CS ANNALES DE L’UNIVERSITÉ DE LYON TOME DEUXIÈME — !«'■ FASCICULE RECHERCHES ANATOMIQUES ET EXPÉRIMENTALES SUR LA MÉTAMORPHOSE DES AMPHIBIENS ANOURES PAR E. BATAILLON DOCTEUR ÈS SCIEN«ÈS PRÉPARATEUR DE ZOOLOGIE A LA FACULTÉ DES SCIENCES DE LYON Avec 6 Planches hors texte G. MASSON, ÉDITEUR LIBRAIRE DE L^AGADÉMIE DE MÉDECINE 120, BOULEVARD SAINT-GERMAIN 1891 ANNALES DE L’UNIVERSITÉ DE LYON TOME SECOND (Fascicule l"") s , ^Cjf. Les Annales de l’Université de Lyon parais- sent par monographies, publiées et mises en vente séparément. Quelques monographies formeront un tome complet. U autres, de moindre étendue, pourront être reliées en volumes d’après un classement qui aura pour but de réunir autant que possible des mémoires appartenant à une même série de travaux. Le prix des volumes complets et l’époque de leur achèvement varieront donc d’après les ma- tières qui les composent. ANNALES DE L'UNIVERSITÉ DE LYDN TOME DEUXIÈME — FASCICULE RECHERCHES ANATOMIQUES ET EXPÉRIMENTALES SUR LA MÉTAMORPHOSE AMPHIBIENS ANOURES PAR . BATAILLON DOCTEUR ÈS SCIENCE» PRÉPARATEUR DE ZOOLOGIE A LA FACULTÉ DES SCIENCES DE LYON Avec 6 Planches hors texte G. MASSON, ÉDITEUR LIBRAIRE DE lAcADÉMIE DE MÉDECINE 120, BOULEVARD SAINT-GERMAIN 1891 RECHERCHES ANATOMIQUES ET EXPÉRIMENTALES SLR LA MÉTAMORPHOSE DES AMPHIBIENS ANOURES DÉLIMITATION DU SUJET Les résultats généraux auxquels nous ont conduit ces recherches vont nous permettre de tracer notre cadre en définissant ce que nous comprenons par le terme métamorphose chez les Anoures. Les savants qui se sont occupés de ce sujet n’ont pu préciser ce point particulier, parce qu’ils n’ont point cherché à pénétrer la nature physiologique du phénomène. Barfurth (4), dans ses travaux récents, semble placer la fin de cette période à la sortie des mem- bres antérieurs. Loos (31), qui a touché à la question plus récem- ment encore, reporte cette limite à la résorption complète de la queue. Cette dernière opinion concorderait mieux avec les faits que nous avons observés. Mais la dégénérescence caudale et les phéno- mènes fondamentaux de la métamorphose n’ont, pour le cas, que des rapports de concomitance. Ainsi, bien que la larve puisse vivre, et vive habituellement dans l’eau jusqu’à disparition totale de la queue, elle peut, plusieurs jours auparavant, s’accommoder très bien de la vie plutôt terrestre de l’adulte, et perdre graduellement, à l’air humide, les restes de son appendice. Pour les débuts, la limite est encore plus difficile à tracer. L’idée que l’on se fait le plus volontiers de la métamorphose, dans le cas qui nous intéresse, est celle d’un passage du stade pisci- UNIVF.RSITÉ DE LYON. — II. A. 1 2 MÉTAMORPHOSE DES AM.PHIBIENS ANOURES forme au stade amphibien proprement dit, de la forme allongée et de l’organisation particulière nécessitées par la locomotion et la respiration dans l’eau à la forme ramassée qui caractérise l’adulte dont la vie est plutôt aérienne. Or, pendant une période très longue comprise dans le stade pisciforme, il y a coexistence de la respira- tion pulmonaire et de la respiration branchiale : cette période peut même être allongée par des conditions spéciales, artificielles ou naturelles, comme l’hibernation. D’autre part, lorsque l’animal muni de ses quatre pattes ne présente plus qu’un rudiment de queue de quelques millimètres, il offre en tout l’allure de l’adulte, et pourtant la respiration branchiale persiste encore. La méthode de recherches que nous avons adoptée semble résoudre ces difficultés. Elle nous a permis en effet : 1° de rapporter tous les phénomènes histolytiques qui caractérisent cette transfor- mation larvaire à des modifications dans les fonctions de nutrition ; 2° de rattacher ces modifications elles-mêmes à des faits anatomi- ques qui relèvent de l’évolution normale. De l’exposé qui va suivre, nous pourrons donc tirer une défini- tion physiologique de la métamorphose chez les Anoures. C’est à cette définition que nous emprunterons provisoirement des limites, et nous dirons que la période en question s’étend de la phase de sortie des membres antérieurs, à la régression complète de la queue et des branchies ^ Le plan de ce travail est des plus simples. 11 comprend une partie spéciale ayant un double objet : La série des faits d’observation concernant la respiration et la circulation. 1. Le mot métamorphose, dans le groupe qui nous occupe, a été souvent employé dans un sens plus large. Il représenterait, suivant beaucoup de zoologistes, toutes les modifications morphologiques qui marquent la période larvaire : dévelop- pement du repli cutané qui constitue le passage du stade des branchies libres au stade des branchies recouvertes, développement des membres postérieurs, dévelop- pement des membres antérieurs et transformation finale. La plupart de ces modifi- cations pouvant être considérées comme les étapes successives d’une évolution nor- male, il nous semblerait préférable de réserver le mot pourj le changement fondamental et définitif, lié à des conditions physiologiques spéciales, qui conduit de la larve aquatique à un adulte terrestre. DÉLIMITATION DU SUJET 3 2" Les phénomènes histolytiques qui caractérisent la métamor- phose. Dans une troisième division (partie expérimentale et géné- rale), nous examinerons les différentes hypothèses récemment émises pour expliquer les phénomènes curieux qui nous occupent, puis, l’expérimentation venant coordonner les deux ordres de faits établis dans la partie spéciale, nous tâcherons d’émettre une interprétation nouvelle. En somme, nous avons tenté d’expliquer physiologiquement des faits d’évolution très complexes et sur les- quels on n’a pas fourni jusqu’ici de données scientifiques satisfai- santes. Nous osons espérer que notre interprétation présentera quelque intérêt par les considérations générales qu’elle peut sug- gérer. La diversité des points qu’embrasse ce sujet rendait impossible un historique général : car nous avons jugé inutile de rechercher, dans la bibliographie ancienne, des données fondamentales qui ne sont point en cause. Chaque question spéciale nous fournira l’oc- casion d’indiquer les travaux de nos devanciers, et de leur faire la grande part à laquelle ils ont droit. Nous sommes heureux de pouvoir placer en tête de notre travail Je nom de notre excellent maître, M. le professeur Sicard, dont les conseils et les encouragements affectueux nous ont été du plus grand secours. Nous le prions de vouloir bien accepter ce faible témoignage de reconnaissance, pour les nombreuses marques de bienveillance qu’il nous a prodiguées depuis le jour où il nous accueillit dans son laboratoire. CHAPITRE PREMIER LA RESPIRATION ET LA CIRCULATION PENDANT LA MÉTAMORPHOSE Le type qui nous a paru le plus favorable pour ce genre d’études est le crapaud accoucheur [Alytes obstetricans)\ d’abord, parce que l’orifice expirateur de la larve (spir acutum) est ventral et médian, tandis que chez les autres types sur lesquels nous pouvions opérer, il est latéral; ensuite, parce que les larves d’Alytes sont assez volumineuses. Un coup d’œil rapide sur les modifications extérieures nous fournira des indications desquelles nous aurons à tirer profit dans la suite. Avant la sortie des pattes antérieures, les larves s’agitent régulièrement dans leur aquarium. De temps en temps, elles viennent à la surface pour faire provision d’air. Elles projettent hors de l’eau, non seulement les orifices nasaux, mais aussi la bouche. Nos observations nous portent même à croire que c’est parla bouche qu’elles aspirent l’air pour l’emmagasiner. Le fait est difficile à saisir avec exactitude. Mais l’examen d’un autre type d’ Anoures, Bufo vulgaris^ fournit des données plus nettes. Lorsque les larves de crapaud sont réunies en grande quantité dans un bassin de petites dimensions, on les voit venir à la surface portant en avant et un peu obliquement leur face ventrale. Elles arrivent donc à l’air en quelque sorte couchées sur le dos. Les orifices nasaux restant sous l’eau, le bec corné fonctionne à la façon d’une ventouse pour prendre de l’air et en rejeter pendant un temps 6 MÉTAMORPHOSE DES AMPHIBIENS ANOURES assez long. Mais revenons aux larves d’Alytes. Si T eau est suffi- samment aérée, c’est un simple mouvement de va-et-vient très rapide; dans le cas contraire, les larves restent davantage à la surface. Que devient la provision d’air? Il suffit d’ouvrir la cavité du corps pour constater que les poumons fonctionnent déjà. Nous allons voir que, lorsque l’animal plonge, il agit sur cette réserve gazeuse. En effet, dès qu’il quitte la surface, il rejette par la bouche un certain nombre de bulles. Souvent, arrivé au milieu de son trajet, il se débarrasse encore d’une partie de sa provision, et il semble que cette nouvelle émission soit nécessaire pour qu’il puisse gagner le fond. Là, il n’est pas rare de le voir encore soulevé et obligé, pour se maintenir, d’abandonner une bonne partie de son air. Après un séjour de quelques minutes au fond du bassin, la larve retourne à la surface, et, au moment de l’atteindre, se débar- rasse complètement pour faire une réserve nouvelle. Il suit de là que, pendant une période très longue, alors que la respiration branchiale est en pleine activité, la respiration aérienne existe déjà. Ajoutons que les poumons semblent jouer un double rôle : celui de système respiratoire compensateur, et celui d’appareil hydrostatique. Les pattes antérieures font leur apparition lorsque les membres postérieurs sont parfaitement développés. On constate qu’il reste, en avant d’elles, à la cavité branchiale, deux ouvertures en forme de boutonnières. Schneider (44) indique ces ouvertures chez la grenouille rousse, sans s’occuper de l’importance qu’elles peuvent avoir et qui est grande, comme nous le reconnaîtrons plus tard; et, précisément parce qu’il s’adresse à un type dont le spiraculum est latéral, il commet une inexactitude en disant que ces orifices remplacent le spiraculum disparu. Si, à la sortie des pattes, le spiraculum latéral de la grenouille disjjarait., ou mieux, se confond avec le nouvel orifice du côté gauche , il n’en est pas de même chez l’Alyte à spiraculum médian : cet orifice impair existe en effet, comme RESPIRATION ET CIRCULATION 7 nous pourrons nous en assurer, jusqu’à la fin de la métamorphose. Il y a donc, à partir d’un certain moment, coexistence de trois orifices. A partir de ce moment, la queue prend une teinte plus foncée qui se manifeste d’abord à l’extrémité; elle diminue de longueur et disparaît en l’espace de quelques jours. Ce temps varie avec la température. A 22 ou 25 degrés, il peut ne pas dépasser cinq ou six jours. On constate que cette disparition s’effectue sans qu’il y ait sépa- ration de fragments visibles. Il s’agit donc d’une régression plutôt que d’une chute; et ce premier examen conduit l’observateur à rechercher la destinée d’un appareil aussi important. En même temps que se produisent ces modifications, la région de la bouche se transforme totalement. Le mouvement de rotation du suspensorium S qui fait avec les trabécules un angle de plus en plus grand, est accompagné d’un allongement du ptérygoïde et d’un développement en avant du cartilage de Meckel, qui va cons- tituer le maxillaire définitif. Cette évolution particulière du système squelettique est accom- pagnée d’une mue épithéliale partielle qui entraîne la chute du bec corné et l’élargissement de l’ouverture buccale, à mesure que s’accentue le mouvement de rotation du cartilage carré. A ce stade, la larve a pris la forme ramassée qui caractérise l’adulte; ses membres sont bien développés ; elle cherche l’air et meurt bientôt si on la laisse dans le milieu aquatique. I. — LA RESPIRATION 1° Évolution du rythme. — Si l’on observe des têtards d’Alytes ou de grenouilles au moment où apparaissent les orifices latéraux qui vont livrer passage aux pattes antérieures, on assiste à un 1. Voir: W. K.-Parker : On the structure and development of the Skull of tlie Gommon Frog (Phil. Trans. CLXI, 1871). 2° On the structure, etc... id... of Batrachia (Phil-Trans. CLXVI. Part. 2. 1876). 8 MÉTAMORPHOSE DES AMPIIIBIENS ANOURES fait très marqué et très constant : c’est l’accélération du rythme respiratoire. Cette modification, se produisant juste au début d'une Fig. 1. — Modifications des rythmes respiratoire et cardiaque : A, avant la sortie lies pattes antérieures ; n, respiration normale ; c s, respiration après produc- tion artificielle de spiracula complémentaires ; B, C, D,E, stades successifs de la métamorphose: n, respiration normale; se, spiracula élargis; c, rythme cardiaque ; T, lignes du temps (secondes). période caractérisée par des phénomènes anatomiques si remar- (piables, devait fixer notre attention, et c’est là l'origine de nos RESPIRATION ET CIRCULATION 9 recherches sur les fonctions de nutrition. La numération des mou- vements respiratoires sur des larves suffisamment volumineuses est en somme chose facile : on constate de cette façon que le rythme passe, d’un jour à l’autre, de 65 ou 70 mouvements à la minute, à 120 et même plus. La méthode graphique nous présentait l’avantage de fixer ces données successives en faisant ressortir, mieux même que des chiffres, la modification importante que nous signalons h Le dispositif adopté pour ce genre d’expériences est des plus simples. La larve étant fixée sur le dos au fond d’un vase rempli d’eau, un léger palpeur, appuyé sur le plancher buccal et terminé par un stylet, vient inscrire directement sur le cylindre enregistreur les mouvements respiratoires. Les tracés désignés par les lettres AB CD E, page 8, représentent de haut en bas les modifications du rythme depuis le jour qui précède la sortie des pattes jusqu’à la fin de l’évolution larvaire. Nous n’avons pas à insister sur les détails de ces tracés. En ne tenant compte que des oscillations dont la portion ascendante cor- respond à l’inspiration, la partie descendante à l’expiration, et de la ligne des temps marquant des intervalles d’une seconde, on se rend compte du seul fait sur lequel nous voulions insister, à savoir que le rythme s’accélère nettement à l’apparition des boutonnières expiratrices, pour se ralentir ensuite vers la fin de la métamor- phose. On constate également que les variations inscrites sont sensiblement de même ordre que celles relevées par la simple observation ^ Si, dans la dernière expérience, on enlève rapidement au moyen d’une pipette l’eau dans laquelle est fixée la larve, on assiste à l’ap- 1. Les appareils spéciaux qui nous ont servi pour ces recherches ont été mis obli- geamment à notre disposition par M. le professeur Dubois. Nous sommes heureux de pouvoir lui exprimer ici toute notre gratitude. 2. Notons bien que tous les chiffres que nous donnerons, aussi bien pour la respira- tion que pour la circulation, se rapportent à une température comprise entre les limites étroites et fixes de 18 à 22 degrés. En effet, l’activité des fonctions de nutri- tion diminue rapidement avec la température et augmente avec elle comme le prouve le tableau ci-dessous. ' Ce tableau représente les modifications subies par le rythme respiratoire d'une 10 MÉTAMORPHOSE DES AMPHIBIENS ANOURES parition d’un nouveau rythme beaucoup plus rapide, dont les petites oscillations correspondent aux mouvements du plancher buccal brassant l’air comme chez l’adulte (fig. 2). Le rythme aquatique se continue quelque temps avec des pauses légères en expiration ; et prend fin par trois ou quatre forts mouvements inspirateurs. Suit une pause en expiration de 3o à 40 secondes, au début de laquelle on reconnaît encore de légères oscillations rythmées comme celles de la respiration aquatique et qui finissent par s’éteindre. Après trois ou quatre pauses semblables et de plus en plus courtes séparées par les mêmes inspirations énergiques, on voit s’établir subitement le brassage régulier dont nous avons parlé, coupé encore toutes les 8 ou 10 secondes par trois ou quatre mouvements successifs beaucoup plus puissants. Ce fait nous a paru intéressant parce qu’il offre en quelque sorte la reproduction expérimentale d’une transition physiologique à laquelle on assiste lorsque la larve réussit à trouver un point d’appui à la surface de l’eau vers la même époque, c’est-à-dire, à larve d’Alyte soumise à diverses températures comprises entre 2 et 35 degrés. Aces deux points extrêmes, les mouvements ont tellement perdu de leur amplitude qu’ils deviennent imperceptibles à l’œil. La même remarque pourrait rendre compte des variations que l’on observe dans la durée de la métamorphose. Dans la suite de ce travail, il nous sera impossible d’indiquer des stades successifs. La longueur de la queue ne pouvant donner une indication précise, le temps seul serait susceptible de fournir des repères. Or, l’évo- lution peut être ralentie ou accélérée par des causes plus ou moins difficiles à saisir, mais parmi lesquelles on peut placer à coup sûr les variations de tempéra- ture, même de minime importance. INFLUENCE DE l’élévation de T. influence de l’abaissement de T. Temp. Mouv. à la minute. Temp. Mouv. à la minute. 20° 68 200 68 25« 1/2. . 84 140 59 260 1/2. . 86 90 26 280 1/2. . 102 60 ..... 18 310 107 40 16 320 109 30 9 330 110 lo 1/2 . . . . 7 340 112 330 120 Fig. 2. — Passage de la respiration aquatique à la respiration aérienne. — T Lignes des temps (secondes;.— U. Aq. hcspiraliun aquatique. R. Aer. Respiration aérienne. — I Mouvements inspirateurs énergiques séparant des pauses en expiration de 8 à 10 secondes. RESPIRATION ET CIRCULATION H la fin de sa transformation. Nous reviendrons sur ce point à propos des mécanismes respi- ratoires. 2'’ Évolution de la fonction. — Les modifi- cations du rythme nous ont conduit à re- chercher s’il n’y aurait pas aussi des chan- gements dans la fonction. Notre intention était d’ahord de faire cette étude dans des conditions irréprochables au point de vue théorique, avec un appareil comme celui de MM. Jolyet et Regnard, permettant de con- server indéfiniment les qualités de fluide respirahle. Malheureusement, un système aussi compliqué nous a paru présenter des difficultés insurmontahles pour des obser- vations qui doivent être très rapprochées, puisque la période sur laquelle elles portent est relativement courte. Les accidents que l’on évite avec peine et en prenant beau- coup de précautions dans l’installation d’une longue expérience, auraient troublé à chaque instant nos résultats, étant donné que le dis- positif devait être dérangé et remis en fonc- tion une ou deux fois par jour. Nous avons dû nous résoudre à opérer sur des animaux renfermés dans un espace limité. Le réser- voir étant assez grand, la même raison qui rendait impraticable un appareil compliqué atténuait les inconvénients d’un vase clos. En effet, l’eau et l’air étant renouvelés tous le^ jours, nos larves évoluaient régulièrement et sans accident. Dans une première série d’opérations, douze têtards d’Alytes, pesant ensemble 28 gr. 5, étaient enfermés dans un grand i2 MÉTAMORPHOSE DES AMPHIBIENS ANOURES flacon contenant 2 litres d’eau avec une atmosphère de 2 litres d’air. Le flacon portait deux tubulures. Une grosse, médiane, livrait pas- sage à deux tubes de verre : l’un (1) assez fin et ouvert à ses deux extrémités plongeait simplement dans l’eau du réservoir pour assurer le maintien de la pression; l’autre (2) s’ouvrant dans l’at- mosphère intérieure et fermé au dehors par une pince appliquée sur un caoutchouc, servait de prise de gaz, à la fin de l’opéra- tion. La deuxième tubulure, fermée également pendant l’expé- rience, servait à introduire dans l’appareil une quantité déter- minée de mercure, de façon à repousser, par le tube n® 2, une quantité déterminée de gaz. Ce gaz, passant parla série ordinaire de tubes à analyse, laissait son acide carbonique dans un barbotteur de Liebig chargé de potasse, lequel par différence donnait en poids la quantité de gaz fixé. Connaissant, d’une part, la portion d’atmosphère analysée, d’autre part l’atmosphère totale, il était facile de déterminer la quantité totale d’acide carbonique libre. Quant à l’acide carbonique dissous dans l’eau, l’extraction au moyen de la pompe à mercure nous a donné au début quelques résultats ; mais, connaissant la composition de l’atmosphère, il est inutile de faire une double série d’opérations. Un calcul assez simple, dans lequel entrent le coefficient de solubilité, la tempé- rature et la pression, donne rapidement la quantité de gaz dissous connaissant sa proportion dans l’atmosphère supérieure. Après avoir indiqué brièvement notre façon d’opérer, nous ajou- terons que, dans cette première série de recherches, les dosages étaient faits tous les matins à la même heure pendant une période de 14 jours. Aussitôt la prise de gaz ou d’eau effectuée, les larves étaient remises en expérience jusqu’au lendemain dans un milieu soigneu- sement renouvelé. Les principaux résultats obtenus sont indiqués par la courbe A (fig. 3). Le premier point correspond à une période de 24 heures avant la sortie des pattes antérieures. C’est dire qu’au bout de ce temps, pas une larve n’avait une extrémité antérieure libre. Le nombre 142 milligrammes est la moyenne de deux ou RESPIRATION ET CIRCULATION 13 trois opérations préliminaires donnant toujours sensiblement le même résultat. Les larves ayant été convenablement choisies, au bout d’un temps assez court, toutes, sans être exactement au même point (ce qui est impossible), avaient les membres antérieurs en pleine période de sortie Elles étaient aussitôt mises en expérience et, dès lors, les opéra- tions se succédaient régulièrement comme il a été dit tout à l’heure. Le fait le plus saillant de cette courbe, le seul aussi sur lequel nous voulions insister, est l’abaissement considérable que l’on constate dans l’élimination du gaz carbonique à la sortie des pattes, abaissement qui se maintient pour ainsi dire jusqu’à la tin de la métamorphose. Ici, nous avons à noter un accident. Le septième jour, la queue n’existant plus que comme un rudiment de 2 milli- mètres à peine, nous avons trouvé une de nos larves morte, et les autres cherchant vainement à se maintenir à la surface où on avait négligé de leur ménager un appui. Le dosage nous a donné le chiffre énorme de 228 milligrammes. La larve étant remplacée et l’eau presque totalement supprimée, la production est vite retombée à des chiffres plus normaux : 182, 147. Bien que l’évolution pût être considérée comme terminée dès le septième ou le huitième jour, nous avons continué l’opération quelque temps, pour ne constater que des oscillations peu importantes et que nous avons jugé inutile de reproduire sur la courbe. On se rendra compte de la valeur négligeable de ces oscillations par les nombres suivants : 160, 155, 167. Nous n’avons jamais retrouvé, à la fin de la métamorphose, cette ascension extraordinaire de la courbe d’élimination : nous sommes porté à l’attribuer à l’accident dont il vient d'être question. Ainsi, et sans insister davantage sur ces opérations qui se ressemblent toutes, nous donnons un autre tracé que l’on peut considérer comme typique (B). Il a été obtenu avec sept larves d’Alytes pesant ensemble 20 grammes. Ici, chaque opération durait quarante- huit heures. Il est clair qu’à part la modification introduite acciden- tellement dans la courbe A, les deux tracés sont identiques. Pour les deux séries de recherches, nous constatons au début une forte 14 MÉTAMORPHOSE DES AMPHIBIENS ANOURES diminution dans le gaz éliminé; puisque, dans un cas, la quantité primitive est réduite de près de moitié; dans l’autre, déplus de moitié. La courbe se relève ensuite graduellement et se maintient à un niveau supérieur au niveau initial. C’est tout ce que l’on peut tirer de courbes obtenues comme celles que nous donnons. Gomme elles indiquent, en somme, des opérations successives, faites d’une certaine façon, commencées et finies à tel moment, on ne peut leur demander une concordance absolue dans tous les A B Fig. 3. — A. Première courbe représentant les modifications dans la pro- duction d’acide carbonique. B. Deuxième courbe représentant les modifications dans la production d’acide carbonique. Les abscisses indiquant la production, les ordonnées marquent les inter- valles successifs des opérations {24 h. en A, 48 h. en B). détails. Mais elles présentent toutes deux ce fait important et sur lequel toutes nos séries d’opérations sont parfaitement d’accord : qu'à la sortie des membres antérieurs, V élimination de V acide car- bonique subit un ralentissement. Ce point trouvera, du reste, une confirmation expérimentale dans la troisième partie de ce travail. 3" Évolution des mécanismes. — Sur le mécanisme de la respira- tion aquatique pendant toute la période des branchies internes, les indications sont en somme peu abondantes. Pour Wiedersheim (54) , l’eau ne pénètre dans la cavité branchiale chez la larve à'Alytes que par les orifices nasaux. Schneider (44) dit que chez la Gre- RESPIRATION ET CIRCU'LATION 15 nouille rousse, l'eau pénètre à la fois par la bouche et par le nez : et il ajoute que, dans la respiration calme, les muscles externes des orifices nasaux ne fonctionnent pas pour produire l’ouver- ture et l’occlusion. Nous ne pouvons que confirmer la donnée de Wiedersheim, au moins pour la respiration normale : dans un espace confiné, ou lorsque l’inspiration par le nez est gênée expérimentalement, la larve peut prendre de l’eau par la bouche. Le fait indiqué par Schneider ne serait pour nous qu’accidentel. Quant au rôle des muscles externes, il nous a totalement échappé. L’activité de ce système doit être faible pendant la période en question. Du reste, nous allons immédiatement décrire un autre appareil d’occlusion beaucoup plus développé et d’une importance capitale pour inter- préter l’évolution des mécanismes respiratoires. Faisons une coupe transversale de la tête d’une larve à'Alytes au niveau de l’orifice interne des fosses nasales (PI. I, fig. 1 et 2). Nous constatons l’existence, à chaque orifice, d’un double système de valvules. Les coupes successives prouvent qu’il s’agit de deux replis longitudinaux, fixés à droite et à gauche de chaque ouverture dans la bouche, celui du bord externe recouvrant largement celui du bord interne, de façon qu’à l’état de repos, ils ferment toute communication entre la cavité buccale et l’extérieur. Ces valvules sont constituées (PI. I, fig. 2) par une forte lame conjonctive vasculaire sur laquelle se continue l’épithélium de la muqueuse buccale, dont elles ne sont, en somme, que des prolongements. On voit en effet (PL I, fig. 2. a), les éléments olfactifs allongés dispa- raître subitement à la base de la valvule, la limite étant indiquée par une dépression. La valvule externe de chaque côté présente seule des papilles particulières, que l’on trouve du reste répandues en abondance sur toute la paroi buccale, et auxquelles Schultze * a attribué un rôle gustatif. Sur son bord, elles sont disposées régulièrement comme les dents d’une scie. La valvule interne n’en présente jamais. Ces 1. F.-E. Schultze. Die Geschmacksorgane der Froschlarven, Archiv. für Mik. anat., t. VI, 1870. 16 MÉTAMORPHOSE DES AMPHIBIENS ANOURES deux replis permettent bien le passage de beau dans la bouche par le nez, mais s’opposent à la sortie par la même voie, à moins de supposer un retournement. Or, il est facile de s’assurer que le retournement ne se produit pas. Si l’on place une larve d’Alytes dans un vase contenant, en suspension dans l’eau, des parcelles de carmin ou d’outremer, on met en évidence que le courant d’intro- duction par les voies nasales n’est pas suivi d’un courant de sortie, que l’eau d’expiration est éliminée uniquement par le spiraculum. Mais reproduisons la même expérience lorsque la larve est en pleine métamorphose. L’eau pénètre à la fois par la bouche et par le nez. Quant aux courants expirateurs, on les observe dans plu- sieurs directions. Les parcelles colorées sont, en effet, rejetées, non seulement par le spiraculum, non seulement par les orifices latéraux de nouvelle formation et auxquels nous avons donné, dans une note préliminaire (9), le nom de spiracula complément taires^ mais aussi par la bouche et même par le nez. Une coupe pratiquée au même niveau que tout à l’heure nous permet de cons- tater que les valvules nasales ont disparu. Sur une larve arrivée vers la fin de sa transformation, on observe des mouvements de déglutition très réguliers, la bouche s’ouvrant et se fermant d’une façon rythmique. En avant des pattes anté- rieures, on voit saillir par les orifices expirateurs accessoires, les restes des houppes branchiales en voie d’histolyse, refoulés en arrière et flottant à chaque expiration. Partant de ces données, nous pouvons reprendre nos observa- tions sur la larve à tous les stades par lesquels elle passe successi- vement, pour tenter d’établir ce que nous appellerons : l’évolution des mécanismes respiratoires. Chez le têtard sans pattes antérieures, l’eau pénètre dans la cavité branchiale par les orifices nasaux. Si on les oblitère artificielle- ment ou si, pour une raison quelconque, ils ne suffisent pas, l’animal aspire également de l’eau par la bouche ; mais, à l’état physiologique, ce n’est qu’accidentellement qu’il use de cette voie pour la respiration aquatique. L’eau sort par le spiraculum. Un double système valvulaire l’empêche de refluer par les orifices RESPIRATION ET CIRCULATION n nasaux. L’appareil d’occlusion qui n^’a même pas d’homologue physiologique chez l’adulte, ainsi que l’a établi P. Sert, existe donc très développé chez la larve : il permet le passage de l’eau dans la bouche par le nez, mais s’oppose à sa sortie par la même voie. Pendant la période en question, qui embrasse la plus grande partie de la vie larvaire, la respiration pulmonaire coexiste avec la respiration aquatique. Mais, tout en servant d’appareil respira- toire compensateur, le poumon joue plutôt le rôle d’une vessie natatoire sur laquelle l’animal agit àvolonté. C’est par la bouche que l’air entre et sort. On conçoit qu’il ne puisse sortir par le nez : les valvules s’y opposent. D’autre part, les mouvements du plan- cher buccal n’ont pas assez d’étendue pour vaincre la résistance de ces mêmes valvules et permettre son entrée par la même voie. Les pattes antérieures, en sortant, laissent en arrière de la cavité branchiale deux orifices en forme de boutonnières par les- quels l’eau est expirée. Ce sont deux véritables sph'o.cida complé- mentaires. La dégénérescence commence et ne tarde pas à se manifester nettement dans la queue. D’abord, l’animal passe par une période de calme et reste immobile au fond de l’eau pendant des espaces de temps beaucoup plus longs. La mue, qui débute par la chute du bec corné, s’étendant bientôt à l’ensemble des téguments et à la muqueuse buccale, entraîne les valvules nasales. Finalement, la larve complètement évoluée s’agite considérablement et cherche l’air. Lorsque sa queue est réduite à 1 centimètre ou 1 cent. 1/2, elle trouve un appui à la surface de l’eau. Et ici, on assiste au pas- sage de la respiration aquatique à la respiration aérienne propre- ment dite. La respiration, à ce stade, présente deux cas à considérer : la larve au fond de l’eau, la larve à la surface. La larve, au fond de l’eau, présente les mouvements rythmiques d’ouverture et de fermeture de la bouche desquels il a été question ; l’eau entrant par la bouche et par le nez, et ressortant par le nez et les orifices expirateurs. Si elle trouve le moindre appui à la surface, ne fût-ce qu’un brin d’herbe, elle en profite pour aspirer par les orifices nasaux une certaine quantité d’air qui s’accumule aux orifices internes, et 2 UNIVERSITÉ DE LYON. — II. A. 18 MÉTAMORPHOSE DES AMPHIBIENS ANOURES même en arrière dans la cavité branchiale. Cet air, en mettant à part son rôle direct dans les échanges offre à l’animal un double avantage : 1" c’est un appareil hydrostatique qui permet au têtard de se maintenir en quelque sorte au repos à la surface, sa provision d’air étant faite ; 2*" c’est un perfectionnement à l’appareil de respiration aquatique; les orifices nasaux étant occlus par des tampons aériens, le rythme aquatique persiste quelque temps encore très régulier. Lorsque la queue ne laisse plus que des traces à peine reconnais- sables, les bulles accumulées dans la bouche se fusionnent en une seule en rapport avec les poumons ; et, par la houche entr’ouverte on la voit faire hernie, limitée en avant d’une façon parfaite par des ménisques liquides, à l’ouverture buccale et aux orifices nasaux. Un nouveau rythme respiratoire apparaît, beaucoup plus accé- léré, et dont les mouvements correspondent aux oscillations du plancher buccal brassant l’air dans la respiration aérienne. Ce point particulier est assez nettement présenté par notre tracé (fig. 2, texte), et nous avons eu l’occasion de le développer plus haut. Les formes successives de la respiration ont été figurées par des schémas (PL I, fig. 4, 5, 6, 7) dans lesquels le mouvement de l’eau est indiqué par des flèches pleines, le mouvement de l’air par des flèches pointillées. Il est facile de suivre sur ces figures théoriques la marche des modifications que nous venons d’esquisser. II. - LA CIRCULATION 1° Le rythme cardiaque. — Le rythme cardiaque chez nos larves donne lieu à une remarque générale importante : les mouvements du cœur sont synchrones des mouvements respiratoires. Ce fait a été signalé par Schneider (44) chez la Rana temporaria. Nous ajouterons que ce synchronisme est indépendant de la température. Dans nos recherches sur les modifications de la respiration sous l’influence de la chaleur ou du froid (note de la page 6), les deux RESPIRATION ET CIRCULATION 19 ordres de mouvements restaient concordants. L’aiguille qui, intro- duite dans le péricarde, nous donnait les battements du cœur, nous rendait même de grands services aux limites extrêmes, ses oscilla- tions étant beaucoup plus faciles à saisir que les mouvements de la cavité branchiale. Il était intéressant de rechercher ce que devient ce synchronisme au moment où apparaissent les boutonnières expiratrices acces- soires en avant des pattes. Les graphiques des mouvements du cœur (page 8) qui accompagnent nos tracés respiratoires, ne pré- sentent que de faibles oscillations, malgré la légèreté extrême de notre palpeur. Ils suffisent à faire ressortir la dissociation des deux rythmes. Quant aux variations du rythme circulatoire lui- même, les résultats inscrits trouvent une confirmation dans des données fournies par une autre méthode. Cette méthode, nous venons précisément d’en faire mention. Une aiguille de platine ou d’argent d’une grande finesse était introduite dans le péricarde au contact du ventricule. Chaque contraction se traduisait exté- rieurement par une forte déviation. En comptant ces déviations, nous nous sommes assuré : 1° que pendant la période larvaire, le nombre des battements du cœur était de 65, 68, 70, 72 à la minute (il ne faut pas perdre de vue qu’il s’agit d’une température déter- minée), ce nombre ne tombant jamais au-dessous de 65 ; 2" qu’à la sortie des pattes antérieures, on ne compte plus que 54, 50, 45, et même moins. De ces numérations ressortent deux faits intéressants : U Le synchronisme qui existe pendant la plus grande partie de la vie larvaire se trouve détruit. 2° Le nombre des mouvements du cœur s’abaisse d’une façon absolue. 2** Circulation capillaire dans la queue. — De ces deux faits, nous rapprocherons des observations qui ne nous sont point propres puisque, faites dans leurs points essentiels par Barfurth en 1887 (6), elles ont été données de nouveau par Loos (31) en 1889. Pendant la période de sortie des pattes, au moment où la queue va prendre cette teinte foncée particulière qui prélude à sa régression, l’examen '20 MÉTAMORPHOSE DES AMPHIBIENS ANOURES microscopique du lophioderme sur l’animal vivant révèle des solutions de continuité dans la circulation capillaire. Certains vaisseaux sont vides d’éléments figurés ; d’autres présentent des amoncellements de globules en stagnation, d’autres enfin restent normaux. Le même examen permet d’observer un ralentissement dans les capillaires qui s’oblitèrent, et d’assister au phénomène de de la diapédèse. Loos prétend que cette diapédèse porte particuliè- ment sur les globubles rouges : c’est un point qui ne concorde pas avec nos remarques personnelles et sur lequel nous aurons à revenir. Pour ce qui est de l’oblitération, le même auteur déclare ne pas trouver d’explication suffisante. Nous avons cru devoir dès mainte- nant rapprocher le ralentissement de la circulation centrale, de ces faits curieux que nous pourrons rapporter au ralentissement con- sécutif de la circulation périphérique. Mais, pour tenter une expli- cation, nous avons besoin de données d’un autre ordre et qui n’ont pas encore trouvé place dans notre exposé. III. - L’ÉTAT LARVAIRE ET L’ÉTAT ADULTE Cette courte étude des modifications subies par la respiration et la circulation au moment de la métamorphose, montre combien sont considérables les changements subis par la larve. Au point de vue respiratoire, la vie larvaire apparaît comme un véritable stade poisson : la coexistence de la respiration pulmonaire se pré- sente elle-même dans des conditions qui ne font qu’accentuer l’analogie. En effet, nous avons vu que le poumon joue le rôle d’une véritable vessie natatoire, puisque l’animal s’en sert comme d’un appareil hydrostatique. Mais l’examen anatomique vient nous fournir un fait intéressant en faveur de cette homologation. Nous avons trouvé, du côté gauche, chez la larve de grenouille grise [R. escnlento), une connexion vasculaire curieuse entre le poumon et la veine splénique. Ce vaisseau, partant des capillaires RESPIRATION ET CIRCULATION 21 pulmonaires, s’engage dans les languettes du corps adipeux [beau- coup plus développé de ce côté)^ et vient se terminer dans la veine splénique à 2 millimètres environ de son point de sortie (PI. I, flg.3a). Or, un fait analogue est signalé par Stannius (47) à propos de la vessie natatoire des poissons. Après avoir parlé des corps rouges, des réseaux admirables concentriques et superposés formés par le système aortique sous la tunique fibreuse de la vessie, il indique finalement un « tronc veineux efférent unique qui reporte le sang <( dans le système de la veine porte ou dans celui des veines du « corps. » Un autre point de comparaison, et des plus curieux, est fourni par le canal lacrymal. C’est un point que nous avons eu l’occasion de développer il y a quelques mois (7), et dont nous nous contenterons de reprendre les données essentielles. Le canal en question est d’origne épiblastique. Né au contact de l’orifice externe des fosses nasales par un cordon plein qui prend une lumière dans la suite, il s’étend graduellement en arrière, et finit par atteindre l’angle antérieur de l’œil où il débouche sur la paupière inférieure. Telle est, en résumé, la description donnée par Born en 1876 (13). Nous ajoutons : que le canal n’atteint la paupière qu’à la fin de la méta- morphose ; qu’à la sortie des pattes antérieures, il s’ouvre au dehors à un millimètre et demi environ de l’angle oculaire, par un orifice simple chez la Grenouille, triple chez l’Alyte. Si l’on compare l’appareil naso-lacrymal de la grenouille à ce stade au système olfactif d’un Téléostéen ou d’un Ganoïde comme le Poiyptère [Polypterus hichir), à part la communication avec la bouche, il y a identité complète, aussi bien au point de vue de la structure qu’au point de vue des relations anatomiques. Les rap- ports qui existent entre l’appareil olfactif des Sélaciens et certains stades embryonnaires des Vertébrés supérieurs, ont suggéré une théorie phylogénique donnée par Balfour, et d’après laquelle l’orifice des fosses nasales dans l’arrière-bouche serait homologue de l’orifice nasal antéro-inférieur des Poissons, entraîné par le développement des bourgeons fronto-nasaux ; l’orifice nasal 22 ^ MÉTAMORPHOSE DES AMPHIBIENS ANOURES externe serait homologue de l’orifice postéro-supérieur des Pois- sons. * L’analogie dont nous avons parlé entre un Téléostéen et nos larves au début de la métamorphose, nous a conduit à faire à cette théorie une réserve expresse, au moins pour le cas des Poissons osseux. Nous ne ferons que reproduire nos conclusions : L’orifice nasal antérieur des Poissons osseux n’est pas homo- logue de l’orifice des fosses nasales dans l’arrière-bouche chez les Amniotes; il est l’orifice nasal externe vrai. Avec la fosse dans laquelle il s’ouvre, il correspond à l’appareil olfactif des autres Vertébrés dans son ensemble ; 2" L’orifice nasal postérieur des Poissons n’est pas homologue de l’orifice externe des autre types : il est en rapport avec un rudiment de canal lacrymal. Un fait particulièrement remarquable et bien fait pour imposer le rapprochement en question, c’est que précisément, les Poissons osseux comme les Amphibiens fournissent les plus grosses objec- tions à la théorie du transport dans la bouche. Chez les Poissons, les relations anatomiques des orifices rendent l’hypothèse bien peu admissible; mais, chez les Amphibiens, nous avons la négation même de la théorie, puisque le transport en question n’existe pas, l’orifice interne se produisant par perforation. Que sont devenus ces divers caractères chez la larve totalement évoluée? Le rôle du poumon comme appareil hydrostatique a disparu, ou du moins ne s’exerce plus de la même façon. La connexion vasculaire entre le poumon et la veine splénique n’existe plus. Le canal lacrymal s’est définitivement adapté à sa fonction en se mettant en rapport avec l’œil. Sans revenir ici sur les grandes modifications anatomiques subies par l’appareil circulatoire, puisqu’elles sont bien connues, nous avons cru devoir signaler les rapprochements de détail qui se sont présentés à nous au cours de ces recherches, et qui peuvent offrir un certain intérêt. RESPIRATION ET CIRCULATION 23 IV. — RÉSULTATS GÉNÉRAUX DE CETTE ÉTUDE DES FONCTIONS Nous rappellerons, sous forme de conclusion, les points les plus importants fournis par l’étude de la respiration et de la circulation : 1° Le rythme respiratoire s’accélère au début de la métamor- phose; 2° La production ou mieux l'élimination de l acide carbonique diminue; 3° Le rythme cardiaque se ralentit ; 4° Le synchronisme des battements de cœur et des mouvements respiratoires est détruit; 5" Au point de vue des mécanismes respiratoires^ la larve se comporte comme un poisson : le poumon semble intervenir surtout comme appareil hydrostatique^ ce qui complète ,l analogie ; 6° L évolution des mécanismes est liée à divers changements anatomiques : production d'orifices expirateurs complémentaires ^ disparition des valvules nasales^ transformation de la région maxil- laire^ etc... €HAPITRE II HISTOLYSE L’étuiie de la dégénérescence physiologique des tissus a été poussée très loin chez les Invertébrés avant d’être abordée chez les V ertébrés. Depuis le remarquable travail de W eissmann (1856) , sur le développement postembryonnaire des Muscides, de nombreux chercheurs parmi lesquels il faut citer en première ligne : Ganin (20), Viallanes (50), Kowalewsky (28), ont traité le même sujet; on peut dire que les méthodes histologiques actuelles ont donné sur ce point tout ce qu’elles peuvent donner et qu’il reste uniquement des difficultés d’interprétation. Kowalewsky, partant des résultats obtenus par Metschnikoff sur les Spongiaires et sur les larves d’Echinodermes, voit dans la métamorphose des Insectes, une action bien marquée des éléments amiboïdes sur les tissus ; il figure des phagocytes renfermant des fragments de muscle par- faitement reconnaissables et attribue à l’action de ces éléments l’histolyse que subit la larve. Mais, c’est en somme à Metschnikoff que revient l’honneur d’avoir indiqué, dans les phénomènes de régression, ce processus capital et d’une constance remarquable auquel il donne le nom de Phagocytose. Ce processus, il l’avait suivi dans divers groupes d’invertébrés lorsqu’en 1883 (36), il le signala précisément dans la régression de la queue chez les Amphibiens. Des dissociations lui permirent d’observer des amoncellements d’éléments amiboïdes à l’extrémité des faisceaux HISTOLYSE 25 musculaires, et de véritables phagocytes contenant des fragments de muscles et de nerfs. Cette indication importante appelait une étude plus complète. En 1887, Barfurth (6) donna le premier travail histologique sur la régression de la queue chez la larve de gre- nouille. Ce mémoire comprend une étude de chaque tissu, mais renferme de nombreuses lacunes et quelques erreurs. Barfurth, sans avoir vu les faits signalés par Metschnikoff, est porté à admettre la phagocytose. Enfin, un récent mémoire de Loos (31) 1889, sans ajouter beaucoup aux observations de Barfurth, rectifie quelques-unes de ses données, mais aboutit à un résultat tout différent : « Non seulement, écrit Loos, les muscles et les nerfs, mais aussi les autres tissus de la queue des Batraciens, dégénèrent par eux-mêmes, et sont digérés uniquement par le fluide cavitaire du corps sans le concours des leucocytes. » La phagocytose, dans le cas qui nous occupe, est donc un sujet de contestation. Mais elle-même ne représente, dans l’ensemble des processus de dégénérescence, qu’un point particulier pouvant rentrer dans des interprétations générales bien différentes. Ajou- tons immédiatement que Barfurth et Loos, n’étudiant que la queue, ont laissé de côté des faits histolytiques du plus haut intérêt, et dont l’importance leur aurait été révélée par des observations plus complètes. On verra bientôt qu’il s’agit ici de phénomènes très généraux, et que nous n’avons pas seulement en vue des organes autres que la queue qui dégénèrent totalement comme les branchies. Méthodes de recherches et matériaux employés. — Nos recherches ont été faites, en partie avec des matériaux frais, en partie avec des matériaux fixés et conservés. Les matériaux frais ont servi aux dis- sociations : les colorants le plus généralement employés étaient le vert de méthyle et le picro-carmin. Les matériaux destinés aux coupes étaient fixés dans une liqueur dont la composition suit : Eau dO grammes Acide chromique 0 gr. 5 Acide osmique à 1 p. 100 o grammes Acide acétique 6 — 26 MÉTAMORPHOSE DES AMPHIBIENS ANOURES C’est la liqueur de Flemming légèrement modifiée. Les bons résultats qu’elle nous a donnés nous ont conduit à l’adopter exclu- sivement à la fin de ces recherches. Les inclusions ont été faites, soit à la celloïdine, soit à la paraffine. Les coupes à la celloïdine, montées dans la glycérine, offrent des avantages considérables pour l’étude de l’histolyse musculaire; celles à la paraffine montées dans le baume présentent avec plus de netteté les structures nucléaires, surtout après une coloration intense : elles sont surtout utiles pour l’étude des épithéliums. Les tissus, fixés dans la liqueur susindiquée, montrent presque tous les détails que nous allons donner, sans coloration. Nous avons pourtant employé avec fruit différents réactifs ayant une élection nucléaire très marquée : outre le carmin, l’hématoxyline, employés d’une façon courante, nous signalerons la safranine et surtout la rosaniline. C’est ce dernier colorant qui nous a fourni les plus belles préparations. Une dernière remarque : toutes nos colorations ont été faites sur les coupes ; la coloration en masse a été constamment évitée. Les larves dont nous nous sommes servi sont celles de : Rana temporaria^ R. esculenta^ Ahjtes ohstetricans, Rufo viilgaris. La grenouille a été souvent prise plus volontiers parce que les travaux antérieurs portent sur elle. Et du reste, dans un groupe homogène comme celui des Anoures, le choix du type ne paraît pas avoir grande importance pour une étude de processus. I. — LA PEAU U Histolyse épithéliale dans la queue. Émission de boyaux chro- matiques. — Notre étude de l’histolyse commencera par l’épithé- lium cutané, parce que ce tissu, outre qu’il s’offre le premier à l’ob- servation, nous mettra sous les yeux des phénomènes cytologiques du plus grand intérêt. Ces faits s’observent aux mêmes stades dans tous les tissus; mais ils ont, dans l’épithélium caudal en particulier. HISTOLYSE 27 des formes curieuses qui demandent une description détaillée parce qu’on peut les considérer comme typiques. Examinons la section transversale de la queue d’une larve de grenouille au lendemain de la sortie des pattes antérieures. Nous trouverons qu’à la limite des masses musculaires et de la membrane natatoire, la peau, au lieu des deux assises normales, présente jus- qu’à dix ou douze couches de cellules (PI. I, fig. 8). Une couche inférieure d’éléments allongés repose directement sur la vitrée ; au-dessus d’elle, un nombre considérable d’assises sont amon- celées irrégulièrement, les plus périphériques étant formées d’élé- ments de plus en plus aplatis, jusqu’à la couche externe dont le bord granuleux, teinté plus énergiquement par les colorants, ne laisse pas reconnaître la structure d’une cuticule. Les particula- rités réellement intéressantes concernent la structure du noyau. Dans la couche inférieure d’éléments allongés, ces noyaux sont reportés à la partie supérieure, renflée des cellules. La hase de celles-ci est comprimée : d’où une forme générale en massue caractéristique. Partant des noyaux, un boyau, coloré d’une façon intense par les réactifs nucléaires, s’engage dans le pédicule de la massue et vient se terminer en s’étalant légèrement au niveau de la basale. En des points dont la dégénérescence est un peu moins avancée, le boyau en question est moins développé : toujours en rapport avec le noyau, il n’atteint pas la base des éléments. Dans ce corps particulier, en rapport avec le noyau, les plus forts grossissements dont nous disposions (obj. 1/12 à immersion h. deZeiss. Ocul. 5) ne nous ont pas permis de distinguer de micro- somes chromatiques (mais nous devons dire aussi qu’aux mêmes stades, nos réactifs colorants ne les ont pas davantage décelés dans le filament nucléinien de la cinèse normale). Appelons-le néanmoins provisoirement boyau chromatique pour la facilité de l’exposition, et sans préjuger de sa nature. Il présente en beaucoup de points, à sa partie inférieure, une altération particulière carac- térisée par une teinte plus brune et aboutissant à des granules pigmentaires. Dans beaucoup de cas, les noyaux correspondants présentent les mêmes altérations avec aplatissement latéral et 28 MÉTAMORPHOSE DES AMPHIBIENS ANOURES déformation plus ou moins marquée. Ajoutons que cette première zone ne nous a jamais montré de phénomènes de division nucléaire. Les phénomènes karyokinétiques se rencontrent au contraire avec des caractères bien marqués dans les zones supérieures où tous les stades de la division présentent une variété et une netteté très remarquables. Ils sont connus, et nous les laissons de côté pour passer aux particularités. Le boyau chromatique existe encore ici, soit accolé au noyau, soit libre dans la cavité cellulaire à côté du noyau encore intact en apparence et enveloppé de sa. membrane ; et il présente des carac- tères tels qu’il nous semble difficile de ne pas lui reconnaître une nature nucléaire. Dans les cas où ses rapports avec le noyau sont bien nets, on le voit partir d'un gros nucléole contenu dans le noyau; et, lorsqu’il paraît complètement libre, le nucléole ou un renflement de même apparence se présente souvent à son extrémité ou sur son trajet. disposition est variable. Dans les couches inférieures, son orientation rappelle souvent celle que l’on observe dans la zone à éléments allongés. Ailleurs, il étale ses plis sans aucun ordre, souvent même en dehors de la cavité cellulaire où il a pris nais- sance (PI. II, fig. 14, h). Son développement varie également et nous signalerons quelques stades qui peuvent offrir de l’intérêt : 1° Le nucléole reporté à la périphérie du noyau semble pousser au dehors un prolongement mesurant à peine en longueur le double de son propre diamètre (PL I, fig. 9, a). 2“ Le noyau est surmonté d’une sorte de virgule (partant encore quelquefois visiblement d’un nucléole interne), l’enveloppant à moitié. Cette forme est assez fréquente (PL I, fig. 9, 10 et 11). 3° Enfin, les formes les plus diverses : entre autres, un boyau paraissant complètement libre, pelotonné sur le noyau et terminé par un nucléole. Un cas très curieux (PL IL fig. 13) est celui présenté par un noyau dont le nucléole étiré en bâtonnet vient appliquer au contact de la membrane nucléaire une de ses extrémités. Le boyau qui HISTOLYSE 29 part de ce point de contact et décrit une spire élégante autour du noyau, tranche, par sacoloration, non seulement sur la chromatine nucléaire, mais aussi sur le bâtonnet nucléolaire avec lequel il est pourtant en continuité. Cette teinte est, du reste, celle que présente le filament de la cinèse ; et nous pensons qu’elle est due, dans l’un comme dans l’autre cas, à une action du protoplasma cellulaire. Nous observerons le même fait dans la formation des balles chro- matiques. Cette action se comprend d’autant mieux que le boyau est probablement semi-fluide. Il est des cas, en effet, où deux filaments plus ou moins déliés, issus de deux nucléoles appartenant au même noyau, viennent au dehors confluer en un boyau unique (PI. II, fig. 17, a). Ces cas de confluence attestent, au moins, une grande plasticité. Tous les phénomènes qui viennent d’être décrits s’appliquent à des cellules dont le noyau, nettement à l’état statique, présente souvent un, quelquefois deux ou même trois nucléoles, au milieu d’un contenu à fines granulations chromatiques, enveloppé d’une membrane. Dans tous ces cas, le boyau est nettement individualisé; car, même là où il affecte des rapports étroits avec le noyau, il présente des limites bien définies et qui tranchent avec la structure de ce dernier. Nous le retrouvons quand le noyau est à l’état cinématique, sous la forme d’un ou de plusieurs fragments libres et rejetés à la péri- phérie de la cellule. Et ces fragments s’observent dans tous les cas : 1° Filament nucléinien en apparence continu ; 2° Fragments isolés; 3® Plaque équatoriale ; 4° Noyaux filles (PL II, fig. 12, 13, 14). Une figure assez curieuse de ce dernier stade (PL II, fig. 14, a), présente un boyau chromatique s’appuyant, d’une part, sur l’un des pelotons filles par une extrémité renflée, et aboutissant d’autre part à l’autre peloton, disposé en somme comme une douve sur le côté d’un tonnelet. Avant de chercher à interpréter ces phénomènes au point de vue 30 MÉTAMORPHOSE DES AMPHIBIENS ANOURES purement cytologique, nous suivrons ces productions dans leur destinée ultérieure. Sur une région plus avancée dans sa régression, le boyau chro- matique (ou les boyaux chromatiques, s’il y en a plusieurs) pré- sente très marqués les phénomènes d’altération dont nous avons dit quelques mots plus haut. Il n’est pas rare de voir des anses, sorties des limites de l’élément, se dilater et s’étaler en une traînée plus brune et teintée plus légèrement par les réactifs, laquelle se charge graduellement de grains de pigment. En somme, le noyau restant ainsi plus ou moins intact au milieu de traînées de pigment s’étendant très loin quelquefois, d’autres fois constituant une masse à peine bosselée, pourra représenter le centre d’une cellule pigmen- taire apparente, et nous pensons qu’on pourrait expliquer de cette façon l’amoncellement d’éléments pigmentés signalé à ces stades dans la peau des larves. En tout cas, nous pouvons dire dès maintenant que nous n avons pu observer, dans ces phénomènes de dégénérescence, aucun exemple de production pigmentaire sans participation de la chromatine , 2° Émission de balles chromatiques. — Le type dont nous venons de donner la description doit être considéré comme un cas parti- culier. S’il est assez général dans la peau à certains stades, il n’ex- clut jamais totalement le type des halles chromatiques qui se retrouve du reste dans les autres tissus et paraît le plus simple (PL III, fig. 16 et 19). Ici encore, le nucléole joue un rôle capital, puisque le gonfle- ment du noyau, qui marque le début de la régression, se manifeste d’abord sur lui. On voit, en effet, le nucléole grossir considérable- ment, s’étirer en forme de clou, jusqu’à venir toucher par sa pointe la paroi nucléaire. Or, c’est précisément en ce point que s’épanche au dehors une masse chromatique plus ou moins hyaline et bien limitée. La paroi nucléaire, qu’elle se soit étirée pour suivre le mouvement de la masse ou qu’elle se soit réellement déchirée, semble présenter en ce point une solution de continuité. D’autre part, la chromatine, restée sur l’autre côté du noyau, a subi des modifications qui lui donnent l’aspect réfringent et homogène HISTOLYSE 31 de la balle. Les colorations obtenues rappellent exactement la teinte particulière que prend la nucléine, qu^elle se présente sous la forme du filament nucléinien de la cinèse normale, ou sous la forme du boyau chromatique. Nous répéterons ici ce que nous disions tout à Theure à propos du boyau extra-nucléaire : le gonfle- ment du noyau et la réaction 'particulière de sa substance au contact du plasma cellulaire nous portent à admettre une pénétration de ce plasma^ qui gonfle la chromatine et change légèrement sa composi- tion chimique. Pour compléter cette étude des modifications du noyau dans l’épithélium, nous ajouterons que les boyaux chromatiques dans la queue sont de moins en moins développés à mesure que l’on avance dans les couches périphériques. La couche extérieure, d’une façon générale, n’en présente pas. Mais, là encore, le nucléole se gonfle et condense, dans sa masse plus ou moins arrondie ou anguleuse, la chromatine que l’on voit disparaître dans l’enveloppe nucléaire. Le hloc chromatique en question a le même aspect et les mêmes réactions que les halles chromatiques libres que nous venons d’indiquer. 3° L’histolyse épithéliale dans la tête et dans la région branchiale. — Les phénomènes que nous venons de décrire se rencontrent au même stade, avec une netteté plus ou moins grande, sur tous les points de la larve. Le type d’émission que nous avons vu en dernier lieu, avec intervention si curieuse du nucléole, est emprunté à la peau de la région céphalique où des coupes, même non colorées, nous ont permis de saisir très nettement l’origine des balles chromatiques. Nous n’ajouterons qu’un exemple emprunté à l’épithélium des houppes branchiales, lequel va nous présenter un type intermé- diaire établissant une sorte de transition morphologique entre la forme étirée et la forme arrondie. Ici, nous voyons partir du nucléole un filament coloré, suivant une direction parabolique assez régulière et terminé par une sphérule : l’ensemble rappelle la forme d’une comète (fig. 18 a, PI. II). Nous avons dit quelques mots de la destinée des hoyaux chroma- 32 MÉTAMORPHOSE DES AMPHIBIENS ANOURES tiques; nous n’en dirons pas plus sur celle des halles chromatiques. Celles-ci peuvent se transformer directement en masses pigmen- taires, ou bien s’émietter en balles plus petites et finalement en granules qui subissent la dégénérescence. Mais nous voulions insister encore ici sur l’origine chromatique du pigment qui s’amoncelle dans l’histolyse. 4° Considérations générales sur les faits précédents. — Ces phé- nomènes d’émission chromatique nous ont paru intéressants à plusieurs points de vue. Les rapports entre le nucléole et les productions que nous avons décrites, la disparition concomitante de la substance chroma- tique du noyau, l’identité complète que présente notre boyau avec le filament nucléinien aux différents stades de la cinèse (identité telle que, dans beaucoup de cas (PL II, fig. 14 ^z), on croirait avoir affaire à un fragment du peloton échappé au mouvement karyo- kinétique), tous ces points nous ont amené à nous demander si le nucléole ne jouerait pas un rôle semblable dans la formation ou dans la condensation du filament normal de la cinèse. Dans un travail récent (10), nous avons indiqué cette vue particulière en l’appuyant de divers faits observés dans les deux règnes, et sur les- quels nous ne reviendrons pas ici. En tout cas, la condensation au nucléole de la substance nucléaire, les phénomènes de cinèse si curieux que présente ce corps, son rôle dans l’émission à laquelle il sert de point de départ, nous permettent de croire qu’il a, avec la nucléine, au moins des rapports plasmatiques, rapports assez étroits pour qu’on puisse voir en lui, comme nous le disions « un véritable centre orqanique », jouant un rôle essentiel dans la vie du noyau. Le processus histolytique qui conduit du noyau normal au pig- ment qui s’accumule dans la queue en dégénérescence, semble aussi mériter une attention particulière. Pourrait-on considérer cette origine de pigment comme générale et normale chez les animaux qui nous occupent? Lorsque nous remontons à l’époque où la larve sort de l’œuf, nous constatons que, si la formation du pigment peut être en grande partie rap- niSTOLYSE 33 portée au vitellus, des Qgures d’émission nucléaire rappelant celles que nous venons de décrire se présentent, quoique très rares. Nous verrons, dans notre chapitre sur la glande génitale, que l’ori- gine aux dépens du vitellus est au fond une origine identique, laquelle n’infirmerait en rien une explication générale. En nous rapprochant, dans la vie larvaire, du stade que nous étudions, nous avons à signaler des faits importants dus à Eberth (18). En 1866, Eberth signalait dans la couche inférieure de la peau des larves de grenouille, des corps particuliers, brillants, homogènes, qui apparaissent au voisinage du noyau. Ils se présen- tent, tantôt sous la forme de fuseaux en nombre variable, tantôt comme des bâtonnets, des gouttières ouvertes ou fermées, ou enfin comme de grosses balles arrondies. Ils se colorent d’une façon intense par le carmin, l’aniline et facide chromique. Ces corps commenceraient à paraître chez des larves de 3 cent. 1/2 de lon- gueur. Eberth ne fixe pas autrement le stade de développement auquel sont arrivées ces larves. Il s’est demandé s’il n’y avait pas là un processus de dégénérescence; mais, dit-il, « cette idée était en désaccord avec ces deux faits : 1” que la couche externe en est dépourvue (de ces corps) ; 2° qu’on en trouve sur des larves prises à un état absolument frais ». Il rapproche ces productions de celles qui se trouvent dans la peau de la lamproie. Pour ce qui est de leur destinée, il ne sait qu’une chose : ces corps, assez abondants chez la larve, manquent chez l’adulte. Tel est, dans ses points essen- tiels, l’exposé d’Eberth. Il ne dit rien de l’origine des corps en question, rien non plus de leur destinée, mais sa description et les figures qu’il donne rappel- lent assez bien les corps que nous avons décrits comme des pro- ductions chromatiques d’origine nucléaire. Avant la métamor- phose, on rencontre localisées, en certains points et d’une façon irré- gulière, des formations du même genre : et c’est probablement dans ces conditions que les a vues Eberth. Nous admettrions volontiers que la destinée est encore ici la même, le savant allemand disant simplement que ces corps « dégénèrent ou s’éliminent ». Nous verrions, dans ces modifications nucléaires, un processus normal 3 UNIVERSITÉ DE LYON. — II. A. 34 MÉTAMORPHOSE DES AMPHIBIENS ANOURES de formation de pigment, formation extraordinairement accentuée pendant la métamorphose. Le pigment naîtrait ainsi à l’état de gra- nulations; les cellules 'pigmentaires rentrant, suivant nous, dans la catégorie des éléments que l’on a appelés phagocytes, ne seraient que des cellules amiboïdes s’emparant des granulations toutes faites et ne les produisant pas. Les faits qui précèdent sont en contradiction absolue avec les - données de Barfurth et de Loos. Ils déclarent n’avoir vu ni l’un ni l’autre les productions signalées par Eberth, et supposent qu’elles ont disparu. Or, nous les avons observées avec une abondance extraordinaire jusqu’à la fin de la régression. C’est ainsi que la queue, réduite à 1 centimètre au plus, en était encore littéralement couverte. Leur valeur comme produits de régression se trouvait toujours nettement accusée. Des deux objections qui conduisent Eberth à leur refuser ce caractère, la première seule devait appeler notre attention. Or, nous avons vu que l’histolyse des différentes couches présente, à des degrés divers, des phénomènes identiques, et que dans l’amoncellement des éléments épithéliaux, ces produc- tions remplissent, non seulement la couche inférieure, mais jus- qu’à huit ou dix assises superposées. La nature de ces corps se trouvera fixée d’une façon incontestable par les deux considérations suivantes : 1° La région des boyaux chromatiques sur une. coupe longitudi- nale totale, se trouve nettement limitée à la base de la queue (le train postérieur n’en présentant pour ainsi dire pas, alors que l’épi- thélium caudal en est déjà rempli). 2° L’abondance de ces produits dans d’autres tissus pendant la métamorphose va nous permettre de les considérer comme l’expression d’un phénomène histolytique général. L’origine et la destinée de ces produits chromatiques dans la peau de la queue méritait de fixer notre attention, parce que ce sont les éléments histolytiques qui s’observent les premiers, tout en persistant d’une façon remarquable jusqu’à la fin de la métamorphose. Ce sont, du reste, comme nous allons ie voir, les seuls corps figurés résultant de la dégénérescence, les seuls corps par conséquent dont HISTOLYSE 35 on puisse suivre l’évolution : nous aurons à revenir sur leur compte plusieurs fois encore. Ce processus essentiel étant décrit, nous ne quitterons pas la régression nucléaire sans insister sur la concomitance bizarre des phénomènes de multiplication et des phénomènes de régression. Sans chercher à l’interpréter pour le moment, nous ferons une remarque importante sur la situation des figures karyokinétiques. Les couches épithéliales, s’étendant sur une moindre surface, par suite de la régression de la masse centrale, se plissent, et amon- cellent leurs éléments comme nous l’avons vu déjà. Or, c’est préci- sément suivant ces plis et dans le fond des sillons, là où une influence mécanique agissant dans le sens de la longueur se ferait le plus vivement sentir , que se trouvent les figures de division. Ajoutons qu’elles s’y trouvent abondamment et souvent exclusive- ment. C’est ainsi que des coupes longitudinales successives passant par un repli présentent régulièrement deux ou trois noyaux en division dans le fond de la dépression cutanée, et pas un seul sur les 4 ou 5 millimètres que comprend le reste de la coupe. 5® Le protoplasma cellulaire. — Nous avons attribué au proto- plasma une réaction sur le noyau qui se gonfle et prend une struc- ture bosselée, irrégulière. Un fait qui concorde avec cette manière de voir, est l’aspect clair que prend la zone circumnucléaire au moment de ces modifications. Le noyau semble contenu dans une véritable vacuole dépourvue de granulations. Cette interprétation est juste l’inverse de celle de Loos. Le savant de Leipzick compare le protoplasma au blanc d’œuf (Eiveiss), et admet un dédoublement de cette substance donnant une partie claire (hyaloplasma de Leydig), et une partie dense (spongio- plasma), qui se colore énergiquement et se résout en petites balles hyalines; de façon que l’on a, dans une vacuole claire, le noyau légèrement modifié, et ces corps arrrondis, nettement teintés par les réactifs nucléaires. Ces balles arrondies, vivement colorées par le carmin et l’hématoxyline d’après les descriptions et les figures mêmes de Loos, correspondent assez exactement à nos balles chromatiques, et c’est une forme donnée également 36 MÉTAMORPHOSE DES AMPHIBIEXS ANOURES parEbertli avec des réactions identiques. Par conséquent, les corps arrondis vus par Eberth, par Loos et par nous, nous semblent être la même chose. Loos n’a pas vu les boyaux chromatiques; mais Eberth nous semble les confondre dans sa description rapide avec les corps précédents. D’où il suit que Loos s’est trouvé en présence de l’une des formes étudiées par nous et s’est mépris sur son origine en la rap- portant au protoplasma cellulaire. Remarquons que, si ces corps résultaient du dédoublement susdit, ils devraient paraître en même temps que la vacuole claire née du même dédoublement. Or, la zone claire se présente d’abord vide de tout élément figuré (fig. 19, PL II), et le seul fait qui coïncide avec son apparition est une modification nucléaire. L’origine exclusivement protoplasmique du pigment admise par Loos suscite aussi une difficulté : le changement physique qui constitue la base de la théorie ne saurait rendre compte de la forma- mation d’une substance insoluble, et le savant de Leipzick est obligé de faire intervenir des actions chimiques sur la nature desquelles il ne dit rien. Donc, suivant nous, le protoplasma ne donne directement nais- sance à aucun produit figuré, et échappe par là même à l’observa- tion. Il n’est pas rare de rencontrer, au stade auquel nous sommes arrivé, de grandes cavités plus ou moins irrégulières, contenant plusieurs noyaux (PL II, fig. 19), et résultant de la fusion de plusieurs éléments par suite de la destruction de la couche dense périphérique (Rindenschicht d’Eberth). Les cloisons prennent un aspect vacuolaire (intercellularlücken de Loos) et s’effacent gra- duellement. De là, de grands espaces clairs pouvant contenir dans leur intérieur des noyaux plus ou moins altérés, des productions chromatiques, et du pigment. Nous n’avons pas d’autre modifica- tion à signaler avant la disparition de la basale dont nous allons nous occuper. 6° Modifications de la basale. — Nous ne nous étendrons pas ici sur des détails tels que la forme plus ou moins régulière des bords. HISTOLYSE 37 le développement d’aréoles, l’orientation des noyaux sur la face interne ou externe, détails qui ont été minutieusement donnés par Loos et qui ne prêtent à aucune considération générale. La basale s épaissit. Cet épaississement peut relever de deux causes : du rac- courcissement qui se manifeste d’abord par des plis ; puis, de la dissociation des fibrilles. Cette dernière modification est très visible par le fait que, sur la coupe, la structure paraît plus nette et plus complexe à mesure que la régression devient plus avancée. Ainsi, sur une coupe transversale de la queue chez une larve de grenouille évoluée presque totalement, sur une queue réduite par conséquent à quelques millimètres, on voit la basale présenter un treillis de fibrilles régulièrement entrecroisées; ces fibrilles sont tellement fines et serrées qu’il n’est pas possible de saisir leurs rapports avec les tissus voisins. Or, au début, la basale ne montre qu’une striation longitudinale plus ou moins nette et plus ou moins régulière. Cette structure curieuse, qui devient plus nette à la fin de la régression, est le seul fait intéressant que nous ait présenté la basale. Elle forme encore une couche bien continue et n’a pas subi les altérations qui paraissent d’assez bonne heure au niveau des lames conjonctives supérieure et inférieure. Là, on peut suivre faci- lement la régression de cette basale, ou plutôt assister à sa dispari- tion. Car, presque sans transition, elle se termine par une simple ligne qui devient de plus en plus irrégulière et finalement, la limite du tissu conjonctif et de l’épithélium cesse d’être visible. Avec Loos, nous admettons que les noyaux accumulés en plus grand nombre à la face interne sont simplement rapprochés par l’effet de la condensation. 7° Amoncellement du pigment à la face interne de la peau. — Ce que nous avons vu plus haut de l’origine du pigment va nous conduire à interpréter, d’une façon différente de celle de Loos, la quantité considérable de pigment qui s’observe sous la basale à partir de la sortie des membres antérieurs. Le fait avait été remarqué par Barfurth. Loos admet que les cellules pigmentaires de la peau rétractent leurs prolongements, traversent la basale et viennent s’accumuler sur sa face interne. La nature cellulaire des masses 38 MÉTAMORPHOSE DES AMPHIBIENS ANOURES ainsi amoncelées est absolument méconnaissable; et la quantité de cellules pigmentaires qui existe normalement dans la peau nous paraît en tout cas insuffisante pour un sembable effet, même avec le concours du raccourcissement. Nous avons vu, du reste, les boyaux chromatiques s’étendre jusque sous la basale avec les orientations les plus variées : ils contribuent dans une large mesure à la formation de ce pigment. Loos parle quelque part (31) « de fibres irrégulièrement con- tournées, formées de grains de pigment plus ou moins bien alignés, sortant d’une vacuole de la basale pour se dissocier dans le tissu conjonctif ». On peut se demander s’il ne s’agirait pas précisément ici de la transformation pigmentaire de nos corps chromatiques. Tant que la basale persiste, et, en cela, nous sommes d’accord avec le savant de Leipzick, il n’y a pas invasion des leucocytes dans l’épithélium. Mais, la même vitalité qui permet aux produits chromatiques de s’étendre d’une cellule à l’autre en traversant les parois, leur permet d’aller au delà de la vitrée, pour donner en fin de compte des traînées ou des masses irrégulières de pigment. 8° Action des leucocytes. — Après la disparition de la basale, les • couches cutanées inférieures sont directement soumises à l’in- fluence de la lymphe et des leucocytes répandus partout à la fin de l’histolyse du tissu conjonctif. Elles subissent par la face interne une véritable érosion; ainsi, on voit souvent, dans la région du lophioderme, la peau présenter sur cette face des échancrures pro- fondes, et même se réduire en certains points à une seule assise aplatie. Les leucocytes répandus en ces points s’emparent des déchets organiques et, en particulier, des granules pigmentaires (PI. II,fig. 20). Cette destruction des couches cutanées par la face interne peut- elle aller plus loin et aboutir à des solutions de continuité? Le fait s’est présenté à nous quelquefois. Si, dans les cas en question, on peut objecter un accident de préparation, c’est au moins un accident auquel la larve est elle-même exposée souvent en dehors de toute manipulation; le double processus de desquamation à la face HISTOLYSE 39 externe, d’érosion à la face interne, peut bien aboutira une rupture en quelque point. Nous verrons du reste, à propos de l’iiistolyse branchiale, qu’il y a des matériaux perdus dans la métamorphose; et que les globules blancs, malgré leur rôle prophylactique incon- testable, ne sauraient empêcher ces pertes. Des solutions de conti- nuité comme celles dont il s’agit sont sans doute bien vite com- blées, les bords se retrouvant aussitôt en contact par suite de l’histolyse plus rapide des tissus sous-jacents. Mais des phéno- mènes d’érosion comme ceux que nous venons de voir rendent possibles les perforations locales que Barfurth n’admet pas. Ils rendent compte également de la réduction de la peau à une seule assise épithéliale. Barfurth indique ce fait comme assez fréquent en des points où la peau semble presque complètement intacte (au moins d’après sa figure). Loos, qui ne l’a pas observé, croit à un accident de manipulation ou à une délamination extérieure locale. A part les cas curieux où la peau est en quelque sorte rongée sur les deux faces, comme celui que nous avons décrit, nous n’avons jamais rencontré moins des deux assises normales. Un fait essentiel à retenir, c’est qu’ici. Faction des leucocytes s’exerce d’une façon générale sur des pro- duits de destruction. A part des cas très particuliers comme le précédent, dans lequel les leucocytes peuvent intervenir, la char- pente épithéliale très résistante est altérée par le fluide cavitaire général, sans le concours immédiat des globules blancs. II. — LA CHORDE DORSALE Nous rapprocherons de la dégénérescence épithéliale la régres- sion de la chorde, dont tous les détails rappellent assez exactement tout ce que nous avons vu jusqu’ici. D’une façon générale, la structure est la même : une masse épithéliale reposant sur une vitrée, l’enveloppe conjonctive externe ayant même son homologue dans la couche dense de même nature qui renforce la basale de la peau. Au point de vue de la 40 MÉTAMORPHOSE DES AMPHIBIENS ANOURES résistance aux agents destructeurs, les conditions sont aussi les mêmes. La solidité de l’enveloppe oppose un obstacle qui ne dis- paraît qu’aux derniers derniers stades de la régression ; on trouve alors que la chorde, dont la dégénérescence suivant la longueur n’a pas suivi celle des autres tissus, est condensée dans un court espace, présentant des replis, des étranglements, et finalement, des solu- tions de continuité. Dans le tissu à larges mailles et à noyaux aplatis qui constitue la masse centrale (Gallertkorper des Allemands), la dissociation permet mieux de suivre les phénomènes que la méthode des coupes. Ici encore, on assiste tout d’abord à un gonflement du noyau. Le nucléole se gonfle également et devient excentrique. Il finit par avoir la forme d’une sphère pleine ou légèrement évidée qui se détache du noyau : celui-ci pâlit à mesure que le processus s’accentue (PL II, fig. 22). Cette sphérule dont la masse doit con- server, comme nous l’avons vu pour l’épithélium, une certaine vitalité, est susceptible de grossir; elle fournit une assez grande quantité de granulations ayant d’abord les mêmes réactions qu’elle, et donnant enfin des grains de pigment. Les colorants nucléaires agissent sur ces produits comme sur ceux de la dégénérescence épithéliale. De même que, dans la peau, nous avons vu se dessiner entre les cellules des espaces vacuolaires, de même, nous assistons ici à une dissociation des éléments qui s’isolent de plus en plus facilement. La régression totale entraînant une réduction de la masse primitive, les cellules de la chorde deviennent égale- ment plus petites. Sur leur paroi, les produits colorables dont nous venons de parler s’amoncellent, et l’on peut obtenir, libres dans une dissociation : des éléments en pleine destruction, mais àparoi encore nette et remplis de pigment; d’autres cellules dont l’enveloppe semble simplement renforcée à la face interne par des épaississe- ments chromatiques en voie de régression pigmentaire (PI. II, fig- 23). Dans la couche périphérique qui, comme l’extrémité, présente une structure cellulaire plus nette parce qu’il y reste du protoplasma, HISTOLYSE 41 nous avons eu la bonne fortune de retrouver des productions chromatiques allongées qui, quoique plus déliées, rappellent assez bien les boyaux chromatiques épithéliaux vus précédemment. Ce sont plutôt ici des virgules dirigées également vers la basale. On trouve aux mêmes points des granules pigmentaires ; mais l’ori- gine et la destinée des corps chromatiques sont plus difficiles à suivre parce que ces corps sont plus petits. L’amoncellement des noyaux dans cette zone externe s’explique, comme ailleurs, par le fait de la condensation. Ajoutons que, la charpente centrale se dissociant, une partie de ses éléments constitutifs peut venir s’appliquer contre la paroi. Barfurth et Loos ont signalé, dans la zone centrale, cet épaississement des parois cellulaires par des bosselures locales colorables au carmin. Loos parle aussi d’un émiettement des noyaux périphériques. Il y a là, suivant lui, deux ordres de productions bien distincts. Pour nous, nous ne voyons dans les différentes zones de la chorde que des corps chromatiques de môme origine, identiques par les réactions, quoique présentant des colorations plus ou moins intenses suivant qu’ils sont plus ou moins gonflés, avec des variétés de forme rappelant celles que nous avons vues dans la peau (PL IL fig. 21). En meme temps, la limitante externe de la vitrée, couche parti- culièrement dense et colorable, présente des échancrures, s’altère graduellement et disparaît. La vitrée proprement dite se gonfle et sa striation transversale présente des plissements qui s’accentuent. Des aréoles apparaissent dans sa masse, qui conduisent à des altérations locales permettant l’introduction des leucocytes. En effet, la couche conjonctive dense qui renforce extérieurement la gaine propre de la chorde s’altère de bonne heure ; et, dans les replis de l’appareil condensé, viennent s’accumuler les éléments migra- teurs qui ont envahi la presque totalité de l’espace occupé primiti- vement par les tissus conjonctif et musculaire. 42 MÉTAMORPHOSE DES AMPHIBIENS ANOURES III. — SYSTÈME NERVEUX Nous rapprocherons également de Fhistolyse épithéliale la régression du tissu nerveux : et, ici, nous aurons peu de chose à ajouter aux données antérieures. La moelle qui se continue jusqu’à l’extrémité de la queue sous la forme d’un simple tube épithélial, présente à l’extrémité des phénomènes qu’il est difficile de suivre dans les détails, parce qu’ils ont peu d’extension et portent sur des éléments petits. Le tube nerveux conserve, en etfet, très longtemps son intégrité, appliqué sur la chorde dorsale dont il suit les replis. L’altération à l’extrémité consiste dans la formation de larges aréoles contenant du pigment et des noyaux très pâles. On discute la question de savoir si le tube nerveux est ouvert ou fermé à l’extrémité, à l’état normal : quoi quïl en soit, il est ouvert au moment de la métamorphose. Dès les débuts, nous avons pu observer des leucocytes dans son intérieur, et les mêmes éléments se rencontrent à l’extrémité ouverte du tube où ils absorbent les produits de destruction et, en particulier, le pigment. Ajoutons qu’à la fin de la régression, le tube médullaire offre des solutions de continuité, et que ses débris disparaissent dans une masse géné- rale sur laquelle nous aurons à revenir à propos du tissu con- jonctif. Les cellules ganglionnaires ^ à cause de leur volume considérable, sont plus faciles à étudier. Elles présentent les phénomènes de l’histolyse, non seulement dans les racines rachidiennes de la queue, mais encore en beaucoup de points du système nerveux. Pour bien faire ressortir ce point intéressant, nous pouvons prendre comme exemple certains éléments des ganglions du vague ou du trijumeau, qui, donnant naissance à des nerfs en rapport avec des parties dégénérées, sont eux-mêmes atteints par Fhistolyse. Loos indique une condensation du protoplasma cellu- laire ayant pour effet de rendre les éléments anguleux et de déve- HISTOLYSE 43 lopper en eux des vacuoles avec des grains de pigment. Suivant lui, on trouve dans le noyau cinq ou six niasses chromatiques entre lesquelles on peut à peine distinguer le nucléole primitif; en même temps le noyau, à contour très marqué, deviendrait clair et hyalin. Nous ajouterons à ces données que la membrane nucléaire s’efface finalement et que tout l’élément se colore en bloc d’une façon intense. En effet, la masse chromatique n’est pas toujours répartie régulièrement en massules comme l’indique le savant allemand. On la voit souvent se répandre d’une façon graduelle dans l’espace cellulaire,' jusqu’à envahir finalement tout le proto- plasma dans lequel apparaissent des grains de pigment. Le rôle du noyau, et même l’initiative du nucléole dans la formation de ce produit, ressortent, dans certains cas, avec une parfaite évi- dence. Notre figure 24 (PI. II) montre précisément de véritables boyaux chromatiques en rapport avec des renflements nucléolaires comme ceux que nous a présentés l’histolyse cutanée. — En rap- port avec cette régression dans les cellules des ganglions, on peut voir dans les centres (encéphale, moelle allongée, moelle épinière), des zones entières d’éléments offrant la meme dégénérescence pigmentaire. Nous verrons que ce fait n’a rien de surprenant, puisque, d’une extrémité à l’autre du corps, tous les tissus pré- sentent des phénomènes d’histolyse. Les conditions qui déterminent la métamorphose exercent-elles tout d’abord leur action sur les centres? ou bien, cette action portant d'abord sur les tissus, l’alté- ration des éléments ganglionnaires est-elle un fait consécutif? Le point est difficile à préciser : en tout cas, il est intéressant de cons- tater que, d'un bout à ï autre ^ les centres nerveux sont partiellement atteints. Il suit de là que l’histolyse de la fibre nerveuse pourrait être observée en tous les points de la larve. Sans compter l’appareil branchial, nous trouvons certains muscles de la tête, comme ceux des lèvres, et beaucoup de faisceaux du tronc, qui dégénèrent ; d’autre part, le tissu conjonctif sous-cutané disparaît en grande partie pour faire place aux sacs lymphatiques, etc. Tous les filets nerveux qui vont à ces régions sont atteints ; mais, comme ils sont 44 MÉTAMORPHOSE DES AMPhIbIENS ANOURES peu considérables et mêlés à des fibres intactes, il est préférable d’étudier cette dégénérescence sur les paires rachidiennes de la queue, d’autant plus que cette étude n’est pas sans difficulté. La dissociation permet facilement de mettre en liberté des frag- ments d’aspect laiteux à la lumière directe, réfringents à la lumière transmise. On peut voir alors saillir, soit par l’extrémité rompue d’une fibre, soit latéralement à travers la paroi, des vésicules à double contour plus ou moins épais, quelquefois des sphérules pleines qui se colorent d’une façon intense par le vert de méthyle. Ces vésicules ont souvent un aspect irrégulier et semblent se résoudre en balles plus petites. Loos a vu ces corps particuliers, mais il n’insiste pas sur les réactions qu’ils donnent : il les consi- dère comme des fragments myéliniques, dont la sortie est déter- minée par la rupture des fibres ; il n’y aurait là qu’un accident de dissociation. Que la sortie régulière de ces produits dans la disso- ciation soit souvent un accident, nous ne le contesterons pas. Mais nous avons vu, sur les coupes^ des sphérules ayant les mêmes réactions, s’amonceler en certains points le long des fibres, et même sourdre en une grosse masse à travers le névrilemme du faisceau (PI. II, fig. 25). Si l’on examine des fibres dissociées, on constate que le cylindre axe cesse rapidement d’être visible et semble disparaître de bonne heure. Puis, la gaine de myéline présente des solutions de conti- nuité à mesure que la fibre, suivant le mouvement général de condensation, se plisse et présente des bosselures irrégulières. Après la sortie des corps dont nous venons de parler, les gaines, qui semblent vides, persistent encore longtemps avant de dispa- raître (PI. II, fig. 26). Cette division de la myéline peut rappeler, jusqu’à un certain point, les faits observés par Gourvoisier sur les fibres de grenouille séparées de leur centre trophique (Degenera- tion’s Kügelchen). Mais remarquons que les produits en question, dans notre cas, n’ont pas les réactions de la myéline et que la myéline elle-même, chez ces larves, n’est pas semblable au point de vue chimique à celle de l’adulte, puisque facide osmique ne la norcit pas. L’identité complète que présentent au point de vue des HISTOLYSE 43 colorations, ces produits et ceux que nous avons décrits, nous porte à admettre ici encore [quoique nous n ayons pu la constater)^ une combinaison de la myéline avec la chromatine des noyaux des fibres. Metschnikoff parle de globules blancs renfermant des fragments de fibres reconnaissables ; et, après lui, Barfurth prétend s’être assuré du même fait. La phagocytose nerveuse nous a tota- lement échappé ; jamais nous n’avons pu reconnaître dans un leu- cocyte des produits aussi directs et bien caractérisés de Fhisto- lyse des faisceaux. Nous avouerons également, comme tous ceux qui ont abordé ce sujet, n’avoir pu suivre l’histolyse des fines fibres nerveuses sans myéline, qui se répandent en abondance dans les tissus de la queue et particulièrement dans le lophioderme. IV. — LE SYSTÈME MUSCULAIRE La dégénérescence musculaire offre un intérêt considérable, parce qu’elle porte sur une masse énorme et qu’elle se présente à nous avec un caractère nouveau. En effet, tous les produits figurés his- tolytiques que nous avons vus jusqu’ici ont pu être rapportés à l’activité nucléaire; nous allons rencontrer maintenant des corps également figurés provenant directement de la substance du muscle. D’autre part, le contact immédiat d’un riche réseau capillaire déter- mine des phénomènes importants, et sur lesquels nous aurons à insister parce qu’ils donnent lieu à de grandes discussions. Tout récemment, Loos (31), dans un travail que nous avons eu l’occasion de signaler plusieurs fois, a exposé longuement l’état de la question et donné les conclusions auxquelles l’ont conduit ses propres études. Nos recherches nous ayant donné des résultats différents, nous reprendrons le travail en étudiant spécialement la musculature caudale, puisque c’est elle qui est mise en cause. Au fur et à mesure que l’occasion s’en présentera, nous indiquerons les travaux antérieurs; nous insisterons particulièrement sur celui de Loos qui est le plus récent, et dans lequel nous croyons avoir à 46 MÉTAMORPHOSE DES AMPHIBIENS ANOURES combler des lacunes et même à relever d’importantes erreurs de faits. 