux procédés. Le cas I à doit être considéré comme négatif ; il est évident que la réaction positive obtenue par le procédé rapide indique une fixation non spécilique due au manque d’alexine. Le cas II à doit être considéré comme douteux. Il peut arriver, en effet, que le chauffage à 56 degrés ait détruit une trop grande quantité d'anticorps spécifiques pour permettre le phénomène de fixation du complément. La diminution d'am- bocepteurs naturels ou d’immunisalion est un fait connu. D’après notre statistique, la perte en ambocepteurs par Île chauffage à 56 degrés peut atteindre jusqu’à 80 p. 100. On comprend alors que le chauffage puisse dans certains cas influencer défavorablement la réaction de fixation, surtout lorsque les anticorps ne sont pas en grande quantité. 440 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Nous avons déjà expliqué la raison du cas Il a; on trouve des sérums frais dont l'index hémolytique élevé (8-10) est sur- tout dû à l'excès d’ambocepteurs anti-mouton ; le procédé lent corrige facilement l'erreur du procédé rapide. Ces cas sont rares. Nous n'avons jamais rencontré de sérum rentrant dans la catégorie IE a; la raison en est facile à comprendre. Les cas rentrant dans la catégorie IV à, doivent aussi être expliqués par la pauvreté relative du sérum frais en alexine. On comprend aisément que dans le cas V à, la fixation du complément par le procédé rapide soit masquée par l'excès d'alexine. Lorsqu'une réaction légère obtenue par le procédé rapide n’est pas corrigée par un résultat très net du procédé lent, on se trouve en présence d'un cas douteux. Ces réactions légères ou douteuses peuvent être dues soit à la présence d’une quantité insuffisante d'anticorps, soit à des substances non spécifiques se trouvant momentanément dans le courant circulatoire et qui sont dues probablement (ou bien) au régime alimentaire ou bien à l'élaboration de produits pathologiques au niveau des organes atteints. Quelle que soit la minutie apportée dans la pratique de ia séro-réaction, il est impossible d'éviter complètement les réac- tions légères, douteuses. On peut cependant arriver à leur juste interprétation en étudiant de près les propriétés anti- hémolytiques du sérum à examiner. Les résultats douteux ne peuvent nullement servir au dia- gnostic clinique de la syphilis ou de l’échinococcose. Mais ils permettent de suivre la réaction de l'organisme chez les malades avec le sérum desquels on a obtenu avant le traitement de la syphilis ou bien avant l'opération de kyste hydatique une fixation du complément très nelte, négative ou positive. Nous sommes convaincus que le pourcentage des réactions positives obtenues chez les malades syphilitiques est bien supé- rieur à la réalité, justement à cause des réactions légères, non spécifiques, mais considérées comme positives pour la seule raison qu’elles concernaient des malades reconnus ensuite syphilitiques par l'éclosion de symplômes décisifs; et cela d'autant plus que le nombre de ces réactions douteuses aug- mente considérablement lorsqu'on pratique la réaction de fixa- tion sans tenir compte des propriétés hémolytiques du sérum. PROPRIÉTÉS BIOLOGIQUES DE SUBSTANCES ALBUMINOÏDES EXTRAITES DU CERVEAU par A. MARIE. Dans l'étude expérimentale des toxi-infections locales, comme la diphtérie, le tétanos, la rage, la fixation de l’antigène sur certaines substances chimiques de l'organisme s'offre à nous comme une recherche des plus intéressantes, puisqu'elle nous fait pénétrer dans l'intimité des phénomènes et qu'elle touche à la question des réactions d’immunité. Mais, tandis qu'on n’a jamais réussi à préparer le composé de nature albuminoïdique (1) auquel la matière nerveuse doit ses propriétés antitétaniques, nous avons pu isoler du cerveau une substance offrant les réactions générales des albuminoïdes et qui présente le pouvoir de neutraliser le virus de la rage. Dans ce travail, après avoir exposé les propriétés antirabiques des extraits de la matière cérébrale, nous montrerons qu'ils sont doués également d’une certaine toxicité pour l'organisme. I. — PROPRIÉTÉS ANTIRABIQUES. Certains faits déjà anciens, en particulier l'action protectrice des filtrats de substance cérébrale contre une infection rabique, nous avaient conduit à supposer dans le cerveau l'existence d’un pouvoir neutralisant. Si l'on injecte dans le sang, à des lapins, une quantité convenable du filtrat de cet organe, on peut les voir résister à une infection rabique pratiquée par la voie oculaire (2). Remlinger avait même observé que le virus filtré, injecté à dose massive sous la peau, pouvait conférer aux ani- maux une immunité leur permettant de résister à l’inoculation virulente sous-méningée (3). Toutefois, en dépit de nombreux essais pratiqués #n vitro, nousn'avions jamais réussi à démontrer, 442 , ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR dans les filtrats cérébraux, l'existence d'un principe neutralisant du virus. Ayant eu alors à notre disposition l'encéphale d'une personne morte de rage, nous avions soumis à l'action du vide sulfu- rique le liquide obtenu .en comprimant le cerveau broyé avec du sable à plusieurs centaines d’atmosphères. En reprenant par l'eau distillée le suc desséché et pesé, on peut préparer une solution isotonique et la stériliser au moyen d'un filtre Cham- berland. Elle présente une propriété remarquable : additionnée de son volume d’une émulsion centésimale de virus fixe, elle la neutralise en quelques heures, car le mélange injecté dans le cerveau d’un animal se montre absolument inoffensif pour lui. Ce pouvoir neutralisant ne se manifeste pas seulement avec l'extrait de cerveau rabique; on peut l'observer en utilisant l’encéphale d'individus ayant succombhé aux maladies les plus diverses, en particulier à des affections nerveuses telles que la paralysie générale, auquel cas les propriétés antirabiques se montrent plus énergiques. Le principe auquel les extraits cérébraux sont redevables de leur action neutralisante se trouve entrainé par des précipités offrant les caractères généraux des nucléoprotéides, comme le prouve le mode de préparation suivant. On traite par une solution sodique faible (1 p. 100) un fragment de cerveau humain et on filtre l’émulsion sur bougie. Après addilion d'HCI, le précipité obtenu est recueilli par cen- trifugation puis redissous dans un liquide convenable, du sérum sanguin par exemple. Il présente 2x vitro des propriétés anlirabiques analogues à celles que nous avons reconnues au suc de presse, préparé comme nous l'avons dit (4). Nous avons résumé en un tableau quelques-unes de ces expériences. (Tableau I.) Il résulte de celles-ci que le cerveau, le seul organe qui assure la culture du virus rabique, renferme une subs- lance douée d'une affinité élective, d'un pouvoir neutrali- sant pour lui, que cette substance, partiellement soluble à la faveur des produits complexes entrant dans la composition de cet organe, est entraînée par des précipités nucléoprotéiniques et se présente comme étant thermostabile. Nous allons montrer maintenant que cette substance est de nature albuminoïdique. SUBSTANCES ALBUMINOÏDES EXTRAITES DU CERVEAU 443 TABLEAU I ACTION NEUTRALISANTE EXERCÉE PAR LE SUC DE PRESSE ET LA NUCLÉOPROTÉINE. ANIMAUX INOCULATION INTRACÉRÉPBRALE | RÉSULTATS 1. Cobaye.|Suc du cerveau rabique humain + VF 1 p. 100 à 2. Lapin. |! partie du même suc + 2 parties de VF 1 p. 100. Ce 3. Cobaye. Suc du cerveau (enfant diphtérique) + VF 1 p. 100 PEN CT 7ARRTE LS UD at Z 4. Cobaye.|Suc cérébral (PGP) ï VF l p. 100. Centrifugation et'injection du dépôt. . . . . . SM RE ER œ 5. Cobaye./1 partie du même suc cérébral ni parties de VE END MIO ON DREAM D NOR œ 6. Cobaye. Suc chauffé 40 nee à 55 degrés + VF 1 p. 100 PERRET 200 LA. co 7. Cobaye.|Nucléoprotéine céré Énrale Aura ee F VF 1 p. 100 É LA PA] DIF ENAE, Pa ee - re 8. Lapin. |La même chauffée : à 56 done Le VF 1 P. 100 à PE. = Dans son travail classique sur les protéines du tissu nerveux (5), Halliburton admet que la matière albuminoïde s'y présente sous trois états, une neuroglobuline +, coagulable à 17 degrés, une neuroglobuline 5, coagulable à 70 — 75 degrés, l’une et l’autre précipitables par les sels neutres et ne contenant pas de Ph, enfin un nucléoprotéide coagulable à 56 — 60 degrés, renfermant 0,50 p. 100 de Ph, et pour lequel il préconise le mode de préparation suivant. L'’encéphale, débarrassé du sang et des méninges, est broyé et traité par une grande quantité d'HO pendant vingt-quatre heures, après quoi le liquide surna- geant est décanté et précipité par l'acide acétique à 33 p. 100, à raison de 0,50 cent. cubes pour chaque centimètre cube de liquide ; Le précipité est lavé à l'eau distillée. Il ne diffère guère de ceux que nous avions obtenus en traitant la matière ner- veuse par des solutions alcalines faibles, car nous avons constaté que ce précipité entraîne également la substance antirabique puisque, additionné, après dialyse, de VF à 1 p. 100, il le neutralise semblablement. Par contre, nous avons obtenu des résultats inconstants en utilisant le mode de préparation indiqué par Levene (6), consistant à épuiser la matière cérébrale par une solution de NH:CI à 4 p. 100 et à précipiter le filtrat par l'acide acétique. 444 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Qu'il s'agisse de la technique de Halliburton ou de celle de Levene, le mode de préparation est assez laborieux, sa lenteur expose les albuminoïdes du cerveau à des altérations diverses ; il faut donc obtenir à l’état pur le produit jouissant par lui- même des propriétés antirabiques. À la suite de nombreux essais, nous nous sommes arrêté à la technique suivante (7) : On prépare dans 100 cent. cubes d’eau distillée une émulsion de 10 grammes de cerveau finement broyé, à laquelle on ajoute X gouttes d'acide acétique cristallisable. Après agitation convenable, on centrifuge ou bien on jette sur un filtre le précipité qui est repris par environ 40 cent. cubes d'eau et traité de nouveau par l'acide acétique (1 cent. cube); on filtre le mélange pour obtenir le liquide elair qui contient le principe neutralisant ainsi que le nucléoprotéide du cerveau. On peut alors précipiter celui-ci par NaCI à 20 p. 100. CA La solution active isolée de la sorte sera neutralisée et dialysée avec soin avant d'être mise en contact avec le virus rabique (pendant vingt-quatre heures). Ses caractères chimiques sont ceux d'un acidalbuminoïde. Il ne contient pas de Ph, est précipité de ses solutions par la dialyse, par neutralisation ; la température de l’ébullition n'y détermine pas de ccagulum, le sulfate de magnésie à saturation le précipite. En plus de ces réactions de précipitation, cette substance présente celles de coloration communes à tous les albuminoïdes (réactions de Millon, du biuret, xanthopro- téique). Si l’on prépare un mélange de cet acidalbuminoïde et de virus fixe, on trouve que celui-ci ne tarde pas à perdre ses propriétés pathogènes. La même émulsion virulente trailée par du sérum neuf additionné de quantités variables d’acélate de soude, ou encore par des solutions plus ou moins concentrées de ce sel, conserve tout son pouvoir pathogène. Un autre organe que l’encéphale, la rate par exemple, traitée de la même façon que lui, ne montre aucune propriété neutralisante. (Tableau IL.) Les propriétés neutralisantes que l’expérimentation révèle dans cet acidalbuminoïde font défaut dans les autres substances protéiques du cerveau. Aïnsi le premier filtrat obtenu dans notre mode de préparation et qui renferme les neuroglobulines, le résidu laissé par la filtration de la liqueur contenant le nucléo- SUBSTANCES ALBUMINOÏDES EXTRAITES DU CERVEAU 445 protéide (1), celui-ci lui-même, n’exercent aucune action neutra- lisante sur le virus rabique. TABLEAU II ACTION NEUTRALISANTE DE L'ACIDALBUMINOÏDE EXTRAIT DU CERVEAU NEUF. ANIMAUX INOCULATION INTRACÉRÉBRALE RÉSULTATS 1. Cobaye.|Acidalbuminoïde de mouton + VF 1 p. 100 à PE. 2 2, Cobaye.|Acidalbuminoïde de cerveau humain (PGP) + VIS DARCOS oo 3. Cobaye.|i partie de cet node t Fe 5 er de de VF Po DD re ce D 4. Cobaye.|Le même, chauffé 30 nes à 56 degré S ‘0 VF 1 p. 100 à PE rar LOL RREE o 5. Cobaye.|Acidalbuminoïde de mouton chauffé à S0 ae SÉVE P EIDENEREER se co 6. Cobaye.|[Le même, chauffé à 100 asus ts VF 1 P. 400 . ÊRE 2 1. Cobaye.|Acétate de soude à 10 p. 100 + VF 1 p. 100. . . . Rage. 8. Cobaye.|Sérum neuf traité comme le cerveau + VF 1 p. 100. Rage. 9 Lapin. |Rate traitée comme le cerveau + VF 1 p: 100 Rage. Cette propriété anti d’une substance protéique extraite du cerveau nous paraît susceptible d'expliquer plus d'un fait demeuré obscur dans l'étude de la rage. Ainsi nous avons vu qu'en soumettant la matière cérébrale à une pression de plusieurs centaines d’atmosphères, on obtient un liquide doué d'un pouvoir antirabique très appréciable. Ce mode de traite- ment rappelle une expérience assez curieuse de W. Barratt (8). Ce savant, ayant imaginé de soumettre à l’action de Pair liquide dans le broyeur de Mac Fadyan un cerveau rabique, s’aperçut qu'il perdait sa virulence au bout de quelques heures. Heller (9) reprit cette expérience et oblint des résultats sem- blables, que Barratt prétendit expliquer par une destruction mé- canique du virus de la rage, hypothèse difficilement acceptable. Les propriétés que nous avons découvertes dans le suc céré- (1) Sans vouloir entrer ici dans une discussion d'ordre chimique, nous tenons seulement à rappeler les critiques formulées par Duclaux (ces Annales, L. VI) contre ces dénominations conventionnelles de la matière albuminoïde, une mème substance ayant peut-être reçu, en raison de certaines réactions, des noms très différents. Est-il besoin de faire remarquer en outre que les propriétés d’un albuminoïde isolé après la mortne peuvent donner qu'une idée approchée de l'énergie qu'il possède dans le cerveau vivant. 446 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR bral nous conduisent à proposer de cette expérience une toute autre interprétation. En effet, on peut admettre que l’action mécanique du broyage a libéré, par suite d'une destruction profonde des éléments nerveux, la substance active, antira- bique, de même que leur compression à plusieurs centaines d'atmosphères l'avait mise en liberté dans notre mode de pré- paration. Barratt signale, 1l est vrai, une série d'essais des- quels il conclut que la perte de la virulence n’est pas due à un pouvoir antirabique de la masse broyée, mais ils ne sont rien moins que probants : d'une part, il recherche si cette dernière exerce une aclion neutralisante sur une émulsion virulente décimale, donc beaucoup trop concentrée ; d’autre part, il faut se rappeler que la substance active n’a pas été isolée par le broyage, mais est restée au sein de la masse, fixée sur le virus. Pour isoler cette substance, on doit faire subir à la matière nerveuse la préparation que nous avons décrite et qui nous à permis d'obtenir le principe anlirabique du cerveau sous la forme d'un nouvel albuminoïde cérébral. Cette forme sous laquelle nous le préparons lui permet d'échapper aux processus de coagulation par la chaleur qui pourraient lui enlever ses propriétés antirabiques; aussi peut-on chauffer l’acidalbuminoïde à 80 et même à 100 degrés sans lui voir perdre son pouvoir neutralisant. La dessiccation paraît avoir sur notre substance une action plus intense que sur les extraits cérébraux, sur le suc de presse. qui renferment le principe actif. À plusieurs reprises, nous avons pu comparer l’action sur l’'émulsion rabique d'un même précipité isolé du cerveau normal avant et après sa dessiccation sous le vide sulfurique et ainsi constater que cel albuminoïde en se desséchant avait perdu une partie de ses propriétés neu- tralisantes. Ces faits sont intéressants, car ils se rapportent aux résultats opposés que l’on obtient suivant que les moelles rabiques sont desséchées lentement d’après le procédé de Pasteur, ou bien d’une facon rapide; on sait que, dans ce dernier cas, elles con- servent intacte leur virulence. Harris et Shackell (de Saint-Louis, États-Unis) ont repris (10) récemment cette question, sur laquelle ils professent les mêmes idées que nous. Ce n'est pas la dessiccation des moelles qui at: SUBSTANCES ALBUMINOÏDES EXTRAITES DU CERVEAU #47 ténue leur virulence, mais bien la facon dont elle est conduite : menée rapidement, elle n'altérera pas l'activité du virus: abandonnée lentement à elle-même, elle le neutralisera peu à peu en déterminant une concentration croissante du principe antirabique contenu normalement dans la substance nerveuse. La perte de la virulence, dans le procédé des moelles pas- lcuriennes, est done de nature chimique et c’est en s’opposant à l’action de l’albuminoïde actif sur le virus que la dessiccation brusque lui conserve lout son pouvoir infectant. Nos recherches sur les propriétés biologiques des albuminoïdes du cerveau apportent, pensons nous, une confirmation expérimentale à cette manière de voir. IL était indiqué de rechercher ce que deviennent les pro- priétés spécifiques de l’acidalbuminoïde cérébral chez les ani- maux ayant succombé à la rage ainsi que chez ceux vaccinés contre elle. Déjà nous avons constalé une activité plus grande dans les extraits cérébraux chez une personne ayant succombé à la rage. Nos recherches sur l’acidalbuminoïde, qui ont porté sur plus de 80 expériences, concordent toutes pour révéler le fait suivant extrêmement suggestif : le pouvoir neutralisant de celte substance isolée du cerveau, assez faible chez l'animal neuf, augmente chez celui qui a succombé à l'infection rabique, et acquiert une énergie considérable chez les animaux vaccinés contre la rage. Ainsi, tandis que l’acidalbuminoïde extrait du cerveau de mouton neuf rend inactif environ son volume d'une émulsion centésimale de virus fixe, on voit la même quantité de cet acidalbuminoïde préparé avec la substance nerveuse d’un mouton rabique neutraliser 5 ou 6 volumes de la même dilution virulente. Mais du cerveau des animaux vaccinés on peut iso- ler un albuminoïde autrement actif; en voici quelques exemples. Un mouton traité depuis plusieurs années par des injections hebdomadaires de virus fixe à fourni un extrait cérébral dont une partie neutralisait 15 parties de l’'émulsion virulente cen- tésimale. Chez un autre animal de la même espèce, nous avons pu isoler du cerveau la même substance douée, cette fois, d’une énergie surprenante, puisqu'elle neutralisait 40 fois son volume de la dilution virulente ; le sérum de ces deux moutons élait extrêmement actif (11). ES es Q0 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR TABLEAU III ACTION NEUTRALISANTE DE L'ACIDALBUMINOÏDE EXTRAIT DE CERVEAUX D'ANIMAUX RABIQUES ET D ANIMAUX VACCINÉS CONTRE LA RAGE. ANIMAUX INOCULATION INTRACÉRÉBRALE RÉSULTATS 1. Cobaye./Acidalbuminoïde de cerveau de 155% rabique + VE MD -MOOPPE MERE EE a 2, Lapin. |1 partie d'acidalbuminoïde 13 cerveau de De rabique + 3 parlies VF 1 p. 100. . . . . . es 3. Lapin. |1 partie d’acidalbuminoïde du cerveau de Roiur rabique + 6 parties VF 4 p. 100 . . . . . D 4. Lapin. |1 partie d’acidalbuminoïde du cerveau de ones vacciné + 10 parties VF A p. 160 . . . . . co 5. Lapin. |1 partie du même acidalbuminoïde + 17 re NE D 100 EEE AIAEUERE Rage. 6. Cobaye.!1 partie d'acide ee ir Are Ron vac- ciné + 20 parties MEBMp 100. … . . . . 2 1. Lapin. |1 partie du même acidalbuminoïde + 40 Dares V F HS CNAB EN AU | à LENOIR NT C2 Après avoir établi l’activité de l'acidalbuminoïde chez les animaux ayant acquis une immunité artificielle, il était inté- ressant de l’étudier chez des espèces qui jouissent d’un certain état réfractaire à la rage. Nous avons montré (12) que les oiseaux adultes rentrent dans cette catégorie d'animaux : un très petit nombre seulement présentent une ou plusieurs altaques de paralysie longtemps après la trépanation, quelques- uns même peuvent guérir définilivement. Or, si l’on prépare notre substance albuminoïde en partant du cerveau de poules neuves, on constate qu'elle se montre plus active que chez les mammifères normaux. Dans nos essais, elle neutralisait de 4 à 5 fois son volume d’émulsion rabique. De ces faits, nous rapprocherons nos autres observations failes à propos de l'étude de la rage ehez les oiseaux : état d’immu- nité naturelle très prononcé, guérison définitive d'un certain nombre des animaux paralysés, impossibilité d'obtenir un sérum antirabique très actif chez les oiseaux. Pour rappeler le pouvoir neutralisant du virus rabique par la substance albuminoïde que nous avons isolée du cerveau, nous proposons de lui donner provisoirement le nom d’anti- lyssine (de avr: et A0csa, rage). SUBSTANCES ALBUMINOIDES EXTRAITES DU CERVEAU #49 Son pouvoir spécifique est en effet très étroit. Son action sur la toxine tétanique est nulle : qu'il s'agisse de substance céré- brale ou médullaire d'animaux neufs ou tétaniques, ou même d'animaux immunisés contre le tétanos, en aucun cas nous n'avons observé la moindre atlénuation de la tétanotoxine par l’albuminoïde actif sur Le virus de la rage. Voici un autre exemple de la spécificité d'action de cette substance. On sait que le virus de la poliomyélile se rapproche par certains traits du virus rabique; mais, de même que du sérum antirabique reste sans influence sur le virus de la maladie de Heine-Medin, de même aussi l’albuminoïde extrait de cerveau humain et si actif sur le virus de la rage n’exerce pas la plus légère action sur celui de la poliomyélite (13) (1). IL. —- PROPRIÉTÉS TOXIQUES. Après avoir étudié les propriétés neutralisantes spéciliques des extraits cérébraux, il nous faut maintenant montrer que, dans certaines conditions, les albuminoïdes de la substance nerveuse sont doués d’un pouvoir toxique plus ou moins intense. Le point de départ de nos recherches avait été l'observation suivante, déjà ancienne (14) : quand on injecte à des animaux des émulsions de matière cérébrale filtrées sur bougie, ils en sont fortement éprouvés, perdent rapidement de leur poids et succombent parfois dans un état marastique. Nous avions alors montré le premier (15) que si l’on précipite en masse par le sulfate d'ammoniaque pur les albuminoïdes d'une émulsion de cerveau filtrée sur bougie, on obtient une substance qui, injectée dans l’encéphale, après dialyse, se montre fortement toxique pour les animaux : ils succombent, souvent après avoir présenté des phénomènes convulsifs survenant par crises et d’une incubation variable. De même, le suc cérébral que l’on prépare en soumettant un encéphale à l’action d’une presse peut être, comme nous l'avons indiqué, desséché et repris par l'eau de façon à avoir une solution isotonique qui, filtrée sur bougie Chamberland, se montre également douée d’un pouvoir toxique, variable suivant (1) L'acidalbuminoïde cérébral n'exerce aucune action neutralisante sur un autre microorganisme « invisible », celui de la vaccine. 29 450 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR sa provenance. Ainsi, l'extrait d'un cerveau rabique, celui d’encéphale de paralytiques généraux, se montrent incompara- blement plus toxiques que d’autres. Enfin, dans notre procédé d'extraction des nucléoprotéines du cerveau, on obtient encore des substances douées d’une toxicité souvent élevée. Qu'il s'agisse donc d'une précipitation en masse par le sulfate d’ammoniaque, du suc de presse ou de préparations nucléopro- téiniques, toujours on constate que ces différentes préparations exercent sur les animaux un pouvoir toxique plus ou moins élevé, assez comparable dans ses effets. Pour tenter de l’analyser, nous avons entrepris son élude en suivant la technique définie ci-dessus pour l'obtention de notre acidalbuminoïde. De la sorte, nous avons pu nous convaincre, au moyen d'injections intracérébrales, de la toxicité présentée par les différentes formes sous lesquelles ce procédé nous offre la matière aibuminoïde du cerveau. Le point essentiel de ces recherches nous paraît être le suivant : les préparations sont nettement plus toxiques avec un cerveau rabique qu'avec un cerveau normal. De même nous avons pu constater, à plusieurs reprises, que l’acidalbuminoïde extrait d'encéphales de paralytiques généraux, et de celui d’une épileptique morte en état de mal, était beaucoup plus toxique; dans ces derniers cas, le caractère convulsif des troubles pré- sentés par les animaux fut des plus accusés et d'une durée inaccoutumée. Ici, une objection se présente immédiatement. Le concept toxicité est quelque chose de très relatif; quand il s’agit d’ino- culalions dans un organe aussi sensible que le cerveau, et lorsque la substance ne se montre active pour l'organisme qu'après un tel mode d'introduction, on ne saurait rien conclure de précis, à moins de pouvoir provoquer les accidents spéci- fiques d’empoisonnement avec des quantités tout à fait minimes, ce qui n’est pas le cas pour nos extraits qui se montrent actifs aux doses relativement élevées de 0,50, 0,25, 0,10 cent. cubes. L'étude des propriétés toxiques des albuminoïdes du cerveau offrirait donc peu d'intérêt si les choses se présentaient ainsi. Mais nous allons montrer que l’une de ces substances, le nuc/éo- protéide cérébral, est douée d’un pouvoir toxique en injection SUBSTANCES ALBUMINOÏDES EXTRAITES DU CERVEAU 451 intraveineuse, et que l’acidalbuminoïde du cerveau est suscep- tible de se comporter comme un anligène, qu'ainsi on peut obtenir un sérum capable de neutraliser ses propriétés. Récemment, Dold, reprenant des expériences anciennes, à montré (16) que si l’on injecte dans les veines d’un lapin une émulsion concentrée du cerveau de cette espèce ou d’une autre, l'animal succombe en l’espace de quelques minutes, mais que si l’on a pris soin de chauffer l'émulsion à 60 degrés ou bien de l’additionner de sérum frais, l'animal n'éprouve aucun dommage de l’inoculation. Nous allons prouver le rôle essentiel du nucléoprotéide du cerveau dans la genèse de ces accidents. A un premier lot de lapins, on injecte dans les veines une dilution épaisse de substance cérébrale de la même espèce: ils meurent en quelques minutes. Un deuxième lot reçoit semblablement la même émulsion, chauffée une heure à 60 degrés: les animaux survivent, de même que ceux d’un troisième lot, inoculés avec une émulsion de cerveau additionnée d’un sérum. (sérum antirabique). Dans une deuxième expérience, l’'émulsion de l'organe est remplacée par son nucléoprotéide préparé en la précipitant par l'acide acétique. Les lapins succombent trois-quatre minutes après avoir présenté les mêmes accidents que dans la première expérience ; ceux qui ont reçu le nucléoprotéide chaulté à 60 degrés résistent, de même que ceux injectés avec le mélange nucléopro- téide + sérum. De ces expériences, il résulte que la toxicité des extraits aqueux du cerveau est due au nucléoprotéide (17). Si maintenant on cherche à obtenir un sérum actif contre les propriétés toxiques de l’acidalbuminoïde du cerveau, on peut y parvenir à la condition de soumettre les animaux à des inocu- lations répétées à de courts intervalles. Un chien, qui avait reçu onze injections sous-cutanées de l’acidalbuminoïde de cerveau de mouton, a fourni un sérum (1) qui neutralisait non seulement les propriétés toxiques de cet albuminoïde, mais aussi son pouvoir anlirabique. L'étude des propriétés toxiques de l’acidalbuminoïde du cerveau, c'est-à-dire de la substance qui présente une affinité élective pour le virus de la rage, soulève la question de la toxine rabique. Son existence n'a jamais élé démontrée par la méthode expé- (1) Ce sérum ne contient pas de précipitines, mais l'addition d'une minime quantité de l’acidalbuminoïde suffit pour y provoquer instantanément la formation d’un coagulum, phénomène rappelant les faits observés par.Canta cuzène avec la pepsine(Comples rendus de la Soc. de Biologie, t. LXV, p. 271) 452 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR rimentale et les accidents qui ont été attribués à l'action de ce poison peuvent tout aussi bien l'être à celle des substances albuminoïdes de la matière nerveuse normale. D'autre part, ce que nous savons des propriétés fixatrices du cerveau vis-à-vis d'une toxine, celle du tétanos, nous porte à supposer que le poison rabique doit être retenu par les cellules cérébrales assez énergiquement pour résister à tout mode d'extraction connu. Si la méthode expérimentale n’est pas encore parvenue à démontrer la présence de la toxine rabique, l'étude clinique de cette psychose aiguë qu'est la rage nous révèle toute une symptomatologie extrèmement complexe et difficilement expli- cable sans l'hypothèse d’un poison spécifique. L'évolution même de la maladie à la suite d’une trépanation impose l’idée d'une toxine: ainsi, dès le troisième jour, après une injection intra- cérébrale de virus fixe, on peut constater la virulence du bulbe, et cependant l'animal manifestera seulement cinq jours plus tard les premiers symptômes visibles consistant en ataxie, trem- blement de la tête, excitation ou torpeur, signes témoignant incontestablement d’une action d’un poison sur les centres. Or, puisque nous savons maintenant que l’encéphale renferme un albuminoïde doué in vitro d'une grande affinité pour le virus, nous sommes conduit logiquement à supposer que cette même substance doit l'exercer aussi dans le cerveau vivant. Au moment de la culture du microbe rabique dars les centres, on peut supposer que certains éléments cellulaires de l'encéphale, neurones ou cellules de la névroglie (1), vont réagir en produisant un excès de l'albuminoïde, et c’est ce qui explique pourquoi l'on trouve celui-ci en plus grande quantité dans les cerveaux rabiques. Une partie de cet excès d’albuminoïde pourra, soit par son action sur les microbes rabiques libérer leur toxine, soit en se combinant avec elle, provoquer l’en- semble des symptômes que les auteurs ont, avec raison, consi- dérés comme ceux d’une intoxicalion nerveuse spécifique. (1) van Gehuchten est porté à considérer comme une réaction de défense du neurone les lésions de chromatolyse (si intenses dans la rage), centrale et périphérique, sans qu'il puisse dire s'ils sont primitifs ou secondaires. (Anatomie du système nerveux, t. 1, p. 339.) D'autre part, J. Mawas (Comptes rendus de la Soc. de Biologie, 2 juillet 1910, bp. 45), tend à reconnaitre une structure et une signification glandulaires aux cellules névrogliques chez les vertébrés. SUBSTANCES ALBUMINOÏDES EXTRAITES DU CERVEAU 453. S'il en est ainsi, si la présence d’un excès de cette substance albuminoïde dans le cerveau à un moment donné de l’incuba- tion rabique joue un certain rôle dans l’éclosion des accidents toxiques, c'est-à-dire des signes visibles de la rage, ne pour- rait-on pas hâter leur apparition, les provoquer à une époque où ils n'existent pas encore d'ordinaire chez les animaux qui ont reçu du virus dans l’'encéphale ? On injecte à deux lapins et à deux cobayes un peu de cerveau de passage sous les méninges ; quatre jours plus tard, ces ani- maux reçoivent dans la même région (1) une quantité d'acidal- buminoïde très inférieure à la dose toxique, et que l’on inocule semblablement à deux lapins et à deux cobayes témoins. Ces derniers animaux ne présentent rien d'anormal consécutivement à l'injection ; au contraire, les lapins et les cobayes, qui avaient été infectés préalablement avec le virus fixe, sont pris, trois le lendemain et le quatrième au bout de quarante-huit heures, de titubation, de parésie, de tremblement de la tête, puis gra- duellement des signes de la rage confirmée à laquelle ils suc- combent dans les délais normaux. Ainsi, tandis que les symp- tômes rabiques n’éclatent jamais avant le 8° jour après la trépanation, l'inoculation d'une dose, inoflensive par elle-même, de l’acidalbuminoïde a suffi pour les faire apparaitre plusieurs jours avant l'échéance normale. Mais ces faits ne se passent pas toujours avec la même régularité et leur déterminisme nous échappe en partie. L'hypothèse, que nous venons de formuler et que l'expérience paraît confirmer, tend à considérer une substance, élaborée dans un but de protection des éléments nobles, comme parti- cipant elle-même à la genèse des accidents rabiques ; autrement dit, l’action de l’albuminoïde, neutralisante in vitro, serait, au sein de l'organisme, favorisante de la toxi-infection. Dans nos expériences de neutralisation du virus par la substance active, nous n'avons jamais observé de phéno- mènes toxiques résultant de l'inoculation des mélanges neutres virus acidalbuminoïde, excepté dans certains cas où nous faisions usage d'extraits cérébraux préparés avec l’encéphale d'animaux hyperimmunisés : la substance albuminoïde active (1) Une deuxième trépanation n'a aucune action fàcheuse pour les animaux. 454% ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR existant dans leur cerveau en plus grande quantité, 1l en persis- tait une dose suffisante pour être toxique. On est done amené à se demander comment ces animaux hypervaccinés ne sont pas eux-mêmes intoxiqués par le développement d’une substance douée d’une aussi grande activité. La réponse à cette question, qui pourrait se poser pour d’autres produits loxiques de l’orga- nisme, est fournie par ce fait, déjà signalé plus haut, que l’acidalbuminoïde se comporte comme un antigène et que l’on peut accoutumer à son action des animaux dont le sérum finit ainsi par acquérir un pouvoir spécifique à la fois contre la toxicité et contre les propriétés antirabiques de cette substance. On prépare deux mélanges à P. E., le premier de l'acidalbuminoïde de mouton et de sérum de chien neuf, le deuxième du même acidalbuminoïde et de sérum de chien immunisé contre lui. Après vingt-quatre heures de séjour à la glacière, on ajoute à chaque mélange la moitié de son volume de virus fixe au centième et on inocule les deux préparations dans le cerveau de deux lots de lapins; ceux au sérum neuf demeurent bien por- tants, ceux au sérum du chien traité par l’acidalbuminoïde prennent la rage sans retard : le sérum renfermait donc un anticorps de l’albuminoïde céré- bral (17). Cette propriété du sérum d’un animal traité par celte substance nous paraît être d'importance, car, en même temps qu'elle précise l’action spécifique de l’acidalbuminoïde, elle permet d'expliquer comment la vie des animaux immunisés contre la rage est compatible avec la présence d'une subs- tance aussi active, si bien qu'ils se trouvent en quelque sorte vaccinés contre elle et qu’en définitive il doit en résulter pour eux l’état d'équilibre organique nécessaire. Au cours de l'immunisation contre la rage, il se produit des phénomènes nécessairement complexes purmi lesquels nous constatons, dans le temps : une réaction leucocytaire puissante, l'apparition des propriétés antirabiques dans les humeurs, enfin chez les animaux soumis à des vaccinations prolongées, celle de l’immunité cellulaire, active, de leur cerveau. Quelles sont les relations qui existent entre les deux premiers et le dernier de ces actes? Nous ne sommes pas en état de le dire, mais seulement ceci. Quant on soumet à l'épreuve de la trépanation une série d'animaux vaccinés contre la rage, la plupart d’entre eux succombent à l'infection rabique bien que leur sérum soit souvent très actif. Quelques- uns résistent à cette épreuve ; chez eux la cellule nerveuse est SUBSTANCES ALBUMINOÏDES EXTRAITES DU CERVEAU 455 pour longtemps immunisée et le virus introduit dans leur cerveau paraît bien s’y trouver détruit. N'est-il pas logique d'admettre que l'albuminoïde spécifique, impuissant chez l'animal neuf ou insuffisamment vacciné, à s'opposer long- temps à la culture du virus rabique, s’est, au cours d’une immu- nisation prolongée, développé au point de devenir efficace au sein de l’encéphale lui-même? Dans cette hypothèse, le microbe de la rage ne trouve plus dans le cerveau des animaux hyper- immunisés un milieu de culture favorable, mais se trouve soumis à une digestion par certains éléments cellulaires de l’en- céphale et à une destruction par l’acidalbuminoïde. La propor- tion de cette substance, énorme relativement à la petite quan- üité de virus introduit au sein du cerveau chez les animaux hyperimmunisés que l’on soumet à l'épreuve de la trépanation, expliquerait pourquoi la destruction du virus par l’acidalbumi- noïde ne s'accompagne pas généralement des accidents toxiques que nous avons supposés résulter de l’action exercée par lui sur la substance rabique. L'activité si considérable que nous avons constatée dans les extraits du cerveau des animaux vaccinés nous paraît donc capable d'expliquer en partie le mécanisme de l’immunité acquise par l’encéphale, immunité que l’on a vue durer bien au delà des propriétés antirabiques des humeurs. OUVRAGES CITÉS. (4) À. Mare et M. TirrenEAu, Annales de l'Institut Pasteur, t. XXII, p. 289 et 644, et t. AXVI, p. 318. (2) A. Mare, Comptes rendus de la Soc. de Biologie, t. LV, p. 1290. (3) RemuinGer, Annales de l'Institut Pasteur, t. XII, p. 534. (4) A. Mar, Comptes rendus de l'Acad. des Sciences, t. CXLIX, p. 23%. (5) HaczrBurtON, Journ. of physiology, t. XV, p. 90. (6) LEvENE, Arch. neur. el psych., t. II, I. 1899, (1) A. Mar, Comptes rendus de l'Acad. des Sciences, t. CL, p. 1715, et Comptes rendus de la Soc. de Biologie, t. LXX, p. 332. (8) W. Barrarr, Proc. Roy. Soc. t. LXXII, p. 353. (9) Orro Hezcer, Die Schutzimpfung gegen Lyssa. Fischer, Iena. (410) Harris et SHaCkELL, Journ. of inf. dis., t. VIII, p. 41. (41) A. Mare, Comptes rendus de l'Acad. des Sciences, &. CLII, p. 1514 et Comptes rendus de la Soc. de Biologie, L. LXXI, p. 709. (42) A. Marie, Comples rendus de la Soc. de Biologie. t. LVI, p. 573. (43) Levanrri, Annales de l'Institut Pasteur, t. XXV, 25 novembre 1911. (44) A. Marie, Comples rendus de la Soc. de Biologie, t. LV, p. 1290. (45) A. Mar, Comptes rendus de l'Acad. des Sciences, t. CXLI, p. 394. (416) Dorn, Zeits. f. Immun. u. exp. Therapie, t. X, p. 53. 17) A. MaRiE, Comples rendus de la Soc. de Biologie, Lt. LXXIT, p. 100 et 528. ÉTUDES SUR LES ENGRAIS CATALYTIQUES par E. BOULLANGER Depuis le jour où G. Bertrand et Thomassin ont fait con- naître les résultats remarquables obtenus en grande culture par l’emploi du sulfate de manganèse comme engrais, de nom- breuses expériences ont été entreprises sur les engrais manga- nésés et sur d’autres engrais calalytiques en France, en Alle- magne, en Suède, en Belgique, en Hollande, en Italie, au Japon: elles ont conduit le plus souvent à des résultats favorables: ce- pendant certains expérimentateurs n'ontoblenu que des résultats négalifs. Il nous a semblé intéressant de faire l’étudede cette question au moyen des méthodes très précises de la culture en pots, car ces méthodes permettent de placer tous les essais dans des conditions rigoureusement identiques, de les rendre ainsi par- faitement comparables, d'éliminer les influences perturbatrices des variations atmosphériques et de multiplier enfin les essais pour avoir d’un seul coup une vue d'ensemble sur les modifica- tions de la récolte sous l’action des engrais catalytiques. Les méthodes de cultures en pots que nous avons adoptées sont celles du professeur Wagner, de Darmstadt, qui sont suf- fisamment connues des agronomes pour qu'il soit inutile de les décrire ici. Nos expériences ont porté d'abord, en 1908, sur les pommes de terre, et nous avons expérimenté avec le chlorure de man- ganèse sur deux terres différentes, une terre pauvre, siliceuse, et une terre riche, argileuse. Les engrais ont été incorporés directement à la terre au moment de la préparation de chaque pot. Seul, le chlorure de manganèse à été dissous dans un litre d’eau et la terre a été arrosée avec ce liquide. Les résultats fournis par cet essai sont réunis dans le tableau suivant: les chiffres correspondent à la récolte moyenne d’un pot (moyenne des six pots que comportail chaque série). ÉTUDES SUR LES ENGRAIS CATALYTIQUES 457 POIDS DES TUBERCULES en grammes ER Tr Terre pauvre. Terre riche. lSanSiencraistesans MnCl..". . ,.. 438 682 DNA ESS CU MST DATIPO LE 0: LR 168 903 30 SO‘(AzH“} : 20 gr.; KCI : 8 gr.; superphosphate : DURE AD AS DOL OR RENE + 1 COR 832 S92 49 Engrais complet de la 3° série, plus 1 gr. de MR CE ÉDATNO DER MERE RE NE: ie : 115 981 Poids de la terre employée pour chaque pot : 40 kil. On voit que le chlorure de manganèse a augmenté partout le poids de la récolte, mais cette augmentation se manifeste diffé- remment dans la terre pauvre et dans la terre riche. Dans la terre pauvre et en l'absence d'engrais, le chlorure de manga- nèse n’a donné qu'une augmentation de récolte assez faible sur le témoin; au contraire, en présence d'engrais complet, l’aug- mentation de rendement a été considérable, puisqu'elle atteint 34 p. 100 sur la série correspondante sans manganèse. Dans la terre riche, l’action du manganèse a été très nelte, même en l'absence d'engrais; le manganèse seul, sans autre engrais, donne en effet une augmentation de récolte de plus de 32 p. 100 sur le témoin sans manganèse; en présence d'engrais complet, le manganèse a encore exercé une action, mais plus faible, car l'accroissement de récolte n’est plus que de 40 p. 100 envi- ron sur la série correspondante sans manganèse. Ces faits semblent montrer que le manganèse, qui permet une utilisation plus active des éléments fertilisants du sol, agit différemment suivant la richesse des sols en ces éléments. Si le sol est pauvre, l'influence du manganèse reste faible et elle n'apparaît nettement que lorsqu'on ajoute au sol les éléments fertilisants qui lui manquent. Si le sol est riche, le manganèse agit aussitôt puisque la plante peut disposer d'aliments abon- dants; en présence de fortes doses d'engrais, il y a encore ac- croissement de récolte sous l'influence du manganèse, mais cet accroissement est proportionnellement plus faible, car il ya évidemment une limite à l'assimilation par la plante. Ces expériences sur les pommes de terre ont été reprises un peu différemment en 1909, sur une terre riche, dont chaque pot a reçu 40 kilogrammes. Les résultats obtenus sont réunis 458 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR dans le tableau suivant, dont les chiffres indiquent le rende- ment d’un pot, en prenant la moyenne des six essais de chaque Ps serie. POIDS DES TUBERCULES en grammes. 19,S3nS eNLrais > 0e CNP EE 334 20 MNCl Seule 2 Cr DAT DORE . | -t 462 JSOM AZ Seule ET ADAEDONERRE er 455 40 SOHAZH PE 15 gr; MaCRE ERA pAM pot." : . . .. 524 5o SOfAZH“} : 16 or.: superphosphate : 25 gr. par pot. . 500 60 SO‘{AZH‘} : 15 gr.;: superphosphate : 25 gr.;: MnCE : 2IGRADATAPOLEN LE NP à oi. 592 ToSDAZHE) A5 1er: KO MESEMRAMMOLS.,. . . . . :: . 520 80 SOHAZHE)? : 15 gr; KCI : 7 gr.; MnCE : 2 gr. par pot. . 600 909 SO“AZH!} : 15 gr.; KCI : 7 gr.; superphosphate : 25 er. P'APADOUEMEUERE ELEMENT Le 1e 674 00 SO'(AZH!} : 15 gr.; KCI : 7 gr.: superphosphate : 25 gr.: Mo CIE 2 Er IDAL DONC ERERREE. - à . » - 760 Les résultats obtenus dans ces expériences confirment ceux de l’année précédente. L'augmentation de récolte se manifeste dans tous les cas, mais, comme dans les expériences de 1908, elle est proportionnellement moins élevée en présence qu'en l'absence d'engrais. D'autres essais ont été entrepris en 1909 sur l’action du manganèse, sur l'orge de brasserie. Nous avons employé la même terre riche que pour nos expériences sur les pommes de terre; on en a placé 7 kilogrammes dans chaque pot. Les résul- tats obtenus sont réunis dansle tableau suivant ;ils représentent le rendement moyen d’un pot dans chaque série. POIDS DU GRAIN POIDS DE LA PAILLE £gn grammes. en grammes. 1Sansiensrais Le. 1. A MACAPNENNNNEENEC 10,5 16,5 20/MnClé seule 0 15 Sr DAT IDO REC 9,8 17,4 30 KCI : 1 gr. par Roc 0000 à 0 OR 11,4 17,0 49 KCI : 1,6 gr.: MnCE : 0,15 gr par pot. - « 10,4 17,6 50 KCL:11;65gr.; pate” 4 fe DAPIpDOL En 21:05 31,0 60 KC1::1,6 gr; SOAAZH*} :, 4er :0MnCT°. : 0IHECT-DATPOL CE bé RU TRE 20 ,4 38,1 10 KCI : 1.6 gr.: superphosphate : 6 gr. par pot Sete ne SORA EEE T 1255 18.5 8° KCI :1,6 gr.; superphosphate : 6 gr.; MnCI*: OASIS ADAr DOI CCE 0 11,4 18,7 90 KCI : 1,6 gr.; superphosphate : 6 gr.; SOAZH!)* : Dr PATDOI ER RENTr 22,2 13,9 10 KCI : 1,6 gr.; superphosphate : 6 gr; SOMAZHE) : 4 gr ;: MnCE:0,15gr.parpot. 25,95 49,7 ÉTUDES SUR LES ENGRAIS CATALYTIQUES 459 Ces chiffres montrent que l’action du chlorure de manganèse sur l'orge de brasserie à été nulle dans la plupart des cas. La récolte en grain est mème en général un peu inférieure, avec addition de manganèse, à celle des témoins sans manganèse. L'inverse se produit pour les récoltes en paille, mais les diffé- rences sont très faibles. Le manganèse ne semble avoir agi qu'en présence de l’engrais complet, où on observe un excé- dent de récolte de près de 17 p. 100 pour le grain, et de 143 p. 100 pour la paille. Mais il ne faut pas perdre de vue que ces méthodes de cultures en pots réalisent en quelque sorte des conditions idéales de culture, et fournissent toujours des résul- tats amplifiés ;: en pratique, l'augmentation de récolte serait beaucoup moins considérable. Une nouvelle série d'expériences a été entreprise en 1910, et a porté sur l’avoine, les pois et le trèfle. Dans ces expériences, nous avons utilisé, au lieu du chlorure de manganèse, les cograis manganésés des mines de Las Cabesses (Ariège), et notamment le manganose et la chaux manganésée. Les essais ont eu lieu sur une terre argileuse riche : chaque pot en à recu 7,5 kilogs. Des expériences préliminaires et très réduites, entre- prises l’année précédente, avaient semblé indiquer que le man- ganèse exerçait une action favorable surtout en présence des engrais polessiques: nous avons donc particulièrement dirigé nos éludes dans cette voie. 4° Expériences sur l’avoine. — Dans cette série, tous Îles engrais, azotés, phosphatés, potassiques ou manganésés ont été incorporés directement à la terre de chaque pot au moment de la préparation du pot. Les résultats obtenus sont réunis dans le tableau suivant, dont les chiffres donnent la récolte moyenne d'un pot dans chaque série. L'influence des engrais manganésés est très nette et se mani- feste partout. L'augmentation de rendement est en général assez faible pour la paille; elle atteint cependant 17 p. 100 avec le manganose seul sur la série sans engrais, et dépasse 12 p. 100 avec la chaux manganésée en présence d'engrais polassique sur la série correspondante sans chaux manganésée. Mais en pré- sence d'engrais complet, l'accroissement de la récolte de paille est faible. L'influence des engrais manganésés est beaucoup 460 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR plus forte sur la récolte de grain, ce qui est bien conforme aux résultats de G. Bertrand. L'augmentation de la récolte de grain sous l’action du manganèse, déjà sensible dans la série sans engrais et dans la série avec engrais potassique seul, où elle atteint 15 à 22 p. 100, devient considérable en présence d’en- grais potassique et d'engrais azoté (plus de 45 p. 100) ou en pré- sence d'engrais complet (27 p.100 pour le manganose, 41 p. 100 pour la chaux manganésée). POIDS DU GRAIN POIDS DE LA PAILLE en grammes. en grammes. 12ESans engrais LEE ERA LI EP TETE RER #,2 9979 20,Manganose seul 4-21 Dar pot... 5,0 26.15 3° Chaux manganésée seule : 1 gr. par pot . 4,6 24,3 49 KCI : 0,5 gr. par pot. . ILE NS EO" 5 C3 20,15 5° KCI : 0,5 gr.; manganose : 1 gr. par pot. . 6,1 2162 60 KCI : 0,5 gr.; chaux manganésée : 1 gr. par DO et ttues A CET ans RSR EEE 6,0 23,2 1°, KCT-: 0,5 gr. SO(AZH:) "er.parspot: Soul 31,45 89 KCI : "0,5 gr: SONAZH‘)} "4 gr :Imanga- n'ose 1 DE MDATIDOL RAT. ARE PA) 7 4 31,75 90. KCT :: 0,5. «er. QSOUAZHA)* 1, erSéchanx MANCANÉSÉeEMACT DALIDOL CEE PRTREE 7,55 32,10 10° KCI : 0,5 gr.; superphosphate :2 gr. parpot. 5,05 223 11° KCI : 0,5 gr.; superphosphate : 2 gr.; manga- ROSE EEE PAT IDOLENEN OPERA 6,15 24,2 12° KCI : 0,5 gr.; superphosphate : 2 gr.; chaux manganésée : 1 gr. par pot . . . . . . . 6,25 23,8 13° KCI : 0,5 gr.; superphosphate : 2 gr.; SOMAZHE AL SPÉPALDOL NE CRE 5595 32,0 140 KCI : 05 gr.; superphosphate : 2 gr.; SO(AZH!} : 1 gr.; manganose : 1 gr. par Do nier. sé Le 4 ELU 7,6 32,8 159 KCI : 0,5 gr.; superphosphate : 2 gr.; SO(AZH"} : 1 gr.: chaux manganésée : 197 PAT pots. CNE IONTENORNRERE 8,45 32,6 2° Expériences sur les pois. — Nous avons employé, pour ces essais, des pois nains qui viennent parfaitement en pots. On s'est borné à déterminer la récolte de pois écossés, qu’on a fait sécher avant de les peser. Les résullats obtenus ont été les sui- vants. Ces expériences nous amènent aux mêmes conclusions que les expériences sur les avoines; mais l'influence du manganèse est encore plus considérable ici. On voit, en effet, que dans les séries 4, 5, 6, 10, 11, 12, la récolte peut être doublée par le ETUDES SUR LES ENGRAIS CATALYTIQUES 461 manganèse, sans aucun apport d'engrais azoté. En présence d'engrais azoté, les accroissements de récolte, quoique toujours élevés, sont cependant moins considérables. On voit que la simple addition de manganose ou de chaux manganésée aux engrais potassiques, permet d'obtenir un rendement presque aussi élevé qu'avec l’engrais complet sans manganèse. POIDS DES GRAINS en grammes. 10 SANSMENCTAIS EEE ONE RER 0 Les © lac 2220 2° Manganose seul : 1 gr. par st : IN: 3,05 JChAUSEMANTANÉSÉCSeUleMUEr DAT POLICE 3,30 RER OIENO NSP DADOLE MEME... 0 LOS AM 2525 SK CI 10 5er -mmansanose): AUSr.DAr DOL:16.-4- MNT 4,25 6° KCI : 0,5 gr.; chaux manganésée : 1 gr. par pot . 4,50 TROIE 0,597 SONAZHA EME sr. (par pot: "0 RP 5,00 8° KCI : 0,5 gr.; SO“ AZH*} : 1 gr.; manganose : 1 gr. par pol . 5,90 90 KCI : 0,5 gr.; SO“(AZH‘} : 1 gr.; chaux manganésée : 1 gr. par POUR ESROE E E à © 2e. RE RT 6,00 100 KCI : 0,5 gr.; superphosphate : 2 gr. par pot... . . . . . . . 2,29 11° KCI : 0,5 gr.; superphosphate : 2 gr.: manganose : À gr. par ER ÉGARD ANOE CE MN A EL ot © dot 4,40 120 KCI : gr.; superphosphate : 2 gr.;, chaux manganésée : ul eu ARE SRE 4,80 130 KCI : 0,5 gr; ne Die. 2 gr.; s O(AzH:} 1 g gr. Dar ne 5,20 14 KCI : 0.5 gr.; superphosphate : 2 gr.; SO“ Sul SM ARET MAN CANOSE ENS IDALDOL ON NN Due Dalton 5,60 15° KCI : 0,5 gr; superphosphate : 2 gr.; SO D{AzH:): : 1 gr.; chaux MAN TARÉSC CRIS DARDOD AIT. ON CCR SE 6,10 3° Expériences sur le trèfle. — Ces expériences ont été faites avec le trèfle blanc, sur 7 kil. 3 de terre. Les résultats obtenus sont réunis dans le tableau suivant, dont les chiffres indiquent le poids moyen de la récolte sèche d’un pot de chaque série : POIDS DE LA RÉCOLTE SÈCHE en grammes. TRS OHSNONSTAIR CPR EME RES 15 ODA 20 Manganose seul : 1 gr. par Dole Lt MONS 30 Chaux manganésée seule : 4 gr. par pot . .. . . … : =. 20,00 20, SOA EN TEE D NN EE ie 19,90 D SO0*(AZH}:"1'gr.:-manganose : 1 gr. par pot" 19:90 60 SO#{AZH#} : 1 gr.; chaux manganésée : 1 gr. par pot. . 20,50 1° Superphosphate de chaux : 2 gr. par pot: . . . . . . . 20,10 8° Superphosphate : 2 gr.; manganose : 1 gr. par pot. . . 20.05 90 ne Deere 2 gr.: chaux manganésée : 1 gr. par 10° KCI : 0,5 gr. par os RE I D la ea dla à 0 AA ») gr.; manganose : À gr. par pot - + + 2 PIC gr.; chaux manganésée : 1 gr. par DOUNIA 30,60 462 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Nous voyons que les engrais manganésés n'ont exercé aucune action sensible, soit seuls, soit en présence d'engrais azoté ou d'engrais phosphaté. Mais l’action en présence d'engrais potas- sique est très accentuée puisque la récolte augmente de20 p.100 avec le manganose et de 37 p. 100 avec la chaux manganésée. Nous retrouvons donc iei une action analogue à celle que nous avons observée pour l’avoine et pour les pois, où les engrais manganésés ont surtout agi en présence des engrais potassiques. Ces résultats expliquent en outre certains insuccès qu'on peut avoir dans l'emploi des engrais manganésés: on voit que le manganèse n'agit pas toujours et qu’il est nécessaire, pour que son action se manifeste, que cerlaines conditions de nutrition minérale, variables, sans doute, avecles diverses cultures, soient réalisées. En général, la présence d'engrais potassiques parait ètre un adjuvant de l’action du manganèse. Les études qui précèdent nous ont engagé à étendre, dans le cours de l’année 1911, nos recherches sur les engrais manga- nésés à certaines plantes potagères et à y joindre l'étude d’au- tres substances telles que le sulfate d’alumine, le silicate de soude, le sulfate ferrique, le sulfate d'uranium et le soufre en fleur. Cette étude a porté sur lesearottes, les haricots, les céleris, les laitues, les oseilles, les chicorées, les pommes de terre, les oignons et les épinards. Pour les carottes, les haricots et les céleris, les expériences ont été divisées en quatre séries : la première n'a reçu aucun engrais, la seconde n’a reçu comme engrais qu'un des engrais catalytiques signalés plus haut, la troisième à reçu un engrais complet composé, pour 30 kilogrammes de terre, d’un gramme J'azote sous la forme de sulfate d’ammoniaque, d’un gramme d'acide phosphorique sous la forme de superphosphate de chaux et d’un gramme de potasse sous la forme de chlorure de potassium ; la quatrième a reçu le même engrais complet, additionné d'un des engrais catalytiques énumérés précédem- ment. Les doses d'engrais catalytiques ont été de 1 gramme pour 30 kilogrammes de terre, sauf pour le soufre en fleur où la dose a été seulement de 0 gr. 7. Pour les autres cultures, les essais n'ont porté que sur les deux premières séries, à cause du matériel considérable que demandent de semblables études. ÉTUDES SUR LES ENGRAIS CATALYTIQUES 463 L'engrais complet et le soufre ont été incorporés directement à la terre au moment de la préparation de chaque pot : les engrais catalytiques ont été ajoutés en solution dans les 500 cent. cubes d’eau d’arrosage, avant les semailles. Pour chaque essai, on a disposé plusieurs pots semblables, afin d’avoir une mesure plus certaine de l'influence moyenne de chaque substance. Les résultats obtenus dans ces divers essais sont réunis dans les tableaux suivants. Ils sont évalués en grammes par pot. 19 SULFATE D ALUMINE = Er à & EM CA Ou NES SEINE ARTE S AMIE s [Sh] © | SNS Role ANeRRers U EL — Le} A Lau. © æ] © x Témoin sans engrais . 560/17,9| 360] 79] 133| 137] 218] 84 1207 Sulfate d'alumine sans engrais .| 613/18,7| 442] 78] 147] 142] 241) 96 |293 Témoin avec engrais complet. .| 615/19,7| 3981 109! » | » | »| » |» Sulf. d’alumine av. engrais comp.| 749119,5| 537] 122), » | » | » » 20 SULIATE DE MANGANÈSE n nm + h PA _ ü a 0 7 S |8E| 2 JEMMSNNE MONA MISE NIUE & 5 = ta © a OASIS £ = = 2 = 5 5 LS SAPENNSN Re RIE Enr SAIS A © = © = © el Témoin sans engrais . . .| 560|17,9| 360] 79| 133| 137| 218| 84 1570 Sulf. de manganèse sans engrais.| 626/15,8| 464| 86| 190! 176| 212| S8 [711 Témoin avec engrais complet. 615119,1| 398] 109! » ÿ » 67 Sulf. de mang. av. engrais comp.| 698121,8| 568] 116) » | » | » | » |7186 30 SILICATE DE SOUDE é |$a| 4 | LS diese 5 l'es IS aIRe E | S|2 ES s |Sbl & | 2 CS) RP ET LS Oo |[FSNOMRE CS |£ |6S |2S ms | comm | cms | eme | eme ee ——— Témoin sans engrais. . 560/17,9| 360] 79 137] 218] 84 | 207 Silicate de soude sans engrais. 628115,8| 511| 41 99! 206| 82 | 279 Témoin avec engrais complet . .| 615119,7| 398] 109 Da DE | > Silic. de soude avec engrais com.| 656/19,9| 557| 82 » » » 46% ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR 40 SULFATE DE FER Témoin sans engrais. Sulfate de fer sans engrais . Témoin avec engrais complet . Sulfate de fer avec engrais comp. Carottes. 560 559 615 Haricots (grains). 17,9 16,8 19, T 635120 ,9 59 SOUFRE EN FLEUR Témoin sans engrais. Soufre sans engrais . De Témoin avec engrais complet . Soufre avec engrais complet. . Carottes. 560 646 615 74512 Haricots (grains). 69 SULFATE D'URANIUM Témoin sans engrais . Sulfate d'uranium sans engrais. . Témoin avec engrais complet d Sulfate d'uranium avec engrais complet. Nous pouvons tirer des expériences qui conclusions suivantes : ; ñ : C À à no SALEMEEN 2 | SUISSE e 4 | à © S © |A 360| 79| 133| 137| 218| 84 |207 550! 701 162] 71| 192| 96 1273 398 109 D] » » » » 706 9% ») » » » » © = VE 5 2 a |=% En = | CHR EAP Le A = © 5 | © |A 360| 133| 137| 218| 79 | 84 1207 635| 246| 222] 266| 96 | 95 1219 398 » » » » » » 676 ) » | 1] » » BETTERAVES 570 645 61 819 précèdent les L'action du sulfate d'alumine est considérable sur la carotte, le céleri et la pomme de terre, la chicorée et l'oignon ; elle est douteuse sur le haricot, l'épinard et l’oseille. L'action du sulfate de manganèse est considérable sur la carotte, le céleri, la laitue, l’oseille et la betterave; elle est sensible sur l’épinard, elle est douteuse ou nulle sur l'oignon, la chicorée et le haricot. L'action du silicate de soude est considérable sur le céleri et ÉTUDES SUR LES ENGRAIS CATALYTIQUES 465 la pomme de terre, très sensible sur la carotte, nulle sur l'oignon et la chicorée, nuisible sur l’épinard et l’oseille. L'action du sulfate de fer est considérable sur le céleri et la pomme de terre, sensible sur la laitue et l'oignon, nulle ou douteuse sur la carotte et le haricot, nuisible sur l’épinard, l'oseille et la chicorée. L'action du soufre en fleur est favorable partout : elle est surtout considérable sur la carotte, le céleri, la laitue, l’oseille et [a pomme de terre. Enfin le sulfate d'uranium semble agir très favorablement sur la betterave. Si nous envisageons maintenant chaque culture, nous pouvons grouper pour chacune d'elles les engrais catalytiques de la façon suivante, par ordre d'activité décroissante, en laissant de côté ceux qui n’agissent pas ou agissent défavorablement. Carotte : soufre, sulfate d’alumine, sulfate de manganèse, silicate de soude. Haricot : soufre. Céleri : Soufre, sulfate de fer, silicate de soude, sulfate de manganèse, sulfate d’alumine. Epinard : Soufre. Laitue : Soufre, sulfate de manganèse, sulfate de fer, sulfate d'alumine. Oseille : Soufre, sulfate de manganèse. Chicorée : Soufre, sulfate d’alumine. Pomme de terre : Sulfate d’alumine, silicate de soude, sulfate de fer, soufre. Nous avons vu dans la première partie de ce mémoire que les sels de manganèse agissent aussi très favorablement sur cette plante. Oignon : légère action favorable avec le sulfate d’alumine, le sulfate de fer et le soufre. Une dernière expérience a été faite pour chercher à déter- miner le mécanisme par lequel le soufre en fleur exerce son action favorable. Deux pots ont reçu, l'un 7 kilogrammes de terre, l'autre la même quantité additionnée de 0 gr. 16 de soufre en fleur. Deux autres pots ont été stérilisés au flambeur, ainsi que deux lots de 7 kilogrammes de terre : un de ces lots 30 466 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR a reçu, après slérilisation, 0 gr. 16 de soufre en fleur : le mélange du soufre et de la terre a été fait dans une cuvette stérile et la terre a été placée ensuite dans un pot stérilisé ; l'autre lot de terre a été introduit directement, sans soufre, dans le second pot stérilisé et la terre a été ramenée, dans les deux pots, à son humidité normale avec de l’eau stérile. On a ensemencé les quatre pots avec des graines de cressonnette stérilisées. Les deux cultures en milieu stérilisé ont été placées sous de grandes cloches de verre également stériles ; elles ont été aérées dans le cours de l'expérience avec de l’air filtré sur coton, et arrosées avec de l’eau stérile. Les deux autres pots, en milieu non stérilisé, sont restés à l'air libre. Les récoltes ont été les suivantes. GRAMMES Pot témoin, MIlTeUMMONMElENISe Lt UNSS Pot avec soufre. milieu non stériliec.... : . . : 229570 Potitémoin;miNeUMSLÉTINSE RME LL PE MUL:S0 Potravec/soufre mmilieutsténie een. . 0... 15:60 On voit que l’action du soufre est considérable en terre non stérilisée, et qu’elle est très faible en terre stérile. Il est donc probable que le soufre n’agit qu’indirectement en modifiant la flore bactérienne du sol et en entravant le développement de certains organismes. Nous procédons actuellement à de nouvelles expériences pour élucider le mécanisme de cette action du soufre. DE LA VÉSICULE BILIAIRE ENVISAGÉE COMME LIEU D'INOCULATION CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DE L'IMMUNITÉ ET A LA PHYSIOLOGIE GÉNÉRALE par HExrt VIOLLE de la marine de guerre. (Avec les planches XII et XIII.) (Suite et fin.) EFFETS FAVORABLES OÙ DÉFAVORABLES DE L'INTRODUCTION DANS LA VÉSICULE BILIAIRE DE SUBSTANCES CHIMIOTACTIQUES POSITIVES OU NÉGATIVES POUR LES LEUCOCYTES Dans le but de reconnaitre le rôle joué par l’afflux leuco- cytaire dans la vésicule, nous avons étudié l'effet de diverses substances ayant sur les globules blancs, les unes une action chimiotaclique positive, les autres une action chimiotactique négative. Nous avons vu que l'adjonction à un milieu de culture de bouillon, d'eau peptonée, ou de glucose dans la proportion de 1 p. 100, en favorisant la leucocytose, aide puis- samment à la production d'anticorps. Il en serait de même avec l’essence de térébenthine, mais celle-ci a une action bac- téricide trop puissante pour qu'on puisse l’employer. 1° Exemple : Lapin, n° 73, inoculé le 5 octobre, recoit dans la vésicule biliaire 1 centimètre cube d’eau physiologique contenant en suspension deux cultures de vibrions sur gélose de 24 heures à 37 degrés; on a ajouté à la dilution 6 gouttes de térébenthine. L'agglutination, 10 jours après l'opération, s'élève à 1 p.100. À l’autopsie, faite 20 jours après, on constate que la vésicule est très légèrement hypertrophiée, renfermant dans son intérieur des leucocytes: il n’y a pas de vibrions; par contre, la térébenthine est restée en très grande partie non résorbée. 2° Exemple : Lapin, n° 79, inoculé le 30 septembre, recoit dans la vésicule 1/2 centimètre cube de térébenthine et 1/2 cen- 468 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR timètre cube de bouillon ensemencé extemporanément avec une culture cholérique. Le sérum présente un taux agglutinatif s'élevant dans les 15 premiers jours à À p. 500, pour redescendre à 1 p. 50, 30 jours après. À l'autopsie, faite à cette époque : absence de vibrions dans la vésicule. Lorsque nous avons étudié les anticorps (1), apparaissant à la suite d’inoculations intravésiculaires d’hématies de mouton, nous citions les résultats ob- “1 tenus, toutes choses égales Et d’ailleurs, dans les cas sui- vants : le premier, où les hé- maties sont injectées seules en milieu isotonique (eau phy- siologique), le second, où elles sont en milieu chimiotactique négatif (acide lactique en so- lution à 4 p. 100), le troisième, où elles sont mélangées à des corps possédant un pouvoir chimiotactique positif (spores de charbon tuées). Les résul- tats sont conformes, dans ces trois cas, aux règles générales. Fic. 5. Le pouvoir hémolytique du sérum, dans le premier cas, atteint 1 p. 10; dans le second, il reste égal à ce qu'il état auparavant; dans le troisième, il s'élève àf1 p. 100. Mais si, dans l'exemple que nous avons pris précédemment, le fait d'ajouter une substance repoussant les leucocytes permet de comprendre pourquoi le pouvoir hémolytique reste invaria- blement au taux qu'il possédait antérieurement, puisque les hématies n'ont pas élé détruites, il est difficile d'expliquer comment, avec une substance favorisante, le pouvoir hémo- lytique s'élève et devient supérieur à ce qu'il eût été sans. l’adjonction de cette substance. Peut-être faut-il admettre, ce qui semble d'accord avec les emolyt ique Taux (1) Voir Thèse, page 78. VÉSICULE BILIAIRE ENVISAGÉE COMME LIEU D'INOCULATION 469 constatations faites à l'autopsie, que, dans le premier cas, les leucocytes n’ont pas détruit intégralement toutes les hématies, tandis que, dans le second, cette désintégration a été complète, poussée jusqu'à la disparition totale de tout vestige héma- tique. Inversement, les substances chimiotactiques négatives, en repoussant les leucocytes, empêcheront toute formation d’anti- corps. L’addition de sels de quinine, d'acide lactique, etc., en quantité extrèmement faible, à la culture inoculée dans la vésicule, entravera l'élaboration, mème minime, de substances immunisantes; et ces résullats sont constants, quel que soit l’antigène considéré : bactérien, cellulaire ou albumineux. Les expériences venant à l’appui de cette hypothèse seront décrites en détail dans la deuxième partie de ce travail, prin- cipalement aux chapitres, « Choléra » et « Bacille tuberculeux ». DEUXIÈME PARTIE Ayant vu dans leur ensemble les modifications apportées dans les humeurs à la suite d'inoculations antigéniques intra- vésiculaires, nous allons, dans la deuxième partie de ce mémoire, nous arrêter plus spécialement sur quelques cas, et apprécier les transformations humorales subies par l’orga- nisme, consécutivement à l'inoculation d’'antigènes, soit bacté- riens, dont l’évolution dans l'organisme est rapide : Vibrion cholérique, Bacille typhique, Coli-bacille, où moins intense : Bacille tuberculeux. CHOLÉRA Dans ce chapitre, nous dirons un mot des Inoculations intra- veineuses de vibrion cholérique; puis nous aborderons les Inoculations intravésiculaires, conférant l’immunisation active, et les Inoculations intravésiculaires, suivies d'injections intra- veineuses, lesquelles contrôlent cette vaccination et permettent l'hyperimmunisation. Nous terminerons par la description des Propriétés du liquide vésiculaire, et surtout des Propriétés du sérum : aclion de coa- gulation et de lyse in vitro el in vivo conférant l’immunité passive. ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR CS 1 © INOCULATIONS INTRAVEINEUSES. Avec les cultures que nous avons utilisées (1), l'inoculation intraveineuse de vibrion cholérique (3/% à 1 tube de culture sur gélose de 18 à 24 heures à 37 degrés, dilué dans quelques centimètres cubes d’eau physiologique) a toujours déterminé la mort chez le lapin adulte. La mort survenait généralement quelques heures après l'injection (2). A l’autopsie, les lésions varient suivant que la mort est sur- venue très rapidement ou un certain {temps après l'injection. Dans le premier cas, on ne constate aucune lésion; dans le second, on note une congestion intense uniforme de l'intestin grêle, à contenu diarrhéique, donnant à l'organe une colora- tion rose el rarement hortensia, une congestion légère du cæcum et de l’appendice, accompagnée de piqueté hémorra- gique extrêmement net, particulièrement saisissant et fréquent dans ce dernier organe. Le péritoine est très vascularisé, et un liquide, plus ou moins clair et en plus ou moins grande abon- dance, remplit la cavité péritonéale. INOCULATIONS INTRAVÉSICULAIRES. L’inoculation intravésiculaire de vibrions cholériques vi- vants et virulents ne provoque point la mort de l'animal. Les vibrions utilisés provenaient de culture sur gélose à 31 degrés et âgés de 18 à 24 heures. La quantité que nous inoculions était très variable : dans nos premières expé- riences, nous inoculâmes des doses extrèmement élevées, un tube de culture totale; les résultats furent, quelquefois, la mort de l'animal par septicémie en 36, 48 ou 52 heures: donc avec un retard très net sur les témoins. Plus tard, nous diminuâmes notablement la quantité de culture et nous rem- placämes le milieu primitif neutre par du bouillon, ou mieux de l’eau peptonée. Finalement, nous ensemencions extempo- (1) Culture provenant de l'Institut Pasteur, eL portant la mention : Vibrion cholérique. Dnieper, due, ainsi que les autres, à l'obligeance de M. LEGroux. (2) Dans un certain nombre de cas, la mort survint quelques minutes après linoculation. Elle était due, selon toute probabilité, aux toxines contenues dans le liquide injecté et non au milieu de culture (gélose) inoffensif chez les animaux témoins. VÉSICULE BILIAIRE ENVISAGÉE COMME LIEU D'INOCULATION 471 ranément À centimètre cube d’eau peptonée avec une üse de culture cholérique de 24 heures à 37 degrés et nous inoculions le mélange, pour ainsi dire à «l’état naissant », dans la vésicule. Les symplômes présentés chez les animaux inoculés intra- vésiculairement se réduisent à peu près à rien. On note, dans les 24 à 36 heures qui suivent l'opération, une très légère élé- vation de température et un peu d’abattement, mais le choc opératoire consécutif à une laparotomie peut suffisamment expliquer des phénomènes d’ailleurs légers et fugaces. A l’autopsie, on ne constate aucune lésion organique; tous les organes sont normaux, comme aspect extérieur, coloration, poids, ete. La vésicule biliaire seule présente des modifications qui sont analogues à celles que nous avons décrites dans la première partie de cet ouvrage, el sur lesquelles nous ne reviendrons point. INOCULATIONS INTRA VÉSICULAIRES SUIVIES D’INJECTIONS INTRAVEINEUSES. L’injection intraveineuse de culture de vibrions vivants et virulents chez un lapin vacciné intravésiculairement ne dé- chaîne aucun phénomène morbide, alors que les animaux témoins meurent en l'espace de quelques heures par intoxica- tion cholérique. Les expériences ayant conduit à cette formule, maintes fois répétées, ont toujours donné des résultats identiques, que nous pouvons résumer ici en prenant un type moyen. Exemple : Lapin n° 79, inoculé dans la vésicule le 30 sep- tembre avec 1/2 centimètre cube de bouillon ensemencé ex- temporanément avec une culture cholérique de 24 heures sur gélose à 37 degrés. Le 3 novembre, c’est-à-dire un mois plus tard, inoculation intraveineuse de 1 tube de culture cholérique de 48 heures sur gélose à 37 degrés diluée dans 10 centimètres cubes d’eau physiologique. L'animal témoin, lapin n° 56, meurt en hypothermie 6 heures après l'injection intraveineuse de vibrion cholérique, avec les signes d'intoxication cholérique suraiguë. 472 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Le lapin n° 79, vacciné, ne présente aucune réaction de poids et de température, soit immédiatement, soit plusieurs heures ou plusieurs jours après l'injection intraveineuse. On peut en déduire qu'il était suffisamment vacciné pour supporter sans réagir une dose mortelle de culture cholérique. Les résultats n'ont pas toujours été aussi typiques. Il faut que l'animal soit suffisamment immunisé et la valeur de cette immunisation peut échapper, puisque aucun moyen de contrôle n'existe pour la mettre en évidence, si ce n’est précisément l'injection intraveineuse. Cependant l'agglutination paraît fournir quelques données précieuses ; et si, sur les 22 animaux mis en expérience, 2 inoculés intravésiculairement, puis secon- dairement dans les veines, sont morts, encore qu'avec un retard très prononcé sur les témoins l'agglulination aurait pu peut-être permettre de prévoir cet échec, puisque le taux agglu- tinatif du sérum ne s'était élevé un mois après l'inoculation intravésiculaire qu'à 1 p. 25. Mais ce ne sont là que des exceptions et, d'une facon générale, tout animal suffisamment vacciné intravésiculairement, c’est- à-dire présentant un sérum capable d'agglutiner à 1 p. 100, pourra supporter, lorsque ce taux sera atteint, c'est-à-dire 8 à 12 jours après l’inoculation, une dose mortelle intraveineuse de vibrions. HYPERIMMUNISATION. Si quelques jours après, au même animal, on refait une nou- velle injection intraveineuse avec la même dose de vibrion cholérique, on arrive à produire une hyperimmunisation très uette. Exemple : Lapin n° 38, le 30 mai, inoculation intravésicu- jaire de bouillon ensemencé avec une culture cholérique ; il ne présente aucune réaction générale. Le 3 juillet, il reçoit en injection intraveineuse un tube de eulture de vibrion sur gélose à 37 degrés de 24 heures. Le 6 juillet, nouvelle injection identique à la précédente: réaction fébrile pendant 24 heures. L'animal à la suite de cette double injection est totalement mmunisé. Le taux de l’agglutination de son sérum passe, en l’espace de quelques jours, de 1 p. 100 à 1 p. 30.000. Ce sérum VÉSICULE BILIAIRE ENVISAGÉE COMME LIEU D'INOCULATION 473 offre des propriétés immunisantes très prononcées, comme nous allons le voir dans le chapitre suivant. PROPRIÉTÉS DU LIQUIDE VÉSICULAIRE. Nous savons que la vésicule biliaire présente en son inté- rieur, bientôt après l’inoculation cholérique, un liquide blanc crémeux, plus ou moins épais suivant l’époque d’inoculation, et ne renfermant plus de vibrions après un temps relativement court. Les frottis sur lames, les ensemencements en eau peptonée et les inoculations demeurent toujours négatifs. Toutefois, un point paraît intéressant : ce liquide, dépourvu alors de bactéries, lourdement chargé de globules blancs, dont quelques-uns sont en voie de dégénérescence, dont les autres sont encore en pleine activité (la proportion des uns aux autres variant en sens inverse au fur et à mesure que l'on s'éloigne de la date d’inoculation), n'est pas un liquide indifférent, neutre. Si l’on inocule à un cobaye (cobaye 53) dans la cavité périto- néale, tout le contenu, âgé de 1 mois, de la vésicule biliaire d'un lapin, dont le sérum agglutine à 1 p. 500, l'animal ne présente aucune réaction générale. Mais si, 6 jours après, l’on inocule dans cette même cavité péritonéale quelques cen- timètres cubes d'eau physiologique, contenant en suspension 1/2 tube de vibrion cholérique, âgé de 24 heures sur gélose à 31 degrés, l'animal ne présente, cette fois encore, aucune réaction. Et cependant tout autre cobaye qui recoit seulement cette demi-culture cholérique meurt certainement en l'espace de 18 à 24 heures. De même mourra tout cobaye dont l’inocu- lation vibrionienne, intrapéritonéale, sera précédée 6 jours auparavant de quelques gouttes d'un liquide favorisant l'hyper- leucocytose, tel que 1 centimètre cube d’eau peptonée glu- cosée, comme on peut le constater par le tableau ci-après. Le fait d'avoir fait précéder de 6 jours au moins l'injection vibrionienne par l'injection du liquide vésiculaire, doit faire écarter l'hypothèse d’une de ces hyperleucocytoses péritonéales si faciles à déterminer chez le cobaye, et également très rapide dans leur évolution, puisque, atteignant leur maximum vers 47% ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR la vingtième heure, elles sont totalement évanouies vers le 3° Jour. À SI à 22 D RL EE DA EE 0 ET 7 0 2 2 TEE ANR er INJECTIONS INTRAPÉRITONÉALES 1x jour. 1e jour. Résultats. Liquide vésiculaire. Vibrion cholérique Vivant. (dose mortelle). Eau peptonée glucosée. Id. Mort en 1$ heures. Pas d'injection. Id. Id. EE PROPRIÉTÉS DU SÉRUM. Le sérum, obtenu par les procédés cités dans les chapitres précédents, présente les propriétés que l’on rencontre dans tout sérum immunisant, préparé avec les corps bactériens et avec des toxines. Il diffère donc des sérums anticholériques obtenus habituel- lement par ce fait qu'il est non seulement antibactérien, mais également antitoxique. Avec ces deux propriétés fondamentales, se manifestent d'une part, les pouvoirs agglutinants, bactéricides et sensibilisateurs, d'autre part, le pouvoir précipitant que nous avons déterminés par les méthodes habituelles. Pouvoir antibactérien. — (Bactério-agglutinines et sensibili- satrices ou philocytases, ou ambocepteurs ; et alexines, ou cy- tases, ou compléments, ou Iysines.) Le sérum protège le cobaye contre la péritonite cholérique (expérience positive de Koch). Si on injecte à un cobaye dans le péritoine 1/2 culture de vibrions cholériques sur gélose à 37 degrés de 18 heures et diluée dans 2 centimètres cubes d’eau physiologique, on sait que l'animal meurt en 18 à 24 heures en hypothermie, après avoir présenté du collapsus et des convul- sions. À l’autopsie, on trouve un intestin congeslionné, teinte hortensia, et du liquide péritonéal en plus ou moins grande abondance. Exrérience 1. — Si l’on ajoute à une dilution semblable de vibrions 2 centimètres cubes de sérum, et que l’on mette ce VÉSICULE BILIAIRE ENVISAGÉE COMME LIEU D'INOCULATION 475 mélange à l’étuve à 37 degrés durant 1 heure, on peut l'inoculer dans la cavité péritonéale d'un cobaye, sans déterminer la mort, ou même sans provoquer de phénomènes réaclionnels. Expérience Il — Il en sera de mème si le sérum à été injecté seul dans le péritone 24 heures avant la culture. Les vibrions sont agglutinés, transformés en granules, dissous partiellement (phénomène de Pfeiffer). Ces résultats étaient à prévoir d’après les réactions 2x vitro. Mais, bien que celles-ci soient extrèmement nettes et généralement intenses, on ne peut nullement en déduire Ia valeur thérapeutique ou préven- tive d’un sérum, puisque « le sérum d'un animal fortement immunisé est toujours plus agglutinant #n vitro qu'il n'est pré- ventif vis-à-vis de la péritonilte vibrionienne, plus antitoxique vis-à-vis de l’intoxication cholérique expérimentale qu'il n’est précipitant èn vitro. Cela veut dire, en d’autres termes, que le pouvoir préventif nest pas fonction exclusive du pouvoir agglutinant, comme le pouvoir antiloxique n'est pas fonction du pouvoir précipitant ». (Salimbeni.) ExPéRIENCE HE. — Enfin, lorsque l’inoculation de sérum est faite préventivement sous la peau, les résultats sont encore positifs. Exemple : Inoculation sous-culanée à un cobaye, 48 heures avant l'injection intrapéritonéale vibrionienne, de 5 cen- timètres cubes de sérum agglutinant x vitro à 1 p. 2.000. L'animal résiste ; le témoin meurt. Toutefois, l’on sait que rien n’est plus facile que de protéger le cobaye contre la péritonite cholérique. Il suffit de lui injec- ter dans la cavité péritonéale au préalable quelques gouttes de bouillon, d’eau peptonée, d'eau glucosée, ou simplement d’eau physiologique. On détermine ainsi une arrivée de leucocytes 27 situ capables d'enrayer l'évolution morbide. D'autre part, la réac- tion péritonéale n’est point proportionnelle à la virulence du vibrion. L'expérience II n'est donc pas probante. Au con- traire, les expériences I et surtout IIT conservent toute leur valeur. Une expérience beaucoup plus sévère consiste à faire les réactions sur des lapins en procédant par inoculation intravei- neuse. Si on‘injecte dans la veine marginale de l'oreille d’un lapin 476 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR un mélange laissé préalablement 1 heure à l’étuve à 37 degrés et constitué par une culture de vibrions cholériques âgée de 18 heures sur gélose à {37 degrés, diluée dans 5 centimètres cubes d’eau physiologique 'et additionnée de 2 à 3 centimètres cubes de sérum immunisant, l'animal ne présente qu'une très faible réaction se traduisant par une légère hyperthermie durant quelques heures (1), et par un léger abattement. Puis il se remet complètement et définitivement. Les témoins meurent dans l'espace de quelques heures en hypothermie, par suite d'intoxication et d'infection suraiguës. Si, au lieu d’injecter d'emblée un mélange de sérum et de vibrions, on inocule, 24 heures avant l'injection intraveineuse de vibrions, le sérum en injection également intraveineuse, les résultats sont comparables : le témoin meurt; l'animal immunisé survit, ayant peut-être présenté encore moins de phénomènes réactionnels que l'animal qui a recu d'emblée le sérum et la culture mélangés. Ces expériences permettent de dire que le sérum est nette- ment antibactérien, puisque, injecté préventivement, il est capable d'empêcher l’éclosion des phénomènes cholériformes provoqués par l'injection de cultures virulentes. Ajoutons que l'animal qui à reçu le mélange : vibrion + sérum, sans offrir de réaction générale, n'est point capable par contre de fournir un sérum doué de propriétés bactéricides. Son sang ne présente aucun des caractères des sérums im- munisants : dans notre expérience, 12 jours après l’inocula- tion du mélange précité, ce sang ne renfermait ni aggluti- nines, ni précipitines, ni sensibilisatrices, ni antitoxines. Inoculé à cette époque avec une culture pure, vibrionienne, identique à celle qu'il reçut la première fois, l'animal à con- servé sa sensibilité antérieure vis-à-vis du choléra; lui et le témoin se comportent de même, mourant tous deux en hypo- (1) Lapin 31 : Température avantlinjection 0... NN d‘heure”après l'injection >... Le DE SINeS SHEUTES ADIES NN)ECHLON PNR TES ù ——=\irapresMliniection MSEMMEMER CE. :: LU ORNE PR TEAIe 200 = apres MinIeCtiOon EP REER CR Sen 30) — apres MAN]CELION ERP RER NN 00 40:11: Vaprès limjection SMART: 11 MANN ONAMANNE VÉSICULE BILIAIRE ENVISAGÉE COMME LIEU D'INOCULATION 477 thermie, d'intoxication cholériforme avec lésions intestinales plus ou moins prononcées suivant la rapidité de l’évolution morbide. Il en résulte que l'animal n'était pas immunisé, quoique ou plutôt précisément parce que le sérum ajouté aux vibrions ainsi sensibilisés était en trop grande quantité, et comme l’a dit Besredka (1) : « lorsqu'il se trouve en excès, les microbes injectés en même temps que lui traversent l'organisme sans que l'animal en garde le moindre souvenir ». Autrement dit, dans ces conditions, la conservation de la sensibilité à l'intoxication cholériqne, la mort lors d’une seconde injection vibrionnienne, prouvent nettement que les principes toxiques et les vibrions contenus dans le mélange antérieur avaient élé nettement délruits et neutralisés par ce sérum [expérience positive des réactions paradoxales de R. Pfeiffer et Friedberger| (2). Pouvoir antitorique. — Afin de déterminer le pouvoir anti- toxique des sérums, nous avons eu recours à deux sortes d’ex- périences, en faisant agir le sérum sur : 1° La toxine préparée artificiellement: 2° La toxine fabriquée naturellement par l'organisme (cho- léra expérimental). 1° a) La méthode de Roux, Metchnikoff et Salimbeni pour la préparation de la toxine cholérique ne nous à fourni qu'un liquide très faiblement toxique: et celte toxicité très atténuée est peut-être due au pouvoir toxigène restreint du vibrion que nous avions. b) La méthode de Brau et Denier que nous employâmes ensuite nous à donné des résultats à peu près analogues. Nous n’obtinmes jamais une toxine normale, moyenne, équi- valente à celle de Salimbeni, c’est-à-dire déterminant la mort du cobaye par la seule injection sous-cutanée de 1 centimètre cube. Nous dûmes avoir recours à des doses 10 ou 20 fois plus fortes pour obtenir la mort en 48 à 52 heures, et dans quelques cas les témoins survécurent. Toutefois, dans leur ensemble, en opérant sur un nombre relativement élevé de cobayes (16), nous pûmes nous rendre (4) Annales de l'Instilul Pasteur, 1902, p. 922. (2) Berliner klin. Wochenschrift, 1902, ne 25. 478 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR compte que le mélange de sérum et de toxine était indifférent à l'animal, et que l’inoculation préventive de sérum empêchait tout développement de phénomènes morbides lors d’une injec- tion de toxine faite 12 ou 24 heures après; les témoins, par contre, étaient sérieusement éprouvés, et un certain nombre mouralent. c) L'autolysat de cultures cholériques d’après la méthode de Strong (1) nous a donné dés résultats analogues, mais en employant également, vu le faible pouvoir toxigène de nos cultures, des doses beaucoup plus fortes que celles qui sont généralement usitées. 2° Nous essayämes ensuile le sérum, non plus sur une toxine plus ou moins virulente et ne se rapprochant peut-être que vaguement des produits élaborés par le vibrion cholérique au niveau de l'intestin et lancés de là dans l'organisme, mais sur l'animal atteint de choléra, c’est-à-dire précisément sur cette toxine diffuse en tous points. Pour provoquer le choléra expérimental, nous employämes le procédé de Metchnikoff (2), qui consiste, comme l’on sait, à faire ingérer à de jeunes lapins à la mamelle, âgés de 2 à 6 jours, des cultures cholériques associées à des espèces microbiennes favorisantes et principalement une sarcine et une torula (ou cryptococcus) à raison de 1 tube de culture de 18 heures à 37 degrés sur gélose, de chacune de ces bactéries : choléra, sarcine et torula. La mort arrive entre 40 et 60 heures, géné- ralement en hypothermie; à l’autopsie, on trouve des lésions typiques congestives de l'intestin avec teinte hortensia de l'in- testin grêle, rempli d’un contenu diarrhéique et de grains rizi- formes blanc jaunâtre ou jaune d’or; de la distension de la cavité abdominale contenant un liquide louche, séreux, etc. La difficulté de nous procurer de petits lapins a limité le nombre de nos expériences; nous avons fail 5 essais que voici, brièvement résumés : Premier essai. — 11 mai. Sérum frais, agglutinant à 1 p. 1.000, provenant du lapin n° 8 inoculé intravésiculaire- ment | mois auparavant; ce sérum est injecté sous la peau à (4) Publications of the bureau of government. Lab. biolog. laborat., n° 16, 1904, Manille. (2) Annales de l'Institul Pasteur, 1894. VÉSICULE BILIAIRE ENVISAGÉE COMME LIEU D'INOCULATION 479 raison de 2,5 centimètres cubes par animai, 48 heures avant l'ingestion du mélange choléra-sarcine-torula. Age des lapins au moment de l'ingestion : 52 heures. Ayant reçu le sérum 2 lapins on reçu le choléra seul . PR TE RE RO — N'ayant recu ni choléra ni Sérum .: : "UM ]apin: Les 2 témoins (choléra seul) meurent, l'un 36, l’autre 48 heures après l’ingestion. Les 3 autres survécurent, indemnes. Deuxième essai. — 8 novembre. Sérum frais agglutinant à 1 p. 2.500, provenant d’un lapin hyperimmunisé (inoculation intravésiculaire suivie de 2 injections intraveineuses). Ce sérum est inoculé à raison de 3,5 centimètres cubes sous la peau de chacun des animaux 48 heures avant l’ingestion du mélange (choléra-sarcine-torula). Age des lapins au moment de l'ingestion : 36 heures. AWantérecuale SéCUEMMEME ALT +. ONE SZ TADIn EE AVantreQuMlercholéra Seul er NN CRT DINS N'ayant -receusni sérum ni choléra. 1 "NS MINIApiIn: Les 2 témoins (choléra seul) meurent, l’un 24, l’autre 30 heures après l’ingestion, avec lésion cholérique typique. Un animal ayant reçu le sérum meurt 52 heures après l’ingestion cholérique. Les 4 autres survécurent, bien portants. Troisième essai. — 12 novembre. Sérum frais, agglutinant à 1 p. 100 seulement, provenant d’un lapin immunisé intravési- culairement ; ce sérum est injecté sous la peau des lapins à raison de 2,5 centimètres cubes, 24 heures avant l’ingestion du mélange cholérique. Age des lapins au moment de l’ingestion : 10 heures. AVANLITEGQUSIENSÉEURR ee 2). - … + 2/8 CM EDS LA DUNS. Avantrecdrlercholérahseul:. . "1. ESA N'ayantrecurn1 sérum niICholéra NS PER ATIEN— Les 4 premiers lapins meurent, le témoin en 24 heures et les autres en 36, 50 et 62 heures. Quatrième essai. — 18 novembre. Sérum frais agglutinant à 1 p.10.000 provenant d'un animal hyperimmunisé. Ce sérum est inoculé à raison de 4 centimètres cubes sous la peau, 12 heures avant l’ingestion du mélange. Age des lapins au moment de l'ingestion : 28 heures. AvVAMETeUn le Sérum . . . . NE Te NAMIADUTS AYantirecule choléra seul PRE N RRR 480 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Les 2 témoins (choléra seul) meurent en 26, 30 heures. Les 2 autres résistent, sans avoir présenté aucun symptôme morbide. Cinquième essai. — 30 novembre. Sérum frais agglutinant identique à celui du quatrième essai. Ce sérum est inoculé à raison de 2 et 4 centimètres cubes sous la peau 2 heures et 12 heures avant l’ingestion du mélange. Age des lapins au moment de l'ingestion : 32 heures Ayant reçu 2 cent. cubes de sérum (2 heures avant) . . 2 lapins. Ayant reçu 4 cent. cubes de sérum (12 heures avant)... 2 — Avyant-recu-le:choléra seule Rx . CRT... 20 Les deux témoins meurent en 24 heures. Des lapins ayant reçu le sérum 2 heures auparavant, l'un meurt, l’autre résiste. Les deux autres résistent également. Nous ne devons point tenir compte du troisième essai. Un sérum agglutinant à 1 p. 100 seulement, n'ayant présenté aucune propriété antitoxique 2n vitro, ne devait point protéger contre l’intoxication cholérique expérimentale. Nous n’en fimes l'essai que par la raison qu'au moment où nous eûmes à notre disposition ces jeunes lapins, nous n'avions pas d'autre sérum sous la main. Il résulte donc, cet essai mis à part, que le sérum convena- blement préparé est nettement antitoxique, non seulement ?# vitro, mais encore ?n vi. Le sérum obtenu par l’inoculation intravésiculaire de vibrions cholériques est donc doué de propriétés immunisantes. Il est antibactérien et antitoxique. Le fait est intéressant parce que tout sérum cholérique anlitoxique est exclusivement obtenu au moyen d'inoculation de toxines cholériques (sérum de Metchnikoff, Roux et Salimbeni), préparées par injections de toxine cholérique dans les veines du cheval. Le sérum de Pfeiffer, préparé avec des corps vibrioniens, a de très grandes propriétés bactéricides : il protège efficace- ment le cobaye contre la péritonite cholérique; par contre, il ne manifeste aucun pouvoir antitoxique : il ne paraît point pouvoir immuniser les jeunes lapins contre l’ingestion de vibrions. Les expériences qui précèdent démontrent que l’on peut pro- voquer la formation d’antitoxines dans l'organisme d’un animal VÉSICULE BILIAIRE ENVISAGÉE COMME LIEU D'INOCULATION 481 qui ne recoit en injections vaccinantes que des corps micro- biens, résultat à rapprocher de celui que l’on obtient avec le sérum antipesteux, également antiltoxique et pourtant exelu- sivement préparé avec des bacilles pesteux. BACILLE TYPHIQUE L'inoculation intravésiculaire de bacilles typhiques (1) pro- voque, chez l'animal auquel on a fait l'opération, la formation d'anticorps spécifiques. Exemple : lapin n° 2, recoit le 12 avril, dans la vésicule biliaire, 1 centimètre cube d’une culture de bacille d'Eberth en bouillon de 24 heures à 37 degrés. Le 21 avril, c'est-à-dire 8 jours après l’inoculation, le sérum, qui avant l'opération ne présentait aucun pouvoir agglutinatif, agoglutine à 1 p. 750, et le 29 avril à 1 p. 1.000. Un lapin témoin, ayant reçu la même quantité de bacilles, mais en injection intrapéritonéale, présentait, 8 jours après, un taux agglutinatif n'atteignant point 1 p. 50. L'animal, opéré intravésiculairement, ne montre à aucun moment des phénomènes réactionnels ; Le poids, la température restent normaux. 4 mois après, le taux agglutinatif s'était maintenu à 1 p. 1.000; aucune des propriétés immunisantes n'avait disparu. A cette époque, l'animal, bien portant, ayant augmenté de 400 grammes, est sacrifié. On ne trouve aucune lésion organique ; le foie, la rate, les reins, les poumons, le péritoine sont nor- maux. Mais la vue est attirée par la vésicule biliaire, formant une tumeur énorme, blanche, contrastant sur le fond rouge hépatique. Elle est de la grosseur d’un œuf de poule, à parois dures, blanches, fibreuses, épaissies. A l’intérieur de cette tumeur, on trouve le liquide habituel, décrit précédemment, mais en proportion inaccoutumée (40 cent. cubes); les ensemen- cements restent stériles. Le sérum de ce lapin n° 2 a été essayé sur de jeunes lapins âgés de 1! mois et inoculés intrapéritonéalement avec des cul- tures typhiques, à raison de 3 et # centimètres cubes de cul- ture en bouillon de 48 heures à 37 degrés, Le sérum avait été (1) Culture provenant de l'Institut Pasteur. 31 482 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR inoculé l'avant-veille sous la peau à raison de # centimètres cubes, et dans la cavité intrapéritonéale à raison de 2 centi- mètres cubes. Dans les 8 expériences failes, les 2 témoins moururent, 18 à 25 Jours après, de cachexie, due sans doute à l'élaboration de toxines typhiques, tandis que les animaux, traités préventive- ment avec le sérum, survécurent. Les bacilles que nous employämes, malgré les tentatives. d’exaltation de virulence par les passages en séries chez le cobaye et par des cultures en sacs (Chantemesse et Widal), Avril 1 771 Juillet Août Dates \12115120 25130 5 |10115120|25130| 5 140115120125 130] 5 | 10145,20125130| 5 10118 T EE nes RS EEE BP EN CE ii Et v — in 5 FE dose Fic. 6. (Chantemesse et Balthazard), n’atteignirent jamais, quoique possédant des propriétés toxiques certaines, une virulence très grande ; ceci explique la mort lente des témoins. Le même sérum, essayé comme agent neutralisateur de la toxine typhique, a donné des résultats analogues. La toxine, préparée suivant la méthode de Conradi, tuait Les lémoins en injection intrapérilonéale, et préservait les animaux qui, dans la cavité péritonéale, avaient recu 48 heures aupa- ravant le sérum immunisant, ou recevaient extemporanément un mélange de sérum et de toxine laissé préalablement 2 heures 37 degrés. Les animaux témoins moururent presque tous (4 sur 5) lentement, quoique la toxine fût injectée en quantité très grande : 5 centimètres cubes pour de jeunes lapins de 650 à 700 grammes ; on dépassait ainsi de beaucoup les doses mortelles An par Conradi (0,2 cent. cube) en injection intrapéritonéale chez le cobaye. VÉSICULE BILIAIRE ENVISAGÉE COMME LIEU D'INOCULATION 483 Avant de terminer ce chapitre, rapportons un fait qui peul être rapproché de ceux que nous avons relatés précédemment, dans la première partie. Le lapin n° 1, inoculé intravésiculairement le 12 avril, four- nissait, 8 jours après l’opéralion, un sérum agglutinant à 4 p. 750. Les 15°, 20° et 30° jour, Le taux agglutinatif était resté identique. Le 1° juillet, c'est-à-dire après 2 mois et demi, le taux agglutinatif était redescendu à 1 p. 5, chiffre initial. Le sérum du lapin n° 2 inoculé le même jour que le lapin n° 1 présente, un mois après l'opération, un pouvoir aggluti- nant égal à 1 p. 1.000, taux qu'il maintenaitencore le 1® juillet. À l’autopsie, le lapin n° 1 ayant été sacrifié, on remarque que tous les organes sont sains, mais que la vésicule biliaire n'offre pas les dimensions qu'on s'attendait à lui trouver; petite et recroquevillée, elle présente sur une de ses faces un perluis, signe d'une rupture antérieure. De ce fait, il semble résulter que les anticorps ne se fabri- quent et ne restent en circulation dans l'organisme qu'autant que la vésicule qui les engendre subsiste indemne. Si, pour une cause quelconque, la vésicule se rompt, les antigènes se répandent dans la cavité péritonéale ; là, surtout lorsque l’ino- culation a eu lieu très longtemps avant, et qu’ils sont ou atté- nués ou en faible porportion, ils ne causent qu'une réaction infime et ils disparaissent résorbés ou éliminés. De nouveaux anticorps ne peuvent se former, et quant à ceux qui sont répandus dans l'organisme, ils ne tardent pas à disparaître également. TUBERCULOSE AVIAIRE Nous suivrons dans ce chapitre le même ordre que dans celui du choléra, étudiant d'abord les réactions consécutives aux {njections intraveineuses, puis aux /noculations intravési- culaires, etaux Inoculations intravésiculaires suivies d'injections intraveineuses. Nous terminerons par la description des Pro- priétés du sérum. Dans tous les cas qui vont être cités, les cultures employées furent toujours celles de bacilles de tuberculose aviaire (1) 4) Ces cultures tuaient le cobaye en inoculation sous-cutanée, avec pré- sence de bacilles dans les organes. 484 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR provenant de l’Institut Pasteur, et cultivées à 37 degrés. Dans les premiers essais que nous fimes, nous utilisämes le bacille bovin, mais les réactions étant ou trop faibles ou incons- tantes, et n'amenant pas, dans un laps de temps déterminé et relativement court, la mort chez les témoins, nous y re- noncâmes. Nous avons d’abord utilisé, tantôt des cultures sur pommes de terre glycérinées à 5 p. 100, tantôt des cultures sur milieu de Lumière (foie de bœuf glycériné à 6 p. 100); plus tard, nous avons employé des cultures sur gélose glycérinée à 3 p. 100. D'ailleurs, la nature du milieu de culture sera indiquée à chaque observation. INJECTIONS INTRAVEINEUSES. Les animaux témoins au nombre de 11, inoculés en injec- lion intraveineuse, sont tous morts dans une période comprise entre le 11° et le 22° jour. Les injections furent faites avec des cultures de tuberculose aviaire; une ou deux spatules de culture fraiche âgée de 1 à 2 mois et diluée dans 2 à 10 centimètres cubes d'eau physiologique. Les symptômes con- statés étaient générale- ar ment de l'amaigrisse- ment, de l’anorexie, de l'abattement et une élévation de température, surtout les derniers Jours (voir figure 7). A l’autopsie, les organes sont normaux comme forme, couleur el poids. On note seule- ment une hypertrophie légère du foie et de la rate. Le critérium de la cause de la mort se trouve dans les frottis de rate et de foie toujours criblés de bacilles très nets, quelle que soit la coloration employée. C'est Le type classique décrit par Yersin. Ajoutons, toutefois, que nous n'avons jamais VÉSICULE BILIAIRE ENVISAGÉE COMME LIEU D'INOCULATION 485 rencontré l'hypertrophie « considérable de la rate et du foie » signalée dans ce cas. Vois d'ailleurs, le poids moyen des organes des témoins morts suivant le type Yersin, 11 à 22 jours après l’inocu- lation. Foie 65 gr. » Bacilles très nombreux. Rate. . lo.) Bacilles nombreux. RES SES (Chaque) "Pas debacilles: Poumons . . . . 11 gr. (les deux). Pas de bacilles. Jamais nous n'avons constaté la forme granulique à l'autopsie des animaux. INOCULATIONS INTRAVÉSICULAIRES. Lapin n° 18, reçoit, le 13 mai, une inoculation de bacille tuberculeux aviaire dans la vésicule biliaire. La vésicule à été ee. A D A D A ee préalablement vidée de son contenu. La quantité de bacilles inoculés est de deux ôüses environ, diluées dans 1 centimètre cube d’eau physiologique. Les bacilles proviennent d’une culture sur pomme de terre glycérinée à 37 degrés, âgée de 1 mois. Poids de l'animal avant l'opération : 1.570. Le 26 juin, c'est-à-dire 42 jours après, alors qu'il était en parfait élat, l'animal est sacrifié (voir figure 8). L 486 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Son poids avait atteint 2 kilogrammes. Aucune modification extérieure; l'aspect de tous les organes: poumons, cœur, foie, rate, reins, intestins et séreuses, est normal. H. VIOLLE, FiG. 9. — Vésicule biliaire. — Tuberculose aviaire. a, muqueuse. — b, couche conjonclivo-fibreuse (très fortement épaissie el vascularisée). — c, tissu hépatique. Voici d’ailleurs les poids moyens trouvés dans les autopsies faites chez différents animaux, dans les mêmes conditions : VÉSICULE BILIAIRE ENVISAGÉE COMME LIEU D'INOCULATION 487 HOIG RENE ON MEME de. 4 MST aMDRerAmMmmes RATER CR. OR MoN aN2 Ie TAImINeS: RMS EU. NACRE 1 LIGA ore (UnAseul) BGUMONS CRE LS... LE Mrs er tlesden) La vésicule biliaire seule est modifiée (voir figure 9) et pré- sente les lésions décrites dans la première partie de cet ouvrage. L'inoculation du liquide vésiculaire, sous le pli de laine «d'un cobaye, ne donne, après 2 mois, aucun résultat, l'animal n'ayant pas présenté de réaction locale ni ganglionnaire. A l’autopsie, aucune lésion organique, ni macroscopique ni mi- ‘€roscopique. Des frottis des différents organes du lapin inoculé : foie, rate, reins, poumons, moelle osseuse, ne montrent pas de ba- cilles tuberculeux. Des inoculations de fragments de ces différents organes chez les cobayes restent négatives. Des coupes histologiques de ces mèmes organes ne révèlent pas la présence du bacille tuberculeux. En résumé, le lapin inoculé dans la vésicule biliaire, un mois et demi auparavant, avec des bacilles tuberculeux à dose mortelle, a résisté. La réaction a eu lieu seulement localement. Au niveau de la région inoculée, elle s’est manifestée par un apport assez considérable de leucocytes. L’infection ne s’est généralisée à aucun moment; l'organisme ne présente aucune trace de lésions anciennes ou récentes et une absence totale de ganglions suspects. Tous les cas d'animaux inoculés peuvent être considérés comme calqués sur le précédent. Les lapins témoins de même poids, inoculés en injection intraveineuse, avec une quantité équivalente de bacilles tuber- culeux, sont tous morts rapidement (voir chapitre précédent). INOCULATION INTRAVÉSICULAIRE SUIVIE D'INJECTION INTRAVEINEUSE. Inoculation le 13 mai au lapin 36 dans la vésicule biliaire, préalablement vidée, de 2 üses environ de bacilles tuberculeux aviaires dilués dans 1 centimètre cube d’eau physiologique. La culture est âgée de 1 mois sur pomme de terre glycérinée à 37°. Le 17 juillet, c’est-à-dire 2 mois environ après l’inoculation, le lapin 36 et le lapin 26 (témoin) recoivent chacun une 488 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR injection intraveineuse de bacille tuberculeux (1/3 tube de culture diluée dans 2 centimètres cube d’eau physiologique ; culture aviaire sur pomme. de terre glycérinée de 2 mois à 31 degrés). Le 31 juillet, c'est-à-dire 13 jours après l’inoculation, le lapin 26 meurt. A l’autopsie, lésions type Yersin. Le 19 octobre, plus de 5 mois après la première inoculation intravésiculaire, bacillaire, et plus de 3 mois après l'injection intraveineuse également bacillaire, l'animal n° 36, en excellent Mas JELE7? Dates \13\1512025130| 5 |10 1512085 30 En HN SE = REA nr PEU lee] TT [] EEE ESS] BE _. ÉÉCHEEE- - B ESSS2E SEnSSssse NAee EnEse SE ces EEE F1G. 10. état, est sacrifié. A l’autopsie, aucune lésion macroscopique nimi- croscopique. Frottis des organes, ainsi qu'inoculations, négatifs. La vésicule biliaire, de grosse dimension (17 gr. 50), pré- sente les lésions déjà décrites précédemment. Le liquide, environ 5 centimètres cubes (polynucléaires, la plupart dégénérés; et bacilles tuberculeux en assez grande abondance, prenant mal les colorants), est délayé dans une quantité égale d’eau physiologique et inoculé à un lapin (n° 84) en injection intraveineuse : 1 mois après l’inoculation, l'animal n'avait encore présenté aucune réaction; son poids avait sensiblement augmenté (voir fig. 11). Le 22 novembre, il reçoit avec un témoin une injection intraveineuse tuberculeuse. Le 10 décembre, le témoin meurt avec lésions tuberculeuses: l’autre animal, tué, ne présente aucune lésion spécifique. VÉSICULE BILIAIRE ENVISAGÉE COMME LIEU D'INOCULATION 489 Le lapin précédent, n° 36, présenta à l’autopsie 3 ganglions; l'un adossé à la colonne vertébrale, derrière le foie; l'autre, trachéo-bronchique, le troisième dans le bassin, adossé à une des veines iliaques ; tous trois élaient de la grosseur d'un grain de blé, blancs, durs à la coupe, se composant d’une coque libreuse et d'un contenu caséeux. Sur frotlis, on ne constate pas la présence de bacilles, mais de quelques cellules géantes. Inoculés après broyage et dilution en eau physiologique dans le pli de laine d'un cobaye, les ganglions ne donnent lieu à aucun retentissement ganglionnaire après plus de 2 mois. En coupe histologique, ces ganglions montrent des lésions de Dates | … Pctodre Noverêre | 19,£1|83126127129| 3 | 917 [9141435 | ES DES El AE Ses a | ue Sie lis [2.43 0 EE] Er: 11° congestion et quelques lésions paraissant spécifiques, mais sans bacilles tuberculeux. Le cas décrit plus haut est le cas courant, rencontré lors d'une autopsie variant entre 1 et 3 mois, après l’inoculation intraveineuse, consécutive elle-même à l'inoculation intravési- culaire. Il est évident que si l'autopsie a lieu dans un espace de temps beaucoup plus proche de l’inoculation intraveineuse, les faits ne seront pas absolument identiques. Le bacille qui vient d’être injecté en très grande quantité dans la circulation géné- rale persistera dans l'organisme un certain temps. Ce temps est relativement très court, et c'est là le fait essentiel. Le bacille en premier lieu ne se développe pas, il ne peut se développer dans un sérum ou dans des organes baignés par un sérum qui jouit de propriétés acténi ed ou favorisant la bacté- riolyse. L'expérience suivante paraît en fournir la preuve. 490 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Lapin n° 42, inoculé le 26 juin, intravésiculairement, avec une dose de culture aviaire sur gélose glycérinée à 37 degrés de 50 jours. Le 22 août, c'est-à-dire 56 jours après l’inoculation, l'animal en pleine santé recoit une injection intraveineuse tubercu- leuse (1/2 culture sur gélose glycérinée à 37 degrés de 2 mois 1 /2). Le surlendemain, l'animal est sacrifié. À l'autopsie : organes normaux, pas de lésions congestives, pas de liquide dans les séreuses, pas de ganglions. La vésicule présente les lésions habituelles, macroscopiques et microscopiques ; absence de bacilles dans tous les organes, sauf la rate, qui en contient une très faible quantité, et les reins où il y en a moins encore. D’après ces faits, les bacilles paraîtraient soil éliminés au dehors (par les reins ou l'intestin), soit détruits 2n vivo (rate et organes lÿmphoïdes). La présence de très rares bacilles au niveau de l'épithélium rénal semblerait permettre de croire à leur élimination par cette voie. Cependant, les inoculations, chez les cobayes, du culot de centrifugation de 5 centimètres cubes d'urine recueillie aseptiquement 24 heures après l'injection bacillaire intra- veineuse, sont demeurées négatives après plus de 3 mois. Quant à la voie intestinale, la méthode employée par Calmette avec succès chez le bœuf nous a donné sur 6 cobayes, après plus de 3 mois, 6 cas négatifs (inoculation de 1 gramme de matières fécales recueillies 24 heures après l'injection bacil- laire intraveineuse). Afin d'essayer de déterminer la durée de persistance des bacilles injectés dans les veines après l'inoculation vaccinante intravésiculaire, nous avons fait la recherche de bacilles tuber- culeux dans le sang par le double procédé employé chez l’homme par Nattan-Larrier et Loeper-Louste. On agissait sur 10 cen- timètres cubes de sang pris par ponction intracardiaque et hémolysés immédiatement, soit par l’eau distillée dans la pro- portion de 10 centimètres cubes de sang pour 120 centimètres cubes d’eau (Nattan-Larrier), soit par l'alcool au tiers dans la proportion de 10 centimètres cubes de sang pour 20 centi- mètres cubes d'alcool (Loeper-Louste); puis on laissait reposer et on centrifugeait. Le culot de centrifugation, étalé sur lames et coloré, ne nous à jamais permis de découvrir le bacille dans VÉSICULE BILIAIRE ENVISAGÉE COMME LIEU D'INOCULATION #91 le sang, pris 2%, 48 et 52 heures après l’inoculation intravei- neuse. D'autres culots délayés dans un peu d’eau physiologique, puis inoculés aux cobayes (expériences sur 8 animaux), n'ont donné également aucun résultat positif. La tuberculose chez le lapin n° 36, vacciné intravésiculaire- ment, puis inoculé dans les veines, s’est signalée à l’autopsie par un nombre très élevé de bacilles dans la vésicule, et par l'apparition de ganglions dans l'organisme. La présence de bacilles dans la vésicule est normale, puis- que l'animal avait été inoculé en ce point. Mais ces bacilles injectés 5 mois auparavant, partiellement dégénérés, ne déter- minent chez le cobaye et le lapin aucune lésion, et cela établit que les bacilles sont morts ou que, vivants, ils sont avirulents. La présence de lésions ganglionnaires dans l'organisme en des points différents prouve qu'il y a eu lutte contre l’envahis- sement par le bacille tuberculeux ; mais à quel moment ? Après l’inoculation intravésiculaire? Assurément non, puis- que tous les animaux inoculés exclusivement dans la vésicule biliaire n'ont jamais présenté d’adénite consécutive. Après l'injection intraveineuse ? Mais toute injection intra- veineuse de bacilles virulents cause la mort de l’animal en l'espace de 15 à 20 jours, suivant le type Yersin, c'est-à-dire sans provoquer aucune réaction ganglionnaire. Quoi qu'il en soit, la présence de ganglions indiquant une réaction de défense, on doit en conclure que l'animal était immunisé; et, comme les ganglions sont peu nombreux et de petite dimension, et ne présentent ni périadénite, ni suppura- lion, l’immunité était très active. En fait, 2 mois après l’inocu- lation intraveineuse des bacilles tuberculeux, aucun vestige bacillaire ne persiste dans l'organisme. Et cependant ces bacilles étaient doués d’une grande virulence puisque les témoins mouraient en l’espace de 2 semaines, alors même qu'ils étaient inoculés avec des quantités très faibles. Ainsi, un lapin vacciné par inoculation préalable de bacilles virulents dans la vésicule biliaire est capable de résister à l’ino- culation intraveineuse d’une culture tuberculeuse virulente, inoculation toujours rapidement mortelle chez les témoins. Un lapin rendu tuberculeux par inoculation sous-cutanée el mieux intrapéritonéale ou intraveineuse réagit quelquefois 492 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR fortement, généralement avec intensité, mais presque toujours nettement à une seconde injection tuberculeuse (phénomène de Koch) en présentant des phénomènes locaux ou généraux, ou les deux associés (1). L'absence totale de réaction, même légère, même fugace, chez un lapin inoculé préalablement dans la vésicule et secondaire- ment dans les veines avec une culture tuberculeuse, tendrait done à prouver que l’animal est « vacciné » dans le sens où l’on emploie couramment ce terme, c'est-à-dire incapable de suc- comber à une nouvelle atteinte du bacille: qu'il est physiologi- quement ou humoralement vacciné, c’est-à-dire que dans son organisme ne circulerait plus de tuberculine capable par l’addi- üon d’une nouvelle dose de tuberculine (culture de bacilles ou toxines) de produire des phénomènes de superintoxication ou d’anaphylaxie. On pourrait cependant admettre au contraire que l’animal ainsi vacciné aurait produit d’une facon lente et continue, sous l'influence de la dose initiale de bacilles tuberculeux inoculés intravésiculairement, de l’antituberculine, dont la présence ne se manifesterait par aucune action générale consécutive. PROPRIÉTÉS DU SÉRUM. Les lapins inoculés dans la vésicule biliaire avec une cul- ture tuberculeuse aviaire, suivant la méthode indiquée précé- demment, fournissent un sérum dont on a essayé de déter- miner le pouvoir immunisant, soit chez les cobayes, soit chez les lapins. Voici quelques exemples tirés des expériences faites : Premier cas : 28 juin, injection sous-cutanée de 2 centimètres cubes de sérum (d’un lapin inoculé intravésiculairement 2 mois auparavant avec une culture tuberculeuse) aux 2 cobayes 28 et 29. 29 juin, 2° injection identique à la précédente. Ce même Jour, les 2 cobayes 28 et 29 et 2 autres cobayes 30 et 31 (témoins) reçoivent, sous la peau, au niveau de la face (1) L'épreuve de la tuberculine-réaction, faite chez des lapins ayant reçu des bacilles tuberculeux, les uns en inoculations intravésiculaires, les autres en inoculations intraveineuses, d'autres en les deux voies, n'a pas fourni de résultats caractéristiques. On sait que les lapins réagissent mal, ou plus exactement, très inégalement, à la tuberculine (Arloing, Rodet et Courmont). VÉSICULE BILIAIRE ENVISAGÉE COMME LIEU D'INOCULATION 493 interne de la cuisse, 1 üse de bacilles tuberculeux aviaires (cultivés sur milieu de Lumière de 20 jours, à 37 degrés). Le 30 juin, 3° injection de 2 centimètres cubes de sérum aux 2 cobayes 28 et 29. Le 1° juillet, 4° injection de 3 cent. cubes de sérum aux mêmes animaux. Le 3 juillet, 5° injection de 3 cent. cubes de sérum aux mêmes animaux. Le 8 juillet, on constate l'apparition chez tous les cobayes de petits ganglions roulant sous le doigt, ayant la grosseur d'un pois et indolores. Dans le courant du mois de juillet, chez les cobayes témoins 30 et 31, ces ganglions augmentent progressivement du côté du point d'inoculation, d’autres apparaissent de l’autre côté. Les ganglions restent petits, unilatéraux el insignifiants chez le cobaye 28. Le cobaye 29 a succombé peu après l’inoculation, probablement de septicémie ou d’anaphylaxie. Le cobaye 31 meurt le 31 juillet, et son autopsie décèle des lésions typiques de tuberculose : la rate principalement contient des bacilles. Le cobaye 30 meurt le 1" août, avec également quelques lésions tuberculeuses. Quant au cobaye 29, il était encore vivant 6 mois après l’ino- culation, ne présentant aucune lésion apparente; son poids avait passé de 130 à 260 grammes. Deuxième cas : Cobaye 75 reçoit en injection sous-cutanée 4 centimètres cubes d’un mélange de culture tuberculeuse et de sérum, resté 1 heure à l’étuve à 37 degrés et présentant après ce temps une forte agglutination. Le sérum provient d’un lapin inoculé ! mois 1/2 auparavant dans la vésicule biliaire avec une émulsion de bacilles tuberculeux virulents. Cobaye 76 reçoit préventivement en injection sous-cutanée 6 centimètres cubes de sérum, puis 24 heures après, une inocu- lation de bacilles tuberculeux. Cobaye 77 reçoit, en injection sous-cutanée, une culture tuberculeuse seule (animal témoin). Chez les 3 cobayes, les cultures tuberculeuses inoculées étaient équivalentes en quantité : ! üse de bacilles tuberculeux de quinze Jours sur gélose glycérinée à 37 degrés. 494 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Le témoin 77 meurt 34 jours après l'inoculation, avec des lésions tuberculeuses (rate, foie contenant des bacilles tuber- culeux), après avoir présenté un amaigrissement notable. Le cobaye 75 est tué à même date. Poids légèrement dimi- nué. A l’autopsie, ganglions de la grosseur d’une noisette au niveau du point d'inoculation avec contenu caséeux et bacilles, mais sans suppuration. Le foie, la rate et le pancréas con- tiennent quelques bacilles tuberculeux. Le cobaye 76, tué également le même jour, a augmenté de poids. Il présente un ganglion à contenu caséeux avec zone périphérique sclérosée, au point d'inoculation. Très peu de bacilles dans ce pus. Les organes sont normaux : le foie et la rate ne contiennent aucun bacille; absence de bacilles égale- ment dans les autres organes. Troisième cas : Cobaye 23. Reçoit en injection sous-cutanée 2 centimètres cubes de sérum provenant d'un lapin inoculé dans la vésicule biliaire 1 mois auparavant avec culture tuber- culeuse virulente, puis 2 heures après cette première injection un mélange de # centimètres cubes du même sérum et 2 spa- tules (environ 6 üses) de bacilles tuberculeux (culture de 23 jours sur pomme de terre glycérinée à 37 degrés). Cobaye 24, témoin, reçoit une culture tuberculeuse seule, en quantitééquivalenteà celle quia été inoculée au cobaye précédent. 31 jours après l’inoculation, le témoin meurt, amaigri, avec lésions tuberculeuses généralisées (rate et foie contenant des bacilles tuberculeux\. Le cobaye 23, alors bien portant, et ayant augmenté de poids, est tué le même jour. Ganglions de la grosseur d’une noisetle au niveau du point d'inoculation, avec zone fibreuse périphérique. Le contenu caséeux renferme des bacilles en assez grande proportion. Aucune généralisalion : {ous les organes sont sains; le foie et la rate ne renferment aucun bacille. De tous ces faits, il résulte que les injections sous-cutanées de cultures vivantes et virulentes de tuberculose aviaire, à dose très élevée, ont tué, en provoquant des lésions de tuber- culose généralisée, les témoins en 30 à 35 jours. Par contre, les animaux qui ont reçu préventivement, en injection sous- cutanée, du sérum d'animaux vaccinés intravésiculairement, à la dose de 10 centimètres cubes, résistent, ne présentant VÉSICULE BILIAIRE ENVISAGÉE COMME LIEU D'INOCULATION 295. qu'une lésion locale, au niveau du point d’inoculation, et aucune généralisation du bacille après plus d'un mois. Les doses moins élevées, injeclées préventivement ou mélangées à la culture tuberculeuse, semblent insuffisantes. Le mélange de culture tuberculeuse et de sérum en quantité suffisante, provenant d'un animal vacciné, paraît avoir perdu sa virulence. Les résultats furent toujours identiques, quoique les expériences tendant à établir ce fait fussent par 5 fois répé- tées. Elles peuvent ètre, dans leur ensemble, résumées ainsi : Lapin A, recoit un mélange de 5 centimètres cubes de sérum d'un lapin inoculé intravésiculairement 1 à 3 mois auparavant, et d’une culture tuberculeuse (1/8 tube de culture de tuberculose aviaire sur gélose glycérinée de 1 à 2 mois à 37 degrés, diluée dans 10 centimètres cubes d’eau physiologique). Le mélange bien agité a été laissé en contact 2 heures à 37 degrés. On inocule les 10 centimètres cubes dans la veine marginale de l'oreille d’un lapin neuf. Lapin B, sert d'animal témoin; il reçoit, en injection intra- veineuse également, la même quantité de bacilles tuberculeux, dilués dans la même quantité d’eau physiologique. Après une période de 12 à 15 jours, l'animal témoin B meurt de tuberculose à type Yersin. L'animal À, ayant reçu le mélange, résiste et ne présente à aucun moment une réaction quelconque, pouvant se traduire par une diminution de poids ou une élévation de température. Sacrifié 2 mois après l’inoculation intraveineuse, l'animal, en parfait état, ne montre aucune lésion tuberculeuse. Il s'ensuit donc qu'une culture tuberculeuse, additionnée de sérum selon le mode indiqué, parait totalement avirulente alors que la même culture, injectée seule, cause la mort de l'animal témoin très rapidement. Le mélange préparé comme nous l'avons dit ci-dessus, et laissé 2 heures à l’étuve à 37 degrés, n’est plus, à l'inverse du tube témoin qui ne renferme qu'une émulsion de bacille tuber- culeux, une solution trouble et laiteuse. Le liquide s’est séparé en deux couches absolument nettes et distinctes : l’une inférieure, pâteuse, floconneuse, blanche, dense, composée exclusivement de bacilles; l'autre supérieure, claire, ambrée, qui n’est autre que le sérum surnageant. Il ÿ a donc eu agglutination totale 496 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR ou précipitation en 2 heures de tous les éléments bacillaires sous l'influence du sérum. Cela peut permettre, à priori, d'in- terpréter les différences essentielles de réactions que l'on constatera chez les animaux injectés ou témoins. CONCLUSIONS L'inoculation de divers antigènes dans la vésicule biliaire du lapin, au préalable transformée en sac vide et clos, provoque chez l'animal opéré la formation d'anticorps correspondants spécifiques. Ce mode d’inoculation est aisé à pratiquer. Il ne fait jamais éprouver à l'animal de violentes réactions. Bien conduite, l’immunisation se fait rapidement dans la plupart des cas. Elle ne présente pas de phases négatives; sa durée semble fort longue. Dans le cas où cette immunisation paraïîtrait trop légère, des injections intraveineuses consécutives du même antigène permettent de mettre, sans réaction, l'animal en état d'hyper- immunisation. Les bactéries employées comme antigènes engendrent des anticorps immunisants (immunisalion active) et le sérum des animaux vaccinés est généralement doué de propriétés immu- nisantes, bactériennes et antitoxiques (immunisation passive). Les anticorps paraissent essentiellement formés aux dépens des leucocytes qui, attirés par l’antigène, pénètrent dans la vésicule, grâce aux connections vasculaires hépato-vésiculaires. Le foie agirait comme réservoir de sang et par suite de globules blancs. EXPLICATION DES PLANCHES XII ET XIII PL. XII. Figure 1. — Muqueuse de la vésicule biliaire. Choléra; a, polynucléaire; b, figure de mitose: c, cellule de la muqueuse: d, polynucléaire: e, tissu conjonctif. Figure 2. — Tissu hépatique contigu à la vésicule biliaire. a, cellule hépatique; 6, polynucléaire ; c, figure de caryocinèse. PL. XIII. Figure 1. — Vésicule biliaire et son contenu. Choléra. a, polynucléaires ; b, chorion; ce, endothélium; 4, tissu conjonctif. Figure 2. — Vésicule biliaire et son contenu. Tuberculose aviaire. a, bacille tuberculeux aviaire ; b, globules blancs dégénérés; ce, poly- nucléaire : d, cellules endothéliales ; e;, mononucléaires; f, tissu conjonctif. Le Gérant : G. Masson. Paris. — L. MARETHEUX, imprimeur, 1, rue Cassette. 1 26° ANNÉE JUILLET 1912 N° ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR ENQUÊTE SUR L'ÉPIDÉMIOLOGIE DE LA TUBERCULOSE DANS LES COLONIES FRANÇAISES par A. CALMETTE. (Institut Pasteur de Lille). On sait depuis longtemps que la tuberculose est très inéga- lement répandue dans les diverses régions du globe et qu'elle est surtout fréquente chez les peuples civilisés. Sa diffusion est en rapports étroits avec l'intensité des échanges commerciaux et il semble bien que les Européens, qui sont de beaucoup le plus atteints, constituent les principaux véhicules de l'infection bacillaire à travers le monde. Il serait extrèmement prolilable à nos connaissances sur l'étiologie de cette maladie, si meurtrière, de pouvoir observer la manière dont elle se répand et les formes qu'elle affecte dans un pays jusqu'alors indemne. On pourrait sans doute en déduire les conditions d’une prophylaxie plus efficace que celle que nous avons essayé d'organiser jusqu'à présent. C’est ainsi que nous sommes acluellement portés à ne considérer comme contagieux que les sujets dont les lésions (uberculeuses sont ouvertes, principalement les phlisiques qui disséminent autour d'eux une très grande quantité de bacilles avec leurs crachats. Or, les faits expérimentaux que j'ai récemment publiés avec mon collaborateur C. Guérin (1) montrent que les animaux (bovidés) (1) Ces Annales, 25 septembre 1911, p. 625. 498 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR auxquels on a conféré, par les méthodes de vaccination actuel- lement connues, une résistance plus ou moins grande à l'égard de l'infection tuberculeuse, ou que ceux qui sont rendus natu- rellement résistants par une infection bénigne, restée latente ou occulte, possèdent la faculté d'éliminer en nature, avec leurs excréments, par les émonctoires normaux de l'organisme (foie et intestin), un grand nombre de bacilles virulents pour d’autres animaux mais qui ne provoquent, chez ceux qui les émettent, aucune lésion tuberculeuse. Il est à supposer que ce phénomène n’est pas spécial aux bovidés etque beaucoup d'hommes, auxquels une infection bénigne antérieure ou restée latente a conféré une immunité relative, sont susceptibles, tout en restant eux- mêmes en apparence parfaitement indemnes, de semer dans leur entourage des germes virulents. S'il en est ainsi, on comprend que la tuberculose puisse être propagée très aisément par des voyageurs européens, qu'aucun signe objectifne permet de considérer comme des malades, parmi les populations qui avaient été précédemment le mieux épargnées à cause de leur isolement dans des régions encore inexplorées du globe. Les procédés de diagnostic dont nous disposons aujourd’hui — principalement la cuti-réaction tuberculinique de Von Pirquet -— nous permettent de déceler avec une grande pré- cision l'existence de ces infections latentes ou occultes qui sont apparemment les sources les plus dangereuses, parce qu'insoup- connées, de contagion tuberculeuse. Grâce à eux, nous sommes en mesure de rechercher dans chaque ville, dans chaque village, dans chaque famille, s'il existe des sujets contaminés par le bacille ; nous pouvons établir la proportion de leur nombre par rapport à celui des sujets encore indemnes et chiffrer, par suite, l'index tuberculeux d'un groupement ethnique, d'une localité ou de tout un pays. Les données ainsi recueillies sont précieuses, non seulement parce qu’elles doivent nous servir à éveiller l’atten- tion des intéressés ou celle des pouvoirs publics et à leur faire comprendre la nécessité de mesures défensives ou protectrices, mais aussi parce qu'elles nous apportent des éclaircissements sur les divers modes d'infection. Par exemple, elles peuvent nous fixer sur l'importance relative — encore si discutée — des bacilles d’origine bovine dans la contamination de l’homme. On comprend donc que, déjà, de nombreuses recherches LA TUBERCULOSE DANS LES COLONIES FRANÇAISES 499 aient été faites dans cette voie (1), et parmi les plusintéressantes par leurs résultats, je citerai celles publiées récemment par ÉL. Metchnikoff, Ét. burnet et L. Tarassevitch (2) relatives à l'extension de la tuberculose dans les steppes des Kalmouks. Mais pour ce qui concerne les pays situés hors d'Europe, nous ne possédons que quelques statistiques dressées par Rümer en Argentine, quelques faits relevés par Peiper en Afrique Orien- tale allemande et les observations méthodiquement effectuées par deux de mes élèves, les D Wagon en Guinée française (3) et Noël Bernard en Annam l4). | Aussi ai-je pensé qu'il serait utile d'étendre cette enquête et de l’entreprendre simultanément dans le plus grand nombre possible de nos colonies, en sollicitant le concours, sur lequel je savais pouvoir compter, des médecins militaires des troupes coloniales, celui des médecins des services d'assistance indi- gène, et celui du personnel de nos Instituts Pasteur coloniaux. C’est un agréable devoir pour moi de remercier les nombreux collaborateurs qui ont ainsi répondu à mon appel. Je citerai leurs noms à l'appui des documents que chacun d'eux m'a envoyés. Avant d'énoncer les résultats de ces recherches, je crois utile d'indiquer la technique suivant laquelle elles ont été uniformé- ment effectuées. Chacun de mes correspondants à reçu, en même temps qu'une provision de tubereuline répartie en gros tubes à vacein de 40 doses (tuberculine glycérinée brute de Koch), une instruction et un questionnaire. L'instruction recommandait d'insérer, soit avec un vaccino- style, soitavec une lancette, dans deux scarifications intéressant à peine le derme et faites sur l’un des bras, au niveau de la région deltoïdienne (comme s’il s'agissait d’une opération vacci- nale), une gouttelette de tuberculine. Une première scarification devait toujours être faite sans tuberculine pour servir de témoin. Les sujets devaient êlre revus, pour le contrôle, le cinquième ou le sixième Jour, afin d'éviter de noter comme positives des (1) Cazuerre. Conférence internationale de la Tuberculose. Bruxelles, oclobre 1910, et Cazmerte, V. Grysez et R. LEruLLe. Presse Médicale. 9 août 1911, (2) Ces Annales, novembre 1911, p. 7K6. 500 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR réactions douteuses et fugaces qui se manifestent par une simple infiltration dermique, sans formation de la vésico-papule caractéristique entourée d'une zone irrégulièrement circulaire, de couleur rouge foncé chez les individus de race blanche. Le questionnaire sollicitait des renseignements sur la fré- quence et les formes de tuberculose observées, sur le mode d'alimentation des jeunes enfants, sur l'existence et la fréquence de la tuberculose bovine dans le pays. Je priais en outre de classer les résultats autant que possible selon l'âge des sujets, de zéro à un an, de un à quinze ans et au-dessus de quinze ans. Je demandais enfin que l'enquête soit surtout faite dans les écoles et dans les villages indigènes. Voici résumées, par groupes de colonies et par centres d’opé- rations, les données que j'ai pu recueillir. COLONIES FRANCAISES D'AFRIQUE. AFRIQUE OCCIDENTALE. — Résultats transmis par le D' Defrieu, chef du service de santé du Gouvernement général de l'Afrique occidentale : 1° SÉNÉGAL. Ville de Saint Louis (Dr Bourret et Bourragué) : 30 enfants de 1 à 15 ans de race blanche. Réact. pos. : 3 — 10,0 p. 100 400 enfants de 1 à 15 ans de race noire ou métis AL ee NT Réact. pos. : 131 = 34,0 p. 100 106 sujets de race noire, au delà de 15 ans: Réact. pos. : 32 — 30,2 p. 100 Banlieue (Sor el Khor) : 469 enfants de 4 à 15 ans (race noire) . . . Réact. pos. : 20 — 11,8 p. 100 68 noirs au déla de 15 ans eee Réact. pos..:1 143 —9;0fp-100 Tiraouane, cercle du Cayor (D' Comméléran) : Ecole indigène. — 59 enfants de 5 à 15 ans. . Réact. pos. : 8 = 15,5 p. 100 Dispensaire. — 16 enfants de 0 à 1 an. . . Réact. pos. : 1 — 6,2 p. 100 63 enfants de 1 à 15 ans. . Réacl. pos. : S — 12,6 p. 100 110 sujets au delà de 15 ans. Réact. pos. : 5 — 4,5 p. 100 Keur-Matar-Khaly, à 16 kilomètres à l'est de Tiraouane (village Ouoloff) : 40 enfants de 4 à 15 ans . . Réact. pos. : 4 — 10,0 p. 100 61 sujets au delà de 15 ans . Réact. pos. : 7 — 11,4 p. 100 Mala-Gayben (village Ouoloff à 28 kilomètres cle Tiraouane) : 9 enfants de Va lane mr nReEIel. pos. : À — 1l,{ p.100 39- enfants de 1 à 15»ans….."Réact. pos. : 2 — à,1 p.100 61 sujets de plus de 15 ans. Réact. pos. : 6 — 9,8 p. 100 LA TUBERCULOSE DANS LES COLONIES FRANÇAISES 501 Bakel (D' Fouquernie) : Douze villages de la Falémé ont fourni : 38 enfants de 0 à 1.an. . . Réact. pos. : 1 — 2,6:p° 100 301 enfants de 1 à 15 ans . . Réact. pos. : 38 — 12,6 p. 100 40 sujets de plus de 15 ans. Réact. pos. : 10 — 25,0 p. 100 Sedhiou (D' Cazeneuve), en Cazamance : 24 enfants de 0 à 41 an . . . Réact. pos. : 0 98 enfants de 1 à 15 ans. . . Réact. pos. : 0 459 sujets de plus de 15 ans . Réact. pos. : 2 — 1,2 p. 100 Bignona-Fogny, en Cazamance (D' H. Baisez), population Diolas : 59 enfants de 0 à 41 an .. Réact. pos. : 2 — 3,4 p..100 463 enfants de 1 à 15 ans . . Réact. pos. : 29 — 17,8 p. 100 479 enfants de plus de 15 ans. Réact. pos. : 42 = 23,5 p. 100 Bammako. Niger, population Bambaras et Maure (D' André Léger) : 64 enfants de 0 à 1 an. .- . Réact. pos. ; 0 258 enfants de 1 à 15 ans . . Réact. pos. : 31 — 12,0 p. 100 173 sujets de plus de 15 an}. Réact. pos. : 29 — 16,7 p. 100 Les Maures, voyageurs et commerçants, sont beaucoup plus atteints que les indigènes Bambaras. Sur 62 enfants Maures, 18, soit 20 p. 100, ont réagi; tandis que sur 186 enfants Bambaras, 13 seulement, soit 6,6 p.100, ont fourni une réaction positive. Moyenne générale pour le Sénégal : 207 enfants de 0 à 1 an... Réact. pos. : 5 — 2,4 p. 100 4.573 enfants de 1 à 15 ans . . Réact. pos. : 280 — 17,8 p. 100 957 sujets de plus de 15 ans. Réact. pos. : 146 — 15.2 p. 100 Éasemblest23731S 0e MMM Maur it re M: din 15,1 p. 100 20 GUINÉE FRANCAISE. Conakry (D' Bonneau) : 140 élèves des écoles, âgés de 5 à 15 ans . , Réact. pos. : 5 — 3,5 p. 100 Mamou (Dr Chatenay) : 80 enfants de 4 à 15 ans. . . . Réact. pos. : 0 20 sujets de plus de 15 ans . . Réact. pos. : 1 — 5 p. 100 Goléah; Cercle de Kindia (Dr Trautmann) : 40 enfants de 1 à 15 ans. . . Réact. pos. : 1 — 2,5 p. 100 Boké (Dr Bougenault) : 446 enfants de 1 à 15 ans. . . Réact. pos. : 0 — 0 » p. 100 Moyenne générale pour la Guinée : 376 enfants de 1 à 15 ans. Réact. pos. : 6 » — 1,6 p. 100 20 suj. de plus de 15 ans. Réact. pos. : 1 » = 5,0 p. 100 = — —— Ensemble : 396 sujels. . . . . . 1: MRÉACE DOS RP To MES ni L08 502 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR 39 CÔTE-D IVOIRE. Grand-Bassam (D' F. Sorel), village de Mooussou, 2.000 habitants : 9 enfants de 0 à 1 an . . . . Réact. pos. :- 0 45 enfants de 1 à 15 ans. . . . Réact. pos. : 6 — 13,3 p. 100 196 sujets de plus de quinze ans. Réact. pos. : 25 — 12,7 p. 100 Bingerville (D' Guerchet) : 60 enfants de 5 à 15 ans (écoles). . Réact. pos. 2 — 3,3 p. 100 Bouaké. Cercle de Baoulé-Hinterland (D' Arlo) : 506 sujets inoculés au cours des tournées detvaccine "181% ""Réact pos 036 — 7.1 p: 100 Moyenne générale pour la Côte-d'Ivoire : 610) SHIBIE CNED. HU RéACt DOM — S,£0p- 00 Dans toute l'Afrique occidentale, les rapports des vétéri- naires, en particulier celui du chef du service zootechnique, M. Teppaz, signalent la non existence de la tuberculose bovine. _ Les enfants indigènes sont toujours nourris au sein jusqu'à six à huit mois. L’allaitement se continue jusqu'à dix-huit mois chez les garçons et deux ans chez les filles, mais mitigé par l'alimentation familiale qui comporte surtout du mil ou du r1z, du poisson frais ou sec, du lait de brebis ou de chèvre, cru ou caillé. Chez certaines peuplades, comme les Diolas de Caza- imance, s’il arrive qu'un enfant succombe parce que sa mère ne peut pas l’allaïiter, celle-ci ne lui survit pas : les membres de sa famille se chargent de lui faire expier ce qu'ils considèrent comme un déshonneur. Dans les cercles de l’intérieur, la tuberculose pulmonaire est la seule forme que l’on observe : encore est-elle extrêmement rare. En Cazamance, le D' Chatenay signale deux cas de tuber- culose osseuse. Celle-ci et les formes ganglionnaires sont plus fréquentes à la côte et dans Les localités où les indigènes ont été depuis longtemps en contact avec des Européens. On pouvait craindre que, chez les sujets de race noire, les réactions cutanées positives fussent difficiles à constater. L'expérience prouve qu'il n’en est rien, malgré l'absence de la zone irrégulièrement circulaire, de couleur rouge foncé, que présentent les individus de race blanche. L'apparition très nette de la vésico-papule et la persistance d'une auréole d'infiltration leucocytaire dans le tissu dermique, autour du point d'inocu- lation, ne laissent aucun doute à l’observateur attentif. LA TUBERCULOSE DANS LES COLONIES FRANÇAISES 503 AFRIQUE ORIENTALE. — Le D' Vaysse, médecin-inspecteur, chef du service de santé du Gouvernement général de l'ile, à bien voulu se charger d'organiser l'enquête qui sera ultérieu- rement étendue à tous les postes médicaux de la colonie. Il m'a fait parvenir dès à présent les résultats ci-après : 19 ILE be MabAGAsCaAR : Tananarive. — Dispensaires d'Ankadifotsy et d'Isotry (D' Certain) : 70 enfants de 0 à an : . . . Réact. pos: : 0 30 enfants de 1 à 15 ans. . . . Réact. pos. : 3 — 10 p. 109 26 sujets de plus de 15 ans . . Réact. pos. : 0 Hôpital (D' Clouard) : 54 enfants de 1 à 15 ans. . . Réact. pos. : 7 = 13,0 p. 100 Province d’'Andovoranto. Côte Orientale (D' Violle) : 1Lentanisde 0am Man. : Réact. pos 00 80 enfants de 1 à 15 ans. . . Réact. pos. : 1 — 1,2 p. 100 282 sujets de plus de 15 ans . Réact. pos. : 13 — 4,6 p. 100 Province de Tuléar (Dr Millon) : 70 enfants de 0 à 1 an, . . Réact. pos. : 1 — 1,4 p. 100 220 enfants de 1 à 15 ans . . Réact. pos. : 25 — 11,3 p. 100 477 sujets de plus de 15 ans. Réact. pos. : 22 — 12,4 p. 100 Moyennes générales pour Madagascar : 4151 enfantstde 0ha ll an LM MREÉACIE DOS MENT ON 400 384 enfants de 1 à 15 ans . . . Réact. pos. : 36 — 9,3 p. 100 487 sujets de plus de 15 ans. . Réact. pos. : 35 = 7,1 p. 100 Ensemble 022 ujets re 000: 5 ETS SO 72 1,0 p. 100 La tuberculose bovine, d’après le rapport de M. Carougeau, chef du service vétérinaire, n'existe pas dans les provinces du Nord {Diégo-Suarez, Vohémar, Majunga, Tamatave). Par contre, celles du Sud sont gravement infectées et l'infection tend à se propager vers le centre de l’île. Les régions les plus contaminées sont Tuléar, Fort-Dauphin, Bétroka, Farafangana. A l’abattoir de Tananarive, sur 10 358 bœufs abattus en 1911, trois animaux ont été saisis en totalité et on a fait 767 saisies partielles. La proportion des bovidés trouvés tuberculeux à été de 7,4 p. 100. Tous provenaient du Sud de l'ile, où l'infection, probablement d'importation récente, s'est rapidement étendue par suite du mode d'élevage en parcs nocturnes Jamais nettoyés, où les 504 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR déjections s'accumulent, constituant d’infects cloaques pendant les saisons des pluies. Dans l'Emyrne, les enfants sont toujours nourris au sein. À Tananarive, la mortalité humaine par tuberculose à varié de 1,6 à 6,5 pour 100 décès de 1901 à 1910. Les formes aiguës de granulie ou de méningite sont inconnues. Les tuberculoses sanglionnaires et pulmonaires sont les seules observées. 29 JLEe DE Mayotre-SEYCHELLES (D' Amigues) : 16 sujets de plus de 15*aris ".: : Réact. pos. : 13 — 17,1 p: 100 La population de cette île comprend un assez grand nombre de créoles et des indigènes plus ou moins métissés des diverses races de l'Inde et de l'Afrique Orientale. 30 ILE DE LA RÉUNION (D' Vincent). Saint-Denis. Population urbaine : 18 enfants de 0 à 1 an. . Réact. pos. : 0 423 enfants de 1 à 15 ans. . Réact. pos. : 172 — 40,6 p. 100 190 sujets de plus de 15 ans. Réact. pos. : 154 — 81,0 p. 100 Sainte-Clotilde. Population rurale. Indiens : 27 enfants de 1 à 15 ans . . Réact. pos. : 12 — 44,4 p. 100 30 sujets de plus de 15 ans. Réact. pos. : 26 — 86,6 p. 100 Noirs : 424 enfants de 1 à 15 ans. . Réact. pos. : 49 — 40,6 p. 100 78 sujets de plus de 45 ans. Réact. pos. : 12 — 79.4 p. 100 Créoles-blancs : 64 enfants de 1 à 15 ans . . Réact. pos. : 28 — 43,7 p. 100 32 sujets de plus de 15 ans. Réact. pos. : 24 — 75.0 p. 100 Mulätres : 244 enfants de 1 à 15*ans-".Réact. posit. : 83 — 39,3 p. 100 50 sujets de plus de 15 ans. Réact. posit. : 42 — 84,0 p. 100 Moyennes générales pour la Réunion : 48 enfants de 0 à 1 an . . Réact. posit. : 0 846 enfants de 1 à 15 ans. . Réact. posit. : 344 — 40,6 p. 100 380 sujets de plus de 15 ans. Réact. posit. : 308 — 81,0 p. 100 Ensemble A"245 Sujets PRES NR E NRGED PSS AND AUD L'infection tuberculeuse est donc aussi commune dans cette vieille colonie que dans nos grandes villes industrielles fran- caises. Sa propagation est facilitée par les conditions d'existence LA TUBERCULOSE DANS LES COLONIES FRANÇAISES 505 misérable de la population indigène, laquelle est constituée par un mélange des races aryennes, indo-malaises et africaines. La tuberculose bovine est également très commune dans toutes les exploitations agricoles de l'ile. Elle y a sans doute été introduite depuis fort longtemps par les animaux provenant d'Europe pour les croisements. Les bœufs importés du nord de Madagascar sont sains, mais après un an de séjour dans la colonie, un grand nombre d’entre eux sont déjà contaminés. C’est ainsi que sur 23 bœufs malgaches arrivés indemnes un an auparavant, 17 furent trouvés tuberculeux à l'abattoir de Saint- Denis (73,9 p. 100). Dans une ferme, sur 26 vaches lailières, le vétérinaire du Gouvernement en trouve 11 qui réagissent à la tuberculine, soit 42,3 p. 100. 30 p. 100 des laits du commerce sont reconnus infectés de bacilles tuberculeux par le D' Vincent au laboratoire bactériolo- gique de Saint-Denis. Beaucoup d'enfants créoles sont alimentés au lait de vache. Mais les enfants indigènes sont nourris presque exclusivement au sein. Les formes de tuberculose pulmonaire sont les plus commu- munément observées ; les autres formes (granulies, ménin- cites, etc.) ne sont pas plus rares qu'en France. AFRIQUE SEPTENTRIONALE. — Depuis le début de cette année 1912 seulement, les D'° Edmond Sergent, Gillot et Murat à institut Pasteur d'Algérie, le D' Benoit, délégué financier et maire de l'Arba, près d'Alger, et le D° Foley, à Beni-Ounif (Sud-Ora- nais), ont pu soumettre à l'épreuve de la cutiréaction tubercu- linique un petit nombre de sujets, européens ou arabes. Voici les résultats qu'ils ont bien voulu me faire parvenir : 19 Institut Pasleur d'Algérie. Ville d'Alger (D'S Gillot et Murat) : 21renfants1del0*a an... .:-Réactposit M5 "3;-p-.100 33 enfants de 1 à 5 ans. . . . Réact. posit. : #4 — 12,1 p. 100 4% enfants de 5 à 15 ans . - . Réact: posit. 926% 2,p 100 Instilul Pasteur d'Algérie. Banlieue d'Alger (D'° Edm. Sergent et L. Nègre): 44 enfants de 0 à Lan... Réact. posit. : 0 SJhenfants demi 5 ans --"RÉACIMpOSIt 205 — M2; SD 00 5-enfants de 6 à 10 ans . . Réact. posit. : 1 — 20,0: p. 100 DRenanLS de MUA 15 ans, .: . VRÉACE DOS M MOTARD ET 2 sujets au delà de 15 ans. . Réact. posit. : 2 — 100,0 p. 100 20 L'Arba. — Douar Sidi naceur (D'S Benoît et Edm. Sergent). Population 506 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR indigène strictement rurale, vivant sur les contreforts des montagnes de l'Atlas : 41 enfants de 0 à 1 an. . . Réact. posit. : 0 44 enfants de 1 à 5 ans” "Réact. posit. : # — 9,0 p. 100 34 enfants de 6 à 10 ans . . Réact. posit. : 12 — 35,2 p. 100 20 enfants de 11 à 15 ans . . Réact. posit. : 10 — 50,0 p». 100 42 sujets de 16 à 20 ans . . Réact. posit. : 10 — 83.3 p. 100 47 sujets de 21 à 30 ans . . Réact. posit. : 12 — 70,6 p. 100 45 sujets de 31 à 40 ans . . Réact. posit. : 15 — 100.0 p. 100 7 sujets de 41 à 50 ans . . Réact. posit. : 7 — 100,0 p. 100 5 sujets de 51 à 70 ans . . Réact. posit. : 5 — 100,0 p. 100 30 Oasis de Fiquig, près Beni-Ounif, Sahara marocain (Dr Foley). Berbères et Arabes du village ou de tribus nomades provisoirement sédentaires dans la région. 3 énfants de 0 à 1 an. . . Réact. posit. : 0 67 enfants de 1 à 15 ans . . Réact. posit. : 4 — 6,0 p. 100 64 Arabes ou Berbères au delävde "15 ans. 200 0 MREACE posit. 147010020700 RIT PETER MN SENTE RARE AOL NO Si. 5: —10 La moyenne générale pour l'Algérie est : 52 enfants de 0 à 1 an. -“-"Réact. posit. : : 1—:,4,$ p400 261 enfants de 1 à 15 ans. . . Réact. posit. : 52 — 19,9 p. 109 423 sujets de plus de 15 ans. Réact. posit. : 65 — 52,8 p. 100 Ensemble #-2436%S1n)e LS PR RASE ER PRE Le A LE Un Se II) COLONIES FRANCAISES D'AMÉRIQUE. GuabELourE (D' Sauzeau de Puyberneau). Basse-Terre : 8 enfants de 0 à 1 an. . . . Réact. posit. : 0 336 enfants de 1 à 15 ans. . . Réact. posit. : 128 — 38 p. 100 257 sujets de plus de 15 ans. . Réact. posit. : 113 — 4% p. 100 Asile d'aliénés de Basse-Terre : 400 Sujets de plus de 15 ans. . Réact. posit. : 45 — 45 p. 100 Ile de la Désirade (1 579 habitants) : 301 sujets de plus de 15 ans. Réact. posit. : 109 — 36,2 p. 100 MarriniQue (Drs Noc, Slévenel et Cozanet) : 227 enfants de 1 à 15 ans . . Réact. posit. : S1 — 35.6 p. 100 477 sujets de plus de 15 ans . Réact. posit. : 1014 — 57,0 p. 100 La moyenne générale pour ces îles des Antilles est : 8 enfants de 0 à 1 an . + Réact. posit. : 0 563 enfants de 1 à 15 ans. . Réact. posit. : 209 — 37,1 p. 100 834 sujets de plus de 15 ans. Réact. posit. : 335$ — 44,1 p. 100 Ensemble 14/405NS0I)eLS 0 ONE ne 2 NS 41 » p. 100 (4) Parmi ces 14 réactions positives figurent 6 malades de l'infirmerie indigène, cliniquement tuberculeux (3 tub. pulmonaires; 1 ancien pleuré- tique guéri depuis 6 mois; 1 adénite cervicale et 1 lupus de la face). Tous les autres étaient des sujets bien portants ou atteints d’affections légères variées. LA TUBERCULOSE DANS LES COLONIES FRANÇAISES 507 Le D' Noc signale que les formes ganglionnaires de tuber- culose sont fréquentes chez les enfants ; les formes pulmonaires graves, surtout chez les créoles noirs et métis. La tuberculose bovine n'existe pas ou serait extrèmement rare d’après les vétérinaires des Antilles. Les enfants sont nourris exclusivement au sein à la cam- pagne. Dans les villes, l'habitude créole est de faire bouillir deux fois le lait avant qu'il soit vendu au marché, afin d'éviter sa trop rapide altération pendant les transports. Sur 21 soldats européens, 19 ont fourni une réaction positive, et sur 63 soldats créoles, 39 ont réagi. Dans la population civile, les sujets d’origine européenne donnent aussi un pour- centage de réactions positives de près d’un tiers plus élevé que celui des créoles; mais la tuberculose évolue beaucoup plus vite chez ces derniers. Jadis, les noirs esclaves étaient rarement atteints. Dans l'intérêt du planteur ils étaient bien logés, bien nourris, bien vêlus et on leur prodiguait des soins médicaux pour éviter les maladies susceptibles de restreindre le rendement de leur travail. La liberté a, dans une certaine mesure, changé à leur détriment leurs conditions d'existence et leur a donné la phlisie. Ils se contaminent maintenant les uns les autres dans les cases sordides où ils demeurent et dans les villes ou villages où leurs habitations, malproprement tenues, forment des quar- üers qu'il est fort difficile d'assainir. En outre, l'alcoolisme fait parmi eux de terribles ravages et contribue puissamment à diminuer leur résistance. COLONIES FRANCAISES D’ASIE. Tonxix. — A l’Agpital indigène d'Hanoï, le D' Monzels à soumis 293 sujets à l'épreuve de la cutiréaction tubereuli- nique. Il a relevé 146 réactions positives, soit 49,8 p. 100 ainsi réparties : 3 enfants de 0 à 1 an. . . Réact. posit. : 0 21 enfants de 1 à 15 ans . . Réact. posit. : 1 — 34,3 p. 100 269 sujets au delà de 15 ans. Réact. posit. : 139 — 51,6 p. 100 508 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR A la Prison civile de la méme ville, le D' Gauducheau, sur 455 sujets, trouve 147 réactions positives, soit 32,3 p. 100 dont : 3 enfants de 0 à 1 an. . . Réacl. posit. 16 enfants de 1 à 15 ans . . Réact. posit. : 436 sujets au delà de 15 ans. Réacl. posil. : Le D' Gauducheau relève, d'autre part : A l'École Franco-Annamite de Yen-Phu (Hanoi) : — 16 00p- 100 141 = 33,1 p. 100 Sur 255 élèves de 6 à 15 ans. Réact. posit. : SL — 31,8 p. 100 G'professeurs 1402 LEE Réact. posit. : Au village de Thaï-Hà-Ap, à 5 kilomètres d'Hanoï : 5 — 83,3 p. 100 Sur 20 sujets adultes. . . . . Réact. posit. : 12 =#2;5 p.100 Au village de Gia-lam, près de Hanoï, sur la rive gauche du Fleuve Rouge : Sur 3 enfants de 0 à 1 an . Réact. posit. : 0 Sur 96 enfants de 1 à 15 ans. Réact. posit. : 12 — 12,4 p. 100 0 DUT: 3 /adulies Rat SEE Réact. posit. : Au village de Ha-Dong, à 11 kilomètres de Hanoï, sur la rive gauche du Fleuve Rouge : Sur 3 enfants de 0 à 1 an. Réact. posit. : (] Sur 323 enfants de 1 à 15 ans. Réact. posit. : 37 — 10,2 p. 100 DUT 39 AdUIteS 2077. C0 RS Réact. posit. : A l'École de Bac-Ninh, le D' Martin trouve : 9 — 27,2 p. 100 Sur 4143 enfants de 5 à 15 ans. Réact. posit. ABUS 0Np EL 00 et à la Prison civile de Bac-Ninh : Sur 77 sujets adultes . . . . Réact. posit. : 51 — 74,0 p. 100 Les moyennes générales pour le Tonkin sont donc : 12*enfants de 0 à 1/an . -"-"/Réact. posit. : 0 824 enfants de 1 à 15 ans. . . Réact. posit. : 158 19,1 p. 100 | 844 sujets au delà de 15 ans . Réact. posil. : 369 — 43,7 p. 100 Au Llotal : 4.680 sujets ont fourni . . . . . Réact. posit. : 527 31,4 p. 100 AxNAM. — À AHué, ville de 60.000 habitants, les D'° P. Noël Bernard, L. Koun et Ch. Meslin ont soumis à l'épreuve 2825 sujets en divers milieux (écoles, miliciens, fonctionnaires indigènes, commerçants, ouvriers él paysans, prisonniers et filles publiques). LA TUBERCULOSE DANS LES COLONIES FRANCAISES 509 Les résultats, d'après l’âge, se classent comme suit : 91 enfants de 0 à 1 mois. . . . . Réact. posit. : 0 77 enfants de 2 mois à 2 ans. . . Réact. posit. : 22 68100 133 enfants de 3 à 5 ans. . . . . Réact. posit. : JS ED 1400 206 enfants de 6 à 10 ans. . . . . Réact. posit. : 51 — 94,1 p. 100 406 enfants de 11 à 15 ans. . . . . Réact. posit. : 118 — 23,3 p. 100 532 sujets de 16 à 20 ans . . . . . Réact. posit. : 175 — 32,9 p. 100 591 sujets de 21 à 30 ans . . . . . Réact. posit. : 9264 — 44,7 p. 100 699 sujets de 31 à 70 ans . . . . . Réact. posit. : 429 — 63,5 p. 100 SUD 2820) EU LSE F Sie DS CON ER à ©: : 1.052 31,2 p. 100 Et d’après les milieux : Sur 720Vélèves des écoles”... . . . . . Réact, posit. 45121; 1%p: 100 Sur 427 étudiants des écoles supérieures de Mandarinat, membres du corps enseignant et haut per- sonnel des bureaux. . . . . . Réact. posit. : 90 — 30,8 p. 100 OUTII98 PHSONMETENW- EU 1e TRéact:4posit MEN —ETED D 100 DUMAS HlleS publiques ELA." À | Réact. posit. : 8 — 34 8 p. 100 Sur 23 mères de 22 à 40 ans, à la Mater- MAÉ M A En ere eente + . RÉACT.: DOS OE-ObDA Ne TUD Sur 23 enfants de 4 à 15 jours, à la Ma- HORNINES ote ste de "Hi. : RÉACEMDOSItTE: Rte D el00 À Quang-Binh, sur 157 sujels de tous âges, le D' Poux trouve T0 réactions positives, soit 44,6 p. 100, et à Fai-foo, chef-lieu du Quang-Nam, sur 27 tra- vailleurs chinois immigrés, âgés de 22 à 45 ans, 27, soit 100 p. 100 de réac- tions positives. Au total, en Annam, 3.009 sujets fournissent 1.149 réactions positives, soit une moyenne de 38,1 p. 100 Cocnixcuixe (D' Brau). À l'École cantonale de Govap : Shenfants/de6àa115lanst02% .‘ Réact. posit:M0"=MH/81p100 A l'École d’An-loïi-Xa : 65entants de 6a490ans 0.0. Réact. poste MS D u00 A l'École de Gia-Dinh, près de Saïgon : 4125 enfants de 6,4 131ans.. ..... Réacl poste 2 p 100 A l'École normale de Gia-Dinh : 57 sujets de 15 à 20 ans . . . . Réact. posit. : 14 — 24,6 p. 100 Au total, en Cochinchine. sur 332 sujets, 53 réactions positives. soil une moyenne de 16 p.100; mais cette statistique ne comprend aucun adulte âgé de plus de 20 ans. 510 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR CawBonGe (D' Crossouard). A Pnom-Penk : 43 -enfants:de0 à 1 ans. ... . - = Réact:posif à: 3 —;14p:400 15/enfants;de Là 15 ‘ans... .#. Réactiposihe 12 — 16 p.100 A Koïmpong-Cham, 125 sujets inoculés ne fournissent aucun résultat positif. A Soai-Rieng : 40 enfants de 1 à 15 ans . . . . Réact. posit. : 0 128 sujets adultes : 7.10%: .10 Réactiposte té —3;1:p40p Au total, au Cambodge, sur #11 sujets, 19 réactions positives, soit 4,6 p. 100. La tuberculose est d’ailleurs signalée par les médecins comme extrèmement rare dans ce pays. Elle n'y existe que depuis l'invasion chinoise et annamile. Les Euro- péens y sont très peu nombreux. La tuberculose bovine est inconnue dans toute l’Indochine, sauf au Cambodge, où elle a été signalée par M. Mérals sur des animaux importés d'Europe pour le croisement avec les races indigènes. Au Tonkin el en Annam, les vétérinaires du Gouver- nement n'ont jamais eu l’occasion de l’observer. M. Bauche, de Hué, attribue cette immunité à ce que les animaux vivent partout au grand air, quelquefois seulement parqués la nuit, dans des hangars ouverts à tous les vents. Les enfants indigènes ne boivent Jamais de lait de vache. Ils sont alimentés exclusivement au sein ou avec du riz mâché par la mère et imprégné de salive. Les D Brau en Cochinchine, et Noël Bernard en Annam, ont pris la peine de relever les anté- cédents d’un certain nombre de sujets qui leur ont fourni des réactions positives. [ls ont pu constater la fréquence des conta- minabons familiales. C’est ainsi que, dans une famille de 13 per- sonnes, à Hué, 11 réagirent positivement. Or, dans cette famille, une jeune femme de vingt-cinq ans venait de succomber à la tuberculose pulmonaire. Les formes les plus communément observées sont les tuber- culoses pulmonaires et ganglionnaires. L'extrème rareté des tubereuloses osseuses ou articulaires est affirmée par tous les médecins. L'infection tuberculeuse a probablement été introduite depuis LA TUBERCULOSE DANS LES COLONIES FRANÇAISES 511 longtemps en Indochine par les Chinois, car les centres les plus atteints sont ceux qui ont été le plus anciennement péné- trés par la civilisation chinoise. En Chine, la tuberculose est extrèmement commune, plus peut-être qu'en Europe dans toutes les grandes villes. On sait aussi qu’au Japon sa fréquence estconsidérable et que, dans ce pays, les localisations primitives intestinales s'observent couramment chez les adultes comme chez les enfants, bien qu'ils ne soient jamais alimentés au lait de vache. La tuberculose bovine n’a d’ailleurs été observée au Japon qu'à partir de 1875, à la suite d'importations de bélail étranger (Xifasato) (1). COLONIES FRANCAISES D 'OCÉANIE. De Nouvelle-Calédonie et de Tahiti, les D'° Orfholan et Heusch n'ont pu m'adresser que quelques renseignements d'ordre sénéral. Tous deux insistent sur ce fait déjà bien connu que la tuberculose et la lèpre, récemment importées par les Européens el par les Chinois, font aujourd'hui de terribles ravages dans toutes les iles du Pacifique. La tuberculose décime les habilants des Loyalti, des Nouvelles-Hébrides, de Tahiti et des Marquises. Dans la population canaque de Nouvelle-Calédonie, elle se répand aussi avec une intensité terriliante. Les formes aiguës de granulie et les tuberculoses pulmonaires évoluant en trois à quatre mois sont le plus communément observées. Chez les enfants on trouve souvent des formes ganglionnaires, mais jamais de tuberculoses osseuses ou articulaires. Il semble que l'intensité de l'infection tuberculeuse, dans chaque île, soit proportionnelle au nombre d'Européens. Ii est établi, d'autre part, que les Canaques, transportés dans les villes de la Côte occidentale d'Amérique, y succombent très rapide- ment à la tuberculose. C’est ainsi qu'il y a quelques années, un spéculateur anglais introduisit comme colons à Lima (Pérou), deux mille indigènes des Marquises. En moins de dix-huit mois les trois quarts d’entre eux étaient morts de phtisie! Les indigènes de races polynésiennes ne boivent pas de lait de vache. Du reste, les bovidés sont d'importation très récente (1) Zeitsch. für Hygiene, 16 déc. 1904, p. 4171. 512 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR ed dans leurs îles et l'élevage n'y est encore pratiqué que dans une mesure fort restreinte. ConcLUSIONS. De l’ensemble des faits réunis au cours de cette enquête sur l'épidémiologie de la tuberculose dans les Colonies françaises, se dégagent les conclusions suivantes : Dans les régions tropicales, la tuberculose n'est pas sensi- blement influencée par les climats. Sa fréquence est en rapport direct avec la civilisation. Elle est extrêmement rare parmi les populations indigènes de race noire, dans les pays où l'Européen n'a pénétré que depuis peu d'années; mais la proportion des sujets contaminés s'accroît chez elles avec l'intensité des échanges commerciaux et de l'immigration étrangère. Aucune des races qui peuplent nos colonies ne présente d'im- munité contre l'infection tuberculeuse. Toutes accusent au contraire une sensibilité d'autant plus grande qu’elles ont été précédemment mieux protégées contre limportalion du bacille. Les races qui se montrent le plus sensibles et chez lesquelles la tuberculose se manifeste dans ses formes le plus rapidement mortelles sont les dernières venues à la civilisation : Polyné- siens de l'Océanie, Nègres de l’Hinterland Africain. Dans nos anciennes Colonies de la Réunion et des Antilles (Martinique et Guadeloupe), l'infection tuberculeuse est à peu près aussi intense que dans les grandes villes européennes : 81 p. 100 à la Réunion chez les sujets âgés de plus de quinze ans, 57 p. 100 à la Martinique. Dans les Colonies plus récentes, on constate que le nombre des sujets infectés progresse partout où des établissements européens ont été créés et, qu'inversement, les formes de tuber- culose observées sont d'autant moins graves que l'infection est plus répandue et plus ancienne. Ces faits apportent une intéressante confirmation aux concep- tions basées sur mes expériences avec C. Guérin et que J'ai développées déjà dans plusieurs notes ou mémoires (1). Ils (4) Voir La Presse Médicule, 21 février 1912 (Quelques aperçus nouveaux sur la question de la vaccination contre la tuberculose). LA TUBERCULOSE DANS LES COLONIES FRANÇAISES 513 montrent que, tout comme les singes transportés des forêts africaines dans nos villes d'Europe, les hommes qui sont nés et ont grandi à l'abri de l'infection tuberculeuse, par exemple les Canaques des iles polynésiennes ou les Nègres des villages soudanais, se contaminent avec la plus grande facilité lorsqu'ils se trouvent exposés. à un contact infectant. En outre, la tuber- culose affecte presque constamment chez eux des formes graves (granulie ou phtisie à évolution rapide). Par contre, là où l’in- fection bacillaire est depuis longtemps répandue, le nombre des sujets chez lesquels les réactions tuberculiniques locales révèlent l'existence de lésions latentes ou occultes, est énorme ; la contamination est alors précoce : elle s'effectue dès le jeune âge et les formes de tuberculose observées sont presque toujours chroniques, avec tendance aux localisations osseuses, articu- laires ou viscérales, L'enquête qui précède nous apporte d'autres enseignements précieux. C'est ainsi qu'il n'est plus possible de soutenir l'hypothèse, for- mulée par Von Behring en 1903, que la tuberculose nulmonaire de l'adulte n'est que la manifestation tardive d'une infection, le plus souvent d'origine bovine, contractée dès les premiers mois de la vie à la suite de l'ingestion de lait de vache baculhfère. Nous constatons d'abord que, parmi les populations indi- gènes de l'Afrique Occidentale par exemple, qui sont encore peu atteintes, où parmi celles d'Indochine qui le sont davan- lage, les enfants sont trouvés constamment indemnes jusqu’au sevrage. Ce n'est qu'à cette époque que s'offrent à eux les occa- sions de contacts infectants familiaux ou autres. En Indocnine, les grands-parents, le père, la mère ou les enfants plus âgés mâchent le riz et l'imprègnent de leur salive avant de l’intro- duire dans la bouche des tout petits. En Afrique occidentale on fait de même pour le couscouss. Plus tard la pipe, le crachoir à bétel ou la noix de Kola à chiquer passent d’un membre de la famille à l’autre. On ne saurait donc être surpris de ce que, là où elle existe, l'infection se propage avec une extrème facilité, et beaucoup plus souvent par les voies digestives que par les voies respiratoires. Dans aucun cas, du moins en Afrique Occidentale, aux 33 514 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Antilles, en Indochine et en Océanie, l'origine bovine de la tuberculose ne peut être accusée ni même soupçonnée, puisque les jeunes enfants ne boivent jamais de lait de vache et que les races de bovidés indigènes, lorsqu'il en existe, sont encore complètement épargnées par linfection tuberculeuse. Dans le sud de Madagascar et à la Réunion seulement, la maladie, d’im- portalion européenne pour l'espèce bovine comme pour l'espèce humaine, commence à se répandre. Il est possible qu'elle inter- vienne alors pour une faible part comme facteur de contami- nation de l'homme. Mais on ne peut qu'être frappé de ce fait qu'en Annam par exemple où, dans certains milieux (Écoles supérieures de man- darinat, prisons, etc...), la proportion des sujets infectés atteint ou dépasse 80 p. 100, chiffre égal à celui que nous trouvons dans la population ouvrière de nos grandes villes du nord de la France, la contamination d’origine bovine n’entre pour aucune part. Il en est de même dans les îles polynésiennes où la tuber- culose est si extraordinairement fréquente et meurtrière. C'est donc que, dans ces pays, /a contagion interhumaine intervient seule, avec une intensité égale ou supérieure à celle qui s'exerce au sein de nos populeuses agglomérations d'Europe. ACTION COMBINÉE DU MANGANÈSE ET DU ZINC SUR LE DÉVELOPPEMENT ET LA COMPOSITION MINÉRALE DE L'ASPERGILLUS NIGER par GABRIEL BERTRAND et M. JAVILLIER. Nous avons déjà exposé, dans un précédent mémoire, le but que nous poursuivons dans nos études actuelles sur l’Asper- gillus niger (1). I suffira done de le rappeler brièvement. Lorsqu'on introduit dans le milieu de culture d'une plante, à côté des éléments fondamentaux comme l'azote, le phosphore, le potassium, certains éléments tels que le manganèse, le znc ou le bore, — ceux-ci à l’état de traces seulement, — on obtient des accroissements de récolte, parfois même considé- rables. Il est clair que ces augmentations ne se manifestent pas indifféremment quels que soient l'élément catalytique employé. la dose ajoutée et l'espèce végétale envisagée. IT appartient à l'expérience de décider, parmi les éléments, ceux qui sont favorables et à quelles doses, pour une espèce donnée. Pour nous en tenir à l'Aspergillus niger, rappelons que le zinc exerce sur lui une action particulièrement puissante et que le man- ganèse se montre également, à des doses il est vrai plus élevées, un adjuvant remarquable de sa végétation. Nous nous sommes demandé si l'association du zinc et du manganèse n'aurait pas une action favorisante plus marquée que l'emploi d’un seul de ces éléments. La question est d’un grand intérêt au point de vue théorique, et elle apparaît plus capitale encore au point de vue pratique, puisque, si les résul- lats sont positifs, on peut espérer les voir s'étendre aux plantes de grande culture, c’est-à-dire à des végétaux dont l'importance économique est considérable. Nous avons donc recherché quelle action exerce sur le déve- loppement de l’Aspergillus niger la présence simultanée du manganèse et du zinc dans son milieu de culture. Les expé- riences ont été préparées comme nous l'avons décrit dans un 4) Ces Annales, 4° série, t. XI, p. 241, 1912. 