Annaies DES SUENCES NATURELLES. Zoorocie Er PALEONTOLO GIE. ., G ser. 11-18 F | ANNALES SCIENCES NATURELLES ZOOLOGIE PALEONTOLOGIE À #02, KE COMPRENANT Pr 2 6e A { ff L’ANATOMIE, LA PHYSIOLOGIE, LA CLASSIFICATIONS, / 16 ET L'HISTOIRE NATURELLE DES ANIMAUX “@vxet PUBLIÉES SOUS LA DIRECTION LE MM. H. er ALPH. MILNE EDWARDS TOME XZ | PARIS G. MASSON, ÉDITEUR LIBRAIRE DE L'ACADÉMIE LE MÉDECINE DE PARIS Boulevard Saint-Germain ot rue de l’Éperon EN FACE DE L'ÉCOLE DE MÉDECINE na MR ANNALES SCIENCES NATURELLES SIXIÈME SÉRIE ZOOLOGIE ANNALES DES SCIENCES NATURELLES ZOOLOGIE PALÉONTOLOGIE L’ANATOMIE, LA PHYSIOLOGIE, LA CLASSIFICATION ET L’HISTOIRE NATURELLE DES ANIMAUX PUBLIÉES SOUS LA DIRECTION DE MM. H. er ALPH. MILNE EDWARDS TOME Xl. PARIS G. MASSON, ÉDITEUR LIBRAIRE DE L’ACADÉMIE DE MÉDECINE Boulevard Saint-Germain et rue de l’Éperou En face l'Ecole de médecine. 1881 ie BA ANNALES DES SCIENCES NATURELLES ZOOLOGIE ETUDE SUR L'ETAT PARFAIT DU PROSOPISTOMA PUNCTIFRONS Par M. Albert VAYSSIÈRE Le curieux Arthropode qui fait l’objet de ce petit travail a été, jusque dans ces dernières années, laissé dans la classe des Crustacés, bien que ses caractères principaux eussent dû le faire rentrer dans celle des insectes. C’est même à cette incer- titude sur sa position systématique qu'il doit une partie de l'intérêt qu'il a provoqué. L’extrème rareté de cet animal n’a pas toujours permis aux naturalistes ayant le citer de vérifier les assertions de leurs devanciers. ; Cet insecte a été observé et représenté pour la première fois en 4800 par Geoffroy, sous la dénomination de Binocle à queue en plumet, puis par Latreille, qui le désigna sous le nom de Binocle permigère et enfin par Duméril, qui lui donna la déno- mination de Prosopistoma, après lavoir appelé tout d’abord Bimocle pisciforme. Un peu plus tard, le savant doyen de la Sorbonne, M. H. Milne Edwards, à la fin de son Histoire des Crustacés, en par- lait en émettant des doutes sur la position systématique que Latreille lui avait assigné. ANN. SC. NAT., ZOOL., JANVIER 1881. XI 1 > ART NO: 9 A. VAYSSIÈRE. Ce n’est qu’en 1869 que mon ami et collaborateur le doc- teur Em. Joly, venant de découvrir leur habitat dans la Ga ronne, put constater et établir d’une manière indiscutable les véritables affinités zoologiques du Prosopistoma. L'existence de trachées chez cet animal en faisait un insecte offrant de nombreuses analogies avec les larves des Orthoptères amphi- biotiques et particulièrement avec celles de la famille des Éphémérines. M. le docteur Em. Joly, dans unesérie de mémoires publiés soit seul, soit en collaboration avec son père, M. le professeur N. Joly, de Toulouse, fit connaître en partie les caractères de cet animal, mais ne put toutefois arriver à assister à ses méta- morphoses. En1878, m'étant chargé de toute la partie anatomique d'une monographie de ce genre que nous devons publier prochaine- ment, M. Joly et moi, je fus frappé, dès les premières dissec- tions, de la concentration excessive du système nerveux de cet animal, et je fus ainsi conduit à admettre l'opinion émise par M. Mac-Lachlan sur l’état larvaire probablement permanent de cet insecte. Ayant aussi observé à plusieurs reprises que les glandes génitales offraient parfois un développement considé- rable, je me suis mis, dès cette époque, à rechercher sa repro- duction à l'état aquatique; c’est en poursuivant ce genre de recherches sur quelques individus, pris cette année dans le Rhône au commencement d'avril, qu'il m'a été possible de constater, d’abord vers la fin de ce même mois, la mue de ces insectes (ce qui n'avait pas encore été signalé), puis le 5 juin passé, la métamorphose en insecte parfait de deux d’entre eux (1). | Ainsi se trouvait résolu, il est vrai en sens contraire, le fait que j'avais vainement recherché pendant les deux années pré- cédentes. Ces Arthropodes suivaient donc pour se reproduire la même (1) J'ai immédiatement signalé ce dernier fait dans une note que le savant professeur du Muséum M. Blanchard a bien voulu présenter à l’Académie des sciences dans la séance du 7 juin 1880. ARTICLE N° 1. MÉTAMORPHOSE DU PROSOPISTOMA. 5) . marche que les autres Éphémérines, auxquelles ils se trou- vaient reliés plus intimement, non-seulement par ce fait, mais encore et surtout par le facies éphémérien plus accentué qu'ils présentent à l’état parfait. Avant de faire la description de ce dernier état du Prosopi- stoma, je crois devoir dire un mot sur l’organisation de la nymphe et faire ressortir les analogies qui existent entre celle-ci et les nymphes des genres Cœnis et Bætisca. Ce qui caractérise surtout notre insecte dans son état aqua- tique, c’est la coalescence complète des anneaux thoraciques avec les premiers segments de l’abdomen, coalescence qui a amené une diminution des pièces respiratoires et une localisa- tion plus complète de ces mêmes organes. En effet, au lieu d’avoir, comme la généralité des Éphémérines, une paire d’or- ganes respiratoires ou érachéo-branchies sur les côtés de cha- cun des sept premiers anneaux de l’abdomen et même d’en présenter sur d’autres régions du corps (Oligoneuria, Palin- senia….), il ne possède que cinq paires de trachéo-branchies, et encore les deux premières, assez modifiées, servent peu au phénomène de la respiration, mais contribuent par leurs mou- vements à faciliter le rôle physiologique des suivantes. S1, laissant un moment le Prosopistoma, nous considérons le nombre et la disposition des organes respiratoires des deux types précédemment cités, où l’on constate une réelle concen- tration, nous voyons : D'abord chez le Cœnis ou chez le Tricorythus (1), les tra- chéo-branchies, plus où moins modifiées, sont réduites à six paires. La première paire, complètement isolée par rapport aux. autres, consiste en deux corps fusiformes placés un de chaque côté sur les bords du premier anneau; son rôle physiologique doit être à peu près nul. Nous trouvons ensuite cinq plaques de dimensions différentes (t) C’est surtout en étudiant des nymphes de Tricorythus que je dois à lobligeance du D' Ew. Joly, qu'il m'a été possible de bien constater la dispo- sition des organes respiratoires et de reconnaître la similitude parfaite qui existe à cet état entre ce genre et le genre Cœnis. 4 A. VAYSSIÈRE. sur les côtés des deuxième, troisième, quatrième, cinquième et sixième anneaux de l'abdomen (1). La première se compose de deux plaques très étendues et très fortes destinées à protéger les suivantes, qu’elles peuvent recouvrir totalement ; ces pla- ques, de consistance cornée, offrent la même coloration que lestéguments du corps ; si elles ne présentent pas de digitations sur leurs bords, chacune d'elles possède cependant une petite houppe trachéo-branchiale à son point d'insertion. Les quatre autres paires d’organes respiratoires sont consti- tuées par des plaques de dimensions beaucoup plusrestreintes, présentant de nombreuses digitations sur leurs bords. Les fonctions respiratoires étant particulièrement dévolues à ces organes, 1l va sans dire qu'ils n’offrent pas la consistance des grandes plaques, leur enveloppe externe est même très délicate dans les parties digitées. Si nous avons dans ce genre une localisation assez prononcée des organes trachéo-branchiaux, localisation que l’on n’ob- serve pas chez les Éphémérines les plus communes, nous allons, chez le type suivant, en constater une encore plus grande qui a amené une concentration de diverses régions du corps. En effet, chez le Bætisca, nous ne trouvons plus que cinq paires d'organes respiratoires qui tous remplissent le rôle phy- siologique qui leur est dévolu. Ces organes présentent l'aspect de plaques très délicates, à bords plus ou moins digités. Ces plaques ne sont pas protégées, comme chez le Gœnis, par l’une d'elles, modifiée à cet effet, mais par un développement consi- dérable de la partie dorsale des téguments thoraciques qui (1) Qu'il me soit permis de signaler ici une petite erreur que M. Eaton à laissée dans sa monographie des éphémérines (The Transactions of the Ento- mological Society of London for the year 1871). En donnant, page 92, la diagnose du genre Cœnis, il dit : «Segmentorum abdominis 1, 3, 4, 5, 6, 7 branchifera », tandis qu’il faudrait mettre : « Segmentorum abdominis 1, 2, 5, 4, 5, 6 branchifera »; c’est bien sur le bord postérieur du 2° anneau que la : plaque respiratoire est articulée et non sur le bord du 3°, car celui-ci porte la trachéo-branchie suivante et ainsi de suite jusqu’au 6° anneau inclusivement. Le 7% segment de l’abdomen ne m’a jamais présenté d'organes respiratoires ; ce qui est rationnel, attendu qu'ils ne pourraient pas être protégés par la pla- que recouvrant les quatre paires précédentes. ARTICLE N° Î. MÉTAMORPIHOSE DU PROSOPISTOMA. 5) forment un prolongement arrivant presque au sixième anneau, donnant ainsi naissance à une sorte de grande carapace à l'abri de laquelle l'appareil respiratoire fonctionne sans courir le risque d’être endommagé par le contact des corps environ- nants. Les mouvements exécutés dans ces plaques trachéo- branchiales provoquent un courant d’eau continu dans l’inté- rieur de cette grande cavité, qui est en communication directe avec l'extérieur par sa partie postérieure et par ses côtés. L’ani- mal peut même soulever un peu cette carapace, tout en faisant exécuter un mouvement en sens contraire à son abdomen, et faciliter ainsi l'introduction du liquide ambiant. Il n’est pas douteux qu’à cette localisation considérable de l'appareil respiratoire, ainsi qu’à la coalescence des anneaux thoraciques corresponde une concentration non moins grande des divers systèmes de l’organisme, en particulier et surtout du système nerveux. Revenons maintenant à l'étude des mêmes organes chez le Prosopistoma punctifrons. Nous observons une localisation de l’appareil respiratoire aussi complète, mais ici la concentration générale est plus accentuée. D'abord; le premier anneau thoracique ou prothorax, qui, chez l’'Éphémérine précédente (le Bætisca), était un peu dis- tinct, se trouve être intimement soudé au mésothorax sans laisser de traces d'union à la face dorsale. La carapace formée par le prolongement des téguments dorsaux du thorax ne peut plus, chez le Prosopistoma, exécuter de mouvements, attendu qu’elle est soudée aux téguments voisins par ses bords laté- raux et son bord postérieur. La cavité qu’elle forme, que nous désignerons sous le nom de chambre respiratoire, n’est mise en rapport avec l'extérieur que par trois ouvertures : une dor- sale et médiane; deux, ventrales et latérales. L’eau destinée à la respiration pénètre par les ouvertures ventrales et après avoir aérisé les trachéo-branchies, sort par l'ouverture dorsale ; ce Courant d’eau est produit par les mouvements des deux pre- mières paires d'organes respiratoires; les deux lames très 6 A. VAYSSIÈRE. allongées de la première paire sont destinées à activer l'entrée du liquide par les ouvertures ventrales, tandis que les deux grandes lames quadrangulaires qui forment la deuxième paire le chassent par l’ouverture dorsale. Les trois autres paires de plaques respiratoires, que l’on ne peut apercevoir qu’en enle- vant les lames quadrangulaires, présentent de nombreuses digitations qui facilitent l'échange des gaz (1). Il va sans dire que le système nerveux participe à cette con- centration générale des téguments du Prosopistoma,; 1l se compose : 4° d’une paire de ganglions cérébroïdes, accolés l’un à l’autre et innervant les organes des sens (yeux, ocelles et antennes) ; 2 d’un seul ganglion sous-æsophagien ou pha- ryngien, quifournit de nombreux nerfs aux diverses régions de la tête ; et 3° d’un ganglion thoracique très volumineux qui résume à lui seul toute la chaîne ganglionnaire et qui, par conséquent, envoie des trones nerveux dans toutes les parties du thorax et de l'abdomen. On peut quelquefois observer sur le contour de cette dernière masse nerveuse des renflements rappelant l’existence primitive des trois paires de ganglions thoraciques et d’un seul ganglion abdomimal. Je pense que les détails que je viens de donner sur l’organi- sation du Prosopistoma à l’état nymphal, ainsi que les rappro- chements que l’on peut établir entre eetinsecte et les nymphes des deux genres les plus voisins, ne seront pas inutiles pour faire bien comprendre l’importance des modifications que j'ai constatées chez l'animal parfait et pour justifier incertitude dans laquelle je me trouvais, ainsi que plusieurs naturalistes sur l’état ultime de cet Arthropode. Les métamorphoses du Prosopistoma en subimago et en imago paraissent devoir s'effectuer dans le courant de juin; c’est du moins, comme je lai dit dans ma note à l’Institut, (4) Il est très probable que l’insecte en sortant de l'œuf ne possède pas de trachéo-branchies et que la respiration s’effectue pendant un certain temps à travers la peau de toute la surface du corps ; la carapace doit être aussi plus ou moins incomplète durant cette phase larvulaire. ARTICLE N° 1. MÉTAMORPHOSE DU PROSOPISTOMA. 7 l’époque à laquelle jai constaté le fait, époque qui est a peu près celle où beaucoup d'Ephémérines se métamorphosent. Voici quelles sont les modifications que l’on observe chez la nymphe lorsqu'elle est sur le point de se transformer : Pendant toute la durée de la période aquatique que nous lui connaissons, les téguments du Prosopistoma offrent une teinte jaune de chitine, très claire, presque blanche, si l’insecte vient de muer, plus ou moins accentuée en temps ordinaire ; mais au début de la transformation la teinte devient plus foncée de jour en Jour et arrive bientôt à être très brune. C’est surtout dans la partie postérieure de la carapace, au-dessus de la chambre respiratoire, que cétte coloration devient très mar- quée, ce qui s'explique facilement, puisque c’est en ce point que se forment les ailes, qui sont, comme nous le verrons plus loin, gris de fer chez la subimago. C’est au bout d’une quinzaine de jours, lorsque la teinte gé- nérale prend un aspect presque noirâtre, qu’il est possible, sous un faible grossissement, d’apercevoir par transparence les contours de l’insecte parfait à travers l'enveloppe nymphale ; il faut alors surveiller l'animal, car la métamorphose ne tarde pas à avoir lieu. Deux ou trois jours après, on peut voir l’ani- mal se cramponner à une pierre en partie hors de l’eau et se dépouiller de ses téguments de nymphe; il est à remarquer que c’est de très bon matin que la métamorphose s'effectue. Le deux parties de la carapace commencent à se dessouder suivant la ligne médiane du corps, sous la pression de bas en haut qu’exerce l’animal ; puis ce sont les bords antérieurs de la même région et la partie postérieure des téguments cépha- liques (l’épicrane) quise séparent. L’insecte peut alors dégager sa tête et toute sa partie thoracique; les organes buccaux et les pattes sortent avec facilité de l’enveloppe nymphale, vu l'état d’atrophie dans lequel ils se trouvent toujours chez l’ani- mal parfait. Le Prosopistoma dégage ensuite son abdomen et simultanément on lui voit sortir ses ailes qui, pliées en trois suivant leur longueur, prennent aussitôt leur forme définitive. L’insecte peut prendre alors son essor pour aller se poser ë A. VAYSSIÈRE. sur un point quelconque éloigné de l’eau, et là il se dépouu.e de son enveloppe de subimago. Je n’ai pu observer cette dernière métamorphose du Proso- pistoma adulte, les deux subimago femelles que jai eues chez moi étant mortes peu de temps après s'être dépouillées de leur enveloppe nymphale ; 1l est très possible que les femelles de ce genre pondent à l’état de subimago et n'arrivent pas à celui d’imago. Les femelles de divers types d’Éphémérines n’offrent, d’après M. Eaton, qu’un seul stade à l’état parfait (1). Le facies du Prosopistoma puncetifrons à cet état rappelle celui du Cœnis ; son corps serait, relativement à sa largeur, un peu plus court, ce qui donne à l’animal, lorsque ses ailes sont étendues, vaguement l’aspect de certains Diptères. - La coloration générale des téguments de la subimago est brun-rougeâtre, plus foncé à la face dorsale qu’à la face ven- trale, où la teinte devient même très claire en certains points (aux insertions des pattes); les ailes sont d’un gris de fer assez intense, surtout chez la première paire. La coalescence des diverses régions du corps n'existe plus d’une manière aussi accentuée à l’état parfait; elles sont au contraire assez distinctes. Je vais donner maintenant une des- cription détaillée de chacune d'elles et montrer l’importance des modifications amenées par la métamorphose. La tête a une forme légèrement triangulaire ; vue par sa face dorsale, elle nous présente en son milieu une partie bombée, limitée antérieurement et sur les côtés par une ligne sinueuse. En avant de cette ligne se trouve l’ocelle médian, qui fait un peu saillie en dehors; sur les côtés de celui-ci, on aperçoit les antennes, dont les points d'insertion se trouvent plutôt à la face ventrale que sur la face dorsale; en arrière, on observe les ocelles latéraux, qui sont placés de chaque côté de l’émi- nence céphalique aux points où la ligne sinueuse, dont nous avons parlé, se confond avec les téguments. Les yeux compo- (1) Nous trouvons à la fin de la page 42 de la monographie des éphémérines (loc. cit.) du savant anglais la phrase suivantes : « Dans certains genres, la subimago est le stade aérien permanent des femelles. » ARTICLE N° 1. MÉTAMORPHOSE DU PROSOPISTOMA. d sés occupent les parties tout à fait latérales de la vase de a tête ; ils sont, par suite de leur position, aussi visibles lorsqu'on ob- serve l'animal par la face supérieure que par la face inférieure. La face ventrale ou inférieure de cette première région du corps montre en avant les points d'insertion des antennes ; l’ocelle médian, qui est, comme nous venons de le dire, placé entre ces derniers organes, se distingue plus ou moins, suivant inclinaison donnée au corps de l’animal ; plus en arrière, se trouve une ligne très marquée limitant le clypeus, qui, par suite de modification spéciale, vient se terminer assez bas à la face ventrale. C’est à l’intérieur de la concavité formée parles bords du elypeus que sont placés tous Les organes buccaux. La grande lèvre inférieure, qui avait fait donner à l’état nymphal le nom de Prosopistoma, à cause de l’analogie de cette pièce avec un masque, s’est complètement atrophiée et laisse à découvert les rudiments des #échoires et des mandibules; le labre est de tous les organes buccaux le seul ayant conservé encore une forme bien définie. La région thoracique présente, en regardant l’animal par sa face dorsale, un prothorax excessivement court, dont le bord antérieur est légèrement convexe en son milieu, tandis que le bord postérieur est un peu concave. Puis viennent le mésothorax et le métathorax, intimement soudés et présentant en leur milieu une portion bombée, sorte de plaque en losange ; cétte plaque est divisée, suivant la longueur du corps, en deux partes symétriques et égales; elles présentent chacune sur leur bord interne une entaille assez profonde qui ne se pro- longe pas très loin, puis en arrière une échancrure. Sur les parties latérales à cette plaque se trouvent une série de nodosités et de replis, symétriquement disposés sur les côtés du corps et servant de points d'insertion aux ailes; je crois qu’il serait fastidieux d’entrer ici dans la description de ces nodosités, j'en dirai seulement un mot un peu plus bas en parlant des ailes. La face ventrale de la région thoracique offre en avant le prothorax, nettement séparé du reste; sur ces parties un peu 140 A. VAYSSIÈRE. latérales se trouvent les points d'insertion des pattes de la pre- mière paire. Celles-ci ne sont séparées l’une de l’autre que par une éminence assez large, très colorée en rouge-brun. Une partie du mésothorax est distincte à cette face, bien que ses deux tiers inférieurs soient intimement unis au métatho- rax. Les insertions des pattes de la deuxième et de la troisième paire sur le thorax se trouvent presque placées sur les côtés d’un grand plastron fortement chitinisé qui constitue à lui seul la face inférieure de cette région du corps. Il nous reste à parler de l'abdomen. À la face dorsale, celui-ci présente dix anneaux bien limités, à exception du premier, dont le bord antérieur se confond avec le métathorax ; mais à la face ventrale il ne nous en offre plus que huit, les délimitations des deux premiers ayant com- plètement disparu ét l’union de ces derniers avec la région thoracique étant on ne peut plus intime. Les anneaux de l’abdomen n’ont pas tous la même forme et les mêmes dimensions; ainsi, vus par la face dorsale, les deuxième, troisième, quatrième et cinquième anneaux rap- pellent chacun la forme d’un trapèze très élargi; le sixième offre la même figure, mais renversée, la grande base où base inférieure du trapèze étant en avant, tandis que la base supé- rieure est en arrière, il est aussi beaucoup plus long que les précédents, mais moins large. Les septième et huitième an- neaux constituent presque des quadrilaières; quant au neu- vième, il présente l’aspect d’un trapèze renversé dont la petite base serait très échancrée; enfin, le derniersegment abdominal, celui qui porte les soies, forme presque un carré. Ces divers anneaux, plus bombés à leur face dorsale qu'à leur face ventrale, ne le sont cependant pas tous également; ainsi le sixième anneau est un peu plus renflé que les précé- dents et le neuvième beaucoup plus. Les cinq premiers anneaux de l’insecte parfait représentent ceux qui, plus ou moins soudés entre eux, occupent à la face ventrale de la nymphe tout l’espace compris entre la dernière paire de pattes et la partie inférieure des ouvertures ventrales ; ARTICLE N° {. MÉTAMORPHOSE DU PROSOPISTOMA. 11 le sixième est formé par celui sur la face dorsale duquel vient se souder l’extrémité de la carapace; les septième et huitième correspondent aux deux premiers segments libres de la région abdominale de la nymphe; le neuvième se trouve avoir chez ces deux états du Prosopistoma presque la même forme, car il joue dans les deux cas à peu près le même rôle, qui est de pro- téger le dernier anneau. Celui-ci est constitué chez la subimago par une plaque dorsale qui est l’homologue de la face dorsale du même anneau chez l’insecte aquatique, et par deux plaques atrophiées qui, placées au-dessous des soies, représentent les deux plaques de la face ventrale de ce dixième anneau chez les formes larvaire et nymphale du Prosopistoma. La mobilité de ces plaques inférieures est loin d’être aussi grande chez Pin- secte parfait, attendu que les soies ont perdu la faculté de pouvoir complètement se retirer dans l’intérieur du pénultième anneau. Nous n'avons observé que quatre paires de stigmates placés sur les côtés de la face dorsale des troisième, quatrième, cinquième et sixième anneaux; nous croyons, bien que nous n’ayons pu le constater de visu, qu'il y en a aussi sur le deuxième anneau. Il nous reste à ajouter à ce que nous venons de dire sur la forme des diverses régions du corps que tous les téguments sont couverts de poils simples, plus ou moins serrés les uns contre les autres, suivant les parties que l’on considère ; ces poils sont aussi abondants sur la surface des organes appendi- culaires. Nous allons maintenant étudier les organes des sens, les. pattes et les soies, que jusqu'ici nous avons laissés de côté. Antennes. — Chez la nymphe, les organes du tact sont con- stitués par six articles, inégaux, mais ayant à peu près la même forme ; il n’en est plus de même à l’état parfait, où les antennes n’ont plus que deux articlestrès inégaux et un flagel- Jum. L’article basilaire, de forme cylindrique, est assez court ; le second, au contraire, au moins trois fois plus long, est renflé en son milieu et effilé à son sommet ; l’un et l’autre, d’une cou: leur brune, sont également couverts de poils très abondants. 12 A. VAYSSIÈRE. Le flagellum, qui s'insère à l'extrémité du second article, est aussi long à lui seul que le reste de l’antenne ; il est très grêle et son enveloppe tégumentaire, dépourvue de poils, présente une coloration brune très pâle. | Yeux composés el ocelles. — Les yeux composés offrent une teinte noire accentuée, ils sont insérés sur les bords latéraux externes de la tête, presque à l'intersection de ces bords avec la base de celle-ci. Ils sont hémisphériques ; on distingue sur la partie dorsale et un peu postérieure de chacun d’eux un sillon qui ne le con- tourne pas complètement ; cette particularité fait rentrer ces organes de la vision dans la section des yeux composés ascala- phoides de certaines Ephémérines (Leptophebia). Les cor- néules de ces organes ne sont pas toujours hexagonales, sou- vent elles n’offrent que quatre ou cinq côtés ou bien leurs contours sont assez irréguliers. Les ocelles, avec leur cornée très bombée, sont faciles à bien distinguer, même à l'œil nu, grâce à leur teinte blanchâtre. Les ocelles Vatéraux se trouvent placés en dedans des yeux composés et un peu en avant; l’ocelle médian occupe, comme nous l'avons dit plus haut, le milieu de l’espace compris entre les antennes et presque sur le bord antérieur de la tête. Pattes. — Les organes de la locomotion sont tous atrophiés chez l’insecte parfait; cette modification, que l’on observe aussi chez un grand nombre d'Ephémérines adultes, doit être en rapport avec la courte durée de la vie de l’animal à cet état; il est donc très probable qu’après l’accouplement (et Ia ponte, si cest une femelle), le Prosopistoma punctifrons ne tarde pas à mourir. De nouvelles recherches nous permettront, nous l’es- pérons, de combler bientôt cette lacune. Les pattes sont assez inégales, les plus courtes sont celles de la première paire; les plus longues appartiennent à la troi- sième paire. La coloration de ces organes est brun très clair, ce qui tient au peu d'épaisseur de l'enveloppe chitineuse, dont la surface est aussi peu garnie de poils. Les deux premiers arti- cles, hanche et trochanter, sont assez bien conformés dans ARTICLE N° 1. MÉTAMORPHOSE DU PROSOPISTOMA. 13 toutes les pattes, et sont même fort développés dans celles de la première paire ; la forme du /émur des pattes antérieures est peu modifiée, tandis qu'elle est plus ou moins modifiée et atro- phiée dans les autres pattes. Les trois derniers articles, fibia, turse etonglet, sont toujours déformés, souvent même contour- nés en tire-bouchon dans toutes les pattes. Je n’ai représenté (fig. 8) que les deux premiers articles de la première paire, dans le dessin de l’insecte, vu par la face ventrale; dans la figure 14, j'ai donné avec un grossissement d'environ cinquante fois la représentation d’une des pattes de la troisième paire ; chez cette dernière paire, l’atrophie géné- rale serait même plus marquée que chez les deux autres. Ailes. — Les organes du vol sont très développés chez le Prosopistoma, ce qui n'a rien d'étonnant, vu l’atrophie des pattes et la nécessité où se trouve, par suite, l’insecte de voler pendant tout son état parfait. Nous avons dit déjà plus haut que les ailes se forment au- dessus des organes respiratoires, dans des fourreaux qui ne prennent leur développement que peu de temps avant la mé- tamorphose de l’animal. Les fourreaux destinés à produire les ailes supérieures naissent dans l’intérieur des téguments qui recouvrent les trachéo-branchies, c’est-à-dire sous la partie postérieure de l’enveloppe chitineuse de la carapace; les ailes inférieures se forment dans l’intérieur de ces deux plaques, qui, dans l’état aquatique du Prosopistoma semblent être faites pour protéger les points d'insertion des deux premières paires de trachéo-branchies. Ces plaques doivent se former de très bonne heure dans notre animal, car je les ai toujours ob- servées avec le même développement chez plus de cinquante individus de toutes dimensions. Les ailes supérieures ou ailes de la paire antérieure affectent la forme de triangles rectan- gles, dont les hypothénuses seraient représentées par les bords antérieurs ; le bord interne de chacune d’elles forme, comme chez toutes les Ephémérines, le plus court côté. Les nervures longitudinales de ces ailes supérieures sont peu nombreuses et les nervures transversales font totalement 14 A. VAYSSIÈRE. défaut. La base des deux plus fortes nervures (nervures anté- rieures) constitue, avec un épaississement du bord de Paile, la partie principale de Particulation avec les deux plus fortes saillies que l’on observe sur les côtés du thorax; au-dessous des deux nervures antérieures, nous en trouvons trois autres qui n'arrivent pas à l'articulation de l'aile; les cinq nervures suivantes, qui se succèdent presqu'à égale distance les unes des autres, en se rapprochant du bord interne, viennent aboutir à la base de l’aile, à l'exception de la dernière, qui est moins longue et plus délicate que les autres. La nervure anale part d’un épaississement chitineux de la région bailaire de l'organe du vol et vient se terminer sur le bord interne, presqu'au point où celui-ci s’arrondit pour former le bord postérieur. Les ailes de la seconde paire, de forme ovale, sont beaucoup plus petites et plus délicates ; leur point d'insertion principal est sur la nodosité que l’on observe de chaque côté du méta- thorax à la hauteur des points d'attache de la dernière paire de pattes. Lorsque les ailes antérieures sont étendues, les extré- mités terminales des autres dépassent un peu de chaque côté de l'abdomen; lorsque l'animal est au repos, la position ordi- naire des ailes est celle que l’on ‘observe chez toutes les Ephé- mérines, elles sont placées verticalement au-dessus du corps un peu inclinées les unes vers les autres. Les bords internes et les bords postérieurs de ces différentes ailes offraient des poils délicats assez longs ; mais la surface elle-même des aïles était couverte de poils très courts et très abondants; ce dernier caractère se retrouve chez toutes les subimago d'Ephémérines. Soies. — Les soies sont loin d'offrir la même complication de structure chez linsecte parfait que chez la nymphe; elles sont supportées par le dernier anneau, dans la cavité duquel elles ne peuvent plus se mettre à l’abri, l’appareil destiné à les faire entrer dans l’intérieur du corps s'étant atrophié, parce qu'à l’état parfait il ne serait d'aucune utilité pour l’'insecte de les rétracter; toutefois, le dernier anneau peut encore se re- ürer en partie dans le neuvième. On n’observe plus de traces d'annulation à la surface des soies, et les poils qui les re- ARTICLE N° 1. MÉTAMORPHOSE DU PROSOPISTOMA. 15 couvrent sont très courts et très irrégulièrement disposés. J’ai disséqué avec soin les deux seuls exemplaires de subi- mago qu'il m'a été possible de me procurer. L'un et l’autre étant des femelles, j’ai trouvé dans l’intérieur de leur cavité viscérale une grande quantité d'œufs (près d’une soixantaine dans chaque). Ces œufs avaient environ 1/4 de millimètre de longueur ; leur forme était nettement elhpsoïdale, leur surface offrait une multitude de rugosités assez accentuées dans les- quelles la masse vitelline pénétrait (fig. 6), et leur coloration était d'un blanc laiteux. Ces œufs, par l’ensemble de leurs ca- ractères extérieurs et surtout par l’absence de calotte ou de chapiteau à leurs deux extrémités, se rapprochent beaucoup de ceux de la Gloé diptera. Après avoir débarrassé la cavité viscérale de tous les œufs, j’ai observé l’état de vacuité du tube digestif et l’atrophie de tous les organes glandulaires de cet appareil, qui avaient ou complètement disparu, comme la cou- che hépatique Jaune de l’estomac, ou en partie, comme les tubes de Malpighi. Le système nerveux offrait le même degré de concentration que chez la nymphe : il se composait d’une paire de ganglions cérébroïdes, d’un ganglion sous-æœsophagien cordiforme et d'un gros et unique ganglion thoracique représentant toute la chaîne ventrale. L'appareil trachéen consistait en deux troncs latéraux en- voyant de rombreuses ramifications dans toutes les parties du corps et en rapport avec les quatre où cinq paires d'ouvertures stigmatiques au moyen de trones secondaires très courts. Puisque l’état parfait du Prosopistoma punctfrons se trouve maintenant connu, je compte, avec mon collaborateur et ami, M. le D° Em. Joly, changer le nom de l'animal, pour nous conformer aux usages entomologiques qui veulent que la déno- mination d’un insecte ne soit pas tirée d’un caractère larvaire, comme c’est le cas pour le Prosopistoma; et c’est dans la mo- nographie du genre, que nous ne tarderons pas à publier, que l’on trouvera la diagnose définitive de cette Ephémérine sous sa nouvelle dénomination. EXPLICATION DES FIGURES. Planche 1. ? (Les chiffres placés à côté de chaque dessin expriment le grossissement en diamètre.) Fig. 4. — Une nymphe du genre Tricorythus (sp. ?). Gross. ?. — a, organe respiratoire rudimentaire du 1° anneau; la plaque chitineuse b a été enle- vée pour laisser voir les organes respiratoires suivants. Fig. 2. — Bœtisca obesa, vu par la face dorsale et dessiné d’après une enve- loppe nymphale chez laquelle le dernier anneau et les antennes faisaient défauts. Gross. À, ï C’est à M. Hagen, professeur de zoologie à l’université de Cambridge (Massa- chussets, États-Unis), que je dois d’avoir pu représenter cet animal d’après quelques enveloppes nymphales qu’il a eu lobligeance de m'envoyer en 1879. Fig. 3. — Prosopistoma punctifrons, état nymphal vu par la face dorsale. Gross. 42. — La moitié gauche de la carapace a été enlevée pour montrer : en avant, le tube digestif recouvert en partie par le lobe gauche de la glande génitale ; en arrière, l’intérieur de la chambre respiratoire, où se trouve le fourreau de l’aile inférieure (en f) recouvrant les points d'insertion des deux premières trachéo-branchies. Fig. 4. — Prosopistoma punctifrons, état nymphal vu par la face ventrale. Gross. 42. — Le dernier anneau avec les soies sontrentrés dans le neuvième Lots en v et v’ se trouvent les ouvertures qui donnent accès à l’eau dans la chambre respiratoire. Fig. 5. — Un des œufs trouvés dans le corps des subimago du Prosopistoma Gross. 420, Fig. 6. — Une des nodosites, très-grossie (290) de cet œuf. Fig. 7. — Femelle du Prosopistoma punctifrons (subimago), vue par sa face dorsale. Gross. 44. On peut voir sur le côté droit des 3, 4, 5 et 6° anneaux les ouvertures stigmatiques. Je n’ai pas représenté dans plusieurs de ces figures le velouté dû à la pré- sence des poids qui recouvrent les téguments et les ailes des subimago. Fig. 8. — La même, vue par la face ventrale. Gross. 14. Pour ne pas trop compliquer cette figure, je n’ai pas représenté les pattes de la 2"° et de la 3e paire, et j'ai laissé seulement les deux premiers articles de celles de la {re paire. Fig. 9. — Base de la face interne d’une des ailes supérieures. Gross. 4°. Fig. 10. — Fragment du bord postérieur de la même aile, pour montrer à multitude de poils qui couvrent les deux faces des organes du vol. Gross. Ÿ. Fig. 11. — Aile inférieure. Gross. {S Fig. 12. — Œil composé et ocelle latérale de droite, dans leur position respec- tive. Gross. 50, — En 4, un poil très grossi des téguments de cette région. Fig. 13. — Antenne. Gross. 52, Fig. 14. — Patte de la troisième paire. Gross. 52, Fig. 15. — Face ventrale de l’abdomen de la Lubitage femelle. Gross. #?, Fig. 16. — Une des deux plaques qui forment la face ventrale du dernier anneau. Gross. 52, Fig. 17. — Les trois soies du Prosopistoma à l’état parfait. Gross. 82. ARTICLE N° 1. MONOGRAPHIE DES OISEAUX DE LA FAMILLE DES MÉGAPODIIDÉS Par M. Æ. OUSTALET. (Deuxième partie) [TI. — DESCRIPTION DES GENRES ET ESPÈCES. 1. Genre MEGACEPHALON. On admet généralement que feu Temminckreconnut le pre- mier la nécessité de séparer génériquement des autres Méga- podidés la grande espèce de Célèbes que l’on ne connaissait alors que fort imparfaitement et qu’on appelait simplement le Muléo; je dois dire cependant que, malgré toutes mes recher- ches, je n'ai pas pu découvrir dans les ouvrages de cet auteur non seulement la diagnose, mais encore la simple mention du nom générique de Wegacephalon (1), dont on lui attribue la paternité. En 1846, S. Müller proposa à son tour pour le Maléo la création du genre Macrocephalon (2), dont ilne donna d’ailleurs aucune définition, mais trois ans plus tard, en 1849, MM. Gray et Mitchell, dans leur Genera of Birds (3), assignè- rent au genre Megacephalon (Tem.) les caractères suivants : (1) Megacephalon, c’est-à-dire animal à grosse tête, de peyas, grand et zeoakn, tête. Je ferai remarquer que ce nom est presque identique à celui de Megacephalus proposé en 1843 pour désigner un genre de Reptiles. (2) Macrocephalon, synonyme de Megacephalon, de 142905 grand, et zxpxhn, tête. En entomologie, le nom de Macrocephalus à été appliqué, en 1837, à un œenre d'Hémiptères. Il eut d’ailleurs été, je crois, plus correct d'écrire Mega- locephalon et Megalocephalus. Je trouve à l'instant, dans le catalogue publié par M. Schlegel, la preuve que le nom de Megacephalon n’a été employé par Temminek que sur les étiquettes du Musée de Leyde. (3) Page 409. ANN. SC. NAT., ZOOL., JANVIER 1880. XI. 2, — ANT. N° 2. 2 E. @OUSTALET. Tête en grande partie dénudée et surmontée d’un casque. Bec de longueur médiocre, mais robuste, avec le culmen convexe et élevé à la base, les côtés comprimés vers la pointe, les bords des mandibules légèrement courbés, la portion an- gulaire peu développée et ascendante, les narines basilaires et latérales (1).-—Ailes de grandeur moyenne, arrondies, avec les cinquième et sixième rémiges égales entre elles et dépassant toutes les autres. — Queue médiocre (voûtée?), un peu échan- crée au milieu et arrondie sur les côtés.—Tarses robustes, plus longs que le doigt médian, dénudés vers le haut, sur larti- culation avec la jambe, etcouverts en avant de petites écailles qui s’élargissent et deviennent transverses près de la base des doigts. — Doigts longs et robustes, les latéraux presque égaux au médian et unis à ce dernier, dans leur portion basilaire, par une membrane distinete, le doigt postérieur encore plus déve- loppé que les autres et revêiu en dessus de fortes écailles ; ongles robustes, comprimés et légèrement recourbés. Le genre Megacephalon ne renferme qu'une seule espèce, le Megacephalon maleo, qui habite exclusivement l'ile de Cé- lèbes, ainsi qu’une ou deux petitesiles voisines, et qui, paraît-il ue construit pas de tumuli destinés à recevoir ses œufs, mais dépose ceux-ci dans des excavations creusées dans le sable du rivage. Par ses mœurs et par son aspect extérieur, le Maléo se dis- üngue donc essentiellement des autre Mégapodudés, MEGACEPHALON MALEO. MALKo, Temminck et Laugier, Nouveau recueil de Planches coloriées d'oiseaux (1828), pl. 411, art. Meg. rubripes. MEGAPODIUS RUBRIPES. Quoy et Gaimard, Voyage de V’Astrolabe, Zoologie (1830), t. I, p. 239, et pl. XXV (nec Temminck). MEGAPODIUS MALEO (Tem.) Hartlaub, Verzeichniss (1844), p. 101 (sine descr..). Mecaropius (Megacephalon) MALÉo, Thienemann, Fortplanzungsgeschiste aller Vôgel (184), part. EI, p. 11, pl. IV, fig. 1 (œuf). (1) À ces caractères, il faut en ajouter un autre, extrêmement frappant, savoir là présence d’un casque cotffant le sommet de la tête. ARTICLE N° 2. MONOGRAPHIE DES MÉGAPODIIDÉS. 9 MACROCEPHALON MALEO (Tem.), S, Müller, Archiv für Naturgeschichte (1846), Jahrg. XIE, part. 1, p. 116. MEGACEPHALON RUBRIPES (Maleo), G. R. Gray et Mitchell, Genera of Birds (1846), t. III, p. 489. MEGACEPHALON RUFIPES (errore), J, R; Gray et Mitchell, ibid, pl. 193. MEGACEPHALON RUFIPES (errore), Reichenbach, Synopsis avium (1850), pl.CLXXVIIL, fig. 1541 à 1544, et Avium systema naturale (1852), p. 24. MEGACEPHALON MALEO, G. R. Gray, List of the Genera and Subgenera of Birds 1} 1855), p. 103, n° 1736. — Ch. Bonaparte, Gallinarum conspectus systema- licus, Comptes rendus de l’Académie des sciences (1856), t, XLIT, p. 876, famille n° 2, genre n° 4, esp. n° 12. MEGAPODIUS MALEO, Schlegel, Handleiding tot de Beoefen d. Dierkunde (1857), part. I, p. 384 et 480, et pl. V, f. 63. MEGACEPHALON MALEO, Wallace, Ibis. (1860), p. 142.— G. R. Gray, Proceedings of the Zoological Society (1861), p. 288, n° 3, — G. R. Gray, Ibid. (1864), p. 42, n° 3. — Schlegel, Dierent. (1864), p. 114, fig. 215. — Finsch, New- Guinea (1863), p. 180. MEGACEPHALON RUBRIPES, Schlegel, M dnapdsel Tijdschrift voor de Dier- kunde (1866), t: NII, p. 259. MEGACEPHALON MALEO, G. R. Gray, List of Columbæ and Gallinæ in the Bri- tish Museum (1867), p. 18. MEGACEPHALON RUBRIPES, Wallace, Malay Archipelago (1869), t. 1, p. 413. MEGACEPHALON MALEO,G. R. Gray, Handlist of Birds (1870), part. Il, p. 254, n° 9538. — Sundevall, Methodi naturalis Avium disponend. tentamen (1872), p. 118. — Lord Walden, Transactions of the Zoological Socièty of London (1872), t. VILLE, part. Il, p. 87, n° 138. — Il. Garrod, Proceedings of the Zoologiçal Society (1873), p. 469 et 640.—Salvadori, Annali del Museo Givico di Storia naturale di Genova (1875) t. VIL, p. 673 et 674.—H. Gar- rod, Proceedings of the Zoological Society (1875), p. 343. — Brüggeman, Abhandlungen herausgegeben vom naturwissenschaftlichen Verein zu Bremen (1876), t. V, p. 88. — Salvadori, Ibis (1876), p. 385. — A. B. Meyer, Ibis (1879), p. 139. ep L. Sclater, List of the Vertebrated Animals now or lately living in the Gardens of the Zoological Society (1879), T° éd., p. 434, n° 1162, fig. 41. — Giebel, Zeitschrift für gesammiten M nee senschaften (1880), 3° série, t. XV, p. 207. — Schlegel, Museum des Pays- Bas (1880), t. VILLE, p. 77. Le mâle adulte de cette espèce a les parties supérieures du corps, les ailes et la queue d’un brun très foncé, glacé d'olivâtre et tirant au noir, les parties inférieures d’une belle teinte rosée ou saumonnée, qui est assez intense dans l’oiseau vivant, mais qui disparait quelque temps après la mort et n’est plus du tout apparente sur les individus conservés dans les collec- tions, 4 E. OUSTALET. Le sommet de la tête est surmonté d’un casque noir, qui peut atteindre 0,030 de haut sur 0*,055 de long et 0",040 de large. En arrière des narines sont deux tubercules, également de couleur noire. Les joues, le menton, le cou et la gorge n’offrent que quelques petites plumes éparses, très courtes et de couleur brune, quilaissent presque complètement à nu la peau noirâtre de ces régions. Le tour des yeux est d’un jaune légèrement rosé, le bec d’un jaune olivätre clair, avec la base d’un brun rougeâtre, passant au noir livide en dessous, le mi- lieu de la carène supérieure d’un rouge vif et le milieu de la mandibule inférieure noirâtre. Les tarses sont d’un noir bleuâtre ; les doigts, réunis à la base par une petite membrane, sont jaunâtres, les ongles brunâtres. Les ailes sont arrondies; la première, la deuxième et la troi- sième rémiges vont en augmentant régulièrement de longueur, la différence d’une penne à la suivante étant de 0",095 envi- ron; la quatrième est un peu plus grande et égale à la sep- tième ; la cinquième et la sixième, plus grandes encore et égales entre elles, surpassent toutes les autres. Chez la femelle, qui est à peu près de même taille que le mâle, la livrée est presque exactement la même et les parties supérieures sont également d’un brun noir, mais le dessous du corps est d’un rose moins prononcé, le casque est un peu moins développé, les tubercules nasaux sont moins saillants, l’ocei- put porte des plumes fuligineuses, assez longues, à barbes làches, les côtés du cou sont parsemés de plumes analogues, mais plus courtes, la gorge offre çà et là de petites plumes blanches ; enfin, le bec, un peu moins élevé que celui du mâle, est d’une teinte jaunâtre à peu près uniforme. Les dimensions des deux sexes ne diffèrent pas sensiblement. Voici celles que j'ai relevées sur deux spécimens envoyés au Muséum, en 1867, par M. Riedel de Gorontalo : 4° Mâle : longueur totale 0,625 ; aile 0,305 ; queue 0,185. Bec : longueur suivant l’arête supérieure, à partir du niveau des narines 0",040 ; longueur à partir du bord antérieur du casque 0",050; hauteur maximum 0",020 Casque : longueur ARTICLE N° 2. MONOGRAPHIE DES MÉGAPODIIDÉS. D en ligne droite 0,050 ; largeur, en arrière, 0",040 ; en avant des yeux, 0",093 ; hauteur 0°,030. Tarse : 0",085; doigt mé- dian, ongle non compris, 0,052; doigt postérieur 0",098. 2 Femelle : longueur totale, 0",590; aile, 0",305; queue 0»,165. Bec : longueur de l’arête, à partir des narines 0",040; à partir du casque 0",050 ; hauteur maximum 0",019. Casque, longueur 0%,048 ; largeur, en arrière, 0",035 ; en avant 0",093; hauteur 0",027. Tarse : 0,085; doigt médian 0,051 ; doigt postérieur 0",095. Les jeunes sont dépourvus de casque et de tubercules na- saux et revêtus d’une livrée brune, plus ou moins lavée de jaune. Ceux qui figurent dans les galeries du Muséum ont été rapportés de Menado par MM. Quoy et Gaimard, qui les avaient reçus vivants de M. le gouverneur Merkus et qui les gardèrent quelque temps à bord de l’Asrrolabe. | L'un de ces jeunes Maléos a le sommet de la tête, les j joues, le dessous du cou, le ventre, les plumes des cuisses et les cou- vertures inférieures des ailes d’un fauve intense, le dos, les ailes et la poitrine d’un brun foncé, légèrement nuancé de ver- dâtre vers la nuque, le bec et les pattes jaunes, les doigts de la même couleur, réunis à leur base par une membrane déjà très apparente et Lerminés par des ongles de force médiocre. Un autre individu, un peu plus âgé, présente déjà sur les côtés de l’abdomen, en arrière de la bande brune de la poitrine, des plumes blanches assez grandes. Chez tous les deux, du reste, la queue manque et n’est représentée que par quelques plumes floconneuses, de couleur jaune, et l’occiput porte encore une sorte de duvet grisâtre. Les dimensions de ces deux jeunes Maléos sont les suivantes : : 4° Longueur totale 0",290 ; aile 0",165. Bec, arête, 0",016; hauteur 0», 013. Tarse 0", 037 : doigt médian 0,021; doigt postérieur On 011. 2° Caraveut, totale 0",250 ; aile 0",170. Bec, arête, 0",C19; hauteur 0",019, tarse 0,038 : doigt médian 0,022; fe postérieur 0",041. Le Megacephalon maleo habite l'ile de Siao, du groupe de (6) E. OUSTALET. Sanghir, et les côtes septentrionales de la grande ile de Cé- lèbes. Il est particulièrement commun dans la presqu'ile de Minahassa (nord-est de Célèbes), où il a été observé successi- vement par MM. Wallace, A.-B. Meyer, von Rosenberg et van Musschenbræk, dans le district de Menado, au pied du volcan de Klabat, sur les plages qui bordent le détroit de Limb, en ace de la petite île de Banca, près de Kalinaong, à Saoussou, à Pagouat, à Kéma et sur Le volcan de sable de Soputan. Dans cette région toutefois, 1l ne paraît pas s’élever dans le district montagneux de Tondano; il n’a pas été non plus signalé jusqu’à ce jour au sud-ouest de Gorontalo, le long du golfe de Tomini. D’après M. A.-B. Meyer, on apporte fréquemment à Menado des œufs et même des individus vivants de celte espèce. Le Megacephalon maleo a du reste pu être conservé en captivité dans les jardins zoologiques de l’Europe, et particulièrement au Jardin des Plantes de Paris et au Jardin de la Société z00- logique de Londres. Ses mœurs, par conséquent, sont mainte- nant assez connues. Dans leur pays natal, les Maléos se tiennent dans les forêts voisines du rivage de la mer ; ils se perchent souvent sur des arbres élevés et s’accroupissent sur les branches, à la manière dés Hoccos et des Pénélopes. Sur le sol, ils ont d'ordinaire une démarche calme et majéstueuse et s’avancent en se rengor- geant, la tête légèrement rejetée en arrière, le cou rentré dans les épaules, la queue redressée ét disposée en toit, comme celle d’une poule; mais lorsqu'ils sont eflrayés, ils se mettent à courir rapidement et se réfugient au besoin sur quelqué arbre voisin. Léur cri est étrangé et semble sortir des profondeurs de la poitrine; il peut être traduit par le son grr, prononcé du fond dé la gorge, en faisant vibrer les ». Les jeunes qui furent donnés aux chirurgiens de l’Astrolabe et qui vécurent quelque temps à bord, avaient l'allure des Cailles, et faisaient entendre par intervalles un petitgloussement. On les nourrissait avec du riz. À Célèbes, les Mégapodes adultes se repaissent, dit-on, de graines et de semences analogues à celles des légumineuses. D’après les observations de M. Wallace, en liberté les Ma- ARTICLE N° 2. MONOGRAPHIE DES MÉGAPODIIDÉS. à léos se reproduisent dans les mois d'août et de septembre. On les voit alors descendre vers le bord de la mer pour y déposer leurs œufs. Dans ce but, ils choisissent une plage éloignée des habitations et formée par un sable grossier résultant de la dé- sagrégation de roches volcaniques. En arrière et souvent à une assez grande distance du rivage, s'étend une forêt qui sert de retraite aux Maléos. C’est de là que chaque jour, durant la saison de la ponte, on voit sortir plusieurs couples de ces beaux oiseaux. Après avoir parcouru souvent une douzaine de kilo- mètres, les Maléos rencontrent enfin une place à leur conve- nance, au-dessus du niveau des plus fortes marées. Aussitôt ils se mettent à l’œuvre, grattent le sol avec ardeur, font jaillir le gravier sous leurs pieds et pratiquent des excavations qui ont de 1°,20 à 1,50 de diamètre sur 0",30 à 0°,60 de profondeur. La femelle pond un œufet le couvre de sable, puis le couple regagne son abri dans la forêt. Les naturels affirment qu’au bout de treize jours la même paire revient et qu’un nouvel œuf est déposé, et cette assertion paraît conforme à la vérité, car, d’après les observations de M. Wallace, le laps de temps indi- qué est probablement celui qui est nécessaire pour qu’un œuf arrive à maturité. Les œufs contenus dans un même trou sont tantôt au nombre d’un ou de deux seulement, tantôt au nombre de sept ou de huit et, dans ce dernier cas, ne sont pas nécessairement le produit d’une seule et même paire. Souvent en effet les Maléos, au lieu de choisir une place fraîche pour effectuer leur ponte, se contentent d’une excavation qui a été fréquemment recouverte, et qui, par conséquent, peut être facilement dé- blayée. Les œufs déposés ainsi dans une même cavité sont tou- jours séparés les uns des autres par un intervalle de 15 à 20 centimètres. Leur couleur, quand ils sont frais, est un rouge-brique pâle, qui passe souvent au jaune ocreux ou même au blanc presque pur. Leur forme est toujours très allongée, et les extrémités diffèrent peu l’une de l’autre (1); trois spéci- (1) En d’autres termes, leur section, dans le sens du grand axe, dessinerait un ovale presque régulier. 8 E. QUSTALET. mens qui font partie de la collection du Muséum et qui ont été donnés par M. Riedel de Gorontalo ou acquis de M. L. La- olaize, présentent les dimensions suivantes : grand diamètre 0",098, 0",099 et 0",100; petit diamètre 0",063, 0°,064 et 0",058 (1). D’après M. Wallace, les œufs frais de Maléo sont aussi déli- eats que les œufs de poule, mais beaucoup plus riches en ma- tière nutritive; aussi les naturels viennent-ils en chercher de vingt lieues à la ronde. | Il est parfaitement certain que les parents ne prennent au- eun souci de leur progéniture; en effet, un grand nombre d'œufs étant disséminés sur une même plage, et plusieurs femelles pondant successivement dans le même trou, il serait complètement impossible à chacune d'elles de reconnaître les siens; d'autre part, comme le fait remarquer avec’ raison M. Wallace, si chaque couple était obligé de veiller sur ses œufs, plusieurs centaines d'individus se trouveraient dans une même saison réunis dans un espace relativement restreint, sur une plage aride, et ne tarderaient pas à périr de faim; car les Maléos sont essentiellement granivores, et les bois seuls peuvent leur fournir les semences nécessaires à leur nourri- ture. Ces semences que les arbres laissent tomber sur le sol, l’oi- seau ne peut les recueillir qu'en allant sans cesse picorer à droite et à gauche ; il ne pourrait donc sans danger rester dans linaction que nécessiterait une incubation prolongée : or, cette incubation ne durerait pas seulement deux ou trois se- maines, comme c’est le cas chez la majorité des oiseaux dont les œufs se succèdent rapidement et sont couvés tous ensemble aussitôt que la ponte est terminée. Au contraire, les œufs du Maléo, en raison de leur volume exceptionnel, ne peuvent être expulsés que fort lentement, de treize en treize jours, et, comme ils sont au nombre de sept ou huit, l’oiseau ne saurait (1) Le grand diamètre peut atteindre, d’après M. Brüggeman, 0,105, ct d'après M. Wallace, 0,110. ARTICLE N° 2, MONOGRAHIE- DES MÉGAPODIIDÉS. 9 attendre, pour commencer lincubation, que le dernier œuf fût pondu. Pendant plus de trois mois, le Maléo serait donc forcé de rester accroupi sur son nid, sans le quitter pour ainsi dire. Le procédé employé permet au contraire aux œufs d’arriver successivement à maturité, aux parents de garder toute lenr liberté pour aller au loin chercher leur nourriture, et aux petits, qui naissent robustes et emplumés, de trouver dans la forêt voisine des aliments en quantité suffisante. Les observations de M. Wallace se trouvent pleinement confirmées par celles de M. A.-B. Meyer, qui, sur la cùte sep- tentrionale de Célèbes, a trouvé de nombreux trous creusés dans le sable par les Megacephalon. Ces trous sont de temps en temps visités par des Crocodiles, qui sont très friands d'œufs de Maléos. Je puis ajouter du reste que le couple de Megace- phalon maleo qui a vécu dans la Ménagerie du Jardin des Plantes n’a jamais manifesté la moindre propension à accu- muler de la terre et des détritus végétaux à la manière des Talégalles. M. Wallace, en signalant ces différences importantes dans le mode de propagation, a fait observer qu'il existe des diffé- rences correspondantes dans la structure du membre infé- rieur. En décrivant comparativement les diverses pièces du squelette chezle Megacephalon, les Talégalles etles Mégapodes, J'ai indiqué, dans ces deux derniers groupes, l'allongement et la force des doigts antérieurs et postérieurs, qui se terminent par des ongles recourbés en griffes. Chez le Megacephalon, au contraire, les doigts sont relativement moins longs et moins robustes, ils portent des ongles moins puissants et seraient moins propres par conséquent à saisir, comme des serres, les menues branches et les feuilles sèches avec lesquelles sont construits les {ummuli; mais ils ont néanmoins assez de vigueur pour pratiquer des excavations dans le sable à la manière de beaucoup d'oiseaux pulvérateurs. D’après M. A.-B. Mever, le nom par lequel-les indigènes de de Célèbes désignent le Megacephalon est Moleo et non Maleo, comme Pavaient dit d’autres voyageurs. Temminck avait bien 10 E. OUSTALET fait remarquer qu'il ne fallait pas confondre cette grande es- pèce, dont aucun représentant ne lui était encore parvenu, avec son Megapodius rubripes, représenté dans la Planche coloriée, n° 411 ; mais, trompé par une fausse indication, il assigna également l’île de Gélèbes pour patrie à ce Megapodius ru- bripes, qui n’est autre chose que le Megapodius Duperreyi de Lesson, et qui est originaire de la Nouvelle-Guinée. Aussi, malgré les avertissements de Temminek, le Megacephalon maleo et le Megapodius rubripes, que l’on croyait originaires de la même ile, furent à tort ramenés à une seule et même es- pèce qui fut appelée Megacephalon rubripes. La confusion fut - détruite par le prince Ch. Bonaparte, qui signala les deux formes comme distinctes dans ses Tableaux paralléliques de l'ordre des Gallinacés, et depuis lors elle ne s’est plus repro- duite. On a reconnu également qu’il existait, en effet, une se- conde espèce de Mégapodidé à Siao et à Gélèbes, le Megapodius Gilberti, espèce dont Temminck n’a pas eu connaissance, et qui se distingue du Megapodius rubripes ou M. Duperreyi par sa taille et par son mode de coloration. 9. Genre LEIPOA. Ce genre a été établi en 1840 par M. J. Gould (1), qui lui a assigné les caractères suivants : | « Bec presque aussi long que la tête, grêle (2), avec la base un peu renflée, les bords des mandibules onduleux et arrondis à la base; les narines grandes, oblongues, situées dans une fossette et couvertes d’une membrane operculaire. — Tête couverte de plumes s’allongeant un peu en forme de huppe. — Aïles grandes, arrondies, concaves, avec la cinquième rémige (1) Proceedings of the Zoological Society of London (1840), p. 126. Ces caractères ont été indiqués de nouveau par M. J. Gould, dans ses Birds of Australia (1848), t. I, Introduction, p. LxxvIN, et par MM. Gray et Mitchell, dans leur Genera of Brrds (1849), p. 491. (2) Il y a là une exagération; le bec est notablement moins long que la tête, et, s’il est faible relativement au volume de l'oiseau, il n’est pas grêle, dans le sens strict du mot, la mandibule supérieure étant convexe dans sa portion terminale. ARTICLE N° 2. MONOGRAPHIE DES MÉGAPODIIDÉS. 11 dépassant en longueur toutes les autres, et les pennes tertiaires égalant presque les pennes primaires. — Queue arrondie, à 14 rectrices. — Tarses médiocrement allongés, mais ro- bustes, garnis en avant de scutelles, en arrière d’écailles arrondies. — Doigts assez courts, les deux latéraux à peu près de même longueur (1).» On ne connait jusqu’à présent qu'une seule espèce de ce groupe, Leipoa ocellata, qui est cantonnée dans le sud-ouest de Australie et qui, à la manière de la plupart des Mégapodii- dés, abandonne ses œufs après les avoir déposés dans un tumu- lus composé de substances végétales dont la décomposition dé- termine le degré de chaleur nécessaire à l’incubation. C’est à cette habitude que fait allusion le nom de Leipoa, tiré du grec ët signifiant oiseau qui quitte ses œufs (2). LEIPOA OCELLATA. LEIPOA OCELLATA. Gould, Proceedings of the Zoological Society of London (1840), p. 126. LEIPOA OGELLATA (errore). G. R. Gray, List of the Genera of Birds (1841), p. 76. LEIPOA OCELLATA, G. R. Gray, List of Birds of the British Museum (1844), p. 21. — Gould, Birds of Australia (1848), t. I, Introd., LxxIII et suiv., et t. V, pl. 78.— G. R. Gray et Mitchell, Genera of Birds (1849), p. 491. — Reichenbach, Synopsis avium (1850), pl. cLxxvu, fig. 1586 et 1537, et Avium Systema naturale (1852), p. xxiv. — Ch. Bonaparte, Galli- narum conspectus systematicus (Comptes rendus de l’Acad. des sciences (1856), t. XLII, p. 876, fam. n° 2, gen. n° 5, exp. n° 13. — G. R. Gray, Proceedings of the Zoological Society of London (1861), p. 288, n° 4. — G. R. Gray, ibid. (1864), p. 42, n° 4. —G, R. Gray, Handlist of Birds (1870), t. IL, p. 255, n° 9539. — Sclater, List of the Vertebrated Animals now or lately living in the Gardens of the Zoological Society (1879), 7° édition, p. 434, n° 1063. — Schlegel, Muséum des Pays-Bas (1880), t. VIII, p. 83. Cette belle espèce fut décrite pour la première fois par M. J. Gould, d’après un individu et des notes manuscrites qui (1) On peut ajouter que les dcigts latéraux sont reliés à leur base au doigt médian par une membrane plus développée du côté du doigt interne que du côté du doigt externe. (2) De Aeiro, je quitte, et wcv (pluriel wa), œuf. 12 E. OUSTALET. lui furent envoyés par le capitaine Grey de Swan River (Aus- tralie occidentale). Elle est encore assez rare dans les collections : le Muséum en possède néanmoins deux indi- vidus dont l’un a été acquis de Verreaux en 1854 et dont l'autre a été rapporté récemment par M. Charnay. Ces deux oiseaux ont un plumage semblable à celui des spécimens qui ont été décrits et figurés par M. J. Gould; ils ne portent mal- heureusement aucune indication de sexe. Le sommet de la tête et l’occiput sont couverts de plumes étroites, allongées, d’un brun foncé, glacé de gris, avec la pointe rousse; les lores, le tour des yeux et la région des oreilles sont presque entièrement dénudés et d’un ton noirâtre après la mort; mais, d’après les observations de Sir George Grey, la peau de ces mêmes parties est d’un bleu clair dans l'oiseau vivant. Le dessus et les côtés du cou sont d’un gris nuancé d’isabelle, et recoupé çà et là par quelques bordures fauves. Toutes les plumes du dos et une partie de celles des ailes sont ornées de bandes transversales grises, blanches, noires et rousses, et sont terminées par un liseré fauve. Ces teintes rappellent beaucoup celles que l’on observe, sur la même région du corps, chez certains Tétras, et en particulier chez le Cupidonia cupido. Sur les pennes secondaires, la colora- tion est analogue, mais les bandes transversales tendent à se transformer en zébrures obliques. Les grandes rémiges sont brunes sur les barbes internes, et marquées sur les barbes ex- ternes de lignes en zigzag, brunâtres sur fond jaune. Les plumes du croupion sont d’un gris roux, rayé transversalement de noir; les sus-caudales, d’une teinte analogue, mais avec des bandes plus larges vers l’extrémité. Ces dernières plumes acquièrent un grand développement et cachent presque entièrement les rectrices, qui sont d’un brun noirâtre avec une large bordure terminale de couleur café au lait. Sur le menton et la partie inférieure des joues se pressent de nombreuses petites plumes rousses, qui peu à peu passent à des plumes noires marquées d’une ligne blanche le long de la tige. Ges plumes noires dessi- nent une large bande sur le milieu de la gorge et dela poitrine. ARTICLE N° 2. MONOGRAPHIE DES MÉGAPODIIDÉS. 143 Les parties inférieures du corps sont d’un ton chamois, très clair sur l'abdomen, un peu plus foncé sur les sous-caudales, et recoupé sur les flancs par quelques bandes brunes. Les plumes axillaires et les couvertures inférieures des ailes sont d’un gris roux, rayé transversalement de brun; la face infé- rieure des rectrices est identique à la face supérieure; mais le dessous des rémiges est d’une teinte beaucoup plus uniforme que le dessus ; elle est d’un gris soyeux glacé de roux. Il n’y a n1 casque ni tubercules nasaux. Le bec est d’un noir de poix; les tarses et les doigts, d’un brun très foncé dans les spécimens que j'ai sous les yeux, étaient certainement, pendant la vie, d’une teinte plus claire ; enfin, les ongles, recourbés en forme de griffes puissantes, sont de la même teinte que les tarses. L'iris est d’un brun noisette clair. En résumé, le Leipoa ocellata porte une livrée qui semble empruntée, pour le manteau de la région dorsale, à certains Tétras, et pour le camail gris varié de noir qui couvre le cou et la poitrine, à certains Tétraogalles et au Tetraophasis obscu- rus. Par la forme du bec et des pattes, il ressemble aussi quel- que peu à ces derniers oiseaux; mais ce sont là des analogies que je mec ontente de signaler sans prétendre y découvrir l’in- dice de quelque parenté zoologique. En l'absence de renseignements contraires, je suis disposé à croire que le plumage est le même dans les deux sexes, chez le Leipoa comme chez le Megacephalon et les autres Megapodii- dés. Quant au plumage des jeunes, il n’a pas, à ma connais- sance, été décrit jusqu’à ce Jour. Les dimensions principales des deux spécimens qui font partie de la collection du Muséum sont les suivantes : 4° Longueur totale 0,560; aile 0,300; queue 0",215. Bec, arête, 0",029 ; hauteur, 8",010. Tarse, 0%,070; doigt médian, 0%,44; doigt postérieur, 0",020. 2° Longueur totale , 0",568 ; aile, 0",301 ; queue, 0,955, Bec, arête, 0",0928; hauteur, 0",011. Tarse, 0,070; doigt mdian, 0, 058 ; doigt postérieur, 0",018. 14 E. OUSTALET. Elles concordent assez bien avec celles qui sont indiquées par M.J. Gould. | | Le Leipoa ocellé, ou Native pheasant (Faisan indigène) des colons anglais, habite le sud-ouest de l'Australie. D’après les notes communiquées à M. J. Gould par MM. Gilbert et Moore et par Sir George Grey, ancien gouverneur de South Australia, cette espèce est particulièrement répandue dans les districts de Murray, de Perth, de Glenelg et d’York. Vers l'Est, elle s'étend jusqu’au 141° degré de longitude; sa limite paraît être la baie Gantheaume, qui s’ouvre vers le milieu de la côte occi- dentale; quant à sa limite méridionale, elle n’a pu être précisée d’une manière exacte : on sait seulement que les indigènes de King George’s Sound ont connaissance d’un oiseau analogue, sinon identique au Leipoa. Grâce aux observateurs dont nous avons cité les noms, les mœurs du Leipoa ocellé sont à présent bien connues. On sait qu'il se tient de préférence dans les plaines couvertes de brous- sailles, de touffes de Leptospermon, de mauvaises herbes, et offrant çà et là des clairières dont le sol est formé d’un gra- vier ferrugineux. Une de ces plaines, qui estsituée à la base des monts Wongan, dans le district de Glenelg, et un autre désert sablonneux, qui s'étend à 60 milles au nord de Perth, étaient, 1l y a quelques années, les retraites favorites des Lei= poas. Lorsqu'il est en vie, l'oiseau paraît aussi gros qu'un Dinde, mais 1l est plus bas sur pattes. Son poids peut atteindre 4 I. <. Au dire des indigènes, les Leipoas sont d’une timidité et d’une prudence extrêmes; à la moindre alerte, ils s’enfuient en cou- rant aussi vite que des Emeus; dans leur précipitation, 1l leur arrive parfois d'engager leur tête dans des broussailles inextri- cables, de sorte qu’ils peuvent être facilement capturés. Quand ils sont serrés de trop près, ils se réfugient sur les arbres, mais d'ordinaire ils vivent à terre et ne se branchent que pour dor- mir. Leurs allures ressemblent beaucoup, dit-on, à celles dela Poule domestique. Ils ne boivent que rarement et se nourris- sent de graines ou plutôt encore d'insectes orthoptères ( Phas= ARTICLE N° 2 MONOGRAPHIE DES MÉGAPODIIDÉS. 15 mides) ou hémiptères (Cimicides) dont les téguments sont faci- lement broyés par les parois musculaires d’un. vaste gésier offrant intérieurement des saillies de consistance cornée. Leur cri lugubre ressemble au roucoulement du Pigeon, mais est plus sourd, plus profond et paraît sortir de l’abdomen. A la manière de la plupart des Mégapodüdés, ils ne couvent pas leurs œufs et les enfouissent dans des sortes de buttes qu’ils élèvent à grand’peine en accumulant du sable, des détritus végétaux, etc. L’incubation est produite par la chaleur du so- leil à laquelle s'ajoute la chaleur produite par la décomposition d'un tas de matières organiques. On peut donc considérer comme de véritables couveuses ces buttes construites par les Leipoas, buttes que les Anglais appellent des mounds et que je désignerai sous le nom de éumuli. D’après M. Gould, la tem- pérature à laquelle les œufs sont soumis pendant plusieurs semaines aurait été évaluée par M. Drummond à 80° Fahrenh. (26 degrés centigrades) seulement; mais 1l doit y avoir quelque erreur de chiffre, car une température aussi peu élevée serait insuffisante pour déterminer l’éclosion. Comme je lai dit plus haut, les tumuli sont élevés dans des clairières; ils mesurent de 19 à 14 mètres de circonférence et 1 mètre à 1%,50 de hauteur. D’après les renseignements qui ont été fournis par les indigènes à Sir George Grey, à M. Moore et à M. Gilbert, les matériaux nécessaire pour ces constructions sont ramassés de 4 ou 5 mètres à la ronde. Le mâle et la femelle travaillent de concert et commencent par pratiquer dans le gravier une excavation de 20 centimètres de profondeur environ, et la remplissent de feuilles et d'herbes sèches; puis ils disposent tout autour un lit des mêmes matières, et sur cette première couche ils entassent une quantité énorme de sable et de gazon. Mais s’il existe une concordance satisfai- sante entre les diverses observations qui ont été recueillies au sujet de l'emplacement, des dimensions de l'édifice et du mode de construction, il règne encore quelque incertitude sur l'aspect que présentent les tumuli quand ils ont atteint la hauteur voulue et sur la manière dont les œufs sont déposés. 16 Æ. OUSTALET. Suivant les uns, chaque tumulus affecte de suite la forme d’un dôme : le sommet arrondi doit être enlevé quand le mo- ment de la ponte est arrivé; le mâle aide alors la femelle à creuser au centre un trou qui arrive Jusqu'à 6 ou 7 centimètres du lit de feuilles qui constitue le fond du tumulus : un œuf est placé au bord du trou, dans une situation verticale ; puis l’ex- cavation est comblée de telle sorte que l’œuf se trouve complè- tement noyé dans une couche de sable fin et ne repose point immédiatement sur le lit de feuilles mortes. Le dépôt des autres œufs, qui sont pondus de jour en Jour jusqu’au nombre de 8, de 10 ou de 49, se fait précisément de lamême façon, les œufs pouvant être rangés sur plusieurs plans. Suivant d’autres observateurs, les Leipoas, avant de confier leurs œufs à cette couveuse artificielle, ont soin de retourner la partie interne et végétale du tumulus, dont le sommet, au lieu d’être arrondi, est au contraire creusé en cratère, et par conséquent préparé d'avance pour recevoir le premier œuf, et ils ne donnent à l'édifice la forme d’un dôme régulier que lors- que cet œuf à éte pondu. Les autres œufs, ajoute-t-on, se succèdent très rapidement, ils ne sont point disséminés dans toute la masse de sable et de terreau, mais rangés sur un même plan, autour d’un point correspondant à l’axe vertical de l’édifice. Il ne faut pas, je crois, accepter indifféremment tous ces ren- seignements, dont quelques-uns ont été recueillis de la bouche des indigènes. Tout d’abord, il me parait probable que les Leipoas ne prennent point la peine d’arrondir et de polir soi- sneusement la surface supérieure du tumulus avant qu'un œuf au moins ait été pondu; car s'ils agissaient ainsi, ils seraient obligés immédiatement après de démolir leur œuvre pour y pratiquer une excavation centrale. Sans doute, ils ne donnent à l'édifice une forme régulière qu'après la ponte du dermier œuf, lorsqu'ils sont sur le point d'abandonner la place. Je suis d’ailleurs persuadé que les œufs ne sont pas pondus de jour en jour, comme on l’a dit. Les dimensions de l'œuf du Leipoa, indiquées par M. Gould, sont en effet les sui- ARTICLE N° 2. MONOGRAPHIE DES MÉGAPODIIDÉS. 17 6 vantes : longueur maximum, 3 pouces + ou 9 centimètres environ; largeur, 2 pouces £ ou 9 centimètres +; circonfé- rence dans le sens du grand axe, 10 pouces ou 25 centi- 9 mètres +; dans le sens du petit axe, 7 pouces + ou 18 cen- d timètres +. En comparant ces dimensions à celles d’un œuf 2 de Maléo, on trouve que ce dérnier œuf est seulement plus long de 1 centimètre et plus large de 5 centimètre que l'œuf de Leipoa. Mais le Maléo lui-même est un peu plus grand que le Leipoa; le rapport de l’œuf à la grosseur de l'oiseau est donc le même dans les deux cas. Dans une espèce comme dans l’autre, l'œuf, parvenu à tout le développement qu’il doit acquérir dans le corps de la mère, occupe une grande partie de la cavité abdominale en refoulant les viscères. Au moment où il est expulsé, les œufs qui lui succéderont sont certainement encore dans un état rudimentaire. La ponte doit par conséquent se prolonger non pas, comme on l’a prétendu, pendant une dizaine ou une quinzaine de jours, mais pendant deux ou trois mois, les œufs se succédant de huit jours en huit jours, comme chez le Maléo. Cette hypothèse, il est vrai, ne concorde pas entièrement avec les renseignements suivants, communiqués à M. Gould par Sir George Grey : | « Il y a seulement un couple pour chaque nid, lui écrivait ce dernier en 1842; s'ils découvrent quelque ancien tumu- lus, ils n’en construisent point un nouveau; dans le cas contraire, le mâle et la- femelle travaillent à la construction. La, femelle commence à pondre vers le commencement de septembre, quand le spear-grass commence à pousser. Les deux sexes s’approchent ensemble du tumulus quand la femelle est disposée à pondre, et s'occupent de concert à découvrir et à recouvrir le nid. Après chaque coucher de soleil, la femelle pond un œuf, mais elle ne pond le nombre complet d'œufs que deux fois par été. Depuis le commence- ment de la construction jusqu’au moment où le dernier œut est déposé, il s'écoule quatre mois; il faut donc une très longue période de temps pour l’éelosion des œufs. » ANN. SC. NAT., ZOOL., JANVIER 1881. XI. 9. — ART, N° 2, 115 __ HE. OUSTALE. Mais voici, d'autre part, ce que disait M. Gilbert vers la même époque : « Tous ceux qui font attention à la grosseur énorme de l’œuf ne pourront pas admettre un seul instant que l'oiseau soit capable de pondre plus d’un œuf sans laisser s’écouler un jour où même davantage. Le poids moyen d’un œuf est de 8 onces (226 grammes), et la quantité dé liquide qui me fut fournie par quatre œufs que je vidai peut être évaluée à 1 pinters (011,854), » Remarquons encore que Sir George Grey n’a pas vérifié par lui-même l'exactitude de tous es renseignements qui lui avaient été fournis par les indigènes : ceux-0i ont l'imagination féconde et ne sont pas toujours des observateurs très méticuleux. À quels signes ont-ils reconnu que c'était la même famille qui venait, pendant huit ou dix jours de suite, pondre dans le même endroit? Puisque les Leipoas ne se donnent pas toujours la peine d’édifier un nou- veau tumulus, mais se servent parfois d’uñe construction ancienne, ils peuvent tout aussi bien, dans certains cas, pondre dans un tumulus préalablement occupé; en agissant ainsi, ils ont même un plus grand avantage, puisqu'ils déposent leurs œufs dans un milieu déjà convenablement préparé. Admettons que plusieurs paires rendent ainsi, chaque soir, visite au même tumulus, n'est-il pas facile de supposer que lon a affaire à un seul couple? de rappellerai enfin que, suivant M. Gilbert, M. Roe, sur- veillant général, ayant examiné plusieurs tumuli pundant sou expédition dans l’intérieur de l’Australie, y trouva, au mois de novembre, des œufs sur le point d’éclore. La ponte com- mençant dans les premiers jours de septembre, c'est done, comme je Fai dit plus plus haut, une période à LOIS Mois environ qui s'écoule entre le dépôt du premier œuf et l’éclo- sion du dernier, M. Gilbert, en ouvrant un tumulus, a constaté avec surprise que tous lesœuls étaientégalement frais, comme si le dévelop- pement avait été arrêté jusqu'à ce que le nombre total d'œufs ft déposé, de façon que tous les jeunes pussent apparaîtreen mème temps. Cest ainsi, en effet, que les choses se passent, ARTICLE N° 2. MONOGRAPHIE DES MÉGAPODIHDÉS. 