LS 1. "Fe Fe _ ANNALES SCIENCE AGRONOMIQUE FRANÇAISE ET ÉTRANGÈRE Comité de rédaction des Annales. Rédacteur en chef : L. GRANDEAU, directeur de la Station agronomique de l'Est. Secrélaire de La rédaction : H. GRANDEAU, sous-directeur de la Station agronomique de l'Est, chef des travaux agronomiques de la faculté des sciences. U. Gayon, directeur de la Station agronomique de Bordeaux. Guinon, directeur de la Station agro- nomique de Châteauroux. Margottet, directeur de la Station agro- nomique de Dijon. A. Mathieu, sous-directeur et profes- seur honoraire de l'Ecole nationale forestière. J. Risler, préparateur à l'Institut na- tional agronomique. Th. Schlæsing, de l'Institut, professeur à l'Institut national agronomique. E. Risler, directeur de l’Institut na- tional agronomique. A. Girard, professeur à l’Institut agro- nomique. A. Müntz, chef des travaux chimiques à l'Institut national agronomique. Ed. Henry, professeur à l’École na- tionale forestière. ; P. Fliche, professeur à l’École natio- nale forestière. Correspondants des Annales pour l'étranger. ALLEMAGNE. L. Ebermayer, professeur à l’'Univer- sité de Munich. J. Kônig, directeur de la Station agro- nomique de Münster. Fr. Nobbe, directeur de la Station agronomique de Tharand. Tollens, professeur à l'Université de Gôttingen. ANGLETERRE. R. Warington, chimiste du laboratoire de Rothamsted. Ed. Kinch, professeur de chimie agri- cole au collège royal d'agriculture de Cirencester. BELGIQUE. A. Petermann, directeur de la Station agronomique de Gembloux. ÉCOSSE. T. Jamieson, directeur de la Station agronomique d’Aberdeen. ESPAGNE ET PORTUGAL. R. de Luna, professeur de chimie à l'Université de Madrid. ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE. E. W. Hilgard, professeur à l'Univer- sité de Californie. HOLLANDE. A. Mayer, directeur de la Station agro- nomique de Wageningen. . ITALIE. A. Cossa, professeur de chimie à l'École d'application des ingénieurs, à Turin. NORWÈGE ET SUÈDE. Bergstrand, directeur de la Station agronomique de Stockholm. SUISSE. E. Schultze, directeur, du laboratoire agronomique de l'École polytech- nique de Zurich. RUSSIE. Thoms, directeur de la Station agro- nomique de Riga. Nora.— Tous les ouvrages adressés franco à La Rédaction seront annoncés dans Le premier fascicule qui paraitra après leur arrivée. Il sera, en outre, publié s'il y a lieu, une analyse des ouvrages dont la spécialité rentre dans le cadre des Annales (chimie, physique, géologie, minéralogie, physiologie végétale et animale, agricullure, sylviculture, technologie, etc.). Toutes Les communications relatives à la rédaction des Annales (manuscrits, mémoires, livres) doivent élre adressées franco à M. L. Grandeau, rédacteur en chef des Annales, 4 Nancy. ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE FRANÇAISE ET ÉTRANGÈRE ORGANE DES STATIONS AGRONOMIQUES ET DES LABORATOIRES AGRICOLES PUBLIÉES Sous les auspices du Ministère de l’Agriculture PAR Fours CRAN DE AU DIRECTEUR DE LA STATION AGRONOMIQUE DE L EST MEMBRE DU CONSEIL SUPERIEUR DE L'AGRICULTURE VICE-PRÉSIDENT DE LA SOCIETE NATIONALE D ENCOURAGEMENT A L'AGRICULTURE DOYEN DE LA FACULTE DES SCIENCES DE NANCY PROFESSEUR À L'ÉCOLE NATIONALE FORESTIÈRE TROISIÈME ANNÉE - 14886 Tome I PARIS BERGER - LEVRAULT ET C*, LIBRAIRES - ÉDITEURS >, rue des Beaux-Arts MÊME.MAISON A NANCY 1887 ) LE | 747 À , d no Ù NA TE À | | 2 MN TMERITAREREES + » Fa . + 0 ie LR : Û h & ni L fier 2 % L A | # \ 1] | i û à v LS | , ET NN TELE HLOS L G Ne En : k ue CE En. e. , 1e Eu L : h LA CULTURE DE LA CANNE A SUCRE A LA GUADELOUPE PAR PH. BONAME ANCIEN DIRECTEUR DE LA STATION AGRONOMIQUE DE LA POINTE-A-PITRE ANPNIT-PROPOS Un séjour de plusieurs années à la Guadeloupe, Pune de nos prin- cipales colonies sucrières, nous a permis dy étudier la culture de la canne à sucre et d’y faire à ce sujet quelques observations dont nous sentons toute l'insuffisance, mais qui pourront, nous le croyons du moins, ne pas être complètement inutiles à ceux dont la culture de cette plante est la préoccupation constante. Dans l'espoir que ces quelques notes pourront être utilement con- sultées par les planteurs de nos colonies, nous avons dû fréquemment entrer dans des détails d'agriculture générale que nous n’aurions pas eu besoin de traiter si la connaissance des lois fondamentales de la production agricole y était plus répandue. C’est ainsi que nous sommes entré dans quelques explications au sujet des propriétés particulières des différents “sols, de l’utité des labours, du mode d’action des engrais, etc., qui sont plutôt du do- maine de l’agriculture générale que de celui de la culture spéciale de la canne à sucre. Nous avons fait suivre cet exposé de quelques notes sur la fabri- ANN. SCIENCE AGRON. — 1886. — I. Î FA ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. cation et sur divers sujets d'agriculture coloniale, ainsi que quelques résultats analytiques dans lesquels on pourra trouver des renseigne- ments qui ne manqueront pas d'intérêt. Dans le cours de notre étude, nous avons pu consulter fructueuse ment les ouvrages suivants : Le traité de M. Delieil, ex-directeur de la station agronomique de la Réunion, sur la canne à sucre, et la traduction française d’un ouvrage déjà un peu ancien, le Manuel pratique du planteur de canne à sucre, de Léonard Wray (1853). Et pour ce qui a trait particulièrement à la culture de la canne aux Antilles, le Manuel pratique de don Fernand Umpierre (Manual pralico de la agricullura de la caña de azucar por don Manuel Fernändez Umpierre, Puerto-Rico) et l'ouvrage de M. Alvaro Rey- noso qui est certainement le travail le plus complet sur cette question et auquel, dans l'intérêt de nos lecteurs, nous avons fait de fréquents emprunts (Ensayo sobre el cullivo de la caña de azucar por don Alvaro Reynoso). LA CULTURE DE LA CANNE A SUCRE. 3 1. — Origine de la canne à sucre. La canne à sucre (Saccharum officinarum) est, suivant nombre d'auteurs, origmaire de l'Inde d’où elle a été transportée en Europe, puis à Madère et aux îles Canaries et finalement en Amérique et dans les Antilles. Les anciens auteurs latins parlent du miel de roseau venant de l'Inde, ce qui prouve que la canne y était connue dès les temps les plus reculés, mais sans que cette constatation puisse être un argu- ment en faveur de l’origine asiatique de la canne à sucre. On s'accorde à reconnaître qu’elle fut importée à Madère en 1490 par le régent de Portugal, puis peu de temps après aux îles Cana- ries par les Espagnols. Suivant les partisans de l'introduction de la canne en Amérique, Pierre d’Arrança ou d’Etienza l’apporta à Saint-Domingue en 1506, où sa culture prit une si rapide extension que, quelques années plus tard, on y comptait déjà plusieurs sucreries. Les Portugais ont produit du sucre vers 1580 au Brésil. Long- temps après, les Anglais et les Français vinrent s'établir entre les Tropiques, et leurs premières sucreries furent installées en 1643 à Saint-Christophe et à la Barbade, et en 1644 à la Guadeloupe, sous la direction des Hollandais, qui s’y réfugièrent après leur déroute au Brésil. D’après le père Labat *, la canne à sucre est indigène en Améri- -que aussi bien que dans l’Inde, et pour appuver son opinion, cet auteur cite les faits suivants : En 1625, l'Anglais Thomas Gage, faisant le voyage de la Nou- velle-Espagne, raconte qu’étant en rade de la Guadeloupe, des sau- vages lui apportèrent plusieurs sortes de fruits, et entre autres des cannes à sucre. Or il est certain que jamais les Espagnols n’ont cul- tivé un pouce de terrain dans les petites Antilles. Il est vrai qu'au second voyage de Christophe Colomb, ils y mirent des cochons pour que leurs flottes pussent y trouver de la viande fraiche, mais ils ne 1. Voyage aux îles de l'Amérique en 1696. J ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. pouvaient avoir l’idée d’y planter des cannes que les cochons au- raient détruites; de plus, ils n’y ont jamais séjourné que le temps nécessaire pour faire de l’eau. Ce serait, en outre, ajoute le père Labat, mal connaître les Caraïbes de penser qu’ils aient pu cultiver la canne à sucre après le départ des Espagnols. Avant cette époque, en 1556, Jean de Léry, allant sur la rivière de Janeiro au Brésil, vit une grande abondance de cannes à sucre aux environs de cette rivière qui n’ont pu être introduites par les Portu- gais, puisqu'ils n’y sont venus qu'après le départ des Français. Le père Labat entre encore dans beaucoup d’autres considérations pour prouver que les Portugais n’ont point introduit la canne à sucre en Amérique, mais qu'elle y est indigène, et qu’on leur doit seulement l’art de faire le sucre, complètement inconnu avant leur arrivée. L'origine de la canne à sucre a toujours été discutée, mais heu- reusement que la question de savoir si elle est indigène en Améri- que, ou si elle y a été introduite, n’est d'aucun intérêt pratique pour le planteur. Quoi qu'il en soit, cette culture s’est étendue rapidement, et la canne à sucre a été ou est encore cultivée sous tous les climats tro- picaux. Dans les premiers temps de leur occupation, les Antilles culti- vaient spécialement le tabac, le rocou, l’indigo, le coton, etc.; mais ces cultures ont disparu peu à peu devant la canne à sucre qui est aujourd'hui la seule plante industrielle de grande culture. Malgré des crises plus ou moins intenses, survenues à diverses époques et ayant pour cause soil l’avilissement des prix de vente, soit des modifications profondes dans l’ordre économique, la culture de la canne à sucre s’est toujours soutenue et est restée la principale spéculation de l'agriculture tropicale. D’après les dernières statistiques, la production du sucre de canne serait approximativement la suivante : TONNES. UUPA SRE nee He de bo SR ED 0 00 D Puerto-Rico et Diet A LI 82000 Martinique elGuadelOUpe Re 102000 LA CULTURE DE LA CANNE À SUCRE. 5 TONNES, IR SS ANNE GT ER PEMRT LE: 1 Po OEET FRERE PRET OESET ENTER 115060 RSI CRT MONT ES VEN HR TR 150000 Bon. LORS ANR SRE 30000 MonSianesetiRlOriTe Re PI CRE EEE 110000 Mtresipays d'Amérique NL L'UNESCO 4 142000 fndesiortentales etAChINE AN MI EME List 90000 RéHONReMAUTICC MAP EN AEREER" 160000 DEN. RÉ RE R RME LR RRe ee 32000 JAVARCEAMANITIEN SRE TENUE RUN ERARERTS 445000 AUSDTAT eMeLIdiIVerS 4 Co EP RNENNOEE ren 120000 MOSS ARE EN 58000 IL existe en outre des pays non exportateurs et qui consomment toute leur production; amsi la production totale de l'Inde serait évaluée à environ 1500000 tonnes, celle de l'Espagne, Japon, etc., à 401000 tonnes, ce qui mettrait la production totale du sucre de canne à près de quatre millions de tonnes. Dans tous les pays producteurs de sucre de canne, la consomma- tion est considérable et il est difficile de l’évaluer même approxi- mativement. Pour les indigènes, le sucre est un aliment proprement dit, et ils en consomment des quantités prodigieuses. 2. — Description et reproduction de la canne à sucre. La canne à sucre est la graminée la plus importante pour les cli- mats tropicaux et une de celles qui arrivent au plus grand dévelop- pement. Suivant la variété cultivée, la nature du terrain et les soins dont elle est l’objet, sa tige peut atteindre jusqu’à 5 et 6 mètres de lon- gueur sur 0%,15 à 0,20 de circonférence. Il$’en faut de beaucoup que ces dimensions soient normales dans une culture ordinaire, et. l’on est satisfait lorsqu'on obtient des tiges de 3 mètres environ sur 2.) à 4 centimètres de diamètre. C’est une plante vivace qui, cultivée dans de bons terrains, peut durer une vingtaine d'années sur le même sol; mais en général, lorsqu'on a obtenu 5 à 6 récoltes, il faut renouveler la plantation. Chaque plant de canne produit un ceriain nombre de tiges qui 6 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. sont coupées chaque année, et la souche repousse des rejets pour la récolte suivante. La souche produit annuellement de 5 à 10 tiges, mais lorsque le terrain est riche et profond et les plants suffisam- ment espacés, ce nombre peut être beaucoup plus considérable. . La tige, cylindrique, de couleur et de grosseur variables, est com- posée, comme celles de toutes les graminées, de nœuds et d’entre- nœuds. Le nombre des mérithalles dépend de l’âge et du développe- ment de la canne, et leur longueur varie de 5 à 20 centimètres. En dessous du point d'insertion de chaque feuille, lépiderme de la tige est recouvert d’une matière résineuse d’un blanc grisâtre très soluble dans l’éther. Cette matière résineuse forme un anneau régulier de 5 à 8 millimètres de largeur nettement délimité et d’un blanc bleuâtre lorsque la tige est encore entourée de feuilles vertes, mais elle disparaît en partie lorsque les feuilles tombent et qu’elle se trouve exposée à l'influence des agents atmosphériques. Au-dessus de cet anneau, et au point d'insertion de la feuille, on en distingue un second dépourvu de matière résimeuse et parsemé : de petits points blanchâtres. Quand on plante une bouture de canne, de chacun de ces petits points sort une petite racine qui sert à l’ali- mentation de la nouvelle pousse en attendant l'émission des racmes proprement dites. Les racines de la canne sont fibreuses et déliées ; elles s'étendent dans tous les sens autour de la souche à une distance et à une pro- fondeur variables suivant la nature du terrain. Les feuilles sont alternes, fortement engainantes et d’un vert plus ou moins foncé. Chacune d’elles, lisse surtout à sa partie supérieure, est pourvue sur toute sa longueur d’une nervure médiane de 7 à 8 millimètres de largeur, fortement incurvée, épaisse, résistante, blanchâtre en dessus, mais de même couleur que la feuille en des- sous. La dimension de la feuille est variable suivant la partie de la tige qui l’a produite. Son limbe a de 1",20 à 1,80 de longueur sur 0,05 à 0®,06 de largeur. La gaine qui enveloppe complètement la tige à de 0,20 à 0,50 de longueur et est pourvue, sur sa surface externe el principalement dans la partie médiane, de nombreux poils acérés d’une longueur de 3 à à millimètres. Ces poils se détachent faci- LA CULTURE DE LA CANNE A SUCRE. 7 lement et tombent lorsqu'ils sont exposés aux agents atmosphé- riques. A l’aisselle de chaque feuille se développe un bourgeon ovoïde globuleux et recouvert d’écailles imbriquées très résistantes. Ces bourgeons sont plus volumineux et plus détachés dans la partie infé- rieure de la tige que dans la partie supérieure ; mais lorsque la partie terminale de la canne subit un arrêt dans son développement, pour une cause ou pour une autre, les bourgeons supérieurs gros- sissent rapidement. Arrivée au terme de sa croissance, la canne fleurit quelquefois ; alors le bourgeon terminal s’allonge rapidement et produit une hampe florale de 1" à 1,50 de longueur parfaitement cylindrique et lisse sur toute son étendue qu’on désigne sous le nom de flèche. Gette flèche, plus ligneuse et plus sèche que la canne proprement dite, est sautenue par les dernières feuilles qui deviennent plus en- gainantes et donne naissance à une ample panicule très soyeuse et très délicate de 30 à 40 centimètres de hauteur. Les épillets sont géminés ; l’un d’eux est sessile et l’autre pédon- culé. Les glumelles sont longuement poilues à leur base et chaque épillet biflore donne une fleur neutre el une fleur hermaphrodite. Chaque étamine porte une añthère bilobée contenant des granu- lations polliniques. L'ovaire infécond est surmonté d’un style terminé par deux longs sügmates plumeux violacés, qui donnent à la panicule développée son aspect particulier. L’ovaire n'étant point fécondé, la graine embryonnaire produite par la canne est complètement infertile ; c’est pourquoi, dans tous les pays où cette plante est cultivée, on la reproduit par le moyen de boutures faites soit avec le corps de la canne, soit avec l’extré- mité supérieure de la tige appelée téte à canne. La graine fertile de canne à sucre à été l’objet de nombreuses recherches. On à quelquefois prétendu que la canne se reproduisait de graine; mais pour propager cette erreur, on s’est simplement basé sur la relation de Robert Bruce, qui a affirmé qu’on semait la canne en Égypte. Depuis cette époque, les recherches les plus diverses, ainsi que les 5 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. relations de tous les voyageurs, n’ont pu que prouver la non-exis- tence de graines fertiles. Wray a essayé inutilement de féconder la fleur de canne avec du pollen de maïs et de sorgho. ‘ Le fait suivant, rapporté par M. Rouf, pourrait cependant faire supposer lexistence fortuite de graines fertiles : Il aurait été trouvé à la Martinique, sur la partie verticale et extérieure du mur de Ja roue hydraulique d’un moulin, une petite toufle de cannes qui se développait au milieu de la mousse. Cette végétation accidentelle fit supposer que la toufle avait été produite par une graine, mais on peut trouver étrange qu’une oraine fertile soit venue se loger à cet endroit, alors qu’on n’a jamais observé de germination dans des conditions culturales bien plus favorables. Si la canne produisait quelques graines fertiles, les fleurs produites annuellement en si grand nombre par cette plante et ré- pandues dans toutes les directions et dans les conditions les plus variées, auraient dù depuis longtemps donner lieu à des semis natu- rels qui auraient difficilement pu passer inaperçus. En récoltant des panicules fleuries à différents états de maturité, soit sur des cannes vigoureuses, soit dans des pièces abandonnées, nous n'avons jamais pu obtenir la moindre trace de germination. La mulüplication continue par boutures a dù modifier profondé- ment la nature de la canne, et la graine a dû perdre sa faculté ger- minative par la seule transformation de la plante. I est probable qu'autrefois la canne se reproduisait par le moyen de ses semences, mais il n’en est pas moins curieux que dans les pays où elle est indigène, l'Inde ou la Chine, on ne puisse découvrir une seule localité où elle végète encore spontanément en se repro- duisant par semis naturel. Du reste, l’absence de graines fertiles se remarque sur d’autres végétaux ; ainsi dans les contrées tropicales, le bananier se reproduit par drageons et son fruit ne contient que des graines atrophiées dans toutes les espèces et variétés comestibles. Si la canne donnait des graines fertiles, il pourrait en résulter les avantages suivants : On procéderait plus rapidement et plus écono- miquement au renouvellement des plantations ; on pourrait obtenir des variétés plus rustiques ou à rendement plus élevé que celles que LA CULTURE DE LA CANNE A SUCRE. 9 nous possédons déjà, soit en améliorant les variétés existantes par une sélection judicieuse, soit en en obtenant de nouvelles ; enfin, on éviterait, dit-on, la dégénérescence des espèces cultivées depuis de longues années. Nous ferons observer ici qu'on parle beaucoup de la dégénéres- cence de la canne, mais qu’elle est loin d’être un fait bien certain. On l’a attribuée fréquemment au mode employé actuellement pour le renouvellement des plantations, mais avant d'admettre cet affai- blissement dans la constitution de la canne, il faut se rendre compte des conditions dans lesquelles elle était autrefois cultivée. Nous reviendrons sur ce sujet, et nous verrons que les conditions culturales ne sont plus les mêmes que par le passé, et qu’en exami- nant attentivèment les faits, la dégénérescence supposée n’est que la conséquence des circonstances dans lesquelles la canne se trouve placée. D'un autre côté, 1l serait difficile d'obtenir par les semis la re- constitution des plantations et en même temps de nouvelles variétés. Si la graine reproduisait la canne qui l’a fournie, on n’obtiendrait que la multiplication de l’espèce; si, d'autre part, on obtenait de nou- velles variétés, on ne pourrait l’employer habituellement pour renou- veler les plantations, puisqu'on ne serait pas assuré d'obtenir tou- Jours le même résultat. M. Reynoso pense que la graine produirait une plante qui serait loin de posséder les propriétés de la canne mêre, et qu’il serait né- cessaire d'améliorer celle obtenue de semis par des bouturages suc- cessifs-et répétés ; la canne, telle qu'on la connait, devant être un végétal profondément modifié par la culture et dont les propriétés et avantages ne se reproduiraient point par le moyen des semis. Obtiendrait-on en outre des variétés plus avantageuses que celles qu'on possède aujourd’hui? Gela n’est pas certain et la canne d’Otaiti, par exemple, donne en terrain fertile des résultats qui ne peuvent être surpassés par aucun autre végétal. Évidemment, si on pouvait obtenir une variété donnant de hauts rendements culturaux et in- dustriels avec une faible dépense de culture, une canne végétant 1. Ensayo sobre el cullivo de la cana de asucar. 10 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. luxurieusement dans tous les sols et dans toutes les conditions, on aurait réalisé un grand perfectionnement ; mais une plante de cette nature n'existe pas et dans tous les climats, le sol et les soins cultu- raux sont les principaux facteurs de la production végétale. L’obtention de cannes de semis ne modifierait donc pas la culture d’une manière certaine et avantageuse ; mais de ce que l’améliora- tion ne serait pas certaine, il ne s'ensuit pas qu’elle ne pourrait être obtenue, et dans le doute, on doit regretter que les recherches les plus minutieuses n'aient jusqu'ici abouti à aucun résultat. 3, — Variétés. Les variétés connues de la canne à sucre sont fort nombreuses, mais on n'en cultive qu’un nombre très restreint dans les Antilles. Sion considère la profusion des espèces qui végètent aux Indes orientales et en Chine, on possède un argument puissant pour attri- buer à l’Asie le pays d’origine de cette précieuse graminée. Dans les Antilles, on ne connaît que l’espèce la plus commune et la seule cultivée, le Saccharum officinarum. D’après M. Delteil, ôn trouve à la Réunion le Saccharum violaceum où canne notre. Gette variété possède des feuilles violacées et une tige dure et courte qui ne fleurit jamais; l’écorce, de nuance pourpre, colore les lèvres et les mains de ceux qui la mangent. Le Saccharum sinense ou canne clu- noise, introduite dans l'Inde en 1769, quoique inférieure aux autres cannes cultivées, mérite cependant, d’après Wray, d’être connue, et elle peut rendre de grands services là où la canne d’Otaïti vient difficilement. Elle est rustique, résiste aussi bien au froid qu’à la sécheresse et donne des résultats dans des terres où toutes les autres varlétés ont peine à végéter. * Quant aux variétés cultivées du Saccharum officinarum, elles of- frent parfois si peu de caractères différentiels, et les noms sous les- quels on les désigne dans les diverses localités sont si variables, qu'il est assez difficile de les classer. Ainsi, d’après M. Delteil, la canne blanche la plus commune est désignée sous les noms de canne de Batavia à Ja Réunion, canne jaune à Maurice, canne de Bourbon ou d'Otaïti dans l’nde et aux Antilles, etc., ete. LA CULTURE DE LA CANNE A SUCRE. 11 Nous nous contenterons d'indiquer ci-après les diverses variétés cultivées à la Guadeloupe et qui peuvent se distinguer plus ou moins facilement les unes des autres, principalement par la couleur de leur écorce. La canne blanche d'Olaiti est la plus répandue dans les Antilles. Cette canne, d’une longueur moyenne de 3 mêtres, possède des entre- nœuds de 8 à 12 centimètres de longueur sur 12 à 15 de circonfé- rence. Ces dimensions ne sont évidemment que des moyennes, et dans certaines conditions, cetie canne atteint un développement beaucoup plus considérable. La couleur de son écorce, verdâtre quand elle est en pleine croissance, devient d’un blanc jaunâtre orangé lorsqu'elle approche de sa maturité. Cette teinte orangée se fonce dans les parties exposées au soleil et reste claire ou même jaune-paille dans les parties ombragées. La canne d’Otaiti est la plus estimée de tous les planteurs, car elle donne un jus riche et abondant. Moins rustique que la canne de Batavia et la canne noire, elle donne cependant à la Guadeloupe de bons résultats dans toutes les terres où la canne peut être cul- tivée avantageusement pour son exploitation industrielle. | La canne d’Olaili rubanée n’est très probablement qu'une sous- variété de la précédente, à laquelle elle ressemble beaucoup sous le rapport de la qualité. La canne rubanée est sillonnée longitudinale- ment de rayures étroites d’un rouge violacé clair, assez distantes les unes des autres et d’un centimètre environ de largeur. Ges rayures, semblables à des rubans, n’entourent généralement pas toute la tige, el parfois elles disparaissent avant d'atteindre son extrémité supé- rieure. Les rayures diminuent parfois aussi de largeur et de colora- tion pour ne former que de légères stries rosées. La canne créole, petite et très sucrée, n’est pas cultivée dans les plantations : elle n’est peut-être que la canne d'Otaiti ayant végété habituellement dans des circonstances peu favorables à son déve- loppement. La canne de Batavia ou canne violette atteint à peu près les mêmes dimensions que la canne d'Otaïti; mais son écorce est d'une coloration pourpre violacé. Parfois la canne entière est colorée, d’autres fois des solutions de continuité laissent paraître la temte 12 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. jaune de la canne ordinaire. On en trouve également qui sont pres- que rayées comme la canne d’Otaiti rubanée, mais dans ce cas les rayures sont pourpre violacé, tandis qu’elles sont d’une couleur plus claire et rosée dans la canne d’Otaiti. ; La canne de Batavia est très vigoureuse ; ses feuilles sont plus re- dressées et d’un vert plus sombre. Elle résiste bien à la sécheresse et à la coupe elle produit de nombreux rejetons ; mais en raison de sa végétation plus vigoureuse, elle mûrit plus difficilement que la canne d’Otaïti, et son jus aussi abondant est moins sucré. Cet incon- vénient disparaîtrait peut-être si les conditions de culture et de fabri- cation permettaient de la laisser 15 ou 18 mois sur pied. La canne noire diffère de la précédente en ce que sa couleur est beaucoup plus foncée: elle tire sur le sombre et devient presque noire ; de plus, elle ne présente jamais de rayures. Cest une variété très rustique. Le diamètre de sa tige est toujours plus réduit et son écorce est très dure. Les nœuds, rapprochés les uns des autres, produisent une canne ligneuse donnant moins de jus avee une pression ordinaire. Elle a, pour ainsi dire, disparu des cultures actuelles et s'il en existe encore quelques plants sur les propriétés, on se garde bien d'en prendre des boutures pour procéder aux nouvelles plantations. La canne de Salangore se rencontre à létat isolé dans les planta- tions, et, à notre connaissance, on n'en a point fait l’objet d’une culture spéciale à la Guadeloupe. C’est une canne très vigoureuse et à végétation luxuriante ; elle devient plus volumineuse et plus longue que la canne d’'Otaiti. Sa couleur est toujours verdâtre, très rare- ment jaunâtre, même quand elle est müre. Son écorce est recou- verte sur toute sa superficie d’une matière résineuse grisâtre. Ses entre-nœuds sont généralement bombés, en forme ‘de tonneau, et possèdent un diamètre supérieur à celui des nœuds. Cultivée dans les mêmes conditions que la canne d’Otaïti, elle donne des jus plus aqueux et encore moins sucrés que la canne vio- lette de Batavia. De ces diverses variétés, la canne blanche d’Otaïti est pour ainsi dire la seule cultivée à la Guadeloupe ; toutes les autres disparais- LA CULTURE DE LA CANNE A SUCRE. 13 sent devant elle, même la canne rubanée, à laquelle elle ressemble beaucoup. Les variétés sont plus nombreuses dans les Indes orientales que dans les Antilles, et, d’après M. Delteil, on en connait à la Réunion plus de 20 espèces, dont 8 rayées et rouges ou violettes. Dans cette dernière colonie, la canne blanche d’Otaiti, si estimée à la Guadeloupe, a dû être abandonnée depuis de longues années par suile d’une maladie dont elle était attemte. L'espèce la plus répandue à Maurice et à la Réunion serait la canne guinghan ou canne d’Otaïti rayée, puis la canne diard rayée ou canne à rubans originaire de Batavia. On y rencontre également les cannes tsiambo, mapou rayée, calédonienne rayée, scavangérie, poudre d’or rayée, mignonne rayée , tambiaba, etc., introduites récemment de la Nouvelle-Calédonie. 4. — Climat. Un climat chaud et humide est le plus favorable à la végétation de la canne, et c’est dans les îles ou sur les plages maritimes qu’on observe les plantations les plus luxuriantes, car c’est là qu’elle trouve réunies les conditions de chaleur et d'humidité qu’elle demande pour arriver à son plus grand développement. | La canne se cultive non seulement dans toute la région équato- -riale et tropicale, mais elle s’avance bien au delà et on la retrouve dans le sud de l'Espagne en Andalousie et dans l'Amérique du Nord à la Louisiane, | Parvenue à ces limites extrêmes, sa culture exige des méthodes particulières et elle ne donne jamais les résultats qu’on observe dans les climats où les variations de température sont moins accusées. Aussitôt que la chaleur diminue, sa croissance et son développement atteignent des proportions de plus en plus réduites ; tandis qu'elle ne redoute point la grande chaleur, pourvu qu’elle trouve dans le sol l’hurnidité nécessaire à ses besoins. La température moyenne de la Guadeloupe, où la canne végèle admirablement, est de 25 à 26 degrés avec des extrêmes maxima de 16 à 33 degrés. 14 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. La somme de chaleur nécessaire à sa végétation serait donc de 9000 à 9500 degrés, puisqu'elle occupe le sol pendant une année en moyenne. Cette quantité de calorique est assez difficile à apprécier exactement, car le terme du développement de la canne n’est point marqué par une modification caractéristique de la plante, et suivant le terrain et son état d'humidité, on peut prolonger plus ou moins son existence. Lorsque la canne est jeune et que les tiges proprement dites ne sont pas encore formées, s’il survient une sécheresse plus ou moins intense, les semaines et les mois peuvent s’écouler sans qu’elle prenne un accroissement sensible, elle reste stationnaire en atten- dant une saison plus favorable ; mais aussitôt que les premières pluies arrivent, la végétation devient très active et en quelques mois elle atteint un très grand développement. S1 la canne n’était cultivée qu’au point de vue ornemental, une humidité constante du sol et de l'atmosphère serait à désirer, car elle permettrait une végétation continue et une production de tiges volumineuses, longues et feuillues. Mais avec une pousse constante et luxuriante, les jus seraient toujours d’une faible richesse saccha- rine et comme le but final est l'extraction du sucre, le climat Le plus favorable à cette production sera celui qui présentera à une certaine époque de l’année, une période de sécheresse relative pendant la- quelle la canne pourra élaborer les matériaux qu’elle a absorbés pen- dant la saison pluvieuse. Dans les principaux pays producteurs de sucre de canne, l’année peut se diviser en deux saisons bien caractérisées : l’une, pluvieuse et à température élevée qui permet à la canne de prendre un grand et rapide accroissement; l’autre, sèche et relativement fraîche pen- dant laquelle elle arrive à un maximum de richesse saccharine et qui permet aux travaux de fabrication de se poursuivre rapidement et avantageusement. La différence entre ces deux saisons ne doit pas être excessive, car des pluies trop abondantes pendant la saison pluvieuse ne sont point favorables aux cannes, de même qu’une sécheresse trop intense pendant la fabrication arrêterait toute végétation et nuirait considéra- blement aux jeunes plantations qui doivent fournir la récolte suivante. LA CULTURE DE LA CANNE A SUCRE. 19 Des pluies modérées et suffisamment espacées pendant cette pé- riode sont le meilleur temps qu’on puisse désirer à tous les points de vue. La quantité d’eau qui tombe annuellement est très variable dans les divers pays où la canne se cultive, et, dans la même contrée elle présente également des différences notables. Ainsi, à la Guadeloupe, certaines localités reçoivent annuellement de 2",500 à 4 mètres d’eau el en moyenne 5 mètres (moyenne de 15 années), tandis que d’autres n’en reçoivent que 1",200 en moyenne et enregistrent des extrêmés allant de 1 mètre à 1,500. La moyenne sénérale de l’île est d'environ 4*,500 à 1",800 par an. La saison chaude et pluvieuse se fait sentir habituellement du mois de mai au mois d'octobre, puis les pluies deviennent de plus en plus rares et moins copieuses, et la sécheresse commence. Celle- ei est heureusement interrompue par des ondées plus où moins abondantes qui permettent à la végétation de se maintenir à une allure très modérée. La récolte commence en janvier ou février et doit être terminée à la fin de mai ou au commencement de juin au plus tard, car à cette époque les pluies sont probables. Dès que la sécheresse se fait sentir, la richesse de la canne aug- mente sensiblement jusqu’en avril, puis les pluies mettent en mou- vement les fluides séveux et la qualité des jus diminue rapidement. Suivant la position géographique des diverses localités, ces deux saisons surviennent à différentes époques de l’année ; ainsi, à Mau- rice et à la Réunion, la saison sèche dure de juin à décembre. Tous les travaux de culture et de fabrication sont donc subordon- nés aux époques qui amènent habituellement la pluie ou la séche- resse ; aussi, sous le climat de la Réunion, on manipule les cannes de juin à décembre et dans les Antilles de janvier à juin. A la Guadeloupe, environ un tiers de la pluie annuelle tombe de novembre à mai, les deux autres tiers se répartissent plus ou moins uniformément pendant le second semestre. Cette distribution des pluies n’est point mathématique et leur plus ou moins grande régularité produit les bonnes et les mauvaises années. 16 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Des pluies trop copieuses donnent une production herbacée abon- dante, mais des cannes pauvres en sucre; une sécheresse trop intense ou trop prolongée arrête le développement de la canne qui reste petite, ligneuse et donne des jus riches, mais peu abondants. Si les terres plantées en cannes pouvaient être irriguées, un cli- mat sec serait à désirer, car on pourrait distribuer l’eau nécessaire à la végétation au moment le plus opportun pour obtenir le maximum de rendement. Quelque temps avant la coupe, on suspendrait les irrigations de façon à produire alternativement et artificiellement la saison sèche et la saison humide. L'emploi des irrigations permettrait également au planteur de modifier à son gré les effets d’une sécheresse trop intense. Pendant la récolte, les pluies abondantes ont un effet désastreux ; mais si la sécheresse est avantageuse pour les cannes à récolter, elle ne l’est point pour toutes celles d’une exploitation qui comprend des cannes de différents âges, depuis les boutures qui viennent d’être plantées jusqu'aux cannes en cours de fabrication. Les jeunes cannes souffrent beaucoup de la sécheresse, et les pluies modérées ou une irrigation en temps opportun leur permettrait de végéter normalement et pourrait quelquefois sauver une récolte. Dans les localités où l’on est exposé à souffrir, tantôt d’un excès d’eau, tantôt de la sécheresse, l'irrigation est le seul moyen à em- ployer pour régulariser la production. Les vents violents nuisent à la canne, et, dans les Indes orientales, les plantalions sont souvent ravagées par des cyclones. Dans les An- ülles, les ouragans sont beaucoup moins fréquents, et ils occasion- nent rarement des dégâts importants. Sans atteindre la violence des ouragans, le vent qui souffle avec une certaine intensité renverse et parfois brise les cannes sur le bord des pièces. Dans les Antilles espagnoles, on conseille alors de planter en bordure deux ou trois lignes de canne de Batavia qui est beaucoup plus résistante que la canne d’Otaiti cultivée généralement, Dans l'Inde, suivant Wray, il règne parfois, en mars et avril, des vents chauds et secs qui brülent complètement les plantations, dont la végétation ne reprend qu'à l’arrivée des pluies ; nous n’avons heureusement aucun danger semblable à craindre dans les Antilles. LA CULTURE DE LA CANNE A SUCRE. 17 5. — Végétation de la canne à sucre. Les graines de la canne à sucre étant absolument inferüules, on n’emploie que le bouturage pour la reproduction et la multiplication de l'espèce. | Les tronçons ou boutures proviennent, soit du corps de la canne, soit de la partie supérieure de la tige encore entourée de feuilles vertes et appelée {éle à canne. Dès le début de la végétation, ces deux boutures spéciales présen- tent quelques légères différences que nous examinerons plus tard en parlant de la plantation. Pour l'instant, nous nous occuperons du dé- veloppement de la bouture lorsqu'elle est placée dans des conditions favorables à l'accroissement du bourgeon ou œil. Plaçons un morceau de canne pourvu de 3 ou 4 yeux bien confor- més dans une terre meuble et suffisamment humide. Au bout de quatre à cinq jours, l'œil ou bourgeon augmente de volume, puis les petites feuilles paraissent, après avoir percé les enveloppes écail- leuses qui les abritaient ; quelques jours après ou en même temps, chaque petit point blanchâtre visible à la périphérie du nœud émet ‘de petites racines très déliées qui s’'enfoncent dans le sol. Le bour- geon produit une petite tige qui, à son tour, émet, par sa base, des racines plus vigoureuses que les précédentes ; alors les radicelles du nœud qui ne sont pas insérées sur la nouvelle pousse deviennent inutiles et disparaissent bientôt. La portion de canne enterrée se décompose également, après avoir fourni à la Jeune plante les ali- ments dont elle avait besoin avant qu’elle puisse les puiser elle- même dans le sol. Dans des conditions normales, l’apparition de la jeune tige a lieu généralement avant la sortie des radicelles du nœud; cependant il n’est pas rare de la voir se développer en même temps ou même quelques jours après. L'émission des racines par la périphérie du nœud s’observe fré- quemment sur la canne debout et en pleme végétation, lorsque les feuilles desséchées restent adhérentes à la tige par leurs gaînes ; alors, si la saison est pluvieuse, l'humidité entretenue par ces feuilles ANN. SCIENCE AGRON. — 1886. — 1. 2 13 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. est suffisante pour faire sortir toutes ces petites racines qui forment un bourrelet plus ou moins volumineux autour du nœud. Elles se développent encore toutes les fois qu’une canne s'incline et vient reposer sur le sol; dans ce cas, des racines naissent de tous les nœuds en contact avec la terre humide et la canne se marcotte naturellement. Wray, dans son Manuel du planteur de canne à sucre, prétend que les racines du nœud sont d’une indispensabilité absolue pour le développement de la jeune tige, et que si on les coupe au fur et à mesure de leur apparition, les pousses ne peuvent acquérir assez de force pour pourvoir elles-mêmes à leur alimentation et que bientôt elles périssent. M. Reynoso a entrepris à Cuba les expériences suivantes pour dé- montrer que si ces racines peuvent être d’une certaine utilité, elles sont loin d’être indispensables : 1° On sème, dans de la bagasse pourrie, plusieurs tronçons de canne. Au bout de quelques jours, on coupe toute l'écorce du nœud qui soutient les racines, on replace la bouture en terre et on obtient des rejetons vigoureux. Ce premier essai démontre déjà qu'à partir d’un certain moment, les racines ne sont plus indispensables. % De quelques-unes des boutures précédentes, on détache soi- gneusement le tendre bourgeon avec un canif; on le plante et il continue à pousser. 3° On enlève l'écorce du nœud avant de planter; les rejetons se développent néanmoins. Dans ces essais, on ne peut point objecter que les sels nutritifs du sol ont pu pénétrer par la portion de la canne dénudée d’écorce, car ce serait confondre, au point de vue de l’absorption, une racine avec un tissu végétal ordinaire ; de l’eau seule a pu être absorbée. Ces racines qui, suivant M. Reynoso, qnt pour principales fonc- tons de fournir l’eau nécessaire à la végétation, ne sont même point nécessaires, ainsi que le prouvent les essais suivants : 1° On fait germer la canne dans des milieux stériles, amiante, coton, brique et verre pulvérisés, etc., en ne lui fournissant que de l’eau ; en outre, pour éviter l'influence du milieu qui peut four- nir quelques substances minérales, on suspend des bouts de canne LA CULTURE DE LA CANNE A SUCRE. 19 dans une forme à sucre couverte, au fond de laquelle on a placé une éponge mouillée ; dans toutes les conditions, on à obtenu la pousse des rejetons. 2% Après avoir enlevé l'écorce du nœud, on a recouvert la blessure avec de la cire fondue ; les tronçons plantés donnent également des rejetons comme les boutures pourvues de racines. 3° Sans enlever l'écorce, on recouvre le nœud de cire fondue ; mais alors les racines traversent l'obstacle avec une étonnante régu- larité, et il faut, pour s'opposer à leur passage, entourer le nœud de plusieurs couches de sparadrap recouvert lui-même de cire fondue; dans ce cas, on obtient le développement de la bouture sans Pappa- rilion d'aucune racine. Ces essais très intéressants démontrent que la canne, comme les autres plantes, n’exige pour germer que de l’eau, de la chaleur et de l'air, et que, si les racines du nœud peuvent être utiles, elles ne sont nullement mdispensables. Pendant que nous parlons des essais de M. Reynoso, nous citerons encore ceux qui ont eu pour but de démontrer que les matériaux contenus dans la bouture ne sont pas indispensables en totalité au développement du bourgeon, et qu'une très faible partie seulement suffit pour permettre sa végétation. Une canne est divisée de la façon suivante : 1° Les sections passent par le milieu de deux mérithalles conti- ous de façon à ne conserver qu'un bourgeon avec la moitié d’un mérithalle en dessus et l’autre moitié en dessous ; 90 La section supérieure passe par le milieu de l’entre-nœud et l’inférieure par la ligne qui marque l'insertion de la feuille ; % Contrairement à la précédente, en dessous du nœud, la section passe au milieu de l’entre-nœud, et en dessus au niveau supérieur de la ligne de points qui indique l’origine des races ; 4 Avec beaucoup de soin, on fait passer une section par la ligne su- périeure de points el l'autre par l'insertion de la feuille de façon à ne conserver qu'une rondelle ne comprenant que l'épaisseur du nœud. Dans tous les cas, avec des précautions suffisantes, les bourgeons naissent et arrivent à leur complet développement. M. Reynoso a répété ces essais en coupant la canne verticalement 20 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. et en enlevant presque entièrement la portion de canne adhérente à l'œil; mais'en poussant l'opération jusqu'à ses dernières limites, il arrive un moment où le bourgeon ne se développe plus; ou, s'il végèle, c’est avec une vigueur d'autant moins grande que la pravi- sion d'aliments est plus réduite. Au point de vue absolu, l'œil n’a donc besoin que d’une faible proportion des éléments contenus dans Ja bouture ; et avec des soins minutieux, on arrive à faire pousser des bourgeons qui ne sont pour ainsi dire qu'adhérents à une partie de l'écorce. Au point de vue pratique, nous voyons que le bourgeon pousse avec d'autant plus de vigueur qu'il a plus d’aliments à sa disposition et qu'il est d'autant plus débile que la partie de la canne qui le nourrit est plus réduite. Si le rejeton naît chétif et qu’on le place dans des circonstances ex- ceptionnellement avantageuses, il peut végéter, mais 1l ne donnera jamais un produit aussi abondant qu’un rejeton vigoureux et bien constitué dès sa sortie de la bouture. Dans des conditions normales de culture, il subira davantage l'influence des circonstances défavo- rables et sera plus exposé à périr. Pour tirer parti de rejetons qui naissent chétifs, il faudrait réu- nir toutes les conditions de terrain, de soins, etc., les plus favora- bles à leur végétation, circonstances qui ne se rencontrent jamais entièrement dans une exploitation ordinaire, et dans laquelle une bonne bouture sera toujours d’une indispensable nécessité pour as- surer l'avenir des plantations. Après la description des recherches faites par M. Reynoso, reve- nons à notre bouture. Au bout de 10 ou 15 jours, chaque œil a donné un bourgeon qui apparait à la surface du sol ; à la base de ce premier bourgeon, il en nait bientôt une série d’autres en nombre d’autant plus consi- dérable que la terre est plus meuble et plus fertile. Les nœuds sont très rapprochés les uns des autres sur la partie souterraine de la tige, et chacun d’eux donne naissance à un rejet qui peut à son tour en émettre d’autres ; de sorte que jusqu’à un certain point, le nombre des pousses n’est limité que par la fertilité du terrain et l’espacement qu’on laisse entre les plants. LA CULTURE DE LA CANNE A SUCRE. Pr | Une fois les rejets sortis de terre, on doit chercher à obtenir une pousse vigoureuse et sans interruption jusqu’au moment de la ré- colte. Lorsque la végétation a été régulière, les entre-nœuds possèdent tous à peu près la même longueur et la canne est sensiblement cylindrique sur toute son étendue ; mais quand elle devient languis- sante par la sécheresse ou par toute autre cause, les nœuds sont rapprochés les uns des autres et la tige devient ligneuse. Cependant, à la base de la canne, les entre-nœuds sont toujours plus courts, puis ils atteignent une longueur de 8 à 12 centimètres qu'ils conservent jusqu’au dernier moment. À mesure que la canne se développe, son écorce durcit; de blan- che qu’elle était, abritée par les feuilles vertes, elle devient d’abord verte, puis elle prend cette teinte jaune orangé qui est un des signes de la maturité. En même temps, les feuilles se dessèchent et se déta- chent peu à peu de la tige qui n’en conserve généralement qu'une dizaine à son sommet. Lorsque la feuille se dessèche, la canne a acquis son maximum de développement depuis la base jusqu’à la première feuille verte ; elle ne grossit et ne s’allonge plus jusqu’à la récolte, on ne remarquera plus dans la tige qu’une modification dans la couleur de son écorce et une augmentation dans sa richesse saccharine. Si, pendant la formation des premiers nœuds, la canne périclite, ceux-ci restent petits et rapprochés les uns des autres. Si, plus tard, la végétation reprend une nouvelle vigueur, soit par l'apport d'engrais, soit par les pluies, suivant la cause qui a déter- miné l'arrêt dans la croissance, la tige recommence à produire des entre-nœuds plus allongés et plus volumineux ; mais la circulation de la sève, dans le tissu lignifié des nœuds, est plus difficile et le rendement final s’en trouve toujours diminué. Ge résultat s’observe souvent sur les habitations où l’on a l'habitude de fumer trop tardi- vement et quand les tiges sont déjà cannées. La marche des saisons a toujours une grande influence sur le dé- veloppement de la canne, et la végétation, luxuriante pendant les pluies, se ralentit quand la saison sèche et froide commence à se faire sentir; la tête, formée d’un moins grand nombre de feuilles, 22 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. reste plus courte et les entre-nœuds sont moins allongés. En même temps, la richesse saccharine des jus augmente et continuera de s’accroître jusqu’à la récolte, si des pluies accidentelles ne viennent pas donner une nouvelle activité à la végétation. ; Lorsque la canne doit fleurir, c’est également pendant la saison sèche qu’elle émet sa panicule. Toutes les cannes ne fleurissent pas et la quantité de fleurs qu’on observe varie avec l’année, l’âge des cannes et la marche de la végétation. A la Guadeloupe, c’est de novembre à janvier qu'elles apparais- sent, c’est-à-dire deux ou trois mois après que les grandes pluies ont cessé. À la Réunion, les cannes fleurissent également après la saison pluvieuse et c’est en mai que le phénomène se produit. Les fleurs sont toujours plus abondantes dans les rejetons que dans les cannes plantées ‘, et d'autant moins nombreuses que la végé- tation a été plus vigoureuse à toutes les périodes de l'existence de la plante. La floraison exige, pour se produire, un ralentissement plus ou moins prononcé dans la circulation des fluides séveux, et si la vé- gétation est vigoureuse, l'œil terminal de la tige continue à pro- duire des entre-nœuds au lieu de se transformer en bourgeon flo- rifère. Dans une pièce de cannes, une faible partie des tiges seulement émet une panicule fleurie, et sur la même souche on rencontre des tiges fleuries et d’autres qui ne le sont point. De toutes façons, cette production, bien qu’elle décore très agréa- blement les plantations, est loin d’être pour le planteur un motif de satisfaction ; car, soit que la floraison survienne dans des conditions normales, soit qu’elle soit la conséquence d’une végétation souffre- teuse, elle est toujours l'indice de l'arrêt complet dans le développe- ment de la canne, qui reste stationnaire à partir de ce moment-là. Le bourgeon terminal qui devait continuer l'accroissement de la 1. La canne récoltée une première fois repousse chaque année des rejets qui-sont coupés de 12 en 12 mois pendant une série d'années d'autant plus longue que le ter- rain est plus fertile et la culture plus soignée. On appelle cannes plantées les cannes de la première récolte; premiers rejetons celles de la seconde, deuxièmes rejetons celles de la troisième, etc. ete. LA CULTURE DE LA CANNE A SUCRE. 25 canne en longueur a disparu, il a produit la flèche qui se dessèche au bout d’une quinzaine de jours et qui tombe avec les feuilles qui l’en- veloppaient. Alors les bourgeons les plus voisins du sommet poussent des re- jets qui entretiennent la végétation jusqu'à la récolte ; tandis que les cannes qui n’ont pas fléché continuent à produire des entre-nœuds. Les fleurs apparaissent environ deux mois avant la récolle, il s’en- suit naturellement un arrêt de même durée dans l’accroissement de la plante ; les tiges qui ne sont pas fleuries continuent à s’accroître jusqu’au moment de la coupe. La floraison diminue légèrement le rendement, mais en général le nombre des fleurs est relativement restreint et le proverbe espa- gnol: «année de fleurs, année de ruine » (año de quin, año de ruin), nous semble exagéré. Les dimensions que peuvent atteindre les cannes varient suivant les variétés et la nature du terrain où elles sont cultivées. A la Gua- deloupe, on considère comme bonne canne moyenne une tige qui mesure de 2,50 à 3 mètres de longueur sur 3 centimètres de dia- mètre, possédant des entre-nœuds de 8 à 12 centimètres de longueur et pesant de 0*,750 à 1 kilogr. le mètre courant. On en remarque, il est vrai, de 4 à à mètres de longueur et dont le mêtre courant pèse 1x,950 et même davantage. À Cuba, suivant M. Reynoso, leur longueur peut varier de 4 à 8 mètres, et le mètre, qui pèse en moyenne de 1 kilogr. à 4x,9250 , atteint quelquefois un poids de 1*,500 et même 1*,700. Dans cette colonie, nous avons vu des plantations splendides, mais il nous a semblé qu'en moyenne les récoltes de la Guadeloupe n'avaient rien à envier à celles de Cuba. Il est nécessaire d’ajouter que dans cette dernière colonie, les cultures sont généralement peu soignées et que, si on fournissait à la canne les engrais en usage à la Guade- loupe, on obtiendrait évidemment des résultats bien supérieurs. Avant de terminer ce qui est relatif à la végétation de la canne, nous devons indiquer ce qu’on entend par cannes créoles ou cannes à cochons. Quelque temps avant la récolte et lorsque la canne a bientôt atteint sa complète maturité, 1l arrive parfois que des bour- ceons souterrains se développent et émettent des rejets d’une grande 24 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. vigueur. Ces rejets, appelés cannes créoles, ne peuvent jamais mûrir avant la récolte, faute de temps ; leur écorce reste verte et les jus qu'ils fournissent sont aqueux et contiennent peu de sucre, mais beau- coup de glucose. On les remarque surtout quand des pluies 8ur- viennent, alors que la végétation de la canne est déjà ralentie ; dans ce cas, les liquides séveux ne pouvant plus être utilisés en totalité par les grandes cannes, font développer quelques veux souterrains dont les pousses ne peuvent être utilisées dans la fabrication. Les cannes créoles atteignent de fortes dimensions et nous en avons vu qui mesuraient jusqu'à 21 centimètres de circonférence sur 30 centimètres seulement de longueur de tige. 6. — Des terres propres à la canne à sucre. Au point de vue absolu, la canne végèête plus ou moins bien dans tous les sols si elle reçoit des soins et des fumures en rapport avec ses besoins; mais elle demande une terre franche, profonde, ni trop humide ni trop sèche, pour se développer vigoureusement et pour fournir des jus riches en sucre. Les propriétés physiques du sol sont au moins aussi importantes que sa composition chimique, et si on ne peut l’irriguer pendant la saison sèche, sa fraicheur na- turelle sera un des principaux facteurs de la production. La nature de la terre la plus favorable à la canne varie avee le climat. Avec les pluies abondantes, le sol devra être léger et perméable ; si elles sont rares, une terre trop légère se desséchera rapidement et la végétation y sera rabougrie ; la canne n’y périra point, mais au lieu de donner des tiges volumineuses, riches en jus, elle produira de petites tiges sèches, dures et ligneuses. Cette distinction entre les terres fortes et les terres légères, sui- vant la quantité d’eau qui leur est distribuée, est importante, car on cultive la canne sous des climats qui fournissent annuellement de 1 à o ou 6 mètres d’eau. Avec un climat relativement sec, une terre forte donnera de bons produits si les pluies y sont réparties uniformément, mais une terre sablonneuse ne produira que des cannes rabougries. LA CULTURE DE LA CANNE A SUCRE. 25 Avec des pluies de 5 à 6 mètres, une terre sablonneuse s’égouttant facilement, pourra donner d’abondantes récoltes avec une consom- mation d'engrais évidemment supérieure. Dans les mêmes circonstances, une terre argileuse, surtout si elle est située en plaine, sera constamment saturée d’une eau stagnante qui empêchera l’aération du sol ; les cannes s’y développeront péni- blement, et leurs racines s’y décomposeront peu à peu en entrai- nant la mort de la souche. Les terres de la Guadeloupe sont argilo-siliceuses, mais générale- ment avec un excès d'argile qui les rapproche des terres argileuses proprement dites. Lorsque la prédominance de l'argile n’est pas exa- sérée, elles forment d'excellentes terres à cannes, à la condition, toutefois, de ne pas être situées dans des bas-fonds difficiles à assainir. Quand leur compacité est excessive, les façons culturales y de- viennent d’une exécution difficile. Si la saison est pluvieuse et que l'évacuation des eaux ait été négligée, ces terres restent gorgées d’une eau immobile, et les matières organiques du sol, entrant en fermentation, entraînent la désorganisation des racines. Les tissus de la canne s’altérent, deviennent rougeâtres, puis se décomposent com- plètement. La récolte est non seulement perdue, mais les souches pourrissent également et on est obligé de les remplacer en grand nombre. Lorsque l’année n’est pas trop pluvieuse, ou bien lorsque ces terres sont bien égouttées, elles donnent de bonnes récoltes ; mais avec un sol de cetle nature, on ne saurait trop prendre de précau- tions pour que l’eau ne séjourne pas au pied des souches et il faut planter moins profondément et rabattre les sillons de bonne heure. La plantation doit être également plus espacée afin que Pair puisse largement circuler dans toutes les parties de la pièce. L’ameublissement des terres argileuses est difficile dans les pays chauds, où l’on n’a point, comme dans les climats plus septentrio- naux, l’aide de la gelée pour briser les mottes et les pulvériser, et on ne peut compter que sur les alternatives de pluie et de soleil qui finissent par désagréger les blocs d'argile soulevés par la charrue. Leur pulvérisation ne peut être obtenue que par des moyens méca- niques fort peu usités dans les colonies. 26 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Les terres légères et sablonneuses donnent également de très bonnes cannes, sucrées ; mais elles sont plus disposées à la séche- resse; et pendant les années sèches, elles donnent des cannes petites, ligneuses, et leur rendement est peu élevé. Si la nature du sol le permet, une plantation plus profonde donne de bons ré- sultats. Certaines terres d’alluvions produisent une végétation luxuriante quand l’année est suffisamment humide. On obtient des cannes de toute beauté, mais très aqueuses, et qui fournissent au moulin un jus abondant et peu sucré. Il est à remarquer, et nous y reviendrons plus tard, que pour que la canne puisse élaborer convenablement les sues qu’elle a absorbés et produire des jus d’une grande richesse saccharine, il est indispen- sable qu'elle éprouve, avant la récolte, un ralentissement dans sa croissance ; et toutes les fois que la végétation se continue d’une façon anormale au delà du terme moyen, soit à cause des pluies qui surviennent d’une façon inopportune, soit parce que les engrais ont été appliqués tardivement, soit enfin parce que le terrain est pourvu d’une trop grande quantité d'éléments fertilisants, les cannes dont la végétation au point de vue du développement ne laisse rien à dé- sirer, fournissent de déplorables résultats au point de vue Imdus- triel. Cette végétation fougueuse se remarque généralement sur les, terres neuves, toutes les fois que celles-ci sont constituées par des alluvions riches en matières organiques telles qu'on les rencontre dans les bas-fonds. Les terres en morne' nouvellement défrichées ne donnent point cette végétation exubérante, parce qu’elles sont moins riches et plus sèches. Les terres en morne de la Guadeloupe, qui renferment toujours des débris calcaires grossiers, produisent de bonnes récoltes toutes les fois que la couche arable a suffisamment d'épaisseur ; elles n'ont pas à souffrir de lexcès d’eau pendant les années pluvieuses et elles 1. On appelle mornes toutes les petites collines et monticules dont la Grande-Terre est parsemée, LA CULTURE DE LA CANNE A SUCRE. 27 produisent des cannes d’une grande richesse saccharine. Par contre, elles rendent beaucoup moins pendant les années sèches, surtout si les souches sont trop éloignées les unes des autres. Dans toutes ces terres plus ou moins calcaires, les cannes four- nissent un jus très sucré et lorsque la couche arable est profonde et l’année humide, elles n’ont rien à envier aux meilleures terres des bas-fonds. Une propriété qui ne possède que des terres d’une seule nature peut faire, suivant l’année, une bonne ou une mauvaise récolte ; tandis que si les plantations sont faites sur des sols de nature diffé- rente, la production est plus régulière et l’exploitation se trouve dans de meilleures conditions. En résumé, ainsi que nous l’avons déjà signalé en parlant du cli- mat, la saison, ou plutôt la répartition des pluies est pour beaucoup dans l’obtention d’un bon rendement de la canne au point de vue agricole et industriel. Toutes choses égales d’ailleurs, un terrain léger sans excès, ar- oilo-calcaire, donnera des cannes d’une plus grande richesse saccha- rine qu'une terre plus argileuse pourvue de détritus végétaux, mais le rendement cultural sera généralement moins abondant. Si les pluies sont suffisantes et réparties convenablement, les rendements seront excellents et pour le cultivateur et pour le fabri- cant. Si l’année est très humide, l'avantage restera aux terres légères en pente ; tandis que si elle est sèche, les cannes y souffriront beau- coup et donneront des tiges rabougries et ligneuses. Avec de l'irrigation et des terres perméables on obtiendrait de la canne des résultats à peu près constants et élevés ; car on pourrait régler la végétation pour ainsi dire à volonté, et la conduire de façon à obtenir le maximum de rendement cultural et industriel en développant le volume de la canne et la production herbacée dans les premiers temps de sa croissance et sans intermittence jusqu’au moment où elle doit élaborer les sucs qu’elle a primitivement ab- sorbés. 28 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Composition des sols de la Guadeloupe. La composition des diverses terres de la Guadeloupe est indiquée par le tableau suivant, qui représente les principales analyses faites au laboratoire de la Station agronomique, de 1878 à 1885. Pour l'analyse, les terres sont passées au tamis de 4 millimètre ; elles n’ont généralement donné qu’un lot insignifiant de gravier. L'attaque de la terre fine a été faite par acide azotique à chaud jusqu’à complète oxydation des matières organiques. Le signe (») indique les dosages qui manquent. AIME Ë ÉD 818 5 ñ ä aE= | as # a a A 2e | 8 © A D E a & SEE E ‘a E A UE ENS e < © DZ | DS < 2 = 2 = A2 5 N 4e |L4as x e a © dE F D = < E 5 (e] 4 © = * = Ê [el & CA CT] F4 = CR a SUR LA = E] ESRSESESNEEEENE ŒEMEEESCSRS TENDUE DEUMTETS GLEN MS ALLIER (COMMMMTES RP CS ENRENNINE CENT ES EME EEE 1 17.410|12.640 » 0.128 | 0.128 | 0.694! 0.788 | 0.032 | 0.144| 6.460! 61.636 2 S1 18.360 111.360 » 0.078 | 0.076 | 0.840! 0.712 » » 7.200! 61.374 6) de ô 10.150|13.380| 0.180 | 0.082 0 0.450| 0.182 | 0.025 | 0.074 |12.518| 63.139 4: 13.990116.320| 0.258 | 0.115 0 1.145) 0.758 | 0.021 | 0.088 |15.285| 52.005 On » » 0.182 | 0.200 » 0.800! 0.268 | 0.112 » 23.600 (Me 4.900/21.800! 0.108 | 0.107 | 0.010 | 0.084| 0.021 | 0.016 » 17.963 te . 9.870|23.030| 0.158 | 0.146 | 0.010 | 0.061| 0.015 | 0.015 » 13.524 8 . 5.300|117.850| 0.151 | 0.112! 0.013 | 0.112| 0.060 | 0.029 » 16.638 Ge 9.250|21.550| 0.144| 0.140 » 0.045! 0.054! 0.017 » 17.050 LD 12.900!14.850| 0.298 | 0.180 | 0.062 | 0.100! 0.640 | 0.017 | 0.100 |17.070| 54.081 LAS 10.230|12.110 » 0.112 | 0.016 | 0.085, 0.392 | 0.024 | 0.192 |18.308| 58.531 1200... 242690) 19.820 » 0.291 | 0.050 [19.360 | 0.525 | 0.059 | 0.078 | 9.520| 31.673 13 21.200|12.390 » 0.030 0 0.100! 0.256 | 0.012 | 0.016 | 4.860| 61.136 145 ..125.100112:730 » 0.028 0 Traces. | 0.136 | 0.020 | 0.064! 4.590| 57.332 15 19.450|16.300! 0.380 | 0.240 | Traces. | 0.274] 0.290 | 0.061 | 0.068 |24.000 16 S . . .|21.160 ) 0.206 | 0.110 » 0.050 » 0.012 » 20.110 17 8.810| 6.880! 0.168 | 0.077 | 0.123 | 0.136| 0.064 | 0.041 » 12.903 18 . . . .|20.360116.610| 0.530 | 0.199 | 0.252 | 0.022| 0.200 | 0.041 » 10.781 195 17.280|16.100| 0.058 | 0.064 | 0.025 | 0.053| 0.034 | 0.024 » 15.496 20 . . . .|20.150| 8.500| 0.216 | 0.192 | 0.027 | 0.672| 0.120 | 0.052 » 13.440 215 . 12.530| 6.400! 0.155 | 0.186 | 0.069 | 0.907! 0.102 | 0.049 » 15.264 FRERE 7.110| 7.520 » 0.124 | 0.061 | 0.173| 0.328 | 0.111 » 11.316| 73.257 D3IDRE » » » 0.064 0 0.072 » 0.035 » 12.906 1.S (Sous-sol). Les échantillons compris sous les n° { à 12 proviennent de la Grande-Terre, dont la base est constituée par un massif calcaire ; LA CULTURE DE ,LA CANNE A SUCRE. 29 néanmoins, à l’exception du n° 12 provenant d’unjardin des environs de la Pointe-à-Pître, ils contiennent généralement très peu de cette assise sur laquelle ils reposent. On y trouve des débris calcaires plus ou moins volumineux prove- nant du sous-sol, mais qui, en raison de leur grosseur, ne font point partie de la couche arable proprement dite, et sont plutôt un élé- ment en dehors de sa constitution. | Sur les terres élevées de la Grande-Terre, l'élément calcaire est plus abondant et dans uñ plus grand état de division; néanmoins, sa Proportion est toujours très faible et les terrains calcaires sont une exception à la Guadeloupe. Les n° 13 à 23 comprennent les terres de la Guadeloupe pro- prement dite, c’est-à-dire de la partie montagneuse et volcanique de l’île. Les n* 18 à 22 proviennent de terrains plantés en café ; le n° 22 représente la composition moyenne des terres de l’île de Saint-Martin et le n° 23 celle du sous-sol de la majeure par- tie des terres volcaniques. Ce sous-sol conserve encore la texture des roches auxquelles il doit son origine ; sa décomposition est néan- moins assez avancée pour qu'il puisse être facilement pulvérisé par des moyens mécaniques ordinaires ; on le connaît généralement sous le nom de matari. La terre de Saint-Martin (n° 22) est plus riche en potasse que tous les autres échantillons. Cette île, autrefois couverte de champs de cannes à sucre, a dû, pour des raisons économiques malheureuse- ment trop fréquentes dans les colonies, cesser complètement cette culture ; et les terres abandonnées à une végétation spontanée, ont été converties en pâturages depuis de nombreuses années. C’est à cette circonstance que nous attribuons principalement leur richesse relative en potasse. Les divers échantillons précédents ont été prélevés dans les lo- calités suivantes : OPA LT Qi, OR SAT TAC OIS SAS, GAULLE UNS PAU RSAMIEE= ANNE RSR CRE SE NOUTC: DR te ee ec CL UANAI: CREER LE 2 ei . APN EADYiNES: INR OR 2 NAT A aibointe-à-Pitre: 30 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Les terres des Abymes (Grande-Terre) présentent beaucoup d’ana- logie, au point de vue de l’origine, avec celles de la Guadeloupe pro- prement dite; elles renferment comme elles des rognons d’oxvde de fer et des cristaux de quartz, mais elles sont plus argileuses et'ont plus de consistance : LONCL LS AE NE PR AE Re AT ATEN UN L'HACLATIG ERNST RE EE. CA DESIETTES LEE Lee de te te Del tee ee Re M DA SSE TENTE LRO NN US MEN BR TS ia 22 Marigot (Saint-Martin) 23 Petit-Bourg. Tous ces sols présentent une grande uniformité dans leur compo- sition. ; L’azote, en quantité relativement considérable, ne descend pas au-dessous de 0.108 p. 400. La potasse v existe en faible proportion, de 0,012 à 0.050 en moyenne, sauf quelques rares exceptions, et cette pénurie se re- marque aussi bien dans les terres d’origine volcanique que dans les autres. L’acide phosphorique subit de plus grandes variations, et si quel- ques terres en sont abondamment pourvues, 1l en est d’autres, sur- tout dans les terrains volcaniques, qui en manquent presque com- plètement. L'élément calcaire existe partout en faible proportion, même dans les terres d’alluvions reposant sur les roches madréporiques de la Grande-Terre, d’où il est facile de le retirer et de le restituer au sol qui en manque presque totalement dans sa partie impalpable. La magnésie vient, jusqu’à un certain point, suppléer à ce manque de chaux; et dans quelques terrains cet élément, qui entre en pro- portion notable dans la constitution de la canne, y existe en quantité supérieure à celle de la chaux. A la Réunion, d’après M. Delteil, les bonnes terres à cannes ont la composition suivante : LA CULTURE DE LA CANNE A SUCRE. 31 1 2 3 4 5 Matières volatiles au rouge. 208 DMTI0 76 17.91 2450750 Azote . 0.30 0.18 O2 0.20 0.19 Potasse. . Rd LUE: 0.58 210 0.53 0.52 0.67 ACITENPDROSPNOrIqUE .. … æ =... 0.04 0.36 0.04 0.06 0.08 Chaux. : : 0535 1.56 1.06 0.36 0.18 MASNES CRE MEMUDENEAN TL Lit 070201797 3.03 0.51 0.03 Becoxvderdenreretalumine 144021 40480020 222021070020 17802920 Résidu insoluble dans les acides. . . 35.91 62.90 55.52 53.68 52.06 Elles ont toujours donné d’abondantes récoltes d'une grande ri- chesse saccharine avec le concours de l'irrigation et de bons engrais. La Réunion étant d’origine volcanique comme les Antilles, il n’est pas étonnant que le calcaire n’y existe qu’en proportion légèrement supérieure à celle contenue dans les sols de la Guadeloupe. Sauf dans la terre n° 2, l’acide phosphorique s’y trouve générale- ment en moins grande quantité; mais en revanche on y rencontre de la potasse dans des proportions inconnues à la Guadeloupe; elle atteint 2.10 p. 100 dans la terre la plus riche. Malgré la teneur considérable des terres de la Guadeloupe en oxydes de fer et d’alumine (maximum 2% p. 100), on en trouve en- core davantage à la Réunion, où elle va jusqu’à 40 p. 100 d’après les chiffres précédents. A la Martinique, une bonne terre à cannes analysée par M. Rouf a fourni la composition centésimale suivante : Acide phosphorique. . 0.243 Potasse 0.111 Chaux. 12295 Magnésie. . 0.150 Oxyde de fer . D. 016 Alumine . 1.315 Azote . 0.211 Dans cette analyse, l'attaque de la terre a été faite par l’eau ré- gale; mais néanmoins les résultats obtenus se rapprochent beaucoup de ceux constatés à la Guadeloupe en attaquant simplement la terre par l'acide azotique. © LD ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. 7. — Préparation du sol. Défrichement. ‘ Le défrichement proprement dif est une opération dont l’impor- tance diminue de jour en jour dans les colonies où, à part quelques rares exceptions, toutes les terres les plus favorables à la canne ont été déjà soumises à la culture. Les défrichements actuels se font généralement sur des terres abandonnées depuis plusieurs années et qui ont été envahies par une végélation ligneuse composée, suivant les terrains, d’acacias, de campêches, goyaviers, etc. La valeur des terres basses encore couvertes de forêts est parfois considérable, et la fertilité accumulée depuis de longues années par la végétation forestière permet d'y obtenir une série de récoltes luxuriantes ; mais les terres hautes ou couvertes de broussailles ne contiennent souvent qu'une fable réserve d'éléments fertilisants bientôt épuisés, si on ne les cultive point avec les mêmes soins que les terrains depuis longtemps en culture. Le défrichement est une opération toujours très coûteuse, et à moins de terres profondes, fertiles et bien situées, il serait souvent plus avantageux de consacrer le prix qu'il coûte à l'amélioration et à l'amendement des plantations déjà existantes. La valeur du bois provenant du défrichement peut être assez élevée pour qu’on en puisse tenir compte dans certaines localités ; mais à la Guadeloupe, il n’a aucune valeur sur pied et lorsqu'il est abattu et façonné, son prix relativement élevé ne représente que le coût de la main-d'œuvre dépensée. Lorsqu'on défriche, les gros bois sont mis de côté pour être em- ployés comme combustible ou bois d'œuvre, et toutes les branches et menus bois sont brûlés sur place pour en débarrasser le terrain. Parfois, afin de diminuer le prix de revient du défrichement, on laisse Les gros arbres sur pied en les coupant à 1 mêtre de hauteur environ, puis on plante les boutures. Après avoir obtenu quelques récoltes, on arrache les souches alors qu’elles sont déjà à moitié décomposées, ce qui rend leur extraction beaucoup plus facile. Généralement, le terrain à mettre en culture ne contient que des LA CULTURE DE LA CANNE A SUCRE. 99 broussailles parsemées d’arbres plus où moins volumineux. Ces ar- bustes sont souvent épineux (acacias, campêches, etc.) et les ouvriers exposés à se blesser ou à se déchirer travaillent très lentement lorsqu'il s’agit de les couper et de les mettre en tas pour les brüler. Il convient d'opérer de la façon suivante : Les broussailles et arbustes de petite taille sont coupés ou déracinés et laissés sur le terrain sans qu’on prenne la peine de les déplacer et de les mettre en tas ; on a seulement le soin de les faire tomber les uns sur les autres et dans le même sens ; les gros arbres sont laissés intacts, et on continue ainsi jusqu'à l'extrémité du terrain à défri- cher. Au bout de quelques jours et quand les feuilles et les petites branches sont assez sèches, on y met le feu ; toutes les herbes et les branchages se consument et il ne reste sur le sol que les plus gros bois dépourvus de leurs brindilles et de leurs épines ou aiguillons, et qu'on amoncèle ensuite pour les brüler à leur tour. De cette façon, l'opération marche plus rapidement ; car le terrain ayant été déblayé par le feu, les ouvriers qui vont toujours nu-pieds y circulent beaucoup plus facilement. On enlève ensuite toutes les pierres disséminées sur le sol et on répand uniformément toutes les cendres provenant de la combustion des broussailles ; cet épandage doit se faire avant les pluies afin que les sels alcalins solubles se trouvent répartis régulièrement sur toute la surface de la pièce. Si le terrain à défricher ne porte point de grands végétaux ligneux, on n'aura qu'à couper les parties les plus touffues des plantes qui y croissent, et lorsque celles-ci seront sèches, on les brülera. La destruction des matières organiques par le feu est souvent une faute ; mais dans le cas de mise en culture d’un terrain, cette mé- thode a l’avantage de détruire du même coup tous les insectes et les graines qui pourraient plus tard envahir la plantation. Nous savons que la matière organique contenue dans les terres est le principal élément de leur fertilité, et que lorsqu'elle est épuisée par un système de culture défectueux, il est beaucoup plus difficile de la remplacer que de reconstituer leur richesse minérale si celle-ci venait à s’épuiser de la même façon. Il faut donc être très prudent ANN. SCIENCE AGRON. — 1886. — 1. 3 2}, 3. ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. et très réservé pour toutes les opérations qui peuvent la détruire et ne les exécuter que si elles doivent procurer, d’autre part, des avan- tages sérieux. La destruction des herbes adventices qui envahissent les cultures sous les climats tropicaux peut être poursuivie à ce prix. Après le défrichement, la richesse parfois considérable du sol en matières organiques s’épuise plus rapidement dans les climats chauds que dans les pays froids par suite des fermentations et des décom- positions plus actives qui s’y accomplissent ; mais dans la culture de la canne, il est facile, non seulement de conserver cette richesse, mais encore de l’augmenter en raison de la masse de débris végétaux que cette plante laisse chaque année sur le sol. On peut évaluer en moyenne cette quantité à 10000 ou 15 000 kilogr. de matière sèche par hectare, si on abandonne toutes les feuilles et sommités et qu'on n’enlève du terrain que la canne proprement dite pour être manufacturée. La richesse du sol en humus ne doit donc pas s’épuiser avec la culture rationnelle de la canne à sucre. Le terrain parfaitement nettoyé des bois et des pierres qui l’en- combraient, est divisé en pièces d’une plus ou moins grande super- ficie, séparées par des lisières ou chemins assez larges pour que les véhicules puissent y circuler avec facilité. À la Guadeloupe, on donne aux pièces ainsi délimitées la valeur d’un hectare (un carré), et, à Cuba, elle varie de 4 à 5 hectares. Cette division présente les avantages suivants : Elle facilite la surveillance de toutes les plantations et établit des chemins pour le transport des engrais et de la récolte. Elle permet de combattre plus- facilement les incendies qui se déclarent parfois dans les cannes, soit accidentellement, soit par malveillance. L’incendie est d'autant plus difficile à éteindre et cause d'autant plus de ravages que les feuilles sèches existent dans les cannes en plus grande quantité et que la sécheresse est plus intense. À la Guadeloupe, on se rend assez facilement maître du feu, etilest rare qu'il se propage d’une pièce à une autre et qu'on ne puisse pas l'arrêter à la lisière de la pièce où il s’est déclaré. Il n’en est pas de même partout, et à Cuba, soit que la sécheresse y soit plus à crain- dre, soit que la surveillance y soit moins active, les incendies dé- LA CULTURE DE LA CANNE A SUCRE. 39 vastent souvent des étendues considérables de terrain et durent par- fois plusieurs jours Les lisières sont donc indispensables et Le terrain qu’on y consacre n’est point perdu. Elles doivent être assez rapprochées les unes des autres pour que les charrettes n’aient pas besoin de pénétrer dans les pièces lorsque le terrain est détrempé par les pluies; c’est pourquoi, au lieu de découper la plantation en carrés de 100 mètres de côté, il vaudrait mieux leur donner une largeur moindre et une plus grande lon- gueur tout en leur conservant la même superficie. On peut donner aux lisières qui servent de passage et qui abou- tissent à un chemin d'exploitation une largeur de 6 à 7 mètres, mais pour celles qui séparent seulement les pièces et qui ne servent qu’à leur débardage sans donner accès à des terrains plus éloignés, elle peut être réduite à 3 ou 4 mètres, c’est-à-dire, à la moitié de la largeur des lignes principales. Par les temps pluvieux, les dégâts causés aux souches par les roues des charrettes sont considérables, et il faut, en cas de néces- sité, pouvoir charger les véhicules sans les faire pénétrer dans la pièce. Le premier labour donné sur un terrain en friche est toujours pé- nible pour les attelages. La marche de la charrue est à chaque ins- tant entravée, soit par les racines qui restent dans le sol et qu’on a pu exürper en totalité, soit par des pierres plus ou moins volu- mineuses dont on ne soupçonne l'existence que lorsque le soc de la charrue vient à les rencontrer. Cette première façon exige, avec un attelage vigoureux et bien dressé, un laboureur intelligent, afin de fare un travail convenable et de ne point forcer les animaux quand la charrue rencontre un obstacie qu’elle ne peut vaincre. Deux la- bours croisés avant le sillonnage sont nécessaires pour que la terre puisse s’aérer et s’ameublir suffisamment, et les blocs plus ou moins volumineux enlevés par le premier labour doivent être désagrégés avant de donner la seconde façon. Le terrain peut s’ameublir par deux Bbbtine répétés coup sur coup, mais il s'améliore très peu sous l'influence des agents atmos- phériques. Il faut donc préparer les terres plusieurs mois avant 36 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. l’époque de la plantaion et laisser entre chaque labour un temps suffisant pour qu'elles puissent profiter de cette action bienfaisante ; le premier labour se donne aussitôt que les attelages sont dispo- mibles. ° A la Guadeloupe, on est presque toujours en retard pour la prépa- ration des terres, et cela tient beaucoup à la lenteur désespérante des attelages. Il faut de 7 à 8 jours pour labourer un hectare, et ce temps pourrait être facilement abrégé de moitié, si les animaux étaient bien conduits et s'ils recevaient une nourriture et des soins convenables. Cette lenteur est en outre cause que les labours sont rarement faits au moment le plus opportun et quand ils pourraient s’exécuter convenablement ; et on laboure par tous les temps, aussi bien quand la terre est trop sèche que lorsqu'elle est trop humide. Dans le pre- mier cas, les mottes se soulèvent sans se désagréger etle labour est pé- mble et difficile ; mais quand la terre est trop mouillée, les animaux enfoncent dans le sol détrempé et le piétinent, la charrue retourne des bandes de terre compacte qui deviennent d’une dureté incom- parable aussitôt que le soleil les a desséchées ; et, comme la désa- grégation à l’aide d'instruments appropriés n’est point pratiquée, 1l faut attendre plusieurs mois avant qu’elle se produise naturelle- ment sous l'influence alternative de la pluie et du soleil. Ces labours à contretemps ont moins d’inconvénients dans les terres légères, et l’époque pendant laquelle on peut les travailler convenablement est de plus longue durée ; mais dans les terres argi- leuses des bas-fonds, le moment favorable est quelquefois très court, et il importe d’avoir de bons attelages, afin de pouvoir les labourer rapidement alors qu’elles ne sont ni trop sèches ni trop humides. Ïl serait bon de donner le premier labour à la profondeur normale, mais si on craint de ne pouvoir l’exécuter dans de bonnes conditions avec les attelages dont on dispose, on le donne à une profondeur moindre, et la seconde façon seulement attaquera la couche arable dans toute son épaisseur. Pendant ces deux labours, la charrue sera suivie par un homme porteur d’un coutelas et d’une pioche ; et toutes les fois que la char- rue rencontrera une brusque résistance, on arrêtera l’attelage et on LA CULTURE DE LA CANNE A SUCRE. oi coupera la racine ou on enlêvera la pierre plus ou moins volumi- neuse qui s'oppose à la marche de l'instrument. La profondeur du labour dépendra de la nature du sous-sol, mais on peut dire généralement qu'à la Guadeloupe elle ne peut être trop considérable. À part de rares exceptions, l'épaisseur de la couche attaquée par les mstruments aratoires pourrait être augmemiée avec de grands avantages et sans qu’il en puisse résulter aucun incon- vénient. Nous ne parlons pas en ce moment de la profondeur de la plantation, mais simplement de la profondeur du labour à plat et non de celle des sillons destinés à recevoir le plant. On se méprend généralement sur l'épaisseur de la couche arable attaquée par la charrue dans un labour ordinaire, et on la croit tou- jours plus considérable qu'elle ne l'est en réalité. La profondeur réelle des labours à la Guadeloupe ne dépasse guëre 15 à 20 centi- mètres et on pourrait avantageusement la porter dans presque tous les cas à 2 ou 50 centimètres. Les attelages étant peu vigoureux, on à toujours tendance à diminuer la pénétration de la charrue afin de les soulager. Les labours profonds sont d’autant plus indiqués, lors de la pré- paration du terrain, qu'ils ne seront plus possibles lorsque la canne sera plantée, et que pendant les cinq ou six années qu’elle restera sur le terrain, elle ne recevra que des façons plus ou moins super- ficielles. Si le sous-sol était de nature infertile, 1l faudrait procéder aux la- bours profonds avec beaucoup de précautions, et n’augmenter que progressivement l'épaisseur de la couche arable; dans ce cas, on pourrait également ameublir le sous-sol sans le ramener à la surface. Ce procédé donnerait toujours une plus grande épaisseur de terre meuble et il n’en pourrait résulter que des avantages. Lorsqu'on exécute le dernier labour à plat avant le sillonnage, nous ne saurions trop recommander de faire suivre la charrue d’une fouilleuse pour défoncer Le sous-sol sans le ramener à la surface sur une profondeur de 25 à 30 centimètres. Le sous-sol serait ainsi ameubli sur toute son étendue et les résultats bien supérieurs à ceux qu'on obtient par le simple passage de la fouilleuse entre les billons formés pour la plantation. 38 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. L'’ameublissement de la couche arable et du sous-sol modifierait complètement les résultats qu’on obtient aujourd’hui dans la culture de la canne à sucre, et il faut avoir vu planter les boutures comme on le fait généralement, dans une terre durcie et compacte qui Wa jamais été remuée et ameublie, pour se rendre compte des avan- tages d’une culture plus soignée et plus rationnelle. Du reste, cette question est si importante, et les travaux de la- bourage et d’ameublissement des terres généralement si délaissés et si mal exécutés quand on les emploie, que nous y reviendrons plus tard avec quelques détails”. 8. — De la plantation. Époque. On sait que dans les contrées tropicales, si la végétation subit quelquefois un ralentissement plus ou moins accentué, suivant la sai- son, elle n’éprouve jamais un arrêt complet; et pendant toute l’an- née les fluides séveux circulent dans les végétaux avec plus ou moins d'activité. On peut donc planter là canne pendant toute l’année, mais la re- prise des boutures est plus ou moins certaine, suivant la rareté .ou l'abondance des pluies qui surviennent après cette opération. Nous avons vu que l’année tropicale pouvait se diviser en saison pluvieuse et en saison sèche; et quoique la répartition des pluies ne soit pas toujours bien régulière et qu’elle subisse d’une année à l'autre de profondes modifications qui viennent jeter la perturbation dans les prévisions agricoles, il n’en faut pas moins répartir les tra- vaux de culture suivant que les pluies sont plus ou moins probables, Les périodes alternatives d'humidité et de sécheresse donnent à la végétation en général, et à celle de la canne en particulier, une allure dont il faut tenir compte pour tous les travaux de culture ou de fabrication. Ces derniers, principalement, doivent se faire rapidement et pen- dant que la canne possède son maximum de richesse saccharine. Ce 1. Voir note, Ameublissement du sol. LA CULTURE DE LA CANNE A SUCRE. 39 maximum se produit toujours dans les Antilles, quelle que soit l'épo- que de Ja plantation, du mois de février au mois de mai, c’est-à-dire à la fin de la période de sécheresse et avant la saison chaude et-plu- vieuse. La plantation doit donc s’exécuter en temps utile pour que la canne puisse acquérir son maximum de développement avant l’épo- que de la récolte. Lorsque les cannes sont arrivées au terme de leur croissance, et surtout si l’année est humide, les tissus se décomposent lentement et les jus s’altèrent; en outre, de la base des tiges s’élancent des rejets vigoureux qui épuisent la souche inutilement, car en raison même de leur vigueur et de leur âge, ils n’arrivent jamais à un état de maturation suffisant pour qu'on puisse les utiliser en fabrica- tion. Il faut donc qu'il s'écoule un temps normal entre la plantation et la récolte, et un excès dans un sens ou dans l’autre ne produit que des résultats déplorables. Autrefois, la récolte durait presque toute l’année, de novembre à juillet ou août et même davantage; mais alors on était mal outillé pour la fabrication qui trainait en longueur; chaque propriétaire faisait son sucre comme il V’entendait et suivant les moyens dont il disposait; tandis qu'aujourd'hui l'élévation des dépenses de ceul- ture et la réduction des bénéfices ont rendu nécessaires de pro- fondes modifications aussi bien dans la culture que dans l’industrie, et on doit arriver à faire la récolte aussi rapidement que possible et pendant que la canne est à son maximum de richesse. L'époque de la plantation est donc subordonnée à celle de la ré- colte, et à ce moment la canne doit être arrivée à son maximum de développement. Dans les climats chauds, avec de l'irrigation, on pourrait toujours planter au moment le plus opportun, mais lés terres irriguées formant l’exception, la pluie ou la sécheresse peut faire varier dans de grandes limites le moment le plus favorable à la réussite de la plantation. Aux Antilles et à la Guadeloupe en particulier, l’époque à laquelle on procède aux plantations peut se diviser en deux saisons prinei- pales : celle de grande culture qui comprend les plantations faites 40 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. du mois de septembre au mois de février, puis celle de petite culture qui peut aller jusqu’en mai et Juin. Ces diverses plantations étagées pendant une durée de 8 mois en- viron font partie de la même récolte et seront coupées à la même époque, c’est-à-dire à des âges bien différents. Les plantations de petite culture se font à l’époque de la récolte, et il est très facile de se procurer les boutures nécessaires pour les exécuter; mais cette question étant mise de côté pour un instant, voyons quels sont les avantages respectifs des deux méthodes. Il suffira de les énumérer pour se rendre compte que les inconvénients de la plantation en petite culture sont généralement des avantages pour celle de grande culture, et vice versa. Une des principales préoccupations de la culture coloniale, est celle de se procurer de la main-d'œuvre en quantité suffisante pour exécuter en temps opportun tous les travaux d’une habitation. La pénurie de bras, pendant la récolte, est toujours la cause de pertes plus où moins considérables. Tout le monde est occupé plus ou moins directement à la fabrication; la coupe et le transport des cannes absorbent tout le personnel, de sorte que les jeunes planta- tions souffrent et périssent en partie parce qu'il est impossible de les fumer et de les sarcler en temps utile. Si à ce moment on délourne encore des ouvriers pour procéder à de nouvelles plantations, la pénurie de bras se fait sentir davan- tage. À la fin de l’année, c’est-à-dire à l’époque des plantations en grande culture, les bras, sans être trop abondants, sont suffisants pour les travaux courants qui se font dans de bien meilleures con- ditions, car lorsqu'on se hâte trop pour faire un travail, on apporte peu de soins à son exécution. Les plantations en petite culture faites de bonne heure, en mars et avril, profitent bientôt des pluies de l’hivernage ; elles poussent avec assez de vigueur si on a eu le temps de les fumer pendant la récolte, ce qui n’est pas toujours possible ; mais si, après l’hivernage, la sécheresse survient de bonne heure, le développement s'arrête, les cannes qui ont déjà ligé souffrent beaucoup et en somme le résultat final est.loin d’être avantageux. Néanmoins, si l’année est humide et que de petites pluies permettent à la végétation de se maintenir, les LA CULTURE DE LA CANNE A SUCRE. 41 cannes de petite culture peuvent encore donner une bonne récolte au bout de 12 à 13 mois si elles ont été placées dans un bon sol convenablement amendé et fumé. Les plantations exécutées plus tard, fin mai ou juin, n'arrivent qu'exceptionnellement à fournir un résultat passable, surtout si elles sont faites sur des terres pauvres ou mal préparées. Les cannes de grande culture, à l’inverse des précédentes, ont une végétation plus difficile dans les premiers mois, mais elles s’enra- cinent facilement si l’arrière-saison n’est pas trop sèche. Plus tard, à l’époque de la récolte, elles reçoivent de petites pluies qui entre- tiennent la végétation; puis, aux premières pluies de l'hivernage, elles végètent vigoureusement, et en quelques mois elles atteignent leur développement normal. A cette époque, elles n’ont plus rien à craindre de la sécheresse, car ce sont des cannes faites qui donneront toujours un rendement satisfaisant. Cependant, lorsque l’année est pluvieuse, et que les cannes de grande culture ont été plantées trop tôt, en septembre par exemple, il est à craindre de les voir arriver au terme de leur croissance trop longtemps avant la récolte ; alors quelques tiges tournent, c’est- àa-dire qu’elles s’altèrent et occasionnent un déficit plus ou moins important. Dans les terres fertiles, 1l faudra donc retarder les plantations jusqu’en novembre et décembre ; mais comme l’excès de fertilité est un défaut très rare, on n’aura pas souvent cet inconvénient à redou- ter, qui du reste ne se produira point si l’année est sèche. Ainsi donc, en règle générale, les plantations de grande culture sont supérieures à celles de petite culture, el pour entreprendre fructueusement ces dernières, 1l faut pouvoir compter sur un con- cours de circonstances qui se rencontre rarement. Les cannes de petite culture ne restent sur le sol qu'un an, et comme nous le disions, si elles donnent, par une année favorable, des résuliats égaux à celles de grande culture, il arrive fréquemment que, même en les réservant pour les derniers jours de la fabrication, elles sont encore si petites qu’on hésite avant de les faire couper. On pourrait, dans ce dernier cas, les laisser pour la prochaine ré- colle et les couper en février suivant au plus tard ; mais alors, l’ac- 42 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. cident que nous signalions pour les cannes de grande culture plan- tées trop hativement dans de bonnes terres se reproduit ici avec plus d’intensité, et au moment de la coupe on trouve tellement de cannes fermentées et complètement décomposées qu’il reste parfois la moitié de la récolte sur le terrain. Get accident est naturellement d'autant plus important que l’année à été plus humide. Dans des conditions normales, l'avantage restera toujours aux plantations de grande culture ; et si, exécutées trop tôt, elles offrent quelques inconvénients, il est facile de les retarder suivant que la pluie ou la sécheresse est probable et suivant la fertilité du sol. On peut encore faire de la petite culture hâtive, c’est-à-dire dans les premiers mois de l’année ; mais, à moins de circonstances excep- tionnelles, on doit rejeter absolument les plantations exécutées trop tardivement et qui sont ou trop jeunes pour la prochaine récolte ou trop âgées pour attendre la suivante. L'avantage incontestable des cannes de grande culture ne doit pas faire proscrire celles de petite culture, et dans une exploitation bien organisée et pour parer à toutes les éventualités, ces deux cultures doivent être menées de front. Les plantations faites à diverses époques régularisent la produc- tion, et suivant que les circonstances favorisent les unes ou les au- tres, on sera toujours assuré d’avoir de bonnes cannes plantées. En résumé, nous dirons donc : 1l sera prudent de faire autant de cannes de grande culture qu’on le pourra, c’est un travail qui sera fait ; et, si le manque de temps, la nature du solou les circonstances atmosphériques ne permettent point de les exécuter, ne pas dépas- ser les premiers mois de l’année pour terminer complètement les plantations. | Les plantations de grande culture réussissent généralement, tandis que celles de petite culture réussissent rarement ; aussi les Cubains disent avec raison : «Les semis de froid (septembre à décembre) sont ceux qui relèvent les usines. » À Cuba, on distingue les plantations de frio, commencement de septembre à fin décembre; de medio liempo, de fin décembre à la mi-avril ; de primavera, de la mi-avril à la mi-juin. LA CULTURE DE LA CANNE A SUCRE. 43 Choix du plant. Nous avons déjà cité quelques expériences de M. Reynoso qui peuvent se résumer dans les termes suivants : En plaçant des boutures dans d'excellentes conditions de terrain (ameublissement et fertilité), d'humidité et de chaleur, on peut obte- nir un bon produit, même lorsque ces boutures sont réduites à leur plus simple expression; mais qu’alors elles sont plus exposées à souffrir des influences défavorables qu’on rencontre dans des con- ditions normales de culture, et que dans ce dernier cas les rejets naissent débiles et sont exposés à périr ; qu’en résumé la végétation est d'autant plus vigoureuse que le bourgeon est plus développé et que la nourriture qu’il puise dans la bouture plus abondante. . On doit donc prendre du plant sur des cannes vigoureuses afin de placer la nouvelle plante dans les conditions les plus avantageuses pour sa réussite future. Les boutures se préparent soit en coupant la canne en tronçons ainsi que cela se pratique généralement à Cuba, soit en employant la téle à canne, c’est-à-dire l’extrémité supérieure de la tige entourée de feuilles vertes, ainsi que cela a lieu dans presque toutes les au- tres colonies. La tête à canne ne pouvant être employée pour la fabrication, il à été très naturel de chércher par économie à l’utiliser pour la plan- tation. Cette économie est réelle, et il est facile de calculer qu'en rem- plaçant à la Guadeloupe la bouture de tête par la bouture de corps, il faudrait à raison de 8 000 plants à l'hectare et de 50 centimètres par bouture, environ 3 000 kilogr. de bonnes cannes. Si on doublait les plants, ainsi que cela se pratique fréquemment, on arriverait à une dépense de 6 000 kilogr. de cannes. À Cuba, on compte au moins sur 8 000 kilogr. à l’hectare. Malgré ce surcroît de dépenses résultant de l'emploi du corps de la canne, cette méthode peut rendre de grands services pour les plantations de grande culture qui se font avant la récolte et à une époque où il est quelquefois difficile de se procurer des têtes de cannes en quantité suffisante. 44 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Quand l’époque de la plantation coincide avec celle de la fabrica- tion, on choisit le plant dans les meilleures pièces en récolte et ayant produit des cannes vigoureuses et bien développées. Le plant est prélevé sur des cannes bien mûres et jamais sur des tiges en pleine végétation ou ayant fléché. Nous avons déjà vu que la tête, allongée sur la canne en pleine végétation diminuait de longueur lorsqu'elle était arrivée à maturité complète. Dans la première, les derniers nœuds sont plus éloignés les uns des autres, ils sont plus aqueux et plus tendres ; les bourgeons sont à peine développéset, placés dans le sol, ils sont plus exposés à pour- rir ou à se dessécher ; dans tous les cas, ils ne donneront naissance qu’à des pousses de peu de vitalité et quisuccomberont facilement si la saison leur est défavorable. l Dans les cannes müres, au contraire, la végétation est station- naire ; l'extrémité supérieure ne s’allonge que très lentement ; les nœuds sont plus rapprochés et l’action lente et continue de la sève nourrit et développe les bourgeons supérieurs qui, lors de la plan- tation, se trouvent dans des conditions bien autrement avantageuses que les précédentes. à Une simple observation suffit pour se rendre compte de cette dif- férence dans la constitution des bourgeons. Prenons, à l’époque de la récolte, une canné dont la végétation est en pleine activité ; nous voyons que les veux du tiers inférieur sont globuleux, détachés de la tige et bien développés, mais à mesure qu’on se rapproche de la tête ils deviennent de plus en plus petits et aplatis. Si nous examinons à côté, une canne dont la végétation est ralen- tie depuis quelque temps, nous remarquons que les bourgeons supé- rieurs ont pris un accroissement considérable ; l'activité végétale n'étant plus employée à l’élongation de la tige s’est concentrée dans les bourgeons supérieurs qui sont aussi développés que ceux de la partie inférieure, et dans lesquels se trouve accumulée une réserve de nourriture que le jeune rejet pourra utiliser. Cette modification dans la constitution des yeux ou bourgeons su- périeurs d’une plante est un fait qui peut s’observer sur tous les LA CULTURE DE LA CANNE A SUCRE. 45 végétaux, et pour la canne, il suffit de nouer la tête ou de suppri- mer l'extrémité des feuilles pour que les derniers bourgeons se dé- veloppent et s’arrondissent peu de temps après. Si cette opération est faite plus énergiquement ou si elle est renouvelée, les bour- geons supérieurs ne tardent pas à donner naissance à des rejets vi- goureux. Il est facile de concevoir, par ces quelques explications, l’avanta- geuse influence qu’exercera sur l’avenir de la plantation le choix judicieux d’un plant vigoureux et bien conslitué, tel qu'on le rencontre sur des cannes vigoureuses et arrivées à maturation Com- plète. Les plants de tête pris sur des cannes fléchées ou devant flécher, doivent être proscrits d’une façon absolue, à moins alors de prélever Ja bouture en dessous des feuilles vertes, ce qui revient à faire du plant avec le corps de la canne. Lorsqu'on coupe des cannes dont les têtes doivent servir de plants, il ne faut pas craindre d’y laisser un ou deux nœuds qui à la rigueur pourraient être envoyés au moulin, et il est préférable de les couper un peu plus bas qu’on ne le fait d'habitude. Quand on coupe trop haut, on ne conserve dans le plant que la partie la plus tendre, la plus herbacée dont les bourgeons sont à peine constitués, et il sera exposé à se dessécher complètement ou à pourrir suivant que la plantation aura été faite par une saison sèche ou pluvieuse. C’est une économie bien mal placée, que celle qui se fait sur les dimensions et la qualité du plant. En préparant le plant, il est utile de faire passer la section qui le limite à la partie supérieure en dessous du bourgeon terminal de la tige. Quand le plant est mis en terre avec ce bourgeon supérieur, celui-ci se développe immédiatement, et la bouture dont l’activité végétale se manifeste aussitôt, est peut-être moins exposée à pourrir dans les terrains humides ; néanmoins, ce bourgeon ne fournit ja- mais une bonne canne, et son rapide développement nuit à la sortie des bourgeons axillaires qui seuls fournissent des rejets vigoureux pouvant s’enraciner dans le sol. Lorsque l’œil terminal est supprimé, tous les bourgeons se déve- loppent en même temps; et il est plus avantageux de remplacer 46 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. deux ou trois plants que de s’exposer à obtenir une mauvaise pousse de tous les rejets. Si la conservation du bourgeon terminal peut of- frir quelques avantages dans certains cas spéciaux, cette pratique est en général plus nuisible qu’utile. Quand les plantations s’exécutent pendant la récolte, c’est-à-dire du mois de janvier au mois de mai, on trouve du plant en abon- dance dans les pièces ; mais il est quelquefois difficile de s’en procu- rer pour les plantations de grande culture qui se font troisou quatre mois avant la coupe. Une quinzaine de jours avant la récolte, on peut prendre le plant sur les pièces qui doivent être coupées ; mais on ne peut songer à ce moyen s'il doit s’écouler quelques mois entre ces deux opéra- tions. Dans ce cas, on le prend généralement sur de vieux rejetons aban- donnés ; mais alors, sa qualité laisse beaucoup à désirer, car les cannes sont vieilles et peu vigoureuses. Les nœuds, plus rapprochés les uns des autres, peuvent faciliter la reprise en plaçant dans le sol un plus grand nombre de bourgeons, mais en revanche, ces bou- tures provenant de cannes dont la végétation est languissante, don- nent toujours naissance à des rejets moins vigoureux. Les plants rachitiques produisent de faibles rejets, et en choisis- sant dans la même pièce des plants petits et des plants vigoureux, puis en les plaçant dans les mêmes conditions, on s’apercevra facile - ment, au bout de quelques mois, de la différence que présentera leur végétation. Dans ies exploitations où les cannes de grande culture ont une certaine importance, il serait préférable de sacrifier une pièce de deuxièmes rejetons par exemple, et d'employer toute la canne à la confection des boutures ainsi que cela se pratique à Cuba. Les boutures de corps ne sont pas employées à la Guadeloupe, mais elles pourraient cependant y rendre de grands services. Nous avons essayé ce mode de plantation, d’abord en plaçant les boutures de la:même façon que les plants de tête, puis en couchant la canne entière au fond du sillon, Dans le premier cas nous avons obtenu une pousse régulière, et plus lente au début que celle des boutures de tête, mais quelques mois après, les deux systèmes ne présentaient LA CULTURE DE LA CANNE A SUCRE. 47 point de différence appréciable. Dans le second cas, la canne étant couchée au fond du sillon, les rejets ne se sont point développés sur toute la longueur de la tige, et nous avons eu des vides assez nom- breux. Nous devons ajouter que cette plantation a été faite en mai, et que les boutures dé corps sont surtout avantageuses pour les plantations de grande culture. Depuis cette époque, nous avons visité les plantations de Cuba et pris connaissance des diverses expériences de M. Reynoso que nous indiquerons ici, afin de fournir quelques renseignements utiles aux planteurs qui voudraient essayer ce système très recommandable. Cette méthode n’est, du reste, pas une nouveauté à la Guadeloupe, puisque le père Labat en parlait en 1696 dans les termes suivants : « Les voisins ne se refusent jamais les uns aux autres des cannes € pour planter. Mais comme il faut du temps pour couper les bouts « de cannes et pour les amasser en paquets, celui qui en a besoin, « envoie ses nègres chez le voisin qui les lui donne, afin qu'ils ai- « dent aux siens à couper les cannes pour le moulin, et à accommo- « der ensuite les têtes pour planter. Je n’ai jamais voulu avoir cette « obligation à personne, quoique je ne refusasse pas ce service à « ceux qui me le demandaient ; mais quand j'avais besoin de plants, € Je faisais couper une pièce de cannes, étant persuadé que les têtes € de cannes plantées ne produisent jamais d’aussi belles cannes que « les tronçons que l’on coupe dans le corps de la canne, qui ayant « plus de suc et de sève, ont par conséquent plus de force pour € pousser des racines et des rejets gros et vigoureux. » M. Reynoso, après avoir relaté dans son ouvrage les essais dont nous avons déjà parlé, et qui démontrent que le bourgeon de cette plante peut se reproduire en restant adhérent seulement à une très faible partie de la tige, paraît craindre qu’on ne déduise de ses essais une fausse conclusion. Il revient fréquemment sur le danger de choisir de petites cannes pour les semis, en disant que le rejet provenant de pareilles tiges peut donner de bons résultats s’il est placé dans de bonnes conditions, mais qu’ils seront toujours moins satisfaisants que ceux obtenus de bonnes semences, et que la vigueur des reje- tons est proportionnelle à la quantité de nourriture contenue dans le plant, et en rapport avec la constitution de l'œil. 48 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. À mesure que les cannes se rapprochent de l’époque de leur ma- luration, elles présentent des bourgeons plus pleins et mieux nour- ris ; mais en même temps elles perdent de leur eau de végétation; les tissus se lignifient, et si on attend trop longtemps, le bouïgeon peut perdre de sa vitalité, et même finir par se dessécher complète- ment. I y a donc un point particulier de maturité à choisir lorsqu’on veut employer le corps de la canne pour préparer les boutures; et pour éclaircir cette question, M. Reynoso a entrepris les essais sui- vanls : On divise une canne de 25 nœuds, de façon à conserver à chaque plant un nœud et deux moitiés d’entre-nœud ; on les sème à la même profondeur dans de la bagasse pourrie, et on les numérote en commençant par ceux de la partie supérieure. À parür du huitième jour, les rejetons sortent de terre dans l’or- dre suivant : 1° 9 et 10. 6° 4, 5,8, 18, 20. 20 11, 14, 15. 7° 16, 17. 3° 22, 8° 3, 24, 95. 4° 12, 13. go 23. 5° 6. 10° 2. Les premiers bourgeons qui apparaissent sont ceux qui contien- nent une quantité suffisante d'humidité et qui en même temps sont parfaitement constitués ; les plus faibles de l'extrémité supérieure et ceux de la partie inférieure en partie lignifiée poussent les der- niers. Plusieurs cannes parfaitement développées, très müres et enso- leillées sont plantées entières et couchées au fond du sillon. L’émis- sion des rejets commence par l'extrémité supérieure, s’interrompt au milieu et recommence vers la partie inférieure des cannes ; celles- ci, arrachées, montrent que quelques-uns des yeux moyens commen- cent seulement à pousser. Cet essai indique que, dans les terrains secs ou simplement frais, il faut diviser la canne en tronçons ; parce que, s’il ne survient pas des pluies en temps opportun, les bourgeons moyens ne se dévelop- pent point ou poussent avec lenteur. LA CULTURE DE LA CANNE A SUCRE. 