1“ Raccourcissement des faisceaux musculaires. — La masse musculaire caudale est composée, comme on sait, d’un ensemble de faisceaux primitifs présentant, dans les segments'successifs, une dis- position en chevrons caractéristique. Chaque faisceau porte, appli- qué contre sa périphérie, un périmysium à noyaux aplatis, et offre lui-même sur son pourtour ou répandus dans sa masse, un nombre variable de noyaux ovoïdes dont le grand axe est parallèle à la lon- gueur. Cette structure, qui ne présente rien de bien particulier, ne nous arrêtera pas davantage. Examinons ces faisceaux sur une coupe longitudinale parallèle à l’axe de la queue, chez une larve de grenouille {R. esculentà) au deuxième jour de la métamorphose. Le sarcolemme, qui limitait primitivement un espace cylindrique occupé totalement par le faisceau, limite maintenant un espace plus ou moins ovalaire. Il reste un vide entre la masse fibrillaire et son enveloppe, comme si la substance musculaire avait subi une contraction dans le sens de la longueur, sans être suivie dans son mouvement par le périmy- sium. Nous n’avons pas l’intention d’attacher au mot contraction un sens physiologique, L’étude des fibrilles va nous montrer pour- tant que l’analogie pourrait être poussée dans les détails. La con- densation dont il s’agit est, en général, plus marquée sur les fibrilles périphériques. On voit souvent ces dernières constituer à la surface du faisceau, sans jamais le revêtir totalement, des plaques fendues irrégulièrement, sans striation longitudinale visible, mais striées transversalement d’une façon très marquée. Cette striation, plus accentuée qu’à l’état normal, est aussi beaucoup plus serrée. Les disques foncés aussi bien que les disques clairs ont diminué d’épais- seur en même temps qu’ils se fusionnaient latéralement avec leurs voisins, de façon à effacer la striation longitudinale. Ajoutons que les masses en question ont une vive réfringence, et présentent, après fixation à la liqueur de Flemming, une teinte brune que Barfurth attribuait à l’action de l’acide osmique, parce qu’il voyait là un début de dégénérescence graisseuse. HISTOLYSE 47 Nous avons choisi cet exemple parce qu’il montre, mieux que tout autre, les rapports qui existent entre la condensation suivant la longueur et la modification dans le double système de stries. Mais la contraction des fibrilles périphériques peut donner lieu à des apparences toutes différentes si, comme le cas se présente souvent, il y a dissociation des deux faits dont nous venons de parler : accentuation des stries transversales, disparition des stries longitu- dinales. Le processus que nous allons donner peut même être regardé comme le cas le plus typique et le plus complet. Les fibrilles périphériques se rompent à une de leurs extrémités ; elles sont alors plus courtes et plus denses. Cette rupture se produit isolément pour chacune d’elles; en tout cas, elles sont très généralement dissociées à la suite du phénomène. Les extrémités libres s’appliquent obli- quement sur les fibres restées intactes, et d’une façon quelconque. Le résultat de ce fait est qu’un faisceau, coupé longitudinalement, présente en un point un manchon plus ou moins complet, plus ou moins régulier, constitué par des fibrilles dirigées en tous sens, et nettement séparé de la masse centrale. Assez souvent, les fibrilles détachées prennent une disposition plus régulière ; et, sur des coupes transversales, on obtient de véritables anneaux de fibrilles vues longitudinalement, entourant une masse centrale sectionnée perpendiculairement à son axe (Fl. II, fig. 28. PI. III, fig. 27). C’est alors seulement qu’apparaît la seconde modification ; les fibrilles ainsi rompues deviennent réfringentes et prennent une teinte brune caractéristique. La condensation s’accuse également dans la masse restée en place qui peut se détacher aussi par une extrémité, ou se briser en des points quelconques de façon à consti- tuer des fragments de dimensions variables : et là encore, on observe les mêmes modifications. Quoique, dans la règle, la périphérie des faisceaux primitifs soit le siège d’altérations particulièrement marquées et précoces, il arrive que la condensation frappe à la fois toute la masse. Ce fait se présente fréquemment dans la pleine histolyse : les faisceaux se rompent à une de leurs extrémités, quelquefois en totalité ; et fina- 48 MÉTAMORPHOSE DES AMPHIBIENS ANOURES lement, il ne reste plus qu’un bloc réfringent et brunâtre avec une extrémité libre. C’est ainsi que la condensation de la substance musculaire con- duit à des faisceaux transformés, soit en masse, soit par fragments de diverses tailles, en une matière réfringente, brunâtre, dont l’homogénéité n’est troublée que par la striation transversale. Cette striation présente du reste des degrés de netteté variables et nous verrons qu’elle est destinée à disparaître. Disons encore qu’à ce stade de régression, le sarcolemme paraît toujours parfaitement intact, et que l’espace limité par lui est libre absolument de tout élément étranger. Loos admet, comme première modification du muscle, une disso- ciation des fibrilles par suite de la disparition du ciment qui les unit. Les fibrilles devenues en quelque sorte plus plastiques se fusionnent pour donner l’aspect général homogène et réfringent dont nous avons parlé : ici, comme à propos de la peau, nous nous en tiendrons aux phénomènes morphologiques, sans vouloir entrer dans le détail d’actions physico-chimiques qui nous échappent, et ne peuvent par conséquent donner lieu à des indications précises. 2° Les sarcolytes. Leur destinée. — Nous abordons le point capital relatif à la dégénérescence musculaire. Un coup d’œil histo- rique rapide définira l’état actuel de la question. En 1862, Margo (33) découvrait dans la musculature dorsale de certaines larves d’ Anoures, et même chez de jeunes grenouilles, des corps particu- liers, réfringents, de forme plus ou moins ovoïde, striés transver- salement et contenant un ou deux noyaux. C’étaient pour lui des cellules représentant un stade du développement de la fibre mus- culaire striée. En 1883, Paneth (37), revenant sur ce point, cons- tata que le noyau, au lieu d’être contenu dans les corps en question, se trouvait à côté d’eux. Ce que Margo considérait comme des cellules fut regardé par lui comme des produits cellulaires. Mais l’interprétation générale restait la même. Pour Paneth comme pour Margo, ces corps sont bien des sarcoplasles^ et il les retrouve aux stades embryonnaires chez d’autres Vertébrés, comme représentant une étape du développement musculaire. En 1886, S. Mayer (34) HISTOLYSE 49 reconnut la véritable nature de ces éléments. Il constata qu’ils étaient libres ou contenus dans des sortes de cellules ; suivant lui, quelle que soit l’apparence, on a toujours affaire aux produits de la dégénérescence du muscle. Les corps appelés par Margo, sarco- plastes, et revus par Paneth, doivent changer de nom : ce ne sont pas des sarcoplastes^ mais bien des sarcohjtes. Mais les processus de la dégénérescence étaient loin d’être élu- cidés. En 1884, Metschnikoff, après avoir établi le rôle considé- rable joué par divers éléments et en particulier les éléments méso- blastiques, dans l’évolution larvaire chez certains Invertébrés, cherchait, chez les Vertébrés, des faits à l’appui de sa théorie de la Phagocytose, lorsqu’il fit une importante observation sur des larves de Bombinator . Il constata qu’au moment de la métamorphose certains faisceaux musculaires portent à leur extrémité un amon- cellement de leucocytes ; de plus, il trouva des globules blancs renfermant des fragments nettement striés, et des débris de libres nerveuses encore reconnaissables : Metschnikoff admit que l’his- tolyse est produite par les leucocytes et a pour point de départ la diapédèse. Barfurth le premier (6) songea à rapprocher les données de Metschnikoff des observations relatives aux sarcolytes. Il ne rencontra pas de phagocytes dans ses préparations de muscles, « ce qui, dit-il, pouvait bien tenir à ma façon d’opérer. » (Barfurth veut parler de la méthode des coupes; et il se demande si Mayer, sup- primant dans ses dissociations l’obstacle du sarcolemme n’aurait pas obtenu artificiellement ses « cellules ou corps d’apparence cellulaire », les sarcolytes pouvant se trouver accidentellement à côté ou à l’intérieur des leucocytes.) Barfurth admet du reste, d’une façon générale, que les produits delà dégénérescence sont absorbés par les leucocytes et utilisés dans l’organisme, suivant l’opinion de Metschnikoff. Mais, en rapprochant les corps vus par Mayer des pha- gocytes musculaires qu’il n’a pas vus sur ses coupes, il.fait ressortir que les uns et les autres pourraient bien n’être que des accidents de préparation. La phagocytose ainsi entendue nous paraît s’éloigner déj à beaucoup de la conception de Metschnikoff. Mais le rôle actif des leucocytes serait bien davantage réduit pour le cas qui nous occupe. UNIVERSITÉ DE LYON. — H. A. 50 MÉTAMORPHOSE DES AMPHIBIEjNS ANOURES et même ramené à néant, si l’on acceptait comme correspondant à Ja réalité des faits les récentes données de Loos (31). L’opinion du savant de Leipzick sur les phagocytes musculaires peut s’exprimer par cette courte formule de Mayer relative aux sarcolytes : « Les cellules ou les corps d’apparence cellulaire à côté desquels ou dans lesquels ils se trouvent représentent les produits de destruction de la fibre musculaire striée normale. » Reprenons notre étude pour en comparer les résultats à ceux de Loos. Nous avons à nous occuper du sort des blocs musculaires dont l’origine a été donnée tout à l’heure. La striation longitudinale disparaît graduellement, les stries transversales se montrent davan- tage persistantes. Ces fragments vont se diviser et arrondir leurs extrémités en donnant des sarcolytes de dimensions extrêmement variables. A ce moment, le faisceau primitif nous présente deux modifica- tions capitales. Nous avons vu qu’au début des phénomènes histo- lytiques, le sarcolemme était intact. Dès ce moment, il commence à s’altérer. Une coupe longitudinale passant un peu obliquement sur le bord d’un muscle à ce stade nous montre cette enveloppe transformée en un véritable treillis à mailles assez régulières (PI. ÏII, fig. 29). Or, l’intégrité du périmysium serait persistante suivant l’opinion émise pour la première fois par Barfurth : on voit qu’il n’en est rien; par conséquent, l’obstacle que pourraient ren- contrer là les globules blancs (si tant est que ce soit un obstacle) n’existe même pas ; et nous passons directement à la seconde modi- fication, beaucoup plus importante, qui est l’invasion des leuco- cytes. Notre figure 30 (PL III), montre précisément une abondance de ces éléments : les uns arrondis, granuleux, les autres accolés aux sarcolytes, mais toujours nettement nucléés. De même que nous voyons des globules blancs libres, de même nous voyons des fragments musculaires libres et non encore transformés complète- ment. A des stades plus avancés, la totalité de l’espace occupé primi- tivement par un faisceau est rempli de phagocytes : tous les sarco- lytes^ à part de rares exceptions^ sont contenus dans des éléments HYSTOLYSE 51 limités et niicléés. Dans la plupart des cas, se présente toute la gamme des intermédiaires entre les globules blancs libres et les globules enveloppant les sarcolytes. La simple inspection des coupes impose à l’esprit l’invasion des leucocytes et leur rôle actif sur les produits de la dégénérescence. Outre les intermédiaires dont nous venons de parler, l’état des fragments dans les éléments qui les portent appelle l’attention : on ne trouve pas, chez les sarcolytes libres, cet aspect contourné et pétri en quelque sorte, qu’ils montrent très généralement lorsqu’ils ont subi l’action du leucocyte. Sus- pendons là cet exposé pour examiner une statistique des produits de la dégénérescence musculaire, donnée par Loos, d’après des dis- sociations de tissus frais. Cette statistique a été résumée par List (30) de la façon sui- vante : Sarcolytes libres, 90 à 96 p. 100. Sarcolytes enveloppés de protoplasma sans noyaux, 4 à 6 p. 100. Sarcolytes entourés d’un protoplasma nucléé, 3 p. 100. L’origine des sarcolytes libres se passe d’explication. Quant aux deux dernières catégories d’éléments, ce ne seraient, suivant Loos, que des apparences résultant de l’histolyse des fibres jeunes. Il existe, en effet, à la périphérie des masses musculaires, des fibres jeunes portant encore latéralement un protoplasma granu- leux avec des noyaux. Dans la dégénérescence, ces fibres se com- portent comme les autres : elles subissent une condensation sui- vant la longueur; la masse protoplasmique embryonnaire latérale, suivant le mouvement, se bosselle plus ou moins irrégulièrement, et dans les renflements se réunissent les noyaux qui étaient aupa- ravant répartis sur une plus grande étendue. Barfurth (6) indique au début de la régression u un amoncellement de noyaux dans le périmysium interne ». Dans l’exposé des processus généraux, nous n’avons pas parlé de cet amoncellement. C’est qu’en effet, suivant nous, le fait en question ne peut être rapporté qu’aux fibres jeunes : et ces fibres constituent d’exception. Ceci dit en passant, remar- quons bien que ces muscles jeunes ne se présentent qu’à la péri- phérie ; que si leurs noyaux se fragmentent comme on pourrait le Ô2 MÉTAMORPHOSE DES AMPHIBIENS ANOURES supposer dans quelques cas, c’est une fragmentation histolyiique, un processus de dégénérescence qui n’a rien de commun avec une multiplication. Il resterait donc acquis que ces noyaux sont rares, et les appa- rences cellulaires auxquelles ils pourraient donner lieu ne se ren- contreraient qu’en une certaine région. A part la question de localisation, cette origine pourrait du reste parfaitement suffire pour les rares apparences cellulaires signalées dans la statistique de Loos. Mais comment concilier ses résultats avec ceux que nous avons donnés? Loos a procédé par dissociation. Or, il est facile de multiplier par la dissociation les sarcolytes libres, aux dépens même des sarcolytes enveloppés. Outre que des numérations, en pareil cas, sont sujettes à caution, les chiffres du savant allemand n’auraient de valeur que dans son hypothèse; car, il est bien clair qu’en admettant l’intervention des leucocytes, le nombre des sarcolytes libres doit diminuer rapide- ment pendant la pleine histolyse : c’est du reste ce qu’indiquent nos figures 30, 31, 32 (PL III), et ce que nous avons pu constater maintes fois. Des statistiques semblables nous seraient donc impossibles; et pourtant, nous devons objecter à Loos qu’en faisant un pareil état de nos éléments à un certain stade et pour la grande majorité des faisceaux, nous obtiendrions au moins une relation inverse de la sienne entre les sarcolytes enveloppés et les sarco- lytes libres, sinon des chiffres plus énergiques. C’est dire que nous aurions au moins 95 p. 100 apparences cellulaires. La méthode des coupes, en pareil cas, est particulièrement pré- cieuse, comme l’a fort bien fait remarquer Barfurth, car elle laisse les éléments en place. Mais comment Loos, qui l’a pourtant employée, n’en a-t-il pas tiré les éléments de sa statistique? Nous ne croyons pas nous éloigner beaucoup de la vérité en disant que la chose lui a paru difficile. Les coupes à la paraffine, que nous avons pratiquées avec fruit pour divers points de ces recherches et particulièrement pour les structures nucléaires, ne nous ont rien donné pour ce qui est de l’histolyse musculaire proprement dite. HISTOLYSE 53- La minceur des coupes, Téclaircissement considérable qu’elles subissent dans le baume, rendent les contours si mal définis qu’il est impossible de faire des déterminations de ce genre. Les coupes faites après inclusion dans la celloïdine n’ont pas ces inconvé- nients. Obtenues avec des matériaux soigneusement fixés à la liqueur de Flemming, montées ensuite dans la glycérine, elles offrent avec la plus grande netteté tous les détails que nous avons donnés plus haut, et cela, même sans coloration. Quelques préparations ainsi obtenues auraient suffi à convaincre Loos d’un processus qu’il déclare n’avoir jamais vu : « des leuco- cytes enveloppant des fibres miiscidaires , soit à Vétat normal^ soit sur le point de dégénérer^ soit divisées déjà en fragments de diverses tailles. )) Les éléments en question présentent-ils des mouvements ami- boïdes? Loos déclare n’en avoir observé sur ses éléments d’appa- rence cellulaire que dans des cas très rares. Il est fort compréhen- sible que des leucocytes, dont la masse protoplasmique suffit à peine à envelopper les blocs musculaires relativement énormes qu’elle rencontre, n’offrent pas des mouvements aussi prononcés que des éléments libres et vides. Mais sur tous les phagocytes intacts que nous avons pu observer dissociés dans le sérum, nous avons constaté des déformations importantes attestant le travail du protoplasma cellulaire. La figure 33 (PL III) montre précisément les déforma- tions observées en quelques minutes sur des phagocytes pris au hasard dans une dissociation. Un autre fait qui atteste l’existence de ces mouvements et la nature leucocytaire des éléments en question, c’est la présence des phagocytes dans les capillaires. Ce point appelle une double remarque. D’abord, il contredit une observation de Barfurth qui déclare n’avoir jamais vu de sarcolytes hors du sarcolemme. Le cas dont nous parlons s’est présenté rarement, assez souvent pourtant pour nous mettre sous les yeux une particularité que nous avons observée là seulement : un bloc musculaire assez volu- mineux, allongé dans un capillaire, nettement enveloppé du reste, et portant un noyau à chaque extrémité. Est-ce un seul leucocyte à 54 MÉTAMORPHOSE DES AMPHIBIENS ANOURES deux noyaux, ou bien un phagocyte double? Ceci n’a aucune importance. En tout cas, le bloc est énorme; et ici prend place la seconde remarque, à savoir qu’il est fort difficile d’expliquer par l’entraînement résultant du cours du sang, l’introduction et le che- minement d’une pareille masse dans un capillaire qui suffit à peine à la contenir. Ce sont là des considérations accessoires. Mais l’exis- tence de phagocytes véritables dans l’histolyse musculaire nous paraît incontestable : 1° Parce que toute division nucléaire faisant défaut dans le sar- colemme comme dans le muscle, il serait impossible de trouver une origine accidentelle pour une pareille masse d’éléments nucléés. 2® Parce que la gamme d’intermédiaires qui existe entre le leuco- cyte à l’état de globule migrateur libre dans le lophioderme, et le phagocyte rempli de sarcolytes se trouve tout entière dans l’his- tolyse. 3° Parce que les corps en question présentent des changements de forme très nets. L’erreur de Loos peut être rapportée à l’insuffisance de sa méthode de coupes. 3° Destinée des phagocytes. — Les corps figurés absorbés par les globules blancs ou même ceux restés libres vont être digérés. La striation transversale s’efface, et les contours mêmes du sarcolyte nous échappent peu à peu. On comprend que les fragments libres, dissous dans la lymphe qui les baigne, soient entraînés dans le torrent circulatoire et puissent servir dans de nouvelles combi- naisons. Mais que deviennent les phagocytes? Nous en avons trouvé tout à l’heure dans les capillaires... Y rentreront-il tous ? Nous croyons pouvoir répondre non, parce que nous en avons vu dégénérer sur place. Ceux-là pourront encore être entraînés finalement, mais à l’état de déchets. Cette dégénérescence des leucocytes alors que, ayant digéré des sarcolytes énormes, ils se présentent sous la forme d’une grosse masse hyaline, est intéressante à suivre sur le frais. Colorés au vert de méthyle, ils offrent un contour bien marqué HISTOLYSE 55 avec im noyau bosselé régulièrement^ la chromatine n’existant qu’à la périphérie où elle forme une bordure homogène, sans structure. La régression présente un caractère très curieux : c’est une sorte de division in extremis particulière et bizarre par sa régularité même. Notre figure 34 (PL III) présente les différents stades du phénomène trouvés dans la même préparation. La cellule mar- quée a présente un contour arrondi ; son noyau est régulièrement incisé sur les bords et constitue une vraie rosace. Au stade suivant, é, le protoplasma se lobe en prenant des incisions correspondant à celles de la rosace nucléaire. Enfin, de la fragmentation résultent des corps comme ceux marqués c, qui fixent le vert d’une façon plus intense à mesure que la couche protoplasmique diminue. Finalement, on aboutit à des granules pigmentaires. Des anatomo- pathologistes, Cornil entre autres, ont souvent figuré des appa- rences du même genre. Mais celles que nous avons eues sous les yeux présentent une ressemblance particulièrement marquée avec les éléments en dégénérescence de la moelle des os récemment figurés par Demarbaix (17). Barfurtb décrit, au voisinage des faisceaux musculaires, de gros éléments libres plurinucléés (Riezenzellen), qu’il compare aux myéloplaxes de Robin (Ostoklastes de Kôlliker). Les corps que nous venons de décrire, et que nous donnons comme des phago- cytes en voie de destruction, ont-ils quelque chose de commun avec les éléments en question? C’est ce que nous ne saurions dire. Nous pensons en somme que beaucoup de leucocytes sortis de leur milieu et restés en stagnation dans les tissus sous forme de phagocytes dégénèrent sur place. Nous tâcherons plus tard de nous rendre compte de ce fait. Il résulte également de cet exposé que la destinée des sarcolytes est liée à celle des globules blancs qui les absorbent. Nous voyons ceux-ci donner finalement naissance . aux mêmes balles chromatiques que nous avons observées dans la dégénérescence épithéliale. Ici encore, le rôle du noyau apparaît très évident et nous assistons toujours à une production de pig- ment. Nous n’avons pas à déterminer quel rôle pourrait bien jouer la substance musculaire dans cette production. La seule chose que 56 MÉTAMORPHOSE DES AMPHIBIENS ANOURES nous sachions sur les sarcolytes, c’est qu’ils perdent peu à peu leur aspect et disparaissent. Après avoir donné, grâce à leurs caractères physiques, une netteté toute particulière aux phénomènes de pha- gocytose, ils sont assimilés par les leucocytes ; et, à mesure que ces caractères physiques s’atténuent, les sarcolytes échappent à l’oh- servation. 4° Les noyaux du muscle. — Cette étude des modifications des faisceaux musculaires serait incomplète, si nous n’ajoutions quel- ques mots sur le noyau. Avant la métamorphose, les muscles de la queue présentent de nombreux noyaux disséminés dans leur masse ou appliqués sur leur pourtour. Des noyaux aplatis se rencontrent aussi en abondance dans le périmysium. La destinée des premiers a été décrite par Loos, et nous n’avons rien à ajouter à la figure très exacte qu’il donne à ce sujet. Cette figure représente une portion de coupe longitudinale pra- tiquée dans la queue - du Pélobate. Le muscle, dont la substance contractile devenue homogènes présente des solutions de conti- nuité dirigées en tous sens, renferme des noyaux absolument déformés, étirés suivant des lignes irrégulières ou même émiettés en balles isolées. Le savant allemand ne voit là qu’un fait particulier. Pour nous, nous rapprocherons ce fait des modifications nucléaires générales qui caractérisent cette période. Les corps en question ayant la même origine et les mêmes réactions que les produits semblables rencontrés jusqu’ici, nous admettrons que leur destinée est aussi la même (PI. lY, fig. 36). Ce processus de dégénérescence présente plus de netteté, s’il est possible, dans le cas des noyaux périmysiens. Il s’agit ici des fais- ceaux complètement évolués qui constituent la plus grande partie de la masse caudale. Considérons donc de préférence une coupe longitudinale verticale passant très près de l’axe. Nous -verrons, dès le début des phénomènes d’histolyse, les noyaux du sarco- lemme se vider en quelque sorte de leur substance chromatique (PL III, fig. 35). Au contact de leur enveloppe flétrie, s’étend une nappe de matière hyaline, identique par ses réactions aux halles que nous indiquions tout à l’heure, laquelle se résout du reste HISTOLYSE 57 en grains de dimensions variables suivant le mode déjà décrit. Pour ce qui est des faisceaux jeunes périphériques, nous avons eu l’occasion d’indiquer une sorte d’amoncellement, résultant du fait que le protoplasma granuleux, resté sur l’un des côtés, est entraîné par la substance musculaire dans sa condensation. C’est proba- blement le « Kernwücherungim périmysium internum » dont parle Barfurth, et que Loos dit n’avoir pas constaté. Le sort de ces noyaux est difficile à discerner lorsque les fibres qui les portent entrent en histolyse et que les leucocytes interviennent. Nous pensons qu’ils dégénèrent sur place comme les noyaux propres des faisceaux adultes. La conséquence de ces faits est qu’au moment où le muscle se dissocie, on n’aperçoit plus dans sa masse que des noyaux très rares et en très mauvais état. L’aspect qu’il présente alors con- traste tellement avec celui du muscle modifié subitement par l’ap- parition en masse des corps nucléés et remplis de sarcolytes, qu’une invasion d’éléments s’impose à l’esprit. Mais, avant d’en finir avec les produits chromatiques musculaires, nous devons mentionner une opinion de Barfurth qui, à plusieurs reprises, parle de dégénérescence graisseuse dans le muscle. Il semble con- sidérer la teinte brune que prennent les sarcolytes sous l’influence de la liqueur de Flemming comme l’indice d’une régression grais- seuse. La condensation de ta substance musculaire et les chan- gements survenus dans sa composition physique peuvent suffire à rendre compte de cette modification. Le caractère, du reste, loin de s’accentuer dans la suite, s’atténue graduellement, comme nous l’avons vu, elles sarcolytes contenus dans les leucocytes deviennent de plus en plus clairs. L’apparition de la matière grasse sous forme de petites boules (Fettropfen), comme l’indique le savant de Bonn, rappelle facilement l’aspect que présentent les balles chromatiques sur des préparations non colorées, et traitées précisément à la façon préconisée par Barfurth. Ces balles sont jaunâtres, assez réfringentes, comme la substance nucléaire ; mais jamais laliqueur de Flemming ne les noircit. Peut-être aussi, les corps en question se trouvaient-ils très avancés dans leur transformation pigmentaire 58 MÉTAMORPHOSE DES AMPHIBIENS ANOURES sur les points examinés. C’est la seule interprétation que nous puissions voir des faits observés par Barfurth : et c’est pourquoi nous leur donnons cette place, à la suite de notre étude des pro- duits chromatiques. Loos déclare comme nous n’avoir pas vu cette dégénérescence graisseuse, bien que son attention fut dirigée sur ce point ». 5" Rôle des globules blancs. — Nous croyons avoir établi, con- trairement à l’opinion émise par Loos, que les leucocytes jouent un rôle actif dans l’histolyse musculaire. Mais, tout en rendant jus- tice à la sagacité de Metschnikoff qui, sur quelques dissociations, est arrivé à fixer exactement la nature de corps sur lesquels tant d’histologistes s’étaient trompés, nous sommes conduit, par l’ob- servation des stades de la dégénérescence, à une conception un peu différente de la sienne. Sans vouloir insister sur ce point avant d’avoir fait appel à d’autres données, nous ferons remarquer que les leucocytes ne viennent pas dévorer les faisceaux musculaires et engendrer l’histolyse, puisque l’histolyse commence avant leur invasion. Il arrive même que leur rôle apparaisse bien plus tard que nous ne l’avons indiqué plus haut. Il peut se faire que la subs- tance musculaire soit complètement altérée, transformée en une masse irrégulière, homogène et réfringente, sans qu’on observe de leucocytes au contact. En somme, nous ne pouvons considérer les globules blancs comme les agents essentiels de l’histolyse; la phagocytose active est nettement caractérisée, mais elle n’inter- vient que d’une façon irrégulière et comme un facteur accessoire. Ce n’est qu’un temps dans le processus de la régression, temps dont la durée est variable et peut être réduite à néant. Nous pensons que beaucoup de sarcolytes sont dissous directement, sans le concours des phagocytes ; et il n’y a pas de raison pour admettre leur action sur certains produits que nous trouvons libres dans la queue et qui se présentent entraînés également à l’état de liberté en d’autres points du corps : tels, les produits chromatiques figurés que nous avons vu sortir des noyaux, musculaires et autres, pro- duits que nous retrouverons en grande abondance dans les gros troncs circulatoires au voisinage du cœur. HISTOLYSE 59 6° L’histolyse musculaire en des régions autres que la queue. — Que Ton trouve dans la région branchiale (muscles branchiaux), I et d’une façon générale dans les portions de la tête nécessairement I atteintes par suite des modifications qu’elles subissent, des faits I d’histolyse identiques à ceux que présente la queue, rien d’éton- nant. Aussi, n’est-ce pas de ces régions que nous voulons parler. Les masses musculaires du tronc présentent sur toute 1 eur longueur, pendant la métamorphose, de nombreux faisceaux dégénérés. Ainsi, les mêmes particularités que nous avons décrites peuvent se rencontrer en remontant de la base de la queue à la région cervi- cale, c’est-à-dire, dans la portion du corps qui semble le plus stable pendant cette période de l’évolution. On y trouve tous les stades ordinaires : condensation partielle, condensation totale, divi- sion en sarcolytes, etc... I Nous n’insisterons pas davantage sur ces faits connus. Il suffit I de dire que le processus est le même, et de noter cette observation, I d’une importance énorme au point de vue de notre interprétation générale. 7° Action mécanique du muscle. — Un fait intéressant, et qui doit fixer un instant notre attention à la fin de cette étude, est la con- densation de la substance contractile qui prélude à l’histolÿse. Cette modification, par suite de laquelle la fibre devenue plus courte se détache du sarcolemme, est particulièrement nette sur des coupes longitudinales faites sur l’extrémité en pleine dégéné- rescence. Nous devons la rapprocher de quelques détails qui ont été donnés au cours de notre étude sur l’histolyse caudale. Nous avons parlé des plissements que présentent la peau, la ■ chorde dorsale, les faisceaux nerveux. Seul, le muscle peut pré- senter une quantité considérable de faisceaux plus courts et sans replis. Nous avons même vu la condensation de sa substance aller quelquefois jusqu’à la rupture de l’une des extrémités des faisceaux. Le phénomène qui se produit dans la masse musculaire étant très précoce, nous croyons pouvoir lui attribuer la condensation que Ton observe dans tous les autres tissus. De tous les éléments constitutifs de la queue, le muscle seul ne présente pas, d’une 60 MÉTAMORPHOSE DES AMPHIBIENS ANOURES façon générale^, les traces d’une rétraction mécanique. Sa masse considérable, subissant un raccourcissement, peut parfaitement entraîner les autres tissus. Quant à Ja cause physiologique de cette condensation, nous nous abstiendrons de la rechercher ; même après avoir établi, comme nous chercherons à le faire, les condi- tions générales dans lesquelles s’effectue la régression, nous laisserons le champ libre aux hypothèses. Un autre fait, que nous devons rappeler à ce sujet, est la locali- sation des figures karyokinétiques au fond des replis épithéliaux. Nous avons fait ressortir, en effet, que la division se rencontre exclusivement aux points où, une action mécanique s’exerçant suivant la longueur produirait, sur les tissus, la plus forte irritation. En adoptant l’idée qui vient d’être émise sur les faisceaux muscu- laires et qui est en somme l’expression d’un fait, on pourrait s’expliquer la coexistence, dans l’épithélium, des phénomènes de destruction et des phénomènes de multiplication. On se rendrait compte également de la forme si particulière que présente l’émission nucléaire dans le cas des boyaux chromatiques . Ces deux points relèveraient d’un état spécial des éléments soumis à deux actions inverses : 1“ Irritation mécanique : d’où tendance à la multiplication. 2® Conditions histolytiques générales déterminant la régression. 8® Modifications du tortillon intestinal. — Nous allons nous trouver dans le tortillon intestinal, en présence d’actions du même genre. On sait que, pendant la métamorphose, l’intestin de la larve subit une réduction considérable qui porte, non seulement sur la longueur, mais encore sur le calibre du tube. Deux questions intéressantes se posaient : 1® Le raccourcissement est-il localisé en une région déterminée? 2® Comment se produit le raccourcissement ? !. Il arrive que quelques faisceaux présentent des plissements. C’est une exception qui peut s’interpréter. Sur la masse des faisceaux, il peut se faire que quelques-uns ne soient pas encore atteints par la régression, alors que les autres ont déjà subi la modification qui nous occupe. Les faisceaux intacts sont alors entraînés au même titre que les tissus voisins. HISTOLYSE 61 Pour répondre à la première question, il fallait fixer des repères sur le tube digestif sans entraver l’évolution des larves. L’expérience a été faite sur plusieurs têtards à'Alytes^ quelques jours avant la sortie des pattes antérieures. L’animal étant immo- bilisé par le curare, on ouvrait la cavité abdominale. Les circuits du tortillon étaient légèrement étalés ; et on plaçait, à égale dis- tance, des anneaux de fil de soie, qui étaient retenus en place par le mésentère. La paroi abdominale étant refermée par quelques points de suture, la larve, sortie de l’état curarique, continuait régulièrement son évolution. Les seuls accidents que nous ayons eus (et ils ont été nombreux) étaient dus à l’action du curare. L’expérience répond à la première question d’une façon négative. En examinant les larves à la fin de la métamorphose, on constate que tous les repères se sont considérablement rapprochés. Placés primitivement à des distances de 2 centimètres à 2 centimètres et demi, ils se retrouvent à 7 ou 8 millimètres. Le raccourcissement était peut-être un peu plus marqué au sommet du tortillon, mais pas suffisamment pour infirmer le résul- tat général : on peut dire que les modifications du tortillon intes- tinal ne sont pas localisées. L’étude histologique nous a permis de mieux saisir la significa- tion des faits et de répondre à la seconde question : celle du méca- nisme du raccourcissement. - Si l’on dissocie, dans l’alcool au tiers, la tunique musculaire intestinale, on constate qu’elle e^t constituée par un double sys- tème des fibres lisses : une couche externe de fibres longitudinales, et une couche interne de fibres transversales. Au début de la métamorphose, les deux couches superposées sont assez minces pour pouvoir être examinées par transparence. Dans l’une comme dans l’autre, les éléments présentent une longueur considérable (Omm 22 à 0““,26). Pendant la métamorphose, ces tuniques devien- nent plus épaisses, mais en poussant un peu plus loin la dissocia- tion, on arrive à obtenir des fibres qui peuvent être mesurées. Au lieu des chiffres précédents, on obtient successivement : 62 MÉTAxViORPHOSE DES AMPHIBIENS ANOURES De à en pleine métamorphose, De 0““,10 à 0““,08, à la fin de la transformation. Les fibres longitudinales aussi bien que les transversales subis- sent donc, pendant cette période, un raccourcissement dont l’impor- tance correspond assez exactement au raccourcissement total du tortillon dont la longueur primitive, de 12 centimètres, se trouvait réduite à environ 5 centimètres. Les fibres lisses se comporteraient donc comme les faisceaux striés de la queue ; et la modification portant sur le double système expliquerait à la fois : le raccourcissement du tortillon, et la dimi- nution de son calibre. Mais, ici encore, la cytologie nous fournit une sorte de confirma- tion du même ordre que celle vue tout à l’heure. L’épithélium intestinal qui, avant la sortie des pattes antérieures, forme un manchon parfaitement régulier appliqué sur les tuniques, se trouve aux stades suivants soulevé en divers points, et présente en section transversale des replis qui deviennent de plus en plus marqués : en somme, son développement ne correspond plus à la surface sur laquelle il repose. Notre intention n’est pas d’examiner toutes les modifications histologiques subies par cet épithélium. Le jeu particulier des éléments glandulaires introduit dans le problème une grande complexité; et nous ne nous sentons point capable de discerner ce qui peut revenir : à l’activité fonctionnelle propre aux cellules d’une part, aux conditions générales de l’his- tolyse, d’autre part. Nous voulons nous en tenir au phénomène mécanique sus-indiqué, et apporter encore un fait à son appui. Au fond des replis de la couche épithéliale, et là seulement, nous trouvons encore des figures karyokinétiques très nombreuses. Cette localisation nous fournirait l’occasion de répéter ce que nous disions tout à l’heure à propos de la queue ; car, le même mouve- ment de condensation dans la substance musculaire peut produire ici la même irritation, qui détermine une activité spéciale dans les points de l’épithélium les plus comprimés (PL IV, fig. 37). HISTOLYSE 63 V. - TISSU CONJONCTIF ET VAISSEAUX. LA DIAPÉDÈSE EST GÉNÉRALE. En étudiant les modifications de la circulation au début de ce travail, nous avons eu l’occasion de signaler le ralentissement de la circulation caudale, l’oblitération partielle des capillaires et la diapédèse. La destruction des fins capillaires sanguins ou lympha- tiques est difficile à observer. Elle n’est point nécessaire à la diapédèse; et, pourtant, l’altération des parois se produit forcé- ment, puisque au bout d’un temps très court, le nombre des capillaires est très réduit. Nous avons pu voir, dans certains cas, des solutions de continuité en rapport avec la diapédèse des globules blancs et rouges. Mais l’histolyse est plus facile à observer sur les grands troncs. Loos a suivi la délamination de l’épithé- lium et la dissociation des tuniques de l’aorte caudale dans les derniers stades de la métamorphose : nous croyons inutile de revenir sur ce point qui n’offre rien de particulièrement intéres- sant. La régression du système vasculaire, dans les traits essentiels, peut se résumer en quelques mots : oblitération graduelle des capil- laires^ dont quelques troncs seulement persistent, en rapport avec les vaisseaux principaux dans lesquels le sang reste en mouvement jusqu’à la fin de l’histolyse. C’est ainsi que les coupes successives, au bout d’un jour après la sortie des membres antérieurs, nous ont montré un vaste sinus sanguin terminal, duquel partent en avant deux ou trois gros troncs qui sont également de simples sinus puisque nous n’avons pu observer de paroi. Ces troncs se résolvent, en avant, dans un système vasculaire plus riche, parce que la régression est moins avancée qu’à l’extrémité. Ce système, de plus en plus simple à mesure qu’on va vers la périphérie, nous paraît présenter le schéma de la régression des vaisseaux. Les données de Loos sur la dégénérescence des éléments étoilés peuvent se réduire à quelques mots. Les prolongements se rétrac- tent; la cellule isolée devient d’abord fusiforme, puis ovalaire; 64 MÉTAMORPHOSE DES AMPHIBIENS ANOURES finalement elle perd, au milieu de la masse totale, ses caractères spécifiques, comme les éléments des autres tissus, et devient mécon- naissable; on voit, dans quelques-unes de ces cellules, le noyau condenser sa nucléine en masses irrégulières et dégénérer suivant le mode ordinaire. Pour cette étude, nous pouvons prendre non seulement le lophio- derme de la queue, mais un point quelconque du corps le tissu conjonctif dont la structure est partout identique, dégénérant en grande partie pour constituer les sacs lymphatiques sous-cutanés. La rétraction des prolongements s’observe facilement. Mais le point caractéristique est encore ici l’émission de la chromatine sous forme de sphérules qui sont recueillies par les leucocytes (PL IV, fig. 38). Quoique l’initiative du nucléole soit ici plus difficile à saisir, on peut voir, dans certains cas, à l’intérieur même du noyau, un filament virguliforme dense, partant d’un renflement d’apparence nucléolaire. Notre figure 38 montre nettement l’absorption des produits chromatiques par les leuco- cytes; elle montre surtout un point capital sur lequel nous reviendrons : la distinction très nette établie par la coloration et l’aspect général, entre les leucocytes et les éléments conjonctifs. Dès le début de ces recherches, nous avions observé sur les coupes l’apparition, au contact du noyau, de sphérules plus ou moins volumineuses, réfringentes, et vivement colorées par les réactifs nucléaires. L’identité fondamentale des processus de dégé- nérescence musculaire observés par Waldeyer sur des queues de têtards séparées du tronc, avec la régression physiologique pen- dant la métamorphose, nous conduisit à des recherches de même ordre sur le tissu conjonctif. Enlevons délicatement d’un coup de ciseaux un lambeau mince de lophioderme. Plaçons-le étalé dans une goutte de sérum et suivons pendant quelques heures les modifications qui vont se produire. Nous assistons à une rétraction des prolongements. Après un temps assez long, une heure et demie ou deux heures, nous voyons tout à coup apparaître latéralement, au contact du point réfringent qui marque la position du noyau, une vésicule qui se gonfle en même temps que la masse de HISTOLYSE 65 l’élément présente des contours moins nets. Enfin, au bout de quatre à cinq heures, la cellule disparaît subitement, dissoute en quelque sorte dans le sérum, et il ne reste plus, flottant dans le liquide, que la vésicule. Ce corps présente exactement les réactions nucléaires que nous connaissons. Sans revenir par ses homologues, nous dirons que l’observation des tissus frais vient s’ajouter aux résultats fournis par la méthode des coupes pour nous montrer, dans l’histolyse des cellules étoilées, un processus de dégénéres- cence identique à celui que nous avons rencontré partout (PI. IV, fig. 40). Jusqu’au moment où ils disparaissent, les éléments conjonctifs se distinguent nettement des leucocytes. La figure 38 (PL IV) montre, avec des différences bien tranchées : d’une part, des élé- ments libres dont le noyau est irrégulier et vivement coloré, dont le protoplasma renferme les sphérules chromatiques résultant de la dégénérescence, soit intactes, soit envoie de transformation pigmen- taire; d’autre part, les éléments conjonctifs à protoplasma peu visible, à noyaux très volumineux et tranchant par leur pâleur sur la teinte des noyaux précédents. La disparition des cellules étoilées nous a paru précoce dans la masse d’éléments du prolongement caudal, à la fin de la métamor- phose. En dehors de la chorde, du tube neural et des gros troncs vasculaires, on ne voit guère à ce stade que des cellules amiboïdes, les unes intactes, les autres plus ou moins altérées, contenant une bonne partie des produits chromatiques sortis de tous les tissus, produits en voie de transformation pigmentaire, ou déjà transformés en pigment. Les leucocytes contenant les corps arrondis en voie de régression, peuvent dégénérer sur place comme nous l’avons indiqué déjà, à propos du système musculaire. Mais ils peuvent aussi rentrer dans la circulation sanguine ou lymphatique : c’est . ce qui explique pourquoi on en rencontre dans la cavité générale où Metschnikoff les signalait déjà en 1883. Ici, nous devons signaler un point sur lequel nous sommes en I contradiction complète avec Loos. D’après lui, la diapédèse des globules rouges serait de beaucoup supérieure à celle des globules UNIVERSITÉ DE LYON. — II. A. I ii 3 66 MÉTAMORPHOSE DES AMPHIBIENS ANOURES blancs, qui ne sortiraient des vaisseaux qu’en proportion minus- cule. Il est clair qu’à ce point de vue, le tissu conjonctif, à cause de sa moindre densité, doit offrir un sujet d’études préférable au muscle ou à tout autre tissu. Des observations faites sur l’animal vivant montrent plus nettement la diapédèse des hématies que celle des' leucocytes. Mais des coupes convenablement colorées montrent, en beaucoup de points, des amoncellements de globules blancs d’une évidence parfaite. Telle est notre coupe figure 41 (PL lY). Les leucocytes, très nombreux en ce point, ne sont pas accom- pagnés par une seule hématie ; et il est impossible d’admettre qu’une quantité aussi considérable d’éléments puisse être rap- portée aux cellules migratrices normales. Mais il est d’autres cas très nombreux où les leucocytes sont véritablement amoncelés, des cas également où l’accumulation au contact d’un vaisseau ne peut laisser aucun doute sur la diapédèse. Nous renvoyons aux figures 38, 39, 41 (PL IV), 42 (PL Y) sans insister sur les détails. Ces cas s’observant partout, dans la muqueuse buccale, le long du tube digestif, à la base de la queue, etc..., nous avons démontré par le fait même et d’une façon suffisante, que la diapédèse est un fait général au stade dont nous nous occupons. VI. - LES BRANCHIES. LE CARTILAGE. LE FOIE. L’HISTOLYSE EST GÉNÉRALE. Ce qui frappe immédiatement quand on aborde cette étude de Lhistolyse, c’est que les savants qui s’en sont occupés n’ont consi- déré que la queue, comme si le reste du corps était absolument étranger à la transformation subie par la larve. L’étude des divers tissus (épithélial, nerveux, musculaire et conjonctif) nous a déjà fourni l’occasion de montrer, pour chacun d’eux, que les modifications qu’ils subissent se rencontrent sur tous les points de l’organisme. Il nous reste à examiner quelques exemples, plus typiques encore, puisqu’ils sont empruntés à des HISTOLYSE 67 tissus ou à des organes qui n’ont pas de représentants dans la queue. Nous dirons peu de chose sur la régression des branchies. L’his- tolyse de l’épithélium nous a permis déjà un examen partiel. Les muscles branchiaux dégénèrent suivant le mode général précé- demment décrit. Nous avons assisté à la régression des éléments ganglionnaires d’où partent les filets nerveux destinés à chaque arc branchial. Le tissu conjonctif et la phagocytose appellent seule- ment deux remarques : 1° Le tissu conjonctif des houppes devient très aréolé ; et l’on observe une abondance de leucocytes contenant les produits figurés de Fhistolyse que nous connaissons et dont la genèse s’est pré- sentée avec une netteté toute spéciale dans l’épithélium de cette région (PI. II, fig. 18). 2° Il y a lieu de répéter ici ce que nous disions à propos des solu- tions de continuité dans la peau de la région caudale : à savoir que le rôle bienfaisant des leucocytes ne va pas jusqu’à épargner toute perte à l’organisme. Des fragments branchiaux, des produits chromatiques, des phagocytes et des hématies sont entraînés en assez grande abondance par les orifices expirateurs. Ce fait qui, sur les coupes, pourrait être attribué à un accident de préparation, apparaît comme nécessaire, si l’on tient compte de l’état des houppes branchiales qui abandonnent une quantité d’éléments à l’état de liberté dans le courant respiratoire, et si l’on se rappelle cette saillie des branchies par les boutonnières expiratrices, dont nous avons parlé chez VAlyte. Les cartilages branchiaux nous présentent des faits de dégéné- rescence dans un nouveau tissu. La substance fondamentale du cartilage offre peu d’intérêt. Elle se dissout graduellement sans donner lieu à des produits figurés. C’est ainsi que l’on voit la péri- phérie du cartilage s’échancrer et se délaminer en quelque sorte, en même temps que les capsules se confondent à l’intérieur de la masse par suite de la même altération. Le noyau seul nous permet d’assister encore à la genèse de corps figurés. Ils ont le même aspect arrondi et réfringent, les mêmes réactions qu’ils nous ont offertes partout. Si leur mode de formation n’apparaît pas très net, 68 MÉTAMORPHOSE DES AMPHIBIENS ANOURES il est visible à la simple inspection d’une coupe (PL IV, fig.43 et 44) qu’ils résultent de la destruction du noyau. Les mêmes produits ne se rencontrent pas seulement là où le cartilage subit une destruc- tion complète ; d’autres cartilages nous ont montré les mêmes faits que les arcs branchiaux et avec une netteté au moins égale : nous citerons, comme un exemple typique, le cartilage du parasphé- noïde dont la portion postérieure offrait dans chaque capsule deux ou trois sphérules chromatiques vivement réfringentes. - Sans revenir sur la destinée de ces produits, nous aborderons un autre organe où ils abondent d’une façon extraordinaire et où leur accumulation nous a jeté dans une grande perplexité. Nos figures 45 et 46 (PL Y) montrent : l’une, le foie normal de la larve, l’autre, le foie dans la pleine métamorphose. Dans ce dernier, chaque cellule hépatique est remplie de petites sphères à réactions nucléaires. Ces produits ont-ils leur origine dans le foie? Nous sommes porté à répondre affirmativement, quoique nous n’ayons pu saisir d’une façon nette le mode de formation précé- demment décrit. Notre opinion s’appuie sur les raisons suivantes : 1° La rareté de ces corps dans les vaisseaux afférents du foie ; 2° Leur accumulation extraordinaire dans la veine sushépatique. Mieux que toute description, la figure 46 (PL Y) rend compte du fait ; 3° La pâleur extrême des noyaux qui ne présentent presque plus de chromatine. Le foie produirait donc en abondance cette substance curieuse que nous avons trouvée partout, et la rejetterait dans les veines efférentes. Cette observation nous a conduit à un examen chimique duquel il résulte : que les corps en question sont insolubles dans l’eau, l’alcool et l’éther; qu’ils brunissent par l’iodure de potassium ioduré comme la matière glycogène; mais, qu’à l’in- verse du glycogène, ils sont insolubles dans l’eau bouillante. Les réactions de cette substance rappelleraient en somme celles de la matière amyloïde. Au fond, il n’y aurait pas lieu de s’étonner que le foie présentât,, à ces stades, des modifications identiques à celles des autres tissus. HISTOLYSE- 69 Mais cet organe est loin de subir une régression pendant la méta- morphose. Il augmente de poids d’une façon marquée. Les chiffres suivants montrent l’importance de cette augmentation : ils repré- sentent les variations du foie chez la larve à'Alytes : 1° A la sortie des pattes : 0^,0435; 2° Deux jours après la sortie : 0^,0S55 ; 3° Queue réduite à 2 cent. 1/2 : 0^,0835; 4° Fin métamorphose : Sachant, d’une part que Claude Bernard n’a pas trouvé de glyco- gène dans le foie des larves d’Amphibiens, d’autre part que, suivant l’hypothèse de Würtz, l’activité des cellules hépatiques pourrait tenir au ralentissement de la circulation dans les capil- laires du système porte, nous pouvions nous demander si l’exagé- ration de cette condition physiologique ne déterminerait pas une exagération et même une modification dans le fonctionnement des cellules pendant la métamorphose. Les produits chromatiques que nous voyons s’accumuler sur les parois de la cavité générale et des vaisseaux, pour donner du pig- ment, peuvent aussi donner naissance, en se transformant, à des matières solubles qui échappent à l’observation. On voit que ce point particulièrement intéressant de l’activité du foie au moment qui nous occupe soulève les plus grosses diffi- cultés. Nous aurons à y revenir à la fin de cette étude. Pour nous en tenir au côté purement morphologique, nous dirons que les produits caractéristiques de l’histolyse se retrouvent partout, puisque nous les voyons même dans des tissus qui ne sont pas représentés dans la queue, et dans des organes qui en appa- rence restent intacts. En un mot, Vhistolyse^ avec une constance remarquable dans ses caractères fondamentaux, est générale 'pendant cette période comme la diapédèse est générale. 70 MÉTAMORPHOSE DES AMPHIBIENS ANOURES VII. - GLANDES SEXUELLES 1. Aperçu général. — Les glandes sexuelles, pendant la méta- morphose, offrent peu d’intérêt au point de vue de leur évolution propre. En effet, les modifications qu’elles subissent alors sont inappréciables, ou du moins, nous ont paru telles. L’indifférence semble complète pendant toute cette période ; la totalité de la glande ne présentant que des ovules primordiaux semblables plus ou moins avancés dans leur développement. Mais, l’examen cytologique nous a fourni des données intéres- santes sur les processus de l’ovogenèse chez les Amphibiens, en même temps qu’il nous a conduit aux observations les plus curieuses relativement à la cinèse nucléolaire et même à la phago- cytose. Nous développerons tous ces points, sauf à sortir quelquefois de la période dans laquelle nous voulions nous renfermer. Car les rapports morphologiques évidents, qui existent entre ces faits et les phénomènes histolytiques généraux de la métamorphose, imposent à l’esprit une relation physiologique. Et les modifications fonction- nelles que nous avons signalées au début de ce travail pourraient conduire peut-être à des recherches intéressantes sur la physiologie de la maturation de l’œuf et de la vitellogenèse. Chez la grenouille au stade que nous étudions, les follicules irrégulièrement distendus et constitués par une mince enveloppe à noyaux aplatis, contiennent des ovules dont le protoplasma est peu abondant. Le noyau présente un intérêt particulier parce que le filament nucléinien y est des plus nets : or, on sait que dans l’œuf ovarique de l’adulte, la vésicule germinative a toute sa chromatine condensée en un nombre variable de taches germinatives. De là un premier point à élucider : le passage du premier au second de ces deux états. D’autre part, certains de ces noyaux se présentent très volumi- neux, irrégulièrement bosselés. Souvent ce sont, dans le même élément, des pelotons distincts, à membrane d’enveloppe peu nette, et l’on croit assister à une fusion graduelle. Ajoutons que l’on HISTOLYSE 71 trouve très rarement des figures de division parfaites. Nous étions en face d’une question des plus importantes : celle de l’origine mono ou pluri- cellulaire de l’œuf chez les Amphibiens. Gôtte, dans son travail remarquable sur le développement du Bomhinator (22), a traité cette question et suivi l’œuf depuis l’ori- gine du pli germinatif à l’apparition des pattes postérieures, jusqu’à maturité complète. Son opinion se trouve résumée dans ses conclusions d’une façon claire. C’est un passage, qui mérite d’être cité : « Chez les Vertébrés, un principe bien établi est que chaque existence individuelle sort d’une forme primitive simple, la vésicule vitelline relativement homogène de l’œuf mûr, vésicule qui naît, dans l’organisme maternel, d’une ou de plu- sieurs cellules germinatives par une transformation spéciale. J’ai démontré que le produit de cette transformation est une masse sans organisation et sans vie, que les processus vitaux aussi bien que les causes déterminantes des premiers stades du développement sont étrangers à cette masse. « Le fait le plus saillant et le plus curieux avancé par le savant Allemand est, à coup sûr, la disparition de la vie dans la masse protoplasmique qui deviendra l’œuf, après la fusion des éléments germinatifs, à un moment qui correspondrait, suivant lui, à l’éva- nouissement de la vésicule germinative. C’est aussi le fait qui a donné lieu aux plus vives critiques. Semper, en particulier, s’est attaché à montrer combien sont peu solides les arguments invoqués par Cotte pour appuyer son idée. Reprenant l’exposé du savant embryologiste, il fait ressortir : que l’absence des propriétés vitales au stade considéré, mouvement, nutrition, accroissement, n’est pas suffisamment établie; que, des affirmations mêmes de Cotte, ressort l’existence de ces propriétés; en somme, que cette théorie, en contradiction avec toutes les idées admises, n’est qu’une hypothèse sans fondement (45). Semper examine ensuite la question de la pluricellularité de l’œuf. Il la résout négativement en invoquant diverses recherches faites tant sur les Vertébrés que sur les Invertébrés. Après avoir insisté spécialement sur les travaux de Ludwig relativement aux 72 MÉTAMORPHOSE DES AMPHIBIENS ANOURES Siponculides, il cite le cas des Plagiostomes où il a fait lui-même des observations analogues à celles de Gôtte et q^u’il a interprétées dans le sens inverse (46). Pour Semper, les groupements vus chez les Amphibiens correspondraient, comme ceux des Plagiostomes, à une division et non à des stades de fusion. Il y a là, selon nous, deux questions bien distinctes : Une première, d’une importance capitale au point de vue théorique et qui a été soigneusement examinée par Semper : c’est la question de la « discontinuité de la vie organique » : cette discon- tinuité ne paraît pas suffisamment prouvée. ' La seconde question est celle de la pluricellularité. C’est un point d’observation et qui appelait de nouvelles recherches. Des phénomènes de division comme ceux observés à l’origine des ovules primordiaux chez les Plagiostomes paraissent incontestables chez les Amphibiens ; car, comme le fait bien remarquer Semper, si les processus de fusion indiqués par Gôtte étaient aussi précoces et aussi importants, chaque pli germinatif donnerait au plus nais- sance à deux œufs. Mais, outre que la division n’implique pas l’im- possibilité du fait de la fusion, nous allons voir que des stades plus avancés et aussi, des matériaux d’études plus variés, conduisent à des résultats qui rappellent ceux de Gôtte et présentent de l’intérêt au point de vue de la constitution définitive de Pœuf des Vertébrés ovipares. 2. Glande génitale indifférente de la grenouille (Période de méta- morphose). — Nous avons dit que la glande génitale d’une larve de grenouille, à la sortie des membres antérieurs, présente des follicules bien développés. Cette circonstance nous paraît exceptionnellement favorable et nous lui attribuons une grande importance. Si Ton prend la glande à son origine, à une période où sa trame est pour ainsi dire nulle, des groupements de cellules qui ne présentent pas nettement les phénomènes de la division, sont en somme difficiles à interpréter. Adressons-nous au contraire, à un stade où le follicule est différencié, les faits observés dans cette enveloppe seront très compréhensibles, et des apparences de fusion ne laisseront aucun doute dans l’esprit si nulle part les noyaux en question ne sont HISTOLYSE 73 séparés, soit par une membrane cellulaire visible, soit par une subdivision de Fenveloppe folliculaire proprement dite. C’est pré- cisément ce que nous avons pu voir chez la grenouille rousse [R. temporaria) au stade dont nous nous occupons. Les follicules contiennent généralement plusieurs noyaux (fig. 47, PL Y). Con- formément aux indications de Gôtte, le protoplasma peu abondant est probablement très fluide, car il est fort difficile de fixer ses limites. En tout cas, il n’est jamais possible de voir dans chacun des noyaux le centre d’un élément bien individualisé. Jamais, non plus, nous n’avons assisté à un cloisonnement de la loge folli- culaire. Au contraire, la fusion graduelle emprunte un caractère de netteté particulière à la structure même de ces noyaux. Grâce au magnifique développement du filament chromatique, nous voyons, enchevêtrés l’un dans l’autre, les pelotons de deux ou trois noyaux sans contours bien nets, et enveloppés d’une couche commune de protoplasma trèslégère. D’autres fois, certains pelotons sont dissociés et les filaments se montrent dispersés dans toutes les directions et sans aucun ordre. Ces faits préludent à la condensation de la chro- matine et nous aurons à y revenir. Pour le moment, nous voulons seulement faire ressortir la netteté des pelotons chromatiques irrégulièrement bosselés résultant de la fusion de deux ou trois noyaux. Un fait qui s’ajoute aux précédents comme critérium sérieux en faveur de la fusion, c’est précisément la présence extrêmement rare de figures karyokinétiques, comme celle que nous donnons (PL Y,fig. 48). C’est une plaque équatoriale avec son fuseau achro- matique parfaitement accusé. Ce fait nous prouve que, dans l’ovaire jeune, on observe des phénomènes de division, comme on devait s’y attendre suivant les observations judicieuses de Semper. Mais d’autre part, si les groupements que nous venons de décrire cor- respondaient à des divisions, pourquoi ne trouverions-nous jamais, ni dans les cas d’union intime, ni dans les cas de noyaux voisins et contenus dans le même follicule, ces mêmes apparences de karyokinèse? et cela pour des noyaux présentant une structure aussi marquée. Pourquoi non plus n’assisterions-nous pas à l’in- 74 MÉTAMORPHOSE DES AMPHIBIENS ANOURES dividualisation par production, soit d’une membrane limite, soit d’un cloisonnement du follicule? En somme, les figures karyokinétiques rares que l’on peut observer ne font que corroborer les faits relatifs à la fusion, en montrant isolément des formes que nous devrions rencontrer en abondance dans nos groupes nucléaires, si division il y avait. Elles attestent du reste une division primitive de laquelle sont sortis ces groupements. Jusqu’où est allée la multiplication? Avons-nous fusion d’élé- ments individualisés ou même de follicules, ou bien une simple fusion nucléaire à la suite d’une division qui aurait affecté seule- ment le noyau? Avant j d’essayer de répondre à cette question, examinons un autre type : le Crapaud vulgaire, Bufo vidgaris. 3. Glande génitale du crapaud (Période de métamorphose). — La larve du crapaud est beaucoup plus petite que celle de la gre- nouille et pourtant sa glande génitale est beaucoup plus volumi- neuse. L’étude histologique semble prouver qu’elle est aussi plus avancée dans son développement. La différence pourrait bien tenir au développement très précoce des ovules de l’organe de Bidder. Quoi qu’il en soit, les follicules sont plus nets et surtout plus régu- liers que dans le cas précédent. Les mêmes phénomènes de fusion que nous avons observés chez la grenouille se retrouvent ici, mais avec un caractère tout différent, parce que les noyaux qui s’unis- sent ne présentent pas le filament chromatique ou plutôt ne le présentent plus. Donc, dans des enveloppes folliculaires bien déve- loppées, il n’est pas rare de rencontrer, au milieu d’une masse pro- toplasmique finement granuleuse et toujours simple, plusieurs noyaux présentant chacun une membrane bien nette, toute la substance chromatique étant condensée en un, deux ou trois nucléoles, quelquefois davantage. On voit fréquemment deux noyaux soudés en quelque sorte l’un à l’autre; la membrane se dissout au point de contact et les deux éléments se fusionnent en un seul (PI. Y, fig. 49). Le noyau doué de la plus grande vitalité semble, de la sorte, absorber l’autre ou les autres. Il y a là, si l’on veut, la lutte pour HISTOLYSE 75 l’existence dont parle Knappe (26), Kampf iims Dasein, Mais nous ne saurions interpréter comme cet auteur, les phénomènes que pré- sente la constitution de l’ovule. Suivant lui, les noyaux renfermés ainsi dans la même enveloppe résulteraient de la division d’un noyau primitif prenant d’abord l’aspect mùriforme [Maulheerfôr- migekernzerklüftung)^ et s’émiettant ensuite en parties correspon- dant aux lobes {Maulbeertheilung) , L’élément vainqueur dans la lutte dont il vient d’être question (vésicule germinative) devien- drait plus volumineux et garderait autour de lui la plus grande partie du protoplasma, les autres allant à la périphérie constituer l’épithélium de la capsule ovulaire. Les faits que nous avons décrits montrent clairement une fusion graduelle h A des stades plus avancés, nous assisterons bien à un transport de chromatine, mais d’une nature toute différente. Quant à cette division mùriforme, nous n’avons pas de raison particulière pour l’admettre, étant donné qu’à la base de la glande on observe des faits de karyokinèse. Une multiplication normale donne des follicules plurinucléés. Notre figure 60 b (PL Y) fait bien ressortir la supériorité acquise par l’un des noyaux. Ce noyau est plus volumineux : il présente un filament chromatique net et a condensé autour de lui un plasma plus dense que celui du reste du follicule. L’absorption de la chro- matine et l’évanouissement final des noyaux les plus faibles paraissent avec la même évidence. Il arrive que ces derniers corps subissent d’abord une altération de leur membrane qui disparaît partiellement ou totalement, laissant libre une ou plusieurs masses chromatiques destinées à accroître la réserve du noyau persistant. Dans le cas des ovules primordiaux du crapaud, les noyaux qui se fusionnent sont bien indépendants et limités ; ils échappent tota- lement, à ce point de vue, aux objections que pourraient susciter 1. Dans un travail récent {Etudes d' Embryologie sur les Vertébrés: V Axolotl), M. Houssay, parlant de l’œuf des Trématodes, Dendrocèles marins et Rhabdocèles, qui est enfermé dans une coque avec plusieurs cellules dites vitellines, exprime une opinion semblable dans les termes les plus nets ; « Il (Vœuf) se comporte comme un phagocyte, et vit aux dépens des cellules qui l’entourent. » 76 métamo;rphose des amphibiens anoures des pelotons chromatiques comme ceux de la figure 47 (PL Y). La portion de la glande qui présente les follicules très nets dont il vient d’être question n’a pas de figures karyokinétiques. Celles que nous avons vues chez la grenouille, celles qui s’observent ici même à la hase de la glande, quoique avec une netteté moindre, nous portent à croire que la division s’est produite et se produirait encore là comme ailleurs, que nous sommes bien en présence d’une fusion et non d’une multiplication. En comparant le stade en question chez le crapaud au même stade chez la grenouille, nous trouvons une différence frappante et caractéristique : c’est que, dans le premier cas, le filament nuclénien n’existe plus. Nous verrons bientôt que, pendant cette même période, nous pouvons déjà assister chez la grenouille à une condensation du filament. Disons donc seulement, et sans insister davantage que, chez le crapaud, la condensation s’est faite dans chaque noyau du follicule avant la fusion. Ce fait n’est pas seul à prouver qu’en somme la glande est ici plus avancée dans son développement, comme nous le disions il y a un instant. Le protoplasma présente aussi une masse beaucoup plus considérable; il est finement grenu, et, comme jamais on ne le voit présenter de traces de division, on peut dire que l’ovule primitif est dès lors nettement constitué, et présente plusieurs noyaux en voie de fusion. Donc, pas plus chez le crapaud que chez la grenouille, nous 1 n’avons pu voir, dans le même follicule, plusieurs éléments indivi- > dualisés. La présence exceptionnelle de figures karyokinétiques ; nous porte à croire que les noyaux d’un même follicule se sont ; produits de la sorte, par division, et sans aller jusqu’à complète { individualisation, puisque jamais nous n’avons vu nettement une j division du protoplasma. Ainsi, l’examen de la glande génitale à ■ un stade qui nous paraît particulièrement favorable pour ce genre . ^ de recherches, nous amène à confirmer, sur divers points, et dans { un certain sens, plusieurs données de Gôtte. à.) Le follicule se forme avant l’œuf. Ce qui ne veut pas dire que les noyaux qui s’unissent correspondent à autant d’éléments pri- IIISTOLYSE 77 mordiaux distincts, puisqu’on observe des cas de division. Mais l’œuf ou mieux Tovule primitif n’est, à proprement parler, définiti- vement constitué, que quand tous les phénomènes précédemment décrits sont accomplis, c’est-à-dire, quand tous les noyaux sont fusionnés en une vésicule germinative simple à chromatine con- densée. Or, depuis longtemps, le follicule est nettement diffé- rencié. D’autre part, que le contenu plurinucléé du follicule n’ait été que virtuellement ou d’une façon transitoire pluricellulaire, on peut admettre, dans le sens que nous avons précisé, ces deux autres propositions générales de Gôtte : jS.) Les cellules se fusionnent, y.) Les noyaux se fusionnent. Le phénomène en question nous semble n’avoir rien de commun avec la division originelle vue par Semper chez les Plagio- stomes. ovule primordial^ organisme d’abord monocellulaire, est pourvu d’un noyau à filament chromatique bien constitué. Nourri abon- damment, il présente des faits de karyokinèse qui augmentent sa masse plasmatique, en même temps que sa substance chroma- tique. Cet ovule primordial, muni d’une enveloppe déjà différenciée, est donc caractérisé par l’état nettement cinématique et les phéno- mènes de division de la vésicule germinative primordiale . La fusion ultérieure des différentes portions de cette vésicule devenue mul- tiple, la condensation de la nucléine en un nombre variable de taches germinatives, préludent à une période d’indifférence ou de repos relatif, après laquelle l’ovule auquel nous pouvons, pour spé- cifier, réserver la dénomination àé ovule primitifs commencera son évolution propre. 4. Origine des taches nucléolaires de l’ovule primitif. — Nous avons avancé plus haut que les taches chromatiques, isolées dans la vésicule germinative de l’œuf ovarien, résultaient d’une conden- sation du filament nucléaire primordial. La larve de grenouille pendant la période de métamorphose va nous permettre de suivre cette transformation. Quelques coupes minces faites dans la glande 78 MÉTAMORPHOSE DES AMPHIBIENS ANOURES génitale à ce stade nous montrent en effet des états nucléaires différents, que Ton peut ordonner de la manière suivante : 1° Des masses pelotonnées, irrégulières et mal limitées, représen- tent la chromatine totale de ce qui va devenir l’ovule primitif. Les filaments affectent, avec le renflement nucléolaire, des rapports qui sont surtout nets dans les cas, assez fréquents, où les nucléoles sont libres et rattachés au peloton par le filament lui-même dont ils sont la terminaison (PL Y, fig. 51). 2“ Le filament perd de sa netteté à mesure que le nucléole s’ac- croît; et l’on voit, par exemple, des noyaux contenant deux ou trois taches chromatiques, et dans lesquels on ne perçoit plus que quelques traînées pâles comme indice de la structure primitive. S*" Le filament n’existe plus. Le noyau présente une couche périphérique de granules chromatiques et pigmentaires. Au centre, le nucléole volumineux présente deux zones bien distinctes. La plus extérieure donne les réactions de la nucléine ; elle présente deux ou trois prolongements d’apparence pseudopodique par les- quels les matériaux de la périphérie semblent condensés vers le centre ; la zone centrale est claire et porte en son milieu un amas pigmentaire (PI. Y, fig. 52 a). 4“ Enfin, le nucléole ne présente plus ses prolongements. Sa structure n’a pas changé ; mais, la périphérie n’ayant plus de granulations pigmentaires, il est à supposer qu’elles ont toutes été transportées au centre. Il reste extérieurement une zone colorée assez épaisse. Qu’elle vienne se condenser avec la masse centrale en laissant à la périphérie une simple couche limite, et nous aurons la vésicule germinative telle qu’elle se présente au même stade dans les ovules primordiaux du Biifo (PL Y, fig. 52 b). Une question se pose relativement aux nombreuses taches que Ton observe à une époque plus avancée. Les derniers stades que nous venons d’observer portent en effet sur des noyaux à un seul nucléole. La présence de pigment et l’allure spéciale de ces élé- ments nous conduiraient à penser que les conditions générales de l’histolyse ont retenti sur la glande génitale. Ces cas montrent HISTOLYSE 79 clairement la condensation de la chromatine ; mais celui présenté par la figure ol (PI. V), où trois ou quatre nucléoles sont nettement en rapport avec des filaments chromatiques épars, nous paraît beaucoup plus typique. Ces centres isolés confluent-ils ensuite en une masse unique? C’est un point d’autant plus difficile à élucider que nous allons bientôt voir les taches germinatives de l’œuf ova- rique bourgeonner, et présenter même, en fin de compte, une sorte de multiplication spéciale et régulière. Ces rapports du nucléole avec la substance chromatique, cette sorte d’attraction exercée par lui à la disparition du filament, n’est pas la seule relation que nous ayons à signaler avec les phéno- mènes cytologiques généraux qui caractérisent la métamorphose. En poussant un peu plus loin cette étude, nous pourrons signaler des faits plus typiques, et présentant à divers points de vue un intérêt considérable. Après avoir vu comment la vésicule germinative résulte de la fusion d’un certain nombre de noyaux, nous nous sommes demandé si, pendant toute la durée de l’évolution des ovules primitifs, cette vésicule reste intacte, et si les masses chromatiques qu’elle porte ont perdu définitivement toute individualité. Examinons l’ovaire d’une jeune grenouille {R. esculentà) d’un an, c’est-à-dire, qui a subi son évolution au printemps de l’année précédente. La glande nous présente des œufs plus ou moins gros et plus ou moins développés. c(.) Les uns ne contiennent qu’un plasma granuleux avec une vésicule germinative à contours réguliers. /3.) D’autres ont une vésicule à contours irréguliers et leur plasma présente des filaments chromatiques de forme variable. y.) Chez d’autres, la vésicule est profondément altérée; le plasma présente des corps particuliers analogues au noyau; et, à sa périphérie, de véritables noyaux disposés plus ou moins régu- lièrement, semblent donner naissance au pigment d’une part, aux tablettes vitellines d’autre part. ^.) Enfin, sur quelques-uns plus évolués, nous avons retrouvé d’une façon générale une grosse tache germinative (représentant 80 MÉTAMORPHOSE DES AMPHIBIExNS ANOURES seule la vésicule primitive). Ces œufs contiennent un énorme vitellus central à tablettes bien constituées et une zone périphé- rique pigmentée, dans laquelle les noyaux du type précédent ont laissé des traces particulièrement nettes au bord interne, ce qui indique que c’est là qu’ils ont gardé le plus longtemps leur activité. Cette zone pigmentée est du reste séparée du vitellus par un espace clair, la masse centrale ayant diminué de volume. Chacun de ces points demande une étude détaillée. 5. L’œuf jeune à vésicule germinative intacte. Noyau vitellin. — Au stade que nous considérons, l’œuf est encore à un état de repos relatif intermédiaire entre la période d’activité qui nous a conduit à la constitution de l’ovule primitif, et l’état de mouvement singu- lier qui déterminera sa maturation. L’enveloppe folliculaire est restée telle que nous l’avons vue; et sa structure ne changera pas pendant la série de phénomènes qui restent à parcourir. Ses noyaux ne feront que s’aplatir progres- sivement, à mesure que l’œuf augmentera de volume. De même, pendant toute cette évolution, nous ne verrons jamais, à la péri- phérie, une membrane vitelline nette et séparable de la masse totale, mais seulement une zone plus dense, corticale. Le plasma ovulaire finement grenu ne contient pas encore les tablettes vitel- lines : c’est, si V oia.YQ,w.i^V archilécithe de His (24). Enfin, la vésicule germinative est limitée par une membrane et contient, dans un plasma plus clair, les taches chromatiques isolées et en nombre variable. Ces taches présentent cette particularité qu’elles bourgeonnent et se multiplient. Le gonflement qu’elles subissent, probablement par suite de la pénétration du suc nucléaire, leur donne à la fin un aspect bosselé et réticulé qui semble provenir de vacuoles existant dans leur masse. Bientôt, la membrane de la vésicule se plisse, et la plupart des taches s’en vont à la périphérie où elles s’enfoncent dans les sinus de l’enveloppe. Il n’est pas rare de rencontrer alors, au voisinage du noyau et plongée dans le protoplasma ovulaire, une vésicule arrondie ou légèrement ovoïde, à paroi épaisse et à double contour très net. HISTOLYSÈ 81 I Cette vésicule semble résistante; elle se brise sous les aclions mécaniques; elle fixe énergiquement les réactifs nucléaires, tandis que son centre reste absolument clair. Cette vésicule est-elle le noyau vi tell in? D’après les caractères que nous venons d’indiquer, on pourrait le croire. En tous cas, de tous les corps particuliers que nous ont présentés nos préparations, c’est celui qui, morpho- logiquement^ se prêterait le mieux à l’homologie. Nous verrons tout à l’heure homologie physiologique plus intéressante parce qu’elle prête à des considérations générales. Remarquons encore que, si, d’une façon générale, cette vésicule était unique dans chaque ovule, il nous est arrivé d’en trouver deux et même trois (PI. VI, fig. 56). D’où provient ce corps particulier? Son aspect est variable (PI. VI, fig. 55, 58) ; il se présente souvent sous la forme étirée avec deux extrémités renflées; quelquefois il est absolument aplati; enfin, une forme très significative est celle donnée par notre fig. 58 ' (PI. VI). ! L’une des extrémités est renflée en une sorte de massue présen- tant en son milieu un espace clair; l’autre extrémité est étirée. Si ; l’on observe : 1° l’orientation du corps dont la pointe est tournée ’ vers la vésicule germinative, 2" le vide relatif présenté en ce point I par le plasma de l’œuf dont les granules semblent s’être détournés ' pour céder passage, 3® la solution de continuité de la membrane, ' laquelle s’infléchit précisément dans la direction du corps en i question, 4® la position des taches germinatives dans les plis de la i membrane, l’interprétation qui s’impose est que cette massue chromatique sort de la vésicule germinative. C’est une grosse ' tache nucléolaire qui se gonfle comme nous l’avons vu et comme nous le verrons encore pour les autres; elle sort de l’enveloppe ! commune en la refoulant même légèrement, et prend naturellement [ la forme renflée à l’extrémité distale, la forme étirée à l’extrémité ! proximale. Après sa sortie, la portion étirée se ramasse, et la I massue primitive devient une capsule successivement aplatie, puis ! ovoïde, et enfin plus ou moins régulièrement sphérique. I La destinée de ce corps nous a paru difficile à saisir. Une seule UNIVERSITÉ DE LYON, — II. A. 6 82 MÉTAMORPHOSE DES AMPHIBIENS ANOURES fois, nous l’avons vu transformé totalement en pigment noir. Quoi qu’il en soit, lorsque les tablettes vitellines apparaissent, il n’existe plus. Retenons seulement l’origine chromatique et nucléolaire du corps en question. Nous allons voir, à propos d’un stade ultérieur que la bibliographie n’est pas absolument muette sur son compte. De plus, nous nous assurerons qu’on peut voir dans sa production le simple prélude d’un processus des plus curieux et des mieux accentués. 6. Migration de la substance chromatique. Les tablettes vitellines. Le pigment. — Nous réunirons dans ce paragraphe les stades |3 et y, qui sont trop étroitement liés pour supporter l’étude séparée. Ici, nous n’aurons plus à parler que de la vésicule germinative et du protoplasma ovulaire. Les plissements de l’enveloppe du noyau, que nous avons indiqués au stade précédent, s’accentuent de plus en plus ; les solutions de continuité sont fréquentes et importantes ; et le plasma nucléaire, dont les granulations sont ramassées sur l’un des côtés, semble ne plus occuper tout l’espace de la vésicule. Les taches germinatives prolifient activement à la périphérie, et émettent, dans le protoplasma cellulaire, des corps filamenteux plus ou moins ondulés et bosselés, qui continuent à bourgeonner et à s’accroître, probablement en agissant sur les granulations plasmatiques ambiantes; car on voit s’agrandir graduellement autour d’eux des espaces clairs, dans lesquels vont se différencier les tablettes vitellines (PI. YI, fig. 60 et 61). Ces corps, arrivés à la périphérie, vont donner naissance, par bourgeonnement, à de véritables noyaux. Le reste du filament chromatique appliqué sur le bord de l’aréole, par un dédoublement auquel participe probablement le protoplasma hyalin, donne des corps vitellins qui s’amoncellent dans la cavité, d’une part, et d’autre part, une traînée pigmentaire qui reste sur place. L’ad- jonction graduelle, à la périphérie, de ces aréoles limitées au moins en grande partie par du pigment, simule à s’y méprendre un amoncellement de cellules. C’est ainsi que l’on assiste, à la péri- phérie d’abord, à la production du pigment qui forme des espèces HISTOLYSE 83 d’aréoles extérieures; les premiers corps vitellins étant plutôt repoussés vers l’intérieur. Les noyaux qui constituent les centres de ces sortes d’éléments transitoires renferment très peu de chro- matine, et pâlissent très vite sur les bords de l’œuf où ils dispa- raissent. Ainsi, des massules chromatiques issues de la vésicule germina- tive viennent donner dans le plasma ovulaire et à la périphérie d’abord, de véritables éléments cellulaires transitoires dont ils four- nissent le noyau, et prendre part à la formation simultanée des tablettes vitellines et du pigment. Pendant ce temps, le plotoplasma de l’ovule subit une sorte de contraction ; car ses granules laissent à la périphérie une sorte de vide, dans lequel commencent les pro- cessus que nous venons d’esquisser. Ajoutons aussi que ce plasma pénètre la vésicule germinative, ou plutôt envahit naturellement l’espace clair qu’elle occupait, puisque l’enveloppe nucléaire a disparu. On constate même à un certain moment que, le plasma extérieur ayant pâli et étant devenu en quelque sorte moins dense, celui qui occupe l’ancien emplacement de la vésicule présente une densité considérable et conserve seul l’affinité qu’avait primitive- ment pour les colorants le protoplasma ovulaire. Pendant ce temps, les taches qui sont restées en place se gonflent considérablement. Elles bourgeonnent souvent, par deux extré- mités et d’une façon régulière, des massules arrondies et plus claires qui semblent s’éteindre graduellement (PI. YI, fig. 62). Nous venons d’assister à l’émission successive par la vésicule germinative de deux ordres de productions. Les unes, plus rares et plus volumineuses, caractérisées par leur apparition précoce : leur destinée est plus difficile à saisir. Les autres, plus petites et plus abondantes, sont nettement en rap- port avec la formation des tablettes vitellines et du pigment : leur apparition est plus tardive. Ces faits méritent d’être examinés à un double point de vue : 1° Au point de vue des processus de l’ovogenèse; 2° Au point de vue de la biologie générale. 7. L’émission chromatique considérée comme processus ovogéné- 1 84 MÉTAMORPHOSE DES AMPHIBIENS ANOURES sique. — La description que nous venons de donner implique que l’œuf ovarien, avec son vitellus développé, dérive d’un élément simple qui est l’ovule primitif indifférent. Il y a, au stade qui nous occupe en ce moment, une sorte de production endogène de novaux et même ^éléments transitoires, en vue de la formation du vitellus, comme il y a eu au début une sorte de multiplication endo- gène du noyau dans l’élément germinatif primordial, pour accroitre la masse chromatique. Nous rapprochons ces deux points parce qu’ils sont peut-être corrélatifs. Notre exposé, ramené à cette expression simple, se rapproche d’une théorie générale déjà ancienne concernant l’œuf des ovi- pares. Suivant cette théorie, l’œuf serait une simple cellule ne recevant aucun élément du dehors : c’est l’opinion de Gegenbaur (21) qui voit dans les éléments du vitellus, non pas des cellules, mais des vésicules provenant des granulations du protoplasma ; de Schwann, Reichert, Leuckart, Wagner, qui voient, dans le vitellus, de véritables éléments nés par production endogène. Nous sommes, au contraire, en opposition avec une autre théorie générale due à Waldeyer, pour lequel les éléments du jaune proviendraient, dans l’œuf d’oiseau, de l’épithélium du follicule. Des prolongements cellulaires particuliers traverseraient la zona radiata pour donner dans l’œuf les granulations, origine du jaune. Et ces granulations seraient en somme englobées par le proto- plasma ovulaire, de la même façon qu’une amibe absorbe les corps étrangers pour sa nutrition, sans cesser d’être une simple cellule. His (24,25), à la suite de recherches sur les Oiseaux et les Pois- sons osseux, a émis une théorie qui diffère de la précédente en ce que les éléments qui, suivant lui, donneraient la partie nutritive de l’œuf, seraient des leucocytes. L’enveloppe folliculaire n’est pas formée d’éléments épithéliaux, mais bien de globules migrateurs qui existent en abondance dans le stroma de l’ovaire. His avoue, du reste, n’avoir pas assisté à leur pénétration. . Nous indiquons seulement cette doctrine de His, parce que nous nous sommes trouvé en présence de cas où, incontestablement, les globules blancs pénètrent dans l’œuf. Ces faits, sur lesquels nous HISTOLYSE 85 reviendrons tout à l’heure, ont ici une tout autre signification. La doctrine de AYaldeyer a été longtemps admise d’une façon très générale. Il nous est impossible de l’adopter pour notre cas : parce que les noyaux dont nous avons du reste donné l’origine sont toujours en dedans de la couche corticale ovulaire, parce qu'ils ont une structure indiscutable et présentent des figures de division très nettes.} Du reste, les recherches plus récentes de Roule et Fol sur les Ascidies (42 et 19), de Schàfer (43) sur les Mammifères, les nou- velles données de Balbiani (2) sur l’œuf des Myriapodes, tendent à attribuer, dans la formation des éléments nutritifs, un rôle essen- tiel à la vésicule germinative. Enfin, Will (55), à la suite de recherches sur les Insectes et les Amphibiens, admet, d’une façon générale, mais sans préciser les processus, que le tissu germinatif, qui donne par division les granules vitellins, sort delà vésicule ger- minative. En tenant compte de ces divers travaux, nous pourrons sans difficulté faire rentrer les faits que nous avons décrits dans une théorie qui semble générale, puisqu’elle embrasse toutes les obser- vations des auteurs précédents, soit sur les Invertébrés, soit sur les Ascidies. Roule, Fol et Balbiani rapportent au noyau et au nucléole la formation des cellules folliculaires. Chez les Géophyles, le nucléole émet hors de la vésicule un ou plusieurs cordons chromatiques qui se fragmentent, dans le plasma ovulaire, en petits corps celluliformes identiques à ceux qui com- mencent à constituer le follicule, et que Balbiani rapporte à la même origine. Ces corps, par leur destinée ultérieure, sont les homologues du noijaii vitellin. Nos recherches nous ont fait voir que chez les Amphibiens, les mêmes corps prêtent à la même homologie physiologique. Will, partant de faits observés sur certains insectes (Orthoptères et Hémiptères), faits qui concordent du reste avec les observations antérieures de Balbiani, indique que, chez les Amphibiens, les corps issus de la vésicule germinative se transforment directe- 86 MÉTAMORPHOSE DES AMPHIBIENS ANOURES ment en granules vitellins, tandis que chez les Invertébrés que nous venons de voir, il y aurait une double origine. Ici en effet, une portion des produits nucléaires donne naissance aux éléments épithéliaux qui ne sont qu’un terme de passage conduisant égale- ment à du vitellus. En examinant avec soin les phénomènes présentés par l’œuf des Amphibiens, nous avons vu que cette distinction n’existe même pas. V émission chromatique qui a pour point de départ les taches ger- minatives donne lieu à des corps de dimensions variables : quelques- uns d'entre eux^ plus volumineux^ rappelleraient par leur forme et leur aspect certaines descriptions de noyau vitellin : c'est là un rap- prochement purement morphologique. Physiologiquement., tous ces corps méritent ce nom., puisque tous semblent contribuer à la forma- tion des tablettes vitellines., et d'une façon identique à celle vue chez les Invertébrés. Car nous voyons encore ici certains de ces fragments constituer à la périphérie les memes corps celluliformes dont parle Balbiani^ et meme attester leur valeur comme cellules par des phé- nomènes régidiers de karyokinèse . 8° Conclusion. L’émission chromatique considérée comme phéno- mène biologique général. Dégénérescence pigmentaire. Phagocytose. — Avant de comparer à d’autres le fait de l’émission chromatique qui nous a longuement occupé, il nous faudrait récapituler toutes les données morphologiques que nous possédons sur son compte. L’étude bibliographique nous a montré que la découverte des corps chromatiques dans le plasma ovulaire revient à Oscar Hert- wig(23). Ce savant a vu dans l’œuf ovarien de la grenouille, avant l’ap- parition des granules vitellins : 1° Ordinairement un, quelquefois deux ou trois corps fusiformes volumineux dont la description concorde dans les grandes lignes avec notre stade de sortie des vésicules (fig. 57 et 58, PL YI). 2° D’autres corps fusiformes plus petits (spindeliger) très nom- breux; ce sont probablement nos filaments ondulés. Quelle est la signification de ces productions? Hertwig se tient sur ]a réserve parce qu’il n’a pu voir, ni leur origine, ni leur des- HISTOLYSE 87 tinée. Il combat cependant l’idée de Will (54), parce que, dit-il : 1® « Jamais il n’a assisté, ni à l’émigration, ni à la division d’un tissu germinatif; 2° « Toujours la surface de la vésicule - germinative est lisse et dépourvue de pointes. « Nos recherches ayant porté, comme celles d’Hertwig, sur la gre- nouille, ces deux objections doivent reposer sur un défaut d’obser- vation. Les mêmes corps ont été indiqués, deux ans plus tard, par Schultze ^ chez la Rana temporaria. Schultze parle de formations aciculées « plus ou moins tordues », qui rappellent fort bien les descriptions précédentes. Il signale également des « aiguilles cris- tallines » rouges, qui « seraient peut-être des cristaux d’hématoï- dine ». Schultze semble n’avoir pas eu connaissance du travail antérieur d’Hertwig qu’il ne cite pas. Nous nous en tenons à la description de ce dernier qui est du reste plus complète. En somme, Hertwig a vu simplement dans le plasma ovulaire les corps dont nous avons suivi l’évolution. Il résulte de notre des- cription que ses gros fuseaux pourraient bien n’être qu’une forme aberrante ou transitoire d’un type vésiculaire, qui nous a paru beaucoup plus fréquent. Nous avons suivi Forigine et la destinée de ces productions. Enfin, sur plusieurs points, nous sommes en contradiction avec le savant allemand. 1® Les corps filiformes existent encore, que les granules vitellins se forment déjà à la périphérie (PL YI, fig. 60 et 61). 2° On peut assister à la migration du tissu de la vésicule germi- native (PL YI, fig. 57, 58, 59, 60, 61). 3° Enfin, non seulement la vésicule germinative est, à ce stade, hérissée de pointes dans lesquelles sont précisément engagées les taches nucléolaires, mais la membrane présente des solutions de continuité, et l’on peut assister à sa destruction graduelle. La migration de la chromatine, sa transformation ultérieure en 1. O. Schultze. Untersuch. über die Reifung und Befruchtung der Amphibieueies. Zeitsch. f. wiss. Zool.^ t XLV, 1887. 