516 précédent mémoire, avec des corps aussi purs que possible. ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Après un même temps de végétation, nous avons comparé les P 8 , poids de récolte obtenus en l'absence de manganèse et de zinc, en présence de zinc seul, de manganèse seul, enfin en présence de ces deux éléments réunis. Le tableau ci-après résume les résultats obtenus : FORME des vases. Matras de 2 litres. Cuvettes rectang. Flacons cylin- driques de 0 lit. 500. Flacons coniques de INTER — RSS — VOLUME du liquide 500 Id. 1d. Id. Id. TEMPÉRATURE DURÉE de la culture. TÉMOINS = = [PACE Re _— © © IN Récoltes. ZINC OS ag Ré- Dilutions. dites. î gr. 100.000 | 2 8 Id. 9 57 Id. 2 23 Id. 3 01 Rs | 500.000 Id. 2 53 Id. 2 61 Id. 2 80 Id. 2 87 Id. 2 87 PME 6 - 500.000 _24$: Aer ] 09 25.000.000 1 10.000.000! ! !! 1  9 1.000.000 | | 1 L 1% 20.000.000! * 1 25.000.000! * 4 Id. h E4 10.000.000| + !° ld. 5 94 1 DR 5.000.000 | ” ”! 1 ETS 50.000 pres Id. 4 13 MANGANÈSE Zn 0 + Mn ; Ré- Dilutions. Re coltes. : gr gr. 5.500 i 55 | 2 70 — 1 33 | 2 94 5 — 1 42 | 2 38 1 2 3 61 ro.vov | 2 10 Id. D RO el RE (7 Id. 9 38 || 2:98 Id. 2.65! |: 2:K0 Id. | 2 84 | 2 90 [d. 2 90 | 3 10 Id. 2 92 | 3 08 1 PCI 5.000 2 79 4 35 1 Q) » 95.000 0 82 | 1 16 1 10.000 0278 | A3 1 th 2 couv ES PE —— à I 4 S2 —— 3 55 | 4 39 49. Id. 3 54 | 4 71 1 10-600 | MES Id. 3 81 | 5 68 l 5.000 4 25 | 6 17 Id. SANS lei Id. 2105115 47 ACTION COMBINÉE DU MANGANÈSE ET DU ZINC 517 L'examen de ce tableau montre nettement qu'on obtient des poids de récolle plus grands par l'addition simultanée de zinc et de manganèse que par l'addition d'un seul de ces métaux. Le poids de matière sèche obtenu avec le liquide témoin étant 100, les quantités de matières construites se sont élevées au plus : en présence de manganèse seul à 170, en présence de zinc seul à 242, et en présence de ces deux éléments réunis à 284. Ce sont là, du moins, les chiffres maxima atteints dans les expériences en matras ou en flacons, résumées ci-dessus. Dans l'expérience en cuvettes rectangulaires, également citée, les chiffres se sont trouvés les suivants : En l'absence de zinc et de manganèse. . . . . . . . . . 1400 EnADrÉSCnCe CENMMANSANESE,. 2 . . «LUE TE BHIPRESeNCE De ZINEMRENBU. .,. .\) CNINROERSS 282 Emiprésence detzincietide manganèse 00 Remarquons que le zinc et le manganèse additionnent leur action, dans une certaine mesure, non seulement aux doses oplima de chacun d'eux, mais aussi aux doses inférieures à celles-ci. Une nouvelle question se greffe naturellement sur celle que nous venons de résoudre. Comment se comporte l’Aspergillus vis-à-vis du zinc et du manganèse, au point de vue de la fixa- tion de ces métaux, lorsqu'il se trouve en présence de l’un et de l’autre à la fois? Lorsque le zinc est seul, nous savons qu'il est fixé intégra- lement si les doses de métal sont extrêmement petites, puis par- tiellement lorsque celles-ci s'élèvent. Avec le manganèse, nous n'avons Jamais vu, au moins pour les doses auxquelles son action était nettement marquée, le métal fixé en totalité; les quantités fixées étaient toujours très éloignées des quantités offertes. Que pouvait-il se produire avec les deux éléments associés ? La plante fixerait-elle chacun d’eux dans les mêmes proportions que s'il était seul, ou bien, au contraire, en fixerait- elle une proportion différente, le taux de fixation de l’un et l’autre élément pouvant ou s’'abaisser ou s'élever? L'expé- rience seule était capable de répondre à ces questions, de faire connaître laquelle des hypothèses possibles se réalise. Nous avons d'abord cherché à résoudre La question de la 518 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR fixation du manganèse en présence du zinc. La possibilité de doser le manganèse dès le millième de milligramme (1) ren- dait, en effet, le problème plus abordable de ce côté. Voici les résultats obtenus dans un certain nombre d’expé- riences : Nous faisons figurer dans le tableau ci-dessous : d'une part, les quantités absolues de manganèse fixées par les cul- tures faites en présence de ce métal seul et en présence de ce métal associé au zinc; et, d’autre part, les quantités de manga- nèse fixées, dans l’un et l’autre cas, par 100 de matière sèche. Il est clair que ce sont ces derniers chiffres qu'il importe surtout de comparer entre eux. ER Rp M EL 2 TRAD DT A EAU TI CE TR 07 HE RS RE 21 RS RE SES a VOLUME POIDS DILUTION Fo DILUTION Pn POIDS ne HE du de Zn mac e Nu NA des de de matière milieu. |introduit. CAES ntrodute CNRS récoltes. | Mn fixé. sèche. c.c. | milligr. millier, or. millier. 1 100 0 » 4 35. OUÙ 0 82 0 052 0,0063 { 1 a ñ | 0 DORA en Eee ee Eat Ta 100 | O0 ES oo : 25 000 22 QAEN A Er UUE 10 DES 00 : 8 : Hope é 10.000 Rs 0 115 | 0,0148 1 Il ER PRE ER Dee 9 9 100 0 O1 | 10.000.000 10 10.000 1015 0 225 0,0199 | | | 1 93 » 25 ——— DNS | 8 > 250 0 25 10.000 22580 20190 0,0080 250 0 1 2% 1 na 25 ) 500.000 29 T0. 00u 2 98 0 560 0,0186 (12501: 010 » 90 1929 | 0 280 | 0,0197 10 5.00% : à dé (250 | 25 100. 00U 50 go | 238 | 047% | 0,0199 | | 9 1 ds ( 5001" 0 » 20 35.000 3 D4 0 180 0,0050 5 j | il En n Û 500 | 0 02 35 000.000! 2 on 0 300 | 0,0062 | Pa 1 € » D WA È ; 500 0 | » 50 10.000 3 S1 0 340 0,0085 | | 1 il 500 0 05 | 5 = 5 68 É 1 ) 05 25.000000 50 | 50 000 5 68 1 100 0,0194 ARS AR OR A EDR SRE LT D VD EE PUR | 0 2 ES AORSE CREER CRE SRE RENE Ÿ 1) G. BERTRAND, Bull. Soc. Chim., 4° 5!, L. IX, p. 361, 1911. ACTION COMBINÉE DU MANGANÈSE ET DE ZINC 519 Ces résultats montrent que /e manganèse s'accumule en pro- portion plus élevée lorsqu'il est associé au zinc que lorsqu'il est seul. Toutefois ce fait ne semble exact qu'au-dessous d'une cer- taine limite. Évident lorsque les doses de zine et de manganèse introduites dans le milieu de culture sont très petites, il perd de sa netteté lorsque les doses d'éléments catalytiques s'élèvent. Ainsi, dans l'expérience IV, où la dose de manganèse atteint 1/5.000 et celle de zine 1/100.000, la proportion de manganèse fixée reste, en présence de zinc, sensiblement la mème qu'en l'absence de ce métal. Peut-être même le phéno- nène prend-il une allure inverse lorsque les doses des élé- ments catalytiques s'élèvent encore davantage. Mais nous nous bornerons à considérer le cas des petites doses, cas qui est d’ail- leurs celui des milieux naturels où zinc et manganèse ne se présentent, en général, qu'à l’état de traces. Un phénomène du même ordre se produit-il avec le zinc? C'est-à-dire, y a-t-il fixation supplémentaire de zinc en présence de manganèse”? Pour les doses extrèmement petites, celles que l'un de nous à qualifiées de « doses nécessaires » el de « doses utiles » (1), la fixation du zinc étant totale lorsque cet élément se trouve seul, la question ne se pose pas. Elle ne peut être envisagée que dans le cas où le zinc est en excès dans le milieu et cesse d'être complètement utilisable sans être (toxique. Or, ces doses qui débutent, d’après des expériences anciennes, vers le 250.000°, sont encore d’un ordre de grandeur tel qu'elles se prètent mal à des déterminations quantitatives exactes, à moins que l’on multiplie beaucoup les cultures pour opérer sur une forte quantité de mycélium. Nous nous sommes contentés, dans la plupart des cas, de vérifier que le zinc était présent dans les récoltes obtenues avec des milieux additionnés de zinc et de manganèse, comme dans les récoltes privées de ce dernier élément. Dans l’une de nos expériences (exp. IV), où le dosage précis était possible, nous avons trouvé : 1) M. Javizzier, Thèse de doctorat ès scienses. Paris, 1908. 520 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR ZINC FIXÉ — —— Poids Par pour 100 de de récolte matière sèche récolte en en en grammes. milligr. milligr. Culture en présence de Zn (poids ab- solu de Zn:2 millig.5; dilution : 100 000 RE PETER REES 2,93 0,55 0.024 Culture en présence de Zn et de Mn (Zn comme ci-dessus; poids absolu de Mn: 50 milligr.; dilution du Mn: 1/5,000)2 Lee 2, SRE 2 38 0,51 0,021 Le zinc est donc fixé par la moisissure, en présence comme en l'absence du manganèse; mais, dans l'expérience considérée, le phénomène de Fate D eutaire ne s'est pas mani- festé. Si l’on remarque que la dose de zinc employée dans cet essai a été relativement grande, on est conduit à admettre que nous avions sans doute atteint la zone, signalée à propos du manganèse, où le phénomène d’ ation cesse d'être observable. Ce n'est pas seulement sur leur fixation réciproque que les deux éléments catalytiques ajoutés au milieu de culture influent, c’est sur la fixation globale des éléments minéraux. Le zinc seul ou le manganèse seul suffisent déjà à accroître la minéralisation totale de la plante. Voici, pour en témoigner, quelques chiffres obtenus dans des expériences faites, dans des conditions diverses, en présence de doses variées et toujours très petites de zinc ou de manganèse : PROPORTION DE CENDRES P. 100 DE MYCÉLIL M SEG OBTENU : Rhin M LE en l'absence en présence de Zn et de Mn. de Zn Expérience 7. . MT à 3,25 3,18 Expérience) .8 NRA 3,29 3.49 en présence de Mn. Expérience. 94 PER RERe À DCE 3.10 Expérience 10... PRE 3,10 3,80 Expérience 11 RCE JE 3.81 Cette accumulation de matière minérale se manifeste aussi bien lorsque de petites quantités de zinc ou de manganèse inter- viennent à la fois et, à part une exception dans le tableau ACTION COMBINÉE DU MANGANÈSE ET DU ZINC 521 ci-dessous, se trouve même plus marquée. Il est évident qu’il ne faut comparer entre eux que les chiffres d’une même expé- rience. PROPORTION DE CENDRES P. 100 DE MYCÉLIUM SEC OBTENU : TT " ——— en l’absence en présence en présence en présence de Zn et de Mn. de Zn. de Mn. de Zn et de Mu. Expérience 1. 3,20 Jon 3,39 3,61 Expérience 2. 3,25 3,80 3,41 3,63 Expérience 3. 3,65 3,11 3,99 4,30 Ces faits ne sont pas isolés. Déjà, chez les plantes supé- rieures, on a vu le taux des cendres s’accroître sous l'influence du manganèse ajouté au sol comme engrais. L'un de nous l’a observé sur l’avoine (1), et Passerini sur le lupin (2). Il est donc permis de penser que nous nous trouvons là en présence d’un fait d'ordre vraiment général. En résumé, les observations consignées dans ce mémoire établissent une notion nouvelle : celle de l’action cumulative des éléments catalytiques; elles nous paraissent, à ce titre, présenter un réel intérêt pratique dès l'instant où on les étendra aux végétaux de grande culture (3). Ces observations sont en outre d'accord avec la théorie qui inspire nos recherches, théorie d'après laquelle les éléments rares (} l'organisme, loin d'être des éléments sans intérêt phy- siolo..ique, loin même de n'être que de simples excitants éner- cétiques du protoplasma, sont en fait des éléments actifs de la cellule, des catalyseurs indispensables aux transformations chimiques dont les êtres vivants sont le siège. (41) G. BERTRAND, Comptes rendus de l'Acad. des sciences. &. CXLI, p. 1255, 1905. (2) Boll. Ist. agr. Scandici, p. 3, 1905. (3) A peine avions-nous énoncé cette notion (Comptes rendus de l'Acad. des Sciences, t. CLII, p. 900, mars 1911), qu'elle recevait une vérification et, en même temps, une extension par les intéressantes recherches de J. Stoklasa {Comptes rendus de l'Acad. des Sciences, t. CLIT p. 1340, mai 1911). Ces recher- ches établissent en effet, que le manyanèse et l'aluminium associés à doses convenables accroissent, plus que chacun de ces métaux pris isolément, les récoltes de blé, de seigle, d'orge, d'avoine et de sarrazin. ACTION COMPARÉE DES MICROBES DE LA PUTRÉFACTION SUR LES PRINCIPALES ALBUMINES par H. TISSIER. (Travail du laboratoire du professeur Metchnikoff.) Nous avons étudié, en 1902 et 1903, avec Martelly et Gas- ching, la putréfaction spontanée de la viande de boucherie et du lait. Nous avons isolé des produits putrides les mêmes bactéries, ef nous avons pu nous rendre compte que la marche de ces fermentations était sensiblement la même; la constitu- lion chimique et physique des milieux causant seule quelques différences. Il nous a semblé utile de continuer ces recherches en compa- rant entre eux ces divers microbes protéolytiques. Nous avions bien vu, au cours de ces études, que certaines espèces bacté- riennes avaient une puissance supérieure à celle des autres, que les variétés anaérobies agissaient plus rapidement sur la molécule albuminoïde:; mais nous n'avions pas poussé plus loin nos recherches; nous n'avions pas mesuré cette action. D'autre part, nous n'avions employé que les albumines des muscles et du lait; il est intéressant de voir si toutes les autres matières protéiques se comportent de mème vis-à-vis des diaslases microbiennes. Il importe au biologiste comme au médecin d’être renseigné sur ces faits. On connaît maintenant, et beaucoup par les travaux de ce laboratoire, toute l'importance de la putréfaction intestinale sur l’évolution de l'organisme humain comme dans la genèse des infections du tube digestit. Nous savons que, chez l'enfant, en réduisant au minimum la fermentation putride des déchets alimentaires, on diminue de beaucoup les chances d'infection intestinale; en augmentant, au contraire, ces fermentations par des régimes surazotés, on décuple ces mêmes chances. PUTRÉFACTION DES ALBUMINES 523 Etablir un régime suffisant, inoffensif, est la grande préoccu- pation des hygiénistes et des médecins. Nous avons choisi, pour ces nouvelles expériences, les prin- cipaux protéolytiques de la putréfaction spontanée des viandes de boucherie : le B. Perfringens, le B. Putrificus de Bienstock, le B. Proteus vulgaris. Pour être mieux renseignés sur le pou- voir destructif des bacilles putréfiants intestinaux, nous avons pris des échantillons de B. Perfringens et de Proteus isolés des matières fécales : le premier provenait des selles normales d’un adulte soumis depuis cinq ans au régime végétarien; le second, des selles d’un enfant atleint de diarrhée chronique. Nous leur avons adjoint deux autres protéolyliques puissants venant du tube digestif humain. Le premier, isolé et étudié par M. Metchnikoff au point de vue morphologique, et par Berthelot au point de vue chimique, le B. Sporogenes: le second, isolé par nous des selles d’un enfant atteint de diar- rhée avec coliques violentes et, à cause de ce détail, dénommé B. Colicogenes. Voici la description succincte des caractères morphologiques'et chimiques de cette dernière espèce : Bàätonnet rigide à bouts arrondis de la taille du B. Perfringens, la plupart du temps isolé, se groupant parfois, dans les cultures jeunes, en courtes chaïineltes de 2 à 3 éléments. Il se colore par les colorants basiques ordi- naires et par la méthode de Gram. Il ne donne pas, avec l'iode, la réaction de la granulose. Il est très mobile et donne de petites spores rondes très résistantes, Ces spores prennent naissance dans une extrémité du bacille. Elles se produisent rapidement dans les milieux de culture ordinaire et même dans les milieux sucrés. C’est un anaérobie strict qui ne se développe bien qu'à 57 degrés. Il donne, dans la gélose sucrée profonde, des colonies lenticulaires très régulières analogues à celles du B. Perfringens, n'émettant jamais de prolon- gements. Rarement, ces colonies présentent une à deux encoches sur le bord tranchant. Au bout de vingt-quatre heures, le milieu est complètement disloqué par les gaz. Il ne pousse que sur la gélatine à 31°. Le milieu est peptonisé et ne se solidifie plus par le refroidissement. Dans les milieux liquides peptonisés, avec ou sans sucre, il pousse en troublant le milieu. Petit à petit, il se forme au fond du tube un dépôt gru- meleux sans caractère spécial. Il s’en dégage, au bout d'un certain temps, une odeur assez particulière rappelant celle du fromage de Gruyère. Le lait est rapidement peptonisé. Il se transforme en un liquide sirupeux jaune clair à la surface duquel nagent un ou plusieurs blocs caséeux. C’est un ferment très actif des albumines naturelles : blanc d'œuf, fibrine, viande, caséine, gélaline. Il ne donne, au cours de ces attaques, ni phénol, ni indol: mais une notable quantité d’ammoniaque et d'H?S. 524 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Il attaque faiblement le glucose et le lactose, nullement le saccharose. Son acidité d'arrêt est de 1,47 p. 1.000 en SO*H°. Il est donc capable de détruire, même en milieu sucré, toute espèce d'albumine. La méthode de Duclaux montre qu'au cours de cette attaque des sucres et de la peptone, il donne un mélange d'acide acétique et d'acide valérianique (2 du premier pour 1 du second). Il n’attaque pas l’amidon. C'est donc un ferment simple comme le Putrificus, le Vibrion septique, le B. Sporogenes. Il diffère de ces trois espèces par ses caractères morphologiques, biolo- giques et chimiques. Il n’est pas pathogène pour la souris. Après avoir rajeuni également les cultures de ces cinq espèces, nous les avons ensemencées dans de grands ballons contenant de l’eau peptonée (peptone Chapoteau = 1 p. 100 d’eau distillée) et un poids donné de matière albuminoïde. Pour plus de commodité, nous avons pris dans le commerce des matières protéiques désignées : albumine du sang, albumine du jaune d'œuf, fibrine sèche, albumine végétale, fibrine végétale, caséine du lait, caséine végétale. Ces deux derniers corps n'ont pas donné de culture appréciable dans une première série d'expériences, à cause de leur acidité. En les neutralisant et en les stérilisant ensuite à 120 degrés, ils subissaient une alté- ralion profonde. Nous avons dû les mettre de côté. Le produit désigné A/bumine du sang était un mélange d’albumine et de globuline. 18 p. 100 étaient précipitées à 30 degrés par le sulfate de magnésie à saturation. Par la méthode de Kjeldahl, on constatait 11 p. 100 d'azote. L'Albumine du jaune d'œuf avait une constitution analogue, 30 p. 100 étaient précipitées par le sulfate de magnésie à satu- ration. Elle contenait 12,5 p. 100 d'azote. Le corps désigné sous le nom d'Albuwmine végétale était de composition plus complexe. 12 p. 100 seulement étaient solu- bles dans l’eau distillée et avaient les réactions des albumines végétales. 25 p. 100 avaient les réactions des globulines végé- tales. Les 63 p. 100 restant paraissaient composés d'un mélange de sels acides de globuline, de protean ou d'acidalbumine. Sa teneur en azote était de 12,1 p. 100. La Fibrine végétale provenant de l'usine Schukart, ne corres- pondait pas à la fibrine du maïs de Ritthausen qu'Osborne range dans le groupe des prolamines. C’élait un mélange d'une G/u- teline, d'amidon et de débris de cellulose. Elle ne contenait que 2,7 p. 100 d'azote. PUTRÉFACTION DES ALBUMINES 525 Après avoir fait le vide et les avoir fermés à la lampe, sauf ceux ensemencés avec du Proteus, ces ballons étaient mis à l’étuve à 37 degrés pendant un mois. Au bout de ce temps, les cultures étaient filtrées. Le poids du résidu de la culture séché était retranché du poids primitif de la matière en expérience. On connaissait ainsi le poids de l’albumine disparue sous l'action microbienne. À la vérité, il faudrait augmenter légè- rement les poids d’albumine ainsi obtenus, le résidu de culture ne doit pas être considéré comme de l'albumine pure, mais comme un mélange de produits de dédoublements insolubles de coloration noirâtre et d’albumine inattaquée. En moyenne, ces résidus culturaux ne contiennent plus que 85 à 90 °/, de leur azote primitif. Nous nous sommes également servis de matières alimentaires riches en azote : viande dégraissée, blanc d'œuf, lait, fromage de Gruyère, lentilles, haricots, pates alimentaires où les albu- mines sont à l'état naturel et n'ont pas subi la moindre altéra- tion. Pour établir la quantité d'albumine disparue, nous avons dosé l’azote dans ces aliments avant et après la culture. Ces dosages ont été faits par M. F.-P. Garnier. Voici le résultat de ces expériences : | B. B. B. B. ie | PUTRIFICUS | COLICOGENES | SPOROGENES | PERFRINGENS vulo. Albumine du sang. 91 88 S6 13 66 » Fibre, mu 8s S8 s8 0 40 » Alb. de jaune d'œuf. | 97 97 98 22 85 » Albumine végétale . 61 ( 72 28 44,5 Fibrine végétale . . 33 40 31 DH T0 VMrandemes Peru 82 I) 100 Ne pousse pas! 18 » Blanc'dœut. 4-01 "#100 100 100 Ne pousse pas | PAPA NN NET Re 93 97 98 12 26 » GEUVÈT ER SN 88 93 100 Ne pousse pas | 60 » Macaronis ord. . 45 62 6% Id. |. 45 :» lentilles 2 33 57 53 Id. 2 S0 Haricots blancs 44 55 13 Id. 0 » *) Seul de tous ces microbes, le Z. Perfringens attaque l'’amidon; comme ce produit « fibrine végétale » en contient beaucoup, il est possible qu'une certaine partie de ces 37 p. 100 se rapporte à l'amidon disparu. Ce chiffre ne peut donc pas être comparé à ceux de la même ligne. 526 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR (Dans la première partie du tableau, les chiffres indiquent la quantité d'albumine disparue pour 100; dans la seconde partie, la quantité d'azote disparu pour 100.) Dans les filtrats de toutes ces cultures, nous avons dosé les acides aminés par la méthode de Sœrensen et nous les avons calculés en glycocolle pour 100 de liquide. Le mème travail était fail au préalable dans des ballons témoins; le chiffre obtenu était retranché de celui donné par les liquides des cultures. Pour mieux apprécier l’action de chaque microbe sur les produits secondaires de la dislocation, nous avons rapporté les quantités d'acides aminés à 100 grammes d’albumine dis- parue dans la première moitié du tableau et à 100 grammes d'azote disparu dans la seconde. | B. B. B. B. PUTRIFICUS |COLICOGENES |SPOROGEXNES | PERFRINGENS 1538 PROTEUS vule. Albumine du sang . ,6 1,4 78 | 0,43 Alb. de jaune d'œuf. à “ 1,6 | 2): 0,34 Albumine végétale . x à :5 0,55 Fibrine végétale . Viande . OEuf . Gruyère. . Macaronis . Lentilles . Haricots blancs. Comme il est facile de le voir par ces tableaux, Les protéo- lytiques les plus puissants sont des bactéries anaérobies stricts. Ce ne sont pas les seuls, comme Île croyait Bienstok; avec Martelly, nous avons vu qu'il y a des aérobies facultatifs capables de jouer le même rôle, mais leur action est loin d'être aussi rapide. Le B. Putrificus et les deux putréfiants intestinaux ont une activité presque égale. Il peut done se produire des putré- factions tout aussi complètes que celles où domine ce Purri- ficus avec des microbes différents. Les protéolytiques isolés PUTRÉFACTION DES ALBUMINES 527 des matières fécales semblent avoir attaqué les substances alimentaires : viande, œuf, lait, fromage, lentilles, macaronis, haricots, avec plus de facilité que les albumines extraites par des procédés chimiques. Alors qu'ils ont été aussi actifs que le B. Putrificus sur ces derniers corps, ils se sont montrés plus puissants sur les autres. Ces espèces étaient-elles adaptées pour la destruction de ces substances alimentaires aux dépens desquelles elles vivaient? Cette hypothèse est appuyée par ce fait que ces deux putré- fiants ont surtout attaqué avec plus d'intensité que le B. Putri- ficus les aliments végétaux, et que tous deux proviennent d’intestins de jeunes enfants au régime lacto-végétarien ou végétarien. Cette adaptation est encore plus nette pour le B. Perfringens dont l’origine est la même; il attaquait, contrairement aux autres, plus l’albumine végétale que l’albumine du sang ou du jaune d'œuf. Ces expériences démontrent encore le faible pouvoir protéo- lytique de cette dernière bactérie, quand elle provient d'un intestin normal tout au moins. En présence d’une matière albu- minoïde seule, elle est encore moins active que les bactéries aérobies facultatives. [n’en est plus de même quand, à côté de cette albumine, il se trouve une matière hydrocarbonée : sucre ou amidon. Sa vitalité s'accroît, son activité diastasique aug- mente considérablement, Peu actif sur le fromage de Gruyère, par exemple, il détruit les trois quarts de la caséine du lait dans le même temps qu'il met à produire son acidité d’arrêt. Ceci nous éclaire sur la genèse des troubles gastro-intesti- naux constatés chez certains malades soumis à des régimes de pâtes, de purées de féculents plus ou moins mélangées de lait ou d'œuf, Il se produit des ballonnements, des coliques, des selles molles, mousseuses, accompagnées de violentes émis- sions de gaz qu'un régime uniquement carné ou ovocarné fait cesser. Dans ces cas, la flore microbienne gastro-intestinale contient de nombreux échantillons de B. Perfringens dont l’activité se décuple au contact du mélange d'albumine et d'amidon. Quand les déchets digestifs ne contiennent plus que des albumines, la fermentation diminue et change de type. Elle n’est plus aussi gazogène, elle prend le type putride. Les 528 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR selles ne sont plus ni molles ni mousseuses; elles deviennent compactes et félides. Il est bien évident que la cause du mal n'ayant pas disparu, toute reprise d’aliment riche en amidon fait reparaître ces troubles. On voit encore, en consultant ces tableaux, que le Proteus dont nous nous sommes servis avait un pouvoir protéolylique égal aux deux tiers environ de celui des {rois premiers anaé- robies stricts. Par contre, s'il attaque moins la molécule albu- minoiïde, il pousse plus loin la dislocation et la destruction des produits secondaires. Contrairement à ce qui se passait pour les autres microbes en expérience, les produits de culture ne donnaient jamais la réaction du biuret; la quantité des acides aminés restants élait toujours inférieure à celle des autres, sauf pour l’albumine végétale; la quantité d’ammoniaque, tou- Jours supérieure. Dans toutes ces expériences, les albumines sont loin d'avoir résisté de même façon aux diastases microbiennes. Elles se sont montrées friables dans l’ordre suivant : tout d’abord, le blanc d'œuf, puis, en ordre décroissant, les albumines du jaune, celles du lait, du fromage, de la viande, de la fibrine ; puis, en dernier lieu, les albumines végétales, d'abord celles des farines de céréales ou des pâtes alimentaires, et enfin celles des graines de légumineuses. Ces dernières ont résisté deux fois plus que les albumines animales. Elles ont donné, pour un même poids d'albumine détruit, une quantité double d'acides aminés, alors que les protéines des graines de céréales n'en donnaient pas plus que leurs similaires d'origine animale. Est-ce dû à une résistance plus grande des produits de cette dislocation moléculaire, ou plus simplement à une plus forte proportion de nucléo-albumines ? Il est intéressant de rapprocher de ces chiffres ceux donnés par Atwater concernant l’utilisation des aliments chez l’homme. Les diastases digestives détruisent 97 p. 100 des albumines animales; 85 p. 100 de celles des céréales; 78 p.100 de celles des légumineuses. En moyenne, 85 p. 100 des albumines végé- tales est assimilé. Nos expériences avec F.-P. Garnier donnent un chiffre moins fort, 77 p. 100. Les diastases microbiennes sont donc tout aussi actives sur les protéines animales, mais bien moins que les digestives sur les albumines végétales. Le PUTRÉFACTION DES ALBUMINES 529 médecin ou l’hygiéniste qui voudra établir des régimes ali- mentaires ne devra pas perdre de vue que si les protéines végétales sont moins digestibles, elles sont aussi deux fois moins putrescibles, ce qui a bien son importance. Nous avons recherché l’indol et les phénols dans tous les produits de culture. Mais de toutes ces bactéries putréfiantes, seuls le B. Proteus donne de l'indol et le B. Perfringens de l’indol et des phénols. Cette dernière bactérie n’en donne que peu et la race de proteus choisi n'en donnait presque pas dans les milieux ordinaires. Elles se sont comportées de mème facon dans les milieux en expérience. Enfin, nous avons voulu voir si ces diverses bactéries étaient susceptibles de donner, avec un ou plusieurs aliments, des substances particulièrement toxiques. Nous avons filtré à la bougie Berckfeld les produits de ces cultures, êt nous les avons inoculés à des souris à la dose de 0 c.c. 5. Les animaux ne semblent en avoir ressenti aucun trouble. Comme nous l'avons l’établi avec Gasching en 1903, ces produits de la putréfaction habituelle ne sont pas toxiques pour l’homme à faible dose ou mélangés aux aliments. Il n'en serait peut-être pas de même si ces expériences étaient répé- tées tous les jours. La clinique montre bien le mauvais effet des putréfactions intestinales, soit par la résorption quotidienne des produits putrides, soit par l’appoint qu'elles fournissent au développement des espèces pathogènes. IT faut espérer que les recherches entreprises dans ce laboratoire par M. Metchnikoff et ses élèves résoudront cet important problème. ÉTUDES SUR LE PNEUMOCOQUE V. — VIRULENCE DES PNEUMOCOQUES, HUMAINS ET ANIMAUX, POUR LE LAPIN ET LE COBAYE par Ch. MRUCHE*eL L. COTONT. La majorité des auteurs semble admettre implicitement que le pneumocoque (humain, seul mentionné jusqu'ici dans les. travaux bactériologiques) se montre volontiers pathogène pour le /apin, mais il n'existe aucune étude systématique sur le sujet. La virulence vis-à-vis du cobaye est encore plus mal con- nue. Nous nous sommes proposé d’élucider ces deux points, en ulilisant, au fur et à mesure de leur isolement, les nombreux échantillons de pneumocoques humains el animaux que nous possédons et dont l’origine se trouve indiquée, en grande partie, dans nos publications antérieures. [Les germes humains, isolés depuis, provenaient soit de crachats pneumoniques, soit de pus oculaire, pleural, méningé, périnéphrétique, urinaire et sous-cutané — un nouveau germe du lapin (n° 299) a été extrait du sang d’un animal qui avait reçu, par la voie intra- veineuse, des bacilles de Shiga tués à l’alcool-éther. | Pour ce qui concerne la fechnique suivie, nous renvoyons à ces Annales (juin 1911). VIRULENCE POUR LE LAPIN. Aucun pneumocoque,inoffensif vis-à-vis des souris — à la dose de 1 centimètre cube de culture en milieu T (vingt-quatre heures) dans les muscles — n'a tué les lapins (animaux de 2.000 gram- mes, en moyenne) dans les mêmes conditions expérimentales. Parmi les échantillons plus ou moins actifs sur la souris, la minorité, seulement, amenait la mort des lapins. Voici la liste des onze pneumocoques qui constituent cette minorité. Nous y avons adjoint l'échantillon À, dont il à été question dans nos recherches antérieures: il n’était mortel (et encore, à l’origine) ÉTUDES SUR LE PNEUMOCOQUE 531 que sous le volume de 2 centimètres cubes, administrés par la voie intra-pleurale. Il convient de noter que les chiffres du £ableau suivant indi- quent uniquement la « virulence au départ » (première culture en milieu T). SIGNALEMENT DOSE MORTELLE DOSE MORTELLE de ORIGINE pour le lapin, pour la souris, l'échantillon. dans les muscles. | dans les muscles. 286 Crachat pneumonique. | 10—7 €. cube. 11e cube Pneumonie mortelle. (1) 306 Crachat pneumonique. | 10—7 c. cube. 10 -%Ceube: Pneumonie mortelle. 299 Sang de lapin (ayant reçu| 10— €. cube. AD C cube: des bacilles de Shiga, tués par l’alcool-éther, dans les veines). Alleaux. Sang de lapin (ayant recu! 10! €. cube. 1 €. cube. des bacilles de Schmorl). Cesari. Sang de lapin (ayant reçu! 10—! €. cube. 1#cAcübe: des bacilles de Schmorl). IL. Crachat pneumonique. 1Ne-scuDe JC ACube: Pneumonie ayant guéri [Echantillon Aynaud. Ces Annales, 1911, p. 485]. 287 Crachat pneumonique. 1/e-ecubez 11 NC rcube: Pneumonie mortelle. Jouan. Sang de lapin (ayant reçu! 1 c. cube. 10— €. cube. des bacilles charbonneux).| Merlier. Pus de malade atteint 1"ccube: 10-26 cube: de panophtalmie. [Service du D' Morax.] 199 Sang de malade 1 c. cube. 10 rcube- atteint de pneumonie, puis de méningite. Cas mortel. Hôpital Crachal pneumonique. 1 c. cube. 10—! c. cube. de la Pitié. Pneumonie ayant guéri. A. Crachat pneumonique. 2 €. cubes. ie reube: Pneumonie ayant guéri. (Ici, [Ces Annales, 1911, p. 486.]| dans la plèvre.) : 1 i (1) 10—7 c. cube — —— c. cube — ———— c. cube. 10.000.000 A Les pneumocoques, virulents pour le lapin, semblent donc rares chez l'homme et fréquents chez le lapin. Dans un mémoire 532 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR précédent (ces Annales, janvier 1912), M. Grenier à fait voir comment s'effectue la « sortie » des pneumocoques quand on injecte, à des animaux sains (réellement ou en apparence), diverses bactéries et toxines. Il est curieux de constater que « les pneumocoques de sortie » se sont toujours montrés viru- lents pour le lapin quand ils provenaient du lapin et constam- ment avirulents pour le cobaye (et le lapin) quand ils prove- naient du cobaye: L'activité (au regard du lapin) de nos échantillons isolés de l'homme et du lapin x toujours fléchi très vite; la première culture (culture obtenue avec le cerveau du premier lapin) était déjà devenue offensive, ou ne tuait que sous le volume de 1 centimètre cube. Æ£lle avait, cependant, conservé sa virulence initiale (parfois maxima) vis-à-vis de la souris. On a vu d’autre part, dans un travail antérieur, que les pneumocoques, actifs sur les souris, gardent cctte activité au moins pendant quel- ques passages s'ils sont peu pathogènes et indéfiniment quand ils le sont beaucoup. La virulence pour le lapin se révèle donc des plus fragiles, contrairement à la virulence pour la souris, fait aussi curieux qu'inaltendu. "Si, malgré des isolements très nombreux et une technique nouvelle donnant des garanties supérieures à celles des mé- thodes anciennes (voir notre second mémoire), nous n'avons jamais pu obtenir des pneumocoques doués d’une virulence à la fois marquée et stable pour le lapin, d’autres chercheurs ont été plus heureux, comme le montrent les trois exemples sui- vants dus, les deux premiers à l’obligeance de M. M. Nicolle, le troisième à celle de M. E. Sergent (les doses indiquées se rapportent à des cultures de vingt-quatre heures en bouillon- ascite). I. — Pneumocoque isolé à Constantinople, en 1895, d'une angine bénigne chez une fillette. Tuait le lapin à 10—* centimètres cubes {au moins), sous la peau. S'est maintenu virulent six ans (abandonné ensuite). II. — Pneumocoque isolé à Constantinople, en 1898 (conjointement avec le bacille de Lôffler), du sang du cœur d’un enfant mort de diphtérie. Tuait le lapin à 10— centimètres cubes, sous la peau. S'est maintenu virulent trois ans (abandonné ensuite). III. — Pneumocoque isolé à Paris, en 1900, d'un crachat pneumonique. Tuait le lapin à 10—* centimètres cubes sous la peau. S'est maintenu viru- lent dix ans (abandonné ensuile). Nous le ferons connaître, en détail, dans un mémoire ultérieur. ÉTUDES SUR LE PNEUMOCOQUE 33 Les « pneumocoques M. Nicolle » et le « pneumocoque Ser- gent » n'ont élé l’objet d'aucun soin spécial, lors de leur isole: ment et des passages par les lapins. Ceux qui les ont étudiés nous ont affirméqu'avec nos procédés actuels de travail il nous aurait été extrêmement facile de conserver l'activité de tels germes si nous avions eu la chance d’en rencontrer. Nous sommes donc fondés à les considérer comme vraiment rares. — Notons que l'ënoculalion directe des produits humains ou ani- maux au lapin et les passages directs par lapin (avecle cerveau des sujets infectés) ont donné des résultats encore plus mauvais que nolre technique habituelle. NIRULENCE POUR LE COBAYE. Aucun pneumocoque, inoffensif pour les souris et les lapins, ne fait périr les cobayes (animaux de 400 grammes en moyenne), à la dose de 1 centimètre cube de culture dans les muscles. Parmi les échantillons plus ou moins actifs vis-à-vis des souris et des lapins, il est exceptionnel d'en rencontrer qui tuent les cobayes dans les conditions indiquées. Avec des doses notables (par exemple, 4 centimètres cubes) ou bien en employant des modes d'inoculation sévères (voies intrapleurale, inlrapérito- néale, intrapulmonaire, intralesliculaire, intraveineuse), on accroît artificiellement le nombre des échantillons actifs, mais fort peu. Nous indiquons parallèlement, dans le {ableau suivant, la « virulence au départ » pour le cobaye, le lapin et la souris, de cinq échantillons d’origine humaine. On a déjà mentionné que les pneumocoques, isolés des cobayes (« pneumocoques de sortie », pour la plupart), se sont toujours révélés inactifs vis-à-vis des cobayes (1) et des lapins; rappelons que leur virulence au regard de la souris demeurait également faible, parfois nulle. Somme toute, le pneumocoque, quelle qu'en soit l’origine, est rarement pathogène pour le cobaye et, dans les cas positifs, ne manifeste qu'une activité médiocre. Comment concilier ce (4) Le Dr Girard a cependant rencontré jadis, chez des cobayes, quelques échantillons virulents pour cette même espèce. Il s'agit certainement là de cas exceplionnels ; d'autant plus intéressants, d'ailleurs. 534 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR fait avec la banalité des infections pneumococciques chez les cobayes (voir le travail de M. Grenier — ces Annales, janvier 1912)? LAS RS 2 QT TA TN RER AND 9 à HR SE DURE 2 ES REED EC CEE RENNES EE TES PER DESSNNNENNEE à DOSE SIGNALEMENT OSE MORTELLE | DOSE MORTELLE SIGNALEMENT HARMEUE DOSE MORTEL | de ORIGINE pourlecobaye,! pour le lapin, | pour la souris, l'échantillon. dans dans les museles.|dans les muscles. les muscles. a nee COR 2e ee 286 Crachat pneumonique | 1 €. cube. 110—7 c. cube. |10—‘!c.cube. Pneumonie mortelle. | 306 Crachat pneumonique.| 4 c. cube. |10—7 c. cube. |10-#“c.cube. Pneumonie mortelle. IT. Crachat pneumonique.| 4 c. cubes.|1 c. cube. 10=%c Cube: Pneumonie ayant guéri. 287 Crachat pneumonique.| L'animal |1 €. cube. 10=%/c*cube: Pneumonie mortelle. résiste | ä1c. Cube. 292 Crachat pneumonique.| L'animal | L'animal 110—%c.cube. Pneumonie résiste résiste ayant guéri. à lc.cube | à 1 c. cube (méme dans la veine). ES Très facilement. Ainsi que nous l'avons dit dans notre premier mémoire, ce que nous présente l'examen clinique, c'est uniquement l'image d'une infection plus ou moins sévère, où l'intensité des phénomènes observés se trouve directement liée à la virulence de l’agent pathogène et inversement à la résis- tance du sujet atteint. Dans le cas, habituel ici, des « pneumo- coques de sortie », l’élat de débilitation antérieure de lorga- nisme permet à des germes, inoffensifs pour les cobayes nor- maux, de végéter sans peine ## vivo et de déterminer des accidents toujours graves, souvent mortels. CONCLUSIONS. 1. Les pneumocoques humains se montrent rarement viru- lents pour le lapin, exceptionnellement très virulents. 2. Les pneumocoques du lapin {« pneumocoques de sortie ») paraissent, dans la règle, virulents pour le lapin. 3. Vis-à-vis du lapin, la virulence des pneumocoques de ÉTUDES SUR LE PNEUMOCOQUE 535 l'homme ou du lapin fléchit très rapidement; rien de semblable ne s'observe vis-à-vis de la souris. 4. Les pneumocoques très actifs pour le lapin sont toujours très actifs pour la souris; les pneumocoques peu actifs pour le lapin offrent, au regard de la souris, une activité variable. 5. Les pneumocoques très actifs pour la souris peuvent être peu actifs pour le lapin; les pneumocoques moyennement ou peu actifs pour la souris sont généralement inactifs pour le lapin. 6. Les pneumocoques humains se montrent exceptionnelle- ment virulents pour le cobaye et celle virulence reste toujours faible. 1. Les pneumocoques du cobaye (« pneumocoques de sortie ») paraissent, dans la règle, avirulents pour le cobaye. 8. Les pneumocoques actifs pour le cobaye sont toujours très actifs pour la souris et toujours actifs pour le lapin; /a récipro- que n'est point vraie. Nous avons dit, dans notre premier mémoire, qu'il étail impossible de conclure rigoureusement de la virulence pour la souris à la virulence pour l’homme et nous maintenons ferme notre opinion. On ne nous accusera pas, espérons-le, d'être en contradiction avec nous-mêmes si nous faisons observer qu'une forte virulence pour la souris, jointe surtout à une virulence évidente (et, a fortiori, marquée) pour le lapin, constitue néan- moins une sérieuse présomption en faveur d’une activité notable au regard de l’organisme humain — et une quasi-certitude, quand il s’agit de malades sans tares ni infections antérieures. CONTRIBUTION A LA CONNAISSANCE DES « MICROBES SPIRALÉS DE LA BOUCHE » CULTURE, ISOLEMENT ET ETUDE DE QUELQUES TYPES par G. REPACI (Travail du laboratoire de M. le Dr Veillon, à l'Institut Pasteur.) L'étude des microorganismes spiralés de la bouche est depuis un certain temps poursuivie très activement. Leur importance au point de vue étiologique, dans la stomatite ulcéreuse, fut envisagée à partir du moment où Pasteur le premier les signala dans le liquide salivaire pris sur un enfant atteint de cette maladie. Bergeron, Netter les étudièrent plus tard et cherchèrent à reproduire la lésion chez les animaux. Vincent montra l'association presque constante d’un spirochèle au bacille fusiforme dans l’angine et la stomatite ulcéro- membraneuse. D'autre part, des spirilles ont été vus dans de nombreuses affections de la bouche, telles que le noma, les abcès péri- dentaires, la carie dentaire. Neisser, Baermann et Halbers- tädter (1) les constatèrent dans une stomalite ulcéreuse d'un orang-outang ; Veillon et Guillemot (2), dans la gangrène pulmonaire et dans la pleurésie patride ; Bertarelli, Volpino et Bovero (3), dans les crachats d’un cardiaque. Malgré toutes ces constatations, à l'heure actuelle, on est bien loin d'être fixé, d’une facon exacte, sur leur rôle pathogène. Etant donné qu’on les constate d'une facon banale dans les affections les plus diverses, on est en droit de se demander s'il ne s’agit pas de microorganismes qui pullulent sur les tissus morts; sion n’a pas affaire, en d’autres termes, à de simples saprophytes. (1) Neisser, Barman et Hazsersranter, La syphilis, I-IV, 1906. (2) Guicceuor, Recherches sur la gangrène pulmonaire. Thèse de Paris, 1898. (3) BerrarezL1, Vorrino et Bovero, R. Acc. di medicina di Torino, 1905. DES « MICROBES SPIRALÉS DE LA BOUCHE » 537 La difficulté de pouvoir élucider cette question tenait en orande partie au fait qu'on n'avait pu réussir à isoler et à cultiver ces microbes. En effet, les tentatives de culture de spirilles faites soit avec les pathogènes, soit avec les saprophytes, avaient ou échoué complètement, ou donné des résultats peu satisfaisants jusqu'aux recherches de Mühlens' et Hartmann (1) qui, les premiers, annoncèrent avoir isolé et cultivé purement un spirochète de la bouche. | Ces auteurs réussirent à isoler et à culliver, pendant cinq mois de suite, Spirochete dentium, en employant la méthode de culture de Veillon, mais substituant à la gélose sucrée de cet auteur le milieu conseillé par Ellermann pour la culture du b. fusiforme. Ils procédèrent de la facon suivante : avec de la gélose neutre ou légèrement alcaline, ils remplissent à moitié des tubes à essai qu'on maintient pendant une demi-heure à 100 degrés dans un bain-marie. Du sérum de cheval est chauffé une demi- heure à 60 degrés. Après avoir refroidi à 45 degrés la gélose et le sérum, on ajoute dans les tubes à essai un tiers de sérum. On ensemence et on refroidit brusquement. TECHNIQUE. Dans les recherches que nous poursuivons depuis longtemps sur la flore bactérienne anaérobie de la bouche de l'homme, nous avons toujours employé la méthode classique de notre maîlre Veillon. C’est grâce à cette méthode, qui est d’une simplicité extrème, que nous avons isolé et cultivé plusieurs types de spirilles de la bouche. La méthode conseillée par Schereschewscki (2) pour la culture du sp. pallida ne pouvait nous servir, car 1l est impos- sible, par ce procédé, d'obtenir des cultures pures. Il faut, en effet, penser que les spirochèles provenant soit du tartre dentaire, soit du matériel pathologique varié qui en con- tient, sont toujours mélangés avec de très nombreuses espèces. \ MuuLens el HarTuanx, Zeits. für Hyçiene, vol. LV, 1906. ) ScneREsCuHEwsCK1, Deuls. med. Woch., 1909. 538 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Or, pour obtenir des colonies suflisamment séparées de façon à pouvoir aisément les isoler, il est absolument indis pensable ou d'avoir un milieu dans lequel ne poussent que les seuls spirochètes, ce qui n’est pas le cas du milieu de Scheres- chewski, où un milieu qui, n'empêchant pas les autres bactéries, permet aux spirochètes de se développer. Il est certain que quand il s'agit des microbes anaérobies stricts — et comme on va le voir, les spirochètes de la bouche sont précisément des anaérobies stricts — la meilleure technique est celle de Veillon. Le milieu est extrêmement clair et permet d’apercevoir les plus petites colonies : en outre, il est convenable, comme nos cultures le démontrent, pour le développement des micro- organismes en question. Il ne nous a pas semblé indispensable d'ajouter du sérum à la gélose sucrée, comme le conseillent Ellermann (1), Mühlens et Hartmann, car cette opération nous semble tout à fait superflue, les spirochètes poussant bien dans l’un comme dans l’autre milieu. De même, nous ne croyons pas qu'il y à intérêt à employer la gélose simple au lieu de la gélose sucrée, dans les tubes de Veillon, car la gélose sucrée donne une anaérobiose plus rigoureuse et plus stable que la gélose simple. Pour obtenir la culture des spirochètes, 1l est nécessaire de faire des dilutions très soigneuses, après avoir dissocié dans le premier tube le tartre dentaire ou le matériel pathologique, minulieusement. Voici comment nous procédons : après avoir fait ce que nous venons de dire, nous plaçons pendant quelques minutes le tube dans l'eau chaude, à 37 degrés environ. Les gros paquets de tartre dentaire. insuffisamment dissociés, tombent au fond; les spirochètes libérés par la dissociation des autres microbes étant très mobiles, nagent dans la partie supérieure du liquide. C’est de cette partie que nous prélevons le liquide à ensemencer dans les autres tubes, par le procédé des dilutions successives. Nous ensemencons une quinzaine de tubes en moyenne. Nous n'insistons pas sur ces détails, car le procédé est classique et très connu. Il arrive souvent que, malgré toutes les précautions, on n'arrive pas à isoler de spirochètes. Cela tient probab'ement à la composition de la gélose sucrée. Malgré tous les soins qu'on y met, il est presque impossible d'obtenir toujours une gélose identique. Souvent, dans un milieu qui a toutes les bonnes apparence usuelles, les résultats sont complètement nuls. Heureusement, en règle générale, on arrive presque toujours à isoler les spirochètes. La plus grande (1) Eccermanx /V.), Ueber die Cultur der fusiformen bacillus. Centralb. für Bañt., Bd XXXVII. DES « MICROBES SPIRALÉS DE LA BOUCHE » 539 difficulté est dans la variabilité de l'aspect des colonies qui n'ont pas de caractères fixes et bien tranchés et souvent ressemblent aux colonies les plus banales. Cela impose la nécessité absolue d'isoler et d'examiner toutes les colonies, sans exception. Une autre raison qui rend précaire la connaissance des caractères soil macroscopiques, soit microscopiques, des colonies de ces microbes, est ce fait, absolument certain, que leurs caractères varient avec les qualités mêmes de la gélose sucrée employée. De petites colonies à peine visibles deviennent plus grosses, et, ce qui est plus intéressant, changent du tout au tout, quand on passe par exemple d'une gélose plus épaisse à une autre moins dense. La peptone qu'on emploie, le temps pendant lequel la viande à macéré avant de faire le bouillon, la viande mème qu'on a à sa disposition, les différents chauffages peuvent, jusqu'à un certain point, être des coefficients utiles ou nuisibles pour le développement de ces microbes, qui sont très délicats et fragiles. Cela revient à dire qu'il est absolument nécessaire, si l'on veut isoler ces microbes, de s’en tenir scrupuleusement aux détails de la technique pour la préparation de ce milieu. RÉSULTATS OBTENUS. Parmi les spirochètes que nous avons isolés, les trois premiers que nous allons décrire semblent des espèces distinctes, mais peuvent être rangés dans un même groupe par leurs caractères SÉNÉTAUX. Nous ferons une place à part au quatrième, qui présente des caractères bien particuliers. Spirochète À (1). — Il est anaérobie strict. Il pousse, lors du premier-ensemencement, vers le huitième jour, mais dans les repiquages ultérieurs, il se développe plus vite, dans un délai de quatre ou cinq jours environ. Les colonies se présentent sous la forme de petits points translucides, ressemblant à des goutte- lettes de rosée, très difficiles à apercevoir si l’on n’a pas soin de regarder les tubes à l’aide d'une lumière très intense. Au contraire, quand le microbe s’est suffisamment habitué à nos milieux artificiels, les colonies deviennent plus apparentes et peuvent atteindre, si elles sont suffisamment espacées, un diamètre d'environ un demi à 2 millimètres. Alors elles sont discoïdes, à bords tranchants, luisantes, le centre de la colonie est de teinte saumonée. (4) Reraci, Isolement et culture d'un spirochète de la bouche. Comples rendus de la Soc. de Biol., 30 mai 1910. D #0 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR La température optima est de 37 degrés, ce microbe ne pousse pas à la température ordinaire. Il ne produit pas de gaz, les cultures répandent une faible odeur acétique qui disparaît très vite. | IL pousse faiblement dans les milieux liquides. Le. bouillon reste clair, mais, en l’agitant, on voit des ondes soyeuses ; au bout d'une vingtaine de jours, un faible dépôt se forme au fond des tubes. | Notre mierobe n'ulilise sensiblement pas le glucose, ni le saccharose, ni la dex- trine, mais il semble attaquer légèrement le lactose. Le lait est aci- difié très lentement, mais il n'est pas coa- gulé. Le blanc d'œufeuit ne subit pas d'attaque. La vitalité du mi- crobe à l'étuve, en tubes capuchonnés, est d’une viuglaine de-Jours. L'étude én goutte , pendante, avec l’objec- ee nr RÉ de 5 jours. time Diet SAME éclairage spécial, mon- tre des amas de spirochètes enchevètrés, agglutinés entre eux, très réfringents. C'est en observant les individus libres qui se trouvent souvent à la périphérie des amas, ou en dissociant les amas, que l'on peut éludier les mouvements singuliers de ce microbe. | On constate d'abord que le microorganisme se comporte comme un vérilable ressort spiralé, les tours de spires se rapprochant ou s’éloignant alternativement les uns des autres ; en même temps, la spirale peut subir des torsions latérales dans tous les sens, ce qui montre sa grande flexibilité. Notre microbe offre deux types principaux de mouvements : des mouvements latéraux, qui se font sur place, par une sorte d'oscillation pendulaire extrêmement rapide,et des mouvements de translation, qui s’opèrent par rotation autour de l'axe longi- DES « MICROBES SPIRALÉS DE LA BOUCHE » 041 tudinal. Ces derniers — véritables mouvéments de vrille — ont lieu soit en avant, soit en arrière, avec une rapidité et une brusquerie remarquables, le microorganisme: passant par saccades de l'état de repos à l'état de mouvement. Le nombre des spires, lesquelles sont préformées et ne disparaissent pas à l’état de repos, est très variable. A côté des éléments très courts, qui ont l'aspect d’un vibrion où d’un S italique, on voit des éléments qui peuvent varier de deux tours de spire complets à une vingtaine et plus. On conçoit donc qu'ilest bien difficile de pouvoir déterminer avec ‘exaclitude les dimensions longitudinales du microorga- nisme. Elles varient selon: le nombre de spires dont chaque élément est pourvu. Plus facile à déterminer est son épaisseur, qui est. presque loujours égale : 2/3 de w à 1 y environ. Les caractères des tours de spires sont tout à fait spéciaux. L'examen à l'état vivant montre que le corps microbien ne se trouve pas tout entier sur le même plan : on a donc affaire à une, spirale complète, comme celle d’une vis. Les spires sont régulières et parallèles et forment une spirale complète. La profondeur de la spire est d'environ 1 y, la longueur de 1 à24 Si l’on veut bien comparer ces dimensions avec celles données par Mühlens et Harlmann pour Sp. dentium, on conçoit la très grande différence d'aspect qu'il y à entre notre spirochète et Spirochete dentium. Dans les cultures âgées d’une dizaine de Re on peul remarquer des éléments microbiens extrèmement développés. Ils sont très longs, enroulés sur eux-mêmes, entortillés dans tous les sens et donnent l'impression de ficelles jetées à terre au hasard; d'autres ont tout à fait l'apparence d’une natte de cheveux. On pourrait penser, au premier abord, à une division longitudinale du microorganisme; il n’en n'est rien : on voit que c'est un élément qui s’est enroulé sur lui-même très exacte- ment, ou deux éléments accolés l’un à l’autre. Ce spirochète se colore. facilement et uniformément et pres- que instantanément par tous les colorants ordinaires. Il ne prend pas le Gram. Nous n'avons jamais observé, dans les cultures jeunes, ni espaces clairs ni points plus intensément colorés. Les contours sont très nets, le corps microbien cylindrique. Traité par le Giemsa, il prend une coloration bleuätre. 542 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Par la méthode de Léæffler, modiliée par Nicolle et Morax, nous avons constaté que ce spirochète est pourvu de cils. Les formes courbes possèdent un ou deux cils. S'il est unique, le cil prend naissance à une des extré- mités ou au milieu du corps, en s'implantant du côté de la concavité. Quand il y en a deux, ils prennent naissance aux deux extrémités en formant comme des prolongements du corps, ou bien tous les deux à la même extrémité, ou un à une extré- Fic. 2. — Spirochète À. mité et l’autre au milieu du Forme en natte de che- DE veux. — Col. par la mé- DCE : thode Læffler, Nicolle-Mo- Dans les formes à plusieurs tours rax. Gross., 1.800 D. de spires, les cils sont plus nom- breux et sont implantés le long du corps d'un côté et de l’autre à intervalles variables. C'est la même disposition péritriche que M. Borrel (1) à décrite chez Sp. Gallinarum et Zetinow (2) chez Sp. Duttoni. Ces cils dépassent la longueur du corps microbien, lorsqu'il s'agit des formes vi- brioniennes, ils sont très flexueux, très minces. [ls ne sont pas visibles par la coloration au Giemsa ni par aucune colo- Fi6. 3. — Spirochète A. Forme géante, ration simple. en ficelle. — Gross., 1.800 D. Les extrémités du spirochète en question sont arrondies. Dans quelques éléments on peut observer aussi qu'elles se terminent comme un crochet. Nous n’avons décelé aucune ébauche de membrane ondu- lante, ni rien qui paraisse s'en rapprocher, ni par la coloration au Lœæffler, ni par l’hématoxyline ferrique, en faisant nos pré- (1) BorreL, Comples rendus de la Soc. de Biologie, t. LX, 1906. 2) ZETINOW, Zeits. für Hygiene, 1906, t. LTE. DES «. MICROBES SPIRALÉS DE LA BOUCHE » 543 parations soit avec du matériel jeune, soit avec des cultures anciennes, sur lesquelles nous avons fait agir l’eau distillée ou le taurocholate de soude. L'examen de notre spirochète, en vue d'étudier le mode de division, a été fait sur des lames colorées par des procédés divers et en nous servant de cullures d'âges différents. Etant donnée la grande importance qu'on attache à certaines formes pour démontrer la division longitudinale de ces êtres, nous les avons cherchées de la facon la plus scrupuleuse. Il est certain, en effet, qu'il existe des formes qui prennent l'aspect d’un Y Fi6. 4. — Spirochète A. Forme Fic. 5. — Spirochète A. Cils péri- en Y, avec cils. — Col. par triches. — Col. par la méthode la méthode Læffler, Nicolle- Léœæffler, Nicolle-Morax. Gross. Morax. Gross., 1.800 D. 1.800 D. ou d'un V. Mais nous ne partageons pas l'avis des observateurs très nombreux qui les considèrent comme des stades d’une segmentation longitudinale. Avant tout, il nous semble utile d'établir que nous n'avons jamais vu ces formes dans les éléments courts. Au contraire, elles peuvent se voir dans les éléments longs. Mais il s’agit de différents aspects donnés par l’enroulement sur elles-mêmes des formes longues. Un spirochète à plusieurs tours de spires, qui se fléchit à son milieu, les deux moitiés s’accalant sur un certain nombre de spires, tandis que les deux extrémités restent libres, peut donner très bien l'apparence d’un Y. Admettons au contraire qu'au lieu de s'accoler, les deux moitiés reslent écarlées, elles peuvent donner au spirochète l'aspect en V. IT faut avouer d'autre part que les dessins donnés par les différents auteurs qui ont observé ces formes en Y et 544 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR en V ne correspondent pas aux formes observées par nous. Les formes en V eten Ÿ que nous avons vues sont sûrement (et il est très aisé de le voir) les différents aspects de l'enroule- ment du microbe sur [ui-même. Plus troublantes, au contraire, peuvent être les figures données par deux spirochètes, l’un long, l’autre court, l'extré- mité de ce dernier étant réunie au corps de l’autre. Nous avons vu quelque chose de semblable dans nos préparations, qui pouvait donner l'impression d'un Y ou d’un V véritable. Mais au point de vue de leur interprétalion, nous nous rallions à l'opinion déjà émise par Levaditi (1), qui considère ces dis- positions comme les résullats de la réunion de deux individus par suite de l’accolement de leurs prolongements ciliaires, ou d’un point du corps microbien. Au contraire, nous avons vu des spirochètes qui montraient, d’une façon tout à fait nette, la division transversale. Un point du corps microbien devient plus clair d'abord, puis s’étrangle et se divise complètement. On peut voir, dans ces différents stades,.les individus fils réunis encore par un trait de substance très court, très mince et très pâle, ou bout à bout, déjà complè- tement séparés. Ce mode de division transversale a été déjà vu d’une façon indiscutable par Borrel(2), Swellengrebel (3), Borrel et Cernovodeano (4) chez Sp. Balbianii, Spirillum Giganteum et Sp. Gallinarum; par Levaditi (5) chez sp. Gallinarum et le sp. de la Tick-Fever; par Zettnow chez le spirochète de la bouche et le spirille de la Tick-Fever. | Ce microorganisme n'a aucune action pathogène sur les ari- maux de laboratoire. Spirochète B. — Ce microorganisme est anaérobie strict. Dans les tubes d'isolement il pousse après trois jours, sous la forme d’une colonie discoïde, à bords nets, régulière, luisante et transparente, blanchâtre à la périphérie, jaunâtre au centre, d'un diamètre d'un millimètre au plus. Cet aspect, qui apparaît (4) Levavrrr et Rocné, La syphilis, 1909. (2) BorreL, Comples rendus de la Soc.de Biologie, t. LX, 1906. (3) S'WELLENGREBEL, Comples rendus de la Soc. de Biologie, 1907, t. LXII; Ann. de l'Institut Pasteur, 1907. (4) Borrez et CERNOVODEANO, Comptes rendus de la Soc. de Biologie, 1907, L'APNITE (5) Levaprrr, Loco cilato. DES « MICROBES SPIRALÉS DE LA BOUCHE » 045 tel que nous venons de le décrire, dans la gélose sucrée ordi- naire, change profondément si on ajoute au milieu un tiers de sérum de cheval, chauffé une demi-heure à 53 degrés. Dans ce cas les colonies deviennent rondes, volumineuses, et prennent l'aspect de petites boules de diamètres variables entre 2à 4 millimètres. Elles sont blanches, nuageuses et montrent! à la périphérie une ef- florescence de très fins el courts prolongements très délicats. On pourrait donc pen- ser que ce microbe aime le milieu au sérum. Les nombreuses ex- périences que nous avons faites à ce sujet nous ont montré, au contraire, que les colo- nies prennent cet as- pect,quitémoigne d'une végétabilité plus active, aussi bien dans la gélose dinaireis z | Fi. 6. — Spirochète B. On remarquera Re ep UE que le corps microbien n’est pas teint d'une on à eu soin de mettre facon uniforme. — Col. par le Giemsa. Gross. une proporlion moin- 1800 D. dre d’agar (7 p. 1.000). Il semblerait donc que le sérum ajouté n'agit qu'en dimi- nuant la densité de la gélose. Au contraire, dans le bouillon sucré et dans le milieu bouillon pomme de terre, il ne cultive presque pas. On ne voit, après plusieurs jours, que quelques maigres flocons qui tombent au fond des tubes et l’on serait bien embarrassé de pouvoir affirmer que cela ne soit pas la semence qu'on a mise. La température optima de développement est de 37 degrés à l’étuve, pendant quarante-huit heures. Il ne se développe pas à la température ordinaire. Sa vitalité dans les tubes gardés à l'éluve est de cinq à six jours, mais il est utile de repiquer la cullure tous les quatre jours, car, passé ce délai, il arrive souvent que le mierobe soit 35 546 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR déjà mort. Quand les colonies sont suffisamment développées, on peut les garder un peu plus longtemps vivantes à la tempé- rature ordinaire. Examiné en goutte pendante, ce microbe se présente sous l'aspect polymorphe de bâtonnets incurvés à la façon d'un vibrion, ou de bâtonnets avec une ébauche de spire, en S itali- que, ou absolument comme de véritables spirochètes à 4, 5, 6, 8 tours de spire complète. Les éléments les plus simples, en formes de vibrions, ressemblent à s'y méprendre au B. fusiforme de Vincent par ses extrémités nettement pointues et par ses dimensions longitudinales. D'ailleurs on a l'impression qu'il est un peu plus mince. Mais, à côté de ces éléments qui sont relative- ment rares dans les cultures du début, on voit les éléments longs qui ont l'aspect d’un véritable spirochète, à plusieurs tours de spire complète. Il est à remarquer cependant que les tours de spire sont différents de ceux que nous avons décrits pour Spirochète À, à cause de leur profondeur et de leur largeur, car, d’une facon générale, ils sont plus amples et moins profonds. Ajoutons qu'il s’agit d’une spirale complète, préformée, qui reste telle quelle quand le microbe est au repos. La mobilité de ce microbe est extrêmement marquée. Ses mouvements sont ceux précédemment décrits pour Spirochète A (mouvements pendulaires, mouvements en avant el en arrière, mouvements de vrille, etc.). Ce microorganisme, habitué de plus en plus au milieu artiti- ciel, montre une tendance manifeste à devenir toujours plus court. Après une dizaine de repiquages, les éléments sont presque tous en S italique ou possèdent deux ou trois tours de spire au maximum, tandis que les formes longues deviennent de plus en plus rares. Quelle est la raison de ce phénomène? Tunnicliff (1), étudiant le bacille fusiforme de Vincent, a soutenu que ce microbe se présente tantôt sous son aspect ordinaire, tantôt sous l'aspect de véritables spirochètes extrè- mement semblables à ceux que l’on voit dans l’angine et dans la stomatite ulcéro-membraneuse. | (1) Tuxxicuter, The identity of fusif. and Spir. Jour. of inf. Diseases, 1906. DES « MICROBES SPIRALÉS DE LA BOUCHE » 547 En s'appuyant sur les constatations faites sur des cullures pures, il se demande si la symbiose fuso-spirillaire n'est pas, en somme, le résultat de différents aspects d’un même microbe, le fusiforme. Nous ne partageons pas cette facon de voir, et en voici les raisons : quand nous avons isolé notre microbe, il se montrait presque exclusivement sous l'aspect de spirochète à plusieurs tours de spires. C’est dans la suite seulement que les formes courtes ont apparu. Il est donc raisonnable d'admettre que cette modification a été causée par sa végétabilité plus intense, à la suite de son adaptation aux milieux artificiels. D'autre part, s’il est vrai que le bacille fusiforme de Vincent peut se présenter incurvé, à la façon d'un vibrion, et affecter la forme d’un $S italique quand deux éléments se trouvent bout à bout, il est vrai aussi qu'on ne peut pas dire qu'il pos- sède une véritable spire. Les formes les plus courtes de notre microbe se présentent au contraire comme une spire, très visible au repos, car, dans ces conditions, on remarque bien facilement qu'il ne repose pas sur le même plan et qu'il est hélicoïdal, visible de même, avec une extrème évidence, quand il est en mouvement. Mais, il y a encore ceci : dans les frottis de l’angine et de la stomatite ulcéro-membraneuse, souvent, très souvent même, on peut mettre en évidence avec le fusiforme de Vincent, non pas un seul, mais plusieurs spirilles, par la taille, par la facon de se colorer, par les caractères et le nombre des spires, très différents l’un de l’autre. On parle toujours d'un spirille de Vincent, mais en réalité nous croyons qu'il en existe plusieurs. Ce microbe ne se colore pas facilement par les colorants ordi- naires. La fuchsine diluée ne le colore pas du tout: le violet de gentiane aniliné le colore très mal après un bain prolongé. Mais les préparations ne sont pas bonnes, la teinte est très pâle et à peine visible. On obtient un meilleur résultat par la fuchsine de Ziehl à chaud: mais la coloration élective est le Giemsa, qui le colore en bleu un peu pâle quand on fat les préparations en suivant la méthode rapide, et en bleu plus foncé si on prolonge le bain une dizaine d'heures. Cependant, il ne se colore pas uniformément, malgré tous les soins qu’on y apporte. On obtient au contraire de belles préparations par la 048 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR méthode de Burri, qui est très recommandable pour l'étude de tous ces microbes. Par la coloration de Loeffler, modifiée par Nicolle et Morax, nous avons mis en évidence, dans le microbe en question, la présence de deux cils qui s'implantent aux deux extrémités; ils sont très minces, très flexueux. Mais 1l faut remarquer ceci, c'est qu'il nous à été absolument impossible de mettre en évi- dence, dans les formes longues, la présence de cils : ils n'étaient évidents que dans les formes courtes. Pourquoi cette différence, nous ne saurions le dire. Il est vrai aussi qu'il est extrêmement difficile d'obtenir de bonnes préparations. Les colonies de ce microbe ne se disso- cient qu'avec peine, et malgré tous les soins et les lavages il reste toujours accolé à leurs corps un peu de la substance du milieu nutritif, ce qui gène beaucoup pour la coloration et l'examen de détails si délicats. Il est donc nécessaire de faire des réserves sur la ciliation de ce microbe, qui est indéniable, il est vrai, mais impossible à déterminer d’une façon tout à fait sûre, à cause des difficultés énumérées. Il se reproduit, comme le premier, par division transversale. 1] ne produit pas de spores. Les cultures dégagent une odeur de putréfaction. Ce microbe, inoculé au cobaye, produit une nécrose très superficielle de la peau, avec formation d’abcès, mais l’animal guérit après deux semaines. On obtient de même un petit abcès chez le lapin, qui guérit en peu de temps. Spirochète G. — Les colonies de ce microbe, anaérobie strict aussi, apparaissent lors du premier ensemencement, au 5° jour environ. Elles sont discoïdes, à bords nets, de couleur jaune safran très nette, d’un diamètre de À millimètre environ. Dans les ensemencements ultérieurs, les colonies apparaissent vers le deuxième jour, mais elles sont petites, à peine visibles. Elles grossissent ensuite et peuvent atteindre, dans un milieu suffisamment fluide, des dimensions considérables. Dans ce cas, elles perdent l'aspect discoïde et prennent la forme de petites boules d’un bleu jaunâtre avec un centre plus forte- ment coloré, qui tranche nettement sur le reste de la colonie. Le diamètre des colonies, si elles sont espacées, peut atteindre jusqu'à 3 ou 4 millimètres. Ce microbe cultive indifféremment DES « MICROBES SPIRALÉS DE LA BOUCHE)! » 549 dans la gélose sucrée ordinaire et dans la gélose sucrée-sérum de cheval. La température optima de développement est de 31 degrés; il ne pousse pas à la température ordinaire. Son développement dans le bouillon sucré et dans le bouillon de pomme de terre est presque nul. Il ne donne pas de gaz dans la gélose sucrée, mais les cul- tures dégagent une odeur légèrement fétide. La vitalité de ce microbe est de 5 à 6 jours. Il ne produit pas de spores. F16.1. — Spirochète C. Fic. 8. — Spirochète C. On remarquera Culture de 4 jours. — au milieu une forme qui peut faire penser à Prép. à l'encre de Burri. une division longitudinale. — Prép. à l'en- Gross., 1.800 D. cre de Burri. Gross. 1.800 D. L'étude en goutte pendante montre qu'il s’agit d'un spiro- chète pourvu de 2 à 4 tours de spires complètes, rarement plus long, extrêmement mobile. Ses mouvements ne diffèrent pas de ceux que nous avons décrits dans les autres espèces. Un caractère particulier de ce microbe est le peu d'écart qu'il y a dans la longueur de ses éléments. Celle-ci est, en général, uniforme, d’une dizaine de # environ. Les formes un peu plus courtes apparaissent dans les ensemencements ulté- rieurs, mais, en règle générale, le microbe possède une ten- dance assez nette à conserver toujours le même aspect. Son épaisseur est presque égale à celle de l'espèce A, mais les spires, tout en étant régulières et parallèles, sont nettement d50 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR différentes de celles que nous avons reconnues dans l’espèce A. Elles sont un peu moins serrées et moins profondes, car la pro- fondeur de la spire, bien qu'évidente et nette, est à peine ébauchée. Les spires, comme dans les variétés précédentes, sont préformées et persistent aussi quand le microbe est à l’état de repos. Il se colore faiblement par les colorants ordinaires. Pour obtenir des images nettes, il faut faire agir un peu longue- ment le colorant. Il se dé- F ARR DRTSS colore par la méthode de Gram. Par la méthode de Burri, si on obtient de très belles | { re : préparalions. Par ce procédé, Ho on met nettement en évi- > dence les caractères des ex- trémilés, qui sont nette- ment pointues. séêp- | Par la coloration de Lœæt- den 7 Le fler, nous avons vu que ce ———————— spirochète esl pourvu de Fic. 9. — Spirochète C. Cils péritri- très nombreux cils péritri- ches. — Col. par la méthode Leæffler, ches. Ils ressemblent aux Nicolle et Morax. Gross., 1.800 D. cils que nous avons étudiés dans l’espèce A, mais ils sont plus rapprochés l’un de l’autre, de façon que lélé- ment microbien, tout en étant plus court que celui de l'espèce A, est pourvu d’un plus grand nombre de cils. Dans les formes courtes, les plus simples, on fait la même remarque. Ces éléments sont pourvus, en moyenne, de 5 à 6 cils, qui s'implantent, deux à chaque extrémité et deux autres au milieu du corps, de l’un ou de l’autre côté. Pas plus que chez les précédents microbes, nous n'avons décelé aucune membrane ondulante. Ce spirochète se repro- duit par division transversale. Nous n'avons jamais remarqué les formes longues, ni les autres formes que nous avons longuement étudiées sur l'espèce A. Ce spirochète n'a aucun pouvoir pathogène pour les animaux de laboratoire. Sprrille D. — Ce microbe, anaérobie strict, pousse dans la DES « MICROBES SPIRALÉS DE LA BOUCHE » 5o1 gélose sucrée au bout de vingt-quatre à quarante-huit heures, sous la forme de colonies rondes, irrégulières, moniformes, d'une couleur rougeâtre, de tailles différentes. Elles ont un diamètre de deux millimètres environ, mais dans les tubes où elles sont très espacées, elles peuvent atteindre des propor- lions énormes, de 5 millimètres de diamètre, et se présenter sous l'aspect d'une valve d’huître. Cependant ce microbe, après quelques passages dans les milieux artificiels, a donné des colonies différant nettement par leur aspect de ce que nous venons de décrire. Il s'agissait de colonies punctiformes de coloration nettement saumonée, avec centre plus opaque, de même couleur, mais plus foncée, entourées d'un halo cotonneux, beaucoup plus pâle, d’où parlaient de très fins prolongements donnant à la colonie Paspect d’une châtaigne. Croyant à une impureté (car ici on observait cet aspect différent des colonies dans le même tube et on ne pouvait, par conséquent, attribuer ce changement à une différence du milieu), nous avons procédé à de nouvelles séparations. Or, nous avons, dans tous les passages ultérieurs, constaté que les colonies gardaient toujours leur aspect double comme nous venons de le décrire. Cependant, il s'agissait d'un même el unique microbe, comme les recherches successives l'ont clairement démontré. L'examen de ces colonies, en goutte pendante, nous à montré un microbe incurvé, extrêmement mobile, d’une épaisseur peu supérieure à 1 », à extrémités arrondies et très souvent pointues. La longueur des différents éléments est variable. Certains ont la taille du fusiforme, mais, en général, ils sont plus longs, de 10 à 15 ÿ environ. A l’état de repos, ils se présentent ou incurvés comme des vibrions, ou sous l'aspect d'un S italique de grande dimension. Mais quand ils se déplacent, les corps microbiens forment des spires régulières, parallèles l’une à l’autre, très nom- breuses. Les mouvements de translation s’opèrent par rotation autour de l’axe longitudinal et ils sont parfaitement superposables, à notre avis, à ceux que nous avons remarqués dans les espèces précédentes. 552 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Ce microbe offre aussi le type de mouvements pendulaires, extrèmement rapides, qui se font sur place et qui ont été décrits précédemment. Dans les jeunes cultures, nous avons remarqué des formes élranges, qui nous semblent bien difficiles à interpréter : il s'agit de courts éléments présen- tant en leur milieu un renfle- ment considérable leur donnant l'aspect d’un fuseau ventru. Ce microbe est très difbcile à colorer par les méthodes ordi- naires. On obtient de bonnes co- lorations par le Ziehl à chaud. II ne prend pas le Gram. Par la méthode lente de Giemsa, il se colore faiblement, d’une manière uniforme, mais il présente au mi- lieu du corps un point ovoide qui se colore intensément en bleu foncé. Ce point est central, même quand le microbe est en voie de division. Dans ce cas, le point Fic. 10. — Spirille D. — Prép. à 2. à l'encre de Burri. Gross. chromophile se partage égale- 1.800 D. ment dans les deux éléments fils etreste à leurs extrémités. Par la méthode de Burri, ce microbe se présente sous l'aspect déjà décrit, mais les spires s’effacent complètement. Par la méthode de Loffler, nous n'avons découvert aucun cil, ce qui nous semble bien surprenant. La vitalité de ce microbe est très courte, de quatre Jours environ à l'étuve. Il pousse faiblement dans le bouillon sucré. Le milieu ne se trouble pas et, après quelques jours, on voit au fond du tube quelques maigres flocons agglutinés. Les cultures dégagent une faible odeur de putréfaction. Dans les milieux solides, il n’y a pas production de gaz. Ce microbe ne donne pas de spores. Inoculé au cobaye, il produit une petite eschare noirâtre, qui recouvre un abcès rempli d'un pus dense, crémeux. Mais l'animal guérit au bout d’une dizaine de jours. DES « MICROBES SPIRALÉS DE LA BOUCHE » 593 L'inoculation au lapin produit, au lieu injecté, une légère infillration qui dure quelques jours, puis disparait sans mème former d’abcès. Pouvons-nous identifier les microbes ci-dessus étudiés avec les espèces déjà connues de microbes spiralés de la bouche? On sait, en effet, depuis fort longtemps, qu'il existe des spirilles dans le tartre dentaire de la bouche de l'homme. Le premier observateur, dont le nom mérite d’être cité, c'est Leuwenhoeck, qui remarqua, parmi les innombrables bactéries de la bouche « semper magna cum admiratione dictae illi materiæ (tartre dentaire) multa exigua admodum anima- lcula jucundissimo modo se moventia ». Bühlmann (1) dans la suite les observa aussi, mais il ne se prononça pas sur leur nature animale ou végétale. Jicinus (2), au contraire, en fit des rapports très détaillés et les appela denticola, en les classant parmi les infusoires. Nous cilerons encore Robin (3), qui les compta parmi les algues, pour venir à Miller (4), qui, en 1892, publia un fort intéressant livre d'ensemble sur les bactéries de la bouche. Cet auteur donna la description exacte d'un microorganisme à forme vibrionienne, qu'il réussit à cultiver sur du sérum coagulé, et qui fut connu après lui, sous le nom de Spirellum Sputigenum de Miller. Il décrivit aussi Spirillum Dentium, mais ne put Île cultiver, n'ayant pas à sa disposition les méthodes modernes de cultures des anaérobies que nous possédons aujourd’hui. Quand Schaudinn et Hoffmann découvrirent Sprrochæte pallida, l'étude des microorganismes spiralés de la bouche prit un nouvel essort. C'est tout d’abord Schaudinn qui s’en occupe et éludie Spirillum Buccalis en partant du tartre dentaire et lui découvre une membrane ondulante. Lœwen- thal (5) Hoffmann et Prowazek (6) ont publié ensuite des travaux fort remarquables sur les spirochètes de la bouche. (1) Büncuanx, Muller’s Archiv für Analomie, 1S40. (2) Jronus, Wallers Ammon's Journ. für Chir., 1847. :3) Roux, Des végétaux qui croissent sur les animaux vivants, 1847. Histoire nalur. des végél. parasites, 1853. (*) Mrzcer, Die Mikroorg. der Mundhühle. Leipzig, 1892. (5) LozwexruAz, Bert. lin. Woch., 1906, n° 10; Mediz. Klinik, 1906. 6) Horruaxx et S. V. Prowazer, Centr. für Bakt., Orig., t. XLI. 554 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Hoffmann et Prowazeck ont étudié ces microorganismes à l'état frais et sur des préparations colorées au Giemsa ou par la méthode de Læffler, après fixation par les vapeurs osmiques. Ils en distinguent trois variétés : une très petite, très mince, avec des ondulations nombreuses et très serrées, qui se voit seulement dans les colorations par la méthode de Læffler, et ils la désignent sous le nom de Spirillum Dentium : une forme plus épaisse, plus grosse, avec des ondulations plus lâches et plus rares, qu'ils appellent Spirillum Buccalis, et une troisième, intermédiaire. Dans les trois variétés, ils ont mis en évidence une sorte de cil et un prolongement du périplaste qui peut, chez Spiril- lum Buccalis, se gonfler et se détacher sous l'action de l’eau distillée. Ils ont confirmé ainsi les recherches. de Lowenthal. au point de vue de la présence d’un cil inséré au milieu du corps de Spirillum Sputigenum, duquel ils donnent deux photographies. Cette ciliation particulière a été démontrée par Lowenthal et Zettnow (1). Mais certainement, le travail le plus considérable sur ce sujet est celui de Mühlens et Hartmann (2). Ces deux auteurs ont réussi, nous l'avons déjà dit, à cultiver Spirillum Dentium el ils en ont fait une étude très minulieuse et très complète. Les caractères culturaux et morphologiques de ce spirochète sont tout à fait différents de ceux que nous venons de décrire à propos des microbes cultivés par nous. La forme des colonies de Spirillum Dentium. Vimpossibilité de le cultiver dans les milieux sans sérum, ses dimensions plus petites, suffisent à le distinguer complètement des microorganismes isolés par nous. En outre, ils n'ont pas constaté de cils latéraux, mais ils ont mis en évidence, seulement sur certains éléments, un ail long et fin qu'ils ne considèrent pas comme un véri- table eil, mais comme un prolongement du périplaste. Ces mêmes auteurs, qui soutiennent d’ailleurs comme Hartmann et Prowazek la nature protozoaire de ces microorganismes, ont étudié avec la technique de ces derniers le tartre dentaire, et ils ont constaté, chez Spirillum Buccalis à l'état frais, des (1) Zerrxow, Loco cilato. (2) Munrexs et HARTMANN, loco cilalo. DES « MICROBES SPIRALÉS DE LA BOUCHE » EX5 figures en Y, qu'ils considèrent comme une division longitu- dinale et, sur lame colorée, des cils terminaux et l'existence d'une membrane ondulante. De tout ce que nous venons de passer en revue, très rapide- ment, il semblerait évident que les espèces décrites par nous mériteraient d’être séparées de tous les spirochètes actuelle- ment connus de la bouche. Il est très probable que les espèces A et Cpeuvent être rangées parmi les spirochètes de la bouche, intermédiaires à Spirillum Buccalis et à Spirillum Dentium. Leur ciliation particulière, leurs dimensions, l'aspect de leurs spires permettent ce classement provisoire entre le plus gros et le plus petit spirochète. L'espèce B, décrite par nous, ressemble par bien des caractères à Spirillum Buccalis, mais en réalité, nous ne pouvons pas l’affirmer. De nouvelles recherches trancheront la question qui mérite, à l'heure actuelle, d’être laissée en suspens. Le microbe D doit être rangé à part, à cause de ce carac- tère essentiel qu'il n'est pas pourvu de spires comparables à -celles que nous avons reconnues aux espèces précédentes. Il se rapproche, par bien des caractères, de Sprrillum Crassum que Veillon et moi-même venons de décrire, mais il s’en différencie nettement par sa longueur et par le fait surtout qu'il s'est montré complètement dépourvu de cils (tout au moins de cils colorables par les méthodes ordinaires), tandis que Spiriltum Crassum possède de très nombreux eils péritriches. En terminant, nous tenons à remercier M. le D' Roux, directeur de l’Institut Pasteur, qui a bien voulu nous accueillir et nous permettre ainsi de profiter de la merveilleuse instal- lation de l’Institut Pasteur de Paris et de l'excellent enseigne- ment qu'on y recoit. Il nous est particulièrement agréable d'exprimer ici la reconnaissance la plus chaleureuse à notre cher maître et ami M. le D' Veillon, qui a bien voulu nous donner une place dans son laboratoire et nous aider, à tous les instants, de son expérience et de ses conseils toujours bienveillants. Nous devons les excellentes photographies que nous donnons au cours de ce travail, au talent de M. Jeantet, que nous sommes heureux de remer- cier ici. RECHERCHES SUR LA SUCRASE DE L’'ASPERGILLUS NIGER CONTRIBUTION A L’ÉTUDE DE L'INFLUENCE DE L’ALIMENT CARBONÉ SUR LA SÉCRÉTION DES DIASTASES PAT GMGREZES Duclaux (1) pose de la manière suivante le problème qui nous occupe : « Soit une cellule pouvant vivre aux dépens de diverses substances qui, comme le sucre candi, l’amidon, la caséine, ont besoin, avant de devenir assimilables, alimentaires, de subir l’action d’une diastase spéciale à chacune d'elles. Cette cellule sécrète-t-elle d’une facon constante, et en quelque sorte nécessaire, toutes les diastases qu'elle a le pouvoir ou l'occasion d'utiliser; ou bien la production de ces diastases est- elle intermittente, subordonnée aux conditions d'alimentation et liée à la présence de l'aliment qu'il s’agit de digérer? En d’autres termes, cette cellule sécrète-t-elle à la fois toutes ces diastases ou seulement chacune d'elles au fur et à mesure de ses besoins? » Il cite l'exemple de l’Aspergillus glaucus qu'il a étudié lui-même. Cette moisissure, cultivée sur du lactate de chaux, ne sécrèle ni présure, ni caséase, ni sucrase, mais elle sécrète de l’amylase; cultivée sur saccharose, elle sécrète de la sucrase, mais pas d'amylase, ni de caséase, ni de pré- sure. Sur lait, elle donne, au contraire, de la présure et de la caséase. Remarquons que, pour Duclaux, l'expression « absence de diastase » n'a rien d'absolu, car il n’envisage dans ses expé- riences que les diastases qui diffusent dans le liquide ali- mentaire. Mais nous avons des exemples d'expériences où l’on a observé la disparition d’une diastase à l’intérieur de la cellule. (4) Duccaux, Microbiologie, &. II, p. 83, 1899. RECHERCHES SUR LA SUCRASE DE L’ASPERGILLUS NIGER 557 Katz (1) montre que le Penicillium glaucum cultivé sur l'amidon produit de l’amylase, et que, si l’on ajoute à l’amidon 5 p. 100 de saccharose ou 2 p. 100 de glucose dans le milieu de culture, la production de diastase est complètement supprimée: un extrait du mycélium broyé n'a aucune action sur l'amidon. Dans une étude très étendue sur les diastases du Monilia sitophila, Went (2) cite un grand nombre de faits analogues. Il a cultivé cette moisissure sur des aliments carbonés très divers, choisis parmi les acides gras, les hydrates de car- bone et les matières protéiques, et, d’après l’ensemble de ses résultats, il divise les diastases du Monilia sitophila en trois classes. Certaines, la sucrase par exemple, sont sécrétées en pré- sence de tous les aliments carbonés qui permettent au végétal de se développer. D’autres, telles que la maltase, ne sont sécrétées qu'avec un certain nombre de ces aliments. D'autres enfin, comme la présure, n'apparaissent qu'en pré- sence de l'aliment qui nécessite leur intervention. Il ne serait même pas nécessaire de prendre des aliments de nature différente pour observer l'apparition de nouvelles dias- tases. Deux corps stéréo-isomères pourraient donner lieu à des sécrélions différentes. Pottevin (3) obtient, à partir du mycélium de l'Aspergillus niger, cultivé sur une solution de méthyl-d-galactoside 8, un macéré inactif sur le méthyl-d-galactoside +. Mais vient-on à introduire sous la plante le mélange des deux galactosides, le macéré est actif à la fois sur le galactoside + et sur le galacto- side $. Longtemps avant, on avait observé des faits analogues chez les levures et les bactéries. Bourquelot (4) avait établi que la levure de bière en activité, (1) Karz, Jahrb. Wiss. Bot., 1898, t. XXXI, p. 533. 2) WEnt, Jahrb. Wiss. Bot., 1901, t. XXXVI, p. 611. (3) Portevin, Annales de l'Institut Pasteur, t. XVII, p. 49, 1903. (4) Bourquecor, Journal de l'Anat. el de la Physiol., p. 209, 1886. 558 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR dans une solution de glucose ou de sucre de canne, ne produit pas de ferment capable de dédoubler le maltose, mais que, placée en présence de ce sucre, elle donne un ferment qui le dédouble. Wortmann (1), en étudiant l’utilisation de l’amidon par les bactéries, avait constaté que toute sécrétion d’amylomaltase cesse lorsque, avec l’amidon, on introduit dans le milieu de culture un autre élément carboné plus facilement assimilable, comme le glucose. Ces résultats tendent à montrer qu'étant donné une plante qui ne sécrète pas normalement une dias- tase, il est possible qu’elle la sécrète en présence d’un aliment convenable. Ce fait important a été récemment mis en doule. Dans une étude sur les diastases du Penicillium Camemberti, Wayland Dox (2), n'ayant jamais observé la disparition d'une diastase sous l'influence de l'aliment carboné, conclut en disant : «Il n’est pas prouvé que des diastases qui ne sont pas formées normalement par l'organisme en quantités appré- clables, peuvent être développées par un mode de nutrition spécial. L'influence de l'addition d’une substance particulière au milieu de ecullure ne consiste donc pas à développer une diastase entièrement nouvelle, mais à stimuler la production de la diastase correspondante qui est normalement formée dans toutes les conditions. » | Cet auteur n'ayant employé dans toutes ses expériences que des hydrates de carbone comme aliment carboné, il y avait lieu de se demander si ses conclusions ne seraient pas en défaut lorsqu'on prendrait un aliment étranger à ce groupe. C'est ce doute qui a inspiré notre travail. Nous avons étudié les diastases sécrétées par l’Aspergillus niger en offrant à cette moisissure de l’acide succinique pour tout aliment carboné, et nous avons comparé les résultats obtenus avec ceux d’une culture sur sucre. (4) WorTmann, Zeitschr. für physiol. Chemie, 1. VI, p. 287, 1882. Fr U 4 | 0 ‘ . . (2) Arraur WayLanD Dox, The intracellular enzyms of Penicillium and Asper- gillus. U. S. Department of Agriculhure, 1940. RECHERCHES SUR LA SUCRASE DE L’ASPERGILLUS NIGER 559 MÉTHODE DE CULTURE. CHOIX DE L'ALIMENT CARBONÉ. — Nos expé- riences ont élé faites sur des cultures pures d’Aspergillus niger. Le liquide était introduit dans des fioles d'Erlenmeyer et sté- rilisé à l’autoclave à 115 degrés pendant vingt minutes: ense- mencé ensuite à partir d'une culture pure avec un fil de pla- tine et placé dans une chambre thermostat à la température de 31 degrés. Nous avons adopté comme milieu de culture le milieu Raulin, dont nous avons éliminé le sucre et l'acide tar- (rique, suivant notre idée de prendre un aliment carboné étranger au groupe des sucres et aussi éloigné que possible de ce groupe; ne renfermant pas, par exemple, de fonc- tion alcool dans sa molécule. Nous avons tenté des cultures sur quelques acides organiques; avec les acides gras en parti- culier, nous n'avons pas obtenu de bonne récolte, mais avec l'acide succinique, dont la molécule est énergétique, nous avons eu des résultats très satisfaisants. L'Aspergillus niger S'accommode fort bien de cet aliment pendant un grand nombre de générations; nous avons pu remarquer qu'au bout de la soixantième il était encore très vivace. | Pour déterminer la dose d'acide qui convient le mieux à ce végétal, nous avons fait l'expérience suivante : nous avons ensemencé cinq séries de trois fioles d'Erlenmeyer de 100 cent. cubes, contenant chacune 25 cent. cubes de liquide de culture avec des spores de la 20° génération, en ayant soin d’avoir la même concentration en acide succinique dans chaque fiole d'une même série. Les mycéliums récoltés au bout de quatre Jours ont été séchés dans la chambre thermostat à 37 degrés jusqu'à poids constant. Ces nombres ne sont pas tout à fait comparables, car, à la même époque, toutes les récoltes n'étaient pas arrivées au même stade de leur développement; les trois dernières séries élaient en effet bien sporulées, alors que les récoltes de la pre- mière série ne présentaient encore aucune spore. 560 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Voici les résultats résumés en tableau : Ar: série.| 2° série.| 3° série. 5e série. CONCENTRATION DU LIQUIDE — _— — — DE CULTURE en acide succinique. 3 p-. 100.4 p. 100./: . 400.2 . 100 ( 05395 08282 (8218 Poids des récoltes. 42107325 0,325 0,228 0,365 0,297 0.190 1,115 | 0,907 Rapport du poids de récolte 0,299 0,302 au poids d'acide. Néanmoins nous voyons que, jusqu'à la quatrième série, les rendements relatifs à l'acide succinique ne varient pas beau- coup, et comme c'est avec les concentrations de 3 ou 4 p. 100 que l’aspect des cultures nous a paru se rapprocher le plus de celui qu’elles affectent sur le sucre, nous avons adopté l’une ou l’autre de ces concentrations. Étant en possession d’un milieu de culture dans lequel le sucre à été remplacé par l'acide suceinique, milieu qui con- vient au développement de l'Asperqgillus niger, nous nous sommes proposé de vérifier si les diastases, dont on à démontré l'existence lorsque la moisissure pousse sur le saccharose, sont encore élaborées en présence de ce nouvel aliment. Ne pouvant faire ce travail pour toutes les diastases qui ont été signalées, nous avons pensé que nous devions d’abord étudier les dias- tases qui exercent leur action sur les sucres, puisque à un ali- ment appartenant à ce groupe nous avons substitué un aliment qui lui est étranger. En réalité, nous avons recherché : la sucrase, l’'amylase, la maltase, l’inulase et l’'émulsine, dans le mycélium récolté sur l'acide succinique. RECHERCHES SUR LA SUCRASE DE L’ASPERGILLUS NIGER 561 MopE D'EXTRACTION DES DIASTASES. — Pour obtenir ces dias- tases, nous avons opéré de la façon suivante : les mycéliums extraits du vase de culture étaient dépliés et lavés rapidement sous un jet d’eau distillée. Ils étaient essorés ensuite entre deux feuilles de papier filtre, portés dans une chambre thermostat à 36 degrés et, après dessiccation complète, réduits en poudre à l’aide d’un moulin à café turc. Nous faisions macérer cette poudre dans de l’eau distillée pendant quelques heures, et, au bout de ce temps, nous filtrions sur un filtre de papier pour avoir une solution limpide. ETUDE DE LA SOLUTION DIASTASIQUE. — C’est dans cette solution que nous avons recherché les diastases indiquées précédem- ment en faisant l'expérience suivante : nous préparions deux tubes à essai contenant le même volume d’une solution de la substance à hydrolyser; dans le premier, nous introduisions un volume déterminé de la solution diastasique, et dans le second, nous introduisions le même volume de la solution diastasique, mais après l'avoir préalablement maintenu pendant cinq minutes dans l'eau bouillante. Nous placions les deux tubes dans une étuve à 35 degrés, et, au bout d’un temps convenable, nous dosions le pouvoir réducteur dans les deux tubes par la méthode de M. G. Bertrand ({). Dans toutes les expériences, durant plus de deux heures, nous avons ajouté du toluène comme antiseptique. RÉSULTATS EXPÉRIMENTAUX. — Dans une de nos expériences, 2 grammes de mycélium récolté sur une solution d’acide succi- nique à 2,5 p. 100 au bout de cinq jours, ont été traités par 20 cent. cubes d’eau pendant quatre heures. Pour chaque dias- tase, nous avons pris 2 c.c. 5 de la solution d’épreuve, Î cent. cube de la solution diastasique, et nous avons dosé le pouvoir réducteur après quarante-huit heures sur le contenu total des tubes suivant le tableau ci-après : (1) G. Bertraxn, Bull. Soc. chimique, t. XXXV, p. 1285, 1906. 36 562 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR SUCRASE AMYLASE MALTOSE | INULASE ÉMULSINE Composition! 4 gr. 4 gr. fécule 0 gr. 9010 gr. 315| 0 gr. 350 de la sucre. |dans 100 c.c. d'eau |maltose| inuline |[amygdaline solution |+ 20 c.c.|portée à l'ébullition|+20c.c.|+ 20 c. c.| + 10 c.c. d'épreuve. eau. pendant 2 minutes.| eau. eau. eau. Cuivre réduit dans le {er Tube. 99,5 Cuivre réduit dans 9.9 le tube de témoin. Nous voyons que l’Aspergillus niger, cultivé sur l'acide suc- cinique, élabore encore les cinq diastases étudiées. Remarque. — Le résultat qui concerne la mallase est à rapprocher de celui qu'a obtenu Went avec le Monilia sitophila. Cet auteur a observé la disparition de cette diastase en pre- nant le succinate de soude comme aliment carboné : mais il faut remarquer qu'il opérait sur 1 milligramme de récolte, et celte quantité nous paraît trop faible pour permettre d’af- firmer un résultat négatif. On peut penser, en effet, que si on avait eu plusieurs grammes de récolte, comme dans nos expériences, le résultat aurait été changé. ÉTUDE QUANTITATIVE DE LA SÉCRÉTION DE SUCRASE Dans les expériences qui précèdent, nous avons constaté qu'aucune des diastases recherchées ne disparaissait du mycé- um de l’Aspergillus niger lorsque, dans le milieu de culture, on subslituait au saccharose un corps très différent au point de vue chimique, comme l'acide succinique. Cela ne veut pas dire que l'aliment carboné n’a aucune influence sur les sécré- lions diastasiques : de nombreux auteurs (1\ ont reconnu que (1) Coin, Thèse de doctorat. Paris, 1911. — WayLanp Dax, Loc. cit. RECHERCHES SUR LA SUCRASE DE L’ASPERGILLUS NIGER 563 cette influence se faisail sentir sur la quantité de diastase élaborée et nous nous sommes proposé d'étudier quantitative- ment comment elle se manifeste dans le cas de la sucrase. Pour réaliser cette étude, il faut mesurer la quantité de diastase présente dans un poids donné de mycélium, ce que l’on fait généralement à l’aide de deux séries d'opérations. Dans la première série, on extrait la diastase des cellules en la faisant passer dans une solution, et dans la seconde on mesure Pactivité de cette solution. La sucrase est, parmi les diastases connues, celle qui se prête le mieux à celte mesure : elle diffuse facilement à l'extérieur des cellules et nous savons, en outre, mesurer l’activité de ses solutions depuis les travaux de M. Fernbach (1. Quant à la méthode que nous avons employée, elle ne diffère de celle de M. Fernbach que dans le mode d'extraction de la diastase. Cet auteur broie le mycélium immédiatement après la récolte et le fait macérer avec de l’eau pour obtenir la solu- tion diastasique ; en même temps, il récolte une seconde culture, venue dans les mêmes conditions que la première, il la fait sécher, la pèse et admet que le poids obtenu est aussi celui de la première culture. Nous n'avons pas pu le suivre dans cette série d'opérations, car cette hypothèse, qui peut être légitime lorsqu'on a affaire à des cultures sur saccharose qui couvrent rapidement toute la surface du liquide, devient d’une application presque impossible lorsqu'on à affaire à des cul- tures qui ne couvrent pas bien, comme celles que nous avons obtenues avec l'acide suceinique. Pour parer à cet inconvé- nient, nous avons cru devoir adopter une méthode suggérée par le mode d'extraction des diastases, que nous avions employé dans l'étude qualitative. Principe de la méthode. — Pour comparer l'activité de deux mycéliums, nous les faisons sécher, dans les mêmes con- ditions, jusqu'à poids constant; nous les réduisons en une poudre homogène et nous faisons macérer des poids égaux des deux poudres dans un même volume d'eau. Nous déterminons ensuite l’activité de la solution obtenue de la facon suivante : Pendant deux heures, à 36 degrés, nous avons fait agir, sur (1) FERN8ACH, Thèse de doctorat. Paris, 1890. 56% ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR 1 gramme de sucre, un volume de solution diastasique tel qu'il n'y ait pas plus de 100 milligrammes de sucre hydrolysé: nous n'avons Jamais eu ainsi plus de 20 p. 100 de sucre hydro- lysé et nous pouvons admettre que le pouvoir réducteur, déter- miné par la méthode de M. G. Bertrand, est proportionnel à la quantité de sucrase. Le volume total est toujours ramené à 10 cent. cubes, et nous 1 1000 1007 comme l'indique M. Fernbach (1), parce que des expériences poursuivies au laboratoire de M. G. Bertrand (expériences que : , l , À opérons en présence de d'acide acétique au lieu de r r fr pe ? l nous avons répétées) ont montré que c’est avec la dose de 55 qu'on obtient l'effet maximum. Dans chaque cas une expérience témoin, faite avec le même volume de solution diastasique bouillie, nous indique quelle est la part de l'acide dans l’hydrolyse ; de sorte que les nombres don- nés se rapportent uniquement à l'action de la sucrase elle-même. Étude expérimentale de la méthode. — Nous avons recherché quelles sont les meilleures conditions expérimentales pour l'application de cette méthode. Nous faisons macérer les pelites quantités de poudre sur lesquelles nous opérons dans de petits flacons de 50 cent. cubes; nous avons soin de mouiller la poudre en la malaxant avec une petite fraction de l’eau que nous voulons employer et nous bouchons le flacon. Ces précautions étant prises, nous avons fait varier les prin- cipaux facteurs sur lesquels nous pouvions agir. Influence de la durée de la macération. — Nous avons préparé six flacons avec 0 gr. 5 de poudre et 25 cent. cubes d’eau dis- tillée. Nous les avons laissés à 36 degrés, sans les agiter, pendant des temps différents. L'activité de chaque solution diastasique a été déterminée aussitôt après qu’elle a été obtenue. Durée de la macération. 4 heure. 2h. 8 b., "4 bee Cuivre réduite ee 95 milligr. 120 130 120 119 121 Nous avons répété cette expérience aux environs de 0 degré; (1) FerNBACH, loc. cil., p. 31. RECHERCHES SUR LA SUCRASE DE L’ASPERGILLUS NIGER 565 nos flacons étaient placés dans de la glace pilée, mais en agitant fréquemment. Durée de la macération. 4 heure. Zn: 3 h. 4 D. Core 12 militer: 125 TES 15 Ces résultats montrent que l’activité obtenue croît d'abord avec la durée de la macération, arrive à sa valeur maximum et retombe à une valeur légèrement inférieure qui demeure constante. Si, pendant la macération, il y avait simplement dissolution et diffusion de la sucrase, l’activité maxima devrait se main- tenir. Puisqu'il n'en est pas ainsi, nous devrions, pour faire des mesures correctes, répéter pour chaque mycélium l’expé- rience que nous venons de décrire et convenir de comparer entre elles les valeurs maximum de l’activité. En réalité, nous nous sommes borné à une seule macération de durée toujours égale à deux heures. Influence de la température. — Dans l'expérience faite à 0 degré, nous avons atteint plus rapidement la valeur maxi- mum de l’activité, parce que nous agitions fréquemment, mais cette valeur est restée inférieure à celle qu'avait donnée l'expérience faite à 36 degrés. Il en est de même de la valeur constante finale, et ce fait est dû à la différence de température. L'expérience suivante, faite sur une autre poudre en donnant à toutes les macérations une durée de deux heures, montre que, pour une durée de macération constante, l’activité obtenue varie avec la température. Température. 18° 280 34 36° 370 sucre interverti . . 102 milligr. 108 114 114 115 Au point de vue expérimental, nous voyons que la tempéra- ture peut varier de 2 ou 3 degrés sans que l’on observe une différence d'activité sensible. Dans tout ce qui suit, les macéra- tions ont été faites aux environs de 36 degrés. Influence de la concentration. — Nous avons fait macérer des poids de poudre variables avec le même volume d’eau, 10 cent. cubes; l’activité a été déterminée en faisant agir sur 566 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR le même poids de sucre des volumes de solution indiqués dans le tableau. Nous donnons, dans la dernière colonne, le poids de sucre interverti, calculé, à partir du résultat de la dernière expé- rience, en supposant que l’activité des solutions obtenues soit proportionnelle au poids de poudre employée. SUCRE INTERVERTI POIDS DE POUDRE VOLUME DE SOLUTION PT LR Trouvé. Calculé. 4 gramme. (D BEEN) 244 270 0 gr. 5 INCNC. » 262 270 her 2 1e nc. 25 166 162 0 gr. LC IG. 00) 108 » Nous voyons que l'hypothèse faite est pratiquement exacte pour les trois dernières expériences, c'est-à-dire lorsqu'on traite la poudre par des quantités d’eau variant entre 20 et 100 fois son propre poids. Influence de la réaction du milieu. — Les liquides de macé- ration se sont montrés constamment acides à la phtaléine et alcalins à l'hélianthine, et nous avons constaté, dans une expé- rience préliminaire, qu’en prenant 0 gr. 1 de la poudre employée pour 10 cent. cubes d’eau, 5 cent. cubes du liquide de macéra- tion nécessitaient 0 c.c. 75 d’une solution de soude pour x virer à la phtaléine. Nous avons alors préparé cinq macérations comme il suit : Macération I 0 gr. 1 de poudre + 2 c.c. de NaOH 55 + S1c-c. d'eau! (©) N Macération IT 0 gr. 1 de poudre + 1 c.c. de NaOH 100 9:c:€. d'eau. + N Macération [IT 0 gr. 1 de poudre + 0 c.c. de NaOH + 10 c.c. d’eau (**) À c N Macération IV 0 gr. 1 de poudre + 1 c.c. de SO‘H® 100 + 9 c.c. d'eau. ET ; N Macération V 0 gr. 1 de poudre — 2 c.c. de SO“? 100 + 8 c.c. d'eau (*") (*) Pour être alcalin à la phtaléine. (**) Réaction naturelle. (***) Pour être acide à l'hélianthine. RECHERCHES SUR LA SUCRASE DE L’ASPERGILLUS NIGER 567 Nous espérions avoir atteint l'alcalinité à la phtaléine dans la macération I et l'acidité à l'hélianthine dans la macération V; en réalité, au bout de deux heures, tous les liquides de macé- ration ont été encore acides à la phtaléine et alcalins à l'hélian- N thine. Avant de filtrer, nous avons ajouté de l'acide —— 100’ de la N soude -—— Too °° de l’eau, de facon à avoir 12 cent. cubes de liquide dans tous les cas et à revenir à la réaction naturelle, et nous avons attendu quelques instants. En mesurant l’activité des solutions diastasiques, nous avons trouvé : Numéro de la macération . I II III IV \ Suere intervérthi.. "002 02: 41% AG 118 108 104 Il en résulte que la réaction la plus favorable à la prépara- lion des solutions de sucrase, suivant le procédé employé, est la réaction du milieu naturel. L'action défavorable des acides est très marquée; celle des bases est moins apparente. APPROXIMATION DES RÉSULTATS, — En résumé, il résulte des expériences qui précèdent que la méthode est fidèle, qu’elle donne facilement le même résultat quand on opère avec la même poudre. Mais les activités des solutions obtenues en par- tant de deux mycéliums différents sont-elles dans le mème rapport que les richesses en sucrase de ces dernicrs? Il en serait ainsi si les poudres qui ont subi une première macération ne renfermaient pas de sucrase. Les expériences qui suivent vont nous montrer que cette condition n’est pas loin d'être réalisée. Nous avons fait subir une deuxième macération à la même poudre, après l'avoir filtrée sur un filtre taré à l'avance. Pour recueillir toute la poudre, nous lavions le flacon à plusieurs reprises avec la solution fillrée. Cette opération terminée, nous pesions le filtre avec la poudre humide. Leurs poids à l’état sec étant connus, nous obtenions ainsi le poids du liquide qui les imprégnait. 568 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR En admettant que la richesse de ce liquide en sucrase soit la même que celle de la première solution, on peut calculer quelle sera l’activité du nouveau liquide de macération si, dans la première opération, toute la diastase est entrée en solution. în opérant une seconde macération de deux heures avec la poudre encore humide, nous n'avons eu aucun gain de suerase. Mais en faisant sécher au préalable le filtre avec la poudre à 36 degrés, pendant vingt-quatre heures, nous avons eu une augmentation d'activité qui a été le | de l’activité de la pre- mière macération pour un mycélium récolté sur du sucre et le g Pour un mycélium récolté sur de l'acide succinique. Pour ce qui est de ces deux mycéliums, d'activité très diffé- rente, nous voyons qu'en prenant pour valeur du rapport de leur richesse en sucrase, la valeur de celui des activités des deux solutions diastasiques obtenues dans la première macé- ration, nous aurions commis une erreur relative d'environ ane l 8 2010 L'approximalion de ces mesures est suffisante pour nous permettre de suivre les variations de la sécrétion de sucrase par l’Aspergillus niger, quand on change le milieu de cul- Lure. Nous allons voir, en effet, que l’ordre de grandeur de ces variations est bien supérieur à celui des erreurs que comporte la méthode. Dans toutes les expériences qui suivent, les poudres mycé- liennes sont trailées par cent fois leur poids d’eau pendant deux heures à 36 degrés; nous fillrons et nous déterminons immé- diatement l’activité du liquide de macération par la méthode indiquée. Nous ramenons la quantité de sucre interverti trouvée à ce qu'elle aurait été si on avail pris 4 cent. cubes de ce liquide, et, par convention, nous appelons activité du mycé- lium la quantité de sucre interverti ainsi obtenue. Cette acti- vité se rapporte à 40 milligrammes de poudre. RECHERCHES SUR LA SUCRASE DE L’ASPERGILLUS NIGER 569 L. Application à l'étude de l'influence de l'aliment. — Afin de mettre en lumière l'influence de l'aliment carboné sur la sécré- tion de sucrase par l'Aspergillus niger, nous avons étudié les cultures suivantes au point de vue de leur activité 1° Une culture venue sur saccharose non interverti; 2° Une culture venue sur saccharose interverti; 3° Une culture venue sur acide suceinique à 3 p. 100. Dans ces trois cas, les spores ensemencées provenaient d'une culture sur saccharose. Il est difficile de savoir à quelle époque on doit récolter les mycéliums des différentes cultures pour avoir des résultats comparables, et, pour éviter cette incertitude, nous avons étudié dans chaque cas les variations d'activité avec l’âge de la culture. Le tableau suivant résume les résultats que nous avons obtenus : ALIMENT CS SACCHAROSE SACCHAROSE ACIDE SUCCINIQUE non interverli. interverti. à 3 p. 100. Activité. Activité. Activité. Age de la culture : AÉSTeUTE EU - 140 0 » 16 heures + 1 jour . . 292 285 () 16 heures + 2 jours. . 172 216 9 16 heures + 3 jours. . 120 61 6 16 heures + 4 jours. . 12 54 2 16 heures + 5 jours. . 24 » » Ces résultats sont d’ailleurs représentés par des courbes jointes au texte ; ce sont les courbes [, IL et IT qui leur corres- pondent. Avant de les interpréter, il est intéressant de les comparer à ceux qu'a obtenus M. Fernbach (1),en mesurant la quantité de sucrase que renferme, à différents âges, une culture d’Asper- quillus sur saccharose. Les nombres qu'il donne expriment la quantité totale de diastase présente dans le mycélium ; si on les divise par les poids des récoltes qu'il indique à côté, on les rapporte à l'unité de poids. D'autre part, comme nous avons 1) FERNBACH, Loc. cit. 510 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR ‘ effeclué les récoltes aux époques choisies par M. Fernbach, les résultats de nos expériences se rapporlant toujours à un même poids de mycélium, ils doivent varier suivant la même loi que les nombres calculés comme il vient d'être dit, c'est-à-dire qu'ils doivent être entre eux dans un rapport constant. D'après cela, voici le tableau comparatif que nous avons établi : AGE ACTIVITÉ ACTIVITÉ RAPPORT de la culture. d'après M. Fernbach. d'après nos expériences. < 392 CDRHEULES ER RNE 89 392 = = A7 89 * $ 3 U 12 : 40 heures + 1 jour . ati 172 == Ji , : ée 120 : 10 heures + 2 jours. 25 120 JE — 4,8 2 72 40 heures + 3 jours. 25 72 5: — 2,9 « 21) à 24 :0 heures + 4 jours. 21 24 = As Pour Les trois premières déterminalions, malgré la différence du mode expérimental, les rapports concordent à 1 p. 10 de leur valeur, mais pour les deux dernières ils ne concordent pas du tout et, à partir de la troisième, ils décroissent mème en progression arithmétique. Le désaccord entre les résultats donnés par les deux méthodes pour les mycéliums âgés semble bien tenir à une cause régu- lière; 1l est remarquable qu'il se produit au moment où la richesse en sucrase du liquide de culture augmente brusque- ment, de 5 à 10 d'après M. Fernbach, mais de nouvelles expé- riences seraient nécessaires pour mettre celle cause entièrement en évidence. Ceci posé, remarquons que les courbes obtenues sont très différentes, la nature de l'aliment carboné à donc une influence régulatrice considérable sur la sécrétion de sucrase par lAsper- qulus niger. Prenons pour terme de comparaison la courbe F obtenue avec l'Aspergillus cultivé sur saccharose. La richesse du mycélium en diastase, nulle à l’origine, croît rapidement, passe par un maximum et décroit en deux temps, d'abord rapidement, puis plus lentement et proportionnellement au temps. RECHERCHES SUR LA SUCRASE DE L’ASPERGILLUS NIGER 571 Lorsqu'on substitue un autre aliment ausaccharose, onobtient les courbes IT et IIT déplacées vers la droite et aplaties, la sécrétion de sucrase est retardée et le maximum d'activité du mycélium est diminué. Les deux caractères du phénomène sont de plus en plus accentués à mesure que la nature de l’aliment s'éloigne davantage de celle du saccharose. Pere En pe. D en | ee A { LH me” iv : 8 heures 16. 4011. 40h+ijour HChr2i 4047. 40h74]. On voit qu'en passant du saccharose à l’acide suecinique le maximum d'activité décroît dans le rapport de 40 à 1 environ. Cette diminution est si grande qu'on peut se demander si, dans le dernier cas, la sécrétion de sucrase ne persiste pas grâce à un phénomène d’hérédité. IL. Application à l'étude du rôle de l'hérédité. — Vour vérilier cette hypothèse, nous avons fait successivement soixante cultures d'Aspergillus sur l'acide succinique et, avec les spores de la soixantième génération, nous avons mis en train deux séries de cultures, l’une sur acide suceinique et l’autre sur saccharose non interverli. 572 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR En suivant leur développement, nous avons observé que leur aspect était bien différent de celui que présentent les cultures obtenues dans les mêmes conditions avec les spores d’un mycé- lium habitué au saccharose. Les spores provenant d’une culture sur saccharose, ensemencées sur acide succinique, nous don- naient un mycélium qui sporulait sensiblement, à mesure qu'il se formait, si bien que nous n'avons pu observer de mycélium sans spores. Les spores de la soixantième génération, au con- traire, nous ont donné un mycélium d'abord blanc, anfrac- tueux, qui a sporulé d’abord contre les parois du vase; la sporulation s’est arrêtée ensuite et la surface du mycélium, au lieu de devenir franchement noire, est restée grise, tandis que la face inférieure et le liquide de culture prenaient une teinte vineuse, rouge violacé. Nous avons pu constater que les mêmes spores ensemencées sur du saccharose nous donnaient une culture florissante, mais qui, par la suite, se comportait tout à fait comme la précédente. Ces constatations rendent d'autant plus frappants les résultats que nous avons obtenus en étudiant la sécrétion de sucrase dans les deux séries de culture dont nous nous occupons. ALIMENT A ACIDE SUCCINIQUE SACCHAROSE à 3 p. 100. non interverti. Age de la culture : — — DEJNEUTES SU RUE SERRE » 132 40 heures AC EE 0 » 208 40 heures = 1jJOur RER 3 » 332 40 heures + 2 jours . . . 9,5 304 40 heures + 3 jours : "5. 3 » 230 Ces résultats sont, en outre, représentés par les courbes IV CLAVE La comparaison des courbes Let V, obtenues avec des cultures sur saccharose, nous montre qu'en prenant des spores d’un mycélium habitué à l'acide suecinique au lieu de spores d’un mycélium habitué au saccharose, nous nous trouvons dans des conditions moins favorables à l'élaboration de la sucrase : la sécrétion de cette diastase est retardée et diminuée légèrement. Dans les cas des courbes IIT et IV, c’est-à-dire lorsqu'on prend l'acide succinique pour aliment, nous observons encore que la RECHERCHES SUR LA SUCRASE DE L’ASPERGILLUS NIGER 573 sécrétion de sucrase est plus rapide avec les spores d’un mycé- lium habitué au saccharose et, si nous ne trouvons pas de diffé- rence appréciable pour les activités maxima, cela tient sans doute à ce que nous sommes en présence de quantités de sucrase trop faibles pour que notre méthode nous permette de la déceler. CON£ELUSION. Les phénomènes dus à l’hérédité nous apparaissent comme capables d'accentuer l'influence de l'aliment carboné sur la sécrétion de sucrase ; c’est en présence de saccharose, et avec des spores d’un Aspergillus habitué à cet aliment, que la sécré- tion de sucrase est la plus rapide et la plus abondante ; et c’est lorsqu'on ensemence des spores d'un Aspergillus habitué à l'acide succinique sur cet aliment qu'on se trouve dans les con- ditions les moins favorables à la sécrétion de sucrase. Néanmoins, il ne semble pas que, grâce à ces phénomènes, on puisse observer la disparition complète de sucrase chez l’Asper- gillus; le fait qu'au bout de soixante générations la sécrétion de sucrase n'a pas diminué, autant qu'on peut en juger par la méthode employée, tend à montrer que le pouvoir de produire cette diastase, étroitement lié à la cellule de l’Aspergillus niger, est inséparable de son développement. = Des expériences analogues poursuivies sur d’autres espèces seraient nécessaires pour généraliser cette conclusion. Ce travail a été fait au Laboratoire de chimie biologique de la Faculté des sciences (Institut Pasteur) sous la bienveillante direction de M. G. BERTRAND. Nous Le remercions sincèrement de ses conseils éclairés et de ses encouragements si précieux à un Jeune expérimentateur. STATISTIQUE DES VACCINATIONS ANTIRABIQUES A L'INSTITUT PASTEUR DE SAMARA POUR LES ANNÉES 1886-1910 par le Dr M. ACKER. L'Institut Pasteur du Zemstwo de Samara a commencé à fonctionner le 2 juillet 1886. Depuis celte époque jusqu’au 31 décembre 1910, c'est-à-dire pendant une période de vingt-quatre ans et six mois, 20.185 per- sonnes ont subi le traitement anli-rabique à cet Institut. Ces 20.185 traités comprennent 13.397 hommes (66,4 p. 100) et 6.788 femmes (33,6 p. 100). Dans ce nombre on y trouve 5.839 cas d'enfants au-dessous de dix ans, soit 28,9 p. 100). Dans ces 20.185 personnes traitées sont comprises 1.909 per- sonnes non mordues, mais ayant été en contact quelconque avec des animaux enragés, 93 personnes mordues par des ani- maux sains, comme cela a été reconnu plus tard, et 18.183 per- sonnes mordues par des animaux enragés ou suspects de rage. Sur ces 18.183 personnes mordues, 228 sont mortes de rage. La mortalité globale est donc de 1,25 p. 100. Chez 60 personnes la rage s'est déclarée pendant le traitement, 63 sont mortes dans les quinze jours qui ont suivi la fin du traitement et 105 plus de quinze jours après la dernière inoculation. La mortalité réduite est alors de 0,58 p. 100. Le tableau suivant indique la répartition de ces 18.183, d'après le degré de certitude de la rage et aussi d'après l'espèce d'animaux mordeurs et la place des morsures, ainsi que la mortalité correspondant à chacun de ces groupes. Comme on le voit d’après le tableau ci-dessous, pour 8.779 personnes la rage de l'animal mordeur n'a pu être constatée, ni expérimentalement, ni par examen vétérinaire. Mais si l’on se reporte aux renseignements fournis par les mordus et aux circonstances dans lesquelles s'est produite la morsure, il est 8g'o | Ga‘r GOT 69 09 0007 |"E8T°8r |? * * ‘XNBJOL cz'‘0 s£‘0 & | — rY LGL * + * sdaoo np squiod sioArp ans sojdiqpnur Sainsion €1‘0 Gc-0 9 7 — e‘ez 06g# |: ‘ ‘ *ouor ne J9 SINOHIQJUI S9IQUIOUL XNB S9ANSION cr 0 69 0 6G 9 0°8g €gc' O1 | * * * © * sanouodns soiquout Xne Sa4nsION 97'G €6 9 s Gé 16 Ben (TTe ge OU NN 0 OSESTA NC 19 9191 61.6 S9INSION == _ = _ — BU 20 EE UE S STE DT E SET OAI 10‘ LI‘ GI rare LT F£ c'e 009 D EP EE NOÉ D AP ETUI c1‘0 ‘0 & re PE nf 86T'I RE OR CR PE de a ETES ed SUpPiON rG°0 c6‘0 IS cY 9% L°98 DO NC 1e SR PR ST TO NS 9 DCS TTD ON £9 0 gG 06 TC 6 87 DRE NP AE RE RES RC CEE) 66°0 C} 6G 6G Far LOS ce CAR EE PT COR EE SET 9 TOO IE) ec‘p Q F L 9° LR£'T cr ENS CCE ROMRUIE CO nn EE CNE UNSS 91108978") ‘uorje[noout ‘uot}epnoout “sHonvINooUT . £ er 91Q1UIOP ET soade UJ9p ET soide ee CS LU C SAGAMOIX ALINACAM a71V4O'T) = ù ss ; : Saop ! sinol GF °p sinol GF op CAUSE SATA SNION Fes 007 ‘da op = DR. = a AUTIKON ALTIVLHON HOVU AA SION L À DE PC I RE RE LP ON ER 576 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR facile de se convaincre que, dans la plupart des cas (les deux tiers au minimum), l'animal mordeur était atteint de rage. Nous voyons, en effet, que la mortalité pour la catégorie C, est à peu près la même que pour les deux autres catégories, et la mortalité réduite pour cette catégorie est mème supérieure à la mortalité générale. 219 fois seulement sur 228 cas, la période d’incubation de la rage à pu être déterminée. Ces 219 cas, d’après la durée d'incubation, se répartissent de la facon suivante : DURÉE | Moins De De De De De Au delà s de 20 | 20 à 40 | 40 à 60 | 60 à 80 | 80 à 100 |100 à 200| de 200 D'INCUBATION | Jours. jours. jours. jours. jours. | jours. jours. \ ——| — — | —| — Nombre | 91 106 | 46 A7 5 15 9 des cas. p. 100 | 9,6 48,4 21,0 HS 2,3 6,8 4,1 À l'inspection de ce tableau, on remarque que le plus souvent (48 p. 100 de cas) la rage se déclare dans la période de vingt à quarante jours après la morsure ; 79 p. 100 des malades sont pris de rage dans les premiers soixante jours après la morsure. La période d'incubation minima de treize jours fut observée une fois; de quatorze jours — deux fois. Dans 3 cas seulement, la période d'incubation a duré plus d’un an. Le Gérant : G. Masson. Paris. — L. MARETHEUX, imprimeur, 1, rue Cassette, 26° ANNÉE AOÛT 1912 N° 8 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR CONTRIBUTION A L'ÉTUDE ANATOMO-PATHOLOGIQUE DE LA VIEILLESSE par A° T. SALIMBENI et Lours GERY. (Avec les PI, XIV à XVI.) Grâce aux travaux de Metchnikoff et de son école, l'étude scientifique de la vieillesse, trop négligée jusqu'à ces dernières années par les biologistes et les médecins, est, en ce moment, à l'ordre du jour. Le nombre des faits précis déjà réunis sur cette importante question nous permet d'espérer qu’on arrivera à élucider un jour la pathogénie de la déchéance sénile. Cette pathogénie, en effet, est loin d'être évidente; le temps unique facteur de vieillesse, ce n’est pas une explication plus satis- faisante pour l'esprit du elinicien que pour celui du philosophe; l'observation montre tous les jours que le degré de sénilité ne se peutnullement mesurer à l'âge du sujet. Tel qu'il a été posé par Metchnikoff, le problème de la vieillesse doit être envisagé el poursuivi par la double voie, si féconde en médecine, de l'étude anatomo-clinique et expérimentale : étude des lésions spontanées chez les vieux sujets, d’une part; d'autre part, étude des lésions expérimentales provoquées par les divers facteurs capables d'affaiblir l'organisme et de produire la déchéance sénile, en précipitant l’action du temps. A l'heure actuelle, la partie expérimentale de l'étude de la vieillesse est peut-être poussée plus loin que l'étude anatomique ; l’on a pu reproduire chez l’animal des lésions qui sont l’apa- 37 578 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR nage et peuvent être considérées comme la cause de la sénilité : Metchnikoff (1) a montré que l’athérome aortique, la cirrhose du foie, la néphrite interstitielle chronique peuvent être déter- minés chez les animaux par l'ingestion de petites doses journa- lières de paracrésol continuées pendant des mois. Okhubo (2) et plus tard Dratchinsky (3) ont produit des lésions organiques très prononcées et rappelant de très près celles que l’on rencontre dans les organes des vieillards, en faisant ingérer à des lapins, cobayes et macaques de petites doses d'indol. Bref, il semble bien que les substances de la série aromatique, formées cons- tamment dans l'intestin, agissent comme des poisons lents capables de provoquer des lésions que l'on rencontre dans la vieillesse. L'étude anatomo-pathologique des lésions trouvées chez les sujets âgés, au contraire, a été rarement entreprise, et nous ne connaissons que des examens partiels. Il est en effet assez rare de pouvoir faire dans de bonnes conditions l’autopsie d’un sujet très âgé. L'occasion s'étant présentée de l'examen complet et précoce d’une femme de quatre-vingt-treize ans, indemne de tares organiques, M. Metchnikoff a bien voulu nous confier cette tâche. Cette femme, Ivana SL..., Serbe d'origine, était dans un excel- lent état quand, en juin 1909, toute sa famille émigra en Amé- rique et l’'emmena avec elle. La Commission américaine d'im- migralion accepta tous les membres de la famille; elle seule fut refusée comme « undesirable » du fait de son grand âge. Ses parents durent l'abandonner; elle repassa l'Océan et la Com- pagnie transatlantique la débarqua au Havre. Pendant le retour, la pauvre vieille était devenue folle, alors que, jusqu’à ce moment, elle jouissait, paraît-il, de facultés intellectuelles suffi- santes. Le directeur de l’hospice du Havre écrivit à M. Mecht- nikoff, sachant que ce dernier poursuivait des études sur la vieillesse. Elle arrive à l'hôpital Pasteur, le 6 août 1909. Elle est atteinte d’un délire d'angoisse ; elle passe des heures (1) Annales de l'Institut Pasteur, octobre 1910. (2) In Metchnikoff, loc. cit. (3) Annales de l'Institut Pasteur, juin 1912. ÉTUDE ANATOMO-PATHOLOGIQUE DE LA VIEILLESSE 519 entières à crier et à chanter sur un ton de mélopée. Elle parle un dialecte slave et il fut assez difficile de trouver un interprète. Elle appelle sa « maman » ; elle s'adresse à ses enfants, leur reproche de l'avoir emmenée si loin, elle si vieille; une phrase revient souvent : « Pourquoi m'avez-vous laissée si seule dans la nuit? » Souvent elle est fort agitée, elle se lève, lacère sa chemise, cherche à mordre et à griffer les personnes qui l’'approchent. Son état d'agitation empêcha de la garder à l'hôpital Pasteur, et le 11 août on dut l'envoyer à l’hospice Sainte-Anne, dans le service du D' Dagonnet. Elle se calme alors peu à peu et son agitation tombe, la débi- lité mentale persistant toujours. L'agitation reparut vers la fin de janvier 1910 et elle mourait le 1° février vers midi, après trente-six heures de maladie aiguë. L'autopsie fut pratiquée le mème Jour à 3 h. 45 du soir. Le cadavre est celui d'une vieille femme de squeletle normalement déve- loppé. La peau est très ridée sur la face et le cou, légèrement sur le reste du corps. Elle est épaissie, hyperkéralosique sur la partie antérieure du thorax. Le front porte deux petites taches café au lait irrégulières; des éphé- lides nombreuses parsèment le visage, des taches de purpura sénile le dos 580 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR des mains et des pieds; il existe de l'intertrigo. Les cheveux, complètement blancs, fins, un peu clairsemés, ont une longueur d'environ 10 centimètres. Les sourcils, gris jaunâtre, sont un peu raréfiés; la lèvre supérieure présente une légère hypertrichose. Les aisselles sont glabres. A la partie inférieure de la région pubienne et sur les grandes lèvres, il n'y a que quelques rares poils gris, très longs. La graisse sous-cutanée est atrophiée. Les ganglions inguinaux, hypertro- phiés, font saillie sous la peau. Un peu d'ædème gonfle les extrémités infé- rieures. Les glandes mammaires sont atrophiées et pendantes. Un gros mamelon surnuméraire, bien formé, existe un peu en dehors de la ligne parasternale gauche, sur la 7e côte. Il ne reste plus qu'une dent, l’incisive supérieure latérale droite. Les orifices naturels sont normaux, à l'exception de l'anus porteur d'un bourrelet hémorroïdaire assez volumineux. A l'ouverture du cadavre, les organes apparaissent dans leurs rapports normaux. Les anses intestinales, dilatées, ne sont pas recouvertes par l'épi- ploon, qui est très réduit et pauvre de graisse. Le niveau du diaphragme remonte, à droite, au 4° espace; à gauche, au bord inférieur de la 5° côte. Les articulations sterno-claviculaires sont normales, les cartilages costaux sont calcifiés, mais faciles à couper. Les côtes, atteintes d’ostéoporose, sont fragiles. Les poumons, emphysémateux, ne s’affaissent pas comme il est normal à l'ouverture du thorax et recouvrent en grande partie l'aire cardiaque. L'an- thracose est peu marquée. Le poumon gauche est complètement libre dans la cavité pleurale; le droit est au contraire réuni à la paroi par des adhé- rences faciles à rompre sur toute la hauteur des lobes moyen et inférieur. La face interne de ce poumon adhère au péricarde. Le sac péricardique est indemne d'adhérences et d’exsudation. A l'examen, les différents organes se sont présentés à nous dans l'état suivant : Les amygdales sont petites. Le larynx a ses cartilages calcifiés ainsi que les anneaux de la lrachée. Le corps thyroïde, volumineux, pèse 42 grammes; son aspect est normal, peut-être un peu plus pâle que normalement sur la plus grande étendue de sa surface. Dans la partie droite de l'isthme on trouve une tumeur arrondie aplatie, du diamètre d'une petile mandarine. À la coupe, elle se présente avec un aspect blanchâtre, assez ferme et enfermant des kystes à contenu col- loïide et à contours irréguliers. Le poumon gauche (215 grammes) présente des adhérences interlobaires anciennes. Les ganglions du hile, anthracosés, sont hypertrophiés. Le poumon est fortement emphysémateux, surtout aux bords el au sommet. A la coupe. on ne trouve pas d'autre lésion qu'un certain épaississement des bronches. Le poumon droit (615 grammes) est fortement augmenté de volume, surtout dans son lobe inférieur. Ce dernier est recouvert sur toute sa hauteur par des fausses membranes fibrino-purulentes jaunâtres; on trouve des adhé- rences analogues au niveau des scissures interlobaires. La coupe révèle dans le lobe inférieur la présence d'un gros bloc de gangrène pulmonaire à forme pneumonique, caractérisée par une coloration foncée, brun violacé, semée de taches irrégulières jaunâtres, et une odeur assez fétide. La surface de coupe estassez sèche. Les fragments détachés sont moins denses que l'eau. Le cœur pèse,entier, 350 grammes el, débarrassé de ses caillots, 295 grammes. ÉTUDE ANATOMO-PATHOLOGIQUE DE LA VIEILLESSE 581 Son diamètre transversal est de 9 centimètres. Il mesure 8 cent. 5 de la pointe à l'origine de l'aorte. La pointe est exclusivement formée par le ven- tricule gauche. Le myocarde, de consistance normale, est légèrement brunâtre. Le péricarde est lisse, avec une grosse tache laiteuse sur la face antérieure du ventricule droit et une graisse sous-épicardique légèrement augmentée. L'endocarde est un peu épaissi et nacré. Les orifices et valvules du cœur droit sont normaux; l'artère pulmonaire mesure 7 centimètres au-dessus des valvules sigmoïdes. La suffisance des valvules paraît parfaite. Dans le cœur gauche, les valvules paraissent égale ment suffisantes ; la valve aortique de la mitrale présente un athérome assez marqué surtout au niveau des bords libre et adhérent. Les sigmoïdes aortiques présentent de petites taches athéromateuses des bords adhérents. La crosse de l'aorte, ectasiée (circonférence maxima = 11 cent. 5), présente de nombreuses pustules et ulcérations athéromateuses; mais on trouve cependant, surtout dans la portion ascendante, de nombreux espaces lisses et non athéromateux. Dans son trajet thoracique abdominal, l'aorte est atteinte d'un athérome plus marqué et répond au type de « l'aorte pavée ». Le foie pèse 1.455 grammes, Il mesure dans son diamètre transversal 26 centimètres, dans son diamètre vertical 8 centimètres et 16 centimètres dans le sens antéro-postérieur. La capsule de Glisson est lisse et légèrement épaissie au niveau du bord antérieur du lobe droit. La vésicule biliaire contient une bile normale de quantité et de coloration. Le parenchyme hépatique, à la coupe, apparaît ferme et un peu pâle. La rate (95 grammes, diamètres = 9 X 7 X 2,5 centimètres) est entourée d'une gangue de périsplénite adhésive. Sa pulpe est ferme et présente de minimes hémorragies. Le pancréas (45 grammes) est macroscopiquement normal. Le rein gauche (140 grammes, diamètres — 11 X 5 X 2,5 centimètres) est de surface lisse, de décortication facile. A la coupe, si la graisse centrale est un peu augmentée, la corticale a une épaisseur tout à fait normale et ne parait présenter aucune lésion. Le rein droit (135 grammes) est tout à fait semblable au gauche, mis à part un certain degré de pâleur. Les surrénales sont volumineuses (la droite pèse 12 grammes) avec des adénomes multiples, L'intestin est fortement météorisé surtout au niveau des côlons. L’anse sigmoïde, très longue, se loge sous la coupole diaphragmatique. L’appendice, long de 9 centimètres, est mince, régulier, rectiligne. Le crâne, normal par sa table externe, est, sur sa table interne, sculpté par les sillons naturels très exagérés, surtout celui de la méningée moyenne ; il est très mince et transparent au niveau des granulations de Pacchioni. D'une manière générale les deux tables interne et externe sont papyracées et sépa- rées par un diploë plus celluleux et moins rouge que normalement. La dure-mère adhère au crâne dans la région frontale. Elle est peu tendue, opaque, épaisse; elle est libre d’adhérences sur sa face interne. La méninge molle est un peu épaisse. Le liquide céphalo-rachidien est normal d'aspect et de quantité. Le cerveau (1.090 grammes) a ses circonvolutions très atrophiées surtout au niveau du lobe frontal. Les artères de la base et les sylviennes présentent toutes des lésions d'athérome. Les ventricules latéraux sont dilatés. La subs- tance grise, nettement diminuée d'épaisseur, est pâle. Il n’existe aucune lésion en foyers ou lacunaire, 582 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR La moelle épinière est molle. L'ostéoporose est manifeste au niveau du tissu spongieux des os. La moelle diaphysaire est abondante, jaune, très grasse. ÉTUDE HISTOLOGIQUE LÉ = APPAREIL RESPIRATOIRE. Larynx. — L'examen du larynx ne nous a permis d'y décou- vrir que des lésions minimes ou, sans doute, contingentes. L'épithélium et les glandes de la muqueuse nous ont semblé normaux sur toute l'étendue de la coupe. A signaler la pré- sence, dans le chorion de la muqueuse de la corde vocale supé- rieure, d’un petit kyste gros comme une tête d’épingle, revêtu d’un épithélium à deux ou trois assises de cellules cylindriques et à contenu amorphe. Les cartilages thyroïde et cricoïide présentent une calcifica- tion assez marquée, mais beaucoup moins intense que celle à laquelle on était en droit de s'attendre, surtout étant données les lésions de cet ordre que l’on rencontre au niveau de certains cartilages des bronches. Poumon. — Le parenchyme pulmonaire présente deux régions très distinctes à considérer : 1° le parenchyme ne pré- sentant pas de lésions aiguës; 2° le foyer de gangrène. Sur cette dernière nous serons brefs; il ne s’agit là que d’un phénomène surajouté, n'ayant rien à faire dans cette étude. De vastes étendues de poumon sont nécrosées, mais nulle part il n'existe de fonte du parenchyme : les alvéoles sont parfaite- ment reconnaissables à leurs contours, mais il n'existe presque plus de noyaux colorables, tout est acidophile; sur les bords de la lésion on trouve des noyaux faiblement teintés d’une manière uniforme par les colorants basiques ; ils sont en caryolyse. Beau- coup d’alvéoles sont remplies par une substance grenue, avec des cellules encore reconnaissables bien que le noyau ait dis- paru ; quelques-unes contiennent du pigment ocre et des par- ticules de charbon. Souvent le contenu alvéolaire est constitué. par un réseau fibrineux très net. Les vaisseaux se sont thrombosés avant de se nécroser. ÉTUDE ANATOMO-PATHOLOGIQUE DE LA. VIEILLESSE 583 A la limite du foyer de nécrose, on trouve une hépatisation très nelte, le passage se faisant sans transition d'une lésion à l’autre. Les alvéoles sont comblées par un réseau fibrineux très marqué avec de nombreux polynucléaires et des cellules endo- théliales tuméfiées. Les bronches présentent des lésions assez peu marquées et banales, sauf lorsqu'elles se trouvent en plein foyer gangréneux. Les vaisseaux présentent parfois de l’endo- vascularite, mais le fait est loin d’être constant. Dans le parenchyme épargné par la gangrène, il existe un emphysème très marqué ; les parois alvéolaires sont très minces, souvent rompues, les alvéoles communiquent largement entre elles, formant de très grosses vésicules qui compriment et apla- tissent les alvéoles voisines. Les alvéoles dilatées se conti- nuent directement avec les bronchioles ; on rétrouve de l’épi- thélium bronchique appliqué directement sur certaines de ces vésicules. Au niveau des grosses bronches, les îlots cartilagi- neux présentent presque tous de la calcification centrale ; quel- quefois cette calcification s'accompagne de la désintégration du cartilage et une petite cavité se creuse dans ce dernier. Les artères peuvent présenter des lésions assez légères d'endartérite chronique; le tissu conjonctif périvasculaire est un peu augmenté; il semble que le tissu interlobulaire le soit également. L'anthracose est marquée, les grains de charbon étant soit macrophagocytés, soit libres dans le tissu conjonctif. Mais elle ne dépasse pas en intensité celle que l’on rencontre constam- ment chez les adultes. Il. — SYysTÈME CIRCULATOIRE CENTRAL. Cœur. — Le myocarde présente des lésions de sclérose très netles et intenses au sommet des piliers de premier ordre, légères dans le reste. Au sommet des colonnes charnues, on constate la présence de véritables bandes scléreuses, formées de fibres de collagène très tassées. Les bandes peuvent avoir trois ou quatre fois le diamètre d’uné fibre musculaire, mais elles sont, en général, assez courtes. Parallèles dans leur ensemble aux fibres muscu- laires, ces bandes forment un réseau à mailles allongées assez 38% ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR inégales, comprenant le plus souvent une seule fibre mais pou- vant en comprendre plusieurs. Cette sclérose intense cesse assez rapidement et n'occupe guère que la pointe du pilier; mais elle à une certaine tendance à s'étendre et à gagner la gaine des vaisseaux situés plus bas. À ce niveau, les fibres musculaires paraissent un peu plus étroites. Dans le reste du myocarde, la sclérose est bien moins intense et exclusivement localisée au voisinage immédiat des vaisseaux. Ceux-ci pré- sentent pour la plupart des gaines de tissu scléreux très épaisses, dans lequel on rencontre quelques rares macrophages et fibroblastes, ayant tendance à dissocier les fibres, mais seule- ment sur une petite étendue ; à peu de distance des vaisseaux, elles reparaissent normales, serrécs les unes contre les autres ou entrecoupées de travées fibreuses plus ou moins épaisses. Même dans la profondeur du myocarde les travées interfas- ciculaires sont plus épaisses que normalement; le tissu inter- stitiel intrafasciculaire paraît, sauf exceptions déjà signalées, sensiblement normal. Les fibres musculaires sont sensiblement normales ; il n’y a pas de dégénérescence graisseuse, la striation est assez bien visible, les champs de Conheim sont également très apparents. La seule lésion qu'on puisse relever est, sur les coupes trans- versales, une inégalité de diamètre entre les fibres qui ne semble pas attribuable à l'inégalité normale et doit être rat- tachée, croyons-nous, à une atrophie soit volumétrique, soit due à la division longitudinale. On ne voit cependant pas sur les coupes longitudinales aucune figure de division en train de se produire. L'endothélium au niveau des ventricules et des valvules est, sur de grandes étendues, doublé d'une couche plus ou moins épaisse de tissu conjonctif, d'aspect adulte, pauvre en cellules mais assez lâche. Aorte. — L'’aorte, en dehors des régions athéromateuses, est relativement saine. Elle ne présente pas, notamment, de lésions anciennes. En revanche, il y a des lésions très nettes d’endo- et de périartérite, mais ces lésions paraissent assez récentes et l’on peut être en droit de les considérer comme subaiguës. Sur la moitié postérieure de la circonférence de l'aorte, ÉTUDE ANATOMO-PATHOLOGIQUE DE LA VIEILLESSE 585 l’endartère présente ces lésions d'une manière continue : il existe une couche de cellules couvrant l’endartère et n’enva- hissant pas la tunique moyenne sur les bords de la lésion. Elle n'en dissocie que les lames les plus internes, dans les points où la lésion est plus marquée. Cytologiquement, ce sont surtout des cellules de la série lymphoïde qui composent cette inflammation : en grande majo- rité ce sont de moyens et de grands mononucléaires mêlés de quelques fibroblastes en réaction, quelquefois bi-nucléés ; les lymphocytes y sont rares, les polynucléaires exceptionnels. L'endothélium ne se retrouve que par places, sous forme de cellules tuméfiées. Dans le tissu conjonstif périartériel, on trouve des lésions inflammatoires composées des mêmes éléments, à cette diffé- rence près que la réaction fibroblastique y est un peu plus accentuée. Mais les lésions ici ont une répartition un peu diffé- rente : on les retrouve bien sur la moitié postérieure de l'aorte, où le tissu cellulo-adipeux est plus abondant, mais elles ne forment plus une nappe continue : les cellules se disposent en amas allongés dans le sens des fibres du tissu conjonctif, ces amas étant plus gros et plus tassés au voisinage immédiat de l'artère mais pouvant se trouver à tous les niveaux de la gaine cellulaire périaortique. Ils sont de dimensions très variables et l’on peut également rencontrer des cellules diapédétiques dis- séminées. Les vaisseaux ne paraissent Jouer aucun rôle dans la réglementation de la topographie des lésions inflammatoires ; ils sont congestionnés. En profondeur, l’inflammation n'est pas aussi limitée que du côlé interne de la paroi aortique, et on peut en retrouver des traces sur le quart externe à peu près de son épaisseur; par places les lamelles élastico-musculaires sont dissociées par des cellules diapédétiques de même nature que précédemment et des globules rouges (PI. XIV, fig. 1). Artère pulmonaire. — L'artère pulmonaire nous a paru nor- male, sauf dans la zone où elle est accolée à l'aorte; sa tunique péri-arlérielle participe alors aux lésions de la tunique péri- artérielle de l'aorte. 586 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR LIT. — ORGANES LYMPHOÏDES. Rate. — La rate est sans doute un des organes qui présentent les lésions les plus grosses et les plus manifestes. A un faible grossissement, son parenchyme apparaît pâle, pauvre ‘en cellules; les corpuscules de Malpighi sont rares, ceux qui restent sont extrêmement réduits; les travées con- jonctives et les gaines vasculaires sont épaissies ; les grosses artères ont leur tunique interne doublée d'un tissu conjonctif néoformé; à ces lésions vient s'ajouter par places une forte congestion des sinus. Au point de vue cytologique, le réticulum est beaucoup plus visible que normalement et les cellules fusiformes semblent augmentées de nombre. À la sclérose interstitielle s'ajoute de la sclérose pulpaire. Moyens et grands mononucléaires à protoplasma souvent très acidophile et à noyau assez clair forment la grande majo- rité des cellules qui composent la pulpe de la rate, les moyens prédominant un peu sur les grands. On y rencontre aussi des polynucléaires relativement non rares. Cette particularité, jointe à la rareté relative des cellules, donne à la pulpe cet aspect clair que n’a pas la rate de l'adulte. Quelquefois, plutôt rarement, on trouve au voisinage d’une artériole un tassement plus marqué de cellules formant au vaisseau un mince manchon le plus souvent très incomplet et constiluant un reste minime de corpuscule de Malpighi : c’est à peu près tout ce qui persiste de pulpe blanche. Au niveau de ces îlots, les cellules paraissent plus jeunes el beaucoup d’entre elles ont un protoplasma basophile et un noyau riche en chro- maline. Les lymphocytes y sont assez nombreux alors qu'ils sont presque exceptionnels ailleurs. Le pigment n’est pas augmenté de quantité ; peut-être mème pourrait-on dire qu’il est moins abondant que normalement si l’on avait sur cette question un point de comparaison précis. Les travées et les gaines vasculaires sont épaisses, elles sont constituées par du lissu fibreux, adulte, les fibres néoformées se continuant sans distinction avec les fibres primitives. Beau- coup d’artères, surtout parmi les moyennes, ont leur limitante ÉTUDE ANATOMO-PATHOLOGIQUE DE LA VIEILLESSE 587 interne doublée d’une couche plus ou moins considérable de substance hyaline, fortement acidophile, ne donnant pas les réactions du collagène. Cet état peut aller exceptionnellement jusqu’à l’oblitération. Dans la gaine de certaines artères de calibre moyen, on ren- contre parfois des macrophages isolés ou réunis en îlots de trois à quatre. Assez souvent on peut trouver de l'athérome. La congestion que nous avons signalée en passant est parcel- laire ; elle n’occupe que certaines parties de l'étendue de la préparation. Par places, il ne semble pas que ce ne soit pas seu- lement de congestion qu'il s'agisse, mais que la paroi du sinus ait été rompue et que le sang ait dissocié les cordons de Billroth (PI. XV, fig. 11). Ajoutons enfin que dans un point limité du bord de la rate, la capsule très plissée se rapproche de celle de la face opposée et que l’espace qui les sépare est à peu près privé de pulpe, presque réduit aux travées conjonctives et aux vaisseaux ; ceux- ci, très épaissis, ont une gaine conjonctive présentant au maxi- mum la dégénérescence hyaline que nous avons décrite au niveau de la tunique interne des autres artères. Ganglions lymphatiques. — Les ganglions lymphatiques exa- minés histologiquement présentent une grosse sclérose hilaire, de la sclérose interstitielle et une disparition des cordons fol- liculaires avec persistance des corpuscules de Malpighi. La sclérose hilaire est importante; en certains points, le ganglion est uniquement composé de tissu de sclérose sur la moitié de la surface; ce tissu est composé de fibres de collagène adulte parallèles entre elles, ondulées, assez grêles, mais serrées les unes contre les autres. On trouve entre les fibres de nombreuses cellules lymphoïdes, témoins de l'existence antécédente de tissu adénoïde à cette place; ces cellules sont tantôt dispersées dans le tissu scléreux, tantôt agminées, dis- posant des îlots arrondis de tissu adénoïde dans des logettes ménagées dans le tissu scléreux. Ces logettes ne dessinent pas des espaces strictement limités; les cellules diffusent peu à peu, sans limites nettes, dans le tissu de sclérose avoisinant. On trouve de nombreux vaisseaux dans le tissu de sclérose; souvent on les voit entourés de fibres conjonctives, mais il 588 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR n'apparait pas nettement que ce soit eux qui aient commandé la topographie des lésions scléreuses. Le squelette conjonctif du ganglion est très développé : la capsule d’enveloppe est épaisse; de fortes travées en partent pour rejoindre le tissu de sclérose hilaire. Les vaisseaux qui les parcourent ne présentent pas, en général, de lésions bien nettes; cependant, on rencontre, disséminés dans le tissu adénoïde, de petits corps scléreux formés de fibres concentriques qui paraissent bien être de petits vaisseaux oblitérés. La substance propre du ganglion a subi des modilications très nettes qui lui donnent, au premier abord, le même aspect qu’à la rate de notre malade : le tissu adénoïde tend à prendre un aspect partout uniforme. Ici, les cordons folliculaires ne sont plus reconnaissables ; les follicules clos persistent, mais ils sont moins nombreux et paraissent plus petits que normalement. Examinée à un fort grossissement, la pulpe ganglionnaire est exclusivement formée de cellules Iymphoiïdes, les lymphocytes y étant l'exception; on constate une abondance considérable de macrophages, quelques-uns contenant du pigment ocre. Beau- coup de cellules ont un protoplasme très acidophile; ones unes un noyau pycnotique. Au niveau des follicules clos, les lymphocytes deviennent la majorité. Le centre germinatif n'existe pas: dans un grand nombre des formations folliculaires, le centre présente une sclérose très nette, avec fibres de collagène colorable par le Van Gieson; souvent aussi, on y trouve un grand nombre de cellules altérées, à noyau pycnotique, plus rarement en caryorrhexie, et même des grains de chromatine épars. L'hypoplasie des organes lymphoïdes, pour si manifeste qu'elle soit, n’est pourtant pas une aplasie absolue : Nous avons pu trouver dans nos coupes plusieurs figures de karyo- kinèse, bien qu’elles soient très rares (V. pl. XIV, fig. 4). Amygdales. — Les amygdales présentent des zones étendues de lissu adénoïde paraissant normal à première vue. Cependant, à un grossissement un peu fort, on constate que beaucoup de cen- tres germinatifs sont scléreux, les fibroblastes constituant leur presque totalité. Le reste du tissu adénoïde nous a semblé normal. Entre ces zones de tissu adénoïde, on trouve des plages ÉTUDE ANATOMO-PATHOLOGIQUE DE LA VIEILLESSE 589 étendues de tissu fibreux dense contenant par places, surtoutau- tour des culs-de-sac des cryptes, du tissu adénoïde plus ou moins sclérosé. Entreles fibres de cetissu,ontrouve d'assez nombreuses cellules Iymphoïdes, notamment beaucoup de macrophages. L'épithélium est sensiblement normal ; à signaler cependant que les cellules en migration entre les cellules épithéliales sont très rares. Intestin. — L'intestin, dans ses divers segments, semble pré- senter un certain degré d’atrophie de la muqueuse; les glandes y sont, semble-t-il, diminuées de nombre et de longueur. Au niveau de l’iléon, les follicules clos sont très réduits de dimen- sions; ils ont perdu leur aspect folliculaire; les centres germinatifs ne sont pas appréciables, les limites sont indécises et le tissu adénoïde se perd peu à peu dans le chorion avoisinant, lui- même très infiltré, mais pas plus, semble-t-il, qu'à l’état normal. La muscularis mucosæ est fréquemment segmentée par du tissu fibreux, la sous-muqueuse légèrement sclérosée. L'appendice (PI. XVI, fig. 15) semble ne présenter d'autre lésion qu'une sclérose très appréciable de la sous-muqueuse. Les follicules clos paraissent sensiblement normaux comme nombre et comme développement; cependant, là non plus, ne voit-on pas de centres germinatifs. IV. — ORGANES GLANDULAIRES. Foie. — À un faible grossissement, on ne remarque qu'un certain degré de congestion sus-hépatique et une infiltration modérée des espaces de Kiernan. Toute la zone péri-sus-hépa- tique a ses capillaires distendus et remplis par le sang ; ils sont beaucoup plus larges que dans la zone périportale. Cependant, la travée hépatique elle-même est bien conservée et ne pré- sente aucune des lésions qu'on trouve dans le foie cardiaque ; pas d'atrophie appréciable, pas de dégénérescence graisseuse. Les cellules hépatiques apparaissent comme très sensiblement normales de taille et d'aspect; le plus souvent homogènes et finement granuleuses, on en rencontre parfois, soit isolées, soit par petits groupes, ayant un proloplasma tout à fait clair. Les noyaux sont très fréquemment gros, comme hydro- 590 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR piques ; quelques éléments sont binucléés. Les formes de dégé- nérescence nucléaire sont exceptionnelles. De loin en loin, on rencontre au bord des travées ou dans les capillaires des blocs très acidophiles un peu plus petits qu'une cellule hépa- tique; tantôt ils sont nucléés, tantôt et plus souvent ne pré- sentent aucune trace de noyau. Il nous semble que l’on doive les considérer comme des cellules vieillies, dégénérées et en voie de disparition. Les cellules hépatiques sont très fréquem- ment chargées de granulations jaunâtres ayant toute l’appa- rence du pigment ocre. Les cellules de Kuppfer sont en état de réaction marquée. Les espaces portes nous ont paru de dimensions sensiblement normales et ne présentent pas de modifications scléreuses bien . accusées. À leur niveau existe, par contre, une infiltration modérée composée presque exclusivement de moyens mononu- cléaires et de lymphocytes. On remarque enfin que la paroi conjonctive des veines sus-hépaliques est un peu épaissie et infiltrée de cellules rondes de la série Iymphoïde. Au niveau des artères hépatiques, on remarque des figures de périartérite caractérisées par une augmentation du tissu conjonctif et une infiltration de cellules Iymphoïdes. Reins. — D'une façon générale, les reins, au niveau de la corticale, ne présentent de lésions scléreuses que d’une façon parcellaire. Par places, sous la capsule, autour d'un glomérule, autour d’un tube, autour d’une artère, on voit une surabondance de tissu fibreux ; mais cet excès reste limité comme étendue et comme degrés. La surface du rein n'est pas régulière ; de loin en loin on voit une dépression cicatricielle d'où part une trainée de tissu conjonctif s'enfonçant vers la médullaire. Le tissu conjonctif est d'ordinaire adulte et fibreux; mais on trouve également quelques foyers d'infiltration embryonnaire assez discrète dont les éléments sont des cellules lymphatiques, pour la plupart des moyens mononucléaires mèlés à des fibroblastes. Les foyers peuvent se trouver à n'importe quel niveau, sans élection bien nette; ils semblent cependant avoir une prédi- lection pour les zones les plus voisines de la capsule et le long des vaisseaux (PI. XV, fig. 7). Au niveau de la médullaire, le tissu conjonctif entourant ÉTUDE ANATOMO-PATHOLOGIQUE DE LA VIEILLESSE 591 chaque tube droit est abondant et constitué par du tissu fibreux adulte. On peut dire cependant que le rein a été relativement peu at- teint par le processus scléreux, car des étendues notables de pa- renchyme sécréteur apparaissent sensiblement normales, chaque tube étant entouré seulement d’une unique fibre de collagène. D'assez nombreux glomérules présentent des lésions sclé- reuses diverses ; lésions scléreuses légères du bouquet glomé- rulaire, sclérose plus ou moins intense péricapsulaire; quelques- uns, complètement réduits à un bloc de collagène, sont en « pains à cacheter ». On les trouve de préférence au niveau des points de néphrite interstitielle parcellaire, mais on en peut rencontrer en des endroits où le parenchyme avoisinant apparaît sensiblement sain. D’autres glomérules semblent, par contre, légèrement augmentés de volume et gorgés de sang. L'épithélium des tubes tant sécréteurs qu'excréteurs ne pré- sente pas de lésions bien nettes. D'une façon générale il parait assez bas ; la lumière des tubes contient une substance acidophile granuleuse sans qu'il soit question de véritables cylindres. Un certain nombre de cellules sont desquamées, d'autres plus acidophiles que normalement. En partie tout au moins, ces modifications peuvent être mises sur le compte des fixateurs et de la cadavérisation. Du côté des vaisseaux on note d'abord une congestion par places intense, portant sur les artères, les veines, les capillaires, pouvant s'accompagner de suffusions hémorragiques dans le tissu interstitiel, dans les tubes voisins, mais l’hémorragie reste toujours limitée au voisinage du vaisseau. Certaines artères présentent des lésions d’endartérite et de périartérite plus ou moins intenses et paraissant anciennes, la tunique musculaire est dans la plupart des cas assez bien conservée et dans bon nombre d’artères les lésions sont peu avancées. Pancréas. — Le pancréas présente une légère sclérose inter- lobulaire généralisée à peu près à tout l'organe; Le tissu con- jonctif interlobulaire est un peu plus abondant que normale- ment ; il reste lâche et non scléreux. De plus, de place en place, on trouve un lobule présentant 592 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR un certain degré de sclérose interacineuse. Cette sclérose est toujours assez peu marquée; elle ne donne pas l'impression d'être très ancienne; elle est composée de nombreuses cellules fusiformes et de fibres de collagène, fibres grèles et espacées. Cette sclérose n’est pas régie par une topographie fixe, parfois elle est centrée par un canal excréteur, parfois elle semble être l'expansion de la sclérose interlobulaire, mais souvent aussi elle existe en dehors de ces deux causes. Les cellules nobles du pancréas sont à peu près normales ; les acini ont leur aspect et leurs dimensions normales. Ils sont cependant plus petits dans Les points où la sclérose interacineuse atteint une certaine intensité ; en ces points, la sclérose s'accom- pagne d’un peu d’atrophie. Certains acini présentent des cellules, surtout parmi les cellules centro-acineuses, qui présentent une dégénérescence particulière: l'ergastoplasme disparaît, le protoplasme devient très fortement éosinophile. A un degré plus avancé, le proto- plasme pâlit et se creuse de vacuoles ; le noyau paraît rester normal aussi longtemps que l'on peut reconnaître la cellule. Ce mode de dégénérescence paraît être tout à fait indépendant de la sclérose et l’on trouve des acini très nettement dégénérés dans les points les moins scléreux. Les îlots de Langherans nous ont paru normaux de nombre, de dimension et d'aspect. Les canaux excréteurs sont en général limités par une couche épaisse de tissu fibreux dense. Quelques-uns ont leur épithélium desquamé et un peu de réaction conjonctive de la partie interne de la paroi. Les vaisseaux sont en général normaux. L’artère splénique est athéromateuse à un degré léger mais net. Glandes salivaires. — La parotide présente une sclérose peu marquée et adulte des espaces interlobulaires, sclérose centrée indifféremment par les vaisseaux ou les gros canaux excréteurs. Ce n'est qu'exceplionnellement que, de cette sclérose, part une ébauche de sclérose interacineuse. Les acini nous ont paru tout à fait sains et en parfait étal de sécrétion. Quant aux vaisseaux, en dehors de la sclérose périvasculaire ÉTUDE ANATOMO-PATHOLOGIQUE DE LA VIFILLESSE 593 déjà notée, ils présentent, les artères du moins, un certain degré d'inflammation chronique de la couche interne. La sous-maxillaire ne présente que des lésions vasculaires chroniques et un peu de sclérose autour de certains gros canaux excréleurs. Mamelles. — Les mamelles sont constituées pour leur plus grande partie par un tissu scléreux formé de fibres de collagène denses et tassées et très pauvre en cellules. Dans cette masse, on trouve de loin en loin des tubes glandulaires, soit unis par petits groupes pour constituer des acini atrophiques, soit complè- tement isolés et perdus dans la sclérose avoisinante. Dans un sein, quelques-uns de ces tubes sont le siège d’une ébauche de dilatation; dans l’autre, plusieurs constituent des microkystes arrondis parfaitement nets; leur lumière est vide ou bien contient une malière amorphe, acidophile et grenue (PL XVI, fig. 19). L'épithélium ne paraît présenter aucune modification au niveau des kystes non ou peu dilatés. C’est un épithélium cubique bistratifié à protoplasme assez foncé. Il tend à devenir pavimenteux, restant toujours bistratifié, à mesure que l'état kystique s'accentue. Dans un des seins, celui où les formations microkystiques sont nettes, nous avons relevé au niveau de deux tubes glandu- laires immédiatement voisins des modifications intéressantes, deux autres tubes faisant partie du même acini restant normaux. Ces deux tubes sont très augmentés de volume dans leur ensemble. L'un d'eux présente un contour très irrégulier, festonné. L’épithélium est très proliféré ; Le nombre des couches qui le composent est variable suivant les points. Tantôt on en compte quatre ou cinq et tantôt une dizaine au moins, si bien que la lumière est bien plus irrégulière que le contour extérieur, elle est comme effilochée. Les cellules sont de taille sensible- ment égale à celles d’un tube normal, ayant une tendance à être prismatiques. La plupart ont un protoplasme foncé, de mêmes réactions colorantes que celles de la couche interne des tubes normaux; Mais on en trouve mêlées aux précédentes qui ont un protoplasme clair. Toutes ces cellules sont égales entre elles; on ne conslate ni karyokinèses ni monstruosités cellulaires. La lumière montre des cellules desquamées plus ou moins altérées. 