19 au dire des indigènes, les jeunes se frayant un chemin à travers les parois du tumulus, sans l’aide de la mère, et sortant d’or- dinaire tous ensemble, parfois une paire seulement à la fois. Dans ce cas, les premiers œufs pondus subissent done un ralentissement considérable ou même un arrêt dans leur déve- loppement, sans perdre pour cela leur vitalité. Comment ce double résultat peut-il être atteint? Peut-être par un simple changement de position, les œufs placés d’abord dans le voi- sinage de la surface, ou près de certains conduits d’aération étant enfouis plus tard à une grande profondeur, au milieu de la masse en fermentation; c’est ainsi, en effet, que les œufs des Talégalles sont exposés successivement à diverses tempé- ratures. | Il résulte d’ailieurs des observations faites à la ménagerie du Jardin des Plantes que chez des Casoars, dont les œufs se succédaient de deux jours en deux jours, ou même de trois jours en trois jours, la période d’incubation ne commençait qu'après la ponte du dernier œuf, comme chez les petits oiseaux : les Casoars, par instants, réchauffaient sous leur corps les premiers œufs pondus, puis les laissaient à découvert et les disposaient en tas, de manière à les maintenir à une tem- pérature convenable, sans permettre néanmoins au développe- ment de s’effectuer régulièrement. Si chez les Leipoas le même résultat n’est pas obtenu par un autre artifice, il faut nécessairement que les jeunes sortent successivement de leur coquille. Quoi qu’il en soit à cet égard, il est probable qu'ils se frayent eux-mêmes un passage à travers les murs de leur prison comme les jeunes Mégapodes ; mais, en revanche, 1l est extrêmement douteux qu’une fois à l’air libre, ils appellent leur mère et que celle-ci, accourant à leurs cris, les promène à travers les broussailles et veille sur eux comme une poule veille sur ses poussins, jusquà ce qu’ils atent atteint la moitié de leur croissance, Sur ce point encore, M. Grey a dû ètre mdui£ en erreur par les indigènes. Comment admettre, que chaque mère reconnaisse ses enfants au milieu de tous les Jeunes qui surgissent çà et là, presque en même temps, d’une 20 E. OUSTALET. série de tumuli assez rapprochés les uns des autres? Les tu- muli, en effet, ne sont généralement pas disséminés : Sir George Grey en a trouvé deux dans ur espace de 2 à 300 yards (189 à 273 mètres) et cinq dans une distance de #4 à 9 milles (6 à 8 kilomètres), et M. Gilbert, de son côté, dans une seule course, en vit sept ou huit, qui n’étaient distants que d’une centaine de yards (91 mèêtr c) Il arrive fréquemment que ces tumuli, qui ectees exté- rieurement la forme d'énormes fourmilières, sont, en effet, habités par un grand nombre de fourmis blanches qui ont creusé leurs galeries dans tous les sens et jusque dans le voi- sinage immédiat des œufs. Parfois même ceux-c1 montrent distinctement à la surface de leurs coquilles des traces de pas- sage des termites. M. Grey voit dans ce fait une preuve de la prévoyance admirable de la nature, qui a mis une nourriture délicate à la portée des jeunes poussins. Il est probable, en effet que, dans le premier âge, les Leipoas, comme beaucoup d’autres Gallinacés, sont friands d’œufs de fournis. Déjà ro- bustes en naissant, ils trouvent autour d’eux une pâture abon- dante et ont, par conséquent, moins besoin que d’autres oiseaux des soins d’une mère vigilante. Les œufs, dont j'ai mdiqué plus haut les dimensions, sont, lorsqu'ils viennent d’être pondus, d’une teinte rosée, qui natu- rellement tend à disparaître au bout de quelque temps de séjour dans le sol. Au moment où ils vont éclore, ils sont en partie décolorés et marqués de taches foncées. Ils ont, d’après Sir George Grey, les deux extrémités à peu près également arrondies et présentent par conséquent la même forme que les œufs de Maléo. Leur coquille est extrêmement mince et d’une fragilité extrême ; aussi les œufs que l’on avait donnés à couver à des poules domestiques ont-ils toujours été brisés. Mais M. Grey, qui rapporte ce fait, ne nous dit pas quelle sorte de poule avait été employée comme couveuse. Peut-être s’était-on servi d’une grosse poule de ferme : dans ce cas, 1l y aurait lieu de reprendre l’expérience en employant une poule naine ou mieux encore une couveuse artificielle. ARTICLE N° Ÿ, MONOGRAPHIE DES MÉGAPODIIDÉS. 91 Au dire de M. Gilbert, les œufs de Leipoas rappellent beau- coup par le goût les œufs de Tortues de mer; le jaune mélangé à du thé n’en conserve pas moins unesaveur extrêmement forte. Ces œufs n’en sont pas moins très recherchés par les Aus- traliens, qui pillent les tumuli deux ou trois fois par saison et qui prétendent pouvoir juger de la richesse d’un nid par la quantité de feuilles qui l'entourent. Un tumulus ainsi dépouillé ne tarde pas à être occupé de nouveau, comme le prouve le fait suivant, rapporté par Sir G. Grey: le 11 novembre, des œufs, dont quelques-uns étaient tout frais, furent enlevés d’un nid; le 27 du même mois, on retrouva à la même place deux œufs récemment pondus, et le lendemain matin on aperçut dans le voisinage une couple de Leipoas ; la femelle se serait probablement mise à pondre si le mâle n'avait été tué. Sur les bords de la rivière Murray, le Leipoa ocellata porte le nom de Marrak-ko ou Marra-ko; ailleurs, il est appelé, sui- vant M. Gould, Ngow-o-ou, Nqow-0 ou Ngow. Ge dernier nom fait allusion, paraît-il, à la touffe de plumes (Ngoweer) qui orne la tête de l'oiseau. Pour les colons anglais, le Leipoa est le Na- tive pheasant (1); pour les auteurs allemands le Tauben-wall- nister (2). 3. Genre TALEGALLUS. M. Lesson, l’un des naturalistes attachés à l’expédition de la Coquille, ayant eu entre les mains un Gallinacé tué à la Nou- velle-Guinée par M. Bérard, considéra avec raison cet oiseau comme étant le type à la fois d’un genre nouveau et d’une espèce nouvelle, et le décrivit sous le nom de Talegallus Cu- vieri. Mais plus tardla dénomination générique de Talegallus(3), (1) Faisan indigène. (2) Littéralement : Oiseau ressemblant à un Pigeon, qui construit des nids en forme de tumuli. (3) Ge nom n’est pas formé très correctement, il est hybride, gallus étant un mot latin, et {alève un mot d’origine malgache. M. Schlegel écrit, à tort, Je crois, Tallegallus. : 29 E OUSTALET. destinée à rappeler des affinités supposées de l’espèce nouvelle d’une part avec les Poules sultanes ou Talèves, de Pautre avec les Coqs (Gallus), fut légèrement modifiée par M. Lesson dans son Manuel d’ornithologie, et remplacée par celle de Talegallu. Cechangement ne me paraît nullement utile et je erois devoir conserver dans ce travail le nom de Talegallus, qui à été pro- posé antérieurement et dont la désinence concorde avec celle d’autres noms en usage pour divers Gallinacés (Terraogallus, Urogallus, etc.) Quant aux noms de Alectura, Alectorura et Catheturus. employés successivement pour désigner le même groupe orni- thologique, ils doivent, à mon avis, être abandonnés. Latham, il est vrai, ayant reconnu que l'oiseau qu'il avait d’abord figuré sous le nom de Vautour de la Nouvelle-Hollande (New Holland Vulture) était en réalité un Gallinacé, créa pour cette forme le nom d’Alectura (1), mais il n’accompagna ce nom d'aucun qua- lificatif, d'aucun nom de pays ou de personne, et, s’il donna une description et une figure assez insuffisantes du jeune mdi- vidu qu'il avait sous les veux, il n’indiqua point quels étaient les caractères génériques de cet Alectura. Wse contenta de dire que l’oiseau en question s’éloignait des Vautours par la présence de 18 pennes à la queue et devait être placé parmi les Gallina- cés, à côté du Menura. Plus tard, il est vrai, M. G. R. Gray satisfit aux exigences de la nomenclature linnéenne en accolant au nom générique d’Alectura le nom spécifique de Lathame, et classa le genre Alectura parmi les Menuridæ (9) ; mais, dans l'intervalle, le genre Talegallus avait été parfaitement carac- térisé par M, Lesson et rapproché avec raison du genre Nu- mida (3). : Dans son Manuel d’ornithologie, M. Lesson reproduisit la diagnose, précédemment publiée, de son genre Tale- gallus, qu’il appela désormais Talegalla, et il maintint ce groupe dans le voisinage des Pintades, mais à une distance trop (1) Latham, General History of Birds (1826), t. X, p. 455. (2) G. R. Gray, Zoological Miscellany (1831), n° 1, p. 3. (3) Manuel d’ornithologie (1828), t. II, p. 185. ARTICLE N° 2. MONOGRAPHIE DES MÉGAPODIIDÉS. 95 grande des Mégapodes. Enfin, exagérant encore cet éloignement en 1831, dans son Traité d'ornitholopie, À rejeta les Talégalles dans l’ordre des Échassiers, sans doute à cause de l’allonge- ment de leurs membres postérieurs, et Les plaça tout près des Kamichis (1). à D'un autre côté, écrivant quelque temps après M. Lesson, mais n'ayant sans doute pas connaissance de ses {ravaux, MM. Jardine et Selby donnèrent, dans leurs Hustrations of Ornithology, publiées de 1825 à 1839, une nouvelle description et une figure de lAlectura Lathani, et déclarèrent que c'était un Gallinacé appartenant à la famille des Cracide et faisant partie de la même subdivision que les Menura, Mega- podèus, ete. (2). Néanmoins, en 1835, M. Jameson, par erreur, considéra comme nouvelle l'espèce qui avait déjà été décrite et figurée par Latham et par Jardime et Selby, et la rangea parmi les Dindons sousle nom de Weleagris Lindsayi (3) ; puis, l’année suivante, M. Swainson, ignorant à son tour les tenta- tives de classification de ses prédécesseurs, ou n’en tenant aucun compte (4), revint à l'opinion que Latham lui-même avait abandonnée, et considéra l’A/ectura Lathumi comme un type #archeur de la famille des Vautours ; de plus, il trouva bon de changer à la fois le nom spécifique et le nom générique de l’oiseau, sous prétexte que le nom d’Alecturus avait déjà été employé précédemment par Vieillot pour un genre de Tyran- midé (5). C’est ainsi que le Catheturus australis, quin’est autre chose que l’Alectura Lathami de Gray, fut interealé parmi les Vulturidés, entre les espèces du genre Neophron et celle du genre Gypaëtus (6). Le genre Catheturus fut conservé par le prince Ch. Bona- (1) Traité d’ornithologie (1831), p. 526. (2) Illustrations of Ornithology (1825-39), pl. 140. (3) Memoirs of the Wernerian Society (1835), t. VIE, pl. 473. (4) M. Swainson renvoie cependant à la planche de MM. Jardine et Selhy. (5) Swainson a commis une légère erreur, c’est Alectrurus et non Alecturus qui a été proposé par Vieillot. (6) Natural history and Classification of Birds (1836), t. 1, p. 281, fig. 92, ett. II, p. 206. 94 E. OUSTALET., parte dans son Tableau systématique de l’ordre des Gallinacés (4), mais il fut mis à sa véritable place, dans la famille des Méga- podidés ; malheureusement, le nom spécifique de l'oiseau signalé par Latham fut encore une fois modifié, et le Catheturus Nove Hollandie se trouva séparé génériquement de l'espèce figurée dans le Voyage de la « Goquille» (2) sous le nom de Talegallus Cuvieri. Dès 1841 cependant, M. G. Gray avait reconnu qu'il existe entre ces deux formes des liens de parenté extrêmement étroits en dépit de différences assez notables dans les proportions du corps et plus encore dans la coloration des parties nues de la tête et du cou ; il avait en conséquence indiqué comme synonymes du genre Talegallus de Lesson, qu’il adoptait exclusivement (3), les genres A/ectura (Latham et Gray), Talegallu (Lesson), Catheturus (Swainson) et une partie du genre Meleagris (Jameson). Quelques années plus tard, dans le Genera of PBirds (4), conservant la même opinion, il avait même caractérisé le genre Talegallus plus complètement que ne l’avait fait Lesson. Enfin, en 1848, M.J. Gould, qui pendant son séjour en Australie avait pu faire une étude complète du Catheturus australis de Swainson ou Alectura Lathami de Gray, n’avail pas hésité non plus à mettre cette espèce dans le genre Talégalle et l’avait décrite et figurée d’une manière très satis- faisante (5) sous le nom de Talegallus Lathami, qui doit être définitivement adopté. Voici quels sont les caractères extérieurs qu’on peut assigner au genre Talegallus : bec très robuste, très épais, à peu près de la longueur de la tête, avec les côtés fortement comprimés jusque dans le voisinage de la pointe, le culmen (ou carène supérieure) convexe, les bords de la mandibule supérieure courbés, les narines basilaires, latérales, ovales ou arrondies, (1) Gallinarum conspectus sustematicus, Comptes rendus de l’Acad. des sciences (1856), t. XLII, p. 875, fam. n° 2, sous-fam. n° 3, genre n° 6. (2) Zoologie, t. I, p. 715, et pl. XXXVIIT. (3) List of Genera of Birds (1841), p. 76. (4) Pages 488 et 489. (5) Birds of Australia (1848), Introduction, t. [, p. Lxxvut et t, V, pl. LXX VII. ARTICLE N° 2. MONOGRAPHIE DES MÉGAPODIIDÉS. 95 largement ouvertes dans une membrane recouvrant une grande fossette, la mandibule inférieure moins élevée, mais plus large que la mandibule supérieure, presque droite en dessous, taillée obliquement en bec de flüte à la pointe, à bords lisses et à branches écartées dans leur portion basilaire, l’écartement étant rempli par une membrane couverte de plumes grêles, la portion angulaire du bec bien développée et dessinant une ligne ascendante, Joues entièrement nues, gorge et côtés du cou à peine garnis de quelques plumes grêles, piliformes, la peau de ces régions offrant souvent des teintes vives étant susceptibles de se dilater de manière à simuler des pendeloques et des caroncules. — Ailes médiocres, arrondies, avec la première rémige assez courte, la deuxième, la troisième et la quatrième augmentant graduellement de longueur, la cmquième et la sixième presque égales entre elles et dépassant toutes les autres (1). — Queue allongée, voütée, arrondie sur les côtés, légèrement émarginée au milieu et composée de 16 à 18 rectrices (2).— Tarses très robustes, et un peu plus longs que le doigt médian (ongle compris), garnis en avant de larges seutelles tantôt entières, tantôt subdivisées longitudinalement. — Doigts longs et forts, réunis à la base par une membrane qui est particulièrement développée entre le doigt interne (et non pas le doigt externe, comme le dit M. Gray) etle doigt médian (3); doigts latéraux à peu près de même longueur et notablement plus courts que le doigt médian. Pouce allongé, reposant presque en entier (1) M. Lesson (Voyage de la Coquille, Zoologie, p. 715), donnant les carac- tères de son genre Talegallus, indique des rapports notablement différents entre les rémiges, savoir : {'° rémige très courte; 2° un peu plus longue 9° dépassant toutes les autres ; 4° et 5° plus courtes que la 3° et diminuant gra- duellement de longueur ; mais évidemment il a pris pour type un oiseau de la Nouvelle-Guinée, chez lequel les pennes alaires n'étaient pas complètement poussées, car en examinant un Talegallus Guvieri adulte, j'ai trouvé entre les rémiges les mêmes relations de grandeur que chez un Talegallus Lathamu. (2) M. Lesson n'indique encore que 12 rectrices, mais j'en ai compté 16 chez un Talegallus Cuvieri, et 18 chez un Talegallus Lathami. (3) C'est à tort que M. Schlegel considère les Talégalles comme absolument privés de membrane interdigitale (Mus. des Pays-Bas, t. NII, p. 79). 26 E. OUSTALET. sur le sol. — Ongles puissants, convexes en dessus, aplatis en dessous, légèrement recourbés et un peu aigus. Le genre Talégalle comprend à l’heure actuelle sept espèces qui habitent l'Australie, la Nouvelle-Guinée et quelques îles avoisinantes, et dont trois au moins (Talegallus Lathasni, Tale- gallus Bruijniiet T. Cuvieri) offrent des caractères parfaitement tranchés. Les oiseaux qui appartiennent à ce petit groupe, cor- respondant comme valeur zoologique aux genres WMegapodius, Megacephalon et Leipoa, vivent dans les forêts ou les broussailles, par couples ou en petites troupes ; ils volent lourdement, mais peuvent courir avec une grande rapidité à la surface du sol; quand ils sont effrayés, ils cherchent un refuge sur les arbres; c’est là aussi qu’ils se retirent pour dormir ou pour faire la sieste durant la chaleur du jour. Leur nourriture consiste en graines, en baies, en insectes et en vermisseaux. Ils aiment à se rouler dans la poussière à la manière des autres Gallinacés. Comme les Mégapodes, ils rassemblent avec leurs pattes de grandes quantités de détritus végétaux et déposent leurs œufs dans ces tumuli, qui, grâce à la chaleur développée par la fer- mentation, jouent le rôle de couveuses artificielles. Les jeunes sortent sans l’aide des parents et sont assez robustes pour se suffire à eux-mêmes immédiatement après leur nais- sance. | À la fin de son Étude sur les Talégalles de la Nouvelle-Gui- née, M. le comte Salvadori avait déjà résumé brièvement les différences essentielles qui séparent quatre espèces de ce groupe (1); mais, voulant donner un moyen plutôt pratique que rigoureusement scientifique de distinguer rapidement, par des caractères extérieurs, les formes principales du genre Taleqgal- lus, j'ai dù tenir compte aussi, dans le tableau ci-dessous de l'espèce australienne Talegallus (Catheturus) Lathami que M. Salvadori avait nécessairement laissée de côté, de l’espèce décrite l’an dernier par M. Schlegel, Talegallus pyrrhopyqius, et d’une troisième espèce que J'ai signalée récemment et qui (1) Annali del Museo civico di Genova (1876-77),t. IX, p. 334. ARTICLE N° 92, MONOGRAPHIE DES MÉGAPODIIDÉS. 97 mérite à tous égards de devenir le type d’un sous-genre parti- culier, Talegallus (Æpypodius) Bruijni (D. Les espèces mentionnées ci-après peuvent être, pour la com- modité de l'étude, réparties en trois sous-genres, savoir : 4° Catheturus, ne comprend que le Talegallus Lathami; 2 Æpypodius, renfermant le Talegallus Bruijnii et le Ta- legallus pyrrhopyqius ; Talegallus proprement dit, embrassant toutes les espèces construites sur le type du Tulegallus Cuvieri. TABLEAU SYNOPTIQUE DU GENRE ET DES ESPÈCES DU GENRE Talegallus. Jo Adultes. A. Narines arrondies. Peau du cou susceptible do se dilater, surtout dans sa partie inférieure, en forme de caroncules ou de pendeloques, a. Point de crête charnue sur le milieu du vortex. Queue longue, ample et voñtée..,,...,. ele CA CCC I. S.g. CATHETURUS. 1. G. Lathami. b. Une crête charnue sur le milieu du vertex. Queue médiocre- ; MERMUBVElODPES AA ee een eeEn der e-meleeeeee IT, S, g. ÆPYPODIUS. a’. Parties inféricures du corps d'un brun fortement lavé (OBS FOR coco acobocoooovecononoovodouoogooo tas 9. Æp. Bruijnii. b'. Parties inférieures du corps d'un brun foncé, comme les î DATES SUNÉRICURES PC mneerc ee ee Ce dre 3.Æp. pyrrhopygius. B. Narines ovalaires. Peau du cou peu extensible ot dénudée seulement dansESaTan tic SUPÉRIEULE AA dede ue eue seed cube IT. S. g. TALEGALLUS a. Plumes du sominct de la tête étroites, piliforines, les anté- proprement dit. rieures redressées, les suivantes couchées ; pattes jaunes (dans l’oiseau vivant). DÉRBECOUTEROUMAUNE EEE CEE cc CCE PE 4. T. Cuvieri. D iBecynoiratre sarcatR actuel ce TT 0 DD 0 GS », T, fuscirostris. b, Plumes du sommet de la tête assez larges, redressées ; pattes couleur d’ocre rouge vif (dans l'oiseau vivant).,,..,.,..,. 1. T. jobiensis. 2° Jeunes (d’après M. Th. Salvadori). T. Cuvierr. A. Poussins d’un brun roussâtre-assez pâle, avec les rémiges brunes, { T. jobiensis. marquées de taches ou de bandes transversales. ..... ............... B. Poussins d’un brun roussâtre assez foncé, avec les rémiges d’un brun uniforme. a. Teinte dominante du plumage tirant au brun; dos et parties inférieures du corps n'offrant que des bandes transversales DEBAT DNCLES PRE eee meer ee Lies b. Teinte dominante du plumage tirant au noir; tectrices alaires et parties inférieures du corps offrant des bandes distinctes, MEnMbNUNNEOUt PE PE rene reines ire cree de 2000 119 [er] . T. arfakianus. ox . T, fuscürostris. 1, — TALEGALLUS (GATHETURUS) LATHAMI. NEW HOLLAND VULTURE, Latham, General History of Birds (1821), t. [, p. 32 etpl. VI. ALECTURA, Latham, op. cit. (1826), t. X, p. 455. (1) Comptes rendus de l’'Acad. des sciences (1880), t. XC, p. 906, séance du 19 avril 1880. 28 _ E. OUSTALET. ALECTURA LATHAMI, G. R. Gray, Zoological Miscellany (1831), n° 1, p. 3. — Jardine et Selby, lustrations of Ornithology (1825-39), pl. CXL. MELEAGRIS LINDSAYI, Jameson, Memoirs of the Wernerian Natural History - Society (1835), t. VIL p. 479. CATHETURUS AUSTRALIS, Swainson, Natural History and Classification of Birds (1836), t. I, p. 284, fig. 92, et t. II, p. 206. TALEGALLA LATHAMI, Gould, Proceedings of the Z RTE Society gs London (1840), p. 111. TALEGALLUS LATHAMI, Gray et Mitchell, Genera of Birds (1816), p. 489. TALEGALLA LATHAMI, Gould, Birds of Australia (1848), t. I, Introduction, p. LXxII, et. V, pl. 77.— Reichenbach, Synopsis avium (1851) Columbariæ, pl. GLXXVIT, fig. 1541. CATHETURUS NOVÆ HOLLANDIÆ, Ch. Bonaparte, Gallinarum conspectus sys- tematicus, Comptes rendus de l’Académie des sciences (1856). t XLIT, p. 877, fam. n° 2, sous-fam. n° 5, genre n° 6, esp. n° 14. TALEGALLA LATHAMI, À. D. Bartlett, Proceedings of the Zoological Sociely of London (1860), p. 426 — A. Leycester, Ibis (1861), p. 169. TALEGALLUS LATHAMI, G. R. Gray, Proceedings of the Zoological Society of London (1861), p. 288, n° 2. — G. R. Gray, Proceedings of the Zoological Society (1864), p. 42, n° 2. —J. Gould, Handbook to the Birds of Australia (1865), t. II, p. 210. —E. P. Ramsay, 1bis (1866), p. 334. TALEGALLA LATHAMI, P. L, Sclater, Proceedings of the Zoological Society (1869), p. 628. TALEGALLUS LATHAMI, G. R. Gray, Hañdlist of Birds (1870), t. II, p.254, n°9537. TALEGALLA LATHAMI, F. W.. Hutton, 1bis (1870), p. 361. TALEGALLA rames LATHAMI, J.-M. Cornély, Bulletin de la Société z00l0. gique d’Acclimatation (1871), 2 série, t. VIIL, p. 528 et suiv. — Salvin et Sclater (1872), Ibis. p. 420. TILEGALLA LATHAMI, À. H. Garrod, Proceedings of the Zoological Society (1876), p. 469 et 640. — R. B. Sharpe, Proceedings of the Zoological Society (1874), p. 607. TALEGALLA (CATHETURUS) LATHAMI, J. M. Cornély, Bulletin de o Société zoolo- gique d'Acclimatation (1874), 3 série, t. I, p. 171. — Marquis d’ Hervey de Saint-Denys, Bulletin de la Société zoologique d’Acclimatation (1875) 9° série, t. Il, p. 51. — J.-M. Cornély, Ibid, p. 54. TALEGALLUS LATHAMI, E.-P. Ramsay, Proceedings of. the Zoological Society (1876), pp. 116 et suiv. TALEGALLA LATHAMI, marquis d'Hervey de Saint- -Denys, Bulletin de la Société zoologique d’'Acclimatation (1877), 3°série, t. IV; p. 569. — W. A. Forbes, Proceedings of the Zoological Society (1878), p. 127. — Marquis d'Hervey de Saint-Denys, Bulletin de la Société zoologique d’Acclimatation (1878), 3° série, t. V, p. 113. — Mairet, Ibid, p. 176. — Ph.-L. Sclater, List of the Vertebrated Animals now or lately living in the Gardens of the Zoological Society (1879), 7° edit., p. 433, n° 1161. TALEGALLUS LATHAMI, H. Schlegel, Notes from the Leyden Museum (1879), p. 159. — Muséum des Pays-Bas (1880), t. ILF, p. 79. ARTICLE N° 2. MONOGRAPHIE DES MÉGAPODIIDÉS. 99 Comme je l’ai dit plus haut, le Talégalle de Latham ne fut bien connu qu’à la suite des observations faites en Australie par M. J. Gould, qui, après avoir donné, en 1840, des détails circonstanciés sur cette belle espèce, dans une séance de la Société zoologique de Londres, en publia une excellente figure, en 1848, dans les Brrds of Australia. Presque à la même épo- que, en 1845 et 1846, mon prédécesseur au Muséum, feu J. Ver- reaux envoya à cet établissement plusieurs Talégalles de La- tham, tués à la Nouvelle-Hollande. Quelques-uns de ces oiseaux, mâles et femelles, parfaitement adultes, sont exposés dans la collection publique du Muséum, et ne diffèrent point des individus qui ont été décrits et figurés par M. Gould. Le plumage, qui est absolument le même dans les deux sexes, est d'un brun noirâtre uniforme sur Le dessus du corps, les ailes et la queue, varié de gris sur les parties inférieures du corps, où les plumes abdominales ont une bordure argentée. Quelques plu- mes d'un brun noirâtre, très réduites, et affectant la forme de poils, couvrent à peine le milieu de la région frontale, du ver- tex et de la nuque, et sont encore beaucoup plus clairsemées sur les côtés de la tête et du cou, où la peau se montre à nu. Cette peau, dans l'oiseau vivant, est d’un rouge vif, sauf vers la base du cou, d’où pendent des caroncules d’un Jaune vif, un peu plus développées chez le mâle que chez la femelle. Les pattes et le bec sont bruns; quant à l'iris, que M. Gould croyait être brun, il n'aurait, d'après M. Forbes, cette couleur que chez les jeunes et serait jaune chez les adultes, comme chez les Talégalles de Guvier (1). (1) Voy. W. À. Forbes, Proceedings of the Zoologica Sociely (1878), p. 127. 30 E. OUSTALET. Trois spécimens du Musée de Paris présentent les dimen- sions suivantes : FEMELLE. | Longueur totale Lots sit tite 0v,770 | 0,750 0®,780 | dedans et pra ritans | on | 07935 | 0320 def/queuc: MITA QUE 0,280 0,260 01,320 A De 0,042 | 0,036 | 0,031 PAPER TT 0,090 | 0,090 | 0%,090 se 0",055 07,054 0",054 du doigt médian (ongle | | COMPTIS). « » « oo » Ne RE | Om,004 0,082 0,081 En comparant ces dimensions avec celles du Talegallus Cuvieri, on voit qu’elles sont beaucoup plus fortes. D'ailleurs, chez les Talégalles de Guvier, les couleurs du bec, des pattes, des parties nues de la tête et du cœur sont toutes différentes, etil n’y a point de pendeloques à la partie inférieure de la gorge; mais, dans les deux espèces, les plumes du devant et du sommet de la tête ont à peu près la même nature et la mème disposition ; celles du front, droites à la base, se recour- bent ensuite en arrière, les suivantes étant couchées sur le vertex : ces plumes toutefois sont toujours plus larges et plus fournies chez le Talégalle de Guvier que chez le Talégalle de Latham, où on les prendrait pour des poils. Le Talégalle de Latham a été rencontré dans tout le nord, l’est et le sud-est de PAustralie, depuis le Cap York jusqu’au cap Hove; toutefois, sur certains points du Queensland, par exemple dans les environs de Rockingham Bay, il est devenu beaucoup plus rare dans ces dernières années, bar suite de la chasse trop active qui lui à été faite, et par suité aussi des progrès rapides du déboisement ; mais il est encore très com- mun, d'après M. E. P. Ramsay, dans la Nouvelle-Galles du ARTICLE N° 2. KE MONOGRAPIHE DES MÉGAPODIIDÉS. sh Sud. IL habite non seulement les forêts voisines de la côte, mais encore les ravins boisés de l’intérieur du pays, vivant oénéralement en petites troupes ou même par couples, à la manière des autres Gallinacés. D’un naturel farouche et défiant, à la moindre apparence de danger, il s’empresse de chercher un abri dans le lourré; mais quand 1l ne peut se cacher assez vite, quand il est serré de trop près par les chiens, il s’élance sur une branche basse, et de là, par une série de bonds successifs, gagne les points les plus élevés de l'arbre, pour s'envoler de là vers une autre retraite. Pendant la cha- leur du jour, 1l se perche également, et cette habitude lui est fatale, car, dit M. Gould, le chasseur profite de la sieste de l'oiseau pour s’en approcher sans bruit et le descendre d’un coup de feu. Le Talégalle de Latham est en effet extrèmement recherché, à cause des qualités de sa chair, qui est tendre et savoureuse. : Gomme le Mégapode de Duperrey, le Talégalle ne couve pas lui-même ses œufs, mais les met en incubation dans un tas énorme, dans un tumulus de substances végétales, qui ne tar- dent pas à entrer en décomposition et qui développent ainsi une assez grande quantité de chaleur. [ résulte d’ailleurs des observations de M. Ramsay, comme de celles de M. Gould, que ce tumulus n’est pas l’œuvre d’une seule paire, mais de plusieurs couples d'oiseaux qui y travaillent, soit simultané- nent, soit plutôtsuccessivement, de nouveaux matériaux venant d'année en année s'ajouter à l'édifice. En outre, cette cou-- veuse artificielle sert parlois à deux femelles qui, dans la môme saison, viennent y déposer leurs œufs : dans ce cas par- üiculier, dit M, Ramsav, de tumulus est souvent deux fois aussi grand que d'ordinaire. L'édifice, de forme pyramidale ou conique, s'élève parfois à 2 mètres de haut et mesure 4 mètres à 44 de diamètre à la base. Les détritus nécessaires à sa construction sont enlevés de la surface du sol, qui se trouve ainsi nettoyé à une distance de 45 mètres à la ronde; ils sont invariablement amoncelés de la manière suivante : Poiseau gratte la terre avec ses paites robustes et, au moyen de ses 32 E. OUSTALET. longs doigts, terminés par des ongles énormes, ilrejetteenarrière de lui les matériaux qu’il tend sans cesse à ramener vers un centre commun. Quelquefois même, il leur fait franchir de la sorte des obstacles que l’on jugerait presque insurmontables; c’est ainsi que M. Ramsay a remarqué, sur les bords de la rivière Richmond, une pleine charretée de débris végétaux, : qui avaient été trainés par les Talégalles d’une rive à l’autre d’une petite crique ayant au moins 36 mètres de largeur. A de rares exceptions près, les tumuli ne s'élèvent point dans un terrain en pente (1). Leur portion centrale consiste en feuilles réduites en poussière et mélangées avec du terreau, autour desquelles sont disposés des matériaux plus grossiers, dont la décomposition est moins avancée; enfin, vers l'extérieur, se trouve un revêtement très épais de feuilles mortes, de branches et de rameaux encore intacts. Pour explorer un tumulus, il faut, dit M. Ramsay, rejeter avec soin sur les côtés, en com- mençant par le sommet, les divers éléments de la couche superficielle, puis enlever la couche à demi décomposée : on arrive ainsi à une masse fine et légère, à un véritable terreau, où les œufs sont dressés, la pointe en bas, à une profondeur de 0",40 à 0",50. Souvent ces œufs sont très régulièrement dis- posés; trois ou quatre d’entre eux sont placés au centre, et les autres forment le cerele, étant séparés l’un de Pautre par un intervalle de 0",15, suivant M. Ramsay, de 0",93 à 0°,30, sui- vant M. Gould; parfois même, autour du premier cercle, com- posé de 5 ou 6 œufs, il y en a un second de 10 œufs, situés plus en dehors, dans la première couche. Mais cet arrangement ne s’observe que dans le cas où le tumulus n’est visité que par un seul couple ; au contraire, quand il sert à plusieurs femelles, les œufs sont irrégulièrement disséminés : dans un cas comme dans l'autre, ils n’offrent, bien entendu, pas tous le même état de développement, puisqu'ils ont été déposés successivement ; ain- (1) M. Gould dit cependant avoir vu à lilawatra des tumuli situés sur le flanc d’une colline ; au-dessus d’eux, la surface du sol était complètement nettoyée, au-dessous complètement intacte, l’oiseau ayant sans doute trouvé plus commode de faire descendre les matériaux que de les remonter le long de la penie. ARTICLE N° 2. MONOGRAPHIE DES MÉGAPODIIDÉS. D) si l’on peut découvrir, à côté d’un œuf fraîchement pondu un autre œuf prêt à éclore. M. Ramsay a constaté que des femelles (il ne dit pas les mêmes femelles) viennent pondre tous les deux jours aux mêmes endroits. Au dire de certains indigènes, elles ne quittent point les environs des tumuli, mais ce sont les mâles qui ouvrent la masse de terre et de brindilles pour donner passage aux jeunes. Suivant d’autres, au con- traire, les œufs, une fois pondus, sont recouverts de terreau et de feuilles, puis complètement abandonnés par les parents, qui ne surveillent point l’incubation et laissent les poussins se frayer un chemin commeils peuvent. Ces poussins sont du reste, en naissant, bien assez forts pour se suffire à eux-mêmes, et sont emplumés comme les jeunes Mégapodes. Les œufs du Talégalle de Latham sont d’un blanc pur ou jaunâtre, à coquille finement granuleuse. Ils varient légère- ment de forme : ainsi, j'en ai sous les yeux, qui ont été rap- portés jadis de Moreton Bay par J. Verreaux et qui mesurent 0",088, 0",089 et 0",091 de long sur 0",060, 0,057 et 0,052 de large; tandis qu’un autre, pondu à la ménagerie du Muséum, en 1874, a 0",093 sur 0",053, et un cinquième, donné par M. Cornély, 0",088 sur 0",063 (1). En Australie, ces œufs, d’un goût délicat et très riches en principes nutritifs, sont activement recherchés par les colons anglais et par les indigènes, qui en récoltent parfois un plein boisseau. Mais comme les chasseurs ne dissimulent pas toujours avec assez de soin les fouilles qu'ils ont pratiquées, les Talégalles s’a- perçoivent souvent que leurs tumuli ont été visités; plus défiants que les Mégapodes, ils abandonnent alors la place et recommencent ailleurs sur nouveaux frais. Depuis une vingtaine d'années, un grand nombre de Talé- galles ont vécu en captivité, soit en Australie, soit en Europe, au Jardin Zoologique de Londres, au Jardin d’Acclimatation, à la Ménagerie du Muséum d'histoire naturelle de Paris, ou chez des particuliers; ils ont pu être ainsi l’objet d’observa- (1) Les œufs mesurés par M. Gould avaient en moyenne 0,095 sur 0,063. ANN. SC. NAT., ZOOL., JANVIER 1881. XI. 4, — ART. N° 2. 24 E. OUSTALET. tions intéressantes de la part de M. J. Gould, du D° Bartlett, de M. le professeur A. Milne Edwards, de M. Cornély, etc. Toutes les fois que les Talégalles se sont touvés dans des circon- stances favorables, c’est-à-dire lorsqu'ils ont eu pour domaine un espace de terrain suffisamment étendu, avec les feuilles, le gazon, le terreau nécessaires à leurs constructions, ils ont élevé des tumuli absolument semblables à ceux qu'ils édifient dans leurs forêts natales. Loin de se montrer farouches et de choisir pour l'établissement de leurs couveuses artificielles quelque endroit retiré, ils n’ont pas craint de placer ces amas de terre et de feuillage dans un lieu découvert, contre le mur d’une étable, le long d’une clôture, près d’un chemin fré- quenté (1). Dès le mois d'avril, le mâle s’est mis à l’œuvre, grattant le sol avec ses pattes robustes et lançant derrière lui les feuilles, le gazon, les brindilles, les aiguilles de pin, de manière à nettoyer le terrain à plus de 42 mètres à la ronde. Tous ces débris, accumulés sur un même point, ont formé un tas de plus en plus élevé. Bientôt même, la femelle, qui d’a- bord s’était tenue à l'écart, étant venue joindre ses efforts à ceux du mâle, l’œuvre a marché rapidement; depuis le matin jusqu'au coucher du soleil, les deux oiseaux ont travaillé de concert, ne s’interrompant que lorsque la terre avait été trop desséchée par les rayons du soleil. Quand l'édifice leur a paru suffisamment élevé, les Talégalles en ont aplati le sommet, puis l’ont excavé légèrement, et sur cette sorte de corbeille la femelle s’est accroupie pour pondre. À partir de ce moment, le tumulus à été encore quelque peu remanié, les matériaux desséchés ayant été en partie remplacés par de la terre et des feuilles humides ; tandis que d’autres femelles, succédant à la première, venaient parfois pondre leurs œufs dans le même endroit; mais bientôt les oiseaux se sont éloignés, soit pour reprendre le cours ordinaire de leur existence, soit pour recommencer ailleurs une nouvelle construction. (1) Cest ce qui est arrivé notamment dans Îe parc du château de Beaujardin, appartenant à M, Cornély. ARTIGLE N° 2. MONOGRAPHIE DES MÉGAPODIIDÉS. 35 Ces énormes accumulations de détritus végétaux entrant en fermentation, sous l’action combinée de l'humidité et de la chaleur solaire, la température de la portion centrale s’est élevée à 37 ou même 39 degrés centigrades, d’après les obser- vations thermométriques faites à la ménagerie du Muséum ; c’est-à-dire que les œufs se sont trouvés précisément dans les mêmes conditions que s'ils avaient été placés sous le corps d’une poule bonne couveuse. Aussi un grand nombre d’entre eux ont-ils éclos, et foujours les petits se sont échappés de leur prison sans aucune aide de leurs parents. Il paraît du reste que le poussin prend dans l’œuf un tel développement qu'il en remplit bientôt toute la cavité et qu’en pressant sur les parois il les fait éclater de toutes parts. M. Cornély, en effet, ayant saisi un de ces œufs de Talégalle, le vit pétiller et se réduire en petits fragments, laissant le jeune Oiseau à nu dans sa main. Cela nous explique, dit-il, pourquoi on ne trouve pas, en général, de débris d'œufs dans les anciens nids. Le même fait a été observé par M. Sclater sur des œufs de Casoar de la Nouvelle-Hollande. Dès leur sortie du tumulus, les jeunes Talégalles nés au Jardin zoologique de Londres étaient aussi agiles et aussi forts que des poussins âgés d’un mois; ils se mirent immédia- tement à courir à droite et à gauche, à la recherche de leur nourriture, sachant découvrir, avec beaucoup d'adresse, les vers et les menus insectes. Le soir venu, ils s’envolèrent sur une branche située à 2 mètres au moins au-dessus du sol, et s’y installèrent commodément, sans s'inquiéter ni de leurs frères, ni de leurs parents, qui allaient parfois chercher un abri sur le même arbre. Au bout de trois mois, ils avaient pris un tel accroissement qu’ils se distinguaient à peine des adultes. Les Talégalles nés dans le parc de M. Cornély se sont com- portés absolument de la même facon. L'un d’eux, frais éclos, ayant été découvert dans une touffe de laurier-cerise, échappa à la main qui voulait le saisir et se réfugia sur le bord du toit d’un bâtiment élevé de 3 mètres au-dessus du sol. Un autre, 36 EH. OUSTALET. sorti du nid le lendemain, franchit un mur de clôture et dis- parut dans la campagne. D’autres enfin, heureusement eap- turés dans le tumulus même ou dans son voisinage immédiat, furent logés dans une volière et nourris avec des morceaux de cœur de bœuf, des fragments de lombrics, du pain émietté, des fraises et des cerises. Cette alimentation parut beaucoup leur convenir; en revanche, ils dédaignèrent les œufs de four- mis et le pain mélangé à des œufs durs. Au printemps de lPan- née suivante, les jeunes Talégalles, parfaitement bien portants et grands comme père et mère, furent lâchés dans le parc. D'abord ils se montrèrent extrêmement sauvages; mais peu à peu ils se familiarisèrent au point de venir manger dans la main. Quelques mois plus tard, ils s’emparèrent d’un nid, construit l’année précédente par leurs parents, et s’occupèrent à le réparer en y ajoutant de nouveaux matériaux. Enfin, le 27 juin une troisième génération fut obtenue. Quoique certains éleveurs n’aient pas été aussi heureux dans leurs tentatives que M. Cornély, on peut néanmoins consi- dérer l’acclimatation du Talégalle de Latham comme un fait accomph. Il est démontré maintenant que cette espèce sup- porte assez bien les hivers de notre pays et que, placée dans de bonnes conditions, jouissant d’une liberté suffisante, elle se reproduit sans grandes difficultés. IT importe toutefois, pour obtenir de bons résultats, de mettre à la portée de l'oiseau, comme le recommandent M. Cornély et M. Mairet, quelques tombereaux de terre ou de feuilles mouillées, toutes les fois que lPété est d’une sécheresse exceptionnelle; autrement, le Talégalle ne tarderait pas à abandonner l'édifice commencé, comme s’il prévoyait que, faute d'humidité, il n’y aurait point de fermentation et, partant, point de chaleur suflisante pour l’éclosion de ses œufs. Les observations de M. Cornély et de M. Bartlett ont per- mis encore d’éclaircir un point jusque-là assez obscur de l’histoire du développement des Talégalles. Plusieurs auteurs avaient affirmé que ces Oiseaux, ainsi que les Mégapodes, savaient par certains artifices retarder le développement de ARTICLE N° 2. MONOGRAPHIE DES MÉGAPODIDÉS . 37 quelques-uns de leurs œufs, pour que la sortie de tous les jeunes s’effectuât en même temps. Mais M. Bartlett a reconnu le premier que cela est impossible : deux ou trois jours, en effet, peuvent s’écouler entre la ponte de deux œufs consécu- tifs à l’incubation commence aussitôt que l'œuf a été déposé dans la masse en fermentation, et les poussins quittent le tumulus dans l’ordre même où les œufs ont été pondus. En captivité, les Talégalles ont tout à fait les allures des Gallinacés; ils se roulent dans la poussière pour se débar- rasser de leurs parasites. Le mâle affecte souvent les airs ma- jestueux de notre Coq domestique; il marche en se pavanant et semble prendre plaisir à étaler les brillantes couleurs de sa gorge et de son cou, en dilatant ses caroncules. En temps ordinaire, il pousse fréquemment une sorte de gloussement, et, quand il est irrité, il fait entendre un chant guttural, ron- flant, qui semble émis par un ventriloque. En revanche, M. Cornély n’a jamais entendu la femelle émettre le moindre son. Le Talégalle ne peut pas, à proprement parler, être consi- déré comme un Oiseau de basse-cour. [ lui faut pour s’ébattre un parc ou tout au moins un grand jardin. Dans ces condi- tions, il rend de véritables services, ramassant Îles vers, les limaces et les chenilles, et ne touchant pas aux plantes pota- gères. C’est un animal fort doux, qui s’apprivoise aisément, el qui s’habitue à obéir à un signal particulier, et à venir prendre sa nourriture dans la main. Sa chair, dit M. Cornély, est vrai- ment exquise; quant à ses œufs, ils ne méritent aucunement la réputation qui leur a été faite; ils sont même d’un goût assez désagréable. | À une date récente, le Talégalle de Latham a été introduit à la Nouvelle-Zélande; mais jusqu’à présent 1l ne parait pas s’y être beaucoup multiplié, du moins en liberté. En Australie, cette espèce est appelée Wee-lah par les indigènes, et Brush- Turkey (Dindon des broussailies) par les colons anglais. 38 E. OUSTALET. 9, — TALEGALLUS (ÆPYPODIUS) BRUINIL. Fig. 33 (adulte) et fig. 34 (jeune). TALEGALLUS (ÆPYPODIUS) BRUINIT, Oustalet, Comptes rendus de l’Académie des sciences (1880), t. XC, p. 906, séance du 19 avril 1880. — Schlegel, Muséum des Pays-Bas (1880), t. VII, p. 82, note. Cette espèce est assurément l’une des plus singulières de toute la famille des Mégapodüdés. Chez le mâle adulte, en effet, la dénudation de la tête et du cou est portée beaucoup plus loin que chez le Talégalle de Guvier : les joues sont com- plètement nues, le menton et le devant de la gorge offrent à peine quelques plumes ou plutôt des poils épars; les yeux sont surmontés seulement d’une bande assez étroite de plumes piliformes et couchées, rappelant celles qui existent dans la même région chez le Talegallus Guvieri ; mais sur lemilieu du vertex, qui est presque glabre, un repli charnu se dirige longi- tudinalement d'avant en arrière et se continue sur la nuque par une sorte de camail, également charnu, terminé lui-même par deux pendeloques. Sur une grande partie de son trajet, ce repli présente un aspect rugueux, comme si, à sa surface, un grand nombre de papilles ou de petites plumes avortées ou plutôt de papilles étaient venues s’agglutiner. Sa portion élargie ressemble à une lame de cuir, et les deux pendeloques posté- rieures atteignent près de 0",035 de long. Sur la gorge, immé- diatement au-dessus du point où commencent les plumes normales, il existe une caroncule, de même nature que les appendices supérieurs et mesurant environ 0",035. Toutes ces excroissances, de même que la peau qui revêt le devant du cou et les côtés de la tête, paraissent avoir été d’un rouge assez vif et peut-être orangé dans l’oiseau vivant. Le bec, d’une hauteur remarquable, avec la mandibule supé- rieure fortement convexe, et les narines arrondies, est d’un brun corné avec la base plus foncée, et les pattes, également très robustes, sont d’un brun sombre et légèrement rougeâtre avec les ongles d’une nuance un peu plus claire. ARTICLE N° 2. MONOGRAPHIE DES MÉGAPODIIDÉS. 39 Le corps est revêtu d’un manteau d’un brun foncé, offrant çà et là, sur le milieu du dos, quelques reflets rougeâtres; sur le croupion et sur les plumes sous-caudales règne une belle teinte marron, tandis que les rectrices tirent fortement au noir. Tout le dessous du corps est d’un brun terreux, fortement nuancé d’ocre rouge, et les quelques plumes piliformes qui se montrent sur le milieu du vertex, sur les sourcils, sur le men- ton et sur la gorge sont décidément noires. Cette description est prise sur un individu adulte tué dans l'ile de Waigiou en 1879 par les chasseurs de M. A. À. Bruijn et acquis tout récemment par le Muséum à M. L. Laglaize. Un autre Talégalle, provenant précisément de la même localité que le précédent, mais évidemment moins avancé en âge, pré- sente déjà, quoique à un plus faible degré, les traits caracté- ristiques de l’espèce. Son bec et ses pattes sont relativement très robustes, ses narines affectent une forme circulaire, sur le milieu de son vertex règne une crête qui s’élargit un peu vers lefront etquise prolonge en arrière Jusquesur l’occiput (fig. 34). Cette crête semble formée d’une série de papilles étroitement accolées et s'élève au milieu d’un espace parsemé de quelques plumes piliformes qui deviennent un peu plus denses au-dessus des yeux et dessinent des sortes de sourcils. En arrière, un repli charnu transversal, semblable à celui qu’on observe chez certaines Pintades, représente déjà le camail dont j'ai parlé plus haut et porte sur ses bords deux renflements, premiers vestiges des pendeloques postérieures. Ge repli n’est toutefois pas encore en continuité avec la crête médiane. Autour des yeux, sur les joues, sur l’occiput et sur le cou les plumes pili- formes sont également clairsemées, ou, pour mieux dire, elles n'existent que sur quelques points de la nuque, sur les côtés et entre les deux branches de la mandibule inférieure; aussi la peau se montre-t-elle à nu, avec une couleur rougeûtre assez prononcée. Sur le devant de la gorge, au-dessus du point où commencent les plumes normales, on remarque une caroncule presque aussi développée que chez l’individu adulte et mesu- rant environ 18 millimètres de long. Enfin, le plumage est exac- 40 E. OUSTALET. tement le même que dans l'oiseau que j'ai décrit en premier lieu, d’un brun soyeux sur le dos, d’un brun marron sur le croupion et les couvertures supérieures de la queue, d’un noir presque parfait sur les rectrices et d’un brun nuancé d’ocre rouge sur les parties inférieures du corps. Les dimensions principales de ces deux Talégalles de Wai- giou sont les suivantes : 1 OME LS No 9, INDIVIDU TRÈS ADULTE.|INDIVIDU MOINS ADULTE Longueur totale 0,470 environ.| 0,450 environ. de l'aile Le 0,310 0,270 de la queue 0,160 0,155 du bec (culmen) 0,035 0,030 Hauteur du bec (max.)............ 0,020 0,019 Longueur du tarse 0,095 0,094 — dudoigt médian. 0,070 0",058 de l'ongle de ce doigt... 0,020 0,018 Je ne possède malheureusement aucun renseignement sur la manière de vivre du Talegallus (Æpypodius) Bruijnii; mais je suis porté à croire que par ses mœurs et son mode de repro- duction il ne s’éloigne pas beaucoup des Talégalles de la Nou- velle-Guinée et de l'Australie. Des explorations ultérieures ne manqueront pas de nous fournir à cet égard quelques éclaircis- sements et nous apprendront également si cette espèce se ren- contre fréquemment à Waigiou, si elle vit sur les côtes ou dans l’intérieur et si elle est absolument cantonnée dans cette île. 3. — TALEGALLUS (ÆPYPODIUS) PYRRHOPYGIUS. Fig. 30. TALEGALLUS PYRRHOPYGIUS, H. Schlegel, Notes from the Leyden Museum (1879), p. 159 et suiv. ARTICLE N° 9. MONOGRAPHIE DES MÉGAPODIIDÉS. 4 TALEGALLUS (ÆPYPODIUS) PYRRHOPYGIUS, Oustalet, Comptes rendus de l’Aca- démie des sciences (1880), t. XC, p. 906, séance du 19 avril 1880. TALLEGALLUS PYRRHOPYGIUS, Schlegel, Muséum des Pays-Bas (1880), t. VITE, p. 82. Cette espèce, qui n’est encore représentée dans les collections que par deux spécimens, ressemble au Talegallus Cuvieri par le mode de coloration du plumage, mais en diffère par un cer- tain nombre de caractères. Ainsi, les dimensions sont un peu plus faibles que dans le Talégalle de Cuvier, le bec est plus court, plus brusquement recourbé vers le bas, et d’un brun corné, tirant au gris, au lieu d’être coloré en jaune comme c’est le cas ordinaire chez le Talegallus Cuvieri. Les tarses, les doigts et les ongles sont d’une teinte brune cornée uniforme et n’offrent point trace de la couleur jaune qui existe sur les mêmes parties dans l'espèce vulgaire. Maisil y a dans la coloration des couvertures supérieures de la queue et des plumes du croupion une différence encore plus frappante, ces plumes étant chez le Talegallus Cuvieri de la mème teinte que le reste du plumage, chez le Talegallus pyrrhopyqius au contraire d’une belle teinte marron, plus vive sur les sous-caudales que sur le croupion, où elle tend à se fondre dans la couleur noire des parties supé- rieures. Un magnifique individu mâle de cette espèce, qui a été tué à Ajermasi, dans les monts Arfak, par les chasseurs de M. A. À. Bruijn, et qui a été acquis récemment par le Muséum d'histoire naturelle, présente au plus haut degré ces carac- tères indiqués par M. Schlegel dans sa description originale ; mais il est sans doute plus âgé que celui que le savant direc- teur du Musée de Leyde a eu sous les yeux, ou bien il appar- tient à un autre sexe, car loin d’avoir « les plumes du cou et des parties supérieures de la gorge plus nombreuses et bien plus développées (1) » que dansle Tulegallus Cuvieri, il a toute cette région fortement dénudée, sauf en arrière vers la nuque ; enfin, 1l porte sur le milieu du vertex un repli de la peau, dirigé d'avant en arrière et un peu dilaté vers le front et, sur la partie inférieure de la gorge, une caroncule dont la base remonte un (1) Schlegel, Notes, p. 160, et Muséum des Pays-Bas, p. 83. 42 E. OUSTALET. peu sur les côtés du cou et dont la portion terminale, aplatie en languette par la dessiccation, mesure plus de 0",020 de lang, Gelte caroncule est hérissée de quelques plumes pili- formes, analogues à celles qui sont disséminées sur le devant de la gorge, et, comme cette dernière partie, semble avoir perdü sa coloration primitive, étant actuellement d’un gris brunâtre terne. Par la présence de cette caroncule, par la trace d’un léger repli charnu sur le dessus de la tête, par la forme du bec et des narines aussi bien que par la teinte mar- ron des plumes sus-caudales, cet oiseau se rapproche du type du Talegallus (Æpypodius) Bruijni; néanmoins, il peut en être facilement distingué par la coloration plus foncée des parties inférieures du corps, qui sont d’un brun noirâtre et à peine plus claires que les parties supérieures, Le Talégalle qui a servi de type à M. Schlegel pour sa des- cription offrait des dimensions un peu moins considérables qu'un Talégalle de Cuvier; au contraire, celui qu’il m’a été donné d'examiner est singulièrement robuste, comme on peut en juger par le tableau ci-dessous : TALEGALLUS $ TALEGALLUS TALEGALLUS CUVIERI - PYRRHOPYGIUS PYRRHOPYGIUS d’après d'après Mâle M. Schlegel. M. Schlegel. (Musée de Paris). à m n | m m Longueur de l’aile....... | 0,266 à 0,280 0,239 0,290 = de la queue... 0,158 0,147 0,150 — dushec ss 0,030 à 0,032 0,025 0,350 2 du Mtarser ur 0,088 0,081 0,093 __ dudo gtmédian 0,052 0,050 0,065 — du doigt posté- TIEUT VARIE 0,093 0,021 0,030 RES EE EEE ER PRIE RD Je ferai remarquer toutefois qu’il ne faut pas attacher trop d'importance aux différences de proportions que ce tableau fait ressortir, puisque nous avons vu précédemment que le Tale- ARTICLE N° 2. MONOGRAPHIE DES MÉGAPODIIDÉS. 43 gallus Cuvieri était aussi sujet à de grandes variations de taille, certains individus ayant le bec, les ailes et les tarses presque aussi courts que l'oiseau décrit par M. le professeur Schlegel (1), tandis que d’autres ont ces mêmes parties plus développées que chez le Talégalle tué récemment dans les monts Arfak. Le type du Talegallus pyrrhopyqius a été rapporté en Europe par un prêtre hollandais, appartenant à une mission installée sur la côte orientale de la péninsule nord-ouest de la Nouvelle- Guinée; malheureusement, cet oiseau n’était accompagné d'aucune indication précise de localité, et se trouvait parmi un grand nombre d’autres spécimens provenant, les uns du con- tinent de la Nouvelle-Guinée, les autres de certaines îles de la baie Geelvink; de sorte que, jusqu’à ces derniers temps, on ne connaissait pas l’habitat du Talégalle à croupion rouge. Si, comme tout porte à le croire, en dépit des différences que j'ai signalées plus haut, l'oiseau envoyé par M. Bruijn appartient bien à eette espèce, la question est désormais résolue. Je dois rappeler en terminant que c’est aussi dans les monts Arfak, à Hattam, qu'ont été tués les jeunes oiseaux appelés Talegallus arfakianus, par M. le comte Salvadori. Ces jeunes Talégalles se rapporteraient-ils aussi, par hasard, à l’espèce de M. Schlegel, Talegallus pyrrhopygqius, qui, dans ce cas, devrait échanger son nom spécifique contre celui qui a été proposé antérieurement par le savant ornithologiste italien ? C’est ce que des explorations ultérieures ne manqueront pas de nous apprendre. 4. — TALEGALLUS CUVIERI. TALEGALLUS CUVIERI, Lesson, Voyage de la Coquille (1826), Zoologie, t. I, p. 716, n° 132 et 133, et pl. XXXVIIL. TALEGALLA CUVIERI, Lesson, Manuel d’ornithologie (1828), t. II, p. 185 et 186. Lesson, Traité d’ornithologie (1831), p. 526. TALEGALLA Cuviert, Reichenbach, Synopsis avium (1851), pl. CLXXVIIT, fig. 1538 et 1539, et Handbuch der speciellen Ornithologie, Tauben, p. 129. TALEGALLUS CUVIERI, G. R. Gray, À List of Genera of Birds (1841), p. 76. — G. R. Gray et Mitchell, Genera of Birds (1846), p. 489. TALEGALLA GUVIERI, Ch. Bonaparte, Gallinarum Conspectus systematicus, (1) Les mesures indiquées en pouces français par M. Schlegel ont été con- verties en millimètres. 44 | E. OUSTALEÉT. Comptes rendus de l'Académie des sciences (1856), t. XLII, p. 876, fam. n°9, subfam. n° 3, genre n° 7, esp. n° 15. TALEGALLUS CUVIERI, G. R. Gray, Proceedings of the Zoological Society (1859), p- 199, n° 76. — G. R. Gray, Catalogue of the Mammalia and Birds from New Guinea (1859), p. 49 (part.). — G. R. Gray, Proceedings of the Zoolo- gical Society of London (1861), p. 288, n° 1, et p. 438 (part.). TALEGALLA Cuvieri, A. R. Wallace, Proceedings of the Zoological Society (1862), p. 165. TALEGALLUS CUVIERI, G. R. Gray, Proceedings of the Zoological Society (1864), p. 42, n° 1 (part). — G. R. Gray, Handlist of Birds (1870), t. IL, p. 254, n°. 9536 (part.). — A. R. Meyer, Sitzungsberichte der k. Akademie der Wissenschaften zür Wien (1874), t. LXIX, pp. 75 et 85, et Tirages à part, n° 4, pp. 1 et 14. TALEGALLA CUVIERI, R. B. Sharpe, Proceedings of the Zoological Society of London (1874), p. 607. TALEGALLUS CUvIERI, T. Salvadori, Annali del Museo Civico di Genova (1876-71), t. IX, p. 327 et suiv. E. P. Ramsay, Proceedings of the Linnean Society of New South Wales (1877), t. Il, part. 1, p. 107. — T. Salvadori, Annali del Museo Civico di Genova (1877), t. X, p. 162, n° 157. — H. Schlegel. Notes from the Leyden Museum (1879), pp. 159 et suiv. L'oiseau qui servit de type à la description et à la figure publiées par MM. Lesson et Garnot dans la Zoologie du Voyage de la Coquille fut probablement conservé par ces naturalistes, car il ne se trouve point mentionné dans le catalogue des oiseaux remis au Muséum d'histoire naturelle peu de temps après le retour de l'expédition. Il n’a donc figuré à aucune époque dans les collections du Musée de Paris, qui possède, en revanche, un individu tout à fait analogue, rapporté de la Nouvelle-Guinée en 1829, par MM. Quoy et Gaymard, natu- ralistes attachés à l'expédition de l’Astrolabe. Get oiseau, qui est indiqué comme étant une femelle, provient des forêts voi- sines de Dorey, c’est-à-dire précisément de la même localité que le type de l’espèce, et porte aussi la même livrée. Tout son corps, depuis la base du cou jusqu’à l'extrémité des ailes et de la queue et aux plumes des cuisses, est d'un brun très foncé, presque noir, à reflets légèrement pourprés; sur le sommet de sa tête, des plumes grèles, piliformes, d’un brun sombre, sont couchées d'avant en arrière ; sur le front, des plumes analogues se dressent ou se recourbent légèrement en tournant leur con- cavité en arrière ; enfin, sur les côtés du cou et sur le menton, ARTICLE N° 2. MONOGRAPHIE DES MÉGAPODIIDÉS. 45 il n’y a que quelques plumes rares et courtes, laissant à nu la peau, qui, sur ce spécimen desséché, offre des tons livides ou noirâtres ; le bec et les pattes, également décolorés, sont actuellement d’un Jaune ocreux. On peut répéter, à propos de cet individu, ce que M. A. B. Meyer dit au sujet du type de l’espèce, à savoir que ce n’est pas un oiseau complètement adulte. En y regardant de près, on voit en effet que les plumes inférieures de la nuque ont une coloration brunâtre assez claire qui n’existe pas chez les indi- vidus au plumage complet, tels que ceux qui ont été rapportés de Dorey (?) et d’'Andaï par M. L. Laglaize et par M. Raffray. Chez ces oiseaux, le plumage est en effet d’un brun noir soyeux et uniforme, mais la coloration des parties nues est certaine- ment altérée. Heureusement, nous savons, grâce à M. Le doc- teur Meyer, à M. Beccari et à M. d’Albertis, que pendant la vie les Talégalles de Cuvier ont le bec rouge ou jaune (1), au moins à l’état adulte, les pattes, la peau nue de la tête (2) et du cou et l'iris jaunes. Le Muséum d'histoire naturelle de Paris a acquis également de M. Raffray deux jeunes Talégalles tués à Andaï au mois de mars 1877. De ces deux oiseaux, le plus avancé en âge est un mâle ayant la tête et le cou complètement revêtus, sauf dans le voisinage des yeux, de plumes d’un brun roux, offrant une structure particulière. Ces plumes, en effet, sans être aussi grêles que celles qui existent chez l'adulte dans la même région, ont néanmoins des barbes làches et complètement dépourvues de barbules dans toute leur portion terminale qui a par cela même l'aspect d’un poil. Quelques taches d’un brun roux viennent aussi rompre la teinte sombre du dos et de la poitrine et des raies de même couleur recoupent transversa- lement les grandes pennes de l'aile ; enfin, le milieu de l’ab- domen et le menton sont largement mouchetés de fauve. D’après une note de M. Raffray, l'iris était noir chez ce jeune individu ; d’où il résulte que l'œil aussi doit changer de couleur (1) Rouge, d’après M. d’Albertis; jaune, d’après M. Meyer. (2) M. Beccari dit que la peau nue de la tête est bruno-verdastra, c’est-à- dire d’un brun tirant au vert (Salvadori, Ann. del Mus. Civ., t. IX, p. 398. 46 E. OUSTALET. avec l’âge. Les dimensions de ce Talégalle sont les suivantes : m Longueuritotale, 2... HAN REA h de 0,345 — | (delaile se 29 act CPU CRRe RURAUX 0,185 — de latqueue FREE PRG EEREN EL 42 0,120 — dumpecss Parent PEUR NES RER ET 0,024 — ANS ERP NENRLE ER E RAR er 0 A 0,053 sc rérduidoist hédian- anse cernes 0,052 Le deuxième individu, dont le sexe est malheureusement inconnu, est beaucoup plus jeune et porte une livrée encore moins uniforme ; tout le dessus de la tête présente un aspect strié, le milieu des barbes étant d’un roux pâle et les bords d’un brun terne ; sur les plumes du dos et les couvertures des ailes se montrent des stries analogues, mais seulement vers l'extrémité des barbes, dont la pointe est dépourvue de bar- bules et prolongée sous forme de poil ténu. Gette disposition w’existe plus chez l'oiseau adulte, où les plumes du dos sont larges, régulièrement arrondies et d’un brun noir uniforme ; mais elle peut s’observer encore sur le jeune mâle dont j'ai donné précédemment la description, et qui est intermédiaire, comme taille et comme plumage, entre l'adulte et le jeune que jexamine en ce moment. Chez ce Talégalle en livrée de tran- sition, quelques plumes du dos et de la poitrine, -et précisé- ment celles qui sont bordées de roux et qui sont des restes des témoins du premier plumage, ont ainsi leurs barbes dégarnies à l’extrémité. Il me paraît donc de toute évidence que chez les Talégalles comme chez une foule d’autres oiseaux, Galli- nacés, Échassiers ou Palmipèdes, le passage d’une livrée à l’autre s'effectue par le changement de coloration (et non par le remplacement) des plumes, qui, en même temps s’usent par les bords, perdent les prolongements filiformes de leurs barbes et prennent une forme arrondie. Le plumage des jeunes Méga- podes que j'ai sous les yeux n’offre pas cet aspect par- ticulier, il est plus doux et plus soyeux; au contraire, chez les jeunes Cracidés, les plumes du dos et de la poitrine ont éga- lement des barbes effilées et piliformes. En mettant à côté l’un de l’autre un poussin de Graz alector et un poussin de Talegallus Cuvieri, on est frappé de la ressemblance singulière que pré- FRTICLE N° 2. Le MONOGRAPHIE DES MÉGAPODIIDÉS. 47 sentent ces deux oiseaux, non seulement dans la nature et la coloration du plumage, mais encore dans la forme du bec et des pattes. Mais revenons au jeune Talégalle: il a la gorge et les joues d’un fauve pâle; la poitrine d’une teinte brune, rayée de roux, qui se continue sur les côtés avec la teinte du manteau; le ventre d’un jaune d’ocre tirant au roux; les ailes d’un brun soyeux presque uniforme sur les grandes rémiges, et rayé obli- quement de roux sur les pennes secondaires ; la queue du même brun que les ailes, sans marques transversales; le bec bru- nâtre, avec la base de la mandibule inféricure jaune; les pattes jaunes, avec quelques taches brunâtres sur les articulations. Les dimensions principales de ce Talégalle sont : OT UD EE OR RE UE AN ELA COR DEC 0,270 — derniere NES nt ir ce PR 0,150 — DTA TUE LE nue 0,070 — AUNNECS PA RTS ER Se Ce PAP RU 0,020 — UNS CARMEN PU EAN RAR Se 0,040 UNIS tiMÉdAN. MERE ECS 0,025 11 y a quelques années, M. le D' A. B. Meyer a déerit un Jeune oiseau pris au sortir de l’œuf, à Passim, sur la côte occi- dentale de la Nouvelle-Guinée, et semblable à celui-ci par les teintes du plumage, mais d’une taille encore moins forte, les dimensions étant les suivantes : MOnOneUTAOAle A Len 0,190 — DENIRANLE AR REA ENORRR PAS NET AA EI 0,120 — UN DEC AN EM GRR ARADIENNEE AS ARR 0,017 — QU ATS EE E RN au A reed pr Din . 0,037 — du doigt médian (avec l’ongle)........ . 0,032 On connaît donc à présent toutes les phases du plumage du Taleqgallus Cuvieri, et on sait que la dernière est parfaitement définie; en d’autres termes, les Talégalles de Cuvier, parvenus à l’âge adulte, ont toujours la même livrée: mais ceux qui sont revêtus de ce costume ne présentent pas toujours exactement la même taille ; c’est ce qu’on voit facilement en jetant les yeux sur le tableau placé à la page suivante : OUSTALET. ÉE. ‘(0f0N ‘IN saidep) ATIANA IVANY.Œ TIRE A IVANVT A'TIANA NISSVd 44 “(14904 ‘IX soude, p) L90‘0 | 490°0 | &L0‘0 | 010‘0 | 820°0 | 690‘0 | 8900. | 1909 | : +++ -sradwuoo o[$u0) ueipou J$10p np — ë ë ë & | 9c0‘0 | &co‘o | 870‘o | rg0‘o | :::---+: +. (o18uor snos) ueipaiu J$10p np — 080‘0 | 060‘0 | S60'‘a | S60‘0 | S80‘0 | 6800 | T80‘0 | 0800 | : "om np — Se0'0 | Cco‘o | Lao‘o | Lc0‘O | 6c0‘0 | 060°0 | 8a0‘0 | cao‘o | ::::: HAÉRERERSE nee — 060 VOL 0 POS HO OL OS PO OL O0 NECO ON 0810 | Snonbeep op 066 0 | 0130 [GS 20 | 066 0 | 0680 | S06‘0 | CLS 0 | ggeo | +: De) cn de 0 € SC te € Tel 0 FC GES 1125 0/00 0 sors. 00€ O0 | 077 0 | 067 0 | 00€ 0 | 07S 0 | 07 O0 1 OFC 0O8S 0 [810] anan$uoy ul Lan ui ut UI UT = QE om a ce Æ e = _ — _ 5 = = D = = Z = = E = es = cool ES Sm DS |é S|g. Sc CSN ter EE SE | QUES RS RENE al due choc Sn Re or Ro = A © 2 | ss Are ms EPS Aire PS ES arts A EI AS SE 4 Se ME RER À, a < É à = Longueur totale de l’ale de la queue du bec du tarse du doigt médian M. Salvadori a fait observer avec raison que les Mégapodes de Tarawaï, tout en ressemblant beaucoup aux Oiseaux de Bouru (Megapodius Forsteni), ont cependant les pattes un pet moins longues et moins robustes, le sommet de la tête, le dos et les ailes d’un brun plus franc, moins foncé, moins nuancé de verdâtre, et la nuque d’un gris cendré plus pur; mais les (1) 11 y a probablement, dans la description de M. Salvadori, une faute d’im- pression, le bec des Mégapodes, adulles et jeunes, étant toujours d’un brun tirant plutôt au jaune qu’au noir, parfois même d’un jaune assez vif. ARTICLE N° 2. MONOGRAPHIE DES MÉGAPODIIDÉS. 99 différences sont si légères que M. Salvador: ne les avait pas constatées primitivement en comparant aux mêmes oiseaux de Bouru les Mégapodes d’Ansus qui ont été envoyés par M. Bec- cari, ét qui, paraît-1l, sont 1e tous points semblables à ceux de Tarawaï. Le Megapodius affinis n’a été signalé jusqu’à présent qu'à Rubi, localité située à l’extrérité méridionale de la baie Geel- vink (1), dans l’île Jobi, dans l’île Tarawaiï ou d’Urville, et dañs la petite île de Sorong qui se trouve entre le continent de la Nouvelle-Guinée et Salwatty. L’aire d'habitat de cette espèce confine donc d’un côté à celle du Megapodius Freycineti, et se rapproche, d'autre part, des régions habitées par le Megapo- dus eremita. Les mœurs du Megapodius affinis sont sans doute les mêmes que celles du Megapodius Duperreyi. Un œuf que M. le docteur Meyer a reçu des environs d’Ansus (Jobi) et qui provient sans doute de cette espèce, est de couleur chamois, de forme ellip- tique et mesure 0",080 sur 0",050. 5. — MEGAPODIUS FORSTENI. M£GAPODIUS FORSTENI, Temminck, Musée de Leyde (ms.). — G.R+ Gray et Mitchell, Genera of Birds, (1846-49), pl. 124. Macabopres FORSTERI (sic), Reichenbach, Novitiae ad Synopsim avium, 1851, pl. CCCCIX, fig. 2416. MEGAPODIUS FORSTENI, Ch. Bonaparte, Gallinarum conspectus systematicus, Comptes rendus de l Académie des sciences, 1856, t. XLII, p. 876, famille n°92, genre n° 2, esp. n° 10. —G. R. Gray, Proceedings of the Zoological Society of London, 1860, p. 362. — G.R: Gray, Proceedings of the Zoological Society, 1861, p.287, n°7. — À. R. Wallace, Proceedings of the Zoological Society, 1863, p. 34. — G. R. Gray, Proceedings of the Zoological Society, 4864, p. 43, n° 7. — Schlegel, Nederlandsch Tijdschrift voor de Dierkunde, 1866, t. ILE, p. 263. — G. R. Gray, Handlist of Birds, 1870, t. IL, p.255, n° 9543. MEGAPODIUS FORSTENTT, Salvadori, Anal del Museo Civico di Genova, 1876, t. VIH, p. 383. — Schlegel, Muséum des Pays-Bas, 1880, t. VHL, p. 70. M. le professeur Schlegel ayant subdivisé les Mégapodes proprement dits en deux grandes catégories comprenant, l’une (1) La grande baie Geelwink s'ouvre sur la côte nord-ouest de la Nouvelle Guinée. 100 ; E. @USTALET. les espèces aux pattes claires, l’autre les espèces aux pattes foncées, a été conduitnaturellement à rapprocher le Mégapode de Forsten du Mégapode de Freycinet. Il a même ajouté : « Considérant ce que nous avons dit plus haut sur la variation » des teintes du dessous chez le Megapodius Freycinetii, l'on » pourra en somme regarder l'oiseau du groupe de Céram » (M. Forstemi) comme formant un simple conspecies du » M. Freycinetu. » Mais c’est je crois aller trop loin (1). S'il est hors de doute, en effet, que le Mégapode de Forsten res- semble par ses pattes, de couleur foncée, au WMegapodius Gil- berti, au Megapodius affinis etmême au Megapodius Freycinete, el si, par ce caractère, 1} peut toujours être distingué nette- ment du Megapodius Duperreyi, À n’est pas moins certain que c’est avec ce dernier qu’il a les plus étroites affinités. Que l’on ne tienne pas compte de la coloration des pattes, et l’on sera bien embarrassé pour distinguer le Mégapode de Forsten du Mégapode de Duperrey. Dans les deux oiseaux la livrée est, en effet, presque identique et toujours beaucoup moins sombre que chez le Mégapode de Freycinet; et il faut y regarder de près pour trouver des différences, pour constater par exemple que chez le Mégapode de Forsten la huppe est moins dévelop: pée que chez le Mégapode de Duperrey, que le devant du cou est moins garni de plumes (ce qui peut dépendre de l’âge de l’individu), que la temte grise de la nuque est moins distincte de lateinte brune de la région dorsale, ete. La dénudation du cou et la brièveté des plumes occipitales rapprochent d’un autre côté le Megapodius Forsteni du Megapodius affinis et du Megapodius Gilberti. Voici du reste la description sommaire d’un Mégapode fe- melle du Musée de Leyde, qui a été tué à Céram par Forsten et qui est le type même du Megapodius Forsteni de Temminck : Tête ornée d’une petite huppe d’un brun olive tirant au rou- ceûtre; joues à peine dénudées ; cou dégarni surtout en avant, (1) Dans son Catalogue du Musée des Pays-Bas, t. VIT, p. 70, M. Schlegel a continué à rapprocher le Mégapode de Forsten du Mégapode de Freyeinet, mais lui a conservé le rang d’espèce distincte. ARTICLE N° 2. MONOGRAPHIE DES MÉGAPODIIDÉS. 101 nuque et poitrine d’un gris noirâtre à reflets olivâtres, cette teinte formant une sorte de camail peu distinct; ailes et flancs d’un brun olivâtre, très légèrement teint de rougeñtre; queue brune; bec jaunàtre ; pattes brunes, avec les doigts noirâtres. D’autres individus appartenant, soitau même établissement, soit au Musée britannique, soit au Muséum d'histoire natu- relle de Paris et provenant les uns d’Amboine, les autres de Céram, d’autres enfin de Bouru, ne diffèrent de l'individu ci- dessus décrit que par les nuances, plus ou moins vives du manteau (1), ou par les dimensions tantôt un peu pius fortes, tantôt un peu plus faibles des diverses parties du corps, ainsi qu'on peut en juger par le tableau ci-dessous : DIMENSIONS DE QUELQUES SPÉCIMENS DE MEGAPODIUS FORSTENI — d 9 — Leyde.) D'AMBOINE D'AMBOINE D'AMBOINE D'AMBOINE D'AMBOINE (Musée britannique.) DE CERAM (Femelle, Type de l'espèce.) = (Musée de Lancer CAEN 0,355. | 0,345 | 0,300 | 0,310 | 0,256 | 0,350 — de l'aile... | 0,220 | 0,215 | 0,233 | 0,245 | 0,190 | 0,21 — de fà queue..:. | 0,075 | 0,085 | 0,119 | 0,080 ? 0,120 Rire te 0,017 | 0,021 | 0,016 | 0,016 | 0,014 | 0,017 =" ME 0,060 | 0,060 | 0,063 | 0,060 | 0,046 | 0,062 du doigt médian. En comparant ce tableau avec celui que j'ai donné plus baut à propos du Megapodius Duperreyi, on reconnait que le (1) D'après M. Schiegel, les Mégapodes originaires d’Amboine et d’Harouko, (petite ile située à l’est d’Amboine), ont toujours les parties supérieures du corps d’un brun olivâtre plus foncé que les Mégapodes de Céram. 102 E. OUSTALET, Mégapode de Forsten reste généralement, sinon toujours infé- rieur en taille au Mégapode de Duperrey. Cependant parmi les six Mégapodes de Forsten mentionnés ci-dessus, il n’y en a qu'un seul (n° 5) qui ne puisse être con- sidéré comme adulte. Get oiseau qui porte absolument le même plumage que les autres et dont la tête est déjà ornée d’une pe- tite huppe, présente en effet des dimensions très faibles, plus fables encore que celles du type du Megapodius Duperreyi, décrit par MM. Lesson et Garnot. Geci nous montre que dans cette espèce, comme chez le Mégapode de Duperrey, le jeune revêt La livrée définitive longtemps avant d’avoir achevé tout son développement. - Une jeune femelle du Musée de Leyde est encore de plus pe- tite taille et ne mesure que 0",190 de long. Aussi les teintes de son plumage sont-elles moins pures : le camail gris est à peine indiqué, le ventre est d’un brun assez clair, les couvertures claires sont bordées de roux ferrugimeux ; les joues et le men- ton sont beaucoup moins dénudées. Enfin dans un autre indi- vidu de la même collection, et dans un spécimen du Musée britannique rapporté de Bouru par M. Wallace, les caractères du jeune âge sont encore plus prononcés, et comme chez le poussin du Wegapodius Freycineti (Alecthelia Urvillhi) les plumes du dos sont lisérées de roux. La distribution géographique du Mégapode de Forsten est bien telle qu’on pouvait le supposer d’après les affinités zoolo- giques : il habite en effet les îles de Bouru, d’Amboine, d’'Ha- rouko et de Géram, c’est-à-dire un archipel qui s'étend entre la pointe méridionale de la Nouvelle-Guinée et la côte orien- tale de Célèbes. M. À. R. Wallace nous apprend qu’à Bouru cet oiseau dépose ses œufs dans des tas de détritus accumulés sur la plage, à peu de distance de Ha mer, qu’il a des habitudes semi-nocturnes et qu'après le coucher du soleil il fait entendre souvent un cri plaintif, une sorte de gémissement. MONOGRAPHIE DES MÉGAPODIIDÉS. 