88 MÉTAMORPHOSE DES AMPHIBIENS ANOURES tablettes vitellines et surtout en pigment, rappellent immédiate- ment à l’esprit des faits semblables que nous avons vus se produire d’une façon très générale pendant la métamorphose. De même, par exemple, que nous avons vu la nucléole servir de point de départ au boyau chromatique dans la dégénérescence épithéliale, de même nous voyons ici le filament chromatique se condenser en un nombre variable de taches germinatives qui sont également le point de départ de l’émission. De même que le boyau chroma- tique donnait du pigment, de même les filaments chromatiques du plasma ovulaire en donnent. Mais l’homologation entre les processus de l’histolyse à ses débuts, et ceux de l’oviformation pourrait être poussée plus loin. Considérons l’œuf au dernier stade que nous nous étions proposé (5). A ce stade, il présente une couche périphérique de pigment aérolé dans lequel on distingue encore, surtout au bord interne, des noyaux pâles, alignés plus ou moins régulièrement. La masse centrale est entièrement formée de tablettes vitellines; et, sur les bords, nous avons toujours trouvé quelque part un reste de la vési- cule germinative : une ou plusieurs grosses taches chromatiques aérolées (PI. VI, fig. 63, 64). Cette persistance mériterait peut-être d’être suivie, pour déterminer dans quelle limite s’effectue l’éva- nouissement de la vésicule germinative : c’est un point spécial que nous n’avions pas à aborder. Nous indiquerons seulement à ce stade deux faits qui nous intéressent particulièrement. Dans l’intérieur du vitellus, il n’est pas rare d’observer des masses mamelonnées se fusionnant graduellement avec le vitellus, et dans lesquelles les tablettes sont transformées en granulations pigmentaires. Nous nous sommes demandé s’il n’y avait pas là une dégénérescence des œufs totalement évolués, et non pondus la première année. Les faits suivants nous ont confirmé dans cette opinion en nous montrant, dans l’œuf développé et resté surplace, de véritables phénomènes de diapédèse et de phagocytose. Ce n’est pas sans surprise que nous avons constaté, dans certains œufs, une abondance assez considérable de globules rouges. Dans ce cas, la zone pigmentaire, ouverte en un point, semblait livrer HISTOLYSE 89 passage à une sorte de courant plasmatique émané d’un vaisseau du stroma. Ce courant, s’étendant dans la région vitelline, limitait nettement le pourtour interne de la zone de pigment ; et les tablettes, au lieu de nager isolées dans ce fluide, étaient contenues dans des globules nucléés (PI. YI, fig. 65 et 66). L’ouverture de la couche pigmentaire, et surtout, les nom- breuses hématies en voie de destruction répandues dans l’œuf, ne laissaient aucun doute sur la diapédèse. Nous croyons ne pas trop nous avancer en rapportant aux globules blancs les éléments ren- fermant les tablettes. Et nous verrons là un fait de phagocytose déterminant l’utilisation, par l’organisme, des matériaux nutritifs de l’œuf évolué mais non éliminé. Ainsi, après avoir vu la chromatine de l’œuf participer direc- tement à la formation du pigment et des tablettes vitellines, nous venons de constater que le vitellus lui-même se transforme en pigment dans certaines conditions ; il peut donc être regardé à ce point de vue comme un produit intermédiaire. L’homologie que nous indiquions entre la formation du pigment par la chromatine dans l’oviformation et dans l’histolyse peut être étendue à la même transformation des tablettes vitellines : car les corps chromatiques (boyaux et balles) décrits dans l’histolyse constituent aussi bien un intermédiaire. Par conséquent, 'produits chromatiques et tablettes vitellines peu- vent être eonsidérés au même titre comme des éléments de transition pouvant également aboutir à du pigment^. Cette élude rapide de T évolution de F œuf méritait d'etre poussée jusque-là, puisqu elle nous a mis sous les ijeux toute une série des phénomènes morphologiques et physiologiques que nous donnons comme caractéristiques de la métamorphose : migration de la subs- 1. Dans un travail déjà cité {Études d' Embryologie sur les Vertébî'és), M. Houssay donne des faits qui semblent parler dans le même sens. Parlant des éléments de l’œuf au moment où se différencie l’hypoblaste chez l’Axolotl, il dit : « Il y a balan- cemeut entre la taille des granules et la présence du pigment. Ainsi, des cellules actives ont de petits granules et sont pigmentées, des cellules au repos ont de gros granules et sont dépourvues de pigment. Lorsque celles-ci entrent en activité, les granules prennent des dimensions plus faibles et le pigment y apparaît. » 90 MÉTAMORPHOSE DES AMPHIBIENS ANOURES tance chromatique ^ formation de 'pigment^ diapédèse et meme pha- gocytose. Suivre également l’évolution de la glande génitale mâle ne pré- sentait pas le même intérêt à notre point de vue particulier. L’ho- mologation à établir entre les processus de l’ovogénèse et ceux de la spermatogénèse constitue, du reste, un travail considérable, et que nous espérons pouvoir donner plus tard. VIII. - RÉSULTATS GÉNÉRAUX DE CETTE ÉTUDE HISTOLYTIQUE Après avoir montré, par l’exemple de la glande sexuelle, que les phénomènes histologiques de la métamorphose ne sont point isolés, il nous a paru intéressant de rechercher les conditions physiologiques dans lesquelles se produisent des modifications aussi marquées et aussi générales. Le travail, fait pour la méta- morphose, pourra susciter sur des points analogues des études également intéressantes. Mais d’abord, résumons, en quelques propositions, les résultats fondamentaux de cette étude histoly tique. /® Uhistolyse n'est pas localisée dans la queue et l'appareil bran- chialelle est générale. La diapédèse., qui V accompagne ordinairement ., est aussi géné- rale. 3° Les seuls produits histolytiques dont on puisse suivre la destinée ultérieure sont des éléments figurés^ chromatiques ayant pour point de départ la substance nucléaire plus ou moins condensée en masses qui ne se distinguent pas du nucléole. Le protoplasma cellidaire intervient probablement aussi dans leur formation. Cer- tains de ces produits., par leur identité complète avec le filament de la cinèse et par les conditions dans lesquelles ils s'observent^ rent des idées théoriques sur le rôle possible du nucléole dans la cinèse régulière. Ces produits donnent directement naissance au pigment qui s'amoncelle dans l' histoly se ; ou bien sont pris et élaborés par les HISTOLYSE 91 globules blancs ; ou bien, enfin, sont entraînés à Vétat de liberté dans le torrent circulatoire, pour subir finalement la même transforma- tion. Ce mode d'origine peut rendre compte de la présence du pigment en des points où elle suscite de grosses difficultés : dans V intérieur de la cavité générale, le long des parois vasculaires, etc.., 5“ Les fragments résultant de Vhistolyse musculaire (sarcohjtes) ri ont qu'une existence transitoire ; mais ils donnent une netteté par- ticidière aux phénomènes de phagocytose qui, ailleurs, ne s'exer- cent que sur des produits d'origine méconnaissable. Enfin, la masse des tissus subit, dans la dégénérescence, une condensation spéciale qui semble avoir son point de départ dans la substance du muscle, dont les faisceaux ou les fibres se trouvent raccourcies. 7° On peut expliquer, par cette action mécanique du muscle, la coexistence des phénomènes de multiplication et des phénomènes de destruction, et, particulièrement, la localisation curieuse des figures kar y okiné tiques qui s'observe dans les épithéliums. CHAPITRE III ETUDE EXPÉRIMENTALE ET GÉNÉRALE I. — CRITIQUE HISTORIQUE De tous les faits que nous venons de passer en revue, celui qui ale plus frappé les observateurs, parce qu’il est peut-être le plus saillant, est la disparition rapide de la queue. Et, en effet, la régression complète, dans l’espace de quelques jours, d’une partie du corps constituant à elle seule plus du tiers du poids total, et comprenant les tissus les plus divers, méritait les recherches minutieuses dont elle a été l’objet. Malheureusement, des modifications histologiques portant sur un point particulier de l’organisme comme celles décrites par Barfurth (6) et Loos (31) ne pouvaient fournir les données d’une interprétation générale. En étudiant l’histolyse de la queue, ils n’ont trouvé que des changements morphologiques ; et, pour l’ex- plication, ils ont dû se rabattre sur des principes généraux qui peuvent embrasser des faits, mais qui ne sauraient représenter une solution scientifique. Barfurth (4, 5, 6), le premier, invoque une proposition développée par Weissmann, à savoir : que les organes devenus inutiles dégé- nèrent. Mais, le savant histologiste des métamorphoses des Insectes avait insisté sur ce point que les organes inutiles cèdent la place à d’autres, correspondant aux nouvelles conditions d’existence : il partait même de là pour considérer la dégénérescence comme la ÉTUDE EXPÉRIMENTALE ET GÉNÉRALE 93 condition du progrès dans l’évolution ontogénique. Barfurth comprend parfaitement que cette explication ne saurait suffire pour la queue des [Anoures; et il trouve une action adjuvante dans les conditions alimentaires. Leuckart (29) avait déjà fait ressortir cette influence de l’alimentation; le jeûne prolongé déter- mine avant la mort une consommation des réserves graisseuses et même, dans une certaine mesure, d’autres tissus comme le tissu musculaire. Les réserves joueraient un rôle considérable dans divers états physiologiques spéciaux, comme le sommeil hibernal ou estival. Or, Barfurth, observant ses larves, avait remarqué que vers la sortie des membres antérieurs, elles mangent beaucoup moins. Partant de ces données, il institue toute une série d’expériences sur des têtards, qu’il répartit en divers lots : les uns abondamment nourris, les autres privés d’aliment. Il croit constater que la priva- tion de nourriture raccourcit considérablement les derniers stades de l’évolution, et se hâte de généraliser ces données dans son article intitulé : La faim considérée comme 'principe accélérateur dans la nature [Hunger als for derndes Princip in der Natiir), Les expériences comparatives faites par le savant allemand ont été conduites avec un soin minutieux. Toutes les conditions (espèce et dimensions de larves, température, date, durée des opé- rations) ont été notées. C’est un travail consciencieux, consigné dans des tableaux très nets, et dont quelque chercheur tirera peut- être profit. Mais les conclusions que Barfurth tire de ces résultats sont tellement curieux qu’il faudrait pouvoir les examiner tous successivement. Pourtant, comme ils provoquent tous à peu près les mêmes critiques générales, nous ne prendrons qu’un ou deux exemples. Et d’abord, en quoi consiste l’opération? Prendre des larves à un stade donné ; en faire deux lots égaux, l’un avec nourriture, l’autre sans nourriture; compter jour par jour, à mesure qu’elles se présentent, les larves métamorphosées h De ces numérations ressortiraient les faits suivants : 1. Rappelons que Barfurth considère la métamorphose comme terminée à la sortie des membres antérieurs. 94 MÉTAMORPHOSE DES AMPHIBIENS ANOURES 1® Dans toutes les expériences, pendant les trois premiers jours où l’on observe la métamorphose, celle-ci est en prédominance chez les larves livrées au jeûne ; 2® A mesure que l’on prend des larves plus âgées, cette prédo- minance s’accentue pendant toute l’opération, et la somme totale des larves évoluées est supérieure du côté où manque la nourri- ture. Comment ces propositions se trouvent-elles établies? Prenons les résultats des expériences numérotées 3 et 6 qui doivent nous présenter les faits dans toute leur netteté. La pre- mière porte sur 260 larves de Rana fusca^ la plupart sans membres postérieurs. La seconde est faite avec 30 larves de Biifo^ la plupart avec des membres postérieurs bien développés. TOTAL des métamorphoses TOTAL des métamorphose LARVES LARVES LARVES LARVES DATES à jeun. nourries. DATES à jeun. nourries 2 juin. 1886 . . 1 1 31 juin. 1886 . . 1 2 3 ". 0 1 1er août .... 0 0 4 7 0 2 . 2 1 5 2 5 3 . 2 1 6 5 5 8 . 1 0 7 3 4 9 . 0 .1 8 5 4 10 . 1 *1 9 3 5 14 . 1 0 10 2 3 » » )) 11 2 3 » » )) 12 1 5 » » » 13 . 2 3 )) )) » Totaux . . . 33 39 Totaux . . . 8 6 3 premiers jours. 8 2 3 premiers jours. 3 3 La première chose qui frappe, c’est que, nulle part, les chiffn ne sont assez différents pour imposer les conclusions. Des diffé- rences minimes comme celles de 6 à 8, de 33 à 39, peuvent relever de causes nombreuses, et particulièrement du degré de développe- ment des larves, degré qu’il est impossible de saisir. Car, le tirage ÉTUDE EXPÉRIMENTALE ET GÉNÉRALE 95 au sort auquel s’est livré Barfurth ne nous paraît pas le moins du monde assurer une égale répartition. Mais chacune des deux propositions données plus haut soulève des objections directes. Que signifie cette somme de métamorphoses faite au bout de trois jours? if est tout à fait inutile de remarquer qu’au lieu d’une prédomi- nance, on a quelquefois égalité comme dans l’expérience n° 6, Il suffira de constater que si, dans les deux cas, au lieu de faire la somme en question après trois jours, on la fait au bout des deux premiers, le résultat est juste inverse. La seconde proposition impose à l’esprit une autre question. Pourquoi chaque opération finit-elle tel jour (13 juillet, 14 août) plutôt qu’un ou deux jours après? Dans l’expérience n** 3, sur 260 larves, nous n’en avons que 72 évoluées h Dans l’expérience n° 6, sur 30, nous n’en avons que 14.^ Que sont devenues les autres? Avec les variations que l’on voit d’un jour à l’autre dans chaque série, il se peut qu’un jour en plus ou en moins annule la prédominance ou la renverse. Chacune des autres opérations sus- citerait des remarques du même genre. Ainsi, en comparant les expériences 13 et 14, on trouverait pour les trois premiers jours un résultat inverse. De même pour l’expérience relative à l’in- fluence de la température. Les soins multiples qu’a apportés Barfurth dans ces recherches sont faits pour inspirer confiance à ceux qui, dansun but quelconque, voudraient utiliser ses données. La variabilité même des chiffres consignés prouve qu’il n’a pas voulu échapper aux objections; en tout cas, cette variabilité est telle qu’il nous paraît impossible de tirer une conclusion sérieuse relativement au sujet qui nous occupe. Mais supposons que ces résultats soient significatifs et que, dans ses expériences, Barfurth n’ait fait qu’accélérer ce qu’il appelle un 1. Dans cette expérience, la somme totale donne une relation inverse de celle qui est avancée. 96 MÉTAMORPHOSE DES AMPHIBIENS ANOURES « processus naturel » . Nous restons en face d’un fait aussi bizarre qu’inexpliqué : des animaux très voraces se livrant tout à coup et spontanément au jeûne. Loos (31) vient de faire remarquer un fait que nous avions cons- taté nous-même dès le début de ces recherches : à savoir que quand les larves ne mangent pas, c’est qu’elles ne peuvent plus manger. La chute du hec corné, l’évolution de l’appareil maxillaire définitif les mettent dans l’impossibilité de prendre de la nourriture. Quant au reste, les conclusions générales de Loos semblent absolument calquées sur celles du savant de Bonn. Comme lui, il considère, dans la queue, la dégénérescence d’un organe inutile; et, avec lui également, il fait intervenir la faim comme facteur essentiel dans la régression. Le jeûne des larves étant un jeûne forcé, peu importe qu’on les nourrisse abondamment ou qu’on les prive d’aliment. C’est donc au jeûne forcé que Loos attribue l’histolyse de la queue. Mais, les conclusions des.expériences de Barfurth étant renversées, que reste-t-il pour établir ce rôle de la faim? Il reste des faits comme les expériences de Leuckart sur le jeûne; les phénomènes observés dans l’hibernation ou dans l’estivation. Deux questions s’imposent : 1° Le cas des larves d’ Anoures est-il comparable à ces derniers? 2° Si, parmi ces derniers, il s’en trouve de semblables, ne pourrait-on pas les faire relever de causes autres que la faim? 1“ La plupart des cas ne sont pas comparables au nôtre. a. La régression des tissus dans l’iiibernation ou dans le jeûne expérimental se produit-elle à la suite de phénomènes de diapédèse comme ceux que nous avons décrits ? Rencontre-t-on, au bout d’un temps si court, des parties totalement dégénérées et envahies par les leucocytes ? Autant que l’étude bibliographique a pu nous éclairer sur ce point, rien n’est moins établi. (5. L’ordre de destruction des tissus dans le jeûne, reproduit par Loos lui-m-ême, nous permettrait de constater au moins une ano- malie curieuse. Cet ordre serait le suivant : réserves graisseuses, musculature, glandes sexuelles, etc...; le tube digestif serait atteint en dernier lieu. Il y aurait beaucoup à dire sur ce point : ÉTUDE EXPÉRIMENTALE ET GÉNÉRALE 97 nous ne parlerons que du corps adipeux développé au contact des glandes sexuelles. Non seulement cet organe ne disparaît pas pen- dant la métamorphose, mais il se présente, à la fin, avec un dévelop- pement au moins égal au volume primitif. 2° S’il en est de comparables, ils peuvent relever de conditions physiologiques autres que le jeûne. Le seul cas de cet ordre que nous puissions actuellement signaler est celui récemment étudié par Parker (39). On sait que le Protop- teriis annectens, qui vit dans les lacs de l’Afrique australe, à l’arrivée de la sécheresse, s’enfonce dans la vase pour attendre, dans l’humi- dité relative d’une sorte de nid boueux, le retour des eaux. Pendant cette période, le savant anglais a constaté un rôle actif des leucocytes sur les masses musculaires latérales, et croit pouvoir conclure que le Protoptère vitaux dépens de ses tissus jouant le rôle de réserve. Il faut remarquer que l’animal se trouve dans des conditions toutes spéciales, non seulement au point de vue de l’alimentation, mais aussi sous le rapport de la respiration : or, on verra que c’est préci- sément à des modifications de ce dernier ordre que nous rapportons les faits de diapédèse et de phagocytose. Pour établir l’influence du jeûne, il faudrait, pour le moins, examiner un Protoptère dans les conditions normales de respiration et de circulation, après l’avoir privé d’aliment pendant un certain laps de temps. C’est une expé- rience qu’il ne nous a pas été donné de faire. Mais nous pensons qu’elle conduirait à un résultat négatif, comme celles que nous avons tentées sur nos larves. L alimentation exerce aucune influence sur la métamorphose des larves d' Anoures. Nous conservons, depuis dix-huit mois environ, des têtards à'Alytes^ soumis au jeûne, et isolés, avec des pattes postérieures déjà bien développées. Ces larves sont amaigries, et leurs pattes posté- rieures ont considérablement diminué de volume pendant l’hiver dernier ; or, les autres larves, sœurs de celles-ci, avaient évolué en été 1889. Quelques-uns des sujets en expérience, mis à l’étuve et nourris, se sont métamorphosés en plein hiver. D’autres larves, écloses au printemps de cette année (1890), sont métamorphosées. UNIVERSITÉ DE LYON. — It. A. 7 98 MÉTAMORPHOSE DES AMPHIBIENS ANOURES Celles restées en expérience sont toujours au même point, et ne semblent pas disposées à évoluer. Il s’agit du reste ici de faim plutôt que de jeûne à proprement parler. Les larves en question avaient, dans l’intestin, des algues susceptibles d’une multiplication très active. Elles ne vivent, en somme, depuis dix-huit mois, que de leurs excréments : ajoutons que, tous les huit jours, les algues qui commencent à s’amasser dans les vases, sont éliminées, de façon à remettre l’animal dans les conditions primitives. Des larves de tout âge, qui ne présentaient pas les conditions particulières des précédentes, privées totalement de nourriture en plein été, s’étiolaient graduellement et au bout d’un temps plus ou moins long finissaient par mourir, sans que l’évolution fût le moins du monde accélérée, et sans qu’il fût possible de constater de phénomènes histolytiques comme ceux que nous avons décrits. Il semble résulter de ces expériences : V Que, jusqu’à la métamorphose proprement dite, qui commence à partir du développement complet des membres postérieurs, l’évo- lution n’est pas accélérée par le jeûne. 2° Qu’il est, au contraire, possible, en réduisant en quelque sorte l’alimentation à son minimum, de fixer la larve pendant un temps considérable (et dont nous ne pouvons donner les limites) à un stade déterminé. S"" Que, dans le jeûne expérimental pratiqué sur les têtards eux- mêmes, l’autophagie se présente avec des caractères tout différents de ceux qu’elle offre dans la métamorphose. Nous avons songé également à pratiquer l’alimentation artifi- cielle pendant cette période. Au moyen d’une pipette, on introdui- sait dans la bouche des têtards de la viande broyée. Au bout de deux ou trois jours, l’animal, dont l’évolution n’avait pas été le moins du monde gênée par ce régime substantiel, refusait de déglutir, etrejetait les parcelles alimentaires avec l’eau d’expiration; probablement parce que son tube digestif en voie de transformation ne pouvait plus rien recevoir. Cette expérience avait été entreprise précisément en vue d’entraver, si possible, la métamorphose de l’intestin. Le résultat a répondu par la négative; mais ce fait ÉTUDE EXPÉRIMENTALE ET GÉNÉRALE 99 semble s’ajouter à tous les autres pour prouver que, si le jeûne ne peut en rien accélérer l’évolution, l’alimentation forcée est aussi incapable de l’enrayer. Loos, faisant ressortir l’insuffisance du principe de Weissmann, remarque que, chez les Urodèles, « qui subissent à peu près la même métamorphose d’animaux aquatiques en animaux terres- tres )), la queue persiste. C’est alors qu’il fait intervenir le prin- cipe accélérateur de Barfurth, la faim; et il faut bien reconnaître qu’il lui donne une certaine apparence de valeur comme cause déterminante, lorsqu’il remarque qu’elle est la conséquence d’un jeûne forcé. Malheureusement, le savant allemand aurait pu se poser tout aussi bien l’objection des Urodèles, après avoir introduit son second principe. Ceux-ci ont à subir la même transformation de l’appareil buccal : il résulte même des observations de Marie von Chauvin (14) qu’ils ne mangent pas à ce moment, ce qui complète l’identité des deux cas au point de vue du rôle possible de l’alimentation. Pourquoi la queue des Urodèles persiste-t-elle? La queue peut être considérée comme un organe devenu inutile par suite du développement des membres. Mais, le jeûne n’expli- quant rien, on se demandera avec Loos « pourquoi un organe aussi important dégénère rapidement et ne subit pas, comme cela se voit ordinairement, une régression graduelle et lente à travers une série ininterrompue de générations ». Les faits qui nous occu- pent rentreraient alors dans la catégorie des questions actuellement insolubles, auxquelles on ne peut répondre que par les mots : hérédité, répétition des stades ontogéniques, etc... Cependant, I pour qu’un être remplace, par d’autres, des conditions d’existence i' dont il s’était jusque-là fort bien trouvé, il doit y avoir des causes ' déterminantes actuelles dont la connaissance, difficile à atteindre (il faut en convenir) pourrait bien jeter quelque jour sur les I conditions mêmes du développement phylogénique. Or, nous nous trouvons justement, chez les Anoures, en face d’une de ces déviations dans l’évolution, déviation des mieux caractérisées et particulièrement favorable à l’étude, puisqu’elle se présente dans un développement larvaire et que l’animal libre se 100 MÉTAMORPHOSE DES AMPHTBIENS ANOURES prête à rexpérimentation. Et nous pensons que, s’il est impossible de répondre am dernier pourquoi suscité par ces phénomènes obscurs d’évolution, des séries de phénomènes indissolublement liés comme ceux que nous allons décrire sont de nature à préciser les idées d’adaptation et d’hérédité, en faisant ressortir le déter- minisme physiologique rigoureux qui doit présider à l’évolution ontogénique. II. - ÉTUDE EXPÉRIMENTALE DE LA MÉTAMORPHOSE 1® Les modifications anatomiques qui se produisent au début de la métamorphose déterminent un abaissement de pression dans les voies respiratoires de la larve. — Nous reprendrons successive- ment les conditions physiologiques dans lesquelles s’opère la métamorphose et que nous avons données dans la première partie de ce travail. Notre but sera de montrer qu’il existe, entre elles et les phénomènes de l’histolyse, un lien indissoluble. Le rythme respiratoire s* accélère; la production ou plutôt V élimination de Vacide carbonique diminue. Ces faits sont-ils susceptibles d’expli- cation. Nous avons vu : 1“ que la sortie des pattes détermine la production, en avant d’elles, d’orifices expirateurs complémen- taires ; 2® qu’au même moment, l’évolution de la région maxillaire détermine un état de transition particulier dans la région du bec corné ; 3® que la mue épithéliale de la peau aussi bien que de la muqueuse buccale entraîne la disparition des valvules nasales. Ces trois modifications anatomiques nous ont paru conduire au même résultat : abaissement de la pression de l’eau dans les voies respiratoires. Quoique le fait s’impose suffisamment à l’esprit, il nous a paru intéressant de constater directement : d’une part, les modifications de la pression sur des animaux aquatiques à l’état normal ; d’autre part, un abaissement de pression obtenu en agrandissant artifi- ciellement les orifices expirateurs. Il était matériellement impossible, d’obtenir, à ce double point ÉTUDE EXPÉRIMENTALE ET GÉNÉRALE . (01 de vue, des résultats directs sur nos larves, beaucoup trop petites pour ce genre d’expérimentation. Elargir le spiraculum, pratiquer des orifices expirateurs complémentaires chez le têtard, étaient les seules opérations réalisables. Lorsque nous apporterons ces expé- riences à l’appui de nos résultats généraux, on verra qu’elles donnent une confirmation indirecte, mais évidente, de la proposi- tion que nous avons avancée. Les ressources mises obligeamment à notre disposition par M. le professeur Pouchet, dans son laboratoire maritime de Con- carneau, nous ont permis de tenter des expériences de contrôle sur des poissons à orifices expirateurs étroits, comme l’Anguille. Il s’agissait, en somme, de noter le maximum de pression à l’expiration sur l’individu sain, et de répéter l’opération après avoir élargi sensiblement la boutonnière expiratrice. Les appareils dont nous nous servions étaient très simples. C’étaient des tubes de verre en forme de T renversé. Le calibre du verre était choisi de façon que les branches du T pussent entrer à frottement, par l’ori- fice d’expiration. La branche médiane était graduée en centimètres à partir du point de soudure. L’animal étant fermement maintenu dans l’eau par un aide, on introduisait, en arrière, dans l’ouverture branchiale, l’une des branches horizontales du T, l’autre assurant l’expiration régulière. La graduation de la branche verticale permettait d’évaluer les osciJlations de la colonne liquide et devait nous donner, en prenant pour zéro le niveau de l’eau dans le bassin, la pression positive ou négative. Les résultats moyens obtenus sur l’animal sain sont les suivants. La colonne liquide verticale part du niveau de l’eau et s’élève à I centimètre et demi ou 2 centimètres, maximum à l’expiration. II est clair que cette donnée n’a pas une valeur absolue. L’orifice étant maintenu béant, les conditions de l’expiration peuvent être légèrement changées. Nous ferons la même réserve pour une faible pression négative (1 millimètre ou 2 à peine) que nous avons constatée à la fin du mouvement expirateur. Mais, ceci dit, la première donnée nous semble signifier quelque chose comme terme 102 MÉTAMORPHOSE DES AMPHIBIENS ANOURES de comparaison avec des expériences répétées dans des conditions exactement identiques : on opérait cette fois sur les mêmes ani- maux après avoir donné artificiellement aux orifices d’expiration des dimensions à peu près triples des primitives. Dans ces condi- tions, le maximum de pression ne dépassait jamais 4 ou 5 milli- mètres d’eau. Ces chiffres nous montrent qu’en augmentant les dimensions des orifices expirateurs dans la respiration aquatique, on abaisse la pression du fluide respirable de la cavité branchiale. Notons en passant la difficulté qu’il y aurait à constater directe- ment sur des larves d’Amphibiens des variations de pression qui se mesurent par quelques millimètres d’eau, sur des Poissons volu- mineux et forts comme ceux dont nous nous sommes servi. 2° L’expérience prouve que les mêmes modifications anatomiques déterminent l’accélération du rythme et le ralentissement dans la fonction. — Après avoir montré comment les conditions ana- tomiques énumérées plus haut peuvent concourir à un abaisse- ment de pression, nous avons à examiner quelle peut être l’in- fluence des mêmes conditions sur le rythme et la fonction respi- ratoires. Nous avons déjà vu, par des dosages de l’acide carbonique éliminé, que l’apparition des spiracula complémentaires et la dispa- rition des valvules nasales coïncident avec une accélération du rythme et un ralentissement dans la fonction respiratoire. Si ce double phénomène dépend des conditions anatomiques susdites, l’expérimentation doit nous fournir l’appui de faits concordants. a.) Considérons de gros têtards d’Alytes munis déjà de pattes postérieures bien développées, quelques jours avant la sortie des membres antérieurs; la numération simple des mouvements respiratoires nous donne des chiffres très peu variables : 70 ou 72 à la minute. Ce terme de comparaison étant fixé, pratiquons arti- ficiellement des boutonnières expiratrices complémentaires aux points où elles doivent se produire normalement à la métamor- phose. En modifiant les conditions d’expiration, nous* modifions le rythme respiratoire, lequel s’accélère rapidement comme à la ÉTUDE EXPÉRIMENTALE ET GÉNÉRALE 103 sortie des pattes. Dans quelques heures, il passe de 70 mouve- ments à la minute à 125, 130 et même plus. En somme, une con- dition anatomique qui apparaît à une certaine période étant accompagnée d’une modification physiologique, nous voyons qu’en • produisant artificiellement la même condition, nous obtenons le même changement fonctionnel. Du reste, dans nos expériences sur les Poissons précédemment indiquées, nous avions constaté des faits identiques. Une anguille, dont les orifices expirateurs ont été agrandis, présente des mouve- ments respiratoires nettement accélérés. Il existe donc une relation entre l’élargissement des voies expi- ratrices à la sortie des membres antérieurs, et l’accélération du rythme respiratoire. Cette relation, il est possible de la faire res- sortir même pendant la métamorphose. Certains de nos graphiques de la respiration pendant cette période sont précisément accom- pagnés d’un tracé spécial désigné par les lettres se^ et obtenu de la façon suivante. Après avoir enregistré les mouvements respira- toires et circulatoires normaux, d’un coup de ciseaux, nous élar- gissons sensiblement les boutonnières en avant des pattes. L’accé- lération produite à l’apparition de ces orifices se trouvait accusée considérablement : c’est le fait incontestable qui ressort de la com- paraison des tracés. (Voir les graphiques de la figure 1, dans le texte.) |3. Pour l’étude expérimentale de la fonction, nous empruntons encore une base à notre étude des modifications fonctionnelles qui se produisent pendant la métamorphose. Cette base, c’est l’abaisse- ment constaté, au début, dans l’élimination de l’acide carbonique. Les opérations que nous avons faites consistaient encore à déter- miner la quantité d’acide carbonique rejeté pendant une période donnée. Chaque expérience comprenait deux temps : P' Temps. — Dosage de l’acide carbonique produit par un nombre de têtards N, ayant un poids P, enfermés dans un vase avec une quantité d’eau déterminée E, une atmosphère d’air de volume également connu A ; l’opération durant un temps fixe T. 2® Temps. — Dosage de l’acide carbonique éliminé dans les 104’ MÉTAMORPHOSE DES’ AMPHIBIENS ANOURES mêmes conditions de milieu et de temps, par les mêmes animaux, opérés comme dans nos recherches sur le rythme, c’est-à-dire munis d’orifices expirateurs artificiels, ou à orifices expirateurs sensiblement agrandis. Nous ne reviendrons pas sur le détail de ces opérations qui sont toujours les mêmes. Nous dirons seulement qu’en les répétant avec toutes les modifications possibles, modifications par exemple dans l’âge et dans la quantité des larves employées, modification dans la durée des expériences, les variations des résultats se sont constamment produites dans le même sens. Le détail d’un grand nombre d’opérations serait fastidieux : nous nous en tiendrons à deux exemples typiques. Douze têtards à'Alytes^ pesant ensemble 24 grammes et ayant les pattes postérieures longues de 4 à 6 millimètres, étaient mis en expérience pendant vingt-quatre heures. Ils ont donné pendant cette période environ 55 milligrammes d’acide carbonique. Après la production artificielle des spiracula complémentaires^ l’émis- sion est tombée pour le même temps à 36 milligrammes. Trente larves prises à un stade beaucoup plus jeune et pesant ensemble 40 grammes, donnaient à l’état normal 92 milligrammes ; et après l’opération, 57 milligrammes seulement. La modification est, comme on le voit, de même ordre que celle constatée à la sortie des membres antérieurs, et indiquée par nos courbes (voir fig. 1, dans le texte). On peut donc déduire de ces recherches que l’élargissement normal des voies expiratrices au début de la métamorphose est lié à un abaissement dans la quan- tité d’acide carbonique éliminé. 3“ Relation directe entre l’abaissement de la pression et le ralen- tissement dans la fonction. — Mais il ne suffit pas de constater, soit par l’observation, soit même par l’expérimentation, qu’il existe un rapport entre une variation de pression résultant de conditions anatomiques connues, et le rythme ou même la fonction respira- toire. Le rythme et ta fonction pourraient, à la rigueur, se modifier sous une influence concomitante de l’abaissement de pression^ sans relever directement de cet abaissement. Nous avions donc à ÉTUDE EXPÉRIMENTALE ET GÉNÉRALE 105 établir directement V influence de la pression sur les échanges dans la respiration aquatique. On sait que, chez les Mammifères, la pression intrapulmonaire joue un rôle considérable, quoiqu'elle se mesure par des chiffres très faibles : chez l’homme, par exemple, par 1 ou 2 milli- mètres de mercure. Dans le cas de la respiration aérienne, ce rôle est double : la pression favorise l’absorption de l’oxygène, elle favorise également l’élimination de l’acide carbonique. Dans une note préliminaire (9), nous avons avancé que, comme chez les Mammifères, un abaissement de pression dans la cavité respiratoire doit déterminer une accumulation d’acide carbonique dans le sang. Dans le cas en question, la pression n’avait d’abord d’importance à nos yeux qu’en tant qu’elle indique une accumulation de l’eau dans la chambre branchiale. La production des spiracida corn- plémentaires^ constituant un élargissement des orifices de sortie, avait comme influence immédiate de raccourcir la période de con- tact entre l’eau d’inspiration et les houppes respiratoires, fait qui se traduisait au manomètre, dans nos expériences sur les Poissons, par un abaissement de la pression positive à l’expiration. La modi- fication dont il s’agit est comparable à celle qui se produit chez les Mammifères dans les cas où le rythme respiratoire se préci- pite : on admet alors que la production d’acide carbonique diminue, parce que les échanges n’ont pas le temps de s’effectuer au niveau des vésicules pulmonaires. La même accélération du rythme se produit du reste chez nos larves comme phénomène consécutif. Une autre question se posait : à savoir, si la pression, à elle seule, exerce quelque influence sur les échanges. L’oxygène se trouve au contact des branchies à l’état de gaz dissous ; et dans le cas de l’osmose simple, où l’eau arrive à la membrane qui la sépare du sang sous la pression extérieure, on ne conçoit guère que les échanges se fassent autrement que par molécules liquides tenant le gaz en dissolution. En est-il de même lorsque le liquide est soumis à une pression? Les conditions physiques du phénomène sont des plus simples : 106 MÉTAMORPHOSE DES AMPHIBIENS ANOURES d’une part, un liquide contenant un gaz dissous ; d’autre part, un liquide portant une substance chimique ayant de l’affinité pour le gaz susdit; les deux séparés par une membrane animale perméable. L’opération a été réalisée sous une forme qui rappelle de très loin, il est vrai, le cas physiologique, mais qui lui est comparable par les conditions essentielles. Une membrane de baudruche séparait une eau chargée d’acide carbonique d’une solution de baryte : les deux liquides restaient en présence jusqu’à neutralisation complète de la solution. 3 centimètres cubes de cette solution de baryte titrée étaient neutralisés en 4 h. 30 à la pression atmosphérique. Pour exercer une pression sur l’eau contenant l’acide carbo- nique, nous avons adopté le dispositif suivant. (Voir fig. 4, B, texte). Un corps de pompe destiné à recevoir le liquide communiquait par un tube en T, d’une part avec un manomètre, d’autre part avec l’extrémité supérieure d’un endosmomètre . L’endosmomètre plon- geait lui-même dans l’eau de baryte à la pression atmosphérique, et préservée du contact de l’air par une membrane de caoutchouc. Dans ces conditions, en exerçant sur le piston une pression de 5 centimètres de mercure, nous obtenions la neutralisation de la même quantité de baryte (soit 3 centimètres cubes de la solu- tion) en 35 minutes. Ces expériences indiquent nettement que la pression favorise l'échange des molécules liquides entraînant le gaz dissous. Restait à savoir, si l’élévation du niveau dans le réservoir à baryte correspondait exactement à la quantité du liquide chargé de gaz nécessaire à la neutralisation sous la pression atmosphé- rique ; en d’autres termes si, outre qu’elle favorise le passage du liquide, la pression n’influe pas sur la teneur en acide carbonique de ce même liquide dans sa transmission. — Or, si l’on ajoute aux 3 centimètres cubes de baryte une quantité d’eau gazeuse égale à celle qui a traversé la membrane dans l’expérience précédente, on constate qu’elle est loin de suffire à la neutralisation. Donc., la quantité de gaz transmise sous pression n'est pas en rapport avec la masse d'eau guipasse pendant le meme temps. ÉTUDE EXPÉRIMENTALE ET GÉNÉRALE 107 Est-ce à dire que la pression soit plus favorable à F osmose du gaz quà celle du liquide qui le dissout ? Non. Car, dans l’expé- rience faite à la pression atmosphérique, le niveau de la baryte après saturation n’avait pas varié sensiblement. Il est clair qu’avec une pression, la quantité de liquide transmise par osmose est plus g-rande par rapport au volume gazeux que quand cette pression fait défaut. Nous tenterons tout à l’heure de nous rendre compte de ces détails. Notons seulement que la pression accélère la satu- ration et par conséquent favorise V osmose gazeuse. (3.) Ce principe fondamental étant établi, nous avons voulu reprendre ces recherches dans des conditions se rapprochant davantage de la réalité. Malheureusement des observations directes sur un animal aquatique à l’état physiologique présentaient des difficultés insurmontables. Forcé de nous en tenir aux conditions physiques du phénomène, nous avons institué une nouvelle série d’opérations en substituant à l’eau chargée d’acide carbonique et à la baryte les fluides véritables entre lesquels s’effectuent les échanges respiratoires : l’eau aérée et le sang. Les essais au tour- nesol étaient eux-mêmes remplacés par l’examen spectroscopique : il est clair que le sang devait être considérablement dilué comme dans toutes les expériences de ce genre, pour donner un spectre permettant l’étude des bandes d’absorption h Voici, en quelques mots, le dispositif que nous avions adopté (fig. 4, A, texte). Un réservoir très étroit V est destiné à recevoir le sang étendu, qui s’élève à un certain niveau n dans son intérieur. Il est herméti- quement fermé à sa partie supérieure par un bouchon présentant trois tubes de sortie. L’un de ces tubes, plonge dans la solution sanguine et se continue au dehors par un caoutchouc que l’on peut obturer au moyen d’une pince. Un autre, t\ ne plonge pas : c’est un simple tube de dégagement pour l’atmosphère qui recouvre la solution. Il vient affleurer au dehors sous une légère épaisseur l.Nous sommes heureux de pouvoir remercier ici notre excellent ami M. Couvreur, chef des travaux de physiologie, qui a bien voulu nous prêter le concours de ses con- naissances techniques, et de sa patience pendant les longues heures nécessitées par l’examen spectroscopique*. 108 MÉTAMORPHOSE DES AMPHIBIENS ANOURES d’eau E. Enfin, le troisième, porte inférieurement une baudruche qui vient au contact du sang. C’est l’une des branches d’un tube en T dont la branche impaire est latérale. Cette dernière est en rapport avec un manomètre, la branche supérieure communique avec un corps de pompe contenant l’eau aérée. Cette eau arrive donc au contact de la baudruche d’une part, et d’autre part, peut recevoir par le piston p une pression déterminée, qui sera traduite par le manomètre. Enfin, tout le système doit être porté à un niveau tel que le réservoir contenant la dilution de sang vienne se placer entre la fente d’un spectroscope et une lampe à gaz. Dans ces conditions, l’appareil est prêt à fonctionner. Il est clair que le sang, mis ainsi en expérience, a été largement hématosé par le contact de l’air, étant donnée l’affinité très grande de l’hé- moglobine pour l’oxygène. Or, pour avoir dans nos expériences un repère convenable, il est préférable d’agir sur le sang suffisam- ment chargé d’acide carbonique pour présenter nettement la bande de réduction de Stokes. Les échanges se faisant à travers la baudruche avec l’eau qui remplit le tube en T et le corps de pompe, la question serait alors de savoir si, avec ou sans pression, ÉTUDE EXPÉRIMENTALE ET GÉNÉRALE 109 on obtient plus ou moins vite la substitution des deux bandes de l’oxyhémoglobine à la bande de réduction. Une opération préliminaire est donc nécessaire. Mettons le tube de sortie t, ménagé à cet effet, en rapport avec un générateur d’acide carbonique. Le sang se charge graduellement du nouveau gaz; et l’on surveille, au spectroscope, le point exact où la bande de Stokes se substitue aux deux bandes d’oxydation. La première moitié de l’expérience est faite. Remplaçons le générateur d’acide carbonique par un générateur d’hydrogène. Le passage du courant gazeux entraîne rapidement l’atmosphère d’acide carbonique que l’on voit sortir en E par le tube de dégagement. Quelques secondes suffisent et tout est disposé pour les expériences véritables : nous avons du sang présentant le spectre de l’hémoglobine réduite et ce sang est au contact de l’hydrogène, par conséquent, d’une atmosphère inerte. De plus, grâce au tube de dégagement t\ la pression de la solution sanguine ne peut varier, et reste égale à la pression atmosphérique : rien ne peut donc venir troubler nos résultats. Il n’y a plus qu’à attendre, dans des conditions dont on est maître (avec une pression déterminée ou sans pression), l’apparition du spectre de l’oxyhé- moglobine. Les résultats de cette seconde série d’expériences ont été donnés brièvement dans une précédente communication (8). Nous ne ferons que les reproduire ici : 1® La pression favorise les échanges, — Avec une pression de 6 centimètres de mercure, les bandes d’oxydation paraissaient régulièrement au bout de 50 ou 55 minutes. Sans pression, elles ne se montraient qu’après 10 ou 11 heures. 2° Sans pression^ le niveau de la solution sanguine ne s'élève pas sensiblement. Avec une pression^ ce niveau s élève, — C’est la répétition exacte des données de notre première série d’expé- riences. La méthode spectroscopique confirme les résultats de la méthode purement chimique, et offre un avantage considérable, puisqu’elle nous permet d’utiliser les fluides mêmes entre lesquels s’effectuent les échanges dans la respiration aquatique. Nous ajouterons une remarque importante qui peut rendre iiq MÉTAMORPHOSE DES AMPHIBIENS ANOURES compte des variations de niveau observées dans les cas de pression. Elle est également empruntée à la communication que nous venons de rappeler : « En adoptant le schéma de l’osmose donné par Brücke, nous dirions que, lorsqu’elle ne reçoit aucune pression, la membrane n’a pas d’affinité particulière pour l’un des liquides qui la baignent et qui, tous deux, sont en somme de l’eau. De ce chef, sont annulés les courants pariétaux de filtration^ et le courant central de diffu- sion persiste seul ; comme c’est un courant échanges^ on conçoit que le niveau de la solution ne varie pas. « Mais, on sait que la pression augmente \e pouvoir d'imbibition^ c’est-à-dire l’affinité de la membrane pour le liquide au contact duquel elle se trouve. Par suite, quand nous exerçons une pres- sion dans notre cas, des courants de filtration s’établissent du liquide pressé vers le liquide non pressé ; l’eau passe avec le gaz du corps de pompe, et il est tout naturel que, dans le réservoir, le niveau de la solution s’élève. » Quoi qu’il en soit, dans les conditions particulières que nous avons envisagées et en variant le plus possible les procédés opéra- toires, nous croyons avoir prouvé et expliqué même, en quelque façon, que la pression favorise les échanges. On peut conclure par analogie qu’elle exerce dans la respiration aquatique une influence égale et de même sens. Et, pour faire une application au cas particulier de nos larves au moment de la métamorphose, nous dirons que : l’abaissement de pression qui résulte de l’élargisse- ment des orifices expirateurs détermine une baisse dans l’élimi- nation de l’acide carbonique, en entravant le jeu régulier de la fonction respiratoire. _ Ainsi, en ajoutant les données expérimentales aux constatations physiologiques faites pendant la métamorphose, nous avons établi le déterminisme fonctionnel rigoureux qui rattache : d’une part, certaines modifications anatomiques apparaissant à la sortie des membres antérieurs ; d’autre part, divers changements relatifs à la fonction respiratoire tels que : abaissement de la pression de l’eau dans la chambre branchiale, accélération du rythme, diminution ÉTUDE EXPÉRIMENTALE ET GÉNÉRALE 111 dans la quantité d’acide carbonique éliminé. Non content d’avoir fait de ces divers points une chaîne dont chaque anneau est soudé à celui qui précède aussi bien qu’au suivant par des faits d’expé- rience, nous avons cherché des rapports immédiats entre ces points. Par exemple, après avoir montré que la diminution dans l’acide carbonique éliminé se produit régulièrement à la suite de l’abaisse- ment de pression, nous avons établi qu’en fait, le second phéno- mène ^eut à lui seul engendrer le premier. De même, par analogie avec ce qui se passe chez les Mammifères dans les cas d’as- phyxie, nous avons pu considérer l’accélération du rythme qui se produit dans les mêmes conditions comme un phénomène con- sécutif. 4® Le ralentissement du rythme circulatoire et la diapédèse. — S’il était possible de rattacher les modifications circulatoires à celles que nous venons d’étudier, l’insuffisance des échanges nutritifs rendrait compte des altérations que subissent les tissus ; et nous dirions que la stagnation du sang dans les fins capillaires favorise la sortie des globules blancs, comme on l’a observé sur nos larves elles-mêmes sous l’action du curare. Il résulte des expériences de Traube et Thiry (48-49) que l’acide carbonique non éliminé du sang exerce une action sur les centres d’arrêt du cœur : on pourrait donc déjà admettre, par analogie, que l’insuffisance des échanges respiratoires entraîne une accumu- lation de l’acide carbonique dans l’appareil de la circulation ; d’où le ralentissement du rythme cardiaque et du mouvement circu- latoire en général. Mais nous pouvons établir le rapport en ques- tion d’une façon directe. Reprenons nos expériences de gêne respiratoire. Nous pouvons varier les procédés : perforer la cavité branchiale, oblitérer l’un des orifices nasaux, etc... Nous ne reviendrons pas à la numération des battements du cœur. La même dissociation des mouvements respiratoires et circulatoires qui caractérise les débuts de l’histo- lyse, s’obtient artificiellement sur des larves jeunes. Le synchro- nisme est détruit; et, d’une façon absolue, le rythme cardiaque est 112 MÉTAMORPHOSE DES AMPHIBIENS ANOURES ralenti. La démonstration sera plus complète, et la relation que nous voulons établir ressortira mieux encore, si nous considérons dans ces expériences le résultat final. Il faut examiner au microscope la queue de la larve quelques instants seulement après l’opération. Les capillaires périphériques du bord du lophioderme, et particulièrement le riche réseau de l’ex- trémité, sont oblitérés de toutes parts par des amoncellements de globules rouges: la circulation est très ralentie. Au bout d’un jour, l’extrémité se flétrit et présente des phénomènes de destruction. Évidemment, la larve n’est pas arrivée à un degré d’évolution lui permettant de remplacer par d’autres les conditions de locomotion .et d’existence qui vont lui faire défaut. Ses pattes n’étant pas développées, ses poumons ne pouvant non plus suppléer à la res- piration branchiale, pour se substituer à elle en fin de compte comme dans la métamorphose régulière, l’animal est condamné à mourir si le désordre introduit dans ses fonctions de nutrition est irréparable. Mais avant ce terme, plusieurs jours s’écoulent pen- dant lesquels on assiste à la régression d’une partie notable de la queue. 5® Rôle des phagocytes. — Ces faits établissent, entre les causes anatomiques qui entravent l’exercice régulier de la fonction respi- ratoire et le ralentissement de la circulation capillaire, un rapport que les expériences de Traube et de Thiry nous permettaient déjà de supposer. L’état d’asphyxie lente dans lequel se trouvent les tissus rend compte des altérations qu’ils subissent. Le ralentisse- ment consécutif dans la circulation vient encore accentuer les troubles nutritifs ; mais il a un autre effet, qui est de permettre la sortie des globules blancs : d’où les faits de phagocytose que nous avons décrits. La diapédèse est générale, l’histolyse est générale; mais l’une n’engendre pas l’autre comme semble l’indiquer Metsch- nikoff. Ces phénomènes sont généraux parce qu’ils relèvent des mêmes conditions physiologiques générales; le même déter- minisme qui préside aux modifications fonctionnelles règne donc ici jusque dans les détails. Metschnikoff attribue une activité spéciale aux globules blancs ÉTUDE EXPÉRIMENTALE ET GÉNÉRALE 113 et explique la diapédèse de la façon suivante : une région quel- conque étant altérée, soit par la présence de corps étrangers, soit par suite d’une irritation mécanique, soit par suite de conditions de nutrition défavorables, les globules blancs vont s’y rendre grâce à une sorte de système avertisseur reliant les divers tissus aux vaisseaux, et dans lequel le tissu conjonctif jouerait le rôle de fil conducteur. La migration des leucocytes, quoique déterminée par les condi- tions générales de la circulation, est active, en ce sens que ces éléments peuvent traverser les parois capillaires sans que ces parois soient sensiblement altérées. Nous dirons aussi avec Metsch- nikoff qu’il y a phagocytose, mais 'phagocytose de produits de destruction^ et sans aucune espèce de cytomachie, puisqu’on peut trouver des tissus en état de complète histolyse avant l’invasion des globules blancs. On ne peut non plus regarder les leucocytes comme les gardiens de l’organisme veillant à la conservation de tous les matériaux élaborés. Leur activité particulière et les con- ditions générales que nous avons étudiées rendent possible ce rôle prophylactique. Mais il semble s’exercer lui-même dans les limites d’un déterminisme des plus rigoureux. Et nous avons vu qu’une partie des débris histolytiques, non seulement échappe à leur action, mais même est perdue pour la larve. Les globules blancs, sortis des vaisseaux, absorbent les débris qu’ils rencontrent comme ils feraient des corps étrangers introduits dans le sang; souvent même, ne retrouvant pas une voie de retour vers la circulation centrale, ils subissent les conditions défavorables qui ont tué les tissus dont ils mangent les débris, et dégénèrent sur place. 6° La dégénérescence de la queue. Comment la queue des Urodéles persiste. — Mais pourquoi la queue des Anoures est-elle atteinte plus profondément que les autres régions de la larve et subit-elle une régression totale? Le fait s’expliquerait déjà par la position excentrique de cet organe lequel doit subir d’une façon plus marquée le ralentissement dans la circulation périphérique. Nous pouvons ajouter avec Loos une condition adjuvante qui est la dérivation d’une bonne partie UNIVERSITÉ DE LYON. — IL A. 8 114 MÉTAMORPHOSE DES AMPHIBIENS AxNOURES du courant sanguin dans les pattes postérieures. En rapport avec cette dérivation, nous indiquerons un fait anatomique facile à constater chez l’Alyte. Au début de la métamorphose, se développe considérablement, sous la chorde, la masse cartilagineuse qui don- nera le pygostyle. Or, cette masse refoule en bas et en arrière, dans un plan vertical, l’aorte qui primitivement se continuait dans la queue suivant une direction rectiligne. Cette déviation dans le cours du sang, jointe à un ralentissement, peut diminuer consi- dérablement l’apport dans la queue, au profit des iliaques. Notre explication physiologique de la métamorphose tourne la difficulté à laquelle se butte l’hypothèse de Barfurth et de Loos, car elle nous permet de comprendre que la queue des Urodèles persiste. Le développement précoce des pattes, la respiration par des branchies externes, mettent ici la larve dans des conditions toutes différentes. Les modifications fondamentales subies par la cavité branchiale chez les Anoures, et auxquelles nous rapportons tous les faits qui nous ont occupé, ne peuvent se présenter chez les Urodèles, dont les houppes externes disparaissent d’une façon graduelle, à mesure que se substitue la fonction pulmonaire. CONCLUSION. — DÉFINITION DE LA MÉTAMORPHOSE. LA GLYCÉMIE ASPHYXIQUE. La conclusion naturelle de toutes ces recherches sera une défi- nition de la métamorphose chez les Anoures. Au point de vue anatomique, c’est une période qui commence à l’apparition des membres antérieurs, et qui finit à la régression complète de la queue et de l’appareil branchial. Au point de vue physiologique, elle est caractérisée par un ensemble de modifications qui se tiennent, et dont nous pouvons donner maintenant la succession régulière : 1° Conditions anatomiques déterminant un abaissement de pres- sion dans la cavité branchiale. 2° Ralentissement de la fonction et accélération du rythme res- piratoire. ÉTUDE EXPÉRIMENTALE ET GÉNÉRALE Ha 3° Accumulation de l’acide carbonique dans le sang et ralentis- sement du mouvement circulatoire. 4® Histolyse, diapédèse et phagocytose. Telle est la série expérimentale que nous annoncions plus haut (p. 100). Dans l’explication de l’évolution des Anoures, elle subs- titue le déterminisme physiologique à des hypothèses mal fondées ; ce déterminisme, nous pensons qu’il règne dans toutes les évolu- tions, et nous sommes convaincu, en particulier, qu’on pourrait le rechercher avec fruit dans divers cas de métamorphose . Quelques expériences finales ajouteront peut-être quelque chose aux éléments de cette définition physiologique, et nous permet- tront d’en préciser la formule. Les modifications histologiques que présente le foie pendant cette période, les rapports qui existent peut-être entre ces modifi- cations et celles des autres tissus, nous ont conduit à rechercher le glycogène total contenu dans une larve à différents stades. Toutes les opérations, faites suivant le procédé de Brücke, nous ont donné le même résultat : absence totale de glycogène. Sur ce point, nous ne faisons que confirmer les données de Claude Bernard (12) qui I n’a pas trouvé de glycogène chez le têtard. La recherche du glycose total, à l’aide delà liqueur de Fehling titrée, nous a donné des faits plus intéressants. Des têtards d’Alytes, pesant en moyenne 3 grammes au début de la métamorphose, ser- vaient pour cette étude. La quantité de sucre était suffisante pour permettre des dosages sur les animaux isolés. La moyenne de cinq ou six opérations au lendemain de la sortie des pattes nous donnait le chiffre énorme de 28 milligrammes avec des oscillations de 2o à 30. A la fin de la métamorphose, la moyenne tombait à 18 milli- grammes. Or, avant cette période, nous n’avons pu déceler de sucre chez nos larves. La métamorphose serait donc caractérisée par une production abondante de sucre. Ces faits, et particulièrement, V abaissement de la courbe du glu- cose à la fin de la transformation larvaire, nous ont paru rappeler les résultats exposés par Dastre dans son travail sur la glycémie 116 MÉTAMORPHOSE DES AMPHIBIENS ANOURES asphyxique (16). Dastre a montré, en effet, que l’asphyxie a tou- jours pour conséquence une hyperglycémie ; X hypoglycémie indi- quée par Claude Bernard ne serait qu’une conséquence de l’as- phyxie longtemps prolongée, et résulterait de l’épuisement vital des réserves que cette asphyxie a provoqué. Le diabète curarique n’est qu’une forme du diabète asphyxique. Dastre rappelle à ce propos le fait suivant tiré des leçons sur le diabète (11) : « Dans « une de nos expériences, écrit Claude Bernard, nous produisions (( à volonté l’hyperglycémie en ralentissant le jeu de l’appareil à « respiration artificielle. » A quoi attribuer cette production considérable de sucre pendant la métamorphose ? La transformation des corps figurés dont nous avons parlé tant de fois, corps rappelant par certaines réactions la matière amyloïde, donnerait-elle du glucose en même temps que du pigment? En somme, y aurait-il une relation entre la formation des produits chromatiques figurés, et l’accumulation du sucre chez la larve? En rapportant le fonctionnement des cellules hépatiques au ralentissement du cours du sang suivant l’idée de Würtz, la larve tout entière, avec sa circulation ralentie, se trouverait trans- formée momentanément en un vaste foie donnant du sucre en abondance, sans l’intermédiaire du glycogène. Mais, ces considé- rations sont du ressort de l’hypothèse. Pour ne retenir que les faits, nous dirons qu’une production considérable de glucose au début de la transformation larvaire, un ralentissement dans cette production à la fin de l’évolution, nous semblent rappeler les faits signalés par Dastre. Ils s’ajoutent à la série expérimentale que nous venons de donner pour montrer dans la métamorphose : un ensemble dfi phénomènes asphyxiques. INDEX BIBLIOGRAPHIQUE 1. Balbiani. — Leçons sur la génération des vertébrés; Paris, Doin, 1879. 2. — Sur l’origine des cellules du follicule et du noyau vitellin de l’œuf chez les Géophiles, Zoolog. Anz., 1883, p. 155-156. 3. Balfour. — Comparative Embryology, vol. il; London, 1881. 4. Barfurth. — Versuche über die Verwandlung der Froschlarven, Archiv. f. mik. Anat., 1887. 5. — Der Hunger als fôrderndes Princip in der Natur, Ibid. 6. — Die Rückbilduug des Froschlarvenschwanzes imd die sog. Sarcoplasten, Ibid. 7. Bataillon. — Les homologies des orifices nasaux et le caual lacrymal. Revue Linnéenne de Lyon, 15 décembre 1889. 8. — Sur les conditions physiques delà respiration aquatique. Soc. de Biol., 1889. 9. — Recherches expérimentales sur la métamorphose des Anoures, Comptes rend. Acad, des sciences, 21 et 28 octobre 1889. 10. — Étude préliminaire sur la cinèse nucléolaire dans l’histolyse chez les amphi- biens, Lyon, Pitrat, 1890. 11. Bernard (Cl.) — Leçons sur le diabète, 1877. 12. — Les phénomènes de la vie, 1879. 13. Born. — Ueber die Nasenhôhlen und den Thrânennasengang des Amphibiens, Morphol. Jahrb., t. II, 1876. 14. Chauvin (Marie von). — Ueber die Verwandlung der mexicanischen Axolotl in Amblystoma, Zeitchs. für wiss. Zool., t, XXVII. 15. Gourvoisier. — Ueber den sympathischen Grenzstrang, Arch. f. mik. Anat. 1874. 16. Dastre. — De la Glycémie asphyxique ; Paris, 1879. 17. Demarbaix. — Division et dégénérescence des cellules géantes de la moelle des os, La Cellule, t. V, l^r fasc., 1889. 18. Eberth. — Zur Entwicklung der Gewebe im Schwanze der Froschlarven, Archiv. f. mik Anat., t. II. 19. H. Fol. — Sur rœuf et ses enveloppes chez les Tuniciers {Rec. Zool. suisse, 1883'. et C. rend, de VAc. des sciences, t. I, 1883. 20. Ganin. — Zeitsch. für wiss. ZooU, 1875, p. 385. Extrait du travail russe. 21. Gegenbaur. — Ueber den Bau und die Entwicklung der Wirbelthier Eier mit partieller Dottertheilnng {Müller's Archiv, 1861). 22. Gœtte (A.). — Die Entwicklungsgeschichte der Unke ; Leipzick, 1875. 23. O’. Hertwig. — Ueber das Vorkommen spindeliger Kôrper im Dotter junger Froscheier, Morphol. .lahrb., t. X. 24. His. — Untersuchungen über das Ei und die Eientwickluug bei Knochenfischen, 1873. 25. — Untersuchungen über die erste aulage des Wirbelthierleibes, 1868. H8 BIBLIOGRAPHIE 26. Knappe. — Das Bidder’sche organ, Morphol. Jahrb., t. II, 1886. 27. Kôlliker. — Entwicklungsgeschichte des Menschen und der hôheren Thiere, 1861. 28. Kowalewsky. — Beitrâge zur Kenntniss der nachembryonalen Entwicklung der Musciden, Zeitsch. f. wiss. ZooL, 1887. 29. Leuckart et Bergmann. — Anatomisch-physiologische Uebersicht des Thier- reichs; Stuttgard, 1852. 30. List. — Ueber die Betheiligung der Leucocyten an dem Zerfall der Gewebe im Froschlarvenschwaüze wâhrend der Réduction desselben. Ein Beitrag zur phagocy- tenlehre, Biolog. Centralbl, t. IX, 1889-90. 31. Loos. — Ueber Degenerations. Erscheinungen im Thierreich, besonders über die Réduction des Froschlarvenschwanzes und die im Verlaufe derselben auftre- tenden histolytischen Processe. Preisschriflen gekrdnt, etc..., Leipzig, 1889. 32. Ludwig. — Ueber die Eilbildiing im Thierreiche, 1874. 33. Margo. — Neue Untersuch. ueber die Entwick,tdas Wachsthum, die Neubildung und den feineren Bau der Muskelfasern {Denksch. d. Kaisej'l. Akad. d. Wissen. in Wien, t. XX. 1862). 34. S. Mayer. — Die sog. Sarcoplasten, Anat. Anz., 1886. 35. Metschnikoff. — Untersuchungen über die intracellulâre Verdauung bei. Wirbellosen Thieren, Arbeiten ans der Zool. Instit. d. Un. Wien, t. IV, 2 p., 1883. 36. — Untersuch. über die mesod. Phagocyten einiger Wirbelthiere, Biol. Cent., 1883. 37. Paneth. — Die Entwick. von quergestreiften Mulskelfasern aus Sarcoplasten Sitzungsb. der Wien. Akad. Math. Naturw., t. XCII. 38. — Die Frage nach der Natur der Sarcoplasten. Anat. Anz. II, 1887. 39. N. Parker. — Preliminary note on the Anatomy and Physiology of Protop- terus annectens. Nature, vol. 39. 1888. 40. W. K. Parker. — On the structure and development of the Skull of the common Frog. Phil. Trans. CLXI. 1871. 41. — On the structure and development of the Skull of the Batrachia. Phil. Trans. t. CLXVI, 2e partie, 1876. 42. Roule. — La structure de l’ovaire et la formation des œufs chez les Phallusia- dées, C. 7^endus de l'Ac. des sciences, t. 1, 1883. 43. Schâfer. — On the structure of the immature ovarian ovum in the common Fowl and the Rabbit. {Pi'oceedings of the Royal Society. N. 202, 1880.) 44. Schneider. — Beitrâge z. vergl. Anat. und. Entwick. Gesch. der Wilberthiere. Berlin, 1879. 45. Semper. — Ueber die Gôttesche Discontinuitâtslehre des organischen Lebens, Arbeiten aus dem Zool. Instit. in Würzburg 2, 1875 (p. 167). 46. — Das Urogenitalsystem der Plagiostomen und seine Bedeutung für das der übrigen Wirbelthiere (76irf. p. 195.) 47. Siebold et Stannius. — Manuel d’ Anatomie comparée, 1849. Traduct. Spring et Lacordaire. 48. Thiry. — Zeitschrf. rat. med., XXI, 1864. 49. Traube. — Allgem. med. Centralztg. 1862-1863. 50. Viallanes. — Recherches sur l’histologie des Insectes, etc... Annales des Sc. nat.ZooL, 6® série, t. XIV, 1882. 51. Waldeyer. — Ueber die Verànderungen der Quergestr. Muskeln bei Enzün - dung und dem Typhusprocess, sowie über die Régénération derselben nach substanz- defecten. Wirchow's Archiv., 1865, t. XXXIV. 52. — Eierstock und Ei. Leizig, 1870. 53. Weissmann. — Ueber die nachembryonale Entwicklung der Musciden : Zeitsch. f. wiss. Zool., 1856. 54. Wiedersheim. — Lehrbuch der Vergl. Anat. der Wirbelthiere. léna, 1886. 55. Will. — Ueber die Entstehung des Dotters und der Epithelzellen bei den Amphibien und Insecten. Zool. Anz. 1884, n° 167-168. EXPLICATION DES PLANCHES PLANCHE I Fig. 1. — Coupe transversale totale d’une larve d’Alyte au niveau des fosses nasales, montrant les valvules {a). — b, fosses nasales ; c, cavité buccale, — Gross. : 18/1. Fig. 2. — Portion {a) de lu coupe précédente grossie. — a, limite de la région olfactive ; 6, valvule interne; c, c, c, terminaisons gustatives de Schultze sur la val- vule externe; d, d, capillaires sanguins. — Gross. : 60/1. Fig. 3. — Connexion vasculaire entre le poumon et la veine splénique (a). — b, poumon; c, intestin rejeté latéralement (région stomacale); d, rate; e, corps adi- peux;/*, aorte; g, veine splénique. Fig. 4, 5, 6 et 7. — Figures demi-schématiques présentant l’évolution des méca- nismes respiratoires. La direction des flèches donne la direction des courants. Les flèches pleines correspondent aux courants d’eau; les flèches pointillées, aux cou- rants aériens. 6, bouche; c, orifice nasal externe. — Fig. 4 : a valvules nasales (ces valvules n’existent plus aux stades suivants). — Fig. 5 . a, a\ apparition des spira-^ cula complémentaires. — Fig, 6 et 7 : a, «, accumulation dans la cavité buccale de bulles d’air qui se mettent finalement en rapport avec le poumon. Suit le mouve- ment particulier de brassage qui constitue le passage à la respiration aérienne. — Gros. : 18/1. Fig. 8. — Histolyse de la peau à la limite des masses musculaires et de la lame lophiodermique supérieure (queue de larve de Rana temporaria, section transversale). — a, basale épaissie considérablement et ayant un aspect finement grenu ; b, zone épithéliale externe : elle n’est plus bordée par la cuticule normale ; c, couche épi- théliale inférieure à éléments allongés dans laquelle l’émission chromatique est très active et très régulière; les assises intermédiaires présentent le même fait avec une intensité moindre. — Coloration ; Rosaniline. — Gross, : 80/1. Type : R. temporaria. Fig. 9, 10, 11. — Processus de l’émission (exemples choisis en des points quel- conques de la peau en dégénérescence). — Fig. 9 : n, le nucléole transporté à la péri- phérie et gonflé, proémine à la surface du noyau. Dans tous les cas suivants, les rapports du boyau chromatique avec le noyau sont conservés. — Col. : Safranine Rosaniline. — Gross. ; 560/1, Types : R. temporaria et Alytes obstétricans. PLANCHE II Fig. 12. — Boyaux chromatiques libres {a et 6); c, figure de karyokinèse (dédou- blement de la plaque équatoriale ; transformation pigmentaire du boyau chroma- tique, — Col. : Ros. — Gross. : 560/1. Types : JR. temporaria et Alytes. Fig. 13, — Karyokinèse avec fuseau achromatique très net. Type : R. temporaria. — Gross. : 560/1. 120 EXPLICATION DES PLANCHES Fig. 14. — a, ÉlimiDation d’un boyau chromatique dans le phénomène de la divi- sion; b, le hoyau chromatique étend ses replis en dehors des limites de l’élément cellulaire où il semble avoir pris naissance. Outre la transformation pigmentaire sur place {d), le repli (c) étalé dans un élément voisin présente aussi un dépôt de pigment. — Gross. : 560/1. Type : R. temporaria. Fig. 15 et 17. — Émissions de formes variables. — Fig. 17. En a et en 6, double boyau : ils restent distincts en 6; en a, parti de deux nucléoles, ils confluent plus loin en une masse simple. — Col. ; Safranine. — Gross. : 560/1. Type : Alytes obste- tricans. Fig. 16 et 19. — a, émission de massules chromatiques arrondies ou ovoïdes. Dans la figure 16, modification claviforme du nucléole dont la pointe vient toucher la paroi nucléaire, juste au point où l’on voit sourdre la goutte chromatique. — Col. : Ros. — Gross. ; 250/1. Type : R. temporaria. Fig. 18. — Dégénérescence épithéliale dans les branchies. — a, d’un noyau part une traînée chromatique terminée par une masse arrondie ; 6, phagocyte gonflé considérablement ; il a absorbé de nombreuses granulations chromatiques recon- naissables dans son intérieur. — Col. : Ros. — Gross. : 560/1. Type R. temporaria. Fig. 20. — Érosion de l’épithélium cutané par la face interne. — a, lacune conte- nant des leucocytes (phagocytes), des globules rouges; 6, point où la peau est réduite à une assise d’éléments; c, phagocytes. — Col. : Ros. — Gros. : 60/1. Type : Alytes obstetricans . Fig. 21. — Émission chromatique dans la dégénérescence des éléments de la chorde. — a, gaine (basale) de la chorde, épaissie, grenue; b, virgules chromatiques plus petites que dans la peau, partant en grand nombre des noyaux. — Col. : Ros. — Gross. ; 600/1. Type : R. temporaria. Fig. 22. — a, b, c. La chromatine sort des noyaux de la chorde sous forme de granulations. — Col. : Carmin. — Gross. : 560/1. Type : R. temporaria. Fig. 23. — Les éléments du centre de la chorde dissociés facilement. — Plus de noyau; en 6, la chromatine appliquée sur l’un des côtés de la paroi semble la ren- forcer. — Col. : Picro-carmin. — Gross. : 560/1. Type R. esculenta. Fig. 24. — Dégénérescence pigmentaire dans les cellules ganglionnaires d’origine du vague. — a. Le noyau a encore un contour net ; l’élément est surmonté de pro- ductions chromatiques et pigmentaires provenant probablement de la. dégénéres- cence d’un élément voisin ; ce sont deux filaments renflés à leurs deux extrémités, les extrémités inférieures transformées en pigment. — b. Le boyau n’a plus de limite, les deux boyaux donnent supérieurement un amas pigmentaire. — c, élément envahi totalement par la dégénérescence. — Col. : Rosan. — Gross. : 560/1. Type : R. temporaria. Fig. 25. — Coupe d’un faisceau nerveux en histolyse. — a, sphérules chromatiques ; ô, fusion en une masse latérale irrégulière de ces sphérules, ainsi que des gra- nulations plus fines que l’on voit répandues en c dans le faisceau. — Gross. : 250/1. Type : Alytes obstetricans. Fig. 26. — Dégénérescence vésiculaire des fibres nerveuses (Degenerations, Kügel- chen de Courvoisier). a, a, vésicules rayéliniques ? ? ; a% vésicule bosselée irrégu- lièrement. — Col. ; Vert de Méthyle. — Gross. ; 250/1. Type : R. temporaria. Fig. 28. — Dégénérescence musculaire. Raccourcissement et dissociation des fibrilles à la périphérie. — a, fibrilles centrales coupées transversalement; è, fibrilles périphériques dissociées et donnant sur une coupe transversale une disposition en anneau. — Gross. : 250/1. Type : R. temporaria. EXPLICATION DES PLANCHES 121 PLANCHE III Fig. 27. — Même phénomène que précédemment (fig. 28). — Coupe longitudi- nale. — a, fibrilles centrales longitudinales; b, fibrilles périphériques dissociées et placées plus ou moins transversalement. — Gross. : 250/1. Type : R. teynporaria, Fig. 29. — Altération du sarcolemme. — a, Sarcolemme transformé en réseau ; b, c, pénétration des leucocytes; d, fragmentation du faisceau musculaire. — Gross. : 250/1. Type : R. temporaria. Fig. 30. — a, a, faisceaux musculaires intacts ; 6, faisceau altéré montrant la dissociation longitudinale des fibrilles ; Z, Z, Z, leucocytes. — Gross. : 250/1. Type : R. temporaria. Fig. 31. — Invasion des leucocytes dont quelques-uns, a, a', renferment déjà des fragments musculaires (sarcolytes). — Gross. ; 250/1. Type : R. temporaria. Fig. 32. — Coupe longitudinale d’un faisceau transformé totalement en un amas de phagocytes. — Gross. 250/1. Type : R. temporaria. Fig. 33. — Déformations présentées par deux phagocytes pris au hasard dans une dissociation (les noyaux sont invisibles, les éléments n’étant ni fixés, ni colo- rés). — A. a, a', a", sont les états successifs observés eu une minute; en a^ les poin- tillés représentent des formes intermédiaires. — B. Modifications subies par un autre élément pendant le même temps; les changements sont marqués par des pointillés. — Gross. : 250/1. Type : R. temporaria. Fig. 34. — Dégénérescence des phagocytes dans les tissus (dissociation). Division in extremis curieuse ayant pour point de départ le noyau très modifié {a, a); le protoplasma s’échancre à son tour en lobes correspondants (6, b) ; la division suit (c) ; les fins globules se transforment en pigment [d]. — Col. : Vert de Méthyle, — Gross. : 250/1. Type : R. esculenta. Fig. 35. — Dégénérescence des noyaux périmysiens. — a, 6, c, massules chroma- tiques provenant des noyaux du sarcolemme. — cZ, massules provenant de la régres- sion des noyaux conjonctifs. — Col. : Rosaniline. — Gross. : 250/1. Type : JR. tem- poraria. PLANCHE IV Fig. 36. — Régression des noyaux musculaires qui deviennent homogènes, s’éti- rent en prenant les formes les plus diverses, et finissent par disparaître (a, 6, c). — Col. : Carmin. — Gross. : 250/1. Type : R. esculenta. ïTg. 37. — Coupe transversale de l'intestin : a, paroi musculaire dont le rac- courcissement dans tous les sens détermine des plissements dans l’épithélium ; 6, — a, a, a, a, localisation des figures karyokinétiques. — Col. : Ros. — Gross. : 60/1. Type : Bufo vulgaris. Fig. 38. — Distinction des phagocytes et des éléments conjonctifs par l’élection des colorants. — a, 6, c, les noyaux conjonctifs rejettent leurs granulations de chroma- tine qui sont reconnaissables dans le protoplasma des leucocytes. — En c, un de ceux-ci recueille les granules qui disparaissent en même temps du noyau conjonc- tif. — d, capillaire sanguin. — Col. : Rosaniline. — Gross. ; 560/1. Type : R. esculenta. Fig. 39. — Émission de balles chromatiques par les noyaux conjonctifs (particu- lièrement visible en a). — Gross. : 250/1. Type : Alytes obstetricans. 122 EXPLICATION DES PLANCHES Fig. 40. — Dégénérescence des éléments conjonctifs suivie dans le sérum. — «, a\ l’élément a de longs prolongements et le noyau se présente comme une tache bril- lante; à, b', les prolongements sont très rétractés et sur le côté des noyaux paraît une vésicule à double contour; c,c', cette vésicule grossit et persiste seule finale- ment : l’élément primitif s’émiette. — Gross. 2a0/l. Type : R. esculenta. Fig. 41. — Tissu conjonctif à la base de la queue pour montrer la prédominance de la diapédèse des globules blancs sur celle des globules rouges. — a, a, globules rouges; 6, 6, globules blancs. — Gross. : 250/1. Type : Dufo vulgaris. Fig. 43 et 44. — Dégénérescence du cartilage branchial. — a, a, destruction de la substance fondamentale; 6, 6, h, le noyau disparaît et fait place à des amoncelle- ments de granulations chromatiques. — Gross. ; 250/1. Type : R. temporaria. PLANCHE V Fig. 42. — Diapédèse de globules blancs dans répithébum de la région œsopha- gienne. — G, G, G, globules blancs; 6, épithélium cilié. — Color. : Rosauiline. — Gross. : 250/1. Type : Rana temporaria. Fig. 45. — Structure du foie normal chez la larve. — g, g, g, cellules hépatiques — b, canalicLile biliaire. — c, vaisseau sanguin. — Color.: Ros. — Gross. : 250/1. — Type : Rana temporaria. Fig. 46. — Structure du foie pendant l’histolyse. — g, g, cellules hépatiques ; b, b, balles chromatiques accumulées dans ces cellules. — c, amoncellement de ces produits dans la veine sus-hépatique. — d, globules elliptiques dans la veine sus- hépatique. — e, endothélium vasculaire. — Color. : Rosauiline. — Gross. : 250/1. Type : Rana temporaria. Fig. 47. — Débuts de la formation de l’ovule. — g et 6, follicules à contenu pluri- nucléé à la surface de la glande génitale. — Color. : Rosaniliue. — Gross. : 250/î. Type : Rana temporaria. Fig. 48. — Karyokinèse dans la même glande génitale (c). — Color. : Ros. — Gross. 250/1. Type : R. temporaria. Fig. 49 et 50. — Développement de l’ovule chez le crapaud. — /", enveloppe folli- culaire; y, v\ y", v"', vésicules germinatives; t, taches germinatives. — Fig. 50 : g, multiplication du noyau de l’élément germinatif primitif encore visible (^, /c’) ; 6, supériorité acquise par l’un des noyaux (o) ; c, ovule constitué avec une seule vésicule germinative. — Fig. 49 (g, b) et 49 bis. — Stades successifs de l’absorption de toute la chromatine par l’une des vésicules germinatives. — Color. : Rosaniline. — Gross. : 250/1. Type : Rufo vulgaris. Fig. 51. — Condensation aux nucléoles de la chromatine d'un follicule (o). Les rapports avec le nucléole sont surtout visibles eu g, a\ g", a"\ où le filament qui s’y termine est libre. — Color. : Ros. — Gross. : 250/1. Type : R. temporaria. Fig. 52. — Condensation de la chromatine au nucléole. — g, le nucléole présente, dirigés vers la périphérie qui porte encore quelques granules, des prolongements d’apparence pseudopodique; 6, plus de prolongements. — Color. : Ros. — Gross.; 250/1. Type : R. temporaria. Fig. 53 et 54. — Ovule et portion d’ovule présentant de nombreuses taches germi- natives (C t\ etc.); y, y', vésicules chromatiques libres dans le plasma ovulaire. — Color. : Ros. — Gross. : 250/1, 60/1. Type : R. esculenta d'un an. EXPLICATION DES PLANCHES 123 PLANCHE VI Fig. 53, — Même cas que celui des fig. 53 et 54, La vésicule sortie du noyau est étirée avec deux extrémités renflées (u). — n, vésicule germinative. — /, enveloppe folliculaire. — Color. : Ros. — Gross. : 250/1. — Type : R. esculenta d’un an. Fig. 56. — Même cas. Deux vésicules libres au lieu d’une : a, a'. — Color. : Ros. — Gross. — 60/1. Type : R. esculenta d’un an. Fig. 57, 58. — Stade de sortie de la vésicule chromatique. — Fig. 57, Ovule entier. — Fig. 58. Grossissement plus fort. — Color. : Ros. — Gross. : 60/1 et 250/1. Type : R. esculenta d’un an. Fig. 59. — Autre cas d’émission chromatique {a, aJ). — 6, 6, gonflement et bour- geonnement des taches de la vésicule. — Color. : Ros. — Gross. : 250/1. Type. R. esculenta d'un an. Fig. 60 et 61. — Disparition des parois de la vésicule germinative dont le plasma se colore plus énergiquement {a). — Émission active des fragments chromatiques qui vont bourgeonner dans le plasma ovulaire et constituera la périphérie de véri- tables éléments transitoires en s’entourant d’un plasma moins dense (6, 6, 6, 6,). — V et P, développement simultané à la périphérie des tablettes vitellines et du pig- ment. — Color. : Ros. — Gross, : 60/1 et 250/1. Type : R. esculenta d’un an. Fig. 62. — Disparition des taches restées en place. — Gonflements successifs et réguliers, et émission par les extrémités (a, a') de balles de plus en plus claires qui s’effacent graduellement [b). — Color. : Ros. — Gross. : 250/1. Type : R. escu- lenta d’un an. Fig. 63 et 64. — Persistance d’une grosse tache germinative aréolée excentrique sur un œuf dont le vitellus est bien développé. — a, tache germinative (grossie en a'); v, vitellus; p, aréoles pigmentaires de la périphérie. — Color. : Ros. — Gross. : 60/1 et 250/1. Type ; R. esculenta d’un an. Fig. 65 et 66. — Phagocytose des éléments du vitellus nutritif dans l’œuf non éliminé. — /“, enveloppe folliculaire ; p, pénétration du courant plasmatique; h, glo- bules rouges en dégénérescence ; Z, phagocytes ; a, aréoles pigmentaires périphé- riques. — La figure 66 montre, à côté de quelques hématies en régression, des glo- bules blancs renfermant des tablettes vitellines. — Color. ; Ros. — Gross. : 60/1 et 560/1. Type : R. esculenta d’un an. Paris. — Typographie Gaston Née, 1, rue Cassette. — 39S5. e/AC Pîorx Aorj'17.3 nç’^ •V. r 17 mOy:J-:jl. ' ■■■• ■' ,-. ]::■-» n^rr.- rh olho?. î>i/j-3î»V/ .?:• J.» ’<•':■ — .' ":’*' ] •■^;i ; ' • ■• . . '.ftfi Hii’b' Stî,;tVnrvr* .Ji : -ôa^T .i\»-- - • .v-o'ïJs . PirvO .rf. r,J fth Vj'f'jî . ; ,.=7ük.> — .tVolt a;:i ri \, ’ ;■ ' - . ' . -Gi» i.î-' ■ .-, -;At»îîML',^ I -Hf<..'i j'} jrjofüsûiïcg ,0 — ,(V =ii} 3npi\1«r;i03rf3 ,Goip.f!im6’i> ^ ■^’ï'^T • .3aA)'ïO ,-*- =8'.»/ï -r .*îoîoL- — .tiii;oisèv jsl i( . uJ frrrr:, :r{ll^c\ { ftnn*^ «îy-pl;. ‘,7 fî :K.r»v' r4f:Diapi-‘fl t^'.rrîs.n' /;v,ji;pîf{>ji' — .r;,;, rtV^ *' 1 î-'v?. d ■; .«tî .■• S'îuilifVw na-i^tybf ^ ?.: >t> *«*}.<» t fi — .l-rt ••>■ M fS\ ‘>.ir.f» .••«iat/ jo, ,,^ ?.a<.ii^:.r*rf';f,'. - ’lj Îib <>n;i)Cr^.rn=-: tîr-;l\îOLî. .a : J^ry^ y, ^cr : .^y^t /.-A.: ;» -7 }7p:^. ^ ■ , ' \ _ '■ - ■ •4:> ,6 v : 5, 'ta -i rn{î-/.1-r*‘Î> lîoî.'hiqwil •- . -^'-r:?^;v : ^ :|^ :,-V:'.,.i -7^v:. ';-o; ;jO!?#,toô _ , "iîVîi^-:î^- r ’-^î,^î’ -, '' .s8CT^: — .■■: il : ,-ïoIoO — .:t\, i::3u^yîhfrl<:-iv j '4 ■■ ■ -y-\ , . ' ' ''’4', ■’ , ' " "■ . *^‘i' iî^i'> ' ■ -, •-‘/.•ph’-ï »?-rr. . r.*no: rrcr i-lii-hiin-ri^ •y'kri^-n? • ’- ■ • ■■•' "• r ’ •.7i5ï<|ôkX;^-. ^:a^i -" f:.?:, -:♦.,> üt' * r''-!-'.!,'''-C' • — ÿ; ,-^>b |3“fi;i.:v;;/>4^7 s.^ir,;4-r^ .33 '- iJf. ■'>;». . '^. >., .. •■ .■3,’^v^'^-' ■ 3' . ■ • ' ' • . ' ' . ^v.r .*=ï^. - i\bn h: ■; . v^i^rr'' — «û ' ‘ ■- >y il^uy i-v^^^ ;5V3>'KÎ^ ,v^ ; -i ;; .• ••-><:•. a ^wvi : - .^V 4 e.î»3^^î f,A >:-(i»;îÀvr' ):"i.fT'-r -- . '"'3 ■ - ■- ■ . .' ■'. . .:îîW;i'., V .i* : ■^: .,y.,A''<' ':'‘^ ^ ‘ :• ^ -- •' 4 -'^ ' 41 : 4 • ' - • ■ -;44- '^•■‘ 'îfî '>'44- ■'‘44 ' '^ • • '■ c" ■;: -i : ■ 4 . . . ’ ' -■'s ’Vi V J - ., t. -^r-S:^y>U ■- "4- ' ' - M ' ï ■ 4 ; J ‘ ' • ■ ‘y ,'. .) '■ UnuK de Lyon Amiiklbie/hs^ Anaiires PI /. ihilu'e/hs A/fOiU'c c ci:ùx^7Zo-rL .cccT. . . cZeZ. . jj'^zp.Jje^z^'-^CLer & d^^S’oiJ'is XmphCùien^ PI ^ 7 sz.. \jn/iJulu'c/fs A/ U) H /‘es P/ o i^nÜK de Lyon ' Anijihlbie ns Anoures PI 6'. ANNALES DE L’UNIVERSITÉ DE LYON VOLUMES EN VENTE (Juillet 1891.) Tome I. — La doctrine de Malherbe d’après son com- mentaire sur Desportes, par Ferdinand Brunot^ docteur ès lettres, ancien élève de l’École normale supérieure, chargé d’un Cours complémentaire à la Faculté des lettres de Lyon, lauréat de l’Académie française. 1 vol. grand in-8" avec 5 planches hors texte 10 fr. Tome II, Fascicule PL — Recherches anatomiques et expérimentales sur la métamorphose des Amphibiens anoures, par E. Bataillon, préparateur de zoologie à la Faculté des sciences de Lyon. 1 vol. in-8° avec G planches hors texte 4 fr. EN PRÉPARAI ION : Sur la théorie des équations différentielles du premier ordre et du premier degré, par M. Autonne. Anatomie et physiologie comparées de la Pholade. Mou- vement, travail, tact, gustation, vision dermatoptique, pho- togénie, par le D^‘ R. Dubois, professeur de physiologie générale et comparée à la Faculté des sciences de Lyon. Correspondance du cardinal Albéroni avec le comte J. Rocca, ministre du duc de Parme (1703-1742), publiée pour la première fois d'après le manuscrit de Plaisance, par Émile Bourgeois, professeur à la Faculté des lettres de Lyon. ! Z Paris. — Typ. Gaston Née, rue Cassette, 1. — 3985. ANNALES DE L’UNIVERSITÉ DE LYON TOME DEUXIÈME — 2® FASCICULE ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE COMPARÉES DE LA MOLADE DACTYLE STRUCTURE, LOCOMOTION, TACT, OLFACTION GUSTATION, VISION DERM ATOPTIQUE , PHOTOGÉNIE AVEC UNE THÉORIE GÉNÉRALE DES SENSATIONS PAR le Docteur Raphaël DUBOIS PROFESSEUR DE PHYSIOLOGIE GÊNÉJIALE ET COMPARÉE A l’uNIVERSITÉ DE LYON ’ a 'Aveu yàp àçîj; oùSep.iav evSéxsxat .. àXXr,v aioOr,ffiv ë/.£iv : l’animal ne peut, sans le ' toucher, avoir aucun autre sens. » Abist., De Anima, L. XIII, ch. 13. « Ergo non debet por.i alter sensus præler tactum ». Saint Thomas d’Aquin, Som. théol., Qiiest. LXXVII, art. 3. 68 figures dans le texte, 15 planches hors texte PARIS G. MASSON, ÉDITEUR LIBRAIRE DE L^ACADÉMIE DE MÉDECINE 120, boulevard Saint-Germain 1892 ANNALES DE L’UNIVERSITÉ DE LYON TOME SECOND fFascicvile 2°) 1 ^ BÏT: 9 B ANNALES DE L’ UNIVERSITÉ TOME DEUXIÈME — 2“ FASCICULE DE LYON ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE COMPAREES DE LA PHOLADE DACTYLE STRUCTURE, LOCOMOTION, TACT, OLFACTION GUSTATION, VISION UERMATOPTIQUE , PHOTOGÉNIE AVEC UNE THÉORIE GÉNÉRALE DES SENSATIONS PAR le Docteur Raphaël DUBOIS Xv PROFESSEUR DE PHYSIOLOGIE GÉ:NÉRALE ET COMPARÉE A l’uNIVERSITÉ DE LYON « aveu yocp à/^Tjç ovrJsp/Âav kvSèyjrat a.L'jO'c'jrj syerj ; l’animal ne peut, sans le toucher, avoir aucun autre sens. » Aris'f. de anima, L. XIII, ch. XIII. « Erg O non dehet poni aller sensu s prœter tacliim ». Saint Thomas d’Aouin, Som. théol. quest. LXXVIII, art 8. 68 figures dans le texte, 15 planches hors texte PARIS G. MASSON, ÉDIÏEUU LIBRAIRE DE l’ ACADÉMIE DE MÉDECINE 120, Boulevard Saint- Germain 1892 •'^ÿ i'tvV-' ' v-?