38 09% ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR L'autre tube anormal est modifié d’une façon toute différente. Ici, le nombre des couches cellulaires est moins considérable, quatre au plus, mais l'aspect des cellules est beaucoup plus différent de l’état normal. Ce sont de grandes cellules prisma- tiques à protoplasme homogène, fortement grenu, un peu acidophile, à noyau basal. Leur extrémité libre fait saillie dans la lumière du tube qu’elle dessine irrégulière. Cette dernière contient des cellules desquamées et altérées. Quelques cellules de la bordure ont leur protoplasme remplacé par une grosse vacuole. Ici non plus, on ne rencontre ni Kkaryokinèses ni monstruosités nucléaires. IL s’agit là, sans doute, d'hyperplasie adénomateuse, maïs étant donnée la fréquence de transformations épithéliales suivant ces deux aspects dans les cancers, on peut se demander s'il ne faut pas y voir un état précancéreux, un stade de début de l’évolution vers la tumeur maligne. Autour de nombreux tubes glandulaires, on peut constater l'existence d’une infiltration mononucléaire discrète, avec quelques macrophages. Les vaisseaux sont en général peu touchés. Cependant une artère assez grosse présente une dégénérescence calcaire intense de sa tunique moyenne. Glandes surrénales. — La capsule fibreuse qui enveloppe l'organe présente une épaisseur plus grande que normalement; de sa face interne partent des trousseaux conjonctifs grèles, encerclant les cellules de la zone glomérulaire. Les travées de premier ordre sont également un peu plus épaisses qu’à l’état normal, en sorte qu'il existe un certain degré de sclérose de la capsule ei de la couche glomérulaire. Dans l'épaisseur de la capsule fibreuse, on note la présence assez fréquente de glandes surrénales accessoires qui sont, elles aussi, le siège de lésions scléreuses. On y rencontre relativement assez nombreux, surtout au voisinage de la couche glomérulaire et autour des vaisseaux, des macrophages et des mononucléaires moyens. Le parenchyme glandulaire estmanifestement hyperplasique. La disposition normale des travées cellulaires est bouleversée ; ces travées cessent d’être parallèles entre elles; elles sont ÉTUDE ANATOMO-PATHOLOGIQUE DE LA VIEILLESSE 595 coupées par le rasoir sous toutes les incidences et apparaissent ainsi dessinant des acini. L’épaisseur de ces travées est variable, souvent plus considérable qu'à l’état normal. Cette hyperplasie a, par places, une tendance aux formations nodulaires sans aboutir jamais à l’adénome vrai; elle est variable d'intensité d'une surrénale à l’autre et d’un point à un autre dans une même surrénale ; mais elle n'est absente complètement en aucun point. La couche glomérulaire participe pour son compte à l'hyper- plasie par l'augmentation de son épaisseur et son boulever- sement. Mais, en plus, on constate que les îlots de cellules sont plus espacés que dans le restant de la coupe à cause de la pro- lifération du tissu conjonctif; un certain nombre d’entre eux paraissent atrophiés. Les cellules sont également modifiées : à un très faible gros- . sissement, la coupe présente un aspect particulièrement clair. Cela tient à ce que les spongiocytes sont augmentés de nombre d’une manière manifeste et que leurs vacuoles sont plus nom- breuses et plus volumineuses que normalement. Cet élat d’hy- perépinéphrie ne s'accompagne d'aucune dégénérescence cellu- laire manifeste. De plus, étant donnée l'hyperplasie de la glande, la disposition des zones claires est beaucoup moins régulière qu'à l’état normal. Le pigment nous a paru très nettement augmenté de quan- tité. Les cellules qui en contiennent sont plus nombreuses et plus chargées qu'à l’état normal. L'étude de la zone médullaire ne nous a pas permis d'y découvrir de lésions bien nettes. Les vaisseaux présentent d’une facon générale leur paroi épaissie, sclérosée, souvent infiltrée de cellules de la série lym- phoïde, moyens mononucléaires et macrophages. On trouve d'autre part assez fréquemment, par places, de petits îlots de cellules de diapédèse formés de cellules Iymphoïdes, en majorité du type macrophage (PL XV, fig. 9). Corps thyroïde. — Le corps thyroïde présente un certain nombre de formations nettement tumorales de différentes tailles. Les unes sont de petits cysto-adénomes bien encapsu- lés, ne présentant rien de particulier. Celle qui, plus grosse que les autres, formait une tumeur bien 596 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR caractéristique à l'œil nu, est un fibro-adénome. A la périphérie, se trouvent des vésicules thyroïdiennes petites et en général régulières, beaucoup dépourvues de tout colloïde. Au centre de la tumeur, sur sa plus grande étendue, les vésicules sont ou très espacées ou complètement absentes. La tumeur est formée uniquement par un tissu fibreux dense, entremèêlé de traîinées de cellules diapédétiques mononucléées.Très fréquem- ment, ce tissu fibreux est dégénéré, devenu hyalin et ne prend qu'imparfaitement ou nullement les colorants du collagène. Par places, on trouve de vastes îlots de colloïde, non contenue par un épilhélium, celui-ci ayant sans doute existé primitivement et dégénéré par la suite. Cette tumeur est nettement encapsulée, dans une coque de tissu fibreux bien délimitée et fortement infiltrée de mononucléaires (PI. XIV, fig. 3). Nous nous attarderons davantage à l'étude du corps thyroïde en dehors des régions tumorales. Les régions immédiatement voisines ont leurs vésicules aplaties concentriquement et atro- phiées. Les parties du corps thyroïde que l’on peut considérer comme non influencées par les tumeurs présentent elles-mêmes des modifications marquées. Le tissu conjonctif y est plus abon- dant que d'ordinaire, formant des bandes scléreuses assez abon- damment pourvues de cellules conjonctives et infiltrées de mononucléaires. Il découpe la glande en lobules assez pelits. Souvent aussi, le tissu conjonctif interacineux est proliféré. Les vésicules elles-mêmes sont inégales de taille, mais en sénéral très petites et pauvres en colloïde. Mème dans celles qui, plus volumineuses, ont une lumière centrale d’une certaine étendue, la colloïde est peu abondante et ne remplit qu’en partie la cavité. Il existe un grand nombre de boyaux épithé- liaux pleins, certainement beaucoup plus fréquents qu'à l'état normal. Les cellules thyroïdiennes elles-mêmes ne nous ont pas paru présenter de lésions. Hypophyse. — Dans le lobe glandulaire de l'hypophyse, il semble que, du moins en certains points, le squelette conjonctif soit plus abondant que normalement, ses mailles sont épaisses et délimitent des alvéoles plus petites que sur une glande jeune. Il semble que la colloïde se retrouve à la fois plus fréquem- ment et en plus grande quantité qu’à l'habitude : en dehors de ÉTUDE ANATOMO-PATHOLOGIQUE DE LA VIEILLESSE 597 grosses vésicules situées au voisinage du lobe nerveux, on rencontre souvent, disséminés sur toute la coupe, des acini con- tenant une boule de colloide plus ou moins considérable, On n'en lrouve pas dans les vaisseaux. Au point de vue cytologique, on est frappé du nombre consi- dérable des cellules acidophiles. Sur la plus grande étendue de la coupe, elles forment la grande majorité des éléments. Elles sont assez variables comme dimensions, certaines pouvant être très grosses ; parfois, elles sont vacuolaires. Leur noyau est généralement bien coloré; quelquefois, surtout chez les plus petites, il est pycnotique. On rencontre aussi, en même temps que des cellules chromophobes plus petites, de grandes cellules à protoplasme basophile granuleux qui, elles, sont très souvent vacuolaires. En d’autres points de la coupe, mais plus rarement, ce sont les éléments chromophobes qui sont en majorité. Plexus choroïdes. — Les plexus choroïdes présentent en grand nombre des chalcosphérites ; celles-ci, visibles à l'œil nu sur les coupes, grâce à l'intensité avec laquelle elles prennent l’hématéine, sont formées de couches concentriques; elles sont appendues au côlé des villosités, recouvertes, retenues seule- ment par une mince couche de tissu conjonctif, l'endothélium cubique de revêtement manquant très généralement à leur niveau. Plus rarement, on en peut trouver dans l'épaisseur des plexus (PI. XV, fig. 16). Ces formations s’établissent sans doute dans la lumière des capillaires; parfois, en effet, on peut reconnaître des cellules endothéliales à leur contact ; le plus souvent cependant, celles-ci ont disparu ou sont masquées, si bien que la calcosphérite semble incluse dans le tissu conjonctif. Dans les portions les moins atteintes, on trouve des amas calcaires plus petits qui, eux, semblent bien s'être développés en plein tissu conjonctif; ils sont plus irréguliers de forme et de contours, ils sont comme épineux. NV. — ORGANES GÉNITAUX. Utérus. — L'utérus, au niveau du col, présente un épithé- lium de revêtement partout continu et d'aspect de prime 598 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR abord normal. Cependant, les cellules des couches superfi- cielles du corps muqueux sont tuméfiées, extrêmement claires, comme vésiculeuses, avec des gouttelettes acidophiles. Leur membrane est épaisse, très acidophile, et les ponts intercellu- laires n'y apparaissent qu'avec peu de netteté. Immédiatement au-dessus de l’épithélium s'étend une zone d'infiltration leucocytique. Cette zone est à peu près continue ; tantôt très discrète, lantôt très marquée, au voisinage de la portion 2sthmique de la muqueuse, elle peut donner lieu par places à de véritables nodules de tissu adénoïde. Les éléments qui la composent sont en majorité des mononucléaires; on y trouve quelques polynucléaires; par places, des plasmazellen assez nombreuses; les macrophages n'y sont point rares, non pius que les lymphocytes. Mais l'élément dominant est le moyen mononucléaire ; assez souvent, son protoplasme est abondant et acidophile. Cette zone d'infiltration s'arrête assez brusquement et ne pénètre pour ainsi dire pas dans la profondeur. Cepen- dant,dans toute l'épaisseur de la paroi du col,on trouve dans le tissu conjonctif des leucocytes en quantité plus considérable, semble-t-il, qu'à l'état normal. La paroi du col est constituée surtout par du tissu conjonctif fibreux dans la plus grande étendue, assez fréquemment adipeux à la partie externe de sa partie inférieure. Mais jusqu’au bord du col, on trouve des faisceaux de fibres musculaires lisses, parfaitement différenciées et bien reconnaissables. Les vaisseaux présentent souvent, surtout au niveau des ar- tères d’un certain calibre, de l’endovascularite fibreuse ancienne. Le passage de l'épithélium pavimenteux à l'épithélium cylin- drique se fait par une transition assez longue: sur une étendue assez considérable, l’épithélium est composé d'un petit nombre d'assises de cellules plates, avant de devenir nettement cylin- driques. Au-dessous de cet épithélium de transition, on trouve des glandes kystiques à épithélium cylindrique, mais parfois on peut rencontrer de petits îlots d’épithélium pavimenteux à deux ou trois assises sur la paroi de ces glandes. Il est possible qu'il y ait là une métaplasie pavimenteuse de l’épithélium cylindrique. Au niveau de la muqueuse du corps, on trouve des modifica- tions assez importantes : les glandes lubulées sont diminuées de nombre et celles qui restent sont hyperplasiées; plus longues ÉTUDE ANATOMO-PATHOLOGIQUE DE LA VIEILLESSE 599 et plus sinueuses que normalement, elles ont une tendance à se grouper en îlots d'aspect adénomateux ; beaucoup sont devenues kystiques et forment sous la muqueuse des œufs de Naboth plus gros qu'un grain de mil (PI. XVI, fig. 17). La zone d'infiltration sous-épithéliale, qui existait si nette au niveau du col, n'existe pas dans le corps et cesse dès que l'épi- thélium a pris nettement le type cylindrique. Le chorion muqueux est très riche en cellules, mais ces cellules sont de Lype conjonclif et l’on ne peut dire que leur abondance soit plus considérable qu'à l’état normal. Les faisceaux musculaires qui forment la paroi utérine sont nettement plus grèles que chez un sujet jeune; de plus, ils sont séparés par de plus grandes étendues d’un tissu fibreux plus dense. En outre, il semble que, par places au moins, les cellules musculaires soient plus inégales et quelques-unes atrophiées. Les artères, surtout celles qui ont un certain calibre, pré- sentent des lésions très marquées. Presque sur loutes, on trouve une endartérite fibreuse ancienne qui peut être très accusée, à tendance oblitérante. Souvent, surtout pour les grosses artères de la corne utérine, il s’y surajoute de l'athérome. La calcifica- lion se présente sous forme d’un anneau complet ou incomplet, mais toujours assez épais, qui se trouve dans l'épaisseur du tissu fibreux d’apposition endartériel. La musculeuse, peut- ètre réduite, persiste constamment et n’est pas interrompue (PI. XVE, fig. 16). Sur quelques vaisseaux, les fibres du tissu conjonctif consli- tuant l’endartérite s’écartent, notamment au voisinage des zones calcifiées, délimitant une petite cavité dans laquelle on trouve des macrophages. Ovaires. — Les ovaires sont réduits à l’état de petits corps uniquement fibreux. Ils sont composés d’une coque assez mince de tissu fibro-conjonctif fasciculé, très riche en cellules con- jonctives dessinant des tourbillons; elle ne contient aucune formation différenciée. Cette coque est interrompue au niveau du hile. A l'intérieur on remarque d’assez nombreuses forma- tions rubannées et. pelotonnées constituées par du tissu colla- gène fibrillaire à peu près dépourvu de noyaux. Leur forme permet de les identifier à des cicatrices de corps jaunes. 600 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Au centre on trouve de très nombreux vaisseaux, encore que quelques-uns soient complètement oblitérés. La plupart des artères présentent de l’endartérite chronique à tendance oblité- rante. Les grosses artères du ligament large présentent parfois des placards calcaires dans leur tunique moyenne (PI. XVI, fig. 18). VI. — SySTÈME NERVEUX CENTRAL. Nous serons brefs sur ce chapitre, la question ayant été étudiée à plusieurs reprises par des neurologistes ou des psy- chiatres et sur de nombreux cas. Nous nous bornerons donc ici, et seulement pour être complets, à énumérer rapidement les lésions que nous avons trouvées à l'examen du système nerveux central de notre vieille femme. Cerveau. — Dans toute l'étendue du parenchyme, mais pré- dominant dans la substance blanche, existe une infiltration lymphocytaire diffuse discrète, qui s’exagère autour des vais- seaux, pour former des manchons inflammatoires périvaseu- laires plus ou moins complets, le plus souvent peu épais. Les cellules qui composent cette infiltration sont des mononucléaires moyens et des lymphocytes. Par contre, la névroglie paraît sensiblement normale, les vaisseaux ne présentent pas de lésions autres que celles de l’adventice. L'épendyme est très sensiblement normal. Les cellules sont souvent très altérées. D'abord il existe presque toujours une surcharge pigmentaire qui peut être tout à fait considérable. Les cellules sont atrophiées, plusieurs ont leurs prolongements disparus et prennent une forme globu- leuse. Très souvent les noyaux sont en position excentrique et ce déplacement ne dépend pas toujours de la surcharge pig- mentaire, le pigment pouvant être en pelite quantité et agglo- méré à l’autre extrémité de la cellule. Souvent la cellule est réduite à un petit bloc protoplasmique à peu près méconnais- sable. Les figures de neuronophagie sont fréquentes. Cervelet. — Les cellules de Purkinje sont fréquemment altérées ; elles sont atrophiées, irrégulières, parfois fortement acidophiles. Les prolongements peuvent avoir disparu. Le noyau présente des lésions dégénératives. Par contre, les figures de ÉTUDE ANATOMO-PATHOLOGIQUE DE LA VIEILLESSE 601 neuronophagie sont peu nombreuses. Ces cellules ne contien- nent jamais de pigment. Les cellules de la couche des grains semblent être proliférées dans la partie périphérique de la couche. Moelle. — La moelle apparaît comme ayant des lésions cel- lulaires et nucléaires plus marquées que le cerveau; au contraire les lésions d'infiltration sont moins intenses. Les lésions dégénératives des cellules nucléaires sont d'autant plus nomtreuses et accusées que l’on considère une région plus haute de la moelle. Elles sont plus intenses dans les cornes postérieures que dans les cornes antérieures ; elles consistent en atrophie des eellules et surchage pigmentaire, celle-ci étant moins marquée que dans le cerveau. La réaction neuronopha- gique est légère. Les cordons sont sensiblement normaux, à part la présence d’un grand nombre de corps sphériques calcaires, très abon- dants dans les cordons postérieurs. L’épendyme est un peu proliféré et présente une légère infil- tration dans son voisinage. Les méninges, normales dans les parties hautes de la moelle, présentent un léger épaississement au niveau de la pie-mère lombaire. Les vaisseaux, généralement normaux, peuvent présenter un léger degré de sclérose. VII. — SYSTÈME DE LOCOMOTION. Os. — La moelle osseuse diaphysaire prélevée dans le tiers supérieur du canal fémoral est réduite à ses vaisseaux et à du tissu adipeux ; sur toute l’étendue de la coupe on ne voit qu'un réseau dessiné par des cellules graisseuses avec de loin en loin aux points nodaux des noyaux cellulaires. Ces noyaux sont le plus souvent des noyaux fusiformes des cellules adipeuses. Parfois viennent s’y joindre des cellules arrondies à protoplasma basophile relativement abondant. Sur une artère nous avons constalé une calcification assez marquée de la tunique moyenne accompagnée d’une légère infiltration de leucocytes mononu- cléaires. Les autres vaisseaux présentent tous leurs parois 602 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR scléreuses et souvent on rencontre dans leur épaisseur des mononucléaires assez rares, il faut le dire (PI. XV, fig. 8). Le crâne présente certainement au niveau du diploé des mailles beaucoup plus larges que normalement. Les tables externe et interne par contre (surtout l’externe) sont minces et composées de tissu presque absolument compact. Le tissu osseux dans son ensemble présente des ostéoplastes espacés, la substance fondamentale paraissant plus dense qu'à l’état normal. | Les canaux de Havers, relativement rares au niveau de la surface des tables interne et externe, sont souvent dilatés et remplis par une moelle fibreuse au voisinage du diploé; assez fréquemment tout autour d'eux on voit une couronne d’ostéo- blastes directement opposés sur le tissu osseux déjà formé. A mesure qu'on approche du diploé, les canaux de Havers s’élar- gissent et l'on trouve tous les passages entre les canaux et les lacunes du diploé. À mesure, la moelle devient moins fibreuse et plus riche en cellules. La moelle du diploé présente de la graisse en assez grande abondance ; néanmoins elle est encore riche en cellules. Les cellules sont des hématies, des myélocytes et de rares hématies nucléées. Les mégacaryocytes semblent diminués de nombre; les myéloplaxes sont en nombre sensiblement normal, mais sont relativement petites, ne renfermant que trois à neuf noyaux en moyenne, et nous n'en avons vu que rarement en fonction ostéoclasique. Côtes. — Au niveau des articulations chondro-costales, on peut constater plusieurs lésions intéressantes. Trois organes sont à considérer; le tissu fibreux d’enveloppe (périoste et péri- chondre), le cartilage et l'os. Le périoste et le périchondre sont formés de tissu fibreux dense et extrêmement pauvre en cellule. Au niveau de l'os la moelle sous-périostée n'existe pas. Le cartilage est très fortement calcifié dans sa partie cen- trale; par places de petites cavités se creusent, au sein de cetle masse dégénérée. Dans les couches périphériques la substance fondamentale n’est pas hyaline, il y a des différences de teinte dans les préparations à l’hématoxyline-éosine et au Van Gieson, il semble qu'il y ait une ébauche de fibrillation. Les cellules ÉTUDE ANATOMO-PATHOLOGIQUE DE LA VIEILLESSE 603 chondrales présentent également des lésions évidentes. Sur les bords du cartilage les cellules et les capsules sont disposées dans toutes les directions, elles sont désorientées ; les capsules ne contiennent en général qu'une seule cellule, sauf tout à fait sous le périchondre où l’on trouve d'assez vastes capsules irré- gulières contenant trois ou quatre chondroblastes plus ou moins déformés. Un certain nombre de cellules disséminées parmi les autres sont petites et semblent nécrosées. Au fur et à mesure que l’on arrive dans l’épaisseur du carti- lage, la proportion de ces cellules augmente et elles deviennent la majorité. L'union du cartilage et de l’os n’est pas non plus normale, le cartilage déborde l’os en largeur, il forme une petite nouure — et dans le sens de la longueur, une bande de cartilage chemine entre l'os et le périoste sur une certaine longueur. D'autre part, par places, les lamelles osseuses pénètrent dans le cartilage, ce qui donne une zone d'union irrégulière. Le cartilage est vascularisé sur une certaine étendue à partir de cette zone. Le passage du cartilage à l'os se fait brusquement sans aucune préparation du côté du cartilage; les deux tissus sont simple- ment juxtaposés suivant une ligne sinueuse (PI. XIV, fig. 5 et6). L'os est formé par une coque périphérique très mince de tissu compact et par du tissu spongieux. Le tissu compact ne présente rien de bien particulier; peut- être Les ostéoblastes sont-ils moins nombreux que normalement. Le tissu spongieux présente des mailles extrêmement larges ; celles-cisontremplies parune moelle très abondante et quisemble assez active. Cette moelle est perforée par un nombre limité de cavilés graisseuses relativement petites et n'occupant qu'une partie bien minime de la surface. Le reste est formé par des sinus sanguins dilatés, gorgés de sang et de cellules tassées les unes contre les autres. Ces cellules sont constituées, autant qu'on peut en juger sur des coupes obtenues après décaleification, par des myélocytes; les hémalies nucléées sont rares, les mégacaryo- cytes paraissent diminués de nombre ainsi que les myéloplaxes qu'on trouve exceptionnellement en fonction ostéoclasique. Muscles. — Les muscles présentent des lésions qui, du reste, semblent assez récentes; il y a d’abord une inégalité de diamètre 604 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR des fibres déjà visible sur les coupes longitudinales, manifeste sur les couches transversales. La plupart sont plus petites que normalement, soit par atrophie simple, ce qui semble peu vrai- semblable, étant donné que les noyaux ne sont pas augmentés de fréquence, soit plus vraisemblablement par division longi- tudinale, quoique les figures démonstratives de ce phénomène soient bien rares. Par contre un nombre notable de fibres ont un diamètre nettement supérieur à la moyenne (1). La section de nombreuses fibres est nettement plus arrondie que norma- lement. D'autre part, des lésions des myofibrilles se rencontrent assez fréquemment; souvent la fibre est ondulée et en état de dégé- nérescence cireuse. Moins souvent on note de la dégénérescence granuleuse,. Le tissu interstitiel nous a paru normal. Les artères sont assez souvent atteintes d’endartérite plas- tique. Les nerfs nous ont paru sains. Peut-être ne faut-il voir là qu'un état surajouté et dû au confinement au lit. En effet, il n'y a que des lésions banales, assez légères, comme on est habitué à en rencontrer dans toutes les atrophies musculaires bénignes. Mais ces lésions qui sont très nettes au niveau du droit antérieur du quadriceps sont beaucoup moins marquées au niveau du temporal, muscle dont les fonctions ont été forcément mieux préservées jusqu'à un moment {rès voisin de celui de la mort. VII. — Técumenrs. Le cuir chevelu ne nous à pas paru présenter d'autre lésion qu'une infiltration discrète, par places, surtout nette autour des vaisseaux et des glandes sudoripares. Cette infiltration est formée de mononucléaires et de macrophages, avec prolifération des cellules fixes. La peau, prélevée au niveau du front et du {horax, présente des lésions de plusieurs ordres. L’épiderme est atrophique, ne présente que cinq ou six couches de cellules ; Les karyokinèses y sont rares, bien que l’on rencontre sans difficultés-des cellules ee (1) Les diamètres extrêmes que nous avons trouvés sont 4 et 35 y. ÉTUDE ANATOMO-PATHOLOGIQUE DE LA VIEILLESSE 605 basales bi-nucléées. IT existe des polynucléaires en migration entre les cellules. Mais ce qui frappe le plus à l'examen des couches superfi- cielles de la peau, c'est la disparition presque complète des papilles; la ligne d'union dermo-épidermique est presque droite, sur de longues étendues, brisée seulement de loin en loin par une papille qui peut être même atrophiée. Les couches toutes superficielles du derme sont normales, sauf que l'on rencontre des nids de cellules à pigments, très nombreuses par places, qui s’insinuent entre les cellules épi- dermiques. Mais au-dessous, sur les deux régions examinées, de larges îlots du derme, sur plus des 3/4 de son épaisseur, présentent un état particulier. Les fibres de collagène ont perdu toute structure et toute élection pour les colorants; elles apparaissent sous forme de masses irrégulières de substance grenue colorée d'une teinte sale ; il n’y a plus de noyaux, si ce n’est ceux de quelques rares cellules de diapédèse ; ces masses peuvent être entrecoupées de fibres et de cellules conjonclives normales. Au-dessous, les dernières couches du derme et l'hypoderme reparaissent avec des caractères normaux. Il existe un léger degré d'infiltration diffuse et de réaction des cellules fixes, surtout appréciable autour des glandes sudo- ripares; on y trouve quelques mononucléaires et quelques macrophages. CONCLUSIONS De l'étude anatomique dont nous venons de donner les résultats, nous nous croyons autorisés à tirer les conclusions suivantes : Après avoir éliminé, autant qu'il est possible, les lésions liées à l'épisode aigu ayant amené sa mort, les modifications anciennes chez notre vieille femme nous ont paru multiples et complexes : sclérose, infiltration mononucléaire et macropha- gique, hypoplasie, dégénérescences cellulaires, calcification nous ont semblé être les grands processus de sénescence de ses organes. De toutes ces lésions, la plus frappante et la plus générale 606 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR est la sclérose, conséquence elle-mème de l’infiltration mono- nucléaire et macrophagique. Tous les organes en présentent à des degrés divers. L'hypoplasie est manifeste dans les organes adénoïdes. Le volume constaté macroscopiquement, le poids des organes, l’état histologique, tout concorde pour prouver un ralentisse- ment des fonctions de ces organes. Cette hypoplasie, bien que marquée, n'est que relative et n’aboutit pas à l'aplasie, puisque l'on peut encore y voir des karyokinèses. Les lésions cellulaires sont parmi les moins marquées et les moins fréquentes. Rappelons celles que nous avons trouvées dans le foie et le pancréas ; d'autre part les ganglions présen- taient quelques lésions nécrotiques unicellulaires. L'hypophyse, la thyroïde présentent des signes d’hypofonctionnement alors qu'au contraire la surrénale est en hyperépinéphrie. La calcification est très fréquente, elle frappe les vaisseaux, les plexus choroïdes, la moelle. La question capitale dans l'étude de la vieillesse est celle de la pathogénie des lésions, et bien souvent l’histologie serait incapable de la résoudre sans le secours de l’expérimentation. L'une et l’autre doivent cependant fournir leur appoint à la solution. L'hypothèse de Metchnikoff, sur le rôle des poisons intes- tinaux de la série aromatique, nous parait expliquer un bon nombre de faits, notamment celui des lésions artérielles si étendues et si considérables, la plupart des scléroses et des infiltrations, un certain nombre de dégénérescences cellulaires. L'on saisit bien le mécanisme de cette intoxication chronique par voie sanguine, par exemple au niveau du cœur : ce sont en effet les portions les plus directement en contact avec le sang qui sont atteintes par la sclérose, portions sous-endocardiques et portions périartérielles. D'autre part, par l'expérimentalion, Dratchinsky a reproduit des lésions analogues à celles que nous avons trouvées dans le cerveau et sur les vaisseaux. Toutefois, nous nous permettrons de dire que cette hypo- thèse ne nous semble pas expliquer tous les faits observés et que d’autres causes doivent intervenir. L'auto-intoxication ne peut pas être envisagée, croyons- nous, ÉTUDE ANATOMO-PATHOLOGIQUE DE LA VIEILLESSE 607 pour l'involution de certains organes, comme les organes géni- taux de la femme, involution qui arrive, peut-on dire, à date fixe, quel que soit l’état antérieur du sujet et son mode de vie. Puis, si l'on veut bien se reporter à notre description, l’on pourra constater que les lésions artérielles sont prédominantes dans les organes atteints de celte hypoplasie depuis longtemps constatée dans la vieillesse : organes génitaux, mamelle, rate, moelle osseuse. D'autre part, les lésions des cellules glandu- laires ne peuvent pas toutes, à notre avis, s'expliquer par celte unique cause. On comprend bien l'hyperépinéphrie tenant à la lutte contre l’intoxication, mais non l’hypofonctionnement de l’hypophyse et de la thyroïde. La nécrose rencontrée au niveau de certaines cellules Iymphatiques, des ganglions ne ressemble pas aux dégénérescences cellulaires du foie et du pancréas. Pour toutes ces raisons, nous serions assez portés à admettre que tout cet ensemble lésionnel complexe ne peut ètre dà qu’à un ensemble étiologique complexe, une série infinie de causes dont le temps ne serait que le totalisateur et que l’on pour- rait essayer de classer en groupes : 1° L’auto-intoxication par les poisons digestifs bien mise en lumière par M. Metchnikoff et ses élèves garde une place très importante, sinon la première; elle produirait la plupart des lésions d'infiltration macrophagique et de sclérose et un bon nombre de lésions cellulaires (cerveau). Il est à noter que toutes les cellules de l'organisme ne sont pas aussi sensibles à ces poisons, les phagocytes et le tissu conjonctif étant les plus résistants, le collagène restant à peu près immuable une fois élaboré ; 2° La sclérose peut être produite aussi par d’autres causes : l’auto-infection canaliculaire ascendante nous à semblé jouer un rôle indéniable, concurremment du reste avec l’auto-intoxi- cation sanguine, dans la genèse des lésions pancréatiques, sali- vaires et peut-être aussi hépatiques ; 3° La série infinie au cours d'une longue existence des mala- dies infectieuses ou des intoxications exogènes grandes ou petites, parfois inaperçues, qui chaque fois détruisent une parcelle de parenchyme, même minime, lequel ne se réginère qu'en partie et est remplacé par une cicatrice scléreuse, et de 608 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR ceci nous pourrions prendre un exemple dans le rein, dont les lésions tellement parcellaires ne se peuvent guère expliquer autrement: 4° L'usure des cellules et leur vieillissement, leur impotence plus ou moins complète à fonctionner nous semble être bien visible dans les transformations acidophiles du foie, du pan- créas, de l’hypophyse. L’aboutissant de cette usure nous semble tout à fait manifeste dans le poumon, où l’on ne constate que des lésions d'usure presque mécanique, pourrait-on dire, et où il n'existe ni sclérose, ni trace de réaction inflammatoire ; 5° Une cause qui nous reste tout à fait mystérieuse serait le ralentissement progressif de la reproduction cellulaire. I ne nous semble pas douteux que le pouvoir de reproduction des cellules soit surtout un apanage de la jeunesse et que, à moins de cause provocatrice spéciale, comme cela se passe dans les néoforma- tions cancéreuses du reste rares dans la vieillesse avancée, les cellules ne se reproduisent qu'avec une facilité moindre à mesure que l'individu avance en âge (1). Ceci aboutirait à l'hy- poplasie de certains organes, et il est à remarquer que ces organes le plus hypoplasiés sont précisément ceux qui doivent fournir la plus grande quantité de cellules à l'organisme, cel- lules qui, constamment usées, ont besoin d'être constamment renouvelées, et ces organes sont les organes lymphoïdes et la moelle osseuse. Enfin, pour terminer, nous ferons observer qu'il peut paraître surprenant que, chez une femme aussi vieille, les lésions séniles soient, somme toute, légères. La raison en est simple: chez les individus chez qui les causes de sénilité que nous avons énumérées : aulo-intoxication, diges- tive, auto-infections, hétéro-infections, hétéro-intoxications, auront été multiples, les lésions de sénilité seront précoces et intenses et l'individu ne parviendra pas à un âge avancé. Au contraire il est permis de supposer que ces causes ont été minimes chez notre sujet, et ceci nous est un exemple de la différence existant entre la vieillesse et la sénilité. (1) Certains organes, cependant, peuvent se régénérer indéfiniment; tels sont les ongles et les cheveux. Chez notre sujet, les cheveux, coupés à l’ar- rivée à l'hôpital Pasteur, poussaient de plus d’un centimètre par mois. e ÉTUDE ANATOMO-PATHOLOGIQUE DE LA VIEILLESSE 609 EXPLICATION DES PLANCHES PLaNcee XIV. — Fig. 4. — Aorle dans une partie non athéromateuse. Infiltration leucocytaire endo et périaortique. G. = 25/1. Van Gieson. Fig. 2. — Foie. Un espace porte montrant une infiltration mononucléaire assez abondante. Travées hépatiques normales. G. — 150/1. Van Gieson. Fig. 3. — Corps lhyroïde. Adéno-fibrome. Infiltration mononucléaire au niveau de la capsule d’enveloppe. G.— 80/1. Van Gieson. Fig. 4. — Ganglion lymphatique. a, b,c, d, quatre figures de karyokinèse trouvées dans différents points d'une même coupe. Fort grossissement. Van Gieson. Fig. 5. — Cüle. Union de l'os et du cartilage. Lésions du cartilage. Nouure costale. G.=— 25/1. Van Gieson. Fig. 6. — Cüle. Lésions du cartilage. G. = 60/1. Van Gieson. PLancne XV. — Fig. 7. — Rein. Un foyer de sclérose et d'infiltration mono- nucléaire au-dessous de la capsule elle-même fortement épaissie à ce niveau. Sclérose glomérulaire marquée. G. — 80/1. Hématéine-éosine-orange. Fig. 8. — Moelle osseuse diaphysaire. Transformation graisseuse totale. Athérome. G. — 80/1. Hématéine-éosine-orange. j Fig. 9. — Glande surrénale. Foyer d'infiltralion à mononucléaires el à macrophages. G. = 200/1. Hématéine-éosine-orange. Fig. 10. — Rate. Sclérose et hypoplasie de la pulpe. Atrophie des corpus- cules de Malpighi. Lésions artérielles. G. — 30/1. Hématéine-éosine-orange. Fig. 11. — Rale. Une karyokinèse, et, peut-être, une division directe. Fort grossissement. Hématéine-éosine-orange. Fig. 12. — Peau du thorax. Atrophie de l’épiderme. Disparition des papilles. Augmentation des pigmentophores. Nécrose de la partie superficielle du derme. Infiltration discrète à mononucléaires. G. = 65/1. Hématéine-éosine- orange. Fig. 13. — Plexus choroïdes. Congestion et calcosphérites. G. — 80/1. Hématéine-éosine-orange. Fig. 14. — Cuir chevelu. Infiltration à mononucléaires du derme. G.— 90/1. Hématéine-éosine-orange. PLancue XVI. — Fig. 15. — Appendice. G. — 20/1. Hématéine-éosine- orange. Fig. 16. — Corne ulérine. Atrophie de la muqueuse. Athérome intense. G.— 60/1. Hématéine-éosine-orange. Fig. 17. — Ulérus; portion inférieure du corps. Métaplasie pavimenteuse de l’épithélium cylindrique. Diminution de nombre des glandes. Evolution adénomateuse et kystique de celles qui persistent. G. — 25/1. Hématéine- éosine-orange. Fig. 18. — Uvuire. Sclérose et atrophie. Cieatrices de corps jaunes. Lésions artérielles. G. = 20/1. Hématéine-éosine-orange. Fig. 19. — Mamelle. Sclérose. Dilatation kystique de certains culs-de sac glandulaires. Infiltration leucocytaire autour des culs-de-sac. G. = 80/1. Hématéine-éosine-orange. 39 RECHERCHES SUR LES MICROBES AMYLOLYTIQUES DE L'INTESTIN par le Dr EucÈèxe WOLLMAN. (Travail du laboratoire de M. Metchnikoff.) À la suite des recherches de Metchnikoff et de ses élèves sur la putréfaction intestinale, les microbes producteurs d'acide ont acquis une importance particulière, et de nombreux travaux (1) ont déjà apporté sur leur comple des données intéressantes. Comme la présence de sucres constitue pour l’activité de ces microbes une condition essentielle, et comme, d'autre part, d'après toute une série de données concordantes (2), le sucre ingéré n'arrive pas ou n'arrive qu'en quantilé infime dans le oros intestin, il élait intéressant de rechercher si la flore intes- tinale ne renfermait pas de microbes capables de transformer en sucre les hydrates de carbone insolubles : celluloses et amidons. C'est sur les microbes capables de saccharifier l'amidon, les microbes amylolytiques, que j'ai porté mon attention. La propriété d'attaquer l'amidon, commune parmi les moisis- sures, où elle se rencontre assez constamment, est beaucoup moins répandue chez les bactéries. Toutefois, certains sapro- phytes (Bac. prodigiosus, Bac. subtilis, Bac. mesentericus, Bac. megatherium), et quelques bactéries pathogènes (bactéridie charbonneuse, vibrion cholérique, vibrion de Finkler-Prior), produisent de l’amylase. (1) Conexpyx, Comptes rendus de la Soc. de Biologie, 1906. Tissier, Comptes rendus de la Soc. de Biologie, 1906. Beconowsky, Biochem. Zeitschrift, 1907; Ann. de l'Inst. Pasteur, 1907. G. Berrranp et WEISWEILLER, Ann. de l'Ins!. Pasteur, 1906. G. Berrrano et Ducnacek, Ann. de l'Inst. Pasteur, 1909, ete. (2) Macrapyen, Nencki et SIEBER, Arch. f. experim Pathologie und Pharmako- logie, 1891. Ewazp, Virchow's Archiv, 1839. BerrueLor, Comptes rendus de la Soc. de Biologie, 1910. MICROBES AMYLOLYTIQUES DE L'INTESTIN 611 Parmi les microbes de l'intestin étudiés jusqu'ici, on n’a ren- contré qu'exceptionnellement, et sans s’y arrêter, des formes possédant un pouvoir amylolylique net. Dans la nouvelle édition de leur livre (1), Schmidt et Strasburger disent : « Les bactéries qu'on rencontre normalement dansles malières fécales semblent dépourvues de pouvoir amylolytique et ne digèrent que le sucre (2). » Mais ils ajoutent, qu'occasionnellement on peut en rencontrer : ainsi Kersbergen aurait isolé un microbe capable d'attaquer l’amidon. En réalité, l'affirmation de Schmidt et Strasburger n’est pas tout à fait exacte. Lorsqu'on ensemence des matières fécales sur de l’amidon (la quantité minime de matière ensemencée permet d'exclure l’action des traces de diastases digestives qui peuvent encore se rencontrer dans les fèces), on voit souvent une dissolution plus ou moins marquée de l’amidon avec pro- duction de faibles quantités de sucre. Le même phénomène peut s'observer encore avec des matières fécales chauffées à 100 degrés, où naturellement, il ne peut plus être question de ferment digestif. Lorsqu'on cherche à isoler les différents microbes qui ont poussé dans l’amidon, la plupart du temps on n'en trouve pas qui soient doués d’un pouvoir amylolytique tant soit peu net. Il est extrèmement probable qu'il s’agit ici d'un exemple d'association microbienne: il arrive en effet qu'on obtienne une faible action sur l’amidon avec un mélange de plusieurs microbes, dont chacun en particulier ne manifestait aucun pouvoir amylolytique appréciable. D'autre part, parmi les microbes qui certainement doivent être rangés dans les « bactéries normales des matières fécales », il en est un, le Bac. Welchii ou perfringens, qui est doué d’un pouvoir amylolytique considérable : ferment puissant, il brûle le sucre formé avec production d'acides et de gaz. Quant aux autres microbes, capables d'attaquer l’amidon, qu'on rencontre plus ou moins fréquemment dans les selles (Bac. subtilis, Bac. mesentericus), ils ne présentent qu'un intérèt secondaire (au moins chez l'homme), parce que, d'une part, ils ne se trouvent probablement dans l'intestin que de passage et (1) Die Faezes des Menschen, 3° édition, Berlin, 1910. (2) « Zur amylolyse sind die normalereneise vorkommenden kotbakterien anscheinend wicht befähigt. Sie vergären nur den Zucker ». 612 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR à l’état sporulé, et que, d'autre part ils brülent complètement les faibles quantités de sucre formé, sans produire d’acidité tant soit peu marquée (1). A ces considérations près, la thèse de Schmidt et Strasburger semble être exacte : dans une série de tentatives, je n’ai pas réussi à isoler, chez l'homme normal, de microbe ayant un pou- voir amylolytique marqué (2). Je me suis alors adressé aux animaux, au singe, au chien, ainsi qu'à des espèces qui semblaient devoir, a priorr, héberger des microbes amylolytiques : au lapin et à la poule. La technique de l'isolement a toujours été très simple et sensiblement la même. On préparait des tubes d'amidon stérile à 3 ou 3,5 p. 100 avec 5 p. 1000 de chlorure sodique. Dans les premiers essais, j'attendais que l’amidon fût fortement liquéfié et je réensemençais alors dans un second tube d’amidon; j'attendais la liquéfaction de celui-ci et ainsi de suite. Après plusieurs passages, je cherchais à isoler les différents microbes. N'ayant eu que des échecs et m'étant aperçu que la liqué- faction, dans les tubes successifs, devenait de plus en plus faible, j'ai modifié la technique en faisant alors les passages d’amidon à amidon à très court intervalle (18 heures environ). L'amidon est, en effet, loin d'être un milieu électif : pour peu qu'il y ait saccharification, il devient, même en absence de matières azotées ajoutées (il y en a probablement toujours un peu dans l’amidon du commerce), un bon milieu de culture pour de nombreux microbes capables d'utiliser le sucre formé; ceux-ci, dans les passages successifs, prennent de plus en plus le dessus et empêchent l'isolement des microbes producteurs de sucre; on évite en partie cet inconvénient en faisant des passages à court intervalle. Parmi les nombreux microbes isolés et étudiés au point de vue de leur action sur l’amidon, je ne m'’arrèterai que sur les microbes amylolytiques au sens vrai du mot, c’est-à-dire des microbes dont l’action sur les hydrates de carbone se ramène surtout à leur action sur l’amidon. Le sucre produit n’est que (1) Comme cela avait été constaté par Péré : Ann. de l'Inst. Pasteur, 1896, et comme j'ai pu le vérifier. (2) M. Metchnikoff a isolé chez un enfant un microbe qui semble être iden- tique au Glycobacter proteolyticus, que nous décrivons ici. MICROBES AMYLOLYTIQUES DE L'INTESTIN 613 très peu attaqué en absence d'aliments azotés; il ne l’est encore qu'en partie lorsqu'on ajoute au milieu à l’amidon du bouillon peptoné. Il semble, par conséquent, que ces microbes soient de véri- tables ferments producteurs de sucre, dont ils n'utilisent qu'une très petile partie pour leur propre compte. Ce fait est assez curieux lorsqu'on songe à la facilité avec laquelle les microbes les plus divers attaquent les sucres et à la résistance relative qu'offre l’amidon. On peut, en se basant sur cette propriété de former du sucre, donner à ces microbes le nom de glycobacter ; j'en distinguerai deux types : le g/ycobacter proteolyticus et le glycobacter pepto- lyticus. GLYCOBACTER PROTEOLYTICUS. Comme représentant de ce groupe, je décrirai un bacille isolé du contenu intestinal (ileum) d’un singe (Macacus cynomolgus) ; un microbe très voisin, sinon identique, a été isolé par M. Met- chnikoff chez un nourrisson. .C'est un bâtonnet à bouts arrondis, le plus souvent recti- ligne, rarement un peu infléchi, long de 6 # environ sur 1 # de largeur, la longueur peut d’ailleurs dépasser (sur gélose inclinée) 10 & ou tomber à 2-3 &. Les bâtonnets sont presque toujours isolés, rarement disposés deux à deux (formes courtes). Il ne se forme pas de chaînes. (Fig. 1.) En bouillon, la longueur des bâtonnets est un peu plus grande. Ce bacille se colore bien par les couleurs d’aniline basiques ; il prend très mal le Gram ; il ne donne pas la réaction de la gra- nulose. Il donne des spores avec une grande facilité. Dans les cul- tures sur gélose, celles-ci apparaissent après vingt à vingt- quatre heures. Il se forme un renflement sublerminal ou médian, le bâtonnet s’épaissit et prend la forme d’un fuseau. Les spores résistent bien à la température de l’ébullition ; ce bacille est très mobile. Caractères des cultures. — Sur gélose inclinée, dansles cultures jeunes, les colonies sont tout à fait transparentes, n’atteignant 1 millimètre de diamètre que lorsqu'elles sont bien isolées. 614 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Elles ont une forme irrégulièrement arrondie, à bords nets ; lorsqu'elles sont confluentes elles forment une nappe transpa- rente, très mince. En gélose sucrée profonde, les colonies apparaissent au bout de vingt heures; elles sont petites, irrégulières ; 1l y a production de gaz. F1c. 1. — Glycobacler proteolylicus. Culture de vingt-quatre heures sur gélose inclinée. Dans le bouillon ordinaire, il se produit un trouble grume- leux, avec formation d’un dépôt granuleux après vingt-quatre heures: dans le bouillon glucosé, les phénomènes sont les mêmes, mais il y a dégagement de gaz pendant les premières vingt-quatre heures. Le lait est faiblement coagulé après quarante-huit heures; il exsude un liquide clair; la caséine est lentement digérée, la réaction restant acide. Dans la gélatine, les colonies sont rondes, assez régulières; MICROBES AMYLOLYTIQUES DE L'INTESTIN 615 en ensemençant en piqûre, la liquéfaction se fait à partir du deuxième jour en forme de coupe. Le blanc d'œuf n’est pas attaqué de façon appréciable; pas d'odeur; pas de réaction d’indol. Sur pomme de terre, la culture apparaît au bout de trente à quarante heures sous forme d’une couche granulée, non sans analogie avec une culture sur pomme de terre de bacille tuber- culeux, mais en plus blanc et en plus humide. L’odeur rappelle celle de ponimes. L'amidon est rapidement liquéfié et disparaît complètement lorsqu'on ajoute un aliment azoté. PROPRIÉTÉS CHIMIQUES. Ce bacille attaque Les albumines, mais ne semble pas pousser loin leur digestion. La gélatine, liquéfiée rapidement, donne encore au bout d’un an la réaction du biuret, de façon très intense; ce temps écoulé, la recherche de la proline reste négative, même à des époques moins éloignées. La caséine digérée donne, après quinze Jours, la réaction très intense du biuret; les réactions de la tyrosine (tyrosinase), de l’histidine (acide sulfanilique), du tryptophane (eau de brome) sont négatives. (Le lait digéré par le mesentericus, par exemple, donne à ce moment une réaction nette pour l’histidine et une réaction intense pour le tryptophane.) Dans le bouillon « blanc d'œuf » les réactions de la tyrosine et de l’histidine sont néga- tives au bout de quinze jours; on décèle un peu de trypto- phane à l'eau de brome. ACTION SUR LES HYDRATES DE CARBONE. L'amidon est attaqué d’une façon très énergique à l’aide d'une diastase qu’on peut assez facilement séparer. On fait une cul- ture sur gélose-pomme de terre, on fait macérer ensuite les corps microbiens dans une solution de NaCl à 5 p. 1.000; en filtrant sur bougie Chamberland, on obtient un liquide qui saccharilie rapidement l’empois d'amidon. Cette amylase dis- paraît d’ailleurs assez rapidement (soixante-douze heures) du 616 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR filtrat; elle se conserve mieux dans la macération non filtrée de corps microbiens. Je n'ai pas réussi à obtenir de l’amylase en cullivant le microbe sur gélose ordinaire; il semble donc que sa production soit favorisée par la présence de matières amylacées (1). Lorsqu'on fait digérer l’amidon en solution dans du chlorure sodique à 5 p. 1.000 ou dans la solution minérale : (NHÉPSOMPERS ST CRT. 2 grammes RENONCER. . . 1 gramme SNCARMN ENT EMPR.+ - CSERNNRRNE 2 — NAGER CR. . | 3 — ÉÉORERNERAE CA SORRRRRe :. . 1.000 — l'analyse, faite après huit à quinze jours, donne les résultats suivants : ExEMPLE I. — 300 cent. cubes d'empois d'amidon à 3 p. 100, en solution dans du NaCI à 5 p. 1.000, sont ensemencés le 18 avril. Le 26, la culture est filtrée : on recueille 200 cent. cubes de liquide; /a réaction est neutre au tournesol; à la phénolphtaléine, 1-2 gouttes d’une solution 1/10 N de soude font virer au rouge 10 cent. cubes de filtrat. Celui-ci se colore en brun acajou par l’iode. 4 cent. cubes de filtrat réduisent 10 cent. cubes de liqueur de Fehling titrée à 1 cent. cube = 0,005 gramme de glucose. Il y aurait, par conséquent, 2,5 grammes de sucre exprimé en glucose; en réalité, il y a mélange de mallose et de glucose : après inversion de 40 cent. cubes de filtrat (3 cent. cubes de HCI fumant, au bain-marie bouillant pendant quatre-cinq minutes) et neutralisation, on a 50 cent. cubes de liquide, dont 3,5 cent. cubes réduisent 10 cent. cubes de liqueur de Fehling, ce qui fait au total 3,55 grammes de glucose. 39,5 °/, d'amidon avaient donc été trans- formés en sucre. ExemPLe Il. — 300 cent. cubes d'empois d'amidon à 3 p. 100, en solution dans du NaClI à 5 p. 1.000, sont ensemencés le 18 avril; quinze jours plus tard, le 2 mai, la culture est fillrée; on recueille 215 cent. cubes de filtrat, dont la réaction est neutre au tournesol et qui se colore en rouge brun par l’iode ; avant l’inversion, 3,9 cent. cubes réduisent 10 cent. cubes de liqueur de Fehling. Après inversion (mêmes conditions que ci-dessus), 3,5 cent. cubes réduisent 10 cent. cubes de Fehling. La culture contient donc 3,75 grammes de glucose, ce qui représente: 41,6 p. 100 de l'amidon contenu primitivement (9 gr. à l’état de poudre d’amidon non desséchée). L'amidon resté sur le filtre est desséché dans le vide sur HSO* et pesé: 4,3 grammes: 4,3 grammes +3,15 grammes — 8,05 grammes. Comme, d'autre part, l'amidon en poudre desséché perd de 0,8 à 1,2 gramme par 9 grammes, le poids primitif d'amidon était (en moyenne) 9 grammes — 1 gramme = 8 grammes. Nous voyons donc que la totalité de l’amidon consommé se retrouve dans la quantité de sucre (4) Un fait analogue a été observé par Wortmann (Lafar I, p. 365). MICROBES AMYLOLYTIQUES DE L’INTESTIN 617 produit (le léger excès de 0,05 gramme est dû, en partie, au toluène ajouté à la culture lors de la filtration, en partie aux erreurs d'analyse. Lorsque le milieu contient des aliments azotés, la marche de la fermentation est différente. Une partie du sucre formé est attaquée avec production d'acide; le stade dextrine semble être franchi très rapidement, du moins le liquide de filtration ne se colore-t-il jamais par l'iode; les résultats de l'analyse sont différents suivant que la fermentation se fait en présence ou en absence de carbonate de chaux. Exempie III. — Sans carbonate de chaux, 300 cent. cubes du milieu suivant: AMITON SELS A NET er ONE 30 grammes B'OULHION RNA NERO DE RX 400 — PAL RE CT A Le Te Le LV ea Lal CS 608 — PepioneAtRapol eat EE rRSE 2 — sont ensemencés le 22 septembre; le 30 septembre, la culture est filtrée; on recueille 245 cent. cubes de filtrat qui ne se colore pas par l'iode ; l'acidité est de 1,6 gramme de H?SO“ par litre; 15 cent. cubes de filtrat réduisent 10 cent. cubes de liqueur de Febling. ExEMP1E IV. — Avec carbonate de chaux, ensemencé le 23 septembre, filtré le 4 octobre. Quantité de filtrat, 215 cent. cubes; ne se colore pas par l'iode ; avant l'inversion, 4 cent. cubes réduisent 10 cent. cubes de Fehling, après l'inversion, 3,5 cent. cubes réduisent 10 cent. cubes de Fehling. Ce bacille attaque faiblement le glucose, le levulose, le mal- tose, le saccharose, le lactose: il donne, avec ces sucres, une acidité correspondant à 1,2 — 1,47 grammes de H*SO‘ par litre; dans le lactose, le tiers environ, 0,49 gramme, revient aux acides volatils (acide acétique). Il se produit, avec ce sucre, une petite quantité d’alcool qui, évalué en alcool éthylique, forme 0,41 p. 100 du liquide de culture (1). GLYCOBACTER PEPTOLYTICUS. Ce microbe, isolé de la flore intestinale du chien, est inté- ressant en ce que, à l'encontre de l’énorme majorité des microbes, doués d'un pouvoir amylolytique marqué (Bac. (4) C’est Mme Wollman qui a bien voulu se charger de ces déterminations. 618 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR mesentericus, bacléridie charbonneuse, vibrion cholérique, vibrion de Finkler- Prior, ainsi Dress proteolyticus), il n’est pas proléolytique. Ce microbe est un bâtonnet à bouls fortement arrondis, long de 6 à 74, un peu plus épais que le précédent. Les bâtonnets sont, le plus souvent, isolés, assez rarement disposés par deux. Fr&. 2. — Glycobacter peptolylicus. Culture de vingt heures sur gélose inclinée. Il se colore bien par les couleurs d’aniline basiques; il garde le Gram (fig. 2). La formation de spores se fait ici avec une facilité encore plus grande que pour le mierobe que nous venons de décrire. On en rencontre déjà un grand nombre dans les cultures de dix-huit heures. La spore est terminale; au commencement, elle n‘entraîne pas la déformation du bâtonnet, mais lorsqu'elle est müre, son MICROBES AMYLOLYTIQUES DE L’INTESTIN 619 diamètre peut atteindre le double de celui du bacille. Les spores résistent bien à la température de l’ébullition. Ce microbe est assez faiblement mobile. CARACTÈRES DES CULTURES. Sur gélose inclinée, les colonies sont assez régulières, rondes, granuleuses, opaques, à bords clairs. En gélose glucosée profonde, les colonies sont irréguliè- rement rondes, à bords bien délimités; il ne se produit pas de gaz; le milieu s’acidifie légèrement sans devenir opaque. En bouillon Martin, de même qu'en bouillon blanc d'œuf, la culture n’est pas très abondante; elle débute souvent par un mince voile à la surface ; il ne se produit pas d'indol. En bouilion sucré, il ne se forme pas de voile. Il ne se produit pas de gaz. Le lait tournesolé est décoloré, mais n’est pas modifié autre- ment, même au bout d’un temps très long. La gélatine n’est pas liquéfiée. Sur pomme de terre, il se forme une strie jaunâtre. L'amidon est énergiquement liquéfié. Voici, à titre d'exemple, quelques analyses : I. — 300 cent. cubes d’empois d'amidon à 3 p. 100 (NaCI 5 p. 1.000) sont ensemencés le 2 avril; le 16 avril, le liquide de culture est filtré ; on recueille 210 cent. cubes de filtrat se colorant en bleu par l’iode; celui-ci est neutre au tournesoli à la phénolphtaléine, 0,5 cent. cube de NaOH à 1/100 N neutralise 20 cent. cubes de liquide de filtration; avant l'inversion, 10 cent. cubes de filtrat réduisent 10 cent. cubes de Fehling ; après l'inversion (mal- tose), 4 cent. cubes de filtrat réduisent 10 cent. cubes de Fehling, ce qui cor- respond à 2,6 grammes de glucose. Le poids initial d'amidon desséché dans le vide était de 7,8 grammes, et celui de l'amidon non utilisé dans les mêmes conditions, 4,6 grammes. IT. — 300 cent. cubes d'empois d’amidon à 3 p. 100 dans du NaCI à 5 p. 1.000 sont ensemencés les 25 avril; filtré le 10 mai; recueilli 210 cent. cubes de filtrat qui se colore en bleu violet par l'iode; il est neutre au tournesol; 10 cent. cubes de ce filtrat réduisent 10 cent. cubes de Fehling; après inver- sion, 4 cent. cubes réduisent 10 cent. cubes de Fehling, ce qui correspond à 2,6 grammes de glucose. Le poids de l'amidon desséché dans le vide avait élé primitivement de 1,8 grammes; celui de l’amidon non consommé dans les mêmes conditions est de 4,8 grammes. Les sucres ne sont attaqués, d'une facon appréciable, qu'en 620 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR présence d'aliments azotés; c’est ainsi que le bouillon-amidon, de même que le bouillcn glucosé, donne une acidité de 2,4 grammes de H°SO: par litre. Sur ces 2 gr. 4, environ 0,3 gramme par litre reviennent aux acides volatils (acide acé- tique (?), réaction du chlorure ferrique). Les différents sucres donnent sensiblement la mème acidité. Je décrirai ici un fait que j'ai eu l'occasion d'observer chez plusieurs autres microbes sporulés (et notamment chez le 4/yco- bacter proteolyticus), mais que j'ai étudié de plus près pour le microbe qui nous occupe. Lorsqu'on réensemence à plusieurs reprises un microbe spo- rulé à un moment où — une partie ayant déjà donné des spores — la grande majorilé des microbes est encore à l’état végéta- if (18-20 heures pour le gl/ycobacter peptolyticus; 24-30 heures pour le glycobacter proteolyticus), on remarque, après un cer- tain nombre de repiquages, que les spores se forment de plus en plus tardivement; il est très probable qu'en espaçant de plus en plus les repiquages et en poursuivant l'expérience assez loin, on arriverait à supprimer (au moins pendant un temps très long) la formation de spores (fig. 3, 4, 5). L'explication de ce fait est probablement la suivante : lors- qu'on réensemence souvent un microbe dans les conditions indiquées, il se fait une sélection d'individus ayant le moins d'aptitudes à sporuler, car les spores mettant un temps plus ou moins long à germer, les individus asporogènes se multi- plient beaucoup plus rapidement et forment, dans les cultures successives, une proportion de plus en plus considérable. On élimine ainsi les individus qui ont une tendance à sporuler rapidement. En espacant ensuite les repiquages, on élimine de même ceux qui donnent des spores plus tardivement. J'ai pu arriver ainsi, après vingt repiquages (d'abord à 20 heures, ensuite à 48 heures environ d'intervalle), à avoir des cultures où la sporulalion commençait seulement au bout de huit jours, tandis que, normalement, chez ce microbe, elle est déjà abondante après 18 heures de culture. Ce qui confirme l'explication que je viens de donner du mécanisme de ce phénomène, c’est le fait que l'aptitude à la sporulation n’est guère influencée par les repiquages répétés, lorsque ceux-ci sont trop fréquents (toutes les 12 heures), c’esl- MICROBES AMYLOLYTIQUES DE L’INTESTIN 621 n, souche primitive; a, souche modifiée par 10 repiquages successifs. 3. — Glycobacter peptolylicus. Culture de vingt-quatre heures sur gélose inclinée : ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Glycobacter peplolyticus. FIG. 4. Culture de quarante-huit heures : n, souche primitive; a, souche modifiée par 10 repiquages. MICROBES AMYLOLYTIQUES DE L’'INTESTIN 623 à-dire quand il n'y a encore presque pas de spores), ou, au contraire, trop espacés (toutes les 48 heures), lorsque la très grande majorité des microbes ont déjà sporulé. Quant aux autres microbes amylolyliques éludiés, je ne ferai que citer un bacille en filaments très longs, anaérobie strict, isolé chez la poule et un autre qui, par ses propriétés, doit être F1G. 5. — Glycobactler peptolyticus. Culture âgée de huit jours; souche modifiée par une vingtaine de repi- quages. La grande majorité des microbes est morte et ne prend plus le Gram, on voit de nombreuses formes d'involution. rapproché du glycobacter peptolyticus et qui a été isolé au cours de recherches entreprises dans un but différent, d'une macération de topinambour : à côté de son pouvoir amyloly- tique, ce microbe possédait celui de désagréger énergiquement le papier Berzelius. Malheureusement, lorsque, rentré des vacances, j'ai voulu reprendre son étude, je n'ai pu reproduire cette expérience : 624 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR le microbe, probablement à la suite de conservation dans un milieu non approprié, avait perdu sa propriété d'attaquer la cellulose. Le fait s’observe du reste avec les microbes amylo- lytiques : lorsqu'on les conserve en faisant des passages de gélose en gélose, leur pouvoir amylolytique baisse. Inverse- ment, on réussit à les renforcer en faisant des passages suc- cessifs sur amidon : la saccharification, sans être plus complète, se fait plus rapidement. ÉTUDES SUR LE BACILLE DE SCHMORL \!) (PREMIER MÉMOIRE) ROLE PATHOGÈNE — MORPHOLOGIE — CULTURES BIOLOGIE — ISOLEMENT par E. CÉSARI et V. ALLEAUX. Aperçu, pour la première fois, par Lôffler (1884) dans la diphtérie des veaux, le microbe qui nous occupe a été relrouvé ensuite (1891), par Schmorl, dans des foyers mortifiés de la face chez les lapins. Mac Fadyean (1891) constata sa présence au sein de nécroses hépatiques des bovidés et du mouton et Bang (1891) démontra l'identité des germes étudiés par ses prédécesseurs. Puis, Jensen (1895) établit le rôle pathogène important de ces germes dans une foule d’affections animales. Nous ne suivrons pas ici le développement ultérieur de la question. Nous ferons simplement remarquer que les divers auteurs qui ont-écrit sur le bacille de Schmorl (ou bacille de la nécrose) sont unanimes à signaler les lacunes de son histoire. C'est précisément ce qui nous a incité à reprendre de plano l'étude de cet organisme si curieux. RÔLE PATHOGÈNE Il faut se représenter le bacille de Schmorl comme un microbe qui passe tour à tour du milieu extérieur dans le tube digestif des herbivores et vice versa. Tel est le cycle habituel de son existence saprophytique, laquelle l’entretient à l’état vivant et actif, malgré l'absence de spore. Son rôle pathogène commence dès qu'il pénètre dans l'intimité des tissus, après avoir franchi les barrières épidermiques ou épithéliales. Et (1) Nous croyons équitable de le nommer ainsi, parce que ce sont les recherches de Schmorl qui l'ont fait connaitre tout d'abord. A 40 626 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR voici comment se traduit alors sa végétation #7 vivo chez les diverses espèces sensibles. Cuevaz. — Le bacille de Schmorl constitue le principal agent des lésions nécrotiques des extrémités chez cet animal : nécrose du fibro-cartilage de la 3° phalange (javart cartilagineux), — inflammations podophylliennes, com- pliquées de mortification des tissus (bleime, seime), ténosite nécrosante (javart tendineux). On le retrouve, généralement à l'état de pureté, au sein des foyers nécrotiques ou suppurés des poumons, complications métasla- tiques fréquentes des affections dont nous venons de parler. Il se rencontre aussi dans la nécrose de la hanche (gangrène de décubitus) et dans celle du ligament cervical (mal de nuque, mal d'encolure, mal de garrot). Enfin, il a été signalé au sein d’exsudats diphtériques de l'intestin, dans un foyer nécrotique du myocarde, etc. Boeur. — Le bacille de Schmorl occasionne la stomatite gangreneuse et l'entérite diphtérique des veaux, — la vagino-métrite diphtérique des vaches, — des abcès de la panse et des ulcères du feuillet, — des lésions nécrotiques ou suppurées du foie et des poumons, — de graves morlifications du pied (gangrène des onglons, panaris, limace, piétin, mal de pied contagieux), — la nécrose enzootique de la queue, etc... Il est fort probable, également, qu'on doit rapporter au germe qui nous occupe les poussées gangreneuses qui aggravent si souvent les localisations podales de la fièvre aphteuse. Mourowx. — Le bacille de la nécrose provoque, chez cet animal, une atfec- tion enzootique qui se traduit par des ulcérations des lèvres, du nez et des membres; on le rencontre aussi dans des abcès hépatiques et il faut voir en lui l'agent des maladies nécrotiques de l’ongle, le piétin en particulier. Porc. — Le bacille de Schmorl a été trouvé dans la stomatite diphtérique, la gangrène de la cloison nasale, les ulcérations intestinales, etc. Cuiex. — Le bacille de la nécrose serait la cause d'une dermatite phleg- moneuse et fistuleuse très spéciale. Lapin. — Le bacille qui nous occupe est l'agent de la « maladie de Schmorl », ou nécrose envahissante du nez et des lèvres. On l’a noté aussi dans des lésions variées, notamment dans des foyers pulmonaires infarci- formes. Le bacille de la nécrose a été rencontré chez d'autres espèces animales, mais à titre purement fortuit. On a même constaté sa présence chez l'homme. Il a déterminé, par infection accidentelle, de petits abcès du doigt chez Schmorl et son garçon de laboratoire. Notons, une fois pour toutes, que son rôle pathogène, au moins exclusif, n'est nullement établi avec rigueur dans l'ensemble des affections citées plus haut. En somme, le bacille de Schmorl engendre : du côté des tissus externes, des affections nécrotiques ou gangreneuses et, quelquefois, des altérations de nature suppurative, — du côté des muqueuses, des affections, improprement nommées diphté- riques (répondant aux nécroses des tissus externes), qui offrent volontiers le caractère térébrant et gangreneux et, quelquefois, ÉTUDES SUR LE BACILLE DE SCHMORL 627 des altérations de nature suppurative, — enfin, du côté des viscères, des nécroses ou des abcès. Nous rappellerons que, depuis les remarquables travaux de Veillon, il n’est plus permis de confondre la nécrose, qui représente la mortification des tissus, avec la gangrène, qui représente leur putréfaction in vivo, et que cette dernière demeure l'apanage des microbes anaérobres (lesquels peuvent, d’ailleurs, se borner à déterminer de simples nécroses). Le bacille de Schmorl, anaérobie, est capable d’occasionner, selon les cas, des mortifications ow des gangrènes au niveau des tissus externes et des muqueuses; par contre, au niveau des viscères, il ne provoque jamais de putré- faction 2n vivo. Les lésions dues au microbe qui nous occupe se classent donc finalement en deux catégories distinctes : nécroses (com- pliquées ou non de gangrène) et processus suppuratifs. Dans les deux cas, la fréquence des /hrombo-phlébites explique aisé- ment celle des métastases qui, selon la voie offerte à la migra- tion des germes, apparaissent soit au niveau du foie, soit au niveau des poumons. Les échantillons du bacille de la nécrose qui ont servi à nos recherches provenaient de chevaux atteints de javart (foyers pulmonaires métaslatiques). Ils peuvent être considérés prati- quement comme identiques entre eux; les quelques différences observées, d’ailleurs fort légères, seront mentionnées en pas- sant. MORPHOLOGIE Dans les produits pathologiques naturels (1), comme dans les lésions expérimentales et Les cultures, le bacille de Schmorl offre des aspects assez variés que l’on peut ramener à deux types principaux, le {ype allongé (filamenteux) et Le éype court, dont la filiation se trouve facilement établie par l’examen des cultures où l’on voit Le second succéder au premier. La forme allongée, la plus commune, est vraiment caracté- ristique du bacille de la nécrose. Elle ne fait jamais défaut dans (4) Nous en avons examiné hislologiquement un grand nombre, tant chez le cheval que chez le bœuf. 628 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR les lésions en voie d'extension et prédomine dans les lésions récentes. En culture, c’est elle qui apparaît au début du déve- loppement, quand on s’adresse aux milieux liquides et surtout aux milieux liquides glucosés. Elle se manifeste par de longs filaments, droits ou flexueux, parfois repliés sur eux-mêmes, souvent enchevètrés. Des filaments entrecroisés peuvent, à un examen très superficiel, simuler des formes ramifiées, d’où Fi. 1. — B. de Schmorl (type allongé et type court) dans les produits pathologiques (foyer de nécrose métastatique du poumon d'un cheval atteint de javart). Giemsa. Gr. : 1.800. l'erreur de certains auteurs qui ont classé le bacille de Schmorl dans le groupe des Streptothricées ; un peu d’attention suffit pour éliminer cette interprétation. La /onqueur des filaments est extraordinairement variable. Au sein des lésions, elle atteint en moyenne 10-20 p, mais il n'est pas rare de rencontrer des éléments offrant jusqu'à 50-100 w et plus. En culture (milieux liquides), on obtient des filaments excessivement longs et difficiles à mesurer en raison de leur enchevêtrement ; ils occupent souvent plusieurs champs microscopiques (nous ÉTUDES SUR LE BACILLE DE SCHMORL 629 en avons observé un qui atteignait 360 y). La largeur des filaments, qui oscille entre 0 & 7 et 1 , peut dépasser 2 & chez les formes renflées dont on parlera dans un instant. Les types allongés sont habituellement constitués par une gaine très fine, enveloppant un protoplasme clair, qui se condense, de place en place, en granulations chromatiques. Selon les élé- ments, ces granulalions s’espacent plus ou moins ou confluent, FiG, 2. — B. de Schmorl. (Culture de vingt-quatre heures en bouillon Martin glucosé à 2 p. 1000.) Fuchsine phéniquée. Gr. : 1.800. au contraire, jusqu'à s’accoler véritablement. On rencontre assez souvent, dans les préparations, des filaments qui semblent avoir subi un mouvement de torsion sur eux-mêmes. Rarement (lésions d’inoculation chez le lapin, cultures en milieux pauvres), on observe des éléments irréguliers, d'habi- tude longs et épais, à protoplasme finement granuleux, conte- nant des vacuoles. Ces éléments, dépourvus de corpuscules chromatiques, présentent parfois sur leur trajet des renflements en fuseau, ou bien se terminent par des massues analogues aux chlamydospores de certaines algues. 630 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Quand on suit le développement du bacille de Schmorl dans les milieux liquides, on constate que les filaments se fragmen- tent en articles de plus en plus courts. Au sein des vieilles cultures, qui offraient tout d'abord uniquement des formes allongées, on ne retrouve à un moment donné que des éléments de 2 à 3 m de longueur. Ces formes courtes résultent donc de la division des filaments. Le type court se rencontre dans les lésions anciennes, comme dans les vieilles cultures. Certains échantillons du bacille de la nécrose (ceux dont le pouvoir fermentatif vis-à-vis du glucose est peu marqué) poussent d'emblée sous la forme courte en milieu liquide. Le bacille de Schmorl est immobile et n'offre pas trace de cils. Il ne donne point de spores, ainsi que le démontrent l'étude histologique et le chauffage des cultures. Il se teint par les couleurs basiques d’aniline; mais, tandis que les éléments jeunes fixent ces dérivés avec intensité, les cellules âgées se colorent très mal. La thionine phéniquée et le Ziehl dilué teintent fort bien les granulations et le Giemsa leur imprime une belle métachromasie. Le bacille de la nécrose se décolore par la méthode de Gram. CULTURES. Pour « travailler » avec le bacille de Schmorl, on est, prati- quement, obligé de se servir de cultures en milieu liquide ; cul- tures, bien entendu, anaérobies. L’anaérobiose est obtenue, sans difficulté, par l'emploi combiné du vide et de l'hydrogène ; nous ne saurions trop recommander, à ce point dé vue, le dis- positif excessivement pratique dû à M. Legroux et résumé à /a suite de ce travail. Le meilleur milieu liquide est le bouillon Martin, glucosé ou non selon le but que l’on se propose, bouilli dix minutes (puis refroidi) avant l’'ensemencement. Ceci posé, nous allons indiquer les caractères essentiels du bacille de la nécrose cultivé, à 37 degrés, dans les divers milieux usuels, où il pousse aisément à l'abri de l'air. Bouir£Lon Marrin. — On obtient, en dix-douze heures, un trouble uniforme du liquide. L’agitation fait apparaître des ondes soyeuses, moirées, en même temps qu'elle provoque le ÉTUDES SUR LE BACILLE DE SCHMORL 631 dégagement de quelques bulles gazeuses. Au bout de vingt- quatre heures, un dépôt blanc sale, crayeux, tassé, adhère au fond du tube. Après trois-quatre jours, tous les germes se sont déposés et le milieu demeure indéfiniment limpide. Les cul- tures dégagent une odeur spéciale, pénétrante et très désa- gréable, celle du 7avart exactement. Bouizzon Marrin, éLucosé a 2 p. 1.000. — L'abondance est F1G. 3. — B. de Schmorl. (Formes renflées. Lésions d’inoculation chez le lapin.) — Fuschsine phéniquée. Gr. : 1.800. plus grande que dans le bouillon Martin simple et le déga- gement gazeux plus considérable (le liquide, non agité, apparaît toujours surmonté d'une collerette mousseuse). Le milieu devient très faiblement acide. Certains échantillons fermentent peu et ne gagnent guère à être cullivés en bouillon Martin glucosé ; il est à noter que, dans ce milieu, comme dans le précédent, ils poussent d'emblée agglutinés (et sous la forme courte). SÉRUM LIQUIDE. — On voit apparaître, après quarante-huit heures, des flocons épais, nuageux, qui flottent dans le liquide 632 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR et se déposent peu à peu au fond du tube. Le sérum n'est ni coagulé, n1 fluidifié. Larr. — Il se caille, du 4° au 6° jour, par acidification. Gécarine (à 10 p. 100, au bouillon Martin). — Dans ce milieu, maintenu à 37 degrés, se forment, comme dans le sérum, des flocons épais qui ne tombent que lentement à cause de la viscosité du liquide. La gélatine n’est nullement attaquée, car elle fait prise au sortir de l’étuve. GéLose (au bouillon Martin). — Sur la gélose inclinée, naissent de petites colonies isolées, à bords déchiquetés, semi-transparentes et légèrement brunâtres. — Dans la gélose ensemencée par piqure, on observe un axe grisâtre, d’où partent des prolongements boursouflés, irréguliers, « liché- noïdes ». SÉRUM COAGULÉ. — En strie, c'est une traînée grisâtre, à bords sinueux, finement ridée à sa surface. — En piqure, si le milieu a été coagulé à la température minima (de façon à obtenir une gelée transparente), c'est un aspect rameux, rap- pelant un peu le « sapin renversé » de la bactéridie charbon- neuse. Pomme bE TERRE. — Nous n'avons pas obtenu de culture. BroLoGie. Le bacille de Schmorl est un anaérobie strict. On peut, cepen- dant, obtenir sans difficulté des cultures à l’air, dans les milieux liquides (non bouillis), quand on l'y ensemence avec des aérobies siricts (b. subtilis — procédé de M. Roux) ou facultatifs (bacille du rouget). Le 4. subtihis agit en absorbant l'oxygène du milieu lors de son développement et en maintenant l’anaé- robiose, mécaniquement et biologiquement, sous son voile une fois formé. Le bacille du rouget joue le rôle d'un minuscule appareil à hydrogène sulfuré (on sait qu'il produit IS — et des mercaptans — aux dépens des peptones). Sur le conseil de M. M. Nicolle, nous avons entrepris de rem- placer le bacille du rouget par le sulfure de calcium. Ce composé, stérilisé en tube ouvert à 180 degrés et ajouté, à l’état de traces, au bouillon Martin (glucosé à 0,2 p. 100) ÉTUDES SUR LE BACILLE DE SCHMORL 633 ou au milieu T (1), permet un développement facile du bacille de la nécrose sans la moindre précaution. Les milieux au sulfure de calcium nous ont rendu les plus grands services pour isoler le bacille de Schmorl et pour en « remonter » les cultures affaiblies (voir plus loin). Dans le bouillon Martin au sulfure de calcium, soit dit par anticipation, le bacille de la nécrose donne une toxine aussi active que dans le bouillon Martin soumis à l’action du vide et de l'hydrogène ; il en va de même pour le bacille tétanique (expériences inédites). Le bacille de Schmorl croît de 30 à 40 degrés; l’optimum se place entre 37 et 38 degrés. Il ne pousse pas dans les milieux acidifiés, même modérément. Il fermente le glucose et le lactose (parfois faiblement), mais n’attaque ni le saccharose, ni la glycérine. Il ne jouit point du moindre pouvoir protéolytique (la gélatine, avons-nous vu, n’est même pas liquéfiée). Il produit de l’indol et dégage l'odeur fétide mentionnée plus haut et que M. Alilaire attribue à la présence de mercaptans. Les cultures conservent leur vitalité, à la température ordi- naire, en bouillon Martin simple, pendant plusieurs mois. Elles meurent à 37 degrés, en bouillon Martin glucosé, après une semaine environ. ISOLEMENT. 11 n'offre guère de difficultés, quand on part de produits où le bacille de Schmorl existe en abondance et presque à l'état pur. Sinon, il devient, cela va de soi, d'autant plus ardu que les germes sont moins nombreux et accompagnés d'une quantité plus grande de microbes étrangers, notamment d’anaérobies. Dans le premier cas, on obtient souvent des cultures pures d'emblée par ensemencement en milieux liquides additionnés de sulfure de calcium. Si les tubes d’origine sont encore souillés de quelques impuretés, on arrive généralement à s'en débar- (1) Milieu employé par MM. Truche et Cotoni dans leurs recherches sur le pneumocoque et ainsi formulé : peptone Chapoteaut 4 p. 100; glu- cose 0,2 p.100 ; sel marin 0,5 p. 100 (on alcalinise jusqu'à coloration violet franc au tournesol). 634 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR rasser grâce à un petit nombre de passages en milieu sulfuré, répétés à court intervalle. Dans le second cas, il faut recourir au procédé classique de Veillon, mais on facilite grandement la réussite quand on fait une culture préalable en milieu sulfuré, « culture d’enrichis- sement » qui assure la prédominance du bacille de la nécrose. Dans les premiers tubes d’une « série Veillon », la gélose est toujours disloquée par les gaz de fermentation ; dans les derniers, on trouve des colonies isolées, lenticulaires ou glomérulaires, opaques, d’un blanc grisâtre, qui apparaissent du 3° au 5° jour et atteignent, au plus, le volume d'une tête d’épingle. Le bacille de Schmorl étant isolé, on peut l'ensemencer dans le bouillon Martin simple ou dans le bouillon Martin glucosé à 2 p. 1.000. Indiquons, nettement, les avantages et inconvénients respectifs de ces deux milieux. Dans le bouillon Martin simple, les cultures sont moins abondantes et souvent « capri- cieuses » (1) ; alors même que l’on fait des passages réguliers (in vitro), on n’est jamais sûr d'obtenir un développement en vingt-quatre heures et de temps en temps il faut, pour « remonter » les microbes devenus paresseux, recourir à un passage en milieu sulfuré. Par contre, grâce à l'absence de toute acidification, le bouillon Martin simple constitue le milieu d'élection pour conserver les germes (lorsque ceux-ci sont un peu vieux, ils ne « repartent » que dans les liquides sulfurés). — Dans le bouillon Martin glucosé, les cultures sont plus abon- dantes et se font régulièrement ; on est toujours sûr d'obtenir un développement en vingt-quatre heures avec des germes tant soit peu entraînés. Le bouillon Martin glucosé constitue donc le milieu d'élection pour les cultures qui suivent l'isolement et pour le travail courant. En somme, on l’emploiera dans tous les cas usuels, la conservation exceptée. (1) Au fond, c'est le cas de tous les anaérobies, cultivés dans le bouillon Martin non glucosé. MODIFICATIONS A L'APPAREIL VIDE-HYDROGÈNE POUR LES CULTURES ANAÉROBIES EN MILIEUX LIQUIDES par RENÉ LEGROUX. L'appareil, nécessitant l'emploi du vide et de l'hydrogène, décrit par M. Roux en 1887, et qui, depuis, n’a cessé d'être utilisé couramment pour les cultures anaérobies, présente deux inconvénients que nous avons cherché à éviter. La manœuvre successive de deux robinets, pour l'arrivée de l'hydrogène et pour le vide, est incommode lorsqu'il faut opérer rapidement. D'autre part, les canalisations sont souvent remplies par l’eau due à l’évaporation, sous le vide, des bouillons de culture ; cette eau, chassée par le courant d'hydrogène, mouille le coton et parfois pénètre jusqu'au milieu nutritif. Nous remplaçons les deux robinets par un seul, branché à la suite de l'appareil producteur d'hydrogène (appareil de Kipp, appareil de Roux, etc.); ce robinet a trois voies, deux latérales, une verlicale. Par la voie latérale gauche, on relie le robinet au flacon laveur de Durand et l'on met en communication la voie latérale droite avec la trompe à eau. La partie centrale tour- nante du robinet porte une tétine où sort la voie verticale; cette voie met alternativement en relation les voies latérales avec le tube de culture. Une seule manette, assez longue, commande ces différents temps. Afin d'éviter la présence de l’eau dans la canalisation, il est d'abord préférable d'employer des tuyaux de caoutchouc à vide et non des tuyaux métalliques; puis, on placera à l'extrémité du caoutchouc destinée à porter le tube de culture un réservoir condensateur de vapeur d'eau. Ce réservoir doit être petit, pour ne pas prendre trop d'hydrogène à l'appareil producteur ; il doit être démontable, afin d’être facilement vidé; on le réalise avec un tube de verre de 15 millimètres de diamètre et de 7 centimètres de long; les deux ouvertures reçoivent chacune 636 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR un bouchon de caoutchouc traversé par un petit tube de verre effilé à chaque extrémité; l’effilure traversant le bouchon infé- rieur devra pénétrer dans le tube condensateur de 2 à 3 centi- mètres, de manière à permettre la collection de l’eau et à empêcher son reflux dans le tube de culture. Le bouchon supé- rieur est relié à la canalisation partant de la voie verticale du robinet; le bouchon inférieur est relié, par l'intermédiaire d’un autre bouchon de caoutchouc, au tube de culture. Il y a avantage, pour hâter le vide dans le milieu, à se servir d'un jet de gaz à flamme bleue, lequel permet en outre de sceller plus rapidement le tube et de ne pas noircir la verrerie. MORTALITÉ PAR LA VARIOLE, EN SUËDE DE 1776 À 1875 par AzrRED PETTERSSON. (Travail du laboratoire bactériologique de l'Institut médical public de Stockholm.) La loi de 1686 sur les cultes enjoignit au clergé suédois de tenir, dans les paroisses, des registres sur les mariages, les naissances et les décès. Peu après cette date, on eut l'idée d'utiliser ces registres pour établir une statistique sur le pays tout entier. Cette statistique remonte au milieu du xvi siècle. A partir de 1749, des tableaux réguliers et complets furent élaborés sur le mouvement de la population : les naissances et les décès, etc., y furent indiqués. Les rapports relatifs à la mortalité devaient, en plus de l’âge, dénoncer aussi la cause des décès. Grâce à cette disposition, on réussit à recueillir des matériaux d’une haute valeur scientifique pour l'étude des maladies contagieuses, et on est à même de fixer la fréquence et la propagation de plusieurs d’entre elles à partir de 1749. En ce qui concerne la variole, cette maladie fut englobée, dans les rapports, avec la rougeole jusqu’en 1774, année où les deux maladies furent traitées séparément. A partir de cette époque, on est donc à même de déterminer la mortalité par la variole, étude qui est d'un grand intérêt, d'autant plus qu'elle nous permet de constater l'influence de la vaccination sur la mortalité par cette maladie. Aussi s’est-on souvent servi de cette statistique dans ce but, et, ce qui est surprenant, non seu- lement les partisans de la vaccinalion, mais aussi ses adver- saires, y ont eu recours. En général, on s’est contenté de com- parer la mortalité causée par la variole avant et après que la vaccination fut établie. Comme cette mortalité était déjà en décroissance avant fa vaccination, cette comparaison, comme nous allons le voir, ne présente pas un argument tout à fait irréfutable. On s’en est servi pour prouver deux conclusions parfaitement opposées, à savoir : la valeur préventive ou bien 638 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR l'impuissance plus ou moins complète de la vaccination vis- à-vis de la variole. Mais on peut aussi examiner la répartition des décès sur les diverses catégories d’âge avant et après l'établissement de la vaccinalion. Au cas où, après la vaccination, les décès sur- viennent dans de tout autres catégories qu'auparavant, on à toute raison de croire que la vaccination est la cause de ce changement. J'ai traité mon sujet aussi à ce point de vue. La variole étant d’une fréquence peu considérable en Suède depuis l’année 1876, mes recherches ne sont pas allées au delà de celte époque. Pour me limiter à un laps de temps d'un siècle, je n'ai commencé mes recherches qu’à partir de 1776. Les rap- ports recueillis au Bureau central de Statistique de Suède indiquent, jusqu'en 1801, les décès par tranches d'âge de cinq années. Le premier groupe, celui de 0 à 5 ans, est divisé en {rois sous-groupes : de 0 à 1 an, — de 1 à 3 ans, et de 3 à 5 ans. A partir de l'année 1802 jusqu’en 1859, les rapports ne traitent, au-dessus de dix ans, que les groupes de 10 à 25, de 25 à 50 et celui d'au-dessus de 50 ans. Depuis 1860, on a à sa dispo- sition les données fournies par les registres paroissiaux. Ne pouvant disposer tous les matériaux par tranches d'âge de cinq ans (cette disposition est celle qui offre le plus d'in- térèt pour ces recherches), j'ai pourtant gardé cette disposition autant que possible. Pendant la période 1801-1860 seulement, les tranches de cinq ans sont remplacées par les tranches plus larges mentionnées ci-dessus. Je donne, en outre, un apercu des matériaux répartis seulement en ces larges tranches. Les grandes épidémies ne revenaient (voir le tableau 1) qu’à de longs intervalles, de durée très différente. Pour obtenir des résultats exacts, les périodes dans les limites desquelles on veut comparer la mortalité ne doivent pas êlre trop courtes. C'est pourquoi, dans ce tableau, j'ai divisé les matériaux en périodes décennales. La vaccination fut pratiquée en Suède pour la première fois en 1801. La vaccination obligatoire est établie depuis 1816. Dans la période quinquennale 1801-1805, le nombre des vac- cinés s’éleva à 47.258, soit 13 p. 100 de tous les enfants nou- veau-nés. Dans la période 1806-1810, 25 p. 100 des nouveau- nés ont été vaccinés, et, de 1811 à 1816, la proportion s'est MORTALITÉ PAR LA VARIOLE, EN SUËÈDE 639 élevée à #4 p. 100. Voilà un fait qui doit être considéré comme un très bon résultat produit par la vaccination volontaire. On ne se trompera pas en considérant la rapide propagation de la vaccinalion comme un effet dû à l'effort employé antérieurement pour propager la variolisation. On a prétendu que la varioli- sation ne fut jamais d’un emploi fréquent en Suède. La pre- mière inoculation fut praliquée en 1754 à Upsal. Quoique le peuple s'y opposät obstinément, les médecins départementaux se donnèrent beaucoup de peine pour la répandre. Tasceau |. — Décès par la variole de 1776 à 1875. CAS CAS CAS CAS ANS de ANS de ANS de ANS de mort. mort. mort mort. 1716 4.500/1804 . . . 6.05711826 . . . 625|1851 . . . 2.488 NITTUE 1.943/1802 1793 MIS 21 60011852. . . 1.53% 1778 6.607|1803 1.464|[1828 25711853 2119 1779 15.102/1804 1.450|1829 53/1854 20% 1180 3.314/1805 1.090/1830 10411855 41 1781 1.485]1806 1.48211831 61211856 b2 1782 2.48211807 SP HPAN EN 622|1857 560 1783 3.915 [1808 1.81411833 1.145/1858 1.289 1784 12.453|1809 2.404|1834 1.04911859 1.470 1785 5.080[1810 82411835 445|1860 108 1786 671|1811 69811836 13811861 193 1781 1.771/1812 40411837 36111862 148 1788 5.46011813 547|1838 1.805/11863 307 1789 6.764|1814 30811839 # 1.934/1864 141 1790 5.893/1815 47211840 . 65011865 1.336 1791 3.101/1816 69011841 2317/1866 1 217 1192 1.93911817 24211842 . 5811867 1.061 A9 2.103|1818 30511843 . 911868 1.429 1794 3.964|1819 16111844 . 611869 1.474 Les rapports présentés à la diète de 1761 à 1769 (1) men- (1) Berältelser rürande provincialdoklorernas ämbetsfürräliningar. Stock- holm, 1761, Berälteiser rürande medicinalverkets tillstand, 1765 et 1769. Je dois la connaissance de ces rapports à M. E. Almquist. 640 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR tionnent souvent des cas de variolisation. Par un seul médecin, désigné par le Conseil supérieur de santé, 275 variolisations furent effectuées. A Stockholm; à Gothembourg et à Chris- tianstad fonctionnaient même, pendant quelque temps, des hôpitaux spéciaux de variolisation. Après cette date, les rap- ports exacts font défaut. En tout cas la variolisation, sans être générale, devint pro- bablement de plus en plus fréquente. En certains endroits du moins, à la fin du xvin* siècle, elle paraît avoir été très répandue. A Gothembourg, à cette époque, presque tous les enfants furent variolisés. En 179%, selon Almquist (1), la variole fut inoculée par Carlander à 300-400 enfants, et, en 1799, à 600 enfants environ. A cette époque, les naissances de la ville n'étaient que de 400 à 500 par an. Il est évident que l'inoculation de la variole a bien préparé la population à la vaccination, traitement plus doux, mais aussi moins efficace. En examinant les cas de mort par la variole, on constate que la mortalité baissa rapidement à partir de 1801, et qu'après 1810 elle fut, en général, très faible jusqu’à la période 1865- 1875. Celte diminution devient encore plus marquée, si l’on compare le nombre des décès avec la population, dont le chiffre avait naturellement augmenté pendant ce laps de temps. Le tableau IV indique le nombre des décès sur 100.000 habitants dans les divers groupes d’âge. Pour effectuer ce calcul, j'ai con- sulté la « Population moyenne », par M. Gustav Sundbärg (2). La vaccination commenca en Suède à la fin de l’année 1801. Cependant, on ne peut pas attribuer la diminution de la mor- talité par la variole, après cette époque, à la vaccination seule. Déjà, avant qu’elle fût employée, la mortalité était en décrois- sance. Dans la période 1776-1780, 274,8 sur 100.000 habitants mou- rurent par la variole, et, dans les trois périodes quinquennales suivantes, 237,4, 190,2 et 160,4. Dans la période 1796-1800, la mortalité montait à 200,8 par suite de la grande épidémie de 1800, mais elle diminua promptement de nouveau, de sorte qu'elle n’atteignit que 97,3 décès sur 100.000 habitants dans la période 1801-1805. 1) ALMQUIST (E.), BrnanG till Güresorcs Aülsovardsnümds arsberäüttelse, 1889. (2) SUNDBARG (Gusrav), Stalislisk tidskrift, 1908. MORTALITÉ PAR LA VARIOLE, EN SUÉDE 641 Tascrau Il. — Décès par la variole de 1776 à 1875. — A. 1776 à 1810. 1776 1781 1786 1791 AGE à à à à 178 1785 1790 1795 AIPANS 7.829 SO 6.160 5.360 à 3 ans 8.854 1.816 6.529 DD ARDIE— 6 250 6.091 3.921 D-290 AO Vans 22.935 | 19.884 | 16.610 | 14.367 À Du 4.096 DS 2,808 2.673 à 15 — 944 1194 656 544 ADO 352 426 288 AND 139 177 123 AIDE 36 4% 31 à 35 — 17 9 18 à 40 — 5 5 9 AE — 3 3 1 ED 1 l 2 ADO » il » OUR » » 2 à 3 8 5 2852090 4156620559 B. — 41811 à 1845. 1811 1816 1821 1826 ÂGE à à à à 1815 1820 1825 1830 as lNan 161 468 698 694 à 3 ans 676 366 355 319 AO — 316 189 148 10% à 5 ans 1.815 1.023 1.201 ea A UT à 10: — 319 241 142 96 à 15 — l à 20 — 216 | 248 406 248 225 —. HE — \ To | | AUAO ee — 20 \ 26 >» 197 168 à 45 — \ \ à 50 — ) AUDE ; à:60 t— 5 3 2 10 | 2,429 .541 1.948 1.639 1796 a 1800 1801 | 1806 a a 1805 | 1810 3.323 | 2.300 3.931 | 2.788 2.256 | 1.566 9.510 | 6.744 1.591 | 1.383 1836 1841 a a 1840 1845 1.817 112 136 45 333 13 2.886 110 402 15 \ 620 mn 950 | 55 30 32 4.888 316 642 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR GC. — 4846 à 1875. 1851 | 1856 | 1861 ; a a a 1855 | 1860 | 1865 .6:6 .346 971 491 58 289 175 9% 2.340 223 103 L'épidémie de 1800 ne provoqua qu'une élévation tempo- raire de la courbe descendante des décès par variole. Si on les avait répartis sur des périodes décennales, l'épidémie n'aurait marqué aucun changement sur la courbe et les chiffres auraient indiqué un abaissement continu (voir le tableau IT). Un simple examen démontre que le nombre des vaccinés de cette période était, par rapport à la population, en trop faible proportion pour expliquer la décroissance produite, et que la vaccination y était pour très peu de chose. Dans cette période le nombre des vaccinés fut de 47.258. On ne se trompera guère en disant que la plus grande partie d'entre eux était représentée par les enfants n’ayant pas encore atteint cinqans. Déduction faite de ce nombre à la population moyenne (au- dessous de cinq ans), ilreste Les habitants sur lesquels la vacci- nation n'avait eu aucune prise. En supposant que tous les décès aient eu lieu parmi les non-vaccinés, ilest facile de calculer com- MORTALITÉ PAR LA VARIOLE, EN SUËDE 643 bien il y avait de décès par variole sur 100.000 habitants de cette catégorie. Ce calcul donne 755,2, chiffre ‘encore plus bas que le plus petit nombre précédent, soit 10019 dans la période 1791-1795. Cela prouve que les décès par variole auraient diminué même sans la vaccination. Bien entendu, on peut faire une semblable évaluation pour les périodes suivantes. Le nombre des vaccinés fut, dans la période 1806-1810, 93.595, soit 25 p. 100 des nouveau-nés ; 1811-1815, 175.632, soit 44 p. 100; 1816-1820, 289.797, soit 72 p. 100. Ces wvaccinés déduits de la population, les décès par variole sur 100.000 habi- tants dans le groupe de zéro à cinq ans se présentent de la manière suivante : 1776-80 : 1696,2 ; 1781-85 : 1440,7; 1786-90 : 1227,2; 1791-95 : 1001,9; 4796-00 : 4257,3; 1804-05 : 755,2; 1806-40 : 677,2; 4811-15 : 307,6; 1816-20 : 603,1; 1821-95 : 1174,8. Cependant, cette évaluation parle en faveur de la vaccination. Un certain nombre des vaccinés moururent au cours de cette mème période et furent par là déjà éliminés de la population moyenne. Peut-être vaccinait-on, au commencement, desenfants au-dessus de cinq ans. Ce qui est certain toutefois, c’est qu'il y avait quelques décès parmi les vaccinés. Il résulte néanmoins de ce calcul que la mortalité par variole baissa continuellement jusqu'en 1816-1820. Par la suite, les chiffres indiquent un accroissement de cette mortalité. Certes on pourrait dire qu'on arrivait à un si bon résultat parce que la propagation de la variole, de ses foyers, pouvait être enrayée par la vaccination autour de ceux-ci. Or, on sait que la vaccination fut pratiquée, au commencement, surtout sur les enfantsdes classes aisées, soit à des individus peu exposés à la maladie. Du reste, si une vaccination de 44 p. 100 des naissances dans la période 1811-1815 âvait élevé un tel obs- tacle à la propagation de la variole qu'il y avait seulement 123,5 décès sur 100.000 habitants dans le groupe de 0 à cinq ans, il serait incompréhensible que la vaccination de 71,5 p. 100 dans la période 1831-35, de 75 p. 100 depuis 1836-40, et de 14 p. 100 depuis 1866-70, ne püût réduire la mortalité dans le même groupe à moins de 430,0 ; 147,5 et 124,2 sur 100.000 habi- tants. Il y a encore une raison qui indique que la mortalité était 644 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR en baisse à la fin du xvin° siècle, baisse qui continuait quelque temps après que fut établie la vaccination. En comparant la relation entre la mortalité du groupe de un an à celle de un à trois ans, on voit que le nombre des décès était presque le même, quoique un peu prédominant dans le dernier jusqu’à la période 4811-1815. À partir de cette époque les décès du pre- mier groupe vont en augmentant (Voir les tableaux IT et IT). Un examen des décès sur 100.000 habitants (voir le tableau IV) donne le même résultat. Il est évident que c'est la vaccination qui a réduit la mortalité dans le deuxième groupe. Souvent la vaccination ne fut pas pratiquée chez les enfants au-des- sous d’un an. Néanmoins la mortalité par variole baissait sans interruption dans ce groupe à partir de 1776 jusqu'à 1821, c’est- à-dire dans une période de quarante-cinq ans environ. Nous ne connaissons pas la cause de cette diminution. Peut- être la variolisation y était-elle pour quelque chose. Cela n’est pourtant admissible que pour le xvin® siècle, car on doit supposer que la vaccination la supprima tout de suite. D'ailleurs la variolisalion n'était pas d'un usage assez fréquent pour qu'on puisse la considérer comme une cause suffisante de cette dirainution. Taszeau III. — Décès par variole de 1776 à 1875 en périodes décennales. 1776 | 1786 | 1796 | 1806 Eu 1826 | 1836 | 1846 | 1856 1865 AGE à à à à à à à à à 1785 1795 1805 1815 1825 1835 1845 1855 1865 1875 0 à 1143 S06144.520| 9.871"3.451|; 1.166! .2.328| 1.929) 2.213. 2:317|t 4.312 4 à 3116.670112.281111.627| 3.464 7121 978 381 107 647] 1.400 3 à 5112.341| 7.176| 6.890! 1.942 331 392 346 270 238 49% 5.481| 4.932] 1.758 383 321 417 368 249 572 1 D 8 10 à 25] 3.162 843 d30 671 654 679 664 993 4| 1.457 25 à 00 124 95 114 56 223 810! 4.005] 1.606! 2.10%! 4.221 50 12 10 22 34 5) 38 62 192 >| 1.368 53.944138.406134.986/111.082| 3.489] 5.519! 5.204] 6.349] 6.804|13.824 Cependant, ce n’est pas dans loutes les catégories quinquen- nales que se présente cette diminution de la mortalité par variole. Avant la vaccination, les décès devinrent de plus en MORTALITÉ PAR LA VARIOLE, EN SUÈDE 645 plus rares dans les catégories d'âge avancé. Après la vaccina- tion, un accroissement se fait bientôt remarquer, accroissement qui, dans les dernières périodes décennales, atteint un chiffre très élevé. Un regard sur les nombres absolus des décès de variole, suffit pour montrer que ceux-c1 se répartissent tout autre- ment dans certains groupes d'âge, après la vaccination qu'avant celle-ci. D'abord laissons de côté l’accroissement de la popu- lation et n'examinons que le pourcentage des décès sur la mor- talité totale par variole dans les différentes périodes décen- nales. Dans le premier groupe, celui de zéro à un an, le nombre absolu des décès a subi une forte diminution, fait qui est tout naturel vu que, en général, la mortalité par variole a considérablement baissé (tableau I). Mais le pourcentage de tous les décès par variole (voir le tableau V) est, dans Îles dernières périodes, le même ou mème plus grand que dans les premières, c’est-à-dire avant la vaccination. Dans les autres groupes, au-dessous de dix ans, la mortalité relative a diminué d’une manière plus ou moins manifeste. Le deuxième groupe, celui de un à trois ans, présentait, avant la vaccination, la plus grande mortalité absolue et relative. Après la vaccination, une diminution commence et va en grandissant pour chaque nou- velle période décennale. La différence s'élève à 20 p. 100, soit de 30 p. 100 dans la période 1776-1785 jusqu’à 9,5 p. 100 dans la période 1856-1865 et à 10,1 p.100 dans celle de 1866-1875. La diminution est la plus grande chez les enfants âgés de quatre et cinq ans; à savoir : de 22 p. 100 dans la période 1776-1785, à 3,5 p. 100 dans les deux périodes 1856-1865 et 1866-1875. A partir de 1826 et surtout dans les deux périodes ci-dessus, la mortalité est la plus faible dans le groupe de 3 à 5 ans (en met- tant de côté les individus au-dessus de cinquante ans). Dans le groupe de la sixième à la dixième année, la diminution, tout en n'étant pas aussi forte, est quand même très prononcée. De semblables oscillations étant inconnues dans les ravages causés par les maladies contagieuses en général, aussi bien que par la variole en particulier, avant la vaccination, il faut en chercher la cause dans le changement qu’a subi le corps humain par la vaccination. ANNALES DE. L'INSTITUT PASTEUR TaBcEeAu IV. — Mortalité par la variole par an et sur 100.000 habitants. 1776 1786 1791 1801 1806 AGE à à à à à 1780 190 1795 1805 1810 1 an Ph} LA 1687.8 163,9 3 ans 1628,7 1000 ,2 476,4 D — 1256,7 600,4 276,6 5 ans. 1696,2 227,2 | 1001,9 3 460 ,7 10 — 428 ,7 266,2 9 14273 15 — 93,5 64,4 5 20 — 3129 31,0 9 25 — 14,8 13,0 9 30) — 4,2 4,2 ,6 35 — DEP. 2,4 ET 40 — 0,6 162 1 45 — 0,4 0,1 9 50 — 0,18 ,36 4 55 — » 3 60 — ) 4 0,3 5 274 200,8 1811 1816 1821 1826 1831 1836 1841 AGE à à à à à à à 1815 1820 18 5 1830 1835 1840 1845 0 1 an. 217,6 127,8: |} 470, 0 168,0 399,6 439,4 25, 4 1 à 3 ans. 117,4 56,2 48 ,2 40,9 84,8 Bet) G95 3 à D — 69,2 362 21,6 32 32,8 43,9 à up] 5 ans. 12355 63,2 65,7 SEA 130,7 147,5 8,4 10 — 34: Le 19,4 10,2 6,0 118557 23,6 0,8 ——_— | —————— | —————— | ———— | ——— | ———— MORTALITÉ PAR LA VARIOLE, EN SUËÉDE 647 TaBLeau IV (suite). 1851 1856 1861 à à à 1855 1860 1865 ) ans. 10 — CL OEUT D & Où © © Où # 1 é Sir Æ & Co © D il 2 | 2 à | 3° RE =] À OO Or O0: À, CO RICE Æ C2 2 ee Lo) CO + © @ NN Voilà une preuve irréfutable de l'effet exercé par la vac- cination. Comme celle-ci ne se pratique souvent qu'à la fin de la deuxième année, ou même plus tard, on ne peut s'attendre à une amélioration prononcée dans le groupe de un à trois ans, mais seulement dans celui de trois à cinq ans. Dans l’âge de dix à vingt-cinq ans, le nombre des décès diminue aw début d’une manière considérable, devient ensuite presque constant, pour subir enfin une petite augmentalion. Les décès p. 100 de la mortalité totale dans ce groupe d'âge sont, dans les trois dernières périodes: décennales, deux fois plus nombreux que: dans Les trois premières. Le plus grand accroissement des décès par variole se présente dans le groupe d'âge de vingt-cinq à cinquante ans. La morta- lité par variole dans les périodes 1856-1865.et 1866-1875 y est presque aussi grande que dans le groupe de un an. Le pourcen- tage de tous les décès par variole s'est élevé dans ce groupe de 0,2 p. 100 dans la période 1776-1795 jusqu'à 30,9 p. 100 et à 30,5 p. 100 dans les périodes 1856-1865 et 1866-1875. Presque 648 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR le tiers de tous les décès par variole se rencontrent donc dans cette période, parmi les individus qui sont dans l’âge le plus actif de la vie. Il en est de même du groupe au-dessus de cinquante ans. Le coefficient mortuaire s’est élevé de 0,02 p. 100 jusqu’à 6,4 p. 100 pendant ledit intervalle. Voilà un effet pro- duit par la vaccination, lequel n’est point satisfaisant. TABLEau V. — Pourcentage des décès sur la mortalité totale par variole dans les groupes d'âge suivants : 1776 | 1786 Le DA 1816 | 1826 | 1836 | 1846 | 1856 1866 à à à à à à à 1785 | 1795 | 1805 | 1815 | 1825 | 1835 | 1845 | 1855 | 1865 1875 oo Si 42,2 17,1 31,2 10,1 [= D = Il 4 G) ù 3 La mortalité dans le groupe de 25 à 50 ans a, bien entendu, une beaucoup plus grande importance au point de vue écono- mique que celle de la première et de la deuxième années. A priori, il est évident qu'une vie de 20 ans représente une plus haute valeur qu'une vie de 1 ou de 2 ans. Les décès sur- venus dans le groupe 25-50 ans constituent donc une sérieuse perte sociale. On savait depuis longtemps par les statistiques des hôpitaux et par les comptes rendus des épidémies confi- nées dans certaines régions limitées que, parmi les vaccinés atteints par la variole, le nombre des décès était plus grand sur les âgés que sur les jeunes. En Suède, M. Almquist (1) a attiré l'attention sur ce fait pour la ville de Gothembourg. Il est évi- dent que la connaissance du risque que court l’âge mûr en cas d'épidémie de variole est de la plus grande importance. La variole protège contre une nouvelle infection de cette maladie. Il est rare qu'une personne en soit atteinte deux fois, et il est encore plus rare que la seconde fois la maladie amène (1 ALuquisr (E.), So. Lükaresällskapets fürhandlingar, 1908, p. 231. MORTALITÉ PAR LA VARIOLE, EN SUÉDE 649 une issue fatale. Quant à l'issue mortelle, on peut donc dire que la variole donne une immunité presque parfaite contre elle-même. Plus l’âge avance, moins sont nombreuses les personnes susceplibles de contracter une variole mortelle. Aussi la mortalité par la variole baissait-elle à mesure que l’on avançait en âge avant Ja vaccination, parce que les personnes ayant eu la variole devenaient de plus en plus nombreuses. Dans les tranches d'âge au-dessus de vingt ans la mortalité était souvent presque nulle. Il en a été tout autrement après la vaccination. Examinons maintenant quel changement doit produire une immunisation, telle que la vaccination, sur la mortalité par variole. Aujourd'hui on est d'accord que cette immunisation n a qu'un effetrestreint. Cependant, elle s'étend sur des périodes de durée très différente chez différents individus. La vaccina- ion étant en général pratiquée dans la deuxième année, l'im- munité acquise doit être la plus parfaite et les décès le moins nombreux peu après cette époque. Plus le temps écoulé après la vaccination est long, plus deviendra grand le nombre de ceux qui sont susceptibles de contracter à nouveau la variole, et en conséquence plus nombreux les décès. C’est précisément ce que montrent les tableaux. Ils prouvent que l’immunité séaffai- blit considérablement après quelque temps. Pour êlre à même d'apprécier la portée de cet affaiblissement, il faut connaître le nombre des décès proportionnel à la population dans les différentes tranches d'âge. Il ressort de ce qui précède que la méthode de vaccination employée chez nous jusqu'ici ne donne pas une protection suffi- sante contre la variole. On peut même se demander si elle donne des résultats réels. Il faudra donc améliorer cette immu- nité, si l’on veut combattre la variole par l’immunisation. Cette amélioration se fait par la revaccination. La question est de savoir à quel âge celte revaccination doit avoir lieu. I] est clair qu'il n’y a aucune raison d’avoir recours à cette mesure à l’âge où les tableaux ne marquent aucun accroissement de la variole. Mais elle est justifiée à l’âge où se produit cette aug- mentation. Examinons donc nos matériaux. On ne peut se ser- vir des registres qu'après 1859, les précédents ne contenant que deux des groupes au-dessus de 5 ans, qui nous intéressent iei, 650 ANNALES DE: L'INSTITUT PASTEUR: ceux de 5 à 10 et de 10 à 25.ans (le dernier — celui où l’affai- blissement de l’immunité acquise par la vaccination commence à se manifester par l'augmentation des décès par variole — élant trop grand pour donner un résultat applicable dans la pra- tique). A partir de 1860 les registres peuvent donner à ce sujet des informations d’une grande valeur. A cette époque, la vaceination obligatoire était déjà parfaitement appliquée: Le tableau IV indique les décès par variole dans Les divers groupes et sur 100.000 habitants, La mortalité est la plus faible dans le groupe de 11 à 15 ans. Dans le groupe suivant, elle est un peu accrue, mais l'augmentation n’est prononcée que dans le groupe 21-25 ans. L'accroissement des décès est le plus grand dans le groupe 36-40 ans pour baisser de nouveau plus tard. En général on peut dire que l’immunité acquise à l’aide de la vaccination à duré quinze à vingt ans environ. Chez certains sujets, cela va sans dire, elle a eu une durée plus longue. Ce résultat est en parfaite conformité avec les observations ct les calculs faits par F. Rosander (1) et se rapportant à une épidémie de cent cas dans un cercle limité de la province du Geslvikland, en 1893 et 189%. IT constata qu'il n’y avait pas de cas graves chez ceux qui se trouvaient dans les dix premières an- nées après leur vaccination. De-ceux qui étaient dans la période de 10 à 20 ans après leur vaccination, 17 p. 100étaient atteints de variole grave et dans le groupe de ceux qui n'avaient été vaccinés que depuis 20 à 30 ans le nombre en montait à 43 p. 100. Rosander fixe l’époque de la revaccination à la vingtième année. La coutume de revacciner les conscrits est très bonne dans la pratique. Mais il faut veiller à ceque la première vaccination soit exécutée minutieusement, pour que l’immunité dure jusqu'à l’âge de vingt ans. Sans cela, cet usage n'est pas justifié au point de vue scientifique. IL est du reste tout naturel qu’on ne veuille procéder à la revaccination: qu'une fois. Voilà encore une raison pour laquelle on doit désirer que l'immunité acquise dure autant que possible. La baisse dela mortalité par la variole au-dessus de 40- 50 ans n'a, bien entendu, aucun rapport avec la vaccination. (1) RosanDer (F.), Hygiea, 1895. ! MORTALITÉ PAR: LA VARIOLE, EN SUÈDE 654 Elle exprime une résistance plus grande contre la variole, qui vient avec l'âge. TABLeAU VI. — Répartition des décès par sexes. 1776-1800 1860-1875 TR AN ee HOMMES FEMMES HOMMES FEMMES Population Décès Population Déoë Population! bscas. Population Décès. ; À x °F: | moyenne: moyenne. moy. (i). moyenne. 16.181 L.098115.6 30.582] 2.886| 58.121] 2.674 .863| 55.936118.78 56.4481 896! 107.3601 344 L. 880 .077/12.: 53.6881 3201 100.15 M0! 106.002! 8. 105.210 370! 232. .014 04.045814. 103.824 165|, 210.5 131 94.236 à 97.305 236| 188.: 295 .417 98.114 DoHIAG SE 2.310 ) 91.203 623| 147. 1.893 ..633 ; 136. .549 .176 AE UE .465| D 9.435 122. .189 .28T 5 107. 434 .065 (== è à © © à Qt D © (=) 57.552|1.050.752158.190|1.132.9: (1) La population moyenne:se rapporte à la période 1861 à 1875: Il est curieux de signaler la relation existant entre les décès des deux sexes après la vacinalion, phénomène démontré par le tableau VI. Avant la vaccination, autant d'hommes que de femmes mouraient de variole. Après la vaccination cet état de choses s’est modifié en faveur des femmes. C'est surtout au- dessus de vingt ans que cette plus grande mortalité des hommes se fait remarquer. Pour 100 décès de femmes on peut constater 150 décès d'hommes. Il est évident que ce fait est d'autant plus à regretter que les hommes étaient déjà auparavant en mino- rité. Il est très difficile de trouver la cause de ce fait. [Il n'est pourtant pas probable que la vaccination ait directement agi 652 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR en ce sens. Je suppose que les hommes menant une vie en con- tact avec d’autres personnes prenaient la variole plus facile- ment que les femmes, ce qui explique que le nombre des décès d'hommes élait supérieur à celui des décès de femmes, les femmes étant retenues à la maison par leurs occupations domestiques. ConcLusioNs. En Suède, la mortalité par variole était en décroissance manifeste même avant l’époque où fut introduite la vaccina- tion. Dans les premiers temps après son introduction, la vacci- nation fut encore d’une pratique trop peu fréquente, pour que l’on soit autorisé à attribuer à son influence seule la diminu- tion considérable qui se manifestait dans la mortalité par variole. Dans les tranches d’âges les plus basses (au-dessus de 1 an), par contre, l'effet exercé par la vaccination sur la baisse de la mortalité par variole est prouvé à l'évidence. Un autre résultat, celui-ci peu avantageux, qu'amenait incontestablement la vaccination, est l'accroissement de la mortalité par variole dans les groupes d’âges au-dessus de 20 ans. La vaccination préserve de variole mortelle pendant une période de 15 à 20 ans. Après l'introduction de la vaccination, la répartition des décès par variole sur les deux sexes fut autre qu'avant parmi les adultes, le nombre des hommes succombant à cette maladie est devenu plus grand que le nombre correspondant chez les femmes. LES VACCINATIONS ANTIRABIQUES A L'INSTITUT PASTEUR EN 1911 par Juzes VIALA, Préparateur au service antirabique. Pendant l’année 1911, 342 personnes ont subi le traitement antirabique à l'Institut Pasteur; aucune mort n’a été signalée. La statistique s'établit donc ainsi : Personnes HrdItées CUS SR 9) MORT ER ARR Er MORE RE AAENT ER PRE 0 MORALE RAC ERREUR TIR 0 Le tableau ci-dessous indique les résultats généraux des vac- cinations depuis l'origine. ANNÉES PERSONNES TRAITÉES MORTS MORTALITÉ 1886 2.671 25 0,94 p. 100 1887 2.770 14 DITO SE 1838 1.622 9 LEE = 1889 1.830 fl 0,38 — 1890 1.540 5 0,32: — 1891 1.559 4 0,925 — 1892 1.790 4 D221.— 1893 1.648 6 0,36 — 1894 1.387 7 0,50 — 1895 1.520 5 0,38 — 1896 1.308 4 0,30 — 1897 1.521 6 0,39 — 1898 1.465 3 0,20 — 1899 1.614 4 0,25 — 1900 1.420 4 0,28 — 1901 1.321 5 0,38 — 1902 1.005 2 0,18 — 1903 62$ 9 0,32 — 1904 755 3 0,39 — 1905 721 3 0,41 — 1906 772 4 0,143 — 1907 186 3 0,38 — 1908 524 il 0,19 — 1909 467 1 Dan 1910 AUOT 0 0,0 = 1914 342 () 0,0 — 654 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Les personnes traitées à l’Institut Pasteur sont divisées en trois catégories correspondant aux tableaux suivants : Tableau A. — La rage de l'animal mordeur a été expéri- mentalement constatée par le développement de la maladie chez des animaux mordus par lui ou inoculés avec son bulbe. Tableau B. — Ta rage de l'animal mordeur a été constatée par examen vétérinaire. Tableau C.— L'animal mordeur est suspect de rage. Nous donnons ci-après la répartition, entre ces catégories, des personnes traitées en 1911. MORSURES MORSURES MORSURES à la tête. aux mains. aux membres. = nn. 020 cn RO OR ANNÉE | : S S 5 © : S | 1911 $ SAR = à sis S dE = | UE 2 | 513 ER EN RREM ES ARE) EURE SL ÉNENENE AE = = EE À Hableat AP #15t1021 0 0 Tableau BE TAILLES 0 0 MADIeAu EPS AITRNS 0 0 Au point de vue de leur nationalité, les personnes traitées se répartissent de la façon suivante : Angleterre . Lorraine . Indes-Anglaises. Russie , États-Unis Luxembourg . [2e = END VACCINATIONS ANTIRABIQUES 655 Répartition par départements des 330 Français traités. EE NIET ) Maine-et-Loire . 3 Alpes-Maritimes . 24 | AMORDIHANES EN T 2 Aveyron . 2 Meurthe-et-Moselle . 8 Cantal . 13 Nièvre. 5 Charente . 5 Oise. AE à 9 Calvados . 6 Puy-de-Dôme . 16 Corrèze 4 | Pyrénées (Basses-) . f Creuse . 8 Pyrénées (Hautes-) . 5 Eure-et-Loir . 5 SALE MENT -ATME 4 Finistère . ; MIRSèvres (Des) 4 Garonne (Haute-). à | Seine-Inférieure. 12 Ille-et-Vilaine 9 Seine-et-Marne. . 3 Indre. . 7 5 Seine-et-Oise 15 Indre-et-Loire 4 Seine . 105 Loire-Inférieure 6 somme . 17 Loiret . 3 Vienne 8 ÉaXE SR EE 1% | Vosges 5 Manche. . D) Yonne. 2 Paris. — L, MARETHEUXx, imprimeur, 1, rue Cassette. Le Gérant : G. Masson. 26° ANNÉE SEPTEMBRE 1912 N°x 9 ANNALES DE EENSTITUT EXSEEUR LA COAGULATION DU SANG ET LA GENÈSE DE LA THROMBINE par les D'S J. BORDET et L. DELANGE (Institut Pasteur de Bruxelles.) Nous comptons exposer dans ce mémoire, d’une manière suffisamment explicite, les recherches que nous poursuivons depuis assez longtemps sur la coagulation du sang ; nous avons à vrai dire signalé déjà, dans de brèves notes préliminaires (1), certains faits que nous avons observés, notamment la production de fibrin-ferment aux dépens des plaquettes, le mode de réaction entre celles-ci et le sérum, le pouvoir de la peptone de mettre en liberté du fibrin-ferment dans certaines conditions ; mais ces communications sommaires étaient sobres de détails expéri- mentaux, elles passaient sous silence divers faits dont la connaissance n'est sans doute point dénuée d'intérêt; aussi, tout er atlirant aujourd'hui l'attention sur quelques notions nouvelles, avons-nous Jugé nécessaire de revenir, en les pré- cisant, sur les données que nous avons antérieurement men- tionnées. Nous croyons devoir fournir tout d'abord quelques indications concernant la technique que nous avons suivie et les motifs qui nous l'ont fait adopter. Pour mettre en évidence, dans un liquide soumis à l'étude, (1) Bulletin de l'Académie royale de Belgique, juin 1911; Comples rendus de la Soc. de Biologie, mars 1912, t. LXXII, p. 510. 42 658 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR le principe actif qui provoque la coagulation et qu'on appelle communément fibrin-ferment ou thrombine, nous avons très fréquemment employé le plasma oxalaté, que nous préférons de beaucoup à la solution dite pure de fibrinogène. On le sait, le fibrinogène, élément passif, se solidifie sous l'influence de la thrombine, laquelle n'existe dans le sang circulant qu’à l'état de substances-mères par elles-mêmes inactives, et ne se forme aux dépens de ces matières que si le sang extrait du corps est soumis, en présence de sels calciques, au contact d’un corps étranger. Les sels de chaux, indispensables à la production de la thrombine (Arthus et Pagès), ne sont plus nécessaires à la coagulation dès que la thrombine a pu prendre naissance (Pe- kelharing, Hammarsten) : un liquide calcifié où de la thrombine s'est formée peut, après addition d’un excès d'oxalate ou autre décalcifiant, solidifier le fibrinogène. A condition bien entendu d’avoir été préparé avec le soin voulu, le plasma oxalaté ne contient, outre le fibrinogène, que des matières indifférentes ou des substances-mères condamnées à l’inertie aussi longtemps que la recalcification n’est pas opérée. Si donc on l’additionne d'un liquide contenant de la thrombine, en prenant soin natu- rellement de maintenir un excès d’oxalate, la coagulation qui survient ne peut être attribuée qu'à cette thrombine préformée, puisque aucune dose additionnelle du même principe ne saurait être engendrée dans le mélange. Quant à la solution dite de fibrinogène pur, et qu'il serait plus conforme aux faits d'appeler simplement solution de fibrinogène obtenue par précipilations successives sous l'influence du sel, elle n'offre pas nécessaire- ment la même garantie. C'est parce qu'elle inspire une fausse sécurité que l’on croit souvent pouvoir, en vue de déceler la thrombine d’un liquide, la mélanger à celui-ci en milieu calcifié. Une méthode de séparation fondée sur le pouvoir insolubilisant du sel concentré n’est pas très délicate ; il serait étonnant que le fibrinogène ainsi obtenu n’eût pas entraîné avec lui certaines matières capables, en présence de chaux, d'intervenir dans la coagulation, d'autant plus que de telles matières témoignent d'une réelle aptitude à s’accoler aux précipités. On exige à vrai dire, comme preuve de la pureté de cette solution, qu'elle ne soit point susceptible de se coaguler spontanément en milieu calcifié. D'abord, on n'obtient pas toujours un produit répondant LA COAGULATION DU SANG ET LA GENÈSE DE LA THROMBINE 659 entièrement à cette condition. Ensuite, même s'il satisfait à cette exigence, il ne doit pas néanmoins être considéré comme sûrement exempt de proferment. Il est bien vraisemblable, on le sait, que le proferment n’est pas constitué par une substance unique, et qu'outre le calcium, deux matières, peut-être davan- tage, participent à la formation de la thrombine. Un fibrinogène souillé de l’une seulement d’entre elles pourrait donc rester fluide, même en présence de chaux. Mais en milieu calcifié on ne pourrait s'en servir en vue de rechercher si un liquide donné contient réellement de la thrombine. Car, mélangé à un semblable liquide, il serait capable d'y déceler, non pas exclu- sivement une thrombine préformée, mais aussi la seconde matière génératrice dont il est lui-même dépourvu ; en effet, s'il rencontrait celle-ci, il en révélerait la présence en se coagulant sous l'influence d’une thrombine à la production de laquelle il aurait lui-même contribué. Il est donc beaucoup plus prudent, pour déceler uniquement une thrombine déjà toute formée, d'opérer en milieu décalcifié. Tout en satisfaisant à cette condition, le plasma oxalaté, d'autre part, se rapproche autant qu'il est possible, par sa composition, du liquide sanguin normal. Nous n'insistons guère sur les précautions dont la préparation du plasma oxalaté doit être entourée : 1l faut, lorsqu'on extrait le sang, éviter toule souillure par le sue de tissus. Le tube (1) qui sert à la saignée du lapin (nous avons eu généralement recours à cet animal) doit être enduit intérieurement de paraffine, afin que le sang, avant de rencontrer la solution d’oxalate sodique à 1 p. 100, soit préservé du contact avec le verre. On sait que le contact avec un corps étranger mouillable joue un rôle déeisif dans la coagulation. Recueilli au sortir de l'artère, dans un vase enduit de vaseline, le sang ne se coagule que fort lentement (Freund). En se servant de tubes paraffinés, 1) Nous employons un tube de verre dont la partie inférieure s’effile en bec rccourbé que l’on introduit dans l'artère, tandis que l'orifice supérieur est muni d’un tampon d'ouate. Lorsque le sang a atteint la hauteur voulue, on retire le tube, on perd les premières gouttes et, en soufflant à travers le tampon, on dirige le jet dans un tube jaugé, également paraffiné, et qui contient la dose voulue (1 p. 10 du volume total) de solution d'oxalate sodique à 1 p. 100 (cette solution contient aussi 0,5 p. 100 de NaCI); on mélange rapidement et on centrifuge en tube de verre ordinaire. 660 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Bordet et Gengou ont obtenu, par centrifugation de sang de lapin, du plasma limpide qui se maintenait longtemps fluide en paraffine, mais se solidifiait rapidement dès qu’on le trans- vasait dans un récipient en verre ; ils ont montré que le contact avec la paroi, même en l'absence de cellules, hâte considéra- blement l'apparition de la thrombine. Il est utile de contrôler que le sang extrait ne s’est pas modifié, soit par le contact (1), soit par la pénétration de suc de plaie. Dès qu'on a réparti la majeure partie du sang dans le tube à oxalate, l’excès restant dans le tube à saigner est introduit dans un verre à pied ordi- naire (non paraffiné) que l'on garde à l'abri de toute secousse. Un revêtement solide se forme bientôt contre la paroi, mais 1 1 ne doit s'épaissir que lentement, la partie centrale du liquid e doitse maintenir fluide fort longtemps. Souvent, vers le milieu, le sang est encore fluide après plusieurs heures, tandis que les globules rouges et blancs se déposent; si l’on en pique la surface avec un tube capillaire, celui-ci se remplit d’un plasma blanchâtre troublé par les plaquettes, que leur faible densité a préservées de la sédimentation. Celte expérience très simple est particulièrement démonstrative au point de vue du rôle du contact avec la paroi. Obtenu dans ces conditions, le sang de lapin, oxalaté à 4 p. 1000, fournit par centrifugation énergique un plasma stable qui, conservé au frais, reste identique à lui-même pendant les trois ou quatre jours que dure son emploi. S'il y apparaît un léger caillot floconneux, c’est qu'une faute a été commise. Pour mettre en relief le pouvoir coagulant d’un liquide et servir ainsi de réactif de la thrombine, le plasma oxalaté doit être employé d'une façon qu'il importe de préciser. Il faut évidemment que la réaction s'opère en milieu décalcifié, e'est- à-dire que le calcium soluble apporté par le liquide coagulant soit, comme l’a été celui du plasma, neutralisé par l’oxalate. Or, contrairement à ce que l’on pensait autrefois, il est certain (1) En général, les paraffines solides du commerce (même mélangées par fusion préalable avec leur volume de paraffine liquide) ne représentent malheureusement pas une paroi tout à fait indifférente pour le sang. Souvent, celui-ci parvient à la mouiller au bout de quelque temps, à la faveur d’une adsorption de matières albuminoïdes, et n'est plus protégé dès lors contre la coagulation par contact. Mais, si l'on opère vite, cel inconvénient n’a pas le temps de se manifester. LA COAGULATION DU SANG ET LA GENÈSE DE LA THROMBINE 661 que l’activité coagulante d’un liquide contenant de la thrombine, du sérum par exemple, souffre du contact avec l’oxalate. Bordet x et Gengou ont apporté à cet égard des renseignements que nous avons pu compléter et sur lesquels il convient de revenir brièvement. Mais nous devons tout d'abord, pour plus de clarté, rappeler les constatations de ces auteurs (1) concernant l’affai- blissement très rapide de la thrombine sous l'influence de la conservalion. Du sang de lapin est, au sortir de l’artère, salé à 5 p. 100 par mélange avec un liers de solution de NaCI à 20 p. 100; la centrifugation fournit un plasma incoagulable : on sait que la forte concentration saline agit comme l'oxalate, c’est-à-dire s'oppose à l'apparition de la thrombine, mais qu'il suffit d'abaisser la teneur saline -par addition d’une quantité convenable d’eau distillée (4 volumes) pour permettre aux phénomènes de suivre leurs cours el provoquer ainsi la coagulation. Préparons une telle dilution ; d'autre part, préparons-en une seconde, identique à la première, que nous avons soin d'oxalater à 1 p. 1000 (par addition à 9 volumes de 1 volume d’oxalate sodique à 1 p.100). Par défibrination la première dilution se convertit bientôt en sérum, dont la thrombine peut être décelée grâce à la seconde dilution. Quelques minutes après que le sérum s’est formé, transportons-en 0,9 cent. cube dans un tube contenant 0,1 cent. cube d’oxalate à 1 p. 100; laissons le contact avec l'agent décalcifiant se prolonger pendant cinq minutes, puis ajoutons 1 cent. cube du plasma dilué oxalaté. Le mélange se prend en masse au bout de trois minutes à peine ; le sérum tout récemment obtenu est donc extrêmement actif. Répétons l'expérience un quart d'heure plus tard ; le sérum s’est déjà très nettement affaibli; il exige une demi-heure pour coaguler le plasma oxalalté. Quant à celui-ci, la conservation ne le modifie guère: il se laisse toujours coaguler rapidement par du sérum frais, lentement par du sérum vieilli, dont il ne décèle donc la thrombine que fort péniblement. Mais on peut opérer autrement. Au lieu d'ajouter au sérum lui-même la dose requise d'oxalate et d'effectuer quelques minutes plus tard le mélange avec le plasma oxalalé, on peut introduire cette dose dans le plasma oxalaté auquel on ajoute ensuite le sérum; en d'autres termes, on mélange cette fois, suivant les mêmes proportions que précédemment, du sérum, non décalcifié au préalable, à du plasma doublement oxalaté. Cette variante de technique ne change rien à la constitution du mélange total (dont la teneur en oxalate reste la même), elle a cependant une influence décisive sur le temps d'apparition de la coagulalion, surtout lorsqu'il s’agit de sérum un peu vieilli; la prise en caillot est alors considérablement accélérée. Par exemple, un sérum âgé d'une heure environ, qui, oxalaté à 1 p. 1000, exige une à deux heures pour coaguler volume égal de plasma dilué oxalaté à 1 p. 1000, solidifie en quelques minutes, s’il n’a pas été décalcifié au préalable, volume égal de plasma dilué oxalaté à 2 p.1000. Quand le sérum est très frais et manifeste corrélativement une énergie extrême, la différence n'est guère perceptible, la coagulation survenant très vite quelle que soit la manière d'opérer. (4) Annales de l'Institut Pasteur, 1904, p. 101. On le sait, Schmidt avait déjà constaté que la thrombine s'affaiblit en vieillissant. 662 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Il semble résulter de ces faits, constatés par Bordet et Gengou (1), que la thrombine un peu âgée est altérée par l’'oxalate lorsqu'elle est touchée par celui-ci avant d'avoir rencontré le fibrinogène. On pourrait objecter, à vrai dire, que sans être réellement alteinte par l'oxalate, elle agit plus aisé- ment en présence de traces de sels calciques solubles et que précisément la neutralisation de ceux-ci n'est pas tout à fait instantanée lorsque à du sérum calcifié on mélange volume égal de plasma oxalaté à 2 p. 1000; la présence de Ca soluble, fàt-ce pendant de courts instants, suffit peut-être à favoriser beaucoup la coagulation du fibrinogène par la thrombine. Afin de vérifier le bien fondé de cette remarque, nous avons complété l'expé- rience de coagulalion de plasma oxalaté par le sérum, en réalisant la troisième forme dont elle est susceptible. Si l'on peut, au lieu de mélanger du sérum et du plasma séparément oxalatés tout d’abord, ajouter à du sérum non décalcifié du plasma doublement oxalalé, on peut aussi introduire dans du sérum doublement oxalaté du plasma non décalcifié; natu- rellement, dans ce cas, celui-ci doit être préparé immédia- tement avant l'expérience afin de n'avoir pas eu le temps de se modifier spontanément. Suivant cette {roisième facon d'opérer, comme suivant Ja seconde, au moment où la thrombine rencontre le fibrinogène, un peu de sel calcique persiste dans le mélange pendant les courts instants nécessaires à la précipi- tation complète par l'oxalate. Signalons ce détail qu'au lieu de diluer le plasma salé par de ou distillée pure, ce qui abaisse trop au-dessous de la normale la concentration en sels calciques, nous l'avons allongé d’eau distillée contenant une trace de CaCP (0,015 p. 100), ce qui hâte nettement la coagulation (2). Exr. I. — Par dilution de plasma salé à 5 p. 100, avec 4 volumes d'eau distillée légèrement calciliée, on obtient après coagulation et défibrination un sérum qu'on laisse vieillir une heure. Une autre portion de plasma salé est diluée de même, immédiatement avant la confection des mélanges indi- qués ci-dessous. Tant du sérum que du plasma tout récemment dilué, une (1) Annales de l'Inslilut P'isleur, 1904, p. 11%. (2) Le plasma salé limpide employé dans cette expérience se coagulait len- tement, en 2 heures environ, par dilution avec4 volumes d’eau distillée ; mélangé avec 4 volumes d'eau distillée légèrement calcifiée, il n’exigeait que 45 minutes pour se solidifier. — Bien entendu, la trace de CaC® introduite est assez minime pour que le sérum obtenu, oxalaté à 1 p. 1600, contienne un fort excès d'oxalate. LA COAGULATION DU SANG ET LA GENÈSE DE LA THROMBINE 663 partie est employée telle quelle, une autre est oxalatée à 1 p. 1000, une autre l’est à 2 p. 1000. On introduit dans les tubes : A. — 1 cent. cube de plasma dilué récent oxalaté à 2 p. 1000, 1 cent. cube de sérum non oxalaté. B. — 1 cent. cube de plasma dilué récent oxalaté à 1 p. 1000, 1 cent. cube de sérum oxalalé à 1 p. 1000. C. — 1 cent. cube de plasma dilué récent non oxalaté, 1 cent. cube de sérum oxalaté à 2 p. 1000. La coagulation s'opère en 7 minutes dans le tube A, en 3 heures dans le tube B, en 2 heures 20 minutes dans le tube C. Elle ne se fait donc rapide- ment que là où le sérum n’a pas été touché par l'oxalate avant de rencontrer le fibrinogène. Elle est un peu moins lente en C qu’en B (la différence n'est pas très grande), probablement parce que la thrombine atteinte par l’oxalate y est dans une faible mesure régénérée grâce à de faibles traces de chaux provenant du plasma et qui ne sont pas instantanément précipitées par l’oxalate qu'apporte le sérum. Pour agir énergiquement, il faut que le liquide contenant la thrombine n'ait pas été entièrement privé de son propre sel calcique soluble au moment où il entre en contact avec le fibrinogène. Ce qui nous importe surtout ici, c’est l'indication technique. Quand on aura besoin d’un réactif sensible de la thrombine, on emploiera le plasma oxalaté à 2 p. 1000, auquel on ajoutera volume égal de sérum non décalcifié. Quand on voudra mettre en relief l'existence dans un liquide d'une thrombine toute fraîche, très énergique, que l’on désire différencier d’une thrombine plus âgée renfermée dans le même liquide, on mélan- gera ce liquide au plasma après les avoir oxalatés séparé- ment à 1 p. 1000. Nous aurons rarement recours, dans les expériences qui sui- vent, au plasma salé. Nous emploierons couramment le plasma de lapin oxalalé à 4 p.1000, soit contenant encore les plaquettes, soit débarrassé de ces éléments ; nous aurons besoin aussi de suspensions de plaquettes lavées. Pour obtenir celles-ci, il faut s'adresser à la technique classique, qui met à profit la remar- quable légèreté des plaquettes et la résistance corrélative, signalée par Mosen en 1893, qu'elles offrent à la centrifugation. Le sang de lapin qu'on vient d'extraire et d'oxalater à 1 p. 1000 est centri- fugé pendant un quart d'heure environ à vitesse modérée, laquelle suflit à réaliser le dépôt des globules rouges et blancs et détermine la séparation d'un plasma très trouble qui a conservé ses plaquettes et qu'on décante. Si l'on tient à obtenir des plaquettes sûrement exemptes de globules rouges et de leucocytes, ce qui est indispensable lorsqu'il s’agit d'établir leur part propre 66% = ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR dans le phénomène de la coagulation, on centrifuge ce plasma à une vitesse plus grande, pendant un temps suffisant mais non exagéré. Une bonne partie des plaquettes se dépose, le plasma surnageant en contient néanmoins encore, tout en s'étant débarrassé totalement des autres éléments cellulaires. Après décantation, une nouvelle centrifugation très énergique et très prolongée de ce plasma fournit un sédiment de plaquettes dont la pureté est contrôlée par l'examen microscopique à l’état frais ou après coloration par le Giemsa. Pour en obtenir une suspension, on délaie le sédiment dans un grand volume de solution physiologique de NaCI (à 0.9 p. 100) oxalatée à 0.5 p. 1000; on centri- fuge très énergiquement (environ 3.000 tours) pendant 2 heures à peu près, on décante, on répète le lavage et l'on obtient finalement un dépôt exempt de plasma, que l’on délaie dans un peu de solution physiologique oxalatée. Suivant l'énergie et la durée de la centrifugation, on obtient un plasma oxalaté qui contient encore des plaquettes, ou bien est très limpide et n'en renferme plus que des traces. A vrai dire, on ne peut garantir que la turbine puisse jamais éliminer entièrement ces éléments; son action doit être aussi forte et aussi prolongée que possible. Pour provoquer la coagulation du plasma oxalaté, nous le diluons habituellement avec quatre volumes de solution physio- logique calcifiée {que pour abréger nous appellerons EPCa), préparée de telle sorte (1) que ces quatre volumes renferment une fois et demie la quantité de sel calcique nécessaire à la neu- tralisation d’un volume d’oxalate à 1 p. 1000, le sang dont le plasma dérive ayant été oxalaté à 1 p. 1000. Mieux vaut, en effet, restituer un petit excès de Ca, de telle sorte que malgré la dilution la concentration en cet agent ne descende pas trop bas. On rend ainsi la coagulation plus rapide, on rend négli- geables les minimes inégalités que divers échantillons de sang peuvent présenter entre eux quant à leur richesse originelle en sels calciques, et les petites erreurs dans le dosage de l'oxa- late dont on les à additionnés. On sait que pour provoquer la coagulation du plasma oxalaté, il n'est nullement nécessaire de lui restituer la totalité de la chaux dont l’oxalate l'avait privé : une trace de calcium soluble suffit. Aussi la proportion de 4 volumes de notre EPCa pour un volume de plasma oxalaté dépasse-t-elle très notablement la dose minima coagulante : (4) Nous commençons par préparer une solution de CaCEË précipitant exac- tement volume égal d'oxalate à 1 p. 100; celte solution-mère contient envi- ron 1 p. 100 de CaCF. Pour obtenir EPCa, nous mélangeons alors 30 cent. cubes de cette solution à 770 cent. cubes de solution physiologique de NaCI. LA COAGULATION DU SANG ET LA GENÈSE DE LA THROMBINE 665 pour 1 cent. cube de plasma de lapin, cette dose est environ de 2 cent. cubes et pour 1 cent. cube de plasma de cobaye (également oxalaté à 1 p. 1000) environ de 1 cent. cube 50. Remarquons immédiatement néanmoins que la coagulation d’un mélange de 1 vol. de plasma oxalaté à 4 p. 1000, et de 4 vol. d'EPCa, fournit un sérum qui, oxalaté lui-même à 1 p.1000, contient désormais un fort excès d’oxalate sodique. Comme plasma spontanément incoagulable, nous employons très fréquemment une dilution du plasma originel, oxalaté à 1p.1000, dans quatre volumes de solution physiologique oxalatée soit à { p. 1000 (plasma dilué monoxalaté), soit à 2 p.1000 (plasma dilué dioxalaté). La dilution est donc au cinquième pour le plasma oxalaté comme pour le sérum. S I. — RÔLE DES PLAQUETTES DANS LA PRODUCTION DE LA THROMBINE PENDANT LA COAGULATION DU SANG. Hayem et Bizzozero, qui ont découvert les plaquettes, leur attribuaient déjà un rôle important dans la coagulation et expri- mèrent l'idée qu'elles participaient à la formation de la throm- bine. Mosen (1), en 1893, constata que le plasma oxalaté se coagule plus vite par recalcification lorsqu'il est riche en pla- quettes que lorsqu'il en est dépourvu. D'après Morawitz (2), les suspensions de plaquettes dans l’eau distillée peuvent provoquer la coagulation de solutions de fibrinogène et joueraient un rôle analogue à celui des globules blancs. Pour Nolf (3), les plaquettes, tout en étant capables de contribuer à la coagulation, ne jouent en somme qu'un rôle banal et assez effacé : si elles n'existaient pas, on ne s’en apercevrait presque pas dans l'ob- servation de la coagulation. Lesourd et Pagniez (4), plus récem- ment, ont prouvé définitivement que les plaquettes accélèrent la coagulation du plasma oxalaté recalcifié, coagulent le liquide d'hydrocèle, interviennent dans la rétractilité du caillot, tandis que les leucocvtes, purgés de plaquettes par centrifugation frac- (4) Arch. f. Anat. und physiol. Physiol. Abt., 1893, p. 352. (2) Deutsche Arch. f. klinische Medizin, 190%, p. 225. 3) Archives internationales de Physiologie, 1908. (4) Journal de Physiologie et de Pathologie générale, 1909, n° 14. 666 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR tionnée, se montrent presque inactifs; les propriétés des pla- quettes disparaissent par chauffage à 58 degrés. Selon quel mécanisme les plaquettes interviennent-elles pour favoriser si nettement la coagulation? Servent-elles de support au fibrinogène dont la condensation à l’état solide s'opère ainsi plus facilement? Ne jouent-elles qu'un rôle thromboplastique banal? Interviennent-elles, au contraire, dans l'élaboration de la thrombine elle-même et, dans ce cas, leur participation est-elle plus importante que celle des autres cellules sanguines ? Pour le savoir, nous avons répété les expériences de Lesourd et Pagniez, en ayant soin d'évaluer en outre la teneur en thrombine des sérums issus de la coagulation soit de plasmas riches en plaquettes, soit de plasmas privés de ces éléments. Nous avons constaté ainsi des différences frappantes entre ces deux sortes de sérums: la thrombine est très abondante dans les premiers, les seconds n'en contiennent que des traces. Exp. II. — Du plasma oxalaté de lapin, modérément centrifugé et contenant donc encore des plaquettes mais privé presque complètement de ses globules rouges el blancs, est divisé en deux parts : l'une est gardée telle quelle, l’autre centrifugée à fond jusqu'à obtention d'un plasma très limpide que l’on décante et qui au microscope se montre purgé de toute cellule. Volumes égaux des deux plasmas sont additionnés de quatre volumes d'eau physiologique calcifiée (EPCa). Le plasma contenant encore ses plaquettes se coagule en $ mi- nutes 1/2, l'autre en 39 minutes (à la température du laboratoire). x Exe. III. — Le plasma à plaquettes de l'expérience IT contenant encore de très rares lymphocytes, on procède cette fois d'une manière plus rigoureuse. Du plasma riche en plaquettes (obtenu par centrifugation modérée) est tur- biné à nouveau, à grande vitesse, pendant près d'une heure. On décante le plasma surnageant qui a perdu la grande majorité de ses plaquettes, mais est encore un peu trouble; une nouvelle centrifugation très prolongée fournit un sédiment peu abondant formé de plaquettes et Lout à fait exempt d’autres éléments cellulaires. : Un peu le plasma surnageant, très limpide, que l’on a décanté est versé sur le sédiment que l'on y délaie. Volumes égaux de ce plasma à plaquettes et du plasma très limpide décanté sont additionnés de quatre volumes d'EPCa ; le premier plasma se coagule en 13, le second en 30 minutes. Exp. IV. — On répartit dans deux tubes volumes égaux (1 c.c.) d'un mème plasma oxalaté très limpide el dépouillé autant que possible de ses plaquettes. On ajoute à l'un des tubes une goulte d'une suspension épaisse de plaquettes bien lavées (ne contenant pas de leucocytes) qui communique au plasma un trouble intense. On introduit ensuite dans les deux tubes quatre volumes d'EPCa. Le plasma enrichi de plaquettes se coagule en 3, l'autre en 30 minutes. Exr. V. — On déchire les caillots formés dans les plasmas de l'expérience IT, de manière à faire sourdre les sérums, ‘que l'on oxalate à 1 p. 1000. Cinq LA COAGULATION DU SANG ET LA GENÈSE DE LA THROMBINE 667 minutes plus tard, on les mélange à volume égal de plasma dilué oxalaté à 1 p. 1000. Le sérum issu du caillot sans plaquettes ne provoque pas la coagulation même après 24 heures; l'autre provoque la coagulation en moins d'une heure. Le premier est pourtant le plus frais des deux, puisque le caillot dont il est issu s'est formé après celui du plasma à plaquettes. Mais on peut aussi évaluer la teneur en thrombine des deux sérums en les ajoutant, sans les décalcifier, à volume égal de plasma dilué dioxalaté. Dans ces conditions, le premier sérum (du plasma sans plaquettes) ne provoque la coagulation qu'après plusieurs heures, l'autre en 16 minutes. On peut aussi déterminer la richesse en thrombine en recherchant dans quelle mesure les sérums hâtent la coagulation du plasma très limpide que l'on vient de recalcilier. Exr. VI. — Livré à lui-même, ce plasma (dilué et recalcifié par quatre volu- mes d'EPCa) se coagule en 35 minutes. Mais additionné d’un dixième de son volume de sérum (on utilise dans ce butles sérums de l'expérience IV) prove- nant soit du caïllot à plaquettes, soit du caillot sans plaquettes, il se coa- gule soit en 7, soit en 28 minutes. Le second de ces deux sérums n'accélère donc que très peu la coagulation. On le voit, les divers procédés destinés à évaluer la teneur en thrombine donnent des résultats concordants et la part des plaqueltes dans la production de ce principe apparaît avec beaucoup d’évidence. Lesourd et Pagniez ont signalé que, contrairement à ce qui se passe pour le plasma oxalaté, le plasma salé que l’on dilue par l’eau distillée se coagule également vile, soit qu'il contienne encore des plaquettes, soit qu'il en ait été dépouillé au préalable par une forte centrifugation. Nous avons observé le même fait et nous croyons pouvoir l'attribuer à ce que la forte concen- tration saline extrait aisément le principe actif des plaquettes qui diffuse alors dans le liquide ambiant; d’autre part, il est probable qu'en raison de sa densité supérieure {il est plus diffi- cile de purger un plasma salé de ses plaquettes (ou des débris de ses plaquettes) par la centrifugation. L'expérience montre, en effet, qu'un plasma salé à 5 p. 100, additionné de quatre volumes d’eau distillée (que nous calcilions très légèrement), fournit, conformément aux données de Bordet et Gengou, un sérum remarquablement riche en thrombine, et il importe assez peu, à cet égard, que le plasma salé ait été, au préalable, modérément turbiné, ou soumis à la centrifuga- tion très prolongée usitée pour l'élimination des plaquettes. Mais si l'on sale à 5 p. 100 deux plasmas oxalatés, l’un riche, l'autre très pauvre en plaquettes, si on les recalcifie et les dilue 668 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR ensuite par quatre volumes d’eau distillée, Les temps de coagu- lation sont respectivement de 1 h. 1/2 et de 4 h. 1/4. D'autre part, l'influence extractive exercée par le sel concentré sur les plaquettes peut se démontrer comme suit : Exp. VIT. — Dans deux tubes A et B on verse 3 cent. cubes de plasma oxalaté riche en plaquettes; en À, on ajoute 1 cent. cube de NaCI à 20 p. 100, - puis, cinq minutes plus tard, 16 cent. cubes d'eau; en B, on ajoute 17 cent. cubes d’un mélange d'une partie de NaCI à 20 p. 100 avec 16 parties d'eau. Les deux plasmas ont donc désormais la concentration saline ; la seule diffé- rence, c’est que le plasma du tube A a été exposé à une forte concentration. On centrifuge les deux tubes pour éliminer les plaquettes, et on recalcifie les liquides surnageants décantés. Après coagulation (qui s'opère plus vite en A), on détermine l'énergie coagulante des sérums obtenus; on trouve que le sérum de A est beaucoup plus actif que celui de B, où les plaquettes n'ont été en contact qu'avec du sel dilué. Il ne faudrait pas conclure de cette expérience que lorsque les conditions de concentration sont normales, les plaquettes ne mettent aucunement en liberté leurs principes actifs dans le liquide ambiant. Cette diffusion s’accomplit en réalité, mais pas instantané- ment; les suspensions de plaquettes dans la solution physiolo- gique oxalatée à 0,5 p. 1000, que l’on conserve quelque temps, un, deux jours par exemple, à la température du laboratoire, fournissent par centrifugation un liquide presque limpide et très actif, qui fonctionne donc comme un extrait de plaquettes. Un caractère important du principe actif des plaquettes, c'est sa résistance remarquable à la chaleur : Exp. VIIL — On a préparé une suspension de plaquettes lavées, dans la solution physiologique oxalatée à 0,5 p. 1000. Une partie est chauffée pen- | dant 15 minutes à 100 degrés. Dans trois tubes ABC, on laisse tomber : en A, 5 gouttes de plaquettes chauffées à 100 degrés : en B, même dose de plaquettes non chauffées ; en C. même dose de solution physiologique oxalatée à 0,5 p. 1000. On ajoute ensuite aux trois tubes 2 cent. cubes d'EPCa et 0,5 cent. cube de plasma oxalaté bien limpide; la coagulation exige en A et B, 10 minutes, en C, 30 minutes. Des expériences analogues montrent que les plaquettes gardent leur acti- vité après dessiccation. La thermostabilité de la substance active des plaquettes per- met aisément l'obtention de suspensions stérilisées, et, si l’on fait intervenir la centrifugation, d'extraits stériles très actifs. Il suffit de placer les suspensions dans le bain de vapeur à LA COAGULATION DU SANG ET LA GENÈSE DE LA THROMBINE 669 100 degrés, pendant 6 à 7 minutes, à trois reprises, à quelques jours d'intervalle. La chaleur favorise le floconnement des pla- quettes, qui se centrifugent alors aisément. Le liquide surna- geant, absolument limpide ou à peine opalescent, se montre très actif et garde longtemps ses propriétés : Exp. IX. — On introduit dans trois tubes 1 cent. cube de plasma oxalaté bien limpide, puis 4 cent. cubes d'EPCa. On ajoute ensuite dix gouttes, au tube A, d'une émulsion de plaquettes fraiches, au tube B, d'extrait de pla- quettes obtenu comme il vient d'être dit et qui a été conservé pendant deux mois, au tube C, de solution physiologique oxalatée à 0,5 p. 1000. La coagulation s'opère en À en 15 minutes, en B en 20 minutes, en C en deux heures. MM. Lesourd et Pagniez ont beaucoup insisté sur le rôle des plaquettes dans la rétractilité du caillot (1). Nous pouvons con- firmer entièrement leurs observations, ce rôle est extrème- ment manifeste. En l'absence de plaquettes, la rétraction du caillot est pour ainsi dire nulle. Le plasma oxalaté limpide, que l’on additionne de plaquettes, fournit après recalcification un caillot d'autant plus rétracté que la dose des plaquettes ajoutées a été plus copieuse. Si à 1 cent. cube de plasma oxa- laté limpide on ajoute quelques gouttes d’une suspension épaisse de plaquettes et 4 cent. cubes d'EPCa, la coagulation se fait en 4 minutes (sans plaquettes le même plasma dilué ne se coagule qu'après une demi-heure), et le caillot décollé du tube se rétracte, en devenant très compact, au point de ne pas dépasser, Le lendemain, la dimension d’un grain de blé. Sont-ce les matériaux insolubles constituant la trame même des plaquettes qui interviennent dans ce phénomène de contraction, ou bien est-ce la substance qui participe à la for- mation de la thrombine et qui, nous l’avons vu, est susceptible de se diffuser dans le liquide ambiant? Les faits plaident en faveur de la première hypothèse. L'extrait limpide de pla- quettes, obtenu par stérilisation et centrifugation, et qui active la coagulation, ne favorise pas la rétraction. Les caillots formés dans les tubes de l'expérience IX ont été décollés peu après leur formation. On trouve, le lendemain, que seul le caillot du tube À s’est considérablement rétracté ; ceux des tubes B et C n'ontguère diminué de volume. (1) Journal de Physiologie el de Pathologie générale, 1907, IX, p. 579. 670 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Il résulte de l’ensemble des expériences citées ci-dessus que le rôle des plaquettes dansl'élaboration de la thrombine est con- sidérable. Mais est-il vraiment prédominant? Sont-elles plus aptes encore à fournir la thrombine que ne le sont les leuco- cyles, dont l’intervention est depuis longtemps jugée essen- tielle dans l'acte de la coagulation? L'étude des exsudats péri- tonéaux démontre, à n’en pas douter, qu'on doit attacher plus d'importance au rôle des plaquettes qu'à celui des globules blancs. Lorsqu'on injecte, dans le péritoine de lapins, du bouillon ou simplement de la solution physiologique, il se forme, comme on sait, un exsudat où l’on ne trouve pas de plaquettes, mais qui est très riche en leucocytes vivants, et que l’on peut retirer par ponction en sacrifiant l'animal. S'il ne s'est produit aucune hémorragie, l’exsudat blanchâtre obtenu ne se coagule que très péniblement et par fractions ; desheures se passent sou- vent avant que la totalité du fibrinogène se soit convertie en fibrine. Certes la partie liquide d'un tel exsudat ne saurait être identifiée entièrement au plasma, dont elle diffère nettement : elle renferme moins de fibrinogène, elle contient de la mucine qui la rend visqueuse, elle est moins riche aussi, comme nous le verrons plus loin, en certains principes intervenant dans la coagulation. Néanmoins l’exsudat est apte à fournir des caillots typiques, son étude peut donc procurer des renseignements valables, et donne lieu notamment à l’importante constatation que voici : de pareils exsudats, qui malgré leur richesse extrême en leucocytes restent si longlemps liquides, se prennent en masse beaucoup plus vite lorsqu'on les additionne d'une dose même faible de suspension de plaquettes soigneusement lavées. On peut, pour rendre l’expérimentation plus aisée, oxalater l’exsudat dès qu'il est recueilli, et le scinder par centrifugation en deux portions, l’une contenant tous les leucocytes, l’autre limpide et qui en est débarrassée. Lorsqu'on recalcifie ces liquides, la coagulation peut s’opérer, lentement à vrai dire, mais ©'est dans la portion leucocytaire qu'elle se montre d'abord. Ceci prouve que les leucocytes jouent un rôle. Toutefois, il suffit d'ajouter à la portion limpide une trace de plaquettes pour que la coagulation s’y effectue plus vite que dans la portion chargée de globules blancs. Ceux-ci pourtant représentent une LA COAGULATION DU SANG ET LA GENÈSE DE LA THROMBINE 671 quantité de matière bien supérieure à celle, provenant des pla- quettes, que l’on a mise en œuvre dans l’autre liquide. L'exsudat qu'on oblient ainsi chez le lapin après injection de solution physiologique ne remplit généralement pas toutes les conditions désirables, en ce sens qu'il est souillé souvent de traces de sang extravasé que trahit la présence de rares glo- bules rouges. Aussi vaut-il mieux s'adresser au cobaye, lequel fournit des exsudats blancs qu'il suffit de centrifuger pour obtenir, sans que la décalcilication soit nécessaire, un liquide surnageant pratiquement incoagulable par ses propres moyens : On injecte le soir 10 cent. cubes de bouillon dans la cavité péritonéale de deux cobayes. On ponctionne le lendemain matin et l’on recueille plusieurs centimètres cubes d'un exsu- dat blanc très peu coagulable, extrèmement riche en leuco- cytes. Une partie est conservée telle quelle, une autre est cen- trifugée et fournit par décantalion un liquide surnageant très limpide. D'autre part,on s'est procuré, par saignée à la carotide et suivant la technique habituelle, une suspension de pla- quettes bien lavées de cobaye. Exr. X. — Dans deux tubes A et B on répartit 0,3 cent. cube d’exsudat leucocytaire non centrifugé, on ajoute volume égal de solution physiolo- gique. On introduit ensuite dans A une goutte de suspension assez diluée de plaquettes (dans la solution physiologique oxalatée à 0,5 p. 1000). Au bout d'une heure, la coagulation s'est faite en A. Le liquide B est encore liquide après 4 heures; on le trouve coagulé le lendemain. ; Exe. XI. — Le liquide surnageant limpide obtenu par centrifugation de l’exsudat est distribué à dose de 0,3 cent. cube dans deux tubes que l’on additionne de 0,3 cent. cube de solution physiologique et de 0,3 cent. cube d'EPCa. L'un des tubes reçoit en outre deux gout'es de la suspension de plaquettes ; la coagulation s'y effectue en 50 minutes; l’autre mélange est encore liquide le lendemain. Ces deux expériences sont réalisées, bien entendu, aussi tôtque possible après la récolte de l'exsudat. Celui-ci, gardé tel quel, ne se coagule sponta- nément que le lendemain. L'exsudat débarrassé des leucocytes est encore fluide après deux jours. Bien entendu, de pareils exsudats sont susceptibles de se coaguler assez rapidement sous l'influence du sérum, mais nous reviendrons plus loin sur ce point. Ces expériences mettent en lumière la supériorité (admise par Lesourd et Pagniez et mème antérieurement par Morawitz) des plaquettes sur les leucocytes comme agents de la coagula- tion. Les exsudats leucocytaires, assez rebelles à la coagula- 672 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR tion spontanée et aptes corrélativement à fournir par centri- fugation un plasma quasi incoagulable par ses propres moyens, se comportent —- c'est un rapprochement qui s'impose — à la manière du sang d'oiseau qui (soigneusement préservé du con- tact avec la plaie) se maintient longtemps liquide, ainsi que Delezenne l’a montré. Tous deux, le sang d'oiseau et l'exsudat, renferment des leucocytes, mais sont dépourvus de plaquettes. Débarrassé autant que possible de ses plaquettes, le plasma sanguin de lapin se coagule lentement et ne fournit que des traces de thrombine. Etant donné le contraste très frappant entre un tel plasma et celui qui a conservé ses plaquettes, il semble légitime d'admettre que si la centrifugation réussissait à éliminer totalement ces éléments, et s'il était possible en outre d'empêcher les plaquettes de libérer par diffusion des traces de leur principe actif, on obtiendrait un plasma de lapin se comportant exactement comme celui d'oiseau, c'est- à-dire à peu près incoagulable spontanément, même en milieu calcifié. Il nous est arrivé parfois d'obtenir des plasmas lim- pides si bien épurés de leurs plaquettes, qu'après recalcification ils exigeaient deux heures et demie pour se coaguler à une température voisine de 15 degrés. Il fallait attendre près de deux heures pour observer la formation d’un anneau de caillot, à la surface du liquide au contact du verre. Et la pénurie en thrombine se trahissait en ce que la coagulation ne se propa- geait que fort péniblement à la masse entière du liquide, même si à ce moment on le soumettait à une défibrination énergique; la séparation de la fibrine s’effectuait en plusieurs fois; on devait défibriner très longtemps pour obtenir un sérum entièrement débarrassé de fibrinogène el incapable de se coa- guler à nouveau (1). Une expérience complémentaire, dont nous dirons un mot, (1) De tels plasmas qui se coagulent lentement et en plusieurs fois con- viennent spécialement à l'observation des diverses phases de la coagulation. Une première coagulation donne après défibrination un liquide bien lim- pide. Quelque temps après, on voit ce liquide se troubler par l'apparition non pas de filaments de fibrine, mais d’un véritable précipité d'aspect pulvé- rulent formé de particules qui ne semblent nullement adhérer les unes aux autres : des oscillations imprimées au liquide y font naître des ondes soyeuses semblables à celles que l'on observe en inclinant des suspensions micro- biennes un peu diluées. Puis l'aspect change, une coagulation véritable sur- vient. Les particules semblent alors enrobées dans une gangue visqueuse LA COAGULATION DU SANG ET LA GENÈSE DE LA THROMBINE 673 nous à confirmés dans l'idée que si le plasma limpide, même bien centrifugé, se coagule encore sans difficulté extrème par recaleification, cela tient à ce qu'il renferme encore des pla- queltes ou peut-être seulement des débris de ces éléments : on peut obtenir, par l’action de l’eau distillée, de CO* et de la cen- trifugation, un plasma incoagulable spontanément mais coagu- lable par l'addition de plaquettes. Et l'on a de bonnes raisons de croire que ce traitement a eu pour effet d'éliminer complète- ment les plaquettes. Exr. XIT. — Du plasma oxalaté limpide de lapin, versé dans un tube A, est addilionné de 9 volumes d’eau distillée ; on y fait passer ensuite un courant de CO; il se produit un trouble net, pas très intense cependant. On centrifuge très énergiquement, puis l’on décante dans un tube B environ la moitié supérieure du liquide, en veillant à ne retirer aucune trace du précipité qui adhère d’ailleurs au fond et aux parois du tube. Le sédiment est ensuite agité dans le reste du liquide qu'on a laissé dans le tube A. On dispose donc de deux plasmas dilués, l’un A, qui renferme tout le précipité, l’autre B, qui en est privé. On les resale jusqu'à teneur normale en NaCI, puis les recal- cifie (à 5 cent. cube de chaque liquide on ajoute 0,2 cent. cube de NaCI à 20 p. 100 el 0,2 cent. cube de CaCË à 5 p. 1000). On trouve que B ne se coagule pas, même le lendemain, tandis que A se coagule en 55 minutes. Mais si dans 0,5 cent. cube de B on introduit une goutte de suspension de plaquettes lavées, la coagulation s'opère en une demi-heure. Ce qui, d'autre part, fait penser que l'absence de coagulation spontanée du liquide À est due à une élimination absolue des dernières traces de plaquettes, c'est que le barbotage de CO:, dans une suspension de plaquettes allongée au préalable de plusieurs volumes d’eau distillée, y détermine une violente agglutination de ces éléments qui se condensent en filaments compacts aptes à se déposer vite et qui ainsi s'éliminent aisément du liquide (1). On obtient encore un plasma dilué B, incoagulable sponta- nément, mais coagulable par l'addition pure et simple de pla- quettes, si l’on traite par l'eau distillée et CO* un plasma qui se les incorpore en devenant filamenteuse et est entrainée par la défi- brination ; on enlève ainsi une nouvelle fraction du fibrinogène transformé en fibrine, le liquide redevient limpide. Au bout de quelque temps, nouveau trouble et répélition des mêmes phénomèmes, L'opinion, généralement admise d'ailleurs, que la coagulation débute par une précipitation, semble bien d'âccord avec l'observation. (1) CO? ne précipite pas les plaquettes lorsque celles-ci baignent dans la solution physiologique. 