49 De divers autres semis exécutés comparativement avec des cannes entières ou tronçonnées en morceaux de plus en plus petits, M. Rey- noso déduit les conclusions suivantes : Pour la division de la canne en tronçons, il faut avoir égard à son âge et à ses dimensions, à la nature du terrain et à son état d’humi- dité, à la profondeur du semis, etc. Lorsque la canne est tendre, qu’en un mot elle n’est pas mûre, si sa tige n'offre pas de trop grandes dimensions, dans toutes les na- tures de terrain, il faut la semer entière, bien que cette façon d’opé- rer retarde quelque peu la naissance de certains veux. Si le terrain est frais, s’il se draine bien, on pourra diviser la canne en tronçons contenant chacun de 8 à 10 yeux. Si la canne est mûre et offre de grandes dimensions, il est important de toujours la diviser, Surtout si les terres sont sèches ou même simplement frai- : ches ; mais si elles sont basses et humides, d’assainissement difficile, les tronçons auront au moins un mèêtre de longueur si on ne sème pas des cannes entières et pas trop mûres. Dans les terrains humides et argileux, l'eau, en pénétrant par les extrémités de la bouture, peut faire pourrir les yeux qui en sont les plus rapprochés. Si, dans ces conditions, les tronçons sont trop petits, la décomposition peut s’avancer jusqu’au centre, et on est ex- posé à avoir une levée très irrégulière, surtout si la plantation a été faite à une trop grande profondeur. Dans ces terrains, il sera prudent de ne couper que les cannes courbes afin de pouvoir les étaler au fond du sillon ; tandis que dans les terrains secs ou frais, on pourra donner aux tronçons une lon- guer de 0",80 à 1 mètre, opération qui rendra la levée plus régu- lière et plus uniforme. Plantation à la charrue. Avant de procéder à la plantation proprement dite, il faut prépa- rer le terrain pour que les boutures y trouvent réunies toutes les conditions capables de favoriser leur développement. Dans une culture normale, la préparation du sol se fait avec la charrue, et ce n’est que dans des circonstances exceptionnelles que ANN. SCIENCE AGRON. — 188465. — 1. 4 Fm 10) ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. l’on doit avoir recours à la main-d'œuvre, d’un prix toujours plus élevé que le travail des animaux. Dans les colonies, les bras relativement abondants si on ne consi- dère que leur nombre absolu, sont toujours insuffisants si on tient compte de la qualité et de la quantité de travail qu’ils fournissent ; aussi, la population, bien qu’assez dense dans les petites Antilles, n°y fournit qu'une main-d'œuvre d’un prix de revient très élevé. On doit donc la remplacer par le travail des animaux toutes les fois que Ja substitution est possible. A la Réunion et à Maurice, il paraîtrait néanmoins qu’on peut en- core exécuter à bras d'hommes presque tous les travaux de culture et que la charrue n’y est employée qu'exceptionnellement. A la Gua- deloupe au contraire, sans la charrue on serait obligé d'abandonner presque toutes les terres cultivées actuellement. Sillonnage. — Le terrain étant parfaitement ameubli par des la- bours antérieurs et nettoyé de toutes les mauvaises herbes, on ouvre les sillons qui recevront les boutures. Cette préparation peut se faire suivant les cas, avec la charrue ordinaire ou avec la charrue à double versoir ou buttoir. Lorsque le terrain est léger et qu’il a été ameubli par les opéra- ons précédentes, la marche du buttoir est facile, et si d’un premier coup on ne peut atteindre la profondeur voulue, on revient avec Pinstrument dans le même sillon et ce second passage suffit pour le tracer avec une grande régularité. Mais dans les terres fortes et compactes, le buttoir ne peut être que d’un usage restreint et on emploie la charrue ordinaire. On se contente parfois d'ouvrir une profonde dérayure en allant et en revenant dans le même sillon, mais cette simple manœuvre qui peut suffire dans des terres propres et meubles, est loin d’être re- commandable lorsque le terrain a eu le temps de se tasser depuis le dernier labour ou que lameublissement antérieur n’a pas été com- plet; car le centre de l’ados ou du billon! formé n’est pas ameubli 1. À la Guadeloupe, on emploie rarement le mot billon; mais, pour éviter toute con- fusion, nous désignerons, comme d'habitude, par le mot sillon, la dérayure ouverte, et par billon ou ados, la terre qui se trouve amoncelée entre les sillons. LA CULTURE DE LA CANNE A SUCRE. 1 et il ne fournira qu'une terre compacte et non aérée pour recouvrir la bouture. Pour que l’action de la charrue se fasse sentir sur toutes les par- ties du sol, on commence, comme dans le premier cas, par ouvrir une double dérayure peu profonde à l'endroit où le billon doit être formé, en rejetant la terre à droite et à gauche ; puis en revenant une seconde fois sur ses pas, on le reprendra au moyen de deux traits de charrue par un labour plus profond pour former le billon sur la dérayure ouverte. En continuant à former l’ados et répéter la même manœuvre sur toute la largeur de la pièce, on aura formé des billons qui seront ameublis sur toute leur épaisseur. On peut ensuite compléter le travail de la charrue en passant le buttoir dans chaque dérayure, mais il est inutile d’y employer de la main-d'œuvre ainsi qu’on le fait sur certaines habitations, où des ouvriers relèvent à la main toutes les parcelles de terre tombées dans le sillon et taillent à droite et à gauche les parois de l’ados de de façon à obtenir une dérayure parfaitement nette et uniforme. On obtient évidemment un travail plus propre, mais 1l est d’autres opérations plus indispensables et qui réclament les bras dont on peut disposer. Le fond du sillon est généralement d’une grande dureté si on n’a pas défoncé préalablement le terrain, et c’est à le désagréger qu'il faut employer les bras disponibles ; car e’est là qu’on plantera la bou- ture et qu’elle émettra ses racines. Au lieu donc de nettoyer et d'enlever les moindres débris de terre tombés dans la dérayure, il faut immédiatement l’ameublir en y pas- sant une fouilleuse attelée de 4 ou 6 bœufs, suivant la profondeur à laquelle on veut pénétrer. Pour ce travail, on possède à la Guadeloupe un excellent instru- ment ; c’est la fouilleuse ordinaire ou fouilleur Bazin, composé de trois dents de scarificateur montées sur un bâti en bois ou en fer et qui ameublit le sous-sol en le laissant en place. Le seul reproche qu’on puisse lui adresser et auquel il est facile de remédier, c’est de ne pas avoir assez d’écartement entre les dents, de sorte que dans’ les terres un peu argileuses et humides elles tracent pour ainsi dire un sillon unique. 52 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Après le passage de la fouilleuse, il ne sera plus question de net- toyer la dérayure plus ou moins encombrée par la terre remuée par cet instrument ; celte terre se déltera, se pulvérisera et formera, avec celle qui tombera naturellement des parois du billon, une’cou- che ameublie et aéréce dans laquelle la bouture se développera avec vigueur. Pour produire de bons résultats, ce défoncement partiel sera exécuté, ainsi que le sillonnage, un ou deux mois avant la plantation. Direction des sillons. — Bien que dans les contrées tropicales, la lumière et la chaleur soient distribuées avec profusion, il ne faut pas oublier que les plantes qui y sont cultivées exigent plus de lumière et de calorique que celles des pays tempérés ; aussi, toutes les fois que la configuration du terrain le permettra, il sera bon de diriger les sillons du nord au sud. Gette orientation, bonne en principe, devra le plus souvent être modifiée pour des motifs plus importants que ceux qui la recommandent. Dans les terrains accidentés, cette direction sera indiquée par leur déchvité. Lorsque la pente sera faible et le terrain perméable, on pourra tracer les sillons dans le sens de la pente ; mais aussitôt que la décli- vité augmentera et surtout dans les terres peu perméables, il faudra les diriger perpendiculairement à cette ligne ou les incliner très lé- sérement dans la même direction. Avec des sillons tracés suivant le sens de la plus grande pente, pendant les grandes pluies, l’eau circulerait rapidement dans les dérayures comme à travers une canalisation ordinaire, et en passant de l'extrémité supérieure de la pièce à la partie inférieure, elle ravine- rait le terrain et entraînerait les engrais s'ils avaient déjà été employés. Si les sillons sont en travers de la pente ou légèrement inclinés, l’eau y circulera plus lentement, et celle qui tombera dans chaque sillon se déversera peu à peu dans les canaux d’asséchement qui en conduiront l'excès hors de la pièce. Profondeur des sillons. — La profondeur à donner aux sillons est, comme celle des labours, sous la dépendance de la nature du terrain, de sa perméabilité, des propriétés du sous-sol, etc, Plus le sol sera fertile, léger et perméable et plus la plantation LA CULTURE DE LA CANNE A SUCRE. 53 sera faite à une grande profondeur. Si le sous-sol est de mauvaise nature, il faudra planter plus supertficiellement, et pendant la végé- tation, butter les cannes pour augmenter l’épaisseur de la couche dans laquelle elles puisent leur nourriture. La canne émet facilement des racines par tous ses nœuds ; aussi, dans le cas d’une plantation trop profonde, au fur et à mesure qu’on remplit le sillon de terre, les racines inférieures privées d'air s’étio- lent et les nœuds supérieurs en émettent de nouvelles destinées à les remplacer. Ce remplacement donne toujours lieu à une pertur- bation quelconque dans la végétation qui ne peut être que défavo- rable au développement de la plante ; aussi, quoique la plantation trop profonde ne présente point toujours d’inconvénients bien appa- rents, il est prudent de les éviter en placant la bouture à une pro- fondeur normale. À la Guadeloupe, généralement on laboure trop superficiellement et on plante à une trop grande profondeur. En ouvrant le sillon, on ne doit pas perdre de vue qu’en opérant ainsi qu’on le fait habituellement, non seulement la bouture est placée à cetle profondeur quand le sillon est rabattu, mais encore qu’elle se trouve plantée en dessous de la limite mférieure de la dérayure. Si une profondeur de 30 centimètres est reconnue convenable lorsqu'on met le plant à plat sur le fond du sillon, la profondeur de celui-ci doit être diminuée quand on plante dans le même endroit au pieu ou à la houe, puisque les rejets auront à traverser également ces 30 centimètres de terre, et en plus la profondeur à laquelle la bouture est enterrée. La profondeur de 25 à 30 centimètres ne doit être dépassée que dans le cas de terres très légères, bien ameublies ou exposées à la sécheresse. Pour obtenir l’ameublissement du sol, on pourrait encore creuser le sillon plus profondément que cela n’est indispensable pour la plantation et le défoncer préalablement ; mais avant de placer les boutures, on y ferait tomber de la crête des billons la terre déjà désagrégée sous l'influence des agents atmosphériques, et dans la- quelle seulement la bouture serait plantée. Distance des lignes et des plants. — Un seul bourgeon de canne, 54. ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. placé dans les conditions les plus favorables peut fournir une magni- fique touffe de rejets par le développement et la pousse des bour- weons souterrains secondaires, tertiaires, etc. Les circonstances qui favorisent cette émission de rejets sont la fertilité, la fraicheur et l’état de division du terrain ; de sorte que plus les conditions de culture seront avantageuses pour la végétation de la canne, et plus on pourra augmenter l’espacement entre les lignes et les plants. je Si, au contraire, le terrain est sec, peu fertile, chaque bourgeon émettra un nombre restreint de tiges ; chaque touffe sera plus pau- vrement garnie de tiges plus grêles, et il faudra rapprocher davan- tage Les plants. Le nombre de boutures à mettre à l’hectare augmente en raison de la pauvreté du sol. Quand on observe deux plantations faites dans des sols de fertilité très différente, l’une dans une terre fertile, l’autre dans un sol pau- vre et mal préparé, on est frappé du développement que peuvent acquérir la touffe et chaque tige en particulier dans le premier cas, et de leur exiguilé dans le second. Si nous admettons des conditions égales de part et d’autre, pour deux plantations à des distances différentes, 1l est évident que les cannes trop rapprochées se gêneront et par leurs racines qui s’affa- meront mutuellement et par leurs parties foliacées qui ne recevront plus la lumière et l'air en quantité suffisante. Si elles sont trop dis- tantes les unes des autres, chacune d'elles arrivera au plus grand développement qu'elle sera susceptible d'acquérir ; mais 1l restera du terrain non utilisé, et, par contre, le rendement sera moins avantageux que dans le cas précédent. S'il est inutile de trop rapprocher les plants dans une terre fertile, il est dangereux de trop les espacer dans une terre sèche ou pauvre ; car le terrain non utilisé est envahi par les herbes adventices et les frais de sarelages sont plus élevés. Une fois la plantation exécutée, il n’est pas possible de remédier au mal soit en arrachant quelques souches si elles sont trop rappro- chées, soit en en replantant si elles sont trop espacées ; car on tom- berait forcément d’un excès dans l’autre. LA CULTURE DE LA CANNE A SUCRE. 55 Ce n’est que par la pratique et l’observation que lon peut fixer, pour des conditions déterminées, la distance la plus avantageuse à observer. A la Guadeloupe, les sillons sont espacés de 1",30 à 1,50 et les plants dans la ligne de 0,90 à 4 mètre environ ; c’est-à-dire qu'on place de 7 000 à 8 000 touffes à l’hectare. Dans les terrains secs et peu fertiles, dans les terres de morne, on peut encore rapprocher ces distances ; dans les terres fertiles et fraîches des bas-fonds, il faut au contraire les augmenter en évitant dans les deux cas une exagération toujours préjudiciable aux intérêts de l’habitant. Le préjudice causé par un grand écartement est toujours moins à craindre dans les terres fertiles ou bien fumées ; car alors chaque touffe, grâce à une végétation plus luxuriante, arrive à son maximum de développement. Dans de bonnes conditions de terrain et de fumure, nous avons obtenu les résultats suivants : : RENDEMENT A L'HECTARE. RENDEMENT NOMBRE ÉCARTEMENT. —_— 0 — ——— par de plants C. plantées. Rejetons. toufre. à l’hectare. Mètres. Kil. Kil. Kil. 2,00 sur 2,00 67 300 46 300 27 2 500 2,00 — 1,00 70 500 53 400 14 > 000 et dans une autre circonstance : 1,50 sur {1,50 57 800 43 100 13 4 400 MOD 00 57 800 43 700 9 6 600 1,50 — 0,75 59 900 46 400 7 8 800 La plantation à deux mètres est exagérée, et nous n’aurions pas obtenu ces résultats si l’année avait été sèche ou bien si le terrain avait été moins bien préparé. Néanmoins, cet essai indique que la canne peut se développer en raison de la fertilité du sol et de l'es- pace dont elle dispose, et que dans de semblables conditions on peut éspacer les plants sans inconvénients. La plantation à grande distance est toujours plus facilement en- vahie par les mauvaises herbes ; le sol est découvert sur une plus grande surface, et les cannes mettent plus longtemps avant de lom- 56 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. brager complètement et de s'opposer par conséquent à la pousse de l'herbe. La distance de 1",50 est suffisante pour le passage des instruments, houe à cheval, etc. ; si la nature du terrain l'exige, on peut rapprocher les plants dans la ligne jusqu'à obtenir une ligne continue de plants comme à Cuba; mais de cette manière il est certain que le terrain n’est pas aussi bien utilisé que lorsque les plants sont également espacés dans tous sens, et, pour atteindre complètement ce but, il faut planter en carré ou en quinconce ; de cette facon, chaque touffe peut étendre ses racines dans tous les sens, sans être gênée par ses voisines. La plantation en quinconce que quelques planteurs ont adoptée à la Guadeloupe possède également l'avantage de permettre le passage de la houe dans tous les sens une fois que les sillons sont rabattus. Canalisation. — Si la canne se plaît dans les terrains frais, c’est à la condition que l’eau circule facilement dans le sol et n'y soit jamais stagnante, Rien ne lui est aussi défavorable que le séjour dans une terre basse et marécageuse. Pendant la sécheresse, la végétation se ralentit, la canne se des- sèche en partie, mais meurt rarement ; tandis que dans l’eau sta- gnante, les racines se décomposent et entraînent rapidement la mort de la souche. Il est donc indispensable, avant de planter un terrain, de le découper par de larges saignées plus profondes que les sillons déjà ouverts. Ces canaux, peu nombreux dans les terres perméables et lécèrement en pente, seront profonds et rapprochés les uns des autres dans les terrains en plaine ou à déclivité très faible. / Leur nombre et leur direction dépendent essentiellement de la configuration du terrain, et ils seront toujours assez nombreux pour évacuer facilement les eaux pluviales de toutes les parties du terrain sans exception. Des petits canaux secondaires seront établis aux divers endroits où ils seront nécessaires, et les eaux réunies dans un canal principal seront conduites hors de la pièce. L’évacuation des eaux est une des grandes difficultés de la culture des terres fortes des bas-fonds, tant par suite de la disposition na- turelle du sol qu’en raison de l'abondance des pluies pendant lhi- vernage. LA CULTURE DE LA CANNE A SUCRE. 57 La nécessité de multiplier ces rigoles dans certaines terres aug- mente les frais de culture, et rend plus difficile l’exécution des facons culturales. L'eau ne doit séjourner à aucun prix dans les pièces. On voit cependant des terres bien canalisées qui ne laissent rien à désirer sous ce rapport, et où l’eau séjourne dans des canaux pleins à dé- border parce qu’on ne lui a pas ouvert une issue à travers les ter- rains environnan(s. Mise du plant en terre. — Les plants, choisis comme il a été indi- qué précédemment, sont transportés dans la pièce où une personne procède à un nouveau triage et à la préparation de la bouture, pré- paration qui consiste à retrancher avec un coutelas bien affilé les extrémités dont la coupe laisse à désirer. Il est inutile de faire passer la section immédiatement au-dessous du nœud inférieur; car s’il ne reste pas une certaine longueur de tige au-dessous du dernier bourgeon, ce dernier est généralement détruit par la fermentation qui à toujours lieu à l'extrémité du plant en contact avec la terre humide, et le nœud suivant seulement donne naissance à un rejet. On ne retranche une partie de l’entre-nœud que lorsque celui-ci est très allongé. On enlève à la main les feuilles externes qui se détachent facile- ment, mais il faut éviter de trop dépouiller le plant en enlevant les feuilles très adhérentes qui recouvrent des bourgeons faiblement constitués. Quelques praticiens n’utilisent le plant qu'après un ou deux jours de coupe lorsqu'il doit être employé dans des terres humides, et ils le laissent auparavant se dessécher un peu à l'air. Nous ne voyons pas trop les avantages de cette pratique certainement défectueuse, lorsqu'on plante des terres légères ou exposées à la sécheresse. Si la plantation ne peut se faire immédiatement après la coupe des boutures, on peut néanmoins les conserver quelque temps sans qu’elles perdent leur vitalité, et d’autant plus longtemps qu'elles sont moins aqueuses et proviennent de cannes müres ; dans ce cas, on les recouvre avec une quantité suffisante de feuilles pour éviter leur dessiccation. Les plants étant préparés, des femmes ou des enfants les trans- 58 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. portent avec des paniers et les déposent dans les sillons à l'endroit où 1ls doivent être placés. Les instruments employés habituellement pour faire le trou des- tiné à recevoir le plant sont la barre et le piquois. La barre est une tige en fer de trois centimètres environ de dia- mètre, pointue à une de ses extrémités que l’ouvrier enfonce au fond du sillon à la profondeur voulue par deux ou trois coups successifs. Un mouvement de bascule élargit le trou dans lequel on loge le plant, et un coup de barre est donné à côté de la bouture pour la consolider dans cette position. Le piquois est un pic à lame forte et étroite que l’ouvrier enfonce sous un angle de 45° environ; il opère un mouvement de bascule sur le manche, place la bouture dans le vide ainsi formé, puis il retire le piquois et tasse la terre avec le pied ou avec la tête de l'outil. La plantation est une opération généralement fort mal exécutée. Si l’ouvrier n’est pas surveillé, il prend rarement la peine de tasser la terre autour de la bouture, qui, au lieu d’être en contact intime avec le sol, est environnée de vides plus ou moins considérables qui hâteront la dessiccation du plant par la sécheresse et empêcheront sa reprise. D’autres fois, quand la terre est dure, la bouture n’est en- terrée que sur une longueur de 8 ou 10 centimètres, et si les entre- nœuds sont allongés, un seul nœud quelquefois se trouve en contact avec le sol. On observe souvent des plantations faites dans des conditions très défectueuses, et alors, on attribue, bien à tort, leur non réussite à des circonstances atmosphériques plus ou moins défavorables. Nous savons qu'il est impossible de surveiller individuellement chaque ouvrier ; mais comme le succès de l’entreprise dépend de la bonne exécution de la plantation, il est urgent de ne confier ce tra- vail qu'à des ouvriers intelligents et consciencieux. Dans les terres fortes et humides, la plantation au pieu ou à la barre doit être rejetée, car la terre se lisse et se tasse sous l’action de l'outil en prenant l'aspect pâteux de l'argile corroyée; la cavité pratiquée dans le sol représente un entonnoir dont les faces plaquées ne présentent aucune fissure pouvant offrir un passage aux délicates LA CULTURE DE LA CANNE A SUCRE. 59 racines du rejeton. S'il survient une sécheresse, le mal s'aggrave encore, car l'argile pétrie par la barre devient d’une dureté remar- quable, et oppose aux racines un obstacle encore plus impénétrable. Dans ces conditions, les boutures périront ou donneront des pousses chétives et de nul avenir. A ces inconvénients peuvent encore s’ajouter ceux qui résultent d’une plantation faite à une trop grande profondeur dans des terres argileuses. Si les sillons ont 30 centimètres de profondeur, et que la barre enterre la bouture à 20 centimètres, nous aurons une pro- fondeur totale de 50 centimètres pour les nœuds inférieurs ; profon- deur qui, dans une terre argileuse et compacte, s’opposera complè- tement à l’aération du sol et, par conséquent, à lexistence de la plante. A la Guadeloupe, l’ouvrier tenant toujours la barre verticale, 1l s'ensuit que la longueur de la partie enterrée de la bouture mesure exactement la profondeur de la plantation. Pour ces divers motifs, la barre ne doit être employée que dans les terres légères et perméables; elle doit être proscrite dans les terres fortes, surtout lorsque lessillons ont été tracés profondément. Dans tous les cas, si on plante à la barre, il faudra ouvrir les sillons plus superficiellement, même dans les terres légères. L'emploi du piquois, qui n’est qu'une houe à lame forte et étroite, est préférable pour plusieurs raisons. Il permet de placer la bouture dans une position inclinée, de sorte que les bourgeons inférieurs du plant seront situés à une moins grande profondeur et qu'ils se déve- lopperont plus facilement et plus régulièrement. La pénétration de la lame lisse moins le sol ; le mouvement de bascule que louvrier est obligé de faire pour ouvrir la petite fosse désagrège la terre qui doit recouvrir le plant et il sera plus facile de la tasser avec le pied de manière à obtenir son adhérence parfaite avec la bouture. Cette dernière opération laisse presque toujours beaucoup à dési- rer ; l’ouvrier ne met aucun amour-propre à la bonne exécution de son travail et à sa réussite ; etil ne prend aucune des précautions indispensables s’il n’est pas étroitement surveillé. Lorsque le fond du sillon n’a pas été ameubli à l’avance ainsi que nous l’avons recommandé, la plantation est d’une réussite incertaine ; 60 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. car il n’est pas possible de placer une bouture dans des conditions plus défavorables que celles qu’elle rencontre dans le sous-sol d’une terre argileuse qui n’a jamais élé aéré et désagrégé d’une manière ou d’une autre ; et si la canne ne possédait pas cette vitalité “mer- veilleuse qui la caractérise, linsuccès complet des plantations exé- cutées de cette façon serait à peu près certain, La force végétative de la bouture est remarquable, et lorsque des morceaux de canne sont abandonnés sur le sol, ils poussent des rejets et s’enracinent facilement, pourvu que quelques pluies vien- nent empêcher la dessiccation des jeunes organes. C’est cette facilité d’enracinement qui fait recommander à Wray de déposer simplement les boutures au fond du sillon et de ne les recouvrir de terre que lorsqu'elles ont déjà émis des tiges et des racines. Ce système, avantageux peut-être dans certains climats très humides, serait absolument défectueux dans la plupart des circons- tances ; mais si on ne doit pas déposer le plant à la surface du sol, il ne faut pas non plus l’enfouwr sous une trop grande épaisseur de terre que les rejets ne pourraient traverser que difficilement. En résumé, il est d’une nécessité absolue de placer la bouture au fond du sillon dans une couche de terre meuble, et de ne la recou- vrir que dela quantité indispensable pour empêcher sa dessiccation, quantité qui variera suivant l’état du sol, sa perméabilité, sa frai- cheur, et suivant l’arrivée plus ou moins probable des pluies. Au fur et à mesure de l'allongement des rejets, on augmentera l'épaisseur de la terre en rabattant les sillons. Pour constituer chaque souche, on place une ou deux boutures ; une seule est bien suffisante dans la plupart des cas, et on ne doit en mettre deux que si l’état du terrain ou la sécheresse fait prévoir une grande mortalité ; dans ce cas, on ne les met point côte à côte dans le même trou, mais on place chacune d’elles dans une fosse distincte et de chaque côté du sillon. Lorsqu'on ne plante pas en quinconce pour faciliter la marche des instruments aratoires dans tous les sens, il y aurait souvent avantage à ne placer qu’une bouture à chaque touffe et à leur donner moins d'écartement dans la ligne. Nous ne reviendrons point sur les avantages d’un ameublissement LA CULTURE DE LA CANNE A SUCRE. 61 parfait de la terre ; nous savons que cette amélioration est difficile à obtenir dans les terres argileuses, mais c’est précisément dans cette nature de sols qu’elle donnera les meilleurs résultats. Lorsqu'un seul labour suffit pour ameublir le terrain, c’est une preuve qu'il est friable par sa nature et que les racines des plantes pourront le pénétrer facilement ; mais, si par les temps humides, il se lisse sous l’action du versoir de la charrue, ou se soulève en blocs d'une grande dureté par la sécheresse, c’est alors que s'impose la “nécessité de préparer un milieu favorable où les jeunes racines des plantes pourront se développer librement. Pour exécuter ces opérations d’ameublissement, 1l importe de choisir le moment particulier où les Lerres argileuses, n1 trop hu- mides, ni trop sèches, se laissent travailler avec facilité. Si la pulvérisation de la terre n’est pas obtenue par des moyens mécaniques, il sera nécessaire d'ouvrir les sillons quelque temps à l'avance, afin que les agents atmosphériques se chargent du tra- vail ; puis, lors de la plantation, on fera tomber dans le sillon les terres désagrégées qui surmontent l’ados, afin de placer la bouture dans un milieu qui ne s'oppose pas malériellement à l'émission de ses racines et de ses Jeunes rejets. Plantation en trou carre. La plantation dite en trou carré ou plantation en mortaise est em- ployée parfois pour la culture des terres de morne, dans lesquelles la couche arable est insuffisante pour permettre le travail à la char- rue, ou encore lorsque ces mornes sont à pentes rapides ou parse- més de blocs rocheux de grandes dimensions. Toutes les fois que la marche de la charrue est possible, il faut l’employer pour l’ameublissement du sol, car c’est aujourd’hui le seul moyen de travailler économiquement. Si la pente.est trop rapide pour le bon fonctionnemeut de la char- rue ordinaire, on emploie la charrue tourne-oreille qui renverse toujours la terre du même côté et permet le labourage des terrains très inclinés en ouvrant des sillons perpendiculairement à la pente. Dans la plantation en fosses ou mortaises, le terrain n’est pas 62 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. ameubli sur toute sa superficie, et l'entrainement des particules du sol par les eaux pluviales est moins à craindre. Ce sont généralement des terres caillouteuses et peu profondes dans les parties les plus élevées et que les eaux tendent toujours à dé- nuder davantage ; elles sont alors perméables, assez légères et don- nent de bonnes récoltes lorsque les pluies sont abondantes. La végé- tation y étant moins luxuriante que dans les terres basses, les souches doivent, y être plus rapprochées les unes des autres. Pour les mettre en culture, on creuse à la houe des fosses de 0,40 environ de côté sur 0",25 à 0",30 de profondeur; on enlève les pierres d’un certain volume et la terre extraite est mise à côté du trou. On fume généralement avec du fumier produit dans l’ex- ploitation, on en place 10 à 20 kilogr. dans la mortaise, on le mé- lange avec la terre meuble et dans cette couche fertilisée on place deux ou trois boutures. Exécutées de cette façon, ces plantations ne peuvent produire que des touffes vigoureuses et fournies qui réussissent généralement ; mais ilne faut point comparer l’ameublissement que l’on obtient avec un seul labour dans la plantation ordinaire avec celui obtenu par la fouille à la main d’une fosse dans laquelle la bouture se trouve placée dans des conditions exceptionnelles de fertilité et d’a- meublissement. Pour se rendre compte que ce n’est point la mortaise elle-même qui produit ce résultat, on n’aurait qu’à traiter toute la surface de la pièce de la même façon, et on obtiendrait à coup sûr des résultats encore bien supérieurs. La plantation en mortaise réussit parce que les boutures se trou- vent dans un milieu ameubli et amendé très favorable à leur déve- loppement. On attribue parfois aussi aux eaux pluviales une action spéciale sur le maintien de la fraicheur dans le milieu où végète la souche. Cette action ne peut guère s’expliquer, car ou le terrain est per- méable, ou ilne l’est pas ; dans le premier cas, les eaux atmos- phériques amassées dans la fosse n’y séjournent point et filtrent à travers le sol ; dans le second, elles s’y maintiendront, et leur sta- gnation nuira à la souche. LA CULTURE DE LA CANNE A SUCRE. 63 La plantation en mortaises ne peut être avantageuse que dans les terres perméables sur lesquelles, pour une raison ou pour une autre, il est impossible de faire manœuvrer une charrue. Dans certains quartiers de là Guadeloupe (Trois-Rivières), le ter- rain à pente rapide est parsemé d’une infinité de débris volcaniques, dont les plus petits ont la grosseur de la tête, et les plus gros un volume de deux ou trois mètres cubes. Ils y existent en quantité par- fois si considérable, que la surface couverte par ces blocs est plus grande que celle qui reste exposée au soleil. Dans ces conditions, comme ces terres sont fertiles, on peut avantageusement les planter en trou carré ou au piquois. Plantation créole. La plantation créole, dont les premiers planteurs ont fait usage dans les anciens défrichements du xvr° siècle, est un système primi- üif qu’on emploie parfois pour utiliser immédiatement une terre dé- frichée sans attendre sa complète mise en culture. On économise la dépense d’argent et les soins nécessités par une terre depuis longtemps abandonnée, pour l’ameublir et la nettoyer de tous les obstacles, pierres et racines, qui s'opposent aux labours et au tracé des sillons. C’est une culture extensive qui divise l’opération du défrichement en deux temps, entre lesquels on obtient quelques récoltes d’une plantation faite après le premier déblaiement du terrain sommaire- _ment exécuté. Elle se pratique généralement sur des terrains boisés, mais dont les arbres relativement peu nombreux laissent assez d’espace entre eux pour que le sol se recouvre de halliers ou broussailles plus ou moins épaisses. Alors on arrache grossièrement les menus bois et les broussailles, ou on les coupe le plus possible en dessous de la surface du sol. Les arbres plus volumineux et dont l’arrachage serait plus difficile et plus coûteux sont coupés à un mètre de hauteur environ. Comme pour un défrichement ordinaire, on brüle sur place toutes les branches et broussailles, en ayant soin de les amonceler autour 64 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. des gros arbres coupés pour toutes les essences vivaces qui pous- sent facilement des rejets. Le feu, en calcinant la partie du tronc qui reste hors de terre, empêchera le plus souvent la pousse des rejets, et entraînera la mort de la souche. ; Le terrain étant déblayé, on plante en trou carré ou en mortaise, et quelquefois même simplement à la houe ou à la barre dans les terres fertiles. D’autres fois, on ouvre à la charrue, sans labour préalable, des sillons parallèles à une faible profondeur ; naturelle- ment ces sillons sont grossièrement exécutés et très irréguliers, car la marche de la charrue est entravée à chaque instant par des raci- nes d'arbres ou par des pierres plus ou moins volumineuses ; puis sans tarder et avant que les broussailles repoussent, on plante les boutures suivant la méthode en usage. On évite ainsi la complète extraction des souches, et le défriche- ment revient à un prix moins élevé. Après quelques années, lorsqu'il devient nécessaire de renouveler la plantation, les racines des arbres coupés à une certaine hauteur se sont partiellement décomposées, et leur enlèvement peut se faire avec beaucoup plus de facilité. Tels sont les avantages d’un procédé qu'il ne faudrait pas géné- raliser, et auquel on ne doit avoir recours que lorsque les bras font défaut pour procéder à un travail plus complet et plus rationnel. Remplacement des plants morts. Quelles que soient les précautions prises lors de la plantation, 1l se trouve toujours des boutures qui se dessèchent ou qui pourris- sent, et qu'il faut remplacer aussitôt que possible. Les vides que l’on aura ainsi à combler peuvent être très nom- breux si la mise en terre des boutures a été mal exécutée, mais si aucune précaution n’a été négligée, l'opération du recourage se fait très rapidement. Pour que la végétation se maintienne régulière dans toute la pièce, il faut naturellement recourir avant que les premières boutu- res aient acquis un grand développement ; et trois semaines après la plantation, on peut s’apercevoir des manquants et les remplacer. LA CULTURE DE LA CANNE A SUCRE. 69 Cette première opération ne suffit pas, car certaines boutures peuvent avoir commencé à émettre de petits rejets qui se dessèchent plus lard, si elles ne sont pas favorisées par les circonstances at- mosphériques. Des ouvriers portant des plants dans un panier, doi- vent être spécialement chargés de parcourir les nouvelles planta- tions, et de remplacer les plants morts jusqu'au moment où l’on est assuré de n’en avoir oublié aucun. Plantation à Maurice et à La Réunion. D’après M. Delteil, l'emploi de la charrue pour la préparation des terres a eu peu de succès dans ces deux colonies ; et encore auJour- d'hui, presque tous les travaux de culture s’y font à bras. I paraïlrait que, lorsque le terrain a été labouré à la charrue, les cannes y viennent plus difficilement, soit parce que le sol à été trop ameubli, soit parce que le sous-sol, attaqué trop profondément, a stérilisé la couche arable superficielle. Nous ne pouvons qu'enregistrer ces observations qui établissent un avantage bien marqué en faveur des Antilles où la charrue joue un rôle si important. A la Réunion, on plante dans des mortaises de 0,65 de longueur sur 0,29 de profondeur et 0",16de largeur, placées à 1",30 de dis- tance entre chaque rang. À Maurice, elles ont à peu près la même longueur et la même profondeur, mais 0,25 à 0",50 de large. On enlève les pierres de la mortaise et on y place les boutures soit directement au fond du trou, soit sur une couche de fumier ou d'engrais mélangé à la terre fine. On à remarqué à Maurice, ce que nous croyons sans peine, que si les mortaises étroites donnent plus de solidité à la touffe, les plants se développent beaucoup mieux, et produisent des rejetons plus nombreux lorsqu'on augmente leur largeur. Dans ces deux iles, les boutures se font toujours avec la tête de la canne et jamais avec la tige entière. Si dans ces colonies on parait craindre un trop grand ameublisse- ment du terrain qui donne moins de stabilité aux souches, il n’en est pas de même aux Antilles où les plantations souffrent généralement de la trop grande compacité du sol. ANN. SGIENGE AGRON. — 1586. — I. 66 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Plantation à Puerto-Rico. Sur un grand nombre de propriétés, la plantation se fait exacte- ment comme à la Guadeloupe, tant pour la préparation du terrain que pour le choix des boutures qui se prennent également à la partie supérieure de la tige. Sur d’autres, on forme des planches bombées ou larges billons pouvant recevoir deux ou plusieurs rangs de cannes, et séparés par de profondes dérayures pour l'écoulement des eaux pluviales. On recommande de ne donner aux hillons que la largeur néces- saire pour y planter seulement deux lignes de souches. La terre des dérayures est alors placée sur le centre de l’ados qui se trouve fortement surhaussé. Les cannes se plantent sur les deux côtés du billon en lignes parallèles et non pas dans le sillon ; la terre des dérayures placée entre les deux rangs est employée à butter les souches pendant leur végétation. Les dérayures sont toujours tenues très propres, et les feuilles provenant des épaillages, ainsi que les herbes arrachées en sar- clant, se placent également sur le centre de l’ados; de sorte que chaque rang se trouve pour ainsi dire sur un plan incliné allant du fond du canal au sommet du billon. Gette disposition est surtout adoptée pour les terres basses su- jettes aux inondations ou qui s’assainissent difficilement. La terre extraite en creusant les dérayures est divisée en deux parties ; celle quiest meuble se place sur le bord du billon qui rece- vra les plants, et les grosses mottes sur le centre où elles se déga- grégeront peu à peu sous l’influence des agents atmosphériques. Les boutures se plantent soit en ouvrant un petit sillon continu à la charrue, soit en creusant à la houe une fosse au fond de la- quelle on met de la terre meuble et deux ou trois boutures qui y sont placées à plat, l'extrémité supérieure légèrement relevée. Dans les terres légères ou pierreuses, on plante également à la barre. Il est rare qu’à Puerto-Rico, on vienne activer la végétation par l’apport d’un engrais quelconque. On y fabrique très peu de fumier, LA CULTURE DE LA CANNE A SUCRE. 67 car les nombreux animaux qui y existent sont élevés au pâturage et rarement en stabulation. Plantation à Cuba. Par l'étendue de ses cultures et par sa production, Cuba est la plus importante des Antilles au point de vue de la production su- crière. Sa grande superficie et la nature variée de ses immenses terrains ont naturellement amené certaines modifications dans les méthodes culturales qui y sont suivies, mais nous ne nous arrêterons qu'aux systèmes employés le plus fréquemment. En parcourant cette colonie, on est tout d’abord frappé des diffé- rences que présentent les plantations dans les diverses localités qu’on traverse, On y voit cependant partout, à peu de chose près, le même système de culture et les engrais y sont très rarement em- ployés ; néanmoins, si on y rencontre des plantations où les cannes mesurent 4 à 5 mètres de longueur en fournissant des rendements de 100 000 à 150 000 kilogr. à l’hectare, on en remarque davantage qui présentent une végétation bien moins luxuriante et qui donnent des résultats que l’on constate facilement dans toutes les petites Antilles. Le choix de la bouture caractérise particulièrement le système suivi par les planteurs cubains. On la prépare presque toujours avec la tige entière de la canne. On emploie également parfois les som- mités ou têtes ; mais c’est surtout pour les terres basses et humides dans lesquelles les eaux séjournent presque continuellement. Dans ces conditions spéciales, on a remarqué que la bouture de tête donnait de très bons résultats ; et que si on coupait le plant de façon à conserver le bourgeon terminal, celui-ci se développait aus- sitôt placé dans le sol et qu’alors la bouture était moins exposée à pourrir. M. Reynoso conseille, dans ce cas, de choisir le plant sur des cannes plantées âgées de 14 à 18 mois, mais dont les bourgeons sont vigoureusement constitués. On emploie surtout la bouture de tête pour les semis de prin- temps; mais lorsque la sécheresse est à craindre, la bouture de canne réussit plus sûrement et est généralement préférée. 68 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Pour avoir du plant de corps de canne, on réserve une surface en rapport avec la quantité de boutures dont on à besoin pour planter, et on choisit des cannes mûres dont les yeux sont bien développés. Les cannes arrivées à une maturité trop avancée sont plus dures et leurs bourgeons poussent plus difficilement; celles qui sont en- core tendres sont exposées à pourrir dans les terres humides ou à se dessécher facilement dans des pluies en temps opportun. Les cannes plantées sont choisies de préférence, mais on peut P les terres légères, s'il ne survient pas néanmoins employer des rejetons s'ils réunissent toutes les qualités nécessaires. Ainsi qu'à la Guadeloupe, on plante depuis le mois de septembre jusqu’au mois de juin; etles plantations faites à ces diverses épo- ques ont les mêmes avantages et inconvénients que ceux déjà si- gnalés. La plantation s'opère de trois façons différentes : au pieu, à la houe et à la charrue; ce dernier système est de beaucoup le plus répandu. La plantation au pieu ou jan se pratique parfois dans les terres nouvellement défrichées. L'outil employé est en fer et pèse environ quatorze livres ; on le fait pénétrer dans le sol avec la plus grande inclinaison possible, de manière à faire un angle d'environ 30° avec l'horizontale. Un mouvement de bascule désagrège le sol, et on y place la bouture. La manœuvre du jan exige des ouvriers ro- bustes. La plantation à la houe s’emploie sur les défrichements ou sur des terrains rocailleux. On ouvre des fosses de 0",45 de longueur, 0",30 de large et 0",25 à 0",30 de profondeur. On y place deux boutures à plat, on les re- couvre avec la moitié de la terre extraite et on finit de combler Ja mortaise quand les rejets sont sortis de terre. La plantation à la charrue, généralement employée, s'exécute en ouvrant des sillons plus ou moins larges et profonds, après avoir donné au terrain un ou plusieurs labours. Les cannes aussitôt coupées sont apportées dans la pièce à planter et déposées au fond du sillon au bout les unes des autres, de façon LA CULTURE DE LA CANNE A SUCRE. 69 à former une ligne continue ; parfois on place deux cannes dans le même sillon ; d’autres fois, au lieu de former une ligne continue, on laisse un espace vide entre les morceaux de cannes placés deux à deux. Des ouvriers viennent ensuite avec des coutelas bien affilés, et d’un coup sec, séparent la canne déposée dans le sillon en autant de tronçons que cela est reconnu nécessaire ; 1ls replacent en outre bien au fond de la rigole les tronçons qui auraient pu se déranger ou se placer sur la terre des parois. Les cannes se recouvrent de terre soit avec la houe, soit avec une petite charrue ; mais on doit prendre la précaution de bien pulvéri- ser les grosses moltes ei de ne recouvrir la canne qu'avec de la terre bien ameublie. Quand on plante un terrain argileux, et qu'il survient de fortes pluies, on laisse parfois les cannes au fond du sillon, et on ne les recouvre que lorsque la terre s’est un peu ressuyée. Si, au contraire, on subit une sécheresse plus ou moins intense, on laisse la canne dans les sillons exposée toute la nuit à la rosée, et on la recouvre le lendemain matin de très bonne heure. Pour planter un hectare, en plaçant une seule canne dans les sil- lons espacés de 1",70, M. Reynoso estime qn'il faut en moyenne 8 000 kilogr. de uges. 9. — Engrais et amendements. Epuisement du sol. Lorsque la production végétale d’une terre se décompose sur place, tous les éléments qu’elle a prélevés dans le sol lui sont res- titués, et il s'enrichit, en outre de ceux qui ont été puisés dans lat- mosphère. Les minéraux qui proviennent du sol, ayant déjà été assi- milés, y retournent sous un état très favorable à l'alimentation vé- gétale, et la richesse de la terre en humus s’accroit de toute la matière organique qui constitue la plante et dont l’atmosphère est la principale source. Dans ces conditions, la fertilité du sol s'accroît sensiblement, 10 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. parce que sa réserve en éléments minéraux et organiques assimila- bles augmente d'année en année. Quand, au contraire, on exporte les végétaux que le sol a pro- duits, cette réserve s’épuise plus ou moins rapidement suivant la nature de la plante cultivée; les rendements culturaux diminuent, et 1l arrive un moment où le sol appauvri ne produit plus de ré- coltes rémunératrices. On doit alors abandonner la terre épuisée, ou reconstituer sa fer- tilité par la restitution des matériaux enlevés par les récoltes. On rencontre cependant desterres nouvellement défrichées, abon- damment pourvues d'éléments fertilisants qui peuvent donner des récoltes pendant de nombreuses années, sans qu’on y remarque une diminution sensible dans leur production ; néanmoins, elles finissent toujours par s’épuiser au bout d’une certaine période, si on ne rem- place point plus ou moins complètement ce qui a été enlevé par les récoltes. Il est plus facile de conserver la ferulité d’une terre que de la re- constituer lorsqu'elle a été épuisée ; et une culture rationnelle doit, à part de rares exceptions, non seulement conserver la fertilité na- turelle du sol, mais encore l’augmenter par tous les moyens pos- sibles. Les engrais sont les substances diverses qui, mélangées au sol, doivent lui restituer les éléments minéraux et organiques dont il est privé ; et M. Dehérain à appelé l’engrais, la matière utile à la plante qui manque au sol. L'analyse des végétaux indique que les éléments ou corps sim- ples qui les constituent sont au nombre de quatorze, et qu’on les rencontre dans toutes les plantes en quantités et proportions va- riables, Parmi ces quatorze éléments, 1l en est qui sont d’une importance capitale et qui seuls, dans la plupart des cas, doivent être restitués au sol en quantité variable suivant la nature du terrain et celle de la plante cultivée; ce sont l'azote, la potasse, l’acide phosphorique et la chaux. La chaux, bien que très importante au point de vue de l'alimentation proprement dite et de son influence sur Les propriétés physiques et chimiques des terres, n'entre pas en ligne de compte LA CULTURE DE LA CANNE A SUCRE. 71 dans l’appréciation de la valeur commerciale d’un engrais, car son prix est peu élevé, etil est facile de s’en procurer. à bas prix dans presque toutes les localités. Le meilleur engrais pour une plante déterminée est celui qui provient de la décomposition de cette même plante et qui contient tous les éléments nécessaires à sa constitution. Pour la canne, la meilleure restitution à faire au sol sera celle des feuilles et débris qu’elle fournit, soit que ces débris soient incorporés directement à la terre, soit qu'ils y retournent après avoir été utilisés pour l’alimen- tation et l’entretien du bétail. Si cette restitution était complète, la fertilité des terres se conser- verait, et on serait dispensé de faire chaque année de coûteuses im- portations de matières fertilisantes étrangères. Composition de la canne à sucre. La canne à sucre, suivant qu'on la considère à différentes époques de son existence, présente de notables variations dans sa composi- tion minérale, tant sous le rapport de la quantité que sous celui de la proportion relative des éléments qui la constituent. Bien que la composition d’une plante n'indique pas toujours la nature de l’engrais à employer: pour sa culture, celle de la canne en particulier fournit des indications très utiles en ce que cette plante revient toujours sur le même terrain puiser les mêmes élé- ments, et qu'elle doit y trouver tous ceux nécessaires à sa complète constitution. Nous donnons ci-après la moyenne de dix analyses faites, à des époques différentes, sur des cannes plantées et sur des rejetons, mais toujours au moment de la récolte, et par conséquent avec la composition moyenne que les cannes possèdent quand elles sont ré- coltées et manufacturées. Les chiffres que nous indiquerons plus tard’, permettront de se rendre compte de la valeur relative des moyennes ci-dessous, et in- 1. Composition minérale de la canne à sucre. 12 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. diqueront les limites que la composition de la canne peut atteindre dans certains cas Spéciaux. Nous ne nous occuperons ici que des trois éléments principaux fournis par les engrais, l'acide phosphorique, l'azote et la potàsse, en laisant la chaux de côté pour le moment. Les cannes ont été séparées en deux parties: d’un côté les tiges manipulables, de l’autre les sommités lenMues comprenant le plant el la tête proprement dite. 1 000 kilogr. de matière naturelle fraiche contiennent : EXTRÈMES. MOYENNES. Kil. Kil. : | Cannes SO TOO ONGAD 0,420 Acide phosphorique. Ê FAI à Pi lFeuilless . . 2% 2 0600410200 1,075 (Cannes lOMMENNAAAMOD PTT UNE 0,431 Potasse. = ; ; S | Feuilles. . . . . . . 3,100 4,860 4,030 (‘Cannes LE 0-00 00 210 0,415 Azote. ; : : k |'Feuilles: . . « .. 1.100 22,080 41 500 Avec la composition moyenne de 41000 kilogr. de matière natu- relle, il est facile de calculer celle d’une récolte quelconque. En ad- mettant dans des cannes mûres et bien venues, la proportion nor- male de 75 kilogr. de cannes étêtées et 25 kilogr. de feuilles pour 100 de récolte entière, nous aurons respectivement, dans une pro- duction à l’hectare de 50000 et 100000 kilogr. de cannes étêtées, les quantités suivantes d'acide phosphorique, de potasse et d'azote : RENDEMENT A L'HECTARE. EEE —— 50 000 kilogr. ‘100000 kilogr. Kil. Kil. Kil. Kil. : | Cannes . “no ce PUN 42,0 | Acide phosphori te. | : AB UT : 77,400 Tes ee 0 De MIT 0 SES PM 9 = , L Polasse . HUE +. 21,758 200 8,41 36 400 L'FBUIIES MSIE ML EN 133,0 \ p 9 , ; Azole. james... .... 20,7); 550 #41 00,800 DRevilles 25% 25 RO 49,4) L’épuisement total d’une récolte de 50000 kilogr. à lhectare se- rait de 55 kilogr. d'acide phosphorique, 114 kilogr. de potasse et 60 kilogr. d'azote, si, au lieu de prendre le taux moyen de la composi- tion de 4000 kilogr. de matière, on prenait la Leneur la plus élevée indiquée dans le premier lableau. LA CULTURE DE LA CANNE A SUCRE. 13 Les éléments minéraux contenus dans la plante entière peuvent être en quantité beaucoup plus élevée, suivant l'état de vé de la canne; et si la tige proprement dite est pauvre en sucre et riche vétalion en éléments minéraux lorsqu'elle est jeune et en pleine végétation, on remarque un phénomène inverse quand elle -est complètement müre ; alors le taux de sucre augmente et celui des sels diminue. Les chiffres moyens précédents peuvent donc subir de grandes va- riations, et varier aussi, naturellement, en raison du rendement à l’'hectare. Pour le moment, il nous suffit de constater que la tige de la canne contient peu de sels minéraux relativement à la quantité qui existe dans les feuilles et sommités ; et que, si épuisement du sol n’est point très considérable, lorsque la canne est mûre et qu'on n’exporte que la tige, il atteimdrait des proportions élevées, si, à chaque récolte, on enlevait du terrain producteur la canne entière (tiges et feuilles). Une grande partie de l'azote, de la potasse et de l'acide phospho- rique prélevée dans le sol, y retourne par les feuilles sèches qui se détachent de la tige pendant la végétation, ainsi que par les som- mités qu'on abandonne généralement après la coupe. De sorte que la canne peut être, suivant les cas, une culture dont l'épuisement, pour une production déterminée, varie dans des limites considé- rables. M. Rouf, dans des recherches faites à la Martinique, a trouvé qu'une récolte de 121 700 kilogr. de cannes étêtées et 40 000 kilogr. de feuilles, contenait jusqu'à 240 kilogr. de potasse, 130 kilogr. d'acide phosphorique et 146 kilogr. d'azote. M. Rouf ajoute, avec raison, que le prix de l’engrais serait inabordable, si la récolte en- ère était exportée et si les feuilles qui restent sur le sol ne reve- naient pas lui restituer la majeure partie de ces éléments. Chaulage. La chaux est plutôt un amendement qu’un engrais proprement dit. On la rencontre toujours dans les plantes en proportion plus ou moins considérable, mais son action sur les propriétés physiques et chimiques des terres est prépondérante. 74 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Elle fait partie de la constitution minéralogique de la plupart des terres arables, où elle existe en quantité beaucoup plus considéra- ble que les autres éléments fertilisants. Son action sera d’autant plus accentuée dans les terres qui en contiennent très peu, qu’elle agira comme engrais et comme amen- dement; el nous avons vu que c'était le cas spécial de plusieurs co- lonies. À la Guadeloupe, la chaux existe rarement, dans les terres livrées à la culture de la canne, dans une proportion supérieure à un cen- ième, et elle descend souvent à moins d’un millième ; cette cir- constance suffit pour indiquer qu’elle doit y produire d’excellents résultats. Beaucoup d'engrais commerciaux contiennent de la chaux com- binée, soit à l'acide sulfurique, soit à l’acide phosphorique ; et dans le sol elle existe à l’état de carbonate de chaux, c’est-à-dire combinée à l'acide carbonique. La chaux s'obtient par la calcination du carbonate de chaux, le- quel se décompose en chaux vive ou caustique et en acide carboni- que qui se dégage. Le carbonate de chaux forme à la Guadeloupe (Grande-Terre) de puissantes assises, on le trouve également sur le rivage de la mer à l’état de madrépores qui sont employés presque exclusivement à la fabrication de la chaux. Ces deux variétés de calcaires ne renferment que 2 à 3 p. 100 d’impuretés et produisent une chaux très pure, quand la calcination a été bien conduite. En dehors de son importance pour la nourriture de la canne, la chaux exerce une action considérable sur les éléments organiques et minéraux des sols. | On sait que, sous l'influence de l'air et de la chaleur, les matières organiques humides se décomposent en s’emparant de l'oxygène de l'air et en dégageant de l’eau et de l'acide carbonique. Il s’opère ainsi une combustion lente qui transforme ces matières organiques en matière noire ou humus, dont nous connaissons l’importance et l'utilité. La chaux, ainsi que les alcalis, possède à un haut degré la pro- LA CULTURE DE LA CANNE A SUCRE. 75 priété d'activer cette décomposition et de rendre assimilables un cer- tain nombre de matières organiques d’une décomposition lente et difficile et qui, sans son intervention, seraient restées dans le sol sous un état qui ne leur permettrait point de concourir à l’alimenta- tion végétale. Cette influence désorganisatrice de la chaux est utilisée en beau- coup de circonstances pour transformer en terreau des matières li- gneuses, des mauvaises herbes, etc. ; et qu'il suffit de mélanger par lits alternatifs avec de la chaux vive, pour obtenir, au bout de quelques semaines, un terreau pulvérulent et précieux comme ma- tère fertilisante. L'action de la chaux sur les matières minérales est également im- portante ; elle facilite la décomposition et la transformation des élé- ments minéraux insolubles du sol; dans les terrains argileux et vol- caniques, elle active la dissociation des silicates insolubles et met en liberté la silice et les alcalis qui les constituent. Introduite dans le sol, la chaux agit à l’état caustique, et son ac- tion est très énergique, surtout pendant la première année de son application ; mais elle se convertit bientôt en carbonate de chaux extrêmement divisé, dont les effets se font sentir pendant de longues années. La chaux n’agit donc pas comme un engrais dans la plupart des cas, mais elle facilite l'assimilation des principes organiques et minéraux contenus dans les sols. Employée sans engrais, elle épui- serait donc les terres, puisqu'elle favorise l'absorption des principes qu’elles contenaient à l’état insoluble et inerte ; et comme, en outre, elle augmente le rendement des récoltes, il en résulté que plus on chaule, plus on doit mettre d'engrais. Cet épuisement de la terre par des chaulages copieux et répétés, quand on ne la fume pas en conséquence, n’est pas un motf pour rejeter leur emploi. Évidemment la chaux épuise la réserve insoluble du sol ; mais cette réserve est complètement inutile si elle n’est pas assimilable, et on a Lout intérêt à l’exploiter et à la faire concourir à la production des récoltes. L'abus de la chaux serait une grande faute, car, d’après son mode d'action, on voit qu'un chaulage à trop forte dose pourrait décom- 16 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. poser momentanément une trop grande quantité de principes feruili- sants qui risqueraient d'être entrainés par les pluies, si la végétation ne pouvait les utiliser à mesure qu'ils se forment et qu'ils prennent naissance. ù Presque toutes les propriétés de la Guadeloupe pourraient être améliorées par l’emploi rationnel de la chaux : aussi bien les terres basses, argileuses et riches en matières organiques, que les terres volcaniques élevées qui n’en contiennent qu'une proportion insigni- fiante. La quantité de chaux à employer varie suivant la nature des terres et elle doit, à la Guadeloupe, être moins considérable dans les terres hautes légères que dans les terres argileuses des bas-fonds. En chau- lant tous les 5 ou 6 ans, à chaque renouvellement des plantations, on peut employer à l’hectare de 25 à 40 hectolitres dans les pre- mières et de 40 à 60 dans les secondes. Un chaulage exagéré aura toujours moins d’inconvénients dans les terres argileuses fortes que dans les terres légères et sableuses. Le chaulage a toujours donné de bons résultats à la Guadeloupe quand il a été opéré convenablement, et 1l serait avantageux de le pratiquer sur une plus large échelle qu'on ne le fait habituelle- ment. Il serait difficile de chauler les terres pendant que la canne oc- cupe le terrain, et il convient d'exécuter cette opération avant la plantation et après le premier labour donné pour rompre une vieille plantation ou préparer une terre en friche. Pour que la chaux puisse se répandre uniformément, elle doit être réduite en poudre fine, et pour cela on la délite si elle est en mor- ceaux plus au moins volumineux. On peut la déliter avec de Peau par aspersion ou immersion; mais il est préférable de la conduire im- médiatement sur la pièce à chauler, de la déposer en petits tas ré- eulièrement espacés que l’on recouvre entièrement de terre. Après une quinzaine de jours, on mélange la chaux et la terre qui la recouvre et on répand le tout sur le terrain. On doit éviter de chauler par les grandes pluies qui mettent la chaux en bouillie et rendent son épandage plus difficile. On pourrait éralement déposer la chaux sous là forme d'un tas LA CULTURE DE LA CANNE A SUCRE. 17 allongé sur un des côtés de la pièce, la recouvrir de terre et la déli- ter comme précédemment, puis la transporter et l’étendre sur le terrain. Bien que ces procédés soient remarquables par leur simplicité, nous recommanderons spécialement le suivant : on sait que fré- quemment, dans la culture de la canne, on amasse, sur les lisières des pièces, les mauvaises herbes arrachées pendant les sarclages ; el pour les transformer en terreau, il serait avantageux d'utiliser la propriété désorganisatrice de la chaux en les mélangeant avec elle par lits alternatifs et en recouvrant le tout de terre. Après la dé- composition des matières végétales, on mélangerait le tout et on le répandrait sur le terrain. De cette manière, on aura converti toutes ces mauvaises herbes qui encombrent parfois les lisières en un com- post calcaire dont les bons effets ne sauraient faire l’objet du moin- dre doute. Après la répartition uniforme de la chaux sur le terrain, et avant de former les billons pour la plantation, il convient de la mélanger au sol par un bon hersage ou par un léger labour. On ne doit pas mettre la chaux dans le sillon, mais toujours la ré- pandre uniformément sur toute la superficie du terrain. Il faut éviter également de fumer et de chauler en même temps; car la chaux en réagissant sur les principes facilement décompose- bles du fumier ou des engrais, pourrait les mettre en liberté et occa- sionner une perte plus ou moins considérable d'éléments fertilisants. Cel accident serait moins à craindre si la réaction se produisait dans le sein de la terre, car les composés volatils y pourraient être absorbés et fixés ; mais il est préférable de ne pas s’exposer à cette perte et de chauler avant la plantation ou la fumure. Engrais. La canne à sucre exige beaucoup d'engrais pour donner des pro- duits rémunérateurs, excepté dans quelques localités privilégiées où la fertilité naturelle du sol permet encore d'obtenir des récoltes sa- üisfaisantes, pour ainsi dire sans fumures. La dépense annuelle d'engrais pourrait être largement diminuée 18 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. si on utilisait et si on faisait retourner au sol tous les éléments qui ne sont pas exportés au dehors, et qui ne devraient être en défimi- tive que du sucre ou de l'alcool; mais les conditions particulières de la culture et de la fabrication dans les colonies ne permettent pas cette restitution complète, et l'épuisement du sol doit être combattu par l'introduction de matières fertilisantes étrangères. Pour diminuer cette dépense, il faut utiliser plus complètement les résidus et déchets de fabrication; et, augmenter la masse et la richesse des engrais produits sur l’habitation. M. Delteil estime à 2 millions la valeur des engrais employés annuellement à la Réunion, en dehors du fumier d'habitation; et à 6 ou 7 millions celle des engrais introduits à Maurice pendant la même période. A la Guadeloupe, on emploie en moyenne 250 fr. d'engrais du commerce à l’hectare, et d’après le relevé des importations à la Pointe-à-Pitre, pour une durée de 10 mois (septembre 1883 à juin 1884), on a introduit dans la colonie : TONNES. Nitrates de potasse et dersouder PR CN Doi SUITALEAMMONAQUE PR REC I RE 646 SUPELDOUSPHALEIE CAUSE NE NN RE TL 220 Ghlontrede POISSUMMR AR ONE RER 125 GUANOSAITErS A ER ASC 0 RTC IR EU TD ENSrAISIUIVElS ele UNE NE LAN PP D O0 C'est-à-dire qu’en moins d’un an, l'importation s’est élevée à plus de trois millions de francs, en prenant la valeur de l’engrais à cette époque et son prix de vente sur place. Autrefois, l'importation d'engrais était moins considérable ; et chaque habitation nourrissait un nombreux bétail qui fourmissait de l’engrais en abondance ; tandis qu'aujourd'hui l'élevage a été aban- bonné presque complètement, et chaque exploitation n’entretient plus que les animaux de travail, bœufs et mulets, nécessaires aux travaux de culture. Engrais d'habitation. Le fumier de parc ou engrais d'habitation devrait toujours être la principale source de matière fertilisante dans une exploitation, et LA CULTURE DE LA CANNE A SUCRE. 79 l’engrais chimique ne devrait être employé que comme complément du fumier produit. L’engrais chimique n'apporte au sol que la nourriture de la plante, tandis que le fumier modifie avantageusement ses propriétés, en lui apportant la matière organique ou humus, qui est également le principal élément de sa fertilité. I n’y a pas de terre fertile sans humus, et les sols qui en sont dé- pourvus, sont généralement peu fertiles quoique riches en éléments minéraux. L'emploi continu des engrais chimiques amène naturellement la disparition de l’humus qui s’épuise peu à peu, mais dans la culture de la canne à sucre, les feuilles qui restent sur le terrain, viennent lui restituer chaque année une plus ou moins grande quantité de matière organique. C’est grâce à cette circonstance particulière que les terres cultivées en cannes ont pu conserver leur fertilité, même avec un usage presque exclusif d'engrais minéraux qui amènerait rapidement l’épuisement de la matière noire et la stérilisation du sol, si on enlevait chaque année toute la masse feuillue composant la récolte. Si, dans les colonies, on appréciait le fumier d'habitation à sa juste valeur, on le préparerait avec plus de soin qu’on ne le fait gé- néralement et on le regarderait comme un élément indispensable à la marche de l’exploitation plutôt que comme une matière encom- brante de peu de valeur. On trouve qu'il est plus simple de fumer les cannes avec un en- grais Concentré que de transporter sur les terres une masse de fumier d’un volume et d’un poids relativement considérables ; l’éco- nomie qui résulte du transport et de lépandage de l’engrais chimi- que ne peut cependant se comparer aux avantages spéciaux du fumier proprement dit. Ces avantages ne sont pourtant pas complètement méconnus; car si on le réserve pour les cannes plantées, c’est qu’on a remarqué que, fumées à l’engrais de pare, elles donnaient des reje- tons plus vigoureux et de plus longue durée que lorsqu'elles avaient été fumées à l’engrais chimique. Il en est de même des rejetons qui se conservent plus longtemps et donnent des produits plus abondants quand on leur fournit annuellement du fumier de parc. 80 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. A la Guadeloupe, on fabrique le fumier sur place, et sur chaque habitation, il existe un ou plusieurs enclos dans lesquels les animaux séjournent après leur retour du travail. Le fumier s’y entasse Jus- qu'au moment où 1l est transporté sur les terres. Le parce est partiellement couvert de façon à abriter les animaux du soleil et de la pluie. L'emplacement du parc est généralement défectueux; placé en contre-bas du terrain environnant et sur un sol perméable, les eaux pluviales viennent laver le fumier et s’écoulent dans les fossés du voisinage après s'être chargées de la plupart de ses éléments fertili- sants solubles. Afin de conserver au fumier sa valeur initiale, le parc doit être établi sur un terrain légèrement suvélevé pour le mettre à Pabri des eaux pluviales et sur un sol imperméable dans lequel les liquides qui suintent toujours de la masse ne pourront point pénétrer et dis- paraître. Ces liquides seront réunis dans une fosse étanche et servi- ront à arroser le fumier ou les feuilles et débris divers qu'on réunira dans un endroil spécial jusqu'à ce que la masse se soit décomposée et transformée en engrais. Sans augmentation de dépense, il serait facile, sur presque toutes les habitations, de produire du fumier en quantité double de celle qu'on fabrique annuellement et de qualité bien supérieure. Le fumier de parc, bien préparé et formé principalement par les feuilles de canne vertes et sèches employées pour lanourriture et la litière des animaux, possède en moyenne la composition suivante pour 1000 parties : A L'ÉTAT A L'ÉTAT humide. sec. MOI CI CS MAN ET OISE SP EE RE TR RL AE 236.7 — dont acide phosphorique. 1 9 10.1 — —— DOtASSe Re Fe Ie de 2.3 1235 — — chaux . DEN 20.9 — — soude . 0.6 F2 MatieleS\or ANiQUES A MENTON EURO 14.22 16325 — dont azote. 1.00 21736 Pendant la fermentation des fumiers, 1l se forme des composés anmoniacaux volatils, et pour éviter leur déperdition qui est d’au- - LA CULTURE DE LA CANNE A SUCRE. 81 tant plus abondante que la température est plus élevée, il serait utile, de temps à autre, de saupoudrer la masse avec du plâtre en poudre ou d'y répandre une faible solution d'acide sulfurique pour décomposer et fixer le carbonate d'ammoniaque qui constitue la principale richesse du fumier. Mais une pratique qui donnerait de meilleurs résultats au point de vue spécial de la culture de la canne, serait de remplacer le plâtre par du phosphate de chaux. Le phosphate de chaux jouit des mêmes propriétés que le plâtre relativement à la fixation de l’ammoniaque ; de plus, il mtroduit dans la masse un élément fertilisant de haute valeur, l'acide phosphorique. Mélangé au fumier, le phosphate de chaux augmenterait sa ri- chesse et son efficacité, et comme il serait préalablement mélangé à une grande masse d'engrais, sa répartition dans le sol serait plus uniforme. Le phosphate de chaux insoluble répandu dans le fumier avant sa fermentation se transforme en phosphate soluble et assimilable. L'influence de la matière organique sur la solubilité des principes minéraux dont nous avons déjà parlé, s'exercerait iei avec beaucoup d'énergie, c’est-à-dire que, sous le rapport de la solubilité, on arrive- rait au même résultat en mélangeant le phosphate insoluble au fumier qu’en employant du superphosphate pour la famure directe du sol. Pour la culture spéciale de la canne à sucre, le meilleur procédé de rendre l'acide phosphorique à la terre, serait d’incorporer du phosphate insoluble dans le fumier de pare; cette pratique serait d'autant plus avantageuse que la fumure des rejetons se fait géné- ralement à la surface du sol, et que l'acide phosphorique est en grande partie inutilisé par la récolte quile reçoit. Mélangé au fumier, l'acide phosphorique se trouverait, après la fumure, répandu plus uniformément dans le sol et sous un état beaucoup plus assimilable. Incorporé au sol quelque temps avant son utilisation par les végé- taux, l'acide phosphorique n’est pas exposé aux mêmes causes de pertes que les sels ammoniacaux, nitriques ou potassiques, et ce qui ne serait pas avantageux pour ces derniers, est à recommander pour l’acide phosphorique. C'est pourquoi, à notre avis, il y aurait utilité, dans les conditions actuelles de fumure, à employer la majeure partie de l'acide phos- ANN. SCIENCE AGRON. — [S86. — 1. 6 82 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. phorique en lincorporant, à l’état de phosphate insoluble, aux fu- miers destinés aux cannes plantées ; de cette facon, la canne plantée recevrait la presque totalité de l’acide phosphorique nécessaire pour les 4 ou à années que dure la plantation, et sa dose serait réduite proportionnellement dans l’engrais destiné aux rejetons. Excréments d'animaux domestiques. Dans quelques îles voisines de la Guadeloupe, on peut se procurer, quelquefois à bon compte, des excréments d’animaux domestiques qu’on ramasse sur les pâturages. Saint-Martin en livre d'assez grandes quantités à Saint-Christophe pour la culture de la canne. Ces excréments ont une valeur supérieure à celle du fumier ordi- naire ; et, au lieu de les employer directement à la fumure des terres, il conviendrait d’en augmenter encore l'efficacité en les stratifiant avec du phosphate de chaux. Ces engrais sont utilisés pour la culture des cannes plantées et des rejetons dans les localités où 1l est possible de s’en procurer à bas prix ; mais comme on n’en a jamais que des quantités insuffisan- tes pour la totalité de la fumure, il convient de les employer comme demi-fumure qui sera complétée avec de l’engrais chimique. Ces divers excréments contiennent plus ou moms d’impuretés, ils proviennent de Saint-Martin, la Désirade et possèdent la composition suivante : MOUTONS ET CHÈVRES. CHEVAUX. Re AU REN NEA ER A 60 43 61 53 Matières organiques. . . . . 26 19 22 25 NA IDINÉTAIC SN Re 14 38 17 2?) 100 100 100 100 Acide phosphorique . . . . . 0.70 1.56 0.92 0.83 Potassé 0 EE pr M NO SET 1.64 0.23 0.57 AZOLE NE UNE: ee OR OT een 0.81 0.66 Composts. En dehors du fumier proprement dit, il se trouve toujours sur une habitation, des débris et détritus de toutes espèces qu’on ne peut jeter dans le pare et qui doivent cependant être utilisés. LA CULTURE DE LA CANNE A SUCRE. 83 Tous ces débris végétaux et animaux sont réunis dans un endroit spécial et arrosés pour que la fermentation les convertisse en un engrais de plus ou moins de valeur, suivant celle des matériaux qui entrent dans sa composition. On comprend que de cette manière il est possible d'obtenir un mélange possédant une valeur supérieure ou inférieure à celle du fumier ordinaire. Parfois, on emploiera des substances de haute ri- chesse ; d’autres fois, on aura surtout pour objet la désagrégation de matières ligneuses de décomposition lente et difficile. Les cendres de bagasse et de bois, les déchets de cuisine, les dé- bris de viandes, le poisson avarié, les matières fécales, le sang des animaux, les écumes fermentées et altérées, le vieux noir, etc., etc., peuvent entrer dans la confection des composts. Ces matières, mé- langées avec des feuilles de cannes ou de la bagasse, et arrosées avec des vinasses de distillerie pour qu’une fermentation modérée s'établisse dans la masse, se convertiront en peu de temps en un excellent engrais qui n’aura coûté que la peine de le fabriquer. La chaux, qui active la désagrégation des matières ligneuses, entre souvent dans la confection des composts; mais on évitera de la mé- langer à certaines substances organiques azotées de décomposition facile, telles que les matières fécales, le sang, etc., dont elle pourrait provoquer la fermentation trop énergique et occasionner la perte de certains éléments fertilisants volatils. Les composts à base de chaux s’établiront surtout près des pièces de cannes avec les mauvaises herbes extraites de la plantation, et avec les curures de fossés plus ou moins marécageux qui existent en abondance sur certaines propriétés. Cendres. Tous les planteurs connaissent les bons résultats que l’on obtient avec les cendres dans la culture de la canne, et cependant on en laisse perdre de grandes quantités sur toutes les habitations. On remarque souvent près des usines des amas plus ou moins considérables de cendres qui proviennent de la combustion de la bagasse et de la houille et qu’on n'utilise point comme on devrait le 84 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. faire. Si on les emploie, c’est souvent après leur lessivage par les eaux pluviales et quand elles ont perdu la majeure partie de leurs sels solubles. La quantité de potasse que l’on perd ainsi annuelle- ment est considérable. ‘ La bagasse ou matière ligneuse de la canne est employée comme combustible avec une plus ou moins forte proportion de houille ou de bois; et les cendres qui en proviennent contiennent une bonne partie des matières minérales de la canne qui doivent être soigneu- sement restituées à la culture. Toutes les cendres des fourneaux seront tamisées, et la partie fine amoncelée sous des hangars jusqu'au moment de son utilisation. Des cendres de diverses natures, ayant été généralement plus ou moins lavées par les eaux pluviales, et provenant de foyers où l’on brûle du bois ou de la houille avec la bagasse, nous ont donné les résultats suivants : EXTRÊMES. MOYENNES. ‘ Acide phosphorique. . . 1.28 — 2.48 2.03 Le 9 £ Céndres de Dos . | Potasse SL: CIE) PES 1876 6.20 3191 CHAUX SR MEN OS POP RE ROSE SHASYS MMAGTÉSIE AN A RC D MODE NT ASS 3.58 Acide phosphorique. . . 1.73 — 7.35 4.07 Cendres de bagasse. { Potasse. . L 0.34 — 7.20 2.95 CCRAUXE CELA CRE D.42=— 15 10 JT Guanos. Le guano a été la première matière fertilisante étrangère employée dans la culture de la canne à sucre comme supplément du fumier d'habitation. Les excellents résultats obtenus à l’origine par cet en- grais n'ont pas tardé à lui assurer une vogue qui s’est maintenue jusqu’à ces dernières années. On en emploie encore beaucoup, mais en moindre quantité qu'autrefois, et le plus fréquemment après l’a- voir mélangé à d’autres malières fertilisantes. Les nouveaux guanos introduits dans la colonie sont loin de pos- séder la valeur de ceux provenant des anciens gisements. Cette différence dans leur composition et dans leur efficacité a contribué pour une bonne part à l’amoindrissement des résultats LA CULTURE DE LA CANNE A SUCRE. 8) qu'on en oblenait primitivement ; néanmoins, tels qu’ils existent aujourd'hui, ils constituent encore un engrais de haute valeur qui aurait conservé plus de vogue, si, dès le début, on n’en avait point fait un usage exclusif et abusif. Le guano ne contient que peu ou point de potasse, et il ne peut fournir à la canne que l'azote et l’acide phosphorique nécessaires à son alimentation, La potasse est prise au sol, et comme elle n'y est point restituée, il s'ensuit que cet élément s’épuise rapi- dement, et qu'au bout d’un certain nombre d'années, le guano ne produit plus d'effet, si on ne vient pas le compléter par une addition de potasse. C’est ce qui est arrivé à la Guadeloupe, où le guano a peu d'efficacité dans la plupart des terres si on n'y ajoute point une quantité suffisante de potasse fournie par d’autres engrais commer- Claux. On a attribué à l’usage abusif du guano plusieurs inconvénients qui ne lui sont point particuliers et qui peuvent s’observer pour tous les engrais incomplets dont on fait un usage exclusif. On à été même jusqu’à l’accuser d’avoir introduit le borer dans les plantations et d’être la cause du développement des fièvres palu- déennes ! Le principal reproche qu’on pourrait lui adresser, serait d’être une matière fertilisante à composition variable, Le prix d’un chargement est établi d’après sa composition moyenne ; et comme celle-ci varie, on peut payer cet engrais en dessus ou en dessous de sa valeur réelle. Il présentait également un grand inconvénient qui a disparu en partie depuis peu de temps. Le guano arrivait dans les colonies tel qu'il était extrait des gisements, c’est-à-dire en concrétions plus ou moins volumineuses mélangées de pierres d’un volume variable, et l'habitant était obligé de le pulvériser, d'enlever les grosses pierres et de le mélanger avant de l’employer. Dans ces conditions, un sac a pu fournir cinq lots distincts qui ont donné les résultats suivants : 1° Concrétions d'un brun rougeâtre très hygrométriques ; 29 == dures, donnant une poudre jaune brun; 30 = donnant une poudre sèche jaune; 49 _ brunes, très tendres et très hygrométriques ; 5° Poudre ténue formant la plus grande partie de l'échantillon. 86 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. 1 2 3 4 5 Matières organiques *. 171," 0N° 040203 PINS MS 10 21 ER DAMINÉrAlES PR FT M6 OI 53.1 56.95 64:10 148/16 Acide phosphorique soluble. . . . . 7.44 5.02 1.20 : 5.164,90 — LOLAl ES ee 7. ol 7.26 7.00 9.58 9.63 AOL AMINONIAC AIR EE M RS DS ED 3.15 9736 2.59 —NOTSANIQUE EE MNENNAR OUTER. 0.49 0.30 0.03 0,02 0.11 er HOTAl EE Mn EIRE RARES 8.52 11.60 3.18 9.38 20 POTASS GENE EAP ET URL 6.53 6.09 1105 4.41 198 À la Guadeloupe, le guano est aujourd’hui livré à la culture après avoir été broyé et mélangé. Les analyses de divers chargements ont alors donné les résultats suivants : EXTRÊMES. MOYENNES. Acide phosphorique total. . . . . . . 10.63 — 13.66 1223 AOL AMMONIACAEME PR PRE 4.73 — 6.91 5.90 — organique . TR A 1.57 — 2.34 1.89 ALU LA LE Le MEME Re NAS 6.301 — 9:25 7.179 ROLASS OUAIS MES 2,05 — 4.73 2.74 Le quano du Pérou dissous a l'avantage de présenter une compo- sition plus uniforme, d’être en poudre plus sèche et surtout d’être vendu avec un dosage garanti. D’après nos analyses, sa composition moyenne est la suivante : Acide phosphorique soluble dans l'eau. PC — INSOIUDIC EM TE A RS 2 MTOtAI RE M Eee Ur MORE AZOtEAMMONIACA INR RENE NP ALES RSS ES CAGE ==hôorganiques te EACUTE EUR SRE CPAS ESEUPES COLA PR ME CET I Guanos de chauves-souris. Certaines excavations ou fissures plus ou moins profondes exis- tant sur le littoral de la Guadeloupe, sont habitées depuis longtemps 1. Pour toutes les analyses que nous citerons ici, nous n'avons pas l'intention d'in- diquer la composition habituelle de l'engrais, mais seulement celle que nous avons pu consfater sur des échantillons importés dans la colonie. | LA CULTURE DE LA CANNE A SUCRE. 87 par des oiseaux marins et des chauves-souris. Ces animaux y ont déposé une masse plus ou moins considérable d’excréments, dont la valeur est variable suivant la nourriture prise par ces animaux et les matières étrangères qui peuvent y être mélangées. Ces dépôts ne constituent pas du guano proprement dit, et ils n’en ont ni la valeur, ni la composition; néanmoins, 1ls peuvent être avan- tageusement utilisés, bien qu'ils ne soient pas en masses assez consi- dérables pour être l’objet d’une exploitation importante. La valeur de ces dépôis est loin d’être négligeable, ainsi qu’on le voit par les chiffres suivants : St-FRANÇOIS. SI-MARTIN. St-BARTHÉLEMY. EE Le a Eau et matières organiques. . 53.00 295410 90.74 83.54 Matières minérales. . . . . 47.00 79.90 44.26 16.46 Azote total . A: 2.48 0.84 3-39 2.67 Acide phosphorique. . . . . 11:53 14.80 4.3 4.78 Potasse . 0.00 0.62 6.59 2.64 CRAN RER OT 527710 20.63 5.78 A AT L’échantillon Anse Bertrand est composé presque uniquement de débris de coléoptères ; 1l contient une forte proportion d’azote orga- nique insoluble ; mais cet engrais est de décomposition facile et il renferme à l’état normal 0.80 p. 100 d’azote ammoniacal. Engrais de poissons. Les engrais de poissons sont très efficaces, surtout pour la canne plantée, et tous les habitants connaissent les bons effets des débris de morues avariées sur la végétation de la canne. Il en est de même des engrais de poissons livrés par le commerce et qui contiennent de 5 à 7 p. 100 d’azote et de 5 à 7 p. 100 d’acide phosphorique. Leur mode d’action peut se comparer, jusqu’à un certain point, à celui du guano du Pérou ; c’est un engrais qui renferme très peu de potasse, et bien que l'azote y existe sous la forme organique et, par conséquent, insoluble, sa décomposition est très rapide dans le sol, et ses effets se font promptement sentir. 38 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Poudrelles. Les poudrettes sont de composition variable, et on introduit. par- fois sous ce nom des matières plus ou moins terreuses dont la valeur est excessivement réduite. On ne doit donc les acheter que sous garantie et en prenant toutes les précautions nécessaires pour ne pas être trompé sur leur qualité. À part les poudrettes riches de Bondy dont le dosage est assez élevé, nous en avons analysé à la Guadeloupe qui ne valaient certai- nement point les frais de transport qu'elles avaient coûté. Elles ren- fermaient pour 100 de 0.4 à 4 d'acide phosphorique, de 0.14 à 0.97 de potasse et de 0.64 à 1.72 d’azote. En introduisant des engrais d’aussi peu de valeur, on perd com- plètement son argent. Engrais phosphalés. C’est surtout à l’état de superphosphates qu'on introduit acide phosphorique à la Guadeloupe, mais on n’attache pas assez d’impor- tance à leur richesse. Cependant les superphosphates de haut ütrage sont toujours d’un emploi plus économique en raison des frais de transport qui sont les mêmes pour un engrais qui contient 10 p. 100 de substance utile que pour un autre qui en contient 50. La richesse des superphosphates analysés à varié de 2.90 à 13.95 p. 100 d’acide phosphorique soluble dans l’eau, et de 8.33 à 15.10 p. 100 d’acide phosphorique assimilable. Le taux d'acide phospho- rique total a varié de 10.33 à 20.90 p. 100. Dans les superphosphates, l'acide phosphorique est à l’état soluble et, par conséquent, plus rapidement assimilable que Pacide phos- phorique des phosphates minéraux ou insolubles ; néanmoins, on sait que l'acide phosphorique soluble introduit dans le sol y devient bientôt insoluble en se combinant avec le fer et la chaux, et qu'au bout d’un certain temps le superphosphate est transformé en phos- phate insoluble. Malgré cette transformation, les superphosphates laissent l’acide phosphorique après sa combinaison dans un état de division qui ne peut être atteint par des moyens mécaniques et qui LA CULTURE DE LA CANNE A SUCRE. 39 constitue un de leurs principaux avantages. Introduit dans le sol, l’acide phosphorique soluble dans l'eau peut se diffuser avant de passer à l’état insoluble et se répartir plus uniformément dans la couche arable. Cette solubilité de l'acide phosphorique peut être obtenue sans recourir aux superphosphates, et nous avons vu plus haut que le mélange du phosphate insoluble avec les fumiers en fermentation arrivait au même résultat. Ce mélange, employé pour les cannes plantées, dispenserait de l'emploi des superphosphates pour la cul- ture des rejetons. La richesse de certaines terres en matières organiques, grâce aux- quelles les phosphates insolubles deviennent facilement assimilables, est encore une circonstance qui recommande lemploi des phospha- tes minéraux sur une plus large échelle. Le kilogramme d’acide phosphorique, avec les frais de transport, revient dans les colonies à environ 0 fr. 35 c. dans les phosphates minéraux et à 1 fr. 25 c. ou 1 fr. 30 c. dans les superphosphates à 15 degrés ; de sorte que, si on emploie à l’hectare 500 kilogr. de superphosphate coûtant 95 fr. et dosant 75 kilogr. d’acide phospho- rique, on pourrait avoir pour la même somme 4050 kilogr. de phosphate minéral à 25 p. 100, contenant 260 kilogr. d’acide phos- phorique, c’est-à-dire environ trois fois plus. Les phosphates minéraux titrant jusqu’à 30 p. 100, mélangés aux fumiers, procureraient done une économie notable, et dans les terres où l’on craindrait une assimilabilité trop lente, on pourrait les rem- placer par les phosphates précipités qui titrent jusqu’à 45 p. 100 d'acide phosphorique, et dont l’action sur la végétation est presque aussi énergique que celle des superphosphates. Dans les usines, les vieux noirs ayant servi à la clarification des jus doivent être recueillis précieusement ; ils contiennent en moyenne 1 p. 100 d'azote et 25 p. 100 d'acide phosphorique. Quelques gisements de phosphates minéraux existent à l’île de Saint-Martin, qui est une dépendance de la Guadeloupe ; et des re- cherches suivies pourraient peut-être amener la découverte de gise- ments plus ou moins riches qui seraient une grande ressource pour l'agricuiture des îles voisines. 90 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Ces phosphates, à texture plus ou moins grossière, parfois parse- més de stries noirâtres, possèdent généralement une couleur rou- geûtre. Les échantillons que nous avons pu recueillir dans la partie hollandaise de l'ile contenaient de 11.03 à 24.29% p. 100, et ceux provenant de la partie française, de 23.71 à 32.08 p. 100 de phosphate de chaux. Accidentellement, la richesse a été trouvée de 77.82 p. 100. À l’ilet Tintamare, il existe également des gisements inexploités, et un échantillon de cette provenance contenait 38.50 de phosphate de chaux. Engrais azotés. L’azote s'emploie pour la culture de la canne sous la forme nitri- que, ammoniacale et organique. Il y a quelques années, on utilisait seulement les nitrates de potasse et de soude; mais aujourd’hui on remplace partiellement ces deux sels par du sulfate d’ammoniaque. Le prix auquel l'azote est fourni par le sulfate d’ammoniaque est la principale raison pour laquelle cette substitution a eu lieu, car l'azote nitrique et l’azote ammoniacal ne paraissent pas exercer une action sensiblement différente sur la végétation de la canne, et les observations pratiques ne permettent point d’en déduire une con- clusion sur les avantages réciproques de ces deux sels. On obtient de bons résultats de chacun d’eux, et surtout en les associant l’un à l’autre. Dans ces conditions, il est prudent de les mélanger, d'autant plus que, si l’action de l'azote nitrique est peut- être un peu plus énergique, il est, d'un autre côté, plus facilement entraîné dans le sous-sol par les eaux pluviales que l'azote ammo- niacal. On sait, du reste, qu’il règne encore une grande obscurité sur l'assimilation et le mode d’action de ces deux sels ; les phénomènes qui se passent dans la terre arable sont complexes, et les réductions et oxydations qui s’y accomplissent peuvent transformer l'azote ni- tique en azote ammoniacal, et vice versa. L’azote organique des engrais facilement décomposables produit également de bons effets; en raison des transformations qu'il doit subir avant son assimilation par la plante, il doit entrer dans LA CULTURE DE LA GANNE A SUCRE. 91 la composition des engrais destinés aux cannes plantées ; il forme alors une réserve pour la dernière période de la végétation, tandis que les engrais à azote soluble l’activent surtout au début. Malgré la perte d'azote gazeux qui a lieu pendant la transformation de la matière organique, le prix relativement peu élevé de cet azote rend son emploi avantageux. L’azote organique doit entrer moins fréquemment dans la compo- sition des engrais destinés aux rejetons, non parce qu'il est moins actif, mais en raison du mode d'emploi des engrais qui sont répandus trop souvent à la surface du sol. Quand on prendra la précaution de les enterrer à une certaine profondeur et de les recouvrir de terre, les engrais qui contiennent une certaine partie de l'azote à l'état or- ganique facilement décomposable auront les mêmes avantages pour les rejetons que pour les cannes plantées. Engrais potassiques. La potasse nécessaire à la canne est ajoutée aux engrais à l’état de nitrate de potasse ou de chlorure de potassium. Les bons effets du nitrate de potasse sont appréciés depuis de longues années, tandis que l'introduction du chlorure de potassium à la Guadeloupe est de date récente. Ce dernier sel est employé pour ajouter de la potasse aux engrais, qui, tels que le guano, contiennent déjà de l'azote et de l’acide phosphorique. Le chlorure de potassium est utile pour restituer au sol la potasse enlevée par les récoltes. Il est facilement assimilé par la canne, peut- être partiellement à l’état naturel, mais plus probablement après une transformation plus ou moins complète. Son mélange avec le nitrate de soude peut remplacer le nitrate de potasse; mais, à prix de revient égal, le nitrate de potasse, qui paraît produire de meilleurs résultats, sera employé de préférence. Engrais divers. En dehors des mélanges de composition très variable et qui pro- duisent sur les cultures des résultats très différents, on emploie beaucoup d'engrais complets, appelés engrais G. Ville, de prevenan- 92 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. ces diverses ; et qui, bien que devant être fabriqués suivant une for- mule déterminée, n'en présentent pas moins des écarts très impor- tants dans leur composition. La richesse de ces engrais varie : POUR 100. Pour l'azote 5 22 AUA:27 Pour l'acide phosphorique. ne 8.80 à 13.85 BOUT AMDO TASSE AE MA LI CE PRE ALNRE 4,20 à 11.65 La potasse est fournie tantôt par le nitrate de potasse, tantôt par le chlorure de potassium. L’azote s’y rencontre sous les trois états, mais particulièrement sous forme soluble, ammoniacale ou nitrique. L’acide phosphorique provient toujours d’un superphosphate et la majeure partie de ce corps se trouve sous la forme assimilable. Ces engrais reviennent généralement à un prix supérieur à celui d’un mélange fait dans la colonie avec des matières premières intro- duites directement. Action el influence des engrais. La durée d’action d’un engrais varie suivant que ses éléments sont plus ou moins solubles et facilement décomposables. C’est ainsi que l'acide phosphorique provenant des superphosphates aura gé- néralement une action plus prompte, mais moins durable que celui qui sera fourni par les phosphates minéraux plus lentement assimi- lables. Si la décomposition des engrais est trop rapide, ou s'ils sont solu- bles immédiatement, comme cela a lieu pour les sels nitriques et ammoniacaux, il est à craindre qu’ils ne disparaissent partiellement avant d’être absorbés par les plantes. Si, au contraire, leur décom- position est trop lente, la végétation ne peut pas les utiliser immé- diatement, et les plantes souffrent d’inanition. C’est pourquoi, dans la culture de la canne, dont la végétation se soutient pendant toute l’année, il faut que l’engrais puisse nourrir la plante pendant toute la durée de sa croissance. Les sels ammoniacaux et les nitrates se comportent différemment LA CULTURE DE LA CANNE A SUCRE. 93 dans le sol; les premiers peuvent se transformer assez rapidement en composés volatils et se perdre dans l’atmosphère s'ils sont en proportion trop considérable ; tandis que les nitrates descendent plus facilement dans le sol, où ils peuvent se perdre par l’entraine- ment des eaux pluviales ; aussi, l’usage de ces deux sels sera plus avantageux que l'emploi exclusif de l’un ou de l’autre. Il est vrai qu'en raison de leurs propriétés absorbantes, les terres arables s’op- posent à ces causes de déperdition; et cette faculté est plus accen- tuée dans les sols argileux et humifères que dans les terres légères etporeusés. Dans les premières, les engrais agiront peut-être moins rapidement, mais leur influence sera de plus longue durée. La sécheresse et l'humidité ont également une grande influence sur les résultats produits par les engrais, et c’est à elle surtout qu'il faut attribuer les renseignements souvent contradictoires qu’on ob- tient sur l’action d’engrais de composition parfois identique, et dont la différence constatée n’est due qu'aux circonstances atmos- phériques survenues pendant ou après la fumure et dont on n’a pas tenu compte. Les planteurs savent que les engrais sont inactifs pendant les sé- cheresses, mais fréquemment ils ne pensent pas qu'une pluie abon- dante, qui survient alors que l’engrais vient d’être déposé au pied de la canne sans être recouvertde terre, peut dissoudre et entrainer tous les éléments solubles qu’il contenait. Cet accident est très fréquent sous un climat ou les pluies sont torrentielles, car l’eau ne peut pénétrer dans le sol qui est générale- ment compacte, et tout l’engrais déposé à la surface du sol est perdu. Des pluies modérées après la fumure sont au contraire très favorables ; car elles dissolvent l’engrais ; puis, en pénétrant dans le sol, elles le répartissent uniformément à la disposition des racines. En parlant de l’action de l’eau sur les engrais, nous devons dire que trop souvent on néglige les précautions les plus indispensables pour les conserver jusqu’au moment de leur emploi. Quand l’engrais est rendu sur l'habitation, on le dépose, en attendant son utilisation, sur la terre humide ou mouillée, et sous des hangars dont la cou- verture fait eau de toutes parts. Nous avons vu des sacs de nitrate perdre ainsi le cinquième ou le quart de leur contenu, sans qu'on 94 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. paraisse se douter de la perte qui en résultait. Si c’est un engrais composé, les matières solubles sont enlevées, et il reste un résidu de substances inertes de nulle valeur. Lorsqu'on emploie un engrais dans ces conditions, on en obtient naturellement des résultats néga- tifs, et en général on les attribue à la qualité de l’engrais, mais non à l’imprévoyance et à l’incurie dont on a fait preuve. Influence du chlorure de potassium sur la composition de la canne. Lorsque, 1l y a quelques années, on a commencé à employer le chlorure de potassium pour la fabrication des engrais destinés à la canne, on manifestait quelques craintes au sujet de son influence sur la qualité des jus. On lui reprochait d’être absorbé en nature par la canne et d'introduire dans la tige, et par conséquent dans les ve- sous, des chlorures nuisibles à l'extraction du sucre. Bien que les sels potassiques et particulièrement le chlorure, doi- vent être employés avec ménagement, leur usage n'offre aucun inconvénient quand la fumure est faite en temps opportun, et à ce sujet nous avons procédé aux essais suivants. | Deux parcelles de premiers rejetons ont reçu les engrais ci-après : La première, 00 kilogr. superphosphate de chaux. — 250 — nitrate de potasse. La seconde, 500 — superphosphate de chaux. — 200 — chlorure de potassium. — 200 — nitrate de soude. ce qui donne à l’hectare une fumure de : 19 20 Kil. Kil. AGIT DHOSPRONIAUC ER CE TO AO 7 A ZOÉ Pre nas ciel et te. Ne ee NIUE 31 Potasse re RING TE SUR HIENS CNHOIOS AO 100 Ces deux fumures sont identiques sous le rapport de la quantité d'éléments fertilisants ; seulement, la potasse est à l’état de nitrate dans la première et de chlorure dans la seconde. Les cannes, âgées de 12 mois, ont donné au moulin des vesous composés ainsi qu'il suit : LA CULTURE DE LA CANNE A SUCRE. 95 . PARCELLE PARCELLE sans chlorure. au chlorure. Richesse du vesou en sucre cristallisable. . . 18.61 15.25 Gr. Gr. Gendres-par-litre de vesou + . . ="... : : 1,60 1,36 Gblore pour 100 de cendres. . . . . . . . 2,19 3,03 HO paIIIrelde VeSOU: 51. ee Ce 0,035 0,0412 Il y a donc pour 1 kilogr, de chlorure de potassium * : Kil. Kil. SUCTÉICEISIAIISADIC ER EE EE NE 55 0 2109 et pour 100 kilogr. de sucre. Ghonure depOtASSIUM. 0 0 000 0394 0,0470 La différence, bien que sensible, n’est pas considérable, et elle est encore moins accentuée dans les cannes plantées suivantes, âgées de 14 mois et ayant reçu la même fumure. La richesse du vesou étant : Sans chlorure. Avec chlorure. S'HGREECLIS AILISADIC RP 2 0786 122 CIUCOSE ARR AAA ER ER IOZES 0.64 nous avons p. 100 de cendres’: Gr. Gr CIORE Te ei mme mes che + 3110 1,968 et par litre de vesou : DDR EN 0" 200260 0,0295 Il y a donc pour 1 kilogr. de chlorure de potassium : Kil. Kil. SUCEEICTISAINSADIO RC NE TL 3428 et pour 100 kilogr. de sucre : Gnlorure defpotasSiume 0. 0263 0,0291 soit de 26 à 29 grammes de chlorure de potassium par 100 kilogr. de sucre ou un peu moins de 3 dix-millièmes. 1, En convertissant la totalité du chlore en chlorure de potassium. 96 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. La proportion de chlore existant en plus dans le vesou de cannes fumées au chlorure de potassium est insignifiante, et ne suf- fit point pour attribuer à cet engrais une influence sensible sur Ja qualité du jus. L'année suivante, nous avons renouvelé la même fumure après la récolte des cannes plantées précédentes et nous avons analysé la canne au point de vue des matières minérales contenues dans la tige et dans les feuilles ; mais nous ne citerons ici que les chiffres relatifs au chlore et à la potasse. Le vesou de ces premiers rejetons possédait une richesse de : Sanschlorure. Avec chlorure. de DORÉ OCNTE SAS PSS CS 00 à mil DS 11/05 Sucre Dr AOD A vrac teut 4e Ve MEe US OS 19.76 Glucose NIET DRE EN ER ER PE OS 0.49 ce qui donne pour la richesse de la canne à 12 p. 100 de ligneux : SUCTE LE TENNIS RE NOT GR 16.05 GIUCOSE LIL RARE M TR Et du ne MAO SA 0.39 16.65 16.44 Les cendres contenaient p. 100 : CANNES. FEUILLES. EE — TT — 115 2: 1. a CHOLET RP EEE 0.10 0.10 4.70 8.49 BOLASS PRES RE (TRS 0 11.93 2739 30.93 SOUTERESAPAESS STSPS ES 1.96 ON7r 2208 OP Soit pour 1 000 kilogr. de matière naturelle : KIL, KIL. KIL,. KIL. CDIOrE RE ER ONCE 0,004 0,747 13930 ROTASSC CRE SE RCE 0 CID 0,469 1,031 4,860 SOU 0 007110 0,030 0,354 0,020 Matières minérales totales. . 3,900 3,900 … 15,900 15,700 La richesse saccharine de la canne est identique dans les deux lots ; et il en est de même pour les matières minérales autres que la potasse et le chlore. LA CULTURE DE LA CANNE A SUCRE. 97 Le chlore se trouve en égale proportion dans les tiges, mais en quantité double dans les feuilles de la parcelle famée au chlorure. S1 la potasse se trouve en proportion supérieure dans les feuilles de la parcelle au chlorure, le cas inverse se produit pour les tiges qui en contiennent davantage dans le premier échantillon. Pour une récolte de 59 000 kilogr. de cannes étêtées à l’hectare, nous aurons une teneur de : SANS CHLORURE. AVEC CHLORURE. EE — EE Cannes. Feuilles. Total. Cannes. Feuilles. Total. Kil. Kil. Kil. Kil. Kil. Kil, (CINE MEME 0,200 19,049 19,249 0,200 33,915 34,115 Potasse.! . . . . 33,750 - 102,790 136,540 23,250 123,930 147,180 SVT MINE TION SL SDON nm 40274012/827 150024002100 02,010 Matières minérales totales . . . . 195,000 405,450 600,450 195,000 400,350 595,390 Nous voyons donc que le chlorure de potassium employé comme engrais ne nuit aucunementà la fabrication, lorsque la canne est mûre, parce qu'à ce moment, excès de cet élément se trouve dans les sommités ?. La proportion de chlore et de potasse contenue dans les tiges el feuilles indique que ce sel subit, avant ou après son absorption, une décomposition plus ou moins complète ; car la majeure partie de la potasse se trouve dans la plante, sous un autre état que celui de chlorure. Les sommités de la parcelle au chlorure contiennent 33*,915 de chlore, tandis que celles de la parcelle sans chlorure n’en contien- nent que 19k,049. Pour la potasse, on en trouve moins dans les cannes de la par- celle au chlorure et davantage dans les feuilles ; circonstance qui pourrait peut-être s'expliquer par une végétation plus vigoureuse au moment de la récolte dans les cannes fumées au nitrate de polasse, qui a retardé la migration de la potasse vers les feuilles. Cette différence pour la potasse devient moins sensible si on tota- lise celle contenue dans les feuilles et dans la tige ; ainsi on obtient 1. Voir, pour plus de détails, Composilion minérale de la canne à sucre. ANN. SCIENCE AGRON. — 1886. — 1. 7 98 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. 447 kilogr. de potasse dans la parcelle au chlorure de potassium et 136 dans celle au nitrate de potasse. , L'influence des engrais potassiques a été expérimentée également à la Réunion par M. Delteil ; et en employant des engrais à dose va- riable de potasse, on a obtenu les résultats suivants pour la richesse du vesou. DENSITÉ. SUCRE. GLUCOSE. CENDRES. Engrais à 5 p. {00 de potasse. . . 12.50 20 0.48 0.55 — 10 — eo ls 200 20.33 0.45 0.41 — 15 = Reno 26 0 20:79 0.30 0.54 La dose de potasse n’a point modifié le vesou, ni sous le rapport de sa richesse en sucre, ni sous celui de sa teneur en matières miné- rales. Emploi des fumures. Nous avons vu que la canne serait une culture très épuisante, si on enlevait du sol toute la récolte, tiges et feuilles : mais qu’elle l’était beaucoup moins si on laissait sur le terrain toutes les sommités qui sont beaucoup plus riches en azote et en sels miné- raux, que la canne proprement dite. Néanmoins, l’expérience prouve que, pour obtenir de bonnes ré- coltes, il faut fournir à la canne une quantité relativement élevée de matières fertlisantes, parce que dans les conditions ordinaires de la culture, l'épuisement du sol est plus considérable que ne l’indique la composition de la canne mûre, et qu'il se produit une perte nota- ble d'engrais. | La canne n’est pas toujours récoltée à sa maturité complète et les jeunes cannes, et celles mcomplètement mûres, contiennent davan- tage d'éléments azotés et minéraux. À chaque récolte, on enlève de la pièce des plants et des feuilles vertes et sèches pour l'entretien des animaux ; et s’il n’en résulte point une perte absolue pour l'habitation, puisque les engrais pro- duits ne’ sont pas exportés, la pièce qui fournit les feuilles n’en est pas moins appauvrie de tous les éléments que celles-ci contiennent. LA CULTURE DE LA CANNE A SUCRE. 99 Les engrais placés dans le sol perdent également une partie de leurs éléments solubles qui sont enlevés par les pluies, que celles-ci pénètrent dans le sol en les entrainant à une trop grande profon- deur pour qu'ils puissent être absorbés par les racines, ou qu’elles circulent à sa surface, en lessivant plus ou moins les couches les plus superficielles. Les corps azotés se transforment plus ou moins complètement en composés ammoniacaux volatils, qui peuvent se disséminer feu l'atmosphère, où ils sont perdus pour la végétalion. La température élevée et les alternatives de sécheresse et de pluies diluviennes qu’on observe sous les tropiques donnent à ces causes de pertes une importance toute particulière. Il faut encore ajouter que les engrais sont mal utilisés ; et que, s’il est nécessaire d’en employer d’aussi fortes quantités, cela tient beaucoup à ce que leur répartition dans la couche arable n’est pas uniforme, et que les façons d’ameublissement et de pulvérisation du sol sont insuffisantes pour permettre aux racines de se développer normalement, et aux engrais d’agir efficacement. Dans les conditions actuelles, de nombreuses expériences et des observations multiples ont démontré qu’à la Guadeloupe la fumure d’un hectare devait annuellement restituer au sol, suivant sa nature et sa plus ou moins grande fertilité naturelle : 30 à 0 kilogr. d'azote. 80 à 90 — de potasse. 60 à 80 — d'acide phosphorique. Pour l'azote, les résultats les plus avantageux sont obtenus en employant sous la forme nitrique et ammoniacale. Dans les cannes plantées et dans les rejetons, si on enterre l’en- grais par un labour, l'addition d’azote organique facilement décom- posable, tel qu'il est fourni par le sang, l’engrais de poissons, les tourteaux, etc., dans la proportion d’un cinquième à un quart de l'azote total, se recommande en raison de son efficacité de plus lon- gue durée. L’épuisement absolu est à peu près identique pour les cannes plantées et pour les rejetons ; et les modifications à apporter dans la 100 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. composition des engrais sont surtout indiquées par la différence que présente leur végétation et la manière de pratiquer habituelle-, ment la famure. Les cannes plantées ont une végétation plus vigoureuse, elles oc- cupent le sol plus longtemps ; et on les fume en enterrant l’engrais autour du plant, tandis que les rejetons sont fumés en couverture. Pour ces raisons, l'addition d'azote organique est à conseiller pour les cannes plantées, et pour les rejetons, on emploiera des engrais solubles qui puissent se diffuser rapidement dans le sol; pour ces derniers, on augmentera également la dose d’azote qui sera portée à 40 ou 50 kilogr. à l’hectare. Quant à l'acide phosphorique, nous avons déjà indiqué les moufs qui nous semblent recommander son emploi à haute dose dans les cannes plantées, et à l’état de phosphates précipités ou de phos- phates minéraux mélangés préalablement aux fumiers ; ou incorpo- rés directement au sol, s’il est riche en matières organiques. Dans ce cas, on diminuera proportionnellement la quantité à introduire dans les engrais destinés aux rejetons sur lesquels son influence est incertaine. Le fumier de parc est réservé exclusivement aux cannes plantées, pour lesquelles on l'emploie à la dose de 75000 kilogr. environ. Si on n’en dispose pas d’une quantité suffisante, au lieu de fumer com- plètement certaines terres avec du fumier de ferme et d’autres avec des engrais commerciaux, il est préférable de donner à toutes les cannes plantées une demi-fumure au fumier de parc, et de la com- pléter avec des engrais chimiques. Le fumier s'emploie aussitôt après la plantation, et est répandu uniformément sur toute la longueur du sillon; puis, lorsque les re- jets commencent à pousser, on complète la famure avec des engrais chimiques. L'engrais doit toujours être répandu avant que les cannes com- mencent à former leurs tiges, car c’est dès le début de leur végéta- tion qu’elles ont besoin d’une nourriture abondante. Lorsque la tige proprement dite est constituée, elle cesse de s’ac- croitre en longueur et en diamètre ; les cannes fumées tardivement seront donc petites et à nœuds rapprochés vers la base, la circula- Sn LA CULTURE DE LA CANNE A SUCRE. 