---'/,* -r i -i’. - '■ ■ A- , >^r.:. “ V- ■' - va ••:i 3 vji ' 5 A ’ A, . , /> ■ ■ '• -•■' ' ■'* - • -r:-: ---c Y--'- -•••• ■ PREFACE Peut-être quelques-uns seront-ils surpris que l’histoire d’un lambeau de mollusque puisse être l’objet d’une étude poursuivie pendant plusieurs années. On a dit de la grenouille qu’elle est un « animal physiologique », en raison de la multitude d’expériences variées qu’elle permet de pratiquer et de leur caractère particulièrement démonstratif. On peut en dire autant de la Pholade qui, de tous les invertébrés marins^ que j’ai observés, est certainement le plus maniable et celui qui répont avec le plus de netteté aus questions que lui adresse l’expérimentateur. Les réactions par lesquelles la Pholade manifeste sa sensibilité sont aussi nombreuses et aussi variées que les excitations capables de mettre en jeu son irritabilité; mais ce qu’il y a de véritablement merveilleuse c’est que cette huître puisse écrire ses propres sensa- tions, dans un langage dont la clarté et la précision ne laissent rien à désirer, ainsi qu’on s’en assurera facilement par l’examen des nombreus graphiques reproduits dans cet ouvrage. Par l’étude comparative, à la fois statique et dynamique, du mécanisme biologique de cet organisme relativement inférieur et de ceus qui appartiennent aus animaus supérieurs^ on peut se convaincre que les lois physiologiques sont plus simples et plus générales qu’on ne le suppose communément. Pour recueillir les principaus avantages de cette méthode, on ne doit pas se borner à comparer les êtres terrestres entre eus. Il est de toute nécessité de rechercher ce que deviennent les fonctions et Nous avons adopté dans cet ouvrage la nouvelle orthographie de la « Revue de Philologie française » . II PREFACE les mécanismes propres à les satisfaire, dans des milieiis aussi différents que possible de celui qui nous entoure, c’est-à-dire chez les êtres marins. C’est ce que j’ai entrepris, malgré les difficultés qui résultent de notre organisation universitaire provinciale. D’autre part, on a multiplié à l’excès les laboratoires maritimes d’anatomie, subventionnés par l’Etat, tandis qu’il n’existe à l’heure actuelle qu’un seul laboratoire maritime de physiologie, celui de Tamaris-sur-mer, pour lequel aucun crédit spécial n’a été jusqu’à présent accordé. C’est dans cet établissement que j’ai fait les expériences les plus simples relatées dans ce mémoire, mais, pour celles qui néces- sitaient un matériel très difficilement transportable, j’ai dû faire venir au laboratoire de physiologie générale et comparée de la Faculté des Sciences de Lyon, et à grands frais, l’eau de mer et les animaus qui m’étaient nécessaires. Grâce à l’extraordinaire vitalité de ces derniers, les résultats obtenus n’en ont pas été moins satisfaisants, mais il est facile de concevoir qu’en procédant de cette manière le champ de l’expéri- mentation en physiologie comparée devient extrêmement limité. Aussi, au lieu de publier une monographie complète de laPholade, je n’ai pu étudier jusqu’à présent que l’anatomie et la physiologie du siphon de ce mollusque, objet du présent travail. En revanche, j’ai eu la satisfaction de donner à cette publication tout le développement que je pouvais désirer, grâce à la fondation récente des Annales de V Université de Lyon^ dont l’heureuse ini- tiative appartient à l’Association des amis de l’Université lyonnaise, puissamment secondée d’ailleurs, dans cette œuvre de décentrali- sation, par M. Liard, directeur de l’Enseignement supérieur^, par le Conseil général de nos facultés et par M. Masson de Paris. Les belles photogravures de nos préparations microscopiques qui accompagnent le texte et qui ont été multipliées à dessein,, sont aussi d’origine lyonnaise: elles sont l’œuvre deMM. Lumière fils. L’examen de ces planches nous dispense de faire l’éloge de leurs auteurs, dont le mérite et le dévouement à la science sont d’ailleurs connus de tous. PRÉPACË m J’ajouterai que le mode de publication choisi par le comité des Annales nous a paru préférable à tous ceus qui sont employés actuellement en France, d’une part parce qu’il permet de se pro- curer chaque travail isolément et que, d’autre part, il fait connaître nettement son origine et par conséquent les tendances du centre universitaire d^où il est sorti. J"ai adopté pour cet ouvrage \d,noiœelle orthographie de la Revue de philologie française, parce qu’elle supprime d’étranges anoma- lies, n’ayant pas même le mérite de pouvoir être considérées comme des vestiges ancestraus d’une phase ancienne de l’évolution de notre langage national, qu’il n’est pas nécessaire de compliquer à plaisir, surtout en matière scientifique. Université de Lyon. — IL B. INTRODUCTION La physiologie étudie les phénomènes de la vie, lesquels se distinguent facilement desfaits anatomiques parce qu’ils comportent l’idée de temps, de durée. Cette science s’occupe seulement des phénomènes actuels: aussi, l’embryologie, qui suit les pliases du développement des animaus et des végétaus vivant actuellement, doit-elle être considérée comme une branche de la physiologie, tandis que la paléontologie, dont les problèmes comportent égale- ment l’idée de temps, s’en sépare nettement, puisqu’elle étudie non ce qui vit, mais ce qui a vécu. La physiologie se divise en un certain nombre de branches, dont la plus importante est la physiologie générale^ qui traite des phénomènes communs aus animaus et aus végétaus et découvre les grandes lois qui régissent les êtres vivants. hdi physiologie zoologigue a un rôle plus spécial : elle ne s’occupe que des phénomènes biologiques qui s'observent chez les animaus et comprent principalement la physiologie anthropologigiie , avec ses applications à la médecine, et physiologie zoologique propre- ment dite, avec ses applications plus variées à la vétérinaire, à l’agronomie, à la pisciculture, à la sériciculture, etc., etc. Les progrès de la physiologie tout entière, et spécialement de la physiologie de l’homme, dépendent en grande partie de cens qui sont réalisés en physiologie zoologique. Toutefois, pour que ces progrès puissent se développer, il est indispensable de comparer sans cesse entre eus, les mécanismes employés par Thomme et par les autres animaus pour satisfaire leurs besoins naturels, ou, si l’on veut, pour assurer l’exercice normal des fonctions physiologiques : telle est la mission du savant qui s’occupe Aq physiologie comparée. YI introduction Mais si l’étude comparative des fonctions et des mécanismes propres à les satisfaire, considérés dans l’ensemble de la série animale, a une importance pratique très grande, il n’est pas difficile d’imaginer que sa portée philosophique ne saurait être moindre. Au fur et à mesure ;que Ton descent l’échelle animale, ces mécanismes se simplifient. On voit les appareils de perfectionnement, si compliqués chez l’homme, devenir de plus en plus rudimentaires, et les procédés employés par les animaus pour répondre aus besoins de leur organisme nous apparaissent alors dans toute leur naïveté. On conçoit facilement l’immense parti que l’on peut tirer de ces études comparatives pour la recherche de ce qu’il y a de fonda- mental dans le jeu des organes et des appareils qui entretiennent et perpétuent chez l’homme la vie et la pensée. La physiologie comparée ne comprent pas seulement la connais- sance des rapports qui existent entre les mécanismes fonctionnels employés par les animaus d^especes différentes, ou physiologie phylogénique^ elle suit aussi d’évolution de la fonction chez l’embryon, pendant que l’anatomie embryologique déteiunine la forme des organes aus différents stades de leur développement: elle prépare ainsi la physiologie de l’embryon on physiologie ontologique. Mais la marche du physiologiste et celle dé l’anatomiste sont d’ordi- naire différentes, parfois même absolument divergentes. L’histoire morphologique et embryogénique du poumon, par exemple, et l’étude du développement de la fonction respiratoire envisagée successivement dans l’œuf, dans l’embryon, dans le fœtus et dans le corps de l’adulte, ne pourraient manifestement pas tenir dans un même cadre. Les divergences qiii résultent de ce que l’on ne peut suivre parallèlement le développement de la fonction et celui de l’organe s’accentuent encore davantage quand on étudie la manière dont les divers animaus satisfont la fonction générale de la respi- ration. La plupart du temps le physiologiste ne peut que constater l’indépendance de la fonction et de l’organe, qui n’avait pas échappé aus dynamistes de l’école d’Aristote, et que Saint-Thomas d’Aquin a pu utiliser pour le développement de ses conceptions théologiques en faisant de l’organe Tesclave delà fonction ; « Non enim potentiæ INTRODUCTION Vil sunt propter orcjana, sed organa ' pr opter potentias. Unde non propter hoc snnt diversæ potentiæ^ quia sunt diversa organa ; sed ideo natura instituit diversitatem in or g unis ^ ut congruerent diver- sitati potentiarum ». Som. theol. Quœst. LXXVIII, art. 3. Toutefois, malgré les modifications profondes que peut subir un organe dans le cours de son évolution, il peut arriver que la fonction lui reste fidèlement attachée. C’est ce qui se passe pour l’écran sensible de notre œil, par exemple. La rétine, en effet, n'est qu’un fragment du tégument externe, qui, après avoir été enfoui dans la profondeur du corps de l’embryon, reparaît, plus tard, à la péri- phérie pour donner l’organe sensoriel. Or, chez la Pholade, qui n’a pas d’yeus, à proprement parler, c’est encore la peau qui est le siège de la vision. On peut, d’ailleurs, chez les invertébrés, suivre pas à pas le développement in situ de l’organe visuel aus dépens de l’ectoderme et déjà, pour ce motif, considérer la vision comme une fonction de la peau. La découverte de la fonction dermatoptique chez la Pholade est un fait important, non-seulement parce qu’elle nous fait savoir que certains animaus ne sont pas nécessairement aveugles, quoique dépourvus de ce qu’on peut appeler un organe visuel, mais encore et surtout parce qu’elle nous a conduit à des considérations fonda- mentales relatives au véritable fonctionnement de la rétine humaine et à une théorie générale du mécanisme des sensations. Nous ne pouvons pas dire cependant que cette théorie soit absolument nou- velle : Démocrite l’avait pressentie il va plus de vingt-trois siècles. Ce philosophe admettait que chaque sens n’est qu’une sorte de toucher. Après avoir condamné cette opinion dans le traité de la sensation, Aristote soutient une doctrine semblable à celle de Démocrite dans le traité de V Ame : « x-ocitoi zaï toc aoGOr;Tr,ptx àcp^ aialv>ata piscinalis -, bull. sc. de la France et de la Belgique. Paris, 1890 (v. pl. XVII, fig. 3). DE LA PHOLADE DACTYLE 13 comme les rétiniilæ trois parties distinctes : le segment externe tourné du côté de la cuticule qui correspondrait aux bâtonnets des relinulæ de Patten et de Bernard; le segment pigmenté occupant la partie moyenne et le segment profond renfermant un protoplasma clair entourant le noyau. J'ai rencontré également, çâ et là, sur mes coupes des cellules affectant la forme que Patten a décrite sous le nom de « rétino- phoræ » ou de « cellules incolores » et que M. Bernard a figurées également [loc. cit., fir/. /, pi. XVII). J’ai pu également en isoler quelques-unes par la dissociation. On peut se demander, avec ce dernier auteur, s'il y a une distinction fondamentale entre les cellules pigmentées rétinulæ et ces cellules dites incolores ou rétinophoræ : « Patten ne le croit pas, dit M. Bernard, et cite des « exemples de rétinophoræ, où le prolongement grêle est pénétré « de pigment. J’ai vu moi-même souvent des traînées étroites de « pigment faire suite à un corps fusiforme : mais rien ne prouve « que ce pigment ne provienne pas des cellules voisines. « Ce qui semble plus important, au point de vue des rapproche- ments que nous serons forcés de faire plus tard entre la peau de la Pholade et une rétine, c’est la présence de cellules qui sembleraient rétinophoræ par la base et rétinulæ par le sommet ; le prolonge- ment basilaire est unique et variqueux, le corps cellulaire renflé ; un col grêle aboutit à une portion pigmentée, qui s’élargit, sans cependant devenir aussi large que les parties voisines. Ayant observé plusieurs fois cette forme de passage., je crois pouvoir me ranger sans hésitation du côté des zoologistes qui admettent que les deus éléments peuvent dériver Vunde I autre par voie de transfor- mation dans les types inférieurs. J'ai très nettement vu les prolongements rétrécis de ce que l’on peut regarder comme les éléments correspondants des rétino- phoræ présenter des granulations pigmentaires et je les considère comme les variétés d’un seul et même élément. Pour ce qui est du second noyau son existence ma paraît douteuse: en effet, j’ai souvent rencontré dans les éléments pigmentés dermatiques rétinulæ ou rétinophoræ, à côté du noyau véritable, une ou plusieurs grosses granulations ayant l’aspect de gouttelettes 14 anatomie et physiologie comparées et ressemblant beaucoup plus aus globules de lutéine que Ton trouve dans les cônes et les bâtonnets de certaines espèces de vétébrés (reptiles, oiseaux), qu’à des noyaus. Quant au mode de terminaison des éléments en question, il est de même nature que celui des rétinulæ, qui ne forment pas de basale. J’ajouterai enfin que pour la peau de la Pholade je n’ai pas été plus heureus que M. Bernard pour la rétine de la valvata » je n’ai pas réussi à observer le riche réseau nerveus décrit par Patten le long de ces cellules. » {v. la remarque de la 'page 11). Dans aucun cas, je n’ai pu distinguer de différences fondamen- talesentreles cellules pigmentairesdes papilles etcelles quioccupent les sillons. Toutefois les segments épithéliaus qui sont situés vers la crête de 1a papille sont souvent plus allongés et plus fortement pigmentés. On voit très nettement, comme je l’ai déjà fait remar- quer sur les coupes faites parallèlement à leur grand axe, que leurs extrémités, se mettent en rapport avec les terminaisons des fibres sous-jacentes [fig. I pl. III et pl. F7/.), quelquefois renflées en fuseau, qui marchent les unes directement vers la profondeur de la paroi^ les autres suivent une direction circulaire ou longitu- dinale. Plus profondément ces fibres musculaires vont se mettre en rapport avec la couche neuro-conjonctive dont on trouvera plus loin la description. paroi mterne des siphons présente la même structure fonda- mentale, sauf cependant qu’elle est revêtue de cils vibratiles. Au niveau des cordons et des triangles de Poli, dont j^’ai parlé plus haut, cette structure est très amplifiée et il devient alors beaucoup plus facile de reconnaître les rapports existant entre ce que j’appelle le segment épithélial^ le segment contractile et le segment neural. On voit très nettement la continuité de ces trois segments dans les coupes transversales et longitudinales des cordons lumineus [pl. XI et pl. XII, fig. 1 et H et pl. XV, fig. 15 à ^4). Quant à la nature contractile du segment moyen, elle est mise hors de doute par l’analyse physiologique. DE LA PHOLADE DACTYLE 15 V STHUC'IURE HISTOLOGIQUE DES COUCUES PROFOiNDES DU SIIGION Entre la paroi interne des canaus et la paroi externe du siphon, on rencontre des couches musculaires plus ou moins puissantes. Les unes sont formées de libres longitudinales et les autres de fibres circulaires, {lü. Il, fig. 1 . c, cl, e, f, f , e , d'). Les fibres circulaires [d, d' pl. Il, flg. /), sont, en général, plus fines et se colorent en jaune rougeâtre par le picro-carmin, tandis que les fibres longitudinales prennent une teinte plus franchement rouge. Les faisceaux musculaires des différentes couches sont soutenus par un squelette conjonctif. On ne peut se faire une idée exacte de la structure interne, très compliquée du siphon, qu’en examinant attentivement la coupe transversale reproduitepar la microphotogravuredans laplanchell de ce mémoire [fig. 1 ^ 2 et S). En allant d’une paroi à l’autre, on peut compter jusqu’à seize couches successives dans l’épaisseur de l’un ou de l’autre canal. De dehors en dedans on trouve en effet : 1° La cuticule externe ; 2“ La couche myo-épithéliale [a fig. 1 , 2 et S, pL II) ; 3“ La couche neuro-conjonctive [b. ibid) ; 4° Une mince couche superficielle des muscles longitudinaus [c. ibid) ; 3“ La zone des fibres circulaires [d) ; 6“ Une couche de faisceaus musculaires, longitudinaus^ épars dans les travées conjonctives radiées résultant de l’épanouissement des cloisons aponévrotiques des muscles centraus [e] ; 7° La zone d’épanouissement des travées conjonctives radiées; 8“ La zone externe des grands muscles longitudinaus centraus (/); 9® Une zone de travées conjonctives séparant la zone f de la suivante ; 16 ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE COMPARÉES 10° La zone interne des grands muscles longitudinaus cen- traus (/); 11° Une couche profonde de petits faisceaus musculaires épars dans des travées conjonctives comme en 6 [e)\ 12“ Une couche interne de fibres musculaires correspondant à la couche 5 (d') ; 13°Une mince couche de muscles longitudinaus profonds comme en 4 (c) ; 14“ La couche neuro-conjonctive interne (ô'); 1S“ La couche myo-épilhéliale interne [a') ; d6° La couche cuticulaire interne à cils vibratiles. La paroi du siphon est donc en réalité formée par faccolement de deus membranes composées de couches symétriquement dis- posées les unes par rapport aus autres, et dont la juxtaposition se fait entre les deus couches interne et externe (/ et /’) des grands muscles longitudinaus. En d'autres termes, les couches et zones L 2, 3^, 4, 5, 6, 1, 8, représentent respectivement à l'extérieur les couches 16, 15, 14, 13, 12, 11 et 10 qui appartiennent à la paroi interne. VI. CONSTITUTION, DISTRIBUTION ET RAPPORTS DES DIVERSES COUCHES DES PAROIS DU SIPHON Couche cuticulaire externe. — Cette couche s’étend uniformé- ment sur toutes les saillies du derme et tapisse les sillons qui les séparent. On ne distingue à sa surface aucun appendice piliforme ou autre, aucun orifice. Examinée au microscope, la cuticule se montre composée de trois zones anhistes distinctes : une zone \ moyenne comprise entre deus autres : l’une externe et l’autre interne plus réfringente et plus mince que la zone moyenne, qui est la plus épaisse des trois. ^ Couche cuticulaire interne. — Elle tapisse la paroi interne des i canaus du siphon : on n’y distingue aucune ouverture. Elle est DE LA. PHOLADE DACTYLE 17 recouverte de cils vibratiles plus fins que cens des branchies et très caducs. Couche mijo-êpithéliale externe. — La couche myo-épitbéliale externe est constituée en partie par les éléments épithéliaus dont la structure a été étudiée antérieurement: ces éléments épithé- liaus se continuent avec des fibres contractiles superficielles dont les unes affectent une direction longitudinale et suivent toutes les inflexions du derme au niveau des papilles^ tandis que les autres forment un plan de fibres circulaires. Couche iny O -épithéliale interne. — La disposition des segments contractiles et des segments épithéliaus est la même que dans la couche externe. Mais, les segments épithéliaus sont couronnés de cils vibratiles et prennent en certains points^ particulièrement sur les cordons et sur les plaques de Poli^ les caractères de cellules caliciformes de sécrétions [pl. XV fig. /5, 16, 17,33,24). Ainsi que nous Lavons déjà indiqué, la continuité entre les seg- ments épithéliaus, les segments contractiles et les éléments de la couche neuro-conjonctive est surtout apparente au niveau de ces organes de Poli {pl. Xlet pl. XII, fig.1 et fig. 3). Nous reviendrons sur ce point encore une fois à propos de la description des cordons et des plaques triangulaires. Couches neuro-conjonctive externe et interne. — Ces deus couches sont respectivement sous-jacentes aus couches myo-épilhéliales interne et externe. Elles sont composées de cellules et de travées conjonctives limitant des lacunes. Dans les parties les plus super- ficielles de cette zone surtout, on rencontre également des cellules bipolaires et multipolaires, donnant naissance à des prolongements très-fins, qui les mettent en communication les unes avec les autres eC très certainement aussC avec les segments contractiles de la zone myo-épithéliale, comme l’indiquent les résultats fournis par l’analyse physiologique. Les filaments qui relient ces cellules présentent parfois une série de petits renflements, de varicosités. Je considère les tractus formés par les cellules et les lilanients Université de Lyon. — II. B. 2 18 ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE COMPAKÉES comme un plexus nerveus, sorte de ganglion diffus, servant à mettre les éléments myo-épithéliaus en communication avec le système nerveus central. Entre les éléments conjonctifs proprement dits et les cellules ganglionnaires nerveuses, se trouvent en assez grande abondance des cellules de volume variable, libres^ le plus souvent arrondies. Elles sont parfois très granuleuses^ mais lorsque les granulations ne sont pas trop nombreuses, on peut distinguer facilement le noyau, qui est volumineus. Ces éléments se colorent fortement par le réactif d’Erlicli et résistent énergiquement à la décoloration par Tacide azotique au tiers. Cette réaction permet de les reconnaître, alors même qu’elles ont perdu leur forme arrondin et qu'celles sont sorties de la couche neuro-conjonctive. Elles peuvent en effet se glisser et chevaucher entre les éléments de la couche myo-épithé- liale en s’allongeant parfois considérablement {pl. XIII). Ce sont des éléments migrateurs, amœboïdes^ peut-être même de véritables phagocytes. Je les considère comme les représentants chez la Pholade de cens que M. Roule a signalés dans les lacunes du siphon de la Vénus et auxquels il assigne une origine endothéliale. La couche neuro-conjonctive interne ne présente rien de bien spécial, si ce n’est au niveau des cordons et des plaques de Poli, qui méritent une description particulière. Nous dirons seulement qu’en ces points son épaisseur et Pimportance des éléments nerveus qui entrent dans sa constitution prennent une grande extension. [pL XI et P l. XII, fig. letS.) Des couches fihro-musculaires . — Entre les deus zones neuro- conjonctives, le siphon est constitué dans toute son épaisseur par des couches musculaires, dont il est important de connaître la disposition pour s’expliquer les mouvements de l’organe complexe que nous étudions . Les couches 1,2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11 qui sont repré- sentées dans la figure I de la planche II, par la cuticule et les couches «, b,Cyd, e, 4 avec leurs zones intermédiaires^ forment l’en- veloppe commune du siphon^ tandis que les parois propres des canaus sont constituées par les couches 12, 13^ 14, 15 et 16. DE LA PHOLADE DACTYLE 19 Au niveau de la cloison, la zone libro-musculaire irilerne d\ fournit, de chaque côté, deus lames qui se réunissent et s’accolent sur la ligne médiane de la cloison. Elles circonscrivent sur les côtés de la cloison deus groupes de faisceaus musculaires longitu- dinaus, comprenant chacun un faisceau antérieur et un autre postérieur. En arrière de ces deus groupes musculaires, on rencontre un gros faisceau musculaire faisant saillie dans la cavité du canal dorsal {E. fig. L, pl. 11). Les couches 11, 12, 13, 14, 15 et (a\ b', c\ d\ firj. /, pl. Il), concourent seules à la formation des parois propres des canaus et les couches 14, 15 et 16 entrent exclusivement dans la composition des triangles et des cordons de Poli {L. fig • 1 ^ pl. II). Squelette fibreus du siphon. — Des travées de fibres conjonctives se rendent directement de la face profonde de la couche fibro- contractile externe à la couche libro-contractile interne. Elles forment des plans longitudinaus radiés, des cloisons pour ainsi dire aponévrotiques séparant les uns des autres les grands faisceaus musculaires des couches 8 et 10. D’autres fibres con- jonctives, mais affectant une direction circulaire, séparent les grands muscles longitudinaus de la zone externe (/) des faisceaus de la zone interne (/’). Les muscles de ces faisceaus sont eus- mêmes divisés en faisceaus secondaires par des cloisons moins importantes (fig. ^ et fig. S, pl. II). Un certain nombre de fibres ayant concouru à la formation des cloisons radiées traversent la couche fibro-contractile externe [d.fig. ^ et fig. S, pl. II). Le trajet qu’elles suivent sur les coupes est indiqué par des espaces plus clairs. En sortant de cette zone, elles se divisent en pinceaus fihrillaires^ qui limitent les lacunes et servent de soutien aus éléments de la couche neuro-conjonctive. Dans cette même couche^, la plupart de ces fihres se terminent dans des cellules conjonctives qui, à leur tour, envoient de tins prolongements dans divers sens et en parliculier dansles interstices des éléments de la couche myo-épithéliale. 20 ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE COMPARÉES Ces prolongements, lorsqu’on ne connaît pas leur origine, peuvent etre facilement pris pour des fibrilles nerveuses. Elles offrent le meme aspect et la même disposition que les fila- ments que Patten (loc. cit.) considère comme des terminaisons nerveuses inter ou intra-épithéliales. De la face profonde de la couche myo-épithéliale externe partent d’autres fibrilles conjonctives^ qui convergent les unes vers les autres par petits groupes en pinceau (fig. /, pl . IV). Ces fibrilles forment, en se réunissant, des fibres plus volumi- neuses qui se dirigent directement vers les couches profondes. Elles traversent les cloisons radiées aponévro tiques des grands muscles longitudinaus pour aller se terminer dans la couche neuro-conjonctive interne de la même manière que celles dont il a été question plus haut. Le long de ces fibres^ on rencontre çà et là des noyaus allongés très minces, et la considération de l’origine et du trajet suivi par ces fibres, ainsi que la façon dont elles se comportent vis-à-vis des réactifs colorants, ne permettent pas de les confondre avec des fibrilles nerveuses. En résumé, on voit que les deus lames complexes qui^ par leur accolement forment la paroi totale du siphon, sont reliées entre elles et maintenues dans leur accolement par des travées conjonc- tives : celles-ci partent de chacune des deus couches myo-épithé- liales pour se rendre à la couche myo-épithéliale opposée, en formant sur leur trajet des cloisons aponévrotiques pour les muscles, ainsi que le squelette fibreus limitant les lacunes et servant de soutien aus éléments de la couche neuro-con- jonctive. Les éléments conjonctifs (cellules et fibres) semblent avoir la même origine que les fibres contractiles, qui constituent les couches fibro-contractiles interne et* externe, car un certain nombre de fibres conjonctives proprement dites vont se perdre dans ces couches et semblent se continuer, en se modifiant, avec les éléments qui les forment. Disons tout de suite que l’examen physiologique ne permet pas de nier, ainsi que nous le verrons plus tard, la contractilité des fibres appartenant aus couches que DE LA PHOLADE DACTYLE 21 j’ai appelées pour cette raison fihro-contractiles circulaires interne et externe. Les caractères de ces libres, ainsi que les relations qui existent entre le lieu d’apparition des éléments migrateurs et la situation des cellules conjonctives, nous permettent de considérer comme exacte l’opinion de M. Roule, en ce qui concerne l’origine de la J travée conjonctivo-musculaire du siphon de la Vénus [loc. cit.^ I p. 45) (1). 1 Toutefois, je ne crois pas que tous les éléments contractiles du siphon de la pholade aient la même origine et l’on peut affirmer quTl existe dans le siphon deus espèces bien distinctes morpholo- giquement et physiologiquement d^éléments contractiles : 1“ des fibres fines, à contractions lentes, d’origine conjonctivale ou mésen- chymale; 2° des fibres à contractions rapides, plus volumineuses, ne se colorant pas de la même manière que les précédentes avec les mêmes réactifs. Les premières forment particulièrement les feuillets circulaires que j’ai désignés sous le nom de couches fibro-contractiles et aussi les éléments de la couche myo-épithéliale, qui viennent se mettre en rapport par leurs extrémités périphériques avec la terminaison des segments épithéliaus d’une manière assez intime pour qu’ils semblent se continuer avec eus. Les secondes, au contraire, forment les grands muscles longitudinaus et les divers faisceaus plus petits qui suivent la même direction longitudinale. Il y aurait donc, dans le siphon de la Pholade deus sortes de muscles représentant au point de vue physiologique, tout au moins, les muscles rouges et les muscles blancs que l’on rencontre chez les vertébrés. (i) « En somme, dit M. Roule, la travée conjonctivo-musculaire du siphon de la Vénus montre les caractères du mésenchyme typique : parmi les cellules méso- blastiques d'abord toutes semblables, les unes conservent chez l’adulte le caractère d'éléments conjonctifs susceptibles de migration et de déplacement à travers la substance fondamentale qu'elles produisent, les autres deviennent des •jlbres mus- culaires lisses en formant la substance contractile ». 22 VI. — DES TRIANGLES ET DES CORDONS DE POLI ANATOxMIE ET PHYSIOLOGIE COMPARÉES Ces organes ont été décrits pour la première fois par Poli (1), i puis étudiés avec plus de soin par Panceri (2)^ qui a reconnu la nature glandulaire de l’épithélium qui les recouvre. Toutefois, les recherches de ces auteurs ne peuvent donner de leur structure une idée suffisante pour qu’il soit possible de se rendre compte de leur fonctionnement physiologique. Les cordons sont situés dans le canal ventral, sur la cloison, et Co PL X.) de chaque côté de la ligne médiane. Ils s’étendent depuis l’extré- mité du canal jusque vers la hase du siphon. Un peu en dehors et en avant se montrent les deus triangles {pL IX, tr). Ces cordons et ces plaques triangulaires forment un relief de un à deus millimètres sur le reste de la paroi, dont ils se détachent, en ; outre, par leur couleur blanc jaunâtre notablement différente de la i teinte gris bleuâtre du fond. h Leur surface est marquée de sillons transversaus formés par le J froncement des couches qui les composent. Pour bien comprendre la structure de ces organes, il est indis- pensable de connaître celle des couches myo-épithéliales et neuro- conjonctives que nous avons décrites plus haut. Ces cordons, ainsi que les triangles, ne sont en réalité que le résultat d’un accroissement considérable de la couche neuro-con- ^ jonctive {L fuj . / et fig. S, pL II; Co. pi. X; n, n. pl. XI; ec. fc, n. fig.I et id. fig 2,pLXII.) accompagné d’une modification mor- q phologique et physiologique des segments épithéliaus de la ; p couche myo-épithéliale. j ' Geus-ci ne sont plus ici, comme dans la paroi externe, repré- sentés par des segments recouverts d’une épaisse cuticule et chargés : f de matière pigmentaire; il sont transformés au niveau des cordons et des plaques en cellules caliciformes [fig. 14, 15, 16, 17, 23, ^ (1) loc. cit. p. 2. ÿ (2) Panceri ; Organe lumineux et lumière des Pholades : ann. d sc. nat. 5”® ser. V zool. 4 DE LA PHOLADK DACTYLE 23 '24 y pi . XF.) munies de cils vibratiles très caducs. Ces cellules s'unissent par leur rebord pour former une paroi externe mame- lonnée^ comme capitonnée [fig /, pi. Xll et [kj 2S et 24, pi. XV). A l’état frais^ ces cellules sont remplies d’un contenu blan- châtre, formé de fines granulations, qui est rejeté au dehors dès qu’on excite l’organe ou les nerfs qui s’y rendent. Dans les coupes qui ont nécessité l’emploi de réactifs fixateurs exerçant une action fortement irritante^ ces cellules se montrent vides de leur contenu, rétractées et leurs parois sont accolées. Il se forme entre elles de vastes lacunes qui donnent à la coupe un 1 aspect particulier [f. c. pi. XI et pi. XII). I Vers leur partie profonde, ces segments épithéliaus présentent ; un noyau assez volumineus et se continuent par un prolongement plus ou moins renflé qui représente le segment contractile (/. c. pl. XI etpl. XH). Celui-ci, à son tour, se poursuit sans ligne de démarcation visible^ avec des tractus [tr. n. fuj. I , pl. XII) venus I du tissu neuro-conjonctif [n. ?iy n. fig. 1 , pl. XII) formant la masse principale des cordons et des plaques. C’est principalement au niveau de ces organes que se montre manifestement la continuité des segments épithéliaus, contractiles j . et neuraus, dont la constatation est si importante pour l’explication I des faits physiologiques qui nous sontfournis par rexpérimentation. Dans la masse neuro-conjonctive^ et surtout à sa base, on rencontre, en grand nombre, des éléments granuleus plus ou moins irréguliers et qui présentent la plus grande analogie avec des éléments de même nature que l’on trouve dans le mucus dont s'imprègnent les cordons et les plaques, quand on les excite. Ce sont des éléments migrateurs ausquels j'attache une grande importance au point de vue du rôle des plaques et des cordons » dans la production de la lumière [v. Photogènie.). A côté des élé- ments caliciformes sécréteurs, on rencontre aussi, en les isolant par la dissociation, des éléments qui se terminent par un segment épithélial en cône ou en bâtonnet {fig. 18, 19, 20, 21, 22, pl. XV) ; je les considère comme des éléments purement sensoriels. 24 ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE COMPARÉES VIII. — NERFS ET VAISSEAUS DU SIPHON Les couches neuro-conjonctives interne et externe, surtout au niveau des cordons et des plaques, constituent donc comme une sorte de ganglion nerveus diffus, étendu au-dessous de la couche myo-épithéliale et présentant, soit dit en passant, une certaine analogie avec les couches cellulaires nerveuses de la rétine situées au-dessous de la couche des cellules pigmentaires et de celle des cônes et des bâtonnets. Le siphon reçoit, en outre, des nerfs qui mettent les grands muscles moteurs du siphon et la couche neuro-conjonctive en communication avec les ganglions viscéraus. De ces ganglions, ainsi que nous l’avons déjà indiqué {v. p. 5), se détachent de chaque côté trois troncs principaus : le cordon du grand collier, qui se dirige en avant et dont nous n’avons pas à nous occuper ici ; en arrière, le nerf branchial et le nerf palléal postérieur. Ce dernier est le véritable nerf du siphon ; il fournit trois branches principales ; la plus rapprochée de son origine est un nerf qui chemine sous le cordon de Poli {a, pl. XIII), tandis que la seconde branche [b) se rent dans les muscles longitudinaus. Le nerf palléal, après avoir donné naissance à cesdeus branches, se dirige vers le triangle de Poli, passe au-dessous de cet organe et se divise encore pour fournir des filets très-fins aux parois externes du siphon. Le ganglion viscéral, d’où partent les nerfs qui innervent le siphon, est très-facile à découvrir en écartant les branchies par la face ventrale, ce qui constitue une condition très-avantageuse au point de vue expérimental. Vaisseaus. — Le système circulatoire de la Pholade ne diffère pas sensiblement de celui des autres lamellibranches [v. p, 5). Le ventricule est allongé et tourné du côté du siphon. Il donne naissance à une courte aorte (aorte postérieure) qui se bifurque presque immédiatement en deus autres vaisseaus volumineus DE LA PHOLADE DACTYLE 25 lesquels se dirigent directement en arrière en suivant le trajet des cordons de Poli, au-dessous desquels ils cheminent jusqu'à l’extré- mité libre du siphon. Ces vaisseaus représentent les artères palléales postérieures. Peu après leur naissance, elles donnent chacune une branche qui se dirige obliquement en arrière pour aller passer sous les triangles de PolC en suivant à peu près le meme trajet que le nerf qui se rent dans cette région. Cette branche se prolonge au-delà de l’organe, qu’elle irrigue sur son passage, pour aller s’anastomoser avec l’extrémité de la branche correspon- dante de l’autre côté. Dans l’épaisseur de la cloison qui sépare les deus canaus, et dans toute son étendue, existe un réseau capillaire qui fait communiquer entre elles les deus branches principales des artères palléales postérieures. A leur extrémité postérieure^ celles-ci se divisent en un grand nombre de petits capillaires, qui se distribuent aus tentacules de l’orifice du canal ventral. Le sang veineus circule dans un fin réseau qui se jète clans un vaste sinus lacuneus occu- pant la gouttière du siphon dorsal opposé à la cloison. C’est à dessein que j’ai insisté, et quelquefois à plusieurs reprises, sur des points anatomiques qui pouvaient paraître tout d’abord ne présenter qu’un intérêt secondaire. On verra, par la suite^ que ce j sont précisément ces détails^ qu’un anatomiste aurait pu parfois I négliger, qui permettre nC avec l’analyse physiologique proprement I dite^ de se rendre exactement compte du mécanisme intime du [ siphon de la Pholade. DEUXIÈME PARTIE PHYSIOLOGIE ZOOLOGIQUE I. — DES MOUVEMENTS DU SIPHON. — IRRITABILITÉ ET CONTRACTILITÉ DE CET ORGANE Le siphon représente le principal organe de mouvement chez la Pholade. Le pied, court et épais, est loin d'avoir la mobilité que Ton rencontre chez d’autres mollusques et, en dehors des mouve- ments exécutés par les valves, il n’y a guère à considérer que cens du siphon. Ils ne peuvent être observés que sur l’animal extrait du .trou qu’il occupe à l’état naturel. Dans ces conditions, on constate que le siphon peut exécuter plusieurs mouvements spontanés. Allonrjement du siphon. — Le siphon peut s’allonger de façon à acquérir trois ou quatre fois la longueur des valves principales. Cet allongement peut coïncider avec un état de flaccidité presque complet; il résulte alors du relâchement général des muscles : c’est \ allongement passif. Dans d’autres cas, le siphon étant dur et demi contracté, on pourra provoquer un véritable allongement actif . Celui-ci est généralement assez limité. On détermine facilement ce mouvement en touchant la surface du siphon avec un pinceau ou une baguette de verre imprégnés d’une solution d'acide acétique. Le mécanisme qui produit cet allongement est de tous points com- parable à celui du thélotisme du mamelon chez la femme. J’ai 28 ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE COMPARÉES démontré (1) que ce dernier phénomène avait à tort été considéré comme étant de nature réflexe, alors qu’il est dû en réalité à une excitation directe des fibres lisses longitudinales et circulaires qui entrent dans la constitution du mamelon. Chez la Pholade, cet allongement actif du siphon s’effectue comme dans le mamelon par excitation directe des fibres contractiles circulaires et longitu- dinales. On le provoque d’ailleurs sur un siphon séparé des centres réflexes nerveus. L’allongement du siphon peut être également volontaire, ce qui permet à l’animal, ainsique nous le verrons plus loin, de se servir de cet organe comme d’un instrument de travail. Rétraction du siphon. — La rétraction du siphon est brusque ou lente, elle est partielle ou totale. Sous l’influence de la volonté seule, l’animal rétracte son siphon lentement ou brusquement. Mais la rétraction peut toujours aussi être provoquée par une excitation mécanique périphérique : sa rapidité.^ ainsi que son étendue^ sont toujours alors en rapport avec la qualité et avec intensité de l’excitation. Lorsque l’animal excité est entier^ la rétraction se fait le plus souvent en deus temps. L’excitation détermine d’abord une rétraction lente, s’irradiant autour du point touché, et suivie, au bout d’un intervalle plus ou moins court, d’un raccourcissement soudain et généralisé^ qui diffère beaucoup du précédent par sa rapidité et par son amplitude. Cette contraction secondaire est manifestement de nature réflexe^ car si le siphon est séparé du ganglion viscéral par une section passant par sa base, on ne voit plus se produire que la contraction primaire^ laquelle n’est pas due aus grands muscles longitudi- naus, qui sont au contraire mis en jeu dans la contraction secon- daire. Le raccourcissement primaire est dû à la contraction de la couche myo-épithéliale, provoquée directement par l’excitant péri- (1) R. Dubois : Sur la physiologie comparée du thélotisme : Assoc. d. sç. méd. 1890 et Province médicale, T. V, p. 178. DE LA PHOLADE DACTYLE 29 phériqiie. On peut s’en assurer en excitant d'un seul côte dans l’eau le siphon étendu d’une Pholade entière. Si l’excitation a été légère, la rétraction ne se manifeste que dans les parties superfi- cielles de la région excitée. Il n’y aura pas alors de rétraction secon- daire totale^ comme cela se produirait si les grands muscles lon- gitudinaus centraus entraient en jeu, mais seulement incurvation du côté excité. 11 n’est pas nécessaire de se servir d’un siphon entier pour obtenir la contraction primaire : on pourra toujours la provoquer 1 sur un fragment de ce siphon et elle conservera toujours son 1 caractère de lenteur, qui la distingue si nettement de la contraction I secondaire. L irradiation de la contraction primaire autour du point excité ' SC produit par un phénomène dé auto -excitation comme celui que l'on , observe sur les fibres muscidaires lisses des vertébrés^ ou mieus encore ' dans la pointe du muscle cardiaque delà grenouille^ dont h enche- vêtrement des fibres rappelle celui des éléments contractiles des couches mij O- épithéliales du siphon. Lorsque l’excitation est très légère, très superficielle, comme I celle que l’on peut provoquer avec une pointe aiguë ou bien avec une fine baguette de verre imprégnée d’une substance excitante, 1 ou encore avec une parcelle de sel, ou simplement un petit grain de plomb que l’on dépose sur le siphon placé hors de l’eau, le ' raccourcissement des fibres contractiles sous-épidermiques peut I être très limité et l’on ne constate qu’une dépression localisée au ? point excité, sans que le reste du siphon soit influencé. I Contraction du siphon. — Quand on excite, comme je viens de [ l’indiquer, la contraction primaire, on provoque en général le raccourcissement à la fois des segments contractiles longitudinaus \ et des segments contractiles circulaires, d’où il résulte que le I; siphon se rétrécit en même temps qu’il se raccourcit. Lorsque j, Texcilation est assez forte, il n’est pas rare que la couche fihro- I conjonctive intervienne et, dans ce cas, il peut se produire un i véritable étranglement du siphon sous l’infliience d’une excitation I localisée périphérique. Sous l’action de la volonté ou d'un réflexe, 30 ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE COMPARÉES toute la couche fibro-contractile peut se contracter en même temps que les muscles longitucUnaus, alors l’eau contenue dans le siphon est projetée avec une assez grande force au dehors. Enfin, l’animal utilise parfois, dans la partie postérieure seulement, les fibres circulaires pour fermer les orifices du siphon et emprisonner une certaine quantité d’eau dans son intérieur : le siphon devient alors piriforme et résistant. C’est l’attitude qu’il prent ordinaire- ment au moment où le liquide intérieur va être projeté au dehors. Dilatation du siphon. — La dilatation peut être passive ou active. Dans le premier cas, tous les muscles sont dans le relâchement et l’eau vient gonfler les parois des canaus devenues flasques et minces. Dans le second cas, l’animal ferme l’extrémité de son siphon et refoule l’eau dans les canaus par le rapprochement des valves, en même temps qu’il s’oppose à son écoulement du côté du pied par le resserrement du sphincter qui l’entoure. En faisant alterner ce refoulement de l’eau avec des mouvements de rétrac- tion des muscles longitudinaus, la Pholade peut imprimer au siphon des changements de longueur et de volume utilisables dans certaines circonstances. Inflexions^ balancement. — Le siphon est susceptible de s’incurver dans toutes les directions, et l’inflexion peut se produire suivant toute sa longueur ou seulement dans une région déterminée, par- ticulièrement vers son extrémité libre. Tantôt cette incurvation est due simplement à Taction des fibres sous-épithéliales, tantôt à l'action isolée des grands faisceaus longitudinaus. Quand ces mouvements se produisent alternativement d’un côté et de l’autre, il peut en résulter un balancement plus ou moins rapide de l’organe. Celui-ci peut même décrire par son extrémité un mou- vement circulaire en combinant Taction des divers faisceaus indé- pendants qui entrent dans sa constitution. Mouvements de la cloison. — La cloison qui sépare les deus canaus est le siège de mouvements complexes, mais dont on peut facilement saisir le mécanisme en jetant les yeus sur la figure qui DE LA PHOLADE DACTYLE 31 nous montre la façon dont sont disposés les muscles qui la cons- tituent en grande partie, [pi. X). Occlusion du siphon. — L’occlusion de l’extrémité libre du canal ventral peut s’opérer de deus façons : elle peut être complète ou incomplète. Dans la fermeture incomplète, les tentacules qui gar- nissent cette ouverture, et qui sont d’ordinaire étalés comme les pétales d’une tleur, rapprochent leurs extrémités du centre de l’ouverture et forment un lacis serré permettant encore le passage de l’eau, mais s’opposant à l’entrée de corpuscules solides, même d’un très petit volume. D’autres fois, il y a constriction des fibres circulaires, de l’extrémité seulement. Ce dernier mode de fermeture est commun au siphon ventral et au siphon dorsal. Grâce ans différents mouvements que je viens d’indiquer, la Pholade peut répondre à divers besoins^ en les combinant entre eus de plusieurs manières. IL DU ROLE DU SIPHON DANS LE MÉCANISME RESPIRATOIRE Dans l’état de repos des valves, la circulation de l’eau dans l’appareil respiratoire est assurée par le jeu des muscles qui entrent dans la constitution des parois propres des deus canaus. L’eau chargée d’oxygène est appelée de l’extérieur vers l’intérieur et traverse le siphon ventral à la base duquel s’insèrent les branchies. Après avoir servi à la respiration et s’être chargée d’acide carbo- nique, l’eau est ensuite rejetée par le canal dorsal. C’est pour cette raison que l’on a donné au canal ventral le nom canal branchial ou encore de canal aspirateur et au canal dorsal celui de canal expirateur. Au lieu du mot canal ou tube, on emploie souvent celui de siphon, qui doit être réservé à l’ensemble des deus canaus. Cette expression, d’ailleurs, n’est pas absolument exacte, car la circulation de l’eau dans cet organe ne rappelle en rien ce qui se passe dans un siphon proprement dit. 32 ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE COMPARÉES III. — ELIMINATION, EXCRÉTION Dans certains cas^ la direction du courant dans le canal ventral peut être renversée et, par la contraction de ses parois, le siphon peut expulser au dehors soit des produits de secrétion ou d’excré- tion, tels que ceus qui résultent de l’exercice de la fonction pho- togénique, soit des corps étrangers. Caillaud a noté (1) que le produit de désagrégation des roches résultant de leur creusement par la Pholade pouvait être puisé par la bouche et, après avoir tra- versé le tube digestif,être rejeté parle canal branchial. Les matières excrémentitielles, au contraire, s’échappent par le canal expirateur ou dorsal : elles se présentent souvent sous forme d^un long fila- ment brunâtre ininterrompu. J’ai constaté à la surface d’un de ces filaments, chez une Pholade dactyle conservée vivante dans une cloche de verre depuis plusieurs mois, la présence d’une grande quantité d’algues monocellulaires, les unes vertes et les autres violettes, présentant le même aspect que les algues symbiotiques, qui ont été décrites parBrandt chez les animaus chlorophylliens (2). Remarque. — Sw' Vautres animaus, j’ai jm suivre ce filament excfémentitiel jusqu au voisinage de la tige cristalline. Il m’a semblé que la substance gélatineuse de cette singidière formation^ dont on ignore le rôle, avait servi de base au filament en question. Sur la tige cristalline , à l’une de ses extrémités demi-fluidifiée , on rencontrait en grand nombre les algues dont je viens de parler, ainsi que d’autres organismes animaus et végétaus vivants. Peut-être la tige cristal- line n a-t-elle d’autre rôle que de fixer et de nourrir des organismes qui peuvent à un moment donné rendre certains services à la Pholade aus dépens de laquelle ils vivent. Les canaus du siphon donnent non seulement passage à des matières solides et liquides^ mais encore à des gaz dont l’origine (1) Caillaud ; ext. des ann. d. Mus. de Nantes, suppl. du 20 août 1855, Nantes irnp*. Mellinet. (2) Brandi : Ueber das Z usammenleben von Algen, und Thieren : biol. cent. I, 1881, 1882, p. 524. t)Ê LA PHÔLADE DACTYLE 33 n^Qst pas connue. Ces gaz sont très vraisemblablement le résultat d'une excrétion et ne sont pas empruntés à l’air libre, car ils peuvent être expulsés en assez grande abondance à l’état normal et spontanément par des animaus immergés depuis longtemps. Un abondant dégagement de ces gaz peut être obtenu en plongeant une Pholade dans l’eau bouillante. A l’état normal, la quantité expulsée en une seule fois ne dépasse pas, en général, deus à trois centimètres cubes^ mais elle est parfois plus considérable chez les individus de grande taille, ce qui nous a permis d’en faire l’analyse. ANALYSE 2'"'® ANALYSE 3"'^ ANALYSE Volume total du gaz expulsé . 4 8'=“. 36 4““. 36 Acide carbonique 0 2 0 00 0 00 Oxygène 1 2 1 54 0 74 Azote 5 0 6 82 3 62 Oxygène % 18 6 18 4 16 5 La faible teneur de ces mélanges en acide carbonique tient pro- bablement à la solubilité relativement forte de ce gaz dans l’eau. Quant à la proportion d’oxygène, plus faible que dans les gaz simplement dissous dans l’eau aérée à la pression ordinaire, elle semble indiquer que ce mélange est de l’air extrait de l’eau par la Pholade, mais ayant servi déjà à la respiration; toutefois, on s’explique difticilement la présence d’une aussi grande quantité d’azote dans cet air. Je rappëlerai enfin que le mode de terminaison des deus canaus présente une disposition avantageuse pour éviter le mélange de l’eau pure et de celle qui est souillée par les déjections. Lorsque le siphon est étendu, on constate que l’extrémité du canal dorsal est libre et que son orifice est tourné vers la face de l’animal, tandis que l’orifice du canal aspirateur s’ouvre directement en arrière, Université de Lyon. — II. B. 3 34 anatomië et physiologie comparées c’est-à dire en haut, lorsque la Pholade occupe dans son trou sa position naturelle. IV. — ROLE DU SIPHON DANS LA REPRODUCTION Le canal aspirateur sert également de conduit vecteur pour les œufs; j’ai eu, en effet, plusieurs fois l’occasion d’observer leur présence dans le mucus qui recouvre ses parois ; ce fait n’a rien de surprenant élant donné que les œufs séjournent souvent pendant un certain temps dans les feuillets des branchies (Poli), où ils trouvent sans doute des conditions particulièrement favorables à l’exercice de leur respiration, c’est-à-dire de l’eau pure et sans cesse renouvelée. Il est probable que le siphon joue aussi un rôle important au point de vue de la fécondation, mais je n’ai rencontré dans les auteurs aucun renseignement à ce sujet et mes obser- vations sont encore trop incomplètes pour qu’il me soit permis de formuler une opinion sur cette question qui fera ultérieurement l'objet d’une étude spéciale. V. — TRAVAIL DU SIPHON — PERFORATION DES ROCHES La contraction du siphon est suffisamment puissante pour soule- ver des poids assez forts. On peut s’en assurer en fixant dans une cuve rempli d’eau une Pholade bien portante et en reliant le bout de son siphon à l’extrémité d’un fil qui se réfléchit sur une poulie et dont l’autre extrémité supporte un étrier ou un crochet que l’on peut charger de poids variables. J’ai même pu en remplaçant, sur une certaine étendue, la portion du fil allant du siphon à la poulie^ par une mince tige de verre filé portant un levier très léger, déter- miner par la méthode graphique, la nature et la valeur du travail fourni en fonction de certaines excitations (v. fonction derma- toptique^ chap. F, 3"" part.) La force de rétraction déployée par le siphon de la Pholade peut être assez grande pour triompher de la résistance de son tissu, qui DE LA PHOLADE DACTŸLE \9 peut se déchirer dans certains cas, sous l’influence de sa propre traction et échapper ainsi à une violence extérieure. Quant ans mouvements que le siphon peut exécuter dans différentes directions, ils n’ont pas seulement pour hut de se prêter aus divers(‘s fonctions dont j’ai parlé plus haut^ mais ils lui permettent encore d’accom- plir un travail de protection, qui joue un grand rôle dans la vie de ce mollusque : je veus parler de la perforation du sol dans lequel la Pholade creuse la demeure où elle vit et meurt en recluse. Non- seulement les pièces de la coquille^ qui recouvrent la Pholade, sont loin de posséder la résistance de celles de l’huître comestible par exemple, mais, en outre, elles laissent à nu une partie du corps de l’animal, qui deviendrait bientôt la proie des crabes ou d’autres animaus marins carnassiers, s’il n’avait le talent de se creuser une retraite sous l’argile et même dans les roches les plus dures. Un pareil travail semble d’autant plus surprenant de la part de ce mollusque, qu’il est incapable de déplacer son corps lourd et pesant lorsqu’il est extrait de son trou. Le siphon seul peut s’étendre et s’incliner dans diverses directions. Placée dans des bacs, la Pholade reste paresseusement étendue sans pouvoir même pénétrer le sable ou l’argile sur lequel elle repose, comme le font beaucoup d’autres bivalves. Il faut donc admettre, non qu’elle naît dans la roche, comme l’a prétendu Aldrovande, mais qu’elle y entre très jeune. Il n’est pas nécessaire que le fond soit encore à l’état de vase molle ainsi que le dit Réaiimur (1), mais, on ignore à ^ quelle période de leur évolution se fait cette pénétration, et la forme qu’elles affectent au moment de leur naissance est elle- I même inconnue. Caillaud (2) a trouvé dans le roc des Pholas candida dont la gros- seur ne dépassait pas celle d’un grain de mil et des Pholas dactylus dont la longueur n’excédait pas cinq millimètres (3). Elles y pénètrent donc de très-bonne heure, mais sans que l’on sache comment. On les rencontre aussi bien enfoncées dans des argiles (1) Réaumur — C. R. 1872, p. 155. (2) Caillaud, Catalogue des radïaires, des annélides, des cirrhipèdes et des ; mollusques marins, terrestres et fhiviatiles de la Seine-Inférieure, 1865, Nantes. I (3) Du même, J. de Conch. T. I., p. 360, 1850. 36 ANATOMIE ET PMYSIÔLÔOIE COMPARÉES molles ou compactes que dans des roches d’une grande dureté. Gaillaud les a vues perforer des blocs de calcaire tendre apportés des environs de Rouen pour la jetée du Groisic ; aus environs du Ponliguen, elles perforent les gneiss surmicacés, le micaschiste et le talc. Enfin des espèces fossiles ont été rencontrées dans les porphyres protogynes altérés de Lessine (Belgique) et dans les roches volcaniques. Non seulement on ignore encore comment la Pholade pénètre dans la roche, mais les auteurs ne sont pas même d’accord sur la façon dont elle agrandit sa demeure selon les besoins de son déve- loppement. D’après Deshaies (1), il s’agirait d’une action chimique produite par une sécrétion acide qui serait ensuite neutralisée par le mucus. Gette opinion est d’autant moins acceptable que la Pholade perfore les roches les plus différentes au point de vue chimique, même les argiles compactes et que, d’autre part, on peut observer sur les parois de son trou les traces évidentes d’une action mécanique exercée par les aspérités de la coquille. Les observations et les expériences de Gaillaud [loc, cit.), de Robertson (2), de Aucapi- taine (3) et celles plus récentes de J. Prié (4) mettent hors de doute que l’agrandissement du trou de 'la Pholade est dû au frottement de la coquille contre les parois. Mais il existe encore de nombreuses divergences entre les auteurs sur la façon dont s’effectue ce frottement. Parmi les auteurs qui ont écrit sur cette question de la perfo- ration des roches on peut encore citer Adanson (o), Bonati (6), (1) Deshaies, j. de conch., 1850, p. 22: Quelques observations au sujet de la perforation des pierres par les mollusques . (2) Robertson : Sur la perforation des pierres par le Pholas dactylus : j. de conch., 4, 1853, p. 311. (.')) Aucapitaine : Note sur les moyens qu’emploient les Pholades pour creuser les roches : G. R. XXXIII, p. 661, 1851, et XIX, p. 402, 1851. Du même : Observations sur la perforation des rochers par les mollusques du genre Pholas : in rev. magaz. zool., 2* sér., III, p. 486, Paris 1854. (4) J. Prié; Assoc. franc., p. 565, 1883. (5) Adanson ; hist. d. Sénégal, coq., p. 262, 1757. (6) Bonati, Récréatio mentis et oculi. DE LA PHOLADE DACTYLE 37 D’argenville (1), De la Faille de la Rochelle (2), Fleurian de Bellevue (3), qui ont également exposé des idées théoriques diverses sur ce mécanisme. Le principal rôle a été attribué soit au mouvement d’ouverture ou de fermeture des valves, sous l’influence des muscles qui les mettent en jeu, soit à l’action du pied agissant comme une ventouse et susceptible de faire tourner la coquille en se déplaçant. Caillaud a cependant admis dans son dernier travail sur ce sujet l’inter- vention du siphon qui se gonflerait pour prendre un point d’appui sur les parois et servir de moteur. Il résulte de nos expériences que c’est cette dernière opinion qu’il y a lieu d’adopter définitivement. J’ai pu conserver pendant près d’une année une Pholade dactyle, au laboratoire de physiologie générale de la Faculté des sciences^ dans une cloche où l’eau de mer n’était jamais renouvelée, mais dans laquelle des algues vertes s’étaient spontanément développées. On se contentait de remplacer par de l’eau douce celle qui s’était échappée par évaporation. Le mollusque était verticalement enfoncé dans l’argile, qui garnissait le fond du vase, jusqu’au niveau de l’extrémité poslérieure de ses grandes valves, c’est-à-dire jusqu’à la naissance du siphon. Pendant plusieurs mois que je pus l’observer à loisir, il n’y eut aucun déplacement du corps de l’animal, bien que l’action du pied et des vblves pût s’exercer librement. J’eus alors l’idée de fournir au siphon un point d’appui en l’entoiirant incomplètement d’un bloc d’argile dure, formant une gouttière étroite dans laquelle le siphon pouvait s’engager en partie. Aussitôt la Pholade se mit au travail gonflant son siphon et prenant un point d’appui sur les parois de la gouttière ; en même temps elle commença à tourner sur elle-même et à s’enfoncer dans l’argile. (1) D’argenville : Conchyl , 2® éd., p. 322 et Enamerationis fossilium quœ in omnibus Galliœ jprovinciis re^eriuntur tentamina. (2) De la Faille, de la Rochelle : mem. s. la phol. Ac. delà Rochelle, p. 93, 1763. (Mémoire lu en 1756; extrait dans le Mercure en 1855). (3) Fleurian de Bellevue, Acad. d. sc. et Journal de 'physique de De laMetherie, Germinal, an X. 38 ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE COMPARÉES Il est bien évident pour moi que dans l’état adulte, l’organe le plus important, le seul actif à mon sens dans la perforation des roches est le siphon, qui imprime le mouvement de rotation et permet à la Pholade de râper les roches avec lesquelles elle se trouve en contact. Le siphon de la Pholade sert donc non-seulement à assurer l’exercice des fonctions les plus importantes : respiration, alimen- tation, excrétion^ reproduction, mais il est encore un organe de locomotion et de travail proprement dit. Des propriétés si multiples, si variées, réunies dans un seul organe suffiraient déjà à justifier la complexité de sa structure intime. Pourtant je n’ai pas encore parlé des fonctions qui donnent au siphon de ce mollusque un intérêt véritablement capital au point de vue de la physiologie comparée. Chez la Pholade, le toucher, la gustation, l’olfaction et la vision ont surtout leur siège dans le siphon : oi% les notions anatomiques que nous avons acquises nous montrent que l’on n’y rencontre aucun des appareils compliqués qui concourent à l’exercice de ces sensations chez les animaus supérieurs. On comprendra facilement les avantages que présente l’étude des organes sensoriels réduits à état rudimentaire, surtout lorsqu’on aura pu se convaincre que la nature produit les effets les plus variés avec les moyens les plus simples. Les réactions par lesquelles la Pholade manifeste sa sensibilité sont aussi nombreuses que les excitations qui peuvent mettre en jeu son irritabilité ^ mais ce qiéil y a de véritablement instructifs c est qiCelle peut^ comme on va le voii\ écrire ses propres sensations dans un lanqaye très-clair et très-précis. TROISIÈME PARTIE PHYSIOLOGIE COMPARÉE Du siphon considéré comme organe de sensibilité générale et spéciale I. — Action des excitants mécaniques et électriques. — SILXSATIONS tactiles Bien que le siphon puisse être, comme on vient de le voir, considéré comme un organe de travail et qu’il soit par cela même exposé à des froissements continuels contre les parois d’argile grossière ou de rocher de sa demeure, la sensibilité tactile n’en est pas moins extrêmement développée, ce qui ne saurait nous surprendre, puisque cette coïncidence se trouve précisément réalisée dans la main deThomme. Je me suis assuré que tous les points de la surface du siphon pouvaient réagir au contact, même très léger, d’un corps dur ayant une surface très réduite, tel que la pointe d’un stylet ou d’une fine aiguille. La réaction qui suit Texcitation mécanique peut affecter deus formes très distinctes, dont nous avons déjà dit quelques mots à propos des mouvements du siphon (2“° partie, chap. I. p. 29.) Dans la première, on observe seulement au point touché une f 40 ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE COMPARÉES légère dépression, qui pourra aller en s’étendant de proche en proche, soit circulairement, soit longitudinalement, soit enfin dans les deus sens à la fois par un mécanisme que nous avons déjà étudié. Quand ce phénomène superficiel se produit isolément, c’est que l’excitation périphérique a été légère ou bien que l’on a agi | sur un siphon séparé des ganglions viscéraus. Mais lorsque la j Pholade est entière et que l’excitation mécanique a été assez forte j et assez prolongée, elle est bientôt suivie d’une rétraction brusque du siphon tout entier^ d’ordre rétlexe, et qui s’exécute par l’inter- vention des grands muscles centraus longitudinaus. Celte action ; réflexe peut suivre d’assezprès l’excitation pour que la contraction j locale des segments musculaires sous-épithéliaus passe inaperçue, ' | mais elle est toujours facile à constater lorsque l’animal est fatigué j ou épuisé. ! On peut analyser, par la méthode graphique, beaucoup plus exactement ces phénomènes, dont nous avons déjà parlé dans un chapitre précédent, mais sur lesquels il importe d’insister. Pour cela, il suffit de rattacher l’extrémité du siphon au moyen d’un fil, ou mieus d’une tige de verre filé au bras de levier d’un myographe à transmission, et d’exciter mécauiquement la surface du siphon avec une barbe de plume, par exemple. Si le siphon est détaché du corps de l’animal ou si l’ébranle- ment mécanique est assez faible pour ne pas être communiqué aus couches profondes, on obtient une courbe unique, croissant lente- ment et régulièrement. Fig. 1 Quand la Pholade est entière et bien portante, cette première contraction, qui est d’abord localisée, mais qui tent à s’irradier à DE LA PHOLADE DACTYLE 41 la surface, a eu à peine le temps de se produire que déjà la grande contraction réflexe des muscles centraus éclate avec sa brusquerie caractéristique, ainsi que le montre la figure suivante. Fig. 2 Lorsque l’animal est fatigué, malade ou engourdi par le froid, la contraction secondaire ou réflexe des grands muscles peut se montrer beaucoup plus tard. Alors le tracé qui démontre l’exis- tence de la contraction primaire a le temps de se développer et n’est plus coupé dès son origine par la contraction secondaire. Fig. 3 Le tracé de la figure 3 a été obtenu avec un animal fatigué et la durée de Texcitation est marquée en demi-secondes sur la ligne inférieure ou ligne de zéro. La contraction primaire coïncidait presque avec l’excitation dans l’expérience qui a donné le tracé 2, tandis qu’elle s’est montrée beaucoup plus tardivement dans le ■w 42 ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE COIVIPARÉES tracé 3 (au bout (Tune seconde et demie). Cette contraction s’est en outre prolongée bien au-delà du temps pendant lequel a duré l’excitation. Enfin, la contraction secondaire est apparue aussi très tardivement, alors que le raccourcissement du siphon produit par la contraction primaire avait déjà complètement disparu. L’ordre dans lequel apparaissent ces deus contractions peut être renversé si, au lieu de porter l’excitation sur la périphérie du siphon, on excite soit les nerfs centrifuges qui commandent aux muscles longitudinaus centraus, soit ces mêmes muscles directe- ment par un courant galvanique. Fig. 4 Le tracé de la figure 4 a été obtenu en provoquant une contrac- tion générale du siphon détaché par l’excitation galvanique de son extrémité centrale. Fig. 5 Le tracé de la figure 5 montre un phénomène du même ordre que le précédent, mais obtenu en excitant les nerfs moteurs sur une pholade entière. DE LA PHOLADE DACTYLE 43 Les notions que nous avons acquises précédemment nous per- mettent d’expliquer facilement le mécanisme de ces diverses réactions. Dans Texpérience qui a donné le tracé du numéro 2, les fibres musculaires sous-épithéliales se sont d’abord contractées, puis étant données les relations éti’oites qui existent entre cette couche contractile et la couche neuro-conjonctive sous-jacente, celle-ci a été ébranlée : l’excitation des éléments nerveus résultant de cet ébranlement a été transmise aus centres nerveus^ d’où une exci- tation réflexe est partie pour provoquer la contraction des muscles longitudinaus. C’est pour ce motif que j’ai donné le nom de système avertisseur à l’ensemble des éléments épithéliaus et contractiles de la couche myo-épithéliale. Dans toutes ces expériences, il importe de tenir le plus grand I compte du déterminisme expérimental^ car on pourra obtenir avec ' le même excitant, selon son intensité ou bien selon la persistance ou la répétition de son application, des courbes différentes. C’est ainsi que dans l’expérience qui a donné le tracé n“ 5 on pourra peu à peu faire disparaître par la fatigue la courbe fournie par la contraction des grands muscles longitudinaus, en répétant j plusieurs fois de suite l’excitation centrale galvanique du siphon, ; comme le montrent les figures 5, 6, 7 et 8 Fig 6 :i ! Le deusième tracé {fig. 6)^ recueilli après plusieurs excitations ; successives, montre que la première contraction a déjà notable- blement diminué d’amplitude, tout en conservant sa brusquerie du début. 1 44 ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE COMPARÉES A son tour^ cette brusquerie va disparaître si Ton continue les excitations, soit parce que les grands muscles longitudinaus cesseront de se contracter, soit parce que leur contraction devenue paresseuse sera fusionnée avec celle des autres éléments contractiles. I Fig. 8 Les tracés 7 et 8 permettent de suivre cette fusion successive. Il résulte de ces faits qu’on pourra obtenir des courbes très ana- logues avec un siphon dont les muscles centraus ne réagissent plus sous l’influence d’une excitation directe ou centrifuge et avec ‘ un autre siphon, non fatigué, mais détaché de Lanimal {fig. et par conséquent séparé des centres réflexes. Dans ces deus cas, c’est la contraction du système avertisseur qui prédomine, avec les caractères que nous lui avons assignés, mais la dissociation de la contraction primaire et de la contraction secondaire est obtenue par des procédés différents. Dans d’autres cas, au contraire, c’est la contraction du système avertisseur qui peut faire défaut alors que celle des muscles Ion- t)E LA PHOLADE DACTYLE gltudinaus peut encore être provoquée. Un semblable résultat pourra être obtenu en fatiguant d’abord le système avertisseur d’un siphon détaché par un excitant spécial, tel qu’une viv-e lumière (y. Vision dermatoptique^ chap. 3”® part.), puis en faisant agir, aussitôt cette fatigue obtenue, un courant galvanique sur l’ensemble du siphon. Fig. 9 Il n’est pas même nécessaire, pour obtenir une contraction unique, de faire intervenir l’action de la lumière jusqu’à épuisement de l’excitabilité du système myo-épithélial, il suffit de provoquer par l’éclairage la contraction du système avertisseur et, lorsque celle- ci a été obtenue de lancer dans le siphon éclairé une excitation galvanique unique. Le tracé de la figure 10 a été obtenu par une Fig. 10 dissociation de cet ordre dans laquelle la contraction primaire ou contraction du système avertisseur fait défaut, tandis que la contraction des muscles centraus persiste. 46 ANATOMiE ET PHYSIOLOGIE COMPARÉES Avec des siphons détachés et exposés à la lumière on pourra également obtenir par Texcitation électrique des tracés très voi- sins de ceus qui sont représentés dans les figures 5 et 6 fournis par des Pholades placées dans Tobscurité, sans que cependant le système avertisseur entre en jeu. Dans ce cas, une excitation élec- trique unique ne suffit pas. Fig. 11 La figure 11 reproduit un tracé de cette nature^ mais il a fallu deus excitations galvaniques successives pour obtenir cette forme, qui est bien évidemment le résultat de ce que Ton est convenu d’appeler une secousse musculaire additionnelle. Lorsque la première excitation a été violente, la seconde con- traction peut affecter la lenteur caractéristique de la contraction des fibres superficielles, bien que cette seconde contraction soit comme la première, limitée aus muscles centraus. Fig. 12 Le tracé suivant [fig. /5) montre trois secousses additionnelles, obtenues en augmentant la force du courant d'induction pendant DE LA PHOLADE DACTYLE 47 une contraction tétanique, et l’on peut constater que la rapidité de la contraction diminue à chaque secousse du muscle tétanisé. Lorsque l’intensité de l’excitant ne varie pas pendant l’excitation galvanique, on obtient, au lieu de secousses additionnelles bien caractérisées, un véritable tétanos qui donne une courbe très ana- logue à celle du système avertisseur réagissant seul, sous Tinfluence de la lumière par exemple, dans un siphon détaché. Le second tracé de la figure 13 montre bien nettement que ce tétanos est le résultat de la fusion de plusieurs contractions partielles, qui se confondent pour donner une contraction homogène. L’excitation mécanique et surtout l’excitation électrique du ► siphon d’une Pholade entière et bien portante donne toujours des courbes présentant une grande brusquerie dans le début de la con- traction réflexe et en général une grande amplitude, mais on conçoit facilement que cette amplitude puisse varier beaucoup avec la taille de l’animal. Qu’il s’agisse de l’excitation mécanique proprement dite ou de l’excitation électrique, j’ai toujours constaté que le temps perdu ou période d’excitation latente diminuait avec l’augmentation d’inten- sité de l’excitant. La période latente, dans un siphon excité au moyen d’une pile au bichromate de potasse et d’un courant n° 1 de la bobine de Dubois Reymond a atteint une durée de huit centièmes de seconde. 48 ANATOMIE ÊT PHYSIOLOGIE COMPARÉES tandis qu’elle a été seulement de cinq centièmes avec le m 2 de la même bobine. (1) Lorsque le siphon est isolé et placé dans une cuvette avec de l’eau de mer bien aérée, il continue d’y vivre pendant un jour ou deus. Il peut en être de même d’ailleurs dans une atmosphère humide. L’excitation violente produite par le traumatisme résultant de la section persiste longtemps dans le bout proximal de l'organe, mais, la contracture qui en résulte et qui d'ailleurs^ est très localisée, n’a d’autre effet que d’empêcher le siphon de s’anémier complètement. Avec la vitalité de l’organe, l’excilabilité mécanique s’éteint peu à peu du bout proximal vers l’extrémité du siphon. Ce sont d’abord les fibres longitudinales superficielles qui perdent les premières leur irritabilité; puis ensuite les fibres circu- laires qui représentent moriens des éléments contractiles du siphon. La sensibilité tactile on générale s'exerce donc 'par toute la sur- face externe du siphon ou elle se confont avec h irritabilité musculaire des éléments contractiles du système avertisseur . Elle existe aussi, bien que plus obscurément, sur la paroi interne des siphons et est plutôt amoindrie qu’exagérée au niveau des organes de Poli, qui répondent aus excitations mécaniques par une réaction spéciale (v. fonction photogénique). Toutefois^ il ne serait pas exact de dire que la sensibilité générale est absolument confondue avec la sensibilité tactile (1) Remarque. Quant aus autres niodifications imprimées aus contractions du siphon par les variations de l’excitation mécanique ou électrique, elles n’offrent qu’un intérêt secondaire parcequ’elles sont de même ordre que celles qui ont été observées pour les muscles en général. Il sera beaucoup plus intéressant de faire une analyse très exacte de ces phénomènes lorsqu’il s'agira d’étudier graphique- ment les contractions provoquées par un agent qui n’a pas encore été appliqué en rnyographie, comme excitant physiologique, je veus parler de la lumière. (1) (1) Postérieurement à la publication des principaus résultats de mes expériences M. d’Arsonval a publié, relativement à l’action de la lumière sur les muscles, d’inté- ressantes recherches, dont il sera question à propos de la vision dermatoptique. DE LA PHOLADE DACTYLE 49 |)roprement dite, chez la Pholade.il est manifeste au contraire que les véritables organes du tact sont les tentacules qui garnissent l’orifice du canal ventral. Ces appendices sont très mobiles : lorsque le ciel est pur et que l’eau est transparente, l’orifice du siphon est largement ouvert et la couronne de tentacules reste épanouie à l’orifice du trou que ne dépasse pas le siphon à l’état naturel. Mais il suffit du moindre ébranlement du sol ou du plus léger contact avec un corps étranger pour voir se fermer aussitôt la couronne tentaculaire, puis le siphon se rétracter en rejetant son contenu liquide. Lorsque le temps est sombre, ou l’eau trouble, les tentacules sont en général ramenés vers le centre de l’oritice du siphon, eomme si l’animal redoutait la pénétration inopinée d’un ennemi à la faveur de l’obscurité. Si quelque petit animal cherche à foi’cer la fragile barrière de dentelle formée par les tentacules à l’entrée du canal aspirateur, d’extrémité du siphon se resserre comme un sphincter et une véri- table trombe d’eau brusquement lancée par une contraction totale •du siphon peut rejeter au loin l’assaillant. Nous savons que la structure des tentacules ne diffère pas fon- damentalement de celle des autres parties du derme : toutefois les éléments contractiles qui s’y terminent sont notablement plus fins et plus déliés {pL ///, fig. S). Je naipu découvrir dans ces papilles tactiles aucune terminaison .nerveuse spéciale et il y a lieu dé admettre que les excitations tactiles, comme dans le thélotisme, mettent directement enjeu l ir- ritabilité des fibres contractiles superficielles , qui ébranlent consécu- tivement les éléments nerveus situés plus profondément. \ Si l’on ampute l’extrémité du siphon portant les tentacules, son orifice reste ouvert, mais au bout d’un temps relativement court (sis à huit jours) on voit de nouveaus tentacules repousser sur la €icatrice du siphon, comme cela se produit après l’amputation 'AT0M1E ET PHYSIOLOGIE COMPARÉES Mais si on fait agir la lumière'sur le siphon d‘une Pholade entière, c’est-à-dire relié ans centres ganglionnaires, on obtient des courbes présentant la plus grande analogie avec celles qui ont été fournies par les excitations tactiles et gustatives et dans lesquelles la contraction la pluslentese présente lapremière comme lïndiquent les deus tracés suivants. Fig. 31 Nous avons jvu précédemment i'. iS) comment on pouvait dissocier les deus contractions et montrer que l'excitation exté- rieure agissait directement sur le système avertisseur tandis que la seconde contraction, ou contraction secondaire, était de nature réflexe. Fig. 32 Lorsque Ton excite alternativement par la lumière et par l’électri- cité un siphon de Pholade^ l'excitabilité par ces deus agents ne disparaît pas simultanément par la fatigue. Quand l’excitation électrique est assez forte et assez prolongée on provoque assez rapidement la fatigue musculaire du siphon isolé ; mais si la fatigue a été produite dans l’obscurité et qu’on fasse tomber sur ce siphon fatigué par l’électricité un rayon de lumière on obtient encore une contj-action du système avertisseur. Nous ne croyons pas nécessaire de reproduire à propos de Paction de la lumière toutes les preuves que nous avons données I 85 DE Là PHOLADE dactyle pour établir riridépendance de la contraction primaire et de la contraction secondaire et nous admettrons, comme pour les autres sensations, que la première est le résultat d’une excitation directe et la seconde la conséquence d’un acte réflexe résultant de l’exci- tation mécanique des terminaisons nerveuses périphériques par les mouvements du système avertisseur. Il est donc bien établi que non seulement la Pholade voit sans yeus, mais qu’elle peut écrire ses impressions visuelles, comme elle écrit celle du tact et du goût. On est frappé en outre de l’analo- gie existant entre le mécanisme qui produit la contraction réflexe du siphon et celui qui préside à la contraction réflexe de l’iris quand un rayon lumineux vient frapper notre rétine. Mais on peut encore pousser plus loin la comparaison, comme nous allons le faire maintenant, en recherchant jusqu’à quel point la sensibilité visuelle de la peau d’un mollusque peut se rapprocher de celle de notre rétine. § 5.- Influence de la fatigue sur la fonction dermatoplique Avant d’entrer dans des recherches comparatives, qui nécessitent des évaluations numériques et la détermination des rapports exis- tant entrel’intensité et la qualité de l’excitant d’une partet la nature de l’effet qu’il produit de l’autre, il importe d’examiner, avec plus d’attention que nous ne l’avons fait jusqu5ci, les modifications pouvant résulter de la fatigue dans le fonctionnement du siphon ( 1 ) . (1)11 n'est peut-être pas inutile de rappeler ici que l’on appèle periocfe latentele temps qui s’écoule entre le moment où la lumière tombe sur la rétine dermatoptique et le début de la contraction qui est indiqué par celui de la courbe. 1j' amplitude de la contraction sè mesure par l’étendue de l’aire circonscrite par la courbe, d’une part et la ligne de zéro, de l’autre. Le maximum de Vamplitude ou amplitude maxima correspond à la distance maximale de la courbe à la ligne de zéro. La rapidité de la contraction est indiquée par l’inclinaison plus ou moins grande de la partie de la courbe comprise entre son point d’origine et son maximum. Enfin \di durée du travail est exprimée par la longueur de la courbe. NOTA. — Dans toutes nos expériences sur l’action de la lumière la rotation du cylindre enregistreur a toujours été la même (un tour en 80 secondes). 86 ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE COMPARÉES Un déterminisme expérimental rigoureux peut permettre de connaître les influences perturbatives étrangères, d’élucider et de mesurer leur action et par cela meme d^'annihiler leurs effets ou de les corriger. Toutefois, nous reconnaissons volontiers que la personnalité du mollusque n’en existera pas moins, mais par de nombreuses expé- riences nous avons appris qu’elle était limitée à la vigueur plus ou moins grande de ses réactions. D’un individu à l’autre la force déployée peut varier dans son intensité, mais non dans sa direction, sous l’influence d’un même excitant. En d’autres termes, le travail fourni dans des conditions identiques, par deus individus différents ne se distinguera pas par sa qualité mais seulement par sa quantité, La grandeur des aires circonscrites par les courbes variera avec la taille, la vigueur personnelle de l’animal, la longueur du siphon, mais si ces courbes ont été obtenues avec le même excitant, sur deus individus normaus elles auront la même forme générale et sous ce rapport on peut dire que la personnalité de notre mollusque est très limitée; d’ailleurs, au point de vue expérimental, rien n’est moins capricieux qu’une huître. Ce qui importe doncsurtout dans une étude comparative du genre de celle que nous allons entreprendre, c’est de déterminer très exactement les modifications quipeuvent seproduire chez un même individu au cours d’une expérience ou d’une série d’expériences. Si l’on fatigue par des excitations répétées le siphon d’une Pholade entière, on voit s’allonger considérablement la durée de lacontraction primaire en même temps que son amplitude diminue. Fig. 33 DE LA PHOLADE DACTYLE 87 La contraction secondaire n’apparaît plus que tardivement. Au contraire, lorsque l’animal n’est pas fatigué, cette contraction secondaire se montre très peu de temps après le début de la contraction primaire comme l’établit l’examen comparatif des figures 33 et 34. Fig. 34 La fatigue produite par l’action répétée d’un même excitant fait naître des réactions analogues à celles que l’on obtient en dimi- nuant considérablement l’intensitéde l’excitation, soit parl’éloigne- ment du foyer^ soit par l’emploi de radiations peu excitantes (radiations rouges par exemple.) A un certain moment, la fatigue peut être poussée assez loin pour que, sur un animal entier, la contraction secondaire fasse complètement défaut^, puis^, si l’on continue l’excitation^ c’est la contraction primaire qui disparaît à son tour et enfin l’animal tombe^ au point de vue de l’excitation lumineuse, dans l’inertie complète, alors que l’on peut encore provoquer des contractions par l’excitation galvanique ou méca- nique, comme je l’ai déjà indiqué. On peut suivre facilement les progrès de l’influence de la fatigue sur un siphon très robuste, de forte taille, excité à des intervalles de temps très rapprochés et seulement suffisants pour lui permettre de reprendre sa longueur primitive. Les tracés suivants ont été obtenus avec des excitations se succé- dant de cinq en cinq minutes^ la lampe étant placée à une distance fixe de 30 centimètres. Ces tracés donnent lieu aus remarques suivantes : La première excitation est toujours suivie d’une contraction beau- coup plus forte que les suivantes. Il semble qu’une certaine quan- tité de matériaus de réserve, de potentiel accumulé, se dépense 88 ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE C03IPARÉES brusquement au moment de la première contraction (ce fait est très constant), après quoi il s’établit un régime régulier. De l’examen des nombreus graphiques obtenus dans ces condi- tions^ on peut conclure que des excitations lumineuses de même intensité répétées à cinq minutes d'intervalle amènent après la j'remière contraction, toujours plus forte que celles qui suivent^, une augmentation de la durée de la période latente qui s’accroît sui- vant une progression arithmétique :n-\- n-j-3, n -|-4, etc. La durée du travail, c’est-à-dire le -temps pendant lequel se fait le raccourcissement du siphon et son allongement consécutif est toujours le même pour les contractions consécutives à la première, mais la valeur de ce travail mesuré par Faire circonscrite par la courbe devient de plus en plus faible. L’excitant restant le même, la pholade fatiguée travaillera aussi longtemps, mais fera, dans le même temps,, un travail moindre que si elle était reposée. La rapidité de la contraction, qui est très grande au moment de la première excitation, devientbeaucoup moindre pour les suivantes, ainsi que l’indique l’inclinaison de la courbe dans le début des divers tracés. Mais le temps qui s’écoule depuis le début de la con- traction jusqu'à son point maximal est à peu près constant pour les contractions consécutives à la première et varie, en général, de 9 à 11 secondes. En même temps, on peut voir dans les tracés reproduits dans les figures 35, 36, 37, 38, 39, 40 que l’amplitude maximale tombe de 22 millim. à 10 millim. puis à 7 millim., 5 millim., 4 miliim., 3 millim., et enfin à 0 millim. quand la fatigue est complète. Bien que l’on puisse arriver, en se plaçant dans de bonnes con- ditions, à évaluer, ainsi qu’on vient de le voir, la part qui revient à la fatigue dans des expériences consécutives, les résultats per- draient néanmoins beaucoup de leur netteté par des corrections, et il est préférable de ne pas avoir recours à ce moyen. D’ailleurs, l’expérience nous a appris que l’animal entier, lorsqu’il est placé dans des conditions favorables, peut réparer complètement, si on lui accorde un repos suffisant, les pertes résultant du travail qu'on lui a fait accomplir. DF. LA PHOl.ADE DACTYLE 89 i Fig. 37 90 ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE COMPARÉES ^ 1 n II' ■ fl II- J n L__n iL_ji__L__n Fig. 39 Fig. 40 DE LA PHOLADE DACTYLE 91 Bien plus, le siphon liii-même, quoique séparé du reste du corps et privé par conséquent de circulation, trouvera dans sa propre substance les éléments d’une réparation suffisante pour qu’il soit possible, en espaçant assez les excitations, d’obtenir une série de résultats absolument comparables. Dans plusieurs circonstances, j’ai même pu constater que la réparation d’un siphon isolé se faisait plus facilement et que sa résistance à la fatigue était plus grande que quand cet organe était encore attaché à l’animal. Ce résultat paradoxal ne peut guère se comprendre qu’en admettant que le repos d’un siphon isolé, dans l’intervalle des excitations, est plus complet que celui d’un siphon relié au système nerveux central, ce qui est en opposition avec certains faits d’expérience, dont je parlerai à propos de la fonction photogénique. Les tracés des figures 41 et 42 montrent bien nettement les effets de cette autoréparation et la curieuse résistance d’un siphon soilé. I! • Fig. 42 I 92 ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE COMPARÉES La figure 41 représente le dernier grapliique fourni par un siphon ayant servi pendant toute la journée à des expériences de fatigue. Après avoir laissé ce siphon reposer durant toute la nuit, on a pris le lendemain matin un tracé, la lampe étant placée^ comme dans la précédente expérience, à 120 centimètres et la durée de l’exci- tation dans les deus cas étant de deus secondes. Il est facile de reconnaître que l’amplitude de la seconde courbe est notablement plus considérable que celle de la première. Excitation d'un siphon d'heure en heure. — Durée de Vexcitation 2 secondes. — Laïnpe à gaz à 0,60 centimètres HEURES DURÉE CD secondes du travail AMPLITUDE maxima exprimée en millimètres DISTANCE du début de la contraction à ce maximum en millimètres PÉRIODE LATENTE exprimée en millimètres comptée depuis la fin de l’excitation PÉRIODE LATENTE exprimée en millimètres depuis le début de l’excitation 1 41 15 36 5 12 2 40 13 34 4.5 10 3 41 12 31 4 9.5 . 4 39 10 42 6 — 5 39 11 35 5 12 6 45 12 41 4 11.5 7 37 9 32 6 13 8 40 .10 36 6 13 9 40 10 31 5 12. 10 37 8 31 7 14 11 40 7 32 8 14 12 36 7 37 10 16 Le même siphon le lendemain 1 46 17 55 10 16 2 53 9 15 10 I' 3 51 10 45 K) 18 L’influence du repos l’a donc emporté, et de beaucoup, sur la diminution de vitalité que doit fatalement entraîner la mutilation nécessaire pour séparer le siphon de la Pholade. L’expérience a montré, à la suite de nombreus essais, que si les De là pDolade dactYlk 93 Pholades sont en bon état, la température convenable et beau de mer fraîche, un repos d'une heure est très suffisant pour obtenir des résultats comparables. Si les essais consécutifs sont peu nom- breus un intervalle d'un quart d’heure peut suffire, mais c’est là un minimum. Les tracés suivants, recueillis d’heure en heure, prouvent que pour les 8 à 9 premiers, au moins, pris dans la première journée, les variations produites par la fatigue sont négligeables. Les chiffres qui figurent à la fin de ce tableau montrent bien que l’autoréparation du siphon n’empêche pas la diminution de sa vitalité. On peut, avec la première contraction qui se produit après une nuit de repos, obtenir une courbe dont l’amplitude sera supé- rieure à celle qui est fournie à la fin d’une journée de travail, mais la diminution de la vitalité n’en est pas moins mise en évidence par la grande rapidité avec laquelle se produit la fatigue le lendemain. Malgré le repos d’une heure laissé entre chaque expérience, comme la veille, on voit que, dans deus essais succes- sifs, le maximum d’amplitude est tombé de 17 à 9 millim.. Mais ce n’est pas le seul signe auquel on peut reconnaître la diminution de la vitalité. Elle s’accuse encore par la lenteur avec laquelle se fait la contraction, qui n’atteint que tardivement son maximum, et enfin par l’allongement de la période latente. Ce résultat paraît dépendre beaucoup plus de la diminution d’excitabilité, ou mieux, d’irritabilité des segments contractiles du système avertisseur que de leur contractilité proprement dite. En général, on confont à tort l’excitabilité ou l’irritabilité de la fibre musculaire avec sa contractilité. Cependant une fibre muscu- laire peut avoir conservé toute sa puissance contractile, et pourra encore fournir la somme de travail normal alors qu’elle est devenue beaucoup plus paresseuse et répont moins facilement aus mêmes excitants. Il y a plus, si l’on fatigue un siphon isolé par un excitant déter- miné jusqu’à ce qu’il cesse de réagir sous son influence, on pourra encore provoquer des contractions de ce siphon en em- ployant un excitant d’une autre nature, alors même qu’il serait moins énergique que le précédent. 94 ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE COMPARÉES On dispose facilement un siphon de Pholade de telle façon qu’il soit excité alternativement par la lumière et par l’électricité. Or, dans plusieurs expériences, j’ai pu provoquer par la lumière des contractions de siphons placés dans l’obscurité et qui ne répon- daient plus à l’électricité, ni par leur système musculaire central, ni par leur système avertisseur, et réciproquement. Il semble rationnel de penser dans ces conditions, que ce n’est pas la con- tractilité, mais bien Tirritabilité des segments contractiles de l’avertisseur, qui est modifiée pour tel excitant et non pour tel autre. Mais cette diminution de l’excitabilité du système avertisseur peut encore recevoir une autre interprétation, si l’on admet que le segment contractile n’est mis en mouvement que sous l’influence d’une modification du segment pigmentaire produite par la lumière. Nous aurons à revenir ultérieurement sur ce point important. § 6. Influence de la température sur la fonction photodermatique La plupart de nos expériences ont été faites ausmois d’avril, de mai et de juin, mais quelques-unes aussi en hiver. Pendant celte saison les Pholades répondent moins facilement aus excitations, en partie, sans doute, à cause du ralentissement de l’activité de la nutrition générale. Mais la température seule a aussi une grande influence sur l’impressionnabilité du siphon pour la lumière. Pour étudier la loi à laquelle obéit cette cause perturbatrice, si impor- tante à connaître au point de vue du déterminisme expérimental, j’ai placé une Pholade dans de l’eau de mer, dont la température a été portée progressivement cle + 10* centigrades à +35*. Le dis- positif que j’ai décrit précédemment (v. /?. 78)^ permettait de suivre à l’extérieur les variations de la température, la Pholade étant maintenue à l’obscurité dans l’intervalle des excitations. Chaque fois que la température de l’eau de mer subissait une élé- vation de 5®, on faisait tomber pendant deus secondes, sur le siphon, la lumière d’une lampe à régulateur placée toujours à la même distance. DE LA PHOLADE DACTYLE 95 On a pu obtenir ainsi une série de courbes en fonction de tem- pératures croissantes (série ascendante). Inversement, la tempé- rature s’étant élevée à 35% on a éteint le petit bec de gaz de la chambre étuve et laissé la température de beau de mer s’abaisser lentement de + 35“ à -h 10% en prenant toujours de cinq en cinq degrés un tracé avec les mêmes précautions : j’ai obtenu ainsi une série de courbes, mais en fonction de températures décrois- santes (série descendante). Températures croissantes. SÉRIE ASCENDANTE Longueur de la période latente évaluée en millimètre + 10’ centig 0"020 /■ + 15- + 20’ + 25» + 30" + 35’ O^Olb 0“011 d 0-009 0“007 b 0-006 Cette série ascendante est très régulière et ses termes ô, c, e, /, peuvent se représenter de la façon suivante : b = a i, c = b-\-2, d = c-[-2 (probablement 3) e — + 4, / = e + 5. Donc : Quand la température s^élève, la durée de la période latente diminue de cinq en cinq degrés de quantités croissantes comme la suite des nombres naturels. Théoriquement on devrait avoir en partant de 4- 5® : a . . ^ . 5 b 5 + 1 6 c 5+i_^2 8 d 5-f- l-i-2 + 3 11 e ....... 5 + 1 + 2 + 3 + 4 15 /' 5 — |— 1 2 -}** -}— 4 — j— 5 .... 20 En représentant cette progression par une courbe, on recon- naîtra qu’elle appartient à une parabole, comme cela se produit 96 ANATOMIE ET PHYSlOLÔGiE COMPARÉES d’ordiaaire quand on enregistre les phénomènes de la nutrition en fonction du temps. Il résulte de cette expérience que l' irritabilité dermatoptique augmente avec la température suivant une loi très simple. SÉRIE DESCENDANTE L’étude des courbes de la série descendante nous a fourni les chiffres suivants : + 30’ 7-"5 + 25'^ 9'"'" + 20“ 10-“ + 15“ 14““ Bien que ces chiffres se succèdent ici moins régulièrement que dans la série ascendante, ils n’en suivent pas moins une loi analogue. Cette expérience donne lieu aus remarques suivantes : 1° Que la température soit ascendante ou descendante, la durée de la période latente sera très sensiblement la même pour un même degré de température ; 2® Cette durée diminue suivant une courbe parabolique avec l’élévation de la température ; elle augmente suivant une courbe inverse de même nature avec rabaissement de la température. L’amplitude de la contraction varie également avec la tempéra- ture croissante ou décroissante. Températures croissantes Maximum d’amplitude en millimètres + 10^ 15“ -f 20“ 0“012 -f 25» 0"011 + 30° -f 35“ Remakquè* — 11 ne faut pas oublier qu’il s’agit ici d’un système complexe com- prenant un segment épithélial et un segment contractile. Si l’action de la lumière se faisait sentir exclusivement sur le segment contractile, il est probable que la loi qui détermine le temps perdu en fonction de la température dans les contrac* lions des fibres lisses se confondrait exactement avec celle que j’ai indiquée. DE LA PHOLADE DACTYLE 97 Températures descendantes Maximum d’amplitude -f 30’ 0“00f -f 20“ 0”005 + 20“ 0"0075 + 18“ 0-013 + 15’ 0"013 La mesure des maxiina ne nous a pas donné de séries aussi régulières que celle des périodes latentes. Néanmoins on peut voir que si Télév^ation de la température, dans les limites que j'ai indiquées, augmente Firritabilité du système avertisseur, elle diminue assez rapidement sa puissance contractile. Nous voyons également que le séjour dans Teaii chauffée entre + 33“ et -j- 30“ amène un épuisement considérable du siphon, lequel se traduit par une chute remarquable de Tamplitude. Celle- ci augmente ensuite peu à peu pendant le refroidissement, mais sans retrouver sa valeur primitive pour des degrés correspondants dans la série ascendante et dans la série descendante. La compa- raison des distances existant dans les diffférentes courbes d’une même série, entre le début de la contraction et le point où elle atteint son maximum (relevé sur la ligne de zéro) permet de se rendre compte de la vitesse l’elative avec laquelle se fait, aus diverses températures, l’explosion du potentiel accumulé dans les muscles. On peut conclure de l’examen des courbes : 1“ Que r élévation progressive de la température^ jusqu à -[- SS'" accélère la vitesse de contraction. 2“ Que l'action prolongée dé une température élevée comprise entre -j- W et -j- Sd"" amène rapidement un épuisement qui agit d'une manière inverse en ralentissant la vitesse des contractions et en dimi- nuant simultanément leur amplitude. 3" Le maximum de rapidité de la contraction a lieu entre i 8 et -|- centigrades. Quant à la durée de la contraction elle est d'autant plus courte et V allongement consécutif du siphon se produit d' autant plus vite que Université de Lyon. — II. B. 7 98 ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE COMPARÉES ‘ la température est plus élevée. En d’autres termes^ la durée du travail est toujours abrégée par l’élévation de la température à partir du degré où le siphon peut commencer à se conlracler (1). Ces expériences montrent bien nettement que, pour obtenir des courbes comparables avec un meme animal, ou avec des animaus différents, il faut avoir soin d’opérer à une température constante. On obtient facilement ce résultat avec le dispositif qui nous a permis d’étudier Tinfluence des températures croissantes et décrois- santes. Nous n’avons eu que rarement recours cependant à ce procédé artificiel parce que nous possédons, à la Faculté des Sciences de Lyon, des sous-sols dont la température est suffi- samment constante et qui offrent en outre l’avantage d’être à l’abri des ébranlements. D’autre part, il ressort également de ces expériences que la température la plus favorable à la vitalité de l’animal, à la conser- vation de son énergie et de son excitabilité est comprise entre -|- 15° et 18°. On fera bien de descendre même jusqu’à + 10° si l’on veut obtenir de longues séries de tracés. § 7. Influence de la charge sur les contractions Dans l’emploi des myographes destinés à recueillir des courbes derrnatoptiques, il faut tenir compte de la charge que le siphon peut avoir à supporter ou de l’effort qu’il peut avoir à effectuer. Pour étudier les modifications imprimées à la contraction du siphon par le travail, on fixe la Pholade comme à l’ordinaire: Le bout du siphon est relié à un fil par une épingle de laiton. Le fil se réfléchit sur une poulie et est rendu rigide, dans la portion qui ne s’enroule pas, située entre la poulie et le siphon, par une tige de verre filé. Cette tige porte un stylet horizontal qui frotte sur le cylindre inscripteur posé verticalement. (1) Nota. — Danc ces expériences, je n’ai observé aucune contraction spontanée du siphon parce que les changements de température se sont faits progressivement. 