43 674 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR oxalaté qui, ayant été insuffisamment centrifugé, contient sûrement de nombreuses plaqueltes ; on les retrouve dans le sédiment centrifugé, lequel, agité dans le liquide, lui commu- nique la coagulabilité spontanée après rétablissement de la teneur saline et récalcification. Si done la coagulation d’un sang complet, contenant tous ses éléments cellulaires, fournit, comme Nolf l'a constaté (1), un sérum plus riche en thrombine que celle d’un plasma cen- trilugé, e est essentiellement à l'existence des plaquettes qu'il convient d'attribuer la raison d’être de ce fait. Pour apprécier entièrement leur rôle, il faut tenir compte de ce qu'elles se trouvent dans le sang en nombre énorme, et de ce que, comme nous le préciserons plus loin, une trace de plaquettes suffit déjà à produire une dose fort notable de thrombine. On doit considérer aussi ce fait, signalé par tous les observateurs et aisément vérifiable, que les plaquettes s'accolent volontiers aux corps étrangers, c'est-à-dire s'accumulent précisément aux points où s'exerce l'influence de contact si décisive dans le processus de formation de la thrombine aux dépens des subs- tances mères. On conçoit dès lors la supériorité, au point de vue de l'aptitude à la coagulation par ses propres moyens, du sang de mammifères sur celui des oiseaux, qui, même au con- tact du verre, reste longtemps fluide. C’est aux plaquettes qu'est due cette supériorité. Elles permetlent au sang de mammilères de se coaguler rapidement sans le secours du suc de tissu, pourvu bien entendu qu'un contact soit établi avec un corps solide mouillable. (A suivre.) (1) Archives inlernalionules de Physiologie, 1908. RECHERCHES SUR LA LÈPRE (PREMIER MÉMOIRE) LA LÈPRE DES RATS (LEPRA MURIUM) par E: MARCHOUX et F. SOREL. UBIQUITÉ DE LA MALADIE. En 1903, Stefansky (1) a fait connaître une maladie des rats, causée par un bacille acido et alcoolo-résistant qui se multiplie chez ces rongeurs en provoquant des lésions comparables à celles que le bacille de Hansen produit chez l'homme. Le savant russe qui, pour la prophylaxie antipesteuse, examinait quotidiennement à Odessa un grand nombre de rats, avait été frappé de voir que beaucoup d'animaux étaient porteurs de ganglions volumineux sans présenter aucun symptôme de peste. La coloration de Ziehl lui révéla dans ces organes la présence d’un bacille spécial qui s'y était multiplié avec une abondance extrème et qu'il rechercha ensuite systématique- ment. Il le trouva chez 5 p. 100 des rats d'égouts qui lui furent apportés. Des 3 espèces vivant à Odessa, Mus rattus, M. alexan- drinus et M. norvegicus, seule cette dernière fournit des malades. La lèpre des rats est répandue dans le monde entier. — La maladie découverte par Stefansky paraît être aussi répandue que le rat d'égouts. Elle a été signalée à Berlin par Lydia Rabi- nowitch (2); en Angleterre, par George Dean (3); en Australie, (1) Sreraxsky, Eine lepraäbnliche Erkrankung der Haut und der Lymph- drüsen bei Wanderratten. Centr. f. Bakt. Orig., &. XXXIII, 1903. (2) Lypra Raenowircen, Ueber eine durch saüre-feste Bakterien hervorge- rufene Hauterkrankung der Ratten. Centr. f. Bakt. Orig., t. XXXIII, 1903. (3) G. Dean, À disease of the rat caused by an acid-fast bacillus. Centr. fe Bakt. Orig., t. XXXIV, 1903. — Further observations on a leprosy-like disease of the ral. Journ. of hyg., t. V, 1905. 676 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR par Tidswell Frank (1) et 4. R. Bull (2); aux Etats-Unis, par W. Wherry (3), Me Coy (4) et A. Walker (5); en Roumanie, par Mezincescu (6) et Alexandrescu (7): au Japon, par Kitasato (8) et en Nouvelle-Calédonie, par A. Lebœuf (9). Aux iles Hawaï, Brinckerhoff (10) l’a recherchée vainement sur 16.000 rats. Ehlers, Bourret et With (11) ne l'ont pas trouvée aux Antilles danoises (Sainte-Croix). Nous l'avons rencontrée assez facile- ment parmi les rats des égouts de Paris. Sur 1.296 rats que nous avons systémaliquement examinés, 65 étaient porteurs de bacilles acido-résistants, soit 5 p. 100. C'est, comme on le‘voit, la proportion qui a élé trouvée par Slefansky à Odessa. Ces chiffres se rapportent au nombre global des animaux autopsiés, mais le pourcentage varie beaucoup suivant l’origine des ron- seurs. Comme Me Coy l’a reconnu à San-Francisco, nous avons conslalé pour certains lots de rats capturés dans des dépôts d'os, dans Les clos d'équarrissage et aux abattoirs une proportion de malades plus forte, s’élevant 14, 19 et même 45 p. 100. Elle est spéciale aux rats d'égouts. — Tous les animaux porteurs de bacilles étaient des rats d'égouts. C’est là une cons- (1) TinsweLz Fraxk, Note on leprosy-like disease in rats. Reports of the boarut of health on leprosy in New South Wales, 1904, et Lepra, &. VI, 1906. (2) J. R. Buzz, Leprosy-like disease of the rat. Intercolon. med. journ. Aus- lralia, Melbourne, 1901. s (3) W. B. Wuerey, The leprosy-like diseases among rats on Lhe Pacific coast. Journ. of Amer. Med. Assoc., t. L, p. 1908. — Notes on rat leprosy and on the fate of human and rat lepra bacilli in flies. Public health reports, 16 oct. 1908. — Experiments on vaccination against ral leprosy. Journ. of inf. diseases. toMVIM1009! (4) G. W, Mc Cox, Leprosy-like disease in rats. Public health reports, 10 juillet 1908. — Distribution of the leprosy-like disease of rats in San Francisco. Public health reports, 6 novembre 1908. (5) A. WALkER, À report of some cases of ral leprosy. Journ..Amer. Med. Assoc LO OS. (6) Mezixcescu, Maladie lépreuse des rats el ses relations avec la lèpre humaine. Comples rendus de la Suc.de Biologie, 1908 et 1909. (7) J. Azexanprescu, Lepra Sobolanilor. Thèse de Jasi, 1908. (8) Kirasaro, Die Lepra in Japan, 2° conférence de la lèpre, 1909, L. IT. (9) A. Lerour, Existence de Lepra murium en Nouvelle-Calédonie. Bull. Soc. Puth. Exot., n° T, juillet 1912. (10) W. R. Briwckeruorr, Rat leprosy. Public health bulletin, n° 30, 1910. (11) Enrens, Bourrer et Wrra, Recherches sur le mode de propagation et les procédés de diagnostic bactériologique de la lèpre, Bull. Soc. de Path. Exot., t. IX, 19414, p. 253. LA LÉPRE DES RATS 677 tatalïon qui concorde avec les observations faites par tous les auteurs. La maladie spontanée n'apparaît qu'à titre tout à fait exceptionnel chez des rats d'une autre espèce. Dujardin-Beaumetz (1) à vu un rat blanc très fortement alteint. Ce rat provenait d’ailleurs des égouts parisiens, où on rencontre assez fréquemment des albinos. Les rats blanes ne sont qu'une variété de surmulots, la contamination de cel animal n'est done pas surprenante. La maladie a été rencontrée chez Mus raltus au Punjab (2) Kitasato (3) a trouvé un M. alexandrinus atteint de Lepra murium. Ce sont là les deux seuls cas jusqu'à présent signalés de maladie de Stefansky en dehors des surmulots M. norvegicus où decumannus. LA MALADIE. L'affection des rats se présente sous deux formes qui ont été décrites par Stefansky : une purement ganglionnaire, l'autre musculaire et culanée, celle-ci n'étant qu'un stade plus avancé de la première. Forme ganglionnaire. — La forme ganglionnaire, la plus fré- e) O 1 quente, ne se manifeste extérieurement par aucun signe et n’est qu'une déccuverte d’autopsie. Elle reste localisée aux ganglions axillaires, inguinaux ou sous-maxillaires. À Odessa et Berlin, ce sont les ganglions axillaires qui sont le plus souvent pris. Nous avons vu qu'à Paris les ganglions inguinaux sont infectés au moins aussi souvent que ceux de l’aisselle. Les ganglions sont souvent augmentés de volume, durs, blanchâtres : ils atteignent quelquefois des dimensions consi- ë dérables. À la première période de la maladie, on peut en trouver qui présentent la grosseur d'un haricot. A la seconde O ? leurs dimensions sont parfois énormes; Mc Coy en a rencontré un qui mesurait 3 cenlimèlres de long sur 1 cent. 5 de large. Mais si l'augmentation de volume des ganglions est com- O (®) (® mune dans la lèpre des rats d’égouts, on ne peut cependant 1) Communication orale. (2) Reports on plague investigations in India. Journ. of hygiene, t. VIL, n° 6. décembre 1907, p. 911. (3) Loco cilato. 678 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR la considérer comme un signe caractéristique et un moyen de diagnostic de la maladie. On trouve des rats infectés avec des ganglions relalivement petits, alors que la plupart des animaux qu’on caplure sont porteurs de ganglions volumineux sans trace d'infection. Cette observation tendrait mème à faire croire que l'hypertrophie est due plulôt à une cause étrangère qu'à la lèpre elle-mème. Tous les groupes ganglionnaires peuvent être atteints ou seulement quelques-uns. Dans certains cas, rares d’ailleurs, nous n'avons trouvé de bacilles que dans un seul ganglion des groupes inguinaux où médiastinaux; une seule fois, il s'agissait d’un ganglion axillaire. Forme musculo-cutanée. — La forme musculo-culanée est beaucoup plus rare. Stefansky ne l’a rencontrée que 9 fois; Mc Coy, 22 fois sur 13.500 rats, nous-mêmes 8 fois sur 1.296 rats, soit sur une proportion de 0,60 p. 100. Les änimaux sont cachectiques, se meuvent avec difficulté et peuvent quelquefois ètre pris à la main (G. Dean, Wm B. Wherry). Ils portent des plaques alopéciques plus ou moins étendues. La peau est épaisse, bosselée, très adhérente aux tissus sous-jacents; on y remarque parfois de vrais nodules qui peuvent atteindre les dimensions d’une noiselte, mais qui, en général, sont plus étalés que dans la lèpre humaine. Les parties malades sont souvent ulcérées. Me Coy signale la pré- sence de ces ulcères comme plus fréquente (63,6 p. 100) que l’alopécie (55,5 p. 100). ; A l'autopsie, on constate que, dans les cas les plus légers, la face interne du derme est chagrinée, recouverte de nodosités saillantes minuscules et quasi-microscopiques. À une période plus avancée, la peau se détache difficilement, Ie tissu graisseux à disparu et a été remplacé par du tissu con- Jonctif assez serré. Si, après avoir dépouillé le rat, on en examine la peau par transparence, les moindres épaississements se manifestent et permettent de préciser l'étendue et l'importance des lésions cutanées. Dans tous les cas que nous avons observés, la maladie élait surtout développée dans la moitié postérieure du corps, tantôt à la partie dorsale, souvent à la partie ventrale. LA LÈPRE DES RATS 679 L'infection, dans ce dernier cas, semblait toujours avoir eu pour point de départ le groupe ganglionnaire inguinal, s'être, € F16. 1. — Peau d’un rat lépreux étalée et conservée en Kaiserling. La photographie a été faite par transparence. Les taches noires indiquent les nodules. ensuite, étendue de proche en proche vers la ligne blanche et surtout vers les flancs. Elle avait amené la formation d'une 680 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR sorte de plastron de tissu néoformé se terminant symétrique- ment en pointes dirigées vers la partie antérieure du corps. Plusieurs fois, nous avons trouvé les ganglions sous-maxil- laires hypertrophiés, et dans ces cas, comme dans celui de (x. Dean, l'affection s’étendait à la glande sous-maxillaire. Dans les organes profonds, on n'observe pas de lésions macroscopiques bien marquées. Me Coy a vu de petites nodo- sités sur le périloine et le péricarde pariélaux, dans le foie et Ia rate; G. Dean signale dans un cas la présence d’une petite zone de nécrose dans le foie. Personnellement, nous n’avons pas rencontré d'infection assez avancée pour qu'aient eu Île temps de se produire dans les organes profonds, en dehors des ganglions Iymphatiques et en particulier des ganglions du médiastin, des lésions visibles à l'œil nu. HiSTOLOGIE PATHOLOGIQUE. Le parasite est toujours intracellulaire. — Le bacille de la lèpre du rat, comme celui de la lèpre humaine, est un parasite spécial des cellules mésodermiques dans lesquelles il se multi- plie avec une extraordinaire abondance, paraissant gêner la cellule hôte par encombrement, plutôt que laltérer par une sécrélion toxique. Si, dans les tissus, on en trouve des exem- plaires qui semblent libres, c’est une constatation si rarement faite qu'on doit la considérer plutôt comme un accident de pré- paration que comme une réalité physiologique. Comme tous les bacilles acido-résistants, le bacille de la lèpre du rat est protégé par sa gaine cireuse et résiste à la phagocy- tose. Impuissantes à le faire disparaître, les cellules se distendent pour contenir la culture et en restreindre le développement. Mais leur résistance finit par être vaincue; la membrane d'enveloppe se rompt et les bacilles se répandent au dehors, promptementenglobés d’ailleurs par les cellules voisines, même par les plus jeunes, car on rencontre des lymphocytes qui déjà contiennent des bacilles. En général, la cellule malade est vite entourée d’un certain nombre d’autres qui l’aident à défendre l'organisme contre la pullulation microhienne. Ces cellules, véritables étais sans LA LÉPRE DES RATS 681 cesse apportés pour soutenir l'édifice protecteur, englobent les germes dès qu'ils s’échappent et forment une barrière que l'infection ne franchit pas vite. Toutes ces cellules sont hypertrophiées, pressées les unes contre les autres, quelquefois jusqu'à confusion de leur proto- plasma qui s’est réuni pour constituer une cellule géante. Ce sont des cellules épitnélioides qui forment par leur ensemble un vérilable tubercule, mais un tubercule qui, comme l'ont montré Boinet et Borrel dans la lèpre, n’a pas la constitution du tubercule de la tuberculose et n'est point entouré d'une gaine de leucocytes polynucléaires. Il se répand par les voies lymphatiques. — Du point d'inocu- lation, l'infection suit les trajets Ilymphatiques comme les cellules qui la convoient et gagne rapidement les ganglions de la région. D'abord peu nombreuses, les cellules parasitaires restent cantonnées près des voies afférentes, à la zone périphé- rique du ganglion, bientôt immobilisées par la volumineuse inclusion qu’elles portent et qui ne leur permet plus aucun mouvement propre. Elles forment des amas qui grandissent peu à peu autour de celles d’où est partie l'infection. Quand elles sont peu chargées de bacilles, elles peuvent se mobiliser, et vont alors constituer des foyers secondaires qui se développent à leur tour. Tous ces nodules finissent par se réunir et progres- sivement le ganglion est envahi tout entier. Les follicules com- primés diminuent de volume et disparaissent, remplacés par des trainées lymphocytaires qui forment comme des trajets entre les nodules bacillaires. Le ganglion ne présente aucune ten- dance à la suppuration. Du ganglion, il gagne le tissu conjonctif circonvoisin. — Avant même d'avoir atteint un sérieux développement, l'infec- tion, dépassant les limites du ganglion, s'étend de proche en proche; les cellules parasitées vont se loger dans les espaces lymphatiques du tissu conjonctif et y constituent de petits nodules qui continuent à essaimer autour d'eux. Le tissu con- jonctif distendu, non seulement ne laisse plus de Hberté aux organes qu'il enferme, mais il les comprime et en amène l'atrophie. 682 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Mamelle. — La glande mammaire voisine est vite atteinte, le tissu conjonctif interlobulaire s'infiltre de cellules migra- trices parasitées, s’épaissit, et les éléments glandulaires com- primés s’atrophient et disparaissent. Muscles. — Le même phénomène se passe du côté] des muscles. Les muscles peauciers sont infiltrés les premiers, mais ensuite la maladie gagne en profondeur. Elle se répand dans les muscles abdominaux, thoraciques et même dans les muscles moteurs des membres. Les fibres musculaires s'écar- tent et s’atrophient par suite du développement excessif du issu conjonctif interfasciculaire. C'est ce processus de raréfac- tion des fibres par compression que nous avons observé dars tous les cas; nous n'avons pas, comme Slefansky, George Dean, Alexandreseu, constaté l’envahissement de la fibre striée elle- même. La destruction des muscles moteurs entraîne une impo- tence fonctionnelle telle que dans certains cas le rat lépreux se meut difficilement et peut être capturé à la main. Tissu sous-cutané. — Mais c’est du côté du tissu conjonclif sous-cutané el du côté du derme que l'envahissement microbien est le plus accentué. Les bacilles y sont amassés en nodules énormes, comme dans les ganglions lymphatiques. Leur dispo- sition rappelle de très près ce qui se passe chez l'homme dans la lèpre. Les espaces lymphatiques du tissu conjonctif lâche sont non seulement distendus, mais le tissu lui-même se trans- forme ; 1l devient dur, fibreux, cicatriciel ; il présente le caractère succulent et Iymphoïde d'un ganglion selérosé. Gorgé de leuco- cyles parasités, 1l renferme aussi nombre de cellules fixes char- gées de bacilles. C'est là uné constatation qui ne doit guère surprendre, car les grands mononueléaires et les cellules con- Jonetives ont la même origine et les mêmes fonctions. L'infection s'étend de proche en proche autour du ganglion et aussi du point d'inoculation. Elle arrive à provoquer le déve- loppement d'un véritable plastron qui double la peau et dans lequel toute trace de tissu graisseux à disparu. Derme. — Dans le derme, l'infection débute par le tissu con- Jonctif lâche périvasculaire. Les cellules infectées se disposent LA LÈPRE DES RATS 683 autour des vaisseaux, qu'elles enferment dans de véritables manchons où les bacilles abondent. Les glandes qui sont logées dans ces espaces très irrigués sont encerclées par les nodules lépreux. De ce fait, elles se trouvent mal nourries et finissent par s’atrophier. Nous n'avons jamais vu de bacilles dans l'inté- rieur des glandes ou des cellules glandulaires. Les follicules pileux sont asphyxiés comme les glandes sébacées. C'est à leur atrophie que sont dues les plaques alopé- ciques dont sont porteurs les animaux malades. Épiderme. — Les cellules migratrices parasitées envahissent de bonne heure la couche papillaire du derme et s'étendent comme un tapis au-dessous de la couche germinative de l'épi- derme. Quelques-unes se glissent entre les cellules de Malpighi, pénètrent même à leur intérieur et, en tout cas, les infectent. I n’est pas rare de voir certaines régions de l’épiderme dans lesquelles presque toutes les cellules des diverses couches contiennent des bacilles en plus ou moins grand nombre. Mais la cellule de Malpighi résiste moins facilement à cette infection que la cellule mésodermique, elle meurt et se détruit. C'est à celle nécrose que sont dus les ulcères observés chez les rats lépreux. Intégrité relative des viscères. — L'envahissement successif du tissu conjonctif se produit très lentement et il faut sûrement plus d’une année pour qu'il prenne le développement dont nous venons de parler. En général, l'animal malade meurt d'une maladie intercurrente avant que l'infection soit aussi étendue. Rarement on trouve un rat porteur de lésions considérables du foie, de la rate ou du système nerveux. Ce qu'on rencontre par- fois, ce sont de petits nodules dans le foie, la rate, le rein ou la vessie: Me Coy, en particulier, a insisté sur ces lésions pro- fondes. Mais ordinairement ces organes sont macroscopique- ment indemnes. Entre eux et l'infection, le poumon joue le rôle de tampon. Rôle protecteur du poumon. — Il arrête les bacilles qui ont pénétré dans le système circulatoire sanguin. Voici par quel mécanisme. 68% ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR De bonne heure le poumon recoit des bacilles par deux voies : 1° La voie sanguine. — Les cellules jeunes renfermant peu de bacilles el par conséquent mobilisables, se trouvent parfois en pénétrant dans les sinus des ganglions lymphaliques, entrainées par le torrent circulatoire et dirigées vers le poumon avec le sang de la petite circulation ; 2° La voie lymphatico-sanquine. — 11 s'échappe aussi par les voies lymphatiques efférentes quelques leucocytes parasités, qui par les veines lymphatiques ou le canal thoracique aboutis- sent au poumon. Aussi cet organe renferme-t-il toujours des bacilles acido- résistants, même dès le début de l'infection. C'est en particulier dans les sommets qu'il faut les chercher. Il nous est arrivé maintes fois d'en rencontrer dans cette région du poumon, alors que nos recherches dans les lobes inférieurs demeuraient vaines. Des frottis de pulpe permettent de juger de leur abon- dance et Les coupes montrent leur siège. Là comme ailleurs, les bacilles sont toujours intracellulaires, inclus dans les phago- cyles spéciaux du poumon, les cellules à poussières. Mais, quel que soit le stade de la maladie auquel on fasse cet examen, leur nombre n’est jamais considérable et on ne voit pas comme ailleurs se former de nodules dans cel organe. Les cellules parasitées restent loujours isolées. Elles gagnent individuellement les ganglions de la région, les ganglions médiastinaux qu'on trouve loujours malades. L'infection rencontre done là une nouvelle barrière à son extension et elle y demeure cantonnée longtemps avant de diffuser par ailleurs. Sans doute ce système défensif n’est pas parfait. Il se trouve parfois en défaut, et quelques bacilles échappent à cette sorte de filtre. D'autre part, il arrive un moment où 1l est débordé. Mais il est certain qu'il oppose, pour un temps, un solide obstacle à la diffusion microbienne. Le même phénomène intervient sans doute aussi dans la tuberculose, mais avec beaucoup moins de succès parce que le bacille de Koch est toxique et entrave très vite la mobilité cellulaire. Les leucocytes chargés de microbes ne quittent pas le poumon, où ils deviennent le centre d'un tubercule. LA LÉÈPRE DES RATS 685 INOCULATIONS EXPÉRIMENTALES. Stefansky, Lydia Rabinowitch n’ont pas pu transmettre la maladie par inoculations. G. Dean, plus heureux, à conta- miné des rats blancs. Après lui, Me Coy, Alexandrescu et d’autres ont également réussi. Nous avons constaté que, loin d’être difficile à inoculer, la lèpre du rat est, au contraire, d'une diffusion particulièrement commode. La raison des insuccès des premiers auteurs réside dans l'observation trop peu prolongée des animaux d'expérience. La multiplication des germes se fait très lentement dans l’orga- nisme des rongeurs infectés el parfois mème avec une lenteur singulière, Elle n'est décelable qu'après deux ou quatre mois et mème parfois plus encore. Lorsqu'on introduit dans le périloine de grosses quantités de bacilles, on voit se développer des infections massives, comme celles qu'a produites G. Dean el dont nous possédons, grâce à l’'obligeance de ce savant, un remarquable échantillon. Mais ces injections copieuses, qui avaient leur importance quand il s'agissait de prouver que la maladie est transmissible d'animal malade à animal sain, ne présentaient, pour nous qui avions un tout autre objectif, qu'un intérèl secondaire. Par la voie sous-cutanée, nous sommes parvenus sans peine à infecter des rats sains. Les rats blancs sont aussi sensibles que les rats gris. — Pour nos premières expériences, nous avons employé des rats d’égouls. En les choisissant Jeunes, nous croyions nous metlre à l'abri d'infections spontanées; mais, devant les obser- valions qu'il nous à été donné de faire ensuite, nous avons dû renoncer à nous en servir. De (rès Jeunes animaux ont été reconnus infectés; d'autre part, la proportion élevée des malades, dans certains lots, ne permettait plus de tabler sur un taux à peu près constant de 5 p. 100 pour les contaminations naturelles. Les rats blancs d'élevage ont donc remplacé les rals sauvages dans nos expériences et, contrairement d'ailleurs à ce que nous pensions, se sont montrés aussi sensibles qu'eux à la maladie. 686 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Insertion sous la peau de tissu infecté. — Au début de nos recherches sur l'aptitude des rats à prendre la lèpre par inocu- lations discrètes, nous restions encore impressionnés par les insuccès des premiers expérimentateurs. Aussi, la première méthode que nous ayons employée avait-elle pour but de protéger temporairement des phago- cytes les bacilles introduits sous la peau. Elle permettait aux germes de vivre un certain temps dans un milieu de culture auquel ils étaient habitués et d'acquérir, pensions- nous, une résistance suffisante aux moyens défensifs de l’or- 2x ganisme. Elle consistait à insérer dans le tissu conjonctif, par une boutonnière faite à la peau, un fragment de tissu ren- fermant beaucoup de bacilles A. R. (1) et fraichement retiré d'un rat malade. L'expérience que nous rapporlons ci-dessous a été faite à la fois sur des rats gris et des rats blancs. Elle permettra d'appré- cier la sensibilité relalive des deux espèces. Exp. I. — Un rat gris, mort récemment de mort violente, porte dans l’aine gauche un énorme ganglion contenant de très nombreux A. R. De petits fragments, de la taille d'un grain de millet, en sont découpés et insérés par une boutonnière sous la peau du ventre de 6 rats blancs et de 8 rats gris. L'inoculation est faite le 26 juillet 1909. Le 27 août, un rat gris est tué accidentellement au moment de l'examen. On ne trouve à l’autopsie aucune trace du fragment introduit. Il y a de rares À. R. dans les ganglions inguinaux droits et gauches. Le 28, un deuxième rat gris est trouvé dans la cage, mort et en partie dévoré. On peut néanmoins faire quelques frotlis d'un ganglion dans lequel on trouve un petit nombre de bacilles de Stefansky. 27 septembre. — Un troisième rat gris est mort. Pas d'A. R., pas de traces du matériel d'inoculation. 28 septembre. — Un quatrième rat gris est mort et ne renferme pas non plus de bacilles. 13 octobre. — Cinquième rat mort. Pas d'infection. 44 octobre. — Sixième rat gris. Pas d'infection. 21 octobre. — Septième rat gris, sacrifié. Au point d'inoculation, se trouve une plaque de tissu fibro-conjonctif assez épaisse dans laquelle se rencontrent des masses considérables de bacilles A. R. Les ganglions inguinaux renfer- ment aussi un petit nombre de bacilles. 11 mars 1910. — Le dernier rat gris est mort. Au point d'inoculation s’est développé un nodule de tissu conjonctif infiltré de nombreux bacilles. La peau est ulcérée par-dessus. Des bords de l’ulcère, par grattage et frotlis, plusieurs préparations sont faites qui renferment de nombreux bacilles. Les (1) Nous emploierons souvent dans le cours de ce mémoire la formule abréviative A. R. pour acido-résis!ant, LA LÈPRE DES RATS 687 éléments microbiens existent en grand nombre aussi dans les ganglions. Il n'y a pas de généralisation de la maladie. Le premier rat blanc meurt le 25 novembre 1909. Au point d'inoculation, tissu conjonctif épaissi, chagriné, chargé de cellules migratrices pleines d'A. R. Les ganglions de la région ne sont pas perceptibles: on les trouve à l'autopsie très petits, de la grosseur d'une tête d’épingle; ils ne renferment que très peu de bacilles. 18 décembre. — Un deuxième rat blanc est sacrifié. Nombreux bacilles au point d'inoculation, au milieu d'une plaque épaisse de tissu conjonctif. Gan- glions très petits, renfermant très peu d'A. R. 26 décembre. — Troisième rat blanc trouvé mort dans la cage et complè- tement putréfié. A. R. au point d’inoculalion. 28 décembre. — Quatrième rat blanc mort. Au point d'inoculation, nodule de tissu conjonctif, dur et noirâtre, très riche en bacilles. Ganglions peu infectés. 3 février 1910. — Cinquième rat blanc mort. A. R. nombreux au point d'inoculation. Ganglions très petits, avec quelques bacilles seulement. 6 février 1910. — Le sixième rat blanc meurt. Nodule au point d'inoculation volumineux et bourré d'A. R. Quelques bacilles dans les ganglions de laine el dans ceux de l’aisselle. En somme, des 14 rats inoculés, 8 gris et 6 blancs, 10 se sont infectés. L'insertion d'un fragment de ganglion infecté dans le tissu conjonctif sous- cutané devient donc, dans la plupart des cas, le point de départ d'une infec- tion qui, à la vérilé, ne montre pas de tendances envahissantes. Il se fait une sorte de culture in silu, derrière une barrière de cellules épithélioïdes dont l'accumulation donne naissance à un nodule parfois volumineux. Les ganglions de la région sont atteints tardivement et ne deviennent le siège d'une forte infection que lorsque le nodule a pris assez de développement pour arriver au voisinage du paquet ganglionnaire. En général, les rats meurent avant que la maladie ait fait de tels progrès. On a de la peine à conserver quelques-uns de ces rongeurs en cage pendant plus d'un an. Ils finissent par succomber presque tous à une sorte de pseudo-tuberculose qui débute de façon insidieuse et se transmet avec une singulière facilité. Dans celte expérience, comme dans toutes celles où les deux espèces ont été employées concurremment, les rats blancs se sont montrés plus sensibles que les rats gris. Tous se sont infectés, alors que 4 rals gris sont morts sans qu'on ait pu trouver chez eux le moindre bacille. À l’autopsie, les A. R. étaient rencontrés en nombre colossal dans le nodule d'inocu- lation; on n’en trouvait ailleurs que dans les ganglions et en très petit nombre. Au lieu de ces foyers compacts qui existent toujours dans la lèpre spontanée, on ne voyait que des cellules isolées renfermant quelques bacilles. 688 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Injection sous-cutanée de suspension bacillaire. — Puisque les rats d'expérience se montrent si sensibles, il n’était donc point nécessaire de s’entourer de précautions spéciales pour assurer l'infection. En eflet, l'inoculation sous-cutanée d’un peu de liquide obtenu par broyage de ganglions infectés en eau physiologique stérile a donné des résultats aussi constants que l'insertion d’un fragment sous la peau. Dans ce cas, l'infection n'est pas toujours très marquée au point d'inoculation, mais elle gagne vite ies ganglions qu'on trouve presque farcis de bacilles. Nous donnons l'expérience suivante à titre d'exemple : Exp. IL. — 21 juin 1910. Un rat d'expérience est sacrifié. I porte un ganglion inguinak rempli de bacilles A. R. Ce ganglion est broyé en eau physiologique el donne par dépôt rapide une suspension louche où les bacilles sont très abondants. 8 petits rats blancs sont inoculés sous la peau du dos au voisi- nage de la base de la queue, avec une goutte de ce liquide. 27 juillet. — Un rat meurt de pseudo-tuberculose. Au point d’inoculation, pas d'A. R. On en trouve quelques-uns dans le ganglion inguinal du côté droit. 15 septembre. — Un deuxième rat succombe. À. R. rares au point d'ino- culation, nombreux dans les ganglions inguinaux. 20 septembre. — Mort de trois rats. L'un renferme de nombreux A. R. dans les ganglions, Le deuxième en présente de très nombreux dans les ganglions et au point d’inoculation. Le troisième, très peu dans les ganglions, pas du tout au point d'inoculation. 21 septembre. — Un sixième rat trouvé mort renferme beaucoup d'A. R. dans les ganglions inguinaux et pas du tout au point d'inoculation. 1er octobre. — A. R. très nombreux dans les ganglions inguinaux du septième rat; très nombreux aussi au point d'inoculation et dans le tissu conjonctif de la région abdominale jusqu'au voisinage de la ligne blanche. 11 octobre. — Le dernier rat meurt. Il porte des ganglions inguinaux volu- mineux des deux côtés. Dans les frottis, on trouve des A. R. à droite et à gauche, mais alors qu'ils sont rares à gauche, ils sont très nombreux à droite. Rien au point d'inoculation. Cette expérience montre que la phagocytose n'était pas à redouter pour le bacille et que nos premiers essais étaient entourés d'inutiles précautions. Les phagocyles manifestent à la vérilé une sensibilité chimiotactique particulièrement grande vis-à-vis du bacille de Stefansky. Mais celui-ci, bien défendu par sa cuirasse cireuse, tire plulôt un bénélice de cette sensi- bilité, comme de la mobilité des cellules qui servent à le répandre dans l'organisme. v'est à la mobilité des cellules parasitées qu'il faut LA LÈPRE DES RATS 689 attribuer cette infection rapide des ganglions superficiels et le développement si rare d’un nodule au point d'inoculation. Inoculation par scarification de l'épiderme. — Nous avons pensé qu'en raison de cette sensibilité des phagocytes au bacille de Stefansky, il devait être possible de provoquer plus facile- ment encore l'infection de nos animaux. Nous nous sommes contentés de beurrer avec de la pulpe septique des scarifica- tions de la peau. Après avoir arraché les poils sur le dos, près de la base de la queue et sur une surface équivalente à celle d’une pièce de 2 francs, nous avons pratiqué au bistouri des entailles peu profondes et avons frotlé la région ainsi préparée avec un fragment de ganglion ou de tissu conjonctif renfermant de nombreux bacilles. Ce procédé d'inoculation s'est montré parfaitement efficace. Voici, comme preuve à l'appui, Les résul- tats d'une expérience ainsi faile : Exp. IT. — 21 juin 1910. Un rat de cage 48, expérience 55, trouvé mort ce jour, porte au point d’inoculation un gros nodule bourré d'A. R. Ce nodule est broyé dans un verre avec seulement quelques gouttes d’eau physiolo- gique. On obtient par cette trituration une pulpe assez épaisse et très riche en A. R. 6 petits rats sont frottés avec cette pulpe sur des scarifications de la peau pratiquées à la base de la queue. Ces rats sont enfermés dans deux bocaux. 20 octobre. — Un rat meurt. A l'autopsie, on constate que les lymphatiques de la mamelle soni injectés de granulations pigmentaires qui donnent à l’or- gane une teinte noire assez foncée et qui présentent la réaction des sels de fer avec le ferrocyanure de potassium. Ces granulations sont ovoïdes et régulières de forme et de dimensions. Les ganglions, pigmentés aussi et de la grosseur d’un grain de millet, ren- ferment, notamment à gauche, une très grande quantité d'A. R. Rien au point d'inoculation. 21 octobre. — Un deuxième rat est mort. A l’autopsie, on trouve les deux régions inguinales pigmentées. Des frottis de ce tissu pigmenté renferment quelques bacilles A. R. Dansles ganglions inguinaux relativement petits, les acido-résistants de chaque côté se montrent en très grand nombre. Pas d’A.R. dans les ganglions axillaires. Au point d'inoculation, pas de bacilles dans les produits de raclage de la face profonde de la peau; nombreux au contraire dans les produits de raclage de la face externe intéressant l’épiderme et la couche superficielle du derme. 25 oclobre. — Un troisième rat est mort aujourd'hui. A. R. nombreux dans les ganglions inguinaux pigmentés comme le tissu de la mamelle et légère- ment augmentés de volume, nombreux aussi dans le produit de raclage de la couche superficielle de la peau au point d'inoculation. 3 janvier 1911. — Un quatrième rat est sacrifié. Il porte des ganglions assez volumineux et pigmentés comme le tissu voisin, remplis d’A. R. Au point 4% 690 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR d’inoculation et dans toute la région qui l’avoisine, la peau est farcie d'A. R. 15 janvier. — Un rat, le cinquième, est mort. A. R. nombreux dans les gan- glions inguinaux. Quelques-uns dans les ganglions axillaires. 25 janvier. — Le dernier rat est sacrifié. Les ganglions inguinaux, assez volumineux, renferment un très grand nombre d'A. R. On ne constate pas d'extension de l'infection dans le tissu conjonctif périphérique. Comme on le voit, l’infection de tous les rats d'expérience a été obtenue, c’est-à-dire que l’inoculation dans la couche super- ficielle de la peau semble plus grave que l'introduction de bacilles dans le tissu conjonctif sous-cutané. Cette expérience, qui n'est qu'un exemple, a été répétée un grand nombre de fois avec le même succès. On constate à l’autopsie que les bacilles A. R. gagnent très vite les ganglions de la région d'inoculation, où l'infection est toujours très marquée. La couche superticielle du derme con- tient au point d'inoculation un grand nombre d'A. R. L'épi- derme est indemne et les cellules en tel état, qu'aucun signe extérieur d'infection n’est perceptible à cet endroit. La multi- plication des bacilles ne s’est pas faite sérieusement en profon- deur pendant le temps qu'a duré l'expérience. Les poils n'étaient nullement atteints dans leur vitalité, comme ils le sont quand le follicule estinclus dans une couche de cellules mésodermiques parasitées. La zone de tissu conjonctif mtermédiaire entre le point d'ino- culation et les ganglions inguinaux n’a jamais été trouvée infectée. Il semble donc que les bacilles ne se soient pas arrètés dans les lymphaliques qu'ils ont empruntés pour gagner le ganglion. Pénétration des bacilles au travers de la peau fraîchement épilée. — Devant un succès si complet avec une porte d'entrée siélroite, nous avons voulu savoir si une lésion plus superficielle encore que des scarifications de l’épiderme ne suffirait pas à la pénétration des germes. Pour produire l'infection, il nous a suffi de toucher avec un tampon de coton imbibé de liquide septique la peau simplement épilée. Exr. IV. — Les ganglions d’un rat 282 renfermant de nombreux A. R. sont broyés avec un peu d’eau physiologique et donnent un liquide louche ren- fermant un très grand nombre d'A. R. Avec un tampon de coton imbibé de LA LÈPRE DES RATS 691 ce liquide, on frotte doucement un espace épilé de la peau de 6 rats adultes. La surface épilée, de la dimension d’une pièce de 2 franes, est située à la base de la queue. L'opération est faite le 4 décembre 1910. 18 janvier 1911. — Un de ces rats a été soigné de la gale avecune pommade au crésol et il est mort. On fait un grattage de la peau au point d'inocula- tion. Dans aucun des frottis, il ne se rencontre d'A. R. Cependant, dans une préparation faite avec la pulpe d’un ganglion de laine, l'examen microsco- pique décèle la présence d'un amas d'A. R. 2 mai 1911. — Un deuxième rat est sacrifié. Rien au point d’inoculation. A. R. en petit nombre dans les ganglions inguinaux. 26 mai 1911. — Un troisième rat est sacrifié. Ganglions inguinaux assez volumineux à gauche. L'examen microscopique montre qu'ils renferment beaucoup d'A.R. 23 juillet. — Un quatrième rat femelle est mort de septicémie hémorragi- que (accident de parturition). Il y a de très nombreux A. R. dans les ganglions inguinaux, dans le tissu conjonctif de la mamelle et dans l'épaisseur de la peau au point d'inoculation. 2 octobre. — Le cinquième rat est mort. Ulcère à A. R. au point d'inocula- tion. Nombreux bacilles dans les ganglions inguinaux, quelques-uns se ren- contrent dans les ganglions axillaires. 28 novembre. — Le dernier rat est mort. On ne trouve d’A. R. ni au point d'inoculation, ni dans les ganglions inguinaux, mais les ganglions bronchi- ques en renferment en grand nombre. Quelques amas se rencontrent aussi dans le poumon. Comme on le voit, le dépôt de bacilles sur la peau épilée donne aux rats l'infection à tout coup. Sur 6 rats inoculés de cette façon, 1l v a eu 6 succès. L'infection par cette voie semble même plus sûre que par toute autre. Alors que l’inoculation sous-cutanée reste parfois infructueuse, on a par scarification ou simple épilation 100 p. 100 de succès, ainsi qu'en témoignent les expériences rapportées ci-dessus à titre d'exemples et corroborées par un grand nombre d’autres que nous trouvons inutile d'exposer aussi. Nous n'avons pas encore pu saisir le mécanisme de pénétra- tion des germes. C’est une question qui est à l'étude et sur laquelle nous reviendrons plus lard. Le bacille ne traverse pas la peau saine. — Si la moindre lésion superficielle, si la plus minime érosion de l’épiderme ouvre un chemin à la maladie, il convient de dire que les cellules épidermiques en état d'intégrité lui opposent une bar- rière infranchissable, Huit petits rats âgés de huit jours, encore glabres, mais avec une cicatrice ombilicale parfaite, ont été 692 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR largement badigeonnés avec du liquide de broyage ganglion- naire riche en A. R. et cela sans résultat. Aucun d’eux n’a pris la lèpre, alors que d’autres animaux inoculés avec le même produit se sont infectés. En somme, l'inoculation du bacille de Stefansky provoque facilement une infeclion spécifique, et elle semble d'autant plus efficace qu’elle est plus superficielle, sans d'ailleurs qu'elle puisse se faire au travers de la peau saine. Sensibilité de la souris. — Les rats blancs ne sont pas les seuls animaux sensibles à cette infection. Nous avons reconnu qu'il était possible de la communiquer à d’autres murins : les souris blanches. Voici une expérience : Exr. V. — Le 22 janvier 1911, un rat de l'expérience 281 est sacrifié. Les ganglions inguinaux qui renferment un assez grand nombre d’A. R. sont broyés en eau distillée stérile. Avec ce liquide, 12 souris sont inoculées : 19, 4 par injection sous-cutanée ; 2, 4 par badigeonnage après scarification ; 30, 4 par badigeonnage après arrachement des poils. Première série. 9 février. — Une souris du 1°" bocal est morte. Au point d'inoculation, elle porte un abcès dans lequel on ne trouve que quelques rares À. R. Pas de bacilles de la lèpre dans les ganglions, le foie, la rate et la peau voisine du point d'inoculation. 22 février. — Une 2e souris est morte. Au point d'inoculation se trouve du tissu conjonctif pigmenté, avec une tache un peu plus noire qui marque le point précis où a été faite l'injection. De nombreux bacilles infiltrent tous ces tissus. Pas d’A. R. dans les ganglions, le foie et la rate. 43 juin. — Un mâle du bocal I est sacrifié. Il porte de gros ganglions dans lesquels on rencontre beaucoup de cellules parasitées. Il y a des foyers très nets renfermant quelques cellules géantes. 20 novembre. — La dernière souris du 1‘ bocal meurt. Elle porte à la paroi abdominale, au voisinage de la région inguinale droite et s'étendant le long du pubis jusqu’à la région inguinale gauche, une vaste tumeur mame- lonnée et composée de trois lobes ayant chacun le volume d'une noisette. Cette tumeur est formée de tissu lymphoïde et constitue un vaste nodule bourré d'A. R. Les ganglions inguinaux renferment beaucoup de bacilles. On n’en trouve ailleurs ni dans la peau, ni dans les organes. Deuxième série. 1°* mars 1911. — Le 1re souris du 2° bocal est morte. Quel- ques bacilles au point d’inoculation, rien dans les ganglions inguinaux. 16 juin. — Une femelle est sacrifiée. Au point d'inoculation, comme dans le ganglion inguinal droit, on trouve un gros bacille acido-résistant en navette, présentant souvent un espace clair central. Dans certains amas, quelques éléments contiennent un granule ou deux qui retiennent plus fortement la matière colorante rouge. Rien au point d'inoculation. 31 octobre. — Un mâle du bocal 2 est mort. Deux gros ganglions ingui- naux sont bourrés de bacilles acido-résistants!typiques. Sur le dos la souris porte un large ulcère, dans les parois duquel se trouvent des bacilles en LA LÉPRE DES RATS 693 navette semblables à ceux qui ont été découverts dans la souris précédente. 6 novembre. — La dernière souris du 2e bocal est morte. Les ganglions inguinaux assez volumineux sont bourrés de bacilles A. R. typiques. Les bacilles sont nombreux aussi au point d'inoculation. Rien dans les ganglions axillaires, ni dans la rate. Troisième série. 2 mai 1911. — La 1re souris du 3e bocal meurt ce jour. Elle porte des ganglions inguinaux assez volumineux. On n’y trouve pas d’A. R. 24 août. — Une 2° souris est morte. Dans le- ganglion inguinal gauche se trouvent de nombreux A. R. en navette semblables à ceux qui ont été décrits plus haut. Rien dans le ganglion inguinal droit. 31 août. — Les deux dernières souris du 3e bocal sont sacrifiées. Nombreux amas de bacilles en navette. Les souris peuvent donc prendre la lèpre. Mais elles y sont cependant moins sensibles que les rats. Même quand le nombre des bacilles est très grand, alors qu'ils amènent la formation de volumineux nodules, ils ne se répandent pas dans tout l'organisme, comme chez les rats. Formes d'involution chez la souris. — Quand l'inoculation est superficielle, l'infection, loin d’être plus sûre comme chez le rat, manque souvent et, en tout cas, reste toujours discrète. Les bacilles subissent même une involution qui les rend méconnaissables. Et nous ne les aurions pas reconnus, si nous ne les avions observés dans presque toutes les souris inoculées par scarification ou épilation. Chose curieuse, nous avons trouvé des bacilles semblables dans les ganglions inguinaux de rats inoculés avec des bacilles de lèpre humaine. Cette observation semblerait indiquer que les rats présentent à la lèpre humaine une sensibilité atténuée. En tout cas, cette sensibilité est moins grande que celle des souris à la lèpre murine, car nous avons inoculé des centaines de rats avec des bacilles humains; nous les avons tous autopsiés, et si, chez quelques-uns, nous avons trouvé ces formes d’involution, jamais nous n'avons vu de bacilles typi- ques. Celte similitude d’involution peut sans doute être regardée comme un point de rapprochement entre les deux germes. Insensibilité des autres animaux de laboratoire. — Alexan- drescu a inoculé avec succès des cobayes, Nous avons essayé d’infecter plusieurs de ces animaux, mais en vain. 694 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Nous n’avons pas mieux réussi avec un singe. En somme, la lèpre murine est une maladie spécifique aux rats. Si on réussit à la communiquer à la souris, espèce voi- sine, elle n'y prend jamais un développement considérable. Cette spécificité est importante à considérer et à rapprocher de: celle du bacille humain. LE Bacizze. Le bacille découvert par Stefansky est, nous l’avons dit, d’une extraordinaire abondance dans les tissus malades. Réactions colorantes. — Un frotlis de pulpe ganglionnaire, un raclage de la peau, au voisinage d’un nodule ou d’un ulcère, renferme une quantité énorme de germes libres ou intracellu- laires. Si l’on colore rapidement ce froltis par une couleur basique quelconque en solution hydroalcoolique, tous ces bacilles se détachent en négatif sur le fond teint, par le violet de gentiane par exemple. Il faut, pour les mettre en évidence, faire agir comme pour le bacille de Hansen, la solution phé- niquée de fuchsine à la température de 50 à 80 degrés. Ils résistent ensuite à la décoloration par les acides aussi bien et même mieux que le bacille de la lèpre humaine; l'acide azo- tique au dixième, l'acide sulfurique au quart, l'alcool chlor- hydrique à 3 p. 100 n'en altèrent pas la couleur rouge vif. On les voit se détacher avec la plus grande netteté sur le fond coloré par le bleu de méthylène. Nous employons, d'ordinaire, une solution étendue de bleu boraté qui a l'avantage de colorer en quelques secondes. En définitive, le bacille de Stefansky prend le Ziehl plus vite que le bacille de Koch et résiste à la décoloration mieux que le bacille de Hansen débarrassé de sa gangue glaireuse (1). Il prend le gram. Résistance des germes à la digestion phagocytaire. — Les cellules qui logent le bacille sont, comme nous l'avons dit, (4) Voir à ce propos, E. Marchoux, culture d’un bacille acido-résistant pro- venant du mucus nasal des lépreux. Bull. de la Soc. de Path. exot., t. IV, 1911, p. 89. LA LÈPRE DES RATS 695 des cellules mésodermiques. Ce sont des leucocytes mono- nucléaires ou macrophages de Metchnikoff. Ce parasitisme des cellules de défense ne vient point à l'encontre de la théorie phagocytaire de l’immunité. Les phagocytes, ie1, comme tou- jours, remplissent exactement leur rôle; ils s'emparent des germes et les isolent de l'organisme. Nous avons déjà fait ressortir la sensibilité chimiotactique très grande qui les attire vers le bacille de Stefansky. Mais leur pouvoir digestif se heurte à un très sérieux obstacle : la capsule cireuse qui entoure ce parasite spécial. Si la théorie de Metchnikoff avait encore besoin d'être défendue, elle trouverait en ces faits un sérieux appui et une preuve démonstrative que les phagocytes imgèrent les microbes vivants. Mais rien n’est parfait. Si bien réglées que soient les fonctions organiques, elles peuvent se trouver en défaut. Ici, les qualités mêmes des cellules phagocytaires servent au microbe. Sa résistance aux sucs digestifs met à son service la sensibilité chimiotactique des leucocytes pour favoriser son introduction et leur mobilité pour opérer sa diffusion dans l'organisme. Les phagocytes ne sont cependant pas totalement désarmés contre lui. Nous voyons, au contraire, assez souvent, des bacilles devenus granuleux qui ont, par conséquent, mal résisté à leur action. Mais ce sont là des faits exceptionnels, 11 faut bien le reconnaître. Absence de propriétés toxiques. — En général, le bacille de la lèpre du rat, comme celui de la lèpre humaine, vit et se multiplie dans la cellule phagocytaire qui, d’ailleurs, n’en paraît pas très fâcheusement influencée. Il ne s’agit pas là d'une infection à proprement parler, mais d’un véritable parasitisme. Le microbe ne se nourrit pas de la substance propre de la cellule, mais des mêmes substances qu'elle-même; aussi elle augmente de volume pour satisfaire à ses propres besoins et à ceux de son hôte. Comparaison avec le bacille de Hansen. — Les mèmes phénomènes se passent dans la lèpre humaine, avec quel- ques variantes peu importantes; mais ils y sont moins percep- tibles que dans la maladie du rat, qu'on peut reproduire expé- 696 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR rimentalement chez les animaux de laboratoire. Si les deux maladies se ressemblent, les bacilles qui causent chacune d'elles sont très voisins. Par le nombre des éléments qui s’amassent dans les tissus, le bacille de Stefansky se rapproche du bacille de Hansen; il s’en distingue par ses caractères de groupement. Comme celui-ci, il est toujours intracellulaire ; les germes qu'on trouve disséminés dans la préparation provien- nent des cellules détruites, comme les coupes permettent de s’en rendre compte. Les cellules parasitées sont particulière- ment fragiles et résistent mal aux dommages du frottis. Mais on en trouve néanmoins toujours quelques-unes qui sont intactes et permettent de voir que les microbes sont disposés dans le protoplasma sans ordre et non pas rangés en paquets de cigares comme les bacilles de Hansen. Les bacilles de Ste- fansky ne sont pas, comme ceux de la lèpre humaine, entourés d’une gangue muqueuse; ils ne se disposent jamais en globies. Ce caractère distinctif n’a peut-être pas, il est vrai, une très grande valeur, car il est impossible, actuellement, de décider si cetle sécrétion glaireuse, cette glée, est d'origine micro- bienne ou provient de la cellule qui limite ainsi l’envahisse- ment parasitaire. L’impossibilité d'inoculer la lèpre humaine aux animaux recule indéfiniment la solution de ce problème. En général, les éléments mesurent de 3 à 5 uw de longueur sur 1/2 p de largeur. Mais ces dimensions, si elles sont ordi- naires, ne sont point constantes. Il est commun, au contraire, de rencontrer des germes plus longs et légèrement ineurvés avec un bouton terminal à une extrémité. Dans chaque groupe bacillaire, il y a au moins un individu qui présente ces carac- tères. Parfois le bacille de la lèpre du rat, comme son congénère humain, devient granuleux et prend cette disposition en chai- nette, en coccothrix de Unna. Il y a même des cas où presque tous les bacilles ont cet aspect. Nous pensons qu'il s'agit non pas d'un stade particulier d'évolution, mais d'un processus de dégénérescence. Nous aurons occasion d'en donner plus loin des preuves évidentes. Lydia Rabinowitch, qui a une connaissance si grande des acido-résistants, a reconnu que ce bacille se distingue très nettement de tous ceux qu'on obtient en culture. Il a, au con- LA LÈPRE DES RATS 697 traire, une étroite ressemblance avec le bacille de la lèpre humaine. L'un et l'autre ont, dans l'organisme, le même habitat, causent une maladie du même genre, à incubation longue et à marche très lente. L'un et l’autre restent toujours contenus dans les cellules où ils se multiplient sans paraître fabriquer de substance toxique. Ni l’un ni l’autre n'a encore été sûrement obtenu en cultures successives in vitro. Leur parenté est très grande, et on pourrait dire que la lèpre du rat est à la lèpre humaine comme la tuberculose aviaire est à la tuberculose de l'homme. Commencement de culture et impossibilité de repiquage. — Tous les auteurs qui ont essayé de cultiver le bacille de la lèpre du rat n’y sont pas parvenus (1). Nous n'avons pas eu, dans nos tentatives, beaucoup plus de succès qu'eux. Comme pour le bacille de Hansen, on obtient assez facile- ment une multiplication dans les tissus qui contiennent déjà des germes, mais il est impossible de transporter celte culture sur un autre milieu, où même sur un fragment sain du même tissu. Si on enlève aseptiquement un ganglion inguinal chez un rat qui est au début de l'infection et qu'on le porte sur un culot de gélose nutritive, il se fait dans ce ganglion, en quel- ques semaines, une véritable culture. Le nombre des bacilles acido-résistants y croît dans des proportions colossales; 1l est facile de s’en rendre compte en coupant ce ganglion, ainsi qu'un autre du même rat, fixé au moment de l’extirpalion. Dans le témoin, quelques rares cellules renferment des amas de bacilles acido-résistants. Ces cellules disséminées ne sont pas réunies en foyers compacts. Deux, trois cellules par place forment les groupes les plus considérables. Des coupes entières ne contiennent pas de microbes. Dans le ganglion placé à l’étuve à 37 degrés, les germes se sonl abondamment multipliés. Il est difficile de dire si cette multi- plication s’est faite dans la cellule ou dans les espaces inter- cellulaires, car la plupart des éléments cellulaires sont autoly- sés. Les bacilles se sont, en réalité, développés dans le proto- (1) Bayon, au contraire, l'aurait cultivé assez facilement. Transac. Soc. of Trop. med., t. V, n° 5, p. 166. 698 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR plasma fusionné par disparition des membranes d’enveloppe. En tout cas, la comparaison des deux ganglions prouve qu'il s'agit ici d’une véritable culture et non point d'amas rassem- blés après destruction du tissu. Entre les noyaux, on voit serpenter des chaînes de bacilles acido-résistants, constituées par des filaments beaucoup plus longs que le diamètre d'une et même de plusieurs cellules. Ces chaînes de 2, 3, # ou 5 files de bacilles placés bout à bout, se séparent parfois en Y et se rejoignent ensuite après avoir contourné un noyau. Il existe aussi, par places, des amas volumineux, de véritables colo- nies. Ce phénomène a été observé à plusieurs reprises; il se produit, quelle que soit la nature du liquide contenu dans la sélose, dont l'unique rôle semble être de servir de support humide. En portant un fragment de ganglion-culture sur un mor- ceau de rate de rat stérilisée à 110 degrés el ayant subi un commencement de digestion par la trypsine, nous avons vu se former, au moins à la surface, de pelites colonies microsco- piques, chétives, et montrant peu de tendance à l'extension. Le transport de ces colonies sur nouvelle rate n’a pas été pos- sible. La culture commence assez vite, en moins de huit jours, et s'arrête rapidement. Au bout d’un mois et demi, les bacilles dégénèrent et deviennent granuleux. Ils sont morts, comme nous l’ont prouvé nos essais d’inoculations infructueux. Le transport de la première culture en ganglion sur ganglion neuf, prélevé aseptiquement et non chauflé, sur fragment de rate recueilli dans les mêmes conditions, n’a donné lieu à aucun développement sur ces organes qui se sont montrés, en défini- tive, moins bons milieux que la rate chauffée à 110 degrés. Le bacille dégénère en cultures impures. — La culture en milieu impur ayant donné, apparemment, à l’un de nous d'excellents résultats pour la multiplication en dehors de l'organisme du bacille de la lèpre humaine, il était indiqué d'appliquer le même procédé au germe de la lèpre du rat. Nos essais ont totalement échoué. Non seulement le bacille de Stefansky n’est pas favorisé par le voisinage d’autres germes, LA LEÈPRE DES RATS 699 mais il est rapidement submergé par eux. Il subit une lyse rapide. Des cultures mixtes inoculées après cinq et douze Jours n'ont pas donné d'infection. Il ne résiste pas à la dessiccation. — A défaut de cultures, la quantité énorme de bacilles qu'on peut recueillir sur certains animaux nous à permis de faire quelques recherches sur les propriétés de ce microbe et en particulier sur sa résistance à la dessiccation et à la chaleur. De 33 rats inoculés avec du matériel desséché sous le vide sulfurique, aucun ne s’est infecté. Chez 2 d’entre eux, on a (rouvé, au point où on les avait mis el encore trois mois après l’inoculation, des bacilles granuleux qui, inoculés à d’autres animaux, n’ont donné lieu à aucune infection. Îls étaient done morts. Il ne supporte pas plus de 5 minutes un chauffage à 60 degrés. — Pour mesurer la résistance à la chaleur, nous avons intro- duit dans des tubes capillaires, fermés à la lampe aux deux bouts, un peu de matériel broyé en eau physiologique et très riche en acido-résistants. Ces tubes ont été plongés dans un bain-marie à 60 degrés, les uns pendant 5 minutes, d’autres pendant 15 minutes, et Les derniers pendant une demi-heure. L'inoculation à été faite dès la sortie du bain-marie à des rats blancs. Le matériel, chauffé 5 minutes, a infecté 4 rats sur 8; mais il est bon d’ajouter que les 4 premiers rats sont morts trop vite pour que chez eux la maladie ait eu le temps de se déve- lopper. Les tubes chauffés plus longtemps n'ont provoqué aucun accident chez les rats qui les ont reçus. Nous pouvons donc dire que le bacille de Stefansky résiste pendant 5 minutes à 60 degrés et qu'il meurt à la même tempé- rature, quand on l'y maintient pendant un quart d'heure. CONCLUSIONS. 1° À Paris, comme à Odessa, 5 p. 100 des rats d’égouts sont porteurs de bacilles de Stefansky. On ne trouve que 0,60 p. 100 de rats lépreux ; 700 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR 2° Les ganglions inguinaux sont en général les premiers pris; 3° Le poumon forme une sorte de filtre qui arrête les germes et les dirige vers les ganglions médiastinaux ; 4° Le dépôt des germes sur des scarifications de l’épiderme ou simplement sur la peau épilée donne plus sûrement une infection aux rats d'expérience que l’inoculalion sous-cutanée ; 5° La peau intacte, même celle encore glabre, de petits rats de quelques jours s’oppose à la pénétration des microbes: 6° La lèpre de Stefansky est une maladie spécifique du rat. Les souris peuvent être infectées, mais moins facilement que les rats. L'infection par la peau épilée ou scarifiée manque plus souvent que l’inoculation sous-cutanée. On trouve chez elles des formes d’involution de bacilles comparables à celles qu'on rencontre chez les rats inoculés de lèpre humaine; 7° Le bacille de Stefansky, Mycobacterium lepræ murium, comme celui de Hansen, est un parasite des cellules mésoder- miques. Îl ne vit pas aux dépens de la cellule hôte, mais des mêmes substances qu’elle; 8° Les bacilles granuleux sont morts; 9° Une première culture est relativement facile à obtenir. La difficulté commence quand on veut la repiquer; 10° Le bacille succombe rapidement en milieu impur : 11° Il ne résiste pas à la dessiccation. RECHERCHES SUR LA LYMPHANGITE ÉPIZOOTIQUE EN ALGÉRIE par J. BRIDRÉ, L. NÈGRE et G. TROUETTE (Institut Pasteur d'Algérie.) (Avec la PL XVII.) Nos recherches ont eu pour but d’éclaircir l'étiologie et la pathogénie encore obscures de la maladie, d'établir la nature de son agent spécifique et de trouver un traitement efficace. Malgré le travail de plusieurs années, nous n'avons pu réaliser, jusqu'à présent, qu'une faible partie de notre pro- gramme. Nous nous contenterons d'exposer ici nos observations et nos expériences, en cherchant à tirer des résultats obtenus les conclusions qu'ils comportent. L'étude clinique fournit des renseignements précieux et, sans nous étendre sur la description déjà faite dans maints ouvrages des symptômes de la Ilymphangite épizootique, nous commencerons ce mémoire par un tableau succinct de la maladie telle que nous l’avons observée en Algérie. Parmi les nombreuses dénominations qui servent à désigner la Lymphangite épizootique, celle de Farcin d'Afrique et, depuis le décret du 4 août 1907, qui en fait une maladie contagieuse légale, celle de Lymphangite farcinoïde, sont le plus fréquem- ment employées en Algérie (1). C’est une affection suppurante et ulcéreuse, déterminée par la présence d'un parasite spécifique, Cryptococcus farciminosus de Rivolta. Elle atteint souvent le cheval, plus rarement le mulet : nous ne l’avons jamais constatée chez l'âne dans les conditions natu- relles, ni chez le bœuf. (1) Les Arabes l'appellent « bou sebh'a », le père du chapelet. 702 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR On l’observe surtout dans la région du littoral, particulière- ment sur les animaux des camionneurs et des jardiniers. Début. Symptômes. — 1] semble qu'une plaie préexistante sert toujours de porte d'entrée à la maladie. L'incubation n’est indiquée par l’apparilion d'aucun phénomène morbide et, mème à sa période d'état, la maladie ne paraît avoir aucun retentis- sement sur la santé générale. La plaie infectée n’a aucune ten- dance à la cicatrisation ; elle reste ulcéreuse, s'étend lentement en largeur tandis que ses bords s’épaississent, bourgeonnent et se renversent en forme de « cul-de-poule ». La périphérie, légèrement œdématiée, devient douloureuse. Après un laps de temps variant de huit jours à deux mois, surviennent les accidents locaux, parfois bruyants, le plus sou- vent insidieux : boutons, cordes, tumeurs, engorgements. Tantôt les boutons apparaissent les premiers, tantôt les cordes les précèdent; parfois, surtout dans Les régions basses du tronc, un engorgement volumineux est d'abord seul appréciable. Ces diverses manifestations symptomatiques sont /oujours douloureuses à la pression. Les boutons ont communément la grosseur d'une noisette. Ils évoluent à la facon d’un abcès banal dont ne les diffé- rencie pas le pus auquel ils donnent écoulement. Ouverts, ils ont l’aspect en cul-de-poule et l’atonie de la plaie initiale. On les observe sur le trajet des lymphatiques qui, si l’angioleu- cite ne les a pas envahis les premiers, s'épaississent, s’indurent, deviennent les cordes farcineuses dont le diamètre varie de {à 5 centimètres. Ces cordes sont dures, noueuses, chaudes, douloureuses. Leur progression est toujours centripète. Parties, le plus souvent, des régions inférieures des membres, elles gagnent rapidement la pointe de l'épaule, l'entrée de la poitrine, laine et, provoquent parfois des tuméfactions énormes des ganglions pré-pectoraux, pré-scapulaires ou inguinaux. L'ouverture des tumeurs ganglionnaires donne écoulement à une sérosité citrine, au début, et, plus tard, à du pus jaune provenant de multiples abcès creusés en galeries dans le tissu de néoformalion, abcès qui, parfois, se collectent et atteignent alors le volume du poing. LA LYMPHANGITE ÉPIZOOTIQUE EN ALGÉRIE 103 Les engorgements S'observent dans les régions basses des membres ou à la face inférieure du tronc. Sur les membres. ils suivent généralement l'apparition des cordes et des boutons : ils sont froids, durs, presque indolores, souvent énormes et couverts de bourgeons saillants, blafards, mollasses. Les engor- gements de la face inférieure du tronc sont, au contraire, chauds, douloureux; ils ne présentent que de rares boutons caractéristiques et le (rajet des cordes noyées dans la masse est difficilement perceptible. Des accidents, boutons et cordes, peuvent également se montrer sur les muqueuses oculaire, pituitaire et labiale. Nous avons observé sur le corps clignotant d’un cheval atteint à la face, un bouton spécifique relié par une trainée lymphatique à une corde voisine qui aboutissait aux ganglions sous- glossiens. Deux animaux (un mulet et un cheval) ont présenté avec des symptômes de lymphangite, des ulcères de la pituitaire de 0 m. 01 de diamètre, arrondis, à bords grisätres, dont le fond était recouvert de fins bourgeons charnus : ces lésions simu- laient, à s'y méprendre, le chancre morveux et le diagnostic différentiel ne put ètre établi qu’à l’aide de la malléine (1). Des faits semblables ont déjà été signalés par différents auteurs: Nocard (2), Pricolo (3). Sur la muqueuse labiale, dans les Iymphangites de la face, les accidents ne sont point rares et présentent, comme carac- tères particuliers, des boutons nombreux, rapprochés, du volume d’un pois. Nous devons citer encore une forme peu commune de lym- phangite se traduisant par des boutons répartis sur tout le corps et non reliés entre eux par des traînées lymphatiques appa- rentes. Enfin, nous avons observé deux fois des lésions testi- culaires. (1) La malléination de tous les chevaux atteints de Ilymphangite est obli- gatoire, en Algérie : elle nous a permis de constater plusieurs fois la coexis- tence dela morve et de la lymphangite épizootique. A l’autopsie d'un cheval morveux nous avons trouvé de petits abcès pulmonaires renfermant des cryptocoques. (2) Nocarp, Sur le diagnostic de la lymphangite épizootique. Bull. de la Soc. centr. de médecine vétérinaire, 1891. (3) Pricoco, Contribution à l'étude de la lymphangite épizootique. Revue générale de méd. vétér., 1907, p. 451. 104 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Marche. — La marche de la maladie est tantôt rapide, tantôt lente. Nous l'avons vue évoluer dans l’espace de huit jours : à la suite d'une blessure du jarret occasionnée par un coup de fourche, toute la région de la saphène fut occupée par une corde moniliforme, pathognomonique. Nous l'avons vme aussi progresser avec une extrême lenteur et mettre environ qua- rante jours pour arriver de la plaie initiale, située au-dessus du genou, au ganglion pré-pectoral (1). Pronostic. — La lymphangite farcinoïde est une affection grave en raison de sa fréquence, de sa ténacité, de sa conta- giosité, de la longue indisponibilité qu’elle entraîne et des soins dispendieux que nécessite son traitement chirurgical. Elle est moins grave sur les chevaux de sang que sur les animaux à tempérament lymphatique. Les mulets arabes gué- rissent plus facilement que les mulets français. L'âge et le siège de la lésion initiale, la forme des acci- dents peuvent fournir d’utiles indications sur la gravité de l'affection. L'excision hâtive du cordon peut amener la guérison en quinze Jours. Si au contraire on attend, pour intervenir, que les cordes se multiplient, que des engorgements volumineux s’établissent, la maladie peut devenir incurable. Quand la plaie d'entrée se trouve siluée sur les faces laté- rales du pâturon ou du boulet (2), qu'elle s'accompagne d’un engorgement rapide et douloureux du canon, on à affaire à une lymphangite tenace. Si le eryptocoque pénètre par effraction au-dessus du genou ou du jarret, l'affection est généralement bénigne et aisément curable. Il en est de mème des lésions de la tête et de l’enco- lure. (1) Ces faits ont une grande importance au point de vue judiciaire : en cas de litige portant sur la vente d'animaux lymphangiteux, il est impossible de déterminer, dans la plupart des cas, la date de l'infection avec assez de certitude pour permettre à un tribunal de trancher le différend en toute équité. (2) Nous n'avons jamais vu les plaies de la région antérieure du boulet ou du pâturon servir de porte d'entrée à la lymphangite épizoolique. Ces plaies résultant d’une glissade au moment du démarrage sont cependant très com- munes chez les chevaux de rouliers et camionneurs. LA LYMPHANGITE ÉPIZOOTIQUE EN ALGÉRIE 503 Celles du thorax présentent un caractère particulier de gravité lorsque les cordes sont dirigées parallèlement aux côtes. On peut considérer la guérison comme prochaine et parfaite lorsque le symptôme douleur disparaît. Toutes les fois que nous l’avons vu persister sur des animaux en apparence guéris, une rechute locale ne lardait pas à survenir. Après guérison, l'affection ne laisse pas les animaux inutili- sables malgré la persistance des engorgements du canon et des reliquats cicatriciels. Nous n'avons jamais constaté de récidive, même lorsque les animaux guéris élaient longtemps maintenus au contact des malades. RÉPARTITION DES LOCALISATIONS,. Membre antérieur droit. :. . . . : 110 — — CAUENCEN "NE un ( 233 Les deux membres antérieurs . . , . 14) Membre postémeuridroite "CMS — — DANGER Lune 0 HSE 11 Les deux membres postérieurs . . . . ( EDAUIC SAS REA SE Re … sil SE One NE RE EN). , : CN e En COURRIER En Le. JU A DA JF os EN a MP PE OS PEN E 6 } Généralisation . 0 3 3 MONA NES DA Au point de vue de la gravité de la maladie, les 364 malades doivent être ainsi répartis : 32 ont été abattus comme incurables après une ou deux opérations ; 21 ont été abattus sans opération ; | a guéri sans intervention; 310 ont été guéris après opération ou traitement. Fréquence de la maladie suivant les écuries — Les 364 lym- phangiteux appartenaient à 97 écuries renfermant un total de 1.168 animaux. Mais certaines écuries ont été particulièrement frappées ainsi : 106 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Une écurie de 180 chevaux ou mulets a eu. . . . . . 20 malades. = = 65 — — à EURE S — es = 50 —— —— A CUS EN SEREE 11 e— _ _ 82 — — à “EUR PER 27 — = — 12 — _- A EU PRES 7 —— Total:389 Chevauxsoummulets:, EME Na malades: Soit : 18,76 p. 100. Le pourcentage des malades (364) par rapport à l'effectif total (1.168) des écuries atteintes serait encore plus élevé si l’on tenait compte des nombreuses écuries ne renfermant qu’un ou deux animaux. FRÉQUENCE LE LA MALADIE SUIVANT LES SAISONS. (Répartition annuelle et mensuelle.) TOTAUX MOYENNES Janvier Février | Mars. . Avril. . Mai . Juin . = 2 © Le Lo = D 1 AN © Or à = A © & 02 Æ Juillet . AOÛT RENE Septembre. Octobre . Novembre. Décembre . CRE 7 CO © O0 À = LA = [=] CN | Les chiffres qui figurent dans ce tableau représentent les cas de lymphangite épizootique signalés au service vétérinaire, sanitaire, dans la 1" circonscription (ville d'Alger). Ils nous révèlent que la lymphangite épizootique à l'allure d’une aflec- tion saisonnière : rare pendant la période chaude et sèche mai à octobre — plus commune pendant la saison froide el pluvieuse — novembre à avril. Analomie pathologique. — Le simple examen macroscopique d’une corde excisée montre que cette corde est constituée par LA LYMPHANGITE ÉPIZOOTIQUE EN ALGÉRIE 707 du tissu fibreux entourant un canal lymphatique dont les parois épaissies se confondent avec le tissu néoformé. Si on fait glisser le doigt le long du cordon, on perçoit, de place en place, de petites nodosités de volume variable et dont le contenu à un aspect différent suivant que la nodosité est très petile et récente ou qu'elle est volumineuse et sans doute plus ancienne. Dans le premier cas, le contenu est épais, gris rosé; dans le second, son aspect se rapproche d'autant plus de celui du pus que la lésion a pris de plus grandes proportions. Le microscope nous renseigne sur la cause de ces variations de caractères. Si on examine à l'état frais le contenu gris rosé d’une nodo- sité de faible dimension — de la grosseur d'un gros grain de plomb à celle d'un petit pois — on a l'impression de voir une véritable colonie de cryptocoques. Parmi un amas de parasites où les formes de bourgeonnement sont nombreuses, à peine trouve-t-on quelques rares leucocytes. L'examen microscopique du contenu des nodosités plus volumineuses montre, au contraire, que les leucocytes ont envahi la « colonie »; les formes de bourgeonnement existent encore, mais en moins grande abondance. Un certain nombre de parasites sont phagocytés. L'organisme a mis en œuvre ses moyens de défense. Plus la lésion est volumineuse, plus les leucocytes sont nombreux et plus la phagocytose est intense. La coloration des frottis de ces produits permet de faire les mèmes constatations (pl. XVIL, fig. 3 et 4). Le cryptocoque se colore assez difficilement par les méthodes ordinaires; il prend le gram, mais un grand nombre d'éléments restent incolores, lorsqu'on suit la technique usuelle. La méthode de Claudius donne d'excellents résultats : il faut prolonger pendant une heure et plus le contact avec le violet de gentiane et avec la solution d'acide picrique et bien décolorer ensuite au chloro- forme : le parasite apparaît alors en bleu violet. La méthode de Dominici au bleu de toluidine et la coloration de Giemsa, avec différenciation au tannin, fournissent aussi de bons résultats. | Les coupes histologiques d’un cordon lymphatique à petits nodules offrent également un certain intérêt. La coloration de Claudius montre chaque nodule formé par 708 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR une colonie de cryptocoques. Les parasites ont envahi lout le trajet lymphatique et un certain nombre d'éléments appa- raissent libres entre les cellules conjonctives du tissu de réac- tion (pl. X VIT, fig. 1 et 2). Ces observalions établissent que le cryplocoque n'est pas un parasite des leucocytes et que sa présence dans les globules blancs n’est qu'un phénomène de phagocytose. Les auteurs qui ont fait du cryplocoque un protozoaire parasite des leucocytes ont effectué leurs prélèvements dans des foyers purulents où la phagocytose est active. Ducloux à prélevé les produits qu'il a étudiés « par ponction de boutons arrivés à maturité et par raclage de bourgeons charnus recouvrant le fond de plaies ulcéreuses ». Si ces auteurs avaient étudié les lésions jeunes d’un cordon excisé, ils auraient sans doute conclu différemment (1). La lymphangite épizootique ne peut être considérée que eomme une maladie, d’abord locale, qui s'étend vers le centre en suivant rigoureusement le trajet des Iymphatiques. Les ganglions de l'entrée du thorax ou de l'abdomen arrêtent le plus souvent les cryptocoques dans leur marche centripète, et il est exceptionnel que les parasites franchissent cette barrière et occasionnent des lésions des organes internes, LE PARASITE. — SA NATURE. Le parasite, découvert par Rivolta, en 1873, étudié par Rivolta et Micellone et désigné sous le nom de Cryptococcus farciminosus, a été retrouvé par les différents auteurs qui se sont occupés de la lymphangite épizootique. 11 est unanime- ment considéré comme l'agent spécifique de cette maladie. En revanche, sa nature même est très controversée. On en a fait tour à tour une coccidie (Canalis), un sporozoaire (Piana, Galli-Valerio), un blastomycète (Fermi et Arusch, Nocard, Tokishige, Marcone, Baruchello, Sanfelice, Pricolo, etc.), et (4) Lorsque, sur l'animal vivant, un nodule devient perceptible au toucher, il est déjà envahi par les leucocytes et la phagocytose a commencé. LA LYMPHANGITE ÉPIZOOTIQUE EN ALGÉRIE 109 cette dernière opinion élait généralement admise lorsque, dans ces dernières années, Gasperini (1), ayant repris l'étude du cryptocoque, a fait du parasite une coccidie qu'il a baptisée Lymphosporidium equi. Vuis, Ducloux (2), considérant le cryptocoque comme un parasile des leucocytes, le rapproche des Leishmania et l'appelle Leucocytozoon piroplasmoïdes. Les auleurs se trouvent ainsi partagés en deux camps les uns persistent à voir dans le parasite de Rivolta un blastomycète ; les autres adoptent les idées de Gasperini ou de Ducloux et en font un protozoaire [N. Mori (3), Thiroux et Teppaz (#)|. Le cryplocoque de Rivolla a été si souvent décrit qu'il serait inutile de revenir sur sa morphologie, si des descriptions récentes ne tendaient à le rapprocher de certains protozoaires connus. Thiroux et Teppaz, notamment, s'expriment ainsi : « Les frottis obtenus par ponction des tumeurs non ouvertes ont été colorés par la méthode de Laveran. On y retrouve, soit libres, soit contenus dans les leucocyles mono ou polynu- cléaires ou dans les grands macrophages, de petits corps sphé- riques ou ovoides de 3 à 5 # de diamètre, semblables au para- sile du bouton d'Orient de l'homme et n'en différant que parce qu'ils ne présentent qu'un gros karyosome et pas de micro- nucleus apparent. » L'absence de micronucleus apparent marque déjà une différence appréciable entre le Lymphosporidium de Gasperini (1) G. GasPerixi, Ulteriori ricerche sulla etiologica protozoaria della linfan- gile epizootica equina. Acc. med. fisica Fiorentina, séance du 13 février 1908; Li Speriment., &. LXIT, f. I-II. janvier-avril 1508, 7 pages. — La linfangite protozoaria ed il suo agente specifico Lymphosporidium equi. Acc. med. fis. Fiorent., séance du 14 mai 1908, &b.; f. III, mai-juin 1908, 31 pages. — La linfangite protozoaria equina ed il suo Lymphosporidium secondo le più recenti ricerche. Sperimentale Arch. di Biol. norm. e palol. Fase. IT, mars-avril 1909. (2) Duccoux, Sur un protozoaire dans la lymphangite épizoolique du mulet en Tunisie. Comples rendus de la Soc. de Biologie, t. LXIV, n° 43, séance du 4 avril 1908, p. 593. (3) N. Mori, Osservazioni sul cosidetto farcino criptococcico, linfangite epizootica o saccaromicosi equina. La Clinica vélér., f. 4 et 5, 1908, 14 pages. (4) A. Tuioux et L. Terpaz, Contribution à l'étude de la lymphangite épizootique des équidés au Sénégal. Annales de l'Institut Pasteur, t. XXII, 1909, pp. 420-725. 710 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR ou le Leucocylozoon de Ducloux et le parasite du bouton d'Orient; mais ce n’est pas la seule; lorsqu'on examine une préparation colorée d'un produit pathologique renfermant une Leishmania, on trouve les parasites inclus dans les mononu- cléaires; ces parasites affectent la forme d’une poire plus ou moins renflée et présentent un karyosome et un micronucleus très nets colorés en violet rouge par le Giemsa. Le protoplasma est bleu pâle et la membrane d’enveloppe presque imper- ceptible. Dans une préparation de pus à cryplocoques, on voit ces parasites libres ou inclus généralement dans les polynucléaires. Ils présentent une forme ovale ou elliptique avec une partie colorée en rouge violet par le Giemsa et le reste en bleu. La membrane d’enveloppe, quelquefois moins nette chez les para- sites intraleucocytaires que chez les cryptocoques libres, est toujours apparente. En somme, les deux parasites diffèrent par leur forme, leur constitution, leur habitat, et nous ne pouvons suivre Thiroux et Teppaz dans leur conclusion « que la présence d’un karyosome net et l'élection tinetoriale obtenue par le mélange éosine-bleu ne permettent pas de conserver le moindre doute sur la nature de ce protozoaire ». Plus loin, les mêmes auteurs écrivent : « On peut voir aussi le double contour caractéristique de l'ancien eryptocoque; cependant, il s’observe moins souvent sur les parasites endo- leucocytaires et on le retrouve surtout sur les parasites libres ou contenus dans des débris de leucocytes. Nous pensons que ce n’est qu'un artifice de préparation, dû à une dessiccation inégale. » De même, « l'aspect en petit citron serait dù à la dessicca- tion »!! Mais, à l'état frais, cette membrane d'enveloppe, épaisse, réfringente, accusée par un double contour, existe, sans artifice de préparation, et les formes en citron ne sont pas rares; point n’est besoin de dessiccation pour les faire apparaître! Enfin, les formes considérées généralement comme formes de bourgeonnement résulteraient, pour les partisans du para- site protozoaire, de « l'accolement de deux individus ». Or, si certaines formes peuvent être diversement interpré- LA LYMPHANGITE ÉPIZOOTIQUE EN ALGÉRIE 711 tées, lorsque la cellule fille possède déjà sa membrane d’en- veloppe (fig. 1), d'autres représentent indiscutablement des formes de reproduction : ce sont celles où la membrane réfrin- gente n'existe plus entre la cellule mère et la cellule fille, celle-ei formant hernie à travers l'enveloppe de celle-là (fig. 2). Ces formes sont particulièrement abondantes dans le contenu des lésions jeunes dont nous avons parlé plus haut (pl. XVIT, fig. 3 et 4). On observe même, dans un tel produit, des bour- geons de deuxième génération (fig. 3). Gasperini avait abandonné l'hypothèse levure à cause des VVY insuccès des cultures (si une levure poussait, elle ne reprodui- sait pas la maladie), à cause aussi de la résistance extraordi- naire du germe, de ses caractères de structure et de multipli- cation. Cet auteur reconnaît parmi les granulations de l'inté- rieur du parasite (kyste de protozoaire) des mérozoïtes, des microgamètes pluriflagellés mobiles, des macrogamètes. On distingue, en effet, à l’état frais, des granulations de forme variable. Souvent, on n'aperçoit dans l'élément ovale qu'un petit corps sphérique animé d'un mouvement brow- nien. Quelquefois, on voit plusieurs corps ronds ou plus ou moins allongés, immobiles. Que représentent ces corps? Les granulations des levures facilement cultivables ont été l’objet de tant de controverses qu'on nous pardonnera de ne pas expri mer d'opinion sur celles du cryptocoque. Nous nous bornerons de même à mentionner, sans les interpréter, les grandes formes observées déjà par d’autres auteurs. L'insuecès des cultures a été la principale objection émise contre la nature blastomycétienne du parasite. Si différents auteurs disent avoir obtenu des cultures sur divers milieux, un grand nombre d’autres n’ont eu que des échecs, et on peut se demander pourquoi Marcone, Tokishige, Sanfelice, etc., ont 742 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR réussi à cultiver le cryptocoque, alors que les tentatives faites dans les mêmes conditions de température, sur les mêmes milieux, n’ont pas donné de résultats aux autres chercheurs. Nous avons, nous-mêmes, fait de nombreux essais. Nous avons ensemencé, sur milieux animaux (sérum, sang, lymphe, extrait de cordon lymphatique malade, etc.) ou sur milieux végétaux (pomme de terre, carotte, foin, paille, caroube, ete.) glycérinés, sucrés, milieux liquides ou solides, en présence ou à l'abri de l'air, les produits recueillis, soit dans les lésions jeunes, soit dans les abcès mürs et fermés; nous avons même lavé les para- siles avant l’ensemencement pour les débarrasser d’hypothé- tiques substances pouvant nuire à leur développement 2n vitro. Nous n'avons jamais obtenu de cultures nettes. Peut-être avons- nous eu un début de développement dans certains milieux végé- aux où nous avons cru constater un nombre beaucoup plus grand de formes de bourgeonnement qu’au moment de l’ense- mencement; mais les réensemencements n'ont jamais rien donné. Nos tentatives de cultures n’ont cependant pas toujours été stériles; nous avons vu plusieurs fois se développer des colo- nies de levures. Une de ces colonies, dont les éléments présen- tient une ressemblance frappante avec le cryptocoque, eût pu nous faire illusion sur son origine, si l’un de nous n'avait anté- rieurement fait la constatation suivante : un tube de gélose au foin ensemencé par une simple sirie médiane et laissé à la température du laboraloire présentait, au bout d'une quinzaine de jours, une petite colonie d’une levure rappelant assez bien le cryptocoque sans l'enveloppe à double contour; un examen à la loupe montra que la colonie s'était développée à côté de la strie d'ensemencement! Il s'agissait, sans doute, dans ces dif- férents cas, de levures de l'air, et leur inoculation à des mulets resta sans résultat. Cela ne veut pas dire que tous les auteurs qui ont cru culti- ver le cryplocoque n'aient cultivé qu'une levure étrangère. Il faut tenir compte, surtout, de l'expérience de J. Sanfelice, qui dit avoir inoculé avec succès, à un mulet, une culture pure de quatrième génération. Rien n'autorise à contester cette expé- rience. Il se peut que, dans certaines conditions, indéterminées jusqu’à présent, le cryptocoque soit cultivable. Les insuccès LA LYMPHANGITE ÉPIZOOTIQUE EN ALGÉRIE 713 obtenus avec les ensemencements de pus peuvent s'expliquer par la faible quantité, dans ce produit, de parasites vivants. Mais les ensemencements pratiqués avec le contenu des petites nodosités du trajet lymphatique, où le grand nombre de formes de bourgeonnement témoigne de l’activité du cryptocoque, devraient, semble-t-il, donner des résultats positifs. Il n'en est rien, cependant, et toutes les condilions de la culture, si cul- ture il y a, restent à fixer. En admettant même l'impossibilité absolue de cultiver le cryplocoque, il n'y à pas lieu d'en faire pour cela un proto- zoaire. Il est à remarquer que, précisément, les protozoaires dont on à voulu le rapprocher, les Leishmania, se cultivent aisément; or, personne, jusqu'à présent, n'a annoncé la cullure du parasite de Rivolla dans les milieux spéciaux. Nous avons nous-mêmes essayé, à maintes reprises, la cul- ture sur milieu Novy-Neal-Nicolle sans plus de succès que sur les milieux à levures. En réalité, comme l’a fait observer déja Panisset (1), l’insuccès des essais de cultures ne sau- rait être invoqué en faveur de l’une ou de l’autre manière de voir. Les observations que nous avons exposées Jusqu'ici, tant sur l'habitat que sur la morphologie et le mode de reproduction du parasite tendaient à nous le faire considérer comme une levure. Ne pouvant arriver à renouveler l'expérience de Sanfelice, nous avons pensé que la méthode de déviation du complément pourrait apporter dans cette discussion un apercu nou- veau (2). I — Nous avons d'abord recherché la sensibilisatrice dans le sérum d'animaux atteints de Iymphangite épizootique, en employant comme antigène une dilution de cryptocoques dans l'eau physiologique. (1) L. Panisser, La place zoologique du parasite de la lymphangite épizoo- tique d'après quelques travaux récents. Revue gén. méd. vél., 1 avril 1910, p. 318, 384. (2) Comptes rendus de l'Académie des Sciences, séances du 18 avril et du 17 mai 1910. 714 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR (Une « colonie » de la grosseur d'un petit pois, prise sur le lrajet d'un cor- don excisé, fut émulsionnée dans 8 c.c. environ d'eau physiologique.) Voici le protocole de l'expérience (l'alexine étant titrée, nous avons fait varier la dose d’antigène) : o SÉRUM 2 | chaufé m | ALEXINE APRÈS 1 HEURE RÉSULTATS > &p d'animal Æ (sérum : <2 |à lymphan-| © à l'étuve à 36°, après 20 minutes me gite = | de cobaye mule" £ 7 É osite 7, | épizootique | « au 1/10). on ajoute : | à l’étuve. F (mulet). 12 0,5 0.1 Très légère hémolyse vu) Sérum de cheval (l’antigène était en aouc De quantité insuffisante). 2 0,5 0,2 0,2 \ La . [Pas d'hémolyse. » 0,5 0,3 0,2 }globules de chèvre{ pas d'hémolyse. pes A: 0,2 | 1,6 02 0,2 Id. IHémolvse. ARE .8 0,2 | 153 0,5 0,2 1,3 0,5 0,2 Id. Hémolyse. 1168) 0,5 0,2 | | Même expérience avec sérum normal d'âne : hémolyse dans tous les tubes, Conclusion. — Le sérum d'animal atteint de lymphangite épizootique renferme une sensibilisatrice pour le cryptocoque. Il. — Si le cryptocoque est une levure, peut-être arriverait- on à des résultats identiques à ceux de l'expérience ci-dessus en employant comme antigène une culture de blastomycète connu. Nous nous sommes servis d'une levure de riz (1) cultivée sur gélose et émulsionnée dans l'eau physiologique, autant que possible, dans les mêmes proportions que le cryptocoque dans l'expérience précédente. Puis, nous avons répété l'expérience en nous servant de levure de bière et de levure de raisin. Les doses de sérum, d’antigène et d’alexine étaient exactement les mêmes que dans l'expérience I. Résultats. — 1° Avec le sérum d'animal malade, pas d'hémolyse dans les trois premiers tubes; hémolyse dans les tubes témoins. 2° Avec le sérum normal, hémolyse partout. (1) Levure fermentant à haute température, isolée en Indo-Chine, par M. le Dr Calmette. LA LYMPHANGITE ÉPIZOOTIQUE EN ALGÉRIE 745 Conclusion. — La sensihilisatrice du sérum d'un animal à lymphangite épizootique manifeste son action en présence d’une levure. Nous avons renouvelé les expériences ci-dessus en nous ser- vant de sérum de cheval malade et de sérum normal de cheval. L'antigène était soit le cryptocoque, soil la levure. Comme le montre le protocole de l'expérience, nous avons fail agir les sérums en présence d'une dose fixe d'antigène et d'une dose variable d'alexine. SÉRUM ANTIGÈNE chauffé APRÈS Î HEURE RÉSULTATS d'animal (crypto- à lymphan- ALEXINE à l'étuve à 37 degrés, gite coque ou j épizootique on ajoute : à l’étuve. (cheval). levure). EAU physiologique. après 30 minutes Sérum de cheval antic Rev as dhemobes olobules 4 chèvre. Id. Hémolyse. Id. Hémolyse. lp: he as d'hémolyse. | | | | Avec le sérum normal de cheval, hémolyse partout. D'après ce tableau, on peut voir que ces nouvelles expé- riences ont confirmé pleinement les résultats des premières. II. — Il fallait voir ensuite si un microbe quelconque, le Bact. coli, par exemple, ne pouvait agir, comme le cryptocoque et la levure, en présence de la sensibilisatrice. Mêmes doses que ci-dessus en employant comme antigène une émulsion de B. coli cultivé sur gélose. Le résultat est négatif : il y a hémolyse dans tous les tubes. IV. — Il restait à voir si le cryptocoque ou la levure n'étaient pas capable de fixer une autre sensibilisatrice que celle du sérum d’animal à Ilymphangite. Nous avons fait agir, toujours aux mêmes doses, du sérum antipesteux en présence d’émulsions de cryptocoque et de levure. Résultat négatif : hémolyse partout. 716 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR V. — Nous avons tenté une contre-épreuve des expériences précédentes en faisant agir sur les différents antigènes, levure de bière, levure de raisin, cryptocoque, un sérum antilevure, en l'espèce, sérum de lapin ayant reçu à plusieurs reprises, sous la peau et dans le péritoine, de la levure de bière. Ces expériences ont été répétées avec un sérum normal de lapin et en suivant toujours le même protocole. Résultats. — Dans toutes les expériences faites avec le sérum antilevure de bière, que l’antigène soit la levure de bière, la levure de raisin ou le cryptocoque, les résultats sont les mèmes : déviation du complément dans les tubes renfermant le sérum antilevure et les différents antigènes, hémolyse dans les tubes témoins. Avec le sérum normal, hémolyse partout. IV. — Nous avons enfin complété ces expériences en exa- minant l’action du sérum d'animal à lymphangite épizootique sur la Leishmania infantum (parasite dont on a voulu rapprocher celui de la lymphangite épizootique), et sur un autre proto- zoaire, le Trypanosoma vespertihionis. L'anligène était constitué par des cultures des protozoaires en milieu Novy-Neal-Nicolle (liquide de condensation de la culture dilué par moitié dans l'eau physiologique). Mème réaction avec le sérum normal. Toujours même protocole. Nous avons fait des tubes témoins avec le cryptocoque comme antigène. Résultats. — 11 y a déviation dans les tubes témoins (anti- gène, cryptocoque et sérum de lymphangite) et hémolyse dans les autres tubes. La sensibilisatrice du sérum des animaux à lymphangite épizootique ne manifeste pas son action en présence de proto- zoaires tels que Leishmantia infantum et Trypanosoma vesper- tihionis. CoxcLusIONS. I — Le sérum des animaux atteints de lymphangite épi- zootique renferme une sensibilisatrice. LA LYMPHANGITE ÉPIZOOTIQUE EN ALGÉRIE 117 IL. — Cette sensibilisatrice manifeste son action aussi bien en présence d'une levure qu'en présence du parasite spéci- fique. IL. — Un autre microbe tel que le B. coli n'est pas sensi- bilisé par le sérum d'animal à Ilymphangile épizootique. IV. — Ni la levure ni le cryptocoque ne sont sensibilisés par un sérum antimicrobien tel que le sérum antipesteux. V. — La sensibilisatrice d’un sérum d’animal préparé avec la levure de bière n’est pas rigoureusement spécifique pour cette levure; elle manifeste également son action sur une autre levure telle qu'une levure de raisin. VI — Un sérum antilevure dévie le complément, aussi bien en présence du parasite de la Iymphangite épizootique qu'en présence d'une levure quelconque. VIL — La sensibilisatrice du sérum des animaux à lym- phangite épizootique ne manifeste pas son action en présence de protozoaires tels que Leishmantia infantum et Trypanosoma vespertilionts. Puisque : 1° /e sérum d'animal à lymphangite épizootique dévie le complément en présence des levures comme en pré- sence du cryptocoque, et que ce sérum ne dévie pas le complé- ment en présence d’autres microbes ou en présence de proto- zoaires; 2° qu'un sérum antilevure dévie le complément aussi bien en présence d'une levure autre que celle qui a servi à le produire qu'en présence de celle-ci, et que ce même sérum dévie le complément en présence du parasite de la Iyÿmphangite épizootique comme en présence des levures; il résulle que, dans ces diverses expériences, /e sérum d'animal à lymphan- qile épizootique se comporte comme un sérum antilevure, et le parasite de la lymphangite épizootique comme une levure. Ces faits expérimentaux semblent, sinon démontrer, du moins élayer fortement l'hypothèse de la nature blastomycé- üienne du parasite de la lymphangite épizootique. En résumé, les partisans du parasite protozoaire basent leur opinion sur l'insuccès des cultures, sur une ressemblance avec certains protozoaires et sur l'habitat du parasite qu'ils trouvent le plus souvent à l'intérieur des leucocytes. 718 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Nous avons vu que l’insuccès des cultures ne peut être invo- qué, que le cryptocoque n'a qu’une ressemblance lointaine avec les Leishmania, et nous croyons avoir démontré que l'agent de la lymphangite épizootique n’est pas un parasite des leucocytes. On peut dire, au contraire, que la ressemblance du crypto- coque avec certaines levures est frappante, par sa forme même, par ses caractères de coloration, par son mode de reproduction par bourgeonnement. Enfin, les résultats de nos expériences de déviation du complément constituent de sérieux arguments en faveur du parasite levure, et nous nous rangeons parmi Les auteurs qui considèrent le parasite de Rivolla comme un blas- tomycète. ErroLoG1E. La fréquence de la Iymphangite énizootique sur le littoral et à certaines époques de l’année, a amené certains auteurs à penser que la maladie pouvait être transmise par un insecte piqueur. Thiroux et Teppaz émettent cette opinion et tendent à accuser les moustiques. Cette manière de voir cadre assez bien avec l'hypothèse du protozoaire, qui passerait ainsi par un hôte intermédiaire, mais aucun fait d'observation ni aucune expé- rience ne sont venus la confirmer. Ainsi que nous l'avons dit plus haut, il semble qu’une plaie préexistante sert toujours de porte d'entrée à la maladie. Il n'est pas impossible d'admettre que des insectes, les mouches par exemple, qui affectionnent les plaies, soient les vecteurs occasionnels du parasite et des agents de contagion. Mais nous avons pu constater que des instruments de pansage peuvent remplir le même office : une blessure faite, sur un cheval sain, par une tondeuse ayant servi à la toilette d’un lymphangiteux a été le point de départ de l'infection spécifique. La maladie peut d'ailleurs être transmise par inoculation de pus à crypto- coques. L'infection n'est pas réalisée à coup sûr : lantôt on obtient, après un temps variable, un abeès suivi d’une corde lymphatique et des lésions habituelles; tantôt l’inoculation est suivie d'un simple et unique abeès au point d'injection, tantôt même 1l n'y a aucune manifestation consécutive. Ces résultats LA LYMPHANGITE ÉPIZOOTIQUE EN ALGÉRIE 749 différents tiennent sans doute, d’une part, à la résistance variable des sujets d'expérience, et d'autre part, à la virulence du produit inoculé. Un cas de contagion directe à l'homme a même été constaté : un vétérinaire s'est infecté par une plaie ouverte du pouce en opérant un cheval à Iymphangite (1). L'examen de la statistique rapportée plus haut montre que la maladie est surtout fréquente pendant la saison froide et plu- vieuse. Malgré la période d’incubation quelquefois longue, ces constatations ne sont pas en faveur d’un rôle possible des mous- tiques. Thiroux et Teppaz ont remarqué que la contagion se manifeste surtout, au Sénégal, pendant la saison chaude et humide (hivernage). Peut-être cette morbidité plus grande pendant les saisons humides est-elle due simplement à ce que la conservation du parasite dans le milieu extérieur est favorisée par l'humidité alors qu’elle se trouve compromise par la dessiccation. Mais ce n'est là qu'une simple hypothèse. Essais DE TRAITEMENT. L'intervention chirurgicale qui consiste à exciser la totalité des lésions au bistouri ou à les détruire par la cautérisation ignée, est le seul traitement de la Tlymphangite épizootique employé par les vétérinaires algériens. Si l'opération jouit d'une telle faveur malgré ses inconvénients multiples, — grands délabrements, interruption prolongée du travail, ete., c'est qu'elle seule, parmi les nombreux traitements essayés jusqu'à présent, montre une certaine efficacité. Efficacité rela- live, d'ailleurs et qui varie avec l’âge et le siège des lésions. La proportion de guérisons par excision du cordon lymphatique est d'environ 65 p. 100. D'après Teppaz (2) qui, au Sénégal, a comparé l’action de différents médicaments, l’iodure de potassium en injections intraveineuses aurait, seul, donné des résultats appréciables. 1) Bull de la Soc. de path. exot., &. IV, 1911, p. 394. — J. Brault avait déjà signalé un cas de Ilymphangite épizootique chez l'homme. Janus, Harlem, 1910. (2) L. Teppaz, Essais de traitement de la lymphangite épizootique du Sénégal. Bull. Soc. path. exot., L&. IT, 1910, p. 450. 720 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Mais le grand nombre d'injections nécessaires pour obtenir la guérison rend le traitement peu pratique. Le « 606 » méritait d’être essayé, et, élant données la fré- quence el la gravité de la maladie à Alger, nous étions admi- rablement placés pour constater l’action de ce produit. Nous avons déjà annoncé (1) le résultat obtenu sur 9 chevaux ou mulets. Nos essais ontété poursuivis et nous avons actuel- lement un total de #3 animaux traités. Après quelques tâtonnements pour fixer la dose convenable, nous avons remarqué que la dose relativement faible d'un gramme donne d'aussi bons résultats que des doses plus éle- vées. Nous employons le « 606 » (2) en injection intraveineuse en suivant la technique de préparation indiquée par Ehrlich. A cette dose nous n'avons jamais observé aucun phénomène général à la suite de l'injection. La température reste station- naire. Une seule injection de 3 grammes pratiquée sur une mule, a été suivie de légères coliques et de diarrhée. L'effet de l’arsénobenzol sur les lésions lymphatiques est rapide. Lorsque l'affection est récente, que la plaie initiale est située dans les parties moyennes des membres (genou, haut du canon), celle-ci se cicatrise généralement vite, les cordes diminuent de volume et les boutons déjà apparents s'ouvrent et s'indurent. Cordes et nodules deviennent indolores à la pression. Si la maladie est plus ancienne et la plaie initiale située dans les régions inférieures des membres, l'effet de l'injection se manifeste souvent par l'apparition de nouveaux boutons sur le trajet lymphatique malade. Les boutons existants s'abcèdent et se vident. On dirait que l'organisme réagit en expulsant les parasites et un observateur non prévenu pourrait prendre ces phénomènes de défense pour une aggravation du mal. Il est nécessaire, pour juger des résultats d’une injection, d'attendre trois semaines à un mois. À ce moment, la guérison est assurée lorsque les cordes ont disparu ou diminué considé- (1) Bull. Soc. path. exot., L. IV, 1911, pp. 386 el 584. (2) Le dioxydiamidoarsénobenzol (ou 606 d'Ehrlich) que nous avons eu à notre disposition nous avait été remis par M. le Dr A. Calmette, et provenait en partie du laboratoire du professeur Ehrlich, en partie de la maison Pou- lenc frères, de Paris. LA LYMPHANGITE ÉPIZOOTIQUE EN ALGÉRIE 721 rablement, qu'elles sont devenues indolores à la pression et que la plaie initiale est cicatrisée; les nodules qui existent encore, fermés ou ouverts, n'ont aucune importance. Si, au contraire, la plaie initiale reste ouverte et que la sensibilité de la corde persiste, il convient de renouveler l'injection. Le tableau suivant résume nos essais jusqu'au 45 mars 1912. On peut remarquer que les animaux qui ont dû être abattus, soit pour cause d'infection purulente, soit par raison écono- mique, avaient tous été infectés par une plaie des parties infé- rieures des membres : boulet cu pâturon. Dans deux cas (chevaux 24 et 30) nous avons fait adminis- trer de l’iodure de potassium, à la dose de 10 grammes par jour dans l’eau de boisson, dès le lendemain de l'infection et pendant une période de quinze jours. Ce traitement mixte n’a pas paru donner de résultats plus rapides que l'injection seule de « 606 ». Il est difficile d'établir le pourcentage des guérisons d'après ce tableau, un certain nombre de malades ayant été traités depuis trop peu de temps, mais si l'on considère qu'une grande parte des animaux qui nous ont élé amenés pour subir l'injec- lion de « 606 » étaient difficilement opérables, à cause de l'étendue ou du siège des lésions, on voit que le nouveau médi- cament peut rendre d'importants services dans le traitement de la [ymphangite épizootique (1). Lorsque la corde lymphatique est bien délimitée, qu'elle est siluée dans une région où l’ablation des lésions peut être faite sans grands inconvénients, l'opération chirurgicale est loujours à recommander. Le traitement par l'injection intraveineuse d'arsénobenzol est, au contraire, indiqué lorsque les lésions étendues sont inopérables, que leur siège ne permet pas sans (M) De l’action curative du « 606 » dans la lymphangite épizootique, on ne saurait tirer de déductions sur la nature discutée du parasite, Cependant une observation de Pinoy et Ravaut (communication orale), rapprochée des faits que nous venons d'exposer, Lendrait à confirmer la nature blastomycé- lique du cryptocoque de Rivolta : ces auteurs ont obtenu une guérison rapide d'une mycose humaine (gommes à levures, cultures positives) par l'emploi du « 606 ». Ces résultats ouvrent au «606 » un nouveau champ d'action dans le domaine des affections mycosiques. 46 722 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR DÉSIGNATION des animaux | Cheval barbe. Id. Cheval breton. Mule. Mule. Cheval barbe. Cheval breton. Mulet. Cheval breton. Cheval barbe, Id. Id. Jument bretonne. Cheval barbe. art Id. Id. Id. Id. Id. Cheval brelon. Mulet. Cheval barbe. Id. Cheval percheron. Cheval barbe. Id. Id. Mule. Cheval barbe. Mule. Cheval brelon. Id. Cheval barbe. Id. Cheval anglo-normand. Cheval barbe. Id. ÉTAT DE LA MALADIE au début du traitement Ancienne. Très grave. Récente. Bénigne. Ancienne. Opéré. Récidive. Récente. Grave. Récente. Assez grave. Très ancienne, Très grave. Ancienne. Grave. Ancienne. Grave. Ancienne. Assez grave. Ancienne. Grave. Récente. Récente. Grave. Ancienne. Généralisée. Ancienne. Opéré quatre fois. Récidive. Ancienne. Opéré. Récidive. Ancienne. Opéré. Récidive. Ancienne. Ancienne. Grave. Ancienne. Récente. Grave. Ancienne. Grave. Récente. Bénigne. Récente. Bénigne. Récente. Grave. Ancienne. Opéré. Récidive. Ancienne. Bénigne. Ancienne, Grave. Ancienne. Assez grave. Récente. Bénigne. Récente. Grave. Ancienne. Opéré. Récidive Récente. Bénigne. Ancienne. Opéré. Récidive. Récente. Assez grave. Ancienne. Opéré. Récidive. Récente. Bénigne. Récente. Assez grave. Récente. Bénigne. Récente. Bénigne. Récente. Opéré partiellement: Ancienne. Grave. . Ancienne. Opéré. Récidive- Ancienne. (Grave. NOMBRE injections PAS RE RE ENS LA LYMPHANGITE ÉPIZOOTIQUE EN ALGÉRIE 723 DATE DES INJECTIONS 30 novembre 1910, 2 février 1914, 22 avril 4911. 8 décembre 1910. 4 janvier 4911. 19 janvier, 2 mai 1911. 19 janvier, 2 mai 1911. £ février 1914. 9 février, 11 mars, 22 avril 1944. 24 février, 22 avril 1911. 11 mars 1911. 29 avril, 24 juin 1911. 24 mai 1914: 27 mai 1914. 8 juin 19144. 8 juin, 21 septembre 1911. 10 juin 4911. 22 juin, 43 juillet 19144. 24 juin, 13 Juillet 4941. 19 aoûl 1911. 20 août 1914. 20 octobre, 10 novembre 1911. & décembre 19m. ü décemdre 4911. 6 décembre 1914. IS décembre 14914. 18 décembre 1944. 23 décembre 1914, 23 décembre, février 1912. 21 décembre 1911, 20 février 1912, " décembre 4914. 21 déc mbre 1911, 20 février 1912. 29 décembre 1911. 10 janvier 1944. 10 janvier 1914. 12 janv 11 janv 18 janv 1912. 20 Janvier, février 1912. 29 janvier 1942. 31 Janvier 4942 13 mars 1941. 1912. Janvier 1942. Mars 1949, % Mars 1949, 2 mars 1949. SIÈGE de la plaie initiale, Boulet. Canon. Abdomen. Genou. Canon. Päturon. Abdomen. Jarret. Epaule (trajet d'un séton). Boulet. Abdomen. Jarret. » Flanc. Id. Genou. Canon. Boulet. Pâäturon. Boulet. Id. (renou. Boulet. Id. Id. Canon. Jambe. Thorax. Genou. Boulet. Canon. Boulet. Genou. Thorax. Canon. Boulet. Genou. Boulet. Jarret. Thorax. RÉSULTATS Guérison. Id. Mort le 4 février 1911. Infection purulente. Guérison. Id. Abattu le 30 mai. Guérison. Id. Abattu fin juillet. Id. Guérison. » Guérison. Abattu, Infection purulente, Id. Guérison. Id. Abattu 29 janvier 1912. Infection purulente. Guérison. Id. Abattu (par écono- mie). En voie de gué- rison. Guérison. En voie de rison. Id. Guérison. Id. » Guérison. Id. | En voie de rison. 724 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR dangers, les délabrements nécessaires, ou encore lorsque l’affec- tion, récente, peut être traitée sans arrêter le travail de l'animal malade. Il peut être avantageux, dans certains cas, d'associer les deux méthodes d'intervention, en excisant cer- taines lésions facilement abordables et en complétant le traite- ment par l'injection de « 606 ». Enfin, lorsque l'opération chirurgicale est suivie de l'appa- rition de nouveaux boutons, le traitement interne trouve son indication. Le cas, cité plus haut, de lymphangite épizootique chez l'homme, s’est terminé par une guérison radicale en trois jours, après une injection intraveineuse de 0 gr. 60 de « 606 ».. ESsaIS DE PROPHYLAXIE. Avant nos premiers essais de traitement par Le « 606 » nous avions voulu voir si des injections hypodermiques de levures sur les animaux à Iymphangite épizootique n'auraient pas un effet favorable sur le cours de [a maladie en amenant la pro- duction d'anticorps capables d'exercer leur action sur les cryptocoques. Le cheval n° 1 avait ainsi reçu 5 injections de levures aux dates suivantes : 6 juin 1910, 1% juin, 30 juin, 13 juillet, 14 août. La première — récolte de 3 tubes de gélose (levures de riz el de bière), dans 30 cent. cubes d'eau phy- siologique — provoqua un engorgement qui disparut rapidement. La seconde occasionna un œdème assez volumineux qui mit une semaine à se résorber. La troisième amena la formation d'un abcès à chaque point d'injection. A la quatrième, des abcès volumineux se formèrent rapidement et s'ouvrirent en deux ou trois jours. A la cinquième (précédée, la veille, d’une injeëtion de 2 cent. cubes seulement), tous les points d'injection furent le siège’de nou- eaux abcès qui évoluèrent en moins de quarante-huit heures. Des constatations semblables furent faites sur un âne neuf que nous préparions en vue d'oblenir un sérum antilevures. Nous avons assislé ainsi à des phénomènes qu'on peut rappro- cher du « phénomène de Koch » (1) dans la luberculose. L’orga- (1) Il est difficile de dire S'il y a identité de phénomènes : dans le « phé- nomène de Koch » ce sont les bacilles hébergés par l'organisme qui provo- quent son intolérance pour de nouveaux bacilles tuberculeux. Dans les LA LYMPHANGITE ÉPIZOOTIQUE EN ALGÉRIE 725 nisme manifeste à chaque injection nouvelle de levures une plus grande intolérance. Au lieu d'acquérir une immunité contre les levures il semble s'habituer à les expulser. Ces observations nous ont donné l’idée de mettre à prolit cette intolérance de l'organisme, dans un but prophylactique. Nous nous sommes demandé si un animal qui a reçu une injection de levures ne serait pas, par cela même, capable de mieux résister à l'invasion du cryptocoque, en expulsant plus facilement les parasites. Une expérience actuellement en cours nous dira ce qu'il y à de fondé dans cette hypothèse : dans une écurie de 100 chevaux parmi lesquels on compte 10 p. 100 de Iymphangiteux, la moitié environ de l'effectif a reçu dernièrement une injection de levures. Les chevaux de l’autre moitié serviront de témoins. Tous les chevaux de l'écurie portant un numéro d'ordre, nous avons inoculé 46 chevaux à numéros impairs. L'inoculation a été pratiquée le 3 mars. A l'heure actuelle — 23 mars — trois nouveaux cas de lymphangite épizootique ont été constatés sur des numéros pairs (témoins): le premier (n°38) ke 18"mars, le second (n° 40) le 20, le troisième (n° 34) le 21, Les animaux voisins inoculés n'ont rien présenté d'anormal. L'avenir nous apprendra s'il y a là autre chose qu’une heu- reuse coïncidence, CONCLUSIONS GÉNÉRALES, L'observation clinique et les faits expérimentaux établissent que la lymphangite épizootique est transmissible par inoculation directe, que l'intervention d'insectes piqueurs n’est pas néces= saire. L'étude des lésions jeunes montre que le cryptocoque de Rivolta n’est pas un parasite des leucocytes. La morphologie, le mode de reproduction du parasite plaident en faveur de sa nature blastomycétienne. phénomènes ci-dessus, il semble que l'organisme manifeste son intolérance mème après s'être débarrassé des premières levures; mais ce n’est pas certain. Pour pouvoir interpréter des faits d’une facon exacte, il faudrait savoir ce ue sont devenues les premières levures introduites. 126 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Les expériences de déviation du complément révèlent chez le cryptocoque et les levures des caractères d’étroite analogie. Le « 606 » peut être utilisé avantageusement dans le traite- ment de la lymphangite épizootique. Nous adressons nos vifs remerciements à M. le D' Ch. Nicolle, de Tunis, qui a bien voulu nous envoyer des cultures de proto- zoaires, et à MM. Roig, vétérinaire à Rouïba ; Cavalin, Dauzon, Adrien et Georges Mantout, vétérinaires à Alger; Ducher et Savary, vétérinaires militaires, qui ont eu l’amabilité de mettre à notre disposition de nombreux sujets d'expérience et de nous fournir les pièces et les matériaux d'étude. EXPLICATION DE LA PLANCHE XVII Fic. [. — Coupe d’un vaisseau lymphatique infecté. Coloration par la méthode de Claudius. Gross. — 40 diamètres. La coupe est pratiquée au niveau de deux nodules formés par des amas de cryplocoques. Ces foyers parasitaires sont mal délimités et des crypto- coques sont disséminés dans le tissu environnant. Les nodules sont séparés par du tissu conjonctif de réaction m. Fic. I, — Même coupe vue en » (fig. I), au grossissement de 800 diamètres, On voit, dans la partie inférieure, quelques leucocytes parmi les crypto- coques : a, polynucléaires dont un renferme trois parasites: b, mononu- cléaires ; c, formes de bourgeonnement. F16. III. — Frottis du contenu d'un nodule jeune. Gross. — 800 diamètres . Color. : méthode de Claudius. Les cryptocoques sont libres. Les leucocytes polynucléaires a ou mononu- cléaires 6, sont rares. Formes de bourgeonnement c, assez nombreuses. Fi6. IV. — Frottis du même produit coloré par la méthode de Dominicis Nombreuses formes de bourgeonnement, ue SUR L’EXISTENCE DE LA RAGE CANINE DANS LE HAUT-SÉNÉGAL ET LE NIGER par G. BOUFFARD,. Médecin-major de 1' classe des troupes coloniales, Professeur à l'Ecole d'application de Marseille. (Travail du laboratoire de Bamako.) On n'a encore donné aucune preuve de l'existence de la rage chez l’indigène de l'Afrique occidentale française. Quelques enquêtes, faites à différentes époques auprès des plus anciens administrateurs de notre empire de l'Ouest africain, sont restées négatives et n'ont pu apporter le plus petit indice permettant de croire à l'existence de la maladie. Alors qu'elle sévit si cruellement dans nos possessions indo-chinoises et malgaches, n'existerait-elle donc point dans l'Ouest africain, ou bien serait- elle ignorée de l’indigène, qui pourrait en êlre victime sans que son entourage en soit le moins du monde impressionné? C'est peu probable; le noir n'est point dépourvu d’un certain esprit d'observation, et s'il a reconnu de tout temps la maladie du sommeil, il est peu vraisemblable qu'il eût méconnu une maladie à symptômes aussi accusés, aussi terrifiants que ceux de la rage. Dans les archives des directions du service de santé de l'Afrique occidentale française, on ne trouve trace d'aucune observation, d'aucune feuille clinique portant la mention « Rage »; mais on peut lire sur les certificats de rapatriement de certains fonctionnaires ou officiers, la mention : « Mordu par un chien enragé, évacué sur l’Institut de Bordeaux ou de Marseille pour y suivre le traitement antirabique. » Si donc la rage humaine ne paraît pas avoir été signalée en Afrique occidentale française, la rage canine y aurait été observée de tout temps. Elle est fort bien connue des indigènes, qui appellent « chiens fous » des chiens errants dant les morsures sont généralement mortelles pour leurs congénères, semblant 728 s* ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR inoffensives pour les hommes. Nos administrateurs considèrent ces animaux commmie enragés; ont-ils raison ? Le problème était intéressant à éludier; aussi, dès mon arrivée à Bamako, en 1906, je cherchai à me procurer un chien fou. L'administrateur Vidal, fort obligeant, m'aida dans la circonstance, et bientôt un agent de police m'en amenait un; malheureusement, l'animal brisait la mauvaise corde qui encerclait son cou, s’enfuyait dans la cour du dispensaire el mordait les deux chiens de garde de notre établissement d'assistance médicale. L'animal suspect gagnait la campagne et il ne nous restait que ses deux victimes. L'une, chien à poil ras, de race locale, avait été mordue légèrement à la patte; elle resta avec. nous pendant un an sans présenter les moindres symptômes morbides. L'autre, à poil long, provenant de la région de Tombouctou, était porteur d’une large et profonde déchirure de l’arcade sourcillière gauche. L'infirmier lava la blessure à l’eau tiède et la sau- poudra de salol; après une semaine de traitement, la guérison était complète. Trois jours après, c’est-à-dire onze jours après la morsure, l’animal reste couché et mange très peu; le lende- main, il ne touche pas à sa pâtée et, de loute la journée, ne quitle pas sa niche. Le soir, vers six heures, il se lève et, l'œil vif, parcourt avec une agilation manifeste l’enclos où il est enfermé; je l'observe pendant plus d’une heure; de temps à autre, il titube, vacillant sur ses pattes de derrière; le lende- main malin, on le trouve mort dans sa cage. L'aulopsie ne révèle rien de particulièrement intéressant: l'estomac est vide. Un morceau de bulbe, de la grosseur d'un petit pois, est broyé dans de l’eau stérile ; quelques gouttes sont injectées sous la dure-mère d'un lapin, qui meurt accidentellement le cin- quième jour; son bulbe ne fut pas virulent pour d’autres lapins; je perdais rapidement un virus que je ne devais retrouver qu'en 1908. En 1907, au cours d'une tournée d’études de Ia maladie du sommeil sur les bords du fleuve Bani, je visitais un vil- lage, assez éloigné du cours d’eau pour être indemne de tsé-tsés et, par conséquent, habitable pour les chiens, qui ne peuvent vivre sur les bords de ce redoutable fleuve. LA RAGE CANINE DANS LE HAUT-SÉNÉGAL ET LE NIGER 729 Un chef de village a toujours l'habitude, quand on l'interroge sur l'existence possible, sur son territoire, de la maladie du sommeil, de répondre évasivement et de tenter une digression en causant de choses et d'autres. Celui-ci me parlait constam- ment d’une maladie qui sévissait sur les chiens et me deman- dait un remède. Le village allait, disait-il, perdre ses fidèles servileurs, très appréciés, non seulement pour les services rendus comme chiens de garde, mais aussi pour la suceulence de leur chair, qui en faisait un produit de négoce très apprécié. « Nos chiens deviennent fous, mordent leurs congénères, sans épargner les noirs, et meurent. » Il m'affirma que les personnes mordues restaient indemnes, qu'il ignorait, ainsi que les habi- tants du village, la maladie dont je lui décrivais les principaux symptômes. J'étais malheureusement à la fin de ma tournée d’études, et je n'avais plus à ma disposition d'animaux neufs me permettant d'attendre l'occasion d’emporter le virus. Mon temps n'était point complètement perdu, puisque, faute de renseignements précis sur la maladie du sommeil, je trouvais, une fois de plus, confirmation de l'existence au Soudan d'une affection canine transmissible par morsure el paraissant bien être la rage. Le 20 août 1909, un fonctionnaire qui s'intéressait à mes travaux, M. Constantin, rencontrait dans la ville administra- tive de Kouloubah un chien solidement attaché qui venait de mordre plusieurs indigènes et que l’on eroyait atteint de rage. 11 me le fit immédiatement conduire au laboratoire; l'animal présentait tous les signes de la rage mue; J'aurais pu entre- prendre quelques expériences avant de sacrifier l’animal (morsure d’un autre chien, inoculation de la bave au lapin, ete.), mais je craignais de perdre ce virus par fugue de l'animal, aussi je le tuai par pendaison, à la mode indigène, et l’inocu- lation de son bulbe sous la dure-mère d'un lapin fut le point de départ de toute une série de recherches qui paraissent favo- rables au diagnostic de rage. La technique employée est celle décrite dans tous les clas- siques : broyage d'une petite quantité de substance bulbaire dans un peu d’eau distillée stérile et inoculation, sous la dure- mère d’un lapin, de quelques gouttes du liquide. Je n'ai pas la prétention d'apporter iei des expériences com- 730 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR plètes ; des raisons multiples ne m'ont point permis de mettre ce travail expérimental à l'abri de toute critique. J'ai voulu simplement apporter une preuve expérimentale de l'existence de la rage canine, et je me suis adressé au lapin comme animal d'expérience. Un lapin est donc inoculé le 10 août: jusqu’au 25, l'animal parait en excellent état; il mange el n'a point maigri; le len- demain, il reste toute la journée tapi dans un coin de sa cage: quand on l’incite à se déplacer, on observe des troubles de là marche dus à une parésie du train postérieur; le 27 au matin, l'animal est couché avec de l’apnée, une paralysie complète du train postérieur; il meurt le soir. Avec son bulbe, on fait un passage sur deux lapins. Du 10 août 1909 au 26 avril 1910, je fis 13 passages; la durée de l’incubation fut en moyenne de quinze à vingt jours, deux fois, de trente-cinq et trente-huit jours. Les animaux réagissaient presque toujours d’une façon identique: leur état général se maintenait excellent jusqu’à deux à trois jours avant la mort; ils perdaient alors l'appétit, restaient tapis dans un coin de leur cage el, quarante-huit heures avant le décès, survenaient généralement des signes de parésie suivis de paralysie com- plète du train postérieur. Trois fois, j'ai pu assister à des crises de rage furieuse; le lapin se précipitait à notre approche contre les parois de sa cage, les mordait: l'accès précédait généralement la mort de douze à vingt-quatre heures. Pour chaque passage, je me servais toujours de deux ou trois lapins: J’évitais de la sorte la perte du virus par une mort prématurée consécutive à un accident ou à une maladie inter- currente. J'avais d’ailleurs constaté, dès le 1°" janvier, que tous les animaux inoculés ne prenaient pas la rage ; 4 sur 6 environ restait indemne, semblant réfractaire. Rentrant très malade, à une saison où la durée du voyage sur le fleuve est longue, je ne pouvais songer à rapporter le virus rabique du Niger. Mon successeur continua les inocula- tions, mais, n'utilisant qu’un seul lapin, il perdit le virus au 21° passage; l'animal, inoculé le 10 mars 1910, restait indemne. Son histoire mérite d'être contée. Ce lapin resta en observation pendant tout l'hiver sans pré- senter le moindre symptôme morbide. En avril, arrivait au LA RAGE CANINE DANS LE HAUT-SÉNÉGAL ET LE NIGER 731 Laboratoire le D' M. Blanchard, chargé de faire revivre cet établissement, qui n'avait plus de titulaire depuis près d'un an. Dans cette colonie, qui n'avait jamais pu, avant 1906, avoir à sa disposition d’une facon continue un vaccin antivariolique virulent, el qui, en quatre ans, avait vu un million de ses habitants immunisés contre la terrible endémie, il était tout naturel que le premier soin du D' Blanchard fût de contrôler l’activité de la pulpe vaccinale de Bamako. Pour ce, il utilisa le lapin trépané sans résultat le 10 novembre 1909; il le rasa le 30 avril 1910 et beurra la surface rasée de pulpe vaccinale. Le surlendemain, l'animal présentait des signes de paralysie du train postérieur; le 3 mai, la paralysie était généralisée; la mort survenait le lendemain. Blanchard pensa au réveil d’une rage latente et fit une série de passages les 3, 13 et 23 mai: la durée de l’incubation fut en moyenne de dix jours; les lapins mouraient paralysés; mal- heureusement, l'incident du 21° passage se reproduisit: l'unique animal, inoculé le 23 mai, résista à la dose de virus; Blanchard chercha à vaincre sa résistance par les procédés usuels ; la vaccination resta inefficace ; cette fois, le virus était définitivement perdu. Il sera facile de le retrouver; le chien fou n’est pas, dans la boucle du Niger, une curiosité-pathologique; il sera donc fort intéressant de reprendre ces recherches qui, loin d’être aussi rigoureuses et précises que je l’eusse voulu, méritaient cepen- dant d'être publiées; elles pourront ètre utiles aux camarades que le sujet intéressera. Bien que la rage humaine paraisse inconnue dans le Haut- Sénégal et Niger, je crois cependant que le fait d'avoir pu, pendant un an, transmettre de lapin à lapin, par injection intracranienne, une affection présentant tant de points com- muns avec la rage paralytique, plaide en faveur de l'existence de la rage canine dans cette colonie. RECHERCHES SUR LES PROPRIÉTÉS DU VIRUS RABIQUE CONSERVÉ A L'ÉTAT SEC par D. L. HARRIS, Directeur du laboratoire municipal de pathologie et de bactériologie, Saint-Louis (États-Unis). La valeur du traitement antirabique de Pasteur une fois uni- versellement reconnue, beaucoup de travaux ont été entre- pris par d’autres investigateurs qui ont essayé, par différentes modifications à la méthode de Pasteur, de faciliter la prépa- ration du matériel antirabique. Dans les petits laboratoires, où les malades sont en petit nombre, le travail journalier néces- saire pour avoir en tout temps une série complète de moelles empèche l’entreprise de ce trartement. Nous ne voulons pas passer en revue les nombreuses méthodes proposées pour la simplification du traitement. Il suffit, pour le but de cet article, de noter que Vansteenberghe (1) a décrit une méthode pour la préservation du virus. Cet auteur a trouvé que, lorsque le cerveau est rapidement desséché dans le vide, sa virulence est conservée pendant plusieurs mois. Marie (2), Remlinger et Nouri (3), Harvey et Mac Kendrick (4), et d’autres, ont répété avec succès ces expériences, dont le fait essentiel est que le matériel doit être étendu en couche très mince et desséché dans un vide sulfurique rapidement produit. La quantité de substance conservée par cette méthode est trop petite pour être d'aucune valeur dans le traitement antirabique. Nous (5) avons décrit une méthode (6) à l’aide de laquelle les (4) VANSTEENBERGHE, Comptes rendus de la Soc. de Biologie, 1903, t. LV, p. 1046. (2) MARIE, L’élude expérimentale de la rage. Encyclop. scient., 1909. (3) ReuunGer et Nour, Comptes rendus de la Soc. de Biologie, 1908, t. LXIV, p. 945. (4) Harvey and Mc Kexprick, Theory and practice antli-rabic immunization, 43 pages in-4°. Calcutta, 1907. (5) Harris et SRACKELL, Journ. Infect. Dis., 1911, &. VITI, p. 47. (6) SHACKELL, Amer. Journ. of Physiol., 1909, &. XXIV, p. 325. PROPRIÉTÉS DU VIRUS RABIQUE CONSERVÉ A L'ÉTAT SEC 733 cerveaux et les moelles peuvent être desséchés ?n toto, et la virulence de ces organes peut ètre démontrée après plusieurs mois. Cette méthode consistait premièrement à congeler le cerveau avec un mélange de sel et de glace, et, ensuite, sans le laisser fondre, à le dessécher dans le vide sulfurique. De nombreux essais ont prouvé que la virulence restante était de { p.100 de la quantité primitive. Il à fallu 0 c.c. 2 d’une dilution de 14 p. 100 (0 gr. 002) d'une moelle sèche pour provoquer la rage dans le délai usuel, tandis que 6 c.c. 2 d’une dilution de 1 p. 10.000 (0 gr. 00002) de moelle fraîche étaient suffisants pour produire la maladie dans le même temps. Nous croyons que la dessiccation des moelles, d’après la méthode de Pasteur, produit une concentration progressive des sels et d’autres substances solubles contenues normale- ment dans les centres nerveux et que la destruction du virus est proportionnelle à cette concentration. D'un autre côté, quand les moelles sont successivement congelées, puis dessé- chées, la concentration des substances solubles et toxiques est évitée. Notre opinion est que le succès des expériences de Vansteenberghe dépend de la congélation du matériel dans le vide rapidement produit, et de la dessiccation sans concentra- tion. Depuis la publication de notre premier travail, j'ai essayé différentes: méthodes: dans le but d'augmenter la somme de virulence restant après dessiccation complète. J'ai trouvé que, plus complètement et plus rapidement le matériel est congelé, plus grande est la somme de virulence conservée. Quand les cerveaux et les moelles ont été congelés avec de la neige de CO° et ensuite desséchés, d’après la méthode que nous allons décrire, on peut conserver de 30 à 50 p. 100 de leur virulence primitive. Il est préférable de réduire le matériel en poudre pour en faire des épreuves. Les détails de la méthode sont les suivants : Un ou plusieurs cerveaux ou moelles sont écrasés dans un mortier de porce- laine en ajoutant, goulte à goulte, une petite quantité d’eau jusqu'à ce qu'on obtienne une pâte épaisse et homogène. Un peu de neige d'acide carbonique est ajoutée lentement à cette pâte, qui doit ètre constamment agitée durant l'opération pour éviter de la transformer en une masse solide. Après congélation 13%. : ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR complète, le matériel est aussi fragile que du verre; alors, on le pulvérise, et très facilement. L'addition d'un peu de neige de temps en temps est nécessaire pour empêcher le mélange de se fondre. Le mélange de cerveau et de neige doit ètre transféré immédiatement dans un vase froid et placé au fond d'un exsiccateur, préalablement à demi enfoncé dans un mélange de sel et de glace à une température de —18 degrés centigrades. Dans la partie supérieure de l’exsiccateur, un vase contenant de l'acide sulfurique repose sur un réseau de cuivre, de telle manière que l'air cireule librement entre le vase conte- nant les moelles congelées et l’exsiccateur. On place l'acide à la partie supérieure du dessicateur pour éviter sa solidificalion, qui se fait quand elle est trop près du mélange réfrigérant. Le vide doit mesurer moins de 2 millimètres de mercure et l’exsic- cateur doit être faiblement agité d'heure en heure pour répandre l’eau absorbée partout dans le vase renfermant l'acide. Un seul cerveau ou moelle traité de cetle manière sera complète- ment desséché entre trente-six et quarante-huit heures : mais, jusqu'à la fin de lopération, la température ne doit pas dépasser — 10 degrés centigrades. Le produit desséché est une poudre très légère et assez hygroscopique. Il absorbe rapidement l'humidité atmosphérique jusqu'à 3 p. 100 ; alors, il se ramollit et, en quelques heures, perd toute sa virulence. Pour le protéger de toute humidité, nous l'avons scellé dans de petits tubes en verre. Beaucoup d'expériences ont démontré que l'injection intra- cérébrale de 0 gr. 00002 de moelle desséchée produit les symp- tômes de la rage chez des lapins au 6° jour, et la mort au 7° ou 8. L'injection de 0 gr. 00001 d'un mélange de cerveau et de moelles desséchés et conservés pendant un mois à une température de 8 degrés à 10 degrés centigrades, à l'abri de la lumière, avait produit la rage; après deux mois de conserva- tion, sa virulence avait diminué de moitié; après trois mois, injection de 0 gr. 00005 était suivie de paralysie en sept jours. Quand le matériel est conservé en présence de P°0°, sa virulence diminue plus rapidement que lorsqu'il est conservé en présence de SO:IF. Les lapins et les chiens peuvent ètre immunisés rapidement avec ce matériel par la méthode de Hügyes. Nous avons immu- PROPRIÉTÉS DU VIRUS RABIQUE CONSERVÉ A L'ÉTAT -SEC 735 nisé des chiens avec des moelles desséchées et conservées depuis trois mois. Des expériences sont en voie d'exécution pour déterminer exactement les effets de la température, de la lumière et des substances chimiques sur la rapidité de la perte de la virulence. On peut si facilement peser cette poudre et déterminer si exactement ses propriétés, à n'importe quel moment, que des études sur ce sujet peuvent produire des données importantes. Les avantages de posséder du matériel d’une virulence connue el relativement permanente sont évidents. oo Le Gérant : G. MAssox. Paris. — L. MARETHEUXx, imprimeur, {, rue Cassette. 62: ANNÉE OCTOBRE 1912 N2"10 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR LA COAGULATION DU SANG ET LA GENÈSE DE LA THROMBINE par les Drs J. BORDET et L. DELANGE (Suite et fin. S Il. — SACTION DE QUETYES AVEC LE SÉRUM. S II LA RÉACTION DES PLAQUETTES AVEC LE S Naunyn, Rauschenbach, Foa et Pellacani, Wooldridge, ont signalé l’action accélératrice de certains extraits d'organes (muscles, rate, foie, Intestin, etc.), sur la coagulation du sang. Les travaux de Delezenne, de Spangaro, d'Arthus, ont montré combien la coagulation est hâtée lorsque le sang peut se mélanger, lors de la saignée, à des traces de suc de la plaie opératoire, Arlhus a vu que le suc de tissu ne contient pas de thrombine préformée, car, même en milieu calcifié, il ne coagule pas la solution pure de fibrinogène. Morawitz, Fuld et Spiro ont mis en évidence ce fait capital que la teneur du sérum en thrombine s'élève considérablement lorsqu'on le mélange à l'extrait de tissus. Ces auteurs ont déduit de cette constatation que la thrombine nait de la réaction de deux substances. l’une existant dans les cellules de nombreux tissus — et aussi dans les cellules blanches du sang, — l’autre répandue dans le plasma dont le sérum dérive. Fuld et Spiro ont désigné ces matières, la première sous le nom de cyto- zyme, la seconde sous le nom de plasmozyme. Morawitz les a appelées respectivement thrombokinase et thrombogène. 47 138 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR D'après Morawitz et les autres auteurs qui se sont occupés de la thrombokinase ou cytozyme, cette substance est thermo- labile ; cette opinion ne concorde nullement avec nos obser- vations. Nos expériences nous ont montré que les suspensions de plaquettes lavées se rapprochent beaucoup des extraits de tissus, en ce sens qu'elles sont aptes, au contact du sérum, à fournir la thrombine en abondance. Nous appellerons cytozyme (désignation appliquée par Fuld et Spiro au principe actif de l'extrait de tissus) la substance active des plaquettes, et nous nommerons sérozyme la substance à laquelle le sérum doit son pouvoir de réagir avec le cytozyme des plaquettes pour fournir la thrombine. Exp. XIII. — Du plasma oxalaté très limpide de lapin, oxalaté à 1 p. 1000 est additionné de 4 volumes d'EPCa (1). En raison de la pauvreté en pla- quettes, la coagulation s'opère lentement. On défibrine dès qu'elle débute et l'on obtient un sérum pauvre en thrombine, que l'on conserve jusqu'au lendemain en vue de diminuer encore son faible pouvoir coagulant. Le lendemain donc, on prépare les mélanges suivants : On verse dans deux tubes A et B 0,4 cent. cube d'EPCa et dans un tube C, 0,5 cent. cube de cette même solution (laquelle sert de véhicule et intro- duit en même temps un peu de sel calcique). On ajoute à A et B 0,1 cent. cube de sérum, obtenu commeil vient d’être dit. On laisse tomber ensuite en A et C une goutte de plaquettes lavées en suspension dans la solution physiologique oxalatée à 0,5 p. 1000, en B une goutte de cette solution sans plaquettes. Bref, l'un des tubes (A) renferme à la fois du sérum et des plaquettes, les deux autres contiennent uniquement, soit du sérum, soit des plaquettes. Ouelques minutes plus tard, on introduit dans les trois tubes 0,5 cent. cube de plasma dilué dioxalaté. La coagulation en bloc survient dans À en 3 à #% minutes, C ne se coagule jamais, B reste liquide ou n’est que partiellement coagulé le lendemain (2). L'addition de plaquettes, non coagulantes par elles-mêmes, à une dose de sérum d’ailleurs faible, a donc eu pour effet de rendre le liquide énergiquement coagulant. Il convient de rappeler que les plaquettes ont été, grâce à un lavage soigneux, débarrassées entièrement du plasma dans lequel elles bai- (1) Rappelons une fois pour toutes que EPCa signifie solution physiolo- gique de NaCI à 9 p. 1000 contenant environ un tiers p. 1000 de CaCP, et que le plasma dilué dioxalaté est préparé par mélange de 1 volume de plasma limpide oxalaté à 1 p. 1000, avec 4 volumes de solution physiologique oxala- tée à 2 p. 1000. (2) La coagulation pénible qui s'opère en B tient naturellement à ce que ce mélange contient un peu de sérum, d’ailleurs pauvre en thrombine. LA COAGULATION DU SANG ET LA GENÈSE DE LA THROMBINE 739 gnaient. Au surplus, il est aisé de prouver que les propriétés de la suspension de plaquettes ne sont nullement dues à une souillure éventuelle par des traces de plasma : Exr. XIV. Identique à la précédente, sauf que dans les tubes A et C on introduit, au lieu d'une goutte de plaquettes, une goutte de plasma oxalaté très limpide. On ajoute après quelques minutes le plasma dioxalaté. Les mélanges sont encore liquides le lendemain. Nous venons de voir que les plaquettes sans le secours du sérum, et même en milieu calcifié, ne libèrent pas de throm- bine. Ajoutons qu'elles n’en libèrent pas davantage lorsque le contact avec le liquide calcifié dure longtemps. Elles n’en libèrent pas non plus au contact d’eau distillée (très légèrement calcifiée). à Morawitz, Fuld et Spiro ont vu que la production de thrombine dans le mélange de sérum avec l'extrait de tissus exige la présence de sels calciques solubles. Ceux-ci sont également nécessaires à la réaction qui s'établit entre les plaquettes et le sérum ; en milieu oxalaté, il ne $e forme pas de thrombine. Les plaqueltes ne favorisent nullement la coagulation du plasma par le sérum en milieu décalcifié; l'expérience suivante ‘démontre au surplus la nécessité des sels calciques : Exr. XV. — Deux tubes A et B contiennent {0,35 cent. cube d'EPCa et 0,1 cent. cube de sérum (obtenu comme celui des expériences précédentes). Le tube A reçoit en outre 0,1 cent. cube d’oxalate à 0,5 p. 100. On ajoute alors aux deux tubes une goutte de plaquettes. Après un quart d'heure de contact, on introduit en B (qui n'a pas élé oxalaté antérieurement) 0,1 cent. cube d'oxalate à 0,5 p. 100, et, 5 minutes plus tard, on additionne les deux tubes de 0,5 cent cube de plasma oxalaté dilué de % volumes de solution physiologique oxalatée à 1 p. 1000 (plasma dilué monoxalaté). Le liquide B se prend en masse en une minute, l’autre est encore fluide le lendemain. On le voit, le mélange plaquettes-sérum ne fournit la throm- bine qu'à la condition d’être réalisé en milieu calcifié. Mais si cette condition est remplie, le mélange peut, mème s'il a été ultérieurement oxalaté, coaguler le plasma oxalaté. En proportion convenable, le citrate sodique empêche la réaction même en milieu calcifié. On sait, par les recherches de Sabbatani, que, sans précipiter les sels calciques, le citrate met obstacle à leur ionisation, C’est ainsi qu'il s'oppose à leur pré- 740 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR cipitation par l’oxalate sodique. Dans un mélange de 0,2 cent. cube de plasma oxalaté, de 0,1 cent. cube de citrate sodique à p. 100 et de 0,8 cent. cube d'EPCa, on ne constate pas l’appa- rition d'un trouble d'oxalate calcique, et le mélange ne se coagule pas. On sait d'autre part que le citrate se comporte comme l’oxalate, en ce qu'il n'empêche pas la coagulation par la thrombine lorsque celle-ei a pu se former au préalable : : Exr. XVI. — Quatre tubes contiennent 0,3 cent. cube d'EPCa et 0,2 cent. cube de sérum; on ajoute dans À 0,1 cent. cube de solution de citrate à 2 p. 100, et dans C et D même dose de solution physiologique. On laisse tomber ensuite une goutte de plaquettes en À, B et C. Quinze minutes plus tard on additionne B (qui n'avait reçu ni citrate ni solution physiologique) de 0,1 cent. cube de citrate, et l'on verse dans les quatre tubes, immédiate- ment après, 0,5 cent. cube de plasma dilué dioxalaté. La coagulation en bloc survient dans B et C en une minute et demie. Dans A et D la coagulation n'est que partielle le lendemain. La forte concentration saline s'oppose aussi à la production de thrombine aux dépens des plaquettes et du sérum. Si l’on dilue une solution concentrée de sel avec de l’eau distiilée, et si l'on ajoute du sérum et des plaquettes, 11 y a formation de thrombine, qui coagule le plasma dioxalaté introduit après quelque temps. Mais si l'on mélange le sérum et les plaquettes dans la solution concentrée et si, après quelque temps, on ajoute l’eau distillée et, immédiatement après, le plasma dioxa- laté, la coagulation ne s'opère pas : Exr. XVII. — Une solution de NaCI à 10 p. 100 est additionnée de CaCFË de telle facon que sa teneur en ce dernier sel soil quadruple de celle de l'EPCa. On verse dans deux tubes A et B 0,2 cent. cube de cette solution concentrée et l’on ajoute à B 1,8 cent. cube d’eau distillée. On introduit ensuite dans chaque tube 0,4 cent. cube de sérum et 3 gouttes de plaquettes. Quarante minutes plus tard, on ajoute à A 1,8 cent. cube d'eau distillée et immédia- tement après, aux deux tubes, 1,5 cent. cube de plasma dilué dioxalaté. La coagulation s'opère en B en cinq minutes, À est encore liquide le lendemain. La teneur saline ne doit donc pas êlre exagérée. Elle peut par contre, sans que cela nuise à la réaction du sérum sur les plaquettes, être abaissée dans une forte mesure : Exe. XVIIL — On introduit dans un tube 0,4 cent. cube d'eau distillée contenant 0,3 p. 1000 de CaCP. On ajoute 0,1 cent. cube de sérum et une voutte de plaquettes. Vingt minutes plus tard, on introduit 0,5 cent. cube de plasma dilué dioxalaté. Coagulation en moins d'une minute. Un mélange témoin montre que si l’on n'avait pas introduit de sérum, aucune coagula- lion ne se serail produite. LA COAGULATION DU SANG ET LA GENÈSE DE LA THROMBINE 74 Reprenons maintenant la première expérience du présent chapitre (exp. XII), et recherchons dans quelle mesure nous pouvons diminuer la dose de sérum tout en obtenant encore la coagulation du plasma dioxalaté. Le sérum éprouvé est obtenu comme dans les expériences précédentes, c'est-à-dire qu'il résulte de la défibrination de plasma oxalaté très limpide addi- lionné de 4 volumes d'EPCa, et qu'il date de vingt-quatre heures environ. Exp. XIX. — Ce sérum est introduit à doses variables dans des tubes contenant 0,5 cent. cube d'EPCa et une goutte de plaquettes. Après un quart d'heure on ajoute 0,5 cent. cube de plasma dilué dioxalaté. On trouve ainsi qu'en présence des plaquettes une dose de 0,02 cent. cube de sérum suffit à provoquer la coagulation. Une dose moilié moindre (0,01) est inopérante : le mélange est encore liquide le lendemain. La dose minimale aclive se déter- mine ainsi assez nettement. On peut d'autre part rechercher, en faisant agir une dose de sérum assez forte (0,1 ou 0,2 cent. cube par exemple), de combien on peut diluer la suspension de plaquettes pour qu’une goutte de cette dilution soit encore capable de provoquer la coagulation. La numéralion des plaquettes est naturellement chose difficile; nous nous bornerons à mentionner que les pla- quettes agissent à dose très faible : si l’on introduit dans un tube contenant 0,5 cent. cube d'EPCa et 0,1 cent. cube de sérum, une goutte de suspension de plaquettes assez diluée pour que le mélange ne présente qu'un trouble extrêmement faible, presque imperceptible même, le plasma dioxalaté ajouté ultérieurement se coagule encore. Il est aisé de déterminer la durée minima de contact entre les plaquettes et le sérum, que la production de thrombine exige. Cette détermination n’a d'ailleurs qu'une précision rela- tive, car les résultats varient bien entendu suivant les condi- tions de dilution, peut-être aussi suivant la température ambiante, etc. On doit néanmoins conclure que la réaction entre les plaquettes et le sérum n'est pas instantanée, elle exige un temps mesurable, à vrai dire assez court. Citons une expé- rience : Exr. XX. — Plusieurs tubes renferment 0,45 cent. cube d'EPCa et 0,05 cent. cube de sérum. On introduit une goutte de plaquettes, puis au bout de temps variables, 0,5 cent, cube de plasma dilué dioxalaté. On trouve ainsi 742 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR que le mélange où le plasma a été ajouté une minute et demie après les plaquettes, se coagule en trois minutes et demie. Par contre, le mélange où le plasma a été ajouté 45 secondes après les plaquettes, est encore liquide une heure plus tard. Ce n'est qu'au bout d’une heure 45! qu'une coagulation lâche et partielle s'y effectue. On a depuis longtemps reconnu que la thrombine ne se com- porte pas, à proprement parler, comme les ferments, qui peuvent modilier des quantités quasi illimitées de substance et ne sem- blent guèré se consommer en agissant. Une dose donnée de thrombine ne peut solidifier qu'une dose donnée de fibrino- gène. Aussi, par des expériences analogues à celles qui pré- cèdent, constate-t-on que la coagulation s'opère moins facile- ment lorsqu'on emploie, au lieu de plasma dioxalaté dilué au cinquième, du plasma dioxalaté non dilué. Le contraste est beaucoup plus frappant si l’on à recours à la technique de l’oxalatation séparée. Exp. XXI. — Quatre tubes ABCD contiennent 0,4 cent. cube d'EPCa, 0,05 cent. cube de sérum, une goutte de plaquettes. Un quart d'heure après la confection de ces mélanges, on ajoute à A 0,5 cent. cube de plasma dioxa- laté dilué (obtenu comme d'habitude par mélange de 1 vol. de plasma oxalaté avec 4 vol. de solution physiologique foxalatée à 2 p. 1000), à B 0,5 cent. cube de plasma dioxalaté non dilué. Quant à CG et D, on les oxalate à 4 p. 1000 (par mélange avec 0,1 cent. cube d'oxalate à 0,5 p. 100), puis, 5 minutes plus tard, on les additionne respectivement de 0,5 cent. cube soit de plasma dilué, soit de plasma non dilué, oxalatés tous deux à 1 p. 1000. A se coagule en 4, B en 7, C en 8 minutes, D est encore liquide le lende- main. Nous avons rappelé antérieurement ce fait que la thrombine du sérum issu de la coagulation d’un plasma s’affaiblit rapide- ment par la conservation; plus le sérum a vieilli, moins il se montre, après oxalatation à 1 p. 1000, apte à coaguler le plasma oxalaté; nous avons vu que l’atténuation est beaucoup moins constatable si le sérum n'est pas oxalaté, mais est ajouté à volume égal de plasma dioxalaté. Il est à peine besoin de dire que la thrombine issue de la réaction entre le sérum et les pla- queltes se comporte de même : Exp. XXII. — On prépare de la thrombine par mélange de sérum et de pla- quettes en EPCa, et l'on évalue, à différents moments, son énergie coagu- lante, soit (en l’oxalatant à 1 p.1000), vis-à-vis de volume égal de plasma dilué mono-oxalaté, soit (sans l’oxalater) vis-à vis de plasma dilué dioxalaté. Les temps de coagulation sont : suivant la technique de l'oxalatation séparée, LA COAGULATION DU SANG ET LA GENÈSE DE LA THROMBINE 743 respectivement quatre et trente minutes pour la thrombine âgée de vingt minutes ou de deux heures; quand la thrombine est vieille de cinq heures, elle est incapable de provoquer la coagulation; suivant la technique de la dioxalatation du plasma, respectivement de deux et de quatre minutes pour la thrombine âgée de deux heures (ou moins) et de dix heures. On peut donc être assuré (c'est un fait que nous utiliserons plus loin) de ce qu'un mélange où la thrombine s’est formée la veille ne se montrera plus capable, si on l'oxalate séparément, de provoquer à bref délai la coagulation de volume égal de plasma oxalaté. La substance propre au sérum, qui réagit avec les plaquettes pour donner la thrombine, et que nous appelons le sérozyme, est thermolabile. Elle est détruite par le chauffage d'une demi- heure à 55°. D'autre part, le sérum perd également tout pouvoir de réagir avec les plaquettes lorsqu'on le traite par une dose convenable de suspension de sulfate de baryte. Bordet et Gengou ont cons- taté (1) que le contact avec divers précipités minéraux, notam- ment CaF1E et SO'Ba, prive les plasmas de leur coagulabilité : les principes actifs adsorbés disparaissent du liquide ambiant; de même, ces précipités peuvent s'emparer de’la thrombine du sérum. Un plasma traité par SO‘Ba, incoagulable même en milieu calcifié par ses propres moyens, se coagule par l’addi- tion de sérum, à moins que celui-ci n'ait élé lui-même traité par SO‘Ba. Exp. XXIIT. — Du sérum (obtenu comme d'habitude par dilution de plasma oxalaté limpide avec 4 vol. d'EPCa) est introduit, à dose de 1 cent. cube, dans deux tubes À et B. On laisse tomber dans B, 6 gouttes de solution physiologique, dans À, 6 gouttes de suspension assez épaisse de SO“Ba (2). Après un contact d’une demi-heure, on centrifuge et décante; on obtient ainsi les sérums A et B. Dans deux tubes AA et BB, contenant 0,4 cent. cube d’'EPCa, on introduit 0,1 cent. cube soit de sérum A, soit de sérum B, puis une goutte de pla- quettes. Un quart d'heure plus tard, on ajoute 0,5 cent. cube de plasma dilué dioxalaté ; BB se coagule en trois minutes, AA est encore liquide après deux jours. Le sérozyme étant adsorbé par SO‘Ba, le sérum n’est désormais pour les plaquettes qu'un liquide indifférent. Or, on constate que le plasma se com- porte de même, c'est-à-dire qu'après traitement par SO‘Ba, il ne se coagule (4) Annales de l'Institul Pasteur, 1904, p. 36. (Leplasma fluoré). (2) Le précipité de SO“Ba préparé par mélange de BaCI® avec SO'Na* est lavé à plusieurs reprises, à l'aide de centrifugations et décantations succes- sives, par de grands volumes de solution physiologique de NaCI; onle délaie finalement dans un peu de cette solution, de manière à obtenir une suspen- sion assez épaisse. 