101 tion des fluides séveux v deviendra difficile, et la végétation s’en ressentira Jusqu'au moment de la récolte. Les fumures tardives ont, en outre, le grave inconvénient de pro- longer outre mesure la végétation de la canne, qui donne des jus moins sucrés, Car la canne mürit difficilement lorsque l’engrais n’agit que pendant la dernière période de son existence. L'action que peut exercer l’engrais sur la qualité des jus est in- directe, et elle n’est à craindre que lorsqu'elle prolonge la végéta- tion au delà du terme moyen. Un engrais très azoté, poussant à la production herbacée, doit, pour cette raison, être employé de bonne heure; et dans ces con- ditions, nous avons porté la dose d’azote à 80 kilogr. à l’hectare, sans observer aucune diminution dans la qualité des cannes obtenues. 10. — Irrigation. Une dose suffisante d'humidité dans le sol est indispensable pour en obtenir une récolte quelconque. L'eau agit d’abord en établissant dans le sol la circulation des principes qu'elle tient en dissolution. Ces principes y resteraient immo- biles, si l’eau, toujours en mouvement par suite de sa pénétration dans la terre au moment des pluies, et de son déplacement en sens inverse par l’évaporation qui s’opère à la surface du sl, ne venait les mettre en circulation et les placer à la portée des racines. La majeure partie du poids des végétaux est constituée par de l’eau, et la quantité contenue dans une récolte de cannes (cannes et feuilles), d’un poids de 75 000 kilogr. est d'au moins 50000 kilogr. ou 0 mètres cubes. Cette eau n’est qu'une très faible partie de celle que la plante absorbe dans le sol par ses racines et rejette dans l’at- mosphère par ses feuilles. Pendant sa végétation, la canne absorbe ainsi des torrents d’eau qui circulent continuellement dans ses tissus. Nous avons obtenu, pour une partie de feuille pesant 12 grammes, une évaporation au soleil de 7 grammes par heure, ce qui est loin d'être un maximum. Dans ces conditions, en admettant un poids de 30 grammes par feuille et 400 000 feuilles à l'hectare, nous arrivons 102 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. à un poids de 7000 kilogr. d’eau évaporée par un hectare de cannes en une heure de soleil. L’évaporation n’est pas toujours aussi abondante, et elle varie avec la lumière reçue par les feuilles. On n’a, du reste, pas besoin de ces chiffres pour se rendre compte de l'importance de l’eau dans la culture de la canne, et des avan- tages que procurerait un procédé pouvant lui en fournir toutes les fois que le besoin s’en fait sentir. Avec de l’eau, depuis le moment de la plantation jusqu’à celui de la récolte, on serait maître de conduire la végétation à son gré et d'obtenir un développement normal, même pendant la saison sèche. La plantation ne serait plus retardée par l'absence de pluie ; elle pourrait se faire au moment le plus opportun, et un arrosage en temps utile assurerait la reprise et une pousse régulière des boutures. Le développement de la canne reste stationnaire quand il fait trop sec; et si la sécheresse dure deux ou trois mois, il en résulte que pendant l’année, au lieu d’une végétation de 12 mois, on ne peut compter que sur 9 ou 10; c’est donc un sixième à un quart de perdu. L'absence de pluie fait parfois périr les jeunes plants imparfaite- ment enracinés, mais elle entraîne rarement la mort des souches bien constituées. On constate seulement, dans ce cas, une diminu- tion dans les rendements qui peuvent être réduits à des proportions désastreuses. Quand la sécheresse est intense, la canne, au lieu de produire des entre-nœuds allongés et gorgés d’un jus sucré, pousse lentement et péniblement ; les feuilles, dont les fonctions sont ralenties, pro- duisent des nœuds rapprochés et la canne reste petite, dure et li- gneuse. Tous ces accidents seraient évités par l'irrigation ; malheureuse- ment, l’eau fait absolument défaut dans beaucoup de localités. À la Guadeloupe, par exemple, il n'existe aucun cours d’eau dans toute la partie appelée Grande-Terre ; mais l'autre partie de Pile, qui est montagneuse, est sillonnée de petites rivières, dont l’aménage- ment serait parfois facile, et dont l’eau pourrait être utilisée sur beaucoup d'habitations, où elle rendrait des services considérables. LA CULTURE DE LA CANNE A SUCRE. 103 Il en est de même à la Martinique, à Cuba, Puerto-Rico, etc., et il est regrettable qu’une ressource aussi précieuse pour la culture soit généralement inutilisée. Dans certains cas, les eaux peuvent être employées pour la fertili- sation des terres ; mais nous n’envisagerons 101 que leur utilité pour le maintien dans le sol de l'humidité nécessaire à la végétation, car dans la généralité des cas, elles seront plutôt la cause d’une déper- dition d'engrais qu'une source de fertilisation. Le rôle de l’eau, à ce seul point de vue, est très important a lès pays chauds pour la généralité des cultures, et en particulier pour la canne à sucre, dont les rendements seraient bien souvent doublés, s’il était possible de supprimer les inconvénients des sécheresse prolongées. Dans le cas où l’eau pourrait être amenée dans la plantation, il faudrait employer l’arrosage par infiltration, car, le procédé par déversement, pourrait entrainer et raviner la terre. De distance en distance, des canaux analogues aux rigoles d’assé- chement permettraient d'amener l’eau dans les pièces où elle séjour- nerait un temps suffisant pour imbiber complètement la terre ; dans les terres en pente, des canaux à niveau serviraient au même usage. On pourrait également butter légèrement les cannes, et les petits sillons ouverts dans l'intervalle des lignes faciliteraient la circula- tion de l’eau. Bien que l’eau ne soit jamais froide dans les climats tropicaux, sa température n’en est pas moins toujours de quelques degrés infé- rieure à celle du sol, surtout lorsqu'il a été échauffé par les rayons solaires. Il sera donc rationnel de commencer l'irrigation le matin, et non pendant la grande chaleur de la Journée. Pour produire tous ses effets utiles, chaque irrigation ne durera pas au delà de 24 heures sur le même point ; mais on pourra la re- nouveler plus ou moins fréquemment suivant la saison, l’état du sol, et selon qu'il aura été plus ou moins imbibé par Ja précédente 1rri- gation. Comme règle générale, l’eau doit circuler lentement sur le sol, et il ne faut jamais lui laisser prendre une certaine vitesse qui ne serait sans danger que sur des terres gazonnées. 104 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. L'irrigation devra cesser quelque temps avant la récolte, ou tout au moins être moins copieuse et revenir à de plus longs intervalles, pour que la végétation devienne moins active et que la canne puisse arriver à maturité. Drainage. L'eau en excès, surtout lorsqu'elle est stagnante, est encore plus préjudiciable à la canne que la sécheresse qui arrête la végéta- Lion, tandis que l’eau croupissante désorganise les racines, et la souche meurt facilement, surtout si cet accident arrive à l’époque de la récolte. Cette altération des tissus est d'autant plus active et ses effets plus pernicieux, que la température est plus élevée et la canne toujours en végétation. Le drainage a pour but d’évacuer celte eau surabondante et sta- gnante, sans cependant dessécher le terram ; car on sait que son action est limitée et qu’elle n’a plus aucun effet lorsque la terre n’est plus qu'humide sans être mouillée. Les terres humides sont plus froides que les terres sèches; car l’évaporalion de l’eau ne peut se faire qu'aux dépens de la chaleur du sol, et leur température s’abaisse en raison de la quantité d’eau évaporée; par suile, les sols drainés se réchauffent plus facilement que ceux qui ne le sont point. Cette amélioration, importante pour les pays froids, n’est que se- condaire sous les climats à température élevée et constante, et dans lesquels il faut surtout considérer comme avantages du drainage, la disparition de l’eau stagnante, l’aération et la modification des pro- priétés physiques du sol, son ameublissement plus facile, etc. ; amé- liorations dont le résultat sera une augmentation dans la fertililité relative des terres, et par conséquent, une augmentation dans la qualité et la quantité des récoltes obtenues. On ne doit point confondre le drainage avec l'évacuation des eaux pluviales, qui circulent ou séjournent à la surface du sol ; car lorsque celles-ci sont éliminées, les eaux dont il est encore saturé, ne peu- vent être évacuées que par le drainage couvert ou à ciel ouvert. Les tranchées ouvertes, généralement usitées dans les colonies, ont de grands inconvénients ; elles occasionnent une perte de terrain, LA CULTURE DE LA CANNE A SUCRE. 105 elles gênent considérablement la circulation des instruments ara- toires et le transport des récoltes ; de plus, les éboulements qui se produisent fréquemment, nécessitent dessoins d’entretien continuels ; aussi, doit-on chercher à les remplacer par le drainage proprement dit, c’est-à-dire, par des tuyaux de poterie disposés bout à bout dans le sol à une profondeur variable, et suivant une pente déterminée et régulière. Le drainage couvert a eu, paraît-il, des résultats complètement nuls à la Martinique, et les drains n’ont fonctionné que pendant quel- ques mois. Le fail ayant été constaté, nous n’avons pas à y revenir ; mais 1] y aurait lieu de rechercher si cette opération a été exécutée suivant toutes les conditions nécessaires pour assurer sa réussite. Dans d’autres pays également, beaucoup de drainages ont donné des résultats négatifs ; mais presque toujours on s’est aperçu que les drains avaient été mal posés, que des affaissements du sol s'étaient produits, que la pente n’était pas convenable ou irrégulière, ete. ; et peut-être qu'à la Martinique, une ou plusieurs de ces causes ont plus contribué à l’insuccès de l'opération que limperméabilité du sous-sol ou la quantité d’eau que les drains avaient à évacuer. Nous savons que, dans les colonies, on a parfois attribué à cette dernière cause une influence prépondérante ; cependant, on sait que les drains ordinaires, à l'exception des collecteurs, sont rarement de seclion insuffisante et qu'ils peuvent évacuer une masse d’eau considérable ; on pourrait d’ailleurs augmenter leur section de façon à éviter complètement cet accident peu probable. L’abondance des pluies, comparée à la quantité enregistrée en France, n’est point non plus une cause suffisante pour expliquer l’insuccès. Il est vrai qu'à la Guadeloupe et à la Martinique, on re- çoit annuellement jusqu’à 4 et 5 mètres d’eau, et que la répartition mensuelle atteint 400 et 500 millimètres avec des pluies journalières qui vont jusqu’à 190 millimètres ; mais cette eau ne doit pas être évacuée en totalité par les drains. Le terrain qui reçoit ces avalan- ches est plus ou moins perméable ; dans le premier cas, l’eau le pénètre facilement et les drains fonctionnent avec rapidité ; dans le second, la majeure partie de l’eau pluviale circule sur le sol sans le pénétrer et est évacuée au dehors par les fossés et dérayures. 106 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. En admettant mème que les drains soient insuffisants pour éva- cuer cet excès d’eau immédiatement, ils continueront néanmoins à fonctionner, et ils mettront seulement un peu plus de temps pour arriver à l’assainissement du sol. Mais alors un résultat important aura été obtenu, car les eaux ne seront plus stagnantes, puisqu'elles seront animées d’un mouvement continu qui les amènera peu à peu vers le drain chargé de les évacuer. Cest après l’insuccès du drainage couvert à la Martinique, que M. O. Hayot a employé et préconisé le drainage par tranchées ou- vertes”, applicable surtout aux terres inclinées. Ce système consiste à tracer des rigoles de niveau tous les 10 mè- tres environ, à une profondeur de 30 à 60 centimètres, suivant la nature du sol et du sous-sol. Ces rigoles, au lieu d’être parfaitement horizontales, doivent avoir une légère pente, un demi-millimètre par mètre, pour faciliter l’écoulement des eaux vers les collecteurs éla- blis suivant la plus grande pente et plus ou moins espacés, suivant la configuration du terrain. Les rigoles de niveau suivent naturellement les sinuosités du sol, et chacune d’elles, se trouve à un niveau de 1",50 à 2 mètres plus bas que celui de la rigole supérieure. À part les inconvénients inhérents à toute tranchée ouverte, cette canalisation à niveau préconisée par M. Hayot doit donner de bons résultats. Chaque rigole fonctionne comme un drain pour le terrain supérieur qui s'aère, et dont les eaux surabondantes sont facilement évacuées ; mais un des principaux avantages de ce système est d’em- pêcher les eaux pluviales torrentielles de circuler à la surface du sol, depuis la partie supérieure du terrain jusqu'à sa partie la plus déclive. L'eau qui tombe sur une des sections est arrêtée el éva- cuée par la rigole inférieure, et le même effet se reproduit pour toutes les autres. En outre, la trop grande humidité des terres basses, provenant parfois de ce que le sol plus ou moins perméable, laisse suinter à un niveau inférieur, les eaux reçues à un point plus élevé, sera égale- ment évitée par la canalisation à niveau. {. Matériaux pour servir à l'histoire de la Martinique agricole. Fort-de- France. 1881. LA CULTURE DE LA CANNE A SUCRE. 107 Avant de penser au drainage proprement dit, il faut s'occuper tout d’abord de l’évacuation des eaux pluviales qui, pendant les an- nées humides, séjournent sur les terres plantées. | Cet accident, dû à ce qu’un obstacle quelconque s'oppose à leur écoulement et à la configuration du sol, est très fréquent sur quel- ques propriétés situées dans les bas-fonds, et où l’eau séjourne mal- gré des canaux bien tracés, toutes les fois que des pluies se succë- dent rapidement et avec quelque abondance. Les terres y forment une espèce de cuvette, et il faut quelquefois une tranchée longue et profonde pour conduire les eaux sur une partie plus déelive. Ces travaux d'évacuation sont souvent négligés, et il en résulte de grandes pertes, lorsque la saison est très humide. Lorsqu'il fait sec, on néglige l'entretien des fossés d'évacuation, qui s’obstruent par l’éboulement des terres ; et on ne pense pas à les curer, parce qu ils sont inutiles pour le moment. Si, plus tard, la saison est pluvieuse, l’eau séjourne sur les cannes, et 1l faut se hâter de nettoyer les canaux par des pluies qui rendent le travail plus pénible et plus coûteux. Du reste, c’est un peu l'habitude ne quand il fait sec, on pense à l'irrigation, et quand il pleut, on parle du drainage ; de sorte que les travaux sont rarement entrepris en temps opportun. Pour obvier aux inconvénients que présentent ces larges et pro- fondes tranchées à ciel ouvert, on doit les recouvrir, et lorsque la pente est suffisante et surtout régulière, la pose d’un drain de fort diamètre est le meilleur système à adopter. On peut néanmoins remplacer le drain par un canal en pierres plates où même par une coulisse en pierres brutes. Ces pierres sont jetées pêle-mêle dans la tranchée, sur une épaisseur de 50 à 70 centimètres, en ayant soin de placer les plus grosses dans le fond et les plus petites par dessus. On place ensuite des mottes de gazon, quelques branchages, de la terre glaise bien tassée, et on finit de combler le canal avec de la terre. Ces coulisses ont une longue durée ; mais, néanmoins, un bon drain sera préférable et durera tou- Jours plus longtemps. Lorsque la nature du terrain le permet, et que l'ouverture d’une tranchée pour évacuer les eaux d’une terre en cuvette nécessite- 108 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. rait un travail trop considérable , on creuse un puisard ou boit- tout. ’ Les puisards rendent de grands services à la Guadeloupe, mais souvent ils ne sont pas établis avec soin; et alors, ils s’obstruent rapidement ou fonctionnent trop lentement. On les construit généralement pendant les pluies et alors que la nécessité s’en fait sentir ; tandis que la règle absolue doit être de n'y travailler que pendant la sécheresse, Si la terre est imbibée ou couverte d’eau, elle se corroye facilement, et les fissures par les- quelles elle doit s’assainir, sont bientôt obstruées. Avant de creuser le puisard, on commence par sonder le terrain, car si le sous-sol est aussi imperméable que la couche arable, il est inutile d’y chercher à évacuer les eaux ; si, au contraire, 1l est ro- cheux ou sablonneux, il suffira de percer la couche imperméable pour voir les eaux se perdre dans les profondeurs du sous-sol. Le terrain étant reconnu propice, on creuse dans la partie la plus déclive du terrain à dessécher, un puits ordinaire, tronconique, de 2 ou 3 mètres de profondeur, suivant l’épaisseur de la couche im- perméable, et suffisante pour faire pénétrer la petite base dans la couche perméable ou fissurée. Afin d'éviter les éboulements qui ne tarderaient pas à se produire, il est indispensable de soutenir les parois du puisard par un large mur en pierres sèches; ou, ce qui est préférable, de le remplir com- plètement avec des pierres brutes, et de recouvrir le tout de fas- cimes ou de branchages. On évitera ainsi de laisser un gouffre béant qui offre toujours des inconvénients, soit pour les hommes, soit pour les animaux. Lorsque le puisard n’est pas comblé avec des pierres, la terre fine, que l’eau entraine toujours en plus ou moins grande quantité, s'accumule au fond et y forme bientôt une couche imperméable qui s'oppose à toute infiltration. Si l’entrainement d’une forte proportion de terre était à craindre, il y aurait lieu, de terminer le fossé qui amène les eaux dans le pui- sard par une cuvette large et peu profonde, dans laquelle l’eau, dont la vitesse serait ralentie, laisserait déposer la majeure partie des particules de terre dont elle est chargée. LA CULTURE DE LA CANNE A SUCRE. 109 De temps à autre, on nettoierait la cuvette, et le puisard fonc- tionnerait presque indéfiniment. 11. — Cultures d'entretien. La canne, qui est une plante rustique, si on ne considère que sa végétation sans aucune préoccupation du résultat final, demande, au contraire, des soins continuels pour donner un produit agricole et manufacturier rémunérateur. Quand toutes les boutures qui ont manqué ont été remplacées, les deux opérations qui doivent être exécutées jusqu’à la récolte sont principalement le rabaltage des billons qui recouvrira la bouture d’une plus grande quantité de terre, puis les sarclages et les binages qui ameubliront le sol et détruiront toute végétation adventice. Bien que ces deux façons distinctes se donnent presque simultané- ment, nous les décrirons séparément. Bultage. — Après la famure, la terre des billons est employée à combler les déravures dans lesquelles les boutures se trouvent pla- cées. Cette opération, que l’on appelle rabaltage des sillons, équivaut donc à un véritable buttage ; seulement, au lieu de laisser, après son exécution, le terram billonné comme dans le buttage ordinaire, il le laisse complètement aplani, et c’est ce que M. Reynoso appelle, avec raison, un bultage interne. Nous connaissons le mode de végétation de la canne ; nous savons que chaque nœud de la tige produit un rejet qui s’enracine immé- diatement. Chacune de ces nouvelles tiges peut à son tour en émet- tre de nouvelles, et le phénomène se continue ainsi en produisant une touffe composée d’un nombre de cannes d’autant plus considé- rable que la fertilité et l’ameublissement du terrain sont plus com- plets, et suivant que la bouture est placée à une plus ou moins grande profondeur. Cette profondeur est naturellement limitée; si elle était excessive, les racines émises végéteraient péniblement, et elles resteraient chétives ou seraient remplacées par d’autres qui naîtraient sur des points plus rapprochés de la surface du sol. On n’obtiendrait point le même résultat en plaçant, lors de la plantation, les boutures à une profondeur égale à celle où elles se 110 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. trouveront après le rabattage des sillons ; car les jeunes rejets au- raient à traverser une trop grande épaisseur de terre avant de paraître à la surface du sol; et comme avant la formation des pre- mières feuilles, ils vivent aux dépens de la bouture et ne peuvent “par eux-mêmes puiser leur nourriture dans le sol, ils y arriveraient affaiblis et dans des conditions peu favorables à leur développement ultérieur. Quand les premières pousses sont pourvues de feuilles, elles émet- tent d’autres rejets qui naîtront sous une plus faible épaisseur de terre. L'activité et la vigueur de la végétation étant en rapport avec la fertilité du terrain, le nombre de rejets augmentera rapidement, puis il arrivera un moment où les aliments fournis par les racines seront tous absorbés par les tiges déjà émises et leur développement s'arrêtera. Les bourgeons encore enterrés resteront à l’état latent jusqu'au moment où la sève ne trouvant plus son utilisation dans les parties aériennes, les fera développer en nouveaux rejetons. Pour obtenir une pousse régulière et des tiges ayant sensiblement la même grosseur et le même âge, la sortie des rejets doit avoir lieu en même temps et le plus tôt possible. D'un autre côté, le rabattage des sillons possédant également une certaine influence sur leur développement, il s'ensuit qu'on doit commencer cette opération aussitôt après l'apparition des premiers rejets et qu’elle doit être terminée avant que la tige proprement dite soit formée, c’est-à-dire avant qu’elle soit cannée. On l’exécute en deux ou trois fois, à des époques plus ou moins espacées, suivant la végétation plus ou moins rapide des rejetons. Il serait assez difficile de faire marcher un cheval sur la crête du billon, aussi le premier rabattage se donne généralement à bras; des ouvriers armés de houes remplissent partiellement le sillon en ayant soin de ne placer près de la bouture que de la terre meuble et bien pulvérisée ; les grosses mottes sont désagrégées avec la tête de la houe, et les plus gros fragments placés dans l’espace qui sépare les plants les uns des autres. Plus tard, quand la terre du billon s’est de nouveau désagrégée sous l'influence alternative du soleil et des ondées, on procède à une seconde opération, puis à une troisième, si cela est nécessaire. LA CULTURE DE LA CANNE A SUCRE. doi Ces dernières façons peuvent se donner complètement en em- ployant une petite charrue très légère, et lorsque cet instrument attelé d’un mulet a passé sur le billon, les ouvriers n’ont plus qu’à parcourir rapidement le terrain pour complèter le travail et dégager les petites tiges qui seraient trop enterrées ou recouvertes de mottes dures et volumineuses. On pourrait également rabattre les sillons en les désagrégeant préalablement au moyen d’une houe à cheval pourvue de dents lon- gues et fortes pour ameublir le terrain sur une épaisseur de 5 à 10 centimètres, puis avec un buttoir à oreilles très évasées, on rem- plirait les sillons avec de la terre meuble. En combinant, suivant la nature du terrain, le travail de la houe, de la charrue et du buttoir, on peut arriver à rabattre les billons convenablement et économiquement. Pour toutes ces opérations, on ne saurait trop recommander de remplacer le plus complètement possible la main de l’homme par le travail des animaux qui est toujours plus économique. Ces travaux, exécutés par des instruments mus par des animaux, reviendraient à un prix aussi élevé qu’ils seraient encore préférables en raison de la rapidité de leur exécution. Or, pour que les buttages, les binages, etc., soient faits dans de bonnes conditions, il faut opérer par un temps propice ; les terres ne se travaillent convenablement et ne se désagrègent par les ins- truments, que lorsqu'elles sont dans un état particulier d'humidité qu'il faut saisir rapidement. Avant ou après, on n'obtient plus les mêmes résultats ; aussi, tous les moyens qui permettent d'exécuter ces travaux en peu de temps, doivent être employés exclusivement, quand même il n’en résulterait aucune économie d'argent. Si, en raison de la nature du terrain, la plantation a été faite pro- fondément, les billons ne seront point rabattus complètement pen- dant la première année, et la terre qui restera entre les lignes ser- vira, après la récolte, au buttage des rejetons. Cependant cette pratique peut avoir des inconvénients dans les terres compactes. Les eaux pluviales peuvent séjourner dans les sillons qui restent légèrement concaves, et nuire aux souches si le terrain est imperméable et l’année très pluvieuse. En outre, la dis- 112 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. position ondulée du terrain, entrave la marche de la houe à cheval qui fonctionnera difficilement dans tous les sens sur les terres plan- tées en quinconce. Dans les terres peu profondes, on pourrait donner un léger but- tage à la canne ; mais généralement, il vaut mieux ne point exécuter cette opération pendant la première année et la réserver pour la culture des rejetons. Sarclages el binages. Le sarclage proprement dit a pour but de détruire les herbes ad- ventices qui pullulent toujours dans les cultures ; tandis que les bi- nages ont surtout en vue l’ameublissement de la couche superficielle du sol, tout en étant également très efficaces pour la destruction des mauvaises herbes et pour le nettovage du sol, de sorte qu'ils rem- plissent une double fonction et rendent inutiles les sarclages lors- qu'ils sont exécutés en temps et lieu. Les binages, si favorables à la culture de la canne, sont générale- ment bien mal exécutés dans les colonies ; on les retarde jusqu’au moment où les mauvaises herbes ont acquis un grand développe- ment, et on opère aussi bien par les temps pluvieux que par la sé- cheresse. Quand la terre est détrempée, les herbes coupées ou arrachées sont piétinées et véritablement replantées par les pieds des travail- leurs; la terre est pétrie et corroyée au lieu d’être ameublie et aérée, et au premier soleil elle devient plus dure et plus compacte que par le passé, de sorte que le travailest complètement perdu et parfois plus nuisible qu’utile. L'importance de ces travaux étant généralement méconnue, il ne sera pas inutile d'entrer dans quelques détails à ce sujet. Les binages ont pour but de nettoyer le sol de toute végétation étrangère à la plante cultivée. Pour se convaincre de leur nécessité, on n’a qu'à examiner les piè- ces dans lesquelles, pour une cause ou pour une autre, les sarclages n’ont pas eu lieu en temps opportun. Les herbes adventices ont envahi la plantation et pris un accrois- LA CULTURE DE LA CANNE A SUCRE. 1135 sement considérable ; par contre, les cannes sont étiolées, les feuilles, jaunâtres, sont en partie desséchées; quand les cannes ont été fumées, l'aspect est à peu près le même, et on dit alors, avec raison, que les herbes ont mangé l’engrais. Si, plus tard, on vient remettre la plantation en état, la faute ne sera pas réparée, car les cannes qui ont souffert dans la première période de leur végétation ne donnent jamais les résultats qu’on en aurait obtenus, si, depuis la plantation, le sol avait été maintenu propre et à l’abri de l’envahissement des herbes. Il est de toute évidence que les plantes adventices qui occupent le sol en même temps que les cannes, puisent leur nourriture à la même source et dans la même couche arable et qu’elles épuisent le terrain. En outre, lorsqu'elles atteignent un certain développement, elles leur nuisent également par leurs parties aériennes qui acca- parent à leur profit l'air et la lumière. La végétation de la canne est toujours lente au début, tandis que les espèces sauvages croissent avec une grande rapidité; celles-ci sont plus rustiques, et si elles prennent le dessus, la canne est étouf- fée et languit considérablement. Si, au contraire; par des binages répétés, on contrarie et empêche le développement des herbes, la canne prend plus de vigueur, elle pousse plus rapidement et lorsque les tiges sont assez feuillues pour ombrager le sol, elle est maitresse du terrain et ne craint plus les mauvaises herbes qui restent étiolées parce que l'air et la lumière ne peuvent plus leur parvenir. C’est donc pendant le jeune âge de la canne qu’il faut nettoyer le terrain ; plus tard, si la plantation à été faite dans de bonnes condi- tions, si le terrain est fertile, la végétation sera vigoureuse et la canne se défendra elle-même. Il y a lutte entre la canne et la végétation parasitaire, il faut que l'une ou l’autre prenne possession du terrain; lorsque la canne est jeune elle est la plus faible, et elle succombera infailliblement si des soins culturaux ne lui viennent pas en aide avant que les herbes adventices prennent le dessus. Les mauvaises herbes sont un des plus grands fléaux de l’agricul- ture coloniale ; en peu de temps, elles se développent avec une ra- pidité surprenante, et le terrain se couvre comme par enchantement ANN. SCIENCE AGRON. — 1886. — 1. S 114 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. d’une végétation luxuriante, composée de plantes annuelles et de plantes vivaces que des sarclages et des binages répétés ont peine à , faire disparaître. Cet envahissement, qui est dû en partie à la nature spéciale des végétaux et à celle du climat sous lequel ils vivent, tient également à ce qu’on laisse toujours les plantes arriver à maturité. On ren- contre souvent des terres plantées dont les ados sont couverts d'herbes qui fleurissent et fructifient sans qu’on se préoccupe deles faire arra- cher avant que leurs graines tombent sur le sol. On paraît igno- rer que chaque tige produit une quantité considérable de graines qui végéteront et fructifieront à leur tour, et qu’au lieu d’avoir une plante à détruire, on en aura peut-être une centaine peu de temps après. Une cause qui contribue également à la multiplication des mau- vaises herbes est l’habitude que l’on a parfois d'abandonner après la récolte de vieilles pièces de rejetons et d'y envoyer paître les bœufs qui se nourrissent des nouvelles repousses. La faible quantité de fourrage prélevée de cette façon sur des terrains qui doivent être replantés, coûte beatcoup plus qu'elle ne vaut ; les mauvaises herbes y pullulent à leur aise, leurs graines qui tombent ‘sur le sol produiront de nouvelles plantes qui viendront envahir les cultures ultérieures, et feront dépenser une main-d’œu- vre bien supérieure au bénéfice qu’on a cru pouvoir réaliser sur la nourriture du bétail. Si, au lieu d'abandonner le terrain à lui-même, on l’avait labouré aussitôt après la récolte, puis retourné deux ou trois fois pour le soumettre à l’action des agents atmosphériques, on aurait préparé une terre meuble et aérée, nettoyée des mauvaises herbes, et dans laquelle le jeune plant aurait pu végéter vigoureusement et donner de bons résultats. Lorsque, sans préoccupation des inconvénients que nous venons de signaler, on aura laissé une vieille pièce de cannes un an sans culture, il ne faudra point la labourer sans la brûler. Le brûlis d’une pièce devient ici un mal nécessaire ; si les herbes sont trop vertes, on en coupe une certaine partie dans les endroits les plus touffus en les laissant sur place; puis, lorsque le terrain est couvert d’une LA CULTURE DE LA CANNE A SUCRE. 115 quantité suffisante de débris desséchés, on y met le feu pour dé- truire toutes les graines et insectes qui s’y sont accumulés. La destruction des mauvaises herbes n'est point le seul avantage des binages , ils ameublissent encore le sol qui se raffermit et se tasse toujours plus ou moins à la suite des labours. Par les alternatives de pluie et de sécheresse, la couche superfi- cielle du'sol se durcit peu à peu suivant la nature du terrain, et forme une croûte imperméable qui s'oppose à son aération. Une terre ameublie est plus accessible aux rosées de la nuit; les petites pluies, si utiles pendant la sécheresse, la pénètrent plus faci- lement et plus profondément, tandis que si elle est durcie, la ma- jeure partie de l’eau circule à la surface du sol, et est entraînée au dehors sans profit pour la végétation. Les bnages fréquents, au lieu de dessécher la terre comme on le répète aux colonies, y maintiennent au contraire une fraicheur bien- faisante ; et on dit, avec raison, qu'un binage vaut un arrosage. Cette influence s'explique facilement. Pendant la sécheresse, les couches superficielles du sol perdent peu à peu leur humidité qui se disperse dans l'atmosphère ; cette eau est immédiatement remplacée par celle des couches profondes qui monte par capillarité et s’évapore à son tour. Si la couche superficielle est meuble, l’action capillaire est dé- truite, et l'humidité des couches inférieures, ne pouvant plus venir s’évaporer à la surface du sol, reste à la portée des racines des plantes. Évidemment, la couche désagrégée de la surface se dessèche davantage, mais c’est parce que l’eau des couches inférieures ne peut plus venir l’humecter ; et en définitive, comme les racines sont placées à une certaine profondeur, elles souffrent moins de la sé- cheresse que si la faible épaisseur de terre meuble ne mettait pas obstacle à l’action de la capillarité. Le bmage n’augmente donc pas l'humidité du sol, mais il empê- che sa déperdition inutile. Le desséchement plus complet de la couche superficielle est loin d’être un inconvénient ; c’est au contraire un avantage, en ce sens qu’elle est la partie du sol dans laquelle vivent les racines d’un 116 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. grand nombre de plantes adventices, et qui ne pourront plus y croitre par suite de l'absence d'humidité. Ce résultat particulièrement favorable des binages est incontesta- ble ; la couche remuée se dessèche davantage et l'humidité se con- serve en dessous ; c’est pourquoi, en temps de sécheresse, la péné- tration des instruments doit être limitée et ne pas fouiller au delà de quelques centimètres ; il s'ensuit également que, sans exception, les terres envahies par les herbes doivent être binées même par les sécheresses les plus rigoureuses. D’après ce qui précède sur le but et l’utilité des binages, on voit que le nombre de ces opérations et l’époque à laquelle il faudra les commencer varieront avec la nature du terrain, sa plus ou moins grande facilité d’être envahi par les herbes, etc. Les premiers binages doivent se donner aussitôt, et on peut même dire avant l’apparition des herbes adventices. Quant à la manière de les exécuter, 1l n’y a pas d’hésitation possible ; on doit employer la houe à cheval toutes les fois qu'il n’est pas matériellement impossi- ble de le faire, et ce cas est excessivement rare dans une culture bien conduite. Dans les colonies, à l’inverse de ce qui a lieu généralement, les binages à la houe à cheval sont plus parfaits que les binages à bras; et on ne peut établir de comparaison entre ces deux manières d’o- pérer, tant sous le rapport de la rapidité que sous celui de la bonne exécution du travail. L'emploi de la houe à cheval est surtout indispensable pour l’en- tretien des cannes plantées. Pendant la fabrication, tous les bras disponibles sont occupés aux travaux de la récolte, et il est très dif- ficile d’en distraire une escouade de 15 ou 20 ouvriers pour le sarclage des cannes, de sorte que les herbes envahissent la planta- tion. Aussitôt la récolte terminée, tout le personnel est employé à sarcler ; mais il est déjà trop tard : les cannes ont déjà souffert et la récolte est compromise. Il en est tout autrement avec l’usage de la houe à cheval; car, si les bras sont rares, il est toujours possible, sur une habitation, de trouver le personnel et les animaux nécessaires pour la conduite de cet instrument. LA CULTURE DE LA CANNE A SUCRE. 117 La rapidité des sarclages à la houe à cheval permet de choisir le moment le plus opportun pour les pratiquer ; et le terrain ne sa- meublit parfaitement et les herbes ne s’arrachent facilement que lorsqu'il n’est ni trop sec, ni trop humide. S1 la sécheresse rend les binages d’une exécution plus difficile, en raison des soubresauts que le terrain durci imprime à la houe à cheval, d’un autre côté, ils doivent être complètement suspendus lorsque les terres sont trop humides; mais si, dans ce dernier cas, la houe à cheval fournit un travail défectueux, les binages à bras ne donnent pas de meilleurs résultats. Quand les terres sont trop mouil- lées, on doit les laisser en repos et ne leur donner aucune façon superficielle. Les pluies sont fréquentes dans nos colonies sucrières, et il im- porte de choisir le moment opportun pour sarcler rapidement les plantations pendant que la terre est dans un état convenable. Avec le travail à bras, il est impossible d’y arriver, et on est obligé de sarcler par tous les temps ; tandis qu'avec des houes à cheval en nombre suffisant, on sera toujours maître de la situation. Les avantages de la houe à cheval sont tellement incontestables pour la culture de la canne à sucre, qu’on comprend difficilement pourquoi son usage ne s’est pas plus vulgarisé dans les colonies. À la Guadeloupe, ce n’est que depuis quelques années, et grâce à l'initiative de quelques hommes de progrès, qu’on a commencé à l'employer, malgré les critiques fantaisistes adressées à cet mstru- ment. C’est, du reste, ce qui arrive pour la plupart des mstruments. aratoires qu'on voudrait introduire dans les colonies, où l’on objecte. sérieusement qu'ils peuvent fonctionner en Europe; mais FE dans les colonies ils sont impraticables. 122 b'ashonns On est allé jusqu’à dire que la houe ne pouvait être no) dans les champs de cannes à sucre, parce que les pieds s’engorgeaient dans les herbes arrachées ; cette objection ais assez le genre de travail qu’on lui demandait. 9 oui neld Nous l'avons déjà dit; et nous ne saurions trop 1 béta la été à cheval-doit commencer à fonctionner quand les herbes commen- cent à poindre, et à partir de ce moment-là, elle ne doit plus s’ar- rêter. Sur une habitation, il y a toujours à l’occuper ; quand on a 118 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. terminé un premier sarclage, on en recommence un second et ainsi de suite ; on ne doit suspendre son travail que par les pluies et lors- que la terre est trop humide. A ce sujet, on dit, avec raison, que la houe doit empêcher les herbes de pousser, et non les détruire quand elles ont pris posses- sion du sol; dans ces conditions, l’engorgement des pieds ne sera plus à craindre. Pour être parfaite et donner de bons résultats dans toutes les cir- constances, la houe à cheval doit satisfaire à certaines conditions auxquelles on n’attache généralement pas assez d'importance. Suivant l’état du terrain, sa nature plus ou moins compacte, son état de fraîcheur, suivant les herbes plus ou moins nombreuses qui doivent être détruites, la houe doit subir certaines modifications in- dispensables, quant à la forme des pieds et à leur écartement. Les pieds ou socs doivent être mobiles sur le bâti, el on doit pouvoir faire varier aisément et leur nombre et leur écartement. Avec des pieds mobiles, on pourra, suivant le travail à exécuter, mettre des couteaux horizontaux ou obliques plus ou moins larges, de petits socs ou simplement des dents ayant la forme de celles de la herse, du scarificateur ou de l’extirpateur. On pourra également mettre sur le même bâti, des pieds convenablement assortis de di- verses formes, de façon à obtenir un bon travail, quelles que soient les conditions dans lesquelles la houe doive travailler. Avec la houe à cheval, et surtout dans les plantations en quinconce, les sarelages seront exécutés facilement et rapidement ; et quelques bras seulement seront nécessaires pour nettoyer le terrain autour des touffes de cannes. L'entretien des cannes plantées, si difficile et si coûteux pendant la récolte, devient rapide et économique avec cet instrument, dont l'emploi judicieux permet au planteur d'entretenir ses cannes pro- pres et dans une terre ameublie, au lieu de les laisser végéter miséra- blement dans un sol durei et couvert de mauvaises herbes. Il n’est point nécessaire que le terrain soit complètement aplani pour faire marcher la houe, et aussitôt que les ados ont été légèrement écrêtés une première fois pour donner de la terre aux jeunes cannes, on peut l'employer pour ameublir le billon et prépa- LA CULTURE DE LA CANNE A SUCRE. 119 rer de la terre meuble pour couvrir la canne en même temps qu’on détruit les mauvaises herbes. Pour ce travail, on peut disposer les pieds de la houe de telle fa- çon que les couteaux ou dents agissent sur le sommet du billon, et en même temps sur ses côtés plus ou moins inclinés. Il n’y a là qu'une modification à apporter à la disposition des pieds, et qui permet de travailler les parois inclinées du billon, soit que la houe marche sur le sommet de l’ados, soit qu’elle suive le fond de la dérayure. Dans la culture des cannes plantées, cette disposition est tout in- diquée, d'autant plus que le rabattage des sillons et les sarclages doivent se pratiquer simultanément; et que le simple passage de la houe sur l’ados fera toujours tomber une certaine quantité de terre sur la canne plantée. Épaillage. Pendant la végétation de la canne, et à mesure que les tiges s’al- longent, les feuilles des nœuds inférieurs dont les fonctions ont cessé, se dessèchent et tombent sur le sol ou restent plus ou moins adhé- rentes par leurs gaines qui entourent la tige. On appelle épaillage, l'opération qui consiste à détacher complètement ces feuilles pour exposer la canne à l'air et à la lumière. On n’enlève ordinairement que les feuilles sèches ; mais parfois on retranche également un certain nombre de feuilles vertes, sous le prétexte de hâter la maturation de la canne. Lorsque les feuilles sont encore vertes et en pleine végétation, elles remplissent un rôle si important dans l’accroissement de la canne, qu'on ne peut pas les supprimer sans inconvénients. Par la fixation du carbone, par la grande évaporation dont elles sont le siège, les feuilles sont des organes absolument indispensa- bles à l’accroissement du végétal qui reste stationnaire aussitôt que ces organes d’assimilation lui sont enlevés. Chaque nœud possède pour ainsi dire une existence à part, et son alimentation dépend de la feuille qu'il porte. Si on supprime cette feuille avant que ses fonctions cessent naturellement, le dévelop- pement du nœud s'arrête, et ses tissus, qui ne sont pas encore ligni- fiés, se dessèchent et se rétrécissent. 120 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Quand l'accroissement de la tige est terminé, les feuilles devien- nent inutiles ; la sève ne circule plus dans leurs tissus ; elles jaunis- sent et se dessèchent ; alors il peut y avoir avantage à en débarras- ser la tige, afin qu’elle soit exposée directement à l’action de l'air et de la lumière, et puisse élaborer plus facilement les sucs dont elle est pourvue. Plus l’année sera sèche, plus les cannes seront espacées, et moins l’épaillage deviendra nécessaire ; si, au contraire, les cannes ont été plantées très rapprochées dans un terrain fertile, si l’année est hu- mide, alors il conviendra d'enlever les feuilles sèches pour faciliter l’action de l'air et du soleil, et hâter la maturation des tiges. L’enlèvement des feuilles vertes ne peut que diminuer le rende- ment; et s’il se pratique parfois avant la récolte, c’est surtout pour permettre de livrer à l’usine le bout blanc entouré de feuilles vertes, et qui verdit aussitôt qu'il est exposé à l’action directe de la lumière. L’épaillage rationnel, c’est-à-dire celui qui consiste à aérer la plante en enlevant les feuilles mortes et en respectant celles qui ser- vent à son alimentation, est utile pendant les années pluvieuses. Par une année humide, nous avons obtenu les résultats suivants en pratiquant l’épaillage à trois reprises différentes et chaque fois de la même façon: 1° On n’enlève que les feuilles complètement desséchées ; 2° On épaille à blanc, c’est-à-dire qu’on arrache un certain nom- bre de feuilles vertes ; 9° La végétation est abandonnée à elle-même, sans aucun épaillage. 1e CA 3. Densité du jus (Baumé). . . . . 8910 750 7070 SUCLO RS RME TENTE TS AD 11 60 12 20 Glucose PACIMERES LME TRE 1 30 1 56 1 29 La pauvreté exceptionnelle des jus n'empêche point de remarquer l'influence de l'enlèvement des feuilles sèches sur la maturation de la canne ; et les inconvénients de l’épaillage à blanc qui prive la plante de ses organes de respiration et de nutrition. Lorsque les feuilles sèches restent adhérentes, elles entretiennent autour de la tige une humidité qui, par les années pluvieuses, peut LA CULTURE DE LA CANNE A SUCRE. 121 provoquer la sortie des rejets et émission des racines du nœud ; inconvénient qu'on évitera par l’épaillage en temps opportun, et qui doit être répété autant de fois que cela est nécessaire. C’est une pratique nuisible que d'enlever en même temps quelques feuilles vertes, dans le but d’éviter un second épaillage, ou de le rendre moins indispensable. Si les cannes complètement entourées de feuilles sèches restent blanches, et n’ont point cette coloration jaune orangé des tiges en- soleillées, elles mürissent moins facilement, mais il ne faut point les comparer aux bouts blancs, c’est-à-dire à la canne blanche en végé- tation et entourée de feuilles vertes. Ceux-ci contiennent peu de sucre et beaucoup de glucose, tandis que les premières peuvent être très bonnes pour la fabrication si elles sont arrivées à maturité. Des cannes mûres, mais enveloppées de feuilles sèches, et com- plètement blanches depuis la base, ont donné un vesou titrant 18.10 de sucre cristalisable et 0.51 de glucose. Quelques mois avant la récolte, et lorsqu'on épaille, on enlève également à chaque souche tous les jeunes rejets qui commencent à pousser et quine pourraient arriver à maturité ; ces bourgeons gour-- mands épuisent la souche sans aucune compensation. En résumé, lorsque les cannes sont espacées et l’année sèche, l’épaillage s'impose moins ; mais il devient utile si l’année est hu- mide, et si les cannes vigoureuses et rapprochées soutiennent les feuilles sèches et les empêchent de tomber naturellement sur le sol. Les feuilles sèches adhérentes à la tige favorisent également les ravages des insectes et, en particulier, ceux du ver de canne en lui offrant un abri naturel. : Bien que l’épaillage soit généralement inutile en temps de séche- resse, 1l peut néanmoins être pratiqué sans mconvémient ; les feuilles sèches répandues sur le sol, forment un paillis qui conserve sa frai- cheur naturelle. Lorsque les cannes arrivées au terme de leur développement se couchent sur le sol, il vaut également mieux qu'elles reposent sur un lit de feuilles sèches que sur la terre nue où elles s’enracment quel- quefois. 122 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. 12. — Maladie de la canne à sucre. Lorsqu'une culture spéciale s'implante dans un pays et y prend une importance considérable, à l’exclusion pour ainsi dire de toute autre production, il est bien rare que, tôt ou tard, un fléau quelcon- que, maladies ou insectes, ne vienne l’atteindre et menacer jus- qu’à son existence. La canne à sucre n’a pas échappé à la règle générale, et dans cer- taines colonies, à la Réunion et à Maurice, elle à à lutter contre une maladie fort heureusement inconnue dans les Antilles et dont M. Delteil donne la deseription suivante : « La maladie de la canne, telle qu’elle a été observée à Maurice et à la Réunion, présente les caractères suivants. Elle procède de l’ex- térieur à l’intérieur et de la circonférence au centre. « Les feuilles offrent d’abord une coloration particulière : elles perdent leur couleur verte et leur souplesse, pâlissent et présentent une certaine induration, puis finissent par se dessécher. La tige ne tarde pas à s’atrophier, l'extrémité se dessèche, les racmes pour- rissent. | « Cette maladie apparaît dans les champs de cannes comme de grandes taches jaunes existant en certains endroits, et renfermant des germes de destruction. i « En observant au microscope les feuilles et les tiges des cannes malades, on découvre, surtout à la surface interne de la gaine des feuilles, comme une toile légère d’araignée, une espèce de mousse blanche, au-dessous et dans les environs de laquelle l’épiderme pré- sente de petites taches, d’abord jaunâtres, puis brunes, enfin d’un rouge vif. Gette mousse ne paraît pas être autre chose que le cryp- togame qui constitue la maladie ; à moins cependant qu'il n'en soit que la conséquence. On a observé qu’à mesure que ce champignon se développe et que ses filaments augmentent en étendue, les taches deviennent plus prononcées et la maladie progresse davantage. Les moisissures gagnent jusqu'aux extrémités des mérithalles et aux racines. «En poussant plus loin l'examen microscopique de ces moisis- LA CULTURE DE LA CANNE A SUCRE. 125 sures, on aperçoit des corpuscules ronds et isolés, et d’autres com- posant des filaments formés par des sporales unis bout à bout. « Ces spores sont extrêmement légers et se propagent sans doute au moyen des vents qui les portent sur les sujets présentant un mi- lieu favorable à leur développement. « Presque toutes les espèces introduites à la Réunion ou à Mau- rice ont été la proie de cette maladie, après avoir parcouru une car- rière végétale plus où moins longue et plus où moins brillante. Ce n’est que par des apports constants d'espèces nouvelles et étrangères que la culture de la canne se soutient. » Il n'existe pas dans les Antilles, du moins à notre connaissance, de maladie présentant les caractères décrits par M. Delteil. Lorsque les résultatsculturaux ne répondent pasaux espérances du planteur, on dit parfois que la canne est malade; mais on n’y a pas observé jusqu’à présent de symptômes morbides pouvant caractériser une maladie quelconque ; et les mécomptes obtenus doivent être spécialement attribués à l’appauvrissement du sol, aux méthodes culturales défec- tueuses, etc. A Puerto-Rico, on a cru, à une époque, qu'une maladie y existait sur la canne dans le quatrième département, et une commission scien- tifique fut nommée en 1878 pour l’étudier dans cette partie de l'ile, où l’on constatait, depuis 1872 environ, une baisse sensible dans les rendements. La commission s’exprimait ainsi en parlant de la canne d’Otaiti : « Les cannes malades provenant de champs malades, semées en « terrain sain, ont produit des cannes saines, et les cannes saines ex- «traites des meilleures plantations, transplantées dans des champs « malades, ont donné des cannes malades. Quelques cannes fendues « par le centre n’offraient aucun signe de maladie quelconque ; mais « d’autres avaient la partie médullaire rouge, décomposée et fermen- «tée, sans que cette altération puisse se remarquer sur l’écorce. » Cette altération particulière de la canne se remarque souvent dans les plantations faites sur des terres trop humides ; mais elle ne cons- titue pas une maladie spéciale, puisqu'il suffit de transporter la canne dans une terre plus sèche ou d’assainir le terrain pour cons- tater la disparition de tous ces symptômes. 124 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. C'est aussi ce qui est arrivé à Puerto-Rico, et M. Umpierre ‘a obtenu les résultats les plus complets en plaçant les cannes dans de meilleures conditions culturales ; en outre, des travaux d’assainisse- ment convenablement exécutés ont fait disparaître la maladie dans les terrains où elle sévissait. M. Umpierre ajoute que la canne d’Otaïti est évidemment moins rustique que plusieurs autres variétés, mais qu'aucune de ces der- mères ne peut rivaliser avec elle pour la qualité et la richesse des jus. Il ne faut donc pas chercher un remède à la maladie en aban- donnant la canne d’Otaïti, mais en modifiant les conditions cultu- rales dans lesquelles on la cultive. Dégénérescence. Lorsque la canne semble donner de moins beaux résultats que par le passé, si on ne fait point intervenir une maladie quelconque, on attribue cet état à sa dégénérescence. Les mécomptes culturaux sont mis à l'actif de la dégénérescence aussi bien à Maurice et à la Réunion que dans les Antilles, à Cuba, Puerto-Rico et la Guadeloupe. On a attribué cet affaiblissement dans les done vitales de la canne, à l’habitude séculaire, dans certaines colonies, de choisir la tête de la canne pour le bouturage, au lieu de prendre la tige pro- prement dite qui contient toujours beaucoup plus de sucre. Les bou- tures faites avec le corps de la canne possèdent quelques avantages que nous avons déjà signalés ; mais leur influence sur la régénération de la canne n’est que problématique. Ce qui le prouverait, c’est qu'à Cuba où, à part de rares exceptions, on plante toujours le corps de la canne, on se plaint néanmoins de la diminution des rendements et qu’on lattribue aussi à la dégéné- rescence. Dans cette colonie, on n’a jamais remarqué que ladite dé- générescence soit plus accusée dans les localités où, de temps immé- morial pour ainsi dire, on emploie les boutures de tête, que dans celles, beaucoup plus nombreuses, où l’on utilise la canne entière. A part la vigueur plus ou moins grande que peuvent acquérir, {. La cana dulce y su enfermedad en Puerto-Rico. Don M. F. Umpierre, 1883. LA CULTURE DE LA CANNE A SUCRE. 125 suivant les cas, les plantations faites avec la bouture de tête ou la bouture de corps, ilne s’ensuit pas que la canne dégénérera dans un cas ou dans l’autre. Il est vrai que l'extrémité supérieure de la tige contient moins de sucre que le corps de la canne, mais les deux boutures provenant de la même tige doivent avoir sensiblement les mêmes propriétés au point de vue de la reproduction de l'espèce. Il en serait tout autrement si, au lieu de prendre des plants dans une pièce ordinaire, on choisissait des cannes vigoureuses, bien müres et riches en sucre ; dans ce cas, l'avantage resterait à ces der- niers, mais alors on pourrait employer la canne entière, tige et tête indistinctement, pour faire les boutures. Depuis l’époque éloignée où la canne est cultivée sans interrup- tion sur les mêmes sols, et souvent sans aucun souci de la restitu- tion des éléments prélevés par la récolte, il est évident que le sol s’est appauvri et plus ou moins stérilisé. Les bonnes variétés, comme la canne d’Otaïti, sont les moins rus- tiques, et il n’est pas étonnant qu’on ait constaté tout d’abord sur elle une diminution dans les rendements, et finalement dans cer- tains cas l'impossibilité de son exploitation lucrative ; mais de ce que les conditions culturales se sont modifiées, de ce que le sol s’est ap- pauvri, on n’en peut pas déduire avec certitude la dégénérescence de l'espèce. En prenant des boutures dans une localité où les rendements sont ordinairement réduits à leur plus simple expression, et où l’on sup- pose que la canne est dégénérée, pour les planter dans une bonne terre profonde, bien ameublie et fumée, on obtiendra une végéta- tion luxuriante et des rendements qui n’auront aucun rapport avec ceux obtenus précédemment avec la même canne. On est peut-être obligé de renouveler les plantations plus fréquem- ment que par le passé, mais l’appauvrissement du terrain suffit à expliquer ce fait. Si, à la Guadeloupe, on doit en moyenne replanter tous les 4 ou 5 ans, il existe cependant des plantations qui durent beaucoup plus longtemps en donnant toujours des rendements sa- üsfaisants. Du reste, un demi-siècle après l’introduction de la x canne à la Guadeloupe, en 1696, le père Labat écrivait déjà: 126 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. € Quand la terre est bonne, on peut laisser trois pieds et demi de « distance d’un rang à l’autre ; mais quand elle est maigre et usée, et « qu’on est obligé de replanter tous les deux ans, il suffit de lais- «ser deux pieds en tous sens entre chaque rang. » Et il ajoutait qu’exceptionnellement les plantations pouvaient durer de 20 à 50 ans dans les bonnes terres de la Capesterre. La prétendue dégénérescence de la canne à sucre ne peut donc être attribuée qu'à l’appauvrissement du sol, et elle disparaît lorsqu'on peut réunir toutes les conditions les plus favorables à la culture de cette plante. 143. — Animaux et insectes nuisibles. Rats. — De tous les animaux qui nuisent aux plantations, le rat est assurément celui qui cause les plus grands ravages dans les îles où il s’est multiplié. Depuis l’origine de la culture de la canne à sucre, le rat a toujours été à la Guadeloupe un de ses plus terribles ennemis, et on a continuellement poursuivisa destruction sans pouvoir y parvenir. Parfois ses dégâts sont si considérables qu’on perd jusqu’à un quart ou un tiers de la production totale dans certaines pièces. Ce rongeur commence ses ravages aussitôt que la tige a formé deux ou trois nœuds, et il les continue jusqu’à la récolte. . S1 la canne est droite, il ronge entièrement l’entre-nœud le plus rapproché du sol, ou bien il l’entame à moitié et va terminer son repas ailleurs. Lorsque les tiges s’inclinent vers le sol quelque temps avant la récolte, les dégâts sont encore plus importants, surtout si les feuilles sèches les recouvrent en offrant un abri momentané à ces animaux. Les pièces situées dans le voisinage de terres incultes, couvertes de broussailles, sont surtout exposées à leurs ravages. Si ces terribles rongeurs continuaient à dévorer la canne qu'ils ont déjà entamée, les dégâts seraient relativement restreints ; mais comme ils recommencent toujours leur festin sur de nouvelles tiges, ils arrivent rapidement à attaquer la majeure partie de la plantation. Aussitôt que les tissus de la canne sont mis à nu par les dents des rats, la fermentation ne tarde pas à les altérer complètement, de sorte qu'une tige rongée est une canne perdue. LA CULTURE DE LA CANNE A SUCRE. 127 Lès ravages de ces animaux sont si considérables, qu'à la Guade- loupe, le conseil général vote annuellement une somme de 30 000 fr. pour encourager leur destruction ; mais cette mesure ne suffit pas, etsur chaque habitation on entretient un chasseur de rats, c'est-à-dire un homme qui toute l’année est uniquement occupé à les pourchas- ser avec des chiens, des pièges et du poison. Les pièges sont très variés, et on les amorce avec du manioc ou des morceaux de crabes rôtis ; les préparations arsenicales et phos- phorées sont également très efficaces ; les chiens rendent aussi de grands services, mais 1l serait avantageux d’avoir sur les habitations une race plus active et plus vigoureuse que celle qui est employée habituellement. À Cuba et à Puerto-Rico, les rats sont combattus efficacement par deux animaux dont l’introduction et l’acclimatation dans les autres colonies auraient des résullats pratiques incontestables. À Cuba, on possède un petit boa, le maja (Epicrates angulifer), qui est un ennemi acharné du rat et en détruit des quantités consi- dérables, Cet animal, complètement inoffensif, n’atteint jamais des proportions considérables, il n’a jamais été à Cuba la cause d’un ac- cident quelconque ; et il est tellement utile pour la destruction du rat, que, fréquemment, on loge un ou deux de ces reptiles dans les magasins à mais. Dans tous les quartiers de l’île où le maja s’est multiplié, les ra- vages des rats sont absolument insignifiants. On lui reproche bien de déjeuner de temps à autre d’un poussin ou même d’une poule ; mais ce léger inconvénient ne peut entrer en ligne de compte avec les immenses services qu'il rend sur les habitations. C’est à la Jamaïque qu’on à essayé d’acclimater en premier lieu un petit mammifére originaire de l’Inde, appelé mungoose, et qui ressemble au furet ordinaire sous le rapport des mœurs et de la taille. À la Jamaïque, les ratiers, les pièges et le poison ne pouvaientar- rêter les ravages des rats qui étaient évalués annuellement à 50 000 livres sterling pour la canne à sucre, et à 100 000 pour les autres produits agricoles. D’après le Sugar-Cane, les premiers mungooses introduits à la Ja- maïque venaient de Londres, où ils étaient nés et avaient été élevés 125 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. en captivité; mais l’état de domesticité leur avait fait perdre :leur énergie naturelle et les mœurs rustiques de l’état sauvage. C’est alors que M. W. Bancroft Espent fit venir directement de l'Inde neuf individus mâles et femelles, qui lui ont coûté par pièce une livre sterling pour frais de transport. Ces mungooses se sont multipliés à la Jamaïque, et c’est de là qu'ils se sont répandus dans quelques îles des Antilles. À Puerto-Rico, on les vendait il y a quelques années 40 fr. la paire; et en 1885, lors de notre passage dans cette colonie, on pouvait s’en procurer » ou 6 pour la même somme. Dans tous les quartiers où les mungooses se sont multipliés, les rats ont à peu près disparu. Get animal est assez fluet pour s’in- troduire après les rats dans leurs conduits souterrains, où 1l va dé- truire leurs nichées. Le mungoose est un intrépide carnassier : il chasse et attrape les oiseaux, il mange également les escargots, les lézards, les souris, les œufs d'oiseaux et de reptiles, etc.; mais sa chasse principale consiste dans la poursuite et la destruction des rats. Il Jui arrive parfois, comme pour le maja à Cuba, de prélever une volaille sur les produits de la basse-cour ; mais ce faible tribut est peu de chose relativement aux services signalés qu’il rend à la cul- ture coloniale. Ainsi, les grandes Antilles possèdent deux animaux pour la des- truction du rat, le maja à Cuba et le mungoose à Puerto-Rico et à la Jamaïque, complètement inconnus dans les petites Antilles, Marti- nique, Guadeloupe, etc. L'introduction d’un de ces précieux auxi- liaires serait donc d’une très grande utilité ; car on ne peut établir aucune comparaison entre leurs inconvénients, tels que la destruc- tion du gibier et de quelques oiseaux et la destruction des rats, dont on peut apprécier les dégâts en parcourant les plantations ravagées. Dorer. Le borer ou ver de la canne, dont les ravages sont si considérables à la Réunion et à Maurice, est loin d’avoir une influence aussi dé- sastreuse dans les Antilles. LA CULTURE DE LA CANNE A SUCRE. 129 La larve de ce lépidoptère nocturne ({ortrix saccharifaga) perce l'écorce de la canne généralement au niveau des bourgeons et pé- nètre dans le tissu médullaire en y creusant des canaux dont les parties environnantes sont toujours le siège d’une fermentation plus ou moins active et qui prennent une coloration rougeàtre. Les ravages du borer sont assez restreints à la Guadeloupe et ne sont jamais assez importants pour compromettre la récolte. Lorsque la larve s'attaque aux jeunes cannes, il arrive fréquemment qu'elle séjourne plus ou moins de temps au même endroit en rongeant tout ce qui l’environne ; alors, la circulation de la sève ne pouvant plus se faire dans les tissus lacérés, la partie supérieure de la tige se dessèche et meurt. D’après M. Delteil, cet insecte a été introduit de Java où 1l existe à l’état endémique, ainsi qu’en Cochinchine, et où il cause peu de tort aux plantations. Il en est peut-être de même à la Guadeloupe, où il est connu depuis longtemps, et où il ne s’est jamais multiplié de façon à inspirer des craintes sérieuses. M. Delteil, qui a pu étudier le borer d’une façon toute particulière à la Réunion, en donne la description suivante : «C’est un papillon de petite taille, de couleur gris cendré; l'abdomen qui ne dépasse pas les ailes à l’état de repos, est terminé par une houppe de poils. La femelle est plus petite que le mâle ; ses ailes sont plus larges et son abdomen dépourvu de poils. « Ces deux papillons sont essentiellement nocturnes ; le jour, ils restent blottis dans les herbes et les brousses ; ils ne sortent que le soir pour s’accoupler. « La femelle choisit la partie inférieure des jeunes plants enve- loppée par des feuilles engainantes pour déposer ses œufs. « La petite larve qui éclôt se creuse d’abord une cellule dans le plan horizontal de la tige; plus tard elle se fera un terrier du canal médullaire en s’avançant de bas en haut. « La chenille arrivée à son entier développement ressemble à un ver de coléoptère ; elle peut atteindre jusqu’à 0*,025 de longueur. Elle est de forme cylindrique ei allongée, munie de seize pattes et d’une tête noire, forte, résistante, formée de deux calottes écail- leuses aux parties latérales desquelles sont les veux. ANN. SCIENCE AGRON. — 1586. — 1. 9 130 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. « La bouche se compose de deux fortes mandibules cornées et tranchantes, deux maâchoires latérales, une lèvre inférieure mince et coupante. € Sa couleur est blanche et pâle avec quelques taches noires sur les segments, et trois raies longitudinales parallèles et de couleur rosée pâle se dessinent de chaque côté du vaisseau dorsal. « La larve vit seize Jours et se transforme en chrysalide molle, cuivrée à reflets métalliques, qui se trouve à l’aisselle des feuilles sèches ou dans le fond des trous de canne. » À la Réunion, les martins ou merles des Philippines, un lézard, la galéote versicolore, et une espèce de libellule font une guerre acharnée au borer. À la Guadeloupe, les ravages de cet insecte étant de peu d’impor- tance, on n'a jusqu’à présent essayé aucun moyen de destruction ; néanmoins, 1l faut rester sur le qui-vive et surveiller ses progrès, afin de ne pas le laisser se multiplier d’une façon inquiétante. Le Rouleux. Dans certains quartiers de la Capesterre (Guadeloupe), on ren- contre la larve d’un petit hanneton dont les dégâts sont parfois plus importants que ceux du borer. La larve de ce hanneton appelée rouleux, vit dans le sol et s’atta- que aux racines de la canne. Les rouleux se réunissent parfois en assez grand nombre sous les souches pour amener leur dessiccation et leur mort. Cet insecte, bien qu’existant dans les autres quartiers de l’île, n’y cause cependant point de dégâts importants. On ne connaît guère de moyens pratiques pour les détruire, que celui d’arracher la souche et de détruire les larves qu’on y rencontre. M. Gayot a donné en 1881, dans le Journal d'agriculture pra- tique, la description d’un piège à hannetons dont on à obtenu de bons résultats pratiques, et qui, probablement, pourrait être em- ployé avec succès contre le rouleux. De même que tous les systèmes employés pour la destruction des insectes, celui-ci ne donnerait des résultats sérieux que si son usage se généralisail. LA CULTURE DE LA CGANNE A SUCRE. 131 « Le piège est basé sur la grande attraction que la lumière exerce sur les insectes. Il consiste en une forte lampe placée au centre de puissants réflecteurs, devant laquelle se trouve une glace. Au pied de la glace est pratiquée une ouverture en forme d’entonnoir abou- üssant dans un sac placé en dessous. « Le tout forme comme une lanterne placée sur un bâti mobile pouvant s'élever à volonté suivant la hauteur des bois ou taillis dans lesquels on veut opérer. « Les hannetons, attirés par la lumière, viennent en foule se pré- cipiter sur la lampe, et, se heurtant à la glace qui l’entoure, ils tom- bent par le choc dans l’entonnoir et disparaissent dans le sac d’où ils ne peuvent plus sortir. - « Les expériences les plus concluantes ont été faites, et c’est par milliers que les hannetons sont ramassés en quelques minutes. « Get appareil peut également être employé pour la destruction de tous les insectes qui volent à la tombée de la nuit. » Les Crabes. Les crabes de terre se rencontrent en assez grand nombre dans les terres humides et tourbeuses des bas-fonds pour qu’on soit obligé de leur faire la chasse. Ces crustacés sortent de leurs trous pour ronger les tendres bourgeons des Jeunes plantations. Comme ils sont très appréciés sur la table, on les prend quelque- fois avec des pièges spéciaux ; d’autres fois, on se contente de les empoisonner en déposant au bord de leurs trous un peu de mixture phosphorée, confectionnée avec de la farine de maïs ou des patates écrasées. Les poux de bois. Les poux de bois s’attaquent plutôt aux débris végétaux qu'aux plantes en pleine végétation, et ils sont plus dangereux dans les mai- sons que dans les champs de cannes à sucre; néanmoins, ils bâlis- sent leurs nids qui atteignent parfois un grand volume sur les üges de cannes, et souvent même ils les perforent entièrement. 132 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Comme beaucoup d’autres insectes, ils ne deviendraient réelle- ment dangereux que s'ils se mulüpliaient sur une large échelle. Au lieu d'abandonner leurs nids dans les plantations, ainsi qu’on le fait souvent, on doit les transporter dans les lisières et les brüler avec toute leur population. Ces nids, d’une couleur d’un brun noirâtre et sans ouverture ap- parente, sont formés d’une pâte composée presque uniquement de débris végétaux, aussi ils brûlent très facilement. Leur composition, qui indique l’origine des matériaux employés à leur construction, est la suivante : Eau, 18.40 ; cendres, 6.50 ; matières organiques, 79.10, dont .73 d’azote. 1 principaux OR minéraux entrant dans la com- pr centésimale des cendres sont: acide phosphorique, 1.24 ; potasse, 1.37 ; chaux, 24.49 ; silice, 46.95 ; oxyde de fer, 7.41. Insectes divers. Dans d’autres colomies, plusieurs insectes attaquent encore la canne ; ainsi, dans l'Inde et à la Guyane les fourmis nuisent beau- coup aux jeunes cannes. À Cuba également, on aperçoit de temps à autre de larges monticules de terre amassés par les fourmis qui, en bouleversant le sol, causent toujours plus ou moins de dégâts aux plantations. À la Réunion, il existe un puceron, décrit par M. Delteil, et appelé pou à poche blanche, dont la femelle et les larves s’attachent à l’épi- derme des feuilles. Chaque insecte implante sa trompe dans le pa- renchyme de la feuille, épuise le suc de la plante qui jaunit, se des sèche et meurt comme si elle avait été empoisonnée. Ainsi qu’on le remarque, les insectes ennemis de la canne sont nombreux et plus ou moins dangereux. Ceux qui dans une colonie, comme la Guadeloupe, par exemple, sont ennombre imsuffisant pour être l’objet de craintes sérieuses pour le planteur, peuvent le deve- nir d’un jour à l'autre, et on ne saurait trop protéger les oiseaux qui sont leurs ennemis naturels. À Puerto-Rico, on attribue aux nombreux oiseaux qui y vivent, lim- munité relative dont ont joui jusqu’à présent les plantations de cannes. LA CULTURE DE LA CANNE A SUCRE. 133 A la Guadeloupe, les oiseaux étaient autrefois fort nombreux ; mais ils sont toujours poursuivis impitoyablement et ils disparaissent de jour en jour. Qui sait, si leur disparition ne sera point signalée par la multiplication d'insectes dévastateurs qui, jusqu’à ce jour, n’ont pas attiré l’attention par la seule raison qu'ils sont trop peu nombreux. Au lieu de pourchasser les oiseaux qui y existent encore, il vau- drait infiniment mieux chercher à acclimater de nouvelles espèces, comme par exemple le moineau et le pinson qui vivent déjà à Cuba. La réputation du moineau est d’être un oiseau effronté et pillard ; en France il cause parfois des dégâts dans les champs de céréales, mais en revanche il détruit nombre d'insectes. A la Guadeloupe où les céréales ne sont point cultivées, il ne causerait aucun dommage et serait tout à son rôle principal ; c’est-à-dire à celui de destructeur d'insectes. 14. — Récolte de la canne. Les cannes se récoltent lorsqu'elles ont atteint leur complet dé- veloppement et qu’elles possèdent leur maximum de richesse sac- charine. La floraison n’est pas un indice toujours précis de leur complète maturité, mais elle indique seulement, d’une façon certaine, que la tige est arrivée au terme absolu de son développement. Toutes les cannes d’une plantation ne flèchent pas , et les fleurs sont d'autant plus abondantes que les cannes ont eu une végétation plus souffre- teuse ; au contraire, elles sont plus rares lorsque l’état du sol, sa fertilité et sa fraicheur ont permis à la tige de s’accroître régulière- ment et sans interruption. Les fleurs sont généralement plus nombreuses dans les rejetons que dans les cannes plantées. Elles apparaissent suivant l’année, de novembre en janvier, quelle que soit l’époque de la plantation ou de la dernière coupe. Les cannes récollées en janvier fleurissent géné- ralement en décembre ou janvier suivant ; mais il arrive fréquem- ment que celles qui ont été coupées en mai fleurissent également à ‘ la même époque, c’est-à-dire quand elles ne sont âgées que de 7 à 134 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. 8 mois. On coupe les rejetons chaque année, et ils ont toujours en moyenne 12 mois lorsqu'on procède à leur récolte. Les cannes plantées ont de 12 à 18 mois suivant l’époque de la plantation ; puis elles entrent dans la catégorie des rejetons qui sont récoltés annuellement. Lorsque les cannes ont été plantées tardivement en petite culture, en mai ou juin par exemple, on ne les coupe que pendant les der- niers Jours de la roulaison. Si à ce moment elles sont encore trop petites, ce qui arrive quand la saison ne leur a pas été favorable, on les laisse sur pied et on les conserve pour le commencement de la récolte suivante. Cette pratique offre cependant quelques incon- vémients, et 1l est généralement préférable de les récolter malgré leur faible développement ; car, si la première coupe est peu salis- faisante, les premiers rejetons atteignent un développement normal qui compense avantageusement le déficit des cannes plantées. Cette récolte prématurée est d'autant plus utile que le terrain est plus humide et plus fertile ; car, dans ce cas, les pluies de l’arrière- saison occasionnent souvent la décomposition et lallération d’un orand nombre de cannes, et la perte peut être considérable. La canne se coupe quand elle est parfaitement müre et quand son développement est arrêté. Get état particulier ne se remarque que pendant la saison sèche ;° et tant que la tige s'accroît sensiblement, elle contient, surtout dans sa partie supérieure, beaucoup de glucose et de matières organiques. Lorsqu'elle est mûre, la tige a perdu sa teinte verdâtre, elle est devenue d’un jaune pâle plus ou moins orangé suivant qu'elle à été plus ou moins exposée à la lumière ; elle est sonore, et son écorce est lisse, luisante et résistante. La tige se trouve dégarnie de feuilles sur toute sa longueur, les quelques feuilles vertes qu’elle possède encore à sa partie supérieure sont plus petites et rassemblées en éventail serré, le plant est très court. Un grand nombre de cannes, les plus longues et les plus orosses, s’inclinent vers le sol, secabanent, et la végétation présente un aspect particulier que le planteur reconnait facilement. Toutes les cannes d’une plantation n'arrivent pas en même temps à maturité ; les bourgeons qui sont sorlis de terre les uns après les LA CULTURE DE LA CANNE A SUCRE. 135 autres fournissent des tiges d'âges différents ; et sur la même sou- che, on rencontre des cannes à divers degrés de développement. C’est quand la majeure partie d’entre elles présente les caractères de la complète maturité que lon procède à la récolte. Lorsque les pluies d'hivernage ont cessé, la croissance de la canne se ralentit peu à peu; ses sucs s’élaborent et leur richesse augmente graduellement jusqu’en avril. Get état reste quelque temps station- naire; mais en mai, les premières pluies se font quelquefois déjà sentir, la végétation reprend avec une nouvelle vigueur et la ri- chesse saccharine de la canne baisse rapidement. On doit donc chercher à faire la récolte le plus rapidement pos- sible, afin de manipuler les cannes pendant l’époque où elles con- tiennent le maximum de sucre ; c’est-à-dire qu’il faut la commencer tard et la finir de bonne heure. Autrefois, avec les moyens primitifs dont on disposait, on fabriquait presque toute l’année, et la récolte durait du mois de novembre au mois de juillet; tandis qu’aujour- d’hui, on est arrivé, avec un outillage perfectionné, à enlever la ré- colte en quatre mois de fabrication. Les premières cannes se cou- pent en février, et les travaux sont terminés à la fin de mai. On recommande de couper en même temps des cannes plantées et des rejetons, afin d’avoir plus d’uniformité dans la fabrication et dans les rendements ; mais c’est surtout la maturité qui doit guider dans le choix des pièces à couper. Ce choix est très important, car en coupant des cannes imparfaitement müres, on perd et sur la qualité et sur la quantité du produit. S1 la canne a fléché, et que la fabrication soit commencée, il faut la récoller sans retard, car aussitôt que la flèche est tombée, les trois où quatre bourgeons les plus rapprochés du sommet pousse- ront des rejets qui diminueront la richesse saccharine de la partie su- périeure de la tige en même temps que le taux de ligneux augmen- tera. Si des pluies viennent favoriser la végétation, cet inconvénient prendra une réelle importance. La canne arrivée à maturité reste stationnaire, elle ne peut rien gagner, ni en poids, ni en richesse saccharine ; mais elle peut perdre beaucoup de ses qualités si les pluies surviennent. La richesse des jus baisse alors rapidement ; en outre, les tiges s’inclinent sur le sol 136 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. et s'y enracinent par tous les nœuds en contact avec la terre en émettant des rejels vigoureux ; d’autres prennent une teinte rou- geûtre, et cette coloration qui est l'indice de la fermentation des tissus rend les cannes complètement impropres à la fabrication où elles introduiraient beaucoup de glucose et des germes actifs d’alté- ration et de fermentation. De plus, les jeunes rejets qui peuvent sortir avant la coupe, lorsque la récolte est trop retardée, épuisent la souche qui produira des rejetons moins vigoureux. Ces derniers inconvénients sont moins à craindre quand la fabri- cation se poursuit par un temps sec; mais il suffit qu'ils soient pos- sibles pour que la récolte soit poussée activement. Quand, par suite d’un accident, le feu a passé dans une pièce, les cannes doivent être coupées immédiatement, quels que soient leur âge et leur état de maturité ; si on les laisse sur pied, les jus s’altè- rent, les cannes se dessèchent et de nouveaux rejets apparaissent sur la souche. Pour obtenir une pousse régulière, il faut raser la pièce ; si on attend trop longtemps, on peut compromettre la sortie des rejetons et l'avenir de la plantation. La coupe des cannes est une opération longue et coûteuse qui exige un nombreux personnel. A la Guadeloupe on est satisfait quand un homme a coupé 2,000 kilogr. de cannes dans sa Journée ; mais à Cuba, où le travail fourni est plus considérable, on estime qu'un ouvrier vigoureux peut couper de 5,000 à 6,000 kilogr., c’est-à-dire environ trois fois plus. Une machine mue par les animaux rendrait de grands services; mais 1l faut avoir pénétré dans une pièce de belles cannes pour se rendre compte des nombreuses difficultés qu’un tel instrument au- rait à surmonter. Si les tiges restaient droites, ce n’est ni leur gros- seur ni leur dureté qui seraient un obstacle réel ; mais elles sont toujours plus ou moins inclinées ou renversées les unes sur les autres, de sorte qu'il n’y a guère que la main de l’homme qui puisse en venir à bout. L'instrument dont on se sert généralement est un coutelas de 0,40 à 0",90 de longueur, à lame légèrement recourbée à son ex- trémité. La serpe droite à lame plus courte et plus forte, en usage dans certaines colonies, serait peut-être plus pratique, mais il n’y a LA CULTURE DE LA CANNE A SUCRE. 137 pas lieu de la substituer au coutelas dont les ouvriers se servent avec beaucoup d'habileté. Le coutelas doit être bien affilé, et tous les soirs l’ouvrier le passe sur la meule en rentrant du travail. La lame bien tranchante facilite la coupe, et surtout permet de détacher la tige d’un seul coup et très nettement. Si l’ouvrier est obligé d'y revenir à plusieurs reprises, il détruit les bourgeons souterrains et broye la souche qui se dessèche ou pourrit plus facilement, suivant que la saison est sèche ou pluvieuse. Si la plantation ne fournissait qu'une seule récolte sans rejetons, il importerait peu que la séparation de la tige d’avec la souche se fasse d’une manière ou d’une autre ; mais comme elle dure généra- lement plusieurs années, il est mdispensable de conserver la souche en bon état en coupant les cannes de façon à ne pas nuire à la sortie des rejets qui produiront les récoltes suivantes. Lorsqu'on coupe la canne, la section doit passer au moins à fleur de terre, et après la récolte, on ne doit jamais apercevoir aucun tronçon de tige émergeant plus ou moins du sol, La coupe à ras le sol est plus difficile à exécuter, et l'ouvrier a toujours tendance à trancher la canne à une certaine hauteur ; mais il faut l’obliger à revenir sur ses pas pour rectifier son travail toutes les fois qu'il a laissé le moindre bout de tige sur la souche. Bien qu’alors ces mor- ceaux recoupés soient trop petits pour être ramassés et utilisés, c’est néanmoins la seule manière de forcer l’ouvrier à porter plus d’at- tention à son travail. Une coupe trop haute a beaucoup d’inconvénients. Nous savons qu'aussilôt après la récolte, la sève qui ne peut plus se dépenser dans les tiges, afflue vers les bourgeons souterrams et provoque leur développement plus ou moins rapide. Si des parties de tiges pourvues d’veux restent hors du sol, elles donneront naissance à des rejets ou se dessécheront suivant que la saison sera plus ou moins favorable. Si elles se dessèchent, cela peut entraîner la mort des bourgeons souterrains les plus rapprochés ; mais si elles don- nent naissance à des rejets, ceux-ci ne pourront pas émettre de nou- velles racines, et vivront uniquement des matériaux extraits du sol par l’ancienne souche qui s’épuisera au détriment des autres bour- 138 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. geons ; tandis que les rejets qui naissent des bourgeons souterrains émettent bientôt de nombreuses racines qui leur assurent une exis- tence plus ou moins indépendante. Le bourgeon aérien dépourvu de racines sera done nourri exelu- sivement par la souche qui alimentera moins copieusement les autres bourgeons ; et ceux-ci se développeront moins vigoureusement que si les aliments leur avaient été distribués uniformément. La section de la canne au ras du sol est donc d’une nécessité ab- solue, d'autant plus que les tronçons aériens ne donnent jamais que des tiges dont la végétation, vigoureuse au début, devient bientôt languissante, et qu’elles n’atteignent jamais le développement de celles dont les nœuds inférieurs ont pu s’enraciner dans lé sol. C’est également pour favoriser la repousse uniforme des rejetons qu'on doit couper complètement loute la pièce, et ne pas laisser pour les récolter plus tard les cannes créoles et les jeunes pousses qui sont encore trop tendres et trop peu chargées de sucre pour être livrées à la fabrication. La végétation vigoureuse que ces bour- seons gourmands possèdent, retarderait la sortie des rejetons qui seraient moins nombreux et d’une plus faible constitution. Au moment de la récolte, les cannes sont enchevêtrées les unes dans les autres et plus ou moins recouvertes par les feuilles sèches qui jonchent le sol, et on doit apporter beaucoup d'attention à ce que des morceaux de tiges ne restent pas enfouis sous les feuilles et laissés sur le champ. Le coupeur se place entre deux lignes de souches et coupe alter- nativement à droite et à gauche. La canne est détachée en tenant le coutelas le plus horizontalement possible afin de ne pas. blesser la souche et de ne pas détruire les bourgeons souterrains. Ensuite, avec le revers de l'outil passé rapidement de chaque côté de la tige, il détache les feuilles sèches encore adhérentes, et la divise en 5 ou 4 troncons de 80 centimètres environ de longueur, qu'il fait tomber derrière lui de façon à en former une ligne continue et régulière. Deux ou trois coupeurs peuvent jeter leurs cannes sur la même ligne, mais toujours en ayant soin de ne pas les recouvrir avec les feuilles, L'extrémité supérieure de la tige se sépare au niveau de la LA CULTURE DE LA CANNE A SUCRE. 1908 dernière feuille verte, ou un peu au-dessus si la canne récoltée est complètement müre. Le bout blanc qui contient peu de sucre reste sur le terrain ; si les cannes sont imparfaitement mûres, non seulement 1l ne donne pas de sucre, mais il nuit encore au travail du Jus provenant des bonnes cannes. Du reste, ainsi que nous l'avons déjà remarqué, le bout blanc est très court dans les cannes mûres et la perte n’est en réalité sensible que dans les cannes en pleine végétation sur les- quelles il est plus allongé et plus pauvre en sucre. Le plant dont on peut avoir besoin se prépare pendant la coupe en laissant avec le bout blanc qui le constituera un ou deux nœuds de la tige proprement dite, de façon à avoir une bonne bouture, dont la pousse sera plus assurée et plus vigoureuse. Le plant ne doit se prendre que dans des pièces très müres ; si la canne est en végétalion, le bout blanc ne vaut absolument rien, ni pour lextraction du sucre, ni pour la confection des boutures, et 1l doit être rejeté sans hésitation. Quand on n'utilise pas immédiatement le plant, on recommande dans certaines contrées de le laisser adhérent à la tête et de ne le séparer qu'au moment de la plantation. Cette précaution n’a guère sa raison d’être, d'autant plus qu’en récolte, le plant ne manque point et qu’il est inutile de le conserver pendant longtemps. Chaque tige est parfaitement nettoyée par le coupeur et dé- barrassée des racines adventives qui garnissent parfois les nœuds inférieurs ou ceux qui ont été en contact avec le sol humide. On met également de côté toutes les cannes sèches ou ayant subi un com- mencement de fermentation reconnaissable à la couleur rougeàtre de l'écorce ou à l'odeur particulière du üssu cellulaire. Les parties attaquées par les rats sont séparées avec soin, surtout lorsque les ravages sont anciens et que les tissus lacérés sont déjà plus ou moins décomposés. Toutes les cannes fermentées, les débris de racines et de feuilles, en introduisant des impuretés dans le vesou, en rendent le travail à l'usine plus difficile et peuvent faire baisser le rendement dans une proportion sensible. Lorsqu'on achète des cannes, on ne peui être trop exigeant sous 140 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. le rapport de leur propreté. On voit quelquefois des propriétés où les cannes entrent au moulin mélangées à des bouts blancs parfois entourés de leurs feuilles vertes, à des débris de racines, à des feuilles vertes et sèches, etc., en proportion considérable. Quels résultats espère-t-on obtenir quand on introduit volontairement dans les jus de tels éléments de fermentation et de décomposition ? On comprend jusqu'à un certain point, qu'on puisse se faire illusion sur la valeur des bouts blancs, mais 1l n’en est pas de même des feuilles qui ne peuvent qu'introduire des impuretés dans les vesous. Lorsque le fabricant est propriétaire des cannes, il peut naturelle- ment les faire préparer comme il le juge convenable ; mais souvent deux intérêts opposés se trouvent en présence, celui du cultivateur qui produit la canne et celui de l’usinier qui l’achète. Le premier a tout profit à fournir le plus de poids possible, et peu lui importe la quantité de sucre qu'on pourra en extraire ; tandis que le second doit naturellement éviter de payer au prix des bonries cannes un supplément de poids qui non seulement ne lui donnera aucun résul- tat, mais qui pourra encore faire baisser son rendement industriel. Dans ces conditions, les difficultés ne peuvent être évilées que par une entente loyale dont l’usinier reste en définitive le seul juge, puisqu'il lui est loisible d'accepter ou de refuser les cannes qu’on lui apporte. Les cannes étant disposées en lignes régulières derrière les cou- peurs, des femmes viennent en former des paquets d'une dizaine de kilogrammes chacun qu’elles amarrent aux deux extrémités avec les feuilles vertes de la partie supérieure de la tige. A Cuba, on trouve qu'il ést inutile de former ainsi des paquets plus où moins bien attachés et on place les cannes coupées directement sur les char- rettes. S'il faut un peu plus de temps pour charger, d’un autre côté on économise l’amarrage qui exige au moins une femme pour deux coupeurs, et on est également dispensé d’enlever les liens en jetant les cannes sur la chaîne du moulin. Quand les cannes amarrées sont rendues au moulin, on défalque du poids total des cannes le poids des liens. Généralement on tare les amarres une fois par jour, et le poids trouvé sert pour la réduction de toutes les cannes d’une habitation LA CULTURE DE LA CANNE A SUCRE. 141 transportées pendant la journée. Ici, le vendeur de cannes emploie un truc qui lui réussit généralement : à l’usine on prend habituelle- ment le matin le taux des amarres ; jusqu'à ce moment ordre est donné aux ouvriers de faire de gros paquets de cannes et de les attacher avec deux ou trois feuilles seulement; puis aussitôt que la balance en a pris le poids, on change le système et on fait de très petits paquets en employant pour les lier des sommités entières de cannes. On ne peut éviter cette petite supercherie qu’en tarant les amarres à différentes heures de la journée. Pour transporter les cannes, les charrettes entrent habituellement dans la pièce et circulent dans tous les sens à travers les souches et les sillons. Quand le terrain est sec, cette habitude n'offre guère d’mconvé- ments, mais on ne se doute pas du tort qu'on cause aux souches lorsque le sol est détrempé par les pluies. Les roues des véhicules s’enfoncent dans la terre en broyant toutes les souches qu’elles ren- contrent ; tous les bourgeons souterrains qui devaient produire des rejets sont froissés ou détruits; la souche ainsi écrasée pourrit facile- ment et, après quelques mois, la pièce présente des vides nombreux qu’on attribue rarement au passage des charrettes qui en est la cause véritable. Si les charrettes sont à vide, le mal n’est pas considérable, mais il en est tout autrement lorsqu'elles sont chargées de 800 à 1,200 kilogr. de cannes ; dans ce cas, toutes les souches rencontrées sont presque irrévocablement perdues. On sait qu’elles pourrissent déjà facile- ment quand les pluies surviennent pendant la récolte, et 1l est facile de comprendre que la décomposition et la fermentation marchent beaucoup plus rapidement lorsqu'elles sont à moitié broyées. Les véhicules doivent toujours entrer dans les pièces et en soruir en suivant la direction des lignes, de manière à placer chaque roue dans l'intervalle qui sépare deux rangs. Si le sol est trop humide, il sera préférable de transporter tous les paquets de cannes au bord des pièces où les charrettes viendront les charger; c’est un surcroît de dépense, mais il vaut mieux faire ce sacrifice que de détériorer une plantation d’avenir. Ce débardage serait plus facile, si on donnait aux pièces une plus grande longueur L! La 142 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. et une largeur moindre, car le chemin à parcourir pour porter la récolte sur la lisière serait bien moins considérable. On évitera ce transport en faisant suivre la direction des lignes aux charreltes. On dira peut-être que l’écartement des roues n’est point calculé sur la distance des rangs pour faire passer les roues dans l'intervalle qui les sépare, mais on pourrait facilement faire l'inverse, c’est-à-dire donner aux lignes de souches un écartement en rapport avec celui des roues des charrettes. Quel serait, par exemple, l'inconvénient de donner dans une pièce à tous les 20 rangs de cannes, c’est-à-dire à tous les 25 ou 30 mètres environ, un peu plus d’écartement à deux sillons contigus ? On les placerait à 1,80 ou 2 mètres de distance et on aurait ainsi une largeur de 3",50 à 4 mètres au centre de laquelle serait une ligne de cannes. Les animaux et les roues des véhicules auraient, après la coupe, largement la place nécessaire pour passer sans froisser aucune souche, et par conséquent sans nuire aucunement à la plantation que par le piétinement et le tassement du sol. Le terrain ne serait pas perdu puisque les cannes, ayant plus d’écartement, prendraient un développement plus considérable; mais, même en admettant une perte de terrain, cette disposition serait toujours avantageuse, car la terre n’est pas si rare dans les colonies qu'on ne puisse pas disposer de quelques mêtres carrés pour éviter les graves inconvéments qui sont la conséquence de la circulation des véhicules à travers la pièce. | Pour débarder une pièce, on se sert également d’ânes bâtés qui transportent les cannes à un endroit accessible aux charrettes; ces animaux sont aussi utilisés dans les terres à pente rapide où les véhi- cules ne peuvent circuler sans danger. Les chemins d'exploitation sont rarement empierrés sur les habi- tations ; 1ls se défoncent facilement par les pluies et deviennent presque impraticables. On doit done, autant que possible, et suivant que l’état de maturité des cannes le permet, profiter du beau temps pour couper les pièces les plus éloignées ou celles dont l’abord est le plus pénible par les temps humides, afin de réserver les plus rap- prochées ou celles situées près des routes empierrées pour approvi- sionner de cannes l’usine, lorsque les pluies surviendront. LA CULTURE DE LA CANNE A SUCRE. 143 C’est au début de la saison qu'il faut prendre ses précautions ; car il arrive un moment où les attelages sont surmenés, et on éprouve parfois de grandes difficultés pour enlever la récolte tout en perdant un grand nombre d'animaux. 45. — Richesse saccharine de la canne. Nous donnerons ci-après quelques chiffres sur la richesse saccha- rine de la canne suivant les variétés, les conditions dans lesquelles elle a végété, les différentes parties de la tige que l’on considère, etc., afin d'appuyer ce que nous avons déjà dit relativement à sa végétation, sa culture, sa récolte, etc. Nous rappellerons que lorsque la canne est arrivée à maturité parfaite, et qu’elle a cessé de se développer sensiblement, elle con- tient dans toutes ses parties, le maximum de richesse saccharme, c’est-à-dire le maximum de sucre cristallisable et le minimum de glucose. Les tissus commencent naturellement à mürir, à se lignifier, par la partie inférieure de la tige ; et à mesure qu’on en considère une section plus élevée, on rencontre moins de sucre cristallisable et davantage de glucose. Lorsqu'elle est complètement développée et qu’elle est mûre, la richesse en sucre est uniforme sur la presque totalité de sa longueur. A conditions égales, une jeune canne est toujours moins riche qu'une canne plus âgée ; mais cette différence dépend plutôt de sa végétation qui est très active que de son âge proprement dit ; ainsi, on trouve des cannes âgées qui contiennent très peu de sucre si leur végétation est très active, comme d’autres fois des cannes beau- coup plus jeunes en renferment davantage si les circonstances atmosphériques ‘ont arrêté leur croissance et permis au sucre de s’'élaborer. Nous rappellerons encore que toutes les fois qu'une canne est arrivée à maturité, sa richesse saccharine augmente, mais qu'elle diminue rapidement si des pluies viennent à nouveau mettre la sève en circulation. 144 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. ; Différentes parties de la tige. Parmi les différentes analyses faites dans ce but, nous citerons les suivantes qui se rapportent à 100 centimètres cubes de jus extrait au moulin : 1° Cannes plantées imparfaitement müres, et encore en pleine végétation ; 2° Deuxièmes rejetons, 11 mois, la tige est partagée en trois parties égales ; 9° Quatrièmes rejetons en végétation ; 4 Premiers rejetons, 11 mois, la tige est partagée en quatre parties égales ; 9° Canne créole, la tige a 1 mètre de longueur et 48 centimètres de circonférence ; 6° Cannes plantées, très mûres, 14 mois, la tige est partagée en quatre parties égales. DENSITÉ MATIÈRES du jus. SUCRE. GLUCOSE. sucrées (Degrés Baumé.) totales. 1° Partie inférieure . . . . 925 13.74 y) 15:52 — moyenne. . . . . Où sin 2.44 1559 — supérieure. . . . 82 8.85 4.11 12.96 BOUADIAN CEE TRS 4.01 6.57 10.58 DoATiers inférieur. "4.18. » 16.20 0.94 17.14 médian EN » 15.40 159 116599 = SUDÉTIEUT. . 0. » 13.60 ES 15.39 SU APANHIC DAS ME ee » 19.44 0.34 19.81 = AAQAUTE RE UE » 16252 0.78 17.30 BoutDIANC PRET » 9.07 1.95 11.02 49 1er quart (inférieur). . . 111 20.73 0.37 21.410 D Re ar Ur ire Mil pl 20.41 0.52 20.93 DU re pce mer cel 07 19.44 0.52 19-93 4° — (supérieur) . . . 10 4 17.82 0.71 18.53 Boutin ee oUe 922 14.90 SES 16.05 DONTerS ANIÉrICULE ES. » 8.74 3.06 12.30 néant ep » 3.24 1.38 162 I SUDÉTICUTE TC » 162 4.56 6.18 60Me quart (inférieur). 12,3 22.68 0.51 23.49 DT ne LR NOR EEE A 22.68 0.952 23.20 DO lee: 19 9 22.68 0.52 23.20 4e — (supérieur) . . 12 0 22.03 0.53 22.56 BOUTIN LD 16.84 0.70 17.54 LA CULTURE DE LA CANNE A SUCRE. 145 On voit par les analyses qui précèdent, que la diminution de ri- chesse est constante dans la partie supérieure de la tige, et qu’elle est d’autant plus considérable que la canne est plus jeune ou que sa végétation est plus active. Dans les cannes müres (n° 6) la composition se maintient très régulière jusqu’au sommet de la tige, et on n'observe qu'une légère différence entre le quart inférieur et le quart supérieur; le bout blanc lui-même possède une richesse relative élevée. Dans ces condi- tions on peut le faire entrer dans la fabrication, et à la coupe on peut faire passer la section qui délimite la tige à la partie supérieure en dessus des premières feuilles vertes. Si, au contraire, la canne est encore en végétation, la diminution de richesse est déjà très accusée dans le tiers supérieur de la tige, et le bout blanc, toujours plus allongé, contient beaucoup de glucose mais peu de sucre. À la Réunion, M. Delteil' a obtenu les résultats suivants : BOUT BLANC. HAUT. MILIEU. BAS. 0w,10 Om,55 1,10 0m,55 S'UCDEMEUE, ANR 20 3.80 1391 18.09 18.99 Glucose . 190 0.81 0.16 0.14 Eau . . 84.05 76.89 70.40 68.92 Ligneux. + FOUT 9.96 9.51 10,71 11.95 Matières organiques . . . 0.38 0.39 0.32 0.30 Sels . M or 0.48 0.47 0.30 0.50 Densité des jus. . . . . au?) OS 11°6 12010 Variétés. Dans les chiffres que nous citons, 1l ne faut comparer que ceux faisant partie de la même série, car les variations que l’on constate - dans la richesse des ‘cannes, suivant l’année et suivant les conditions dans lesquelles elles ont végété, sont parfois considérables. D'un autre côté, il est très difficile d'établir la composition moyenne d’une récolte d’après les échantillons choisis dans la pièce, et chaque touffe et même chaque canne possède une richesse saccharine diffé- rente. Lorsqu'on veut obtenir des moyennes certaines sur linfluence de la culture, des variétés, etc., il faut agir sur de grandes quantités ; / 1. Delteil, {a Canne à sucre. ANN. SCIENCE AGRON. — 1886. — 1. 10 146 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. nous passions d'habitude environ 800 kilogrammes au moulin et l'analyse portait sur le jus qui en était extrait. En choisissant dans une pièce une dizaine de cannes moyennes, nous avons {toujours trouvé des différences notables avec les résultats obtenus en agissant sur 800 ou 900 kilogrammes, Les différentes variétés ci-après ont été naturellement plantées, fumées et récoltées en mème temps et prises dans les mêmes condi- lions. Cannes plantées. C. d'Otaïti. (C. Violette. C. de Salangore. DENSÉÉURUS EEE A TEUD 10°08 10210 SUCTEID A0 PET RE PA RC 2 DIUS 19 86 17 49 GIUCOSER CHERE STE NE 0 46 122 Rejelons. — Les cannes ont la même longueur, mais la canne de Salangore à un diamètre un peu plus considérable et les entre- nœuds de la canne d'Otaiti sont plus allongés. C. d'Otaïti. C. Violette. C. de Salangore. DENSITÉ RP RARE EE RE ONDES 0 10°00 10°00 SUCER PET PME TE De IA? 16 02 15 20 CIUCOS CREME RE ue SAS EME? 0 90 0 97 2 63 Dans les deux essais, l'avantage reste incontestablement à la canne d’Otaiti; et la canne de Salangore, qui contient toujours davantage de sucre incristallisable, vient en dernier heu. Quant à la canne noire, elle nous a toujours donné des jus de bonne qualité, et nous avons dit précédemment qu’on avait abandonné cette variété à cause de sa dureté, de sa richesse en ligneux et de son faible développement. M. Delteildonne la composition de 13 variétés récoltées sur le champ d'expériences de la station agronomique de la Réunion. Ce sont des cannes plantées de 20 mois. Les six premières variétés représentent les espèces les plus communément cultivées à Bourbon. Nous ferons seulement remarquer maintenant que le taux des cendres de presque toutes ces espèces est très élevé relativement à celui que donne la canne d’Otaiti à la Guadeloupe. SUCRE SUCRE MATIÈRES CANNES. EAU. LIGNEUX. Cristallis. incristallis. organiq. SELS. TADANTIR MANS 000 720 9.60 19.88 0.07 0.71 0.54 Bois rouge blonde . . . 68.956 9.20 21.03 0.10 0.53 0,58 Poudre DONC 60 9270 20. 05 0.07 0.74 0.54 LA CULTURE DE LA CANNE A SUCRE. 147 SUCRE SUCRE MATIÈRES CANNES. EAU. LIGNEUX. cristallis. incristallis. organiq. SELS. BINAN DEEE 69.00 11.00 18.58 0.10 0.85 0.47 MApOULSITIÉe MN ,69.,30 10.60 18.40 0.20 0.80 0.70 Eugene 20269. 20 10.80 18:29 0.28 0.89 0.58 Rouged'Otaiti. . … -… 70.40 8.80 18.67 0.88 0.62 0.63 SCAMADIE Ie 07 D. 28 9.00 LOL6 0.29 0.7 0.58 DALOMENERENR QE 77:60 6.20 1332 1.44 0.86 0.58 REIDeROUSE EL 076.80 7.40 12295 1.48 0.7 0.63 Hiéphanti es le: Un: 76:80 120 eNn1352# He 48 0.62 0:62 HSAMDOPE RE 0.50 69.60 950 18.28 1.01 0.89 0.49 RIDON ERP RL, 75:40 5.20 14.13 0.67 0.70 0.90 Cannes fléchées. Nous n'avons point constaté de différence importante entre la canne fléchée et celle qui ne l’est point, lorsque celle-ei est arrivée à maturité. Il semblerait seulement qu’alors que la canne ayant fleuri est à peu près stationnaire, la richesse de celle qui ne lest point continue à s’accroître dans une certaine proportion: 1° Rejetons de 11 mois, on prend des cannes fléchées et non fléchées sur chaque souche ; les panicules sont parfaitement déve- loppées ; C. FLÉCHÉES. C. NON FLÉCHÉES. = Bas. Haut. Bas. Haut, SUCRE RAIN TS M TO A0 16.20 18.40 14.90 GIUCOSC RE 0.96 2A02 1.36 2,34 TETE ENT ET TA 2° Mêmes cannes prélevées 1 mois plus tard ; SUCTE PE SUV. HÉL9:340 18.40 20.55 16.60 Glucose "2: 0.91 (eLS 0.28 0.68 20.31 19,59 20.83 151028 3° Dans de vieux rejetons très mûrs, on prend des cannes ayant fleuri depuis deux mois ; la flèche a disparu, et les trois ou quatre bourgeons les plus rapprochés du sommet de la tige ont donné de forts rejets. Les cannes sont très belles et identiques comme végéta- tion, grosseur, etc. C. FLÉCHÉES. C. NON FLÉCHÉES. SUCLO RE lu, TER 19.40 19.40 GIUCOS CREER un: de. LUC 0.81 0.64 148 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. On doit en conclure que si la canne fléchée ne gagne plus rien à rester sur le sol, du moins ses jus, dans la majeure partie de la tige, ne se détériorent pas immédiatement, lorsque la saison n’est pas trop avancée et que le temps est sec. Cannes créoles. Les cannes créoles ou cannes à cochons, qui poussent parfois abon- damment dans les cannes plantées, présentent une grande analogie avec les bouts blancs. Ce sont en somme deux parties de tiges dans lesquelles la végétation est très active, et dans les deux cas les tissus aqueux et non lignifiés sont encore dépourvus de sucre. Dans le bout blanc, la canne est entourée de feuilles vertes, tandis que la canne créole peut être complètement découverte sur une plus ou moins grande étendue, et naturellement sa richesse saccharine sera d'autant plus élevée qu’elle sera plus âgée et arrivée à une plus grande maturité. Il en est de même pour le bout blanc dont la teneur en sucre est d'autant plus faible qu'il provient d’une canne à végéta- . tion plus active et en pleine croissance. MATIÈRES SUCRÉES SUCRE. GLUCOSE. totales. Canne verte, d'un mètre de longueur. 14.20 1.44 15.64 — de 07,60 —= 13.00 1.88 15.78 — DIUSAEUNC EE ALT ECO 2.63 14.23 — très grosse, 0,65 de long ET ASE 2.76 14.10 Canne blanche entourée de feuilles NODLES PEER D RGO 2.63 13.32 — 0,30 de longueur . 9.72 2.80 12.52 = 02,25 de longueur « 9:00 1-91 10.91 — très jeune. . 2,50 2.06 4.56 Lorsque la canne créole atteint une certaine longueur, et que sa tige exposée à la lumière a eu le temps de mürir, elle peut donner un vesou assez sucré, mais qui renferme cependant toujours une forte proportion de sucre incristallisable. Dans ce cas, son écorce n'est plus blanche, mais possède une teinte verte plus ou moins foncée. Si on la laissait sur pied jusqu’à ce que sa tige développée soit devenue jaunâtre, il est évident qu’alors elle posséderait les qualités LA CULTURE DE LA CANNE A SUCRE. 149 d'une canne venue dans des conditions normales. Quant au bout blanc, sa coloration ne peut guère renseigner sur sa richesse saccha- rine. L’extrémité supérieure, complètement blanche des cannes très mûres, est presque toujours de meilleure qualité que celle des derniers nœuds formés dans une tige en pleine végétation et qui, exposée à la lumière, a déjà pris une teinte d’un vert plus ou moins jaunâtre. Cannes avariées. RICHESSE DES JUS. Sacrs, Glucose. Total. (1) le CEDTES ONTCONENEMOMONNONERN LORS 1.64 15.48 » 2. — les mêmes plus avariées. . 6.15 1.50 CD » D AN ATICES. er MATE ENS 0 11108 1.36 13.34 18.00 4. — les mêmes plus avariées. . T2 1.84 8.96 18.00 DATI INIÉTIEUTe 10.15 2e 12.34 18.40 6 — partie Supérieure. . . . . TS 2.63 9.76 18.40 7 MAVATI OS ee NIET 2.06 16.84 20.05 SR AVATICESN EN ee 18290 2202 15.98 20.05 CRT AVATIÉ ES D TO 9.07 210 AT » LOPRR EE AMAVATIÉES MEN A TURN 5.82 2.63 8.49 » 11. Cannes attaquées par les rats, ra- Vases iréCents CLR 13 28 1166 14.61 18.00 12. Cannes attaquées par les rats, ra- VADESEAIICIEN SEE Ne ee 1e il O1] 1.44 13.75 18.00 13. Extrémités de cannes fléchées. 14.78 2.06 16.94 18.90 Les cannes {ournées sont celles qui sont restées trop longtemps sur pied et dont la maturité est trop avancée. Cet accident se remar- que surtout dans les cannes plantées de très bonne heure et quand l’année a été très humide ; alors des tiges, en nombre plus ou moins considérable, fermentent et subissent un commencement de décom- position. Les feuilles prennent une teinte jaunâtre, et l’écorce de la tige devient rougeàtre. Les tissus prennent également une coloration jaunâtre qui passe ensuite au brun rougeûtre et les cellules se dé- sorganisent. Les jus possèdent l'odeur particulière de la fermentation 1. Les chiffres inscrits dans cette colonne donnent le sucre cristallisable contenu dans les jus des mêmes cannes non avariées. 