103 6, — MEGAPODIUS EREMITA. Mecapopius EREMITA, Hartlaub, Proceedings of the Zoological Society of London, 1867, p. 830. -- G. R. Gray, Handlist of Birds, 1870, t. IL, p. 256, n° 9557. Mecaropius sp., J. Brazier, Proceedings of the Zoological Society, 1874, pp. 606 et 607. ME£GAPODIUS HUESKERI, Gabanis et Reichenow, Journal für Ornithologie, 1876, p. 326. — Sclater, Proceedings of the Zoological Society of London, 1871, p. 113. MEGAPODIUS RUBRIFRONS. Selater, Jbid., p. 556. MEGaropius EREMITA, Sclater, Proceedings of the Zoological Society, 1878, pp. 289, 290, 671 et 673. — O. Finsch, Proceedings of the Zoological Society, 1879, p. 14. D'après M. Salvadori, cette espèce présente une extrême ressemblance avec le Megapodius Forstem; j'ajouterai qu’elle se rapproche beaucoup aussi du Megapodius affinis ; peut-être même trouvera-t-on quelque jour des passages entre ces trois formes, j; | Un spécimen du Musée britannique, qui a été envoyé de l'ile du due d’Vork par le Rév. G. Brown, répond tout à fait à la description donnée par M. Hartlaub de son Megapodius eremita. Ïl a sur la tête une très petite huppe d’un brun olive tirant au rougeâtre; autour du cou un collier gris beaucoup moins large et plus foncé que celui du Wegapodius Duperreyr; sur lé dessus du corps un manteau brun olive, fortement nuancé de rou- etre, sur la poitrine un large plastron d’un gris schisteux qui passe sur les flanes, le bas-ventre et les sous-caudales a uné teinte brune identique à celle de la région dorsale. Ses joues et son menton sont assez fortement dénudés ; ses pattes brunes avec les doigts et les ongles noïrâtres, et son bec offre une teinte fauve mélangée de brun. , Le Muséum d'histoire naturelle de Paris à fait récemment l'acquisition d’un autre individu de la même espèce, envoyé de lamême île, par le même naturaliste. Les teintes de cet oiseau sont encore plus foncées que chez l'individu précédem- ment décrit, le collier et le plastron thoracique étant couleur ARTICLE N° 2. ; 104 E. OUSTALET. de fonte; les tarses et les doigts presque noirs ; mais les joues etle menton sont un peu moins dégarnis. Pendant la vie de l’oiseau la peau des joues et de la partie supérieure du cou est, comme chez beaucoup d’autres Méga- podes, colorée en rouge vif et l'iris est rouge, suivant M. Hart- laub, ou brun, suivant M. JS. Murray, naturaliste attaché à l’expédition du Challenger. M. Finsch ajoute, d’après les notes qui lui ont été fournies par M. Hübner, que les deux sexes portent le mème plumage et que les tarses sont seulement un peu moins foncés chez les femelles que chez les mâles. Les dimensions que j'ai obtenues en mesurant les spécimens du Musée britannique et du Muséum d'histoire naturelle ne concordent pas tout à fait avec celles qui ont été indiquées par MM. Hartlaub et Sclater, ainsi qu’on peut en juger par le ta- bleau ci-dessous, mais ce sont là des différences peu impor- tantes. DIMENSIONS DE QUATRE SPÉCIMENS DU MEGAPODIUS EREMITA. Des îles Des îles Demlile A De lile DE L'ÉCHIQUIER| DE L'AMIRAUTÉ |DU_DUC D'YORK|DU DUC B'YORK (D’apres (D’après (Musée (Musée M. Hartlaub.) | M. Sclater.) | britannique.) de Paris.) Longueur totale de l'aile 0,216 de la queue. 0,067 du bec 0,015 duAlarse cc 0,067 du doigt médian |: 0,056 e : Le Mégapode ermite a sans doute pour patrie tout le groupe d’iles qui s'étend au N. E. de la Nouvelle-Guinée et que l’on désigne sous le nom d’Archipel de la Nouvelle-Bretagne. Il a été signalé jusqu’à présent aux iles de PÉchiquier, dans l’île des Pigeons, du groupe des îles de lPAmirauté, au Nouvel- ARTICLE N° Ÿ, MONOGRAPHIE DES MÉGAPODIIDÉS. 105 Hanovre et dans l’île du duc d’York, située dans le canal Saint George, entre la Nouvelle-Irlande et la Nouvelle-Bretagne. D'un côté l’aire d'habitat de cette espèce est contiguë à celle du Megapodius affinis qui se trouve jusqu’à l’île d’Urville, tan- dis que de l’autre elle tend à se confondre avec celle du Mega- podius Brenchleyi qui provient des îles Salomon. À priori je suis même porté à admettre que le Megapodius eremita et le Megapodius Brenchleyi, s'ils ne sont pas identiques offrent du moins de grands rapports ; mais jusqu'ici il est impossible malheureusement de trancher la question puisque nous ne connaissons qu'un jeune individu du Megapodius Brenchleyi. Je crois néanmoins pouvoir dire que parmi les œufs qui ont été envoyés en 1874 à la Société zoologique de Londres par M. J. Brazier, il y en a quelques-uns, au moins ceux qui pro: viennent de la Nouvelle-Bretagne, qui doivent être rapportés au Megapodius eremita. Gette dernière espèce porte aux îles de l’Échiquier le nom d’Apagei, d'après M. Hartlaub, et aux îles du duc d’York lenom de Kakiau. 7. — MEGAPODIUS BRENCHLEYI. MEGAPODIUS BRENCHLEYI, G. R. Gray, Annals and Magazine of natural his- tory, 1870, 4° série, t. V, p. 327. — G. R. Gray, Handlist of Birds, t. I, p. 255, n° 9553. — G. R. Gray, Cruise of the Curaçao, 1873, p. 302, pl. 20. MecAPoplus sp., J. Brazier, Proceedings of the Zoological Society fi ner 1874, pp. 606 et 607. Cette espèce qui, comme Je l'ai dit plus haut, est peut-être destinée à disparaître des catalogues ormthologiques, si l’on reconnait un jour que les individus adultes sont identiques soit à ceux du Wegapodius eremita, soit à ceux du Megapodius Layardi, a été établie par M. G. R. Gray d’après un très jeune individu rapporté de Gulf-Island par l'expédition du Curaçao. En étudiant les Mégapodes du Musée britannique, j'ai pu con- stater que la figure publiée par M. G. R. Gray est d’une exac- tüitude parfaite. Le jeune du Mégapode de Brenchley ressemble à celui de toutes les autres espèces ; sa couleur fondamendale est un brun foncé qui sur la tête tend à passer au noirâtre et 106 ° E, OUSTALET. qui est recoupé sur le dos et sur les ailes par des barres transversales irrégulières d’un brun rougeûtre : seuls le men- ton et le tour des yeux, qui sont d’ailleurs complétement garnis de plumes, offrent un ton jaunâtre. Le bec et les pieds sont bruns, et l’iris brun noisette foncé. La longueur totale de cet individu est de 0,140, celle de l'aile 0",100, celle du tarse 0,026. Mais “aie est la livrée de l’adulte, c’est ce qu'il est, quant à présent, impossible de dire. En 1874, il a été mis sous les yeux de la Société 7 à de Londres une série d'œufs qui avaient été recueillis par M. John Brazier à la Nouvelle-Bretagne et dans les îles Savu (1) et Treasury qui font partie du groupe des îles Salomon. À cette collection étaient joints deux jeunes conservés dans l’alcool, dont l’un, provenant d’un œuf de Pile Savu, était éclos le 21 août à bord d’un vaisseau et était mort le 8 septembre sui- vant, tandis que l’autre sortait d'un œuf trouvé à la Nouvelle- Bretagne, M. J. Brazier accompagnait cet envoi de quelques notes d’où nous extrayons les lignes suivantes : « Les indigènes recueillent des milliers d'œufs de Méga- » podes, soit pour leur consommation personnelle, soit pour » en faire un article d'échange avec les navires qui touchent » aux iles Salomon. J’ai mangé de ces œufs cuits, mais je ne » les ai point trouvés bons; je leur ai trouvé un goût et une » odeur de pomme de terre crue... Quand j'étais à San-CGhris- » toval (2), je vis un œuf que Perry, un blane qui vivait là de- » puis cimq ans, me dit avoir été pondu par la Poule sauvage, » et lors de la visite que Je lui fis quelques jours plus tard il » venait précisément d'en obtenir un autre du nid de ses » poules domestiques (3). Gomme il était malade lors de mon » séjour, Je ne le pressai pas de me céder ces œufs, et deux > jours après je traversai la montagne avec des guides, dans (4) Nommnée aussi Gabra ou île Russell. (2) Gette île porte aussi sur les cartes le nom de Bauro. (3) M. J. Brazier veut-il désigner par là des Mégapodes enfermés dans une basse-cour ? ARTICLE N° 2. MONOGRAPHIE DES MÉGAPODIIDÉS. 107 » l'espoir de me procurer quelques spécimens; mais j'échouai » dans ma tentative. » Plus loin, M. J. Brazier fait allusion au jeune Mégapode qui fut apporté à bord du navire le Curaçao par les naturels du Gulf Island, et il rappelle que le docteur Bennett a publié, en 1862, dans les Proceedings de la Société zoologique de Londres quelques notes au sujet de la présence d’un Mégapode aux îles Zanna et Sandwich (1). « Je pense, ajoute enfin M. Brazier, que des espèces de Mégapodes existent dans chacune des iles Salomon. » Il est probable que quelques-uns de ces œufs, même tous, proviennent de l'espèce si mal définie à laquelle je suis obligé de laisser le nom de Megapodius Brenchleyi. Dans leurs notes sur les oiseaux des Nouvelles-Hébrides, MM. E. L,. et E. L. C. Layard signalent aussi, imcidemment, la présence aux îles Salomon de Mégapodes qui, suivant les renseignements fournis par des indigènes, par des marchands blancs et par des offi- ciers de la marine anglaise, déposent leurs œufs dans le sable, sur la plage, au-dessus du niveau qu’atteignent les plus fortes marées (2). Dans l’état actuel de nos connaissances, 1l est impossible de dire si l’aire d’habitat de cette espèce est restreinte aux îles Salomon, ou si elle s’étend d’un côté jusque dans l'archipel de la Nouvelle-Bretagne et de l’autre dans le groupe des Nouveiles- Hébrides. Dans son mémoire récent sur les Oiseaux des îles Salomon et des Nouvelles-Hébrides, M. H. B. Tristram ne fait aucune allusion aux Mégapodes (3). 8. — MEGAPODIUS GILBERTI. MEGAPODIUS OF SMALL SIZE, À. R. Wallace, Ibis, 1860, p. 142. MEGAPODIUS GILBERTH, G. R, Gray, Proceedings of the Zoological Society of London, 1861, p. 289, n° 10. (excl. syn.). — G. R, Gray, Proceedings of the Zoological Society of London, 186%, p. 45, n° 15. (4) L'ile Zanna ou Tanna, et l'ile Sandwich ou Vaté, ou Efat, font partie du groupe des Nouvelles-Hébrides. Le Mégapode qui habite ces îles a été décrit sous le nom de Megapodius Layardi, par M. H. B. Tristram. (2) Voyez E. L. et E. L. C. Eayard, Ibis, 1878, p. 271. (3) Voyez H. B. Tristram, Ibis, 1879, pp. 437 et suiv. 108 Æ. OUSTALET. MEGaPoDIus GILBERTI, Schlegel, Nederlandsch Fee voor de Dicrkunde, 1866, p. 263. OU GILBERTI, G. R. Gray, Handlist of Birds, 1870, " INDES, ne 9544 RE GILBERTI, Walden, Transactions of the Zoological Society of London, 1872, t. VIT, part. 2, p. 87, n° 137. — A. B. Meyer, Sitzungsbe- richte der k. Akademie der Wissenschaften zu Wien, 1874, t. LXIX, part. I p. 214, et Tirage à-part, IL, p. 13. — A. B. Meyer, Ibis, 1879, P- 138. — Schlegel, Muséum des Pays-Bas, 1880, t. VILLE, p. 73. Le Mégapode de Gilbert ressemble beaucoup au Mégapode de Duperrey, mais se distingue de ce dernier par sa taille cons- tamment plus faible (les dimensions des adultes ne dépassent pas beaucoup celles des jeunes du Megapodius Duperreyi) par les teintes moins tranchées de son plumage, par sa huppe moins développée (ce qui peut provenir de l’âge de l'individu), par ses joues et son cou plus fortement dénudés, par son bec plus court et surtout par ses pattes qui sont d’un brun noirâtre au lieu d’être d’un Jaune orangé plus ou moins vif. Le Musée britannique possède une femelle de cette espèce, qui provient de Menado (Gélèbes) et qui me parait avoir servi de type à M. Gray pour sa description. Chez cet oiseau le som- met de la tête, le dos, les ailes et la queuesont d’un brunolive, fortement nuancé de rougeâtre, les soureils, la nuque, la poi- trine et le ventre d’un gris noirâtre, cette teinte ne dessinant pas en arrière un collier aussi large ni aussi tranché que chez le Mégapode de Duperrey; les joues sont en partie dénudées et d’un ton jaunâtre, mais offraient sans doute, pendant la vie de l'oiseau, une coloration rouge assez intense ; le bec, assez court, est d’un jaune ocreux, lirant au brun sur certains points ; les pattes et les ongles sont d’un brun noirâtre très foncé. J’ai reconnu que la longueur totale du corps était de 0",318; celle de l'aile de 0,200, celle du bec, de 0",013, celle du tarse de 0",053, et celle du doigt médian de 0",032. Ces di- mensions sont à très peu près celles que M. Gray a indiquées. Un Mégapode du Musée de Paris qui provient du Voyage de l’'Astrolabe et qui à été longtemps désigné dans la collection sous le nom de Mégapode aux pieds rouges, Wegapodius ru- ARTICLE N° 2. MONOGRAPHIE DES MÉGAPODIIDÉS. 109 bripes, Tem., quoiqu'il eût les pieds d’une teinte noirâtre très prononcée, ressemble de tous points à l’individu que je viens de décrire, et ne possède comme lui qu'une huppe extrême- ment courte. La longueur totale est de 0",320 ; celle de l’aile de 0,198; celle de la queue de 0",075 ; celle du bec de0",017 ; celle du tarse de 0",051 ; celle du doigt médian de 0%,038. Les dimensions sont donc sensiblement les mêmes que chez le Megapodius Gilberti du Musée britannique ; et que chez un mâle de l’île Togian qui a été décrit par M. le docteur A. B. Meyer. En effet, ce Mégapode des îles Togian a 0",290 de longueur totale ; son aile mesure 0”,200, sa queue, 0,070; son bec, 0,045 et son tarse, 0,052; par ses faibles dimen- sions et par la teinte foncée de ses pattes 1l se rapproche, dit M. Meyer, du Megapodius affinis. Un autre individu que j'ai pu étudier au Musée de Leyde et qui provient de Menado, ne diffère point des précédents parles couleurs de son plumage : il a le vertex et les ailes d’un brun rougeâtre, à peine mélangé d'olivâtre; la queue d’une teinte un peu plus terne; la nuque, les côtés du cou et la poitrine d’un gris noirâtre, à reflets olivâtres, cette teinte ne descendant point en arrière sur le manteau ; les sous-caudales très légère- ment nuancées de brun; le bec d’un Jaune sale, les tarses bruns, les doigts et les ongles noirâtres. M. le professeur Schlegel a donc parfaitement raison de dire que le Megapodius Gilbert, tout en rappelant par ses teintes le Megapodius Forsteni, se distingue constamment de ce dernier par sa taille moins forte et la nuance beaucoup plus vive des parties supérieures deson corps. D’après le même auteur, les jeunes de cette espèce offrent des teintes plus rousses que ceux du Megapodins Freycineti et des bandelettes noires beaucoup moins prononcées. M. A. B. Meyer décrit en effet en ces termes un jeune Megapodius Gilberti qu'il à tué au mois de mars dans la province de Minahassa (Gélèbes) : tête et nuque d’un brun olive ; manteau, dos, partie supérieure du croupion et couvertures alaires ornés de bandes irrégulières d’un rouge brunâtre; menton jaunâtre, gorge d’un ton olive, tirant au 110 E. OUSTALET. brunâtre ; poitrine et abdomen d’une nuance un peu plus claire, passant au brun rouge; ailes d’un brun grisâtre ; bec d'une couleur de corne assez foncée ; pattes noires: Un jeune individu de la même espèce conservé dans l’alcool et envoyé au Muséum d'histoire naturelle par M. Riedel, m'a paru revêtu d’une livrée quelque peu différente : sa tête est ornée d’une petite huppe etson plumage ressemble déjà à celui d’un adulte, quoique ses dimensions soient encore très faibles; la longueur totale du corps ne dépasse pas en effet 0",135, celle de l’aile 0",105, celle de la queue 0",030 ; le bec n’a que 0",010 et le tarse 0",029. Le Mégapode de Gilbert est assez rare dans le nord de l’ile de Célèbes et particulièrement dans la province de Minahassa, où cependant M. de Musschenbroek a réussi à tuér plusieurs individus de cette espèce, à quelques milles de Menado, D’a- près M. A. B. Meyer, ce même Mégapode est beaucoup plus commun dans l’archipel de Togian, situé dans le golfe de Tor- nini et surtout dans une petite île qui se trouve en face de Paguatt (district de Gorontalo). Les indigènes ont affirmé à M. Meyer que le Mégäpode de Gilbert, qu'ils désignent sous le nom de Moleo-Kitjil (e”est-à- dire petit Moléo), élève des tumuli de branches et de feuillage de 0",60 de hauteur environ, dans lesquels 1! enfouit ses œufs. 9. — MEGAPODIUS SANGHIRENSIS. MEGAPODIUS SANGHIRENSIS, Schlegel, Notes from the Leyden Muséum, 1880, t. II, n° 6, p. 91. — Muséum des Pays Bas, 1880, t. VIIL, p. 79. Le Megapodius sanghirensis, dit M. Schlegel, inférieur en taille au Megapodius Cumingü, mais plus grand que les Mega- podius Low et Gilberti, surpasse même, sous ce rapport, un peu le Megapodius Forstenu, et se distmgüe de tous les trois par le gris d’ardoise du cou et du dessous du corps lavé de brun foncé, et par le dessus de l'oiseau en arrière du manteau, ainsi que le dessus de la tête tirant au roussâtre et non pas à l’olivatre. ARTICLE N° 2. MONOGRAPHIS DES MÉGAPODIIDÉS. 411 J'ai eu l’occasion d'examiner, il y a deux ans, dans les ma- enifiques collections du Musée de Leyde, plusieurs spécimens de ce Megapodius sanghirensis, dont la description n’était pas encore publiée, et je leur ai trouvé de grandes analogies avec le Megapodius Gilberti. L'un de ces Oiseaux, venant de Siao, présentait les dimensions suivantes: longueur totale, 0,340; longueur de l'aile, 0",230; longueur du bec, 0",018; longueur du tarse, 0,060. Le Mio sanghirensis paraît confiné dans les îles de Sanghir, Siao et Siao-Outong. 10. — MEGAPODIUS CUMINGIE. Mecapobius CumiNGur, Dillwyn, Proceedings of the Zoological Society of London, 1851, pp. 148 et 119, et pl. XXXIX. — H. Low, Jbid., pp. 119 et 120. — Motley et Dillwyn, Contributions tc the natural history of Labuan, 4855, p. 32, pl. VEL. Mgcaropius CUMINGI, Ch. Bonaparte, Gallinarum conspecius systematicus, Comptes rendus de l’Académie des sciences, 1856, t. XLII, p. 876, fam. n° 2, esp. n° 4, (part.) Mecaropius CumiNGit, G. R. Gray, Proceedings of the Zoological Society, 1861, ps 290, n° 11 (part.). — G. R. Gray, Proceedings of the Zoological Society, 1864, p. 43, n° 14 (part.). — G. R. Gray, Handlist of Birds, 1870, t. IX, p. 255, n° 9550 (part.). — T. Salvadori, Catalogo sistematico deghi Uccelli di Borneo, Annali del Museo Givico di Done 1874, t. V, p. 302 (excl. syn. part.). Mecapopius CumiNGI1, Walden, Transactions of the Zoological Society, 1875, t. IX, part. 2, p. 295, n° 158 (part.). Mecaponius Lowir, Sharpe, Proceedings of the nt Society, 1875, p. 111. MEGAPODIUS CUMINGI, ne Pr oceedings of the Zoological Society, 18178, p. 624. Mecapopius CuMINGI, Sharpe, Proceedings of the Zoological Society, 1879, p. 349, n° 108. — Ibis, 1879, p. 267. Mecaronius Cowei (sic), Schlegel, Muséum des Pays-Bas, 1880, t. VUE, p. 71: Avant de hasarder une opinion au sujet des limites qu’il con- vient d’assigner au Mégapode de Cuming, je crois nécessaire de retracer sommairement lhistoire de cette espèce, depuis sa découverte jusqu’à nos jours, en indiquant tous les noms qui lui ont été successivement appliqués. En 1854, M. Dillwyn ayant reçu de son ami M. J. Motley, 112 E. OUSTALET. agent de la Compagnie archipélagique orientale à Labuan, une paire de Mégapodes, les décrivit sous le nom de Megapodius Cumingii, les considérant comme identiques spécifiquement à des oiseaux que M. Cuming avait envoyés précédemment des Philippines au Musée britannique, et que M. G. R. Gray avait mentionnés par erreur sous le nom de Wegapodius rufipes (Tem.). À partir de ce moment on prit l’habitude de désigner sous le nom proposé par M. Dillwyn, non seulement les Méga- podes de Labuan (Bornéo), mais encore ceux des Philippines. Ces derniers finirent même par usurper le nom de Megapodius mingä, tant il semblait naturel d'admettre que l'espèce dédiée à M. Cuming eût pour types les oiseaux envoyés par ce voya- geur. Cest alors que la confusion commença. En 1875, M. Sharpe, ayant cru remarquer que les Mégapodes de Labuan étaient constamment plus petits et plus foncés en couleur que ceux de Philippines, réserva à ces derniers le nom de Megapodius Cu- mingi et proposa de donner aux Mégapodes de Labuan le nom nouveau de Megapodius Lowii, en l'honneur de M. Hugh Low, collaborateur de M. Motley. Mais comme le fit remarquer plus tard le marquis de Tweeddale, M. Sharpe ne s'était pas sou- venu que l'espèce de M. Dillwyn, le Megapodins Cuminqui avait été établi précisément sur des Mégapodes de Labuan et que c’est par extension que l’auteur avait appliqué le même nom aux Mégapodes envoyés par M. Cuming. En admettant la distinction établie par M. Sharpe, 1l fallait donc créer une nou- velle dénomination, non pas pour les oiseaux de Labuan, mais pour les oiseaux des Philippines. En conséquence, M. le mar- quis de Tweeddale rejeta le nom de Megapodius Lowii comme étant synonyme de Wegapodius Cumingti, etappela l’autreespèce Megapodius Dillwyni. C’est ainsi que pour obéir aux règles de la nomenclature zoologique, on appela Mégapode de Cuming les oiseaux qui n'avaient pas élé rencontrés par ce voyageur, et Mégapodes de Dillwvn les oiseaux qui n'avaient pas été décrits par M. Dillwyn ! Mais ce n'est rien encore. On s’aperçut bientôt que le Megapodius Cumingii (ou M. Lowii) n’était pas, comme ARTICLE N° 2. MONOGRAPHIE DES MÉGAPODIIDÉS. 113 on le croyait d'abord, confiné à Labuan, mais qu'il se trouvait aussi dans certaines îles des Philippines, à Balabac et à Pa- lawan par exemple, peut-être même à Mindanao. En d’autres termes l’aire d'habitat du Megapodius Cumingu s'agrandit de plus en plus aux dépens de celle du Wegapodius Dillwyni, et l’on put prévoir le moment où cette dernière espèce, que l’on croyait jadis répandue sur tout l'archipel des Philippines serait reléguée, pour ainsi dire, dans l’île de Luçon, et n'aurait plus d’autres représentants, dans les collections publiques ou pri- vées, que les deux oiseaux envoyés par M. Cuming et conservés au Musée britannique. Mais, une fois engagés dans cette voie, les naturalistes ne sont-ils pas allés trop loin? N’ont-ils pas, si l’on peut s'exprimer ainsi, trop dépouillé le Megapodius Dilluyni aux dépens du Megapodius Cumingui? C’est ce que je vais examiner mainte- nant. Pour cela j'étudierai un certain nombre de Mégapodes de diverses provenances, en commençant par les types du Megapodius Low de Sharpe. Ges oiseaux ont tous la tête et Le dos d’un brun olive, à reflets rougeñtres; la nuque, les côtés du cou, la poitrine et l’abdomen d’un gris schisteux très foncé, ürant au noirâtre, avec quelques reflets olivètres peu distincts, le bec fauve, nuancé de brun à la base, les pattes d’un brun noirâtre et les ongles noirs. Leur tête est'surmontée en arrière d’une toute petite huppe-et leurs joues sont fortement dénu- dées. Quatre spécimens du Musée de Leyde, venant également de Labuan, portent la même livrée que ceux du Musée britan- nique et offrent, sur toutes les parties inférieures du corps, une teinte schisteuse, avec quelques reflets olivâtres ou rougeâtres ; cette teinte s'étend depuis le menton jusqu’à la queue, au heu de s'arrêter, comme chez le Mégapode de Duperrey, au niveau des pattes et d’être remplacée en arrière par du brun rou- seâtre. Mais chez un oiseau que M. Schlegel a envoyé en échange au Musée de Paris, cette couleur grise de la poitrine et de l'abdomen est beaucoup moins uniforme; elle est forte- ment mélangée de brun terreux sur les flancs, dans la région anale et sur les plumes qui recouvrent les tibias; chez cetindi- ANN. SC. NAT., ZOOL.. AVRIL 1881 XI. 9, — ART. N° 2. 114 _ E. OUSTALET. vidu, qui ne paraît pas tout à fait adulte, les joues sont d’ail- leurs encore plus dénudées que chez celui qui a été décrit et figuré par M. Diliwya dans les Proceedings de la Société z0olo- gique de Londres. Pendant mon séjour en Angleterre, j'ai pu examiner un Mégapode tué à Palawan, par M. Everett, et reconnaitre, après M. Sharpe et M. le marquis de Twecddale, que cetoiseau ne pouvait être séparé spécifiquement des Mégapodes de La- buan. Dans la neuvième partie de ses Contributions à l'orni- thologie des Philippines, M. le marquis de Tweeddale cite en effet trois Megapodius Cumingii obtenus à Puerto Princesa (Palawan) par M. Everett, au mois de janvier 1878, savoir: un mâle, ayant l'iris d’un brun chaud, le tour de l'œil d’un rouge de corail, la peau de la région auriculaire d’un rouge vif, le bec d’un jaune de corne, les pattes d’un ton rougeûtre avec les scutelles des tarses et les doigts d’un brun olivâtre foncé ; 2°. un Jeune mâle offrant sur les parties nues de la face des teintes un peu moins vives que le mâle adulte; 3° une fe- melle chez qui l'iris, la peau de l’orbite et le bec sont colorés comme chez le mâle, tandis que la région auriculaire est d’un rouge vernillon assez terne et que les pattes sont d’un gris jaunâtre, avec les scutelles d’un gris sombre. De son côté M. R. B. Sharpe, dans son Mémoire sur les Oiseaux recueillis aux Philippines par le Prof. J. B. Steere, a pensé qu'il convenait également de rapporter au Megapodius Cumingii de Labuan (qu’il appelait alors . Lowii) un Méga- pode mâle adulte tué en 1874 à Dumalon (Mindanao) et un poussin pris à Balabac. Sur ce point je ne puis être complète ment d'accord avec mon savant ami, et tout en admettant volontiers (ce qu’il est difficile d’ailleurs de démontrer), quele jeune appartient à la même espèce que les Mégapodes de Pas lawan, je suis disposé à rapporter le Mégapode adulte de Min- danao à une autre forme, qui est probablement le Megapodius Dillwyni. M. Sharpe a, du reste, constaté lui-même que les dimensions de cet individu ne concordent pas avec celles qu'il a indiquées pour À. Low, et 1l ne s’est décidé à le réunir à cette ARTICLE N° MONOGRAPHIE DES MÉGAPODIIDÉS. 415 dernière espèce qu’en raison delacoloration grise très foncée des partiesinférieures du corps. En traitant plus loin du Wegapodius Dillwyni, j'aurai l'occasion de revenir sur ce point et Je rappel- lera? que le Muséum d'histoire naturelle de Paris possède un Mégapode femelle venant de la même localité que celui qui a été examiné par M. Sharpe, ressemblant complètement à cet oiseau par les teintes sombres de sa poitrine et de son abdo- men, mais étant de taille encore plus forte, c’est-à-dire exagé- rant encore ces différences de dimensions que l’on a invoquées pour séparer le Megapodius Dillwyni du Megapodius Cuminqu. Ge n’est pas à dire toutefois que les Mégapodes de Cuming présentent des dimensions constantes : il y a au contraire, sous ce rapport, des variations assez sensibles, mais la taille moyenne reste probablement toujours inférieure à celle du Megapodius Dillwyni. DIMENSIONS DE SIX SPÉCIMENS DU MEGAPODIUS CUMINGII | 43] | Sle îlss RM EMAEN IE = o EMLE MEMCR Ce AREA LE EMEA EETEENEE EE ee |SsS | ST [NS S |Ées le A nv [mes | a $ | a à 2 | F£ A © |A Rn A 5 à s {a Sa © Sles) VEN ue ee ls E SAULT S| im m m m m m | Longueur totale.... ........ 0,350 | 0,290 | 0,330 | 0,325 | 0,350 | 0,360 — del’aile...,. ..... 0,216 | 0,220 | 0,245 | 0,235 | 0,229 | 0,234 — de la queue... ...…. 0,079 | 0,073 | 0,082 | 0,090 | 0,089 | 0,089 mritUuHEe 1.8. dE. 22 0,022 | 0,014 | 0,018 | 0,016 | 0,031 | 0,029 = 2 Mu LM En ORMESF ES .. [0,054 | 0,056 | 0,060 | 0,058 | 0,064 | 0,064 — du doigt médian... | 0,048 | 0,035 | 0,030 | 0,036| ? ? J'ajouterai que, d’après M. Sharpe, un jeune Megapodius Cumingi venant de Labuan diffère d’un jeune Mégapode (M. Dilliwyni), originaire des Philippines, par la coloration 116 E. OUSTALET. plus uniforme dé sa région dorsale, qui ne présente pas de bar- res transversales roussâtres. De la discussion qui précède et des documents réunis dans le cours de ces dernières années, 1l résulte que le Megapodius Cumingu n’est pas cantonné, comme on l’a cru un instant, dans l'ile de Labuan, au nord-ouest de Bornéo, dans les îles voisines de Kurâman et de Daat, mais qu'il se trouve également sur les petits îlots de Pulo-Tiga et de Pulo-Gaya, situés un peu plus loin vers le nord, ainsi que sur le continent même de Bor- néo, près de Brunei, et qu'il s’avance enfin jusque dans la por- tion méridionale des Philippines, sa présence ayant été con- statée récemment à Balabac et à Palawan. D’après les renseignements qui ont été recueillis sur place par M. Motley et M. Hugh Low, et publiés successivement. par MM. Motley et Dillwyn dans leurs Contributions à l’histoire naturelle de Labuan et par M. T. Salvadori dans son Cataloque systématique des Oiseaux de Bornéo, comme aussi d’après les notes les plus récentes fournies à M. R. B. Sharpe par M. le gouverneur Ussher et par M. Treacher, à Labuan lesMéga- podes de Guming habitent moins sur lile principale que sur quelques petits îlots dont les plages sont sablonneuses. Ils sont très farouches et se tiennent cachés au milieu des jungles. Pour s'emparer de ces oiseaux, les Malais établissent, dans les endroits les moins fréquentés, de longues palissades très ser- rées mais offrant de distance en distance quelques ouvertures dans lesquelles sont disposées des trappes. Courant à droite et à gauche à la recherche de leur nourriture, les Mégapodes rencontrent ces clôtures qu'ils suivent pendant un certain temps, puis, découvrant un passage, ils s’y précipitent tête baissée et tombent dans les pièges qui leur ont été pré- parés. Les Mégapodes de Cuming se nourrissent principalement d'insectes. En marchant ils relèvent fortement les pattes et font le gros dos à la manière des Pintades ; de temps en temps ils poussent une sorte de gloussement, un cri sourd analogue à celui que fait entendre un Poulet quand il est pris. Ils sont ARTICLE N° 2. MONOGRAPHIE DES MÉGAPODIIDÉS. 417 très querelleurs et se battent avec furie, bondissant l’un sur autre et s’entre-déchirant avec leurs ongles énormes. Les Malais affirment que les nids de cette espèce sont tou- jours situés sur la plage, mais à proximité des jungles, et en effet M. Motley a rencontré sur le rivage, presque à la limite de la forêt et au-dessus du point atteint par les plus fortes marées, un tumulus qui n'avait pas moins de 0",60 de diamètre et qui était formé de sable, de terre et de brindilles. À en juger par ses fortes dimensions, ce tumulus devait servir depuis plusieurs années. En y pratiquant des fouilles, les bateliers malais de M. Motley finirent par découvrir une douzaine d'œufs, qui étaient enfouis à une profondeur de 1 mètre environ, dans une situation verticale, au milieu d’une masse de terre assez dure. Les œufs du Megapodius Cumingi sont d’une couleur crème ou café au lait pâle, qui n’affecte que la couche superficielle de la coquille et d’une grosseur remarquable : trois d’entre eux pèsent à peu près autant que l’oiseau adulte. Au dire des Ma- lais, ils sont déposés, au nombre dehuit ou dix, dans un tumu- lus et complètement abandonnés parles parents qui laissent aux rayons du soleil, ou plutôt à la chaleur développée par la fer- mentation des détritus végétaux, le som de les faire éclore. Dans ces conditions, les jeunes ne viennent au jour que fort lentement, au bout de trois ou quatre mois seulement, au dire des Malais. Quand ils sortent du tumulus, ils sont déjà forts, complètement emplumés et pourvus d'ailes bien développées. À diverses reprises M. Motley essaya de faire éclore des œufs de Mégapodes qui venaient d’être extraits d’un tumulus, mais il échoua plusieurs fois dans ses tentatives. Un œuf qu'il avait donné à couver à une poule fut brisé par celle-ci au moment où le poussin commençait à se former; d’autres, qu’il avait enterrés dans le sable, au soleil, s’ouvrirent au bout d’un mois environ, mais les jeunes ne purent sortir de leur cachette ct moururent, parce que les œufs avaient été placés horizontale- ment; d’un autre enfin, qui avait été enfoui de la même façon, sortit un jeune Mégapode bien vivant, tellement vivant, qu'il se sauva à toutes Jambes et qu'on eut beaucoup de peine à 118 E. OUSTALET. l’attraper. Une autre fois encore, M. Motley réussit à obtenir, par l’incubation artificielle, un poussin qui fut assez robuste pour se frayer un passage à travers une épaisseur de 1 mètre de sable environ, et qui, à peine dehors, se mit à courir et à gratter le sol avec une activité surprenante. Il mangeait avi- dentent du riz et des œufs de Fourmis,. À Labuan, les œufs du Mégapode de Cuming étant fort re- cherchés par les résidents européens et plus encore par les indigènes qui, dans une seule expédition, en recueillent parfois près d’une centaine, 1l est à craindre que l nes Dar bar totalement dans un avenir rapproché. À Balabac, d’après M. le professeur Steere, les mêmes Mégapodes sont encore très répandus. Ils construisent sur la plage, au bord du taillis, des tumuli qui mesurent environ - 4 mètres de diamètre sur 4 mètre à 1,30 de hauteur et qui se composent de brindilles, de sable et de débrisde coquilles. Les indigènes assurent qu’on trouve parfois jusqu’à 60 œufs dans le même nid. Suivant M. Treacher, le Mégapode de Guming est désigné par les habitants de Labuan sous le nom de Menambrun : à Puerto- Princesa, au contraire, il est appelé Tabun, d’après M. Eve- reti. 41. — MEGAPODIUS DILLWYNTI, TAvoN, Temminck et Laugier, Nouveau recueil de Planches coloriées, 1898, # genre Megapodius (descr. et fig. null.). MEcaponius RUFIPES (err.), G. R. Gray. List of Birdsof the British Museum, 1824 (Gallinae), p. 21 (nec M. rubripes, Tem.) MEGAPODIUS GUMINGI, Ch. Bonaparte, Gallinarum conspectus systematicus, Comptes rendus de l'Académie des sciences, 1856, t. XLIT, p. 876, fam. n°9, genre n° 2, esp. n° 4 (part.). Meçaropius CGuMiNGtr, G. R, Gray, Proceedings of the Zaological Society of London, 1861, p. 290, n° 11 (part.). — G. R. Gray, Proceedings of the Zoo- logicai Society, 1864, p. 43, n° 14 (part.). — Schlegel, Nederlandsch Tidÿs- schrift voor de Dierkunde, 1866, t: II, p. 263. Lots Martens, Journal für Ornithologie, 1866, p. 26. — G, KR. Gray, Handlist of Birds, 1870, t. H, p. 255, n° 9550 (part.). Mecaropius CUMINGI, Walden, Transactions of the Zoological Society of Lon- don, 1875, t. IX. part. 2, p. 225, n° 158 (excl. loc.). ARTICLE N° 2. 0) MONOGRAPHIE DES MÉGAPODIIDÉS. 119 Mecaronius Lowu, Sharpe, Transactions of the Linnean Society, 1876, 2e série, Zoologie, t.1, p. 348, n° 132, et p. 353 (part. nec Proceedings Z.S. 1875). Mecarontus CuMINGIt, Sharpe, Jbèd., p. 353. Mecapopius PUSILLUS, Tweeddale, Proceedings of the Zoological Society of London, 1877, p. 765 et pl. 78, Mecaronius DiLLWYNI, Tweeddale, 1bid., p. 766, — Twecddale, Proceedings of the Zoological Society, 1878, p. 953. , Mecaropius CUMINGII, Schlegel, Museum des Pays-Bas, 1880, t. VIII, pp. 71 et 72, note. Le Mégapode de Dillwyn qui n’a jamais été ni figuré ni mème décrit d’une manière satisfaisante, et qui ne possède un nom spécifique que depuis deux ans, a été cependant signalé, il y a fort longtemps, par les anciens voyageurs. Dans la Rela- tion de voyage de Magellan, qui fut rédigée au commencement du seizième siècle par le Cav. Antonio Pigafetta, mais qui ne fut publiée, il est vrai, que beaucoup plus tard, vers 1800 (1), il est déjà fait mention de cet oiseau. Voici, en effet, ce que dit Pigafetta : « De là (de l’île Massana), nous fimes route au $. E. et nous arrivames entre cinq îles qui se nomment Ceylan, Bohol, Canigan, Bayboy et Catigan. Dans cette dernière, nous vimes des Chauves-Souris aussi grosses qu’un Aigle. Nous en tuâmes (1) La première édition a pour titre : Primo Viaggio intorno al globo ter- racqueo, ossia Ragguaglio delle Navigazione alle Indie orientale per la via d'Occidente, faito del Cav. Antonio Pigafetta, Patrizio Vicentino, sulla squadra del Cap. Ferdinando Magaglianes negli anni 1519-22, ora publicato per la prima volta, tratto da un codice Ms. della Biblioteca ambrosiana di Milano e corredata die note da Carlo Amorett, dott. del Collegio ambrosiano, con un Trasunto del Trattato di Navigazione dello stesso autore, — Milano, 1800, in-4, fol. gr. fig. — Cet ouvrage fut presque immédiatement traduit en français, sous ce titre: Premier voyage autour du monde, par le Chev. Pigafetta, sur l’escadre de Magellan, pendant les années 1519, 1520, 1591 et 1522, suivi de l'extrait du Traité de Navigation, du même auteur et d’une Notice sur le Chevalier Martin Behaim, avec la Description de son Globe terrestre, orné de cartes et de figures. —A Paris, chez Jansen, l'an IX de la répu- blique, 1801, in-8°. — Enfin, il parut une édition allemande: Beschreibung der von Magellan unternommen ersten Reise um der Welt auseiner Handschrift der ambrosianischen Bibliotek zu Mailand von Amoretti zum ersten Mul heraugsgegeben. Aus dem fransôsichen, mit Karten. — Gotha,; Just. Perthes, 1801. 190 E. OUSTALET. une et nous la mangeâmes; elle avait le goût d’une Poule. Là aussi se trouvaient des Pigeons, des Tourterelles, des Perro- quets et d'autres oiseaux noirs aussi gros que des poules qui pondent des œufs, aussi gros que des œufs de canard et très bons à manger. On nous dit que la femelle dépose ses œufs dans le sable et que ceux-ci éclosent uniquement par la chaleur du soleil (1). > co tr En 1700, dans son Giro del Mondo (2), le D' G. Francisco Gemelli Careri parla également en ces termes des Mégapodes des Philippines : | « Parmi les oiseaux de ces îles (Philippines) nous devons, dit- il, mentionner spécialement le Tavon, d’abord à cause de ses qualités particulières et ensuite parce que nous ignorons si on le rencontre ailleurs. C’est un oiseau #aritime, de couleur noire. Pour ce qui est de la taille, 1l est plus petit qu’une poule, mais a le cou et les pattes allongés. Il dépose ses œufs dans une terre meuble et sablonneuse. Ces œufs sont étonnants non seulement à cause de leur grosseur, égale à celle d’un œuf d’oie, mais aussi à cause de la très petite quantité d’al- bumen qu’on y trouve lorsqu'ils ont été cuits : il ne reste guère que du jaune ayant un peu moins de saveur que celui d’un œuf de poule. En outre, contrairement à ce que l’on trouve ailleurs, quand les petits sont éclos, le jaune est encore intact et a conservé une bonne odeur, tandis que le blanc à disparu On voit par là que si la vertu générative de la semence a géné- ralement pour effet de féconder le jaune de l’œuf, il n’en est pas toujours ainsi, et que, dans ce cas particulier, le jaune remplit pour le poussin le même rôle que le placenta utérin par rapport au fœtus humain. Les poussins, alors qu’ils n’ont pas encore de plumes, peuvent être rôtis et paraissent alors (1) Pages 93 et 94, de l'édition allemande. A en juger par la carte qui accompagne le Voyage de Magellan, Catigan parait être une des petites îles comprises entre Bohol, Zébu et Leyte. Les grandes Chauves-souris auxquelles Pigafetta fait allusion, sont des Roussettes. (2) Giro del Mondo del Dottore D. G. Francisco Gemelli Gareri. Napoli, 1700. Cet ouvrage fut traduit en français, sous le titre de Voyage autour du monde, de G. Careri. Paris, 1791. ARTICLE N° 2, MONOGRAPHIE DES MÉGAPODIIDÉS. 191 aussi bons que des pigeons. Les Espagnols mangent souvent sur la même assiette la chair de poulet et le jaune de l'œuf qui lé contenait. L'oiseau adulte est aussi mangé par les In- diens, mais sa chair passe pour coriace. La femelle dépose ses œufs (au nombre de quarante à cinquante) dans un trou, près de la mer, et les recouvre de sable. C’est même à cause de cettehabitude que l’oiseau porte le nom de Tavon, qui, dans le dialecte de l’île, sigmifie couvrir de terre. Enfouis dans cette cachette, les œufs éclosent grâce à la chaleur développée dans le sable, et comme les jeunes S’alimentent aux dépens du jaune, ils acquièrent à la fin assez de force pour briser la coquille, se frayer un chemun à travers Le sol et enfin s’échap- per au dehors. Du reste, leurs efforts sont encouragés par les eris de la mère qui, n'ayant pas quitté la forêt voisine, se met à courir autour du nid vers le moment de l’éclosion. [I se passe dune ici un phénomène aussi merveilleux que celui dont il est fait mention dans l’Éeriture à propos des œufs de l’Autruche (Job, 39), et l’on ne saurait trop admirer la divine Providence qui a donné à ces oiseaux l'instinct d’enfouir leurs œufs à une telle profondeur et qui a doté leurs jeunes d'ongles assez robustes pour percer les murs de leur prison. Cés nids sont établis dans les mois de mars, d'avril et de mai, comme ceux des Alcyons dont parlent les auteurs anciens : en effet, dans cette saison, la mer est plus calme et les vagues ne s’élèvent pas assez haut pour causer des dégâts sur la plage. Les marins explorent le rivage et partout où ils voient le sol fraichement remué, ils creusent avec un bâton.et s'emparent des œufs et des poussins qui sont aussi estimés les uns que les autres au point de vue alimentaire (1). J'ai cité en entier ce passage parce qu’on y trouve déjà la trace de quelques-unes des erreurs que les auteurs modernes ont propagées au sujet du développement de l'œuf des Méga- podes, soit que cés auteurs aient prêté, comme G. Careri, une oreille trop complaisante aux fables des indigènes, soil (1) T. V, p. 158, de l'édition originale, et t. V, p. 266, de l'édition française. 192 | E. OUSTALET, qu'ils aient reproduit sans les contrôler, des documents four- nis par les anciens voyageurs. Du reste, à côté de ces divaga- tions fantaisistes, le récit de G. Careri renferme quelques renseignements exacts, que Buffon, dans son Histoire natu- relle (4), n’a pas cru pouvoir accepter, tellement ils lui ont paru en opposition avec ce que l’on savait alors du mode de propagation des diversès espèces d’Oiseaux. Peu de temps après G. Careri, un savant jésuite, dont le nom est assez.connu, le professeur George-Joseph Camel publia ses Observations sur les Oiseaux des Philippines (2), et consacra également au Tavon ou Tabon (Taboun) quelques lignes que M. Ed. von Martens a transcrites dans le Journal d'Ornitho- logie de 1866 (3) : « Le Tabon des habitants de Luçon est, dit &, J, Camel, un oiseau bleuâtre et cendré, plus petit que la poule commune, dépourvu de queue, n'ayant que quelques plumes éparses sur la tête; sa chair est fade et insipide; ses œufs sont presque roux, égaux en longueur à ceux d’une oie, mais moins épais ; ils sont déposés au nombre de quarante, cinquante ou soixante sur les plages de la mer, sur les rives des fleuves ou même dans les endroits sablonneux des montagnes; ils sont enfouis à 4 pieds de profondeur, afin que la chaleur les fasse éclore; ils ne renferment, pour ainsi dire, que du jaune, et constituent un aliment agréable et nourrissant. Les poussins ont bon goût tant qu'ils sont enfermés dans l’œuf; mais, une fois sortis, sant tout à fait insipides (4). » Le Tabon fut encore cité par d’autres voyageurs anciens, soit sous le même nom, soit sous celui d'avis ovimagna hier à oros œufs), néanmoins il resta, jusqu'à une époque très rap- prochée de nous, incomplètement connu des naturalistes, qui n'avaient sous les yeux aucun individu decette espèce. De 1824 (1) Histoire naturelle, t. XXVI. Oiseaux incertains ou inconnus, n° 35 : le Tavon des Philippines. (2) Observationes de avibus. Po reproduites en 1703, par James Petiver, dans les Philosophical Transactions, t. XXHI, n° 285. (3) Journal für Ornithologie, 1866, p. 26. (4) Op. cit., pp. 1394-1399, ARTICLE N° 2. MONOGRAPHIE DES MÉGAPODIIDÉS. 494 à 1839, la Thetis, la Bonite et l'Astrolabe touchèrent succes- sivement aux Philippines, mais ne rapportèrent point de Mégapodes de cette région au Muséum d'Histoire naturelle de Paris. MM. Quoy et Gaymaud n'’ignoraient «point cependant la présence de Mégapodes aux Philippines, puisqu'ils disent dans le Voyage de l'Uranie (1) : « Ces oiseaux habitent les Moluques, les îles des Papous, les Mariannes et les Philippines. Nous tenons de MM. Dussumier et Calvo que dans ce dernier lieu on les nomme Tuvon, mot qui, en langue tagalle, signifie enfouir, parce que les Mégapodes déposent leurs œufs dans le sable et abandonnent à la chaleur solaire le soin de les faire éclore. M. Calvo, amateur de la chasse, et qui a fait un séjour de quinze ans dans ces îles, en qualité d’agent de la Compagnie des Philippines, ajoute que le même trou ne renferme jamais qu'un seul œuf. Dès que le petit sort du sable, 1l se met à courir; la mère ne lui donne aucune espèce de soins. Quel- quefois on trouve de jeunes poussins morts dans le sable à une assez grande profondeur. Ces oiseaux sont timides, redou- tent les chasseurs, et se cachent dans les touffes de bambous d’où il est difficile de les faire sortir. 1{ en existe aux Philip- pines des espèces noires et rousses. » D'un autre côté, deux œufs de Tavon furent remis au Muséum, l’un par M. de Busseuil, chirurgien attaché à l’expé- dition du baron de Bougainville, et l’autre, en mauvais état, par M. Dussumier. Cependant, n1 dans son Manuel, ni dans son Traité d'Ornithologie, Lesson, qui appelle cependant Tavon ou Mégapode un genre de Gallinacés ou de Passerigalles ne fit une mention spéciale des oiseaux des Philippines, qu’il rap- porta à l'espèce des îles Mariannes (Megapodius La Perousti) et, d'autre part, MM. Temminck et Laugier, dans leur Nouveau Recueil de Planches coloriées, ne dirent que deux mots de l'œuf de Tavon recueilli par M. Dussumier. : | Enfin, en 1839, la Société zoologique de Londres reçut de M. Hugh Cuming, son correspondant, une nombreuse collec- (1) Zoologie, p. 124 et suiv. 124 | E. OUSTALET. tion d'objets d'histoire naturelle recueillis dans la partie méridionale de l'ile de Luçon. Parmi les oiseaux se trou- vaient les deux Mégapodes qui ont été acquis plus tard par le Musée britannique. Malheureusement ces oiseaux, comme beaucoup d’autres, n’attirèrent pas suffisamment l'attention des naturalistes (1). En 1844, dans sa Liste des Gallinacés du Musée Britannique, feu M. G. R. Gray se contenta d'indiquer ces deux Mégapodes sous le nom doublement erroné de Megapodius rufipes (Tem.), les rapportant au M. rubripes de Temminck (ou M. Duperreyi). Plus tard, M. Dillwyn les assi- mila aux Mégapodes de Labuan qu'il appela Megapodius Cu- mingii. Gomme je l’ai dit plus haut, ce dernier nom resta ap- pliqué aux oiseaux des Philippines, alors même que M. Sharpe eut constaté qu'ils différaient des oiseaux de Labuan; mais, en 1879, il leur fut enlevé par M. le marquis de Tweeddale et fut remplacé par le nom de Wegapodius Dilluyn. M. Sharpe, à propos du Megapodius Lowii a déclaré que les Mégapodes des Philippines sont constamment plus gros «et moins foncés en couleur que ceux des Philippines. Après avoir examiné les spécimens du Musée britannique et ceux du Musée de Paris, je partage la manière de voir de M. Sharpe au sujet des différences de taille, mais je tiens à faire mes réserves re- lativement aux différences de coloration. En effet, si chez les Mégapodes de Labuan étudiés par M. Sharpe et nommés par lui Megapodius Lowii, la poitrine est d’un gris plus franc et plus foncé que chez les oiseaux envoyés par M. Cuming, le dessous du corps est encore d’une teinte plus sombre chez des Mégapodes de Mindanao que, à l’exemple du marquis de Tweedale, je crois devoir rapporter cependant au Mesapoñins Dillwyni. De Mindanao, le Muséum d’ histoire naturelle de Paris pos- sède un Méca ol parfaitement adulte, une femelle qui à été tuée à Dumalon, en 1876, par M. L. Laglaize. Chez cet oiseau (1) Deux ou trois espèces d'oiseaux seulement furent décrites immédiatement dans les Proceedings, par M. Fraser; les autres ne furent signalées ou décrités que beaucoup plus tard, par M. Gray. ARTICLE N° 2. MONOGRAPHIE DES MÉGAPODIIDÉS. 195 le dos et les ailes sont d’un brun à reflets rougeñtres, olivâtres ou même légèrement dorés, le ton de ces parties étant un peu plus foncé que chez le Megapodius Duperreyr et plus clair que chez le Megapodius eremita. Le bas du dos, les reins, si lon peut s'exprimer ainsi, et le dessus de la queue sont d’un brun olivâtre beaucoup plus sombre et plus terne. Le sommet de la tête présente une couleur un peu plus mate que le dos, tandis que les joues, la nuque, la poitrine et l’abdomen sont d’un eris ardoisé tirant fortement au noir et à peine glacé de brun olivâtre. Gette teinte schisteuse s'étend à travers les cuisses et se prolonge en arrière jusque sur les sous-caudales. Ge mode de coloration permet de distinguer facilement cet oiseau du Mégapode de Duperrey; d’ailleurs les pattes, singulièrement robustes, sont d’un brun très foncé, presque noir, tandis que le bec est jaune à la pointe et brunâtre à la base, les plumes de la tête, quoique assez longues, ne forment point de huppe dis- tincte, et les joues sont emplumées jusqu'à une faible distance des yeux. Nous avons vu au contraire que chez les Mégapodes de Labuan les joues sont encore plus fortement dénudées que chez les Mégapodes de Duperrey. Tout récemment le Muséum d'histoire naturelle a reçu de M. A. Marche, le voyageur bien connu, qui a été chargé d’une mission aux îles Philippines, deux Mégapodes, mâle et femelle, tués à Dolores, dans l’île de Luçon. La femelle, car la colora- tion schisteuse des parties inférieures de son corps, par la disposition des plumes sur les côtés de la tête et par les dimensions ressemble tellement à l'individu de Mindanao précédemment mentionné qu'il est inutile d'en donner une description particulière. Le mâle est plus jeune, comme l’in- dique la taille plus faible et le mélange de quelques plumes brunâtres aux plumes grises de la poitrine ; mais l’ensemble de la livrée présente toujours les caractères de l’espèce. Le bec, assez robuste chez la femelle, très petit relativement chez le Jeune mâle, est d’un brun corné, tandis que les pattes sont d’un brun très foncé, d’un brun noirâtre. Un Mégapode mâle, venant de Zamboanga (Mindanao) et 496 E. OUSTALET, faisant partie de la collection du marquis de Tweeddale, m’a paru entièrement semblable, et par la coloration, et par les dimensions aux deux oiseaux adultes de Luçon et de Mindanao décrits ci-dessus. Get individu de Zamboanga, ainsi qu’une femelle de la même localité, sont du reste indiqués sous le nom de Megapodius Dillwyni, par M. le marquis de Tweeddale dans son Catalogue de la collection recueillie par M. Everett dans le sud de Mindanao. D’après les notes de ce voyageur, la peau orbitaire était, chez le mâle, d’un brun pourpré foncé, chez la femelle d’un rouge sale. La femelle avait d’ailleurs l'iris couleur terre de Sienne brûlée, le bec d’un brun corné, les pattes d’un brun rougeûtre avec les doigts (?) d’un Me plus foncé. | Par analogie, je suis porté à supposer, contrairement à l'opinion exprimée par M. Sharpe, que le Mégapode mâle adulte tué en 1874 à Dumalon (Mindanao) par M. le profes- seur Steere, n'appartient pas à la même espèce que le poussin pris par le même voyageur à Balabac. et que si ce dernier est un Megapodius Cumingii (ou M. Low), l'autre, l'adulte, est un Megapodius Dillwyni, comme le spécimen du Musée de Paris, venant précisément de la même localité. M. Sharpe, tout en appelant le Mégapode de Mindanao Megapodius Lowii, avait constaté du reste qu’il différait des oiseaux de Labuan par les proportions, quoiqu'il leur ressemblât par la teinte schisteuse très foncée des parties inférieures du corps. Enfin M.le marquis de Tweedale a décrit et figuré, comme je l'ai dit plus haut, sous le nom de Mejapodius Ha un autre Mégapode de beaucoup plus petite taille, tué dans l'ile de Cebu ou Zébu, par M.'H. Everett. D’après la desctiption, qui ne concorde pas absolument avec la planche, chez cet oiseau le dessus du corps est d’un brun jaunâtre ou rougeâtre vif (presque doré), passant au brun plus mat sur le croupion et les sus-caudales ; le menton et la gorge sont d’un brun jau- nâtre sale ; les plumes offrent une teinte grise assez claire à leur insertion, le cou et la partie supérieure de la poitrine sont d'ungris ardoisé, avec du brun Jaunâtre-au bout des plumes, la ARTICLE N° 2. MONOGRAPHIE DES MÉGAPODIIDÉS. 197 partie inférieure de la poitrine et les flancs d’un gris schisteux, faiblement nuancé de brun rougeàtre, la région ventrale d’un oris plus pâle, temté de brun ocreux, les cuisses d’un brun tirant fortement au rougeâtre, et comme brülé, les sous-cau- dales d’un brun cendré obscur, les grandes pennes des ailes d’un brun uniforme, le bord des pennes secondaires, les pennes tertiaires et les couvertures des ailes de la même cou- leur que le dos, le milieu de la tête d’une nuance un peu plus ‘foncée que les côtés et le front. Dans l'oiseau vivant les pattes étaient, paraît-il, d’un brun très foncé, presque noires, le bec d’un brun foncé et l’iris d’un brun noisette sombre. Ce petit Mégapode, dit M. le marquis de Tweedale, a la région oph- thalmique, la gorge et le cou complètement garnis de plumes, et appartient à un tout autre type que le Megapodius Cu- minqii. | Les différences indiquées par le savant ornithologiste an- glais sautent aux yeux en effet, si l’on compare ce Megapodius pusillus au type du Megapodius Gumingii de M. Dillwyn, au type du Megapodius Lowii de M. Sharpe, ou à quelques autres individus venant de Labuan, mais elles n'existent point entre ce même Oiseau et les individus de Mindanao que j'ai rappor- tés ci-dessus au Megapodius Dillwyni. C’est fort bien, dira-t-on, mais le Megapodius pusillus s’écarte sensiblement du Megapo- dius Dillwyni par le mode de coloration de certaines parties de son corps. Cela est vrai si l’on s’en tient exclusivement à la figure, mais si l’on se reporte à la description, on voit que les teintes du cou et de la partie supérieure de la poitrine n’ont pas été convenablement rendues sur la planche, ces parties étant d’un gris ardoisé, avec le bord des plumes brunâtres, c'est-à-dire à peu près de la même nuance que chez les Méga- podes de Mindanao. Enfin le Megapodius pusillus est, comme son nom l'indique, de très petite taille, tandis que les Wegapo- dus Dillwyni de Luçon et de Mindanao égalent ou dépassent en grandeur certains Mégapodes de la Nouvelle-Guinée. Mais n’avons-nous pas constaté des variations considérables entre les proportions des individus d’une mème localité, n’avons-nous 128 | E. OUSTALET. pas vu que le type du Megapodius Duperreyr, tout-en portant la livrée d’un adulte, était si petit qu'il pouvait être traité de nain relativement aux autres Oiseaux de son espèce? Evidemment des variations analogues doivent se produire dans toutes les espèces ; chez toutes, les jeunes doivent revêtir le costume de l'adulte avant d’avoir acquis tout leur développement. Le Me- gapodius pusillus, ressemblant déjà aux oiseaux du nord et de l’est des Philippines par ses pattes de couleur très foncée, par sa huppe très peu développée, par ses joues emplumées, par son manteau brun-olive et par sa poitrine d’un gris ardoisé, je me crois autorisé à le considérer comme un Megapodius Dillwyni dont la croissance n’est pas terminée (1). DIMENSIONS DE QUELQUES SPÉCIMENS DE MEGAPODIUS DILLWYNI. f | = ë — as | © = ES Eu = S n &le £lo'èle 5 5 |RSR MEN ENS EN) es € Bee = D PA es CA £s|S -SIS .:& e S. | 2F = JP | , 5 |< .n << © C2 > RAIN ae Ze lat lanu rs 0556 le cc las n£Z less | ex |2£: AUS AE NAS NES EN ANNE EL Ste S 2 la Ras ÈS EE 48 28 28: = ë | | À | ste. | ==, — m m m m m m m m m nl Grand axe... |0,08410,089/0,097|0,08710,08510,076/0,08010,077|0,078|0,084 Petit axe... |0,05610,057/0,05710,047,0,050/0,04710,95210,05210,047|0,045 ARS III EEE 12. — MEGAPODIUS NICOBARIENSIS. MEGAPODIUS NicoBARIENSIS, Ed. Blyth, Journal of the Asiatic Society of Bengal, 1846, t. XV, pp. 52 et 372. — Edw. Blvth, Catalogue of the Birds in the Museum Asiatic Society, 1849, p. 239, n° 1448. — Ch. Bonaparte, Gallinarum conspectus systematicus, Comptes rendus de l'Académie des sciences, 1856, t. XLIL, p. 870, fam., n° 2, genre n° 2, esp. n° 9, —_ G.R. Gray, Proceedings of the Zoological Society of London, 1861, p. 290, n° 13. — G. R. Gray, Proceedings of the Zoological Sociely of London, 1864, ANN. SC. NAT., ZO00L., AVRIL 1881. XI. 40 — ART. N° 9. 130 E. OUSTALET. p. 43, n° 13. — Von Pelzeln, Reise der ôsterreichichen Fregalta Novara, 1865, Zoologischen Theil, t. 1, Vogel, p. 111 etpl. XIV. -- Schlegel, Neder- landsch Tijdschrift voor de Dierkunde, 1866, t. II, p. 261. — G. R. Gray, Handlist of Birds, 1870, t. Il, p. 255, n° 9554. — J. Elwes, Proceedings of the Zoological Society of London, 1813, p. 663. — A. Hume, Stray Fea- thers, 1874, t. IL, pp. 71, 129, 276 et 499. MEGAPODIUS TRINKUTENSIS, R. B. Sharpe, Annals and magazine of Natural History, 1874, 4° série, t. XIIE, p. 448. MEGAPODIUS NICOBARIENSIS, Walden, Ibid., t. XIV, p. 163.— Schlegel, Muséum des Pays-Bas, 1880, t. VIIL, p. 74. Le Megapodius nicobariensrs se distingue immédiatement du Megapodius Duperreyi par ses pattes de couleur foncée, ses joues et son menton assez fortement dénudés, et les teintes moins nettes de sa nuque et de sa poitrine, où le gris est peu apparent et parfois même fait complètement défaut, comme chez les individus que M. Sharpe avait proposé d’appeler Mega- podius trinkutensis. Par ces divers caractères, cette espèce montre de grandes analogies avec le Megapodius Gilberti de Célèbes, qui est d’ailleurs toujours de plus petite taille et qui offre des formes moins robustes. Pendant longtempsle Megapodius nicobariensis n’a été connu des naturalistes que par la description de M. Blyth; mais, dans ces dernières années, il a été l’objet d’un grand nombre d’ob- servations: en 1865, il a été figuré par M. von Pelzeln dans la Zoologie du Voyage de la Novara; en 1873, il a été étudié sur place auxîles Nicobar, par M. Davison et par M. Allan Hume, qui a publié bientôt après le résultat de ses recherches; enfin, vers la même époque, 47 individus de cette espèce, provenant de divers points de l’archipel de Nicobar, sont venus enrichir la collection de lord Walden, tandis que d’autres individus par- venaient au Musée britannique où j’ai pu les examiner compa- rativement. Il est donc possible de donner maintenant une description et une histoire complète du Mégapode des îles Nicobar. Chez l'adulte, mâle où femelle, le front et le vertex sont d’un brun ocreux, assez clair et légèrement nuancé d’olivâtre; la nuque, les joues et la région des oreilles d’un gris ardoisé pâle ; ARTICLE N° 2. MONOGRAPHIE DES MÉGAPODIIDÉS. Lui cette teinte se continue sur les côtés du cou et vient se fondre en avant dans la couleur grise brunâtre de la poitrine; parfois cependant, comme chez les individus qui ont servi de type à M. R. B. Sharpe pour établir son Megapodius trinkutensis, la couleur grise de la:nuque, de la gorge et de la poitrine est remplacée par du fauve. Sur l'abdomen règne également une teinte grise obscure qui se continue en avant avec celle de la poitrine et qui, en arrière, du côté des sous-caudales et sur les flancs, se mélange fortement de brun. Le dos et les ailes sont au contraire d’un brun roux, à reflets olivâtres, qui acquiert une vivacité de ton toute particulière sur les barbes externes des rémiges. La face antérieure des tarses est d’un brun assez foncé même après la mort, mais offre parfois, durant la vie de l'oiseau, des reflets verdâtres (d’après M. Hume), tandis que la face postérieure et l’articulation sont d’un rouge brique; les doigts tirent fortement au noir, surtout dans leur portion ter- minale, du côté des ongles qui sont eux-mêmes d’un brun très foncéen dessus, d’un brun plus clair en dessous et à l'extrême pointe. Le bec est d’un brun passant au jaunâtre ou au ver- dâtre sur les bords des mandibules; l'iris, d’un brun noisette, les lores, le tour des yeux et des oreilles et le devant du cou sont plus ou moins dégarms de plumes, de sorte qu’on peut voir la couleur de la peau qui varie du rouge brique au rouge cerise. Sur trois spécimens, deux femelles et un mâle venant des iles Katschal, Camorta et Nancowry, lord Walden a con- staté, en 1874, une particularité fort curieuse: le dessus de la tête était entièrement chauve, sauf dans la région frontale, où se montraient quelques plumes rejetées en arrière ; sur tout le reste du vertex s’étendait une peau noire. et dure, rappelant par son aspect celle qui recouvre le casque du Megacephalon maleo. Chez les individus moins avancés en âge, les parties supé- rieures du corps sont d’une nuance un peu plus jaune ; la teinte grise est moins définie sur la nuque et sur la poitrine et ne s’6- tend pas en arrière sur l’abdomen, qui reste d’un brun roux. Enfin, les Jeunes, qui ontla grosseur de petites cailles, (1) sont, (1) Les Jeunes observés par M. Hume présentaient les dimensions suivantes : 132 E. OUSTALET. d’après M. Hume, d’un brun tabac uniforme; ils ont le bec court, la queue représentée seulement par une touffe de plu- mes décomposées, mais les ailes déjà bien conformées, la gorge, le cou et la tête revêtus de plumes normales qui, sur le vertex et sur l’occiput, sont mêmes relativement plus allongées que chez les adultes. Ces observations de M. Hume concordent parfaitement avec celles que j'ai faites sur le Mégapode de Duperrey et montrent que les caractères tirés de la dénudation plus ou moins forte des côtés de la tête et du cou, ou du déve- loppement de la huppe, n’ont qu'une valeur relative pour la distinction des espèces. Dans leur jeunesse, tous les Mégapodes ont, en effet, la tête fortementemplumée ou même ornée d’une huppe; avec l’âge, {ous tendent vers une calvitie qui, chez les uns, est seulement plus prononcée que chez les autres. I y avait là une cause d'erreur pour les naturalistes. Habitués à voir les jeunes d’un grand nombre d'oiseaux parcimonieuse- ment couverts de plumes entremêlées de duvet, ils ont néces- sairement considéré comme adultes des Mégapodes au corps revêtu de plumes normales, aux teintes bien définies, à ia tête huppée; puis comparant ces individus à d’autres Mégapodes, portant le même plumage, mais ayant la tête ornée d’une huppe très courte et les joues presque nues, ils n’ont pu admettre de rapports spécifiques entre ces divers oiseaux et ils ont créé plusieurs espèces qui doivent évidemment être rayées des cata- logues scientifiques. | En réunissant les mesures que j'ai prises sur Îles individus adultes des Musées de Leyde et de Londres à celles qui sont fournies par M. À. Hume, j'obtiens le tableau suivant: longueur totale, 0,141 ; longueur de l’aile, 0,101; longueur du bec, 02,075; longueur du tarse, 0", 030 environ. ARTICLE N° 9, MONOGRAPHIE DES MÉGAPODIIDÉS. 192 DIMENSIONS DE QUELQUES SPÉCIMENS DE MEGAPODIUS NICOBARIENSIS. De diverses îles d'après M. Hume. De l'île Camorta. De l'ile Trinkut. Type de M. Sharpe. De l'ile Katschal. (Musée-de Leyde.) (Musée de Leyde.) (Musée britannique.) = = © ES cs 2 = Ki 2 © = 9 TT QE A Le? m m m m m m Longueur totale 0,36510,39010,38510,39010,309 à 0,432] de l’aile 0,23010,24510,24510,24510,202 à 0,242 de la queue 0,07210,072|0,072|0,080[0,070 à 0,089 CUMDECS NN en ANNE . |0,01810,02210,01710,02510,024 à 0,026! 0,05510,05610,04610,060 0,065 à 0,070] 0,03210,03710,04710,052 ? Le poids de ces Mégapodes varie, d’après M. Hume, de 0,693 à 0,962. Le Megapodius nicobariensis se trouve dans tout l'archipel de Nicobar et peut-être aussi, d’après les renseignements re- cueillis par M. A. Hume, dans une petite île située beaucoup plus au nord, et nommée Table island (1), mais n’a point, à ma connaissance, été signalée jusqu'ici dans les îles Andaman. D’après M. Davison, il est particulièrement nombreux dans les iles telles que Treis, Trinkut, ete., où le sol est sablonneux. Il vit isolé, par couples ou en petites troupes composées parfois d’une trentaine d'individus. Lorsque le mâle et la femelle marchent de concert, ce qui est le cas le plus fréquent, ils font entendre fréquemment un cri d'appel que M. Davison essaye (1) L’archipel de Nicobar, qui est situé dans le golfe du Bengale, par 91 degrés long. est, et 7 à 9 degrés de lat. nord, comprend les îles Grand Nicobar, Petit Nicobar, Katschal, Nangcowry ou Nancoury, Camorta, Trinkut, Car Ni- cobar, etc. Table island se trouve beaucoup plus au nord, par 14 degrés lat. nord, et est séparée des îles Nicobar par les îles Andaman. 434 E. OUSTALET. de traduire par les syllabes Kouk-a-kouk-kouk, prononcées len- tement. Comme le Megapodius Duperreyi, le Megapodius nicobarien- sis dépose ses œufs dans des tumuli dont-la nature, la grandeur et la situation varient notablement. À l'ile Trinkut les tumuli sont placés tout près.de la côte, et composés de sable et de gravier. [ls ont ordinairement 1°1/2 de haut sur 9 mètres de tour; mais M. Davison en a découvert un qui me- surait près de 2°1/2 sur 18",30 de circonférence à la base. Ce tumulus devait être très ancien, puisque de son sommet sortait un arbre dont le trone avait 15 centimètres de diamètre et dont les racines s’enfonçaient dans tous les sens jusqu'à 0",30 de profondeur environ. En explorant à fond cette masse de sable, M. Davison ne put y découvrir que trois œufs, un tout frais et deux renfermant des jeunes déjà assez développés. A Bompoka et à Katschal, le même voyageur vit deux tumuli qui étaient en pleine forêt et dans la composition desquels n’en- traient que des feuilles, des brindilles et de la terre. Les pro- portions de ces amas de substances végétales étaient beaucoup plus faibles que celles du tumulus de Trinkut, la hauteur n’excédant pas 0,905 et la circonférence 3",66 à 3,96. De son côté M. Allan Hume put observer à la baie Galathée, dans le sud de la grande île de Nicobar, une foule de tumuli qui étaient situés dans des jungles commençant immédiatement à la limite des fortes marées. Ils lui parurent avoir été con- struits de la manière suivante: les Mégapodes ont commencé par réunir un monceau de feuilles, de noix de coco, etc., puis ont jeté par-dessus une grande quantité de sable fin consistant en poussière de coraux et menus débris de coquilles. Ce sable a non seulement rempli tous les interstices de la masse végé- tale, mais a recouvert celle-ci d’un parement de 0",30 d’épais- seur environ. Âu bout d’un certain temps, de quelques mois ou d’une année, les oiseaux ont enlevé le revêtement sablon- neux des trois quarts supérieurs du tumulus, y ont substitué une nouvelle couche végétale, puis ont ramené sur le tout une autre couche de sable. En pratiquant dans un tumulus très ARTICLE N° 2, MONOGRAPHIE DES MÉGAPODIIDÉS. 435 vaste et par conséquent très ancien, une étroite tranchée allant de la périphérie au centre, M. Hume a retrouvé les traces ma- nifestes de cet arrangement; à la base il a pu compter les por- tions des couches de sable qui n'avaient jamais été enlevées et qui étaient superposées régulièrement. Ges couches successives se terminaient en biseau vers le haut; elles étaient au nombre de dix ou de onze, ce qui indiquait que le tumulus avait été remanié une dizaine de fois. La portion centrale était tout à fait froide. La substance végétale avait presque entièrement disparu, et il ne restait d’autres traces de sa présence que quel- ques débris ligneux et une coloration particulière du sable en certains points. C'est même, dit M. Hume, par suite de cette décomposition des éléments organiques et du soin avec lequel les oiseaux respectent à chaque remaniement la portion basi- laire des couches sablonneuses, que ie tumulus s’accroït tou- jours plus rapidement dans le sens de la longueur que dans celui de la hauteur. Kf.#, Tout près d’un tumulus M. Davison tua une femelle qui venait de pondre, et en la disséquant 1l reconnut que lovaire ne renfermait plus que des œufs très peu avancés, dont le plus volumineux ne dépassait guère la grosseur d’un pois. Chez ce Mégapode, les œufs ne se succèdent donc qu’à plusieurs jours d'intervalle, et il en est probablement de même dans toutes les espèces du même groupe. D’après ce que les indigènes ont affirmé à M. Davison, c’est toujours pendant la nuit que les Mégapodes vaquent à leurs travaux, et l’on ne voit Jamais qu’une seule paire d’oiseaux occupés à élever ou à agrandir chaque tumulus et que cette même paire a la jouissance exclu- sive de la construction. Mais sur ce dernier point M. Hume n’est pas disposé à accepter les assertions des habitants des îles Nicobar; il tient en effet, de la bouche même de quelques- uns d’entre eux, que dans certains cas une vingtaine d'œufs ont pu être extraits d’un même tumulus, ce quisemble mdiquer que plusieurs couples sont venus pondre au même endroit. Sou- vent néanmoins le nombre des œufs renfermés dans un même tumulus est bien moins considérable et n’est que de cinq ou six. 136 E. OUSTALET, Les indigènes, qui sont très friands de ces œufs, emploient pour les découvrir absolument le même procédé que les abo- rigènes du Queensland: ils enfoncent dans la masse de terreou de sable une petite baguette, et quand celle-ci pénètre aisé- ment, ils creusent avec les mains un trou qu’ils remplissent après s'être emparés de ce qu'ils convoitaient. Ils ne font point de différence entre les œufs frais et ceux qui renferment déjà un poussin bien formé, et mangent indifféremment les uns et les autres, après les avoir placés pendant quelques instants dans de la cendre chaude, ou après les avoir durcis par une forte cuisson. Les œufs sont toujours allongés et véritablement énormes par rapport au volume de l'oiseau; mais ils varient beaucoup de grosseur, de forme et de couleur. Quelques-uns sont d’un brun terreux, d’autres d’un jaune d’ocre, d’autres enfin d’un rouge brique pâle. D’après ce que j’ai pu observer dans d’autres espèces, je crois que M. Hume a parfaitement raison de consi- dérer, contrairement aux assertions de M. Davison, les œufs qui sont rougeâtres ou rosés, comme étant les plus frais, ceux qui ont séjourné le moins longtemps dans le sol (1). Du reste, comme chez le Megapodius tumulus c’est Seulement la couche la plus superficielle de l’œuf qui est colorée, et en grattant légèrement avec l’ongle on fait apparaître la teinte calcaire fondamentale de la coquille. M. Hume à cru reconnaître que cette dernière teinte se montrait naturellement sur certains points par les progrès de l’incubation, et que dans l'œuf prêt à éclore la coquille était marbrée de taches blanches sur fond brun. En tous cas, la surface de l’œuf est toujours terne et eri- blée d’une multitude de pores. La longueur du grand axe varie (1) M. O. des Murs avait déclaré aussi, dans son Traité d'Oologie ornitholo- gique,p. 414, que les œufs du Mégapode de Nicobar, naturellement blancs, n’acquièrent une couleur rose ou ocreuse, que par un séjour plus ou moins prolongé dans le sol. Mais, à l’encontre de cette opinion, M. von Pelzeln cite les observations de M. Zélébor, qui a recueilli, lors de l'expédition de la Novara, quelques œufs de Mégapodes fraîchement pondus, qui étaient d’un jaune ocreux. (Voyage de la Novara, loc. cit.) ARTICLE N° 2, MONOGRAPHIE DES MÉGAPODIIDÉS. 1437 de 0,080 à 0",090, et celle du petit axe de 0",048 à 0°,058 et en mesurant soixante-deux œufs, M. Hume a obtenu l’indice moyen 5% (1). | M. Davison nous apprend que la couche externe des tumuli est seule parfaitement sèche et qu’à partir d’un pied de profon- deur le sable devient de plus en plus humide et de plus en plus chaud ; mais il a malheureusement oublié de nous dire quelle température présente la masse centrale pendant la période d’incubation, et M. À. Hume ne s’est pas montré plus explicite à cel égard. On ignore également comment après l’éclosion des œufs, qui sont situés à plus d’un mètre de profondeur, les poussins parviennent à se frayer un chemin au dehors. M. Da- vison n'a pu obtenir sur ce point aucun renseignement des indigènes ; mais il suppose que les jeunes sont aidés par leurs parents qui, dit-on, ne quittent pas les environs du tumulus pendant toute la durée de l’incubation. D’après les naturalistes attachés à l’expédition de la Novara, les indigènes des îles Nicobar désignent ce Gallinacé sous les noms de Omäah, de Meka et de Dale. Si je me suis étendu aussi longuement sur cette espèce, en puisant dans les documents fournis par M. von Pelzeln et M. Hume, c’est que le Megapodius nicobariensis présente un intérêt tout particulier, étant le représentantle plus occidental et pour ainsi dire la sentinelle avancée de la famille des Méga- podidés. 13. -— MEGAPODIUS BERNSTEINTI. MEcaropius BeRNsTEINt, Schlegel, Nederlansch Tijdschrift voor de Dierkunde, 1866, t. IT, pp. 251 et 261. — G. R. Gray, Handlist of Birds, 1870, t. H, p. 255, n° 9549. — H. Schlegel, Muséum d'histoire naturelle des Pays-Bas, 1880, t. VIII, p. 63. « Le Megapodius Bernsteini, dit M. Schlegel, tout en rappe- lant en général et par sa taille le Megapodius Gilberti (Gr.), (1) Ges dimensions concordent sensiblement avec celles que M. von Pelzeln a obtenues en mesurant quatorze œufs recueillis aux îles Nicobar, par les natu- ralistes attachés à l’expédition de la Novara 138 _ E. OUSTALET. de Gélèbes, s’en distingue au premier coup d'œil par ses pieds rougeûtres, au lieu de noirâtres, ainsi que par la temte d’un brun rougeûtre elair régnant sur toutes les parties du plumage, tandis que dans le Megapodius Gilberti cette temte est plus foncée et bornée sur le dessus de l'oiseau, et que le dessus et les côtés de la tête et même le dessus du cou offrent un gris noirâtre, » Et plus loin: « Gette espèce est très reconnaissable à sa taille peu forte et à son plumage d’un brun gris olivâtre passant au roux brun sur les ailes et tirant fortement au noi- râtre sur la queue. Bec couleur de corne. Pieds d’un rougeûtre tirant au noirâtre sur les doigts. » Gette description est parfaitement exacte, comme j'ai pu m'en assurer par l'examen des types conservés au Musée de Leyde. D’autres spécimens de la même collection, un spécimen du Musée de Paris, provenant d’un échange avec M. Schlegel, et un spécimen du Musée britannique offrent la même colora- tion, les parties supérieures du corps étant d’un brun rougeâtre assez vif, à reflets olivâtres, les parties inférieures d’une teinte plus terne, sans mélange de gris, les joues bien moins dénudées que chez le Megapodius Cuminqii, le bec jaunâtre, les tarses d'un brun rougeûtre, les ongles bruns. Les dimensions diffè- rent quelque peu d’un individu à l’autre: ainsi la longueur totale est de 0",279 ou de0",3920 ; la longueur de l'aile de 0",179, de 0",193 ou de 0",219; celle de la queue de 0",060 ou de 0,73 ; celle du bee de 0",016, ou de 0,014; celle du tarse de 0",059, de 0",055 ou de 0°,099, et celle du doigt médian de 0,041. Le Mégapode de Bernstein habite lesiles du groupe de Soula, telles que Mangola, Bessie ou Besse, etc. 14. — MEGAPODIUS LA PEROUSII. MeGAPODE LA PÉROUSE, Quoy et Gaimard, Voyage de l'Uranie (4824), Zoologie, p. 127.et pl. XXXIIT. MEGAPoDIUS LAPEROUSI, Temminck et Laugier, Nouveau recueil 2 planches coloriées d'Oiseaux (1898), hvr. 29 (fig. ele) MecapoDius La PEYROUSE, Lesson, Manuel d'Ornithologie (1828), t. I, p. 221 (part.). ARTICLE N° 2. MONOGRAPHIE DES-MÉGAPODIIDÉS. 