744 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR pas par l'addition de plaquettes lavées. On prépare aisément le plasma baryté spontanément incoagulable, en mélangeant 30 gouttes de suspension de SO‘Ba, 4 cent. cubes d'EPCa et 1 cent. cube de plasma oxalaté limpide. Après plusieurs heures de contact, on centrifuge et décante. Ajoutons que ce plasma se coagule par addilion de sérum frais, et mieux encore (la coagu- lation est alors presque instantanée) par l'addition d’un peu de sérum et d'une goutte de plaquettes. \ Le fait qu'un tel plasma reste liquide quand on y introduit des plaquettes sans sérum démontre définitivement que ces éléments sont incapables de solidifier le fibrinogène pur. Le plasma baryté représente en réalité un fibrinogène mieux débarrassé des générateurs de la thrombine que ne le sont en général les solutions diles pures de fibrinogène que lon obtient par précipitations successives sous l’influence du sel concentré. Il est probable que, dans cessolutions, un peu de sérozyme peut prendre naissance, ce qui explique leur coagu- labilité, que divers auteurs ont signalée (Morawitz, Nolf), par addition de plaquettes. Citons une expérience relative au plasma barvyté : Exp. XXIV. — Dans trois tubes ABC on introduit 4 cent. cube de plasma baryté. On ajoute au tube A 3 gouttes de suspension de plaquettes, au tube B 0,2 cent. cube de sérum (fraîchement obtenu) provenant de plasma oxalaté limpide recalcifié par 4 vol. d'EPCa, au tube C même dose du même sérum mais qui au préalable a été additionné d'une trace de plaquettes. A ne se coagule pas, B se coagule en dix-sept minutes, C en moins d'une minute. D'autre part, le sérozyme n'est pas absorbé par des globules sensibilisés, de telle sorte qu'il ne paraît point devoir être iden- lifié avec l’alexine. Le sérum (obtenu comme d'habitude) mélangé à un excès de globules de chèvre sensibilisés par du sérum de lapin antichèvre (chauffé au préalable à 56 degrés), puis séparé par centrifugation, produit encore de la thrombine lorsqu'on l’additionne de plaquettes. . Le mélange sérum-plaquettes, qui coagule presque instanta- nément le plasma barylé, agit de mème, ainsi qu'il faut s’y attendre, vis-à-vis de divers liquides contenant du fibrino- sène, lels que le liquide surnageant obtenu par centrifugation de l’exsudat péritonéal leucocytaire dont nous avons parlé anté- rieurement, ou bien encore le liquide surnageant (resalé et secalcilié) que l’on décante après centrifugation de plasma LA COAGULATION DU SANG ET LA GENÈSE DE LA THROMBINE 745 oxalaté traité par l’eau distillée et CO:, et dont il a été question plus haut. Ces deux liquides, nous l'avons vu, sont quasi-incoa- gulables spontanément, mais, à vrai dire, peuvent se coaguler par addilion de plaquettes, ce qui démontre que du sérozyme peut y prendre naissance. Nous jugeons inutile d'insister sur le détail de ces expériences. Ajoutons néanmoins, ici, que le sédi- ment séparé par centrifugation de plasma oxalaté limpide addi- tionné de. 9 volumes d'eau distillée et traité par C0? se com- porte comme s'il contenait quelques plaquetles, en ce sens qu'additionné de sérum, il développe de la thrombine. Ceci vient corroborer l'idée, exprimée dans notre paragraphe 1°, que le plasma oxalaté, mème très limpide, contient encore des traces de plaquettes auxquelles il doit sa coagulabilité par recal- cification, et dont précisément on peut le priver par l'action combinée de l’eau distillée et de CO*. Le sérozyme (ou les substances dont il peut dériver) est-il largement répandu dans les liquides de l'organisme ? Nous n'avons examiné à cet égard que l'humeur aqueuse et l’exsu- dat péritonéal normal. L'humeur aqueuse n’en contient pas: l'exsudat périlonéal en renferme, mais beaucoup moins qué Île sérum. Nous avons vu antérieurement que l’exsudat péritonéal leu- cocytaire obtenu chez le lapin, ou de préférence chez le cobaye. par injection de solution physiologique ou de bouillon se coa- gule paresseusement et peut même fournir, par centrifugation, un liquide surnageant incoagulable, mais qui se prend en masse par addition de plaquettes, celles-ci accélérant d’ailleurs beaucoup, même à dose assez faible, la prise en caillot de l’exsudat total, d’où la conclusion que les leucocytes sont infé- rieurs aux plaquettes en ce qui concerne la production de la thrombine. Cette conclusion est confirmée par l'étude comparée de l'aptitude des plaquettes et des leucocytes à fournir la thrombine par mélange avec le sérum. Comme beaucoup d’au- tres cellules, les leucocytes lavés dont on oblient une suspen- sion aux dépens d’un exsudat péritonéal libèrent de la throm- bine au contact du sérum. Mais les suspensions de plaquettes nous ont paru, à cet égard, beaucoup plus actives : elles agis- sent encore puissamment, à des dilutions extrêmes, ce qui n'est pas le cas pour l'émulsion leucocytaire. Nous avons l’impres- 146 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR sion que le cytozyme des leucocytes est moins utilisable pour la coagulation que ne l’est celui des plaquettes, sans doute parce qu'il reste davantage confiné dans la trame de l'élément cellu- laire; s'il n’en était pas ainsi, on ne concevrait guère pourquoi l’exsudat péritonéal, très riche en leucocytes, se coagule plus vite par l'addition de plaquettes. Cependant le cytozyme des leucocytes peut être utilisé dans une certaine mesure, puisque cet exsudat, bien que lentement coagulable, se prend néan- moins en masse plus vite que le même liquide débarrassé des cellules, et que, d'autre part, sous l'influence d'une addition de sérum, l’exsudat se coagule aussi plus vite lorsqu'il contient encore ses leucocytes que lorsqu'on l'en a dépouillé. Ces consi- dérations, rappelons-le, sont en harmonie avec celles que sug- gère la coagulation du sang d'oiseau qui renferme des leuco- cytes, mais point de plaquettes. Les auteurs qui se sont occupés des plaquettes croyaient que les propriétés de ces éléments ne résistaient guère au chauffage ; il n'en {est rien; le principe actif peut, sans dommage, être porté à 100 degrés. Nous l'avons vu plus haut, les plaquettes chauffées un quart d'heure à 100 degrés, ou même qui ont subi, à quelques jours d'intervalle, trois chauffages pendant cinq à dix minutes à celte température et ont été ainsi stérilisées, accé- lèrent encore fortement la coagulation du plasma dilué recal- cifié. De même, elles ont gardé toute leur aptitude première à former la thrombine avec le concours du sérum. Le sérozyme n'est visiblement atteint que si l’on chauffe jes plaquettes à 120 degrés dans l’autoclave : Exp. XXV. — Quatre tubes A, B, C, D contiennent 0, 4 cent. cube d'EPCa et 0,1 cent. cube de sérum, obtenu la veille par dilution de plasma oxalaté limpide avec 4 volumes d'EPCa. On laisse tomber en A-une goutte de sus- pension de plaquettes non chauffée, en B une goutte de suspension chauffée 30 minutes à 65 degrés, en C, une goutte de suspension chauffée 15 minutes à 100 degrés, en D une goutte de suspension chauffée 15 minutes à 120 degrés. Un quart d'heure plus tard, on ajoute à tous les tubes 0,5 cent. cube de plasma dilué dioxalaté. A, B se coagulent en 3 minutes, C en 3 min. 10 se- condes, D est encore liquide au bout de plusieurs heures. Le liquide transparent que l'on obtient en centrifugeant une suspension stérilisée est parfaitement actif, même s’il a été conservé pendant trois mois en tube scellé. Exr. XXVI. — Trois tubes A, B, C contiennent 0,4 cent. cube d'EPCa, 0,1 cent. cube de sérum; on ajoute à A une goutte de l'extrait limpide de LA COAGULATION DU SANG ET LA GENÈSE DE LA THROMBINE 747 plaquettes stérile conservé pendant trois mois, à B une goutte de plaquettes fraiches. On introduit ensuite, dans les trois tubes, 0,5 cent. cube de plasma dilué dioxalaté. À se coagule en 2 minutes, B en 3, CG est encore liquide le lendemain. La diffusion du cylozyme hors des plaquettes se fait d’ailleurs à froid assez rapidement : une suspension de plaquettes centrifugées quarante-huit heures après sa préparation fournit un liquide surnageant qui réagit fort bien avec le sérum pour donner de la thrombine. Jusqu'ici nous avons toujours employé du sérum pour provo- quer sur les plaquettes la réaction qui donne naissance à la thrombine. Mais on doit évidemment se demander si le prin- cipe du sérum qui réagit avec les plaquettes n'existe pas déjà, avec les mêmes propriétés, dans le plasma oxalaté que l’on vient de recalcifier et qui n’a pas encore eu le temps de subir les modifications dont le terme est la coagulation. L'expérience plaide pour la négative. Un tel plasma ne se comporte pas, lors- qu'on y ajoute des plaquettes, comme le sérum; pour trouver de la thrombine dans le mélange, il faut attendre un certain temps, à la vérité pas très long, car on sait qu’un mélange de plasma recalcifié et de plaquettes se coagule vite et équivaut donc bientôt à du sérum. Mais dans le mélange sérum-pla- quettes, l'apparition de thrombine est plus prompte; elle peut, nous l'avons vu, se produire en moins de deux minutes. En opérant soigneusement, on peut comparer, au point de vue du temps qu'exige la production de la thrombine, un mélange de plaquettes et de plasma dilué que l’on vient de recalcifier, avec un mélange identique, sauf qu'il contient du sérum issu de la coagulation antérieure d’un plasma de même composition. Exr. XXVIIL — Du sérum a été obtenu la veille par mélange de 1 cent. cube de plasma oxalaté limpide avec 4 volumes d'EPCa. D'autre part, au moment même de l'expérience, on prépare un mélange identique. On a donc un sérum et un plasma tout récent, de même composition initiale. Ces deux liquides sont dilués de 9 volumes d'EPCa. Aussi rapidement que possible, on distribue alors ces liquides, à dose de 0,5 cent. cube, dans des tubes où on laisse tomber une goutte de plaquettes. On laisse ce contact entre les liquides et les plaquettes se prolonger pendant des temps variables et exac- tement mesurés, puis l’on ajoute 0,5 cent. cube de plasma dilué dioxalaté. On trouve ainsi.que le mélange contenant du sérum et où le contact de celui-ci avec les plaquettes a duré 1 min. 45 secondes se prend en bloc en 4 min. 45 secondes, tandis que le mélange renfermant du plasma et où le contact de celui-ci avec les plaquettes a duré 3 min. 10 secondes ne se coa- gule pas. Celui où le contact plasma-plaquettes s'est prolongé 3 min. 20 se- condes se coagule, mais assez lentement (18 minutes); celui où ce contact a 748 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR été de 4 minutes se coagule en 5 minules. Des témoins établissent, bien entendu, que la coagulation ne survient pas en l'absence de plaquettes. Il semble résulter nettement de cette expérience (inutile de dire que d'autres essais analogues ont donné des résultats con- cordants) que le plasma recalcifié tout récemment préparé con- tient non pas Île sérozyme actif, mais seulement une substance mère dont celui-ci peut dériver (1). La première phase de la coagulation se signalerait donc par la transformation d’un « prosérozyme » en sérozyme aple à réagir avec le cylozyme. Il se pourrait aussi, à vrai dire, que cette première phase se signalät par la disparition d’une substance antagoniste empê- chant le sérozyme d'entrer en activité; d’après cette hypothèse, le sérozyme existerait dans Le plasma, mais ne pourrait agir qu'au bout d’un certain temps. Nous reviendrons d'ailleurs sur ce point à propos de la pro- duction de thrombine dans les mélanges de sérum et de pep- tone. Les matériaux aux dépens desquels le sérozyme naît dans le plasma sont, comme le sérozyme lui-même, peu résistants au chauffage. Le plasma oxalaté limpide, chauffé à 56 degrés, puis dilué et recalcifié, est incapable, comme le sérum chauffé à cette température, de former de la thrombine en présence de plaquettes. Exr. XXVIIL. — Du plasma oxalaté très limpide est chauffé une demi- heure à 56 degrés; le fibrinogène s’y précipite en flocons. On l’addilionne ensuile de 4 volumes d'EPCa. En même temps, on dilue semblablement du plasma identique, sauf qu'il n'a pas été chauffé. Cette seconde dilution se coagule en une heure environ; on obtient ainsi un sérum dont une portion est chauffée une demi-heure à 56 degrés. On introduit ensuite dans un tube À 0,2 cent. cube du plasma chauffé dilué, (1) C'est pourquoi nous avons choisi, pour désigner la substance du sérum qui réagit avec les plaquettes, le terme de sérozyme et non celui de plas- mozyme. Morawitz, Fuld et Spiro avaient montré que le suc de tissus (cyLo- zyme) réagit avec le sérum pour donner la thrombine. À vrai dire, il s’agit ici de plaquettes, mais nous montrons plus loin que le cytozyme des pla- quetltes est très vraisemblablement identique à celui des tissus. Or, Fuld et Spiro admettent que le principe du sérum qui réagit avec les tissus pré- existe dans le plasma, ils l’appellent plasmozyme; Morawitz, qui partage cette opinion, l'appelle thrombogène. En conséquence, à part cette restric- tion que, d'après nous, le sérozyme n’exisle pas dans le plasma au même état que dans le sérum, les termes de sérozyme, plasmozyme et thrombogène sont synonymes. ane LA COAGULATION DU SANG ET LA GENÈSE DE LA THROMBINE 749 dans un tube B mème dose du sérum non chauffé dont il vient d'être ques- tion, et dans un tube C même dose de ce sérum chauffé. On ajoute partout 0,5 cent. cube d'EPCa, une goutte de plaquettes, puis, 20 minutes plus tard, 0,5 cent. cube de plasma dilué dioxalaté. La coagulation s'effectue en 2 minutes dans B; les mélanges À et C sont encore liquides le lendemain. L'expérience donne le mème résultat si, au lieu de chauffer le plasma et de le diluer ensuite, on le dilue d’abord et le chauffe immédiatement après à 56 degrés. Considérons maintenant plus attentivement la réaction qui s'établit entre les plaquettes et le sérum, c’est-à-dire entre le cytozyme et le sérozyme, pour donner de la thrombine. L’une des substances agit-elle sur l’autre à la facon d’un ferment, ou bien se consomme-t-elle par le fait mème qu'elle est entrée en réaction ? Par exemple, un volume donné de sérum pourra t-il, après s'être trouvé en contact avec une dose notable de pla- quettes, fournir encore de la thrombine lorsqu'on lui fait rencontrer ensuite une dose nouvelle de ces mêmes éléments? Le premier contact ne l'a-t-il pas épuisé de son sérozyme? Le problème du mode de réaction des générateurs de la thrombine a déjà préoccupé les chercheurs; nous rappellerons notamment une expérience due à Nolf : il y a plus de thrombine dans le sérum issu de sang complet que dans celui qui provient de plasma limpide, mais on constate d'autre part que le second sérum est plus apte que le premier à fournir de la thrombine par mélange avec de l'extrait de rate. D'après Nolf, il y a, dans la coagulation du sang complet, consommation de thrombogène, résultant, suivant toute vraisemblance, d’une sécrétion par les leucocytes du sang d’une quantité plus ou moins considérable de thrombozyme qui s'unit pendant la coagulalion à l'excès de thrombogène du plasma. L'expérience est intéressante, mais ne présente pas toute la rigueur voulue, car elle est trop complexe, et c'est pourquoi l'interprétation de l'auteur n’est que vraisem- blable. Il convient d'éliminer les facteurs étrangers, notamment de mettre hors de cause le fibrinogène et d'éviter ainsi la forma- tion d’un caillot au cours de la réaction; c’est d'autant plus nécessaire que, d’après certains auteurs, particulièrement Nolf, le fibrinogène peut intervenir dans la production de la thrombine. Il y à donc lieu de mettre en présence uniquement les deux facteurs de la réaction, le sérozyme sous forme de sérum, le 750 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR cytozyme sous forme de plaquettes, sans mélange d’autres éléments cellulaires. Il faut mettre en œuvre, en d’autres termes, une technique semblable à celle qui sert à démontrer la fixation des anticorps sur les antigènes, des sensibilisatrices sur les globules rouges, par exemple. L'expérience consiste donc à mélanger à une suspension épaisse de plaquettes, une dose modérée de sérum. La formation de thrombine qui s'effectue alors consomme-t-elle le sérozyme? S'il en est ainsi, le sérum séparé le lendemain par centrifugation doit se montrer inca- pable de former de nouvelle thrombine par contact avec de nouvelles plaquettes. Tel est bien le résultat de l'expérience, dans laquelle on met à profit le fait qu'une thrombine vieillie n’est plus capable de coaguler rapidement le plasma oxalaté lorsqu'on emploie la technique de l'oxalatation séparée : Exe. XXIX. — Du sérum a été comme d'habitude obtenu la veille par dilu- tion de 1 vol. de plasma limpide dans 4 vol. d'EPCa. On en introduit 0,4 cent. cube dans 2 tubes A et B, et 0,2 cent. cube dans AA et BB. On ajoute aux quatre tubes de l'EPCa (0,6 cent. cube dans A et B, 0,8 cent. cube dans AA et BB) de façon à ce que partout le volume total soit de 1 cent. cube. On laisse tomber ensuite dans B et BB, deux gouttes de solution physiologique oxalatée à 0,5 p. 1000 et dans A et AA, deux gouttes d'une suspension épaisse de plaquettes dans cette mème solution. Le lendemain matin, on centrifuge les tubes qui contiennent des plaquettes et où de la thrombine a pu se pro- duire, et l'on décante les liquides surnageants A et AA. Chacun des quatre liquides est ensuite distribué dans deux tubes, à dose de 0,45 cent. cube. Le premier des deux tubes provenant soit de A, soit de B, soit de AA, soit de BB, est additionné d’une goutte de suspension (plus diluée que la précé- dente) de plaquettes; le second de chaque groupe de deux tubes est additionné d'une goutle de la solution physiologique oxalatée à 0,5 p. 1000. Un quart d'heure plus tard, les huit tubes sont additionnés de 0,1 cent. cube de solution d'oxalate à 0,5 p.100 {ils sont donc oxalatés à environ 1 p. 1000), puis, 5 mi- nutes après, de 0,5 cent. cube de plasma dilué oxalaté à 1 p. 1000 (obtenu par mélange de 1 p. de plasma oxalaté avec 4 p. de solution physiologique oxa- latée à 1 p. 1000). La coagulation survient en 6 minutes dans le tube auquel on vient d'ajouter des plaquettes et renfermant du liquide provenant de B, en 12 minutes dans le tube à plaquettes contenant du liquide de BB. Les mélanges provenant de A et de AA, avec ou sans addition récente de plaquettes, ne se coagulent qu'au bout de quatre heures environ, les autres tardent encore davantage, ou même ne se coagulent que fort incomplè- tement. On voit clairement comment les choses se sont passées : En A et AA, il s'est formé de la thrombine, et celle-ci conservée jusqu'au lendemain ne peut plus provoquer qu'une coagulation lente lorsqu'on l’oxalate à 1 p.1000 etqu'on la mélange au plasma oxalaté. Corrélativement à cette formation de thrombine, le sérum contenu dans A LA COAGULATION DU SANG ET LA GENÈSE DE LA THROMBINE 751 et AA, en réagissant avec les plaquettes, a perdu l'aptitude à réagir avec de nouvelles plaquettes. Dans B et BB, au contraire, pas de plaquettes au début, pas de formation de thrombine ; le sérum que ces tubes recèlent est encore parfaitement capable, le lendemain, de réagir avec des plaquettes pour donner une thrombine qui, étant toute fraiche, provoque très rapidement (6 et 12 mi- nutes suivant la dose de sérum) la coagulation du plasma oxalaté. Il résulle immédiatement de cette expérience que le sérum issu de la coagulation de plasma oxalaté et recalcifié riche en plaquettes, sérum abondamment pourvu de thrombine, doit se montrer peu apte à réagir avec la suspension de plaquettes, pour la raison précisément que le sérozyme a dû être consommé par les plaquettes lors de la coagulation. C'est ce que l’expé- rience vérilie; il est aisé de comparer de tels sérums avec celui qui dérive de plasma limpide : ExP. XXX. — On dispose de plasma oxalaté À qu'une centrifugation modérée a débarrassé des éléments cellulaires sauf des plaquettes, et de plasma lim- pide énergiquement centrifugé B. À une portion de celui-ci, on restitue des plaquettes (par addition d'un peu de suspension épaisse de plaquettes lavées), de façon à obtenir un liquide AA plus trouble que ne l’est le plasma modé- rément centrifugé. Chacun de ces trois plasmas est additionné de 4 vol. d'EPCa. Les sérums obtenus A, B, AA, sont conservés jusqu'au lendemain, puis, pour chacun d'eux, on prépare quatre dilutions dans l'EPCa, l'une au cinquième, la seconde au dixième, la troisième au vingtième, la quatrième au cinquantième. On évalue tout d'abord l'énergie coagulante de chacune des trois dilutions au cinquième, vis-à-vis de volume égal de plasma dilué dioxalaté. On trouve que le mélange contenant le sérum A se coagule en 9 heures environ, celui renfermant le sérum AA en 5 heures; celui à base de sérum B est encore liquide après 10 heures, on le trouve coagulé le lendemain. Ce résultat corro- bore la notion que les ‘sérums dérivant de plasmas à plaquettes sont plus riches en thrombine. D'autre part, on répartit dans des tubes 0,5 cent. cube de chacune des dilu- tions de chacun des trois sérums; on ajoute une goutte de suspension de plaquettes, puis un quart d'heure plus tard on introduit 0,5 cent. cube de plasma dilué dioxalaté. Voici les temps de coagulation observés : DILUTION AU. . . . 4/5 4/10 4/20 4/50 DércéroneAtee She Smin: EM) ce Se De-sérum AA. .\M"h."30 min. 2 £? ea De sérum B . . .|3-4 minutes.|3-4 minutes.|3-4 minutes.| Coagulation le lendemain. (1) Le signe w signifie que le mélange reste indéfiniment liquide. 752 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR On voit combien est faible, dans le cas de sérum issu de plasma à plaquettes, le pouvoir de réagir avec ces éléments. Le sérum provenant de la coagulation de sang complet se comporte de même. L'expérience montre toutefois que ce dernier sérum possède encore, mais à un assez faible degré, le pouvoir de former de nouvelle thrombine en présence de plaquettes. La dose de sérozyme que le sang peut livrer est donc un peu supé- rieure à celle qu'exige la saluration des affinités, pour ce prin- cipe actif, des éléments cellulaires sanguins. Il est un phénomène sur lequel Bordet et Gengou (1) ont insisté el que nos expériences sur les plaquettes permettent d'expliquer clairement. C'est Le phénomène dit de « l’excito- production ». Si l’on dilue par 4 volumes d’eau distillée du plasma salé à 5 p. 100, la coagulation s'effectue, on le sait, au bout d’un lemps assez notable, une demi-heure par exemple. Mais elle est considérablement accélérée si, immédiatement après dilution, le plasma salé est adiilionné d’un peu de sérum issu de la coagulation antérieure d'un plasma dilué de même composition. Et, chose curieuse, on trouve que la prompte coagu- lation ainsi déchainée n’est pas en réalilé passive, c’est-à-dire due uniquement à la thrombine propre au sérum ajouté, car elle se signale par une abondante néoformation de thrombine. Le sérum n’agit pas essentiellement grâce à la thrombine qu'il apporte, mais parce qu'il exeile, au sein du plasma el aux dépens des matériaux appartenant à celui-ci, la production de la thrombine qui, sans son intervention, n'aurait apparu que notablement plus tard pour réaliser la coagulation spontanée. Le chauffage à 56 degrés, enlevant au sérum ce pouvoir exeito- producteur, supprime sa propriété d'accélérer la coagulation du plasma salé dilué; d'autre part, ce pouvoir résiste mieux que la thrombine à la conservation à la température ordinaire. Les recherches de Bordet et Gengou n'avaient pu élucider- complètement ce phénomène ; Nolf l'a interprété en attribuant au sérum un rôle thromboplastique analogue à celui que Joue le contact avec les corps solides. L’explication exacte en est désormais aisée : Le plasma salé, même bien centrifugé, contient un peu de cytozyme que le sel à extrait des plaquettes. D'autre: 1) Ces Annales, 190%, p. 4103. LA COAGULATION DU SANG ET LA GENÈSE DE LA THROMBINE 753 part, le sérum issu de la coagulation contient un excès de séro- zyme. Si donc, à du plasma salé qu’on vient de diluer,on ajoute du sérum, la rencontre s'effectue entre les deux principes, de la thrombine se forme et la coagulation s'opère à bref délai. Pour faire l'analyse expérimentale du phénomène d'excito- production, il est commode de se servir de plasma oxalaté qui, modérément centrifugé, n’a pas été complètement débarrassé de ses plaquettes et qui (comme le plasma salé) recèle le cyto- zyme en quantité très suffisante. Le plasma est chauffé à 56 degrés, puis recalcifié ; ainsi traité, il est incoagulable pour deux raisons : le chauffage non seulement a altéré le fibrinogène, mais encore, conformément à ce que nous avons vu plus haut, a enlevé au plasma l'aptitude à produire le sérozyme indispen- sable à la formation de la thrombine. Mais, nous le savons, le cytozyme résiste parfaitement au chauffage. L'addition d’un peu de sérum au plasma chauffé y fera, en conséquence, naître de la thrombine. Le mélange restera fluide, puisque le fibri- nogène est altéré, mais se montrera capable de solidifier rapi- dement le plasma dioxalaté. ExP. XXXI. — Du plasma oxalaté contenant des plaquettes est chauffé une demi-heure à 55°8. On vérifie tout d'abord que le mélange d’un tel plasma avec 4 vol. d'EPEa non seulement ne se coagule pas, mais encore ne se montre, à aucun moment, capable de coaguler volume égal de plasma dilué dioxalaté. Cela étant établi, on introduit dans un tube A 0,2 cent. cube de plasma chauffé et 0,8 cent. cube d'EPCa, et dans ün tube B 1 cent. cube d'EPCa. On ajoute aux deux tubes 0,2 cent. cube de sérum, obtenu comme d'habitude la veille par dilution de plasma oxalaté limpide avec 4 vol. d'EPCa. Quarante minutes plus tard, on additionne les deux mélanges de 1 cent. cube de plasma dilué dioxalaté. Le mélange A se coagule en quatre minutes, le mélange B est encore liquide le lendemain. L'expérience donne le même résultat si, au lieu de chauffer d’abord le plasma et de le diluer ensuite, on le chauffe immé- diatement après dilution par quatre volumes d'EPCa. L'expérience telle qu’elle est réalisée ci-dessus permet aussi de démontrer que le plasma oxalaté, lorsqu'il est soigneuse- ment débarrassé des plaquettes par la centrifugation, ne con- tient que des traces de cytozyme trop faibles pour permettre la formation de thrombine en quantité notable : Exe. XXXIT. -- On répète l'expérience ci-dessus, en préparant en outre un mélange C constitué comme suit : Du plasma oxalaté bien dépourvu de 48 75% ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR plaquettes, est chauffé une demi-heure à 5508; on en prend 0,2 cent. cube qu'on additionne de 0,8 cent. cube d'EPCa et de 0,2 cent. cube de sérum. Quarante minutes plus tard, on introduit 1 cent. cube de plasma dilué dioxa laté. Le mélange est encore liquide le lendemain. Les conditions réalisées dans l'expérience XXXI sont l'image suffisamment fidèle de celles qui président au phénomène d’excito-production signalé par Bordet et Gengou, lequel en conséquence n'offre plus rien de mystérieux. Ajoutons que d’après ces auteurs, le contact avec un corps mouillable tel que le verre n'est pas nécessaire à la production de thrombine, sous l'influence du sérum, au sein du plasma. De même, nous pensons que ce contact n'intervient pas dans la réaction entre le sérozyme et le cytozyme des plaquettes. S IT. — LE cyToZYME DU SUC DE MUSCLES. Comme nous l'avons rappelé, Morawitz a vu que le suc de tissus développe de la thrombine lorsqu'en milieu calcifié on le mélange à du sérum. Ce fait sert de base à la théorie d'après laquelle la thrombine dérive de deux générateurs distincts. On admettait que le principe actif de l'extrait d'organes (cytozyme) ne résiste pas à l’action des températures élevées. Nous avons constaté le contraire en opérant sur l'extrait de muscles, lequel à vrai dire devient presque inactif lorsqu'on le chauffe à 120 degrés, mais garde ses propriétés lorsqu'on l’ex- pose pendant un quart d'heure à la température de 100 degrés. Il se comporte donc comme la suspension de plaquettes, en ce sens que, même chauffé, 1l accélère la coagulation du plasma oxalaté limpide que l’on vient de recalcifier, et d'autre part donne naissance à de la thrombine lorsqu'on l’additionne de sérum. Exr. XXXIII. — Un fragment de muscle de lapin est broyé et additionné de solution physiologique contenant 0,5 p. 1.000 d'oxalate. La suspension très trouble ainsi obtenue est passée sur toile métallique à mailles fines. Une portion du liquide est conservée telle quelle, une autre est chauffée le len demain pendant un quart d'heure à 100 degrés, en même temps qu'une suspension de plaquettes de lapin et un extrait de muscle de bœuf préparé comme l’a été l’extrait de muscle de lapin. On verse dans huit tubes 0,3 cent. cube de plasma oxalaté bien limpide et l’on ajoute 1,2 cent. cube d'EPCa. Immédiatement après, on laisse tomber LA COAGULATION DU SANG ET LA GENÉSE DE LA THROMBINE 55 dans l’un des tubes (a) une goutte de suspension de plaquettes non chauffée, dans un second tube une goutte de plaquettes chauffée (b). De mème, quatre tubes reçoivent soit de l'extrait non chauffé de muscle de Japin (c), soit cet extrait chauffé (d), soit de l'extrait de muscle de bœuf non chauffé (e), soit ce même extrait chauffé (f). Aux deux tubes restants g et h, on n’ajoute rien. Résultat : dans g et h la coagulation s'opère en 22 à 26 minutes (1), dans a en 6', dans b en 7', dans c en #!, dans 4 en 3, dans e en 14!, dans f en 13. On constate, soit dit en passant, que le muscle de bœuf est nettement inférieur au muscle de lapin au point de vue de l'accélération imprimée à la coagulation du plasma oxalaté recalcifié ; il agit toutefois nettement. Exe. XXXIV. — Cinq tubes contiennent 0,4 cent. cube d'EPCa et 0,1 cent. cube de sérum obtenu comme d'habitude la veille par dilution de 1 vol. de plasma oxalaté limpide avec 4 vol. d'EPCa, Au tube 1 on n'ajoute rien; dans les tubes 2, 3, 4, 5, on laisse tomber une goutte, respectivement de plaquettes non chauffées, de plaquettes chauffées à 100 degrés, d'extrait non chauffé de muscle de lapin, de ce même extrait chauffé à 100 degrés. Un quart d'heure plus tard, on ajoute aux mélanges 0,5 cent. cube de plasma dilué dioxalaté. Résultat : 1 est encore liquide le lendemain; la coagulation s'opère en 2 à 3 minutes dans les autres tubes. Nous avons vu plus haut que le chauffage vers 56 degrés enlève au sérum (ou au plasma) le pouvoir de réagir avec les plaquettes pour donner de la thrombine. Il en est de même pour ce qui concerne la réaction avec le suc de muscles (2) : Exp. XXXV. — On établit tout d'abord qu'un mélange de 0,3 cent. cube d'EPCa et de 0,2 cent. cube de sérum non chauffé, auquel on ajoute volume égal (0,5 cent. cube) de plasma dilué dioxalaté, ne se coagule pas (il est encore liquide le lendemain). Il en est de même, cela va de soi, d'un mélange semblable, sauf que le sérum non chauffé y est remplacé par 0,2 cent. cube de ce même sérum préalablement chauffé une demi-heure à 55°4, Cela étant élabli,on verse dans six tubes 0,3 cent. cube d'EPCa et 0,2 cent. cube de sérum, soit non chauffé (A, B, C), soit qui a été chauffé une demi- heure à 55°4 (D,E, F). On laisse tomber en A et D une goutte de plaquettes, en B et E, une goutte d'extrait de muscles de lapin, en C et F une goutte (41) Ce temps de coagulation du plasma limpide dilué et recalcifié est rela- tivement court. Cela tient à ce que la température du laboratoire était fort élevée (23°) le jour où cette expérience a été réalisée. (2; Nous ne sommes donc pas d'accord avec les auteurs (Blaizot notam- ment) d'après lesquels le plasma oxalaté chauffé à 56 degrés se comporte comme s'il contenait encore du thrombogène. On le sait, le thrombogène correspond à notre sérozyme. Or, nous avons constaté que si l’on ajoute à 0,2 cent. cube de plasma oxalaté (chauffé,au préalable une demi-heure à 55°8) 0,8 cent. cube d'EPCa et un peu d'extrait de muscle, il ne se forme pas de thrombine dans le mélange. 756 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR d'extrait de muscle de bœuf, puis, 20 minutes plus tard, 0,3 cent. cube de plasma dilué dioxalaté. La coagulation s'opère en une et demie à deux et demie minutes dans les tubes AÀ,B, C; les mélanges D, E, F sont encore liquides le lendemain. Dans les expériences qui précèdent, l'extrait de muscle se comporte exactement comme la suspension de plaquettes. Le cylozyme de l'extrait est-il entièrement identique à celui des plaquettes? S'il en est ainsi, on doit prévoir que du sérum dépouillé de son sérozyme par contact préalable avec des pla- quettes, se montrera inactif non seulement à l'égard de nou- velles plaquettes (ce que nous savons déjà), mais aussi vis-à-vis d'extrait de musele, et qu'inversement le traitement par le suc de muscle doit enlever au sérum son aptitude à réagir avec les plaquettes. C'est bien dans ce sens que l'expérience répond : Exr. XXXVI. — Trois tubes A, B, C contiennent 0,9 cent. cube d'EPCa et 0,6 cent. cube de sérum. On ajoute à A trois gouttes de suspension assez épaisse de plaquettes lavées, à B même quantité d'extrait de muscle delapin, à C même dose de solution physiologique oxalatée à 5 p.1 000 (comme le sont la suspension de plaquettes et l'extrait). Le lendemain, on centrifuge AetB et décante les liquides surnageants. Chacun des liquides A, B, C est alors réparti, à dose de 0,45 cent. cube dans trois tubes qu’on additionne respectivement d'une goutte, soit de plaquettes, soit d'extrait de muscle, soit de solution physiologique oxalatée à 0,5 p. 1.000. Vingt minutes plus tard, on oxalate les mélanges à 1 p. 1.000 (par addition de 0,1 cent. cube d'oxalate à 0,5 p. 100), et au bout de dix minutes, on les additionne de 0,5 cent. cube de plasma dilué oxalaté à 1 pour 1.000 obtenu par mélange de 1 vol. de plasma oxalaté limpide avec 4 volumes de solution physiologique oxalatée à 1 pour 1.000). Aucun des mélanges renfermant le liquide A ou le liquide B ne se coagule rapidement; ils se solidifient au bout de trois à quatre heures seulement, sous l'influence de la thrombine qui s'y est produite la veille et dont l'énergie s’est beaucoup affaiblie par la conservation. L'addition récente d’une goutte de pla- quettes où d’une goutte d'extrait n’y a déterminé aucune appa- rition de thrombine, ce qui démontre que Le sérozyme a disparu orâce au premier contact, réalisé le Jour précédent, soit avec les plaquettes, soit avec l'extrait. Au contraire, le sérozyme s'est maintenu intact dans le liquide C. En effet, les deux mélanges contenant ce liquide, et qui viennent de recevoir soit une goutte de plaquettes,soit une goutte d'extrait, se coagulent en 4-5 minutes. L'expérience montre qu'un sérum épuisé ÉD is on nude nn dd LA COAGULATION DU SANG ET LA GENÈSE DE LA THROMBINE 757 par des plaquettes est devenu inactif à l'égard d'extrait, aussi bien qu'à l'égard de plaquettes, et vice-versa. Dans le même ordre d'idées, nous avons éprouvé vis-à-vis de l'extrait de muscle, les sérums dont il est question dans l’expé- rience XXX,etqui,provenant de plasmas riches en plaquettes, ne possédaient, comparativement à du sérum issu de plasma limpide, qu'une aptitude médiocre à développer de la throm- bine en présence de plaquettes. On trouve que ces sérums se montrentégalement peu aptes à réagir avec l'extrait de musele : Exe. XXXVII. — On reprend les sérums A, B, AA de l'expérience XXX, et qui proviennent respectivement de deux plasmas riches en plaquettes (A,AA) ou d'un plasma limpide (B). On dilue ces sérums au dixième (dans EPCa): chacune de ces dilutions est introduite à dose de 0,5 cent. cube dans trois tubes A, AA, B ; on ajoute une goutte d'extrait de muscle, et vingt minutes plus tard, 0,5 cent. cube de plasma dilué dioxalaté. À est encore liquide après 4 heures (on le trouve coagulé le lendemain); B se coagule en 4 minutes, A A en 4 heures environ. Les faits que nous venons de citer autorisent, nous semble- t-il, à identüfier le principe actif des plaquettes avec le principe correspondant de l'extrait de muscle ; ces deux principes peuvent être confondus sous la dénomination commune de cylozyme. SPÉCIFICITÉ D'ACTION DU SUC DE TISSUS. — D'après les auteurs qui se sont occupés de cette question, c'est une loi assez générale que le suc de tissu venant d’une espèce animale déterminée se montre spécialement actif à l'égard du plasma provenant de la même espèce ou d'une espèce voisine. Delezenne avait observé par exemple que le plasma d’oie se coagule plus vite sous l'influence d'extrait de tissu d’oie que sous l’action d'extrait de tissu de mammirères. C'est particulièrement à L. Loeb que l’on doit de nombreux renseignements concernant l'adaptation spécifique des sucs de tissus aux plasmas d'espèce identique. Hewlett, Fuld, Nolf, Muraschew, ont contribué aussi à l'étude de cette question, laquelle est assez complexe, car à côté de la spécilicilé possible du cytozyme (c'est-à-dire de son aptitude plus ou moins grande à réagir avec les sérozymes de même espèce ou d'espèces différentes) intervient aussi la spécificité éventuelle de la thrombine née de cette réaction (c'est-à-dire 198 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR son aptitude plus ou moins marquée à provoquer la prise en caillot de tel ou tel fibrinogène). Il semble bien acquis, d’après les recherches de Bordet et Gengou sur les sérums anticoagu- lants, que les thrombines provenant d'espèces animales diffé- rentes ne sont pas chimiquement tout à fait identiques les unes aux autres, ce qui ne signilie nullement qu'elles soient incapables de coaguler des fibrinogènes venant d'espèces ani- males autres que celles dont elles-mêmes dérivent. La spécili- cité d'action des thrombines ne semble pas, en effet, être très stricte; ainsi, du sérum de poule provoque sans difficulté la coagulation de plasma oxalaté de lapin. Mais l'expérience permet des combinaisons telles, qu'a priori il peut être assez difficile de dire à quelle espèce animale appar- tient la thrombine que l'on étudie. Trois espèces animales en effet peuvent intervenir dans une seule et mème coagulation. Nous pouvons évidemment faire réagir un sérum d'espèce A sur des plaquettes ou du suc de tissu d'espèce B, et éprouver ensuite l'énergie coagulante du mélange sur un plasma d'espèce C. Dans de pareilles conditions, la thrombine er jeu appartient-elle à l'espèce A ou à l'espèce B? S'identifie-t-elle avec l’une ou l’autre des thrombines qu'on obtiendrait soit en mélangeant du suc de À avec du sérum de A, soit en ajoutant à du sérum de B, du suc de B? Des recherches dans ce sens jetteraient sans doute plus de lumière sur le mécanisme intime de la réaction qui s'établit entre le cytozyme et le sérozyme : peut-être aurait-on recours utilement, à ce propos, aux sérums anticoagulants spécifiques obtenus par immunisation contre l’un ou l’autre des principes actifs. Quoi qu'il en soit, réservant de tels essais pour une étude ulté- rieure, nous nous bornerons aujourd'hui à énumérer sans commentaires quelques constatations recueillies au cours de nos expériences : Du plasma de poule qui se coagule sous l'influence de suc de muscle de poule donne un sérum qui coagule aisément le plasma oxalaté de lapin. Le sérum de cobaye fournit une thrombine très active (à l'égard de plasma de lapin) lorsqu'on le mélange à des plaquettes de lapin. Le plasma oxalaté de lapin se coagule aisément sous l'influence d’un mélange de sérum de lapin avec du muscle de bœuf ou d’un mélange de sérum de LA COAGULATION DU SANG ET LA GENÈSE DE LA THROMBINE 759 bœuf, soit avec des plaquettes de lapin, soit avec du muscle de bœuf. Mais, chose assez curieuse, le mélange de sérum de lapin et de plaquettes de lapin, ou bien encore le mélange de sérum de lapin et de muscle de bœuf, lesquels coagulent facilement le plasma dioxalaté de lapin, ne coagulent que très lentement et très péniblement le plasma üioxalaté de bœuf. Celui-ci pourtant se coagule très vite sous l'influence d’un mélange de sérum de bœuf avec des plaquettes de lapin, ou bien encore d’un mélange de sérum de bœuf avec du muscle de bœuf. Nous avons vu plus haut que le muscle de bœuf accélère assez nettement la coagulation du plasma oxalaté de lapin que l’on vient de recalcilier. S IV. — LE cYTOZYME DE LA PEPTONE. Le plasma peptoné spontanément incoagulable qu'on obtient par saignée des animaux auxquels on vient d'injecter de la peptone à fait l’objet d’un nombre considérable de travaux. Nous ne comptons pas le soumettre ici à une étude appro- fondie ; nous nous bornerons à signaler quelques faits dont les recherches ultérieures pourront ulilement tenir compte. L'effet anticoagulant des injections intraveineuses de peptone s'explique par une réaction de l'organisme à laquelle le foie semble bien prendre une part prépondérante. Mais quelle est La substance active de la peptone? Dérive-t-elle de la digestion pepsique de la viande ou bien préexiste-t-elle dans celle-ci avant tout contact avec le ferment digestif? Cette seconde hypo- thèse peut a priori sembler assez plausible en raison de ce fait bien connu (Conradi, Uhlenhuth et Handel, Dold, etc...) que l'injection intravasculaire d'extrait de tissus n'ayant subi aucune influence altérante telle que celle de la pepsine, peut, tout comme l'injection de peptone, déterminer l'incoagulabilité du sang. Pour juger de cette question, il n’est pas inutile de savoir que la peptone, ainsi que nous allons le démontrer, partage avec le suc de muscle la propriété, importante à considérer dans l'étude de la coagulation, de produire de la thrombine en pré- sence de sérum. | À vrai dire, l'aptitude de la peptone à réagir avec le sérum 760 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR pour former la thrombine ne peut être mise en évidence qu'à une condition : la solution peptonée doit avoir été au préalable additionnée d’alcali jusqu'à réaction exactement neutre ou légèrement alcaline au papier de tournesol. La peptone du commerce est très souvent acide et cette acidité s'oppose à la formation de thrombine. Exr. XXXVIIL — Nous employons couramment pour les usages bac- tériologiques une peptone de fort bonne qualité, préparée exclusivement au moyen de viande de bœuf (peptone de l'hôpital de Diesi, Belgique). On dissout à froid 10 grammes de cette peptone dans 30 cent. cubes d'eau distillée. Une partie de la solution est gardée telle quelle, le reste est addi- tionné de solution de KOH à 10 p. 100 jusqu'à réaction neutre ou très légè- rement alcaline au tournesol (1). On verse dans deux tubes A et B 0,5 cent. cube d'EPCa: dans trois tubes C, D, E, 0,4 cent. cube d'EPCa et 0,1 cent. cube de sérum (obtenu par coagu- lation de plasma oxalaté limpide de lapin additionné de 4 volumes d'EPCa). On laisse tomber dans A et C une goutte de solution de peptone non neutra- lisée, dans B et D une goutte de cette même solution neutralisée. Vingt minutes plus tard, on ajoute à tous les tubes 0,5 cent. cube de plasma dilué dioxalaté. Le mélange D se coagule en trois minutes: C et E, liquides après trois heures, sont trouvés coagulés le lendemain ; A et B restent indéfiniment liquides. On le voit, la peptone ne possède par elle-même aucun pouvoir coagulant ; comme pour le suc de muscle, le concours du sérum est nécessaire à l'apparition de la thrombine (2). Que, d'autre part, même en présence de sérum, l'acidité de la peptone s'oppose à la production de thrombine, on peut le démontrer d'une manière indiscutable: nous savons que la thrombine apparaît en abondance dans le mélange de sérum et de suc de muscle; or, elle ne s’y produit pas si un tel mélange contient en outre de la solution non neutralisée de peptone. Par contre, cette solution, qui contrarie la formation de la thrombine, ne met pas obstacle au pouvoir coagulant de ce principe actif: Exr. XXXIX. — Trois tubes A, B, C, contiennent 0,35 cent. cube d'EPCa et 0,15 cent. cube de sérum; on laisse tomber dans B une goutte de (1) 11 faut à peu près 0.1 cent. cube de cette solution pour 1 gramme de peptone sèche. La solution de peptone ne renferme qu'une dose modérée de Ca ; elle précipite faiblement par l'oxalate. (2) Les traces de KOH pouvant exister dans la solution de peptone alca- linisée, ne participent pas à la formation de thrombine en présence de sérum, ainsi qu'on le démontre en constituant des mélanges de sérum et de solutions très diluées (bleuissant légèrement le papier de tournesol) de KOH, et en ajoutant ensuite à ces mélanges du plasma dioxalaté. LA COAGULATION DU SANG ET LA GENÉSE DE LA THROMBINE 761 la solution non neutralisée de peptone, puis dans les trois tubes une goutte d'extrait de muscle de bœuf. Une demi-heure plus tard, on ajoute à C une goutte de peptone, puis immédiatement après, aux trois tubes, 0,5 cent. cube de plasma dilué dioxalaté. Les mélanges À et C se coagulent en quatre minutes. Dans B, une coagulation Jâche et incomplète apparait après deux heures seulement. L'idée fort naturelle que l'aptitude de la peptone à réagir avec le sérum résulte simplement de ce qu'il s'est maintenu en elle du cytozyme propre à la viande qui a servi à sa préparation, trouve une confirmalion dans le fait que, comme l'extrait de muscle de bœuf, la peptone se montre encore parfaitement active après chauffage à 100 degrés pendant un quart d'heure. Ajoutons qu'il n'est pas nécessaire, pour obtenir de la thrombine par addition de sérum, d'employer des solutions de peptone aussi concentrées que celle dont nous nous sommes servis dans les expériences précédentes : des solutions cinq ou dix fois plus étendues conviennent encore fort bien. Exr. XL. — Trois tubes A, B, C, contiennent 0,4 cent. cube d'EPCa et 0,1 cent. cube de sérum. On ajoute à B une goutte de solution neutralisée de peptone (cinq fois plus diluée que celle des expériences précédentes), qui a été chauffée un quart d'heure à 100 degrés ; à C, une goutte d'extrait de muscle de bœuf également chauffé à 100 degrés. Vingt minutes plus tard, on ajoute aux trois tubes 0,5 cent. cube de plasma dilué dioxalaté. La coagulation s'opère en six minutes dans B, en quatre minutes et demie dans C; A ne se coagule que le lendemain. Nous avons vu, au cours de nos expériences sur les pla- quettes, que le sérozyme abondant dans le sérum ne se ren- contre pas dans le plasma que l’on vient de diluer et de recal- cifier. Ce fait se constate encore de la manière la plus nette lorsqu'on emploie la peptone comme réactif du sérozyme : Exp. XLT. — On a du sérum obtenu par dilution de 1 vol. de plasma oxa- laté limpide avec 4 vol. d'EPCa. D'autre part, immédiatement avant l'expé- rience, on prépare une dilution identique {plasma dilué tout récent); trois tubes A, B, C renfermant 0,4 cent. cube d'EPCa, reçoivent 0,1 cent. cube de sérum ; deux tubes D,E, contenant aussi 0,4 cent. cube d'EPCa, reçoivent 0,1cent. cube de plasma dilué qu'on vient d'obtenir. Dans les tubes B,C,D;E, on laisse tomber une goutte de solution neutralisée de peptone, puis, après 3 minutes pour les tubes À et B, après 6 minutes pour le tube C, après 4 minutes pour le tube D, après 7 minutes pour le tube E, on ajoute 0,5 cent. cube de plasma dilué dioxalaté. Le mélange B se coagule au bout de 8 minutes, le mélange C au bout de 5. Le mélange A ne se coagule que le lendemain, les mélanges D et E restent indéfiniment liquides. 762 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR La production de thrombine dans le mélange sérum-peptone est assez rapide : elle se constate déjà après trois minutes de contact: cependant elle ne semble atteindre son maximum qu'au bout d'un temps un peu plus long : Exp. XLITI. — Trois tuhes renfermant 0,4 cent. cube d'EPCa et 0,1 cent. cube de sérum sont additionnés d'une goutte de solution de peptone. On ajoute 0,5 cent. cube de plasma dilué dioxalaté après 3 minutes pour le tube A, après 7 minutes pour le tube B, après 15 minutes pour le tube C. On conslate que À se coagule en 8 1/2, B en 5 1/2, C en 4 minutes. La peptone ne nous a point paru hâter d'une manière bien notable la coagulation de plasma oxalaté que l’on vient de diluer et de recalcifier. Il est nécessaire que le sérozyme prenne naissance tout d’abord dans le plasma avant que la production de thrombine aux dépens de ce sérozyme et de la peptone puisse s'effectuer. Il faut tenir compte, d'autre part, que la pep- tone employée est d'origine bovine et que le muscle de bœuf lui-même se montre nettement moins actif, au point de vue de l'accélération de la coagulation du plasma de lapin, que le muscle de lapin. Il serait intéressant, mais c'est une expé- rience que nous n'avons pas réalisée, d'étudier une peptone fabriquée au moyen de viande de lapin. Mais, ainsi qu'il faut s’y attendre, la coagulation du plasma dilué recalcifié est considérablement accélérée quand on l'addi- tionne à la fois d’un peu de sérozyme sous forme de sérum, et de peptone. Elle s'opère dans ces conditions beaucoup plus vite que st le plasma avait été additionné uniquement de sérum : ExP. XLIII. — On peut opérer de deux façons : ou bien faire réagir tout d'abord le sérum sur la peptone et ajouter ensuite le plasma dilué recalci- fié; ou bien introduire successivement, dans ce plasma, le sérum et la peptone. L'expérience comprend des témoins où le plasma dilué ne reçoit aucune addition, ou est additionné exclusivement soit de sérum, soit de peptone. Le plasma dilué recalcifié {1 vol. plasma oxalaté limpide, 4 vol. d'EPCa) esl préparé immédiatement avant l'expérience. Cinq tubes contiennent 0,4 cent. cube d'EPCa. Au tube A on ajoute 0,1 cent. cube de sérum et une goutte de solution neutralisée de peptone, puis 4 minutes 1/2 plus tard, 0,5 cent. cube du plasma que l'on vient de préparer. La coagulation survient dans ce mélange au bout de 9 minutes. Au tube B on ajoute d'abord 0,5 cent. cube de plasma récent, puis une goutte de peptone et 0,1 cent. cube de sérum. La coagulation demande 11 à 12 minutes. Les tubes C, D, E reçoivent 0,5 cent. cube du plasma récent, mais à C l'on LA COAGULATION DU SANG ET LA GENÈSE DE LA THROMBINE 763 n'ajoute rien, tandis qu'à D on ajoute une goutte de peptone, et à E 0,1 cent. cube de sérum. La coagulation exige 74 minutes dans C, 71 minutes dans D ‘on voit que l'addition de peptone ne hâte guère la coagulation), 48 minutes dans E. Celui-ci, remarquons-le, ne se coagule pas très vile; il contient pourtant du sérum, mais ce sérum, nous le savons, est très pauvre en thrombine parce qu'il vient de plasma dépourvu de plaquettes; le séro- zyme qu'il renferme reste quasi inutile, car le plasma récent, privé de ses plaquettes, ne contient que des traces de cytozyme. Les expériences de ce genre sont plus démonstratives lors- qu'on les réalise avec du plasma qui, en même temps qu'on le dilue et le recalcifie, est mis au contact de SO‘Ba, et est ensuite centrifugé. Nous le savons, un tel plasma est incapable de se coaguler spontanément. Exr. XLIV. — A2 cent. cubes d'EPCa, on mélange quinze gouttes d'une suspension assez épaisse de SO‘Ba bien lavé, et 0,5 cent. cube de plasma oxalaté limpide. Après trois heures,on centrifuge et décante le liquide sur- nageant (plasma baryté). Quatre tubes renferment 0,4 cent. cube d'EPCa. Au tube A on ajoute 0,1 cent. cube de sérum et une goutte de peptone, puis 9 minutes plus tard, 0,5 cent. cube de plasma baryté. La coagulation survient dans ce mélange au bout de 8 minutes. Au tube B, on ajoute d'abord 0,5 cent. cube de plasma baryté, puis une goutte de peptone et 0,1 cent. cube de sérum. La coagula- tion demande 16 minutes. Le tube C reçoit une goutte de peptone; ce mélange ne se coagule pas. Le tube D reçoit 0,1 cent. cube de sérum; la coagulation s'y effectue seulement au bout de plusieurs heures. Cette expérience démontre que par elle-même, sans le secours du sérum, la peptone est impuissante, même en milieu calcifié, à faire coaguler le fibri- nogène. Il en est de même, nous le savons, des plaquettes. CONCLUSIONS. La coagulation comporte une succession de phénomènes, qui aboutit à la formation de la thrombine, dont l'apparition au sein du plasma a pour conséquence immédiate la prise en caillot. Il paraît bien établi que l'agent direct de la coagulation, la thrombine, naît de la réaction mutuelle du sérozyme et du cytozyme. Celui-ci est fourni par les cellules, en particulier par les plaquettes. Mais d’où vient le sérozyme? L'expérience tend à faire admettre qu'au début du processus il n'existe pas comme tel dans le plasma, outout au moins ne peut y entrer en réac- tion. Grâce à quel mécanisme se produit-il ou bien peut-il agir à un moment donné? On l'ignore. C’est donc la phase initiale de la coagulation qui se montre encore la plus mystérieuse. Elle 164 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR se signale par l'apparition du sérozyme, et c'est à ce moment aussi que se manifeste l'influence si décisive et si obscure encore du contact avec les corps étrangers.Les cellules et notam- ment les plaquettes se bornent-elles à fournir le cytozyme ou bien interviennent elles aussi d'une façon qu'on ne saurait pré- ciser actuellement, dans la réaction dont le sérozyme résulte ? Quel est exactement le rôle du contact, à quel moment précis doit-il se manifester? C’est sûrement au début du processus, car le contact n'est pas nécessaire à la réaction qui s’établit entre le cytozyme et le sérozyme. On ne pourra répondre à ces questions avant d’avoir soumis à des recherches plus appro- fondies les phénomènes intimes, et notamment la phaseinitiale, de la coagulation. Nous nous bornerons donc aujourd'hui à énumérer les constatations principales consignées dans ce mémoire : | 1° La thrombine, surtout quand elle est âgée, est affaiblie par la précipitation des sels calciques propres au liquide qui la con- tient. Un procédé sensible pour la mettre en évidence dans un liquide consiste à ne pas décalcifier tout d'abord celui-ei, mais à l’'additionner de volume égal de plasma oxalaté à 2 p. 1.000; 2° En se coagulant, les plasmas débarrassés de plaquettes donnent un sérum pauvre en thrombine ; celle-ci est abondante au contraire dans les sérums issus de plasmas à plaquettes, dont, on le sait, la coagulation s'opère rapidement ; 3° La diffusion du principe actif des plaquettes (cytozyme) s'opère assez lentement dans le plasma ou lasolution physiolo- gique, plus rapidement dans les solulions concentrées de NaCl; ce fait explique que le plasma salé, même bien centrifugé, fournit un sérum riche en thrombine lorsqu'on en provoque la coagulation par addition d'eau distillée; 4° La cytozyme des plaquettes résiste au chauffage à 100 de- grés; on peut obtenir des extraits de plaquettes stérilisés à 100 degrés, et qui accélèrent considérablement la coagulation ; 5° Le rôle des plaquettes dans la coagulation est beaucoup plus important que celui des leucocytes. C'est pourquoi les exsudats péritonéaux très riches en leucocytes se coagulent plus vile lorsqu'on les additionne de plaquettes. Par l'action combinée de l’eau distillée et de CO*, on peut obtenir un plasma sponta- nément incoagulable, mais coagulable par addition de pla- LA COAGULATION DU SANG ET LA GENÈSE DE LA THROMBINE 765 quettes. Il est fort vraisemblable que si les mammifères ne possédaient pas de plaquettes, leur sang se comporterait comme le sang des oiseaux, c’est-à-dire ne serait que lentement coagu- lable mème en milieu calcifié, et fournirait aussi, par centrifu- galion rapide, un plasma à peu près incoagulable spontané- ment; 6° En présence de sérum, les plaquettes (eytozyme) donnent de la thrombine. Celte réaction exige la présence de sels calei- ques solubles. On peut appeler sérozyme la substance active du sérum ; 1° Comme l'oxalate, le citrate empêche cette réaction, mais ne s'oppose pas à l'influence coagulante de la thrombine lorsque celle-ci a pu se produire. La forte concentration saline met obstacle aussi à la réaction; celle-ci d'autre part peut s'effectuer dans un milieu de concentration saline faible ; S° Il suffit d'une quantité relativement faible de sérozyme et de cytozyme pour que, la réaction s’établissant, le liquide acquière une énergie coagulante très manifeste ; 9 La réaction entre le cylozyme et le sérozyme est rapide, mais pas instantanée ; 10° La thrombine issue de la réaction entre les plaquettes et le sérum ne peut coaguler qu’une dose déterminée de plasma oxalaté ; 11° Le sérozyme se détruit par le chauffage à 55 degrés. IL est absorbé par le précipité de SO‘Ba, lequel enlève d’ailleurs au plasma le pouvoir d'engendrer du sérozyme. Il n’est pas absor- bable par les globules sensibilisés:; 12° Le cytozyme des plaquettes intervient plus activement que celui des leucocytes dans la formation de la thrombine; 13° Les extraits stériles de plaquettes (obtenus par chauffage à 100 degrés et centrifugation) conservent longtemps leur pouvoir de produire de la thrombine en présence de sérum ; 14° Le sérozyme, qu'on trouve en abondance dans le sérum, ne semble pas exister encore (au moins fonctionnellement) dans le plasma oxalaté que l’on vient de dilueret de recalcifier. L'un des phénomènes initiaux de la coagulation consiste donc, sui- vant toute vraisemblance, dans l’apparition au sein de liquide, de l'aptitude à réagir avec le eytozyme pour donner de la thrombine : 766 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR 15° Chaufté à 56 degrés, le plasma perd l'aptitude à produire du sérozyme ; 16° Du sérum qui s’est trouvé en contact avec des plaquettes a perdu, par ce fait même, le pouvoir de réagir avec de nou- velles plaquettes. Le sérozyme se consomme donc en réagissant avec le cytozyme. C’est pourquoi le sérum provenant de plasma contenant des plaquettes (ou de sang complet) est moins apte à réagir avec des plaquettes que ne l’est le sérum issu de plasma débarrassé de ces éléments ; 17° Le phénomène « d’excitoproduction » décrit par Bordet et Gengou (production rapide, par addition de sérum, de throm- bine au sein du plasma salé dilué) s'explique parce que le sérozyme du sérum réagit avec le cytozyme du plasma pour engendrer de la thrombine; 18° Le cytozyme du suc de muscles résiste comme celui des plaquettes au chauffage à 100 degrés; 19° Les expériences où l’on provoque la coagulation du plasma oxalaté par une thrombine née du mélange de plaquettes ou suc de tissus avec du sérum, conviennent particulièrement à l'étude de la spécificité des principes actifs de la coagulation ; 20° La peptone contient du cytozyme provenant de la viande qui à servi à sa fabrication. Mème si elle a été chauffée au préa- lable à 100 degrés, la solution de peptone donne de la throm- bine lorsqu'on y ajoute du sérum. Cette réaction exige que l'acidité de la peptone ait été neutralisée. L'acidité en effet s'oppose à la formation de thrombine, mais non à l'influence coagulante de celle-ci; 21° Par elle-même, sans le secours du sérum, la peptone, pas plus que les plaquettes ou le suc de muscle, ne convertit le fibrinogène en fibrine, mème si le liquide ambiant contient des sels calciques, à condition bien entendu que celui-ci soit exempt de sérozyme ou des matières capables d’engendrer ce principe. Tel est le cas du plasma baryté, dont l'emploi est utile dans beaucoup d'expériences sur la coagulation ; 22° Le sérozyme qui, dans le sérum, agit sur la peptone n'existe pas encore dans le plasma oxalaté que l'on vient de diluer et de recalcifier. SUR L'EXTRAORDINAIRE SENSIBILITÉ DE L’ASPERGILLUS NIGER VIS-A-VIS DU MANGANÈSE par M. Gagriez BERTRAND Les recherches que j'ai publiées antérieurement sur la laccase et sur l'emploi du manganèse comme engrais ont déjà laissé entrevoir l’extrème petitesse de la proportion de manganèse qui suffit à impressionner les végétaux. Les expériences que je vais décrire préciseront celte notion et lui donneront,en même temps, une valeur inattendue, je pourrais même dire surpre- nante. Grâce, en effet, à une technique sévère et à des précau- tions minutieuses, je suis parvenu à obtenir, d’une manière constante, en opérant avec l'Asperqullus niger, des augmenta- tions de récolte facilement appréciables par l'addition au milieu de culture d’une quantité aussi extraordinairement petite qu’un milliardième et même un décimilliardème de manganèse, soit une proportion d'un milligramme seulement de métal dans 10.000 litres de liquide nutritif. Une des grandes difficultés à résoudre pour atteindre ce résultat a été la purification des substances organiques ou miné- rales destinées à l'alimentation de l’Aspergillus. Déjà, dans les expériences que j'ai faites avec Javillier, en vue de savoir ce que deviennent les récoltes du champignon sous l'influence combinée du manganèse et du zinc (1), nous avions éprouvé quelque peine à préparer un milieu de culture dans lequel il n'y eùt guère plus de 1/500 de milligramme de manganèse par litre. Or, c’est là une proportion d'impureté relativement énorme par rapport à celle qu'il me fallait éliminer des subs- lances destinées à la préparation du milieu nutrilif. J'ai d'abord essayé la méthode des cristallisations succes- sives. Même en consentant à de grosses pertes, cette méthode (1) Annales de l'Institut Pasteur, t. XXVI, p. 241 et p. 515, 1912. 768 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR ne ma pas toujours conduit au but. J’arrivais bien, après un nombre plus ou moins grand de cristallisations, à obtenir des substances dont une dose relativement élevée ne donnait plus la réaction cependant très sensible du manganèse par le pro- cédé que J'ai décrit (1), mais lorsque j'analysais les cendres de l'Asperqillus développé sur un milieu préparé avec ces subs- tances, je pouvais encore trouver des traces du métal que la plante avait en quelque sorte concentrées dans ses lissus. La méthode des cristallisations successives n’a bien réussi que pour le sulfate ferrico-ammonique : le sulfate de manganèse, qui se trouve dans la solution du sel au moment de la préparation, ne pouvant remplacer ni le fer trivalent, nil’ammonium mono- valent, reste dans les eaux mères dès la première cristallisation. Je n'ai employé le sel double, toutefois, qu'après trois cristal- lisations. Pour la plupart des autres substances, j'ai éliminé le man- ganèse à l'état de bioxyde en ajoutant à la solution, rendue légè- rement alcaline par l’'ammoniaque, un peu d’eau oxygénée pure. Étant donnée la pureté déjà très grande des substances sur lesquelles j'opérais, le bioxyde ne s’est pas produit d’une manière visible. J'en ai assuré la complète séparation en l'en- trainant par collage à la surface d'un précipité de phosphate ammoniaco-magnésien obtenu par addition au liquide d'une molécule de phosphate diammonique et d'une molécule de sulfate de magnésium (2). Après quelques heures de repos le liquide a été filtré et concentré dans une capsule de platine. Cette méthode chimique a été appliquée aussi bien au sac- charose qu’au nitrate, au phosphate et au sulfate d'ammoniun, au carbonale de potassium, au sulfate de zinc et à celui de magnésium. Dans la solution de ce dernier, après avoir ajouté quelques gouttes d’ammoniaque et l’eau oxygénée, Je n'ai introduit, pour la précipitation, comme cela se comprend, (1) Bull. Soc. Chim., 4 série, t. IX, p. 361, 1941. (2) Par exemple, 0 gr. 66 de phosphate et 1 gr. 23 de sulfate pourun demi- litre environ de solution à 15-20 p. 100 de la substance à purifier. Le préci- pité de phosphate ammoniaco-magnésien, dissous et oxydé par le persulfate de potassium en présence de nitrate d'argent, permet de doser le manga- nèse qui se trouvait dans la substance. C'est ainsi que j'ai trouvé les poids de manganèse suivants dans un kilogramme de diverses substances parmi les plus pures du commerce : 0 milligr. 45 pour le phosphate d'’ammonium, 2 milligr. pour le sulfate de zine, 25 milligr. pour le chlorure de sodium, etc. SUR LA SENSIBILITÉ DE L'A. NIGER VIS-A-VIS DU MANGANÈSE 769 que du phosphate d'ammonium. Pour obtenir la cristallisation du saccharose, j'ai poussé la concentration jusqu'à ce que le sirop contienne un peu plus des deux tiers de son poids de sucre; je l'ai mélangé alors avec son volume d’alcool à 95 de- grés redistillé et je l'ai abandonné, après amorcage, dans un malras bouché. Celui-ci a été brisé lorsque les cristaux n’aug- mentaient plus. Quant aux sels, après les avoir essorés, ils ont été lavés et recristallisés en se servant d’eau pure, redistillée dans le vide avec un appareil en verre. À côté du saccharose, J'ai utilisé l'acide succinique comme substance alimentaire carbonée. La purification de cet acide a été obtenue par une série de cristallisations, d’abord dans l'acide sulfurique à 5 p. 100, puis dans l’eau seule (1). IT est à peine utile de dire qu'il m'a fallu prendre les pré- cautions les plus minutieuses au cours des expériences pour éviter toutes contaminations par le manganèse, me mettre par conséquent à l'abri des poussières, ne pas chauffer les solu- tions de substances pures dans des vases de verre, mais de quartz ou de platine, ete. | Les cultures ont été faites dans des matras cylindro-coniques à large col, de 750 cent. cubes de capacité, en quartz fondu (2). Chaque matras renfermait en général : Eau pure, redistillée dans le vide. 200 grammes. Carbonate de potassium. . . . .. 0 gr. 08 Nitrate d'AMMONIUINN NL" | 0 gr. 60 Phosphate d'ammonium . . . . . . 0 or. 08 SULATe AMMONUNI- 00, 0. 0 gr. 04 Sulfate demagnésiume . : . . 0 gr. 17 ANTHNALE OT ER SERRE 0 gr. 0172 (soit : 0.002 de Fe). DUAL ERA INC EME 7 0 gr. 0088 (soit : 0.002 de Zn). DilICA le deRpOlASSIUN EN 6 gr. 008 etiacide suctinique 20e 1.1. . .. $ grammes CUBA GHAIOSEE (CRE CO Peu: de » grammes. et acide succinique (pour acidifier). 0 gr. 10 (1) En évaporant à sec, dans une capsule de platine, les eaux-mères débarrassées par cristallisation et décantation de la majorité de l'acide suc- cinique qu'elles renfermaient, j'ai obtenu un résidu dans lequel il y avait 0 milligr. 11 de manganèse pour un kilogramme d'acide succinique « puris- sime » du commerce. (2) On peut déjà constater l'action d'un cent-millionième et même d'un milliardième de manganèse en faisant les eultures dans certains matras en verre peu attaquables ou mieux dans des vases en porcelaine. On utilise dans mon laboratoire des cuvettes cylindriques en porcelaine recouvertes d'une sorte de cristallisoir renversé en verre mince que retiennent, pour éviler l'obturation complète, des crochets en aluminium. 49 710 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Le sulfate de manganèse, préparé à partir du permanganate de potassium, comme je l'ai déjà indiqué (1), était introduit, sauf, bien entendu, dans les matras témoins, sous forme de solutions titrées dont on défalquait le poids des 200 grammes d’eau pure. Après avoir élé bouchés avec des tampons d’ouate hydro- phile et recouverts de capuchons en papier, les matras étaient stérilisés à 115 degrés durant vingt minutes. Les spores où conidies employées pour les ensemencements provenaient tantôt d’une race banale, développée sur le liquide ordinaire de Raulin (expériences 4 à 9), tantôt d’une race par- ticulière au laboratoire, très sensible au zinc (expériences 1 à 3). Dans ce dernier cas, on mettait 100 fois moins de sulfate de zinc dans le liquide nutritif qu'il est indiqué ci-dessus. Deux procédés ont été mis en usage pour les ensemence- ments. Dans le premier (expériences 1 à 5), on transportait directement les conidies à la surface du liquide nutritif à l’aide d’un fil de platine, en multipliant un même nombre de fois les transports, de manière à compenser autant que possible les différences qui existaient entre chacun d'eux. Dans le second procédé (expériences 6 à 9), on préparait d’abord une dilution de conidies dans l’eau stérilisée, puis, en agitant bien chaque fois, on prélevait un cent. cube de cette dilution par matras. Les cultures ont été faites, non dans une étuve, où la tempé- rature varie trop d’un endroit à un autre, mais dans une chambre thermostat, à la température uniforme de 35 degrés. Les récoltes ont eu lieu, suivant les expériences, après neuf à douze jours. Voici, rassemblés en un tableau, les résultats de toutes les expériences que j'ai entreprises avec les doses de 1/100.000.000, de 1/1.000.000.000 et de 1/10.000.000.000 de manganèse. Dans ce tableau, les expériences 1 à 7 ont été réalisées avec l’acide succinique et les expériences 8 et 9 avec le saccharose acidulé par l'acide succinique comme substances alimentaires carbonées. (1) En collaboration avec Javillier. Bull. Soc. chim., 4 série, t. XI, p. 212, 1912. SUR LA SENSIBILITÉ DE L’A. NIGER VIS-A-VIS DU MANGANÈSE 771 POIDS SEC, EN GRAMMES, DES RÉCOLTES OBTENUES : © S :RÉ A No | DURÉE APRÉS ADDITION DE Î A des en Sans exp. | jours. addition Un Ün Un cent-millième milliardième déci-milliardième. den de Mn. de Mn. de Mn. moy. 3 cult.) 2 1 2 1 1, 0,04 (moy. de 3 cult.) 0,557 2,35 0,603 (moy. de 3 cult.) DR? {moy. de 3 cult.) Je n'ai pas dosé seulement le poids de matière sèche de chaque récolle, j'ai préparé aussi les cendres dans lesquelles j'ai recherché et dosé le manganèse, quand il y avait lieu. Les conditions de la recherche me permettant d’atteindre jusqu’au millième et prebablement jusqu'au demi-millième de milli- gramme du métal cherché, je n'ai trouvé trace de manganèse ni dans les récoltes témoins (expériences 1 à 7) prises séparé- ment ou reprises après en avoir réuni quinze ensemble, ni dans aucune des récoltes obtenues sur les milieux au milliar- dième et au déci-milliardième. Par contre, j'ai retrouvé de 1 à 1,5 millième de milligramme de manganèse dans les récoltes développées sur les milieux au cent-millionième, qui en renfer- malent la quantité absolue de 2 millièmes de milligramme. Ainsi, malgré toutes les modilications introduites dans la 112 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR composition du milieu nutritif, la race du végétal, la durée de la culture, modifications qui ont nécessairement fait varier le poids des récoltes d’une expérience à l’autre, la mème conclu- sion générale ressort avec évidence de chacune de celles-ci, prise en particulier, à savoir qu'une proportion ertraordinaire- ment petite de manganèse suffit au développement de l'Asper- gillus niger. Les résultats de ces recherches, bien conformes à l’interpré- tation catalytique du rôle joué par le manganèse dans les cel- lules vivantes, sont très suggeslifs. On possédait jusqu'ici des exemples remarquables de sensi- bilité de l'organisme aux poisons. En ce qui concerne particu- lièrement l'Aspergillus niger, Raulin avait montré qu'il suffit d'ajouter la proportion minima d'un 1/1.600.000 de nitrate d'argent au milieu de culture pour nuire sensiblement aux pro- grès du végétal (1). En opposant à ce résultat l'influence favo- rable exercée sur le même Aspergillus par le 1/10.000.000.000 de manganèse, on voit que l'organisme peut être plus sensible encore aux substances biogénétiques. Il va donc falloir considérer avec plus d'attention que jamais l'intervention possible des traces de métalloïdes et de métaux présents dans le corps des animaux et des plantes et, par géné- ralisation, des substances complexes dont la proportion n’est guère plus élevée. Il faudra envisager aussi comme pouvant avoir de l'importance dans certains phénomènes physiologiques ou pathogéniques, dans le degré de fertilité des sols, etc., des modifications chimiques du milieu en apparence très minimes. Enfin, il sera nécessaire, dans beaucoup de recherches, de se mettre très soigneusement en garde contre l'influence des impuretés. J'ai rencontré dans les préparations les plus pures de sulfate ferreux du commerce de 0,2 à 0,5 p. 1.000 de man- ganèse. D’après les expériencesrapportées aujourd'hui, quelques dixièmes et même quelques centièmes de milligramme de ce sel peuvent donc suffire pour apporter dans un milieu de cul- ture une dose de manganèse facilement appréciable par lAs- pergillus niger el pour faire attribuer, par erreur, au sulfate (1) Études chimiques sur la végétation. Thèse oct. ès sciences, p.133, Paris, 1870. LE ROLE DU MANGANÈSE ET LES CONIDIES DE L’A. NIGER 773 ferreux des effets dus exclusivement à une impureté qui l'ac- compagne. On peut supposer que, dans mes propres expériences, l’en- semble des substances nutritives des milieux témoins renfer- mait encore des traces infinitésimales de manganèse. Est-il possible d'atteindre un degré de pureté plus parfait et qu'arri- verait-il alors avec l'Aspergillus? C'est ce que Je me propose maintenant de rechercher. SUR LE ROLE CAPITAL DU MANGANÈSE DANS LA PRODUCTION DES CONIDIES DE L’ASPERGILLUS NIGER Au cours de ses belles recherches sur le développement de l'Aspergillus niger, Raulin a mis en évidence le rôle favorable exercé par une petite quantité de fer sur l'accroissement global de la plante : la dose de 10 milligrammes de ce métal, à l'état de sulfate, dans un litre de liquide approprié, lui a fourni les meilleures récoltes. Raulin n’a pas étudié le mode d’action du fer; il semble néanmoins lui attribuer un rôle spécial dans la formation des spores ou, plus exactement, des conidies. « En l’absence des sels de fer, fait-il, en effet, remarquer, les spores se forment de plus en plus péniblement à mesure que le liquide d’où elles naissent a déjà produit un plus grand nombre de récoltes » (1). Cette remarque a récemment attiré l’attention de Sauton et l'a conduit à diverses expériences à la suite desquelles il a cru pouvoir lier définitivement la production des conidies à la présence du fer (2). Une telle conclusion dépassait la portée des résultatsobtenus. Reprenant les expériences, en collaboration avec Sauton, Javil- lier a reconnu que le phénomène de la formation des conidies était plus complexe et dépendait à la fois, mais d’une manière (1) Thèse de doctorat ès sciences physiques, p. 186, Paris, 1870. (2) Comptes rendus de l'Acad. des Sciences, t. CLI, p. 241, 1911, et Annales de l'Institut Pasteur, t. XXV, p. 922, 1911. 714 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR différente, de la présence du fer et de celle du zinc. Lorsque, en effet, on aJoutait les deux métaux à la dose habituelle de 1/100.000, les conidies apparaissaient normalement et, si on n'ajoutait que du zine, la plante restait stérile; mais, si on ne metlait ni fer, ni zinc, les conidies se produisaient au moins aussi vite qu'en présence de fer seul. D'où cette nouvelle mais évidente conclusion que le fer n'est pas, comme il paraissait tout d'abord, l'élément indispensable à la sporulation (1). Ces curieux résultats trouvent leur explication dans certaines expériences que je poursuis actuellement à propos du rôle bio- logique du manganèse et que je vais résumer. Je rappellerai, tout d'abord, combien ilest difficile d'obtenir les sels minéraux et les produits organiques indispensables à la culture de l'Aspergillus niger dans un état de pureté suffisant lorsqu'il s’agit d'expériences précises sur l'intervention biolo- gique du manganèse. J'ai donné une mesure de cette difficulté dans les recherches que J'ai faites avec Javillier sur l'influence combinée du manganèse et du zinc sur la végétation (2); une meilleure encore dans celles que je viens de publier sur l'extraordinaire sensibilité de l'Aspergillus niger vis-à-vis du manganèse (3). Dans les premières de ces recherches, nous avons, Javillier et moi, employé des doses relativement grandes de manganèse, élément dont nous voulions connaître alors la proportion opti- male, et les milieux nutritifs les purs qui servaient de témoins renfermaient encore, malgré toutes les précautions, à peu près 1/500 de milligramme de manganèse par litre. Dans ces con- ditions, nous avions observé que « le manganèse possède une action qui, sans être très marquée, est cependant sensible sur la formation des conidies, autant qu'on en pouvait juger par la coloration des cultures. Les Aspergiilus cultivés sur des doses moyennes de ce métal (1/25.000 à 1/1.000) étaient, à l'arrêt des cultures, sensiblement plus noires que les Am témoins, d’une part, et les Aspergillus plusrichesen manganèse, d'autre part ». (1) Comptes rendus de l'Acad. des Sciences, t. CLIII, p. 11477, 1911. (2) Annales de l'Institut Pasteur, t. XXVI, p. 241 et p. 515, 1912. (3) Ibid., p. 761. LE ROLE DU MANGANÈSE ET LES CONIDIES DE L’A. NIGER 775 J'ai réussi depuis, comme on l’a vu (1), à purifier d'une façon beaucoup plus parfaite toutes les substances nutritives età opérer dans des conditions où l'influence du manganèse peut être étudiée avec une très grande précision. J'ai reconnu alors qu'en présence des doses habituelles (1/100.000) dezinc et de fer, mais en l'absence de manganèse, il n'y a pas de forma- tion de conididies par l'Aspergillus niger : les colonies restent indépendantes les unes des autres, contractées et de couleur blanche. k Si, en outre du zinc et du fer, on ajoute une trace de manga- nèse, on obtient, au contraire, un beau mycélium, dont la surface, noire et veloutée, est un véritable tapis de conidio- phores. J'ai varié mes expériences en introduisant dans le liquide nutritif soit du saccharose, soit de l'acide succinique, comme source de carbone; en prenant les conidies soit de la race banale, spontanée, soit d’une race particulière au laboratoire, très sensible au zinc, pour les ensemencements; enfin, en essayant des doses diverses de zincet de manganèse. Les résul- tats ainsi obtenus me permeltent de formuler les conclusions générales suivantes : Le fer, le manganèse, le zinc et, sans doute, tous les éléments nutritifs, agissent synergiquement sur la croissance et sur la formation des conidies de l’Aspergillus niger. Lorsqu'un de ces éléments vient à manquer ou, tout au moins, à se raréfier beaucoup, la plante se développe à peine, elle ne produit, en conséquence, presque pas de matière orga- nique. Quel que soit l’état de développement, si la proportion de manganèse passée dans la matière organique est trop minime, la plante reste stérile; elle se recouvre, au contraire, de coni- dies, si la quantité de manganèse absorbée par le mycélium atteint une proportion suflisante. Ainsi, il y a un rapport entre le manganèse, d’une part, le fer elle zinc, d’une autre, qui suffit à la croissance de l’Asper- gillus, mais qui ne permet pas le développement des organes de reproduction. (1) Dernière citation. 176 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Ces conclusions générales permettent de comprendre ce qui se passe dans ies cas différents de la culture de lAspergillus niger, y compris ceux des expériences antérieurement publiées. Lorsqu'on n’opère pas avec des substances suffisamment pures, et J'ai rappelé combien cette condition est difficile à remplir, les très minimes quantités de manganèse introduites dans les milieux nutritifs peuvent suffire, en présence du fer et du zinc, pour obtenir des mycéliums abondants, mais sans conidies. Une nouvelle quantité de manganèse ajoutée alors, soit intention- nellement, soit comme impureté du sulfate ferreux, lequel en renferme toujours (1), détermine la sporulation. Lorsque, au contraire, dans le milieu nutritif, on n'ajoute ni fer, ni zinc, ou seulement du fer ou du zinc, les mycéliums qui prennent nais- sance sont si réduits que le rapport de manganèse introduit, volontairement ou non, au poids de matière organique formée peut être suffisant à la production des conidies. Ces recherches, établissant des relations entre le fer, le man- ganèse et le zinc dans l'équilibre des fonctions physiologiques de l’Aspergillus niger, sont remarquables à plus d'un point de vue. Non seulement elles nous fournissent un exemple très net de l'existence d'éléments dominateurs de certaines fonctions biologiques, mais elles nous portent à considérer cette notion, importante et rarement envisagée, sous un aspect nouveau. Sans doute l'iode, dans l’action complexe de la glande thyroïde, le fer et le cuivre, dans le rôle convoyeur d'oxygène du sang chez divers animaux, possèdent le caractère d'éléments domi- nateurs puisqu'ils font parlie intégrante soit de la thyroïdine, soit de l’hémoglobine ou de l'hémocyanine, mais la vie devient rapidement impossible chez les animaux privés de leur glande thyroïde ou de leur sang, tandis que l’Aspergillus niger peut se développer admirablement sans formation de conidies. Dans le cas des animaux considérés, l’iode, le fer ou le cuivre dominent plus qu'une fonction physiologique, ils dominent la vie tout (1) J'ai dosé dans les échantillons de sulfate ferreux les plus purs que j'ai pu me procurer en France et en Allemagne de 0,2 à 0,5 milligrammes de manganèse par gramme de sel. Pour ce dosage, j'ai opéré directement sur le sulfate ferreux, suivant la méthode que j'ai décrite antérieurement (Bull. Soc. Chim., 4 série, t. IX, p. 361, 1911), mais en ajoutant un peu plus de per- sulfate de potassium et, afin d'atténuer la coloration jaune du composé ferrique, un gramme de phosphate acide de potassium. LE ROLE DU MANGANÈSE ET LES CONIDIES DE L'A. NIGER 777 entière; dans celui de l'Aspergillus, le manganèse, indispen- sable aussi au développement général de l'individu, condi- lionne, en outre, une fonction de résistance temporaire et de propagation nécessaire seulement à l'espèce. Les mèmes recherches, jointes d'ailleurs à celles que j'ai déjà citées dans ce mémoire, font ressortir d'une manière frap- pante la synergie des éléments constitutifs de la matière vivante. À des proportions diverses, grandes ou petites, tous ces éléments sont nécessaires, tous concourent à la formation, au moins globale, des liquides et des tissus dont l'individu se compose. L'insuffisance d’un seul de ces éléments peutentrainer la diminution de tous les autres et provoquer, parsuite, un arrèl général de la croissance. Ainsi consolidé par l'expérience directe, le principe de la synergie des éléments dans l’édifica- lion de l'organisme prend une grande importance au point de vue du choix de certaines médications, de l'établissement des régimes, du choix et du dosage des engrais. Enfin, la modification profonde apportée dans le cyele évo- lutif de lAspergillus niger par un minime changement dans la quantité de manganèse mise à la disposition de cette plante, apporte un argument bien digne d’être pris en considération dans la recherche des causes de la subordination des processus fonctionnels chez les êtres vivants. LA LÈPRE DES RATS (SECOND MÉMOIRE) RECHERCHES ÉTIOLOGIQUES ET RÉFLEXIONS QU'ELLES SUGGÈRENT A PROPOS DE LA LÈPRE HUMAINE par E: MARCHOUX et F. SOREL. ErroLocit. La maladie du rat est certes une maladie très intéressante en elle-même. Mais si nous en avons entrepris l’élude, ce n’est pas dans le but unique d’en pénétrer les mystères. Nous avons été surtout atlirés par la ressemblance de cette affection avec la lèpre humaine et, devant l'impossibilité d'expérimenter sur les animaux avec le bacille humain, par l'espérance d’appliquer à la lèpre de l’homme quelques-unes des conclusions de notre travail sur la lèpre des rats. L’étiologie, les voies de pénétration des germes, en un mot l’épidémiologie d’où découle Ja pro- phylaxie, voilà les questions qui nous ont surtout préoccupés. Dès que nous eùmes constaté l'existence de la maïadie de Slefansky parmi les rats vivant dans l’agglomération pari- sienne, nous avons cherché à nous en procurer un certain nombre pour observer chez les animaux capturés la marche de l'affection. Comme nos devanciers, nous avons vérilié que la lèpre étendue à l’épiderme et aux muscles élait rare, alors que nous la rencontrions beaucoup plus fréquemment limitée aux ganglions sous-cutanés et à leur voisinage. Par inoculation péritonéale, le bacille se multiplie dans les viscères. — Ün pouvait se demander si la localisation presque exclusive de l'infection à la région superficielle ne tenait pas à des exigences biologiques du parasite qui se développerait difficilement à la température plus élevée des organes profonds, le foie et la rate, si rarement lésés. Pour nous en assurer, LA LÉPRE DES RATS T0 nous avons inoculé dans le péritoine un certain nombre de rats blancs. Exr. VI. — 27 juillet 1911. Un rat d'égouts sacrifié présente des lésions assez marquées autour du paquet ganglionnaire inguinal. Des lambeaux de tissu conjonctif sont broyés en eau dislillée stérile. Le liquide louche qui surnage après dépôt des particules volumineuses, est riche en bacilles A. R. Quelques gouttes en sont injectées dans le périloine de 5 rats blancs. 20 octobre 1911, — Une mère pleine est morte dans le bocal. Elle porte au niveau de la rate un nodule de la grosseur d’un petit pois qui est contenu dans l'épaisseur de l’épiploon et adhère à la paroi pariétale du péritoine. Ce nodule est rempli d'A. R. Tout l'épiploon en contient. On en trouve aussi sur la paroi de l’ulérus gravide, mais point dans le placenta, ni dans les fœtus. Le foie, un peu gras, contient d'assez nombreux bacilles. La rate en renferme aussi beaucoup. Dans les frottis faits avec de la pulpe provenant des som- mets du poumon, se voient quelques A. R., mais on en trouve surtoul en grande quantité dans les préparations de ganglions médiastinaux. 2 novembre. — Un deuxième rat meurt. Les ganglions mésentériques ren- ferment une énorme quantité de bacilles. La rate en est farcie, de même que l'épiploon. Pas de bacilles dans les frottis du foie. Les poumons ont été mangés par les autres rats du même bocal et n'ont pu être examinés. Des bacilles assez nombreux sont trouvés dans les frottis des ganglions ingui- naux et axillaires. 3 novembre. — Un troisième rat est sacrifié. Il est beaucoup moins infecté que le précédent. Dans les ganglions mésentériques, l'épiploon et la rate, il y a quelques bacilles. On n'en voit pas dans les frottis de foie. Les gan- glions bronchiques sont pleins d'A. R. Quelques-uns aussi se rencontrent dans le poumon. Il ÿ en a dans un ganglion inguinal. 5 décembre.— Le rat qui est mort aujourd’hui porte appendue à l'épiploon une petite tumeur de la taille d'une noisette qui est bourrrée d'A. R. Beau- coup dans l'épiploon, la rate, les ganglions mésentériques ; moins dans le foie. Un petit nombre se rencontrent dans les poumons et beaucoup plus dans les ganglions bronchiques. 20 décembre. — Le dernier rat meurt. A. R. nombreux dans les ganglions inguinaux, dans les ganglions mésentériques, l'épiploon, la rate, le foie, dans les ganglions médiastinaux. Quelques-uns dans les poumons. Des frag- ments de foie et de rate sont fixés et coupés. Dans le foie, les bacilles sont contenus dans les cellules de Kupfer et aussi dans les cellules du tissu con- jonctif des espaces porte. La disposition des bacilles dans la rate est la même que dans les ganglions, les foyers sont aussi compacts. L'inoculation intra-péritonéale est tout aussi sûre que l’ino- culation sous la peau et le bacille se développe avec autant de facilité dans l'épiploon, le foie et la rate, que dans le tissu conjonctif sous-cutané. Il faut donc admeltre que l'infection spontanée ne se fait pas dans la profondeur. L'inoculation spontanée est superficielle. — L'époque tardive à laquelle apparaissent les lésions des organes abdominaux, 780 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR la précocilé, au contraire, de l’envahissement des ganglions superficiels, indiquent nettement que la porte d'entrée est ouverte dans le revêtement cutané ou à son voisinage. Par nos expériences d'inoculation, nous avons vu que les bacilles À. R. se rendent très exactement aux ganglions qui servent de confluents aux lymphatiques de la région inoculée. Une infection du train postérieur, faite à la partie moyenne du dos ou sur la ligne blanche, provoque l'infection des ganglions inguinaux droits et gauches. Si l’inoculation est unilatérale, la lésion ganglionnaire est unilatérale également. Faite au-dessus de lombilic, la blessure infectante contamine les ganglions de l’aisselle, du côté où elle est pratiquée. De la tête ou du cou, l'infection gagne les ganglions sous- maxillaires et cervicaux. Cette localisation des germes est si précise qu'elle peut servir à explorer Le système lymphatique du rat. Toutes ces observations sont d'accord pour dénoncer l’ino- culation cutanée et même signaler la région où elle s'est faite. Il fallait alors chercher comment elle se produisait. Elle ne se fait pas par la cicatrice ombilicale ou le mamelon. — Un certain nombre de rats capturés très jeunes et conservés au laboratoire, isolés dans des cages, étaient porteurs de bacilles quand on les sacrifiait à l'état adulte. Cette constatation avait, tout d’abord, attiré notre attention sur une infection possible de la cicatrice ombilicale. En ce cas, ce serait toujours le groupe ganglionnaire axillaire qui serait atteint et non pas le paquet de l’aine. La localisation inguinale, si fréquente, nous a fait rejeter celte hypothèse. L'infection par le mamelon doit être écartée pour des raisons du même ordre. Si elle se faisait toujours par cette voie, elle serait aussi commune dans l’aisselle que dans l’aine. D'autre part, il est impossible de trouver des mamelons chez les mâles qui sont, cependant, plus fréquemment infectés que les femelles. Parmi les rats reconnus spontanément malades, nous avons trouvé 6% p. 100 de mâles, et seulement 36 p. 100 de femelles. LA LÈPRE DES RATS 781 La localisation des germes ne renseigne pas sur le point de départ de l'infection. — Pensant que la première mulliplica- tion microbienne et aussi la plus importante devait se faire toujours 22 situ au point d'inoculation, nous avions entretenu l'espoir de découvrir la porte d'entrée par l'examen direct. Sur un certain nombre de rats spontanément infectés, nous avons pratiqué, avec le bistouri, des raclages successifs de la parlie profonde du derme, en nous éloignant progressivement du ganglion infecté. Avec la pulpe ainsi obtenue, nous prati- quions des frottis et nous y recherchions les bacilles acido- résistants. Cette méthode, qui nous permettait de trouver des germes dans des régions assez éloignées de notre point de départ, ne nous donnait que des indications trop vagues pour pouvoir en tirer une conclusion. Nous avons pris le parti de sacrilier le temps nécessaire à faire l'examen d’un rat malade par fixation et coupe de la peau. A cet effet, nous avons prélevé et fixé une notable étendue de peau dans toute la région que les frottis nous avaient indiquée comme contaminée. Cette pièce recouvrait plus de la moitié de l'abdomen; elle s'étendaït à droite jusqu’à l’aine et comprenait la peau du fourreau, des bourses et de la base de la queue. Cette peau a été partagée en segments el coupée en série. Les rubans, disposés parallèlement dans des portefeuilles en carton, formaient des bandes de 25 centimètres environ. Dix coupes de chaque bande ont été colorées et examinées. Nous supposions qu'une zone d'infection plus intense nous permettrait de découvrir le point d’inoculation primitif. Notre espoir à été déçu, ainsi qu'en témoigne le schéma ci-après. Nous avons trouvé des foyers échelonnés et nombreux indiquant ou bien de multiples portes d'entrée, ou encore des lieux d'élection du bacille qui s’y est multiplié plus qu'ailleurs. En somme, le rat était plus infecté qu'il ne paraissait au premier abord, et la maladie, loin d’être à son début, avait déjà envahi une notable étendue de la peau. Devant la difficulté de ces recherches histologiques et leur incerlitude, nous avons renoncé à les continuer. Nos expériences d'inoculation nous ont, d’ailleurs, averti de l'erreur qui les avait motivées. Comme nous avons pu nous en rendre compte, le point d'inoculation, non seulement n’est pas toujours le lieu 782 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR DIE ON M lnha f, #1, A, 74 (1, ( SRI K — £ S à LS. Fic. 2. — La zone marquée de lettres indique l'étendue de la peau qui a été fixée el coupée; les parties ombrées, le siège et le nombre relatif de bacilles. a LA LÈPRE DES RATS 783 où les bacilles se sont mullipliés le plus abondamment, mais il arrive parfois qu'il est le siège d’une infection insignifiante ou même nulle, alors que les ganglions de la région sont remplis de bacilles. On en verra des exemples dans les expériences que nous avons rapportées plus haut. Il n'y a pas de contagion génitale. — Une contagion génitale nous avait paru tout d'abord vraisemblable, car nous avons trouvé assez communément infecté le tissu conjonctif sous-cutané de la vulve. Il est vrai qu'au contraire, nous n'avons jamais vu de bacilles acido-résistants, ni dans la peau du fourreau chez le mâle, ni sous la muqueuse du pénis. Pour élucider cette question, nous avons organisé deux séries d'expériences. Dans l’une, quatre femelles ont été infectées à la vulve et laissées dans une cage d'élevage en contact avec un même nombre de mâles. Les animaux sont restés un an en observation. Plusieurs générations de petits sont sorties de cette souche. Ni les mäles ni les pelits n’ont présenté la moindre trace de bacilles acido-résistants. Cependant les bacilles traversent la muqueuse saine du fourreau. — Une autre cage d'élevage a servi à loger d’autres familles de rats, deux mâles et quatre femelles. Aux deux mâles, on avait introduit, dans le fourreau, et sans produire aucune lésion, un peu de matériel très riche en bacilles acido- résistants. Au bout d’un an, ces rats ont été sacrilés : les femelles étaient saines, les deux mâles étaient infectés. Les ganglions inguinaux, assez gros, renfermaient un grand nombre de bacilles. Il y avait aussi des bacilles dans les ganglions axil- laires. Chose curieuse, ni sur le pénis, ni sur le fourreau, on n a trouvé trace d'infection. Les arthropodes parasites des rats ne véhiculent pas les germes. — L'hypothèse de la (transmission de la maladie par des insectes parasités devait être aussi envisagée. Nos recher- ches dans cette voie se sont trouvées tout naturellement limi- tées. La lèpre du rat est une maladie très répandue, puisqu'on 78% ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR l'a observée dans toutes les parties du monde. Là où elle existe, elle frappe un assez grand nombre d'individus. Si ce sont des insectes piqueurs qui véhiculent la maladie, ces insectes doivent évidemment se rencontrer partout et s'y rencontrer en grand nombre. Trois parasites du rat réunissent ces conditions; ce sont deux insectes, le pou du rat (Hæmatopinus spinulosus), une puce (Ctenocephalus serraliceps), et un acarien (Lælaps echidninus). Puces. — Quand elles sont nombreuses dans un élevage, les puces font courir aux animaux de sérieux dangers. Les souris sont tuées en quelques jours, non point comme on pourrait le croire par un virus que transmettraient les insectes, puisque l’inoculation du sang d'un animal mort à une souris saine ne Cause aucun malaise à celle-ci; ce sont les piqüres multiples auxquelles sont en butte les animaux d'expérience qui amènent leur mort, soit par empoisonnement venimeux, soit par anémie grave, comme en témoigne l'augmentation considé- rable du nombre des poïkylocytes et des globules nucléés, soil par suite des deux actions réunies. Les rats sont moins sensibles que les souris, mais ils suc- combent aussi, quoique moins vite, quand les puces sont nom- breuses. Aussi doit-on veiller soigneusement à en limiter la pullulation dans les bocaux d'expériences. Nos recherches pour découvrir des bacilles dans le tube digestif ou les organes des puces qui s'étaient nourries sur des animaux sérieusement infectés, sont toujours restées vaines. Poux. — En écrasant sur lame des poux prélevés sur des ani- maux infestés, nous y avons bien découvert des bacilles acido- résistants, mais différant assez sérieusement d'aspect avec les bacilles de la lèpre. Ils sont plus gros, plus courts, avec des extrémités plus arrondies et ne possèdent que des propriétés acido-résistantes atténuées. A côté d'articles franchement rouges après action de l'acide azotique au dixième, on en trouve d’autres qui sont violets ou mème {otalement bleus. Pensant qu'il ne fallait pas accorder trop d'importance aux caractères morphologiques, nous avons fait passer des poux d'animaux malades sur des animaux sains. Quand nous avons LA LÊÈPRE DES RATS 785 opéré avec des rats gris, rats que nous avions cependant pris la précaution de choisir très jeunes, nous avons observé qu'un certain nombre d'entreeux après sixouhuitmoisétaient porteurs de bacilles acido-résistants typiques dans leurs ganglions. Mais outre que tous les animaux d’une même expérience n'étaient pas malades, toutes les tentatives faites pour provoquer l’in- fection chez des rats blancs d'élevage sont demeurées infruc- tueuses. Il faut donc croire à une infection discrète des rats gris, infection qui s’est accusée au laboratoire avec le temps. Un certain nombre d’autres rats choisis de même et conservés dans les mêmes conditions, mais sans être soumis à une phtyriase expérimentale, étaient infectés dans de semblables proporlions après six ou huit mois de séjour au laboratoire. Lœlaps. — Chez les Lœlaps, trois espèces de bacilles A. R. ont été rencontrés : 1° un bacille court et trapu, ayant tous les caractères de celui du pou; 2° un bacille long, filamenteux, extracellulaire non alcoolo-résistant; 3° en grand nombre, quand il existe un bacille intracellulaire, alcoolo et acido-résis- tant qui morphologiquement rappelle celui du rat. Des expé- riences en cours élabliront s'il s’agit d’un germe particulier ou du bacille de Stefansky. Les Læœlaps infectés, 2 p. 1.000 environ, se trouvent aussi bien sur des rats malades que sur des rats sains. Les élevages de rats blanes sont envahis par ces acariens el jamais un cas de lèpre spontanée ne s’y est montré. Sarcoptes. — Jolly, Mugliston, ont fait jouer aux acariens de la gale un rôle important dans la transmission de la lèpre humaine. La gale est une maladie commune des rats; c'est une affection auss: répandue que la race murine elle-même, il convenait donc de rechercher son influence dans la diffusion de la lèpre. Pour élucider la question, nous avons fait vivre dans la mème cage des animaux atteints de la gale et de lèpre cutanée et des animaux sains. Voici une expérience qui a été conçue sur ce thème : Exp. VII. — % novembre 1909. Un rat d'expérience mâle, chez lequel on constate la présence de nombreux acido-résistants au point d'inoculation, situé à la base de la queue, est enfermé dans un bocal avec 4 rats blancs 50 786 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR femelles. Ce rat porte un peu de gale à l’un des points d'élection, c'est-à-dire à la queue et au voisinage du point contaminé, on n'en voit pas encore ni au nez, ni aux oreilles. 29 janvier 1910. — Un des rats blancs meurt. On trouve sur lui des puces et des poux qu'on écrase sur lame et dans lesquels par coloration on ne découvre aucun A. R. Le rat présente également quelques signes de gale à la base de la queue. On fait des frottis par grattage au bistouri des faces superficielles et pro- fondes de la peau. Aucun A. R. n’est rencontré dans ces frottis, pas plus que dans les ganglions de l’aine et de l’aisselle. 4 février. — Un autre rat blanc meurt avec les mêmes accidents et les mêmes parasites que le précédent. Les ganglions inguinaux sont volumineux, mais on n'y trouve, pas plus d’ailleurs qu'aux différents points de la peau explorés, trace d'A. KR. 10 février. — Le rat gris infecté meurt. Il porte de très nombreux A. R. au point d’inoculation et dans le voisinage. À la base de la queue, sous la peau remplie de sarcoptes on trouve des bacilles en très grande quantité. Le tissu conjonciif depuis le lien d’inoculation jusqu'aux ganglions inguinaux des deux côtés renferme des A. R. Les ganglions eux-mêmes ne sont pas volu- mineux, mais renferment cependant un très grand nombre de microbes spécifiques. 25 février. — Le troisième rat blanc meurt. II est complètement galeux, mais ne porte pas trace de lèpre. On ne trouve chez lui, malgré de nom- breux examens, aucun bacille de Stefansky. 18 mars. — Le dernier rat, couvert de gale, est sacrifié. Pas d’A. R. Comme on le voit par cette expérience, en passant d'un animal à l'autre les sarcoptes n'emportent pas avec eux de bacilles de Stefansky, même quand ils proviennent d'une région infectée. Cette observation est d'accord avec Les prévi- sions qu'on pouvait faire. Les sarcoples vivent dans l'épaisseur de l’épiderme; parfois, à la vérité, ils pénètrent dans le derme, mais ils sont logés dans leurs sillons et ne changent pas d'hôtes. Sauf les cas où les animaux parasités les retirent et les projettent sur d’autres par grattage, c'est par les larves que la gale se transmet d’un animal à l'autre. Ces larves passent d’un bocal où se trouvent des rats galeux à un bocal voisin contenant des animaux sains. Elles se font véhiculer par des arthropodes qui grimpent sur le verre. Nous avons vu deux larves de sarcoptides que malheureusement nous n'avons pu faire déterminer, sur les pattes d'un Lœlaps. L'expérience que nous rapportons ci-dessus a été corroborée par un très grand nombre d'observalions faites tant au cours d'expériences pratiquées spécialement avec des animaux galeux, qu'à l’occasion de plusieurs autres dans lesquelles la gale est LA LÈPRE DES RATS 787 intervenue comme un épisode et a atteint non seulement les animaux inoculés, mais des témoins conservés avec eux. On peut donc dire que le sarcopte de la gale ne véhicule pas ordinairement la lèpre. Mais il n'entre pas dans nos intentions de dénier toute influence à la gale dans la transmission de la maladie de Stefansky.On a vu, par les expériences d’inoculation rapportées plus haut, qu'il suffisait d’un bacille bien placé pour provoquer une infection. La gale ouvre une porte d'entrée par laquelle la maladie peut s'introduire, si la peau excoriée vient au contact d'une source microbienne comme en portent les rats atteints de lèpre ouverte. Demodex. — Nous n'avons pas pu vérifier par l'expérience l'hypothèse ingénieuse de Borrel, et rechercher le rôle des Demodex comme agents de dissémination. Certes, les Demodex ne manquent pas chez les rats et, dans nos très nombreuses coupes, nous en avons rencontré beaucoup; mais nous n'avons jamais observé de rapports étroits entre ces acariens et les germes qui s'accumulent en quantité si grande autour des elandes sébacées et des follicules pileux. Il ne nous paraît pas impossible, si ces Demodex, passant à l'état de larves d'un animal à l’autre, emportent avec eux quel- ques bacilles comme l’a vu parfois Borrel, qu'ils puissent com- muniquer la lèpre aux animaux qu'ils parasitent. La facilité avec laquelle nous avons obtenu la contamination de nos rats d'expérience, plaide tout à fait en faveur de cette opinion. Mais pour que les Demodex servent d'agents de transmission, il faut un concours de circonstances qui ne doit pas se produire souvent. La maladie de Stefansky est trop répandue pour n’avoir que cet unique moyen de contage. Morsures et contacts septiques servent à la propagation. — L'influence d’un contact septique est certainement beaucoup plus grande. Nous avons essayé à plusieurs reprises de la mettre en évidence, mais nos expériences ne nous ont pas donné de résultats assez nets pour que nous soyons autorisés à les rapporter ici. Nous poursuivons d’ailleurs dans cette voie toute une série de recherches sur lesquelles nous reviendrons plus tard. 788 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Un phénomène que nous avons en tout cas observé couram- ment, augmente singulièrement les chances de conlage. Quand ils sont enfermés dans une même cage, les rals gris se battent fréquemment, non point comme les souris quand on réunit deux élevages, mais chaque fois qu'une cause de trouble ou de frayeur se produit. Les animaux malades sont souvent en butte à l'hostilité de ceux qui sont bien portants. Aussi, quand on introduit un rat lépreux et ulcéré avec des jeunes, confiant dans sa force et pour prévenir une attaque,il se jette en général sur ses congénères et les blesse, ou même parfois les tue. Les plus faibles se disposent en groupes pressés dans un coin de la cage et cherchent à se cacher les uns derrière les autres. Ce mode de groupement est d'ailleurs, on le sait, la règle pour tous les animaux de l'espèce murine. Ces mœurs à la fois batailleuses et craintives sont propres à assurer d'une part la sortie des germes, et, d'autre part, leur diffusion. Les blessures qu'on observe le plus facilement sur les rats capturés sont à la queue ou chez les mâles à la peau des bourses. Le siège de ces portes d'entrée explique assez bien que la maladie se transmette fréquemment à l’ar- rière-train, et que les ganglions inguinaux soient si souvent atteints. Pour nous assurer que des blessures de cette espèce peuvent permettre l'infection, nous avons pratiqué, sur un cerlain nombre d'animaux, avec la pointe d’un bistouri, des entailles à la peau, comme pourraient le faire les incisives des rats. Sur ces petites plaies nous avons très lègèrement, et sans enlever les poils, passé un tampon de coton trempé dans un liquide septique. Exe. VIII. — Le 27 juillet 1911, on prélève sur un rat d'égout un peu de tissu conjonctif rempli de bacilles A.R., on le broie en eau physiologique et on le conserve à la glacière jusqu'au 16 août. A cette date, avec un bis- touri on transperce la peau de 4 rats. La pointe de l'instrument a pénétré un peu dans les muscles de la région fessière droite. Avec un tampon de coton imbibé du liquide infectieux extrait de la glacière, on mouille lègère- ment les poils des animaux blessés au droit de la porte d'entrée qui vient d'être faite. 25 décembre 1911. — Un rat meurt. 11 porte des bacilles A.R. au point d'inoculation et dans les ganglions inguinaux, qui sont d’ailleurs assez pelits. 5 janvier 1912. — Un deuxième rat succombe. Bacilles A.R. dans les gan- glions inguinaux droits et gauches. Plus abondants à droite. LA LÉPRE DES RATS 7189 9 janvier. — Décès d'un troisième ral qui, comme les deux précédents, a des A.R. dans les ganglions inguinaux. 23 février 1912. — La mort du dernier rat se produit ce jour. On trouve dans les ganglions inguinaux de très nombreux A.R. Cette expérience, comme celles qui ont été rapportées plus haut, montre la facilité avec laquelle peut se faire et doit se faire dans la nature la contamination des rats chez lesquels on trouve des bacilles spécifiques dans les ganglions de laine. De nombreuses observations faites sur des rats trouvés spon- tanément infectés contribuent fortement à établir le rôle des blessures superficielles de la peau dans la transmission de la maladie. Il arrive très souvent qu’on trouve le tissu conjonctif périmammaire infiltré de pigment noir. Ce pigment est d’ori- gine hématique, comme l'indique la réaction au ferrocyanure de potassium. Or, presque chaque fois qu’existe cet apport pig- mentaire, il y a infection lépreuse. Cette coïncidence est mème si commune que nous pouvons presque à coup sûr prévoir l'existence de bacilles d’après la couleur de la région mammaire. Or, ce pigment ferrique se dépose dans le tissu con- jonctif périganglionnaire et dans les ganglions quand on pro- duit une blessure superficielle de la peau, comme on peut le voir dans l'expérience II rapportée plus haut. Sa présence chez des rats spontanément infectés indique donc très vraisembla- blement que les bacilles se sont introduits par une plaie super- ficielle de la peau ayant existé sur le territoire drainé par les lymphatiques du ganglion malace. Contamination axillaire. — L'infection des ganglions axil- laires se fait aussi par morsures, nous en avons eu des preuves indéniables, par envahissement bacillaire de cicatrices récentes, chez des rats sauvages. Mais elle peut aussi emprunter une autre voie. Cerlains auteurs ont pensé à l'infection par les oreilles ou le museau, qui sont fréquemment atteints de gale. Mais la porte d'entrée est ici moins perméable qu’à la queue. La présence des sarcoptes dans ces régions détermine la formation de véri- tables épithéliomas par prolifération des cellules de Malpighi. Des excroissances cornées quelquefois très proéminentes s'élèvent sur le nez et les oreilles, et couvrent les sillons. 790 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR D'autre part, toutes nos recherches pour trouver des bacilles dans les oreilles sont restées vaines. L'infection n'a pu être produite au travers de la pituitaire. — G. Dean signale la présence de germes spécifiques dans le mucus nasal des rats lépreux, nous n'avons pas eu de peine à vérifier l'exactitude de cette observation. L'auteur anglais, appliquant au rat l'hypothèse énoncée par Jeanselme et Laurens (1), et plus tard par Sticker (2), pense que la pituitaire est une voie d’excrétion bacillaire et une voie naturelle de contamination. Nous ne partageons pas cette opinion. Une expérience qui, à la vérité, nous a surpris par ses résultats, nous a montré la résistance de la pituitaire à l'infection. Nous avons frotté vigoureusement jusqu'à amener un petit écoulement sanguin, les narines droite et gauche de 12 jeunes rats avec un bout de coton imbibé de matériel septique qui a servi à en infecter 24 autres. Aucun d'eux n’a été trouvé porteur de bacilles ni dans le nez, ni dansies ganglions cervicaux, ni ailleurs. C'est donc par une autre voie que se fait l'infection des gan- glions axillaires. Infection pulmonaire d'emblée par les voies digestives. — Dans un lot d'animaux provenant d'un clos d'équarrissage, il nous est arrivé d'en rencontrer un certain nombre chez les- quels on trouvait des bacilles dans l’aisselle en grande quan- tité el peu ou pas du tout dans l’aine. Chacun d’eux avait aussi des A.R. dans le poumon et les ganglions médiastinaux, phénomène qui ne doit pas surprendre si on veut se reporter à ce que nous avons dit au chapitre de l'anatomie pathologique. Cependant un de ces animaux avait des A.R. seulement dans le poumon et les ganglions médiastinaux, point du tout ailleurs. De nombreux el soigneux examens nous permettent de l’af- firmer. (1) JEANSELME et Laurexs, Des localisations de la lèpre sur le nez, la gorge et le larynx. Soc. méd. des H6p., 1897, 23 juillet. (2) Sricker, Mittheilungen über Lepra nach Erfahrungen in Indien im JEgypten. Münch. med. Wochensch., 28 septembre-5 octobre 1897 et Lepra Confercnz. Berlin, 1897, 1re partie, p. 99. LA LÉPRE DES RATS 791 D'où vient cette localisation intrathoracique ? L'expérience ei- dessous en donne l'explication. En faisant absorber à de petits rats des aliments infectés de bacilles A. R., nous avons reconnu qu'on provoque parfois une infection primitive du poumon. Ex». IX. — Le 1° juillet 1910, un rat d'expérience 55 est sacrifié. 11 porte un volumineux nodule à A.R. qu'on broie dans l'eau physiologique stérile. De ce liquide très riche en bacilles on fait boire deux gouttes à huit pelits rats blancs âgés de vingt-quatre jours. 12 octobre. — Un des rats est mort. Pas d'A.R. dans les ganglions super- ficiels, ni dans les ganglions mésentériques qu'on recherche avec soin et dont on examine attentivement plusieurs. Il est un fait assez remarquable, c'est que les rats d'expérience qui ont main- Lenant quatre mois sont restés notablement plus petits que des rats de cet âge et même que des jeunes rats nés trois semaines après eux. 16 octobre, 9 heures. — Un des petits rats meurt sans A.R. dans les gan- glions mésentériques, le foie ou la rate. er décembre. — Un troisième rat est trouvé mort dans le bocal d’expé rience. Il est putréfié tellement qu'on ne peut examiner les organes abdomi naux. En ouvrant le thorax, on remarque que les ganglions médiastinaux sont volumineux. Ils sont examinés et on y trouve un grand nombre d'A. R. Des frottis sont aussi préparés avec des fragments des poumons prélevés à diffé- rents endroits. Dans ceux qui ont été faits avec de la pulpe des sommets, on rencontre un nombre relativement faible d'A. R. dont quelques-uns sonf disposés en groupes de trois ou quatre. 2 décembre. — Un quatrième rat est mort aujourd'hui. L'autopsie complète en est faite avec grand soin. Comme dans le précédent, les frottis des gan- glions médiastinaux et des sommets pulmonaires renferment des A. R. Dans la pulpe des deux poumons prise à la partie moyenne ou à la base, point de bacilles. Tous les ganglions mésentériques qu'on peut trouver servent à faire des frottis. Dans un d’entre eux, quelques bacilles A. R. peu nombreux sont rencontrés. Rien par ailleurs. 16 décembre. — Décès d'un cinquième rat, dans lequel on ne trouve point d'A. R. 5 mars 1911. — Le sixième rat meurt sans A. R. 21 avril. — Les deux derniers rats sont sacrifiés. Aucun A. R. chez eux. Ces rats de onze mois étaient restés de pelite taille. Voilà donc des rats d'élevage, nés au laboratoire et par con- séquent indemnes de toute contamination spontanée, qui ont simplement absorbé des bacilles, en grand nombre il est vrai, et qui ont présenté une affection pulmonaire primitive. Dans la paroi de l’æsophage, dans celles de l'estomac et de l'intestin on n’a trouvé aucun dépôt bacillaire. Les ganglions mésentériques n'étaient point particulièrement volumineux et dans la plupart des cas n'étaient point infectés. 192 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Mais chez deux d’entre eux l'infection s’est faite beaucoup plus loin L Es . @ . . = . . Comment expliquer cette immunité relative des ganglions de la région qu'a traversée le virus et le transport des bacilles au poumon? Tout s’est passé comme si les ganglions mésenté- riques ne recevaient que les lymphatiques de la paroi intesti- nale, ceux des villosités se dirigeant vers le canal thoracique. Quant au mode d'introduction des bacilles, on peut le conce- voir par la rentrée dans le circuit lymphatique de quelques- unes des cellules migratrices qui existent si nombreuses dans la lumière intestinale, et qui auraient absorbé un certain nombre de bacilles. Retenues ensuite par le filtre pulmonaire, elles ont servi à l'infection des ganglions médiastinaux. Il faut aussi compter avec l'existence de quelques zones dénudées d’épithélium le long du trajet de l'intestin. Le fait que l'infection ne se produit pas dans tous les cas plaiderait en faveur de cette hypothèse. Faut-il enfin admettre que ce bacille immobile peut passer au travers des muqueuses saines, comme il passe au travers de la peau épilée? 11 nous est impossible pour le moment de prendre parti dans la question. Des expé- riences en cours nous renseigneront peut-être plus tard. Quel que soit le mode de pénétration des germes, la paroi intestinale une fois franchie, la majeure partie des cellules parasitées se rend, non dans les ganglions mésentériques, mais dans le canal thoracique, voie par laquelle elles gagnent le poumon. Il est vrai qu'on peut faire une autre hypothèse pour expli- quer cet envahissement pulmonaire précoce et admettre que l'infection passe par les premières voies digestives . Mais en ce cas on devrait rencontrer des bacilles dans les ganglions cervicaux aussi bien que dans les ganglions médias- tinaux. C’est une constatation que nous n'avons pas faite. La localisation des bacilles et l'absence de germes dans la sous- muqueuse æsophagienne nous portent à écarter cette interpré- tation, Nous sommes au contraire conduits à regarder comme probable la pénétration au travers de l'intestin, puisque nous avons dans un cas trouvé des bacilles dans un ganglion mésen- térique. Cette observation d'infection pulmonaire dans la lèpre du LA LÈPRE DES RATS 793 rat après ingestion de matériel septique concorde avec les faits signalés par Calmette dans la tuberculose. Dans cette maladie comme dans la lèpre, le bacille spécifique, par la voie Iympha- tique, arrive très vite au poumon, mais le bacille tuberculeux, parce qu'il est toxique et qu'il immobilise rapidement la cellule hôte, reste dans le poumon au lieu d’être évacué sur les ganglions. Comment se contaminent dans la nature ces rats sauvages ? Nous avons pu observer que les murins nourris avec de la viande, même quand ce sont des rals blancs d'élevage, perdent cette humeur douce qui les fait rechercher dans les laboratoires. [ls deviennent batailleurs et mordent fréquemment ceux qui les soignent£. Des rats sauvages vivant dans un clos d'équarrissage, se nour- rissent évidemment de la viande des animaux aballus. Les batailles parmi eux doivent devenir plus fréquentes, et bien des animaux parasilés qui, nous le savons, sont souvent en butte aux attaques des rats sains, succombent dans ces luttes et sont dévorés par les vainqueurs. Par la voie digestive, comme aussi par les pattes antérieures, qui sont chez le rat des organes de préhension, l'infection peut passer assez facilement aux animaux sains et gagner poumons et ganglions axil- laires. Une autre hypothèse dont nous n'avons pas encore pu établir la valeur, se présente naturellement à l'esprit : le bacille qui contamine le rat peut vivre aussi dans les débris de viande que dévorent les rats. Si ce fait était établi, il expliquerait assez bien pourquoi on trouve en plus grand nombre les rats lépreux dans les abattoirs, les dépôts d'os et les clos d’équarrissage. L'alimentation carnée n'influe pas sur la marche de la maladie. — Nous avions cru qu'il fallait attribuer à l’alimen- tation carnée la propriété de favoriser le développement des germes chez les animaux infectés et l'apparition des sligmates de lèpre. Pour nous en assurer, nous avons organisé une expérience sur quarante-deux rats blancs qui tous ont été infectés par badigeonnage septique de la peau du dos épilée. Ces animaux ont été partagés en deux lots de vingt et un, dont l’un a reçu 79% ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR comme alimentation du pain mouillé et du grain, l'autre du grain et de la viande crue. Nous ne rapporterons pas dans le détail cette expérience qui a duré près de huit mois. En voici les résultats. Comme dans toutes nos expériences, la plupart des rats sont morts spontanément de cette pseudo-tuberculose qui nous enlève tant de sujets d'expérience. Un certain nombre d'entre eux ont succombé avant que l'infection par les bacilles A. R. soit facilement perceptible. Sur les rats nourris avec de la viande l'infection s'est révélée plus tardivement; le premier animal pris n'a été vu que quatre mois après le début de l'expérience, alors qu'au bout de deux mois l’infection était diagnosticable chez les animaux nourris avec des hydrates de carbone. Du quatrième au huitième mois, les rats à viande étaient porteurs d'un plus grand nombre de bacilles que les autres, mais la proportion des malades a été finalement plus grande chez les rats à hydrates de carbone (66,6 p. 100, contre 50 p. 100 chez les autres). Il ne faut pas atta- cher à celte dernière conclusion une importance très grande parce qu'elle découle naturellement du fait que ces animaux ont élé porteurs de bacilles d’une facon plus précoce. Ceux qui sont morts entre le deuxième et le quatrième mois sontnaturelle- .ment venus corser la stalistique, puisque le premier malade dans la série à viande ne s’est montré qu'à cette dernière époque. En somme, le régime carné n'a pas d'influence sur le développement de la maladie lépreuse des murins. Chez tous ces rats, comme chez la majeure partie de ceux que nous avons contaminés expérimentalement, les ganglions malades n'étaient pas augmentés de volume et l'infection n'avait point, comme dans la maladie spontanée, gagné les tissus VOISINS. On peut se demander tout d'abord si le gonflement ganglion- naire est bien sous la dépendance de l'infection bacillaire, comme tendrait à le faire croire l'examen des animaux spon- tanément atteints de lèpre. Il est permis d'en douter. L'hyper- trophie des ganglions est tellement commune chez les rats d'égouts qu'il ne faut guère s’élonner de la rencontrer souvent sur les rats lépreux. Cette adénite n’est d'ailleurs pas, comme nous l’avons écrit au début de ce mémoire, aussi constamment LA LÈPRE DES RATS 795 observée dans la lèpre que certains auteurs l'ont prétendu. En tout cas, elle n'autorise pas un diagnostic que seul l'examen microscopique permet de porter. L'inoculation de virus pur donne toujours la forme ganglion- naire. — La localisation presque exclusive et constante de l'infection aux ganglions indique qu'il manque chez les rats d'expérience un facteur favorisant qui se rencontre dans la nature pour produire la lèpre vraie. La détermination de ce facteur a été pour nous pendant longtemps un problème obsé- dant dont la solution nous a été apportée par une expérience que nous relatons ci-après. L'inoculation impure produit la forme musculo-cutanée. — L'un de nous, ayant obtenu en milieu impur la culture d’un bacille acido-résistant qui peut être le bacille de Hansen (1), et étant convaincu du rôle des infections secondaires dans la généralisation de la lèpre humaine (2), plusieurs expériences furent entreprises pour rechercher l’action des inoculations impures sur le développement de la lèpre des rats. L’inspira- tion était bonne, comme le prouve celle qui suit et que nous donnons à titre d'exemple. Exr. X. — Le 18 décembre 1909, un rat blanc d'expérience 52, est sacrifié. On en retire du matériel septique, ganglions et tissu conjonctif, qui, par broyage dans l’eau physiologique, donne un liquide très riche en A.R. A ce liquide est ajouté un peu d’une culture en gélose d’un coccus retiré du mucus nasal d’un lépreux. Avec ce mélange, six rats blancs sont inoculés sous la peau du dos à la base de la queue. 26 décembre. — Tous les rats portent une plaque d'induration au point où ils ont reçu le virus impur. Tous ont des ganglions inguinaux gros el durs. 3 janvier 1910. — Un des rats est sacrifié. Il porte de gros ganglions, mais aucun des frottis faits avec la pulpe qui en est retirée ne renferme d'A.R. Au point d'inoculation, on en retrouve un certain nombre. 18 juin 1910. — Un rat meurt ce jour. Au point d’inoculation, il porte une plaque de tissu conjonctif chagrinée, très fortement adhérente en son milieu aux tissus sous-jacents. Les ganglions inguinaux sont volumineux. Dans le nodule d'incculation, il y a une très grande quantité d’A.R., de (1) Marcaoux, Culture d'un bacille acido-résistant provenant du mucus nasal des lépreux. Bull. Soc. de Path. exot., t. IV, 1911, p. 89. (2) Marcaoux, Les migrations du bacille de la lèpre. II° conférence de la lèpre, Bergen, 1910, III: vol., p. 57. 796 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR mème que dans les ganglions. On en trouve aussi par raclage de la partie profonde de la peau entre le point d’inoculation et les ganglions. Le paquet ganglionnaire de l'aisselle renferme aussi une notable quan- tité d’'A.R. 6 juillet. — Un troisième rat succombe. Au point d'inoculation, il porte une plaque de la dimension d'une pièce de 1 franc formée de tissu conjonctif épaissi et chagriné. Les A.R. fourmillent dans les frottis faits avec les produits de raclage de ce nodule. Tout autour les tissus paraissent normaux, mais ils renferment une notable quantité de bacilles. C'est surtout à la face ventrale que se trouvent les lésions les plus étendues etles plus caractéristiques. Deux larges bandes de tissu conjonctif épaissi et chagriné entourent les ganglions inguinaux et forment comme un plastron qui double la peau à la région ventrale d’un flanc à l'autre. Ce plastron se prolonge en avant par de longues ailes de forme vaguement triangulaire, qui s'étendent de chaque côté de la ligne blanche jusqu'au thorax. Du côté droit, le plastron basal est plus large et l’aile antérieure plus longue, elle atteint l’aisselle. Les ganglions de l’aine et de l'aisselle sont tous tuméfiés. Dans ces tissus lésés et dans les ganglions se trouve une masse énorme de bacilles spécifiques, en nombre aussi considérable que dans la maladie naturelle. Il y a des A.R. dans les poumons, les ganglions médiastinaux. On en trouve aussi dans la rate, le foie et dans un ganglion mésentérique. 271 juillet. — Décès d'un quatrième rat, pour lequel on ne peut trouver la cause de la mort, ni par examen direct ni par ensemencement du sang ou des organes. Cet animal porte aussi au point d'inoculation une large plaque de tissu conjonctif épaissi et bourré d’A.R. Il existe en avant des groupes ganglionnaires inguinaux des lésions macroscopiques, mais moins impor- tantes que chez le rat précédent. Il y a également chez cet animal une infection discrète du foie et de la rate. 9 août. — Les deux rats qui restent sont aveugles. Les trypanosomiases amenant assez fréquemment de la cécité, on cherche chez eux des trypano- somes sans en trouver. Les deux animaux sont sacrifiés. Ils sont porteurs de lésions spécifiques semblables à celles des deux rals précédents. Chez le premier, le plastron ventral, un peu plus étendu que sur le rat mort le 27 juillet, l’est cependant moins que sur celui qui a succombé le 18 juin. La lésion est surtout importante à droite. Tous les ganglions super- ficiels de l’aine et de l’aisselle sont. hypertrophiés et remplis de bacilles. Lésions discrètes du foie et de la rate. Le deuxième rat est porteur de lésions semblables, mais un peu moins étendues. | En faisant un froltis de la cornée opacifiée, on y trouve une grande quan- tité d’A.R. Cette expérience a été vérifiée par plusieurs autres dont les résultats ont été les mêmes, quoique moins remarquables. C'est parce qu'elle à été particulièrement démonstrative que nous l’avons rapportée ici. Pour les autres expériences, ce n'est pas LA LÉPRE DES RATS 197 le même microbe d'impurelé qui a servi. Chaque fois, il s'agissait d’un slaphylocoque pyogène, mais différent. Ces expériences de vérification ont été accompagnées de témoins. En même temps quétail faite l'inoculation impure à une série d'animaux, une autre recevait le liquide de broyage sans addition de germes étrangers. Sans doute, même dans ce cas, il ne peut être question de pureté absolue, car au cours de la préparation du liquide, malgré l'emploi de verres, de baguettes et d’eau physiologique stériles, il s’'introduit des germes étrangers, mais Ceux-ci, ou bien ne sont pas patho- gènes el par conséquent sont immédiatement détruits, ou bien sont en trop petit nombre pour exercer une action importante. Sur les témoins, il n'a été observé aucun symptôme de géné- ralisalion. Comme toujours, l'infection était limitée aux gan- glions, restés de faible volume, et parfois au point d'inoculation. On peut donc admettre que dans la nature, les mèmes phé- nomènes se représentent et qu'il faut, pour causer cette lèpre musculo-cutanée, le concours d’une impureté. Le fait est que chez les rats malades on rencontre presque toujours des lésions pyogènes, des abcès produits par des microbes étrangers, des staphylocoques souvent. Une fois même, dans des coupes de la peau œdématiée, nous avons trouvé une infiltration de staphylocoques qui avait fusé dans le tissu conjonctif et provoqué un «ædème avec diapédèse intense de polynucléaires. En revanche, chaque fois que nous avons trouvé des rats à infection limitée aux ganglions, la peau était très nette et rien autre que le microscope ne permettait de porter un diagnostic. PARALLÈLE ENTRE LA LÈPRE HUMAINE ET LA LÈPRE DU RAT. Si nous voulons établir entre la lèpre humaine et la lèpre du rat un rapprochement que légitime la similitude des deux affec- tions, nous pourrons, d’après ce qui précède, formuler sur la maladie de l'homme quelques hypothèses qui en éclaireront singulièrement l’épidémiologie. Infection hansénienne et lèpre ne sont peut-être pas syno- nymes. — Tout ce qu'on connaît sur la lèpre concourt à 798 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR désigner le revêtement cutané comme le siège de la première inoculation. Nous venons de voir qu'il en est de même pour le rat. La moindre érosion de la peau suffit au bacille de Stefansky pour pénétrer dans l'organisme. Le bacille de Hansen se com- porte peut-être bien de la même façon. La difficulté apparente de contagion de la lèpre ne serait qu'une illusion. Comme chez le rat, infection ne signifierait pas toujours maladie. Il pourrait y avoir, dans les pays à lèpre, beaucoup plus de personnes atteintes qu'on ne le suppose, mais chez la plupart le bacille spécifique cantonné dans un coin de l'organisme y sommeille- rait longtemps et souvent pendant toute la vie de l'hôte insoupçonné qui l'héberge. Les autopsies de gens vivant au voisinage de malades, peuvent seules renseigner sur la réalité des faits dont nous émettons la supposition. Il conviendrait de rechercher les sermes dans les ganglions superficiels ef dans les ganglions médiastinaux, ces derniers étant sans doute, chez l’homme comme chez le rat, un réservoir où se déversent les bacilles venant de tous les points de l’organisme. Ces lépreux latents deviendront des Jépreux avérés quand une impurelé favorisante aura pénétré dans leur organisme ou quand une cause de déchéance physique aura diminué leur résistance. Ce serait à de longues somnolences des germes qu'il faudrait attribuer ces incubations prolongées si fréquem- ment citées. Ce serait à la lèpre latente qu'il faudrait faire remonter ces cas erraliques qui surgissent tout à coup dans une région sans qu'il soit possible d’en établir la filiation. Chez l'homme, sans doute, comme chez le rat, la lèpre marche vite quand elle succède à une inoculation impure qui a provoqué une suppuration; elle évolue tardivement quand les germes sont restés inclus dans les organes Iymphatiques et qu'une cause accidentelle vient les réveiller de leur long sommeil. Le contact septique est probablement la cause de l'infection. — Le transport et l'inoculation des germes par les insectes piqueurs ne méritent sans doute pas plus d'attention pour la maladie humaine que pour la maladie murine. Quant à la gale, LA LÈPRE DES RATS 799 elle peut exercer une certaine influence, par les lésions de la peau qu'elle cause. Rien ne s’oppose à ce que le Demodex soit un agent de transport. | La pénétration des germes par les voies digestives est beau- coup plus difficile à admettre, elle se fait seulement quand des masses considérables de germes traversent l'intestin. Si cette éventualité a des raisons de se produire chez les rats qui se mangent entre eux, il n'en est pas de même pour l'homme, qui n'ingère de germes qu'à l’élat d'unités et par conséquent sans courir de grands risques. Chez l’'homme,comme chez le rat,le mode de contagion habi- tuei estsürementle contact, mais un contact intime qui n’a plus que de rares chances de se produire avec la civilisation euro- péenne actuelle. C'est parce que le voisinage des malades dans les hôpitaux est bien loin de l'antique promiscuité, que nous ne voyons plus les cas de lèpre essaimer comme au moyen àge. Nos malades hospitalisés ne couchent plus à huit dans le mème lit et portent des vêtements qui leur sont propres. En dehors des rapports sexuels, les contacts corporels ont bien peu de chances de se produire entre les membres de la population parisienne. Il n’en est point de même dans les pays où la lèpre se multiplie encore. Nous avons constaté une sin- eulière promiscuité à Saint-Dalmas-de-Valdeblore, où l’un de nous, en Collaboration avec Bourret (1), fit une enquête dans un petit foyer de lèpre encore en activité. C'était dans une maison d’une malpropreté insigne, où les lits n'étaient sans doute jamais faits, et les draps, autant que nous en pümes juger par la couleur, jamais changés. Les habitants de cette maison au nombre de quatre, auraient pu avoir chacun leur chambre, le nombre des pièces le permettait, cependant ils couchaient deux à deux. La mère lépreuse partageait son lit avec son fils, un grand gaillard de dix-sept ans et de 1*80 de hauteur, et n'y voyait point de mal. Deux sœurs, dont une lépreuse, dormaient ensemble. Ces conditions se rencontrent encore très souvent dans nos colonies, non seulement parmi les indigènes, mais aussi parmi les (1) Marcuoux et Bourrer, Enquête étiologique dans un foyer de lèpre. Bull. de la Soc. de Path.exot.,t. I, 1908, p. 288. 800 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Européens, qui perdent très vite dans le milieu où ils vivent les principes d'éducation et d'hygiène élémentaire qu'on a eu tant de peine à leur enseigner en France. Elles se trouvent aussi réunies pour les membres d’une même famille. Dans beaucoup de pays les conjoints n’ont qu'un seul lit et couchent souvent leurs enfants avec eux, au moins quand ils sont jeunes. Les mères lépreuses pour soigner et allaiter leurs nourrissons les exnosent à de grandes chances d’in- fection. On est même surpris que dans les familles où la mère est malade tous les enfants ne soient pas atteints. Si, comme dans la statistique de Sand (1), on ne relève parmi eux que 10 p. 100 de lépreux, cela ne veut pas dire qu'il n'existe pas des lépreux latents en bien plus grand nombre. Il faut peut-être aussi, parmi les causes de contagion, faire une place assez large au contact indirect par échange de vête- ments et lavage de linges souillés. Dans les idées traditionnelles qui ont survécu à plusieurs générations, il y a presque toujours une part de vérité. Sous sa gaine glutineuse, le bacille de la lèpre résiste peut-être mieux que celui du rat à la dessiccation. En tout cas, il peut se trouver dans des humeurs encore assez fraîches sur des vêtements qui viennent d'être quittés ou sur du linge qui a récemment essuyé des plaies septiques. Les blanchisseuses, par profession, ont souvent l’épiderme des mains éraillé ou fendu, tout préparé pour recevoir les germes. L'infection produite chez des rats mâles par simple inser- tion de bacilles spécifiques dans le fourreau, sans lésion de la muqueuse, semble indiquer que les rapports sexuels impurs soient à redouter comme cause de contagion. Direct ou indirect, le contact joue sûrement le rôle principal dans l’épidémiologie de la lèpre. Cette importance de l'étroite promiscuité découle de l'efficacité des mesures prises en Nor- vège, où il a suffi de faire vivre les lépreux à l'écart des personnes saines et sans les éloigner de la maison familiale pour arrêter la lèpre. (1) A. Saxp, Geschicht die Ansteckung der Lepra durch unmillelbare Ueber= tragung? II° conférence de la lèpre. Bergen, 1910, Ifle vol., p. 39. LA LÉPRE DES RATS 801 ConcLuSsIONS. 1° Il n'est pas tué par une exposition de cinq minutes à la température de 60 degrés. Il meurt à la même température en un quart d'heure; 20 Si l'infection est plus considérable dans les régions super- ficielles, c’est qu’elle entre par la peau; 3° Elle suit les trajets Iymphatiques; 4° Le point d’inoculation n'est pas toujours la région de la peau la plus infectée; 5° Des mâles s’infectent quand on dépose des bacilles dans le fourreau sans faire aucune lésion de la muqueuse; 6° Cependant la maladie spontanée ne paraît pas se trans- mettre par la voie génitale ; 1° Les insectes ne véhiculent pas la maladie ; S° Les sarcoptes de la gale ne peuvent jouer qu'un rôle indirect dans la diffusion de la lèpre ; 9° Le contact d’une peau lésée avec une peau malade ou avec des objets fraîchement souillés est le mode de contagion ordinaire ; 10° Une grande quantité de germes introduits par la voie digestive donne une infection primitive du poumon ; 11° Les ganglions des rats inoculés artificiellement sont généralement petits, contrairement à ceux des rats spontané- ment malades ; 12° C'est la forme ganglionnaire qu’on provoque toujours par inoculation. Pour donner la forme musculo-cutanée, il faut injecter des produits impurs. ÉTUDES SUR LE BACILLE DE SCHMORL (SECOND MÉMOIRE) EXPÉRIENCES SUR LE COBAYE par E. CÉSARI Le cobaye passe pour quasi réfractaire au bacille de Schmorl : il n’en est rien. Le D' Girard (recherches inédites) a étudié jadis, ici, les îlots nécrotiques que l'on rencontre à l’autopsie de certains sujets et a pu y déceler, par l'examen microscopique et les cultures, la présence du bacille de la nécrose. Mèmes résultats à Mexico, chez un cobaye auquel il avait injecté, dans le périloine, le sang d’un individu atteint de typhus exanthémalique. Voilà pour la maladie naturelle; quant à la maladie expérimentale, elle a été de notre part l'objet de recherches suivies et nous espérons en montrer tout l'intérêt dans les lignes qui vont suivre. Nous étudierons successivement les injections sous-cutanées, intraveineuses et intrapéritonéales. INJECTIONS SOUS-CUTANÉES Suivant les conditions expérimentales, on observe divers types cliniques qu'il est indispensable de bien connaître. C'est seulement, en effet, après avoir vu se dérouler sous ses yeux les images variées qui traduisent les réactions variées de l'or- sanisme au bacille de la néerose (et à sa toxine, que l’on peut tenter de pénétrer plus avant dans la pathogénie des affections dues à ce microbe. Rien de plus facile que de réaliser les types dont nous par- lons. Prenons une culture en bouillon Martin glucosé (2 p.1.000), culture ayant séjourné vingt-quatre heures à 37 degrés (1). 1) Toute notre étude expérimentale a été faite sur l'échantillon dit Prinus. Nous nous sommes assuré, préalablement, que les autres races, isolées avec V. Alleaux, déterminaient des effets à peu près identiques. ÉTUDES SUR LE BACILLE DE SCHMORL 803 Injectons 1 cent. cube du liquide, bien agité, sous la peau d’un cobaye (animal de 500-600 grammes): nous obtenons un type que nous appellerons type C (réaction à la somme : microbes + toxine). Centrifugeons à fond, avec l'appareil de Jouan, la même culture et injeetons 1 cent. cube du liquide clair : nous observons le type dit conventionnellement A (réaction à la toxine. — Les quelques corps microbiens restés dans le liquide sont négligeables; on obtient d’ailleurs des effets identiques avec les filtrats, mais il faut forcer la dose). Lavons (une fois) lie dépôt de centrifugage à l'eau physiologique et rétablissons le volume initial de culture avec de l’eau physiologique, puis injectons 1 cent. cube du liquide bien agité : nous réali- sons le type E (réaction aux microbes). On Hbc al tous les types intermédiaires entre À et C{ schématisables par un stade moyen, B) en centrifugeant de moins en moins complètement la culture, c’est-à-dire en injectant, avec le liquide clair, des quantités de plus en plus grandes de microbes. Inversement, on réalise tous les types intermédiaires entre E et C (schéma- tisables par un stade moyen, D) en lavant de moins en moins complètement le dépôt de centrifugage, c'est-à-dire en injec- tant, en plus des corps microbiens, des doses croissantes de toxine. Nous décrirons d’abord, avec les détails nécessaires, les /ypes principaux : À (toxine), E (microbes) et G (toxine + microbes), en mentionnant les formes dérivées quantitativement (injection de volumes de liquide supérieurs ou inférieurs à 1 cent. cube, injection de cultures plus ou moins vieilles) et qualilativement (injection de liquides chauffés ou soumis à un centrifugage exagéré). Il suffira, ensuite, de dire deux mots des types Bet D, faciles à imaginer. A la description des types cliniques fera naturellement suite l'étude des conditions qui permettent de les réaliser. DESCRIPTION DES TYPES CLINIQUES Tyre À (Torine). Forme crassique. — Elle se caractérise par la production d'une eschare humide, à apparition rapide, dont on peut schématiser ainsi l’évolution. 804 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Quelques heures après l'injection (1) (4 cent. cube de liquide clair), on observe un ædème mou, allant du volume d’une noix à celui d’un œuf de pigeon. Sur cet œdème, la peau montre une tache vert pâle, humide, cerclée de rouge sombre, dont la surface répond à celle d’une pièce de 1 ou 2 francs. — Le lendemain, Vempâtement hypodermique s’est aplati, la tache cutanée commence à brunir et à sécher par endroits. — Le surlendemain, Veschare est devenue complètement sèche et d'un noir de jais; l'infiltrat sous-cutané forme un disque de consistance rénitente. — Le 4° jour, l'eschare commence à se soulever et on aperçoit un ulcus sec, alone, couleur maigre de jambon. — Le 5° jour, le disque sur lequel reposait la lésion nécrotique s’est très aminci. — Du 6° au T° jour, l'eschare tombe; l'uleus sous-jacent n'est bordé que par un cerele induré étroit. — Puis, la perte de substance diminue peu à peu d'étendue et de profondeur et la cicatrisation est accomplie quinze jours environ après l'injection. — En dehors des com- plications (assez rares), les animaux ne succombent jamais; ils n'offrent qu'une émaciation légère ou même nulle. FORMES DÉRIVÉES QUANTITATIVEMENT. — Si l’on augmente la quantité de liquide injectée, les lésions augmentent également détendue el les complications se montrent plus fréquentes. Si on la diminue, l'empâtement et l’eschare diminuent, jusqu'à ce que, finalement, tout se réduise à un infiltrat modéré, recou- vert de croûtelles (auxquelles font suite des érosions superfi- cielles), puis à un simple œædème transitoire. FORMES DÉRIVÉES QUALITATIVEMENT. — Les liquides chauffés, injectés à dose suffisante, déterminent l'apparition d’un em- pâtement et d’une eschare aussi marqués que dans le type classique, mais l'aspect initial diffère. Le premier jour, simple ædème; le lendemain, fache violette plus ou moins foncée selon les cas (souvent très pâle) et à peine humide. Puis, eschare brun foncé, ulcus, ete., comme dans la forme normale. Coupricarions. — M. M. Nicolle à fait connaître depuis long- Lemps les complications que l'on rencontre, chez les cobayes, à (4) Avant la fin de la première heure, l’eschare s'annonce déjà, loco tæso, par une teinte bleu-verdâtre des téguments. ÉTUDES SUR LE BACILLE DE SCHMORL 805 la suite de linjection (et, notamment, de l'injection sous- cutanée) de divers microbes et toxines. Ces complications, géné- rales ou locales, sont dues, habituellement, soit à la pasteurella, soit au pneumocoque. Nous croyons inutile de les décrire à nou- veau. Disons. simplement, qu'au cours de nos expériences sur les cobayes ce sont surtout les infections secondaires à pasteu- rella que nous avons observées. Type E (Microbes). ] Forme ccassique. — Elle se traduit par le développement d'un bourbillon sous-cutané, qui évolue schématiquement comme il sui. Quelques heures après l'injection (1 cent. cube de culture lavée), apparaît un œdème mou, généralement peu étendu et sans mortification de la peau susjacente. — Le lendemain, cet œædème dessine une tuméfaction arrondie ou allongée, réni- tente, dont le volume oscille entre celui d’une amande et celui d'une noix. — Le surlendemain, lempâtement durcit. — Le 4° jour, on perçoit souvent une fluctuation obscure. — Le »° jour, la fluctualion, toujours nette, répond à lout où partie de l'intiltrat hypodermique. — Du 6° au T° jour, la ponction donne issue à du pus, entourant un bourbillon plus ou moins adhérent encore aux tissus profonds. Ce bourbillon, qui repré- sente l’exsudat sous-culané nécrosé en bloc, ne diffère en rien de celui d’un furoncle. Il contient, ainsi que le pus, des bacilles nombreux et caractéristiques. — Du 8° au % jour, si l'on n'a pas ponetionné la peau, on la voit offrir, sur un point limité (tète d'épingle, lentille, au plus), une tache escharo- tique brunäâtre, qui rappelle l'aspect d’une fine brûlure au thermocautère. En ce point, les téguments, très amincis, laissent sortir, par la simple pression, le pus et le bourbillon hypodermiques. — Du 10° au 11° your, le bourbillon s’évacue de plus en plus complètement, surtout si on l’aide à se déta- cher des parties saines. — Pans, la cavité se comble peu à peu, à mesure que l’empälement limitant rétrocède; la suppuration diminue régulièrement et lout est fini quinze à vingt jours après l'injection. — Les complications sont un peu moins rares que dans le type A. Quand elles font défaut, le pronostic est aussi bénin. ' 806 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR FORMES DÉRIVÉES QUANTITATIVEMENT. — Si l’on augmente la quantité de liquide injectée, les lésions augmentent d’étendue et l'eschare apparaît (passage au type D). Une forme pareille- ment « exagérée », mais sans eschare, s’observe aussi, de temps en temps, à la suite de l'injection d'un seul cent. cube (sensi- bilité plus grande de certains sujets au regard des germes). Dans les deux cas, les phénomènes caractéristiques ne se dessinent d'habitude qu'après quelques jours. La lésion s’ac- croit alors assez rapidement et il se forme un véritable abcès froid (parfois très vaste) à parois épaisses, dont la marche est lente et qui devient volontiers le point de départ de complica- tions locales et générales. Si on diminue la quantité de liquide injectée, les lésions diminuent également (pois, lentille), comme ïl fallait s’y attendre. FORMES DÉRIVÉES QUALITATIVEMENT. — Si l’on injecte des cul- tures soumises à un lavage exagéré, on n’observe, pendant plu- sieurs jours, aucun phénomène réactionnel local. Puis appa- rait un nodule qui durcit, fluctue au centre et évolue généralement assez vite. Ses dimensions dépassent rarement celles d'une amande. ComericaTions. — Plus fréquentes qu'avec le type À, surtout dans les formes « exagérées ». Tvre C(Microbes + loxine). FORME cLAssiQuE. — Elle représente, cela va de soi, la somme des types A et E, c'est-à-dire l’eschare humide unie au bourbillon sous-cutané. Le bourbillon est mis ici directement à nu, sans suppuralion éliminatrice. L'évolution peut être schématisée comme il suit. Quelques heures après l'injection (1) (4 cent. cube de culture totale), on observe un œdème mou, crépitant (sauf dans le cas des germes qui fermentent peu le glucose), allant du volume d'un œuf de pigeon à celui d’un petit œuf de poule. Sur cet œdème, la peau montre une tache humide, absolument iden- tique à celle qui caractérise le type A. — Le lendemain, (1) Comme dans le type A, on peut déjà percevoir au point injecté, avant la fin de la première heure, un changement de couleur de la peau caractéris- tique de sa mortification commencçante. ÉTUDES SUR LE BACILLE DE SCHMORL 807 l’œdème, stationnaire‘fou plus étendu, demeure encore habi- tuellement crépitant; l’eschare humide offre l'aspect d’une « peau morte », entourée d’un cercle brun violacé. — Le surlendemain, V'infiltrat hypodermique s'allonge et devient plus ferme ; l'eschare brunit, sèche et se plisse. — Le 4° jour, l'eschare fonce et se rétracte. — Le 5° jour, elle à pris un ton noir de Jais et commence à se soulever; on aper- çoit, alors, le bourbillon (exsudat nécrosé en bloc, comme dans le type EË) qui tapisse l’ulcus sous-jacent. L'empâätement, ferme, a beaucoup rétrocédé. — Du 6° au T° jour, l’infiltration forme un disque qui offre, souvent encore, des prolongements en haut et en bas. L'eschare tombe, entraînant une partie du bour- billon; le reste tapisse un ulcus saignant et se prolonge, sous ses bords, dans Le disque qui l'entoure. — Du 8° au 9° jour, la perte de substance commence à diminuer; elle présente un aspect croûteux. Par pression, on fait sortir du disque et de ses prolongements, s'il en existe encore, des restes d'exsudat nécrosé. — Du 10° au 11° jour, lempâtement se réduit à un anneau mince, dépassant à peine les bords de l’uleus. — Puis, celui-ci se cicatrise régulièrement et tout est terminé quinze à vingt jours après l'injection. Notons que le bourbillon contient des bacilles spécifiques jusqu’à sa complète disparition. — Les complications s’obser- vent plus fréquemment ici que dans les types A et E. A l’au- topsie des animaux qui succombent alors, on peut rencontrer des nécroses viscérales (reins, poumons, et surtout foie). En l'absence de complications, le pronostie demeure bénin, bien que l’émaciation soit parfois assez accentuée. FORMES DÉRIVÉES QUANTITATIVEMENT. — Comparables, mutatis mutandis, aux formes correspondantes du type A. FORMES DÉRIVÉES QUALITATIVEMENT. — Elles font défaut, en réalité. Par le chauffage des cultures, on rend effectivement le type C irréalisable et l’on va de plus en plus vers le type A, à mesure que l’action de la chaleur s'accentue davantage. CompLicarTioxs. — Fréquentes et précoces, dès que l’on dépasse 1 cent. cube de culture. 808 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Tyres B Er D. Il est facile de concevoir ce qui à lieu quand on va du type A vers le type C. L’eschare demeurant la méme, on voit le bour- billon apparaître et augmenter de plus en plus. On imagine sans peine ce que sera le type B, situé à mi-chemin. Il est non moins facile de concevoir ce qui a lieu quand on va du type C vers le type E. Le -bourbillon demeurant le même, on voit l'eschare diminuer de plus en plus. On imagine sans peine ce que sera le type D, situé à mi-chemin. CONDITIONS EXPÉRIMENT ALES RÉALISANT LES DIVERS TYPES CLINIQUES INJECTION DE LIQUIDES CLAIRS (ou, à doses plus grandes, de filtrats). Cultures de 24 heures. Nous avons dit qu'avec 1 cent. cube on réalise le type A classique et qu'avec des doses supérieures ou inférieures on obtient des formes dérivées quantitativement. — Cultures plus dgées. À mesure que les cultures vieillissent, on voit l'eschare diminuer d'étendue. Après 30-40 jours, il faut doubler la dose pour provoquer des lésions équivalentes à celles que donnent ies liquides clairs de 24 heures. — Cultures chauffées une demi-heure à 55 degrés. 4 cent. cubes réalisent le type À à tache violette, à peine humide. — Cultures chauffées à minules à 100 degrés. 4 cent. cubes ne produisent qu’un empâtement transitoire. | Conczusions. — Dans le bouillon Martin glucosé à 2 p. 1.000, le bacille de Schmorl sécrète une toxine qui jouit de propriétés escharifiantes marquées, mais demeure pour ainsi dire sans action sur l’état général des sujets. L’injection de # cent. cubes de liquide clair (ou même de culture totale) n’amène jamais la mort des cobayes, mais ceux-ci sont assez souvent enlevés par des complications que favorise l'intensité des lésions locales. La toxicité maxima s'observe après 24 heures. Le poison résiste assez bien au vieillissement (en tube fermé) dans l’étuve, mais fléchit déjà nettement à 55 degrés (ses propriétés se modilient alors quantitativement et qualitativement). ÉTUDES SUR LE BACILLE DE SCHMORL 809 INJECTION DE CULTURES LAVÉES. Cultures de 94 heures. On sait qu'un cent. cube réa- lise le type E classique (quelquefois le type « exagéré » sans eschare) ; qu'avec des doses supérieures, l'eschare fait son apparition ; qu'avec des doses inférieures, les lésions dimi- nuent de volume ; enfin, qu'avec des cultures soumises à un lavage trop poussé, on obtient le type tardif. — Cultures plus âgées. Les microbes mourant en quelques jours à l’étuve, dans le bouillon Martin glucosé, la réaction locale se borne très vite à un simple empâtement transitoire. — Cultures chauffées une demi-heure à 55 degrés. 4 cent. cubes réalisent le type B à tache pâle (à peine humide). — Cultures chauffées à minutes à 100 degrés. 4 cent. cubes ne produisent qu'un empâtement transitoire. Coxczcsions. — Le bacille de Schmorl est peu virulent pour le cobaye, mais il l’est sans conteste, comme le démontrent l'existence du type tardif (consécutif à l'injection de cultures très lavées) et celle des formes extensives. Lebourbillon résulte de la nécrose de l'exsudat sous-cutané, par la toxine que four- nissent les germes ?n v2v0 (1). La proportion de poison, sécrétée dans l'unité de temps, ne permet pas l'attaque des téguments ; pour obtenir celle-ci, il faut introduire, avec les, germes, une quantité suffisante de toxine disponible comme dans le cas suivant. INJECTION DE CULTURES TOTALES. Cultures de 24 heures. Nous rappellerons qu'un cent. cube réalise le type GC classique et que des doses supérieures ou inférieures engendrent des formes dérivées quantitativement. — Cultures plus âgées. Comme les germes périssent rapide- ment à 37 degrés, on tombe vite dans des types de moins en moins discernables du type À; bientôt, il n'existe plus aucune (1) Exclusivement dans le type tardif, en majeure partie dans le type E classique (il faut tenir compte, dans ce dernier cas, du poison non enlevé par le lavage, lequel suffit à déterminer le type D, quand on dépasse 1 cent. cube). 810 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR différence entre les effets de l'injection du liquide clair qui sur- monte le dépôt microbien et de la culture préalablement agitée. — Cultures chauffées une demi-heure à 55 degrés. À cent. cubes réalisent le type B à tache violette (à peine humide}. — Cul- tures chauffées 5 minutes à 100 degrés. À cent. cubes ne déterminent qu'un empâtement modéré, avec quelques croû- telles. Coxcrusioxs. — Nous avons dit que le type C représente la somme des types À et E; en réalité, il représente à la fois plus et moins. Plus : l’eschare ne sèche pas aussi vite; l'émaciation est toujours nette; on peut observer des nécroses hépatiques, inconnues dans les types À (naturellement) et E. — Mons : les formes extensives du type E ne s’observent jamais, ce qui tient (au moins en partie) à l'étendue de l’eschare, laquelle fait de la lésion sous-cutanée une lésion ouverte. Nous reviendrons plus tard sur ces questions (1). INJECTIONS INTRAVEINEUSES Pour éviter des redites inutiles, nous étudierons successive- ment ici : l’action des cultures totales (toujours en bouillon Martin glucosé à 2 p. 1.000 — 24 heures d'étuve), puis celle des liquides clairs et des cultures lavées qui leur correspondent. CULTURES TOTALES. Telles quelles. Avec 1 cent. cube d'une culture bien toxique, seule consi- dérée dans ce qui va suivre, on tue d'habitude l'animal « sur la table », c'est-à-dire que la symptomatologie se trouve réduite à sa plus simple expression. Immédiatement raideur générale ; (1) On a vu que la crépitation de l'œdème initial, observée dans le type C (sauf avec les germes qui fermentent peu le glucose), fait défaut dans les types À et E. La raison de cette différence est aisée à donner. Quand on injecte la culture totale, on introduit, sous la peau, un peu de glucose demeu- rant dans cette culture et des microbes susceptibles de continuer à le dislo- quer jusqu'à sa disparition complète. Quand on injecte des cultures lavées, on à éliminé, naturellement, toute trace de sucre. Quand on injecte du liquide clair, on n'introduit pas trace de zymase (laquelle est considérée comme exclusivement intracellulaire). ÉTUDES SUR LE BACILLE DE SCHMORL 811 puis raptus, perte du réflexe cornéen, deux ou trois inspirations profondes et automatiques; finalement arrèt de la respiration et des battements cardiaques. — À l’autopsie : cœur immobilisé en systole, fins caillots entre les piliers ventriculuires, sang coagulable dans les délais normaux. Avec un demi-cent. cube (et quelquefois 1 cent. cube), les sujets peuvent succomber en 5 à 15 minutes environ. On observe tout d'abord de l’hébétude et de la titubation, puis de brefs accès convulsifs. Bientôt l'animal tombe sur le côté; sa respiration devient très pénible {soif d'air) et ne tarde pas à s'arrêter, en mème temps que les mouvements du cœur. Dans les cas rapides, une spume sanglante sort par les narines. — À l'autopsie : congestion des viscères abdominaux; œdème pul- monaire, avec foyers apoplectiques puncetiformes; cœur immo- bilisé en systole, mais sans caillots dans les cavités ventricu- laires; sang un peu moins coagulable que normalement. Avec un demi-cent. cube, lorsque la mort ne survient pas en 5 à 15 minutes, elle est ordinairement retardée d’une à quatre heures. Les animaux présentent, au début, de la polypnée et de la stupeur. Ils restent immobiles, « aplatis », le museau contre le sol, dans une attitude de plus en plus nettement parétique. Puis, apparaît une vive sensibilité thoraco-abdominale. Lors- qu'on presse le sujet entre les doigts, il crie et saute violem- ment en avant, d'une seule pièce; si on insiste, il tombe sur le côté, s’agite, puis demeure inerte, dans un état de mort appa- rente (arrêt respiratoire, perte du réflexe cornéen, battements cardiaques imperceptibles). Bientôt Le réveil a lieu, mais l'animal s'achemine peu à peu vers un coma mortel. Finalement, la res- piration devient de plus en plus rare et superficielle, jusqu’à ce qu'elle s'arrète. Au cours des accidents, il n’est pas rare d'observer l'émission d'une urine sanglante ou laquée. — À l'au- Lopsie : congestion, souvent violente (voire hémorragique), des viscères abdominaux ; épanchement rosé habituel dans le péritoine; parfois, urine sanglante ou laquée dans la vessie. Cœur battant encore après l'arrêt de la respiration ; sang incoagulable pendant un long temps. Avec un quart de cent. cube, la morta lieu en 6 à 12 heures environ. Mème symplomatologie que précédemment, mais ici les phénomènes se déroulent avec moins de rapidité. Mèmes 812 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR lésions également, mais, en plus : taches congestives ou jau- nâlres sur le foie (début de foyers nécrotiques). Avec 1 à 2 dixièmes de cent. cube, l’animal succombe en un jour ou bien guérit. Les accidents observés sont peu caractéris- tiques : abattement, poil piqué, sensibilité thoraco-abdominale modérée. Si le sujet survit, il « s’en tire » avec une émaciation transitoire. Si, au contraire, la mort doit survenir, on voit se développer un état comateux progressif; la respiration sembarrasse de plus en plus et il est difficile de saisir le moment précis où elle cesse : l'animal s'éteint. — À l'autopsie : Congestion plus ou moins marquée des viscères abdominaux, avec épanchement rosé ou citrin dans l'abdomen. Taches nécro- tiques, en général peu nombreuses, sur le foie (surface et bords). Ces taches offrent une étendue très variable (grain de mil, petite amande); petites, elles demeurent arrondies; plus grandes, elles montrent, par confluence, un centre homogène et un con- tour irrégulier (en jeu de patience). Leur couleur varie selon leur âge; d’abord amaranthe, elles deviennent ensuite saumo- nées, puis Jaunes, puis cuir de botte. Parallèlement, leur consistance se montre de plus en plus ferme et leur aspect (à la coupe) de plus en plus sec. Elles contiennent toujours des bacilles de Schmorl. Les foyers de nécrose sont rares dans les poumons, la rate et les reins. Chauffées. Une demi-heure à 55 degrés. 2 cent. cubes répondent à un quart de cent. cube environ de culture non chauffée ; 4 cent.cube, à À ou 2 dixièmes. — 5 minutes à 100 degrés. Aucun effet, avec 2 cent. cubes. LIQUIDES CLAIRS. D'une facon générale, on observe les mêmes accidents (rapides) qu'avec les cultures totales. Pour de fortes doses (un demi à 1 cent. cube), les différences d'activité se trouvent masquées par les différences de sensibilité des animaux; pour des doses plus faibles, elles apparaissent nettement : ainsi un quart de cent. cube ne tue jamais. — Le chauffage amène le même fléchissement que dans les cultures totales. ÉTUDES SUR LE BACILLE DE SCHMORL 813 CULTURES LAVÉES. Avec 1 cent. cube, aucun effet ; si on sacrifie les cobayes, on n'observe pas de lésions internes. Avec 2 cent. cubes, 1l en va généralement de même ; cependant, certains sujets, plus sen- sibles que la moyenne, succombent en 5 à 6 Jours, après avoir maigri considérablement. Dans ces cas, on trouve, à l'autopste, des foyers nécrotiques et des abcès au niveau du foie. Avec plus de 2 cent. cubes, la mort survient d'habitude en 6 à 12 heures ; elle doit être rapportée à la présence de toxine « disponible » en quantité suffisante. — Le chauffage rend les cultures lavées inoffensives (à la dose de 2 cent. cubes et plus). CoxcLUSIONS. Le bacille de Schmorl apparaît, ici encore, peu virulent pour le cobaye. Il est cependant susceptible d'un développement local limité dans le foie (rarement ailleurs), même quand on fait usage de cultures lavées (si les sujets possèdent une sensibilité suffisante). La toxine, qui détermine la produclion d’une eschare humide sous la peau, engendre, dans Îles veines, une gamme de phé- nomènes dont l'acuité correspond à la dose administrée. Des quantités notables « assomment » les animaux, avec des coagu- lations intracardiaques — des volumes moins grands rendent au contraire le sang incoagulable {comme pour les venins) et provoquent une congestion viscérale intense, qui affecte prin- cipalement la circulation thoracique dans les cas les plus rapides et la circulation abdominale dans les cas plus lents — des doses suffisamment faibles ne tuent plus ou amènent la mort dans les 24 heures, sans modifier la « crase » du sang, en portant uniquement leur action sur les organes de l'abdomen. On peut retrouver, au niveau du foie, les deux lésions visec- rales caractéristiques du bacille de Schmorl, foyers nécrotiques et foyers suppurés, observées chezles diverses espèces animales. 814 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR INJECTIONS INTRAPÉRITONÉALES Leurs effets sont aisés à résumer. Nous suivrons /e méme ordre que pour les injections intraveineuses. CULTURES TOTALES. Telles quelles. Avec 1-2 cent. cubes, on tue en 6-12 heures environ. Les symptômes sont à peu près les mêmes que si l’on avait admi- nistré un quart de cent. cube par la voie sanguine; toutefois, comme il fallait s'y attendre, on note une intensité particulière de la réaction abdominale (ventre gros et toujours très sen- sible). — À l'autopsie : épanchement rosé ou hémorragique dans les cas rapides, rosé ou citrin dans les cas plus lents; fausses membranes fines, notamment sur le foie, quand la mort ne survient point trop vite ; congestion plus ou moins marquée des viscères de l’abdomen. L’épanchement, généralement abon- dant, contient peu de bacilles spécifiques; dès que la terminai- son dépasse un petit nombre d'heures, il s'y joint d’autres germes, avant tout les deux « germes de sortie » habituels des cobayes, pneumocoque et pasteurella. (Nous avons omis de mentionner leur apparition, observée de temps en temps, lors des injections intraveineuses). Avec un demi-cent. cube, les sujets offrent une émaciation variable et rien de plus. Si on les sacrifie après quelques jours, on rencontre des taches nécrotiques sur le foie et, dans certains cas, de petits abcès encapsulés, à pus concret, au niveau de l'épiploon. Avec 1 dixième de cent. cube, on ne détermine aucun symp- tôme anormal et l'autopsie (animaux sacrifiés) ne révèle aucune lésion. Chauffées. Une demi-heure à 55 degrés. Avec 4 cent. cubes, on voit apparaître des phénomènes abdominaux transitoires (ventre gros et sensible), accompagnés d'un amaigrissement plus ou ÉTUDES SUR LE BACILLE DE SCHMORL 815 moins marqué et toujours suivis de guérison. — Cing minutes à 100 degrés. 4 cent. cubes ne produisent qu'une émaciation modérée. LIQUIDES CLAIRS. % cent. cubes correspondent, grosso modo, à 4 cent. cubes de culture totale chauffée à 55 degrés; 2 cent. cubes, à 4 cent. cubes de culture totale chauffée à 100 degrés. — 4 cent. cubes de liquide clair, chauffé une demi-heure à 55 degrés, ne provoquent qu'un amaigrissement transitoire ; 4 cent. cubes de liquide clair, chauffé 5 minutes à 100 degrés, demeurent inotfensifs. CULTURES LAVÉES. Telles quelles. Avec 3-4 cent. cubes, on n'arrive pas à tuer les sujets, mais ils maigrissent beaucoup. — A l'autopsie (animaux sacrifiés après quelques jours), on rencontre les mêmes lésions que chez les cobayes qui ont reçu un demi-cent. cube de culture totale. Avec 1-2 cent. cubes, on provoque une émaciation variable. Si on sacrifie les sujets, on constate la présence de lésions hépatiques discrètes. Chauffées. Une demi-heure à 55 degrés. 