150 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. ordinaire, ils sont très acides et la destruction du sucre marche ra- pidement. Dans les chiffres précédents, les dosages n° 2, 4 et 10 proviennent de cannes présentant ces derniers caractères. Dans cette altération il n’y à pas seulement une simple transformation de sucre cristalli- sable en incristallisable ; mais le glucose formé ne reste pas dans les tissus, et il disparaît lui-même par la fermentation. Lorsque les cannes sont attaquées par les rats, il se produit un phénomène semblable. Les tissus exposés à l'air, par suite de la bles- sure faite par ces rongeurs, fermentent de la même façon et la dé- sorganisation se propage dans toute la canne. Les extrémités de cannes fléchées (n° 13) ont été ramassées sur le terrain après la récolte. La floraison avait eu lieu trois mois aupara- vant et les nœuds supérieurs étaient pourvus de rejets vigoureux. Lorsque ces pousses sont très développées, on retranche la partie de la tige qui les porte, car le sucre qui y était primilivement accu- mulé a disparu en grande parte. Influence du temps de coupe sur la qualité des jus. IL est difficile de manipuler les cannes aussitôt après qu'elles ont été coupées, et pour assurer la marche régulière de la fabrication, il faut toujours qu'il en existe d'avance un certain stock, sans quoi le moulin pourrait être arrêté à chaque instant par le manque de cannes. Lorsqu'on suspend la fabrication le dimanche, 1l faut également couper dès le samedi les cannes qui seront travaillées le lundi matin; mais le temps qui s'écoule entre la coupe et la manipulation doit être abrégé autant que possible ,et on doit éviter soigneusement d’en recevoir où d'en laisser couper plusieurs jours avant de les passer au moulin, ainsi que cela se pratique trop souvent. Les cannes coupées perdent toujours une partie de leur poids, et dans un essai nous avons obtenu une perte de 1.80 p. 100 en six heures. Si on ne constatait qu'une diminution de poils par la dessic- cation des tiges, il n’en résulterait qu'une concentration des jus à l’intérieur des tissus, et, en somme, le déficit ne serait que pour celui LA CULTURE DE LA CANNE A SUCRE. 191 qui livre les cannes à l'usine. Mais l’évaporation a lieu surtout par les extrémités de la tige où les tissus sont mis à découvert, et toutes les fois qu'ils sont ainsi exposés à l'air, 1l s’y produit toujours une fermentation plus ou moins active qui altère les Jus. Cette altération est assez difficile à apprécier, car il n’est pas fa- cile de choisir deux échantillons bien identiques et de les comparer après une exposition plus ou moins prolongée à l'action desséchante de l'air et du soleil ; mais pour s’en rendre compte, on peutexagérer volontairement l’action qui se produit. Dans un premier essai, deux lots de cannes ont été choisis dans les mêmes conditions; l’un analysé immédiatement à donné un jus contenant 147.16 de sucre cristallisable et 0.61 de glucose; au bout de 10 jours, le second ne contenait plus que 11.50 de sucre, mais 4.68 de glucose. Afin d'éviter de conserver les cannes aussi longtemps, nous avons ensuite procédé de la façon suivante : Plusieurs cannes ont été fendues longitudinalement et séparées en deux lots ; le premier a été passé de suite au moulin et le second deux jours après. En séparant les cannes de cette façon, on obtient deux échantil- lons identiques ; et en exposant à l'air une forte proportion de tis- sus, on exagère considérablement l’altération qui ne se produit nor- malement qu'aux deux extrémités du tronçon. Dans une expérience les cannes out perdu en deux Jours 19.60 p. 100 de leur poids et ont donné des jus contenant : CANNES FRAICHES. CANNES DESSÉCHÉES. Degré BAUuMÉQUAUS 9°50 11910 STICRE RE R AENRER A 2e . 4. a LD 00 16 50 (CHTOTÉE LL EME NN CR NE LENS ES AL TER ES € LE ESS 0 94 4 05 Matières SUCréeS to als 7077 20055 La densité du vesou a augmenté de 1°6 et sa richesse en sucre total s’est élevée de 17.44 à 20.55 ; mais sa qualité a subi une grande réduction et le rapport du glucose an sucre cristallisable à passé de 1 : 17 à 1 : 4. La perte de poids étant de 19.60 p. 100, le dosage de la canne 152 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. desséchée, rapporté à la canne fraîche, serait de 15.26 de sucre cris- tallisable et de 3.26 de glucose, soit un total de 16.52. Dans un autre essai, en opérant de la même façon, la perle a été de 24 p. 100, et le vesou, qui contenait dans la canne fraîche 10.36 de sucre et 2.84 de glucose, renfermait 9.07 de sucre et 6.77 de glucose dans la canne desséchée. Dans ce dernier cas l’altération à été encore plus accentuée et le vesou est complètement impropre à l'extraction du sucre. Nous répétons qu'une décomposition semblable ne se constate point dans la pratique usuelle, et que nous avons cherché à multi- plier les surfaces d’évaporation, afin de mettre en évidence la nature de l’altération qui se produit Loujours plus ou moins dans les cannes coupées, lorsqu’avant d'entrer en fabrication elles séjournent dans les pièces ou aux abords de lusine. On ne doit donc couper que le strict nécessaire pour assurer la marche normale de l'usine, et ‘quand les cannes sont coupées à la- vance il y a double perte, perte pour le fabricant par laltération des jus et perte pour le fournisseur de cannes par la diminution du poids des cannes. Nœuds et entre-nœuds. Les nœuds d’une canne sont formés de faisceaux fibreux très res- serrés, tandis que la texture des entre-nœuds est beaucoup plus lâche, les cellules y sont plus grandes et plus abondamment gorgées de liquide sucré. La longueur des entre-nœuds varie avec l'espèce de canne cultivée et les conditions dans lesquelles elle a végété. Plus le terrain est fertile, et plus les entre-nœuds seront allongés ; on sait qu’on peut se rendre compte, simplement par la longueur relative des entre-nœuds pris à différents points d’une même tige, de l’époque à laquelle la végétation s’est ralentie, parce que les nœuds formés à ce moment sont beaucoup plus rapprochés les uns des autres. La quantité de matières minérales existant dans les nœuds est près du double de celle contenue dans les entre-nœuds, et quand les entre-nœuds contiennent 8 p. 100 de ligneux, les nœuds en ren- ferment jusqu’à 17 p. 100. LA CULTURE DE LA CANNE A SUCRE. 153 Les nœuds sont plus riches en matière sèche ; mais celle-ci est constituée par du ligneux et non point par du sucre qui y existe en moins forte proportion que dans les entre-nœuds. Lorsque les nœuds contiennent respectivement : SUCRE PURURS AIN RENTE 12.74 16.68 GInLOSe ere Le OU E 0.29 0.28 0.32 MOtA RER EU EUR ERIC 13.02 17.00 Les entre-nœuds renferment : SUCER SEL CU NON TEE ETC 16.08 19.72 CUHCOSERENME bus 4.7 0.60 0,84 0.48 ORAN LA Le 7 El 16.92 20.20 À conditions égales, plus les entre-nœuds seront allongés dans une canne et plus elle pourra fournir à l’extraction un vesou riche et abondant, puisqu'ils contiennent davantage de sucre et moins de ligneux que les nœuds. On est donc dans l’erreur en croyant que les cannes à nœuds rapprochés fournissent un vesou d’une plus grande richesse saccharine, et l'expérience directe prouve absolument le contraire. En comparant la partie médullaire et la partie corticale, on arrive au même résultat : PARTIE PARTIE corticale. médullaire. DEN OURS vie AR Re 20.80 6.22 STETE 6 6 2 Ses né Ra ons 13.05 15.46 DETTE SRE PR PT EL ON Poe DEPAREEE. ONU 0.61 0225 Cannes plantées et rejetons. La différence entre la richesse des cannes plantées et des rejetons est variable ; mais en général, les rejetons donnent toujours un vesou plus sucré que les cannes plantées. On ne peut guère se rendre compte de celte différence en suivant d'année en année la valeur des cannes provenant d’une même pièce ; car d’une récolte à l’autre, la richesse des jus varie dans une limite beaucoup plus accentuée que celle qui pourrait être constatée dans les diverses cannes d’une même année, cannes plantées et rejetons. 154 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. La différence en faveur du vesou de rejetons est due très proba- blement, non pas à une propriété particulière qu'ils posséderaient, mais à ce qu'ils ont toujours une végétation moins vigoureuse que les cannes plantées, et qu'ils arrivent plus facilement et plus rapide- ment à une malurité parfaite. L'arrêt dans la végétation que l’on remarque pendant la récolte est plus complet dans les rejetons et l'élaboration du sucre doit s’y faire plus normalement. L'âge et la maturité relative des cannes plantées et des rejetons fait varier cette différence, mais à conditions égales le vesou extrait de ces derniers est toujours d’une plus grande richesse saccharine. Les tissus des cannes plantées sont moins ligneux, et avec une même pression on en obtiendra des jus plus abondants. Sous d’autres climats, ou en faisant varier l'époque de la planta- tion ou de la récolte, on obtiendrait peut-être d’autres résultats ; mais à la Guadeloupe le vesou de rejetons contient en moyenne de 1 à 2 p. 100 de sucre de plus que celui de cannes plantées ; et en y admettant une augmentation de 2 p. 100 de ligneux, on voit qu'à poids égal et malgré la différence de pression, l'avantage restera aux rejetons. 16. — Culture des rejetons. Après la coupe, chaque extrémité de tige restant dans le sol se compose d’un certain nombre de nœuds pourvus de bourgeons qui, en donnant naissance à de nouveaux rejets, formeront la seconde ré- colte. Lorsque celle-ci sera coupée, les tiges laisseront à leur tour de nouveaux bourgeons souterrains qui fourniront une troisième récolte, et ainsi de suite, tant que la fertilité du sol et les soins dont les cul- tures seront l’objet, permettront une nouvelle émission de tiges. Lorsque le terrain sera trop appauvri par ces récoltes successives, ou que sa compacité s’opposera au,libre développement des bour- geons et des racines, le nombre des tiges deviendra plus restreint en même temps que leur constitution sera moins vigoureuse ; el quand le rendement ne sera plus en rapport avec les dépenses de culture, on procédera au renouvellement de la plantation. LA GULTURE DE LA CANNE A SUCRE. 155 Les pousses annuelles se greffant sur celles de l'année précé- dente, il s’en suit que la souche tend continuellement, non à remon- ter, mais à se constituer à une moins grande profondeur ; aussi, dans les vieilles pièces, elle forme à la surface du sol un amas con- fus de tiges et de racines plus ou moins enchevêtrées les unes dans les autres. Dans ces conditions, la végétation est moins vigoureuse, car les nouveaux rejets émettent des racines à fleur de terre et s’en- racinent plus difficilement ; aussi leur nombre diminue d'autant plus rapidement que le terrain leur est moins favorable. Chaque portion de tige souterraine, restant dans le sol après la récolte, peut être considérée comme une bouture ordinaire, et la production des rejets est favorisée ou entravée par les mêmes causes que celles dont il a été question à propos de la plantation proprement dite. La seule différence consiste en ce que les boutures des rejetons sont déjà enracinées et qu’elles peuvent immédiatement puiser dans le sol une nourriture suffisante pour nourrir copieuse- ment les rejets. Leur alimentation se trouve donc facilitée et assurée avant leur naissance, et en quelques jours ils pourront, si la saison leur est favorable, émettre par leurs nœuds mférieurs des racines propres, qui viendront encore activer leur développement. Les nouvelles pousses des rejetons paraissant à la surface du sol plus rapidement que celles des cannes plantées, il leur faudra moins de temps pour arriver à maturité complète. Si aucune cause ne s’opposait à leur développement, les rejetons seraient donc aussi beaux que les cannes plantées ; mais leur pro- duction diminue d'année en année, parce que la terre s’appauvrit autour de la souche, et qu'en se tassantelle s'oppose à l’aération des racines et à leur pénétration à travers le sol durer. En outre, les re- jets naissent de plus en plus rapprochés de la surface du sol; la partie de la tige qui reste enterrée est plus courte et pourvue d’un plus faible nombre de bourgeons dont la sortie est entravée par l’enchevêtrement des anciennes tiges souterraines et des vieilles ra- cines. Ce sont ces diverses causes, et principalement l’appauvrisse- ment et le durcissement du sol, qui amènent progressivement la di- minution dans le nombre et la vigueur des rejetons. Les façons cul- turales à leur donner, doivent donc toujours tendre à atténuer ces in- 156 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. convénients ; c’est-à-dire qu'elles auront pour objectif la fertilisation du terrain et son ameublissement ; ainsi que l'augmentation de lé- paisseur de terre autour des souches, afin de conserver une situa- tion normale aux rejets qui naîtront des tiges souterraines. Les circonstances atmosphériques qui surviennent pendant la ré- colte exercent aussi june très grande influence sur la sortie des re- pousses. Des pluies fréquentes et copieuses pendant cette époque ont un effet désastreux aussi bien sur la récolte en cours que sur celle à venir; les souches pourrissent souvent partiellement ou en totalité, les rejets sont toujours peu nombreux et la récolte suivante se trouve gravement compromise. Ilest vrai que, d’un autre côté, les pluies facilitent la reprise des jeunes cannes plantées ; mais comme leur superficie est restreinte relativement à celle des rejetons, on peut toujours prévoir un déficit plus ou moins important pour la récolte qui suivra. Quand il ne pleut que modérément, et qu'il s'écoule un intervalle suffisant entre chaque ondée, les travaux de Ja récolte n’en souffrent point, les re- jetons croissent normalement et les cannes plantées s’enracinent convenablement en attendant les grandes pluies de l’hivernage. La culture des rejetons est d’une exécution difficile en raison de l’état dans lequel se trouve le terra après l'enlèvement des cannes. Les feuilles sèches qui se sont détachées pendant la végétation, les sommités et les feuilles vertes séparées de la canne pendant la coupe, les mauvaises cannes ratées ou plus ou moins avariées, les cannes créoles, forment sur le terrain un amas de détrilus végétaux non encore décomposés, qui entraveraient complètement la marche des instruments aratoires qu'on voudrait employer. Les feuilles sè- ches tombées dès le début de la végétation sont déjà plus où moins décomposées, mais il en reste suffisamment pour que le sol en soit complètement recouvert, et la grande dimension de ces organes fo- liacés vient encore en augmenter l'encombrement. Dans quelques colonies, les feuilles sèches servent de combustible ; mais à la Guadeloupe, où le système de culture est plus rationnel, elles restent en totalité sur le terrain, excepté ce qui peut être en- levé pour la nourriture ou la litière des animaux. Pour faciliter les opérations culturales, il serait à désirer que la LA CULTURE DE LA CANNE A SUCRE. 1517 mécanique fournisse à la culture coloniale un outil qui puisse pren- dre les pailles entre deux lignes de souches et les rejeter en ligne continue entre les deux rangs voisins, de façon à pouvoir découvrir alternativement et successivement tous les intervalles situés entre les lignes de souches. Cet instrument relèverait les feuilles à la façon d'une charrue qui creuse un sillon pour rejeter la terre à côté de la raie ouverte; il serait assez volumineux, mais il pourrait être très léger puisqu'il n'aurait à agir que sur les feuilles sèches. Basé sur les mêmes principes généraux que la charrue, il passerait sous les feuilles, les soulèverait, puis, par le moyen d’un appendice représen- tant le versoir de la charrue, il les laisserait retomber de l’autre côté de la ligne de souches. La main-d'œuvre économisée par un appareil semblable serait considérable ; et s’il pouvait être trainé par un mulet, on n'aurait qu'à déblayer le sillon que la charrue ou les instruments travailleraient immédiatement; puis le deuxième sillon serait déblayé à son tour par l’outil qui replacerait les pailles sur le premier sillon déjà labouré. Faute d’instrument approprié, le déplacement des feuilles sèches se fait à bras, et exige une main-d'œuvre très coùteuse. En raison de la difficulté et du prix de cette opération lorsqu'elle est faite à bras, elle est fréquemment négligée, et on ne cultive pour ainsi dire point les rejetons. | Les feuilles qui recouvrent les souches après la récolte s'opposent également à la sortie des rejets, et 1l est indispensable de les décou- vrir pour donner accès à l'air et à la lumière. Cette opération est d'autant plus indispensable que les débris vé- gétaux forment une couche plus épaisse et tiennent la souche dans une obscurité plus complète. Si la saison est pluvieuse, on doit y mettre immédiatement les ouvriers, et le moindre retard peutnuire considérablement aux rejetons; par les temps secs, on peut la re- tarder de quelques jours, mais elle doit toujours être terminée avant que les rejets n'apparaissent à la superficie du sol. Lorsque pour une raison ou pour une autre les feuilles ne sont pas trop abondantes, cette opération est moins indispensable et par- fois on pourra s’en dispenser sans inconvénient, surtout si la saison est sèche. es [1] ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Remplacement des souches. Bien que lors de la plantation on ait remplacé les plants avec soin, on découvre toujours à la récolte des endroits où les boutures sont mortes, et il y a lieu de les replanter immédiatement. La nécessité de remplacer les souches disparues pour utilisation complète du terrain est évidente, surtout si deux souches manquent lune à côté de l’autre; si le terrain reste inoccupé, les herbes y croitront en plus grande abondance parce que le sol sera moins om- bragé. 11 faut donc replanter à moins que la plantation ne soit âgée et qu’on doive la renouveler après une ou deux dernières récoltes, dans ce cas le remplacement des souches mortes n'aurait aucune utilité. Ce remplacement réussit moins facilement que dans les cannes plantées qui poussent plus lentement dans les premiers temps de leur existence, et quand il a été fait de bonne heure, toutes les bou- tures se développent en même temps. Il n’en est plus de même dans les rejetons qui se développent plus rapidement que les boutures ordinaires placées dans les rnêmes conditions ; de sorte que si on remplace les souches par une simple bouture fichée dans le sol, 1l arrive que les rejetons sont déjà très forts lorsqu'elle commence à peine à émettre des rejets. Le père Labat obviat à cet inconvément en comblant les vides avec des souches entières arrachées au bord des pièces ; celles-ci étaient remplacées par du plant ordinaire dont la végétation était toujours plus vigoureuse que s’il avait été placé dans intérieur de la pièce. | En somme, tout moyen sera bon s’il est économique et s’il permet à la Jeune plante de croître avec vigueur sans être étiolée par le dé- veloppement des cannes qui l'entourent. Pour obtenir ce résultat, il est urgent de replanter aussitôt après la coupe et de ne pas attendre après la récolte. Aussitôt que le ter- rain sera déblayé, on ouvrira à la houe de petites fosses dans les- quelles on déposera environ 10 kilogr. de bon fumier qu'on mélan- gera avec de la terre fine, et on placera la bouture dans ce milieu LA CULTURE DE LA GANNE A SUCRE. 159 fertilisé, en prenant toutes les précautions usitées pour la plantation en trou carré. La végétation de cette bouture sera néanmoins toujours en retard sur celle des souches avoisinantes, et il est préférable de rechercher dans la pièce les endroits où l’année précédente on a placé deux plants côte à côte pour former une seule souche, et qui ont végété tous les deux. On en enlève alors un avec la terre qui environñe les plus grosses racines et on le transporte dans la mortaise ouverte et fumée à la- vance. On ramène ensuile de la terre autour de la souche primitive qui ne souffre pas de l'opération. Il est non seulement inutile, mais encore nuisible d'attendre que les rejets soient apparents pour détacher et replanter les souches ; car alors la végétation est plus lente, et les rejets Loujours moins nombreux et moins vigoureux. Sarclages. Il faut aux herbes adventices qui salissent les récoltes, comme aux plantes cultivées, de Pair et de la lumière pour croître normale- ment, aussi toutes celles qui avaient végété lentement à l'ombre des cannes, vont se développer rapidement aussitôt que celles-ci seront coupées ; si les travaux de la récolte ne permettent pas de procé- der immédiatement aux sarclages, il sera indispensable de détacher quelques ouvriers, qui passeront rapidement dans les pièces pour exécuter un sarclage sommaire et détruire certaines plantes dont le développement est très rapide, et qui prennent bientôt un accroisse- ment suflisant pour nuire beaucoup à la sortie des repousses. Cette pratique n’est évidemment qu’un pis aller, car rien n’est aussi indispensable que des sarclages parfaitement exécutés aussitôt après la coupe. Les mauvaises herbes sont le plus terrible ennemi de la canne, et chaque année elles occasionnent beaucoup plus de dégâts que les rats et les insectes qui peuvent l’attaquer. Lorsqu'on a laissé à cette végétation adventice le temps de pren- dre le dessus, la canne est à peu près perdue, qu’elle soit à l’état de canne plantée ou de rejeton. 160 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Les sarclages tardifs sont plus coûteux et plus longs à exécuter en raison de l'accroissement qu'ont pris les mauvaises herbes ; et ils ne remplissent pas le but qu'ils doivent atteindre, puisque les nouveaux rejets ont déjà souffert de leur voisinage. IL est d'autant plus important d'opérer les sarclages sans délai, que pendant la récolte la saison est généralement sèche. Les herbes se détruisent alors plus facilement, tandis que sion attend l’arrivée des pluies, elles se défeloppent avec vigueur et nuisent davantage aux Jeunes pousses. En outre, elles repoussent plus facilement, et il fau- dra deux ou trois sarclages pour produire le même résultat qu’une seule opération faite en temps opportun. Nous savons bien que les bras ne sont pas nombreux pendant la récolte, et que c’est au moment où leur besoin s’en fait le plus sentir qu'on s’en procure le plus difficilement ; mais néanmoins, si les cannes plantées sont travaillées complètement à la houe à cheval, si on fait de la grande culture ou si les plantations de petite culture ont été exécutées de bonne heure, il sera beaucoup plus facile d’a- voir des bras disponibles pour mener à bien tous ces travaux au bon moment. Dans la pratique habituelle, la culture des rejetons est très primi- üve et s’exécute toujours à bras. Au moyen de la houe ordinaire, on se contente de couper les mauvaises herbes à diverses reprises, suivant la quantité de main-d'œuvre dont on dispose. Quand les bil- lons n’ont pas été complètement aplanis pendant la première année de la plantation, la terre est ramenée autour des souches par la même opération, Au bout d’un certain temps, les feuilles restées sur le sol se décomposent peu à peu et gênent de moins en moins les travailleurs qui les réunissent en petits tas entre les lignes de can- nes. À chaque sarclage ces petits monticules sont plus ou moins dé- placés avec la houe, afin de nettoyer le sol sur toute sa superficie. De même que pour les cannes plantées, les sarclages deviennent de moins en moins indispensables et moins fréquents à mesure que les tiges prennent plus de développement et ombragent davantage le sol. Nous avons dit que les feuilles laissées sur le sol par la récolte précédente s’opposaient à peu près complètement à l'emploi des LA CULTURE DE LA CANNE A SUCRE. 161 instruments aratoires pour la culture des rejetons, mais cette couver- ture de débris végétaux possède cependant des avantages qu'il ne faut pas oublier. Si elle s'oppose à l’aération et à l’évaporation de l'excès d’eau dans les terres humides, cette même action, s’exerçant sur un sol léger exposé à la sécheresse, est un avantage précieux. Les pailles forment un écran entre la terre et l'atmosphère, et le soleil ne frappant plus directement le sol, celui-et conserve beau- coup plus longtemps l'humidité nécessaire à la végétation. On sait du reste que c’est le procédé employé par les jardiniers pour main- tenir la fraicheur dans la terre et l’abriter pendant l'été contre les rayons solaires et l’action desséchante de l’air. A ce point de vue, l'enlèvement de ce pallis sera utile dans les terres humides, mais nuisible dans les terres légères exposées à la sécheresse. La couche de feuilles qui recouvre le sol augmente encore l’action bienfaisante des pluies qui tombent à de longs intervalles et par grains copieux. Sous les tropiques, on reçoit parfois des avalasses d’eau qui durent très peu de temps, et qui, tombant sur un sol dé- nudé et durcit, ne font que circuler à sa surface, sans pouvoir le pé- nétrer; on peut observer amsi pendant la saison sèche, des pluies abondantes dont l’action est à peu près nulle sur les plantations. Lorsque le sol est gazonné, ou, ce qui revient au même, lorsqu'il est recouvert d’une couche de feuilles, Peau cireule plus lentement à sa surface, par suite des obstacles qui s'opposent à son écoulement normal, etelle le pénètre plus facilement. En outre, les fortes pluies tassent toujours le sol par l’action mécanique des gouttes d’eau, et l'écran de feuilles, en s’opposant à leur chute directe sur la terre, permettra à celle-ci de se conserver dans un état plus complet d’a- meublissement. Les herbes adventices se développent aussiavec moins de vigueur sur une terre abritée que sur un sol découvert; et cet obstacle à leur croissance rapide constitue un avantage qui n’est pas à dédaigner. En somme, il serait utile dans la plupart des circonstances de pouvoir donner au sol toutes les façons culturales nécessaires, sans le phiver de cette couverture dont les avantages sont si importants. Dans les rejetons, la terre devient toutes les années de plus en ANN. SCIENCE AGRON. — 1886. — 1. 11 162 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. plus compacte par son tassement naturel, ainsi que par le piétine- ment des hommes et des animaux, et la culture doit combattre ce tas- sement par un ameublissement d'autant plus indispensable que la terre est plus argileuse et plus compacte. À l'ordinaire, les sarclages que l’on donne aux rejetons se font très superticiellement, la terre n’est jamais ameublie, et après quel- ques années, les racines ne peuvent que difficilement se frayer un chemin à travers les couches durcies du sol, et les rendements di- minuent. Divers procédés peuvent être employés pour obvier à cet incon- vénient. Labours. Toutes les façons cullurales qui ont pour objectif Pameublisse- ment de la couche arable sur une profondeur qui dépasse celle des binages ordinaires, doivent se pratiquer pendant la récolte et aussi- tôt après la coupe des cannes. Par ces divers travaux, on se propose de préparer un milieu con- venablement ameubli et amendé, dans lequel les jeunes racines émises par les rejetons pourront se développer facilement et trouver une nourriture appropriée à leurs besoins. Si on attend pour les exécuter que les rejets aient acquis une certaine grosseur, ils auront déjà envoyé dans toutes les directions de jeunes racines qui seront brisées par la désagrégation du sol, puisqu'on pénétrera avec les ins- truments dans le milieu où elles auront commencé à se développer. Dans ces conditions, il en résultera une perturbation dans la végé- tation, qui ne pourra que nuire à l'accroissement des jeunes rejets. Ces façons doivent donc se pratiquer avant l’apparition des rejets ou au moins avant qu'ils aient émis de racines propres, el si les autres travaux de l'exploitation ne permettent pas de les exécuter en temps opportun, il vaut mieux v renoncer et les remettre à l’année suivante. Lorsqu'on n'a pas rabattu complètement les billons pendant la première année, et qu'ils restent encore légèrement surélevés, si on ne veut pas donner un labour aux rejetons, 11 faut néanmoins, avec une charrue petit modèle, niveler le sol en ramenant la terre sur LA CULTURE DE LA CANNE A SUCRE. 163 les cannes, après les avoir fumées préalablement. Dans les premiers rejetons, la terre n’est pas encore devenue trop compacte pour que ce travail ne puisse se faire très facilement. De même que pour les façons suivantes, la charrue doit être pré- cédée de quelques ouvriers qui enlèvent les pailles d’une ligne pour les rejeter sur les parties déjà labourées. Ce déplacement des pailles, qui s'opère généralement avec la houe ordinaire, serait d’une exécution plus rapide si on employail un outil plus approprié, tel qu’une fourche à trois dents espacées, ou encore une-espèce de râteau dont les dents seraient peu nombreuses, mais longues et recourbées. Les ouvriers ont rarement des outils appro- priés au travail qu'ils doivent exécuter, et la main-d'œuvre n’emploie guère que la houe et le coutelas pour tous les fravaux manuels d’une exploitation. Dans certaines cultures, on enterre les pailles à la charrue. Un sillon étant découvert, on ouvre en allant et revenant une profonde dérayure dans laquelle les ouvriers placent et piétinent les feuilles qui recouvrent le sillon contigu. Celui-ci étant découvert, on y exécute le même travail qui se poursuit jusqu’à l'extrémité de la pièce. Les feuilles ainsi enterrées se décomposent rapidement et se trans- forment en une matière fertilisante qui active la végétation et modifie heureusement les propriétés physiques du sol. Parfois on se contente d'ouvrir une dérayure toutes les deux lignes, et l’année suivante on refait le même travail dans les sillons intermédiaires. Dans tous les cas, il faut enterrer les feuilles pendant qu’elles sont encore vertes, afin que leur décomposition soit plus rapide et qu’elles se convertissent plus promptement en terreau. Les dérayures ouvertes et remplies de feuilles sont recouvertes de terre par un trait de charrue ou avec la houe. Cette méthode, à recommander dans les terres fortes et humides, peut avoir des inconvénients dans les terres légères ou qui se dessè- chent facilement, surtout si on a des motifs de craindre une sé- cheresse prolongée ; car le sol reste dénudé et plus exposé à perdre le peu d’eau qu'il contient ; en outre, la terre qui recouvre les feuilles reste soulevée et se dessèche à une plus grande profondeur. 164 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. On attribue parfois à ce système une action salutaire pendant la sécheresse ; on pense qu’en enterrant les feuilles vertes, on enfouit des matières végétales gorgées d’eau qui produiront le même effet qu'un arrosage. I ne faut pas compter sur cette action spéciale qui ne peut s'expliquer convenablement d'aucune manière, d'autant plus qu'on enterre les feuilles alors qu’elles sont déjà à moitié desséchées. Pour ameublir la terre entre les rangs de cannes, on utilise aussi le {risoc, ou la fouilleuse dont nous avons déjà parlé, et qui peut également fonctionner à la façon d’un scarificateur, En modifiant la forme des pieds et en leur donnant plus d’écartement, cet instrument fournirait un meilleur travail. Un petit scarificateur de 0",80 à un mètre de largeur serait l'instrument le plus convenable pour ce tra- val, ou encore une forte houe à cheval, puisqu’en somme ces deux outils ne présentent entre eux qu’une différence dans leur force et dans la profondeur à laquelle ils doivent pénétrer. Le trisoc passé deux fois dans la même ligne et le plus près possible des souches, ou un autre instrument plus large, ne passant qu'une seule fois, ameublit le sol à une bonne profondeur en désa- grégeant suffisamment la terre qui pourra être employée pour butter les cannes. Les deux opérations, enfouissement des pailles à la charrue et travail du trisoc, pourront être combinées de façon à les exécuter simultanément sur la même pièce de terre ou à les alterner d'année en année. Dans le premier cas, on enterrera les pailles toutes les deux lignes et les espaces intermédiaires seront ameublis au trisoc ; l’année suivante, on passera le trisoc dans les lignes précédemment labourées, et vice vers. Le labour des rejetons se fait également de la manière suivante : Avec une charrue assez légère, on passe de chaque côté et le plus près possible des souches, de façon à former un petit ados dans lin- tervalle qui sépare les deux lignes, et on ameublit à la houe la terre qui reste entre les souches. On répand lengrais dans les rigoles ainsi ouvertes, puis, en pénétrant un peu plus profondément, on re- jette la terre dans les dérayures précédemment formées et sur les souches qui se trouvent ainsi buttées plus ou moins fortement. Cette terre retournée peut former des mottes d’une certaine dureté, LA CULTURE DE LA CANNE A SUCRE. 165 mais qui se désagrégeront sous l'influence alternative des pluies et de la sécheresse, en entourant la souche d’une terre meuble et aérée. Lorsque la charrue a ouvert un sillon près des cannes, il faut immédiatement fumer et le recouvrir sans tarder, pour éviter une trop grande dessiccation de la souche qui nuirait à la sortie des pousses, surtout dans les vieux rejetons. Par cette opération répétée toutes les années, on prolonge la durée des rejetons, si on a le soin d'augmenter peu à peu l’épaisseur de terre autour de la souche, de façon à opérer un léger buttage. Putlage. A mesure que les rejetons vieillissent, les jeunes pousses s’en- racinent plus superficiellement et moins vigoureusement, et il arrive un moment où elles sont pour ainsi dire hors de terre. Lorsque les tiges sont développées, on remarque également sur beaucoup d’entre elles que les nœuds inférieurs les plus rapprochés du sol émettent de petites radicelles, lesquelles pénètrent dans le sol, si elles ne sont point situées à une trop grande hauteur ; ces organes deviennent alors des racines proprement dites et aident puissamment à l'alimentation de la plante. Ces observations indiquent d’une façon péremptoire qu’un buttage modéré convient parfaitement à la canne, et qu'on doit, après la première récolte, continuer à lui donner de La terre jusqu’à ce que le sol forme, dans les dernières années de la plantation, des ados plus ou moins prononcés, dans lesquels les nouvelles racines pourront se développer à leur aise. Wray’ recommande très instamment le buttage des cannes dès la première année de la plantation. Suivant le système préconisé par cet auteur, les lignes de cannes se trouvent, à la récolte, au centre de forts billons séparés par de profondes dérayures. Après la coupe, on place tous les débris de feuilles entre les billons, puis avec la charrue, passant le plus près possible des souches, on recouvre les feuilles 1. Manuel du planteur, pages 110 et suivantes. 166 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. avec la terre prise dans le billon ; des ouvriers viennent ensuite avec des houes tranchantes couper les races de cannes et égaliser le peu de terre qui reste des billons, de sorte que le champ se trouve nivelé après cette opération. Dans le courant de l’année et quand les débris des feuilles enfouies sont déjà décomposés, on butte les cannes à plusieurs reprises diffé- rentes. Ce nivellement des billons formés par le buttage peut se pratiquer la première année, alors que chaque canne possède à une certaine profondeur une tige souterraine qui poussera des rejets; mais au bout d’un certain temps, nous croyons que cette pratique serait loin de donner de bons résultats. Il est vrai que Wray recommande de renouveler les plantations après en avoir obtenu des premiers reje- tons, et que dans ces conditions on n’a plus à craindre le même in- convénient. Lorsque les rejeitons ont déjà quelques années, on peut les dé- butter, ou, ce qui revient au même, ouvrir un sillon de chaque côté de la souche; mais ce sillon ne reste pas ouvert, et il faut qu'il soit comblé avant que les rejets commencent à pousser leurs racines. Brülis des feuilles. Afin de pouvoir exécuter facilement tous les travaux nécessaires à l’entretien des rejelons, sans être gêné par les feuilles qui jonchent le sol, il est un moyen radical de s’en débarrasser, c’est d'y mettre le feu. Le brülis des feuilles est parfois avantageux, mais il faut bien se garder de l’adopter comme règle générale et de le répéter trop souvent sur la même terre. Ainsi que la plupart des méthodes culturales, celle-ci présente, suivant les circonstances, des avantages et des inconvénients ; et si, dans quelques occasions, elle peut être d’une grande utilité, dans d’autres, et c'est le cas le plus fréquent, elle ne peut que nuire à la fertilité du sol et, par conséquent, à la durée et au rendement des plantations. Si cette dernière crainte n’était pas fondée, on n'hésiterait point LA CULTURE DE LA CANNE A SUCRE. 167 à recourir à ce moyen qui, instantanément, nettoye le sol de tous les détritus qui Pencombraient et le laisse parfaitement déblayé pour la marche facile des instruments aratoires. Tout d’abord, le feu détruit les matières organiques amassées par la végétation d’une année ; matières organiques qui, laissées sur le sol, s'y seraient transformées en terreau ou humus. La quantité de matière organique sèche, ainsi réunie sur le sol après la récolte, peut être évaluée en moyenne à 15000 kilogr., dont 75 à 100 kilogr. d'azote, et le tout sera entièrement détruit par le feu. Cette perte peut ne pas avoir une grande importance dans les terres fraiches abondamment pourvues de matières organiques, mais dans les terres légères, sèches, pauvres en humus, elle devra être absolument rejetée, à moins qu’il ne s'agisse d'obtenir un résultat spécial important. Si, d’un côté, le feu détruit la matière organique, de l’autre, il laisse sur le terrain des cendres alcalines qui agissent sur la végétation de la canne plus rapidement et plus activement que si elles étaient res- tées incorporées à la malière végétale. Cette action stimulante des cendres à pu faire croire que le brülis des pailles équivalait à une addition d'engrais, tandis qu’au contraire il appauvrit le sol de tonte la matière organique et de l'azote, et ne lui restitue que les cendres dont l’action sera rapide mais de peu de durée. Par le brülis, les avantages de la couverture sur le maintien de la fraicheur naturelle du sol seront également supprimés, et la terre dénudée se desséchera plus rapidement. Si les pailles peuvent être brülées sur un sol frais et humide, on les conservera toutes les fois qu’on aura à craindre une sécheresse plus ou moins intense. L'abri du sol estune ressource trop précieuse pour qu'on s’en prive sans nécessité absolue. Malgré les inconvénients multiples que nous venons de signaler, le brülis des pailles peut être pratiqué avantageusement dans quel- ques circonstances particulières, el d'autant plus fréquemment que le terrain sera plus humide et plus abondamment pourvu de matières organiques, comme le sont en général ceux des bas-fonds argileux. C’est le meilieur moyen pour détruire tous les insectes qui ont pu envahir une pièce de cannes, ainsi que les mauvaises herbes et 168 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. les graines qu'elles ont pu laisser tomber sur le sol dans une culture où les sarclages ont été négligés ; el cette opéralion, répétée tous les quatre ou cinq ans, et particulièrement vers la dernière période de la durée d’une plantation, peut rendre de grands services. Lorsque le brülis sera reconnu utile, c’est aussitôt après la coupe qu'il faudra le pratiquer, et avant que les bourgeons commencent à se développer. Quelques jours après la récolte, et quand les sommités vertes de” la canne sont suffisamment desséchées, on met le feu par un temps calme, en ayant soin d’avoir sous la main ‘plusieurs personnes qui veilleront à ce que le feu ne se communique pas aux pièces voisines. La flamme ne nuit pas à la souche qui est toujours en dessous de la superficie du sol; cependant si la plantation est très âgée, et que les souches apparaissent au-dessus du sol, il faut s'attendre à ce que quelques-unes d’entre elles soient détruites et n’émettent plus de rejets. Lorsqu'on n’a pas uniquement en vue la destruction des graines ou insectes nuisibles, il est préférable de mettre le feu de grand matin ou quelques heures après une légère pluie, afin que les feuilles les plus récemment tombées soient seules brülées, et que les plus anciennes, depuis longtemps en contact avec le sol et déjà partielle- ment décomposées, restent sur le terrain. Gelles-c1, dont la désagréga- Lion est très avancée, ne gêneront en aucune façon le fonctionnement des instruments aratoires. Des pluies modérées survenant après le brülis, en dissolvant et en entraînant dans le sol les sels alcalins solubles, assurent le succès de l'opération. Chacune de ces différentes opérations, qui s’exécutent après la récolte des cannes, possède ses avantages spéciaux, et quelques-unes offrent certains inconvénients, suivant les conditions dans lesquelles on se trouve placé. On ne peut donc rien préciser quant à leur application spéciale ; et c’est au praticien de juger de leur opportunité en telle ou telle circonstance. Ces méthodes n’ont rien d’absolu, et autant elles sont avantageuses dans un cas particulier, autant elles peuvent offrir d’inconvénients dans d’autres conditions. C’est ainsi que le brûlis LA CULTURE DE LA CANNE A SUCRE. 169 des pailles, qui doit être généralement proscrit, peut néanmoins être parfois d’une application très utile. L'année plus ou moins humide, la nature du sol, la quantité de bras dont on dispose, la saison dans laquelle on se trouve, peuvent faire pencher la balance en faveur de tel ou tel procédé. Fumure des rejetons. Nous ne reviendrons point sur ce qui a été dit des engrais pour les cannes plantées, nous insisterons seulement sur quelques points particuliers relatifs à leur emploi pour la fumure des rejetons. L’engrais de parc étant toujours en quantité insuffisante dans une exploitation, on fume généralement les rejetons avec des engrais du commerce. Ces engrais doivent être solubles dans l’eau si on les répand à la surface du sol, ainsi que cela se pratique généralement. L'habitude de placer les engrais autour de la souche sans les re- couvrir de terre est très défectueuse. Beaucoup d’entre eux, comme le guano, par exemple, peuvent perdre dans l’atmosphère, et sans aucun profit pour la végétation, la plus grande partie de leurs élé- ments fertilisants les plus précieux ; de plus, leur diffusion dans le sol est beaucoup plus difficile et même impossible s’il ne survient pas des pluies en quantité suffisante. Ge n’est pas à la surface du sol que les engrais peuvent agir, mais seulement lorsque, d’une manière ou d’une autre, 1ls ont été mélangés plus ou moins intimement avec toutes les particules de la terre arable dans laquelle les racines se ramifient. Quand ce mélange n’est pas opéré par la main de l’homme, on compte sur la solubilité de l'engrais, et sur l’eau qui, par son mouvement continuel dans le sol, entrainera et dispersera ces différents éléments à la portée de la plante. Cette dissémination de l’engrais, possible quand 1 est placé à une certaine profondeur, devient très aléatoire lorsqu'il est simplement déposé à la surface du sol. En effet, en dehors des pertes qu'il peut éprouver par la volatilisation de ses éléments constitutifs, son action sur la végétation est sous la dépendance absolue des circonstances météorologiques qui accompagneront son emploi. 170 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Quand il fait sec, on n'a pas à redouter une perte matérielle si l’engrais n'est pas volatil, mais on doit compter sur sa complète inefficacité, car il restera comme une matière inerte à l'endroit où il a été placé. C’est pourquoi on se plaint du peu d'action des engrais sur les rejetons pendant la saison sèche et qu’on retarde, bien à tort, leur fumure jusqu’à Parrivée des pluies de l'hivernage. Dans ce cas, on éprouve tous les inconvénients des fumures tardives ; et si, au lieu de répandre lengrais à la surface du sol, on l'avait placé à une pro- fondeur convenable, où 1l existe toujours une certaine dose d’humi- dité, son action se serait produite plus tôt et la végétation en aurait profité immédiatement. | Quand, au contraire, la saison est humide, l’engrais peut recevoir de l’eau en quantité suffisante pour le dissoudre et lentrainer à la portée des racines ; mais si les pluies sont trop abondantes, s’il sur- vient, ainsi que cela arrive souvent, une forte ondée après son épan- dage, l’eau dissout bien les matières solubles, mais elle est en trop grande abondance pour pénétrer en totalité dans le sol. L’excédent elreule à sa surface et entraîne au dehors tous les éléments dont elle s'est chargée, et cela, d'autant plus facilement que le sol est plus dur et plus compact. Si les feuilles qui recouvrent le sol sont en proportion considé- rable, cette perte, sans être évitée, est cependant moins à craindre. Des pluies modérées et suffisamment espacées atténuent beaucoup ces inconvénients, mais sous les tropiques, on ne peut guère compter sur leur concours. D'aatres fois, au lieu de répandre lengrais à la surface du terrain, et surtout S'il fait sec, on le place dans une petite excavation faite au centre de la souche, afin qu'il soit bien à la portée des races lors- qu'il sera entrainé dans le sol. On dit également, et cela est vrai jusqu'à un certain point, que lorsque les cannes ont déjà acquis un certain développement, les petites ondées agissent principalement sur la souche. Les longues feuilles des tiges forment alors comme une espèce d’éventail ou d’en- tonnoir évasé, dont le centre est sur la souche, et qui abrite toute la superficie du sol; si dans ces conditions, une petite pluie survient, les feuilles arrêtent l'eau qui suit les tiges et se ramasse sur la LA CULTURE DE. LA CANNE A SUCRE. T1 souche qui se trouve plus copieusement arrosée. Peu à peu lengrais est entrainé dans le sol sans aucune perte, s’il ne survient pas des pluies torrentielles. A moins de circonstances particulières, ce faible avantage ne peut faire recommander ce procédé qui présente d’ail- leurs des inconvénients sérieux. L’engrais placé au centre de la toufle, par sa grande concentration, peut nuire aux parties de la souche qui en subissent le contact, et empêcher le développement de quelques bourgeons souterrains. De plus, quand les pluies entraînent dans le sol, elles ne peuvent que le distribuer dans un espace très limité et très rapproché de la souche même, de sorte que les racines qui s'étendent circulairement à une plus ou moins grande distance, en sont complètement privées. [est toujours plus difficile de fumer convenablement et de ré- _pandre uniformément l’engrais dans les rejetons que dans les cannes plantées, où le sillon ouvert permet de le mélanger à la terre arable et à la profondeur voulue ; c’est pourquoi, la solubilité de lengrais destiné aux rejetons, est une condition nécessaire et d'autant plus indispensable qu’on le répandra plus à la surface du sol. Si l’engrais est placé à une certaine profondeur, sa diffusion aura lieu plus ou moins rapidement, mais d'une façon continue au moyen de l'humidité du sol; tandis que, s'il est déposé à sa surface, il ne faut compter que sur la pluie pour produire ce résultat. La potasse et l'azote nitrique et ammoniacal s’y dissémment facile- ment, mais il n’en sera pas de même de l'acide phosphorique qui, bien que soluble dans l’eau au moment de son emploi, devient bientôt insoluble dans ce véhicule lorsqu'il a pénétré dans le sol; sa diffasion devient alors plus difficile, il reste en majeure partie dans le milieu où il a pénétré tout d'abord et où il est d’une très faible efficacité pour la récolte en cours. Il en serait tout autrement si on l'avait répandu à une certaine profondeur et réparti uniformément autour de la touffe de cannes. En règle générale, les engrais pour reJetons doivent surtout conte- nir de l’azote et de la potasse et relativement peu d'acide phospho- rique, parce que ce dernier élément se diffuse plus lentement dans le sol, et qu'il doit être surtout employé lors de la plantation, époque à laquelle il est facile de le mélanger avec toutes les particules du sol. 172 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Cette division dans la famure, suivant les éléments dont elle se compose, est surtout indiquée quand les rejetons sont simplement fumés en déposant lengrais à la surface du sol en masses plus ou moins aggiomérées. Elle est moins utile si, à chaque fumure, on le répand à une certaine profondeur et uniformément autour de la souche par le moyen suivant : Lorsque les billons n’ont pas été rabattus pendant la première année, les premiers rejetons peuvent être fumés facilement et dans de bonnes conditions ; la terre, qui pendant toute l’année a été ameu- blie par le travail de la houe à cheval, est encore assez pulvérulente pour qu’on puisse facilement, avec la petite charrue, recouvrir l’en- orais qui aura été répandu uniformément autour de la souche, sur un ravon de 25 à 30 centimètres au moins. Aussi longtemps que les billons resteront surélevés, on pourra. enterrer l’engrais de cette façon. Plus tard, si on veut butter la canne en amoncelant la terre autour de la souche, l’engrais répandu de la même manière se trouve recouvert par la formation des billons. Lorsque le terrain a été complètement nivelé l’année précédente, on ouvre avec la petite charrue, de chaque côté de la souche, deux petites rigoles dans lesquelles on répandra lengrais qui sera recou- vert immédiatement. Si on dispose d’une quantité suffisante de main-d'œuvre, il sera très utile, avant de recombler les petits sillons ouverts et de répandre l’engrais, d’ameublir avec la houe la petite langue de terre qui reste entre les souches et que la charrue ne peut attendre. Le terrain serait ainsi complètement ameubli et amendé, et dans les meilleures conditions pour favoriser la pousse des rejetons. | Dans quelques cas particuliers, on peut encore ouvrir entre les lignes un large sillon à la charrue qu’on recouvre après y avoir déposé l’engrais et mis les pailles suivant les circonstances ; mais ce procédé n’est avantageux que lorsque les lignes sont très rap- prochées et qu’on emploie pour la famure des composts volumineux ou du fumier ordinaire; dans le cas d’engrais commerciaux et de lignes espacées, il est nécessaire d'ouvrir deux petits sillons de chaque côté du rang, pour que les engrais soient plus à la portée des racines. LA CULTURE DE LA CANNE A SUCRE. 135 Les différentes facons culturales à donner aux rejetons, soit à la charrue, soit au trisoe, qui doivent précéder ou se faire simultané- ment avec la fumure, combinées entre elles suivant les cr'constances et la nature du terrain et exécutées en temps opportun, fourniront toujours une quantité de terre meuble suflisante pour recouvrir convenablement les engrais placés dans le sol. Ces deux opérations, ameublissement et fumure du terrain, doivent se faire à la même époque, c’est-à-dire immédiatement après la coupe. Les rejetons ont besom d'aliments substantiels aussitôt qu'ils commencent à pousser; fumés tardivement, leur développe- ment est surtout sensible, alors que la végétation devrait déjà se ralentir, et ils mürissent moins facilement. Les fumures tardives provoquent en outre, comme pour les cannes plantées, mais moins énergiquement cependant, la sortie des cannes créoles ou rejets gourmands qui épuisent la souche sans aucune compensation. Les partisans des fumures tardives objectent qu'il est mutile de fumer les rejetons quand il fait sec, et que les engrais employés de bonne heure peuvent être perdus. Cela est vrai quand on les répand à la surface du sol sans les recouvrir de terre, mais ces inconvénients disparaissent lorsqu'ils sont placés dans le sol, qui conserve toujours une humidité suffisante pour les rendre utilisables pour les plantes, et où ils peuvent attendre, même pendant les fortes sécheresses, lar- rivée de la saison pluvieuse, qui amènera le réveil de la végétation. 17. — Durée des plantations. Le rendement d’une plantation qui se soutient pendant quelque temps, finit bientôt par baisser graduellement d'année en année; et bien que les dépenses de culture soient beaucoup moinsélevées pour les rejetons que pour les cannes plantées, 1l arrive un moment où le produit n’est plus en rapport avec les frais et le renouvellement de la plantation devient nécessaire. Connaissant le mode de végétation de la canne et ses exigences parUculières, il est facile de se rendre compte des causes qui amènent fatalement cette diminution annuelle dans les rendements. 174 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Il en est une qui ent d’abord à la nature spéciale de la canne et à la façon dont se reproduisent les rejetons. Ceux-ci, ainsi que nous l’avons vu, naissent d'année en année vers un point plus rap- proché de la surface du sol, et la moindre longueur de tige, res- tant en terre après la coupe, produit des rejets moins nombreux et moins vigoureusement constitués; mais la cause principale est celle qui résulte du défaut d'ameublissement du sol et de son épui- sement. Dans la plupart des cas, on plante la canne sans désagréger suffi- samment le sol, et on le laisse dans le même état pendant les à ou 6 années que dure la plantation, sans jamais lui donner une façon d’ameublissement pénétrant à une certame profondeur. La terre, généralement de nature compacte, se tasse bientôt de façon à devenir d’une imperméabilité presque absolue, et nous sommes persuadé que, par une désagrégation suffisante el annuelle du sol, la canne donnerait des produits aussi abondants et plus rémunérateurs avec la moitié des engrais employés habituellement que ceux qu'elle fournit dans les conditions actuelles. Le milieu dans lequel pénètrent les racines s’épuise également, et ce n’est pas en répandant des engrais plus ou moins régulièrement autour de la souche et à la surface du sol, qu'on maintiendra sa ferulité; car tout s’oppose à la dissémination de la matière fertili- sante dans la couche arable, aussi bien sa compacité que la manière de répandre l’engrais. Un très faible cube de terre peut se trouver amendé, mais la plus grande partie reste dans le même état, en de- venant seulement de plus en plus compacte. Même avec des engrais appropriés, la terre s’épuise partiellement où les racines se sont développées ; mais entre les souches, elle n’a guère perdu de sa fertilité primitive, et quand le rendement des re- jetons est devenu insignifiant, il suffirait de labourer, de mélanger, : d’ameublir convenablement le sol pour obtenir après, et sans engrais, par une simple replantation, un rendement bien supérieur à celui qu'on obtenait précédemment. Dans ce cas, 1ln°ya pas eu augmenta- tion dans la fertilité du sol, mais seulement la désagrégation et le mélange de toutes ses particules. La cause qui contribue à abaisser graduellement le rendement des LA CULTURE DE LA CANNE A SUCRE. 175 rejetons, est donc plutôt l’endureissement du sol et la répartition défectueuse de l’engrais qu'une diminution proprement dite dans sa fertihté. Évidemment cette dernière raison peut jouer un rôle im- portant lorsque la restitution des éléments prélevés par la récolte n'est pas observée avec soin, mais elle n'est pas généralement la principale. Nous ne voulons pas dire que la fertilité des sols est constante, ni qu'il n°y aurait pas avantage, au point de vue du rendement, à alterner les cultures et à ne pas faire revenir toujours la canne sur le même terrain. Les assolements ont leur utilité incontestable, mais dans l’état actuel de la culture coloniale, il n’est guère possible, à part quelques exceptions, d'observer lalternance des récoltes. La canne à sucre est jusqu’à présent la culture industrielle par excellence ; on ne peut songer à la cultiver alternativement avec des plantes pour la con- sommation locale dont les marchés seraient instantanément en- combrés, et il faudrait nécessairement l’alterner avec d’autres cul- lures qui puissent fournir des produits à l'exploitation. Du reste, s'il existe des végétaux qui ne peuvent revenir sur le même terrain qu'à des époques plus ou moins éloignées, il n’en est pas de même de la canne à sucre, et avec des soins et des engrais appropriés, on peut en obtenir, à la Guadeloupe, d'aussi beaux résul- tats que par le passé, bien que cette plante soit cultivée sur les” mêmes terres, pour ainsi dire sans interruption depuis quelque deux cents ans. L’alternance des récoltes est toujours un système à recommander, et s’il existe des localités où la nécessité ne s’en fait pas senuir d’une façon trop absolue, il en est d’autres où elle est indispen- sable. Ainsi, d’après M. Delteil, à la Réumion et à Maurice, les cannes ne donnent habituellement que trois récoltes, une de cannes plantées et deux de rejetons; puis après, il est utile de laisser reposer le sol pendant quelques années, en ne lui demandant que des récoltes de mais, de manioc, et en dernier lieu de légumineuses, qu'on enfouit en vert quelque temps avant de livrer le champ à une nouvelle cul- ture de cannes. L'expérience ayant prouvé dans ces deux iles que 176 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. jamais les engrais, quelque riches qu'ils fussent, ne remplaçaient le repos du sol ou un assolement rationnel. Dans les Antilles, il n’en est pas de même, et avec de bons engrais et des terres bien préparées, on peut faire revenir la canne sur le même sol sans observer une diminution sensible dans les rende- ments ; ce qui ne veut pas dire cependant, que, dès à présent, on ne puisse parfois avec avantage faire une jachère plus ou moins com- plète, ou alterner la canne avec quelques autres végétaux, mais dans une limite indiquée par les débouchés locaux. La durée d’une plantation est variable suivant les terrains et les. soins dont elle a été entourée; dans quelques terres très peu fertiles, les rendements commencent déjà à être très réduits dès la troisième année ; dans d’autres circonstances, on voit des cannes durer 15 ans et même davantage et qui donnent toujours des produits rémunéra- teurs ; mais à la Guadeloupe, une durée de 19 ans est assez rare, et on considère à à 6 ans comme une bonne moyenne. Dans les premières années de la culture de la canne à la Guade- loupe, le père Labat raconte que les plantations duraient de 20 à 30 ans dans quelques terres fertiles, mais que dans eelles qui étaient maigres et usées, on n'obtenait que deux bonnes coupes, trois au maximum, et qu'après il fallait replanter. IL'est vrai qu’alors, le père Labat cultivait sans engrais et qu’auJour- d’hui on en emploie des quantités considérables, du moins dans les petites Antilles ; néanmoins, si on considère l'accumulation de ferti- lité produite dans les terres vierges par les végétations antérieures, on voit que la durée des plantations n’a guère varié depuis cette époque éloignée, et qu’il est possible, avec une culture soignée et des engrais appropriés, de reconstituer, jusqu'à un certain point, la ferti- lité que les terres vierges ont perdue par un système de culture irra- tionnel. À Puerto-Rico et à Cuba, les plantations durent plus longtemps, et on en trouve très fréquemment de 15 à 20 ans, mais les terres y sont plus fertiles qu'à la Guadeloupe, et on y obtient souvent de magnifiques récoltes sans engrais, ce qui serait matériellement 1m- possible dans les petites Antilles. LA CULTURE DE LA CANNE A SUCRE. (Te 18. — Renouvellement des plantations. Lorsqu'il s’agit de replanter un terrain, on suit parfois une méthode très défectueuse qui consiste simplement à reformer par une seule façon à la charrue, les sillons destinés à recevoir le plant et sans autre ameublissement préalable, Il n’est point nécessaire de dé- montrer les inconvénients d'un pareil procédé qui laisse la terre aussi compacte qu'elle l'était auparavant, et qui place les boutures dans des conditions aussi désavantageuses. Si l’on veut préparer le terrain pour le replanter au commence- ment de l’année suivante, on aura tout le temps voulu pour lui donner toutes les façons nécessaires ; mais s’il doit recevoir du plant de grande culture, on n’a pas de temps à perdre pour qu’il puisse rester le plus longtemps possible exposé à l'air et s'améliorer sous lin- fluence des agents atmosphériques. On aura done, suivant l’époque de la récolte et celle de la plantation, de #4 à 8 mois pour donner plusieurs labours et ameublir convenablement la terre. On débarrasse d’abord le terrain de toutes les feuilles qui l’en- combrent et qui gêneraient considérablement tous les travaux ulté- rieurs, et le moyen le plus simple consiste à Les brüler lorsqu'elles sont suffisamment sèches. Si la configuration de la pièce permet de changer la direction des billons, on donne un labour à plat (hachage) dans le même sens que les anciens billons ; mais dans le cas contraire, on laboure d’abord en travers des ados afin de pouvoir les reformer dans le sens qu'ils avaient précédemment, Que l’on donne un ou deux labours avant le sillonnage, il faut toujours faire en sorte de croiser les labours, ou de croiser le sillonnage avec le labour si on n’en donne qu’un. On doit éviter de reformer les sillons où ils existaient précédem- ment, afin de ne pas replacer les plantes sur la même ligne ; dans ce but, comme l’emplacement de l’ancienne plantation sera complète- ment effacé par le labour à plat, on prend des points de repère afin de n’éprouver aucune difficulté pour former les ados sur l’emplace- ment des anciennes souches et pour ouvrir le sillon destiné a rece- voir le plant entre les anciennes lignes plantées. ANN. SCIENCE AGRON. — 1886. — 1]. 12 178 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. On y arrive facilement en plaçant des jalons de distance en distance aux deux extrémités du champ, tous les dix rangs par exemple et à l'endroit où le nouveau sillon doit être établi. Quand on viendra les reformer à nouveau, on saura que chaque jalon marque le dixième sillon, et il sera facile de répartir le même nombre d’ados entre les jalons. L’arrachage des souches serait facile avec des bœufs solides et bien dressés, mais comme les atteliges remplissent rarement ces conditions aux colonies, on sera souvent obligé de prendre quelques précautions avant de donner le premier labour. Il ne faut pas songer à extraire les souches à la houe, ce travail serait pénible et coûteux ; et avec une bonne charrue, on en vient facilement à bout. Quand la charrue donne en plein sur une souche, la résistance est assez considérable, tandis qu’elle se renverse facile- ment si on a soin de la faire passer légèrement à gauche pour la culbuter. On donne d’abord un léger trait de charrue à côté et le plus près possible à droite de la ligne de souches, comme S'il s'agissait d’ou- A vrir un sillon pour les fumer ; au retour, on exécute le même travail sur une ligne voisine; puis à la seconde allée, l'axe de la charrue passe à gauche de la souclie et la renverse dans la petite dérayure précédemment ouverte. Pratiqué de cette façon, l’arrachage des souches s'exécute facile- ment et rapidement, à la condition toutefois d’employer une forte charrue dont le coutre et le soc ne soient pas trop émoussés. Le travail serait encore facilité en se servant d’une charrue dont on aurait enlevé le versoir et qui serait munie de deux coutres bien aflilés ; les deux coutres sont placés l’un devant l’autre et à des hau- teurs différentes ; le premier, qui pénètre le moins profondément, coupe la terre et les racines sur la moitié de l’épaisseur de la bande labourée, et le second termine la section. Lorsque la terre se désagrège facilement, on amoncelle les souches et on les brèle quand elles sont suffisamment desséchées. Le terrain, ainsi déblayé et labouré, peut recevoir toates les façons d'ameublisse- ments destinées à pulvériser et à désagréger les mottes plus ou moins dures et volumineuses qui se sont formées. Il est inutile de revenir - LA CULTURE DE LA CANNE A SUCRE. 179 ici sur l'emploi des herses, rouleaux, ete., instruments avec lesquels on peut ameublir les terres les plus tenaces, ni sur le moment le plus favorable pour exécuter toutes ces façons culturales et obtenir la désagrégation la plus complète du sol. Le terrain restera ainsi pendant un ou deux mois soumis aux alternatives de pluie et de sécheresse, puis on procédera à un nou- veau labour ou à la confection des sillons, suivant le temps dont on disposera jusqu’à l’époque de la plantation. Après le premier labour en plein, on peut former les sillons défi- miuifs, mais 1] vaudra mieux établir des sillons provisoires sur l’em- placement des anciennes lignes de cannes ; puis, avant Ja plantation, relendre les ados et les reformer sur l’ancienne dérayure, Le billon- nage des terres, au point de vue de leur aération, est généralement préférable aux labours ordinaires. De même que pour la première plantation, 1l sera nécessaire de passer le trisoc dans chaque sillon et à chaque fois qu’on les réta- blira. L’ameublissement du sous-sol n’est pas seulement indispen- sable dans la ligne où les plants seront placés, mais sur toute Péten- due de la pièce, et la meilleure manière d'employer la défonceuse, serait de la faire suivre de la charrue ordmaire dans le labour à plat, afin d’ameublir le sous-sol dans toutes ses parties. On évitera avec soin de laisser envahir le terrain par les herbes adventices, et 1l sera labouré et relourné autant de fois que cela sera reconnu nécessaire. On doit profiter de l’époque où le terrain est inoccupé pour le désagréger et lui donner des façons fréquentes, afin d'exposer toutes ses particules à l'influence améliorante des agents atmosphériques. Lorsque la terre est pulvérisée et exposée à l'air, elle s'améliore considérablement ; les principes nutritifs qu’elle contient deviennent plus solubles, les matières azotées insolubles se transforment en acide nitrique, les phosphates engagés dans des combinaisons primi- tivement insolubles deviennent plus assimilables ; et en somme, au bout de quelques mois, la fertilité de la terre a augmenté dans une proportion très sensible. Ce sont des faits incontestables, mais dont les avantages ne sont cependant pas aussi imporlants que ceux qui résultent de l’ameu- 180 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. blissement proprement dit du sol; car on peut, en augmentant la dose d’engrais, obtenir les mêmes résultats quant à enrichissement du sol, mais si on plante la canne dans une terre compacte et non aérée, rien ne pourra atténuer cet inconvénient, pas même l'emploi d’une plus forte proportion d’engrais. On commet donc une grande faute lorsqu'après avoir détruit une plantation, on néglige de donner à la terre autant de labours et de façons culturales qu'il est nécessaire pour la désagréger complète- ment ; car elle restera occupée par la récolte cinq ou six années, et pendant ce temps toutes les façons qu’elle recevra seront complète- ment insuffisantes pour l’ameublir convenablement. Nous n’insiste- rions pas aussi fréquemment sur ce point, Si nous ne Connaissions pas les conditions dans lesquelles se fait la culture de la plus grande partie des terres fortes. Leur compacité est excessive et les façons d'ameublissement presque nulles ; on plante et on replante le même terrain sans autre peine que de reformer les billons, et la canne doit émettre ses racines dans une terre dure et lassée qui oppose aux racines une résistance presque insurmontable ; aussi, le jour où l’a- meublissement des terres sera apprécié à sa juste valeur, on obtiendra une augmentation sensible dans la qualité et la quantité des récoltes obtenues jusqu’à présent. Nous nous sommes déjà élevé contre cette habitude qui consiste a abandonner à elles-mêmes les vieilles pièces de cannes afin d’y envoyer brouter les bœufs. Ces animaux y trouvent, il est vrai, une certaine quantité de nourriture composée des repousses des vieilles tiges; mais en revanche, ce système permet la muluplication des mauvaises herbes, et il y aurait plus de profit à labourer le terrain de suite après la récolte, de façon à lui donner deux ou trois façons qui l’ameubliraient et lui procureraient une amélioration bien supé- rieure en résullats à ceux qu’on peut obtenir de quelques kilo- grammes de fourrage. c Lorsqu'avant la préparation du terrain, on brûle ces pièces, 1l faut y mettre le feu par un temps sec, de façon à détruire com- plètement les mauvaises graines qui peuvent être tombées sur le sol. LA CULTURE DE LA CANNE A SUCRE. 181 19. — Cultures intercalaires. Après la plantation, la canne reste pendant un certain temps sans prendre complètement possession du terrain, et pendant plusieurs mois, l'espace compris entre les lignes sur le sommet des ados reste inoccupé. On l'utilise parfois en y \utivant certaines plantes à végé- tation plus rapide et qui peuvent \re récoltées avant que la canne ait acquis un grand développement. (C’est ainsi qu’on y place, mais toujours sur une petite échelle, des haricots, du maïs, des patates, ete. Lorsque ces diverses plantes atteignent de grandes dimensions, elles nuisent à la végétation de la canne, surtout si elles sont rappro- chées les unes des autres. La proportion plus ou moins considérable de matières fertilisantes absorbée par ces cultures diminue également la ferinne uu terrain et contrarie, dans une certaine mesure, le développement de la canne. | On ne doit donc} pour ces motifs, faire des cultures intercalaires qu'avec une grandé réserve ; mais leur principal inconvénient résulte de ce que ces plantes placées sur les billons entravent le fonctionne- ment des instruments aratoires et empêchent souvent de pratiquer les façons culturales en temps opportun. Avant que la plante inter- calaire soit récoltée, les herbes peuvent envahir la pièce ; on sera alors obligé d'opérer des sarclages très coûteux à bras, ou d’en re- tarder l'exécution Jusqu'après l’enlèvement de la récolte, de sorte que souvent les faibles avantages de la culture intercalaire n’en com- penseront pas les inconvénients. Il serait beaucoup plus rationnel d’y consacrer annuellement un ou deux hectares qui seraient de nouveau plantés en canne après deux ou trois récoltes de ces diverses cultures secondaires. Sans leur donner une importance exagérée, 1l est beaucoup de circons- tances où cette manière de faire serait très avantageuse pour l'exploi- tation. On pourrait v planter du manioc, ainsi que cela se pratique déjà sur quelques habitations, ou encore du maïs, des patates, des hari- cots, etc. 182 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Les haricots viennent très bien à la Guadeloupe et se vendent à un prix rémunérateur. Îl en est de même du maïs qui n’est cultivé d'une façon appréciable ni par la petite ni par la grande culture. Le mais donne de très bons produits, et la Guadeloupe, qui pourrait en exporter de grandes quantités si elle se livrait à cette culture, n’en produit pas assez pour sa consommation locale et en importe annuellement de 300 000 à 400000 kilogr. provenant de France et d'Amérique. Avant de songer à Pexportation, on pourrait done déjà consommer dans le pays la production d’un bon nombre d’hec- tares. La culture du manioc s’alterne très bien avec celle de la canne, mais il n’en serait pas de même de celle de la patate qui a la réputa- tion de laisser une terre épuisée et peu favorable à sa réussite. Toutes les récoltes prélèvent dans le sol une quantité plus ou moins considérable d'éléments nutritifs, et la patate ne fait pas exception. Elle est très riche en sels alcalins, et par ses cendres, qui contiennent jusqu’à 40 p. 100 de potasse, elle peut enlever au sol de 90 à 100 kilogr. de cet élément par hectare, qu'il est possible, du reste, de lui restituer par des engrais appropriés. Les autres cultures épuisent également le terrain, et on doit tou- jours compter sur une diminution de fertilité qu'il faudra reconsti- tuer par les engrais. Les bénéfices que peuvent procurer ces diverses cultures com- parés à ceux de la canne varient dans de grandes limites suivant la nature du terrain, les ressources de lhabitahion, le plus ou moins de facilité pour l'écoulement des produits, leur prix de vente, etc., et on ne peut être fixé sur leurs avantages respectifs qu'en tenant soigneusement compte de toutes les dépenses occasionnées par leur culture. | A Cuba, on cultive béaucoup de maïs et de riz; cette dernière culture à une très grande importance dans certaines localités. On le cultive principalement dans les terrains bas et humides et on le sème avant la saison des pluies afin qu'il reçoive une quantité d’eau suffisante pendant sa végétation. On possède à Cuba plusieurs variétés de riz dont la végétation dure, suivant les espèces, de 3 à 5 mais. Cette culture donne de très LA CULTURE DE LA CANNE A SUCRE. 183 bons produits sans irrigation dans toutes les terres fraiches, et on ne l’arrose que dans les terres sèches et infertiles. Le rendement du riz y est de 2000 à 3000 kilogr. à l’hectare. Cette culture n'a jamais été, du moins à nolre connaissance, essayée à la Guadeloupe, mais comme le climat v est un peu plus chaud et plus humide, il est probable que les variétés cultivées à Cuba pour- raient parfaitement y réussir. Le riz à un grand débouché dans les colonies, où il constitue pour ainsi dire la base de la nourriture de toute la population. À la Guadeloupe seule, l'importation annuelle est de 50 000 sacs environ ; et si cette culture prenait de l'extension, on n'aurait pas à redouter un excès dans la production et l'obligation d'exporter lexcé- dent, car la consommation locale est assez importante pour éloigner complètement toute crainte à cet égard. 20. — Rendement de la canne. I n’est guère de plantes dont les rendements culturaux puissent subir d'aussi grandes variations que ceux de la canne à sucre, et si parfois ils sont excessivement réduits, d'autres fois 1ls peuvent atteindre un chiffre véritablement merveilleux. Ces variations extrêmes tiennent à plusieurs causes. La canne se plante sur des terres très différentes comme fertilité, et les soins qu'elle reçoit pendant sa végétation peuvent être très minutieux où bien être réduits à néant. Dans ces dernières conditions, la canne fournit toujours quelques tiges, pelites il est vrai et plus ou moins rabougries, mais qui peuvent encore être récoltées et manufacturées. On la cultive sous des climats très différents, sur des terres nou- vellement défrichées de haute fertilité, comme sur des sols pauvres et usés et sans addition d'engrais. Sur le même sol, et avec les mêmes soins, les mêmes engrais, les produits varient encore dans une grande limite, suivant que les cir- constances eclimatologiques lui ont été plus où moins favorables. Des pluies lorrentielles comme une sècheresse intense à certames époques de son existence, peuvent réduire les rendements à des pro- portions désastreuses pour lagriculteur. 184 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Lorsque la culture est habituellement l’objet de soins constants, les rendements sont plus uniformes que dans les localités où la plan- tation et la récolte constituent à peu près les seules dépenses d’ex- ploitation. L Les cannes plantées dont le rendement est toujours le plus élevé produisent de 50000 à 80000 kilogr. à l’hectare de cannes étêtées ; puis les rendements baissent plus ou moins uniformément jusqu’à atteindre de 20000 à 25000 kilogr. vers la cinquième ou sixième année. Lorsque ce rendement minimum est obtenu, on défriche et on re- nouvelle la plantation ; naturellement, ce moment est plus ou moins avancé ou retardé suivant la nalure du terrain, les soins culturaux, etc," ec. À la Guadeloupe, on peut obtenir parfois jusqu'à 100000 kilogr., mais les rendements supérieurs à 79000 ou 80000 kilogr. sont excep- üionnels, même pour les cannes plantées, et on peut considérer comme bonnes moyennes les chiffres suivants : Cannes plantées.”. . . , . ::. . . . . 60000 à 75000 kilogr. FOTO MONS EP AT lc ee ee An 000 ANO0DODE— DRE RENE NEO MISES Un a 00e DE OR CHERE NPA RAS UOUD A A DOODRE = VIGUXITETELONS éd seen ce 2000 5000 . La superficie en rejetons de divers âges étant toujours très supé- rieure sur une exploitation à celle des cannes plantées, il s'ensuit que le rendement général moyen se rapproche toujours plus du rendement des rejetons que de celui des cannes plantées. Lorsqu'on renouvellera souvent les plantations de façon à ne les conserver que à ou # ans, le rendement sera supérieur à celui d’une exploitation située dans les mêmes conditions et qui obtiendra des rejetons de huitième ou dixième coupe. A la Guadeloupe, les cannes plantées sont en moyenne dans la proportion de 5 à 20 p. 100 de la surface totale en culture. Nous devons à l’obligeance de M. R. Monnerot le relevé des rende- ments obtenus sur neuf habitations du centre de la Grande-Terre (Guadeloupe) pendant onze années. Ces différentes exploitations représentent à peu près la moyenne des terres cultivées dans Pile. LA CULTURE DE LA CANNE A SUCRE. 189 Nous ne donnons point dans le tableau suivant le rendement annuel de chaque habitation, mais seulement la moyenne générale du groupe. Production de neuf habitations exploitées au Morne-à-l'Eau (Guadeloupe). RENDEMENT HECTARES RENDEMENT RETRE par habitation et par hectare. ANNÉES. cultivés. Alhectare di css ee UNS Minimum. Maximum. = Hect. Kil. Kil. Kil. LIST - 009170 ,31 38430 20634 26897 OTHER 0 205:06 44859 34562 49993 LÉTOMCMERTECRAE URSS 40014 25697 23899 LS 112 05:63 39149 33343 45178 Re 532 05 43198 33581 52150 STORE OS LOT 44721 38906 50391 LS SOPRSE ES 51705 30519 22 37453 ISSU TEST 38709 25964 47653 NSSPES 2 60906 46654 37740 29229 lÉGS OR MO 44081 30739 54681 SSSR O0 TS 38814 30168 48152 Moyennes. . 590,84 40819 Les rendements sont établis pour des surfaces variant de 379 à 690 hectares et peuvent être considérés comme des moyennes très sérieuses. Le rendement général a varié de 30519 à 46654 kilogr., et la moyenne de onze années a été de 40819 kilogr. Si on prend isolément le produit annuel moyen de chaque habita- tion, on constate que le rendement n’a pas été au-dessus de 55000 ki- logr. et est descendu jusqu'à 25564 kilogr. à l’hectare (Pannée exceptionnelle 1874 étant mise à part). La pluie reçue dans ce centre pendant les sept dernières années est de: ANN É ES. 1er SEMESTRE. 2t SEMESTRE. FRE 1: mm. mm. He ET SSR ER 892,2 1501,6 LIEN dEMEDNE "I 83816 1261 ,2 2094, 8 ASSORTIE) 0 ASE 852,4 1795,0 NE. 753,0 845,5 1699 ,4 (OR 0 . 0f 0 718,5 1009 , 4 RÉ PÉ AE Lan ENTRE PEUT 966,7 1714,3 1684 LE. LL) (52946 986,2 1515,8 186 | ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. L'influence des pluies abondantes de 1879 est caractéristique, et on voit, ainsi que nous l'avons déjà fait remarquer, que les pluies sont généralement plus nuisibles au rendement que la sécheresse. L'année 1879 à été exceplionnellement humide ; les pluies ont com- mencé en avril, c'est-à-dire en pleine récolte, les cannes ont été presque continuellement sous l’eau pendant toute l’année, et les re- Jetons ont beaucoup souffert. Aussi, en 1880 le rendement général tombe à 530519 kilogr. L'année 1882 à été excellente au point de vue industriel et cultu- ral, la canne était abondante et d’une grande richesse saccharine. Cette année à été sèche ; la récolte s’est faite par la sécheresse, et les rejetons ont produit denombreuses tiges. Les pluies d'hivernage ne sont arrivées qu’en juillet, mais les rejetons avaient émis de nombreuses pousses qui se sont développées avec assez de vigueur pour assurer une bonne récolte en 1883. Le rendement moyen de 40819 kilogr. est peut-être un peu fai- ble, car sur les habitations ci-dessus on conserve les rejetons pen- dant très longtemps, et on fait relativement peu de cannes plantées. En 188%, les cannes plantées étaient dans la proportion de 43 p.100 de la surface totale cultivée. Sur les habitations où l’on ne fait que des 3 ou 4% rejetons, le rendement moyen se rapproche davantage de 50000 kilogr. À la Réunion et à Maurice, on obtient encore des résultats moins élevés. D'après M. Delteil, et suivant les chiffres cités dans les rapports publiés par le Crédit foncier colonial de la Réunion, le rendement ne dépasserait pas 30 000 où 35000 kilogr. à l’hectare. À Puerto-Rico, les résultats sont plus avantageux, et il ressort d’une discussion avec chiffres à l'appui, publiée en 1884 par deux Journaux de celte île, que le rendement moyen y varie de 63000 80500 kilogr. à l'hectare. Dans quelques cas exceptionnels, le rendement s'élève à 70000 ki- logr. pour les rejetons et de 115000 à 175009 kilogr. pour les can- nes plantées. | Cuba est le pays aux rendements extrêmes, car s'il y existe des terres d'une fertilité prodigieuse, on en rencontre d’autres de peu LA CULTURE DE LA CANNE A SUCRE. 187 de valeur ; et éomme les plantations sont généralement abandon- nées à elles-mêmes, il en résulte que les récoltes sont insignifiantes sur ces dernières. On n’estime pas le rendement moyen de l'ile à plus de 40000 à 90000 kilogr. à l’hectare ; mais il varie, suivant les localités, de 12000 ou 15000 kilogr. à 150 000 kilogr. M. Reynoso admet qu'on peut obtenir jusqu’à 300000 kilogr. sur certaines terres nouvellement défrichées et lorsque la plantation à été faite en septembre ou octobre. Ce chiffre n'aurait rien d’exagéré, et M. Reynoso ajoute, en parlant de ces plantations : « Il est impossible de pénétrer dans les «champs de cannes, ni même de suivre la direction des lignes. « Quelques cannes s’inclinent à terre, d’autres restent droites mal- « gré leurs grandes dimensions, les tiges se soutiennent mutuelle- « ment. Gelui qui n’a pas vu ces plantations, ne comprendra Jamais « ce que la nature peut réaliser dans ce climat. » M. Reynoso à grande confiance dans l'avenir de Cuba comme pays producteur du sucre, et il est convaincu que, par des améliora- uons et des perfectionnements dans la culture de la canne et dans l'extraction du sucre, le rendement en sucre manufacturé qui est en ce moment peut-être de 2000 kilogr. à l'hectare environ, passe- rait facilement à 10000 kilogr. et même davantage ; c’est-à-dire que, sans donner une plus grande extension aux cultures, on pourrait sans difficulté quintupler la production de l'ile. Proportion relative des tiges et des feuilles. Lorsque la canne commence à pousser, la tige n’est pas encore formée, et la plante entière n'est constituée que par des feuilles ; mais après quelques mois la tige apparait, elle se dénude progres- sivement, et le poids des feuilles diminue graduellement par rapport au poids total de la récolte, dont 1l peut n'être que le cinquième. Pour 100 de récolte, la proportion de tiges et de feuilles peut va- rier de : PANNES MERE EU EIRE 70 à 80 Reuters He ou t20 4130 138 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Comme moyenne, on peut admettre pour 100 kilogr. de récolte, 75 kilogr. de tiges et 25 kilogr. de sommités feuillues comprenant de 8 à 11 kilogr. de plants. Avec un rendement de 90000 kilogr. de cannes étêtées, la pro- duction végétale totale d’un hectare serait donc d’environ : KIL, CANNES To EU MORE ei AE CR CEE. 0000 RULES Rrmerre ee de cel ere mme En 7 l'OOUU Feuilles tombées pendant la végétation . . . . . . . 235000 Récolte totale. . . . . 91000 On voit qu'il n’est guère de plantes qui puissent organiser en un an une aussi grande quantité de matériaux ; et si nous prenons une récolte de 100 000 kilogr. de cannes étêtées, nous aurons près de 200000 kilogr. de poids total, dont au moins 50000 kilogr. de ma- tière sèche. 21. — Plantation annuelle de là canne à sucre. La canne ne donne des récoltes abondantes que si elle est cultivée dans une terre ameublie dans laquelle ses racines peuvent s'étendre dans toutes les directions à la recherche des aliments nécessaires à sa constitution. | Un système radicellare puissamment organisé produira toujours une végétation aérienne vigoureuse, et lorsque les racines de la canne resteront chétives par suite d’un sol compact et peu fertile, elles ne produiront que des tiges malingres et rabougries. L’endureissement du sol et son épuisement sont les principales causes qui s'opposent à ce que les rejetons fournissent des rende- ments semblables à ceux des cannes plantées. La canne se ressème tous les ans, dit M. Reynoso, et on coupe tou- jours des cannes plantées sans l'intervention de homme, parce que, de même que pour ces dernières, les pousses des rejetons naissent sur les tronçons souterrains des cannes qu'on vient de cou- per. Au bout de peu de temps, les rejets émettent des racines el ont une existence indépendante, identiquement comme ceux qui pro- LA CULTURE DE LA CANNE A SUCRE. 139 viennent des boutures plantées. Ce qui s'oppose à leur végétation aussi luxuriante, c’est principalement la compacité du sol; et M. Reynoso n'hésite pas à conseiller aux propriétaires cubains la plantation annuelle comme remède indispensable pour conjurer la crise actuelle dont souffrent les colonies sucrières, et comme seul procédé permettant de faire de la culture intensive et d'obtenir toujours et régulièrement des rendements élevés. Ce système de culture, appelé par M. Reynoso cullure intensive, permettrait d'obtenir un produit maximum en y consacrant un capital nécessairement plus élevé, mais mdispensable pour une culture ré- munératrice. Lorsqu'on veut conserver des rejetons, 1l faut ameublir le terrain, répandre engrais, et le mélanger intimement avec toutes les parti- cules de la terre à une plus ou moins grande profondeur. Ce travail, pour être économique, doit s’exécuter avec des instru- ments mus par les animaux ou la vapeur; mais 1l n’est pas pos- sible de l’amener à la perfection à cause des souches qui restent dans le sol et qui gènent considérablement cette opération. En admettant même que ce premier travail ne laisse rien à dési- rer, ce qui est impossible, les récoltes diminueront quand même, car les petites tiges qui naîtront sur la souche seront enchevètrées les unes dans les autres ; elles pousseront dans toutes les directions et leur développement ne sera pas normal. Pour éviter tous ces inconvénients, M. A. Reynoso propose d’opé- rer de la façon suivante : Après la coupe, extraire toutes les souches, ce qui se fait très ra- piderhent avec la charrue, transporter ces souches à côté du champ, en former des tas que l’on recouvrira de paille jusqu’au moment de leur utilisation. Débarrasser le champ de la paille qui gênerait les travaux ulté- rieurs, et pour cela, la brüler ou la transformer en engrais en l’en- terrant au moyen d’un labour ; ce dernier procédé est le plus ra- tionnel. 1. Plantacion annual de los tallos sublerrancos de la cana de azucar, por, Alvar. Reynoso. Habana. 190 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Lorsque le terrain est déblayé de la paille et des souches, répan- dre l’engrais uniformément à la surface du sol, puis le mélanger intimement à la couche arable ; à cet effet, donner, si cela est né- cessaire, une façon avec le scarificateur, puis labourer le plus pro- fondément possible, compléter lameublissement au moyen de Ja herse et du rouleau emplové alternativement ; puis ramasser et brûler les mauvaises herbes arrachées par ces instruments. Le terrain étant parfaitement meuble et propre, on ouvre à la charrue à un ou deux versoirs de larges sillons destinés à recevoir le plant. Avant de planter, il sera souvent indispensable de passer une défonceuse dans le sillon ouvert, de manière à ameublir le sous- sol sans le ramener à la surface. Pour préparer le plant, on fait tremper les souches dans de l'eau pendant vingt-quatre heures, puis avec un outil approprié, on divise et sépare les tiges souterraines de façon à prendre les meilleures pour la plantation et les placer dans les meilleures conditions possi- bles pour la sortie des bourgeons. On les dépose convenablement dans le sillon ouvert et on les recouvre de terre. Ce système de culture plaçant toujours la canne dans une terre parfaitement ameublie et fumée, donnera annuellement de bonnes récoltes ; il permettrait en outre d'économiser loutes les bonnes cannes employées habituellement pour la plantation. Dans la culture ordinaire de la canne, la hauteur de coupe a une grande influence sur la sortie des rejets, car tous les bourgeons qui se développent sur la tige aérienne donnent des repousses de peu de valeur; cet inconvénient sera évité par la plantation des tiges souterraines, puisque tous les veux se développeront en terre et s’enracineront vigoureusement; les tiges pousseront droites et la récolte en sera facilitée. Après la coupe, la souche se compose de la partie inférieure des üges coupées qui sont enchevêtrées les unes dans les autres ; ces pelits tronçons portent des veux dans toutes les directions et qui se développeront plus ou moins normalement suivant leur position. Avec le système proposé, la souche étant divisée, on peut choisir les meilleures tiges souterraines et les planter de façon à obtenir une pousse régulière et normale. LA CULTURE DE LA CANNE A SUCRE. TO L'irrigation et le drainage sont, suivant les terrains, des complé- ments indispensables de la culture intensive qui doit être adoptée avec toutes ses exigences. EL cullivo intensivo debe existir tal como es 0 no exislir. En résumé, le point de départ du système de culture préconisé par M. Reynoso est la destruction des herbes adventices, la néces- sité d’incorporer intimement l’engrais à la lerre, et de maintenir le sol meuble et aéré afin que les racines puissent s’y étendre et s’y développer vigoureusement pour y puiser les aliments nécessaires à la nourriture de la plante ; ce résultat ne peut être obtenu que par le moyen d'instruments, charrues, herses, rouleaux, etc., qui ne peuvent fonctionner convenablement dans un terrain déjà planté; donc, le dessouchage est indispensable, et par conséquent, la plan- tation annuelle doit être adoptée sans réserve. Cette méthode est donc une modification complète de ce qui se pratique aujourd’hui, mais on doit en obtenir de bons résultats en raison des fumures et des façons qu'on donne au sol avant d'y plan- ter la canne ; il reste à se rendre compte dans quel rapport seront augmentées les dépenses, et quelle sera l’augmentation de la pro- duction. La main-d'œuvre, qui devient de Jour en Jour plus rare et plus coûteuse, constitue une grande partie des frais d'exploitation dans la culture de la canne à sucre; néanmoins il ne faudrait pas croire que la plantation annuelle, faite suivant la méthode précédente exige une main-d'œuvre très considérable ; en effet, à part l’enlè- vement des souches et leur division pour la plantation, tous les tra- vaux s’exécutent par le moyen des animaux ; les labours, hersages, roulages, se font rapidement et économiquement avec des instru- ments aratoires appropriés, et, on peut même répandre l’engrais au moyen des semoirs mécaniques qui exécutent ce travail plus régu- hèrement que les ouvriers. Toutes ces façons culturales qui sont d’une exécution lente et dif- ficile lorsque le terrain est encombré par les souches, deviennent d’une très grande simplicité lorsqu'il s’en trouve débarrassé. Il faut également ajouter qu’un terrain labouré et bouleversé an- nuellement sera beaucoup moins facilement envahi par les herbes 192 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. adventices, et qu’en opérant des sarclages en temps opportun, on arrivera peu à peu à extirper et à délruire cette végétation parasi- tire qui est un des principaux fléaux de la culture coloniale, et que, dans la plupart des circonstances, on n'aurait qu’à combattre éner- giquement pour s’en rendre maitre. La plantation annuelle mérite d’être étudiée sérieusement comme méthode de culture intensive. De jour en jour, on est obligé d’obtenir sur une surface déterminée des rendements plus élevés afin de ré- duire les frais de culture par rapport aux produits obtenus, et c’est ainsi qu'aujourd'hui, les plantations sont renouvelées plus fréquem- ment et que des rejetons de huit ou dix ans, qui autrefois pouvaient être exploités fructueusement, alors que la main-d'œuvre était à bon marché, ne donneraient plus que des pertes avec les conditions culturales actuelles. Dans beaucoup de localités, on a déjà tout intérêt à ne faire que des premiers rejetons, c’est-à-dire à augmenter le capital employé à la culture d’un hectare afin d'obtenir des rendements plus élevés, sauf à diminuer la surface exploitée si on ne dispose pas d’un capital suffisant. Il ne faut pas oublier qu'un système de culture qui permet, par exemple, de faire passer la production normale d’un hectare de 39 000 kilogr. (rendement moyen des rejetons) à 60000 ou 70000 kilogr. (rendement des cannes plantées), donne un excédent d’en- viron 30000 kilogr. de cannes qui, estimées à 15 fr. les 1 000 kilogr., laissent une somme de 450 fr. pour payer les dépenses supplémen- laires exigées par ce nouveau mode de culture. APPENDICE 4. — Composition de la canne à sucre. Composition immédiate. La composition de la canne est très variable suivant les espèces et les climats où elle est cultivée, et dans Ja même localité, elle peut en outre varier dans d'aussi grandes limites suivant l'année, l'influence des circonstances atmosphériques, l’état de la végéta- tion, etc. On attribue généralement à la canne une richesse saccharine trop considérable ; et quand on discute sur sa culture ou sur la fabrica- tion du sucre, on a l'habitude de prendre comme base un taux de sucre cristallisable de 48 p. 100 sans tenir compte du sucre incris- tallisable. S'il est vrai qu’on peut obtenir, par exception, quelques cannes choisies, parfaitement müres, ayant végété normalement et sous des conditions climatériques favorables, contenant 18 p. 100 de sucre et même davantage avec un taux très réduit de glucose, il n’en est pas de même dans la pratique, et nous devons considérer la canne non point dans un cas exceptionnel, mais comme on la rencontre cénéralement lorsqu'elle est manipulée. Si, sur une chaîne à cannes, on trouve parfois des tronçons de tiges à 18 p. 100 de sucre, on en rencontre davantage qui n’en ren- ferment que 12 à 135 p. 100 avec une proportion importante de sucre incristallisable : ce sont les cannes incomplètement mûres ou trop jeunes, les sommités plus ou moins herbacées, etc., qui en- trent en fabrication, et qui, mélangées aux bonnes tiges, constituent la canne moyenne telle qu’elle passe au moulin. Cette richesse exagérée attribuée journellement à la canne, n’a ANN. SCIENCE AGRON. — 1886. — 1. 13 194 ANNALES DE LA SCIEN(E AGRONOMIQUE. pas élé jusqu'ici sans influence sur l’état actuel de la culture et de la fabrication. On ne songe qu'à perfectionner les procédés industriels sans penser aux améliorations dont la culture est susceptible, tant sous le rapport de la quantité que sous celui de la qualité des produits obtenus. On répète que la canne contient 18 p. 100 de sucre et qu'on en obtient seulement la moitié en produit manufacturé ; et cette perte semble si énorme que lattention est complètement dé- tournée des modifications à apporter dans la culture. Cependant, il y a de ce côté de grands progrès à réaliser, et si, par une exploita- Uon mieux entendue et plus rationnelle, on parvenait à augmenter les résultats culturaux de 15 ou 20 p. 100 et à obtenir une plus grande richesse moyenne des cannes manipulées, on aurait réalisé une amélioration dont l'importance serait peut-être plus considé- rable que celle qui résulterait d’un perfectionnement mdustriei, lequel, naturellement, n’arrivera jamais à retirer de la canne plus de sucre qu'elle n’en contient. Évidemment le progrès de l'industrie ne doit pas être négligé, mais on a tort de le poursuivre exclusivement et de ne pas faire marcher en même temps celui de la culture proprement dite, qui souvent pourrait être obtenu plus facilement et plus économique- ment. Il s’en faut donc de beaucoup que l’on ait, du moins dans les pe- ütes Antilles, à manipuler des cannes à 18 p. 100 de sucre, et on est déjà très satisfait lorsque la richesse des jus extraits alteint ce chiffre. On voit donc facilement que, quand ils contiennent en volume 18 p. 100 de sucre cristallisable, ces 18 p. 100 ramenés au poids ne donneront jamais que 14.50 à 15 p. 100 de sucre pour la canne à 11 où 12 p. 100 de ligneux. À la Guadeloupe, la canne industrielle contient suivant les années, suivant les localités, etc., de : P. 100. SUCLEICTISTAIISADIe NE MEN 200 AS 200 Glucose. te D 20 MIRE Matières MINÉTAIES. 2 NT 0.30 à 0.45 Ligneux. . 9.50 à 13.50 LA CULTURE DE LA CANNE A SUCRE. 199 et d’après nos observations, on peut lui attribuer la composition moyenne suivante : SUCLÉICEIS ANS AUDIO PR RE 0. lo 00 SUCLENNONSEANISADIe MEN ENS LEE. N°, 0.70 DOS REV ULOI: RE MMS NL Sets 0.35 PCT UNE EE RL eT e. L1.50 Maflérestorganiques dIVERSES NC EE | 1.00 AR ne ae ee us LU 11-49 100.00 Il ne faudrait pas croire que le chiffre de 15 p. 100 que nous assignons à la canne moyenne soit beaucoup trop faible pour la Guadeloupe ; il est peut-être plutôt en dessus qu’en dessous de la vérité, et si quelques usines manipulent des cannes d’une richesse supérieure, il en est beaucoup plus qui doivent le considérer comme un Maximum. Nous avons vu des vesous titrant 23 p. 100 de sucre en volume, ce qui supposerait à la canne une richesse de 18.50 à 19 p. 100, mais il est exceptionnel de trouver un vesou d'usine ayant cette qualité. En revanche, on en voit souvent qui contiennent seulement 14.50 à 15 de sucre et jusqu'à 1.50 et 1.75 de glucose, ce qui ne donnerait pour la canne qu'une richesse de 12.50 à 13 p. 100 en sucre crislallisable. Le glucose existe toujours en quantité plus ou moins considé- rable ; sa proportion peut être réduite, mais on ne trouve point de canne, quelle que soit sa maturité, qui n’en contienne plus ou moins. Dans les vesous d'usine, son poids est rarement inférieur à 1/50 de celui du sucre cristallisable, et généralement il s'élève de 1/30 à 1/20 et même jusqu’à 1/10, suivant la maturité des cannes manipu- lées et le soin avec lequel on a éliminé les bouts blanes et les tiges plus ou moins avariées. Ces chiffres paraîtront exagérés à ceux qui ont l’habitude de con- sidérer la canne comme un roseau sacré dont les jus composés d’eau presque pure ne tiennent en dissolution que du sucre cristal- lisable ; mais, nous le répétons, nous n’envisageons pas 1ci la canne venue dans des conditions exceptionnelles, mais telle qu'elle compose 196 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. la majeure partie de la récolte sur la généralité des habitations de la Guadeloupe. Le taux des cendres varie très peu dans la canne d’Otaiti arrivée à maturité et qui a végété dans des conditions normales; il ne s'é- lève sensiblement que dans la partie supérieure de la tige ou dans les cannes en pleine croissance. Le ligneux est au contraire très variable, et nous l'avons toujours trouvé en quantité supérieure à celle de 10 p. 100 admise généra- lement. Moins abondant dans les jeunes tiges, il varie dans les cannes mûres de 9.50 à 44 et même 15 p. 100. On le trouve en quantité d'autant plus considérable que les cannes sont plus mûres, plus petites et à nœuds plus rapprochés. Le développement relatif des entre-nœuds fait donc varier la quantité et la qualité des jus obtenus, et l’analyse des différentes parties d’une canne a donné les résultats suivants : PARTIE PARTIE ENTRE- corticale. médullaire. NŒUDS NŒUDS AU OUR RAP TE EN PUR AS 76.20 70.36 74.38 PTÉNOUX SAP 2 UE SD 6:22 16.91 8.30 Cendres. . 0.61 0225 0.91 0.38 SUCRE EN SR NME PRE OS 15.46 1163 14.73 Ligneux p. 100 de mat. sèche. 58.30 26.16 53.68 34.93 Nous comptons naturellement comme ligneux la partie fibreuse qui reste après épuisement de la canne à l’eau chaude, déduction faite des cendres. Le ligneux est formé environ de moitié de son poids de cellulose, c’est-à-dire de matière fibreuse insoluble dans l'acide chlorhydrique et la potasse en faible solution. Lorsqu'on fait agir séparément sur la canne l’eau chaude pour préparer le ligneux, et l'acide chlorhydrique et la potasse pour pré- parer la cellulose, on obtient les résultats suivants : BON Lo 0 LOUP EIONES 01 à va 0 il La 4 la) LIGNEUX CELLULOSE P. 100. P, 100. MM een Lee rs ee M RRLIUN 0 .83 DRASS EIRE À 7.80 502 LA CULTURE DE LA CANNE A SUCRE. Lo M. Delteil assigne aux cannes de la Réunion une richesse bien su- périeure à celle que nous venons d'indiquer pour celles de la Gua- deloupe ; et, déduite de la composition moyenne de sept variétés cultivées sur le champ de la station agronomique de cette colonie, elle serait la suivante : FAURE. <, Le PINS NET ESS SR 69.35 MOTEURS 62 Len Mo OR Oo de 9.95 SUGLEICNIS AIS ADI EEE RO OT SUCreANnCnstAlliSADIE EE EE Ur 0.34 Maberes 0RCantques er RASE EL 0 0.75 SO lS bre ee ANT AR CE A ue 0.60 100.00 Cette composition n’est point celle des cannes reçues habituelle- ment dans les usines de la Réunion et que M. Siere de Fonthrune établit de la manière suivante en prenant pour base la densité moyenne des jus (10°1% Baumé) pendant l’année 1874, et une pro-" portion de 10 p. 100 de Hgneux. AS OO D RTE Re OEM RIRE 10.00 Sucre cristallisable . 15.56 SUCReNACrIStaNISADle. p.00... 0.54 Matières organiques et sels . 1.66 HAUTE nee aber De UT 2 A 100.00 On serait donc bien loin, même à la Réunion dont les cannes ont cependant la réputation d'être d’une grande richesse saccharime, du taux classique de 18 p. 100 de sucre cristallisable sans glucose en quantité appréciable. La canne contient toujours une proportion plus ou moins impor- tante de sucre incristallisable dont l'influence est considérable sur la quantité et la qualité du sucre obtenu par la fabrication. Il se trouve dans les jus en proportion inversement proportionnelle à celle du sucre cristallisable ; de sorte que si les cannes récoltées ne sont pas mûres, si on n'a pas éliminé avec soin toutes les tiges plus ou moins avariées, les sommités herbacées ou bouts blancs, les cannes folles ou rejets gourmands, on peut avoir à travailler des jus dans des conditions désastreuses au pomt de vue du rendement. 198 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Composition minérale moyenne. La proportion relative des substances salines contenues dans la canne subit de grandes variations suivant son âge et les conditions dans lesquelles elle a végété. Lorsqu'elle est parvenue à maturité, sa composition plus uniforme présente néanmoins des écarts assez considérables. Parmi les éléments minéraux qui la constituent, le chlore et la potasse sont ceux qui peuvent varier dans les plus grandes limites. Ces deux corps, très abondants dans la canne jeune, disparaissent peu à peu, au fur et à mesure qu’elle approche de sa maturité com- plète. Les quatre analyses suivantes se rapportent à des cannes mûres venues dans des conditions normales, et fournissent une moyenne très rapprochée de celle que nous avons déjà obténue en l’établis- sant d’après des analyses plus nombreuses. 1° Premiers rejetons, 11 mois, récoltés en janvier 1880 ; 100 kilogr. de récolte donnent : cannes étêtées, 70%,12 ; plants, 11*,55 ; feuilles, 10%,33. | ®% et 3. Premiers rejetons, 12 mois, récoltés en février 1881 ; 100 kilogr. de cannes entières donnent : cannes étêtées, 66 kilogr. ; sommités, 34 kilogr. 4 Cinquièmes rejetons, 12 mois, récoltés en avril 1880 ; 100 kilogr. de cannes entières donnent : cannes étêtées, 76 kilogr. ; plants, 10 kilogr. ; feuilles, 14 kilogr. Les analyses sont résumées dans les tableaux suivants : 1° Composition centésimale des cendres ; 2 Composition de 1000 kilogr. de matière à l’état frais ; 3° Composition de 1000 kilogr. de matière à Pétat sec ; 4 Épuisement d’une récolte supposée de 50000 kilogr. de can- nes étêtées à l'hectare et avec la proportion de feuilles et de plants obtenue directement lors de la récolte. Pour les n° 2 et 5, les plants n’ont pas été séparés des feuilles, et l’analyse a été faite sur l’en- semble de ces deux parties. LA CULTURE DE LA CANNE A SUCRE. 199 Composition centésimale des cendres (cannes). NOYENNES. Acide phosphorique . — sulfurique. Chlore. . . Chaux. . Magnésie . . Potasse = Soude. TE de Mec te 0 OXVACTETER EN MEL. ee 0. . .8: 0.52 QUES 41 0 GALL EN ROSE 9. = D 49.77 100.00 1 2 3 4 MOYENNES. Acide phosphorique . . . . . . . . 4.08 7.01 8.62 6.73 6.61 = PE ivale COUR EE OC 3.18 7.07 7.12 3.178 5.29 CHIOTS Er CERN EST M 6.57 8.49 4.70 6.63 6.60 (Ci ROME CRE MRC PSTE suis LA 6.27 7.00 9.96 64 MARnésiest Ar ELU role Be 4.77 4.54 6.13 4.77 05 LEO ES mi 0 EN à 4 ME PO NE | OCT TE 30.93 95.35 29.45 27.58 SOUTENUE er Etes CU, 1.59 0.17 225 1.34 13 DAYAe TEE EN Te 0.27 0.87 0.58 1bee UE 0272 SUCER RENTE ete MER CET 47.60 34.65 38.27 36.17 39.18 MOYENNES. kil, Acide phosphorique "110,160 0,644 0,593 0,316 0,429 — sulfurique. . NO 2 A 0,306 0,349 0,235 0,285 CRICLE MERE EE CU NO 040 0,004 0,004 0,014 0,015 Chaux Ce cn AE NON 304 0,293 0,278 0,399 0,318 MABDÉSION NES NN Re 0 M0 310 0,503 0,439 0,339 0,410 BOTBRFE TER ie | 0427 0,465 0,675 0,277 0,461 CGT 5 5 oo tot AMPAIINTET 0,030 0,076 0,010 0,033 OVAE Ter EE EP EC NO: 028 0,045 0,032 0,017 0,030 DAICE RS CNET Ce. EU. | 1474 1,610 1,399 17598 1,519 Matières minérales totales . . . . .| 3,000 3,900 3,900 3,200 3,900 ZOO CE | 0000 0,300 0,350 0,510 | 0,415 200 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Composition de 1000 kilogr. de feuilles. Acide phosphorique . . — sulfurique. . Chlore tr Chaux. . Magnésie . Potasse . Soude. . . a S dei Oxyde de fer. . . . SUCER UE ce Matières minérales totales . AZOÏG. Acide phosphorique . — sulfurique. . Chiore. = TRE Chaux. . . Magnésie . . Potasse . Soude. . Sr Oxyde de fer. . SAICON T0 UE Matières minérales totales Azote. . . 0,690 0,537 1,110 1,237 0,806 4,161 0,269 0,046 8,044 1,100 1,110 1,330 0,990 0,710 4,860 0,020 1,371 1,132 0,747 1,113 0,975 4,031 0,354 0,092 6,085 16,900 1,500 0,591 0,592 0,150 1,127 1,148 1,579 0,059 0,105 5,449 11,000 1,860 15,900 1 1,370 2,179 1,036 0,013 0,993 1,704 1,575 0,102 0,150 5,448 1,947 1,135 0,013 0,905 : 1,594 2,197 0,249 0,104 4,556 1,050 0,590 1,034 1,554 0,744 4,594 0,209 0,182 5,643 5,600 2,050 © Qt . O1 © CO D Co OÙ MOYENNES. 13,200 1,030 12,700 1,159 Acide phosphorique . . — sulfurique. Chlore. . Chaux. . Magnésie . . Potasse . . pDoudes =, ts Oxyde de fer. . Silice , Matières minérales totales . . Azote, re # A GX À À N ho Mm 2 kil. 4,100 4,140 4,970 3,670 2,650 18,100 0,100 0,500 20,270 de © QG O1 =1 N) D SN = O1 C9 = NO He Qt ss ss + s à 1 0] Lu & © mm 1 3,466 1,947 3,414 5,129 2,457 5,167 0,690 0,602 8,628 53,500 4,600 61,400 6] 5,500 1,500 6,870 MOYENNES. kil. 3,893 3,153 3,910 4,491 3,011 16,301 0,804 0,409 93,503 V2 SUCRI A à LA CANNE DE 2 ] LA CULTURI 869 ‘r2e | 2Gv'‘gcr | cegtz hocctr |zrofcz | r26/2z | 26‘ac) | vector | caïtzz | z96(oe | rortec 929 '6FT | 72616 929ÛT MCE NT NGC ON CT ET NE ZONE Ter a NN O20 6 088 ‘8T 9G6‘02 | cegtyz 6080 | co6‘r |oce‘er | 82I‘r TTL‘ Tgr‘c GrG‘c 86F°C I80‘8 000 ‘097 | 069‘62 0&8‘O | 00G‘o |oge‘er | oc6‘or | 0C6*Gr | 002‘0 OC2'TI | 008‘GT | ooc‘ce | | nee | ns | me | comen | mens | ne | mme | cmmmmmmnes | mme | ones 0GF°009 | grr‘cez | 9v6‘e | Les‘ar | orc'‘ogr | are‘or | 182‘ar | Gre ‘Gr | ore‘or | 19859 | certzc 66F‘cor | sgr‘ccr | 9pe‘e | 220‘6 | 062‘z07 | zogtra | 188‘8a | 6ro‘cr | o9gts8z | r96‘re | cectre 000 ‘GGT | 0G6‘69 0097 | oog‘e |ocztce | ogr‘rz | 006‘8n | 002‘0 | ogr'‘zr | o06‘6z | ooc‘27 066 69 | ose ‘61e | 088‘S | oro‘s |osr'2rt | goz ‘er | c68‘66 | crr‘re | cooper | ocz‘oo | co ‘or 066 ‘00F | oez‘sgr | 026‘g | orc‘o |oge‘ger | cor‘er | Grece | cro‘ee | cog‘ez | oco‘sz | cogtre 000"C6T | 00g‘o8 | oca‘e | 0og'T |oga‘es | ocr‘ca | 0G9°FT | 008‘o | oog‘gr | ooz‘ze | o00‘ct CARRE TEST SET ECRIRE CESSER EME SOC CNE ME EE CREER MALE) CUS RENE | RENE 1Se‘997 | coy's0c | 916‘a | g6v‘r | 6rr‘ror | rço‘re | LeT‘2e | zce‘1e | cao‘cz | pretre | ces‘rr g8s8 ‘038 | 9ro‘cor | 119‘0 | gic'e |cegtre | pec‘or 80g'P1 | 810‘2 | 8016 | cco‘c 897°G6 | 6IL‘68 cog‘o | 181‘0 |yrr2‘8z | 009'8 FaL‘OT | 219‘9 688 ‘7 06&°£ 00007 | 002 ‘82 00F‘T | 0o8‘o |ogg‘ia | oog‘er 000 ‘7 0G0°3r | 0008 000 ‘Ca ‘A ‘A ‘I ‘I ‘A ‘A ‘l ‘A ‘1 CSST ERNST CSNMENENES MEME SEE CESEONDN EEE CESSE US ECRIRE ROME DER) RME MMS iL CRSEMER CET EEE ‘sa[8101 Sa [BIauTu "eOIS "OPN ‘OM "019 à (2) 0S “OUd ‘HLOZV SAUAILEN LYLTG (GIYAEL) | |E MC ONE LOG& 0TEG TETE OTLT 0209 LMD HCN C OGL2LT 0000 CRE CE Enns 6L8GG oocgz |» : - - + . 