139 Meuaronius Lareroustt, Wagler, Isis (1829), p. 736. —Lesson, Traité d'Orni- thologie (1831), p. 478. — Lesson, Compléments à Buffon (1838), Oiseaux, pl. XXXXII. — G. R. Gray, List of Genera of Birds (1841), p. 76. — Rei- chenbach, Synopsis avium (1850), Columbariae, pl. CEXXVIL, fig. 1532. — Ch. Bonaparte, Gallinarum conspectus syslematicus, Comptes rendus de l'Académie des sciences (1856), t. XLIT, p. 876, fam. n° 2, genre n° 2, espèce n° 5. | Mecaponius LA PERouSI, G. R. Gray, Proceedings ofthe Zoological Society of London (1861), p. 289, n°9. — G. R. Gray, Proceedings of the Zoological Society (1864), p, 43, n°17. — G. R. Gray, Handlist of Birds (1870), t. IH, p. 266, n° 9555. — H. Schlegel, Muséum d'histoire naturelle des Pays- Bas (1880), t. VIIT, p. 65. Le Mégapode de La Pérouse, qui a été décrit et figuré, dès 1874, dans la Zoologie du Voyage de l’Urane, est aujour- d’hui encore fort peu connu des naturalistes; en effet, l’oiseau qui a été tué au mois de décembre 1820 dans Pile de Tinian (Mariannes), par M. Bérard, et qui a servi de type à MM. Quoy et Gaymard est, si je ne me trompe, le seul individu de cette espèce qui soit jamais parvenu en Europe. Get oiseau, qui fait encore partie de la collection du Muséum d'histoire naturelle, est d'assez petite taille et ressemble beaucoup, par la colora- tion générale de son plumage, au Megapodius Bernsteini, dont il paraît, au premier abord, n'être qu’une réduction. Les plumes qui revêtent le sommet de sa tête sont assez allongées, sans former cependant une huppe distincte; elles offrent une teinte de sépia pâle, glacée de brun, qui, du côté de la nuque, tourne au gris isabelle ; la peau desséchée des joues et du men- ton est jaunâtre et parsemée de quelques petites plumes gri- sätres, Sur le dos et sur les ailes s'étend un manteau brun, d’une nuance très foncée en avant, un peu plusclaire en arrière et mélangée de quelques taches rousses sur le bord des cou- vertures et des pennes secondaires. Les couvertures supérieures de la queue et les rectrices sont d’un brun ocreux. La couleur des parties inférieures du corps est moins uniforme que celle du dos, et sur un fond brun de sépia se détachent çà et là quelques plumes, les unes noirâtres, les autres fauves ou café au lait. Le bec est d’un brun corné, avec la pointe jaune ; les tarses sont d’un ton jaunâtre, passant au brun foncé en arrière 140 E. OUSTALET. et sur les doigts; les ongles sont de couleur noirâtre et d’une force remarquable. La longueur totale de l'oiseau, de la pointe 1 bec à l’extré- mité de la queue, est de 0",253 ; l aile mesure 0,165 ; la queue 0",075 ; le bec 0,011; le tarse 0",048 et le doigt médian 0",002 (ongle non compris). Le Mégapode, suivant MM. Quoy et Gaymard, était jadis très commun dans lParchipel des Mariannes, où les anciens habitants le désignaient sous le nom de Susségniat (1) ; il paraît même qu'il y était gardé en domesticité; mais, dès 4890, il avait complètement disparu des îles principales telles que Guam et Rotta, et ne se trouvait plus qu’à lile de Tinian. Si done, sur ce dernier point, des causes particulières ne sont venues assurer la conservation, il est à craindre qu’à l'heure actuelle le Mégapode de La Pérouse doive être rangé parmi les espèces complètement éteintes. 15. MEGAPODIUS SENEX. MEGAPODIUS SENEX, Hartlaub, Proceedings of the Zoological Society of London (1867), p. 830. — Finsch et Hartlaub, Proceedings of the Zoological Society of London (1868), pp. 7 et 118. — Finsch et Harlaub, Proceedings of the Zoological Socicty ne (1872), pp. 89 et 103. — Finsch, Journal du Muséum Godeffroy (1875), part. VII, p. 29 et pl. V, fig. 2 et 3. —H. Schlegei, Muséum d'histoire naturelle des Pays-Bas (1880), t. VIII, p. 65. Comme le disent avec raison MM. Finsch et Hartlaub, le Megapodius seneæ est une espèce parfaitement caractérisée et facile à distinguer par son bec parfois assez petit, de couleur jaune, par ses pattes jaunes ou brunâtres, avec le dessus des doigts et les ongles noirâtres, et enfin par le dessus de sa tête dont les plumes, allongées en forme de huppe, offrent une teinte cendrée qu’on n’observe dans aucune autre espèce, pas mème chez le Megapodrus La Perousti. Deux individus de cette espèce, dont le Muséum d'histoire naturelle de Paris a faitrécemment l’acquisition, portent abso- lument la même livrée. La vertex a la coloration particulière (4 Et non Passegniat, comme le dit M. Gray. ARTICLE N° 2. MONOGRAPHIE DES MÉGAPODIIDÉS. 441 que j'ai indiquée, la peau des joues du menton et des côtés du cou, sur laquelle ne s’implantent que quelques petites plumes grises, est actuellement d’un ton jaunàtre, mais devait être, pendant la vie, d'un rouge assez vif, comme le dit M. le D: Hartlaub. Sur la base du cou, sur la région interscapulaire et sur le haut de la poitrine s’étend un camail d’un gris schis- teux foncé, très mal défini et se confondant en arrière avec la teinte brune à reflets olivätres qui règne sur le dos, les ailes, la queue, les cuisses et l’abdomen. Le bec, assez grèle dans l'un des individus, mais de force moyenne chez l’autre, est brun à la base et d’un jaune clair dans sa partie terminale ; les tarses sont également d’un Jaune de chrome, les doigts d’un brun assez foncé et les ongles noirâtres.. Cette description concorde parfaitement avec celle que M. Hartlaub a publiée, 1l y a une douzaine d'années, d’après un oiseau recueilli aux iles Pelew, par le capitaine Tetens; elle convient aussi au Mégapode adulte qui a été tué plus récem- ment dans les mêmes îles par M. Kubary, naturaliste-voya- geur, attaché à la maison Godeffroy d’'Hambourg, et qui a été déerit et figuré par M. le D° Finsch; enfin, elle s'applique également à un troisième spécimen, origimaire de la même localité, que J'ai pu voir au Musée de Leyde. Je ferai remar- quer seulement que, dans la figure publiée dans le Muséum Godeffroy, la coloration des parties supérieures du Lo est un peu trop claire. D’après les notes prises par MM. Kubary et Tetens, dans l'oiseau vivant l'iris est d’un jaune d’or, le bec d’un jaune rougeâtre ou même d’une belle teinte orangée, la peau nue de la tête et du cou d’un rouge vif, et les tarses sont d’un jaime rougeâtre chez l’adulte et rouge chez le jeune. En mettant les dimensions indiquées par M. Hartlaub et Finscb en regard de celles que j’ai obtenues en mesurant divers spécimens, je ne puis constater que des différences assez légères, comme le montre le tableau ci-après : 149 JE. OUSTALET. DIMENSIONS DE QUELQUES SPÉCIMENS DE MEGAPODIUS SENEX A = laub. TYPE . Mus. Godetfroy, d'après M. Hartlaub. Mus. Godeffroy, d'après | MM. Finsch et Hart Mus. Godeffroy, d'après MM. Finsch et Hartlaub. Musée Godeffroy, d'après M. Finsch. Musée Godeffroy, d’après M. Finsch. Musée de Paris Musée de Leyde. | m ! ngueur totale 0,298! 2? | 9 | » | » |0,225|0,250|0,200 AL e 0,16910,180/0:171 0:1741016910,180|0,182/0,200 de la queue. |0,057/0,059/0,052| + l0,050/0,06310,065/0,070 ee 0,016/0,01610,01610,018/0,0:8/0,017/0,014/0,044 0,061 /0,039/0,056|0,061 10,059/0,052/0,05310,047 du doigtmédian. |0,03610,043/0.048/0,036/0,034/0,033/0,03410,036 Le jeune WMegapodius senex, figuré dans le Journal du Muséum Godeffroy, est en dessus d’un brun olive foncé, particulière- ment sur les épaules et sur le manteau, où cette teinte de fond est récoupée par de petites lignes transversales d’un roux brûlé. Quelques-unes de ces lignes se prolongent jusque sur les pennes secondaires. Le croupion et les couvertures supé- rieures de la queue sont d’un brun roux assez vif, les lores, les côtés de la tête, le menton et la gorge d’un fauve brunâtre, les parties inférieures du corps d’un brun plus clair que le som- met de la tête et passant au fauve sur le milieu de l'abdomen et dans la région anale, Sur le derrière de la tête, les plumes floconneuses sont légèrement allongées. Le bec, extrêmement court, est d’un brun corné, el les pattes, d’un brun rougeâtre, se terminent par des ongles étroits et allongés de couleur noi- râtre. D’après M. Finsch, les ailes de ce poussin, qui a été pris aux îles Pelew par le cap. Peters, ont 0",084 de long, le bec 0%,007, le tarse 0,026, le doigt médian 0",016. Ce jeune oiseau ne rappelle pas seulement, comme le dit M. Finsch, ARTICLE N° 2, MONOGRAPHIE DES MÉGAPODIIDÉS. 145 l'Alecthelia Urvillu (jeune du Megapodius Freycineti), 11 res- semble à tous les Mégapodes sortant de l’œuf, qui, à part de légères différences de nuances, portent la même livrée. Dans les collections reçues successivement par M. Godeffroy, se trouvaient aussi des œufs à coquilles rudes, d’un blanc de lait, mais enduits d’une légère couche, très peu résistante, d’un brun roussâtre. L’un de ces œufs a été acquis, en 1870, par le Muséum d'histoire naturelle : il mesure 0",068 de long sur 0",045 de large ; deux autres, dont MM. Finsch et Hart- laub ont donné les dimensions, ont l’un 0",075 de long sur 0",045 de large, l’autre 0",077 sur 0,048. Par leur couleur et leurs proportions ils ressemblent tellement aux œufs du Megapodius Pritchardi (ou M. Stairi) qu'il est presque impos- sible de les en distinguer. Le Megapodius senex parait être rigoureusement cantonné dans les îles Pelew ou Palau que certains géographes veulent rattacher à l’archipel des Carolines; mais il est représenté dansles îles Mariannes parle Megapodius La Perousu(Q. et G.) qui, M. Finsch l’a parfaitement remarqué, présente avec l'espèce des Pelew des affinités incontestables. Du reste, le Megapodius La Perousu est encore de plus petite taille que le Megapodius senex, il a des formes moins robustes, le bec plus petit, les tarses plus grêles, les doigts plus courts, le cou plus dénudé, le sommet de la tête plutôt gris brunâtre que gris cendré, le corps d’un brun de sépia et non d’un brun noirâtre à reflets schisteux, ete. Parmi les îles qui composent le groupe des Pelew, il y en a quelques-unes, comme Corore ou Corora Nearekobasanga ou même Babelthaub (1), dans lesquelles le Megapodius senex est extrèmement rare. M. Finsch attribue ce. fait à la facilité avec laquelle les oiseaux de cette espèce peu- vent voler d’une île à l’autre; mais cela ne viendrait-il pas plutôt de ce que, sur certains points, l'espèce tendrait à dimi- nuer par suite de la grande destruction d'œufs qui se fait chaque année, : (1) Cette île porte aussi sur les cartes le nom de Babeltzuap. 144 | E. OUSTALET. Comme ses congénères, le Megapodius senex vit dans les forêts et court avec rapidité au milieu des broussailles ; quand il est effrayé, il s'envole à quelque distance et va se percher sur une branche. Sa nourriture consiste en baies et en insectes. Il construit dans les endroits sablonneux de grands tumuli qui ont jusqu'à 33 mètres de tour sur 3",30 de haut, et dans les- quels les œufs sont soumis à une incubation artificielle. M. Kubary assure que beaucoup de femelles visitent le même tumulus, de sorte qu’il est impossible de savoir quel est le nombre d'œufs pondus par chacune d'elles. On trouve des. œufs pendant toute l’année, mais en plus grand nombre pen- dant la mousson du sud-ouest. Ils sont d’une grosseur remar- quable, très riches en jaune, et constituent pour les indigènes un aliment très estimé. : 16. — MEGAPODIUS STAIRI. Mecaronius — ? G. R. Gray, Catalogue of the Birds of the tropical Islands of the Pacific Ocean, 1859, p. 46. MEGAPODIUS STAIRI, G. R. Gray, Pr der of the Zoological Society y of London, 1861, p. 290, n° 17. Mecaropius BURNABYI, G. R. Gray, ms p290n0 1e MEGAPODIUS —, G. Bennele Proceedings of the Zoological Society of Lon- don, 1862, pp. 85 et 247. MEGAPODIUS STAIRII, G. R. Gray, Proceedings if the apologitel Society of London, 1864, p. 44, n° 20. Mecaropius BuRNABYI, G. R. Gray, Ibid., p. 44. MEGaPoDIUS PRITCHARDI, G. R. Gray, 1bid., pp. 4 et 44, n° 11 et pl. 6. — Finschet Hartlaub, Beiträge zur Fauna Centralpolynensiens; Ornithologie, 1867, p. 153 et pl. IL, fig. 5. Mecaeonius Start, Finsch et Harlaub, 1bid., p. 155. Mecaropiue BURNABYI, Finsch et Hartlaub, Ibid. p. 155.—Finsch et Hartlaub, Proceedings of the Zoological Society, 1869, p. 545. MecaPpopius SP. NOV.? Hutton, Ibis, 1869, p. 353. Mecapopius HUTTONI, Buller, Transactions of the New Zealand Institute, 1870, p. 14. Mecaropius (? BURNABYI), O. Finsch, Journal für Ornithologie, 1810, p. 420. Mecaropius PRITCHARDI, G. R. Gray, Handlist of Birds, 1870, t. IL, p. 255, n° 9552. Mecaropius SraiRt, G. R. Gray, Ibid., p. 256, n° 9558. Mecapopius Hurroni, Buller, Transactions of the New Zealand Institute, 1870, t. II, p. 14. ARTICLE N° 2, MONOGRAPHIE DES MÉGAPODIIDÉS. 445 Mecaronius PriteaARDI, Hutton, Transactions of the New Zealand Institute, 1871, t. IV, p. 165. Mecaropius Hurront, O. Salvin, Ibis, 1872, p. 418. Mecapopius PRITCHARDI, O. Salvin, 1bid., p. 438. Mecaropius STaiRI, O. Finsch, Journal für Ornithologie, 1872, p. 52. — S. J. Whitmee, fbis, 1875, p. 447. —E. L. Layard, Proceedings of the Zoological Society, 1876, p. 496. Mecaropius BuRNABYI, E. L. Layard, 1bid., p. 503. MEGcapopius STAIRI, O. Finsch, Proceedings of the Zoologica! Society of London, 1877, p. 783. Mecaropius PriTcHaRDI, H. Schlegel, Muséum des Pays-Bas, 1880, t. VILLE, p. 64. Le Megapodius Stairi, dont ai pu voir un spécimen au Musée de Leyde, rappelle un peu le WMegapodius senex par son mode de coloration. L'individu que J'ai examiné avait la tête dépourvue de huppe et d'un brun grisâtre, fuligineux, tournant au gris blanchâtre en arrière et sur-la gorge; le cou et la poitrine couverts d’une sorte de camail d’un gris cendré, passant au gris jaunâtre sur le ventre; les ailes d’une teinte brune mélangée d'olive et de rougeàtre ; la queue de la mème couleur que les ailes, avec çà et là quelques plumes d’un blanc jaunâtre; le bec et les petite d’un brun fauve assez clair; les ongles bruns. MM. Finsch et Hartlaub sai décrit un spécimen du Musée de Brême qui paraît un peu plus adulte que le précédent; en effet, tandis que chez ce dermier les joues et la partie supérieure du cou sont assez bien garnies de plumes, dans le Mégapode du Musée de Brême, au contraire, le tour des yeux, les lèvres, la région de l'oreille, le menton, la gorge, et un espace circu- laire autour du cou sont presque entièrement dénudés; sur tous ces points 1l n’y à que quelques plumes d’un gris brunâtre disséminées et laissant à découvert la peau qui est d’un rose sale, tirant au brunâtre. Les grandes couvertures supérieures de la queue sont blanches, et parmi les rémiges 1l y en a deux, la seconde et la quatrième, qui montrent également un peu de blanc à leur base. La coloration du reste du plumage, du bec et des pattes est la même que chez l'individu que j'ai décrit. D’après les notes communiquées à M. Finsch par M. F. Hübner, ANN. SC. NAT., ZOOL., JANVIER 1881. XI. 41. — ART. N° 2. 146 EH. OUSTALET. les tarses et les doigts qui, sur les spécimens conservés dans les collections, offrent des teintes jaunâtres ou brunâtres plus ou moins foncées, sont d'un ton plus vif dans les oiseaux vivants, d’un beau jaune chez les femelles, et d’un jaune orangé chez le mâle. La jeune femelle qui a été décrite et figurée par M. Gray sous le nom de Meyapodius Pritchardi, est d'un noir schisteux, avec la base de la plupart des plumes blanches, la première rémige d'un brün foncé, les autres blanches avec la pointe probablement (l'aile est incomplète) d’un brun noirâtre, l’ab- domen d’une teinte ardoisée, la peau des joues et du coù d’un rouge vermillon, parsemé de quelques petites plumes noires, le bec d’un jaune vif, les tarses et les doigts d’un jaune pâle, les ongles d’une teinte plombée, tirant au noir. Get individu, qui mesuré 0",52 environ, du bec à l’extrémité de la queue, ne diffère donc que très légèrement des précédents par les teintes de son plumage ; parfois même la ressemblance est encore plus rande entre les adultes et les jeunes et ceux-ci ne se recon- naissent qu'à leur petite taille. Du reste, même entre les indi- vidus qui proviennent de la même localité et qui paraissent avoir atteint tout leurdéveloppement, on constate des inégalités dañs les proportions des diverses parties du corps, comme on péut en jugei paï le tableau suivant : ARTICLE N° 2. MONOGRAPHIE DES MÉGAPODIIDÉS. 4147 DIMENSIONS DE QUELQUES SPÉCIMENS DE MEGAPODIUS STAIRI VENANT TOUS DE L'ILE NIUAFOU Ca = a © Du Musée DE LEYDE.. Mi. Finscæ et HARTLAUB. et HARTLAUBR. et HARTLAUB. Du Musée Godefroy, M: FinscH. os * e © 5 2 A A 8 Q . D = D 2 SMS) = = =7 SZ ,S 8 = Du Musée Godeffroy, d'après MM. FINSCH Du Musée Godefroy, d’après. MM. KINSCH Longueur totale de l'äile:s::5:: du tarse du doigt médian | 0,030 C’est seulement en 1862 que quelques renseignements con- cernant cette espèce furent communiqués à la Société z0ologi- que de Londres par le D'G. Bennett qui lestenait du capitaine Mac Leod. «A l'ile de Nua-fou, écrivait M. G. Bennett, ces Mé- gapodes vivent dans les broussailles, auprès d’une grande laguñe d’eau saumâtre qui occupe le centre du pays et qui correspond probablement à un ancien cratère; €’est unique- ment âu bord de cette lagune qu'ils déposent leurs œufs, à deux pieds de profondeur, dans ün sable riche en principes sulfureux. La localité fréquentée par ces oiseaux est placée sous la protection du roi qui seul accorde la permission de leur donner la chasse et de recueillir les œufs. Le nombre des œufs déposés dans les tumuli varie, ces œufs étant pondus successi- vement par plusieurs paires; mais on dit qu’on en a retiré jus- qu'à quarante du même endroit. » Deux ans plus tard, M. Gray, après avoir décrit son Meyapodius Prüchardi, ajoutait : « Le spécimen d’après lequel a été faite cette diagnose a été obtenu par M. Pritchard à Nina-fou (sic), île située à peu près à mi- 148 HE. OUSTALET. chemin entre les îles Fidji et les îles Samoa, et très éloignée vers le nord du groupe des îles Tonga ou des Amis, quoiqu’on la rattache à ce dernier groupe. Cette ile isolée est de faible étendue, est d’origine volcanique et par ticulièrement sujette à des éruptions et à des tremblements de terre. Les naturels ont affirmé à M. Pritchard que l'oiseau pondait 200 œufs et les em- pilait en forme de pyramide, le dernier œuf occupant la pointe de l'édifice. M. Pritchard à naturellement manifesté son incré- dulité à cet égard; mais les indigènes ont renouvelé leurs as- sertions. L'oiseau vit dans les broussailles, court très vite, et ne peut voler d’un seul trait à une grandé distance, » De nouveaux détails sur le Mapa Pritchard, le Mega- podius Stairi et le Megapodius Burnabyi que l’on considérait encore comme distincts, furent publiés en 1867 par MM, Finsch et Hartlaub, dans leur Ornithologie de lu Polynésie centrale ; enfin tout récemment, en 1877, dans un mémoire spécialement consacré aux oiseaux de l’île de Niuafou, M. le D' O0. Finsch, après avoir établi l'identité spécifique des trois Mébaptue | nommés ci-dessus, fit connaître les observations faites par un Jeune voyageur allemand, M. J. Hübner, sur le Megapodius Stairi. 1 paraît que la période de ponte de cette espèce n’est pas, comme celle d’autres Mégapodes observés en Malaisie par M. Wallace, limitée aux mois d'août et de septembre. « Jai trouvé également en effet, dit M. Hübner, des œufs frais dans le mois d'octobre et de novembre, et l’on en rencontre aussi dans d’autres mois, au dire des indigènes et du capitaine Nagel. Les jeunes nouvellement éclos sont d’un brun jaunâtre avec des lignes ondulées brunes; ils ont le cou emplumé et d’une autre couleur que les vieux oiseaux. Au sortir de l’œuf ils sont assez forts, non seulement pour courir sur le sable, mais même pour voler à quelque distance. Les vieux oiseaux courent avec beaucoup d’agilité ; mais volent assez lourdement, à la manière de la poule domestique; quand ils sont effrayés, ils se réfu- sient sur les arbres, L’estomac de la plupart des individus que j'ai tués était rempli de coquilles terrestres, de petits crabes et de scolopendres; parfois, mais très rarement, il renfermait MIÉTEF NO 9 ARTICLE N9 2. MONOGRAPHIE DES MÉGAPODIIDÉS. 149 des graines. Je nourrissais les individus que j'avais réussi à capturer, les adultes avec des blattes et des scolopendres, les jeunes avec des termites et des noix dé coco écrasées ; mais je ne pus jamais leur faire manger d'ignames. Je parvins à garder pendant {rois semaines un de ces jeunes Mégapodes. » Malheureusement M. Hübner n'a fourni à M. le D° Kinsch, au sujet du mode de nidification de l'oiseau, aucun renseigne- ment qui permette de rectifier et de compléter les récits légè- rement fantaisistes que les indigènes ont faits antérieurement à M. Pritchard. IT n’est pas probable que le Megapodius Stuiri empile ses œufs en forme de pyramide; 1l doit, au contraire, les enfouir dans des tumuli; du reste, dans les quelques lignes où sont relatées les observations de M. Mac Leod, M. G. Benett fait allusion à des tas de sable dans lesquels la chaleur dusoleil ferait éclore les œufs du Mégapode de Ninafou. Ces œufs varient tellement sous le rapport de la couleur et des dimensions qu’ils ont pu être attribués à plusieurs espèces : ils sont toujours très gros, ovalaires, avec leurs extrémités à peu près symétriques, et leur surface est couverte dé granulations extrêmement fines; mais la couche externe de la coquille est tantôt d’un blane sale, tantôt d’un jaune d’ocre, tantôt d’un rose pâle ; le diamètre longitudinal oscille éntre 0,075 et0,080, et le diamètre transversal entre 0,030 et 0,045. Ces dimen- sions concordent avec celles de deux œufs que possède le Muséum d’histoire naturelle et qui ont été acquis successivement, en 1867 et.en 1870, de MM. Godeffroy de Hambourg. Le premier, de forme ovale très allongée et d’un blanc sale, mesure 0,078 sur 0,045; le second, un peu plusramassé et d’unjaune ocreux,0,074 sur 0,043. Avant que M. Layard et M. Finsch eussent relevé cette erreur, on croyait que le Megapodius Stairi était origmaire des îles Samoa; mais on sait aujourd’hui qu'il a pour patrie l’île de Niuafou, qui est aussi nommé Ninafou, Niafu, Niufo, Niupo, Onoofou, Onafu, Proby-Island, Hope-lsland, Good- Hope-Island, et qui est située au nord des îles Tonga. D’après les indigènes de Niuafou, aucun oiseau de cette espèce ne se trouve dans les terres voisines; cependant M. Gray affirme que 150 ÆE. OUSTALET. l’œuf d’après lequel il a établi son WMegapodius Burnabyi a été recueilli par le lieutenant Burnaby dans l’île Hapace, Hapar, Habai ou Happi, qui fait partie de l’archipel des Amis. À Niuafou, le Megapodius Stairi est appelé par les indigènes Mallow, d’après M. Bennett, et Mallaw, suivant M. F, Hübner. On est frappé de la singulière analogie de ces noms avec celui de Malow qui sert à désigner à Célèbes le Megacephalon. 17. — MEGAPODIUS LAYARDI. Mecaronius, Bennett, Proceedings of the Zoological Sociely of London, 1862, p. 247. Mecaconius sp. ING.?, E. L. et E. L. GC. Layard, Ibis, 1878, p. 276. Mecaropius BRAZIERI, Salvin et Sclater, 1bid., note. Mecapoprus LayaRDi, H. B. Tristram, Ibis, 1879, p. 194. — H, Schlegel, Muséum des Pays-Bas, 1880, t. VIIT, p. 65. Dès 18692, dans une lettre adressée à la Société Zoologique de Londres, le D' Bennett signala la présence aux Nouvelles- Hébrides d’un Mégapode dont il ne possédait aucun spécimen, mais qu'il supposait être de la même espèce qu’un oiseau tué à l’île Nua-Fou-par le capitaine Mac-Leod. Quelques années plus tard, en mentionnant un œuf de l’île de Banks, sous le nom de Megapodius Brazieri, MM. E. L. et E. L. G. Layard firent également allusion aux Mégapodes des Nouvelles- Hébrides; mais c’est seulement en 1878 qu'ils furent assez heureux pour tuer, dans l'ile Vaté, quelques-uns de ces oiseaux, qui furent décrits l’année nn par M. Hs B. Tristram. D’après M. Tristram, chez le Mec 1. Layardi, là livrée est absolument la même dans les deux sexes : le corps est d’un noir fuligmeux, passant au brun sur la partie postérieure du dos et sur les sus-caudales; les dernières pennes secondaires sont légèrement nuancées de brun, les rémiges et les rectrices d'un brun noirâtre ; la face, le sinciputet la nuque sont par- semés de petites plumes étroites, le sommet de la tête et l’oc- ciput Couverts, au contraire, d'une calotte de plumes noires. L'iris est brun foncé, le bec jaune, les tarses et les pieds d’un ARTICLE N° 2, ; MONOGRAPHIE DES MÉGAPODIIDÉS. 451 jaune vif avee les ongles brunâtres. Les dimensions principales, réduites en millimètres, sont les suivantes : MALE FEMELLE m m Inneueuriotale............................. 0,432 0,387 Te D ss)" l "0.042 0,228 0,102. 0,120 0,065 0,028 de da aNene rente rare cn du bec (à partir de la commissure)..…. _— DURIALS BR eee mer be Mer mr eme e 0,065 0,063 An Aie nediane. à TD OA 0,030 Done se ant dance LE 0:02. 11: 0.023 Grâce à M. Bennett et à MM. Layard on sait aujourd’hui que le Megapodius Layardi se trouve dans plusieurs îles des Nou- velles-Hébrides, à Vaté ou Sandwich (1), à Savo, à Tanna, à Ambrym, à Espiritu Santo, etc., mais on ignore s’il s’avance vers le nord jusque dans l'archipel de Banks et les îles Salo- mon; dans l’état actuel de la science, il est impossible, en effet, d'établir de comparaisons entre cette espèce et les Megapodius Brenchleyi et Brazieri qui ne sont représentés dans les collections que par un jeune individu-et par des œufs. Aux Nouvelles-Hébrides, le Mégapode de Layard est, pa- rait-1l, encore très commun sur certains points, tandis que sur d’autres il est devenu très rare par suite de la multiplica- tion des pores et des chats domestiques. Il est très farouche, disent MM. Layard, et ne se trouve que sur les flancs des ravins boisés où il se glisse au milieu des rochers pour chercher les vers, les mollusques terrestres et les graines qui constituent sa nourriture. D’après les renseignements fournis par les natu- rels, et confirmés par un missionnaire établi dans l’île Vaté, (1) Cette île Sandwich, qui fait partie de l’archipel des Nouvelles-Hébrides, à été parfois, bien à tort, confondue avec les îles Sandwich ou Hawaï, situées à une grande distance, au nord-est. 159 E. OUSTALET. cet oiseau dépose ses œufs dans un creux pratiqué sous quel- que branche morte et pourrie, et les recouvre ensuite avec des feuilles. Aux îles Salomon, les Mégapodes, suivant le témoi- enage des marchands et des officiers de la marine anglaise, pondent, au contraire, dans le sable, sur un point situé dans le voisinage de l'Océan, mais au-dessous du niveau atteint par les fortes marées. Il y a par conséquent entre les Mégapodes des Nouvelles-Hébrides et ceux des îles Salomon certaines différences de mœurs que MM. Layard ont eu raison de signaler, et qui fournissent peut-être un argument en faveur de la séparation spécifique du Megapodius Layardi et du Mega- podius Brenchleyi. D'autre part, M. H. B. Tristram affirme que les œufs de Mégapodes provenant de l’ile de Banks diffè- rent notablement de ceux qui ont été envoyés de Vaté par le Rév. J. Inglis. Mais j'avoue que je ne puis attacher autant d'importance que M. Tristram à des dissemblances de cet ordre, car J'ai pu me convaincre que parmi les œufs de Méga- podes d’une même espèce, provenant de la même localité, il n’y en a, pour ainsi dire, pas deux qui soient identiques par la couleur et par les dimensions. Les œufs que MM. Layard ont obtenus à l’île Vaté sont à coquille très mince, d’un brun rouge uniforme et mesurent 0",090 sur 0",050; ceux de Pile Savo ressemblent aux précédents, tandis que ceux d’Ambrym sont d’un ton fauve et n’ont que 0",083 sur 0",047. D’après le D' G. Bennett, le Mégapode de Layard est désigné, dans l'ile de Tanna, par les marchands et les navigateurs anglais, sous le nom de Bush-Foul (Poule de broussailles), et dans l’île Sandwich ou Vaté sous le nom de Tarboosh, tandis que, suivant M. Layard, il est appelé dans la même île Malou par les indigènes, qui se servent des os des pattes de cette espèce pour confectionner des tuyaux de pipes. ARTICLE, N° 2, MONOGRAPHIE DES MÉGAPODIIDÉS. 153 18. — MEGAPODIUS BRAZIERI. Mecapopius BRAZIERI, Sclater, Proceedings of the Zoological Society of London, 1869, pp. 928 et 529. — G. R. Gray, Handlist of Birds, 18170, t. IT, p. 256, n° 9599. En 1869, la Société zoologique de Londres reçut d’un de ses correspondants, M. J. Brazier, un œuf qui avait été recueilli avec quatre autres spécimens dans Pile Vavua-Levu (groupe de Banks), et qui provenait d’une espèce de Mégapode. Get envoi était accompagné de quelques notes de M. Brazer, relatant certains renseignements recueillis de la bouche des indigènes. Ceux-e1 assurent que l’oiseau qui pond ces œufs construit, pour les faire éclore, d'énormes tumuli au milieu des montagnes et dans le voisinage des sources sulfureuses ; ils ajoutent que le contenu de ces œufs est bon à manger. M. Sclater, après avoir rappelé que la présence d’un Méga- pode aux Nouvelles-Hébrides avait déjà été signalée en quel- ques mots par le D' Bennett, en 18692, dans les Proceedings de la Société zoologique de Londres (1), proposa de nommer Megapodius Brazieri l'espèce encore inconnue et probable- ment nouvelle pour la science, d’où provenait l’œuf envoyé par M. J. Brazier. Pour distinguer cette espèce, M. Selater se fonda surtout sur les différences constatées entre ce spécimen et les œufs du Megapodius Pritchardi (ou M. Stairü) qui font partie de la collection du Musée britannique ou qui ont été déerits et figurés par MM. Finsch et Hartlaub dans leur Orni- thologie de la Polynésie centrale (2). Ces derniers œufs lui ont paru moins gros et moins fortement colorés. Jai déjà fait à diverses reprises mes réserves sur l'importance qu’il convient d’attacher aux caractères tirés de la forme, des dimensions, de la couleur et de l’œuf des Mégapodes; mais je crois néan- (1) Proceedings of the Zoological Society, 1862, p. 246. Voyez Megapodius Layardi. (2) Beitrag zur Fauna Centralpolynensiens, Ornithologie, 1867, p. 153 et pl. Il, fig. 5. — Voyez aussi G. R. Gray, Proceedings of the Zoological Society, 1864, p. 41, pl. VI, et l’article que j'ai consacré au Megapodius Stairit, 154 E. OUSTALET, moins devoir conserver dans ce travail l'espèce qui a été pro- posée par M. Selater et dont il m'est impossible d'apprécier Ja valeur. Depuis l’époque où le Megapodius Brazieri a été signalé, aucun oiseau de cette espèce n’est, à ma connaissance, parvenu en Europe, de sorte qu’on ne peut établir de compa- raison entre ce Mégapode et celui qui a été tué récemment aux Nouvelles-Hébrides par MM. Layard. À priori, je suis toutefois assez disposé à croire, avec MM. Sclater et Salvin, que le Megapodius Layardi et le Megapodius Brazieri doivent être identifiés. Au contraire, le Megapodius Brenchleyi pourrait bien être une espèce différente, ayant plus d’affinités avec le Megapodius eremita. Les œufs obtenus par M. John Brazier venaient, comme je lai dit, de Vavua-Levu (1), la plus grande île du groupe de Banks, situé par 166° de longitude E. et 13° 59! de latitude S. 19, — MEGAPODIUS WALLACEÏ, MeGapopius sp. N0y. À, R. Wallace, Ibis, 1860, re série, p. 197. Mecaropius WALLACEI, G. R: Gray, Pr DATE of the Zoological Saciety of London, 1860, p- 362, pl. 171. — G. R. Gray, Proceedings of the Zoological Society, 1861, p. 290, n° 16. Mecaropius WaALLACEI, G. R. Gray, Proceedings of the Zoological Society, 1864, p. 43, n° 16. — Schlegel, Nederlandsck Tijdschrift voor de Dierkunde, 1866, 1. III, p. 264. — G. B. Gray, Handlist of Birds, 1870, t. Il, p. 255, n° 9551, — T. Salvadori, Annali del Museo Civico di Genova, 1875, t. VIL, p. 793. — H. Schlegel, Muséum d'histoire naturelle des Pays-Bas, 18S0, t, VIIL, p. 75. Le Megapodius Wallacei est assur ément, de toutes les espèces du genre Megapodius, la plus belle et la mieux caractérisée. Au fe des teintes sombres et uniformes que l’on observe chez le Megapodius Freycineti, le Megapodius Duperre, ye et leurs alliés, les parties supérieures du corps offrent, en effet, chez ce Mégapode, des bandes transversales, les unes d’un brun rouge à reflets pourprés, les autres d’un gris bleuâtre, qui alter- (1) Cette île ne doit pas être confondue avec Wanua-Lewu, de res des Viti. ARTICLE N° 2. MONOGRAPHIE DES MÉGAPODIIDÉS,. 155 nent de la manière la plus agréable et qui donnent au plumage de l'oiseau une richesse singulière, J'ai pu étudier au Musée britannique le spécimen qui a été rapporté de Gilolo par M. Wallace, et qui a servi de type à M. G. R. Gray. Get oiseau présente la coloration suivante : tête d'un brun grisâätre en avant, passant au brun châtain en arrière, où l’on ne remarque pas encore de huppe distincte ; nuque d’un brun olivâtre, légèrement vermiculée de noir; par- ties supérieures du corps de la même teinte fondamentale que la nuque, mais ornées de bandes transversales d’une couleur vive, les couvertures des ailes et quelques-unes des plumes tertiaires étant en partie d’un brun châtain foncé, avec des bordures grises; grandes rémiges d’un brun très foncé, presque noir, avec des taches et des lisérés d’un jaune chamois sur les barbes externes ; queue brunâtre; gorge d’un gris sale; poi- trine d’un gris plus foncé et schisteux ; abdomen d’une teinte analogue, avec le milieu d’un blanc pur; bec jaune; pattes d'un brun corné, tirant au noir. Une femelle, originaire de Bouru, et conservée au même Musée, porte à peu près la même livrée. Le Muséum d'histoire Due de Paris a obtenu par voie d'échange, du Musée de Leyde, deux individus de la même espèce, venant l’un de Gilolo, l’autre de Ternate. Ce dernier est plus adulte que les deux spécimens ci-dessus déerits du Musée britannique. Sa coloration générale est notablement plus foncée : la tête, à partir du front jusqu’à la nuque, es: d’un brun marron, les raies noirâtres de la nuque ont disparu ; les bandes transversales du dos sont d’un brun pourpré et lisérées de gris clair en arrière, les couvertures des aïles et les barbes externes dés secondaires offrent une teinte olive assez franche, tandis que le dessus de la queue, la poitrine et les parties inférieures du corps sont d’un brun schisteux, très foncé, à reflets verdâtres; la région anale est d’un blanc jau- nâtre; le bec brun, avec la pointe jaune; les pattes et les ongles d'un brun tirant au noir. Il n’y a point de huppe sur la partie postérieure de la tête, mais les joues et le menton sont déjà 156 E. OUSTALET. fortement dégarnis ; malheureusement il est impossible de dire qu’elle était, dans l’oiseau vivant, la coloration des parties nues. Chez cet individu on remarque, comme chez l’oiseau décrit par M. Gray, un allongement du rachis des pennes cau- dales, ce qui donne aux rectrices une forme lancéolée. Un mâle adulte du Musée de Leyde, qui a été pris, en 1863, à Céram par M. Hœdt, est encore plus avancé en âge et me parait devoir être considéré comme le type d’un Megapodius Wallacei parvenu à un développement complet. Sa tête, ornée d’une petite huppe, est d’un gris olivâtre dans la région frontale, d’un brun rougeûtre vers l’occiput; ses joues et son menton, un peu dénudés, offrent, une teinte Jaunâtre sur la poitrine, et sur les parties inférieures du corps s'étend une teinte schisteuse, très foncée, à reflets vineux, qui se retrouve également sur la région postérieure du dos et sur la queue, ainsi que sur la nuque, où elle dessine un collier étroit sépa- rant la teinte marron du vertex de la teinte olivâtre du dos et des ailes. Sur le dessus du corps on remarque six ou sept bandes transversales d’un brun marron, frangées de gris, et sur les ailes, en arrière, trois bandes analogues; deux de celles-ci sont transversales et, formées par des taches contiguës, oceu- pent l’extrémité des grandes couvertures: la dernière, au con- traire, est longitudinale et constituée par deux ou trois taches qui couvrent la plus grande partie des barbes externes des dernières pennes secondaires. Les lisérés et les taches chamois du bord des rémiges contrastent fortement avec la teinte fon- cée du reste de la plume. Le bec est d’une tete cornée et les pattes sont d’un brun noirâtre. L’autre individu est une très jeune femelle, ayant la tête couverte de plumes brunes, assez longues, et retombant en touffe sur la nuque, les sourcils, les joues et le menton d’un fauve pâle, la poitrine et le ventre d’un brun terne, passant au jaunâtre vers les cuisses; la queue d’un brun rouge, le dos et les ailes d’un brun foncé, avec des raies transversales irrégu- lières, les unes noirâtres, les autres fauves, le bec brunà la base et jaunâtre à la pointe, les tarses d’un brun pâle clair, les ARTICLE N° 2. MONOGRAPHIE DES MÉGAPODIIDÉS. 157 doigts, au contraire, d’un brun très foncé, et les ongles noirâ- tres, d’une force et d’une longueur remarquables. Ce poussin ne mesure pas plus de 0",14 de long, mais a déjà les ailes bien développées. Le Musée de Leyde possède également un jeune Mégapode qui a été pris, il y a une cinquantaine d'années, à Amboine, par $. Müller, et qui ne diffère aucunement de celui du Musée de Paris. Comme ce dernier, 1l offre une grande ressemblance avec l’Alecthelia Urvillit (ou jeune du Mégapode de Freyeinet), mais s’en distingue toutefois par sa queue d’un ton plus rouge, et par les raies des parties supérieures de son corps, à la fois plus nombreuses et mieux marquées. Dans le tableau ci-dessous, jai consigné les dimensions des : trois individus adultes ou presque adultes dont j'ai donné plus haut la description : DIMENSIONS DE TROIS SPÉCIMENS DU MEGAPODIUS WALLACEI. DE GILOLO | DE TERNATE DE CÉRAM (Type). (Mâle). Musée de Paris. Musée britannique Musée de Leyde. ni m 2 m Longueur totale EURE 0,340 0,323 0,310 de l'aile 0,185 ‘0,200 | 0,20 de la queue... 0,090 00,073 0,070 0,016 © eb0 jp NE 0440 du tarse | 0,050 0,050 0.045 du doigt médian. | 0,031 |. 0,032 0,022 Le Mégapode de Wallace, découvert dans la partie orientale de lile de Gilolo ou Halmahéra, a été retrouvé plus tard dans les îles Ternate, de Céram, d’Amboine et de Bouru ou Bourou. Il habite donc à peu près les mêmes régions que le Mégapode de Freycinet et le Mégapode de Forsten. S'il diffère beaucoup des autres membres du même genre par son mode de colora- 158 E; OUSTALET: tion, il s’en éloigne aussi, paraît-il, par certains traits de mœurs: Voici, en effet, ce que M. À: R: Wallace nous apprend au sujet du Mégapode qui pôrte son nom : € À Gilolo cette espèce se tient d'ordinaire dans les districts montagneux de l'intérieur, comme le WMegacephalon maleéo le fait dans l’île de Célèbes, et, commie ce dernier, descend vers la plage pour effectuer sa ponte; mais au lieu de pratiquer une simple exca- vation destinée à recevoir ses œufs et de la recouvrir ensuite, l'oiseau creuse obliquement dans le sable jusqu’à une profon- deur de 4 mètre à 1",30, dépose ses œufs tout au fond dé cette sorte de puits, qu'il remplit ensuite avec le plus grand soin, poussant même, au dire des indigènes, la précaution jusqu’à -gratter en tous sens le sol avec ses ongles, de manière à effacer les empreintes de ses pas: Puis il abandonne sa place ét laisse son. petit faire comme 1l peut son entrée dans le monde. Le seul individu dont je parvins à m’emparer dans cette localité fut pris sur le rivage, à l'entrée de son trou, un matin de fort bonne heure. Il avait les ailes brisées et endommagées à l’ar- ticulation comme s’il avait été attaqué dans son trou par quelque petit animal, carnassier ou rongeur. » IIl. => DISTRIBUTION GÉOGRAPHIQUE DES MÉGAPODIIDÉS:; CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. : Dans les pages qui précèdent j'ai donné tous les renseigne- ments qu’il m'a été possible de recueillir sur la conformation extérieure, la structure intime, l’habilat, les mœurs et le mode d'alimentation de chaque espèce de la famille des Mégapodii- dés. En réunissant toutes ces observations en ün même fais- cat, of reéconnaîtra facilement que tous les représentants de ce groupe peuvent différer les uns des autres par le plumage, les proportions des diverses parties du corps; la dénudation de la tête et du cou, la présence de Pabsence d’un casque rappe- lant celui des Cracidés, mais qu'ils sont tous en réalité con= struits sur le même plan, et qu’ils ont à peu près le même genre de vie. La plupart d’entre eux se tiennent en effet dans ARTIQLE N° 2. MONOGRAPHIE DES MÉGAPODIIDÉS. 159 les forêts humides, dans les jungles qui bordent les plages maritimes où l'embouchure des grands fleuves ; ét quelques- uns seulement préfèrent les plages arides et sablonneuses, à peines couvertes d’une végétation rabougrie. [ls se nourrissent de graines et de fruits mûrs, qu’ils ramasserit sur le sol et qu’ils savent découviir au milieu des détritus végétaux, en grättant avec leurs pattes, à la manière de nos Gallinacés domestiques. Comme ces derniers ils sont pulvérateurs, c’est-à-dire qu'ils se roulent dans la poussière pour se débarrasser de leurs parasites. Quand rien ne les inquiète, ils marchent aisément, en relevant fortement les pattes, et en faisant le gros dos, si l’on peut s'exprimer ainsi, Par la gravité de leurs allures, ils rappellent à la fois les Faisans, les Poules et les Pintades. Mais lorsqu'un danger les menace, ils cherchent à s'y soustraire soit en courant rapidement sur le sol pour chercher un refuge sous le couvert, soit en prenant lourdement leur vol vers un arbre voisin. Ar- rivés là ils se éroient en sûreté, et restent immobiles, accroupis sur une branche, le cou tendu, offrant un but facile aux coups du chasseur. En picorant à droite et à gauche, ils gloussent à la manière des Poules; en outre, les mâles, quand ils se battent, ce qui leur arrive assez fréquemment, ou lorsqu'ils sont irrités par la présence de quelque oiseau étranger, poussent un cri de guerre, aigre et discordant. À l’état sauvage leur caractère est entièrement farouche, mais il se modifie singulièrement sous l'influence de l’homme. Ces Gaïlinacés qui dans leur pays natal se tiennent presque constamment cachés dans les fourrés les plus épais, s’habituent à vivre au grand jour, dans le voisinage d'autres oiseaux; ils accourent au moindre appel et poussent la familiarité jusqu’à prendre leur nourriture dans la main de la personne chargée de leur entretien. Déjà l’on est parvenu à faire reproduire en Europe lé Talé= galle de Latham, en lui assignant pour domaine, non pas une étroite basse-cour, mais un parc bien ombragé, et bientôt sans doute on obtiendra des résultats aussi satisfaisants eñ s’adres- sant au Leipoa ocellé, ou ième au Mégapode de Duperrey, en un mot à toutes les espèces australiennes de la famille des 160 | E. OUSTALET. Mégapodudés. Mais 1l faudra renoncer, je crois, à l'espoir d’acclimater parmi nous les autres espèces du même groupe qui sont originaires de contrées plus chaudes, telles que les Philippines, les Moluques ou la Nouvelle-Guinée et qui ne pourraient guère supporter les rigueurs de nos hivers. Par leur régime, leurs allures et leur structure intime, les Mégapodes, les Talégalles et leurs alliés se rattachent done nettement à l’ordre dès Gallinacés, et, comme j'ai essayé de l’'établir, ressemblent, à certains égards. aux Pintades et plus encore aux espèces américaines qui constituent la famille des Cracidés. Mais ils diffèrent essentiellement, non seulement des Hoccos et des Pénélopes, mais de tous les représentants de la classe des Oiseaux, par leur mode de reproduction. Il est de règle en effet, parmi les oiseaux, que les œufs soient déposés dans un nid plus ou moins artistement construit et soient couvés, tantôt par la mère seulement, tantôt par les deux pa- rents qui tour à tour remplissent ce pénible devoir. Grâce à la chaleur constante développée par Les corps qui les recouvrent, les œufs finissent par éclore ; en d’autres termes, au bout d'un certain laps de temps qui varie suivant les espèces, le jeune oiseau, qui s’est développé dans l’intérieur de la coquille, est assez fort pour briser les parois de sa prison ; il apparait alors, avec tous ses organes déjà bien constitués, à l'exception des ailes et de la queue dont les pennes sont rudimentaires. C’est à peine d’ailléurs si, sur le reste dü corps, il existe des plumes normales; celles-ci étant remplacées par un duvet plus ou moins abondant. Assez chétivement vêtu, ne pouvant encore voler, et n'ayant pas le bec assez fort pour briser des substances quelque peu résistantes, le ] Jeune poussin serait presque tou- jours condamné à une mort certaine, sises parents ne pour- voyaient à ses premiers besoins, soit en lui choisissant la nour- riture qui lui convient, soit même en dégorgeant dans son bec une sorte de bouillie sécrétée par les glandes de leur jabot. Ge dernier cas est celui des Pigeons qui, agissant envers leurs petits comme de véritables nourrices, ont reçu le nom d’Aléri- ces, landis que par opposition les oiseaux qui dès leur naissance = ARTICLE N° 2. MONOGRAPHIE DES MÉGAPODIIDÉS. 161 sont capables, comme les jeunes Poulets, de courir à la suite de leur mère et de recueillir eux-mêmes leur nourriture, ont reçu le nom de Præcoces. Suivant la règle commune, les Gallinacés ordinaires, les Per- duix, les Faisans, les Tétras, les Pintades, et même les Hoccos et les Pénélopes, pondent leurs œufs dans un nid qui est presque toujours, il est vrai, fort grossièrement construit au moyen de quelques brindilles entrelacées, ou qui consiste sim- plement en une excavation pratiquée dans le sol et parcimo- nieusement recouverte de mousse et de gazon. Sur ce nid la femelle seule, ou plus rarement chacun des deux parents, s’ac- croupit pour couver à la manière des Passereaux; puis, les œufs étant éclos, s'occupe avec une grande sollicitude de l'éducation des jeunes. Tout autrement se comportent les Mégapodiidés. Il résulte en effet des notes prises par les voya- geurs aussi bien que des observations faites dans les Jardins zoologiques, que les Mégapodndésne couvent jamais leurs œufs, qu'ils ne s'occupent dans aucun cas de l’éducation des petits, que ceux-c1 dès leur naissance sont déjà assez forts pour trou- ver leur subsistance, qu’ils ont de très bonne heure le corps revêtu de plumes normales, les ailes et la queue bien dévelop- pées, et ressemblent par conséquent, sauf pour la tulle, à des oiseaux adultes. Les Gallinacés ordinaires étant des Præcoces, les Mégopodudés sont des Ultrapræcoces, S'il est permis de s'exprimer ainsi (1). Si les Mégapodudés ne prennent pas la peine de couver leurs œufs, ils les placent du moins dans des conditions particulières, de façon à les soumettre à une sorte d’incubation artüficielle. Ils les déposent, en effet, tantôt dans des tas de terre, de sable, de détritus végétaux péniblement amassés, tantôt dans de simples excavations pratiquées dans le sable, près du rivage (1) D'après les renseignements qui m'ont été communiqués par M. Sallé, il parait cependant que les jeunes Odontophores (Odontophorus guitatus), du Mexique, sont très robustes, et se comportent un peu, dans les premiers temps de leur vie, comme les jeunes Mégapodes, dont ils différent, du reste, complète- ment par l'aspect extérieur. ANN. SC. NAT., ZOOL., 1881. XI. 12 — ART: N° 2 162 E. OUSTALET. de la mer. La chaleur nécessaire au développement de l’em- bryon est obtenue dans le premier cas par la fermentation des feuilles et des autres substances végétales mélangées à la terre humide, dans le second par l’action directe des rayons solaires qui échauffent la couche sablonneuse immédiatement en con- tact avec les œufs. M. Gray, dans sa première étude sur les Mégapodiidés, supposait qu'un assez grand nombre de ces oiseaux, le Megacephalon maleo, le Megapodius Freycineti, le M. Cumingu et le M. nicobariensis se contentaient d’enfouir ainsi leurs œufs dans le sable, à la manière des reptiles; mais il semble aujourd’hui parfaitement démontré que deux espèces seulement, le Megacephalon maleo et le Megapodius Wullacei ont recours à ce procédé sommaire, toutes les autres élevant des tumuli qui sont parfois l’œuvre de plusieurs générations et dans lesquels plusieurs femelles viennent tour à tour déposer leurs œufs durant la même saison. Il n’est pas sans intérêt de constater que les deux espèces qui font, à cet égard, exception à larègle commune, savoir le Maléo et le Mégapode de Wallace, sont précisément deux formes bien caractérisées, l’une par la présence d’un casque, l’autre par le mode de coloration du plumage, rappelant un peu, par ses teintes, celui de certains oiseaux des genres Orlyx et Odontophorus.Dureste, que l’mcu- bation se fasse dans le sable ou dans un tumulus, elle com- mence pour chaque œuf immédiatement après la ponie, et ne peut être ni retardée, ni ralentie à la volonté des parents ; il en résulte que les jeunes ne sortent pas tous ensemble du sable ou du tumulus, comme on l'avait admis sur la foi des indi- gènes de certaines îles de l'Océanie, mais qu’ils apparaissent successivement, dans l’ordre même suivant lequel les œufs ont été déposés. Les observations faites à Londres par M. Bartlett et en France par M. Cornély sur le Talégalle de Latham ne laissent aucun doute à cet égard. Les œufs des Mégapodudés, par leur forme, par leur colo- ration etsurtout par leur volume, méritent également d'attirer l’attention des naturalistes. Qu'ils proviennent d’un Mégapode proprement dit, d’un Talégalle, d'un Megacephalon ou d’un ARTICLE N° 2 MONOGRAPHIE DES MÉGAPODIIDÉS. 163 Leipoa, ils sont toujours très allongés, de couleur blanche, jaunâtre, rosée ou saumonée, et finement granuleux à la surface. Par ce dernier caractère ils se rapprochent un peu des œufs des Gracidés qui portent cependant des granulations sphéroïdales beaucoup plus prononcées et qui sont d’ailleurs sensiblement plus petits relativement au volume de l’oiseau. En comparant un œuf de Talégalle de Latham, de Mégapode de Dillwyn oude Maléo au squelette de lespèce correspon- dante, on est frappé de l'énorme disproportion qui existe entre cet œuf et le bassin de l'oiseau. | Dans les Mégapodes en particulier le petit axe de l’œuf surpasse d’un centimètre au moins l’écartement maximum des pubis, en même temps le grand axe dépasse d’une quantité au moins égale la dimension correspondante du bassin. En un mot, le contenant semble ici plus petit que le contenu. Mais il importe de se souvenir que la région abdominale pos- térieure n’est pas cloisonnée de toutes parts au moyen de lames osseuses et que sa capacité peut s’accroître dans les deux sens grâce à l’élasticité des parties molles. Quoi qu'il en soit, il est certain, comme le dit M. R. Wallace, que l'œuf sur le point d’être expulsé doit remplir toute cette cavité postérieure du corps et comprimer les intestins au point de rendre presque impossible le passage des résidus alimentaires à travers la dernière portion du tube digestif. En raison du volume des œufs, qui se succèdent lentement, la saison de la ponte dure fort longtemps chez les Mégapo- dudés, et sans doute ce fait est en rapport avec les habitudes particulières de ces oiseaux qui ne sauraient s’astreindre à rester pendant plusieurs mois aceroupissur les œufs, et qui, d'autre part, ne pourraient les abandonner sans inconvénient pendant un certain temps dans un nid découvert, puisque ces œufs, en raison même de l'étendue de leur surface, se refroi- diraient avec une grande rapidité. En revanche, si le volume considérable de luf est un inconvénient pour les parents, il constitue un gvantage pour le jeune qui, logé dans une coquille spacieuse; peut pousser très loin son développement, et sortir 164 E. OUSTALET. tout armé pour le combat de la vie. Il suffit du reste de mettre un jeune Mégapode en regard d’un poussin de nos basses-cours, pour voir combien le premier est plus robuste au moment de sa naissance. | | Sous le rapport de la force, les jeunes Talégalles mont rien à envier aux Jeunes Mégapodes, et grâce aux obser- vations, citées plus haut, de M. Bartlett et de M. Cornély, on sait maintenant qu'ils font éclater leur coquille en mille mor- ceaux et qu'après s'être ainsi délivrés, sans aucun secours étranger, 1ls peuvent immédiatement courir, s’envoler à une faible distance et se percher sur les arbres du voisinage. Tou- tefois, par leur plumage, ces jeunes Talégalles, de même que les jeunes Maléos, ressemblent un peu moins que les jeunes Mégapodes à des oiseaux adultes, certaines parties de leur corps offrant, comme chez les CGracidés de même âge, des touffes de duvet plus ou moins étendues. | Il y a près de deux siècles, quelques-uns de ces traits si inté- ressants de l’histoire des Mégapodidés avaient déjà été signalés par des voyageurs ; mais les faits ainsi mentionnés paraissaient tellement en désaccord avec ce que l’on savait alors du déve- loppement des oiseaux en général et des Gallinacés en particu- lier, ils étaient entremèêlés de renseignements si manifestement erronés, qu'ils avaient été rélégués au rang des fables. De nos jours ils ont de nouveau vivement sollicité l'attention des na- turalistes, et l’un d'eux, M. le D' Bartlett, qui a suivi de très près la reproduction en captivité du Talégalle de Latham, dit en parlant de cet oiseau : « Une des choses les plus dignes de remarque dans son histoire, c’estassurément le développement si parfait du jeune qui rappelle beaucoup ce qu’on observe dans une division voisine de l’embranchement des Vertébrés, chez les Reptiles, sans que l’on puisse néanmoins déduire de ces analogies quelque trait d'union entre ces deux catégories d'animaux... » Et plus loin : « Les Talégalles paraissent, du reste, emprunter des caractères aux Reptiles, non seulement dans la forme et l'aspect général de leurs œufs, mais encore dans les conditions dans lesquelles ils déposent ces mêmes ARTICLE N° 2. MONOGRAPHIE DES MÉGAPODIIDÉS. 465 œufs, et dans le peu de soin qu’ils prennent de leur progéni- ture (1). » | De son côté, dans son Traité général d’ooloqie ornitholo- gique (2), M. O. des Murs s'exprime ainsi : « Il yaurait même presque un rapprochement fort curieux à faire, à ce point de vue, entre le produit ovarien de la tribu des Mégapodiidés, chez les Oiseaux, et celui de l’ordre des Sau- riens, chez les Repiiles, notamment chez les Caïmans et les Crocodiles : c’est, outre le caractère de la forme qui est iden- tique, le mode particulier d’éclosion ou plutôt d’incubation, en quelque sorte artificiel. N’est-l pas remarquable, en effet, que ce soient les Oiseaux pondant ou produisant de tels œufs qui, de même que les Crocodiles, abandonnent le soin de leur incubation à l’action naturelle, soit du calorique émané des rayons solaires mis en contact avec le sable qui les cache, soit du calorique dégagé de la fermentation lente et progressive des Graminées qui les recouvrent (comme pour le Megapodius tu- mulus de Gould, à la Nouvelle-Hollande), contrairement à ce que pratiquent les autres oiseaux, dont le besoin de couver est le plus puissant et le plus impérieux ? » IL faudrait la plume pittoresque d’un Michelet, ou le pin- ceau original d’un Toussenel, pour développer toutes les con- sidérations qui ressortent de ce rapprochement que nous ne faisons qu’indiquer, sans y attacher aucune importance ni aucune idée d’applicabilité à la science ornithologique. » Comme le font remarquer expressément les deux auteurs que je viens de citer, 1l ne faut pas s’exagérer la valeur de ces rap- prochements. D'ailleurs, pour ce qui est de l’aspect extérieur et du volume des œufs, on trouverait déjà, sans sortir de la classe des Oiseaux, certaines comparaisons à établir. Ainsi l'œuf de l’Aptéryx austral est certainement encore plus gros, relativement à l’oiseau quile produit, que l’œuf d’un Mégapode, d’un Talégalle ou d’un Leipoa. Toutefois, hâtons-nous de le dire, là se bornent les analogies entre les Mégapodiidés et les (1) A. D. Bartlett, Proceedings of the Zoological Society, 1860, p. 427 (2) Page 414. 166 E. OUSTALET. Aptéryx. En effet, on sait aujourd’hui, grâce aux observations faites par le D' Bartlett dans le Jardin de la Société zoologique de Londres, que les Aptéryx ne soumettent point leurs œufs à une ineubation artificielle, ainsi qu’on l’avait admis sur la foi de quelques voyageurs, mais qu’ils les couvent à la manière des Autruches, des Nandous et des Casoars (1). Par l’aspect extérieur les Mégapodiidés, parvenus à l’âge adulte, s’'éloignent à plusieurs égards des autres Gallinacés et même de ceux qui, comme les Hoccos et les Pénélopes, sont leurs plus proches alliés. Jamais, en effet, on n’observe chez les Mégapodidés cescouleurs éclatantes, ces teintes métalliques, dont se parent les mâles des Gallinacés typiques, les Goqs, les Faisans, les Lophophores; jamais on ne constate entre les deux sexes de différences de plumage bien tranchées, et, dans les espèces qui sont pourvues de caroncules, comme le Talégalle d'Australie, c’est à peine si ces appendices prennent plus de développement chez le mâle que chez la femelle. La queue reste généralement plus courte que chez les Gallinacés typi- ques, et lors même qu’elle attemt un certain développement, elle tend plutôt à s’étaler qu’à s’allonger en droite ligne ou à se recourber en faucille : en revanche, les pattes acquièrent beaucoup de force, et les doigts, terminés par des ongles ro- bustes, sont aussi longs que chez divers représentants du groupe des Rallides. Il y a, du reste, d’autres ressemblances extérieures entre ces dérniers oiseaux et la majorité des Mégapodüdés. Le Maléo, par sa tête coiffée d’un casque, par son plumage d’un noir soyeux sur les parties supérieures du corps, rappelle, il est vrai, cer- tains Hoccos; le Leipoa, tout en ayant les allures d’un Pigeon, porte la livrée d’un Tetraophasis ou d’un Tetraogallus ; le Ta- légalle d'Australie a de faux airs de Dindon; le Mégapode de Wallace a les ailes rayées comme certaines espèces d’Odonto- phorinés; mais tous les autres Mégapodes proprement dits sont revèêtus d’un costume sombre, et présentent des analogies (1) Proceedings of the Zoological Society, 186$, p. 329. ARTICLE N° 2 MONOGRAPHIE DES MÉGAPODIIDÉS. 167 de couleurs avec certains Pigeons aberrants (Didunculus stri- girostris des îles Samoa), avec des Râles américains etafricains, et surtout avec une espèce d’Ocydrome qui habite la Nouvelle- Calédonie (Ocydromus où Gallirallus Lafresnayus). Cette der- nière espèce avaitmême été rangée d’abord par M. G. R. Gray, avec un point de doute, dans la famille des Mégapodndés (1). En examinant les diverses classifications proposées pour les Mégapodidés, j'ai eu l’occasion de rappeler précédemment que les ressemblances que ces oiseaux offrent avec les Rallides et en particulier avec les Ocydromes, dans le plumage, dans la démarche et même dans la manière de voler, ne traduisent en aucune facon des affinités intimes; tout en restant dans le fond de vrais Gallinacés, certains Mégapodes se sont déguisés en Râles, si l’on peut s’exprimer ainsi, absolument comme les Aptéryx, parmi les Brévipennes, ont emprunté aux Bécasses leur bec démesurement allongé, comme les Sérigops ou Per- roquets nocturnes de la Nouvelle-Zélande ont pris le plumage duveteux et la face épanouie d’une Chouette. De semblables travestissements ne sont pas rares, non seulement chezles Oi- seaux, mais dans d’autres classes d'animaux, et ont reçu des naturalistes anglais le nom de Minnacry. J'arrive maintenant à la distribution géographique des Mé- gapodidés qui présente aussi des particularités fort curieuses. Pour procéder méthodiquement j'étudierai d’abord la répar- tition du groupe tout entier, pour passer ensuite à celles des différents genres et des espèces principales. À la fin de son mémoire déjà citésurles A lectoromorphæ (1), M. le professeur Huxley a cherché à montrer que les deux grandes sections qu'il a établies parmi les Gallinacés ne se distinguent pas seulement l’une de l’autre au point de vue de la structure anatomique, mais encore au point de vue de la (1) Il n’y a, du reste, ni sous le rapport de la coloration, ni sous le rapport des dimensions, aucune analogie entre les œufs des Mégapodes et ceux des Ocydromes, qui sont de grosseur moyenne et tachetés, comme ceux de beaucoup d'Echassiers. (1) Proceedings of the Zoological Sociely, 1868, p. 313. 168 E. OUSTALET. distribution géographique. « Les Pérostéropodes (c’est-à-dire les Cracidés et les Mégapodiidés) occupent, dit-il, une aire très vasle qui s’étend en grande partie, mais non en totalité, du côté méridional de l’équateur. Les frontières de ce domaine ne peuvent être tracées que d’une manière approximative : on peut dire cependant que la frontière septentrionale traverse le continent américain ou nord du Mexique, puis, s’inclinant au sud-est, et franchissant l’Atlantique, vient aboutir au Cap de Bonne-Espérance, en laissant de côté, au nord, tout le conti- nent africain. D’autre part, cette même frontière, passant au sud de l'Inde et de l’Indo-Malaisie, mais au nord des îles Ni- cobar, se confond avec cette ligne que l’on peut appeler la ligne de Wallace et qui passe entre les deux divisions indienne et papouane de l'archipel malais. Toutefois elle s’avance vers le nord jusqu'aux Philippmes et passant entre cet archipel et l'ile de Formose, se dirige vers le sud-est et arrive jusqu’au oroupe cles îles Samoa. Aucun Gallinacé péristéropode ne se rencontre au nord de la ligne irrégulière que je viens de tracer. Au contraire, les Alectoropodes occupent précisément la vaste région qui se trouve ainsi rejetée au delà de la frontière sep- tentrionale des Péristéropodes, mais empiètent un peu sur le domaine de leurs voisins, quelques Cailles, quelques Odonto- phores et des oiseaux du genre Meleagris franchissant la limite méridionale. » Je n’ai pas à m'occuper ici des Alectoropodes, mais je dois faire observer que pour les Péristéropodes les limites indiquées par M. Huxley sont un peu trop étroites ; en effet ces oiseaux s'étendent au nord-ouest jusqu’à l’île de Labuan et à la portion voisine du continent de Bornéo, de telle sorte que leur frontière septentrionale ne se confond qu’en un seul point près de Lom- bock avec la ligne de Wallace ; à parur de là elle s’écarte consi- dérablement de cette ligne, du côté de l’occident, pour gagner le nord des îles Philippines; puis, après avoir franchi le large détroit qui sépare Luçon de Formose, cette frontière ne s'incline pas tout de suite au sud-est, comme le dit M. Huxley, mais marche suivant un parallèle jusqu'aux îles Mariannes (où se ARTICLE N° 2. MONOGRAPHIE DES MÉGAPODIIDÉS. 169 trouve leMegapodius La Perousä) et là seulement décrit un coude brusque pour aller rejoindre les îles Tonga. Eaisse-t-elle de côté les archipels Radack et Gilbert? C’est ce qu’on ne saurai affirmer à l'heure actuelle ; en tout cas, lesCarolines se trouvent comprises dans laire ainsi délimitée, et l’on peut prédire à coup sûr qu'on découvrira un jour ou l’autre quelque espèce de Mégapode dans cet archipel encore si mal exploré. Dans la carte publiée par M. Huxley pour montrer la distri- bution géographique des Alectoromorphæ, la frontière sep- tentrionale des Mégapodiidés ne continue pas directement celle des Cracidés,; 1l y a entre ces deux lignes une lacune impor- tante correspondant à la région du globe où se tiennent situés le groupe de Samoa, l'archipel de Cook, le groupe de Tahiti, l'archipel des ilesBasses, et.lesiles Marquises. Dans toutes ces iles on n’a jusqu’à présent constaté l’existence d'aucun Péri- stéropode; je dirai même d'aucun Gallinacé proprement dit. Il est certain, en effet, que le Megapodius Stairi, qui avait été indiqué comme étant originaire des îles Samoa, provient en réalité de Niuafou, c’est-à-dire du groupe des îles Tonga. Aux iles Samoa les Mégapodes paraissent être remplacés par les Pigeons terrestres du genre Didunculus, qui, chose singulière, portent une livrée analogue à celle des Mégapodes. À ce propos, n'est-il pas intéressant de constater que les Ocydromes (Oey- dromus où Gallirallus Lafresnayus), qui à la Nouvelle-Calédonie usurpent la place laissée vacante par labsence des Mégapodes, ont aussi revêtu le costume de ces derniers oiseaux? II Mo a là une coïncidence bizarre. Sur la même carte, M. le professeur Huxley indique dans la frontière septentrionale des Péristéropodes une autre lacune, analogue à la première, mais encore plus étendue. Cette lacune git entre le Cap de Bonne-Espérance où s'arrête, d’après M. Huxley, la limite septentrionale des Mégapodiidés, et Pile de la Trinité où commence la limite correspondante des Craci- dés (1), limite qui va passer ensuite au nord du Mexique. Peut- (1) Les Cracidés habitent, d’après MM. Sclater et Salvin, cette vaste portion 170 E. OUSTALET. être même faut-il élargir encore ce vaste hiatus, puisque, en réalité, les îles Nicobar, dans la mer des Indes, sont le dernier point où l’on aitrencontré des Mégapodudés. Il est vrai que sur le continent africain et à Madagascar, vivent les Pintades qui offrent, comme je l’ai dit plus haut, maintes analogies de structure avec les Mégapodiidés ; mais ces Pintades né peuvent en aucune façon être considérées comme le trait d'union entre les Cracidés et les Mégapodiidés; elles sont alliées à ces der- niers oiseaux, comme les Hoecos et les Pénélopes, mais à un degré moindre et d’un autre côté. Si nous.essayons maintenant d'établir la frontière méridio- nale des Péristéropodes, frontière que M. Huxley n’a pas indi- quée, nous croyons que cette ligne coupe l'Amérique méridio- nale dans le Paraguay, passe au nord de la Nouvelle-Zélande, traverse la pointe méridionale du continent australien en laissant de côté la Terre de Van Diémen, et vient, ‘de part et d'autre, rejomdre, soit le sud du continent africain, soit le nord des côtes Nicobar. Dans ce tracé, toutefois, je fais ahstrac- ion de deux grandes lacunes, correspondant à celles de la frontière nord, et existant d’une part entre le Paraguay et le sud de l'Australie, d'autre part entre le nord des îles Nicobar, ou le sud du Cap de Bonne-Espérance et l'extrémité méridio- nale du continent américain. | En résumé, l'aire occupée par les Péristéropodes dessine à la surface du globe une bande irrégulière, s'étendant entre le 20° degré de latitude nord et le 40° degré de latitude sud, et recoupée, dans le sens des méridiens, par deux vastes lacunes qui sont comprises l’une entre le 115° et le 175° degré de longitude ouest, l’autre entre le 90° degré de longitude et le 99° degré de longitude ouest. Une notable partie de cette bande est occupée par les Mégapodidés qui sont répandus depuis le 90° degrédelongitudeouestetdepuisle 20° degré de latitudenord du nouveau monde, qui s’étend entre le Rio Grande du Texas et les forêts du Paraguay. Ils manquent aux Antillés, sauf dans les îles de la Trinité et de Tonago. (Voy. Selater et Salvin, Proceedings of the Zoological Society, 1870, p. 941.) ARTICLE N° 2. MONOGRAPHIE DES MÉGAPODIIDÉS. 171 jusqu'au 40° degré de latitude sud. En effet ces oiseaux ne dé- passent pasau nord l'ile de Luçon, au sud la pointe méridionale de Australie, à l’ouest les iles Nicobar, à l’est l'archipel de Tonga, et, fait bien digne de remarque, sûr ces points extrêmes ils ne sontpas représentés, comme on aurait pu le supposer à priori, par des formes dégénérées ou aberrantes. Ainsi, dans le sud de l'Australie nous trouvons le grand Talégalle de Latham ‘quiextérieurementse distingue facilement de tous lesoiseaux du même groupe, mais qui, dans ses allures, dans ses mœurs et dans sa structure intime, est un vrai Mégapode, un Mégapode par excellence, et qui a d’ailleurs de très proches parents, aux formes puissantes, jusque dans le nord de la Nouvelle-Guinée et à Waigiou (Talegallus Cuvieri, Æpypodius Bruni, ete.; aux îles Tonga c’est le Megapodius Starri, espèce d'assez forte taille réssemblant par sa couleur foncée au Megapodius Freycineti de Salwatty et au Megapodius senex des îles Pelew; aux iles Ma- riannes c’est le Megapodius La Perousu, espèce d'assez petite taille, 1l estvrai, mais plus voisine certainement du Megapodius Bernsteini du groupe de Soula que du Megapodius senex; aux iles Philippines, enfin, et aux iles Nicobar, vivent le Megapodius Dillwyni et le Megopodius nicobariensis, formes presque analo- oues à celle qui habite la Nouvelle-Guinée et le nord de lAus- tralie, tandis qu’en revanche le Megapodius Wallacei, sinette- ment caractérisé par les bandes de ses ailes, se trouve à Gilolo, à Ternate et à Bouru, c’est-à-dire presque au milieu de Paire occupée par les Mégapodes ordinaires. Enfin si le Leipoa acel- lata qui porte une livrée toute particulière est rélégué dans un com de l'Australie, en revanche le Megacephalon maleo, qu n’est pas moins remarquable par ses mœurs, par les teintes de son plumage et par le casque qui surmonte sa tête, a pour patrie le nord de Célèbes et vit côte à côte, pour ainsi dire, avec le Megapodius Gilberti qui se éktenpédche beaucoup 1 type vulgaire. En tenant compte de ces faits on est disposé à admettre que les Mégapodidés occupaient jadis un vaste continent austral qui s’est morcelé sur les bords et dont certaines parties se sont 179 E. OUSTALET. effondrées en entraînant avec elles, dans les profondeurs de l'Océan, une partie de leur population ornithologique. Ge qui vient à l’appui de cette hypothèse c’est que les Mégapodidés s’arrêtent précisément, du côté de l’orient, dans cette partie de la Polynésie où commencent à se montrer les îlots que l’on désigne sous le nom d’atolls. Or, suivant l’opinion de beau- coup de naturalistes, ces atolls tirent leur origine de Polypiers qui se sont fixés en grand nombre sur les points eulminants de certaines terres qui vont en s’affaissant lentement sous les eaux (1). Passons maintenant à la distribution géographique de cha- cun des quatre genres de la famille des Mégapodidés. Jai déjà : insisté longuement sur les anomalies que le Maléo présente, non seulement dans ses mœurs et son aspect extérieur, mais encore dans son habitat : à mes yeux, c’est un type en voie d'extinction ; je ne puis guère admettre, en effet, qu’il n'ait pas occupé jadis, soit sur l’île de Gélèbes, soit sur des terres voi- sines, une aire plus étendue que celle qu’il occupe aujourd’hui. Ayant des qualités qui l'ont fait depuis longtemps rechercher comme gibier par les indigènes aussi bien que par les voya- geurs européens, vivant à peu de distance du bord de la mer, s’'aventurant sur des plages découvertes, volant avec une cer- taine difficulté et déposant ses œufs dans des conditions pré- caires, cet oiseau a dù être facilement anéanti dans certaines provinces, soit par l’homme, soit par les animaux carnassiers. J'en dirais volontiers autant du genre Leipoa, qui est cantonné maintenant dans le sud-ouest de l'Australie, ne s’avançant ouère vers le nord au delà du milieu de la côte occidentale, et disparaissant du côté de l’est à peu près au point où commence le genre Talegallus. Gependant il est possible que les Leipoas n'aient pas rencontré sur d’autres points de l’Australie des conditions aussi favorables à leur existence, comme il est possible aussi qu’ils aient été évincés de la région orientale par les Talégalles, oiseaux plus robustes de formes et mieux armés dans la lutte pour la vie. (1) Voyez Darwin, The structure and distribution of Coral-reefs, 1812. ARTICLE N° 2. MONOGRAPHIE DES MÉGAPODIIDÉS. 