11 n’en est pas de même quand la température change brusquement, par exemple quand on fait arriver dans la cuve un courant d’eau chaude ou simplement en chaulTant le vase récepteur par la partie inférieure. DE LA PHOLADE DACTYLE 99 La Pholade étant placée dans l’appareil et fixée comme d’habi- tude, on lui fait soulever des poids différents: 20^, 10^_, 5^, 2®^5 avec dis secondes d’éclairage à chaque excita- tion, la lampe étant distante de 12 cen- timètres. Ces expériences ont donné lieu ans remarques suivantes : 1* La rapidité de la contraction du siphon diminue quand la charge aug- mente, 2’ V amplitude diminue quand la charge augmente. 3“ La durée de la contraction aug- mente quand la charge diminue. 4* V allongement du siphon consécu- tif à son raccourcissement se produit plus rapidement arec des fortes charges. 3* La période latente diminue en meme temps que la charge. 6® Lorsque le siphon a eu à soulever une forte charge (20, 10, 5 grammes), après la première contraction réflexe, il y a toujours une ou plusieurs autres contractions., mais volontaires comme si ranimai voulait se débarrasser du poids qii il supporte if g . 4S). Ces résultats sont intéressants non- seulement au point de vue du détermi- nisme expérimental, mais encore parce qu’ils montrent que l’on peut se servir de notre méthode pour étudier le tra- vail produit sous l’influence d’un exci- tant nouveau, dont on peut facilement mesurer l’intensité. b 100 ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE COMPARÉES §8 Influence de IHntensit-é de ïéclairacje sur les contractions dermatoptiqiies , Si l’on fait tomber à intervalles égans et pendant des temps égaus sur le siphon d’une Pholade fraîchement séparé, la lumière d’une lampe munie d’un régulateur et placée à des distances crois- santes, en ayant soin de laisser reposer le siphon pendant un temps convenable entre chaque excitation, on constate que les courbes obtenues ne sont pas identiques. Dans les expériences qui nous ont fourni les tracés suivants avec le même siphon excité d’heure en heure, l’éclairage a duré deus secondes à chaque essai et la lampe munie d’un régulateur avait une valeur de dis bougies. Elle a été successivement éloignée du siphon à des distances de 0“^60 centim., 0“,70, 0“80, 0“90 et 1 mètre. Un simple coup d’œil jeté sur les courbes suivantes {fig. 44^ 45^ 46, 47 et 48) permet de constater d’abord qu’au furet à mesure que DE LA PHOLADE DACIYLE 102 ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE COMPARÉES l’on éloigne la lampe du siphon, c’est-à-dire que Von diminue V intensité de la lumière incidente^ la 'période latente s'allonge ; on Fig. 48 voit, d’autre part, que pendant que V amplitude diminue la distance au maximum n augmente pas sensiblement et que la durée du tra- vail 11 est pas notablement modifiée. Le système qui consiste à opérer par séries croissantes ou décrois- santes en éloignant la lampe de 10 en 10 centimètres, ou en la rapprochant, nous a paru défectueus pour la recherche des rela- tions numériques, en raison des faibles différences qui existent entre les diverses courbes et surtout parce qu’on ne se met pas ainsi suffisamment à l’abri de l’influence de la fatigue ou plutôt de l’épuisement. Il nous a semblé préférable d’opérer d’abord en mettant la lampe à 0“,20 puis à 0“,40 [fg, 49 et 50) et en répétant plusieurs fois la meme opération et à égal intervalle de temps. De cette façon, les effets de la fatigue et de l’épuisement pouvaient se répartir d’une manière plus uniforme sur toutes les courbes. Mais ces différences de dislances sont encore Irop faibles pour que l’on puisse aisément trouver les relations numériques. Le procédé qui nous a donné les meilleurs résultats consiste à exciter soit le siphon isolé, soit le siphon attaché à la Pholade, avec une lampe placée alternativement à dis centimètres du siphon et à un mètre. DE LA PHOLADE DACTYLE 103 Fig. 49 et 50 Les tracés suivanls [fiq. 5i et 5^) ont été obtenus avec une Pholacle entière. -de petite taille. La contraction primaire est à peine 104 ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE COMPARÉES visible, la contraction secondaire éclatant très-brusquement à dis centimètres de distance. La seconde courbe semble composée uniquement de la contraction primaire, ce qui n’a pas lieu de surprendre, puisque nous savons que dans les excitations très faibles quelles qu’elles soient^ la contraction secondaire fait d’ordi- naire défaut. Les mesures prises sur un grand nombre de tracés semblables montrent que, d’une manière très générale, \ amplitude de la courbe est dis fois plus grande quand l'intensité de V éclairage est cent fois plus forte. En opérant avec des siphons détachés, la distance au maximum s’est montrée sensiblement constante, quelle que soit l’intensité lumineuse. Celle-ci n’a donc pas d^influence sur la rapidité de la contraction du système avertisseur, ce qui est un point important à constater, comme nous le verrons bientôt à propos de la vision chromatique. Quant à la durée du travail^ dans cette seconde série d’expé- riences, elle ne s’est pas montrée notablement modifiée par l’inten- sité lumineuse ; mais nous n’avons pu avoir de mesures absolument exactes, le diamètre du cylindre enregistreur de Marey étant trop faible^ même avec la vitesse minima, pour obtenir des courbes complètes. Dans les figures ol et 52 la distance qui sépare le début de l’excitation du commencement de la courbe et qui exprime la valeur du temps perdu ou période latente, a été trouvée de 15 millimètres avec la lampe à 10 centimètres^ tandis qu’elle a atteint 40 millimètres la lampe étant portée à un mètre du siphon . Si l’on fait le quotient de ces deus nombres : on trouve ^ =2.66. Les tableaus suivants , construits d’après des expériences faites sur des individus différents, montrent que les résul- tats obtenus sont très sensiblement concordants , que l’on évalue la période d’excitation latente en millimètres ou en secondes. . ^ . _ . _ . Si l’on examine les rapports des chiffres exprimant la durée de la période latente dans un même essai fait avec lalampe à 10 puis à DE LA PHOLADE DACTYLE IOd 100 centimètres, on trouve que le quotient est toujours compris enire 2 et 3. Pholade entière. Durée de l'éclairage : /sec.5. Excitation toutes les i5 minutes. Période latente évaluée en millimètres. Lairpe à lO centimèt. I>ampe à lOO centimèt. 15 m/m 35 m/m 15 » 35 » Rapport ) 3G 6 _ 0 3^ 16 » 40 » des deus moyennes ) 15.5 16 » X {Le stylet n’a fas marqué). Moyenne 15. 5 Moyenne 36.6 2me expérience avec 2 sec, d’éclairage 15 m/m 35 m/m 19 . 45 * ^ 14^ = 2.38 „ des deus moyennes ) 17 Moyenne 17 Moyenne 40.6 a-ne expérience. Eclairage 2 sec. - Evaluation do la période latente en demi-secondes 1.5 .3 1.5 3 2 4 2 5 X le stylet n’a pas marqne' 4 2...., 4 2 4 2 6 1 0 ' — Rapport j 4,10 _ « Moyenne 1.71 Moyenne 4.1 des deus moyennes S 1.71 expérience. - Mêmes conditions que dans la précédente, mais « siphon coupé ». 2 5 2 6. Moyenne 2 Moyenne 4.66 - ^ Rapport \ 4.66 des deus moyennes ) 2 00 106 ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE COMPARÉES 5me expérience. — Mêmes conditions que dans l’expérience 4. 1 4 2.... 4 2 4,2 2. 6 Rapport j 4.80 2 6 des deus moyennes ^ 1.80 Moyenne 1.8 Moyenne 4.8 Par la méthode des mbyennes, on arrive au cliifTre de ^^39, qui exprime la valeur moyenne du rapport entre la durée de la période latente avec un foyer à 10 centimètres et avec le même foyer à 100 centimètres. L’expérience montre que la période latente diminue quand l’ex- pitation augmente: dans le cas qui nous occupe sa durée est envi- ron deus fois et demi plus petite quand Ja lampe est à 10 centimètres (I == 100) que lorsque ce même foyer est à 100 centimètres(l = 1). Si à ce temps perdu on ajoute celui qui résulte de l’inertie insé- parable des appareils mécaniques employés et aussi le temps pendant lequel se fait la contraction utile du système avertisseur de la Pholade, le chiffre 2.9 atteindra facilement 3. Or, il est curieus d’observer qu’il existe entre la valeur du temps correspondant à la période latente et à la contraction active du système avertisseur, certaines relations avec celle de la sensation elle-même fixée par la loi de Fechner. D’après celte loi la sensation croît suivant une proporlion arithmétique, quand l’excitation augmente suivant une progression géométrique. Dans notre expérience on pourrait éci’ire : 1 = 10 100 1000, etc. S = 1 2 3 etc. Quand fintensité lumineuse devient 100 fois plus grande^ la sensation devient 3 fois plus grande seulement. Mais nous remar- DE LA PHOLADE DACTYLE 107 quons aussi que le temps pendant lequel se fait l' impression-sen- sation (1) est trois fois moindre. On serait conduit à admettre que la sensation augmente enraison directe de la vitesse avec laquelle elle se produit. Cette vitesse peut donc servir de mesure de la sensation chez la Pholade, où elle peut cire facilement calculée. En outre, nous vciTons pins loin que j’ai pu mettre en évidence dans la peau de la Pholade le développement de modilicai tions éleciriques de même ordre que celles qui ont élé obser- vées par Holmgrcn, Dewar et Ghatin dans l’œil des veidébrés et de quelques invertébrés lorsqu’il est impressionné par la lumière. Or, on peut encore dans ce cas établir des relalions numériques entre la durée du temps pendant lequel se fait l’impression- sensation et le développement de la force électro-motrice. Dewar a, en effet, reconnu que la force électro-motrice développée dans l’œil frappé par une radiation lumineuse devenait trois fois plus grande quand l’intensité de cette radiation devenait cent fois plus forte. Partant de cet autre énoncé de la loi de Fecbner que la diffé- rence entre deus sensations est proportionnelle au logarithme du quotient des différentes intensités lumineuses, le physicien anglais admet que la force électro-motrice peut servir de mesure à la sen- sation puisque 3 — 1 = 2 et que 2 est précisément le logarithme de ou de 100. On peut admettre d’après ce qui précède que la vitesse de la sen- sation dans la rétine dermatoptique est en raison directe de la force électro-motrice qui s y développe sous l' influence de la lumière. De l’ensemble des faits exposés dans ce paragraphe on peut encore conclure que la peau de la Pholade sent avec une précision qui ne le cède en rien à celle de noire œil les plus légères diffé- rences d’intensité lumineuse . , (1; J’expliquer.'ii à la fin de ce travail ce que je désigne sons les noms d’impres- sion et de sensation : ce sont dens phénomènes distincts que l’on çonfont cq général sous la rubrique sensation. 108 ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE COMPARÉES § 9 Minimum d’intensité lumineuse perceptible. On trouve en éloignant la lampe jusqu’à ce que la lumière ne donne plus qu’une contraction imperceptible que la lueur la plus faible pour provoquer une sensation chez une Pholade bien exci- table est égale à 1/400 de bougie. La Pholade peut donc par la peau distinguer comme nous ^ avec notre rétine, de faibles clartés, ainsi que nos expériences prélimi- naires devaient d’ailleurs le faire supposer. §. 10 Influence de la durée de l’éclairage Malgré son état d’infériorité morphologique, la Pholade peut- elle, comme nous, saisir le passage d’un éclair? en d’autres termes un éclairage instantané peut-il agir sur la rétine dermatoptique d’une manière sensible. D’un grand nombre d’expériences faites avec l’ingéniens obtu- rateur de M. Chavanon [v. p. 80) le seul qui convienne dans ce cas, on peut conclure que, dans de bonnes conditions, avec une lampe de dis bougies placée à 0“,30, la durée minima de clarté sensible n’excède pas 2/100 de seconde. Mais à cette limite infé- rieure, il est très probable que la sensation provoquée par la rétine dermatoptique n’est pas transportée jusqu’aus centres nerveus ganglionnaires, ou est trop faible pour être perçue par eus; car on observe seulement alors la contraction de l’avertisseur, même sur les Pholades entières les plus sensibles. Parfois cependant, avec un éclairage de deus à trois centièmes de seconde, la contraction du système avertisseur peut être suivie d’une contraction secondaire réflexe, mais elle n’apparaît alors qu’au bout d’un temps fort long; celle-ci est en outre remarquable par son instantanéité^ sa brusquerie, qui rappelle celle de la DK LA'PHOLADE dactyle 109 Fig. 54 Fig. 57 HO ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE COMPARÉES détente d'un ressort {fig. oi et 55 ; la figure 55 n'est que la suite de la figure 54). Il existe des rapports évidents entre la forme générale de cette coorbe et celle que donnerait un siphon fatigué ou excité par des radiations peu actives (F. fig, 5), avec cette différence toutefois que dans le tracé o4-oo la contraction de l’avertisseur va en augmentant bien que très lentement jusqu'au moment où éclate la contraction secondaire. Les figures o6 et o7 montrent en outre que la Pholade peut apprécier la durée d’un éclairage très rapide, puisque déjà avec un écart de un à cleus centièmes de seconde, on obtient une différence dans l’amplitude de la contraction et dans la durée de la période latente. La rapidité de la contraction paraît elle-même modifiée, ce qui seiriblerait établir entre les effets des éclairages de très courte durée et les sensations chromatiques, certains rapports que nous signalerons dans le paragraphe suivant. Au-delà d’une certaine durée, la prolongation de la période d’éclairement ne semble avoir aucune importance. Je n’ai pu obtenir de contractions additionnelles avec de très courts éclairages, que lorsqu’ils étaient assez espacés et quand ils ne se succédaient pas pendant la période latente. Il est donc expérimentalement établi que la peau de la Pholade peut être impressionnée par un éclairage d'une durée extrêmement courte {^liOO de seconde). § H T)e la chromodermatopsie ou vision dermatoptique des couleurs Si l’on fait tomber par l’ouverture de l’obturateur successivement les différentes radiations simples du spectre solaire ou du spectre électrique, on constate que Fon peut provoquer des contractions du siphon isolé ou de celui d’une Pholade entière par toutes les radiations monochromatiques que notre œil peut distinguer. La Pholade est donc impressionnée par les mêmes couleurs que nous. Comme nous aussi, elle est insensible ans radiations ultra-violettes et ultra-rouges, ce qui démontre que les contractions observées, t)E LA PHOLADE DACTYLE 111 ne sont dues ni à des radiations chimiques, ni à des radiations calorifiques. On peut encore s’assurer que ces dernières n’ont aucune influence sur le phénomène en question, en interposant sur lè trajet des radiations lumineuses une cuve remplie d'une solution d’alun saturée : on obtiendra la même courbe avec la môme radia, tion, avant et après l’interposition de la solution athermane. Au contraire, le plus léger déplacement du prisme, lorsque la Pholade est éclairée par des radiations déterminées, franchement vertes par exemple, suffira pour provoquer une contraction dans le jaune- vert. On pourra, en outre, se convaincre par l’examen des graphiques que nous avons . reproduits dans ce paragraphe, que les diverses radiations simples du spectre donnent naissance à des réactions différentes. Mais on peut se demander s’il s’agit alors de véritables impres- sions colorées ou, plus exactement, de vraies sensations chroma- tiques? Ou bien si les différences observées dans les courbes obte- nues avec des radiations simples, monochromatiques ne tiennent pas simplement à des différences dans l’intensité lumineuse des diverses régions du spectre. (1) Je ne connais malheureusement aucune méthode photométrique qui permette de faire tomber sur un siphon de Pholade deus faisceaus de lumières monochromatiques différentes ayant la intemité lurnineuse , si ce n’est pourtant en éloignant plus ou moins le foyer lumineus jusqu’à ce que^, avec le même siphon, on ait obtenu deus contractions ayant meme amplitude, même durée, même période latente. Dans ce cas, ce sera le système avertisseur qui représentera la partie essentielle du photomètre et jouera le même rôle que notre œil dans les procédés spectrophotométriques ordinaires. (1) Getfe question a déjà été sommairement discutée dans l’article que j'ai fait paraître le 15 avril 1890, intitulé: JJne nouvelle théorie du méca7iisme des se^isa- tions visuelles. 11 est très prol)able que M. V. Willem assistaiit de zoologie à î' Université de Ga^id n’a pas eu connaissance de ce travail, ce qui est regrettable, car il eût pu parler de mes recherches avec uneplas grande compétence que celle qu’il a montrée dans unecourte notice bibliographique récemment publiée dans le bulletin scientifique de la France et de l’étranger (marsjl891). 112 ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE COMPARÉES Mais quoi que Ton fasse en admettant que les courbes obtenues puissent être comparables sous le rapport de l’amplitude^ de la durée, elles n’auront pas même forme et c’est ce qui prouve qu'il entre dans l’action d’une radiation colorée quelque chose de spé- cial, qui la caractérise et qui n’est pas l’intensité. Si l’on ne tient compte que de l’amplitude de la contraction, de sa durée et de celle de la période latente dans les tracés repré- sentés dans les figures o8, o9, 60, 61, 62 et obtenus au moyen d’un siphon isolé et de verres colorés placés devant une source lumi- neuse d’intensité constante, on sera peut-être tenté de croire que l’intensité lumineuse seule entre enjeu. Mais, avec un peu d’attention^ on remarquera que la forme de ces graphiques n’est pas la même que celle des tracés obtenus avec des intensités différentes d’une même source de lumière blanche (F. fiçj . 44, 45, 46, 47 , 48). On est frappé de la rapidité du départ de la contraction provoquée par les radiations vertes et jaunes, laquelle contraction atteint très vite son maximum d’am- plitude, tandis qu’au contraire les radiations violettes et rouges ne déterminent qu’une conlraction très paresseuse. Fig. 58 La comparaison des deus séries de courbes, dont je viens de parler_, permet encore une autre remarque, c’est que la rapidité de la contraction avec la lumière blanche est précisément intermé- diaire entre celle des radiations jaunes et vertes et celle des radiations violettes et rouges. Il semble donc que lorsque la t)E LA PHOLADE DACTYLE 113 Fig. 61 Université de Uyon. — II. B. Fig. 62 8 H 4 ANAT03IIE ET PHYSIOLOGIE COMPARÉES lumière blanche composée de toutes les radiations simples du spectre, tombe sur la rétine dermatoptique, ces excitants, d’acti- vités différentes, agissant simultanément, impriment à la contrac- tion dermatoptique une vitesse moyenne, qui correspont préci- sément à la sensation de lumière blanche. La vitesse de contraction qui se rapproche le plus de celle de la lumière blanche est celle du bleu et Ton sait combien facilement on passe de la sensation de lumière blanche à celle du bleu pâle, qui est la seule persis- tante avec les lumières composées de très faible clarté. La nuance qui se rapproche le plus du violet est arlificiellem.ent produite par un mélange de bleu et de rouge ; or, il est remarquable quelavitesse de contraction du violet soit précisément intermédiaire entre celle du bleu et celle du rouge ; il en est de même pour le mélange du jaune et du bleu qui donne la sensation du vert. Enfin, le mélange d’une radiation excitatrice d’une contraction très rapide, comme le vert, avec une radiation à contraction très lente, comme le rouge, donne encore une vitesse moyenne qui correspont à la sensation du blanc; on peut en dire autant du jaune et du bleu. Ainsi peuvent s’expliquer les couleurs complémentaires . Toutes les explications du mécanisme de la vision chromatique que nous connaissons ne reposent que sur des hypothèses. La théorie que nous proposons a le grand avantage, d’une part, d’être fondée sur des faits expé- rimentaus et, d'autre part, d’être d’une grande simplicité. Nous dirons donc que la sensation d'intensité lumineuse dépent de r amplitude de la contraction dermatoptique du système avertis- seur^ tandis que la sensation ehromatique résulte de la vitesse plus ou moins grande de cette contraction. Celte simple diminution de la rapidité de la contraction, qui va en s’accentuant du jaune au vert, au bleu, au violet et au rouge employés comme excitants, suffit pour modifier profondément le phénomène réflexe qui prent naissance, dans les ganglions sen- soriels de la Pholade entière et aussi la contraction des muscles centraus qui nous en révèlent l’existence. Pour chaque excitation chromatique particulière, la Pholade entière donne une courbe caractéristique résultant de l’action combinée du système aver- tisseur et du système moteur central du siphon. Dans les courbes DE LA PHOLÀDE DACTLE ii5 qui expriment la sensation du jaune, du vert, du bleu [ficj. 63, Si, 65) la contraction du système avertisseur se confont presque avec Fig. 64 Fig. 65 116 ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE COMPARÉES la contraction réflexe qui la suit de très près. Avec les radiations rouges {fig. 64) qui donnent une conlraclion paresseuse de l’aver- tisseur, les muscles centraus ne répondent que tardivement, ce qui permet de mieus distinguer ces deus mouvements l’un de l’autre. Au moyen des radiations spectrales violettes il ne m’a pas été possible d’obtenir autre chose que la contraction du système avertisseur ; il est permis dans ce cas de penser que, s’il y a sensa- tion avec cette radiation, elle peut n’etre pas perçue, même comme simple acte réflexe (perception inconsciente) (1). Avec chaque lumière monochromatique on peut obtenir une série de courbes variant avec l’intensité éclairante. Fig. 66 Si l’on prent pour commune mesure de l’intensité éclairante de deus lumières de nature différente l’amplitude de la contraction qu’elles provoquent, on est conduit à admettre pour la peau de la Pholade comme pour notre rétine que les différentes régions du spectre sont loin d’avoir le meme pouvoir éclairant. L amplitude maxima, de la contraction décroît, en effet, dans un spectre solaire selon é ordre suivant: jaune, vert, bleu, violet, rouge. Les tracés 58, 59, 60, 61, 62 nous donnent les valeurs suivantes exprimées en millimètres. Ces valeurs sont variables bien entendu avec la taille de l’animal et l’intensité du foyer éclairant, mais toujours à peu près respectivement proportionnelles entre elles. Jaune : 13 millim. ; vert : 10 millim. ; bleu : 8 millim. ; violet : 5 millim. : rouge : 3 millim. (D Remaeque. — Dans les conclusions de ce travail je donnerai la définition de ce que l’on doit entendre, seloti moi, par sensation et perception. DE LA PHOLADE DACTYLE 117 Dans une expérience, j'ai cherché à comparer l’amplitude d’une courbe obtenue au moyen d’un foyer déterminé de lumière blanche, avec les courbes provoquées par ce même foyer après interposi- tion d’une série de verres de couleurs, j’ai trouvé les chiffres suivants : Hauteur maxima de la courbe dans la lumière blanche — 22““ « « « verte = 11 « (c « jaune = 8 a « « bleue = 6 (( « violet = X (( « « rouge = 1 Par suite de la mauvaise qualité du verre violet, je n’ai eu aucune réaction dans cette lumière, mais si on additione les valeurs obtenues avec les autres radiations colorées composantes du foyer de la lumière blanche on trouve le chiffre 26, qui se rapproche sensiblement du nombre 22. Si la lumière violette avait produit une réaction, le chiffre 26 fût peut-être devenu 29, mais le résultat n’aurait eu rien de surprenant étant donné que les verres employés n’étaient pas monochromatiques. Il serait intéressant de l'efaire cette expérience dans de meilleures conditions, pourtant elle déjà suffisante pour montrer que les intensités 'partielles des radiations composantes du spectre s ajoutent pour constituer r inten- sité éclairante du foyer qu elles forment par leur réunion. La période latente de contraction a une durée variable avec la nature de la radiation excitante. Voici les valeurs respectives exprimées en demi-secondes que j’ai trouvées dans une expérience : Jaune : 1,5 ; vert : 2 ; bleu : 2,5 ; violet : 3 ; rouge : 4. La durée de la période latente augmente donc du jaune au vert, du vert au bleu, du bleu au violet, du violet au rouge et cela d'une manière très générale (1). (1) Remarque. — L’énoncé de cette loi paraît être en contradiction avec celui qui figure dans ma note des Comptes-rendus de l’Académie des Sciences du 19 août 1889 intitulée « sur l’action des agents modiücateurs de la contraction photodermatique chez le Pholas dactylus » ce qui tient à ce que l’on a imprimé par erreur le mot décroît au lieu du mot croit. 118 ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE COMPARÉES Avec la lumière blanche et avec les diverses lumières simples, je n’ai pu saisir aucune différence entre la durée minima de Téclairage nécessaire pour provoquer une contraction : Cette durée minima a été trouvée, comme pour la lumière blanche, de deus à Irois centièmes de seconde. Quant à la durée de la contraction, qui doit, dans notre esprit, exprimer la persistance de la sensation chromatique, elle a toujours été en décroissant dans Tordre suivant : blanc, vert, jaune, rouge. Mes expériences relatives à la fatigue résultant des excitations répétées avec les diverses radiations spectrales sont trop peu nom- breuses pour qu’il soit permis d’en tirer des conclusions générales. Je dirai seulement que l’irritabilité dermatoptique m’a semblé diminuer plus rapidement avec les radiations rouges qu’avec les radiations vertes, bien que ces dernières agissent plus fortement sur le système avertisseur. Passage dune radiation colorée à une autre. — Lorsqu’une Pholade est placée dans une région déterminée du spectre solaire, on peut, en faisant tourner légèrement autour de son axe, le prisme dediffraclion, faire tomber sans transition brusque sur le siphon une radiation d’une longueur d’onde différente. J’ai constaté ainsi que le passçige du rouge au vert, du violet au vert et du bleu au vert et au jaune provoquait toujours une contraction. Dans deus expé- riences, le passage du vert au rouge a donné lieu manifestement, à un allongement du siphon suivi d’une contraction, puis d’un second allongement [fuj. 66 et 67). Ces résultats expérimentaus me paraissent dus surtout au chan- gement d’intensité éclairante, à moins que Ton admette que la contraction du système avertisseur n’est jamais aussi complète pour les radiations excitatrices des contractions lentes que pour les radiations à excitation rapide. Nos résultats, encore incom- plets sur ce point, ne nous permettent pas de nous prononcer quant à présent. De l'ensemble de nos expériences, il résulte que la sensation d'inten- sité lumineuse est f onction pour un même individu, de l'amplitude DE LA PHOLADE DACIVLE H9 120 ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE COMPARÉES du mouvement de V avertisseur et que la sensation de couleur est déterminée par la rapidité de ce mouvement , comme dans V audition la hauteur d'un son est fonction de la rapidité des vibrations sonores et son intensité de T amplitude de celles-ci. (1) Les expériences suivantes vont nous montrer maintenant com- bien sont défectueus les procédés employés jusqu’à ce jour par certains observateurs qui nous ont précédé dans Tétude expérL mentale de la vision chez les invertébrés . Ces procédés consistent à placer des animaus sous des verres transparents ou opaques, ou sous des verres plus ou moins forte- ment colorés, ou enfin dans le spectre solaire, pour voir s’ils ont quelque préférence marquée pour tel ou tel éclairage, pour telle ou telle couleur. D’autrefois, comme Lubbock l’a fait pour les guêpes^on déposait des aliments sur des papiers de différentes cou- leurs pour savoir si les insectes pourraient ensuite les reconnaître; d’autres encore ont tiré d’ingénieuses conclusions des préférences que montrent les insectes pour les fleurs dont les pétales sont colorés. La méthode « photokinétique », employée surtout par Graber et à laquelle on devrait presque entièrement^ d’après M. Willem, le peu de données que nous possédons sur la percep- tion des couleurs par les animaus aveugles, aurait conduit celui qui l’aurait appliquée à Pétude de la vision dermatoptique chez la Pholade à déclarer que celle-ci n’existait pas, au moins pour les radiations colorées. Mais il ne s’en suit pas fatalement, de ce qu’un animal ne manifeste aucune préférence soit pour tel ou tel éclai- rage, soit pour telle ou telle couleur, qu’il n’en ait pas la sensation, ainsi que nous allons le voir. La Pholade, comme je l’ai indiqué au commencement de ce travail, est, il est vrai, dans l’impossibilité de changer de place quand elle est extraite de son trou, dans lequel, d’ailleurs, elle ne (1) Ces recherches expérimentales établissant qu’il n’existe aucun rapport entre l’ordre de réfrangibilité des radiations spectrales et celui des effets physiologiques qu’elles produisent, nous ne nous attarderons pas à discuter ici la théorie de Handl {Uebtr den Farhensinn der Thiere und die Vertheilung der Energie in s'peetrum. Sitzungs h. pk, Akad. d. Wiss. Wien„ 94 ter Band, 1886.) après laquelle l’intensité des perceptions est à peu prés proportionnelle à la quantité d’énergie contenue dans les rayons lumineus qui les provoquent. DE LA PHOLADE DACTYLE 121 fait que tourner, mais elle peut allonger considérablement son siphon dans toutes les directions. Or, il m’a été impossible de découvrir chez ce mollusque la moindre préférence, soit pour la lumière, soit pour l’obscurité, soit pour une radiation colorée quelconque. 11 ne donne des manifestations de sensibilité optique que lorsqu’il passe de l’obscurité à la lumière ou inversement de la lumière à l’obscurité, ou bien encore d’une radiation colorée à une autre. Mais il faut pour la lumière comme pour la chaleur d’ailleurs, que ce passage soit assez brusque. S’il se fait lentement, il n’y a pas de réaction appréciable. Ainsi lorsque la Pholade a étendu son siphon, le passage du jour à la nuit ne lui fait subir aucune modification sensible tandis qu’elle réagit sous l’influence d’un nuage de fumée qui passe. J’ai entretenu pendant très longtemps des Pholades bien vivantes tantôt couchées dans des cuvettes, tantôt plantées verti- calement dans de l’argile et immergées dans de l’eau de mer. Dans une première série d’expériences, les vases étaient recou- verts d’un côté par une glace transparente et de l’autre par une glace opaque ou simplement dépolie, de telle façon que le siphon pouvait s’incliner soit du côté de la lumière, soit du côté de l’obs- curité ou de la lumière diffuse. Dans aucune de ces expériences, je n’ai vu les Pholades choisir un genre d’éclairage plutôt qu’un autre. Les verres colorés ne m’ont pas donné de résultats plus con- cluants, bien que j’aie disposé ces verres de beaucoup de manières, mais le plus souvent pourtant en recouvrant le récipient avec deus verres de couleurs complémentaires juxtaposés. Après vingt-et-une expériences, j’ai été amené à constater que la Pholade ré avait de préférence marquée pour aucune couleur. Dans tous ces essais, la lumière venait directement d’en haut. §. 12 Phénomènes électriques produits dans le siphon de la Pholade par r action de la lumière L’ensemble de tous les faits d’observation et d’expérimentation que nous avons exposés dans le chapitre précédent prouvent déjà que les propriétés physiologiques de la peau de la Pholade se rap- 122 ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE COMPARÉES prochent singulièrement de celles de rœilhumaiu, mais la compa- raison peut-être poussée plus loin encore. Holmgren (l),Dewar (2)_, Chalin (3), ont établi qu’il se produisait une variation négative (courant d’action de Hermann) dans le nerf optique de la Grenouille et de certains animaus invertébrés toutes les fois que l’on faisait tomber sur la rétine d’un œil placé dans l’obscurité une radiation lumineuse. J ai cherché si l’on ne pouvait pas provoquer le même phénomène en substituant à la rétine la peau de la Pholade, que j’ai appelée en raison de ses propriétés similaires, rétine dermatoptique, et au nerf optique la couche neuro-conjonctive situé à sa face profonde. Pour cette expérience, la Pholade était couchée horizontalement sur une serviette imbibée d’eau de mer et placée dans une cuvette. Au-dessus de la cuvette, on avait disposé une glace inclinée de 45® sur laquelle on pouvait projeter un faisceau de lumière fourni par une lampe à éclairage oxhydrique. Le faisceau de lumière réfléchi par laglace venait frapper normalement la surface du siphon. L’ex- périence était faite dans le cabinet noir au moyen d’un galvanomètre de Thompson très sensible, dont les fils conducteurs étaient ter- minés par des électrodes impolarisables de D’Asonval. Une des électrodes était mise en contact avec la surface du siphon et l’autre avec une coupe transversale de cet organe obtenue en pratiquant une petite fenêtre dans sa paroi. Au moyen d’un dispositif spécial, on pouvait suivre les déviations de l’aiguille du galvanomètre sans éclairer le siphon de la Pholade. Dans chaque essai, la durée de l’éclairage était de trois secondes et chaque fois que la lumière était projetée sur le siphon, il se produisait trois déviations successives de l’aiguille galvanomé- trique. Les deus premières étaient de même sens : la surface du siphon présentait une tension négative, tandis que la section était positive par rapport à la surface. La troisième déviation était de (1) Holmgren cité dans Beaunis : Physiologie 3® édition, t. II, p. 526. (2) Dewar, Action -physiologique de la lumière (Rev. sc. 2® série, 6® année, n® 53 et ibid. ; 2® année, 5® série, n° 22 p. 518, 1875). (3) .1. Gbalin : Contributions expérimentales à l'étude de la chromatopsie chez les balra-'Âens, les crustacés et les insectes. Paris, 1881. DE LA PHOLADE DACTYLE 123 sens inverse plus forle et plus prolongée que les deus premières et ne survenait que lardivement. La première et la seconde déviation correspondaient à la con- traction primaire et à la contraction secondaire/tandis que la troi- sième survenait pendant le retour du siphon à sa longueur primi- tive, c’est-à-dire pendant son allongement. §. 13 Du mécanisme de la vision dermatoptique dans ses rapports avec le fonctionnement de la rétine Il n’est pas surprenant qu’il se produise des courants d’action^ là où il y a contraction musculaire manifeste ; mais ce qui est vérita- blement important c’est que l’on puisse expliquer de la même manière la production des phénomènes électriques dans la rétine constatée par Holmgren, Dewar, Chatin. Une même interpré- tation de ces phénomènes est d’autant plus admissible que l’on sait que la rétine est aussi le siège de mouvements se manifestant sous l’influence de l’excitation lumineuse. Depuis longtemps déjà on connaît l’allongement et le raccourcissement des franges des cellules pigmentaires de la rétine provoqués par les modifications de l’éclairage du fond de l’œil, mais en outre, Engehlmann et von Deren Stort {i),ont démontré que chez les vertébrés les cônes et les bâtonnets rétiniens pouvaient se contracter sous l’influence de la lumière. On est également frappé des relations qui existent, d’une part, entre la nature des radiations colorées et la force électro-motrice développée par celles-ci dans l’œil qui les reçoit, et, d’autre part, entre la nature de ces mêmes radiations et leur pouvoir excito- dermatoptique. Chatin a démontré que les radiations rouges déve- loppaient le moins de force électro-motrice; or, nous voyons que (1) Enghelmann, Veher Bevoegungen der Zapfen und pigmenten Zellen der Netzhaut unter den Einflusse des Lichtes und nerven Systems. Pluger's. Arch. f. d. Ges. phys. XXXV, p. 498. 124 ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE COMPARÉES les mêmes radiations jouissent également du pouvoir excito-moteur dermatoptique le plus faible tandis que le jaune et le vert pos- sèdent, au contrai le, au point de vue électro-moteur et excito- moteur, la plus grande activité. Si Ton rapproche ces faits de ceux qui viennent d'être décou- verts tout récemment par M. D’Arsonval (1), on sera d’autant plus convaincu de l’importance de leur groupement que jusqu’à présent aucune théorie n’a pu donner de l’ensemble des notions relatives au mécanisme delà vision une explication satisfaisante. Cet habile expérimentateur fait tomber le faisceau lumineus d’un puissant arc électrique sur une patte de grenouille, sur un nerf et sur un muscle et n’observe aucune modification d’ordre physiologique : il fait alors passer un courant d’induction d’une bobine de Dubois Reymond au seuil d’excitation et continue l’éclairage: il se produit alors un léger tremblement des muscles, mais on n’obtient rien P en agissant de la même façon sur le nerf moteur. On sait, d’autre paid, que la rétine est le siège de réactions moléculaires importantes, qui s’accomplissent sous l’influence de la lumière. On peut admettre que ces phénomènes ont pour effet de mettre les cônes et les bâtonnets dans un état électrique par- culier qui les rent directement impressionnables par la lumière, ou bien qu’ils sont assez puissants pour mettre en jeu la contrac- tibilité de ces éléments. En tout cas, on ne peut pas dire qu’à l’état normalldi fibre con- tractile soit directement excitable par la lumière : il faut toujours qu’elle soit en connexion plus ou moins directe avec des éléments pigmentaires qu’il s’agisse de la rétine, de la peau de la Pholade ou encore de l’iris de l’anguille ou d’autres vertébrés inférieurs, dont Brown-Séquard a depuis longtemps déjà démontré la contraction sous ^influence directe de la lumière (2). Dans la rétine oculaire et dans la rétine dermatoptique, cette (1) D’Arsonval. — La fibre musculaire est directement excitable lo- lumière. Soc. de biol. 9 mai 1891, Sér. 9, T. III, p. 318. (2) Brown-Séquard. Recherches expérimentales sur V influence de la lumière, du froid, et de la chaleur sur l’iris. Jonrnil de la Physiologie, 1859. (3) Les éléments pigmentaires ne sont pas seulement le siège de phénomènes DE LA PHOLADE DACTYLE m connexité de Télément pigmentaire et de l’élément contractile est très étroite. On peut en juger en jetant les yeus comparativement sur les microphotogravures représentant la coupe d’une rétine de caméléon (fig. pL VI), ou d’une rétine de lamproie [fig. 2, pi. VU) et sur la coupe, également reproduite en microphoto- gravures des papilles du siphon de la Pholade. L’examen micros- copique permet encore miens de se rendre compte de la continuité de ces éléments (1) que j’ai, pour cette raison, désignés respecti- vement sous le nom de segment pigmentaire et de segment con- tractile. J’ai insisté àé\h[v.p. et suivantes) sur les relations étroites qui existent entre les éléments fondamentaus de la couche myo- épithéliale du siphon et cens que l’on a rencontrés dans les yeus de divei's mollusques et montré comment on pouvait les consi- dérer comme les homologues des rétinulæ et des rétinophoræ de Palten. Enfin, si Ton descent plus bas, dans la série animale on aper- çoit des analogies encore plus frappantes entre la structure d’un œil proprement dit et celle de la rétine dermatoptique. Chez certains cœlentérés et particulièrement chez la Lizzia Kœllikeri l’organe oculaire est fondamentalement composé de fibres formées de trois segments distincts : un segmentœxterne pigmentaire^ un segment moyen renflé en fuseau et très probablement contractile et un segment profond. En raison de la continuité de ces trois segments leur ensemble peut être considéré comme représentant un élément neuro-myo-épithélial (2). moléculaires d’ordre chimico-physiologique ou bio-chimiques; des travaus récents (V. Bataillon : Recherches anatomiques et expérimentales sur la métamor^ phase des Anoures. Annales de TUniversilé de Lyon, T. II, fasc. 1, 1891.) ont montré que le noyau des cellules pouvaient émettre de fins boyaus capables de sortir de l’élément et de se mettre en contact intime avec des éléments voisins. La production de matière pigmentaire pouvant être déterminée par la lumière, il se peut que ces prolongements, qui représenteraient alors les franges pigmentaires dans la rétine soient susceptibles d’agir mécaniquement sur l’irritabilité des cônes et des bâtonnets. (1) Dubois et Benaut : Sur la contmuité de V épithélium pigmenté de la rétine arec les segments externes des cônes et des bâtonnets et de la râleur morpho^ logique de cette disposition chez les vertébrés. G. R. T. GIX, 747. (2) J. Ghatin : Les organes des sens, Paris, 1880, p. 713. 126 ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE COMPARÉES En résumé, nos recherches nous conduisent à admettre que la lumière agit sur le segment pigmentaire du système avertisseur ; les modifications qui s'y produisent mettent en jeu /’irritabilité du segment contractile et celui-ci à son tour excite mécaniquement les terminaisons nerveuses. La sensation d'intensité dépent de l'ampli- tude des contractions du segment moyen et les sensations chroma- tiques de leur rapidité. Il se passe donc dans la profondeur de la peau du siphon de la P holade un phénomène tactile d'une nature particulière , qui provoque des réactions analogues à celles ausquelles on a donné le nom de phosphènes . D'antre part, l'anatomie et la physiologie comparées s' accordent pour faire admettre que notre théorie de la vision dermatoptique est parfaitement applicable à la vision oculaire. IV,. DU MÉCANISME DES SENSATIONS EN GÉNÉRAL Il résulte des faits exposés dans les chapitres précédents que, chez la Pholade, les sensations gustatives, olfactives, visuelles et tactiles se produisent par un mécanisme très anologue. Ce ne sont pas ici, comme on l’admet généralement pour les autres animaus,les terminaisons nerveuses sensorielles quisontprimitivement excitées. Entre celles-ci et l’excitant extérieur (corps sapide ou odorant, radiation lumineuse) se place un intermédiaire, qui transforme en excitations mécaniques proprement dites les impressions produites parles agents chimiques ou physiques susceptibles de faire naître des sensations Ce transformateur, cet interprète pourrait-on dire, des influences étrangères réagit par son irritabilité’., celle-ci se manifeste toujours par une contraction, c’est-à-dire par un mouve- ment. Ce mouvement interne excite mécaniquement la terminaison nerveuse, comme si onia touchait : il a son siège dans ce que j’ai appelé le système avertisseur. Chez la Pholade, le tact s’exerce par le même mécanisme que celui qui préside ans sensations ayant, chez beaucoup d'autres animaus, leur origine dans des organes sensoriels différenciés, dont notre mollusque est dépourvu. DE LA PtîOLÀDE DACTYLE 127 Mais on conçoit facilement que la présence dun intermédiaire contractile devienne inutile quand l’excitant extérieur agit lui- même mécaniquement, soit par traction, soit par pression. Dans la peau, les muqueuses, la cornée chez l’homme, les termi- naisons tactiles, très superficiellement situées peuvent être excilées directement. On retrouve au contraire, un mécanisme tactile analogue à celui de la Pholade quand ces terminaisons sont situées dans la profon- deur des organes : tel est, par exemple, celui qui assure l’exercice du sens musculaire et prohahlement aussi de diverses autres sensations internes. Il arrive même parfois que l’on rencontre à la périphérie de notre propre organisme des dispositions morphologiques et des réactions physiologiques, qui rappèlent absolument celles de la peau de la Pholade. On a cru pendant longtemps que le thélotisme ou érection du mamelon chez la femme était dû à une action rellexe. J’ai démontré [v. partie, chap, I.) sur des sujets anesthésiés profondément par le chloroforme, chez des histériques plus ou moins complète- ment privées de sensibilité tactile et au moyen de pièces fournies par des amputations du sein, que les fibres musculaires du mamelon sont directement excitables et que le thélotisme est dû à leur irrita- bilité propre. Il m’a, en outre, été permis de constater avec M. A Carrier, médecin de l’Antiquaille, que la sensation particulière, qui accom- pagne le thélotisme est consécutive à la contraction des fibres lisses et qu’il ne résulte pas de l’excitation des terminaisons ner- veuses périphériques superticielles. Quant aus relations anato- miques entre l’épithélium, les fibres lisses et le système nerveus, elles sont de même ordre que celles qui existent entre les parties correspondantes du tégument de la Pholade. La connaissance de ces mécanismes particuliers montre bien la transition, dans l’organisme humain, enti'e le sens du tact et ceus qui ont leur siège dans les organes sensoriels. En outre, l’analogie morphologique que nous avons établie entre les éléments fondamentaus des rétines pholodermatique et oculaire, 128 ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE COMPAREES d’une part, et la cellule visuelle neuro-myo-épithéliale de l’œil de la Lizzia Kœllikeri, d’autre part, peut être étendue à tous les éléments anatomiques fondamentaus des organes des sens spéciaus. Si l’on considère, dans la série animale, ce que Ton nomme une fibre olfactive, gustative ou auditive, on y pourra reconnaître tou- jours trois parties bien distinctes, quoique continues. Le segment externe affecte le plus souvent la forme d’une cellule épithéliale, pigmentaire ou non pigmentaire, plus ou moins allongée, celle d’un bâtonnet cylindrique, parfois meme d’un simple poil. A ce segment externe succède de dehors en dedans, une partie ordi- nairement renflée vers son milieu présentant parfois des stries transversales analogues à celles des muscles volontaires. Cefuseau plus ou moins étiré, qui est l’analogue et en même temps l’homo- logue des cônes et des bâtonnets contractiles de la rétine, se continue plus profondément par une fibre nerveuse présentant sou- vent des renflements en chapelet ou par une cellule nerveuse bien caractérisée. Sous l’influence des modificateurs ou excitants externes de nature physique, chimique ou mécanique, l’irritabilité du segment moyen est mise enjeu, il se contracte et actionne mécaniquement la ter- minaison nerveuse. Il en résulte un premier phénomène complexe que j’appelerai impression-sensation. V impression reste localisée dans les segments externe et moyen. Dans la rétine, elle est représentée, par exemple, par les modifications moléculaires, qui se produisent dans le segment épithélial pigmentaire sous l’influence de la lumière et par la con- traction des cônes ou des bâtonnets. La sensation se compose exclusivement de l’ébranlement de la terminaison nerveuse provoquée par l’impression. L’impression et la sensation, ainsi définies, ont leur siège dans les organes des sens, quelle que soit d’ailleurs leur nature. La sensation est latente ou bien elle est perçue. Dans ce dernier cas, l’ébranlement nerveus périphérique se transmet de proche en proche le long des nerfs qui se rendent ans centres percepteurs et y éveille la perception. CMq perception peut être inconsciente., son existence ne nous est 129 iïE LA PHOLADE DACTYLE alors révélée que par une de ces manifestations automatiques ou involontaires que l’on désigne communément sous le nom d’actes rétlexes. D’autre fois, la perceptiou est consciente : elle se traduit alors par un acte volontaire, par une pensée résiiltaut de ia répercussion d’une perception primitivement inconsciente sur les centres ner- veus supérieurs, qui sont le siège de l’intelligence. Quand nous une odeur, une saveur ou une lumière, on ne doit pas dire qu’il y a sensation olfactive, gustative ou visuelle ce qui ne peut que jeter la confusion dans l’idée précise que Ton doit avoir, en psycho-physiologie, delà nature et de l’ordre de suc- cession des phénomènes. Dans notre théorie, qui repose à la fois sur l’expérimentation, sur l’observation et sur le raisonnement, toute sensation résulte donc d’un mouvement interne, qui transforme en excitation méca- nique tous les existants extérieurs^ de nature soit chimique soit physique. Tous les phénomènes sensoriels se trouvent ainsi réduits à des phénomènes tactiles, dont l’excitant mécanique est tantôt extérieur et tantôt intérieur. La notion de sensation se simplifie alors considérablement, car on n’a plus à tenir compte que d’un seul genre d’excitant, l’exci- tant mécanique. Or, celui-ci ne peut varier que de deus manières : soit en quan- tité, soit en qualité; comme tout autre mouvement, il sera carac- térisé par son amplitude et par sa vitesse. Avec ces deus variables, on peut distinguer toutes les sensations^ ainsi que cela ressort nettement de l’examen des graphiques fournis par la Pholade réagissant sous l’influence des excitants les plus divers. Quant aus perceptions, elles varieront suivant la spécialité des centres où se répercutent, avec des rythmes et des mesures diverses, les ébranlements périphériques. De même que les radiations du spectre lumineus ne peuvent dif- férer entre elles que par la vitesse ou l’amplitude des ondulations et que les mouvements qui déterminent les sensations auditives ne Université de Lyon. — II. B. 9 130 ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE COMPARÉES se distinguent que par leur rapidité ou leur grandeur, de même les sensations pourront être considérées comme des mouvements dont la diversité dépent uniquement du rythme et de la mesure qui sont propres à chacun d’eux. Cette théorie n’est pas de celles qui peuvent nous surprendre par leur étrangeté ou par leur éclosion inopinée. Les philosophes de l’Antiquité en ont eu bien évidemment l’intuition, ainsi que le prouve ce passage d’Aristote qu’on trouve au chapitre XIII du livre III du Traité de Vâme : « xvs’j jxsv yxp oùSejxixv svSsysTXi aiaOïiatv â'ysiv t l’animal ne peut sans le toucher avoir aucun autre sens », et plus loin : « xociTot xac tx xXlx xtaO'/iT'^pix x(p*^ xi(jOxv£TXi, èXhk, 01 ’ £T£pov : pourtant les autres organes (sensoriels) sentent aussi par le toucher; mais c’est au travers d’une chose intermédiaire » ; tandis que le toucher est le seul qui paraisse sentir directement par lui-même : « xott} Sè Soxsï fXOVY) Si’ XÙT'^; » . Avant Aristote, Démocrite et la plupart des physiologues pensaient que chaque sens n’était qu’une sorte de toucher, mais ils distinguaient un toucher extérieur et un toucher intérieur. A propos des rapports et des différences existant entre le toucher véritable et Touie Théophraste, dans le De sensibus (§ 55), fait la rétlexion suivante : « ''Qgtzso oùv I/.toç tuoisÏ tt) xo'^ttîv xio^TiOiv, ootco xxi Ivtoç : pour ce qui regarde le toucher, il en fait donc la sensation tantôt extérieure et tantôt intérieure ». Il est bien évident qu’il ne s’agit dans ces écrits que d’hypothèses philosophiques ingénieuses qui ont dû attendre plus de vingt siècles pour que la science contemporaine, grâce à la méthode et aux puissants moyens d’investigation qu’elle possède aujourd’hui, put reconnaître qu’elles renfermaient comme le ferment d’une vérité expérimentalement démontrable. Mais parmi les idées des anciens en physiologie combien d’autres ont subi un sort contraire ! QUATRIEME PARTIE PHOTOGÉNIE Production de la lumière dans le siphon de la Pholade dactyle I. — HISTORIQUE La singulière propriété que possède la Pholade dactyle d’émettre des radiations lumineuses, dans certaines circonstances et par un mécanisme physiologique que nous allons maintenant étudier, était connue des anciens. Le fait est mis hors de doute par ce curieux passage de Pline : « Concharum e genere sunt dactijli ab humanorum simili iudine appellati. His natiira in tenebris , remoto liimine^ alio fidgore claro^ et quanto magis humorum habeant, liicere in ore mandentiiim ^ lucere in manibus atqne etiam in solo ac veste ^ decidentibus giittis^ ut procul dubio patent siicci illam naturam esse quam miramur etiam in corpore » (1). Il n’est pas douteux qu’il s’agisse ici de la Pholade dactyle dont nous nous occupons exclusivement dans cette monographie, car on n’a signalé aucun autre mollusque ayant quelque ressemblance avec celui-ci, capable de produire le phénomène si exactement décrit par Pline de l’émission abondante d’un liquide lumineux. En parlant des (( ilfcrüC27/c5 », Réaumur (2) dit que le mucus lumineux est sécrété par toute la surface de l’animal et qu’il peut briller après avoir été desséché, quand on l’humecte de nouveau. (1) Loc. cit. p. 2. (2) Loc. cil. p. 2. I3â anatomie Et PHYSIOLOGIE COMPARÉES Monti, Beccari, Galeati (1) ont également mentionné le pouvoir éclairant de la Pholade dactyle et remarqué qu’elle brille au suprême degré dans Ip lait. MaisPanceri est, entre tous les auteurs, celui qui a apporté le plus grand nombre de faits nouveaus. Il a découvert le rôle sécréteur des triangles et des cordons de Poli méconnu par cet anatomiste qui les a décrits le premier et au sujet desquels il dit : « Quinam vero sit eorum usus pronuntiare non audemus ». MaisPanceri a eu tort de faire de ces organes, à l'exclusion des autres parties du siphon, le lieu de production de la lumière. Cet observateur en faisant couler un filet d’eau sur une pholade ouverte de façon à balayer le mucus lumineus qui inonde^ dans ces conditions, toutes les parties de l’animal, constata que la lumière devenait fixe en certains points : 1° suivant un arc corres- pondant au bord antérieur et supérieur du manteau et qui se pro- longe jusqu’à la moitié environ des valves ; 2® sur les deus triangles de Poli ; 3® le long des cordons de Poli. A propos de la constitution des cordons et des triangles, Panceri dit seulement, qu’il ne s’agit que de rehaussements formés par le tissu conjonctif du derme qui, à la surface est revêtu d'unépithélium cilié, morphologiquement semblable à celui des parties adja- centes, mais renfermant un contenu spécial. Nous n’insisterons pas dans ce chapitre, sur le côté anatomique de la question, qui a été dévoloppé dans la première partie de ce mémoire (/'’° partie^ chap. VI, p. SS et suiv.) \ nous constaterons seulement que dans ce qu’elle a do^plus essentiel, la structure intime des triangles et des cordons a échappé à Panceri. La matière lumineuse vienL d’après cet auteur, de l’épithélium cylindrique qui forme la masse blanche des cordons. Cet épithélium renferme un noyau granuleux et de petites granulations saillantes à la surface et faciles à égrener. Cette particularité des nucléus s’étent à tout le contenu de la cellule. « La matière qui luit, dit Panceri, est composée de nucléus granuleux, de granulations très fines^ de goutelettes graisseuses et (1) Loc, cit. p. 2. 1 ! DE LA PHOLADE DACTYLE 133 même de masses granuleuses, qui représentent le contenu de ces cellules dont elles conservent la forme. La matière lumineuse contenue dans les cellules de l’épithé- lium serait soluble dans l’alcool et dans l’éther, d’après l’anato- miste italien, ce qui est inexact, comme je rcû reconnu depuis, • après avoir pensé moi-môme qu’il en était ainsi. Il remarque qu’un papier enduit de matière lumineuse brille aussi longtemps dans l’acide carbonique que dans l’air ou même dans l’oxygène pur, qui n'est pas plus actif que l’air, tandis qu'une Pholade plongée dans l’acide carbonique ne pert son pouvoir éclai- rant qu’au bout d’une heure. Mais^ si après plusieurs heures d’extinction dans l’acide carbonique^ on l’expose à l’air, la lumière reparaît, d’où Panceri conclut qu’il s’agit d’une combustion lente. Il n’a essayé ni l’action de l’hydrogène ni celle de l’azote, c’est-à-dire des gaz neutres. Il ajoute que la lumière se maintient dans l’eau de mer jusqu’à -j- 73“ et même jusqu’à 76“ et que l’action de l’électricité est peu sensible. L’examen spectroscopique lui a montré que la lumière des Pholades est monochromatique, comme celle des Béroés, des .] Alcynoés, des Hippopodes, des Méduses, des ElédoneS;, pourtant sa ; bande azurée a une place permanente qui s’étent de E en F, dépas- sant celle-ci de très peu. De cette étude^ d’ailleurs assez superficielle, Panceri a cru pou- voir tirer les conclusions. suivantes : « Ces organes se composent, en grande partie d’épithélium ' ciliaire contenant dans ses cellules la substance granuleuse spéciale i qui rent l’eau luisante et qui se mélange à la mucosité fournie par la superficie de l’animal. (( Cette matière est soluble dans l’alcool et dans l’étber. Cet épi- thélium dans l’espèce susdite, se trouve dans un pli au-dessus du bord supérieur du manteau, dans les organes triangulaires et les cordons. » Le point le plus saillant des recherches de Panceri est d’avoir localisé la production de la lumière, c’est-à-dire la fonction pho- I 134 ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE COMPARÉES togénique, dans le siphon, aux triangles et aux cordons de Poli, ce qui est une erreur facile à démontrer ainsi qu’on le verra bientôt (1). II. DE LA FONCTION PHOTOGÉNIQUE DANS LE siPHON DU PHOLAS DACTYLUS Dans l’état normal, que la Pholade soit en mouvement ou en repos, étendue ou contractée, on ne voit jamais le siphon devenir spontanément lumineus. J’ai pu me convaincre de ce fait en examinant souvent, pendant la nuit, une Pholade que j’ai con- servée vivante pendant plusieurs mois dans mon laboratoire et qui cependant se montra très lumineuse après sa mort. Il en est de môme dans les conditions naturelles. J’ai eu l’occasion d’observer plusieurs fois par un temps sombre un banc de Pholades dont les demeures étaient creusées dans des argiles oxfordiennes émergeait complètement à marée basse, sans jamais observer d’émission de lumière; on pouvait faire rejeter le liquide des siphons en frappant le sol du pied, mais il ne se montrait lumineus que lorsque Tanimal était directement et fortement excité. Dans ce cas^ les parois du siphon s'illuminent de dedans en dehors et il s’écoule de tous côtés un mucus phosphorescent qui, mélangé à l’eau de mer, rent celle-ci très lumineuse dans l’obscurité. Souvent, c’est sous la forme d’un jet d’eau lumineus que ce mucus est expulsé par une contraction brusque avec le liquide contenu dans le siphon. Lorsqu’on se trouve dans l’obscurité, le nuage de lumière diffuse qui entoure l’animal peut être assez éclatant pour quel’onne puisse plus apercevoir celui-ci^etl’onassiste (1) Remabque. — Malgré les inexactitudes et les lacunes qu’il renferme, le travail de Panceri n’en est pas moins fort intéressant et cens qui ont étudié expérimenta- lement cette question de la production de la lumière par les animaus et les végéfaiis savent combien ces recherches sont délicates et peuvent prêter à des interprétations erronées. J’ai dû moi-même, depuis mes premières publications sur ce sujet, modifier certaines conclusions trop hâtives, ou qui résultaient d’expériences faites au bord de la mer dans des conditions matérielles insuffisantes. J’ai pu depuis compléter mes études sur ce sujet et c’est seulement des conclusions contenues dans ce mémoire qu’il y a lieu de tenir compte. DE LA PHOLADE DACTYLE 135 à ce spectacle singulier d’un être qui échappe aux regards en s’en- veloppant de lumière! J’ai pu souvent observer directement les cordons de Poli sur des Pholades dont le siphon était ouvert sans jamais les voir s’illumi- ner spontanément, mais vient-on à les toucher, la lumière paraît aussitôt au point de contact et ne tarde pas à s’étendre de proche en proche sur toute l’étendue du cordon ou du triangle. L’apparition de la lumière, dans ce cas, est due évidemment à une excitation directe, qui se propage comme la contraction des segments contractiles, lorsque ceux-ci sont excités en un point de la surface du siphon. Il est certain que l’irritabilité des segments contractiles, dont j’ai signalé la présence dans l’épaisseur des cordons et des plaques, entre également ici enjeu, car, au point touché, on voit se produire une dépression et un froncement des sillons au moment de l’excitation. Ceux-ci à leur tour agissent méca- niquement sur la couche neuro-conjonctive sous-jacente, dont le développement est si considérable au niveau des organes de Poli. L’excitation peut se propager plus loin encore, mais par un autre mécanisme. Si l’excitation du cordon ou de la plaque a été assez forte, le cordon et la plaque du côté qui n’a pas été excité peuvent également se mettre à briller. Il s’agit manifestement ici d’un phénomène réflexe comme pour les réactions sensorielles ou motrices étudiées dans ce mémoire : le centre du réflexe photogène est situé dans les ganglions viscéraus d’où partent les nerfs palléaus qui fournissent les rameaus se ren- dant aus triangles et ans cordons. On peut s’en assurer de la façon suivante : En plaçant une Pholade sur la face dorsale, dans une cuvette garnie de morceaus de toile mouillée formant une sorte de gout- tière, et eu maintenant les valves écartées par de petits morceaus de liège, on peut facilement, en divisant les branchies à leur base, découvrir les ganglions viscéraus et les nerfs qui en partent. On recouvre l’animal ainsi préparé d'une cloche et on le laisse reposer pendant une heure ou deus. Au bout de ce temps, on s’assure que l’on peut provoquer l’éclairage bi-latéral en excitant seulement 136 ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE COMPARÉES Fun des cordons ou Fune des plaques d’un seul côté. Lorsque le résultat de cette excitation a disparu, on excite directement le gan- glion et Fon voit se produire également un éclairage bi-latéral. Mais si Fon coupe Fun des nerfs palléaus, à sa sortie du ganglion, on ne provoquera plus,, par l’excitation directe du cordon ou du ganglion, l’apparition de la lumière que du côté ou le nerf palléal est intact. Ces excitations sont suivies également de contractions des fibres longitudinales et circulaires, qui se produisent aussi d’un seul côté après la section. On peut observer un phénomène plus intéressant encore. Après l’excitation, lorsque les nerfs sont intacts, l’éclairement des cor- dons et des triangles cesse peu à peu pour disparaître complète- ment, mais si Fun des nerfs est coupé, on voit persister constam- ment, jusqu’à la décomposition même du siphon, une lueur faible et tranquille du côté où le nerf a été coupé. Tant que le siphon conserve sa vitalité, on peut, en excitant le bout périphérique du nerf palléal, provoquer l’accroissementdela lumière dans la région où il se distribue^ mais le cordon et la plaque ne s’éteignent jamais complètement dans l’intervalle des excitations. Il y a lieu de. faire remarquer à ce propos, que c’est précisément ce que l’on observe sur un siphon détaché de la Pholade ou sur un animal mort. Le ganglion, quand le système nerveus est intact et l’animal au^ repos,, joue donc le rôle d’un véritable centre inhibitoire, aussi, dès que les organes sont séparés de celui-ci, les phénomènes molécu- laires s’accélèrent et la lumière apparaît. De même que le nerf palléal est à la fois centrifuge ou centripète, de même il peut être excitateur ou modérateur, selon le genre d’excitation qui lui arrive du ganglion. Ces faits nous conduisent déjà à cette conception de la fonction photogène^, à savoir qu’elle est intimement liée à un processus d’usure, de destruction cellulaire ou protoplasmique rapide, qui apparaît également sous l’influence d’une forte excitation soit directe soit indirecte, ou par la suppression de Faction inhibitoire ou modératrice provoquée aussi bien par la section d’un nerf que par la mort du système nerveus ganglionnaire. DE LA PHOLADE DACTVLE 137 Pour obtenir des résultats assez nets dans les expériences dont il vient d’être question, il est préférable de se servir d’animaus fatigués et chez lesquels la sécrétion de matière lumineuse est peu abondante, parce que celle-ci masquerait en partie les phénomènes dont on provoque l’apparition dans l’épaisseur des plaques et des cordons. L’excitation directe des plaques, des cordons, ou des nerfs qui s’y rendent, ainsi que des régions où ces nerfs envoient des termi- naisons^ a pour effet de provoquer, non seulement l’apparition de la lumière dans les organes de Poli, mais encore une abondante sécrétion^ d’un mucus lumineus, dont nous allons bientôt examiner les caractères. Toutefois, contrairement, à l’opinion émise par Panceri, on peut, affirmer que la production de la lumière n’est pas limitée aux plaques, aux cordons et aux bords du manteau, dans les points indiqués par cet auteur. Je me suis assuré que celle-ci était seule- ment plus marquée dans ces régions, et en outre qu’elle se mani- festait dans toute la profondeur de la paroi interne du siphon. Pour le prouver, il suffit d’enlever avec soin les cordons et les plaques avec des ciseaux recourbés et de laver le siphon sous un courant d’eau : on voit alors persister une lueur faible uniformé- ment répandue sur toute la paroi interne. On peut même en- malaxant dans de l’eau un fragment de ce siphon privé de ses plaques et de ses cordons obtenir un liquide lumineux. Bien plus,: si l’on pratique une coupe transversale d’un siphon un peu épais, ^ on constate que le siège de la production de lumière correspont à la région occupée par la couche neuro-conjonctive; or, on sait- qu’au niveau des organes de Poli, cette couche neuro-conjonctive prent un accroissement considérable; il n’est donc pas surprenant que l’intensité et la persistance de la lumière soient plus grandes en ces points. La dilacération du cœur, c’est-à-dire l’anémie provoquée par hémorrhagie, n’a aucune influence immédiate sur les phénomènes dont il vient d’être question, et je me suis assuré que le sang puisé directement dans le cœur au moyen d’une pipette ne pré- sentait aucune luminosité. 138 ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE C03IPARÉES / r'r III. — EXAMEN MICROSCOPIQUE DU MUCUS LUMINEUS L’examen microscopique du mucus lumineus sécrété par la face interne du siphon ventral montre qu’il renferme, outre les produits de sécrétion^ de nombreus corps étrangers parmi lesquels on distingue particulièrement des infusoires, des algues, des bacté- riacées et des débris organiques et minéraus. En inoculant le mucus à des tubes de gélatine peptone,j'ai vu se développer de belles colonies de bactéries lumineuses. Ce résultat m'avait conduit à admettre que les réactions obtenues dans mes premières expériences, et quej’avais attribuées à unferment soluble, étaient dues en réalité à la présence d’un ferment figuré, qui ne devenait lumineus qu’au moment de la sécrétion du mucus. J’étais d’autant plus porté à admettre comme exacte cette inter- prétation que j’étais parvenu, le premier, à démontrer que l’on pouvait, en modifiant très légèrement, soit la réaction, soit la salure du bouillon de culture, à rallumer ou à éteindre à volonté les colonies microbiennes, qui m’avaient été fournies par la bactérie vivant à l'état de symbiose dans le siphon de la Pholade, et à laquelle j’ai donné pour cette raison le nom de Bacterium pholas. (fîg. 5 pL XIII) (1). J’ai renoncé depuis à cette explication parce d’une part j’ai rencontré dans d’autres localités des Pholades dac- tyles qui ne renfermaient pas de microbes lumineus et que d’autre part j’ai reconnu que ce mollusque possède une luminosité qui lui est propre (2). (1) R. Dubois : Les Microbes lumineus , Lyon, 1889. (2; Remarque. — M. Beyérinck, de Delft, auquel on doit de remarquables recherches sur les bactériacées lumineuses et qui a examiné les photographies du Bacterium pholas, que je lui ai communiquées, pense que cette espèce se confont avec celle qu’il désigne sous le nom de Photobacterium luminosum. Toutefois, dans son mémoire (1), M. Beyérinck dit que le Photobacterium luminosum qu’il a extrait du sable de la mer du Nord, dans l’été de 1883, se présente dans les cul- tures ordinaires sous forme de vibrions très-déliés nageant rapidement, ou de spi- (1) Beyérinck : Sur V aliment photo gène et sur V aliment plastique des bactéries lumineuses (Arch. néerl. d. Sc. nat. XXIV, 1891). DE LA PHOLADE DACTYLE 139 Pour pratiquer l’examen du mucus lumineus débarrassé des corps étrangers qui peuvent en modifier la composition, il faut avoir soin de laver le siphon dans un courant d’eau de mer filtrée et de provoquer la sécrétion par l’un des moyens que j’ai indiqués. Il se présente sous l’aspect d’un liquide assez épais renfermant des cils vibratiles, des débris épithéliaus et particulièrement des gra- nulations très fines échappées des cellules caliciformes des cordons et des plaques de Poli, libres ou réunies en amas ayant encore parfois la forme de la cavité épithéliale. Mais, au milieu de ces corpuscules, on rencontre des éléments figurés qui offrent la plus grande analogie avec l’une des variétés de cens que l’on trouve dans les parties profondes de la zone neuro- conjonctive. Ce sont des cellules à enveloppe distincte XV, fig. 36 a' a- peu plus volumineuses que les globules du sang qui, d’ailleurs, sont dépourvus de paroi et présentent des mouve- ments amœboïdes {pL XWfig. 36, , /^-). Elles affectent des formes différentes qui correspondent à des états successifs de leur évo- lution (a\a-,a^,a\ a^). Les plus jeunes montrent un gros noyau homogène avec un nucléole. Dans un état plus avancé, ce dernier ne tarde pas à disparaître au milieu des granulations arrondies qui envahissent le noyau (a}). Bientôt ces granulations dépassent les limites du noyau [à^) et envahissent tout le contenu de la cellule [a^) : le noyau alors disparaît complètement et il ne resle de la cellule que sa membrane d’enveloppe et des granulations arrondies animées d’un mouvement (bi’ownien ?) plus ou moins rapide, d’oscillation sur place, et de translation au sein d’un liquide incolore. Un peu plus tard, la membrane d’enveloppe se rompt et disparaît laissant en liberté les granulations qui, après être restées quelque temps réunies en groupes, se dispersent dans le mucus ambiant [a^). Ces granulations elles-mêmes ne sont pas inertes et en les roïdes plus ou moins allongés qui se courbent et se replient pendant la natation. Le bacterium pholas (ou mieux Photohacterhan phoîas) est au contraire de grande taille {3 a 4 (x.) en forme de semelle de soulier et immobile. 11 est d’ailleurs remarquable parla facilité avec laquelle se modifient ses propriétés physiologiques, alors qu’il se montre peu susceptible de polymorphisme, contrairement à ce que j’ai observé chez les autres espèces de Photobactériacées. 140 ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE COMPARÉES observant avec attention on peut se convaincre qu’elles sont le siège d’une véritable série de métamorphoses. Très peu de temps après leur mise en liberté et leur dissémination dans le liquide, on'voit leur volume et leur transparence augmenter. A ce moment on pourrait, comme Fa fait Panceri, les confondre avec des gouttelettes graisseuses non seulement à cause de leur aspect mais encore en raison de la façon dont elles se comportent avec l’éther. ‘ Si on traite la préparation qui les contient par C(‘, liquide, on peut croire qu’il les fait entrer en dissolution, car les pseudo- gouttelettes graisseuses, disparaissent, mais on retrouve à leur place les granulations primitives, qui d’abord imbibées et gonflées se sont rétractées en perdant leur transparence et le volume qu’elles avaient acquis par hydratation. En laissant évaporer l’éther et en ajoutant un peu d’eau distillée, les granulations reprennent l’aspect de gouttelettes {a 6 fifj‘^6) ou plutôt de vésicules transparentes. Bientôt apparaît au sein de la vési- cule un petit point arrondi ; la zone transparente qui l’entoure paraît bleuâtre à la lumière transmise, tandis que le point en' question présente une coloration jaune rougeâtre. La vésicule continue à se dilater ainsi que le point central, qui simule alors une petite vacuole. Dans cet état, les granulations ressemblent absolument à celles que j’ai rencontrées en grande abondance à Menton, dans la mer dont l’eau était devenue phosphorescente par suite de la désagrégation de nombreus cœlentérés, et en l’absence de noctiluques ou de microorganismes capables de produire ce phénomène. Ce sont ces corpuscules ausquels j’ai donné le nom de vaciiolides (1). . La vacuolide elle-même subit bientôt une nouvelle métamor- phose par la transformation de la substance de la vacuole enradio- cristaus, qui, peu à peu, envahissent toute la vacuolide [a a a 1^) et ne tardent pas à lui donner l’apparence de sphéro-cristaus microscopiques de leucine ou de substance très-analogue. Lorsque le mucus a cessé d’être lumineus, on ne trouve plus de pseudo-gouttelettes mais seulement des sphéro-cristaus. (1) R. Dubois : J^es Vacuolides ; mém. d. 1. soc. d. biol. 8« série. T. IV. DE LA PHOLADE DACTYLE 141 lY. ORIGINE DE LA SUBSTANCE PHOTOGÈNE Panceri pensait que la substance photogène se forme exclusive- ment dans les cellules caliciformes des organes de Poli, mais s’il en était ainsi, il n’y aurait plus production de lumière dans l’épaisseur des parois du siphon quand les cordons et les plaques sont enlevés, or, c’est précisément le contraire que l’on observe, tandis que l’on trouve dans toute la couche neuro-conjonctive de la paroi interne les éléments granuleus dont je viens d’indiquer les transformations. De plus, on les voit s’allonger, en prenant le plus souvent un aspect piriforme, et se glisser entre les éléments de la couche myo-épithé- liale jusqu’à ce qu’ils soient parvenus à la surface interne du siphon. Ce sont des éléments migrateurs et peut-être même des phagocytes [fig, i J 3, pi. XIII). Ils peuvent se former en plus grande abondance au niveau des cordons et des triangles que dans le reste de la paroi, car ils tirent manifestement leur origine de la couche neuro-conjonctive qui est particulièrement développée, comme je l’ai fait déjà plusieurs fois remarquer, au niveau des organes de Poli, mais ils ne viennent pas exclusivement de ces organes. (1) Toutefois, ce qui doit faire admettre que les triangles et les cordons jouent un rôle important dans la fonction photogénique, c’est qu’ils disparaissent complètement dans les espèces du genre, (1) Remarque. — J’avais autrefois considéré ces éléments comme des cryptes à mucus produisant une sécrétion pseudo*glandulaire (v. Bul. d. l. Soc. d. biol.^ s.. T. V. Sur la production de la lumière chez le Pholas dactylus). J’ai depuis reconnu et signalé leur véritable nature (v. T. es microbes lumineux : Lyon, 1889, p. 15), et indiqué que ces pseudo-glandes devaient être considérées comme des élé- ments migrateurs. La présence du photo-bactérium pholas dans quelques-uns d’entre eux m’a conduit à penser qu’ils pouvaient jouer, à l’occasion, le rôle de phagocytes. Ce qu’il y a de certain, c’est qu’ils se fragmentent et se désagrègent parfois dans l’épaisseur même de la paroi du siphon. Leur désagrégation donne naissance à du mucus et à des granulations, qui sont rejetés au dehors et ce processus constitue un mode de sécrétion particulier. Je crois qu’il y a lieu de rapprocher ces éléments de ceux que M. le Professeur Ranvier a décrits sous le nom de Clasmatocytes lesquels donnent lieu également à un mode particulier de sécrétion par leur désa- gation que l’éminent histologiste propose de désigner sous le nom de Clasmatose, (V. (1. R. T. 110, p. 166, 1890). 142 ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE COMPARÉES Pholas qui ne sont pas photogènes. Il est très probable qu’ils servent d’émouctoires à la substance lumineuse formée dans la couche neuro-conjonctive, bien que celle-ci puisse aussi s’échapper, mais plus difficilement, par toute la surface interne du canal aspi- rateur et par certains points de la face interne du manteau. Peut-être n’ont-ils pas d’autre rôle, car j’ai cherché^ sans obtenir aucun résultat, si ces organes renfermaient quelque zymase diges- tive, comme pouvait le faire supposer leur situation anatomique. Quant au mécanisme de leur sécrétion, il est facile à saisir. L’exa- men histologique nous apprend que les cellules caliciformes se continuent avec des segments contractiles diversement orientés, les uns perpendiculaires à la surface de la paroi, les autres longi- tudinaus et d’autres circulaires. Lorsque ces segments entrent en contraction, les cellules glandulaires califormes sont pressées de tous côtés et laissent échapper leur contenu dans l’intérieur du siphon. Ces éléments glandulaires (fig. 14, 15, 16, 17, 25, 24, PL XV.) bien que leur calice soit unicellulaire^ semblent présenter certaines analogies avec les cupules vibrantes de la houppe sensitive du siponcle que Lon a considérés comme des organes des sens (v. G. Yogt etE. Yung: anat. comp. p. 396). On pourrait les dési- gner sous le nom d’éléments neuro-myo-glandulaires. Quoi qu’il en soit, ce qu’on peut affirmer^ c’est que la substance photogène se forme dans la paroi interne du siphon et aussi dans divers autres points de l’intérieur du manteau. Cette constatation offre un véritable intérêt philosophique puisque l’histologie nous montre que la structure de cette paroi in- terne présente une très grande analogie avec celle de la paroi ex- terne. Il suffit donc d’une très légère modification pour que l’une des faces du siphon absorbe les radiations lumineuses, et réagisse sous leur influence, en produisant une excitation mécanique, tandis que l’autre, dès qu’on l’existe mécaniquement, déverse dans le milieu ambiant sous forme de lumière une partie de l’énergie de la subtance vivante. Ce fait est d’ autant plus curieus qu’il n’est pas isolée car G. O. Sars a montré également que chez certains crustacés lumi- DE LA PHOLADE DACTYLE 143 neus, les euphausiidés, la structure des organes photogènes pré- sentait une grande analogie avec celles des yeus des animaus vertébrés. Y, — indépendance de la fonction photogénique ET DU fonctionnement CELLULAIRE J’ai montré comment la production de la substance lumineuse était fondamentalement indépendante des organes de Poli con- sidérés par Panceri comme des organes photogènes. Il n’est pas difficile de démontrer également que l’intégrité de l’organisation cellulaire n’est pas nécessaire pour que le phénomène photogénique s’accomplisse. Réaumur avait vu que l’on pouvait revivifier la luminosité des Pholades desséchées en les humectant avec de l’eau. Mais on peut supposer, dans cette expérience, que la vitalité cellulaire n’est pas complètement éteinte et que l’eau peut la ranimer. Ce qui semble prouver qu’il en est ainsi, c’est que, après avoir conservé des Pholades bien desséchées pendant plus de deus mois et les avoir chauffées dans l’air sec à 120° pendant 1/4 d’heure, j’ai vu la lumière reparaître, après refroidissement, au contact de l’eau. Au contraire, si le récipient contenait de la vapeur d’eau, les siphons de Pholade portés à 120° étaient éteints pour toujours. 11 n’est pas nécessaire, d’élever autant la température pour obtenir l’extinction définitive des siphons frais et de la matière photogénique humide qu’ils contiennent, ainsi que je le ferai voir bientôt. Lorsque les siphons de Pholade ont été desséchés soit à Pair libre, soit à l’étuve, en présence d’une substance absorbante telle que la craie préparée (carbonate de chaux en poudre impalpable obtenue par précipitation), soit dans le vide sulfurique, on peut pulvériser au mortier ces organes et la poudre tamisée qui en résulte donne encore un liquide lumineus, après avoir été mélangée à l’eau. Bien plus, ces organes desséchés et coupés en menus fragments peuvent être épuisés par l’alcool absolu, par l’éther à 60° à froid, et, après avoir été débarrassés de ces liquides par évaporation, donner encore de la lumière par leur contact avec l’eau. 444 ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE COMPARÉES La substance. photogénique n’est donc pas, comme l’avait pensé Panceri et comme je l’avais admis moi-même autrefois, soluble en totalité ou en partie dans ces véhicules (1). Si, après avoir trituré des siphons secs ou meme encore frais avec de Talcool absolu, on décante la liqueur avant qu’elle ne soit complètement éclaircie par le repos et qu’on la jette sur un filtre le papier retiendra une certaine quantité de substance photogène. En effet, ces filtres après avoir été desséchés^ pourront présenter, longtemps encore après l’expérience, une luminosité manifeste, quand on les humectera avec de l’eau ordinaire. Mais, si au lieu d’alcool absolu, on se sert d’alcool dilué^ le résultat n’est plus le même. Les siphons de Pholade immergés dans l’alcool à 50° perdent définitivement la propriété de briller au contact de l’eau distillée après quelques heures d’immersion. L’alcool absolu paraît agir simplement comme déshydratant, tandis que l’alcool dilué désagrège et détruit la substance proto- plasmique. Je suis aussi parvenu, sans dessèchement préalable, à conserver dans un milieu liquide pendant plusieurs semaines le pouvoir photogène des siphons. Pour cela, je place ceus-ci dans un flacon fermé, après les avoir saupoudrés d’une forte quantité de bi-carbonate de soude pul- vérisé. Au bout d’un certain temps, il se sépare une saumure qui peut briller au contact de l’air : les siphons eus-mêmes reprennent à l’air leur luminosité au contact de l’eau douce à laquelle ils com- muniquent une belle phosphorescence. Cette propriété persiste encore au bout de trois ou quatre semaines, alors même que le magma présente depuis plusieurs jours déjà des signes de putréfaction non équivoque. Au lieu de bi-carbonate de soude on peut se servir d’acide (1) Il est probable que dans les expériences dont j’ai publié les résultats en 1887, (G. R. T. GV, 2« sem. 1887) une petite quantité de substance photogène avait été entraînée mécaniquement et avait pu passer au travers des filtres en papier, dont je me servais au laboratoire de Roscoff. DE LA PHOLADE DACTYLE 145 acétique dilué, de vinaigre, par exemple. Le contact avec cet acide, faible antiseptique, éteint immédiatement la lumière du siphon, mais elle n’est pas supprimée définitivement, même au bout de 10 à 15 jours ; on peut la faire reparaître en humectant le siphon avec de l’eau contenant assez d’ammoniaque en dissolution pour neutraliser l’acidité. L’état de dilution de l’acide joue dans cette expérience un rôle capital, comme celui de l’alcool, dont j’ai parlé plus haut, mais il est d’ordre inverse. Alors que l’alcool absolu suspent la luminosité sans détruire le pouvoir photogène, l’acide acétique concentré supprime celui-ci pour toujours, tandis que le vinaigre assure sa conservation. L’action du sel marin se rapproche de celle du bi-carbonate de soude, qui lui-même ne semble pas agir autrement que l’alcool absolu, c’est-à-dire comme un déshydratant. Tous ces agents modi- fient physiquement le milieu ambiant, auquel ils communiquent, ajoutés en excès, des propriétés exosmotiques. L’acide acétique et d’ailleurs d’autres acides dilués, acide chlor- hydrique, sulfurique, par exemple, modifient chimiquement ce milieu qui doit être alcalin pour que la lumière se produise dans son sein. On peut donc, en modifiant la constitution physique ou chimique du milieu ambiant, faire paraître ou disparaître la luminosité, alors que les éléments anatomiques ne montrent plus aucune vitalité propre. Mais il ne faudrait pas croire que l’on puisse indéfiniment con- server le pouvoir photogène à l’état latent. Dans toutes mes expériences, les siphons secs ou ceus qui avaient conservé pendant longtemps leur activité photogène, grâce aus procédés que j’ai indiqués. Font peu à peu perdue : cette activité s’épuise d’elle-même, quoi que l’on fasse, et semble s’user comme celle des éléments anatomiques, mais avec une lenteur plus grande. Les faits que je viens d’exposer montrent déjà clairement qiCil vÜ existe pas entre l' intégrité morphologique ou fonctionnelle de la cellule et h activité de la substance photogène de relations néces- saires. L'activité cellulaire assure la formation de la substance pho^ Université de Lyon —II. B. 10 146 ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE COMPARÉES togène^ mais celle-ci, une fois formée^ 'pourra briller où s éteindre en dehors de l' élément anatomique qui lui a donné naissance^ selon les modifications que subit le milieu artificiel où elle se trouve. Ce sont ces modifications que nous allons maintenant étudier avec plus de soin en simplifiant autant que possible le déterminisme expérimental. VI. — INFLUENCE DES CONDITIONS CHIMIQUES ET PHYSIQUES DU MILIEU AMBIANT SUR LA PHOTOGÉNIE Les expériences dont j’ai parlé jusqu’à présent, ont porté sur des siphons entiers, c’est-à-dire sur une matière organisée très complexe^ mais il est facile de simplifier considérablement les con- ditions expérimentales. Pour cela on sèche à l’étuve, à une température de 35° à 38°, des siphons frais coupés en petits fragments et enrobés dans de la craie préparée en poudre impalpable. Ces fragments desséchés sont ensuite épuisés par l’éther à 65” et par TalcooCpuis desséchés de nouveau et séparés de la craie. Immergés dans l’eau distillée, ils donnent une eau lumineuse qui conserve pendant assez long- temps à la température ordinaire sa luminosité. Cette liqueur traverse les filtres en porcelaine ou en terre de pipe les plus parfaits sans perdre sa luminosité. L’eau est donc un véhicule qui permet d’enlever aux débris du siphon leur prin- cipe photogène; mais, vu en masse, à la lumière du jour, ce liquide, lumineus dans l’obscurité, ne se montre jamais d’une transparence parfaite et renferme toujours ces fines granulations que j^ai appelées vacuolides et dont j’ai antérieurement expliqué l’origine. On n’y rencontre aucun élément ou fragment d’élément anatomique et, quand les filtres sont de bonne qualité, aucun microorganisme (1). Nous allons examiner maintenant l’influence des agents chi- (1) Je me suis assuré qu’un liquide rendu lumineus par des photobactéries per- dait toute luminosité en traversant les filtres en porcelaine ou en terre de pipe dépourvus de fissures ou de lacunes. DE LA PHÔLADE DACTYLE 147 miques et physiques sur la luminosité de ce liquide, qui né renferme plus aucune particule figurée, sauf les vacuolides dont il a été question plus haut (1). § 1 Action des agents chimiques sur la substance photogène. Acides. — Lorsqu’on ajoute un corps acide à la liqueur lumineuse, il y a extinction immédiate de celle-ci. S’il s’agit d'un acide fort : acide acétique^chlorhydrique, sulfurique, mais très dilué, on pourra faire reparaître la lumière par l’addition d’une quantité de sub- stance Basique suffisante pour neutraliser l’acide et alcaliniser légèrement le milieu. Quand l’acide est versé dans la liqueur à l’état de concentration, l’extinction est définitive et les alcalis sont impuissants à faire de nouveau paraître la luminosité. Certains acides faibles, comme l’acide borique, semblent agir d’une manière qui leur est propre et se rapproche de celle des sels neutres signalée plus loin : ils éteignent la luminosité, mais il suffit d’ajouter une quantité d’eau suffisante pour la voir renaître. Bases. — Les bases faibles, comme l’ammoniaque, ou les alcalis caustiques fixes en solutions très étendues^ exagèrent l’intensité du phénomène lumineus^ mais en abrègent la durée. Lorsque la solution est concentrée, la luminosité est immédiatement sup- primée et ne reparaît pas par l’addition d’une quantité d’acide strictement nécessaire pour saturer l’excès d’alcali. Composés chimiques neutres. — Un grand nombre de composés chimiques neutres, c’est-à-dire ne donnant aucune réaction basique (1) Je n’ai pu, dans aucune des expériences que j’ai faües dans mon laboratoire, c’est-à-dire dans des conditions convenables d’expérimentation, constater la pré- sence de substances photogènes en dissolution dans l’alcool ou dans l’éther ayant servi à l’épuisement des siphons desséchés. Je n’ai pas été plus heureus en substi- tuant â ces liquides, de la benzine, du chloroforme ou du sulfure de carbone; il, est donc évident pour moi, actuellement, que la matière que j’ai isolée à la station maritime de Roscoff, au moyen de ces véhicules, contenait des particules photogènes entraînées mécaniquement et capables de briller au contact de l’eau et vraisemblablement de quelque principe alcalin. 448 ^ ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE COMPARÉES OU acide avec le tournesol,' tels que les chlorures de sodium, de magnesium/de potassium, les sulfates de soude, de magnésie, etc. ^ dissous en quantité suffisante dans la liqueur, suspendent l’émis- sion de la lumière, mais celle-ci recommence dès que l’on rajoute une certaine quantité d’eau. Les proportions nécessaires pour éteindre un même volume d’une même eau lumineuse varient d’un composé chimique à un autre. On peut ainsi dresser une sorte de table des équivalents d'extinction; mais je rhe suis assuré expérimentalement que ces équivalents ne sont pas les mêmes pour des liqueurs rendues également lumineuses, les unes par la substance photogène de la Pholade et les autres par des photobactéries. L’addition en excès de chlorure de sodium et d’autres sels neutres fait naître au sein de la liqueur un précipité floconneux, qui disparaît par l’addition d’eau simple. Réactifs coagulants des substances albuminoïdes. — Tous les réactifs coagulants des substances albuminoïdes tels que le tannin, le bichlorure de mercure, etc., suppriment immédiatement la luminosité, mais l'action de ces agents se distingue de celle des sels neutres en ce que l’addition de l’eau ne suffit pas pour faire reparaître la lumière. Antiseptiques, — Le phénol, le thymol et beaucoup d’autres substances antiseptiques ou anti-fermentescibles se comportent comme les réactifs coagulants deé substances albuminoïdes. Composés chimiques réducteurs . — Les corps réducteurs tels que les sulfhydrates, les sulfites, l'hydrogène naissant, suspendent la production de la lumière. On obtient de même l’extinction par l’action du vide ou en agitant avec du noir animal la liqueur pho- togène : la lumière reparaît par l’agitation au contact de l’air. Réactifs oxydants. — L’ozone, l’eau oxygénée, l'oxygène pur, à la pression d’une ou de plusieurs atmosphères, n'augmentent pas, le pouvoir photogène. Bien plus, les réactifs oxydants énergiques suppriment immédiatement et définitivement la lumière sans aug- mentation préalable de son éclat, LA PHOLADE DACTYLE 149 1 I I Action des agents physiques, !