6099 00gcg de + » « OZ9GT 00006 |: RENE EE OP RER OFLT& {of} lOMIOROM INC PC 9789 ooceg |: * + + + CGSTI 0000$ |: : + : - - RACE TENS ESR EE MRNENES GYSSI OO0£TL OT La6g OLOET MD ae PEU a CLGT 0688 DOUCE OPAET 0000G Cao AUS ant ‘A ‘24998 "oyoeay EE — ALIOON VT AU SUIOd "IBIOT ‘1801 . *SOTIMOT . SJuelIda ‘ SOUUE() of "SOIT "Souurp 0€ Sata r SoUUE) 08 *SOTIINOIT * SJUCId * SOUUCN) oT ‘8091939 Seuueo op ‘1BOIIX 00006 9P 9710991 aun SUEp SeNUaJUO0) SOIPIQUIU SOI91JEN 202 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. La composition centésimale des cendres des feuilles et des cannes présente quelques différences caractéristiques. La potasse et le chlore existent en proportion beaucoup plus consi- dérable, et l'acide phosphorique, l'acide sulfurique, la chaux et la magnésie en moins grande quantité dans les cendres de feuilles que dans celles des tiges. La magnésie en quantité supérieure à la chaux dans les tiges, est au contraire en plus faible proportion dans les feuilles. Sans tenir compte du taux élevé des cendres dans les feuilles, 1.6 p. 100 au lieu de 0.35 dans les tiges, ces différences suffisent pour distinguer nettement les matières minérales provenant soit de la tige, soit des feuilles. Nous avons déjà fait remarquer que les proportions relatives de chlore et de potasse étaient très variables dans les cendres de cannes, et ne permettaient point de conclure à labsorption de la potasse à l’état de chlorure de potassium. Nous ajouterons qu'il en est de même pour lacide phosphorique et la magnésie, et les quantités de ces deux éléments que lon trouve dans les cendres, ne nous semblent pas être un argument en faveur de l'absorption de l'acide phosphorique à l’état de phosphate de magnésie ou de phosphate ammoniaco-magnésien. La magnésie est peut-être absorbée, et elle se trouve probable- ment dans la canne partiellement sous l’état de phosphate de ma- gnésic; mais ces deux corps s'y rencontrent dans une proportion sensiblement différente de celle de leurs équivalents. Ainsi, par exemple, dans les cendres de l'échantillon n° 1 ci-dessus, il y a 5 p. 100 d'acide phosphorique et 10 p. 100 de magnésie, c’est-à-dire le double ; puis, dans l’analyse que nous citons plus lom (cannes Jeunes vertes), on y trouve 48 p. 100 d'acide phosphorique et seulement 5 p. 100 de magnésie, c'est-à-dire moins du tiers. Composilion minérale des rejets gourmands ou cannes créoles. Les cannes suivantes présentent une composition différente de celle des précédentes. Ce sont des rejets gourmands prélevés sur des cannes plantées, très mûres, et d’une grande richesse saccharine ; LA CULTURE DE LA CANNE A SUCRE. 203 mais qui avaient produit, ainsi que cela arrive parfois, un cerlain nombre de rejets gourmands vigoureux. Les deux échantillons sont remarquables par leur richesse en po- tasse et en acide phosphorique ; d’un autre côté, ils contiennent une très faible quantité de silice. LONGUEUR de la tige. 1° Canne créole de couleur verte . . . . . . 0®,60 29 = — HN MORE SU La richesse saccharine des jus extraits était de : te 2 SUCLE A SC Meet Le ONE Serre TS 35 JT DUCOS RS RE EN EU 10 2.80 Matière sèche p. 100 de cannes . . . . 23.60 DLL CANNES VERTES. CANNES BLANCHES. TR Matières Matières Composition Matières Matières au minérales | minérales 2 minérales | minérales *entésimale EE "°° Jcentésimale k à ë L ia p. 1000 kil. |p. 1000 kil. | 4. |p. 1000 kil.|p. 1000 kil. æ de de matiere ss de de matiere cendres. cannes, sèche. cendres. cannes. sèche. Composition | À ———— kil. kil. Acide phosphorique . . 18.72 1,049 4,512 — sulfurique. . . . .31 0,465 2,003 Chlore .15 0,232 1,000 .24 0,293 1,263 Magnésie 7) 0,296 1,275 Potasse 37.92 2,124 9,139 Soude .| Traces. Traces. Traces. Oxyde de fer 3e 0,068 0,291 Silice 9. 1,073 4,617 5,600 24,100 0,400 1,700 Composition minérale des diverses parties d'une méme tige. On sait que le taux de sucre contenu dans la canne va en dimi- nuant de la partie inférieure à la partie supérieure d’une même üge, et que le glucose suit une marche inverse. Cette différence dans la richesse saccharine entre les différentes 204 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. sections que l’on considère, est d’antant plus accusée que la canne est plus jeune et plus éloignée de sa maturité complète. Pour que le taux de sucre s’équilibre à peu près dans toutes les parties du végétal, il faut que la canne soit arrivée au terme de sa croissance et que sa végétation soit pour ainsi dire momentanément suspendue. La saison possède une très grande influence sur cet état particu- lier, la sécheresse contribue à l’avancer, tandis que des pluies con- ünues le retardent ou même l’empêchent complètement de se mani- fester. Les matières minérales sont aussi irrégulièrement réparties dans la tige et plus abondantes dans les parties supérieures, ainsi qu’on le remarque dans les deux échantillons analysés. À. — Rejetons de 11 mois, récoltés en janvier, la saison était humide et la végétation encore très active ; les tiges ont été séparées en trois parties égales. B. — Cannes plantées, complètement mûres, récollées en mai; les tiges sont divisées en deux parties égales. Dans le premier échantillon, le chlore et la potasse existent en abondance, mais en quantité beaucoup plus considérable dans les parties supérieures de la tige, tandis que les parties inférieures con- üennent relativement plus de silice et d'acide phosphorique. La teneur en matières minérales totales varie, dans le premier échantillon, de 0.41 p. 100 à 0.91 p. 100 de cannes, suivant que lon considère la partie inférieure ou la partie supérieure de la tige ; et de 0.32 à 0.45 p. 100 dans le second. Bien que la proportion relative de silice et d'acide phosphorique soit plus élevée dans le bas de la tige, tous les éléments minéraux augmentent dans la partie supérieure si on les rapporte au poids de la plante, et la différence est naturellement beaucoup plus accusée pour le chlore et la potasse que pour les autres éléments. On trouve 0.642 de chlore et 3.213 de potasse dans le haut de la tige et seule- ment 0.030 et 0.950 dans la partie inférieure pour 1000 kilogr. de cannes. La partie supérieure des tiges et donc généralement de qualité inférieure, tant sous le rapport de la plus faible richesse saccharine que sous celui de sa plus grande teneur en substances salines. LA CULTURE DE LA CANNE A SUCRE. 209 Composition centésimale des cendres. A Milieu, Acide phosphorique .88 2.82 — sulfurique 4.5: .80 Chlore - 5.60 5.13 Magnésie -15 5.74 Potasse 23.° 5.14 C .12 Oxyde de fer Silice Composition de 1000 kilogrammes de cannes. Magnésie Potasse Oxyde de fer Silice 9,100 0,300 Composition minérale de la canne à diverses périodes de sa végélation. Nous savons que la richesse saccharine de la canne varie avec son âge et son état de végétation, et qu’elle augmente à mesure que la plante se rapproche davantage de son complet développement et de sa maturité parfaite. Lorsqu'on examine sa composition minérale, on remarque égale- ment une très grande variation dans la quantité et la proportion re- lative des éléments minéraux qu’elle renferme. 206 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Par les quelques analyses précédentes de cannes müres et de cannes très Jeunes, on a déjà pu remarquer que ces différences sont surtout accusées pour la richesse minérale totale et la proportion relative des sels alcalins. La diminution du chlore et de la potasse dans la canne lorsqu'elle arrive à maturité est un fait constant sur lequel nous avons déjà insisté en parlant de l'influence du chlorure de potassium employé comme engrais, sur la qualité des vesous obtenus de la canne à sucre. Ce phénomène à une très grande importance tant au point de vue de la qualité des jus qu'à celui de l’épuisement du sol en éléments minéraux par la culture continue de cette plante sur le même sol, et il est aussi sensible dans la composition centésimale des cendres et dans celle de la canne fraiche ou de la matière sèche que dans la quantité totale des éléments minéraux prélevés dans le sol par une récolte d’un poids déterminé. La migration des autres éléments minéraux est loin d’être aussi accentuée et régulière, surtout si on les rapporte à la canne ou mieux à un poids constant de matière sèche. On remarque alors que la pro- portion relative de ces éléments suit une marche beaucoup moins uniforme que si on considère la totalité des cendres contenue dans la récolte entière, et que leur absorption dans le sol est, jusqu’à la maturité de la plante, à peu de chose près, en rapport avec son développement et l’état de sa végétation. Nous donnons, ci-après, trois analyses faites sur des cannes pen- dant les derniers mois qui ont précédé la récolte. Ges cannes, dont la végétation était très régulière et vigoureuse, ont été plantées en mars 1880 et fumées à l’engrais de ferme. Chaque échantillon com- prenait 10 cannes moyennes dont les tiges et les feuilles ont été ana- lysées séparément. 1 2 3 Date de la prise de l'échantillon. . . 4 février {88{. 15 mars. 27 avril. Agetes cannes he tuis. FSU TE 11 mois. 12 mois. 13 mois. Poids moyen d'une tige. kil. kil. kil. CANNES EC RER EEE l'E 0,925 1,520 1,781 FeUtIeS RE. 0 0,727 0,734 0,640 TOCAI ER EU 4 1,692 2,254 2,421 LA CULTURE DE LA CANNE A SUCRE. 207 1 2 3 Nombre de nœuds à chaque tige. . . ül 14 21 Proportion des tiges el des feuilles. CANIN ES RER EE re 06 67 13 ROUES REA : b. 1 0e 41 33 27 Richesse du vesou extrait des liges. DENISE. pee ORNE » 1095 Lez SUEDE MORTE À à de JON » 18 14 20 33 CUUCOS CES PAR ni eu IS IER EE ) 0 97 0 50 Pour calculer l'épuisement à l’hectare, nous supposons un rende- ment de 40 000 tiges à l’hectare. Le poids de la récolte serait donc de : Récolte fraiche. 1 2 3 VEUT kil. kil. CANNES SE ee /0 07 0) 0 0) 60800 71240 REUTERS EN RENE 090 080 29360 25600 BOITSAÉO ARE RE 6 GDS 0 90160 96840 Récolle sèche. (Che SAR eRr ENRNERRRRNT EPA NT 7466 17060 20517 RES APE EN CIN EPS RER TE 5766 8100 6579 BOIUSHOIA EE 252 25160 27096 CANNES. FEUILLES. Magnésie Potasse Traces. 1513 43.40 208 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Matières minérales par 1000 kilogr. de matière verte. CANNES. FEUILLES. Acide phosphorique . . . . . . . . 0,469 — sulfurique, . our 0,306 Chlore SRG 9,010 Chaux 0,380 Magnésie . . . . 3 0 0,523 Potasse fau 0,364 Traces. 0,042 1,606 3,700 0,430 Matières minérales par 1000 kilogr. de matière sèche. CANNES. FEUILLES. kil. Acide phosphorique 2,276 1,647 3 3,406 4,815 sulfurique 0er 115922 5 | 1,074 Ë 2,589 | 3,539 0,952 0,038 5e 5,995 4,083 1,052 1,334 | ©: 3,450 | 5,512 Magnésie UD TSS 1,839 £ 2,214 3,685 Potasse 6,878 | 3,5 1,279 22,196 | 16,345 0,084 ‘ Traces. 3,411 0,614 0,088 0,147 4: 0,270 | 0,445 5,958 5,642 92 | 11,669 | 19,662 Cendres totales . . .| 20,000 7 13,000 ë 55,200 | 58,500 Az0te 1... 2,150 1,510 | 6,700 | 6,800 | 8,100 LA CULTURE DE LA CANNE A SUCRE. 209 Composition de la récolte (40 000 cannes). CANNES. FEUILLES. RÉCOLTE BNTIÈRE. 3 kil. kil. il. sil. il. kil. kil. Acide phosphorique.| 16,835] 19,152| 33,412] 27,829) 27,605| 31,665] 44,664! 46,757| 65,077 — sulfurique. . .| 14,245| 13,133| 21,799] 27,306| 20,983 23,256| 41,551| 34,116| 45,055 Chlore 7,030| 6,688] 0,712] 23,933| 48,589] 26,845! 30,963| 55,277| 27,557 7,170! 15,322| 27,071] 22,537| 27,959] 34,922] 30,307| 43,281| 61,993 Magnésie 5,846| 14,396! 37,259] 16,808| 17,952 24,230! 22,654| 32,818| 61,489 Potasse. . . . . . .| 50,912] 56,179| 25,931|116,436/179,8:6|107,457/167,348 236,055 | 133,388 Soude Traces| 4,624| 27,635 4,025] 5,253| 33,776| 4,025 Oxyde defer .!. … . 52 5 2,292] 2,530" 2 81 2,92310035159)08376371L05;915 Silice 570/114,412/124,405| 94,559 /129,277|168,509 162,229 | 243,689 . [148,000 /200,640|263,588|366,408/447,336|384,600/514,408 647,976! 648,18 15,910! 24,390! 30,980| 37,804| 55,081] 53,289] 53,714] 79,470| 81,269 kil. kil. kil. kil. kil. kil. kil. kil. kil. Poias {récolte verte. | 37000 | 60800 | 71240 | 29080 | 29360 | 25600 | 66050 | 90160 | 96840 | — sèche.| 7466 | 17060 | 20517 | 5766 | 8100 | 6579 | 13232 | 25160 | 27096 Dans la composition centésimale des cendres de cannes, on re- marque que le chlore, qui était de 4.76 p. 100 au commencement de février, n’est plus que de 0.29 à la fin d'avril, et la potasse passe, dans le même temps, de 34.49 à 9.84 p. 100. Au contraire, la proportion de silice à augmenté et, au lieu de 29.79, on en trouve 43.40 p. 100 à la récolte ; il en est de même pour la chaux et la magnésie. Cette proportion se conserve pour la potasse et le chlore dans la composition de la matière sèche, mais elle se trouve modifiée pour les autres éléments par suite de la différence dans le taux des ma- tières minérales totales. S1 on laisse de côté la composition de la récolte totale, très im- portante au point de vue de l'épuisement du sol et de la restitution à lui faire par les engrais, on voit, qu’à part la potasse et le chlore, dont la disparition est bien évidente dans la tige, on n’observe point le même phénomène pour les autres éléments minéraux si on les rapporte au même poids de matière sèche. Si la récolte avait été retardée, 1l est probable que nous aurions constaté au dernier moment, ainsi que M. Rouf l’a observé à la Mar- ANN. SCIENCE AGRON. — 1886. — I. 14 210 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. tinique dans les recherches que nous citons plus loin, une diminu- uon sensible dans la richesse des tiges en chaux et en magnésie, La diminution du chlore et de la potasse est tellement accentuée que ces deux éléments se trouvent à l’époque de la récolte en quan- Hité beaucoup plus faible dans la plante entière, bien qu’à ce moment le poids de cette dernière ait considérablement augmenté. I y a donc élimination de la potasse et migration de ce corps vers les parties supérieures du végétal ; mais la richesse en potasse de la matière sèche des feuilles dans la dernière période de la végé- tation de la canne n’augmente pas sensiblement et ne concorde pas avec la disparition de cet élément dans la tige. On ne peut donc pas en conclure que la potasse abandonne la tige pour s’accumruler dans les sommités feuillues, puisque celles-ci n’en contiennent pas une plus grande proportion qu'auparavant. L'absorption des sels de potasse dans le sol par les racines de la canne parait être énergique surtout pendant les premiers temps de sa végétation ; mais bientôt cette absorption se ralentit et la plante contient, plus ou moins régulièrement répartis dans ses tissus, tous les alcalis nécessaires à sa constitution. | L’accroissement de la canne se continuant, la formation des nou- veaux {issus et des nouvelles feuilles exige une nouvelle quantité de potasse ; cet élément n’est plus alors fourni par le sol, mais par la plante elle-même qui en est abondamment pourvue. En même temps que de nouveaux organes sont en voie de forma tion, les anciennes feuilles qui ont terminé leurs fonctions se dessè- chent et tombent sur le sol après s'être détachées de la tige. Il en résulte que la plante perd continuellement, par la chute des feuilles, une certaine quantité d'éléments minéraux qui sont remplacés par ceux contenus dans la tige; et ceux-ci y diminuent alors dans une proportion d'autant plus considérable que l’absorption par les racines est plus ralentie en raison de la période de la végétation de la canne et des circonstances extérieures qui lui sont plus ou moins favorables. I ne paraît donc pas y avoir à l’époque de la maturation, une ac- cumulation proprement dite de principes minéraux dans lessommités de la tige ; on constate sunplement leur disparition dans la tige, et ? ils paraissent destinés à concourir à la formation des nouvelles LA CULTURE DE LA CANNE A SUCRE. A D à feuilles qui doivent remplacer celles qui se détachent de la tige en nombre plus ou moins considérable suivant que la végétation est plus ou moins active. Le développement foliacé de la canne qui mürit n’est pas complètement arrêté, car elle continue à émettre de nouvelles feuilles et à s’accroitre, plus lentement il est vrai, mais sans interruption complète. Quand la feuille qui-s’est desséchée sur la tige tombe sur le sol, elle présente une composition différente de celle qu’on pouvait constater lorsqu'elle était encore verte et en pleine végétation. La feuille jeune contient relativement peu de silice, mais beaucoup de potasse, et au fur et à mesure qu’elle se développe, la proportion de silice augmente et celle de la potasse diminue. Cette modification s’accentue lorsque ses fonctions ont cessé com- plètement et qu’elle se détache de la tige pour tomber sur le sol. Les feuilles nouvellement formées contiennent également plus d'azote que les feuilles extérieures complètement développées et ces dernières en contiennent plus que celles qui se sont desséchées sur la tige. La diminution de l'azote, des matières minérales totales et surtout des sels alcalins dans la feuille sèche est due probablement en par- tie à une rétrocession de ces éléments à la tige par la feuille, mais aussi à leur dissolution et à leur entraînement mécanique par les eaux pluviales, dont l’action est toujours très énergique sur des or- ganes desséchés et dans lesquels la diffusion des principes solubles par l'eau de pluie et par la rosée doit être très rapide. La diminution du taux de cendres et d’azote dans les feuilles qui se dessèchent naturellement sur la tige a été la suivante sur des échantillons pris en même temps sur les mêmes tiges : Pour 100 de matière sèche. ne SERIE RS Cendres. Azote. Feuilles vertes extérieures complètément développées . . . 7.03 0.438 Feuilles sèches, légèrement adhérentes à la tige . . . . . 6-45 0328 Feuilles vertes (jeunes et vieilles). RE ei + à GES OAI Feuilles sèches adhérentes à la tige : . . . . . . . . . 4.290053 212 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Soit en moyenne pour 100 de matière sèche une perte de 1.50 pour les matières minérales et de 0.105 pour Pazote, et dans les feuilles sèches un taux moyen de 5.37 de cendres et de 0.429 d’a- zote p. 100 de matière sèche. COMPOSITION DES FEUILLES SÈCHES ET DES FEUILLES VERTES. Composition centésimale des cendres. MOYENNE des deux 1 } * dosages Vertes. Sèches. Vertes. Sèches. (sèches). Acide phosphorique — sulfurique Chlore CELL LION MOMIE à Los lai lo fo ÉbI to Magnésie Potasse Soude Oxyde de fer Silice MOYENNE des deux dosages (sèches). Vertes. Sèches. Vertes. Sèches. Acide phosphorique — sulfurique Chlore Magnésie Potasse 7,599 Soude 0,443 0,206 Oxyde deifer, 1 0,717 0,684 Silice 48,029 54,916 61,500 | 63,200 | 42,900 3,280 6,100 5,300 La composition centésimale des deux-lots indique de suite les mo- difications qu’éprouvent les feuilles avant de tomber sur le sol: la polasse qui y était primitivement contenue dans la proportion de LA CULTURE DE LA CANNE A SUCRE. 15 10.81 et de 21.95 p. 100, n’est plus que de 2.63 et 5.77 dans les feuilles sèches ; les feuilles vertes n° 1 en contiennent moins que les secondes, mais cela tient à ce que ces dernières comprennent des feuilles de divers âges, tandis que les premières sont complètement développées. Les cendres de feuilles sèches donnent en moyenne 4.20 p. 100 de potasse et 79.07 de silice. Avec ces données, nous pouvons établir la composition des feuilles tombées pendant la végétation des cannes dont nous venons de don- ner l’analyse (p. 209). Nous supposerons que le taux de matière sèche de la feuille com- plètement développée est de 27 p. 100 (gaine et limbe) et qu’en se desséchant sur pied elle ne perd qu’une quantité négligeable de matière sèche. Le poids d’une feuille verte entièrement développée varie de 95 à 45 grammes et est en moyenne de 55 grammes ; elle contient, à rai- de 27 p. 100, 9,450 grammes de matière sèche. Chaque tige ayant au moment de la récolte (27 avril) 21 nœuds découverts, il en résulte qu'à raison de 40000 tiges à l’hectare, il est tombé sur le sol 840000 feuilles qui représentent 29400 kilogr. de feuilles vertes, soit 7 938 kilogr. de matière sèche. En prenant la composition moyenne ci-dessus des deux échantil- lons de feuilles sèches, la teneur en azote et en principes minéraux des feuilles tombées pendant la récolte sera indiquée dans le tableau suivant par les chiffres de la colonne X. Si, avec ces chiffres, on voulait calculer l'exigence totale de la ré- colte en les ajoutant à ceux précédemment indiqués pour la compo- sition des 40000 tiges à l’hectare (cannes et feuilles), on obtiendrait évidemment un résultat beaucoup trop faible, car la feuille com- mençant à se dessécher par l'extrémité du hmbe, il s'écoule un temps plus ou moins long avant sa dessiccation qui doit être complète avant la prise de l'échantillon. Pendant ce temps, les matières miné- rales peuvent retourner dans la tige s’il y à rétrocession, ou être enlevées par les pluies qui pénètrent dans la feuille morte et entrai- nent par lavage ou diffusion, la majeure partie des matières miné- rales solubles. 214 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Si, d’un autre côté, on veut établir leur composition d’après la composition moyenne des trois échantillons de feuilles (p. 208), on obtiendra les chiffres de la colonne YŸ qui sont exagérés, puisque les feuilles externes avant leur dessiccation sont moins riches en azote et en éléments minéraux que les feuilles de récente formation. Composition des feuilles tombées pendant la récolte (840 000 feuilles). kilogr. kilogr, AO OSOINOIUNOER PSM Mas RE 9,610 34,546 ER SUTTULITUE ME CE NT Ce CR CRC Ce ic | NELS 200 28,751 DNS A ce ER RARES ES LE PORN OLA EE 0,976 37,658 CRAUX NS OP M DR ET LS PUR Re eee INR 6e 33,930 Macnésie.#ger MN A le ANIME RENE 8,994 23 8930 POPASSE Ée vee hohee moules: STORE EN 21 de acte à opel LONDRES EEE soude. Oxyde de fer. Silice. Matières minérales totales. . Azote. M. Rouf, chimiste de la Compagnie des engrais de la Martinique, a étudié mois par mois lacomposition de la canne à sucre etla marche progressive des éléments minéraux contenus dans ses tissus, afin de déterminer la somme d’éléments qui est nécessaire au développe- ment normal de la plante et l’époque probable de leur assimila- tion *. Les résultats obtenus par M. Rouf sont résumés dans les tableaux suivants qui donnent la composition de la récolte entière calculée d’après le poids moyen d’une canne et un rendement supposé de 20000 tiges à l’hectare. Ces cannes, plantées en décembre 1878 , ont 1. Étude sur la canne à sucre, par J. Rouf; 2° mémoire, Saint-Pierre (Martinique). LA CULTURE DE LA CANNE A SUCRE. 215 été fumées avec 1300 kilogr. d'engrais contenant p. 100, 7 d’a- zote, 6 de potasse et 8.75 d'acide phosphorique. Les chiffres obtenus par M. Rouf sont plus élevés que ceux que nous avons déjà cités pour l'épuisement d’une récolte moyenne, mais ils sont établis pour une récolte supposée de 161 722 kilogr. à l’hectare dont 121 700 kilogr. de cannes étêtées. M. Rouf termine son travail par les conclusions suivantes : Le développement de la canne se fait beaucoup plus rapidement quand la plante trouve à sa disposition, dans les premières phases de sa végétalion, les éléments qui lui sont nécessaires, ce qui indique la nécessité de faire les fumures en temps opportun. La progression des éléments dans la plante se fait d’abord modé- rément, puis l’absorption s’effectue avec rapidité, surtout les agents atmosphériques viennent aider les aptitudes de la plante. En novembre et décembre, les tiges sont saturées de chlorures alcalins. En décembre, l'acide phosphorique, la potasse et le chlore sont arrivés à leur maximum d'absorption dans la plante entière, et en novembre la récolte fraiche, plante entière, est arrivée à son maximum de poids. Au mois de janvier, pendant que le chlore, la potasse et la soude ont diminué dans la plante, la magnésie et la chaux ont augmenté. En février, la chaux, la magnésie et l'azote sont arrivés à leur maxi- mum d'absorption. L’élimination des chlorures alcalins pendant la maturation de la canne est un fait constant. Si, au lieu de considérer seulement les chiffres de l'épuisement total de la récolte, cités par M. Rouf, dont là marche progressive est pour ainsi dire régularisée par l'augmentation proprement dite du poids de la récolte, on compare, ainsi que nous l’avons fait précé- demment, la composition de la matière sèche, on remarque que la diminution progressive des éléments minéraux est surtout caracté- ristique pour les chlorures alcalins, mais qu’elle Fest beaucoup moins pour les autres éléments. L60‘r&L| LI9 GI] OS OF] GOT 9€£ 686 "69 ILL ‘968 sea ‘891 S£S'rel C9L°60] ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. ‘HISANDVN ‘{SSVLOd 216 e. G6G89Y FES O8] | 786 OLS‘£891| 02667 OLS‘ag1 88€ 681 | c69 GICI| LT99Y Y1Y17 &69 981 OTOLE FYL'98] SYLGC GS£'LSS 988 06 C&cOù 68L'‘69 |crs'a9 808 SOL GO9€ 890 ‘986 SOS tu 9JL'S7e ‘A 9ÿr 98 ati at “onbrix ‘(aigue aquerd) -oydsoqd | ‘“xozv ‘SANANHI 24998 LUNA HITONAA “axe39ou,1 € S961) 000 09 : asoddns juowepusy &&LJ9] 996997 0&7091 09697 OSLSAI OCOIST 009€ OCGCOT SCOES ‘1 ‘(o1anue oque[d) CM OAAR "(SATTIAAA LA SANNVO) SAAÜOdH SASUAAIG Y ALTOIAU VT HA NOILISOINON ALIOOHA . . * ‘[NAB 8 "JOUAQJ 88 DSC TOTAUEL 8s& 088 Ge) Loi * ‘91q{tu999p * *9AQUAAOU CG — ‘244090 * “oiquades && ‘7008 * Jorrinl 08 ‘6281 ‘UOIIJU8U29,p os ef op {Lva 217 LA CANNE A SUCRE. LA CULTURE DE "HIS{NOVN 888 °c 006°G 001°r [796 ‘91! 006°€ CLÉ TAIOTOENEETONE 008 ‘7 [280 ‘91! EL 060 ‘7 ILES ‘eI| YSG‘S 6008 |SIT'6 | F93 s08 ‘à |r8a cl|8rr 7 8L& ‘à [100 F1 00 °F 2 OIL CT ODENE aLt aLti! ait ‘ÆSSVLOA 1oqdsoqd “onbrio 016°G |000°J2] LIG‘) Ogg ‘8 |8CL'yL| ace ‘a 080 "9 |818"IL|-681 ‘à 09F°S8 |y10°EL] 89€°] 0G6°6 |cce‘os| CGI 990 °L [068 LG] zgL°T 966 °Y |Y7 LIS‘a [0e ‘e9| 6F8°T ( 1: OYY y |GLS 77 ÆLOZV ‘s2[8)07 SHHGN4O 008 I 080‘J ‘XNOVHO *SooeuiL | F78 ‘0 | 07L°] | oc£ ‘a [080 ‘LI 090 ‘0 | 168 ‘0 | 081‘ | gyc'a locc‘c] 667-0 | LIST Lac 2 Nr cl0cpOL] LOY "0 | Le6‘£ | ges ‘a | sec ‘a l000 ‘81 1680 | SLT NCIS Norte Oo er 60L-0 |"986 *à | 9812 | r82°] |TO1 ‘FI 18€ ‘0 | SL8 ‘à | 269 à | 088 ‘a [099 °2] 0071 | 0086 | gra | 3162 [Sal ‘0à OSL°L | 08c y | gg a |0OSI ‘FE ‘IP ‘1 I ‘I e) © Q È Ne APTE =. > Enei © 5 y an SE] n © x “ a ns à F ” SHTIIAUX ‘eu99S 94191380 9p ‘ABOITX 0007 9P uorytsodwon ‘'SHNNVO » : IWAY * JAMA9T * A9rAuRf 21{W999(] 2IQUIAON ‘ 9140790 24qu91das PETITION ° ‘jerimf 218 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Les conditions culturales qui favorisent plus ou moins la végéta- tion, les pluies et la sécheresse, ete., viennent naturellement modi- fier plus où moins profondément labsorption des principes miné- raux et la régularité avec laquelle ils sont prélevés dans le sol. Les cannes suivantes ont végété dans de mauvaises conditions, malheureusement trop fréquentes dans une cullure peu soignée, et leur composition minérale à varié dans des limites très étendues. La pièce sur laquelle nos échantillons ont été prélevés à été plan- tée en avril 1880. La famure, composée de 250 kilogr. de nitrate de potasse et 500 kilogr. de superphosphate de chaux, a été appliquée tardivement, et les sarclages très négligés pendantles premiers mois qui ont suivi la plantation. Au lieu de couper les cannes à l’âge de 12 ou 15 mois, elles ont été conservées sur pied jusqu’à l’année suivante ; et elles avaient 21 mois lorsque le dernier échantillon a été prélevé. Le rendement, qui n’était que de 32960 kilogr. de tiges au bout d’un an, s’est élevé à 71880 kilogr. à la récolte suivante. Les échantillons ont été prélevés dans les mêmes conditions, et en juin et juillet les feuilles et les plants ont été analysés séparé- ment. Les chiffres qui représentent la composition de la matière sèche sont déduits, pour ces deux dermers échantillons, de celle des feuilles et plants analysés séparément, mais dont la proportion relative étant connue, 1l a été facile de calculer la composition moyenne de la sommité entière, afin de pouvoir la comparer aux autres échantil- lons pour lesquels ces deux parties n’ont pas été séparées. En juillet, la végétation, activée par les premières pluies de lPhi- vernage, élait Lrès vigoureuse. En novembre et décembre, toutes les cannes ont fléché ; lors de la prise d'essai en janvier suivant, la flèche avait complètement dis- paru ; mais chaque tige élait pourvue, à sa partie supérieure, de » à 6 bourgeons vigoureux qui remplaçaient la tête proprement dite. LA CULTURE DE LA CANNE A SUCRE. DATE de la prise d'échantillon, 13 jauvier 1881. 17 février — 15 mars 97 avril 4 juin 21 juillet 13 janvier 1882. ÂGE des cannes. 9 mois. 10 11 12 14 POIDS D’UNE TIGE. — — Tige Feuilles. ; entiere, Cannes. kil. 0,300 0,523 0,603 0,824 1,247 1,522 1,797 kil. 0,360 0,523 0,554 0,462 0,785 0,593 0,360 MATIÈRE SÈCHE p. 100. — Cannes. | Feuilles. RICHESSE DU VESOU extrait des tiges. TT — © —— Sucre. Glucose. Janvier. , Février. . Mars. Avril, . Juin . Juillet . Janvier . . Janvier. . Février. . Mars . Avril, Juin. Juillet . Janvier. . = 3. S a Fe _ A ne 2 = 2 À m m2 al 5 ARE o re] el n RE == < Z < O2, DE = = Ex EME x È € = a D eo < o14 8.74 | 11.58 | 0.80 8.49 | 10.22 | 13.84 12.04 8.08 | 0.21 9.68 11 52 9.67 11.33 | 8.49 | 0.44 9.19 | 10.69 | 12.18 9.90 || 7.45 |: 1:48 9°51/|M9.61/1 2164 102371. 07931N0 5521M0 501109416058 8.90: | ,8.20 | 0.66 | 10.94 | 12.53 | 10.55 TEAM ESS TORONI 80009 S41N5 TT IPS n © n 6.51 | 1.81 | 38.01 2.98 | 1.03 | 44.79 | 1.64 | 1.81 | 44.93| 2.82 | 0.55 | 37.04| 2.91 | 1.06 | 48.36 5.23 | 0.99 | 41.30 | 3.15 | 0.75 | 40 85| Composition centésimale des cendres (feuilles). S. a ©ot Qt © I IN =] © OS LEA pi Qt CESSER EE ETS © © OXYDE de fer [=] © © NN © nn 220 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Composition de 4000 kilogr. de matière sèche (cannes). 0 CENDRES ACIDI ACIDE sulfurique CHLORE. CHAUX. SOUDE. SILICE. phosphorique. [uacxésrr kil. | kil. il. sil, kil. | kil. nl Janvier . . . . . .|25,000/2,600|2,185/2,895/0,20012,123|2,555| 3,460 |1,627|0,452 Février . . . . . .|12,700/1,840/1,529|1,026/0,027|1,229 j 228 |0,378|0,131 Mars 0-1 13,000|1-750 1% 5B0 46|0,059|1,241 : 564 |0,22110,214 AVE. 10, 00011210 0,950 4510,14810,951 51| 2,164 |0,28210,055 Juin... .113,90011,270|1L,442 210,01911,459|1,6 915 |0,404|0,147 Juillet. . . . . . .|14,600|1,030|1,£ 29310,096]1,597|1,83( E 0,764,0,145 Janvier . . . . . .|12,200|1,230 j 510,026|0,987 ù 24 |[0,384/0,091 ACIDE phosphorique. CHAUX OXYDE SILICR. kil, «il, i sil, | kil. Janvier . . . . . .|68,400|7,850 É 6,580|3,187|16,833 710,841 Février . . . . . .|67,20016,500|5,228 2912,25116,510/4,950| 9,334/11,89510,517 Mars. . . . . . . .|59,800|6,25015,526 5415,83114,730/12,825|3,175|0,502 Avril . . . . . . .[48,800/5,90013,728|2,396 514,509/2,333|16,670|1,132|0,166 Juin. 0-45 1884628 :13,01412,420|4,635 5110,449/0,887|0,274 Juillet. . . . . . .153,86914,52513,88412,46112,2 4,975 |: 11,047 0,280 Janvier . . . . . .|68,800|6,700 5,020|5,607|3,165 2|21,624 0,468 COMPOSITION DE LA RÉCOLTE ENTIÈRE, CANNES, FEUILLES ET PLANTS. Rendement : 40 000 tiges à l’hectare. , JANVIER. FÉVRIER. MARS AVRIL JUIN. JUILLET ISA E = = kil. kil. kil. Acide phosphorique. . . . . . .| 17,794| 35,062| 40,370| 26,215] 46,415| 39,314] 66,466 — sulfurique . . . . . . . .| 18,545| 28,304! 50,120] 17,963| 34,448] 31,874] 28,157 Chlore. . . . . . . . . . . . .| 9,442| 11,778| 23,173| 18,850| 16,440| 12,945| 26,092 Chaux . . . . . . . . . . . . .| 23,321| 39,099! 40,323| 29,182] 49,599| 49,276| 34,785 Magnésie. . . . . . . . . . . .| 14,239] 33,452| 35,875] 19,891) 53,778] 43,874). 32,931 Potasse. . . . . . . . . . . 1. .| 55,910| 54,705] 79,327| 94,077| 80,332| 80,265 |"138,947 Soude . . . . - .… . : . . . . | 3,509) 11,778] 19,210) 7,747) 11,197) 13,283) "8,715 Oxyde de fer. . . . . . . . . .| 3,326| 3,368] 4,330l 1,281] 3,740| 3,526/: 4,000 Silice. . . . . . . . . . . . . .1102,074|196,670|146,224| 97,639|183,247|220,543| 226,729 Cendres totales. . . . . . . . .|248,160|414,216|418,452|312,848/479,196)494,900| 565,500 AZOO ARE LEE Se . .| 28,680! 43,095] 46,461] 38,171] 47,209! 39,021| 55,398 kil, kil, kil. kil. kil. kil. Poids de la récolte verte . . . .| 26490 | 41840 | 45280 | 51410 | 81230 | S4600 — — sèche , . 5119 | 10467 12237 14522 | 20064 | 19779 LA CULTURE DE LA CANNE A SUCRE. A Composition des produits et résidus de la fabrication. Lorsque la canne, dépouillée de ses feuilles, a été transportée du champ à l’usme, elle fournit des produits et résidus diversement utilisés. Les éléments qu’elle a prélevés dans le sol ne sont point totale- ment perdus pour la culture, et comme on n’exporte généralement que le sucre et l'alcool, tous les autres éléments pourraient à la ri- gueur lui être restitués. Le moulin sépare d’abord la partie ligneuse de la plante ow ba- gasse d'avec les jus ; ceux-ci, dans le cours de la fabrication four- nissent successivementles écumes de défécation, puis le sucre, et enfin les mélasses qui, après distillation, donnent l'alcool et laissent comme résidu final les vidanges qui renferment la plus grande partie des principes salins contenus précédemment dans les vesous. Bagasse. La bagasse telle qu’elle sort des moulins est composée de : p. 100. DAT ME ON LR PE a D 45 à 50 ET OTE Rent NNRedes 50 à 55 Sucre. ARLe eue MAÉTéreSMINÉrAlES SN CE ER NON La quantité de matières minérales fournie par la bagasse varie suivant la qualité des cannes manipulées et la pression du moulin. La bagasse sèche en contient de 1.11 à 2.92 p. 100 et en moyenne 1.66 p. 100, Si on rapporte le taux de cendres à 11.50 de ligneux, c’est-à-dire à la quantité qui correspond en moyenne à 100 kilogr. de cannes, on trouve que les matières minérales qui restent dans la bagasse sont de 0.172 à 0.240 et en moyenne de 0%,207 par 100 kilogr. de cannes manipulées. DE ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. TABLEAU I. -- Bagasse. COMPOSITION correspondant de 1009 kilogr.| à 115 kilogr. ee de ligneux de bagasse ou à 1000 kilogr. de cannes. COMPOSITION CENTÉSIMALE COMPOSITION des cendres. Extrêmes. Moyennes, sèche. Acide phosphorique . — sulfurique . Chlore . Chaux . Magnésie . Potasse. Soude . Oxyde de fer. . Silice. . ee ni 0,038 1,396 LYMNIMI © SOC C = e AC 2) =] Matières minérales totales. . . . . . . j 2,070 AZOLOS EE Lee dite mec ET Ce Des eee : 0,310 Le tableau 1 donne, avec la composition centésimale moyenne des cendres de bagasse, celle de 1000 kilogr. de bagasse sèche et les matières minérales contenues dans la bagasse produite par 1000 ki- logrammes de cannes écrasées au moulin. Le taux moyen des cendres de la canne à sucre étant de 0.35 p. 100, il en reste environ 0.20 dans la bagasse, soit approximative- ment 97 p. 100 des matières minérales totales ; l’autre partie passe dans les jus. Le rapport entre les éléments constitutifs des cendres n’est plus le même dans la canne que dans la bagasse ; la silice reste en grande parlie dans cette dernière, tandis que les autres éléments passent en plus grande proportion dans le vesou. Dans les colomies, la bagasse est toujours employée comme com- bustible, et c’est une grande ressource pour les usines qui ne peu- vent se procurer du bois où du charbon de terre qu’à des prix très élevés. LA CULTURE DE LA CANNE A SUCRE. 229 Bien que les matières salines qu’elle renferme ne soient qu’une faction de celles contenues dans la canne entière, leur importance est loin d'être négligeable quant à la restitution à faire au sol qui a produit la récolte. L'emploi de la bagasse pour le chauffage des appareils entraine fatalement la perte totale de l'azote etdes matières organiques, mais les cendres peuvent et doivent être ulilisées soigneusement pour la fertilisation des terres. On a souvent conseillé aux fabricants des colonies d'utiliser com- plètement la bagasse à la confection d'engrais, et de proscrire son emploi comme combustible ; mais, en dehors de certains cas spé- claux, il serait bien difficile d'apporter une tellé modification au système suivi jusqu'à présent. Il serait cependant parfois très utile de réserver une partie de la bagasse pour fabriquer des composts dont on activerait Ja décomposition en arrosant la masse avec des vidanges de distillerie. Ainsi que nous l'avons déjà fait remarquer, l’incorporation de phosphates tribasiques à ce mélange permettrait avantageusement de substituer ces derniers aux superphosphates employés habituellement pour la fumure des terres. La bagasse sortant des puissants moulins en usage à la Guade- loupe est envoyée directement dans les foyers, mais la quantité d’eau qu'elle contient encore, en absorbant une partie du calorique développé, nécessite néanmoins Pemploi d’une quantité plus ou moins considérable de charbon de terre. La dessiccation préalable de la bagasse par la chaleur perdue dans les usines permettrait la suppression de la presque totalité du charbon employé habituellement; mais on ne peut songer à la dessécher au soleil, ainsi que cela se pratique encore dans certaines localités. À Cuba, on n’emploie que peu ou pas de charbon; mais on fait sécher la bagasse au soleil et on utilise encore en plus une certaine quantité de feuilles de cannes. Ce système est incompatible avec la marche normale d’une usine, car la moindre pluie qui survient fait suspendre la fabrication faute de combustible, et si le temps reste pluvieux pendant quelques jours, la provision de bagasse sèche est vite épuisée, et l'usine doit forcément s'arrêter au moment où, au / 224 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. contraire, on devrait redoubler d'activité avant que les pluies fas- sent sentir leur influence désastreuse sur la qualité des cannes à récolter. Wray décrit dans les termes suivants les inconvénients du séchage de la bagasse au soleil: «J'ai vu des périodes très longues de temps pluvieux survenir précisément quand le planteur était le plus pressé de faire sa récolte. Souvent 11 y a de 20 à 30 hectares de cannes bonnes à couper, ou dont une portion est même déjà gâtée lorsque la pluie survient, soit par torrents, et continue, soit seulement par ondées, ce qui suffit pour empêcher la bagasse de sécher ; en conséquence, la fabrication du sucre est forcément interrompue, quelque désastreuse que soit cette mterruption. « Quelquefois le planteur occupe les travailleurs à proximité du moulin, afin de pouvoir rentrer la bagasse en cas,de pluie soudaine. Un rayon de soleil brille, on en profite pour l’étendre et la faire sé- cher ; un nuage se montre, tous les bras sont mis en réquisition en un moment; quelques gouttes de pluie tombent et le nuage passe ; c'était une fausse alerte; chacun retourne à sa besogne. Voici un autre nuage, nouvel enlèvement de la bagasse ; nouvelle dispersion des ouvriers quand le nuage s’est dissipé. En voici encore un; il tombe quelques gouttes d’eau, les ouvriers sont appelés en toute hâte ; ils accourent de tous côtés ; mais, hélas ! il est trop tard, Les ouvriers de la sucrerie, les domestiques même de la maison, sont inutilement mis à louvrage ; la pluie tombe par torrents; en peu de minutes, la bagasse est aussi mouillée que si elle venait d’être re- ürée d'une pièce d’eau. Comme il faut plusieurs jours de soleil pour que ce désastre puisse être réparé, le moulin est arrêté ; les cou- peurs de cannes se meltent à une autre besogne ; et la fabrication du sucre est suspendue au grand préjudice de toutes les parties de l'exploitation. » Le personnel employé directement au séchage de la bagasse est également très coûteux; et à Cuba, dans une usine qui écrasait de 290000 à 500000 kilogr. de cannes par jour, nous avons compté 90 bœufs, 8 hommes et 3% femmes et enfants employés constam- ment à ce travail. LA CULTURE DE LA CANNE A SUCRE. 225 Vesou. Les matières minérales qui entrent dans la composition des jus peuvent naturellement être obtenues en faisant la différence de celles contenues dans la canne entière et dans la bagasse. Dans un essai direct, nous avons obtenu les résultats suivants sur un vesou à 10 degrés Baumé contenant 1.96 grammes de cendres par litre, soit 1.83 p. 1000 en poids. Dans ce cas, la quantité de sels qui correspondrait à 100 kilogr. de cannes serait donc de 0K,157, en admettant une pression de 75 p. 100 ; soit 1*,370 par 1000 kilogr. de cannes. TABLEAU II. — Vesou. COMPOSITION CENDRES CENDRES centésimale par par 750 kilogr. de jus ou 1 000 kilogr. — CO*: de vesou. de cannes. Gr. ACITeRPDOSDROTIQUE PEN MS NS : 24,24 EU SUIUTIQUE ER OU LS Se 30,11 (CS É SCC ANT ERP PER . 6: 3,21 CHAT AE Ce RULES En : 22 STI MERE MER Meme ce UMP men nf. "1307 31,61 BOLASSOE RME MELON TL. LINE AUTRE 13: SH SOUDE RS rt een trs: rentrent Pole cc : 3 12 DRNTONENEr A EMARE MS"... NT SRE AUX 3,91 SUEDE ar SR RER # 39,60 des cendres hectolitre 7} 1 C9 © " CS CC CS OS EC ON OMOMNNI MO MONES 1 COMMON ONE 0 0 0 0 0; 0 0 0 0 mi RENOreSUtAleS TL. JE CONTRE EL TAÉE 00 Sucres. La fabrication du sucre brut à la Guadeloupe diminue d’impor- tance d’année en année, et aujourd'hui l’exportation des sucres turbinés altemt environ les quatre cinquièmes de la production totale. ANN, SCIENCE AGRON. — 1886. — 1. 19 226 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Les sucres de premier jet sont d’une richesse assez uniforme et donnent en moyenne les résullats suivants : EXTRÊMES,. MOYENNE. SUCRÉ PME SAUNA. AUOT. CNE SC S DIBO DES 0 99.25 GIUCOSEMNE, 7 6 Le METIER. 0.10 0.30 0.15 GER ANESREMNNE PA ANRE NN ERA 0.10 025 0.15 HAE OM NT tne el ORAN TRE 0.10 0.35 0.20 DIVETS TEE EME RAE RAS SE OS 0.50 0.25 100.00 Ces sucres non claircés expédiés aux Etats-Unis présentent la com- position suivante : EXTRÊMES. MOYENNE. EE A, — SULTAN ES Ce LT IE 00 6 0007245 0 97.00 Glucose LUCE 0.70 1.50 0.90 CeNndres RC PE (0) (22 0.36 0225 HAU:L PANNE EN Puy L Are le 0.60 1.20 0.90 DIVERS 08e VO es dre CPR MEN 1. 0.40 1.10 0.95 100.00 La richesse des sucres de deuxième et troisième jets varie suivant la qualité des sirops et les procédés de fabrication. Quant aux sucres bruts, la variation est encore plus considérable ; et leur classification, basée sur la nuance, a complètement perdu sa valeur depuis qu'ils se vendent d’après leur richesse saccharine. A la Guadeloupe, le prix de vente de la bonne quatrième a encore une certaine importance, car c’est d’après sa valeur qu'est fixé le prix de la tonne de cannes. Des échantillons de sucres bruts de diverses nuances et prélevés de façon à représenter chacun la moyenne de la bonne quatrième à une époque donnée, ont fourni les résultats suivants : 1 2 3 SUCTORMM ES EE CAR) RENNES 85229 86.50 86.00 GIUCOS CR A... TL I SRE 4.01 3.21 2.62 HENCTTES EST EL CO 1.56 1722 189 Eau et matières organiques . . . . . 9.18 9.07 10.03 Rendement ae 2: er 69,43 73.98 74.01 LA LA CULTURE DE LA CANNE A SUCRE. DT Par les analyses ci-après, on peut se rendre compte des qualités extrêmes qu'ils peuvent atteindre : 3 2 3 + 5 6 7 8 9 Sucre . . . 87.00 88.50 83.00 85.25 87.50 88.50 89.00 75.50 76.00 ENS CUISSON AUS. 56000 321,,1290\ "18€, 2.60 7.90% MAT CARTES NO ST 10 LT OS L'SOEC DS ECU.72: EAST ES Humidité.) 29 go; | 685 830 640 7.10 6.25 12.65 8.35 Det PMR OU: | JS 9 9 0 10 CGR LAS. 2.47. 265 Le rendement avec les coefficients 2 et 5 varierait donc pour ces divers lots de 44.81 et 52.30 pour les n°* 9 et 8 jusqu’à 80.17 et 80.20 pour les n°° 6 et 7. En somme, la composition des sucres bruts peut varier de : To à 92 pour le sucre cristallisable. 1.50 à 12 pour le sucre incristallisable. 0.70 à 1.90 pour les cendres. Les cendres du sucre brut sont constituées en majeure partie par du sulfate et du carbonate de chaux provenant de la chaux em- ployée à la défécation ; et 24 échantillons bonne quatrième ont donné des cendres ayant la composition suivante : TABLEAU III — Sucre. COMPOSITION CENDRES centésimale |dans 100 kilog. — CO*. de sucre. Acide phosphorique. . — sulfurique. Chlore. Chaux . Magnésie. Potasse . soude . Oxyde de fer . Silice . Cendres totales . 228 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Ecumes. Les écumes de défécation qui sont, dans certaines colonies, reje- tées comme un résidu de nulle valeur, sont, à la Guadeloupe, re- cueillies précieusement pour la nourriture des animaux de travail auxquels elles donnent une vigueur et un embonpoint remarqua- bles. Les écumes sont riches en éléments nutritifs et constituent un aliment de haute valeur ; elles sont particulièrement utiles pour la nourriture des chevaux et des mulets pendant les travaux de la ré- colte. Le taux de cendres varie dans les écumes suivant la quantité et la pureté de la chaux employée à la défécation ; et les différences assez considérables que l’on observe dans le taux de sucre et de matière sèche, tiennent à ce que le lavage des écumes ne se fait pas toujours très méthodiquement. Composition immédiate des écumes. ÉCUMES FRAÎCHES. ÉCUMES ———— =— sèches. Extrêmes. Moyenne. Moyenne. Humidité Cellulose. . Cendres. k Matières azotées ! . Graisse . Sucre. DA SRE D TES Matières non azotées diverses . mm 9 NN 09 19 CS Matière sèche. 1. Dont azote. Les cendres d’écume sont remarquables par leur richesse en acide phosphorique ; cet élément est complètement éliminé à l’état inso- luble par la défécation. LA CULTURE DE LA CANNE A SUCRE. 229 Les alcalis restent au contraire en dissolution dans les vesous et passent ensuite dans les mélasses; les écumes n’en contiennent qu'une quantité insignifiante ; 1l en est de même pour l'acide sulfu- rique et le chlore. TABLEAU IV. — Composition minérale des écumes. COMPOSITION CENDRES POUR 100 KILOGR. centésimale A — des cendres. d’écumes d’écumes Moyennes. fraîches. sèches. Kil. ACITeIDhOSpNOrIQUE + ANNEE NN 1e 1,069 TT SUIIURIQUEMER-HC CUS "6 0,154 GORE AC RERENEN NIET RE 0,011 OA TR IDE ED A PAL CRUE x 1,909 MASNÉS TEEN ee or 21: De 0,142 DAS SE EVER SRE SENTE 6 7 0,048 SONO N PT SPAS ET TE T0 : 0,019 OXVTBETeR CES PME SANS NT SET FES 0,451 SUCER NE ee me cet de : 1,438 AGITELCATDONITUCS- ME A TEEN MES De . 0,809 Matières minérales totales . . . . . . . 6,050 AGENT. ere PIERRE AIN TIE AN AMIE FNO. 589 Meélasses. Après l’extraction du sucre, les mélasses restent comme dernier résidu de la fabrication. Leur richesse saccharine totale est variable suivant que les sirops ont été plus ou moins concentrés et suivant la quantité d’eau em- ployée au clairçage des sucres et au lavage des appareils ; mais le rapport du sucre cristallisable au sucre total, dépend de la qualité des cannes manufacturées et du travail plus ou moins complet des Sirops. Les mélasses de cannes contiennent une forte proportion de sucre cristallisable, et les conditions actuelles du marché et le bas prix des 230 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. . sucres, viennent encore diminuer le faible avantage que l’on pouvait avoir à les épuiser le plus complètement possible. Les mélasses de la Guadeloupe ont donné les résultats suivants : EXTRÊMES. MOYENNES. SUCLENCHSLAIISADIE RE ET SOC G 00 39.52 GIuCOSe ENS SIREN EURE NA F2 7269 16.47 CENANES NE LS AS ARR EST ETS DATA 00 4.27 Eau et matières organiques . . . . . . 30.81 à 46.70 39.74 100.00 La richesse saccharine totale à varié de 46.40 à 64.79 p. 100, et les rapports extrêmes du sucre cristallisable au glucose ont été de 10.52 de glucose pour 45.50 de sucre dans la mélasse Ja moins épuisée, et de 27.69 de glucose pour 37.10 de sucre dans celle où l’extraction était la plus complète. Dans les cendres de mélasses, on retrouve sensiblement tous les sels primitivement contenus dans les vesous, et qui n’ont pas été éli- minés par la défécation ; on y rencontre en outre une quantité no- table de chlorure de sodium qui provient de l’eau emplovée pour lPimbibition, le lavage des appareils, etc. L’acide phosphorique a été éliminé par la défécation, et ce corps n'existe dans les mélasses qu’en proportion très réduite; mais la potasse contenue dans les jus s’y retrouve presqu’en totalité. Comme les vidanges de distillerie ne sont pas utilisées, il en résulte que toute cette potasse est perdue pour la culture, sauf cependant celle contenue dans la mélasse employée pour l'alimentation du bétail, mais qui n’est jamais qu'en proporüon très faible relativement à la production totale. En raison de l’état de dilution des vidanges, il ne serait guère pratique de les incinérer pour en retirer l'élément salin ; mais il se- rail souvent avantageux de les employer dans la fabrication des composts, ou peut-être même à la fertilisation directe du sol après la neutralisation de leur acidité par la chaux caustique on le carbo- nate de chaux pulvérisé. LA CULTURE DE LA CANNE A SUCRE. Dal TABLEAU V. — Composition minérale des mélasses. CENDRES contenues dans L - | 100 kilogr. Extrêmes. Moyenne. | de mélasse. Kil. Acide phosphoriques. & : ile .6 .38 0,059 ACITeSUIUTIQUENEE. © MANN .62 ; , 0,563 CROP ETES NAME À ; 0,757 CAUSE NEO NE eue ee Pa ES 276 À 3. 0,592 COMPOSITION CENTÉSIMALE des cendres — CO*. MATE RR RP en ot R CCR SNA .8 . 6 0,456 BOLASSO RE AN ee ce, 0 NRA a OO E 36. 8-1: 1,202 SOUS LUN 0 SAME MERE PÉPAREU : IE .3: 0,356 DESIGNS MÉMORRSNENRNE ENS ENEECARENE (EE ALT 192 0,039 SIC MR RL se n3 : 2. 0,246 Cendres totales. . LA Si, avec les chiffres précédents, on veut calculer quelle est, dans une récolte déterminée de cannes, la proportion d’éléments miné- raux qui retourne au sol par une voie plus où moins directe, on ob- tiendra les chiffres du tableau VI qui représentent : 1° La composition de 1000000 kilogr. de cannes d’après la moyenne obtenue p. 199. 2" La teneur en matières minérales de la bagasse produite par ces cannes d’après la composition du poids de bagasse correspondant à 115 kilogr. de ligneux ou 1000 kilogr. de cannes (tab. D); 3° La composition du vesou extrait donnée par la différence des chiffres précédents. En calculant la composition des jus d’après celle du vesou (ta- bleau ID), on obtiendrait un résultat présentant une légère diffé- rence ; mais nous ferons observer que l'analyse directe du vesou n’a été faite que sur un seul échantillon, tandis que les analyses de ba- gasse sont nombreuses ; de sorte que la différence entre la compo- 232 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. sition moyenne de la canne et celle de la bagasse représentent plus sûrement la composition moyenne du vesou extrait des 1000 tonnes de cannes ; 4 La composition de la mélasse calculée d’après la moyenne du tableau V et en supposant que le rendement ait été de 3 kilogr. de mélasse par 100 kilogr. de cannes. D’après ces données on remarque que sur les 429 kilogr. d’acide phosphorique de la canne, un quart environ reste dans la bagasse et les trois autres quarts passent dans les vesous puis sont éliminés par les écumes. L’acide sulfurique se retrouve presque complètement dans les mélasses. Pour la polasse, des 461 kilogr. primitifs, on en retrouve un peu moins du tiers dans la bagasse ; l’autre partie passe dans les mélasses, et 1l n’en reste qu’une quanlité insignifiante dans les écuïnes. Le chlore el la soude, la chaux, l’oxyde de fer, en excès dans les résidus, proviennent : le chlorure de sodium des eaux de lavage, la chaux de la défécation, et l’oxyde de fer de l’attaque des appareils par les Jus, etc. | Les éléments contenus dans les écumes retournent au sol après avoir servi à l’alimentation des animaux ; et si les cendres de ba- “gasse sont recueillies soigneusement et utilisées pour la fertilisation des terres, 1l n’y a donc de complètement perdu pour la culture que l'azote de la bagasse et les matières minérales des mélasses qui contiennent environ les trois quarts de la potasse totale prélevée dans le sol. L’acide phosphorique peut donc être restitué presque en totalité à la terre, tandis que les alcalis sont perdus en grande partie ; et c’est une cause à ajouter à celles déjà signalées à propos de la consom- mation de la potasse dans la culture de la canne à sucre. LA CULTURE DE LA CANNE A SUCRE. 233 TABLEAU VI. — Matières minérales contenues en moyenne dans 1000000 kilogr. de cannes. COMPOSITION | COMPOSI- | COMPOSI- COMPOSI- TION de 1000000 kilogr. de cannes. TION TION du vesou (par difré- rence). de la bagasse de la mélasse produite. produite. kil. 326 212 Acide phosphorique. Acide sulfurique. M HIEONE CHIOTS MSN PER TE 5 S 148 294 316 il Chaux. Magnésie. Potasse soude . Oxyde de fer . Silice . Matières minérales totales . Azote . Une usine travaillant annuellement 25 millions de kilogrammes de cannes, peut donc, par l’utilisation des résidus, faire retourner au sol environ : KIL. Acide phosphorique par les cendres de bagasse. 2500 — par les écumes . 7500 Total . 10000 Potasse, par les cendres de bagasse . 3900 et il se perd en outre par les vinasses environ 7500 kilogrammes de potasse. De l'extraction du vesou. Extraction par les moulins. L’extraction du liquide sucré contenu dans la canne à sucre se fait, à part de rares exceptions, par le moven de moulins ou lami- noirs plus ou moins puissants entre lesquels la canne est écrasée ; les jus refoulés par la pression, s’écoulent en avant des cylindres et le ligneux ou bagasse tombe de l’autre côté. 234 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Dans l’origine, le moulin à cannes consistait en trois cylindres placés verticalement sur une même ligne et celui du milieu qui s'engrenait avec les deux autres était mis en mouvement par des animaux de trait. Plus tard, les cylindres ont été placés horizontale- ment, et l’eau ou le vent utilisé comme force motrice. Ces appareils d’une construction généralement défectueuse n'ont été l’objet de perfectionnements importants, tant dans la régularité de leur travail que dans leur puissance effective, que lorsque les forces motrices précédemment employées ont été remplacées par la vapeur. Aujourd'hui, avec les puissants moulins de construction récente, on est loin des 45 ou 50 p. 100 de vesou que l’on obtenail autre- fois, et on atteint facilement jusqu’à 75 p.100 de pression, etmême du delà, suivant la qualité de la canne et sa proportion plus ou moins considérable de ligneux ou matière fibreuse. Le moulm ordmaire est composé de trois cylindres horizontaux et disposés aux trois sommets d’un triangle. Les deux cylindres in- férieurs, placés sur le même plan horizontal et plus ou moins distants l'un de l’autre, sont surmontés par le troisième qui doit par consé- quent exercer deux pressions successives : sur les cannes avec le premier cylindre, et sur la bagasse avec le second. La pression n'atteint sa plus grande efficacité que lorsque le mou- lin est alimenté régulièrement et abondamment. Avec une alimenta- on suffisante, l’espace compris entre les deux cylindres est com- plèlement rempli par les cannes écrasées, et ie Jus, refoulé sur toute Ja largeur du moulin, déborde en avant du premier cylindre. Quand, au contraire, l'alimentation est insuffisante, ou lorsque les cannes sont réparties irrégulièrement à l’entrée du moulin, il en ré- sulte des vides plus ou moins nombreux par lesquels le vesou s’in- filtre et imbibe à nouveau les cannes déjà écrasées, au lieu d’être refoulé uniformément et complètement en avant des cylindres, ainsi que cela se produit quand la couche laminée est suffisamment com- pacte et serrée. Cet inconvénient à surtout de limportance pour le premier cylindre ou cylindre à cannes ; car lorsque les tiges ont été écrasées une première fois, elles passent avec plus d'uniformité dans le roll à bagasse dont la pression est alors plus régulière et plus énergique. LA CULTURE DE LA CANNE A SUCRE. 23D La pénétration du vesou entre les deux premiers cylindres est encoré facilitée par leurs positions respectives. Le cylindre supérieur étant plus en arrière que l'inférieur, il en résulte que la ligne de contact de ces deux pièces est légèrement en contre-bas de l’arête supérieure de ce dernier par-dessus laquelle le liquide extrait doit se déverser. Get inconvénient est évité quand les cylindres sont ac- couplés verticalement par paire comme dans les moulins à quatre ou huit cylindres; mais on obtiendrait peut-être encore un résultat plus satisfaisant en donnant à chaque couple les positions relatives des deuxième et troisième cylindres dans les moulins ordinaires. C’est fréquemment à l'irrégularité de l'alimentation du moulin qu'il faut attribuer la faible extraction que l’on obtient parfois avec des appareils relativement puissants ; et les excellents résultats pro- curés par les défibreurs tiennent aussi bien à ce que les cannes pas- sent plus régulièrement qu’à la pression plus énergique qu'ils per- mettent d'obtenir quand les cylindres n’ont plus à comprimer que “des tiges déjà écrasées à l’avance. Par la répression de la bagasse dans un moulin semblable au premier, après l'avoir humectée ou imbibée avec une quantité convenable d’eau, on augmente considérablement l’effet utile de ces appareils. L’extraction est alors supérieure à la pression normale du mou- lin, et le liquide qui reste dans la bagasse n’est plus constitué que par du vesou mélangé d’eau dans une proportion variable, suivant que limbibition a été plus ou moins copieuse. I en est de même dans le moulin à pressions multiples de Lahave et Brissonneau, dans lequel la canne est soumise à quatre pressions successives. Entre chaque pression, la bagasse maintenue à l'abri du contact de l'air peut recevoir une injection d’eau ou de vapeur, ct on arrive ainsi au maximum d'extraction qu'il est possible d’ob- tenir des moulins. Composition du vesou suivant la pression. Le vesou sortant du moulin renferme toujours des débris de cel- Jules qui en troublent la limpidité ; dépouillé de ces particules en 236 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. suspension par la filtration sur une toile fine, il présente néanmoins un aspect laiteux qui varie d'intensité avec la qualité des cannes travaillées et la pression employée pour lextraire. Provenant de cannes müres et avec une légère pression, le vesou est légèrement opalescent et peu coloré ; au fur et à mesure que la pression devient plus considérable, son opalescence augmente, il devient trouble et d’une teinte jaune verdâtre de plus en plus pro- noncée. On croit souvent que la richesse saccharine du vesou est identique, quelle que soit la pression atteinte par le moulin, et que la diffé- rence que l’on peut observer avec une pression extrême n’est due qu'à une plus forte proportion de matières organiques dans le li- quide sucré. On a même pensé parfois, que les dernières parties du vesou qui restent dans la bagasse étaient d’une plus grande richesse que celles qui étaient extraites par une pression moins con- sidérable. La vérification de ce fait a une certaine importance au point de vue de l'extraction, car l'augmentation de la pression des moulins et l’imbibition avant la répression seront d'autant plus urgentes que les dernières parties du vesou à extraire seront d’une plus grande richesse saccharine. Les essais que nous avons entrepris à ce sujet indiquent au con- traire une diminution de richesse en rapport avec la pression, et, ce qui était naturel, une augmentation proportionnelle dans le taux des matières organiques. Ce résultat est dû à la différence de constitution des différentes parties de la tige. La partie corticale et la partie nodullaire pré- sentent une plus grande résistance à l’écrasement que la partie mé- dullaire de la plante ; et celle-ci, dont le vesou est exprimé plus fa- cilement et plus rapidement, contient un jus plus riche et moins de ligneux que les premières’. Le vesou moins riche de l'écorce et des nœuds ne s’extrait que lorsque la pression atteint sa limite ex- trême. | Les chiffres que nous avons constatés sont moins accentués que 1. Voir page 152. LA CULTURE DE LA CANNE A SUCRE. 231 ceux qu'on doit obtenir dans la pratique. Nous n’avions à notre dis- position qu’un petit moulin à bras dans lequel les cannes ne pouvaient passer qu'isolément, de sorte qu'une partie du vesou exprimé, au lieu d’être refoulé totalement en avant des cylindres, se trouvait réabsorbé par la canne déjà laminée et mélangé au liquide qui devait être extrait par une seconde pression ; néanmoins, la dimi- nution dans la richesse saccharine est assez sensible et très caracté- ristique. Pour l’analyse, le vesou passé sur une toile fine pour le débarrasser des plus gros débris et de la folle bagasse, a été additionné de sous- acélate de plomb jusqu’à précipitation complète. Dans le magma desséché et pesé, on a dosé l’oxyde de plomb, et les matières orga- niques ont été obtenues par différence. Composition du vesou suivant la pression. VESOU RICHESSE DU VESOU extrait en volume. de 100 kilogr. de cannes. Sucre, Glucose. MATIÈRES ORGANIQUES par litre p. 100 de vesou. de sucre. 1'° pression. 92e En eh et the CS © et lt En 1865, M. le D' Icery avait déjà constaté à Maurice que la 238 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. richesse des jus diminuait avec la pression et avait obtenu les résul- tats suivants : VESOU 1 VESOU 2 1er jet. 2e jet. 1er jet. 2e jet. Densité SAP 1.084 1.079 1.080 1.078 SUCRE AAC DER EC CO 18.90 19.60 18.50 Matières albuminoïdes p. 100. . . 0.18 07 0.16 0.20 CendreS RAMODUPN EE EME ME 0,20 022 0.13 0.23 Richesse saccharine de la bagasse. La quantité de vesou qu’on extrait de 100 kilogr. de cannes est très variable ; et si parfois on perd un quart du jus sucré qui y est contenu, d’autres fois, avec la répression et l’imbibition, on arrive à ne laisser dans la bagasse que de 1 à 1.50 de sucre p. 100 de cannes. Cette proportion varie avec la puissance des moulins, et avec le même appareil, suivant la qualité des cannes manipulées, la quantité d’eau employée à l’imbibition, l'alimentation du moulin, etc, Nous donnons ci-après la richesse saccharine (sucre et glucose) de bagasses prises dans diverses conditions et provenant de diffé- rentes usines de la Guadeloupe. Les dosages sont rapportés à 100 de bagasse sèche, et pour quel- ques échantillons dans lesquels le ligneux a été dosé directement, nous donnons la quantité de sucre contenue dans 11.50 de ligneux, c'est-à-dire rapportée à 100 kilogr. de cannes. SUCRE TOTAL. Pour 100 Pour 11.50 de matière sèche. de ligneux. Moulins ordinaires . je 92220 3.39 = = 2e 17.96 2.68 = == Ne 3. 15.00 2 AD — avec répression. il 14.20 1.96 == — be PT ste NE: VA 12.00 1.63 — avec répression et imbibition 1. 10.94 » — — — 2. 10.45 1.41 = — ee 9. [ee © 12 > © [= 2 (o 2) | | | œ ne (ee) £ £ LA CULTURE DE LA CANNE A SUCRE. 239 Nous ne donnons point ces chiffres comme des moyennes, mais seulement comme des résultats obtenus directement dans diverses conditions. Dans une usine nous avons constaté un taux de sucre p. 100 de matière sèche de 14.99 dans la bagasse ordinaire et de 9.72 dans la bagasse de répression. Exceptionnellement, nous avons trouvé seulement 3.85 de sucre dans la bagasse de répression, tandis que la bagasse ordmaire en contenait 12.19 p. 100. Avec le taux de sucre p.100 de bagasse sèche on peut calculer approximativement ce qui en reste par rapport à la canne, en ad- mettant que 100 kilogr. de cannes à 11.50 p. 100 de ligneux don- nent de 12.50 à 14.50 p. 100 de leur poids en bagasse sèche sui- vant que l'extraction du sucre a été plus ou moins complète. La bagasse d'usine sortant du moulin contient de 45 à 50 p. 100 d'humidité et de 50 à 55 p. 100 de matière sèche (ligneux et sucre). L'analyse de la matière sèche sur quelques échanullons a donné les résultats suivants : 1 2 3 L 5 6 MÉNEUN RE MERTAR UE NISS OLD CMS GE AOPMeS OSISS 25 ESS O0 SUCLEMIOA ER 20 JR IOR2 0P 0 05 0022220 Matières minérales . 157 IL, TE 1.66 110) on je (0) Soluble et pertes . OR TASSE 64 0.90 Depuis quelques années, on s’est beaucoup préoccupé d'appliquer à la canne l'extraction du sucre par le procédé de la diffusion qui depuis longtemps déjà est employé dans la fabrication du sucre de betteraves. Des essais se poursuivent actuellement, mais on n’en connaît pas encore les résultats ; ceux entrepris à la Guadeloupe en 1884 n’ont point tranché la question, et pendant l'épuisement des cossettes, il se produisait toujours une notable transformation du sucre cristallisable en sucre incristallisable. L’extraction en elle-même ne laissait rien à désirer et la pureté des jus était plus considérable que dans les vesous de moulins ; dans ces essais, les matières organiques qui étaient de 6,100 grammes par litre dans les jus de moulins n'étaient que de 3,200 grammes dans les jus de diffusion, ce qui correspond à 8.48 de matières or- ganiques p. 100 de sucre dans le premier cas et à 2.71 p. 100 240 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. dans le second, les jus étant ramenés à la même densité ; le taux de matières minérales dans les jus ne présentait pas de différence sen- sible. Lorsque la transformation du sucre cristallisable ne sera plus à craindre pendant la diffusion, ce procédé sera certainement le plus rationnel pour l'extraction du sucre contenu dans la canne ; mais nous pensons qu’on exagère ses avantages lorsqu'on assure qu'il est appelé à révolutionner entièrement la fabrication coloniale et qu'il permettra de résister victorieusement à la crise actuelle. Nous ne mettons pas en doute les mérites et les avantages parti- culiers de la diffusion appliquée à la canne à sucre; mais à part la transformation de l’outillage, l'augmentation des dépenses de chauf- fage, l’utilisation problématique des cossettes comme combustible, etc. il est évident que l’augmentation dans les rendements comparés à ceux obtenus actuellement ne pourra se produire que par Pépui- sement plus complet des résidus; or, cette augmentation sera bien différente dans les fabriques où la pression d’un faible moulin n’at- teint que bo ou 65 p. 100, et dans les usines où, avec une pression de 75 p. 100, on pratique l’imbibition de la bagasse et sa répres- sion. Si la diffusion s'impose pour la création de nouvelles usines ou pour celles qui possèdent des moyens d’extraction peu énergiques, il n’en sera peut-être pas de même pour celles qui ne laissent dans les bagasses que 1.50 de sucre p.100 de cannes travaillées ; et pour ces dernières, on se méprendrait étrangement sion comptait obtenir avec la diffusion une augmentation dans l'extraction du sucre de # à o p. 100 du poids des cannes, et si on pensait qu’il reste dans la bagasse des moulins, ainsi qu'on le répète souvent, un quart où un tiers du sucre contenu primitivement dans la matière première. Prix de revient de la culture et de la fabrication. Si les dépenses de fabrication présentent assez d'uniformité dans la mème usine et tendent à diminuer d'année en année en raison des perfectionnements apportés dans lextraction et la fabrication du sucre, il n’en est pas de même du prix de revient de la canne LA CULTURE DE LA CANNE A SUCRE. DA qui varie dans des limites étendues par suite de l'influence con- sidérable exercée sur les rendements par les circonstances atmosphé- riques. Les dépenses de culture étant sensiblement les mêmes chaque année sur une habitation, il en résulte que le prix de revient peut varier du simple au double surtout lorsque les cultures sont négli- gées et peu soignées. La variation du prix de vente de la canne vient encore modifier les résultats financiers d’une exploitation, de sorte que le producteur de cannes peut, d’une année à l’autre, faire de très bonnes affaires ou perdre des sommes importantes. Dans les colonies, le sol appartient, soit à l’usine qui manipule les cannes, soit à un propriétaire qui lui vend sa récolte. Dans le pre- mier cas, le prix fixé pour la tonne de cannes n’a qu’une importance secondaire ; mais il est capital pour le producteur qui la vend et qui ne participe pas aux pertes ou aux bénéfices réalisés par l’u- sine. À la Guadeloupe, le prix sur place du sucre bonne quatrième est pris comme base pour fixer le prix d’achat de la canne, et on paie au producteur une somme égale à la valeur de 5 1/2 ou 6 p. 100 du poids de la canne en sucre brut. Lorsque le prix d'achat de la canne a été fixé d’après cette base, la production du sucre brut était supérieure à celle du sucre tur- biné, et son prix représentait assez exactement la valeur du sucre sur les marchés étrangers. Aujourd'hui, la situation s’est considérablement modifiée ; la fabri- cation du sucre brut tend à disparaitre pour être remplacée par celle du sucre d'usine, de sorte que le marché local du sucre brut est soumis à des fluctuations de prix qui sont loin de toujours suivre la valeur réelle de cette denrée. C’est pourquoi le mode d’achat des cannes suivant leur richesse saccharine doit aujourd’hui prévaloir ; ce système est évidemment d’une application un peu plus difficile et compliquée que la fixation de leur prix suivant la valeur du sucre brut, mais il est plus équitable et plus rationnel. Il permettra jusqu’à un certain point de répartir entre le producteur et le fabricant les bénéfices réalisés lorsque les cannes sont d’une richesse supérieure ; ANN. SCIENCE AGRON. — 1886. — 1. 16 242 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. el la cerütude d’une vente plus rémunératrice engagera lhabitant à soigner ses cultures et à les récolter en temps et lieu, de façon à les livrer au moment où elles possèdent leur maximum de richesse saccharine. L'analyse des vesous de toutes les propriétés qui fournissent des cannes à l’usine présente certainement quelques difficultés, mais qui sont loin d’être insurmontables. Depuis quelques années, le prix d'achat de la canne à beaucoup varié à la Guadeloupe ; et le cours du sucre brut sur place qui se maintenait autrefois entre 22 et 28 fr. les 50 kilogr. est descendu à la fin de la campagne 1884 à 11 fr. 50 c., soit 23 fr. les 100 kilogr. A celte époque, on trouvait même difficilement preneur à ce prix etil fallait des sucres de belle nuance et de première qualité ; de sorte que le prix de la canne, qui était en moyenne de 25 fr. la tonne, est tombé jusqu’à 13 fr. 80 ce. ; c’est-à-dire à un chiffre auquel il n’est pas possible de la produire avec bénéfice. A raison de 6 p. 100 de sucre et suivant le cours de la bonne quatrième, la canne est payée au producteur : Au cours de {1f50 les 50 kilogr. à 13/20 la tonne. — (Zn = 14 40 — — 13 » — 15 60 — + 14 » — 16 80 ne == 15 0 — 18 » — — 16 Se 19 20 — PET _ 20 400 1 — LobH8nts _ PGO LE = 19 » — 22 80 — — 2 » — 24 » = — 2 100 — 25 20 — = 2272) = 26 40 = Prix de revient des cannes. Sur une habitation livrant ses cannes à l’usine, le prix de revient a été le suivant en 1882 et 1885 : LA CULTURE DE LA CANNE A SUCRE. 243 DÉPENSES 1882 DÉPENSES 1883 par 1000 kil. par par 1000 kil. hectare. de cannes. hectare. de cannes. Salaires divers . Nourriture, vêtements et introduc- tion d'immigrants . ; Frais généraux et d'administration. Constructions. Engrais . Totaux. En 1889, la surface récoltée était de 39 hectares et le rendement de 50200 kilogr.; en 1883, la culture comprenait 90 hectares avec un rendement de 43609 kilogr. à l’hectare. Pendant ces deux années, le prix de revient moyen de la tonne de cannes a été de 17 fr. 15 c. ; mais il faut ajouter que l’année précédente, avec un rendement de 26000 kilogr. à l’hectare, le prix de revient s'est élevé à 30 fr. 50 c. M. Monnerot! qui a déjà bien voulu nous faire connaitre les ren- dements obtenus dans ses cultures de la Guadeloupe, nous a égale- ment fourni quelques documentstrès précieux sur les prix de revient de la canne et de la fabrication. Ces chiffres proviennent tous de sa comptabilité et présentent exactement les résultats obtenus sur les propriétés et dans l’usine. Nous avons d’abord le tableau [ qui fait ressortir la tonne de cannes à 21 fr. 84 c. pour une moyenne de sept années et pour une surface cultivée de 526 hectares, divisée en sept habitations dis- tinctes. Le rendement moyen pendant cette période est de 40565 ki- logr. à l’hectare. 1. Au dernier moment, nous apprenons la mort subite de M. Monnerot. M. Mon- nerot, délégué par la Guadeloupe, était venu en France pour y soutenir les intérêts coloniaux pendant la discussion de la loi sur les sucres. Il est mort quelques jours avant le vote de la loi, et n'a point connu le succès dont ses efforts ont été couronnés. M. Monnerot était un homme de haute valeur, et les colonies ont perdu un de leurs défenseurs les plus autorisés. 244 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Les principales dépenses sont donc la main-d'œuvre qui entre ap- proximalivement pour la moitié, et les engrais pour plus du quart des dépenses totales qui se résument en : AIGDALATIENET AIS ER 6107 Main=d'Œuvre: SEEN PR 01297005 DÉPDENSESIIVETSES MP 107002 Dépenses totales. . . . . . 88632 Les dépenses par hectare et par tonne de cannes pour l’année 1885 non comprise dans le tableau précédent sont détaillées pour chaque habitation dans les tableaux IF et IE. Ces différentes habita- tons ont dépensé de 586 fr. 11 c. à 854 fr. 40 c. par hectare et le prix de revient de la tonne de cannes a varié de 17 fr. 55 c. à DLur. 09:c Aucune de ces propriétés n’a pu équilibrer son budget, et les cannes achetées suivant le cours de la bonne quatrième ont été payées 16 fr. 96 c. la tonne, de sorte que la perte culturale a varié suivant les habitations de 0 fr. 59 c. à 14 fr. 13 c. par tonne de cannes, et a été en moyenne de 3 fr. 9 c. en tenant compte de leur production relative. Le tableau IV indique : 1° le rendement de chaque habitation pour 1885, qui varie de 24852 à 43315 kilogr. à l’hectare ; 2° le rapport qui existe entre la surface en cannes plantées et en rejetons de divers âges par rapport à la surface totale cultivée. D 24 A SUCRE. LA CANNE RE DE ] CULTU A L 8 1& | &6 988 | LL egc99y |‘:* ‘ * * soxejoy sosuod9q 0£ 0 gL T1 96 JLI9 7 7 7 7 7 Sostoap sosuod9q OL & J0 OTT 80 &LS2S ‘UOIJRAJSTUIUPE,P J9 XNBI9U9E SIPIT Où 0 86 L 96 LGIY 7 7 7 7 7 7 7 S9Anou SUOIJ9MSU0) y 0 J9LT 00 686 7 1 7 7 7° uaratjue jo suoryesedoy 10 0 CG & 08 OSSI 2 7 © © 2 ÉEAATODAAENr C0 GLATIC 6& &G9LET D D AN D 0 2 9 2 HAE AE c9c0Y ELESSETS &0‘9C |‘soguue £ op auuaKoI( cs +. NES RUN RS Mio a « STGLISGYI DISC OEIL * ‘XnvJ0L OF 0 YO 7 SS Y£IG Mu XNBUIUC S9P AANLIUNON $ ÿ DA 6 &G OF | co Lay | LG Le9vcc * *4AN@,D-UTEU [ 2p [EJOJ 80886 | SYOSGSTS GEL OT ERI &LüEY | 9CICSIEZ PINCE ONE PTE SORA SSI OL O0 98 8è 8L GIGYI 1 7 7 7 SjueSruuu.p sJuouosesug | opoccr | GacI6CEZ DSL TONER | SERGE MST ENT GT 0 &9 9 TO 18YS 77 2 7 7 SJUBISIUUIT S9p SJU2U9)9À JTOSE SGITEOGI LOS 00 rene RIT 07 O0 70 OI IS G6YSs XP DID UT SU OS S6S0£ &SLTOO9T (ODA LRO ET PSC PET 67 & LS OOT LE 09066 © 7 7 © © SJURASIUUUI S9p 91NJHUNON ICLYY D0CET7CEG DES CE OMC" DT er SL 9 DOI CLS O6 IYLYYI St EU DRU TPE SONTETES SGIEY LGYTGOEG F6 Ge FAC EN RE es GISI 9 ‘3 +) A #) à nus ‘LA ‘1004 SP PE RE A RER PEUURO PP, HE VTOUER "O8J)OUT EI ‘180]1X *‘1VLOL ‘SHLANON9 SA NOILVNNISHA “NOILONAOUAX ‘SŒHMNNV OCOT 4184 184 LNHANHANAA SAYVLOUH (SAINKY L HA UNNUXON) SATIMANNV SUSNAIHA SHYHALTINO ‘7887 € 8L8Y ‘ISUOUEI eursn] amod ‘joreuuom ‘4 ‘NI Aed ossexp neoIqeL — ‘I AVATAVL ‘AdAOT4a A9 VIT V AUONS V ANNVO VT AU INAIAAU AQ XIUd LA SCIENCE AGRONOMIQUE. ANNALES DE 246 in Dal © 9S GLL 6L 80 992 « yL CG y LI y S el Ta LS SITAE FL CS 9 cr ÇG 69 Q Par LCL « LE G 16 SYy £S 66£ YO GIF GG 067 SG 767 | Où 077 YY Ccr 67 OI 67 SL GI'LS 99 98 ÿG OS LO 6 yO 96 GL 0G 61 G& COR 66 S 18 9 00 9 CG L Go 9 C6 9 GOY 90 01 60 GG &S 18 °9 2] "LAAAHVN “auvHo "VSI'IH ‘ANVHQUVN "AvLna "LYNONV *"ANON'I9 ‘IVAGHQIX | “LUHONV'IA -WO0S -NV'I4 “(gggyr) exegoou sed sesuedog — ‘II AVATAVL RNA EMA DS © CICIOT tot tt * ‘SOSA9AIp Sosuado( UOIJRAJSIULUPE, p J9 XNBAQUIS SIP} * ? * 7 * ‘S2ANdU SUOIJ9MA/SUU * * ‘ ‘ uorjodjuo 79 Suoreaedoy 20 09 2 D HENATESRTENS RC GET D SIEUON + EN A SYNEMIUR, D SIEU9Y XDEUIUE SP 24nJHANO \ *OIAND P-UTBU EI 9P [UJOL ° * © SJURASIUUI D SJU)UASESUT] SJUBASIUUL SP SJUIU9)9 À D EXT OID A ES UTOS * * ©? SJUPASINIUL SO) 2ANJLANON eee ee + + + soupes ‘SNOILVILIAVH SA SNON © A SUCRE. NE A CAN L E D E H ù ILTUR DL LA *YSIIU LUFHTFNHNOS GUVHONV'IA RS CNT ‘ANVHOUVN ‘navranda *LYNONV *’ANDNI9 “IVAHHOIU | LAHONV'IH ‘(gegr) souueo op euuor xed sosuadoq — ‘III AVATAVL "IBIOL * * ‘ *SaSIaAIPD Sosuada(] UOIJPAJSIUUPE.P 9 XNPAQUPS SIPAJ * SaandU SUOIJINAJSUO") ualjaijua Jo suorjeavdo} ° * ‘HQE 9p — D AE END *XNEUWIUE P SJEU2V ‘XNUUUE S9P 24NJHIMON "AlAND P-UIUU EI 9P [PJ0T,. SJUPISIUUI S9P SJUOWIEEEU * “SJURASILUUT S9P SJUALU97Q À OT NON RSUTOS SJUBASTUUUL SOP 2INLHAINON RE SCO TITIES 248 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. TABLEAU IV. —— Rendement et état des cultures. CULTURES POUR 1856, PRODUCTION EN 1885. proportionnalité des cannes plantées et des rejetons. Rendement | Cannes 1ers 92mes Vieux ' 2 à plantées |rejetons |rejetons | rejetons récoltés. l’hectare. p. 100. | p.100. | p. 100. | p. 100. Hectares kil. Blanc 1100189. 28 33405 , € 68,0 Riehevabestenr 13,61 38788 06,9 Citenae te OO TE DRE 720 pe 49,6 Acomat. . . . 60,84 42342 5 D 3. | 594 Dune —… 1005531118 28515 Marchand. . . . 62,39 33705 Blanchard. , . . 04,43 31231 Sommabert. . . 43,88 30515 Hz Er PRE 24852 Dépenses de fabrication. Les tableaux suivants fournissent quelques renseignements sur les dépenses de fabrication à la Guadeloupe qui varient naturelle- ment avec l'importance de la fabrication et le perfectionnement de l’outillage. 4° Tableau V. — Dépenses d'exploitation et d'administration de l'usine Blanchet pendant quatre années. Les cannes travaillées dans cette usine ont été de : EN SSD NN 070 260952kil0grammies: EDUTBS3 RIM ete Ne D AOL 95 08 _—— En 1884 fe MENT CS PU TIGOTSX — En 8851. re ere ME TROUS — 2% Tableau VI. — Dépenses de fabrication de l'usine d’Arboussier. Les cannes manipulées ont été de: EnALSS0: nn 21. LE SC MUST II0gramnes: ENS SUPREME CR RO UlSS — HnMSS2 EN Ce. RO RO D 070980 — 30 Tableau VIL — Rendement de semaine d’une usine en 1882. LA CULTURE DE LA CANNE A SUCRE. 249 L’élévation du rendement pendant le mois de mars et d’avril est moins accentué dans ce cas particulier qu'il ne l’est généralement. 4 Tableau VIE — Production des usines centrales de la Guade- loupe en 1883 ; tableau dressé par M. Monnerot. Ces usines ont travaillé 453451 tonnes de cannes et ont donné un rendement moyen de 9.04 en tous jets; ce faible rendement a été occasionné par la qualité des cannes qui était très mauvaise en 1883. Pendant cette année, il a été fabriqué en outre 11633646 kilogr. de sucre brut, ce qui donne une production totale de 52644133 ki- logr. de sucre pour la Guadeloupe. ° TABLEAUX. E, MIQU AGRONO E LA SCIE DI ANNALES ‘Sauuu)a ep ‘IX 000! 184 CSO&O6] GGI&LLI 698669 L606Y JOGIOTI ITSLIS ESLL& &SGIT 66LCI YYYYG JGSOI &9CCcI G6TEL GAYS 1969 [era &) SJ00F ( COTE y LOSTI OS&6 ILEGG O&SOITI (A YA co9L &G6IOT EGOEOT 7866 SOST7 ] ‘Sauna 0p ‘IA 0007 ‘sosuodact &ScLEOT S6ESISC GISGITI GC&E9G SISEG CI62 GLSS GLTS9 ECGOGI SS£6Y 6&LO] SOSCCI ‘Sauuë) 9,p ‘IA OCOT ‘sosuadoq 0€1096 AL 16662] 616096 JELCC y9SCI LYTS YOLY9 SCSS 19687 €y901 66IcOT GGLL GSCOIT 66196 OÿT09 ‘sauuv? op ‘TA COUT 1rd ‘sesuad9 " TWO], SAUULI 0P SJEUIV SINn0JOY Sop qeuro dvd soUSsueiT, ° 21JA0S 9P SJIOA(] ° JO, * a5e[n0l * “onbiueoguu Jo 9510; UOIJEOLIQR] 2p XNPAQUYS SIP] NET UO TIS TU 5? ‘JEUWIUB HION "AH[[aUU0} 79 26E[[EqUH * * * + assie4s 79 a[Inf * D4AND P-UIB}{ * * dun * ‘[auuoslq ‘uoladqua 79 Suorpraedoi] SNS PTITTEUE) L "JOUQuUrI eUISN] 9P UOIJR9IIQET 8pP sosuodoq — ‘A AVATAVL A SUCRE. DE LA CANNE LA CULTURE ‘SOUUG? 9pP ‘PT 000F 184 GL GC6GCI6E ST 17 S6 GLLOEGE Fou 07 GLICSIE L9 S96CI JT 0 SE 6LSL JUN) S9 960L ST 967778 &9 à CG G&6OST YS à 76 SSELGI JO OEGEGGT SJ 68 Ye O6C6Y9I &S Yà &S 9Y90YCT GS Y&9SITI L&nGII IL 6Y7OLS01I FLN 9G £09266 f 90 0 &S SGLE « « î £0 0 Ya JGIG 0 0 CG LSYC 69 99081 £6& 0 LSMSGEOIT { « IS 9676 CO 0 JS 98C6 90 0 yS 9866 Gr GTEC 60 0 y GISÈ £0 0 CYy GICG &L 696L LO 0 GONSI0G S0 O0 ON CL cc SLSYIT EL TJ GG EGLTCT SOU C& SUISE &£ O08L& LE] O0) S6 SGGOT jt) JyLLIS OL GEGET 12 C1) 16 LOGCI LINO 9T G&YOI LO L9GLG 1Y O0 Ie 69768 &y 0 GI LY6CC ST. &99C0T 66 } LO OSSYG 97 & 9G YEYEST LG GOLYS 66 T 98 cOOGOF COM! 68 82669 J9 OGGCOI GONG IG SLITSI 66 66 SLO6GI SG LEFYOE OT 7 71 SCOT6& LG QG LSCTLC 76 TOOSYà E8 & 09 YGYTOC EE CG 9C&LOC 9 a} 9 ‘4] ‘0 ‘1}" D JE (| ‘9 1] *sosuod9c SOU) 9P 1PLO00T aval 5004 *‘FetLU89 op ‘IBL 0007 164 ‘sosuodocr ‘TSST “JOISSNOQUY,D AUISN,[ 9P uorpeoriqez 2p sosuadaq — ‘JA ° °xXne]J0) * *SIDAID SIPAJ 79 JUotonbiequA 91J10$S 9p SJION(T *SaUULI 2P PUY * “UOIJROIIQR 2P STEAJ SAP [PO], AVaTavi * * ‘ ououd9/9} ° ‘ ‘o410240qP1 * : ‘ob SAn0] 2SE[NOX 9P [OPEN * * © ‘ ‘sa[Isu2/sn 79 SaUlUIE| ° * ‘SJUPISIUUUI ° * ‘oHe[Ouu0L DOS TONS PISDES * 2SSIPAS J0 O[INI] *[RCULUR AIO \ *9119] 9P UOŒUEU) * [UAJU9S UISESEI( © * : uorjo4juo 70 UOIJUAUday * ‘XNPAQUOS SIPA] + + © ‘UOIBOIlIQE) 2p SABLES [e) CI Lo ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. TABLEAU VII. — Rendement de semaine d'une usine pendant la campagne 1882. TOTAL ler JET, | 26 JE, | 3° p. 100 de vannes, jre et 2e semaine. . . . . . je semaine. . . 4e ac 11 Février 5e 6e 7e 8e : ge 10€ 10,515 11/18 10,937 10,876 10,915 10,892 11,158 11,103 11,211 10,834 10,076 9,944 10,692 10,896 10,832 10,656 10,764 lie 12° 13e 14e 15e 16e 17° 18e 19e 20e MAT Rendement général en 1882 Rendement général en 1881 . QD CD =3 OÙ =1 GO Co =1 O0 =I1 I 1 1 1 ON 1 1 TABLEAU VIII — Production des usines centrales de la Guadeloupe en 1883. CANNES SUCRE RENDEMENT P. 100 DES CANNES. travaillées, | obtenu, Tonnes. Tonnes. Aer jet. 2e jet. 3e jet. Total, CERTA NME RMS DES | CCR CERTES US LE ERNEST CENT TRS D'ATbOUSSIer ee lot 845 .62 LE ; 0 BIANCHE TE CRT eds; 148 .38 1 BEAUDOrt. 0e CE 2 OUL : £ .92 1 AEVALOR EN SL 561 CENTS D 0 ile EAU Duchassaing . , . SR ee : 27,347 DATE MATE 7... .0.10/22;037 ME ot do ven oo mer ol Et DAVAERNNE RE M0 98 1,686 COHLCENE RE 0 CT LG 1,629 BEN CR CS MIE T6 1,311 Gent T4 049 1,236 Sainte-Marie . is et lis, 094 1,306 Grande-Anset. 2.0. 0.011390 1,114 Bologne Eten. NON ME 11,064 954 Bazar N2,070 950 La Bonne-Mèére. scale lt 19,104 1,105 MOniMEIND EEE Re 6,700 5170 Les Mineurs tte TE | 3,968 375 Bois DObout. ce RNCS EEE 3,910 293 LA CULTURE DE LA CANNE A SUCRE. 299 Caféier. La culture du caféier (Coffea arabica) se répandit rapidement dans les Antilles après que le capitaine Desclieux eut apporté à la Marti- nique deux ou trois jeunes plants de cet arbrisseau, vers l’an 1793. À la Guadeloupe, l'exportation du café a attemt son maximum de 1775 à 1806 ; à cette époque elle était d'environ 3 millions de kilogrammes. Peu de temps après, les plantations disparurent en partie, mais néanmoins l’exportation annuelle s’est maintenue au chiffre de un million de kilogrammes jusqu’en 1835, pour tomber ensuite de 2506000 à 500000 kilogr. jusqu’à ces dernières années. De 1873 à 1883, elle a été en moyenne de 420 tonnes et a varié de 278 tonnes en 1875 à 614 tonnes en 1878. Cette culture a donc considérablement diminué d'importance dans les Antilles, et la Martinique, qui autrefois a créé la réputation du café de ce nom, n’en produit plus aujourd’hui que pour sa consom- mation ; son exportation n’a été que de quatre tonnes en 1882. Actuellement, le Brésil est le pays qui en produit le plus, et en 1879, son exportation qui s'accroît tous les jours étail déjà de 287000 tonnes. Java et les Indes anglaises viennent ensuite en seconde ligne. Cette culture se soutient encore à la Guadeloupe, grâce à la qua- lité supérieure du café qu'on y produit, et qui permet d’en obtenir encore des prix rémunérateurs. Elle se trouve aujourd’hui localisée sur les terres de la partie volcanique de l’île, à une altitude qui varie entre 200 et 500 mètres. Le caféier se plaît dans les terres légères, profondes, légèrement en pente et plutôt sèches que humides. Le climat possède une très grande influence sur sa fructification ; sa fleur ne donne aucune production quand la sécheresse sévit d’une façon trop Intense, ou encore lorsque les pluies sont trop abondantes pendant son épanouissement. C’est le moment-critique pour le pro- ducteur, et l’abondance de la récolte dépend en grande partie des circonstances atmosphériques qui surviennent à cette époque de l’année. 254 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. On ne cultive guère que le café ordinaire dit café Guadeloupe, dont la qualité varie dans une certaine mesure suivant la nature du terrain el son exposition ; on rencontre cependant le café moka, à orains arrondis et plus petits, et le café Libéria où de Monrovia in- troduit depuis quelques années. Lorsque le café Libéria n’est pas écimé, 1l prend un développement beaucoup plus considérable que le café ordinaire ; il se plait dans les terres chaudes et sous un cli- mat moins humide. Ses fèves, produites dans les mêmes conditions, ont paru de qualité au moins égale à celles du café ordinaire. Le caféier se reproduit par graines ; son fruit est une baie com- plètement rouge quand elle est arrivée à maturité et qu'on appelle cerise à cause de sa ressemblance avec ce fruit. Chaque cerise ren- ferme ordinairement deux graines entourées d’une pulpe sucrée ; elles perdent rapidement leurs facullés germinatives, aussi les sème- t-on immédiatement après la récolle et avant qu’elles ne soient des- séchées. On sème toujours en pépinière dans une terre fraiche, fertile et bien fumée ; on dispose les graines à environ 10 ou 12 centimètres de distance en ayant som de choisir celles qui proviennent de baies très mûres et bien développées. | Le plant se met en place d'octobre à décembre, c’est-à-dire envi- ron huit mois après le semis et à la distance de 2 à 2,50 en tous sens. Parfois on se contente de repiquer le plant, simplement au plan- ° “Loir, dans le terrain plus ou moins bien préparé; mais si on veut obtenir des arbres vigoureux et de croissance rapide, il faut avoir soin de creuser un trou à l’avance et de placer le plant sur un mé- lange de terreau ou de fumier bien décomposé et lassé, afin que le Jeune caféier y trouve de suite une alimentation abondante et subs- tantielle qui lui permette de se développer vigoureusement. L’arrachage du plant, son habillage, son transport, etce., doivent se faire avec tous les soins usités lorsqu'on veut établir une planta- ton dans de bonnes conditions. | Si on laissait le caféier se développer naturellement, 1l arriverait à une hauteur de 3 à # mètres; mais pour faciliter la cueillette des cerises, on l'arrête généralement en lécimant à 1",50 de hauteur. il LA CULTURE DE LA CANNE A SUCRE. 20 Les branches s’étalent alors en parasol et la récolle peut se faire très commodément. Le caféier ne donne de bons produits que lorsqu'il se trouve abrité des vents et de l’ardeur du soleil ; c’est pourquoi on divise le terrain en grandes plates-bandes de 8 à 10 mètres de largeur sépa- rées par des lignes d'arbres qu’on élague de façon à ne leur con- server que le port et les dimensions nécessaires pour qu’ils puissent remplir leur but sans nuire à la végétation des arbustes. L’essence employée habituellement est le pois doux (/nga lau- rina), mais malheureusement cet arbre est atteint par la maladie du caféier ; le pois doux se taille et se conduit facilement par l’élagage, et, par ses racines, il ne nuit pas à la végétation des arbustes. II n’en est pas de même du galba (Calophyllum calaba) qu’on a essayé sur diverses plantations. Fréquemment on trouverait un réel avantage à remplacer une partie des pois doux par des cacaoyers dont le produit, quelque faible qu'il soit, viendrait toujours augmenter, dans une certaine proportion, le revenu de la propriété. Pendant les premières années de Ja plantation, on utilise souvent le terrain en y plaçant du manioc, du maïs ou des makngas entre les lignes de caféiers ; et en attendant que leslisières d’arbres soient suffisamment développées, on abrite la plantation par des bananiers qui disparaissent aussitôt que les végétaux ligneux peuvent protéger efficacement les jeunes plants. Les soins d'entretien de la caféière consistent à nettoyer les ar- bustes en enlevant les branches mortes et les bourgeons gourmands, et à donner à la terre des sarclages suffisants pour éviter l’envahis- sement du sol par les mauvaises herbes. Les sarclages pénétreront à une légère profondeur, afin de ne pas endommager les racines qui sont superficielles, et on emploiera, dans le même but, la houe à dents au lieu de la houe ordinaire à lame. On fume peu les caféiers, on se contente généralement d'y con- duire du fumier quand on en a, et de réunir autour des arbustes les herbes et les débris végétaux qui proviennent des sarclages et de Ja taille des arbres. 2506 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Cette culture prélève une notable quantité de potasse dans le sol, et les engrais qui en renferment une forte proportion doivent pro- duire de bons résultats. La chaux qui constitue la majeure partie des cendres de la tige, produit également de bons effets dans des terres qui n’en contiennent généralement qu'une dose très faible, et la fabrication de composts calcaires formés avec de la chaux et toutes les mauvaises herbes des sarclages, est une opération qu’on ne saurait trop recommander. Les principales plantations de caféiers à la Guadeloupe, sont éta- blies sur des sols qui possèdent la composition suivante : 1° 90 Sol. Sous-sol, VE Sous-sol. Acide phosphorique. . …+ + . . 0.119 0.064 0.192 0.186 CNAUXS SE SR Un 0.022 0.053 0.672 0.907 ADO EE ne MU 0.530 0.058 0.216 0.155 Oxyde de fer et alumine. . . . 10.781 18.496 13.440 15.264 ROLASSCTEMRENE CR A MAR CAE MMONOAT 0.024 0.052 0.049 Le caféier est atteint par divers insectes et maladies ; à Maurice, Ceylan, Java, etc., les plantations sont détruites par un champignon (Hemilera vastalrix, Berk.) qui se développe dans le parenchyme des feuilles. A la Guadeloupe, la larve d’un très petit papillon (Cemiostoma cof- feellum) ronge également le parenchyme entre les deux épidermes de la feuille, et produit des taches rouges connues vulgairement sous le nom de rowille. Lorsqueles ravages de cette larve sont impor- tants, ils déterminent le dépérissement et même la mort des arbres. Il en est de même de plusieurs espèces de pucerons qui s’attachent aux feuilles etaux jeunes tiges et en arrêtent complètement le déve- loppement. Mais la maladie la plus importante par ses ravages est une affec- on dont on ne connaît point les causes, et qui attaque également et les caféiers et les pois doux qui constituent les abris. En quelques jours, les feuilles jaunissent puis tombent et l'arbre meurt rapidement ; la maladie se propage de l’arbre mort à ceux qui l’environnent et, peu à peu, il se forme dans les caféières des vides plus ou moins nombreux et plus ou moins étendus. LA CULTURE DE LA CANNE A SUCRE. 291 Jusqu'ici, on n’a pu limiter le mal qu’en coupant lesarbres atteints dans un certain périmètre, et en creusant un petit fossé autour de l'emplacement qu’on saupoudre de chaux vive. Certaines propriétés sont indemnes du fléau, tandis que d’autres en ressentent particu- lièrement les effets. Le caféier est en plein rapport à l’âge de # ou 5 ans. Il fleurit principalement de janvier à mai ; la floraison, au lieu d’être continue, se fait par périodes successives et, bien que l’on rencontre presque toujours quelques fleurs sur l'arbre, de janvier à mai, on observe deux ou trois époques pendant lesquelles elles sont particulièrement abondantes. Une sécheresse trop intense, comme des pluies abon- dantes sont alors désastreuses au point de vue de la fructification. La maturation, qui se produit d'octobre à janvier, suit naturelle- ment la marche de la floraison ; la récolte est par conséquent pério- dique et doit se faire au fur et à mesure de la maturation des baies. Dans le but d'économiser de la main-d'œuvre, on récolte parfois, avec les cerises müres, celles qui ne le sont pas encore complète- ment, et dans certaines localités on attend qu’elles se détachent na- turellement de l’arbuste pour les ramasser sur le sol; mais dans les deux cas, on n'obtient qu’un produit de qualité très inférieure. Après læ cueillette, les cerises sont portées dans un moulin com- posé d’un tambour recouvert d’une feuille de cuivre à pointes re- poussées qui sépare les graines de la pulpe qui les recouvre ; les graines sont lavées à grande eau pour les débarrasser de la pulpe encore adhérente, puis on les fait sécher au soleil sur des terrasses carrelées ou cimentées. Après cette préparation, il reste encore une pellicule membra- neuse ou parche, adhérente au grain de café, qui doit disparaitre pour obtenir du café marchand; quand ces grains sont assez secs pour que cette pellicule puisse se briser facilement sous la pression, on les porte dans des mortiers en bois dans lesquels un pilon mü par une roue à cames brise et détache complètement cette dernière enveloppe. Les débris de parche étant séparés par un ventilateur, on obtient finalement le café dit bonifié. Toutes ces opérations se font plus ou moins rapidement à bras, ou par des machines plus ou moins perfectionnées suivant les loca- ANN. SCIENCE AGRON. — 1886. — I. 17 298 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. lités et l'importance de la culture. Le séchage est particulièrement difficile lorsque la saison est très humide ; c’est pourquoi, au Brésil, on commence à se servir d’un appareil spécial qui permet de sécher rapidement le café, quel que soit le temps qui survienne pendant la récolte. Les rendements d’une plantation sont très variables ; à la Guade- loupe, où les cultures sont plus ou moins soignées, ils peuvent s’é- lever en moyenne de 700 à 900 kilogr. à l’hectare sur les habitations bien dirigées ; mais ils restent bien au-dessous de ce chiffre sur la majeure partie des propriétés où les arbres sont plus ou moins abandonnés à eux-mêmes. | L'analyse d’un échantillon de café a donné les résultats suivants : 100 kilogr. de cerises fraiches ont donné 31,900 de café en par- che qui se sont réduits à 25*,700 de café bonifié. Le café en parche se compose d'environ 80.75 p. 100 de café proprement dit, et de 19.25 p. 100 de pellicule ou parche, Pour obtenir 100 kilogr. de café en parche, il faut donc 313 ki- logr. de cerises, et il en faudrait 388 kilogr. pour obtenir 100 kilogr. de café bonifié. Les différentes parties de la baie renferment: EAU. MATIÈRE SÈCHE. Cerises tenté ES IMITES RP RC O7 37.76 PUIDCRfr ACTE MERE RRMERETE PME ASS 22220 Café DON RÉ EE MEME EME TON RME AMIS 0 81.10 PArChE SCENE LEA 0 D) 86.00 Pour 100 de matière sèche : CENDRES, AZOTE. Cerises . UE 3.82 169 Pulpest es CN EN MEN EEE Re GTA 1.47 alé Shut PNA SORA 3.69 2.08 PaArChe ul ses sit EE 115 0.48 Pour 100 de matière naturelle : Cerises . à « s OR RE 1.44 0.62 PUIDENRRFMETC 25 UE 1.50 0.32 Café . 2.99 1.68 PALChEMNE NRA 4 L'1 LAN RÉ PARTRENNE 0,92 0.38 LA CULTURE DE LA CANNE A SUCRE. 259 COMPOSITION CENDRES CENDRES centésimale dans dans 388 kilogr. des cendres 100 kilogr. de baies de E donnant 100 kil. baies entières. ies. de café bonifé. Acide phosphorique. — sulfurique . Chlore . Chaux . Magnésie . Potasse. Soude . ; || Oxyde de fer . Silice et sable . Acide carbonique, etc. Matières minérales totales, . Azote. . L'analyse du café nous permet d'établir le tableau suivant qui re- présente approximativement les éléments contenus dans : 1° 3880 kilogr. de baies entières donnant 1000 kilogr. de café bo- nifié ; 2 1000 kilogr. de café exporté ; 3° Ceux contenus dans la parche et la pulpe des baies et qui peu- vent être restitués au sol. 3880 KILOGR. 1000 KILOGR, RESTE de de dans la parche baies entières. café bonifié. et la pulpe. Acide phosphorique. . . . . . . 1 2,897 ER SUUTIUER ER D: 0,490 GHIGTE ERREUR ME MECS 0,212 CRAN RME PAR, er TX À, 8! 1,486 MARS NA PR MTS 3,4 2299 RÉNALE RAI RER 3 14,441 AVOIR NET EL : 2 AO 16,800 260 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Cacaoyer. Le cacaoyer (Theobroma cacao) à été connu de tout temps à la Guadeloupe; c’est un arbre de 5 à 6 mètres de hauteur, dont la cul- ture ne tend à prendre une certaine importance que depuis quelques années. Au commencement du siècle, l’exportation annuelle variait entre 9000 et 20000 kilogr., et en 1868 elle atteignait seulement un maxi- mum de 106000 kilogr. En dernier lieu, la moyenne des exporta- tions de 1873 à 1883 a été de 165000 kilogr., et la production la plus élevée a été de 248139 kilogr. en 1881. Par suite de la crise qui pèse sur l’industrie sucrière des colonies, la culture du cacaoyer prendra probablement plus d'extension que par le passé; elle exige des dépenses de culture très réduites, et qui sont constituées presque uniquement par les frais de récolte lorsque la cacaoyère est en plein rapport. Malheureusement, il faut attendre 5 à 6 années avant d’en obtenir un produit rémunérateur et on hésite souvent avant d'entreprendre une culture qui deman- dera des dépenses d'entretien assez élevées avant de produire aucun résultat. D'un autre côté, le cacaoyer est assez difficile sur le choix du ter- rain ; il ne se plaît que dans une terre neuve, fraiche, fertile et pro- fonde, et abritée contre la violence des vents ; de sorte que l’étendue des terrains qui lui sont favorables est très réduite dans certaines colonies et que c’est un des principaux obstacles à l'extension de sa culture. Avant la première récolte de cacao, le terrain ne reste cependant pas complètement improductf, et en attendant que les arbres aient acquis un certain développement, on y fait de la culture vivriére et principalement des plantations de manioc et de bananiers, qui don- nent un certain produit et ont en même temps l'avantage d’abriter le jeune plant de cacaoyer qui est très délicat. Les frais d'entretien sont donc diminués dans une certaine pro- portion, et quand les cacaoyers sont assez développés pour se défen- dre par eux-mêmes, les cultures vivrières disparaissent et les frais de culture se réduisent à ceux nécessités par la récolle des fruits. LA CULTURE DE LA CANNE A SUCRE. 261 Le cacaoyer se plante soit en place, soit en pépimière ; mais dans ce dernier cas, l’arrachage du jeune plant et son repiquage doivent se faire avec beaucoup de soins, car il est d’une reprise assez difficile. La graine conserve peu detemps sa faculté germinative et on doit la semer immédiatement après la récolte. Le fruit ou cabosse se rencontre sur toutes les parties du tronc et des branches en plus ou moins grande abondance; de eouleur verte avant sa maturité, il devient jaune en mürissant et quelquefois plus ou moins rougeàtre. Ces fruits, d’une longueur de 13 à 20 centimètres et des à 10 centimètres de diamètre, contiennent chacun de 30 à 45 grames entourées d’une pulpe aigrelette. Leur poids moyen est de 500 grammes et varie de 250 à 700 grammes suivant leur grosseur. Après avoir cueilli le fruit mûr, on le brise ; les graines détachées sont mises en tas pour qu'il s’y développe une légère fermentation, puis on les fait sécher au soleil. La graine sèche, d’un brun violet, est ovoïde et aplatie ; elle a de 9 à 2.5 centimètres de longueur sur 1 à 4.5 de largeur, et pèse de 4 à1.9%5 grammes. Elle contient alors environ 10 p.100 d'humidité. L'analyse faite sur des fruits de grosseur moyenne a donné le ré- sultat suivant : Le fruit mûr est composé de : COUSSERNERTE ER OL EE RE LEE RC 75 AMANdéSVELIES NON TAVÉES UN MEL NL NT 25 SU ENTIER EE SO LE CASIO 0 Le taux de matière sèche est de : AMANDES, GOUSSES. BAUME RUE: #1 Ù 2 RARE 52.61 80.64 Matiéresséche el: 1.0 1 ro 44.39 19.36 100.00 100.00 Celui des cendres et de l'azote de : AMANDES. GOUSSES. .20 1.44 Cendres p. 100 de matière verte . Î — — sèche . Doi 7.41 Azote p. 100 de matière verte . 0.81 0.160 — —— sèche . 1.83 0.823 I nous a paru utile de rechercher quelle était la composition mi- 262 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. nérale du cacaoyer, et d'analyser séparément la gousse et la gramme proprement dite, afin de déterminer le prélèvement fait au sol par une récolte donnée, et les éléments qui peuvent lui être restitués par les gousses qui constituent en poids les 75 p. 100 de la récolte totale. Composition centésimale des cendres. GOUSSES. AGIAEMDHOSPDIOrIQUE NRC ne 26.06 — sulfurique . .43 Chlore . .39 Magnésie . .80 Potasse. .S1 soude ere ie Me LES Pr ne Dar Éd . 26 Oxyde Teen IEP LR RERO TE 0.30 SNS PEAR EN EE RER Se D Ti traces ACITÉRCATDONIQUENELC NE RE TT 11.16 (Cienbe. AM EE a detente E 3.83 39 1 ) Il La presque totalité des cendres de l'enveloppe des graines est constituée par du carbonate de potasse ; et les cendres de la graine contiennent en très grande proportion de la potasse, de l’acide phos- phorique et de la magnésie. Matières minérales contenues dans 1000 kilogr. DE MATIÈRE VERTE. DE MATIÈRE SÈCHE. Amandes. Gousses. Amandes. Gousses. La ee DOnDOUur ©Q9 O0 r. ©" Acide phosphorique . — sulfurique. Chlore. . Chaux. Magnésie. . Potasse . Soude. . Oxyde de fer. silice. A ME Acide carbonique, etc. . 1 © 19 © © . CN ne An O0 0% OO À& © _ Me ie) NN N-N-N-N-X— Matières minérales totales . .[ 12,000 14,400 VAGUES AL GS SOURCES 8,100 1,600 18,300 Re, PR EEEE———— LA CULTURE DE LA CANNE A SUCRE. 263 Les fruits entiers contiennent 95 p. 100 d'amandes vertes à 44.39 p. 100 de matière sèche, soit 126,500 de graines à 10 p. 400 d’eau par 100 kilogr. de fruits. La proportion d'amandes sèches contenue dans les fruits est donc au poids des gousses et ses fruits entiers dans le rapport suivant : s FRUITS DES GOUSSES entiers vertes. vertes. E verts. kil. kil, kil. 100 kilogr. d'amandes sèches correspondent à. . . . . 226 678 904 == = à 10 p.100 d’eau correspondent à. 203 610 813 Il faut donc environ 8130 kilogr. de fruits tels qu'ils sont récoltés pour produire une tonne de cacao marchand. Les matières minérales contenues dans 1000 kilogr. de cacao sont done de : AMANDES. GOUSSES. FRUITS ENTIERS.| kil. Acide phosphorique. . . . . . . 6,348 RE TISUIIOTIQUEr. A NA ENEIS" 1,080 Core AA lueur ule & 0,085 CHAUTRPRE ER EE e S 0,934 MAR ÉSIC RER ENRRMEE ERNERAR Er nE LS BOÉAS SORA CRE 99697 SOUTER MERE PAR: (EP ERA 0,307 CEE ETES OO 0,073 SIC EE RU ue traces. REICNCARDONIQUENMELER 2. : . : 2,718 Matières minérales totales. Azote . Poids de la récolte fraîche . Poids de la matière sèche . Chaque tonne de cacao exportée prélève done dans le sol 112*,200 de matières minérales dont 57500 de potasse. Cette polasse est complètement perdue, si on n'utilise point les gousses et si on 264 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. les laisse perdre dans les halliers, ainsi que cela se pratique trop souvent. Si, au contraire, on recueille soigneusement tous ces débris pour les employer à la fumure de la cacaoyère, cette culture est peu épui- sante, et dans ce cas on n’exporte plus que 6 kilogr. d'acide phos- phorique, 16 d’azote et 9 de potasse. La gousse contient cinq fois plus de potasse que l’amande propre- ment dite, elle contient également davantage de magnésie et de chaux, mais une plus faible quantité d’acide phosphorique et d’azote. Cotonnier. Le cotonnier (Gossypium arborescens) est un arbuste dont la culture était autrefois très importante dans les Antilles, mais qui a presque complètement disparu aujourd'hui. A la Guadeloupe, Fexportation du coton n’était déjà plus que de 150000 à 190000 kilogr. au commencement du siècle ; elle s’est maintenue entre 19000 et 30000 kilogr. jusqu’à la guerre de Séces- sion, pendant laquelle la production s’est élevée momentanément jusqu’à 238000 kilogr. en 1865, pour diminuer ensuite jusqu’à ces dernières années ; en 1883, elle n’était plus que de 460 kilogr. À la Guadeloupe il n'existe plus que des cotonniers isolés et sou- vent on ne prend même point la peine d’en récolter les capsules, de sorte que la production sera bientôt insuffisante pour les besoins de la consommation locale. La graine du cotonnier contient de 20 à 50 p. 100 d'huile et en moyenne 5 p. 100 de matières minérales et 3.3 p. 100 d’azote. Les cendres de la graine renferment en abondance de l'acide phosphorique et de la potasse et nous v avons trouvé en moyenne 90.90 d'acide phosphorique et 26.40 p. 100 de potasse. Le cotonnier serencontre encore sur quelques mornes incultes, mais la composition minérale de son bois présente une grande différence avec celle des végétaux ligneux qui croissent spontanément dans les mêmes localités et notamment avec le campêche (Hematoæylon cam- pechianum). Les cendres des végétaux ligneux sont généralement constituées LA CULTURE DE LA CANNE A SUCRE. 265 pour la majeure partie par du carbonate de chaux, tandis que la composition des matières minérales du bois du cotonnier se rappro- che beaucoup de celle des végétaux herbacés ordimaires. Le bois de cotonnier est très iéger et contient environ 50 p. 100 d’eau quand il vient d’être récolté ; desséché à l'air, 1l n’en conserve que de 10 à 15 p. 100. Sa composition est la suivante moins l'acide carbonique : COMPOSITION CENDRES PAR 1000 KILOGR. centésimale des cendres. Bois vert. Bois sec. Acide phosphorique. — sulfurique . Chlore. Chaux . Magnésie. Potasse. . soude . Oxyde de fer . Silice . [Ut] 6. 2 22 32.1 Île 0. la Matières minérales totales . AZOLER NP RE Te Ananas. La culture de l'ananas (Bromelia ananas, Ananassa sativa) était encore très rémunératrice il y a quelques années, mais il à suffi d’une production un peu abondante pour amener immédiatement une réduction considérable dans le prix de vente qui ne laisse au- jourd'hui au producteur qu’un bénéfice très faible et souvent incer- tain. À la Guadeloupe, on cultive pour l’exportation deux variétés d’a- nanas, l'ananas ordinaire épineux el l’ananas blanc ou à feuilles lisses ; les deux fournissent des fruits d'excellente qualité. L'ananas épineux est peut-être d’une constitution moins délicate et plus vigoureuse, mais les épines nombreuses et acérées dont ses 266 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. feuilles sont garnies rendent sa culture plus difficile ; les ouvriers, exposés à se déchirer et à se blesser, fournissent un travail plus lent et moins productif. Cet inconvénient n’est pas à craindre avec l'ananas sans épines, mais, d’un autre côté, 1l est moins rustique et ne donne généralement qu’une récolte, tandis que l'ananas épineux en donne sûrement deux quand il a été fumé et cultivé convenablement. La seconde récolte est assurée par les rejets qui repoussent sur le pied-mère. L’ananas se plante principalement en août et septembre, et on utilise pour la reproduction les rejets qui croissent toujours en abondance sur la tige pendant la maturation du fruit, en ayant soin de choisir les plus beaux et les plus vigoureux. Au bout de 135 ou 15 mois, c’est-à-dire en janvier ou février, l’a- nanas fleurit et, quatre mois après, on peut commencer la récolte qui est en pleine activité du 15 mai au 15 juillet. La floraison et la maturation de l’ananas n’ont pas toujours lieu à époque fixe. Ainsi qu'on le remarque du reste sur la majeure partie des plantes tropicales, on peut récolter des fruits pendant toute l’année; cette continuité dans la végétation est peut-être un avan- tage pour le consommateur, mais c’est un inconvénient pour l’in- dustriel, car les fruits qui mürissent ainsi en dehors de la saison normale sont presque toujours en trop petite quantité pour qu'on puisse les utiliser pour la fabrication des conserves. | Dans cette préparation, l'ananas se récolte un peu avant sa matu- rité complète, afin que sa chair conserve toujours une certaine fer- meté. On l’épluche, puis on le met dans des boites en fer-blanc avec du jus d’ananas préparé à l’avance. Ce jus est extrait par pression des débris qui tombent du fruit quand on le façonne pour lui don- ner les dimensions de la boîte qui doit le recevoir et des fruits qui n'ont pas atteint une grosseur suffisante. Le jus est clarifié par ébul- lition et versé dans le récipient, sans autre préparation pour la con- serve d’ananas au naturel. [l suffit ensuite de chauffer la boîte pen- dant quinze minutes au bain-marie pour que son contenu se conserve sans altération ultérieure. Le jus d’ananas est très acide et attaque énergiquement l’épiderme LA CULTURE DE LA CANNE A SUCRE. 