173 Le genre Talegallus, beaucoup plus largement répandu que les deux précédents, s’étend depuis Waïgiou et depuis les îles de la baie de Geelvink jusqu’au Cap Hove, vers l'extrémité méridionale de la Nouvelle-Zélande; mais 1l se présente sous des formes assez différentes, dont l’une, Talegallus (Cathetu- rus) Lathami, est australienne, tandis que les autres, Talegal- lus Cuvieri et ses alliés, Talegallus (Æpypodius) Bruijnu et T. pyrrhopyqius, habitent les îles papouanes. Si, comme on peut l’admettre, ces trois types secondaires d’un mème genre, bien distincts extérieurement, mais identi- ques au fond, sont dérivés d’un type commun, ils n’ont acquis leurs caractères particuliers qu’à une époque assez récente, postérieurement à la formation du détroit de Torres, qui est venu séparer l’Australie de la Nouvelle-Guinée. Alors les indi- vidus d'Australie, trouvant un milieu qui leur convenait, se sont largement développés, leurs formes ont pris de l'ampleur, leur queue s’est allongée, leur gorge s’est dilatée en pendelo- ques et a revêtu des teintes qu’on n’observe pas chez les Talé- galles de la Nouvelle-Guinée. Mais parmi ceux-ci deux autres types secondaires n’ont pas tardé à se dessiner : l’un d’eux a donné naissance au Talégalle de Cuvier et à ses alliés, c’est- à-dire aux Talégalles proprement dits, l’autre au Talégalle de Bruign et au Talégalle à croupion rouge, que j'ai proposé de réunir sous le nom d’Æpypodius. D'abord assez peu prononcés, les caractères du sous-genre Æpypodius se sont accentués quand lile de Waigiou a été détachée du continent de la Nou- velle-Guinée. Sans insister plus longtemps sur cette hypothèse qui ne rend certainement pas compte de tous les faits observés, Je constaterai en passant que l'ile de Waigiou parait être, non seulement pour les Talégalles mais encore pour d’autres oi- seaux, une terre d'élection. C’est là que se trouvent notamment quelques-uns des Paradisiers les plus remarquables par la singularité de leurs formes ou l'éclat de leurs couleurs. Le genre Megapodius offre quelques problèmes tout aussi difficiles à résoudre. I est distribué sur une vaste région com- prise, d’une part entre le 20° degré de latitude sud, de l’autre 174 E. OUSTALET,. entre le 90° degré de longitude et le 175° degré de longitude ouest; mais il n’occupe pas, à beaucoup près, toute l'aire ainsi délimitée. J'ai fait remarquer qu'il n’y avait point de Méga- podes en Nouvelle-Calédonie ou que du moins on n’en avait pas découvert jusqu’à ce jour; on n’en a pas trouvé non plus aux îles Viti, quoiqu'il y en ait aux îles Tonga et aux Nouvelles- Hébrides ; on n’en connait pas encore dans les îles Carolines, qui ont été, il est vrai, à peine explorées; enfin on est à peu près sûr qu'il n’en existe point à Timor. « Cela est d'autant plus singulier, dit M. A. R. Wallace (1), que certains de ces oiseaux existent dans les îles de la région australienne, et même dans la petite île de Semao située près de l’extrémité occidentale de Timor (2). Peut-être ont-ils été exterminés par les tigres qui se trouvent, dit-on, dans l’inté- rieur du pays. Timor, du reste, s'éloigne de l’Australie par l’absence des genres Casuarius, Dacelo, Malurus, Cracticus et par la présence d’un seul genre de mammifères australiens : 1l est done probable que cette île est depuis longtemps séparée du continent, quoique le bras de mer qui l’isole ait pu avoir jadis moins de largeur encore que de nos jours comme l'indique le grand banc de sable longeant les côtes septentrionales de l'Australie et s'étendant à moins de vingt milles de la côte mé- ridionale de Timor. » En passant en revue les diverses espèces de Mégapodes, on constate beaucoup d’autres singularités dans leur distribution géographique. Certains Mégapodes, en effet, vivent retirés sur de petits îlots où il n'existe point d'animaux carnassiers et où l’homme lui-même ne vient que rarement.leur donner la chasse, tandis que d’autres oiseaux du même genre occupent une aire beaucoup plus vaste où ils doivent avoir quelque peine à échapper à des causes multiples de destruction. Parmi (1) Voy. À. R. Wallace, The malay Archipelago, 1872, p. 397. — Ibis, 1869, p. 455, et 1861, p. 349. (2) D'après M. Schlegel, le Musée des Pays-Bas a reçu également de véri- tables Mégapodes (M. Duperreyi), de l'ile de Wetter, située au nord-est de Timor (voy. ci-dessus). ARTICLE N° 2. MONOGRAPHIE DES MÉGAPODIIDÉS. 175 les espèces largement répandues il faut citer en première ligne le Mégapode de Duperrey, qui se rencontre à la fois dans la Nouvelle-Guinée, sur quelques îles voisines et dans le nord du continent australien, et qui, suivant toutes probabilités, re- monte à une époque antérieure à la dissociation de ces diffé- rentes terres. On s'explique même fort bien, à l’aide d’une telle hypothèse, les variations de taille que l’on constate dans cette espèce, les Mégapodes habitant les parages du Cap York et les terres voisines ayant rencontré probablement, comme les Talégalles, des circonstances favorables à leur développe- ment. On n’est point surpris de voir des formes se rattachant étroitement les unes aux autres, disséminées dans les îles Salomon, à la Nouvelle-frlande, dans les îles de l’Amirauté, et un mot dans toutes ces terres qui semblent des fragments épars d’un ancien continent. La parenté des Mégapodes des Philippines et de ceux du Labuan n’a rien de surprenant. Mais à côté de ces faits qui s'expliquent d'eux-mêmes, il y en a d’autres dont la raison est difficile à découvrir. Pourquoi, par exemple, le Megapodius La Peroust des îles Mariannes se: rapproche-t-il davantage, par ses caractères, du Megapodius Bernsteini, qui est propre aux îles Soula, situées à côté de Célèbes, que du Megapodius senex qui habite les îles Pelew, beaucoup plus rapprochées des îles Mariannes ? Pourquoi le Megapodius Wallacei, au lieu d’être confiné dans quelque ile lointaine, se trouve-il à Céram, à Bouru et à Amboine concur- remment avec le Wegapodius Forsteni? Pourquoi, comme l’a fait observer M. Schlegel (1), cette même espèce, si tranchée, existe-t-elle dans la toute petite île volcanique de Ternate, côte à côte avec le Megapodius Freycineti, donnant ainsi un nouvel exemple d’un phénomène de distribution géographique qui a été observé chez les Brèves, dont une espèce, la Porta cyano- nola, accompagne à Ternate une de ses congénères, la Pitta brachyura? Pourquoile Megapodiusnicobariensis vit-ilisolé dans l'archipel des Nicobar, n’ayant point de parents à Sumatra, ni à Java, ni à Malacca, ni même aux îles Andaman, mais repro- (1) Nederlandsch Tidjschrift, 1. UE, p. 264. 176 E. OUSTALET. duisant dans sa physionomie les traits principaux des Méga- podes de Lombok ou des Philippines? L’attention des natura- listes a déjà été attirée sur ce fait par M. À. Hume (1) et par M. H.J. Elwes (2). Ce dernier a même fait remarquer que le Calænas nicobarica se trouve dans les mêmes conditions que le Megapodius nicobariensis, puisqu'il n’a été signalé sur aucun autre point de la région indo-malaise. Du reste, suivant M. El- wes, la faune ornithologique des îles Nicobar est plus malaise que celle des îles Andaman, puisqu'elle renferme 50 pour 100 d'espèces autochthones, et 25 pour 100 seulement d'espèces in- diennes. Mais M. Elwes, qui s’occupait de la distribution géo- oraphique des Oiseaux asiatiques en général et qui ne parlait qu'incidemment du Megapodus nicobariensis, n'avait point à re- chercher les causes de la présence de cet oiseau dans les îles Nicobar. M. À. R. Wallace, au contraire, a cherché à expliquer cette anomalie en disant « que les Mégapodes avaient été in- troduits dans ces iles par les Malais, que se trouvant dans des conditions favorables, n’ayant point d’ennemis autour d'eux, ils s'étaient multipliés et qu'ils avaient acquis peu à peu des caractères légèrement différents de ceux de leurs parents (3).» Mais J'avoue que cette explication ne me semble guère plausible. On ne possède en effet aucune preuve positive de la domestication des Mégapodes par les Malais ou par les peuples sauvages habitant les iles de l'Océanie, et l’on ne peut guère citer, à l'appui de cette hypothèse, que le passage suivant, extrait de la Zoologie du Voyage de l’Uramie : « Gette espèce, écrivent MM. Quoy et Grimard, à propos du Mégapode de La Pérouse, habite l’archipel des Mariannes, où autrefois elle était très commune... On nous dit même qu'elle vivait en domesticité; mais à présent cet oiseau n'existe plus dans les iles principales, à Guam et à Rotta ; 1l faut aller à Tinian pour le trouver, encore y est-il rare (4). » On voit avec quelle ré- (1) Stray Feathers, 1874, t. IN, pp. 71, 129, 276 et 499. (2) Proceedings of the Zoological Society of London, 1875, p. 663 (3) The geographical Distribution of Animals, 1876, t. I, p. 522. (4) Voyage de l’Uranie, 1823, p. 127. ARTICLE N° 2. MONOGRAPHIE DES MÉGAPODIIDÉS. 177 serve s'expriment les deux naturalistes dont je viens de citer les noms; et ils ont sans doute raison de n'être pas plus affirma- tifs à cet égard, puisque, si le Mégapode de la Pérouse, ou tout oiseau du même groupe avait été réduit en domesticité, dans son pays d’origine, il eût été certainement préservé des causes de destruction qui ont déterminé l’anéantissement presque total de l’espèce. | À défaut de cette explication ne pourrait-on pas en proposer une autre, admettre, par exemple, l’existence d’une bande de terre qui, après avoir rattaché pendant longtemps les îles Nicobar à quelque continent, se serait abimée sous l’Océan’en laissant isolés quelques Gallinacés, seuls témoins d’une faune plus nombreuse? L'étude de la géologie de ces îles fournira peut-être quelques renseignements à cet égard et révélera pourquoi l’archipel de Nicobar offre dans ses productions na- turelles plus d'analogie avec les îles Malaises qu'avec les îles Andaman et le continent indien. Des fouilles pratiquées dans les térrains les plus récents de la presqu'ile de Malacca, de Sumatra, de Java et de Bornéo, pourront seules nous apprendre si ces divers points du globe n’ont pas été jadis, et jusqu’à une époque très rapprochée de nous, occupés par des oiseaux de la famille des Mégapodiidés. Pour ce qui est de nos contrées, des recherches de ce genre ont déjà fourni des résultats qu'il est nécessaire de consigner ici : dans les gypses des environs de Paris, dans les couches lacustres d’Armissan, de Sansan et de Saint-Gérand-le-Puy, dans les falaises de la Touraine, dans les terrains de Pikermi (Attique), dans le terrain miocène de Weissenau, près Mayence, on a découvert des restes de Galli- nacés qui ont été étudiés par M. Gervais, M. Gaudry et surtout par M. A. Milne Edwards (1). Or parmi tous ces Gallinacés il y a des oiseaux voisins du genre Ortyx, du genre Perdix, du genre Phasianus, etc., mais aucun représentant du groupe des Mécapodiidés, je dirai même aucun Péristéropode, puisque les Cracidés n’ont pas encore été signalés dans les terrains (1) Recherches anatomiques et paléontologiques, pour servir à l'histoire des Oiseaux fossiles de la France, 1869-71, t. I, p. 216 et suivantes. ANN. SC. NAT., ZOOL., MAI 1881. xI. 13, — ART. N° 2 178 E. OUSTALET. tertiaires de l’Europe. Pour les terrains quaternaires le même fait se produit, et il n’est même pas absolument certain que les débris découverts par M. H. de Meyer dans le læss de Salzbach et attribués par ce naturaliste à une Pintade, appartiennent en réalité à un oiseau de ce genre (1). Évidemment il ne faudrait pas tirer de ces faits des con- clusions trop absolues, puisque nous ne connaissons encore qu'une faible partie de la population ornithologique qui vivait en Europe pendant les périodes tertiaire et quaternaire; mais, jusqu’à nouvel ordre, on est en droit de supposer que la famille des Mégapodiidés, alors comme aujourd’hui, ne comptait pas de représentants dans nos contrées et se trouvait déjà confinée dans la région indo-australienne. Tout concourt du reste à prouver, et c’est sur ce point que j'insisterai en terminant, que les Mégapodiidés constituent parmi les Gallinacés un type extrêmement ancien. Ils semblent avoir retenu, dans leur mode de reproduction, quelques traits des Reptiles, puisqu'ils pondent des œufs d’un volume extraordmaire et qu'ils en abandonnent l’incubation à l’action des rayons solaires. [ls sont, à certains égards, dans la même situation que les Marsu- piaux, car si ces Mammifères d'Australie sont représentés en Amérique par des formes arboricoles, les Sarigues ou Didel- phes, les Mégapodiidés ont aussi dans le Nouveau Monde des parents qui vivent sur les arbres, les Hoccos et les Pénélopes. M. Wallace prétend cependant que cette parenté entre les Mégapodndés et les Cracidés d’une part, entre les Marsupiaux et les Didelphes d'autre part, est plus apparente que réelle : Q Il y a probablement là, dit-il, plutôt une coïncidence qu’une affinité, coïncidence provenant de ce que des types autrefois répandus sur de vastes régions se sont conservés sur deux terres isolées, détachées des grandes masses continentales à la surface desquelles des formes, plus élevées en organisation, ont pu se développer et amener la destruction des types infé- rieurs. Sur chacune des terres méridionales, ainsi séparées, le (1) A. Milne Edwards, Op. cit., t. II, p. 251. ARTICLE N° 9. MONOGRAPHIE DES MÉGAPODIIDÉS. 179 type originel a subi des modifications particulières qui l'ont approprié, dans un Cas, à une existence arboricole, et qui ont rendu capable, dans l’autre cas, de vivre au milieu de plaines arides. » Mais j'ai quelque peine à accepter cette opmion. Mon savant prédécesseur, M. Pucheran, a montré, l’un des premiers, dans ses Lettres à M. d'Archiac (1), que l'Australie et le sud du continent américain méritent, sous le rapport de leurs faunes, d’être séparés du reste du monde. Plus tard, M. le professeur Huxley, dans son Mémoire, déjà cité, sur les Alectoromorphæ, a insisté sur ce fait : « Je ne puis, dit-il, m'empècher de con- sidérer l'Australie, ou la Région paléotropicale orientale, comme une province aussi disuncte de l’ancien monde que l’Amérique du Sud, qand je considère la population ornithologique de ce continent, et je trouve qu’on ne donne pas une idée suffisante de son importance lorsqu'on en fait une simple subdivison de l’ancien monde. Les familles des Dromeidæ, des Dinornithide, des Apterygidæ, des Didunculideæ, des Didide, et des Menu- ridæ, et les tribus des Sérigopinæ, des Phctolophine, des Trichoglossinæ sont absolument confinées en Australie. Cette grande terre, comme l’Austro-Colombie (2), nourrit un grand nombre de Pigeons et de Perroquets, mais ne possède point de Pics, et les Coucous n’y sont représentés que par les Coc- cygomorphe. » L'Australie est caractérisée, d’un côté, par l'abondance des Marsupiaux (à l’exception des Opossums) sur une grande partie de son étendue, et par la présence de Monotrèmes sur certains points; de l’autre, par l'absence de presque tous les autres mammifères terrestres. » De fait, la population animale de cette vaste région (que je préfère appeler Australasie) diffère extrêmement non seulement de celle de l'Arctogée (3), mais encore de celle de l’Austro- Colombie, de sorte qu’on est en droit de la considérer comme (1) Revue et Magasin de Zoologie, 1865, p. 166. (2) M. Huxley désigne sous ce nom la Région néo-tropicale du D’ Sclater. (3) Arctogaea, c'est-à-dire l’ancien monde proprement dit. 180 E. OUSTALET. une division zoogégraphique de premier ordre, et même d’exelure l’Arctogée et l’Austro-Colombie. Je ne suis pas dis- posé non plus à traiter légèrement les prétentions de la Nou- velle-Zélande à une semblable distinction. Cette région du olobe est, en effet, la seule à posséder deux familles de Ratitæ ; les Alectoromorphe n’y sont représentés que par une Cuille (1), les Ophidiens et les Chéloniens y manquent absolument, et il en est de même de tous les mammifères terrestres, à l’ex- ception peut-être d’un ou deux Rongeurs; bref la Nouvelle- Zélande ne peut être comparée à aucune terre de même étendue. i » Si celte manière de voir est admise, il faudra diviser la surface du globe, sous le rapport de la géogragraphie zoolo- gique, en quatre régions primaires : 1. Arctogée. — 2. Aus- tro-Colombie. — 3. Australasie. — 4. Nouvelle-Zélande. Mais en même temps, il ne faudra pas perdre de vue ce fait impor- tant que, par certains côtés, les trois dernières régions diffe- rent moins l’une de l’autre qu’elles ne diffèrent de la première, car elles sont toutes trois privées complètement ou presque complètement de Mammifères Ongulés, tandis qu’elles sont très riches en Édentés et en Marsupiaux. En considérant la classe des Oiseaux, on est singulièrement frappé du développe- ment que prennent en Australie aussi bien qu'en Austro- Colombie les Psittacomorphæ qui sont relativement si mal représentés dans l'Inde et dans le sud de Afrique, et qui ne comptent, dans l'Amérique du Nord, qu’une ou deux espèces égarées. Par ce mode de distribution aussi bien que par l’uni- formité étonnante de leur structure ostéologique, les Psitta- comorphæ vépètent les phénomènes offerts par les Peristero- podes ; de concert avec ces oiseaux et les Ratitæ à trois doigts, ils aident à rattacher l’une à l’autre les portions largement séparées du monde austral, et justifient l’adoption du mot de Notogée (Notogæa) pour désigner ces régions, par opposition (1) Cette espèce (Cotunix Novæw-Zelandiæ) est même aujourd'hui complé- tement anéantie. ARTICLE N° 2. MONOGRAPHIE DES MÉGAPODIIDÉS. 181 avec le nom d’Arctogée (Arctogæa), précédemment appliqué au monde septentrional (1). » Ces ressemblances entre les faunes ornithologiques et mam- malogiques des régions australes ne semblent-elles pas indi- quer que ces terres loimtaines étaient jadis moins largement séparées qu’elles le sont aujourd’hui? Et si cette hypothèse, qu’on ne peut aujourd'hui émettre que bien timidement en l'absence de données géologiques suffisantes, si cette hypo- thèse, dis-je, se trouve un jour justifiée, ne pourra-t-on pas admettre que certaines familles d'oiseaux aient été primitive- ment répandues dans l’hémisphère austral sur de vastes surfa- ces, et se soient morcelées, plus tard, lors de la séparation des continents, en un certain nombre de groupes secondaires? Après avoir étudié les Mégapodidés au double point de vue anatomique et zoologique, il est impossible de nier les liens de parenté qui unissent ces Gallinacés, d’une part, aux Cra- cidés américains; de l’autre, mais à un plus faible degré, aux Numididés américains. Entre tous ces oiseaux, il n’y a pas seulement, comme M. Wallace paraît disposé à l’admettre, des analogies créées par l’influence d’un développement paral- lèle, il y a des affinités qui résident dans la structure intime, des affinités tellement profondes que des différences de milieu n’ont pas même réussi à les effacer. Si les Talégalles et les Mégapodes, vivant dans de tout autres conditions que Îles Hoccos et les Pénélopes, différent de ces oiseaux aussi bien que des Pintades, par les allures et le mode de reproduction ou plutôt d’incubation, ils leur ressemblent énormément par leur charpente osseuse, par leur système musculaire, et même, en y regardant de près, par certains traits de leur physionomie. Maintenant d’où vient cette parenté, comment s’est-elle établie, quel est l'arbre généalogique des Mégapodidés? C’est ce que nul ne peut dire à l'heure actuelle. Pour résoudre de semblables problèmes, le secours de la paléontologie me paraît nécessaire. Elle seule peut nous apprendre si les Mégapodidés (1) Huxley, On the Alectoromorphae, Proceedings of the Zoological Society of London, 1868, p. 317. 182 E. OUSTALET. ou leurs ancêtres ont dès l’origine habité les terres qu’ils occu- pent aujourd’hui, ou bien, si comme M. Huxley l’admettrait volontiers pour certains groupes de Perroquets (1), ils ont vécu, à une époque lointaine, dans l'hémisphère septentrional, et se sont de là répandus, en se modifiant, dans les régions australes. Des fouilles pratiquées dans les cavernes, dans les dépôts récents, sur divers points de l'Océanie, montreront peut-être que les Maléos et les Leipoas se rattachaïent jadis, d’une ma- nière plus étroite, grâce à des formes de transition, aux Talé- galles et aux Mégapodes. Du reste, lors même qu’elles auront exclusivement pour objet la recherche d'oiseaux actuellement vivants, des explorations nouvelles ne seront pas sans profit, surtout si elles sont dirigées vers l'archipel de la Louisiane, les îles Salomon, la côte orientale de la Nouvelle-Guinée, etc. Peut-être pourra-t-on découvrir encore quelque forme aussi remarquable que le Talégalle obtenu par M. Bruijn dans l’île de Waigiou, mais, en tout cas, on recueillera des données précises sur les limites qu’il convient d’assigner aux espèces déjà connues. Mon but serait atteint si les recherches auxquelles je me suis livré contribuaient, pour une faible part, à cet heureux résultat, en appelant sur les oiseaux de la famille des benoit l’attention des voyageurs et des na- turalistes. EXPLICATION DES PLANCHES 2 ET 3. Fig. 33. Talegallus (Æpypodius) Bruijnti, adulte, réduit au 1/3 de la gran- deur naturelle. Fig. 34. Tête de Talegallus (Æpypodius) Bruijni, jeune (grandeur naturelle). Fig. 35. Tête de Talegallus (Æpypodius) pyrrhopsygius, adulte (grand. nat.). Fig. 30. Tête de Talegallus jobiensis (grandeur naturelle). (1) Huxley, Loc. cit., p. 319. ARTICLE N° ©? NOUVELLES RECHERCHES UL SUR L'ORGANISATION ET LE DÉVELOPPEMENT DES GORDIENS (1) Par M, A. VILLOT. INTRODUCTION. Lorsque je publiai ma Monographie des Dragonneaux, en 1874, j'exprimai le désir que de nouvelles recherches fussent entreprises sur ces curieux Helminthes, pour contrôler mes résultats. Je n'avais alors, pas plus qu'aujourd'hui, la préten- tion de ne m'être jamais trompé; et j'étais prêt, comme je le suis encore, à reconnaître mes erreurs, pourvu qu’on me les montrât à l’aide de l'observation ou de l'expérience. L'appel que je faisais à la méthode expérimentale est resté jusqu'ici sans réponse. Mon travail a bien été, selon mon attente, quelque peu critiqué; mais personne, que je sache, ne Va refait. On a émis des doutes sans avoir rien observé qui pût infirmer mes interprétations, sans même essayer de voir ce que J'ai vu. | La critique scientifique est plus exigeante. Pour vérifier une observation, il est nécessaire d’en reproduire exactement toutes les conditions; et, avant de mettre en doute sa réalité, il esi prudent d'éliminer, par des tentatives multipliées, toutes les causes d’insuccès qui dépendent de l’inexpérience de l’in- vestigateur ou de l’insuffisance des moyens employés. Ge principe de méthode, qui est d’une application générale, prend une importance toute particulière quand il s’agit d’ani- maux aussi difficiles à étudier que les Gordius. Il faut ici s’'armer de patience et recourir aux procédés les plus délicats de la technique histologique. Les préparations vraiment satis- (1) Un résumé de ce Mémoire a paru dans les Comptes rendus de l'Acadé- mie des sciences (séances du 28 juin et du 8 novembre 1880). ANN. SC. NAT. ZOOL, — ART. N° 3. 1 5) A. VILLOT, faisantes ne s’obtiennent point sans peine, et ce sont lés seule cependant dont on puisse tenir compte. L'observation par transparence suffit, à la rigueur, pour l'étude de lembryon et des larves; mais, pour les individus adultes, on est obligé de faire des coupes. Débiter en coupes minces un ver filiforme, qui a quelquefois près d’un mètre de long, est une opération qui semble tout d’abord fort labo- rieuse. Quelques coupes, pratiquées à une grande distance les unes des autres, rassureront bien vite le préparateur. Le ver a une structure très uniforme; et l’on peut sans Imconvénient se borner à la préparation de chacune de ses extrémités, sur une longueur d’un centimètre. Le choix des individus n’est pas sans importance. Ceux qui se sont accouplés ou qui ont été longtemps tenus en captivité doivent être rejetés; car leurs tissus sont presque toujours altérés. Il faut prendre de beaux exemplaires, bien vivants, ayant encore leurs organes génitaux à l’état de plénitude, et les plonger dans l’alcool dès qu’on les sort de Peau. Il s’agit ensuite de trouver une matière à inclu- sion assez résistante pour ne pas s’écraser sous la pression du rasoir et assez transparente pour permettre l’orientation des coupes. L'emploi du collodion humide, récemment proposé par le D' Mathias Duval (1), remplit parfaitement cette double condition. C’est le procédé qui m'a donné les meilleurs résul- tats; et Je le recommande aux observateurs de bonne foi qui voudraient se convaincre par. eux-mêmes de l’exactitude de mes descriptions. En traitant de nouveau ce sujet intéressant, qui n’a cessé de me préoccuper depuis huit ans, je voudrais attirer l'attention des naturalistes sur quelques faits qui avaient échappé à mes premières observations et qui justifient pleinement mes inter- prétations. Pour atteimdre mon but, je suivrai, dans le présent Mémoire, l'ordre qui m’a paru le plus sûr, le plus naturel et le plus instructif : celui du développement. (1) Des matières à inclusion. Emploi du collodion pour la pratique des coupes microscopiques (Revue des sciences naturelles, 2° série, t. I, p. 58-63). ARTICLE N° 3. DÉVELOPPEMENT DES GORDIENS. 3 DÉVELOPPEMENT EMBRYONNAIRE. Le nombre des observateurs qui ont pu suivre le développe- ment embryonnaire des Gordius est encore très restreint. Grube (1), Leidy (2) et Meissner (3) sont les seuls, avant moi (4), qui aient eu ce plasir; et cependant rien n’est plus facile que de se le procurer, quand on a capturé quelques-uns de ces vers. Les Dragonneaux ne font aucune difficulté pour se repro- duire en captivité; et l’on peut, sans grandes dépenses, con- server à l’état de vie des individus adultes des deux sexes pendant tout le temps nécessaire. Il n’est besoin, en effet, ni d'appareils à pisciculture, ni de ces aquariums luxueux que l’on trouve maintenant dans nos grandslaboratoires. Un simple bocal, que l’on remplit d’eau aux trois quarts, suffit parfaite- ment. On place ce modeste récipient sur sa table de travail, en pleine lumière, et l’observation des animaux que l’on se pro- pose d'étudier y est certainement plus commode que dans un bac spacieux, à courants d’eau et d’air continus. Il faut seulement avoir soin de renouveler l’eau tous les matins. Mâles et femelles ne tardent pas à s’accoupler. Get acte s’accomplit chez les Dragonneaux dans des conditions toutes particulières qui méritent d’être décrites en détail. Il n'existe chez les mâles aucune trace de pénis. Les spicules que lon observe chez les Nématoïdes et qui servent à fixer la femelle, font en outre complètement défaut aux Gordiens. Il est dès (1) Ueber einige Anguillulen und die Entwiklung von Gordius aquaticus (Wiegmmans Archiv für Nat., 1849, p. 358-374, Taf. VIL fig. 1-8.) (2) Notes on the Development of the Gordius aquaticus (Proceed. of the Acad. Philad., 1851, p. 98-100). | (3) Beiträge zur Anatomie und Physiologie der Gordiaceen (Zeitsch. für wissensch. Zool., 1856, p. 121, Taf. VI, fig. 28-30). (4) Monographie des Dragonneaux (Archiv. de zool. expér. et géner. t. IE, p. 201-203, pl. VIL, fig. 31-48). À A. WVILLOT. lors évident que l’ascouplement doit s'effectuer chez ces der- niers par simple juxtaposition; mais celle-ci, comme on le verra plus loin, doit avoir une certaine durée et être accom- pagnée d’une pression considérable. La réalisation de ces deux conditions semble au premier abord impossible. Le ver est cylindrique et ses téguments sont enduits d’un mucus qui rend leur contact très glissant. Com- ment le mâle parviendra-t-il à immobiliser la femelle et à prendre le point d'appui qui lui est nécessaire? Qu’on essaye de saisir un Dragonneau avec des pinces, de le couper avec un scalpel ou avec des ciseaux, ou bien encore de l’écraser avec le pied (4), et l’on jugera de la difficulté que la nature avait ici à surmonter. Selon son habitude, elle l’a tournée très ingénieusement. Le mâle enroule plusieurs fois son extrémité postérieure au- tour de celle de la femelle, puis il recourbe sur elle les deux lobes de sa queue. Le corps de la femelle se trouve de la sorte parfaitement immobilisé et les deux orifices ano-génitaux sont amenés en contact. L Il existe d’ailleurs chez les deux sexés des conformations cfférentes, mais concordantes, qui viennent encore faciliter l’accouplement. Ces particularités sont caractéristiques des espèces et assurent la reproduction de chaque type, en rendant impossibles les unions illicites. Nos espèces indigènes peuvent être, à ce point de vue, citées comme exemple. Les trois lobes de l’extrémité postérieure de la femelle du Gordius Gratianopolensis s’enchevêtrent avec les deux lobes de la queue du mâle. Chez le Gordius Tolosanus mâle, il existe devant l'ouverture génitale une bande de grosses papilles, disposées en fer à cheval, qui retient les deux petits lobes de l'extrémité postérieure de la femelle. Chez le Gordius aquaticus et le Gordius impressus, les mâles ont un épaississe- ment cuticulaire en forme de croissant, qui est situé au- dessous de l’ouverture ano-génitale. Chez les femelles des (1) « Durus est adeo, ut vix pede conteri possit. » (Aldrovandi, De anima- libus insectis libri septem, Lib. sept., cap. X.) ARTICLE N° 8. DÉVELOPPEMENT DÉS GORDIENS. D mêmes espèces, on observe à la même place une saillie de même nature, sur laquelle peut s'adapter exactement Îe crois- sant des males (fig. 15; pl. 5). Toutes ces dispositions ont pour résultat d'empêcher Pextré- mité postérieure de la femelle de glisser dans le sens longitu- dinal. Le phénomène de la spermatisation offre de grandes ana- logies avec celui de la ponte. Les éléments spermatiques sont évacués avant d’avoir atteint leur état de maturité. [ls forment, en sortant du eloaque du mâle, de longs cordons blanchâtres entièrement formés de cellules spermatogènes. Ces cordons, que l’on pourrait à la rigueur considérer comme des spermato- phores, ont environ 0"",030 de diamètre. Abstraction faite de leur diamètre, qui est beaucoup plus faible, ils ressemblent tellement à des cordons ovigères, qu'on ne peut s'assurer de leur véritable nature que par l’examen microscopique. Le mâle, à l’aide de la puissante musculature de son eloaque, introduit le cordon spermatique dans le eloaque de la femelle, qui l’abandonne aussitôt. Il est facile de reconnaître les femelles qui ont été fécondées, car l'extrémité postérieure du cordon fait ordinairement saillie hors de lorifice ano-génital. Le cordon spermatique une fois introduit dans le cloaque de la femelle, ne tarde pas à se dissoudre, les éléments sperma- tiques subissent leurs dernières métamorphoses, deviennent libres et la fécondation s’opère. La ponte commence d'ordinaire six ou sept jours après l’'accouplement. Le cordon ovigère sort lentement par l’orifice ano-génital, et, entrainé par son propre poids, finit toujours par se Fe en quelque point. On trouve souvent au centre des pelotons formés par l’en- chevêtrement des mâles et des femelles des tronçons du cor- don ovigère, qui s’y trouvent retenus et qui n’ont pu tomber au fond de l’eau. Mais l’intention des adultes n’est certaine- ment pour rien dans le phénomène. Mâles et femelles se sépa- rent; et les œufs, bien avant l’éclosion des embryons, se trouvent abandonnés aux caprices des courants. 6 A. VILLOT. On n’a qu’à recueillir les œufs dans une capsule de verre, au fur et à mesure qu'ils sont pondus; et grâce à leur parfaite transparence on peut suivre, sous le microscope, toutes les phases du développement embryonnaire. Je n’ai pas à revenir aujourd’hui sur ces premiers temps de l’évolution ; ils ont été décrits et exactement figurés dans ma Monographie. Je veux seulement faire ici quelques remarques. Les deux premiers globes de segmentation sont d’abord très inégaux; et l’inégalité affecte à la fois les protoblastes et la matière vitelline. Le gros protoblaste mesure environ 0"",060 de diamètre, tandis que le petit n’a que 0"",040, ce qui fait une différence de 0"",020. Mais le plus petit finit toujours par atteindre le volume du plus gros, et leur égalité se trouve par- faitement établie avant qu'ils se divisent pour former les quatre premiers globes. Je ne suis pas parvenu, malgré mes tentatives réitérées, à suivre dans tous ses détails le mécanisme de la segmentation. Les étoiles moléculaires sont peu distinctes, en raison de l’ex- trème réfringence des éléments vitellins. On peut étudier les feuillets blastodermiques à l’aide de coupes transversales pratiquées sur le cordon ovigère; mais il est indispensable d’avoir recours au collodion humide comme matière à inclusion. Les coupes ainsi obtenues doivent être ensuite colorées au carmin. Les œufs ouverts par le rasoir sont les seuls qui se colorent. Ce procédé n’est plus applicable lorsque l'embryon s’est formé, à cause du vide qui existe alors entre l’embryon et la paroi de l'œuf. L’embryon s'échappe toujours dans les diverses manipulations. Les coupes ne montrent d’ailleurs rien de plus que l’observation par trans- parence. IT PREMIÈRE FORME LARVAIRE. Les Dragonneaux, au sortir de l’œuf, ne ressemblent nulle- ment à leurs parents ; et leurs formes étranges excitent tou- ARTICLE N° 3. DÉVELOPPEMENT DES GORDIENS. 7h jours, chez le naturaliste qui les voit pour la première fois, un profond étonnement. Je les ai décrites et figurées avec soin pour trois espèces dans ma première étude (1). Je renvoie donc le lecteur à mes figures et à mes descriptions, qui ont été recon- nues exactes par les observateurs qui sont venus après moi. J’ai cependant une omission à réparer. J’avais oublié de dire que les trois stylets dont la trompe est armée sont mus par autant de muscles spéciaux. Ces trois rubans musculaires partent de la base des stylets et viennent s’insérer sur l’étran- glement bien marqué qui sépare le corps de la queue. Ils déter- minent les mouvements de protraction et de rétraction de la trompe, qui sont complètement indépendants de ceux qu’exé- cute le reste de la tête. Ges derniers s’effectuent à l’aide du muscle cylindrique sous-cutané, qui fait mouvoir en même temps les couronnes de crochets. Je dois aussi insister sur ce fait, que la première forme lar- vaire des Dragonneaux diffère beaucoup de celle des Néma- toïides. Chez ces derniers, y compris les genres aberrants (Mermis et Sphærularia), Vembryon et la larve sont représentés par le type de l’Anguillule (Rhabdits). Or, il est certain qu’il faudrait faire de grands efforts d'imagination pour rattacher à ce type la larve du Gordius. Pour un naturaliste qui a la pré- tention de classer les animaux sur les seules données de leur morphogénie, il est vraiment impossible de réunir dans un même ordre les genres Gordius, Merms et Sphærularia; néan- moins, en dépit des principes, l’ordre des Gordiacés, tel qu’il a été établi par von Siebold, figure encore dans les classifica- tions les plus accréditées de l’école transformiste. Bütschli (2), quia essayé dans ces derniers temps d'apprécier les affinités phylogénétiques des Gordius, s'exprime de la ma- nière suivante : | « Die schwache Absetzung des Schwanzes der Gordius Embryonen (1) Monographie des Dragonneaux (Archiv.de zool. expér. et génér., t. UT, p. 206-209, pl. VIL bis, fig. 49-56). (2) Untersuchungen über freilebende Nematoden und die Gattung Chæto- notus (Zeitsch. für wissensch. Zool., 1876, p. 397-398). ô A. VILLOT. und arven Lerinnertsehr an ähnlichen Beziehungen zwischen Rumpfund Schwanz (Fuss) mancher Räderthiere. Die Verdaungsorgane sind in vôlliger Uebereinstimmung, ich hebe nur noch hervor, dass die Bewaf- nung des Rüssels sich, wenn man will, mit der mannigfachen Ausrüs- tung der Mundhôhle mancher Nematoden mit Zähnen oder Stacheln ver- gleichen lässt. Eine ganz auffallende Uebereinstimmung tritt uns jedoch zwischen der Rüsselbildung der Nematorhynchen und dem Rüssel der Gordius Larven entgegen. Die Larven dieser interessanten Gattung, die wir sœben auch in anderer Hinsicht als Verwandte unserer Nematorhyn- chen in Anspruch nahmen, besitzen nach der Beschreibung Meissner’s eine Rüsselbildung, die sich derjenigen der Nematorhynchen vollkom- men an die Seite stellt, Ursprünglich innerhalb des Leibes sich entwic- kelnd (Homologon einer Mundhôühle), wird dies Organ später ausgestülpt und stellt nun, wie bei Echinoderes, eine Echinoderes, eine Art Kopf dar, der mit zwei Kranzen grosser, rückwärts gekrümmter Haken ausgerüstet ist und auf seinem vorderen Ende ein dreikantiges Stilet trâgt, eine von der Echinoderen abweichende Einrichtung, die uns dagegen wieder an die Sületbildungen freilebenden Nematoden erinnert. » Je ne puis, Je l'avoue, voir de réelles affinités entre les deux styles que l’on observe sur le pied d'un Brachionus où d’un Hydatina et les deux appendices terminaux de la queue d’une larve de Gordius. li s’en faut d’ailleurs que toutes les larves de Dragonneaux soient pourvues de ces deux appendices; et-le fait est qu’on n’en trouve aucune trace chez la larve de l'espèce la plus commune, chez le Gordius aquaticus. Les ressemblances tirées de l’'armature céphalique me pa- raissent de même ordre et simplement dues à adaptation. Les larves des Gordius, avec leur trompe rétractile et leur triple couronne de crochets, ont été souvent comparées aux Acanthocéphales ; mais la ressemblance, pour. être plus évi- dente,. est encore ici très superficielle. Elle est la conséquence nécessaire du parasitisme, et peut représenter chez des Hel- minthes d’ailleurs très différents la même aptitude à fouir les tissus de leurs hôtes. Remarquons, en outre, qu'aucun Echi- norhynque n’a de stylets. Pour dégager le type de l'adaptation qui le masque, il faut faire abstraction des seuls caractères dont nous ayons tenu compte jusqu'ici. Or, si nous dépouillons une larve de Dra- ARTICLE N° 8. DÉVELOPPEMENT DES GORDIENS. 9 gonneau de ses stylets et de ses crochets céphaliques, que reste-t-11? Un ver annelé, ayant une trompe, une lêle, un corps et une queue bien distincts. Une pareille forme est sans doute très caractéristique; mais elle est complètement isolée dans l’état actuel de nos connaissances. Les Dragonneaux vivent du reste sous cette forme dans des conditions bien différentes. Il s’écoule un certain temps entre leur sortie de l’œuf et le moment où 1ls pénètrent dans le corps de leur hôte. Il y a donc deux phases à distinguer dans cette première période larvaire : celle de la vie aquatique, et celle du parasitisme. | Au début de son existence, le jeune ver jouit de sa hiberté et déploie beaucoup d'activité; mais dès qu'il est parvenu dans le corps de son hôte, il s’enkyste, et reste immobile dans son étroite prison. - La plupart des animaux doivent héberger des larves de Gordius. Celles-ci, en effet, ont plusieurs moyens pour atteim- dre leur but : elles peuvent pénétrer dans le corps de leur hôte de vive force, à l’aide des armes dont elles sont pourvues; elles peuvent aussi y arriver paisiblement par l'intermédiaire de la boisson ou des aliments. D'une manière ou de l’autre, le dan- ger de l’infection menace tout particulièrement les Batraciens, les Poissons, les Arthropodes, les Vers et les Mollusques ; mais rien ne prouve que les Reptiles, les Oiseaux, les Mammifères, et l’homme lui-même, soient épargnés. La liste des espèces qui ont fourni jusqu'ici des larves de Dragonneaux à l’état d’enkystement est encore peu considérable. Elle s’accroitrait bien vite, si les naturalistes voulaient se donner la peine de faire les recherches nécessaires. Leydig (1) a figuré et décrit un embryon de Gordius aqua- hicus enkysté dans le mésentère d’un Rana temporaria. Gette larve se trouve très inexactement citée par le D'O. von Linstow sous le nom de Nematoideum Ranœ temporariæ Leidy (2). (1) Zoologische Notisen. ?% Helminthologisches (Zeitsch. für wissensch. Zool., IV, p. 285-287, Taf. XIV, fig: 7-8). (2) Compendium der Helminthologie, p: 197. 10 A. VILLOT. J'ai moi-même observé, le premier, des larves de Dragon- neaux (G. aquaticus, G. Tolosanus, G. Gratianopolensis) enkys- tées dans la muqueuse intestinale de divers Poissons. Les espèces que j'ai citées dans mes premières recherches (1) sont les suivantes : Phoxinus lœvis et Cobitis barbatula. Je puis leur adjoindre aujourd'hui le Petromyzon Planeri, qui vit avec les espèces précitées dans les eaux fraiches et limpides de nos ruisseaux. Le D° O0. von Linstow (2) a omis de nommer les larves des Gordius dans la liste qu’il a dressée des parasites du Phoxinus lœvis (p. 256-257); mais, comme compensation, il m'attribue, par erreur, l'observation de ces mêmes larves dans le Cobitis fossilis (p. 335). Des Dragonneaux, sous leur première forme larvaire, ont été trouvés aussi dans les larves aquatiques de plusieurs espèces d’Insectes : par Meissner (3), dans les larves des Éphémères; par moi (4), dans les larves des Culicitipulaires (Corethra, Ghro- nomus). Je viens de les observer dans la larve de l'Hydrophi- lus piceus. Claparède (5) a décrit et figuré « un ver enkysté et armé d’une couronne de crochets », qui me parait être une larve de Gordius. Get éminent zoologiste avait trouvé plusieurs fois ce ver parasite dans l'£nchytrœus vermicularis et le considérait comme un Scolex de Cestoïde. J'ai observé et conservé des larves de Gordius enkystées dans le pied d’un Planorbe. Mon observation remonte à l’année1872 et se trouve consignée dans ma Monographie (p.215). En 1877, le D' O. von Linstow (6) observait aussi ces larves dans le (1) GC. R. de l’'Acad. des sc., séance du 2 décembre 1872. — Monographie des Dragonneaux (Archiv. de zool. expér. et génér., t. UN, p. 213-214, pl. VII, fig. 58-62). (2) Compendium der Helminthologie (1878). (3) Beilräge zur Anatomie und Physiologie der Gordiaceen (Zeischr. für wissensch. Zool., 1856, p. 121-137, Taf. VIT, fig. 31-35). (4) Sur la forme embryonnaire des Dragonneaux (C. R. de l’Académie des sciences, séance du 5 août 1872). — Monographie des Dragonneaux (Archiv. de zool. expér. et'génér., t. WU, p. 211-212, pl. VIE, fig. 57). (5) Recherches anatomiques sur les Oligochèles, p. 59, pl. IL, fig. 12. (6) Helminthologica (Archiv für Nalurg., 1877, p. 4-5, Taf. I, fig. 6. ARTICLE N° 9. DÉVELOPPEMENT DES GORDIENS. (4 Limneus vulgaris, et croyait être le premier à les signaler chez les Mollusques. Bien que son travail ait paru deux ou trois ans après le mien, le savant helminthologiste ignorait proba- blement l'existence de mon observation. Ces faits montrent juqu’à l'évidence que les larves de Dra- sonneaux ne choisissent pas leurs hôtes, et ils nous enseignent co qu'il faut penser de cette fameuse loi de la spécialité des parasites, universellement acceptée jusque dans ces derniers temps. Dans le lien naturel qui rattache le parasite à son hôte, on voyait autrefois une cause finale; on n’y voit plus aujour- d'hui que des conditions d’existence; et celles-ci peuvent se trouver réunies chez des animaux bien différents. D’autres causes contribuent aussi à la dissémination des parasites. Il est bien évident que, dans le cas d’une migration passive, le parasite peut être transporté dans un milieu qui ne lui con- vient nullement; et son instinct, dans le cas d’une migration active, peut se trouver en défaut. Mais il n’en est pas moins vrai que, par suite même de leur genre de vie, certains ani- maux sont plus exposés que d’autres aux attaques de tel ou tel parasite. | Ces diverses considérations m'ont naturellement conduit à la distinction que J'ai déjà proposée entre les Ldtes normaux et les Aôtes anormaux. L’hôte normal est celui qui est infesté dans le plus grand nombre des cas et qui offre au parasite les meilleures conditions de développement. L’hôte, au contraire, sera dit anormal, s’il n’est que rarement infesté et s’il n’offre au parasite que peu ou point de chances d'évolution. Quels sont donc les animaux qui donnent le pius souvent et en plus grande abondance des larves de Dragonneaux à l’état d’enkystement? — Ce sont les Poissons; je l'ai dit dans ma Monographie, et je le maintiens. [ suffit d'ouvrir quelques individus appartenant aux espèces que J'ai indiquées pour se convaincre de la réalité du fait. Les raisons, d’ailleurs, ne manquent pas. Les Poissons passent toute leur vie dans l'eau et se nourrissent de végétaux ou d'animaux aquatiques. Les nécessités de leur respiration les obligent à tenir leur ANN. SC. NAT., ZOOL., JUIN 1881. XI. 1%. — ART. N° 3. 12 A. VILLOT. bouche presque constamment ouverte, de sorte que le parasite n’a aucune peine pour s’y introduire. De Îà rien ne s'oppose à ce qu'il gagne l’intestin. Les Cobitis se tiennent dans la vase, et les larves des Gordius, au sortir de l'œuf, vivent précisément dans le même milieu. Ai-je nié pour cela que des larves de Dragonneaux puissent s’enkyster dans la larve d’un Insecte ?— Pas le moins du monde; car J'ai moi-même indiqué de nou- veaux exemples de ce genre. Mais je persiste à croire, avec toute raison, ce me semble, que tel n’est pas le cas le plus fréquent. Quant au phénomène de l’enkystement, pris en lui-même, je lui attribue la plus grande importance; ear il a la significa- tion d’un temps d'arrêt dans le développement. Tout nous montre, en effet, que la métamorphose d’un Hel- minthe est plutôt une question de femps que de milieu. Le développement peut s'effectuer alors que ses conditions de milieu né se trouvent point réaliséés, si l’heure de la transfor- mation a sonné; il n’a point lieu, en dépit des meilleures con- ditions, si l’évolution doit subir un temps d'arrêt. La preuve nous en est fournie par l'observation. Une larve de Trichina spiralis, au sortir de l’œuf, se trouve placée dans les condi- tions de milieu qui lui sont nécessaires pour devenir adulte. Pourquoi ne se développe-t-elle pas immédiatement? Pourquoi va-t-elle prendre dans un kyste un long repos? S’exposerait- elle aux chances d’une migration, s’il lui était possible de se développertout de suite dans Pintestin de son hôte? Par contre, une Cercaire enkystée peut s'échapper de sa prison et devenir adulte sans effectuer aucune migration, sans changer d’hôte (4); quelquefois même, elle acquiert des organes génitaux sans sor- tir de son kyste (2). Des faits analogues s’observent aussi chez (1) J'ai observé et décrit, il y a déjà longtemps, un Distome adulte qui vit à l’état libre dans la cavité viscérale des Agrions (Observation de Distomes adultes chèz des Insectes, Bulletin de la Societé de statistique de l'Isère, 3e ‘série, t. Il, p. 9, 1868). (2) Leuckart (Jaresbericht über niedere Thiere für 1866 w 1867). — Dr O. von Linstow. Uber selbstbefruchliung bei Tremaloden (Arch. für Naturg., 1872, p. 1-5, Taf. L, fig. A. G.). — Pontallié., Note sur les Distomes enkystés adultes (Ann. des sc. nat., Zool., 8 série, t. XII, p. 217-219, 1851). ARTICLE N° 9. DÉVELOPPEMENT DES GORDIENS. 13 les Cestoïdes. Les larves de Ligules passent à l’état de Strobiles dans la cavité abdominale des Poissons, leurs hôtes provisoires, et possèdent des organes mâles assez développés (1). L’Ar- chègetes Sieboldii, ce curieux parasite récemment déerit par Leuckart (2), est très probablement une larve de Caryophyl- leus, qui acquiert ses organes génitaux chez un Invertébré, le Tubifex rivulorum, avant de passer dans son hôte définitif. Je n’accorde pas non plus à l'influence du milieu le pouvoir modificateur qu'on lui a si libéralement attribué dans ces der- niers temps. M. Mégnin, dans son mémoire sur le Développe- ment etles métamorphoses des Tœenias des Mammifères, suppose que le Scolex des Échinocoques peut donner indifféremment le Tœnia Echinococcus ou le Tœænia perfoliata, suivant qu’il se développe dans l’intestin d’un Carnassier ou dans celui d’un Herbivore; que le Cysticercus pisiformis produit le Tœrmia serrata dans le tube digestif du chien, le Tæma pectinata dans la cavité péritonéale du lapin. Une pareille théorie est abso- lument inacceptable, et ne repose, ainsi que le D° R. Mo- nez (3) l’a parfaitement montré, que sur linterprétation erro- née de faits exceptionnels. Pour les larves des Gordius, auxquelles je reviens, il est bien évident qu’elles s’enkystent dans le premier animal qui se. trouve à leur portée. Îl est certain aussi qu’en s’enkystant elles obéissent à une nécessité de leur développement. Autre- ment on ne s’expliquerait pas pourquoi, au sortir de l’œuf, elles s’enkystent dans le tissu adipeux des Insectes, au lieu de s’y développer, comme elles le feront plus tard. Ajoutons que la larve, enfermée dans son kyste, ne prend et ne peut prendre (1) Donnadieu, Contributions à l’histoire de la Ligule (Journal de l’anat. el de la physiol., ete., t. XHI, p. 61, 1877). (2) Archigetes Sieboldii, eine geschlechtsreife Gestoden-Amme (Zeitsch. für wissensch. Zool., 1878, suppl., p. 593-601). — Voyez aussi le beau travail que le D° Moniez vient de publier sur les larves des Cestoïdes (Essai monogra- phique sur les Cysticerques. Trav. de l’Inst. zool. de Lille et de la station de Wimereux, t. III, fase. 1, p. 123, 1880). da (3) Note sur les métamorphoses des Cestoïides (Bulletin scientifique du dé- parlement du Nord, 2° série, 2° année, n° 7, p. 233-240), 14 A. VILLOT. aucun accroissement. J'ai observé des kystes à toutes les épo- ques de l’année, et je n’ai jamais pu constater le momdre indice d'évolution. Les larves qui ne sortent pas de leur kyste en temps opportun périssent dans leur prison et ne tardent pas à se désorganiser. Cette régression s'effectue ordinairement de la manière suivante : Le kyste se dilate, se déforme, perd sa transparence et devient granuleux. L’altération commence par la périphérie et gagne peu à peu les parties centrales. La larve finit elle-même par être atteinte et tombe à son tour en dégé- nérescence. Îl n’est pas rare de rencontrer de ces kystes ainsi altérés au milieu des kystes normaux; et l’on pourrait tout d’abord attribuer les différences que l’on constate à des degrés divers de développement. C’est une erreur contre laquelle j'ai cru devoir prémunir les observateurs. IIT DEUXIÈME FORME LARVAIRE. La deuxième forme larvaire diffère autant de la première que celle-ci diffère de la forme sexuée. Elle est essentiellement caractérisée par la perte des stylets, la chute des crochets et la disparition des anneaux. C’est un acheminement bien mar- qué vers l’état adulte. Le D' 0. von Linstow (1) désigne la première forme larvaire sous le nom d° « embryon » et réserve le nom de « larve » pour la seconde. Bien que ce ne soit là qu’une question de nomen- clature, je tiens à faire remarquer qu'il est généralement d'usage, en zoologie, de réserver le nom d’embryon pour le jeune animal encore enfermé dans l’œuf. Or, s’il est une larve qui mérite son nom, c’est assurément celle qui vit à l’intérieur d’un kyste. La critique que m’adresse sur ce point le savant naturaliste allemand ne me sémble donc nullement fondée. La seconde période larvaire comprend, comme la première, deux phases bien distinctes : celle du parasitisme et celle de (1) Compendium der Helminthologie, p. 260 et 335. 9 ARTICLE N° 9. DÉVELOPPEMENT DES GORDIENS. 15 la vie aquatique; mais ces deux phases se succèdent ici en ordre inverse. Sous sa première forme larvaire, le jeune Gordius passe de la vie aquatique à l’état de parasite; sous sa seconde forme larvaire, 1l abandonne son hôte pour retourner dans l’eau, où il doit se reproduire comme ses parents. Les deux phases du parasitisme, bien que se succédant im- médiatement, diffèrent essentiellement l’une de l’autre. Tant que dure la première, le jeune ver, enfermé dans son kyste, reste immobile et ne paraît prendre aucune nourriture, aucun accroissement. Pendant la seconde, au contraire, il est libre, vit aux dépens de son hôte et se développe très rapidement. La graisse est l’aliment qui lui convient le mieux. Aussi le trou- ve-t-on d'ordinaire dans les régions du corps où abonde le tissu adipeux. Sous linfluence de cette alimentation, les cellules de réserve, qui occupent toute la partie centrale de la larve, deviennent le siège d’une abondante prolifération et se char- gent elles-mêmes de produits graisseux. Ge sont les avant-cou- reurs et les conditions nécessaires des différenciations his- tologiques qui doivent amener l’état adulte. Les éléments graisseux, en se multipliant dans Le corps de la larve, troublent sa transparence et lui donnent un aspect lactescent (1). Cette phase du développement commence lorsque la larve sort de son kyste, et finit lorsqu'elle abandonne le corps de son hôte. : $ ; Ru De nombreux Gordius ont été trouvés sous cette forme dans la cavité abdominale de divers Insectes. La liste des hôtes, telle qu'on peut la relever en compulsant les auteurs, comprend 126 noms spécifiques. Ges 126 espèces se répartissent entre les divers ordres de la manière suivante : Coléoptères, 50; Orthoptères, 32; Névroptères, 4; Hyménoptères, 6; Hémi- ptères, 5; Diptères, 1; Lépidoptères, 28. Le Gordius aquaticus est 15 fois cité; le Gordius Tolosanus, 13 fois; le Gordius Gra- hanopolensis, 2 fois; le Gordius pustulosus, À fois ; le Gordius (1) Le peloton que forment ces larves ressemble, à s’y méprendre, à un écheveau de fil blanc passablement emhrouillé. 16 A. VILLOT. violacens, À fois; le Gordius pilosus, À fois; le Gordinus chor- dodes, À fois; le Gordius ornatus, À fois; le Gordius Caledonien- sis, À fois; le Gordius tuberculatus, À fois. Les espèces indé- terminées ou simplement désignées sous les noms de leurs hôtes sont au nombre de 97. La grande famille des Carabiques a fourni, à elle seule, 34 citations; et sur ces 34 citations, 42 se rapportent au Gordius Tolosanus. On peut remarquer aussi que le Gordius Gratianopolensis n’a été trouvé jusqu'ici que chez des Orthoptères (Decticus, Gryllus). Les espèces appar- tenant au type du Gordius chordodes semblent propres aux Mantis des pays chauds. | ; Je ne donne ces résultats que sous toute réserve. La plupart des observations remontent à une époque où les genres Filaria, Mermis et Gordius étaient encore confondus; et elles ont été faites, le plus souvent, par des entomologistes, c’est-à-dire par des personnes peu versées dans l’étude des Helminthes. La détermination des Gordius offre d’ailleurs de grandes difficultés, même aux Helminthologistes exercés. Les caractères géné- riques sont empruntés à l’organisation interne, et particu- lièrement aux organes génitaux. Les caractères spécifiques, méconnus jusque dans ces derniers temps, sont tirés presque exclusivement de détails microscopiques fournis par les tégu- ments. Or tous ces caractères font défaut chez les larves. Il n’y à que la forme de l’extrémité postérieure des femelles qui puisse donner d’utiles indications; et l’on comprend que tel n’est pas toujours le cas. Les Dragonneaux peuvent aussi, à ce qu'il paraît, se déve- lopper chez les Arachnides. Le Gordius Tolosanus à été trouvé dans l’abdomen du Drassus fuscus. D’autres espèces, portant simplement les noms de leurs hôtes, sont cittés dans le Drus- sus fuscus, le Drassus lucifugus, l'Epeira ceropegqia, V'Epeira diadema, un Aranea, spec.? . Chez les Crustacés, deux espèces ont été signalées. L'une est parasite de l’Apus cancriformis, l’autre se trouve dans un Caridina, spec.? Viennent enfin les Vertébrés (Poissons et Batraciens). ARTICLE N° 9. DÉVELOPPEMENT DES GORDIENS. 47 Le Gordius aquaticus a été observé dans le crâne du Cobiris fossilis et du Petromyzon fluviatilis. Siebold et Gemminger affirment que la même espèce n’est pas rare, en Bavière, dans l'intestin du Thymallus vexillifer et d’un Salmo indéterminé. C’est encore le Gordius aquaticus qui aurait été trouvé dans le canal vertébral du Rana temporaria. | Comme on le voit, les larves des Gordius (2" forme) ne sont pas des parasites propres aux Insectes, quoi qu’en ait dit le D" O. von Linstow (1). D'autre part, leur fréquence chez ces animaux, que l’on oppose toujours à ma manière de voir, est plus apparente que réelle. I faut tenir compte de ce fait, que les Insectes sont représentés par un grand nombre d’es- pèces, et qu'ils sont recherchés par la majorité des naturalistes. Les Dragonneaux, en sortant de leur hôte, accomplissent leur dernière migration. Si l'hôte est un animal aquatique, le retour dans l’eau s'effectue tout naturellement et au gré du parasite. Si l’hôte est un animal terrestre, 1l faut que le para- site attende le concours de quelque circonstance favorable. Celle-ci se trouverait réalisée, selon von Siebold, par la chute accidentelle de l'hôte dans quelqué mare ou même dans une simple flaque d’eau. Le cas peut sans doute se pré- senter; mais il a, ce me semble, un caractère trop excep- tionnel pour servir de base à une explication rationnelle du phénomène. D’autres causes me paraissent plus générales et plus na- turelles. La plupart des Insectes terrestres, carnassiers où herbi- vores, qui sont infestés par les Gordius vivent dans les prairies ou dans les terrains bas et marécageux naturellement exposés aux inondations. Les prairies artificielles sont soumises, pen- dant toute la belle saison, à des arrosages méthodiques. Or, ce sont là, on le comprend de reste, d'excellentes occasions pour les migrations des Dragonneaux. Dans les montagnes, et généralement sur les terrains in- (1) Isacis und die Larven von Gordius und Mermis nur in insecten (Gom- pendium der Helminthologie, p. 9). 18 A. VILLOT. clinés, c’est autre chose. Ruisseaux et torrents sortent trop souvent de leur lit. Les pluies d'orage, qui sont si fréquentes dans ces régions, forment de véritables nappes d’eau, qui entrainent tout sur leur passage : les terres, les-végétaux et les animaux. Beaucoup d'Insectes (Carabes, Mantes, Grillons et Sauterelles) doivent périr de cette manière; et les vers qu'ils contiennent, mis en liberté, n’ont qu’à s’abandonner au courant. Aussi trouve-t-on souvent des larves de Gordius dans les réservoirs très primitifs, ereusés dans un tronc d’ar- bre, qui servent aux montagnards pour recueillir les eaux d'infiltration (1). Une rapide croissance et d'importantes modifications orga- niques sont les conséquences du retour de la larve à la vie aquatique. L'organisation du jeune ver se dédouble en quelque sorte pour obéir à deux tendances complètement opposées. L'une, progressive, porte sur les fonctions de reproduction et de relation, l’autre, rétrograde, affecte les organes de nutrition. Ce travail organogénique, auquel je reviendrai tout à l’heure, à propos de l’organisation des adultes, a été soigneusement décrit et figuré dans ma Monographie (2). (1) L’abondance des Gordius dans les pays montagneux est un fait que l’on connaît depuis longtemps, mais dont on ne parait pas s’être rendu compte jus- qu'ici. La montagne offre aux Dragonneaux les meilleures conditions pour ar- river à l’état adulte. L’inclinaison du sol, qui facilite le retour à la vie aqua- tique, est une de ces conditions ; mais il faut y joindre la fraicheur et la limpidité des eaux. Les larves des Gordius ont besoin, lorsqu'elles abandonnent leur hôte, d’une eau extrêmement fraiche, de l’obscurité et d’une grande tranquil- lité, en raison de la fragilité de leurs tissus et de l’imperfection de leurs appa- reils de la vie de relation. Or il existe dans nos montagnes de charmants petits bassins, entourés de mousses, où tombe, goutte à goutte, une eau si froide, que la main ne peut en supporter longtemps le contact. C’est là que les larves des Gordius achèvent leur développement, en nombre souvent très considérable. Puis elles gagnent les torrents, franchissent les cascades, s’arrêtent quelque temps dans les bassins qu’elles rencontrent. Beaucoup y deviennent complète- ment adultes et s’y reproduisent ; d’autres continuent à descendre et gagnent les lacs ou les rivières. Ces migrations, qui s’accomplissent à l’état libre, mé- ritaient d'être signalées ; et elles me paraissent jouer un rôle important dans la vie de ces curieux Helminthes. (2) Archives de zoologie expérimentale et genérale, t, II, p. 220-993, pl. IX, fig. 64-72. ARTICLE N° à, DÉVELOPPEMENT DES GORDIENS. 19 Les conditions qui déterminent le passage de la première forme larvaire à la seconde sont encore peu connues. L'idée qui vient tout d'abord à l'esprit est celle d’un chan- gement d'hôte et d’un transport par lalimentation. Les ob- servateurs qui avaient assisté à l’enkystemeut des larves de Dragonneaux dans des larves d’Insectes (Éphémérides) suppo- sèrent que les Coléoptères carnassiers (Dytiscides) avalent ces larves enkystées avec leur proie, et que les jeunes Gordèus se développent dans leur cavité viscérale. Cette hypothèse, qui est encore tout à fait classique, se trouve contredite par l'expérience. Des Dytisques, nourris avec des larves d'Ephé- mères, des Limnées et des intestins de Poissons contenant de nombreux kystes de Gordius, n’ont point été infestés. Aussi avais-Je proposé, dans ma Monographie, une autre interpré- tation. J’ai admis que les Gordèus, parasites des Poissons, pro- viennent de larves préalablement enkystées chez diverses espèces de Tipules, dont les larves vivent également dans l’eau; et je fondais mon raisonnement sur ce fait, que les Poissons sont, en général, très friands de ces Insectes. Mais on ne s'explique pas l’utihté d’un nouvel enkystement, si la migration du parasite doit déterminer sa métamorphose. En outre, comme celui-ci se développe souvent fort loin de l’in- testin, il faut admettre que le parasite, après être sorti de son deuxième kyste, effectue une nouvelle migration dans les tissus de son deuxième hôte. Tout cela offre bien des difficultés. Il y a, entre les Dragonneaux et les autres vers parasites, une différence importante et dont il faut tenir compte dans la question des migrations. Les Gordèus ne sont pas des parasites intestinaux, mais bien des parasites périviscéraux. Le parasi- tisme est pour eux une condition de développement, et non une condition normale d'existence. Les adultes vivent et se reproduisent dans l’eau. On ne voit pas dès lors ce qu’ils iraient faire dans ’intestin d’un autre animal; et l'hypothèse d’une migration passive devient peu probable. Pour toutes ces raisons, je pense que les deux phases du parasitisme des Gordius doivent s’accomplir dans un seul et 920 A. VILLOT. même hôte. Quant à la métamorphose, elle pourrait bien se irouver liée au développement du tissu -adipeux de l’hôte, Lorsque ce dernier est un Insecte, il n’y aurait rien d'étonnant ace que la nymphose jouàt un certain rôle dans ce phénomène. Je crois aussi que, parmi les innombrables larves qui s’en- kystent, bien peu parviennent à se développer. Beaucoup doi- vent périr dans leur kyste, faute de trouver les conditions né- cessaires à leur métamorphose. Et celte supposition suffirait pour expliquer la rareté relative des individus adultes. IV ÉTAT ADULTE. ' Les Dragonneaux, à l’état adulté, ne sont pas seulement caractérisés par l’existence des organes génitaux. Leurs dimen- sions se sont accrues dans une proportion qui ne laisse pas d’étonner l’observateur qui à vu l'embryon. Les téguments et les muscles ont pris un grand développement. Les centres nerveux se Sont perfectionnés ; et des organes des sens, très rudimentaires il est vrai, ont apparu. Les ous de la nutri- tion se sont atrophiés. Ces diverses particularités, qui sont toutes en rapport avec la vie bbre et la reproduction, donnent à la structure des Dra- gonneaux une physionomie assez étrange. Elles constituent un sujet d'étude fort difficile, mais bien attrayant et très instructif. Les discussions auxquelles elles ont donné lieu ne sont pas closes, tant S'en faut. Sur plusieurs points, cependant, la lumière commence à se faire; et c’est un résultat auquel J'espère contribuer encore par les nouveaux détails que Je vais donner. Téquments. — La structure intime des téguments, que lon croyait bien connue, a été décrite et figurée dé nouveau, en 4877, par le D' O. von Linstow (1). L'helminthologiste allemand y distingue quatre couches : (1) Helminthologica (Archiv für Naturgeschichte, 1877, p. 9-4, Taf. I: fig. 4). (a) ARTICLE N° 0. DÉVELOPPEMENT DES GORDIENS. 91 « a. Eine feine zart contourirte Cuticula ; b. Eine dicke, stark contourirte Gutischicht; e. Eine sehr mächtigte Gefleschicht; dieselbe besteht aus starken elastichen Ringfasern, die gefleschtartig von feinen, radiär nach der Lüngsaxe des Thieres verlaufenden ; die letzteren sind, um das Bild nicht zu verwirren, in der Zeichnung fortgelassen. d. Eine Bandschicht, bestehend aus platten, sich rechtwinkling kreuzenden Bandern, die beim Zerreissen faserige Rissflächen zeigen. » Cette division est arbitraire, et pourrait faire croire à des différences de structure qui n'existent nullement. Les couches b, e, d, sont les unes et les autres formées de fibres élas- tiques et constituent par leur ensemble un tout parfaitement homogène. ù La seule division que l’on puisse admettre dans les tégu- ments des Gordius est la suivante : une couche superficielle, anhiste, incolore, mesurant à peine 0"*,001; et une couche profonde, formée de fibres élastiques entre-croisées, plus ou moins fortement colorée, et ayant une épaisseur moyenne de 0,099 (fig, 4). | | Le trait fortement accusé que le D' O0. von Linstow attribue à sa couche 4 ne représenie en réalité que la ligne de sépara- tion des deux couches que je viens de décrire. La structure de la couche profonde a été très inexactement interprétée par ce naturaliste. Les fibres annulaires et les fibres radiaires dont il parie ne sont autre chose que des illusions d'optique. : Les fibres élastiques entre-croisées qui constituent la couche profonde forment une trentaine de plans superposés (Ring- fasern de Linstow). Les derniérs plans sont moins épais et leurs fibres plus serrées les unes contre les autres (PBandern de Linstow). De là, la couleur plus foncée de cette partie des tégu- ments. L’anneau brun que l’on remarque au-dessous de. la calotte transparente ainsi que les bandes longitudinales de même couleur sont dus à cette légère modification dans la structure, Les fibres élastiques étant obliquement entre-croi- sées sont toujours coupées en lravers, dans les coupes longi- tudinales, aussi bien que dans les coupes transversales. Exa- 92 A. VILLOT. minées dans le sens horizontal, elles offrent l’aspect d’une rangée de petits tubes juxtaposés. Ces mêmes fibres, considé- rées dans le sens vertical, donnent l’image d’une striation rayonnante (Æadidrfasern de Linstow). Ces stries rayonnantes sont parfaitement régulières et rappellent celles que. l’on ob- serve sur le test de certaines Diatomées; elles pourraient servir aussi de test-objets pour les grossissements de force moyenne, Les couches tégumentaires des Gordius correspondent à la cuticule des Nématoïdes, et n’en diffèrent pas à l’origine. Elles sont d’abord parfaitement anhistes et incolores. La différen- ciation ne devient sensible que lorsque les fibres se forment dans la couche profonde. Celles-ci ressemblent, au moment de leur apparition, à de simples traits ou à de fines stries ; mais, à mesure qu'elles grossissent, leur nature fibrillaire devient plus évidente, et elles finissent par mesurer en diamétre 0"",001. La couleur des téguments prend en même temps une teinte de plus en plus foncée. Système nerveux et organes des sens. — La recherche et la détermination des diverses parties d’un système nerveux sont toujours pour le zoologiste choses fort délicates. La fonction ne se décèle point à la vue; et l’expérimentation physiologique qui la mettrait en évidence est souvent impossible. Les élé- ments anatomiques qui constituent les organes sont quelque- fois si peu caractérisés, même chez les animaux supérieurs, que l’on ne sait encore si certaines cellules du corps humain sont de nature nerveuse, conjonctive ou épithéliale. La forme de l'organe peut aussi se dégrader et devenir méconnaissable. Si l’on a affaire à des types qui s’éloignent beaucoup de ceux que nous avons l’habitude de voir, les comparaisons ne peuvent être établies, et le secours de l’analogie fait défaut. Le guide le plus sûr, dans ces divers cas, nous est fourni par les connexions. I faut avoir égard, avant tout, à la position de l’organe, à ses rapports avec les autres appareils. On doit chercher ensuite les centres médullaires; et lorsqu'on les a trouvés, suivre leurs prolongements périphériques, en respec- tant les rapports de continuité des divers tissus. ARTICLE N° 9. DÉVELOPPEMENT DES -GORDIENS. DE L'étude du développement donne également d’utiles indi- cations. Des états transitoires peuvent fournir des points de comparaison que l’on chercherait vainement dans les formes définitives. A l’aide de cette méthode , Je Suis parvenu à déterminbr! dans leurs diverses parties, le système nerveux et les organes des sens des Dragonneaux; et je suis persuadé que les naturalistes qui ont encore des doutes à cet égard se convaincraient bien vite, s'ils voulaient suivre la même voie. Le structure que j'ai décrite (1), et sur laquelle ne VaIs reve- nr, n'a, quoi qu'on en ait dit, rien d’inadmissible. Elle s’ex- plique très naturellement par lorganogénie; et elle n’est pas sans analogie avec celle que l’on accepte pour d’autres ani- maux. | L’organe nd que ai découvert chez les Dragon- neaux ue et désigné sous lenom de ganglion cnhalique est difficile à préparer. On se rendra compte de la difficulté, si l’on se rappelle que les Gordius sont des vers filiformes, dont le diamètre mesure, tout au plus, à l’extrémité antérieure 0,001; que l'organe en question est situé à 0"%,190 de lex- trémité antérieure, et qu'il ne mesure, dans sa plus grande largeur, que 0,160. Si l’on veut avoir une idée nette de sa structure intime et de ses connexions, il faut de toute nécessité pratiquer des coupes longitudinales et transversales. Pour les coupes transversales, le rasoir doit passer exactement sûr une ligne située à 0%",120 de l’extrémité antérieure, et comprise entré 0°",120 et 0"%,184; car le ganglion céphalique n'a que D"",06% d'épaisseur. Pour les coupes longitudinales, il faut que la section intéresse à la fois le ganglion céphalique et le cordon ventral. L'orientation des coupes à donc une graude impor- tance et doit. être déterminée avec une rare précision. Le ganglion céphalique est recouvert par la cuticule et l’hy- poderme, et se trouve solidement enchâssé dans une masse de } (1) Monographie dés Drägonneaux Gone ch. de z6ol. geéner. et expér., t. U, p. 186-192, pl. VE bis, 1874). 24 A. VELLOT. | tissu conjonctif attenant au parenchyme. Sa forme est celle d’un ovoide, dont le grand axe serait disposé perpendiculaire- ment à l’axe longitudinal du ver. Les cellules qui le constituent sont multipolaires et mesurent ordinairement, dans leur plus grand diamètre, 0"%,040. Elles ont un contenu pâle, granu- leux, et un noyau très réfringent. 1e L’organe se présente, suivant l'orientation des coupes, sous des aspects bien différents. La figure 3 représente une coupe transversale, passant entre la cuticule etl’hypoderme. La calotte hypodermique à été enlevée par le rasoir sur une partie de sa surface et laisse à découvert le ganglion céphalique. Gelui-ci, vu par-dessus, à la forme d’un triangle dont le sommet serait tourné vers la région ventrale. Dans la figure 4, la calotte hypo- dermique a été entièrement enlevée pour montrer la structure intime du ganglion. Les figures 5, 6 et 7 se rapportent à des coupes longitudinales. La première est imféro-latérale; elle passe par la base du ganglion céphalique et montre ses rap- ports de continuité avec le’ cordon ventral. La seconde est médio-latérale; elle coupe le ganglion céphalique dans sa par- tie moyenne et sa plus grande largeur. La troisième est dorso- ventrale; c’est une vue de profil qu ganglion céphalique et du cordon ventral. | On ne peut considérer cette dernière figure sans être frappé dé l’étonnante ressemblance qui existe entre le cerveau des Dragonneaux et celui d’un animal vertébré, avec cette diffé- rence toutefois que laxe cérébro-spinal est dorsal chez le vertébré, ventral chez le Gordius. Ce n’est point évidemment ce que l’on trouve d'ordinaire chez les vers. Certains natura- listes en concluront aussitôt à une parenté des vers avec les vertébrés; d’autres mettront RUE, en doute la nature nerveuse de l’organe. Les plus sages demanderoni la clef de l’énigme à l'étude du développement. Celle-ci suffit, en effet, pour tout expliquer. Chez la larve du Gordius, nous trouvons à cette même place un véritable anneau qui livre passage à l’œsophage, et qui est l’homologue de celui qu’on observe chez tous les Nématoïdes ARTICLE N° 3 DÉVELOPPEMENT DES GORDIENS. 