■ |j Un froid de — 15“ ne détruit pas définitivement le pouvoir pho- I togène. La liqueur peut encore briller à — 5°, alors que, cependant, I sa congélation est complète, mais elle s’éteint au-dessous de cette i basse température pour reparaître avec toute son intensité au moment de la fusion. I La chaleur excite et accélère l’accomplissement du phénomène I lumineus. Si l’on élève progressivement la température d’une liqueur faiblement lumineuse^ son intensité éclairante va en aug- mentant jusqu’à 30\ De 30" à 55“, son pouvoir reste à peu près constant, mais à partir de ce dernier point, il commence à décroître ! pour disparaître définitivement à 60“ (1). L’étude de l’action de \ électricité sur la liqueur photogène nous a fourni des renseignements importants parce qu’ils viennent ' contrôler l’exactitude de cens qui ont été obtenus avec les réactifs ; chimiques. ! On remplit un tube en U jusqu’aus deus tiers de sa hauteur avec ! de la liqueur salée bien lumineuse, et l’on fait plonger dans ! chacune des colonnes liquides l’une des électrodes de platine d’une I pile assez puissante pour produire l’électrolyse : on ferme le ! circuit et on constate l’apparition d’une série de phénomènes qui ’ se succèdent dans l’ordre suivant : 1® La lumière pâlit au pôle négatif : on n’observe encore à ce moment aucun changement au pôle positif; î jî (1) Lorsque l’on élève même très légèrement la température d’une liqueur qui est I' sur le point de s’éteindre ou qui vient de cesser de briller par épuisement, la il lueur s’îiccroît ou reparaît brusquement. Ce fait m’a fourni la véritable explication il d’une expérience que j’avais indiquée autrefois comme susceptible de prouver I' l’existence de deus principes photogènes réagissant l’un sur l’autre; elle consistait II à éteindre le contenu d’un tube lumineus par la chaleur et à l’ajouter au liquide }j d’un autre tube éteint depuis peu d’instants par épuisement : la lumière reparais- Isait aussitôt. J’ai depuis constaté que cette réaction tenait à la différence de tem- j pérature des deus liquides au moment du mélange. I J i 150 ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE COMPARÉES 2“ Bientôt le pôle positif commence à pâlir à son tour : le pôle négatif, à ce moment^ est complètement éteint; 3“ Les deux pôles sont éteints : la partie inférieure au tube en U brille seule (1). 4° A ce moment, on constate qu’il s’est produit au niveau des deus électrodes des dépôts floconneus renfermant des granula- tions ayant les caractères des vacuolides à différents degrés d’évo- lution. 5° La liqueur étant éteinte ans deus pôles, si l’on renverse la position des électrodes, la lumière remonte dans toute l’étendue de l’ancien pôle positif, mais elle ne reparaît pas toujours au nouveau pôle négatif, surtout quand Télectrolyse a été très intense. Lorsque les deus pôles sont éteints pour la première fois, on peut y faire renaître la lumière par un autre moyen. Pour cela^ il suffit d’insuffler, au moyen d un tube effilé, de l’air dans le liquide où plonge l’éleclrode négative et de laisser tomber un peu d’eau ammoniacale dans la branche en rapport avec l’électrode positive. D’après ce qui a été dit de l’action des agents chimiques^ on s’explique facilement les résultats que je viens d'exposer. Pendant Lélectrolyse, l’hydrogène naissant agit comme réduc- teur au pôle négatif et le liquide photogène cesse de briller, malgré son alcalinité, qui constitue cependant une condition favorable tant qu’elle n’est pas trop accentuée. Du côté du pôle positif, la lumière s’éteint malgré la présence de l’oxygène à l’état naissant et ozonisé, parce que la liqueur devient acide. De l’ensemble de ces expériences relatives à la fonction photo- génique chez la Pholade on peut tirer les conclusions générales suivantes : ■ \ /“ Le phénomène photogène n’exige pour s accomplir ni hinté- l- - (1) Par l’action prolongée d’un courant d’intensité convenable, on peut réduire la partie lumineuse à une zone mince occupant la limite de séparation des colonnes rouge et bleue, qui se forment lorsque le liquide a été préalablement coloré avec la teinture de tournesol. _ •’ , . , ■ ‘ DK LA PHOLADE DACTYLE 151 grité de l'ôrgane, ni l'intégrité des éléments anatomiques qui con- stituent les éléments de V organe; Le milieu oit s' accomplit la production de la lumière doit pré- senter les trois conditions fondamentales suivantes : contenir de Veau^ être oxygéné ^ posséder une réaction légèrement alcaline; 3* Toutes les causes qui suspendent ou suppnùment la vitalité des ferments solubles ou figurés, ou ^ d'une manière plus générale, l'activité du protoplasme , suspendent ou détruisent le pouvoir photogène de la substance extraite du siphon de la Pholade dactyle. VII. LA PHOTOGÉNIE EST UN PHÉNOMÈNE PHYSIOLOGIQUE On a pu être surpris de ce que, pendant plusieurs années consé- cutives, je me sois attaché à l’étude de la production de la lumière par les animaus et les végétaus, tout à fait spécialement, malgré les difficultés matérielles et techniques qu'elle présente. Peut-être a-t-on supposé que je cherchais à ravir ans êtres vivants le secret d’un procédé de fabrication de la lumière, dont j’ai démontré ailleurs (1) la grande supériorité sur tous nos moyens artificiels d’éclairage. En réalité, je me suis proposé^ avant tout, d’atteindre un but philosophique plus élevé, et l’objet principal de mes recherches dans cette branche de la physiologie générale a été de chercher à réduire à un simple phénomène physique ou chimique une fonction commune ans animaus et aus végétaus. En cela, j’ai obéi aus (1) V. Contrihutiùn à V élude de la 'pro duc lion de la lumière par les êtres vivants. — Les Élatérides lumineus. — Propriétés physiques de la lumière des pyro- phores, deuxième partie, chnp. I. {Bulletin de la Soc. zool. de France) Paris, 1886 {a). {a) Nota. — L'exactitude des résultats consignés dans ce mémoire a été mise en lumière par un travail récent de MM. Langley et Yery. Toutefois ces auteurs ont omis de rappeler que j’ai signalé l’existence de quelques radiations cafori- fiques dans le spectre des-pyrophores, v. philosophical Mazarin, 1890. 152 ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE COMPARÉES tendances de TEcole physiologique contemporaine, qui^ jusqu’à présent, ne paraissent pas avoir été couronnées de succès. En effet, si Ton jette un regard d’ensemble sur la physiologie, on reconnaît aisément qu’aucun phénomène biologique, si simple fût-il, ne saurait être représenté par une formule physique ou chimique. Qui donc oserait affirmer que la fixation de l’oxygène par le globule rouge du sang est une combustion ou même seulement une oxyda- tion de l’hémoglobine? Ne sait-on pas que ce composé se comporte différemment selon qu’il fait partie d’une hématie normale ou bien qu’il en a été extrait? Youdrait-on prétendre que l’organisme fabrique du glycose avec le glycogène comme nous l’obtenons avec l’amidon? Chacun sait, il est vrai, que la chimie a pu faire artifi- ciellement de nombreus composés dont le monopole de produc- tion avait pendant longtemps été réservé ans animaus ou aus végétaus : mais ce n’est pas une raison pour que le chimiste qui fabrique de l’alcool par synthèse sache faire le même travail que le globule de levure de bière. L’examen attentif des résultats obtenus ne m’autorise pas à déclarer que j’ai été plus heureus que mes devanciers et que mes prévisions étaient fondées. Si l’on ne tient compte que des conditions de milieu nécessaires pour que le phénomène lumineus se produise, on est tenté d’admettre comme exacte l’hypothèse d’une réaction purement chimique proposée par Radziszewski (1), qui comparait, sans avoir d’ailleurs fait aucune expérience sur les animaus et les végétaus lumineus, la fonction photogénique à ces oxydations lentes accom- pagnées d’émission de lumière que l’on peut obtenir avec une foule de composés organiques en milieu alcalin. Mais si, d’une part, on considère que la substance photogène de la Pholade obéit, comme je l’ai montré, à toutes les influences qui agissent sur la matière vivante protoplasmique; que celle-ci se présente sous forme de zymase, de ferment figuré ou d’élément anatomique; et si, d’autre part, on constate toujours, là où se pro- (1) Radziszewski ; Ueber die Phosphorescens der organischen und organisirlen Koerper, Ann. der Chem.^ GGIII, p. 305, 1880. DE LA PHOLADE DACTYLE 153 duit la lamière animale, l’existence de particules organisées susceptibles de subir les métamorphoses que j’ai indiquées, on sera plutôt porté à admettre qu’il s’agit d’iin phénomène d’ordre bio- logique. On est donc conduit à* penser que la matière vivante est réductible en particules infiniment petites, susceptibles de con- server pendant un certain temps leur vitalité, soit à l’état latent, soit à l’état actif et ne différant des ferments figurés que par leur impuissance à se reproduire. Actuellement, il ne nous paraît pas plus possible d’exprimer par une formule chimique la production de la lumière par les êtres vivants que celle de la chaleur, ou de l’électricité par les animaus ou les végétaus. Cette constatation, qui n’a d’ailleurs en elle-même rien de décourageant, nous autorise à croire qu'zY existe une mécanique spéciale ans êtres vivants^ qiiil ne faut qjas con- fondre avec la mécanique chimique ou physique des corps bruts ^ chez lesquels il n'y a ni reproduction, ni nutrition, ni hérédité, ni évolution dans le sens propre du mot. On comprendra peut-être mieux maintenant pourquoi nous nous refusons à reconnaître aussi bien l'existence dhme Chimie physiolo- gique que la réalité d'une physique biologique. CONCLUSIONS GÉNÉRALES L’étude anatomique et hislologique du siphon de la Pholade dactyle montre combien il est indispensable, en physiologie com- parée surtout, de ne jamais séparer la connaissance approfondie de la structure morphologique de Tanalyse physiologique des fonc- tions^ malgré l’indifférence que celles-ci peuvent affecter souvent vis-à-vis des organes, en vertu des lois de l’adaptation. - Elle montre, en outre, que les éléments anatomiques ne sont pas morphologiquement aussi indépendants les uns des autres qu’on le suppose très généralement. L’analyse physiologique, basée sur l’observation, sur l’expéri- mentation et sur le raisonnement, nous apprent que le siphon de la Pholade, malgré la simplicité de son organisation^ peut répondre ans besoins les plus divers. Nous l’avons vu concourir à l’accom- plissement des nombreuses fonctions d’alimentation, de respira- tion, de reproduction, de défense, de locomotion, de sécrétion et d’excrétion ; il est le siège principal de la fonction photogénique et sert à l’exercice du tact, de l’olfaction, de la gustation et de la vision. Grâce à l’application de la méthode graphique à l’étude des sensations, leur mécanisme intime se réduit à des réactions phy- siologiques d’une extrême simplicité, malgré la diversité des exci- tations qui les provoquent, si nombreuses et si différentes pour- tant par leur nature et par leur intensité. Ce mécanisme, considéré chez la Pholade, ne paraît pas d’ailleurs sons beaucoup de rap- ports, fondamentalement différent de ce qu’il est chez l’homme. Dans les organes des sens, d’après les faits qui nous ont été révélés par l’observation et l’expérimentation, ce n’est pas la neu- 156 ANAT03IIE ET PHYSIOLOGIE COMPARÉES rilité ou excitabilité nerveuse qui est primitivement mise en jeu, mais bien l’irritabilité et la contractilité des segments contractiles faisant partie d’un système (système avertisseur) comparable aus éléments neuro-inyo-épithéliaus^ dont on a constaté depuis long- temps l’existence che? les animaus inférieurs, j Sous rinfluence d’une excitation extérieure, les segments con- tractiles périphériques entrent en mouvement, comme cela a lieu d’ailleurs pour les végétaus sensibles (mimosa, pudica, etc.) chez lesquels la sensibilité et la motricité sont confondues ; c’est ce que j’appelle V impression. :;Ces mouvements périphériques déterminent dans les terminai- sons nerveuses un ébranlement spécial et différent suivant la vitesse et l’intensité de l’impression : C’est la sensation qui a son siège dans l’organe des sens. ; Les nerfs ou les pléxûs qui font suite à ces terminaisons neurales transportent aus centres nerveus les impressions du système aver- tisseur qui sont devenues des sensations. Dans ces centres, la sen- sation éveille la perception. La perception est différente selon le centre qui répont à l’im- pression périphérique : elle peut être manifestée par un réflexe simple et inconscient (perception inconsciente) ou donner lieu à un réflexe plus compliqué se traduisant, par exemple, par un mou- vement volontaire (perception consciente). Chez laPholade, les sensations dépendent toutes de mouvements périphériques très-analogues, sous le rapport de leur nature, et il n’y a, en réalité, qu’un seul sens, le tact ; quant à la différentiation des perceptions elle s’opère dans les centres nerveus ausquels sont distribués suivant leurs rythmes particuliers, les ébranlements sensoriels partis du système avertisseur. L’immense variété des sensations ne dépent que de deux variables, qui amplitude la vitesse la contraclion des segments contractiles périphériques. Cette vérité étant établie expérimentalement, on admettra facile- ment que les perceptions ne diffèrent entre elles que par le rythme et par la grandeur impressions qui leur donnent naissance ainsi que par la spécialité du centre récepteur. . . DE LA PHOLADE DACTYLE 157 Quant à l’analyse du mécanisme de la fonction photogène, elle nous conduit à reconnaître que les phénomènes physio- logiques obéissent aus lois spéciales de la mécanique biologique et qu’ils ne sont pas réductibles, même dans les cas les plus simples, à des phénomènes chimiques ou physiques proprement dits. De plus, elle nous montre que ces phénomènes, alors même qu’ils se traduiraient par des manifestations physiques ou chimiques, ont cependant toujours leur siège dans la substance protoplasmique. Celle-ci peut affecter la forme de particules extrêmement petites^ qui ne diffèrent d’ailleurs^ dans leurs manifestations, des micro- organismes, que par leur impuissance à se reproduire. On peut donc dire que la lumière animale et végétale est un phénomène physiologique, comme la chaleur et l’électricité produites par les êtres vivants. Au point de vue du mécanisme organique, ce qui frappe le plus, c’est la grande analogie de structure et de fonctionnement des par- ties qui servent à la fonction dermatoptique et de celles qui assurent l’exercice de la fonction photogénique. Mais, tandis que le phénomène dermatoptique est provoqué par des vibrations lumi- neuses venues du dehors, le phénomène photogénique a pour résul- tat final rémission de radiations lumineuses dans le milieu ambiant. Par les rapprochements que la physiologie générale et la phy- siologie comparée établiront entre beaucoup de faits actuellement accumulés sans méthode, on peut espérer que les lois naturelles se simplifieront dans notre esprit en se généralisant de plus en plus. Ces jeunes sciences, en faisant œuvre de synthèse dans l’ordre des phénomènes de la dynamique biologique, réagiront utilement contre l’influence stérilisante de l’abus de l’empirisme et de la spé- cialisation en physiologie. m ■ ' b -■■' 5X5 K;':;? 0^: ^ 7M'- EXPLICATION DES PLANCHES t PLANCHE I Pholade dactyle [dessin de Poli représentant un animal de taille moyenne en grandeur naturelle'), — O, ouverture du siphon garni de tentacules; S, siphon étendu parsemé de papilles; TV, grandes valves; M, manteau; P, pied. PLANCHE II Fig. I. — Photographie microscopique d'une coupe transversale de la moitié dorsale du siphon au niveau de sa partie moyenne [grossis- sement 10 diamètres), reproduite par la photogravure : E, canal dorsal ou expirateur; A, paroi postérieure du canal ventral ou aspi- rateur; L, cordon de Poli; a, couche rnyo épithéliale; b, couche neuro-conjonctive; c, couche superficielle des muscles longitudinaus ; d^ zone des fibres contractiles circulaires; e, couche de faisceaus musculaires longitudinaus épars dans les travées conjonctives radiées résultant de l’épanouissement des cloisons aponévrotiques des muscles centraus; /*, zone externe des grands muscles longitu- dinaus centraus; f' zone interne des grands muscles longitudinaus centraus; e' couche profonde de petits faisceaus musculaires épars dans des travées conjonctives correspondant à e \ d' , couche interne de fibres musculaires correspondant à d\ c', muscles longitudinaus profonds correspondant kc\b\ couche neuro-conjonctive interne; a' , couche myo -épithéliale interne. 160 ANATOMIE ET PHŸSIÔLO(ilÊ dOMPARÉES Fig. II. — Portion de la flg. III (grossissement environ 40 dia- mètres). Fig. III. — Secteur de la coupe de la figure I ( grossissement 20 diamètres). Les mêmes lettres indicatrices correspondent aux mêmes couches que dan^ la, figure L. ,, , ■ ■ ■ ' ; l' ^ H , ^ I ■ ' - i PLANCHE III Fig. I. — Papilles du siphon {coupe longitudinale microphoto- graphique, grossissement 700 diaynètres environ); P, P, P, sommet des papilles; e, e, segments épithéliaus ; /) f, fibres contractiles delà zone myo-épithéliale; n,n, couche neüro-conjonctive. Fig. II. — Papilles terminales des tentacules garnissant V ouver- ture du canal ventral du siphon. — P\ P', sommet des papilles tëntacülaires; e\ e , segments épithéliaus; f , f , f , fibres contractiles àe la zone myo-épithêliale; n\ n' , n , couche neuro-conjonctive. Ces deus coupes montrent nettement la continuité des segments épithéliaus et des segments contractiles. PLANCHE IV Fig. I. — Papille du siphon {coupe longitudinale), P, sommet de lapapille;e, e, segments épithéliaus; c,tractus du squelette conjonctif du siphon; 72, couche neuro-conjonctive avec de nom-. breuses cellules nerveuses; m, m, faisceaus musculaires de la couche c, et fibres musculaires de la couche d de la figure 1 et 3, PL IL Fig. IL — ^ Coupe transversale d'une papille. — m, section trans- versale des faisceaus cohtractiles superficiels longitudinaus. r ■ ■ ■ ' PLANCHE V • Fig. I. — Coupe oblique de deus papilles. — P, P, sommet des* papilles; e, segments épithéliaus se continuant avec les segments^ contractiles fusiformes /’/'. DE LA PHOLADE DACTYLE 161 i ' •. Ç ' ^ PLANCHE VI. Fig, I. — Coupe longitudinale d'une papille. — e, segments épi- tliéliaus se continuant avec des fibres contractiles /*, f\ n, cellules nerveuses. Fig. IL — Coupe d'uner'étine de caméléon. — er, er, er, épithélium pigmentaire de la rétine; fr, fr, franges rétiniennes; c, c, c, cônes rétiniens en continuité avec les cellules pigmentaires; n, n, n, n, couches profondes à cellules nerveuses. PLANCHE VII . Fig. I. — Coupe longitudinale d’une papille montrant la conti- nuité des segments épithéliaus (e, e, e ,) pigmentaires arec les segments contractiles fusiformes de la rétine dermatoptique Fig. II. — Coupe de la rétine de la lamproie. — ch. choroïde; er, er, er, er, épithélium pigmentaire de la rétine; c, c, c, c, terminaison des cônes en continuité avec les éléments pigmentaires rétiniens; 71, n, n, 71, couches renfermant des cellules nerveuses correspondant à la zone neuro -conjonctive de la rétine dermatoptique. PLANCHE VIII Fig. I. — Coupe de V extrémité d'une papille vue à U7i très fo7d grossissement {environ 1200 diamètres). Fig. II. — La 7nême coupe que PL Vil, fig. 2, à un plus foid grossissement. PLANCHE IX Pholade entière ouverte par sa face ventrale et moiitrant V intérieur du cariai aspirateur . — O, ouverture du siphon; c, c, c, c, cordons de Université de Lyon. — II. B. 11 462 ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE COMPARÉES Poli; Br^ Br, Br, branchies; tr, tr, triangles de Poli; S, S, parois du siphon ; m, m, manteau; jo, pied. PLANCHE X Coupe transversale de la cloison du siphon vers sa partie moyenne — Co, Co, cordons de Poli; e, épithélium caliciforme; f, f, fibres contractiles en continuité avec la terminaison des segments épithé- liaus caliciformes; n, n, n, n, masses ganglionnaires nerveuses correspondant à la couche neuro-conjonctive des autres parties du siphon; fc, fc, fc, fibres circulaires contractiles se continuant avec celles de la couche d' , PI. II, fig. 1 et fig. 3; AI, M, masses muscu- laires longitudinales. PLANCHE’ XI Coupe transversale d’un cordon de Poli. — Co, Cordon; ec, ec épithélium caliciforme]; fc, fc, fibres ou segments contractiles en continuité avec l’épithélium; n, n, n, masse ganglionnaire nerveuse en continuité avec les segments contractiles; /m, fm, fm, fibres musculaires circulaires sous-jacentes correspondant à la couche d des fig. 1 et 3 de la PL II ; üf, M, masses musculaires longitudi- ' nales profondes, correspondant a la f des fig. 1 et 3 de la PI. II; a' a , couche myo-épithéliale interne se modifiant pour former les couches ec Ci fc. PLANCHE XII Fig. I. — Coupe longitudinale d’un cordon à un plus fort grossis- sement que dans la Planche XII. — ec, ec, ec, segments épithéliaùs caliciformes; fc, fc, fibres contractiles en continuité d’une part avec la terminaison des segments épithéliaùs et d’autre part avec les tractus nerveus tr. n, tr. n, de la masse ganglionnaire nerveuse n, n. Fig. II. — Coupe transversale d'un cordon. Les mêmes lettres indicatrices indiquent les mêmes parties que dans la fig. delà PL XL DE LA PHOLADE DACTYLE 163 PLANCHE XIII Fig. 1, 2, 3. — Clasmatocytes en voie de migration concourant à la formation du mucus lumineus; 1, éléments migrateurs occupant la partie profonde de la paroi interne; 2, éléments s’allongeant pour traverser cette paroi; 5, éléments parvenus à la surface interne du siphon. Fig. 4. — Grosse vacuolide des organes lumineus du lampyris noctiluca vue à un très fort grossissement. Fig. 5. — Photobactériiirn pholas. PLANCHE XIV Système nerveus du Pholas dactylus {sohémdi) . A , B, branches profondes du nerf palléal; C, branche de la paroi interne du siphon ventral; P, triangle de Poli; NB, nerfs branchiaus; Pp, nerfs palléaus })Ostérieurs; G V, ganglions viscéraus; C du C, cordon du grand collier; iV7, nerfs intestinaus; N P, nerf pédieus; GP, ganglion pédieus; C du pt C, cordon du petit collier; L, branches des palpes labiales; Pa, nerfs palléaus antérieurs; O, bouche; GG, ganglions cérébroïdes; Ca, commissure antérieure. PLANCHE XV Figures 1, 2, 3, 4, 5, 7, segments épithéliaus; 8, élément neuro- myo-épithélial de la paroi externe ; 10, 11, 12, 13, papilles de la paroi externe du siphon; 14, 15, 16, 17, éléments neuro-myo-glandulaires des cordons et des triangles de Poli; 18, 19, 20, 21,22, formes diverses des éléments neuro-myo-épithéliaus; 23, 24, disposition des éléments neuro-myo-glandulaires dans les cordons et dans les plaques; cellule migratrice ou clasmatocyte à mucus en voie de migration; fig. 26, d'- o> cellules à mucus et à granulations photogènes; a^,dd, vacuolides ; o?, sphéro-cristaus ; b^, globules du sang. %Æ I ■'"v • ■ ' ■ ' ■■ ■■’ Photo^r^Avure A.Lurruére Sc ses T J Fig ni Fig r. Pkc-r-crrti-jt ,-A. Zumz-r-. a.- F lmp Ch Vhttmarm ;îl,» m. P1.]]L PI III lmp. Ch . Wj ttmartn Photogravure A-Lumière 8c ses Fzls I P!JV P e e tr. c. tr. c. f.l. f.l. n . n. m. m. V ■~'h .Wittmajnn Photo^rdxvurB A ^umiére 1' PI. VI Fig. 1 PI. vu PI. vil Fig, II nip .Ch .Wiumaim Photogravure A Lum: a: Fig, I PI. VIII. P- ch. ch. e.r. e.r. c. c. c. PI. VIII Photogravui’eA.Lumièi'eScseB Fig.II lmp Ch.Wjttmamn PL IX P] :x Photogravure A.Lumiére & ses Fils lmp. Ch 'i'vzzimarm V I I p]-x. i j i*) Pl.X Fl. XI lmp. Ch.Wittnxa.rm PhotogrAYure Alvimere S- se.V,ryv- K-- ' • ' ï'V '" ' ' ' ’• : ■' r ' . . r' ...'- ' . •■ ■''^^ • .: ■ V' .'îf.» •. .■ ■/, ;r v;,v' :., , .■'» ":V ■ '/ -- , . --y ■' ■ V. ' j. I J ! J '.‘i- 1. 3 ’ 1 ' ’.■ V l'jfy»:' • ■ ; "î-' ' '■ t. .'. '^V U-»: ■ n:- 'V , ..• r' ^ ’.xjaHîî-' • '■• '•■ ^': ' -■'♦•■’i*-* ' ‘ ../. . ;• ■■;■'! » •‘■•‘.fviVpTT V f - V'/^ ‘ ' ' ’ ' ■• ' ’ *’ • ^ ,'4', .■-:7,..:. \ ' ' ' ; '■■ yç j «{>:., >'lv . . .. 7^ , ' ...*^ ./ . l * • -' - ^ '■■■ "7"' '■ ’y' •'■ ■' 'ij.; ; ,.,;.vi.-;-u. ;Vï' ’,;- V’ï ^ ' ,:' \ , ' ' - ■ V V .i-' .4. <1:2^ , , - , J . .< ^ - ' -.1:. X., . .:.V44x'::r.ï'4 - r.xx.%-.'.'X - ^''yy y . y y -:■. y' r ';,, ■ •; .■ / ■ ç :, '‘: V'..' À PREMIÈRE PARTIE APERÇU ANATOMIQUE Avant d’aborder notre étude physiologique, nous croyons néces- saire de rappeler brièvement l’anatomie du nerf. Nous aurons d’ailleurs dans ce court exposé, l’occasion de rectifier un certain nombre d’erreurs, et de signaler quelques faits non encore connus. Origine apparente du nerf. — Le nerf pneumogastrique (pl. i, fig. 1) naît sur le côté latéral du bulbe (position de racines posté- rieures), par un certain nombre de filets radiculaires (6 à 8). Le plus postérieur de ces filets, n’est autre que le nerf spinal, comme l’a établi Bischoff (11). Mais celui-ci se trouve réduit exclusi- vement à ses racines bulbaires, et à l’exception d’un tout petit filet innervant quelques muscles du cou, et qui correspond à la branche externe, il se jette en totalité dans le pneumogastrique. Nous nous rangeons à l’opinion de Chauveau et Arloing (15) et de François-Franck (26) qui tendent à considérer la branche interne du spinal, comme faisant partie virtuellement du pneumogas- trique, et le nerf que nous étudierons dans ce travail sous ce nom, sera en réalité un vago-spinal. Partie intra-cranienne . — ■ Les racines du pneumogastrique vont se jeter, en même temps que celles du glosso-pharyngien, dans un gros ganglion unique (fusion du ganglion jugulaire et du ganglion d’Ehrenritter), ainsi que l’a établi Marage (35) et que nous avons pu maintes fois le constater nous-même. 6 SUR LE PNEUMOGASTRIQUE DES OISEAUX Au sortir du ganglion, les deux nerfs se séparent, cheminant parfois chacun dans un canal osseux propre*(oie, canard) ; d’autres fois (poule, pigeon), se trouvant réunis dans le même canal, avec une gaine conjonctive commune. Ils sortent enfin du crâne par le trou déchiré postérieur. Partie cervicale. — A peine sorti du crâne, le pneumogastrique envoie une et quelquefois deux grosses anastomoses au gloss o- pharyngien, et va constituer avec ce nerf le laryngé supérieur et le pharyngo-œsophagien sur lesquels nous reviendrons. La grosse anastomose en question a été signalée depuis longtemps par Bam- berg (5) : elle se fait ordinairement à la hauteur du ganglion pétreux où d’Andersh (pl. i, fig. 1, 3, 4), mais parfois un peu au-dessous, chez le hibou (pl. i, fig. 5) par exemple; on peut voir alors nettement, comme nous l’établirons d’ailleurs d’une manière irréfutable que c’est le glosso-pharyngien qui fournit les fibres du rameau anastomotique, et non l’inverse, comme Bamberg l’a sup- posé. Après cette anastomose, le pneumogastrique croise l’hypo- glosse avec lequel il entre en connexion par un fin filet, puis des- cend tout le long du cou, en accompagnant non la carotide, qui est chez les oiseaux appliquée contre la face antérieure des ver- tèbres cervicales, mais la jugulaire. Pendant tout ce long trajet, le i tronc du nerf n’émet et ne reçoit aucun filet, sauf quelques anas- tomoses avec les premières paires cervicales. Partie thoraco-abdominale (pl. ii, fig. 1,2, 4, 5). — Peu après ! sa pénétration dans le thorax, le nerf se renfle en un ganglion i qui n’a pas encore été signalé chez les oiseaux, et dont on avait > seulement constaté la présence dans le groupe voisin des crocodi- i liens, et chez les sauriens. Ce ganglion est cependant assez visible, < pour être distingué même à l’œil nu, nous l’appellerons ganglion i thoracique. Il fournit un certain nombre de filets, qui concourent i à la formation du plexus cardiaque. Un peu au-dessous de ce gan- , glion, se détache un nerf assez volumineux, qui remonte le long du ' tube digestif, et qui est l’analogue du récurrent : nous signalerons plus loin ses particularités. A peine le récurrent est-il fourni, que le tronc du nerf se dédouble, et forme un collier plus ou moins j APERÇU ANATOMIQUE 7 analogue à l’anneau de Yieussens, dans l’orifice duquel passe l’artère pulmonaire. L’une des branches de cette bifurcation, qui est beaucoup plus grosse que l’autre, et passe sous l’artère, fournit les différents filets qui concourent à [a formation du plexus pul- monaire. Quand le tronc est redevenu unique, il fournit de nouveau des filets destinés au plexus cardiaque; puis il descend le long du ventricule succenturié, côte à côte avec son congénère, avec lequel il vient se fusionner parfois sur une certaine longueur (hibou). Mais le plus souvent, les deux troncs demeurent distincts. Arrivés au niveau du gésier, ou, si l’oiseau est carnivore, de la grande courbure de l’estomac, les deux nerfs vont se jeter dans un plexus sympathique, analogue au plexus solaire. Souvent, ils semblent prendre une part égale à la formation de ce plexus, mais parfois (hibou) le gauche semble fournir des filets plus gros et plus abon- dants, le droit s’étant plus ou moins épuisé dans la formation du plexus stomacal. Ce serait là l’inverse de ce que l’on constate généralement chez les mammifères. Nous remarquerons en pas- sant, que nous avons trouvé une disposition analogue, mais beau- coup plus prononcée, chez les sauriens. Une fois que le pneumogastrique a pénétré dans le plexus cœliaque, il est impossible d’en suivre anatomiquement les filets. La physiologie seule nous apprend qu’il va innerver le foie, les reins, la rate, le pancréas, l’intestin. C’est donc avec raison que Marage attribue une part au pneumogastrique dans la formation du nerf intestinal. Nous n’avons pas donné de description à part, du pneumogas- trique droit et du pneumogastrique gauche. Ces deux nerfs ne pré- sentent guère en effet que des différences de position, peu impor- tantes pour le physiologiste : nous avons signalé les autres au cours de la description. Revenons maintenant un peu plus en détail sur les différents nerfs émanés du tronc du vague. 1* Laryngé supérieur et pharyngo-œsophagien. Au niveau du ganglion d’Andersh, au point où s’anastomosent le pneumogastrique et le glosso-pharyngien, ou bien do l'union de 8 SUR LE PNEUMOGASTRIQUE DES OISEAUX cette anastomose avec un filet émané du ganglion pétreux, se détache un nerf qui ne tarde pas à se bifurquer en deux branches. L’une, qui se dirige horizontalement en suivant le bord du maxil- laire, est le laryngé supérieur; l’autre, qui descend le long du pharynx et de l’œsophage, est le pharyngo-œsophagien. Le laryngé supérieur (1. s., pl. i, £g. 1, 3, 4, 5), ou simplement laryngé, car il est le seul se distribuant au larynx, ou mieux pha- ryngo-laryngé, à cause de sa distribution spéciale, fournit en effet des filets au pharynx et au larynx supérieur. Après avoir reçu une nouvelle anastomose du glosso-pharyngien, il fournit un certain nombre de nerfs qui vont se terminer dans le plexus pharyngien, avec des filets du pharyngo-œsophagien et de l’hypoglosse. Conti- nuant ensuite sa route, il va s’épuiser dans les muscles du larynx supérieur, et dans la muqueuse de cet organe. Ce nerf est à la fois sensitif et moteur; il fournit la sensibilité et le mouvement au larynx supérieur, et la sensibilité au pharynx. Les filets moteurs du larynx sont dus partiellement au pneumogastrique (constric- teurs) et partiellement au glosso-pharyngien (dilatateurs) : ses filets sensitifs sont fournis par le pneumogastrique. Quant aux filets sensitifs pharyngiens, ils sont dus au glosso-pharyngien. Le pharyngo-œsophagien (br. ph. as., pl. i, fig. 1, 3,4, 5) est un nerf qui descend tout le long du pharynx et de l’œsophage dans lesquels il s’épuise. Il forme d’abord le plexus pharyngien auquel concourent les branches pharyngiennes du laryngé et l’hypo- glosse; puis le plexus œsophagien. Ce nerf est exclusivement moteur et sa motricité lui est fournie par le tronc du pneumo- gastrique. 2“ Récurrent. Ce nerf se détache du pneumogastrique, un peu au-dessous de son ganglion thoracique. 11 offre ceci de particulier, qu’il ne fournit aucun filet au larynx supérieur. Après avoir fourni quel- ques nerfs au plexus pulmonaire et au plexus cardiaque, ainsi qu’au syrinx, dont l’innervation motrice est assurée par un filet de l’hypoglosse qui descend le long de la trachée, et qu’on pren- drait au premier abord pour un laryngé inférieur, il remonte le APERÇU ANATOMIQUE 9 long du jabot, dans lequel il s’épuise. Chez les oiseaux qui n’ont pas de jabot, le récurrent innerve la portion œsophagienne corres- pondante. 3° Plexus cardiaque. Ce plexus est formé par un certain nombre de filets, se détachant du tronc du nerf, les uns au-dessus, les autres au-dessous de l’ori- gine du récurrent. Ces nerfs vont s’anastomoser avec des cordons sympathiques qui proviennent d’un nerf cardiaque unique. Celui-ci a son origine dans deux filets, se détachant des ganglions correspondant aux deux derniers nerfs du plexus brachial, ou bien au dernier nerf de ce plexus et à la paire suivante (pl. ii, lig. 1 et 3). Quelquefois, au lieu que les dernières branches du sympathique et du vague s’anastomosent, on voit se jeter direc- tement le nerf cardiaque sympathique dans le tronc du vague (pl. Il, fig. 5). C’est sans doute cette disposition qu’a observé Marage, quand il parle d’anastomoses du pneumogastrique avec un nerf du plexus brachial. Nous n’insisterons pas sur la descrip- tion du plexus cardiaque lui-même, qui a été étudié avec soin par Marage dans son étude sur le grand sympathique des oiseaux. Frappé du petit nombre de filets sympathiques qui entrent dans ce plexus, il en avait induit que le tronc même du vague devait ren- fermer de nombreuses fibres accélératrices ; nous verrons plus loin que l’expérimentation n’a pas confirmé cette hypothèse. 4® Plexus pulmonaire. Ce plexus est formé par un très grand nombre de filets, qui se détachent les uns au-dessus, les autres au-dessous de l’anneau qui embrasse l’artère pulmonaire ; ils vont s’anastomoser avec des rameaùx sympathiques. 5° Plexus stomacal et cœliaque. Au moment où les deux nerfs pneumogastriques qui descendent côte à côte le long de la face antérieure du ventricule succenturié arrivent au niveau du gésier, ou, chez les oiseaux qui n’en possè- dent pas, au niveau du renflement stomacal, ils s’anastomosent entre eux pour former un riche plexus stomacal. Le plus souvent, les deux nerfs semblent prendre une part égale à la constitution du JO SUR LE PNEUMOGASTRIQUE DES OISEAUX plexus (pl. Il, fig. 4), mais parfois c’est particulièrement le nerf droit qui le compose (pl. ii, fig. 2). Un certain nombre des branches de ce plexus vont se jeter dans un amas ganglionnaire sympa- thique, et forment avec lui le plexus cæliaque, à partir duquel il est impossible de suivre les filets du pneumogastrique, à l’excep- tion de deux, qui accompagnent le duodénum (pl. ii, fig. 4) et paraissent provenir surtout du pneumogastrique droit. Les nerfs sympathiques qui concourent à la formation du plexus cæliaque, prennent leur origine dans les ganglions des deux paires ner- veuses qui font suite au plexus brachial (pl. ii, fig. 3). Les racines se fondent en un ou deux troncs homologues des splanchniques, et qui vont se jeter soit dans un gros ganglion homologue du semi- lunaire, soit dans un groupe de petits ganglions qui repré- sentent par leur ensemble le premier. Constitution du vague. Nous avons pu voir, au cours de cette description, qu’en aucun point de son parcours, sauf au niveau des ramifications constituant les plexus, le pneumogastrique ne contracte d’anastomoses avec le sympathique. Cependant, les résultats mêmes de l’excitation du tronc du nerf, soit au point de vue moteur, soit au point de vue ' sensitif, semblent parler en faveur d’une constitution du moins ' partiellement sympathique. Marage, qui a remarqué cette absence i d’anastomoses dans la partie céphalique du nerf, absence déjà i constatée d’ailleurs par Rocbas (41), s’appuie sur la présence du gros i ganglion d’origine, pour expliquer la nature sympathique du nerf : | on peut encore invoquer la présence du ganglion thoracique que I nous avons découvert. Mais tout n'est pas là : on sait que chez les mammifères, indé- pendamment des connexions manifestes du nerf avec le ganglion i cervical supérieur, connexions qui manquent chez les oiseaux, i on admet que le pneumogastrique reçoit un certain nombre i de fibres sympathiques médullaires, qui lui sont apportées par le faisceau solitaire. Il est très probable qu’il en est de meme chez | les oiseaux. Et à ce propos, nous avons fait dans un groupe | APERÇU ANATOMIQUE H très voisin, les crocodiliens, June observation qui ne manque pas d’intérêt. Vogt a signalé depuis longtemps chez ces animaux, un cordon sympathique particulier qui rampe le long de la face antérieure des vertèbres cervicales, et auquel il a donné le nom de svmpa- thique médian ou impair. Mais il a commis quelques erreurs dans sa description. Gaskell (1 . qui l'a décrit plus exactement, n'a posé aucune conclusion sur sa signification. Ce sympathique médian est constitué comme il suit : Il prend naissance au niveau de la dixième vertèbre, formé par la réunion de deux filaments, qui émanent des deux ganglions sympathiques correspondant à la dixième paire rachidienne. Il remonte alors le long des vertèbres, grossi de proche en proche par l'adjonction de nouvelles paires de filaments émanant des gan- glions correspondant aux neuvième, huitième, septième, cin- quième, quatrième, troisième paires rachidiennes. Ces deux fila- ments se fusionnent avant de se jeter dans le tronc médian, et à partir de la septième paire, au point où ils s'y jettent, ce dernier présente un petit renflement ganglionnaire pl. ii, fig. 6 et 7 . Au niveau de la troisième paire cervicale, le s^mipathique impair qui a acquis sa grosseur maxima. se bifurque, et chacune des branches va se jeter dans le ganglion d'origine du vague et du glosso-pharyngien. On peut se demander, si ce s\Tupathique médian, ne représente- rait pas un trajet extra-rachidien des fibres sympathiques du cor- don solitaire, qui serait détaché de la moelle, au lieu d'y être inclus comme chez les mammifères et probablement chez les oiseaux. Quoi qu'il en soit, malgré l'absence de connexions visibles du tronc du vague avec le cordon limitrophe, nous pensons qu’on doit admettre que ce nerf est chez les oiseaux, comme dans tous les autres groupes étudiés, un vago-sympathique. (1) Gaskell et Gadovr. On the Anatomy of the cardiac nerves, etc. (Journal of physiology, V). 12 SUR LE PNEUMOGASTRIQUE DES OISEAUX C’est donc en réalité un nerf fort complexe que nous allons exa- miner dans cette étude physiologique, puisqu’il contient, outre ses fibres propres, et celles que lui fournit la racine qui représente le spinal, vraisemblablement encore des fibres sympathiques. Mais c’est en somme le nerf constitué comme il vient d’être dit qui agit sur les organes auxquels il se distribue. Avant de chercher à pous- ser plus loin l’analyse, nous croyons bon, sans dissocier les filets, de rechercher l’action du groupement désigné par les anatomistes sous le nom de nerf vague. D’ailleurs, le pneumogastrique tel que nous l’avons étudié, est analogue comme composition à celui qu’ont étudié sur les mammifères tous les physiologistes; et comme nous voulions faire une œuvre de comparaison, c’est celui-là sur lequel nous devions faire porter nos recherches. DEUXIEME PARTIE INFLUENCE DU PNEUMOGASTRIQUE SUR LES FONCTIONS DE NUTRITION 1° Influence sur la respiration. Nous diviserons cette étude en deux parties : effets mécaniques, comprenant l’influence sur les larynx, sur le type respiratoire, sur la contractilité pulmonaire et sur la ventilation ; effets chimiques, examen de l’acide carbonique éliminé et de l’oxygène absorbé. 1. — Effets mécaniques. a.) Influence sur le larynx supérieur. Lorsqu’on sectionne chez un oiseau les deux pneumogastriques dans la région du cou, on voit que contrairement à ce qui se passe chez les mammifères, les mouvements de la glotte persistent et sont même exagérés. A chaque mouvement inspiratoire, le larynx se soulève violemment, en même temps que les deux lèvres de la glotte s’écartent largement; le larynx redescend et la glotte se referme à chaque mouvement expiratoire. Ce fait, déjà signalé par Boddaert (13) chez le pigeon, et qui est général chez tous les oiseaux que nous avons eu l’occasion d’examiner, s’explique faci- lement par l’examen de l’innervation du larynx. Ce dernier reçoit SUR LE PNEUMOGASTRIQUE DES OISEAUX 14 un seul nerf, qui est plus ou moins l’analogue du laryngé supé- rieur; et le récurrent, ou plutôt le nerf qui le représente, se dis- tribue exclusivement au tube digestif. Quand la section des pneu- mogastriques est faite au cou, elle porte au-dessous des filets laryngés, elle n’est donc suivie forcément d’aucun effet sur le larynx. Il entre dans le nerf laryngé des fibres appartenant au pneumo- gastrique et au glosso-pharyngien, mais avant d’examiner ce qui revient à chacun de ces deux nerfs, voyons d’abord les effets géné- raux de l’excitation du laryngé. Quand on excite le tronc du laryngé in continiio, on voit la glotte se dilater, et le pharynx se contracter, en même temps que l’animal pousse un grand cri et que la respiration s’arrête en expi- ration. Le nerf renferme donc, à n’en pas douter, des filets sensitifs ' et des filets moteurs, et en effet, l’excitation du bout périphérique produit des mouvements de la glotte, celle du bout central, un violent cri expiratoire avec arrêt de la respiration : elle produit ' aussi des contractions du pharynx que nous expliquerons plus ' tard. Si maintenant on fait porter les excitations sur les deux troncs i composant du nerf, on observe : i SBoul central. — Cri réflexe, arrêt en expiration. Bout périphérique. — Mouvements de la glotte (cons- ' ^ trictioii.) t Bout central. — Contraction du pharynx. ! Glosso-pharyngien . . < Bout périphérique. — Mouvements de la glotte (dila- I ( tation). ’ La conclusion de ces résultats, est que toutes les fibres sensi- ! tives du larynx sont fournies par le pneumogastrique, les fibres | motrices étant fournies par le pneumogastrique et le glosso- | pharyngien. Il semblerait que le pneumogastrique soit plutôt constricteur, et i le glosso-pharyngien dilatateur. : I INFLUENCE DU PNEUMOGASTRIQUE SUR LA NUTRITION 15 b. ) Influence sur le syrinx. L’inQuence du pneumogastrique sur le syrinx est nulle. Après la double section au cou, l’oiseau continue à chanter. Le nerf qui se distribue au larynx inférieur, est une branche qui se détache de l’hypoglosse, et descend tout le long de la trachée. c. ) Influence sur le type respiratoire . 1® Section unilatérale. Au moment où l’on effectue la section, l’animal présente une pause en expiration, qui résulte très prohahlement de l’excitation Fig. L — Coq. Respiration normale. Fig. 2. — Coq. Pneumogastrique gauche coupé depuis trois mois. Respiration. du nerf. Celle-ci est de peu de durée, et la respiration ne tarde pas à reprendre. Elle est d’abord un peu ralentie et irrégulière, mais cet effet n’est que passager, et au bout de quelques jours elle est complètement normale au point de vue du rythme et de l’ampli- tude. Voici les résultats obtenus sur un coq : 1® Normal, en 15 secondes, 10 respirations. 2° Pneumogastrique gauche coupé, quelques minutes après, même temps, 7 respirations. 3° Pneumogastrique gauche coupé, trois mois après, même temps, 10 respira- tions (voir graphiques fig. 1 et 2). 16 SUR LE PNEUMOGASTRIQUE DES OISEAUX I 2° Section bilatérale. Que cette double section soit faite immédiatement, ou que les deux sections soient faites après un long intervalle, pourvu que l’on ait eu soin de réséquer une certaine longueur du nerf, pour empêcher sa réparation, le résultat est le même. Fig. 3. — Coq. Respiration. Deux pneumogastriques coupés. Effets immédiats. Fig. 4. — Coq. Respiration. Eeux pneumogastriques coupés. Uu quart d'heure après. Coq. — Immédiatement après la double section, les mouvements respiratoires deviennent beaucoup plus rares (3 ou 4 par minute i au lieu de 35 à 40), et ils sont en même temps beaucoup plus ; amples (fig. 3) : l’inspiration est un peu allongée, l’expiration très brève, des pauses en expiration d’une durée de quinze secondes environ séparent deux mouvements respiratoires. Un quart d’heure | environ après, le nombre restant toujours le même, l’ampiitude ! diminue beaucoup, et tombe même au-dessous de la normale I i INFLUENCE DU PNEUMOGASTRIQUE SUR LA NUTRITION 17 (tig. 4). En même temps, on constate un certain changement dans la forme de la courbe : l’expiration reste toujours très brève, mais l’inspiration s’allonge notablement. Au bout de quatre ou cinq jours, les mouvements sont devenus plus fréquents (12 ou 13 par minute), mais ont encore perdu en amplitude. L’inspiration reste très allon- gée, mais l’expiration n’est plus si brève; parfois même elle s’al- longe beaucoup, et se fait pour ainsi dire en deux temps. La pause expiratoire est réduite à deux secondes. Ce type se continue jus- qu’à la mort (fîg. 5). Voici d’autres chiffres relatifs à un coq et à un pigeon : Coq. Pigeon. Nombre normal des respirations par minute. ... 40 90 Aussitôt après double section, nombre 4 9 Durée de la pause expiratoire 15'' 8" Quatre jours après la double section, nombre ... 12 23 Durée de la pause expiratoire 2" 2" Dans les tableaux suivants, relatifs à deux pigeons, nous avons consigné outre les résultats relatifs au nombre des respirations, ceux qui ont trait à leur amplitude. Les observations ont été faites tous les jours jusqu’à la mort. Premier pigeon : poids, 420 grammes; mort au bout de six jours. NATURE de l’observation ANIMAL PNEUMO- GASTRIQUE JOURS APRÈS NORMAL coupé 1/4 d’h. après 1 2 3 4 5 Nombre des inspira- tions par minute. . 30 11 18 18 18 18 18 cent, cubes cent, cubes c. c. c. c. c. c. c. c. c. c. Volume moyen d"une 5.4 inspiration .... 6.5 6 6 5.5 4.6 4.6 Université de Lyon. — ii. c. 2 18 SUR LE PNEUMOGASTRIQUE DES OISEAUX Deuxième pigeon : poids, 318 grammes; mort au bout de cinq jours. NATURE de l’obskrvation ANIMAL PNEUMOGASTRIQUE coupé 1 /4 d’heure après JOURS APRÈS NORMAL 1 2 1 1 3 4 Nombre des inspira- tions par minute. . 35 9.5 20.5 22.5 20.5 18.5 cent, cubes cent, cubes c. c. c. c. c. c. c. c. Volume moyen d’une inspiration .... 5 4.25 4 3.4 2.5 2.6 Ces deux tableaux, et les chiffres relatifs au troisième pigeon qui sont cités plus haut, montrent que les nombres obtenus sont très variables avec l’animal. Mais ce quhl en ressort de général, ce sont les phénomènes suivants : 1® après la section, le nombre des i mouvements respiratoires diminue beaucoup ; ce nombe se relève dès le lendemain, pour rester à peu près stationnaire jusqu’à la mort, et inférieur au chiffre normal ; 2® l’amplitude de la respira- tion (sauf dans les premiers moments) va en décroissant depuis le moment de la section jusqu’à la mort. Nous verrons l’importance de ce fait, dans notre étude des effets chimiques. Quelle est maintenant la cause de cette modification profonde du j rythme qui suit la double section des vagues. D’après des expé- riences artificielles, M. Arthaud (1) a cru pouvoir conclure que ces ' modifications étaient dues à la paralysie des muscles lisses des | bronches. Il se peut que cette paralysie y soit pour quelque chose, ' mais pour nous les causes prépondérantes sont : 1® la présence du i mucus dans les bronches ; 2® la suppression de l’innervation sensi- , tive du poumon. Pour ce qui est de la présence du mucus, nous ' avons pu constater sur des animaux chez lesquels l’inspiration de | vapeurs irritants avait déterminé une hypersécrétion de ce mucus, I que le rythme de la respiration était identique ou à peu de chose | près à celui qui suit la double section (fig. 6). On sait de plus qu’à < I I INFLUENCE DU PNEUMOGASTHIQUE SUU LA M’ilUTION 10 Fiü. C. — Mue dans les bronclies. 1, Type respiratoire; 2, Retour à l’état iiorujal. 2!) SI H \A^ Pi\EUMOGASTRIQUE DES OISEAUX l’état normal, c’est grâce aux nerfs I sensitifs du poumon que les deux I phases inverses de la respiration I s’appellent l’une l’autre. I 3“ Excitation du ner/dans sa con- tinuité ou du bout central au cou. Quand on excite le nerf dans sa continuité, au-dessous du laryngé supérieur, ou bien son bout central, j que l’autre nerf soit coupé ou in- tact, on observe toujours les mêmes | effets. Dans le cas d’une excitation 1 faible, on voit le rythme respira- * toire s’accélérer; mais dans le cas i d’une excitation forte, on voit la res- piration s’arrêter immédiatement, et toujours en inspiration (fig. 7). ' Nous insistons sur ce résultat, car Paul Bert (9) a établi que chez les mammifères, l’arrêt avait lieu soit en inspiration soit en expiration, sui- ■ vant le moment où on appliquait l’excitant; et chez les mêmes ani- : maux, François-Franck (27) a pré- 1 tendu que après un premier effet ; inspiratoire sensitif, on voyait tou- , jours survenir une expiration. Or, | chez les oiseaux : 1° en appliquant | le courant au début de V expiration j on provoque immédiatement un j mouvement inspiratoire^ et c’est en inspiration que l’arrêt a lieu (1). I On peut du reste, les deux pneu- | I (1) Nous avons obtenu des effets analogues sur le caïman (18). k INFLUENCE DU PNEUMOGASTHIQUE SUR LA NUTUITION 21 mogastriques étant coupés, changer complètement le type respi- ratoire, par des excitations pratiquées en temps opportun; et avoir, au lieu de mouvements séparés par des pauses en expira- tion (fîg. 8), des mouvements séparés par des pauses en inspira- Fig. 8. — Rythme ordinaire après la double section des pneumogastriques. tion |(fîg. 9) ; 2® même en prolongeant pendant longtemps l’excitation (15 secondes), on voit toujours Felfet inspiratoire pré- dominer; la courbe remonte bien un peu, mais au moment où l’on cesse l’excitation (fîg. 7), c’est toujours une expiration violente qui se produit. Si l’on excite très longtemps (22 se- condes), la respiration reprend, mais très courte, et les sommets expirateurs restent au-dessous de la ligne générale des expira- tions (fig. 10). Cependant, quand on anesthésie l’animal, l’excitation Fig. 9. — Changement du rythme respiratoire par des excitations du bout ceuiral pratiquées à la fin d’une expiration. du bout central provoque d’emblée un arrêt en expiration; mais l’effet est aussi le même quand le nerf est fatigué (voir graphiques fig. 11 12 et 13). Quand l’excitation est insuffisante pour produire l’arrêt, les inspirations sont très raccourcies, et la lin de l’excita- tion se marque par une inspiration profonde (fig. 12). Nous concluons donc, en nous ralliant ainsi à l’opinion de Fré- 22 SUR LE ILNEUMOGASTRIQUE DES OISEAUX (léricq (1) que le pneumogastrique ren- ferme au cou des fibres inspiratrices et cxpiratrices, que les premières se fati- guent plus vite que les secondes, et qu’on peut les paralyser par les anes- thésiques. Quand on excite le laryngé supé- rieur, ou bien le pneumogastrique au- dessus du point où ce nerf se détache, l’effet n’est plus le même : c’est un effet expirateur qu’on obtient d’emblée. Cet clfet est tellement marqué, que si l’on pratique l’excitation au moment d’une pause expiratoire (animal à deux pneu- mogastriques coupés), une expiration forcée se produit immédiatement (voir graphiques fig. 14). Nous n’avons pu constater l’inspiration préalable si- gnalée par F. -Franck chez les mam- mifères et qui serait due à la dou- leur. Par l’excitation d’un nerf cu- tané du cou, nous avons au contraire obtenu toujours cette inspiration préa- lable, suivie d’un arrêt en expira- tion (fig. lo). Nous sommes donc forcés, d’après ces résultats, de nous ranger, au moins pour ce qui est des oiseaux, à l’opinion de Rosenthal et de la majorité des physiologistes allemands sur les mam- mifères, à savoir que, au-dessous du laryngé supérieur l’effet de l’excita- tion du pneumogastrique est surtout ! i i (1) Fredericq et Nuel. Physiologie. INFLUENCE DU PNEUMOC ASTRIQUE SUR LA NUTRITION 2^ inspirateur, et surtout expirateur au contraire au-dessus de ce nerf. Fig. 11. — Excitation du bout central, animal anesthésié. 4° Excitation du bout périphérique. a). Autre nerf intact. Pendant l’excitation, on voit se produire une accélération mani- feste des mouvements respiratoires, qui diminuent légèrement Fig. 12. — Animal anesthésié, excitation du bout central iusuffisante pour produire l'arrêt. d’amplitude (fig. 16) : aussitôt après l’excitation, les mouvements reprennent leur rythme normal. Ces faits ont été signalés chez les mammifères par M. Laulanié (31). P). Autre nerf coupé. Les résultats sont alors différents. On n’obtient plus pendant 24 SUR LE PNEUMOGASTRIQUE DES OISEAUX l’excitation des effets immédiats consistant en une accélération de la respiration (%. 17). La voie centripète du réflexe produit dans le cas précédent, est donc constituée par l’autre pneumogastrique. Ce point établit une différence avec les mammifères, chez lesquels dans ces conditions, d’après Laulanié, les effets persistent. Mais une différence plus sensible encore, c’est qu’alors que chez ces derniers on voit se produire des effets dépresseurs consécutifs con- sistant en un arrêt respiratoire lorsqu’on cesse l’excitation; chez les oiseaux, la respiration reprend simplement son rythme normal. Laulanié attribue à une anémie bulbaire, due à un arrêt du cœur, les effets consécutifs observés chez les mammifères. Nous pensons que cette interprétation est en effet exacte, car chez les oiseaux, où ces effets n’existent pas, on sait que l’arrêt du cœur est presque impossible à obtenir. d.) Influence sur la contractilité pulmonaire. Lorsqu’on excite le bout périphérique du pneumogastrique d’un mammifère ou d’un reptile (P. Bert), on obtient une légère contraction du poumon, due à l’action des fibres de Reisseissen. C’est en vain que nous avons cherché à obtenir la preuve directe de cette contraction chez les oiseaux. En prenant toutes les pré- cautions possibles, l’enregistrement par la trachée ne nous a jamais donné aucun résultat. Ce serait néanmoins une conclusion prématurée, que d’affirmer que chez les oiseaux le pneumogas- trique n’a aucune action sur la contraction des petites bronches. En effet, chez ces animaux, le système pneumatique est tellement développé, et la masse d’air contenue dans l’ensemble des pou- mons, des sacs aériens et des os creux est telle, qu’on conçoit qu’une faible contraction ne puisse produire que des changements de pression trop peu considérables pour être traduits par les appa- reils enregistreurs même les plus sensibles. Si l’on admet, avec certains auteurs, que le rythme particulier qui suit la double sec- tion tient à une paralysie des bronchioles, ce rythme se produisant également chez les oiseaux, on a ainsi une preuve indirecte de l’action exercée chez eux par le pneumogastrique sur la contracti- lité pulmonaire. i« lî I INFLUENCE DU PNEUMOGASTRIQUE SUR LA NUTRITION 25 26 SUR LE PNEUMOGASTRIQUE DES OISEAUX e). Nerfs sensibles du poumon. François-Franck (27) a démontré que chez les mammifères, le j pneumogastrique fournissait au poumon des nerfs sensitifs, que ) l’on pouvait mettre en évidence par l’inhalation de vapeurs irri- tantes. Ces filets existent aussi chez les oiseaux : l’éther ne produit que des troubles respiratoires insignifiants, mais l’ammoniaque produit des effets très démonstratifs. f.) Influence sur la ventilation. Nous avons recherché quelle était l’influence que la double sec- tion des pneumogastriques exerçait sur la ventilation pulmonaire, c’est-à-dire sur la quantité d’air traversant le poumon dans un temps donné. Cette quantité était mesurée en faisant inspirer l’animal dans un gazomètre enregistreur gradué préalablement. Yoici les résultats que nous avons obtenus en suivant les ani- maux au jour le jour jusqu’à leur mort : chaque nombre est la moyenne de cinq ou six observations. On voit, d’après ces tableaux (page 28), qu’immédiatement après la section la ventilation pulmonaire subit une baisse considérable. La rareté des mouvements respiratoires est donc loin d’être com- I pensée par leur amplitude, comme on l’admet chez les mammi- i fères. D’ailleurs, si l’on se reporte à deux tableaux donnés plus haut, et se rapportant aux mêmes animaux, on verra que les deux facteurs de la ventilation pulmonaire (nombre et amplitude des | inspirations) baissent tous deux après la double section. En se ^ reportant aux mêmes tableaux, on pourra s’assurer que la hausse légère dans la ventilation, constatée le lendemain de la section, est due uniquement à l’augmentation du nombre des mouvements j respiratoires, car leur amplitude continue à diminuer. Quant à la i baisse graduelle ultérieure de la ventilation, qui va s’accentuant j de jour en jour, elle est due surtout à la diminution constante de j l’amplitude, car le nombre demeure à peu près et parfois même | complètement stationnaire. I INFLUENCE DU PNEUMOGASTRIQUE SUR LA NUTRITION 27 Excilutiuii du bout péripliemiue d un imeiiniogcistiiniie, l’uuire étant coupé. Pas d’eü'et. 1. Pas d’excitation. 28 SUR LE PNEUMOGASTRIQUE DES OISEAUX Premier pigeon : poids, 420 grammes; mort au bout de six jours. OBSERVATION ANIMAL NORMAL PNEUMO- GASTRIQUES COUPÉS JOURS APRÈS 1 2 3 4 5 Ventilation pulmo- naire par minute. . cent, cubes 180 cent, cubes 86 c. c. 114 c. c. 100 c. c. 96 c. c. 86 c. c. 86 Deuxième pigeon : poids, 318 grammes, mort au bout de cinq jours. OBSERVATION ANIMAL NORMAL PNEUMOGASTRIQUES COUPÉS JOURS APRÈS 1 2 3 4 Ventilation pulmo- naire par minute. . cent, cubes 173 cent, cubes 4i c. c. 82.6 c. c. 61.6 c. c. 53.4 c. c. 46.4 IL — Effets chimiques. En présence des troubles considérables amenés dans le rythme respiratoire par la double section, et de la réduction de la ventila- tion pulmonaire, nous nous sommes demandé si rien n’était changé dans les phénomènes chimiques de la respiration. De Blainville (12), qui seul s’est occupé de la question en ce qui concerne les oiseaux, a prétendu que les échanges respiratoires n’étaient en rien modi- fiés : il s’appuyait sur ce fait que le sang était encore rouge dans les artères. Ce procédé étant absolument rudimentaire et insuffi- sant, nous avons dosé les quantités d’oxygène absorbé et d’acide car- bonique éliminé, pendant les jours successifs qui s’écoulent entre le moment de la double section et la mort qui en est la conséquence inévitable (1). Ces recherches étaient d’autant plus intéressantes, (1) Les résultats de ces expériences ont été publiés dans la Revue Linnéemie de Lyon (décembre 1890 et janvier 1891). INFLUENCE DU PNEUMOGASTRIQUE SUR LA NUTRITION 29 que l’on n’avait au sujet des mammifères que des données contradic- toires : Provençal (39) prétendant que les échanges respiratoires étaient affaiblis, et Gréhant (29) qu’ils n’étaient pas modifiés. Nous avons constaté que chez les oiseaux, la double section des pneu- mogastriques est suivie de phénomènes asphyxiques très nets (1). ÉLLMINATION d’aCIDE CARBONIQUE. Nous nous sommes occupés tout d’abord, des variations qui pouvaient se produire dans l’élimination de l’acide carbonique, et cela dans deux conditions : 1° pour le même temps ; 2° pour le même volume d’air. Nous avons opéré sur des pigeons : on mesurait la ventilation pulmonaire par le procédé indiqué plus haut. L’acide carbonique était dosé au moyen de la baryte ; l’air de l’expiration traversait cette baryte dont le titre alcalin était pris avant et après chaque opération, au moyen d’une solution d’acide oxalique dont 1 centi- mètre cube correspondait à 1 milligramme d’acide carbonique. Voici les résultats numériques obtenus dans une de ces expé- riences prise pour type, sur un pigeon du poids de 318 grammes; chaque nombre est la moyenne de cinq ou six observations. OBSERVATIONS ANIMAL PNEUMO- GASTRIQUES coupés JOURS APRÈS NORMAL 1 2 3 4 Air inspiré par mi- nute 173 C.C. 44 C.C. 82 6 61 6 53 4 46 4 CO^ par minute , . . OS 0056 0^00325 0^0046 080036 0^0021 08 001 CO^p. 1000 d’air. . . 0 032 0 079 0 0565 0 0508 0 0359 0 0194 (1) Depuis MM. Arthaud et Butte sont arrivés à des résultats analogues, que nous aurons d’ailleurs l’occasion de discuter plus loin, sur les mammifères. (Du nerf pneumogastrique, 1892). 30 sua LE PNEUMOGASTRIQUE DES OISEAUX 11 ressort de ce tableau deux choses ; la première, c’est que, après la double section, la quantité d’acide carbonique éliminé dans un temps donné suit à peu près, sauf dans les derniers jours, les variations de la ventilation pulmonaire; la seconde, c’est que la quantité d’acide carbonique éliminé pour un volume d’air donné, qui est d’abord de beaucoup supérieure à la normale (1), s’en rap- proche de plus en plus, pour tomber enfin au-dessous. La consé- quence de ces deux faits, c’est que, dans les premiers jours, la quantité éliminée dans un temps donné, quoique inférieure à la normale, est néanmoins plus grande que ne semblait le faire prévoir la grande réduction de la ventilation (ventilation quatre fois moindre, acide carbonique deux fois moindre). On peut encore remarquer, que dans le voisinage de la mort, bien que la ventila- tion reste à peu près identique, l’élimination de l’acide carbonique subit une baisse considérable. Nous avons donné la représentation graphique de ces faits dans les diagrammes ci-contre (fig. 18 et 19) ; dans le deuxième diagramme sont consignés en plus le nombre et le volume des inspirations. ABSORPTION DE l’oXYGÈNE. Mais, l’élimination seule de l’acide carbonique ne peut nous donner une idée nette de ce que sont devenus les échanges respira- toires. Pour en avoir la notion, il faut aussi savoir ce que devient l’absorption de l’oxygène. Nous avons cherché les variations de cette absorption, comme précédemment dans deux conditions : 1® pour le même temps, 2® pour le même volume d’air. Yoici les résultats obtenus sur un pigeon de 420 grammes (390 au moment de la mort) : l’oxygène de l’air expiré était dosé par l’acide pyrogallique. (1 1 C’est saiis doute en se basant sur ces résultats, que Valentin a conclu que l’exhalation de l’acide carbonique était augmentée après la double section. (Einfluss der Vagiis Læhrnung ; Francfort, 1858). INFLUENCE DU PNEUMOGASTRIQUE SUR LA NUTRITION 31 OBSERVATIONS ANIMAL PNEUMO- GASTRIQUES coupés JOURS APRÈS NORMAL 1 2 3 4 5 cent, cubes cent, cubes c. c. c. c. c. c. c. c. c. c. Air inspiré par min. 180 86 114 100 96 86 86 Oxygène consommé par minute .... 9 8.4 8.6 6.8 6.1 4.9 3.6 Oxygène consommé p. 100 d’air. . . . 5 9.8 7.6 6.8 6.4 5.7 4.2 Si l’on examine la consommation d’oxygène par minute, on voit que celle-ci, qui baisse aussitôt après la double section, se relève légèrement le lendemain, en même temps que la ventilation, puis subit de nouveau une baisse définitive et de plus en plus marquée. Ces résultats sont en tous points semblables, comme on peut le voir par comparaison avec le tableau précédent, à ceux que nous avons obtenus touchant l’émission de l’acide carbonique. Si l’on examine la consommation pour un volume d’air donné, on constate une hausse après la section, puis une baisse de plus en plus marquée, cette consommation tombant même au-dessous de celle observée à l’état normal. Ces résultats sont encore de même nature que ceux qui ont été obtenus pour l’acide carbonique émis. Ils sont représentés graphiquement dans les diagrammes ci-contre (fig. 20 et 21); dans le deuxième diagramme, sont consignés en plus le nombre et le volume des inspirations. On peut donc dire que la consommation d’oxygène et l’émission d’acide carbonique suivent une marche à 'peu près parallèle, et si l’on envisage simultanément la ventilation pulmonaire, on peut énoncer les résultats suivants. Aussitôt après la section, les échanges respiratoires pour un temps donné sont diminués, mais ils sont augmentés pour un volume d’air donné. 2® Dans les premiers jours qui suivent la section, les échanges respiratoires suivent les variations de la ventilation pulmonaire. I SUR LE PNEUMOGASTRIQUE DES OISEAUX Fig. 18. — Représentation graphique de la production acide carbonique d’un pigeon après la double section des vagues. a, CO* par minute ) b, CO* pour 1000 d’air ] iô c, ventilation par minute en cent, cubes. Fig. 19. — Pigeon. a, ventilation par minute en cent, cubes. b, volume moyen d’une inspiration en ^ centimètre cube. c, nombre moyen d’inspirations par mi- nute. d, CO* exhalé par minute en milligr. 3® Dans les derniers jours qui précèdent la mort, la ventilation restant à peu près constante, les échanges respiratoires diminuent de plus en plus. INFLUENCE DU PNEUMOGASTRIQUE SUR LA NUTRITION 33 Fig. 20. — Diagramme de la consom- mation d’oxygène d’un pigeon après la double section des vagues. ' î en i cent, cubes. I pour 100 d air ) lo entilation par minute en centimètres d, température en ^ de degré au-dessus de 35 degrés. Fig. 21. — Pigeon. a, ventilation par minute en centimètres cubes. b, volume moyen d’une inspiration en — centimètres cubes. c, nombre moyen d’inspirations par minute. d, O absorbé par minute en centimètres cubes. Université de Lyon. — n. c. 34 SUR LE PxNEUMOGASTRIQUE DES OISEAUX Pour ce qui est des deux premiers résultats, on peut, à ce qu’il |( nous semble, admettre les explications suivantes : i* 1° Aussitôt après la section, le type respiratoire subit des chan- ! gements considérables : l’inspiration est très allongée, et il se | produit de longues pauses en expiration. Or, ces conditions sont doublement favorables aux échanges respiratoires, la première en , favorisant le contact de l'air frais avec celui des alvéoles, la seconde en permettant à ce dernier de se charger plus fortement d’acide carbonique. Pour un volume d’air donné, on aura donc j plus d’oxygène absorbé et plus d’acide carbonique émis, mais à cause de la réduction considérable de la ventilation, les échanges ! dans un temps donné n’en seront pas moins diminués. 2" Dans les premiers jours qui suivent la section, le fonctionne- ! ment du poumon est encore normal au point de vue de l’héma- i tose : il semble donc assez naturel, le rythme restant le même, que l’oxygène absorbé, et l’acide carbonique émis soient plus ou moins ' fonctions de la ventilation. Il ne faut pas oublier en effet, que la j hausse de ventilation remarquée le lendemain de la section n’est ; que relative, car cette ventilation est encore au-dessous de la | normale : on sait qu’au contraire une ventilation exagérée produit ■ une baisse dans les échanges respiratoires. 3“ Le troisième résultat semblait plus difficile à expliquer, car ^ on admet généralement que chez les oiseaux la section des vagues n’est suivie d’aucun trouble pulmonaire. Pourquoi la ventilation ; restant la même, les échanges respiratoires subissent-ils une baisse ' si marquée? Cet effet ne peut être dû à l’inanition, car celle-ci, ' d’après tous les auteurs, n’exerce pas d’influence sur les échanges, j Nous nous sommes alors décidés à examiner d’un peu plus près la ’ question des troubles pulmonaires, et, des expériences relatées j plus loin nous ayant prouvé leur existence, nous avons adopté < l’explication suivante. Dans les jours qui précèdent la mort, le ! poumon étant engoué, et la circulation pulmonaire plus ou moins | entravée, l’hématose se fait de plus en plus difficilement, de sorte I que malgré la constance de la ventilation les échanges respira- j toires baissent de plus en plus. ] INFLUENCE DU PNEUMOGASTRIQUE SUR LA NUTRITION 35 Nous avons montré précédemment que la consommation de l’oxygène et l’émission de l’acide carbonique suivaient une marche à peu près parallèle. En effet, les deux quantités varient bien dans le même sens, mais le parallélisme n’est pas rigoureux (voir le diagramme fig. 22). Représentons par 1 la quantité d’oxygène consommé par minute par l’animal sain, par I également la quan- tité d’acide carbonique éliminé par le même animal, par 1 enfin la ventilation normale : nous trouvons alors pour les jours suc- cessifs qui s’écoulent depuis l’opération jusqu’à la mort les quan- tités suivantes : OBSERVATIONS ANIMAL PNEUMOGAS- TRIQUES coupés JOURS APRÈS NORMAL 1 2 3 4 5 cent, cubes cent, cubes c. c. c. c. c. c. c. c. c. c. Oxygène par minute. 1 0.91 0.93 0.73 0.67 0.34 0.40 CO^ par minute . . . 1 0.80 0.92 0.50 0.30 0.31 0.28 Ventil. par minute. . ‘ 0.46 0.63 0.53 0.53 0.46 0.46 On peut voir que le rapport -g- ou quotient respiratoire ne reste pas le même et que son dénominateur augmente plus que son numérateur; en d’autres termes : la quantité d’acide carbo- nique éliminé subit une baisse plus forte que la quantité d’oxygène absorbé. Ce résultat peut s’expliquer par la forme même du type respiratoire, qui, comme l’ont montré Mathieu et Urbain (37), favo- rise plus l’absorption de l’oxygène que l’élimination de l’acide carbonique. Mais la conséquence en est, que l’acide carbonique doit forcément s’accumuler dans le sang, d’où production de phé- nomènes d’asphyxie lente. Nous insistons sur ce point qui est de la plus haute importance. MM. Arthaud et Butte (2), qui entrepris depuis la publication de ces résultats des expériences détaillées sur les mammifères, 36 SUR LE PNEUMOGASTRIQUE DES OISEAUX sont arrivés à des résultats analogues aux nôtres. Ils ont vu l’éli- mination de l’acide carbonique baisser d’abord, se relever momen- tanément puis baisser définitivement après la double section des pneumogastriques. Mais ils n’ont pas adopté les mêmes explications de ces faits. Pour eux, la hausse passagère serait due à une irritation du bout périphérique, et la baisse définitive à une disparition du glu- cose du sang. Il peut y avoir du vrai dans la première explication, car ces au- teurs ont constaté directement que l’excitation du bout périphérique produit une plus forte élimination d’acide carbonique : il est regret- table qu’il n’aient pas observé i simultanément les variations de la , ventilation pulmonaire, peut-être alors, en définitive, leur explica- tion serait-elle revenue à la nôtre. Pour ce qui est de la deuxième, nous ne saurions l’adopter, car si le glycogène a presque disparu du foie chez les oiseaux trois ou i quatre jours après la section, le sang renferme encore de notables proportions de glucose (plus qu’à l’état normal) ainsi que nous ! l’établissons plus loin. Les auteurs se basent sur ce que, on ne | trouve souvent que des altérations pulmonaires très légères chez i les animaux qui ont succombé ; et de plus, disent-ils, on voit déjà i se produire une diminution manifeste dans les échanges, trois I quarts d’heure après la section, bien avant que des lésions pulmo- * naires aient pu être constituées (nous en avons pourtant remarqué | chez des cobayes, moins d’une demi-heure après la section). Mais ! trois quarts d’heure après la section, le glucose a-t-il beaucoup dimi- j nué dans le sang? Nous établirons au contraire qu’il a augmenté. ! Fig. 22. — Pigeon. a, O par minute ^ b, GO® par minute > Sain = c, ventilation par minute ) INFLUENCE DU PNEUMOGASTRIQUE SUR LA NUTRITION 37 Nous croyons donc qu’en définitive il faut chercher l’explication des faits dans des troubles pulmonaires; la circulation pouvant d’ailleurs être suffisamment entravée, bien avant que l’on puisse constater des lésions anatomo-pathologiques. Nous ajouterons enfin, que les auteurs cités se sont contentés d’examiner l’élimination de l’acide carbonique, sans rechercher simultanément l’absorption de l’oxygène, et que par suite toute une face des phénomènes leur a échappé. Pour terminer ce qui a rapport aux modifications des échanges respiratoires après double section des vagues, signalons encore quelques faits qui ont un certain intérêt. Si l’on examine les variations dans la quantité de l’azote que renferme l’air de l’expiration, on voit que cette quantité qui augmente d’abord, baisse peu à peu et tombe à la fin de la vie au-dessous de la normale. Yalentin {loc. cit.)^ qui a fait des dosages de l’azote expiré sur des mammifères (lapin), n’a noté que les premières phases de ces modifications. Enfin, la vapeur d’eau éliminée subit un accroissement après la double section. Yalentin l’a constaté également sur des mammi- fères. III. — Troubles pulmonaires consécutifs à la double section des vagues. Comme nous le disions plus haut, on admet généralement que chez les oiseaux, après la double section des vagues, la fonction respiratoire continue à s’exercer dans toute son intégrité. De Blainville (12) le premier, Billroth (10) ensuite, ont affirmé le fait qui est devenu classique. Il a été admis par Claude Bernard (6), et par Boddaert dans son travail sur les lésions pulmonaires. Bien que quelques-unes de ses observations aient dû le mettre en garde, il se rallie néanmoins à l’opinion que chez les oiseaux la seule cause de la mort est l’inanition. Nous avons déjà prouvé par les analyses précédentes, qu’il n’en était pas ainsi, et qu’il existait des troubles respiratoires manifestes. 38 SUR LE PNEUMOGASTRIQUE DES OISEAUX Mais des lésions existent-elles concurremment? Chez les mammi- fères, trois causes viennent s’unir pour produire l’engouement du poumon : la pénétration des aliments dans la trachée, l’emphy- sème pulmonaire dû, d’après Claude Bernard, aux inspirations exagérées, l’augmentation de pression dans l’artère pulmonaire due aux modifications du rythme. Chez les oiseaux, deux de ces causes doivent être évidemment écartées. Les aliments ne peuvent péné- trer dans la trachée puisque après la section au cou la glotte conti- nue à jouer librement; l’emphysème ne peut se produire à cause de la communication des poumons avec de vastes réservoirs aériens ; mais la troisième cause persiste tout entière. Aussi n’avons-nous pas été surpris de rencontrer dans le poumon des altérations très nettes. Les lésions ne sont pas aussi manifestes que chez les mam- mifères, elle ne vont pas jusqu’à la broncho-pneumonie, mais on peut constater même à l’œil nu une congestion très marquée : certaines régions du poumon sont mêmes hépatisées et tombent au fond de l’eau. Cette congestion veineuse avait été déjà remar- quée par Boddaert dans ses autopsies : il n’en affirme pas moins que « les oiseaux ne meurent point par les poumons, mais bien de faim à la suite de la paralysie de la première partie du tube digestif » ; et cependant on lit à propos de son expérience XIX : « A l’autopsie, congestion veineuse des poumons, du reste tous les signes de la mort par asphyxie. » Nos observations se trouvent corrobées de la sorte par un auteur même qui soutient une opinion contraire. Nous ajouterons que nous avons retrouvé les mêmes altérations chez d’autres animaux (lézards), dont le rythme respi- ratoire se trouve profondément troublé par la double section des vagues. Chez la grenouille, au contraire, on ne trouve rien : ce sont cependant chez ces animaux, comme nous l’avons démontré (20), les nerfs vagues qui fournissent au poumon ses vaso-constricteurs. Mais il n’existe aucun trouble respiratoire, ainsi qu’on le sait depuis longtemps grâce aux expériences de Moreau. Il semble donc, d’après ce qui précède, qu’ainsi que l’a déjà pré- tendu Beaunis (8), une des conditions les plus importantes pour la production des troubles pulmonaires, soit la variation du rythme, INFLUENCE DU PNEUMOGASTRIQUE SUR LA NUTRITION 39 et les modifications que cette variation apporte à la circulation dans le poumon (la longue pause en expiration accroît considéra- blement la pression dans l’artère pulmonaire et produit une stase sanguine). Ce qui semble encore appuyer cette hypothèse, c’est que toutes les fois que la respiration se trouve modifiée de la même manière que par la section des vagues, on voit les mêmes phénomènes se produire. Dernièrement, Maire t et Bosc (34) ont constaté qu’ après l’injection hypodermique de principes colorants de l’urine, la respi- ration présentait : une inspiration allongée , une expiration saccadée , suivie d’une longue pause en expiration. Or ils ont constaté à l’autopsie de la congestion pulmonaire et des hémorragies poncti- formes. Quoiqu’il en soit, retenons ce fait, c’est qu’après la double section des vagues, les oiseaux présentent un embarras profond dans la circulation pulmonaire, qui se traduit par une congestion veineuse des plus marquées, accompagnée souvent de rupture de capillaires. CONCLUSIONS Phénomènes mécaniques. U Les filets sensitifs du larynx supérieur émanent du pneumo- gastrique, ses filets moteurs du pneumogastrique (constricteurs) et du glosso-pharyngien (dilatateurs) ; 2® Le récurrent ne fournit aucun filet au larynx ; 3° Le pneumogastrique fournit des filets sensitifs aux bronches ; 4^" L’excitation du bout central du pneumogastrique produit normalement un arrêt durable en inspiration; quand le nerf est fatigué, l’arrêt se fait en expiration, il en est de même quand rani- mai est anesthésié ; 5” L’excitation du bout périphérique produit, si l’autre nerf est intact, une accélération du rythme avec diminution d’amplitude; 6*^ L’excitation du bout central du laryngé produit un arrêt en expiration d’emblée; 40 SUR LE PNEUMOGASTRIQUE DES OISEAUX 7® La section d’un seul pneumogastrique ne produit que des troubles respiratoires passagers ; 8® La section des deux nerfs produit un ralentissement notable de la respiration : le nombre des mouvements respiratoires remonte ensuite, mais l’amplitude diminuant sans cesse, après une hausse relative passagère, la ventilation subit une baisse marquée. Phénomènes chimiques. 1° La double section est suivie d’un ralentissement dans les échanges respiratoires : ces échanges suivent dans les premiers jours la courbe de la ventilation; ils continuent ensuite abaisser, malgré une ventilation à peu près constante. La cause en est un trouble de plus en plus marqué dans la circulation pulmonaire (stases sanguines, ruptures de capillaires). 2® L’acide carbonique éliminé baisse plus vite que l’oxygène absorbé. Il en résulte une accumulation du premier de ces gaz dans le sang, et des phénomènes d’asphyxie lente. II. - INFLUENCE SUR LA CIRCULATION Nous diviserons cette étude en trois parties : 1® influence sur le cœur; 2° effets sur la pression sanguine; 3° effets vaso-moteurs. I. Influence sur le cœur. Les seules recherches dirigées dans ce sens ont eu trait à l’in- fluence de l’excitation du nerf. Cl. Bernard (6) a prétendu que l’arrêt du cœur était impossible à obtenir chez les oiseaux; Ein- brodt (25) a montré depuis, que cet arrêt, très difficile à obtenir, pouvait néanmoins être produit avec de très forts courants, résul- tat que nous ne pouvons que confirmer. Mais nous sommes entré INFLUENCE DU PNEUMOGASTRIQUE SUR LA NUTRITION 4i dans des détails un peu plus circonstanciés, relativement aux effets de l’excitation sur le nombre et l’amplitude des battements ; et nous avons ajouté quelques expériences relatives aux effets de la section. Avant de donner les résultats de ces expériences, rappe- lons brièvement le procédé opératoire que nous avons suivi. Ein- brodt auscultait simplement ses animaux en se servant d’un sté- thoscope, les battements du cœur étant, dit-il, presque impossibles à enregistrer grâce à la cuirasse osseuse formée par le sternum. Nous sommes néanmoins arrivés à enregistrer des battements d’une manière très satisfaisante, en nous servant d'animaux, qui, comme la poule, présentent dans la région précordiale un véritable défaut de la cuirasse, le sternum étant simplement remplacé dans cette région par un plan fibreux. On écarte avec des érignes les muscles moteurs des ailes, et arrivé sur ce plan fibreux on l’incise sur une petite longueur. Par cette boutonnière, on fait passer la tige d’un levier, qui repose par son extrémité inférieure garnie d’une boulette de cire à modeler sur le cœur enveloppé de son péricarde. Ce levier met en mouvement un tambour récepteur conjugué avec un tambour enregistreur. Ce dispositif nous a donné les meilleurs résultats, et malgré l’ouverture du thorax, minime, il est vrai, la respiration continuait à s’effectuer très régulièrement. Expérience sur une poule. Animal normal. — Nombre des battements en 5 secondes (fig. 23) . . 24-26 Excitation d’un pneumogastrique dans sa totalité, l’autre étant intact (pile au bichromate, 3 Dubois-Reymond), nombre des battements dans le même temps (fig. 24) ~ On coupe un des pneumogastriques, nombre des battements (fig. 25) . 25-26 Excitation d’un pneumogastrique dans sa totalité, l’autre étant coupé, nombre des battements (fig. 26) 7 On coupe le deuxième pneumogastrique, nombre des battements (fig. 27) 23-25 Excitation d’un bout périphérique, nombre de battements (fig. 28) . . 5 On empoisonne l’animal par l’atropine, nombre des battements ... 23 On excite à nouveau le bout périphérique, nombre des battements. . 23 (1) (1) Les excitations portaient sur le pneumogastrique droit dans la région du cou. 42 SUR LE PNEUMOGASTRIQUE DES OISEAUX Une remarque qui s’impose quand on examine les graphiques, c’est que pendant l’excitation du nerf, en même temps qu’ils deviennent moins nombreux, les battements deviennent plus amples. Cet effet se poursuit longtemps encore après que l’on a cessé l’excitation. Ainsi dans un de nos graphiques, trente Fig. 23. — Poule : nombre normal des battements. T. = 10 secondes. secondes après la fin de l’excitation, le nombre des battements en cinq secondes n’était encore que de quinze. Un autre point curieux, c’est qu’à égalité d’excitation, et dans les mêmes conditions (autre pneumogastrique coupé), on obtient un effet modérateur plus marqué par l’excitation du bout périphé- rique du nerf, que par celle du nerf total : ce fait existe d’ailleurs également chez les mammifères. Nous avons pensé alors, que l’excitation du bout central du nerf^ devait avoir un effet quelconque sur le nombre des battements, et probablement les accélérer. Mais dans les nombreuses expériences que nous avons faites, l’excitation du bout central n’a jamais donné aucun résultat, si l’autre pneumogastrique est coupé, car sans cela on obtient naturellement un ralentissement réflexe (fig. 29 et 30). Voici d’ailleurs les résultats des expériences : INFLUENCE DU PNEUMOGASTRIQUE SUR LA NUTRITION 43 1 excitation, 2 normal. 44 SUR LE PNEUMOGASTRIQUE DES OISEAUX Première poule. — Un pneumogastrique coupé, nombre des batte- ments en 5 secondes 23-24 Excitation du bout central 19 Deuxième poule, — Deux pneumogastriques coupés 17 Excitation du bout central 17 Fig. 25. — Puulo : un pneumogastrique coupé, pas d’accélération cardiaque. 1 Fig. 26. — Poule : excitation d’un pneumogastrique dans sa totalité, autre coupé. Nombre des battements. T. •= 5 secondes; 1, excitation, 2, normal. L’explication du fait signalé plus haut est donc encore à trouver. On sait que chez un mammifère empoisonné par l’atropine, l’excitation du bout périphérique du nerf ne produit plus de ralen- tissement cardiaque, et provoque même une accélération : c’est d’ailleurs le procédé employé pour démontrer la présence de filets accélérateurs dans le tronc du pneumogastrique. LNFLUEKGE DU PrS’ E U M 0 G ASTIUQ U E SUR LA IN'UTUITION 4:i Si l’on fait la même expérience sur i n oiseau, l’aclion modéra- trice disparaît, mais on ne ^oit pis se produire d’nccéléi aticn (fig. 31), ainsi que cela ressort des chiffres que nous avons don- nés plus haut. En voici d’autres, correspondant à un autre animal, et qui ne font que corroborer ces résultats. Nombre des battements en o secondes 1 Excitation du bout périphérique après empoisonnement par aliupine . . 1 Fig. 28. — Poule : excitation du bout périphérique d’un pneumogastrique, autre coupé. Nombre des battements. T. = 5 secondes. Il ne semble donc pas que chez les oiseaux il existe des fibres accélératrices dans le tronc du pneumogastrique; la difficulté 46 SUR LE PNEUMOGASTRIQUE DES OISEAUX qu’on a à produire Fa INFLUENCE DU PNEUMOGASTRIQUE SUR LA NUTRITION 67 lument comme avant l’opération. Quant à la sécrétion biliaire, elle se trouve notablement accrue. La vésicule, chez les oiseaux qui en possèdent une, est toujours fortement distendue, et la sécrétion se répand avec tant d’abondance dans le tube intestinal, qu’elle rem- plit tout ce tube, remontant parfois jusque dans le jabot. Ce résultat, conforme à celui qui a été obtenu par d’autres expérimen- tateurs, notamment par Yulpian (1) sur des mammifères, n’est que la conséquence de l’iiyperhémie du foie. La bile, dans ces condi- tions, a présenté fréquemment une réaction acide. Il semble enfin que les glandes muqueuses de l’intestin pré- sentent une hypersécrétion, car le mucus rejeté avec les fèces est très abondant, et l’intestin, comme nous le disions plus haut, en est souvent rempli (2). Les glandes ne présentent au point de vue histologique rien de bien saillant, sauf peut-être la présence fréquente à l’orifice des cellules caliciformes de gouttelettes de mucus. Cette hypersécrétion semblerait parler en faveur d’une vaso-dilatation, mais nous n’avons jamais pu constater directement cette dernière. L’hypersécrétion muqueuse n’est pas localisée exclusivement dans l’intestin, on la retrouve nettement dans l’estomac, le jabot, l’œsophage, bref dans tout le tube digestif : elle s’accompagne fréquemment d’une desquamation abondante, qui est surtout visible dans les coupes du jabot et du ventricule succenturié. Nous avons examiné soigneusement sur des coupes pratiquées à différents niveaux (jabot, ventricule, gésier, intestin) si les pneu- mogastriques n’exerçaient pas une influence trophique quelconque sur le tube digestif. Nous n’avons jamais rien constaté d’anormal sauf peut-être un certain épaississement de la muqueuse. Il y a loin de ces résultats à ceux signalés par MM. Arthaud et Butte sur les mammifères (2) ; il est vrai que ces auteurs ont employé le procédé des névrites, et nous pensons que rinflammation du nerf (1) Voir aussi Arthaud et Butte. Influence du nerf vague sur la sécrétion biliaire, Comptes rendus, Société Biologie, 1888 et 1890 et du nerf pneumogastrique, 1892. (2) 11 semble bien que le pneumogastrique ait une action particulière et directe sur la sécrétion intestinale, car la section d'un seul de ces nerfs produit une diar- 68 SUR LE PNEUMOGASTRIQUE DES OISEAUX doit changer beaucoup les résultats normaux. Nous reviendrons d’ailleurs plus tard sur cette question. III. Réflexes du bout central. Ces réflexes sont les uns moteurs, les autres sécrétoires. Si l’on excite le bout central du tronc du pneumogastrique, on voit survenir des nausées et des vomissements, surtout si l’animal a mangé. En même temps se produit une abondante sécrétion de salive et de mucus œsophagien, qui contribue encore à la suffoca- tion de l’animal. Inutile d’insister sur ces phénomènes, qui sont absolument identiques à ceux qu’on a observés chez les mammi- fères. Ce qu’il importe de noter, c’est que les phénomènes de nausée et de régurgitation sont surtout marqués quand l’un des nerfs est déjà coupé. Il suffit alors de tirailler l’autre même légèrement, pour provoquer immédiatement les vomissements. Comme dans ces conditions l’estomac se trouve privé de la majorité de ses filets moteurs, cette dernière observation prouve un fait assez inté- ressant, c’est que chez les oiseaux comme chez les mammifères ce n’est pas l’estomac qui joue un rôle essentiel dans le vomissement. Si l’on observe directement l’œsophage dans sa région supérieure pendant l’excitation du bout central du nerf, on voit qu’il n’est le siège d’aucun mouvement. Les fibres sensitives destinées à cette région ne sont donc pas contenues dans le tronc du pneumo- gastrique. Si l’on excite au contraire le bout central du pharyngo- œsophagien (l’autre étant intact) on voit survenir des contractions péristaltiques dans l’œsophage. Mais pour obtenir ce résultat, il faut que l’excitation porte au-dessus du point où se détache le nerf laryngé. C’est donc ce trajet nerveux que suivent les fibres sensi- rhée très nette, non seulement chez les oiseaux mais encore chez les mammifères : nous avons pu particulièrement le constater sur des lapins et des marmottes. Pour- tant il est à noter que la diarrhée, dans le cas de section d’un seul nerf, n’est que temporaire. INFLUENCE DU PNEUMOGASTRIQUE SUR LA NUTRITION 69 tives; elles se détachent ensuite du tronc du laryngé et viennent se terminer dans le plexus pharyngien. Nous avons recherché si ces fibres sensitives appartenaient au vague ou au glosso-pharyngien : la recherche était facile, l’anasto- mose des deux nerfs étant chez les oiseaux très volumineuse et très accessible. Le résultat des excitations démontre que les fibres sensitives viennent du glosso-pharyngien. Il serait intéressant, mais beaucoup moins aisé, de rechercher si chez les mammifères il en est également ainsi. On sait que chez eux les fibres œsopha- giennes se détachent plus ou moins haut, mais toujours au- dessous de l’anastomose avec le glosso-pharyngien : il est donc probable qu’on retrouverait les résultats que nous signalons ici. Conclusions. 1° Le tronc du pneumogastrique fournit des filets moteurs à l’estomac. 2° Les filets moteurs du jabot sont fournis par un nerf analogue au récurrent. 3^^ Ceux de l’œsophage et du pharynx sont fournis par le pha- ryngo-œsophagien (fibres provenant du vague) et par l’hypo- glosse. 4° La section des vagues produit l’arrêt de la digestion gastrique, mais simplement en arrêtant T excrétion du suc gastrique et non sa sécrétion. Ces effets sont dus probablement à la paralysie de Tes- tomac. Cette entrave aux phénomènes chimiques de la digestion est d’ailleurs beaucoup moins importante que celle apportée aux fonctions mécaniques de l’estomac, qui chez un grand nombre d’oiseaux est surtout broyeur. 5° La digestion intestinale n’est entravée en rien par la double section des vagues : la sécrétion pancréatique n’est pas atteinte, la sécrétion biliaire est exagérée. 6° On constate une hypersécrétion muqueuse, avec desquama- tion épithéliale, tout le long du tube digestif après double seclion 70 SUR LE PNEUMOGASTRIQUE DES OISEAUX des pneumogastriques, mais on ne constate aucun trouble tro- phique. 7® L’excitation du bout central du pneumogastrique provoque des nausées avec sécrétion de salive et de mucus œsophagien. 