267 des mains des ouvriers chargés d’éplucher les fruits, de sorte qu’au bout de quelques jours ils sont obligés de se servir de gants de gutta-percha, afin de pouvoir continuer leur travail. A la Guadeloupe, la culture de l'ananas pour la fabrication des conserves est limitée à quelques propriétaires qui peuvent fabriquer chacun de 2000 à 3000 boîtes par Jour. L'ananas est une plante très exigeante en potasse et en azote, et qui demande, à moins de terres d’une feriilité exceptionnelle, une fumure abondante pour produire un fruit d’un volume convenable. La potasse est très abondante et dans le fruit et dans la tige ; les cendres des feuilles, qui en contiennent un peu moins que celles du fruit, en contiennent encore 38 p. 100 de leur poids. La matière sucrée de l’ananas consiste surtout en sucre cristalli- sable, et du jus à 8 degrés Baumé a donné pour 100 centimètres cubes, 15.64 de sucre total, dont 12.43 de sucre cristallisable et 3.21 de glucose. La composition de la tige et du fruit est la suivante : TIGE. FRUIT … Matière-sèche p. 100. . . : . . . . . . 22.50 17210 Cendres p. 100. RS RENE) RE 207 0.57 Azote NA LEE POP OPEN CURE IDC OM (D) (0712 Nous donnons ci-après la composition minérale des cendres de Ha üige et du fruit. En admettant 12500 plants à l’hectare, et un poids de 1 kilogr. pour le fruit et de 3 kilogr. pour la tige arrivée à son maximum de développement, nous aurons une production totale à l’hectare de 10674 kilogr. de matière sèche, dont 1120 kilogr. de cendres. La quantité de potasse contenue dans les tiges est considérable. A cha- que renouvellement de la plantation, 1l faut donc que la totalité des tiges de la précédente récolte retourne au sol, sous peine de voir la terre s’épuiser rapidement si on ne lui restitue point par les engrais la potasse qui est absorbée en proportion considérable. ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Acide phosphorique. sulfurique. Chlore. Chaux. Magnésie. Potasse Soude . Oxyde de fer . Silice . COMPOSITION centésimale des cendres COMPOSITION CENTÉSIMALE DE LA matière sèche. EE mm, EE Fruit. Tige. Fruit. matière fraîche, - CO:. Tige. Fruit. .19 .01 O1 | 13. 0,336 2 [0,218 0,213 1,071 0,247 0,045 pri eh pri UT TT 497 KI 19 999 ,866 ,845 ,290 .980 Phi ET 077 2,797 0,197 Composition de la récolte : 12500 plants. TIGES. FRUITS. Acide phosphorique. sulfurique . Chlore . ‘Chaux . Magnésie . Potasse. . Soude . Oxyde de fer . SIC ETES, EMMA Matières minérales totales . Azote . Poids de la récolte fraîche . Poids de la récolte sèche. . kil. 22,500 126.000 126,000 81,750 719,875 401,625 92,625 16,875 101,625 1048 ,875 73,875 kil. 37500 8437 Bananier. kil, aeUe 3,819 86,375 84,000 436,875 95,350 17,625 106,750 1120 ,125 82,875 kil. 50000 10674 De toutes les plantes cultivées dans les contrées tropicales pour l'alimentation de l’homme, le bananier (Musa paradisiaca) est sans LA CULTURE DE LA CANNE A SUCRE. 269 contredit la plus importante, car son fruit y est un aliment de pre- mière nécessilé pour la majeure partie de la population. Quelques plants de bananiers autour d’une habitation assurent une nourriture abondante pendant toute l’année et variée, par suite des nombreuses variétés qui existent et qui possèdent chacune, pour ainsi dire, une qualité et un goût différents. La banane avant sa maturité est un aliment féculent proprement dit, et offre autant de ressources que la pomme de terre dans les pays tempérés. On la mange de toutes les manières, et il n’est pas de préparation culinaire qu’on ne lui fasse subir avantageusement. Lorsqu'elle mürit, la proportion de fécule diminue et celle du sucre augmente; alors elle se mange crue ou s’assaisonne comme plat sucré. Le bananier est une plante herbacée des plus gigantesques qu’il soit possible de voir ; il n'a point de tige proprement dite, et ce qu'on appelle tronc est formé par les feuilles dont les pétioles for- tement engainants sont roulés les uns sur les autres et forment une masse qui atteint de 2°,50 à 4 mètres de hauteur sur 50 à 70 centi- mètres de circonférence à la base ; le-tout est surmonté d’un bou- quet de feuilles qui ont environ 2 mètres de longueur sur 30 à 50 centimètres de largeur. Le bananier se multiplie par drageons ; chaque plant produit d’a- bord une tige principale, puis quatre ou cinq rejets qui remplaceront la première après sa fructification, de sorte que chaque plant dure plusieurs années, et, qu'avec quelques bananiers, on peut récolter des fruits pendant toute l’année et sans intermittence. Chaque tige produit un régime portant de 40 à 60 bananes ; lors- que celles-ci sont müres, on coupe le régime, qui pèse de 6 à 40 ki- logr., mais dont le poids peut atteindre parfois plus de 20 kilogr. avec un nombre de fruits qui peut aller jusqu’à 100 et 195. Après la récolte, on coupe la tige qui a fructifié ; un des rejets fructifie à son tour, et ainsi de suite pendant de longues années. Suivant les variétés, la tige reste de 6 mois à un an avant d’émet- tre son régime, et lorsque celui-ci apparaît, il demande encore 3 ou 4 mois pour arriver à maturité complète. Le bananier n’est, pour ainsi dire, point cultivé dans les Antilles 210 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. où il végète admirablement bien ; mais s’il est assez rare de rencon- trer un champ de bananiers d’une certaine étendue, on en trouve au- tour de toutes les habitations en nombre plus ou moins considérable. En raison de sa croissance rapide et de son grand développement, et malgré la faible résistance de ses tissus, le bananier est encore très utile pour abriter les jeunes plantations de caféiers et de ca- caoyers, en attendant que les abris ligneux de croissance plus lente soient suffisamment développés. La fragilité du bananier est encore augmentée par la constitution particulière de ses tissus qui sont excessivement aqueux ; ils présen- tent dans la partie des feuilles qui forment le tronc des vides nom- breux et volumineux très régulièrement disposés. Ces énormes lacunes parallélogrammiques, séparées horizontalement par une membrane très mince, ont de 2 à 3 millimètres d'épaisseur sur 9 à 6 millimètres de large et 7 à 8 de longueur. Cette texture spéciale donne aux tissus du tronc une très faible densité apparente qui est d'environ 0.600 seulement. En dehors du bananier à fibres textiles ou abaca (Musa texhihs), toutes les variétés de bananiers à fruits comestibles sont fournies par deux espèces principales, le Musa paradisiaca et le Musa su- pientium. Le Musa paradisiaca ou bananier de paradis est le plus important et produit la banane ordinaire; le Musa sapientium fournit plusieurs variétés dont les fruits sont généralement consommés à maturité, c’est-à-dire quand la pulpe, de farineuse qu’elle était, est devenue sucrée ; on les désigne généralement sous le nom de figues ou figues bananes, et les principales variétés sont la figue-pomme, la figue sucrée, la figue raimbaud, etc. La banane proprement dite se consomme ordinairement à l'état vert, plus rarement quand elle est müre, car alors elle n’a ni la sa- veur ni le parfum des figues proprement dites. Le fruit du bananier n’est pas entièrement comestible, et 1l faut en déduire la peau épaisse et résistante qui recouvre la pulpe ; il est constitué en moyenne par 69 p. 100 de pulpe et 35 p. 100 de peau ou de cosse. Le prix de vente au détail de la banane est toujours élevé sur le LA CULTURE DE LA CANNE A SUCRE. DAT : marché de la Pointe-à-Pitre, et en moyenne de 20 à 25 fr. les 100 ki- logr., ce qui donne à la pulpe proprement dite une valeur d’au moins 90 fr. les 100 kilogr. Ce prix n’est guère en rapport avec la facilité avec laquelle le ba- nanier végête et fructifie dans toutes les terres un peu fraiches de l’île. Si cette plante était cultivée régulièrement, 1l est certain que le prix de vente diminuerait considérablement, car une fois installée, la plantation s’entretient facilement pendant de longues années ; les nombreux drageons émis par la souche suffisent amplement à entre- tenir sur une surface déterminée le nombre de plants nécessaires, et la matière organique qui s’accumule au pied des souches par le renouvellement continu des tiges, avec le couvert épais donné par les larges feuilles du bananier, contribuent à empêcher le déve- loppement des végétaux parasites, tout en rendant leur destruction très facile. Ce prix exagéré ne se remarque point seulement pour la banane, les autres fruits et racines féculentes atteignent parfois des prix très élevés sur les marchés, ce qui indique que leur culture nese fait pas d’une manière suivie et qu'elle serait rémunératrice pour celui qui voudrait l’entreprendre sur une certaine échelle. La transformation industrielle de ces produits en fécule ou alcool n’existant point dans la colonie, il est évident que cette culture ne pourrait pas êtreillimitée, du moins quant à présent, et que l'apport sur le marché d’une quantité un peu considérable, aurait pour ré- sultat immédiat un abaissement proportionnel dans le prix de vente. Les racines, et principalement les patates, s’accorderaient mieux avec les exigences d’une grande culture, et leur fécule, d’une ex- traction très facile, pourrait être l’objet d’une industrie importante ; néanmoins la banane possède ses avantages particuliers, et une cul- ture régulière ne manquerait pas d’être lucrative. La pulpe de bananes possède la composition suivante : BANANES BANANES vertes. mûres. ATARI. TS A. SONT 60.60 58.85 Matiéreisécherm ets Hulstrh IRAN 39.40 ANUS 100.00 100.00 272 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. PULPEÉ SÈCHE. Re Bananes Bananes vertes. mûres. SUCRÉMCLISLAIIISADIe 0 RE Pen 14.79 - Glucose . x 22.81 AMITONRE Mr CALE LT ARRMNNETAE 12:13 39.01 Matièresammeérales 24 ee Cr 2743 2,58 CelluloSe ne PEU RE N 1.38 l'AG Matières azotées. rene 2.87 2,65 Nontazotéspar/ différence". MM NN 14.60 20.55 100.00 100.00 PULPE FRAICHE, EE — — Bananes Bananes vertes. mûres. HA. Le CR car RE NE SEE 60.60 28.89 Sucre cristallisable. gr AT ne aa À Li 2 59 | 5.84 CIHCOSC NE EN PE SAT CNE vers L CES Amidon . : 28.32 14.40 Matières minérales. 0.96 1.06 Cellulose. 0.54 0.66 Matières azotées . RENE 1.09 Non azoté par différence. >.86 8.74 100.00 100.00 Dans les bananes vertes, la proportion de pulpe peut varier de 59 à 70 p. 100, et celle de la matière sèche dans la pulpe de 35 à 45 p. 100. Dans Les échantillons analysés, la proportion de pulpe était de 99 p. 400 dans les bananes vertes et de 64 p. 100 dans les bananes müres. La quantité d’amidon, qui est de 28.82 p. 100 dans la banane verte, est encore de 14.40 p. 100 dans la banane müre, parce que la maturation n’était pas arrivée à son terme extrême ; elle est géné- ralement moins abondante dans les figues mûres qui se mangent crues et qu’on laisse mürir beaucoup plus complètement. La pro- portion de sucre, qui n’est que de 2.59 seulement dans la banane verte, est de 45.20 p. 100 dans la banane mûre. Lorsque le régime est récolté, la tige principale est coupée et reste sur le sol ; le poids de celle-ci atteint de 20 à 30 kilogr. sans tenir compte des feuilles, de sorte que par sa décomposition 1l se ç [Èu) LA CULTURE DE LA CANNE A SUCRE. (b) forme autour des bananiers un amas de matières organiques et minérales très favorables à leur végétation et à leur fructification. La quantité d’eau contenue dans les tissus du tronc est toujours considérable et atteint parfois 94 p. 100; le limbe des feuilles, formé d’un tissu plus dense, contient de 20 à 95 p. 100 de matière sèche. Un mélange proportionnel de tiges et de feuilles a donné les ré- sultats suivants : AURA... ee NES ET 0 80 Matière SéCheatNERE MERRRERRR T 9.20 100.00 Composition minérale. COMPOSITION CENDRES POUR 1000 KILoGR. centésimale de matière de matière des cendres. k fraîche. sèche. Acide phosphorique. . — sulfurique. Chlore. Chaux. Magnésie . 0,130 0,126 0,875 1,780 0,272 Le] Œ 9 Or L ww D. © Ù CS DOTASSO RP SEC Sn. 2: . 22072 Soude . Oxyde de fer . Silice . A Acide carbonique, etc. 0,983 0,076 1,585 1,501 C2 =] 7 ex Matières minérales totales . Azote. . Le réana. Le réana ou téosinte (Reana luxurians), originaire du Guaté- mala, est une plante fourragère de la famille des graminées qui à été introduite à la Guadeloupe il y a quelques années. ANN. SCIENCE AGRON. — 1886. — 1. 18 2714 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Le réana donne peut-être un meilleur fourrage que les feuilles de canne à sucre, mais il demande quelques soins culturaux pour don- ner un produit abondant et rémunérateur. Cultivé comme essai dans des conditions exceptionnelles, le réana a montré une végétation réellement luxuriante ; mais on ne s’en est plus occupé lorsqu'on a vu qu'il demandait, ainsi que la canne à su- cre, une bonne préparation du terrain et quelques soins pendant sa végétation. Le réana peut donner deux coupes d’un excellent fourrage, à la condition toutefois que la première coupe se fasse avant la floraison de la plante ; et à Cuba il a résisté d’une façon toute particulière aux sécheressés les plus intenses. Toutes les fois qu’on placera cette plante dans une terre profonde et meuble, on en obtiendra d’excel- lents résultats. La canne à sucre pourrait également être cultivée comme fourrage pour linter-récolte, el nous avons comparé ces deux plantes au point de vue de leur composition minérale. Des cannes plantées en mars et récoltées en octobre ont fourni 80000 kilogr. de fourrage à l’hectare dont 4200 kilogr. de petites tiges de 40 à 50 centimètres de longueur pouvant être également employées pour l'alimentation du bétail. Nous avons également supposé pour le réana une récolte de 80000 kilogr. Au point de vue cultural, cette dernière plante conserve sur la canne à sucre l’avantage de produire des graines fertiles, ce qui permet d'opérer rapidement et économiquement le renouvellement des plantations. Ces deux fourrages prélèvent dans le sol une forte proportion d'éléments minéraux ; mais il faut remarquer que pour les fourrages l'épuisement n’est que relatif etque la presque totalité des principes qui les constituent retournent au sol sous forme de fumiers, après avoir servi à l'alimentation des animaux. Le réana contient moins d’acide phosphorique que la canne à su- cre, mais il est plus riche en azote et en potasse, LA CULTURE DE LA CANNE A SUCRE. COMPOSITION centésimale des cendres. CENDRES par 1000 kilogr. de Cannes. | Feuilles. | Réan1. Acide phosphorique . sulfurique . Cblore. . Chaux. Magnésie. Potasse , Soude. 5 ER . traces. Oxyderde fér he 0! 225 ile Silice . : o | 51.96 32 Cannes. | Feuilles. 1,021 0,863 0,545 0,784 0,279 2,819 {races. 0,178 7,011 ] _ . 1 m9 © © OT le) ) … D 19-© [UE] MONO RORONS n n , n = Ur 10 1 O1 € © (w.] Qt Matières minérales totales Azote . 13,500 | 11,600 1,500 | 1,800 Composition de la récolte. CANNES FEUILLES 4200 kilogr. al = « 1 I em Où 19 Acide phosphorique. sulfurique. Chlore. Chaux . Magnésie, Potasse Soude . Oxyde de fer . Silice . + LR O0 ©2 Æ QD Pb nt (o)] NN (50) US en © o " em V9 OC à UI mt © mi Qt =] t] (2 (we) © VO Obi Re OR 19 19 02 À CT) TS) _ Matières minérales totales. Azote . 15800 kilogr. TOTAL RÉANA 80000 kilogr.| 80000 kilogr. Kil. 37,520 19.520 165,960 68,000 24,320 361,680 2220 18,480 206, 800 536,7 928,000 1038, 000 116,000 115,338 216 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE,. De l'alimentation du bétail. À part de rares exceptions, la culture fourragère n’existe point à la Guadeloupe. Pendant la récolte, le bétail est entretenu avec les sommités feuillues de la canne, et plus tard, avec les produits de la végétation spontanée du sol. Autrefois, chaque habitation possédait un nombreux troupeau ; mais aujourd'hui, on ne produit plus guère que les bœufs de trait, et les autres animaux s’importent de différentes localités, les bœufs de boucherie de Puerto-Rico, et les mulets de l'Amérique du Nord, de la République Argentine et quelquefois du Poitou. Pendant la durée de la fabrication, c’est-à-dire pendant 4 ou D mois de l’année, les feuilles de cannes et les écumes de défécation sont en quantité suffisante ; mais quand la récolte est terminée, on n’a plus que le fourrage qui peut être récolté dans les lisières qui séparent les pièces de cannes. Quelques propriétés situées dans les bas-fonds possèdent toujours dans ces lisières une ressource assurée ; car l'herbe de Para y pousse avec vigueur ; mais il n’en est pas de même dans les terres moins humides où, pendant les années sèches, il devient très difficile de se procurer les fourrages nécessaires à l'entretien des animaux. Les savanes ne sont alors que d’une faible utilité, car généralement elles ne sont pas entretenues et on les laisse envahir par une végétation ligneuse spontanée. | Lorsque les fourrages deviennent rares pendant l’inter-récolte, on ramasse les feuilles sèches dans les pièces de cannes et on les mé- lange avec des mélasses après les avoir divisées préalablement. Les animaux s’accommodent assez bien de cette nourriture, mais il serait bien préférable de recueillir pendant la coupe une certaine quantité de sommités vertes, de les faire sécher et de les emmaga- siner pour l’arrière-saison. Les feuilles qui se sont desséchées naturellement sur la tige de la canne, ont en grande partie perdu leurs propriétés nutritives, et elles sont loin de posséder la valeur du fourrage dont on pourrait faire provision pendant la récolte, avec les sommités feuillues de la plante. LA CULTURE DE LA CANNE A SUCRE. 271 Lorsqu'on veut hacher les fourrages avant de les donner aux ani- maux, on n'emploie jamais le hache-paille, on se contente de les diviser avec un coutelas ; l'emploi du hache-paille serait cependant bien préférable et économiserait la plus grande partie de la main- d'œuvre occupée à ce travail. Avec une nourriture généralement insuffisante, les animaux de travail, bœufs et mulets, ne sont en outre l’objet d'aucun som ; le plus fréquemment, à la rentrée du travail, on les rassemble sous des hangars plus ou moins couverts et même dans des enclos en plein air, où ils ont à subir toutes les intempéries de l'atmosphère. On les fait travailler principalement pendant les heures les plus chaudes du Jour, tandis qu'il faudrait, au contraire, les faire travailler de grand matin et le soir, pour leur laisser un repos suffisant au milieu de la journée. Nous ne parlerons point du mode d’attelage et du harnachement qui sont absolument défectueux, ni de la brutalité avec laquelle sont conduits les animaux de travail. On les maltraite encore plus à Cuba qu'à la Guadeloupe ; nous avons vu, dans cette première colonie, prendre dans les pâturages des jeunes bœufs qui n'avaient jamais été dressés, et littéralement les larder à coups d’aiguillon une fois qu’ils étaient liés au joug. Le sang ruisselait en si grande abondance sur le corps de ces pauvres animaux, que le conducteur enlevait, avec un morceau de bois, les caillots qui se formaient de temps à autre sur leur peau. Nous en avons même vu mourir sous l’aiguillon pen- dant la première attelée que ces bœufs faisaient en sortant du pâtu- rage. L'aiguillon est naturellement d’une taille respectable, et ces procédés n’ont rien d’extraordinaire dans un pays où les courses de taureaux sont en si grand honneur. La nourriture étant presque toujours insuffisante et les animaux n'étant pas soignés, il en résulte qu'il se fait sur les habitations une grande consommation d'animaux de trait, et que cela constitue une forte proportion des dépenses de culture de la canne ; il y aurait de ce côté-là de notables améliorations à apporter au système suivi habituellement. Composition de divers fourrages el racines. Nous donnons ci-après la composition des principaux fourrages de la colonie. Parmi eux, lherbe de Para qu’on rencontre dans 2178 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. toutes les lisières d'habitations, l'herbe de Guinée, quise cultive sur quelques propriétés, et les feuilles de cannes, sont les plantes em- ployées à peu près uniquement pour lalimentation du bétail. Les feuilles de patate peuvent se consommer après la récolte des raci- nes, et les autres plantes qui croissent spontanément pourraient, en raison de leur richesse nutritive, être une utile ressource dans beau- coup de circonstances. Dans le tableau de la composition des fourrages, nous ferons re- marquer que les échantillons suivants ont été prélevés à la même époque et sur les mêmes tiges : 11 et 12, 13 et 14, 15 et 16, 17 et 18. Nous donnons ensuite l’analyse de quelques racines et fruits fécu- lents. Le fruit de l'arbre à pain pourrait, ainsi que les racines fécu- lentes, être employé pour lextraction de la fécule ; on en prépare de la farine et de la fécule comme pour le manioc. Dansles colonies, on rape grossièrement la racine, et de la pulpe obtenue, on sépare la fécule par le moyen de l’eau; le résidu cellulosique qui contient encore beaucoup de malières amylacées, est appelé farine et con- sommé comme aliment féculent. La fécule obtenue est loin d’être pure, ainsi que l'indique son analyse. | Le fruit de l’avocatier ou beurre végétal est formé d’une pulpe butyreuse qu’on peut comparer à du beurre frais ayant le goût de noisette. On le mange cru et comme hors- d'œuvre à la façon du beurre ordinaire. Son goût est très délicat, et c’est un fruit généra- lement très apprécié dans les colonies. LA CULTURE DE LA CANNE A SUCRE. 2179 Composition centésimale des fourrages verts. RES GRAISSE. CELLULOSE. CENDRES. non azotées. MATIÈ ni Herbe de Para (Panicum molle). — partie inférieure de la plante. — partie supérieure de la plante. Herbe de Guinée (Panicum altissimum). — après la floraison. . — avant la floraison. . © OO 1 © O1 R © IN Feuilles de canne à sucre (Saccharum officinarwm). — feuilles extérieures. eu © — — extérieures. mr Om LL = — intérieures. — sommités entières. . Jeunes cannes. . Réana (Reana lururians). . . SN Om © © À MH © M Feuilles bois patate (Argyreia.….?) . Feuilles de patates (Convolvulus batatas). Patate bord de mer (1pomea pescapræ) Curage (Comelina vulgaris). . Pois zombis (Canavalia rosea) . ÿ | Pourpier (Sesusium portulacastrum). . IMHeTDe ATIZe- + 0 L ” . Écumes de défécation (moyenne) . Composition centésimale de la matière sèche des fourrages. ñ azolées, azotées, MATIÈRES GRAISSE. non Herbe de Para. . — partie inférieure. — partie supérieure . Herbe de Guinée. . . . — après la floraison . — avant 1 floraison . 280 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Composition centésimale de la matière sèche des fourrages (suite). CELLULOSE CENDRES. azotées non azotées GRAISSE. Feuilles de canne à sucre. . . — feuilles externes . — feuilles externes . — feuilles internes. . — sommités entières. . Jeunes cannes. . * . . Feuilles complètement sèches. . — commençant à se dessécher . . — SÉCHÉES ERIC NT — extérieures. Réana. . . Bois patate . Feuilles de patates. . Patate bord de mer Curagel RE Pois zombis. . SN D PE POI LE 2 99 : .12| 38.52 GENRES à ou & 0 oraiotdMono he è - .82 .-81| 53.80 HeTDO Ari eee eee Eee Teen RO Ae Ê .04| 12. 43.56 Écumes de défécation (moyenne). . . .| 39.1: 2.9: 5.4: ; 51.28 ) CELLULOSE MATIÈRES GRAISS or gr Tolomane (Canna coccinea). . . Patate (Batatas edulis) . Igname (Dioscorea alata). Manioc (Jatropha manihot), . Banane (Musa paradisiaca)verte. — 1 VOLE ESS M de be de S © © © © © M nn M En M MO: Ou OM Os ©Sr'O: ©O©O PA 4 MATOS eme. ce LA CULTURE DE LA CANNE A SUCRE. 281 Composition centésimale de divers fruits et racines (suife). = D 5 BE = nes | eee | ms ns es es | eee 12 | Fruit à pain, eutier (Artocarpus CLEO AIR) F0 01NIROETES 82558 0.39 » 13 | Fruit à pain, farine . . . . . .| 18.55 | 3.23 | 2.45 | 1.73 | 74.01 » » 14 — QUES NE, > ET » 0.40 | 0.45 | 78.65 » » 15 | Avocat (Laurus persea). . . . .| 81.55 | 2.05 | 0.71 | 0.74 3.94 | 10.30 0.71 87.61 | 1.75 | 0.73 | 0.74 4.00 4.16 1.01 83.63 » 1.14 » 6.71 6.41 2.11 84.99 » 0.78 | 0.91 49 6.93 0.90 0. 1.é GRAISSE. SUCRE de la matière MATIÈRES Tolomane. . Patate . © NN MH Igname. , 19 R © NO 1 BR OÙ A PR 1 D © Manioc. . © D I AO Où À Banane verte. — verte. . = © MH OO M ND NN —- mûre. . ni en = Lo] D D Fruit à pain entier . a ©9 = farine . — fécule . um re 3.88 8.15 12.90 6.00 6.16 Avocat. es en D À © N mn _ SUR LE DOSAGE DU TANNIN COMPTE RENDU DES DÉBATS DE LA COMMISSION RÉUNIE A BERLIN, LE 10 NOVEMBRE 1883 A L'EFFET D'ÉTABLIR UNE MÉTHODE UNIQUE DE DOSAGE DU TANNIN Par le D' C. COUNCLER DIRECTEUR DU LABORATOIRE DE RECHERCHES FORESTIÈRES A EBERSWALDE AVEC DES RECHERCHES CRITIQUES SUR LA MÉTHODE DE LO WENTHAL Par le D' J. von SCHRODER PROFESSEUR A L'ACADÉMIE FORESTIÈRE DE THARAND (SAXE) ! PRÉFACE Depuis une dizaine d'années, on a déterminé quantitativement le tannin contenu dans diverses substances végétales pour se rendre compte de leur valeur comme matières tannantes. On peut affirmer que le dosage du tannin est un des problèmes de la chimie analyti- que pour la solution desquels on a proposé le plus de méthodes, sans que, jusqu'ici, aucune ait réussi à se faire universellementadop- ter. Bien que, dans ces derniers temps, après les travaux critiques 1. Cassel, {SS5. Imprimerie de Théodore Fischer. L'importance du dosage exact du tannin dans les substances végétales, nous a engagé à demander à M. Ed. Henry, professeur à l'Ecole nationale forestière et membre du comité de rédaction des Anzales, de nous donner la traduction intégrale du mémoire très intéressant de MM. Councler et Schrüder, où se trouvent décrites et discutées les méthodes proposées jusqu'à ce jour pour le dosage de ce corps. L. GRANDEAU. SUR LE DOSAGE DU TANNIN. 283 de Kathreiner ! et de Schütze?, ce soit la méthode de Lôwenthal que suivent la plupart des chimistes, on dose encore souvent le tannin autrement et, bien plus, les chiffres obtenus pour une même matière par divers chimistes avec la méthode de Lôwenthal sont loin de concorder suffisamment. Il a paru dès lors nécessaire de convenir de l'emploi d’une seule méthode et de la publier avec toutes les précautions à prendre pour que les chimistes puissent dorénavant obtenir des chiffres compara- bles, résultat également important pour la science et la pratique. L'Association des tanneurs allemands invita un certain nombre de chimistes s’occupant d'analyses de tannin à se réunir à Berlin, à l’occasion de sa 20° assemblée générale, et à amener, s’il était possi- ble, l’unité dans les méthodes. Dans le présent travail, on donne d’abord un résumé des méthodes de dosage les plusconnues et les plus importantes. Vient ensuite un rapport détaillé sur les débats de la Commission. A la fin se trouve une courte description de la méthode adoptée. Il n’est pas superflu de remarquer que, jusqu’à présent, les diffi- cultés qu’on rencontre dans le dosage du tannin sont extrêmement orandes. Comment, en effet, doser une matière quand on ne sait ce qu’elle est ? Et c’est à ce problème que revient, dans la plupart des cas, la détermination du tannin. Car, à part le tannin de la noix de galle, les autres n’ont encore été que très imparfaitement étudiés. D'autre part, il est d’une nécessité incontestable pour la pratique d’avoir des dosages exacts et comparables. 1. Dingler's polyt. Journal, 187TS. Fascic. 227, p. 481 et suiv. 2. Danckelmann s Zeitschrift Jur Forstwesen, X, p. 1-0. 284 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. INTRODUCTION MÉTHODES EMPLOYÉES [. — Méthodes fondées sur la propriété qu'a la peau de précipiter complètement le lannin de ses solutions. 1. Davy et ses élèves mettent dans la solution à analyser un excès de peau pesée sèche à 100°. Quand le tannin est absorbé, on lave rapidement la peau, on la dessèche à 100° et on la pèse à nouveau. La différence de poids doit représenter la quantité de tannin qui se trouvait dans la solution. Cette méthode est inexacte et a été bientôt abandonnée ?, 2. Hammer * détermine la densité de la solution tannifère avant et après l’emploi de la peau en poudre. La différence des densités est d'autant plus grande qu’il y a plus de tannin dans la liqueur. Hammer a dressé des tables donnant la densité des solutions de tannin pur à divers degrés de concentra- tion : on peut, à leur aide, calculer la teneur en tannin, étant don- née la différence de densité avant et après l'emploi de la peau en poudre. Cette méthode peut être recommandée pour l'acide tanni- que, si l’on prend toutes les précautions nécessaires. Quant à la densité des solutions pures des principes tannants autres que l'acide tannique, elle est tout à fait inconnue. 3. Müntz et Ramspacher * ont publié, 15 ans plus tard, une mé- thode semblable. 25 centimètres cubes de la solution à analyser sont évaporés à siccité et on prend le poids de l'extrait desséché à 1. On a surtout utilisé pour cet exposé : Untersuchungen über den Gerbstoff der Eichenrinde, par W. Schütze ; Zeitschrift für Forstwesen, X, p. 1-50 et, en outre, les mémoires originaux. 2. Voir la critique de cette méthode, dans le 7railé d'analyse des matières agri- rer par L. Grandeau. >. Dingler's polyt. Journal, 49, p 300. s. C. R. LXXIX, p. 300. — Fres., Zeitschrift f. analyt. Chemie, XII, p. 462. SUR LE DOSAGE DU TANNIN. 2389 100°. On fait passer, à laide d’un appareil spécial”, une assez grande portion de la solution à travers un morceau de peau dépoi- lée et lavée qui absorbe le tannin. On évapore 25 centimètres cubes de la solution qui a filtré à travers la peau ; on dessèche l'extrait à 100° et on pèse. De la différence des deux poids obtenus, on déduit la quantité de tannin. Une modification de la méthode consiste à prendre la densité de la solution avant et après la filtration sur la peau et à calculer, d’après la différence, la teneur en tannin à l’aide de tables. Voir dans Schütze (Zeuschrift fur Forstwesen, X, p. 6) les objections à cette méthode suivie encore maintenant en France. Il. — Méthodes fondées sur la précipitalion du tannin par la gélatine. Fehling, à lexemple de Warington?, dissout de la gélatine dans de l’eau (10 gr. par litre) et détermine l’action de cette solution sur du tannin pur. On ajoute ensuite à la solution à analyser de la liqueur de gélatine, jusqu’à ce qu’il ne se produise plus de précipité. On déduit de la quantité de gélatine employée la teneur en tannin. G. Müller * ajoute de l’alun, Fr. Schulze * du sel ammoniac, Har- tüig® du chlorure ferrique. Des modifications à la méthode de Feh- ling ont été aussi introduites par Salzer °, Fraas, Lipowitz? etautres. En comparant les résultats obtenus par ce procédé avec ceux que donne la méthode de Lôwenthal, on constate qu’il donne des chiffres trop élevés pour les solutions moyennement et fortement concen- trées et trop faibles au contraire pour les solutions très diluées. Schütze *, entre autres, l’a démontré par une série d'essais. De plus, la fin de la réaction est difficile à constater. 1. Voir le 7railé d'analyse des malières agricoles, par L. Grandeau ; 2° édit., p. 360 et suiv. 2. J. Chemie, M, 1853, 683. 3. Dingler’s Journal, 151, p. 69. 4. Id. 182, p.155. 5. Hartig, Der Gerbstoff der Eiche, p. 29. 6. Fresen. Zeitschrift, NI, p. 70. 7. Wagner’s Jahresbericht, 1861, p. 624. S. Zeitschrift fur Forstwesen, X, p. 7, 8. 280 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Il. — Méthodes par précipitation à l'aide des alcaloïides. L'idée qui a été émise dans des ouvrages, de doser le tannin par l’acétate de quinine n’a probablement jamais été réalisée. R. Wagner’! ütre la liqueur tannifère à l’aide d’une dissolution de sulfate de cinchonine de force connue ; on y ajoute de la rosami- line et un peu d'acide sulfurique. La réaction est terminée quand on perçoit la couleur rouge après le dépôt du précipité. Les chiffres obtenus par cette méthode s’éloi- gnent sensiblement de ceux qu'on obtient autrement et n’en sont même souvent que des fractions. Neubauer? a irréfutablement démontré que ce procédé était impralicable. On a cherché à le perfectionner. Clark*, par exemple, ajoute un excès de solution de cinchonme, filtre, lave, et détermine dans le liquide filtré la cmchonime en excès en la titrant à laide d’une solution d'iodure de mercure et de potassium. Mais ici encore on ne peut reconnaitre exactement la fin de la réaction. ù IV. — Méthodes par précipitation à l'aide des sels métalliques. Comme l'acide tannique donne avec différents métaux des combi- naisons insolubles, on a préconisé l'emploi de toute une série de sels métalliques pour le dosage du tannin ; mais d’après les recher- ches ‘critiques de plusieurs chimistes, ces procédés sont, quant à présent, inapplicables. On a surtout employé des acétates qui sont précipités le plus facilement de leurs combinaisons par l’acide tan- nique. Les acétates de presque tous les métaux lourds non précieux ont élé essayés. Handtke * titre avec l’acétate de fer après addition d’acétate de soude et d'acide acétique. Carpené et plus tard Barbiéri® précipi- 1. Zeilschrift fur analyt. Chemie, N, p. 1 et suiv. 2, Fresen. Zeitschr., X, p. 18. 3. Gerberzeitung, XX, Jahrg., p. 110. 1. Journal f. pract. Chemie, 82, p. 345. o. Dingler’s Journal, 216, p. 452, — Ber. d. chem. Ges., X, p. 78. SUR LE DOSAGE DU TANNIN. 287 tent avec une solution ammoniacale d’acétate de zinc, évaporent jusqu’au tiers et déterminent dans le précipité le tannin en üitrant avec du caméléon. F. Kathreiner * a démontré que cette méthode était inapplicable. Fleck *, Pavesi et Rotondi*, Schiff et Przibram * précipitent à l’aide de l’acétate de cuivre, les uns en présence, les autres en l'absence de carbonate d’ammoniaque, calcinent à l’air le précipité avec addition éventuelle d'acide nitrique et calculent le tannin d’après le résidu d'oxyde de cuivre. Mais chacun de ces auteurs donne pour le facteur de réduction des chiffres différents. Si on n'emploie pas de carbonate d’ammoniaque, il se précipite avec les sels de cuivre d’autres acides tels que l’acide gallique; si l’on en met, il se dissout du tannate de cuivre avec lessels de cuivre formés par les autres acides. Hallwachs * et Günther® ont déjà dit ce qu'ils pensaient de cette méthode, et dernièrement Schütze ? en a publié une critique géné- rale. De ce travail, malheureusement peu connu, résulte toute une série d’objections contre la méthode de précipitation par l’acétate de cuivre. Les modifications qui y ont été apportées par Wolff, Sac- kur”, Hager, Gavalowski, J. M. Eder ” et d’autres encore, ne la ren- dent pas plus recommandable. Mèmes objections contre la méthode de Limpkin ® qui titre le tannin à l’aide d’une solution ammoniacale d’acétate de cuivre. L’acétate de plomb a été plusieurs fois employé ; mais il a une tendance encore plus accusée que l’acétale de cuivre à précipiter d'autres acides que l’acide tannique. Przibram a été le premier à 1. Dingler's Journal, 1878, livre 227, p. 481 et suiv. 2. Wagner's Jahresber., 1861, p. 625. 3. Ber. d. Chem. Ges., 1874, p. 590. 4. Fres. Zeilschrift, 1866, p. 566. 5 Id. DD 6. Id. 10, 356. 7. Zeitschrift f. Forstwesen, X, p. 9 et suiv. 8. Kritische Blätter für Forstwissenschaft, 41, p. 167. 9. Gerberzeitung, XXXI, p. 32. 10. Déngler's Journ., 229, 83. 11. J. chem., M, 1875, 989. 288 "ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. employer les sels de plomb. Allen” se sert d’une solution de sucrate de plomb, et, comme liquide indicateur, d’une solution ammonia- cale de ferrocyanure de potassium. On a aussi essayé de titrer les solutions alcooliques de tannin avec une solution alcoolique de su- crate de plomb, en employant l’iodure de potassium ou d’autres sels comme réacüfs indicateurs. Outre Jes acétates précédents, on a encore proposé beaucoup d’autres combinaisons métalliques. Persoz ? mélange une solution de chlorure de zinc avec du sel ammoniac et précipite le tannin au moyen de ce mélange dans un vase cylindrique gradué. Après 10-12 heures de contact, on mesure le volume du précipité. Risler-Beunat* précipite par le même réactif, calcine le tannate de zinc obtenu et calcule le tannin d’après l’oxyde de ze restant après caleination. Gerland * précipite à l’aide d’une solution de tartre stibié et pèse le précipité séché à 100°. Macagno® titre avec du nitrate de mercure, etc., etc. Il serait trop long d’énumérer tous les procédés de ce genre. On a aussi employé des oxydes métalliques. V. — Méthodes colorimétriques. Elles reposent sur ce fait qu’on peut établir avec les solutions de tannin une échelle de colorations en trempant du papier à filtre dans des solutions ferriques, le desséchant et plongeant des bandes de ce papier dans des solutions de tannin diversement concentrées, par exemple de 4 à 10 p. 100. On met du papier ainsi préparé dans la solution à titrer ; après l’avoir séché, on le compare à la série de papiers colorés et on détermine ainsi par comparaison le taux de tannin. Wildenstein ® emploie le citrate de fer. On ne peut natu- rellement pas obtenir de cette façon des déterminations quantitatives exactes. . Dingler's Journal, 229, p. 85. . Fres. Zeilschr., 1864, p. 129. Id. 1863, p. 287. Id. 1863, p. 419. >. Ber, d. chem. Ges., NIL, p. 360. 6. Fres. Zeitschrift, 2, p. 137. ©2 19 mm SUR LE DOSAGE DU TANNIN. 289 VI. — Méthodes fondées sur la propriété du lannin de se combiner avec cerlains corps simples en présence de solulions alcalines. 1. Mittenzwei' et plus tard Terreil® ont imaginé une méthode consistant à mesurer l'oxygène que peuvent absorber les solutions de tannin mélangées à des alcalis. On calcule, d’après cet oxygène, laténeur en tannin des solutions. Les résultats obtenus par ce moyen ne sont pas exacts, (Voir, sur la méthode de Mittenzwei, Cech, Fresen. Zeitschr., NI, 737.) 2. Une solution de tannin contenant du carbonate de soude se combine avec l’iode en quantité proportionnelle à sa teneur en tannin. Jean * mélange la solution à titrer avec du carbonate de soude et y ajoute une solution d’ivode de laux connu jusqu’à ce que l’iode ajouté ne se combine plus. Comme indicateur, il prend du papier amidonné qui bleuit dès qu'il y a de l’iode en liberté dans la liqueur. Cette méthode est exposée à diverses causes d'erreur et en outre assez minulieuse. Dernièrement, on a remis à la mode quelques au- tres méthodes également fondées sur l’addition d’iode aux solutions tanniques et sa substitution aux atomes d'hydrogène du tannin. VIL. — Méthodes dans lesquelles on détruit le tannin par des oxy- dants, et on le délermine par la quantité du réactif oxydant em- ployée. Comaille * emploie pour cette oxydation l'acide iodique et ajoute en même temps de l’acide cyanhydrique. Prudhomme * se sert du chlorure de calcium et ajoute de la rosaniline comme réactif indica- teur. Ces deux procédés ne présentent aucun avantage sur la mé- thode de Lôwenthal dont nous allons parler. C’est Monier* qui eut 1. Journ. pr. Chem., 91, p. S1. 2. Fresen. Zeitschr., 13, p. 243. 3. Ber. d.chem. Ges., 1876, 730. 4. Fresen. Zeitschr., 3, 488. >. Bull. Soc. chimique, ?, 21, 169. 6. Comptes rendus, GLVI, 577. ANN. SCIENCE AGRON. — {SS6. — 1. 19 290 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. le premier recours au permanganate de potasse pour doser le tan- nin. | ajoute à la liqueur tannifère une solution de caméléon de litre connu (par rapport à acide tannique pur) jusqu’à ce que la li- queur devienne faiblement rougeàtre. Mais on ne peut reconnaitre ce moment avec certitude et, d'autre part, une petite quantité de tan- nin peut dans ces conditions (par addition d'acide sulfurique étendu) décolorer de très grandes quantités de caméléon. Grassi! recom- mande de précipiter le tannin avec l’eau de baryte, de décomposer le tannate de baryum avec lacide sulfurique étendu et de titrer alors seulement à l’aide du caméléon. Cette méthode est loin d’être irré- prochable. Outre les tannins, beaucoup d’autres acides précipitables par Peau de baryte réduisent le permanganate. Lôwenthal? modifia très heureusement la méthode de Monier en ajoutant à la solution à ütrer comme liquide indicateur, de lindigo de titre connu. On peut alors reconnaitre, d’une façon précise, la fin de la réaction. En versant peu à peu le caméléon, la solution de tannin additionnée d’indigo et d'acide sulfurique étendu devient suc- cessivement vert foncé, puis vert jaunâtre pale et enfin subitement jaune d’or pur quand l’indigo est de bonne qualité. De la quantité totale de caméléon employée, on retranche celle qu'il a fallu pour oxyder l’indigo et la différence sert à calculer la teneur en tannin. Neubauer * montra la différence importante qu'il y a entre le tan- nin facilement soluble et le tannin difficilement soluble, et perfec- tionna la méthode de Lôwenthal, surtout au point de vue de lana- lyse des écorces de chène. D’après ses recherches, les liqueurs servant au litrage doivent être ainsi faites : 4° Solution d’indigo. — On dissout 30 gr. du meilleur carmin d’indigo (en pâte) dans 1 litre et on filtre ; 2 Liqueur de caméléon. — On dissout 10 gr. de permanganate de potasse pur dans 6 litres d’eau. On établit le titre du caméléon par une solution de tannin pur ; 3° Ou par une solution normale au 1/10 d'acide oxalique. 41:',56 1. Ber. d. deutsch. chem. Ges., 1875, 257. 2, Dingler's journ., 1861, 199, p. 143. 3. Die Schälung der Eichenrinden zu jeder Jahreszeil, etc.; Nach dem System von J, Maître, par W. Wohmann, C. Neubauer et CG. Lotichins, 1873. SUR LE DOSAGE DU TANNIN. 291 de tannin pur exigent pour leur oxydation, d’après Neubauer, autant de caméléon que 63 gr. d'acide oxalique cristallisé. On ajoute à 10 centimètres cubes de la solution tannifère à doser 90 centimètres cubes d’indigo et 10 centimètres cubes d’acide sulfu- rique dilué ; on étend à 3/4 de litre et on titre lentement en agitant fortement. Il faut, surtout vers la fin de la réaction, n’ajouter le caméléon que goulte à goutte ; car, s'il y a un excès de caméléon, on ne peut plus faire le dosage sur la portion prélevée. Naturellement, il fallait tenir compte des principes de lécorce de chène autres que le tannin qui s’oxydent par le caméléon. Comme Cech” avait montré que des solutions convenablement étendues et renfermant jusqu'à 1 p. 100 d'acide acétique, citrique, malique, tartrique, de sucre, de gomme, de dextrine, etc., n'étaient nullement oxydées à froid par le caméléon, Neubauer croyait qu’en plus du tannin, il n’y avait à tenir compte que des substances pecti- ques. Lüwe * avait démontré la présence dans l'écorce du chêne de ces substances facilement destructibles par le caméléon. Pour sépa- rer les matières pectiques des solutions de tannin, il évaporait à sec, reprenait par l'alcool absolu, évaporait à nouveau au bain-marie le liquide filtré, dissolvait le résidu dans l’eau et déterminait le tannin dans la solution ainsi obtenue, Par cette méthode, le résidu msoluble dans l'alcool renferme très opiniâtrément du tannin et, d'autre part, il se détruit une certaine quantité de tannin pendant la deuxième évaporation. Tandis que Lôventhal titrait avant et après traitement par une solution de gélatine” (ou éventuellement par de la peau en poudre) et calculait le tannin d’après la différence de caméléon employé, Neubauer employait pour fixer le tannin du noir animal bien pur. Ce dernier procédé n’est pas à l’abri de la critique. D'abord Neu- bauer lui-même ne veut l'appliquer qu’à l'écorce de chène ; en pré- sence d'acide gallique, par exemple, on ne peut se servir du noir 1. Fresen. Zeilschr., 1, p. 134 À. = 4, p. 366 3. Ge réactif peut être la cause de diverses erreurs dans le titrage; car le tannate de gélatine n'est nullement complètement insoluble, surtout en présence d'acides. Voir F. Simand, Déngler's Journal. Band 244, p. 399, et aussi E. Kathreiner. 292 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. animal qui fixe aussi bien cel acide que le tannin. Deuxiémenient, Neubauer, même pour l'écorce de chène, n’a pas pris toutes les précautions. Il n’a pas montré si, outre le tannin, l'écorce de chêne renfermait ou non d’autres substances pouvant être retenues par le noir animal. Et on peut faire observer dès à présent que les extraits d’écorces de chêne contiennent d’autres substances que le tannin qui réduisent le caméléon même à froid et qui sont fixées par le noir animal. COMPTE RENDU DES DÉBATS DE LA COMMISSION La Commission nommée pour fixer une méthode unique de do- sage du tannin s’est réunie le 10 novembre 1883, au laboratoire de l'Association des tanneurs allemands. Etaient présents, par ordre alphabétique : MM. le D' C. Councler, de l’Académie forestière prussienne d'Ebers- walde ; À. Eberz, directeur du laboratoire technique de l'Association des tanneurs allemands (Berlin) ; Fr. Kathreiner, chimiste de la fabrique Dœrr et Reinhardt, à Worms ; Schaun, préparateur au laboratoire de l'Association des tan- neurs allemands ; le professeur D'J, von Schrüder, de l'Académie forestière saxonne de Tharand ; F. Simand, de la Station autrichienne d’essais pour l’industrie du cuir (Vienne). M. W. Eitner, de Vienne, directeur de cette station, n’a malheu- reusement pas pu prendre part aux débats. Le D' Councler est nommé président. : M. Kathreiner propose que la Commission se déclare en perma- nence, que par une correspondance circulaire on puisse à l’avenir échanger ses idées sur le sujet en question, qu'aucune modification à la méthode qui sera adoptée ne puisse être introduite par un membre de la Commission sans qu’on se soit entendu à nouveau, 294 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. que la direction de la correspondance soit confiée au président et enfin que les conclusions qu’on va formuler soient publiées dans une brochure qui sera distribuée aussi largement que possible aux spécialistes. Ces propositions sont adoptées. Le D' Couneler prie les membres présents de faire tous leurs efforts pour arriver à une entente. Chacun d’eux s’est plus ou moins occupé de chercher une méthode de dosage ; mais ce qui semble le mieux pour chacun serait bientôt ici ennemi du bien, si personne ne voulait céder. L’orateur se déclare prêt sous ce rapport à toute concession qui sera justifiée par des faits et promet de relater aussi fidèlement que possible dans le compte rendu des débats, la part que chaque mem- bre y aura prise. Tous les assistants s'accordent pour adopter en principe la méthode de Lüwenthal comme étant incontestablement la meilleure. M. Kathreiner fait quelques remarques critiques sur les méthodes de Fleck et de Jean. M. le professeur von Schrôder déclare qu'à son avis Pemploi de la presse de Réal et le dosage séparé du tannin facilement et difficile- ment soluble ne conviennent pas dans la pratique, attendu que la différence entre ces deux sortes de tannin n’est que relative et en- core insuffisamment définie. On décide, sur ia proposition de M. Si- mand, qu'on ne donnera en général aux tanneurs que le taux total. Le dosage à part du tannin facilement soluble ne sera fait que sur demande expresse. — On décide aussi, sur l'avis de M. le professeur von Schrôder, que dans le cas où l’on emploiera la presse de Réal, on laissera la substance à analyser sous presse pendant 15 heures, la pression étant de 1",50, la durée de légouttement de 2 heures et le volume recueilli de 1 litre. Après qu'on aura ainsi déterminé le tannin facilement soluble, on traitera le résidu restant dans la presse comme s'il s'agissait d'y faire le dosage total. M. von Schrôder pro- pose pour ce dosage un appareil simple qu'il a construit et dont emploi est décidé. (Voir plus loin des détails sur ledit appareil et son usage.) Tandis que le professeur von Schrüder laisse la matière à analyser SUR LE DOSAGE DU TANNIN. 295 dans l’eau froide pendant 12 heures avant de la pressurer, M. Si- mand propose de commencer de suite l'extraction à l’eau chaude. Le D' Councler est convaincu que bien des variétés de tannins sont déjà facilement détruites au-dessous de 100° et qu’un premier traitement à l’eau froide est préférable. On convient de traiter la ma- tière pendant une heure à l’eau froide dans l’appareil du professeur von Schrüder avant le premier pressurage qui sera suivi de quatre autres après traitement préalable à l’eau bouillante. Quant à la détermination du tanain difficilement soluble qui reste dans la matière exprimée à la presse de Réal, elle doit s’opérer de même en pressurant dans l'appareil de Schrôder la matière mise dans Peau bouillante et en faisant une solution d’un litre. Après refroidissement et remplissage à nouveau jusqu’au trait, on filtre, s’il est nécessaire, une partie de la solution de tannin ; on peut très bien filtrer sur du papier. Comme appareil à broyer, M. le professeur von Schrüder décrit, entre autres, un moulin, semblable à un gros moulin à café, facile à nettoyer et pouvant pulvériser toutes les matières qui servent au tannage. Le D' Couneler recommande pour les écorces, ete., les moulins du mécanicien Apel, de Gôttingen, dont l’axe du cône mobile est horizontal, Au moyen d’un tamis que ces moulins possèdent et font mouvoir automatiquement, on peut broyer grossièrement d’abord et pousser ensuite la pulvérisation jusqu'au degré voulu. On convient qu'il faut réduire la matière à analyser en poudre aussi fine que possible et, sur la proposition de M. Simand, employer au préalable le mortier pour les matières dures, quand cela est né- cessaire. M. Simand fait adopter aussi que l'extraction doit s’opérer à l’eau bouillante. Au cas où la solution n’est pas tout à fait claire, 1l faut la filtrer. Au sujet de l'exécution des titrages, il se produit d'abord quelques divergences sur la concentration la plus convenable de la solution de caméléon. M. Simand recommande 1 gramme de caméléon par litre d’eau. De courts débats s'engagent à la suite desquels le professeur von Schrôder est invité à donner communication de son travail. Il à 296 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. expérimenté la méthode de Lüwenthal avec toutes les précautions possibles au laboratoire de l’Académie forestière de Tharand et son fravail, appuyé sur les chiffres de ses nombreux essais, jette une lu- mière complète sur le sujet. Nous l'insérons in exlenso à cause de son grand intérêt. Conformément aux résolutions prises dans sa première séance du 10 novembre 1883, la Commission, dont nous venons de publier les débats, s’est réunie une seconde fois à Dresde les 1* et 2 août 1885. Comme cette séance n’a guère été remplie que par des dis- cussions sur l’organisation de la Commission permanente, sur des réclamations de priorité, etc., nous nous contentons d'en donner un court résumé, renvoyant le lecteur pour plus de détails aux n° 37 et 39 (année 1886) du Deutsche Gerber Zeitung où le professeur D' von Schrôüder a inséré le compte rendu de cette 2° séance. Le D° von Schrüder constate d’abord avec quelle faveur a été partout accueillie, dans les cercles industriels, la nouvelle qu'une méthode exacte et unique allait être dorénavant employée dans les analyses de tannin. Cela à eu pour résultat immédiat de faire dispa- raître de la 4° page des journaux les annonces de matières tan- nantes à taux de garantie absolument fantaisistes. Il cite à l’appui de son dire les nombreuses lettres d'approbation adressées soit au D' Councler, soit à lui et signées de noms connus, tels que: A. W. Hofmann à Berlin, L. Grandeau à Nancy, R. Procter à North- Shields, A. Mayer à Wageningen, et aussi les fortes demandes de peau en poudre et d’indigotine reçues par la maison Gehe, de Dresde, aussitôt après l’apparition du compte rendu. Deux ans s'étaient écoulés depuis la première réunion et six mois depuis la publication des débats. On pouvait donc admettre que, dans les laboratoires spéciaux on avait déjà fait de nombreux essais de la méthode adoptée et il paraissait desirable de s'expliquer en commun sur les modifications éventuelles à y apporter, de façon qu'on procédât toujours uniformément. Cest dans ce but que les membres de la Commission se réunirent SUR LE DOSAGE DU TANNIN. 297 les 4° et 2 août 1885 à Dresde, où l'Association des tanneurs saxons tenait ce jour-là son assemblée générale et où l’on avait organisé une exposition spéciale de cuirs à laquelle participaient presque tous les membres de la corporation. Après d'assez longues discussions sur l’organisation intérieure de la commission permanente, sur l’u- üilité de fonder un journal spécial, sur des réclamations de priorité venant surtout de M. Simand, de Vienne, etc. !, la Commission est d’avis qu'il n’y a rien à modifier dans les procédés opératoires de la méthode arrêtée à la première réunion. A la fin de la séance, on discute sur les mérites d’un nouvel appareil à extraction fonction- nant tout seul, construit par le D' Koch. Cet appareil, avec lequel il a été fait des séries d’essais au laboratoire de Tharand, est présenté à la Commission qui prend connaissance de la notice du D° Koch sur son appareil nommé par lui appareil à diffusion et sur les résul- tats obtenus. La Commission recommande, sous réserve, d’em- ployer cet appareil concurremment avec ceux déjà adoptés. La séance se termine par la démission du présidentle D° Councler qui est remplacé par le D' von Schrôder. 1. Lors de la discussion sur les essais de Procter et ses objections à la fixation du titre par le tannin, le D' Councler fait remarquer que l'emploi du kaolin pour éclaircir les liqueurs, moyen préconisé par Procter, est défectueux parce que de nombreux essais ont montré que le kaolin absorbait des quantités variables de tannin. ÉTUDE MÉTHODE DE LOWENTHAL Par le D' J. von SCHRODER De toutes les méthodes qui ont été proposées pour la détermina- tion du tannin, c’est celle de Lôwenthal qui s’est le plus répandue. Elle est chaudement recommandée par plusieurs chimistes qui se sont livrés à des essais critiques comparatifs des diverses méthodes. Celle de Lôwenthal avec les modifications introduites par Neubauer est représentée dans la plupart des manuels récents d'analyse de chimie organique comme la meilleure pour le dosage quantitatif du tannin et, fait capital, elle est maintenant, en Allemagne, complète- ment entrée dans le domaine de la pratique. Les stations d'essais pour là tannerie n’emploient qu'elle. La méthode de Lüwenthal doit, je pense, cette préférence surtout à ce qu’on peut arriver avec elle à des résultats exacts plus commo- dément et plus rapidement qu'avec n'importe quelle autre méthode et à ce que les chiffres obtenus concordent entre eux au moins autant que ceux fournis par les meilleures des autres méthodes. La rapidité dans l'analyse est, pour la pratique, un avantage ca- pital et l’on ne doit abandonner une méthode qui répond à ce desi- deratum si important que si l’on peut v substituer un procédé évi- demment bien meilleur et plus exact. On devra chercher plutôt à atténuer, à force de travail et de modifications, les défauts de la mé- thode qu'à la jeter par-dessus bord pour en reprendre une autre qui serait plus longue et moins commode et qui finalement ne pourrait jamais donner que des résultats d’une exactitude relative. SUR LE DOSAGE DU TANNIN. 299 Je fais cette observation tout d’abord parce que, dans l'exposé et la discussion que je vais faire d’une série de sources d'erreur de la méthode, je me place à ce point de vue qu’il est désirable et possible (j'essaierai de le démontrer) de conserver cette méthode en la mo- difiant convenablement. [. — Procédés opératoires. On sait que la méthode de Lüwenthal consiste à titrer en même temps, à l’aide du caméléon, le tannin et l’indigo en solution étendue additionnée d’acide sulfurique. Quand la dernière trace de la colo- ration due à l’indigo a disparu, tout le tannin est en même temps oxydé. On a à se servir d’une solution de caméléon, d’une solution d’in- digo et d'acide sulfurique, d’une substance qui précipite le tannin et enfin d’une matière servant à établir le titre du caméléon. La solution d’indigo doit, d’après les prescriptions indiquées plus haut, se faire en dissolvant 30 gr. de carmin d'indigo pur en pâte dans l’eau froide, agitant, étendant à 1 litre et filtrant. Ce mode de préparation présente de très grands inconvénients déjà fort justement signalés par Neubauer. Le carmin d'indigo en pâte n’est pas un produit toujours également pur et se trouve dans le commerce en qualités très différentes. Neubauer déclare (et jai pu le constater) qu'il y a des carmins d’indigo qui ne peuvent être utilisés pour le titrage par le caméléon; vers la fin, la teinte ne passe pas brusquement du vert au jaune pur, mais devient rou- geâtre et brunâtre, si bien qu'il est impossible de saisir le terme de la réaction. Il faut donc, si l'on veut suivre la formule donnée, se procurer un certain nombre de préparations d’indigo et chercher parmi elles celles qui sont plus ou moins utilisables pour lestitrages. Outre qu'on perd ainsi beaucoup de temps et qu'on n'arrive au but qu'après de longs essais, l'œil fatigué devient mhabile à reconnaitre la fin de la réaction. Et même dans les solutions utilisables, prépa- rées suivant la formule précédente il y a pour chacune, suivant son degré de pureté, une nuance différente pour la réaction finale et il faut que l'œil s’habitue chaque fois à une nouvelle série de teintes. Ls 300 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Si l’on tombe sur une série de mauvais indigos, comme cela m'est arrivé, l'œil est pour ainsi dire démoralisé par ces différentes dégradations de teintes incessamment variables des solutions d’in- digo mauvaises, plus ou moins bonnes et bonnes, au point qu’on devient tout à fait incertain du terme de la réaction. Un défaut plus général et non moins grave réside dans la concen- tration très variable de la matière colorante. Chaque solution, préparée comme précédemment, a, relativement à une même liqueur de caméléon, un titre différent. Or de nombreux essais ont montré que l'exactitude du titrage dé- pend, à un certain degré, du rapport entre les volumes de caméléon employés, d’une part pour lindigo, de l’autre pour le tannin. Neubauer ajoute que la solution d’indigo faite d’après la formule précédente ne se conserve pas bien, que des champignons s’y dé- veloppent facilement et il propose un procédé de conservation assez compliqué. Je n’ai pas contrôlé cette déclaration de Neubauer ; mais ce serait encore un défaut de plus. Après plusieurs tentatives, J'ai réussi à préparer une liqueur d’indigo irréprochable en employant, au lieu de carmin d’indigo en pâte, de l’indigotine (sulfindigotate de soude solide) provenant de Gehe et C°, à Dresde‘. Ce produit est soluble dans l’eau sans résidu et, en prenant cha- que fois les mêmes proportions, on a une solution d’indigo d’un pouvoir colorant toujours identique. La fin de la réaction est nette et précise ; la teinte passe subitement du jaune verdâtre au jaune d’or pur comme avec les meilleures solutions de carmin d’indigo. La liqueur préparée avec l'acide sulfurique et mise à lobscurité peut, d’après mes essais, se conserver très longtemps inaltérée. 9 gr. d'indigotine dissous dans 1 litre donnent une solution d'indigo équi- valente en moyenne, comme pouvoir colorant, aux solutions em- ployées jusqu'ici. Il est très commode d’ajouter l'acide sulfurique, nécessaire pour le titrage, à l’indigotine, comme le fait Lôwenthal; on n’a ainsi besoin pour chaque dosage que de 2 solutions au lieu de 3. 1. L'indigotine (Carminum cœruleum) de Gehe et Cie, à Dresde, coûte 42 fr. le kilogr. Malgré ce prix élevé, les 40 centimètres cubes de solution nécessaires pour un dosage ne reviennent pas à un centime. SUR LE DOSAGE DU TANNIN. 301 Voici comme Je prépare maintenant la solution d’indigo et je puis recommander cette formule comme étant la meilleure. À 30 er. d'indigotine qu’on pèse séchée à l'air, on ajoute 3 litres d’acide sul- furique étendu de 9 fois son volume et ensuite 3 litres d’eau dis- tillée de manière à avoir 6 litres de solution. On agite bien le tout et on filtre. La filtration est, à vrai dire, superflue; car il ne doit rien rester sur le filtre, mais elle me sert à m’assurer de la pureté de l’indigotine et de la Himpidité de la solution trop foncée pour que l'œil puisse voir si elle est bien claire. Je prépare la liqueur de caméléon, suivant les indications de Neubauer, en dissolvant 10 gr. de permanganate de potasse cristal- lisé très pur, séché à l'air, dans 6 litres d’eau. Si l’on prend soin de peser exactement dans les proportions indi- quées l’indigotine et le permanganate, on a ce grand avantage qu’a- vec des produits purs le titre du caméléon par rapport à l’indigo reste presque constant. On ne peut faire trop valoir cet avantage ; car c’est une garantie que le titre, une fois exactement établi, n’est plus sujet qu’à de très minimes variations, et l’on évite ainsi à jamais les grosses erreurs dans la fixation du titre. Chaque fois que, dans ces dernières années, j'ai préparé des solu- tions de caméléon et d’indigo, comme je viens de l'indiquer, 20 cen- timètres cubes d’indigo ont exigé 10,7 ou 10*,8 de caméléon. Il ne se présentera guère de plus grandes variations si l’on emploie des produits purs etsi l’on procède avec soin à la préparation des liqueurs. D’après mes essais, une solution pure de caméléon bien bouchée et à l’obscurité reste très longtemps inaltérée. Le 21 mars 1881, j'ai déterminé le titre d’une solution de caméléon dont 4 centimètre cube équivalait à 0#,001752 de tannin ; j'ai recommencé le 14 février 1882, et J'ai obtenu un titre presque identique : 1° = 08,001747. J'ai conservé pour les titrages la dilution généralement usitée. Dans 3/4 de litre d’eau on ajoute 20 centimètres cubes de la solution d’indigo et 10 centimètres cubes de la liqueur tannique à doser. Si, dans ces conditions, la solution d’indigo exige 10 à 11 centimètres cubes de caméléon, il sera d'autant plus difficile de reconnaitre la fin de la réaction que le caméléon employé pour la liqueur tannique se rapprochera plus de ce volume de 10 à 11 centimètres cubes. Si 302 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. la quantité de caméléon exigée par la hiqueur tannique dépasse celle qu'il faut pour Pindigo, c’est-à-dire 10 à 11 centimètres cubes, on peut difficilement faire un dosage exact. Si, au contraire, elle est moitié moindre, donc égale à 5-6 centimètres cubes, la fin de la réac- tion est facile à saisir même pour un œil peu exercé. Déjà Neubauer et surtout Kathreiner, ce dernier en s'appuyant sur une série d'essais, ont signalé cette cause d'erreur. Cependant, si l’on à une pratique suffisante, on peut encore, d’après mes expé- riences, arriver à des résultats bien concordants quand la solution de tannin exige à peu près autant de caméléon que les 20 centi- mètres cubes d’indigo. Mais dans ce cas il est particulièrement né- cessaire de faire plusieurs dosages de contrôle et le chimiste peu exercé fera toujours mieux d’élendre convenablement la solution tannique. Je reviendrai tout à l'heure sur ce sujet et je montrera que, pour d’autres motifs, on doit chercher à ce que la quantité de caméléon relative à la liqueur de tannin soit aussi voisine que pos- sible de celle qui a servi à établir le titre. Pour précipiter le tannin de ses solutions et déterminer ensuite dans le liquide filtré équivalence en caméléon des matières oxyda- bles autres que le tannin (ce qui donne un certain volume à retran- cher du volume total de caméléon employé), on s’est servi de la gélatine et de la peau en poudre. Neubauer, pour les écorces de chêne spécialement, a pris du noir animal: 1l a reconnu lui-même que le noir animal n’était pas susceptible d’un emploi général et, à mon avis, il ne peut même servir pour les écorces de chêne. Je dé- montrerai qu'il donne des taux sensiblement trop élevés, parce qu'il absorbe d’autres matières oxydables que le tannin. | Des recherches nombreuses et approfondies montrent qu'en em- ployant la gélatine on obtient des résultats trop faibles. Je n'ai ja- mais pu me faire à l’idée d'employer dans des analyses une matière comme la gélatine, si peu maniable, offrant si peu de garantie quant à la pureté et à l'identité de composition chimique et si difficile à vé- rilier. Nous possédons, à mon avis, dans la peau des animaux le précipitant le plus naturel et le plus commode, qui se recommande déjà plus que tout autre par ce fait qu'avec la peau seulement nous sommes sûrs de fixer la totalité de ces substances, en partie Incon- SUR LE DOSAGE DU TANNIN. 303 nues, confondues sous le nom général de tannins et qui sont la chose importante pour l’industrie. Or, les analyses doivent satisfaire aux exigences de la pratique. C’est pourquoi je donnerais toujours la préférence à la peau, mème sur des précipitants comme le tissu gé- latineux des os et la corne qui, d’après les nouvelles et intéressantes recherches de F, Simand', auraient sur le tannin la même action que la peau. Aucun autre précipitant n'offre pareille sécurité ; aussi me suis-je efforcé d’écarter les difficultés qui s'opposent à l'emploi général de la peau. Ces difficultés viennent essentiellement, suivant moi, de ce que les indications données pour la préparation de la peau ne sont pas bonnes. En ràpant ou rabotant de la peau lavée et desséchée, il faut trop de temps et on n’oblient que difficilement une poudre d’une finesse suffisamment égale. Outre que le râpage est une opération très difficile, longue et pénible, je n'ai jamais réussi, en râpant un morceau de peau desséchée, à obtenir une poudre pro- pre. En rabotant, on n'arrive qu’à avoir des copeaux grossiers, irré- euliers, qui n'absorbent pas assez vite le tannim et dont des poids égaux peuvent n'avoir pas la même valeur. J'ai obtenu une poudre très belle, d’une finesse égale et 1rrépro- chable sous tous les rapports, lorsque J'ai eu l’idée, après quelques essais, de pulvériser dans un moulin la peau purifiée et desséchée. Pour avoir une bonne préparation, on ne doit pas naturellement épargner la matière et chercher à utiliser les déchets. On prend, chez un tanneur où l’on est sùr que la peau n’a subi que le traite- ment à la chaux, un assez grand morceau découpé dansles meilleures parties d’une peau épaisse et sans défauts. Cette peau, déjà débar- rassée de ses couches superficielle et interne, est encore bien net- toyée à l’aide d’un racloir, puis portée dans l’eau courante. On la pétrit à fond plusieurs fois par jour et on lui fait subir ce traitement Jusqu'à ce qu’elle ne cède plus rien à l’eau. Ces lavages et manipu- lations durent ordinairement 8 à 10 jours. La peau ainsi purifiée est d’un blanc éclatant, et fortement pétrie dans l’eau pure, ne lui cède absolument plus rien, si bien qu’on ne peut observer le moindre 1. Ferd. Simand, Zur Gerbstoffbestimmung. Dingler's polytechnisches Journal, 1882 ; 246, 133, etc. 304 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. trouble. J'ai préféré un lavage prolongé à leau pure et une mani- pulation mécanique à un traitement par les acides. On pourrait peut- ètre ne pas nuire au produit et hâter sa purification en portant la peau, d’abord lavée et travaillée quelque temps comme je lai indi- qué, dans de l’eau renfermant 1/10 p. 100 d’acide chlorhydrique", l'y laissant un quart d'heure à peu près, et la lavant et pétrissant ensuite vigoureusement dans l’eau courante. La peau ainsi purifiée est desséchée jusqu’à ce qu’elle se laisse facilement trancher. On la découpe en lanières de 5 centimètres de largeur environ et finale- ment en tout petits morceaux de 3 à 4 millimètres à l’aide d’une machine. Ces petits morceaux sont desséchés à 100° au bain-marie et mis à moudre par petites quantités et aussi chauds que possible, dans un fort moulin installé spécialement dans ce but. Les menus fragments de peau sont alors transformés peu à peu en poudre qu’on tamise. On reporte au bain-marie les parties grossières qu’on moud ensuite et l’on continue ainsi à dessécher et à moudre jusqu’à ce que toute la peau ait passé au tamis. La ‘peau préparée de cette façon doit être, à l’état sec, blanche et non grise. Il va de soi que leffôrt à faire pour moudre est assez grand, mais on en vient pourtant à bout. Fai préparé ainsi une grande quantité de peau en poudre avec laquelle jai exécuté plusieurs centaines d'analyses; j'en ai aussi distribué à des collègues qui se sont exprimés très favorable- ment sur son compte. Comme un assez grand morceau de peau coûte assez cher et que le travail de préparation est assez considérable, le prix de la peau prête à être employée est assez élevé. Cependant la peau en poudre nécessaire pour un dosage ne coûterait pas, d’après mon calcul, plus de 0‘fr. 20 c. Il ne serait pas difficile, ce semble, de décider une fabrique de produits chimiques à préparer la peau en poudre comme je viens de l’indiquer et à la mettre dans le commerce. Ainsi il n’y aurait plus d’obstacle à la généralisation de l'emploi de ce précipitant, le meilleur de tous. Il est évident qu'il ne peut suffire, dans la pratique, de donner la quantité de caméléon employée et qu'il est absolument nécessaire 1. Voir Simand, Loc. cèl., p. 133 et suiv. SUR LE DOSAGE DU TANNIN. 305 d'exprimer les résultats de l'analyse en pour-cent de tannin, quand même ce ne serait que d’une exactitude relative. Comme on ignore l'équivalent de la plupart des tannins, on a provisoirement pris le seul moyen possible et tout à fait exact pour la pratique, qui est de mesurer la richesse de toutes les matières employées au tannage d’après l'acide tannique et de fixer le titre de la solution de caméléon à l’aide d’acide tannique pur, directement ou indirectement. Mais ce mode de fixation du titre, le seul possible, présente dans l'exécution quelques difficultés, celles qu'offre toute analyse exacte d’acide tan- nique. Le titre ne doit s'établir que d’après la portion précipitable par la peau en poudre et non d’après le taux de substance sèche ; car même les types les plus purs d'acides tanniques qu’on trouve dans le commerce, renferment toujours une certaine proportion de matières qui réduisent le caméléon, mais ne précipitent pas par la peau et ne sont pas dès lors tannantes. On ne pourrait fixer le titre d’après le taux de substance sèche d’un type pur de tannin du commerce, que s’il était d’abord démon- tré que la valeur en caméléon des matières accessoires contenues dans les produits du commerce, est égale à la valeur en caméléon du tannin précipitable par la peau, ce qui reste à prouver et ce qui pa- rait à première vue invraisemblable. Neubauer, s'appuyant sur ses expériences, où il ne tenait pas compte d’ailleurs de la différence capitale entre la portion du tannin du commerce qui est fixée par la peau et celle qui ne l’est pas, avait annoncé que 65 gr. d'acide oxalique équivalaient, vis-à-vis du camé- léon, à 415,2 d'acide tannique. Il avait proposé de fixer le titre de la liqueur de caméléon à l’aide d’une solution normale décime d’a- cide oxalique et de calculer, d’après le rapport ci-dessus, la valeur correspondante du titre en acide tannique. L'idée de Neubauer pa- raissait offrir un expédient très commode et c’est, en lout cas, d’a- près cette base de proportionnalité de l'acide oxalique qu'ont été très souvent établis les titres des solutions de caméléon, parce qu’on cherchait à éluder les difficultés du dosage du tannin par la méthode de Hammer. Bien que le rapport indiqué par Neubauer ait été confirmé par d’autres, Je n'ai pu réussir, au début de mes expériences, à trouver ANN. SCIENCE AGRON. — 1886. — 1. 20 306 ANNALES DE LA SCIENGE AGRONOMIQUE. pareil nombre ni même un nombre approchant, et J'ai été forcé de revenir à la seule base possible, à l’acide tannique lui-même. Il fal- lait dès lors se faire une opinion sur la composition des tannins du commerce. Ce sont ces recherches sur différentes variétés de tan- nins purs et sur quelques produits tanniques industriels qui font l’objet du chapitre suivant. IL — Jecherches sur différentes sortes de tannins du commerce, d'aprés la méthode de Hammer. Afin d’avoir une base certaine pour le titrage du caméléon, j'ai analysé exactement par la méthode de Hammer un grand nombre de tannins du commerce, aussi bien les plus purs que les produits indus- triels. Je dissolvais 20 gr. de la matière séchée à l'air dans un litre d’eau à 19 degrés centigrades et je prenais la densité de la solution, puis J'ajoutais à 150 centimètres cubes de cette solution correspon- dant à 3 gr. de matière sèche, 10 gr. de peau en poudre bien trem- pée, lavée et pressée à fond ; je laissais 20 heures en contact en agilant fréquemment, je filtrais dans un vase sec sur un filtre sec et déterminais la densité du liquide filtré, toujours à 15 degrés cenli- grades. De la différence des deux densités, on déduit, d’après les tables de Hammer, le taux centésimal de tannim séché à lair fixé par la peau. Si l’on ajoute à ce tannin l’eau contenue dans la matière séchée à l'air, eau qu'on détermine sur un nouvel échantillon et si l’on retranche cette somme du poids primitif, le reste représente l’ensemble des matières non fixées par la peau. Neubauer, quand il analysait le tannin qui lui servait à établir le titre de son caméléon, le desséchait d’abord à 100 degrés centi- grades et traitait ensuite la matière ainsi desséchée. Je crois qu'il est préférable de travailler sur la solution faite avec le tannim séché à l'air et de déterminer la teneur en eau par un essai à part; on répond ainsi à toutes les objections relatives aux altérations possibles du tannin pendant la dessiccation. Les premières déterminations que j'ai faites de cette manière ne m'ont pas donné de résultats très satisfaisants et cela Lenait à ce que SUR LE DOSAGE DU TANNIN. 307 les variations de température pendant la manipulation sont bien trop grandes pour permettre d'obtenir la densité par le pycnomètre avec une rigueur qui garantisse la 4 décimale. Quand il y a modifi- cation d’une unité dans cette #4 décimale le nombre exprimant le taux centésimal en tannin fixé par la peau est modifié, avec les quan- tités indiquées (20 gr. par litre), de 1.95 p. 100, comme il est facile de le vérifier. Si l’on veut donc faire les dosages avec une erreur maximum de 1.25 p. 100, il faut être sûr de la densité à 0,0001 près. Avec le pycnomètre que j'ai employé, qui contenait un peu plus de 53 gr. d’eau et pesait avec l’eau environ 68 gr., la diffé- rence de poids pour un changement de température d'un degré dans la solution était d'environ 6 milligrammes, ce qui suffit déjà pour produire dans la densité une différence d’un peu plus de 0,0001 et, par suite, dans le taux centésimal en tannin une différence de plus de 4 p. 100. Pour obtenir une plus grande exactitude et se rendre plus indé- pendant de si faibles variations de température, il faudrait employer des solutions plus concentrées, à 40 or. par litre, par exemple, au lieu de 20. Mais ce n’est pas possible, parce qu'on est obligé d’aug- menter dans le même rapport le poids de peau, et qu'avec 10 gr. de peau dans 150 centimètres cubes, on atteint à peu près la limite. On ne pourrait pas dans ce volume en mettre une quantité beaucoup plus grande. Mais en somme, il n’y a rien à dire contre la méthode quand les déterminations de densité se font en observant scrupuleu- sement, minutieusement les variations de température. On obtient alors certainement des résultats aussi bons, aussi con- cordants qu'on peut l’espérer dans des analvses de tannin; mais je suis en même temps convaincu que la méthode de Hammer est beaucoup trop minutieuse et délicate pour les recherches pratiques et les laboratoires industriels. Comme on ne peut maintenir toujours exactement à 15 degrés la température de l'air et des solutions, J'ai cherché d’abord à établir de quelle quantité variait la densité pour un intervalle de tempéra- ture déterminé. J’ai fait, à ce propos, des déterminations de poids spécifiques à des températures quelconques entre 10 et 15 degrés centigrades, mais exactement mesurées et j'ai ramené tous les résul- 208 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. tats à la température de 15 degrés centigrades d'après les tables dressées par Hammer. Les solutions de tannin étaient à 2 p. 100 en- viron et les liqueurs, après traitement par la peau, avaient une den- sité très voisine de Peau pure. Je supposais, d’après des considéra- tions théoriques, que les variations de densité, même pour des liqueurs à 2 p. 100, devaient concorder assez avec ceux de l’eau pure, pour qu'il fût indifférent de déduire la valeur absolue de la variation, soit de l'observation de liqueurs de tannin à 2 p. 100, soit de celle de l’eau pure. Gette supposition se trouva complètement vérifiée, et on peut, pour ramener la densité prise à une température détermi- née à ce qu'elle serait à 15 degrés centigrades, employer pour toutes les solutions le même facteur que s’il s'agissait d’eau distillée. Il résulte de mes observations sur l’eau pure que, pour les tempéra- tures entre 12 et 17 degrés centigrades, il y a dans la densité une modification moyenne de + 0,000115 pour un degré centigrade, et de mes essais sur les solutions de tannin à 2 p. 100, qu'entre 10 et 16 degrés centigrades, la variation dans la densité est en moyenne de + 0,000107 pour un degré centigrade. En prenant la movenne de ces deux nombres presque identiques, on a 0,00011. On peut alors ramener, avec une exactitude suffisante, à la densité à 45 de- grés le nombre obtenu pour des températures {° prises entre 10 et 15 degrés centigrades. La densité à 15 degrés = s (nombre trouvé pour £) — (15—1)0,0001%. Je travaillais dans les mois de février et de mars 1881 dans une grande salle exposée au N.-0. et non chauffée ou chauffée modérément une fois par Jour. La température n'y va- riait que très lentement et entre 10 et 15 degrés au plus. On pouvait donc rapprocher l’une de l’autre jusqu’à une fraction de degré les températures (toujours lues en même temps) de l’air et des solutions, et faire en sorte que la température de la solution pendant la durée d’un essai, ne variait plus du tout ou jamais plus, en tout cas, de quelques dixièmes de degré. On déterminait, au commencement de chaque essai, la tempéra- ture de Ja solution ; on remplissait le pyenomètre plusieurs fois avec cette solution, généralement cinq fois de suite, on pesait et on dé- terminait encore à la fin la température du liquide. La moyenne entre la température du début de lexpérience et celle de la fin don- SUR LE DOSAGE DU TANNIN. 309 nait la température de la solution, et la moyenne des cinq pesées donnait le poids du pyenomètre plein. fl va de soi qu'on évitait les fautes grossières, telles que l’élévation de température du pyeno- mètre par le contact de la ma, etc. Citons un seul exemple d’un pareil essai fait sur 20 gr. d’une va- riété de tannin pur, dissous dans l’eau à 15 degrés et étendus à un litre. gr. 68,9133 . (e] Poids du pyenomètre rempli | 68,9139 Température de la solution FL Du S 9°9 avec la solution de tan-( 68,9147 alafin. . 101 nin. 68,9137 Moyenne. . « . . . . 10°0 68,9134 ; Moyenne." 68,9138 Poids du pycenomètre vide. 15,295? 53,6186 L'eau du pyenomètre pesant, à 13 degrés centigrades, 535,1988, la densité à 10 degrés de la solution de tannin (par rapport à celle 93,0186 à 15 degrés — 1,00789 — 5 X 0,00011 — 1,0073%. On fait en général au moins deux fois ces déterminations de den- sité sur les solutions de tannins purs, avant et après traitement par de l’eau à 15 degrés) est — 1,00789 et la densité cherchée la peau et on prend la moyenne des chiffres obtenus. Pour montrer comme des densités prises à des températures diffé- rentes (entre 10 et 15 degrés) concordent entre elles, une fois ramenées à la densité à 19 degrés et pour montrer surtout tout le détail d’une pareille analyse et des calculs qu’elle entraine, je vais donner seulement les chiffres relatifs au dosage du tannin dit Puris- simum levissimum de Trommsdorff, à Erfurt. 20 gr. de ce tannin séché à l’air sont dissous, à la tempéra- ture de 15 degrés centigrades, dans un litre d’eau et on prend plusieurs fois la densité de cette solution (A). On met 10 gr. de peau en poudre dans 190 centimètres cubes de la solution et on filtre 20 heures après. On détermine aussi la densité de cette so- lution (B). 310 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. DENSITÉS DENSITÉS a déterminées directement ramenées t aux températures à la température ci-dessous, de 15 deg. cent. [ 1520 1,00721 1,00721 14 7 1,00738 1,00735 10 0 1,00786 1,00731 Solution À . .{ s < 14 5 1,00744 1,00739 145 1,00741 1,00736 10 0 1,00789 1,00734 Moyenne pour A, 2082100753 Ù 1,00108 )54 NON RW \10 L ,00108 A D00s£ [10 5 1,00109 1,00059 Moyenne pour B. . . . . . 1,00056 De la différence des densités A et B, augmentée de 1 — 1,00677, on déduit pour le taux de tannin d’après les tables de Hammer 1,6925 p. 100. Le litre renferme donc 165,995 de tannin fixé par la peau et comme dans un litre il y a 20 gr. de tannin séché à l'air, 16,925 x 100 20 la peau. Comme, d’après les tables de Hammer, une augmentation de 0,0001 dans la densité de l’eau correspond toujours à une teneur en tannin de 0,025 p. 100 dans la solution, on peut obtenir les chiffres des tables en multipliant la différence des densités par 250. DOTE 0025) Avec les proportions susindiquées, on peut encore multiplier par 12500 la différence entre les deux densités et obtenir directement le taux cherché, 84.63 p. 100 de tannin fixé par la peau, dans la ma- üère prise séchée à l'air. La teneur en eau du tannin précédent était de 12.47 p. 100. Le résultat complet de l’analyse est donc: | celui-ci renferme — 84.63 p. 100 de tannin fixé par POUR 100 POUR 100 de de matière desséchée matière desséchée à l’air. à 100 degrés. Fais Elder RICHE NE 217 » Tannin HXÉPATIADEN Ne D 01762 96.69 Substances non fixées par la peau . . . 2.90 3.31 100.00 100.00 SUR LE DOSAGE DU TANNIN. 5 3 Là . On à analysé ainsi les tannins purs ci-après: Purissimum levis- sümum et Pharmacopæa germanica, provenant de Trommsdorff, à Erfurt ; de Gehe et C°, à Dresde; de Schering, à Berlin, et, en outre, cinq sortes de tannins industriels provenant de Schering, à Berlin. Avant de donner le résultat de ces analyses, 1l est nécessaire d’in- diquer comment on a trouvé le facteur dont on se sert pour ramener ja densité à la température de 15 degrés. Le pycnomètre employé était à goulot capillaire ; la moyenne de plusieurs pesées a donné pour le poids du verre 15#°,2932 et pour le poids du pycnomètre rempli d’eau à 15 degrés, 68#,4955 ; le poids de l’eau à 15 degrés déterminé directement est donc 53%,2003. On a pris ensuite le poids du pycnomètre rempli d'eau à diverses températures et on a déduit des différences obtenues la variation moyenne de poids pour un degré centigrade. Le tableau suivant donne ces différences. Le VARIATION PYCNOMÈTRE PLEIN | du poids du pycno- perd de t à t' mètre plein eu grammes. pour 1 degré centigr. gr. 0,0063 0,0062 0,0065 0,0062 0,0055 0,0060 1] . " Il Il 1 l Î Î 3 D 2 Ÿ 2 2 TN OU UT O1 © 9) © 0 y WW w 19 19 1 MOYENNE PME RTE RARE 0,0061 Le poids de Peau à 12,2 degrés centigrades à été obtenu par une série de pesées pendant lesquelles la température n’a pas du tout varié ; il a été trouvé de 535,2159. Il s’ensuit que le poids de l’eau à 15 degrés centigrades est 53,2159 — 2,8 (0,0061) = 53,1988. Ce dernier nombre ne diffère du poids obtenu directement avec de l'eau à 15 degrés centigrades qui est 55,2003 que de 0,0015 et Jai pris toujours comme point de départ dans le calcul des densités le nombre 55,1988 comme étant probablement plus exact. La den- sité de Peau entre les limites de températures indiquées varie donc 0,0061 - en moyenne pour un degré Re EE re NE 1 25 312 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. la densité de l’eau à 15 degrés étant supposée égale à 4 comme dans les tables de Hammer. Des pesées ainsi faites avec différentes sortes de tannins purs (à 20 gr. par litre) ont donné les résultats suivants : LE PYCNOMÈTRE VARIATION plein de la du poids TANNINS. { t'o — to | solution tannique du pycnomètre perd de to à t'o plein en grammes. pour 1 degré cent. 0,03953 0,0071 0,0295 0,0063 0,0238 0,0053 0,0257 0,0057 | io an ——— EP (OT EP AUTRES ji —— Puriss. leviss. Tromms- dorf. Puriss. leviss. Gehe. 0,0231 0,0050 0,0198 0,0045 P L S$ vi S. S Ï ring 27 S Æ3 Ë ) 0,0183 0, 004 8 1riss le S DCne œ 0,0145 0,0075 14 14, ) 0,0121 0,0071 Pharm. germ. Schering,. LÉ je Moyenne. . . 0,007 Il suit de là que la variation moyenne de densité entre les li- mites de température précédentes est pour un degré centigrade Qi D ORe — — 0,000107. La moyenne des deux séries-d’essais, en se bornant aux cinq pre- mières décimales, donne le facteur de correction employé qui est = 000014. Le tableau suivant donne la récapitulation des densités qui ont été déterminées dans mes recherches, d’abord sur les solutions primi- lives, puis sur ces mêmes solutions après traitement par la peau en poudre. Chaque essai a été fait à une température de 10 à 15 de- grés centigrades et la densité a été calculée pour 15 degrés à l’aide du facteur 0,00011. On n'a inscrit dans les colonnes A et B que ces densités calculées qui sont immédiatement comparables. SORTES DE TANNINS. 20 grammes séchés à l'air dissous dans 1 litre à 150. dorff, à Erfurt. . Puriss leviss. de Tr : de No Dresde. , . Puriss, leviss. et Cie, à Puriss. leviss. ring, à Berlin. . de Sche- | = || Pharm.germ,.de Tromms- dorff. Pharm. germ. de Gehe CRC Pharm.germ. de At Technicum A de Sche- ring . nes Technicum B de Sche-( ring . Technicum in granis de Schering . Patent krystall A de Sche- ring . Patent krystall B de Sche- ring . SUR LE DOSAGE DU TANNIN. DENSITÉ A Solution pri- milive, 1,00721 1,00735 1,00731 1,00739 1,00736 1,00734 1,00733 1,00749 1,00735 1,00739 1,00741 1,00750 1,00742 1,00744 1,00745 1,00700 1,00704 B Solution après traite- ment par la peau. 1,00953 1,00059 1,00056 A 15 DEGRÉS CENTIGRADES. C Densité relative à la portion fixée par la peau À — B)+ 1,0 1,00677 Taonin p. correspondant D au nombre de la colonne C d’après Hammer. 1,6925 100 | Taux de tanniu fixé par la peau rapporté à 100 de matière séchée à l'air. » 1,00079 1,00065 1,00072 1,00043 EEE 1,00046 1,00036 1,00702 16 ET 1,00703 7 1,00704 1,00720 1,00713 1,00716 1,00716 1,00714 1,00041 1,00047 1,00041 1,00044 1,00039 1,00037 1,00038 1,00086 1,00669 1,00678 1,00628 1,00735 1,00733 1,00734 1,00742 1,00712 1,00736 1,00147 1,00116 1,00147 1,00115 1,00103 » » 1 Et 1,00627 1,00609 1,00608 1,6725 314 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Si l'on prend les différences entre chaque résultat et la moyenne, on trouve que l'écart moyen probable, aussi bien pour les solutions primitives que pour celles qui ont été traitées par la peau, ne dépasse pas + 0,00003. Comme un écart de 0,0001 dans la densité corres- pond à un taux de tannin de 4.25 p. 100, il est vraisemblable d’ad- mettre que dans les analyses de tannins industriels, où l’on n’a fait qu'une détermination de densité, l'écart dans le résultat final, même si les erreurs relatives aux solutions À et B s'ajoutent, n’atteindra pas encore 1 p. 100. Les analyses des sortes pures sont en tous cas approchées à moins de 4 p. 109 et exactitude du chiffre des unités est sûrement garantie. Le tableau suivant donne l’ensemble des ré- sultats avec les taux d’eau. On voit que les tannins de la Pharmua- copæa germanica sont, en moyenne, meilleurs, plus purs que les sortes dites Purissinrum levissimum, mais les premiers contiennent un peu plus d’eau. Ge sont les tannins de la fabrique Schering qui se distinguent surtout par leur pureté. Les deux sortes qui en pro- viennent ne contiennent presque, outre l’eau, que du tannin fixable par la peau. Analyses de diverses sortes de tannins (février et mars 1871). COMPOSITION COMPOSITION rapyortée à la matière séchée rapportée à la matière à l’air. séchée à 100 degrés. DÉSIGNATION. — © —— Fixé Fixé É EU Non fixé. Non fixé. par la peau. par la peau A.— T'annins purs du commerce. Puriss. leviss. de Trommsdorff, à Erfurt.| 12,47 £ 96,69 — de Gehe et Cie, à Dresde. .| 12,15 95,20 — de Schcring, à Berlin. . .| 11,68 99,35 Pharm. Germ. de Trommsdorff, Erfurt. .| 16,28 98,69 ES de Gehe et Ci: 16,50 98,79 — de Schering 15,59 100,00 B.— Tannins industriels du commerce provenant de Schering, à Berlin. 14,57 178,50 91,89 12,26 13,38 83,63 10,56 18,38 87,65 14,45 16,13 88,99 11,64 76,00 86,01 SUR LE DOSAGÉ DU TANNIN. 319 IL..— Incertitude du mode de titrage actuellement employé pour la méthode de Lôwenthal et du nombre proportionnel donné par Neubauer pour l'acide oxalique. Après avoir analysé toute une série de tannins dont je connaissais exactement la teneur en matières fixées par la peau et en matières non fixées oxydables par le caméléon, je cherchai à démontrer qu’on devait toujours arriver presque au même ütre en faisant le titrage uniquement d’après le taux des matières fixées par la peau, et non, comme on opérait jusqu'ici, d’après le taux de matière sèche des produits du commerce. Il devenait dès lors mdifférent que le tannin servant à fixer le titre fût plus ou moins pur. Il était en outre inté- ressant de connaître l'écart moyen entre les titres établis par lune et l’autre méthode avec les variétés les plus pures de tannins du commerce ; Car on pouvait peut-être ainsi, en trouvant un rapport, éluder pour les analyses ultérieures les retards et les difficultés de la méthode de Hammer. Enfin ces recherches devaient, dans mon esprit, donner pour l'acide oxalique, un rapport plus exact, car je n’avais pu, comme je lai dit plus haut, retrouver dans mes premiers essais le nombre donné par Neubauer. Voici la marche adoptée. On prit 2 gr. de chacun des tannins des- séchés à l'air; on titra la solution avec le caméléon après addition de 20 centimètres cubes de liqueur d’indigo et on répéta ce ütrage sur une poruon dont le tannin avait élé enlevé par la peau en poudre. Le tableau suivant donne les résultats. TABLEAU. 316 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. TITRE DE LA SOLUTION DE CAMÉLÉON ÉlABLI EE II d’après la portion d’après le taux du produit de substance sèche fixée par la peau. du produit. se ES EEE NN 2) x Puriss. leviss. Trommsdorff. . . . 0,001814 0,001753 — Gehe et Cie, . . .:. 0,001761 0,001731 — SCHETINS M. 40 0,001790 0,001740 Pharm. germ, Trommsdorff . . . . 0.001740 | 0,001709 — (ET EAU RC Res 0,001737 0,001607 _ Schering.# 20 NT, 0,001747 0,001704 Dechnicum' Ant Me0rmue et. 0,001744 TU BTS EM PES DenAtLe 0,001731 — ID ORANISS 24 Per mLL M 0,001771 Patent Rnys (All ARE NREICER 0,001730 — PAP PS MID 0,001731 SORTES DE TANNINS. Moyennes PAPE 0,001754 La concordance de ces nombres est parfaitement suffisante ; les titres établis d’après le tannin fixé s’éloignent si peu l’un de l’autre, qu'on voit qu'il est indifférent d’emplover un produit plus ou moins pur. L'écart avec la moyenne est d'environ Æ 0,000022. En éta- blissant le titre d’après l’un quelconque de ces tannins, on ne com- mettrait donc pas, selon toute vraisemblance, dans l’analyse d’une bonne écorce de chêne à 8-9 p.100 de tannin, une erreur de & 0.1 p. 100 par imexactitude de titre. Cette erreur pourrait s'élever au maximum à + 0.3 p. 100 pour le premier produit (Puriss. leviss. Trommsdorff) dont l'écart est le plus grand. Ce sont là des diffé- rences parfaitement admises dans des dosages de tannin. Les titres établis d’après le taux de substance sèche des produits purs sont constaiment inférieurs à ceux qui correspondent au tan- nin fixé. Je reviendrai tout à l'heure là-dessus. Si l’on prend la moyenne des chiffres du tableau pour les six premiers produits, on a respectivement les nombres 0,001765 et 0,001707 dont le rapport est 1,034 : 1 Un centimètre cube de ma solution de caméléon correspondait à 0#,003214 d’acide oxalique, en caleulant d’après la moyenne ci- SUR LE DOSAGE DU TANNIN. 917 dessus (4 centimètre cube de caméléon = 0#,001754 de lannin), d’où 63 d’acide oxalique correspondaient à 34.38 de tannin. Si J'avais voulu calculer le titre d’après les données de Neubauer pour lequel 63 d’acide oxalique = 41,2 de tannin, ce titre se serait élevé de 0,001754 à 0,002101. Une bonne écorce de chêne, traitée comme il a été indiqué, donnerait, d’après mon ütre, 8.77 p. 100 de tannin, et d’après le rapport de Neubauer, 10.51 p. 100, nombre sûrement trop fort de 1.74 p.100. Si l’on réfléchit que, pour les substances riches dont on ne prend que 10 gr. ou à gr., l'erreur est doublée ou quadruplée, on voit qu'en employant dans la pratique des analyses le rapport de Neu- bauer, on est exposé à commetlre des erreurs qui peuvent aller depuis 1.75 p. 100 jusqu’à 7 p. 100. Je fais expressément remarquer que des erreurs aussi fortes peuvent s'être présentées, mais qu’elles ne doivent pas avoir été nécessairement commises par tous les chi- mistes qui acceptaient, sans chercher plus lom, le nombre donné par Neubauer. Mais sans aucun doute, moi et tous les chimistes qui auraient opéré comme moi, aurions sûrement commis les grosses erreurs dont je viens de parler en fixant le titre du caméléon d’après le rapport donné par Neubauer. Aussi ne l’ai-je jamais employé, me fondant pour toutes mes analyses uniquement sur le tannin. Les ré- sultats que je viens de communiquer me semblaient devoir mettre fin à mes recherches d'autant plus que, par une coïncidence très remarquable, le docteur Councler, à Eberswalde, retrouvait presque exactement le même rapport que moi entre l'acide oxalique et le tannin. La moyenne de trois essais lui avait donné : 63 d’acide oxa- lique — 54.22 de tannin. La concordance parfaite de ces nombres trouvés tout à fait indépendamment nous décida, le D' Councler et moi, à tenir pour exact notre nombre proportionnel et à faire à ce sujet une communication dans les Berliner Berichte’ où nous disions qu'on ne s’expliquait pas comment un chimiste aussi distingué que Neubauer ait pu arriver à un résultat si différent du nôtre et (il nous fallait bien le reconnaitre) si erroné, qu’on se l’expliquait d’autant moins qu'Ulbricht avait contrôlé et confirmé les résultats de Neubauer. l Jahrg., XN ; Heft 10, p. 1373. L 318 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Pour démontrer par des documents positifs la possibilité d’avoir dans les dosages de tannin des résultats concordants, je communi- quai les miens au D'E, Geissler, à Dresde, en le priant d'exécuter une série de dosages de contrôle dans des écorces de chêne et d’épicéa. Le D' Geissler voulut bien accéder à ma demande et je supposai na- turellement que nos analyses allaient concorder à 0.1 p. 100 près. Malheureusement, les résultats de ces premiers essais n’étaient pas faits pour inspirer confiance aux gens du métier dans Paccord de deux laboratoires. Les chiffres relatifs aux écorces de chêne et d’épicéa présentaient avec les miens des écarts tels, qu’on ne pouvait songer à les publier. Pour faire la lumière sur la question, J’envoyai au D' Geissler les produits dont je me servais, les deux solutions, la peau en poudre, l’acide oxalique et aussi deux tannins que J'avais analysés et le priai d'établir le titre de ma solution de caméléon et le rapport d’acide oxalique, en prenant pour base mes analyses de tannin par la méthode de Hammer. Je m'attendais à une confirma- tion exacte de mon nombre proportionnel et ne fus pas niédiocre- ment surpris quand le D' Geissler me communiqua bientôt après qu'il avait trouvé presque le même nombre que Neubauer. On ne pouvait malheureusement tirer d’autre conclusion que celle-ci : Les bases de toute la méthode de Lôwenthal, telle qu'on l'avait suivie jusque-là, devaient être fausses ou du moins très incertaimes. L’exac- titude de cette conclusion se trouva confirmée par la comparaison d’un titrage fait au laboratoire de Dresde avec un de mes essais. A taux égal de tannin, la quantité de caméléon employée n’était pas constante, comme cela avait été admis, mais variait dans d'assez larges limites. Si l’on fait tomber lentement la solution de caméléon, il en faut moins; si l’on verse plus vite, on en emploie plus pour arriver à la réaction finale. En dissolvant 2 gr. de tannin dans un litre et en titrant sur 10 centimètres cubes après addition de 20 centimètres cubes d’indigo, on peut, en versant le caméléon très lentement ou très rapidement, obtenir des différences de plus de deux centimètres cubes. Il y a une variation semblable pour le titrage de la solution d’indigo ; seulement les différences abso- lues sont beaucoup plus petites et plus difficiles à constater. En 4 | litrant l’indigo très lentement, puis très vite, J'ai obtenu dans les SUR LE DOSAGE DU TANNIN. 319 volumes de caméléon des différences atteignant environ 0,4 centi- mètre cube. Pour exprimer nettement les faits par des chiffres et rendre pos- sible leur contrôle par d’autres chimistes, J'ai préparé plusieurs essais où Je versais plus ou moins vite le caméléon de la manière suivante : Méthode n° 0. — Le robinet de la burette de caméléon est disposé de manière à faire tomber une goutte par seconde dans la solution. On agite constamment avec l’agitateur en observant les changements de coloration. Quand la teinte est vert clair, on ferme le robinet pour ne pas dépasser le terme de la réaction et on termine le titrage en ajoutant chaque fois 2-3 gouttes, agitant ensuite et en continuant ainsi jusqu'au virage complet. Méthode n° 1. — On laissé couler chaque fois un centimètre cube de caméléon et on agite pendant 5-10 secondes. Quand la teinte devient assez claire pour qu'on craigne de dépasser la limite en ajou- tant un centimètre cube, on termine le titrage par des additions successives de 2-3 gouttes. Méthode n° 2. — On laisse couler à chaque fois deux centimètres cubes ; le reste comme pour la méthode n° 1. Méthode n° 5. — On verse le caméléon par © centimètres ; le reste comme pour la méthode n° 1. Il va sans dire qu'on ne peut opérer d’après les méthodes 2 et 5 que quand on sait déjà à peu près ce qu'on emploiera de caméléon. Un essai préalable renseigne à cet égard. Pour montrer combien sont grandes les différences, j'indique ici en détail un essai fait sur 2 gr. de tannin (puriss. leviss. Schering desséché à l'air et étendu à un litre. Il n’est pas tenu compte des variations relatives à l’indigo dont le rapport supposé constant est 20 centimètres cubes indigo = 10,7 caméléon. Les 10 centimètres cubes de solution tannique correspon- daient à 0,01766% de tannin (substance sèche) et un centimètre cube de caméléon correspondait à 0,003256 d'acide oxalique. | TABLEAUX. 320 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. — CAMÉLÉON TE VLINRE correspondant Ê LÉ RAPPORT au tannin, déduit pour 20 centi-| de la prévé- de l'acide mètres cubes 10 centimètres cubes solution tanuique + 20 centim. cubes d’indigo, MÉTHODES DE TITRAGE. . NE exigent en caméléon : dente colonne indigo — 10,7 oxalique est : Moyenne, caméléon, est : Ne 0. Par gouttes. NOK: Par 1 centimètre cube. No 2. Par 2 centimètres cubes. N° 5. \ Par5 centimètres cubes. | Les différences fournies par la solution d’indigo dans les titrages rapides ou lents sont indiquées en détail dans le tableau ci-dessous : 20 centimètres cubes de solution MÉTHODES DE TITRAGE. RTE : : d’indigo exigent en caméléon : Moyenne. 10,45 10,50 10,70 10,70 11,00 10,80 11,00 SUR LE DOSAGE DU TANNIN. D) | Ces essais!, qui vont être encore confirmés dans le prochain cha- pitre par une série de chiffres, remettent naturellement en question toute là méthode de Lôwenthal. Une méthode d'analyse qui donne des résultats si variables pour des causes telles que la plus ou moins grande rapidité du titrage, ne peut plus être assurément rangée dans les méthodes exactes. Il est très facile de calculer que, par suite de la grande incerti- tude de la base de la méthode, il a pu se produire dans les résultats obtenus jusqu'ici par divers chimistes, des différences qui ont pu atteindre le chiffre très élevé de 10 p.100 et plus, et qui, faute d’en connaître les causes, étaient souvent attribuées sans raison à une mauvaise prise d’échantillon, à lhétérogénéité du produit, à un taux d’eau différent ou à des erreurs d’analyse. Il va de soi que les nom- bres proportionnels pour l'acide oxalique ont perdu toute valeur; car du moment que le rapport varie de 63 : 45,6 à 63 : 33,5 seule- ment, suivant l'oxydation plus ou moins rapide du tannin, iln’y a pas de valeur constante pour ce rapport, comme on l'avait admis jusqu'ici. IV. — Maintien de la méthode de Lowenthal en réglant le mode de titrage. Si la méthode de Lôwenthal est assise sur des bases incertaines comme je l’ai démontré, si elle fournit des résultats si extraordinai- rement différents suivant les procédés d’exécution, il paraît inconce- vable qu’une telle défectuosité ait pu échapper jusqu'ici à l’observa- tion. On doit se demander comment il se fait que de nombreux chimistes dans tant de laboratoires se soient servis de cette méthode, que des milliers d'analyses aient été exécutées d’après elle, et que l’opimion ait continué à s’établir que cette méthode donnait de bons résultats, suffisamment concordants. Je ne tiens compte naturellement que du jugement des chimistes qui ont expérimenté la méthode et l'ont reconnue pratique d’après leurs travaux particuliers ; car les opinions favorables qui ne s’appuient pas sur une pareille base ne 1. Le D' Councler, à Eberswalde, auquel j'ai communiqué mes résultats, a fait, sur ‘un tannin, à titre de vérification, des titrages suivant les méthodes que je viens d'in- diquer et a trouvé. ées-cétarts presque aussi grands que les miens. ANN. SCIENCE AGRON. — 1886. — 1. 21 322 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. doivent pas êlre plus prises en considération que les jugements ht- léraires qui ne sont pas fondés sur des études critiques et n’expri- ment en quelque sorte que le sentiment personnel de l’opinant. Comment se fait-1l, doit-on se demander, que les dosages répétés et les analyses de contrôle sur une seule et même matière puissent donner, entre les mains d’un seul et même chimiste, des résultats toujours si exactement concordants que l'incertitude de la méthode s’en {rouve ainsi masquée ? Comment des nombres aussi concordants que ceux que m'ont fournis divers tannins et que J'ai donnés à la page 316, ont-ils pu être obtenus, alors que, pendant l'exécution du ütrage on ne soupçonnait pas que l’équivalence en tannin de la solu- tion de caméléon fùt si favorable? La réponse à ces questions est facile à donner. Cette concordance dans les dosages provient simple- ment de ce que tout chimiste, travaillant bien, opère, sans s’en rendre compte, exactement de la même façon pour chaque analvse. Et si l'on titre toujours de la même manière dans la méthode de Lôwen- thal, on obtient les mêmes nombres, comme le prouvent les dosages de tannin de la page 316, qui ne s’écartaient de la moyenne que de Æ 0,1. Ce fait m'a paru expliquer comment la méthode de Lôwen- thal, malgré son insuffisance évidente au point de vue rigoureuse- ment scienlifique, pouvait cependant être utilisée, faute de mieux, dans la pratique. Le point essentiel est celui-ci : — Quand un ou plusieurs chimistes exécuteront diversement les analyses par la mé- thode de Lôwenthal, léquivalence en tannin de la solution de camé- léon variera dans de très larges limites, c’est-à-dire qu’on aura des titres très différents. Mais, si ces titres sont fixés d’après le tannin et si on exécute l'analyse d’un même produit exactement de la même façon qu'on a procédé pour la fixation du ütre, toutes les analyses donneront les mêmes résultats. La question est seulement de savoir si, dans la pratique des analyses, on peut obtenir chaque fois le même rapport entre les chiffres trouvés pour le titre et le dosage, de façon que l'exactitude des résultats soit suffisamment garantie. Sans aller plus loin, on ne peut sûrement répondre aflirmative- ment. En tous cas, on ne pourra pas se contenter, comme d’une règle suflisante, d'établir le tre par le tannin et d'admettre que . l’uniformité du travail dans la recherche du titre du caméléon et du SUR LE DOSAGE DU TANNIN. 3 D D) taux de tannin s’obtiendra d'elle-même, par cela seul qu’on la cher- che. Tant que j'ai travaillé sans idée préconcue, les résultats se sont toujours trouvés très concordants, sans que Je me sois fait une règle quelconque pour l'exécution des dosages. Le rapport de l'acide oxa- lique au tannin était toujours, avec de faibles variations : 63 : 34.58. Mais quand J'eus su que le résultat variait avec la rapidité du Utrage et que J’eus travaillé un certain temps, exprès, plus ou moins vite, il me fut impossible de retomber sur mes premiers résultats et de retrouver exactement mon premier nombre. L’uniformité du travail n’est possible, dans ces conditions-là, que si l’on se fait une règle rigoureuse et facile à observer. Pour cela, Je choisis les quatre méthodes décrites page 319, sur lesquelles je m'étais déjà exercé, j'établis d’après elles le titre des solutions d’indigo et de caméléon, j'analysai ensuite un certain nom- bre de matières tannantes d’après ces quatre méthodes et j’employai pour le calcul des analyses les titres correspondants. Les résultats sont consignés en détail dans le tableau ci-après. J'ai déjà indiqué, page 320, le rapport entre la solution d’ndigo et celle de caméléon. Les titres ont été établis à l’aide de deux tannins, Puriss. leviss. Schering et Pharm. germ. Trommsdorff ; mais pour plus de simplicité, je les fixerai ici d’après le taux de substance sèche des produits. LE — Tannin puriss. leviss. Schermg. 2 gr. séchés à l'air et étendus à À litre. 10 centimètres cubes — 0,017664 de substance sèche. IL. — Tannin Ph. G. Trommsdorff, 2 gr. séchés à l'air et étendus à 1 litre. 10 centimètres cubes — 9,016744 de substance sèche : ; 10 centimètres 90 centimètres | {0 centimètres TITRE : MÉTHODES | cubes tannin —- 20 centi- | cubes d’indigo mètres cubes exigent titrage. indigo exigent de caméléon : cübes solution| 1 centimètre tannique exi- |cube caméléon gent de camé-| correspond TANNINS. de de caméléon : l6on : à { gr. tannin. 1 je 0. 18,2 10,5 at rs scsi et) NOTE" 19,9 10,7 9,2 0,001920 pRnue levissimum\ cer PE 20,4 10,8 9,6 0001840 ces CR Dur | No 5. 20,9 10,9 : 0,001766 0. ,3 0,002294 Phar _ No Te D 10,7 3 0,001903 armacopæa germani-| X, 9° 19.9 10:8 9,1 0,001840 ca Trommsdorff. . . . Nos. >) 109 9,5 0, 00176 324 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. La moyenne de ces deux séries, qui a servi de base pour le calcul des analyses suivantes, est : Méthode de titrage N° 0. . . . . . 