25 (fig. 2). La différence de situation résulte de ce fait, que les larves de Dragonneatüx ont un œsophage très court, et les Nématoïdes un œsophage très long. La transformation du collier œsophagien en un ganglion cérébroïde est, chez les Dragonneaux adultes, la conséquence nécessaire de la dispari- tion de l’œæsophage. Les individus que Meissner (1) a décrits et figurés représentent précisément cette phase de transition. L'œsophage est en voie de dégénérescence, et l’anneau qui Pentourait a pris aspect d’une capsule; et c’est là sans doute ce qui a amené Schneider (2) à voir dans cet organe l’analogue d’un bulbe œæsophagien. Le cordon ventral, qui fait suite au ganglion céphalique, appartient, ainsi que l'indique son nom, à la face inférieure et s’étend dans toute la longueur du corps. Il est situé sur la ligne médiane, en dedans de la couche musculaire, et se trouve pro- tégé par une gaine de nature conjonctive empruntée au paren- chyme (fig. 5 et 7). I se renfle légèrement au devant de l’ori- fice ano-génital, pour former le ganglion caudal; puis il se divise en deux branches, qui, chez les mâles, viennent se ter- miner dans les lobes de la queue (fig. 8 et16). La structure intime du cordon-ventral se trouve représentée sous ses deux aspects dans la figure 9. On y distingue des fibres et des cellules très régulièrement disposées. Les cellules sont multipolaires, eten toutsemblables à celles du ganglion cépha- lique. Ces fibres sont granuléuses, et forment par leur en- semble une matière pulpeuse, ayant tout à fait l'apparence de celle qui constitue les troncs nerveux des Arthropodes, dés Annélides et des Plathelminthes. Les trois gros faisceaux de fibres longitudinales sont en relation avec les cellules du gan- glion céphalique. Les fibres transversales sont formées par les prolongements des cellules du cordon. Cette structure, que j’aile premier signalée, met en évidence l'unité anatomique de l'organe. Le « Bauchstrang » et le (1) Beiträge zur Anatomie und Physiologie der Gordiacéen (Zeitsch. für wissensch. Zool., Bd VI, p. 93, Taf. IV, fig. 8-11). (2) Monographie dèr Nematoden, p. 230-231, 26 : A. VILLOT. « Nervenstrang » de Meissner (1) ne représentent en réalité qu'un seul ét même cordon. C’est là un fait de morphologie pure complètement démontré et indépendant de toute inter- prétation physiologique. | Le cordon ventral des Gordiens correspond à l’organe qui porte le même nom chez les Nématoïdes, et sa nature ner- veuse, dans un cas comme dans l’autre, ne peut plus être mise en doute. Bütschli (2), faisant allusion à la manière de voir de Leuckart et de Schneider, dit avec beaucoup de raison : « Wenn man jedoch den Ursprung dieser Stränge aus der Ner- venring auf Querschnitten verfolgt und ferner die Einschaltung von Ganglienzellen in dieselben beobachtet, so dürfte wohl kein Zweifel an ihrer nervosen Natur übrig bleiben. » Mais il existe entre le système nerveux des Gordiens et celui des Nématoïdes une différence importante, sur laquelle je crois devoir insister. Le collier œæsophagien des Nématoïdes fournit six nerfs antérieurs (deux latéraux et quatre submédians) et deux nerfs postérieurs (un dorsal et un ventral). Chez les Pragonneaux, le ganglion céphalique se trouve en contact avec la calotte hypodermique, et il n'existe ni champs latéraux, ni lignes submédianes, mi ligne dorsale. Il en résuite que ces der- niers ne peuvent avoir qu'un cordon postérieur. La réunion des centres médullaires en un seul cordon, situé dans la région ventrale, indique chez les Gordiens un degré supérieur d'organisation, elle justifie pleinement la création d’un ordre spécial pour le genre Gordius. Ge caractère impor- tant rapproche les Dragonneaux des Siponcles, et établit de Ja sorte un passage bien marqué de la classe des Helminthes à celle des Géphyriens. | (1) Beilräge zur Anatonue und Physiologie der Gordiaceen (Zeitschr. für wissensch. Zool. Bd ‘VIE, p. 9%, Taf, IV, fig. 7 et 20). (@) Beiträge zur Kenniniss des Nervensystems der Nematoden (Archio für mikroskopische Analomie, 1814, p. 88). ARTICLE N° 9. DÉVELOPPEMENT DES GORDIENS. 27 Après les travaux de Meissner, après ceux &e Grenacher, après les siens propres, Schneider (1) s’exprimait ainsi : « Über den Bauchstrang von Gordius, welcher von mir für den Œsophagus, von Grenacher für die ventrale Medianlinie erklärt wird, weiss ich nichts Neues sagen. Grenacher hat meines Erach- tens keine neuen Thatsachen darüber gefunden, es steht sich An- sicht gescen Ansichi und die weitere Entwickelung der Wissens- chaft mag darüber entscheiden. » Ces faits nouveaux que réclamait Schneider, je crois les avoir fournis en 1874. J'ai démontré, en effet, dans ma Mono- oraphie, qu'il existe des rapports de continuité entre le cordon ventral et l’hypoderme. La figure 9 me parait, à cet égard, aussi significative que possible. On voit très nettement que les fibres du plexus ventral ne sont autre chose que les prolon- gements d’une parte des cellules du cordon ventral, et que ces prolongements se continuent dans l’hypoderme. On observe les mêmes relations entre l’hypoderme et le ganglion céphalique (fig. # et 6). Les fibres rayonnantes qui forment la calotte hypodermique partent manifestement des cellules ganglion- naires. C’est encore là un fait dont il faut tenir compte, quelle que soit l’mterprétation physiologique qu'on lui donne. Mais, si l’on admet la nature nerveuse du cordon veatral, il est logique de considérer ces prolongements comme de véritables nerfs. Nous arrivons ainsi à l’hypoderme, dont ia structure intime est encore aujourd hui très controversée. Si l’on s’en tenait aux descriptions et aux figures données par Bücschli (2) et par le D'O. von Linstow (3), on pourrait croire que l’hypoderme des Gordius est entièrement formé de grandes et belles cellules épithéliales, à contours bien définis. (1) Noch ein Wort über die Muskeln der Nematoden (Zeitsch. für wissensch. Zool., 1869, p. 284-287). (2) Giebt es Holomyarier? (Zeitsch. für wissensch. Zool., 1873, p. 405, Taf. XXI, fig. 1). (3) Helminthologica (Arch. für Naturg., 1877, p. 3-4, Taf. I, fig. 5). ANN. £&C. NAT., ZOOL., JUIN. 1881. XI. 45. — ART. N. 3. 28 A. VILLOT. Mais il suffit de jetèr un coup d'œil sur une coüpe longitudi- nale où transversalé, pour se convaincre que les figures des- sinées par ces deux naturalistes sont beaucoup trop schéma- tiques. Ce que l’on voit dans la nature est loin d’avoir la même netteté. Les proportions indiquées sur les deux figures ne cor- respondent point à la réalité; et il est impossible, avec lé des- sin de Bütschli, de sé rendre compte des rapports de l’hypo- derme avec le cordon ventral. Que les Dragonneaux aient, à un certain moment de leur existence, un hypoderme entièrement cellulaire, cela n’est pas douteux, puisque tous les tissus des animaux ne sont primiti- vement représentés que par des cellules embryonnaires. La question est seulement de savoir si leur hypoderme ne dépasse point cet état. | Or, je puis affirmer que la structure de l'hypoderme des ini bien adultes est beaucoup plus complexe qu’on né l’a figurée jusqu'ici. On y distingue, comme dans le cordon ventral, dont il n’est que le Rooasenart périphérique, un véritable réseau de fibres et de cellules. Les images que donne le microscope varient naturellement suivant les conditions de l’observation; et ces images doivent être rationnellement interprétées. Vu par sa face externe, l’hy- poderme des Gordius présente, quand la surface est au foyer du microscope, des cellules ramifiées en réseau. Au centre de chaque cellule, on voit un petit cercle foncé. Tous les inter- stices du réseau paraissent remplis de granulations brillantes (fig. 10). Mais si l’on examine l’hypoderme sur une coupe lon- gitudinale ou transversale, on s’aperçoit bien vite que le réseau cellulaire n’est autre chose que la contmuation des fibres du plexus ventral; que le petit cercle foncé qui occupe le centre des cellules ne représente en réalité que la section d’un pro- longement fibrillaire de la cellule, et que les granulations brillantes ne sont aussi que des sections de fibrilles, qui vien- nent s’insérer sur les anastomoses des cellules (fig. 11). Cette structure fibrillaire est particulièrement évidente dans la région céphalique, en raison de la longueur des fibrilles(fig.6). ARTICLE N° 9. DÉVELOPPEMENT DES GORDIENS. 29 On se rend compte ainsi de l'erreur éommise par les pre- miérs observateurs. Les véritables cellules correspondent aux noyaux des soi-disant cellules épithéliales. Quant aux limites de ces soi-disant cellules épithéliales, elles ont dû être arbi- trairement choisiés parmi les innombrables fibrillés qui sillon- nent touté l'épaisseur dé l’hypodérme. Ce réseau hypodermiqué sé trouvañt en relation intime avec le système nerveux, je n'hésite pas à lui attribuer les mêmes fonctions. Le D'O. von Linstow (1) n'admet point cette interprétation. Voici comment il s’éxprime sur ce point : « Die Zellschicht, welche zwischen Gutis und Muskel liegt und sich an der Bauchseite zu einem Längswulste erhebt, für das Ner- vensystem zu erklären, halte ich für sehr gewagt; ein Nerven- system, das cylinderfürmig unter der Haut sich von Anfang bis zu Ende durch das ganze Thier erstreckt, enthehr't aller Analogie, und ist die Bedeutung dieser Schicht als Nervensystem durch das Vor- kommen von unter sich durch Ausläufer in Verbindung stehenñden Zellen durchaus nicht bewiesen. » Ne sait-on pas cependant que le système nerveux de tous les animaux, y compris l’homme, n’est représénté à son origine que par le feuillet ectodermique, qui constitue les téguments de l’embryon? Les centres nerveux sortent ensuite de cette couche tégumentaire par voie de différenciation et pénètrent . peu à peu dans l’intérieur du corps. La distance entre le sys- tème nerveux périphérique et le système nerveux central s’ac- croit ainsi de plus en plus ; mais ces deux parties intégrantes dé l’appareil n’en restent pas moins toujours unies par de nom- breux filets de communication. | Or, est-il étonnant que certains animaux nous offrent à l’état permanent ces diverses phases transitoires du développe- ment des organismes supérieurs ? Le système nerveux des Dragonneaux s’arrête précisément à cette phase du développement qui correspond à la différencia- (1) Compendium der Helminthologié, p. 335, 30 A. VILLOT. tion des centres médullaires. Bien qu’il soit encore intimement uni à l’hypoderme, leur cordon ventral a déjà franchi la zone musculaire et pénètré dans la région moyenne du corps. C'est encore la même phase organogénique que nous trouvons chez les Nématoïdes adultes; mais la différenciation des centres nerveux parait 1c1 moins avancée. Elle l’est encore moins chez les Polygordiens. Ces vers, si intéressants à tous égards, ontun cordon ventral de forme très aplatie, situé sur la couche mus- culaire et en contact immédiat avec l’hypoderme. Des coupes transversales, exécutées sur le Polygordius Villoti et colorées par le carmin, permettent d'affirmer que l’hypoderme de ce ver n’est nullement composé de cellules polyédriques, ainsi que le croit M. Edmond Perrier (1). L'hypoderme des Polygor- diens est formé, comme celui des Dragonneaux, d’un réseau de fibres et de cellules anastomosées ; et 1l est facile de voir que, ici aussi, les éléments constitutifs de l’hypoderme sont en rapport de continuité avec ceux du cordon ventral. Les nerfs périphériques qui émanent du réseau ganglionnaire sont répartis chez les Gordiens d’une manière très régulière. Ceux qui sont dirigés vers l’intérieur du corps aboutissent à la couche musculaire et forment les plaques motrices. Geux qui sont dirigés vers l'extérieur pénètrent dans la cuticule et con- stituent les terminaisons nerveuses des téguments (fig. 11). Le toucher et la vue sont les seuls sens que nous reconnais- sons aux Dragonneaux, et les organes qui les représentent semblent réduits à leur plus simple expression. Je persiste à considérer les innombrables papilles dissémi- nées sur toute la surface du corps de ces vers comme de véri- tables organes du tact. Ces papilles ne sont autre chose que des prolongements de la couche superficielle des téguments. À leur base vient aboutir un filet nerveux, qui part de l’une des cel- lules ganglionnaires du réseau périphérique et traverse toute l'épaisseur de la couche profonde des téguments. Ces forma- (1) Sur un nouveau type intermédiaire du sous-embranchement des vers Polygordius ? Schneider), in Comptes rendus de l’Académie des sciences, séance du 26 avril 1875. ARTICLE N° 3. DÉVELOPPEMENT DES GORDIENS. 31 tions, qui existent chez la plupart des vers, ont été vues par tous les auteurs et désignées sous le nom beaucoup trop vague de « Porencanäle ». On semble, en effet, avoir confondu deux choses bien distinctes : l'enveloppe fourmie par le corps perforé avec le corps perforant. Il ne suffit pas de dire qu’il existe des pores dans la cuticule; 1l s’agit de déterminer la nature des corps que contiennent ces pores. Ces corps peuvent être des filets nerveux dans un cas, des conduits glandulaires dans un autre; et l’on comprend quel inconvénient il y aurait à désigner les uns et les autres sous ce même nom de « Poren- canäle ». Les naturalistes qui n’admettent de dégradation n1 pour les organes, ni pour les fonctions, ne sauraient attribuer aux Dra- gonneaux un appareil de vision. Il n'existe, en effet, chez ces animaux rien de comparable à l'œil ou aux yeux d’un orga- nisme supérieur. Mais l'observateur qui à étudié ces vers à l’état de vie, qui les a vus se mouvoir sous l'influence de la lumière, fuir celle-ci ou la rechercher, ne peut s'empêcher de croire qu’il y a là aussi un organe quelconque destiné à rece- voir les impressions lumineuses. Que faut-il pour constituer un appareil de ce genre? Il faut : 1° une surface tégumentaire assez transparente pour livrer passage aux rayons lumineux ; 2° des éléments nerveux, entourés de pigment, pour recevoir les impressions. Toutes ces conditions me semblent réunies à l'extrémité antérieure du corps des Gordius (fig. 6). La partie des téguments qui constitue la calotte céphalique présente un amincissement notable, et a toute la transparence nécessaire - pour jouer le rèle d’une cornée. Au-dessous, se trouve un ren- flement très marqué du réseau ganglionnaire et de nombreuses fibrilles rayonnantes, que l’on peut comparer jusqu’à un cer- tain point aux bâtonnets d’une rétine. Tout autour, un anneau coloré en brun foncé, qui représente le pigment et sert sans doute à absorber les rayons inutiles. Je ne vois pas quelles raisons On pourrait faire valoir pour refuser à ces parties une fonction qui leur convient si bien. Le système nerveux des Gordiens jouit de propriétés absor- 39 A. VILLOT. bantes très remarquables, qui peuvent, dans certaimes condi- tions, lui donner l'apparence d’un véritable appareil vasculaire. L'eau y pénètre avec la plus grande facilité et y cause de singulières altérations, pour peu que l'animal perde de sa vitalité. Lorsque l’accouplement à eu lieu et que les organes génitaux se sont vidés, les téguments se gonflent beaucoup. Les fibres élastiques qui composent la couche profonde s’écartent les unes des autres et ne forment plus qu’un réseau très lâche. Aussitôt, les cellules du réseau hypodermique se dilatent et deviennent piriformes ; leurs prolongements extérieurs se dis- tendent et donnent aux « Porencanäle » un diamètre anormal; l’épiderme des papilles se gonfle aussi et se prolonge à l’exté- rieur sous forme de tubes ou de longs filaments. Ces altérations, dont l'existence a pu être constatée par tous les observateurs, ont donné lieu à de nombreuses méprises. Mübius et Grenacher les ont décrites comme parties normales et intégrantes de l’animal. Von Siebold, au contraire, les con- sidère comme des algues parasites; et e’est cette manière de voir que j'avais adoptée dans ma Monographie. La régularité et la localisation de ces formations me firent douter ensuite de leur nature parasitique. Je viens de reconnaitre par une étude plus détaillée du tissu hypodermique ce qu’elles sont en réa- lité : des fibres et des cellules nerveuses profondément altérées par l’action de l’eau. Système musculaire. — La disposition du système museu- laire des Gordius est facile à étudier et se trouve bien décrite dans les auteurs; mais on ne saurait en dire autant de sa strue- ture intime. La comparaison de cette structure avec celle que l’on observe chez les Nématoïdes, son mode de développement et sa signification histologique constituent autant de questions intéressantes, qui ont été discutées dans ces derniers temps et que nous avons à examiner (1). (1) Voyez à ce sujet : H. Grenacher, Ueber die Muskelelemente von Gordius (Zeilch. für wissensch. Zool., 1869, p. 287-288, Taf. XIV, fig. 4. — A. Schnei- ARTICLE N°3. DÉVELOPPEMENT DES GORDIENS. 33 Les éléments musculaires des Nématoïdes, des Gordiens et des Polygordiens dérivent de la cellule embryonnaire par une série de modifications très simples. Le myoblaste passe, par élongation et compression latérale, de la forme sphérique à l’état rubanaire. L’enveloppe de la cellule constitue le myo- lemme et son contenu (protoplasma et noyau confondus) se transforme en substance contractile. Celle-ci se condense contre la paroi cellulaire et se divise ensuite en fibrilles longi- tudinales, parallèles au grand axe de la fibre. Mais cette évolution n’atteint pas dans tous les types le même degré de perfection. Chez les Nématoïdes, la transformation de la cellule em- bryonnaire en fibre museulaire reste toujours incomplète. L’élongation et l’aplatissement latéral n’affectent ordinaire- ment que la portion de la cellule qui est tournée vers l’hypo- derme. La face interne reste sphérique et plus ou moins engagée dans le parenchyme. La substance contractile s’'accumule sur le bord externe, laissant derrière elle un espace vide. Le contenu de la cellule ne passe pas entièrement à l’état de sub- stance contractile; de sorte que l’on trouve toujours derrière celle-ci un petit amas de protoplasme. Ce résidu protoplas- mique se prolonge dans la partie transformée en substance contractile et occupe le centre de la fibre musculaire. Bien que les fibres soient en contact immédiat les unes avec les autres, leurs limites sont toujours faciles à reconnaître. Sur une coupe transversale, les parois accolées des prolongements vésiculaires forment une sorte de réseau à larges mailles, qui a été décrit par les auteurs allemands sous le nom de « Quer- fovisätze der Marksubstanz ». Ge sont des parties non trans- formées, encore à l’état embryonnaire, qui dépendent du pa- renchyme. Ces prolongements n’ont aussi, quoi qu’en aient dit Schneider et Leuckart, aucun rapport avec les cordons nerveux. der, Noch ein Wort über die Muskeln der Nematoden (Zeitch. für wissensch. Zool., 1869, p. 284-287). — 0. Bütschüi, Giebt es Holomyarier ? (Zeitschr. für wissensch. Zool., Bd XXIII, p. 402-408). 34 A. VILLOT. Chez les Gordiens, la transformation de la cellule embryon- naire en fibre musculaire est beaucoup plus complète, comme on va le voir. Le mode de formation des fibres musculaires des Dragon- neaux peut être étudié non seulement sur les larves, mais même encore sur les individus adultes. Le cylindre muscu- laire ne se développe pas également dans toutes ses parties. À ses deux extrémités et sur les bords du sillon ventral, les éléments qui le constituent sont en quelque sorte frappés d’un arrêt de développement et restent pendant toute la vie de l'animal dans un état intermédiaire entre la cellule embryon- naire et la fibre parfaite. Des coupes transversales, pratiquées au niveau du eloaque d’un Gordius aquaticus, sont des plus instructives à cet égard (fig. 19, 13 et 14). On observe sur de telles coupes, dans la zone musculaire, deux sortes d'éléments : 4° des cellules em- bryonnaires qui n’ont subi aucune modification ; 2° des fibres musculaires en voie de formation (fig. 21). Le diamètre de ces fibres est bien inférieur à celu des cellules, et semble indiquer que ces dernières avant de se transformer sont soumises à un processus de prolifération. On distingue dans chaque fibre une enveloppe et un contenu granuleux. Certaines fibres ont encore l'aspect d’une cellule : leur coupe est ovoïde; leur intérieur se trouve oceupé par un protoplasme hyalin et un noyau granuleux absolument semblables à ceux qu’on observe dans la cellule embryonnaire. D’autres fibres ont déjà pris leur ‘aspect rubanaire; et tout leur intérieur est rempli par une matière pulpeuse, résultant de la fusion du noyau avec le pro- toplasme. Les limites des cellules sont encore parfaitement distinctes, et il est facile de voir qu’elles sont totalement dépourvues de prolongements vésiculaires. La métamorphose affecte, dès le principe, la totalité de la cellule embryonnaire et s'effectue en même temps sur tous les points. Si nous examinons maintenant ces mêmes fibres parvenues au terme de leur développement, nous constatons de notables changements (fig. 22). L'épaisseur du muscle s’est accrue ARTICLE N° 9, DÉVELOPPEMENT DES GORDIENS. 39 dans la proportion de 0"*,010 à 0"",120. Les enveloppes par- ticulières des cellules, en se soudant les unes aux autres, forment maintenant une enveloppe commune, parfaitement anhiste et de nature conjonctive. Les fibres musculaires, soli- dement enchâssées dans cette sorte de perimysium (1), ne sont plus représentées que par la substance contractile. Celle-ci se divise en deux parties : l’une périphérique, formée de fibrilles ; l’autre centrale, qui reste à l’état de protoplasme. Ce résidu protoplasmique, qui forme une lame fort mince en général, s’épaissit un peu dans la région postérieure, qui est tournée vers le parenchyme. Cette partie, moins aplatie que le reste de la fibre, présente un renflement bien marqué. Toutes les fibres n’ont pas la même épaisseur. Beaucoup se terminent en coin, dans la masse même du muscle. Cette disposition et l’adhé- rence des fibres les unes aux autres peuvent faire croire à des anastomoses qui n'existent point en réalité. Pour dissocier les fibres, il faut détruire le périmysium; et ce résultat peut être obtenu soit par lacération, avec les aiguilles à dissection, soit par l'emploi d’un réactif approprié, tel que la potasse caus- tique. Le muscle cylindrique du Polygordius Villoti offre la même structure que celui des Gordiens, avec un degré de différencia- tion en plus. L’épaisseur de la couche musculaire atteint ier 0*",140. Les fibres, encore plus aplaties, n’ont que 0"",002 de large ; et les fibrilles, beaucoup plus fines, sont à peine visibles, même avec de forts grossissernents. Il n’existe certainement, chez cette espèce, aucune fibre annulaire, aucun muscle transverse; et je ne sus ce que M. Edmond Perrier (2) a pu décrire sous ce nom. Schneider a comparé les paquets musculaires des Néma- toides et des Gordiens aux fibres striées des animaux supé- rieurs. Méconnaissant les véritables fibrilles qui constituent les (1) Meissner désigne très improprement sous ce nom la couche hypoder- mique. (2) Sur un nouveau type intermédiaire du sous-embranchement des Vers (Comptes rendus de l’'Acad. des sc., séance du 26 avril 1875). 36 A. VILLOT. fibres des Nématoides et des Gordiens, 1l donne ce nom de «fibrilles » aux fibres. I prétend que chaque paquet de fibres de ces vers correspond à l’une des colonnes musculaires (Saülchen) de la fibre. striée; et il assimile leur périmysium externe à la substance interstitielle des champs de Cohn- heim. Cette manière de voir ne saurait être acceptée, La structure et le développement mdiquent jusqu’à l'évidence que les fi- brilles et les fibres des Némathelminthes correspondent res- pectivement aux fibrilles ét aux fibres des animaux supérieurs, et que ces dernières, chez les uns comme chez les autres, représentent en LE autant de cellules embryonnaires. Les paquets de fibres des Nématoïdes et des Gordiens sont les analogues des faisceaux secondaires des Vertébrés; et le périmysium joue € dans les divers cas absolument le même rôle. Appareil digeshif. — VL'atrophie de l'appareil digestif des Dragonneaux adultes est un fait que tous les naturalistes admettent aujourd’hui; mais la démonstration de ce fait est restée très incomplète jusqu'ici. Aussi bien, n'est-il pas sans intérêL de revenir sur les diverses phases de cette MÉHRMOEs phose régressive. La rétrogradation affecte d’abord l'œsonhage, Get organe tombe en dégénér escence, se réduit en globules graisseux, et ne tarde pas à être remplacé par le ganglion céphalique. Puis vient le tour de la cavité buccale. Celle-ci, après avoir été séparée de l’œsophage, se présente sous la forme d’une vési- cule, logée dans l’hypoderme, et se termine par un étroit goulot dans la cuticule. Ce goulot se rétrécit de plus en plus dans sa partie moyenne, et ses deux orifices s’oblitèrent. La vésicule hypodermique et le goulot cuticulaire disparaissent, et les deux orifices de ce dernier ne sont plus représentés que par deux taches brunes, qui s’effacent elles-mêmes au bout de peu de temps. | Ces états transitoires ont été partiellement décrits et figurés ARTICLE N° 3. DÉVELOPPEMENT DES GORDIENS. 37 par Charvet (1), Berthold (2), Dujardin (3), Meissner (4), Gre- nacher (3) et moi-même (6). Que devient l'intestin ? Meissner n’a Su reconnaitre, chez les individus qu'il a dé- crits, aucune trace d’intestin ou de cavité digestive. Aussi admet-il que l’œsophage se continue directement avec le parenchyme, et que ce dernier joue par conséquent le rôle d’un tube digestif. Schneider (7) suppose que le tube décrit par Meissner sous le nom d'organe sécréteur (secretionsorgan) représente le véri- table tube digestif. Il fait remarquer que la structure histolo- gique de ce canal a la plus grande analogie avec celle d’un intestin. Il met en doute l’existence des deux ouvertures exté- rieures que Meissner attribue à ce soi-disant organe sécréteur ; et il déclare que, abstraction faite de l’orifice ano-génital, il n'a pu découvrir, ni vers la tête, n1 vers la queue, aucune espèce d’orifice. La détermination de Schneider, en ce qui concerne l'intestin des Gordius adultes, était parfaitement exacte; mais on se demande comment il pouvait la concilier avee le rôle qu’il faisait jouer au cordon ventral. Un œsophage et un intestin, superposés l’un à l’autre, et ne communiquant point entre eux, ne s’observent pas communément; et il est assez difficile de comprendre comment les diverses parties (1) Observations sur deux espèces du genre Dragonneau qui habitent dans quelques eaux courantes aux environs de Grenoble (Nouv. Ann. du Muséum, t. II, p. 40-41). (2) Ueber den Bau des Wasserkalbes (Abhand. der k. Gesellsch. der Wis- sensch. zu Gottingen, Bd I, p. 13). (3) Mémoire sur la structure anatomique des Gordius et d’un autre Helminthe, le Mermis, qu'on a confondu avec eux (Ann. des sc. nat., Zool., t. XVI, PA): (4) Beiträge zur Anatomie und Physiologie der Gordiaceen (Zeitsch. “ür wissensch. Zool., 1856, p. 78, Taf. IV, fig. 8 et 11). (5) Zur Anatomie der Gattung Gordius (Zeitsch. für wissensch. Zool., Bd XVIIE, p.337, Taf. XXIV, fig. 20-21). (6) Monographie des Dragonneaux (Arch. de zool. expér. et génér., t. UI, p. 223, pl. IX, fig. 72). | | (7) Monographie der Nematoden, p. 194-195 et 197. 38 A. VILLOT. d’un tel appareil peuvent remplir leurs fonctions. Aussi le savant auteur de la Monographie der Nematoden fut-1l très embarrassé quand vint le moment d’expliquer la coupe trans- versale qu'il donne dans sa planche XVI, figure 10. Voici comment il tourne la difficulté : « Zunächst über der Bau- chlinie liegt der œsophagus (Ghorda), darüber der Darm. » Cette expression de « Ghorda », qu'il emploie ici comme sy- nonyme de « œsophagus », indique assez quels doutes durent alors surgir dans son esprit. Pour démontrer que le soi-disant « organe sécréteur » de Meissner est bien le véritable intestin, 1l fallait préparer ses deux extrémités et établir ses rapports soit avec l’orifice buccal, soit avec l’orifice ano-génital. Grenacher put constater sur son Gordius ornatus et sur des espèces indigènes, à l’aide de coupes transversales, que, chez les femelles aussi bien que chez les mâles, l’intestin débouche à son extrémité postérieure dans un véritable cloaque. Gelui-ci n’est autre chose que la portion terminale de l’intestin de la larve, qui se modifie en vue des fonctions de reproduction. Quant à l’anus, il reste ce qu'il a toujours été et livre passage aux produits de la génération (1). L'étude de formes plus jeunes (embryons et larves) me permit, en 1872, de montrer les rapports de l'intestin avec l'orifice buccal et de décrire dans son ensemble lappareil di- gestif des Gordiens (2). Tous ces points étant aujourd’hui suffisamment éclaircis, je me suis particulièrement attaché, dans mes dernières obser- vations, à rechercher chez les individus adultes l’extrémité antérieure de lintestin. Il importe, en effet, de savoir à quel niveau s'arrête la rétrogadation de l'appareil digestif et quels sont les rapports de l’intestin avec le parenchyme. (1) L'absence de l’anus est quelquefois indiquée comme lun des traits carac- téristiqués du genre Gordius. C’est là une assertion complètement inexacte. On ne peut pas plus contester l’existence de l’anus chez les Dragonneaux que chez les autres animaux qui ont un cloaque. (2) Monographie des Dragonneaux (Arch. de zool. expér. et génér., t. UE, p. 207-208, fig. 49 et 71). ARTICLE N° à. DÉVELOPPEMENT DES GORDIENS. 39 On peut se convaincre, au moyen de coupes transversales ou longitudinales convenablement dirigées, qu'il n'existe aucun rapport de continuité entre le tube digestif et le paren- chyme. L’intestim se rétrécit dans sa portion antérieure, par résorption de sa paroi, et se termine au-dessous du ganglion céphalique par un cæcum effilé. Son extrémité est entourée par un cercle brun jaunâtre, analogue à celui que l’on observe, chez les larves, sur la cicatrice de l’orifice buccal. Le rétrécis- sement progressif de l'intestin résulte à la fois de la dégéné- rescence de ses tissus et d’une sorte d’étranglement octasionné par le parenchyme. Les cellules embryonnaires qui constituent ce dernier passent à l’état de fibres conjonetives et se disposent sous forme d’anneau autour de l’intestin. Cet anneau, en se développant, comprime le tube digestif et tend à restreindre de plus en plus son diamètre. Il est à remarquer que l’intestin occupe exactement, à son extrémité antérieure, la partie cen- trale du parenchyme; mais le développement des organes génitaux l’oblige, sur le reste de son parcours, à s’infléchir vers la région ventrale; et il finit par s’accoler au cordon ner- veux (fig. 7). L’atrophie de l'appareil digestif des Dragonneaux s'explique tout naturellement par ce fait, que l’animal, parvenu au terme de son existence, n’a plus besoin de prendre aucune nourriture. Elle trouve aussi sa raison d’être dans une adaptation nécessaire à la vie libre, par le développement du système nerveux et des organes des sens. Le cerveau occupe la place abandonnée par l’æsophage ; et la ealotte céphalique se transforme en un ap- pareil de vision par suite de La disparition de la cavité buccale. Organes de la génération. — Les organes génitaux des Dragonneaux sont construits sur un seul et même type, qui est fort simple. Nous trouvons chez les mâles deux testicules et deux canaux déférents; chez les femelles, deux ovaires et deux oviductes. Dans l’un et l’autre sexe, 1l existe un cloaque et un orifice ano-génital, situé à l’extrémité postérieure du COrps. L'existence d’un eloaque chez les femelles, de deux canaux 40 A. VILLOT. déférents chez les mâles, ainsi que l'absence de spicules chez ces derniers, sont autant de traits caractéristiques qui séparénñt les Gordiens des Nématoides. Toutes ces parties ayant été décrites dans ma Monogra- phie (4), jé mé contenterai de donner ici quelqués fous complémentaires. La figure 16 représente une coupe optique passant par le cloaque d’un jeune Gordius Tolosanus. Gettée coupé met en évidence les rapports du cloaque avec les musclés et les tégu- ments. On voit très nettement que la cuticule, l’hypoderme et le muscle cylindrique sont en quelque sorte refoulés dans l’in- térieur du corps pour former l’armature du cloaque. Les figures 12, 13, 14 et 15 sont consacrées à l’appareil génital femelle. Elles représentent une série de coupes trans- versales, étagées, pour montrer les diverses parties du cloaque que Grenacher à désignées respectivement sous les noms dé réceptacle séminal, d'utérus et de cloique proprement dit. Ges divisions de l’organe ne corréspondent ni à des différencés dé structure, ni à des différences de fonctions. Elles ne sont ca- ractérisées que par les orifices des canaux qui viennent y aboutir. Le réceptale séminal reçoit les oviductés. L’utérus ést en rapport avec l'intestin: le cloaqué proprément dit avec l’orifice ano-génital. Toutes ces parties sont constituéés par les mêmes éléments anatomiques. On y distingue deux couches : l’uné externe, dé nature conjonétive ; l’autre interne, entière= ment formée de cellules épithéliales (fig. 19 et 20). Ces deux couches en se repliant à l’intérieur du cloaque forment de nombreuses lames mésentériques, disposées en rayons. Cette structure donne une plus grande surface à l'organe et contribue sans doute à l’abondante sécrétion qui est nécessairé pour former les enveloppes de l'œuf. Parenchyme. — X est difficile, en lisant les auteurs, de se faire une idée nette du parenchyme des Gordius. On l’a décrit, en effet, sous les noms les plus divers (tissu musculaire, tissu (1) Monographie des Dragonneaux (Archiv. de zool. expér. et génér.;t. WI, p. 195-197, pl. VI, fig. 20-25). ARTICLE N° 9. DÉVELOPPEMENT DES GORDIENS. 41 cartilagineux, tissu conjonctif, tissu aréolaire ou cellulaire). Toutes ces interprétations, qui semblent au premier abord peu compatibles les unes avec Îles autres, se concilient très bien quand on détermine avec soin les conditions de chaque obser- vation. Pour comprendre la structure intime du parenchyme, il faut l’envisager à tous les degrés de développement ét tenir compte des modifications qu'il subit dans les diverses régions du corps. | Ainsi que je l'ai établi dans ma Monographie (1), tous les éléments du parenchyme dérivent des cellules embryonnaires qui occupent là portion centrale du germe. Ges cellules, qui sont fort petites et peu nombréuses chez l'embryon, prolifèrent beaucoup chez la larve et y prennent un rapide accroissement. Leur paroi s’épaissit; leur contenu se charge d'éléments grais- seux, qui augmentent sa réfrmgence; et leur noyau passe à l’état granuleux. En se multipliant, ces cellules se pressent les unes contre les autres et finissent par occuper toute la cavité du corps de la larve. # Là plus grande partie de ce tissu embryonnaire (Ze/{lkorper de Meissner) passe chez les individus adultes à l’état d’ovules ou de spermatozoïdes. Quant aux cellules embryonnaires qui ne sont pas employées à ce travail embryogénique, elles n’ont pas toutes la même destinée : les unes restent à l’état embryonnaire pendant toute la vie de l'animal; les autres se transforment soit en tissu cartilagineux, soit en tissu conjoncüif, pour protéger les divers organes et les produits de la génération. Toutes les phases de cette transformation peuvent être étu- diées à l’aide de coupes transversales dans la portion du pa- renchyme qui entoure le eloaque des individus femelles (fig. 1%, 413 et 14). La figure 17 montre, sous un fort grossissement, toutes les transitions qui relient le tissu embryonnaire au tissu cartilagineux, et le tissu cartilagimeux au tissu conjonctif. On (1) Monographie des Dragonneaux (Archiv. de zool. expér. el génér., t. HI, p. 21-22). 149 A. VILLOT. distingue, en effet, en allant de bas en haut, quatre zones bien caractérisées. La plus inférieure est entièrement composée de cellules embryonnaires non modifiées, mais déjà en voie de prolifération. La seconde zone est formée de cellules avant toutes les propriétés de la cellule cartilagineuse (fig. 18). La troisième zone est une zone de transition, qui montre le pas- sage de la cellule cartilagineuse au corpuscule conjonctif. La quatrième et dernière zone est représentée par du tissu con- jonctif normal, tel qu'on lobserve chez la plupart des animaux inférieurs. Contrairement à ce qui a été admis jusqu'ici, le développe- ment du parenchyme n’est nullement en rapport avec les fonc- tions digestives. [I ne joue à aucune époque de la vie de Panimal le rôle d’un intestin. CONCLUSIONS Je me trouve ramené par cette nouvelleétude aux conclu- sions que j'avais tirées de mes premières recherches. Les différences qui séparent les Gordius des Mermis et du Spherularia ont absolument la même valeur que celles qui les séparent des autres Nématoïdes; mais ces différences ont une valeur bien supérieure à celle que l’on accorde aux familles. Il en résulte que l’on ne peut ni rattacher les Gordius à l’ordre des Nématoïdes, ni les associer, dans un ordre spécial, aux Mermis et au Sphærularia. L'ordre des Gordiacés, proposé par von Siebold, est done à supprimer. Les genres Mermis et Sphærularia font retour à l’ordre des Nématoïdes. Quant au genre Gordius, 11 forme à lui seul un nouvel ordre, que jai désigné sous le nom de Gordiens. Ce nouvel ordre doit être placé dans la sous-classe des Né- mathelminthes, en tète de la classe des Helminthes. DÉVELOPPEMENT DES GORDIENS. 43 EXPLICATION DES FIGURES PLANCHE 4. Fig. 1. Coupe de la cuticule d’un Gordius aquaticus. On distingue deux couches : l’une superficielle, anhiste, incolore et fort mince; l’autre profonde, formée de fibres élastiques entrecroisées. Ces fibres constituent une trentaine de plans superposés. Les derniers plans sont moins épais et les fibres plus serrées les unes contre les autres. De là, la couleur plus foncée de cette partie des téguments. Grossissement : 650. Fig. 2. Gordius Tolosanus (2° forme larvaire). Coupe transversale passant par l’œsophage et le collier nerveux. Grossissement : 90. Fig. 3. Gordius aquaticus. Coupe transversale passant entre la cuticule et l'hypoderme. La calotte hypodermique a été enlevée par le rasoir sur une partie de sa surface et laisse à découvert le ganglion céphalique. Grossisse- ment : 90. Fig. 4. Gordius aquaticus. Coupe transversale passant par le ganglion cépha- lique. La calotte hypodermique a été entièrement enlevée pour montrer la structure intime du ganglion. On voit que ce dernier n’est autre chose qu’un renflement de la couche hypodermique. Grossissement : 90. Fig. 5. Gordius aquaticus. Coupe longitudinale, inféro-latérale. Cette coupe passe par la base du ganglion céphalique et montre ses rapports de conti- nuité avec le cordon ventral. Grossissement : 90. Fig. 6. Gordius aquaticus. Coupe longitudinale, médio-latérale. Le ganglion céphalique est représenté dans sa partie moyenne et sa plus grande largeur. On voit que les fibres rayonnantes qui forment la calotte hypodermique partent manifestement des cellules ganglionnaires. Grossissement : 140. Fig. 7. Gordius aquaticus. Coupe longitudinale, dorso-ventrale. C’est une vue de profil du système nerveux, de l'appareil digestif et du système musculaire. Grossissement : 90. Fig. 8. Gordius Gratianopolensis &'. Extrémité postérieure du cordon ventral. Ganglion caudal et orifice ano-génital. Grossissement : 300. Fig. 9. Gordius aquaticus. Cette figure donne la structure intime du cordon ventral et montre jusqu’à l'évidence que les fibres du plexus ventral ne sont autres que les prolongements d’une partie des cellules du cordon ventral, et que ces fibres sont en rapport avec le réseau hypodermique. Grossisse- ment : 650. Fig. 10. Gordius aquaticus. Réseau hypodermique, vu par sa face externe. Grossissement : 950. l Fig. 11. Gordius aquaticus. Coupe de l’hypoderme. Cette figure explique la précédente. Elle montre que le petit cercle foncé qui occupe le centre des cellules ne représente en réalité que la section d’un prolongement fibrillaire de la cellule, et que les granulations brillantes ne sont aussi que des sections de fibrilles, qui viennent s’insérer sur les anastomoses des cellules. On voit, en outre, que les fibrilles nerveuses se terminent soit sur les muscles, soit dans les téguments (plaques motrices et papilles sensitives). Grossisse- ment : 650. ANN. SC. NAT., ZOOL., JUIN 1881 XI. 16. — ART. N° 8. 44 A. VELEL@®T. — DÉVELOPPEMENT DES GORDIENS. PLANCHE 9. Fig. 12. Gordius impressus Q. Coupe transversale passant par la partie du cloaque désignée par Grenacher sous le nom de réceptacle séminal. Grossis- sement : 90. Fig. 13. Gordius impressus Q. Coupe transversale passant par la partie du claque désignée par Grenacher sous le nom d’utérus. Grossissement : 90. Fig. 14. Gordius impressus Q. Coupe transversale passant par la portion ter- minale du cloaque. Grossissement : 90. Fig. 15. Gordius ÿmpressus ®. Extrémité postérieure, vue par la surface. Ori- fice ano-génital. Grossissement : 90. Fig. 16. Gordius Tolosanus (jeune) 9. Coupe longitudinale, dorso-ventrale, passant entre les lobes de la queue. C’est une vue dé profil du cordon ven- tral, du ganglion caudal, de l’appareil digestif et des organes de la généra- tion. Grossissement : 220. Fig. 17. Gordius impressus Q. Coupe transversale du parenchyme. On dis- : tüngue, en allant de bas en haut, quatre zones bien caractérisées : 1° des cellules embryonnaires en voie de prolifération ; % des cellules cartilagineuses normales ; 3° des cellules cartilagineuses aplaties passant à l’état de corpus- cules conjonctifs ; 4° tissu conjonctif. Grossissemeut : 600. Fig. 18. Gordius impressus ®. Groupe de cellules cartilagineuses, capsules, notes cellulaire et noyaux en voie de prolifération, Fig. 19. Gordius impressus®.Lambeau du revêtement épithélial des oviductes. Grossissement : 650. Fig. 20. Gordius impressus Q. Glandes utriculaires du cloaque. Grossisse- ment : 300. Fig. 21. Gordius impressusQ. Coupe transversale. Parenchyme et fibres mus- cujaires en voie de formation. Grossissement : 650. Fig. 22. Gordius aquaticus. Coupe transversale prise dans la région moyenne da corps. Portion du cylindre musculaire, Périmysium et fibres musculaires. Grossissement : 650. n ARTICLE N° 0. DESCRIPTION DE QUELQUES CRUSTACÉS MACROURES PROVENANT DES GRANDES PROFONDEURS DE LA MER DES ANTILLES Par M. Alph. MILNE KEDwALRDBS. Ces descriptions font suite à celles qui ont été publiées l’an- née précédente dans le Bulletin du Musée de z0oloqiè comparée de Cambridge; elles ont toutes été faites sur les Crustacés re- cueillis par M. Alexandre Agassiz, pendant les expéditions de dragage du Blake et elles seront suivies, à bref délai, d’une autre série de descriptions des Palemoniens, des Alphées et des Penées. PHOBERUS (1) CÆGUS (nov. gen. et sp.). Le genre Phoberus établit une transition évidente entre plu- sieurs groupes considérés jusqu’à présent comme très diffé- rents les uns des autres : ceux des Astaciens, des Thalassi- niens et des Salicoques. De même que chez les premiers, les branchies sont en forme de brosse et étagées, tandis que chez les Salicoques elles sont lamelleuses; de même que chez ces derniers, il existe une grande lame sus-antennaire, tandis que chez les Thalassiniens et tous les Macroures cuirassés cette lame manque ou est très petite. La carapace n’est pas, comme chez lés Thalassiniens, divisée par deux sutures longitudinales. Un sillon profond sépare la région gastrique de la région cardiaque, et il se prolonge laté- ralement et en avant; un autre sillon gastro-hépalique assez marqué rejoint le précédent dans sa partie inférieure. La sur- face du bouclier céphalo-thoracique est hérissée de nom- breuses épines courtes, aigues et à pointe dirigée en avant; ces (1) de wo6epés redoutable. ANN. SC. NAT., ZOOL. — ART. N° 4. 9 ALPH. NMELNE EDWARDS. épines sont plus longues et plus espacées dans la partie supé- rieure, plus courtes et plus rapprochées sur les flanes. La ré- oion gastrique porte en dessus trois carènes principales ; lune médiane, garnie d’une rangée d’épines plus fortes que celles qui couvrent le reste du test, se prolonge en arrière du sillon cer- vical jusqu’au bord postérieur, mais dans cette portion elle est moins saillante (en arrière de l’insertion des lames sus-an- tennaires s'étend aussiune courte crète limitée en avant par une épine), les deux autres latérales et très marquées sont garnies en dessus d’épines d'autant plus fortes, qu’elles sont placées plus en avant, ces crètesse prolongent en avant jusqu’à la base du rostre. Celui-ci est long, grèle, comprimé latéralement et légèrement courbé en haut; sa pointe dépasse un peu la lame sus-antennaire. Quelques petites épines (trois environ) arment son bord supérieur, son bord inférieur en porte environ six; de chaque côté à sa base se voient une ou deux épines beaucoup plus courtes que celles qui terminenten avant la erète latérale de la région gastrique. Par sa forme, le rosire ressemble à celui d’un Palémonien beaucoup plus qu’à celui d'un Astacien ou d’un Thalassinien. Les yeux sonttout afaitrudimentaires, onne peut les apercevoir en regardant la carapace en dessus, car ils sont cachés sous la base du rostre etne portent pas de cornéules. Les lames sus-antennaires sont très grandes, arrondies en dedans, presque droites en dehors, couvertes d’aspérités et armées à leur angle antéro-externe d’une épine. L'article basi- laire de l'antenne est grand et très comprimé; il porte en de- hors et à son extrémité une épine. La portion multi-articuléene commence qu’au delà de ia lame sus-antennaire ; elle est beau- coup plus longue que le corps de l'animal. Les antennes in- ternes de longueur médiocre portent deux tigelles dont l’ex- terne est la plus courte. Les pattes mächoires externes sont très élargies et sem- blables à celles des Astaciens. Les pattes antérieures sont longues, grêles, couvertes de spi- nules. La main surtout est très remarquable par le développe- ment des doigts qui sont plus longs que la portion palmaire, ARTICLE N° 4. CRUSTACÉS DES ANTILLES. 3 très comprimés latéralement et armés sur leur bord tranchant d’une série d’épines très longues, très pointues et se détachant du doigt presque à angle droit (4). Ges épines sont si longues, chez les exemplaires de grande taille, que quand la pince est fermée elles la débordent de chaque côté. Les extrémités des doigts sont très arquées, très pointues et s’entre-croisent forte- ment. La deuxième paire de pattes est plus longue et plus faible que les suivantes, elle est terminée par une petite pince. La troisième paire de pattes est plus robuste, plus courte etla pince qui la termine est notablement plus forte. Les pattes de la quatrième et de la cinquième paire sont monodactyles. L’abdomen est robuste, et, par la forme des anneaux, rappelle celui des Nephrops. La surface de chacun des articles est rugueuse en dessus, légèrement épineuse sur les côtés. La nageoire caudale est forte et bien constituée. Le Phoberus est jusqu'à présent le plus grand des Crustacés des grandes profondeurs. Un mâle mesurait, depuis le bout des pinces jusqu'à l’extrémité de la queue, 70 centimètres. La carapace seule avait 17 centimètres et la main 20 centimètres, dont 12 étaient occupés par les doigts. Ce Crustacé a été pêché dans la mer des Antilles par M. Alexandre Agassiz, à 416 brasses en vue de Grenade. GLYPHOCRANGON (2) SPINICAUDA (nov. gen. et sp.). Les Glyphocrangon ont les pattes antérieures des Crango- mens, mais celles de la deuxième paire sont multi-articulées comme chez les Lysmates, et le septième article abdominal est presque entièrement soudé au sixième. _ La carapace du Glyphocrangon spinicauda est très résis- tante et couverte de gros tubercules rugueux et disposés par bandes longitudinales plus ou moins élevées, et formant des crêtes proéminentes de chaque côté. Le sillon gastro-cardiaque est assez profond et la région hépatique est limitée en arrière (1) Cette pince rappelle un peu par l’armature des doigts celle des Thauma- stocheles. (2) du suwer sculpture et Crangon, nom de genre. À ALPH. MILNE EDWARDS. par un sillon profond ; une forte épine courbée en haut et en dedans est placée sur le bord antérieur entre l’œil et l'antenne, une autre épine plus droite forme l’angle latéro-antérieur; deux épines latérales garnissent le côté de la carapace en avant du sillon cervical. Le rostre est grand et dépasse les lames sus-antennaires, 1l est large à sa base, aplati et même déprimé en dessus et courbé en haut vers son extrémité; il porte ”: chaque côté deux épines, l’une en arrière, l’autre en » at de l'œil, ilest inerme en dessous. Les antennes internes sont petites et à deux filets grêles. La lame sus-antennaire est courte et ovalaire et dépourvue d’épines à son extrémité, les deux premiers articles de la portion mobile sont très allongés. Celle-ci n’est pas à beaucoup près aussi longue que le corps. Les pattes-mâchoires externes sont grosses et courtes, leur palpe externe est grèle. Les pattes de la première paire sont courtes, fortes et comprimées, leur article basilaire se prolonge en de- hors sous forme d’épine ou de dent, le doigt mobile est très crochu et pointu, il se replie sur le bord supérieur du pénul- tième article et non pas, comme chez les Crangons, sur le bord antérieur de celui-ci. Les pattes de la deuxième paire sont très orêles, très longues, leur carpe est multi-articulé et la pince qui les termine est très petite comme chez les Lysmates. Les pattes suivantes sont faibles et monodactyles. L’abdomen est couvert de proéminences rugueuses, dispo- sées longitudinalement et simulant des carènes, l’une est mé- diane. Les 2"°, 3m, 4me, 5e ef 6° anneaux, sont terminés en bas et latéralement par une forte épine. Le septième article est immobile sur le précédent, il est triangulaire, bicarené en dessus, très pointu, et au lieu d’avoir la même direction que les autres articles, il se relève et son extrémité.est dirigée en haut. | Longueur totale 0",10. Longueur du rostre 0",020. Longueur de la carapace 0",095. Cette espèce a été pèchée à une profondeur de 250 brasses près de St-Kitts. ARTICLE N° 4. CRUSTACÉS DES ANTILLES. (2 GLYPHOCRANGON NOBILE (nov. sp.). Cette espèce se distingue du G/. spinicauda par sa forme plus grêle et par son rostre beaucoup plus étroit à sa base, plus allongé et parcouru en dessus par une petite carène médiane dont on voit à peine les traces chez l'espèce précé- dente. Les proéminences rugueuses de la carapace et de l’ab- domen sont beaucoup plus nombreuses, elles existent sur la région hépatique qui est presque lisse chez le G£. spinicauda. Le septième article de l'abdomen au lieu d’être droit se courbe en haut vers sa pointe. Les pattes ont la mème disposition que dans l'espèce pré- cédente. Longueur totale 0",074. Longueur du rostre 0,015. Longueur de la carapace 0",017. Cette espèce a été pêchée à une profondeur de 1131 brasses près de la Dominique. GLYPHOCRANGON ACULEATUM (nov. sp.). Le rostre est étroit comme chez le G{. nobile, mais la cara- pace est plus large en avant où elle se termine de chaque côté par une très forte épine dirigée un peu en dehors; une autre épine plus petite limite la cavité orbitaire et une autre s’im- plante en dehors de l'articulation de l’antenne externe. Le bord latéral est aussi pourvu d’une épine en arrière du sillon cervical. La carapace porte en dessus quatre carènes dentelées ; leur intervalle est lisse. Les deux carènes latérales sont lisses, L’abdomen est plus fortement caréné sur la ligne médiane que dans les espèces précédentes et il est très sculpté. Longueur totale 0",069, Longueur du rostre 0",013. Longueur de Ja carapace 0",016. Cette espèce a été pêchée à 593 brasses de profondeur à Saint-Vincent, 6 ALPEH. BMELNE EDWARDS. PARACRANGON HYSTRIX (nov. sp.). Le Paracrangon echinatus décrit par Dana comme type de ce genre, à la deuxième paire de pattes complètement atro- phiée, tandis que chez le P. Aystrix ces pattes existent, mais elles sont rudimentaires. La carène dorsale de la carapace est hérissée de huit dents très fortes ; de chaque côté existent trois carènes longitudinales et garnies d’épines; une forte épine forme l’angle latéro-antérieur. Le rostre est courbé en haut et ne dépasse guère la lame sus-antennaire, 1l ne porte que deux épines symétriques à sa base et une épine sur son bord infé- rieur. Les pattes antérieures sont grosses, il n’existe pas d’épine au-dessus de l’articulation du doigt; celui-ci se replie sur le bord antérieur de la main dont l’angle inférieur porte une épine. Le carpe et l’extrémité du bras sont épineux. Les pattes de la deuxième paire sont à peine visibles, celles de la troi- sième paire sont très grèles, celles de la quatrième et de la cin- quième paire sont longues et faibles. L’abdomen est sculpté et caréné en dessus et ressemble à celui des Sicyomia. Longueur totale 0,087. Longueur du rostre 0*,016. Longueur de la carapace 0",090. Cette espèce a été pêchée à une profondeur de 734 brasses près de la Guadeloupe. OPLOPHORUS GRACILIROSTRIS (nov. sp.). Cette espèce se rapproche beaucoup de lOplophorus typus, mais la carapace est plus élevée ; elle est fortement échanerée en arrière pour l'insertion de l'abdomen ; un prolongement en forme de pointe existe sur le bord postérieur, en dehors de l'articulation avec le premier anneau abdominal. Une pointe triangulaire forme l’angle latéro-postérieur ; une très petite épine existe au-dessous et une autre au-dessus de l’articula- tion de l’antenne. La carapace est carénée en dessus sur la ligne médiane, dans toute sa longueur. Cette carène se con- ARTICLE N° 4, CRUSTACÉS DES ANTILLES. f tinue avec le rostre qui est plus grêle que chez lOplophorus typus et porte en dessus dix ou onze petites dents et sept en dessous. Sur la région gastrique la carène médiane est accom- pagnée de chaque côté d’une petite carène lisse. La lame sus- antennaire estgrande, étroite, triangulaire, très pointue et fine- ment spinuleuse sur son bord externe, Longueur totale du corps 0",085. Longueur de la carapace 0",020. Longueur du rostre 0,024. Cette espèce a été pêchée à la Dominique, à une profondeur de 118 brasses. NOTOSTOMUS (1) GIBBOSUS (nov. gen. et sp.). Le genre Notostomus diffère du genre Oplophorus par sa ca- rapace beaucoup plus gibbeuse, par la longueur des pattes postérieures, par le développement de lPappendice palpi- forme à la base des pattes et par la forme du rostre, rattaché très largement à la carapace et dont la base recouvre en partie les yeux. La carapace est remarquablement élevée et très comprimée, se terminant en dessus par une sorte de carène haute et tranchante à contour arrondi, très finement denticulé et se continuant avec le rostre; deux autres carènes existent de chaque côté de la carapace dans toute sa longueur, l’une est en arrière de l'œil, l’autre en arrière de l’antenne externe; elles sont lisses ; la carène supérieure se continue avec le bord externe du rostre. Ce dernier est remarquablement petit et grêle, 1l porte environ huit dents en dessus et autant en des- sous; 11 ne dépasse pas la lame sus-antennaire; celle-cr est plus courte et plus ovalaire que chez les Oreophorus. La tigelle supérieure des antennules est remarquablement grosse et comprimée latéralement. Les pattes màchoires externes sont terminées par un article styliforme allongé et en forme de py- ramide à trois faces. (1) de voros dos et arcux, le coupant d’un couteau. 8 ALPH. MILNE EDWWARDS. Les pattes de la première paire sont plus élargies que ceues de la seconde paire; elles sont toutes deux didactyles. Les pattes de la troisième, de la quatrième et de la cinquième paires sont longues, grêles et monodactyles. L’abdomen est fortement caréné en dessus dans toute sa longueur sur les troisième, quatrième, cinquième et sixième articles. Cette carène se prolonge en arrière en une épine. Le septième article est beaucoup plus court que les lames latérales de la nageoire caudale. Longueur totale du corps 0°,195. Longueur de la carapace et du rostre 0",07. Hauteur de la carapace 0",036. Cette espèce a été pèchée à Grenade à une profondeur de 626 brasses. NOTOSTOMUS ELEGANS (nov sp). La carapace de cette espèce est beaucoup moins élevée et moins gibbeuse que celle du N. gibbosus, la carène dorsale est moins arquée, elleest aussi très finement serratulée, et elle se continue eñ avant avec le rostre qui est grêle et environ deux fois aussi long que la lame sus-antennaire et garni en dessus et en dessous de petites épines (on en compte plus de trente en dessus et dix-huit en dessous). La carène latéro-inférieure naît en avant par une forte épine post-antennaire. La carène abdominale ressemble à celle de l'espèce précédente. Longueur totale 0",063. Longueur de la carapace 0",015. Longueur du rostre 0",020. Cette espèce a été pêchée à 955 brasses de profondeur dans la mer des Antilles par 24,36 de latitude nord et 84,05’ de longitude ouest. HETEROCARPUS (1) ENSIFER (nov. gun. et sp). Les crustacés du genre Heterocarpus offrent certaines ana- logies avec les Oplophorus et, par d’autres caractères, ils serap- (1) de ”erepoc différent et xapmoç poignet. ARTICLE N° ?, CRUSTACÉS DES ANTILLES 9 prochent des Lysmates, des Hippolyteset des autres crustacés de la même famille; en effet la carapace est carénée en dessus et l'abdomen porte sur quelques-uns de ses anneaux une forte carène médiane terminée en arrière par une pointe, mais les pattes sont dépourvues de palpes; les premières sont mono- dactyles, les secondes sont didactyles et inégales. L’une de “elles-ci, généralement la droite, étant plus forte et plus courte que la gauche; le carpe est multi-articulé. Les autres pattes sont monodactyles. La carapace de lHeterocarpus ensifer est plus épaisse que chez l’Oplophorus typus, elle porte de chaque côté deux ca- rènes qui s'étendent de la base de l’antenne externe au bord postérieur, etnaissentenavantparunepetite épine; une troisième carène parallèle, mais beaucoup moins marquée, se voit au-des- sus des précédentes. Une carène médiane très saillante règne sur toute la longueur de la carapace etse continue en avant par un rostre long et courbé en haut ; cette carène et le rostre portent en dessus environ 17 dents et 8 en dessous. Les veux sont petits. Les antennes sont disposées comme chez les Oplophorus, mais la tigelle antennulaire supérieure est plus grêle et la lame sus- antennaire plus large à sa base. L’abdomen est gros, le quatrième et le cmquième articles seuls sont carénés et pourvus d’une pointe plus courte et plus arquée que chez les Oplophorus. Les pattes des trois dernières paires sont spinuleuses en dessous, dans la portion corres- pondant à la jambe et à la cuisse. Longueur totale du corps mesuré de la pointe du rostre au bout de la nageoire caudale 0",095. Longueur du rostre 0",027. Longueur de la carapace 0",095. Cette espèce a été pêchée près des Barbades à 218 brasses de profondeur. 10 ALPH. MELNE EIDNVARES. HETEROCARPUS ORYX (nov. sp.). Cette espèce se rapproche beaucoup de la précédente, elle n’en diffère que par les formes plus grêlesde la carapace, par l’absence de la troisième carène ou carène latéro-supérieure et par son rostre plus fortement denté en dessus; les dents gar- nissent la carène médiane de la carapace jusqu'à une petite distance du bord postérieur (on en compte en tout environ 14 en dessus et 9 en dessous). La carène abdominale se pro- longe en une pointe courte sur les troisième, quatrième et cin- quième anneaux. J’ajouterai que la lame sus-antennaire est plus élargie et que les tiges mobiles de l’antenne interne sont plus courtes ; elles n’atteignent pas l’extrémité du rostre. Longueur totale 0",067. | Longueur du rostre 0",095. Longueur de la carapace 0",014. Cette espèce a été pêchée à 955 brasses par 24,36 de lati- tude nord et 84°,05 de longitude ouest. GONATONOTUS (1) CRASSUS (nov. gen. et sp.). Ce genre doit prendre place à côté des Oplophorus. La carapace du G. crassus est épaisse, fortement carénée en des- sus, cette carène se continuant avec le rostre qui est très élevé et comprimé latéralement. Le bord supérieur de ce rostre et de la carène supérieure est divisé en nombreuses petites dents (vingt-deux environ), son bord inférieur en porte huit, et laté- ralement il existe une crête qui, partant du bord orbitaire, s’é- tend jusqu’à la pointe du rostre; deux carènes semblables à celles des Heterocarpus se voient sur les côtés du bouclier céphalo-thoracique, chacune d'elles se termine en avant par une épine. Les yeux sont assez gros et logés à la base du rostre dans une fossette de l’article basilaire des antennes internes. Celles-ci sont pourvues en dehors d’une écaille pointue et étroite; elles portent deux filets peu allongés. La lame sus-an- (1) de yév, yévarcs genou et vorcs dos. ARTICLE N° 4. CRUSTACÉS DES ANTILLES 11 teunaire, au lieu d’être étroite et spiniforme comme celle des Oplophores, est large et arrondie en avant; le filet multi-arti- culé est grêle et peu allongé. Les pattes de la première paire sont les plus courtes de toutes, mais elles sont plus grosses et se terminent par une pince; celles de la deuxième paire sont plus grèles et égale- ment didactyles; celles des trois paires suivantes sont mono- dactyles. Toutes sont pourvues à leur base d’un petit appen- dice palpiforme. L’abdomen est fortement coudé au niveau du troisième arti- ele; celui-ci est surmonté d’une carène médiane très saillante qui ne commence qu'à une petite distance de son bord anté- rieur, elle porte vers son tiers postérieur une petite dent et elle se termine en arrière, non pas par une grande épine, comme chez les Oplophorus et les Heterocarpus, mais par deux petites dents symétriques. Le quatrième article est faiblement caréné et présente en arrière trois petites dents dont une médiane et deux latérales; le cinquième article n’eu possède que deux latérales. Les autres articles abdominaux sont arrondis en dessus. La disposition des pattes, de l'abdomen, du rostre et des antennes sépare nettement ce genre de tous les groupes VOISINS. Longueur totale 0",080. Longueur du rostre 0",015. Longueur de la carapace 0",016. Cette espèce a été pêchée à Grenade par 262 brasses de profondeur. STYLODACTYLUS (1) SERRATUS (nov. gen. et sp.). La carapace courte et épaisse ressemble à celle de certains Hippolytes. Le rostre du S. Serratus est long, comprimé laté- ralement, courbé en haut et garni en dessus aussi bien qu’en dessous d’une série d’épines articulées et mobiles; on en (1) de oréxè noinçon, stylet et d'xxrvics doigt. 12 ALPH, MILNE EDWARDS. compte environ quarante sur le bord supérieur et plus de vingt sur le bord inférieur; 1l existe sur Le bord de la carapace une épine au-dessus et une au-dessous de l’insertion de l’antenne externe. Les yeux sont pelits et ils sont en contact sur la ligne médiane. Les antennes internes n’ont que deux tiges mulu- articulées, bien développées, et elles portent à leur Lise et en dehors une petite écaille pointue. La lame sus-antennaire est peu développée, étroite et falciforme. L’artiele basilaire est très renflé et la tigelle mobile est longue, grosse et très forte. Ses pattes-mâchoires sont grêles et pédiformes. Les pattes de la première et de la deuxième paire sont à peu près de même lon- gueur et terminées par des pinces à doigts longs, grêles, droits et garnis de poils ; la portion palmaire est tout à fait rudimen- taire. Les pattes des troisième, quatrième et cinquième paires sont toutes égales, leur cuisse est armée en dessous d’épines nombreuses; leur doigt est très courtetunciforme. L’abdomen est gros et lisse; le septième article porte en dessus deux ran- gées de petites épines articulées, il se termine en arrière par une pointe, de chaque côté de laquelle existe une épine arti- culée beaucoup plus longue. Longueur totale de l'extrémité du rostre au bout de la nageoire caudale 0%,085. Longueur de la carapace 0,090. Longueur du rostre 0,024. Cette espèce a été pèchée près de la Dominique à une pro- fondeur de 524 brasses par M. A. Agassiz. ACANTHEPHYRA (1) ARMATA (nov. gen. et sp.). Le genre Acanthephyra semble rattacher les Penœus, les fiequlus, les Oplophorus et les Ephyra. Les pattes sont courtes et celles des deux premières paires sont seules didactyles, comme dans ces deux derniers genres ; les suivantes sont ter- minées par un doigt très pelit et unciforme. L’appendice pal- piforme des pattes-mâchoires externes est grêle au lieu d’être (1) de dxavôa épine et Ephyra nom de genre. ARTICLE N° 4. CRUSTACÉS DES ANTILLES 43 lamelleux; la forme du corps est la mème que celle des Pénées, mais le rostre est plus long, enfin, comme chez les Oplophores, les Heterocarpes et les Regules, l'abdomen porte d'ordinaire en dessus une carène dont l’angle postérieur s’allonge en une pointe. La carapace de l'Acanthephyra armata est moins élevée que celle des Oplophores ; elle est lisse et porte de chaque côté déux épines, l’une au niveau de l'antenne externe, l’autre au-dessous. Le rostre est fort grêle ; 11 est long et courbé assez fortement en haut, il naït sur la carapace par une carène peu élevée. Son bord supérieur porte au-dessus des yeux cinq très petites épines, il est lisse dans le reste de son étendue, son bord inférieur ne présente qu’une seule épine située au niveau de la lame sus-antennaire. Cette lame se rétrécit et s’appointit en avant. L'antenne interne, comme chez les Oplophores, se termine par deux filets dont le supérieur est large à sa base et garni en dessous d’une sorte de duvet. Les pattes sont courtes et pourvues d’un palpe externe, grêle et flexible. L’abdomen est grand comme celui d’un Pénée. Les deuxième, troisième, quatrième, cinquième et sixième anneau sont carénés et ils portent (à l'exception du deuxième) une pointe postéro-mé- diane ; le sixième article présente, à son extrémité, trois ou cmq petites épines. Longueur totale 0,145. Longueur de la carapace 0",031. Longueur du rostre 0°,035. Cette espèce a été pêchée à 422 brasses, près de Sainte- Lucie. | ACANTHEPHYRA DEBILIS (nov. sp.) Cette espèce se distingue de la précédente par son rostre très long et très grêle; il est à peu près deux fois plus long que la lame sus-antennaire, et il est moins courbé enhaut; son bora supérieur, au lieu d’être inerme dans toute sa portion libre, est partout denté; un groupe de 4 petites dents se voit d’abord au-dessus des yeux, à ce groupe succèdent environ 42 dents 14 ALPH. MEILNE EDWARDS. espacées. Le bord inférieur porte 9 dents. La carène et les épines abdominales sont beaucoup moins fortes que dans PAcanthephyra armata. Les œufs dans cette espèce sont gros et peu nombreux. Longueur totale 0,072, Longueur du rostre 0,023, Longueur de la carapace 0",01%. Cette espèce a été trouvée à une profondeur de 500 brasses dans le canal de Bahama. ACANTHEPHYRA ENSIS (nov. sp.). Le rostre de cette espèce est plus long encore que celui de VA. debilis; il est très grêle, assez brusquement courbé en haut vers son tiers postérieur; il ne porte que quatre petites épines, en dessus et près de sa base; son bord inférieur est découpé en plus de 45 très petites denticulations serrées les unes contre les autres. La lame sus-antennaire est très grande et les pattes sont notablement plus longues et plus grêles que dans Pespèce . précedente, l'abdomen est arrondi en dessus, son 3° article seul porte en arrière une petite pointe médiane : Longueur totale 0,"190, Longueur du rostre 0°,040;: Longueur de la carapace‘0",015, Cette espèce a été pêchée à 237 brasses de profondeur près des Barbades. NEMATOCARCINUS (1) CURSOR(noy. gen. et sp.). Ce Palæmonien est très remarquable par ses pattes énormes et filiformes. La carapace est étroite, lisse et terminée par un rostre court atteignant seulement la base de la tigelle des an- tennes internes, comprimé latéralement, finement serratulé en dessus (on y compte 15 dents environs) et lisse en dessous, si ce n’est près de l’extrémité où existe une petite épine. Les yeux sont arrondis et de grosseur médiocre. Les antennes (1) de viua filament et xapxivos écrevisse. ARTICLE N° 4. CRUSTACÉS DES ANTILLES. 15 internes sont pourvues de deux tiges près de deux fois aussi longues que le corps. La tigelle supérieure est très renflée à sa base. La lame sus-antennaire est grande, ovalaire et assez étroite. La ligelle antennaire est longue. Les pattes sont très cassantes et très grèles, celles de la première paire sont relativement courtes et terminées par une petite pince. Les autres sont d’une longueur démesurée (plus de trois fois aussi longues que la carapace), la deuxième est terminée par une pince, les trois dernières ont leurs deux derniers articles très petits; le dermer est grêle et styliforme, le pénultième est beaucoup plus élargi. Elles portent toutes à leur base un appendice palpiforme très grêle. L’abdomen est lisse et brus- quement coudé entre son 3° et 4° article, les lames de la nageoire caudale sont très étroites. Longueur totale du corps 0",095. Longueur de la carapace avec le rostre 0",033. Cette espèce est commune à une profondeur de 500 brasses. PANDALUS LONGIPES (nov. sp.). Cette espèce est voisine du Pandalus narval (Latr.), mais elle s’en distingue par la forme du rostre et la longueur des pattes. Le rostre est en effet plus long et plus droit ; sa lon- eueur égale près de deux fois celle de la carapace, il se pro- longe sur la carapace par une crête saillante, les denticulations qui le garnissent sont à sa base très fines et très rapprochées, puis, au-dessus des yeux, elles deviennent plus fortes et vont ensuite en diminuant jusqu'à l’extremité du rostre; en dessous elles sont très nombreuses et très fines. Les pattes sont remar- quables par leur forme grêle et allongée. La jambe de celles des 3°, 4° et 5° paires dépasse en avant le rostre; leur cuisse est spnuleuse. Longueur d’une femelle mesurée de l’extrémité des pattes au bout de la queue 0",17. Longueur du rostre 0",06. Longueur de la carapace 0",039. ANN. SC. NAT., ZOOL., JUIN 1881. XI. 17. — ART. N° 3. 16 ALPH, MILNE EDWARDS. Cette espèce a été pêchée par M. Alex. Agassiz près des Barbades à un profondeur de 204 brasses. TOZEUMA (1) SERRATUM (nov. sp.). Cette espèce se distingue du Tozeuma Carolinense (Kingsley) par son rostre denté en dessus et en dessous (son bord supé- rieur porte cinq dents très espacées, son bord inférieur en porte onze ou douze). Deux épines existent à la base du rostre, elles surmontent les yeux. Le 5° article de l'abdomen est caréné, fortement gibbeux et il se termine en arrière par une pointe médiane. Les autres articles sont arrondis en dessus : Longueur totale 0,055. Longueur du rostre 0",015. Longueur de la carapace 0",008. Cette espèce a été trouvée à une profondeur de 56 brasses, près des Barbades. TOZEUMA CORNUTUM (nov. sp.) Le rostre de cette espèce est plus long que celui du T. ser- ratum ; il est inerme et arrondi en dessus, obscurement denté en dessous (on compte environ huit dents en dessous); mais le caractère le plus remarquable consiste en une sorte de longue corne qui se détache du 8° article de l’abdomen, et s’élève presque perpendiculairement, en se recourbant un peu vers son extrémité. Le 6° article de l’abdomen est remar- quablement long. La lame sus-antennaire est styliforme, Les pattes sont très courtes. Longueur totale 0°,042. Longueur du rostre 0",012. Longueur de la carapace 0",006. Cette espèce a été trouvée près des Barbades, à 40 brasses de profondeur. (4) Le genre Tozeuma de Stimpson me paraît se rapprocher beaucoup du genre Angasia (Spence Bate). ARTICLE N° 4. OBSERVATIONS SUR LE DÉVELOPPEMENT ET L'ORGANISATION DU PROSCOLEX DE LA BILHARZIA HÆMATOBIA Par M. Joannes CHATEN. ÏJ. — DE LA BILHARZIE. Il est peu de Trématodes dont l’histoire présente un intérêt égal à celui qui s’attache à l’étude de la Bülharzia hœmatobia Cobbold. | Découvert en 1851 par Bilharz, cet Helminthe n’a cessé de recevoir les noms les plus différents. Rangé tout d’abord parmi les Distomes (Distomum hæmatobium Siebold), il ne tarda pas à devenir, et très justement, le type d’un genre spécial pour lequel Diesing proposa la dénomination de Gynæcophorus (1), tandis que Weinland lui appliquait, celle de Schistosoma (2), bientôt changée en Thecosoma par Moquin-Tandon (3). Ces détails terminologiques ne possèdent d’ailleurs plus aujourd’hui qu’une valeur rétrospective, la généralité des naturalistes ayant adopté la diagnose de Cobbold (4). Il est plus important de rappeler les caractères tout spé- ciaux qui ont permis de séparer la Bilharzie des Distomes vrais et l’ont immédiatement signalée à l’attention des médecins et des zoologistes. Pour ceux-ci, la Bilharzie représente une forme réellement aberrante dans l’ordre des Frématodes : tandis que chez ces vers, l’hermaphrodisme est la règle constante, seul, ce curieux (1) Diesing, Revis. del Myzelmith, 1858. (2) Weinland, An Essay on the Tapeworms of Man 1858. (3) Moquin-Tandon, Zoologie médicale, 1860. (4) Cobbold, Synopsis of the Disiomidæ (Proceed. Zool. Soc., 1860); — Id., On some new forms of Entozoa (I., 1859); — id., Entozoa, 1864; — Id., Parasites, 1879. ANN. SC. NAT. — ART. N° 5. 9 J. CHATIN. parasite montre une incontestable diœcie. C’est en vain qu'on a tenté d’en rapprocher quelques types tels que le Diplozoon ou le Distomum filicolle, nous savons aujourd’hui que, malgré les assertions de Steenstrup (1), le Diplozoon est con- stamment hermaphrodite (2); quant au Distomum filicolle, les observations de Wagener ne permettent plus de formuler une conclusion différente (3), puisqu'on trouve simultanément des spermatozoïdes et des ovules dans les deux individus d’un même couple. Mais la Bilharzia ne déroge que superficielle- ment à la loi qui régit l’ensemble des animaux voisins : si les sexes sont séparés, l’accouplement est du moins permanent, le mâle et la femelle se trouvant unis durant la majeure partie de leur existence. [ls ne sont pas seulement aecolés comme on l’observe dans le Diplozoon où dans le Distomum filicolle, ou comme on le constate encore chez ce Nématode (4), qui habite - la trachée des oiseaux de basse-cour et cause de si fréquents ra- vages dans nos faisanderies : la femelle se trouve ici logée dans l'intérieur même du mâle qui la reçoit dans un long « canal gynécophore », constituée par l’inflexion, sur la ligne ventrale du corps, des champs latéraux de la région caudale. Cette association suffit à caractériser ce genre dont la des- eription saurait d'autant moins prendre place ici qu’elle se trouve résumée dans tous les Traités (5). Je ne m’étendrai pas davantage sur l’histoire médicale de la Bilharzie, dont chacun connaît la patrie, l'habitat et la station : on sait que ce para- site se rencontre dans toute l'Afrique, depuis l'Égypte où sa fréquence est extrême (6) jusqu’au cap de Bonne-Espérance (1) Steenstrup, Hermaphroditismus, p. 69. (2) Voy. Creplin, p. 109, des Observations placées à la suite de la traduction de Steenstrup; — Van Beneden, Mémoire sur les vers intestinaux (Supplément aux Comptes rendus de l'Académie des sciences, t. II, p. 39, 1861). (3) G. Wagener, in Muller’s Archiv, p. 10, 1354. (4) Syngamus trachealis. (5) Voy. Bilharz, in Zeitschrift [. Zoologie, 1851; — Leuckart, Die mens- chiicher parasiter, t. 1, 1863 ; — Cobhold, Par asites À treatise on the entozo of Man and Animals, 1879, etc. (6) Sur 368 autopsies, Griesinger a observé cet Helminthe 117 fois. ARTICLE N° 5. BILHARZIE HÉMATOBIE. 