8° Les filets sensitifs de Fœsophage sont des filets d’emprunt dus au glosso'pharyngien. IV. - INFLUENCE SUR LA SÉCRÉTION URINAIRE Les expériences d’Arthaud et Butte (3) et de Masius (35), ont montré que chez les mammifères l’excitation du bout périphérique du pneumogastrique produisait un ralentissement de la sécrétion urinaire, et que cet effet était dû à une vaso-constriction des vais- seaux du rein. De plus, les deux premiers expérimentateurs pré- tendent que lorsqu’on fait porter l’excitation sur un seul nerf, le ralentissement ne se produit que du côté excité, et qu’il y a même parfois exagération de sécrétion de l’autre côté ; tandis que le troi- sième admet que l’excitation d’un seul pneumogastrique agit éga- lement sur les deux reins. Nous avons voulu voir si chez les oiseaux on pouvait constater des effets analogues. Nous n’avons pas borné là notre étude, et nous avons examiné en outre la composition de l’urine, surtout au point de vue de l’acide urique, qui en forme le sédiment principal, sous la forme libre et sous celle d’urate d’ammoniaque. Les animaux en effet sur lesquels nous avons opéré (poule et oie) ont une urine dépourvue d’urée. Nous ne nous sommes pas borné à étudier l’effet de l’excitation du nerf, nous avons eu surtout recours aux sections, soit unilaté- rales, soit plus souvent bilatérales, qui nous ont donné des rensei- gnements plus précis, les observations dans ce cas pouvant se poursuivre pendant plusieurs jours. Le procédé opératoire que nous avons suivi pour recueillir l’urine, est le suivant. On fend le cloaque de l’animal, de manière INFLUENCE DU PNEUMOGASTRIQUE SUR LA NUTRITION 71 à mettre à nu les orifices des uretères, et les lèvres du cloaque étant maintenues écartées à l’aide de pinces, on recueille dans un verre de montre les gouttelettes d’urine qui viennent sourdre de temps en temps à l’orifice des uretères. On peut recueillir soit séparément, soit simultanément les produits d’excrétion des deux reins. Nous avons eu recours à la pesée pour déterminer les quantités d’urine excrétée dans un temps déterminé (un quart d’heure ou une demi-heure suivant l’abondance de la sécrétion). Nous nous sommes servi du même procédé pour déterminer la teneur en eau et le résidu sec (à 100 degrés). Le dosage de l’acide urique a été fait de la façon suivante : Un poids déterminé de résidu sec était traité par une solution bouillante de potasse, puis par l’acide chlorhydrique. Le précipité d’acide urique recueilli sur un filtre, soigneusement lavé et desséché à 100 degrés, était ensuite pesé. Nous allons examiner successivement l’influence du pneumo- gastrique sur la quantité d’urine excrétée sur sa teneur en eau, et sur sa teneur en acide urique. I. Quantité d’urine. Nos premières expériences ont été faites par un procédé un peu grossier, mais qui permet néanmoins de se rendre compte des variations dans la quantité d’urine et d’en déterminer le sens en plus ou en moins. Les orifices des uretères étant mis à nu, on comptait simplement le nombre des gouttes qui venaient sourdre à ces orifices pendant un temps donné (dans le cas présent un quart d’heure). Expérience. Poule dont le pneumogastrique droit avait été coupé la veille. Nombre de gouttes : côté droit, 18; côté gauche, 16. On excite le pneumogastrique gauche dans sa continuité. Côté droit, 15; côté gauche, 12. 72 SUR LE PNEUMOGASTRIQUE DES OISEAUX On sectionne le pneumogastrique gauche et l’on excite son bout périphé- rique. Côté droit, 8; côté gauche, 7. On cesse les excitations, la sécrétion devient plus abondante, surtout du côté où la section vient d’être faite (côté gauche). Il ressort de ces faits : 1° que la section d’un pneumogastrique augmente la quantité d’urine sécrétée, surtout du côté où l’on a fait la section. 2" Que l’excitation du nerf (soit continuité, soit bout périphé- rique) provoque une diminution de sécrétion des deux côtés^ mais surtout du côté où porte l’excitation. Nous retrouvons donc chez les oiseaux les faits signalés par Masius chez les mammifères, en y ajoutant une preuve de plus, l’augmentation de la sécrétion après section. Dans les autres expériences que nous avons faites, nous avons pesé l’urine : les résultats sont donc plus précis que dans cette expérience préliminaire. 1® Expérience sur une poule (on recueille à part la sécrétion des deux reins). Tableau I (1) OBSERVATIONS 10 ANIMAL NORMAL 2° 1/2 heure après pneumogas- trique gauche coupé 3® LENDE- MAIN Quantité d’urine par 1/4 d’heure. grammes 0.185 grammes 0.270 grammes 0.435 à gauche 0.0925 0.150 0.225 à droite 0.0925 0.120 0.210 (l) Avec un seul pneumogastrique coupé, la sécrétion redevient normale au bout de quelques jours. INFLUENCE DU PNEUMOGASTRIQUE SUR LA NUTRITION 73 2° Expérience sur une poule {on recueille simultanément la sécrétion des deux reins). Tableau IL OBSERVATION lo ANIMAL normal 2° 1/2 h. après pneumo- gastrique droit coupé 3° 1/2 11. après 2 pneumo- gastriques coupés 4o LENDE- MAIN Quantité d’urine par 1/2 heure gramme 0.870 gramme 0.872 gramme 1 .010 gramme 1.022 5“ Expérience sur une poule {on recueille simultanément la sécrétion des deux reins). Tableau lil. 10 2° 3« 1/2 heure OBSERVATIONS ANIMAL après LENDE- deux pneumo- NORMAL gastriques MAIN coupés. Quantité d’urine par 1/2 heure. . grammes 0.683 grammes 0.773 grammes 0.340 4° Expérience sur une oie {on recueille simultanément la sécrétion des deux reins). Tableau IV. OBSERVATIONS ANIMAL NORMAL 1/2 heure après 2 pneum. gastr. coupés. LEN- DEMAIN JO 2 U RS APR 3 ÈS 4 Quantité d’urine par 1/2 heure grammes grammes 6.464 grammes 2.603 grammes 2.333 grammes 1.942 grammes ' 2.002 74 SUR LE PNEUMOGASTRIQUE DES OISEAUX Les résultats consignés dans ces tableaux concluent dans le même sens que notre expérience préliminaire. Nous pouvons, de plus, faire dès à présent une remarque qui aura son explication plus tard : c’est que si Ton voit immédiatement après la section la quantité d’urine excrétée augmentée, ultérieurement cette quantité diminue, et tombe même au-dessous de la normale (1). IL — Teneur en eau. Nous consignons dans les tableaux ci-après les résultats des expériences. 1° Expérience sur une poule {on recueille à part les sécrétions des deux reins). Tableau I. OBSERVATIONS ANIMAL NORMAL 1/2 heure après pneumo-gastr. gauche coupé. LENDE- MAIN grammes grammes grammes Résidu sec total par 1/4 d’heure. 0.035 0.045 0.070 A gauche 0.0175 0.020 0.030 A droite 0.0175 0.025 0.040 Proportion totale d’eau p. 100 . . 81.1 83 84 A gauche 81.1 86 86.7 A droite 81.1 80 81 Nous aurons à revenir sur ce premier tableau, qui présente quelques particularités intéressantes. (1) Nous ajouterons que chez l’animal qui a fourni les résultats consignés dans le tableau I, une forte excitation du bout périphérique du pneumogastrique gauche, a amené des deux côtés l’arrêt complet de la sécrétion. Il semble que cet arrêt soit plus facile à obtenir quand l’autre pneumogastrique est intact, que lorsqu’il est coupé. INFLUENCE DU PNEUMOGASTRIQUE SUR LA NUTRITION 75 2° Expérience sur une poule. Tableau IL OBSERVATIONS ANIMAL NORMAL 1/2 heure après deux pneumo- gastriques coupés. 1 heure après. Proportion d’eau p. 100 grammes 84.2 grammes 88.3 grammes 91.0 3° Expérience sur une poule {sécrétions des deux reins recueillies simultanément). Tableau UI. OBSERVATIONS ANIMAL NORMAL 1/2 heure après pneumo- gastr. droit coupé. 1/2 heure après 2pneum. gaslr. coupés. LENDE- MAIN grammes grammes grammes grammes Résidu sec par 1/2 heure 0.100 0.092 0.070 0.082 Eau p. 100 00 oo o: 89.4 93 92 Le surlendemain, l’urine ne renfermait plus que TOp. 100 d’eau. -1° Expérience sur une poule {sécrétions des deux rems recueillies simultanément). Tableau IV. OBSERVATIONS ANIMAL NORMAL 1/2 heure après deux pneumo- gastriques coupés. LENDE- MAIN grammes grammes grammes Résidu sec par 1/2 heure .... 0.043 0.045 0.030 Eau p. 100 93.4 94.2 91.1 76 SUR LE PNEUMOGASTRIQUE DES OISEAUX 6’^ Expérience sur une oie [sécrétions des deux reins recueillies simullanément) . Tableau V. OBSERVATIONS ANIMAL NORMAL 1/2 heure après 2 pneum. gastr. coupés. LENDE- MAIN JOURS APRÈS 2 3 4 Résidu sec par 1/2 h. Eau p. 100 grammes 0.330 94.1 grammes 0.330 94.9 grammes 0.220 91.6 grammes 0.255 89 grammes 0.177 90.9 grammes 0.152 92.4 Le résultat de rexamen de ces divers tableaux est qu’on voit i généralement augmenter, peu de temps après la double section, la , quantité de résidu sec de l’urine excrétée dans un temps donné. | Cette quantité cependant n’augmente pas en proportion de la quan- j tité d’urine, puisqu’on voit simultanément la teneur en eau devenir plus grande (1). De plus, au bout d’un laps de temps qui varie avec les animaux, on voit au contraire baisser la quantité de résidu sec, mais moins vite que la quantité d’urine, puisque la teneur en eau diminue. ! Avant de chercher à expliquer ces phénomènes, revenons un | peu sur l’expérience résumée dans le tableau I. Dans cette expé- rience, on recueillait à part les produits de la sécrétion des deux reins. Or, tandis que du côté où le pneumogastrique était coupé, on voyait augmenter non seulement la quantité d’urine, mais | encore la proportion d’eau, du côté où il était intact, la quantité j d’urine était simplement augmentée, la proportion d’eau restant la (1) Grâce à l’abondance de l’eau dans l’urine, celle-ci change complètement d’as- pect quelques heures après la double section, elle devient complètement liquide, au lieu d’être pâteuse comme d’habitude. Elle ne peut plus s’accumuler dans la poche du cloaque et coule sans cesse goutte à goutte par l’orifice externe de celui-ci. INFLUENCE DU PNEUMOGASTRIQUE SUR LA NUTRITION 77 même. Ce fait indique nettement que ia section unilatérale a une influence prépondérante sur le côté où la section a eu lieu. L’opinion généralement admise relativement au mécanisme de la sécrétion urinaire, c’est que l’eau est éliminée au niveau des capsules de Bowmann, et les produits spécifiques au niveau des tubuli contorti. On a trouvé en effet chez les oiseaux, et nous l’avons constaté nous-meme, des cristaux d’acide urique dans l’épi- thélium de ces tubes. Or, après la double section des pneumogastriques, on voit aug- menter notablement Furine excrétée, et surtout l’eau de cette urine : comme l’abondance de cette dernière est en rapport avec la pression au niveau des glomérules, il faut admettre à ce niveau une augmentation de pression; et comme l’examen direct de la pression sanguine générale fait voir que cette pression n’est pas exagérée, l’augmentation révélée par une transudation d’eau abon- dante, a une origine forcément locale, c’est-à-dire une vaso-dila- tation des vaisseaux du rein, ou plus exactement des artérioles du glomérule. Le pneumogastrique possède donc chez les oiseaux comme chez les mammifères des filets vaso-constricteurs destinés au rein. Mais l’influence du pneumogastrique, n’est pas uniquement vaso- motrice. On voit en effet se produire après sa section des variations dans le résidu sec, ce qui semblerait indiquer des troubles dans l’activité de l’épithélium glandulaire, ce dernier d’ailleurs est for- tement désorganisé ainsi que le montre l’examen des coupes (pl. m, fig. l b). Une remarque importante, c’est que, ainsi que nous l’avons déjà dit en passant, on voit l’hypersécrétion urinaire consécutive à la double section des vagues, faire bientôt place à une hyposécrétion. Les faits qui permettent d’expliquer ce phénomène sont les suivants : 1° On sait que la vaso-dilatation consécutive à la section d’un vaso-constricteur, n’a généralement qu’une durée assez limitée ; 2° Si l’on prend la pression sanguine générale (carotidienne) 78 SUR LE PNEUMOGASTRIQUE DES OISEAUX pendant les .jours qui suivent la section, on la voit baisser peu à peu; 3° Après la double section, on voit se produire non seulement une exagération de la sécrétion urinaire, mais encore de la sécrétion biliaire, du mucus œsophagien et intestinal : bref l’animal perd une grande quantité d’eau, qui n’est pas récupérée par la boisson, comme le prouvent les chiffres relatifs à la teneur en eau du sang que nous avons cités plus haut. En présence de tous ces faits, on conçoit facilement que non seulement l’hypersécrétion ne se main- tienne pas, mais encore que la quantité d’urine tombe au-dessous du taux normal. III. — Teneur en acide urique. Les résultats des différentes expériences sont consignés ci- après : 4^ Expérience sur une poule. Tableau I. OBSERVATIONS ANIMAL NORMAL 1 pneumo- gastrique coupé Lendemain. Acide urique par 1/4 d’heure grammes 0.019 grammes 0.035 Acide urique p. 100 de résidu sec. . . . 55 50 Acide urique p. 100 d’urine 10 8 INFLUENCE DU PNEUMOGASTRIQUE SUR LA NUTRITION 79 2° Expérience sur une poule. Tableau II. OBSERVATIONS ANIMAL NORMAL 1/2 heure après pneiimo- gastr. droit coupé. 1/2 heure après 2prieum. gastr. coupés. LENDE- MAIN grammes grammes grammes gramme s Acide urique par 1/2 heure 0.028 0.025 0.020 0.022 Acide urique p, 100 de résidu sec . . . 25.7 )) » 35 . 7 Acide urique p. 100 d'urine 3.2 2.6 1.9 2.1 5“ Expérience sur une oie. Tableau III (1). OBSERVATIONS ANIMAL 1/2 heure après 2pneum. gastr. coupés. LENDE- JOURS APRÈS normal MAIN 2 3 4 grammes grammes grammes grammes grammes grammes Acide urique par de- mi-heure 0.099 0.0495 0.0814 0.0875 0.0601 0.0600 Acide urique p. 100 de résidu sec. . . 30 15 37 40 35 34 Acide urique p. 100 d’urine 1.76 0.76 3.13 3.72 3.09 ! 3 1 On peut voir, d’après ces tableaux, qu’avec un seul pneumo- gastrique coupé, l’acide urique suit les variations de la quantité d’urine, la proportion en restant sensiblement la même dans le (1) Voir, figure 39, le diagramme des variations de l’acide urique excrété; on a également représenté les variations de la quantité d’urine et de l’eau de cette urine. 80 SUR LE PNEUMOGASTRIQUE DES OISEAUX résidu sec et dans riirine totale. Ce fait a son importance au point { de vue de l’explication que nous proposerons des variations des j déchets azotés dans l’urine après la double section. 1; Quand les deux vagues sont coupés, l’acide urique sécrété dans j . un temps donné (1), après avoir subi une baisse considérable peu de temps j . après l’opération (une demi-heure ou une heure après), remonte légèrement d’une façon momentanée, tout en res- | tant au-dessous de la normale, puis j va ensuite en baissant graduellement ; jusqu’à la mort. Si l’on se reporte | aux tableaux que nous avons donnés, j sur l’intensité des échanges respira- i toires, on verra que la marche des i variations de l’acide urique excrété ! suit celle des variations de l’oxygène j absorbé. Cette remarque était pour j nous une forte présomption pour j croire que, si l’acide urique diminuait dans les derniers jours de la vie, c’est que sa production dans l’organisme diminuait également. Néanmoins , I comme la diminution de l’excrétion de l’acide urique pouvait tenir aussi, par suite du mauvais état de l’épi- thélium des canicules du rein, à une rétention de cet acide dans l’organisme , nous avons voulu direc- tement trancher la question par des expériences. (i) Si, au lieu d’examiner la quantité d’acide urique excrétée dans un temps donné, on examine celle qui est rejetée pour un volume d’urine (ou de résidu sec) donné, on voit qu’au contraire cette quantité, qui a baissé momentanément (1/2 après la double section), subit une hausse manifeste, pour diminuer d’ailleurs j également plus tard; c’est pour cela que malgré les faibles quantités d’urine excré- | tées, l’acide urique produit est éliminé totalement et ne s’accumule pas dans le ( sang. j fri ... <ü N n 4 Fig. 39. — Variations de la quan- tité d’urine, de l’eau et de l’acide urique chez une oie après la double section des vagues. a, Urine par 1/2 h. en décigrammes. è, Eau — — c. Acide urique par 1/2 h. en centi- grammes. INFLUENCE DU PNEUMOGASTRIQUE SUR LA NUTRITION 81 •ï.- * V r >• T S On sait, d’après les recherches de Colasanti (16), que chez les oiseaux, l’acide urique n’est pas formé dans le rein, et y est amené simplement par le sang. Le foie serait son lieu de production (Meis- sner, von Schrœder). Par conséquent, dans le cas où ce serait sim- plement l’excrétion qui diminuerait, on devrait trouver de grandes quantités d’acide urique dans le foie et dans le sang, qui en con- tiennent normalement : le premier, 1 /lOOO® environ; le deuxième, 1/10000®. Or, on ne trouve dans les derniers jours de la vie que des quantités très minimes, trop faibles pour être dosées, d’acide urique dans le foie et dans le sang. C’est donc bien à une diminu- tion de la production, et non à une rétention de l’acide urique qu’il faut attribuer la baisse que l’on constate dans son excrétion. Il nous a paru intéressant de rechercher l’influence du pneumo- gastrique sur les déchets azotés de l’urine, chez des animaux où l’acide urique existe en très petite quantité, et est remplacé par l’urée : nous voulons parler de mammifères herbivores comme le lapin. Voici résumées en deux tableaux les observations se rapportant à deux de ces animaux soumis à un régime de choux et de carottes. Ces observations ont porté sur la quantité d’urine excrétée dans un temps donné, sur sa réaction, sa densité, sa teneur en urée, et enfin sur la quantité d’urée contenue dans le sang. Les dosages d’urée ont été faits par le procédé d’Yvon. PREMIER LAPIN QUAN- TITÉ d’urine PA^R HEUBE RÉAC- TION DEN- SITÉ MOYENNE URÉE pour 2 CENT. c. URÉE PAR HEURE SANG URÉE pour 100 Animal normal cent. c. 15 alcaline 1.012 grammes 0.0082 0.0615 » 2 pneumogastriques coupés. 11 h. après. 8 alcaline 1.013 0.009 0.0360 227 10.000 Les résultats ayant trait à l’animal normal, correspondent à un Uûiversité de Lyon. — ii. c. 6 82 SUR LE PNEUMOGASTRIQUE DES OISEAUX laps de temps de soixante et une heures, et sont chacun la moyenne de six observations. Ceux qui correspondent à ce même animal après la double section correspondent à un laps de temps de onze heures et sont seulement la moyenne de deux observations, l’animal n’ayant uriné que deux fois. Il est à remarquer que dans l’heure qui a suivi l’opération, il a été produit 40 centimètres cubes d’urine, d’une den- sité relativement faible (1010), et dans les dix heures suivantes, seulement 50 centimètres cubes, mais d’une densité assez forte (1017). Nous retrouvons là les faits que nous avons signalés chez les oiseaux, à savoir d’abord une hypersécrétion très aqueuse, ensuite une hyposécrétion avec baisse de la proportion d’eau. DEUXIÈME LAPIN QUAN- TITÉ d’urine PAa HBUBE RÉAC- TION DEN- SITÉ MOYENNE URÉE pour 2 CENT. c. URÉE PAR HEURE SANG URÉE pour 100 Animal normal cent. c. 15 alcaline 1.018 grammes 0.0095 0.0712 400 10.000 2 pneumogastriques coupés. 11 h. après. 8 alcaline 1.020 0.008 0.0320 300 10.000 Les résultats ayant trait à l’animal normal correspondent à un | laps de temps de vingt-quatre heures, et sont la moyenne de deux ! observations ; ceux qui se rapportent au même animal après l’opé- ration, correspondent à un laps de temps de onze heures, et sont la moyenne de trois observations. On a pu faire les mêmes remarques que sur l’animal précédent. | Pour ce qui est de l’excrétion de l’urée dans un temps donné, | nous voyons, chez ces deux animaux, quelle diminue, cette dimi- j nution ayant également pour cause un affaiblissement dans la pro- | duction, comme cela ressort de l’examen du sang. j Nous retrouvons donc chez les mammifères les mêmes phéno- | mènes que chez les oiseaux. Il nous a paru intéressant de faire ce INFLUENCE DU PNEUMOGASTRIQUE SUR LA NUTRITION 83 rapprochement, d’autant plus que jusqu’ici, on n’avait guère examiné l'influence du nerf qu’au point de vue de la quantité de l’urine (1). Nous avons enfin recherché, si après la double section des vagues, l'urine ne renfermerait pas quelques principes nouveaux, notam- ment de l’albumine et de la hile. Nous avons d’abord pensé que l’albumine existait, ayant eu un précipité par le réactif d’Esbach, mais nous avons pu nous assurer ensuite, que ce résultat était dû à la présence de la mucine très abondante dans l’urine des oiseaux. En effet, par le ferrocya- nure de potassium et l’acide acétique, on n’obtient absolument rien. L’urine sécrétée après l’opération, présenta une fois chez une oie, une coloration verte très marquée. Nous pensions y retrouver de la bile, mais les réactions de Gmelin et de Pettenkoffer des acides et pigments biliaires, n’ont donné aucun résultat. On sait que chez les mammifères, dans des cas de névrite expé- rimentale des vagues, MM. Arthaud et Butte (2) ont trouvé l’urine ictérique et albumineuse. Il est vrai que le procédé des auteurs cités correspondrait plutôt à une excitation. Quant à la présence du sucre dans l’urine, l’analyse du sucre dans le sang permet d’y conclure indirectement. Conclusions. 1° Les nerfs pneumogastriques exercent chez les oiseaux comme chez les mammifères une action sur la sécrétion urinaire. 2“ L’excitation du bout périphérique produit un ralentissement de la sécrétion, la section une exagération : cette action est en grande partie vaso-motrice. (1) Depuis la présentation de ces résultats (Société Liunéenne de Lyon, octob. 1891), MM. Arthaud et Butte ont examiné cette question chez les mammifères (chien). Ils ne sont arrivés d’ailleurs à rien de bien net; ils ont pourtant fait cette remarque, que l’excitation du bout central du vague produit l’azoturie. 84 SUR LE PNEUMOGASTRIQUE DES OISEAUX 3° Un seul pneumogastrique agit à la fois sur les deux reins, et dans le même sens, mais l’effet est plus marqué du côté du nerf mis en jeu. 4" Après la section d’un seul pneumogastrique, les troubles sécrétoires ne sont pas durables. 5" Après la double section, on voit varier non seulement la quantité d’urine, mais encore sa teneur en eau et en acide urique. 6"* La quantité d’urine qui avait d’abord augmenté, diminue r quelque temps après l’opération : cette diminution étant due sur- tout à une proportion d’eau moindre. Ces faits s’expliquent par une baisse de la pression sanguine générale, et par une diminution de la teneur en eau du sang. 7“ L’excrétion de l’acide urique suit après l’opération la courbe des échanges respiratoires : elle diminue quand ces derniers baissent. Cet affaiblissement dans l’excrétion est dû à une dimi- nution dans la production, et non à une accumulation dans le sang. 8" On retrouve chez les mammifères après la double section des ; vagues, les mêmes phénomènes que chez les oiseaux : les résultats au point de vue de la teneur en eau de l’urine, et de l’excrétion des déchets azotés, sont en tous points comparables. 9° On ne trouve ni albumine, ni bile, dans l’urine des oiseaux auxquels on a sectionné les pneumogastriques : l’analyse du sang permet de conclure indirectement à la présence du sucre. V. — Influence sur la fonction glycogénique. On sait d’après des expériences faites la plupart sur des mammi- fères, qu’après la double section des pneumogastriques au cou, le glycogène disparaît rapidement du foie, et qu’on constate au moment de la mort une hypoglycémie notable. La section au- dessous du diaphragme, ne produit rien de semblable. MM. Arthaud et Butte (2) ont constaté, il est vrai, au moment de la mort l’absence INFLUENCE DU PNEUMOGASTRIQUE SUR LA NUTRITION 85 du glycogène dans le foie, mais cette mort tardive est amenée par des troubles de nutrition si graves, que ces derniers suffisent à expliquer le fait. On sait enfin, d'après les recherches de Claude Bernard (6) et de Laffont (32) que l’excitation du bout central du nerf produit des phénomènes analogues à ceux du diabète. Der- nièrement, MM. Arthaud et Butte (2) ont prétendu, sans l’affirmer absolument, que l’excitation du bout périphérique produit une augmentation du glucose dans le sang. Ce résultat est d’autant plus singulier, que d’après les auteurs en question, l’excitation du bout périphérique produirait une vaso-constriction dans le foie. Or, ils admettent comme nous, qu’une vaso-dilatation de cet organe est nécessaire à la production de la glycosurie. Aucune recherche sur l’influence du pneumogastrique sur la fonction glycogénique, n’a encore été faite chez les oiseaux : l’étude que nous avons entreprise avait donc son intérêt au point de vue de la physiologie comparée ; de plus, les oiseaux, à cause de leur longue survie après l’opération, sont particulièrement favorables à ces recherches. Nous avons suivi l’évolution de la fonction, de beaucoup plus près que l’on ne l’avait fait jusqu’alors, en recher- chant dans les différents jours qui suivent la section, la teneur du foie en glycogène et du sang en sucre. Nos expériences ont porté sur des pigeons. Le glycogène du foie était dosé par pesées, le sucre du sang par la liqueur de Fehling. Pour faire ces derniers dosages, le sang mixte obtenu en coupant la tête de l’animal, était reçu dans une solution acide de sulfate de soude bouillant, comme l’a recommandé le premier Claude Ber- nard (7), pour éviter toute destruction du sucre. Nous avons coupé le même jour les pneumogastriques à cinq pigeons du même âge et du même poids, et nous en avons sacrifié un chaque jour en dosant le glycogène de son foie et le sucre de son sang. Voici condensés en un tableau les résultats auxquels nous sommes arrivés : I 86 SUR LE PNEUMOGASTRIQUE DES OISEAUX OBSERVATION ANIMAL JOURS APRÈS LA DOUBLE SECTION NORMAL 1 2 3 4 5 Sucre du sang pour 1000 grammes 1 .500 gr. 4.800 gr. 3.800 gr- 2.511 gr. 2.468 gr- 1.392 1.400 )) » » )» » Glycogène du foie pour 100 23.800 15.360 9.250 5.900 3.836 3.156 13.800 » B » » » 1 t Les résultats relatifs au glycogène sont absolument classiques ; (il y aurait cependant peut-être une légère hyperglycogénie le | lendemain) ; ce glycogène baisse de jour en jour, et au moment de la mort le foie n’en renferme plus que des traces. Mais pour ce qui | est du sucre, on peut constater nettement, grâce à la lenteur des l processus, qu’il y a d’abord hyperglycémie, et que l’hypoglycémie j n’est qu’ultérieure. Ce résultat est absolument contraire, à l’hypo- i thèse d’après laquelle les pneumogastriques seraient la voie centri- j pète d’un réflexe présidant à la glycogénie normale : et pourtant | l’on sait que l’excitation du bout central produit des accidents ■ rappelant le diabète. Pour nous, en présence des résultats énoncés ! ci-dessus, le fait n’a qu’une signification : c’est que les origines du 1 pneumogastrique, se trouvant dans le voisinage du centre diabé- ■ tique (ou vaso-dilatateur hépatique), on excite ce centre par simple | conductibilité en excitant le bout central du nerf. Ceci est d’autant | plus probable, qu’on peut produire l’hyperglycémie par l’excita- ; tion du dépresseur (Filhène) et même du sciatique (Laffont, ! Schmidt). Il semble donc qu’il n’y a là rien de bien spécial au j pneumogastrique. Ajoutons d’ailleurs, que par l’excitation du bout ! central de ce nerf, on produit des phénomènes asphyxiques. Ce i fait a son importance, et ne peut que corroborer l’explication que | nous allons proposer des troubles de la fonction glycogénique | consécutifs à la section des vagues. Ces troubles consistent en effet, ! INFLUENCE DU PNEUMOGASTRIQUE SUR LA NUTRITION 87 en une hypoglycogénie et hyperglycémie préalable, suivies seule- ment plus tard par une hypoglycémie. Or les phénomènes asphyxiques produisent, comme Fa montré M. Dastre (22), des résultats analogues. La double section des vagues amenant, comme nous l’avons démontré plus haut, des phénomènes asphyxiques, n’est-il pas naturel, en présence de la concordance des résultats, d’attribuer à ceux-ci les troubles produits. On comprend alors, pourquoi la section au-dessous du diaphragme chez les mammi- fères, ne produit pas de troubles immédiats dans la fonction qui nous occupe : dans ces conditions, les phénomènes asphyxiques ne se produisent pas. On comprend aussi pourquoi l’excitation du bout central produit des accidents diabétiques. Cette excitation, en arrêtant la respiration, met l’animal dans un état d’asphyxie plus ou moins complète. Il existe de plus dans ces conditions, des effets vaso-moteurs dont Laffont (32) a signalé toute l’importance. Les différents faits observés sont donc d’accord avec la nou- velle théorie, on peut encore en invoquer un certain nombre d’autres. V Si un animal survit peu à la double section des vagues, la deuxième série des phénomènes asphyxiques (disparition du sucre) n’aura pas le temps de se produire, et l’animal devra présenter encore du sucre en abondance dans son sang. Or, le lapin est un animal qui ne survit généralement qu’un petit nombre d’heures : voyons ce que va nous donner un sujet dans ces conditions. Expérience. — On dose chez un lapin normal la teneur du sang en sucre dans la carotide : on trouve 1 gr. 720 p. 1000. On coupe les deux pneumogastriques, on dose à nouveau une heure après : on trouve 3 gr. 750 p. 1000 (1). On dose encore au moment de la mort, quinze heures environ après l’opération : on trouve 2 gr. 500 p. 1000. L'animal est donc mort en état d’hyperglycémie : l’urine (1) Une différence aussi considérable ne peut pas être due à la saignée préalable, d’ailleurs très peu abondante (6 grammes de sang). 88 SUR LE PNEUMOGASTRIQUE DES OISEAUX recueillie au moment de la mort, réduisait d'ailleurs fortement la liqueur cupro-potassique. On a aussi examiné à ce moment le foie, au point de vue du sucre et du glycogène. Le glycogène avait baissé sensiblement, réduit à la proportion de 0 gr. 6 p. 100, mais il y avait encore 2 gr. 864 de sucre p. 100. Des cobayes nous ont donné des résultats analogues. Tout ceci ne fait que confirmer ce que nous avons annoncé. L’asphyxie a produit dans le foie une transformation active du ; glycogène en sucre; ce glycogène n’ayant pas eu le temps de s’ac- | cumuler à nouveau, a baissé rapidement dans le foie : quant au sucre versé en abondance dans le sang, l’animal n’a pas vécu assez longtemps pour qu’il ait pu se détruire. 2® Chez un animal où la section des vagues ne produit pas de phénomènes asphyxiques, il ne doit pas y avoir de troubles au moins immédiats dans la fonction glycogénique après cette opéra- tion. Or, c’est ce que l’expérience a montré également. Les batraciens sont des animaux dont l’hématose n’est pas trou- blée par l’opération en question : d’abord parce que chez eux elle ne modifie en rien le rythme respiratoire, ensuite parce que, alors même que des troubles pulmonaires se produiraient, la respiration cutanée suffit à entretenir l’hématose. Or on trouve chez les gre- nouilles d’hiver de 5 à 7 p. 100 de glycogène dans le foie : six à sept jours après la double section, on retrouve le même chiffre. Cette expérience démontre encore un autre fait. La section des vagues est suivie, chez les oiseaux et chez les mammifères, d’une hyperhémie du foie. On pourrait attribuer directement au pneu- mogastrique, cette dilatation des capillaires qui accompagne tou- jours l’hyperglycémie. Mais on voit bien qu’elle n’est produite qu’indirectement, puisque chez la grenouille il ne se produit rien j de semblable (1). On sait d’ailleurs, d’après les expériences de j Vulpian, que la dilatation ne doit pas être due à une action vaso- motrice suspendue, l’excitation du bout périphérique du vague ne (1) Ainsi que cela résulte de la constance de la teneur du foie en glycogène, et comme le montre directement l'examen des coupes (pl. ni, fig. 4 a). INFLUENCE DU PNEUMOGASTRIQUE SUR LA NUTRITION 89 produisant aucune variation dans la circulation hépatique : mais cette démonstration nouvelle n’en a pas moins son utilité. Pour nous, c’est donc d’une manière tout à fait indirecte, que la section des pneumogastriques agit sur la glycogénie et la glycé- mie. L’asphyxie détermine une vaso-dilatation dans le foie, et cette vaso-dilatation produit elle-même une abondante transfor- mation du glycogène en sucre qui se répand en grande quantité dans le sang. Peut-on dire maintenant que ce sont uniquement les troubles respiratoires qui agissent sur la fonction glycogénique après la double section des vagues. Ceux-ci sont évidemment prépondé- rants, mais ne constituent pas la cause unique : il en existe une autre, ce sont les troubles digestifs. L’animal, après la double sec- tion, se trouve dans un état de jeûne relatif (absolu même chez les oiseaux à jabot), et c’est évidemment par suite de cet état d’inanition, que le glycogène baisse si vite dans le foie. Ce glyco- gène ne pouvant plus se renouveler, et se transformant en sucre avec une grande activité, doit diminuer très rapidement. C’est même uniquement sur le compte des troubles de nutrition, que nous croyons qu’il faut mettre les phénomènes observés par MM. Arthaud et Butte, dans les cas de section sous-diaphrag- matique. Mais cette cause, comme la première, est une cause indirecte ; et nous dirons qu’en résumé les phénomènes d’asphyxie et d’inani- tion consécutifs à la double section des vagues, sont suffisants pour expliquer les troubles glycogéniques qui surviennent après cette section, sans qu’il soit nécessaire de faire du nerf pneumo- gastrique la voie centripète d’un réflexe. Nous avons noté plus haut que l’bypoglycogénie apparaissait beaucoup plus tôt que l’hypoglycémie. Ceci ressort avec évidence du tableau suivant, où pour faciliter la comparaison, on a réduit à l’unité les quantités de glycogène et de sucre normales, réduisant les autres chiffres dans la même proportion (1). (1) Ce tableau a été mis en diagramme. 90 SUR LE PNEUMOGASTRIQUE DES OISEAUX JOURS APRÈS OBSERVATION ANIMAL LA DOUBLE SECTION NORMAL 1 2 3 4 5 Sucre du sang pour 100 1 3.20 2.53 1.66 1.60 0.96 Glycogène pour 100 1 I.ll 0.67 0.43 0.28 0.23 Nous avons vu quelle était la cause de l’hypoglycogénie rapide (transformation active en sucre, sans production nouvelle). Quelle est celle de l’hyperglycémie persistante? Il peut y en avoir plusieurs, que nous ne présentons d’ailleurs que comme des hypothèses. 1® L’absorption pulmonaire de l’oxygène étant diminuée, ce gaz est fourni en moins | grande abondance aux tissus et à leurs principes oxy- dables : or, le sucre est un des plus importants de ces principes. 2° Le pancréas déverse dans le sang, comme M. Lépine (33) l’a démontré, un ferment glycoly- tique dont l’action est entravée par la présence de l’acide carbo- nique : or, après la double section des pneumogastriques, le sang se charge d’acide carbonique. 3® Tout le sucre du sang ne provient pas du glycogène : il peut provenir aussi de la graisse, comme l’a démontré Colin(17) : or, les animaux maigrissent assez rapidement après la double section. D’ailleurs, Quinquaud (40) a montré que l’on pouvait avoir une augmentation de sucre dans le sang (par la saignée, par exemple), alors que le foie ne contenait plus de glycogène. Fio. 40. — Diagramme de la va- riation du sucre du sang, et du glycogène du foie chez un pigeon après la double section des vagues. a, Sucre du sang ? o • .a b, Glycogène du foie i INFLUENCE DU PNEUMOGASTRIQUE SUR LA NUTRITION 91 Malgré la baisse du glycogène du foie, il pourrait donc par d’au- tres processus s’accumuler du sucre dans le sang. Quoi qu’il en soit des causes, l’hyperglycémie existe, et doit avoir évidemment un retentisement sur la composition de l’urine, et produire la glycosurie. Nous avons pu le constater chez le lapin (voir plus haut) et nous en assurer indirectement chez les oiseaux. Straus (42) a indiqué dans le rein des diabétiques, des lésions ca- ractéristiques, telles que la dégénérescence de l’épithélium des tubes droits et contournés : nous avons retrouvé ces lésions (pl. III, fig. 1 b; a, rein normal) dans les reins d’oiseaux morts par la double section des pneumogastriques. Dernièrement, MM. Arthaud et Butte (2) ont signalé des faits très intéressants au point de vue de la glycogenèse, sur les effets des névrites des vagues. Ils ont trouvé que la névrite des bouts périphériques provoquait tous les phénomènes du diabète, et on en tire des conclusions fort importantes relativement à la patho- génie de cette maladie. Dans cette étude purement physiologique, nous nous sommes contenté d’étudier de près les résultats des sections, et nous croyons avoir expliqué suffisamment ces résultats, pour pouvoir conclure qu’à l’état normal, le pneumogastrique ne joue aucun rôle dans la glycogenèse. Rappelons d’ailleurs pour terminer que la section unilatérale ne produit aucun trouble dans cette fonc- tion. Conclusions. 1° Le premier effet de la double section des vagues et une dispa- rilion rapide du glycogène, avec hyperglycémie : l’hypoglycémie ne se produit que plus tard. 2” Ces phénomènes sont dus à des troubles respiratoires, qui amènent une asphyxie lente, et à des troubles nutritifs. Le méca- nisme est le suivant : l’asphyxie provoque une hyperhémie dans le foie ; sous l’influence de cette vascularisation et de l’état asphyxique 92 SUR LE PNEUMOGASTRIQUE DES OISEAUX du sang, le glycogène se transforme activement en sucre, et, n’étant pas remplacé, diminue rapidement dans le foie. Quant au sucre versé dans le sang, il se détruit assez lentement pour des raisons multiples. 3® La grande probabilité de ce mécanisme, se trouve démontrée par des expériences faites sur des groupes divers d’animaux. 4® En définitive, à Fétat normal, le pneumogastrique ne joue aucun rôle dans la glycogenèse, et ce n’est qu’indirectement que sa double section vient troubler cette fonction. TROISIÈME PARTIE INFLUENCE DU PNEUMOGASTRIQUE SUR LA NUTRITION INTIME Mécanisme de cette influence. Causes de la mort après double section. Conclusions. Nous croyons avoir suffisamment démontré par les faits rassem- blés dans notre deuxième partie, que l’opinion de de Blainville, Billroth, Boddaert, qui attribuent à l'inanition seule la mort chez les oiseaux, est une opinion erronée. Il suffit au reste d’une expé- rience bien simple pour en démontrer la fausseté. Si l’on aban- donne sans manger deux oiseaux semblables, l’un intact, l’autre auquel on a sectionné les deux pneumogastriques, le second meurt beaucoup plus vite que le premier. Mais nous ne nous sommes pas contenté de cette démonstration un peu grossière, et nous avons fait voir, qu’outre les troubles digestifs, il existait des troubles dans la fonction respiratoire, dans la fonction circulatoire, dans la fonction urinaire et dans la fonction glycogénique. C’est à ces troubles, que nous avons le premier étudiés avec détail, en ce qui concerne les échanges respiratoires et l’excrétion des déchets azotés, que nous rapportons la mort fatale qui suit la double sec- tion. Mais encore faut-il démêler le mécanisme de ces troubles, exa- miner ceux qui sont primordiaux, et ceux qui ne sont que consé- cutifs : 94 SUR LE PNEUMOGASTRIQUE DES OISEAUX En un mot, établir le déterminisme de la mort qui se produit dans ces conditions. Pour cela, nous allons reprendre successivement l’étude des dif- férents troubles constatés. I. Troubles respiratoires. — Ces troubles sont de deux sortes : mécaniques et chimiques. Ont-ils chacun une importance égale, étant produits chacun à part par un mécanisme différent, ou bien les uns ne sont-ils que la conséquence des autres ? Envisageons d’abord les troubles mécaniques : il est évident que ceux-ci sont bien primordiaux, et sont la conséquence directe de la double section, personne n’a jamais songé à le contester. En est-il de même des troubles chimiques? Le ralentissement que l’on observe dans les échanges respiratoires est-il dû à une activité moindre des tissus, ou au contraire n’est-il que la conséquence des troubles mécaniques? Nous croyons que c’est la deuxième hypo- thèse qui est la vraie, et nous pouvons appuyer cette hypothèse sur un certain nombre de faits. 1® Les troubles chimiques suivent pour ainsi dire la courbe des troubles mécaniques. Aussitôt après la section, quand la respira- tion est très gênée, les échanges respiratoires diminuent beaucoup : quand la gêne disparaît partiellement, par suite d’une reprise mo- mentanée de la ventilation, ces échanges s’accroissent; quand enfin elle devient définitive par suite de l’embarras de la circulation pulmonaire, ils baissent définitivement. 2^ Chez les animaux comme les batraciens, où la double section n’est suivie d’aucun trouble mécanique dans la respiration, il n’y a pas production de troubles chimiques. 3° Si l’on envisage les échanges pour un même volume d’air, on trouve qu’ils sont accrus après la double section des vagues, sauf dans les derniers temps où l’hématose ne se fait plus. Nous conclurons donc que, si les échanges respiratoires se trouvent modifiés, ce n’est pas parce que les tissus sont moins aptes à absorber l’oxygène, mais simplemement parce que la cir- culation leur en fournit moins. On a invoqué, pour expliquer la h ; » . U INFLUENCE DU PNEUMOGASTRIQUE SUR LA NUTRITION 95 baisse de production de l’acide carbonique, la disparition du glu- cose ; mais cette baisse se produit bien avant que le glucose dispa- raisse du sang, et même à un moment où il s’y trouve en plus grande abondance. D’ailleurs, ce qui prouve encore l’importance des troubles méca- niques, c'est que ceux-ci gênant plus l’élimination de l’acide car- bonique que l’absorption de l’oxygène, cet acide est rejeté en moins grande abondance et s’accumule dans le sang. S’il y avait ralentissement de l’activité des tissus, ce phénomène ne se pro- duirait pas, la production de l’acide carbonique suivant simple- ment les variations de l’absorption de l’oxygène. II. Troubles digestifs. — Nous avons aussi constaté deux sortes de troubles, mécaniques et chimiques. Mais, là encore, seuls les troubles mécaniques sont primordiaux, et nous avons vu que si la digestion était arrêtée, c’était grâce à la paralysie de l’estomac, paralysie qui empêche l’excrétion du suc gastrique, son mélange aux aliments, et le passage de ces aliments dans l’intestin, où, s’ils pouvaient y parvenir, la digestion pourrait encore très bien s’effec- tuer. D’ailleurs, chez les animaux où les troubles moteurs n’ont que peu d’importance, comme les batraciens, la digestion n’est pour ainsi dire pas entravée. Nous avons introduit des mouches dans l’œsophage d’une grenouille à deux pneumogastriques coupés et elle les a rendues au bout de quelque temps, sous forme de véritables fèces. Nous avons pu constater aussi dans ces conditions des phénomènes digestifs chez les lézards. III. Troubles circulatoires. — Parmi ces troubles, qui con- sistent simplement en effets vaso-moteurs et action sur la pression sanguine (1), les uns sont primordiaux, les autres consécutifs. Ceux qui sont primordiaux (vaso-dilatation du jabot, vaso-dilatation des reins et de la rate) ne semblent pas avoir une très grande importance au point de vue du mécanisme de la mort. Parmi ceux (i) On a vu que chez les oiseaux il n’y avait pas de troubles cardiaques. 96 SUR LE PNEUMOGASTRIQUE DES OISEAUX qui sont consécutifs (vaso-constriction de l’intestin, vaso-dilatation I du foie, baisse de la pression), seuls les troubles dans la circulation I hépatique ont une réelle importance (1). I Ces derniers jouent un grand rôle dans les modifications qui 1 surviennent dans la fonction glycogénique. Pour certains auteurs, I ils seraient dus à une action directe du pneumogastrique sur l’in- I nervation vaso-motrice de l’organe, mais, pour nous, ils sont sim- l plement la conséquence de l’asphyxie lente que nous avons cons- tatée. Nous nous appuyons pour l’admettre sur les faits suivants : 1® On n’a jamais démontré bien nettement que le pneumogas- trique ait une action directe sur les vaisseaux du foie, la plupart des auteurs nient même cette action. 2® Chez tous les animaux où existent des troubles respiratoires après la section des vagues (oiseaux, mammifères, reptiles), on constate une vaso-dilatation du foie (pl. iii, fig. 4 ô et fig. 3 b), 3® Chez ceux où ces troubles n’existent pas (batraciens), la circu- lation hépatique n’est pas modifiée (pl. ni, fig. 4 «). . | IV. Troubles dans la sécrétion urinaire. — Ces troubles con- j sistent en des variations d’abondance (mécaniques) et en des \ variations de composition (chimiques). Pour ce qui est de l’abon- • dance, on voit l’urine d’abord augmenter après la double section, | puis diminuer. Pour ce qui est de la constitution, on voit l’acide f urique baisser, remonter, puis baisser définitivement. } Seule l’augmentation préalable de la quantité d’urine peut être ? regardée comme un phénomène dù directement à l’action des ] vagues. Elle résulte en effet de la suppression des vaso-constric- | teurs qu’ils envoient aux reins. La baisse consécutive tient à la è baisse de la pression sanguine, causée par les pertes d’eau consi- dérables de l’organisme, ainsi que nous l’avons établi dans notre deuxième partie. Quant à l’acide urique qui est le résultat de l’oxy- (1) Nous ferons remarquer cependant qu’une des causes de la baisse de la pres- sion sanguine vient des grandes pertes d’eau faites par l’organisme. Ces pertes ont-elles une influence marquée sur le dépérissement de l’animal? nous ne sau- rions, pour le moment, l’affirmer. INFLUENCE DU PNEUMOGASTRIQUE SUR LA NUTRITION 97 dation des tissus, et il est à remarquer que la courbe de son (élimi- nation suit celle de l’absorption de l’oxygène. Les variations, qui ne sont pas toujours dans le même sens (baisse préalable, hausse momentanée, baisse définitive) prouvent bien qu’il ne s’agit pas là d’une action sur l’épithélium éliminateur (1). Il s’agit donc cer- tainement d’un phénomène secondaire. V. Trouble dans la glycogenèse. — Ils consistent, comme nous l’avons vu, en une baisse croissante du glycogène du foie, une hyperglycémie préalable, et une hypoglycémie consécutive. Ces phénomènes doivent-ils être attribués à une action directe du pneumogastrique, ou aux conditions particulières dans lesquelles la double section place l’animal. Nous croyons que c’est la deuxième hypothèse qu’il faut adopter, et cela pour les raisons suivantes : 1® On constate une vaso-dilatation hépatique chez tous les ani- maux qui offrent des troubles respiratoires ; 2^ On n’en constate pas chez les autres ; 3“ La marche de la glycémie est celle que l’on observe dans les asphyxies lentes. L’asphyxie suffit à expliquer tous les phénomènes relatifs aux variations du sucre, quant à celles du glycogène, deux causes interviennent dans sa disparition du foie : d’abord l’asphyxie, qui amène sa transformation rapide, ensuite l’inanition qui l’empêche de s’accumuler à nouveau dans l’organe hépatique. Cette deuxième cause est indirecte comme la première. Si nous résumons les résultats de cette discussion, nous arri- vons, en laissant de côté les phénomènes peu importants, à ce mécanisme de la mort, où chaque cause est engendrée par la pré- cédente et engendre la suivante : 1° Troubles mécaniques de la respiration et de la digestion ; 2“ Phénomènes d’asphyxie lente et d’inanition ; (1) S’il en était ainsi, on verrait se produire au moment où l’excrétion baisse, une accumulation dans le sang. Or cela n’est pas; il faut donc admettre que la produc- tion diminue avec l’élimination. Université de Lyon. — ii. c. 7 98 SUR LE PNEUMOGASTRIQUE DES OISEAUX 3° Yaso-dilatation du foie, destruction rapide du glycogène, I hyperglycémie, disparition du glycogène, hypoglycémie, diminu- I tion des phénomènes d’oxydation dans les tissus ; I 4° Disparition des réserves, sans nouvelles synthèses, et entraves I aux phénomènes de désassimilation. En dernière analyse, on voit que les deux grands groupes de phénomènes qui constituent la vie, phénomènes d’assimilation d’une part, phénomènes de désassimilation d’autre part, sont forte- ment troublés par la double section des vagues, ce qui est une cause suffisante pour amener la mort. Mais en remontant de proche en proche la série de ces troubles, on voit qu’on peut les expliquer originairement par les troubles mécaniques de la fonction respira- | toire et de la fonction digestive. j Plus ces troubles seront accentués, plus la mort devra se pro- \ duire rapidement si ces conclusions sont exactes. Or, examinons j ce qui se passe chez les différents groupes d’animaux que nous : avons étudiés. On peut établir la série suivante relativement à la rapidité de la mort : 1° mammifères; 2“ oiseaux; 3° reptiles; 4° batraciens. Or, les mammifères ont leurs fonctions respiratoires troublées au maximum, et leurs fonctions digestives fortement altérées : on ^ peut remarquer déplus, que la double section au-dessous du dia- | phragme les laisse en vie beaucoup plus longtemps, et qu’enfin j ceux qui ne présentent pas de broncho-pneumonie, et offrent seu- j lement des troubles circulatoires dans le poumon, vivent un temps j bien plus long. j Les oiseaux présentent des troubles manifestes dans la fonction | » respiratoire, et un arrêt presque complet des fonctions digestives : 1 mais les troubles pulmonaires sont beaucoup moins accentués ; chez eux que chez les mammifères, c’est pourquoi ils vivent plus ! longtemps bien qu’ayant une respiration plus active. j Les reptiles offrent aussi des troubles très nets dans la respira- ' tion, assez peu accentués du côté du tube digestif. Mais ces ani- j maux résistant assez facilement et assez longtemps à l’asphyxie et | à l’inanition, on conçoit que leur survie soit assez longue. | INFLUENCE DU PNEUMOGASTRIQUE SUR LA NUTRITION 99 Les batraciens enfin ne montrent que des troubles peu marqués dans la digestion, et ils résistent très longtemps. Les faits qui nous sont fournis par la physiologie comparée viennent donc corroborer notre hypothèse, et nous concluons défi- nitivement : Lès causes de la mort par double section des vagues sont des troubles de nutrition élémentaire amenés par l’asphyxie lente et V inanition; la disparition du glycogène^ qui est un des facteurs les plus importants de cette mort^ n’a pas d'autres causes. On sait que la première idée qui fut émise pour expliquer la mort des animaux fut l’asphyxie, mais une asphyxie brutale. On abandonna cette hypothèse pour deux raisons : la première, c’est que les mammifères ne présentent pas toujours de broncho-pneu- monie; la seconde, c’est que les oiseaux n’en présentent jamais, et n’en meurent pas moins. On pensa alors à l’inanition, qui fut même la seule cause admise chez les oiseaux : mais cette deuxième hypothèse ne peut se sou- tenir, ainsi que nous l’avons fait voir. Claude Bernard ayant remarqué que les animaux, à leur mort, ne présentaient plus que des traces de glycogène dans le foie et de sucre dans le sang, admit, comme causes de la mort, les troubles glycogéniques. Dernièrement, enfin, MM. Arthaud et Butte ont admis également cette opinion, et l’on corroborée par des recherches, d’ailleurs pos- térieures aux nôtres, sur la nutrition élémentaire. Nos recherches personnelles, qui nous ont montré que la production des phéno- mènes asphyxiques était constante, même sans qu’il y eût de lésions considérables dans le poumon, nous ont permis de rappro- cher les trois hypothèses précitées, et de montrer la part de vérité que contient chacune d’elles. Ce sont bien les troubles de la nutri- tion élémentaire, et particulièrement la disparition du glycogène qui amènent la mort, mais ceux-ci ont leurs sources dans les troubles mécaniques du poumon et du tube digestif, qui produi- sent l’asphyxie lente et l’inanition. Sont-ce bien là les seules causes de la mort? D’après les résultats 100 SUR LE PNEUMOGASTRIQUE DES OISEAUX que leur ont donné les névrites expérimentales, MM. Arthaud et Butte ont admis que le nerf vague avait une influence trophique marquée sur les organes auxquels il se distribuait. Les résultats qu’ils ont obtenus sont trop nets et trop constants, pour qu’on puisse songer un moment à les mettre en doute. Mais sont-ils dus réellement à une action trophique du nerf. Nous remarquerons, d’une part, que les sections simples ne nous ont jamais donné d’al- térations organiques considérables : celles que nous avons obser- vées (foie, rein) sont dues, comme nous l’avons démontré, à des influences indirectes, et nous n’avons jamais constaté dans le tube digestif, que des épaississements et desquamations de la muqueuse, comme Chossat en avait observé dans les cas d’inanition. Nous ferons observer aussi, que si l’on admet des fibres trophiques dans le pneumogastrique, non seulement la section des deux vagues, mais aussi celle d’un seul de ces nerfs, devrait produire au bout d’un temps plus ou moins long, sinon la mort, au moins des troubles considérables, et des altérations macroscopiques et microscopiques dans les points des organes où se distribuait le nerf coupé. Or la mort, on le sait, ne survient jamais dans ce cas; l’animal, après quelques troubles passagers dus aux troubles res- piratoires et vaso-moteurs, redevient absolument normal, et on ne peut constater rien de particulier à l’autopsie. Sans nier absolument toute influence trophique du vague, nous pensons qu’il est prématuré de rien affirmer sur ce point, et nous nous en tenons provisoirement aux conclusions posées plus haut, qui s’appuient toutes sur des faits expérimentaux, et nous paraissent n’être en contradiction avec aucun des phéno- mènes observés. BIBLIOGRAPHIE 1. Arthaud. — Note sur les fonctions des fibres lisses péribronchiques, etc., C. R. Soc. de Biol., juillet 1891. 2. Arthaud et Butte. — Du nerf pneumogastrique, 1892. 3. — Influence du pneumogastrique sur la sécrétion urinaire, C. R. Soc. de Biol., mai 1888, et Archives de physiologie, 1890. 4. — Syndromes cliniques, etc., C. R. Soc. de Biol., février 1888, et note complé- mentaire, etc., C. R. Soc. de Biol., mai 1888. 5. Bamberg. — De avium nervis rostri atque linguæ. Thèse de Halle, 1842. 6. Bernard (Claude). — Leçons sur la physiologie et la pathologie du système nerveux. 7. — Leçons sur le diabète. 8. Beaunis. — Nouveaux éléments de physiologie humaine. 9. Bert (Paul). — Leçons sur la respiration, 1870. 10. Billroth. — De natura et causa pulmonum affectionis, etc., Berolini, 1852. 11. Bischoff. — Gommentatio de nervi accessorii Willisii anatomia et physiolo- gia, Darmstadt, 1832. 12. Blainville (de). — Dissertation inaugurale, 1808, et influence du pneumogas- trique sur la respiration. Thèse Paris, 1808. 13. Boddaert. — Lésions pulmonaires dues à la section des pneumogastriques. Journal de la physiologie, 1862. 14. Chauveau. — Du pneumogastrique considéré comme agent, etc., Journal de la physiologie, 1862. 15. Chauveau et Arloing. — Traité d’anatomie comparée des animaux domes- tiques, 1889. 16. Colasanti. — Recherches expérimentales sur la formation de l’acide urique, Arch. liai, de Biol., 1882. 17. Colin. — Physiologie comparée des animaux domestiques. 18. Couvreur. — Recherches sur la respiration du caïman, Mém. Soc. de Biol., 1888. 19. — De l’innervation vaso-motrice du poumon, C. R. Soc. de Biol., décembre 1889. 20. — Influence de l’excitation du pneumogastrique sur la circulation pulmonaire de la grenouille, C. R. Acad, des Sciences, novembre 1889. 21. — Digestion gastrique des oiseaux. Revue Linnéenne de Lyon, février 1889. 22. Dastre. — La glycémie asphyxique, 1879. 23. — Sur quelques points relatifs à la physiologie du foie, C. R. Soc. de Biol., juin 1887. 24. Dastre et Morat. — Influence du sang asphyxique sur la circulation, Arch. de physiol., 1884. 102 BIBLIOGRAPHIE 25. Einbrodt. — Ueber den Einfluss der nervi vagi, auf die Herz bewegung bei Vôgeln, Arch. de Dubois- Reymond^ 1859. 26. François-Franck. — Part du spinal et du pneumogastrique dans l’innerva- tion modératrice du cœur, C. R. Soc. de Biol., février 1881. 27. — Réflexes du bout central du pneumogastrique, Travaux du labor. de Marey, 1878-1879. 28. Gehuchten (Van). — Anatomischer anzeiger. VI jahrgang, 1891, n° 1. 29. Gréhant. — Influence de la section des pneumogastriques, etc., C. R. Soc. de Biol., mars 1882. 30. Jobert. — Digestion gastrique des oiseaux, C. R. Acad, des Sciences, 1873. 31. Laulanîé. — Effets respiratoires des excitations centrifuges du nerf vague, C. R. Soc. de Biol., février et juillet 1889. 32. Laffont. — Recherches expérimentales sur la glycosurie. Journal de Vanat. et de la physiol., 1880. 33. Lépine. — Sur la présence, etc., C. R. Acad, des Sciences, avril 1890. 34. Mairet et Bosc. — Causes de la toxicité de l’urine normale, C. R. Soc. de Biol, février, 1891. 35. Marage. — Grand symphatique des oiseaux. Thèse de Paris, 1889. ' 36. Masius. — Bulletin Académie royale de Belgique, t. XV et XVI, 3° série. Influence du pneumogastrique sur la sécrétion urinaire. 37. Mathieu et Urbain. — Des gaz du sang, Arch. de physiol., 1872. ' 38. Fhisalix. — Sur le mode de vascularisation du jabot du pigeon C. R. Soc. de Biol., juin 1890. 39. Provençal. — Recueil périodique de la Société de Médecine de Paris, t. XXXVII. Mémoire sur l’influence des nerfs du poumon sur la respiration. 40. Quinquaud. — Le glycogène et la glycémie, C. R. Soc. de Biol., avril 1889. 41. Rochas. — Sur quelques particularités relatives aux connexions, etc., C. R. Acad, des Sciences, mars 1885. 42. Straus. — Contribution à l’étude des lésions, etc., Arch. de physiol., 1885. 43. Vulpian. — Leçons sur l’appareil vaso-moteur. 44. Schiff. — Physiologie de la digestion. Nota. — Les autres citations d’auteurs sont indiquées dans le texte. EXPLICATION DES PLANCHES PLANCHE 1 Partie céphalique et cervicale du pneumogastrique des oiseaux. Fig. 1 et 2. — Chez le pigeon. Fig. 3. — Chez le canard. Fig. 4. — Chez l’oie. Fig. 5. — Chez le hibou. Pn, pneumogastrique; Sp, spinal; Gph, glosso-pharygien; H, hypoglosse; le, pre- mière paire cervicale; Ls, laryngé supérieur; Li, laryngé inférieur; Br. ph. œs, branche pharyngo-œsophagienne ; PL Ph, plexus pharyngien ; GV, ganglion d’origine du vague; GP, ganglion pétreux; GCs, ganglion cervical supérieur. PLANCHE II Partie thoraco-abdominale du pneumogastrique des oiseaux (fig. 1-5). Sympathique impair des crocodiliens (fig. 6 et 7). Fig. 1 et 2. — Chez le hibou. Fig. 3, 4, 5. — Chez le pigeon. Pn. d, pneumosgastrique droit; Pn. g, pneumogastrique gauche; G. Th, ganglion thoracique; Rec, récurrent; N S c, nerf sympathique cardiaque; Spl, splanchnique ; Sd, sympathique droit; Sg, sympathique gauche; PL Bra, plexus brachial; PLP, plexus pulmonaire; PL Gard, plexus cardiaque; PI. Bro, plexus bronchique; PL Stom, plexus stomachal; PL cœl, plexus cœliaque; AP, coupe de l’artère pulmo- naire . Fig. 6 et 7. — Chez le crocodile (7 schéma). Sy. i, sympathique impaire ; Sy. c, cordon limitrophe ; Gp, glosso-pharyngien ; Pn, pneumogastrique; H. hypoglosse : Sp, spinal; 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, sept premières paires cervicales; Sc. d, cordon limitrophe droit; Sc. g, cordon limitrophe gauche. PLANCHE III Fig. 1. a, rein normal du pigeon, tubuli contorti, 400 d. à, coupe du rein 6 jours après la section des pneumogastriques, 400 d. 104 EXPLICATION DES PLANCHES Fig. 2. a, glandes pepsiques normales du pigeon, 200 d. 6, glandes pepsiques 4 jours après la section des pneumogastriques, 200 d. Fig. 3. a. Foie normal du pigeon, 200 d. 6, Foie du pigeon 6 jours après la section des pneumogastriques, 200 d. Fig. 4. a, Foie de la grenouille 8 jours après la section des pneumogastriques. 200 d. b, foie du lézard onze jours après la section des pneumogastriques, 200 d. Fig. 3 et 4. — c, capillaires. 29 3UM. 92 Paris. — Typographie Gaston Née, 1, rue Cassette. — 6124. l^TZLZ? . cLa _L7/on_ . PiK’unLüLj . (les ois(>(inay f^l. / . E. Coworewr del. PrLeiirno^(jusù'i(jriLe . C(^phali(j^ue el ceroicalc . lmp Lemercier Pans. Urtiv de Zi/on . PncLUN()(j . des oiseaier PI . d PneiarLOi^cicsd . .Pa/‘lte T/u>/‘(r(‘<> ■ abdoz/tuici le . J^/rtj[}alh7ijue . ùtijimi/* des e/’ocodi lieruv . fmp. Lemercier, Paria, UtUJO cLeL l/OTL . Plg. JVbr mal . T'iibitZc Cc?nZorû, Jijeùri, .Tn. .c^upe<\ (Zepia\y & jounv H eon ^Lcbnde-^Ÿ ^epsiçiLes TLOrTrui-le^ i’jouT'j,' après Fn, coupés . Plg eon C Plg eon Foi^ Fn .coupés Fjoiu's. E. Coxwrmr déi. Tmp, Lemercier , Paris. ANNALES DE L’UNIVERSITÉ DE LYON SITUATION AU 31 MAI 1892 TOME I. — La doctrine de Malherbe d’après son commen- taire sur Desportes, par Ferdinand Brunot, docteur ès lettres, ancien élève de l’Ecole normale supérieure, chargé d’un Cours complémentaire à la Faculté des Lettres, lauréat de l’Académie française. 1 vol. grand in-8 avec 5 planches hors texte. . . 10 fr. TOME II, Fascicule 1. — Recherches anatomiques et expé- rimentales sur la métamorphose des Amphibiens anoures, par E. Bataillon, préparateur de Zoologie à la Faculté des Sciences. 1 vol. in-8 avec 6 planches hors texte 4 fr. TOME II, Fascicule 2. — Anatomie et Physiologie comparées de la Pholade dactyle. Structure, locomotion, tact, olfaction, gustation, action dermatoptique, photogénie, avec une théorie générale des sensations, par le D"" Raphaël Dubois, professeur de Physiologie générale et comparée à la Faculté, avec 68 figures dans le texte et 15 planches hors texte 18 fr. TOME II, Fascicule 3. — Sur le pneumogastrique des oiseaux, par E. Couvreur, licencié ès sciences physiques, docteur ès sciences, chef des travaux de physiologie à la Faculté des sciences de Lyon. 1 vol. in-8 avec 3 planches hors texte et graphiques dans le texte 4 fr. TOME III, Fascicule 1. — Sur la théorie des équations diffé- rentielles du premier ordre et du premier degré, par Léon Aütonne, Ingénieur des Ponts et Chaussées, Docteur ès Sciences mathématiques, chargé de Conférences à la Faculté des Sciences. 1 vol. in-8 9 fr. TOME III, Fascicule 2. — Recherches sur l’équation person- nelle dans les observations astronomiques de passages, par F. Gonnessiat, Aide-Astronome h l’Observatoire, chargé d’un Cours complémentaire d’Astronomie à la Faculté des Sciences. 5 fr. TOME IV. — Lettres intimes du cardinal Albéroni au comte J. Rocca, ministre du duc de Parme (1703-1742), publiées pour la première fois d’après le manuscrit de Plaisance, par Emile Bourgeois, professeur à la Faculté des Lettres. TOME V. — Le Fondateur de Lyon, Histoire de L. Muna- tius Plancus, par M. Jullien, professeur- adjoint à la Faculté des Lettres. 1 vol. in-8 avec 1 planche hors texte 5 fr. Quelques exemplaires sur hollande 8 fr. Paris. — Typographie Gaston NÉa, 1, rue Cassette. — 6379. I -ir' " ^ -UtJ Ik .. • ■ •< ANNALES DE L’UNIVERSITE DE LYON TOME DEUXIÈME — 4® FASCICULE RECHERCHES SUR LA VALEUR MORPHOLOGIQUE DES APPENDICES SUPERSTAMINAUX DE LA FLEIJB DES \RIST0L0CUES A. MAYOUX ÉLÈVE DE LA FACULTÉ DES SCIENCES DE LYON Avec 3 Planches hors texte PARIS G. MASSON, ÉDITEUR LIPRACRE DE l’aCADÉMIE DE MÉDECINE 120, BOULEVARD SAINT-GERMAIN 1892 RECHERCHES SUR LA VALEUR MORPHOLOGIQUE DES APPENDICES SUPERSTAMINAUX DE LA FLEUR DES ARISTOLOCHES ANNALES DE L’UNIVERSITÉ DE LYON TOME DEUXIÈME — 4™® FASCICULE RECHERCHES SUR LA VALEUR MORPHOLOGIQUE DES APPENDICES SUPERSTAMINAUX DE LA M“' A. MAYOUX ÉLÈVE DE LA FACULTE DES SCIENCES DE LYON Avec 3 Planches hors texte PARIS G. MASSON, ÉDITEUR LIBRAIRE DE l’aCADÉMIE DE MEDECINE 120, BOULEVARD SAINT-GERMAIN 1892 RECHERCHES SUR LA VALEUR MORPHOLOGIQUE DES APPENDICES SUPERSTAMINAUX DE LA FLEUR DES ARISTOLOCHES Par Mlle A. MAYOUX Elève de la Faculté des Sciences de Lyon I. — Historique et introduction Les aristoloches très curieuses au point de vue de la structure de la tige et du mécanisme de la fécondation, curieuses aussi au point de vue des formes bizarres de la fleur de certaines espèces ornementales, ne le sont pas moins par la constitution de leur appareil sexuel. Aussi a-t-on déjà fait plusieurs hypothèses sur cet appareil. C’est qu’en effet il semble construit en dehors des lois ordinaires de la symétrie florale. Est-on en présence d’une véri- table anomalie ou bien peut-on expliquer cet appareil en s’ap- puyant sur les lois dont il vient d'être question? Les Aristolochiacées étant des Apétales, la fleur des x\ristoloclies u'a pas de corolle. Elle possède un calice gamosépale de forme variable (unilabié, bilabié ou trilobé) à pi'éfloraison valvaire. Le plus souvent, il y a six pièces à Uandrocée, parfois cinq (genre Université de Lyon. — II. D. 1 2 APPENDICES SUPERSTAMINAÜX Einomeia de Rafinesque, pentandra Linn; A. micrantha Duch., etc.) ; rarement quatre (^. bracteosa^ A. Picta). Quelques espèces en renferment un plus grand nombre 10-12 {A. Mannii, A. triactinio) ou 24 [A. Goldiend). Ces étamines toutes extrorses et biloculaires à déhiscence longitudinale^ sont concrescentes en une petite colonne terminée au sommet par autant d’appendices qu’il y a de pièces à l’androcée ou par trois dans les espèces dont les six étamines sont groupées deux par deux (groupe des Siphisia de Ducbartre (1) : A. Sipho, A. tomentosa L'herit. etc.) Parfois, chaque appendice est partagé en deux au sommet, et dans toutes les espèces il forme un prolongement opposé ou plutôt superposé à chacune des pièces de l’androcée. L’ensemble des élamines et des prolongements représente un gynostème pour certains bota- nistes {fig, 37, 38, 39, pL II), L’ovaire toujours infère est généralement composé de six car- pelles, quelquefois de cinq ; plus rarement de quatre. Ces carpelles alternent avec les étamines et forment un ovaire pluriloculaire à cloisons incomplètes, parfois complètes. Chaque loge renferme dans l’angle interne deux rangées d’ovules insérés latéralement. Ces ovules dirigés transversalement ou plus ou moins obliquement ramènent leur micropyle vers le placenta, en dehors de leur point d’attache ou en dedans contre le placenta. Le fruit est une capsule septicide. ‘Telle est d’une façon sommaire la description de cette fleur. Les styles et les stigmates n’y sont pas mentionnés. C’est là qu’en effet est le point discutable. Existe-t-il oui ou non des styles et des stig- mates dans la fleur des Aristoloches? Yoilà ce qu’il faudrait savoir. Pour le plus grand nombre des botanistes (Bâillon, etc. )dl y auraitungynostème, c’est-à-dire queles appendices superstaminaux seraient les lobes stigmatiques ; mais ces lobes sont opposés aux étamines, par suite, ils ne correspondent pas à la nervure dorsale des carpelles. Celte particularité a déterminé quelques auteurs à nierla nature carpellaire de ces appendices et à ne voir là que des dépendances staminales. De là deux opinions opposées : (1) Düchartre ; Prodromus tome XV, page 421 et suivantes, DE LA FLEUR DES AKISTOLOCHES 3 1" Les feuilles carpellaires sont terminées par des stigmates; 2” Les styles et les stigmates manquent. Quels sont les arguments en faveur de chacune d’elles? L’analogie et l’apparence morphologique ont suffi, ainsi qu’on vient de le voir, pour faire appeler les prolongements superstami- naux, lobes stigmatiques parla plupart desbotanistes descripteurs dont le but d’ailleurs n’est pas de rechercher la nature des organes, mais surtout de décrire les formes. Le rôle physiologique de ces appendices vient en outre donner un argument de plus en faveur de la première opinion (cependant les cas d’emprunts physiolo- giques existent chez quelques végétaux) et leur superposition aux étamines ne serait pas une preuve suffisante pour faire rejeter la théorie ainsi qu’on le verra dans la suite de ces recherches. Payer dans son « Orcfonogénie comparée de la fleur (1) termine ainsi son travail sur l’organogénie de V Aristolochia Clematitis : « Les stigmates et les styles ne sont donc que des dépendances des étamines ainsi qu’on les a vus n’être que des prolongements des placentas dans les Crucifères et les Parnassiées, etc., et desfeuilles carpellaires dans les Renonculacées, les Caryophyllées, etc. » Plus tard, en 1871, M. Van Tieghem dans son travail « Recher- ches sur la structure du pistil et sur l’anatomie comparée de la fleur » (2) reprend cette question et fait l’anatomie de la fleur des Aristolochia Sipho et Ce savant botaniste s’exprime en ces termes : « Les styles y manquent donc entièrement et l’ovaire reste béant^c’est parun artifice, par voie d’emprunt qu’il estfermé. Les six étamines alternent avec les carpelles, se soudent par leurs connectifs au-dessus de la cavité ovarienne, en laissant au centre un petit canal trigone qui joue le rôle de canal stylaire tandis que le sommet bombé du connectif surplombe chaque anthère et joue le rôle de stigmate. Les stigmates vrais s’ils se développaient seraient alternes avec les étamines au lieu de leur être superposés. Dansl’^. Sipho où les six faisceaux staminaux au lieu de devenir équidistants comme dans l’A. Clematitis, demeurent disposés en (1) Page 432. (2) Pages 163 et suivantes. 4 APPENDICES SUPERSTAMINAUX trois paires alternisépales, il m’a semblé voir trois branches très grêles opposilisépales se diriger vers le centre pour rejoindre trois des sillons qui continuent les loges; mais ces branches s’éteignent -bientôt et ne constituent qu'une trace fugitive et incomplète des styles dans le plan de la fleur. Chacun des trois stigmates n’est autre chose que le prolongement glanduleux du connectif commun de chacune des trois paires d’anthères. (( Les nervures dorsales des carpelles des aristoloches ne se pro- longent donc pas d’une manière sensible au-dessus du point où s’en dégagent les faisceaux du calice et de l’androcée. L’anatomie vient ainsi confirmer entièrement sur ce point les observations organô- géniques de Payer. » Dans son « Traité de Botanique (1) » M. VanTieghen conserve la même opinion. « Cet ovaire est bientôt surmonté d’autant de styles qu’il y a de carpelles (asarum), tantôt dépourvu de styles et de stigmates, la pollinisation et la germination du pollen s’opérant sur les épais connectifs des anthères (aristoloches) ». Masters en 187o (2) après avoir mentionné la disposition parti- culière des stigmates des aristoloches cite les opinions de Payer et deM. Duchaitre (3). Celle de Payer lui paraît surtout très singu- lière. Masters croit qu’il y a eu plutôt concrescence des styles et des stigmates avec l’androcée. D’après de Solms-Laubach (4) la fleur des aristoloches ne possède qu’un verticille de six feuilles sexuées qui forment à elles seules tout l’appareil sexuel. Les parties supérieures plus ou moins concrescentes de ces feuilles produiraient les anthères et les stig- mates. Les portions basilaires ne donneraient que les placentas récurrents, situés dans le plan médian des feuilles sexuées. L’ovaire iufèrç serait formé par l’axe même du ramuscule floral. Celakowsky (3) repousse cette théorie en s’appuyant sur les considérations suivantes : (1; Page 1427. (2) The Journal of the Linn^Society, volume XIV, page 488 ; et dans Martius, flore du Brésil, fasc. 66. (3) Comptes rendus, vol. 10— 1858. (4) Botanik Zeitung, 187.5, page 31-32. (.5) Ibid., 18/7, page 180. DE LA FLEUR DES ARISTOLOCHES 5 1® La région médiane des feuilles est toujours la moins [)ropre à la production des ovules ; 2“ Pour de Solms-Laubach le sillon médian délimitant les deux moitiés de chacune des feuilles sexuées, peut être aussi bien la ligne de séparation des deux vertieilles androcée et gynécée ; 3° Dans les Crucifères, les Parnassiées, etc., les placentas sont aussi opposés aux styles et aux stigmates; 4® Les asarnm, bien que munis de styles et de stigmates indé- pendants des étamines, ont aussi des placentas récurrents. Pour ce botaniste de même que pour Payer et M. Yan Tieghem, les styles et les stigmates ne sont que des dépendances des étamines. Eichler (J) compare la fleur des asarum à celle des Aristoloches et fait une supposition : chez Tasarum les pièces du verlicille interne staminal alternent avec les carpelles^ par suite, les stigmates alternent aussi avec les étamines; mais par leur division fréquente en deux lobes, ils manifestent une tendance au développement commissural, et si on s’imagine que les bords respectifs de deux tsigmates voisins s’unissent deux à deux et deviennent en même temps concrescents avec les étamines interposées (étamines internes), il en résultera un appareil sexuel semblable à celui de l’Aristoloche clématite. La fleur de FAristoloche siphon n’en différerait que parce que la concrescence seraitlà poussée plus loin encore. (( Tout s'explique donc, dit-il ensuite, d’après les lois ordinaires de la symétrie florale. Il suffit seulement d’admettre une conci*es- cence congénitale, puisque l’union des parties existe dans le jeune âge de même qu’à l’âge adulte. C’est là, un fait qui à vrai dire ne peut s’observer directement, mais qu’il est permis d'admetli e avec pleine certitude puisqu’il existe ailleurs dans des milliers de cas analogues. » Pour Eichler il y aurait donc des stigmates bien que cet auteur formule son hypothèse en se fondant sur une simple analogie avec (1) Bluthendiagramme, page 529 et suivantes. 6 APPENDICES SUPERSTAMINAEX l’asarum, sans rien prouver, ni affirmer. D’autre pari, ce botaniste repousse la première partie de la théorie de Solms-Laubach, qui attribue à un seul vertieille de feuilles sexuées, la production des placentas, ovules, stigmates et anthères. Il s’exprime à peu près ainsi : « Cela n’est pas à vrai dire impossible à priori comme le prouve la production d’ovules sur les étamines et d’anthères sur des carpelles; mais de semblables cas n’ont jamais été observés qu’à l’état de monstruosités. Ils ne se produisent jamais norma- lement. )) • Eichler va même plus loin encore. Il rejette cette opinion de Masters et de Payer (1), qui veut que les placentas aient des blas- tèmes autonomes et que les cloisons soient les bords relevés de l’axe devenu creux. Il combat aussi Solms-Laubach qui avait avancé, ainsi qu’on Ta vu plus haut, que les placentas n’étaient pas autonomes^ mais des dépendances de la portion basilaire des feuilles sexuées. « Je ne puis accepter ces deux opinions dit Eichler, et je suis forcé déconsidérer les placentas des Aristoloches, de même que ceux des autres plantes à ovaire infère, comme les bords infléchis et soudés deux à deux des carpelles, qui, dans leur partie moyenne, ne sont pas différenciés de la cupule formée par Taxe qui les entoure. Il va de soi, en effet, que si cette région n’est pas différenciée à l’état adulte, elle ne peut l’être dans le jeune âge. » (( Il est facile de constater chez les asarum à ovaire infère, la pre- mière apparition de la région moyenne des carpelles et par cela de vérifier l’hypothèse. » A notre avis, cette manière d’envisager la constitution de l’ovaire des Aristoloches est peut-être la plus vraie puisqu’elle se vérifie dans un genre très voisin, appartenant à la même famille. En outre, elle a pour elle de faire rentrer un cas de plus sous les lois ordinaires de la symétrie florale. Mais comme le but de ce travail est de rechercher la valeur morphologique des appendices supers- taminaux et non de trouver celle des placentas je ne m'occuperai pas davantage de cette partie secondaire de la question. (1) f-OÇ. (5it. DE LA FLEUH des ARISTOLOCHES 7 Telles sont, je crois, les principales opinions émises sur Tobjet de nos recherches. Donc si, en s'appuyant sur les arguments de Celakowsky et de Eichler, on repousse la théorie de Solms- Laubach, la question reste telle que nous l’avons posée au début : Les styles et les stigmates existent-ils, oui ou non, chez les Aris- toloches, car il est bien permis d’admettre que chez ces végétaux l’ovaire soit constitué par des carpelles, et Tandrocée par des feuilles staminale selon le mode ordinaire? Pour nous résumer, nous pouvons dire que la deuxième de ces opinions a pour elle Eichler, Masters et tous les botanistes des- cripteurs, et que la première est soutenue par M. Van Tieghem, par Payer et , Celakowsky. La questioff=TF^ donc pas tranchée puisque les deux opinions ont également des défenseurs. Si l’ana- logie et la physiologie donnent des arguments en faveur de la première théorie; l’organogénie semble d’accord avec l’anatomie pour faire accepter la seconde. En raison de cela, les résultats ne sont pas concluants. Il reste des doutes, et à vrai dire la question ne paraît pas résolue. Ne pourrait-on pas essayer de nouveau à l’élucider, si la chose est possible, en s’adressant à d’autres espèces? C’est ce que j’ai tenté de faire, sur les conseils de notre maître M. le professeur Gérard en utilisant les sujets qui sont cultivés dans les collections botaniques de la ville de Lyon au Parc de la Tête-d'Or. L’organogénie, la morphologie, l'analogie, l’anatomie et meme la physiologie ont été également employées comme procédés d’in- vestigations, par les auteurs cités plus haut, sans, nous l’avons vu, fournir des résultats concordants. Pourtant, toutes ces méthodes ont leur valeur! Le dernier moyen d’investigation, l’expérimen- tation, ne pouvant être employé ici, je serai obligée d’avoir recours à l’un de ceux qui ont été déjà employés : l’anatomie, en faisant l'applicatioiL rigoureuse des lois connues de la vascularisation des membres de la fleur. Si, on admet en principe, qu’un organe^ quel qu’il soit, est tou- jours parcouru par un faisceau ou un groupe de faisceaux dont la puissance est en rapport avec le degré de développement de l’organe envisagé, on peut dire que l’examen du système libéroli- 8 APPENDICES SUPERSTAMINAUX gaeux peut seul donner des indications précises sur la présence ou l’absence des organes rendus peu évidents par une cause quel- conque, bien que dans ces cas particuliers la soudure ou l’union de certains cordons vasculaires voile souvent la véritable disposition typique des différents faisceaux et rende par ce fait la loi moins évidente à première vue. Tel est le cas^ sans doute, de la fleur des Aristoloches. La position de Tovaire, jointe à la soudure intime des organes centraux de la fleur, déterminent assurément quelques modifications dans la course typique ou plutôt théorique de ses différents cordons libéroligneux. Toutefois, si on accepte comme guide des investigations, l’application du principe précédent, au cas particulier de l’appareil sexuel, formulé en loi par M. R. Gérard dans son travail La fleuret le diagramme des Orchidées [i) : (( On trouve dans la partie centrale de la fleur autant de faisceaux ou de groupes de faisceaux que cette fleur contient de pièces, » on ne craindra pas de s^écarter de la question, car s’il y a parfois, ainsi que je viens de le faire remarquer, union de certains faisceaux, il existe toujours, sinon des points particuliers, au moins des indi- vidus ou des espèces, ou encore des genres voisins, chez lesquels la dissociation se produit et montre alors ce que cachait la soudure, permettant d’établir le type théorique. La loi trouve même un ferme appui dans ce fait, qui présente un intérêt majeur dans le cas actuel, que lorsqu’un organe avorte partiellement ou totalement son système vasculaire suit ses destinées et ne prend qu’un développement correspondant au sien^, ne manquant complètement que s’il y a suppression totale. Je m’adresserai tout d’abord à l’Aristoloche tomenteuse qui n’a pas été étudiée dans les travaux cités plus haut et qui se rapproche beaucoup de V Aristolochia Sipho par son habitat, ainsi que par la constitution de la colonne centrale de sa fleur. Je chercherai, à l’exemple de M. Yan Tieghem, le nombre et la disposition des cordons vasculaires dans le pédoncule et dans la fleur. Je pourrai, en suivant ces faisceaux dès leur origine, connaître la valeur de chacun d’eux; puis, je comparerai ce système conducteur à celui de la fleur de quelques autres espèces, afin de savoir s’il représente (1) Thèses de l’Ecole de pharmacie de Paris, 1879, p. 53. DE LA FLEUR DES ARISTOLOCHES 9 le type du genre. Je dois dire de suite que cette espèce est défec- tueuse à ce point de vue, car elle ne possède pas ce cai*actère. Malgré cela, je l’ai choisie à dessein pour des raisons particulières que je ne puis exposer ici, mais qu’il sera facile de comprendre dans la suite. Je pourrai ensuite comparer ce système libéroligneux au système vasculaire de la fleur des Asarum et à celui d'antres aris- tolochiacées à étamines libres, après quoi il sera facile de dégager les conclusions et de discuter les diverses théories mentionnées plus haut. IL — Etude du système conducteur de la fleur des Aristoloches 1° Dans la fleur de /'Aristolochia tOxMentosa, U H erit. La fleur de l’Aristoloche tomenteuse possède un périanlhe trilobé. Ses étamines au nombre de six sont sessiles et rapprochées par paires. Chacune de ces paires est séparée de sa voisine par une sorte de proéminence cellulaire, ou plutôt par une sorte de colonnette qui acquiert son entier développement dès la base des anthères. Chaque colonne est creusée longitudinalement d’un sillon médian qui va en s’élargissant à mesure qu’il s’élève, et détermine à un certain niveau la division complète de la colon- nette en deux moitiés. Ces deux moitiés restent soudées au groupe staminal interposé entre les colonnettes et forment ainsi, en s’unissant à l’homologue des paires voisines, au-dessus de chaque paire d’anthères, une sorte de petit capuchon plus ou moins conique. Chacun des trois groupes staminaux comprend donc, en outre des deux étamines, la moitié de deux colonnettes voisines [figure 38-planche II). Ces colonnettes et ces appendices existent chez toutes les Aris- toloches, mais il faut remarquer que chez celles dont les étamines sont équidistantes, chaque moitié de colonnette, au lieu d’ètre 10 Appendices süPEïtSTÀMiNAtJîi soudée à un groupe de deux étamines, n’est concrescente qu’avec une seule étamine, d’où résultent six appendices superstaminaux au lieu de trois. Donc, puisque ces faits sont communs à toutes les espèces, je les signale ici une fois pour toutes, et je ne les rap- pellerai pas dans les descriptions suivantes [figure 34^ 'planche II, vue d’une coupe transversale d’un gynostème d'A. trilohata). Les papilles stigmatiques sont localisées sur les parois du sillon médian des colonnettes inlerstaminales et s’étendent en une ligne continue de la base du sillon jusqu’au delà des étamines. Les colonnettes et étamines surmontées de leur capuchon cons- tituent au centre de la fleur une petite colonne dont l’axe est occupé par un petit canal trigone ayant ses angles opposés aux colonnettes interstaminales. Ce canal communique par sa partie inférieure avec les loges ovariennes. Avant d’aller plus loin je dois faire remarquer encore qu’après l’acte de la pollinisation le tissu qui s’étend le long du dos des loges, se développe en général de façon à former là, une proémi- nence cellulaire assez volumineuse. En outre, chez toutes les Aristoloches, les appendices superstaminaux qui sont toujours écartés avant la déhiscence des anthères se rapprochent et deviennent connivents après cet acte. Ce changement de position est dû à la dessiccation du tissu conjonctif placé entre les différentes branches vasculaires issues des six faisceaux primitifs, de telle sorte qu’à la suite de la rétraction qui suit la dessiccation, tous les cordons libéroligneux se rapprochent en six groupes complexes. Ce fait est surtout évident chez les Aristoloches Siphon, tomen- teuse, ridicule et élégante, où le tissu desséché forme une bande noirâtre autour des principales branches de chacun des six groupes. Chez certaines espèces [A. Bonplandi, A. Ornitocephala, A. trilobata, etc.) les branches vasculaires dont il vient d’être question, ne s’isolant jamais complètement les unes des autres, le fait est moins évident. Il existe pourtant et se développe sur une plus large zone. On voit alors non seulement une bande noirâtre autour de chaque faisceau, mais encore, une autre large bande d’éléments aplatis, enfermant les six groupes ensemble ainsi que le- feraient un endoderme et un péricycle communs. DE LA ELEÜn DES ARISTOLOCHES 11 A la base du pédoncule de celle fleur, le systf^me llbéroligneux est représenté par six faisceaux disposés en cercle et normalement orientés [ficj. /, fais, F). Bientôt ces faisceaux se divisent langen- tiellement et se rangent en ellipse. Ce n’est qu’après celle division que le pédoncule de V Aristolochia lornentosa, ainsi d'ailleurs que que celui de V Aristolochia Sipho et de toutes les autres espèces, renferme douze cordons vasculaires parmi lesquels six plus volumineux alternent avec six plus petits {flg. 2). Un endoderme amylifère et un péricycle assez puissant entourent cet ensemble de faisceaux. Les assises extérieures du péricycle sont scléritiées ; les autres sont simplement fibreuses. A une certaine distance au-dessous de Tovaii’e, les six [)etits faisceaux se portent vers l’axe du cylindre central déterminant au- dessus d’eux les ruptures de l’endoderme et du péricycle. Il vont former les faisceaux marginaux ou faisceaux placentaires pendant que les six gros faisceaux se rangent en cercle pour entrer dans le dos des carpelles. Le départ des petits faisceaux^, joint à l’accroissement des feuilles carpellaires amène bientôt la division de l'endoderme et du péricycle entre tous les faisceaux. A l’intérieur des faisceaux dorsaux des carpelles, les masses libéroligneuses présentent le plus souvent une disposition en éventail très nette; les deux masses mé- dianes sont de beaucoup les plus volumineuses [fig. S, /).En ce point, l’axe a cessé d’exister car les faisceaux libéro-ligneux et leurs annexes ont pris la disposition caractéristique des appendices. Chacun des faisceaux des nervures dorsales des carpelles com- prend, en allant de dehors en dedans : 1° Un endoderme ; 2° Un péricycle assez puissant; 3° Les masses libériennes; 4° Les masses ligneuses séparées généralement des précédentes par une zone cambiale ; Du parenchyme ligneux placé en lames rayonnantes entre les masses libéroligneuses. La lame médiane est la plus large, les latérales s’épuisent en montant vers le sommet de l'ovaire. L’endoderme très nettement caraclérisé par ces nombreux grains d’amidon se distingue bien des tissus voisins. Université de Lyon. — II D. 12 APPENDICES SUPERSÏAMINACX Dès que les loges ovariennes commencent à paraître, les masses libéroligneuses des nervures dorsales situées le plus près del’axe du •pédoncule se divisent de nouveau et se détachent peu à peu des faisceaux, se dirigent en divergeant vers le sommet des loges, pour former les nervures secondaires des carpelles. Ces phéno- mènes achevés, l’appareil conducteur des sèves à pris dans les grandes lignes la position qu’il conservera sur toute la longueur de l’ovaire. Je négligerai maintenant à dessein l’examen de l’orien- tation et la division des différents cordons libéroligneux des placentas et des nervures latérales des carpelles pour m’occuper uniquement des faisceaux médians des carpelles, les seuls d’ailleurs qui se prolongent au-delà de l’ovaire et qu’il soit utile de suivre dans l’intérêt du sujet. Arrivés au sommet de Tovaire les faisceaux placentaires, les faisceaux marginaux et ceux des nervures secondaires des carpelles s’éteignent successivement pendant que les faisceaux périphériques donnent d’abord chacun deux branches latérales schéma 4 et o) qui s’anastomosent plus ou moins entre elles et se rendent dans le périanthe, mais cela à des hauteurs différentes en raison de l’insertion du tube calicinal qui est en général plus ou moins inclinée sur le pédoncule. Ce qui^ d’ailleurs, se rencontre aussi dans les autres espèces. La partie demeurée de chaque masse se divise alors radiale- ment eu trois : la portion médiane (^, schémas 4 à 7) se rend immé- diatement, au calice pendant que les deux latérales (^,^, schéma 7) s’incurvent brusquement l’une à droite, l’autre à gauche, et se portent dans l’espace interfasciculaire. La branche de droite d’un faisceau rencontre celle de gauche du faisceau voisin, mais avant de s’unir et d’entrer dans le périanthe^ chacune des branches laisse sur place un faisceau vasculaire (^, schéma 6). Ces faisceaux s’unissent {4,4, schéma 7) deux à deux à la manière des branches pi'écédenteS;, et constituent ainsi six nouveaux faisceaux qui, d’après leur origine sont alternes avec les six faisceaux primitifs. " Mais, chez TAristoloche tomenteuse de même que chez l’Arislo- loche siphon, végétaux qui ont les étamines rapprochées par paires, les nouveaux cordons libéroligneux se groupent bientôt DE LA F'LEUR DES ARISTOLOCHES 43 deux à deux [4,4, schéma S) et, parla, la disposition symétrique et typique est un peu masquée dans ces espèces. C’est ainsi que s’épuisent les nervures dorsales des carpelles. Elles ont donné, d'un côté, les nervures du périanthe (nervures dont les nombreuses anastomoses masquent la disposition théo- rique), et de l’autre, six nouveaux faisceaux, les seuls qui s’élèvent au-dessus de l’ovaire après le départ du système conducteur du calice. Le système libéroligneux de la colonne centrale de cette fleur est d’abord représenté uniquement par six faisceaux, ou, plus justement, par six groupes de faisceaux, ainsi que le montre la disposition de leurs éléments. Ces faisceaux sont concentriques. Ces groupes vasculaires, que nous appellerons faisceaux G, ne tardent pas à se diviser. Bientôt, on voit chaque paire de faisceaux donner comme les faisceaux dorsaux des carpelles, deux branches, l’une à droite, l’autre à gauche, branches qui s’unissent deux à deux dans les trois grands espaces interfasciculaires pour former trois nouveaux faisceaux (faisceaux S) interposés aux trois paires qui les ont produits, mais souvent le périanthe n’est pas complè- tement libéré que ces trois derniers cordons vasculaires se bifurquent tout en pénétrant dans les masses proéminentes qui séparent les trois groupes staminaux (faisceaux c) En meme temps, les six faisceaux G se divisent de nouveau, mais cette fois dans le sens radial; ensuite^ la branche externe, ainsi formée, se partage à son tour dans le sens tangentiel, et les deux faisceaux provenant de cette division [e,e, schéma 9) vont se placer au dos de chaque loge (car les anthères sont opposées aux faisceaux G), En générab la loge de gauche et celle de droite de chaque paire staminale reçoivent leurs faisceaux les premières; Les deux autres fascicules n’arrivent aux deux loges médianes qu’un peu plus haut. Dans la suite de ces recherches, on pourra, sans doute, expliquer cette petite particularité. Aussi est-il ulile de la souligner au passage. Cette division est la dernière qu’éprouvent les branches externes. Le dédoublement se continuant sur les branches internes U APPENDICES SUPERSTAMINAUX ■ (schéma iO), chacune d’elle se divise dans le sens radial en deux branches, dont la plus exlerne y s’incurve aussitôt du côté de l’étamine correspondante et se place dans le plan médian de cet organe, où viennent bientôt la rejoindre les deux faisceaux e opposés pour se fusionner avec elle [faisceaux E, schéma 1 1). Plus haut^ l’autre branche^ celle placée du côté de l’axe, se divise à son tour, dans le sens tangentiel, et donne aussi deux faisceaux qui restent à la même hauteur sur le même cercle {SS^sch.11). Assez souvent, un peu au-dessous de ce niveau^ il se détache, de l’une ou de l’autre de ces dernières branches, un filet plus ou moins grêle qui se dirige vers l’axe et s’épuise bientôt. Nous signalons ce fait pour rendre hommage à la vérité, mais nous n’attachons pas grande importance à sa présence. Donc, à ce niveau (demi-hauteur des anthères) on trouve en face de chaque paire de loges un groupe de trois faisceaux dont le plus externe correspond au plan médian de l’étamine^ et les deux autres plus internes, sont écartés, l'un à droite, Tautre à gauche du précédent de façon à représenter les trois pointes d’un delta [E^ S, S, schéma II). Les faisceaux externes, s’épuisent plus ou moins haut vers le sommet des anthères, tandis que les internes, 5, -S, c'est-à-dire, ceux placés du côté de l’axe, se portent de plus en plus vers le canal central de telle sorte qu’à un certain moment, ils sont tout à fait placés contre la paroi du canal [sch. 12). Au-dessus des anthères^, les faisceaux du rang interne S, S et ceux (c))qui parcourent le parenchyme interstaminal (faisceaux dont nous allons bientôt nous occuper spécialement) sont les seuls qui subsistent. Les faisceaux SS cheminent dans les appendices en se divisant parfois encore tangentiellement et finissent par dispa- raître à leur tour. Quelquefois, ce sont les faisceaux médians, mais plus généralement ce sont les latéraux qui s’éteignent les premiers. Dans l’un et l’autre cas, l’épuisement s’achève très près du sommet des appendices [fig. 12 et 13). Quant aux faisceaux S que nous avons vu se libérer des faisceaux G à la base de la colonne et se diviser chacun en deux branclies (faisc. r;, fig. S) pour se diriger dans les trois grands DE LA FLEUR DES ARISTOLOCHES 15 espaces interstaminaux, leur sort est le suivant : les branches a se divisent le plus souvent et donnent un nombre variable de p(dils fascicules {fig. 11) dont plusieurs s’éteignent presque aussitôt, pendant que les autres se renforcent et s’unissent aux faisceaux placés près d’eux, et cela de deux manières : tantôt en s’avançant vers le centre pour s’unir aux faisceaux placés près du canal central; tantôt en demeurant en place pour recevoir ces derniers qui viennent les retrouver. Par conséquent, les faisceaux <7 subissent le sort connu des faisceaux voisins de l’axe [faisceoMX S) et se terminent avec eux dans les appendices superstaminaux. Donc les faisceaux a peuvent rester indépendants des faisceaux 5, ou s’unir à eux, et la course générale du système conducteur de la petite colonne n’en est point autrement modifiée, ce qui laisse à penser que l’union n’a pas ici de significations bien nette, et que et G appartiennent à un même système foliaire. En résumé, les six faisceaux G qui s’élèvent au-delà du périanthe et pénètrent dans la colonne centrale de la Heur, se partagent entre les masses interslaminales, les anthères et le tissu placé vers le canal central. Les faisceaux des anthères se terminent vers le sommet de ces organes. Les premiers et les les derniers, s’épuisent dans l’extrémité libre des appendices superstaminaux. 