4 cent. cubes demeurent quasi inoflensifs. CONCLUSIONS. Le bacille de Schmorl se montre, ici encore, peu virulent pour le cobaye, tandis que sa toxine détermine les accidents les plus graves. Les phénomènes observés se rapprochent beaucoup de ceux que produisent les injections intraveineuses, à la condi- tion, toutefois, de forcer sensiblement les doses administrées, 816 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR CONCLUSIONS GÉNÉRALES Le cobaye constitue un réactif excellent dans l'étude analy- tique du bacille de Schmorl in vivo. Les injections sous-cutanées permettent de faire la part exacte de Ta toxicité et de la viru- lence de ce microbe, grâce à un examen attentif des apparences qui se succèdent sous les yeux dans chaque groupe de cas; les injections intraveineuses restent indispensables pour compléter l'histoire de la toxicité; les injections intrapéritonéales, enfin, fournissent un utile contrôle aux notions déjà acquises. Vis-à-vis du cobaye, le bacille de Schmorl manifeste une faible virulence. Les formes extensives (injections sous-cutanées) demeurent peu fréquentes ; les localisations à distance (injec- tions intraveineuses et intrapéritonéales), presque toujours limitées au foie, y conservent, somme toute, un caractère discret indéniable. Par contre, le cobaye réaqit bien à la toxine du bacille nécro- sant. Au niveau des téguments, c’est une eschare humide à apparition rapide, lorsque la quantité de poison disponible le permet (filtrats, cultures totales); ou un bourbillon caractéris- tique, quand ce poison n'est sécrété qu’en minime proportion dans l’unité de temps (germes lavés). La peau fixe énergique- ment la toxine, puisque les injections sous-culanées n’altèrent pour ainsi dire pas l’état général. Mais que l’on vienne à intro- duire le poison dans le courant circulatoire, on en observera immédialement les effets sur l'économie tout entière. — L'in- jection intrapérilonéale représente en quelque sorte, ici comme ailleurs, le « mode mineur » de l'injection intraveineuse. LES VARIATIONS DE L’'ALEXINE APRÈS LE CHOC ANAPHYLACTIQUE DANS LA SÉRO-ANAPHYLAXIE ACTIVE ET PASSIVE par P.-F. ARMAND-DELILLE. (Travail du laboratoire de Chimie thérapeutique de l'Institut Pasteur.) L'étude de la nature du poison anaphylactique à été en ces dernières années l’objet de nombreux travaux; il faut citer entre autres ceux de Friedberger, qui est parvenu à obtenir in vitro, par le mélange d’un sérum antigène avec celui de l'animal préparé, un poison qu'il nomme anaphylotoxine, parce qu'il le considère comme identique à la substance toxique qui, dans l'organisme préparé, détermine les accidents anaphylac- tiques, au moment de l'injection déchainante. Cet auteur, ayant reconnu que l’alexine est nécessaire à la constitution de son anaphylotoxine, a cherché à établir l’iden- tité du poison obtenu x vitro avec le poison hypothétique qui se développerait dans l'organisme pour déterminer le choc ana- phylactique. Reprenant sous une autre forme les premières recherches de Sleeswijk, il s’est basé sur une série d’expé- riences pour montrer qu'il se produit toujours, après le choc anaphylactique, une diminution plus ou moins considérable de l’alexine du sang circulant. En contrôlant pour notre part ces expériences, nous avons été amenés à un certain nombre de constatations qui s’écartent de celles qu'a exposées Friedberger (1), et,en particulier, nous avons constaté une différence considérable entre l’anaphylaxie active et l’anaphylaxie passive au point de vue des variations de l’alexine. Comme ces faits ont une grande importance pour la doctrine de l’anaphylaxie, et comme ils paraissent en parti- culier devoir faire modilier les hypothèses de Friedberger sur la (1) FRIEDBERGER u. Harrocu, Uber das Verhalten des Komplements bei der aktiren und passiren Anaphylaxie. Zeitschr., f. Immunilät, L. III, 1910, p. 581. 52 818 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR constitution du poison anaphylactique, nous avons pensé qu’il serait intéressant de rapporter ici, avec plus de détails, les expériences dont les conclusions ont été récemment exposées dans une note à la Société de Biologie (1). Sleeswijk, dans un travail fait dans le laboratoire de Bordet (2), a signalé le premier, que chez les cobayes anaphy- lactiques auxquels on fait l'injection déchaînante dans le péri- toine, on peut observer une diminution de l’alexine dans le sang prélevé un certain temps après le choc anaphylactique. Friedberger, un an après, a fait des constatations analogues, mais avec l'injection déchaïnante intraveineuse, la 2° prise de sang étant faite cinq minutes après le choc anaphylactique; aussi s'est-il considéré comme ayant découvert le fait, ce qui a nécessité une réclamation de priorité de ia part de Sleeswipk, lequel à d’ailleurs par la même occasion contrôlé les expé- riences de Friedberger en se mettant exactement dans les mêmes conditions que cet expérimentateur (3), tandis qu'au contraire Tsuru à constaté qu'il n’y avait pas de diminution constante de l’alexine dans les différentes formes d'anaphylaxie sauf dans l'anaphylaxie passive par sérum hétérogène. Nous avons cherché, pour notre part, à réaliser dans les mêmes conditions et avons pu ainsi reproduire les expériences de ces auteurs. Comme Tsuru, nous sommes loin d'avoir trouvé avec une aussi grande constance que Friedberger une chûte nette de l'alexine dans l’anaphylaxie active, tandis que nous l'avons comme lui toujours trouvée considérable dans l'anaphylaxie passive. C'est le point qui nous à paru particulièrement inté- ressant et sur lequel nous insisterons en terminant. Toutes nos expériences ont été faites de la manière suivante : Les cobayes sensibles étaient, pour l'anaphylaxie active, des animaux préparés avec 0,01 cent. cube de sérum de cheval, (4) P.-F. Anmano-DeuiLce, L'alexine joue-t-elle un rôle dans la constitution. du poison anaphylactique? Comptes rendus de la Soc. de Biologie, 1°" juin 1912, t. LXXII, p. 869. (2) Sceeswux, Zur Komplementfrage in der Serumanaphylaxie. Zeifseh. für Immunitatsforsch, t. V, 1910, p. 580. (3) Ces auteurs, même dans leurs travaux ultérieurs, netiennent pas compte, en effet, des recherches de Tsuru (Ueber Komplement abnahme bei der verschiedenen Formen der Anaphylaxie. Zeit. f. Imm., 1910, t. IV, p. 612), qui n'avait trouvé aucune diminution de l'alexine après le choc anaphylactique. LES VARIATIONS DE L’ALEXINE 819 au moins quinze jours auparavant, ou bien des animaux éprouvés avec du sérum antidiphtérique dans les mêmes con- ditions. La dose déchainante employée a été soit une dose minime, mais sûrement mortelle (0,02 cent. cube par 100 grammes d'animal), déterminée par des expériences préa- lables, soit des doses plus fortes lorsque nous employons du sérum chauffé. Nous avons, en effet, sur le conseil de M. Nicolle, expérimenté également avec du sérum chauffé pour être cer- tains que le sérum de cheval frais n’apportait pas une quantité d'alexine suffisante pour pouvoir ; intervenir dans l’expé- rience. Les prises de sang, toujours de 2 cent. cubes, étaient faites dans une des carotides, deux minutes avant l'injection déchai- nante, puis exactement cinq minules après. Le sang était immédiatement centrifugé et le sérum aussitôt décanté, de sorte que l'étude du pouvoir alexique était faite une à deux heures après les prises de sang. Nous avons toujours employé un système hémolytique composé de globules de mouton (dilués au 20°) et d'un sérum de lapin antimouton très actif: son activité était chaque fois titrée et Les globules étaient sen- sibilisés avec six fois la dose active. Les quantités de sérum élaient graduées de 0,005 à 0,1. Les résultats de l’hémolyse étaient notés minute par minute pendant une demi-heure, à 38 degrés, puis, le lendemain, au bout de vingt-quatre heures, à la température du laboraloire. Pour l’anaphylaxie passive, nous avons employé du sérum de lapins préparés par cinq à six injections. Nettement précipitante, la dose injectée au cobaye dans le péritoine était de 1 cent. cube par 100 grammes d'animal. La réaction hémolytique était toujours faite en mème temps qu'une ou plusieurs séries d’anaphylaxie active. Voici deux types d'expériences, l’une pour l'anaphylaxie active, l’autre pour l’anaphylaxie passive. Nous ne donnerons qu'un tableau résumé de nos autres expériences, afin de ne pas surcharger inutilement cet exposé. 30 mai. — Cobaye À, en anaphylaxie active. Poids : 290 grammes. Reçoit dans la veine jugulaire, par 100 grammes, 0,02 de sérum de cheval, soit : 1,5 cent. cube de dilution à 1/25. 4 h. 8, saignée, 2 cent. cubes; 4 h. 11, injection déchainante; 4 h. 43, 820 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR dyspnée; grandes secousses répétées : 4 h.15, saignée, 2 cent. cubes ; 4 h. 46, mort. Expérience faite à 5 h. 40, avec sérum obtenu par centrifugation des caillots et globules de mouton sensibilisés avec six fois la dose active. DOSE DOSE D'ALEXINE HÉMOLYSE D'ALEXINE avant » m. après l'injection. l'injection. HÉMOLYSE 0,005 |Nulle, même ap. 24 heures. 0,005 [Nulle, même ap.2# heures. 0,01 Nulle, même ap. 2% heures. 0,01 Nulle, même ap. 24 heures. 0,02 Légère en 30 minutes, par- 0,02 Très légère en 30 min., par- elle après 24 heures. tielle après 24 heures. 0,03 Partielle en 30 min., pres- Partielle en 30 min., pres- .| que totale en 24 heures. 0.03 que totale en 24 heures. 0,05 Totale en 15 minutes. 0,05 Totale en 15 min. (très léger retard). 0,10 Totale en 10 minutes. 0,10 Totale en 10 minutes. Il y a eu un léger retard pour les doses hémolysantes, mais excédant à peine deux ou trois minutes; l’hémolyse est à peu de chose près parallèle avec l’alexine avant et après la dose déchaïinante. 30 mai. — Cobaye B. Anaphylaxie passive. Poids : 440 grammes. Reçoit dans la veine jugulaire, par 100 grammes, 0,02 de sérum de cheval, soit 2,5 cent. cubes de dilution au 1/25. 4 h. 32, saignée, 2 cent. cubes; 4 h. 36, injection déchaïînante ; 4 h. 39, petites secousses; dyspnée intense, état asphyxique; 4 h. 41, saignée, 2 cent. cubes; 4 h. 42, la dyspnée et l'asphyxie diminuent : l'animal se remet; 4 h. 48, l'animal est tout à fait remis. Expérience faite à 5 h. 40 avec sérum obtenu par centrifugation des caillots et globules de mouton sensibilisés avec six fois la dose active. DOSE DOSE D'ALEXINE HÉMOLYSE RTE HÉMOLYSE avant après l'injection l'injection. 0,005 |[Nulle, même ap. 24 heures. 0,005 |[Nulle, même ap. 24 heures. 0,01 Nulle, même ap. 24 heures. 0,01 Nulle, même ap. 24 heures. 0,02 Légère en 30 min., partielle 0,02 Nulle. après 24 heures. 0,03 Partielle en 30 min., pres- 0,03 Nulle, même ap.24heures. que totale en 24 heures. 0,05 Totale en 15 minutes. 0,05 Nulle, même ap. 24 heures. 0,10 Totale en 5 minutes. 0,10 Nulle, même ap. 24 heures. Par conséquent, même à la forte dose de 0,1 de sérum frais, il n’y a plus aucun pouvoir alexique dans le sang pris après l'injection. LES VARIATIONS DE L’ALEXINE 821 Comme on le voit, nos résultats sont loin de concorder avec ceux de Friedberger pour l'anaphylaxie active; alors que cet auteur trouve toujours une chute de l’alexine dans le sang recueilli après le choc anaphylactique, et 5 minutes après l'injection déchainante, nous n'avons observé ce phénomène que d'une manière inconstante et légère; nous sommes done d'accord avec Tsuru sur ce point; au contraire, pour l'ana- phylaxie passive, nous trouvons, comme Friedberger, une très forte diminution de l’alexine à la condition d'employer pour la provoquer un sérum hétérogène, résultats absolument différents de ceux de Tsuru, lorsque cet auteur a provoqué l’anaphylaxie passive en employant du sérum de cobaye hypersensibilisé, mais concordants lorsque, comme Fried- berger et comme nous, il a employé du sérum de lapin hypersensibilisé. Nous donnons ci-dessous le tableau comparatif de nos résultats : 1° Anaphylaxie active. N°5 POIDS DOSE ACTION DE L'ALEXINE k ; prélevée 5 minutes de DATE des déchaînante RÉSULTAT CAE après l'injection l'expérience. cobayes.|intraveineuse. déchaînante. 1911 1 28 déc.” 1295 gr.| Sér. frais Mort Léger retard 0,09 en 5 min. de l'hémoly se. 2 28 déc. |440 gr.| Sér. frais Mort Très léger retard. 1912 DEA en 6 min. 3 3 févr. |415 gr.| Sér. frais Mort Pas de retard. 0,12 en 7 min. 4 SHÉVr- M ler. Intrapé rit. | Se remet. Pas de retard. d CAC 5 15. févr. |320 gr.| gér. frais | Se remet. | . Très léger retard. 0,09 6 15 févr. |310 gr. Sér, frais Mort Pas de retard. 0,10 en 11 min. 7 22 févr. [235 gr.|Sér. chauffé Mort Retard net. 1Ne:c: en 10 min. 8 22 févr. |250 gr.| Sér. frais Mort Très léger retard. 0,06 en 10 min. 9 25 mars. [230 gr.|Sér. chauffé| Se remet. Pas de retard. JCACE 10 30 mai. [230 gr.|Sér. chauffé Mort Très léger retard. 0,06 en 5 min. Témoin. | 25 mai. | An. neuf | Sér. frais Aucun Pas de retard. 410 gr. ANCAC: symptôme. 822 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR 29 Anaphylaxie passive. EL N°S POIDS hOSE ACTION DE L'ALEXINE 3 prélevée 5 minutes de DATE des déchainante RÉSULTAT RC x aprés l'injection l'expérience cobayes.|intraveineuse. déchaïnante 1912: fl 16 mars. [300 gr Sérum Se Hémolyse nulle chautfé remet. à 0,02 1EGSC: même en 24 heures alors que totale à 0,01 en 15 min. dans le témoin. 2 16 mars. |330 gr. Sérum Mort Hémolyse nulle chaulté en en 24 h. à 0,04 1RGUC: 20 minutes.| alors que totale en 15 minutes dans le témoin. 3 30 mai. |440 gr. Sérum Se IHémolyse nulle ‘ frais remet. après 24 h. à 0,03 (ONE SMILE alors que totale dans le témoin. Témoin | 20 juin. [320 gr.| Sérum Aucun Aucun retard. cobaye chauffé | symptôme. injecté 1MC0C: sér. lapin frais. | À la suite de ces expériences, il nous est permis, nous semble-t-il, de formuler quelques remarques et de tirer quel- ques conclusions intéressantes. Tout d'abord, il est loin d'être démontré que l'alexine soit nécessaire à la constitulion du poison anaphylactique 2x vivo; en effet, dans l’anaphylaxie active, où les phénomènes sont les plus graves et presque toujours mortels, la diminution de l'alexine est loin d’être constante ; il y a des cas où elle est imperceplible, pour ne pas dire nulle, ce qui est en opposition avec la diminution considérable de cette même substance dans l’anaphylaxie passive, quand même les accidents sont légers et non mortels. Dans ces conditions, comment peut-on expliquer la dimi- nution si considérable de l'alexine dans l'anaphylaxie passive par sérum hétérogène? On peut faire à ce sujet plusieurs hypothèses ; la plus légitime, à notre avis, est d'admettre que l’alexine se fixe sur les précipitines ou sur des anticorps qui 0,0! 0,10 0,03 0,02 0.01 ; 0,10 0,05 0,03 0.02 0,01 LES VARIATIONS DE L’ALEXINE 823 coexistent avec les précipitines, car, nous l'avons vu, le sérum de lapin qui est injecté pour produire l’anaphylaxie passive est echainante Î Î | Ï Aterine prise apres l ‘Injection déchainante Alexine prise après l'injection & — x s a FR RES re + © Le SA ÿ Ë z x = NS purs a RS is < = à = À = D I 14 = La SE | | Alexiné prise avant l'injection déchafnaænte \Alexine prise avant 1 injection de toujours fortement précipilaut, laudis que le sérum des cobayes en anaphylaxie ne l’est pas ou à peine. 0,10 0,05 0,03 0,02 0,01 0,10 0.05 3 0,0 0,02 0.01 824 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR cd Nous en arrivons done aux conclusions suivantes : Étant donné que l’alexine ne diminue que faiblement ou, dans certains cas, ne varie même nullement après le choc anaphylactique mortel de l’änaphylaxie active, 11 n'est pas démontré que le complément soit nécessaire à la constitution d'un poison anaphylactique qui se produirait dans le sang circulant. La variation de l’alexine paraît donc être, ainsi que l’a très justement dit Sleeswijk, un phénomène contingent et comme le font entrevoir certains travaux récents (1), il est tout aussi légitime de supposer que l’anaphylaxie peut être produite par des modifications qui se passent au sein même de la cellule, lorsque le sérum antigène arrive à son contact. (1) Signalons, dans cet ordre d'idées, les très intéressantes recherches de Launoy et de Schultz, portant sur l'anaphylaxie cellulaire. L. Launoy, Production et caractères du choc anaphylactique sur le cœur isolé du cobaye hypersensibilisé au sérum de cheval (Comptes rendus de la Soc. de Biologie, 9 mars 1912, p. 403, t. LXXIL), et : Des conditions nécessaires à la démonstration du choc anaphylactique sur le cœur isolé d'animaux hypersensibilisés au sérum de cheval (Comptes rendus de la Soc. de Biologie, 26 01 EVE CL DES CCE PET PI De. @. QD DE ScauLtiz, Including reaction of muscle from non sensibilised, sensibilised tolerant and immunised Guinea pigs (Physiological studies on anaphylaxis). (Hygiene Laboratory, Public Health and marine Hospital service of Un. States. . Bull., 1080, 1912. Le Gérant : G. Masson. Paris. — L, MARETHEUX, imprimeur, 1, rue Casseure. 62°: ANNÉE NOVEMBRE 1912 N°41 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR SUR QUELQUES ESSAIS DE DÉSINTOXICATION INTESTINALE par EL. METCHNIKOFF et Ecc. WOLLMAN. (Avec la PI. XVIII.) INTRODUCTION Ce mémoire ne représente qu'un anneau de la chaîne des travaux exécutés à l’Institut Pasteur dans le but d'éclaireir le problème de la flore intestinale et de ses rapports avec la dégé- nérescence sénile (1). Pour répondre à la question : les microbes intestinaux sont- ils indispensables pour la vie normale des animaux? il a été entrepris une série de recherches qui peuvent être résumées en quelques mots. L'un de nous à démontré (2) qu'il est facile d'élever des mouches à l’abri des microbes et que, dans ces conditions, tout le cycle du développement de ces diptères se fait de façon absolument normale. Dans la suite, il a prouvé qu'il est possible de faire pousser des têtards de grenouille dans un milieu dépourvu de microbes. Cohendy (3) a réussi à élever des poussins dans un appareil ingénieusement construit qui permet d'éliminer toute intervention microbienne. (1) Une note préliminaire de ce travail a été publiée dans les Comptes rendus de l’Acad. des Sciences, 10 juin 1912. (2) Wozzcuan, ces Annales, p. 19, 1911. (3) 1bid., p. 106, 1912. 03 826 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR La conclusion s'impose donc que les vertébrés supérieurs et inférieurs, ainsi que les invertébrés, peuvent très bien se passer du concours des microbes pour leur développement normal et que même les individus nouvellement éclos, chez lesquels on avait le droit de supposer l'insuffisance des ferments digestifs, peuvent se contenter de leurs propres sucs digestifs pour les besoins de leur nutrition. Pour ce qui concerne les mammifères adultes, les rous- settes (1) nous en fournissent un exemple dans lequel la diges- tion de la nourriture — exclusivement végétale — se fait également sans intervention des microbes, qui ne se rencontrent dans les intestins qu'en proportion lout à fait minime. Il est intéressant que, dans ces conditions, les matières fécales des roussettes ne contiennent ni indol, ni scatol, et que leurs urines ne renferment pas trace d'indoxyle ni de phénols. Ce fait fournit une nouvelle preuve de ce que ces corps aromatiques ne pro- viennent pas de l’attaque des albuminoïdes par l'organisme animal, mais sont, en fin de compte, le résultat de l’activité bactérienne. Etant donné qu'un certain nombre de microbes seulement sont capables de produire des phénols et de l’indol, il n’est point étonnant de rencontrer des exemples où, malgré une riche flore intestinale, l'organisme ne fournit dans ces excreta aucun des dérivés de ces substances aromatiques. 1l est généralement admis que le nourrisson au sein ne contient dans ses urines ni phénols, ni indoxyle. D'un autre côté, on sait, el ce fait a été récemment confirmé par Ferdinand Blumenthal et Jacoby (2), que les lapins nourris avec des carottes ne donnent lieu à aucune production de ces substances. Mais il suffit de leur donner à manger des pommes de terre pour que l'indoxyle fasse aussitôt son apparition dans les urines. Le changement de la flore intestinale s’accomplit avec une si grande rapidité que, sans changer le genre de nourriture, il suffit de faire jeuner des lapins nourris aux carottes ou aux betteraves, pour faire apparaître dans leurs urines des quantités notables d'indoxyle. Dans ce cas, comme dans le précédent, il s’agit de la rétrocession des microbes lactiques et de l’augmen- (4) Ces Annales, jh. 937, 1909. (2) Biochemische Zeitschrift, t. XXIX, p. #12, 1910. QUELQUES ESSAIS DE DÉSINTOXICATION INTESTINALE 827 tation considérable des bactéries qui attaquent les albumines el les peptones. L'origine baclérienne des substances aromatiques men- tionnées (phénols et indol) étantin contestable, d’un côté, et de l’autre, leur action nuisible sur l’organisme ne pouvant plus ètre mise en doute, il en résulte que nous nourrissons dans notre tube digestif des ennemis qui nous causent un empoi- sonnement chronique. Cette dernière notion n’a pu être démontrée définitivement que tout dernièrement. Depuis longtemps on parlait d'intoxication intestinale d’ori- gine bactérienne, et l’on pensait généralement que la putré- faction des albuminoïdes dans le tube digestif en était la source. Plus tard cependant, on s'était cru autorisé à admettre : que la putréfaction ne se produit dans les intestins qu'à un degré insignifiant et, en plus, que les produits qui en résultent ne sont pas toxiques. Ne pouvant nier la toxicité des phénols, on affirmait que la quantilé qui s'en produit dans l'organisme est trop faible pour causer le moindre mal. De plus, on admettail généralement que l’organisme de l’homme et des animaux esl capable de transformer les phénols et l’indol en substances inoffensives, telles que les sulfoconjugués. Une étude plus approfondie de cette question n'a cependant pas tardé à démontrer que, bien que le phénylsulfate de potas- sium soit moins toxique que le phénol et le paracrésylsulfate de potassium, moins que le paracrésol, ces sulfoconjugués sont tout de même de vrais poisons, capables de faire mourir rapi- dement les animaux soumis à l'expérience (1). Les phénols et l'indol, produits par certaines bactéries du tube digestif, bien qu'insuffisants pour provoquer un empoi- sonnement aigu, opèrent comme poisons à action lente. Des lapins et des singes, traités par l’un de nous (2) avec de petites doses de paracrésol administrées par la bouche, ont présenté, après une période de peu de mois, des allérations chroniques dans les artères, le foie et les reins. Dratchinsky (3) a exécuté 1) Nous remercions la maison Hoffmann-Laroche pour l’amabilité avec laquelle elle a mis à notre disposition les préparations de phénylsulfate e de paracrésylsulfate de potassium. 2) Ces Annales, p. 155, 1910. 3) Ibid., p. 401, 1912. 828 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR des expériences analogues avec l’indol, qu'il introduisait dans la bouche de cobayes et de singes et a obtenu le même résultat. Il se produisait à la longue des phénomènes de sclérose dans des organes précieux tels que l'aorte, le cerveau, le foie, les reins et les capsules surrénales. Wladytchko (1) a observé la prolifération des cellules névrogliques et la neuronophagie nette dans le cerveau de cobayes D subi l’intoxication par de petites doses d'indol. Toutes ces lésions, dont la cause première réside dans la flore intestinale, présentent une analogie réelle avec des modi- fications des tissus que l’on observe dans la vieillesse. On savait, depuis longtemps, que le trait le plus caractéristique de la dégénérescence sénile consiste dans le développement de tissu conjonctif aux dépens des éléments nobles de l’organisme. De même qu à la suite de l'ingestion de paracrésol et d’indol par des animaux, se manifestent dans la vieillesse la néphrite inters- titielle chronique, un certain degré de cirrhose du foie, l'arté- riosclérose et l’envahissement des cellules cérébrales par des éléments névrogliques. Tout dernièrement Salimbeni et Gery(2), de l'Institut Pasteur, ont publié un travail détaillé sur l'anatomie pathologique d’une femme,morte à quatre-vingt-treize ans, à la suite d’une gangrène pulmonaire. Dans leurs conclusions, ils insistent sur le fait que de toutes les lésions étudiées, la plus frappante et la plus générale est la sclérose, conséquence elle-même de l'infiltration mononucléaire et macrophagique. Tous les organes en présentent à des degrés divers (p. 608). Parmi les quelques organes qui ont échappé à l’investigation des auteurs mentionnés, se trouve la vessie ;: or, Casper (3) a fait à ce sujet, à la Société urolo- gique de Berlin, une communication, dans laquelle il annonce que « les lésions principales de la vessie des vieillards se recon- naissent dans la couche musculaire et consistent dans l’hyper- plasie des fibres musculaires, ainsi que dans l'accroissement du tissu conjonctif intramusculaire ». Le tableau général de l’empoisonnement chronique par les substances de la série aromatique provenant de la flore intes- 4) Roussky Vratch, p. 1493, 1911 (en russe). (2) Ces Annales, p. 511, 1912. (3) Deutsche med, Wochensch., p. 1522, 1912. QUELQUES ESSAIS DE DÉSINTOXICATION INTESTINALE 829 tinale et celui de la dégénérescence sénile, est le mème : enva- hissement par des cellules mononucléaires et développement consécutif du tissu conjonctif. Devant ce fait de la plus haute importance, à savoir : le rôle de certains microbes intestinaux dans l’étiologie de l'artério- sclérose et de la sclérose chronique d’autres organes, il devient urgent de rechercher les moyens de combattre la production des phénols et de l’indol dans le tube digestif. Il va sans dire que nous ne prétendons pas qu’il n’y ait pas d’autres causes de ces lésions que celles qui proviennent de la flore intestinale. On à souvent constaté que certaines maladies infectieuses, notamment la syphilis, de mème que l’'empoisonnement chro- nique par le plomb, l'alcool et le tabac, amènent des altérations des artères, la néphrite interstitielle et la cirrhose hépatique. Mais il ne s’agit ici que de causes secondaires qui sont loin de présenter la constance de l’'empoisonnement par les poisons intestinaux auxquels sont sujets, en dehors de l’homme, les animaux riches en microbes du tube digestif. Les substances de la série aromatique ne sont pas les seuls poisons de la flore intestinale. L'un de nous (1) a démontré que, dans le tube digestif de l’homme, se trouvent des bacilles anaérobies protéolytiques capables de sécréter de vraies toxines. Mais jusqu'à présent il n'a pas été possible de leur attribuer quelque rôle dans les phénomènes de la dégénérescence sénile. De même, les ptomaines des microbes intestinaux se sont montrées incapables de provoquer ces lésions. La B-imidazoné- thylamine étudiée par Berthelot et Bertrand (2), malgré son action extrêmement violente sur le cobaye, lorsqu'on ladmi- nistre par la voie intraveineuse ou sous-cutanée, est infiniment moins toxique quand on l’introduit dans l'organisme par la voie stomaco-intestinale. Ce sont donc les phénols et l’indol qui se présentent comme les facteurs les plus importants de l'auto-intoxicatior chronique d’origine bactérienne. Depuis plus d’un an, nous nous sommes donc mis à étudier ces poisons provenant de la flore intestinale, dans le but de restreindre leur production dans le tube digestif et nous pré- sentons aujourd'hui les principaux résultats de notre travail. (4) MercaxiKkorr, ces Annales, p. 929, 1908. (2) Comples rendus de l'Acad. des Sciences, 1912. 830 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR INFLUENCE DU RÉGIME ALIMENTAIRE SUR LA PRODUCTION DES POISONS INTESTINAUX DE LA SÉRIE AROMATIQUE (! Les quelques travaux exécutés dans l'intention d'établir la modification de la flore intestinale sous l'influence du change- ment de régime, ne visent pas les poisons aromatiques. Les causes qui règlent l'excrétion de ces substances ont été plutôt étudiées en clinique et en chimie biologique. Voici le résumé des notions acquises sur ce sujet; nous le reproduisons d'après le traité bien connu de Neubauer et Vogel (2) : « Dans l'urine de l’homme on ne trouve que de très petites quantités de phénol. Dans les vingt-quatre heures, l'homme en excrète 0,03 grammes d'après Munk ; 0,70-0,106 grammes avec un régime mixte d'après Kossler et Penny. La quantité augmente avec la nour- riture végétale : pendant le jeûne, l'homme excrète autant de phénol qu'après avoir mangé. Dans l'urine des herbivores, on en trouve des quantités beaucoup plus grandes » (p. 148). « Chez les nourrissons nourris au sein, l'urine se présente en général, d'après Hochsinger et Momidlowski, dépourvue d'indoxyle. Mais les nourrissons qui reçoivent, en dehors du lait de femme, celui de vache et qui digèrent normalement, présentent dans leur urine d'une facon constante de petites quantités d’indoxyle. Chez l'adulte, d'après les recherches de Heller, Martin, Carter, Hoppe-Scyler, Jaffé, Senator, etc., l’indoxyle se trouve dans toute urine normale de l'homme, de mème que dans celle des carnivores. 11 se rencontre, en quantité très grande, dans l'urine des herbivores:; dans celle du cheval il est plus abondant que dans l'urine des bovidés, ce qui tient à la plus grande dimension du cæcum. Dans l'urine de lapins il ne se trouve pas du tout, d’après Rosin. Avec un régime mixte l’homme rend par ses urines 5 à 20 milligrammes de bleu d’indigo dans les vingt-quatre heures. Pendant le jeûne (1) Les résultats analytiques utilisés dans cette partie de notre travail sont dus à la collaboration de Alb. BERTHELOT. (2) Anleilung zur Analyse des Harns, rédigé par Hurpert, 10° édition, Wiesbaden, 1898. Mine. QUELQUES ESSAIS DE DÉSINTOXICATION INTESTINALE 83! (d’après Müller, chez l’homme, mais pas chez le chien ni le chat), avec Le régime végétarien prédominant (amidon, pois, d'après Fr. Müller) de mème qu'après la consommation de gélatine, l’excrétion d’indoxyle est minime. Au contraire, avec une nourriture riche en albumine, notamment après consom- mation de viande, la quantité d’indoxyle, dans les conditions normales, atteint le maximum » (p. 162). L'indoxyle se rencontre dans l'urine de presque tous les hommes en plus ou moins grande quantité, d'après nos propres recherches. L'absence totale de cette substance ne s’est présentée à nous qu'à titre exceptionnel, sans parler des nourrissons et des adultes placés dans les conditions particulières dont nous parlerons plus loin. Le taux de l’indoxyle dans l'urine de vingt-quatre heures oscillait entre 0,002 et 0,211 grammes. I est à remarquer que ces deux extrèmes se sont rencontrés chez la même personne. Pendant qu’elle mangeait beaucoup de pâtes et peu de viande, elle excrétait de très pelites quantités d'indoxyle. Le maximum a été observé après le changement de régime, qui consistait dans l’abandon presque complet de farineux et dans la consom- mation plus grande de viande. Des fluctuations moins amples ont été remarquées chez d’autres personnes et cela malgré le même genre de nourrilure. Chez un sujet au régime mixte, le taux de l’indoxyle oseillait entre 0,016 et 0,051 grammes, sans que l’on puisse préciser la cause de ce changement. Bien qu'en général l'abondance de la nourriture animale amène une quantité assez considérable d'indoxyle (0,066- 0,117 grammes), des personnes qui se nourrissent de préférence d'aliments d'origine végétale en produisent quelquefois des quantités notables. Ainsi un sujet adonné depuis des années au régime végélalien, avec exclusion de toutes sortes de viande, d'œufs et de lait, n’excrétait pas moins de 0,040 grammes d'indoxyle. On voit par ces exemples, ainsi que par les faits concernant les mammifères mentionnés plus haut, que le problème est plus compliqué qu'on ne pouvait le préjuger. Pour l’éclaireir, il a fallu le soumettre à l’expérimentation en tâchant de le simplifier autant que possible. Le chien ne s’est montré capable de répondre qu’à quelques questions seulement. Enfermé 832 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR dans une cage (ce qui est nécessaire pour recueillir toute l'urine de vingt-quatre heures), il s'agite trop et ne se sent pas suffisamment à son aise. De plus, il résiste mal au changement de nourriture et y réagit par des troubles intestinaux. Le singe convient bien pour le régime végétal, mais ne se prête pas à l'alimentation animale. L'écureuil ne nous a renseigné que sur la valeur des noix (1). C’est Le rat blanc (2) qui doit être considéré comme l'animal de choix pour les recherches qui nous inté- ressent ici. Omnivore dans le sens le plus large du mot, il se prête aux changements les plus brusques et les plus variés du genre de nourriture. Réunis par plusieurs dans une même cage, les rats se trouvent très bien ensemble et peuvent être nourris pendant des semaines et des mois avec le même aliment sans présenter de troubles intestinaux ni de diminution tant soit peu notable de poids. Nous n'avons observé que de rares exemples de rats qui soient morts à la suite de leur régime alimentaire. Parmi les rats nourris pendant des semaines, exclusivement, avec un aliment unique, ceux qui recevaient de la nourriture animale (viande, œufs, fromage, poisson, mollusques, crustacés) présentaient dans leurs urines des quantités plus considérables de poisons de la série aromatique que les rats au régime végétal. Nous avons trouvé le maximum chez les rats qui mangeaient du poisson d’eau douce cuit (0,527 grammes de phénols et d’indoxyie par litre d'urine), le minimum chez ceux quine se nourrissaient que de fromage blanc cru (0,083 grammes par litre). Entre ces deux extrèmes oscillait le taux fourni par d'autres nourritures d'origine animale. (V. Appendice I.) Les œufs entiers, ainsi que le blanc et le jaune d'œuf servis sépa- rément, la viande de plusieurs sortes (poulet, jambon) four- nissaient presque toujours des quantités considérables de phénols et d’indoxyle. La nourriture exclusivement végétale donnait lieu en général à une moindre production de ces corps aromatiques. Le (1) Un écureuil nourri pendant plusieurs semaines avec des noix a donné 0,006 grammes de phénols et 0,015 grammes d'indoxyle par litre d'urine. (2) Dans les expériences sur les rats, la quantité de substances aromatiques émises est rapportée au litre d'urine et non à l'urine de vingt-quatre heures, la quantité totale d'urine analysée étant très approximativement la même dans la plupart des expériences. QUELQUES ESSAIS DE DÉSINTOXICATION INTESTINALE 833 maximum que nous avons constaté s'est rencontré chez des rats nourris exclusivement avec des bananes des Canaries (0,224 grammes par litre d'urine) et chez d’autres, nourris avec des pommes de terre cuites (0,150 grammes par litre), tandis que le minimum de ces poisons a été observé chez des rats qui ne mangeaient que du pain blanc (0,0056 grammes par litre). En comparant ces chiffres, on remarque que quelques aliments végétaux peuvent produire plus de poisons que certains aliments d'origine animale tels que le fromage blanc. Entre les deux valeurs extrèmes que nous venons d'indiquer, nous avons trouvé toute une échelle de taux de phénols et d'indoxyle après l'ingestion de divers aliments végétaux. (V. Appendice IT.) Nous signalerons ici que les aliments riches en sucre, tels que betteraves, navets, carottes, dattes, amènent en général un faible rendement en ces poisons. La seule exception que nous avons observée se rapporte aux bananes qui dans quelques expériences se sont montrées capables de provoquer une forte production de poisons aromatiques. Après nous être ainsi orientés sur la production de ces poisons, à la suite de l’ingestion d’un seul aliment végétal, nous avons essayé de combiner plusieurs aliments soit entre eux, soit avec des aliments d'origine animale. En donnant à manger à nos rats des pommes de terre (qui dans beaucoup de cas pro- voquent un fort rendement d'indoxyle et de phénols) mélangées avec des dattes, nous avons obtenu la disparition de l’indoxyle, tandis que les phénols continuaient à être produits en quantité notable. La combinaison de deux aliments végétaux qu? nous a donné la plus faible quantité de poisons aromatiques, était constituée par du pain blanc mélangé avec de la betterave (0,005 grammes par litre). Les autres combinaisons employées par nous n'ont jamais dépassé le taux de 400 milligrammes par litre. (V. Appendice II.) Le mélange de trois aliments d’origine végétale donnait lieu à une plus forte production de ces poisons que celui qui ne comprenait que deux sortes de nourriture. Le taux de 100 milli- grammes par litre était dépassé chez des rats nourris avec un mélange de millet décortiqué, de sarrazin et de beurre. Les combinaisons dans lesquelles entraient des aliments végétaux et du lait donnaient un rendement inférieur. (V. Appendice IV.) 834 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR En dernier lieu, nous avons essayé de combiner quatre sortes d'aliments. Des rats nourris avec un mélange de jambon, de pommes de lerre, pris comme forts producteurs de poisons aromatiques, addilionnés de betteraves et de dattes agissant dans le sens contraire, excrétaient dans leurs urines au commencement de ce régime une quantité assez considérable de phénols et d'indoxyle. Mais avec le temps le taux de ces poisons diminua d’une facon notable (0,018 au lieu de 0,123 grammes par litre). Le fait que nous venons de signaler est loin d’être unique. Nous avons remarqué plusieurs fois que les mêmes rats, nour- ris avec les mêmes aliments, ne rendaient pas toujours la mème quantité de phénols et d'indoxyle. Tantôt le taux de ces poi- sons diminuait, comme dans le cas que nous venons de men- lionner. Mais quelquefois il présentait une augmentation avec le mème régime et sans qu'il soit possible de préciser le déter- minisme de ce changement. Il est évident que, bien que le genre de nourriture exerce un rôle considérable dans la pro- duction de poisons de la série aromatique, il existe d’autres causes encore qui l’influencent. Ce sont certainement les microbes intestinaux et leurs diverses combinaisons qui entrent en jeu. C’est leur fonctionnement qui doit expliquer pourquoi, dans certains cas exceptionnels, même les aliments donnant le plus fort rendement en phénols et indoxyle, peuvent être absor- bés sans qu'il y ail production de ces substances. L'exemple le plus remarquable est Le jaune d'œuf, qui constiluail, pendant des semaines, l'aliment unique de nos rats. Tandis qu'en général il fournissait beaucoup de poisons aromatiques, dans un cas, n’en provoquail qu'une production minime (0,0025 gr. par litre), inférieure à celle que l’on observe chez des rats nourris avec des aliments végétaux. Il est bien connu que la flore intestinale de l'homme et des animaux est très variable el présente des modifications indivi- duelles considérables. Ce n’est que chez les nourrissons au sein qu'elle est presque loujours la même, constituée, pour la plus grande partie, par le Bacillus bifidus de Tissier. Mais à partir du sevrage, le nombre des espèces bactériennes augmente beau- coûp, et c'est alors que les variations individuelles de la flore intestinale se manifestent de plus en plus fortes. Dans ces con- QUELQUES ESSAIS DE DÉSINTOXICATION INTESTINALE 835 ditions, il devient bien difficile de parler de « flore normale » de l'homme et de la plupart des animaux (4). Des rats, nourris avec le mème aliment unique et logés ensemble dans la même cage, présentaient des différences très accusées dans leur population microbienne intestinale. Ainsi, parmi des rats qui ne recevaient comme aliment que des œufs cuits durs, les matières fécales neutres chez les uns, faiblement acides ou fortement alcalines chez d’autres, présentaient un tableau de la flore intestinale sensiblement différent. Quelque- fois prédominaient de gros bacilles courts prenant le Gram, mélangés avec de petits coccobacilles qui se décolorent par cette méthode et qui en grande partie sont représentés par des cocco- bacilles Proteus (fig. 1). Chez d'autres rats au mème régime, la flore était plus riche en espèces. À côté d'un grand nombre de Bacillus sporogenes se trouvaient des Proteus, beaucoup de ot es et de minces bacilles colorables par le Gram fig. 2). Chez un autre rat du mème lot, an lieu de petits cocco- 1. se rencontraient une quantité de bacilles ne prenant pas le Gram (qui sont pour la plupart des colibacilles) et des bäâtonnets très minces qui se colorent par cette méthode (fig. 3) L'ensemencement des matières fécales de ces rats au régime des œufs durs, dans les milieux nutritifs usités de laboratoire, amenait une sorte de sélection selon les particularités de ces milieux. En gélose sur des boîtes de Petri se développait tou- jours et surtout le colibacille, landis que sur des tubes de gélose inclinée, ensemencés dans l’eau de condensation {méthode de Choukevitch), poussait le Proteus qui, en peu de temps, mon- tait jusqu'à l'extrémité de la gélose. La gélose profonde, ense- mencée avec des matières fécales, fournissait beaucoup de colo- nies de Bacillus Welchii (Perfringens) que l'on ne rencontrait qu'en petit nombre sur des frottis des matières. A côté de ce microbe, les tubes de gélose profonde présentaient des colonies du Bac. sporogenes qui produisait une grande quantité d'indol, et cinq autres espèces bactériennes (parmi lesquelles une anaé- robie facultative) qui toutes ne donnèrent pas d'indol. Parmi 1) La flore des rats au régime ordinaire (graines) et au regime carné avait été étudiée par de Gasperi (Centralbl. f. Bakt., 1911.) 836 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR ces dernières, la plus remarquable est un bacille anaérobie strict ne prenant pas le Gram et très polymorphe : il se présente tantôt sous forme de bâtonnets et de filaments, tantôt sous forme globuleuse. Il suffit de jeter un coup d'œil comparatif sur deux tubes, dont l’un contient l’indoxyle extrait de l'urine de rats nourris aux œufs, tandis que l’autre renferme l'indoxyle de rats nour- ris exclusivement avec des dattes, pour être aussitôt frappé d’une grande différence entre eux. Au contraire, l'examen de frottis des matières fécales de ces deux catégories de rats n’ac- cuse que des variations bien moins considérables. Quelquefois, on est impressionné par la prédominance de la flore colorable par la méthode de Gram, dans laquelle se rencontrent surtout des coccobacilles lactiques du groupe des entérocoques (fig. 4). Mais dans le même lot de rats, vivant dans la même cage et alimentés, comme les premiers, seulement de dattes, on en ren- contre dont la flore intestinale est particulièrement riche en coccobacilles ne prenant pas le Gram et renfermant une assez grande quantité de Bac. bifidus. Les formes à entérocoque ne constituent qu’une faible minorité (fig. 5). Comme exemple de rats ne produisant que très peu de poi- sons de la série aromatique, nous avons choisi ceux qui ont été nourris exclusivement avec des carottes. Sur les frottis de leurs déjections, on rencontre (fig. 6) une quantité de bactéries incurvées fusiformes, quelquefois extrèmement fines. Elles prennent mal la coloration de Gram et se décolorent avec une très grande facilité. Les tentatives faites pour les cultiver n’ont pas donné jusqu'à présent de résultat. On voit ensuite un gros bacille à extrémités arrondies, très probablement identique au Bacillus capillosus de Tissier, et des coccobacilles ne prenant pas le Gram, parmi lesquels on distingue le colibacille et le Proteus. En dehors de ces microbes, on rencontre plusieurs bactéries qui se colorent par le Gram et parmi lesquelles on reconnaît beaucoup de diplo- et de streptocoques, et de gros bacilles acidophiles à bouts arrondis. Les cultures, sur les milieux les plus usuels en bactériologie, appartiennent en grande partie au bacille acidophile du type Merechkowsky, qui pousse très abondamment dans des tubes de gélose profonde (d’après Veillon). Il s’agit ici certainement QUELQUES ESSAIS DE DÉSINTOXICATION INTESTINALE 837 de la variété du Bac. exilis de Tissier. L’acidophile de Moro est beaucoup plus rare. On l'obtient facilement en ensemençant les matières dans du bouillon acide. Le Bac. bifidus forme le 1/5-1/6 du nombre total des colonies. Les cultures en gélatine sur des boîtes de Petri laissent voir surtout des colibacilles, des Proteus et des Bac. fluorescens liquefaciens. En outre de ces microbes, nous en avons 1solé encore trois autres : le B. ven- triosus de Tissier, un streptocoque anaérobie prenant le Gram et ne donnant pas d'indol, de même qu'un fin bacille anaéro- bie, formant des chainettes disposées en tresses et n’attaquant pas les albuminoïdes. ( En comparant la flore des rats aux œufs et aux carottes, nous voyons que les différences portent surtout sur les points suivants. L'abondance du B. Welchii, du B. sporogenes et du bacille po- lymorphe caractérise la flore intestinale des rats nourris avec des œufs. Chez les rats aux carottes, ce sont les acidophiles et le bifidus qui prédominent, tandis que chez les rats aux œufs on ne peut isoler le premier qu'en passant par le bouillon acide. Le grand producteur d’indol, le colibacille, est commun aux deux régimes, de même que le Proteus. La grande diffé- rence dans la production de l'indol doit donc être attribuée aux quantités proportionnelles des espèces qui constituent la flore intestinale, et non à la différence qualitative de cette flore. D'après l’ensemble de données que nous avons pu réunir, on peut conclure que le régime alimentaire ne constitue qu'un des facteurs qui agissent dans la production des poisons de la série aromatique. Le second facteur, et des plus importants, est représenté par les bactéries de la flore intestinale. IT INFLUENCE DE QUELQUES MICROBES SUR LA PRODUCTION DES POISONS INTESTINAUX DE LA SÉRIE AROMATIQUE Bien avant la série de recherches que nous avons relatées dans ce mémoire, on a essayé de modifier notre flore intesti- nale à l’aide de microbes lactiques. Cette tentative était appuyée sur deux principes. D'un côté, on avait tout lieu de croire que les putréfactions intestinales constituaient une source impor- 838 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR tante de troubles aigus et chroniques et que, partant, les fer- ments lactiques pouvaient les diminuer ou mème les supprimer. D'un autre côté, on se basaitl sur le fait que, parmi les popula- lions qui consomment beaucoup de lait aigri, on rencontre, plus souvent que d'habitude, des vieillards bien conservés et même un plus grand nombre de centenaires. En plus des exemples mentionnés dans un autre endroit (1), nous pouvons citer quelques autres cas parvenus à notre connaissance. Un vétérinaire du territoire de Koubane (dans le Caucase du nord), M. Atmanskikh, nous a envoyé une brochure sur l’industrie laitière dans son pays, dans laquelle il annonce que « les pro- duits de laitage constituent la nourriture principale et cons- tante de la population ». Parmi ces produits, le plus remar- quable porte le nom d’ « aïran » : c'est une sorte de lait aigri préparé avec du lait bouilli auquel on ajoute, lorsqu'il est devenu liède, quelques cuillerées d’un levain renfermant deux microbes lactiques (un long bacille et un streptobacille en chaînettes) et une levure. « Pour les habitants du district Karatchaï (du territoire de Koubane), l’aïran représente le principal produit alimentaire; c'est l'unique nourriture de beaucoup de familles ». « I n'est pas rare que l’aïran, pendant des semaines, constitue la seule nourriture. L'indigène du pays reste souvent sans pain et sans viande, mais d’aïran et de fro- mage il ne peut se passer, ni à la maison, ni au dehors » (p. 7). Comme résultat de ce régime, il est à signaler que « les habi- tants de Karatchaï jouissent d’une santé florissante et atteignent souvent une vieillesse très avancée » (p. 11). Aussi les méde- cins recommandent beaucoup l’aïran à leurs patients atteints de troubles gastro-intestinaux. Dans un pays du district de Karatchaï, pays qui s'appelle Tiberda, une grande quantité de malades s'empressent en été. Il s’est même formé dans cel endroit un village composé de villas, remplies de malades qui suivent la cure d’aïran. Comme corollaire. à sa brochure, M. Atmanskikh nous a envoyé la photographie de deux beaux vieillards qui prétendent, tous les deux, avoir atteint l’âge de cent trente ans et qui habitent précisément Tiberda. Etant donné qu'au temps où sont nés ces deux hommes, il n’existail (1) Mercaxikorr, Essais oplimisles. Paris, 1907, p.227 el suiv. QUELQUES ESSAIS DE DÉSINTOXICATION INTESTINALE 839 pas encore dans le pays de registre d'état civil, ce nest que d'après des renseignements verbaux sur les événements de cette époque reculée que l’auteur de la brochure conelut que les deux vieillards sont « incontestablement âgés de plus de cent ans ». Les deux vieillards, dont le physique donne une bonne impression, ont eu une nouvelle poussée de dents après la chute des anciennes. Dans le récit de son voyage dans la Guinée française, M"° Pobéguin (1) signale le fait que, dans la région qu'elle à parcourue, les nègres qui mangent beaucoup de lait aigri se distinguent par leur bonne santé et alteignent fréquemment un âge très avancé. M. le D' d'Hérelle écrit ce qui suit, dans une lettre adressée de la province de la Rioja (nord-ouest de la République Argentine) : « La longévité est extraordinaire dans cette région. Il n’y a pas de petit village qui ne compte un ou deux centenaires, et bien des vieillards de quatre-vingts et quatre- vingt-dix ans cultivent la terre comme s'ils avaient trente ans et font leurs dix lieues à cheval sans se fatiguer. Ce qu'il y a de particulier, c'est que le fond de l'alimentation dans ces campagnes est une espèce de lait caillé, tout comme en Bul- garie. J'ai constaté d’abondants ferments lactiques dans les fèces de deux vieux de quatre-vingt-quatorze et quatre-vingt- dix-sept ans particulièrement robustes. » sien que le manque de documents statistiques laisse impré- cise l'évaluation de l’âge des vieillards, il ne peut être douteux que dans ces exemples, de même que dans les cas de longévité des Bulgares et de quelques autres habitants des Balkans, il s'agit réellement d'hommes très vieux. La femme serbe, men- tionnée dans notre introduction, qui nous à été adressée comme centenaire, ne l’étail pas; cependant, d’après des ren- seignements plus précis, son äge avait atleint quatre-vingt- treize ans. L'effet bienfaisant des ferments lactiques dans les maladies du tube digestif, notamment dans celles que cause la putréfac- tion intestinale, estadmis d’une façon si générale qu'il est inutile d'entrer de nouveau dans les détails. Mème chez les petits A) Le Tour du Monde, 1912. 840 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR enfants, les microbes lactiques exercent une action thérapeu- tique marquée. Parmi les documents les plus récents à ce sujet signalons une note du D'R. Clock(1). Après avoir constaté que le babeurre, que l’auteur employait beaucoup autrefois, n’agit que d’une façon passagère, il s’est décidé à prescrire aux petits enfants atteints de troubles digestifs des cultures pures du bacille bulgare. « Dans chaque cas, le succès ne s’est pas fait attendre longtemps. Le processus putréfactif de l'intestin diminua, ce qui se manifestait par les propriétés normales des matières fécales. L'action curative doit ètre attribuée excelusi- vementaux bacilles, car on n'a pas employé d’autres mesures thérapeutiques ou diététiques. » Il reste encore beaucoup à étudier pour préciser le mécanisme intime de l’action thérapeulique des microbes lactiques dans le tube digestif. Il est plus facile de s’en rendre compte d'après l'examen de leur effet curatif dans des maladies d’organes moins profonds. Le D'Brindeau a publié récemment(2) un travail détaillé sur 95 cas de traitement d'infection puerpérale avec des cultures pures de ferment bulgare, additionné de lactose stérile. Arrivé à un résultat très favorable, l’auteur conclut en ces termes : « Le traitement des plaies infectées par les cultures du bacille lactique donne de bons résultats. Il est logique, car l'acide lactique est un antiseptique puissant et non toxique. Les cultures agissent, en outre, en empêchant certaines espèces pathogènes et en provoquant la leucocytose. Il n’est pas dan- gereux, Car ce microbe n'est jamais pathogène. Les cultures lactiques peuvent être employées dans tous les cas de plaies sepliques ou putrides, mais leur véritable indication se trouve dans les plaies vulvo-périnéales infectées secondaires à l'accou- chement. Ces plaies se détergent très rapidement et ce traite- ment est un excellent moyen de préparation pour les restaura- lions secondaires du périnée » (p. 15). Il serait intéressant d'établir la variation du taux de l’indoxyle chez les femmes traitées avec des bacilles bulgares. Etant donné que la suppu- ration constitue une source d’indol, il serait facile de démon- trer la diminution d'indoxyle urinaire sous l'influence de fer- ments lactiques. (1) Journal of the americ. medic. assoc.. 1912, 29 juin. (2) Archives mensuelles d'Obstétrique et de Gynécologie, 3 mars 1912. QUELQUES ESSAIS DE DÉSINTOXICATION INTESTINALE 841 Pierre Rosenthal et M. Berthelot (1) ont obtenu la guérison de gingivites et de pyorrhées alvéolaires rebelles à l’aide de cultures puresde microbes lactiques. Depuis 1908 L. Fournier(2) emploie avec succès le bacille bulgare dans le traitement des infections du pharynx et des fosses nasales. M. Berthelot (242d.), après avoir démontré que ce bacille est capable d'empêcher le développement du méningocoque, pense qu'on pourrait peut- ètre débarrasser les fosses nasales et le pharynx de ce microbe si dangereux en introduisant dans ces cavités une suspension de bacilles bulgares dans du lactosérum. On a pensé aussi qu'il était possible par le mème moyen d'éliminer les bacilles typhiques et paratyphiques chez des porteurs de ces germes pathogènes. Malgré quelques cas favorables, les tentatives dans cette voie n'ont pas été couronnées de succès. La cause de cette inégalité dans l'action des ferments lactiques nous parait résider dans la grande différence des conditions extérieures qui les entourent. Tandis qu’il est facile d'introduire des matières sucrées, indispensables pour ces ferments, dans les fosses nasales, le pharynx et le vagin, il n’est point aisé de les faire parvenir dans les régions profondes du tube digestif, telles que l'iléon, le cæcum et le côlon. Il est bien établi que les sucres se résorbent si facilement dans l'estomac et dans les parties supérieures de l'intestin grêle, qu'il n’en passe rien ou presque rien dans les parties plus profondes. M. Berthelot (3) a fait à ce sujet des recherches multiples d'après lesquelles les sucres introduits avec des aliments riches en ces hydrocarbonnés, carottes, betteraves, raisins secs et dattes, ne parviennent qu’en certaine quantité dans le cæcum du lapin et n'arrivent qu’en quantité très faible dans le cæcum et le côlon ascendant des macaques. Dans le contenu de Ia partie supérieure du gros intestin, on n'a retrouvé que peu de sucre chez le lapin et seulement des traces dans le contenu des côlons transverse et descendant du singe. D'où cette conclusion que, pour introduire des matières sucrées dans le gros intestin, « d'assez nombreux aliments pourraient être employés, mais, parmi eux, les dattes paraissent le mieux convenir à cause de (1) Bull. de la Soc. thérapeutique, 8 avril 1908 ; Revue de Médecine, 10 août 1910. (2) BerraeLor. Comptes rendus de lu Soc. de Biologie, 19 mars 1910. 3) Comptes rendus de lu Soc. de Biologie, 8 janvier 1910. / \ 54 842 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR leur grande richesse en sucres, de leur faible teneur en eau et de la texture serrée de leur parenchyme. Après elles, on peut recommander, entre autres, les raisins secs, les racines comme la carotte ou la betterave, possédant tous une teneur en sucres assez élevée ». Le fait signalé plus haut, que les lapins nourris de carottes et de betteraves n'exerètent que des quantités minimes ou même pas du tout d'indoxyle, s'explique facilement par la pénétra- tion plus abondante de sucres dans le gros intestin, siège de là putréfaction intestinale. Chez le singe et chez l’homme, les conditions sont moins favorables sous ce rapport. Il y avait donc tout lieu de chercher quelque autre source de matières sucrées dans le gros intestin. Dans cette intention, l’un de nous (1) a eu l’idée de faire produire par des microbes intestinaux du sucre aux dépens des aliments amylacés. | I est bien connu que les matières fécales d'hommes au régime végétarien ou mixte contiennent toujours ou presque constamment des restes d’amidon. On en trouve surtout après un repas de pommes de terre dont les membranes cellulo- siques protègent les grains d’amidon de la digestion complète. Mais, même après des repas de riz ou de graines de féculents, une partie de l’amidon traverse le tube digestif entier et passe dans les malières fécales (2). Bien que les microbes capables de produire du sucre avec de l'amidon ne soient pasrares dans la nature, il a fallu un travail prolongé et laborieux pour arriver à quelque résultat précis. Aussi l’un de nous (3) a cherché plus d’un an avant d'aboutir. La plupart des microbes amylolytiques attaquent en même temps les substances albuminoïdes, ce qui a pour résultat qu'introduits dans le tube digestif, ils favorisent la putréfac- tion intestinale plutôt qu'ils ne l’empêchent. Ce n'est qu avec un bacille isolé des matières fécales d’un chien qui servait pour l'étude de l’influence du régime alimentaire sur la production de corps de la série aromatique, qu'il à été possible d'obtenir une action amylolytique marquée non accompagnée d'une (1) Mercuixorr, Bactériothérapie intestinale, Gilbert et Carnot, 2° édit., p. 40, 1912. (2) Saamint und SrRaseuRGER, Die Füces des Menschen, 3° édit., p.76, Berlin, 1910. (3) Wozcuaw, Ces Annales, p. 610, 1912. QUELQUES ESSAIS DE DÉSINTOXICATION INTESTINALE 843 attaque d’albumine et de gélatine. C’est avec ce bacille désigné sous le nom de G/ycobacter peptolyticus, que nous avons fait plusieurs séries d'expériences afin d'établir son influence sur la production des phénols et de l’indol dans l'organisme. Nous avons d'abord pris des rats auxquels nous donnions divers aliments farineux, tels que pain, riz, pommes de terre, addi- tionnés de culture pure du glycobacter. Ce n’est qu'avec des pommes de terre que nous avons obtenu des résultats encou- rageants, ce qui tient probablement à la protection plus efficace des grains d’amidon par la membrane plus dense des cellules qui les renferment. Dans quelques-unes de nos expériences le bacille amylolytique faisait disparaitre des urines les phénols, de mème que l’indoxyle; dans d’autres, l'effet, quoique moins complet, était néanmoins bien marqué. Ce n’est que dans des cas rares que l'absorption du glycobacter n'’exercait qu'une influence minime ou nulle (V. Appendice V.) Les macaques nourris aux pommes de terre produisent parfois des quantités tellement considérables de poisons aromatiques qu'il devient difficile de les diminuer d’une facon tant soit peu notable. Mais dans d'autres cas où cette production n’est pas exagérée, le glycobacter s'est montré capable d'assurer ce résultat. L'effet le plus marqué a été observé chez plusieurs personnes qui se trouvent parmi les sujets qui, habituellement, donnent un rendement plus ou moins considérable de phénols et d'indoxyle dans leurs urines. D'une façon régulière, à quelques exceptions près, nous avons obtenu chez eux une diminution plus ou moins accusée à la suite de l'absorption de pommes de terre additionnées de glycobacter. (V. Appendice VE.) Après avoir établi que, d'un côté, le régime approprié et, de l’autre, l'addition de certains microbes, exercent une influence favorable dans le sens de la diminution des poisons aromatiques d'origine microbienne, nous nous sommes mis à combiner ces deux facteurs. Nous avons pris un lot de onze rats recevant ensemble par jour un mélange de jambon (60 grammes), pommes de terre (120 grammes), betteraves (120 grammes) et dattes (60 grammes). Au début de ce régime ils rendaient avec leurs urines des quantités assez notables de phénols et d'indoxyle; mais dans la suite le taux de ces poisons accusail une diminut'on marquée sous l'influence des aliments riches 844 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR en sucre. Ce n'est qu'après l'addition à leur nourriture de cul- tures pures de ferments bulgares et de glycobacters peptoly- tiques que nous avons obtenu leur disparition presque com- plète. (V. Appendice VIT.) Il est donc possible d'obtenir un régime mixte nutritif duquel la viande n’est point exclue et qui ne provoque qu'une produc- tion de poisons aromatiques tout à fait insignifiante. Chez l'homme, nous sommes arrivés à un résultat semblable. Un de nous, qui se distinguait pendant longtemps par un fort rende- ment d’indoxyle urinaire, auquel, à cette époque, étant donnée l'opinion générale sur l'innocuité de cette substance, il n’atta- chait pas d'importance, s’est mis plus lard à rechercher un régime hygiénique capable d'en amener la suppression. Dans cette intention, il combinait différents aliments additionnés de microkes bienfaisants. Il s'est trouvé qu'un régime mixte dans lequel entrait une certaine quantité de viande ou de poisson (400 à 120 grammes), des farineux, légumes verts et secs, fruits en compote, diverses sucreries, et 500 à 600 grammes de lait aigri par le bacille paralactique, un tube de culture pure du bacille bulgare sous forme de pâte — tout cela réparti entre les trois repas de la journée — supprima l’excrétion de l'indoxyle. Il arrivait bien que dans quelques portions de l'urine on remarquât encore une légère trace d’indigo, mais les urines de vingt-quatre heures en étaient presque constamment dépourvues. Un voyage de deux mois en Russie changea notablement le régime alimentaire et, partant, le rendement des poisons aro- matiques redevint assez abondant. Il à fallu plus de deux autres mois pour arriver à leur suppression à l’aide du régime men- tionné. L'indoxyle, devenu de plus en plus rare, a fini par dis- paraître. Une analyse quantitative faite environ onze mois après le retour, démontre une trace indosable d'indoxyle et trois à quatre milligrammes de phénols dans l'urine de vingt- quatre heures, c'est-à-dire une quantité insignifiante en com- paraison du taux normal, indiqué au début du premier cha- pitre de ce mémoire. Elant donné ce résultat, il a été inutile dans cet exemple de recourir à l’action du glycobacter. Plusieurs personnes de notre entourage qui, normalement, rendaient des quantités plus ou moins considérables d'indoxyle, QUELQUES ESSAIS DE DÉSINTOXICATION INTESTINALE 845 l'ont vu disparaître après avoir suivi pendant quelques semaines ou plusieurs mois un régime analogue au régime sus-men- tionné. N'ayant pas à notre disposition de service hospitalier ou policlinique, nous n'avons pas pu multiplier le nombre de nos observations, mais il est désirable que cette lacune soit comblée dans de bonnes conditions. Nous n'avons pas la prétention de penser que notre travail épuise le problème si complexe des rapports de la flore intesti- nale avec l’intoxication chronique qui cause les seléroses de nos organes les plus précieux. Nous espérons seulement avoir fait quelques pas vers ce but. Un long travail est encore à pour- suivre. Il y a lieu, grâce au perfectionnement des méthodes d'isolement et de culture des microbes, d'étudier la flore intes- tinale dans des cas où les poisons de la série aromatique ne sont produits qu'en quantité très faible, malgré les régimes les plus variés, souvent riches en albuminoïdes animales. Les condi- tions de la lutte entre les microbes du tube digestif, souvent si difficiles à établir, doivent être étudiées avec beaucoup de pré- cision. La putréfaction intestinale n'étant pas l'unique source de poisons intestinaux, il serait utile d'établir le rôle des fermen- tations acides dans les auto-intoxications. Bien que l'exemple des peuples qui, pendant presque toute leur vie, se nourrissent avec du lait aigri, prouve l’innocuité des ferments lactiques, des expériences directes doivent être dirigées dans cette voie. Il faut établir encore l'influence des différents régimes sur la longévité des animaux et de l’homme, ce qui est surtout facile en s’adres- sant aux petits omnivores, tels que les rats blancs, dont le cycle de vie est particulièrement court. Des recherches dans ces directions sont poursuivies dans notre laboratoire. 846 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR APPENDICES ER ER 2 GOT OGM A RES ARE ROUUE ERNEST PRE. CONS PPS NES CU ENERGIE RE ESRI ER SE SEE A 7 I. — Urine des rats nourris avec un seul aliment d’origine animale. : ‘ = an 2 no = © ste NOM Ées|s | EE Es CRE DATE ZE [Sa ze | S= = | de l'aliment. = s|= : S & z & 1 | OŒEufs entiers cuits durs. 30 oct. 191]. 235 | 1,052| 0,16510,2C0 2 Ider2. 10 janv. 1912. | 300 | 1,052] 0,030/0,068 3 Blanc d'œuf cuit dur. 21 janv. 1912. Sù | 1,055! 0,03310,300 4 Idem. 6 févr. 1912. 350 | 4,055 » |0,460 5 Jaune d'œuf cuit dur. 19 mars 1912. 260 | 1,053] 0,12010,178 6 Idem. 25 avril 1912. 250 | 4,041! 0,002 |[ndo- sable. 7 Jambon cuit. 21 mars 1912. 250 | 1,055! 0,00410,250 8 Poulet cuit. 1er mars 1912, | 270 | 1,053| 0,150/0,357 9 Viande de cheval 30 sept. 1912. 225 | 41,042 » |0,107 et de bœuf cuites. 10 Poisson cru. 11 nov. 1911. 300 | 1,060! 0,09010,084 11 Fromage blanc. 30 avril 1912 280 | 1,035! 0,05010,033 12 Idem. 7 mai 1912. 185 | 1,051! 0,100/0,017 13 Idem. 21 mai 1912. 225 | 1,061| 0,090/0,013 14 Moules cuites. 13-28 août 1912. 260 | 1,055! 0,12510,215 15 | Idem. 3 sept. 1912. 260 | 1,048] 0,133/0,411 16 | Crevettes. 154sept-1912; 260 | 1,050! 0,002/0,040 II. — Urine des rats nourris avec un seul aliment d’origine végétale. Il Carottes cuites. 26 nov. 1911. 138 » 0.008|0,006 10 janv. 1912. 2 Idem. 15sept. 1912: 300 | 1,031 » [0,008 3 Idem, 21/Sept.41912; 250 | 1,027| 0,03310,00% 4 Pommes de terre 15 nov. 1911. 3170 | 1,031! 0,08010,070 cuites à l’eau. 5 Idem. 3 déc. 1944: 300 | 1,040 » 10,096 6 Idem. 4er janv. 1912. 280 | 1,040! 0,02010,059 7 Idem. 19 janv. 1912. 300 | 1,044! 0,019)0,04%1 8 Idem. 28 févr. 1912. 200 | 1,030! 0,014/0,066 QUELQUES ESSAIS DE DÉSINTOXICATION INTESTINALE 847 DATES z = Ÿ D Dr E de de l'aliment. SEINE | En © | 4 & © nm | à 8 | £, à ——— | | Pommes de terre 2S févr. 1912. 265.1"1:023 |.0;, 01210. 037 cuites à l'eau. | Idem. Août 1912. 300 | 1,034 » [0.012 | Idem. » 300 | 1,028] » |0,008 Idem. | Sept. 1912. 275 | 1,019] 0,010/0,001 Purée | 15 juin- 290 | 1,029! 0,016|0,006 de pommes de terre. leuil 1912. Idem. IL 2-9,juil. 1912. 500 | 1,034 » _|0,008 Bananes. 18 avril-14 mai 190 | 1,068| 0,224/0,122 | 11922 | Idern. | 16 mai-8 juin 210 | 1,036! 0,014/0,003 1912. | | Idein. | 18 avril 1912. 235 | 1.055, 0,010! Indo- | | sable. Idem. |. 10 juin 1912. 250 | 1.046/ » |0,002 | | | Idem. OT ne 19127 275 | 1,027| 0,02810,038 Idem. 21 juil..19192; 300 | 1,043! 0,03410,01% | | Idem. | Août 1912. 210 | 1,065! 0,006| Indo- | sable. Choux-fleurs bouillis. 16 mai 1912. 150 | 1,036! 0,016/0,002 Purée de pois. 13 mai 1912. 162 | 1,056| 0,020 !0.,003 Dattes. INSjanv. 1919. 135 | 1,070! 0,00810,006 Pain blanc. 3 avril-9 mai 170 | 1,028] 0,00610,00% | 1912. Idem. | 10-15 mai 1912. 200 | 1,031! 0,006| 0 Idem. | 16-20 mai 1912. | 180 | 1,026! 0,043/0,003 | Idem. 120 mai-3 juin 1912.| 4140 | 1,030| 0,006| Indo- sable IIT. — Urine des rats nourris avec deux aliments. Poisson d’eau douce 15 juin au 260 | 1,063] 0,10010,033 cuit au beurre. 1er sept. 1912. 2 Maquereau 17 sept. 1912. | 250 | 1,052! 0,200!0,032 cuit au beurre. L 3 | Poisson cuit au beurre. 15 juin-16 juil. 110 | 1,070 D 0/425 1912. Pain et betterave bouillie.| 27 févr. 1912. 300 | 1,053! 0,005| 0 Idem. 128 févr.-26 mars| 355 | 1,052] 0,005| 0 | 1912? Idem. [27 mars-18 avrill 450 | 1,033 » (] | 19122 Pain et sucre. 128 janv.-20 avril| 235 | 1,053| 0,066| 0 1912. Pommes de terre et dattes.| 19 mars 1912. 250 | 1,05310,038 0 848 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Ê ol En m WE NOM Eeslé 38|È£ LE DATE AES | Am |4= Ê des aliments A | NOM Hes|é À 3 £ à E DATE ABS |2aol ze | <= de l'aliment, Se s|a = & 8 E & iz, lait, sucre. 21mars-18 avril 310 | 1,012| 0,011/,0,0021 1912. Idem. 19 avril-14 mai 195 | 1,018! 0,080 0 1912: Idem. 15mai-3juin1912.| 310 | 1,013] 0,040/0,042 Millet et sarrazin, 30 mai-11 juin 245 | 1,016| 0,11110,009 décortiqués, beurre. 1612. Idem. 12.24 juin. 290 | 1,016! 0,100/0,042 Idem. 30juin-9juil.1912.| 280 | 4,027] » |0,042 Y. — Urine des rats nourris avec des pommes de terre. Influence du glycobacter peptolyticus. Pommes de terre cuites 15 nov. 1911. 310 | 1,030] 0,08010,070 21NdéC- 1914 300 | 1,035|Indo-| 0 Mêmes rats qu’au n° 1, sable. nourris avec des pommes de terre cuites, additionnées de culture pure de glycobacter peptolytieus. 3 décembre 500 0,096 1911. 1 rats nourris aux pommes de terre cuites. 1,036 » Mèmes rats aux pommes 21 décembre 380 | 1,026| 0,02210,058 de terre et glycobacter. 1911. 6 rats aux pommes 13 décembre 500 | 1,038] 0,920/0,059 de terre cuites. 1912. Mèmes rats aux pommes! 31 décembre 280 | 1,040| 0,01010,024 de terre et glycobacter. 1912: Pommes de terre. 19 déc. 1911. 300 | 1,036| 0,01910,041 Pommes de terre 12 janvier 300 | 1,055] 0,015/0,015 et glycobac:er. 1912. Pommes de lerre. Février 1912. 200 | 1,027! 0,014|0,066 Mèmes rats, Février 300 | 1,026! 0,01310,029 pommes de terre NE et glycobacter. Pommes de terre. Février 1912. 265 | 1,020! 0,01210,037 Mèmes rats, Février 1912. 250 | 1,030| 0,15 [0,033 pommes de terre el glycobacter. 850 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR VI. — Urine des personnes au régime mixte. Influence du glycobacter peptolyticus. INDOXYLE ne To par litre. ALIMENTATION à 15 degrés. N°S d'ordre. et traitement. DENSITÉ M®e C., régime mixte. 20 mars 19122 Mème personne 29 mars après 8 jours de traitement 1912. avec le glycobacter, puis avec des pommes de terre. 1 = | Mème personne trois semaines après la cessation du traitement. Mu: R., autre personne |13 avril au régime mixte. 1911. Mème personne DEA au régime mixte. 1942? Même personne $ mars après 1912. 8 jours de traitemenL avec le glycobacter puis avec des pommes de terre. M. C., régime mixte. 20 janv. 1912. Même personne 30 janv. après traitement 12 avec le glycobacter et pommes de terre. M. S., régime mixte. SMÉML 1912. Même personne Février après traitement 1912: avec le glycobacter et pommes de terre. Mème personne Février plusieurs jours 1912. après la fin du traitement. Mème personne Mars avant la nouvelle période 1912. de traitement, Même personne 20 mars à la fin 1912. d'une nouvelle période du traitement. QUELQUES ESSAIS DE DÉSINTOXICATION INTESTINALE 851 VII. — Urine des 11 rats nourris aux quatre aliments. = o - l'E a | CS A © VE NOMS HEC E 2 = 5 = à us DATES AE A ER RON 5 des aliments. 27 ER 5 ES Ê Es) 1 |Dattes60 gr. : jambon 60 gr: Du 20 355 | 1.04: 0,03710,086 betteraves, 120 er. : | au 28 mars pommes de terre, 120 gr.| 1912. 2 Méme nourriture. Du 19 avril 525 | 1,038! 0.00710,016 lau 27 avril 4912: | | 3 Même nourrilure. 28 avril 400 | 1,034! 0,011/0,006 au 2 mars 1912. 4 |[Mème nourriture, eu plus 3 au 7 mai 410 | 1,034| 0,005|Indo- bacilles bulgares 1912 sable. et glycobacter. 5 Mème régime S-11 mai 210 | 1,029! 0,006|Indo- avec bactéries. 1912. sable. 6 Idem. | 12-20 mai 1912. | 224 | 1,056| 0,009 0 | ji | Seulement jambon | 21-30 mai 1912. 100 | 1,046! 0.021|Indo- | et pommes de terre. | | sable. | EXPLICATION DE LA PLANCHE XVIII FiG. 1. — Matières fécales de rat nourri avec des œufs durs. F1G. 2. — Matières fécales très alcalines d’un autre rat au même régime alimentaire. FiG. 3. — Matières fécales faiblement acides d'un troisième rat nourri exelu- sivement avec des œufs durs. FiG. 4. — Matières fécales de rat, nourri avec des dattes depuis deux mois. FiG. 5. — Microbes des matières fécales d'un autre rat au même régime. F1G. 6. — Contenu du cæcum de rat nourri aux carottes. FiG. 7. — Matières fécales de rat nourri avec des dattes et des pommes de terre. F1G. S. — Matières fécales de rat nourri avec du jambon, des dattes, des pommes de terre et de la betterave. SUR LE ROLE DES INFINIMENT PETITS CHIMIQUES EN AGRICULTURE (1) par M. Ga8riEz BERTRAND. Je me propose d'examiner, dans eette Conférence, une des ques- tions nouvelles les plus intéressantes au point de vue théorique et pratique soulevée par l'étude de la composition chimique des espèces végétales : c'est la question du rôle joué par certains corps, métal- loïdes et métaux, trouvés dans les plantes en très petites propor- tions. Les premiers phytophysiologistes dont les recherches aient porté sur la composition élémentaire des végétaux n'ont pas tardé àtomber d'accord pour reconnaitre qu'une dizaine environ de corps simples étaient nécessaires à l'édification des tissus et au fonctionnement des cellules : l'Aydrogène et l'oxygène, dont l'association forme l’eau, soit les 75 à 95 centièmes du poids total des plantes vivantes: le carbone, qui, lié aux deux précédents, constitue la cellulose, le sucre, les huiles et les autres substances dites hydrocarbonées; l'azote, qui entre avec les trois premiers dans la composition de l’albumine, du gluten et des matières protéiques, ainsi que le soufre et quelquefois le phosphore, enfin, le potassium, le calcium, le magnésium etde petites quantités de fer. L'ensemble de ces dix éléments, de ces dix corps simples, est abso- lument nécessaire au développement normal des plantes. L'absence d’un seul entraine la non-utilisation des autres et l'arrêt de la crois- sance. Si l'on dispose convenablement, dans un vase rempli d'eau pure, une graine de haricot, de maïs, d'avoine, de sarrasin,etc., on assiste bientôt à la germination : une petite plante apparaît, se développe aux dépens de l’eau et des substances apportées par la graine, aux dépens aussi de l’acide carbonique contenu dans l'atmosphère, mais ce phénomène de végétation dure seulement quelques jours; faute d’autres aliments, la jeune plante ne tarde pas à mourir. Au contraire, si on remplace l'eau pure par une solution renfer- (1) Conférence faite au VIIIe Congrès international de chimie appliquée tenu à New-York au mois de septembre 1912. ROLE DES INFINIMENT PETITS CHIMIQUES EN AGRICULTURE 853 mant, à l'état de sels, de l'azote, du soufre, du phosphore, du potas- sium, du calcium, du magnésium et un peu de fer, la plante se déve- loppe normalement, elle produit des fleurs et des graines et, lors- qu'on sait s’y prendre, la récolte ne le cède en rien à celles que l’on obtient en pleine terre, dans les conditions habituelles. L'expérience recommencée encore, mais en supprimant de la solu- tion nutritive un seul des éléments dont l'ensemble avait produit un si beau résultat, donne des récoltes misérables, analogues à celles de l’eau pure. D'autre part, si on fait l'analyse complète d'un végétal et qu'on additionne les poids de chacun des éléments trouvés, on obtient, en ne tenant compte que de ceux énumérés plus haut, un chiffre voisin et même supérieur à 99,9 p. 100 du poids total. De sorte que, à moins d’un millième près, les plantes sont consti- tuées par la réunion de six métalloïdes et de quatre métaux et ces métalloïdes et ces métaux suffisent à former, par leurs multiples combinaisons, les énormes quantités de sucre, d’amidon, de cellu- lose, d'huile et autres substances, que l'industrie sépare ou trans- forme, et que l'homme et les animaux tirent du règne végétal pour les besoins de leur alimentation journalière. Ces notions, malgré leur simplicité, sont fondamentales pour l'Agriculture. Il est bien évident, en effet, que l’on doit assurer à la plante la provision de chacun des éléments qui lui sont nécessaires si l’on veut obtenir de belles récoltes. Comme dans les expériences de tout à l'heure, il n'y a pas, en grande culture, à se préoccuper du carbone, que la plante trouve toujours dans l'atmosphère en quantité supérieure à tous ses besoins. Pourvu que le sol recoive une proportion d'eau suffisante, sous forme de pluie ou par irrigation, il reste seulement à compter avec les autres éléments. Encore, dans la plupart des cas, la terre est-elle si riche en composés du calcium, du magnésium, du fer, du soufre, que l’agriculteur n’a plus à subvenir qu’au manque de potassium, d'azote et de phosphore. C’est ce qu'il fait à l’aide des engrais. En ajoutant des quantités convenables de nitrates, de phosphates, de sels ammoniacaux et potassiques, il complète l’approvisionnement alimentaire du sol et permet à la plante de prélever en proportions utiles tous les matériaux de sa construction. Ce sont surtout les recherches de Duhamel, de de Saussure, de Sachs, de Boussingault, de Liebig, de Georges Ville, qui nous ont fait connaître cette théorie des engrais dont la grande valeur pra- tique est confirmée aujourd'hui par tous les agronomes. Aussi évidente et aussi féconde qu'elle soit, cette théorie ne tient 85% ANNALES DE L’INSTILUT PASTEUR pas compte, principalement dans son application usuelle, de tous les résultats obtenus dans l'étude de la composition des végétaux : elle néglige ceux qui, ajoutés aux 99,9 p. 100 d'éléments déjà con- sidérés, permettraient d'atteindre le total de 100 p. 100 d'une analyse parfaite. De quels corps est formée cette minime fraction qu'il nous faut maintenant examiner? Tout d'abord, comme on l'a très souvent vériié, de silicium, de chlore, de sodium, de manganèse et d'alumi- nium. C'est vous dire qu'il n'y a dans les plantes que très peu de chacun de ces corps simples, souvent moins de 1/10.000 et même de 1/100.000. Les végétaux qui croissent au bord de la mer et à plus forte raison, dans celle-ci, comme les Fucus et d’autres Algues, renferment beaucoup plus de chlore et de sodium que les autres ; les Graminées, les Cypéracées, les Equisétacées sont relativement riches en silicium ; on peut aussi trouver des espèces contenant plus que des traces de manganèse ou d'aluminium. Mais ce sont là des excep- tions qui n'empêchent pas de considérer comme très général le fait que les plantes contiennent seulement des proportions très petites de chacun des cinq nouveaux éléments dont je viens de vous donner les noms. Le silicium, le chlore, le sodium, le manganèse et l'aluminium sont en si petites proportions qu'il a été très difficile jusqu'ici de se former une opinion quant à leur valeur nutritive. La plupart des phytophysiologistes doutent de leur rôle, certains le nient d'une manière formelle. Ils supposent, pour expliquer la présence de ces éléments chez les plantes, que les racines sont capables d'absorber indifféremment toutes les substances solubles contenues dans les milieux où elles se développent. Arrivée déjà au nombre de 15, la liste des métalloïdes et des métaux rencontrés chez les plantes est-elle complète? Loin de là, elle ne représente que la moitié environ de tous les corps simples que les méthodes d'analyse, chaque jour plus perfectionnées, ont fini par porter à notre connaissance : l’iode et le brome, reconnus d’abord dans les plantes marines, mais dont il y a aussi, d'après Chatin et surtout Bourcet, des traces dans toutes les autres; le fluor, que Salm Horstmar à signalé dans l'orge et dans le pois; l'arsenic, trouvé récemment dans quelques Algues marines par Tassilly et Leroide ; le bore, reconnu notamment dans le vin où on le eroyait alors d’ori gine frauduleuse. Et parmi les métaux, le rubidium et le cæsium, signalés par Grandeau dans la Betterave ; le lithium, découvert par Bunzen et Kirchoff dans plusieurs végétaux des environs de Heïdel- berg:; le s/rontium, rencontré par Forchammer dans le Fucus vesicu- nt de à ROLE DES INFINIMENT PETITS CHIMIQUES EN AGRICULTURE 855 losus; le baryum, mis en évidence par Scheele dans les cendres de divers arbres et arbrisseaux, aussitôt après sa découverte dans la magnésie noire ; le zinc, que l’on a d'abord trouvé dans les plantes des terrains calaminaires ; le cuivre, fréquemment reconnu par Vau- quelin, Sarzeau, Guérithault et d’autres encore; le cobalt, trouvé dans la Zostère marine, et même l'argent, dans le Fucus, d’après Malaguti, Durocher et Sarzeau: enfin, le vanadium et le cérium, signalés, il y a peu d'années, par Demarçay. C'est-à-dire qu'aux 15 éléments déjà énumérés, il faut en ajouter encore 18, ce qui nous donne une liste de 31 éléments sur les quatre-vingts et quelques actuellement connus. Ce résultat général de l'analyse chimique des végétaux est vrai- ment digne de fixer l'attention. S'il est exact, en effet, que tous ou presque tous les éléments découverts dans les plantes entrent dans la constitution de leurs tissus ou interviennent dans leurs échanges nutritifs, il faut admettre que les végétaux possèdent une composi- tion beaucoup plus complexe qu'on pouvait d’abord l'imaginer. Or, plus cette composition est complexe, plus augmente l'épaisseur du voile qui nous cache l’origine du mende végétal, plus deviennent nombreuses les difficultés qui entourent la solution d'une foule de problèmes relatifs à la physiologie des plantes. Mais procédons systématiquement et n’anticipons pas trop vite sur les faits. Voyons, avant d'aller plus loin, si des éléments comme l'aluminium, le manganèse, le zinc, le bore, le silicium, etc., dont la proportion est si petite qu’elle a passé longtemps inaperçue, peu- vent être des éléments physiologiques, c'est-à-dire nécessaires à la croissance de la plante, et non pas, comme on l’a soutenu, des corps étrangers, introduits par un simple phénomène d'osmose à travers les racines. | Pour cela, prenons comme exemple le cas du manganèse, le mieux étudié et le plus démonstratif. Le manganèse paraît exister chez tous les végétaux. Observé déjà par Scheele dans les cendres du cumin sauvage et dans celles du bois, il a été reconnu ou dosé depuis dans une foule de graines, de racines, de feuilles ou de plantes entières. Sa proportion varie beaucoup suivant les espèces et suivant les organes; elle est, en tous cas, fort petite, souvent inférieure au 1/100.009 et même au 1/1.000.000. C’est donc bien un élément qui, s'il est nécessaire au fonctionnement physiologique de la plante, peut être considéré comme le type de ceux dont nous recherchons la valeur. Très frappé par la présence du manganèse dans les plantes, Sachs avait essayé, vers 1860, à l'aide de la méthode de culture en solutions salines, si ce métal était de quelque utilité pour les plantes supé- 856 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR rieures; il n’avait pu l'établir. Plus tard, en 1870, Raulin avait examiné la même question à propos d’une moisissure aujourd’hui bien connue des physiologistes, l’Aspergillus niger; il n'avait pas été plus heureux. Ces insuccès, obtenus par deux expérimentateurs très habiles, ne suffisent pas à faire rejeter d'une manière définitive la valeur fonc- tionnelle du manganèse. Presque tous les sels, même les plus purs fournis par le commerce, renferment des traces de manganèse. Il en résulte que Sachs et Raulin introduisaient, sans le savoir, du manganèse dans tous leurs milieux de culture. D'autre part, comme toutes les plantes, si elles utilisent ce métal, ne le font qu'à l’état de traces, il est possible qu'elles en aient trouvé assez dans les milieux témoins, préparés par Sachs et par Raulin, pour qu'une addition volontaire soit alors restée sans effet appré- ciable. Ainsi, la méthode des cultures s'est montrée tout aussi impuis- sante que la méthode chimique à nous faire savoir si le manganèse est de quelque utilité pour la plante. Heureusement, une série de recherches, n'ayant d'ailleurs à l’origine, aucun rapport avec la question qui nous occupe, est venue apporter à celle-ci un argument décisif. Tout le monde connaît les admirables bibelots de laque dus à la patience et au talent des artistes japonais. Ces bibelots, comme le magnifique vernis utilisé presque partout en Extrême-Orient pour recouvrir de petits meubles et de menus objets, sont préparés avec une sorte de lait d'origine végétale. Ce lait, ou latex, s'écoule lorsqu'on pratique des incisions à travers l'écorce de différentes espèces d'arbres appartenant au genre Æhus : R. vernicifera L. et R. succedanea L. Il est d’un blanc un peu jaunâtre et possède la pro- priété curieuse de se colorer au contact de l'air en brun, puis en noir d'ébène; en même temps, il se transforme en une substance très résistante aux réactifs et susceptible d'un beau poli. Ce phénomène est dû à l'oxydation du latex sous l'influence d'un principe spécial, assez facile à extraire, que j'ai étudié sous le nom de laccase. Or, la laccase n'est pas seulement présente dane le latex des arbres à laque, elle est pour ainsi dire universellement répandue chez les végétaux, où elle joue le rôle capital d'intermédiaire entre l'oxygène contenu dans l'atmosphère, et diverses substances orga- niques, renfermées dans les cellules. de vais vous montrer, par quelques expériences, d’abord le pouvoir ROLE DES INFINIMENT PETITS CHIMIQUES EN AGRICULTURE 857 oxydant de la laccase, puis l'existence de ce réactif biologique dans les plantes. Chacun des petits appareils que voici est essentiellement constitué par deux tubes de verre soudés l’un à l’autre. Dans le plus petit (A) on met quelques gouttes de solution de laccase, dans le grand (B) un certain volume de solution ou d’émulsion du corps à oxyder. L'appareil étant garni, on y fait le vide avec une trompe à mercure, de facon à n'y laisser aucune trace d'air, puis on le ferme à la lampe. Vient-on maintenant à retourner l'appareil, le contenu de chacun des tubes s'écoule et se mélange à l’autre; mais, comme il n'y a pas d’air il ne se produit aucune transformation chimi- que. Dès, au contraire, qu'on laisse pénétrer l'air en brisant la pointe de l'appareil, la réaction commence et le corps oxydable se colore peu à peu. Si l'on a pris le laccol, retiré du latex de l'arbre à laque où il accompagne la laccase, il v a coloration brune, puis noire. Avec le tanin des pommes, des marrons d'Inde, etc., la coloration est rouge-brun. La résine de gayac devient d’un beau bleu, et ainsi de suite, selon la nature de la matière organique oxydable. On peut, en se servant d'une solution alcoolique récente de résine de gayac, démontrer très facilement l'existence de la laccase dans les tissus végétaux, à condition que ceux-ci ne soient pas trop colorés. Je verse quelques gouttes de solution de gayac sur la section d’une ponune de terre, d’un champignon de couche, d’une pomme : vous allez voir apparaître lentement, aux endroits où il y a de la laccase, une coloration bleue caractéristique. Lorsque le tissu végétal est coloré, comme celui des feuilles, on 5 D) 858 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR ne peut évidemment employer le procédé simple que je viens de vous montrer pour établir la présence de la laccase. Il faut recourir à la méthode générale, c'est-à-dire à l'extraction du principe oxydant que l’on essaye ensuite dans le tube à deux branches. Voici maintenant comment la connaissance de la laccase et de son importance physiologique se rattache au sujet de notre conférence. En poursuivant l'étude du principe oxydant de l'arbre à laque, j'ai trouvé que ce principe était dû à la combinaison d’une matière organique particulière, jouant le rôle d'un acide très faible, avec une petite quantité de manganèse. La quantité de métal contenue dans une préparation de laccase retirée de l’arbre à laque du Tonkin (Rhus succedanea L.) était de 0,12 p. 100. Cette petite quantité de manganèse est indispensable au fonction- nement chimique de la laccase. Si on la lui enlève, elle perd la propriété d'agir comme fixatrice d'oxygène. Il faut d’ailleurs remarquer que tous les sels manganeux jouissent, à un degré plus ou moins grand, du caractère essentiel de la laccase. Le tableau n° 1 montre que, pour différents sels, la puissance oxydante augmente en sens inverse de la force de l’acide auquel le métal est combiné; plus l'acide est faible, plus l'oxydation est rapide. Ainsi comprend-on que la laccase soit parmi les combinai- sons les plus actives. TABLEAU N° 1. Pouvoir oxydant de divers sels manganeux vis-à-vis de l’'hydroquinone. (Gabriel BERTRAND). En agitant pendant vingt heures, à la température de + 14-15 degrés. dans un ballon de 250 cent. cubes de capacité, une solution de : HVALOQUINONC 2 NAN 1 gramme Bautdistllée AMC ET A M0DECcenticubes Manganèse (sous forme de sel). . . 0 gr. 100 les volumes suivants d'oxygène ont été absorbés : Avecilazotate te in 1,4 cent. cubes. —Lletsulfaten. MEME G — — (le chlorure te RC RETENTS — — le formiate EAN A — — le benzoate. . . . . . 15,3 = =" L'aCétate ee 151 —_ —MletsalicyiAte MEME 3 — le lactate ere. 17,6 — — le gluconate. . . . . 21,6 — — le BUCCMALE 0.122 1 — ROLE DES INFINIMENT PETITS CHIMIQUES EN AGRICULTURE 859 Il est facile d'imaginer par quelle série de réactions une quantité indéfinie d’exygène est fixée sous l'influence de la laccase ou d’un sel quelconque de manganèse. La combinaison manganeuse, que nous pouvons représenter sché- matiquement par la formule : RMn, est d’abord hydrolysée, du moins en partie, par l’eau dans laquelle elle est dissoute. IL en résulte un mélange d'acide libre et de protoxyde de manganèse : (1) RMn + H°?0 = RH? + MnO. Le protoxyde de manganèse est une combinaison très oxydable. Au contact de l'air, il se transforme en bioxyde. Cette propriété est même la base du procédé Weldon pour la régénération industrielle du bioxyde servant à préparer le chlore. Pendant cette oxydation : (2) MnO + O0? — MnO:° +0. la molécule d'oxygène 0° est fatalement scindée en deux atomes, atomes non salurés et, par conséquent, plus actifs; l’un d'eux se porte sur la molécule de protoxyde de manganèse, tandis que l’autre peut -se fixer, soit sur une seconde molécule de MnO, soit sur un autre -corps oxydable, comme celui du latex de l'arbre à laque, ou bien ‘encore la résine de gayac, l'hydroquinone, etc., qui seuls résiste- raient au contact de l'oxygène moléculaire. Cette phase réactionnelle étant accomplie, on se trouve en présence d'acide libre, de bioxyde de manganèse et de lexcès de corps oxydable. Grâce à ce dernier, dont la chaleur d'oxydation s'ajoute à celle de ‘formation du sel manganeux, il v a réaction entre l'acide et le bioxyde : (3) RIE + MnO° = RMn + H°0 + O. L’atome d'oxygène libéré se fixe sur une nouvelle molécule du corps oxydable et la combinaison mangancuse primitive est régénérée. Elle peutentrer à nouveau dans le cyele des réactions que je viens de décrire et, cela, un nombre de fois qui, théoriquement, est indéfini. I suit de là qu'un poids déterminé, même très petit, de composé manganeux peut oxyder, aux dépens de l'oxygène atmosphérique, un poids illimité de corps oxydable. L'exactitude de cette interpré- tation a d’ailleurs été démontrée par l'expérience. Ainsi, d’une part, les végétaux qui ne peuvent se passer d'oxygène pour accomplir certaines transformations chimiques, utilisent la laccase comme intermédiaire dans ces transformations ; d'autre part, la laccase est une combinaison de manganèse. Les végétaux ont donc besoin de manganèse. 860 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR En outre, comme une quantité même très petite du métal suffit à fixer des quantités pour ainsi dire indéfinies d'oxygène, on peut admettre que les végétaux n'ont besoin pour leur fonctionnement normal que d’une proportion très jetite de manganèse. Il est possible de démontrer, d'une manière directe, l'exactitude de cette conclusion. En se servant de sels purifiés par des méthodes spéciales, d'eau très pure et en Gpérant dans des vases en quartz fondu, on prépare une solution nutritive pour ainsi dire rigoureusement exempte de manganèse. Si l’on introduit alors dans cette solution des semences de la petit plante dont je vous ai parlé tout à l'heure, de l’'Aspergillus niger, il y a germination et développement, mais on n'obtient qu'une très mince récolte. Par exemple, si on opère avec un quart de litre, environ 2 gr. 80. Mais si on recommence la culture en ajoutant à la solution nutritive 0 gr. 000.0025 de manganèse, la plante croît d’une manière si vigoureuse qu'elle atteint aisément le poids de 11 gr. 75. Une quantité 10 fois et même 100 fois plus petite de manganèse donne encore une augmentation de récolte très appréciable en suivant cette technique perfectionnée. Voilà donc établie, par des voies différentes, l'utilité pour le végétal d’un de ces éléments dont la proportion est si petite qu'ils pouvaient nous sembler tout d’abord accidentels et sans aucune valeur physiologique. L'état de nos connaissances n'est pas aussi avancé en ce qui concerne les métalloïdes et les métaux qui, toujours en très petites proportions, accompagnent le manganèse. Nous n'avons guère de notions un peu étendues et bien solides que pour le zinc et le bore. Comme vous le savez, Raulin avait découvert, en poursuivant des recherches devenues classiques, qu’une minime proportion de zinc, environ 1/100.000 du milieu de culture, était nécessaire pour obtenir de belles récoltes d'Aspergillus. On avait, dans la suite, expliqué ce résultat en admettant que le sel de zinc agissait d'une facon indirecte, en détruisant les microbes qui auraient pu envahir Je milieu et nuire au développement de la plante. Un de mes collaborateurs, Javillier, a donné la preuve que cette interprétation est erronée, que le zinc fait partie de la composition de l'Aspergillus et agit sur sa croissance, à la facon du manganèse. ILa montré, de plus, que le zinc se rencontre parmi les éléments habituels des végétaux et il a pu le doser dans un grand nombre d'espèces très différentes. ROLE DES INFINIMENT PETITS CHIMIQUES EN AGRICULTURE 861 Un autre de mes collaborateurs, Agulhon, s’est livré à une enquête analogue au sujet du bore. Il à réussi à reconnaître et même à doser ce mélalloïde dans toutes les plantes qu'il a examinées. D’autres recherches sont en cours; elles permettront de distinguer peu à peu les éléments dont l'existence est normale, de connaître ensuite la part prise par chacun d’eux dans les phénomènes nutritifs de la plante. Il faudra, cela est certain, beaucoup de travail et de temps pour remplir ce programme, mais, déjà, nous pouvons considérer comme résolue la question fondamentale qui est le nœud même de cette Conférence, à savoir que des métalloides et des métaux, présents dans le corps de la plante en proportions infimes, peuvent cependant être des éléments physiologiques, aussi nécessaires au métabolisme général que le carbone et l'azote. Ces métalloïdes et ces métaux, trop peu abondauts pour entrer dans la composition des appareils de soutien ou des substances de réserve, ne peuvent avoir, comme le manganèse, qu'un rôle d’inter- médiaire, de catalyseur, dans les réactions chimiques. I faut qu'ils entrent dans les cycles de transformations mis en jeu par la culture pour l’organisation des éléments plastiques, et en sortent alternati- vement. Leur rôle est, jusqu'à un certain point, comparable à celui des ferments et on peut les appeler, autant pour faire image que par commodité, des infiniment petits chimiques. Il reste à envisager les conséquences qui se dégagent de l'impor- tante conclusion à laquelle nous venons d'arriver. Limité par le temps, guidé par la nature de notre Congrès, je m'attacherai seule- ment ici à l'une d'elles : c'est l'application à l'Agriculture du manga- nèse, du bore et d’autres infiniment petits chimiques. J'ai déjà parlé de cette application au VI° Congrès international de Chimie, tenu à Berlin en 1903. À cette époque, la question était tout à fait dans l'enfance ; depuis, elle a grandi quelque peu, des expériences nombreuses ont été faites, en différents pays, par beaucoup de savants et d'agronomes. La comparaison des résultats obtenus est intéres- sante, et l’on peut sérieusement prétendre qu'en bien des cas l'adjonction du manganèse, du bore et d’autres engrais, dits cata- lyliques, aux engrais ordinaires est d’une grande importance économique. On n’a pas manqué, au début, d'objecter contre l'emploi agricole du manganèse que la terre renfermait habituellement des quantités si grandes du métal qu'une faible addition devait rester sans effet. À cette objection, je puis répondre tout d’abord que la quantité totale de manganèse trouvée dans le sol ne doit pas entrer seule en 862 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR ligne de compte. Une grande partie, sinon la totalité, du métal peut exister sous des formes : silicates, sesquioxyde, etc., difficilement solubles et, par conséquent, peu assimilables. L'adjonction d'un faible poids de sulfate ou même de carbonate de manganèse suffit alors à augmenter, dans une proporlion relativement considérable, le stock de métal soluble nécessaire au développement de la plante. Ensuite, comme le montre l'expérience du tableau n° 2, la plante n'utilise pas la totalité du manganèse disponible. Elle en absorbe seulement une certaine proportion et cette pro- portion est d'autant moins grande que le stock est plus élevé. Il est donc bon de lui en offrir, jusqu'à une certaine limite pratique, beaucoup plus qu'elle n’en peut prendre. TABLEAU N° 2. Influence du manganèse sur la culture de l'Aspergillus niger. (Gabriel BerrRaAnd el JAviLLIER. Cullures en matras, de 2 litres. Volume du liquide nutrilif : 250 cent. cubes. Température : + 32 degrés. Durée : 4 jours. QUANTITÉS DILCTIONS POIDS QUANTITFS de manganèse du secs de manganèse introduites. manganèse. des récoltes. fixées. 0 (témoin) — MOTS 0 mgr. 001 0 mgr. 5 1/500.000 l gr. 490 0 mgr. 030 À mgr. » 1/250.000 1 gr. 635 0 mer. 036 2 mgr. 5 1/100.000 À gr. 100 0 mer. 056 10 mgr. » 1/25.000 PE ED 0 mgr. 106 25 mgr. » 1/10.000 2 gr. 380 0 mgr. 190 109 mgr. » 1/2.500 2 gr. 100 0 mgr. 100 500 mgr. » 1/500 2 gr. 765 4 mgr. 000 1250 mgr. » 1/200 3 gr. 510 10 mgr. 000 2500 mgr. » 1/100 3 or. 390 22 mgr. 000 L'expérience agricole est pleinement d'accord avec cette manière de voir. Il ne m'est pas possible, comme vous le comprenez, de vous donner un compte rendu détaillé des expériences extrêmement nombreuses que j'ai faites ou qui sont parvenues à ma connaissance depuis plus d'une dizaine d'années. La suivante, consignée dans le tableau n° 3, est parmi les plus typiques. Elle a été répétée à plusieurs reprises avec le même succès et elle vous donnera une très bonne idée de ce que l’on peut obtenir en opérant dans des- conditions précises. ROLE DES INFINIMENT PETITS CHIMIQUES EN AGRICULTURE 86» TABLEAU N° 3. Influence du manganèse sur la culture de l’avoine. (Gabriel BEerrraAnD et THOMAssiN). Surface de chaque parcelle : 2.000 mètres carrés. Nature du sol: argileux, très faiblement calcaire. Contient 0.024 p. 100 de manganèse soluble dans l'acide acétique bouillant au centième et 0.033 p. 100 de manganèse soluble seulement dans l'acide chlorhydrique concentré chaud. Engrais ajoutés par hectare : 1° à chaque parcelle, 200 kilogrammes de super- phosphate minéral à 15 p. 100 environ de P°05 et 75 kilogrammes de sulfate d'ammoniaque à 20.5 p. 100 d'azote ; 2 à la parcelle en expérience, 50 kilo- grammes de sulfate de manganèse à 31.58 p. 100 de Mn. SANS MANGANÈSE AVEC MANGANÈSE Poids total de la récolte. . . . . . 1.290 kil. 1.580 kil. A UNDeC Are me TE Tie. UGC AS0 — 1.900 — Poids après battage : Poids duierain ee TETE 518 kil. 608 kil. — _ holhectare me 2 590— 3.040 — — de la paille et des balles. . . 168 — 968 — — — à l'heclare. 3.840 — 4,840 — Analyse du grain : Poids deilthectoliiree Re 7 0 44 kil. 46 kil. Baua E0idesrés ti... Cu. 11,48 p. 100 16,85 p. 100 Cendres ir nn: ARR SN ET 2:82), = 2,88 — MANDAT ET EN EMEA 0004" p:. 100 0,004 p. 100 ADO NOAR AC NET | 1:61-p. 100 1,58 p. 100 Différence en faveur du manganèse : Pour l’ensemble de la récolte. . . . . . 22,5 p. 100 SNRPIDOUMIENErRAIREN ee. ne) AT — — la paille. . 26,0 — En comparant les chiffres placés sous vos yeux, vous voyez qu'une addition de sulfate de manganèse correspondant à 15 kilogrammes environ de métal par hectare à fourni une augmentation de 450 kilo- grammes de grains et de 4.000 kilogrammes de paille, sans compter un poids notable de racines qui est resté dans le sol et s’y est trans- formé plus tard en humus. Ce résultat n’est pas le moins bon, mais il n'est pas non plus le meilleur. À côté d’autres très faibles ou même nuls, on a signalé des augmentations de récolte s'élevant jusqu'à 40 p. 100. De telles varia- tions dépendent, comme dans le cas des engrais ordinaires, des espèces végétales cultivées et surtout de la nature du sol. Je ne puis entrer ici dans le détail, mais, en résumant, je vous dirai que l'on à 864 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR obtenu des résultats favorables dans les deux tiers environ des expé- riences entreprises avec différents sols et différentes plantes. On n’a pas seulement appliqué le manganèse comme engrais catalytique. Dans mon laboratoire, Javillier, Agulhon, dont je vous ai déjà cité les recherches, ont étudié au même point de vue le zinc et le bore. En Bohême, Stoklasa a essayé l'aluminium ; au Japon, Loew etses élèves : Aso, Nagaoka, Sawa, Katayama, en France, Boullanger, ont même fait des expériences avec le fluor, le baryum, le cérium, etc. De la série de ces expériences, il semble résulter que le bore et, peut-être, l'aluminium puissent se ranger pratiquement à côté du manganèse. Voici, tirée parmi beaucoup d’autres, une expérience d'Agulhon avec le bore et le maïs (tableau n° 4). 14 TABLEAU N° 4. Influence du bore sur la culture du maïs. (AGULHON.) Surface de chaque parcelle : 2m?5, Nature du sol : terre de jardin en jachère depuis plusieurs années. Nombre des pieds par parcelle : 24. Engrais ajoutés : à la parcelle n° 1, rien ; à la parcelle n° 2, 28 kilogrammes d'acide borique, soit 5 kilogrammes de bore par hectare; à la parcelle n° 3, 36 kilogrammes d'acide borique, soit 10 kilogrammes de bore par hectare. Récolte en fourrage après sept semaines : PARCELLE N° 1 PARCELLE N° 2 PARCELLE N° 3 Poids frais. 3 kil. 835 gr. 6 kil. 985 gr. 6 kil. 190 gr. Augmentations de poids frais. . Re » 56 p. 400 61 p. 100 Poids MSeCS Re : 445 » 610 » 620 » Augmentations de poids SCENIC RICE » 50 p. 100 39 p. 100 Composition : Hau:n.2 AE INERIENRRE 88,2 p. 100 88,9 p. 100 90,0 p. 100 Matières sèches. . . . . . 11,8 — LS RE 10,0 — Cendres p. 100 de matières sèches. 70e LENS 13,6 — 10m NET == Bore p. 100 de cendres. . 0,0241 0,0241 0,0274 — — de matières sèches: SAP RE: 0,0033 0,0032 0,0042 ainsi qu'une des expériences de Stoklasa avec l'aluminium et la bet- terave (tableau n° 5). ROLE DES INFINIMENT PETITS CHIMIQUES EN AGRICULTURE 865 TABLEAU N° 5. Influence de l'aluminium sur la culture de la betterave. (STOKLASA.) Surface de chaque parcelle : 5.000 mètres carrés. Engrais ajoutées par hectare : 1° à chaque parcelle, 50 kilagrammes de P?0>, à l’état de superphosphate : 60 kilogrammes d'azote, à l’état de nitrate de sodium ; 80 kilogrammes de K°?0O, à l'état de chlorure de potassium ; 2° en outre, aux parcelles en expériences, 9 kilogrammes d'aluminium, à l’état de sulfate. Poids d'aluminium introduit à l'hectare. » 9 kil. Poids des racines à l'hectare. . . . . . 35.800 kil. 36.100 — Anementation anlihectare "mu » 300 — Poids des feuilles à l'hectare. . MIT OUR 27.500 — SUCER DDR TeRTACINES RE UE SD 00 5 AD AIO Sucre total à l'hectare. . . . . 4e 6.193 kil. 6.317 kil. Augmentation de sucre à MHeciare, LA » 194 — Augmentation de sucre p. 100 de témoin. » 2,0 p. 100 Poids d'aluminium introduit à l'hectare. » 9 kil. Poids des racines à l'hectare. . . . . . 36.200 kil. 38.000 — Augmentation des racines à l'hectare. . » 1.800 — Poids des feuilles à l'hectare. . . . . . 18.400 — 20.800 — SUCrep 0e rAEINeS 6 SD MUOMIG TE DOC Sucre total à l’hectare. . . . NE RCE UE 6.346 kil. Augmentation de sucre à écrase) DRE » 313 — Augmentation de suere p. 100 de témoin. » 6,2 p. 100 Il ne faut pas oublier, lorsqu'on expérimente avec les engrais catalytiques, d'opérer avec un peu de prudence, car ils ont une grande activité physiologique. Si on en ajoute trop, non seulement on fait une dépense inutile, mais on peut obtenir, comme cela s'est vu plusieurs fois, de mauvais résultats. Un tel effet, déjà très sensible avec le bore, peut même devenir rapidement dangereux avec le zinc. Il varie d’ailleurs beaucoup avec les espèces végétales et l'on peut voir, dans un même sol, le maïs résister beaucoup mieux que l'avoine à l'élévation de dose de l'acide borique. La connaissance du rôle des infiniment petits chimiques, même envisagée au seul point de vue agricole, touche à plusieurs problèmes. Elle touche tout d'abord, comme vous le comprenez, à celui des causes de la fertilité des sols. Pour apprécier la valeur de ceux-ci, il ne suffira plus, comme on le faisait jusqu'à présent, de tenir compte de leur richesse en azote, en phosphore et en potassium ; il va falloir se préoccuper aussi des autres métalloïdes et des autres métaux qu'ils 866 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR renferment et nous allons être conduits à l'adoption de méthodes d'analyse dont nous n'avons pas encore l'habitude. La connaissance du rôle des infiniment petits chimiques nous apporte un nouvel argument explicatif de la nécessité des rotations culturales. Lorsque certaines plantes sont maintenues sans discon- tinuité sur le même sol, il arrive souvent que le poids des récoltes diminue très vite avec les années pour devenir parfois presque nul, el, cela, malgré des additions régulières de fumier et d'engrais chimiques destinés à compenser les pertes d’humus, d’azote, de potassium et de phosphore. Au contraire, si on établit des rotations, c'est-à-dire si on fait alterner la culture de ces plantes avec celle d'espèces végétales très différentes, par exemple la betterave avec l’avoine et la luzerne, on obtient: chaque fois des récoltes nor- males. La tendance est très forte aujourd’hui d'expliquer ce phénomène par un empoisonnement du sol par les racines. Selon cette expli- cation, chaque espèce produirait une substance toxique particulière, comparable à l'urine et aux gaz de la respiration humaine, dans laquelle elle ne pourrait plus continuer à vivre. Cette substance, non toxique pour une autre espèce, disparaitrait, par oxydation ou autrement, dans l'intervalle de la rotation. N'est-il pas au moins aussi probable qu'une plante peut cesser de croître dans un sol lorsqu'elle a abaissé au-dessous d’une certaine proportion la partie assimilable d’un élément catalytique dont elle a un besoin particulier ? En admettant celte explication, il resterait encore assez de l'élément considéré sous la forme assimilable pour une autre espèce moins exigeante et la provision primitive pourrait alors se renouveler pendant la rotation, grâce aux influences atmo- sphériques et aux actions microbiennes. L'examen comparé de ces théories n’a pas seulement un intérêt spéculatif ; il a aussi une conséquence pratique. En effet, si la seconde théorie est la bonne, il devra suffire de déterminer la nature et la proportion de l'élément ou des éléments catalytiques spéciaux à chaque culture, puis d’en ajouter au sol une quantité convenable pour rendre à celui-ci toute sa fertilité et se délivrer, si on y trouve profit, de la nécessité des rotations culturales. Il est intéressant de remarquer que, lorsqu'on ajoute une substance fertilisante au sol, on n’agit pas uniquement sur la plante dont on veut augmenter la récolte. On modifie encore, dans un sens ou dans l’autre, la nutrition des bactéries, des champignons et de tous les ètres microscopiques qui vivent dans le sol. Il n’est pas impossible qu’en ajoutant du manganèse, par exemple, on favorise sélectivement certains microbes oxydants capables de former des nitrates ou de ROLE DES INFINIMENT PETITS CHIMIQUES EN AGRICULTURE 867 détruire les produits toxiques, comme ceux dont je vous parlais tout à l'heure. Il faut sans doute rechercher dans la richesse relative des sols en certains éléments catalyliques les causes parfois si obscures de l'adaptation des espèces végétales, les raisons de la facilité plus ou moins grande que possèdent les sols de nourrir telle plante et non pas telle autre. Enfin, la notion des infiniment petits chimiques peut être intro- duite jusque dans l'étude de la Pathologie végétale. L’Aspergillus niger et les moisissures en général utilisent des doses de zinc beaucoup plus élevées que les plantes supérieures. Or, il a paru, dans les recherches de Javillier, que le froment, cultivé dans des milieux additionnés de zinc, élait plus facilement atteint par l'£rysiphe graminis que la même plante venue dans le milieu témoin, où il ne pouvait y avoir que des traces du métal. Ainsi, qu'il s'agisse de parasitisme ou d'occupation du sol, le conflit des espèces reste sous la dépendance de la composition chimique du milieu. Et notre esprit entrevoit comment des variations dans le rapport de certains éléments, dont la présence exige les méthodes les plus délicates de la physique et de la chimie pour être démontrée, peuvent entrainer, selon les cas, la prospérité ou la maladie et la mort. L'Agriculture est certainement la branche de l'activité humaine qui augmente le plus le capital d'énergie mondiale. En s’efforcant d'obtenir des récoltes abondantes de céréales, de textiles, de sucre, de fourrages, etc., elle favorise la captation d’une énergie étrangère au globe terrestre et qui ne coûte rien, l'énergie solaire, origine de toutes les formes d'énergie utilisées par l’homme. Perfectionner l'Agriculture, forcer le sol au maximum de ren- dement, c'est donc abaisser le prix des aliments, augmenter les forces humaines, faciliter l'asservissement de la matière et la libération de l'intelligence. Dans un pays où celte grande question à été si bien comprise, il m'était particulièrement agréable d'évoquer, à l'occasion du Congrès qui vient de s'ouvrir, une application de la Chimie biologique à l'Agriculture. Je serais heureux si la notion des infiniment petits chimiques chez les plantes, que je viens de vous présenter, pouvait aider l'Agriculture à réaliser de nouveaux progrès. LA VIRULENCE DES BACILLES TUBERCULEUX ET LES TUBERCULOSES DITES ATTÉNUÉES par Er. BURNET (Laboratoire de M. Metchnikoff.) Les recherches récentes sur l’épidémiologie de la tubercu- lose, chez les peuples les plus divers et dans les conditions les plus variées, ont abouti à cette notion quil n'existe pas d'im- munité naturelle à la tuberculose et que les exemples de résis- tance si souvent observés sont des faits d’immunité acquise. Le contraste entre l’extrème sensibilité des peuples primitifs, qui offrent au microbe un terrain vierge, et la mortalité relativement faible des peuples européens, profondément imprégnés par le virus, a imposé l’idée que l'immunité soi- disant naturelle d'un certain nombre de civilisés repose sur une vaccination inconsciente, et que si l'homme peut con- tracter pendant l'enfance le germe d'une tuberculose fatale, il peut aussi surmonter une infection bénigne qui le laisse vac- ciné (1). Il faut done qu'il existe des microbes capables de jouer le rôle de vaccins, et il est tout indiqué de les chercher dans la nature, avant d'essayer de les fabriquer ou de les perfectionner dans le laboratoire. Logiquement, les premières investiga- lions doivent porter sur les tuberculoses que l’on considère comme bénignes, que l’on appelle couramment des /uber- culoses atténuées, et que l’on réunit souvent sous le nom (1) J'adresse mes remerciements aux chefs de services des hôpitaux, qui ont pris intérêt à ces recherches, et ont bien voulu mettre à ma disposition le matériel nécessaire : à l'hôpital des Enfants-Malades, M. le professeur Hutinel, M. le Prof. agrégé Nobécourt et M. Tixier; M. le professeur Kirmisson et M. Bailleul ; MM. le professeur agrégé Broca et le Dr Trèves; M. le profes- seur agrégé Terrien et M. Hillion ; à l'hôpital Saint-Louis, MM. le Dr Thibierge etle D'Ravaut; MM. le Dr Darier et le D' Civatte; à l'hôpital maritime de 3erck-sur-Mer, M. le D' Ménard, ses assistants MM. Andrieu et Calvé et le Dr Denet. LA VIRULENCE DES BACILLES TUBERCULEUX 869 encore vague de scrofuloses. Telle était la conclusion de l'étude sur l’épidémiologie de la tuberculose dans les steppes des Kalmouks, publiée l'an dernier par Metchnikoff, Burnet et Tarassévitch : « Il doit ètre très utile d'étudier le virus ou, probablement, les virus scrofuleux, parmi lesquels on trouve- rait peut-être le vaccin que l’on cherche avec tant de zèle depuis la grande découverte de Koch (1). » Scrofulose est-il un terme synonyme de tuberculose atté- nuée? ou doit-il désigner, en plus, d’autres états infectieux non tuberculeux? Il y a là à la fois une question de mots et une question de choses. À mesure que l’on a mieux connu la tuber- culose et les moyens d'isoler et de cultiver le bacille tubereu- leux, la plupart des maladies que l’ancienne médecine appelait scrofuleuses ont pris leur place dans le cadre de la tuberculose ; il en sera sans doute de même des affections scrofuleuses dont la nature est encore contestée, — par exemple, la conjonctivite phlyeténulaire des enfants, — ou bien on en déterminera la cause propre. Le terrain scrofuleux est-il autre chose qu'un organisme touché d'une certaine manière par la tuberculose? c'est une question que nous ne sommes pas encore en état de trancher. En attendant, on ne soulève aucun problème et l’on se fait parfaitement comprendre en appelant scrofuloses des tuberculoses lentes, torpides, d’allure bénigne, auxquelles les médecins attribuent depuis longtemps le pouvoir de créer une certaine protection contre la phtisie tuberculeuse. Bazin considérait la tuberculose pulmonaire comme rela- tivement bénigne chez les scrofuleux. Lasègue a exprimé la même opinion. Cordier, médecin lyonnais, disait que la tuber- culose, comme la syphilis, n'est pas réinoculable au porteur, et Cornil, que les inoculalions de lupus serviraient peut-être un jour de vaccination contre la tuberculose. On se rappelle les conclusions cliniques du mémoire bien connu de Marfan (2) les lupiques et écrouelleux complètement guéris ne font jamais de tuberculose pulmonaire; les lupiques et écrouelleux non guéris en font rarement: les phtisiques qui n'ont jamais eu de lupus ni d’écrouelles sont beaucoup plus nombreux que ceux qui en ont; enfin, les phtisiques porteurs de cicatrices (1) Annales de l'Institu! Pasteur, L. XXV, novembre 1911. (2) Archives gén.de Médecine, 1.1, p. 423, 1886. 870 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR de lupus ou d'écrouelles parfaitement guéries sont une rareté. La première question qui se pose est de savoir si les bacilles isolés de tuberculoses bénignes sont des bacilles bénins; si aux tuberculoses atténuées des cliniciens correspondent, pour le bactériologiste, des bacilles atténués. On se demandera ensuite s'il est possible de trouver parmi ces bacilles, sinon d'emblée un vaccin tuberculeux, du moins des bacilles dont les propriétés rendent certaine l’idée de l'existence de vaccins naturels et de vaccination spontanée. Les bacilles atténués seraient comme la matière première des vaccins que l’on préparerait au laboratoire. C'est la question de la virulence des bacilles tuberculeux. Il ne peut y avoir de vaccination spontanée que s'il existe dans la nature des bacilles tuberculeux de virulence inégale et si la qualité du virus joue un rôle important dans l'infection. Or, il est remarquable que tout en parlant couramment de tubercu- loses atténuées l’on ait si peu étudié les bacilles tuberculeux au point de vue de leur qualité, et que lon ait presque toujours expliqué l'allure des infections et des réinfections par la quan- tité des microbes qui pénètrent dans l'organisme. J'ai étudié au point de vue de la qualité, c’est-à-dire de la virulence, 75 bacilles tuberculeux que j'ai isolés de tuberculoses articulaires et osseuses (26),de tuberculoses ganglionnaires (23). de tuberculoses cutanées (10), et de tuberculoses internes (poumon, rein, méninges) qui ont servi de lermes de compa- raison. Je n'ai trouvé sur ce nombre qu'un bacille réellement atténué. Cette rareté des bacilles faibles, loin d’être une preuve contre l'existence de bacilles-vaccins, montre la voie où les recherches doivent être poursuivies, toujours avec l’arrière- pensée de trouver une méthode d'immunisalion artificielle qui ne serait que limitalion de la vaccination spontanée. PF tOnreine. Sur 59 bacilles isolés de tuberculoses externes, je n'en ai pas trouvé un seul du type bovin. L'aspect des cultures et sur- tout l’inoculation au lapin ont établi que lous sont du type humain. Il faut ajouter que tous les sujets sont des Parisiens, Le fait est intéressant au point de vue de l’épidémiologie de LA VIRULENCE DES BACILLES TUBERCULEUX 871 la tuberculose. À la suite des affirmations de R. Koch et de son école, que la tuberculose de l'homme vient avant tout de l’homme, on a fait un grand nombre de déterminations du {ype des bacilles, et il est bien établi aujourd’hui que la tubercu- lose pulmonaire est en somme loujours causée par le bacille humain : on ne connaît sur 790 cas, bien étudiés bactério- logiquement, que 6 exceptions : 3 cas à bacille bovin, dont l'un n’est même pas certain, 2 cas mixtes où le bacille humain était allié au bacille bovin, et 4 cas où le bacille n’a pu être déterminé exactement (Kossel; Mohler et Washbourn). Dans les tubereuloses externes, la proportion des bacilles bovins est plus forte, ils ne sont mème plus l'exception, sur- tout dans celles des enfants : la movenne des examens faits par différents auteurs donne 36 p. 100 de bacilles bovins dans les ganglions du cou des sujets de cinq à seize ans, et 58 p. 100 chez les enfants au-dessous de cinq ans. Or, mes 23 tubercu- loses ganglionnaires concernent 3 enfants au-dessous de cinq ans, 16 de cinq à seize ans, 2 de dix-sept à vingt et un ans, 3 adultes. Bien que le nombre des enfants soit un peu faible, le total est suffisant pour donner à penser que la fréquence de l'infection à bacille bovin varie d’une contrée à une autre et qu'elle paraît être beaucoup moindre à Paris qu'à Londres et à New-York. De plus, l'absence de bacille bovin dans 23 cas de tuberculose ganglionnaire et dans 26 cas de tubereuloses articulaires et osseuses (presque loutes infantiles) est un argu- ment contre l'importance du lait comme agent d'infection, et pour la prédominance à peu près universelle de la contagion d'homme à homme. Ces faits sont intéressants aussi au point de vue de la viru- lence des bacilles tuberculeux. Quoique le bacille bovin soit plus virulent que le bacille humain pour le lapin, le singe, le cobaye et les bovidés, on a pu penser qu'il l'est moins pour l’homme. On cite les curieuses expériences de Klemperer et Les observations de Kleine sur la bénignité des tuberculoses cuta- nées des ouvriers de boucherie. On va même jusqu'à supposer que le bacille bovin pût être un vaccin pour l’homme, comme le bacille humain un vaccin pour le bœuf. Weber et Ungermann (1) (4) Tub, Arb, aus dem K, Gesundheilsamle, f. 10, 1910, et f. 42, 1912. 872 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR ont réuni plusieurs centaines de cas où des enfants ont con- sommé cru du lait de vache bacillifère sans qu'il s'en soit suivi, après plusieurs années, aucune infection grave, alors que chez des veaux et des pores l’ingestion du même lait a été meurtrière. Or, nos cas de tuberculose osseuse et ganglionnaire sont pour la plupart cliniquement bénins, ce qui prouve que le bacille humain se trouve souvent dans les tuberculoses atténuées. La commission anglaise a enregistré des cas (exceptionnels, il est vrai) de tuberculose pulmonaire mortelle à bacille bovin, ce qui prouve que le bacille bovin peut aussi être fatal pour l’homme. Mais s’il était établi que dans la grande maJorité des cas la pénétration de bacilles bovins dans le tube digestif de l’homme et surtout de l'enfant est moins offensive que celle de bacilles humains, la conséquence serait qu'il faut aussi étudier les bacilles bovins au point de vue de la virulence et chercher s'il ne se trouve pas aussi parmi eux des bacilles-vaccins. JL. — VirtCLENCE. Quoique l’idée de chercher des différences de virulence parmi les bacilles tuberculeux soit presque aussi ancienne que la découverte du bacille lui-même, elle a donné lieu à un très petit nombre de travaux; et certains ont manqué en partie leur but, soit parce qu'ils consistaient en inoculations de pro- duits naturels, pus et tissus, dont la teneur en bacilles était inconnue, soit parce que les inoculations étaient faites sur le lapin, animal trop résistant à la tuberculose humaine : ce sont justement ces inoculalions qui ont abouti au procédé de diagnostic entre bacilles humains et bacilles bovins par injec- lion au lapin. Les expérimentateurs, tout en ayant conscience de la portée de leurs expériences, ne se proposaient pas délibérément la recherche de bacilles-vaccins, et ils ont enre- gistré plutôt des nuances que de profondes différences de viru- lence. Dès 1887, Arloing (1) essaye de distinguer expérimentalement la scrofule de la tuberculose par des inoculations comparées de ce qu'il appelle des virus Ltuberculeux (de tuberculose des poumons et des séreuses) et des virus (1) Revue de Médecine, L. I, 1887. LA VIRULENCE DES BACILLES TUBERCULEUX 873 scrofuleux (prélevés dans les ganglions du cou chez des enfants ne donnant aucun signe de tuberculose viscérale). Il constate que la tuberculose vraie se généralise chez le cobaye et le lapin, tandis que la scrofulose se généralise seulement chez le cobaye. Lorsqu'un virus de ganglion tubereulise le lapin, c'est que dans ce cas, pense Arloing, il y avait de la tuberculose vraie sous la scrofulose. Il croit voir qu'un virus de tuberculose osseuse devient plus pathogène pour le lapin après passages par cobayes, tandis que ces passages ne modifient pas un virus provenant d'un ganglion. « L'organisme du cobaye relève assez rapide- ment le virus affaibli des tuberculoses chirurgicales et ne semble pas exercer d'influence sur le virus de la scrofule ganglionnaire. Done, si tant est que la scrofule dérive du bacille tuberculeux, les microbes qui la déter- minent sont encore plus éloignés de leur virulence primitive que ceux qui engendrent les tuberculoses locales. Peut-être en sont-ils assez éloignés pour constituer une variété fixe, analogue à ces microorganismes qui après avoir vécu pendant plusieurs générations sur une espèce animale, sont devenus incapables de tuer l'espèce qui les avait fournis. » Conclusion : il existe deux virus, ou deux espèces inégalement virulentes d'un même virus, el l'on peut différencier la tuberculose et la scrofule par inoculations comparées au lapin et au cobaye. Nous savons aujourd'hui que le lapin inoculé avec une lechnique conve- nable ne prend de tuberculose généralisée qu'avec le bacille bovin et se prête mal à la comparaison des virulences de bacilles tuberculeux isolés chez l'homme, surtout quand on n'a pas déterminé leur type humain ou bovin. En outre, Arloing reconnait que, s'il y a des adénites scrofuleuses, il y en a aussi de tuberculeuses. Enfin nous ne savons rien sur la teneur en bacilles des produits tuberculeux qu'il inoculail aux animaux. Toul essai sur la virulence des bacilles tuberculeux doit élre fail par inoculution de quan- tités définies, pesées, de cultures pures. Vagedes (1) a étudié 30 cultures pures, dont il inoculait des quantités pesées. Il a expérimenté sur le lapin, accessoirement sur des rats. Il observe les lésions avec un soin et une précision remarquables. C'est à ses observa- tions qu'on doit le procédé de détermination du type humain et du type bovin sur le lapin : mais comme il n’a pas encore eu lui-même l'idée nette de cette distinction, il en résulte un certain trouble dans ses résultats. Nous savons aujourd'hui que dans la tuberculose pulmonaire le bacille bovin est une rarissime exception, de sorte que 27 des cultures de Vagedes, sur 30, provenant de tuberculoses pulmonaires (des 3 autres, 2 provenaient de tuberculoses du bœuf, ! d'un ganglion humain), il n° y a à peu près aucune chance qu'il ait eu en mains, sur ces 27 cultures, un bacille bovin. Il étail donc fondé, jusqu'à un certain point, à les répartir, d'après l'étendue des lésions produites sur le lapin, en trois classes de virulence. Mais l'inoculation intraveineuse de bacilles humains au lapin produit des phénomènes assez irréguliers, selon la dose; et ce n’est pas seulement l'étendue des lésions qu'il faut considérer, mais la durée de vie de l'animal. Or. Vagedes les sacri- fiait généralement à une époque où ils pouvaient avoir encore beaucoup de temps à vivre, malgé des lésions plus ou moins étendues, el sans qu'il y eût un rapport régulier entre l'étendue des lésions et la durée de survie. Vagedes a montré que, dans quelques cas au moins, à une tuberculose d'allure bénigne semblait correspondre un bacille moins virulent. Mais plu- 1) Zeilschr. f. Hygiene, t. XXVIIT, 1898, p. 276. 56 874 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR sieurs de ces cas « bénins » de l'homme se sont terminés tout à coup par une généralisation fatale (granulie); dans d'autres, la bénignité clinique était tout aussi bien attribuable à la situation sociale du malade, qui était riche et pouvait se soigner parfaitement. L'unique bacille de tuberculose gan- glionnaire s'est montré peu virulent par inoculation dans la chambre anté- rieure de l'œil du lapin, mais bien d'autres bacilles humains de tuberculoses pulmonaires se sont comportés de même. Enfin les différences de virulence- établies par Vagedes sont faibles: aucun des 30 bacilles ne répond à l'idée- qu'on se fait d’un vaccin. Le travail de Krompecher el Zimmermann (1) est plus intéressant pour- nous parce qu'il porte sur des tuberculoses humaines plus variées. Ces auteurs expérimentaient sur le lapin et avec des cultures pures. Ils ont grand soin d'employer des cultures isolées directement de l'homme et n'ayant pas passé par l'animal : depuis ce temps, beaucoup d'expériences. ont montré que le passage par cobaye n'exerce pas d'influence notable sur les propriétés du bacille. Krompecher et Zimmermann ont étudié des tuberculoses chirurgicales. Non seulement les bacilles leur paraissent à peu près égaux en virulence, mais la plus grande partie ont la même virulence que les bacilles de tuber- culoses internes. La hénignité des tuberculoses est donc plutôt le fait de la. localisation, du tissu, — peau, os, ou poumon, — que du microbe. Les tubercu- loses atténuées ne sont pas/le fait de bacilles atténués. C. Fränkel et Baumann (2), après avoir prouvé que rien n'est plus irrégu- her et inconstant que l’action d'un même bacille tuberculeux sur des lapins et sur des souris d’un même lot, éprouvent leurs 37 cultures sur des cobayes. Leur méthode consiste à inoculer toute une échelle de dilutions afin de fixer la quantité minima infectante, c'est-à-dire qui détermine une tuberculose plus ou moins rapide, mais sûrement progressive. Ils n'ont pas eu de bacille qui ne tuberculisät le cobaye à la dilution de 1 pour 1 milliard (en poids : 0,1 cent. cuhe de la dilution par 100 grammes d'animal); certains tubereuli- saient à la dilution de 1 p. 100 milliards. Seul un bacille très ancien, entretenu en cultures sur milieux artificiels depuis les premiers travaux de Koch, ne tuberculisait qu'à la dilution de 1 p. 1000. Des passages n’en ont pas remonté la virulence; mais il n'a témoigné d'aucune efficacité vaccinante. Dans l’en- semble, C. Fränkel et Baumann n'admettent pas de relation entre l'allure aiguë ou chronique d'une tuberculose humaine et un degré déterminé de virulence du bacille. Môller (3) conclut dans le même sens. Il cite un bacille lupus qui fut très virulent pour le cobaye. L’allure clinique de la tuberculose lui paraît déter- minée par la localisation des bacilles. Il croit remarquer qu'une cullure qui a vécu longtemps chez le cobaye est plus virulente pour le cobaye. On verra plus loin les observations de la Commission anglaise. Il parait donc bien difficile de s'orienter sur la virulence des bacilles tuberculeux. Il n'existe pas de méthode plus exacte que l'observation du plus grand nombre d'individus possible et \ Zeitschr. f. Hyg. und. Infektionskr., 1. LIV, 1906. 3) Zeitschr. f. Hyg.und. Infektionskr., L. LV, p. 506, 1906. (4) Centrabl. f. Bakter., Orig., t. XXXITI, p. 580, 1903. } LA VIRULENCE DES BACILLES TUBERCULEUX 875 la comparaison des lésions anatomiques. À condition d'observer des séries assez étendues, les résultats ont une valeur scienti- fique. Inoculés aux lapins selon la formule aujourd’hui classique (10 milligrammes sous la peau), divers bacilles humains donnent des lésions inégales : certains produisent une tuber- culose pulmonaire étendue, sans généralisation aux autres organes, alors que d’autres ne donnent qu’une demi-douzaine ou même deux ou un seul tubercule pulmonaire, Il est diffreile d'utiliser ces résultats à notre point de vue. Cependant un fai est bien net : les bacilles les moins virulents sur cobaye sont aussi les moins virulents pour les lapins. Le procédé de Fränkel et Baumann ne m'a pas paru aussi sûr qu'à ses auteurs. À doses extrêmement faibles, des bacilles que la suite des expériences à prouvés inégaux en virulence se comportaient de la même manière : un petit ganglion ingurmal, et pas de tuberculose progressive, même en un an d’observa- lion, les différences ne ressortaient pas. Avec des doses fortes, 1 milligramme par exemple (toujours en inoculation sous- culanée), inconvénient analogue à l’autre bout de l'échelle : tes différences élaient pour ainsi dire noyées dans des Késions massives. E J'ai donc surtout employé, en maintenant loujours des termes de comparaison, les doses de 1/4, 1/100 et 1/16@0 de milligramme, cherchant à produire une tuberculose pro- gressive, ni trop rapide ni trop lente, telle que sur des cobayes assez nombreux, sacrifiés au bout de 8 à 10 semaines, om eût une expression de la virulence dans l'étendue des lésions. Les différences individuelles sont si fortes qu'on ne les compense qu'en faisant des séries nombreuses. Mais comme je visais surtout des différences de virulence considérables, je ne risquais guère de les laisser échapper. Ni la grosseur des divers groupes ganglionnaires, mr La grosseur et même le degré d'infection de la rate, ne donnent là mesure de la virulence. Mais le poumon étant, après ces mo- culations sous-cutanées, le dernier organe visiblement envahi, c'est l’état des poumons qui m'a paru marquer le mieux là rapidité et l'extension d’une tuberculose progressive. La durée de vie des cobayes inoculés dépendant de toutes sortes de 876 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR causes étrangères, je les sacrifiais au bout de huit à dix semaines, non sans en réserver quelques-uns que je sacrifiais plus tard. La dose de 1/4 de milligramme m'a rendu des ser- vices ; lorsque après deux mois des cobayes inoculés avec celte dose massive n’ont pas de tubercules dans les poumons, le bacille ne peut manquer de retenir l'attention, et on l’étudie de plus près. | Je me dispense de rapporter en détail l'histoire des cen- taines de cobayes qui m'ont servi. Les résultats d'ensemble sont nets et c’est ce qui importe. Sur 42 bacilles, étudiés de près au moyen d'inoculations de doses variées sur de nom- breux animaux, bacilles de ganglions du cou, tant d'enfants que d'adultes, bacilles de tuberculoses osseuses et articulaires, bacilles de poumon pris comme lermes de comparaison, la plupart de ces affections étant cliniquement assez où com- plètement bénignes, — aucun n'a pu être dit atténué. Pas d'atténuation des bacilles de tuberculoses osseuses, à localisations simples ou multiples, par rapport à des bacilles de erachats provenant de tuberculoses pulmonaires en pleine activité. Je puis même affirmer que dans la majorité des cas la virulence des bacilles de tuberculoses externes est plus grande que celle des bacilles de crachats pris comme témoins. Bien loin que les tuberculoses osseuses et articulaires des enfants soient causées par des bacilles affaiblis, les faits prouvent que ces bacilles sont en pleine virulence, soit parce que l'organisme jeure leur résiste mal, soit parce qu'ils proviennent par contagion presque immédiate de tuberculoses actives, soit parce qu'ils sont doués d'une aptitude spéciale à se mobiliser et à se répandre, par la Iymphe et le sang, dans l'organisme infecté. Pas d'atténuation des bacilles de Tuberculose ganglionnaire; ni chez Bouch., fille de six mois, qui était le type même du nourrisson scrofuleux; ni chez Pel., Gra., Léag., Mar., enfants de dix à treize ans, dont la santé générale était très bonne; ni chez Zah., fille de dix-sept ans, qui avait bien résisté à un mal de Pott et guéri plusieurs adénites antérieures; ni chez Tr., homme de (rente-cinq ans; ni chez Urs., femme de vingt- quatre ans, qui avait son adénite depuis huit ans; ni enfin chez Desm., femme arrivée à l’âge de cinquante et un ans, avec une LA VIRULENCE DES BACILLES TUÜBERCULEUX masse ganglionnaire de 130 grammes dans l’aisselle : gan- glions durs et fermes qui montraient à peine sur quelques points un début de caséification. Pas d'atténuation chez les bacilles de deux lupus d'adultes; ni d’une gomme cutanée chez un enfant de deux ans et demi; ni d'une très vaste ulcération de la peau de la jambe chez Peyr., garcon de treize ans (survenue à la suite d'un héma- tome causé par un coup de pied; le sujet avait une arthrite métacarpo-phalangienne tuberculeuse; il est mort depuis); nt du petit kyste mentonnier de G., fille de huit ans; ni d'une somme du bras chez un homme adulte. Il existe des tuberculoses plus ou moins bénignes pour la santé générale du malade : c'est un fait clinique. Qu'il existe des bacilles atténués, c'est une autre question. Que la bénignité d’une tuberculose donnée soit l'effet d’un bacille atténué, d'après les observalions qui précèdent, c’est faux. L'allure de la tuberculose paraît dépendre du terrain-sujet ou du terrain-tissu. Ne confondons pas tuberculose atténuée et bacille tuberculeux atténué. Qu'est-ce done que celte hiérarchie établie par certains auteurs entre les bacilles tuberculeux, et d’après laquelle le haut de l'échelle des virulences serait tenu par les bacilles des gra- nulies et des méningites, suivis de près par les bacilles des tuberculoses pulmonaires; ensuite les bacilles des tuberculoses « chirurgicales », articulaires et osseuses; puis les bacilles des ganglions du cou; puis les bacilles des lupus...? Surtout sous cette forme simpliste, c'est pure fantaisie. Les examens que j'ai rapportés montraient plutôt qu'on n'avait pas de chances de trouver dans les tubereuloses chirur- gicales des bacilles sûrement atténués, et que si de tels bacilles existent, ils doivent être d'une rareté telle, que les découvrir ne peut ètre que l'effet du hasard. J'en ai rencontré un seul, qui m'a du moins donné la preuve que ces bacilles existent. Sans eux, la tuberculose n'aurait pas d’autres détermi- nantes que la quantité du virus et la nature du terrain qui le reçoit, el les auteurs qui ne tiennent pas compte de la qualité du virus seraient dans le vrai. Ainsi, selon Preisich (1), c'est 1) Gesellsch. f. inn. Med. und Kinderheilkunde. Vienne, 1911, n° 1. 878 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR une inoculation (inhalation ou ingestion) massive qui cause chez de nourrisson une tuberculose mortelle. Pour Rômer, la phtisie pulmonaire de l'adulte a pour cause une réinfection grave ou des réinfections de masse moyenne, mais réitérées, surtout lorsque l'infection première a été grave, c'est-à-dire massive. Chez les cobayes et même chez les singes, selon Webbet Williams (1),on immunise au lieu d’infecter lorsqu'on imocule des doses minimes, commençant par l'unité, que l’on élève progressivement. Sans doute la quantité des microbes à son importance, même dans la tuberculose expérimentale des animaux. Autre- fois on inoculait des doses trop fortes; c'est avec de petites doses que l’on a des chances de produire chez l'animal une maladie plus semblable à celle de l’homme. Les très petites doses de bacille aviaire chez le lapin déterminent des localisa- tions osseuses et articulaires (qui tiennent aussi à l'aptitude sgpticémique de ce bacille chez le lapin). Chez les cobayes inoculés avec des dilutions très étendues, comme celles qu'em- ployaient C. Fränkel et Baumann, on observe souvent, en même temps que la rareté ou l'absence de localisations viscé- rales, des adhérences des plèvres et des adénopathies trachéo- bronchiques sans tubercules dans les organes. Chez les cobayes inoculés avec une goutte de pus très pauvre en bacilles, la tuberculose débute très lentement, puis, quand les bacilles se sont assez multipliés, elle marche avec la rapidité ordinaire : ce qui prouve encore l'importance de la quantité du virus. La quantité serait aussi le facteur prépondérant dans les tuber- culoses de l’homme, s'il n’existait que des bacilles pleinement virulents. IT. — ExEmPLES DE BACILLES ATTÉNUÉS. Z…, jeune homme de dix-neuf ans (hôpital Saint-Louis, service de M. Thibierge), a depuis l'enfance de la tuberculose cutanée sur la face externe du pied, la jambe et le genou. Evolution torpide, à la manière d'un lupus. En plusieurs anmées les lésions se sont peu étendues. Avant d'être vu par le (1) Journal of med. Research, t: XX; 14; ebt. XXIN, f: 1. LA VIRULENCE DES BACILLES TUBERCULEUX 879 D' Ravaut, assistant du service, le malade a élé traité par les rayons X, sans aucun succès. Un fragment de tissu malade est inoculé à 3 cobayes, sous la peau. L'un de ces cobayes n'avait au bout de six mois qu'un très petit ganglion inguinal; un autre fut perdu pour des raisons étrangères à l'expérience; le troisième, au bout de trois mois et demi, avait de très petits ganglions inguinaux sans aucune lésion tuberculeuse dans les organes. Ces ganglions furent reportés sur deux nouveaux cobayes, dont l'un fournit après trois mois une culture pure. La première culture fut obtenue facilement (colonies en vingt- cinq jours sur pomme de terre glycérinée); aspect : type humain. D'après les inoculations au lapin, type humain (augmentation de poids et aucun tubercule dans les organes ‘70 jours après l’inoculation sous-cutanée de 10 milligrammes. Après inoculation de 1 milligramme dans la veine, léger amaigrissement, trois pelits tubercules dans un poumon, quel- ques granulations sur les reins). La première épreuve du bacille fut faite sur plusieurs cobayes qui reçurent 1, 1/2 et 1/4 milligramme; au bout d’un mois ils avaient beaucoup augmenté de poids, ne présentaient pas de chancre, aucun tubercule interne, sauf l’un qui avait trois petites granulations dans un poumon. Des cobayes témoins, inoculés avec un bacille de crachat et un bacille de ganglion du cou, avaient après un mois de gros ganglions caséeux, un chancre et de la tuberculose pulmonaire; le bacille de crachat était moins virulent que le bacille de ganglion. Le bacille de Z. se montra aussi bénin chez des cobayes inoculés à deux reprises, et chez des cobayes inoculés antérieu- rement avec des doses minimes d’autres bacilles. Avec des doses très faibles (de 0.0001 à 0.000.000.02 milli- grammes) les cobayes n’ont eu que des ganglions inguinaux minuscules, sans tubercules dans les organes après trois à quatre mois et demi {sauf un seul cobaye, qui avait reçu 0.000.000.1 milligramme et qui présenta quelques fins tuber- cules dans le poumon et la rate). Mème avec des doses fortes, les cobayes n'eurent jamais de chancre. Je cherchai à confirmer les caractères de ce bacille en l’es- sayant sur diverses espèces animales, les unes naturellement très résistantes (lapin, ral), les autres très sensibles (ma- \ 880 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR caques) à la tuberculose humaine. La virulence s’est montrée sur toutes plus faible que celle de tous les bacilles témoins. Des 60 origines inoculées au lapin, c'est celui qui a donné les moindres lésions : aucun tubercule deux mois et demi après inoculation de 10 milli- grammes sous la peau; seulement l'abcès local. Des rats de 80 grammes environ n'ont pas accusé les différences de viru- lence avec des doses de 1 à 3 milligrammes. Mais des rats tout à fait jeunes, de cinq à huit jours, les ont très bien fait ressortir : alors que les bacilles de crachat ou de ganglion, bien virulents, donnaient une cicatrice au point d'inoculation, et des ganglions inguinaux, axillaires et trachéens, l'inoculation du bacille de Z., ne laissait aucune trace sur la peau, et aucun tubercule dans le poumon, seulement de minuscules ganglions. Les expériences sur les singes sont frappantes. Alors que les autres bacilles ont lué les petits singes, — sinicus, cyno- molqus, rhesus et mème cynocéphales — en 70 jours au plus soit par inoculation sous-cutanée de 1 millionième de milli- gramme, soit par inoculation buccale de 4 milligramme, puis un mois après 2 milligrammes (la dilution était passée sur les muqueuses avec pinceau doux, qui ne produisait pas la moindre érosion), le bacille de Z. aux mêmes doses a laissé des survies considérables. Et quand on songe aux lésions étendues que supportent longtemps des animaux, même aussi sensibles que les singes, on doit croire que dans plusieurs cas, même en l'absence d’autres causes apparentes, la mort n'a pas été causée par la tuberculose. Rhesus 202, inoculé sous la peau avec 1 millionième de milligramme, a une petite ulcération locale qui guérit complètement: un ganglion inguinal, du même côté, a suppuré, puis la fistule s’est fermée. Mort au bout de neuf mois, sans tubercules dans la rate ni le foie, ce qui est exceplionnel chez les singes, qui meurent de tuberculose après inoculalion par n'importe quelle voie: dans le poumon, tubercules jeunes; abcès tuberculeux diffus, sus-cranien, étendu à l'orbite, et ayant perforé le crâne en deux endroits. Il faut dire que ce singe fut quelque temps dans la même cage qu un autre singe inoculé avec un bacille virulent. Rhesus 203, inoculé sous la peau du ventre avec 0,0001 milligramme, mort au bout de trois mois : localement, ulcération limitée à la peau et n'attei- gnant pas le muscle sous-jacent; gros ganglion inguinal suppuré. Dans les organes, tubercules extrêmement rares, ce qui n'est pas le cas des singes qui succombent à la tuberculose. On ne peut affirmer que ce singe ait succombé à des lésions si peu étendues. Rhesus 205 a reçu dans la bouche 1 milligramme et un mois après 2 mil- ligrammes (avec le pinceau). Mort le dixième mois, après avoir porté huit mois un paquet de ganglions sous-maxillaires, qui pendant les trois derniers mois allait diminuant de volume, avec amélioration de l'état de la peau. LA VIRULENCE DES BACILLES TUBERCULEUX 881 Jamais pareille survie n’a été observée dans des conditions semblables chez les singes inoculés avec d’autres bacilles tuberculeux. À l’autopsie, seule- ment quelques ganglions mésentériques; semis de fines granulations tuber- culeuses sur l’épiploon et sur le péritoine recouvrant les reins ; tuberculose des deux poumons, mais presque tous les tubercules sont jeunes : le tableau n'est pas du tout celui d'une tuberculose intestinale, mais d'une généralisa- lion /ardive de la tuberculose des ganglions annexes de la bouche. Les cobayes et les macaques sont si sensibles à la tuber- culose qu'un bacille peut ètre atténué pour l'homme et Île paraitre à peine chez eux. On tirera bon parti, dans ces études, des cynocéphales (Cyn. Sphinx), beaucoup plus résistants que les macaques. Avec les bacilles témoins, les cynocéphales inoculés au pinceau sur la muqueuse de la bouche (2 milligrammes) mouraient au bout de trois mois environ, avec de grosses lésions qui répondaient à la fois à une tuberculose par ingestion et à des accidents d'inhalation. Avec le bacille de Z., mêmes doses, des cynocéphales sont encore bien portants au bout de huit mois. Cynocéphale 210 a recu, à intervalles de un mois, 3 injections sous-cut., de 1 millionième, 4 millième et 1 centième de milligramme. La dernière injection seule a laissé une trace : une très petite ulcération déjà en partie desséchée au moment de la mort, survenue au cours du septième mois après la première inoculation. Autopsie : animal en bon état; petits gan- glions mésentériques au centre du mésentère et le long de l'intestin (pas de bacilles tuberculeux sur frottis; on voit souvent de pareils ganglions, mous, chez des singes non tuberculeux); petits ganglions trachéo-bronchiques de la dimension d'une lentille. Les poumons portent d'assez nombreuses taches grisälres, qui ne donnent pas sous le doigt la sensation de granulations tuberculeuses; sur des coupes, pas de tuberculose des ganglions ni des poumons. Le singe n'est certaine- ment pas mort de tuberculose. Cynocéphale 206. Recoit par la bouche 1 milligramme, puis (un mois après) 2 milligrammes, puis (trois mois après) 0,01 milligramme sous la peau. Au point d'inoculation se développe un nodule dur qui roule sous la peau. Ce nodule ne s’est jamais ulcéré et s'est complètement résorbé. À peine sent-on de tout petits ganglions inguinaux. Ce singe meurt dix mois après le commencement de l'expérience, assez amaigri. On ne retrouve rien au point d’inoculation. Tous les organes sont indemnes de tuberculose. Tout petits ganglions inguinaux et axillaires. Petits ganglions mésentériques (mous) et sous-maxillaires. Il n'y a pas dans tous ces ganglions le plus petit point de caséification. Pas de bacille sur frottis. La mort ne peut être attribuée aux inoculations. Il existe quelques exemples de bacilles atténués. La Com- mission anglaise en à trouvé dans plusieurs cas de lupus humain et de tuberculose du cheval. Sur 20 bacilles de lupus, dont 9 bovins et 41 humains, 7 bovins se sont montrés au-dessous de la virulence du bacille bovin, non seulement 882 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR pour le veau et le lapin, mais mème pour le cobaye et les singes; et # humains étaient au-dessous de la virulence ordi- naire du bacille humain pour le cobaye et le singe. Le degré d’affaiblissement des bacilles n’était pas en proportion de l’an- cienneté du lupus. Dans la tuberculose du cheval, 2 bacilles (type bovin) sur 4 étaient au-dessous de la virulence habi- tuelle. Les bacilles atténués se rencontreraient-ils surtout dans les tuberculoses de la peau? Chez les singes inoculés sur la peau, la peau se défend bien et s'épaissit pour limiter par dessous la lésion locale, qui ne mord pas sur le muscle. Dans un tra- vail où il est surtout question des possibilités de transforma- lion du bacille bovin en bacille humain par un long séjour chez l’homme, E.-A. Lindemann (1) rappelle les observations de Kleine sur la bénignité des tubercules d'inoculation des ouvriers bouchers, el émet l'opinion que dans la peau humaine le bacille bovin se développe mal et se trouve exposé à des influences qui l'atténuent; ces influences ne s’exercent pas, selon lui, sur le bacille humain. On n’a pas encore assez étudié à ce point de vue les bacilles humains des tuberculoses cuta- nées. J'en ai isolé plusieurs qui élaient aussi virulents que des bacilles de crachats. Le D' Mantoux et moi avons commencé, pour éclaireir cette question, des inoculations intracutanées de très faibles doses de bacilles (2). Nous avons été assez surpris de voir que l'ino- culation dans la peau donnait plus rapidement des ganglions inguinaux caséiliés que l’inoculation sous-cutanée de la même dosé, lorsque nous injections des bacilles bien virulents; mais le bacille Z. s'est montré d'une remarquable bénignité : après quatre mois, pas de chancre; il n’y a eu au point d'inoculation qu'une petite papule qui ne s’est jamais ulcérée el qui a guéri; des ganglions insignifiants; aucun tubercule interne. La dose était, dans ces inoculations, de 0,005 milligrammes. Cette méthode a confirmé de la facon la plus nette les caractères du bacille atténué. 1) Berliner klin. Wochenschr., ÂT juin 1912, p. 1185. 2) Comples rendus de la Soc. de Biolsgie, octobre 1912. LA VIRULENCE DES BACILLES TUBERCULEUX 883 IV. — OScILLATIONS DE LA VIRULENCE. La première question qui se pose à propos des bacilles atténués est celle-ci : cette atténuation est-elle constante? Parmi des bacilles atténués de la Commission anglaise, 3 bacilles bovins sur 8 ont repris par passages sur bovidés la virulence ordinaire des bacilles bovins pour les bovidés et les lapins; 4 bacille humain sur 4 a repris la virulence ordinaire pour le cobaye et le singe; 2 bacilles de tuberculose équine, sur 5, ont repris, par des passages qui durèrent jusqu’à huit années, la virulence du bacille bovin. Le bacille de Z., repris d’un ganglion d’un rhésus sur lequel il avait vécu trois mois, éprouvé de nouveau sur cobaye, a paru plus virulent : la rate et le poumon contenaient des tubercules neuf semaines après l'inoculation de 1/4 de milligramme, ce qui n'était pas arrivé avec le bacille primitif. La virulence de ces bacilles atténués est done variable dans des limites qui ne sont pas encore bien déterminées; elle peut baisser et remonter; elle accomplit des oscillations. On ne risque pas de se tromper en affirmant que c'est une propriété générale des bacilles tuberculeux. Comme depuis plusieurs années on s'est surtout soucié de la transformation possible des bacilles bovins en bacilles humains, nous ne possédons pas beaucoup d'observations sur les oscillations de virulence: celles que nous avons sont d'autant plus dignes d’être rete- nues. Weber et Steffenhagen (1) rapportent l'histoire d'un enfant né de parents sains, élevé dans un milieu où il n'y avait pas de sujets tuberculeux, mais nourri au biberon avec du lait de vache qui bien souvent n'était pas bouilli. À deux ans, tuberculose du 4° métacarpien, avec bacille du type bovin. Aujourd'hui l'enfant a dépassé l’âge de 13 ans et la tuberculose est restée locale. De la 8° à la 13° année, 4 ensemencements et # examens du bacille ont élé pratiqués : toujours il s’est agi de bacille bovin, mais avec une virulence inégale, et qui alla en s’élevant, surtout de la troisième à la quatrième prise. L'enfant ayant été soumis à des traitements variés, — agents (A) Tub. Arbeilen «us d. K. Gesundheilsamile, 1912, f. 11, p. 419. 881 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR chimiques, Rüntgen, Finsen, — peut-être n'a-t-on pas le droit d'exclure l'action de ces causes extérieures. Les oscillations de virulence doivent être incessantes dans la nature au cours des passages entre les organismes et les milieux extérieurs. Comment n'auraient-elles pas une influence sur la maladie tuberculeuse? Un bacille qui passe sans intermédiaire du poumon d'un adulte dans la bouche d'un enfant a des chances d'être un bacille pleinement viru- lent. Le bacille qu'un enfant ramasse sur le plancher d'une chambre ou le sol d'une rue, peut l'être beaucoup moins. On a raison d'attribuer une importance à la quantité des bacilles qui sensemencent sur un organisme. Comment n'en pas accorder à leur qualité, puisqu'il est établi d’abord que les bacilles sont très inégaux en virulence, et de plus qu'il y a des oscillations de virulence? On ne peut d'ailleurs prédire que ces oscillations doivent rendre impossible l'emploi d'un vaccin antitubereuleux lorsqu'on aura le bonheur d'en trouver un. Nous savons que les bacilles tuberculeux sont plus constants dans les cultures que dans la nature, et l’on conçoit très bien que les vaccins naturels puissent être fixés au laboratoire. V. — LES INOCULATIONS NÉGATIVES. Tout le monde a fait des inoculations de matière tubereu- leuse qui sont restées négatives. Il ne s’agit pas des cas où les cobayes n'ont pas été suivis pendant un temps assez long, ni des cas où la matière que l’on supposait tuberculeuse ne l'était pas en réalité (je n'ai eu qu'une surprise de ce genre : un gros ganglion carotidien de 38 grammes, que le chirurgien avait enlevé chez un homme de vingt et un ans pour arrêter des phénomènes douloureux, n’a pas donné de bacilles tubercu- leux ni sur le cobaye ni en cultures, mais seulement une streptothricée, voisine de celle d'Eppinger) : il s'agit de cas où la tuberculose élait sûre au point de vue clinique, et où des bacilles tubereuleux ont été vus dans la matière inoculée. La Commission anglaise mentionne un lupus qui n'a rien donné chez le cobaye (Final Report, p. 16, en note). Ungermann (1, inocule un ganglion 1) Tub. Arbeilen aus d. K. Gesundheitsamte, f. 12, p. 215 ; 1912. LA VIRULENCE DES BACILLES TUBERCULEUX #95 d'une fillette de dix ans scrofuleuse; le cobaye n'a rien pris. Eber (1), un ganglion du cou et une tuberculose osseuse, dont les inoculations sont restées négatives. Sur 28 adénites inoculées par Oehlecker (2), 14 seulement tuberculisèrent le cobaye : il est vrai que le diagnostic de tuberculose n'était pas donné comme certain dans tous les cas. En outre, Oehlecker (2), sur 3 cas de tuberculose cutanée, a eu affaire à un lupus et à une tuberculose verruqueuse de la peau qui n'ont rien donné au cobaye. Dans ses études sur l'infection des ganglions mésentériques el trachéo-bronchiques chez les enfants, Gaffky (3) cite deux cas où, les cobayes étant devenus tuberculeux, la culture n’a pas été possible; il pense que dans ces deux cas il s'agissait d'un bacille bovin. Weber el Taute (4) ont observé 17 cas de tuberculose intestinale et mésen- térique, chez des enfants de trois à neuf ans, où l'inoculation aux cobayes est restée négative, même après trois et cinq mois : il s'agissait de lésions en partie guéries, calcifiées ou crétacées. Dans 8 cas, des bacilles tuberculeux nombreux y avaient été vus au microscope. De plus, 13 cas analogues chez des adultes : là on doit faire une réserve, la calcification des ganglions pou- vant provenir d’autres maladies que la tuberculose. Chez quelques-uns des cobayes inoculés, des bacilles ont été vus au point d'inoculation : étaient-ce des acido-résistants non pathogènes? Les essais de culture sont restés néga- tifs, et le report sur de nouveaux cobayes n'a rien donné. Entre les cas où le bacille est seulement difficile à cultiver, et ceux où la tuberculose ne se développe pas, il y a des cas intermédiaires, et il ne faut pas oublier que parfois la tubercu- lose se développe, et même rapidement, après avoir hésité pendant des mois. Mais les cas négatifs existent, du moins dans les limites de nos plus longues expériences; ils ne sont pas très rares, et l’on ne peut s'empêcher de se demander quelle est leur signification. Del, lupus. Fragment inoculé à deux cobayes. L'un meurt au bout de six semaines : aucune lésion visible. L'autre au bout de quatre semaines, avec un ganglion inguinal de la taille d’un grain de chènevis, que l’on reporte sur un nouveau cobaye. Ce dernier, après cinq mois, a un petit gan- glion, dont une partie est prélevée; on y voit des bacilles, moins rares que dans la grande majorité des pus qui tuberculisent rapidement les cobayes. Ensemencement : rien ne pousse. Le cobaye est sacrifié six mois et demi après l’'inoculation : il a un ganglion inguinal minuscule, un très petil ganglion mésentérique contenant des bacilles, el une seule granulation grise dans un poumon. Les ganglions sont reportés sur un cobaye, qui mal- heureusement est mort d'une infection étrangère à la tuberculose, et sur un Cynomolqus qui au bout de cinq mois ne présente aucune lésion au point d'inoculation et aucun ganglion de l’aine ni de l'aisselle. (1) Centralbl. f. Bakt., Orig., t. LIX. 2) Tub. Arbeilen aus d. K. Gesundheitsamte, f. 6, 1907, p. 145 et 183. 3) Tuberculosis, t. VIT, f.9, p. 437; cité par Rothe,R.Kock's Shift. Arb.,f.2, p.2. 4 ( \ (4) Tub. Arbeilen aus d. K. Gesundheitsamle, f. 6, 1907; p. 24. 886 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Beg..., kyste du cordon spermatique chez un garcon de deux mois : 4 cent. cubes de liquide citrin; inoculation à un cobaye, dans le péritoine. Le 117e jour, seulement un ganglion inguinal très petit, qui est prélevé stérile- ment, fragmenté, frotté sur plusieurs tubes à culture : rien n’a poussé. Vu des bacilles sur frottis. Report sur un deuxième cobaye, qui meurt le 130e jour sans lésion tuberculeuse visible, si ce n’est de minuscules ganglions (1 inguinal, 1 mésentérique, 1 trachéen) où l'on ne trouve pas de bacille. Mais six à huit semaines avant sa mort, le cobaye a eu un ganglion bien net, dont une partie, prélevée aseptiquement, a été reportée sur cobayes. Au bout de cinq mois, aucun ne paraît tuberculeux. Sp... garcon de dix-sept ans. Arthrite de la troisième articulation méta- carpo-phalangienne. Le Dr Bailleul, chef de clinique du service de M. le pro- fesseur Kirmisson, d’après l'étude radiographique des surfaces articulaires, qualifie la lésion de rhumatisme tuberculeux. Ponction : 1,5 cent. c. d’un liquide louche, légèrement jaunâtre, vite coagulé, contenant en majorité des polynucléaires, le reste, mononucléaire et lymphocytes; vu 1 bacille tubercu- leux sur une lame. Inoculé à deux cobayes. Ces cobayes n’ont pu être conservés assez longtemps, soit parce que les animaux sont morts, soit parce qu'ils étaient très maigres et qu'on les à sacrifiés pour recueillir leur petit ganglion le plus purement possible; une série de passages a dù être faite. Mais jusqu'ici il a été impossible d'obtenir une culture el aucun cobaye n'est devenu tuberculeux, même sept mois après l’inoculation. L'un des deux premiers cobayes vit encore : il a eu un ganglion inguinal comme un petit pois assez notable pour qu'on en prélevâtune moitié pour examen, essai de culture et réinoculation : on y a vu des bacilles. Les cultures n'ont rien donné. La réinoculation à un macaque est tout à fait négalive après cinq mois. Mig.., hydarthrose chronique, indolore, du genou : 20 cent. cubes de liquide riche en polynucléaires ; les mononucléaires y sont en minorité, deux cobayes sont inoculés sous la peau et dans le péritoine. Dans le culot de centrifuga- tion d'une moitié du liquide articulaire, il n'a pas été vu de bacille. Les cobayes ont eu de petils ganglions, dont l'un a été prélevé en partie, vu des bacilles sur frottis. Après six mois, les cobayes ne sont pas tubercu- leux; ganglion inguinal à peine perceptible. Essais de culture du fragment du ganglion susdit, négatifs. Laf.