3 où les médecins anglais ont constamment l’occasion de l’ob- server (1). I vit surtout chez l'espèce humaine, sans épargner d’ailleurs les animaux sauvages ou domestiques, car on l’a sionalé chez le Bœufet le Mouton (2), aussi bien que chez le Cercopithèque (3). Sa station est indiquée par son nom spé- cifique : la Bèlharzia hæmatobia se trouve localisée dans les vaisseaux sanguins et produit des désordres graves quand elle parvient dans les capillaires splanchniques et surtout dans ceux de lPappareil urinaire ; elle provoque alors des hématuries caractérisées par la présence des œufs de Bil- harzia dans l'urine des malades. Ainsi qu’on l’observe pour quelques autres affections endémiques des pays chauds (diar- rhée de Cochinchine, etc), les symptômes disparaissent sou- vent avec l’éloignement de la contrée où la maladie a été contractée, mais il n’en est pas toujours ainsi et parfois on voit l’hématurie persister après le retour en Europe. Cob- bold a relaté l’histoire d’une jeune enfant, venue de Natal à Londres pour y faire soigner une hématurie qui demeura re- belle et dont l’origine pouvait d'autant moins être contestée que l’urine présentait quotidiennement des milliers d’œufs de PBülharzia (4). C’est à une circonstance analogue que Je dois d’avoir pu entreprendre les présentes recherches. On m’envoya récemment à examiner l'urine d’un jeune homme âgé de dix-sept ans, attemt d’une hématurie graisseuse (1) Harley, On the hæmaturia of the Cape of Good Hope, produced by a Distoma (Lancet, 1864; — Medical Times, 1864; — Rankings Abstract., 1864). Id., On the endemic Hæmaturia of the South Eastern Coast of Africa (Med. Chir. Transactions, 1871). Cet Helminthe s’observe également dans les îles voisines de la côte africaine. Très commun à Maurice, on l’a signalé à la Réunion, à Madagascar, etc. (2) Sonsino, Intorno ad un nuovo parassilo del Bue (Rendicanto d. sc. fis. el matem., 1876, Naples). (3) Cobbold, Entozoa, p. 198, 1864. (4) Cobbold, Lectures on practical helminthology, 1872, p. 145, Les médecins de Bombay, etc., ont également mentionné la présence de la Bilharzia chez des personnes venues aux Indes par la voie de Suez, et n'ayant séjourné que quelques jours en Égypte (voy. l'observation du D' Hatch, ap. Cobbold, Parasites, 1879, p. 54), 4 S. CHATEN. des plus manifestes et dont l’étiologie ne laissait que peu d’in- certitude, car le malade était récemment arrivé d'Alexandrie où sa famille réside depuis plusieurs années (1). Le dépôt est abondant, et le microscope permet d’y décou- viir, au milieu d’un mucus épais, mêlé de sels uriques, d’oxa- late de chaux, etc., des œufs de Bilharzie parfaitement carac- térisés et dont l'étude mérite une attention spéciale. IT. — DEs œurs. Les œufs sont loin d’être aussi nombreux que dans le cas obsérvé par Gobbold; quelquefois même je les ai vainement cherchés dans l’urime de la journée, mais le plus souvent on trouve plusieurs de ces ovules que leur forme permet de re- connaître aisément. L’œuf de la Bilharzia hœmatobia est assez régulièrement ovale, et présente, à l’un de ses pôles, une sorte de tubercule apicilaire qui se termine par une pointe effilée. Cette particularité est extrêmement remarquable, car nous savons que chez les Trématodes digénèses (Monostomes, Di- stomes, Amphistomes, etc.), l’ovule est toujours dépourvu de prolongements extérieurs (2), tandis que ceux-cise rencontrent au contraire fort souvent dans les Trématodes monogénèses dont 1ls représentent même un des caractères classiques : le long fouet qui serpente à l'extrémité de l’œuf de lUdonella Caligarum et lui permet de se réunir à ses congénères, avec lesquels 1l forme des groupes analogues à des bouquets de Vorticelles, le long filament spiralé des Diplozoon, la double pointe acérée de l’Onchocotyle appendiculata, sont trop connus des zoologistes pour qu’il soit nécessaire d’insister sur la valeur de ces dispositions organiques dont on chercherait vainement la trace chez les Douves ou dans les genres voisins. Or, par- ticularité très remarquable, on en trouve comme un dernier (4) M. Méhu put également observer à Paris, il y a quelques années, des œufs de Bilharzia. (2) Il existe cependant quelques exceptions (Monostomun verrucosum, etc.). ARTICLE N° 5. BILHARZIE HÉMATOBIE. 5 reflet dans la Bilharzie, qui semble ainsi représenter l’état in- termédiaire entre les deux types fondamentaux de la classe des Trématodes. Sur tous les œufs que j'ai pu examiner, le prolongement était nettement polaire; toujours il était situé à l’une des extrémités du grand axe de P’ovule (1), disposition qui mérite d’être men- tionnée, car la situation de cet appendice semble offrir une variabilité des plus curieuses et dont la signification ne saurait être actuellement élucidée avec une précision suffisante. En effet, dès le début de ses recherches. Bilharz décrivait deux formes ovulaires : 1° des œufs à épine terminale; % des œufs à épine latérale (2); Sonsino a récemment confirmé cette observation, ajoutant que les œufs du second type ne se trou- vaient jamais dans les urines et se rencontraient seulement à l’autopsie dans les plaques caractéristiques dont la présence de l’'Helminthe détermine l’apparition sur la muqueuse de la vessie, de l’uretère, du bassinet, etc. Aussi, divers observateurs ont-ils cru pouvoir rapporter ces dissemblances extérieures à une dualité spécifique dont la preuve est encore à fournir. Ainsi que l’a parfaitement indiqué Cobbold (4), ces ovules ne portent aucune trace de marques extérieures; on y cher- cherait vainement les papilles, les stries, les pores, qui caracté- risent les œufs de plusieurs Helminthes; leur couleur est d’un gris brunâtré. Dans leur intérieur se voit un embryon dont l'étude présente une haute valeur. III. — Du Proscorex Dans l’ovule examiné par transparence, se distingue une larve dont l’aspect est tout spécial : qu’on imagine un petit infusoire inclus dans la coque ovulaire et présentant déjà son revêtement ciliaire et une région céphalique distincte (4). (1) Fig. 1. (2) Bilharz, Loc. cit. (3) Cobbolt, loc. cit. (4) Fig. 3. 6 JS. CHATEN. Celle-c1 est de forme conique et se termine par une sorte de mamelon apicilare (1) qui justifie assez bien le nom de « pro- boscide inerme » sous lequel Cobbold le désigne. Quant à la masse centrale, elle se montre encore simplement granuleuse ; mais cet état dure peu et l’on voit bientôt la région céphalique devenir le siège d’un important travail de différenciation : un organe spécial se constitue, véritable cæcum (2) qui du pro- boscide vient plonger dans la cavité somatique dont se trouve désormais pourvu le jeune embryon (3); en même temps on distingue, vers le pôle opposé, deux ou trois grosses masses arrondies et réfrmgentes (4) dont le nombre augmentera après l’éclosion. Celle-ci est, en effet, prochaine et doit être étudiée dans ses phénomènes précurseurs, dans ses phénomènes es- sentiels et dans ses phénomènes conséeutifs. Le moment où l’œuf va se rompre pour livrer passage à la Jeune larve se trouve indiqué par certains signes dont l’obser- vation est des plus intéressantes : immobile jusqu’à cette époque, l'embryon commence à manifester de vigoureuses con- tractions qui s’accentuent surtout dans la région céphalique ; celle-ci se projette par saceades et à intervalles rapprochés contre la paroi ovulaire qu’elle semble vouloir briser à la ma- mère d’un bélier. Sous ces efforts répétés, la coquille ne tarde pas à céder et l’embryon apparaît au dehors; mais il est rare qu'il parvienne à se dégager simultanément dans son en- semble, et de nouvelles contractions sont nécessaires pour lui permettre d'atteindre ce résultat (5). Considérée en elle-même, l’éclosion doit être examinée dans le lieu qui lui est assigné et dans le temps nécessaire à son accomplissement. Le premier de ces caractères est assez va- (1) Fig. 3, P. (2) Parfois le cæcum ne se forme qu'après l’éclosion; dans d’autres cas, plus rares, on voit déjà se dessiner dans l’œuf ses branches latérales. (3) Fig. 5, V. (4) Fig, 6, $. (5) Cobbold à parfaitement analysé les principaux phénomènes de cette curieuse période; je ne saurais omettre le passage qu'il lui consacre : « When the time for final escape is drawing near, the vigorous movements of the cone- ARTICLE N° 5. BILHARZIE HÉMATOBIE. 7 riäble ; cependant &’est presque toujours entre la pointe et la région médiane que s'opère la rupture initiale. Pour ce qui est de la rapidité avec laquelle s'effectue la sortie de embryon, elle offre aussi des différences notables suivant la nature du milieu ambiant : quelques minutes suffisent à la déterminer lorsque l’ovule est placé dans l’eau pure; elle se ralentit au contraire dès qu'on ajoute quelques traces d'urine; placés dans l’urine pure, les ovules n’offrent aucun indice d'activité vitale, et s'ils séjournent trop longtemps dans ce liquide, s'ils s'ytrouvent surtout maintenus jusqu’au moment où il com- mence à s’altérer, tout phénomène biologique disparaît à Ja- mais de cet organisme. Les divers réactifs (teinture ammo- niacale de carmin, picrocarminate d’ammoniaque, etc.) pro- voquent également la mort de l’embryon dont ils dénatu- rent étrangement la forme; on doit donc éviter leur emploi ; seul, l’acide osmique m'a paru fournir quelques résultats sa- tisfaisants, mais la technique à appliquer à ces larves pour leur observation et surtout pour leur conservation est encore à déterminer. Aussitôt après sa sortie, l'embryon tend à revêtir sa forme normale ; Gobbold le compare, lors de l’éclosion, à un sablier ; l’image est exacte mais je ne pense pas qu'elle puisse réelle- ment caractériser un état particulier du jeune, ni répondre à une période donnée de son évolution, car l’aspect qu’elle ex- prime se trouve limité au moment même où la larve s'échappe de la coquille et semble reconnaître une origine toute méca- nique. Il n’en existe plus aucune trace lorsque l'embryon est définitivement mis en liberté; les contours s’harmonisent et bientôt la larve se montre sous une forme des plus régulières. shaped head seem chiefly concerned in loosening the membranous connection just referred to; and when, at length, the ciliated animalcule has succeeded in overcoming the first difficulty, it is ludicrous to witness its frantic efforts to find an opening in the shell while thus partially liberated, it will rush to and fro from one pole of the egg to the other, performing a series of summersaults, and at the same time occasionally rolling itself over laterally. This activity be- comes gradually more and more violent, until at length its excitement is worked up into a sort of frengy. » (Cobbold, Parasites, pp. 43-44.) 8 F. CHAŸTIN. Mais ces modifications extérieures n’offrent plus qu’un inté- rêt secondaire dès qu’on les compare aux changements qui viennent de s’opérer dans l’organisation interne. On se rap- pelle ce qu'était l'embryon vers l’époque où l’œuf se préparait à lui livrer passage : un tégument cilié limitait une cavité so- matique dans laquelle se distinguaient parfois déjà quelques corpuscules réfringents et un cæcum appendu au proboscide. Or, chacune de ces parties présente, à la suite de l’éclosion, d'importantes modifications : le tégument s’épaissit et dans son tissu serpentent des trainées vasculariformes dont nous aurons bientôt à invoquer la présence; quant au cæcum, il montre bientôt deux bourgeons latéraux (1), qui croissant d'avant en arrière ne tardent pas à figurer deux poches laté- rales insérées sur le cæcum initial (2); enfin les corps réfrin- gents ont augmenté tout à la fois en nombre et en volume (3); ils se meuvent librement dans la masse somatique, d’où le nom de « corpuscules sarcodiques » (Sarcode globules, Sar- code spherules, etc.), sous lequel Cobbold les désigne. Leur évolution indique l’époque de maturité de l’embryon qui, dans les conditions où nous avons pu l’observer jusqu'ici, ne tarde pas à se rompre pour mettre en liberté ces corpus- cules que l’on voit se contracter eb nager dans le fluide am- biant (4). Quelle est la véritable signification dé ces corps? re il y voir simplement des masses plasmiques indifférentes, de véri- tables Amibes? Je ne le pense pas, et j'estime que Eu consti- tution nous oblige à les interpréter différemment, en même ternps qu’elle nous permet de leur accorder une réelle i In tance. Nous savons, en effet, que dans une masse purement ami- boïde, la répartition dés éléments organiques s’opère d’une manière toute spéciale : à la périphérie se trouvent les matières (1) Fig. 6, V'. (OF iL 7" (3y Fig. 6 êt 7, S. (4) Fig. 8. ARTICLE N° 5. BILHARZIE HÉMATOBIE. 9 elveogènes faciles à reconnaître par lemploi du sérum iodé qui leur imprime une coloration classique aujourd’hui (4) ; ces substances ternaires n'occupent pas seules la périphérie de l’Amibe; elles s’y trouvent associées à une petite quantité de principes azotés, tandis que dans la masse limitée par cette zone externe se trouve une autre portion de substances qua- ternaires parfois granulées et associées aux corps gras. Cette constitution de l’Amibé, telle que les progrès de la science nous permettent de la formuler, ne s'accorde nullement avec les caractères des corpuscules sarcodiques, nés dans l’inté- rieur de l’embryon cilié : bien loin de changer constamment de forme, ils demeurent sensiblement sphéroïdaux, leurs con- tractions étant toujours locales, si je puis m’exprimer ainsi, c’est-à-dire n'intéressant qu'un point donné de la masse au lieu de lui faire revêtir successivement les aspects rameux propres aux Amibes ; quant à l’histochimie, elle nous montre ces corpuscules jaunissant à la périphérie sous l’action du sé- rum 1odé. Iln’y a donc pas formation d’une zone glycogène semblable à celle qui s’observe dans les protorganismes, mais simple différenciation cuticulaire se traduisant par la présence d’un revêtement périphérique dont la nature est essentielle- ment quaternaire, et dont les réactions semblent exprimer des caractères fort analogues à ceux qui distinguent la couche pro- tectrice des jeunes Gercaires apparaissant dans l’intérieur du sporocyste ou de la Rédie. De telles dissemblances offrent plus qu’un simple intérêt taxonomique; elles imposent immédiatement l’examen de la valeur qu’il convient d’assigner à l’embryon cilié de la Bilharzie dans le cycle de développement de cette espèce. Sa formation dans l’ovule, à la suite d’un acte sexué, peut seule expliquer ce nom de « proscolex » que lui assigne (1) La coloration en brun acajou par l’iode est la « réaction caractéristique de la matière glycogène » (Ranvier, Traité technique d’histologie, p. 158). — « Les expansions sarcodiques des infusoires fraîchement tués se colorent en acajou ou en rouge vineux. » (Certes, Sur la glycogénèse chez les Infusoires, in Comptes rendus, t. XC, p. 78, 1880.) 10 3. CHATIN.. la glossologie généralement admise; en réalité, son orga- nisation laisse bien loin derrière elle ce que nous savons de la constitution du Proscolex dans la classe des Trématodes. Jamais ces larves n’offrent la moindre trace de parties internes, tandis qu'ici nous distinguons des cæcums, des troncs vascu- liformes, etc. C’est donc à tort que certains denos contemporains, qui d’ail- leurs n'avaient pu observer directement Nononen de la Bol- harzia, ont tenté de CO er les cæcums à de jeunes Scolex : ils représentent, à n’en pas douter, la première ébauche d’un appareil digestif (1); or, le Proscolex n’en possédant jamais, c'est l'organisation du Scolex (Rédie) ou du Proglottis (Ger- caire) qui apparaît ici; elle s'affirme même par l'existence de ces trainées vasculiformes que M. Cobbold n'hésite pas à considérer comme un appareil excréteur, bien qu'on les trouve rarement très développées ; un dernier témoignage est fourni par l’étude de ces prétendus « globules sarcodiques » dans lesquels on semble autorisé à voir de jeunes gemmes en voie de développement. Les divers états évolutifs du Tréma- tode se trouveraient doncici réunis dans une forme unique (2), conception dont 1l est inutile de faire ressortir l’importance et qui suffit à montrer l’intérêt dont s’entoure l'étude de la Bil- harzie. [l est à souhaiter que des circonstances favora- bles permettent bientôt à d’autres naturalistes de poursuivre son examen au delà des limites qui m’étaient imposées et d'achever ainsi l’histoire de cette curieuse espèce. (1) Respecting the pedunculated blind sacs formed within the head, I think that we must regard the largest one as representing the stomach of the larva in its futuré cercarian stage. Under the 1/12 objective I distinctly recognised, in the cavity of the central blind sac, numerous highly refracting granules, the ia. meter of witch averaged not more than 17/12000. The rudimentary stomach is onter traceable whilst. Voy. aussi la thèse récente de Mantey (Otto Mantey, Distomum hœmatobium. Die durch dasselbe hervorgerufenen Krankheiten und deren Behandlung. Diss. inaug. Iéna, 1880). (2) Cette opinion paraît être également celle de léminent Hébhithloiste que je viens de citer, et qui assigne un « cercarian stage » à l’embryon cilié de la Bilharzia. ARTICLE N° 5. BILHARZIE HÉMATOBIE. 11 EXPLICATION DES FIGURES PLANCHE 6 Fig. 1. Un œuf isolé montrant son prolongement polaire, Fig. 2. Segmentation du vitellus v. Fig. 3. Embryon inclus dans l’œuf et vu par transparence : P, proboscide; €, cils vibratiles revêtant la périphérie de l'embryon; E, masse granuleuse de l'embryon. Fig. 4. Embryon après l’éclosion : V, cæcum. Fig. 5. Embryon dont le développement est plus avancé : S, corpuscules con- tractiles. | Fig. 6. Les cæcums latéraux V’ V' commencent à s’ébaucher sur les flancs du cæcum initial V. Fig. 7. Les trois cæcums V' V' V’ complètement développés. Fig. 8. L’embryon cilié donnant issue aux corpuscules contractiles S. NOTE. ADDITIONNELLE SUR UNE MUSARAIGNE DE COCHINCHINE Par le D' Æ. LL. TROUSSARIX. a Au sujet de ma Note sur une Musaraigne de Cochinchine (voyez les Annales, 1. X, n° 4 à 6), M. le professeur Peters (de Berlin), que j'avais cité (p. 10), m’écrit pour me faire remar- quer qu’il n’a jamais considéré Sorex Sonneratii E. Geoff. et S. serpentarius Is. Geoff., comme appartenant au s.-q. Cro- eu Ces deux espèces sont bien à ses yeux des espèces du 9. Pachyura, et ce nom était « sous-entendu » dans son ar AE Par contre S. myosurus Pallas, est bien pour lui — comme pour nous — une véritable Crocidura. Je m'empresse de reconnaître que cette petite erreur (du reste peu importante dans le cas dont il s’agit) est toute de mon fait, et provient de ce que J'avais mal compris le texte de M. Peters. En même temps, ce naturaliste me fait remarquer que dans les Monatsberichte Akad. Berlin, 1877, p. 187, il a parlé d’un exemplaire de Crocidura Schweitzeri qui présentait du côté gauche trois dents intermédiaires (deux ineisives et une ca- nine), comme à l’état normal, tandis que du côté droit il y avait quatre dents, par suite du « Dares de la canine en deux dents plus petites ». Cette anomalie, qui est en quelque sorte la contre-partie de celle que je signalais sur une Pachyura, vient confirmer ce que Jj'avançais, dans cette note, au sujet du peu d'importance de ces petites dents dans la classification des Musaraignes. En constatant que M. Peters a été le premier à signaler une ano- malie de ce genre chez les Soricideæ, je tiens à faire remarquer que je n’ai eu connaissance de son article qu'après que le mien était imprimé. M. Peters, du ste, a signalé cette ano- malie sans en déduire aucune conséquence. ARTICLE N° 4 Dis. OBSERVATIONS SUR L'ORIGINE DES CELLULES SEXUELLES DES HYDROÏDES Par M. Auguste WIESMANN. Les observations que je me permets-de présenter ici étaient déjà achevées en grande partie au printemps de l’année 1878. Elles avaient porté sur des animaux recueillis en divers lieux de la Méditerranée entre la Spezia et Marseille. Mes études dans cette dernière ville furent favorisées par l'accueil aimable du directeur du laboratoire zoologique de la Faculté des sciences, M. Marion. Non seulement M. Marion me donna place dans son laboratoire, mais il aida encore plus tard mes recherches par de nombreux envois. Je suis heureux de Es le remer- cler 11 cordialement. On sait que depuis longtemps des opinions dan ont été émises sur l’origine des produits sexuels des Hydroïdes, Quelques zoologistes ont soutenu que les œufs et les sperma- tozoïdes se forment aux dépens de Pectoderme; d’autres ont dit que ces deux éléments prennent naissance dans Pendoderme. E. van Beneden a cru trouver la solution du problème en mon- trant que chez l’Hydractima les produits sexuels mâles dérivent de l’endoderme. Mais 1l a été bientôt reconnu que lesobserva- tions de E. van Beneden n'avaient pas la généralité que l’au- teur avait voulu leur accorder et que même elles ne pouvaient pas se rapporter à tous les Hydroïdes. En effet, plus ancienne- ment Kleinenberg et F. E. Schulze avaient constaté, le premier chez lHydra, le second chezle Cordylophora, que les divers pro- duits sexuels dérivent également de l’ectoderme ; résultats que je puis confirmer par mes observations personnelles. Grobben a pu observer l’origine ectodermique des produits sexuels chez le Podocoryne carneaF. E. Schultze a publié une observation analogue relative au Sarsid tubulosa. ANN. SC. NAT. ZOOL. — ART. N° 6. 9 A. WVIESMANN. Les frères Hertwig ont aussi constaté l’origine ectodermique des deux éléments reproducteurs chez un grand nombre de Méduses ; enfin Ciamician a attribué la même signification aux phénomènes de sexualité des Tubulaires. Moi-même, avant la publication de Ciamician, j'étais arrivé aux mêmes résultats en étudiant le même genre. Mais s’il est indiscutable que toutes ces assertions sont exactes, 1l n’enest pas moins certain, d'autre part, qu'il existe des Hydroïdes chez lesquels les produits sexuels se forment uniquement aux dépens de l’endoderme. Jai vu que tel est le cas pour les genres Plumularia, Sertularella et Eudendrium, ou plutôt les familles auxquelles ces genres appartiennent. Ajoutons que le mode de reproduction annoncé par Ed. van Beneden chez l’Hydractinie est propre encore à d’autres es- pèces; que Fraipont l’a constaté le premier pour les Campanu- laria, et que je l'ai moi-même observé chez les Gonothyræa. XI faut donc admettre trois combinaisons différentes pour les processus sexuels des Hydroïdes. a. Les deux sortes de produits sexuels dérivent de l’ecto- derme (Hydra Cordylophora, Tubularia, etc.). b. Les deux sortes de produits sexuels dérivent de l’endo- derme (Eudendrium, Plumularia, Sertularella). c. Les spermatozoïdes dérivent de l’ectoderme et les œufs de l’'endoderme (Hydractinia, Campanularia, Gonothyræa). On conçoit une quatrième combinaison, celle que Ciamician croyait avoir observée chez l’Eudendrium, mais en réalité elle ne semble pas s'être réalisée, du moins elle n’existe pas chez le type observé par ce naturaliste. On reconnaît qu'aucune de ces trois combinaisons n’est bor- née à une seule famille, mais bien au contraire qu’une même famille peut présenter plusieurscombinaisons ; il nous sera peut- être possible de comprendre plus tard la raison de ces faits, mais 1] faut se contenter actuellement de les constater. En tout cas je ne puis admettre, avec Korotneff, que l’origine des pro- duits sexuels dans l’ectoderme ou dans l’endoderme so t sans importance. Get auteur n’a pas reconnu que la lamelle ba- ARTICLE N° 6. ORIGINE DES CELLULES SEXUEËLES DES HYDROIDES. Di silaire (stüzlamelle) sépare l’ectoderme de l’endoderme ; il considère seulement les deux couches épithéliales comme étant l’une l’ectoderme et l’autre l’endoderme et il attribue au médoderme la couche sub-épithéliale, les éléments sexuels ainsi que la lamelle basilaire. [n’est point difficile dès lors de déclarer qu'il est insignifiant que les produits sexuels se trou- vent en dedans ou en dehors de la lamelle basilaire. L'auteur russe a ainsi évité une difficulté dont la solution aurait donné probablement des résultats importants; mais cette manière d'agir n’est pas seulement une faute de méthode, l'hypothèse de Korotneff n’est pas en réalité d'accord avec les faits. Si, comme il le suppose, il était insignifiant que les pro- duits sexuels prissent naissance de l’un ou de l’autre côté dela lameile basilare, on devrait rencontrer fréquemment des ex- ceptions à la règle. Par exemple, dans des espèces qui, comme le Gonthyræa, produisent ordinairement les œufs dans leur endoderme, on devrait trouver quelquefois des ovules ecto- dermiques, ou vice versa des cellules spermatogènes endo- dermiques, bien que chez cette espèce elles apparaissent nor- malement dans l’ectoderme. J'ai pu me convaincre que ces phénomènes ne se présentent jamais, ni chezles Gonothyræa, ni chez les Plumularia, les Sertularella, ni chez les autres es- pèces que J'ai observées. Ilest donc évident qu’il s’agit ici d'une très ancienne disposition héréditaire, qui peut avoir au point de vue phylogénétique une signification de grande valeur. On objectera peut-être que E. Van Beneden à montré que chez Hydractinia le testicule passe du feuillet externe au feuillet interne, mais il s’agit ici d'une invagimation et nullement d’une pénétration à travers les deux feuillets : ce ne sont pas les cel- lules testiculaires qui émigrent dans l’endoderme, mais c’est une portion de l’ectoderme qui se refoule et se trouve enveloppé par l’autre feuillet. En résumé, tout ce que l’on peut dire c’est que l’origine des cellules sexuelles est différente pour les divers groupes d'Hydroïdes. Les Sertularidés, pris dans un sens général, parais- sent avoir une origine endodermique ; les Campanularidés, ceux ANN. SC. NAT., ZOOL., JUILLET 1881. XI. 18. — ART. N° 6 7 A. NVIESMANN. du moins qui possèdent des bourgeons sexuéëls sessiles, ont une origine mixte dans le sens des observations de Van Beneden ; les Tubularidés possèdent les trois combinaisons signalées plus haut, sans que l’on puisse encore dans cette famille reconnaître des groupes spéciaux. Mais l’origine des produits sexuels peut être considérée sous un point de vue tout différent. Elle peut être étudiée dans un sens pour ainsi dire topographique, et c’est justement le but de. ce mémoire. Ha été admis jusqu'ici que les cellules sexuelles, soit ectodermiques, soit endoderniques, naissent dans des individus sexués, dans des gononhores ou dans des méduses. Ce fait n’est point général. Il existe un grand nombre d'espèces, des genres et même des familles entières, chez lesquels les éléments sexuels ne prennent pas naissance dans des individus reproducteurs, mais bien dans le parenchyme de la colonie, dans le cenenchyme de Milne-Ed- wards et Haime (cænosarc d’Alliann). J'emploierai dans cé mémoire cette dernière appellation, parce que la première ne fut appliquée par Milne-Edwards et Haime que pour les Antho- zoaires, et parce que, d'autre part, je ne crois pasque lecænen- chyme des Antozoaires corresponde exactement au cænosarc des Hydroïdes. J’appellerai origine cænosarcalela formation des cel- lules sexuelles dans le parenchyme de la colonie; j’appellerai origine blastoidale la formation des cellules sexuelles dans les bourgeons sexuës; enfin je désignerai les Hydroïdes qui appar- tiennent au premier type sous le nom d’AHydroïdes cœnogones (abrév : pour cœnosarcogones) et ceux qui appartiennent au second type sous le nom d’Hydroïdes blastogones. Sans aucun doute 1l existe des Hydroiïdes blastogones ; ainsi est en partie justifiée l’idée actuelle sur le mode d’origime des cellules sexuelles dans les bourgeons sexués. d’ai souvent en effet examiné plusieurs espèces d’Obelia en voie de produire des méduses, pour voir si les ramifications contenaient dans le cœnosarc des cellules sexuelles; jamais je n’ai pu observer rien de semblable et les produits sexuels se sont toujours for- més dans fa méduse. Aux Hydroïdes blastogones appartient ARTICLE N° 6. ORIGINE DES CELLULES SEXUELLES DES HYDROIDES. D encore le Tubularia, chez lequel les produits sexuels dérivent de l’ectoderme.de puis, d’après mes recherches, soutenir lopi- nion de Ciamician, au moins pour ce qui à rapport aux princi- paux résultats, et de plus assurer que, chez le Tubularia, les produits sexuels prennent naissance dans les bourgeons (vono- phores). Ghez les jeunes gonophores, là où linvagination se produit dans le futur point de départ de la formation des or- sanes sexuels il ne se trouve d’abord aucune cellule différente des autres. Les caractères propres aux cellules sexüelles n’ap- paraissent que plus tard, lorsque le refoulement de l’ectoderme dans l’endoderme est déjà avancé. Alors, il se produit dans cette invagination unescission en deux feuillets : l’un deviendra l’épithélium de la surface interne de l’ombrelle, Vaatre la couche ectodermique du spadix. Dans celle-ci se formeront en- suite les cellules sexuelles. Anse donc les cellules sexuelles ont seulement leur origine dans les gonophores ayant acquis déjà la forme médusoue. A ce groupe des Hydroïdes blastogones appartiennent, je le suppose, toutes les vraies méduses fibres et probablement plu- sieurs méduses fixes. | Parallèlement au groupe précédent, en existeunautre, aussi riche en espèces, chez lequel les cellules sexuelles prennent naissance dans le cœnosare, avant la formation des gonophores eux-mêmes. Pour ce qui concerne les cellules femelles, l’ori- gine cænosarcale s'applique à un assez grand nombre de formes; je ne connais jusqu’à présent que le genre plumularia, dont les cellules mâles aient la même origine. Le premier qui remarqua des œufs dans le cœnosare fut F.E. Schulze, qui mentionne, à la fin de son excellente mono- graphie sur «le Cordylophora lacustris », l'observation qu’il fit, à son grand étonnement, de la présence, dans le cœnosarc des rameaux et du tronc d’une colonie femelle, de grandes cel- Jules, sans membrane, à protoplasma granuleux, contenantun noyau de très grande dimension. Elles avaient une parfaite ressemblance avec desæufs véritables. La mort de ces colonies ne permit pas à ce naturaliste de suivre le développement de 6 A. NVIESMANN. ces cellules et il ajoute « la supposition établissant que l’on avait affaire à des œufs véritables surprendra moims si on considère que les gonophores, dans l’ectoderme desquels les œufs prennent ordinairement naissance, ne sont que de grands culs de sac du cœnenchyne. Quelques années plus tard, Van Beneden observait que chez l’'Hydractinia echinata, dans la partie du polype (hydranthe) où les bourgeons sexués se développent, 1l y a des ovules dans l’endoderme. Lorsque plus tard la paroi forme un gonophore, les ovules doivent en partie être amenées dans l’intérieur du gonophore. [l ne s’agit cependant pas 1c1 d’ovules trouvés dans le cœnosare de la colonie, mais seulement dans les parois du bastostyle, c’est-à-dire de l'individu qui produitles bourgeons sexués, et, d'après Van Beneden, ces ovules se forment vérita- blement dans le blastostyle même. Les observations de Van Beneden ont ainsi un plus grand intérêt, en faisant connaitre une forme intermédiaire entre les deux extrêmes, c’est-à-dire entre les Hydroïdes blastogones et les Hydroïdes cœænogones. Fraipont a fait récemment une observation analogue chezles Campanularidées ; 1l a vu chez Campanularia flexuosa et angu- lata les ovules non seulement dans le pédicule du gonangium, mais encore dans l’endoderme des rameaux et des stolons. Il ne dit rien sur la signification de ces ovules du cœnosare, les considérant peut-être comme des cellules abortives, à l'exemple de Van Beneden qui avait cru qu’une grande partie des ovules, situés dans le parenchyme de l’'Hydractinia, étaient des cellules destinées à disparaitre. Ce dernier naturaliste comparait même ces dernières aux cellules abortives qui se trouvent dans l’ovaire des Daphno- ides (1), croyant qu'une partie seulement des ovules de la ré- (4) D’après mes recherches chez Leptodora, ces cellules ne sont pas, en vérité, des cellules abortives, mais des cellules nutritives, destinées à être résorbées par les œufs. Les œufs d'hiver de Leptodora et autres Daphnoides sont beaucoup plus volumineux que les œufs d'été, ce qui provient d’un plus grand nombre de ces cellules nutritives. Voir : Zur naturgesckichte der Daphnoïiden, T et IT, Leipzig, 1878, ou Zeitschrift für wissenschaftliche Zoologie, vol. XXVIII. ARTICLE N° 6. ORIGINE DES CELLULES SEXUELLES DES HYDROÏDES. 7 gion germinative » était destinée à devenir des œufs et que la plus grande partie s’atrophiait plus tard sans développement ultérieur. Quoi qu’il en soit, l’idée qu'il ne s’agissait chez les Campanula- ria que d’ovules abortifs pouvait se soutenir aussi longtemps que l’on considérait les gonophores comme lieux de naissance des œufs des Hydroïdes. On n'avait pas même droit de supposer que ces cellules du cœnosarce, observées chezles Campanularid, pussent pénétrer dans les gonophores pour devenir des œufs, avant du moins d’avoir observé que les ovules des gonophores ne naissent pas dans ces bourgeons. La tâche que je me propose dans cette publication est double : 1° Jessaierai de montrer que les cellules sexuelles, qui prennent naissance dans le cœnosare, sont des formations nor- males d’une signification assez importante et que, chez toutes les espèces, qui présentent de telles cellules dans le cænosarc, celui-ci, et non les gonophores, est le vrai lieu de naissance des produits sexuels. % Je montrerai que l’origine cœnosarcale des produits sexuels (au moins des produits sexuels femelles) est très répan- due, qu'il y a des familles entières chez lesquelles les œufs et d’autres chez lésquelles aussi les testicules se forment d’abord dans le cœænosarc pour émigrer plus tard dans les gonophores. J’examinerai en premier lieu l’origine des produits sexuels chez le genre Plumularia, parce que l’origine cœænosarcale chez ce genre s'applique aux deux sexes; je passerai ensuite en revue les Sertularidées et Campanularidées, pour terminer par les observations que j'ai faites sur l’origme cœnosarcale des produits sexuels chez les Tubularidées. PLUMULARTA ECHINULATA (Lam.) Cette espèce n'avait pas encore été trouvée dans la Méditer- ranée, cependant elle est assez répandue dans les golfes de Gênes et de Marseille. 8 Æ. AVIESHARN. Les deux sortes de cellules sexuelles se forment dans lendo- derme du cœnosarc, surtout dans le tronc de la colonie, sou- vent aussi à la base des rameaux latéraux. | On peut ici prouver que là formation des produits sexuels dans les deux sexes devance celle des gonangiums et même la détermine ; les gonangiums ne prennent naissance dans le cœ- nosarc que là où se trouvent des cellules sexuelles. La formation des produits sexuels s'opère de la même façon dans les deux sexes. Les ovules, aussi bien que les cellules tes- ticulaires primordiales se forment par la transformation de cellules ordinaires de l’endoderme. On peut le prouver de la manière la plus positive. Les gonangiums mâles et femelles se développent sur la eo- lonie très régulièrement de bas en haut, c’est-à-dire de la par- tie inférieure à la partie supérieure, detelle sorte que lon peut à l'avance préciser l'endroit où se formera plus tard un gonan- gium. La formation des cellules sexuelles est aussi en rapport avec la croissance du tronc, c’est-à-dire qu'elle se fait de bas en haut. On observe par exemple sur un article du tronc un testicule primordial, tandis que, plus haut, à la place corres- pondante d’un autre article, on ne voit rien de semblable et il n'existe que la simple couche des cellules endodermiques ordi- naires. Plus tard on trouverait au même endroit également un testicule primordial. Ainsi les cellules testiculaires primor- diales doivent se constituer par transformation de cellules en- dodermiques ordinaires. Cette transformation a ordinaire- ment heu dans plusieurs cellules voisines à la fois; celles-ci grossissent, perdent les grandes vacuoles pleines d’eau et se remplissent de protoplasme. Elles ne se retirent pas sur-le- champ de la surface endodermique, comme le font, d'après E. Van Beneden, les ovules; elles restent au contraire encore un certain tempsen contact direct avec la cavité du corps et ce n’est que, lorsqu'elles ont formé des amas assez considé- rables de cellules, qu’elles sont recouvertes par une couche de cellules ordinaires de l’endoderme. La multiplication des cellules spermatosènes est très ra- ARTICLE N° 6. ORIGINE DES CELLULES SEXUEILES DES YYDROÏDES. 9 pide, de sorte qu'on trouve assez rarement les premiers débuts du testicule, surtout dans le tronc; on n’observe ordinairement que le stade suivant, c’est-à-dire un amas de cellules secon- daires qui, dans une coupe transversale oblique, se présenté comme un épaississement considérable de l’endoderme. Le stade le plus jeune, que j’ai pu observer dans le trone, mon- trait trois cellules testiculaires primaires, dérivées sans doute des cellules de l’endoderme, dont elles occupaient la place. On observe d’une manière plus nette et plus sûre les pre- miers stades dans les rameaux (pinnae) et dans les blastostyles des gonangiums déjà formés. On y voit souvent plusieurs stades successifsavec de grosses cellules testiculaires primaires ainsi que des amas de cellules plus petites secondaires. Les cellules primaires sont rondes, plus larges que celles de l’endoderme, munies de noyaux caractéristiques avec nucléole gros, sombre et coloré en bleu foncé par l’hématoxyline. Sur des préparations colorées, ces cellules se distinguent par la teinte homogène de leur protoplasma, tandis que les cellules environnantes de l’endoderme, pauvres en protoplasme mais renfermant beaucoup de liquide, sont très faiblement colorées. Je n’ai pas suivi exactement la manière dont ces cellules se multiplient, mais j'ai pu constater qu'elles contiennent quel- quefois trois noyaux. Les cellules filles sont la moitié plus pe- tites, mais elles possèdent aussi ces noyaux sombres et réfrin- gents. | On peut également observer les premiers débuts des ovules. Souvent on rencontre des cellules intermédiaires entre des cellules endodermiques ordinaires et des ovules, surtout dans les articles supérieurs du trone. La transformation s'opère par l'accroissement de toute une cellule endodermique, corrélatif à l'accroissement considérable du noyau et à la consolidation du protoplasme. L’ovule se trouve plus tard entre la lamelle basilaire et les cellules de l’endoderme; mais, au début, il est entouré seule- ment par les prolongements des deux cellules endodermiques 10 A. YWWIESMANN. qui l’avoisinent. Gomme la cellule mâle, il est constitué par du protoplasma sans vacuoles, tandis que les cellules de l'endo- derme contiennent très peu de protoplasma, mais beaucoup de liquide. Très souvent les jeunes ovules ont un aspect amæboïde avec prolongements pointus, irréguliers, quelquefois ramifiés, qui manquent chez les ovules âgés et dont la forme est sphé- rique. Il ne s’agit certainement pas ici d’un acte de nutrition, puisque ces ovules ne sont nullement en contact avec les élé- ments nutritifs qui se trouvent dans la cavité du corps; aussi ne renferment-ils jamais de ces éléments. Il vaut mieux y voir un phénomène dépendant de la loco- motion ; les ovules sphériques des articles inférieurs du tronc sont en effet réunis et constituent des groupes, tandis qu'ils sont souvent éloignés les uns des autres dans les articles supé- rieurs. Il faut donc supposer les ovules se réunissant en groupes pour la formation des gonangiums. Toutefois je ne crois pas que les mouvements de ces cellules soient considérables, par exemple qu’elles émigrent d'ur ar- ticle à l’autre, parce que toujours on trouve les jeunes ovules dans les articles supérieurs, les plus âgés dans les articles du tronc les plus inférieurs. La formation des gonangiums ressort chez les deux sexes des groupes de cellules sexuelles contenus dans le cœnosare, e’est- à-dire de testicules ou d’ovaires primitifs. Cette formation s'annonce par un changement dans Pectoderme, L’ectoderme du tronc se compose de plusieurs couches de cellules, dont la plus profonde est formée de cellules fusi- tormes, parallèles entre elles et à la direction longitudinale du tronc, et qu'on ne doit pas considérer comme de simples pro- longements des cellules supérieures, puisqu'elles contiennent chacune un noyau. Par la macération dans la liqueur de Mül- ler, on les isole et elles ressemblent alors aux cellules muscu- laires. Jusqu’alors on n’avait pas constaté la présence de cellules ARTICLE N° 6. ORIGINE DES CELLULES SEXWELLES DES HYDROIDES. 11 musculaires dans le cœnosare des Hydroïdes, dont le troncet les rameaux sont entourés d’un périsare résistant, probable- ment parce qu'on n’en soupçonnait pas l’existence là où elles semblaient ne pouvoir fonctionner. Mais je me suis assuré que le tube cœnosareal peut, du vivant de ces Hydroïdes, subir des changements de volume, qui doivent sans doute dépendre des contractions insensibles de cette couche de cellules mus- culaires. | Je reviens, après cette remarque, au développement des go- nangiums. L’ectoderme subit de nombreuses modifications. Les cel- lules des couches supérieures, qui avaient primitivement une forme irrégulière, polygonale, s’allongent et se placent dans un sens perpendiculaire au plan de la lamelle basilaire. Les nom- breux corpuscules réfringents qu’elles renfermaient disparais- sent et les cellules deviennent claires. Cette modification a justement lieu au-dessus des testicules primitifs ou des ovaires. Ces cellules transformées de lecto- derme forment un tubercule circulaire, qui se sépare de lec- toderme par un sillon profond, de forme annulaire, et qui a d'abord pour tâche de percer le périsarc. Je ne crois pas que l’on se soit jamais posé la question de savoir comment un bourgeon formé de cellules et d’une con- sistance molle peut percer une gaine aussi épaisse et aussi dure que le périsarc, gaine qui résiste à l’action des réactifs les plus énergiques. On peut suivre pas à pas ce processus chez Plumularia echinulata. En premier lieu, on remarque, au-dessus du tu- bereule ectodermique, la formation dans le périsarc d’une fente qui, vue d’en haut, a la forme d’un verre de montre et, sur une Coupe optique transversale, une forme semi-lunaire. Cette fente s'enfonce de plus en plus pour percer enfin à lex- térieur. C'est là un phénomène d’ordre, non pas mécanique, mais certainement chimique : non seulement en effet la surface du périsare n’est pas soulevée par le tubercule, mais les fines 19 A. WVAESMANN. stries parallèles du périsare cessént brusquement sur les bords de la fente, preuve indiscutable de la dissolution à eet en- droit des lames du périsarc. Il faut donc supposer l’introduc- tion dans les cellules du tubercule d’un hquide capable de dissoudre le périsare. On voit en effet à la périphérie des cellules du tubercule un liquide clair, dont ia nature chimique n’est pas facile à définir. Le périsarc est formé d’une substance chitineuse, azotée, qui ne se dissout que très difficilement et lentement dans les acides concentrés et les principes alcalins. Mesexpériences sur Plumularia echinulata m'ont démontré que le périsarc de cette espèce résiste entièrement à l’action prolongée pendant eimg jours des acides sulfurique et chlor- hydrique, ainsi qu'à celle de la potasse caustique. Cependant, après un séjour d’un mois dans ce dernier réactif, le squelette était complètement dissous. Comme il y a beaucoup de CORDSINONS ganiques qui ne sont attaqués que par les acides dilués, j'ai plongé Plumularia dans de l'acide sulfurique à 4 pour 100, 0,1 pour 100, 0,01 pour 100, puis dans de l'acide ehlorhydrique à 2 pour 400, 4 pour cent, 0,1 pour 406, ; enfin dans de la potasse à 1 pour 400; au bout d’une semaine, le périsarc n’était pas entièrement dissous. Quel est alors le réactif, produit du tubercule ecto- dermique, capable de dissoudre si promptement le périsare sans attaquer les {issus mous? Il est en outre étonnant que la couche chitineuse la plus jeune du périsarc ne soit pas dissoute par le produit que sé- erète le tubercule. Elle doit donc différer chimiquement des parties plus anciennes du périsarc, ce que confirme l’action du carmin, qui la colore plus fortement et plus facilement que le reste du périsarc. Cette couche, que j’appellerai couche du cambium, se distingue aussi par ses proprié{és physiques : elle n’est pas encore dure et raide, mais molle et élastique, comme le prouve le développement progressif du gonangium. Après l'apparition d’une ouverture sphérique dans le péri- sarc, le tubercule ectodermique, recouvert par une fine ARTICLE N° 6. ORIGINE DES CELLULES SEXUELLES DES HYDROÏDES. 13 couche du eambinm du périsare, perce au dehors. L’endo- derme commence aussi à se relever et se prolonge dans le tu- bercule ectodermique qui tend à se recourber, de façon à limiter un vide intérieur. Ainsi à pris naissance un bourgeon muni de deux feuillets et dans lequel vont bientôt pénétrer les cellules sexuelles. Cette entrée est en partie passive, c’est-à- dire qu’elle est Le résultat du déplacement, de la croissance, et elle est en partie active, résultant alors de la marche des œufs ou des cellules spermatogènes. Le déplacement passif des cel- lules se laisse très bien observer dans les jeunes gonangiums. Au point où le périsarc présente une petite ouverture, on constate que les cellules des deux minces feuillets sont forte- ment étirées en longueur avec les angles excessivement aigus, ainsi que la iamelle basilaire. C’est par cette étroite porte que ces cellules sortent pour servir à la. formation définitive du bourgeon sexué. On observe même un courant de cellules qui se dirige dans le bourgeon et 1l n°y a pas de doute qu’un cer- tain nombre de cellules du cœnosarc se détachent du trone pour pénétrer dans le bourgeon. Le moment de la descente des cellules sexuelles dans le go- nangium n’est pas tout à fait le même pour les deux sexes. Chez les mâles, elle a lieu lorsque l’endodérme envoie un pro- longement dans le tubercule ectodermique. Immédiatement au-dessous de ces parties se trouvent les testicules primor- diaux, masse de cellules qui se glissent lentement à travers l'ouverture du périsare, tout en s’étirant en longueur. L'entrée des œufs dans les gonangiums femelles a lieu sou- vent plus tard. On trouve quelquefois des gonangiums qui sont encore vides, mais dans ce cas, les ovules se trouvent déjà dans le prolongement de lendoderme avant qu’une ouverture se soit formée et que le bourgeon gonangial soit complètement sorti du périsarc. Ces distinctions se comprennent par la diffé- rence de position que les ovules ont au début de leur déve- loppement. On les. trouve, il es vrai, toujours au-dessous du tubercule getodermique, mais cependant à une distance variable de son centre ; aussi leur nombre varie de deux à huit. 14 A. NVIESMANN. Je ne veux pas décrire en détail les métamorphoses du go- nangium depuis l'entrée des cellules sexuelles jusqu’à sa maturité, mais seulement insister sur quelques points essen- tels. J'ai déjà dit que les jeunes gonangiums sont recouverts par la couche cambiale du périsarc. Dès que le gonangium a percé le périsare du trone, on remarque que cette couche n’est plus accolée à l’ectoderme, mais qu'il y a entre ces deux mem- branes un espace rempli d’une masse claire presque invisible. Cette sécrétion de l’ectoderme est plutôt de nature gélatineuse que liquide, colorée très faiblement par le carmin et destinée à renforcer par de nouvelles couches le périsarc déjà formé. On peut ainsi dans ce cas observer directement la sécrétion du périsarce. Au début, le gonangium femelle est pisiforme, mais bientôt la partie terminale s’étire en petites pointes tandis que l’ecto- derme de cette portion atteint une assez grande épaisseur. Les cellules s’allongent fortement et entre elles se montrent des cellules urticantes. | Chez certains bourgeons la partie périphérique se retire du périsarc et la masse cellulaire du gonangium se sépare en blastostyle proprement dit, sur lequel se développeront les gonophores, et en plaque terminale ayant la forme d’une en- clume. Pendant que le blastostyle croît en longueur, il se forme, à la place où les ovules se trouvent, un cul-de-sac qui devient un gonophore. Celui-ci se sépare plus ou moins du blastostyle et finit par n’y adhérer que par un court pédicule. Dans l’intérieur du gonophore, l'endoderme, croissant beau- coup plus que l’ectoderme, est obligé de se plisser, de telle sorte qu'il se produit des cavités en forme de niches, dans les- quelles les ovules s’enfoncent. Sitôt que les œufs arrivent à maturité, la fécondation a lieu et en même temps le tube endodermique se retire lentement du gonophore. Pendant la maturité du premier gonophore, il s’en forme ordinairement un second. D’où proviennent les ovules? Dérivent-ils du cœænosare ou du blastostyle ? Cette der- ARTICLE N° 6. ORIGINE DES CELLULES SEXUELLES DES HYDROIDES. 15 mère hypothèse semble la plus probable, car les articles du tronc qui supportent les gonangiums arrivés à maturité ne renferment plus d'ovules dans leur cœnosarc, tandis que, dans l’endoderme du blastostyle, on trouve de très jeunes ovules et même des stades intermédiaires entre les ovules et les cellules endodermiques ordinaires. La formation d’un troisième gono- phore a lieu assez rarement, quoique l’on trouve souvent à côté du second gonophore des groupes d’ovules dans le blas- tostyle Ainsi, les premiers ovules prennent naissance dans le cœno- sare, mais aussitôt que la formation d’un gonangium s’est effectuée, ils se forment aussi dans celui-ci. Ce résultat me parait avoir une certaine importance, parce qu'il prouve que la formation cœnosarcale des ovules ne résulte pas d’une raison d'utilité. D’après cela, il est évident que, par exemple, la nu- trition de ces jeunes ovules doit se faire aussi bien dans le blastostyle d’un gonangium que dans le cœænosarc du tronc. Ainsi donc 1l doit exister une raison plus importante qui fait que les cellules sexuelles se forment d’abord dans le cœnosarc. L’analogie est complète entre la formation des gonangiums femelles et celle des gonangiums mâles ; la formation du péri- sarc, là séparation en plaque terminale ou du plafond et en blastostyle, la croissance du premier gonophore, sont identi- ques aux mêmes phénomènes qui se passent dans les gonan- giums femelles. | Cependant le gonophore est un peu plus long et la masse testiculaire, dont la croissance est excessivement rapide, entoure de bonne heure l’endoderme du gonophore. Peu après, le second gonophore prend naissance etles cel- lules testiculaires primordiales dont 1l dérive se forment sans aucun doute dansle blastostyle même et non pas dans le tronc. Presque dans chaque gonangium, au-dessous du premier go- nophore, on trouve ces cellules primordiales dans les parois du blastostyle, où elles forment de petits groupes entre les cel- lules ordinaires de lendoderme. 16 A. VYEIRSMEANN. PLUMULARIA SETACEA Quoique cette espècé soit moins favorable aux recherches que la précédente, j'ai pu cependant constater que les ovules naissent dans l’endoderme du tronc et émigrent ensuite dans les jeunes gonangiums. L’émigration ne se fait pas simultanément, car j'ai souvent observé des gonangiums qui ne contenaient que quatre ovulés, tandis qu’il y en avait de dix à seize dans des gonangiums plus mûrs. Autour de la base de ces gonangiums, on trouve tou- jours dans le c@nosarc du tronc un certain nombre d’ovules destinés à se rendre peu à peu dans le gonangium. On trouve les gonangiums disposés à peu près comme chez Plumularia echinulata, surtout dans le trone de la colomie et de la base au sommet. Dans toute cette région des gonangiums (gonangien region), on trouve quelquefois le cœnosarc du trone rempli d’ovules. Ils ne sont pas seulement placés à la base des gonangiums jeunes, mais. des bourgeons déjà mûrs, de sorte qu’on doit penser à une seconde émigration d’ovules pour la formation d’un deuxième gonophore. Les ovules sont souvent en telle quantité dans certaines parties du tronc qu'ils constituent une colonne serrée. Les produits sexuels mâles se forment chez cette espèce dans l’endoderme, comme dans Plumularia echinulata. La recherche des gonophores est ici rendue plus difficile par la présence des corbules, aussi n’ai-je pu étudier les stades les plus jeunes; je puis dire cependant, qu’à de certaines époques, l’'endoderme du tronc renferme de nombreux ovules, et cela surtout dans les points où vont apparaitre de nouvelles cor- bules. Peu après le commencement de Ia reproduction sexuelle, je trouvai le milieu du trone seul rempli d’ovules, tandis que les portions infériéures n’en contenaient plus ; quel- ques mois plus tard, malgré la présence de plusieurs corbules à moitié müres, le tronc ne renfermait plus aucun ovule, cir- constance qui ne doit pas élonner puisque les corbules ne pro: duisent qu’une seule fois des gonophores. Aussitôt que cesse ARTICLE N° 6. ORIGINE DES CELLULES SEXUELLES DES HYDROIÏDES. 17 la formation dé nouvelles corbules, cesse aussi apparition d’ovules dans le cœnosarc. En comparant ces résultats à ceux obtenus sur les Plumuluria, on ne peut guère douter que la formation des corbulés n'ait son origine dans le tronc lui- même, et né soit causée par des émigrations d’ovules allant du tronc dans de tout jeunes rameaux; ces ovules déterminent alors la transformation des rameaux-en corbules, et la produc- uon de gonophorés. Je n'ai pu étudier sur cette espèce le mode d'apparition des éléments sexuels niâles. Sertularella polyzonias et S. Gayi. — J'ai trouvé des répré- sentants de la première espèce, munis d'organes sexuels par- venus à maturité, pendant les mois de mars et d'avril, en plusieurs points de la Riviera; quant à la seconde, fort peu différente de la première, J'en ai réçu quelques échantillons provenant de la station zoologique de Naples, en juin. Les éléments sexuels mâles et femelles apparaissent dans l’endo- dérme, et, au moins pour ce qui concerne les ovules, dans l’endoderme du tronc et des rameaux. Les gonangiums nais- sent dans la région moyenne de la colome, et, ainsi que chez la plupart des Hvydroïdes, leur ordre de succession est dirigé de bas en haut ; ils ne sont pas très nombreux, et apparaissent toujours vis-à-vis d'un hydranthe. Sur les exemplaires récoltés en mars aussi bien que sur ceux récoltés en juin, le cœnosarc situé au-dessus des gonangiums déjà formés est rempli d’ovules, et cela jusque dansle voisinage du sommet de la colonie ; mais, chez les deux espèces étudiées en ce moment, la grosseur et le nombre des ovules diminuent vers le sommet, de telle sorte que souvent l’on observe, à l’ex- trémité supérieure de la colonie, des cellules intermédiaires entre les cellules entodermiques normales et les ovules, sur- montées de cellules entodermiques ordinaires. Ainsi les ovules naissent dans les régions supérieures du cœnosarc, croissent, se meet, et ne déterminent la formation des gonangiums qu'après avoir atteint une certaine grandeur et s’être rassem- blés en un certain nombre ; en même temps, le rameau dans 48 A. WEISMANN. lequel ont apparu les ovules, s’est accru de beaucoup au-des- sus du point où ils ont été formés. Dans les exemplaires de mars et de juin, les ovules manquaient complètement au-des- sous de la région des gonangiums déjà formés ; seul, le cœæno- sare placé au-dessous du plus haut et par conséquent du plus jeune gonangium, renfermait des ovules en grand nombre. L’explication de ce dernier fait réside dans cette observation, que deux gonophores renfermant à peu près chacun trent ovules apparaissent l’un après l’autre dans chaque gonangium, par suite de deux émigrations successives d’ovules; or, tous ces ovules étant d’origine cœnosarcale, ceux qui doivent faire partie du second gonophore ne se formeront pas dans le blas- tostyle, mais dans le tronc. Il semble même que parfois un troisième gonophore apparait dans le gonangium, car lorsque le deuxième groupe d’ovules a pénétré dans l’intérieur du go- nangium, 1l existe encore quelquefois de nombreux ovules dans le cænosarc qui entoure la base de ce dernier. Je croyais auparavant que les ovules du deuxième gonophore naissaient dans le blastostyle, ainsi qu'il en est pour lé Plu- mularia echinulata; mais jamais on ne trouve dans le blasto- style des cellules intermédiaires entre les cellules endoder- miques normales et les ovules, ni des ovules plus petits el par là plus jeunes que les plus gros contenus dans le cœnosarc. D'un autre côté, en considérant le nombre considérable d'œufs renfermés dans chaque gonophore, on ne peut plus s'étonner de la grande quantité d'ovules contenus dans le cœnosarc aux points où un gonangium va apparaitre. À mon avis, les ovules ne peuvent parcourir de bien grandes distances, car leur arran- gement suivant leur degré de maturité ne serait pas si réguler s'ils possédaient la faculté d’émigrer des parties basses vers les régions élevées du tronc ; je ne doute pas cependant que de petits changements de place ne puissent se produire et ne se produisent effectement comme chez le Plumularia echinu- lata, car les jeunes ovules ont une forme irrégulière et étirée, et sont hérissés de prolongements ainsi que je l'ai déjà men- tionné chez le Plumuluria echinulata. ARTICLE N° 6. ORIGINE DES CELLULES SEXUELLES DES HYDROIDES. 19 .CAMPANULARIUÉES.— Gonothyræa Lovenii. Les éléments sexuels mâles naissent, chez cette espèce, aux dépens de l’ectoderme, amsi que R. $S. Bergh (1) la déjà con- staté ; à l'extrémité de très Jeunes gonangiums, apparaît un bourrelet constitué par des cellules ectodermiques, bourrelet qui croît vers l'intérieur en refoulant l’endoderme devant lui, et aux dépens d’une partie de cette invagination se forment les organes mâles, tout à fait comme Van Beneden la observé chez l’Hydactinia, et comme Giamician et moi l'avons reconnu pour la Tubularia. Malgré toute mon attention, je n’ai pu pour- suivre plus loin cette étude, mais je puis affirmer avec certi- tude que les cellules sexuelles mâles n'apparaissent pas dans le cœænosarc et naissent seulement dans les gonophores. C’est aux dépens de l'endoderme du tronc et des rameaux que se forment les organes sexuels femelles, pour émigrer plus tard dans les gonangiums ei ensuite dans les gonophores en voie de formation; ces résultats sont déduits d’une série d’observa- tions. Tout d’abord, le cæœnosarc des colonies chez lesquelles s’opère la reproduction sexuelle renferme des ovules, soit 1s0- lés, soit rassemblés en groupes; et la position de ces ovules est en relation avec le mode de formation des gonangiums, puisque toujours les ovules sont placés au-dessous des points où vont apparaitre les gonangiums, et manquent là où bour- geonnent seulement des hydranthes, par exemple près du som- met de la colonie. Les gonangiums naissent toujours à une bifurcalion des rameaux ; aussi est-ce en ces points que sont placés les amas d’ovules de toute grosseur, avant même que le Sonangium commence à apparaitre. Lestrès jeunes gonangiums que J'ai réussi à voir soit en forme de massues; ils contien- nent à leur extrémité la plaque terminale du plafond, et leurs blastostyles renferment déjà plusieurs œufs, tandis que les autres ovules sont placés dans le cœnosare à la base du go- (1) Studien über dic erste Entwicklung der Eier von Gonothyræa Loveni, Morph. Jahrb. V, 1, 1879. | ANNe SC. NAT., ZOOL., JUILLET 1851. XI. 19. — ART. N° 6 20 y A. NWEISMANN. nangium, prêts d’émigrer dans l’intérieur ; les plus jeunes gonangiums que j’aié pu trouver ne renfermalent que trois ovules, ce qui est suffisant pour la formation d’un gonophore puisque chez Gonothyræa chaque gonophore ne renferme jamais plus de trois œufs. Il me paraît indiscutable que, aussi chez Gonothyræa, l'entrée des ovules dans le gonangium soit en partie déterminée par une locomotion active de ces ovules; on ne pourrait pas concevoir d’une facon différente comment des ovules distribués irrégulièrement dans le cœnosarc, se rangeraient si régulièrement dans l’intérieur du gonangium. Souvent les ovules sont dispersés autour de la base du gonan- gium, non seulement au-dessous mais aussi au-dessus, et à une distance assez éloignée ; il faut donc pour leur émigration dans l’intérieur du gonangium, outre les glissements passifs dus à la croissance, des mouvements actifs. Lorsque plus tard, les gonophores apparaissent dans le gonangium, toujours trois ovules pénètrent du blastostyle dans le bourgeon qui devien- dra un gonophore; Jai souvent trouvé de très jeunes gono- phores encore vides, mais possédant déjà à leur base les trois gros ovules; jai observé encore, chez des gonophores plus âgés, deux ovules déjà renfermés dans l’intérieur, tandis que le troisième n’avait pas encore quitté la base du gonophore. Je ne continuerai pas d’une façon plus étendue l’histoire du développement du gonangium et des gonophores; Je dois dire cependant que, en général, la forme médusoide du gonophore apparait de la même façon que chez Obeliu. À l'extrémité du jeune gonophore apparait un bourgeon ectodermique qui croît en dedans, s'enfonce dans l’endoderme pour être bientôt en- touré par lui, et se divise en deux feuillets dont le plus exté- rieur recouvre la face interne de la cloche, et le plus intérieur recouvre le spadice. Chez Obeliu, la cloche munie de ses canaux radiaires et le pédoncule stomacal se forment de la même manière, avec cette différence cependant que chez Obelia les cellules sexuelles ne sont pas encore développées, tandis que chez Gonothyræ elles seront bientôt mères et occupent déjà une grande partie du gonophore. Je n'ai jamais observé de ARTICLE N° 6, ORIGINE DES CELLULES SEXUELLES DES HYDROIDES. 91 jeunes gonangiums féminins dépourvus de cellules sexuelles à la base ; il faut donc admettre que les gonangiums peuvent naître seulement aux points où le cænosare renferme déjà des ovules. Cette loi ne s'applique pas aussi parfaitement aux go- nophores; il est bien vrai qu'ordinairement les gonophores n'apparaissent sur le blastostyle qu’aux points où existent déjà des ovules, mais il n’en est jjas toujours ainsi, et il existe des sonophores stériles. Ainsi J'ai souvent observé des colonies qui paraissaient épuisées pour la reproduction sexuelle, et dont l’endoderme, soit du tronc, soit des rameaux, ou des blastos- tyles, ne renfermait aucun ovule; le sexe de pareilles colonies ne pouvait être reconnu que par la présence, dans certains go- nangiums, de méconidies (méduses sessiles) chargées d’œufs mürs ou d’embryons; l’intérieur de quelques gonangiums était tout à fait vide, d’autres renfermaient du blastostyle dé- pourvu de gonophores, d’autres énfin possédaient sur le blas- tostyle une rangée de gonophores évolués depuis le stade le plus jeune jusqu’à la forme médusoïde, mais dont aucun ne renfermait d’ovules. Dans ce cas, la formation des gonophores n'est pas toujours normale, l’ectoderme renferme souvent de nombreuses lacunes remplies de liquide; mais ordinairement, la seule différence entre les gonophores normaux et les gono- phores stériles consiste dans l'absence des ovules et une taille moins considérable. J’ai pu observer quelquefois le même phénomène sur des colonies mâles, où l’on peut trouver dans les gonangiums des rangées de gonophores dépourvus de cel- lules sexuelles ; souvent quelques gonophores sont placés au sommet d’un tel gonangium, et représentent des méconidies ordinairement vides, petites et stériles; ainsi que pour les colonies sexuelles femelles, on ne peut alors reconnaitre le sexe que par la présence de quelques gonangiums renfermant encore des gonophores normaux et remplis de semence. Eudendrium ramosum. — Chez cette espèce, les deux sortes de cellules sexuelles naissent aux dépens de l’endoderme; l’as- sertion de Ciamician, que les cellules sexuelles mâles dérivent de Pendoderme, et les ovules de lectoderme, n’est exacte que 20) A. NVEISMANN. pour ce qui regarde les premières. Sans avoir directement observé la transformation des cellules normales de lendoderme en cellules spermatogènes, on peut la déduire cependant de ce fait, que nulle part dans les colonies mâles les cellules endo- dermiques ne sont modifiées; sauf cependant pour les Jeunes gonophores où existent des cellules différentes des autres; ainsi le lieu d’origine des cellules spermatiques doit résider dans les bourgeons sexuels, et non dans le parenchyme commun de la la colonie ou cœnosarc. Je puis en général accepter ce que dit Ciamician sur la formation des testicules; dans l’endoderme rouge-orangé de jeune gonophore, apparaissent en deux points opposés de la paroi 2-4 taches claires : ce sont les cellules testiculaires primordiales. Ges cellules se multiplient rapide- ment et ne forment bientôt plus qu’une seule masse de sper- matoblastes, qui, de leur côté, donneront naissance aux sper- matozoïdes; mais Je n’entrerai pas dans les détails de la sper- matogénèse. Les ovules naissent aussi aux dépens de l’endoderme, non pas dans les gonophores ni dans le blastotyle, mais bien dans le parenchyme de la colonie, dans le cœnosarc ; naturellement, sur des rameaux vivanis on ne peut distinguer les ovules, car la couleur rouge de l’endoderme le rend tout à fait opaque, mais il n’en est pas de même si l'on examine une colonie fe- melle colorée par le carmin ect enfermée dans le baume. On distingue alors parfaitement dans les trones et les rameaux les ovules isolés ou groupés par trois ou par quatre; vus de profil, ils s'appuient par leur large base sur la lamelle basi- lire, et sont séparés de la cavité du corps par une couche unique de cellules endodermiques ordinaires; les ovules pro- viennent de la iransformation des cellules normales de l’endo- derme, ainsi que le démontrent de rares cellules arrêtées dans le cours de leur évolution et présentant alors des formes inter- médiaires. Les ovules du cœnosare ne sont pas distribués régulièrement dans toute la colonie ; elles sont surtout répar- ties dans les points qui portent les blastostyles, et cela précisé- ment à l’époque où bourgeonnent continueliement de nouveaux blastostyles. ORIGINE DES CELLULES SEXUELLES DES HYDROIDES. 925 Il est vrai cependant que ces faits ne suffisent pas pour dé- montrer que le cœænosarc est bien la place où naissent les ovules, et non les gonophores; il se pourrait que les ovules du cœno- sare soient aborüfs, et que ceux-là seuls soient aptes à la fécondation qui naïitront dans les gonophores ; mais d’autres faits prouvent l’origine cœnosarcale. De jeunes blastostyles qui ne portent pas encore de gonophores, renferment cepen- dant dans leur endoderme de gros ovules, et ces ovules occu- pent déjà les places où apparaîtront plus tard les gonophores ; par leur aspect, les blastostyles parvenus à cet état rappellent avec assez de vérité la tête d’un Tœnia, tête portée sur un pédicule souvent très court, et munie de quatre grosses taches claires que l’on peut comparer aux quatre ventouses d’un Tœnia : ce sont les quatre premiers ovules. Des blastostyles plus âgés portent aux quatre coins de la tête un cul-de-sac qui est le gonophore, et chacun de ces gonophores renferme un gros ovule clair. À mesure que l’ovule croit, il se sépare com- plètement de l’endoderme; en même temps le tube endoder- mique du gonophore (le spadix) eroit plus rapidement que la paroi ectodermique, de telle sorte qu’il doit se recourber; 1l vient enfin un moment où les deux extrémités de la courbure, le commencement et la fin, se rapprochent et se touchent presque, circonstance déjà mentionnée par Allman. Pour dé- montrer entièrement l’origine cœnosarcale des ovules, 1l reste seulement à prouver que la « tête » du jeune blastostyle n’est pas le véritable lieu de naissance des cellules sexuelles fe- melles, preuve donnée par l’histoire du développement du blastostyle. Les très jeunes bourgeons de blastostyles ne pos- sèdent pas encore de « tête », ce sont de courts prolongements digités de la paroi du corps, insérés non seulement sur le tronc et les rameaux, mais aussi sur les pédicules des blastostyles mûrs et des hydranthes ; lorsque la taille de ces jeunes bour- seons commence à être assez grande, leur intérieur renferme toujours les quatre premiers ovules, mais s'ils sont encore très courts 1ls ne contiennent seulement que deux gros ovules, les deux autres étant encore situés dans le cœnosarc du ra- 9% . A. NVEISMANN. meau, à la base du jeune blastostyle. J'ai pu observer plusieurs fois, à la base même du bourgeon, un étirement en longueur de ces deux derniers ovules, comme s'ils allaient pénétrer dans l’intérieur; tout d’abord j'ai cru que ce déplacement était dû seulement à la croissance, mais durant le cours de mes obser- vation j'ai pu me convaincre qu'il devait y avoir aussi un mou- vement actif des ovules. En effet, la distribution irrégulière des ovules dans le cœnosarc montre bien qu'il doit en être ainsi; par exemple, la figure 3 montre dans le pédicule du blastostyle six ovules irrégulièrement disposés, et plus tard ces six ovules seront groupés symétriquement en cercle dans la petite tête du blastostyle, où ils détermineront la formation des gonophores ; comme conséquence, les gonophores seront irès régulièrement disposés sur de jeunes blastostyles, et eet arrangement régulier ne cesse sur les blastostyles plus âgés que par des différences dans l’accroissement. Il n’est pas pro- bable que cette distribution symétrique des ovules, résultant d’une distribution irrégulière, ait sa seule cause dans le dépla- cement imprimé par la croissance. À Du reste, les faits suivants donnent une preuve formelle du mouvement actif des ovules. Ainsi que je lai déjà dit, les gono- phores, après avoir constitué d’abord une rosette assez régu- lière autour du double rang de testicules, finissent par s’éloi- gner les uns des autres; ce déplacement s'effectue de facon que les plus jeunes gonophores soient les plus éloignés du pédicule ; ainsi les ovules renfermées dans ces gonophores ont dû traver- ser le blastostyle et passer devant la base des gonophores plus âgés, pour arriver à la place où ils ont déterminé l’apparition de gonophores nouveaux. On ne peut pas expliquer une telle migration par un simple déplacement dû à la croissance, mais seulement par une locomotion active des œufs. Quant à la cause qui empêche les plus jeunes gonophores d’apparaître au-dessous de ceux déjà formés, elle me paraît résider dans l'épaisseur et la dureté du périsare, plus accentuées autour des gonophores inférieurs, et moins prononcées autour des supérieurs ; Car 1l semble que les gonophores ne peuvent naître ARTICLE N° 6. ORIGINE DES CELLULES SEXUELLES DES HYDROIDES. 95 que dans les parties nues du blastostyle. De même chez Cam- panularia, Sertularia et Plumulqria, le périsarc n’est jamais percé par les jeunes ganophores, car ceux-ci naissent sur les blastostyles nus dans l’intérieur de la capsule cornée du gonan- sium; c’est seulement le jeune gonangium qui perce le péri- sarc. Jamais je n’ai vu d’ovules dans la cavité du corps ni dans l’ectoderme, et leur migration doit s'effectuer par un glisse- ment entre les cellules endodermiques et la lamelle basilaire. J'ai parlé jusqu'ici des blastostyles en les considérant seule- ment comme porteurs de gonophores; 1l est admis que l’on comprend sous le nom de blastostyles des individus prolifères distincts par leur organisation des hydranthes ordinaires, dé- pourvus de bouche, et dont les tentacules sont très réduits ou même manque tout à fait. D’après Allman, Endendrium ne possède pas de véritables blastostyles, mais seulement des hydranthes prolifères dont les tentacules avortent plus ou moins et dont la bouche se ferme. Ceci n’est cependant pas le cas ordinaire ; les figures d’Allman montrent que parfois les sonophores mâles naissent sur des hydranthes, et je ne doute pas qu’alors les tentacules puissent avorter plus ou moins. Mais l’Eudendrium possède aussi de véritables blastostyles, c’est-à-dire des individus qui n’ont jamais été des hydranthes, mais qui, dès leur première apparition, sont destinés à devenir des blastostyles, qui ne prennent jamais de nourriture, et qui ne servent qu’à produire des gonophores. Sur les nombreuses coloniss que j'ai examinées, et aussi bien sur les colonies femelles que sur celles mâles, je n’ai même trouvé que de véri- tables blastostyles ; je décrirai ailleurs leur développement, et J'ajouterai seulement quelques observations sur des points intéressants. Allman avance que les blastostyles mâles portent rarement de tentacules, j’en conviens volontiers, car je n’ai jamais vu de ces blastostyles munis de tentacules; par contre, j'ai trouvé sur tous les blastostyles femelles que j'ai examinés une double couronne de petits tentacules fragiles. Ces tentacules naissent peu avant les gonophores (fig. 3), et persistent Jusqu'à ce que 26 A. NVEISMANN. les ovules de tous les gonophores soient fécondés ; à ce mo- ment, ils se rétractent et disparaissent complètement. Les blastostyles sont d’abord dépourvus d'ouverture buccale, et celle-ci n'apparaît que lorsque les œufs sont aptes à êtres fé- condés; la bouche doit servir alors à absorber la semence ré- pandue dans l’eau ambiante; il ne me semble pas impossible non plus que les tentacules jouent un rôle pour l'entrée de la semence. La formation de la coquille de l'œuf, méconnue jus- qu'ici, tendrait à prouver ce que J'avance; on considère la coquille cornée, jaune, qui enveloppe l’œuf fécondé comme la persistance du périsarc qui entourait le gonophore; c'est une erreur, cette coquille est plutôt une véritable membrane vitel- line, produite par la couche superficielle de l’œuf. Or, cette coquille commence à se former lorsque le gonophore est encore intact et enveloppe l’ovule de toutes parts. D'un autre côté, la fécondation doit s’opérer avant son apparition, car les sper- matozoïdes ne peuvent la percer et elle ne porte pas de micro- phyle; ainsi, à moins d'admettre que les spermatozoïdes arrivent à l’ovule en traversant les parois du gonophore; on est forcé de considérer la bouche du blastostyle comme une ouverture servant aux filaments fécondateurs à pénétrer dans l'intérieur du gonophore, pour arriver jusqu'aux ovules. Cordylophora lacustris. — Le premier qui observa des pro- duits sexuels placés dans le cœnosarc de cette espèce, fut F. E. Schulze, dont les courtes observations ont été citées plus haut. Après avoir examiné Eudendrium, Plumularia, Gonothyræa, et autres types, J'avais acquis la certitude que la présence d’ovules dans le cœnosarc n’était ni accidentelle, ni insigni- fiante, mais bien normale et importante; dès lors une ques- tion se posait d'elle-même : n’en était-il pas ainsi pour Cordy- lophora? J’émis cette supposition dans ma première commu- mication sur la formation cænosarcale des éléments sexuels (1), et plus tard elle a été jusüfiée (2). Mon ami le professeur (1) Zoologischer Anzeiger, 1880. (2) Zoologischer Anzeiger, 1880, n° 61. ARTICLE N° 6, ORIGINE DES CELLULES SEXUELLES DES HYDROIDES. 