2“ Dans d’autres espèces d’Aristoloches Cette seconde partie du travail peut se diviser ainsi : A. — Recherches sur des espèces à six étamines; espèces de beaucoup les plus nombreuses. B. — Recherches sur des espèces à quatre, cinq, dix, douze ou vingt-quatre étamines. 16 APPENDICES SUPERSTAMINAUX N’ayant eu à ma disposition que deux espèces de ce dernier groupe (^. Picta^ A. pentandro), j’étudierai surtout celles du premier; d’ailleurs, l’étude d’un plus grand nombre d’Aristoloches à quatre ou cinq étamines n’apporterait^ sans doute, aucun fait nouveau, car les carpelles y sont, ainsi que chez les espèces à six étamines en nombre égal à celui de l’androcée ; mais il serait très curieux de savoir si dans les espèces à dix, douze ou vingt-quatre étamines, les appendices superstaminaux subissent une division égale à la multiplication des pièces de l’androcée, et si cette aug- mentation numérique des pièces staminales se répète également dansTovaire.Plus tard, peut-être, pourrai-je combler cette lacune. Cependant, je puis le dire, dès maintenant, que je ne crois pas que les documents apportés par ces espèces^ pour ainsi dire anomales, modifient les résultats donnés par celui des Aristoloches à six éta- mines c’est-à-dire par le type le plus répandu dans le genre. A. — ARISTOLOCHES A SIX ÉTAMINES On peut diviser les Aristoloches à six étamines que nous avons étudiées en deux groupes : 1° Les espèces à étamines équidis- tantes et à six appendices su- perstaminaux (calice de forme variable : unilabié, bilabié ou trilobé). 2“ Les espèces à étamines groupées deux par deux et à trois appen- dices superstaminaux (calice tri- lobé). J’étudierai successivement ces quelques espèces en les rappor- tant à l’A. tomenteuse, et en ne donnant autant que possible que les caractères différentiels. A. Elegans. A. Ridicula. A. Clypeata. A. Trilobata. A. Ornithocephala. h.. Fimbriata OM Bonplandi. A. Clematitis. A. Sipho. A. Tomentosa. DE LA FLEUR DES AKISTOLOCUES 17 ARISTOLOCHES A ÉTA31INES GROUPÉES PAR PAIRES ET A TROIS APPENDICES SUPERSTAMINAUX Il est naturel que nous débutions A.Sipho qui se rapproche d’avantage de 1’^. tomentosa. Aristolochia Sipho, L’herit. — L’appareil sexuel de cetle Aristoloche ressemble beaucoup à celui de TA. tomenteuse, par suite, son système vasculaire s’éloigne peu du précédent. Voici les principaux points différentiels : LDans le pédoncule, au-dessous de l’ovaire, les six faisceaux C sont toujours disposés en cercle, jamais en ellipse, caractère qui, d’ailleurs n’appartient qu’à l’A. tomenteuse et a peu de valeur du reste ; 2” Les nervures du périanthe ne s’anastomosent pas, pour ainsi dire ; 3® Les faisceaux a ne sont pas aussi constants que chez l’A. tomenteuse. Dans VA. Sipho ils existent rarement tons les trois, même, ils peuvent manquercomplètcment. En tout cas, ilsprennent toujours naissance plus haut sur la colonne centrale que chez l’A. tomenteuse. ARISTOLOCHES A ÉTAMINES ÉQUIDISTANTES ET A SIX APPENDICES La position des étamines chez les Aristoloches de ce genre pré- sentant une différence assez grande avec celle des espèces précé- dentes, je décrirai avec quelques détails la marche du système conducteur de l’Aristoloche que je vais étudier en premier lieu. 18 APPENDICES SUPERSTAMINAUX Afin de pouvoir mieux établir ensuite les points différentiels que pourront présenter les autres espèces. Je dois dire tout d’abord qu’au point de vue de la division des faisceaux G, on peut grouper les Aristoloches à six étamines équi- distantes^ en deux groupes. Dans l’un on mettra les espèces dont les branches fournies par ces faisceaux deviennent tout à fait distinctes les unes des autres {A. elegans, A. ridicula) ; dansTautre on placera celles dont les mêmes branches vasculaires ne s’isolent pas complètement, c’est-à-dire, celles où le partage ne dépasse pas les masses libéroligneuses et n’entraîne pas la division complète des groupes vasculaires primitifs. I. SOUS-GROUPE Aristolochia elegans. — L’Aristoloche élégante a une tleiir unilabiée, très élégante et beaucoup plus grande que celle des Aristoloches tomenteuse et siphon. C’est d’ailleurs une plante de serre très ornementale dont les fleurs se succèdent en grand nombre, pendant tout l’été et même une grande partie de l’automne. Aussi est-il facile de se procurer, pendant tout cet espace de temps, des échantillons à tous les états de développement. Je ne rappellerai pas de nouveau les caractères qui distinguent la colonne centrale de la fleur de cette Aristoloche et celle des suivantes, de la colonne des espèces déjà décrites ; ils sont en tête de ce chapitre. J’ajouterai simplement que la fleur de l’Aristoloche élégante étant plus grande, sa colonne centrale est plus volumi- neuse et que le canal creusé en son centre est hexagone, nontrigone; puis, que les appendices superstaminaux sont beaucoup moins obtus que ceux des espèces précédentes (il ne pourrait en être autrement puisqu’ils ne recouvrent chacun qu’une étamine). Ces appendices paraissent contournés en dehors, ou plutôt infléchis autour de chaque anthère. Dans le pédoncule de cette fleur la disposition du système lihé- DE LA FLEUR DES ARISTOLOCHES 19 roligneiix diffère delà disposition de celui de TA. tomenteuse, par ses faisceaux rangés encercle, non en ellipse. Le péricycle est tou- jours très puissant et en partie sclérifie. L’endoderme est fortement amylifère surtout dans l’ovaire, ainsi d’ailleurs que cela existe chez toutes les autres espèces. ; De ce niv^eau, je passe immédiatement à la naissance du périanthe ■ , sans parler de la marche et des divisions des différents cordons libéroligneux pendant leur trajet à travers l’ovaire. L’utilité de cette description est d'autant moins grande que chez toutes les J espèces les faits sont à peu près les mêmes, sauf quelques varia- ... f tiens dans les détails^ n’ayant aucune importance pour l’objet de nos recherches, et ce qui a été dit à ce propos pour l’Aristoloche ; tomenteuse nous semble suffisant, nous ne pourrions que nous ; répéter. , Au-dessous du calice, six faisceaux formés par riinion de deux r branches vasculaires émises par les faisceaux dorsaux des car- ^ pelles sortent et se perdent dans le renflement sous-calicinal d’une I forme particulière à cette espèce (1). ■: Les nervures du périanthe se libèrent des faisceaux médians ' des carpelles à peu près suivant le mode déjà décrit, mais les anas- , tomoses sont ici très nombreuses et masquent beaucoup plus le I mode’d’émergence. • La naissance des faisceaux G ne présente aucune particularité, ^ mais quant à l’origine des faisceaux S, il se passe ici des faits ' dignes d’attirer l’attention : Dans l’Aristoloche élégante les faisceaux C laissent quelquefois sur place un groupe vasculaire qui s’élève plus ou moins haut sans changer de plan. Ces nouveaux faisceaux continuent donc \ directement la nervure dorsale des carpelles; ils représentent les i faisceaux stylaires. Leur volume varie avec l’individu : parfois, ils sont très grêles; ailleurs, ils ont un volume à peu près égal à celui des faisceaux G. Si on suit leur course, il est facile de les j voir dévier latéralement pour s’unir à ces derniers. Le niveau de J (1) Certaines Aristoloches présentent au-dessous du périanthe, soit un renflement ^ annulaire {A. Clypeata^A. Bonplandi), soit six éperons plus pu rpoius développés f {A. trilobata.) î 20 APPENDICES SUPERSTAMINAUX cette union dépend de la puissance dès faisceaux 2. Dans le cas où ceux-ci sont faibles, l’union se fait très bas; au contraire, s’ils sont puissants, l’union à lieu beaucoup plus haut. Ces faisceaux alternent avec ceux des étamines et sont placés sur un cycle plus interne. Dans certains individus, le cercle est incomplet, dans d’autres, et c’est le cas de beaucoup le plus général, il manque tout à fait. D’après la position des faisceaux 2 en face des proéminences interstaminales on peut les assimuler aux faisceaux 2 de l’Aristo- loche tomenteuse, mais il faut remarquer que ceux-ci ont une origine différente : chez l’A. tomenteuse les faisceaux Cne laissent aucune branche sur place, et les faisceaux 2 sont formés par les faisceaux G. Ce dernier mode de naissance des faisceaux 2 se remarque aussi assez souvent chez TAristoloche élégante; dans ce cas les nervures dorsales des carpelles ne se continuent pas direc- tement dans la colonne et les branches formatrices des faisceaux 2 au lieu de s’unir deux à deux entre faisceaux voisins, comme dans TAristoloche tomenteuse, pénètrent directement dans les proémi- nences interstaminales correspondantes, où elles'peuvent être com- parées aux faisceaux a. La libération de ces faisceaux se fait dans cette espèce au delà de la moitié de la hauteur des loges d’anthères c’est-à-dire beaucoup plus haut que chez VA. tomenteuse et après la formation des faisceaux E. Ce mode d’origine des faisceaux 2 est de beaucoup le plus général; je tiens à le faire remarquer. De même que chez les espèces déjà décrites, les faisceaux G envoient tout d’abord et par le même procédé que précédemment, une branche à chaque loge d’anthère (/^zûc. fig. 14), puis par division radiale, il se sépare très souvent de la branche interne un autre faisceau qui se porte vers l’axe où il doit bientôt s’éteindre. En même temps, la branche restée en place se frac- tionne par division radiale et tangentielle, en une multitude de petits faisceaux qui s’avancent vers l’axe. L’ensemble de ces faisceaux présente la forme d’un delta ayant une de ces pointes tournée du côté de l’axe {fig. 15). Plus haut, ce delta vasculaire se partage en deux, perpendiculai- rement au rayon; la portion externe placée dans le plan médian DE LA FLEUR DLS ARISTOLOCHES 21 de l’étamine et composée d’im certain nombre de très petits faisceaux prend la forme d’un arc de cercle dont la concavité regarde les anthères [fig. 16). Pendant que ces faits s’accomplissent, les branches qui s’étaient rendues au dos des loges s’écartent, l’une à droite, l’autre à gauche de chaque anthère pour venir se placer aux deux extrémités de l’arc vasculaire dont nous venons d’indiquer Torigine. A ce niveau (un peu au delà de la moitié de la hauteur des anthères)^ le dos de chaque paire de loges est donc entouré par cet . arc vasculaire ayant à sa droite et à sa gauche les faisceaux pri- mitifs des anthères {fais, e) ; puis en face de l’arc, du côté de l’axe, se trouve la portion interne du delta vasculaire {fig. 16 S). . De tous ces faisceaux, les branches primitives du dos des loges pollinifères sont les premières qui s’éteignent. Ensuite, vient le tour des faisceaux latéraux de Tare; les faisceaux qui occupent le centre de l’arc demeurent plus longtemps. Pendant ce temps,, les éléments de la portion interne du delta se répartissent en trois groupes dont un médian et deux latéraux, si bien, qu’à un moment donné, le système conducteur situé en face de chaque paire de loges n"est plus représenté que par quatre groupes de faisceaux disposés en croix : un externe, un interne et deux latéraux {fig. 17). Le groupe externe E ne tarde pas à s’éteindre. En même temps les groupes latéraux s’écartent latéralement et vont se placer dans les espaces interstaminaux. Au-dessus des anthères, les appendices sont donc parcourus uniquement par des faisceaux dérivés de la portion interne du delta. Les groupes latéraux s’éteignent généralement en premier lieu; le médian monte jusque dans le voisinage du sommet des appendices {fig. 15-19). Aristolochia ridicula. — La fleur de l’aristoloche ridicule est plus petite que celle de l’espèce précédente, en outre, elle a une forme très curieuse. Le limbe de son calice se divise en deux cornes assez longues qui lui donnent un aspect particulier; de plus, le périanthe paraît inséré latéralement sur l’ovaire. 22 APPENDICES SüPEPvSTAMINAUX La colonne centrale de cette fleur est relativement plus volumi- neuse que celle de l’A. élégante. Il faut remarquer aussi que l’espace s’étendant du calice aux anthères est beaucoup plus long (environ le tiers de la hauteur des anthères) que dans l’espèce précédente où les anthères sont pour ainsi dire sessiles. Voilà pour les différences morphologiques. Au point de vue anatomique les divergences sont les suivantes. Elles consistent surtout en simplifications. L Peu après leur formation les faisceaux G subissent un commencement de division. Les différentes masses libéroligneuses qui les composent s^écartent légèrement les unes des autres, mais sans cesser d’avoir un endoderme et un péricycle commun, comme on le voit pour les espèces du deuxième groupe. A ce point de vue, TA. ridicule forme le passage entre les deux groupes. 2° Cette première division sépare radialement un faisceau qui va se placer dans le plan médian de l’anthère et représente les faisceaux ee, E des exemples précédents, faisceaux qui restent confondus ici {fig. 'planche I). 3° La branche interne S, se divise dans le sens radial et le faisceau externe, résultant de cette deuxième division, se partage ensuite tangentiellemenC puis chacune de ces branches {branches a se rend dans l’espace interstaminal qui lui correspond. 4° La branche interne S (qui vraisemblablement comprend ü qui ne s’individualise pas ici), restée en place, se divise à son tour dans le sens tangentiel (jamais radialement) ; et les faisceaux ainsi formés se disposent en une sorte de V très ouvert dont les extré- mités libres des branches vont rejoindre les faisceaux a [fig. 21). Chez l’Aristoloche ridicule, de même que chez l’Aristoloche élé- gante, ce sont les deux branches médianes du groupe S nourricier des appendices qui le plus souvent s’éteignent les dernières, après s’être portées tout à fait vers l’axe, bien longtemps après la dispa- rition des faisceaux staminaux e, e E qui restent confondus sur toute la longueur de l’androcée. DE LA FLEUR DES ARISTOLOCHES 23 2® SOUS (iliOUI’E Aristolochia chjpeafa, Linden et And, 1869. — La (leur de cette Aristoloche est une des plus belles par sa g]*andeur et son coloris. Elle a un calice unilabié à limbe jaune brun eu forme de bouclier d’un très bel effet ornemental. Les appendices siiperstaminaux y sont environ aussi longs que le reste de la colonne ; leur forme est en outre plus déliée que chez TA. élégante. Les parois ovariennes sont inégalement développées, aussi les six sillons qui dessinent les loges sur la surface deTovaire sont-ils inégaux ; ils sont en outre très profonds. L’ovaire est symé- trique par rapport à son plan antéropostérieur. Yers la naissance du périanthe, l’ovaire se courbe brusquement, beaucoup plus que chez VA. ridicule^ à angle droit, de telle sorte que le calice et les organes qu’il recouvre paraissent insérés laté- ralement sur lui. Dans le pédoncule et dans l’ovaire^ le sysième libéroligneux n’a rien de remarquable : l’endoderme est fortement amylifère et le péricycle très puissant. La forme du tube calicinal (il présente à la base un bourrelet oblique) détermine quelques modifications dans le mode d’émer- gence des nervures, mais ces différences étant indépendantes du sujet de nos recherches, je ne m’attarderai pas à les décrire. Elles existent du reste également dans quelques-unes des espèces sui- vantes. 11 suffit de savoir que les faisceaux dorsaux des carpelles laissent très rarement des branches sur place. Si rarement que parmi les nombreux échantillons que j’ai coupés, il ne s’est trouvé qu’un ou deux exemples les possédant, et, encore, le fait ne s’obser- vait-il que sur un ou deux faisceaux sur six. Ces cas forment donc de véritables exceptions. La portion basilaire de la petite colonne^ c’est-à-dire l’espace compris entre le calice d’une part et les anthères de l’autre, est généralement très long, beaucoup plus long encore que dans VA, 24 APPENDICES SÜPERSTAJVIINAEX ridicule. Sa taille atteint parfois la hauteur des anthères et le sys- tème vasculaire qui le parcourt est toujours représenté par les six faisceaux G, dont les éléments conducteurs se disposent en petits îlots non isolés, caractère qui se retrouve également dans toutes les Aristoloches qui n’ont pas leurs anthères sessiles. Ici, de même que dans les autres espèces, les six faisceaux dor- saux des carpelles concourent pour une part égale, à la formation des nervures du périanlhe, et à la formation des faisceaux G. Ces derniers ont chez TA. clypeata\jiv\ liber riche en vaisseaux grillagés. Dès la moitié inférieure de la hauteur des anthères, ou plutôt à des niveaux variables suivant l’individu, les faisceaux G. com- meiicent à s’étirer dans le sens du rayon, puis ils se divisent en deux, sans que toutefois les deux nouveaux faisceaux s'isolent complètement. Ensuite, la masse vasculaire la plus interne se par- tage par divisions radiale et tangentielle en trois branches [fig. SS, pl I) de telle sorte que vers la moitié de la hauteur des anthères, le système libéroligneux est, dans le plus grand nombre des cas, représenté par six groupes comprenant chacun au moins quatre masses vasculaires dont une {E. fig, SS), celle de beaucoup la plus volumineuse et la plus indépendante, est placée du côté des loges polliniques. Une autre, opposée à cette dernière,, se trouve plus près de l’axe. Enfin les deux latérales restent appuyées à la masse précédente. Parfois la branche externe E se divise et est remplacée par un groupe de faisceaux, sans que pour cela l'organisation géné- rale de l’ensemble se trouve altérée {fig. S3). Les six faisceaux ainsi constitués se distinguent d’une façon très nette du tissu environnant riche en amidon, et les grands éléments du liber donnent à cet ensemble, un aspect particulier que je n’ai pas trouvé chez d’autres espèces. Les branches de chaque faisceau G restent donc assez rappro- chées les unes des autres pour paraître, à première vue, ne former qu’un seul groupe. A mesure que ces cordons vasculaires s’élèvent, ils diminuent de volume. Les masses externes s’éteignent au sommet des anthères pendant que celles placées du côté interne, se portent de plus en plus vers l’axe et finissent par s’épuiser en arrivant très près du DE LA FLEUR DES ARISTOLOCHES 2o sommet des appendices. Quelquefois, mais rarement, ces brandies avant de disparaître, se divisent une fois tangenliellement, et les fascicules nouveaux s’isolent complètement les uns des autres. Donc, généralement, dans A. clypeata^ on ne trouve aucun fais- ceau dans le plan des proéminences interstaminales, el, de meme que chez les espèces précédentes, les faisceaux situés du côté des anthères [fais. Æ”, e, e), disparaissent avec les loges. Les faisceaux internes [fais. S ou S) montent seuls jusqu’au sommet des appen- dices tout en se rapprochant de la face interne de ceux-ci. Aristolochia ornithocephala, Hook. Cette Aristoloche est de même que l’Aristoloche précédente, une espèce très ornementale. Sa grande fleur à périanthe en forme de tête d’oiseau est tout à fait bizarre. A cause de cela, elle diffère beaucoup des espèces déjà décrites. Son calice appartient au groupe des bilabiées. La colonne centrale de cette fleur est relativement assez grande et le canal creusé en son milieu (canal circulaire non hexagone) s’ouvre très largement au dehors. De même que chez V Aristolochia clypeata, les appendices superstaminaux sont longs et filiformes. Il existe une si grande similitude entre l’aspect et la manière d’être des différents groupes vasculaires de Fappareil sexuel de VA. ornithocephala et celui de l’espèce précédente qu’on pourrait les confondre, si ce n’est que le premier sc distingue du second par les caractères suivants : 1° Le liber des faisceaux G ne possède pas de gros vaisseaux grillagés ; 2® Ces mêmes faisceaux ne s’étirent jamais radialement quand ils se divisent dans ce sens [fig. 24^ pl. II) ; 3° Chacune des deux branches nouvelles provenant de la première division radiale, se partage à son tour tangentiellement et les quatre faisceaux formés ainsi se disposent en croix : un externe E, un interne S et deux latéraux [fîg. 25) ; puis, plus haut, la division se continuant sur quelques-uns de ces faisceaux, il se prcKiuit un nombre plus ou moins grand de branches : généralement cinq ou six, qui se placent sous la forme d’une étoile [fig. 26). 26 APPENDICES SUPERSTAMINAUX 4“ Très près du sommet des anthères, cette étoile se partage en deux radialement. La branche interne S se porte du côté de Taxe, tout à fait contre la paroi du canal, sans que pour cela^ il lui soit nécessaire de s’isoler complètement de la branche externe {fig. ^7). Arrivée là, elle chemine quelque temps jusqu’au sommet des appendices où elle se divise tangentiellement avant de s’éteindre [fig. ‘28). La branche externe E ne monte pas au-delà des loges et par conséquent disparaît avant la branche interne. Ceci est d’ailleurs commun à toutes les espèces. 5° Le canal central étant plus large que celui des espèces précé- dentes l’épaisseur des pièces constitutives de la colonne est moins grande, et les proéminences interstaminales sont plus étirées. Aristolochia trilobata L. — La fleur de VA. trilobataa, une forme particulière dont on aura une idée assez exacte si on se représente une urne de Nepenthes portant à sa base six espèces d’éperons très déliés, réfléchis, et dont la partie supérieure serait resserrée en lin col plus ou moins long, quant à l’opercule, il serait trans- formé en une sorte de longue lanière. Les anthères sont ici très longues et surmontées d’appendices courts ; les poils collecteurs, au contraire, sont longs (beaucoup plus que dans les espèces précédentes). Ici, encore, le système conducteur ne présente que très peu de caractères spécifiques. De même que dans A. ridicula^ A. clypeata et A. ornithocephala^ l’espace compris entre Torigine de la colonne et la base des anthères est très long et le système libéroligneux qui le parcourt est formé des six faisceaux G dont les éléments s'écartent peu à peu les uns des autres, et se disposent sous forme d’étoile plus ou moins régulière suivant l’individu et le niveau de la section (fig. 29, planche II). En arrivant vers la base des anthères, cette disposition disparaît; deux des branches externes de l’étoile s’allongent au détriment des branches latérales et bientôt, de la forme étoilée, chaque masse libéroligneuse, passe à la forme d’un Y dont les deux branches i)E LA fleur des AHlSTOLOCHEâ 27 sont tournées du côté des anthères [ficj. 30). Les deux branches de ÏY ne tardent pas à se diviser; puis vient le tour de la portion supérieure du pied, et ensuite celui delà région inférieure de telle sorte qu’il se forme de nouveau une étoile dont les branches vont se bifurquer encore {fig. 31). Enfin, en approchant du sommet des anthères, un certain nombre de ces branches s’épuisent de telle sorte que trois seulement s'élèvent plus haut. Ce sont celles qui représentaient les trois extrémités de VY primitif [fig. 3!2). Très près du sommet des anthères, les éléments périphériques des faisceaux se groupent, d’une part autour de la branche interne, et de l’autre autour des deux externes, ou en d’autres termes, il se fait une scission incomplète puisque les deux nouvelles branches restent accolées l’une à l’autre. Les branches externes ne s'élèvent pas au-delà des anthères; la branche interne parcourt tout l’appendice en se partageant en deux tangentiellement, mais ici encore la dissociation n’intéresse pas les éléments périphériques du faisceau. f Aristolochia Bonplandi, Tenore. — La fleur de VA. Bonplandi ou fimbriata est de taille très modeste; elle ne rappelle en rien celles des espèces précédentes. Cependant sa forme est gracieuse et, à cause de cela, cette Aristoloche est souvent cultivée dans nos serres où elle étale, pendant la belle saison, ses élégantes petites fleurs. Le périanthe de VA. fimbriata est unilabié; son ovaire est symétrique par rapport à son plan médian, et sa colonne centrale ne présente aucun caractère particulier : le système conducteur qui la parcourt, rappelle d’une façon si nette celui de VA. trilobata que n’ayant aucune particularité importante à signaler, je passe de suite h VA. Clematitis, la plus petite de toutes les aristoloches que j’ai étudiées. Aristolochia Clematitis L . — L’Aristoloche clématite est spon- tanée dans nos régions; sa fleur jaune clair et unilabiée n’est pas du tout ornementale. En revanche, cette espèce étant assez abon- Université de Lyon. — II D. 3 28 APPENDICES SUPERSTAMINAUX dante dans nos champs, elle a depuis longtemps atliré Tattentlon des botanistes qui l’ont, ainsi que 1’^. sipho, étudiée à tous les points de vue. Les anthères sont sessiles et les appendices qui les surmontent sont soudés en capuchons [ficj. ^ planche //), puis les poils stig- matiques forment une plage unique au-dessus de chaque anthère et le tissu conducteur tapissant le canal central de la colonne est ici très développé. Six nervures d’égale puissance sillonnent son périanthe; elles se forment sans aucune anastomose et sont pro- duites par la région médiane de chacun des faisceaux C [fig. 55, planche II). Le mode d’émergence des nervures du calice est le seul carac- tère spécifique digne de remarque, présenté pai* le système conducteur de celle fleur. Quelquefois^ vers la base des faisceaux il se détache par division radiale une petite branche qui se porte vers l’axe et s’éteint aussitôt. Cette première division est toujours accidentelle; elle ne se pro- duit* même jamais sur tous les faisceaux à la fois. De même que chez les autres espèces, les éléments vasculaires se répartissent en plusieurs petits îlots au centre des faisceaux G, mais aucune division ne se produit au-dessous du sommet des anthères. Près de ce niveau, les petites masses libéroligneuses se rangent en trois groupes : un externe E et deux internes SS disposés comme les trois pointes d’un delta. L’externe s’épuise etdispnraît au sommet des anthères; les deux internes s’élèvent plus haut en s’isolant tout à fait l’une de l’autre, avant de s’éteindre dans l’appendice superstaminal B. — Aristoloches a quatre étamines Aristolochia picta^ Karts. — Getle aristoloche est une espèce ornementale cultivée en serre dans nos pays. Sa Üeur n'est pas très grande, mais son coloris est très brillant; elle est unilabiée. Quatre étamines à peu près sessiles, surmontées chacune de t)E LA fLeur dës aRtstolochfs 29 leurs appendices composent son androcée. Typiquement^ elle devrait avoir quatre carpelles, ce qui n’est pourtant pas toujours vrai, car parfois elle en possède six. Le canal creusé au centre de la petite colonne est quadrangu- laire, et le tissu conducteur y forme de fortes crêtes saillantes. Son pédoncule est déprimé latéralement par deux profonds sillons qui lui donnent une forme un peu triangulaire. Des six faisceaux qui parcourent le pédoncule, deux sont plus petits et correspondent aux deux sillons latéraux. Assez loin, au-dessous de l’ovaire, les six faisceaux se portent vers l’axe où ils doivent concourir à la formation des faisceaux placentaires, mais les quatre gros faisceaux envoient aussi des cordons vasculaires aux nervures dorsales. Plus haut, ces mêmes faisceaux donnent, en outre, les faisceaux marginaux et ceux des nervures secondaires des carpelles. A part cette particularité relative aux deux petits faisceaux C du pédoncule qui passent entièrement dans les placentas et dont la conduite cause la disparition de deux carpelles, on ne trouve rien de remarquable dans cette fleur. L’émergence des nervures du périanthe^ ainsi que la formation des faisceaux ont lieu toujours suivant le mode déjà décrit, et se produit d’ordinaire sur un plan qui couperait obliquement celui de la fleur. Les masses libéroligneuses des faisceaux G se divisent d'abord en deux, radialement, puis la branche externe se partage à son tour en deux, dans le sens tangentiel. Plus haut, la branche interne se divise aussi dans le même sens, mais jamais les branches ainsi formées ne s’isolent complètement les unes des autres. Les proéminences interslaminales commencent à se former à peu près vers le tiers inférieur de la hauteur des anthères, et le sillon médian qui le parcourt, apparaît plus haut encore. Ce n’est que lorsqu’il est parfaitement marqué que les groupes vasculaires G s’étirent radialement et se divisent en deux. Les deux branches externes se séparent des internes 5 et S qui se rapprochent alors l’une de l’aulre. Arrivés vers le sommet des loges, les faisceaux externes s’éteignent; les internes s’élèvent plus haut, et finissent aussi par disparaître. 30 appendices SÜPEUStAMlNAÜX Je reviens maintenant sur le caractère spécifique menlionné dans les descriptions et sur lequel il est utile d’insister un peu : Nous avons vu que chez les individus qui représentent tout à fait le type tétramère de l’espèce, les deux petits faisceaux corres- pondant aux deux sillons du pédoncule (1) se portent vers Taxe afin d’entrer plus haut dans les placenlas où ils se perdent. Chez les autres individus, c’est-à-dire chez les individus anormaux ayant six carpelles, ces deux faisceaux acquièrent une certaine puissance et se comportent à la façon des quatre gros faisceaux et ainsi s’explique ce fait qu’au lieu de quatre carpelles^, il s’en développe six. Au-dessus du périanthe, on trouve également six faisceaux G, dont deux correspondent à deux étamines normales. Les quaire autres se groupent deux par deux en face des autres étamines qui présentent chacune trois loges d'anthère. Les deux étamines normales sont surmontées chacune de leur appendice, et chaque groupe de trois loges se termine par un appendice bifide dont les deux parties sont égales. Chacun de ces appendices a en outre un faisceau propre qui s’élève dans son plan médian. Ces deux cordons vasculaires représentent la branche interne des deux faisceaux G de chaque groupe. Donc, ces deux faisceaux, qu’il est permis d’appeler dans ce cas, faisceaux surnuméraires, semblent avoir été impuissants à nourrir une étamine entière, mais ils ont pu suffire à alimenter l’appendice correspondant. De cela on peut conclure sans trop préjuger des faits que le type tétramère a pour cause ici, un avortement qui, dans certains cas, peut être imparfait et montre l’origine de ce type. Une autre conclusion importante peut également être tirée de cette anomalie spécifique, mais je ne puis la donner encore. (1) Il est nécessaire de faire remarquer ayant de quitter le système conducteur des Aristoloches que les botanistes prennent généralement pour le pédoncule la partie inférieure de l’ovaire : ce pédoncule est, en effet, presque toujours très court, même chez les espèces où la partie renflée de l’ovaire est très éloignée du point d’attache de la fleur. Ce fait a induit en erreur plusieurs botanistes qui ont signalé douze faisceaux dans le pédoncule des aristoloches siphon et clématite, au lieu de six. En effet, chez ces espèces, le plus souvent, on peut à peine faire quelques coupes très minces sans atteindre la première division des faisceau : C qui indique la hase de l’ovaire. DR LA FLKUU DES AIUSTOLOCllES 31 Aristolochia pentandra L. — LVl. pentandra a une pelilc fleur I • qrii, par sa forme et sa grosseur rappelle beaucoup la fleur del’/l. I clématite^ comme cette dernière, elle appartient au groujie des unilabiées, mais elle est construite sur le type pentamère. Son ! ovaire renferme cinq loges, et sa colonne centrale comprend I cinq étamines surmontées chacune d’un appendice bifide au I sommet. Il faut remarquer que son pédoncule est creusé d’un sillon, et à cause de cela la cloison ovarienne superposée au sillon est moins étendue dans le sens du rayon que les cloisons voisines ; ou en d’autres termes : le sillon placé en face de la cloison super- posée à la dépression du pédoncule est plus large que les quatre autres. Cette dépression, nous le savons, correspond exactement Ià la sixième loge qui manque dans cette espèce. Des six faisceaux qui pénètrent dans le pédoncule, celui situé devant le sillon, se porte de plus en plus vers l’axe à mesure que e sillon se creuse. A la suite de ce fait, il ne reste plus que cinq cordons libéroligneux périphériques [fais. C) sur six, et ici, de I même que chez l’espèce précédente, le type quinaire de la fleur, \ tire, sans nul doute, son origine de l’avortement d’un membre. A part ce fait, le système conducteur de cette fleur ne présente 1 aucun caractère spécifique digne de remarque, et par le mode de I dissociation des groupes vasculaires G, on peut placer la fleur de ; VA. pentandra à côté de celle de VA. picta. De même que chez j celle-ci, la dissociation des faisceaux G s’opère complètement vers j le sommet des anthères, et chaque colonnette interstaminale I reçoit des branches vasculaires [fais. a). ’ï i : Quelques remarques sur les proéminences ou colonnettes inters- I taminales . — Ainsi que j’ai déjà eu l’occasion de le faire reniar- I quer, les proéminences interstaminales deviennent toujours hilides I à partir d'un certain niveau (variable suivant l’espèce). Le sillon ] médian qui les partage, d’abord peu marqué à son origine, s’élargit graduellement en montant vers le sommet des anlhi'res, et finit par déterminer la complète division des colonnettes eu I j N 32 APPENDICES SUPERSTAMINAUX deux parties. G*est de celte manière que se produit Tindividualisa- tion des appendices. Suivant l’espèce, ces colonnettes sont plus ou moins développées, soit dans le sens de la tangente, soit dans celui du rayon. Ainsi chez VA 07‘nithocephala, elles sont Irès étirées parallèlement à la circonférence; au contraire, dans A. clypeata^ A. tinlobata^ etc., elles font fortement saillie entre les étamines. A part cela, leur forme varie peu; aussi, est-il inutile d’entrer dans des détails spécifiques, et je généraliserai en disant : sur une section transver- sale faite près du sommet des anthèi’es^ c’est à dire, au niveau où le sillon est le plus large, chaque colonnette se prolonge en deux cornes plus ou moins déliées ou obtuses dont Fextrémité est recouverte de poils collecteurs variables enlongueur suivant l’espèce. Dès que le sillon est assez large, les deux moitiés de chaque colonnette s’infléchissent en sens inverse, l’une à droite, l’autre à gauche vers l’anthère correspondante, si bien qu’à un certain niveau les appendices se présentent (en section transversale) sous la forme d’un croissant. Ce croissant, d’abord assez ouvert, tourne ses deux pointes en dehors et se ferme de plus en plus; parfois même les deux extrémités rapprochées de deux moitiés de colon- nettes voisines peuvent se souder au-dessus de l’anthère inter- posée, de manière à former une sorte de capuchon au-dessus de chacun de ces organes. C’est le cas des aristoloches syphon, tomenteuse et clématite. Chez celte dernière, où les poils stigma- tiques sont, on vient de le voir, localisés sur l’extrémité des cornes, cette soudure amène la superposition aux étamines, des plaques stigmatiques. S’il n’en est pas de même chez les deux autres espèces, cela vient de ce que les poils collecteurs sont placés sur les parois des sillons non sur les cornes. Donc, puisque le sillon médian partage les colonnettes en deux moitiés égales qui restent accolées à l’étamine interposée, les appendices étant nécessairement la continuation des colonnettes, sont produits par l’union de la moitié de deux colonnettes voi- sines. Ce fait nous semble évident et d’une grande importance au point de vue qui nous occupe. Après la déhiscence des anthères, il se produit, en outre, des DE LA FLEUR DES ARISTOLOCHES 33 dessications déjà signalées un afîaisseme,nl des tissus ])lacés au niveau de la paroi du sillon médian. Cette altération des tissus détermine un changement dans la direction des cornes et amène un reploiement de celles-ci sur le sillon. Il est utile de tenir compte de ce fait toutes les fois qu’on pratique des sections trans- versales dans la fleur d’une aristoloche, car l’aspect des coupes varie d’un cas à l’autre. Je ferai remarquer aussi qu'on ne doit pas, à l’exemple de quel- ques botanistes, attacher d’importance dans la descri[)tion d’une espèce d’aristoloche, au degré d’écartement ou de connivence des appendices, puisque ces diverses manières d’être se succèdent sur la même fleur, avant et après la pollinisation. Soit au point de vue du nombre et de la situation des pièces de l’androcée, soit au point de vue de la forme du périgone, les quelques espèces que nous venons d’étudier, représentant les principaux types du geni’e, je ne crois pas nécessaire de pousser plus loin ces investigations. Aussi je termine avec Y Aristolochia pentandra mes recherches anatomiques, dont les résultats peuvent être formulés ainsi : Résultats de l'examen du système conducteur de la fleur des Aristoloches. 1° Le pédoncule renferme six faisceaux rangés eu cercle et normalement orientés. Ces faisceaux se divisent très bas pour foi’mei' le système conducteur de la fleur. 2° Dans toutes les espèces, les six faisceaux doi saux des carpelles [faisc. C.) se partagent en arrivant au sommet de l’ovaire, entre les nervures du périanlhe, d’une paifl, et les six groupes vascu- laires G qui irriguent le centre de la fleur, de l’autre. Donc, les faisceaux C concourent chacun, pour une part égale, à la formation des nervures du périanthe et de celles du gynostème. 3“ L’émergence des faisceaux du périanthe se fait, le [)lus sou- vent, en plusieurs temps ; elle est subordonnée à la grandeur et à 34 APPENDICES SUPERSÏAMINAUX Pinsertion du calice^ ainsi qu’à la forme de la base de cet organe. Le cas le plus simple est fourni par 1’^. Clematitis, où la portion médiane des six faisceaux C émerge directement pour former les six nervures sans s’anastomoser. Vient ensuite 1’^. sipho, dont le périanthe montre nettement 22 à 24 nervures formées en deux temps. En troisième lieu, on peut citer 1’^. tomentosa, puis viennent les cas un peu plus compliqués. 4° Les faisceaux G sont toujours des faisceaux complexes. Ils sont équidistants chez les aristoloches à étamines espacées égale- ment et se groupent deux à deux chez celles dont les étamines sont réunies par paires. D’après leur origine ils alternent avec les faisceaux C ; et se divisent toujours radialement en deux masses E. S. 5° La portion externe E s’éteint toujours au sommet des anthères. Le groupe interne S monte seul dans les appendices où il s’épuise après s’être le plus souvent divisé en deux tangentiellement. 6° Les appendices sont donc parcourus par un système conduc- teur dérivé de la branche interne des faisceaux G. 7® On peut rencontrer extraordinairement des faisceaux 21, dans l’intérieur des colonnettes interstaminales^ et encore lorsqu’ils existent {A.sipho^ A. elegans^ A. tomentosd)^ je ne les ai trouvés d'une façon constante que chez la dernière de ces trois espèces ; ailleurs, selon les fleurs, ils manquaient totalement ou partiellement. 8° Les faisceaux S, (7, tirent leur origine tantôt directement des nervures dorsales des carpelles et semblent être leur prolongation, tantôt des faisceaux G par division latérale. 9° Les appendices sont formés par l’union des moitiés de deux colonnettes interstaminales consécutives. Nous sommes arrivés au moment de conclure. Nous le pour- rions, mais nous préférons avant de le faire, examiner ce qui se passe dans quelques plantes de la famille, dont les étamines sont libres, afin d’y trouver un nouvel et solide appui. DE LA FLEUR DES ARISTOLOCHES 3 O III. — Etude du système conducteur de quelques autres Aristolochiacées. 1°. A S ARUM EUROPÆUM L. L’appareil sexuel des Asarum diffère de celui des Aristoloches en ce que ses pièces staminales sont libres entre elles et libres aussi de toute adhérence avec le gynécée. Il n’y a donc ici aucune soudure on est en présence d’un appareil normal. La fleur de VAsariwi europæimi a ‘un calice gamosépale présen- tant trois divisions égales au sommet. A Fintérieur de ce calice, il existe aussi trois petites dents alternes. Son androcée est composé de douze étamines libres, liypogynes, dont six sont plus petites et plus externes ; les six autres plus grandes et plus internes, alternent avec les précédentes. Les anthères sont biloculaires, extrorses, basiiixes et déhiscentes par une fente longitudinale , parfois marginale. Au-dessus des anthères, chaque connectif se prolonge en une pointe toujours assez longue et aiguë. L’ovaire infère ou demi- infère possède six loges incomplètes dont chacune contient un nombre variable d’ovules analropes, ascendants ou descendants, à raphé saillant. Cet ovaire est surmonté d’une colonne stylaire ter- minée par six lobes stigmatiques rayonnants et alternes avec les étamines internes. Les stigmates ne commencent que vers le milieu des lobes. De même que chez les Aristoloches, le système conducteur du pédoncule de cette fleur renferme six faisceaux rangés en cercle et normalement orientés. Avant d’atteindre l’ovaire, ces faisceaux se divisent tangentiellement de telle sorte qu'à la base de cet oigane, il y a, au moins, douze cordons vasculaires. A ce niveau, six d on Ire eux s’incurvent graduellement en dehors alin de former la nervure 36 APPENDICES SUPERSTAMINAUX dorsale des loges ovariennes, pendant que les faisceaux restés en place se disposent à entrer dans les placentas [fig .40,41 ,4'2, fais. p^C). Les six faisceaux périphériques C ont, de même que ceux des x\ristoloches, leurs éléments vasculaires séparés en deux masses par une large lame médiane de parenchyme ligneux (/?^, 40, 41. 42, 43, pi. III). Ces faisceaux périphériques après s’être incurvés se redressent avec les parois ovariennes, et, dès que les loges commencent à paraître, ils se divisent radialement. La branche interne se partage ensuite tangentiellement, puis les deux faisceaux nouveaux, produits par cette dernière division, s’écartent, l’un à droite, l’autre à gauche et vont se placer en face de chaque cloison correspondante 45, 46, fais. c.). Un peu plus haut, le faisceau resté en face du milieu des loges, se divise à son tour dans le sens radial. La branche interne, issue de cette division, se partage tangen- tiellement, et de cette division, il résulte deux nouveaux faisceaux placés contre la face interne des loges [faisc. S, fîg. 46, 47), qui parcourent l’ovaire en cette place jusqu’à la naissance des styles. Plus haut encore, la branche exierne se partage en deux dans le sens radial, et la branche interne produite par cette division vient se placer entre les deux faisceaux précédents mais sur un cycle plus externe (fig. 47 , 48, faisc. e) pendant que la branche restée en place se divise en trois tangentiellement et que chacune des branches latérales s’incurve vers l’axe, l’une à droite, l’autre à gauche, afin de former en s’unissant avec leurs similaires, un cordon vasculaire dans l’épaisseur de la paroi ovarienne en face du plan médian des cloisons {fig. 48 y 49, faisc. E). La troisième branche s’épuise en donnant encore quelques faisceaux destinés à constituer les ner- vures du périanthe {fig. 49, rang externe de faisceaux). Pendant ce temps, l’ovaire s’accroît en diamètre et l’amplitude détermine l’élongation des cloisons et des placentas. Le développe- ment radial de ces dernières entraîne, à son tour, le déplacement d une des deux branches vasculaires qui appartenaient primitive- ment aux placentas. Cette branche ne tarde pas à se diviser en deux {fg. 45, 46, 17, faisc. f. p. ; f. p). DE LA FLEÜK DES AlUSTOLOCHES 37 A la suite de ces divisions successives des nervures dorsales des carpelles et le partage en trois des faisceaux placentaires, plusieurs rangs de faisceaux, très distincts, se sont formés. On peut les voir très nettement sur une section transversale’ passant un peu au- dessous de la libération du périanthe. Ce sont en allant du centre à la périphérie [ficj. 49) : 1“ Le rang le plus interne composé de six faisceaux représentant la branche interne des faisceaux placentaires [fais. f. p). 2° Le deuxième rang formé par les douze faisceaux dérivés des six faisceaux placentaires {fais. f. p'). 3° Le troisième comprend douze cordons vasculaires placés sur la face interne de la paroi ovarienne, au sommet des cloisons {fais, c.) 4" Au quatrième rang correspondent dix-huit faisceaux répartis ainsi : six dans la paroi ovarienne en face du plan médian des cloisons entre les deux précédents {fais. E) \ douze (placés un peu plus vers l’axe) opposés au dos des loges, très près du plan médian de celles-ci {fais. S). Ces derniers faisceaux se rapprochent de l’axe en s’élevant. 5“ Le cinquième rang renferme six faisceaux qui montent dans le plan médian du dos des loges {fais. e). 6“ Enfin, tout à fait à la périphérie, se trouvent les faisceaux destinés à sillonner le périgone. Très près de la fermeture des loges la disposition des différents cordons du système conducteur présente un aspect un peu confus; cela se comprend : on arrive ici près du point où le calice se libère ; dès lors, l’ovaire ne pouvant rester béant, les parois ovariennes et les pièces staminales se séparent du périgone pour s’intléchir vers Taxe de la fleur. L’incurvation des faisceaux, ainsi que leurs rami- fications sonttrès visibles sur des sections transversales pratiquées à ce niveau {fig. 50). Nous rappellerons que l’étude morphologique nous a montré que l’androcée de cette fleur était composé de douze étamines dont six plus grandes et plus internes alternaient avec six autres plus petites 38 APPENDICES SUPERSTAMINAUX et plus externes. Nous savons aussi que les six styles sont concres- cents en une colonne surmontée de six lobes stigmatiques infléchis en dehors. Dès lors, connaissant la place respective des différents organes contenus à Jdntérieur de Tenveloppe florale, il sera facile de trouver la destination de chacun des rangs de faisceaux que je viens d’énumérer. Ainsi : Les faisceaux du premier et du deuxième cycle sont des faisceaux placentaires, les premiers s’élèvent dans la colonne stylaie jusqu’au niveau où les lohes stigmatiques s'infléchissent en dehors. Des sec- tions transversales pratiquées à travers la colonne stylaire^montrent cela d’une façon très nette. Les douze faisceaux du second rang s’épuisent peu à peu [fig. 51 , 52 et 53). Les faisceaux du troisième rang s’épuisent aussi. Parmi les faisceaux du quatrième rang, les douze opposés au dos des loges {fais. S) sont les faisceaux stylaires. En suivant leur course, on les voit s’éteindre très près des stigmates. Les faisceaux stylaires sont donc doubles dès leur origine. Quant aux faisceaux ils correspondent aux six étamines internes, c’est-à-dire aux six grandes étamines et ils pénètrent de bonne heure dans ces organes de même que les six faisceaux du cinquième rang [faisceaux e) qui montent dans les six étamines externes ou petites étamines [ftg. 51, 52, 53). Nous savons que les faisceaux du sixième cycle sont les fais- ceaux du périanthe. Cet examen anatomique montre, d’une part, que le système conducteur de la fleur de VAsarum europæum dérive (de même que celui de la fleur des Aristoloches) des six faisceaux du pédoncule; de l’autre, on voit que sauf les faisceaux destinés aux placentas, tous les faisceaux qui montent dans les divers organes placés au sommet de l’ovaire, en y comprenant les faisceaux du périanthe, se libèrent de la nervure dorsale des carpelles, et cela à des niveaux successifs. De plus, il met en évidence que les faisceaux stylaires sont doubles dès leur origine, et par conséquent latéi’aux. Il est nécessaire aussi de remarquer que vus en coupe transversale, sous le microscope, les lobes stigmatiques sont nettement bilobés bien qu’à l’extérieur, la ligne de division soit peut apparente. On peut bK LA FLEUR DES ARISTOLOCHES 39 ajouter à cela que les faisceaux stylaires alternent avec ceux des étamines internes (grandes étamines) et sont opposés aux petites étamines (étamines externes). 2° Heterotropa Blumei, Ducliartre Au point de vue de la fleur, 17/. Blumei se distingue de [' Asariim europæum par la disposition de ses étamines et rorganisation de ses anthères; les six étamines externes^ correspondant aux stigmates et par conséquent aux loges de l’ovaire, sont presque introrses, tandis que les six autres, alternes, appliquées contre l’ovaire sont privées de filets et sont extrorses. Ces modifications ne peuvent déterminer de grands change- ments dans la marche et les divisions du système conducteur de cette fleur; aussi ce système rappelle-t-il tout à fait, cetiii de V Asarum europæum et à cause de cela, il m’a semblé inutile de le décrire de_ nouveau. J’appellerai simplement fattention sur ce fait : chez VH. Blumei^ de même que chez V Asarum europæum., les fais- ceaux stylaires sont doubles dès leur naissance et les stigmates bifides. 3° Bragantia Un ovaire complètement infère, allongé, grêle, formé de quatre carpelles; un périantbe articulé sur son orifice et se détachant après l’anthèse sont les caractères qui distinguent nettement les Bragantia des Asarum vrais et des Heterotropa. De plus, l’androcée des Bragantia est composé de dix à douze étamines libres ou adnées à la base du stvle. J Bragantia Wallichii, R. Br. — Bragantia tomentosa. Bl. ; Bra- gantia corgmbosa. — J'ai pu étudier quelques fleurs appartenant à chacune de ces trois espèces, mais elles avaient été tirées d'un 40 APPENDICES SUPËRSl’AMlNÂU:5t herbier et malheureusement elles n’étaient plus dans un état assez parfait de conservation pour être disséquées; aussi malgré l’emploi des procédés prescrits pour faciliter l’étude en pareil cas, plusieurs échantillons ne m’ont pas donné tous les résultats que j’en attendais. Je regrette surtout de n’avoir pu mieux réussir au point de vue morphologique, car certains points de la description que M. Duchartre a donnée de ces trois fleurs (1), me paraissent singuliers sans qu’il me soit possible d’en contester la véracité. En tout cas, je puis affirmer que la fleur du B. corymbosa, que j’ai eue entre les mains avait six étamines monadelphes, et non 8-10, soudées par leurs filets à la base du style sur une étendue à peu près égale à la longueur des anthères, ce qui ne correspond point aux descriptions données. Des sections transversales pratiquées à travers la petite colonne, montrent en plus des faisceaux stylaires, les six faisceaux staminaux. Le B. tomentosa que j’ai coupé possédait neuf étamines (et non six) monadelphes et soudées aussi avec la base du style. IV. — Discussion des résultats obtenus Donc le genre Bragantia établit, pour ainsi dire, le passage enire les Asarum et Heterotropa^ d’un côté, et les Aristoloches de l’autre. Il se rapproche de ceux-là par ses anthères libres; il rappelle celles-ci par la soudure, sur une certaine longueur, des pièces de son androcée avec le style. Oi% si par la pensée, on suppose que les phénomènes de concres- cence, observés dans ce genre, soient poussés plus loin encore, jusqu’au delà des anthères, on obtient un gynostème comparable à celui des Aristoloches, car il est bien permis, dès maintenant, en s’appuyant, d’une part sur les connaissances que nous avons de la (1) Prodromus, volume XV, page 427 et suivantes. DE LA PLEUR DES ARISTOLOCHES 41 constitution de la colonne centrale de la Heur des Aristoloches, et de l’autre sur la simple comparaison morpliologique de l’appareil reproducteur des Bragantia et celui des Aristoloches^ d’émettre celte hypothèse que chez les Aristoches, les étamines sont sondées au style, non seulement par leur partie inférieure, mais encore par les anthères pour former un gynostème composé typiquement de six élamines alternant avec les six colonnettes stylaires, mais ces colonnettes se divisent en deux à une hauteur variable de la longueur des anthères donnant ainsi naissance à deux lobes stigma- tiques qui tout en restant concrescents avec legynostème, gagnent, chacun de leur côté, en le contournant, le sommet de l’anthère contiguë, où ils rencontrent les lobes homologues des stigmates voisins, et s’y soudent pour constituer les appendices supersla- minaux. Cette union des lobes stigmatiques appartenant à deux deux stigmates voisins, n’est point propre aux Arisloloches, on la rencontre chez toutes les Crucifères et quelques Papavéracées. D'aulre part, nous savons que si on voulait construire une figure théorique de la course et des divisions du système circula- toire de la fleur des Aristoloches il faudrait, pour être dans la vérité, supprimer dans cette figure les faisceaux S ; c’est-à-dire-, supprimer les faisceaux stylaires puisqu’ils n’existent que d’une façon accidentelle. D’ailleurs, leur présence où leur absence n’implique aucun autre changement dans la constitution de la colonne. Alors : « s’il doit exister dans la partie centrale de la fleur autant de faisceaux ou de groupes de faisceaux que cette fleur contient de pièces » on est en droit de dire, en veidu de ce meme principe : que là où il n’y a pas de système conducteur, il n’y a pas d’organe. Dans toute fleur construite d’après les lois de la symétrie florale le rang vasculaire correspondant aux faisceaux stylaires doit être placé à l’intérieur du rang vasculaire des pièces staminales les plus internes (dans le cas où il y a plusieurs verticilles d’étamines). Il en est bien ainsi chez ï Asarum europæum [fig. .>/, s). Or si dans les Aristoloches les colonnettes interslaminales sont les lobes slig- matiques, nous savons que ceux-ci, étant pressés entre les pièces staminales, sont repoussés vers l’extérieur. Ils commencent, assez 42 APPENDiCËS SUPERSTAMlNAli:Jt souvent, à faire saillie entre les étamines dès la base des loges; par suite, si le système libéroligneux, qui doit les nourrir, occupait sa place normale, il ne pourrait remplir son rôle. De plus, il est permis de penser que les faisceaux stylaires qui devraient parcourir les stigmates, si ceux-ci devenaient libres^ seraient doubles de même que ceux de XAsarum europæian. D'ailleurs^ l’examen anatomique n’a-t-il pas montré qu’au-dessus des anthères J es dernières branches vasculaires se portaient vers l’axe et s’éteignaient généralement sous la forme de deux cordons. Dès lors, est-il impossible que ces petits faisceaux ne pouvant remplir leur tâche, sans changer de place, se laissent, dans le plus grand nombre de cas, entraîner par les branches formatrices des faisceaux G (ces faisceaux, nous le savons, sont toujours des faisceaux complexes). Ce qui semble confirmer cette hypothèse, c’est que les faisceaux stylaires paraissent parfois lutter encore pour s’adapter à leur nouvelle position. C’est le cas de l’Aristoloche élégante, espèce chez laquelle toutes les fois que les faisceaux S existent à la base de la colonne, ils affectent une tendance à s’unir aux faisceaux G pour se libérer de nouveau plus haut et se rendre de là dans les proé- minences interstaminales et les appendices. Si on a présent à l’esprit l’étude que nous avons faite de cette fleur on est porté à croire que chez elle l’accommodation n’est pas toujours entière- rement établie. L’Aristoloche ridicule est aussi un peu dans le meme cas, et chez l’Aristoloche tomenteuse ce n’est qu’après la formation des faisceaux G que s’opère la libération des faisceaux S. Mais ces différentes manières d’être n’impliquent ni la présence des stigmates, ni leur avortement (ou leur absence en général); elles nous indiquent simplement qu’il y a des variations dans le niveau de la libération des faisceaux stylaires. Elles servent, en outre, à montrer Torigine de l’anomalie apparente et à vérifier l’hypothèse d’Eichler en indiquant, comme chez l’Aristoloche tomenteuse un faisceau bifide dans chaque proéminence inters- taminale, faisceaux placés au-dessus de trois faisceaux C et interposés à chaque paire de faisceaux G; c’est-à-dire placé en dehors de leur situation normale, sur le rang des faisceaux staminaux. On a donc^ ici, une preuve en faveur de notre thèse. DE LA FLEÜR DÈS ARISTOLÔCHES 43 Le mode d’épuisement des faisceaux G, sur lequel j’ai si souvent insisté que je croirais abuser en le répétant de nouveau (Résultat anatomique n° 5) n’est pas une preuve d’une moindre importance. En effet, toutes les fois qu’il s’opère une division radiale semblable à celle qui se produit sur ces faisceaux vers le sommet des anthères, c’est-à-dire une division radiale non d’un faisceau simple, mais une sorte de répartition en deux groupes d’un certain nombre de petits fascicules, plus ou moins indépendants les uns des autres, on peut affirmer qu’on est en présence de la dissociation de deux systèmes vasculaires restés unis jusque-là. De plus, nous avons vu que chez deux faisceaux G déformés n'ont pas été assez puissants pour nourrir chacun une étamine entière, cependant, il s’est formé deux appendices normaux. Gela ne semble-t-il pas prouver que la pression exercée par les sillons a été assez forte pour empêcher le développement des éléments vasculaires destinés à l’étamine, mais n’a pu atteindre ceux qui devaient se rendre aux stigmates. Ce fait est, je crois, un autre argument en faveur de notre théorie. Il est facile aussi de se convaincre que les parois du canal central de la colonne, canal qu’il est pei mis d'appeler canal stylaire (si on admet la théorie émise plus haut), sont constituées de la base au sommet par le même tissu, et cela sans différenciation aucune, ni solution de continuité. En outre, le tissu conducteur occupe sa place normale et forme souvent (.4. Clematitis^ A. picta) de fortes crêtes saillantes à l’intérieur du canal stylaire. De plus, on sait que les plages stigmatiques s’élèvent de bas en haut, sans discontinuité, depuis au moins la naissance du sillon médian des colonnettes jusque bien au-delà des anthères. Dès lors, il est impossible de ne pas admettre que les colonnettes ou proémi- nences interstaminales forment la base de ces appendices et constituent avec ces derniers des pièces continues (lobes stigma- tiques) dont la base est la base même des colonnettes. D’ailleurs, n’est-ce pas par le silloji médian de ces colonnettes que s’opère la libération des appendices? Dès lors, il est évident que chaque colonnette forme la base de deux moitiés d’appendices; colonnettes et moitiés d’appendices qui en se soudant a 1 étamine intei posée Université de T,yon. — VT. APPENDICES SUPER ST AMIN AUX produisent la gynostème des Aristoloches, tel que nous le connaissons. Peut-être entre-t-il dans ces appendices quelques éléments des connectifs je n/ai pu m'en rendre compte. Le fait, d’ailleurs, n’a pas grand intérêt. A ces ai’guments, on peut ajouter que les faisceaux G sont tou- jours des faisceaux complexes^ et que les appendices sont parcourus dans toutes les espèces par un système conducteur représentant la branche interne des faisceaux G. Pour nous résumer, nous dirons que, malgré les soudures pro- fondes existant entre les diverses pièces de cet appareil sexuel, on n’y trouve rien de contraire aux lois de la symétrie florale : les lobes stigmatiques alternent avec les pièces staminales (ces éta- mines correspondent au verticille slaminal interne ou des grandes étamines de l’Asarum), et chaque moitié de lobe est soudée à Fétamine interposée. Les faisceaux eux-mêmes se prêtent assez facilement à l’analyse. Si aucun cordon libéroligneux ne parcourt le plan médian des colonnettes ou plutôt des lobes stigmatiques, cela vient de ce que ceux-ci étant comprimés entre les étamines, puis repoussés en dehors et, en outre, divisés en deux parties, il n’est pas nécessaire qu'ils possèdent un appareil circulatoire propre, d’autant moins que les faisceaux stylaires ne pourraient remplir leur rôle en restant en place. Ils deviendraient; en quelque sorte, inutiles; au contraire^ unis aux faisceaux staminaux ef placés dans le plan médian de chaque groupe composé d’une étamine et de deux moitiés de lobes stigmatiques, ils rendent les faisceaux G assez puissants pour remplir la tache qui leur incombe. Ces résultats sonL on le voit, complètement opposés à ceux obtenus par M. Yan Tieghem; en les acceptant, on annule par ce seul fait toute la partie de sa théorie, traitant soit du sommet de l’ovaire, soit des connectifs. Dès lors^ il n’y a pas lieu de la discuter. Cela d’ailleurs m’obligerait à revenir en arrière. Tous mes argu- ments contre cette théorie ayant été donnés chemin faisant, je ne pourrais les reprendre sans me répéter. Je n’entrerai pas davantage dans la discussion de la théorie de DÉ LA FLEÜR DES ARISTOLOCHES Payer dont j’ai cité seulement les conclusions, lesquelles ont été acceptées par M. Yan ïieghem. Donc, en réfutant la théorie de cet auteur je repousse celle de Payer. Il serait oiseux, d’ailleurs, de faire intervenir ici la discussion relative à la nature des placentas et des ovules, de même qu’il l’eût été de revenir sur la théorie de M. Yan Tieghem, traitant de la part qui revient à l’axe et aux appendices dans la constitution des ovaires infères. Par contre, il est permis de croire avec Eichler, que chez les aristoloches, si les étamines étaient libres, les lobes stigmatiques seraient bilobés de même que ceux des asarum, mais qu’à la suite d’une tendance au développement commissural, la moitié de chaque lobe se trouverait soudée à l’étamine voisine. De là résulterait cette apparence morphologique particulière au gynostème des aristo^ loches; apparence qui a fait croire à plusieurs botanistes qu’il n’y avait pas de stigmates, et que tout ce qui dans la colonne n’appar- tenait pas aux loges faisait partie du connectif. Tout en cherchant la valeur morphologique des appendices superstaminaux, j’ai été condiiile à m’occuper de certains points secondaires de la question, points sur lesquels je veux donner quelques renseignements qui ne sont pas sans intérêt. Je dois dire d’abord que, là encore, mes observations ne sont pas d’accord avec celles de M. Yan Tieghem. Ainsi pour cet auteur (( Les faisceaux périphériques conservent leur simplicité jusqu’au sommet de l’ovaire. Là, trois d’entre eux émergent tout entiers pour former les nervures principales des trois sépales. Les autres envoient aussi des ramuscules au périanthe, mais, de plus, sans produire de sépales chacun d’eux laisse en place deux branches, une à droite et l’autre à gauche qui constituent six faisceaux inter- calés aux faisceaux primitifs. Ces faisceaux pénètrent dans les six étamines qui sont ainsi alternisépales et aucune autre branche n’est produite chez A. cAematitis^ etc. (1). » Des coupes transversales faites vers la naissance du périanthe montrent distinctement que les faisceaux périphériques (fais- ceaux C) concourent tous pour une part égale à la formation des (1) Loc. du '46 APPENDICES SUPERSTAMINAUX nervures du périanthe et à celles des faisceaux G (^Résullat n" 2, page 33).Lefait est surtout facile à observer chez A. ciemalitis où il est vraiment de la plus grande évidence [figure 35^ planche II). La portion médiane de chaque faisceau émerge directement dans le calice en laissant sur place deux brancheslatérales qui s’unissent pour Constituer les faisceaux G (les nervures du périanthe sont donc ici la continuation directe des faisceaux dorsaux des carpelles). De là, il suit que les faisceaux G étant équidistants, les faisceaux G doivent l’être aussi. C’est ce dont on peut se rendre compte chez if . en pratiquant des coupes transversales immédiate- ment au-dessus de celles qui montrent le départ des faisceaux du périanthe ; le fait est meme déjà très visible sur la figure 35, [planche U). Ainsi donc les faisceaux G ne deviennent pas équidistants ainsi que l’a écrit M. Vàn-Tieghem; ils le sont forcément parleur mode de formation, et, par suite, les étamines sont aussi typiquement équi- distantes, Le groupementpar paires est dû sans aucun doute^ à une intluence spécifique. D’ailleurs dans A. sipho et A.tomentosa^ les faisceaux G sont parfois équidistants à leur naissance. Il est vrai que souvent il en est autrement, et dans ce dernier cas on peut, malgré cette disposition, voir les douze branches formatrices se libérer des six faisceaux G. Jamais les faisceaux G ne sont à leur origine groupés régulièrement tous les six en trois paires. Ce n’est que plus haut qu’ils affectent cette disposition. Ces faits ont une certaine importance au point de vue du type de symétrie de la fleur. En effet, s’il y a dans le périanthe de l’Aris- toloche clématite six nervures d’égale puissanceémergeant aumême niveau, puis six étamines nées aussi toutes à la même hauteur et alternant d’un côté avec les six nervures du calice, eC de l’autre, avec les lobes stigmatiques lesquels partent du même verticille de faisceaux et sont en outre superposés à la nervure dorsale des carpelles^ on est en droit d’affirmer que cette fleur est hexamère. Son diagramme est dès lors facile à établir [figure 36, planche II) . Les autres espèces diffèrent de celles-ci uniquement par les anastomoses des nervures du calice et les caractères qui distinguent le groupe des Siphisia de M. Ducharti’e. DE LA FLEUR DES ARISTOLOCHES 47 PourEichler (i) (ainsi d’ailleurs que pour le plus grand nombre des botanistes), les Aristoloches et les Asarums seraientconstniites sur le type trois, et, chez ces derniers, le périantbe comprendrait deux verticilles trimères dont l’inlerne serait représenté dans VAsarum eiiropœum, par trois petites dents. Typiquement, le périantbe des Aristoloches serait composé de deux verticilles, mais chez la plupart des espèces le verdicille interne avorterait à la suite de la pression exercée sur ce verticille par les trois pièces du verticille externe [A. sipho^ etc.) Dans ce cas le calice des Aristoloches correspondrait donc au ver- ticille externe des asarum, mais chez quelques Aristoloches les six pièces seraient nettement représentées par les six nervures du calice. Le périantbe des Aristoloches différerait encore de celui des asarum par la soudure complète de toutes les pièces en une sorte de tube ainsi que cela existe chez les monocotylédones tubuleuses. Dans le périantbe trilobé la pièce impaire serait représentée en haut suiTe diagramme ; chez les fleurs bilabiées, cette piècedevient supérieure, et les deux autres parties formeraient la lèvre infé- rieure. Dans les unilabiées, la lèvre est dirigée v^ers le haut, sans toutefois qu’il soit possible de l’identifier à la précédente. Eichler ajoute que tout ceci est le résultat d’une hypothèse qu’il n’a pas vérifiée. Cet auteur compare ensuite l'appareil reproducteur des rVristo- loches à celui des Asarum et il donne deux théories sur cette question. La première est à peu près formulée en ces termes : Première théorie. — On peut interpréter l’appareil sexuel des Aristoloches et celui des Asarum à peu près de la meme manière pourvu toutefois qu’on laisse de côté les soudures profondes qui se produisent dans le premier. En considérant le verticille staminal externe des Asarum comme avorté chez les Aristoloches, on conservera le même diagramme théorique. En effet, c’est l’opinion de ditféi'enls auteurs, et cette (1) Loc cit. 48 APPENDICKS SUPERSTAMINÂUX théorie est appuyée par la tendance marquée qu’ont les étamines externes de l’Asarum à disparaître et aussi par leur développe- ment rudimentaire et tardif. Mais d’autre part, on peut invoquer contre cette théorie ce fait que chez les Aristoloches on ne trouve jamais aucune trace de ce verticille externe. Deuxième théorie. — Si on imagine que la fleur des Aristoloches immédiatement au-dessus du périgone, se mette à produire des verticilles hexamères comme cela n’arrive chez les asarum qu’à partir du troisième verticille staminal ; ce premier verticille hexa- mère se trouvera en alternance avec les pièces constitutives du périgone pris dans son ensemble, et aura par conséquent la meme situation que le verticille staminal interne des asarum, verticille qui alterne aussi avec le périgone d'une part_, et avec les deux verticilles staminaux externes, de l’autre, en supposant que ces derniers se succèdent en restant trimères. Les rapports de position seraient ainsi expliqués. Les deux verticilles de feuilles sexuées des Aristoloches correspondraient seulement aux deux premiers des Asarum, mais ils différeraient de ceux-ci par une tiexamérie typique. Je ne sais, dit ensuite l’auteur, laquelle de ces deux hypothèses est la meilleure. La première est la plus simple ; la deuxième a pour elle d’établir mieux l’accord qui existe entre la fleur des Aristo- loches et celle des Asarum (Ij. D’après les résultats anatomiques obtenus, je crois qu’il serait plus juste de prendre les Aristoloches comme point de départ et de dire que la fleur des Aristoloches, de meme que celle des Asarum, est construite sur le type hexamère, mais chez celles-ci, il se développe un verticille staminal surnuméraire (verticille externe) et trois pièces du périanthe avortent. Ces dernières sont rem- placées par trois languettes. D’ailleurs, l’anatomie ne nous apprend- elle pas que les six faisseaux périphériques se comportent tous de même jusqu’à la libération du périanthe. (1) Voir aussi, à ce sujet, les articles sur V Asarum europceum et V Aristolochia Clematitis de Payer. DE LA FLEUR DES ARISTOLOCHES 49 Cette manière d'interpréter les faits est plus simple. En outre, elle repose sur des caractères indéniables. Elle est aussi plus con- forme aux lois ordinaires de la symétrie florale. Si rhexamérie n’existe pas chez toutes les Aristoloches, cela est dû, j’en ai la certitude, à la déformation de certains faisceaux péri- phériques. Aussi en comparant une fleur normale et une fleur anormale à.' Aristolochia picta n'avons-nous pas été conduits à émettre l’opinion suivante que chez cette fleur, deux des faisceaux périphériques se dégradaient sous la pression des deux sillons latéraux, et à cette particularité nous avons fait remonter l’origine de la tétramérie de cette espèce. Si la présence de ces deux sillons n’est pas la cause mais l’effet, il y a, malgré cette dernière inter- prétation des faits, toujours dégradation de deux faisceaux du pédoncule et la tétramérie ne paraît pas moins être le résultat de cette dégradation . Le type pentamère provient, nous l’avons vérifié chez A.pentan- dra^ de la déformation d’un des faisceaux phériphériques du pédon- cule, de l’antérieur ou du postérieur, nous n’avons pu le vérifier sur les échantillons secs que nous avons eus à notre disposition. Ainsi se forment chez les Aristoloches les types tétramères et pentamères. Celte opinion semble être appuyée par ce caractère : il existe toujours six faisceaux à la base du pédoncule de la fleur des Aristoloches, quel que soit le type de symétrie de celle-ci. On trouve également des espèces à 10-12-24 étamines [A.Maimii^ — A. triactina, — A. Goldieana). Pour expliquer ces cas, il suffit d’admettre la formation sur les types 5 et 6, d’un ou plusieurs verticilles surnuméraires, ainsi que cela se produit chez l'Asarum europæum , Un autre fait en faveur de l’hexamérie de la fleur des Aristo- loches (de celle à six appendices aussi bien (pie de celle qui n’en a que trois) est le suivant : toutes les fois que cette fleur possède au-dessous de son calice, soit des appendices en forme d'éperons comme ceux (au nombre de six) qui accompagnent le calice de y Aristolochia tribolata, soit un renflement de forme quelconque [A. elegans^ etc.), on voit six faisceaux se séparer des faisceaux C et se porter dans ces organes. 50 APPENDICES SUPERSTAMINAUX A première vue, la symétrie trimère semble mieux d’accord avec la morphologie (quoiqu’elle n’explique pas davantage l’origine des espèces pentamères et tétramères) ; il y a trois lobes au périanthe de XAsarum europæum, et trois aussi à celui de certaines certaines espèces d’Aristoloches : A. sipho — A. tomentosa etc.; trois paires d’étamines et trois appendices superstaminaux chez les Aristoloches du groupe des Siphisia (Duchartre). Nous avo;is déjà démontré Fhexamérie du périanthe AqX Asarum europæum ; quant à l'hexamérie de celui des Aristoloches dont il vient d’être question, il est facile de s’en convaincre en examinant des coupes transversales représentant des nervures du périanlhe de l’Aristoloche siphon, nervuies qui émergent ici, à peu près, sans s’anastomoser. Il reste à trouver maintenant la cause du groupement par paires des six étamines et celle de la formation de trois appendices sur six. Ces deux caractères sont corrélatifs. En effet, on ne trouve jamais trois appendices chez les espèces à six étamines équidistantes^ ni six appendices chez celles dont les étamines sont groupées par paires. Cependant^ il est vrai que chez ces dernières, les trois appendices peuvent parfois être bifides au sommet, malgré cela, on ne peut dire que, dans ce cas^ il y ait six appendices. Dès lors, en découvrant la cause de l’un des phénomènes, on doit inévitablement trouver celle de l’autre. Cette cause nous la connaissons déjà. Elle est ainsi que le dit Eichler dans « le développemeni com- missural » poussé plus loin que chez les espèces à étamines équidistantes. Dans celles-ci la concrescence n’a aucune influence sur les fais- ceaux G, c’est-à-dire qu’elle ne modifie en rien leur situation respective. Dans les autres, au contraire, son action se fait sentir dès le départ des nervures du périanthe puisque, assez souvent, on remarque aussitôt après la naissance des faisceaux G une inégalité dans l’écartement relatif de ces faisceaux. A partir de là, l’action de la concrescence se fait sentir de plus en plus. On voit alors les faisceaux G se grouper régulièrement deux par deux, et les étamines affecter la môme disposition Dès lors, si les étamines se joignent deux à deux, comment les colonnettes interstaminales ou lobes DE LA FLEUR DES ARISIOLÜCHES ol stigmatiques interposés aux deux étamines de chaque groupe pourraient-ils se développer? Je crois que là est la cause de l’avorlement de, trois lobes sur six et par suite, l’origine de la présence de trois appendices au lieu de six. On peut dire également que c’est à l’absence de trois lobes stig- matiques qu’est dû le rapprochement par paires des étamines, mais que cette absence soit la cause ou l’efTet du groupement des étamines deux par deux, cela n’entraîne aucune conséquence au point de vue particulier qui nous occupe. Il s’agit simplement de savoir si ces lobes avortent, ou, s’ils n’existent pas même virtuellement dans le plan de la fleur. Les faits suivants sont en faveur de la première hypothèse : 1“ Les branches formatrices des faisceaux S ne se séparent jamais latéralement, sur la droile et sur la gauche de chaque fais- ceau C ainsique cela se ferait si les élamines étaient équidistantes. Elles partent de la droite et de la gauche de chacune des trois paires de faisceaux ér, c’est-à-dire qu’il y a avortement de six branches sur douze, et par suite avortement des branches a interposées aux deux étamines de chaque paire. 2" Souvent, on voit de faibles branches vasculaires se séparer des faisceaux G, et se diriger vers l’axe où elles s’épuisent peu après. Fréquemment aussi, d’autres fascicules après s’être libérés des mêmes faisceaux, s’incurvent vers le tissu s’étendant entre les deux faisceaux de chaque groupe. Ces nouvelles branches vascu- laires relient les deux faisceaux, si bien qu’à un moment donné, chez certains individus, on ne distingue plus six masses libéroli- gneuses plus ou moins séparées, mais trois. 3“ Les quatre loges d’anthères de chaque paire, ne reçoivent pas leurs faisceaux à la même hauteur (1). En général, la loge de gauche et celle de droite de chaque paire staminale reçoivent leurs faisceaux les premières; les deux autres petits faisceaux n arrivent aux deux loges médianes qu’un peu plus haut. (1) Voir description du système conducteur de l’.4 . tomentosa. 52 APPENDICES SUPERSTAMINAL'X 4“ Les coloiiiiettes ou proéminences inlerstamiaales, et par suite, les appendices, sont Irès puissants et surtout très massifs. Ils atteignent, pour ainsi dire, le volume de six appendices, car l’espace qu’ils occupent entre chaque groupe d’étamines, est au moins deux fois égal à la largeur de deux paires d’anthères réunies. Ainsi, en comparant ces gynostèmes à ceux munis de six appendices, on est tout naturellement porté à voir chez ceux-là^ une application de la loi du balancement des organes. En effet, leurs trois lobes stigmatiques ont acquis un accroisse- ment beaucoup plus grand que si les six lobes s’étaient déve- loppés (1). Donc, en tenant compte de tous ces faits, on est en droit de dire que si la trimérie semble, à première vue, mieux s’accorder avec la morphologie des Aristoloches à périanthe trilobé et à gynostème muni de trois appendices, elle explique moins bien que l’hexamérie la structure intime de ces fleurs. On peut donc conclure, sans hésiter, que la fleur des Aristo- loches, ainsi que celle des Asarum, sont typiquement composées de verticilles hexamères. Anomalies. — Avant de terminer, je tiens à signaler les princi- pales anomalies présentées par l’appareil sexuel des Aristoloches. Elles peuvent porter : 1° Sur le nombre des loges ovariennes. Il y a toujours diminution de nombre, jamais augmentation (cela se comprend). Cette irrégu- larité est due à ce que parfois les carpelles ne se ferment pas suffi- samment, par suite, les cloisons ne se constituant pas, deux ou plusieurs loges restent confondues. 2® Sur le nombre de loges des anthères. Ici, il y a, plus souvent, augmentation que diminution dequantité Uneouplusieursétamines peuvent avoir par exemple, trois loges au lieu de deux. (1) Chez VA. tomentosa, les lobes stigmatiques se moutrent dés le périanthe, et à ce niveau, ils ont déjà pris leur entier développement. Ils font fortement saillie au-devant des anthères. C’est sans doute pour cette raison que les trois faisceaux stylaires {fais, s et rj). se libèrent très bas et sont toujours représentés. DE LA FLEUR DES ARISTOLOCHES 53 3° Sur le développement relatif, et aussi sur le nombre des appen- dices. Deux appendices se soudent quelquefois ensemble. Ailleurs, certains d’entre eux se développent moins. 11 faut remarquer (pic souvent celte inégalité de croissance se répète sur toute la hauleui' de la fleur et correspond, le plus souvent, à des irrégularités dans le développement des cloisons ovariennes. 4° Le nombre des branches émises par les faisceaux G, peut aussi varier. V. — Conclusions I. — Dans le cas le plus général. — La colonne centrale de la fleur des Aristoloches est un composé typiquement de six étamines équidistantes alternant avec six stigmates qui sont originairement bifides comme ceux desAsarum. Chaque moitié de stigmate est soudée à l’étamine la plus rapprochée et la concrescence se continuant au-dessus des anthères, il se forme par l’union des deux lobes stigmatiques convergents six appendices superposés aux six étamines. Peut-être entre-t-il dans la composition de ces appendices quelques éléments des connectifs, je n’ai pu m’éclairer sur ce point, mais je crois pouvoir affirmer, qu'en tout cas ils ne prennent qu’une part bien faible dans la consii lotion de la masse? IL — Chez les Aristoloches du groupe des Siphisia (Duchartre) (1), il y a avortement des trois stigmates qui devraient typiquement se trouver vis-à-vis du milieu de chacpie masse de deux étamines, aussi dans ce groupe les trois apj)endices formés par les six lobes concrescents deux à deux des trois stigmates recouvrent-ils chacun deux étamines. (1) Loc. cit. APPENDICES SUPERSTA311NAUX o4 C’est par une erreur de description que l’on donne toutes les fleurs d’aristoloches comme dépourvues de styles et de filets. Ceux- ci, au contraire, sont souvent représentés^ mais ils échappeni en raison de leur soudure. III. — Tout porte à admettre que la fleur des Aristoloches et celle des Asarum sont constituées typiquement par des verticilles hexamères, et que chez les Aristoloches^ qui nous occupent spécialement, les six pièces composant le périgone sont alternes avec celles de Tandrocée lesquelles alternent, à leur tour, avec les feuilles carpellaires. • Ces résultats démontrent une fois de plus que Tunilé de plan de construction de la fleur est plus généralement répandue qu’on pourrait le croire à première vue. Il suffit pour la découviâr de savoir la dégager des ornements qui la cachent à nos yeux. A Tanatomie revient une grande partie de cette tâche. Je ne veux pas terminer ce très modeste travail sans prier M. Gérard de vouloir bien agréer mes sincères remerciements pour les savants conseils qu’il m’a prodigués avec tant de bienveil- lance toutes les fois que quelques difficultés venaient entraver mes recherches. Je tiens aussi à remercier M. Lachmann qui a eu la bonté de me faire un certain nombre de coupes en séries, à l’aide du micro- tome. Ces séries, où il ne manquait pas une coupe, m'ont rendu un véritable service, en me permettant de corroborer mes recherches antérieures, et de ne rien laisser dans le doute. PLANCHE I ARlSTOLOCHli TOMENTEUSE (1) Schéma 1. - Système libéroligneux du pédoncule; — en, endoderme; p, péricycle; F, faisceaux conducteurs. Schéma 2. — Le même système arrivé à la base de l’ovaire, après la division des faisceaux F. — C, faisceaux dorsaux des carpelles; f,p, faisceaux placentaires; en, endoderme;/), péricycle. Schéma 3. — Système conducteur de fovaire. — C, faisceaux dor- seaux des carpelles; n, nervures secondaires des carpelles; L, loges ovariennes ; f. p, faisceaux placentaires ; en, endoderme; P, péricycle. Schéma 4. (général à toutes les aristoloches). — Division des fais- ceaux C au sommet de l'ovaire. Schéma 5. (général). — Deux branches latérales : l'une à droite, l’autre à gauche, se détachent des faisceaux C pour se rendre dans le périanthe. Schéma 6. {général. — En coupe longitudinale). — Les branches 2-1-2 forment, en s’unissant, un faisceau qui se rend dans le pé- rianthe. La branche 3 issue de la région médiane des faisceaux C, a la même destination. Les branches 4 4 constituent les fais- ceaux G. Schéma 7 (général). — Le schéma précédent représenté en coupe transversale. (1) Toutes les figures représentent des coupes transversales; le schéma C fait seul exception. 56 APPENDICES SUPERSTÀMINAUX Schéma 8. — G, faisceaux du gyuostème formés par les branches 4 + 4 ; s faisceaux des colonnettes interstaminales ; o-, branches vasculaires provenant de la division des faisceaux 2. Schéma 9. — G, faisceaux du gynostème ; e, faisceaux des an- thères; (T, branches dérivées des faisceaux s; C, canal stylaire; l, colonnette interstaminale; A, anthère. Schéma 10. — Le schéma précédent est ici augmenté de la branche vasculaire y qui s'unira plus haut au faisceau e. Schéma 11. — Ici la branche interne des faisceaux G se divise tan- gentiellement pour former les deux branches S. S. — pl. papilles stigmatiques. Schéma 12 et 13. — Les faisceaux S, S et (t restent seuls ; ils s'épui seront bientôt. ARISTOLOCHE ÉLÉGANTE Schéma 14 à 20. — Les mêmes lettres représentent les mêmes faisceaux. Dans cette espèce et dans les suivantes, le gynostème seul a été représenté. ARISTOLOCHE RIDICULE Schéma 20 et 21. — Coupes d'un gynostème. — Les mêmes lettres représentent les mêmes faisceaux. ARISTOLOCHIA. CLYPEATA Schéma 22 et 23. ~ Coupes d’un gynostème. — Les mêmes lettres représentent les mêmes faisceaux. DE LA FLEUU DES AlUSTOLOCHES 57 PLANCHE II ARISTOLOCHIA ORNITHOCEPHALA Schéma 24 à 28. — Coupes d'un gynostème. — Les mêmes lettres représentent les mêmes faisceaux. ARISTOLOCHIA TRIBOLATA Schéma 29 à 34. — Coupes d’un gynostème. — Les mêmes lettres représentent les mêmes faisceaux. ARISTOLOCHIA CLEMATITIS Schéma 35. — Départ des nervures du périanthe et formation du faisceau G. Schéma 36. — Diagramme de cette fleur. — pr, périanthe; /, lobes stigmatiques ; aiit. anthères ; l. ov. loges ovariennes. — ov . ovules. 37. Figure de la fleur de l’Aristolochia Clematitis privée du périanthe. 38. Figure — — tomentosa » 39. Figure — — elegans.. » 54. Coupe transversale pratiquée à travers un gynostème d’Aristo- lochia trilobata un peu avant l’acte de la pollinisation. C, canal stylaire. — l, lobes stigmatiques. — G, faisceaux. — a?îth. anthères. PLANCHE III ASARUM EUROPÆUJSl Figure 40. — Système vasculaire du pédoncule, après la première division des faisceaux périphériques. — en, endoderme;/», péricycle. C, faisceaux périphériques. 88 APPENDICES SÜPERSTAMTNAÜN Fig. 41-42. — Disposition du système conducteur au-dessous des loges ovariennes. Fig. 43. Ovaire et loges ovariennes. — /, loges. — C, faisceaux dorsaux des carpelles; /*. p, faisceaux placentaires. Fig. 44. — (Je ne rappellerai pas dans cette figure, ni dans les sui- vantes, les faisceaux déjà indiqués dans les figures précédentes ; je ne m'occuperai uniquement que des branches nouvelles.) — c, premier faisceau issu des faisceaux C . Fig. 45. — f.p, première division des faisceaux placentaires. Fig. 46. — Faisceaux S, S dérivés des faisceaux C. Ce sont les faisceaux des styles. Fig. 47. — Faisceaux e ou faisceaux des petites étamines. — fp' deuxième division des faisceaux placentaires. Fig. 48. - Formation des faisceaux E ou des grandes étamines. Fig. 49. — Coupe pratiquée vers le sommet de l’ovaire (un peu au-dessous), montrant le système vasculaire arrivé à son état le plus complet de division. On trouve, outre les cercles vasculaires précédents, les faisceaux P du périanthe ; ce sont les plus extérieurs. Fig. 50. —■ Coupe faite tout à fait au sommet de l’ovaire. Fig. 51. — Coupe passant vers la naissance des étamines. — Les mêmes lettres représentent les mêmes faisceaux Fig. 52. ~ Colonne stylaire montrant les faisceaux stylaires ocl S. Fig. 53. — Stigmates avec les faisceaux stylaires en S et les poils stigmatiques. La ligne de division de chaque stigmate en deux lobes est très visible entre les deux faisceaux S. L^niv. de L2jon Fie^ir des ArisùdocJie-s . Pi. 7. Uniiy. de Lijcm. Fleur des Aria lohcJie.S'. Pt . 2 Z^mir de Lifen Fleur der A ris loIxH'he^f. Fl 3 % SITUATION AU 30 SEPTEMBRE 1892 TOME I. — La doctrine de Malherbe d’après son commen- taire sur Desportes, par Ferdinand Brunot, docteur ès lettres, ancien élève de l’Ecole normale supérieure, chargé d’un Cours complémentaire à la Faculté des Lettres, lauréat de l’Académie française. 1 vol. grand in-8 avec 5 planches hors texte. . . 10 fr. TOME II, Fascicule 1. — Recherches anatomiques et expé- rimentales sur la métamorphose des Amphibiens anoures, par E. Bataillon, préparateur de Zoologie à la Faculté des Sciences. 1 vol. in-8 avec 6 planches hors texte 4 fr. TOME II, Fascicule 2. — Anatomie et Physiologie comparées de la Pholade dactyle. Structure, locomotion, tact, olfaction, gustation, action dermatoptique, photogénie, avec une théorie générale des sensations, par le D'’ Raphaël Dubois, professeur de Physiologie générale et comparée à la Faculté, avec 68 figures dans le texte et lo planches hors texte 18 fr. TOME II, Fascicule 3. — Sur le pneumogastrique des oiseaux, par E. Couvreur, licencié ès sciences physiques, docteur ès sciences, chef des travaux de physiologie à la Faculté des sciences de Lyon. 1 vol. in-8 avec 3 planches hors texte et graphiques dans le texte 4 fr. TOME II, Fascicule 4. — Recherches sur la valeur morpholo- gique des appendices superstaminaux de la fleur des Aristo- loches, par A. Mayoux, élève de la Faculté des Sciences de Lyon. 1 vol. in-8, avec 3 planches hors texte 4 fr. TOME III, Fascicule 1. — Sur la théorie des équations diffé- rentielles du premier ordre et du premier degré, par Léon Aütonne, Ingénieur des Ponts et Chaussées, Docteur ès Sciences mathématiques, chargé de Conférences à la Faculté des Sciences. 1 vol. in-8 9 fr. TOME III, Fascicule 2. — Recherches sur l’équation person- nelle dans les observations astronomiques de passages, par F. Gonnessiat, Aide-Astronome à l’Observatoire, chargé d’un Cours complénaentair^ d’ Astronomie à la Faculté des Sciences. 5 fr. TOME IV. — Lettres intimes du cardinal Albéroni au comte J. Rocca, ministre du duc de Parme {1703-1742), publiées pour la première fois d’après le manuscrit de Plaisance, par Emile Bourgeois, professeur à la Faculté des Lettres. TOME V. — Le Fondateur de Lyon, Histoire de L. Muna- tius Plancus, par M. Jullien, professeur- adjoint à la Faculté des Lettres. 1 vol. in-8 avec 1 planche hors texte. ..... 5 fr. Quelques exemplaires sur hollande. ........... 8 fr. TOME VI. — Étude expérimentale sur les propriétés attri- buées à la tuberculine de M. Koch, faite au laboratoire de méde- cine expérimentale et comparée de la Faculté de Lyon, par M. le professeur Arloing, M. le D"' Rodet, agrégé, et M. le D'’ Courmont. 1 vol. in-8, avec 4 planches doubles en couleurs hors texte. 10 fr. Paris. — Typographie Gaston Née, 1, rue Cassette. — 6871.