0,002294 \ 4 : 4 ec... no ontens FRE EE à Re ee AE CE = No 6.4" 0e 00 DOTE Relativement à la précipitation par la peau en poudre, je ferai encore observer que 50 centimètres cubes de liqueur sont toujours restés en contact 18-20 heures avec 3 gr. de peau en poudre préa- lablement trempée dans l’eau, lavée et bien pressée. Le tableau ci- après donne l’ensemble des résultats. 325 DOSAGE DU TANNIN. SUR LE "sopoqiauu satarmaid 7 sap sIe1[Ns91 So uep S HONAHHAAIA 7 SL'F& 66‘0 {Îra'zc |Tr'ae |9c'ae |or'ga ac‘o |eg'ie |go'za |og're |9c're 1O'T |og'ra [Ge ?c |1L'6G |82'Te 19‘0 Jor‘gr |ao‘er |sg'er |66°8T = FR G & T 0 LI œ 5 ——“E [el œ EE) à : sapoyigu Xne Juepuodsaxtoo a de 4 so111) 89] 29A8 9[n9[89 © ë ® © d ILE R 294098 9101 EI op 7 © . = UTUU1 9P 00 ‘À xneJ, a = E ca "LV LTINSAU œ La G & T 0 I : SopoqiQui S0] AUEAINS nvod er ted 9x7 uruue] ne juepuodsoz109 NOWIHNVO “UOP[OUWEO 9P UOTNIOS Wu un 9 o6exr} op de ont ont [Loto | 6» “amif ted soumei$ ep : e88nr ap sopoy : o$enn op soporigu Sa[ JueAINS ‘OBIPUL [ € JN -QU Say jueArnsinod uo ‘nvod -[aT UOQ[JUE0 np 9718 on u € e «ed quomonrer soude jue8rxo DH DUOS FE OS PARENT Satjaunu99 U9 TUOBIXO JE] 1TBN1XE,p Sono SAMU OT | -xo,p saqno sangwunuo0 0] 0& HHANON * ‘OIIIQOres y ‘ç ou — ‘& ou — ‘[ oll o9U0CA QUNV,p 291097 : » 8991d9,p 201097 * ‘ nvaynoq 0p 291097 * * * ones 9p 991097 ‘you — ‘fol — *&ou — °T ou 2u99 0P 99100 “(are & 594995) sasÂqeue SLINGOYHA Sopa9oid sioAIp 9948 soqueuuey soxgtqeu op ofesog 526 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Les résultats de ces apalvses concordent si bien qu'on ne peut se refuser à admettre qu'il est évidemment égal de titrer vite ou lente- ment, à condition qu’on procède exactement pour lanalyse de Ja même façon que pour la fixation du titre. Les taux obtenus par les trois premières méthodes ne s’écartent de la moyenne que de 0 22 p. 100 pour les extraits faits à raison de 20 gr. par litre; pour ceux qui proviennent de 10 gr. du produit étendus à un litre, lécart moyen s'élève naturellement à 0.44 p. 100 et à 0.88 p. 100 pour les substances dont on ne prend que 9 gr. Les taux obtenus par les deux premières méthodes concordent encore davantage; car ici l'écart moyen pour 20 gr., 10 gr. et 5 gr. de matière, étendus à un litre est seulement + 0.14 p. 100, + 0.98 p. 100 et + 0.56 p. 100. La méthode de Lôwenthal peut donc être décidément conservée pour les dosages de tannin ; seulement il faudra établir le titre du caméléon par le tannin et se donner pour l'exécution de lanalyse une règle sure et fixe dont on ne s’écartera jamais. Chaque chimiste pourrait évidemment se donner cette règle à sa volonté ; mais il vaudrait bien mieux tomber d'accord sur une règle et la suivre toujours exactement dans tous les laboratoires. Je re- commanderai spécialement la méthode n° 1 par ! centimètre cube que j'ai suivie constamment depuis assez longtemps. On ajoute cha- que fois un centimêtre cube de caméléon et après chaque addition, on agite 5-10 secondes. Ajouter à chaque fois des quantités plus grandes, comme dans les méthodes n° 2 et n° 5, n’est pas pratique ; car dans les solutions dont la teneur est inconnue, on dépasserait très aisément et de beaucoup le terme de la réaction. La méthode par gouttes n’est pas non plus très convenable, parce que le volume des gouttes varie beaucoup suivant les burettes, qu'il faut une cer- taine habitude pour verser le même nombre de gouttes dans le même temps et qu'il est enfin très incommode et fatigant de re- muer constamment pendant qu’on verse goutte à goutte. Tous ces inconvénients sont évités en titrant par centimètre cube. La quantité à ajouter est parfaitement déterminée, pas trop grande pour qu'il y ait chance de dépasser le but, pas trop peute pour que l'analyse traine en longueur sans utilité : le temps pendant lequel on 921 SUR TLE-DOSAGE: DU TANNIN. agile est facile à observer. L’objection que l'exactitude est plus erande si lon ajoute par gouttes ou par quantités plus faibles que 1 centimètre cube, n’a évidemment aucun fondement, d’après ce qui vient d’être établi. J'ajoute par centimètre cube entier jusqu’au mo- ment où la teinte devient vert clair et j’achève en laissant couler par deux ou trois gouttes. Je n'ai presque jamais dépassé la fin de la réaction par ce procédé. V. — Fixation du titre de la solution de caméléon par le tannin en employant la méthode par centimètre cube. La fixation du titre de la solution de caméléon à l’aide des divers tannins analysés, déjà faite comme il a été indiqué au début du cha- pitre IF, devait être recommencée avec le procédé normal par cen- timètlre cube. On dissout toujours 2 gr. de tannin séché à l’air dans un litre. Dans 750 centimètres cubes d’eau on ajoute 20 centimètres cubes d'indigo, puis 10 centimètres cubes de la solution de tannin, on fait le titrage et à l’aide des analyses par la méthode de Hammer (p. 314), on calcule le titre du caméléon par rapport à la matière employée desséchée à 100 degrés. Puis on laisse 50 centimètres cubes de la solution tannique en contact pendant 48 à 20 heures avec 3 or. de peau en poudre lavée et bien pressée, en agitant fréquemment, on titre à nouveau dans 750 centimètres cubes d’eau, 10 centimètres cubes de cette liqueur filtrée et additionnée de 20 centimètres cubes de solution d'indigo. La différence des deux nombres trouvés donne la quantité de ca- méléon correspondant à la portion de tannin fixée par la peau et connue par les analyses de la page 31%, à l’aide desquelles on caleule le titre du caméléon par rapport au tannin fixé par la peau. Dans ces ttrages, 20 centimètres cubes de ma solution d'indigo ont tou- jours correspondu à 19%,7 de caméléon. Voici les résultats obtenus : TABLEAU. DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. ANNALES 328 S SFO'T GL‘&T « 9L°IT « GP‘ IT « Ga ‘CT « (OR A « co‘r « 92°+ GrO‘r co ‘y S€0°T 6r°p TFOT IT'O0T 6ç0‘r 66°s €90/T RS | ‘neod ej aed RE a9xy uou T1 uoruod e[ eu awuwm09 U9TAOL f II 2190 ne ‘aogpotureo op 152 I 219n 9T 00T 406 902000 | TZ6700°0 180800 ‘0 « 0£0&00 ‘0 « 980800 ‘0 « 8£0200 ‘0 « €607000 « 1908000 026700 ‘0 £90800 ‘0 886700 ‘0 FI0800 ‘0 &T6100 ‘0 G90&00 ‘0 FS6100°0 16000 ‘0 F2GT00‘0 160800 ‘0 196100 ‘0 ‘oxy ‘24998 u(uur) ne 22u8isqns Lai La aoddezx xed | gaoddet aed II I a uTUUE] 2p sautuei$ ua puotdsaortoo U09[9WUE9 9qU9 AQU } ‘HANONL AALIT « « 008€70 ‘0 « 928100 « 9190700 « 929PT0 ‘0 « 002010°0 « 0269700 006970 ‘0 00C9T0 ‘0 002970 ‘0 920910 ‘0 FFL9TO ‘0 OCGLTO‘0 799210 ‘0 922970 ‘0 OZC2TO‘0 926910 ‘0 90G2T0*0 ‘ugod ef xd “290$ 9x aouelsqns 2 uru ue] 2p 154 P sautuei$ ua quou -u91u09 anbruue] uonntos ap soqno Sa1ouu9 O] « ‘neod ef ed gxy UIUUE] ue iuepuodsaxroo NOWTANVI « « Tax o'g 0'T c'e O°T 1‘e g°T c's TA 9°s v'o 9‘ r°0 re 7‘0 9'8 F‘0 6‘8 6‘0 (ES 8‘0 6‘s | “nvod ep aed | ‘nvod ef sed Auatuoer queluoer saide queae TT —— OSIPUL] & 2ATIBTOI aavd ej 2p o1rey uononpap ‘u0?] -QWE9 2p SaQN2 S1JQWTIU0 uO iuo81xo anbruue] uorinos 9p saqno Sat]QuIIu99 (} “(out je supuag ‘ue, | R s9409s sommes 2) SNINNVL GG SHLYHOS “J'OPSUUOLT, UE ‘UE * ‘ SuO9S JIOPSHUMOIT, ‘SSIAOL ‘SSIIN D La ON TONER TT Er fs! S1apuo1d 9 sop ouuoKoyy OUT 1 7 V IIS AD Ju978q * *SIUVIS UI D Cr * V WN9IU99], ‘SUHoU0S * + mon * on =. = ‘aqno 2138 WIJU99 np 2poyJeu PJ AEd 99 SUIUUEY 9P S990S sasiaAIp sa1de p ‘UOP[8WE9 8P UOIJNIOS EI 9P 9471} NP UOIJEUIWA979( SUR LE DOSAGE DU TANNIN. 329 Tout d’abord on voit, comme cela résultait déjà des recherches antérieures, que les titres établis d’après le tannin fixé par la peau concordent presque. Comme moyenne des 11 déterminations, on trouve le nombre 0,002056 et pour la moyenne des six premiers produits qui sont les plus purs, 0,002065. Pour les produits purs, les titres établis d’après le taux de substance sèche sont encore bien concordants ; mais ils sont toujours un peu inférieurs à ceux obtenus d’après le tannin précipitable par la peau. Le rapport est en moyenne . Ce nombre 1,048 pourrait dès lors servir à déduire par le calcul le titre relatif au tannin précipitable d’après le titre établi sur la matière sèche d’un produit pur. On ne commettrait en tout cas, d’après les chiffres du tableau précédent, qu’une très petite erreur. C’est pour le premier tannin que le rapport s’écarte le plus de la moyenne et cependant, en multipliant le nombre 0,001967 par 1,048, on obtient le nombre 0,002061, qui se rapproche tellement du chiffre 0,002091 trouvé directement, que la différence calculée même sur un produit très riche en tannin reste au-dessous des limites des erreurs admises. Plus un tannin est pur, plus doit être faible la portion du camé- léon total afférente aux matières non fixées par la peau. Les trois sortes Pharm. germ. et le Puriss. leviss. Schering se font immédia- tement reconnaître comme les plus purs et les meilleurs produits par cela que la portion de caméléon afférente aux matières non fixées est chez eux la plus petite (fait qui concorde avec les analyses données page 314). De même, on reconnait par le caméléon que des deux sortes Puriss. leviss. les moins pures, celle de Trommsdortf est la meilleure, celle de Gehe la moins bonne ; mais toutes deux sur- passent en pureté les tannins industriels. Parmi ceux-ci, le Techni- cum B se montre le plus impur par la proportion relativement très grande de caméléon employé par les matières non fixées. Cette re- lation entre la pureté du tannin et la proportion de caméléon afé- rente aux matières non fixées par la peau ne peut naturellement pas servir à une appréciation plus approfondie, car, d’une part, quelques dixièmes de centimètre cube en plus ou en moins sur la faible quantité de caméléon employée pour la liqueur traitée par la peau, 330 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. changent déjà le taux centésimal, et, d'autre part, il n'est pas exact d'établir un rapport étroit entre le caméléon employé et le taux pour 100 en poids des matières non fixées par la peau. Mais la relation dont nous parlons est très utile pour s'assurer si un lannin soi-disant pur du commerce peut ou non être employé pour déterminer le titre du caméléon. L’essai des tannins se réduit ainsi à un simple ti- trage ; on élude complètement les manipulations de la méthode de Hammer et pourtant on peut être sûr d’avoir un bon produit. S'il était, par exemple, admis qu’on ne doit employer pour le titrage que des tannins dont les impuretés n’exigent pas plus de 5 p. 100 du ca- méléon total, on serait assuré d’emplover toujours les meilleurs produits du commerce ; il sera facile de contrôler leur qualité par un dosage. Quand on à un de ces produits purs, on fixe le Utre simplement d’après la substance sèche et on multiplie le résultat par 1,048. Jai fait fout dernièrement recommencer par mes préparateurs les déterminations de titre que j'avais faites depuis plus d’un an sur les six sortes de tannins les plus pures. Mes précédentes analyses par la méthode de Hammer servaient de base. Les tannins contenaient un peu moins d’eau qu'avant, parce que les produits étaient restés assez longtemps au laboratoire ; mais la différence ne s'élevait pas en gé- néral à 4 p. 100 ; dans un cas seulement, elle était de 1.32 p. 100. É A l’aide de ces taux d’eau, on calcula, d’après les analyses de la page 31%, la composition des produits pris desséchés à l'air. MATIÈRES EAU. TANNIN FIXÉ. non fixées. | Trommsdorf. . oeil 85.81 3.04 Puriss. leviss. . { Gehe et Gie . . 11.50 84.06 4.44 | SCDETID CRE 115 be 88.29 0.5$ | Trommsdorf. . 15.54 83.39 JE 3 Pharm. germ. . { Geheet Gie , . 16.23 SOIT 1.00 | SChering, … … . 14.60 89.40 Traces. Le travail fut conduit absolument comme précédemment. Outre la solution à 2 gr. par litre, on en employa une à 4 gr. par litre. Les solutions de caméléon furent exactement faites comme il a été décrit et 20 centimètres cubes d’indigo correspondaient à 10°,7 de caméléon, Les résultats sont consignés dans le tableau suivant : ‘UOgTauue) 2p 001 1ns 940due quo nvod ef all S99x1J uou Sa111euu 2EOËT 0GO°T TFO‘T LFO'T GTO'T &800°‘T 960°T autuo II on ne 150 J nn 97 8802000 710800‘ 0 0£1&00°0 6208000 610200 ‘0 G£6100 ‘0 6012000 T10&00°0 8GT800 ‘0 990700 ‘0 690800 ‘0 6F0200 ‘0 8C0200°0 1861000 T&1800 ‘8 866100 ‘0 FCTU0‘ 0 9208000 690200 ‘0 £8GTO0 ‘0 GG0T00 ‘0 296100 ‘0 L&1€00 ‘0 610800 ‘0 TST&00 ‘0 860800 ‘0 18100 ‘0 9761000 "gxy “2120s uluue] ne |aoueisqns PI & nioddex aëd | gaodder ad Il I TT uTU UE] 9p souwueiS ua puodso0o UO9[9tuE9 2qn0 agwnu0 T ‘HANOUL HULL 0F€800 ‘0 £e8800‘0 90F800 ‘0 08800 ‘0 TS6800 ‘0 G88800°0 0802T0‘0 0802100 FGC9TO ‘0 FCL9TO ‘0 0299r0‘0 868910 ‘0 0C9210‘0 992210 ‘0 8189100 002210‘0 &9ILTO‘0 OL2LTO‘0 “nwod ef ae “21098 exy 2anesqus op UIUUE] 9p a satutuers uo juou -U911u09 onbiuue] uonntos ap Sa({n2 Sallaunua9 (] ‘nvod el] ‘neod ef ‘nrad ef ted saxde queae 9xy TT, — — utUuuEy ne OSIPUI,[ E QATETOI 1ted ef 2p a110j uoronpap ‘U09] -Q1E? 9p Saqno S2TJaUUEN UD iua8rxe anbruur1 uonnos op saqn9 Sa1uTU99 D} quepuodsar109 NOSTIANYO * SUHOUIS Lo19 49 9409) JIOPSUUMOLL ‘UF ‘UE ‘Su112q0S 219 39 auon) JIOPSUMOIT, *S *SUr10 40 ouf | Sup ‘a19) 39 0191) RUN 198 "JAOPSUTUOLT, * “UE “ouf ] sa UE, | 2429S atutuers } saq9 * * * Surtouog SUURAS 7 * ‘orf) 39 0409) ‘ouuoÂo ‘JAOLSUUIOANT, "SSIA of ‘SSrinq ET *SNINNVL HŒ SHLUOS 332 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Bien que, dans cette série d'essais, les résultats s’écartent un peu plus les uns des autres que dans mes analyses de la page 316, les conclusions que j'en ai tirées sont pourtant pleinement confirmées par les résultats moyens de cette nouvelle série. Suivant qu'on dissout 1 gr. ou 2 gr. de tannin dans 1 litre, la proportion de caméléon afférente aux matières non fixées est un peu différente. Les chiffres des solutions plus étendues sont un peu plus faibles, parce que la précipitation est plus complète que dans les liqueurs plus concentrées. Mais la différence n’est pas très impor- tante si l’on se reporte à la manière dont on calcule ces chiffres et affecte surtout très peu les quatre sortes les plus pures, ce qui se comprend aisément. On peut donc exécuter très bien par titrage un essai qui indique, sans passer par la méthode de Hammer, si le tannin peut servir à déterminer le titre du caméléon. On dissout dans 1 litre 2 gr. de tannin séché à l'air ; on titre sur 10 centimètres cubes ; on mélange 90 centimètres cubes de la solution avec 3 gr. de peau en poudre lavée et pressée, on agite fréquemment en laissant en contact 18-20 heures et on titre sur 10 centimètres cubes de la liqueur filtrée. Si le volume de caméléon employé cette seconde fois est moindre que le dixième du volume total, on est sûr d’avoir un des meilleurs tan- nins. Pour les laboratoires qui font beaucoup d'analyses de tannins, il serait bon de se procurer quelques-uns de ces tannins, de les essayer et de garder deux des meilleurs dans des flacons bien bou- chés. En déterminant chaque fois le titre du caméléon avec deux tannins, on a, d’une part, une grande sécurité si les deux dosages concordent, et, de lautre, en prenant la moyenne, on obtient une valeur absolue plus exacte. On calcule le titre d’après la substance sèche du tannin, on doit donc toujours être fixé sur le taux d’eau du produit. Dans des flacons bien bouchés, les variations d’humi- dité d’un tannin desséché à Pair sont tout à fait insignifiantes, et c’est du reste très vite fait de contrôler de temps en temps la teneur en eau. Exécutée de cette façon, la détermination du titre par le tannin se réduit à un dosage d’eau et deux titrages et n’est pas plus longue que le procédé par l’acide oxalique qui exige des soins pour la préparation d’une solution parfaitement pure qu’on ne SUR LE DOSAGE DU TANNIN. 933 peut jamais obtenir directement par simple dissolution de produits achetés. Du tableau de la page 316, comme de mes recherches citées plus haut, on conclut que les titres rapportés à la matière sèche du tan- nin sont, en moyenne, plus faibles que ceux établis d’après la por- tion fixée par la peau. La moyenne de 12 dosages donne le rapport TT. Ce chiffre concorde parfaitement avec le rapport trouvé pré- cédemment 33 Je propose donc de ramener toujours les titres » calculés sur la substance sèche aux titres d’après le tannin pur en multipliant par 4.05. Il est indifférent d’opérer avec une solution à 1 gr. ou à 2 gr. par litre, car les moyennes des deux séries A et B (voir le tableau de la page 90) donnent des valeurs presque identiques. La différence de ces moyennes 0,001993 et 0,002014 n’entraine que des écarts très faibles dans le résultat final. Dans les solutions plus concentrées, La fin de la réaction est un peu plus difficile à saisir; et pourtant les écarts en plus ou en moins sont moindres que dans les liqueurs plus étendues. Dans celles-ci, en effet, où la fin de la réaction est d’ailleurs très nette, les erreurs sont multipliées par un nombre plus grand, puisque la quantité absolue de caméléon employé est plus petite. Je préférerais la détermination du titre avec des solutions à 2 gr. par litre et, pour plus de sùreté, je prendrais la moyenne de plusieurs dosages. Il reste encore à s’assurer de la grandeur des écarts moyens et maximums qui peuvent se présenter dans la pratique des analyses quand les titres des solutions de caméléon sont établis en la ma- nière indiquée par différents chimistes dans différents laboratoires. C’est un point très important, car on ne peut juger de la valeur des analyses faites par des chimistes différents qu’en se rendant compte des limites des erreurs inhérentes à la méthode. Pour ne pas atté- nuer les écarts possibles, j'admettrai les circonstances les plus défa- vorables et je supposerai que chaque titre n’a été établi que d’après un seul produit pur et que le chimiste qui fait le titrage le fait pour la première fois. C’était le cas de mon préparateur. La détermina- 504 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. ion du titre doit être faite avec une solution à 2 gr. par litre de tlannin desséché à Pair, et le titre relatif à la substance sèche devra être multiplié par 1.05. Nous obtenons, à l’aide des chiffres de Ja colonne marquée f, dans le tableau de la page 316, les titres suivants relatifs au tannin fixé par la peau : 0,002043 0,002134 0,002120 0,002060 0,002082 0,002127 Moyenne !. . . .. 0,002094 Maximum. . 0,002134 Moyenne. . 0,002094 Maximum. 0,002134 Moyenne . . 0,002094 Minimum. . 0,002043 Minimum. 0,002043 Différence. . + 0,000040 — 0,000051 0,000091 Les écarts moyens probables des analyses faites séparément par divers chimistes s’élèveraient donc, d’après cela, à 0.25 p. 100, 0.50 p. 100 et 1 p. 100 pour des substances traitées à raison de 20 gr., 10 er. et 5 gr. par litre, en supposant que les 10 centimè- tres cubes de solution tannique exigent 10 centimètres cubes de ca- méléon. Dans le cas le plus défavorable, ces écarts peuvent s'élever à 0.45 p. 100, 0.90 p. 100 et 1.80 p. 100. Mais on évite d’aussi gran- des différences par un titrage fait avec som sur plusieurs tannins, et de tels écarts ne se présenteraient pas dans les laboratoires spéciaux où l’on acquiert une grande habitude de ces titrages. À mon avis, l'exactitude qu’on peut exiger dans les dosages de tannin a été sou- vent exagérée, et si l’on pouvait, en s’accordant sur la méthode, arri- ver à ce que, dans la pratique, les résultats pour les matières les plus riches ne présentassent qu’un écart moyen de 4 p. 100 et maximum de 2 p. 100, je penserais qu’on a réalisé un grand progres. Jusqu'ici, malgré tous les soins apportés dans les analyses, les écarts ont été sûrement beaucoup plus grands. 1. Des chiffres de mon tableau, p. 328$, relatifs aux six sortes pures de tannins, on déduit, à l’aide du facteur, 1.05 le titre presque identique 0,002070. SUR LE DOSAGE DU TANNIN. É 299 VE. — Jusqu'à quel degré y a-t-il proportionnalité entre le Lanrin el le caméléon, à mesure que varient les quantités de tannin? Quand on litre avec une quantité déterminée d’indigo, on sait que la quantité de caméléon afférente au tannin ajouté ne doit pas dé- passer une certaine limite, sans quoi le terme de la réaction devient difficile à saisir. En tout cas, on ne doit jamais emplover plus de ca- méléon que pour lindigo ; car déjà pour ce point extrème la fin du virage ne peut être appréciée sûrement que par un œil très exercé. En restant dans ces limites, il faut que le volume de caméléon soit proportionnel aux quantités de tannin pour qu’on puisse avoir des résultats concordants. J'ai fait maintes recherches à ce sujet et J'ai trouvé que la proportionnalité admise existait bien en général, mais était loin d’être parfaite, Si l’on a déterminé le volume de caméléon correspondant à une certaine quantité de tannin et qu’on en prenne une quantité beaucoup plus grande dans un second essai, on trouve, d’après mes expériences, que le volume de caméléon employé n'aug- mente pas en proportion, mais dépasse le chiffre prévu pour cette augmentation. De même, si l’on diminue notablement la quanuté de tannin, le caméléon ne diminue pas dans le même rapport et reste en dessous du chiffre théorique. On peut se convaincre aisément du fait en mesurant dans une burette bien calibrée des quantités crois- santes d’une solution de tannin ou de matières tannantes et en titrant, comme le montre l'essai suivant fait sur une écorce de chêne (20 gr. pour 1 litre) : VOLUME VOLUME VOLUME de l'extrait de caméléon, de caméléon d’écorce de chêne déduction fait de la part correspondant à 1 cent. cube employé. relative à l’indigo. de l’extrait d’écorce de chêne. cent. cubes. No f. 1 0,95 0,95 N° 2. 3 3,00 1,00 N° 3. 5 5,10 1,02 N° 4. 7 7,10 1,01 N° 5 9 9,50 1,06 Si l’on prend pour base l'essai n° 1, par exemple, il faudrait dans l’éssai n° » employer 8.35 de caméléon pour une quantité de tan- 3306 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. nin 9 fois plus grande ; mais en réalité, il en faut plus; il faut 8,55+0°,95=—9°,50. Si l’on part de l'essai n° 4, il faudrait, pour le n° 1, 1,01 au lieu de 0*,95 qu’on emploie réellement, etc. On voit aisément que la proportionnalité se réalise d’autant moins que les différences entre les quantités de tannin comparées sont plus grandes et d'autant mieux qu’elles sont plus faibles. Donc, dans les déterminations du titre par le tannin, on obtiendra en général des valeurs plus grandes si la quantité de tannin em- ployée est faible et plus petites si elle est plus forte. MÉTHODES QUANTITÉ g me à LE 22 MEET DER DCE; déduction faite de l’indigo. solution de caméléon. gr. cent. cubes. gr. { 0,008832 3,70 0,002360 ù Se CE Herspntie À 0.017664 7,70 0,002294 { 0,008832 4,40 0,002007 : 'eube! A7 7° 1 ï ERrNe COLE SE SEE 9,20 0,001920 0,008832 4,60 0,001920 Par ? cent. cubes. ’ É à 0,017664 9,60 0,001840 De ces chiffres on déduit que, par centimètre cube de caméléon, il va en moyenne une diminution ou une augmentation du titre de 0,000017. J'avais d’abord pensé à établir, par une série d'essais, une valeur moyenne qui servirait, pour chaque analyse, à modifier le titre proportionnellement au caméléon employé pour cette ana- lyse. On aurait fait ainsi disparaître la légère faute résultant du man- que de proportionnalité. Mais je me suis convaincu par de nombreux dosages qu’une pareille correction ne peut s’élablir rigoureusement. La loi dont il est question n’est pas si simple qu’elle le parait au pre- mier coup d'œil et les petites différences qu'il s’agit d'étudier ne se montrent pas toujours très nettement ni régulièrement. Si l’on com- pare dans le tableau de la page 331 les titres A Let B TI déterminés d’après des solutions à 2 gr. et à 1 gr. par litre et rapportés à la substance sèche, on trouve que les titres fixés d’après des solutions moins concentrées sont en général plus forts, comme l'indique la moyenne ; mais les différences sont le plus souvent faibles et ne peuvent être considérées comme des sources d'erreur. Il n’y a à éviter / SUR LE DOSAGE DU TANNIN. SE dans les analyses que de très grandes différences entre les quantités de tannin dosées et celles qui ont servi à établir le titre. Pour mettre ces faits en évidence citons encore l’essai suivant : VGLUME SUBSTANCE CAMÉLÉON FES TITRE de la solution sèche corres- employé ol ns. AD de la solution titrée. pondante. indigo déduit, ns Solution e de caméléon calculé. cent. cubes. gr. cent.-cubes. 1 0,001777 0,75 0,75 0,002369 3 0,005330 9,55 0,85 0 ,002090 5 0,008883 4,27 0,85 0,002080 7 0,012436 6,20 0,89 0,002005 ; 3 3 3 9 0,015989 7,95 0,88 0,002010 Comme conclusion de tous ces essais, on peut dire que des quan- tités variables de tannin ne correspondent pas exactement à des quantités proportionnelles de caméléon, mais que de ce défaut de proportionnalité 1l ne peut résulter d'erreurs notables que si la dif- férence entre la quantité de tannin dosée et celle qui a servi à fixer le titre est très grande. Si, par exemple, dans la détermination de ce titre 1l a fallu 8 à 9 centimètres cubes de caméléon, les volumes de caméléon employés dans les analyses pourront osciller entre 4 et 10 centimètres cubes, sans qu'on ait à craindre une erreur de plus de 1/10 p. 100. Si on emploie au contraire moins de 2 à 3 centimètres cubes de caméléon, le taux de tannin peut déjà se trouver notable- ment erroné. On évite sûrement toutes les erreurs tenant au défaut de proportionnalité, si, par un choix convenable de la quantité d’ex- trait à doser, on prend soi que le volume de caméléon nécessaire pour le dosage égale, à quelques centimètres près en plus ou en moins, celui qui a été employé pour le titrage. VIL — Emploi de la peau en poudre comme précipitant dans les analyses de tannin. La peau en poudre, trempée assez longtemps, filtrée, lavée et bien pressée, ne cède plus ensuite à l’eau aucune matière qui puisse influencer l'analyse, Il n'importe pas ici que de l’eau distillée, qui reste longtemps en contact avec la peau ainsi préparée, laisse ou non par évaporation un faible résidu. Ce résidu, très minime, il est ANN. SCIENCE AGRON. — 1886, — 1. 22 338 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. vrai, existe Loujours, mais ne peut avoir aucune influence sur l’em- ploi de la peau en poudre. La question sera résolue si de la peau en poudre, prise en même quantité que pour les analvses, mise de la même façon et aussi longtemps en mélange avec une quantité d’eau pure égale à celle d'extrait qu’on emploiera, ne cède pas à l’eau assez de matières solubles pour que la portion filtrée et dosée ré- duise sensiblement ja solution de caméléon. Un dosage à blanc est la meilleure manière d'essayer la peau et de se convaincre que bien préparée, elle ne cède à l’eau aucune matière oxydable. 9 gr. de peau en poudre trempée, lavée et bien pressée sont mis dans 50 centimètres cubes d’eau distillée pendant 15-20 heures en agitant fréquemment et on titre 10 centimètres cubes de la solution filtrée. Cet essai répété 3 fois donne les résultats suivants : I. 750 centimètres cubes d'eau + 20 cent. cubes de { 10,7 solution d’indigo + 10 cent. cubes de la liqueur | 10,8 Moyenne. . 10,77 filtrée exigent en caméléon : NEO SS ue 10,8 IL. 750 centimètres cubes d'eau + 20 centimètres vs » ire É 10,7. ‘Moyenne. 1071 cubes de solution d’indigo exigent en caméléon : 10.8 1 Différence duel Pen ER RAP O0 Pour les analyses je laisse 3 gr. de peau en poudre dans l’eau pendant 20 heures et je filtre sur un filtre en toile préalablement lavé. Je lave plusieurs fois à l’eau distillée, je rassemble le filtre et exprime l’eau en pressant avec les doigts d’abord, puis avec un tor- chon propre que je tords aussi fort que possible, en serrant plusieurs fois dessus avec la main. Je déplie le filtre et le mets sur un double de papier buvard ; alors la peau humide s’enlève facilement du filtre avec les doigts en une seule pelote qu’on met dans un petit flacon de 150 centimètres cubes. J’y ajoute 50 centimètres cubes de la so- lution à doser et j'agite énergiquement après avoir bien bouché le flacon. On agite assez fréquemment et on laisse la peau et l'extrait en mélange pendant 18-20 heures. On filtre ensuite dans un vase sec et propre et on dose le tannin sur 10 centimètres cubes. Ordi- nairement je mélange la peau et l'extrait vers midi, je laisse en re- pos la nuit et, le lendemain, je filtre après avoir agité encore pendant quelques heures. SUR LE DOSAGE DU TANNIN. 339 La peau pressée est encore humide et apporte une certaine quan- tité d’eau dans l’extrait qui se trouve ainsi quelque peu étendu, mais celte erreur est toujours négligée. Pour me rendre compte de son importance, j'ai dosé l’eau de la peau en poudre et J'ai trouvé 9.05 p. 100 dans la peau séchée à l'air et 59.37 p. 100 dans la peau humide venant d’être pressurée. Si je calcule d’après ce taux de 59.37 — 9.05, soit 50 p.100 environ la quantité d’eau qui vient étendre ma solution, je vois que j'apporte avec 3 gr. de peau en poudre environ 3 centimètres cubes d’eau pour 90 centimètres cubes d’extrail. On n’en prend que 10 centimètres cubes, ce qui correspond (en tenant compte de l’eau ajoutée par la peau) à 9°,43. Si l’on calcule le volume de caméléon relatif à cette différence de 10—9,43—0°,57 d’après le volume total employé après traitement par la peau, en supposant même ce volume égal à 2 centimètres cubes, ce qui n’ar- rive Jamais, on voit qu'il ne dépasse pas 0,12. On commet donc une erreur qui est toujours au-dessous des limites des erreurs iné- vitables de titrage et qui est tout à fait négligeable. Une question plus importante est la quantité de peau à employer dans les analyses. La peau en poudre convient très bien pour l’ex- traction du tannin ; mais son pouvoir d'absorption est essentielle- ment réglé par la concentration de la solution et la proportion en- tre la quantité de tannin et celle de peau en poudre. Dans les solutions plus concentrées, une même quantité de peau en poudre extrait bien plus vite de grandes quantités de tannin; mais dans des solu- tions étendues, il faut toujours prendre un très grand excès de peau pour amener la combinaison du tannin jusqu’à.un minimum négli- geable. J'ai fait des essais pour établir les proportions les plus convena- bles et déterminer l'erreur résultant de ce que l'absorption du tannin, même dans le cas le plus favorable, n’est pas du tout com- plète, mais se rapproche seulement d’un certain minimum. Ces essais ont été combinés avec des essais d'absorption par le noir animal pur, tel que Neubauer l’employait pour ses analyses d’écorce de chêne. Pour déterminer approximativement par la voie colorimétrique 340 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. la quantité de tannin restant après le traitement par la peau, je pré- parais un certain nombre de solutions comparatives de titre connu. Des solutions primitives, puis filtrées sur la peau, je prenais un même volume dans des éprouvettes de même largeur avec une même quantité de perchlorure de fer et d’acétate de soude, et je comparais l'intensité de coloration. J'ai choisi la réaction ferrique, parce qu'il est prouvé qu'elle est bien meilleure que la réaction de la gélatine. J'employais constamment 10 centimètres cubes des 2 solutions et dans ces 10 centimètres cubes je versais 5 gouttes d’acétate de soude au 1/10 et une goutte de perchlorure de fer étendu. Les solu- tions comparatives étaient des dilutions d’extraits tanniques de titre connu et dont voici la concentration avec l'intensité de la réaction ferrique correspondante. NUMÉROS 10 cent. cubes 10 cent. cubes de la renferment exigent en caméléon INTENSITÉ solution. en tannin. indigo déduit. de la réaction ferrique. gr. 1 0,00018 0,1 À peine une réaction. Faible coloration brune, mais aucune coloration noire. 2 0,00035 0,2 Faible réaction. Très faible coloration noire. 3 0,00053 0,3 Coloration noire. 4 0,00071 0,4 Coloration noire plus prononcée. Les mêmes essais ont été faits avec des écorces de chêne, parce qu'on pouvait être sûr qu'il n'y avait ou pas du tout ou seulement des traces négligeables de matières autres que le tannin colorant le perchlorure de fer. Les solutions provenaient de 20 gr. étendus à 1 litre ; 10 centi- mètres cubes étaient titrés par le caméléon et 50 centimètres cubes traités par 1/2 gr., 1 gr., 2 gr. et 3 gr. de peau en poudre ; on ti- trait après filtration 10 centimètres cubes de ces solutions mélan- gées à la peau et on déterminait l'intensité de la réaction ferrique sur 10 autres centimètres cubes. On n’a pas employé plus de 3 gr. par 90 centimètres cubes d’extrait, parce que l’opération serait de- venue très incommode et que, comme on l’a déjà montré, 3 gr. suf- fisent amplement. Essai 1. — Écorce de chêne : Extrait de 20 gr. étendus à 1 litre. Déduction faite du caméléon exigé par l’indigo, 10 centimètres SUR LE DOSAGE DU TANNIN. 341 cubes de la solution équivalaient à-9°,4 de caméléon (1 centimètre cube caméléon = 05,001763 tannin) : 50 cent. cubes 10 cent. cubes d'extrait d’écorce de la solution filtrée 10 centimètres cubes de la solution filtrée traités 18-20 heures sur la peau sur la peau donnent comme intensité de réaction par peau en poudre. exigenten caméléon. et quantité de tannin appréciée : gr. cent. cubes. 1/2 21e | AL qu 2 Couleur noire intense. 1 D \ 2 11 Faible coloration noire. Entre les solutions comparatives 3 et 4, donc de 08,53 à Om 71 de tannin. 3 0,9 Très faible réaction ferrique, estimée d'après les solutions comparatives 2 et 3 à une quantité de tannin comprise entre 05,35 et 073,53. Noir animal. 0,3 Absolument aucune réaction. Ce qui donne pour la teneur totale en tannin de l'écorce de chêne. En employant Taux de tannin peau en poudre. de l’écorce no 1. ge. p. 100. 5 5 12 EE Résultats sûrement trop faibles. 1 6.79 2 12 Résultat trop faible de 0.27 à 0.36 p. 100. 3 7.49 Résultat trop faible de 0.18 à 0.27 p. 100. Noir animal. 8.02 Résultat sûrement trop fort de 0.26 à 0.34 p. 100. D’après les essais faits avec 2 er. et 3 gr. de peau, dont les résul- tats sont trop faibles de 0.27 p. 100 à 0.36 p. 100 au plus, l'écorce de chêne analysée ne peut contenir plus de 7.68 à 7.76 p. 100 de tannin. Ainsi le chiffre donné par le noir animal : 8.02 p. 100 est sûrement trop fort de 0.26 p. 100 à 0.34 p. 100. Avec 5 gr. de peau, en sup- posant que la réaction ferrique ne provienne que du tannin précipi- table, le résultat ne reste sûrement pas au-dessous de la vérité de plus de 0.22 p. 100 en moyenne. Les essais suivants donnent des résultats semblables. Essai IT. — Écorce de chêne : 20 gr. pour 1 litre, 10 centimètres cubes de l'extrait exigeaient 8,1 de caméléon (1 centimètre cube caméléon — 0,001763 de tannin) : 342 50 cent. cubes d'extrait d’écorce traités 18-20 heures ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. 10 cent. cubes après 10 centimètres cubes de la solution emploi de la peau après traitement par la peau donnent comme par peau en poudre. exigent en caméléon. intensité de réaction et tahnin estimé : gr. cent. cubes. 1/2 1,9 | : D { 19 Coloration noire intense. de 2 1710 Faible coloration noire, estimée à 04,53 de tannin, 3 0,6 Faible réaction ; légère coloration brune, OM5,18 à 0%8,35 de tannin. Noir animal. 0,2 Absolument aucune réaction. Ce qui donne pour le taux centésimal de tannin : En employant peau en poudre. Taux de tannin de l’étorce n° 2, gr. p. 100. 1/2 Des Résultat trop faible. 1 6.08 2 6.26 Chiffre trop faible de 0.27 p. 100. 3 6.61 Résultat trop faible de 0.13 p. 100 en moyenne et de 0.18 p. 100 au plus. Noir animal. 6.96 Résultat sûrement trop fort de 0.17 p. 100 au moins, Les quantités de peau inférieures à 3 gr. étant insuffisantes, on ne fit plus que quelques essais avec 3 gr. de peau d’une part et du noir ani- mal de l’autre. Voici le résultat pour 2 écorces de chêne et 1 d’épicéa. Essai III. Écorce de chêne, 20 gr. par litre. Essai IV. ’, * Ecorce de chêne, 20 gr. par litre. Taux trouvé. La solution Z 0m6,18—0m£,35 de tannin. filtrée donne : Taux trouvé. La solution filtrée donne : Essai V. r Ecorce c’épicéa, 20 gr. par litre. Taux trouvé. La solution filtrée donne : En employant 3 grammes de peau. En employant le noir animal. RE 4.94 p. 100. Faible réaction ferrique 5.38 p. 100. Aucune réaction. Résultat sûrement trop fort d'au moins 0.26 p. 100. Résultat trop faible de 0.13 p. 100 en moyenne et de 0.18 p. 100 en plus. 6.61 p. 100. Réaction indiquant Om5,35 à Omë,53 de tannin. Résultat trop faible 7.23 p. 100. Aucune réaction. Résultat sûrement trop fort de 0.22 p. 100 en moyenne d’au moins 0.35 p. 100. et de 0.27 p. au plus. 100. ; 7.23 p. 100. 7.85 p. 100. Réaction indiquant Om£,535 - Aucune réaction. de tannin. Résultat trop fort de Résultat trop faible 0.44 p. 100. de 0.18 p. 100. SUR LE DOSAGE DU TANNIN. 343 En prenant la moyenne de ces 5 essais, on trouve qu'avec 3 gr. de peau pour 50 centimètres cubes d'extrait, le taux de tannin est trop faible avec une erreur maximum de 0.22 p. 100. Pour des substan- ces plus riches en tannin dont les extraits ne se font que sur 10 gr. et à gr., cette erreur se trouve multipliée par 2 et par 4. On peut donc s’attendre dans l'analyse d’une valonée dont on ne prend que o gr. à une erreur d'environ 0.88 p. 100. L'analyse d’une valonée avec la peau et le noir animal m'a donné les résultats suivants : p. 100. r | avec la peau. . . ?S.21 Réaction ferrique indiquant 0"5,53 de tan- aux ; : Fe Fe | nin dans la liqueur traitée par la peau. e tannin ADR Re , # | avecle noir animal. 29.27 Aucune réaction. Si la réaction du fer dans la liqueur traitée par la peau ne con- cernait que le tannin fixable par ladite peau, ce dosage serait trop faible de 4.06 p. 100 ; mais l'erreur n’est pas si grande, sans quoi, dans ce cas, le noir animal aurait donné le taux exact, puisque la différence de 1.06 entre les 2 taux est exactement égale (par hasard) au tannin restant dans la liqueur. Or le noir animal a toujours donné des résultats trop forts dans les 5 premiers essais; il est donc à croire que 29.27 p. 100 sont un taux trop élevé et que 28.21 p. 100 est un chiffre trop faible, mais pas de 1 p. 100, si même il ne reste pas au maximum très au-dessous de 1 p. 100. Si l’on voulait approcher plus de l'exactitude en employant plus de peau, on n’arriverait pas à une extraction absolument complète, comme on peut sûrement le prévoir, même en augmentant de 1 gr. ; mais on se rapprocherait autant que possible du but à atteindre. Seulement, déjà avec 4 gr. de peau dans 90 centimètres cubes, la liqueur se transforme en une sorte de bouillie qui ne peut plus être bien agitée et qui se filtre mal. | Je considère le degré d'extraction avec 3 gr. de peau comme parfaitement suffisant. Je ne crois pas qu’il y ait rien à dire quand nous donnons pour des matières tanniques qui renferment jusqu’à 10 p. 100 de tannin des résultats trop faibles en moyenne de 0,22 p. 100. Dire que l'erreur s’élève à 0.44 p. 100 et à 0.88 p. 100 dans les matières riches, n’est pas une objection sérieuse ; car c’est là, 344 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. comme pour les autres erreurs, une conséquence de la méthode qui n’admet les dosages que sur des solutions très étendues. Naturellement il faudrait, si l'on devait travailler couramment avec la peau en poudre, qu'on convint de la proportion à employer ; alors les faibles erreurs qu’on commettrait et dont on se rendrait facilement compte dans chaque cas, n’introduiraient pas de différen- ces dans les résultats des analyses. Je propose, comme étant une proportion convenable, 3 gr. de peau pour 20 centimètres cubes d'extrait. C’est cette quantité que j'ai employée dans les essais dont je viens de parler et que j'em- ploie toujours. Dans les 50 centimètres cubes d’extrait, il ne doit pas y avoir, en somme, plus de O%,1 de tannin, et 10 centimètres cubes d'extrait doivent exiger au plus 10 centimètres cubes d’une solution de ca- méléon ayant la concentration indiquée à la page 301. VIII. — Extraction du tannin. S'il est évident qu'on peut dissoudre tout le tannin des matières tannantes de diverses façons, il est aussi hors de doute qu’un pro- cédé d'extraction éprouvé, simple et commode, sur lequel tout le monde serait d'accord et qu’on exécuterait partout de la même ma- nière serait une garantie importante pour l’exactitude et la concor- dance des analyses des divers laboratoires. De même que, par exem- ple, dans les analyses d'engrais, nous extrayons partout de la même facon, suivant des prescriptions données, l'acide phosphorique so- luble des superphosphates, de même nous pourrions convenir, pour l'extraction du tannin, d’un procédé unique qui éviterait sûrement bien des différences d'analyses. Une pareille convention a, entre autres, le grand avantage que les laboratoires où l’on ne fait que de rares analyses de tannin, une. demi-douzaine par an pour la tannerie du voisinage, seront forcés CO de se conformer à la règle adoptée, surtout s'ils sont exposés au con- trôle des laboratoires principaux. Pour la détermination du tannin en bloc, l'adoption d’une mé- . thode unique serait très désirable ; mais s'il s'agit de doser séparé- SUR LE DOSAGE DU TANNIN. 349 ment le tannin facilement et difficilement soluble, c’est une nécessité, sans quoi on ne pourrait absolument pas compter sur des résultats concordants. Entre le tannin facilement et difficilement soluble, c'est-à-dire entre le tannin soluble dans l’eau froide et celui qui est soluble seulement dans l’eau bouillante, il n’y a pas de différence essentielle, car plus on laisse la matière dans l’eau froide, plus il y a de tannin difficilement soluble qui entre en solution. Si la distinction entre ces deux tannins n’a pas grande valeur scien- üfique, elle peut être très importante pour la pratique dans beau- coup de cas ; il faudrait donc, dans ce but, convenir d’une méthode d'extraction qui préciserait les circonstances de la dissolution pour le tannin facilement soluble et qui définirait par là, en même temps et exactement, ce qu'on entend par tannin facilement soluble. Le tannin difficilement soluble pourrait alors être déterminé dans le résidu qui serait trailé comme une matière neuve où l’on veut doser tout le tannin. Une bonne méthode d’extraction doit naturel- lement donner pour la somme des tannins facilement et difficilement solubles un chiffre égal à celui du tannin dosé en bloc dans une au- tre analyse. Dans cette question le côté le plus important pour la pratique est bien certainement l’extraction du tannin en bloc. On n'arrive pas, comme Neubauer l’a déjà montré et comme je peux l'établir péremp- toirement, à mettre en liberté tout le tannin en faisant bouillir assez longtemps, avec plus ou moins d’eau, une certaine quantité de ma- tière tannante, en évaporant jusqu’à un volume déterminé et en fil- trant. Par ce procédé j'ai toujours obtenu un chiffre plus faible, bien que souvent la différence ne fût pas très grande. Pour dissoudre complètement, il faut absolument faire bouillir la matière finement pulvérisée avec des quantités successives d’eau pure, la dissolution précédente devant toujours préalablement être mise à part. C'est d’après ce principe qu’on procède maintenant partout à l’'ex- traction ; mais la séparation de la solution d’avec la matière solide . non épuisée offre tant d’inconvénients, qu'elle m'a toujours paru, au début, la partie de beaucoup la plus longue et la plus minutieuse de toute l'analyse. Ce qui me gênait dans ce travail, c'était notam- ment une certaine malproprelé qui se produisait nécessairement 346 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. dans la filtration ou le décantage, si l’on songe surtout qu'il faut séparer aussi complètement que possible la partie soluble du reste, sans pourtant avoir un trop grand volume de liquide. Il me parais- sait aussi très désirable que lextraction totale püt se faire rapide- ment et facilement sur un assez grand nombre de produits en même temps. Après de nombreux essais infructueux, Jai complètement aban- donné l'extraction à l’aide des vases en verre et des entonnoirs habi- tuels et j'aiimaginé un appareil à extraction en étain, avec lequel on évite tous les inconvénients et dont la manipulation est très simple. L'appareil que j’emploie se comprend au simple examen de la figure ci-contre. Je ne puis que recom- mander chaudement cet appareil après les centaines d’extractions que j'ai faites avec lui. Le vase cylindrique en étain avec bec est haut d'environ 12,5 et son diamètre intérieur est de 7 centi- mètres environ. On n’y à pas mis d’anse pour qu'il puisse être facilement placé dans un bain-marie. À ce cylindre s’a- dapte un piston percé de trous, figuré à droite, et qui se meut par un manche... Sur le pourtour du piston est creusée une rainure qui doil être assez profonde pour ne pas laisser déborder le fil servant à lier le morceau de gaze qui recouvre la face inférieure de ce piston. La gaze doit être bien tendue sur le piston et le fil ne doit pas dépasser la rainure ; la gaze en trop est coupée juste au-dessus du fil. Il est essentiel que, sur toute la longueur du cylindre, le piston, muni de sa gaze humide, adhère exactement et glisse à frottement doux comme ceux des corps de pompe. Si on ne peut obtenir une fermeture exacte en choisissant convenablement la gaze, c’est que l'appareil est mal fa- briqué et ne peut ètre employé. Pour obtenir une fermeture hermétique, on tourne spécialement le piston pour chaque vase ; les calibres des vases différant quelque peu, 11 ne faut employer pour chaque vase que le piston fait exprès SUR LE DOSAGE DU TANNIN. 347 pour lui. À cause de tous ces motifs, 1] faut que l'appareil soit un peu massif et solide sans être pourtant trop grand. Les premiers es- sais faits avec des vases en tôle échouërent complètement, parce qu'on n'avait pu obtenir la fermeture hermétique. Si l’on met dans cet appareil avec de l’eau la matière pulvérisée et qu'on la fasse bouillir assez longtemps au bain-marie, la dissolu- tion se séparera très aisément du résidu solide quand on descendra lentement le piston. La liqueur passe à travers la gaze sur le piston qui maintient sous lui les matières solides ; on verse la dissolution, on presse sur le fond avec le piston, on verse à nouveau la liqueur qui se réunit au-dessus, tout en maintenant avec les mains, le pis- ton fortement serré contre le fond du vase. En répétant cette opération plusieurs fois et en réunissant les dissolutions dans le même vase d’un litre, la séparation de Ia partie soluble se fait facilement et entièrement. Pour faire l’extraction complète en n’étendant qu'à À litre, je fais bouillir la matière fine- ment pulvérisée avec des volumes successifs de 200 centimètres cubes d’eau distillée. J'ai toujours laissé la matière digérer d’abord dans l’eau froide, pour ne pas chauffer inutilement la solution concentrée de tannin facilement soluble qui se forme, et empêcher qu’on ne puisse objec- ter de ce chef une destruction possible de tannin. Mais on peut na- turellement, suivant les circonstances, laisser de côté ces mesures de précaution quand il s’agit de matières connues et on arrive plus vite au bu. Voici comment j'opère : « Je mets 20 gr., 10 gr., ou 5 gr. de la matière pulvérisée dans le vase d’étain, jy verse 200 centimètres cubes d’eau distillée froide et je laisse en repos 12 heures environ. Ordinairement je prépare dans l'après-midi et je laisse jusqu'au lendemain. J'exprime cette première solution à l’aide du piston et je la verse dans un vase d’un litre. Je jette ensuite 200 centimètres cubes d’eau distillée bouillante sur le piston quand il est au bas de sa course et Je le retire lentement. Le piston est ordinairement suffisamment lavé par le passage de l’eau à travers les trous, je le place sur une as- siette de porcelaine ou incliné sur le vase d’étain qui est porté dans 348 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. un bain d’eau bouillante où il reste une demi-heure. Je remue de temps en temps avec un agitateur. J’exprime une seconde fois et je réunis la liqueur aux 200 premiers centimètres cubes. Je répète encore trois fois cette opération toujours avec eau dis- üllée bouillante et bain-marie d’une demi-heure, si bien que j'ai réuni dans le vase à fois 200 centimètres cubes. Comme, à la cha- leur du bain-marie, une portion de l’eau s’est évaporée, on n’a pas tout à fait un litre. Alors on lave encore une fois le résidu avec un peu d’eau distillée bouillante et on l’exprime de façon à compléter le litre. Après refrol- dissement complet, on remplit exactement jusqu’au trait. En ne faisant pas la première opération avec de l’eau froide, il faut 2 heures et demie pour les 5 digestions dans l’eau bouillante et 3 heures environ pour terminer l’extraction. Si l’on a un nombre suffisant de bains- marie, d'appareils à extraction et de vases d’un litre, on peut faire aisément en 3-4 heures 4-6 extractions en suivant toujours le même ordre dans les manipulations. Quand on en a fini avec le dernier appareil pour le pressurage et l'addition d’eau bouillante, le pre- mier a bouilli assez longtemps pour qu’on puisse y procéder à un nouveau pressurage. Tout le travail de l'extraction tel que nous venons de le décrire est si bien une pure opération mécanique, qu'il peut être exécuté, après quelques leçons, par un garçon de laboratoire, d'autant plus qu'une extraction trop rapide est rendue impossible par ce fait qu'il faut servir, dans l’ordre voulu, un certain nombre d'appareils. Le liquide qu’on obtient ainsi est généralement un peu trouble et ne peut servir tel quel ; on en filtre une partie sur un filtre à plis dans un vase propre et sec et l’on peut alors faire l’analyse. J'ai essayé, à diverses reprises, d'extraire avec mon appareil le tannin facilement soluble dans l’eau froide ; mais toujours je suis arrivé à des chiffres peu concordants. Pour l’extraction du tannin fa- cilement soluble, Neubauer le premier a employé la presse de Réal qui, d’après ses essais et ceux d’autres chimistes, donne de très bons résultats. Il semblerait donc très convenable de conserver pour ces déterminations la presse de Réal. Seulement il faudra bien convenir de la manière dont on procédera et notamment indiquer sous quelle SUR LE DOSAGE DU TANNIN. 349 pression l'extraction doit se faire et combien de temps on doit met- tre à extraire un volume déterminé. ; La figure ci-contre montre la presse de Réal avec sa monture qu’on peut natu- rellement modifier. La partie impor- tante de l'appareil est le vase à extrac- tion fait en étain, muni d’un robinet, et dont les dimensions indiquées par Neubauer (0%,06 de diamètre et 0",12 de hauteur) me paraissent, d’après mes essais, très bien choisies. Sur ce vase se visse solidement un couvercle b in- timement relié avec un tube qui, dans la figure s’élève jusqu’en c. Pour assu- rer une fermeture hermétique on in- tercale une rondelle en caoutchouc. Quand on veut se servir de lappa- reil, on y place d’abord le piston à trous s que j'ai fait munir d’un manche pour plus de commodité et qu’on garnit d’une gaze fixée à l’aide d’un fil placé dans la rainure. La gaze a pour but d'empêcher le passage de la matière pulvérisée. | On introduit alors dans le cylindre, après avoir fermé le robinet, par exem- ple, 20 gr. d’écorce pulvérisée, préala- blement mise dans un verre avec un peu d’eau et bien mélangée à l'abri de l'air. On visse ensuite solidement le couvercle et on relie son tube métal- lique à l’aide d’un caoutchouc avec un tube en verre assez long. Il est bon d’intercaler à l’endroit où le tube mé- tallique se joint au tube en verre, un morceau de gaze pour em- pêcher que quelques parcelles de matière soient entraînées. 390 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Quand tous les joints sont bien fermés, on fait couler du vase placé au-dessus du tube assez d’eau pour remplir Pappareil et le tube jusqu'à un trait marqué. Neubauer donnait à la colonne d’eau une hauteur de 2 mètres, et moi seulement 1 mètre et demi. Neubauer laissait appareil ainsi rempli en repos pendant 19-16 heures avant de procéder à l'extraction. Pendant cette opération, le robinet du récipient contenant la ma- üère à doser et celui du vase d'alimentation, doivent être réglés de façon que l’eau affleure toujours au trait marqué. Neubauer extrayait ainsi un litre de solution très lentement, dans 6 à 8 heures, et consi- dérait comme tannin facilement soluble celui qui était contenu dans ce litre. Je ne mets que 3-4 heures pour extraire 1 litre et ce temps est par- faitement suffisant. Naturellement on peut obtenir d’un deuxième litre encore une faible quantité de tannin soluble dans l’eau froide, etc., ete. Aussi est-il très important de s’entendre sur la hauteur de la colonne d’eau et sur le temps qu'on doit mettre pour extraire 1 litre. Quand on opère toujours dans les mêmes conditions, la presse de Réal donne des résultats concordants, Pour doser le tannin difficilement soluble qui reste dans la ma- tière, je mets, comme le faisait Neubauer, le contenu de la presse de Réal dans un vase de 1 litre que je remplis d’eau aux trois quarts et, après avoir fait bouillir 4 heure, Je laisse refroidir, je remplis jusqu’au trait et je filtre. Il est très bon, quand le premier litre va être plein, de fermer le robinet de l'alimentation dès qu’il ne man- que plus pour parfaire le litre, qu’autant d’eau qu’il s’en trouve dans l'appareil ; on le laisse égoutter librement et 1l est alors bien plus facile de le vider. J’extrayais toujours trois quarts de litre seulement dans 3-4 heures et je laissais le litre se remplir peu à peu par égout- tement. Pour voir si les résultats donnés par l'extraction avec la presse de Réal, suivie du dosage du tannin difficilement soluble, différaient du résultat en bloc donné par mon appareil, j'ai fait un certain nombre d'analyses comparatives. Les chiffres donnés ci-après démontrent la valeur des deux méthodes d'extraction dont les résultats sont très peu différents. SUR LE DOSAGE DU TANNIN. 391 20 gr. d'écorce de chêne. — Tannin extrait : p. 100. a) À froid avec la presse de Réal ou = tannin facilement soluble . . 35.69 A l’aide de l'appareil de Tharand. b) Par traitement à l'eau bouillante ou tannin difficilement soluble. 1.31 HET COL OO NT EN) Tannin total. . . . 7.09 p. 100. 20 gr. d’écorce de chêne. — Tannin extrait : p. 100. a) À froid avec la presse de Réal ou — Avec l'appareil de Tharand. tannin facilement soluble. . . 4.46 1) 5.86 p. 100. b) Par traitement à l'eau bouillante 2-69, ou tannin difficilement soluble. 1.40 3) 5.86 — 4) 5.78 — ann O PEER RS Tannin total. 5.80 p. 100 en moyenne. Dans toutes les extractions précédentes à l’aide de mon appareil, J'ai toujours extrait un deuxième litre par la même méthode que le premier. Ce deuxième litre était presque incolore et 10 centimètres cubes exigeaient, défalcation faite du caméléon correspondant à l’in- digo, dans 3 cas 0,1 de caméléon et dans 2 cas 0°,9, autre preuve encore que les extractions avec mon appareil ont été aussi complètes qu'avec la méthode de Neubauer. Un autre essai fait tout récemment (extraction et titrage) par mon préparateur a donné pour une écorce américaine, en calculant sur la matière desséchée à 100 degrés : . 100. a) Avec la presse de Réal, Tanninfacile- — IMEHASOIMDIe RENE REC AG Avec l'appareil de Tharand, b) Après traitement par l'eau bouillante. Tannin difficilement soluble, . . 2.75 MANN IO AIRES. M... 'UADI Tannin total. . 9.19 p. 100. Je fais observer en terminant que la presse de Réal et mon appa- reil sont fournis dans d'excellentes conditions par G. Focke, fondeur en étain, grosse Kirchgasse, n° 3, à Dresde. Comme la méthode de Lôwenthal paraît avoir été étudiée suffi- samment el avec toutes les précaulions nécessaires par M. le profes- seur von Schrœæder, tous les membres conviennent de se conformer entièrement aux modifications par lui proposées, c’est-à-dire d’em- 302 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. ployer la méthode de titrage par un centimètre cube à la fois, telle qu’elle a été précédemment décrite, d'adopter la concentration indi- quée pour les solutions, la proportion de peau, etc., etc. M. Kathreiner a déjà montré dans sa publication (citée plus haut) que la quantité de caméléon employée est fonction du temps, c’est- à-dire qu’elle dépend de la vitesse d'écoulement du caméléon, sans que cependant il ait fait à ce sujet des essais aussi complets que M. le professeur von Schræder. Le D' Councler a reçu, il y a déjà quelque temps, des nouvelles de ses expériences sur les 4 méthodes de titrage n° 0, 1, 2et5 et peut confirmer, d’après ses propres recherches, les résultats de M. le professeur von Schræder et recommander aussi la méthode de titrage par À centimètre cube. Les membres présents expriment à M. le professeur von Schræder tous leurs remerciements pour son long et consciencieux travail, grâce auquel il a été possible d'arriver immédiatement à une entente. M. le directeur Eberz demande encore une fois nettement que tous les assistants expriment les pour-cent de leurs analyses en tan- nin pur précipitable par la peau. Il discute aussi le désir exprimé de divers côtés par les industriels, à savoir si l’on ne pourrait pas, en simplifiant la méthode, la rendre plus abordable au praticien, ce qui lui permettrait, après un assez court apprentissage, de faire lui- même les dosages de tannin nécessaires, soit pour la marche de sa fabrication, soit pour l’achat de ses matières premières. La commission aura constamment ce but en vue ; mais elle dé- clare, à l'unanimité, qu'il est impossible, quant à présent, d'entrer dans cette voie. La méthode adoptée exige tant de précautions qu'un chimiste exercé seul peut avec elle obtenir des résultats réellement utilisables. Seulement si le praticien veut bien se donner la peine d'acquérir la connaissance complète de la méthode dans les stations spéciales, il pourra arriver à une habileté suffisante pour faire lui- même ses analyses. La commission charge le D' Councler de demander au D° Roth” à 1. Le D' Roth s’est déclaré tout prêt à préparer la peau en poudre suivant le pro- cédé du professeur von Schrœder, et il en fournit d'excellente qualité. SUR LE DOSAGE DU TANNIN. 303 Berlin s’il serait disposé à fournir, en toute première qualité, la peau en poudre nécessaire dans la méthode adoptée. Si, comme l'espère la commission, la méthode qui vient d’être décrite est adoptée par la plupart des chimistes spécialistes qui for- meront alors une majorité prépondérante, il ne se présentera plus des divergences telles que celles qui se rencontraient jusqu'ici entre les résultats de divers chimistes. Qu’on obtienne enfin des chiffres comparables, c’est l’intérêt de tous les acheteurs et vendeurs de ma- tières tannantes, c’est l’intérêt non seulement des tanneurs, mais encore des commerçants en ce genre de produits et notamment des gérants de forêts. ANN. SCIENCE AGRON. — 1856. — 1, 23 RÉSUMÉ DE LA MÉTHODE ADOPTÉE (Methode de Lowenthal modifiée pur le prof. J. von Schroder). Réactifs nécessaires. 1. Solution de caméléon. — On dissout 10 gr. de permanga-. nate de potasse très pur dans 6 litres d’eau distllée. | 2. Solution d’indigo. — 30 gr. de sulfindigotate de soude en morceaux séchés à Pair (Garminum cœærul. opt. = Indigotine pure [de Gehe et Ci) sont dissous dans 3 litres d'acide sulfurique étendu de o fois son volume ; on ajoute 3 litres d’eau distillée et on agite forte- ment jusqu’à dissolution complètef puis on filtre. Pour chaque dosage, 20 centimètres cubes de la solution précé- dente mélangés à trois quarts de litre d’eau devront réduire environ 10°°,7 de la solution de caméléon. 3. Peau en poudre. — Elle doit être blanche, en fins flocons laineux et ne contenir aucun élément réduisant dans l’eau froide la liqueur de caméléon. Un essai à blanc sur 3 gr. de peau en poudre permet de constater facilement si la peau a les qualités voulues. Exécution des dosages. Au lieu d'ajouter goutte à goutte la solution de permanganate en agitant constamment, comme l’indique Neubauer, on verse chaque fois de la burette à robinet dans le vase contenant les 750 centimé- tres cubes d’eau, Pindigo et le tanmu, 1 centimètre cube de la solu- üon de caméléon et on agite chaque fois rapidement pendant 5-10 secondes. Quand la liqueur est devenue vert clair, on ajoute par 2-5 gouttes chaque fois Jusqu'à ce que la teinte soit d’un jaune d'or pur, SUR LE DOSAGE DU TANNIN. 399 En plaçant sur une assiette blanche le vase où est la solution à ttrer, on voit nettement la fin de la réaction. Au lieu d’un vase en verre, Fr. Kathreiner et F. Simand, de même que H. Procter, se sont servis d’une capsule en porcelaine très blanche, de 28,5 de diamètre et de 11 centimètres de profondeur. Quand on aperçoit une teinte faiblement rougeâtre sur les bords de la liqueur devenue jaune d’or, la réaction est terminée. Cette teinte se perçoit nettement sur la paroi de la capsule opposée au jour. Si le soleil frappe directement et que la lumière soit trop intense, on masque, d’après Fr. Kathreiner et F. Simand, avec une feuille de .papier de soie blanc, la partie inférieure de la fenêtre où l’on tra- vaille. Fixation du titre du caméléon. Le titre du caméléon s’obtient de la manière suivante : On se procure dans le commerce du tannin aussi pur que possible. Le meilleur est la marque: Pharm. germ. (de Schering, Gehe ou Trommsdorff). On en dissout 2 gr. desséchés à l'air dans un litre et on détermine la quantité de caméléon exigée par 10 centimètres cu- bes de cette solution, puis celle qu'il faut pour 10 autres centimètres cubes préalablement traités par la peau en poudre. — Dans 50 cen- timètres cubes de la solution, on met 3 gr. de peau en poudre qu’on a d’abord lavée puis convenablement pressée ; on laisse en contact 18-20 heures en agilant fréquemment, on filtre et on titre sur 10 centimètres cubes. Le tannin est bon quand le caméléon employé après l’action de la peau ne dépasse pas à p. 100 du caméléon total; mais le tannin peut encore servir à établir le titre quand le caméléon nécessaire après la peau n’est que 1/10 de la quantité primitive. Si le tannin satisfait à ces conditions, on détermine sa teneur en eau en le desséchant à 94-100 degrés et on calcule, d’après les dosages précédents, le titre par rapport à la substance sèche du tannin. Ce titre multiplié par 1.05 donne le utre véritable. Ce coefficient a été établi par les recherches du professeur von Schrôder rapportées précédemment. 396 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Marche à suivre dans les analyses de tannin. 1. Préparation des extraits de lannin. — Les extraits de produits purs sont faits à l’eau bouillante et filtrés, s’il est besoin. On extrait le tannin des matières tannantes brutes (écorces, bois, galles, etc.) en exprimant 5 fois la matière mélangée à 200 centimé- tres cubes d’eau dans l'appareil inventé par le professeur von Schrô- der. La matière pulvérisée est mise dans la presse où on ajoute 200 centimètres cubes d’eau froide et on l’exprime après un contact d’une heure. Les 4 pressurages suivants se font chaque fois après un contact d’une demi-heure dans 200 centimètres cubes d’eau chauffée au bain-marie. On filtre ensuite, s’il est nécessaire, une certaine partie de la solution étendue à un litre. | Si l’on veut doser à part le tannin facilement soluble, on soumet la matière tannante pulvérisée à l’action d’une presse de Réal qu’on peut se procurer dans la forme décrite plus haut chez Focke, à Dresde. La matière doit être d’abord bien humectée : on remplit ensuite la presse d’eau et on laisse la matière à analyser sous la pression d’une colonne d’eau de 1",50 pendant 15 heures. On ouvre alors le robinet de façon à se procurer un litre de solution en 2 heures en- viron, On agite la solution pour la rendre homogène. On traite le résidu restant dans la presse comme une matière tan- nante neuve à analyser, c’est-à-dire qu’on le soumet à l’appareil d’ex- traction de Schrôder comme il a été indiqué plus haut. On emploie pour un dosage de tannin : 20 gr, de matière quand elle renferme 5 à 10 p. 100 de tannin. 10 — — 10 à 20 = 5 — — encore davantage. 2. — Analyse des extraits de lannin. — On détermine la teneur en tannin d’une solution aqueuse par la méthode Lôwenthal — von Schrôder en titrant 10 centimètres cubes de cette solution , faite SUR LE DOSAGE DU TANNIN. 397 suivant les règles indiquées, avant et après précipitation par la peau en poudre (à raison de 3 gr. pour 50 centimètres cubes de solution). On donne à la liqueur de tannin une concentration telle que 10 centimètres cubes ne réduisent pas beaucoup plus de 8 centimètres cubes de caméléon (voir les conclusions du chapitre précédent) *. Voici où l’on peut se procurer les appareils et réactifs nécessaires : l'appareil à extraction du professeur von Schrôder et de bonnes presses de Réal conformes aux modèles figurés ci-dessus, chez C. Focke, fondeur en étain, à Dresde, grosse Kirchgasse, n° 3. La peau en poudre chez le D' Roth, chimiste juré à Berlin, Siras- burger Strasse, n° 18. L’indigotine (sulfindigate de soude solide) chez Gehe et C®°, à Dresde. | Le tannin le plus pur, Pharmacopæa Germanica, chez Schering, à Berlin; Gehe, à Dresde; ou Trommsdorff, à Erfurt. 1. M. Procter, à North-Shields (Angleterre), a indiqué un moyen simple de rendre parfaitement claires les solutions troubles qui ne se laissent pas éclaircir par simple filtration. On ajoute à 100 centimètres cubes de la solution une cuiller à thé de kaolin, on agite vivement dans un petit flacon et on filtre. Si la première portion passe un peu trouble, on la rejette sur le filtre où est le kaolin. La commission adresse de vifs remerciements à M. H. R. Procter pour sa communication. RÉPARTITION DU TANNIN DANS LES DIVERSES RÉGIONS DU BOIS DE CHÊNE Par E. HENRY RÉPÉTITEUR A L'ÉCOLE NATIONALE FORESTIÈRE Lors du dernier concours régional qui s’est tenu à Nancy en 1885, la commission chargée d'organiser l'exposition forestière, tenant à soumettre aux visiteurs un ensemble aussi complet que possible des industries de la région qui utilisent le bois comme matière première, exposa des extraits de tannin provenant de l'usine de M. Luc, tan- neur à Nancy. Ces extraits, dont l'emploi se généralise de jour en jour, sont retirés non plus des écorces, mais du bois lui-même. L’exhibition de ces produits offrait d'autant plus d'intérêt qu’on les voyait figurer pour la première fois dans une exposition. L'usine de Nancy, où l’on ne traite que le chêne, ne date en effet que de quelques années; les autres usines similaires de France, éta- blies à Nantes, Lyon, etc., n'emploient que le châtaignier, et à l'étran- ver on n'utilise guère pour cet usage que les écorces. A Nancy, M. Luc emploie uniquement pour la fabrication des extraits les sou- ches et les grosses branches de chêne qu'il écorçait même au début, mais qu'il laisse maintenant sous écorce. Je renvoie, pour la descrip- tion sommaire du procédé de fabrication, à la note que J'ai publiée sur ce sujet dans la fevue des Eaux el Foréls'. À ces extraits de tannin du bois de chêne, on avait joint des spécimens de souches et 1. Année 1885, p. 220. DU TANNIN DANS LE CHÊNE. 399 de branches avec lindication du taux en tannin de leurs diverses ré- ions (écorce, aubier, cœur). Les résultats de ces premières analyses m'ont paru intéressants et quelque peu en désaccord avec les idées actuelles sur la répartition du tannin ; t'est ce qui m'a décidé à entreprendre, au laboratoire de l'École forestière, des recherches plus complètes que je vais résumer. On sait qu’on donne le nom de tannins ou acides tanniques à un certain nombre de principes immédiats très répandus dans les plan- tes, notamment dans les écorces, les feuilles et les galles qui sont surtout employées comme malières tannantes, quelquefois aussi dans le bois lui-même. Ce sont des corps amorphes, à réaction légèrement acide, solubles dans l’eau, avant une saveur astringenté. Îls précipi- tent les solutions de gélatine ef de matières albuminoïdes ; un mor- ceau de peau fraiche les absorbe rapidement en formant avec eux une combinaison imputrescible qui n’est autre que le cuir. Is pré- cipitent également les alcaloïdes organiques et la plupart des sels métalliques, notamment les sel de fer au maximum. Is s’altèrent très rapidement à l'air en s’oxydant directement ou sous l’influence de champignons. Mais à côté de ces caractères qui conviennent à tous les tannins, il en est d’autres qui les séparent les uns des autres et notamment de celui qui a été le plus étudié, du {annin de la noix de qalle où acide gallotannique, avec lequel on avait d’abord voulu les identifier tous. Ainsi les uns (tannins des noix de galle, des écorces de chêne, de saule, de sapin, des feuilles de chêne, d’arbousier, ete.) précipitent en bleu noir les sels ferriques ; les autres (tannins des écorces d’épi- céa, mélèze, bouleau, frêne, aune, du cachou, du quinquina, du café, du thé, etc.) précipitent en vert les mêmes sels. Les produits de décomposition varient aussi suivant les tannins. La plupart se dé- doublent par ébullition avec des acides où des alcalis étendus en glucose et en un autre produit, comme les glucosides si abondam- ment répandus dans jes végétaux ; aussi beaucoup de chimistes ran- gent les tannins parmi les glucosides, bien que certains d’entre eux ne donnent pas de glucose par dédoublement. La composition élé- mentare de ces divers tannins, désignés ordinairement par le nom 360 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. de la plante qui les fournit, est encore mal connue et varie en tout cas d’un lannin à l’autre en se rapprochant plus ou moins de la for- mule de l'acide gallotannique qui serait, d’après les travaux de SCh, (CH AO!E Si, comme on le voit, il y a encore beaucoup à faire pour connai- tre exactement la composition et les propriétés des divers tannins, on est, d'autre part, bien loin d’être fixé sur leur mode de formation et leur rôle physiologique dans les végétaux. Pour les uns (Th. Hartig, Wigand), ils seraient des matières de réserve comme l’amidon et ser- viraient à la formation des tissus ; pour les autres (Schleiden, Sachs, Schrôder, etc.), ils sont simplement le résidu mutilisé du débouble- ment d’autres principes immédiats tels que l’anudon ; pour d’autres encore (Schéll), les tannins ne joueraient le rôle de matière plasti- que que dans le cas où l’amidon ou bien les matières grasses seraient en faible quantité dans la plante ; si les végétaux renferment beau- coup d’amidon ou d’huile, les tannins n’y seraient que des produits secondaires inutilisés. Quoi qu’il en soit, et c’est là la chose importante au point de vue industriel, tous les tannins peuvent servir au tannage des peaux, puisque tous ont la propriété de se combiner avec elles pour les rendre résistantes, imputrescibles, imperméables, aptes, en un mot, à être utilisées comme cuir. Seulement il y a des différences dans les qualités tannantes et par suite dans les prix de ces produits : les uns tannent mieux ou plus vite ou en plus belle couleur que les autres et sont payés plus cher. Autrefois, on mettait simplement les peaux convenablement prépa- rées et disposées par lits en contact avec des couches superposées d’écorces astringentes grossièrement pulvérisées (lan) et maintenues humides. Cette méthode fournit des cuirs d'excellente qualité (cuirs forts), mais elle exige un temps considérable (15 à 18 mois) et les tan- neurs, obéissant à la tendance générale de notre époque à pro- duire vite et à bon marché, ont cherché des procédés plus expéditifs qui leur permissent de réduire notablement le temps pendant lequel leurs capitaux restaient improductifs. Ils ont importé, des pays chauds généralement, des matières tannantes plus riches que nos DU TANNIN DANS LE CHÊNE. 361 écorces indigènes (noix de galle, valonée, dividivi, sumac, cachou, elc.) et les ont employées, soit en poudre, soit plutôt sous forme d’ex- traits pour enrichir leurs jusées. Le prix de ces extraits concentrés, dont l’usage se généralise en même temps que le tannage accéléré, s’élève de plus en plus, et on a cherché à utiliser, pour leur fabrica- tion, les matières tannantes indigènes, d’abord les écorces les plus ri- ches (chêne, épicéa, mélèze, etc.) et enfin le bois même de certaines essences. | En France, où a été pris par M. Gondolot le premier brevet pour cette fabrication, on n’a d’abord employé que le châtaignier. C’est seulement depuis quelques années qu’on s’est mis à traiter le bois de chène dont l'extrait est, paraît-il, bien supérieur à celui de chà- taignier. À l’usine de Nancy, on ne se sert que des souches et des grosses branches ayant au moins 1 décimêtre de diamètre. Mais sont-ce les seules parties utilisables ? N’y aurait-il pas intérêt à traiter d’autres régions de l’arbre ? Et dans les diverses parties de l'arbre, le tannin se trouve-t-il uniformément réparti ? Y en a-t-il autant dans le bois parfait que dans l’aubier, que dans l’écorce ? Et dans le bois parfait, la teneur est-elle la même au bord qu’au centre, au sommet de la tige qu'au pied ? Quelle est, en un mot, dans le sens vertical et horizontal, la répartition du tannin dans les parties axiles du chêne, depuis la racine jusqu’à l'extrémité de la cime ? Telles sont les questions que j'ai cherché à résoudre dans ces re- cherches, les premières, à ma connaissance du moins, qui aient été faites sur ce sujet *. | Outre l'intérêt pratique que pouvait présenter ce travail en ren- seignant les industriels sur la valeur comme matière tannante des diverses régions du bois de chêne, il y avait aussi un certain intérêt scientifique à étudier cette question encore si peu connue qu'on trouve dans les meilleurs ouvrages récents des affirmations absolu- ment contraires à la réalité. C’est ainsi que dans l'excellent Trailé 1. Th. Hartig, Oser, Handtke et d'autres encore ont donné de nombreux dosages de tannin dans le bois de chêne ; mais leurs recherches se rapportent toutes aux jeunes rameaux de { ou ? ans qu'ils ont analysés avec leur écorce. 562 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. de botunique, par Ph. Van Tieghem, 1 édition, 188%, on lit à la page 041 que « le tannin est très abondant dans Pécorce et le jeune bois de beaucoup d'arbres, surtout de certaines espèces de chêne (Quercus pedunculata, sessiliflora, Cerris) qui en contiennent de 16 à 20 p. 100. De même il est dit dans la Physiologische Chemie der Pflanzen, par le D° Ernst Ebermaver, 1882, 1% vol., p. 404: « Le jeune bois (au- bier) est toujours plus riche en tannin que le vieux bois du cœur ?. » Or dans les différentes tiges de chêne que J'ai analysées je mai jamais trouvé dans l’aubier, comme on va le voir plus loin, plus de 2 p. 100 de tannim, c’est-à-dire un taux très inférieur à celui qu’on rencontre dans le bois parfait, où il y en a souvent de 8 à 9 p. 400. Jde fis abattre en novembre 1885, après la saison de végétation, c’est-à dire à l'époque habituelle d’abatage des bois dans notre pays, un chêne (ancien) de 90 ans pris dans la forêt domaniale de Haye (canton de Remenaumont, parcelle E). Cet arbre, très bien venant, tout à fait sain et de croissance relativement rapide, avait 0,50 de diamètre à la base et une hauteur totale de 20 mètres, dont 8",10 de fût. Pour avoir des échantillons de toutes les régions de l'arbre, je délachai un morceau d’une racine (0",12 de diamètre), une rondelle à la base du fût, une autre à son sommet, à 8",10 de la première, un fragment de la première grosse branche inférieure (0",11 de diamètre) avee ses petites branches (0,03 et 0",04 de diamètre) et ses ramilles (les 30 derniers centimètres), et enfin un fragment d’une grosse branche de la partie supérieure de la cime (0",11 de diamètre), également avec ses petites branches et ses ramilles prises comme ci-dessus. : Entre le point où fut détaché Péchantillon de la grosse branche supérieure et lextrémité du fût, la distance verticale était de 8",60 et de 3 mètres entre ce même point et le sommet de la cime, ce qui donne pour la hauteur totale de l'arbre 8,104+8,60 +3 —19",70 ou 2) mètres en chiffres ronds. Dans les deux rondelles da fût et les grosses branches, on sépara l'écorce, Paubier et le bois parfait et dans le fût, le bois parfait lui- 1. Das junge Holz (Splinthol=) ist slets gerbsloffreicher als das alte Kernholz. DU TANNIN DANS LE CHÊNE. 969 même fut divisé en 3 zones de 20 couches chacune (zone périphéri- que, intermédiaire et centrale) qui furent analysées séparément. Les petites branches et les ramilles furent laissées sous écorce et le tannin y fut dosé en bloc; le bois de ces petites branches, du reste, est tout entier de l’aubier. Dans la racine il n°v à pas de distinction nette entre l’aubier et le bois parfait ; on n’y fit donc que deux dosages, un dans l'écorce, un dans le bois (comprenant toutes les couches ligneuses). Bois et écorces furent ràpés et réduits en une poudre fine, dont on prenait 20 gr. pour les soumettre à l’analyse, en même temps qu'on déterminait le taux d’eau sur un autre échantillon. Méthode d'analyse. Le choix de la méthode d'analyse était ici de première importance ; car s’il est vrai qu'il est peu de substances pour lesquelles ont ait pro- posé plus de méthodes de dosage, il est vrai aussi qu'aucune n’a réussi jusqu'ici à se faire universellement adopter, ce qui semble prouver qu’elles ont toutes leurs défauts. Les deux meilleures, entre lesquelles seules on pouvait hésiter, sont la méthode de Hammer et celle de Lüwenthal modifiée par J. von Schrôder. Hammer se fondant, d’un côté, sur l'augmentation de densité des solutions à mesure qu'elles sont plus riches eu tannin et, de l’autre, sur la propriété qu'a celui-ci d’être complètement extrait de ses solu- lions par la peau en poudre, détermine la densité de la liqueur tan- mfère avant et après absorption par la peau en poudre. Hammer à dressé des tables donnant la densité des solutions d’acide gallotanni- que pur à divers degrés de concentration ; à l’aide de ces tables, on calcule la teneur en tannin, étant donnée la différence des den- sités avant et après l'emploi de la peau. Gette méthode donne de très bons résultats, mais à condition qu’on opère avec la plus grande rigueur, avec les plus minutieuses précautions. Si l’on veut avoir le taux à 1.25 p. 100 de tannin près, il faut être sûr de la 4° décimale du chiffre qui exprime la densité. On ne peut atteindre à ce degré d'exactitude que par l'observation serupuleuse des moindres va- riations de température, par des pesées et des mesures répétées, 364 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. délicates et très précises qui rendent la méthode difficilement appli- cable dans les laboratoires industriels. On emploie quelquefois en France une autre méthode, dite de Müntz et Ramspacher, qui procède directement de la précédente, sauf qu’au lieu de mélanger la solution tannifère avec de la peau en poudre, on la fait filtrer sous pression à travers un morceau de peau convenablement préparée *. Gette méthode, appliquée comme lindi- quent ses auteurs, offre, entre autres ?, le grave inconvénient de lais- ser, du moins dans les bois et les écorces, des quantités très appré- ciables de tannin et de donner, par suite, des taux trop faibles*. La méthode de Lôwenthal, modifiée par J. von Schrôder, est fon- dée sur la rapide oxydation de l'acide tannique en dissolution sous l'influence de composés qui cèdent facilement leur oxygène. On dé- termine le taux de tannin par la quantité du réactif oxydant em- ployé. C’est Monier qui eut le premier recours au permanganate de po- tasse. Lüwenthal modifia très heureusement son procédé en se ser- {. Voir le Trailé d'analyse des matières agricoles, par L. Grandeau, 2° édit., p. 364 et suiv. | 2, Voir la critique de cette méthode, par Schütze, Zeischrift fur Forstwesen, XCD 3. Dans une écorce de chêne et dans du bois de racine du même chêne, j'ai dosé le tannin par la méthode de Müntz et par celle de Léwenthal. Dans l'écorce, j'ai trouvé par la méthode de Lôwenthal 13.53 p. 100 et par la méthode de Müntz 10.74 p. 100. La matière restée dans l’allonge avait été épuisée par l'eau bouillante versée par très petites portions pendant { heure 1/4. En la traitant à nouveau par l'eau bouillante dans un bain-marie, suivant les règles indiquées par J. von Schrüder, j'ai trouvé 2.92 p. 100 de tannin dans cette matière considérée comme épuisée. Si l'on ajoute 2.92 à 10.74, on trouve 13.66 p. 100 de tannin, nombre très voisin de celui (13.53) donné par la méthode Lôwenthal-Schrüder. Dans le bois de racine de chêne, cette même méthode donne immédiatement 3.37 p. 100, tandis que le premier extrait dans 100 centimètres cubes d'eau distillée bouil- lante, fait suivant les règles indiquées par Müntz et Ramspacher, n'accuse qu'un taux de 2 p. 100. En épuisant une seconde fois le résidu par 100 centimètres cubes d’eau bouillante versée lentement par petites portions, on trouve 0.44 p. 100 de tannin; un troisième épuisement fait de la même façon fournit encore 0.29 p. 100 ; enfin le résidu traité par l'eau bouillante au bain-marie suivant le procédé Schrôder, conte- nait 0,50 p. 100. En faisant la somme de 2.00 + 0.44 + 0.29 + 0.50, on obtient 3.23 p. 100, nombre très rapproché de celui que donne la méthode Lüwenthal- Schrüder. DU TANNIN DANS LE CHÊNE. 369 vant, comme réacuf indicateur, d’une solution d'indigo qui, virant subitement au jaune d’or quand l’oxydation est complète, permet de reconnaître d’une façon nette et précise la fin de la réaction. Enfin, J. von Schrüder, professeur à l'Académie forestière de Tharand (Saxe), vient de perfectionner cette méthode en se livrant à une critique rigoureuse des causes d'erreur qui lui sont inhérentes et en les sup- primant ou les réduisant à un minimum tel que les résultats obtenus sur une même matière par des chimistes différents concordent à 0.1 p. 100 près. C’est à cette méthode ainsi perfectionnée, d’emploi très facile et très sûr à la fois, que viennent de s’arrêter les chimistes allemands qui se sont réunis dernièrement à Berlin, à l’effet de con- venir d’une méthode unique pour le dosage du tannin, d’une méthode qui, appliquée partout de la même façon, pût conduire certainement à des résultats exacts et comparables’. C’est aussi celle-là que j'ai adoptée, parce qu’elle m'a toujours donné des résultats très concor- dants, qu’elle est d’un emploi commode et de beaucoup la plus usilée. Voici en quelques mots comment on opère. On réduit en poudre fine la matière à analyser et on en prend 20 gr., 10 gr. ou 5 gr., suivant qu'elle renferme 5-10 p. 100, 10-20 p. 100, ou plus de 20 p. 100 de tannin. On les met avec 200 centimètres cubes d’eau froide dans l'appareil inventé par le D’ von Schrôder et qui consiste simplement en un corps de pompe en étain muni d’un piston percé de petits trous et garni d’une mousseline sur sa face inférieure. Après quelques heures de contact, on extrait le tannin dissous dans l’eau froide en faisant descendre lentement le piston. La liqueur passe à travers la mousseline et les trous du piston, et la matière solide reste comprimée dans le fond du corps de pompe. On exprime aussi fort que possible, puis on verse sur la matière, le piston étant 1. Voir l'article précédent, qui contient le compte rendu x extenso des débats de la commission réunie à Berlin, le 10 novembre 1883, à l'effet d'établir une méthode unique de dosage pour le tannin. On trouvera dans ce compte rendu l'examen critique de la méthode de Lowenthal, par le D' J. von Schrüder. Dans ce long et consciencieux travail, l’auteur a soumis à des épreuves rigoureuses et répétées tous les points de la méthode, et ce n'est qu'après de nombreux essais qu'il a proposé certaines amélio- rations unanimement adoptées par la commission. 366 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. au bas de sa course, 200 centimètres cubes d’eau bouillante ; on retire le piston, qui se trouve ainsi lavé, et on porte le vase d’étam dans un bain-marie chauffé à 100 degrés : on l’y laisse une demi- heure en remuant de temps en temps la matière avec un agitateur; on exprime à nouveau fortement en réunissant ces 200 centimètres cubes aux premiers ; on recommence encore trois fois cette opération, de façon à extraire tout le tannin dans une solution d’un litre. On s'assure à l’aide des persels de fer que tout Le tannin est dissous. On filtre une portion de la liqueur, s’il est nécessaire, et on dose le tan- nin sur 40 centimètres cubes par la méthode de Lôwenthal, c’est-à- dire que dans un vase en verre placé sur une assiette de porcelaine et contenant 790 centimètres cubes d’eau, on verse 20 centimètres cubes d’une solution d’indigo, puis 10 centimètres cubes de la liqueur à doser et on titre à l’aide d’une solution de caméléon obtenue en dissolvant 10 gr. de permanganate de potasse très pur dans 6 litres d’eau distillée. On verse à chaque fois de la burette graduée un cen- timètre cube de caméléon en agitant rapidement pendant cinq à dix secondes. Quand la solution, de bleue qu’elle était, est devenue vert clair, on ajoute par deux ou trois gouttes chaque fois jusqu’à ce que la teinte passe au jaune d’or. Lorsque l'indigo est bien pur, l'addition d’une goutte fait virer subitement la liqueur du jaune verdâtre au jaune d’or, si bien que la fin de la réaction se voit très nettement. Il est essentiel d’avoir une liqueur d'indigo très pure pour avoir un changement de teinte bien net. J. von Schrôder opère de la façon suivante qui m'a toujours aussi donné d'excellents résultats. On dis- sout 30 gr. de sulfindigotate de soude bien pur, en morceaux séchés à l'air, dans trois litres d’acide sulfurique étendu à cinq fois son vo- lume, on ajoute trois litres d’eau distillée, on agite fortement Jusqu'à dissolution complète et on filtre. La liqueur ainsi préparée a le très orand avantage d’avoir toujours le même degré de concentration ; 20 centimètres cubes exigent toujours pour leur oxydation 10,7 ou 10°,8 de caméléon. Le permanganate cède son oxygène d’abord à l'acide tannique et aux autres matières facilement oxydables, puis à l’indigo dont la cou- leur jaune d’or indique l'oxydation complète. Le volume de camé- léon versé a donc trait à la fois aux tannins, à l'indigo et aux prin- DU TANNIN DANS LE CHÊNE. 061 cipes (autres que les tannins) oxydables à froid par le permanganate. La quantité de caméléon exigée pour l'oxydation de lindigo est déterminée, une fois pour toutes, par des essais préalables. Mais la présence constante dans les matières tannantes de substances oxy- dables autres que le tannin, rend nécessaire une seconde opération, où on enlèvera soit le tannin, soit ces autres matières oxydables, de manière à avoir, par différence, le volume de caméléon afférent au tannin pur. Or, s’il semble difficile de séparer en bloc toutes ces substances oxydables, si nombreuses et de réactions si diverses, nous possédons en revanche dans la peau des animaux, convenablement préparée et réduite en poudre, le précipitant le plus commode et le plus naturel pour le tannin. Ce précipitant a déjà sur tous les autres, en effet, cet immense avantage qu'avec lui, et avec lui seulement, nous sommes sûrs d'extraire des solutions la totalité de ces substances encore mal connues que nous désignons du nom général de tannins, mais qui ont pour caractère commun d’être fixées par la peau et de servir au tannage. Et c’est précisément le dosage exact de toutes ces substan- ces, quelle que soit leur composition, qui mmporte dans l’industrie. Pour extraire complètement les matières servant au tannage, il suffit de mélanger 3 gr. de peau en poudre bien blanche et bien pure, préalablement lavée et fortement exprimée dans un linge, avec 20 centimètres cubes de la solution tannifère, d’agiter fréquemment et de filtrer après 18-20 heures de contact’. Sur 10 centimètres cu- bes de la liqueur filtrée, on recommence le dosage dans la manière indiquée plus haut et en retranchani le dernier nombre du premier, 1. On trouvera chez le D' Grübler, chemische Fabrick, Leipzig, de la peau en poudre d'excellente qualité, fabriquée suivant le procédé du D' von Schrüder. Ce n'est qu'après de nombreux essais que ce chimiste est arrivé à se procurer une poudre blanche, fine, ne cédant rien à l'eau et de tous points irréprochable. Avant de savoir que ce produit fût dans le commerce, j'avais vainement tenté de fabriquer la peau en poudre qui m'était nécessaire. Désespérant de réussir, j'avais fini par essayer de la râpure de peau de gants blancs qu'on peut se procurer chez les fabricants. Cette matière, convenablement lavée, ne cède presque plus rien à l'eau et absorbe très bien le tannin. On peut s'en servir à défaut de peau en poudre. Pour s'assurer que la peau en poudre ou la râpure de peau de gants ne contient pas de matières oxydables à froid, on n'a qu'à faire préalablement un essai à blanc sur 3 gr. de peau que l'on mélange à 50 cen- timètres cubes d’eau distillée. 368 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. on a le volume de caméléon qui correspond uniquement au tannin. I n’y a plus qu'à transformer ce volume en taux centésimal de tan- nin. Pour cela, on détermine le titre du caméléon par rapport à l'acide gallotannique, celui de tous les tannins qu’on peut se procurer le plus aisément pur dans le commerce : on prend 2 gr. de tannin aussi pur que possible et desséché à l'air; on les dissout dans un litre et on détermine la quantité de caméléon exigée par 10 centi- mètres cubes de cette solution, avant et après l’absorption par la peau en poudre. On dose l’eau sur un autre échantillon en le dessé- chant à 94-100 degrés et on a ainsi le titre du caméléon par rapport à l’acide gallotannique pur desséché à 100 degrés. — II est superflu d'ajouter qu’on dose aussi à part l’eau de la matière tannante à ana- lyser, de façon qu’on puisse exprimer le tannin en pour-cent de matière sèche. Résultats. — Les résultats obtenus par cette méthode sont consi- gnés dans le tableau suivant : où | g FR g E s|l'A ENS Ile Æ . . el Le) 2 S EPS ERA EM m <È ES |" ae ESS |" E |Sl|gslas 93/8 [es - = : ARENA bp #4 lasles le Se) PCR ERTEIT RE À s [é—|s n°|8S|£2|æms 3 A © DNS A © < | 2 EE 4 sie © = d SN A 2 2 5 em 2 48| & + mn © |D<|an|nelBelael|ss si 4 À ee) 6 à a | 85lx°|45 . A 2» À "= B3|[A°|; Rapport sur l'Exposilion de Paris, p. 16. — Künig, Biedermann’s Central- blalt. 1854. 406 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. C’est la valeur agricole de l'azote contenu dans la poudre d’os normale que nous nous sommes proposé d'établir pour contribuer ainsi à remplir la lacune que nous avons signalée plus haut. Comme dans nos recherches antérieures sur d’autres matières organiques, nous avons comparé l'azote de la poudre d'os à l'azote du nitrate de soude qui nous a servi de type dans tous nos essais ; nous l'avons également mis en comparaison avec l’azote du sang dont nous avons déjà étudié leffet. Il se présentait dans notre étude sur l'azote de la poudre d’os une difficulté que nous n'avions pas rencontrée lors de nos essais sur la valeur agricole du cuir, de la laine brute, de la laine dissoute et du sang, Tandis que ces matières fertilisantes sont exclusivement azotées, la poudre d'os, au contraire, renferme, outre l'azote, une très forte proportion d’acide phosphorique. Nous devions donc établir quelle est la part qui, dans une augmentation des rendements, revient réel- lement à l'azote, car la première condition d’une expérimentation comparative est d'établir les essais de façon telle qu'une différence de rendement entre deux fumures ne soit pas produite par plusieurs facteurs, mais par un seul, celui dont on étudie l’action. Nous devions, par conséquent, dans nos essais, expérimenter aussi, d’une part, sur l'acide phosphorique des os, séparé de la matière azotée, et, d'autre part, ajouter à l'azote du nitrate de soude et du sang, le même poids d'acide phosphorique que celui qui accompa- gnait l'azote dans la poudre d’os. Il est évident que cet acide phos- phorique devait être employé dans le même état de combinaison que celui sous lequel on l’y rencontre. Nous avons, par conséquent, en 1883, préparé de la cendre d'os absolument blanche en oxydant du noir animal. | En 1884 et en 1885, nous avons cru mieux faire en employant le résidu de la calcination de la poudre d'os soumise aux essais. Voici, basée sur les considérations qui précèdent, la disposition de nos essais pour les trois années d’expériences ”. 1. Ces recherches ont été faites avec le concours de M. Warsage, actuellement di- recteur du laboratoire agricole de l'Etat à Mons, et de MM. Masson et Graftiau, prépa- rateurs-chimistes à la station agricole de Gembloux. VALEUR AGRICOLE DES DÉCHETS AZOTÉS DES INDUSTRIES. 407 Les carrés représentent les pots de culture avec leurs numéros respectifs. I. SÉRIE ARGILE. | 1 2 3 | ? 308 relire dis NEA à (Azote et acide phosphorique). Sans engrais II. SÉRIE Al SABLE. 9! nn ‘QE | ie 14 p Poudre d'os et chlorure de potassium o 6 P | (Azote, acide phosphorique et potasse). 7 8 a UC REUTIS ER MELE VRMENMEUE s; Î (Acide phosphorique). 9 10 . . - Nitrate de soude et cendre d’0s (Azote et acide phosphorique). ii 12 Nitrate de soude, cendre d'os et chlor. de potass. it £ (Azote, acide phosphorique et potasse). 12 | r . Sang et cendre d'os . | é (azote et acide phosphorique). 15 16 . Sang, cendre d'os et chlorure de potassium . {5' 5 (Azole, acide phosphorique et potasse). è I. — EXPÉRIENCES DE 1883. 16! | Les expériences de 1883, 1884 et 1885 n'étant que la suite des recherches antérieures, les moyens d’expérimentation sont les mêmes que ceux adoptés précédemment. Nous renvoyons donc aux sources indiquées dans l'introduction à cetle note pour la description de la serre qui abritait notre culture, pour les renseignements sur la terre employée, les bocaux, le mode d'arrosage, etc., etc. Les chiffres suivants indiquent la composition des engrais soumis à l’essai et la quantité appliquée par bocal. 408 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. 8,064 de poudre d'os titrant 3.10 p.100 d'azote et 25.13 p. 100 d'acide phosphorique — 05,25 d'azote organique et 2#°,03 d'acide phosphorique anhydre soluble dans les acides minéraux. 6",8807 de cendre d'os titrant 29.49 p. 100 d'acide phosphorique — 9,03 d'acide phosphorique anhydre soluble dans les acides mi- néraux. 1#,5518 de nitrate de soude à 16.11 p. 100 d'azote — 0#,25 d'azote nitrique. 28° 0695 de sang desséché à 12.08 p. 100 d'azote — 0#,25 d’azote organique. | 0#,3805 de chlorure de potassium à 52.56 p. 100 de potasse — 05,20 de potasse anhydre soluble dans l’eau. Notes de culture. — Les engrais ont été enterrés le 2% mars, au moyen d’une spatule, à la profondeur de 1 à 15 centimètres. Le len- demain, on a semé 10 grains de froment « bleu de Noé » ayant trempé pendant 12 heures dans l’eau distillée et préalablement chaulés au sulfate de cuivre. Chaque bocal a reçu ce jour 400 centi- mètres cubes d’eau de pluie. 1% avril : commencement de la levée dans les pots sans engrais de la série sable; 2 avril : commence- ment de la levée dans les pots sans engrais de la série argile ; 3 au 9 avril : levée dans les pots fumés du sable ; 4 au 6 avril : levée dans les pots fumés de Pargile ; 10 avril : levée complète dans le sable ; 12 avril : levée complète dans l'argile ; 26 avril : suppression de 4 plantes par bocal en laissant les 6 les plus vigoureuses ; 17 mai : la série argile est beaucoup plus forte que celle du sable. Il est diffi- cile de distinguer dans la première les pots sans engrais des pots ayant élé fumés. Dans le sable, cette différence est très prononcée : les plantes des bocaux sans engrais sont très chétives, faibles et jaunes, tandis que celles des bocaux fumés sont plus vertes et plus fortes ; les plantes des bocaux € poudre d'os et chlorure de potas- sium » dominent ; 30 mai : dans l'argile, les pots sans engrais, poudre d'os, poudre d'os et chlorure de potassium, cendre d'os, cendre d'os et chlorure de potassium, sont inférieurs aux pots au nitrate el au sang associés à la cendre d’os et respectivement à la cendre d'os et chlorure de potassium, La série de l’argile, vue à une VALEUR AGRICOLE DES DÉCHETS AZOTÉS DES INDUSTRIES. 409 certaine distance, montre deux parties bien tranchées. 7 juin : les premiers épis apparaissent dans l'argile; 8 juin : les premiers épis apparaissent dans le sable; 13 juin : tous les épis sont sortis dans l'argile ; la floraison commence ; 15 juin : tous les épis sont sortis dans le sable ; 19 juin : floraison complète dans les deux séries ; 20 juin : le caractère général de la végétation est celui indiqué, pour le sable, à la date du 47 mai, et pour l'argile, à celle du 30 mai; les différences sont devenues plus accentuées; avec les restrictions faites plus haut, la végétation est luxuriante, sans que les tiges sorent très élevées ; 10 juillet : les feuilles de la base des tiges sont complète- ment desséchées, les tiges commencent aussi à jaunir; 12 juillet : là maturation continue avec une légère avance de la série argile ; 7 août : la maturation est complète ; on cesse les arrosages de l’ar- gile ; 9 août : la maturation est complète; on cesse les arrosages du sable ; 14 août : récolte. Les deux tableaux suivants contiennent tous les renseignements se rapportant au poids de la récolte. Les épis ont été coupés à la base du premier épillet, qui est toujours avorté, et nous entendons, comme dans nos recherches antérieures, par € épis longs » ceux qui ont au moins 0,10 de longueur et par € épis courts » ceux qui n'ont pas atteint cette dimension. TABLEAUX 410 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. RÉCOLTE DE 1883. Argile. NOMBRE ÉPIS RÉCOLTE des TT er > PAILLE.| BALLES.|GRAINS. Re L } totale. épis. | courts. | longs. Gr. Gr. MSANSIENDTAIS. Ps ee ele, ee 1: ‘ 3,92 10,82 . Sans engrais. . . . SAS T 0 Le 1: 99,2 3,49 10,20 Moyennes..." … 2. £ 5,91 £ s;11 PPÉOUHrEI'OS. TL. eco £ L G : 25,88 4,07 APhudreidOs Ci. NME £ 2" APR 2,5 26,00 4,12 Moyennes 40" £ ‘ 2,2 25,94 . Poudre d'os et chlorure de po- tassium. 5. Poudre d’os et chlorure de po- tassium. Moyennes. . Cendre d'os. ;. Cendre d’os. Moyennes Cu 27: : 35,93 . Cendre d’os et nitrate. . . . ; 56,87 . Cendre d’os et nitrate . . . .| © 60,71 Moyennes "1-0. "N00:5 RE 58,19 Be = 15 . Cendre d'os, nitrate et chlo- TUE Tee: Ve EN ele 60,44 2. Cendre d'os, nitrate et chlo- HD MO O . 310 oo Lol UE 58,36 MOYENTES EE £ € è 33,29 men 3. Cendre d’os et sang . . . . . 56 33,20 . Cendre d'os et sang . . . . . 5: 31,07 MOYENDES EN. Ce 4 Le 54,42 32,49 5. Cendre d'os, sang et chlorure. 8 56, 2: 32,9Ë 58 17,98 . Cendre d'os, sang et chlorure. £ 2 51,4 É 2 5,30 18,08 Moyennes. : . . . . . 5 3,45 D ,9: 13,05 VALEUR AGRICOLE DES DÉCHETS AZOTÉS DES INDUSTRIES. 411 RÉCOLTE DE 1883. Sable. AU EEL RÉCOLTE des É PAILLE.| BALLES.|GRAINS. —_ 4 totale. epis. | courts. . Sans engrais . . . Sans engrais. Moyennes. 3. Poudre d'os. . . Poudre d'os. . Moyennes. . Poudre d’os et chlorure de Dofassinme CHA... ÿ. Poudre d'os et chlorure de potassium. . Moyenues. . Cendre d'os. . 8. Cendre d'os. . Moyennes. . Cendre d'os etnitrate. . Cendre d'os et nitrate. Moyennes. . . Cendre d’os, nitrate et chlo- rure de potassium. . . Cendre d'os, nitrate et chlo- rure de potassium, , . Moyennes. . Cendre d'os et sang. . Cendre d'os et sang. . Moyennes. 5’. Cendre d'os, sang et chlorure de potassium . . . . . ÿ. Cendre d'os, sang et chlorure de potassium . Moyennes. 412 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE II. — EXPÉRIENCES DE 1884. Composition des engrais et quantité employée par bocal : 6#,4600 de poudre d'os titrant 3.87 p. 100 d'azote et 21.95 p. 100 d'acide phosphorique — 0.25 d'azote organique et 1.37 d'acide phosphorique anhydre soluble dans les acides minéraux. Au lieu de nous servir, comme en 1883, de noir animal calciné pour sons , dans Peffet produit par la poudre d'os, la part qui revient à node phosphorique de celle due à l'azote, nous avons, cette année, préféré opérer sur la cendre obtenue par la calcination à l’air de la même poudre d'os qui a servi aux expériences. 38,079 de poudre d'os calcinée à 38.40 p. 100 d’acide phospho- rique — 1#,37 d'acide phosphorique anhydre soluble dans les acides minéraux. 15,9606 de nitrale de soude à 16.02 p.100 d'azote — 0.25 d'azote nitrique. 2#°,0695 de sang desséché à 12.08 p. 100 d'azote — 0.95 d'azote organique. 0#,3637 de chlorure de potassium à 54.99 p. 100 de poese — 0#,20 de potasse anhydre soluble dans l’eau. Notes de cullure. — Les engrais ont été enterrés le 24 mars à la profondeur de 1 à 15 centimètres. Le 25 mars, on a semé dans chaque bocal 10 graines de « froment roux hâtif » d’un poids moyen de 0#,0376. Les grains ont été chaulés au sulfate de cuivre. 1 avril : commencement de la levée dans le sable ; 2 avril : com- mencement de la levée dans l'argile. Dans les deux séries, les pots sans engrais lèvent deux jours avant ceux qui ont été fumés. 7 avril : levée complète dans le sable et dans l'argile, sauf les pots 15 et 16 (poudre d'os calcinée, sang et chlorure de potassium), qui ne sont complètement levés que le 9. 11 avril : on coupe les # plantes les plus faibles en laissant, par conséquent, 6 plantes par bocal. A partir de ce moment, le wagon portant nos plantes à expérience reste de- hors du matin au soir ; il n’est remisé dans la serre que pendant la nuit et pendant les pluies. 12 mai : la série sable est beaucoup plus faible que celle argile. VALEUR AGRICOLE DES DÉCHETS AZOTÉS DES INDUSTRIES. 413 Les pots 1 et 2 (sans engrais) sont très chéuifs ; 3 et 4 (poudre d'os) et et 6 (poudre d'os et chlorure de potassium) sont plus forts que 1 et 2 et un peu plus forts que 7 et 8 (cendre d'os). Tous les pots au nitrate et ceux au sang, surtout les premiers, sont d’une su- périorité manifeste ; végétation abondante, d’un vert saturé. La série argile l'emporte en général de beaucoup sur la série sable ; les pots différemment fumés donnent lieu aux mêmes obser- vations que ceux de la série sable; les différences sont toutefois moins accentuées. 15 au 16 juin : comme tous les ans, nous avons encore remarqué, celte année, l’influence de l'azote et de l'acide phosphorique sur l’accomplissement des deux phases de végétation : l’épiage et la floraison. Les bocaux sans engrais et ceux à acide phosphorique seul ont une avance de 9 jours sur les bocaux à azote organique, et de 3 à 4 jours sur ceux à azote mitrique. La floraison est complète au 20 juin. 6 au 7 juillet : la maturation commence. 15 juillet : la maturation est un peu plus avancée dans l’argile que dans le sable; elle se fait régulièrement avec un retard manifeste dans les pots à azote, surtout dans ceux à azote nitrique. 2 Juillet : on cesse les arrosages. 14 août : récolte. Toutes les données fournies par la pesée de nos cultures expéri- mentales se trouvent condensées dans les deux tableaux suivants. Les poids absolus des récoltes des différents bocaux de la série argile sont beaucoup inférieurs à ceux obtenus en 1883. La diffé- rence ne provient pas de l'emploi d’une autre variété de froment, mais doit être attribuée à une fécondation moins parfaite. Mais les mêmes écarts entre les rendements des bocaux différemment fumés, observés en 1883, s'étant renouvelés, les expériences de cette année, malgré leur moindre rendement absolu, peuvent parfaitement être prises en considération pour les conclusions à tirer de nos recherches. TABLEAUX. 414 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. RÉCOLTE DE 1884. Argile. NOMBRE ÉPIS des mm — RÉCOLTE PAILLE.| BALLES.|GRAINS. 7 totale. épis. | courts. | longs. à . Sans engrais . 2. Sans engrais . . Moyennes. 3. Poudre d'os. 4. Poudre d'os. . Moyennes. . Poudre d’os et chlorure . 6. Poudre d’os et chlorure . . . Moyennes. . Cendre d’os. . SM Cendre dis. Moyennes. . . . . Cendre d’os et nitrate . . . Cendre d’os et nitrate . . Moyennes. . . Cendre d’os, nitrate et chlo- LUTOMS Me SMS ES US de 2. Cendre d’os, nitrate et chlo- LULOÆSSS MER RE Moyennes. . 3. Cendre d'os et sang . . . 4. Cendre d’os et sang . Moyennes. . . Cendre d'os, sang et chlo- Ua ea à À à À HITS . Cendre d'os, sang et chlo- TUTO CNRS Moyennes. pa VALEUR AGRICOLE DES DÉCHETS AZOTÉS DES INDUSTRIES. 4 RÉCOLTE DE 1884. Sable. — PAILLE.) BALLES.|GRAINS. NOMBRE ÉPIS des © RÉCOLTE totale. épis. | courts. | longs. eee Gr. . DANS CTETAIS Le + 00 2. + ) 12,15 DUMSAT END DTAIS TN. LENS - 11,54 Moyennes. . . . . .| 6.5 5. 11,89 . Poudre d'os. . . Poudre d'os. . Moyennes. . Poudre d’os et chlorure. !. Poudre d'os et chlorure. Moyennes. . Cendre d'os. . 8. Cendre d’os. . Moyennes. . Cendre d'os etuitrate. . Cendre d'os et nitrate. . Moyennes. . Cendre d'os, nitrate et chlo- rure . 2. Cendre d'os, nitrate et chlo- rure . Moyennes. 3. Cendre d'os et sang. . Cendre d'os et sang . . Moyennes. . Cenäre d'os, sang et ehlo-|- HE dinee 200 EUSNES 5. Cendre d'os, sang et chlo- TUTO NN MN de Moyennes. 416 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. IT. — EXPÉRIENCES DE 1885. Les recherches de 1883 et de 1884 ayant été entreprises sur des froments de mars, nous avons pensé bien faire en consacrant une troisième année d'expériences à la solution du problème que nous poursuivons, en opérant celte fois sur une variété de froment d'hiver. La prolongation de la durée de la végétation, par conséquent l'augmentation du temps de contact des agents dissolvants avec la malière organique azotée et le phosphate non immédiatement so- luble de la poudre d'os, doit nécessairement être favorable aux chances de succès que présente emploi de cette matière fertilisante. Les autres conditions d'essai sont tout à fait conformes aux cultures des années précédentes, avec cette. différence toutefois que notre provision de sable de la Campine qui a toujours servi à nos essais dans la serre depuis 1875 ayant été épuisée, nous avons expéri- menté en 1884 sur un sable presque stérile du pays de Gembloux de la composition suivante. Comme toujours, l’analyse a été faite sur la terre fine séchée à l’air pendant trois fois vingt-quatre heures *. 1000 parties de sable renferment : Eau 150 degrés centigrades . 9.80 Matières organiques. 6.00 Oxydes de fer et alumine . 4.48 Chaux. 1.55 Magnésie . 0225 Soude . 0.11 POLASSES AMC LAS CNE NS ESA ETS PEN T 0.15 ACITEMDNOSNOCEIOQUESNREE ER ET 0.10 = SUUTIQUE RENE RE RER RE NET LE 0.01 = CATDONIQUE MM PRET MENT NS PERS » == SIICIQUEL LE ANSE EAN ERP ETRAR OM Insoluble dans Pacide chlorhydrique à froid . . . . 977.44 1000.00 AZDIeNONSANITU ELLE EE ET RR CE 0.16 = MODO IAA. 1: 0. ARP PONECSSS ER ER » UMINUNIQUE 2 ASE CESSE MEN ER RE DE » Pouvoir absorbant pour l'eau, p. 100. . . . . . . 31.49 1. Voir Xecherches de chimie, elc., appliquées à l'agriculture, 2° édition, pr. 558. VALEUR AGRICOLE DES DÉCHETS AZOTÉS DES INDUSTRIES. 