…, demoiselle de vingt et un ans. Seconde poussée d'une adénite carotidienne, d’allure bénigne, 1,5 cent. cube de pus (vu 1 bacille après recherche assez longue); a été inoculé à des cobayes, sous la peau. Au bout de deux mois, l’un a un petit ganglion, qu'on est obligé de reporter sur un cobaye neuf (bacille sur frotlis de ce ganglion). On le reporte aussi sous la peau d’un macaque. Au bout de quatre mois, ces animaux ‘sont indemnes. L'autre cobaye donne lieu aux mêmes observations. Mark.…., fille de dix aus, vaccinée (en Pologne) à l'âge de deux ans; elle a, depuis cette vaccinalion, une luberculose cutanée, très étendue, du bras, de l'avant-bras et de la main. Dix jours avant que je l'aie vue, l'enfant a reçu une seule application de rayons X. Il n'a pas été possible d'abord de prélever un fragment de tissu : j'ai dû me contenter du pansement, délayé dans de l'eau avec lavage rapide à l’antiformine. Quelque temps après, un petit frag- ment de peau a été prélevé et inoculé. Les cobayes ont eu au bout de plu- sieur semaines un petit ganglion inguinal, contenant des bacilles, qui à rétrocédé spontanément. Des transplantations ont dù être faites aussi dans ce cas afin de ne pas perdre la matière tuberculeuse. Aujourd'hui, aucun LA VIRULENCE DES BACILLES TUBERCULEUX 887 signe de tuberculose chez des cobayes, huit el cinq mois après l'inocu- lation, soit sous la peau soit dans le péritoine. Deux cobayes ont été ino- culés une seconde fois, sans plus de résultat. Un macaque n’a rien du tout au bout de cinq mois. Voilà six cas dont l'histoire est à peu près la même: une lésion cliniquement tuberculeuse, bacilles aperçus dans presque tous les cas. Les cobayes, pour des raisons diverses, ne vivent pas assez longtemps, et la lésion bénigne qu'ils ont contractée — un ganglion lymphatique le plus souvent — est reportée sur cobayes et sur singes, animaux plus sensibles que le cobaye. Lors des transplantations, on examine le tissu transplanté, et l’on y constate l'existence de bacilles. Or, dans ces six cas rien ne s'est développé, même dans des délais prolongés de six et huit mois. Les essais de culture sont restés stériles. En sera-t-il de même dans la suite? il est possible que.ces inocula- tions ne soient pas définitivement négatives; de toute façon, par comparaison avec tant d’autres cas de tuberculoses gan- glionnaires, osseuses ou articulaires, ou même cutanées, ces tuberculoses, qui ne se sont pas développées sur cobaye ni sur singe, sont très remarquables. Ces cas « négatifs » ne sont pas très rares, puisque j'en ai rencontré 6 sur environ 60 tuberculoses non pulmonaires. Tout indique qu'il s'agit là de bacilles atténués : les bacilles atténués seraient done beaucoup moins rares que ne le laissent croire les inoculations et cultures positives. Il n'y à pas de nécessité de recourir à une autre explication, — les granulations de Much, — puisque des bacilles tubercu- O ) leux ont été vus dans ces cas, avec leur forme et leur coloration classiques. Dira-t-on que les bacilles aperçus d'étape en élape sont des acido-résistants non pathogènes? Il n’est pas possible de lad- meltre, d'abord à cause du caractère clinique très net de la lésion originelle. Sans doute les ganglions que prennent les cobayes ne sont pas la preuve d’une tuberculose normale et virulente, même s'ils se reproduisent en série, lant qu'il ne se produit pas de tubercules à distance dans les organes : mais justement il ne s’agit pas de tuberculoses virulentes; et dans un cas il v avait dans un poumon une granulation tubercu- leuse typique, de sorte que ce cas marque un degré intermé- 888 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR diaire entre les inoculations du bacille de Z. et les inoculations négatives ou presque négatives. Celles-ci prennent donc place dans une série naturelle, à côté des tuberculoses qui se déve- loppent plus ou moins lentement et sont plus ou moins diffi- ciles à cultiver. Suppose-t-on qu'il s'agit de bacilles morts ? C’est très possible dans les cas de Weber et Taute, qui ont ino- culé des lésions calcifiées et crétacées, nullement dans nos cas où la tuberculose locale était en activité, où la lésion était récente, où s'est accompli chez le cobaye un début de dévelop- pement. A ces inoculations négatives de matière tuberculeuse, j ajoute 3 inoculations négatives d'une lésion « scrofuleuse » dont la nature est encore discutée, la conjonctivite phlycténulaire. Avec MM. Terrien et Hillion, nous avons inoculé à des macaques (sinicus et cynomolqus), par inserlion totale dans la chambre antérieure de l'œil et sous la conjonctive, et par friction sur la conjonclive très légèrement scariliée, trois phlyctènes. choi- sies comme tout à fait caractéristiques. Après six mois, résultat nul. La flore luberculeuse est plus nombreuse et plus variée qu'on ne le croit d'ordinaire. Nous sentons tous les jours le besoin de perfectionner nos méthodes d'isolement et de culture, auxquelles bien des bacilles peuvent échapper. Si l'aptitude à se développer sur milieux artificiels ne donne pas la mesure de la virulence, il n'est pas possible qu'elle n’en soit pas au moins un élément, et dans les infections à bacilles humains, elle va généralement de pair avec elle. De sorte que pour avoir des chances de trouver ces bacilles atténués sur les- quels on fonde l'espoir de trouver des bacilles-vaccins, il faut les chercher surtout là où on ne les voit pas, car ceux qui. pour ainsi dire, sautent aux yeux, sont naturellement les plus faciles à isoler et les plus virulents. Il existe, même dans les maladies tuberculeuses de l'homme, des bacilles atténués ; et il existe chez les bacilles tuberculeux, comme chez toutes les bactéries pathogènes, comme chez tous les ferments, comme chez toutes les cellules, des oscil- lations d'activité et de virulence. Les inoculations négatives font entrevoir encore un degré inférieur dans l'aptitude à se LA VIRUTENCE DES BACILLES TUBERCULEUX 889 développer chez les animaux. On en trouvera sans doute d’autres exemples lorsque après avoir étudié les organismes infectés, on étudiera davantage le milieu extérieur, le sol, les planchers, les poussières de toutes sortes. C'est comme une sous-flore tuberculeuse qui ne peut être sans importance dans l'éclosion et l’évolution de la tuberculose. À côté des bacilles qui passent, sans intermédiaire, d’un homme à l’autre, d’une nourrice malade, par exemple, à son nourrisson, il y a des bacilles atténués qui s'implantent moins facilement, il y en a qui végètent plus pauvremernit encore : ce peut être celui qu'un enfant ramasse en jouant, sur le plancher de la chambre ou à la promenade. Tel bacille affaibli peut reprendre sa virulence : mais s’il la reprend lentement, progressivement, il a le temps de modifier l'organisme sur lequel il évolue. Si certains humains résistent indéfiniment à des conlagions qui en tuent d’autres, c'est qu'ils ont été ensemencés d’abord avec des bacilles qui leur ont conféré une résistance suffisante. Plusieurs observateurs ont fait appel implicitement à une pareille explication. Rômer (1) note la rareté de la contagion tuberculeuse entre adultes, grâce à laquelle les sociétés d'assurances acceptent des personnes chargées d’'antécédents de tuberculose même lorsque ces personnes vivent ou ont vécu avec un conjoint tuberculeux. Petruschky (2) dit n'avoir jamais observé de contagion matrimoniale. Jacob (3), au cours de ses enquêtes, n'a pas observé de cas de mort, par tuber- culose, du second mari d’une femme saine dont le premier mari était mort de tuberculose. Rômer rappelle le cas rapporté par Metchnikoff et ses collaborateurs, d’un homme arrivé indemne à un âge avancé, après avoir élé longuement exposé à la conta- gion la plus immédiate et la plus dangereuse. Les faits suivants sont encore plus intéressants à notre point de vue. D'après les enquêtes de Jacob, les enfants des maisons où il y a des cas de tuberculose ouverte réagissent toujours à la tuberculine, mais il y a aussi des enfants qui réagissent dans des milieux où l’on ne trouve aucune cause (1) Kritisches und antikritisches z. Lehre v. der Phliscogenese. Beitr. z. Kinder dub OX F3; (2) Vorträge über Tuberkulosebekämpfung, 1911 ; cité par Rômer. (3) Die Tub. und die hygienischen Misstünde auf dem Lande, 1941. 27 890 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR d'infection. Les enfants ont réagi dans la proportion de 30 à 40 p. 100 dans des villages où il n’y a pas eu depuis des années un seul cas de phtisie. « Encore une preuve, dit Rômer, de l'extraordinaire extension des chances d'infection, extension dont nous ne pouvons pas toujours nous rendre compte. » Dans une contrée des plus saines, des plus pauvres en tuberculose, où la mortalité par tuberculose ne dépasse pas 9 p. 10.000, et spécialement dans six communes où l’on n'avait enregistré depuis dix ans aucun décès de tuberculose, Hillenberg (4) à trouvé 25 p. 100 des enfants réagissant à la tuberculine, et conclut que « les bacilles tuberculeux doivent être beaucoup plus répandus dans la nature qu'on ne le croit généralement ». Peut-être, ajoute Rômer, les tuberculeux latents contribuent-ils à la propagation de la maladie de quelque facon qui nous est inconnue. Par exemple, si l’on introduit dans une élabie indemne de tuberculose un animal qui réagit à la tuberculine, toute l’étable s’infecte, car toute l’étable réagit, bien que l'animal introduit n’ait aucune tuberculose clinique et qu'on ne puisse démontrer par les méthodes usuelles qu’il élimine des bacilles. Calmette a bien vu le problème; il est possible, dit-il, que « beaucoup d'hommes auxquels une infection bénigne anté- rieure ou restée latente a conféré une immunité relative, soient susceplibles, tout en restant eux-mêmes en apparence parfai- temeni indemnes, de semer dans leur entourage des germes virulents (2). Il s'appuie sur des faits qu'il a observés avec Guérin : l'élimination, par les émonctoires normaux de l’orga- nisme (foie et inteslin) et avec les excréments, de nombreux bacilles virulents, chez des bovidés rendus résistants par une des méthodes de vaccination actuellement connues, ou par une infection bénigne restée occulte (3). D’après ces observations, il y aurait pour la tuberculose, comme pour tant d'autres maladies infectieuses, des porteurs de germes au sens strict du mot, c’est-à-dire des individus qui abritent et répandent des bacilles sans avoir des symptômes actuels de maladie. Mais dans ces contagions qui ne se mani- festent pas, comment croire qu'il n’y ait en jeu que des bacilles (4) Weit, Beitr. z. Entstehung u. Verbreitung der T., Tuberkulosis, 1911, f. 7. (2) Annalrs de l'Institut Pasteur, t. XXVI, f. 7, p. 4917. (3) Ibid. L. XXV, f. 9, 25 sept., 1914, p. 695. LA VIRULENCE DES BACILLES TUBERCULEUX 891 virulents ? Les faits indiquent le rôle des bacilles atténués el de cette sous-flore tuberculeuse que nous commençons à étudier. Les conditions dans lesquelles se produit la sensibi- lité à la tuberculine sont encore trop mal connues pour qu'on ait Le droit de l’attribuer uniformément à la présence de bacilles virulents el de lésions actives. Je me propose de continuer l'étude de la flore tuberculeuse, non seulement dans les orga- nismes, mais aussi dans le milieu extérieur, afin de contribuer à la connaissance de cette immunité spontanée qu'il faudra bien réussir un Jour à imiter par une méthode préventive, applicable avant tout à l'enfance. CONCLUSIONS. Sur 35 cas de tuberculose articulaire, osseuse, cutanée, el 23 de tuberculose des ganglions du cou, il n'a pas été trouvé un seul bacille du type bovin. Eprouvés (cultures pures) sur des cobayes el des singes, Les bacilles de ces tubereuloses ont montré autant de virulence que des bacilles de erachats, et dans beaucoup de cas une virulence plus grande. La bénignité d’une maladie tuberculeuse n'est donc pas l'effet nécessaire d’un bacille atténué. Il existe des bacilles tuberculeux atténués. Ils sont très rares. Jusqu'ici on les a trouvés dans des tuberculoses de la peau. La virulence des bacilles tuberculeux accomplit des oseilla- tions, dans la nature, au cours des passages entre les orga- nismes et les milieux extérieurs. La gravité d’une infection tuberculeuse dépend (sans parler de l’organisme) non seulement de la quantité, mais aussi de la qualité des bacilles incorporés. Dans de nombreux cas (presque le dixième), l'inoculation de matière tuberculeuse reste négative, sans qu'on puisse altri- buer l’insuccès à l'absence de bacilles, ni à la présence de simples acido-résistants : il s’agit de bacilles a/fénués, soit d’em- blée lors de leur pénétration dans l'organisme, soit dans l’orga- nisme par le fait d’un travail de guérison. La, flore tuberculeuse est plus nombreuse el plus variée 892 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR qu'on ne croil; nos méthodes d'isolement et de culture laissent échapper beaucoup de bacilles. Il existe une sous-flore tuberculeuse dont le rôle dans la maladie tuberculeuse est encore indéterminé. Ces faits expliquent les cas d'immunisation spontanée vis- à-vis de la tuberculose et confirment la possibilité d’une vacci- nation artificielle. C'est M. Metchnikoff qui m'a engagé à suivre cette idée directrice de l’immunisation spontanée et des vaccins naturels ; qu'il me soit permis de lui exprimer mon affectueuse grati- tude. TRYPANOSOMIDE D'UN RÉDUVIDE (CONORHINUS RUBROFASCIATUS) INOCULABLE AU RAT ET A LA SOURIS (!) par le Dr A. LAFONT Médecin-major de {re classe des Troupes coloniales. Travail du Bacteriological Laboratory (ile Maurice) et du service de M. le professeur Mesnil, à l'Institut Pasteur. (Avec: les PI. XIX et XX) Le point de départ de cette étude est la recherche de l’arthro- pode convoyeur de la « Fagellose » des petites euphorbes que j'ai découverte à Maurice en 1909 (2). Parmilesespècesd'hémiptèresrencontréesaux diversessaisons sur les plantes parasitées (Nysius euphorbiæ, Dieuches humulis, Lachnophorus quitulatus, Corizus hyalinus), se trouvaient de grands hémiptères sombres (Lygéides), rappelant les Réduves. On pouvait se demander si des Rédurves, à l’état de larves, de nymphes ou d'adultes, ne se retrouveraient pas sur nos euphorbes qu'elles auraient contaminées. Cette recherche a été négative jusqu'ici, majs elle attira notre attention sur un hémiptère dont nous apprimes l'existence dans le pays : grande punaise brune s’attaquant à l'homme. L'important mémoire de Chagas sur Conorhinus megistus et son parasite nous fit rechercher avec soin l’espèce mauricienne. Mais pendant une année (1909-1910), nous tentâmes vainement de nous procurer un seul de ces insectes. En mai 1910, nous pûmes nous procurer à prix d'argent un premier spécimen. Comme nous l’avions pressent, il s'agissait (1) Note préliminaire dans Comples rendus de la Soc. de Biologie, t. LXXII, 1912. (2) Voir ces Annales, t. XXIV. 1910. 894 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR bien d'une Réduve d'assez grande dimension, appelée à Maurice « Punaise maupin » (1). La détermination faite par M. D'Emmerez, directeur du Muséum de Port-Louis, fit reconnaître qu'on avait affaire au Conorhinus rubrofasciatus (2). Disons de suite que nous avons relrouvé cet hémiptère à la Réunion, que nous en avons reçu des spécimens des Seychelles, dus à l’obligeance de M. Lasnier, consul de France à Mahé, el qu'on nous en à affirmé l'existence à Madagascar (littoral) et dans l'archipel des Comores. A la Réunion, l’insecte est désigné par altération sous Île nom de « Punaise morpin ». Nousétudierons plus loin la biologie du Conorhinus (+. p.915). l. — FLAGELLÉS PARASITES DE LA RÉDUVE L'intestin de cette Réduve renferme à Maurice, dans 80 p.100 des individus, et dans 50 p. 100 à la Réunion, des Flagellés très polymorphes et souvent en nombre prodigieux. ÎTUDE DU PARASITE A L'ÉTAT FRAIS. Une goutte du contenu intestinal, mis entre lame-lamelle, montre de nombreuses formes pâles, allongées, se déplaçant parmi des cristaux blanchâtres ou des débris noirâtres à mou- vements browniens. 1° Parmi ces formes, les unes ont le corps rigide et se déplacent tout d’une pièce, le flagelle en avant; à première vue, elles ressemblent à des Leptomonas. I y en a de toutes les dimensions, de toutes les tailles, de très allongées, d'autres très courtes, ou des formes arrondies, globuleuses, etc. Elles paraissent souvent avoir un rudiment de membrane ondulante, ce qui fait penser aux formes Crithidia. Un certain nombre d’entre elles se déplacent en ondulant et sont semi-rigides. (1) Cette appellation indigène « Punaise maupin » Où « morpin » provient du Gouverneur français Maur, qui fut piqué par celle Réduve et eut un anthrax à la suite de la piqüre. (2) La détermination de M. D'Eumuerez a été confirmée par M. BEsnarp, du Muséum, après entremise obligeante de M. Gravier, et par notre ami Edm. BorpAGe, chef des Travaux à la Sorbonne. TRYPANOSOMIDE D'UN RÉDUVIDE INOCULABLE A LA SOURIS 395 2° On rencontre aussi, tantôt très rares, tantôt très nom- breuses, de petites formes se lortillant sur place comme des vers, avec mouvements d'extension et de rétraction. Ge sont des trypanosumes de pelites dimensions. Ces petits trypano- somes évoluent sur place, comme s'ils étaient gênés par le contenu intestinal ou comme s'ils sortaient d'un kyste; leurs mouvements sont vifs, rapides. Ils semblent aussi se détendre comme des ressorts pour traverser très vite Le champ du mi- croscope. 3° On voit enfin des formes arrondies et des formes allon- vées, immobiles ou à mouvements très lents. Des individus séants étonnent par leur dimension ou par leur forme renflée, en volute, en grenade, etc. Des amas considérables de formes arrondies ou kysliques ne sont pas rares ; des groupements de parasites enchevêtrés s’observent également dans la portion inférieure de l'intestin. La répartition exacte du parasite le long de la muqueuse intestinale reste encore à préciser. Ces diverses formes du parasite se retrouvent rarement dans l'estomac de la Réduve, bien que j'aie pu y constater leur pré- sence très nettement en plusieurs occasions et parfois en grand nombre. Contenu stomacal. — Le contenu de l'estomac de l'insecte se présente très souvent comme une masse compacte, rougeûtre, ayant la consistance du mastic, facilement énucléable et très difficile à étaler. En diluant ce mastic rougeàlre dans du sérum d'un animal (cobaye, lapin, équidé, etc.), de préférence au sérum physio- logique, on obtient d'excellents étalements, faciles à colorer, où cristaux et globules sanguins sont parfois encore reconnais- sables. Certains estomacs renferment du sang déjà fhémolysé en totalité ou en partie. Chez les larves, le sang est rapidement hémolysé après le repas. Contenu intestinal. — Le contenu de l'intestin varie selon la partie que l'on examine. 4° La portion avoisinant l'estomac renferme quelquefois un liquide rougeûtre, particularité qui facilite les examens à l'état frais. 896 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR 20 L'intestin moyen abrite le plus souvent un liquide noir comme de l'encre et montre parfois, dans sa portion inférieure, un renflement en ampoule, à contenu également noirâtre, plus ou moins fluide, plus ou moins visqueux et fourmillant de parasites plus ou moins mobiles. 3° L'intestin postérieur ou ampoule rectale tranche nette- ment par son contenu assez abondant, à coloration jaunâtre dans son ensemble, sur le reste de l'intestin. Ce contenu, vu au microscope, est formé par des anilliers de petits grains ordinairement blanchâtres, quelquefois colorés, ressemblant à un feutrage serré de grains d’amidon, et qui sont en réalité des cristaux d’urate de soude. Les Flagellés, toujours beaucoup plus rares dans cetle portion terminale, se meuvent avec lenteur ou se présentent sous la forme arrondie; mais il m'est arrivé, en pressant l'extrémité de l'hémiptère pour ne pas le sacrifier, d'obtenir une goutte de liquide jaunâtre et sgrumeleux fourmillant de parasites. Notons ici que ces Flagellés se colorent fort mal et paraissent en voie de destruction. Sérosité de l’insecte. — Par contre, dans le sang ou sérosité de l'insecte, recueilli après section d’un membre, d’une antenne ou après décapitation, je n’ai jamais observé de Flagellés. Les frottis frais des glandes salivaires se sont aussi montrés négatifs. Localisation du parasite. — Le parasite nous à paru localisé surtout à l'intestin, très rare dans l'estomac et absent des glandes salivaires, des tubes de Malpighi, des ovaires et de la cavité générale. Nous avons cru en voir dans des froltis des organes génitaux mâles, mais une trace infime du contenu intes- tinal a pu venir fausser notre préparation et nous induire en erreur. Conservation entre lame-lamelle à l'état frais. — Sur des préparations multiples, paraffinées ou non, nous avons pu conserver et suivre le parasite quatre Jours environ. Nous l’avons vu vivant et mobile, parfois ébauchant une division ou formant des amas mobiles; mais bientôt les grandes formes devenaient granuleuses, ralentissaient leurs mouvements ou prenaient la forme globuleuse. Les microbes envahissaient les lames, déterminant la mort, la dissolution ou l’enkystement du parasite. TRYPANOSOMIDE D'UN RÉDUVIDE INOCULABLE A LA SOURIS 897 ÉTUDE DU PARASITE APRÈS COLORATION. Nous nous sommes servis de préférence du colorant de Leishman, dont l’action est}plus rapide et'moins incertaine que celle du Giemsa, surtout aux Colonies. Les parasites colorés ont leur protoplasma variant de la teinte bleuâtre à la teinte lilas ou rose violacé; ‘ces différences de tonalité peuvent tenir aux temps différents de la coloration aussi bien qu’au degré d’aci- dité ou d’alcalinité des dilutions du contenu intestinal de la punaise maupin. Le blépharoplaste où centrosome a pris habituellement la teinte violet foncé, parfois virant au noir; le noyau s’est coloré en rouge foncé ainsi que le fagelle. Nous notons ces teintes une fois pour toutes. Sur lames colorées, nous n'avons qu'exceptionnellement des formes Leptomonas. Celles qu'à l'examen direct nous avions prises pour des Leptomonas élaient en réalité des formes Crithidia. Nos lames renferment donc : 1° Des formes Crithidia, très variées : 2° Des formes 77ypanosoma ; 3° Des formes arrondies ou globuleuses ; 4° Des formes kystiques particulières, allongées ou fusi- formes ; 5° Des formes variées en voie de division ; 6° Des formes anormales. Nous allons les décrire successivement avec leurs dimensions et leurs particularités. Il suffira du reste d'examiner les planches jointes au mémoire pour s’en faire une idée d'ensemble. À. — Formes Crirminia. Elles présentent des formes courtes, moyennes et longues. a) Les formes courtes ou légèrement allongées varient en longueur de 7,8 & à 9,8 y sans flagelle. Leur largeur est de 1,4 à 2,8 et dans les cas extrèmes assez rares 4,2 4; elles sont alors renflées. Le flagelle libre atteint 4 à 5,2 &. La longueur totale est ainsi de 11 à 15 2. Le blépharoplaste va de 0,5 à 1,4 dans sa plus grande lon- 898 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR gueur et de 0,2 à 0,7 » dans sa plus grande épaisseur. C'est le plus souvent un bâtonnet régulier, situé au-dessous du noyau auquel il paraît presque adhérer en bien des cas: il peut aussi s'étrangler à sa partie "moyenne. Mais ses dimensions sont par- fois inappréciables tant il est petit; ou bien il devient globu- leux, arrondi irrégulièrement. Cette dernière forme est plus rare: Le noyau, moins fortement coloré, se présente ici comme une petite masse granuleuse, souvent compacte, tantôt placée lransversalement, tantôt longitudinalement ou dans une orien- talion intermédiaire. En position transversale, le noyau peut occuper toute la largeur du parasite; dans les autres sens, il laisse une marge appréciable. Sa plus grande longueur va de 4,4 à 2,8 w et sa largeur de 0,7 à 1,8. La distance de la face postérieure du noyau à l'extrémité postérieure du parasite oscille entre 1,4 et 3 w en moyenne, pour atteindre quelquefois jusqu'à 5-6 v. L'extrémité postérieure, variable de forme, peut être effilée, obtuse où franchement arrondie. Le protoplasma se prolonge presque toujours le long du flagelle, en une mince membrane qui est rapportée, dans les mensurations, au corps du parasite. Quant au flagelle, vigoureusement marqué, il peut traverser en partie le corps du flagellé pour venir, presque sans excep- lion, border finalement sa face convexe. La membrane ondulante, parfois à l'état d'ébauche, est quel- quefois bien marquée, mais sans grandes ondulations (fig. 4 à 6'et fie. 15). b) Les formes moyennes, rigides et de belle tenue, ne sont pas toujours arquées. Elles atteignent 16 à 25 », flagelle com- pris. Le flagelle oscille de 2 à 7. La largeur est de 1,4 à 2,8; le blépharoplaste, long de 0,8 à 41,4, épais de 0,2 à 0,5, est orienté transversalement et collé ou juxtaposé au noyau. Ce dernier mesure de 1,2 à 2,8 en longueur et 4 à 1,4 en largeur. Il forme une masse arrondie ou quadrangulaire. Sa distance à la partie postérieure du parasite atteint de 3 à 7 w. Quand le noyau n’est pas transversal, sa distance à l'une des faces latérales peut alteindre 1 y. TRYPANOSOMIDE D'UN RÉDUVIDE INOCULABLE À LA SOURIS 899 Mêmes remarques que précédemment pour les extrémités, le flagelle, la bande de protoplasma qui l'accompagne et la mem- brane ondulante plus accentuée (fig. T à 13). c) Les formes longues. — Ces formes, flagelle compris, vont de 25 à 50 & et au delà et sont larges de 2 à 4,2. Rubannées ou arquées, elles sont remarquables par le prolongement d’une bande étroite de protoplasma accompagnant le flagelle ou par les plissements de la membrane ondulante. On ne sait plus parfois où se termine exactement le corps du parasite et les mensurations en sont rendues difficiles. Cette bande proto- plasmique peut en effet atteindre un développement de 10 à 12 # pour une largeur inférieure à 1 y. La partie libre du flagelle donne une moyenne de 4,2 à 12,6. Il y a même des cas où le flagelle libre parait atteindre le tiers à la moilié du corps du parasite. A peine esquissée dans les formes précédentes, la membrane ondulante est ici parfois très nettement représentée. Le blépharoplaste, collé où juxtaposé au noyau, en position longitudinale ou oblique, est épaissi ou arrondi. Ses dimensions varient de 0,7 à 1,4 et de 0,3 à 0,5 ». Le noyau se présente en certains cas comme un bloc com- pact, ovale ou quadrangulaire, parfois presque carré, placé en lravers ou en long, remplissant ou non toute la largeur du flagellé. Ses dimensions peuvent être les mêmes en tous les sens. Le noyau varie de 1,4 à 2,8 et au delà en longueur et de 1,4 à 2,8 en largeur ou épaisseur. Il est aussi granuleux à l’in- térieur ou sur les bords et l’on peut arriver parfois à compter à l'intérieur les chromosomes, groupés irrégulièrement ou reportés à sa périphérie. Selon sa position dans le parasite, il peut laisser libre à son niveau une notable partie du proto- plasma. Dans ces grandes formes, on assiste à toutes les phases de migration du noyau et du blépharoplaste, à la recherche de leur position définitive. Aussi la distance du noyau à l'extrémité postérieure varie de 6 à 18 # et au delà (fig. 14 et 16 à 22). Cette extrémité postérieure, généralement arrondie ou obtuse, peut s’effiler (fig. 22). Ceci est intéressant à noter en vue des particularités que nous observerons par la suite dans les expé- riences d'inoculations aux petits animaux. 900 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Fait remarquable : dans toutes ces formes que nous venons de décrire, on n'observe presque pas de divisions. Parmi les Crithidia, petites, moyennes ou grandes, on en rencontre qui présentent des vacuoles plus ou moins nom- breuses dans leur protoplasma, ce qui peut tenir à des inégalités de coloration, à des phénomènes d'’altération ou de dégénéres- cence. Il se trouve aussi des formes, assez nombreuses, présentant une strie blanche longitudinale, allant d’un bout à l’autre du protoplasma, comme si le parasite allait se dédoubler. Sur nos dessins, cette zone blanche tranche remarquablement sur l'azur du protoplasma et atteint environ 1 y de largeur. Cette parti- cularité nous a longtemps intrigué; nous verrons plus tard quelle explication plausible on peut en donner (fig. 1, 5, 6, 11, 16). B. — Formes Trypaxosoma. Nous avons noté plus haut les caractères de ce trypanosome, ainsi que sa pelitesse et ses variations à l’état frais. Coloré, le parasite présente les caractéristiques suivantes : 1° Un très gros blépharoplaste violet foncé, arrondi ou très légèrement allongé, occupant l'extrémité terminale ou subter- minale postérieure ; 2° Un noyau volumineux, très allongé, le plus souvent forle- ment coloré, placé longitudinalement et collé contre la face concave du parasite, du moins dans la plupart des cas: 3° Une très courte distance, qui peut être inappréciable, sépare l'extrémité postérieure du noyau du blépharoplaste. La constance de ces trois caractères suffit, selon nous, à difté- rencier ce petit trypanosome des espèces connues (fig. 24 et 26). Le Jlagelle longe le plus souvent la face convexe du parasite et présente plus ou moins d'ondulations. La membrane ondu- lante qu'il borde se colore à peine et offre un espace blanchâtre des plus nets. Le trypanosome, dans son ensemble, estla plupart du temps arqué, tordu, ployé ou recroquevillé sur lui-même. Voici ses dimensions : sa longueur sans le flagelle est de 7 à 8 : pour les plus beaux individus; sa largeur est de 1,4 à 2,8. Exceptionnellement on voit des spécimens ayant une lon- sueur double. TRYPANOSOMIDE D'UN RÉDUVIDE INOCULABLE A LA SOURIS 901 Le flagelle libre varie de 4 à 10 & et la longueur totale oscille entre 9,7 et 21 avec moyenne de 14 à 15 y. Blépharoplaste long de 0,7 à 1,4; large de 0,3 à 1. Très rarement, il se trouve à quelques y de l’extrémité pos- térieure et on peut alors penser à des formes de transition entre les petites formes et les formes crithidia moyennes (fig. 27). Noyau atteint de 2 à 4,2 » d’une part et 0,4 à 2 de l’autre. Très rarement, sauf dans des formes mal différenciées encore, ce noyau peut être globuleux ou en position légèrement oblique. On peut mesurer entre les deux noyaux une distance de 0,2 à 0,7 te. Cette même distance chez T7. Duttoni, espèce propre à la souris, est remarquable par sa constance et mesure 6 à 7 y, d’après Thiroux (1). J'ai pu du reste m'en rendre compte moi- même sur une lame de sang de souris (provenance : Italie) de la collection de M. Mesnil. À son tour, la distance de la face postérieure du noyau à l'extrémité postérieure varie de 0,3 à 7 y (formes de transition). La moyenne est de 2 à 3. De plus, appliqué contre la face concave ou très rapproché d'elle, le noyau est distant de 0,7 à 2,8 de la face latérale con- vexe ; il peut aussi, mais très rarement, se trouver au milieu du parasite. Toutes ces dimensions ont été notées avec le plus grand soin pour bien caractériser ce trypanosome. C. — Formes arronnies. Elles se présentent isolées, plus sou- vent par deux, et aussi en amas immenses ; elles ressemblent à première vue à des kystes. Mais je ne crois pas que ce soit là la véritable interprétation à leur donner. Elles sont généralement rondes, presque sphériques, ovalaires ou irrégulières. Leurs dimensions en longueur vont de 4 & pour les plus petites à 12-14 pour les plus grandes. La largeur varie de 2,8 à Tet9,8 avec un blépharoplaste long de 0,7 à 1,4; large de 0,2 à 0,7. Le noyau mesure dans un sens 1,4 à 2,8 et dans l'autre 1 à 2 Le. Quant à l'éloignement du noyau de la face postérieure, là où il est possible de faire des mensurations, il est de 0,2 à 7 y. (4) Tuimoux, Annales de l'Institut Pasteur, t. XXI, septembre 1905. 902 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Blépharoplaste et noyau occupent toutes les positions à l’inté- rieur du corps (centrosome longitudinal, oblique, perpendicu- laire). Certains de ces petits parasites rappellent, mais de loin, cer- taines formes de Leishinania. Le flagelle souvent ne dépasse pas l’intérieur du parasite, mais sa parlie libre, quand elle existe, atteint parfois de 4,4 à 30,8 , dimension extrème. Parmi ces formes, les unes — les plus petites — s’observent surtout dans l’ampoule rectale et paraissent être tout au moins des formes de résistance ; les autres, plus grosses, plus ou moins régulières et à court flagelle, se retrouvent dans la portion de l'intestin rempli de matière noirâtre sise au-dessus du rectum ; elles rappellent des formes grégariniennes (fig. 34 à 43). D. — Kysres rusiroruEs. Ce sont les éléments les plus curieux du contenu parasitaire intestinal de la punaise maupin. A l'état frais, ces kystes sont masqués sur les préparations par les nombreux pigments ou cristaux de l'intestin et n’atti- rent pas l'attention. Colorés, ils sont allongés, fusiformes, parcourus dans toute la longueur par une strie claire qui peut occuper du 1/3 au 1/4 de la surface du kyste. Tantôt cette strie claire occupe la sur- face du fuseau sans atteindre ses pôles, tantôtelle atteint l'une ou l’autre extrémité. Dans ce cas, le kyste paraît fendu dans le sens longitudinal, ou mieux entr'ouvert légèrement comme les valves d’un coquillage. Le kyste prend en général une coloration bleuàtre sur laquelle tranche avec netteté la zone claire. Le parasite, quand on le voit bien, occupe dans toute sa longueur un côté ou le milieu du kyste et à l'aspect d’un fuseau aciculé à ses deux bouts. Un gros noyau granuleux et un petit blépharoplaste arrondi ou lHinéaire d’où part un très court flagelle occupent généralement son extrémité antérieure et sont très visibles. Interprétahions de la strie blanche longitudinale (formes eri- thidia et éléments fusiformes). Il peut s’agir d'une empreinte sur le corps du parasite pen- dant sa libération du kyste ou mieux d’une zone de moindre épaisseur autour de laquelle le flagellé se replierait comme une charnière. Quoi qu'il en soit, cette particularité éveille TRYPANOSOMIDE D'UN RÉDUVIDE INOCULABLE A LA SOURIS 903 l'idée d’un rapprochement entre ces deux formes et fait penser à une relation entre elles (fig. 1, 6, 11 et 46-49). Peut-il y avoir deux parasites dans ces corps fusiformes? Il m'a semblé une fois ou deux voir deux parasites, mais, étant donnée la rareté du fait, je ne saurais émettre une affirmation absolue à ce sujet (fig. 32). Comme dimensions du kyste, j'ai noté 7 à 14 en longueur et 1,4 à 5,6 en largeur. Je n'insisterai pas sur celles du parasite. E. — FORMES VARTÉES EN VOIE DE DIVISION ET FORMES ANORMALES. Ces formes, avons-nous dit plus haut, sont en général rares et à division à peine ébauchée. Pourtant, sur nos lames, on retrouve des petites formes arrondies, voisines de celles du kala-azar ou plus grosses, généralement avec deux petits noyaux et deux centrosomes. Les centrosomes occupent une position inverse par rapport l’un à l’autre. Ces formes de divi- sion ne sont pas rares sur nos préparations. D’autres échantillons ont en plus deux très courts flagelles, parallèles ou croisés, et souvent de dimension inégale, ne dépassant pas le corps du parasite ou émergeant de quelques » seulement. Avec deux centrosomes, on peut rencontrer un seul noyau, volumineux, épaissi et irrégulier, formant bloc. Inver- sement, il peut exister deux gros noyaux avec un seul cen- trosome ovalaire donnant naissance à un flagelle unique ou à deux flagelles inégaux (fig. 28-31). Parmi les kystes fusiformes, j'ai noté une seule fois un gros noyau quadrangulaire, et au-dessus deux pelits centrosomes arrondis d’où partaient deux flagelles assez courts, dépassant le kyste (fig. 32). Dans les formes Crithidia, c'est surtout chez les formes renflées, allongées ou géantes que l’on constale des phéno- mènes de division. Parasites, noyaux, blépharoplastes attei- enent alors des dimensions anormaies et présentent les mêmes particularités que celles indiquées ei-dessus. En plus, on observe un commencement de division du protoplasma, parfois assez marqué (fig. 29-33). Nous figurons sur nos dessins quelques-unes de ces formes d'interprétation assez difficile ou formes de transition. Etant donnée leur rareté, nous ne les avons pas mensurées, mais elles atteignent souvent des dimensions considérables. 904 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR ESssAIS DE CULTURE. Ils ont été tentés, mais en trop petit nombre, sur milieu intestinal de la punaise maupin, mis en pipettes, sur sérum d'ânon et sur milieu de Nicolle. Dans les deux premiers milieux, on conservait les parasites quelques jours vivants et mobiles, et l’on observait vers la quarante-huitième heure de toutes petites formes en grain d'orge avec flagelle et assez mobiles. En milieu de Nicolle, vingt-quatre heures après, j'ai retrouvé des petites formes libres, analogues à celles vues à l’intérieur des kystes fusiformes, avec gros noyau débordant le prolo- plasma à la coloration, centrosome volumineux pour leur taille et court flagelle, rappelant les formes leptomonas des cultures (fig. 64-65). Ces formes se voyaient aussi en amas, en rosaces, avec flagelles à l'extérieur. J'ai pu les suivre plusieurs Jours. Les grosses formes, au contraire, se mettaient en boule ou devenaient granuleuses. Malheureusement toutes nos cultures étaient envahies rapidement par les bactéries, dont la présence est fréquente, sinon constante, dans le contenu intestinal des punaises maupin ; et, au bout de huit jours, les parasites étaient morts. Le temps nous a manqué à Maurice pour procéder à un grand nombre d’ensemencements. Il. — EXPÉRIENCES DE TRANSMISSION AUX MAMMIFÈRES-. INFECTION SANGUINE DE LA SOURIS Le Conorhinus rubrofasciatus S'attaquant à l'homme et aux animaux, se nourrissant de leur sang et présentant souvent des trypanosomides dans son intestin, il était indiqué de rechercher si ceux-ci n'étaient pas transmissibles aux animaux de laboratoire. Nous avons donc institué à Maurice de nombreux essais de transmission par piqüres, injections sous-cutanées et intrapéri- tonéales, tenté les passages d’un animal à l’autre, cherché à établir si l'on se trouvait en présence d'un parasite du sang des mammifères. Voici la marche et les résultats de ces différents essais. TRYPANOSOMIDE D'UN RÉDUVIDE INOCULABLE A LA SOURIS 905 A. — Essais DE CONTAMINATION PAR PIQÜRES DE L'INSECTE. a) Chez le Macacus cynomolqus (1), dans tous les cas, les poils de l'animal étaient tondus ou rasés en divers endroits, notamment sur le dos, pour faciliter les piqûres. Un singe adulte immobilisé fut soumis à diverses reprises à des piqüres répétées de plusieurs réduves parasitées. Les piqûres, obtenues non sans peine, se sont montrées douloureuses au moment de la pénétration de la trompe, mais sans réaction inflammatoire concomitante. Aucune transmission de parasite ne fut obtenue. b) Chez les cobayes. Douze cobayes, d'âge variant de un Jour à plusieurs mois, furent exposés chaque nuit dans d’étroites corbeilles, entourées de mousseline à mailles fines solidement lixée, aux piqûres de très nombreuses réduves, provenant de tous les points du littoral et souvent renouvelées. Chaque matin les Conorhinus gonflés de sang à éclater étaient mis de côté. Certains cobayes n'ont été piqués qu'un jour, d’autres durant plusieurs semaines, mais toujours par un grandnombre d'insectes. Chez cinq d’entre eux, l'expérience s'est poursuivie jusqu à cinq mois et demi. Les animaux réagissaient vivement à la piqüre, criaient ou s’affolaient. Certaines piqûres provoquaient des démangeai- sons et les cobayes se grattaient alors avec acharnement. Il y eut ainsi quelques excoriations à l'endroit de la piqûre, provo- quées par le grattage. La piqûre ne laissait pas de traces, sauf parfois un amai- grissement passager. Jamais nous n'avons observé de trypanosomes dans le sang périphérique. . Si nos cobayes ont été infectés à un moment donné de l’ex- périence, l'infection a dû ètre tout à fait passagère. Les femelles pleines, au nombre de 3, ont pu conduire à terme leur sestation et les petits ont tous vécu. Or, dans les trypanoso- miases, au début de l'infection, l'avortement est souvent de règle; nous l’observions fréquemment à Maurice chez les (1) Cette espèce existe à l'état sauvage à Maurice. 906 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR génisses surrées. Il peut se faire que le cobaye n'ait pas été l'animal de choix, mais c'est celui que nous avions le plus faci- lement à notre disposition. B. —— KssaIS DE CONTAMINATION PAR INJECTION. a) Des essais de contamination par injection sous-cutanée on! porté sur le rat, le cobaye, le lapin, la mangouste et le Macacus cynomolqus. Us ont tous été négatifs, malgré les fortes doses injectées de contenu intestinal des Punaises parasilées. Par injection #ntrapéritonéale, les résultats ont été négatifs chez la musaraigne, le cobaye, le lapin, le tanrec. Chez un Macacus cynomolqus, dix jours après (1) une injec- Lion intrapéritonéale massive (injection du contenu imtestinal de cinq Réduves parasitées), j'ai vu wne seule fois un grand trypa- nosome à mouvements très rapides, progressant par ondulations dans le sang périphérique. J'ai pu le suivre trois heures au mi- croscope, pensant qu'il s'agissait d'un parasite en voie de divi- sion. Mais à l'étalement du sang de cette même lame, après colo- ration, je n'ai plus rien retrouvé. En même temps, je notais une mononucléose accentuée, atteignant T1 p. 100 avec 29 p. 100 de erands mononucléaires et 4,5 p. 100 d'éosinophiles. De nombreux examens par la suite furent constamment négatifs, ainsi que l’inoculation à un rat, à deux cobayes et une mangouste de un centimètre cube par animal du sang parasité du singe. Le singe, plusieurs mois après, était en excellente santé, n'ayant jamais donné signe de dépérissement. b) Inoculation intrapérilonéale au rat et à la souris. Nous avons pensé qu'en nous adressant à des animaux plus petits rats, souris, et qu'en les injectant à dose massive, on arriverait peut-être à vaincre leur résistance à l'infection. C'est en effet chez ces deux espèces que l’inoculation s'est montrée positive. 2. Chez le rat.Nous avons utilisé de gros rats adultes (Mus rattus et decumanus) tenus longtemps en observation au labo- ratoire et sûrement non infectés de 7». Lerist. (1) Dans une note au Bullelin de la Sociélé médicale de l'Ile Maurice, 3e série, n° 23, 1911, nous avons indiqué par erreur le passage du parasite dans le sang du Maucucus cynomolgus, 30 heures après l'injection, au lieu de 10 jours. TRYPANOSOMIDE D'UN RÉDUVIDE INOCULABLE A LA SOURIS 907 Après injection du contenu total ou partiel de l'intestin du Réduvide parasité dans le péritoine du rat, on observait de quelques heures (3-4) à 24-30 heures, la présence du parasite vivant et mobile dans la sérosité péritonéale en même temps que d’impressionnants phénomènes de phagocytose. Aux prises successives, on voyait les grands et moyens mononucléaires surtout, les polynucléaires en moins grand nombre, se gorger de grosses granulations noirâtres ou bru- nâtres, masquant leur noyau à l’état frais. Cette phagocytose intensive rappelait celle provoquée expérimentalement par l'injection de carmin (fig. 50). Les parasites (Crithidia où Trypanosoma)semblaients adapter à ce milieu; mais à mesure que les particules noirâtres dispa- raissaient à l'intérieur des leucocytes, ils perdaient de leur mobilité ou se mettaient en boule. Vers la 24-30° heure, peu d'entre eux étaient vivants ; le plus grand nombre était déformé ou détruit. Ceux qui s’enkystaient perdaient parfois leur flagelle et prenaient la grosseur d’un globule sanguin avec phénomènes de division nucléaire se poursuivant à l’intérieur, si bien qu'on pouvait se demander si on ne se trouvait pas en présence d’un nouveau parasile du sang; mais des formes de transition et parfois la persistance d’un court flagelle mon- lraient qu'on avait bien affaire au parasite initial. Nous n'avons pas figuré ces formes enkystées sur nos dessins. Pour n'y plus revenir, notons iei que ces mêmes phénomènes de phagocytose se sont montrés chez la souris avec peut-être plus d'intensité encore, car, à peine quelques heures après, nous retrouvions des leucocytes mélanifères dans la circulation sanguine. Le parasite de la Réduve à été retrouvé dans le péri- toine comme chez le ral, mais jusqu'à la 58° heure, le plus souvent déformé, en boule, élargi, en cerf-volant ou enkysté, présentant souvent deux noyaux, dont l'un la plupart du temps éclate en semis de granules. Après coloration, les formes trypanosomiennes (fig. 52-58) ont mesuré, flagelle compris, 14 à 21 avec un noyau longi- tudinal, un protoplasma de dimension ordinaire et un blépha- roplaste parfois très petil, arrondi, assez rapproché du noyau, el presque terminal. L'extrémilé postérieure paraissait aiguë 908 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR ou arrondie. On voyait aussi des parasites à diverses étapes de leur évolution d’après les positions respectives de leur blépha- roplaste et de leur noyau. Quant aux Crithidia, moins nombreuses, elles se présen- taient avec leurs caractères habituels et une extrémité posté- rieure élargie ou déformée. Il nous a semblé que ces formes étaient plus facilement altérables au suc péritonéal que les formes précédentes (fig. 58). Dans le sang périphérique, chez le rat adulte, nous n'avons pas réussi à noter le passage des parasites, soit que ces formes aient été très rares ou qu elles aient élé détruites rapidement après leur passage dans la grande circulation. Tous les rats adultes ont succombé par la suite à des causes indéterminées : captivité, maladies parasitaires, surtout ténias dont le foie était farci (kystes) et la lumière de l'intestin obstruée (adultes). 8. Chez la souris (Mus musculus). Nous citerons les résultats obtenus à la Réunion, à Cilaos (1), avec les parasites d'une Réduve du littoral dont l'intestin renfermait les mèmes formes qu'à Maurice (Crithidia, Try panosoma). Nous donnerons ensuite les résultats plus importants obtenus à Maurice, fin 1910. Souris de Cilaos. — Elle reçut dans le péritoine le quart du contenu intestinal d’une Réduve, dilué dans du sérum physio- logique. Les trypan. de la Punaise étaient très petits et très mobiles. Six heures après l'injection, les trypan. avaient déjà passé dans le sang. J'ai pu les suivre 25 à 30 heures. L'expé- rience s'est arrêlée là ; la souris ayant succombé à ce moment, aucun passage n'a pu être fait. Colorés, les trypan. du sang atteignaient une longueur totale de 11 à 24 y, le flagelle libre mesurant de 1,4 à 8,4. La largeur allait de 1,4 à 3,8 avec une moyenne de 2 w. Le blépharoplaste : 0,7 à 1,4 longueur; 0,5 à 0,7 épaisseur. Le noyau : 1,4 à 2,8 longueur; 0,7 à 2,8 épaisseur. La distance du centrosome au bord postérieur du noyau variait de 0,7 à 2,8 et du noyau à l'extrémité postérieure de 21à 16 LL. (1) Nous avons séjourné à Cilaos (Réunion), après notre départ de Maurice, de février à avril 1911. Notre expérience n’a pu avoir lieu qu'en mars-avril. TRYPANOSOMIDE D'UN RÉDUVIDE INOCULABLE A LA SOURIS 909 Cette extrémité elle-même était parfois très effilée et la membrane ondulante à peine ou largement plissée (fig. 59-63). Après la mort de la souris, les parasites étaient déjà très rares où en voie de dissolution. Souris de Maurice. — Nous avons eu une difficulté extrême à nous procurer souris et jeunes rats et en nombre très res- treint, en raison de la peste bubonique qui sévit à l’état endé- mique à Maurice, avec poussées périodiques épidémiques de fin août à mars chaque année. Néanmoins nos essais d'ino- culation ont donné des résultats intéressants. Cinq souris injectées par la voie péritonéale ont présenté une infection très légère, légère ou sévère. Le flagellé de la Réduve a passé dans le sang 30 heures, 48 heures, 3 jours et 7 jours après l'inoculation. Dans le sang, à l’état frais, ila pris la forme d'un trypan. pas très mobile au début, se déplaçant par grandes ondula- tions. Ce trypan., d'assez grandes dimensions (trois à quatre fois celles des petits trypan. de l'intestin de la Réduve, du péritoine du rat et du sang périphérique de la souris de Cilaos), présentait souvent une extrémité postérieure pointue ressemblant à un bec effilé. On le rencontrait en pelit nombre, un pour 7,8 ou 50 champs de microscope (fig. 66, 68, 69, 70, MS 510, 718 )80;81); L'infection sanguine de la souris, tantôt passagère, tantôt prolongée, a varié de un jour à huit jours pleins. Sauf dans un cas où la souris est morte accidentellement au cinquième jour de son infection, les parasites ont généralement disparu du sang au bout de quelques jours, après une période d'augmen- tation, puis de raréfaction. Mais quatre de ces souris infectées ont suecombé de un jour à un mois après la disparition des parasites. A noter que le trypan. augmentait de mobilité et de dimen- sions avec la durée de l'infection. Les plus beaux échantillons ont été obtenus, soit avec le sang, soit avec les frottis d’organe (foie, reins), notamment chez la souris 5 (mort accidentelle au 5° jour de l'infection). Nous avons reproduit de préférence sur la planche IT (fig. 66 à 82) les trypan. du sang et des organes de cette souris 5. x B Les parasites, moins développés au début (30° à 50° heure), ont 910 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR augmenté de taille et de volume et atteint leur plein dévelop- pement vers la 130° heure après l’inoculation. Le parasite est remarquable par ses dimensions, par la courte distance séparant le noyau du centrosome, la position généralement transversale du noyau, enfin par la mem- brane ondulante vigoureusement marquée et remarquablement plissée. La longueur totale a varié de 28 à 42 p, flagelle compris. Le flagelle libre de 4,2 à 9,8 est presque toujours terminé par un léger renflement à son extrémité libre. Nous n'insiste- rons pas sur ce renflement qui peut tenir à l'intensité ou aux dépôts du colorant, mais qu'on retrouve aussi sur quelques trypan. colorés de la souris de Cilaos, sans l'avoir Jamais rencontré chez les parasites polymorphes de la Réduve, bien que nous nous soyons servis du même colorant. Sa largeur, au niveau du noyau, de 1,4 à 4,2 pu, est en moyenne de 2,8 et dans sa plus grande largeur de 4,2. Le Blépharoplaste, long de 0,4 à 1 y, épais de 0,4 à 0,7, est tantôt linéaire, tantôt arrondi, en virgule, parfois triangulaire eten positions diverses par rapport au noyau, qu'il peut tou- cher presque. Il parait entouré souvent d’une zone claire. Le flagelle qui en part présente parfois une sorte de fuseau, ouvert en éventail et regardant le blépharoplaste (fig. 70, 72, 79, 82). Le Noyau à 1,4 à 2,8 y de longueur sur 0,7 à 2,1 de largeur. Ovalaire ou rectangulaire, le plus souvent en position trans- versale, 11 occupe toute la largeur du parasite ou sa plus grande partie. La position oblique, aperçue figures 73 et 78, est certaine- ment une forme de transition. Le noyau est granuleux ou compaet, avec d'ordinaire dis- persion des granules à la périphérie, mais on peut aussi les voir agglomérés au centre. La distance du blépharoplaste au noyau oscille entre 1,4 et 3,5 &, sauf dans les figures 67, 69, 73 où elle est inappréciable. Celle du blépharoplaste à l'extrémité postérieure varie de 2,8 à 9,6 et 14 y dans les cas extrêmes ; celle du noyau va de 4,6 à 12,6 et 17 y (cas extrèmes). Le noyau est séparé de la face latérale correspondante par O,Tàadéu. TRYPANOSOMIDE D'UN RÉDUVIDE INOCULABLE A LA SOURIS 911 La membrane ondulante présente une zone blanche longitu- dinale avec # ou 7 ondulations où le flagelle bordant ressort avec un grande nelleté. Quant à l'extrémité postérieure, allongée en bec acéré, elle peut s’aplalir, se renfler et se montrer plus ou moins obtuse (fig. 72,74, 82). Particularité remarquable, nous n'avons jamais réussi à voir des formes de division, même ébauchées, mais nous attirons l'attention sur les belles formes élargies (fig. 72, 77, 82) qui semblent proches de la division. Nous nous contentons d'ajouter pour mémoire que des ten- tatives d’inoculation de ce parasite de la souris à de très Jeunes Mus rattus ont échoué. Ces rats ont succombé assez rapidement après avoir présenté une infection sanguine à 77. Lewis qu'ils n'avaient pas au moment de linoculation. Mais le temps d'observation qui avait précédé cette inoculation avait été trop court. III — DISCUSSION DES RÉSULTATS Après avoir étudié le parasite dans l'intestin du Réduvide et ses formes de passage dans le péritoine du rat et la circulation sanguine de la souris, plusieurs questions se posent : 1. Sommes-nous en présence d’un seul parasite ou de plu- sieurs? 2. N'avons-nous pas eu affaire à de petits animaux sauvages, déjà parasités ? 3. Les Réduves n'héhergeaient-elles pas les trypan. d’un autre animal ? 4. S'agit-il d'un parasite déjà connu el comment le classer? 1. — Au premier abord, le polymorphisme des formes flagel- lées de l'intestin de la Réduve est déconcertant, mais un fail demeure cependant : c'est la constance de ces formes chez les nombreux Conorhinus rubrofasciatus examinés par nous. Sur toutes nos lames, on retrouve les diverses formes crithidiennes, {trypanosomiennes, arrondies ou fusiformes. Sans doule il y a parfois prédominance ou balancement du nombre de l’une ou de l’autre. On a done pu saisir sur le fait un mème parasite à diverses phases de son évolution. 942 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Bien plus, en consultant nos planches, on retrouvera aisé- ment entre les Crithidia et les trypan. des formes intermédiaires assez nombreuses. On constate tous les degrés de la rétrograda- tion du blépharoplaste qui devient postérieur au noyau. Les trypan. de diverses dimensions que nous avons repro- duits semblent attester l’évolution terminale des formes «eri- thidia » correspondantes. 2. — Les pelits animaux (rats el souris) n'avaient-ils pas de parasites préexistants dans leur sang? Une erreur de ce genre a failli se produire chez les tout jeunes rats qui ont présenté, au cours de l'expérience, une infection due au Tr. Lewisi. Pour les gros rats, il s'agissait de sujets en observation depuis plusieurs semaines au Labora- toire, examinés souvent et reconnus indemnes de tout para- site; là les observations sont valables. Pour les souris, les examens aussi ont élé négatifs avant toute expérience, et de plus, j'ajouterai que, tant à Maurice qu'à la Réunion, pendant trois années et demie passées dans ces deux pays, je n'ai jamais rencontré un seul trypanosome chez plusieurs centaines de sujets examinés qui m'ont servi : à la Réunion, comme contrôle des souches de vaccin anticharbon- neux, et à Maurice pour l'étude de la peste, de la méningite cérébro-spinale et des pneumococcies. Du reste, il est aisé de voir que lrypanosomes et Crithidia du péritoine des gros rats et trypanosomes du sang de la souris de Cilaos se ressemblent; qu'ils rappellent d’une part les petits trypanosomes de l'intestin de la Réduve et de l’autre les formes Crithidia petites et moyennes qui en seraient l’ébauche. Chez les souris de Cilaos et chez les gros rats, on peut remarquer aussi que les parasites ont été un peu altérés par l'adaptation à des milieux nouveaux (sang, péritoine), sans perdre toutefois leurs caractères essentiels (position du noyau et du blépharoplaste). Ce qui démontre bien qu'il y a de la part de l'animal inoculé action modificatrice, c'est le grand nombre de parasites détruits dans les deux cas dès les premières heures qui ont suivi l’ino- culation dans le péritoine. On peut nous objecter encore que l'identité des petits trypa- nosomes (intestin de la Réduve, du péritoine du gros rat et du w à TRYPANOSOMIDE D'UN RÉDUVIDE INOCULABLE A LA SOURIS 913 sang de la souris de Cilaos) n'est pas toujours complète. Le blépharoplaste, dans les deux derniers cas, n’est ni très gros, ni terminal; le noyau n’est pas toujours allongé; l'extrémité postérieure est le plus souvent effilée : tout cela est vrai; mais déjà pour certains trypanosomes de la punaise nous obser- vons ces particularités. Entre les petits trypanosomes de l’in- secte, à gros blépharoplaste terminal et globuleux, el ceux observés dans nos transmissions chez les petits animaux, on peut trouver toutes les formes intermédiaires. Une expérience parle en faveur de l'unité du parasite, malgré son polymorphisme. En partant des œufs de Réduve, obtenus au laboratoire, nous avons eu des éclosions nombreuses. Jamais les larves, isolées et examinées de un jour à quelques semaines après la naissance, n'ont montré de parasites dans leur tube intestinal. On peut affirmer que les éclosions récentes sont indemnes de tout parasite. Ces larves vierges sont mises à piquer la souris 5, en pleine poussée trypanosomique, pendant vingt-quatre heures. Retirées et isolées, elles sont gonflées de sang déjà hémolysé et couleur rouge cerise par transparence à travers le corps. En les reti- rant, quelques-unes éclalent comme des groseilles trop mûres et montrent, entre lame et lamelle, des flagellés, nageant dans le sang hémolysé et ressemblant à des formes en tétard; les jours suivants, les parasites s’allongent et augmentent de volume. Dix jours après, je retrouve des formes /eptomonas rares, des crithidia variées, des ébauches de trypanosomes et des formes arrondies et fusiformes. Il s'agissait bien là des grands trypanosomes de la souris, revenus aux formes crithidia et à leur polymorphisme habituel dans l'estomac et l'intestin d'une larve vierge de Conorhinus, habitat normal. Je n'ai pu suivre cette évolution heure par heure; mais ce que j'ai constaté est nettement en faveur de l'unité du parasite. Une étude plus approfondie mettra sans doule en évidence les anneaux qui peuvent manquer encore. 3. Nos Réduves n'hébergeaient-elles pas les trypanosomes de quelque mammifère? Cette objection peut se soutenir, les Réduves mâles et femelles ayant été parfois capturées dans des parcs à bœufs, renfermant des animaux surrés et nous arrivant gorgés du 914 ANNALES DE L'INSTIEUT PASPEUR sang de ces animaux. Mais l'expérience suivante réduit à néant celle objection. Nous avons en effet soumis un cobaye surré (cobaye souche surra), à nombreux trypanosomes dans le sang périphérique, aux piqûres de larves de Conorhinus d'éclosion récente et #rdemnes de tout parasite. Aux examens successifs des larves gorgées de sang, on ne retrouve plus de trypanosomes, mais seulement des débris de flagelles et des noyaux de parasites. A la Réunion, où le surra n'existe pas jusqu'ici, les Rédu- vides des parcs à bœufs n’en hébergent pas moins des flagellés. 4. — Comparaison du parasite de la Réduve avec les try- panosomes voisins. — Ni l'expérience précédente démontre bien qu'il s'agit d'un trypan. différent de celui du Surra, ce trypan. de la Réduve et ses formes « crithidia » n’ont pas moins des rapports, des points de ressemblance avec certains trypanosomes, notamment avec le Lewisi du rat et de la souris. Ce sont d’abord la pelitesse du parasite dans l'intestin de la punaise et le péritoine du rat ainsi que sa forme tourmentée. La ressemblance est surtout grande entre les petites formes lrypanosomes, qui font partie de l'évolution du 77. Lewisi chez la puce du rat (Swellengrebel et Strickland) et que Delanoë a retrouvées dans les cultures, et le trypan. de l'intestin de la Réduve : petite taille; gros blépharoplaste terminal. A côté de certaines ressemblances entre les formes de notre flagellé chez la souris et les 7r. Duttoni et Lervisi, il y à de nolables différences. La distance qui sépare le blépharoplaste du noyau chez les Tr. Duttoni et Lewisi du sang des rongeurs est constamment de 6-7 u; cette distance est deux à trois fors supérieure à celle qu'on observe chez notre parasite. Par la variété de ses formes, le parasite de la Réduve rap- pelle le polymorphisme si remarquable des Leptomonas des mouches du Congo et du Soudan, décrits par Roubaud; par les formes elles-mêmes, il rappelle encore mieux le 7>. drosophilæ de Chatton et Alilaire, réétudié récemment par Chatton et À. Leger et aussi le 7rypan. Grayi Novy, tel que l’ont fait con- naître Minchin et Roubaud. Nos formes peuvent être classées dans les Cystotrypanosomes de Roubaud (trypanosomes à reproduction kystique). De même, beaucoup de nos formes : formes Crithidia, formes TRYPANOSOMIDE D UN RÉDUVIDE INOCULABLE A LA SOURIS 915 rondes et ovalaires, rappellent les formes correspondantes de Conorhinus megistus infectés de Schizotrypanum Cruzt, à tel point qu'on les croirait parfois calquées les unes sur les autres. De tout ce qui précède, malgré des concordances parfois curieuses avec les espèces précitées, en tenant compte des progrès récents de nos connaissances (Chatton et ses collaho- rateurs, Roubaud, etc.) sur les formes de passage des Zepto- monas où Crithidia aux trypanosomes; de l'existence de ces derniers chez des insectes non piqueurs ainsi que de leur polymorphisme, — nous sommes en droit de conclure que Île parasile de notre Réduvide, Conorhinus rubrofasciatus, est un parasite nouveau, nettement différencié, caractérisé par son polymorphisme remarquable, par les dimensions de son blé- pharoplaste et ses rapports de posilion avec le noyau chez le parasite adulte; y à lieu de classer, provisoirement du moins, sous un même nom, toutes les formes de l'intestin de la Réduve et celles des expériences de transmission au gros ral et aux souris. Nous lui maintenons donc le nom de 7rypanosoma Boyler (1) que nous lui avions déjà donné à Maurice. Nous pensons que des études ultérieures permeltront de préciser les points encore obscurs du développement de ce nouveau parasite. Pour les élucider, des envois pourront être faits en France, à l'Institut Pasteur. Des Conorhinus ont déjà pu y parvenir vivants; malheureusement, ils n'étaient pas infectés (2). : IV. — BIOLOGIE DU CONORHINUS Conorhinus rubrofasciatus est un bel insecte d'aspect brun ferrugineux, avec stries transversales couleur de rouille. Ces stries parallèles, semi-arquées et à concavilé supérieure, par- courent l'abdomen. Elles sont recouvertes par les ailes et n'apparaissent libres que sur les bords. (1) Ce nom est donné au parasite en souvenir de la fondation du Bacterio- logical Laboratory fin 1908, à Maurice, par le Gouverneur Cavendish Bovle, fondation réalisée avant tout avec l'important appui de la Station agrono- mique et les ressources financières des Planteurs Mauriciens. (2) Ces envois sont dus à l'obligeance de M'° Athénas, de M. le médecin- major Vincent, chef du laboratoire de bactériologie, et de M. Russel, de 3edfort. Nous tenons à leur adresser {ous nos remerciements. 916 ANNALES DE L'INSTITUT -PASTEUR Très bombé après la succion, le corps est au contraire forte- ment déprimé et concave en dessus à l'état de vacuité. L'hémiptère adulte mesure en moyenne 2 cm. 2 à 2 em. 5. Il atteint 7 à 10 millimètres de largeur dans les deux sexes, qui sont facilement reconnaissables. La femelle, en effet, a son extrémité postérieure pointue et le mâle cette même extré- mité arrondie. Le mâle est aussi un peu plus petit que la femelle. Les antennes*ont 8 à 9 millimètres de long. On rencontre assez fréquemment l'insecte à l’élat de nymphes ou de larves dépourvues d'ailes. Hasirar. Mœurs (1). — Cet insecte se rencontre principale- ment dans les maisons habitées par la classe la plus pauvre de la population : engagés indiens, créoles de couleur, villages d'indiens libres habitant des paillotes ou des campements recouverts de paille sèche. On le trouve jusque dans les pail- lasses, bourrées de feuilles de maïs et d'herbes desséchées, ainsi que sous les cadres grossiers et en cordes de cocos, qui composent la literie. Il se réfugie aussi dans les fissures des parois de la case, la toiture en chaume, les cuisines, dans les étables rustiques, les parcs à bœufs, les porcheries, les écuries à cobayes. Il n’est pas rare de le rencontrer dans les vieilles maisons en bois aux cloisons et aux parquets disjoints, même lorsque ces maisons sont restées inhabitées un certain temps, un hivernage, par exemple. Le Conorhinus fuit la lumière du jour et se dissimule dans les coins obscurs, où il reste immobile le jour pour ne piquer que la nuit et dans le plus grand silence. Au moindre bruit, à la moindre lumière. il s'enfuit et se cache. Cependant des plan- (1) À Maurice, il s'élend à tout le littoral en général excessivement palu- déen : Rivière-noire (Yémen, Case noyale, la Saline, Morne Brabant, Tamarin, Barachoa, Lamivoie); Médine, Plaines Meignien, Petite Rivière, Choisy, Trou d’eau douce, Pamplemousse (Beau Plan, Labourdonnais, The Mount), Poudre d'Or, Camp de Masque, Rivière claire, Savannah, Beauchamps, Queen Vic- toria, Union Vale, etc. Mais on le retrouve aussi, quoique plus rarement, à Coromandel, Rose Hill, Réduit, Quatre-Bornes et jusqu'à Curepipe (excep- tionnel), c'est-à-dire de 50 à 500 mètres d'altitude. A la Réunion. Son habitat est aussi de préférence le littoral. J'ai pu m'en procurer provenant de Saint-Louis, la Possession, Saint-Denis, le Chaudron, Champ-Borne. Aux Seychelles, nous n'avons aucun renseignement bien précis sur les con- ditions de son habitat. TRYPANOSOMIDE D'UN RÉDUVIDE INOCULABLE A LA SOURIS 917 teurs ont pu capturer le soir des adultes, attirés par un éclai- rage éclatant, mais c’est là un fait exceptionnel. Des indigènes m'ont affirmé qu'on le rencontrait quelque- fois, à divers élats de son développement ou à l’état adulte, sur les tiges de maïs planté aux alentours de la case, et se gor- geant des malériaux sucrés de la plante. De là, il pénétrerait, d’après eux, dans l'habitation. Je n'ai pu vérifier ce fait, mais il est curieux toutefois de constater la prédilection d'habitat de cet insecte pour les feuilles sèches du maïs servant à la confec- tion des paillasses à Maurice, dans les groupements de tra- vailleurs. Ces Réduves, à l'instar du Reduvius personatus européen, sucent aussi les punaises des lits (Acanthia lectularia) fré- quentes dans les mêmes habitations. Elles les transpercent d'un seul coup de leur trompe courte et robuste et les vident en un elin d'œil. J'ai mème essayé quelque temps avec succès de nourrir nos Réduves en leur donnant des punaises de lit. Des indigènes les conservaient parfois en leur donnant de la bouse de vache desséchée comme nourriture. Mais la nourriture de choix est certainement le sang de l’homme et des animaux, ainsi qu'on le constate par la dissection de l’insecte. A certaines périodes, la punaise Maupin dégage une odeur aigrelelte et pénétrante de vinaigre ou d'acide acétique, et non pas une odeur nauséabonde comme l'indiquent les indigènes. J'ai observé fréquemment la mue de celte Réduve, qui est une véritable crise où je l'ai vue succomber souvent. En cet état, elle devient rougeàtre et reste inerte de longues heures. Nurrrriox. Excrérion. — Les adultes des deux sexes et les nymphes capturées ont toujours du sang dans l'estomac en plus ou moins grande abondance, hémolysé ou en masse compacte ; nous l’avons déjà noté. Quand on met les Réduves piquer un animal, on remarque que les nymphes à corselet étroit se gonflent de sang avec plus d’avidité que les adultes et sont gonflées à éclater. Grosses nymphes et adultes, surtout les femelles, peuvent absorber environ un centimètre cube de sang et au delà. Nous en avons vu rester dures comme du bois après un seul repas,ne plus vouloir piquer et mourir au bout de quinze jours. Ils 918 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR peuvent ainsi rester à jeun deux à quatre semaines ; de là, la possibilité de les recevoir vivants en Europe, mais habituelle- ment ces Réduves ont un besoin impérieur de piquer tous les quatre ou cing jours, surtout les femelles lorsqu'elles pondent. Les intervalles entre les repas peuvent varier de trois à dix jours et plus. Le sang dans l'estomac s’hémolyse assez vite en deux à trois jours ou reste dur, compact un temps indéfini, les insectes pouvant succomber sans parvenir à digérer cette masse à consistance de mastic. Nos constatations ont souvent concordé ici avec celles de Chagas pour C. meyistus. Quant aux nymphes, elles digèrent plus lentement que les adultes et piquent moins souvent, tous les sept à huit jours ou même tous les quinze jours. Le Réduvide émet spontanément par l'anus deux sortes de déjections : l'une est un liquide jaunâtre qui se dessèche rapi- dement à l'air; l’autre, une substance noirâtre, à dessiccation plus lente, qui poisse les doigts comme le ferait de l'encre noire épaissie. Ces deux sortes de déjections ont été recueillies soit par émission nalurelle, soit par pression sur le ventre de lin- secte et soumises à une analyse chimique, avec la collaboration de:MM. Bonâme et de Sornay (1), auxquels nous adressons ici nos très cordiaux remerciements. Le liquide jaunâtre examiné au microscope ne laisse voir que des cristaux d’urate de soude. Sa réaction est acide. A l'analyse il donne (2) : Résidu après calcinalion. . . . . lraces. Acide urique, p. 100 . . . . . . . 36,93 (dosé sur 0 gr. 058) Urée, p. 100 TT. … 3,02 (doséteurt0erm084) Azote’total,/p. LOU PP. : . 21,24 (dosé Sur) 0/27/0650) Eau, D 1000 60 RE"... 12, 21(dose eur 0er 1058} L'acide urique à été dosé suivant la méthode Denigès: l'urée par la méthode de lhypobromite à l’uréomètre à eau d'Yvon, l'azote par la méthode de Kjeldahl. En dehors de l’urée et des urales qui constituent près de 50 p. 100 du produit jaunâtre, 11 S'y trouve d'autres substances 1) Directeur et sous-directeur de la station agronomique du Réduit, à l'Ile Maurice. 2) MM. Bonâme et de Sornaw. TRYPANOSOMIDE D'UN RÉDUVIDE INOCULABLE A LA SOURIS 919 azolées qui n'ont pu être déterminées. On pourrait établir sa composition centésimale de la facon suivante : AA eo ae 08 CONS 'ORERN ET ETTE DURÉE 0 MARNE LAN CE MORE ONE 3,04 Urate de soude. . . . PR 0, Ve DATI One) Azote combiné . Se le R ONE 1259 MAtièsesmndéterminées "RENE RS 70 100,00 Les déjections noires ont une réaction neutre, ne montrent pas trace d'acide urique et laissent un résidu ferrugineux. Au microscope on y reconnait des pigments colorés animés de mouvements browniens. La présence d’une matière minérale abondante à teneur en fer élevée, permet de penser à des résidus de la digestion du sang, dont les punaises se nourris- sent. L'analyse n'a pu se faire que sur le mélange des déjeclions recueillies dans les verres où avaient séjourné les punaises. Ce mélange est franchement acide. 0 gr. 801 du mélange ont donné : Ba RE ie. LL 0e NMORRRSREETON Matières minérales "CRD ou AZOCEAIO PAIEMENTS OR Les matières minéräles ont fourni la composition suivante : Chlorure desoditmt::t 0 NSP TE 0 Sesqui-oxyde de fer . «TJ RCE 42,10 Chaux, acide phosnhoriqne, sonfre et indé- HAT NAN El D à 10.54 140,00 Reeropucriox. — Frappé du grand nombre d'œufs trouvés dans les récipients où l’on nous apportait les Réduves, ainsi qu'aux autopsies où ils recouvraient et masquaient parfois l'in- testin, nous avons conservé et alimenté des femelles, afin de suivre les pontes, avec des survies allant de quinze à quatre- vingt-trois Jours. Les pontes sont successives et peuvent donner en une fois 25, 30 et 40 œufs. Ce dernier chiffre est rare. Avec des Réduves isolées, j'ai pu recueillir 66, 112 et 182 œufs par insecte. Souvent, après une ponte excessive, la Réduve refuse de piquer et semble périr d’épuisement. D'août à fin décembre 190, les quelques centaines de 920 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Réduves que j'ai pu me procurer ont pondu 13.000 œufs environ. Il y avait parmi mes Réduves une proportion de un mâle pour deux femelles. La plupart de ces œufs ont éclos au Labo- ratoire du Réduit. Œufs. — Ils mesurent environ 2 millimètres de long sur 1 de large, sont ovoïdes et très blancs au moment de la ponte; mais ils se foncent rapidement à l'air et prennent une teinte vieil ivoire (action des oxydases). Les jours suivants, ils deviennent rougeâtres à la veille de l’éclosion et cette dernière peut ne pas se produire à celte phase de leur évolution. Le temps de l'éclosion varie avec la température. En juillet-août, à Maurice (saison fraiche), les éclosions étaient retardées ou ne se faisaient pas. De septembre à décembre, elles évoluaient avec une grande rapidité, parfois en huit-dix Jours. La Larve, au sorlir de l'œuf, est de coloration rouge vif, de dimension supérieure à l'œuf et parfaitement conformée. Elle recherche aussitôt les endroits obscurs et peut resler quinze- vingt jours sans manger. Ces larves subissent déjà des mues à celte période. Mises sur un petit animal (souris, rat, cobaye), elles le piquent aussitôt, se gorgent de sang et se laissent tomber dès qu'on les touche. Il y a, à celte période, une certaine analogie entre elles et les jeunes larves de tiques. Dans leur estomac, le sang s’hémo- lyse avec une extrème rapidité (grande puissance des ferments digestils). Les larves ne tardent pas à montrer par transpa- rence une zone rouge cerise, une zone noirâtre et une zone blanc jaunâtre, correspondant aux trois zones décrites chez l'adulte (estomac, intestin, rectum), et déjà parfaitement déli- mitées. Placées sur un jeune oiseau tombé du nid et près de mourir, elles ont cherché à s'enfuir et sont mortes sur le cadavre sans avoir piqué. Dans une autre expérience, mises au nombre de plusieurs centaines sur une souris, elles ont entraîné sa mort en moins de vingt-quatre heures. J'ai pu en conserver pendant quatre mois et les voir, après des mues nombreuses, atteindre la dimension d’une forte lentille. Elles sont alors de teinte foncée et bru- nâtre. En les mettant dans la main fermée (nymphes âgées de quatre mois), elles se gonflent rapidement de sang, sans qu'on TRYPANOSOMIDE D'UN RÉDUVIDE INOCULABLE A LA SOURIS 921 percoive la piqüre et sans que cette dernière laisse de traces; cela doit tenir à l'extrème ténuité de leur trompe et peut expli- quer ce fait que les Indigènes sont souvent piqués par des larves et des nymphes sans rien ressentir. J'ai dit plus haut que, lorsqu'elles piquent une souris infectée avec le parasite intestinal de la Réduve, on retrouve ce parasite dans le sang hémolysé sous forme de tétard ou de /eptomonas. La possibilité d'inoculation aux petits rongeurs du {rypano- somide du Conorhinus rubrofascratus, les analogies de son évo- lution avec celle du Schizotrypanum Cruzi, parasite humain, amènent à la supposition que le Tr. Boylei est peut-être, lui aussi, l'agent d’une maladie humaine, inoculée par le Conorhi- nus. Voici quelques faits en faveur de cette hypothèse : Les piqûres de notre Réduve chez l'homme sont loin d'être toujours inoffensives. Le D'Tennant (1) à cité le cas intéressant d'une de ses malades qui à présenté fièvre et ædèmes. Dans d'autres observations non publiées, on à observé des lymphan- gites assez graves. Parfois la fièvre a duré plus de quinze jours, sans céder à la quinine (2). J'ai vu à Lamivoie (Rivière Noire, Maurice) des petits enfants atteints d’anémie prononcée, avec bouffissure intermit- tente de la face et des membres inférieurs, rate énorme, accès de fièvre irrégulière, tous symptômes faisant songer à une trypanosomiase : à aucun prix, les parents n'ont consenti à des prélèvements de sang, mème au doigt. J'aienfin signalé sous ce titre « un cas suspect à retenir (3) », l'observation d'un homme jeune, ayant succombé en moins d’un an et demi à une fièvre irrégulière. Les examens pratiqués au laboratoire ont permis d'éliminer toute affection pyogène, la tuberculose, la syphilis, lankylostomiase, le paludisme, la fièvre Lyphoide, la grippe, la fièvre de Malte, la fièvre ami- (4) Bull. Soc. médic. île Maurice, 29° année, n° 24. 2) J'ai rencontré une fois, dans le contenu intestinal de cette punaise, des bacilles ovoïdes, voisins du b. de Yersin. Cet hémiptère pourrait accidentel- lement transmettre la peste à Maurice. 3) Bull. Soc. médic. Ile Maurice, 1911. n° 23. 922 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR bienne, le kala-azar (cultures et inoculation au chien néga- tives). Les leucocytes, à 2ononucléaires prédominants, tombèrent progressivement de quelques milliers à 600 par millimètre cube. Comme cet homme présentait, en dehors de la fièvre, de lhypertrophie de la rate, des ædèmes fugaces, de l'anémie pro- agressive et des diarrhées intermittentes, l'hypothèse d'une trypanosomiase n'est pas à rejeter. Une enquête, faite à la Rivière-Noire, m'a de plus appris que le malade, chasseur intré- pide, couchait souvent dans une case infestée de Conorhinus rubrofasciatus. Nous espérons que ces quelques données conduiront quelque chercheur, plus heureux que nous, à découvrir une trypano- somiase humaine. En terminant notre étude, malheureusement incomplète, sur le parasite polymorphe du Conorhinus rubrofasciatus et sa transmission dans le péritoine du rat et le sang de la souris, nous remercions bien vivement MM. Mesniz et CHarron des excellents conseils qu'ils nous ont donnés sur les documents rapportés de Maurice ainsi que de leurs critiques judicieuses dont nous avons essayé de tirer parti. EXPLICAMON- DES PLANCHES XIX et XX PLANCHE XIX. F1c. 1-6 et 15. . — Petites formes Crilhidia. Fic. 7-13. +. . — Formes moyennes. FiG. 14-16 et 22. — Grandes formes. F16. 24-28 . . . — Formes trypanosomes du réduvide. Fic. 27-33. . . . — Formes diverses en voie de division ou anormales. PLANCHE XX. F16. 34-43. — Formes arrondies. F1c. 46-49. — Kystes fusiformes. Fic. 44-45. — Passage aux kystes. F16. 50. . — Phagocyte chargé de pigment brun. FiG. 51-58. — Formes du péritoine du rat. F16. 59-63. — Trypanosomes du sang de la souris de Cilaos. F16. 64-65. — Formes de culture. F16. 66-82. — Trypanosomes du sang de la souris de Maurice. RECHERCHES SUR LE FERMENT MANNITIQUE par E. DUBOURG On connaît un certain nombre de microbes qui attaquent la mannite avec formation d'alcool, d'acides fixes et volatils; mais ce sont tous des anaérobies stricts ; et du reste, il n’a pas encore été démontré que ces mêmes microbes, qui consomment cet alcool polyvalent, soient capables d’en former aux dépens du lévulose. D'autre part, on à trouvé, dans des vins malades (1), des ferments donnant naissance à de la mannite; aucun d’eux n’a été signalé comme la détruisant dans la suite de son évolution. M. Laborde (2) cependant ayant rencontré dans des vins tournés, des ferments manniliques, alors que ces vins ne conte- naient pas de mannite, en a conclu que /« mannite peut ètre attaquée, après disparition du lévulose, el même disparaitre complètement à son tour. Depuis longtemps la question m'avait paru assez digne d'intérêt pour que j'aie cru devoir vérifier, par des expériences directes, si la mannite est susceptible de disparaître dans les vins et aussi dans les liquides artiliciels, sous l'influence des ferments manniliques, mais J'ai borné mon étude à celui que nous avons étudié M. Gayon et moi. Nous avons montré que ce ferment, provenant de vins malades, ne pouvait être assimilé à ceux de la tourne, qui produisent un mélange d'acide acétique et d'acide propionique avec disparition plus ou moins complète de la crème de tartre. ainsi qu'on peut le constater dans les vins tournés typiques. Dans ces mêmes vins, les dépôts laissent apparaître au microscope des filaments qui s’enchevètrent plus ou moins à mesure que la maladie se prolonge (3). (1) Gaxox et DusourG, Ces Annales : 189%, 1901, 1904. — LaBorne, Comptes rendus de l'Acad. des sciences, 1898; Revue de Viticulture, 1901. — Max et PERRIER, Ces Annales, 1903. — Mazé el Pacorrer, Ces Annales, 1904. — Kavser et Maxceau, Les Frrments de la graisse des vins. Épernay, 1909. (2) Lasorbe, Comptes rendus de l'Acad. des sciences, 1904. (3) Pasteur, Études sur Le vin, 1866. — U, Gavon, Revue de Vilicullure, 1899. 924 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Le 11 novembre 1903, j'institue l'expérience suivante avec deux vins de l’année mis en bouteilles. 1o Vin de Médoc pasteurisé à 60 degrés (127 témoin). 20 Mème vin non chauffé (2° témoin). 3° Même vin pasteurisé, ensemencé avec le ferment mannitique. 49 Mème vin pasteurisé, addilionné de lévulose (témoin) 5° Le même vin ensemencé. 6e Vin de Saint-Émilion, pasteurisé (1° témoin). 10 Même vin non chauffé (2° témoin). 8° Même vin pasteurisé, ensemencé. Ces divers échantillons solidement bouchés sont placés dans une armoire «du laboratoire. Un premier essai est fait en juillet 1905. EXAMEN MICROSCOPIQUE. 1. Ni levures, ni microbes. 2, Levures vieilles, nombreux microbes. 3. Nombreux microbes agglomérés, pas de filaments. 4. Quelques microbes jaunâtres. . Nombreux microbes agglomérés ; pas de filaments. 6. Quelques levures vieilles, pas de microbes. 7. Levures vieilles, nombreux microbes. 8. Quelques rares levures, microbes agglomérés; pas de filaments. ANALYSE CHIMIQUE ACIDITÉ (1) ACTDITÉ SUCRE MANNITE CRÈME fixe. volatile. de tartre. RS ane 2 AO 0,80 8,10 0 » 2,88 RE A MES 3,86 1,24 0 » 0 2,18 DOMAINE: 3,14 1,69 0 » 2,65 2,82 LT 2,95 0,78 15,86 (2) 0 » 2,78 GR NE ANA 4,45 2,35 0 » 7,62 2 81 AL 3,28 0,45 21,60 0 » 255 Tete 3,86 0,92 0 0 » 2,92 oc di che 4,92 2,99 0 » 6,65 2252 mm —————…—_—_—"Î2 (1) Les acidités sont calculées en acide sulfurique. (2) Le vin contenait déjà 8 gr. 70 de sucre, la différence provient du lévulose ajouté. Tous les éléments sont exprimés en grammes par litre. RECHERCHES SUR LE FERMENT MANNITIQUE 925 En comparant les témoins aux vins ensemencés, on arrive aux conclusions suivantes : 1° Les témoins non chauffés 2 et 7 sont altérés, avec dimi- nution de la crème de tartre, sans formation apparente de mannile : 2° Le n° 4, lévulosé et ensemencé avec le ferment mannitique, a fourni des doses de mannite, d’acidité fixe et volatile normales, sans attaque de la crème de lartre. J'ajoute que l'acidité volatile était constituée par de l'acide acétique seul. Enfin, le microscope n’a révélé que des microbes agglomérés, sans filaments. Des constatations semblables s'appliquent au n° 8 comparé avec ses témoins 6 et 7. Ces différentes déterminations ont été faites environ vingt- mois après l’ensemencement. Le 25 novembre 1903, je mets en expérience une seconde série de vins comme suit : 1° Vin de Léognan; pasteurisé (témoin). 20 Même vin, pasteurisé, ensemencé. 30° Même vin additionné de mannile; pasteurisé (témoin). ,9 Le même, ensemencé. ANALYSE DE JUILLET 4905 MANNIT volatile. RAD de lartre. ACIDITÉ ACIDITÉ ne CRÈME Ici la mannite et la crème de tartre n'ont pas été atteintes après vingt mois. Par suite de la disparition du réducteur, il y a eu, au contraire, apparition de mannite au n° 2 et formation supplémentaire du même composé au n° #, avec augmentation corrélative d'acides fixes et volatils dans les deux échantillons. 926 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR En janvier 1904, j'introduis dans des bouteilles de l’eau de levure à 15 p. 100 très légèrement sucrée avec de l’inverti. 19 Eau de levure, additionnée de mannite (témoin). 20 Même milieu ensemencé. 3° Eau de levure, additionnée de crème de tartre (témoin). 4° Même milieu ensemencé. 59 Eau de levure lévulosée (témoin). 60 Même milieu. ensemencé. Toutes les bouteilles sont stérilisées, l'ensemencement a lieu le lendemain. L'essai est fait en août 1905. EXAMEN MICROSCOPIQUE. 1, 3, D. Pas de microbes. 2 et 4. Microbes agglomérés, peu nombreux. 6. Nombreux microbes agglomérés. ANALYSE CHIMIQUE ACIDITÉ ACIDITÉ : CRÈME fixe. volatile. ÉORE HOMENEE de tartre. 45 0,48 Traces. 3,02 10,00 » 2 0,71 0,36 0 » 10,85 » De 1,30 Traces. 4,85 0 » 2,80 4. 1042 0,55 os Traces. 84 D aire ee 0,47 Traces: 10,55 0 » » GENE 4254 A, 14 CPS 6,48 » On trouve la mannite intacte en 2, avec une petite quantité supplémentaire ; il ÿ en a également des traces en 4; elle est à dose normale dans le n° 6: la crème de tartre se retrouve en entier dans le n° 4. Le microbe à cultivé en 2, 4 et 6, puisqu'il y euten2et 4 disparition du sucre avec formation d'acides fixes et volatils dont la proportion devient plus importante en 6. J'avais préparé un certain nombre d'échantillons de chacun des types afin de pouvoir prolonger les expériences. J'ai procédé à de nouveaux essais en avril 1908 et mai 4911, soit environ cinq et huit ans après la mise’en œuvre. RECHERCHES SUR LE FERMENT MANNITIQUE 92% . À ces deux époques, j'ai renouvelé mes observations et analyses sur tous les échantillons déjà examinés en 1905. Les conclusions que je pourrais tirer de ces déterminations seraient absolument identiques aux précédentes ; mais, tandis qu'après vingt mois j'ai pu rajeunir toutes mes cultures, j'ai échoué avec les vins en 1908 et les milieux artificiels en 1911 ; ces derniers m'avaient donné des résultats positifs en 1908. Dans ces conditions, je ne saurais dire à quel moment l’évo- lution du microbe a été arrêtée. Comme la mannite, même en 1911, n'avait pas diminué, il faut admettre que le microbe ne l'a pas attaquée sa vie durant. On arrive à des résultats de même nature avec des cultures. aérobies en matras Pasteur. Le 20 mai 1908, j'ensemence 500 cent. cubes d'eau de levure stérilisée dans des matras de 1 litre, afin de laisser une couche d'air au-dessus de la culture. Après six semaines d'étuve à 35 degrés, j'ai fait un premier essai. À ce moment, j'ai placé les matras dans une armoire et j'ai attendu jusqu’en juin 1911. 1e Culture avec 19 gr. 20 de lévulose par litre. 20 Culture avec 10 gr. 10 de lévulose par litre. 30 Culture avec 11 gr. 10 de sucre interverti. ° Culture avec 5 gr. 15 de sucre interverti. ru Le microscope révèle de nombreux microbes dans les quatre cultures. ANALYSE CHIMIQUE (1) À ACIDITÉ FIXE ACIDITÉ VOLATILE MANNITE RTE — Re TC RE Juillet 1908. | Juin 1911. Juillet 1908. | Juin 191. Juillet 1908 | Juin 1911. 1 2 39 (a) 2,95 1,85 1,98 11,86 11,90 2 1,42 1,35 1,12 1,24 5,71 5,74 3 1,66 1,51 1,21 1,37 3,51 3,60 % 1,02 0,93 0,67 0,78 1,27 1,22 (a) Aux acides fixes formés viennent s'ajouter ceux qui sont apportés par l'eau de levure. (4) Le sucre avait disparu dans les quatre cultures dès juillet 1908. 928 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR L'expérience a duré trois ans: les microbes des quatre cul- tures ont pu être rajeunis, et la nannite, on le voit, se retrouve en entier avec de faibles variations dues à la méthode de dosage. Il y a eu une légère diminution de l'acidité fixe avec augmen- tation corrélative de l'acidité volatile : c’est d'observation constante dans les fermentations mannitiques prolongées. Avec le ferment mannitique que j'étudie ici, la mannite ne disparaît donc pas quand il ne reste plus de sucre dans la culture, que ce soit en vie anaérobie ou en vie aérobie. Que cette hexite puisse disparaître dans les vins, cela ne saurait surprendre. Comme l'ont indiqué MM. Mazé et Pacottet (1), les maladies des vins sont dues, sans aucun doute, à des associations microbiennes. Certains ferments attaquent la crème de lartre, d'autres la glycérine ; il en est qui donnent naissance à de la mannite, peul-être en existe-t-il qui la consomment. Qu'un même microbe puisse à la fois former el détruire un même composé chimique, rien ne parail s'y opposer a priori, puisqu'on en connait déjà; mais ce sont surtout des moisissures ou des bactéries essentiellement aérobies, les ferments acéliques, par exemple. Toutefois, 11 devient nécessaire désormais de démontrer, par des expériences directes, la dispa- rilion de la mannite, avec d'autres ferments manniliques que celui que je viens d'étudier. J'indique en terminant que nous avons retrouvé avec M. Gavon de la mannite dans un vin de 1878 examiné en 1899 ; et je Liens de M. Gayon qu’il a eu tout récemment l’occasion d’en vérilier la présence dans un vin de 1892. Nous venons de voir qu'une culture de notre ferment peut être rajeunie après trois ans dans les vins et après cinq ans en milieux artificiels. On sait d'autre part que, dans ces mêmes milieux, ce ferment peut consommer des quantités relativement élevées de divers sucres. Dans les essais comparatifs de fermen- tations mannitiques, il a toujours été reconnu comme le plus actif. Ces observations m'ont suggéré ia pensée de faire, à mon tour, une étude comparée avec le ferment Bulgare et einq autres microbes lactiques que je dois à la complaisance de MM. Kayser 1) Ces Annales, loc. cil. RECHERCHES SUR LE FERMENT MANNITIQUE 929 el Mazé. À ma demande, ces savants ont choisi parmi les ferments les plus actifs de leur collection. Je suis heureux de les remercier ici. Pour mesurer l’activité d'un microbe, le moyen le plus simple consiste à le culliver dans des milieux appropriés, en présence de sucres divers, et à déterminer les quantités de sucre consommé par le microorganisme. On peut dresser ainsi des tableaux comparatifs. Dans ceux qui suivent, le ferment mannitique est désigné par le symbole M', le Bulgare par la lettre B, les deux ferments de Kayser par K'et K?, enfin ceux de Mazé par MMM. se Galaclose Glucose . Mannose . É SUCTCAINIeL VERRE ee. 0 ,90129,20 PAGIOS CREME EN. 90128 ,40 MAILS ER 010923 00110: (41) Saccharose Raffinose. . Arabinose . Xylose.. ce D ND ND + t Où L© Dei 0 fl 0 0 0 (1) Cette expérience confirme ce!les de M. Gabriel Bertrand. — Ces Annales, 1909. En milieu maintenu neutre par addition de carbonate de chaux, on trouve les chiffres suivants : M B K! K? M! M? M° Galactose . . . . . . . . .| 65,90158,30 145,15 [42,30 [55.20 154,10 |54,90 Glucose . . nu .....1009,60154540 30 40805008 08760) AP AE SET 0 Mannose. : : . . . . . . .| 58,60153.30 |48,52,/49,90151,60 155,80 153,10 [NV NON 02... 1107,:90158-400) 62 SOS OO EE OCR ITEMS RINS UE Lactose . . . . . . . . . .| 51,80/62.60 [31,60 |42,50 133,10 [53.00 |46.,15 MATOS ee RS =: .1 95,65] 0 » 139,104) 41060" NOM MO» 45,55 Saccharose. | . .| 65,15] 0 » [63,80 151,60 | 57,60158,80 |49,10 RARTOSE RM EUR, ee Ni 11272 800 A INORORIRTIERn 230 | OCT) CSS ACTION ATADINOSENL EME 0. 1, 0 LOI OM I NOR RCA IR ORDER ORS Xylose. = lo Lol GP ER TES MO 2940 0 ) (D » (] » (1) » Or ÜÙ » Les analyses ont élé failes après cinq semaines d’étuve à 930 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR 35 degrés ; le milieu était constitué par de l’eau de levure à 15 p. 100. Les chiffres des tableaux représentent les quantités de sucre disparu par litre. On peut fixer une moyenne en laissant de côté les pentoses el en considérant d'une part les hexoses et d'autre part les saccharides. 19 Sans carbonate de chaux. Mt B K1 K° M! M° HeXOSES RE 41012997 124 260125 402001 2180% SACCHATITES 1125 1206: 35148-31681 02014027 M B K' K° M: M° HExXOSCS SR Een TE OM ISS GO) 28 0970159 27058560 |59%07 SACCHAFITES NP ES OM 5 7 650133:8811320 720192610275 On voit, par ces divers résultats, que le ferment man- nitique tient le premier rang par son activité. Toutefois, il est bon de remarquer, qu'avec d’autres milieux, les rangs occupés par chacun de ces microbes pourraient se trouver modifiés. On peut expliquer l'énergie destructive du ferment manni- tique par ce fait qu'il ne donne pas naissance seulement à des acides, comme les microbes lactiques proprement dits, mais aussi à d’autres produits de nature diverse dont les actions nocives ne se surajoutent pas. Cette activité du ferment mannitique apparaît encore en présence de certains composés arsenicaux. Ce microbe se cultive très bien dans des milieux contenant 5 p. 100 d’arséniate de soude cristallisé, 1,5 p. 100 d’arsénite de potasse, 8 p. 100 de cacodylate de soude et 7 p. 100 de méthylarsinate di-sodique. Les autres ferments lactiques éludiés ici supportent avec peine une dose dix fois moindre. Et l’on observe, avec le ferment mannitique, un phénomène analogue à celui qui a été signalé RECHERCHES SUR LE FERMENT MANNITIQUE 931 par M. Trillat dans ses études si intéressantes (1) : La quantité de sucre disparu est plus considérable, dans les cultures conte- nant 1 p. 1000 d'arséniale, que dans les milieux témoins. En résumé, le ferment mannitique étudié dans ce mémoire n'attaque pas la mannite qu'il a formée, pas plus du reste que la crème de tartre, quand il est cultivé dans les vins ou des milieux artificiels qui en contiennent. La vitalité de ce microbe est considérable ; on peut expliquer ainsi l'apparition de la mannite, dans les vins d'une même région, à des intervalles très espacés. Le développement de ce germe n’est favorisé en effet que dans les années où il y a à la fois, au moment des vendanges, excès de température et faible acidilé des moûts. Ces deux circonstances simultanées néces- saires peuvent ne se rencontrer qu'à des périodes éloignées pouvant dépasser souvent plus de dix années. Cette vitalité est très supérieure à celle des ferments lactiques ordinaires qui ne résistent pas plus de deux ou trois mois en culture, quand on ne prend pas la précaution d'ajouter du carbonate de chaux. Le ferment Bulgare, particulièrement sensible aux acides, doit être rajeuniau moins chaque quinzaine. Enfin l’activité du ferment mannitique s'étend à tous les sucres à molécule définie, le tréhalose et l'arabinose exceptés (2): seul, il attaque le xylose. Néanmoins, il est impuissant à faire fermenter la mannile ainsi que la dulcite et la sorbite (3). M. Gabriel Bertrand a établi (4) que le ferment Bulgare, pourtant très actif vis-à-vis d’un certain nombre de sucres, n'attaque également aucune hexite. (1) Comptes rendus de l' Acad. des sciences, 1909 à 1912, passim. (2) Gaxon et DupourG. loc. cil. (3) lbid. (4) G. BERTRAND, loc. cil. RECHERCHES SUR L'HYDROLYSE COMPARÉE DU SACCHAROSE PAR DIVERS ACIDES EN PRÉSENCE DE LA SUCRASE D’ASPERGILLUS NIGER, par M. GABRIEL BERTRAND et M. et Me ROSENBLATT. Toutes les expériences que nous avons publiées récemment sur lhydrolyse comparée du saccharose par divers acides en présence de la sucrase ont été faites avec une préparation retirée de la levure (1). Or, il était possible que la partie du système diastasique qui, dans la théorie émise par l’un de nous, représente la complémentaire activante, eût des caractères un peu différents selon son origine et se comportät, dès lors, d'une manière non identique avec la série des acides. Afin de voir quelle part de vérité était contenue dans cette hypothèse et, au besoin, en tenir compte, nous avons, à la suite de nos recherches sur la sucrase de levure, examiné comparativement la sucrase d’Aspergilius niger. Ces nouvelles recherches ont été conduites exactement de la même manière que les précédentes, sauf, bien entendu, en ce qui concerne la préparation de la sucrase. Nous sommes parvenus à obtenir avec l’Aspergillus une solution diastasique d'activité sensiblement constante pendant toute la durée des recherches, non pas en utilisant, comme on le fait d'habitude, le liquide de plasmolyse du champignon frais, liquide assez difficile à conserver, mais en préparant d’abord une poudre mycélienne, puis en faisant macérer chaque fois un poids déterminé de cette poudre dans un certain volume d’eau. Des conidies d’Aspergillus ont été largement ensemencées sur du milieu Raulin contenu dans des matras. Après trois jours. à la température de 31 degrés, les mycéliums bien développés ont commencé à se recouvrir de 1) Annales de l'Institut Pasteur, L. XNXVI, p. 321, 1912. RECHERCHES SUR L'HYDROLYSE COMPARÉE DU SACCHAROSE 933 conidies, on les a extraits des matras, lavés à deux reprises par immersion de quelques minutes dans l'eau distillée, pressés fortement à la main entre des feuilles de papier à filtre et mis à sécher dans le vide, sur l'acide sul- furique, à + 35 degrés. Le lendemain, les mycéliums secs ont été réduits en poudre fine à l'aide d'un moulin à café turc; la poudre, aussitôt enfermée dans un flacon bien bouché, a été conservée à l'abri de la lumière. Chaque matras de cullure, du volume d'un litre et demi et renfermant 2:50 cent. cubes de milieu nutrilif, a fourni ainsi 4 gr. 5 environ de poudre mycélienne. Pour préparer la solution diastasique, on a trituré peu à peu 200 milli- grammes de poudre dans 100 cent. cubes d'eau, ajouté 1 cent. cube et demi de toluène, transvasé le tout dans un flacon et laissé macérer dans l’étuve, à + 35 degrés. Après vingt-quatre heures, durant lesquelles on a agité plu- sieurs fois, la solution à élé versée sur un fille à analyse. Elle a passé rapidement, limpide et incolore. On en a pris 5 cent. cubes par expérience, quantité équivalant à 10 milligrammes de poudre mycélienne. Cette quantité de solution diastasique ajoutée seule, sans acide, à 15 grammes de saccharose dissous dans 80 cent. cubes d’eau, en hydrolysait environ 65 milligrammes en vingt- quatre heures à la tempéralure de 28 degrés, au début de nos recherches, et encore 60 milligrammes environ à la fin, après quatre mois et demi. La sucrase contenue dans la poudre mycélienne qui servait, au fur et à mesure des besoins, à pré- parer la solution diastasique, était donc beaucoup plus stable que celle de la poudre de levure de nos expériences antérieures. D'après les essais effectués sur une solulion diastasique obtenue avec 500 milligrammes de poudre au lieu de 200, 4 gramme de poudre d'Aspergillus donnait : Substances solubles dans /leau. : - 0 gr. 380 Alcalinité de ces substances à l'hélianthine . 0 c.c. 30 de SO‘H? normal. Alcalinilé de ces substances à l'alizarine . . 0 c.c. 175 de SO'H® normal. Acidité de ces substances à la phtaléine. . . 0 c.c. 10 de NaOH normale. Cendres solubles dans l’eau . . . . . . . 0 gr. 036 Alcalinité de ces cendres à l'hélianthine . . . 0 c.c. 12 de SO'H®? normal. Ainsi, comme la solution diastasique de levure étudiée dans notre précédent mémoire, celle d’Aspergillus avait une réaction alcaline à lPhélianthine et à l’alizarine sulfoconjuguée, acide à la phtaléine du phénol. Pour saturer au premier de ces réactifs colorants la légère alcalinité due aux substances solubles de 10 milligrammes de poudre mycélienne, quantité mise en usage dans chaque expérience, il fallait 3 cent. cubes d’acide sulfurique supposé 1/1.000 normal, soit à peu près, comme 934 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR LS on le verra plus loin, 3,5 p. 100 de la proportion de même acide reconnue la plus favorable à l’hydrolyse diastasique. Il nous à paru superflu de tenir compte de cette petite correction dans les chiffres qui expriment nos résultats, le degré d'approxi- mation auquel nous avons essayé d'atteindre étant de 10 p. 100. Nous rappelons que dans chaque expérience il y avait 15 grammes de saccharose dissous dans 85 centimètres cubes de liquide total : eau, acide et diastase, et que les concentra- tions en acides, données dans le tableau, se rapportent à ces 85 cent. cubes. Le saccharose et les acides étaient les mêmes que dans les expériences avec la sucrase de levure. Voici maintenant les résultats obtenus. Les acides essayés sont répartis par groupes, suivant leur basicité, et rangés dans chaque groupe par ordre d'activité décroissante. Les concen- rations optima sont d’abord exprimées en molécules-grammes par litre puis rapportées, dans la troisième colonne, à celle de l'acide chlorhydrique, faite égale à 100. Enfin, pour faciliter les comparaisons, nous avons ajouté un extrait du tableau relatif aux expériences effectuées avec la sucrase de la levure. On voit, par ces résultats, que les conclusions générales tirées de nos expériences antérieures s'appliquent aussi à la sucrase d'Aspergillus niger. Seulement, dans ce cas, l'influence réciproque de la diastase et des radicaux acides ou anions est plus forte que dans celui de la sucrase de levure, la perturba- tion apportée de ce fait dans l’ordre de classement des acides est plus accentuée. On voit en même temps que les concentrations optima d'acides sont presque toujours très différentes pour les deux sucrases. Fernbach avait observé autrefois qu'il fallait des quantilés plus grandes d'acide acélique pour favoriser l’action de la sucrase d’Aspergillus que celle de la sucrase de levure (1). Aux grandeurs près, cette observation est confirmée, mais, chose curieuse, elle ne peut ètre étendue à tous les acides. Si, en effet, d'après nos expériences, la plupart des acides sont 1) Annales de l'Instilut Pasteur, L. IV, p. 647 (1890). Il avait obtenu le maximum d'aclivité avec 1 p. 100 d'acide acétique dans le cas de l'Aspergillus et 0,2 p. 1000 dans celui de la levure (soil, en molécules-grammes par litre, m/6 et m/300). RECHERCHES SUR L'HYDROLYSE COMPARÉE DU SACCHAROSE 935 moins actifs avec la sucrase d’Aspergillus, 11 en est, comme l’acide propionique, dont la concentration optima est la mème que pour les deux sucrases et d’autres, comme les acides for- mique, phosphorique et surtout nitrique, qui, au contraire, agissent à des doses plus faibles avec la sucrase d'Asperqullus niger qu avec la sucrase de levure. SEC ECS 2 O2 ED LL SEC I MM DEP EG AP CL REED |CONCENTRATIONS OPTIMA AVEC LA SUCRASE : ACTIVITÉ — catalytique D'ASFERGILLUS DE LEVURE NOMS DES ACIDES des acides Rapportées Rapportées lrouvées. à Trouvées. à seuls (*). HCI — 100. HCI] — 100. Monobasiques : NITIQUue Re TC n/6.500 1" 3095/3500 125 100 Trichloracétique . .°. . . .|m/5.000| 238 m/12.000! 430 15,4 3enzène sulfonique. . . . .|m/4.500| 214 m/13.000! 465 104,% Dichloracétique. . . . . . .|m/4.510| 214 m/6.000 | 215 ZAR A) Chlorhydsique "#5", "1:)ml2.100! 10uù m/2.800 100 .| 100 Monochloracélique . . . . .| m/900 42,8 |m/2.000 ils 4,8 FORME EME Er ma /450 21,4 |m/400 14,3 1253 ACÉUQUE CARE LL. |Im)/50 2,38 |m/300 10,7 0,40 PrOpPionique RCE Nm /10 0,48 |[m/10 0,36 » ISODULYRIQUe RER 0 mil 0,33 |m/16 0,57 0,3 Butyrique normal...” .|m/T 0,33 |m/12 0,43 » actquee serre: m1 0,33 |m/15 0,53 AP 0n Bibasiques : DUURIQUERS SEC -im/2.000 95,25 |m/3.600 128,5 1152 OSEO ER RE mn 280 22,85 |m/500 Te) 31,14 TANQUER EE. 2. m/180 8,51 |m/215 9,82 » Tribasiques : Bhosphorique- "0." "|m)830 39,5 |m/550 19,6 18,63 CLIQUE RE MEER ET, LM /260 12,4 |m/310 Il SAM SODIUM EME 0. M3 0,1% |m/# 0,1% Sels acides : Sulfate monopotassique . .| m,500 23,8 |m/850 m 30,4 » Phosphate monopotassique .| m/9 0,43 |m/11 0,39 » (*) D'après les expériences d'Ostwald, Ce ne sont pas les sels ni les autres substances thermo- stables, accompagnant la sucrase, qui paraissent occasionner ces différences. Sans doute, en ajoutant un sel neutre au 936 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR mélange d'acide et de sucrase en réaction sur le saccharose on ralentit la vitesse de l’hydrolyse, mais la diminution n'est mesurable que si la quantité de sel neutre est assez grande, par exemple, une molécule de sel pour une d'acide: elie ne l’est pas si cette quantité est de l’ordre de grandeur de celle qui existe dans la solution diastasique. Nous avons, dans une série d'expériences de contrôle, remplacé 5, 10 et même 15 cent. cubes d'eau par un égal volume de solution diastasique préala- blement chauffée : soit en l'absence d'acide, soit en présence d'acide acétique ou d'acide sulfurique, nous n'avons pas obtenu de modification notable de la vitesse de l’hydrolyse. Ou bien les quantités de saccharose transformées étaient les mêmes, ou bien les différences restaient comprises dans la limite d'approxima- tion. C'est à la partie thermolabile de la solution diastasique que restent imputables les modifications de l'activité cataly- tique des acides vis-à-vis du saccharose. Ainsi, non seulement la concentration en ions hydrogène la plus favorable à l’hydrolyse conditionnée par la sucrase varie d'une manière importante avec la nature de l'acide ajouté, mais il peut y avoir, pour un même acide. des concentrations optima en ions hydrogène notablement différentes suivant l'ori- gine de la substance diastasique. ERRATUM Mémoires de MM. Marcaoux et Sorez, sur la Lèpre, pages 67 et 718$. Le n° 41 des conclusions du 2 mémoire, page 801, doit être reporté, sous le n° 12, à la suite des conclusions du 1er mémoire, page 700. Le Gérant : G. Masson. Paris. — L. MARETHEUXx, imprimeur, 1, rue Cassette. 62° ANNÉE DÉCEMBRE 1912 NAPL2 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR L'AGALAXIE CONTAGIEUSE DE LA BREBIS ET DE LA CHÈVRE par H. CARRÉ Chef du laboratoire des recherches sur les maladies infectieuses à l'École vétérinaire d'Alfort. (Avec les planches XXI à XXIII.) Le présent mémoire a surtout pour objet l'étude expérimen- tale de l’agalaxie contagieuse; mais, comme la littérature fran- çcaise ne comporte que deux articles sur ce sujet (1), tous deux publiés avant l'apparition de communications et de travaux originaux d'un haut intérèt, nous avons jugé utile de réunir, sous une forme succincte, les données éparses dans les différentes publications françaises et étrangères, de façon à donner une revue d'ensemble permettant de se faire une idée aussi exacte que possible des connaissances acquises Jusqu'à ce jour sur cette affection. Une courte relation historique, clinique, étiologique et expé- rimentale précédera donc l'exposé de nos recherches person- nelles. HisroriQuE. Ce sont les auteurs italiens qui ont apporté la contribution la plus importante à l'étude de l’agalaxie; la maladie sévit en effet depuis fort longtemps dans la péninsule, constituant (1) Bourway, L'agalaxie infectieuse, Revue vélérinaire, 1896, p. 65, et Nocarp et LecLacue, Traité des maladies conlagieuses des animaux. 60 938 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR encore actuellement un véritable fléau pour les troupeaux qu'elle envahit. Sous le nom de Stornarella, Metaxa la signale pour la pre- mière fois sur les chèvres et sur les brebis, en 1816; puis Zangger la rencontre en Suisse sur les chèvres. Dinella et Provinzano l'étudient en 4862 dans la Basilicate et dans les Pouilles : ils rapportent que les bergers croient à l'infection des troupeaux par le séjour dans les herbages fré- quentés auparavant par des malades (Mal del sito). Brusasco (1871) publie un intéressant mémoire sur cetle maladie, que les bergers du Piémont désignent sous le nom de Mal dell’asciutto (mal du sec); il réussit à infecter quelques animaux par la traite. D’autres vétérinaires affirment que la maladie se développe après l'introduction d’un animal malade dans un troupeau indemne. Cependant, Oreste, en 1882, 1884 et 1885, expéri- mentant sur quelques animaux seulement, ne réussit pas à transmettre l'agalaxie par l’ingestion du lait (deux animaux), du sang, du mucus nasal, ni par cohabitation : il affirme qu'il s’agit d’une enzootie dénuée de pouvoir contagieux. Valentin: (1889-1890) n'obtient que des résultats négatifs en faisant cohabiter des malades avec des sujets sains, en injectant du lait altéré dans les canaux galactophores, en inoculant sous la peau de la synovie ou de l'humeur aqueuse d'ovins atteints de polyarthrites ou de kératite. Rocco Marra, en Italie, Barthélemy en France, Schossleitner, dans le Tyrol, publient des descriptions sommaires de la maladie. Le D' Marra (1891) en inoculant le lait altéré dans le trayon ou sous la peau de la cuisse, aurait reproduit l'agalaxie en vingt-quatre-quarante-huit heures. Par contre, Hess et Guillebeau, qui donnent une bonne des- cription des lésions oculaires et des troubles de la sécrétion du lait, ne réussissent pas à obtenir l'infection par cohabitation, ni en injectant le lait dans la mamelle ou sous la peau de chèvres saines. Oreste et Marcone publient en 1892 les résultats de leurs recherches expérimentales. Bournay, la même année, observe l'affection dans les L'AGALAXIE CONTAGIEUSE DE LA BREBIS ET DE LA CHÈVRE 939 Pyrénées-Orientales : il poursuit quelques recherches avec Leclainche et résume, dans une monographie, les connais- sances acquises à celte époque. Celli et de Blasi (1896-1897) reproduisent deux fois l’agalaxie en inoculant sous la peau le lait altéré caractéristique. En 1906, ils annoncent leur découverte d’un virus filtrant et publient le compte rendu de quelques expériences de vaccination. Rocco Marra et Nicola Cocciante (1912) montrent que le sang recueilli au moment de l'élévation thermique, dans les formes graves, est virulent. Nous-même, enfin, faisons connaître une pyohémie spéciale, complication de l’agalaxie, localisée dans les départements du sud-est de la France et connue sous le nom de Mal de Lure. DisrriBUTION GÉOGRAPHIQUE. L'agalaxie n'existe qu'en Europe et seulement dans des régions assez étroitement limitées. C’est surtout une affection des pays montagneux: Très répandue en Suisse à un moment donné, elle paraît avoir sinon disparu, tout au moins considé- rablement réduit son aire de dispersion. Connue depuis longtemps sur le versant espagnol des Pyré- nées (Bournay), on l’observe également dans la Provence, le Roussillon et la Cerdagne. Depuis quelques années, les départements du sud-est de la France, Basses-Alpes, Vaucluse, Drôme, Bouches-du-Rhône et Alpes-Maritimes voient l'épidémie prendre une extension de plus en plus grande. C'est par milliers que les ovins et les caprins des régions cen- trales de l'Italie sont chaque année envahis par l’agalaxie. Il est curieux de constater que, malgré sa grande contagiosité, l’agalaxie ne paraît avoir aucune tendance à s'étendre hors des départements énumérés plus haut. Il n’est pas douteux cependant que si les régions infectées produisaient des reproducteurs pour le dehors, au lieu de se borner exclusivement à l'élevage des animaux de boucherie, l'épidémie gagnerail, et très vite, des centres jusque-là indemnes. 940 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR IMPORTANCE ÉCONOMIQUE. La morbidité est toujours assez élevée; quelques rares ani- maux paraissent seuls échapper à l'infection. La gravité de celle-ci, essentiellement variable, est cependant la cause de pertes pécuniaires élevées. Les animaux maigrissent, devien- nent étiques et invendables pour la boucherie; Les brebis, dans la très grande majorité des cas, gardent leur mamelle atro- phiée, ne donnent plus de lait et sont incapables d'élever leurs agnea UX. | Tandis que dans certains troupeaux la mortalité est consi- dérée comme insignifiante, elle atteint dans d’autres les deux tiers de l'effectif. Si, en général, un assez grand nombre d'ani- maux semblent échapper à la contagion, ou mettent un temps plus ou moins long à s’infecter, ce qui lient à des causes que nous étudierons plus loin, nous connaissons, par contre, des exploitations où tous les animaux sans exception, Jeunes et adultes, mâles et femelles, brebis et chèvres, ont présenté rapidement des symptômes graves, nécessitant l'envoi immé- diat à la boucherie de la totalité du troupeau. Le vétérinaire départemental des Basses-Alpes, M. Arlaud, estime que les pertes dues à l'agalaxie, en 1911, dans son dépar- tement, ont été incomparablement plus élevées que celles dues à la fièvre aphteuse. Par ce qu'il nous à été donné de constaler nous-même, cette opinion nous parait parfaitement fondée. CLINIQUE. L'affection, facilement diagnostiquée, présente des symp- lômes généraux et des symptômes locaux portant sur la mamelle, l'œil, les articulations, et, ajouterons-nous, parfois sur la peau; symptômes extrêmement variables dans leur inten- sité et leur répartition, ce qui a permis de distinguer une forme aiguë et une forme chronique. Forme aiguë. — Parfois presque foudroyante : la tempéra- ture atteint 40-41 degrés; affaiblissement général, inappétence L'AGALAXIE CONTAGIEUSE DE LA BREBIS ET DE LA CHÈVRE 941 et mort avant l'apparition des lésions. Si la marche est moins rapide, la mamelle, atteinte presque toujours chez les femelles laitières, est tuméfiée, chaude, douloureuse. Quand l’inflammation s’atténue, l'organe reste flasque, mou, ou induré, atrophié, avec des noyaux plus ou moins profonde et volumineux, durs; un seul ou les deux quartiers peuvent être lésés. Une boiterie généralement très intense annonce les locali- sations articulaires, qui, par ordre de fréquence, se portent sur le carpe et le tarse, puis sur les articulations fémoro-tibiale, huméro-radiale, coxo-fémorale, métacarpienne (Hess et Guil- lebeau). Tout déplacement est presque impossible, l'animal reste couché à la même place des Jours entiers : la région articulaire augmente de volume, devient très douloureuse; parfois, mais rarement, des abcès s'ouvrent, lents à se cicatriser, suivis ou non de l'ankylose des surfaces articulaires. La lésion primitive de l'œil est une kératite parenchyma- teuse : d'abondantes larmes souillent les paupières dont les bords sont rouge vif. La cornée est trouble, de teinte plus ou moins laiteuse; on croirait que la chambre antérieure est rem- plie de pus; il n'en est rien cependant et l’incision de Pæil montre que la cornée, très épaissie, donne seule à l'organe cet aspect particulier, l'humeur aqueuse est parfaitement limpide. Un large liséré rouge foncé ou brun entoure la cornée. Le globe oculaire est tendu, volumineux, douloureux. La cornée, par l'effet de la pression interne, peut être déchirée, l'iris rejeté en dehors, et le cristallin, luxé, sort par la fistule sous forme d’une gelée translucide : la vision est abolie. La suppuration envahit parfois la chambre antérieure; le pus s'écoule sur les côlés de la face, donnant à celle-ci un aspect véritablement hideux (fig. 1). Mais les lésions peuvent rester minimes, les ulcérations de la cornée se cicatrisent, elle reprend même presque complète- ment sa transparence. Il persiste toutefois assez longtemps de petites facettes planes sur la cornée: on dirait que celle-ci, frappée par un instrument contondant, a conservé l'empreinte du choc (observation per- sonnelle). 942 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Nous ajouterons, comme observation personnelle également, l'apparition, sur une étendue plus ou moins grande de la sur- face cutanée, de vésico-pustules arrondies, parfois confluentes. On avait déjà signalé la présence de petits abcès cutanés sur les parties dénudées, face et parties lalérales de la tête, mais, en faisant tondre en entier les animaux, on peut constater facile- ment l'éruption généralisée que nous signalons, dans des cas exceptionnels cependant. Forme chronique. — Les symptômes généraux passent ina- perçus le plus souvent. La mamelle est affectée en totalité ou en partie seulement : elle s’atrophie, les trayons deviennent flasques et l’on percoil des noyaux d’induration arrondis, situés plus ou moins profondément dans la glande, mais, souvent, à la base du trayon. S'il y a des accidents articulaires, on constate la tuméfaction des épiphyses et l'hydropisie des gaines: en pressant l’articula- tion et en cherchant à faire mouvoir le membre, auquel la dis- tension des ligaments articulaires permet des déplacements latéraux assez étendus, on percoit à la main, on entend même parfois nettement à distance, une crépilation spéciale (obs. personnelle). Les malades marchent à genoux ou en traïnant le train pos- lérieur sur le sol, ou restent continuellement couchés. Parfois la boiterie n'est pas permanente. Tel animal dont l'un des membres est soustrait complètement à l'appui pen- dant plusieurs jours, se met à marcher droit presque subite- ment, puis la boiterie réapparaît, moins accentuée générale- ment. On peut constater ainsi plusieurs attaques successives : il s’agit alors de lésions peu graves, sans déformation bien appréciable de l’arliculation. C’est à cette forme que Barthé- lemy donnait, avec justesse, le nom de rhumatisme arthri- tique. L'œil présente une simple opacité de la cornée ou de la kéra- tite parenchymateuse, de l’ophtalmie interne et, mais rare- ment, des complications purulentes. D'après Rocco Marra, les béliers et les boucs montrent parfois de l'inflammation du scrotum. On a signalé, et nous l'avons constaté nous-même, des abcès en diverses régions, parotide, médiastin, museles (Hess et Guillebeau. L'AGALAXIE CONTAGIEUSE DE LA BREBIS ET DE LA CHÈVRE 943 Ces abcès sont dus à des pyogènes vulgaires (staphylocoques et streplocoques) comme nous nous en sommes assuré. Les malades maigrissent considérablement et meurent dans un élat de cachexie complète, si leur envoi à la boucherie ne vient pas interrompre l’évolution de la maladie. Durant l'épidémie et l'année d'après, les agneaux qui nais- sent meurent de [a maladie ou, faute de lait, périssent de faim ; les brebis avortent, donnent des mort-nés ou des monstres (Celli et de Blasi). Nous avons constalé, expérimentalement, la justesse de ces observations (Voy. paragraphe : Des agneaux). L'altération du tissu musculaire est remarquable; l'animal peut encore présenter un certain état de graisse, mais l’atro- phie des muscles le fait paraître étique. Par l'exposé clinique qui précède, on voit combien le terme d'agalaxie, appliqué à une maladie générale avec localisations aussi variées, est insuffisant et inexact. On ne peut rapprocher l’agalaxie d'aucune autre affection de l’homme ni des animaux : c'est une entité morbide d'un caractère tout à fait spécial. ALTÉRATION DU LAIT. Le lait d'une mamelle infectée subit des altérations pro- fondes dans son aspect, ses qualités physiques et chimiques. En réalité, très rapidement, le liquide sécrété n’est plus du lait : dès le début, il est crémeux ou aqueux. Dans le premier cas il diminue de suite de quantité, dans le second il peut encore être assez abondant. Il se sépare nettement en deux couches : l’une supérieure, séreuse, plus ou moins louche, de teinte parfois un peu verdâtre, et une autre, inférieure, com- posée de grains, de grumeaux, de tortillons formés d'une matière puriforme, qui adhèrent aux parois du vase et se ras- semblent au fond. Parfois, une faible épaisseur de globules rouges s’intercale entre les deux couches. Quand la sécrétion mammaire va totalement cesser, la mul- sion permet d'obtenir, avec une très faible quantité de liquide séreux, la matière puriforme qui prend, par son passage forcé 944 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR à travers l'élroit orifice du trayon, la forme de gros vermicelle. Toujours, le liquide altéré possède une saveur salée carac- téristique. Il est quelquelois assez difficile d'obtenir le liquide accumulé dans le sinus mammaire, l'orifice du trayon étant généralement obstrué par un petit bouchon qu'il convient d’écraser sous les doigts ; il est bientôt remplacé par un autre; mais l'extraction en est plus facile. Les doigts qui opèrent la première mulsion perçoivent netlement une crépitalion spé- ciale : il semble que de l'air est enfermé et chassé de quelques vacuoles; en réalité, cette crépitalion est due, selon toute pro- babilité, à l’écrasement des grumeaux puriformes (Obs. per- sonnelle). L'aspect du liquide extrait de la mamelle permet d'apprécier le caractère de l’inflammalion. Dans les cas chroniques, ce liquide est séreux; si l’inflam- mation est aiguë, ilse prend en un caillot, jaune verdâtre, peu résistant. Déposé sur un filtre de toile, ce caillot laisse exsuder rapide- ment la presque totalité du liquide qui l'imprègne, liquide assez limpide. Le fromage obtenu avec le lait alléré est de mauvaise qualité, sec, maigre : sur la coupe, il se montre criblé de petits trous, alors que le fromage normal est creusé de larges vacuoles, peu nombreuses (Oreste et Marcone, Hess et Guil- lebeau). MopiFicaATIONS CHIMIQUES ÉPROUVÉES PAR LE PRODUIT DE SÉCRÉTION DES MAMELLES MALADES. Les liquides analysés provenaient : 1° de six chèvres non encore infectées et 2° des mêmes animaux atteints de mam- mite. La malière grasse fut dosée dans ces deux échantillons au moyen du procédé Adam, modifié par Meillère. La même prise d'échantillon servit ensuite au dosage des matières albumi- noïdes d'après les indications de Patein et Deval et enfin à la détermination du lactose au moyen de la liqueur cupro-potas- sique. Le procédé Kjeldahl fut utilisé pour les dosages de l'azote L'AGALAXIE CONTAGIEUSE DE LA BREBIS ET DE LA CHÈVRE 945 total et de l'azote des différentes fractions des matières azotées. Dans le tableau suivant, qui renferme les résultats obtenus, l'azote de la caséine représente l'azote des matières précipitées à la température ordinaire par l'acide acétique et l'acide car- bonique; l'azote des albumines est l’azole des matières non pré- cipitées par l'acide acétique et l'acide carbonique, mais préet- pitées par l'acide phospho-tungstique; enfin l'azote amidé est l'azote des substances non précipitées par lacide phospho- tungslique. L'examen du tableau montre des modifications intéressantes, analogues, du reste, à celles constatées par Hess et Guillebeau dans leur travail sur l’agalaxie infectieuse des chèvres. Ces modifications portent d’abord sur les éléments caracté- ristiques de l’activité de l'épithélium glandulaire : la caséine, le lactose et la matière grasse. La matière grasse tombe de 33 gr. # par litre à 6 gr. 8 et ce lactose de 32 gr. 1 à 2 gr. 9. Dans le lait pathologique, la phé- nylhydrazine permet de constater qu'il s’agit bien de lactose et non de glucose. Les matières albuminoïdes augmentent notablement et cet accroissement se fait surtout sentir pour les matières albumi- noïdes vraies (albumine et globuline), ce que montrent netic- ment les chiffres relatifs aux diverses portions de l'azote et leur pourcentage par rapport à l'azote total. L'acidité évaluée en acide lactique par litre est manifeste- ment déprimée. Cette diminution doit ètre attribuée à la dispa- rition de l'acide carbonique dissous, mais aussi à la présence d’une dose notable d'ammoniaque, résultant de l'action des microbes sur les matières albuminoïdes. Les cendres ont à peine varié comme poids total, mais leurs différents composants ont nettement changé de proportions. Une diminution frappante porte sur l'acide phosphorique, la chaux et la magnésie; une augmentalion nette du chlore explique le goût salé du lait. Le lait normal contenait 2 gr. 08 de chlore par litre (correspondant à 3 gr. #3 de CINa); le pro- duit de sécrétion des mamelles malades en accusait 3 gr. 53 (correspondant à 5 gr. 82 de CINa). Ces modifications, qu'une analyse détaillée met en évidence, ne sont pas particulières à la manifestation mammaire de l'aga- 946 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR laxie. Dans les mammites, ainsi que l’a indiqué Monvoisin (1), les cellules des acini étant atteintes dans leur intégrité anato- mique et physiologique, les produits résultant de leur activité sont élaborés en moins grandes quantités; le lait fourni par une mamelle malade passe insensiblement de la composition du lait normal à celle du sérum sanguin, aussi bien en ce qui concerne les matières organiques que les matières minérales. LAIT DE CHÈVRES NORMALES AGALAXIQUES DEN AB AELEÉE) NL; : . . . +. 1.029 1.023 Acidité (entacide lactique): . . . . . : À gr. 4 DrEE 1 Résidu sec. 30 2 TOR MES 124,95 88,3 MAtLÈT etes SC es 2200 33,4 6,8 Eactose JUNE 34,1 2,9 Malières bandes 5 0 MER 43,9 67,4 CONTES PNR 0, LL, 9,8 9,6 Point de NCORSÉRORRAARENS . |. . .. — 00565 . — 00545 Azotè total Free RS er à! 2, 2 TS Ua 10 gr. 308 VOUEUEMEL ES ENS 000 ENCRES En) 4,690 AZOLELTeSSAIDUNNESPRRER NL 07 2,660 4,853 Azole amidé . 0,631 0,765 Azote de la caséine (en centièmes de l'azote total) Meme PRES. ©. 53,15 45,49 Azote de bar ne (en centièmes de l'azote total) 0 RE 31,86 47,08 Azote amidé (en centièmes 1. l'azote total). : 8.99 1,43 ANALYSE DES CENDRES (par litre). Chlore "+7 LRO An Set en 2: L 2 gr. 08 3 gr. 33 Acide phosphorique 21 5 CFE 1,61 0,72 Chaux ee Ver RE int 10 A COTE 1,80 0,31 Magnésie. . 0,520 0,101 ANATOMIE PATHOLOGIQUE (D APRÈS CELLI ET DE BLAS1). L. Glande mammaire. — À l'œil nu, dans l’agalaxie con- lirmée, les mamelles sont diminuées de volume, dures, et sur la coupe on voit que les acini sont remplacés par du tissu con- Jonctif de nouvelle formation. L'examen microscopique montre un processus de mammite interslilielle caractérisée par la dis- parition du tissu glandulaire avec substitution de tissu fibreux (4) Moxvoisix, Journal de physiologie et de palhologie générale, janvier 1910, el Journal de pharmacie et de chimie, juillet 1910. L'AGALAXIE CONTAGIEUSE DE LA BREBIS ET DE LA CHÈVRE 947 plus ou moins condensé suivant la durée de la maladie. La néoformation conjonctive ne se limite pas seulement au paren- chyme glandulaire péri-acineux, mais s'étend aussi aux conduits inter-acineux de moyen et de grand calibre, déterminant la pro- duction de polypes fibreux endo-canalieulaires revètus d’un épi- thélium ; dans quelques cas, ces polypes obstruent complète- ment la lumière des tubes. De telles formations s'observent surtout dans les cas très avancés. Dans les formes plus avancées encore, outre l'atro- phie du parenchyme glandulaire, on peut observer de la dégé- nérescence calcaire, etc... Rares sont les suppurations et les abcès de la mamelle; on ne les rencontre que lorsqu'il y a engorgement lacté, quand on abandonne les femelles sans les lraire. Plus rares encore sont les abcès péri-articulaires et intra- musculaires. IT. OZ. — La lésion débute par de l'hyperhémie péricor- néale : dans la suite, on observe de la kéralite parenchymateuse interstitielle avec taches cornéales. A l'examen microscopique, on note une infiltration parvicellulaire et des néoformations vasculaires dans l'épaisseur de la cornée. Ce processus peut régresser ou entrainer la perforation de la cornée, le staphylome de l'iris, l'évacuation du contenu de l'œil et la panophtalmie. Suivant ces différentes complications, la maladie peut guérir complètement, laisser de simples leucomes ou des cicatrices avec cécité plus ou moins complète. IT. Arculations. — La lésion est caractérisée par de l'infil- tration et de l’'engorgement du lissu conjonctif périarticulaire. A la coupe, celui-ci se montre épaissi et infiltré de sérosité, alors que la synoviale, la synovie et les cartilages apparaissent normaux. D'autres fois, la synovie augmente de quantité et devient rougeätre, la synoviale s’épaissit, montre des foyers nécrotiques et de l’infiltration parvicellulaire, érosion des car- tilages articulaires : plus rarement des fongosités polypeuses formées de tissu conjonctif jeune. D’habitude, ces lésions régres- sent complètement, l'ankylose est rare. Dans le {issu articulaire, on note un processus d'endo-artérite. 948 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR DOCUMENTS EXPÉRIMENTAUX. Les différents savants qui ont tenté l'étude expérimentale de l’agalaxie, Hess et Guillebeau, Oreste et Marcone, Bournay et Leclainche, Celli et de Blasi, sont unanimes à déclarer qu'aucun microbe, isolé des lésions, ne s'est montré capable de repro- duire la maladie. On rencontre, en effet, parfois, par la culture, dans le lait agalaxique, des formes microbiennes diverses, les trois variétés du staphylocoque notamment et le streptocoque. Nous avons éludié, dans un précédent mémoire, une pyohémie spéciale, consécutive à l'agalaxie et reconnaissant comme agent spécifique un fin bacille doué de caractères bien tranchés (1). Le contenu des lésions fermées de l'œil et des articulations se montre stérile le plus souvent : on peut mème, comme nous l'avons réalisé maintes fois, ensemencer assez largement du lait agalaxique recueilli avec quelques précautions, sans constater la moindre culture de microbes colorables. De fait, ainsi que l'ont démontré en 1906 Celli et de Blasi, l'agent spécifique de l'agalaxie est un virus fillrant. Nous donnons ci-après 2x extenso, les conclusions de Celli et de Blasi qui résument tout ce qui avait été élabli avant nos recherches ; au point de vue expérimental on verra quelle part importante ils ont apportée dans l'étude de l’agalaxie. 1° L’agalaxie du mouton etde la chèvre est incontestablement une maladie contagieuse par le moyen du lait, qui présente des altérations caractéristiques ; Deere à 3° Toutes les nombreuses tentatives bactériologiques et his- tologiques faites pour mettre en évidence et cultiver l'agent causal de l’agalaxie se sont toujours montrées infructueuses ; 4° L'agalaxie est due à un virus filtrant éliminé avec le lait malade ; 5° L'ultra-microscope ne permet aucune différenciation parmi les particules colloïdes du lait filtré: (4) Voy. Le mal de Lure. Annales de l'Inslitul Pasteur, mai 1912. L'AGALAXIE CONTAGIEUSE DE LA BREBIS ET DE LA CHÈVRE 949 6° Expérimentalement avec le virus (lait) filtré sur Berkefeld et sur Silbersmith, au moyen d’inoculalions dans le sinus galactophore et dans le tissu mammaire, on peut reproduire l'agalaxie; au moyen d'inoculations dans la cornée ou dans le conduit galactophore, ou sous la peau, l’altération oculaire; par inoculation intra-articulaire, l’arthrite agalaxique; etenfin, par l'inoculation sous-culanée, oculaire et endo-articulaire, le cadre complet de la maladie. En dehors du mouton et de la chèvre, il est encore possible de reproduire la kératite paren- chymateuse chez le lapin en injectant le filtrat dans la chambre antérieure ; 7° Le tableau anatomo-pathologique de l’agalaxie et des autres localisations expérimentales est identique à celui de l'infection naturelle ; 8° Rien de semblable ne peut être reproduit par l'injec- tion des bactéries isolées du lait, des yeux ou des articula- tions ; 9 Pour reproduire expérimentalement l’agalaxie, dans le sens étroit du mot, on donnera la préférence à l'injection dans le conduit galactophore, sous-cutanée ou endo-articulaire. Il suffit parfois de déposer le virus à l'entrée du trayon. L'agalaxie doit, par conséquent, se {ransmettre dans la nature par conta- gion directe ou semi-directe, ou par inoculation. Nous ne pou- vons pasaffirmer que les arthropodes jouent un rôle quelconque dans la transmission de l'affection ; 10° Le virus du lait de la chèvre (expérimental) ne paraît pas se différencier de celui de la brebis; 11° Le virus de l'agalaxie est plutôt labile, car, mème con- servé dans de bonnes conditions, à 15 degrés dans l'obscurité, il s'atténue en moins de deux mois. Cette propriété confirme indirectement la transmission par les modes sus-indiqués ; 12° Le virus de l'agalaxie s’atténue, ou tout au moins ne s’exalte pas par le passage d'animal à animal, d'œil à œil. Une atteinte de la maladie est suivie de l’immunité; 13° Nous avons des raisons de croire que l'immunité expéri- mentale peut être réalisée. D'une autre série d'expériences, les mêmes auteurs dégagent ces nouvelles conclusions : 1° Le virus conservé deux mois à 14 degrés est inactif; 950 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR 2° Chauffé pendant une heure à 40-45 degrés, le virus possède des propriétés immunisantes : 3° Le pouvoir infectant des humeurs de l'organisme malade est au maximum dans la toute première période (primissimo periodo) de Ia maladie. | Enfin, en avril 1912, MM. Rocco Marra et Nicola Cocciante, opérant sur un nombre très élevé d'animaux, montrent que le sang recueilli dans les formes graves au moment de l'élévation thermique, est virulent; ils annoncent leur découverte d'un vaccin, remettant à plus tard des indicalions sur leur facon de le préparer. Il nous à semblé cependant qu'il restait encore à élucider bon nombre de questions importantes. L’envahissement rapide de nos départements du Sud-Est nous offrait un vaste champ d'expériences; l’empressement de nos confrères à nous pro- curer des sujets malades, les plaintes réitérées et trop fondées des éleveurs, nous décidèrent à poursuivre l'étude de l’aga- laxie, étude que nous avions déjà commencée avec le Mal de Lure. PRODUITS VIRULENTS. Sans mettre le moins du monde en doute les résultats obtenus par nos devanciers, nous avons été amené, surtout dans le but de posséder le virus agalaxique 4 l'état pur, à rechercher la virulence dans le lait altéré, dans la cornée et dans la sérosité articulaire. Nous pouvions l'obtenir facilement par la filtration, mais, étant donné le but que nous poursuivions, ce procédé ne pou- vait nous rendre aucun service. Il est en effet préférable d'opérer avec des produits non filirés, incomparablement plus riches en éléments virulents. Pour nous, la filtration n'offre qu’un intérêt très relatif; elle introduit d’ailleurs dans l’expérimentation une complication el des causes d'erreurs auxquelles on doit s'efforcer d'échapper lorsque la chose est possible. Il est tellement facile de démontrer la virulence du lait, du suc de cornée malade ou de la sérosité des articulations atteintes, que l’on reste confondu devant les résultats négatifs L'AGALAXIE CONTAGIEUSE DE LA BREBIS ET DE LA CHÈVRE 951 enregistrés par cerlains auteurs. Ces résultats ne peuvent s'ex- pliquer autrement que par l'emploi, comme sujets d'expérience, d'animaux provenant de milieux infectés et ayant acquis l'im- munité. Il est douteux que l’on puisse rencontrer des animaux naturellement réfractaires à la maladie. Placé comme nous le sommes, loin des foyers d'agalaxie, n'utilisant que des mou- tons nés au laboratoire ou d’origine connue, nous n'avons pu que constater leur grande réceptivité. I. Infection par injection de lait dans la mamelle. — Une seule précaution nous paraît indiquée, celle de n'utiliser que des femelles présentant encore une sécrétion mammaire, si minime soit-elle. A deux reprises, sur des vieilles brebis ne possédant que des mamelles totalement atrophiées, nous avons vu l'injection d'un produit sûrement virulent rester négative, tandis que d'autres animaux du même lot, dont la mamelle donnait encore à la mulsion quelques gouttes de sérosité, con- tractaient une mammite typique. Nous n'avons que l'embarras du choix dans nos notes d’ex- périences pour montrer que l'injection du lait agalaxique dans le trayon provoque toute la gamme des accidents, depuis les formes aiguës jusqu'aux localisalions éloignées, arthrite et kératite. Brebis 557. — Dans le trayon aroit,1/2 cent. cube liquide mammaire agalaxique de chèvre; cinq jours après, le trayon parait rouge et turgescent, il donne 5 cent. cubes de liquide louche avec grumeaux puriformes. Quinze jours après, l'œil gauche est fermé, pleureur, la cornée est louche ; dans la suite l'animal reste couché, semblant parésié du train postérieur. II. Infection par injeclion du produit de broyage de la cornée dans la mamelle. — 1° Une chèvre 545 reçoit, le 26 décembre 1911, dans le trayon gauche, 5 cent. cubes du liquide obtenu en broyant la cornée opaque d’une brebis envoyée d'Oraison (Basses-Alpes), par notre confrère, M. Allègre. Le 30, la mamelle donne assez difficilement un liquide filant, puriforme, jaune ver- dâtre. Le 2 janvier, le quartier gauche est volumineux ; la mulsion doulou- reuse, donne un liquide purulent avec grumeaux. La présence de pus n'a rien d’anormal étant donnée l'impureté forcée du liquide injecté. Le 8, la cornée droite est complètement opaque, entourée d'une large bande rouge foncé ; l'animal reste étendu sans mouvements. 2° Le 8 janvier, une chèvre 539 reçoit dans le trayon droit le liquide de broyage de la cornée droite de la chèvre 545 précédente. Le 18, l'animal boite du membre antérieur gauche dont le genou est sensible, l'œil gauche est à demi fermé. Le 19, la chèvre reste couchée, la tête repliée versle flanc, le poil est piqué. Le trayon inoculé donne 15 cent. cubes de liquide louche avec grumeaux ; le 24, boiterie des deux membres postérieurs ; le 26, la cornée gauche est complètement opaque, d’une teinte laiteuse, entourée d'une large 952 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR bande rouge foncé. À partir du 25 février, cette lésion régresse ; la cornée reprend peu à peu sa transparence; la mamelle ne donne plus que quelques centimètres cubes de liquide avec grumeaux; les membres reprennent leur liberté d'action. II. Infection par injeclion intraveineuse de liquide articulaire. — Le 1°" juillet 1911, on retire de l'articulation fémoro-tibiale d’une brebis 419, 4 cent. cubes de sérosité un peu louche et rosée. 1 cent. cube de cette sérosilé est ense- mencé en bouillon sérum et se montre stérile. 2 cent, cubes sont injectés dans la jugulaire d'un agneau 520. Le petit animal maigrit assez rapidement. Le 10 juillet, il boite du membre antérieur gauche dont le boulet est sensible; le 18, la boiterie est plus accen- tuée, le boulet est engorgé, très douloureux; le 22, l'animal conserve pour manger la position à genoux. Il se rétablit lentement dans la suite. Ces expériences prises parmi beaucoup d'autres, apportent la confirmation que le virus agalaxique se rencontre dans les différentes localisations et montrent que la lésion articulaire fermée est susceptible de le fournir à l’état pur; malheureuse- ment, la quantité de sérosité est toujours très minime : le cas de la brebis 479 qui nous a donné # cent. cubes de liquide est tout à fait exceptionnel. | = Par le relevé de nos expériences, nous avons pu établir assez exactement le temps que mettent à apparaître les différentes localisations suivant le mode d'infection adopté. C'est en moyenne trois à quatre jours après l'introduction du virus dans la mamelle que le lait commence à s’altérer dans le trayon inoculé; parfois, assez rapidement, le deuxième quartier s'infecte à son tour, mais il peut aussi rester indemne très longtemps et mème ne pas être atteint. La mulsion est parfois douloureuse, les animaux cherchent à fuir, à se défendre; mais nous avons rencontré des sujets manifestant la plus com- plète insensibilité à la traite, alors même que la glande tout entière était infectée et fournissait en abondance du lait altéré et mélangé à de nombreux tortillons puriformes, dont l’extrac- tion nécessitait des pressions el des tractions énergiques. A la suite du dépôt de virus dans la mamelle, cet organe peut rester seul atteint; l’état général de l'animal subit cepen- dant des modifications plus ou moins rapides et profondes : il maigrit beaucoup et peut même devenir cachectique. D'autres œuérissent, mais la convalescence est toujours longue et ce n’est parfois qu'après plusieurs mois que l'animal reprend un embon- point à peu près normal. . L'AGALAXIE CONTAGIEUSE DE LA BREBIS ET DE LA CHÈVRE 953 Il s'écoule toujours un certain temps entre l'infection de la mamelle et l'apparition des autres localisations, oculaires ou articulaires, douze-quinze jours en moyenne. Les localisations survenant après l'injection du virus dans le muscle (5 animaux) ont une incubation un peu plus courte : elle est de douze jours au maximum. Enfin, par les voies digestives (12 animaux), ce n'est que dix- huit jours en moyenne après le repas infectant que les locali- sations se développent. La chèvre s'est montrée, dans la généralité des cas, beaucoup plus sensible que la brebis à la maladie expérimentale. LE VIRUS FILTRANT: Nos recherches à ce sujet confirment entièrement celles de MM. Celli et de Blasi : l'agent spécifique de l'agalaxie est un virus filtrant. I. — Le 26 mai 1911, 3 brebis reçoivent dans le trayon gauche chacune 10 cent. cubes du liquide dilué de la mamelle d’une chèvre 510 (agalaxie natu- relle, Nice) et filtré sur Berkefeld. V. Les n°$ 479 et 480 donnent encore quelques cent. cubes de lait, le n° 481 a les mamelles totalement atrophiées. Brebis 479. — Dès le 29, le quartier gauche est chaud, tendu. Dans la suite, la mamelle fournit un liquide louche, un peu verdâtre, avec gru- meaux. Le 15 juin, éruption généralisée de vésico-pustules sur tout le corps, ædème de chaque côté de la face; jarret droit engorgé. Le 29, l'engorgement du jarret a augmenté, la sensibilité apparait, l'animal boite; le 1° juillet, on retire aseptiquement 4 cent. cubes de sérosité un peu louche. Le quartier droit s'infecte à son tour et fournit 50 cent. cubes de liquide séreux, verdâtre, alcalin, qui se prend en caillot comme une sérosité inflam- matoire. Brebis 480. — Le 1er juillet, le quartier gauche est beaucoup plus volumi- neux que le droit, qui est flasque ; le 16, température 4098; le 20, la mamelle est dure et donne difficilement quelques gouttes de liquide grisâtre, grume- leux ; le 23, le boulet antérieur droit est engorgé, sensible; le 28, l'animal se tient à genoux et présente de la difficulté à se remettre debout. Brebis 481. — N'a jamais eu la moindre lésion ni la moindre élévation de température, ce que nous croyons devoir attribuer à l'état d'atrophie de la glande qui n'a pas permis la culture du virus. II. — Le 10 juin 1911, 10 gouttes de liquide de la mamelle de la brebis 479 sont diluées dans 200 cent. cubes de solution physiologique et filtrées sur Berkefeld V. Une brebis en pleine lactalion, 471, reçoit 20 cent. cubes de filtrat dans le trayon gauche. Le 12, le quartier gauche paraît plus volumineux que le droit. Le lait obtenu est un peu verdâtre, plus aqueux que celui du droit qui est 61 95% ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR blanc mat. Le 16, le quartier gauche donne 50 cent, cubes de liquide ver- dâtre, alcalin. Le 20, on obtient 200 cent. cubes de liquide jaune verdâtre- avec grumeaux puriformes; le quartier inoculé est énorme; on y sent des noyaux indurés, bosselant la peau; le 23, le liquide est louche et de petits tortillons nagent à sa surface; le 27, la quantité de liquide diminue. La mamelle s’atrophie dans la suite. Le 4 juillet, une vieille brebis berrichonne avait recu dans la jugulaire 5 cent. cubes du liquide mammaire 471. Le 10, raideur des quatre membres, surtout des postérieurs. Sacrifiée le 20, les articulations des genoux et des jarrets renferment de la sérosité roussâtre, stérile en bouillon sérum. CONSERVATION DE LA VIRULENCE DANS LA MAMELLE. MM. Celli et de Blasi écrivent : « Le pouvoir infectant des humeurs de l'organisme est au maximum dans la toute pre- mière période (primissimo periodo) de la maladie. » D'autre part, le D' Rocco Marra, au cours d’une visite que nous fimes ensemble à un troupeau infecté, dans la campagne romaine, m'affirma que le lait n'était virulent qu'au seul moment de l’élévation thermique. On relrouve encore celle même opinion exprimée dans le mémoire qu'il vient de publier avec le D' Nicola Cocciante. Des expériences entreprises antérieurement à mon voyage en Italie (octobre 1911) et continuées depuis sont en contra- diction complète avec l'opinion de nos honorables collègues ita- liens. Le 21 mai 1911, je recevais au laboratoire 5 animaux agalaxiques que je devais à l'amabilité de M. Scoffié, vélérinaire départemental des Alpes-Mari- times. Une vieille chèvre (n° 510) était particulièrement intéressante; elle pré- sentait les lésions suivantes : l'œil droit un peu atrophié et enfoncé dans l'orbite montre, en son centre, une fistule donnant issue à du pus verdâtre, très riche en pyobacilles (1); les deux genoux sont lésés ; on perçoit à la main. quand on oblige les membres à se fléchir, et on entend mème nettement à distance, des craquements articulaires. Les deux quartiers de la mamelle renferment plusieurs noyaux indurés gros comme des noisettes; la mulsion permet d'obtenir, des deux trayons, un liquide séreux, louche, dans lequel flottent des grumeaux. Dans la suite (mai à décembre 1911), la quantité de liquide obtenu diminue progressivement. On n'obtient plus que quelques centimètres cubes, puis quelques gouttes; enfin la sécrélion tarit totalement. Au 6 novembre, le quartier droit est complètement atrophié et on ne peut obtenir une seule voutte de liquide, deux noyaux indurés sont perçus à la base du trayon: le quartier gauche renferme un seul noyau induré et fournit encore 3-4 cenl. |) Voy. Mal de Lure, Annales de l'Institut Pasteur, 1° mai 1912. L'AGALAXIE CONTAGIEUSE DE LA BREBIS ET DE LA CHÈVRE 955 cubes de liquide séreux, louche, avec grumeaux grisâtres, caséeux. Ce liquide louche et les grumeaux, ensemencés à plusieurs reprises en bouillon sérum de mouton et sur gélose sang, se sont montrés stériles ou n'ont donné que de rares colonies de staphylocoques. Bien que la date exacte du début de la maladie de cet animal nous soit inconnue, nous estimons, d'après l’état des lésions, qu'elle remontait à un mois au minimum. Cette chèvre fut conservée et le liquide de sa mamelle servit à toute une série d'expériences qui démontrèrent : 1° la pré- sence du virus filtrant de Celli et de Blasi; 2° la persistance de la virulence dans le lait. 1° Le T juin 1911, un mouton d'un an, 430, recoit dans la chambre anté- rieure de l'œil droit 2-3 gouttes du liquide mammaire 510. Dans les jours qui suivent, l'œil est à demi -fermé et larmoie abondamment; le 10, le trouble cornéen apparait et s’accentue dans la suite. Le 5 juillet, une taie grisâtre s'étend sur toute la cornée, qui est entourée d’un large ruban rouge foncé. On peut piquer la cornée sans que l'animal présente la moindre réaction : Il y a anesthésie totale. L'animal se rétablit peu à peu sans autres locali- salions. 20 Le 2 juin 1911, 3 agneaux 437, 438 et 439, reçoivent chacun dans la jugu- laire, 5 gouttes de liquide mammaire 510. 437. — Le 6 juin, l'œil droit commence à se troubler, la conjonctive est congestionnée, larmoiement intense; le 10, boiterie du membre antérieur droit; le 14, l'œil s'ulcère, le genou droit est engorgé, sensible: le 20, l'animal ne peut plus se relever. À partir du 30, la lésion oculaire guérit, la boiterie s'atténue et l'animal se rétablit. 438. — Le 10. boiterie à droite derrière; le 14, éruption de vésico-pustules recouvertes d'une croûte épaisse sur le nez et sur la face; sous les croûtes existe du pus renfermant du streptocoque. Le 3 juillet, on tond ce mouton et on s'aperçoit que l’éruption de vésico-pustules s’est généralisée à toute la surface cutanée; les croûtes s'enlèvent facilement en laissant à leur place des surfaces rosées, circulaires. 439. — Le 5, ia paupière inférieure gauche est œdémateuse, fermée, l'œil droit est légèrement louche; le 20, l'œil droit, complètement opaque, est entouré d'un large liséré rouge foncé. 30 Le 11 juillet 1911, une brebis en lactation, 522, reçoit dans le trayon gauche 1 cent. cube de liquide mammaire 510. Le 26, l'œil droit est complè- tement opaque ; le genou gauche est volumineux, chaud, douloureux; le lait du quartier inoculé a une consistance caséeuse, il est peu abondant et sort sous forme de torlillons. Au 20 septembre. les mamelles sont atrophiées. 4° Le 28 novembre 1911, une brebis 521 reçoit dans le trayon droit 2 gouttes obtenues difficilement de la mamelle 510. Le 5 décembre, la base du trayon et le trayon lui-même sont augmentés de volume, de teinte rouge; la mul- sion donne 20 cent. cubes de liquide louche, verdâtre, avec tortillons. Le S, le quartier inoculé est volumineux; le 22, l'œil droit se trouble ; le boulet antérieur droit est volumineux, chaud, sensible, l'animal n'appuie plus sur ce membre. 956 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Comme la sécrétion mammaire de la chèvre 510 se Larit complètement, force nous fut d'interrompre nos inoculations ; mais cette série d'expériences montre, de la façon la plus nette, que jusqu'au dernier moment, alors que le trayon ne donne plus que difficilement 2-3 gouttes de liquide altéré, celui-ci se montre aussi virulent qu'au début. Nous le répétons, la chèvre 510, porte-virus, élait arrivée au laboratoire le 21 mai, le début de sa maladie remontait au moins à un mois de date et le 28 novembre le liquide de sa mamelle a encore infecté une brebis : sa mamelle a done cul- tivé le virus pendant plus de huit mois: Ce cas n’est pas isolé, el nous pourrions encore rapporter l'histoire d’une brebis 452 dont le liquide mammaire permit d'infecter plusieurs animaux dans l'espace de quelques mois. Il résulte donc de ces constatations deux faits d’une grande importance pratique : 1° La mamelle agalaxique peul sécréter pendant plusieurs mois un liquide dont la quantité va diminuant lentement Jjus- qu'à ce que la glande soit complètement atrophiée ; 20 Ce liquide, à quelque moment de l’évolution de la maladie qu'on le recueille, se montre également virulent. Il conviendra de tenir compte de ces données dans l’établis- sement des mesures prophylactiques que lon devra prendre un jour ou l’autre contre l’agalaxie. DiSSÉMINATION DU VIRUS DANS LE MILIEU EXTÉRIEUR. Pendant la plus grande partie et souvent la totalité de leur évolution, les locelisations agalaxiques restent fermées. IT ne suffit donc pas de laisser des sujets sains cohabiter avec des malades pour voir forcément la contagion s'effectuer ; il est indispensable que l’un des malades laisse échapper le virus d'une façon ou d’une autre. Il est à présumer que lorsque la mamelle est distendue par l'inflammation et l'accumulation du lait altéré, quand des poches suppurantes se forment, que le pus s'écoule après avoir macéré la peau; lorsque les articulations lésées suppurent; lorsque la lésion oculaire va jusqu'à la perforation de la cornée, L'AGALAXIE CONTAGIEUSE DE LA BREBIS ET DE LA CHÈVRE 957 le virus agalaxique est largement disséminé sur les aliments et les litières. Celle condilion n'était probablement pas remplie dans les expériences de Valentini, de Hess et Guillebeau, qui ont laissé en vain pendant neuf semaines des chèvres saines au contact de chèvres malades. Par contre, Rocco Marra rapporte le cas d'un troupeau de chèvres qui fut infecté à la suite de lintro- duction d'un bouc porteur d'une arthrite suppurée. Les lésions oculaires, en particulier, portent le virus directement au con- tact des aliments. Nous avons recherché si les larmes s’échap- pant d'un œil malade, sans perforation, contenaient le virus. Le 25 avril 1912, nous recucillons 2 gouttes de larmes de l'œil gauche d'une brebis 58%; la lésion oculaire avait débuté le 24 mars, après absorplion de virus par les voies digestives ; il n'y à pas eu perforation, mais la cornée est verruqueuse à sa surface; la lésion est en voie de régression. Ces 2 gouttes de larmes, additionnées de 10 cent. cubes de solution physiolo- gique, sont injectées dans le trayon d'une chevrette 594 dont la mamelle ne donne que 1/2 cent. cube de liquide séreux. Le 29, on obtient du trayon inoculé 2 cent. cubes de liquide agalaxique typique, grisâtre, avec pelits grumeaux puriformes. Il y a donc là un mode insoupçonné de dissémination du virus qui rend dangereux tout animal porteur de lésions ocu- laires, même fermées. ABSORPTION DU VIRUS PAR LES VOIES DIGESTIVES. Il ne semble pas que des recherches systématiques aient été poursuivies par nos devanciers dans le but de constater si, comme la pratique permettait de le supposer, l’infection était réalisable par la seule absorption de produits virulents. Cette expérience avait cependant été tentée, sans résultat, par diffé- rents auteurs, Oreste notamment; elle méritait d'être reprise, car, à plusieurs points de vue, elle offre un intérêt tout parti- culier. En effet, tous les modes d'infection par effraction des tissus donnent des résultats positifs; il n’est nullement besoin pour amener l'apparition des localisations mammaires, oculaires ou articulaires de déposer le virus dans l'organe sur lequel on 958 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR veut provoquer une lésion. La voie veineuse que nous avons largement utilisée, avec l'injection dans le trayon, nous paraît répondre à tous les desiderata dans la recherche de la viru- lence d'un produit donné. On a pu réaliser l'infection en déposant Le virus à l'entrée du conduit galactophore (Celli et de Blasi) ou, plus simplement encore, en opérant la traite avec des mains souillées de lait malade. Mais, en pratique, est-ce bien selon ces différents modes que la contagion s'effectue dans la majorité des cas? Les brebis lai- lières ne sont pas les seules atteintes, il s’en faut : les agneaux, les mâles adultes et les femelles non lactifères s’infectent éga- lement dans la même proportion et, chez eux, naturellement, les localisations ne peuvent apparaître que sur les yeux et les articulations, lésions aussi spécifiques que la mammite aga- laxique. On ne peut accuser les mains des trayeurs que pour les ani- maux qui sont exploités en vue de la production du lait, et c'est encore l'exception; l'intervention des arthropodes soup- connée par Celli et de Blasi n’a pu être démontrée expérimen- talement. Nous avons pensé que le véritable mode d'infection se trou- vait dans l'absorption du virus par les voies digestives et l'ex- périmentation, à plusieurs reprises, est venue confirmer nos prévisions. I. — Le 11 janvier 1912, 3 moutons d'un an, nés au laboratoire, 549, 550 et 551, absorbent sur du son 150 cent. cubes de lait agalaxique provenant de la mamelle de la chèvre 545 (le filtrat de ce lait avait donné une mammite aga- laxique à la chèvre 544). 549. — Reste couché le 4 février; il boite fortement du membre posté- rieur droit qui est soustrait à l'appui. Les deux yeux présentent de l'opacité de la cornée; ils sont entourés d'une large bande rouge foncé, lésion aga- laxique typique. 550 et 551. — N'ont présenté qu'un peu de raideur des membres posté- rieurs. IT. — Le 14 février 1912, 3 vieilles brebis, 563, 564 et 565, absorbent sur du son 50 cent. cubes de lait extrait des mamelles des chèvres 539 et 544. Le 29, la brebis 564 tient l'œil droit fermé, le bord des paupières est rouge vif et la cornée est louche, surtout à sa périphérie. Le 6 mars, la cornée es complètement opaque avec une belle teinte laiteuse; un large ruban rouge foncé l'entoure. 565. — Avorte le 5 mars. L'avorton, presque à terme, montre des ecchy- L'AGALAXIE CONTAGIEUSE DE LA BREBIS ET DE LA CHÈVRE 959 | moses à la surface du péricarde et sur le péritoine qui enveloppe la vessie. Les ganglions du flanc, vivement irrités, sont entourés d’une large zone hémorragique. L'urine renferme 1 gramme d'albumine environ. 563. — N'a jamais rien présenté d'anormal. IT. — 4 brebis en état de gestation absorbent le 5, le 7 et le 14 mars, du lait altéré sur leurs aliments (582, 583, 584 el 585). Deux ne présentent dans la suite aucun symptôme d'infection (582 et 585). 583, — Boite du membre postérieur gauche du 2 au 16 avril et donne, le 27 avril un agneau petit, très peu vigoureux, qui vit cependant mais reste chétif. 584. — Boite du membre postérieur droit le 24 mars; la cornée commence à devenir opalescente. Le 26, la cornée est complètement opaque. Au 7 avril, le [membre est toujours soustrait à l'appui; l'animal maigrit beaucoup. Le 12 avril, celte brebis donne un avorton non viable, qui reste étendu aban- “donné et sans soins par sa mère et meurt le 14. Il présente des hémorragies sous-brachiales et autour des ganglions du flanc: son urine renferme 4 gramme d’albumine par litre. La brebis reste toujours couchée, très maigre. Ces expériences montrent donc très nettement que le virus peut être absorbé par les voies digestives et provoquer l’appa- rition des différentes localisations agalaxiques, et cela toutaussi aisément sur des animaux jeunes, en parfait état de santé comme nos moutons de la première série, que chez des brebis usées par l’âge de la deuxième. L'infection par les voies digestives, si facile à réaliser expé- rimentalement, nous apparaît comme le mode de transmission de beaucoup le plus répandu dans la pratique. Le virus aga- laxique franchit aisément les barrières épithéliales, cultive dans le sang, comme l'ont fait voir Rocco Marra et Nicola Coc- ciante, et se localise ensuite dans les centres d'élection. Cette expérience avait encore pour nous une importance capi- tale, elle nous permettait d'infecter les animaux sans avoir recours à l’effraction des tissus, dans nos essais d’immunisa- tion, et les expériences avaient, de ce chef, une véritable portée pratique. D'autres chercheurs n’ont, avantnous, obtenu aucun résultat «ans leurs essais de transmission de lagalaxie par les voies digestives. Nous ne voyons d'autre explication à ces résultats négatifs que l'emploi d'animaux d'expériences en trop petit nombre, ou ayant acquis l’immunité par une atteinte antérieure de la maladie. Nous pouvons même admettre que ces animaux se sont infectés sans présenter de symplômes cliniques, ce qui a fait croire à la non-contagion. 