417 Les quantités d'engrais employées et leur composition sont les. mêmes qu'en 1884. Notes de culture. — Les engrais ont été enterrés le 10 novembre 1884. Le 11 novembre, on à semé par pot 10 grains de froment petit roux d’hiver amélioré par sélection. La levée est retardée par un temps froid. C’est ainsi que le 15 novembre, à dix heures du matin, on a noté les chiffres suivants : \ Hémposature de Pair du jardin." "MTIPUR, OUI QUOI e#02,2 — LG CEE Ce ne pe ER et LITE RON — UASADIC EE RER OR NE RER RE 207 — denlargile ae PLIUPR SR ENNE Lau on mA = de Neau de‘drainage des Docu 005 o décembre : commencement de la levée; 8 décembre : levée plus complète et plus régulière dans le sable que dans l'argile ; 16 dé- cembre : levée complète avec supériorité du sable sur l'argile ; 20 décembre : le tallement s'opère bien, les plantes restent petites et faibles, on arrête les arrosages. Lorsque la température de l'air de la serre est descendue à — 1 degré centigrade, les bocaux et Les tables de la serre ont été couverts pendant la nuit d’une longue et large toile tendue sur des caisses établies aux quatre coins de la serre, afin d'empêcher un refroidissement trop fort par rayonne- ment. Le 18 février : on coupe les quatre plantes les plus faibles, en en laissant par conséquent six par bocal; on reprend les arro- sages; 31 mars : série sable, différence très forte entre les pots à azote et les autres. Les pots sans engrais comptent six petites plantes chétives, jaunâtres, n'ayant pas tallé; les bocaux à nitrate et à sang sont très beaux. La série argile donne lieu aux mêmes observations, mais les différences sont moins prononcées ; d’ailleurs, la végétation est, en général, beaucoup plus luxuriante que celle de la série sable. 3 et # juin : les épis sortent ; 8 juin : tous les pots de la série sable, sauf ceux sans engrais, sont en fleurs. Série argile, 9, 10, 11, 12, 13 et 14 sont en fleurs. 9 juin : 15 et 16 de l'argile en fleurs; 10 juin : les autres pots argile en fleurs, sauf 1 et 2 sans engrais ; 12 juin : série sable, pots 1 et 2 en fleurs; 14 juin : série argile, pots 1 et 2 en fleurs. À partir du 3 juillet, les tiges jaunissent ; 14 juillet : la ANN. SCIENCE AGRON. — 1886. — 1. PA 418 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. maturation continue avec une légère avance sur la série sable ; les épis commencent à se courber ; # août : on arrête les arrosages ; 18 août : récolte. Les résultats obtenus par les cultures expérimentales de 1885 sont consignés dans les tableaux suivants. La remarque que nous avons eu l’occasion de faire pour la récolte de 1884 s'applique aussi à celle de 1885. La fécondation a laissé beaucoup à désirer ; quoiqu'il s'agisse d’un froment d'hiver, les ren- dements sont sensiblement inférieurs à ceux obtenus en 1883 avec un froment de mars. VALEUR AGRICOLE DES DÉCHETS AZOTÉS DES INDUSTRIES. RÉCOLTE DE 1885. 1. Sans engrais . 2. Sans engrais . . Moyennes. Poudre d’os. . . AMPondre d'08-1. ..... Moyennes. . . 5, Poudre d’os et chlorure de po- tassium. . . SNCUEN a 6. Poudre d’os et chlorure de po- tassium. . Moyennes. Maoore 1 = Cendreld'os tt... 8 Cendred'os 4: : Moyennes. 9. Cendre d’os et nitrate. 10. Cendre d’os et nitrate . . . . Moyennes 5-0 11. Cendre d'os, nitrate et chlo- rure de potassium. c Cendre d'os, nitrate et chlo- rure de potassium. . . . 12. Moyennes. . . . Cendre d'os et sang . . Cendre d’os et sang . . Moyennes. . . Cendre d’os, sang et chlorure de potassium . 5 3.0 . Cendre d’os, sang et chlorure de potassium. . . . MOYEnnes NN NOMBRE des épis. a a Argile. ÉPIS A — courts. | longs. 7 1 9 » 8 0.5 7 » 5 1 6 0.5 5 6 5 6 5 6 CS | ONE 8 6 5 6 6.5 6 6 3 6 3 6 3 Qt M] RÉCOLTE totale. ee Gr. 14,95 12,86 13,90 16,27 14,17 22 Li ot NN a © PAILLE. Gr. 9,80 8,36 9,08 a 10,60 9,00 9,80 16,77 16,15 16,46 17,80 16,95 17,38 BALLES. 419 GRAINS. 1. Un épi attaqué par la carie, malgré le chaulage de la semence, a été détruit afin d'éviter l’infection des autres plantes. La production en grain dans le pot no 2 ayant été de 02r,58 par épi, la récolte de ce pot aurait pu, sans cet accident, s'élever à 45r,04. Cependant, comme le poids des épis est très variable et que l’épi supprimé était d’un développement de beaucoup inférieur à la moyenne des autres épis, nous ne croyons pas exact d'appliquer une correction au chiffre obtenu de 33r,46. 420 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. RÉCOLTE DE 1885. Sable. NOMBRE RÉCOLTE des = PAILLE.| BALLES. GRAINS. totale, épis. | courts. | longs. 1'. Sans engrais . . Sans engrais . Moyennes. SÉ Poudre Os. ED Ten: 6 ‘ b) 19,22 11,75 1,75 5,172 LPPOUdrE TO Ce 6 4 2 18,14 11,70 1,71 4,73 Moyennes. . . 6 3.5 2.5 18,68 11,73 1:73 DE) 5', Poudre d'os et chlorure de POASSIUM Re 0e b] 7 2 20,87 12,12 1,92 6,83 6. Poudre d'os et chlorure de HONAERNOS 0 to © dotd'ac 6 6 » 17,78 10,35 1,82 5,56 Moyennes... 0-10 6.5 L 19,30 11,24 1,87 6,20 CRE | SRE CORRE | NU ES CNED À AR ee PRG LIT TNCendre d'OS AU 6 6 » 1639 4,32 0,73 2,34 3:ACendred'os-1..002. : el 716 6 » 8,173 5,32 | 0,85 2,56 Moyennes. . . . . 6 6 » 5,06 4,82 0,79 2,45 9’. Cendre d'os et nitrate. . . .| 10 5 5 19,16 12,28 1,63 5,25 10’. Cendre d'os et nitrate. . . . 9 3 6 21,40 13,64 1,63 6,12 Moyennes. . . . . .| 9.5 4 5.5 20,28 12,96 1,63 5,69 11. Cendre d’os, nitrate et chlo- rure de potassium. . . . . 9 5 6 25,23 15,89 3,18 6,16 12’. Cendre d'os, nitrate et chlo- rure de potassium. . . . .| 10 5 5 24,33 | 15,01 3,92 6,00 Moyennes. . + .: . .| 9.5 4 5.5 24,78 15,45 3,29 6,08 ss | ns | RS | comme | commen | commen | encens 13. Cendre d'os et sang. . . . . 9 4 5 22,10 11,03 2,39 5,63 14. Cendre d’os etsang. . . . . 9 4 5 18,96 11,32 2591 4,73 Moyennes..." 9 À 5 20,53 12,70 2,63 5,13 15. Cendre d’os, sang et chlorure de POTASSITI. 7 1 6 27,09 17,20 2,95 6,91 16. Cendre d’os, sang et chlorure de Potassium..." » » » » » » » 1 Moyennes... ... .. 7 1 6 27,09 17,20 2,98 6,91 1. Deux plantes ayant péri pendant l'hiver, on a semé quelques graines de froment de mars pour ne pas laisser de vides, mais la récolte des pots L' et 16° est éliminée de nos discussions. VALEUR AGRICOLE DES DÉCHETS AZOTÉS DES INDUSTRIES, 421 Discussion des résultats. Après avoir exposé, avec tous les détails nécessaires, la partie expérimentale de nos essais de 1885 à 1885 et réuni dans des tableaux tous les renseignements numériques concernant la récolte, il nous reste à discuter les résultats. En éliminant tous les chiffres accessoires et en nous basant sur le poids moyen du grain produit, l’action de l’azote sous ses divers états de combinaison ressort avec beaucoup de netteté, lorsqu'on compare l'augmentation de la production obtenue au rendement des pots non ou fumés. I. — TERRE SABLO-ARGILEUSE. a) 1883. Froment de mars. « Récolte Augmen- La récolte tation des pots non n Mn mé SÉrer te grammes. fu més ont — — produit : Rendement moyen de la terre non fumée. . . 10,51 » 100 Azote et acide phosphorique de la poudre d'os. 12,20 1,69 116 Azote, acide phosphorique de la poudre d'os CLIPOIASSE EM LE" ONE Un PER 2,31 122 Acide phosphorique de 1 Pre De LUN GS 0,14 101 Acide phosphorique de la poudre d'os et azote nitrique. . . . 15,24 118 174 Acide Te de la nue d'o 05, it nitrique et potasse . . . . 19782 9,31 189 Acide phosphorique de la ani ne a" 0 2e _.. AUFSADEM AE 17,01 6,00 162 Acide phosphorique Fe la an dues pr CUS ANENCLADOIASS EM NET M CLS 08 7,92 172 b) 1884. Froment de mars. Rendement moyen de la terre non fumée. . . 4,46 » 100 Azote et acide phosphorique de la poudre d'os. 4,94 O.1S 111 Azote, acide phosphorique de la poudre d'os et Dares RAR Aer 5,01 05» le Acide phosphorique Fe la idee se Acide phosphorique de la poudre d'os et azote PUÉTIQU'E SES MNESA. 5E AEE TAUPE NL Le JEAS » DE 213 492 ANNALES BE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Récolte SPRL Sn tation en CAATIES: grammes. Acide phosphorique de la poudre d'os, azote nitrique et potasse. . . . . . MEME OR O0 6,93 Acide phosphorique de la poudre a os et azote disons . 8,13 4,27 Acide phosphorique Fe la te do 0$, ne QUISANBMEMIPOLASSE. EME MNEENNPPMNEEE 921 4,70 c) 4885. Froment d'hiver. Rendement moyen de la terre non fumée. . . 3,73 » Azote et acide phosphorique de la poudre d'os. 4,21 0,48 Azote, acide phosphorique de la poudre d’os et DOTASSÉSE RE OMS 0,58 Acide phosphorique ds H ipoudre de CÉSRAER EE 3,23 0,40 Acide phosphorique de la poudre d'os et azote MUMNES 5 2 508 2 5,99 Acide phosphorique de & Rire d'o 08, Lara nitrique et potasse . . . 9,82 6,09 Acide phosphorique de la ie a" 0S à Lt JUAN re 1522 3,99 Acide phosphorique ‘A É are HT azote AUNSANGACTIDOLASSE MMA SERRE RAIN HAE 3,41 La récolte des pots non fumés étant 100, les pots fumés ont produit : 246 191 Une interprétation juste des chiffres du tableau précédent exige que lon se rappelle que nous avons fixé par des recherches anté- rieures la limite de l'erreur inévitable inhérente à l’expérimentation dans des pots en serre; à Æ 2.5 p. 100 :. « Ce chiffre doit même être porté à 3 p.100 pour les essais de 1883, 884 et 1885. Voici, en effet, pour les essais témoins, les pots n'ayant reçu aucune fumure, l'écart entre la moyenne, le maximum et le MINTNUM. : Sol sablo-argileux. Rendement Rendement Rendement Écart moyen. maximum. minimum. absolu. lSS NP alD: 51 10.82 10.20 0.32 LSSE TER 4.46 4259 459 0.13 1. Pour des champs d'expériences conduits avec des soins minutieux, adopté comme‘erreur d’expérimentation le chiffre de Æ 5 p. 100. nous avons VALEUR AGRICOLE DES DÉCHETS AZOTÉS DES INDUSTRIES. 423 Sol sablonneux. Rendement Rendement Rendement Écart Écart moyen. maximum. minimum. absolu. p. 100. SS3 1.05 1.08 1.02 0.03 229 1854 OT 2e ON 2.47 0.10 3.9 Les écarts que présente la production des pots différemment trai- tés tombant entre les limites de + 3 p. 100 ne doivent par consé- quent pas être attribués à l'influence des facteurs variables des essais, mais considérés comme provenant d'erreurs produites par des causes qui ne sont pas du pouvoir de Fexpérimentation : imdivi- dualité de chaque plante, différence dans la fécondation, etc. La récolte des pots sans fumure étant 100, il résulte tout d’abord de l’examen de nos essais que la poudre d’os a produit un rende- ment de 116, 111 et 113 ; moyenne pour les trois années de cul- ture: 113. L’acide phosphorique seul de la poudre d’os (os calcinés) est resté complètement sans action. En tenant compte de ce que nous avons dit plus haut, les rendements de 101, 97 et 99 sont, en effet, les mêmes que le rendement 100 du pot fumé. Ce résultat est d’ailleurs en parfaite harmonie avec l’ensemble de toutes les recherches qui ont déjà maintes fois démontré que l'application de l'acide phospho- rique au sol sablo-argileux, sans application simultanée d’azote, est sans influence sur la production du grain. L'action de l’azote de la poudre d’os est restée considérablement inférieure à celle de l'azote du sang, rendements : 162, 196 et 197, et a été dépassée encore à un plus haut degré par l'azote nitrique, rendements : 174, 246 et 261. L’addilion du chlorure de potassium à la poudre d'os a été favorable une seule fois (essais de 1883) et encore l'augmentation produite est très faible : 6 p. 100. En 1884, elle n’est que de 1 p.100 et, en 1885, de 3 p. 100, chiffres qui tom- bent dans les limites des erreurs d’expérimentation. Associée à la cendre d’os et au nitrate de soude ou au sang, la fumure potassique a été, en 1883 et 1884, d’une utilité réelle. Si, au contraire, en 1885, le chlorure de potassium n’a pas agi du tout, l'explication se trouve dans ce fait qu'il s'agissait, cette année, d’une culture d'hiver ; 424 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. les plantes des pots sans potasse avaient un temps suffisant pour s’assimiler du sol la quantité de cet élément dont les céréales ont surtout besoin dans la première période de leur croissance. L’addi- tion de potasse sous une forme immédiatement assimilable, pots avec chlorure de potassium, devait donc rester sans effet. Nous passons maintenant à l'examen des récoltes de la série sable, pour laquelle nous établissons le même caleul et les mêmes considé- rations que pour celle de largile. II. — TERRE SABLONNEUSE. a) 1883. Froment de mars. Augmen- La récolte HAEOIE tation des pots non en de fumés étant BrAUDIES: grammes. a Fe pa — — produit : Rendement moyen de la terre non fumée , . . 1.05 » 100 Azote et acide phosphorique de la poudre d'os . 3,55 2,90 3358 Azote, acide phosphorique de la poudre d'os et potasse. SR CES 3:03 474 Acide non ie la Un d OSEO MORTE 1,10 205 Acide phosphorique de la poudre d'os et azote MATIQUE pe - CARE 1,89 280 Acide phosphorique ik La saute Us ue ni- trique et potasse. . . . FR 9:12 2,67 394 Acide phosphorique de la déudre do 3 rot du sang . . . 3,49 2,44 332 Acide HART F la “te is 0, Hie du SAT OC LPO ASS EN ER NE Te RMC Dole 460 b) 1884. Froment de mars. Rendement moyen de la terre non fumée . 21 » 100 Azote et acide phosphorique de la poudre d'os. 4,67 2110 182 Azote, acide phosphorique de la poudre d'os et ROMSSERAEMNE POPME MERE 209 218 Acide phosphorique de la re d OS 0 0,82 132 Acide phosphorique de la poudre d'os et azoLe DE 8 Ge : EL NOTES 3,26 221 Acide phosphorique de la He d os, azole ni- irique et potasse. . . . 6,34 3,11 290 Acide phosphorique de la ne d os et He OLSIDE EP Ar à 1.94 AIT 310 Acide phosphorique de la MDN d 08, Far ni SAN SEL IDOLASSE PE MAREMEMAMIEMEULS QE ROME MEN 28 ù,66 320 VALEUR AGRICOLE DES DÉCHETS AZOTÉS DES INDUSTRIES. 425 c) 1885. Froment d'hiver. RM RER A UE en ue fumés étant ES grammes, Es ee = = produit : Rendement moyen de la terre non fumée . . . 0,14 » 100 Azote et acide phosphorique de la poudre dos. 5,23 HAD 3736 Azote, acide phosphorique de la poudre d'os et POLASSEMN EN MES 6, 20 6,06 4129 Acide phosphorique de la te d 0S . 2,45 2-31 1750 Acide phosphorique de la poudre d'os et azote INPI 0e 560 9,90 4063 Acide phosphorique la ue d 08, Al ni- trique et potasse. . . . 6,08 5,94 4343 Acide phosphorique de la unie Fa 0S F on AUFSAN SEE ,18 5,04 3700 Acide phosphorique Fe u TS d 0$, ot dé SANBNETINOlASSe) NA VOPRMIE. MDP CE. EURE 6,77 4944 Les rendements absolus de la série sable sont naturellement de beaucoup inférieurs à ceux de largile. Nous l’observons surtout pour l’année 1885, où la végétation chétive du sable stérile n’a produit que 0#,14 de grain. L'influence des fumures devient alors tout à fait remarquable. L’azote de la poudre d’os a été, dans les trois années d’expérimentation, très actif, Il a mème une fois, en 1883, dépassé l'azote nitrique et atteint l'azote du sang. En 1884, le nitrate de soude et le sang le dépassent, mais pour la culture d'hiver de 1885, la poudre d’os atteint de nouveau le sang et ne reste que faiblement en retard sur le nitrate de soude. Dans le sable, l’addition du chlo- rure de potassium a produit, 9 fois sur 9 expériences, une très sé- rieuse augmentation du rendement. C’est ce que nous avions déjà observé dans nos essais de 1882 sur la valeur agricole du sang des- séché. Nous condensons dans ces lignes le résumé de nos discussions : La poudre d'os soumise à l'expérience pendant trois années sur du froment de mars et sur du froment d'hiver, en sol sablo-argileux en bon état de culture, a produil une augmentation du rendement en grain de 13 p. 100. Cependant, elle est restée en arrière sur l'azote du sang et sur l'azote nitrique employés dans des conditions 1den- 426 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. tiques. En sol sablonneux, très pauvre, la poudre d'os à élé d'une efficacité remarquable, restant peu en arrière sur l'azote nitrique, l'état de l'azote le plus favorable à la production végétale, el altei- gnant l'effet de l'azote du sang, qui est connu comme le plus actif des engrais azolés organiques. L'addilion du chlorure de polassium à la poudre d'os en sol sablo-argileux n'a produit qu'une fois sur trois une augmentation du rendement, encore élait-elle très faible ; mais en sol sablonneux, la potasse a, neuf fois sur neuf, fail monter considérablement la récolte du grain. Dans nos recherches, poursuivies depuis 1880, sur la valeur agri- cole des déchets azotés des industries, nous avons pris comme unité l'effet produit par 0,95 d’azote nitrique sur le rendement de 4 kilo- grammes de terre. En rapportant à ce type de comparaison les ré- sultats de l'ensemble de nos recherches, comprenant six années d'expériences qui embrassent 96 essais isolés, et en fusionnant les conclusions données à la fin du compte rendu sur chaque groupe d'essais, nous pouvons classer l'efficacité relative de l'azote orga- nique, comparé à l'azote nitmique, dans l’ordre suivant : Azote du nitrate de soude. — du sang desséché. — de la laine dissoute. — de la poudre d'os. — de la laine brute. — du cuir. D’autres auteurs ont cherché, après nous, à établir la valeur agri- cole relative de l'azote organique des différents engrais du com- merce. Nous extrayons de leurs travaux celles des matières qui nous intéressent ici, en indiquant la méthode employée pour arriver à établir cette échelle. VALEUR AGRICOLE DES DÉCHETS AZOTÉS DES INDUSTRIES. 427 2 STUTZER . PETERMANN. SEYFFERT |. MAERKER * L : Essais de fermentation Essais de culture. Essais de culture. Essais de culture. NE l'influence de la pepsine. . Nitrate de soude.\1. Nitrate de soude.|1. Nitrate de soude.|1. Poudre d’os. . Sang desséché. . Sang desséché. 2. Sang desséché. |2. Poudre d’os. 2. Sang desséché. |2. Poudre d'os. . Laine dissoute. |3. Cuir moulu. 3. Sang desséché. 3. Laine dissoute. |3. Laine brute. . Poudre d'os. , Cuir moulu. . Cuir moulu. Laine brute. 5. Laine brute. 1 9 3 4 a & Cuir moulu. . Biedermann’s, Centralblatt, 1883, p. 585. . Id, 1883, p. 587. Nous classons d’après le rendement en grain. 3. Id., 1883, p. 16, et Petermann, Recherches de chimie, elc., appliquées à l’agriculture, 2: édition, p. 14! . Wolff. Landw. Kalender von Mentzel, 1866. Il'est bien entendu que cette échelle de l'efficacité des matières fertilisantes à base d'azote organique, dans la première année de leur application, n’a rien d’absolu, Le rang que les divers produits y occupent subira certaines mo- difications suivant les cultures, les terrains et les conditions météo- rologiques. Mais cette échelle permettra à l'acheteur d'engrais du commerce de se faire une idée générale sur l'effet relatif à attendre des produits qu’on lui offre. Elle lui évitera l'acquisition de matières fertilisantes dont le prix est en trop grand désaccord avec leur va- leur, c’est-à-dire avec leur effet utile probable. Toutefois, dans la détermination de la valeur commerciale de la poudre d’os, on devra naturellement faire entrer en ligne de compte sa teneur en acide phosphorique. RICHESSE EN NICOTINE DU ALEASES ACCUS ER CAE Par A. PETERMANN DIRECTEUR DE LA STATION AGRICOLE EXPÉRIMENTALE DE L'ÉTAT A GEMBLOUX La culture du tabac possède en Belgique une certaine importance. Elle occupe, d’après le recensement général de 1880, 1577°,05, sur- face qui ne manquera pas de s’accroître. Il nous paraît, par consé- quent, intéressant de publier les résultats obtenus par un certain nombre de dosages de nicotine faits dans vingt échantillons de tabac belge. Les analyses se rapportent à du tabac produit en terre sablo- argileuse, fumée avec du guano ou des mélanges de sulfate d’am- moniaque, de superphosphates et de sels de potasse. Seize échan- üllons proviennent de graines récoltées sur du tabac du pays, quatre de graines de tabac de Havane importées directement. Nous ne pos- sédons malheureusement pas des renseignements plus complets sur les conditions culturales (espacement, nombre de feuilles laissées sur les plants au moment de l'écimage, degré de maturité obtenue au moment de la récolte, etc.), qui ont pu influencer la composition. Les feuilles de tabac ont été séchées à l'air, puis écôtées. Les échantillons moyens renfermaient de 11.2 à 19.5 d’eau, dé- terminée à la température de 105 degrés centigrades. Le dosage de la nicotine a été opéré exactement d’après la méthode de M. Schlæ- sing ?; seulement, nous avons remplacé l'appareil un peu fragile de {. Grandeau, Trailé d'analyse des matières agricoles, 2° édit., p. 331. RICHESSE EN NICOTINE DU TABAC BELGE. 429 M. Schlæsing par l'excellent extracteur construit par M. Simon, notre ancien préparateur, pour le dosage de la matière grasse dans les produits alimentaires *. Tabac indigène. N° je ».19 p. 100 de nicotine dans les feuilles séchées à l'air et écôtées. = DA — — — — = — 3. 3.28 — —_ æ 2 a — À. 4.64 — —= _ ee Sc — D. 4.10 — —_ — = = ==. 6. 4.64 — —_— — = — 7. 2,90 — ——- — — Le —. 6. 3.14 — — — _ 2 ==. Éi 30 — — — == Pr — 10. . DCE — — == PE — 11. POUR (7 — — — — — 12. . 3.64 — — — == =. — 13. &.14 — — — = = — 14. 4.14 — — — = 2 — 15. DEN — — _— Le — 16. DO — — — — Moyenne. 3.66 — — — — _ Havane indigéne. None 3.2{ p. 100 de nicotine dans les feuilles séchées à l'air et écôtées. — 18. 2.19 — —— — — 2e — 19. . 2.83 — = — 2e ss — 20. 20 — — = Las Moyenne. 2.68 — — — _ ne On sait qu'au même degré de combustibilité et d’arome, la qua- lité du tabac est en rapport inverse avec sa richesse en nicotine. Sous ce rapport, le tabac belge serait de qualité moyenne. Voici, en effet, des renseignements sur le titre moyen en nicotine de divers tabacs : | Tabac italien *, 2.26 à 4.69 p. 100 (9 analyses). — hongrois *, 0.04 à 3.73 p. 100 (23 analyses). 1. Petermann, Recherches de chimie, etc., appliquées à l'agriculture, 2° édit., ) 2. Slazione spcrimentale agrarie ilaliane. 1877, p. 6. 3. Kosutany, Jahresberich! f. Ag. Chemi2. 1873-1874, p. 297. 430 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Tabac allemand !, 3.36 p. 100. — du Lot?, 7.00 p. 100 (moyenne d'un grand nombre d'analyses). — de Lot-et-Garonne *, 6.46 p. 100. — — de Virginie ?, 6.05 p. 100. — — du Nord?, 5.79 p. 100. . — d'Ille-et-Vilaine *, 5.54 p. 100. — — de Kentucky *, 5.36 p. 100. — — ‘du Pas-de-Calais *, 4.35 p. 100. -- — d'Alsace ©, 2.82 p. 100. — — de Maryland *, 2.02 p. 100. — — de Havane ?, moins de 2.00 p. 100. — de Havane *, moins de 2.00 p. 100. — de Havane ‘, moins de 0.62 p. 100. Les quatre analyses de tabac de la Havane cultivé en Belgique donnent un titre moyen en mcotine de { p. 100 en dessous de celui du tabac indigène. Ce résultat est complètement d’accord avec les conclusions des recherches approfondies que l'administration des ta- bacs en France a fait exécuter sous la savante direction de M. Schlæ- sing, à savoir que le tabac présente un exemple frappant d’hérédité. Toutes les variétés étrangères en France y ont conservé le taux p. 100 de nicotine qu’on leur trouve au pays d’origine. Malheureusement, l’arome n'étant point transmissible comme le taux de nicotine, on pourrait au moins réduire celui-ci dans le tabac produit en Belgique, en faisant plus souvent emploi de semences récoltées à la Havane. Il en résulterait certainement une amélioration sensible de la qua- lité du tabac indigène, au moins pour autant que l’on ait en vue la production du tabac à fumer. 1. Nessler, Der Tabak. Seine Bestandtheile und seine Behandlung. 2. Schlæsing, Le Tabac, p. vu, et Dictionnaire de Wurtz. Les analyses de M. Schlæ- sing se rapportent aux tabacs séchés à 100 degrés ; nous les avons réduites au degré moyen d'humidité de 12 p. 100, afin de les rendre comparables aux autres analyses. 3. Schiel. — Voir Künig, Zusammensetzung der menschlichen Nahrungs- und Genussmittel. 4. Nessler, Der Tabak, etc. NOTES SUR LES LABORATOIRES AGRONOMIQUES DE L’'ALLEMAGNE! . Par Henry GRANDEAU DOCTEUR ÈS SCIENCES CHEF DES TRAVAUX AGRONOMIQUES À LA FACULTÉ DES SCIENCES DE NANCY SOUS-DIRECTEUR DE LA STATION AGRONOMIQUE DE L'EST. ———— RES RO — 1. — Station expérimentale de la Brasserie de Munich. Ma première étape, dans cette tournée de laboratoires et d’établis- sements agricoles, a été Munich. J'y ai visité plusieurs installations très intéressantes par le genre tout spécial de recherches auxquelles elles sont consacrées. Je citerai d’abord le laboratoire où se font tous les essais relatifs à la brasserie ; ce laboratoire, très bien installé et dirigé de main de maitre par M. le prof. D' Aubry, a été fondé par une association internationale d’industriels, brasseurs, malteurs, fabricants d’appa- reils, etc., qui ont intérêt à être exactement renseignés sur toutes les conditions si délicates et si variables de la fabrication de la bière. Munich, qui est le centre de production de biére le plus considéra- ble d'Allemagne, était désigné comme un milieu unique de recher- 1. Les Annales de la science agronomique, 2° année, t. II, p. 300 et suiv., ren- ferment, sur le budget des stations agronomiques pour 1886, tous les renseignements nécessaires, ce qui m'a engagé à ne pas reproduire dans ces notes les chiffres relatifs aux ressources de ces établissements. H. GRANDEAU. 432 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. ches et, chaque jour, ce laboratoire rend de nouveaux services aux brasseurs, non seulement en leur fournissant des indications pré- cieuses sur la fabrication, mais encore en poursuivant les fraudeurs qui sont livrés impitoyablement à la justice. Pour se rendre compte de la variété et de l'importance des tra- vaux exécutés dans cette station expérimentale, il suffit de suivre une à une les étapes de l’industrie de la bière ; nous allons rapide- ment les passer en revue. Orge. — La première question qui se pose est celle de la faculté cerminative de l'orge, très variable suivant les espèces et suivant les années. L'évaluation de ce pouvoir germinatif est des plus sim- ples ; on prend un poids déterminé de graines (toujours le même) qu’on place entre des feuilles de papier à filtrer, humectées légère- ment el plusieurs fois par jour, au moyen d’eau distillée. On laisse ainsi l'orge en trempe pendant quarante-huit heures: on la sèche à l'air et on a un malt qu’on désigne sous le nom de «€ malt vert ». Mall. — M faut maintenant doser la quantité de diastase que ren- ferme ce malt. La méthode consiste à faire agir la diastase du malt sur de l’amidon et à évaluer ensuite, par la méthode de Reischauer, la quantité de sucre produite. Cet essai se fait très rapidement et donne les résultats les plus précis. Je n’ai pas à entrer 1c1 dans les détails de la méthode, que le lecteur trouvera d’ailleurs dans la plu- part des Traités de chimie analytique. Un autre essai, aussi très utile, est celui de la recherche du sucre (maltose) dans Le malt. Pour opérer ce dosage, on épuise 25 grammes de malt par l'alcool, on évapore après filtration et lavage à l'alcool et on distille jusqu’à consistance sirupeuse. On lave le résidu dans une capsule de porcelaine avec de l’eau, on évapore de nouveau à sec et on reprend par 100 centimètres cubes d’eau disullée. Dans cette solution, on dose le maltose, au moyen de Pappareil de Reischauer. Souvent aussi, on fait une änalyse complète des cendres de lorge par les procédés ordinaires : dosage du fer, de la chaux, magnésie, sulfates, phosphates, ete. Le dosage de l'extrait dans le malt fournit une indication intéres- sante, car il sert à asseoir une opinion sur la qualité du malt. Voici la méthode ingénieuse, imaginée dans ce but par M. le prof. Aubry: LABORATOIRES AGRONOMIQUES DE L’ALLEMAGNE. 433 on prend 50 grammes de malt qu'on moud au moulin de Printz et on met la pouare dans un cylindre de cuivre préalablement pesé. Pendant ce temps, on chauffe dans un cylindre analogue à 45° cen- tigrades, 200 centimètres cubes d’eau distillée, dans l'appareil à chauffage continu. Quand cette eau à atteint la température cher- chée, on la verse sur les 50 grammes de malt concassé et on place le tout dans l’appareil à chauffage continu, qu’on maintient à 45° C. pendant une demi-heure. Puis, on laisse la température s'élever jusqu'à 70° centigrades, en l’espace de 15 à 20 minutes. On main- ent cette température jusqu’au moment où le liquide renfermé dans le cylindre ne donne plus de coloration avec l’iode. On note le temps nécessaire pour avoir à cette température de 70 degrés une saccharification complète. La durée de la saccharification ainsi que celle du dépôt du résidu de malt dans le cylindre doivent être ob- servées, si lon veut avoir tous les éléments nécessaires pour appré- cier la qualité du malt. Quand la trempe est terminée, on refroidit alors rapidement avec de la glace jusqu’à 12°R. Puis, on filtre sur un filtre spécial (filtre à perles de verre) et on note le degré de limpidité, de clarté, de coloration du liquide filtré et aussi la rapi- dité de la filtration. Une fois la trempe filtrée elair, on en prend le poids spécifique avec la balance westphalienne ou avec le pycno- mètre et une simple lecture dans les tables de Schultze ou de Palliñg donne la teneur en extrait. On doit aussi déterminer la quantité de matières azotées renfer- mées dans le malt; on opère par le procédé nouveau imaginé par Kjedall et universellement adopté en Allemagne pour le dosage de l'azote. On prend 50 centimètres cubes de l'extrait obtenu dans une trempe, on y ajoute cinq à six gouttes d'acide sulfurique pour em- pêcher les produits azotés de s’évaporer à l’état d’ammoniaque et on concentre au tiers. On laisse refroidir et on applique la méthode Kjedall, trop connue pour que J'ai besoin d’y insister ici. Pour doser lazote dans l'orge ou le malt, il faut réduire la ma- tière en poudre fine, la sécher, en peser exactement 15,2 à 15,3 dans un flacon bouché et appliquer la méthode Kjedall. Eau. — Un fait qui n’est contesté par personne est que, pour arriver à fabriquer de bonne bière, il est indispensable d'employer ANN. SCIENCE AGRON. — 1586, —- I. 28 434 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. de l’eau potable et ne renfermant aucun principe, minéral ou orga- nique, en excès. La conclusion qui découle naturellement de ce fait est la nécessité absolue pour le brasseur de faire analyser l’eau dont il se sert, s'il ne veut être exposé à des déboires ruineux. Cette analyse se fait par les procédés classiques, Houblon. — I arrive souvent que le houblon a été soufré; pour le constater, on introduit dans un ballon 20 grammes de houblon avec une certaine quantité d’eau distillée, On chauffe : il se dégage de l'acide sulfureux, qu'on chasse au moyen d’un courant d'acide carbonique et qu'on recueille dans une solution d'iode, où il se transforme en acide sulfurique qu’on dose par la baryte en solution chlorhydrique. Si maintenant on veut savoir quelle quantité de produits extrac- üfs Le houblon renferme, on l’épuise simplement par la vapeur d’al- cool ou même par la vapeur d’eau jusqu'à ce qu'il ne reste plus que la cellulose (paille) du houblon; la différence de poids du résidu des cônes avec le poids primitif du houblon donne le taux des ma- tières extractives enlevées par le liquide. Bière. — Nous voici arrivés à la bière elle-même. et là, la ques- tion se présente sous deux aspects différents : d’abord, la qualité propre de cette bière, caractérisée par sa teneur en alcool, sucre, extrait, etc., qui nécessite une analyse complète et, ensuite, la re- cherche des matières étrangères pouvant servir à sa falsification (acide salicylique, etc.). Le dosage de l’alcool dans la bière se fait au moyen de l’ébullios- cope Malligand (principe Vidal), le seul appareil en usage dans tous les laboratoires. Il faut seulement avoir bien soin d’agiter vivement le liquide avant l'opération, pour en chasser jusqu'aux dernières traces d'acide carbonique. L’acidité d’une bière se mesure, au moven d’une solution titrée de baryte, sur 100 centimètres cubes de bière préalablement chauf- fée pendant plusieurs heures pour chasser l'acide carbonique. IL'est important de connaître aussi la quantité de sucre contenue dans une bière. Pour cela, on réduit 100 centimètres cubes de bière au ‘},,, on met 9 centimètres cubes du résidu dans deux tubes et on opère par la méthode de Reischauer. LABORATOIRES AGRONOMIQUES DE L’'ALLEMAGNE. 435 Pour doser l'acide phosphorique, on prend 50 centimètres cubes de bière, on y ajoute 10 centimètres cubes d’eau de barvte et on évapore à siccité dans un creuset de platine, puis on calcine jusqu’à production de cendres blanches. On reprend par lacide nitrique concentré, on fait bouillir un instant le liquide dans un vase de Bohême et l’on filtre. Dans la liqueur filtrée, on précipite l'acide phosphorique par le molybdate d'ammoniaque et on pèse à l’état de phosphate ammoniaco-magnésien. Le dosage des cendres se fait sur 50 centimètres cubes qu’on évapore et calcine en cendres blanches dans une capsule de platine préalablement pesée. La recherche des amides et des peptones dans la bière présente aussi un grand intérêt. On commence par déterminer la quantité d'azote totale par la méthode Kjedall. On prend ensuite 50 centimè- tres cubes de bière que l’on mélange à 20 centimètres cubes d'acide phospho-tungstique et 20 centimètres cubes d'acide sulfurique dilué. On précipite ainsi la peptone et l’albumine ; les amides restent dis- sous. On laisse reposer longtemps, car le précipité se dépose lente- ment, puis on filtre, on lave le filtre avec de l'acide sulfurique dilué et on cherche la teneur en azote du filtre lui-même et de son con- tenu. La différence avec le taux d’azote total donne le taux des amides. Pour déterminer la quantité de glycérine contenue dans une bière, on mélange 90 centimètres cubes de bière à 10 grammes de sable ; on évapore à sec au bain-marie, après avoir ajouté 3 grammes de soude caustique pour retenir la glycérine. Quand l’évaporation à sec est terminée, on met à l’étuve et on écrase le tout en fine poussière. Puis, de cette poussière, on extrait la glycérine avec 20 centimètres cubes d'alcool à 88.90 p. 100, dans un appareil à épuisement ; l’opé- ration dure cinq à six heures. Au bout de ce temps, on ajoute 25 centimètres cubes d’éther exempt d’eau et on laisse reposer pen- dant une heure. Le précipité formé est passé par un très petit filtre, puis lavé à l’éther, Le liquide filtré recueilli dans un ballon, est dé- barrassé de Péther, par une distillation à siccité, puis le résidu est séché pendant plusieurs heures entre 100 et 10°. On pèse jusqu’à ce qu'il n’y ait plus de perte de poids; cette dessiccation ne doit pas 436 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. durer plus de quatre heures. Une bonne bière doit contenir environ 06,2 p. 400 de glycérme. Quant aux falsifications dont la bière est l’objet, elles sont trop nombreuses pour pouvoir toutes trouver place ici, je ne parlerai que des deux plus fréquentes, par l'acide salicylique et par le bisul- fite de chaux. L’acide salicylique étant soluble dans l’éther, on prend 30 centi- mètres cubes de bière et 15 centimètres cubes d’éther qu'on mé- lange intimement en agitant, puis on décante, on évapore l’éther, on reprend le résidu par un peu d’eau et on ajoute quelques gouttes d’une solution de sesquichlorure de fer au ‘'/,. S'il y a de l'acide salicylique, on a immédiatement une coloration bleue caractéristique. Pour reconnaître la présence du sulfite de chaux, on distille la bière et on ajoute de l’acide phosphorique, acide très stable qui dé- place l’acide sulfureux provenant de la décomposition du sulfite. Le dégagement se fait très rapidement et on reçoit le gaz dans de l'iode en solution, qui le transforme en acide sulfurique facilement dosable. La question des ferments et des microbes, d’une énorme impor- tance dans cette mdustrie de fermentation, tant au point de vue de la cuve qu’à celui de l’atmosphère ambiante, est l’objet de travaux incessants chez M. le prof. Aubry; plusieurs salles sont consacrées à ce genre de recherches, et Je ne doute pas qu'entre de pareilles mains, des résultats d’un haut intérêt pratique ne soient rapidement acquis. Des caves très ingénieusement disposées sont réservées pour l’étude des levures, et tout brasseur peut savoir à l'avance sur quelle pro- duction il peut compter quand il fait examiner un échanullon de levure. J'espère que cette courte étude suflira pour faire apprécier toute l'importance des services rendus par le laboratoire de Munich. Je tiens, en terminant, à adresser à M. le prof. Aubry mes plus respectueux remerciments et l’expression de ma vive gratitude pour la parfaite obligeance qu'il a bien voulu mettre dans la réception qu'il m'a faite lors de mon passage à Munich. LABORATOIRES AGRONOMIQUES DE L’ALLEMAGNE. 437 2. — Jardin d'expériences et laboratoire de recherches de physique agricole. Munich est la seule ville, à ma connaissance, où se poursuivent des recherches spéciales de physique appliquée à l’agriculture. M. le prof. D' Wollny, qui dirige à Munich ce Jardin d'expériences et le laboratoire qui s’y rattache, m'a fait fort obligeamment visiter en détails son installation. Malgré le crédit extrêmement faible dont il dispose, 1l est parvenu à réaliser, par des moyens très simples, une série d'expériences dont Je donnerai un résumé. Toutes ces expé- riences ont pour but d'étudier l'influence qu’exercent sur les pro- priétés physiques du sol (température, humidité, degré d’ameublis- sement, etc.) les différentes conditions dans lesquelles il se trouve placé ; sa composition, son orientation, la couverture par les diver- ses récoltes, son inclinaison, etc. Voici d’abord une série de petites caisses en tôle, surélevées sur un bâti en bois et ayant toutes même surface et même volume. Dans ces caisses, se trouvent placés des sols composés d'un mélange de sable en proportions variables avec des cailloux; du sable pur, du sable et 10 p. 100 de cailloux, du sable et 20 p. 100 de cailloux et ainsi de suite. Ges caisses sont disposées de telle façon qu’on puisse recueillir l’eau que le sol laisse filtrer et la peser. Matin et soir, on note la température et on à ainsi les éléments nécessaires pour constater les variations que produit une proportion plus ou moins grande de cailloux sur l'humidité et la température du sol. Des appareils identiques servent à étudier l'influence de la cou- verture du sol sur ces mêmes propriétés : sol nu, sol couvert de gazon ou de plantes diverses. Une série d'expériences analogues est poursuivie dans des caisses carrées d'une superficie plus grande ; elles sont formées de planches solidement assemblées et reposent, à 90 centimètres de profondeur, sur un sous-sol caillouteux. Quatre caisses du même genre sont orientées l’une vers le Nord, l'autre vers le Sud, la troisième vers l'Est et le quatrième vers l'Ouest. D’autres, dont le but est de permettre d’étudier l’influence de l’inclinaison du sol, ont une surface formant avec la normale des angles variant de 0° à 50°. 438 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Enfin, des mélanges en différentes proportions d'argile et d’humus, de sable et d'argile, de sable et d’humus sont disposés dans une suite de caisses enfouies dans le sol: ces mélanges très purs ont tous élé préparés au laboratoire et les observations physiques sont faites deux fois par Jour. M. le prof. Wollny à fait, en outre, des recherches comparatives fort intéressantes sur la valeur des différents modes de culture de la pomme de terre et de la betterave ; elles l'ont conduit à cette con- ciusion que le meilleur mode de culture, si on veut éviter la mala- die, est celui indiqué par Gülich. Je signalerai encore des expériences installées en vue d’étudier l'influence du courant électrique ; un champ semé de betteraves est parcouru par un courant dans toutes ses directions. Une parcelle témoin et de dimensions égales à permis de constater que l'influence du courant était nulle sur la récolte, qu’il soit produit par une pile ou une machine électro-dynamique. Dans une petite maison, où se font la pesée des récoltes et le séchage des plantes, on à disposé dans une des salles trois fenêtres dont l’une est claire, la seconde demi-opaque et la troisième tout à fait opaque. Derrière chacune de ces fenêtres, on a fait des cultures de maïs dans une série de vases qui renferment des proportions d’eau et de sable différentes. Seules, les plantes qui ont crû derrière la fenêtre claire ont eu une végétation normale, comme on devait d’ailleurs le prévoir. Le laboratoire de physique est petit, mais fort bien installé et suf- fisant pour ce genre de recherches. Dans le même bâtiment se trouve une collection fort remarquable, rassemblée et classée avec le plus grand som par le professeur lui-même, de modèles d'instruments agricoles, d'appareils de literie, de produits chimiques organiques se rapportant à l’agriculture, de graines, beaucoup de tableaux de démonstration et de beaux échantillons de phosphates naturels. Je n'ai pas donné ici tous les résultats obtenus dans le courant de ces dernières années par M. Wollny ; on les trouvera tous consignés dans le recueil publié par ce savant professeur ”. 1. Forschungen auf dem Gebiele der Agricultur-Physik, publication trimestrielle. \euf années ont paru chez Winter à Heide.berg. LABORATOIRES AGRONOMIQUES DE L'ALLEMAGNE. 439 3. — Laboratoire de M. le prof. Pettenkofer. Cette visite était surtout, de ma part, un hommage rendu à un savant illustre ; car, en dehors du fameux appareil qui a servi à étu- dier la respiration chez l’homme et les animaux, l’installation, qui est certainement fort belle et à la hauteur des progrès modernes, n’offre rien de particulièrement original. Ge laboratoire fait partie de l{ns- tilut hygiénique de Munich, qui renferme aussi un laboratoire très modeste destiné, comme celui de la Préfecture de police à Paris, à déceler les fraudes et les falsifications des matières alimentaires. Je ne signale cette visite que pour avoir l’occasion de rendre hom- mage à l’amabilité pleine d'humour avec laquelle m'a accueilli M. le prof. Pettenkofer, que ses concitoyens considèrent, à juste titre, comme une de leurs gloires scientifiques. 4. — Laboratoire de M. le prof. Ebermayer à l’Université et la Station forestière. M. le prof. Ebermayer est un des forestiers les plus éminents de l'Allemagne ; ses recherches sur l'influence de la couverture des forêts sont aujourd’hui classiques et son nom fait autorité dans la science forestière. Je n'ai donc pas été surpris de trouver à l’Uni- versité une installation parfaite sous tous les rapports et qui devrait servir de modèle pour tous les établissements du même genre. Déjà, la disposition de l’amphithéâtre montre tout le soin que le professeur met à rendre son cours aussi intéressant et aussi ins- tructif que possible pour ses auditeurs. De nombreux tableaux indi- quant la constitution géologique des sols, des caries géologiques et des résumés de toutes les connaissances élémentaires indispensables aux étudiants, fournissent à ceux-ci un excellent moyen de se fami- liariser quotidiennement avec les lignes fondamentales des sciences physiques, chimiques et naturelles. Sur la table du professeur, sont disposées des caisses divisées en quatre compartiments e{ renfermant tous les sols et sous-sols de la Bavière, avec leurs éléments de formation : la roche ; la roche en- 440 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Lrant en décomposition ; le sous-sol et le sol. Ces caisses, qui sont recouvertes d’une vitre, sont d’un emploi beaucoup plus pratique qu'une série de flacons renfermant les même éléments. Une collection de tous les produits organiques qui entrent dans la composition des végétaux et une collection de tous les appareils em- ployés, soit en météorologie, soit dans les manipulations de chimie agricole, sont renfermées dans une vitrine placée derrière le pro- fesseur, Enfin, une série de vitrines disposées sur les bas-côtés de lamphithéâtre renferment une collection complète de tous les sols et de toutes les roches de la Bavière. Au laboratoire, très vaste et bien organisé, dont la disposition n’a pas de caractère particulier, se rattache un jardin d'expériences. Des cases en maçonnerie, de 4 mètres de surface et de 1",20 de profondeur, sont pourvues de lysimètres et chacune de trois ther- momètres plongeant dans le sol à des profondeurs différentes, de 0,20 à 0",90. Sur ces cases remplies du même sol, on a fait de nombreuses expériences sur la couverture, sur l'humidité, sur la température, sur la quantité et la composition de l’eau de drainage et de l'air ocelus dans le sol. Pour puiser Fair confiné, des ouver- tures spéciales sont pratiquées dans chacune des cases. Ces cases sont au nombre de cinq : une sans culture, deux cou- vertes de gazon et deux de récoltes forestières ou agricoles. IL y a de plus une pépinière des principales espèces forestières et une installation météorologique sous abri. Tout à côté de ce jardin, se trouve la station forestière, qui est certainement la plus importante d'Europe. Les superbes collections de bois, d'insectes rongeurs et de bois rongés par eux, d’instru- ments forestiers (outils, scieries, transport des bois, etc.) n’ont leur égale qu'à l'École nationale forestière de Naney, où M. À. Ma- thieu a réuni des éléments d'étude si précieux et si bien coor- donnés. Il y a deux salles de cours, une salle de conférences, un laboratoire de chimie pour le professeur, un laboratoire technique où les élèves étudient la forme des rayons médullaires des bois, leur composition chimique (teneur en eau et en cellulose), un laboratoire de micrographie et une bibliothèque : le tout fort bien installé dans un bâtiment neuf et organisé avec beaucoup d'art et de méthode. LABORATOIRES AGRONOMIQUES DE L'ALLEMAGNE. A4 5. — Leipzig. — Visite à M. le prof. Stohmann. De Munich, je me suis rendu à Leipzig, qui est un des centres universitaires les plus importants d'Allemagne. J’v ai été très bien accueilli par M. le prof. Stohmann, qui professe la chimie et la phy- siologie agricoles à l'Université. Le laboratoire de M. Stohmann, qui est installé dans sa maison d'habitation, est à la fois un laboratoire de chimie et de physiologie. Il renferme un appareil de Pettenkofer auquel M. Stohmann a ap- porté d’assez importantes modifications, notamment pour le mesu- reur du volume d'air qui inscrit lui-même les indications sur une feuille de papier et pour le moteur, où une machine à eau remplace la vapeur. Une salle de ce laboratoire est entièrement consacrée aux expé- riences de thermochimie que le professeur à entreprises depuis deux années sur les substances qui entrent dans la composition des végétaux et des animaux. L'étude de ce sujet si délicat el presque entièrement neuf, promet des résultats importants qui seront pro- bablement publiés dans le courant de cette année. Deux salles pour les essais chimiques ordinaires et une salle de balances complètent cette belle installation. 6. — L'Institut agronomique de Leipzig. L'Institut agronomique de Leipzig ne répond pas du tout à son nom : c’est une école de chimie où manipulent un grand nombre d'élèves en médecine et en pharmacie. .Le laboratoire de chimie agricole de M. le prof. Knop, dont le nom est si justement estimé dans le monde savant, n’est qu'une annexe de l’Institut. Il est très vaste et comprend : le laboratoire particulier du professeur et celui de son préparateur, une salle où les élèves qui débutent font des analyses, une salle de balances, une salle pour les combustions or- ganiques, une salle de produits, une salle où se préparent les gaz 442 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. odorants (chlore, acide sulfureux, hydrogène sulfuré, ete.) et enfin une salle pour les observations physiques (polarimètre, saccharimètre et microscope). 7. — La Station de recherches physiologiques de Môckern :. Cette visite est certainement une des plus intéressantes que j'aie faites en Allemagne : grâce à l'amabilité et à la parfaite obligeance de M. le prof. Kühn, directeur et organisateur de la station de physiologie animale, J'ai pu voir dans tous ses détails une installa- tion qui, incontestablement, est la première et la plus complète qu’on puisse rencontrer. I y a deux corps de bâtiments absolument distincts : l’un appar- tient aux chimistes qui font les innombrables analvses nécessitées par les recherches et l’autre est exclusivement consacré aux étables d'expériences el aux appareils de respiration. Le laboratoire de chimie proprement dit se compose de plusieurs grandes pièces destinées aux opérations de l’analyse : salle pour Pa- nalyse des excréments, salle pour l'analyse des fourrages, saile pour les dosages d’azote par la méthode de Kjedall, salles de balances, de collections, de produits, etc. Dans le bâtiment consacré aux expériences de physiologie animale se trouve d’abord une étable qui comprend une douzaine de stalles. Pour recueillir l'urine et les excréments des animaux en expérience, on munit ces derniers d’une espèce de tablier qui est relié par un tube de caoutchouc à un récipient placé dans le sous-sol où l'urine est recueillie. Les matières solides sont récoltées au moyen d’un balai, dans une espèce de petite rigole qui longe les stalles, rigole munie d’une ouverture qui permet de faire tomber les excréments dans des récipients placés en-dessous. L'un des bœufs qui était en expérience au moment où j'ai visité 1. Môckern est un petit village, tout près de Leipzig. M. Grusius de Sahlis a fondé, en 1849, la première station agronomique de l'Allemagne. M. E. Wolff, aujourd'hui directeur de la station d'Hohenheim, en a été le premier directeur. LABORATOIRES AGRONOMIQUES DE L'ALLEMAGNE. 445 l’étable, portait une espèce de large ceinture en treillis destinée à l’habituer à ne pas laisser tomber ses pieds, et agir sur ses muscles afin de réformer ce grave défaut. Cette étable peut être chauffée et maintenue à température cons- tante au moyen de grands bassins plats en tôle, appliqués contre les murs, ayant environ 10 à 195 centimètres de diamètre intérieur et dans lesquels circule constamment un courant d’eau qui maintient une température de 15° environ. La salle voisine de l’étable renferme une chambre de respiration de Pettenkofer, qui a subi plusieurs modifications ingénieuses. Son sol est recouvert de linoléum que les animaux abiment beaucoup moins qu'avec une autre substance et qu'on peut facilement laver. Au fond de cette chambre de respiration, devant la tête de l'animal, est une mangeolre en fer qu'on peut fermer ou ouvrir de l'extérieur, sans faire rentrer d'air dans la cage. Quand on veut renouveler Ja ration des animaux, on commence par fermer la mangeoire, puis on abat une plaque qui sépare cette mangeoire de la chambre et l'amène à l'extérieur où on peut la remplir. Les appareils de M. Kühn sont très perfectionnés et parent à toutes les causes d'erreur que l'ancien appareil de Pettenkofer entrainait. Toutes les corrections sont étudiées minutieusement et connues à l'avance. On sait, avec une exactitude absolue, quelle quantité d'acide carbonique est amenée par l’eau dans un temps déterminé. L'air est envoyé dans la chambre au moyen d’un gazomètre et passe, avant d’y entrer, dans un compteur énorme qui enregistre son volume. L'appel de l'air expiré par les animaux est fait au moven d’une machine à vapeur : cet air passe à nouveau dans une série de petits compteurs et est ensuite analysé dans de longs tubes de verre avec l’oxyde de mercure. L’acide carbonique est dosé avec la potasse titrée, par un manuel opératoire nouveau imaginé par M. le prof. Kübn et qui met l'alcali à l'abri de toute carbonatalion. Depuis trois années, pendant tout l'hiver, le professeur à fait une série d'expériences qui l'ont amené à d'importants résultats qu’il publiera dans le courant de cette année. Ce genre de travail est tel- lement fatigant et exige une telle contention d'esprit et une telle 444 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. assiduité, qu'on en arrive à ne plus pouvoir dormir ; et bien qu’il fût secondé par trois préparateurs, le prof. Kühn a dû interrompre pour quelque temps cette série de recherches, à cause de l'état de sa santé. La station de Môckern n'a pas de conduite de gaz, élant trop éloi- gnée de la ville ; elle fabrique son gaz elle-même au pétrole et le prix de revient du mètre cube ne dépasse jamais 25 cent. En terminant, je ne puis assez recommander à ceux qu'intéressent les questions de physiologie animale, d'aller visiter cette installation unique : ils trouveront en M. le prof. Kühn un homme éminent qui, outre ses qualités d'esprit, possède au plus haut point le charme de l’amabilité et de la cordialité et ils reviendront émerveillés de la puissance d'imagination et de travail de ce savant dont les travaux sont, du reste, classés au premier rang. Pour ma part, Je veux encore le remercier ici et lui exprimer ma plus vive gratitude. 8. — L'École d'agriculture de l'Université royale de Halle-an-der-Saale. L'école d'agriculture de Halle-an-der-Saale occupe une superficie énorme et est à la fois une école technique et une école d’applica- lion, organisée d’une façon tout à fait remarquable. Le savant prof. Julius Kühn, qui dirige ce superbe établissement, a bien voulu m'autoriser à le visiter en détails : il n'existe pas en France une organisation aussi complète et, si on se décide un jour à donner à notre Institu! agronomique un local convenable et un local suffisant, on fera bien, avant de le réinstaller, d'aller voir à Halle comment fonctionne une véritable école d'agriculture. J'ai d'abord visité, avee l'administrateur, les nombreuses étables qui renferment une très belle collection de bœufs, de vaches, de pores et de moutons de tous les pays du monde et un grand nombre d'animaux sauvages comme le yack, le bison, le sanglier, ete. Le but principal qu'on s’est proposé est d’abord d’avoir de beaux types de toutes les races et ensuite de faire des croisements en partant des races sauvages, comme le bufile et le yack, avec des races domestiques LABORATOIRES AGRONOMIQUES DE L’ALLEMAGNE. 445 pour rechercher comment les races domestiques emplovées actuel- lement en culture, ont été produites dans les temps primitifs. Ces croisements donnent des produits extrêmement curieux ; il y a là une foule d'animaux bâtards nés à l’école même et qui présentent les caractères extérieurs les plus bizares. On se propose d'étudier à fond cette question de l'origine des espèces domestiques et on construit en ce moment de nouvelles étables, vastes, bien aérées et très pratiques, pourvues d’une espèce de jardin entouré de treillis qui permettra de laisser les animaux dehors pendant le beau temps. Tous les produits de cette ménagerie unique se portent bien el vivent parfaitement sous le climat de Halle. Dans le jardin de l’école, je dois signaler une œuvre très remar- quable et très instructive. C’est une coupe géologique du pays saxon, faite par M. le prof. J. Kühn, qui mesure plus de 10 mètres de lon- gueur, et a au moins # mètres de hauteur. Elle est plaquée contre un mur et on ne peut imaginer un meilleur moyen de se rendre un compte exact de la constitution géologique du pays. Cest une démonstration frappante pour les élèves qui peuvent ainsi étudier commodément la superposition des couches dans les terrains, On a récolté les différentes couches de roches sur place, on les a super- posées dans l’ordre naturel; des étiquettes très visibles indiquent la nature et la provenance de chaque filon. L'origine de ce gigantes- que travail est assez curieuse : les élèves de l’école d'agriculture, qui professent pour leur directeur une vénération pleine de grati- tude, avaient fait une souscription entre eux dans le but de lui élever une statue dans le jardin de l’école. Tenu au courant de ce projet, M. J. Kübn réunit ses élèves et leur fit comprendre qu'il serall beaucoup plus sage de faire quelque chose d’utile. Ceux-ci se rallièrent complètement à avis du maître et de là vient que l’école d'agriculture de Halle possède une œuvre unique et du plus haut intérêt. La morale de cette anecdote nous montre que le prof. Kühn, qui est un savant de premier ordre, est doublé d’un homme d'esprit et de grand sens: il suffit d’ailleurs d’avoir avec lui un entretien d'une heure pour être littéralement charmé par cette parole claire et rapide qui, à chaque instant, égaye les discours les plus graves par un trail de fine malice. 446 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. L'école d'agriculture possède deux champs d'expériences situés à environ une demi-heure dans la campagne ; l’un de ces champs, qui a une superficie de 108 hectares, est employé à des expériences de grande culture de toute espèce et les élèves apprennent sur le champ même à manier les différents outils et les machines agricoles : ils suivent la culture depuis le commencement jusqu’à la récolte et se livrent eux-mêmes aux travaux pratiques. Le second champ d'expériences à huit hectares ; il est divisé en parcelles d’égale superficie et est réservé aux expériences particu- lières des professeurs. Une partie de ces parcelles est drainée avec des drains ordinaires ; les eaux de drainage se rendent dans une série de puits (un puits par parcelle) et, de ces puits, elles sont aspirées dans une tuyauterie spéciale souterraine (une tuyaulerie par puits) par une sorte de moulin à vent situé sur une colline voi- sine. À l’arrivée, chacune de ces eaux est mise à part, son volume mesuré et l'analyse en est faite au laboratoire. On fait tous les ans dans ces parcelles des essais de culture qui différent quant à la nature des engrais et à celle de la plante cultivée. Au bout du champ se trouvent des greniers considérables, des écu- ries et des remises qui servent à çonseyver les récoltes et à abriter les instruments et les chevaux. Nous arrivons maintenant à la partie de l'enseignement technique proprement dit : le professeur spécialement chargé du cours de lai- terie, M. le Dr Kirchner, m'a fait visiter avec beaucoup d’obligeance cette installation. Dans son laboratoire, se trouvent les principaux appareils qui, dans les différents pays, servent à écrémer le lait et à fabriquer le beurre et le fromage. Mais ce laboratoire n’est pas un laboratoire de recherches, c’est simplement un laboratoire de fabri- cation. Le laboratoire de chimie agricole, dont le chef est M. le prof. D' Märcker, qui dirige en même temps la station agronomique de Halle, dont nous parlerons plus loin en détail, comprend d'abord une salle destinée aux commençants ou aux personnes qui auront un Jour à déterminer la valeur d’un sol ou d’une eau par exemple, sans avoir à leur disposition un matériel complet de chimiste. C’est en somme une salle destinée aux recherches physiques et chimiques, LABORATOIRES AGRONOMIQUES DE L’ALLEMAGNE. 447 sans balance ni méthode scientifique : les étudiants y restent six mois, pendant lesquels ils apprennent à pouvoir déjà donner quel- ques renseignements soit sur un so}, soit sur une eau, soit sur un organisme microscopique, sans pour cela avoir besoin d’un labo- ratoire. La seconde salle sert aux dosages d'azote par la méthode Kjedall ; c’est là aussi que se font toutes les recherches chimiques relatives aux travaux du champ d’expérieñces. L'école d'agriculture de Halle possède un bel amphithéâtre, une salle de lecture, une collection de plantes, graines et de sols de tous genres, et un petit jardin botanique qui permet aux élèves de se familiariser avec les espèces communes de l'agriculture. En hiver, linstitut compte environ 200 élèves, mais en été le nom- bre en est un peu moindre. Beaucoup d'étrangers, Anglais, Améri- cains, Japonais, mais très rarement des élèves français. En somme, très bel établissement, doté d’un budget considéra- ble. L'École de Halle prend chaque année plus de développement, qu’elle doit surtout à la haute valeur de l’homme qui la dirige. 9. — La Station agronomique de Halle-an-der-Saale. La station agronomique de Halle-an-der-Saale est certainement la plus grande et la mieux organisée de l’Allemagne. Elle a pour direc- teur M. le prof. Märcker et compte huit à dix assistants (prépara- teurs). On fait, par an, 6,000 analyses qui se répartissent de la façon suivante : 5,000 analyses d'engrais, 1,000 analyses de bette- raves et 2,000 analyses de semences et autres substances. Le crédit attribué à cette station est considérable, aussi le laboratoire est-il installé d’une façon remarquable et lun des plus vastes que j'aie vus. Parmi les nombreuses salles qu’il renferme, je citerai le cabinet et le laboratoire particulier du directeur, celui du premier assistant ; une salle pour les distillations, bains-marie, étuves, etc. ; une salle pour les dosages d’azote (méthode Kjedall) ; une salle de balances ; une salle pour les analvses organiques ; une salle de collectons. (engrais, matières comestibles, etc.) ; une bibliothèque, une salle 448 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. pour les évaporations d'acide, où se font aussi les préparations de corps odorants ou délétères ; une salle où se trouvent des moulins de différents systèmes, un broyeur mécanique marchant à l’eau, des trieurs, etc. Enfin, dans le sous-sol est installé un moteur à gaz qui acuonne un appareil, imaginé par M. le prof. Märcker, qui réduit les betteraves en une pulpe impalpable. Pour ces essais, on opère toujours sur cinquante betteraves qu'on coupe en deux longitudina- lement; puis, on les réduit en pulpe au moyen de cet appareil excellent dont le prix d'installation, y compris le moteur à gaz, n’a pas dépassé 5,000 fr. On fait toujours deux essais parallèles et, quand la pulpe est sortie du broyeur, on la met sous une presse hydraulique et on laisse égoutter. Le jus ainsi obtenu sert aux recherches analytiques. Les travaux classiques de M. le prof. Märcker sur la culture de Ja betterave et sur l’industrie sucrière sont trop connus pour que j'aie à y insister 161: son nom fait autorité dans toutes les questions qui s’y rapportent. On fait aussi beaucoup d'essais de farine à la station agronomique de Halle ; on opère souvent directement sur la graine de blé, ce qui nécessite une petite installation complète de meunerie et de boulan- gerie. On fabrique ainsi des petits pains avec les différentes espèces de blé et il est étonnant de constater les différences qu'offre le pro- duit obtenu, au point de vue de la qualité et du poids. Les essais de sucre se font dans une salle spéciale, par le polari- mètre et les autres méthodes généralement usitées. Il y à aussi une salle spécialement affectée aux recherches de botanique. Le produit des analyses est très fructueux, de sorte qu'avec le cré- dit accordé M. le prof. Märcker a pu créer une installation modèle. Il dirige d’ailleurs un autre laboratoire à l’école d'agriculture dont nous avons déjà parlé. La station agronomique sert surtout à rensel- gner le public et les industriels de la région : elle ne depend en au- eune façon de l’école d'agriculture. Je dois, en terminant, présenter à M. le prof. Märcker mes plus vifs remerciements pour la réception si cordiale qu'il a bien voulu me faire. LABORATOIRES AGRONOMIQUES DE L'ALLEMAGNE. 449 10. — Visite aux mines de Stassfurt. De Halle-an-der-Saale à Stassfurt, le trajet n’est pas long et j'ai profité de mon séjour dans cette région pour aller visiter ces mines célèbres, dont l’agriculture de tous les pays utilise les produits. Très bien accueilli par le directeur de la mine, j'ai pareouru en détail les superbes galeries de sel gemme, de carnallite, de kiésérite, etc. La couche inférieure de la mine, située à 300 mètres, est de beaucoup la plus intéressante, car elle renferme la carnallite et la kiésérite. Les galeries sont assez vastes pour permettre le charroi de deux wagonnets, bien aérées et d’un abord facile. La carnallite avec ses reflets rosés et orillants est une pierre extrêmement jolie à voir, surtout éclairée à la lumière du magnésium ; l’effet de ces grottes de sel est féerique. Le travail de la mine est des plus simples ; on travaille au piolet et quelquefois à la poudre. L’ouvrier mineur reste dans la mine buit heures par jour et reçoit pour salaire 5 fr. 25 c. en moyenne. Les mines de Stassfurt occupent 800 ouvriers. Cinquante mètres plus haut que la couche inférieure, se trouve la mine de sel gemme en énormes blocs très blancs et fort bien cristal- lisés. Les galeries sont immenses et je ne puis mieux comparer leurs dimensions colossales qu'à celles de ces caves des grandes brasseries de Munich. C’est un véritable palais de sel très pittoresque en cer- tains endroits, et où l’on n'est nullement incommodé, l’aération étant excellente et la température ne dépassant jamais 19° à 20°. Après celte visile des mines, je me suis rendu à une des nom- breuses fabriques où l’on traite les sels pour obtenir du sulfate de soude, du chlorure de potassium, du sulfate de magnésie et du brome. Avec une discrétion professionnelle, on ne m’a montré que la partie sans intérêt de cette fabrication, celle qui concerne le chlorure de potassium : dissolution, cristallisation, dessiccation, lavage et calcination, c’est-à-dire une série d'opérations faites dans des appareils qu’on rencontre dans toutes les usines. ANN. SCIENCE AGRON, — 1886. — 1. 29 450 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. 11. — L'Académie forestière de Tharandt. Tharandt est une petite ville très bien située au fond d’une vallée verdoyante, au milieu des bois, sur la ligne de Dresde à Chemnitz. Tharandt possède une académie forestière installée dans un nouveau bâtiment qui est à peine terminé. M. le prof. Nobbe, qui m'a reçu avec une affabilité des plus gran- des, est à la fois professeur de chimie agricole dans cet établisse- ment et directeur de la station d’essais de semences, dont il est le fondateur. Il s'occupe en outre de recherches du plus haut intérêt sur la physiologie des plantes agricoles et forestières. Je résumerai d’abord les notes que j'ai prises sur la station d'essais de semences. Cette stalion, qui est la première de ce genre installée en Allemagne, comprend d’abord une salle destinée à l'étude de la faculté germinative des graines. Il y a là toute une collection d’ap- pareils plus ou moins compliqués qui ont servi jadis à cette étude : aujourd’hui, Le système suivant, qui est le plus simple, a été défini- tivement adopté. On se sert d’une espèce de cristallisoir rond, en porcelaine, au fond duquel on met d’abord une feuille de papier à filtre, imprégnée d’eau, humide, mais pas mouillée. Sur cette feuille on place trois ou quatre petits paquets de graines (100 à 150 grains) enfermés dans un papier à filtre et également humidifiés au moyen d’une pissette. Le tout est recouvert d’un papier à filtre humide et mis dans une étuve à température constante, régularisée par un thermo-régulateur à mercure. Dans le cristallisoir même, au centre des paquets renfermant les graines, se trouve un tout petit thermo- mètre centigrade à mercure. Deux ou trois fois par jour, suivant les besoins, on arrose un peu les papiers avec la pissette et chaque matin, on développe les paquets de graines, on met celles-ci sur une table bien lisse pour compter le nombre de graines déjà germées et se rendre compte des progrès de la germination. Comme appareils spéciaux, je signalerai : une étuve à eau, munie d’un thermo-régulateur qui maintient la température à 30° CG. envi- ron pour faire les études de germination ; une étuve à stérilisation permettant d'obtenir une température de 150° à 160°C. qui stérilise complètement les graines ; un petit appareil de boulangerie pour LABORATOIRES AGRONOMIQUES DE L’ALLEMAGNE. 451 faire l'essai des farines. La farine chauffée dans un bain d’huile ‘donne un cylindre léger, dont la longueur et à blancheur plus ou moins grandes permettent d'apprécier, sur une même quantité de farine, la valeur de cette dernière et du blé qui l'a produite. Cet appa- reil est le même que celui dont se sert M. le prof. Märcker, à Halle. Une salle est consacrée aux études de micrographie concernant les semences et les farines : impuretés, animalcules, etc. Un petit laboratoire de chimie renferme une curieuse collection de tous les produits qui servent à falsifier les graines : en particulier, une série de minuscules cailloux de toutes couleurs destinés à être mélangés aux semences de trèfle ; il existe en Allemagne (notam- ment à Nuremberg) plusieurs fabriques de ce produit. Il est impos- sible de distinguer à l'œil nu ces cailloux de la semence, quand le mélange est habilement fait. Un vaste sous-sol, qui comprend un autre laboratoire, avec des étuves, une cuve à trempage pour laver les racines des plantes, un magasin de verrerie; une salle de balances et une salle de collections de graines complètent l'installation de cette station fondée en 1868 et qui a su si bien donner l'élan, qu’à l’heure actuelle on compte en Allemagne 55 établissements du même genre. J'arrive maintenant aux recherches personnelles de physiologie végétale entreprises et poursuivies depuis de longues années par M. le prof. Nobbe. La série d'expériences qu'il a imaginée est très pratique. Les plantes sont disposées sur des tables, installées elles- mêmes sur un massif qui peut se mouvoir sur des rails au moyen d’un treuil et laisser ainsi la faculté de sortir toutes les plantes en une seule fois quand on veut faire des essais à l'air libre. L’aération est excellente ; elle se fait par le haut, à travers les vides que laissent les carreaux qui se recouvrent, mais sont disposés à quelques cen- uimètres les uns au-dessus des autres. Toute la serre est vitrée et peinte en bleu clair à l’intérieur. La plupart des essais de culture de Tharandt sont faits dans l’eau distillée pure : la plante croît dans des bocaux de verre de diffé- rentes dimensions et elle est maintenue au moyen d’un couvercle en tôle, divisé en deux parties. Cette disposition permet de retirer à volonté la plante, pour l’examiner entièrement. Cette plante est 4952 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. maintenue à l'endroit où elle traverse le couvercle dans un peu de coton, au moyen d’une pelite plaque en tôle percée d’un trou qui s'applique exactement sur le couvercle. A l'extérieur, le bocal est protégé contre la lumière solaire par une enveloppe cylindrique en carton, également divisée en deux parties (pour plus de commodité) qui s'appliquent hermétiquement l’une sur l’autre. M. le prof. Nobbe a fait une série énorme d’expériences de culture dans des solutions de composition déterminée et il est arrivé à éla- blir une solution normale qui porte son nom. De très curieux tableaux montrent d’une façon frappante l'influence exercée par les différents principes élémentaires sur les plantes venues dans l’eau. On à photographié des plantes venues sans acide phosphorique, sans potasse, avec du chlorure de strontium, dans la solution nor- male, elc., etc., et cette représentation photographique est l’expres- sion de ce fait que c’est dans la solution normale que la plante croît le mieux et dans la solution dépourvue de potasse, le moins bien. D'autres photographies, faites au chromate d’argent, représentent l’accroissement périodique de la feuille d’un arbre : il est curieux de suivre ce développement, toujours moindre naturellement pendant Ja nuit que pendant le jour. Les essais de culture faits dans l’eau distillée pure, sur un grand nombre de plantes, portent aussi sur des végétaux forestiers. Il y a dans cette serre des arbres de deux à quatre mètres, une véritable petite forêt ; quand ils sont devenus trop grands pour rester sur la table de la serre, on les descend dans une espèce de fosse qui se louve au bout de la serre même et dont la profondeur leur permet d'atteindre un développement plus considérable. Toutes ces plantes ainsi en expérience sont suivies de près : on note le nombre des feuilles, l’époque à laquelle elles poussent et la rapidité de leur développement. On fait de même pour les semences. M. le prof. Nobbe m’a montré une très belle récolte de petites pom- mes de pin faite l’année dernière sur un de ses arbres. Puis, quand la culture est finie, on retire la plante de l’eau, on compte le nombre des radicelles, on note leur situation et on mesure leur surface. Et on a soin de prendre toujours une photographie de toute la plante avec ses racines, LABORATOIRES AGRONOMIQUES DE L'ALLEMAGNE. 453 À noter aussi, toute une collection de graines plus ou moins ger- mées qu’on conserve dans l’eau et qui ne s’altérent nullement ; dans cent ans, elles auront encore la faculté de produire une plante. L’académie forestière possède une très belle collection de bois sains et de bois malades, d'insectes et de pièces de démonstration pour les cours. Elle compte 100 à 110 élèves, dont quelques étran- gers (Japonais et Anglais). Elle s’accroit tous les jours, bien qu’elle soit de formation récente. Je remercie bien respectueusement M. le prof. Nobbe de l’inté- ressante matinée qu'il m'a fait passer à Tharandt et je lui en exprime toute ma gratitude. * 12. — L'École supérieure d'agriculture de Berlin. L'École supérieure d'agriculture (Landwirthschaftliche Hochschule) est somptueusement installée et le musée agricole qui en dépend est certainement l’un des plus beaux et l’un des plus riches qui existent. M. le prof. Orth, qui dirige ce magnifique établissement, m'a accueilli avec une amabilité extrême et a bien voulu me faire visiter lui-même ses laboratoires et ses collections. Le laboratoire de M. le prof. Orth, où les élèves sont initiés à tous les procédés de la chimie agricole, a une disposition originale et très pratique, imaginée par le professeur. Toutes les tables de travail sont installées de telle façon que chaque élève a, sans se déranger, à sa disposition tous les appareils nécessaires ; tous ces appareils (bu- rettes, pipettes, étuves, etc.) sont placés au-dessus des tables sur des planchettes ou attachés à des tringles en fer et à la portée immédiate de la main. De cette façon, on évite tout dérangement préjudiciable au travail et on économise une place énorme. Des prises d’eau et de gaz très nombreuses complètent cette organisation tout à fait spéciale au laboratoire de M. le prof. Orth. Il ne m'est pas possible d’entrer ici dans les détails de la descrip- tion de la collection si intéressante, entièrement réunie, classée et mise en ôrdre par M. le directeur Orth. Cette collection, qui est une œuvre de patience et qui témoigne d’un esprit scientifique élevé chez 454 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. son auteur, n'est qu'une des nombreuses divisions du musée agri- cole, Chaque professeur de l’École supérieure de Berlin a lui-même réuni et classé les matériaux qui ont rapport au cours qu'il professe ; de sorte que l’ensemble de ces richesses scientifiques amassées par des hommes compétents, présente le plus haut intérêt. Particulière- ment, la collection de M. le prof. Orth, qui renferme une foule d'échantillons de roches, de sols, d'engrais naturels, de tableaux d'enseignement, de cartes géologiques, de produits de toutes sortes ayant trait à l’agriculture, est digne d'attirer l'attention des savants. Je signalerai aussi une fort belle collection zoologique, botanique, minéralogique, de modèles d'installations agricoles, de machines qui fonctionnent plusieurs fois par semaine sous les veux du public ; si on veut tout voir en détail, un grand nombre de visites sont nécessaires et la place me manque ici pour donner même un résumé de toutes les choses curieuses que j'y ai remarquées. Le laboratoire de chimie est dirigé par M. le prof. Landolt : c’est un des plus importants et des plus vastes d'Allemagne. Au point de vue du matériel et de l'installation générale, il est admirablement organisé, et les nombreux élèves qui viennent apprendre la chimie sous la direction de ce savant maître, ont à leur disposition tous les moyens de travail les plus perfectionnés. L’amphithéâtre où M. le prof. Landolt fait ses cours est une très belle salle, dans laquelle on peut faire l'obscurité absolue en moins d’une minute, au moyen d’un système mécanique fort ingénieux. Presque toutes les expériences sont projetées par une lanterne puis- sante sur un écran, de sorte que les élèves placés sur les derniers gradins de l’amphithéâtre peuvent se rendre compte des réactions chimiques, tout aussi bien que ceux placés au premier rang. Je dois, en terminant, adresser mes remerciements respectueux à M. le directeur Orth et aux différents professeurs de la Hochschule qui m'ont reçu de la façon la plus gracieuse. Janvier 1887. END POFIT A LA COMMISSION ADMINISTRATIVE STATION ET LABORATOIRES AGRICOLES DE L'ÉTAT BELGE Monsieur le Président, J'ai l'honneur de vous adresser le rapport sur les travaux de la station agricole expérimentale de Gembloux pendant l’année 1885. Pendant l'exercice écoulé, 1l s’est produit dans l'existence des station.et laboratoires agricoles un fait important, que je me plais à signaler tout d’abord. Le Gouvernement, comprenant la nécessité primordiale qu'il y a pour l’agriculture de posséder des établissements convenablement montés, auxquels elle puisse s'adresser en confiance pour l’analyse de ses matières fertilisantes et de ses produits, a ouvert dans le cou- rant de 4889, avec le concours des provinces d'Anvers, de Hainaut et de Brabant, trois nouveaux laboratoires, à Anvers, à Mons et à Louvain. Gette excellente mesure porte à sept le nombre des labo- ratoires agricoles de l'État, formant une seule et même institution. Celui de Gembloux, qui débutait en 1872 par quelques douzaines d'analyses seulement, point de départ du mouvement important qui se concentre maintenant dans ces établissements, souhaite la bien- venue aux trois nouveaux laboratoires. Combattre l'ignorance et l'indolence pour pousser les retardataires dans la voie du progrès, fournir à ceux qui s’y sont engagés le moyen de se garantir contre la fraude dans l’achat des matières fertilisantes, des matières alimen- taires et des semences, répendre partout et pour tous les produits 456 ANNALES DE LA SCIEN(E AGRONOMIQUE. qui s’y prêtent l’équitable mesure de l'achat et de la vente sur titre, assurer à l'hygiène la consommation d’aliments d’une qualité nor- male, voilà le programme que les nouveaux établissements ont à remplir, de commun accord avec leurs aînés. En premier lieu, j'ai à rendre compte à la Commission de la mar- che du laboratoire agricole annexé à la station expérimentale de Gembloux ; ensuite, à signaler nos recherches et essais du domaine de la chimie agricole. Le laboratoire agricole a reçu en tout 2,057 échantillons. 55 sont restés en souffrance et n'ont pu être analysés, à cause du manque de soins dans leur prélèvement, dans leur emballage ou dans leur expédition ; 61 échantillons d'engrais avant droit au contrôle gra- tuit ont été réexpédiés aux autres laboratoires agricoles, la vérifi- cation des marchandises provenant de fabriques contrôlées devant se faire par le laboratoire de la province où habite lacheteur. Il reste donc 1,941 échantillons analysés en 1885. C’est une diminu- tion de 300 échantillons comparativement à l'exercice précédent ; elle s'explique par la création des nouveaux laboratoires auxquels nous avons cédé une partie de notre clientèle. La diminution n’a, d’ailleurs, porté que sur la betterave à sucre ; le nombre des échan- üllons de matières fertilisanteset alimentaires a sensiblement monté. Elle ne sera, du reste, que passagère , car, au moment où nous écrivons ce rapport, nous prévoyons que, en 1886, l’ancien chiffre sera au moins atteint, sinon dépassé. | La moitié de tous les envois provient de la province de Namur ; le reste, de toutes les parties du pays, particulièrement du Hainaut, de la province d'Anvers et de la Flandre occidentale. | 29 échantillons, dont la plupart constituent des analyses d’arbi- trage, nous ont été envoyés de l'étranger, savoir : ATÉMAUNE RNA ENT 4 Autriche . 1 Congo . 3 France. SRE ) Grand-duché de Luxembourg . il Hollande . 13 Italie 9 12 co RAPPORT DES STATION ET LABORATOIRES DE L'ÉTAT BELGE. 457 Le relevé détaillé suivant renseigne sur la nature des produits examinés : Matières ferlilisantes. Chan u AnenlnEUtdiSSOnS) ME 2. :.... . . : Lu Lie 6 TER DOS SO De. ed Un es à » 12 le Î HIER EDIT OUEDE RE Ce ne ne DOM. Li Lt. Mme il ROUTIRCRTORS ADO RE ME EE En ni Te d —. (6 UT à 8 SMS ERA OO ET RE 21) — de cornes { RS PAMIATIUB EUR 2 los 2 Î — d'os. ss 5) — d'os et de viande. Il Déchets de laine. 141 — de poils de lapin { — decrin. il — de coton. 1 — de drap. l Poussière de soie l Cendres de bois . Î Sulfate d'ammoniaque. 61 Eau ammoniacale. . 4 Nitrate de potasse . 3 Nitrate de soude. 166 Chlorure de potassium . . . . . 62 Sulfate de potasse et de magnésie. 2 Kaïnite. . 1 Sels d'osmose, 2 Noir animal, . 3 Phosphate belge . 11f — étranger. . : 7 — basique de scories. o CR PÉDDEUS DIN RUES CRUE Eh ee De Me RD MU hu EURE PT LENS RZ BHOSDNATERDIÉCIDLE ANNEE Ar OPEN RER NL TE PAC ENTER TE 8 DURE OS DUAERAZ 0 EN EE A na En M à vi Ut did cute à 63 Superphosphate potassique. o DATE MO És neme le bu RM NES ER SR ESS ESS RE D Suie de cheminée 2 PATENT 2 l'lâtre phosphaté. . RL ve Aa 4 CHATEAU 0 CORRE AT 4 Chaux d'épuration du gaz . 1 Tourteau pour engrais. . 1 Écumes de défécation. 6 Germes d'orge pour engrais . l Résidus de savonnerie. . I 458 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Pouestdefavoirtle laines LS" AN ENS CORTE EMEMEMA PRET PREMIER 9 Grottins de'mouton. sut SEUL. He CUVE CANNES VÉNENAN EME 4 Poussièrede-froment/deésAntdes 0. + 2 ee co RE IP CIC TRE Î Eau ayant servi au mouillage des grains (malterie) . . . . . . . . . . . . Î Terres. SOLS 6 C2 Ce MM MO en ES MR US Re SE RE: SRE 15 Sable 3 Argile . 1 Marne . ! ne 3 Matières alimentaires pour le bétail. Tourteau de cocotier . À 10 Farine de cocotier . : o Tourteau de lin . 728) Farine de lin. 2 Tourteau d'arachides . 17 — de colza 12 — de coton. Î Cocotine . La Î Drêche de brasserie x. 1 Yinasse de distillerie . 1 Betterave fourragère ! Î Rutabaga . : : Î Anthyl'is vulneraria. Î Foin. 2 Son, RACE 5 2 Pulpes de betteraves . 4 : D Produits agricoles, industriels, élémentaires, elc. BOLIe AVES ANSUCTE.. À RER TUE AU NE er rEs DERRCRES. CORREREERRS A0! Eau. 8 Vin. 4 Lait. Î Caleaire . ssate o Mat. | 2 Écorces de chêne 9 EX RAIE AACOAMIOGNICR LR RE de st CRU NC RES PEL Ve Î Hanine MEME: 2 ; ? Graines diverses . RE k RS. : 19 ÉCHANTITONS TINELS AL ME URL EP 2 SLR PET, ce TOP 19 RAPPORT DES STATION ET LABORATOIRES DE L'ÉTAT BELGE. 4b9 Le travail analytique exigé par l'examen des produits précités résulte du tableau suivant : Dosage de l'azote, sous ses différentes formes. . . . TE TL 681 — de l'acide phosphorique, sous ses différentes ne PR ERNEST 948 =—Hderlapotasses 21: :.£ 5. NE IQ A UROIE L'ANPE es (es SC — dela matière M M OS NE DE MONT TP Te 87 = — DRASS PR Cole eee 21: ES Le S4 CU SCO RS UD EN) UT Er EMEA S RO CIC OO EUR MER EEE A er CIM MIA ENT 4 DOS GPST VERS RER PR Re Mn le en A4 Me 291 RES de STE ON EL ER NET OR 44 A TA CLIS PEN RS tt no ee à 0 IS ROCHER DICIOSCODE D AMEN RAMRENNNCEN AT MA ALAOLS 1L EU 49 3,113 Voici d'abord pour les matières fertihsantes les titres moyens, avec les minima el maxima, quirésultent des dosages exécutés. Ces calculs, nous l'avons déjà dit, exigent beaucoup de temps, mais ils fournissent sur l’état de l'industrie et du commerce des matières fertilisantes artificielles des renseignements d’un haut intérêt, sur- tout si on les examine comparativement aux calculs faits et indiqués dans les rapports des années précédentes: MINIMA. MAXIMA. MOYENNES. PA0C0 M MEMOO CP 100 Déchefs'delaine 1. . . 2.10 7:25 3.87 d'azote organique. Sansidesséchér let ee 9.80 12.36 11209 _ Poudre delcuirn-.-...2. 7. 6.84 9.16 71.67 — — Sulfate d'’ammoniaque. . . . . 15.30 20.94 20.05 — ammoniacal. Nifrate de souder: 1. 117 5:55 16.26 15.54 — nitrique. Chlorure de potassium. . . . . 41.91 58.67 53.40 de potasse anhydre soluble dans l’eau. Phosphate fossile étranger . . 28.66 33.61 31.11 d'acide phosphorique anhydre soluble dans les acides minéraux. = NRBCICE SU IS 4 28.95 25.01 d'acide phosphorique anhydre soluble ‘dans les acides minéraux. Superphosphate de noir. . . . 5.18 18.02 14.85 d'acide phosphorique anhydre soluble dans le citrate d'ammoniaquealcalin. — de phosphorite 7.23 13.18 12.99 d’acide phosphorique anhydre soluble dans le citrate d'ammoniaque alcalin. — RICHE CIE - 8 Le 40.12 43.90 42.47 d'acide phosphorique anhydre soluble dans le citrate d'ammoniaque alcalin. 3.52 7.42 5.68 d'azote organique + ammoniacal (tra- | ces d'azote nitrique . CUADONREIER SR CR ir - { 10.80 20.03 17.86 d'acide phosphorique anhydre soluble | dans l'acide chlorhydrique. \ 2.15 4.88 3.10 de potasse anhydre so'uble dans l’eau. Le contrôle des engrais, assurant à celui qui achète aux fabriques 460 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. qui se sont placées sous le contrôle des laboratoires agricoles de l'État la vérification gratuite des marchandises achetées, étend de plus en plus ses bienfaits. 645 analyses de cette nature, contre 577 faites en 1884, ont été exécutées en 1885. C’est un résultat très favo- rable, surtout si l’on considère que, depuis l’ouverture des labora- toires de Mons et de Louvain, les analyses de ce genre proviennent exclusivement de la province de Namur. En répandant jusque dans les hameaux les plus éloignés la con- naissance de l’organisation de ce contrôle, par la voie de la presse, par les conférences et l'affichage spécial, conformément à lavis émis par la commission des engrais instituée par M. le Ministre de l’agriculture, lon garantira la sincérité des transactions du com- merce des engrais bien mieux que par toute loi spéciale, préventive ou répressive. De nouvelles fabriques se sont d’ailleurs placées sous le contrôle en 1885 ; leur nombre s’élève maintenant à 98. Une douzaine de différences de titre ont été constatées, presque toutes dans les engrais mixtes. Elles ont donné lieu à une indemnité conformément au règlement. Plusieurs cas se rapportaient à des pertes d’ammoniaque produites par l'introduction de scories basi- ques dans les engrais complets, funeste habitude que nous avons déjà combattue dans notre rapport précédent, Deux autres cas méritent encore d’être signalés, I s’agit d’un manque en azote nitrique résultant de la décompo- sition du nitrate de soude commencée déjà dans la masse de l’engrais même et se continuant dans léchantillon, sous l’inflaence de lacide sulfurique libre adhérant au sulfate d’ammoniaque. L’acide nitrique mis en liberté et en contact avec des matières organiques ou des combinaisons de fer au minimum d’oxydation, s’est réduit. L'odeur caractéristique de l'acide nitreux apparaissait abondamment et le bouchon qui fermait l'échantillon était fortement attaqué. Cette réaction, qui peut également se produire sous l'influence de l'acide sulfurique libre adhérant quelquefois au superphosphate, ne doit pas être perdue de vue par les industriels ; elle peut les exposer à des pertes sensibles en azote. Il n’y a rien à craindre sous ce rapport de l'acide phosphorique libre des superphosphates ; nous nous en sommes d’ailleurs assuré. L'acide phosphorique ne déplace RAPPORT DES STATION ET LABORATOIRES DE L'ÉTAT BELGE. 461 l'acide nitrique du mitrate mi à froid, ni à la température du bain- marie. Nous n’avons rien à changer à l'appréciation que nous avons don- née dans notre rapport précédent sur la situation générale de lem- ploi des matières fertilisantes. Les faits qui y sont signalés se sont encore accentués. L'application des engrais complémentaires s'étend dans les coins les plus arriérés du pays. On les applique de plus en plus à la production des fourrages, la forte baisse du prix des nitra- tes et des superphosphates rendant cet emploi possible. Depuis la diminution de l'importation du guano, le prix du nitrate étant devenu en quelque sorte le régulateur de celui des autres en- grais azotés, le sulfate d’ammoniaque et les engrais organiques azolés n’ont pu résister à cette baisse. Seuls, les engrais potassiques ne changent pas de prix. Leur production étant locale et pouvant à volonté être réduite ou augmentée suivant la demande, le syndicat des fabricants de sels de potasse de Stasslurt est à peu près maitre du prix de cette matière. Une autre cause arrête l'extension de lem- ploi agricole des sels de potasse. Ce même syndicat ayant élevé la prétention de vendre exclusivement en se basant sur l'analyse de ses chimistes, les marchands d'engrais, de leur côté, devant accepter celle des laboratoires agricoles de leur pays, il en résulte de nom- breux conflits. De plus, cette situation rend très difficile au cultivateur belge l'achat direct aux mines de production ; on est allé jusqu’à lui pro- poser, d’après des lettres que nous avons eues en main, l’échantil- lonnage au départ ! Il est indispensable qu’une entente se fasse entre tous les consommateurs belges de sels de potasse pour tenir tête à la prétention inacceptable du syndicat de Stassfurt. Nous devions parler ici de cette situation, car elle entrave l'extension de l'emploi des sels de potasse, dont l'application rationnelle peut procurer à l’agriculture de si grands bénéfices. Il est vrai que leur importation augmente tous les ans; elle a monté à 4,045 ,000 kilogrammes en 1885, dont un peu plus de la moitié a été consommée par l'agricul- ture. Mais, qu'est-ce, au fond, qu’une fumure de 2,500,000 kilo- grammes pour 355,140 hectares de prairie et 181,793 hectares de trèfle et luzerne, pour ne parler que de ces cultures ! D'autre part, 462 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. les remarquables effets que nous avons obtenus! par l’emploi du chlorure de potassium sur céréales en sol sablonneux, réservent à cette matière fertilisante un grand avenir dans la culture de nos ter- res légères du Limbourg, de la province d'Anvers et d’une partie des Flandres. Répandus avant les semailles, à la dose de 50 à 100 ki- logrammes de polasse par hectare, en même temps que 900 kilo- grammes de bon guano pour les céréales d'hiver ou 400 à 500 kilo- grammes de superphosphate et 250 kilogrammes de nitrate de soude pour celles du printemps, les-sels de potasse produiront certainement les meilleurs effets. Deux falsifications grossières de nitrate de soude par l’introduc- tion du sel de cuisine jusqu'à 25 p. 100 ont été constatées par nous en 1889. Les deux échantillons proviennent des Flandres. Dans notre rapport sur les travaux de 1883 (p. 8) et de 1854, nous avions signalé à lattention de l’agriculture une nouvelle source d'acide phosphorique fournissant cet élément fertilisant à un prix excessivement bas. Nous voulons parler des scories, rés'du de la fabrication de l'acier par le procédé Thomas Gilchrist. Sans pos- séder alors des résultats d'expériences de culture, nous avions donné en nous basant sur nos analyses, une appréciation sur les effets que ce déchet industriel est appelé à exercer sur trèfle, luzerne, céréales d'hiver, prairies humides et acides, et sur les défrichements des bruyères, des landes, des terrains tourbeux, etc., etc. Les expérien- ces de MM. Fleicher et Wagner particulièrement, des essais faits en Angleterre et en Belgique, ont pleinement confirmé l'avis que nous avions émis. Mais, comme il arrive malheureusement si souvent en agriculture, on a trop vite généralisé. Tandis que nous avions par- faitement déterminé les cas spéciaux auxquels on devait borner l’em- ploi des scories, en attendant les résultats des recherches en cours d'exécution dans différentes stations agricoles, on a pensé pouvoir, d’une manière générale, remplacer les superphosphates par les sco- ries, même dans la culture des céréales de printemps, du lin et de la betterave. Les désillusions n’ont pas manqué de se produire. Nous croyons, par conséquent, devoir conseiller au cullivateur la plus 1. Recherches de chimie et de physiologie appliquées à l'agricullure, ?® édition. RAPPORT DES STATION ET LABORATOIRES DE L'ÉTAT BELGE. 463 grande prudence à cet égard et lui recommander de faire lui-même des essais sur de petites parcelles avant de s’exposer, par l'abandon complet des superphosphates, à des échecs éventuels. Qu'il n'oublie pas que l’utilisation des scories, à laquelle l’agriculture réserve in- contestablement un grand avenir, est seulement une question à l'étude ; à l'heure qu'il est, on ne sait même pas si les effets favo- rables obtenus par la scorie sont dus réellement à la présence de phosphales ou s'ils ne doivent pas être altribués, au moins en partie, à la forte dose de chaux vive qu’elle contient. Un fait est cependant désormais acquis, c'est la supériorité des scories sur les phosphates minéraux bruts : de nombreux essais le démontrent. C’est une nou- velle preuve que le citrate d’ammoniaque est un réactif qui permet de se faire une idée assez exacte de lassimilabilité d’un engrais phosphaté : on sait, en effet, que les phosphates minéraux ne sont pas attaqués par le citrate, tandis que les scories cèdent à ce réactif 3 à 6 p. 100 d'acide phosphorique, et même plus, comme l’a observé M. Crispo, lorsqu'on sature par du carbonate d’ammoniaque les bases libres contenues dans les scories. La diminution de lachat par le cultivateur des engrais complets à formules a toujours été considérée par nous comme le véritable baromètre de la diffusion des sciences agronomiques dans les cam- pagnes. Depuis lexistence de la station agricole de Gembloux, nous touchons tous les ans ce point dans le compte rendu annuel de nos travaux. Sous ce rapport, le baromètre du progrès monte lentement mais sûrement ; l'exercice 1889 le démontre de nouveau : NOMBRE TOTAL ENGRAIS ANNÉES: des matières fertilisantes composés P. 10). analysées. à formule. NEO TRE T OP PITRE 402 y 23 MONA TER EPS Lier, 692 123 15 ROSE en 07e 834 122 15 SN Locale TER EURE 965 110 APRS SSL PEN EE Re el 136 O9 RES PA DRE 1,360 104 TT Dans le rapport présenté par nous au nom de la Commission des engrais au Conseil supérieur d'agriculture réunit en 1885, nous avons indiqué comme un des moyens les plus sûrs pour favoriser 464 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. l'extension de l’emploi des matières fertilisantes du commerce, la constitution de syndicats agricoles pour l'achat en commun des ma- tüières premières de la culture. Plusieurs syndicats se sont constitués depuis et ont eu un début très favorable. Is ont, cependant, un écueil dangereux à éviter. La grande pression que les fortes com- mandes faites par les syndicats exercent sur le prix des engrais, des tourleaux et des semences, a naturellement pour conséquence que les adjudicataires essayent de se rattraper sur la qualité des fournitures à faire. La plus grande vigilance doit être recommandée à cet égayd aux syndicats. Une rédaction très claire et très précise des contrats d'achat et des analyses fréquentes sont indispensables, Abandonnons les matières fertilisantes pour nous occuper des autres produits examinés. L'analyse des tourteaux a fourni les résul- {als suivants : MINIMA. MAXIMA. MOYENXNES. Matières grasses . . 0.24 STie) TRAOÛ Arachides. . tire albuminoïdes . . . . 42.40 47.99 44.63 ( Matières minérales (cendres) . 3.82 toile) 6.03 Matières grasses Ce 6.33 15.14 10.02 lines 2eNatiènes AIDUMINOITES SE 0 36,76 28.31 ( Matières minérales (cendres) . 5.46 23.31 9.05 { Matières grasses . . . . … . lotie 13.16 10.09 Colzatte re | Matières albuminoïdes . . . . 27.09 32.30 30.10 Matières minérales (cendres) . 6.64 12.82 8.22 AE ÉTASSESR ERP SERIES 5.66 1507 10.07 Cocotier . Matières albuminoïdes . . . . 15.87 26.76 19.58 (Matières minérales (cendres) . o.96 9.85 7.14 Nous avons donné dans notre rapport précédent des renseigne- ments détaillés sur la composition et la pureté des tourteaux con- sommés par l’agriculture belge. En mettant en parallèle les chiffres constatés en 1889 et ceux de ce travail et de nos publications anté- rieures ! sur celle question, on remarque que nous n'avons pas été pessimiste en dépeignant sous des couleurs sombres la situation dé- plorable du commerce des tourteaux. Malgré les mesures prises par les laboratoires agricoles, aucune amélioration n’est encore à signaler. Nous sommes trop habitués à 1. Recherches de chimie el physiologie appliquées à l'agriculture, 2° édition , p. 518. RAPPORT DES STATION ET LABORATOIRES DE L'ÉTAT BELGE. 465 la lutte contre la falsification pour que nous nous sentions découra- gés par cet échec. Les chimistes qui se vouent à la défense des intérêts de l’agriculture redoubleront d'énergie et de zèle. Que les cultivateurs, de leur côté, s’abstiennent d’acheter aux producteurs qui refusent de vendre avec garantie de pureté et de titre en prin- cipes nutritifs, et bientôt une amélioration sensible se fera senur, au grand profit des animaux de la ferme. Parmi les échantillons de graines examinés, nous avons rencontré un lot de semences de trèfle renfermant 200 graines de cuscute par kilogramme. La question du danger qui résulte de la présence des graines de ce parasite a été très souvent déjà traitée par nous. Les analyses de betteraves à sucre ont fourni les résultats suivants : MMM ENT EN 7.59 p. 100 de sucre dans la betterave. MAUR 70 = — MOYEnDe re Ni - Qué: 27 — _ C’est une supériorité sensible sur 1884, qui n'avait donné que 10.87. Nous avons encore à signaler, parmi les travaux exécutés en 1885, quelques cas spéciaux qui se rapportent à des envois offrant un cer- tain intérêt. Une drèche de brasserie employée à la dose de 25 kilogrammes par jour et par tête de bétail, était suspectée d’avoir produit le fort dérangement dont les vaches alimentées par cette drèche furent atteintes. L'analyse nous a fait constater 4#,88 d’acide acétique par kilogramme, soit 122 grammes par ration journalière : quan- tité plus que suffisante pour produire de fortes inflammations de l'appareil digestif, diarrhée et perte de lait, C’est un cas analogue à celui que nous avions signalé dans notre rapport de 1883 concer- nant une pulpe de diffusion. On nous a également envoyé plusieurs lots de plantes malades. Parmi les cas offrant un intérêt particulier, nous citerons un lot de betteraves à sucre prétendument attaquées par des vapeurs d’acide chlorhydrique s’échappant de la cheminée d’un établissement indus- triel. Il est résulté de notre étude qu'il ne s’agit nullement d’une attaque par un acide. Les betteraves étaient atteintes d’une maladie connue depuis de longues années sous le nom de «pourriture » ou ANN. SCIENCE AGRON. — 1886. — 1. 30 466 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. « noir du cœur » et que nous avons presque tous les ans l’occasion de constater dans les environs de Gembloux. Elle est produite par un champignon (Sporidesmium putrefaciens, Kühn). Le mycélium végète particulièrement sur et dans l’intérieur des feuilles du cœur, ce qui occasionne leur pourriture. Il atteint quelquefois aussi les grandes feuilles du bord, du collet et pénètre dans le tissu cellulaire du collet même. La maladie prend rarement des proportions inquié- tantes ; toutefois, on peut la combattre en ne répétant la culture de la betterave dans les terrains atteints que la troisième année et en enlevant du champ les collets pour les composter avec de la chaux vive et de la terre. Nous avons encore reçu, des environs de Gembloux, un échantil- lon de froment fortement ravagé par la larve d’une mouchette (Cecidomya aurantiaca), caractérisée par 14 anneaux et par sa cou- leur rouge-orange. Un grand nombre de ces insectes tombant sur le sol au moment de la récolte, on recommande de brûler les chaumes pour combattre cet ennemi de nos céréales. Pour montrer la diversité de nos travaux, je vous signale encore, Monsieur le Président, que nous avons constaté un cas d’empoison- nement de poules par l’arsenic, et que nous avous eu à analyser les viscères d’un chien de chasse supposé empoisonné. Nous n'avons pu constater la présence ni de phosphore, ni d’arsenie, ni de cyanure de potassium, ni d’alcaloïdes, donc absence de strycbhnime souvent employée à l’empoisonnement des animaux. Les analyses de matières alimentaires pour l’homme n’ont donné lieu à aucune observation. Un échantillon de beurre, offert cette fois-ci loyalem ent sous le nom de «beurre artificiel », nous a donné 95.1 p. 100 d’ acides gras insolubles en appliquant la méthode connue de Hehner. N ous avons, à cette occasion et à titre de comparaison, analysé un certa in nombre d'échantillons de beurre d’hiver pur provenant de la ferme de lIns- titut agricole de l'État. La matière grasse de ce beurre donnait en acides gras jinsolubles: DT MIA PA PUR CR TER 84,6: Maximamis este SEEN. nEMEAU PETER MEN P ER 87.3 MOovenneuss 7202 VAR, ALU RCE ENS AT S5.8- RAPPORT DES STATION ET LABORATOIRES DE L'ÉTAT BELGE. 467 Deux échantillons de beurre pur d'autre provenance nous ont. fourni 88.1 et 87.7 p. 100. Nous insistons tous les ans sur les services rendus par la station et par les laboratoires agricoles au moyen des consultations gratuites qu'ils donnent Sur toutes les questions du domaine de la chimie agricole. Ces consultations constituent non seulement un excellent moyen de diffusion de la science agronomique, mais elles rendent aussi à la culture des services directs et immédiats, parce qu’elles donnent une réponse à des questions spéciales, de la compétence de ces établissements, À cet égard, nous ne saurions trop recommander à nos correspondants de poser toujours les questions d’une manière claire et nette et de nous fournir des renseignements complets. Ce n’est que dans ces cas que les réponses peuvent être précises et pré- senter une utilité réelle. Consultations données en 1885. VERBALES ÉCRITES Choix et emploi des engrais artificiels . . . . . . . 17 31 Valeur de diverses matières comme engrais . . . . . 2 21 Ghoïxtebtemplui des fourrAges MA TUE AIR CNE 5) 17 fulurerebventerde tañbetterave M NN NE 10 3 URSS CIRE RO 2 10 NUUSINICSRASTICOIES RES RE RP EN TRE 11 13 LAB PL: RE 04 Te 240 QE APN TEE FIRST SES OSS PNR E SR NT 33 57 134 LOT RENTE 191 Le nombre des consultations données en 1882, 1883 et 1884 ayant été respectivement de 86, de 104 et de 169, on voit qu'il y a aug- mentation de ce service. Nous avons encore, Monsieur le Président, à vous rendre compte de la partie expérimentale de nos travaux, tout en nous bornant ici à leur simple énumération, le Bulletin de la Station agricole expéri- mentale de Gembloux étant l'organe désigné pour la publication de nos recherches. Le Bulletin n° 32 (janvier 1885) contient le compte rendu de nos expériences pour combattre la maladie de la pomme de terre d’après la méthode Jensen. Commencés en 1883 sur quatre, continués en 468 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. 1884 sur six variétés, ces essais nous ont conduits aux conclusions suivantes : I. Le buttage protecteur de M. Jensen constitue un moyen de cul- ture très efficace pour réduire l'effet nuisible de la maladie de la pomme de terre produite par le Peronospora infestans. IL. Sur dix expériences comparatives entreprises à la station agri- cole de Gembloux, huit ont été absolument favorables à la méthode préconisée et deux seulement ont donné un résultat contraire. Il. Le buttage protecteur amène une diminution sensible du ren- dement total (tubercules sains et malades réunis), en entravant la croissance d’un certain nombre de tubercules par suite de la dessic- cation du sol produite par l’inclinaison des fanes et par la forte pente du talus. Cette réduction du poids de la récolte n’est pas compensée par la diminution du nombre des tubercules malades. IV. La magnum bonum est une variété de pommes de terre à haut rendement, très résistante à la maladie, mais pauvre en fécule. L’agronome danois, auteur de cette méthode, nous ayant prié de poursuivre nos recherches en appliquant le buttage protecteur plus tôt que nous l’avions fait en 1883 et en 1884, à une époque con- forme cependant aux indications de la première publication de M. Jensen, nous nous sommes décidés à consacrer encore deux an- nées à l’étude de cette question, qui présente un si grand intérêt. Le Bulletin n° 32 contient aussi la suite de nos recherches ana- lytiques sur la composition des enveloppes de diverses graines. Gette troisième note traite des cosses de féveroles. | Le Bulletin n° 33 (mars 1885) donne la description dans tous ses détails du dosage de l'acide phosphorique dit assimilable, méthode que nous avions déjà publiée en 1879, mais dont une réimpression était devenue nécessaire, par suite de quelques modifications adop- tées et de l'adhésion donnée à cette marche analytique par plusieurs stations et laboratoires agricoles de l'étranger. Nous avons aussi terminé en 1885 notre étude sur la valeur rela- tive, comme aliment végélal, de l'azote dans les nombreux déchets organiques azotés: le sang, le cuir, la laine brute et la laine dissoute ayant été essayés les années précédentes, nous nous sommes OCCupés RAPPORT DES STATION ET LABORATOIRES DE L'ÉTAT BELGE. 469 pendant trois années de la poudre d’os. Les résultats de nos essais seront publiés mcessamment. Depuis que l'achat sur analyse de la betterave à sucre a pris un si grand développement, le cultivateur belge fait des efforts pour l'amélioration de la betterave par la culture de variétés dites «riches ». La richesse de la betterave dépend en premier lieu de la variété ; l'influence de l’hérédité prime toutes les autres. La connais- sance de ces variétés est donc d’un intérêt primordial. Afin de gui- der le cultivateur dans le choix de ces variétés, dont le nombre aug- mente tous les Jours, nous avons jugé utile de soumettre de nouveau les principaux types à une culture comparative, comme nous l’avions déjà fait en 1874 avec les variétés les plus estimées à cette époque. Le compte rendu de ces essais est sous presse. Parmi les travaux en cours d'exécution, je vous signale particu- lièrement: 1° Des essais sur l’action des engrais polassiques dans la culture de la betterave à sucre en sol sablo-argileux ; 2° L'amélioration de la méthode actuellement employée pour l'analyse de la betterave ; 3 La recherche du titre moyen en nicotine du tabac belge ; 4 La détermination de la composition du topinambour ; 9° Des essais sur la valeur agricole des scories phosphatées. M. Warsage, préparateur en chef, avant été appelé, au commence- ment de 1879, à la direction du laboratoire de Mons, a été remplacé par M. Masson. M. Lardinois, ingénieur agricole, est entré en octo- bre comme quatrième préparateur. 3 Je remercie MM. Masson, Graftiau et de Marneffe du concours qu'ils ont continué à me prêter dans l'exécution des travaux dont je viens de vous rendre compte, travaux qui, je l’espère, vous convain- cront, Monsieur le Président, que, dans l'exercice qui vient de se clore, lastation agricole de Gembloux n’a pas manqué sa mission. Gembloux, le 30 janvier 1886. Le Directeur de la station agricole expérimentale de l'État, A. PETERMANN. BIBLIOGRAPHIE Moniteur scientifique du Dr Quesneville. TOME XXVII (1885). Robert WaRiNGToN. Sur la nitrification, p. 115-140. F. SALOMON. Sur l’amidon et les transformations qu'il subit sous l’influence des acides inorganiques ou organiques, p. 157-173. H. Lepcay. Sur la présence et sur les quantités de nitrate de potasse et de chlorure de potassium contenues dans la betterave à sucre, p. 330-332. À. QuANTIN. Analyse des superphosphates, p. 335. H. Jouzie. Méthode citro-uranique pour le dosage de l'acide phosphorique dans les phosphates et les engrais, p. 563-605. 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D: J. von Schrôder. — Étude sur la méthode de Linea E. Henry. — Répartition du tannin dans les diverses régions du bois de chêne. D' M. Fleischer. E. scories à hou e feu F7 ee applications agricoles. ES : è Importance de la production des scories pts de dénhtsphotaton en Allemagne. RAT A. Petermann. — RES sur 2 At Hu de Pan azotés des industries. — Richesse en nicotine du bee Poe 4 H. Grandeau. — Notes sur les laboratoires agronomiques % P'AL- IEEE "hu ENT SR ne fu die TS | A. Petermann. — Rapport adressé à fi Re ln des station et laboratoires agricoles de l’État belge. . J. Risler. — Bibliographie . Nancy impr. Berger-Levrauit et Cie. Pages. 1 282 298 398 372 401 404 428 431 455 470 _. FA L 3 5185 00258 63 | | , . k PQ = REA DC BEN 4 = FT \ nu" "x tr . Eee FRERE