960 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Il convient, en effet, d'utiliser un assez grand nombre de sujets; quelques-uns paraissent échapper à l'infection, car on ne constate chez eux aucun symptôme bien net. Première série. — 3 sujets (moutons d'un an), un seul 449, présente des lésions oculaires; les deux autres, de la raideur à peine sensible et fugace des membres postérieurs ; Deuxième série. — 3 sujets (vieilles brebis distomateuses); une présente des lésions oculaires (56%); une autre avorte (563) ; Troisième série. — % sujets (brebis en état de gestation); une fait de l’arthrite (683); une autre de la kératite, de l’arthrite et donne un avorton (584). Aïnsi un certain nombre d'animaux qui ont absorbé du virus paraissent échapper à l'infection. Parmi ceux-ci, il en est qui, bien que n'ayant rien montré d'anormal, ont cependant subi une légère atteinte de la maladie, car, inoculés cinq à sixsemaines après le repas infectant, même avec une très forte dose de virus, ils se montrent insensibles; ils ont acquis l'immunité. On peut nous objecter que ces animaux étaient peut-être doués d'une immunité naturelle avant l'expérience : nous nele pensons pas. Tous nos animaux d'expériences, nous le répétons, sont nés au laboratoire ou proviennent d'exploitations du centre de la France, parfaitement à l'abri de l’agalaxie; tous se sont montrés sensibles aux autres modes d'infection pareffraction des tissus. D'autres sujets, consommant des repas infectants, ne con- tractent pas la maladie, même sous une forme bénigne, et sans symptômes cliniques appréciables. Une brebis 580, après trois repas infectants en dix jours, le 5, le 7 et le 14 mars, est éprouvée le 27 avril avec 1 cent. cube de lait agalaxique dans le muscle. Le 4 mai, cette brebis présente de la raideur générale, de la sen- sibilité des articulations et reste couchée dans un coin de la loge; elle n'avait donc pas acquis l'immunité. Les n°s 550, 551, 563 et 565, qui n'avaient jamais présenté de signes bien confirmés d'infection après ingestion de lait altéré, reçoivent dans les mus- cles de la cuisse 5 cent. cubes de sérosité pleurale de la brebis 588 (cette sérosité avait donné une belle mammite agalaxique à la chèvre 591) : les n°$ 582 et 585 qui se trouvaient dans le même eas reçoivent dans la veine 20 cent. cubes du lait de la chèvre 591. Aucun de ces animaux na réagi à la suite de cette sévère épreuve. L'AGALAXIE CONTAGIEUSE DE LA BREBIS ET DE LA CHÈVRE 961 Ainsi, expérimentalement, on retrouve ce que l'on constate dans la pratique, un pourcentage plus ou moins élevé d'ani- maux contractant la maladie sous ses différentes formes et avec ses diverses localisations: d’autres acquièrent l’immunité par une atteinte bénigne; d’autres, enfin, restent plus ou moins long- temps indemnes, mais toujours sous la menace de la contagion. Nous ferons observer que jamais, dans la maladie naturelle, les sujets d’un troupeau infecté n’absorbent des doses aussi éle- vées de virus que celles distribuées à nos animaux d'expé- riences, aussi voit-on la contagion se faire parfois très lente- ment, ne frappant que le tiers ou la moitié de l'effectif dans l’espace de quelques mois. Il est probable que le mauvais entre- tien des troupeaux, à tous les points de vue, les rend plus vul- nérables, même à des doses incomparablement plus faibles de produits virulents. On retrouve dans l’agalaxie, comme dans toutes les infec- tions du moulon, l'influence néfaste de l'encombrement et de l'hygiène défectueuse, c'est une banalité de le répéter. LES AGNEAUX. Les brebis qui contractent la maladie pendant la gestation avortent, donnent des mort-nés ou des monstres (Celli et de Blasi); l’infection peut passer de la mère au fœtus et celui-ei présente à sa naissance des lésions caractéristiques (Labat). Nous avons eu l’occasion de faire quelques autopsies d’agneaux chélifs, non viables, véritables avortons, nés au laboratoire de mères ayant contracté l’agalaxie expérimentalement par les voies digestives, deux ou trois semaines avant la mise-bas. Les lésions, assez discrètes, consistaient en une vive irrita- lion des ganglions, ceux du flanc notamment, entourés d'une zone hémorragique, en plaques congestives plus ou moins éten- dues sur le péricarde et le péritoine. Dans tous les cas (3), l'urine renfermait environ { gramme d'albumine par litre. Quand les agneaux naissent viables, ils meurent rapidement de faim si leur mère a les mamelles infectées; s'ils vivent, ils se contaminent presque falalement : la localisation de beau- coup la plus fréquente est l'arthrite. 962 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Il semble que les jeunes animaux, agneaux et chevreaux, sont moins sensibles à l’agalaxie que les adultes; les boiteries sont en général peu graves et disparaissent assez rapidement, c'est, du moins, ce que nous avons constaté au laboratoire. Il est vrai de dire que l’on peut rencontrer cependant de très jeunes animaux porteurs d’arthriles volumineuses, avec hydro- pisie des gaines et fragments de cartilages dans la séreuse, remplie de synovie plus ou moins teintée. Nos brebis hyperimmunisées ont donné elles aussi quelques agneaux : les uns sont morts dès la naissance, les autres, éprouvés une quinzaine de jours après l'accouchement avec une forte dose de virus, n’ont jamais présenté le moindre signe d'infection. Il est à croire que leur immunilé est en rapport avec celle de leurs mères. Nous avons constaté d'une façon très nette que les mères mellant bas au début de l'infection donnaient encore des agneaux vigoureux et de taille normale; mais si l'accouche- ment s'effectue après un temps plus ou moins long au cours de la maladie déclarée, on n'obtient plus que des jeunes chétifs, très maigres, puis des avortons non viables et enfin des mort-nés de taille encore plus réduite (expérience comportant 14 brebis en état de gestation). Ces faits confirment, expérimentalement, ce qu'avaient déjà constaté dans la pratique MM. Celli et de Blast. CRÉATION D'UNE SOURCE ABONDANTE DE VIRUS PUR. On rencontre, dans l'étude expérimentale de bon nombre d'affections à virus filtrant non cultivables x vitro, les plus grandes difficultés pour obtenir le virus à l'état pur, sous une forme maniable et en quantité assez grande pour permettre de tenter l’hyperimmunisation et obtenir ainsi un sérum spéci- fique. La sécrélion de la mamelle agalaxique est parfois assez abon- dante, mais, pratiquement, le liquide recueilli est le plus sou- vent, malgré les précautions prises, souillé de germes ayant cultivé dans la mamelle ou se mélangeant au liquide à son pas- sage dans le trayon. Ces impuretés, bien qu'à l’état d'unités, au début de Ia maladie tout au moins, ne sont pas sans incon- L'AGALAXIE CONTAGIEUSE DE LA BREBIS ET DE LA CHÈVRE 963 vénients, bien que nous ayons pu injecter dans la veine de fortes quantilés de liquide mammaire sans accidents graves immédiats ou éloignés. Le produit de broyage des cornées malades est, lui aussi, fatalement impur, on le conçoit facile- ment, à un plus haut degré encore que le liquide mammaire. Enfin, si la sérosité arliculaire peut ètre récoltée aseptique- ment, sa quantité n'atteint que tout à fait exceptionnellement quelques centimètres cubes. Étant donné que le virus agalaxique cultive localement dans l'organisme, avant sa généralisation, comme la clavelée, par exemple, nous avons pensé que le procédé utilisé avec succès par Borrel pour celte maladie, procédé qui consiste à créer expérimentalement un abondant exsudat par l'injection de glulen-caséine dans la plèvre, serait susceptible de nous pro- curer le virus pur en grande quantité. Ayant eu l’occasion de récolter de la mamelle d’une brebis agalaxique depuis peu, à la ferme de M. B..., près de Malijai (Basses-Alpes), un liquide d’une limpidité presque parfaite après le dépôt des grumeaux au fond du vase, nous n'avons pas hésité à l’injecter, mélangé au glulen-caséine, dans la plèvre d'une brebis neuve. La stérilité absolue de ce liquide était, bien entendu, pro- blématique, et nous avions l’appréhension de n'oblenir qu'une pleurésie purulente à staphylocoques ou à streptocoques; cependant nous avions déjà constaté à maintes reprises qu'il était possible d'ensemencer assez largement du lait agalaxique sans oblenir aucun développement. Le résultat de cette expérience fut des plus heureux. Le 3 février 1912, une brebis 559 reçoit dans la plèvre droite 250 cent. cubes de liquide Borrel, auquel on a ajouté 5 cent. cubes de liquide mammaire recueilli l'avant-veille à Malijaï. Au bout de quarante-huit heures, la respiration s'accélère et paraît gênée ; l'animal est assez lriste; il mange cependant volontiers el rumine normalement. Le 10 février, sept jours après l'injection, la brebis 559 est sacrifiée. La plèvre droite renferme 2 litres et demi environ de sérosité jaune, un peu verdâtre et louche ; d'abondantes produc- tions spongieuses, gorgées de sérosité, ont pris la place du poumon qui est complètement rétracté. 96% ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Cetle sérosité, largement ensemencée en bouillon sérum, se montre stérile. Dans le but de contrôler la virulence de l’exsudat pleural provoqué expérimentalement, nous avons injecté, à plusieurs animaux, par des voies différentes, des doses variables de liquide pleural. Ces inoculations de contrôle n’ont débuté qu'au troisième passage par la plèvre, pour être sûr que le produit injecté était bien une culture in vivo et non une simple dilution du virus primitivement inoculé. Comme les courbes le montrent, il n'y a pour ainsi dire pas d'incubation ; la température commence à monter quelques heures après l'injection dans la plèvre : la culture est done extrèmement rapide. I. — Le 24 février, une brebis 569 reçoit dans la veine 15 cent. cubes de sérosilé pleurale de la brebis 562 (3e passage). Le 10 mars, la cornée com- mence à se troubler; le 15, elle est complètement opaque, jaunâtre à sa péri- phérie, bleutée en son centre, entourée d'une zone rouge foncé. Le 17, boi- terie du membre antérieur droit. Cette brebis, dont l'état est de plus en plus précaire, est sacrifiée le 22 mars. IT. — Le 2 mars, une chèvre 587 recoit dans le trayon droit 1 cent. cube de sérosité pleurale de la brebis 568.(4 passage). Le 7, le lait commence à s'altérer, il est plus jaune et plus crémeux que celui du trayon gauche et renferme quelques fins grumeaux. Dans la suite, le liquide recueilli prend tous les caractères du lait agalaxique et diminue de quantité. Au 18, la sécré- tion est complétement tarie : Ja chèvre reste étendue sans mouvements sur le côté. On la sacrifie le 22 mars. L'urine renferme 0 gr. 75 d’albumine ; la mamelle est sclérosée, le sinus droit contient une masse puriforme, consis- tante, jaunätre, sans microbes au microscope. Les articulations huméro- radiale gauche, fémoro-libiale droite et gauche, présentent dans leur cavité une masse fibrineuse en voie d'organisation. IT. — Le 9 avril, une chèvre 591 reçoit dans le trayon gauche 1 cent. cube de sérosité pleurale de la brebis 588 (5° passage). Le 12, le quartier inoculé est volumineux, chaud, mais pas très sensible ; il donne 100 cent. cubes de lait plus aqueux et plus blanc que celui du quartier droit, qui est plus jaune et crémeux. IV. — Le 27 avril, un agneau de deux mois, 605, recoit sous la peau de la cuisse droite ! cent. cube de sérosité pleurale de labrebis 593 (7° passage). Le 5 mai,le membre antérieur gauche est soustrait à l'appui; le 7, l'animal reste couché et se déplace difficilement; le 10, l'œil droit est maintenu fermé, des larmes abondantes s'en échappent; le 19, la cornée est complète- ment opaque avec un large liséré rouge foncé. V. — Le !7 mai,une chèvre 620 reçoit dans le trayon droit 1/10 de cent. cube de liquide pleural du mouton 615 (9° passage). Le 23, le trayon inoculé donne d'abondants tortillons sans liquide; le trayon gauche s'infecte égale- ment dans la suite. L'AGALAXIE CONTAGIEUSE DE LA BREBIS ET DE LA CHÈVRE 965 Ces exemples suffisent à établir qu’une véritable cullure de virus agalaxique s'opère dans l’exsudat pleural provoqué. Comme chaque animal nous donnait en moyenne 500-800 cent. cubes de sérosité virulente, nous étions en mesure de tenter l'obtention d’un sérum immunisant sur un certain nombre de chèvres et de brebis. [YPERIMMUNISATION. Les animaux destinés à la production du sérum furent choisis parmi nos sujels guéris de la maladie spontanée ou expérimentale. Nous avons peu de chose à noter au cours de limmunisalion. Quinze jours après la dernière injection, les animaux sont saignés une première fois, puis une seconde, huit jours après la première. Le matériel virulent se composait, au début, de lait aga- laxique ; dans la suite, nous avons utilisé presque exclusivement la sérosité pleurale. Toutes les injections, soit sous la peau, soit dans la veine, furent remarquablement bien tolérées et espacées de huit jours en huit jours. L'injection de liquide agalaxique dans les veines provoque parfois un peu d'essoufflement passager : encore peut-on rétarder l'apparition de ces troubles en ino- culant le liquide dans la saphène au lieu de la jugulaire. DE LA VACCINATION. MM. Celli et de Blasi, les premiers, en 1906, ont tenté de vacciner en utilisant le filtrat de lait agalaxique chauffé pen- dant une heure à 40-45 degrés. Il ne semble pas que le procédé ait subi victorieusement l'épreuve de la pratique. Ce que nous savons des quelques virus filtrants que nous avons eu l’occasion d'étudier personnellement depuis une dizaine d'années et les résultats négatifs obtenus par d’autres dans des affections variées ne nous à pas engagé à tenter le moindre essai dans cette voie. Les différentes méthodes d'atténuation, qui donnent de si merveilleux résultats dans certaines maladies microbiennes, sont tenues en échec par les virus filtrants. 966 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Nous avons de suite porté nos efforts vers l'obtention d'un sérum avec l'intention de l'utiliser, concurremment avec le virus, virus aussi fixe et aussi exallé que possible. La réalisation de l’exsudat pleural virulent nous fournissailt tous les facteurs de ces recherches. Dès le mois de décembre 1911 nous entreprenions l'hy- perimmunisation de nos animaux et, en février, jugeant leur élat convenable, nous commencions nos expériences de con- trôle de la valeur de leur sérum contre un virus doué d'une haute activité. Essar PRÉVENTIF DU SÉRUM. Le 28 février 1912, nous injectons sous la peau de la cuisse de 6 brebis des doses variables de sérum; le lendemain, nous inoculons à chacun de ces 6 animaux el à 2 autres servant de témoins, la forte dose de 2 cent. cubes de lait agalaxique dans les muscles de la cuisse droite, épreuve extrêmement sévère (nos 570, 571, 519, 513, 574, 575. Témoins 516 et 511}. 570. — Reçoit 1 cent. cube de sérum. Boite du membre antérieur droit le 13 mars; le genou est volumineux et sensible. Elle donne le 7 avril un agneau chétif qui meurt au bout de vingt-quatre heures, bien que sa mère ait du lait en abondance. L'état général est très mauvais; elle se rétablit dans la suite. à 571. — Reçoit 2? cent. cubes de sérum. Boite du membre antérieur gauche le 9 mars. À partir du 26 mars, reste constamment couchée, les deux genoux sont très volumineux. Vers le 15 avril, elle se tient sur les genoux pour manger; son élat général est mauvais. Au 20 mai, elle est d'une grande maigreur. Elle se rétablit lentement dans la suite. 572. — Reçoit 5 cent. cubes de sérum. Boite du membre postérieur droil le 13 mars. A partir du 26 avril, elle ne boite plus. L'état général est conservé satisfaisant. 573. — Reçoit 10 cent. cubes de sérum. Boite du membre antérieur droit du 21 au 29 mars. État général satisfaisant. 574. — Reçoit 15 cent. cubes de sérum. Boite pendant quarante-huil heures du membre antérieur gauche. 575. — Reçoit 20 cent. cubes de sérum. Ne montre absolument rien d'anormal. Des deux témoins, l’un, 576, boite du membre antérieur gauche le 11 mars: à partir du 13, reste couché et meurt le 22 mars; l’autre, 577, boite du membre antérieur droit le 11 mars, et meurt le 15 mars. L'épreuve avait été sévère puisque les deux témoins sont morts quinze jours et trois semaines après l'injeclion de virus. Aucun des traités n'a succombé, ce qui a une certaine impor- tance ; de plus, il est facile de constater que la gravité de la maladie et la durée des lésions locales s’atténuent avecles doses L'AGALAXIE CONTAGIEUSE DE LA BREBIS ET DE LA CHÈVRE 967 croissantes de sérum : 20 cent. cubes ont complètement pro- légé. Il était inutile d'éprouver dans la suite l'immunité des n° 570, 511, 572, 573 et 574, qui avaient manifestement été infectés. Mais, Le 20 avril, plus d'un mois et demi après l’in- Jection de sérum et de virus, alors qu'il était permis de penser que l'action protectrice du sérum avait disparu, nous avons injecté 20 cent. cubes de lait agalaxique (chèvre 591) dans la jugulaire de la brebis 575, qui n'avait montré aucun signe d'in- fection. Cet animal ne parut nullement être incommodé par cette nouvelle épreuve très sévère, ce qui nous autorise à croire qu'elle avait acquis une solide immunilé aclive à la suite de [a première inoculation de virus du 29 mars. ACTION PRÉVENTIVE DU SÉRUM (Sérum sous la peau, virus par les voies digestives.) On utilise un lot de 8 brebis en état de gestation. Les n% 578 et 579 recoivent sous la peau 10 cent. cubes de sérum; les n° 580 et 581, 20 cent. cubes le 5 mars 1912. On leur adjoint # autres brebis témoins : n° 582, 583, 584 et 585. Ces S animaux font le 5, le 7 et le 14 mars un repas infec- tant composé de son arrosé de lait agalaxique. Les traités recoivent une deuxième injection de sérum aux mêmes doses le 17 mars. Aucune des brebis traitées n'a présenté de symptômes quel- conques d'infection. Parmi les témoins, deux (n° 582 et 585) n'ont pas présenté de symptômes cliniques. 583 boite du membre postérieur gauche le 2 avril et donne, le 27, un agneau chétif qui vit cependant. 584 boite du membre postérieur droit; le 24 mars, sa cornée gauche commence à se troubler ; Le 26, l'œil est com- plètement louche; le 7 avril, l'appui du membre postérieur est toujours supprimé; la brebis maigrit beaucoup. Elle donne, le 12 avril, un avorton qui meurt au bout de 48 heures. Au mois de mai, l'animal boilait toujours et son étal était très précaire. Là encore l’action préventive du séram fut très nelte, puisque les quatre trailés restèrent indemnes el que deux témoins sur 968 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR quatre présentèrent des localisations. Comme dans nos précé- dentes expériences sur l'infection par les voies digestives, nous avons éprouvé les deux témoins (582 et 585) qui n'avaient pas montré de localisations, en leur injectant dans la jugulaire à chacun 20 cent. cubes de lait agalaxique, le 22 avril. Cette sévère épreuveñfut parfaitement tolérée. Le 22 avril également, nous avons éprouvé les quatre brebis traitées en leur injectant dans le muscle à chacune 1 cent. cube de lait agalaxique. Trois (578, 579 et 581) ne montrèrent rien d’anormal dans la suite; par contre, 580 s’infecte. Le # mai, elle présente de la raideur des quatre membres, puis elle reste couchée la plupart du temps. Cependant elle se rétablit assez rapidement. Pour celle-là, l’action protectrice du sérum avait donc dis- paru au bout de un mois environ. Le résultat le plus net de ces expériences fut qu'il était pos- sible de vacciner activement par l'emploi du sérum et du virus. Nous avons donc réalisé l'expérience suivante afin de savoir quelles doses respectives de sérum et de virus il convenait d'utiliser pour obtenir l'immunité sans risquer de donner la maladie. MÉLANGE EXTEMPORANÉ DE VIRUS ET DE SÉRUM SOUS LA PEAU. Le virus utilisé fut la sérosité pleurale de la brebis 593 (7° passage), 27 avril 1912. Les moutons 601 et 602 reçoivent un mélange de 1/5 de cent. cube de virus avec 5 cent. cubes de sérum; 603 et 604 reçoivent 1/2 cent. cube de virus avec 5 cent. cubes de sérum; agneau 605 et mouton 606 reçoi- vent 1 cent. cube de virus avec 5 cent. cubes de sérum. Les témoins 600 el 600 bis reçoivent respectivement 1 cent. cube et 1/5 de cent. cube de virus. L'injection fut faite à tous sous la peau de la cuisse droite. Cette expérience faillit être nulle par suite du décès précoce des deux témoins : 600 fut trouvé étranglé dans le râtelier, 600 bis mourut d'une pleurésie purulente à la suite d'une fistule profonde au niveau du sternum nécrosé, lésion qui avait passé inaperçue. Fort heureusement l'agneau 605, qui avait recu À cent. cube de virus et 5 cent. cubes de sérum, fit voir que le mélange, bien supporté cependant par les autres ani- maux du lot adultes, qui ne présentèrent aucun signe d'infec- lion, était cependant dangereux pour un sujet jeune, car, dès le 5 mai, son membre antérieur gauche est soustrait à l'appui; L'AGALAXIE CONTAGIEUSE DE LA BREBIS ET DE LA CHÈVRE 969 le 7, il reste couché dans un coin; le 10, l'œil droit est fermé, le bord des paupières est rouge; le 19, la cornée, complètement opaque, est entourée d’un large ruban rouge foncé. Le 22 mai, trois semaines après l'injection vaccinale, chacun des moutons 601, 602, 603, 604 et 606 reçoit dans les muscles de la cuisse 1/2 cent. cube de lait agalaxique 591 et 594, récolté au moment de l'inoculation. Aucun de ces animaux ne présente dans la suite le moindre symptôme d'infection. Par contre, une chèvre, qui avait reçu 2 gouttes du même lait dans le trayon droit, fit une belle mammite agalaxique. PROPHYLAXIE. Les conditions dans lesquelles se conserve et se propage le virus agalaxique sont suffisamment connues, actuellement, pour permettre de tracer les règles d’une prophylaxie qui pour- rait être efficace. Le virus se conserve des mois entiers, nous l'avons démontré, dans la mamelle lésée; c’est done contre les femelles présentant de la mammile agalaxique que les mesures les plus sévères devront être prises. La recherche de ces porte-virus est facile dans la majorité des cas : les noyaux indurés de la glande, l’as- peet si spécial du liquide qu'elle sécrète ne laissent guère de place à une erreur de diagnostic. Ces animaux seront irrévo- cablement sacriliés. L'isolement, pour ceux qui sont porteurs de lésions fermées, permettra leur engraissement toujours long cependant, avant leur envoi à la boucherie. Par contre, ceux qui présentent des lésions ouvertes (arthrites suppurées) ou des lésions oculaires, étant dangereux au premier chef, seront également abattus dans le plus bref délai. La désinfection des mains des personnes chargées de la traite serait une excellente mesure à prendre en tout temps. La désin- fection lotale des étables et la séquestration, momentanée tout au moins, du troupeau infecté, jusqu à ce qu’il se soit écoulé un mois depuis l'apparition du dernier cas, protégeraient les troupeaux voisins. Tout cela, en somme, serait assez simple, mais il faut compter avec les difficultés inhérentes au mode d'entretien du mouton qui rendraient ces mesures parfaitement illusoires, élant donnée la chronicité de l'affection. Nous augu- 62 970 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR rons mieux de l'emploi de la sérothérapie et de la séro-vacci- nation. Des expériences sont entreprises dans cette voie; nous espé- rons être en mesure, avant peu, de donner des indications pré- cises sur les résultals obtenus dans la pratique avec l’une et l'autre de ces méthodes. CONCLUSIONS. En plus des quelques observations personnelles d'impor- tance relative que nous avons relatées dans notre exposé cli- nique, voici ce que nos recherches nous ont permis de con- clure : 1° Contrairement à l'opinion d'auteurs aulorisés, la mamelle agalaxique peut sécréter pendant plusieurs mois, Jusqu'à son atrophie totale, un liquide doué d’une égale virulence pendant tout le cours de la maladie; 20 Pour que la contagion s'opère, il paraît indispensable que: les malades soient porteurs de lésions ouvertes : les larmes de l'œil lésé, même sans ulcération, sont virulentes; 3° Le virus agalaxique est parfaitement absorbé par les voies digestives et ce mode d'infection semble de beaucoup le plus. important dans l’étiologie de l’agalaxie ; 4° Il est possible de créer une source abondante de virus pur en provoquant un exsudat pleural expérimental ; 5° Le sérum des animaux hyperimmunisés est doué de pro- priétés préventives très nettes ; 6° La séro-vaccination, réalisée au laboratoire, paraît devoir rendre de grands services dans la prophylaxie de l’aga- laxie. L'éloignement du laboratoire des centres infectés aurait rendu nos recherches particulièrement longues et laborieuses si nous n'avions trouvé près de nos confrères le concours le plus empressé. A MM. Arlaud, vétérinaire départemental des Basses-Alpes, M. Scoflié, vétérinaire départemental des Alpes-Maritimes, M. Pleindoux, vélérinaire départemental de la Vaucluse, M. Allègre, vétérinaire à Oraison, et M. Eyriès L'AGALAXIE CONTAGIEUSE DE LA BREBIS ET DE LA CHÈVRE 971 jeune, vétérinaire à Carpentras, nous adressons l'expression de toute notre gratitude. Notre ami M. Monvoisin, chef des travaux de chimie à l'Ecole d'Alfort, a bien voulu mettre à notre disposition sa compétence toule spéciale pour l'analyse du lait agalaxique, nous l'en remercions très cordialement. MM. les professeurs Hess et Guillebeau, de l'École vétéri- naire de Berne, ont eu la grande amabilité de nous autoriser à reproduire les remarquables planches en couleurs de leur mémoire ; nous les prions d’agréer nos bien sincères remercie- ments. BIBLIOGRAPHIE 1. Meraxa. — Delle malatlie contagiose epizootiche degli animali domestici, 1816-1817. 2. ZanGGEr. — Die Galti als Seuche bei den Ziegen. Schweïger Archiv für Thierheilkunde. Neue folge, t. XIII, p. 348. 3. Brusasco. — Due parole intorno ad una-forma di agalassia. 1! medico veterinario, 1871, p. 241, et Journal de médecine vétérinaire, 1885, p. 543. 4. Rocco Marra. — Agalassia contagiosa. Il moderno zooiatro, 189, p. 495. 5. BarTHÉLEMY. — Rhumatisme arthritique. Journal de médecine vétérinaire. 1894, p. 216. 6. ScHossLerrNER. — Ein Beitrag zur infectiüsen Agalactie der Ziegen. Thie- rärztl. Centralblatt, 1895, p. 445. 7. H£ss et GuiLzeBEau. — Ueber infectiüse Agalactie bei Ziegen. Landwirt- schaft. Jahrbuch,t. VIT, 1893, et brochure avec 6 planches coloriées. 8. Oresre. — Bollellino delle notizie agrarie, IS82. — Malatlia del bestiame ovino della provincia di Aquila. Sulla pretesa contagiosa della Slornarella o Asciullarella, 1886. 9. OrEstE et MarcoxE. — Mal del sito. Afti del R.Istitulo d'incorag.di Napoli, t. V (Ser. 4), 1892, et brochure Annali di Agricoltura, n° 210, 1896, p. 30. 10. Bournay. — L'’agalaxie infectieuse. Rev. véter., 1896, p. 65. 11. VaLENTINI. — Communic. al Collegio dei Zooïiulri in Roma. Tornata del 24 marzo 1903. 12. Cecrr et re BLasr. — Etiologia dell agalassia contagiosa delle pecore e capre. Annali d'Igiene Sperimentale, anno 1906, fasc. Il. — Prime esperienze di vaccinazione contro l'agalassia contagiosa delle pecore e capre, brochure, Milan, 1906. 13. Rocco Mara et Nicoza CoccranTE. — Etude expérimentale de l’'agalaxie contagieuse des ovins et des caprins. Giornale della R. Socielà nazionale veter., 13 et 20 avril 1912. 14. I. Carké. — Le Mal de Lure. Annales de l'Institut Pasteur, 1er mai 1912. 972 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR EXPLICATION DES PL. XXI A XXIII PL. XXI. — Fic. 1. — OŒùl droit. — A, conjonctive palpébrale; B, conjonc- tive cornéenne; C, bord brun foncé de la cornée; D, iris; E, moitié supé- rieure de la cornée (par transparence) traversée par de gros vaisseaux: F, granulations hypertrophiques; G, pigmentation de la moitié inférieure de la cornée. | Fic. 2. — OŒŒEil gauche. — A, conjonctive palpébrale: B, conjonctive cornéenne; C, bord brun foncé de la cornée; D, iris (par transparence); E, pupille (par transparence); F, foyer inflammatoire de la cornée avec centre blanc et bords à pigmentation foncée. Quelques vaisseaux, venant des bords inférieur et supérieur de la sclérotique, se rendent au foyer inflamma- toire. PL. XX1I. — Fi. 1. — OŒEil droit. — À, conjonctive palpébrale; B, conjonc- tive cornéenne avec dilatation des gros vaisseaux; C, bord brun de la cornée; D, zone vasculaire de la cornée; E, pupille (par transparence); F, foyers circulaires de kératite parenchymateuse; G, dégénérescence suppurative de quelques-uns de ces foyers. Fic. 2. — OEil gauche. — À, conjonctive palpébrale; B, conjonctive cor- néenne; C, bord brun de la cornée; D, zone vasculaire de la cornée; E, zone de kératite parenchymateuse intense. PL. XXIIT. — Fi6. 1. — OEùil droit. — À, conjonctive palpébrable: B, con- jonctive cornéenne avec dilatation des vaisseaux; C, bord brun de la cornée; D, iris; E, pupille: F, foyer inflammatoire vascularisé de la cornée. Quelques gros vaisseaux venant du bord de la sclérotique traversent la moilié supérieure de la cornée et s'étendent jusqu'au foyer inflammatoire. De nombreux petits vaisseaux courent, parallèlement les uns aux autres, pour se rendre du bord inférieur de la sclérotique au foyer inflammatoire. F16. 2. — OŒŒEùl gauche. — A, conjonctive palpébrale hyperémiée; B, con- jonctive cornéeñne vascularisée; C, bord brun foncé de la cornée; D, iris; E, pupille; F, foyer horizontal non vascularisé de kératite parenchyma- teuse dans la zone de la fente palpébrale. ÉTUDE DES CORPUSCULES DE NEGRI ET DES FORMATIONS SPÉCIALES A LA RAGE A VIRUS FIXE par Y. MANOUÉLIAN (Avec les PI. XXIV et XXV.) Travail du laboratoire de M. Metchnikoff.) Déjà en 1902, sur le conseil du D' Roux, nous avions entre- pris l'étude histologique des ganglions cérébro-spinaux et sym- pathiques dans la rage des rues et dans la rage à virus fixe (1). Pour nos recherches, nous avions employé des fixateurs dif- férents : particulièrement le sublimé à l'alcool acétique de Gilson, le sublimé de von Lenhossek, le liquide de Zenker, le liquide de Flemming. En mordançant les coupes provenant des pièces fixées par les mélanges au sublimé avec des solutions chromiques faibles, ou encore mieux au liquide de Flemming, puis en les traitant par la méthode au magenta et au picro-indigo-carmin, nous avions pu constater dans le cytoplasme des ganglions cérébro- spinaux et sympathiques, des corpuscules colorés en rouge, de forme et de dimension variables, présentant une structure spéciale. Nous avions considéré ces corpuscules comme des produits de désintégration cellulaire. En 1903, Negri, appliquant la méthode de Mann, a mis en évidence dans les centres nerveux et surtout dans la corne d'Ammon des animaux atteints de rage des rues, des corpus- cules particuliers, se colorant en rouge, polymorphes, souvent müûriformes, corpuscules considérés par lui et par nombre d'auteurs comme les parasites spécifiques de la rage. Peu après le travail de Negri, nous avons étudié, avec la méthode de Mann, les corpuscules de Negri dans les centres nerveux des animaux atteints de rage des rues. Nous avons constaté qu'ils élaient Surtout abondants dans la corne (1) Comptes rendus de la Soc. de Biologie, p. 113, 2% janvier 1903. 974 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR d'Ammon. De plus, nous avons vu des corpuscules encore plus pelits que ne l'avait signalé Negri. Nous avons pu nous con- vaincre aussi que les corps dont nous avions constaté la pré- sence dans les cellules nerveuses des ganglions eérébro-spinaux et sympathiques des animaux rabiques, n'étaient autres que ceux décrils par Negri. La découverte du savant italien est d’une importance capi- tale pour le diagnostic de la rage des rues ; mais avant d'aller plus loin, nous aïlons décrire la technique suivie par nous pour la préparation des corps de Negri dans la rage des rues, ainsi que celle employée pour la mise en évidence des corpuscules décrits par nous dans la rage à virus fixe. TecHNIQuE. Comme fixateurs, nous citerons : le formol à 10 p. 100, le liquide de Zenker et surtout le sublimé à alcool acétique de Gilson, le sublimé de von Len- hossek et le formol picrique de Bouin, qui nous ont donné d'excellents résultats. Les pièces doivent être incluses à la paraffine. Si l'on est pressé, on doit se servir d'acétone iodé : on enlève, à l'aide de ciseaux très fins, de très minces tranches de cornes d'Ammon et on les immerge dans le mélange suivant : Avétorme “à 56-HBidegrés. : 7.2. : 50 cent. cubes. Tenured'ioden fut LR LE ce 6 gouttes. Trente minutes après, on renouvelle l'acétone qui, cette fois, ne doit pas contenir d'iode, et on procède, un quart d'heure après, à l'inclusion à la paraffine, qui peut ne durer que trente minutes et même moins. On peut en deux heures obtenir des préparations suffisantes pour le diagnostic. Les coupes doivent être colorées par la méthode de Mann. Voici comment nous conseillons de procéder : 19 Colorer les coupes de quinze minutes à deux heures à 38-40 degrés, dans le mélange suivant, préalablement porté à la même température : Solution aqueuse de bleu de méthyle (ne pas confondre avec le bleu de méthy- REne ln) AL pe MOURUT 35 cent. cubes. Solution aqueuse d’éosine à 1 p. 100. . . . 45 — Fan disuliée. 25 Se NN 100 — 20 Laver rapidement et soigneusement à l'eau de fontaine ; 39 Déshydrater les coupes à l'alcool absolu; ,9 Faire agir la solution suivante : Alcool "absolu: if STORE 30 cent. cubes. Solution de soude caustique à 4 p. 100. . . 10 gouttes. Attendre jusqu'à ce que les coupes deviennent rouges ; ÉTUDE DES CORPUSCULES DE NEGRI 975 5o Laver à l'alcool absolu, afin d'enlever toute trace de soude caustique; 6° Plonger dans l’eau ordinaire: des trainées rougeûtres quittent les coupes qui deviennent bleuâtres ; 1° Plonger dans l’eau acidulée par l'acide acétique : 2 gouttes d'acide dans 40 cent. cubes d’eau. Immédiatement les coupes deviennent bleues. Attendre une minute. Déshydrater les coupes par l'alcool absolu, éclaircir au xylol et monter au baume acide. (Le baume acide se prépare en dissolvant le baume de Canada dans du xylol préalablement saturé d'acide salicylique.) En suivant à la letire cette méthode, moins compliquée qu'elle ne paraît au premier abord, on est sûr d'obtenir d’excel- lents résultats. Dans les préparations traitées avec les fixateurs précédents (exceptons-en le liquide de Zenker), le fond est coloré en bleu, les noyaux des cellules névrogliques en bleu plus foncé ou bleu violet; le cytoplasme des cellules nerveuses est en bleu assez pâle, le nucléole en bleu foncé ou bleu violacé et les autres granulations nucléaires apparaissent en bleu un peu moins accentué que le nucléole. Seuls les corpuseules de Negri sont colorés en rouge dans la cellule nerveuse. Le liquide de Zenker fixe bien le tissu nerveux, mais souvent le nueléole des cellules nerveuses se colore en rouge aussi, et la différenciation est moins nette dans ce cas. On peut avoir de bonnes préparations des corpuseules de Negri en se servant de la thionine phéniquée, du bleu poly- chrome de Unna ou encore, simplement, d’une solution aqueuse à 4 p. 400 de bleu de toluidine : il faut opérer de la manière suivante : 10 Colorer les coupes pendant deux minutes, avec l'un des réactifs ci- dessus ; 2° Laver rapidement et soigneusement à l'eau: 30 Différencier avec le mélange : Glycérine-éther de Unna. . . . . . . . . . 2 cent. cubes. Alcool à 90 degrés, . . . . . PR AE Ue LONEERETUU — Alcool absolu, xylol baume neutre. Le cytoplasme des cellules nerveuses est presque incolore, le noyau est d'un bleu intense et les corpuscules de Negri d’un bleu azur parsemé de points bleu foncé. En moins d'une heure on peut obtenir des préparalions des corps de Negri rivalisant avec les meilleurs coupes en procé- dant de la manière suivante : 976 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR 1° Faire des frottis de corne d'Ammon rabique ; 20 Fixer immédiatement à l'acétone iodé pendant quelques minutes; 3° Laver à l'acétone pur ou à l'alcool absolu pendant quelques se- condes,; 4° Laver à l'eau courante pendant une minute; 50 Colorer avec le liquide de Mann pendant un quart d'heure, à chaud, et différencier comme nous avons indiqué précédemment. Cette méthode peut rendre service à ceux qui désirent obtenir rapidement une réponse. Pour peu qu'on soit exercé, on ne confondra pas les corpus- cules de Negri extra-cellulaires avec les globules rouges. D'ailleurs, il y a dans les frottis un assez grand nombre de cellules nerveuses contenant des corpuscules. Ce que nous venons de dire précédemment s'applique à l'étude de la rage des rues. Or, en 1906 (1), nous avons décrit des corpuscules particuliers fort minuscules, en nombre prodi- gieux, dans la rage à virus fixe (voir leur description plus loin). C'était la première fois qu'on y signalait de pareils corpus- cules ; et il n'existe, du moins à nolre connaissance, aucune maladie nerveuse où l’on rencontre de pareils éléments. Comme depuis cette époque aucun auteur n'a confirmé leur existence, nous donnerons cette fois-ci quelques détails de technique qui permettront aux chercheurs de les meltre en évidence. Ce sont les fixateurs à base de sublimé, surtout le sublimé à alcool acétique de Gilson et le sublimé de von Lenhossek, qu'il faudra choisir. Le formol picrique donne de bons résultats aussi. Quant à l'inclusion, elle demande des soins particu- liers. On sait, en effet, combien est désastreuse l'inclusion à la paraffine pour le système nerveux central. Or, si pour étudier les corpuscules de Negri dans la rage de la rue la parafline est suffisante, il est endispensable, pour obtenir des préparations convenables de nos corps, de recourir à la celloï- dine. Une fois les pièces bien imprégnées, il faudra éviter de durcir tant soit peu la celloïdine en masse. Il suffira d’entourer la pièce d’une légère couche de celloïdine assez épaisse et de laisser sécher à l’air, pendant quelques minutes. Au bout de (1) Comptes rendus de la Soc. de Biologie, p. 314, 10 novembre 1906. ÉTUDE DES CORPUSCULES DE NEGRI 977 ce temps 1l faut mettre le morceau inclus dans un mélange formé de : AICOOMADE OI ER ES 2 ER RENRReR 50 cent. cubes. GHIQTOIORNE MAMMA Loire 4 EU 5 — Ce liquide dureit suffisamment la pièce et remplace l'alcool absolu dans l'inclusion à la paraffine qui doit suivre l'inclusion de la celloïdine. Il faudra éviter le xylol et se servir de toluène ou d'essence de cèdre. Grâce à cetie inclusion, on obtient de fort belles préparations de issu nerveux, d'une grande délicatesse. Les prolongements cylindre-axiles sont conservés aussi. Mais, nous le répétons, il faut se garder de durcir la masse de celloïdine ! On suivra la technique que nous venons d’indi- quer. C'est à ce prix qu'on évitera les plis des coupes, plis qui résisteraient aux tentatives de déplissement et compromet- traient gravement le collage ainsi que les colorations. Tandis qu'en procédant comme nous l'avons fait, il sera très facile d'obtenir des coupes excellentes et très fines : 1 2. DESCRIPTION DES CORPUSCULES DE NEGrti. Les corpuscules de Negri (planche XXIV, figures 2,3, 4,6) se trouvent, le plus souvent, dans le cytoplasme et dans les gros prolongements dendritiques des cellules nerveuses. Leur dimension est variable, généralement de 1 à 27 ps, mais on peut rencontrer des corpuscules dépassant ces dimensions. Les corps les plus communs mesurent 3, 4, 8,10 g; il y en a de si petits qu'ils sont à peine mesurables. Leur forme est aussi variable : ordinairement elle est en rapport avec leur situation dans la cellule nerveuse ; généralement arrondie, elle est ovalaire quand elle est comprimée par le noyau ; cette compression peut donner aux corpuscules de Negri des formes diverses. Dans les pro- longements protoplasmiques ils sont plus ou moins fusiformes. Les corps de Negri possèdent une structure : en les obser- vant avec un grossissement convenable, on voit, dans une masse homogène, des corpuscules arrondis plus clairs. Souvent ces corpuscules contiennent à leur tour un ou plusieurs corpus- cules. 978 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Quelquefois, à la place de ces derniers corpuseules, il existe des bâtonnets courts. Parfois, au lieu de se colorer en rouge, ces inclusions sont teintes par la méthode de Mann en bleu clair et leur contenu en bleu foncé. Il arrive aussi que les inclusions restent colorées en rouge et les Lout petits corpuscules, ainsi que les bâtonnets, se détachent en bleu foncé. 11 y a des corps de Negri contenant des inclusions de même dimension. Dans d'autres corps, ilexiste un corpuseule central notablement plus volumineux que les autres corpuscules qui l'entourent à la manière d'une couronne. Il y en a qui contiennent un plus grand nombre d’inclusions volumineuses. Le nombre de ces inclusions est variable; dans les corpuscules de Negri de grande taille, on peut en compter 20, 30 et même plus; dans les petits, 65220944 Les corpuscules de Negri sont entourés par une membrane hyaline visible, même dans les coupes. Comme nous l'avons dit, la thionine phéniquée, le bleu poly- chrome de Unna, le bleu de toluidine à 1 p. 100, donnent d'excellentes colorations des corpuscules, surtout dans les coupes. Leur masse homogène se colore d'un beau bleu azur, les inelusions sont d'une teinte pâle et les minuscules corpus- cules et les bâtonnets d'un bleu très foncé. Signalons encore l'hématoxyline au fer qui les colore forte- ment en masse. De sorte que, pour obtenir une différenciation convenable, il faut décolorer énergiquement les coupes; les corpuscules résistent encore, alors que dans la cellule nerveuse tout (même quelquefois le nucléole) est décoloré. Différenciés suffisamment, les corpuscules laissent voir leur structure. Le liquide de Flemming, grâce à son acide osmique, donne aux corpuscules de Negri une coloration brunâtre. A côté des corpuscules, qui se colorent en rouge par la méthode de Mann, il y en à qui se colcrent en violet, d’autres qui sont « dégénérés ». Dans certains cas on peut suivre toutes les élapes de cette dégénérescence. Nous reviendrons ultérieu- rement sur cette question. ÉTUDE DES CORPUSCULES DE NEGRI 979 IMPORTANCE DES CORPS DE NEGRI DANS LE DIAGNOSTIC DE IA RAGE DES RUES. Nous avons dit que la découverte de Negri était très impor- tante pour le diagnostic de la rage des rues. En effet, dans la rage déclarée, les corps de Negri existent presque constamment, comme le montre le tableau suivant, établi grâce au concours précieux de M. J. Viala, préparateur au service antirabique : PRÉSENCE ABSENCE ABSENCE PRÉSENCE NOMBRE des des des es corps de Negri corps de Negri corps de Negri corps de Negri de sujets et épreuve et épreuve et épreuve et épreuve expérimentale expérimentale expérimentale expérimentale observés. positive. négative. positive. négative. 201 UGS 82 4 9 Nous dirons aussi que les corpuscules de Negri sont les élé- ments caractéristiques de la rage des rues. En effet, nous avons étudié un grand nombre de pièces provenant de maladie des Jeunes chiens, de paralysie générale, de maladie du sommeil, d'individus très âgés, et jamais nous n'avons constaté la moindre trace de corpuscules dans le système nerveux. D'où vient alors que, dans notre tableau, dans 9 cas, malgré la présence des corps de Negri, l'épreuve expérimentale ait été négative ? Est-ce parce que le virus était détruit, ou, étant rare dans le bulbe des animaux, était-il inoculé en quantité insuffi- sante? Est-ce encore parce que les cobayes inoculés étaient réfractaires, ou la maladie a-t-elle demandé une incubation trop longue (1)? D'autre part, nous savons qu'il y a des cas où l’inoculation intra-cérébrale donne des résultats positifs alors que l’inocula- tion intra-musculaire reste négative. Et comme, pour des raisons d'ordre spécial (2), au service de la rage, on emploie généralement la voie intra-musculaire (muscles du cou), il est probable que dans ces 9 cas on ait eu affaire à la rage. (1) A l’Institut Pasteur, on garde en observation les animaux inoculés pen- dant six mois; au bout de ce temps on s’en débarrasse. (2) L'état de conservation des animaux envoyés à l’Institut Pasteur laissant souvent beaucoup à désirer, M. J. Viala est obligé de recourir à l’inoculation intra-musculaire. En effet, malgré le séjour dans la glycérine, l'inoculation intra-cérébrale provoquerait une infection rapidement mortelle. 980 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Voici deux exemples démonstratifs. Il s’agit de deux cas de rage humaine (dans les cas de rage humaine, on a l'habitude de pratiquer en même temps l’inocu- lation intramusculaire chez le cobaye et de risquer l’inocu- lation intracérébrale). Premier cas. — On a fait à un lapin l'inoculation intra- cérébrale d'émulsion de bulbe, on a inoculé en même temps deux cobayes dans les muscles du cou; 17 jours après, le lapin élait paralysé et il mourait au bout de 2 jours On a inoculé de nouveau le même virus dans le cerveau d'un deuxième lapin : 21 Jours après, il était paralysé, et il succombait 2 jours après. Les deux cobayes inoculés ne présentaient rien d'anormal au bout de six mois. Deuxième cas. — On à fait une inoculation intracérébrale à un lapin, en même temps on inoculait deux cobayes dans les muscles du cou : 11 jours après, le lapin présentait des symp- tômes de rage et il succombait 4 jours après. Quant aux deux cobayes, 1ls étaient encore indemnes au bout de six mois. Dans ces deux cas de rage humaine, la corne d'Ammon, l'écorce cérébrale, le cervelet, la protubérance, le bulbe, la moelle épinière, les ganglions cérébro-spinaux, le ganglion cervical supérieur, renfermaient des corps de Negri, mais les corpuscules étaient surtout abondants dans la corne d’'Ammon. De même les cornes d’Ammon des trois lapins qui avaient succombé à la rage expérimentale, contenaient de nombreux corpuscules de Negri. Comme on le voit, si l’on s'était contenté d'inoculations intramusculaires chez les cobayes, l'épreuve expérimentale aurait été négative. DE L'EXISTENCE DE FORMATIONS SPÉCIALES DANS LA RAGE A VIRUS FIXE. Negri n'avait pas trouvé ses corpuscules dans la rage à virus fixe. Plus tard Negri et de rares auteurs ont décrit des corpus- cules plus petits et plus rares que ceux de la rage des rues. D'autres auteurs nient l'existence des corps dans la rage à virus fixe. Parallèlement à nos recherches sur la rage des rues, nous ÉTUDE DES CORPUSCULES DE NEGRI 981 avons étudié les centres nerveux de lapins atteints de rage à virus fixe. Toujours grâce à l'obligeance de M. J. Viala, nous avons pu étudier 120 cas de rage à virus fixe chez le lapin. Dans 102 cas, les animaux étaient sacrifiés à la dernière période de leur maladie, dans 6 cas au début, et 12 cas dans le cours de la maladie. Nous avons prélevé chez tous ces animaux la corne d'Ammon, l'écorce cérébrale, le cervelet, la protubérance, le bulbe, la moelle épinière, les ganglions cérébro-spinaux et sympathiques. En utilisant surtout la méthode de Mann, nous avons observé constamment, chez les animaux arrivés à la der- nière période de la maladie, et dans les centres nerveux précilés, des corpuscules colorés en rouge dont les plus volumineux, d'ailleurs en petit nombre, rappellent Les petites formes décrites par Negri dans la rage des rues. Plus particulièrement, le tissu nerveux de l'écorce cérébrale et de la corne d’Ammon est pour ainsi dire constellé de très fines granulations (planche XXIV, fig. 5). Dans ces régions du cerveau, les cellules nerveuses renferment un grand nombre de corpuscules qui sont surtout abondants dans les grains du corps godronné et dans les petites cellules pyramidales de la corne d’Ammon. Les expansions des cellules nerveuses, les grosses dendrites plus que les autres, ainsi que le tissu interstitiel, contiennent aussi des corpuscules en quantité inouie. Mais ce sont le cytoplasmeet les troncs prolo- plasmiques des cellules nerveuses qui en contiennent le plus ; en effet, la forme du corps cellulaire et des grosses expansions dendritiques se révèle grâce à de vérilables {raïnées de corpus- cules. Ces corpuscules sont généralement fort pelils; en les obser- vant avec de puissants objectifs on en constate de si minuscules qu'ils sont à peine visibles, et on a l'impression qu'il doit v en avoir d’autres qui échappent à l'œil. Ces formations, qu'on rencontre en bien plus petite quantité au début, mais déjà en grand nombre dans le cours de la maladie, manquent chez les animaux témoins (1). (1) On doit éviter une confusion : il existe, en effet, dans le cytoplasme des cellules nerveuses des ganglions cérébro-spinaux et sympathiques nor- maux, des corpuscules qui ressemblent à ceux que nous venons de décrire. Généralement peu nombreux, mais quelquefois en grand nombre, surtout chez le lapin. — Ces corpuscules se colorent électivement en rouge par la méthode de Mann. 982 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR L'hémotoxyline au fer colore aussi ces corpuscules, mais d’une façon très inégale. En plus, comme tout est coloré en noir dans les coupes, la bonne différenciation qui existe dans la méthode de Mann manque ici. A côté des corpuscules qui se colorent en rouge vif par la méthode de Mann, il y en d’autres qui sont bleus, bleuâtres; il y en à qui sont d'un bleu très pâle. Sur les 102 cas, — animaux arrivés à la dernière période de paralysie, — huit fois nous avons observé une particularité curieuse. Alors que chez ces animaux le cervelet, la protubérance, le bulbe, la moelle, les ganglions cérébro-spinaux et sympathiques, renfermaient de petits corps, l'écorce cérébrale et la corne d'Ammon renfermaient, à part ces petits corps, d’autres corpus- cules absolument semblables à ceux qu’on rencontre dans la rage des rues. Nous en avons observé un grand nombre dont les dimensions dépassaient celles des corpuscules de la rage des rues (planche XXIV, fig. 6). Un certain nombre d’entre eux avaient presque la dimension d’une grande cellule pyra- midale de la corne d’'Ammon ! ÉTUDE COMPARATIVE DES CORPUSCULES DE NEGri ET DE NOS FORMATIONS AVEC LES CORPUSCULES DES CORPS RÉSIDUELS. DU TESTICULE. N Les corpuscnles de Negri sont-ils des parasites? Negri et nombre d'auteurs l’affirment. Quant à nous, nous croyons que, dans l’état actuel de la science, une pareille affirmation serait téméraire. D'autre part, il nous a semblé intéressant d'étudier certaines dégénérescences physiologiques et de chercher si, dans une cellule ou une portion de cellule qui dégénère, 1l n'y aurait pas de formations rappelant, par leur forme et leurs caractères histo-chimiques, les corpuscules de Negri et nos formations de la rage à virus fixe. Nous nous sommes adressé à cet effet à l'étude de La sperma- logénèse chez quelques mammifères : rat, cobaye et lapin. Les pièces ont été fixées par le sublimé de von Lenhossek, le liquide de Zenker et par le formol picrique de Bouin. ÉTUDE DES CORPUSCULES DE NEGRI 983 Voici le résultat de nos recherches (1). On sait que dans la transformation des spermies, de la forme spermatide à la forme spermatlozoïde, la partie du cytoplasme, qui ne prend pas part à celte transformation, est destinée à disparaitre. On y constate alors des corpuscules très fins, qui deviennent de plus en plus volumineux et se colorent mieux. Bientôt ces lobes cyloplasmiques en train de dégénérer perdent la netteté de leur contour et finissent par se détacher des sper- matozoïdes (planche XX V, fig. 1). On les désigne alors sous le nom de corps résiduels. Dans les corps résiduels, les corpus- cules précités se groupent en sphères volumineuses et peu nombreuses ; ils contiennent alors, parmi une masse homogène, une ou plusieurs sphérules, qui à leur tour renferment de tout petits corpuscules. D'autres corps renferment, parmi leur masse simplement, de fins corpuscules (planche XX V, fig. 2 et 3). Comme le corps de Negri, ces corps sont entourés par une masse incolore, et la méthode de Mann les colore en rouge, quelquefois aussi en bleu; dans la méthode à l'hématoxyline ferrique, ils se laissent décolorer très difficilement et ils pré- sentent une coloration brunâtre après la fixation au liquide de Flemming. Le processus dégénératif se poursuivant toujours, chaque corps présente des dépressions à sa surface et des vacuoles dans son intérieur, et comme à ce moment le syncytium sertolien commence à se rétracter, les corps résiduels qui se trouvent incorporés dans ce syncylium sont entraînés vers la couche génératrice du tube séminifère. Ainsi phagocylés, quelques- uns se colorent en rouge par la méthode de Mann, mais un grand nombre se colorent en rouge violacé ou en bleu de plus en plus pâle. À ce moment, l'acide osmique les noircit plus complètement. | Enfin, ces corps cessent d'être colorables par la méthode de Mann. On peut les colorer en noir par l'acide osmique en même temps que d’autres subs!ances élaborées par le syncytium. La phagocytose de ces éléments est terminée. Or, les petites formes du début, qui apparaissent dans le 1) Y. MaxouÉLiax, Comptes rendus de l'Acal. des sciences, 24 février 1908, page 419. 98% ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR lobe cytoplasmique des spermatides (1), rappellent, par leur forme et les réactions histo-chimiques, les corpuscules fins qu'on observe dans la rage des rues, et surtout ceux que nous avons décrits dans la rage à virus fixe. Quant aux corps plus volumineux, ils rappellent ceux de Negri dans la rage des rues. On pourrait aussi établir un certain rapprochement au point de vue de la dégénérescence et de leur disparition. En effet, dans quelques cas de rage des rues, notamment chez l'homme, à côté des corps de Negri lypiques, nous avons constaté des corpuscules qui, tout en possédant la mème structure que ceux- ci, ne se colorent pas aussi électivement. Ils ont une teinte rougeâtre, violacée ou bleuâtre; peu à peu les vacuoles se montrent dans leur intérieur et ces corpuscules deviennent de plus en plus päles; il en existe qui se trouvent à la limite de la colorabilité (planche XX V, fig. 4). Comme nous l'avons dit pré- cédemment : dans la rage à virus fixe, à côté des corpuscules qui se colorent en rouge, il y en a d’autres qui sont bleuâtres: enfin il y en a qui sont d’un bleu très pâle. Nous estimons que les faits que nous venons de relater, doivent faire réfléchir les chercheurs, qui ne se prononceront pas hâtivement sur la nature parasilaire des corpuscules de Negri. CONCLUSIONS. 1° Les corps de Neqri élant les éléments caractéristiques el presque constants de la rage des rues, leur recherche est de première importance pour le diagnostic de cette malade. 20 Dans la rage à virus fixe, il existe constamment des forma- tions spéciales ; tratnées de fins corpuscules en nombre incal- culable, remplissant surtout le corps et Les gros troncs protoplas- miques des cellules nerveuses. 3° Au point de vue de leur forme, de leur structure, de leur caractère histo-chimique et du mode de régression, ü existe une (1) Signalons la ressemblance de ces formes avec les corps chromatoïdes des spermatocytes et des spermies. ÉTUDE DES CORPUSCULES DE NEGRI 985 cerlaine analogie entre les corpuscules de Negri et nos forma- tions d'une part, et les corpuscules des corps résiduels du testicule d'autre part. EXPLICATION DES PLANCHES Toutes les figures représentent des préparations faites par la méthode de Mann et dessinées à la chambre claire. Pour toutes les autres indications, consulter le texte de nolre travail. PLANCHE XXIV. Le grossissement des préparations est de 780 diamètres. F1G. 1. — Coupe de corne d’Ammon de lapin normal. On voit nettement les neurofibrilles dans la tige protoplasmique et dans le cytoplasme des cellules pyramidales. Fi6. 2. — Coupe de la corne d’'Ammon de chien rabique (rage des rues). F16. 3. — Coupe de la corne d'Ammon d'un autre chien rabique (rage des rues). F16. 4. — Frottis de corne d'Ammon de chien rabique (rage des rues). Fi6. 5. — Coupe de corne d'Ammon de chien atteint de rage à virus fixe; dernière période de la maladie. Cas habituel. Fi6. 6. — Coupe de corne d'Ammon de chien atteint de rage à virus fixe ; dernière période de la maladie. Cas exceptionnel. PLancne XXV. Le grossissement des préparations 1, 2, 3 est de 600 diamètres. Fi6. 1. — Coupe de tube séminifère de rat normal. Les spermatozoïdes sont groupés en faisceaux. Quelques-uns de ces faisceaux se trouvent tout près des noyaux de Sertoli (S); d'autres ont déjà gagné les couches plus profondes du tube. Remarquer les fins corpuscules colorés en rouge qui existent en nombre incalculable dans la partie interne du tube. Fi. 2 et 3. — Coupes de tubes séminifères de rat normal. Les spermato- zoïdes sont dans la lumière des tubes. Il existe de nombreux corps rési- duels r dans le voisinage des spermatozoïdes ; il s’en trouve aussi dans les différentes couches. On peut suivre les phases de leur transformation. Fic. 4. — Cellules nerveuses de la corne d’'Ammon d'un sujet mort de rage. On y voit la dégénérescence et presque la disparation des corps de Negri. Grossissement — 180 diamètres. 63 CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DU POTASSIUM ET DU SODIUM CHEZ LES ANIMAUX par P.-J. GÉRARD Pharmacien de 1r° classe. (Travail du laboratoire de M. G. Bertrand). Le potassium etle sodium n'ont pas été étudiés jusqu'ici chez les animaux d'une facon systématique et rationnelle. La litté- rature chimique nous livre une quantité considérable de faits isolés qu'il est impossible de grouper, parce que les dosages des éléments minéraux n'ont pas élé effectués sur les organes de mêmes individus, ou tout au moins sur des individus se trou- vant dans les mêmes conditions physiologiques. Le potassium et le sodium sont cependant parmi les consti- tuants les plus importants de la matière vivante et il est intéres- sant d'étudier leur distribution dans l’organisme et, si possible, leur métabolisme. Sur les conseils de M. le professeur Gabriel Bertrand, dans le laboratoire duquel un travail d'ensemble sur les éléments minéraux a été entrepris, je me suis mis à étudier cette question. Il fallait avant tout posséder une méthode d'analyse irrépro- chable, et c’est ce à quoi je me suis tout d’abord attaché. Car si, comme je le disais à l'instant, la différence des conditions physiologiques dans lesquelles peut se trouver un organisme en fait varier la teneur minérale, il est, par contre, une aulre raison, toute différente d'ailleurs, qui contribue à faire varier les résultats : ce sont les méthodes d'analyses employées. Le dosage des alcalis se classe parmi les plus difficiles, et les diffé- rents auteurs qui se sont occupés de la question du Ka et du Na semblent souvent se désintéresser par trop de la partie ana- lytique pure de la question. Dans leur communication, ils omettent de mentionner leur procédé d'analyse, ou le font de façon tellement succincte qu'une critique précise est impossible. Les résultats qu'ils livrent à la littérature perdent de ce fait une grande partie de leur valeur. ÉTUDE DU POTASSIUM ET DU SODIUM CHEZ LES ANIMAUX 987 Mérnopr DE DOSAGE. Nous ne passerons pas en revue toutes les méthodes de dosage du potassium et du sodium; qu'il nous suffise de dire que, rejetant par principe les méthodes volumétriques, nous leur avons préféré les méthodes gravimétriques, plus longues il est vrai, mais aussi beaucoup plus précises. Les procédés à l'acide perchlorique de Schlæsing, à l’hypo- sulfite de bismuth de Carnot, au bichlorure de platine de Coren- winder et Contamine, sont, tous trois, de bons procédés d’insolu- bilisation du potassium, permettant la séparation complète de ce dernier et l'isolement du sodium que l'on peut peser. Nous avons donc tous les moyens de contrôle exigibles pour faire un bon dosage. Nous avons choisi la méthode de Corenwinder et Contamine, étant donnée la facilité de préparation, à l’état de pureté, du réactif chloroplatinique, l'insolubilité pour ainsi dire totale du chloroplatinate de K dans le liquide de lavage alcool- éther à 10 p. 1 et les bons résultats que différents essais théo- riques nous ont donnés. À. Calcination. — Après avoir pesé l'organe à l’état frais, puis l'avoir desséché à 100 degrés, on procède à la calcination dans un four à moufle, en ne dépassant jamais la température de 350 à 400 degrés qui correspond à peine au rouge sombre. Dans ces conditions, aucune perte de chlorures n’est à craindre. Les cendres, pulvérisées finement, sont épuisées par environ mille fois leur poids d’eau chaude. De cette facon, tout le potassium et le sodium sont entraînés, et nous avons dissous fort peu de calcium et de magnésium, ce qui permet de faire le dosage dans de très bonnes condilions. B. Elimination du calcium, du magnésium et de l'acide phos- phorique. — Pour éliminer en bloc les sels alcalins terreux, on ajoute à la liqueur du phosphate d'’ammoniaque et de l’ammo- niaque (ce dernier réactif doit représenter environ 1/5 de la liqueur totale). On filtre au bout d’une douzaine d'heures, puis la solution étant ramenée à l'exacte neutralité par addition d'HCI, on procède à l'élimination de l'acide phosphorique par le pro- cédé ordinaire (perchlorure de fer et acétate d’ammoniaque). / 988 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Après le lavage méthodique du précipité ferrique, facilité d’ailleurs par la centrifugation et l'addition de petites quantités de chlorhydrate d’ammoniaque, addition qui aide à la conden- sation du précipité, on évapore à sec toutes les liqueurs de lavages réunies. : C. Élimination des sels ammoniacaur. Pesée à l'état de sulfates. — Sur le résidu sec composé de sels d'ammonium, de potas- sium et de sodium, on verse d’abord de l'acide sulfurique dilué au tiers afin d'éviter les projections, puis de l'acide pur jusqu’à complète dissolution de tous les sels. On chauffe ensuite à feu nu sur une petite flamme de Bunsen en évitant l'ébullition; quand toute l’eau est disparue, on peut alors chauffer plus éner- siquement pour expulser les dernières traces d’acide sulfurique. Lorsque l’on est arrivé à sec, on fond alors les sulfates acides de K et de Na pour les transformer en sulfates neutres. Si l’on opère sur de petites quantités, au maximum 0 gr. 300 desulfates, il est inutile d'ajouter du carbonate d’ammoniaque pour obtenir des sulfates neutres. Une fusion de cinq minules suflit large- ment et l’on peut ensuite procéder à la pesée. D. Transformation des sulfates en chlorures. Pesée des chlo- rures. — Les sulfates sont transformés en chlorures par l’addi- tion d'acétate neutre de plomb. On ajoute à la liqueur 1/5 envi- ron d'alcool, afin d’insolubiliser complètement le sulfate de plomb. On filtre et on enlève l'excès de plomb par l'hydrogène sulfuré, en opérant en milieu très légèrement chlorhydrique. On condense le précipité au bain-marie et on filtre. L’évapo- ration à sec en présence d'HCI donne toujours des chlorures un peu sales. Ceci tient à ce qu'il passe toujours un peu de sulfure de plomb en solution. Il suffira de porter ces chlorures à 350 ek 400 degrés pendant quelques minutes pour insolubiliser complètement le sulfure de plomb, reprendre par un peu d’eau et filtrer; on oblient ainsi des chlorures très blancs que l’on pèse après une dessiccation de quelques heures à 350 et 400 degrés. Il faut environ six heures pour arriver à un poids constant. E. Précipitation du K. Précipitation du Pt du chloroplatinate el pesée du platine. — On verse sur les chlorures desséchés un excès de réactif chloroplatinique et l’on concentre au bain- marie Jusqu'à consistance sirupeuse. Il faut surtout éviter la surchauffe des parois de la capsule et la dessiccation complète ÉTUDE DU POTASSIUM ET DU SODIUM CHEZ LES ANIMAUX 989 du réactif. On ajoule alors au sirop un mélange alcool-éther à 10 p. 1 (environ 20 volumes) et, après une demi-heure, on filtre. Le chloroplatinate de K formé reste sur le filtre, tout Le sodium passe à l’état de chloroplatinate de sodium dissous dans un excès de réactif chloroplatinique. On redissout le chloropla- ünate de K dans l’eau bouillante et l'on précipite le platine par le procédé au magnésium Villiers-Berg, qui donne des résultats théoriques. Il faut ajouter le magnésium par toutes petites portions dans le liquide rendu chlorhydrique afin d'éviter les projections. Le précipité de platine est lavé jusqu'à ce qu'il soit débarrassé entièrement du chlorure de magnésium. Le platine est ensuite pesé. Le poids {rouvé multiplié par 0,40195 donne le poids de potassium correspondant. F. Précipitation du PE du chloroplatinate de sodium. Pesée du sodium. — Le liquide éthéro-alcoolique contenant tout le sodium est ensuite traité par un réducteur afin de précipiter le platine du chloroplatinate de sodium. Seule, l'action combinée de l'acide formique et de l'acide sulfureux a donné de bons résultats. L'essai de tous les autres réducteurs volatils est incommode el réduit mal le chloroplatinate. On peut encore, ce qui est aussi pratique, précipiter par HS à chaud en milieu légèrement acide. On sépare le sulfure de platine par filtration et le liquide filtré est évaporé en présence d’acide sulfurique. On pèse le sodium à l’état de sulfate. Ce procédé, long à expliquer et à exécuter, donne de très bons résultats et accumule les moyens de contrôle. On peut, en effet, calculer le sodium d'après le poids de potassium et de sulfates neutres totaux. La pesée du sodium isolé à l’état de sulfate viendra confirmer le calcul. Au besoin, la simple pesée des chlorures pourrait servir de contrôle, car, connaissant par le calcul, les quantités exactes de sulfate de sodium et de polas- sium, on peut en déduire les quantités exactes de chlorures que l’on doit obtenir. De nombreux dosages théoriques faits en présence de calcium, de magnésium et de fer ne nous ont jamais donné d'erreurs supérieures à 2 p. 100. Le chiffre de sodium trouvé à la pesée est toujours légèrement inférieur au chiffre trouvé par le calcul, étant données les pertes qu'il est impossible d'éviter lorsque l'on filtre et lave un précipité. Le chiffre de sodium calculé est 990 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR donc le chiffre qu'il faut prendre, le chiffre de sodium pesé ne devant servir que de contrôle. Le plus grand reproche que l’on puisse faire, en général, aux auteurs qui ont eu à doser le potassium et le sodium, est d'avoir employé le chlorure de baryum pour précipiter l'acide sulfurique et l'acide phosphorique. Le sulfate de baryte entraine toujours, malgré les lavages, une assez grande quantité d’alcalis. Néanmoins, comme en matière biologique, tout au moins pour ce qui concerne les alcalis, une rigueur absolue n’est pas néces- saire, et que c'est seulement d'une suite de dosages pouvant se comparer que découlent des conclusions intéressantes, notre critique de tendance analytique ne porte pas sur l’ensemble des travaux des célèbres physiologues tels que Bunge, par exemple, travaux d'ailleurs que beaucoup de nos recherches n'ont fait que confirmer. RÉPARTITION DU POTASSIUM ET DU SODIUM DANS L'ORGANISME D'UN CHIEN. En possession d'une bonne méthode de dosage, nous avons pu aborder le vif du sujet. Le premier problème que nous avons essayé de résoudre était de définir, d'une facon aussi précise que possible, la répartition du potassium et du sodium dans l’orga- nisme d'un chien adulte. Bien des auteurs jusqu'ici, tels que Bischof, Volkmann, Hugounencq, etc., s'élaient livrés à l’étude des éléments minéraux de la matière vivante. Le nombre des analyses que l’on trouve dans la littérature est énorme, mais dans beaucoup le dosage des alcalins est omis. Jamais un travail méthodique n’a été entrepris dans le but d'obtenir des analyses d'organes que l’on puisse comparer entre elles. Pour ce faire, il fallait enlever à un chien, par exemple, tous les organes et les analyser séparément. La plasticité minérale de la matière vivante est très grande, comme nous le verrons plus tard, et il est impossible de comparer les teneurs minérales d'organes ayant appartenu à des chiens différents non soumis au même régime alimentaire. Nous avons pris comme sujet d'expérience un chien mâle de 6 kilog. 060 que l’on tua par une saignée à blanc pratiquée à la carotide, afin de priver autant que possible de sang tous les ÉTUDE DU POTASSIUM ET DU SODIUM CHEZ LES ANIMAUX 991 organes. Nous ne donnerons pas ici le résultat de toutes les analyses, il suffira, pour se renseigner à ce sujet, de se rapporter au travail complet (1). Nous nous contenterons de relater les faits principaux et les quelques idées générales qui peuvent découler de ce travail : Il importe avant tout, si l'on veut obtenir un classement raisonnable des organes par leur teneur en alcalins, d'envisager non pas la richesse en potassium et en sodium de tel organe par rapport à son poids frais ou au poids de ses cendres totales, É potassium sodium potassium d’un organe ne vaut que comparée à sa richesse en sodium, de ce rapport seulement on peut tirer quelques ensei- onements utiles. Un exemple fera comprendre la valeur de notre argumentation : si nous classons les organes d’après leur richesse en sodium par rapport au poids de cendres totales, nous voyons voisiner dans la liste deux organes tout à fait dissemblables, le tissu osseux et l'intestin grêle qui est un tissu nettement glandulaire. Ceci n'a apparemment aucune raison d'être. En effet, le tissu osseux a ses cendres totales composées en majeure partie de cendres insolubles auxquelles nous rappor- tons la teneur en sodium; le tissu glandulaire, au contraire, a la presque majorité de ses cendres totales solubles. Donc, le tissu osseux est pauvre en sodium par rapport à ses cendres insolubles et non par rapport à son potassium, tandis que le tissu glandulaire est pauvre en sodium par rapport à ses cendres solubles, c’est-à-dire par rapport à son potassium. Il en est de même lorsque nous groupons les organes suivant leur richesse en potassium. Seul, le classement par ordre de grandeur du mais bien la grandeur du rappor . La richesse en potassium FSRPOr sodium près la classification histologique des tissus. 1° Dans les tissus musculaires (cœur, langue, muscles, diaphragme), les tissus glandulaires (pancréas, intestin grèle) L potassium sodium il atteint 2,5 et 2,7 el, bien que s’abaissant fortement dans les semble intéressant, il suit d'ailleurs de très et les glandes (foie, rate) ont un rappor très élevé, (1) Thèse Doct. ès. se. nat., Paris, 1912. 992 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR glandes à sécrétion interne, telles que le corps thyroïde et les capsules surrénales, il ne tombe Jamais au-dessous de l'unité; : potassium sodium assez élevé. Il varie entre 1,96 (hémisphères cérébraux) et 1,00 potassium sodium s’abaisse au fur et à mesure de la disparition de la substance grise. La moelle, qui renferme proportionnellement moins de substance grise que les hémisphères cérébraux et le bulbe, a un 2° Le tissu nerveux possède aussi un rappor (nerfs, sciatique et pneumo-gastrique). Le rappor potassium sodium constitués presque uniquement de substance blanche (fibres à myéline) ont le rapport le plus faible, 1l égale 1,00; 3° Les tissus à fonction de conduction {artères, veines, urètre), de soutien (cartilage, os) ou de protection (peau, poils, potassium sodium rapport moins élevé; les nerfs, finalement, qui sont ongles) ont un rapport très faible qui n'atteint jamais l'unité. En un mot, on peut dire que les tissus riches en cellules, à fonction élevée, sont riches en potassium et pauvres en sodium, tandis que les autres tissus voient leur teneur en potassium décroître au profit de leur teneur en sodium. Il est donc erroné de définir, comme on le fait souvent dans les livres, le potas- sium comme un élément cellulaire et le sodium comme un élé- ment circulant. Le sodium, lui aussi, peut-être un élément cellu- laire, et plus important que le potassium, lorsqu'il s'agit de lissus de soutien comme le tissu osseux, carlilagineux ou de tissu élastique. Cette notion, que l’on avait fini par étendre à tous les tissus, venait de ce que l’on appliquait à ceux-ci ce que l'on sait sur le tissu sanguin, où le Na est entièrement confiné dans l'élément cireulant (le plasma) et le K fixé presque uniquement sur les cellules (les globules du sang). Pour fixer les idées, sans surcharger notre mémoire, nous donnons le détail de quelques-unes de nos analyses faites sur les tissus les plus importants. On trouvera, en effet, dans le tableau suivant, les quantités de potassium et de sodium trouvées, rapportées à 100 de parties fraiches et à 100 de cendres totales. ÉTUDE DU POTASSIUM ET DU SODIUM CHEZ LES ANIMAUX 993 POUR CENT POUR CENT de poids de cendres RAPPORT POINS frais. totales. frais. Muscle (échantillon moyen. . .12.782 BINOEMAUIE COUDE PRE Re er ù ,270| 0,100 HÉDNISDIETES RE | 0,155: MOBILE RL AE ER ER 9! 0,182| 0,170 Ganglions mésentériques. . . . 922 005491) s Le © I © à © [= = ir UUINCH EUR 0,086 PANCLOA SR MERE EU EL à c ,213| 0,073|.6 SQUClEILe RME LL 2 OL e 0,13 ATDLÉECI(AONUE) NAS RNA ET | 8 00! 0, 0,211 RSR Eee Re hi 5 00! 0,257] 0,192/20,34 Re SDIGIC RAS IREM REMENE c D ,< 0,160,21,80 Ganglions lymphatiques . . . . D, #1 ,345|19,83 INTeSCNIOrCle RD AU 5 ,160! 0,054113,55 Grosninteslinee Pr ne 23 É )5|14,80 SATA RP EL 2 Te ,0: De D) PEAU EMA RS TE EM D| 0,135| 0,222113,8 [=] (2 trs [=] Le] (=n] de] Cr ©o S Se Née AE S © Cor re No D © «© © + O D I 1 1 À ce = re ÉTUDE DES VARIATIONS MINÉRALES DE L'ORGANISME AU POINT DE VUE DE SA TENEUR EN POTASSIUM ET EN SODIUM. La teneur minérale d'un organe n’est pas constante, ce fait a été démontré depuis longtemps. De nombreux auteurs ont vu qu'un même organe sain, puis malade, ne renfermait pas le même taux d'éléments minéraux. Le sang, en particulier, a été très éludié et, dans les cas d’anémie, il a présenté des varialions considérables. Il nous a paru intéressant d'étudier d'abord l'influence de la saignée sur la composition sanguine du lapin. Nous étudierons ensuite l'influence d’une alimentation nette- ment sodique sur la teneur en potassium et en sodium de l'organisme el, à ce propos, nous aurons l'occasion de revenir sur le problème intéressant de la faim de NaCI produite par les alimentations fortement potassiques, c'est-à-dire végétariennes. Cette question, que Bunge semblait avoir résolue d’une facon définitive, à été ensuite fortement controversée; les quelques expériences que nous avons faites à ce sujet semblent, au con- traire, confirmer les théories du savant physiologue. L 994 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR 1° Influence de la saignée sur la teneur en potassium et en sodium du sang du lapin. — On a beaucoup étudié les trans- formations du sang après la saignée; mais on ne s'est guère intéressé qu'aux transformations de la composition anatomique ou organique de ce tissu. De l'ensemble de ces observations, il résulte que le sang réagit fortement pour se conserver iden- tique à lui-même, et de même qu'il reconslitue rapidement ses globules et ses albumines, il rattrape aussi rapidement son taux salin. Le sang se reconslitue évidemment aux dépens des tissus. Or, il est d'opinion courante que le potassium est un élément plus fixe que le sodium et n’abandonne les tissus qu'au fur et à mesure de leur destruction. Si donc nous saignons un lapin et lui soutirons une certaine quantité de matières miné- rales, il est permis de supposer que le sang ne revient pas aussi vite à son taux primitif de potassium qu'à son taux de sodium, et que pendant un certain temps ce dernier supplée le potassium pour maintenir l'isotonie. Le résultat à confirmé nos suppositions : on enlève à un lapin de 2 kilogrammes, 20 grammes de sang par une ponc- lion au cœur, suivant la technique indiquée par Nicolle et Ducloux; douze heures après, on lui enlève encore 15 grammes de sang. On attend deux jours, on lui enlève cette fois 0 grammes de sang et, douze heures après, 20 grammes. On analyse la première, la deuxième et la quatrième ponctions. Le potassium sodium vement égal à 0,68, 0,63, 0,61. Le potassium ne revient pas de suite à son taux normal, tandis que le sodium est de suite remplacé par le sodium des tissus. Pendant l'expérience, nous avons seulement donné à boire au lapin, afin qu'il ne rattrape son laux minéral sanguin qu'aux dépens de ses tissus. rapport va toujours en diminuant. Il est successi- 2 Influence de l'alimentation sur la teneur en potassuun et en sodium de l'organisme des chiens et des souris. — Avant de relater le résultat de nos expériences, nous allons donner un rapide aperçu de la question de « la faim de sel » qui se rat- tache directement à ce chapitre. En effet, en donnant à un chien uné alimentation fortement potassique, nous nous pla- cons exactement dans le cas de l'animal ne se nourrissant que ÉTUDE DU POTASSIUM ET DU SODIUM CHEZ LES ANIMAUX 99% de végétaux très riches en potassium et pauvres en sodium. Bunge avait prétendu que les herbivores seuls ayant besoin d'un supplément de chlorure de sodium à leur alimentation, ceux-ci devaient leur appétence spéciale pour le sel à ce que leur alimentation étailtrès riche en potassium. Après s'être livré à des expériences 2x vitro, où il montre que du carbonate de potassium ou du phosphate de potassium en solution aqueuse, mêlés à du chlorure de sodium, échangent partiellement leur acide en donnant du carbonate de sodium ou du phosphate de sodium et du chlorure de potassium, il en déduit qu'in vivo une réaction identique a lieu. Le carbonate de potassium des végé- taux donnera du carbonate de sodium et du chlorure de potas- sium avec le chlorure de sodium du sang. Ces sels ne faisant pas partie de la composition minérale normale du sang, seront rejelés par l'urine et à l'absorption de sels de potassium sera consécutive une élimination de sodium. Bunge procède alors à une expérience sur lui-même; ïül ingère 18 grammes de K°0 à l'état de phosphate et 1l constate une élimination de 8 grammes de sodium par son urine. Cette quantité de sodium éliminée représente la moitié du sodium contenu dans les 5 litres de sang. On ne peut donc douter de la participation des: tissus à cette perte. Si nous donnons done, pendant un temps assez long, une alimenta- tion très riche en potassium et pauvre en sodium, il est pro- bable que nous appauvrirons l'organisme de l'animal en sodium. Seule l'analyse des organes après un assez long régime et le bilan exact des entrées et des sorties de potassium et de sodium peuvent nous donner un renseignement exact à ce sujet et con- firmer les théories de Bunge qui, d'ailleurs, désirait que de semblables expériences soient faites. Nous ne possédons pas d'expériences de ce genre, dit-il, nous ne savons jusqu’à quel point l'organisme continue à abandonner du sodium sous l'influence d'une absorption continue de potassium. On ne peut douter que la limite soit bientôt atteinte, au delà de laquelle l'organisme retient énergiquement ce qui lui reste de sodium. Forster et Kemmerich, puis Kurtz, ont réfuté les théories de Bunge par des expériences dont ce dernier montra la non-valeur. Puis Lapicque et Fredericq opposèrent à Bunge ce fait décou- vert par Dibowskvy et Demoussy, à savoir que des nègres de 996 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR l'Afrique centrale salaient leurs aliments avec un condiment uniquement potassique. Les sels de Berberali, du Congo, de l’Angoniland, sont, en effet, presque uniquement composés de sels de potassium. Comment concilier deux faits aussi discor- dants, disaient-ils, que cet emploi de sels de potassium et la théorie de Bunge ? Les nègres, en effet, ne peuvent pas se pro- curer de sel de sodium et ils ne s’en soucient même pas. Quinton finalement reconnait avec Bunge que les animaux végétariens ont, en effet, faim de chlorure de sodium, mais pour lui la cause est toute différente; ce n’est pas parce que les sels de potassium soutirent le sodium de l'organisme, mais tout simplement parce que le régime végétarien est pauvre en sodium d’une facon absolue. La réfulation de Lapicque et Fredericq n’a pas grande valeur car elle ne repose pas sur des faits précis. Les indigènes salent bien leurs aliments avec une substance polassique, mais quels sont les sels contenus dans les végétaux servant d'aliment? Ceux-ci renferment peut-être une proportion notable de sodium capable de compenser les pertes. Bunge a démontré qu'une alimentation contenant 6 de K pour 1 de Na est suffisante. Nul ne peut dire si les nègres de l'Afrique centrale n’absorbent pas la quantité nécessaire minima de sodium. D'autre part, nous ne répondrons à la théorie de Quinton que par les faits qui suivent et démontrent l’action nettement antisodique des sels de potassium. Deux jeunes chiens nouveau-nés sont lentement acclimatés à deux régimes différents, l’un végétarien, l’autre carnivore. D'après les dosages faits sur les aliments, nous arrivons à donner au végétarien 22 fois plus de potassium que de sodium, tandis que le carnivore recoit seulement 2,8 fois plus de potas- sium que de sodium; au bout d’un mois et demi on exagère les régimes en ajoutant du potassium à la nourriture du végé- tarien et du sodium à la nourriture du carnivore. Au bout de trois mois, les deux chiens sont tués. Pendant le cours des expériences on a prélevé 3 fois du sang, et on a dressé deux bilans exacts de l'entrée et de la sortie des alcalins. Après le sacrifice des deux chiens, on a procédé à l'analyse du foie et des reins. a) Le sang reste remarquablement constant dans sa compo- ÉTUDE DU POTASSIUM ET DU SODIUM CHEZ LES ANIMAUX 997 sition minérale, l'organisme lutle avec succès contre cette invasion de potassium et parvient à maintenir son sang inté- gral. Le sang du carnivore ne subit aucune modification importante. b) Le chien qui reçoit l'alimentation végétarienne riche en potassium voit sa croissance arrêtée, bien qu'il reçoive tous les éléments nécessaires à l'édification de son organisme : albu- mine, hydrate de carbone, sels minéraux, graisse, etc. L'in- fluence empêchante des sels de potassium sur sa croissance semble donc se manifester. Par quel mécanisme ? c) Les deux bilans nous renseignent à ce sujet. Dans les deux cas, les bilans faits sur le végétarien nous montrent une sortie de sodium plus forte que l'entrée. Donc, bien que presque complètement privé de sodium, l’animal en rejette plus qu'il n'en reçoit, alors quil devrait au contraire le retenir avec force. Cette élimination ne peut être attribuée qu’à l'abondance de phosphate de potassium ingérée, agissant selon le méca- nisme indiqué par Bunge. d) Comme cette perte de sodium ne porte pas sur le sang, qui reste identique à lui-même, elle porte évidemment sur les tissus. L'analyse du foie et des reins confirme cette hypothèse. Les organes des végétariens, comparés avec ceux d'un chien normal et ceux d’un chien carnivore, montrent un net affai- blissement du taux en sodium ; tandis que le taux en potassium reste remarquablement constant. Car s’il est possible d’abaisser la teneur en sodium de l'organisme, il paraît impossible d'élever le taux en polassium au-dessus de celui fixé par la nature. Ces quatre faits concordent avec la théorie de Bunge ; néan- moins, il nous a paru utile de les appuyer d’une autre expé- rience, en opérant sur de pelits animaux dans lesquels nous pourrions doser le potassium et le sodium de l'organisme total. Nous avons pris trois lots de Souris blanches composés chacun de trois Souris. Au premier lot, nous donnons du Blé simple. Au second lot, du Blé concassé et arrosé d’une solution PO‘HK?: au troisième lot, du Blé concassé et arrosé de NaCI. Le dosage des alcalins dans ces différentes alimentations est édifiant. Le lot touchant le Blé polassique reçoit 0 gr. 0009 998 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Fa ns de Na pour 0 gr. 0656 de K. Le lot touchant le Blé sodique reçoit 0 gr. 0402 de Na pour 0 gr. 0080 de K. Grâce à la résis- tance de ces petits animaux, on est arrivé à réaliser des régimes presque exclusifs. Etant donné qu’une Souris mange environ 5 grammes de Blé par jour et que celle-ci pèse 15 grammes, elle absorbe 6 gr. 560 de potassium par kilogramme d'animal et par jour; tandis que le Chien n'ingérait que 0 gr. 4765 de potassium par kilogramme d'animal. Dans ces conditions, nous pouvons manifester d’une façon plus nette encore l’action désodiliante des sels de potassium. Les Souris nourries au Blé potassique succombent au bout de quelques semaines à ce régime. Le corps de ces dernières, analysé, à montré un abaissement très net de la teneur en s re otassium sodium. Nous donnons ici la valeur des rapports pures sodium Premier lot (K). 2.41 Deuxième lot (Na) . 1.54 Troisième lot témoin 7 Quelle que soit la richesse en potassium de l'alimentation, on n'arrive pas à modilier le taux potassique de la composition minérale, Une autre conclusion s'impose : le potassium est un déminéralisant, puisqu'il soutire le sodium de l'organisme sans le remplacer. Nous voyons, en effet, que les Souris nourries au potassium sont moins minéralisées, mais, contrairement à notre atlente, ce sont surtout les cendres insolubles qui ont fléch1. Peut-être y aurait-il une action du potassium sur la mau- vaise assimilation ou la désessimilalion des sels de calcium. On peut, en outre, conclure qu'une vie sans sodium, ou tout au moins sans un taux minime de sodium, est impossible; conclusion qui vient absolument à l'encontre des suppositions de Lapicque, de Frederieq, etc., au sujet des Congolais, puisque ces auteurs prétendaient voir en ces nègres les exemples d'organismes ne recevant que du potassium sans en soulfrir d'aucune facon. Influence du milieu et de l'alimentation sur la composition minérale des êtres vivants au point de vue de la teneur en potassium et en sodium. — Comme les expériences précédentes ÉTUDE DU POTASSIUM ET DU SODIUM CHEZ LES ANIMAUX 999 nous avaient démontré la plasticité minérale de la malière vivante, nous avons voulu voir si une lente acclimatation à un régime fortement potassique ou fortement sodique ne produi- rait pas les mêmes modifications que nos brèves expériences de laboratoire, qui avaient duré à peine quatre mois. Cette lente acclimatation étant trop difficile à réaliser expérimentalement, il nous a paru plus facile de nous adresser à des animaux vivant normalement dans des milieux différents. Les animaux modifient profondément leurs organes en vue de l'alimentation à laquelle ils sont destinés; il est tout naturel d'admettre qu’à ces varlalions morphologiques viennent se superposer des varialions chimiques, et, de même qu'en des cas de mimétisine fréquent nous voyons l'animal devenir le véritable reflet du milieu où il vit, de mème nous devons voir la composition des organismes devenir, elle aussi, un reflet du milieu minéral qui les nourrit. Dans le monde, deux milieux se distinguent nette- ment par leur richesse relative en potassium et en sodium. Bunge, dans son Cours de chimie biologique, nous en énonce magistralement les raisons : « Jetons un coup d'œil, dit-il, sur la distribution des deux alcalis, soude el potasse, à la surface du globe. Dans la lutte entre l’acide silicique et l'acide carbo- nique pour la possession des bases, ce dernier présente une plus grande affinité pour la soude, tandis que le premier s'allie plus volontiers à la potasse. La désagrégalion des roches sili- ciques donne naissance à du carbonate de soude, qui se dissout dans l’eau et filtre avec elle vers les profondeurs. La potasse reste avec d'autres bases, surtout avec l'argile unie à la silice à la surface de la terre sous la forme d'un sel insoluble. Le carbonale de soude arrivant à la mer se transforme sous l’action des chlorures des terres alcalines; il se forme du chlorure de sodium et des carbonates terreux insolubles qui se déposent lentement et forment des montagnes entières de pierre calcaire, de craie, de dolomie. C'est pourquoi l'eau de mer est riche en chlorure de sodium, pauvre en sels de potasse, et la surface de la croûte terrestre riche en sels de potasse, pauvre en sel de cuisine. » Nous devrions nous attendre à trouver une unifor- mité presque absolue dans la composition minérale d'individus vivant dans le même milieu. L'expérience nous apprendra que nous trouverons de grandes différences chez des animaux 1000 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR marins, tandis que certains animaux terrestres ou d’eau douce se rapprocheront, sans raison apparente, d'animaux vivant dans la mer. Ilentre en jeu une quantité de facteurs tendant à modifier la composition minérale d'un individu, dont un des principaux est l'alimentation. Et, tout d’abord, le milieu lui-mème, la mer par exemple, n’exerce pas également son influence sur tous les organismes qui vivent dans son sein. Les Oursins, les Asté- ries sont littéralement baignés d'elle; chaque organe trempe dans le milieu marin et subira bien plus l'influence du milieu que les organes d'un Poisson quelconque complètement isolé du milieu marin où il nage. L'Écrevisse vivant dans l’eau douce ne subira que légèrement l'influence de ce milieu, lui étant complètement fermée, et sa composition minérale tendra à se rapprocher de celle des animaux marins de la même famille. Done, si l'on peut admettre qu'en général un animal vivant dans : potassium sodium animal vivant dans le milieu terrestre, il ne faudra pas non plus s’élonner de certaines anomalies causées par les multiples raisons que nous venons d'énumérer. Nos recherches ont évidemment porté sur la valeur du É potassium sodium toujours été faites sur l'animal entier. A ce sujet, nous n'admettons pas la théorie de Quinton, qui ne trouve d’intérèt qu'aux analyses du milieu vital (la Iymphe, le plasma) des animaux. Quinton avait raison pour le cas particulier qui l'intéressait : démontrer la constance du milieu vital dans sa teneur en chlore. Cette loi eût été impossible à démontrer, s’il avait analysé des animaux entiers et avait rapporté au poids total le poids de chlore trouvé. Mais comme toutes les parties du corps d'un individu doivent se ressentir des différences de teneur minérale de l’alimentalion, puisque toutes ces parties, même chez les animaux à coquille, sont reliées entre elles par le milieu nutritif commun dans lequel elles vont chercher les matériaux de construction, et comme nous envisageons le potassium sodium sodium au poids frais ou aux cendres totales, nos analyses le milieu marin a un rappor plus faible qu'un rappor chez différents animaux. Nos analyses ont rapport et non pas le rapport du potassium et du ÉTUDE DU POTASSIUM ET DU SODIUM CHEZ LES ANIMAUX 1001 sur les animaux entiers conservent ainsi loute leur valeur. Nous avons choisi des animaux dans les différents embran- chements suivants : Les Stellérides, les Echinides, les Arthropodes, les Vers, les Mollusques, les Vertébrés. Dans chaque embranchement, nous avons choisi, autant que possible, des représentants vivant dans la mer, dans l’eau douce et sur la terre. Parmi les verlébrés, nous avons pris des animaux nettement végétariens et nettement carnivores. 1° Les Stellérides et les Echinides nous ont fourni des animaux très riches en sodium et très pauvres en potassium ; les tissus des Oursins et des Etoiles de mer ont une composi- tion minérale qui tend à se rapprocher de celle du milieu sis potassium marin qui les pénètre. Le rapport ——— sodium et 0,41. 2° Dans l’embranchement des Arthropodes, nous avons étudié deux classes : 1° les Crustacés : 2° les Insectes. - Dans la première classe, nous avons choisi des représentants marins et des représentants d’eau douce (Crangon, Astacus, potassium varie entre 0,34 Gammarus). Tous ont uu rapport à peu près sem- sodium blable (0,90). L'eau douce ne paraît avoir eu aucune influence sur la désodification de ces animaux. Les Insectes, qui sont par excellence des animaux à habitat terrestre, nous ont donné des chiffres très intéressants. Le potassium rappor s'élève considérablement, en effet. Les sodium Gyrins ont un rapport égal à 2,1,les Locusta égal à 3,6, les Pieris à 2,6; généralement chez les Chelonia il alteint 14,2 et 15,9. Ces Invertébrés ont une composition minérale iden- tique à celle des plantes dont ils se nourrissent. L'adaptation au milieu et à l'alimentation terrestre est donc très sensible chez les Arthropodes, puisque l'on voit le rapport passer de 0,9 145,9: 3° Chez les Vers, l'influence du milieu terrestre se fait aussi sentir. L'Hirudo a un rapport égal à 0,72, tandis que le Luwn- bricus à un rapport égal à 2,07. 4° Chez les Mollusques, il en est de même. Les Mollusques 6% 1002 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR marins (Cardium, Mytilus), les Mollusques d'eaux douces. ; potassium sodium oscille entre 0,24 et 0,87, tandis que les Mollusques terrestres, tels que l’Helix où Limax, ont des rapports respectivement égaux à 2,1 et 4,1. 5° Chez les Vertébrés, la plasticilé minérale se manifeste beaucoup moins grande. Quel que soit le Vertébré auquel on s'adresse, fût-il Reptile, Batracien ou même Poisson vivant dans l’eau de mer, on n'obtient jamais de rapport inférieur à l'unité. Clupea, Gobio, Triton, ont des rapports respectivement égaux à 1,4, 1,36, 1,09. Quant aux Vertébrés, complètement adaptés à la vie terrestre, ils ont un rapport plus fort, mais ce rapport n'’atteint pas les valeurs rencontrées dans d'autres groupes. Rana a pour rapport 2,00; Cerastes vipera 1,4, l'urtur 1,8, Mus 1,8, Canis 1,5. Le rapport le plus fort appar- lient au Cobaye qui a une alimentation très riche en potas- L potassium sodium entier 2,7, tandis que le Syrnium, Oiseau nettement carnivore, a pour rapport 1,4. Si nous envisageons maintenant la question, en dehors de tous groupements, exception faite pour les Vertébrés qui maintiennent beaucoup plus constante leur composition miné- rale, malgré l’extrème variation des ressources minérales des milieux qu'ils habitent, nous pouvons dire que tout organisme vivant dans le milieu marin ou dans l’eau douce a une teneur potassium sodium pouvons dire aussi que tout organisme vivant dans le milieu terrestre à une teneur minérale dont le rapport est supérieur à 1,5. Les deux dernières règles énoncées, pour avoir force de lois, doivent reposer sur un bien plus grand nombre d'expé- riences. Nous n'avons pu faire là qu'un travail d'orientation, la mise au point d'une pareille entreprise demanderait un long temps d’études. C’est pourquoi nous ne voulions pas donner ces règles comme absolues. Espérons que si d’autres analyses sont faites, elles ne feront que confirmer ce qui vient d’être énoncé. (Unio, Planorbis, Limnea), ont un rappor sium. Cet animal a pour rappor e l'organisme minérale dont le rapport est inférieur à 1,00 ; nous ÉTUDE DU POTASSIUM ET DU SODIUM CHEZ LES ANIMAUX 1003 VARIATIONS DES TENEURS EN POTASSIUM ET EN SODIUM DE DIFFÉRENTES SÉCRÉTIONS Pour compléter l'étude du potassium et du sodium dans l'organisme, il nous restait à examiner la composition de diverses sécrétions et en particulier des sécrétions digestives. On a beaucoup étudié les différents sucs digestifs, tant au point de vue du mécanisme de leur sécrétion qu'au point de vue de leurs actions diastasiques, mais peu de physiologistes se sont attachés à en connaître d'une façon exacte la composition minérale. Cette étude a pourtant une grande importance, car on peut en tirer des conclusions intéressant le mécanisme des actions diastasiques. Pour rester dans le cadre de notre sujet, nous nous sommes attachés à connaître la teneur en potassium et en sodium des sécrétions différentes, et à en suivre les variations sous diverses influences. Mais il serait à souhaiter que les analyses se rapportant aux autres composés minéraux vinssent compléter ce (ravail amorcé. Les quelques auteurs qui se sont Jusqu'ici intéressés à ces questions ont presque toujours négligé un côté de la question, soit la partie physio- logique, soit la partie chimique; et les différences considé- rables que nous trouvons dans la littérature chimique, dans les analyses d’une même sécrétion, proviennent souvent de ce que les chimistes ont recueilli les sucs dans des conditions différentes : alimentation différente, technique opératoire imparfaile faisant donner à une même glande des sécrétions dissemblables. Il importe donc de donner avec beaucoup de précision lous les détails des conditions dans lesquelles on a recueilli le produit à analyser. Je dois ici remercier M. Frouin, qui m'a obligeamment fourni les divers sucs que j'ai analysés ou indiqué les méthodes de choix pour obtenir ces diverses sécrétions, me faisant bénéficier ainsi de sa longue expérience d'expérimentateur et de physiologue averti. Suc gastrique. — Pour obtenir du suc gastrique pur, il nous fallait isoler l'estomac en entier ou tout au moins une partie de l'estomac. En pratiquant l'opération de Pawlow-Chiguin, c’'est- à-dire en isolant un lambeau de l'estomac, on n’a qu’une partie seulement de la sécrétion gastrique qui ne correspond pas à la 100% ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR sécrétion normale. En effet, les parois voisinantes du cardia et les parois de la grande courbure ont une sécrétion acide, tandis que les parois voisinantes du pylore ont une sécrélion alcaline. Il faut done, si l’on veut une sécrétion normale, isoler complè- tement l'estomac en sectionnant au cardia et au pylore et rac- cordant l’æsophage au duodénum. Un Chien, dont l'estomac est isolé depuis un mois, reçoit une alimentation composée de viande dessalée par ébullition dans l’eau et de riz. À ce régime on ajoute 10 grammes de NaCI par jour. La sécrétion gastrique est normale dans ces conditions, 500 cent. cubes par jour. On le prive de NaCI, aussitôt la sécrétion diminue et, au bout de six jours, elle tombe à 95 cent. cubes. On procède alors à une analyse de suc gas- trique. On change le régime, on redonne du NaCl, aussitôt la sécrélion remonte et redevient normale. On analyse à nouveau le suc. Pendant toute la durée de l'expérience nous avons suivi l'élimination du chlore total et de l'acide chlorhydrique libre. Nos résultats ont confirmé ce que Frouin avait déjà nettement indiqué dans une communication à la Société de Biologie en 1899. Seuls le chlore libre et le chlore fixe sont modifiés. À une alimentation riche en NaCI correspond un sue gastrique riche en HCI libre et renfermant peu de chlore fixe ; à une alimen- tation pauvre en NaCI correspond un suc très peu acide dont les chlorures fixes augmentent, c'est-à-dire que le potassium et le sodium éliminés s’accroissent. Dans tous les cas le chlore total reste fixe. Il y avait donc intérêt à suivre la varialion du Na et du K en changeant la base du chlorure de l'alimentation. Nous avons remplacé pendant deux jours le NaCÏ par du KCÏ, puis par du CaCF. Sous l'influence des chlorures, l'acidité du suc gastrique est élevée, quelle que soit la base, et les bases éliminées sont faibles. Le Ca, le K ou le Na ajoutés n'influencent pas non plus la qualité des bases éliminées, qui restent loujours dans le même potassium sodium calcium reste remarquablement fixe. Mais lorsque l’on prive le Chien de NaCI et que l’on augmente ainsi l'élimination des chlorures fixes (rapporter au litre bien entendu et non à vingt- rapport. Le rapport oscille entre 0,200 et 0, 300, le ÉTUDE DU POTASSIUM ET DU SODIUM CHEZ LES ANIMAUX 1005 quatre heures), c'est uniquement l'élimination du sodium qui se trouve augmentée tandis que le potassium reste fixe. Le suc gastrique analysé dans le cas du Chien privé de NaCl et n'éli- minant plus que 96 cent. cubes par vingt-quatre heures à un potassium sodium sous l'influence des 10 grammes de NaCI par jour à un rapport égal à 0, 235. Bile. — Le premier échantillon de bile examiné était de la bile normale sécrétée par un Chien à l’état de jeûne depuis vingt- quatre heures et obtenue par simple évacuation de la vésicule au moment de l'établissement de la fistule temporaire du canal cholédoque. Le second échantillon provenait de la bile sécrétée après l'opération, sous l'influence d'injection de sécréline au Chien. Cette seconde bile, comme d’ailleurs l'ont déjà trouvé beaucoup d'auteurs, est beaucoup plus diluée que la première el renferme un pourcentage de K et de Na moins fort. Néanmoins le Na a moins subi cette influence, et nous L potassium sodium vésicule a un rapport de 0,132, tandis que la bile fistulaire a un rapport égal à 0,100. Salive. — Nous avons d’abord analysé de la salive normale mixte de Chien, en la puisant à l'aide d'une pipetle dans la gueule tenue ouverte par un mors. Puis nous avons recueilli des salives pures des différentes glandes. A cet effet, il a été pratiqué une fistule parolidienne et une fistule sous-maxillaire. Au bout de huit jours, après complète guérison, on excila la sécrétion salivaire en badigeonnant la gueule du Chien avec de l'acide acétique dilué au cinquantième. On recueillait alors la salive à l'extérieur dans un tube à essai, en appliquant celui-ci contre l'ouverture de la fistule. La salive mixte normale a une teneur en potassium plus élevée que les deux autres; la salive acétique de la parotide et celle de la sous-maxillaire ont une teneur en potassium à peu près égale, mais la teneur en sodium augmente notablement dans les salives acétiques. Ce fait est d'accord avec la théorie de Pawlow, qui constate la sécrétion d’un aleali neutralisant lorsque l'on excite les glandes salivaires par un acide. Le rapport rapport égal à 0,067 ; tandis que le suc éliminé constatons un abaissement du rappor + La bile de la 1006 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR potassium sodium acétique. La salive mixte normale a un rapport égal à 0,90, la parotidienne acélique un rapport de 0,27 et la sous-maxillaire de 0,39. Suc pancréalique. — La sécrétion pancréatique a été étudiée sur deux animaux: le Chien et la Vache. Chez le Chien, on a pratiqué une fistule temporaire pancréatique, et on a recueilli le suc sécrété sous l'influence d'injection de sécrétine. On a fait à la Vache une fistule permanente et on a recueilli à deux reprises différentes du suc pancréatique normal. La Vache donne normalement six litres de suc pancréatique par vingt- quatre heures. L'animal pendant cette expérience a toujours recu la même alimentation. Les compositions de ces liquides se rapprochent beaucoup les unes des autres, et l'on ne trouve pas chez le Chien l'augmentation sodique habituelle, quand on provoque artificiellement une sécrétion abondante. Il est vrai que nous n'avons pas le seul terme de comparaison valable, qui serait le suc pancréatique normal de Chien, très difficile à obtenir en quantité suffisante pour faire une analyse des alcalins. Le suc pancréatique de Chien à pour rapport 0,124 ; celui de Vache 0,090. Suc intestinal. — Le suc intestinal que nous avons analysé vient de trois Chiens, opérés depuis trois ans, auxquels on a fait une fistule permanente duodéno-jéjunale de Thiry. Le suc est le résultat de sécrétions spontanées, qui se sont produites de trois à sept heures après le repas. Ce suc à été ensuite cen- trifugé pour le débarrasser d'éléments cellulaires. Les résultats que nous avons trouvés ne sont nullement comparables à ceux de Schmidt et Zander, car ceux-ci ont étudié un suc impur, provenant d'une simple fistule intestinale. Ce suc était donc mêlé à de la bile et à du suc pancréatique. Seule notre analyse, portant sur du suc intestinal sécrété par une anse isolée et débarrassé d'éléments cellulaires par centrifugalion, donne une idée exacte de la composition minérale du suc pur. D'après ces analyses, nous voyons que le sodium est le métal qui forme la base la plus importante de toutes les sécré- tions, exception faite pour la salive mixte normale et pour le lait de certains animaux recevantune nourriture riche en potassium diminue donc dans les deux échantillons de salive ÉTUDE DU POTASSIUM ET DU SODIUM CHEZ LES ANIMAUX 1007 (analyses Bunge). Le sodium représente, dans la majorité des cas, 30 p. 100 des cendres totales environ; si nous Île supposons allié au chlore, il représente donc à peu près 80 p. 400 des cendres lotales. Le potassium joue après lui le rôle le plus important, tout au moins comme valeur quanti- lative. Il représente 3 à 4 p. 100 des cendres totales. Le potas- sium se trouve dans un rapport assez constant avec le sodium dans les sécrétions normales. Ce rapport oscille entre 0,19 et 0,09. Si l'on calcule le pourcentage de potassium rapporté au poids frais, toujours dans des sucs normaux, on voit aussi qu'il est peu variable; ce pourcentage oscille entre 0,077 et 0,039. I] en est de même pour le sodium. Les sécrélions ont, par contre, une composition minérale très plastique lorsqu'elles ne sont plus normales, et l’on peut faire varier aisément le rapport du potassium au sodium en produi- sant artificiellement des sécrétions abondantes. Cette variation : à NT _ potassium se traduit toujours par un abaissement du rapport —— sodium une élimination plus grande de sodium accompagnant toujours ces sortes de sécrélions. ACTION ANTITOXIQUE DU SODIUM SUR LE POTASSIUM. Nous avons, dans ce dernier chapitre, essayé de répéter les expériences que Læb a faites sur le Fundulus, poisson complè- tement insensible à de très grandes variations de pression osmotique. Lœæb place ces poissons dans des aquariums conte- nant une solution de chlorure de potassium dont la concentra- tion toxique a été fixée par des expériences précédentes. Notons en passant que le Fundulus meurt dans une solution contenant uniquement une quantité de potassium équivalente à celle que contient la mer. Dans chaque bocal, Lœæb ajoute une quantité ; potassium sodium atteint 1/17 environ, le poisson résiste à l’action toxique du potassium grâce à l’action antitoxique du sodium. Nous avons donc pensé répéter ces expériences dans des conditions diffé- rentes afin de voir si le Na se montrait toujours aussi nettement antitoxique du K. croissante de chlorure de sodium. Quand le rappor 1008 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR 1° Action antitorique du sodium sur le potassium en injec- lions sous-cutanées.— Nous avons opéré sur des souris blanches, qui supportent merveilleusement l'injection de grandes quan- tüités de liquide isotonique, voire même hypertonique. Une souris de 15 grammes peut recevoir, sans en souffrir, 4 cent. cubes de sérum hypotonique, isotonique ou hypertonique. Il est néanmoins difficile de fixer exactement une limite de toxi- cité du potassium au kilogramme d'animal, car il est difficile d'injecter, à 1/10 de centimètre cube près, une solution de Na dans le corps d’une souris, et le coefficient de résistance individuelle est variable chez des animaux de même âge et de même poids. De nombreuses expériences nous ont montré, de plus, fait non encore signalé à ma connaissance, qu'il est de toute impor- tance de fixer la concentration de la solution injectée. Un même poids de mélal n’a pas une égale toxicité en solulion hypoto- nique, isotonique et hypertonique. Les propriétés toxiques qui sont à leur maximum en solution hypotonique s'atiénuent dans des proportions notables en isotonie et en hypertonie. Les quelques chiffres qui suivent vont fixer les idées. Par consé- quent, une limile de toxicité n’est valable que lorsqu'elle est fixée par un grand nombre d'expériences, cette limite se rap- porlant à une concentration définie du liquide et à des animaux de même âge et de poids sensiblement égaux. Si ces différents auteurs avaient eu soin de mentionner leurs résultats sous cette forme, il est probable que nous ne trouverions pas, dans la littérature, les énormes différences qui séparent des limites de toxicité trouvées par différents auteurs pour un mème corps et pour un même animal. Une souris blanche de 15 grammes est tuée en une demi- heure environ lorsqu'on lui injecte sous la peau 0 gr. 694 de potassium par kilogramme, en solution hypotonique correspon- dant à la demi-isotonie, c'est-à-dire 4,5 de NaCI par litre. Une souris de 15 grammes est tuée par 0 gr. 963 de potas- sium par kilogramme d'animal en solution isotonique. Une souris de 15 grammes est tuée par 1 gr. 28 de potassium par kilogramme d'animal en solution hypertonique correspon- dant à une solution contenant 18 grammes de NaCI par litre. Le potassium est toujours injecté sous forme de chlorure. ÉTUDE DU POTASSIUM ET DU SODIUM CHEZ LES ANIMAUX 1009 Nous avons recommencé nos expériences sur la grenouille, qui est tuée par 0 gr. 344 de potassium par kilogramme en iso- tonie,et par 0 gr. 458 de potassium par kilogramme en hypertonie. La grenouille, qui supporte bien le sodium et l'hypertonie et qui, de plus, est sensible au potassium, est un bon sujet d'expérience. Nous avons injecté, en même temps que la dose toxique minima en hypertonie de potassium égale à 0 gr. 458 par kilogramme d'animal, des quantités croissantes de sodium jusqu'à 1 gr. 97 par kilogramme, ce qui représente presque cinq fois plus de sodium que de potassium. Nous n'avons jamais eu, malgré cette addition, le moindre retard dans la mort des animaux, qui périssaient tous au bout d'une demi- heure, comme s'ils avaient été simplement injectés au potas- sium. Les expériences ont été négatives aussi chez les souris. On pourra nous objecter que jamais la dose de sodium n'a été assez forte et n’a Jamais approché celle que Lœb ajoutait aux solutions potassiques dans lesquelles il faisait vivre ses pois- sons. Nous répondrons à cela que dès que Læb ajoutait de faibles quantités de sodium, bien inférieures à la quantité optima, il constalait des diminulions dans le nombre des poissons morts, qui commençait ainsi à manifester les propriétés antitoxiques de ce métal. Nous n'avons jamais rien eu de comparable dans nos résultats. 2 Action antitoxique du sodium sur le potassium poison du cœur. — Nous avons cherché à manifester l'action antitoxique du sodium sur le potassium par d’autres expériences. Pour cela, nous avons calqué les travaux de Richet sur le cœur de la gre- noulle, lorsque ce physiologue cherchait à déterminer l'action des alcalins sur cet organe. On met à nu le cœur d’une grenouille, en prenant soin d'enlever le péricarde. Le cœur continue à battre très réguliè- rement pendant plusieurs heures si on l’abandonne à lui- même. Richet a montré qu'en versant sur ce cœur quatre gouttes d'une solution renfermant 52 gr. 5 de potassium par litre, on obtient un arrêt immédiat et sans reprise des batte- ments. Si l'on verse une solution ne contenant que 26 grammes de polassium sous forme de chlorure par litre et ajoutant quatre gouttes de la solution tous les quarts d'heure, on obtient un arrêt au bout de la quatrième addition. 1010 _ ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Nous avons essayé l’action combinée des sels de potassium et de sodium comparés à l’action des sels de potassium seuls. Nous n'avons obtenu d'arrêt du cœur, avec la solution conte- nant 52 grammes de K par litre et 78 grammes de Na, qu'au bout de la troisième addition de quatre gouttes. Avec la solu- tion contenant seulement les 52 grammes de K, nous avons eu toujours l'arrêt instantané, en diastole. Si nous admettons que, dans la première série d'expériences, il ne nous a pas été pos- sible d'ajouter des quantités suffisantes de sodium pour montrer ses propriétés antitoxiques, et que nous nous appuyons seule- ment sur les expériences du cœur de la grenouille, nous voyons que, chez les mammifères, le sodium a une légère action anti- toxique sur le potassium. Mais cette action ne se manifeste que lorsque le sodium est en proportion notable comparativement au potassium. Or, les nombreuses analyses d'animaux nous ont montré que jamais le sodium n'existe dans ces proportions dans l'organisme et qu'il lui arrive même, dans certains cas, d'en être complètement absent (chenille). Donc, parmi tous les rôles importants que peut jouer le sodium, il est probable qu'il ne joue pas le rôle antitoxique vis-à-vis du potassium. Il peut d'ailleurs être suppléé par d'autres métaux beaucoup plus actifs que lui, tels que le calcium, dont le pouvoir anti- toxique sur le potassium a déjà été étudié. CONCLUSIONS GÉNÉRALES. Il nous reste, à la fin de ce mémoire, à meltre en valeur, en les groupant, les conclusions générales délà énoncées à la fin de o 3 te) . chaque chapitre : | 1° Après une étude critique, précise et détaillée des procédés d'analyse du potassium et du sodium, nous avons pu donner une méthode de recherches nous donnant l’approximalion, à 2 p. 100 près, et par conséquent exempte de tous reproches ; 2° Au point de vue de la répartition du potassium et du sodium dans l'organisme, on peut conclure à l'absence totale de spécificité absolue du potassium ou du sodium pour tel organe ou tel tissu. Les deux alcalis sont répartis, inégalement il est vrai, dans tous les organes du corps des animaux ; ÉTUDE DU POTASSIUM ET DU SODIUM CHEZ LES ANIMAUX 1011 3° Un classement rationnel de ces organes ne peut se faire que d’après le rapport du potassium au sodium et non d'après le rapport du métal au poids frais. De ce classement, il résulte que les tissus à fonction importante, riches en cellules, ont potassium sodium de soutien. Donc, si le sodium est un élément circulant, il ne faut pas définir le seul potassium comme élément cellulaire, le premier métal, en effet, étant lui-même un élément cellulaire plus important que le potassium dans certains tissus : 4° La variabilité de la composition minérale de l'organisme est assez grande en ce qui concerne tout au moins le potassium et le sodium. Ce fait a été démontré en faisant varier les alealis du sang par la saignée, en modifiant la composition des sécré- tions par excitation des glandes à l'aide d’un agent artificiel, en changeant la teneur minérale des lissus pris séparément et de l’organisme entier, par des alimentations appropriées. Seul, le sang paraît conserver intégralement son taux de potassium et de sodium, malgré les écarts de régime et les additions de NaCI ou de phosphate de potassium aux aliments. Nous assis- tons donc à ce fait extraordinaire de la variation minérale de tissus qui se nourrissent et se baignent dans un liquide de composition constante ; 5° Des bilans, établis d'une facon aussi précise que possible, ont nettement montré que la théorie de Bunge, qui attribuait la faim de sel à l’ingestion de potassium, était exacte. Les animaux, en effet, sous l'influence du potassium, perdent plus de sodium qu'ils n’en absorbent, et, bien que vivant en inanilion sodique, ils éliminent ce métal qu’ils devraient logiquement conserver avec force, d'où amaigrissement, et parfois mort. L'organisme a donc besoin de sodium, et l’histoire des Congo- lais, ne vivant que d'une alimentation purement potassique, est infirmée par la suite de nos expériences sur la nécessité du sodium dans l'alimentation ; 6° Il ne nous a pas été possible, en opérant par injections sous-cutanées, de démontrer d’une facon nette l’action anti- toxique du sodium sur le potassium, et de faire ainsi une généralisation des travaux de Læb. Un seul fait est à retenir : une solution contenant une même quantité de métal devient un rapport plus élevé que les lissus de conduction et 1012 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR de moins en moins toxique par rapport au kilogramme d'animal lorsqu'elle passe de l'hypotonie à l'hypertonie ; 1° Finalement, nous avons montré que la teneur en métaux alcalins des différents animaux se modifiait selon le milieu et l'alimentation. Exception étant faite pour les Vertébrés, ani- potassium sodium de la matière vivante s'élève, lorsque celle-ci, quittant la mer et les eaux douces, s'adapte à la vie terrestre et à son alimen- lation. maux supérieurs, nous pouvons dire que Le rapport RECHERCHES SUR LE MANGANÈSE NORMAL DU SANG par GABRIEL BERTRAND et F. MEDIGRECEANU. En raison de son importance physiologique et médicale et des difficultés qui ont surgi lorsqu'on à voulu la résoudre, la question de la présence normale du manganèse dans le sang de l’homme et des animaux supérieurs a donné lieu à des recherches nombreuses et contradictoires. S'il est encore facile, en effet, dans beaucoup de cas, de déterminer la présence et même le poids d'un élément, mélal- loïde ou métal, dont on ne peut avoir à sa disposition qu'une très petite quantité, il n’en est plus ainsi lorsque cet élément est accompagné d’une énorme proportion de substances étran- gères, minérales ou organiques. Ou bien, dans ce cas particu- lier, fréquent en chimie biologique, on court le risque de perdre l'élément cherché, soit en partie, soit en totalité, au cours des manipulations; ou bien, au contraire, on court celui d'en introduire dans le mélange soumis à l'analyse parce aue cet élément existe parfois, sans qu'on s’en doute, à l’état d'im- pureté dans la masse des réactifs dont on est obligé de se servir. Si on le perd, on est conduit à méconnaître son exis- tence; si, au contraire, on en introduit, on peut être amené à admeltre sa présence, lors même que la quantité reconnue ou dosée aurait été apportée exclusivement par les réactifs. L'his- loire de la découverte de l'arsenic normal dans l'organisme humain a déjà démontré la justesse de ces observations (1); celle de la recherche du manganèse dans le sang, dont nous venons de nous occuper, en fournira une confirmalion nou- velle et non moins instructive. La première indication relative à la présence du manganèse dans le sang à été donnée par Wurzer (2), en 1830. En oxy- 1) GABRIEL BERTRAND, Ann. Chim. Physiq., 5° série, t. XXIX, p. 242 (1903) et Bull. Soc. Chim., 3° série, t. XXIX, p. 920 (1903). — G. Berrran» et Z. Vauossy, Ann. Chim. Physiq., 8e série, t. VII, p. 523 (1906). (2) Schweigger's Journal d. Chem. Plysiqg., t. LVIIT, p. 481 (1830). 1014 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR dant par le nitrate de potassium 2 grammes de charbon pré- paré dans un creuset à partir du sang humain, puis en repre- nant le résidu lavé par l'acide chlorhydrique, il a obtenu une solution dans laquelle l’action successive du succinate d'am- monium et du carbonate de sodium lui a permis de séparer : Oxyde deVeL RNeee D Ro on oue (A0R) Sesquioxyde de manganèse . . . . . . . . . . 0,034 soit une proportion de manganèse égale au tiers environ de celle du fer. Marchessaux, selon Riche (1), aurait émis, en 1844, une opi- nion semblable à celle de Wurzer, sans indiquer toutefois Ia proportion de métal contenue dans le sang. À son tour et sans connaître, sans doute, ces publications, Millon annonça, en 1848, que « le sang de l’homme contient constamment de la silice, du manganèse, du plomb et du cuivre ». Pour rechercher ces éléments, Millon opérait de la manière suivante : le sang dilué de trois volumes d’eau était introduit dans un flacon de chlore gazeux qui le coagulait et détruisait les globules. On filtrait; on évaporait le liquide et on calcinait quelques instants le résidu pour faire disparaître la petite quantité de matière organique que le chlore n'avait pas pré- cipitée. La partie insoluble des cendres était ensuite traitée « comme un minerai »; elle contenait, entre autres éléments, de 10 à 24 p. 100 de manganèse. Après avoir conclu que les éléments ainsi découverts se fixent, avec le fer, dans les globules et participent comme lui à l’organisation et à la vie, Millon admit la possibilité d'une chlorose par défaut de cuivre, de plomb ou de manganèse ou bien, au contraire, celle de quelque affection obscure et rebelle par excès de ces métaux, et il invita les médecins à examiner ces questions (2). Les résultats et les conclusions de Millon furent vivement critiqués l’année mème par Melsens. Ayant trouvé qu'en opé- rant avec des réactifs purs on ne pouvait déceler dans le sang (4) Journ. Pharm. chim., 4e série, t. XXVIT, p. 542 (1878). (2) Comptes rendus de l'Acad. «des sciences, &. XXVI, p. #1 (1848). Aussi : Ann. Chim. Physiq., 3° série, t. XXII, ,p. 372 et p. 508 (1848). RECHERCHES SUR LE MANGANÈSE NO VAL DU SANG 1015 ni cuivre, ni plomb, Melsens émit des doutes sur la précision des expériences de Millon et, sans nier absolument la présence du manganèse à propos duquel il n'avait pas fait de recherche particulière, il se refusa à croire à ses proportions élevées et à son importance physiologique (1). Les critiques de Melsens étaient capables de faire ressortir l'insuffisance des expériences de Millon, elles ne pouvaient infirmer leur valeur, au moins qualitalive, en ce qui concerne le manganèse. De nombreuses recherches ou observations médicales publiées dans la suite semblèrent bien, d’ailleurs, confirmer l'intervention attribuée au manganèse dans les phé- nomènes de la vie. Les plus importantes furent celles de Hannon, de Pétrequin et de Burin du Buisson. Hannon, de Bruxelles, tout d'abord, avança que l’on pouvait tirer un parli avantageux des préparations manganésiennes dans les affections qui ont profondément débilité l'organisme. D'après lui, certains états chlorotiques seraient liés à un défaut de fer et de manganèse, d'autres à un défaut de fer seui ou de manganèse seul; l'administration judicieuse des deux métaux, associés où séparés, selon les cas, donnerait alors d'excellents résultats. Hannon ne s'est pas contenté d'essayer les effets physio- logiques ou plutôt thérapeutiques du manganèse; il a, de plus, recherché ce métal dans le sang et, cela, en se plaçant, suppo- sait-1l, à l'abri des critiques adressées à Millon. Tous ses réac- tifs furent éprouvés d'avance; il ne se servit que de capsules en porcelaine ou en platine; ni le chlore, ni le verre, qui auraient pu apporter du manganèse, ne furent employés dans ses expé- riences. Voici comment il décrit son mode opératoire : « Je réduisis en cendre le caillot sanguin d'une personne qui n'avait pas été soumise au manganèse. Je {raitai la cendre par l'acide nitrique pur, étendu d’eau distillée. Je neutralisai l'excès d'acide par du carbonate ammonique pur. Je fis passer dans la solution un courant de gaz sulfide hydrique, et je laissai 1) Ann. Chim. Physig., 3° série, t. XXIII, p. 358 (1848). Il n'est pas sans intérêt de noter ici, d'une part, que Deschamps a signalé la présence du cuivre dans le sang, d'autre part, que Malaguti, Durocher et Sarzeaud, ana- lysant les cendres du sang de bœuf, y ont trouvé à la fois du cuivre, du plomb et de l'argent. Comptes rendus de L'Acad. des sciences, &. XXIX, p. 780 (1850) et Ann. Chim. Physig., 3° série, t&. XXNMIIT, p. 129 (4850). 1016 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR reposer la liqueur pendant vingt-quatre heures; il ne se déposa ni sulfure de cuivre, ni sulfure de plomb. Je versai goutte à goutte dans le liquide une solulion de suecinate ammonique et je laissai déposer tout le fer. Je filtrai la liqueur et l'évaporai à siccité. C’est dans le résidu que se trouve le manganèse. | Pour contrôler ce résultat, je trailai d'une manière diffé- rente le sang d’une autre personne. Je mêlai le sang défibriné par le battage avec deux fois son volume d’une dissolution de sulfate de soude concentrée: le liquide jeté sur un filtre passa incolore et laissa les globules sur le filtre. Je les lavai par une solulion de sulfate de soude jusqu à ce que tout le sérum les eût abandonnés. Pour séparer enfin le sel sodique des globules, je chauffai le filtre à une température de 100 degrés; ils se coagulèrent et devinrent insolubles. Je traitai alors le filtre par de l’eau bouillante, le sulfate de soude fut entrainé et les globules restèrent purs. Pour connaître les métaux fixés dans les globules, je les incinérai dans une capsule en platine, et je traitai la cendre comme je l'ai dit précédemment. Cette fois encore je trouvai le manganèse dans le liquide sanguin. J'analysai depuis le sang de bien d'autres personnes et conslamment j'y découvris la présence de ce métal. J'eus occasion, tout en continuant ces remarques, de constater £e fait : c'est que la quantité de manganèse varie parfois considé- rablement dans Les différentes affections. Je le trouvai en grandes quantités dans le sang d’un homme pléthorique, d’un typhisé et d'un jeune homme atteint de syphilis constitutionnelle. Chez un scrofuleux j'en trouvai moins, moins encore chez un tubercuieux, chez un anémique et chez plusieurs chloro- tiques. Pour s'assurer de ces résultats, il n'est point nécessaire de faire l'analyse quantitative du sang: la différence de nuance dans la coloration du verre de borax par la totalité du résidu de l'analyse suffit pour constater les faits avancés plus haut. En effet, en employant toujours la même quantité de cendre RECHERCHES SUR LE MANGANÈSE NORMAL DU SANG 1017 et de borax, plus ce dernier se colorera de violet foncé sous l’action de la flamme extérieure du chalumeau, plus le manga- nèse se retrouvera en abondance dans le sang (1). Les idées émises par Hannon ont été adoptées peu après, en France, par Pétrequin. Toutefois, en les appliquant, ce der- nier ordonnait toujours le mélange de fer et de manganèse, afin d'atteindre son but thérapeutique sans avoir à faire de diagnostic différentiel des chloroses ferriques et manga- niques (2). À la demande de Pétrequir, Burin du Buisson reprit Les analyses de Millon et de Hannon et, comme ceux-ci, il trouva « du manganèse en quantité notable dans le caillot du sang humain ». Ayant, en outre, dosé les globules, le fer et le man- ganèse sanguins dans trois états de santé différents, il obtint : POIDS, EN GRAMMES A CS CE des de l'oxyde de l'oxyde globules. ferrique. manganique. Homme pléthorique . . . 143,500 1,360 0,071 SAT MOIMaAlN 0 0198200 1,220 0,060 Femme chlorotique . . . 63,980 0,500 0,025 chiffres d’après lesquels, fait observer Pétrequin, on voit qu'il y a, dans les affections qui modifient la compositicn du sang, des varialions proportionnelles du manganèse, du fer et des glo- bules et qu'il y aurait erreur à prétendre que tantôt le fer, tantôt le manganèse fait défaut dans le globule sanguin et que ce dernier peut être surchargé ou dépouillé de l’un ou de l'autre de ces deux métaux (3). La question du manganèse dans Le sang pouvait, à la suite de ces recherches, passer pour résolue, au moins dans ses (1) Etudes sur le manganèse, Bruxelles (1849). On trouvera de cette brochure une analyse assez longue, mais ne renfermant rien de la partie chimique que nous reproduisons ici, dans Journ. Pharm. Chim., 3° série, t. XVE, p. 41 et 189 (1849). (2) Gazelle médic. de Paris, 3° série, t. IV, p. 733 (1849). Ce mémoire ren- ferme une série d'observations relatives à des guérisons d’anémies d'origines diverses par le manganèse. On en trouvera un extrait dans J. Pharm. Chim., 3e série, t. XVI, p. 381 (1849). (3) Bull. gén. de Thérapeut., t. XLIT, p. 193 (1852) et Gazette médic. de Lyon, t. VI, p. 265 (1854). Le premier de ces mémoires est extrait dans J. Pharm. Chim., 3° série, t. XXI, p. 469 (1852) et le second reproduit dans le même Journal, t. XXVI, p. 420 (1854). 65 1018 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR grandes lignes. Une publication de Glénard (1) vint cependant Jeter sur elle une nouvelle suspicion et obliger à en reprendre l'étude. Glénard opérait sur le sang humain normal. Après l'avoir desséché el incinéré dans une capsule de platine, il éliminait la partie des cendres soluble dans l’eau, traitait le résidu par l’eau régale, chassait l'excès d'acides par évapora- ion el reprenait les chlorures obtenus par l'eau distillée. Dans la solution, additionnée de chlorhydrate d’ammoniaque et presque neutralisée par lammoniaque, il ajoutait alors du suc- cinate d'ammoniaque bien neutre, chauffait le tout modéré- ment et l’abandonnait au repos. Après quelques heures, le suc- cinate de fer s'était déposé entièrement; la liqueur surna- geante incolore était filtrée, évaporée à sec et le résidu, fortement chauffé pour chasser les sels ammoniacaux, était remis en dissolution à l’aide de l’eau régale. « Fondu avec la potasse caustique, il ne l'a pas colorée en vert. Chauffé au chalumeau avec le sel de phosphore et le borax, il n’a pas donné de perle de couleur améthyste. » Ainsi, il ne renfermait pas de manganèse. Le même résultat négatif fut obtenu dans deux expériences à partir d’un litre et demi de sang. Glénard ne trouva pas davantage de manganèse en détrui- sant la matière organique d’abord par l'eau régale; il n’en trouva même pas en opérant sur 336 grammes de sang extrait de la veine d’un ouvrier des mines de manganèse de Roma- nèche. Enfin, ayant appliqué la méthode de Millon à quatre échan- üillons de 100 grammes de sang, il réussit à constater dans l’un d'eux des traces non dosables de manganèse, mais les trois autres n'en contenaient pas. De sorte que Glénard conclut que le manganèse n’est pas un élément essentiel du sang humain et que, s’il peut s’y trouver accidentellement, c’est en quantité très faible, inférieure à celle qui a été indiquée. Burin du Buisson allégua contre les résultats et les conclu- sions de Glénard le témoignage de plusieurs médecins qui avaient obtenu des guérisons par l'emploi des sels de manga- nèse et le travail de de Kramer, qui avail, « quoique à petites (1) Journ. Pharm. Chim., 3° série, t. XXVI, p. 184 (1854). RECHERCHES SUR LE MANGANÈSE NORMAL DU SANG 1019 doses, toujours pu trouver le manganèse dans le sang d'un grand nombre d'individus, et en conclut que le sang normal contient constamment ce métal en petite quantité » (1). Mais il n’apporta pas lui-même de fait nouveau et surtout ne fournit aucune explication sur la méthode dont il s'était servi pour doser le manganèse dans ses expériences (2). Bonnewyn publia peu après, sans détail opératoire, le résultat de quelques expériences effectuées en vue de déceler le manganèse dans le sang de trois personnes, dont une femme traitée pendant deux mois avec des pilules au sulfate de manganèse; ce résultat fut entièrement négatif (3). Dès lors, soit à cause des contradictions nombreuses par lesquelles elle était passée, soit pour toute autre cause, la question du manganèse sanguin tomba pendant une assez longue période dans l’oubli. Pollacei la reprit en 1870. « J'ai, dit-il, analysé plusieurs variétés de sang humain, différentes entre elles par le sexe, par l’âge, par le lempérament, par la santé des individus, et J'ai trouvé constamment dans tous ces échantillons une certaine quantité de manganèse; aussi, je puis, en pleine connaissance de cause, assurer que le manganèse est un des éléments essentiels du sang (4). » | Pollacei épuisait par l’eau les cendres du sang, préparées dans un creuset de platine, de manière à enlever les chlo- rures. Il traitait le résidu par une petite dose d’acide nitrique pur, introduisait le liquide dans un tube à essai, évaporait à sic- cité, puis caleinait en chauffant le tube au rouge. Enfin, après refroidissement, il versait dans le tube un peu d'acide nitrique étendu, faisait bouillir avec une petite quantité de bioxyde de (4) Institut Lombard, L. T1, Milan (1852). (2) Dans son travail contradictoire, Glénard rapporte que Burin du Buisson « a fait paraître à Lyon, en 1853, dans la Gazelle médicale, un mémoire inti- tulé : Sur l'existence du manganèse dans le sang », et il ajoute : « Par ce travail, le plus complet, le plus détaillé, l'auteur apporte de nouvelles preuves à l'appui des faits allégués par ses devanciers, les précise plus nettement et y ajoute des observations nouvelles... » Nous n'avons pu trouver aucune publi- cation de ce genre dans la Gazelle médicale de Lyon, de 1851 à 1854. Dans le volume paru en 1853, il y a bien un mémoire de Burin du Buisson, mais il n'y est pas question du manganèse. Il est probable que l'indication donnée par Glénard est inexacte, car Burin du Buisson n'y fait lui-même aucune allusion. (3) J. Pharm. Chim., 3e série, t. XXVII, p, 284 (1855). (4) Ibid., 4e série, t. II, p. 375 (1830). 1020 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR plomb. Par le repos, il obtenait un liquide de couleur pourpre, plus ou moins intense, couleur due à l'acide permanganique. Le poids de 300 grammes de sang frais donnait la réaction du manganèse d’une manière assez marquée, pouvant être rendue plus évidente en portant la quantité de sang à 400 ou 900 grammes. Huit ans plus tard, Riche fit paraître à son tour un mémoire détaillé sur le manganèse du sang (1). Dans ce mémoire, le plus complet qui ait été publié sur la question, Riche expose d’abord une nouvelle méthode de recherche et de dosage de petites quantités de manganèse, basée sur l’électrolyse, puis il applique cette méthode à l'étude du sang de l'homme et de quelques animaux, bœuf, mouton, porc et cheval. On connaît le principe de sa méthode : lorsqu'on fait passer un courant électrique dans une solution faiblement acidulée de nitrate ou mieux de sulfate de manganèse, on voit appa- raître la coloration rose de l’acide permanganique, puis le manganèse se dépose soit sur l'électrode positive, soit en flocons dans la liqueur, à l’état de bioxyde. Le précipité, lavé et calciné, en même temps que l’électrode de platine, se trans- forme en oxyde salin dont le poids permet de calculer celui du métal cherché. À la condition d'opérer en l'absence de fer, Riche a reconnu, dans des expériences synthétiques, la possibilité de retrouver de petites quantités de manganèse à 1/2 milligramme près, limite de sensibilité de sa balance. Pour appliquer la méthode au sang, Riche détruisait les matières organiques par calcination dans une capsule de platine, à la température la moins haute possible. Le résidu débarrassé des parties solubles dans l’eau bouillante était repris par l'acide chlorhydrique étendu. La liqueur était évaporée à sec et maintenue une demi-heure à une tempéra- ture suffisante pour insolubiliser la silice et pour décomposer une faible quantité de chlorure de platine provenant de l’at- laque de la capsule pendant l’incinération. La masse étail reprise par l’eau faiblement acidulée par l'acide chlorhydrique, la dissolution filtrée, puis mise en digestion pendant vingt- (1) Zbid., 4° série, t. XXVIL, p. 538 (1878). RECHERCHES SUR LE MANGANÈSE NORMAL DU SANG 1021 * quatre heures avec du carbonate de baryum précipité. La liqueur filtrée était salurée par un léger excès d'acide sulfu- rique, évaporée à sec après filtration. Enfin, le résidu était repris par XV à XX gouttes d'acide sulfurique concentré que l'on promenait dans la capsule et que l’on maintenait pendant un quart d'heure vers le point où l'acide sulfurique commence à répandre des fumées. Le produit à peu près sec était repris par l’eau que l'on entretenait vers Æ 100 degrés pendant quelque temps, et la liqueur jetée sur un très petit filtre était recueillie dans le creuset de platine pour être soumise au cou- rant. Afin d'avoir une acidité convenable, la solution était saturée par quelques gouttes de potasse pure et la liqueur neutre sursaturée par IT à IIT gouttes d'acide sulfurique. Riche a trouvé : ORIGINE DU SANG Hanoi SU Pt A BU MERE M 500 gr. 0 gr. 0015 — 150 gr. 0 gr. 0005 en RO miel Se EN TE 1.308 gr. 0 gr. 0003 Mouton . 500 gr. 0 gr. 0025 CR Rem Un à 150 gr 0 gr. 0010 RS PE PL LEUR LS 1.410 gr. 0 gr. 0005 PORC SEE ed be 12550 0 gr. 0015 CREVAlE CPE Cr CU OT r 0 gr. 0015 Femme . 250 gr. 0 gr. 002 — 250 gr. traces. c'est-à-dire des proportions de manganèse très petites, ayant pu échapper à ceux de ses devanciers qui avaient conclu néga- tivement, faute sans doute d’une méthode de recherche assez sensible, mais tellement au-dessous, d'autre part, de celles qui avaient été indiquées par Wurzer, Millon, Hannon, Burin du Buisson, etc., qu'il est nécessaire d'admettre, dans les expé- riences de ces derniers, des causes d'erreur importantes, comme l'introduction de manganèse par les réactifs ou l'emploi de procédés de dosage tout à fait défectueux. Riche s’est assuré que le bioxyde de plomb, vendu pur à cette époque, par les divers fabricants, contenait du manganèse et donnait encore une coloration rose faible, même après plusieurs lavages à l'acide azotique. C’est Le réactif qui avait été employé par Pollacei. 1022 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR Aussi Riche termine-t-il son mémoire en écrivant que le manganèse n'existe pas dans le sang « par une loi physiolo- gique, qu'il n'en est pas un des facteurs indispensables, mais un principe accidentel, étranger; qu’il ne concourt pas, comme le fer, à la production du globule sanguin, c'est-à-dire de l'élément organique principal; qu'il n’y a pas de chloroanémie produite par le manque de manganèse et même qu'il est loin d'être démontré, comme on l’affirme dans beaucoup d'ouvrages de médecine, que le manganèse puisse être employé avec succès en thérapeutique comme un succédané ou un adjuvant du fer. » Cette manière de voir fut également partagée par Maumené, à la suite des recherches qu'il a publiées en 1884, sur l’exis- tence du manganèse dans les animaux et les plantes et sur son rôle dans la vie animale (1). « Le sang, écrit-il, n’en renferme pas toujours, on le sait; nous avons examiné le sang d’une femme en couches; ni le caillot, ni le sérum de 100 grammes ne nous en ont donné trace... On doit considérer le manga- nèse comme un accident parmi nos éléments constitutifs; nous le rejetons nettement du liquide vital, etc. « La médecine doit renoncer à l'emploi du manganèse comme succédané du fer... Le manganèse est un intrus dont le sang peut tolérer des traces, mais les rejette sans cesse, parce que le métal deviendrait nuisible s’il parvenait à s’y accumuler ou seulement à s'y maintenir. » Tel était l’état de la question du manganèse du sang lorsque nous avons été conduit à nous en occuper. Une lecture atten- tive des travaux analysés ci-dessus, une connaissance particu- lière des méthodes de recherche et de dosage du manganèse acquise dans des études antérieures, enfin et surtout une série d'expériences de contrôle, nous ont fait supposer que cette question importante n'était pas résolue. Si l’on examine, par exemple, les travaux de Riche, c’est-à-dire ceux qui offrent le plus de garantie, on est frappé, à la lecture, par ce résultat singulier que la proportion de manganèse trouvée dans un même sang, bœuf ou mouton, est d'autant plus petite que le (1) Comptes rendus de l'Acad. des sciences, t. XCVITT, p. 1416 (1884). RECHERCHES SUR LE MANGANÈSE NORMAL DU SANG 1023 dosage porte sur une plus grande quantité de liquide. IT y a [à au moins la présomption d’une erreur systématique, due sans doute à ce que les poids de sesquioxydes pesés sont très petits, d'un ordre de grandeur voisin de la limite de sensibilité de la balance utilisée pour ces dosages. Riche s’est servi, comme on l’a vu, du carbonate de baryum pour séparer le manganèse et le fer. Cetle méthode ne convient pas, d’après nos expériences, lorsqu'il s'agit de retrouver et de doser seulement de très petites quantilés de manganèse en présence de quantités notables de fer : le premier métal est précipité en partie avec le second. Nous avons fait nos expériences de contrôle avec le sulfate de manganèse et l’alun de fer ammoniacal utilisés par l’un de nous dans des recherches antérieures (1) et du carbonate de baryum que nous avons préparé bien exempt de carbonate alcalin en traitant une solution de baryte recristallisée par un courant de gaz carbonique. Le précipité a été lavé cinq fois à l’eau chaude, à l’aide de la centrifuge. Cinq grammes d’alun de fer dans une première expérience, 10 dans une seconde, ont été dissous dans 100 cent. cubes d’eau, additionnés de 0 milligr. 050 de manganèse à l’état de sulfate et, peu à peu, de carbonate de baryum, en agitant souvent, jusqu'à ce que le liquide soit décoloré. On a laissé déposer. Après vingt-quatre heures, le liquide séparé par centrifugation el débarrassé de baryum par l’acide sulfurique pur ne contenait que 0 milligr. 015 de manganèse dans la première expérience et 0 milligr. 012 dans la seconde, le métal étant dosé à l'état d'acide permanganique, comme on le verra plus loin. Une expérience témoin, effectuée en même temps, avec 10 grammes d'alun de fer seul, n'a pas donné trace de manganèse. Riche a fait une expérience de contrôle analogue à la nôtre, avec une plus grande quantité de manganèse, mais il l’a inter- prétée dans un sens contraire, bien qu’elle ait fourni, au fond, le même résultat. Ayant pris 0 gr. 200 de fer et une liqueur titrée correspondant à 0 milligr. 500 de manganèse, il a obtenu par la pile « une coloration rose très accusée » ; or, on peut lire, dans la description de sa méthode, qu'une solution de (1) Annales de l'Instilut Pasteur, t, XXVI, p. 241 et 515 (1912). 102% ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR 0 milligr. 013 de Mn‘0' donne « une coloration rose très nette », qu'une solution en renfermant 0 milligr. 200 fournit un dépôt de bioxyde « non douteux », et, enfin, qu'avec 0 milligr. 500 le dépôt « est très net » (1). En supposant que le sel de fer employé par Riche n'ait pas contenu de manganèse, il y avait donc une perte notable du métal recherché. Malgré ce défaut de la méthode, il faut supposer, pour expliquer les résultats obtenus par Riche avec le sang, que ses pertes en manganèse étaient compensées et au delà par quelque cause d'erreur de sens opposé. Plusieurs des auteurs qui, avant Riche, avaient signalé la présence du manganèse dans le sang, s'étaient servi, pour précipiter le fer, du succinate d'ammonium. Nous avons reconnu que ce réactif ne saurait, guère mieux que le carbonate de baryum, être employé pour séparer des traces de manganèse dans un liquide contenant du fer. Le succinate dont nous nous sommes servi a été préparé en saturant par l’ammoniaque pure, jusqu'à réaction presque neutre à l'hélianthine, une solution d'acide succinique purifié antérieurement (2). Nous avons pris, dans une première expérience, 5 grammes d'alun de fer et O0 milligr. 050 de manganèse; la précipitation a été faite avec trois grammes d'acide succinique à l’état de sel ammoniacal. Nous avons retrouvé seulement dans le liquide séparé par centrifugation, évaporé à sec et calciné, 0 milligr. 025 de Mn. Une seconde expérience, avec un poids double d’alun de fer et aussi, par conséquent, d’acide succinique, nous à permis de retrouver également 0 milligr. 025 de manganèse. Enfin, dans une expérience témoin, avec 10 grammes d’alun de fer et 7 grammes de réactif précipitant, sans addition de man- ganèse, nous n'avons pas eu, comme il fallait s'y attendre, trace de ce dernier métal. (1) Nous avons soumis à une série de vérifications la méthode électroly- tique de Riche, en nous plaçant au point de vue de la recherche et du dosage de très petites quantités de manganèse. Nous avons fait varier la nature du courant, opéré en présence d'acide sulfurique, seul ou additionné de sulfate alcalin, de traces de platine, etc. Nous n'avons jamais pu atteindre la limite de sensibilité indiquée par l'auteur. Les résultats décrits par Riche se vérifient très bien, au contraire, lorsqu'on utilise des solutions dix fois plus concentrées. 2) Annales de l'Institut Pasteur, 1. XXVI, p. 241 et 515 (1912). RECHERCHES SUR LE MANGANÈSE NORMAL DU SANG 1025 Nous n'approfondirons pas les causes d'erreur qui ont pu intervenir dans les autres recherches : à l'apport de manganèse par le courant de chlore gazeux, déjà invoqué par Melsens contre les résultats de Millon; ou par le bioxyde de plomb préparé aulrefois, comme l’a montré Riche, il suffit d'ajouter celui dû à la plupart des autres réactifs pour expliquer, au moins en partie, les teneurs en manganèse auxquelles sont arrivés certains expérimentateurs. D'autre part, Riche n'a pro- bablement pas perdu beaucoup de métal ; or, il n’en a trouvé qu'une proportion inférieure à 2 milligrammes par litre. Il est possible, si cette proportion existe réellement, que Melsens, Glénard et ceux qui n'ont pas reconnu la présence du manga- nèse, ont employé des réactions trop peu sensibles. Mais il n’est pas même certain, en définitive, que la petite proportion de métal dosée par Riche dans le sang ne soit pas due à ce que les causes de gain aient dépassé les causes de perte. Il était donc nécessaire de reprendre la question à l’aide d’une méthode à l'abri des critiques énumérées plus haut. Voici la description de celle que nous avons suivie : Le sang est recueilli, au sortir de la veine, soit directement dans une capsule de platine, soit dans un flacon spécialement nettoyé et renfermant, dans le cas où le sang n'est pas immé- diatement soumis à l’analyse, une quantité d’oxalate d'ammo- nium pur en poudre correspondant à environ un millième du poids de liquide, pour éviter la coagulation. L'échantillon de sang, pesé dans la capsule de platine de erande dimension, est évaporé à sec dans une étuve puis cal- ciné au four à moufle, à la température la plus basse possible. A partir de ce moment, on suit exactement les indications qui ont été données par l’un de nous pour la recherche et le dosage de très petites quantités de manganèse dans les matières orga- niques (1) : sulfatation, reprises successives des cendres par les acides chlorhydriques et sulfurique, chauffage final pour chasser les dernières traces de gaz chlorhydrique et décom- poser les sels de platine. On dissout le résidu dans l'acide nitrique étendu de trois fois son volume d’eau, en chauffant un peu, et l’on décante dans un 1) GagriEL BerrrAnD, Bull. Soc. Chim., 4° série, t. IX, p. 361 (1911). 1026 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR tube jaugé. On ajoute un gramme de phosphate monopotas- sique (1), trois ou quatre gouttes de nitrate d'argent au dixième et l’on complète le volume marqué par le trait de jauge. On se place dans de bonnes conditions de concentra- tion en opérant sur environ 100 grammes de sang et en ame- nant la solution acide des cendres à 10 cent. cubes. Si l’on opère à une concentration notablement plus élevée, par exemple quatre à cinq fois et davantage, la richesse saline gêne la transformation du manganèse en acide permanganique (2) et le dosage devient inexact. Il peut même arriver, avec une concentration finale très forte, que le manganèse passe inaperçu s'il est en minime proportion. La dilution avec un ou deux volumes d'acide nitrique au quart permet, dans ce cas, de faire réapparaître la réaction du manganèse. S'il arrivait, pour une cause ou pour une autre, dont la prin- cipale est la présence de platine, que la solution acide des cendres ne soit pas limpide, il ne faudrait pas filtrer, mais simplement laisser déposer jusqu'au lendemain, puis décanter dans un autre tube, où l'on effectuerait le dosage sans avoir à changer le volume de la solution décantée. À cause du fer et malgré la présence du phosphate acide de potassium, la solution des cendres du sang n’est pas tout à fait incolore, mais faiblement teintée de jaune. Au lieu de la chauffer lentement après addition de persulfate de potas- sium, il nous a semblé préférable de la porter d’abord à l’ébul- lition, puis d’y faire tomber le réactif oxydant : l'acide permanganique se forme alors d'une manière très rapide et le virage, jamais très intense dans le cas du sang, devient plus facile à saisir. Enfin, la coloration jaune du fer, surtout sensible à chaud, masquant en partie le rose permanganique, il est indispen- sable, pour obtenir des dosages colorimétriques aussi exacts que possible, d'opérer les comparaisons avec des liqueurs titrées de sulfale de manganèse additionnées d’une proportion conve- nable d'alun, de fer et de phosphate de potassium. Nous avons pris les précautions les plus minutieuses, au (4) GaBriEL BERTRAND, Bull. Soc. Chim., 4° série, L. 11, note page 496. (2) Il en est de même, comme nous l'avons reconnu, lorsqu'on se sert de la méthode d'oxydation électrolytique. RECHERCHES SUR LE MANGANÈSE NORMAL DU SANG 1027 cours de nos recherches, pour éviter les contaminations par des substances manganésifères : le matériel a été lavé autant de fois qu'il a fallu à l'acide chlorhydrique concentré et chaud; nous avons fait attention à ce que des poussières, comme celles de rouille, provenant des fourneaux, ne puissent tomber dans les capsules ; enfin, tous les réactifs ont été purifiés au point de ne donner aucune trace de réaction du manganèse, même en opérant sur des quantités 10 à 50 fois plus grandes que celles mises en usage dans une seule expérience. Les expériences de contrôle suivantes donneront une idée de la valeur de la méthode employée. Nous avons d'abord incinéré 25 grammes de saccharose pur en présence de 0 gr. 500 de chlorure de sodium pur et d’une très petite quantité de sulfate de manganèse. Nous avons pu retrouver dans les cendres exactement la première fois les 0 milligr. 100 et la seconde fois les 0 milligr. 010 de manga- nèse que nous avions introduits. En nous servant de sang de bœuf, dans lequel, on le verra plus loin, on ne trouve pas de manganèse lorsqu'on opère dans les conditions où nous nous sommes placés, 100 grammes de sang seul ont fourni des cendres dont la solution acide, faible- ment teintée de jaune, ne virait pas par le persulfate de potas- sium, tandis qu'après addition de 0 milligr. 050 de manganèse à l’état de sulfate, avant l’incinération, le virage correspondait à 0 milligr. 047 de métal introduit. Voici maintenant, rassemblés en un tableau, les résultats que nous avons obtenus (voir page suivante). Lorsque nous n'avons pas trouvé de manganèse, nous nous sommes assurés que cela n'était pas dû à quelque circonstance empêchante, en ajoutant O0 milligr. 005 de man- ganèse à l'essai et en recommencçant l'oxydation par le per- sulfate : il y a toujours eu alors formation d'une quantité appréciable d’ acide permanganique et virage net de la liqueur. Nous pensons que s'il y avait eu 0 milligr. 003 de manga- nèse dans l'échantillon de sang analysé nous aurions déjà eu une réaction positive ; c'est pourquoi, dans le tableau, les résultats négatifs sont exprimés par une limite. 1028 ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR ORIGINE POIDS POIDS DE MANGANÈSE, EN MILLIGRAMME, TROUVÉ du du RE CE NU sang. sang analysé. dans l'échantillon. dans un litre de sang. Homme 50 gr. 0,000 c.-à-d.< 0,002 0,00 c.-à-d.< 0,02 (mélange de 13 gr. Id. Id. plusieurs sangs.) 100 gr. 0,002 0,02 Mouton. 100 gr. 0,006 0,06 Cheval. 80 gr. 0,002 0,02 — 100 gr 0,002 0,02 Bœuf. 100 gr. 0,000 c.-à-d.<< 0,002 0,00 c.-à-d.< 0,02 — 100 gr. Id. : Id. Porc. 100 gr 0,002 0,02 —— 100 gr. 0,000 c.-à-d. (MémDratchinski) L V € s Le . A L on ” | "» | 4 à + : LA | ( >. L 7e 'U | L L) _ E | 7 N2 Cd | L Lu M L] f, EN % L | pa 1 | " : AL +. | À À : d ” De LS mn me # NON ERNEST da \ J = Smet rs N CS ; } à [I * Ses Se pr R L M e é L hi} : , | Ve ELA à bu, ! \ en 4 4 « # « LL Lu t \ 1 | L'art Tas a EN en M n Ve re nr af L Yves: à € v #2 (L re, 00 CC] ! D “ LI e D af CERTES ns ar mp. L. Lafontsine Vol.XXVT. PI VIT. Ne RP CVS 05e: hp? û LEA eo + LoePreaates "à Te cal ocs S © Ft « £ rit nd de x 4 a V. Roussel litk Împ Z. Lafontaine APM. Y (Mém.Dratchinski) “mi A ol. XX 24 \ V Annales de l’Institut Pasteur /mp L. Lafontaine V. Roussel litk >4 Lan ie) A ri FR & ne À ne | sé = — Annales de l’Institut Pasteur ° \8c0e060:, 0 . 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(Mëm Salimbem et Gery:) : de l'Institut Pasteur Annale V: Roussel lith. tin del Constan ne Annales de l'Institut Pasteur a UMém Salinbent st Gary} AA AUTAIS / ji Ü ' ACTE \ Al HAULIPES tn 11 Constantin del. Eng. Lafontaine V. Roussel ith. ve LA: PP. vert U : ; A EN” È 1 mn RD : . 1 <+ e.. JC Pa eo Foi) ne et, AS " y vp + BR 2 ne * - | : , er NE : = | ! DL. "TAC | . se : : : | l £ L \ L2 + Es =. LÉ = L É % : LI ; LA À Lu L 1 * 2 + LE ñ Len , l v ca _ me À # 6 L Fr +. r 4 + { | D y J à + ë + ® . + 3 un 2 . , = + 4 È e £ : , . L Po. = RTE + #1 Tr MTL vu | ENT Rp ex PS2 Pr Le x De ee dre et Tr TS Et) TT . j NE | ne LATE ” LS MN 4 JÙ rate pin Borde, DT Soi ro) . N û 4 ñ rs OO IUT 2 A à Lb NE" L 1'r a = Le ÿ 0 Peu CAT REP PORT SES NS AR TE Loue Le: 40 PT ETS) NN ” À d'Eèr Se 0, 2 te D 7 Annales de l'Institut Pasteur. Vol. X XVI. PI XVIL. (Mem..Bridre Nègre et Trouette) ant Ô he te us @® » ec 7 » CRE r 2 F. V Roussel del. et lith imp L.Lsfortaine Paris. Annales de l'Institut Pasteur. Vol.XXVIL PILXVIIT. (Mern. Metchnikoff &Wollnan ) Timp.L.Latfontaine, Paris Annales de l'Institut Pasteur. Vol. XX VI PLXIX. (Mém. Lafont, TT ñ oussel Jith. C.Constantin del. ÿ Trp.Llafontaire, Paris, Annales de l'Institul P Constsntin del. 1. asteuTr. fnp.L. Lafontaine Paris Vol.XXVL.PIL.XX. V Roussel hth. Annales de l'Institut Pasteur. VO RE MVEP IEEE (Mém. H. Carré.) D Œil droit. Fig2; Œi gauche. Fr. Fungen del. Photochromie: Art. Institut Orell Füssli, Zürich. 6 " je Mineur, Le ] | 1 ! DE | | 4 CDs! A Fr Site " 24 Se LOT D. SAN ‘ ST EN | ; f i | * fra à | À FANS aie | 4 l (# | | ! f N (| "a ï D j QE ne” lAP Ven r A ; L j RAP LA i L [re QE, 1 _ | ETUI er | | Tan es | | h 1 F TON Ê ÿ L À 4 \ ; l NT PE ; 1 L ÿ 1 à MSN t Li tx l'IE {: { 12" 0 à à a f 0 " f | à ï AA + Bb, ALAN ANS | de te RUE sde ll CN d CLR & a NL à | da A { L L à M'ACTLT n'es Annales de l'Institut Pasteur. VO VI PI OI (Mém. H. Carré.) Œil droit. E Foie Œïi gauche. D Fr. Fungen del. Photochromie: Art. Institut Orell Fussli, Zürich. Annales de l'Institut Pasteur. VOIR IEEE (Mém. H. Carré.) D Œiül droit. Æ D Œil gauche. fr. Fungen del. Photochromie : Art. Institut Orell Füssli, Zürich. Vol. XXVI.PLXXIV. Annsles de l'Institut Pasteur {[Mém.Menouélianl Fmp.L'Lafontaine Paris Jonstantin del, & hith RS OS SSL D Se me mas MD de ee me mu nl RS 2 a — F EE Er pe Re CERN Lei Re à 2 LE CPE ra te Annales de l'Institut Pasteur. Vol.XXVI PL XXW (Mém.Manouéhan) C-Constantin del. & lith Imp..Lafontaine Paris OR CE EE SEE = = EE = a ETS RE en en ne ANNALES DE L'INSTITUT PASTEUR FONDÉES SOUS LE PATRONAGE DE M. PASTEUR PAR E. DUCLAUX COMITÉ DE RÉDACTION D: CALMETTE, directeur de l’Institut Pasteur de Lille ; D: CHANTEMESSE, professeur à la Faculté de Médecine; D: LAVERAN, membre de l'Institut de France ; D: L. MARTIN, directeur du service de Sérothérapie ; Pr METCHNIKOFF, sous-directeur de l'Institut Pasteur ; D' ROUX, directeur de l’Institut Pasteur ; ; D: VAILLARD, membre de l'Académie de médecine. TOME VINGT-SIXIÈME 1912 AVEC VINGT-CINQ PLANCHES PARIS MASSON ET C' ÉDITEURS LIBRAIRES DE L'ACADÉMIE DE MÉDECINE 120, Boulevard Saint-Germain (6°). a _— A LA MÊME LIBRAIRIE BULLETIN DE L'INSTITUT PASTEUR. — Revue et analyses des travaux de bactériologie, méderine, biologie générale, physiologie, chimie biologique à dans leurs rapports avec la microbiologie. Comité de rédaction : Gab.BERTRAND, À. BesrEDKA, A. BoRREL, C. DELEZENNE, A. MARIE, F. Mesniz, de l’Institut Pasteur : de. Paris. Prix de l'abonnement : Paris, Seine et Seine-et-Oise, 24 francs; Départements, 25 fr.; Union postale, 26 francs. : Techniques du diagnostic par Ia méthode de déviation du Complément, par le Dr P.-F. Aruano-DeziLe. 1 vol. in-8 de vi-200 pages, avec 25 figures » dans le texte et une planche hors texte en couleurs, cartonné toile. . 5fr. Nouveau Traité de Pathologie sénérslé: publié par Ch. BOucHARD, pro- fesseur honoraire de pathologie générale à la Faculté de médecine, membré. de l’Académie des sciences et de l'Académie de médecine, et G.-H. RoGER, | professeur de pathologie expérimentale à la Faculté de médecine, membre de l’Académie de médecine, médecin de l'Hôtel-Dieu. 4 volumes gr. in-8, avec figures dans le texte. Relié toile. En PR jusqu'à l'apparition du Tome IL. ia po (fe Nos à se AN, ONE UE 88fr. Vient de paraître : Ë ‘Tome L. ss vol. gr. in- 8, de xu-910 pages, avec 56 figures dans le texte. Relié toile. : . : : . . HET ir 22 fr. Nouvelle Pratique médico-chirurgicale illustrée : Chirurgie, Médecine, | Obstétrique, Thérapeutique, Dermatologie, Psychiatrie, Oculistique, Oto- - Rhino-Laryngologie, Odontologie, Médecine militaire, Médecine légale, Acci- « dents du travail, Bactériologie clinique, Hygiène, Puériculture, Médications, Régimes, Agents physiques, Formulaire. Directeurs : E. BrissAuD, À. PINARD, à P. Reczus, professeur à la Faculté de Médecine de Paris. Secrétaire géné- ral : Henry Meice. La Nouvelle pratique médico-chirurgicale illustrée forme 8 volumes gr. in-8°, reliés maroquin rouge, tète dorée, dos plat, fers spéciaux, - comprenant un ensemble de 8000 pages avec 2218 figures dans le texte et - 15 planches hors texte en noir et en couleurs. Prix de l'ouvrage complet. 176 fr. Trypanosomes et Trypanosomiases, par A. LAvERAx, professeur à l'Institut Pasteur, membre de l’Institut et de l’Académie de médecine, et F. MEsniz, … professeur à l'Institut Pasteur. Deuxième édition entièrement refondue. 1 vol. gr. in-8, de vir-1000 pages, avec 198 figures dans le texte, et une planche hors tente en Coeurs 2. 1 PT Ru TP NS ee su 25 fr. Moustiques et Maladies infectieuses : Guide pratique pour l'étude des … moustiques, par les D'S Enmono et Etienne Sercenr, de l’Institut Pasteur de . Paris, avec une préface de E. Roux, membre de l'Institut, 2° édition. 1 vol. petit in-8, de l'Encyclopédie des Aide-Mémoire, avec 43 figures. Broché, , 2 fr 0: Cartonné Toiles: Jr) ATTEND SCA TE PRES 3 fr. Précis de Microbiologie clinique, par F. Bezancox, professeur agrégé à la in de médecine de Paris, médecin de l'hôpital Tenon. 2e édition, refondue. 1 vol. in-8 de la Collection de Précis Médicaux, de 540 pages, avec 148 figures dans le texte, cartonné toile souple. . . . . .. LEE PA ES 9-fr. Paris. — L. MARETHEUX, imprimeur, {, rue Cassette. EX Na A) e'ele sie d'eisie 1/2 6slsr0isitie MALO 20172277 11$/vr/etelbleterele 6 | sut V'oltiairisisle Prirpleis srelels tin t'olrishesielele Pitrrittelrtetaiele te tele PHEPrerie tels terre Vitale slettiue vsieiutie LAULE DER NI TEEN Dee] . + 4e MAI : tre aréletaleielris te t'obeloisieleisleiehe d'érglalotse : + tléiqieièle trie Siriolelelelele viebelg LA ji