27 F. E. Schulze a eu la bonté de m'envoyer un certain nombre de colonies de Cordylophora, et je pus ainsi me convaincre que les ovules ne naissent pas dans les gonophores, mais bien dans les cœnosarc, ainsi que Schulze l'avait déjà vu. Ge résultat me paraît intéressant à deux points de vue : 1° en ce que les produits sexuels, ainsi que l’a démontré Schulze, dérivent de l’ectoderme; el 2 en ce que les individus qui produisent les gonophores sont ici de vrais hydranthes munis d’une bouche et de tentacules. Chez Cordylophora, les gonophores ne naissent Jamais sur le tronc ou les rameaux principaux, mais seulement sur les ra- meaux secondaires comme Schulze l’a déjà montré. Or, ces rameaux secondaires ne me paraissent pas être autre chose qu'un hydranthe ayant la faculté de former plusieurs gono- phores. Un tel hydrante se compose d’un pédicule assez long surmonté d’une grosse tête en forme de massue portant les bras et la bouche ; entre la tête et le pédicule est un étrangle- ment peu marqué, visible surtout par suite du resserremeut de la cavité du corps en ce point, déterminée par la grandeur excessive des cellules endodermiques. Un peu au-dessous de ce « col » du polype bourgeonne le gonophore, précisément en face du point où un grand nombre d’ovules étaient rassemblés dans l’endoderme, avant qu’apparaisse la moindre trace du gonophore. Lorsque le gonophore est formé, une partie des ovules pénètre dans son intérieur, et je ne doute pas que cette émigration soit due en partie à une locomotion active des cel- lules, comme nous allons le voir. Il peut se former un second gonophore après le premier; celui-ci naît aussi sur le cou de lhydranthe, mais comme il apparaît beaucoup plus tard que le premier, le pédicule de l’hydrante s’est considérablement allongé, et le « cou » est alors au-dessus du premier gono- phore. Je trouvais, sur un hydrante dont le premier gonophore allait apparaitre, près de trente ovules disséminés dans l’ecto- derme du cou; comme un seul gonophore ne possède jamais plus de dix ovules, il en restait encore vingt dans l’hydranthe qui pouvait concourir à la formation d’un second, et peut-être 28 A. WWEISMANN. encore d’un troisième gonophore. Mais comment les ovules parviendraient-ils à l’endroit où naîtra un nouveau gonophore, puisque ce point est placé au-dessus du premier gonophore formé et qu'ils sont situés au-dessous? Comment passeront-ils devant ce premier gonophore? Ce ne sera certainement pas par un déplacement passif dû à la croissance seule, car la crois- sance seule ne pourra jamais changer la position relative du conophore et du deuxième groupe d’ovules. Il faut admettre forcément une locomotion active des ovules, Une de mes pré- parations montre les groupes d’ovules en route, pour ainsi dire, vers le point où naîtra le second gonophore ; un groupe d’ovules est déjà rentré dans l’intérieur du premier gonophore, et un autre resté dans le cœnosarc a déjà dépassé le point d'insertion de ce gonophore, et est parvenu au cou actuel del’hydranthe. Il ne reste plus qu’à mentionner un point essentiel : les ovules ne naissent pas dans l’hydranthe où nous les avons trouvé jusqu’à présent, mais dans le tronc de la colome; on peut se convaincre facilement de la justesse de cette assertion, que l'apparition des groupes d’ovules précède l’apparition des hydranthes, en examinant les points du tronc où les Jeunes hydranthes vont apparaître : toujours un groupe d’ovules y sera enfoncé dans l’ectoderme du cœnosarc. Gomme en général le polypier se développe régulièrement, il est facile de désigner ces parties à l'avance. Un nouvel hydranthe se développe tou- jours au-dessous de l’hydranthe terminal du tronc, c’est-à-dire suivant la même loi qui fixe le mode d'apparition des gono- phores sur les hydranthes. IT n’est pas rare de trouver dans cette région de très jeunes bourgeons d’hydranthes dans lPinté- rieur desquels n’a pas encore pénétré l’amas d’ovules situé à leur base dans le tronc, et des bourgeons un peu plus âgés, possédant déjà un court pédicule et des traces de tentacules, chez lesquels le groupe d’ovule a déjà pénétré dans le pédicule. Ainsi, le lieu de naissance des ovules est ici le même que chez Eudendrium, e’est-a-dire le cænosarc du tronc. De même que chez Eudendrium, les ovules émigrent du trone dans les blas- toskyles; ici ils émigrent du tronc dans l’hydranthe. ARTICLE N° 6. ORIGINE DES CGELBULES SEXUELLES DES HYDROIDES. 29 Je ne puis rien dire des éléments sexuels mâles, mes maté- riaux ne suffisant pas pour me permettre de décider si les cel- lules testiculaires primordiales naissent dans le cœnosarc ou dans les gonophores, RÉSUMÉ. Il existe chez les Hydroïdes deux modes de formation des cellules sexuelles : ou bien elles naissent dans des individus ou bourgeons dits sexuels (gonophores, méduses), ou bien dans Je cœnosare, c’est-à-dire dans le parenchyme commun de la colonie. Nous appelons le premier mode Uastogone, et le se- cond mode cænogone (rigoureusement parlant cænosarcogone) . Depuis longtemps, la première de ces origines est seule con- nue; cependant les éléments sexuels et surtout les éléments femelles de beaucoup d’'Hydroïdes fixes naissent suivant le deuxième procédé. Chez la plupart des Polypes à gonophores fixes, les ovules n'apparaissent pas dans les gonophores, mais dans le tronc ou les rameaux de la colonie; ils naissent dans le cœnosarc, et leur apparition précède celle des gonophores; même, la présence d’ovules dans ie cœnosarc semble déter- miner la formation des gonophores, et cela seulement aux points où les ovules sont placés. Lorsque le cœnosarc ne ren- ferme plus aucun ovule, il n'apparaît plus de nouveaux gono- phores n1 de gonangiums. Les ovules proviennent de la trans- formation des cellules endodermiques ou ectodermiques nor- males ; chez certains genres ce sont les cellules endodermiques, chez d’autres, les cellules ectodermiques, mais on n’en a en- core observé aucun qui présente à la fois ces deux modes de naissance. Les ovules jouissent de Îa faculté de se mouvoir; après avoir déterminé la formation d’un gonangium (ou d’un gonophore), ils émigrent dans son intérieur, en partie par un transportauf, en partie par un déplacement plutôt passif; mais chez là plupart des espèces observées, les ovules n’exé- cutent pas de bien longs tragets. Ainsi, chez Plamulaires, ils ne dépassent probablement pas souvent l’article du tronc dans lequel ils sont formés. 30 A. VVEISMANN, Quant à ce qui a trait aux éléments mâles, il existe aussi des genres cænogones, chez lesquels les produits sexuels naissent dans le cœnosare, et non pas dans les individus sexuels, gonan- oiums ou gonophores; ainsi chez les Plumularia les éléments mâles apparaissent dans le cœnosarc'tout à fait comme les ovules, c’est-à-dire qu'ils proviennent de la transformation de cellules endodermiques normales, et déterminent la naissance des gonangiums aux points où ces testicules primordiaux se sont formés. Le premier gonophore d’un gonangium mâle ren- ferme toujours des éléments provenant du cœnosarc, mais à, mesure que le gonangium s’accroit, 1l peut produire lui-même sur son blastostyle de nouvelles cellules sexuelles, et ces él6- ments sexuels nés dans le gonangium lui-même remplissent les sonophores formés ultérieurement. Il ne semble pas que la naissance cœnosarcale des éléments sexuels mâles soit aussi répandue qu’elle est pour les ovules. Tandis que nous avons observé un grand nombre de genre « cœnogones », en ce qui touche les ovules, nous ne connaissons que le genre Plumu- laria qui le soit pour les cellules spermatiques. EXPLICATION DES FIGURES PLANCHES 1-3. Lès abréviations suivantes sont employées: dans toutes les figures : ect pour ectoderme, ent pour entoderme, ps pour périsarc, gng pour griangium, bist pour blastostyle, gph pour gonophore, test pour testiculaire, et c. test pour cellules testiculaires. Endendrium ramosum. Fig. 1. -- Jeune gonophore femelle. Ect, ectoderme; ent, entoderme; ov, ovule. L’entoderme délimite un cul-de-sac à l'extrémité duquel l’ovule est placé. (Objectif 7 de Hartnack, grossissement 300 diamètres.) Fig. 2. — Gonophore femelle un peu plus âgé. Le tube entodermique (spa- dix de Allman) s’est allongé et commence à envelopper l’œuf. (0bj. 7 de Hartnack. Fig. 3. — Partie supéricure d’un jeune blastostyle. On distingue un fragment du pédoncule P, P, et la « tête » T renfermant déjà quatre ovules ; deux d’entre eux (ov, ov,) sont situés dans un plan supérieur à celui de la coupe ARTICLE N° 6. ORIGINE DES CELLULES SEXUELLES DES HYDROIDES. 91 optique passant par l’ectoderme et l’entoderme, tandis que les deux autres ov', ov') sont placés au-dessous. La bouche n’est pas encore percée, mais les tentacules (fent) apparaissent comme de petits mamelons; ps, perisare (gaîne chitineuse). (0b. 7 de Hartnack, gross. 300). Fig. 4. — Blastostyle femelle adulte, P, P, pédoncule du blastostyle ; F, tronc sur lequel est inséré le blastostyle ; bg, bourgeon d’un jeune blastostyle, dans l'intérieur duquel deux gros ovules (ov) ont déjà pénétré, tandis que deux autres sont encore au dehors. Le blastostyle porte à son extrémité dix gono- phores (ph) renfermant chacun un seul ovule (0v) ; ces ovules ne sont pas tous au même stade, les uns contiennent déjà beaucoup de vitellus, et d’autres possèdent encore bien distinctement la vésicule blastodermique ; chaque ovule est entouré par le spadin (tube endodermique du gonophore) (sp). Le blastostyle, bien que portant vingt tentacules (ent), ne possède pasencore de bouche. (Ohj. 4 de Hartnack, gross. 100). Fig. 5. — Extrémité d’un blastostyle femelle âgé ; les gonophores, dont les trois les plus avancés sont seuls représentés, ne forment plus une couronne autour du blastostyle, mais se sont éloignés les uns des autres. Le premier gono- phore (gph!) est le plus jeune ; son ectoderme (ect) et son entoderme ou spadix (sp) sont encore intacts, et l’œuf ne possède pas encore de membrane vitelline. Le deuxième gonophore (gph?) est plus avancé, son spadix tombe (1) Lorque j'ai écrit ces observations sur le mode de formation des éléments sexuels dans le genre Eudendrium, je n'attachais pas grande importance à la détermination exacte de l'espèce que le hasard avait mise entre mes mains : Il s’agissait avant tout d'examiner les phénomènes sexuels et personne ne soup- connait à ce moment qu'il pouvait exister à cet égard des différences essen- telles entre deux espèces du même genre. J'avais considéré les colonies d'Eu- dendrium prises par moi à Savone et près d'Antibes comme se rapportant, qusique plus petites, à l’Eudendrium ramasum de Linné. On verra dans le supplément, placé à la fin de ce mémoire que J'ai reçu depuis de la station de Naples, des colonies d’Eudendrium appartenant à l’Eudendrium racemasum décrit par Cavolini à la fin du siècle dernier. Cette espèce n’est point identique avec l’Eudendrium ramasum de Linné comme on l’a supposé généralement. J’ai pu constater entre les deux des différences morphalagiques assez nettes, mais J'ai trouvé aussi dans l’Eudendrium racemasum Cavalini un mode de formation des ovules tout autre que dans l’espèce que j'avais considérée comme Eudendrium ramasum et qui est désignée ci-dessus sous ce nom. Cette parti- cularité m'a engagé à examiner de plus près cette dernière forme. Elle se rap- proche décidément de lEudendrium capillare Alder, tel qu’il est décrit par Allman dans son excellent ouvrage sur les Tubulariés. 11 est vrai Allman dit que les blastostyles femelles femelles r’ont point de tentacules, tandis que mes échantilions en portent toujours une double rangée; mais je ne crois pas im- possible que Allman ait fait à ce propos une erreur bien excusable eu égard à la petitesse de ces tentacules. Dans tous les cas, l’espèce dont il s’agit dans ce paragraphe n’est point | Eudendrium ramasum, mais une forme très voisine de l’Eudendrium capillare Alder, qu'il faudrait sans doute adjoindre à la faune méditerranéenne. 29 A. NVEISMANN. en dégénérescence, et l’ovule commence à sécher sa membrane vitelline (inv). Le troisième gonophore (gph3) n’est plus en réalité un gonophore, car ilest seulement constitué par un œuf entouré d’une membrane vitelline et attaché au pédoncule du gonophore disparu ; l’œuf est en voie de segmentation. (0bj. 4 de Hartnach, gross. 100). Gonothyræa Lovenii. Fig. 6. — Jeune gonangium femelle (gng); l’entoderme renferme trois ovules (ov), dont deux, étant placés au-dessus du plan de la coupe optique du gonan- gium, semblent être situés dans la cavité ; trois autres ovules, (ov'), sont placés dans le tronc (F) à la base du gouangium. (0bj. 7 de Hartnack, gross. 300). Fig. 7. — Jeune gonophore femelle; la figure représente un blastostyle (Blst) dont l’entoderme renferme un ovule (00) immédiatement au-dessous du pre- mier gonophore (gph1). Celui-ci ne contient pas encore d’ovules, mais on y voit le tubercule ectodermique ({ub ect.), ainsi que les lames méduroïdes ; une seule de ces lames est représentée, car la seconde n’est pas bien visible par suite de la pression effectuée par le second gonophore (gph?) sur le premier ; ecl!, couche superficielle de l’ectoderme enveloppant tous les gonophores comme wne gaine commune. (Obj. 8 de Hartnach, gross. 400). Fig. 8. — Le premier (de bas en haut) gonophore d’un gonangium femelle, dessiné sur l'animal vivant. Les trois ovules du gonophore sont situés entre l’ectoderme et l’entoderme ; blst, blastostyle, renfermant des corpuscules nutritifs qui se mouvent dans plusieurs directions indiquées par les flèches ; l’entoderme du blastostyle renferme quelques ovules (0v). (Obj. 7 de Hart- narch, gross. 300). Fig. 9. — Gonangium femelle dessiné d’après l’animal vivant et ne montrant pas, par conséquent, les détails de la forme inédusoïde des gonophores. B/st, blastostyle situé au-dessous des 4 gonophores gph1714); chaque gonophore renferme trois ovules, un d’entre eux est caché dans gph14.(Obj. 4 de Hartnach, gross. 100). Fig. 10. — Un mecondium (Allam), c’est-à-dire un gonophore médusoïde par- venu à maturité. On y reconnaît les tentacules (Lent), les vaisseaux radiaires (vr), et un vaisseau circulaire à la base des tentacules ; l’intérieur renferme trois embryons nageant au moyen de leurs cils vibratiles (invisibles à un aussi faible grossissement) ; »m b, manubrium (tube entodermique du gonophore, recouvert d’une mince couche entodermique). (0bj. 4 de Hartnack, gross. 100). Fig. 11. — Jeune gonophore mâle, montrant que le gonophore, immédiate- ment après sa formation, ne renferme pas de cellules sexuelles ; l’ectoderme s’est fendu en deux couches, dont l’extérieure doit constituer la gaîne com- mune de tous les gonophores du gonangium. (Obj. 7 de Hartnack, gross. 300). Fig. 12. — Jeune gonophore mâle, dont l’ectoderme a formé le tubercule destiné à produire le testicule ; ect! gaîne commune des gonophores, consti- tuée par la couche superficielle de l’ectoderme. (0bj. 7 de Hartnack, gross. 300). Fig. 13. — Jeune gonophore, chez lequel le tubercule (test) ectodermique s’est complétement détaché de son point d’origine, et est entièrement envi- ARTICLE N° 6. ORIGINE DES CELLULES SEXUELLES DES HYDROIDES. 99 ronné par la lame médusoïde (lrued) ; cette lame montre une fente dans son intérieur, le canal des vaisseaux radiaires de la cloche méduroïde, et une couche externe qui constitue la gaine commune (gc). (Obj. 7 de Hartnack, gross. 300). Plumularia echinulata Lam. Fig. 14. — Jeune gonangium femelle qui vient de percer Je perisarc dutronc; les ovules sont encore situés dans le tronc, et l’entoderme commence à péné- trer dans le bourgeon entodermique. Ect”, ectoderme du gonophore, accolé au perisarc seulement en une partie du bourgeon, cet ectoderme du bour- geon renferme des cellules articantes (c. art); ps, perisarc du tronc; ov, ovules. (0bj. 7 de Hartnack, gross. 300). Fig. 15. — Jeune gonangium femelle, au moment où les ovules (ov) enfoncés dans l’entoderme du tronc vont pénétrer dans le gonophore ; ps, périsarc du tronc; ps’, perisarc du bourgeon. (0bj. 7 de Hartnack). Fig. 16. — Jeune gonangium femelle, beaucoup plus grand que ceux repré- sentés dans les figures 14 et 15, mais néanmoins encore dépourvu d’ovules, ces derniers (0v, 00”) étant encore renfermés dans l’entoderme du tronc (ent); ces ovules ne sont pas tous situés dans le plan de la coupe optique, ils sont cependant tous représentés afin de montrer leur nombre, et c’est à cause de cela que certain d’entre eux sont placés dans la cavité du corps du polypier. Le gonangium a déjà formé à son extrémité un plafond entoder- mique (ect), recouvert par un perisarc plus épais que sur les côtés. (Obj]. 7 de Hartack, gross. 300). Fig. 17. — Parois du tronc vus en coupe optique ; on y reconnaît le perisare (ps), l'ectoderme et l’entoderme, ce dernier renflé par de grandes cellules tes- ticulaires primordiales (c. test). (0bj. 8 de Hartnack, gross. 400). Fig. 18. — Fragment d’une pinnule (c. test) développés entre les cellules entodermiques ordinaires (ent); partout l’ectoderme est vu en coupe optique, l’entoderme seulement en A, car partout ailleurs il est représenté de face. (0bj. 8 de Hartnack, gross. 400). Fig. 19. — Jeune gonangium mâle qui vient de percer le perisarc (ps) du tronc; l’entoderme pénètre dans le bourgeon ectodermique, et au-dessous de lui sont placées un grand nombre de cellules testiculaires primordiales (c. test). (0bj. 7 de Harnack ; gross. 300). 34 A. NVEISMANN. SUPPLÉMENT. En examinant tout récemment un Eudendreum que la station zoologique de Naples m'avait envoyé sous le nom d’E. ramo- sum, je vis, à mon grand étonnement, que l’ectoderme des branches et des rameaux de la tige était rempli d’ovules. Je crus tout d’abord avoir commis précédemment une erreur en disant que chez lÆ. ramosum les ovules prennent naissance dans l’en- doderme. Je fis immédiatement une nouvelle étude de mes anciennes préparations dE. ramosum ; mais je ne rencontrais pas un seul œuf dans l’ectoderme, tandis qu'ils étaient très nombreux et à tous les degrés de développement dans l’endo- derme. Gette apparente contradiction s'explique par ce fait que les colonies de Naples appartiennent en réalité à une espèce différente chez laquelle les œufs se forment autrement que dans l'E. ramosum, auquel elle ressemble beaucoup. On peut cependant distinguer facilement les deux formes car, dans l'E. de Naples les gonophores femelles sont totalementdifférents de ceux des autres espèces. En effet, dans l’Æ. ramosum Linne, le tube endodermique se contourne simplement une fois autour del’œuf, dans l’espèce de Naples, au contraire, il se contourne doublement, car au point où, dans l’E. ramosum, le tube se termine en cul-de-sac, l'organe se bifurque et ses deux bran- ches se recourbent en spirale sur les côtés de l’œuf qui se trouve ainsi enveloppé par le spadice sur 4 de se faces : Les coupes transversales du gonophore présentent ainsi une forme de croix. Cette espèce a toujours été confondu jusqu'ici avec PE. ramosum, à laquelle elle ressemble du reste beaucoup par son aspect. Elle a été découverte au commencement de ce siècle par Cavolini, près de Naples et décrite par lui sous le nom de «Serluluria racemosa ». L'espèce de Cavolini et la mienne proviennent des mêmes lieux et ce qui démontre encore leuridentité, c’est que sur une de ses figures, Cavolini indique, d’une façon incomplète, il est ARTICLE N° 6. ORIGINE DES CELLULES SEXUELLES DES HYDROIDES. 39 vrai, le recourbement en spirale du tube endodermique des gonophores femelles. Il faut donc séparer de nouveau les E. racemosum Cavolini et l'E. racemosum Linné, qui avaient été réunis en une seule espèce par presque tous les auteurs. Dans l'Æ. racemosum Cavolini les ovules prennent naissance exclusivement dans l’ectoderme. Les colonies en voie de déve- loppement présentent des centaines d’ovules dans chaque ra- meau, mais surtout dans les branches supérieures. On en trouve côte à côte à tous les états de développement, etil est facile de voir qu'ils résultent de la transformation des cellules ectoder- miques profondes. Ils sont tantôt arrondis, tantôt de forme amiboïde, et ils sont animés de mouvements anniboïdes. En effet queique aucun ovule ne prenne naissance dans l’endoderme, on en rencontre cependant aussi dans ce feuillet, surtout dans les régions où s'élève un blastostyle. Là, Pendoderme présente des ovules très grands, et l’on voit qu'ils émigrent dans le bourgeon du blastostyle, absolument comme dans l'E. ramosum. Comment ces ovules arrivent-ils dans l’endoderme? Je pense que c’est par migration et en perforant la lame basilaire. J’ai rencontré, en effet, des ovules sur le point de pénétrer dans l’endoderme, et d’autres faisant saillie dans ce feuillet à travers la lame basilaire : il n'est donc pas douteux que les œufs puis- sent perforer cette lame. La lame hyaline présente iei des dispositions tout à fait spéciales et non encore observées chez les Hydraires : elle forme des diverucules qui se dirigent vers le périsare et s’y attachent. Elle offre par conséquent à l’ovule une surface for- tement tendue, plus facile à perforer que toute autre région de la lame. Partout ailleurs, en effet, celle-ci cède à la pression, parce qu’elle est suspendue dans le tube du périsarc de façon à pouvoir se mouvoir. Le développement des œufs dans l’Æ. racemosum se fait donc, en résumé, de la manière suivante. Les jeunes ovules prennent naissance par transformation des cellules ectodermi- ques ; ils grandissent notablement et se meuvent comme des Amibes. Après avoir atteint une certaine taille, 1ls perforent la ANN. SC. NAT., ZOOL., JUILLET 1881. XI. 20. — ART. N° 6. 36 À. WVEISMANN. membrane basilaire et émigrent alors dans l’endoderme. Là, ils déterminent la formation des bourgeons du blastostyle, pénètrent dans ces bourgeons et constituent ainsi les gono- phores : dans cette dernière période, ils sont constamment situés à l’intérieur de la lame hyaline. Je ne puis dire pourquoi les ovules se forment dans l’endo- derme chez VE. ramosum et dans l'ectoderme chez l'E. race- mosum. Mais cette différence du mode d’origine des mêmes éléments sexuels dans deux espèces aussi voisines, démontre de nouveau qu'il est impossible d'accorder une importance fondamentale à la formation des organes reproducteurs dans un feuillet germinatif déterminé. Il sera néanmoinsintéressant de déterminer pour chaque espèce l’origine endodermique ou ectodermique de ces éléments sexuels, ne füt-ce qu’au point de vue phylogénétique et physiologique. Le présent exemple démontre que l’origine ectodermique peut devenir endoder- mique, mais cette transformation ne se fait point sans qu'il en résulte un avantage. Si, en effet, chez les Eudendrium 1l était physiologiquement indifférent que les ovules prissent nais- sance dans l’endoderme ou dans l’ectoderme, il faudrait s’at- tendre à les voir se former chez chacune des deux espèces indistinctement dans les deux feuillets, et tel n’est pas réellement le cas. EXPLICATION DES FIGURES. PLANCHE 10. Eudendrium racemosum Cavolini Fig. 1. — Coupe optique d’un rameau. Deux ovules (ov) se trouvent au milieu des cellules de l’endoderme. Un troisième ovule (ov') est sur le point de pénétrer dans l’endoderme et a déjà percé le membrane basilaire (bb). On voit la moitié de cet ovule entre les cellules endodermiques, tandis que l’autre moitié se trouve encore dans l’ectoderme. (Lig) sorte de ligament par lequel la lame basilaire est attachée au périsarc. (Préparation au carmin. Gross. 550.) ARTICLE N° 6. ORIGINE DES CELLULES SEXUELLES DES HYDROIDES. 37 Fig. 2. — Vue superficielle d’un ramule. Le foyer coïncide avec la région pro fonde de l’ectoderme. Au milieu des cellules ectodermiques ordinaires, on distingue de nombreux ovules reconnaissables à leur protoplasma homogène fortement coloré en rouge dans la préparation et à leurs grands noyaux pourvus d’un nucléode volumineux et brillant. La plupart des ovules de ce ramule sont de forme amiboïde ; quelques-uns, surtout parmi les petits, sont arrondis. Dans plusieurs régions, on distingue des formes de transition entre les ovules et les cellules ectodermiques ordinaires. Ces formes de transition possèdent déjà le protoplasma rouge de lovule (ov/ ov!'), mais leur noyau ne diffère pas encore de celui de la cellule ectodermique normale. Les trois ovules supérieurs qui sont les plus grands sont plus éloignés dans la prépa- ration que dans le dessin des autres ovules, Préparation à l'acide osmique et au carmin. Grossissement 550.) Fig. 3. — Gonophore femelle. 3 À, Gonophore vu de profil; 3 B, vu de face; , tige du gonophore. — sp, spa- dix; sp', coupe optique du spadix; sp", point de bifurcation du spadix; sp''", cornes terminales du spadix ; 0v, œuf. (Préparation au carmin et à l’acide osmique. Grossiss. 100.) Fig. 4. — Ramule portant le bourgeon d’un blastostyle en coupe optique. Des ovules existent dans l’endoderme ; quatre d’entre eux sont déjà entrés dans le bourgeon du blastostyle, quatre autres vont y pénétrer bientôt. On ne voit pas tous les ovules dans le plan de la coupe optique du ramule, plusieurs d’entre eux sont situés plus haut ou plus bas. L’ectoderme de ce ramule ne contient que très peu d’ovules (ov’ ov'). Dans cette figure comme dans les autres on n’a pas dessiné les cils des cel- lules endodermiques qui n'étaient point visibles dans les préparations. (Pré- paration à l’acide osmique et au carmin. Gross. 368.) Fig. 5. — Coupe transversale d’un rameau à périsare épais (ps). L’ectoderme se compose d’un tissu spongieux constitué par un grand nombre de couches de cellules polygonales. Au milieu d’elles se montrent deux ovules (ov). Le tube endodermique (ent) est très mince, et la cavité gastro-vasculaire est pleine de cellules et de granulations. Il existe au milieu de l’ectoderme une portion de cellules entourée d’une membrane anhiste (ent). Je considère cette région comme la coupe d’un des diverticules du tube endodermique que j'observe presque dans tous les rameaux d’une taille un peu considérable, aussi bien dans les colonies mâles que chez les femelles. Le point d’origine de ce diverticule n’est pas atteint par la coupe. (Préparation colorée par la cochenille. Gross. 368 ) OBSERVATIONS FONCTIONS DE L’APPENDICE CAUDAL DES LIMULES Par M. JOUSSET DE BELLESME Professeur de physiologie à l'École de médecine de Nantes (1) Les observations suivantes ont été faites sur trois Limules vivant en liberté dans l’un des grands bacs de l'aquarium ma- rin du Havre, fondé par M. Lênnier, conservateur du Musée d'histoire naturelle de cette ville et auteur de plusieurs ou- vrages très estimés sur la géologie de la Normandie. € Ges animaux, dit M. Jousset, sont presque toujours en mou- vement, se déplaçant avec une allure empressée et allant à la recherche des petites proies qui flottent dans l’eau et que la olace épaisse de l’aquarium dérobe le plus souvent à lœil at- tentif de l’observateur. Gelui qui n’a vu que des Limules des- séchées se figure assez mal ce crustacé, de forme épaisse et de configuration étrange, doué d’une pareille activité. Onze paires de pattes, réunies sous la carapace et douées de fonctions différentes, s’agitent sans cesse, mais on ne les voit que lorsque l’animal se présente de profil ou est renversé sur le dos. Sur ces onze paires, cinq seulement servent à la loco- motion; derrière elles une plaque branchiale, large et souple, recouvre les autres pattes, transformées en branchies. Même quand Panimal est immobile, ces lames branchiales se balan- cent activement dans l’eau pour remplir les usages respira- (1) Ces observations, faites à l’aquarium, ont été publiées dans un des der- niers fascicules d’un recueil intéressant intitulé : La Nature, et édité par la maison G. Masson. ANN. SC. NAT. ZOOL, — ART. N° 7. LOCOMOTION DES LIMULES. 9 toires. Les vraies pattes servent à la marche proprement dite, c'est-à-dire au déplacement lent du corps; mais pour les al- lures plus rapides, la plaque branchiale leur vient en aide. Quand lanimal marche, on ne voit pas du tout ses pattes; elles sont cachées sous la carapace, dont le bord est à peine soulevé au-dessus du sol. Quand il veut se déplacer plus rapi- dement, sa carapace se soulève, et l’animal a Pair de courir vivement sur ses pattes; mais Ce n'est qu’une apparence, et ce mouvement de progression rapide est obtenu en réalité par la détente brusque de la plaque branchiale qui frappe l’eau d'avant en arrière, de telle sorte que l’animal est projeté en avant. Cet organe, indépendamment de sa fonction protectrice des branchies, remplit, mais en sens inverse, le rôle de l’ab- domen du homard, et constitue un appareil propulseur fort utile à l’animal, et qui lui permet d’avoir un mode de locomo- tion où la marche et la natation se confondent et s’aident ré- ciproquement. Malgré cette agilité relative, on comprend qu'un corps aussi régulier que la carapace d’une Limule doive présenter à l’eau beaucoup de résistance et ne puisse jamais acquérir une vitesse comparable à celle d’un poisson. C’est en effet ce qui arrive, et pendant cette demi-natation, si un obstacle se présente, les chutes sont fréquentes. Lorsque l’animal grimpe à la paroi verticale d’un rocher, il lui arrive souvent de tomber sur le dos. Or, ce genre de chute, qui est désagréable pour beaucoup d'animaux et spécialement pour les Arthropodes, parce qu’il nécessite des efforts consi- dérables pour se retourner, devient particulièrement grave chez la Limule, à cause de l'élargissement de sa carapace et de la brièveté de ses pattes. Le bord de cette carapace est aminci en biseau et tout à fait circulaire. Que l’on se figure une moitié d’œuf dur posée sur une table par le côté convexe : c'est le cas de la Limule. Il faut qu’elle arrive à se dresser sur le bord tranchant de sa carapace pour pouvoir retomber à plat. Quand un hanneton ou un fucane est dans cette position, tout le monde sait la peine qu’il a à se retourner, le mode d’articu- 3 JOUSSET DE RERLLESME. lation des pattes ne leur permettant qu'une flexion interne, mais enfin il y parvient, parce que les pattes, étant beaucoup plus longues que le corps, finissent, grâce à un mouvement de balancement de celui-ci, par accrocher la terre ou un corps étranger et par y prendre un point d'appui qui permet à l’in- secte de se haler sur la patté fixée comme sur un càble. Mal- heureusement pour la Limule, ses pattes n’ont pas une lon- gueur comparable à celles des Coléoptères. Elles sont même si courtes que, dans leur maximum d'extension, la carapace les déborde de tous côtés. Une Limule tombée à la renverse serait donc à Jamais dans l’impossibilité de se relever si un autre organe ne venait lui porter secours. La plaque branchiale elle-même est insuffisante; en l’agitant, la Limule se balance sur la convexité de sa carapace jusqu'à ce que le bord de cette enveloppe vienne buter contre le sol, mais ce balancement ne peut aller dans aucun cas assez loin pour que l'animal se puisse dresser sur sa tranche. C’est alors que nous voyons entrer en action un organe spé- cial qui paraît être employé exclusivement à cette fonction. Les naturalistes, à qui on ne saurait trop reprocher de ne pas tenir compte assez de la physiologie, ont regardé jusqu'ier l'appendice caudal de la Limule comme destiné à lui servir d'arme et, en conséquence, l'ont baptisé du nom d’aiguillon. Un détail anatomique qu'ils ont négligé de relever et qui, ce- pendant, aurait dù les mettre en garde contre cette attribution oratuite, c’est la présence sur l’appendice caudal de petites pointes très aiguës qui, au lieu d’être tournées vers la base de laiguillon principal, sont dirigées dans le même sens. Il est clair que si c’est là une arme, elle est fort mal appropriée, la présence de ces piquants adventifs l’empêchant absolument de pénétrer dans les tissus. Ge n’est donc pas une arme; il n’y a qu'à observer des Limules placées dans de bonnes condi- tions pour voir que cet appendice à aspect menaçant sert au plus modeste des usages, celui de retourner l’animal. Proté- oée comme elle l'est de toutes parts, la Limule peut se passer d'armes offensives. ARTICLE N° 7. LOCOMOTION DES LIMULES. 4 Cet appendice caudal, qui est aussi long que l'animal, est rigide, triangulaire, légèrement arqué. Articulé au moyen d’une sorte de charnière sur le dernier segment de la cara- pace, il est mobile dans le plan vertical et peut décrire en- viron 80°. Il présente également une assez grande mobilité latéralement. En effet, lorsqu'on examine avec soin cette arti- culation, on voit que la cavité articulaire de la carapace est très évasée et que le condyle dorsal de l’aiguillon est arrondi laté- ralement, et roule avec facilité à droite et à gauche dans cette cavité. Pour augmenter encore la course de l’aiguillon en haut et en arrière, la pièce qui le porte est elle-même mobile sur le céphalo-thorax. Nous avons laissé. la Limule tombée à la renverse; or, il n’est pas nécessaire de la regarder longtemps dans cet état pour comprendre quel est l'usage de son appendice caudal. Quand cet accident lui arrive, l’animal fléchit son prothorax en arrière et déjà la pointe de l’aiguillon touche le sol. Celui-ci se porte à son tour en arrière, soulève le corps de la Limule de telle sorte qu’élle ne repose plus que sur deux points : l’extré- mité de l’aiguillon et le sommet postérieur du prothorax, tout le reste formant comme une arche de pont. Dans cette posi- tion, l'équilibre est éminemment instable. Il faut bien peu d'efforts à l’animal pour qu’un des bords de la carapace s’a- batte, soit d’un côté, soit de l’autre. Il lui suffit de se balancer en agitant ses pattes et sa plaque branchiale pour obtenir ce résultat. C’est ce qui a lieu. Un des bords latéraux de la cara- pace vient toucher le sol pendant que l’autre s'élève au zénith. Dès ce moment, l’animal n’a plus qu’à déplacer très légère- ment son centre de gravité en avançant les pattes pour s’abat- tre et se retrouver sur pied dans la position normale. J'engage ceux de mes lecteurs qui pourraient conserver quelques doutes sur le véritable rôle de l’aiguillon des Limules, à suivre attentivement les phénomènes que Je viens de décrire à l’aquarium du Havre; ils verront combien le jeu de cet ap- pendice est remarquable. Sa nécessité pour l’animal est telle- ment évidente, qu'il est inutile de chercher à cet organe une D JOUSSEZ DE BELLESME. autre fonction. Ils concluront comme mot de leurs observa- tions qu'il faut cesser de regarder, comme on l’a fait jusqu'ici, l’appendice caudal des Limules comme une arme, pour lui assigner une place parmi les organes locomoteurs de ces ani- maux. CRUSTACÉS RARES OÙ NOUVEAUX DES CÔTES DE FRANCE Par M. HESSE (Trente et unième et trente-deuxième articles.) Description de deux nouveaux Crustacés parasites, de la légion des Entomo- straces, de l’ordre des Copépodes, de la section des Poécilostomes, formant deux genres nouveaux : les Biomonastes (1) et les Scotophiles (2). Je viens ajouter au nombre, déja considérable des Crusta- cés parasites qui habitent l’intérieur des ascidies et des sy- nascidies, deux nouvelles espèces qui, par leurs formes spéciales et par les caractères particuliers qui les distinguent, m'ont paru donner lieu à la création de deux nouveaux genres. Ces Crustacés, comme tous les Entomestracés, sont de petite taille, mais n’offrent pas, comme beaucoup d’entre eux, des formes singulières et des couleurs éclatantes ; sous ce rapport ils n'ont rien de remarquable; mais ils présentent certaines particularités qui m'ont paru dignes d’être signalées. Description. Genre BIOMONASTE Nobis. Biomonaste bicolore. — Biomonaste bicolor. Le mâle est inconnu. La femelle (3) a, tout au plus, # millimètres de longueur sur 1 millimètre et demi de largeur ; le corps est allongé étroit, du côté de la tête, et va en grossissant, successivement, jusqu’à son extrémité inférieure, qui se termine en pointe arrondie. La tte (h) est proportionnellement assez grande et de forme triangulaire, sa partie la plus large étant à sa base. Son front (1) De B:c:, vie, et de uovaor, reclus. (2) De oxsrcs, obseurité, et de ous, qui aime. (3) PL XF, fig. 1. (4) Fig. 1 et 4. ANN. SC. NAT. — ART. N° 8. HESSE. est saillant, pointu etarrondi, et elle présente, de chaque côté, une paire d'antennes (1) courtes et larges, composées d’une assez grande quantité d'articles très rapprochés et peu dis- tincts, garnis de poils et d’épines nombreux, et terminés par une pointe recourbée et qui parait aiguë. La première patte, qui est fixée à la base des antennes, est longue (2) et formée de trois articles à peu près d’égale lon gueur. Le dernier est terminé par une grifle assez forte et crochue. Un peu au-dessous on aperçoit deux fortes mandibules, el au-dessous de celles-ci, une autre patte composée de trois arlicles, dont le dernier est le plus fort et est terminé aussi par une griffe recourbée. Enfin on aperçoit, au bord du bou- clier céphalique, et de chaque côté, des appendices pointus, mais assez Courts. On voit aussi, au milieu de la tête, un œil qui est de forme triangulaire. À la base de celle-ci on aperçoit la première paire de pattes natatoires qui est composée comme les trois autres qui la suivent, et qui sont fixées aux trois premiers anneaux thoraciques; dix paires de pattes biramées, semi-plates, la deuxième surtout, ayant chacune, après l’article fémoral, qui est le plus grand et Le plus fort, trois ou quatre articles garnis de fortes épines et de poils pennés. Les premiers anneaux thoraciques sont à peu près de la même grandeur, quant à leur hauteur; mais leur largeur aug- mente à partir de la tête. À la suite du troisième, on en voit un autre qui est confondu avec le reste du thorax et qui donne attache à un appendice articulé assez fort (3), composé de trois à quatre articles qui vont en diminuant de grosseur et de largeur, de la base au sommet, et qui est garni de poils longs et rigides. Le reste de l'abdomen, dont la longueur est presque égale à la partie antérieure que je viens de décrire, n’offre rien de (1) Fig. 5. (2) Fig. 4 et 8. (3) Fig. 1, 2 et 4. ARTICLE N° 8. CRUSTACÉS DES CÔTES DE FRANCE. 9 particulier ; il est légèrement infléchi du côté inférieur; son extrémité est plus étroite et arrondie au bout sans aucun appendice abdominal, et toute sa capacité est remplie par les œufs, de forme ovale, que l’on aperçoit, par transparence, entassés et serrés horizontalement les uns sur les autres. La figure que je donne d’un autre individu de la même es- pèce (1) montre celui-ci pourvu d’une sorte de tube ovifère, d’une dimension presque égale à celle de la partie thoracique, contre laquelle elle est attachée, et dont elle a aussi presque la forme. Get appendice est soudé à la partie antérieure et inférieure du thorax (2) par une petite proéminence arrondie, offrant au centre une petite ouverture par laquelle les œufs expulsés de la partie du thorax à laquelle elle est fixée, peuvent sans doute passer dans celle-ci et y accomplir toutes les phases d’ineuba- tion nécessaires pour que les embryons puissent atteindre le degré de développement qui leur permet d’en sortir, et vaquer aux besoins de leur existence. Get appendice paraît également fixé à la base d’une sorte de patte très robuste de forme conique composée de quatre à cinq articles et terminée par des soies aux poils longs et rigides. Je me borne, pour le moment, à la description de ces or- ganes tels que Je les ai observés ; je chercherai à en expliquer, plus tard, les fonctions ou leur utilité. J'ai aussi dessiné un des œufs qui avaient été expulsés du corps de ce Crustacé ; 1ls sont légèrement aplatis et de forme conique et comparativement assez gros, Le point oculaire com- mençait à se faire apercevoir. Coloration. — Le corps entier est d’un beau blane mat; on aperçoit, par transparence, le tube intestinal qui, à son début, près de la tête, est noir, puis devient rouge vermillon. Les œufs ont aussi cette dernière couleur ; l'œil est rouge pourpre, Habitat. — Trouvé le 4 mai 1871, dans une ascidie qui (1) Fig. 2. (2) Fig. 2. 4 HESSE, avait été arrachée du fond de la mer par les filets de pêcheurs, et jetée à la côte, ces Crustacés dont j'ai eu deux exemplaires, avaient des mouvements très lents et ils se irainent plutôt qu'ils ne marchent. Genre SCOTOPHILE Nobis. Scotophile tricolore. — Scotophilus tricolor (1). Je ne suis pas bien fixé sur le sexe de Pindividu que je dé- eris, attendu que rien ne l’indique d’une manière positive, je crois cependant que j'ai affaire à une femelle. Elle est de la taille du Crustacé précédent, c’est-à-dire qu'elle n’a pas plus de 8 à 4 millimètres de long sur 1 et demi de large ; son corps, étroit, allongé et tubuliforme, d’une lar- geur presque égale dans toute son étendue thoracique, se ré- trécit brusquement à l'endroit de l'abdomen. La tête est plate, cordiforme, ses bords latéraux sont arron- dis; elle ne dépasse pas en longueur celle des anneaux de la partie antérieure du thorax qui sont au nombre de deux et qui sont de la mêmedimension et également cordiformes; ils sont échancrés au milieu et arrondis à leur bord extérieur; ils sont plats et superposés comme des écailles de poisson. Le reste de l'abdomen est beaucoup plus long, à lui seul, que la tête et les deux anneaux précités le sont ensemble. L’extrémité inférieure du thorax est terminée en pointe arrondie et est formée d’un petit anneau peu apparent (2). L’abdomen qui le suit, est cylindrique ; sa largeur est juste le tiers de celle du thorax. Îl est formé de trois anneaux d’une longueur presque égale; lPinférieur laisse apercevoir, au mi- lieu de Porifice anal, et de chaque côté, deux appendices plats et divergents, garnis à leur extrémité de soies très rigides et de longueur différente. On remarque aussi sur le dernier anneau abdominal et un peu au-dessus de l'ouverture anale, deux petites protubérances (1) Fig. 10 et 11. (2) Fig. 10 et 14. ARTICLE N° 8. CRUSTACÉS DES CÔTES DE FRANCE. 9 tubuliformes dont l’extrémité parait tronquée et peut-être percée, au milieu, d’un petit trou. Vu en dessous ou latéralement (1) on aperçoit de chaque côté de lPappendice frontal une paire d'antennes (2) assez fortes, courtes, à bord supérieur dentelé et hérissé de poils et d’épines formées d'articles nombreux et très rapprochés, mais non terminées, comme dans l’autre espèce, par une pointe aiguë et relevée. A la base de ces antennes on aperçoit la première patte tho- racique (3) qui est assez longue avec l'extrémité large et apla- tie, terminée par des griffes accompagnées de poils divergents. Un peu au-dessous de celle-ci on voit la bouche (4) formée de deux fortes mandibules, lune supérieure et lPautre inférieure ; et à la base de celle-c1, une forte patte terminée par une griffe assez puissante. À la base de celle-ci on voit une paire de pattes nata- toires (5) composées d’un article fémoral assez long et assez robuste, donnant attache à deux appendices plats, en forme de rame, ayant trois articles garnis, sur les bords, d’épines et de poils divergents. La figure 12 de ma planche représente le même mdividu qui, étant mort, a subi un commencement de décomposition, et s’est tuméfié de manière à présenter les déformations consi- dérables que j'ai représentées. Je me réserve donc d’en parler un peu plus tard. Coloration. — Ainsi que lindique le nom que j'ai donné à cet animal, son corps offre trois couleurs différentes. Ilest d’un blanc mat, traversé verticalement, de la tête à l’extrémité in- férieure du thorax, par une large bande d’un noir bleu foncé ; l'abdomen est également traversé, verticalement, par une raie de couleur rouille, qui est aussi celle d’une large bande qui (1) Fig. 11. (2) Fig. 13. CO) MINE (4) Fig. 11. (5) Fig. 15 et 10. (6) HESSE. est placée en dessous de la bande bleue-noire du thorax. Habitat. — Trouvé le 2 mai 1871, dans le port marchand à Brest, dans une ascidie simple rejetée par la mer. Ce Crustacé est assez agile, il nage avec une certaine rapi- dité, ou plutôt il rampe au fond du vase, ce qui se conçoit faci- lement, à raison de la disposition de ses pattes qui sont pe- tites et, étant placées trop loin de l’extrémité du corps, sont trop éloignées pour le tenir en équilibre et faciliter ainsi sa propulsion. Physiologie. Il n’est pas, je crois, difficile, même en ne connaissant pas la manière de vivre des Crustacés que Je viens de décrire, de voir, par la forme de leurs principaux organes, et par un cer- tain air de famille, qu’ils appartiennent à la catégorie de ceux qui vivent dans l’intérieur des ascidies ou des svnaseidies. Les antennes, en effet, sont courtes, simples, multi-articulées et hérissées de poils ou d’épines nombreux ; la première patte thoracique est longue et armée d’une griffe puissante; il en est de même de celle qui se trouve au-dessous de la bouche qui est garnie de fortes mandibules. Enfin les pattes biramées qui sont fixées aux anneaux du thorax sont petites et paraissent plutôt destinées à la progression qu’à la natation, bien qu’elles puissent être employées dans l’un ou l’autre cas, mais Je crois plus à la propulsion. Comme chez la plupart des Crustacés qui habitent les asci- dies, la région thoracique est divisée, chez les femelles, en trois parties plus ou mois distinctes. Les deux premiers an- neaux qui suivent la tête sont très visibles, comme dans les Notodelphys, les Doropyqus et les Botachus, mais ne le sont pas dans le reste du thorax qui renferme les œuls et qui se gonfle et se déforme suivant l’état plus ou moins avancé de leur incu- bation. Il faut donc, pour apercevoir distinctement les autres divisions thoraciques, avoir affaire aux mâles ou aux jeunes femelles avant la fécondation. La femelle du Biomonaste tricolore offre, entre autres par- ARTICLE N° 8. CRUSTACÉS DES CÔTES DE FRANCE. 7 ticularités remarquables, celle d’être privée d’abdomen, et c’est en raison de cette exception que J'ai pensé qu’il y avait lieu d’en faire un nouveau genre ; elle se distingue, en outre, par des caractères non moins extraordinaires, dont je vais donner la description et que j'ai constatés dans les circonstances suivantes. Le 4 mai 1871, je trouvai, comme je l’ai dit, dans une as- cidie simple, amenée à terre par le filet des pêcheurs, les deux exemplaires de ce Crustacé que J'ai représentés dans la planche XI, figures 1 et 2. Je m'empressai, comme c’est mon habitude, d’en dessiner un immédiatement, afin de pro- fiter du moment où il était en vie, pour reproduire le plus exactement possible ses formes et ses couleurs. Ce fut celui auquel, dans ma planche, j'ai donné le n° 1. Ce travail terminé et l’heure étant avancée, je remis au len- demain l’examen de l’autre individu figuré au n° 2 ; mais quel ne fut pas mon étonnement, lorsque j’examinai celui-ci, de voir qu'il ne ressemblait pas complètement à l’autre, et qu’à son thorax se trouvait Joint, par un point de contact placé au-dessous et à peu près au tiers antérieur de cette partie du corps, un tube presque aussi grand que lui, et qui semblait destiné à remplacer les tubes ovifères que l’on remarque chez un grand nombre de Crustacés. Je constatai alors que le tho- rax de celui-et était à peu près vide de tous les œufs qu’il avait contenus et qu'il n’en restait que quelques-uns épars dans cette cavité, et qu'il n’y en avait aucun dans l’autre. Je m’aper- çus aussi que la petite protübérance qui sert de point d'attache entre le thorax et le tube ovifère, paraissait être munie, au centre, d’une ouverture qui doit être destinée à favoriser le passage des œufs d’une cavité dans l’autre; et, en effet, vue de profil, ses bords simulent deux lèvres qui seraient appli- quées l’une contre l’autre, de manière à pouvoir s’écarter pour leur livrer passage (1). Enfin je constatai que, comme cela a lieu chez les Crustacés, chez lesquels existent des tubes (A) Fig. 2 et 8. 8 HESSE. | ovifères, et qui ont de petites pattes simples d’une forme spé- ciale, destinée à soutenir, à protéger et à mouvoir ces tubes, cette femelle avait une patte destinée également à un usage semblable, mais très forte, d’une forme conique et qui se trou- vait placée un peu au-dessus de la petite ouverture dont Jai parlé et qui évidemment est destinée à remplir les mêmes fonctions que chez les Crustacés auxquels je lai comparée ; mais il resterait à connaître à quel moment ce tube ovifère s’est produit et pour quel motifil n’était pas encore à sa place chez l'individu représenté au n° 1, alors que cependant son thorax était rempli d'œufs dans un état d’incubation très avancé; c’est ce que je ne saurais dire pour le moment : je me bornerai donc à constater les faits sans pouvoir les expli- quer. Relativement au Scotophile tricolore (1), que je crois être une femelle à raison du développement considérable de la partie inférieure de son thorax, 1} n’est aussi arrivé une chose étrange quia quelque rapport.avec celle dont je viens de parler à propos du Biomonaste bicolore. Après l'avoir dessiné comme Pautre, alors qu'il était vivant, je le plaçai, isolément, dans un vase pour pouvoir Pétudier plus tard et plus complètement, et voir si je ne pourrais pas en obtenir des œufs. Combien de temps l’ai-je conservé ainsi, je ne saurais le dire; mais il m'arriva, le Jour où je lexaminai à nouveau, de voir, à mon grand étonnement, qu'il était complètement transformé ou plutôt déformé de la manière dont je l'ai représenté au n° 12 de ma planche. Dans cette métamorphose la tête et les deux premiers an- neaux thoraciques avaient conservé leurs formes primitives; mais, à partir de là, le thorax s'était raccourci et tuméfié et avait pris une forme sphérique dans laquelle se trouvait com- pris Pabdomen, de sorte que cet ensemble se rapprochait des formes des Doropygiens, et, pour compléter cette ressemblance, le corps élait terminé par une sorte de tumeur ovoïide, desti- (1) Fig. 10 et 11. ARTICLE N° 8. CRUSTACÉS DES CÔTES DE FRANCE. 9 née probablement à contenir les œufs et conséquemment à remplir les fonctions de l’extrémité postérieure du thorax des Crustacés précités dans laquelle les œufs sont également accu- mulés jusqu’à leur émission. Lorsque je m’aperçus de cette transformation, ce Crustacé était mort, et par ce fait 1l avait perdu sa transparence, et son opacité m'empècha de voir si cette partie inférieure du thorax contenait des œufs, ce qui est probable, ou n’en contenait pas. Je me rappelai alors avoir trouvé un Doropyqus que j'ai déerit ici même, en 1869 (Annales, t. XI, p. 305), sous le nom de Disphérasiphère, qui a, avec ce Crustacé, une ressemblance très grande et que J attribuai aussi à une cause semblable, car ce Crustacé était mort quand je lai dessiné. La tuméfaction de son thorax était telle, à partir de son deuxième anneau, qu'il ne formait plus qu’une sphère d’un volume relativement considérable, traversé par le corps qui lui servait d’axe, et qui sortait des deux côtés en haut : la tête et les pattes thora- ciques, et en bas l’extrémité des appendices abdominaux. Cet état de choses est-1l dû, comme dans lautre Crustacé que j'ai cité, à un commencement de désorganisation? Je ne sau- rais le dire ; mais ceci semble démontrer avec quelle facilité ces altérations, dans les formes, peuvent se produire et indi- quer qu’il est prudent, lorsque l’on a affaire à des individus de ces espèces trouvés morts ou qui sont conservés dans l’aleool, de ne pas prendre, pour des formes naturelles, celles qui, peut- être, ne sont dues qu’à des causes étrangères et qui, consé— quemment, ne peuvent qu'induire en erreur. J'ai aussi décrit, dans le même Mémoire (t. XI, p. 307), un autre Doropyqus sous le nom de Globosiphère, qui lui ressem- blait beaucoup par sa forme sphérique ; mais comme il était vivant lorsque je l’ai dessiné, il n’y avait aucun doute à avoir à cet égard. ANN. SC. NAT., ZOOL., AOÛT 1881. xI, 21. — ART. N. Ô. 1 0 HESSE. Systématisation. J’ai été, je l’avoue, assez embarrassé de savoir quelle place, dans la classification, je devais accorder à ce singulier Crustacé que j'ai décrit sous le nom de Biomonaste bicolore. Je ne vois, en effet, dans toute la série de ceux qui vivent dans les mêmes conditions, et qui ont été décrits jusqu’à présent, aucun qui présente cette singulière anomalie de n’avoir pas d’abdomen, et surtout d’avoir une sorte de thorax supplémentaire qui rem- placerait les tubes ovifères et dans lequel se terminerait une incubation commencée dans la cavité thoracique. C’est certai- nement un fait bien extraordinaire, mais qui, à raison des circonstances dans lesquelles il s’est passé, ne peut, pour moi, laisser la place à aucun doute. La présence de cette poche supplémentaire n’existe-t-elle pas chez tous les individus tel que celui que j'ai dessiné le pre- mier (1) et chez lequel les œufs paraissaient avoir subi une incu- bation assez prolongée pour que j'aie pu apercevoir, très dis- tinctement, à travers les enveloppes du tube et des œufs, les points oculaires des embryons? Ou bien, ce qui est plus pro- bable, cette poche, qui a exactement la forme et la grandeur du thorax, était-elle appliquée et maintenue contre celui-er par la patte qui est destinée à la faire mouvoir de manière que j'aie pu la prendre pour le thorax, et que dans l’autre Crus- tacé ce tube en étant écarté (2), je les ai alors nécessarrement aperçus séparément ? C’est, je crois, ce qui est arrivé; 1l m'eût été du reste très facile de m’en assurer si javais pu retrouver ces Crustacés que J'avais mis dans un tube à part, malheureu- sement je l’ai égaré et n’ai pu le retrouver. Quoi qu'il en soit, je ne puis que maintenir l'exactitude de mes dessins; mais Je reconnais que l'explication que je donne de cette anomalie me parait insuffisante. Pour en revenir à la classification, je crois que la place qui (4) Fig. 1. (2) Fig. 2. ARTICLE N° 8. CRUSTACÉS DES CÔTES DE FRANCE. 14 lui convient est près des Doropygiens dont il à les antennes, la tête, les pattes et les divisions thoraciques ; l'abdomen manque, il est vrai, et il a, en plus, l'équivalent d’un tube ovifère. Quant à l’autre Crustacé auquel j'ai donné le nom de Scato- phile tricolore (1), il a, je crois, beaucoup de rapport avec les Botachus, d'après la forme des antennes, de la tête, du thorax, des pattes et le nombre et la division des anneaux, et aussi celle de l’abdomen; mais il est à remarquer que chez le Sco- tophile, les anneaux thoraciques sont, ainsi que le bord du bouclier céphalique, échancrés au milieu, et surtout la diffé rence principale existe dans la terminaison des appendices ab- dominaux, qui sont plats et lamelleux et garnis de soies ou de poils rigides, tandis que chez les Bofachus ce sont des appen- dices ronds et recourbés, armés de fortes griffes et préhensiles. Genre BIOMONASTE. Mâle mconnu. Femelle. Tête très petite, de forme triangulaire, front en pointe arrondie, s’avançant entre deux antennes courtes, assez larges, multi articulées, garnies de poils et d’épines, et dont l’extrémité se termine en pointes aiguës. Œil gros. Première patte longue, mince, terminée par une griffe cro- chue, celle-ci placée en dessus des mandibules supérieures et inférieures très robustes de la bouche, une autre patte, en dessous de celle-ci, plus forte, plus courte que la supérieure et garme comme elle d’une forte griffe. Anneaux thoraciques de moyenne grandeur, mais très distincts, surtout les trois premiers; pattes thoraciques biramées et petites, une patte simple très forte, cylindrique, terminée en pointe et garnie de poils rigides et divergents à son extrémité. Cette patte étant fixée au cinquième anneau est destinée à soutenir et ma- nœuvrer une très grande poche qui remplace les tubes ovi- fères. (4) Fig. 10 et 11. 49 HESSE. Genre SCOTOPHILE. Mâle inconnu. Femelle. Corps long, étroit, presque de la même largeur dans toute son étendue; divisé en trois parties, deux petits anneaux échancrés au milieu, suivant la tête et le reste du thorax ayant plus de trois fois la longueur de celui-ci, terminé en pointe arrondie. Tête petite, plate, cordiforme, le front s’avançant en pointe arrondie, entre les antennes qui sont petites, plates, multi-articulées et garnies de nombreux poils rigides. Œil médian petit. Abdomen très court et très étroit, le tiers de la largeur du thorax, divisé en quatre anneaux d'égale longueur, terminé par deux appendices plats, garnis de soies rigides et divergentes. Pattes. Les premières simples, armées de fortes griffes. La bouche formée de deux fortes mandibules, celle du dessus et celle du dessous, suivies d’une autre patte simple, comme la première, et garnie d’une griffe puissante. Celle-ci suivie de quatre paires de pattes biramées, d’une taille moyenne. EXPLICATION DES FIGURES PLANCHE 11. Fig. 1.— Biomonaste tricolore, femelle, amplifiée vingt-cinq fois, vue de profil. Son tube ovifère étant collé contre son thorax; la fausse patte, qui le soutient, ayant la pointe abaissee. Fig. 2. — La même, au même grossissement, vue de profil et montrant son tube ovifère séparé du thorax, soutenu et dirigé par la fausse patte dont la pointe est dirigée en haut. Fig. 5. — L’extrémité supérieure du sac ovifère, très grossi, ainsi que la patte qui le dirige et le soutient. On aperçoit, au-dessous de la base de celui-ci, uné petite ouverture entourée d’un bord en relief et arrondi, destiné à l’ouvri ou à la fermer et à faciliter le passage des œufs. Fig. 4. — La tète de ce Crustacé, très grossie, montrant les antennes et pattes qui environnent la bouche et les mandibules de celle-ci. Fig. 5. — Une antenne à un plus fort grossissement. Fig. 6. — Patte biramée très grossie, du même. Fig. 7. — Une rame seule très amplifiée. Fig. 8. -—- Première patte thoracique du même, très grossie. Fig. 9. — Œuf très grossi du même. ARTICLE N° 8. CRUSTACÉS DES CÔTES DE FRANCE. 43 Fig. 10. — Scotophile tricolore, femelle, vue en dessus et amplifiée 25 fois. Fig. 11. — La même, vue de profil, au même grossissement. Fig. 12, — La même, vue après la mort et déformée par un commencement de décomposition. Fig. 13. — Antennes de la même, très grossie. Fig. 14. — Extrémité abdominale de la même, très amplifiée, montrant, sur son dernier anneau, deux petites protubérances cylindriques. Fig. 15 et 16. — Pattes natatoires de la même, vue dans une position différente. Fig. 17. — Première patte thoracique de la même, très amplifiée. SUPPLÉMENT A LA DESCRIPTION QUE J'AI DONNÉE DES CRUSTACÉS PARASITES, QUE J'AI DÉSIGNÉS SOUS LE NOM DE Notopterophorus Papilio er DE Notopterophorus Bombyx. Lorsque je découvris, pour la première fois, le 25 novem- bre 1863, le Notopterophorus Papilio, femelle, j'en publiai, ici même, la description que j'accompagnai de dessins le re- présentant, ainsi que ses principaux organes (1). L'année suivante, le 15 septembre 1864, j'eus la bonne for- tune de trouver le mâle adulte de celle-ci, ainsi que deux jeunes individus de la même espèce (2) ; enfin, le 4* novem- bre 1864, je découvris encore le Notopterophorus Bombyx, mâle, femelle, ainsi que deux autres Crustacés de la même espèce, quifurent décrits dans les Annales des sciences (3) ; mais ces deux dernières descriptions ne furent pas accompa- gnées de dessins, et c’est cette lacune que je viens combler aujourd'hui, en publiant une planche qui contient tous les individus dont j'ai parlé précédemment, et aussi des détails qui les concernent et qui me semblent tout à fait imdispensables. Comment en effet, sans les avoir vus, se figurer l’aspect de ces singuliers Crustacés qui ne ressemblent à aucun de leurs congénères, et n’ont avec eux que des rapports de formes et (1) Annales des sciences naturelles de 1864, 5° série, t. I, pages 383-543, pl. 11, fig. 1-12: (2) Annales des sciences naturelles de 1865, 5° série, t. III, pages 1-225. 3) Annales des sciences naturelles de 1865, 5° série, t. II, pages 2253-22 14 HESSE. de structure très éloignés ? Comment expliquer que des êtres, qui sont destinés à vivre dans l’intérieur des Ascidies, dans des espaces très restreints, au milieu de viscères très compacts et de sécrétions visqueuses, aient été pourvus, comme les insectes destinés à voler dans les airs, d'organes légers, de grandes lames membraneuses minces, transparentes, taillées sur le modèle des ailes des Lépidoptères, et, comme certaines d’entre elles, décorées de longs prolongements étroits, en forme de queues (1) ou mieux de lanières qui sont rétractiles et expan- sives. Quelle description pourrait donner l’idée de l’étrange phy- sionomie de la tête de ces parasites, coiffée d’une sorte de casque ou de froc, orné d’un cimier, surmonté de deux expan- sions étroites qui lui donnent une certaine élégance. Ces sin- gulières expansions n’ont pas, il est vrai, la même ampleur chez tous les individus; elles sont bien plus larges chez la femelle du Notopterophorus Papilio que chez le mâle (2) de celle-ci, et sont infiniment moindres chez le Notopterophorus Bombyx (3). Enfin elles sont nulles chez les jeunes des deux espèces (4) qui, comme je l’ai déjà dit, ont, à cet âge, beau- coup de ressemblance avec les Monocles, et, en effet, c’est à peine si l’on constate, chez l’un d’eux (5), la présence d’un petit appendice plat, triangulaire, à extrémité arrondie et relevée, qui se trouve placé au bord dorsal inférieur desquatre premiers anneaux thoraciques; mais cette ressemblance avec les Monocles n’est que relative, car elle n’exclut pas le carae- tère principal qui est un des signes distinctifs de ces Crusta- cés, et qui consiste à avoir l’extrémité terminale de l’abdomen armée, comme chez les adultes, de deux appendices pourvus de fortes griffes (6) crochues destinées très probablement à (1) Pour ne parler que des papillons de France : les Machaons et les Poda- liriens. (2) Fig. 11. (3) Fig. 2 et 3. (4) Fig. 1 et 9. (5) Fig. 10. (6) Fig. 6. ARDICUE NOUS CRUSTACÉS DES CÔTES DE FRANCE. 45 s’enfoncer dans les tissus et à fournir un point solide de ré- sistance, comme le procurerait une ancre, à l’aide de laquelle ils peuvent exercer une traction destinée à faire mouvoir le corps et à l’aider à se frayer un passage à travers les obstacles qu'il pourrait rencontrer. Mais il est plus difficile de s'expliquer l’usage de ces curieux appendices, minces et transparents, ayant, comme je lai dit, la forme des ailes des Lépidoptères, et fixés, comme elles, par la base, à la partie dorsale du thorax; ces ailes ne peuvent, évidemment, à raison de leur délicatesse et de leur ténuité, exercer une action bien puissante, mais quelle qu’elle soit, elle doit exister puisqu'elles sont rarement entières et que leur dilacération indique qu’elles ne restent pas inactives (1). Il en est de même de ces prolongements en forme de lamières qui font partie de ces organes et que l’on trouve très souvent arra- chées, ce qui prouve qu’elles participent aussi à une action plus ou moins énergique, et qu’à raison de leur forme mince et pointue, elles peuvent s’insinuer entre les tissus, les saisir et les contourner, et, grâce à leur élasticité, en se contractant, les attirer ou s’en rapprocher. Quoi qu'il en soit, on voit ces parasites, lorsqu'ils ne sont (1) Cette opinion, que je ne hasarde ici que comme une hypothèse, et qui naturellement peut être controversée, n’est pas adoptée par M. Stewardson Brady, savant professeur anglais qui vient de publier un très important ouvrage sur les Copepodes ; A Monograph of the free and semi-Parasitic Copepoda of the British islands. M. Brady, qui n’a pu se procurer qu'un exemplaire de ce Crustacé, par l'intermédiaire de M. le révérend Merle Normand, qui est aussi un naturaliste très distingué de l’Angleterre, n’a eu à sa disposition qu’un indi- vidu ayant subi üne longue immersion dans l'alcool, conséquemment crispé et déformé par l’effet de ce liquide et ayant/perdu la transparence de ses organes qui, en outre, étaient incomplets. Arguant de leur extrême délicatesse, 1l pense qu'ils ne peuvent être employés à l’usage que je leur attribue; et ajoute que, selon lui, dans l’état des choses, leurs fonctions ne sont pas encore connues. Je ne combattrai pas cette opinion qui, du reste, me paraît très soutenable; je me bornerai seulement à faire remarquer que l’état de dilacération dans lequel où trouve constamment ces appendices membraneux, prouverait, au contraire, suffisamment qu’ils jouent un rôle très actif et qui est disproportionné avec leur force; si, en effet, il en était autrement, on les trouverait intacts malgré leur gracilité. Ceci, du reste, n’a pas grande importance. 16 HESSE. plus gênés par aucun obstacle, agiter, avec vivacité, ces appen- dices, à la manière des ailes des Lépidoptères, les écartant ou les rapprochant à volonté et cherchant, par ces mouvements, à changer de place ou de position. Ces expansions membraneuses sont infiniment plus étroites chez les mâles des deux espèces N. Papilio et N. Bombyx et aussi chez les femelles de celui-ci; de plus, il existe chez ces derniers cette particularité, qui est un caractère très remarquable et qui distingue particulièrement les deux espèces, que les deux appendices du milieu du corps présentent non loin de la base de ces pédoncules une cavité formée par les bords relevés de ceux-ci (1). Je n’entrerai pas de nouveau dans tous les détails que j'ai donnés sur ces Crustacés lorsque j’en ai fait la découverte, et qui ont paru dans des articles précédents des Annales des sciences de 1864 (2) et de 1865. Je me bornerai seulement à en faire la sstématisation que j'avais omise de donner alors. Systémalisation. NOTOPTEROPHORUS PAPILIO. Mâle. Taille, 2 millimètres environ, corps cylindrique, plus gros et plus trapu que la femelle, d’une grosseur uniforme de la tête à l'extrémité du thorax; celui-ci formé de quatre an- neaux qui chaeun d’eux sont munis d’une paire de pattes bira- mées dont la supérieure, cylindrique, est armée de pointes et de poils ciliés, et Pinférieure, divisée en trois ou quatre articles comme la supérieure, est pourvue de pointes aiguës. Tête grosse, arrondie, présentant deux antennes de taille (1) Figures 2 et 3. Ces singulières expansions ne sont pas seulement spéciales aux Notopterophorus Papilio et N. Bombyzx : j'en ai constaté la présence chez un Doropyqus auquel, à raison de cette particularité, j'ai donné le nom de Doropyqus cristatus (Annales des sciences nat., 5° série, t. XV, pages 21-25, planches 2 et 18). (2) Je ne puis m'empêcher de faire remarquer que ces crustacés, que Je ne croyais pas très rares et que j'ai découverts en 1864, n’ont été retrouvés en Angleterre qu'en 1878, soit douze ans après, ce qui prouve que malgré le zèle et le nombre considérable des chercheurs, les découvertes ne se font que très lentement. ARTICLE N° 8. CRUSTACÉS DES CÔTES DE FRANCE. 47 moyenne, cylindriques, formée d’un pédoncule assez fort, large et plat, suivi d’une tige plus étroite divisée en cinq ou six anneaux de longueur égale et accompagnés de soies rigides. Bouche présentant au-dessus de son orifice une patte assez longue, composée de trois articles, le dernier terminé par une griffe forte et crochue. Au-dessus de celle-ci, une mâchoire supérieure et inférieure trèsrobustes, accompagnées en dessous de mandibules et de palpes multi-articulées et garnies de nombreux poils rigides. Abdomen cylindrique, allant en dimi- nuant de calibre de sa base à son extrémité inférieure et formé de cinq articles dont le premier est le plus long, et le dernier terminé par une sorte de cupule de laquelle émergent deux tiges cylindriques assez fortes et de longueur moyenne, termi- nées par plusieurs pointes légèrement recourbées en forme de griffes. La partie occipitale, munie d’un appendice membraneux très grand, très long et très étroit, bifurqué un peu au-dessus de la base de son pédoncule. Un semblable appendice est éga- lement fixé à la partie dorsale du premier, du troisième et du quatrième anneau thoracique, mais ce dernier est trifurqué. Œil unique placé au-dessus et au milieu de la tête. Femelle, 3 ou 4 millimètres de longueur. Corps long et étroit, à peu près du même calibre dans toute son étendue. Tête petite, arrondie, entourée latéralement d’un fort bourrelet qui l’encadre et sert de point d’appui à l’appen- dice large, membraneux et bifurqué dont la base est fixée à sa partie occipitale. Trois autres membranes, mais infiniment plus larges, sont également attenantes aux autres anneaux thoraciques et présentent, les deux premières, deux lanières étroites et pointues, et la troisième trois. Les antennes, la bou- che, les pattes, l'abdomen sont conformés comme chez le mâle. Les œufs, accumulés à la partie inférieure du thorax. Jeune, mâle ou femelle. Corps cylindrique, le thorax formé de quatre anneaux d’égale dimension, pourvu chacun d’une paire de pattes natatoires semblables à celles des adultes, la partie dorsale de chaque anneau étant munie d’une légère expansion triangulaire terminée par une pointe arrondie, lé- A8 HESSE. gèrement relevée à son extrémité. Antennes et bouche comme chez les adultes ; l'abdomen également. Plus jeune encore il ressemble, à s’y méprendre, à un Monocle, si ce n’étaient les deux appendices qui terminent l’ab- domen et qui sontarmés de pointes aiguës etrecourbées. Toutes les autres parties du corps sont conformées comme chez les adultes. NOTOPTEROPHORUS BOMBYX Mâle. Taille, 2 millimètres. Il est gros et trapu. Sa tête, remarquablement forte, est encadrée dans plusieurs plis for- mant bourrelets, qui servent de base à l’appendice occipital bifurqué, qui est fixé à celle-ci. Le thorax est divisé en quatre anneaux d’une égale dimension. Sur le premier, le troisième et le quatrième de la partie dorsale, sont fixés des appendices membraneux ressemblant au précédent, mais en différant, celui du premier et du troisième anneau par une sorte de cupule formée par les bords membraneux qui sont doubles et se re- lèvent de chaque côté à cet endroit. La deuxième expansion, plate et ne présentant pas cette forme particulière, est ter- minée par trois lanières. Le reste du corps et tous les organes qui en font partie ressemblent complètement à ceux que j'ai décrits en parlant du Nofopterophorus Papilio. Femelle. Taille, 4 millimètres 1/2. Corps allongé et assez gros, Surtout comparativement à l’abdomen qui est étroit et cylindrique. Tête relativement petite, enchâssée dans des plis ou bourrelets gros et cylindriques qui forment la base d’un appendice mince, large, plat, bifurqué et terminé par deux lanières finissant en pointes. Thorax divisé en quatre articles donnant attache, en dessous, à quatre paires de pattes biramées, et postérieurement, sur le premier, troisième et le quatrième anneau, à trois appendices membraneux étroits à la base, et allant en s’élargissant et formant au centre, par les bords re- levés de ces deux appendices du milieu, une eupule ovale qui n’existe pas au dernier appendice qui est plat et trifurqué. Abdomen long, cylindrique, divisé en quatre anneaux dont le ARTICLE N° 8. CRUSTACÉS DES CÔTES DE FRANCE. 49 dernier présente, à son extrémité, une cupule de laquelle sor- tent deux appendices de moyenne longueur arrondis et termi- nés par des griffes recourbées. Œufs placés derrière la partie supérieure du thorax qui s’élargit pour les contenir. Les antennes, la bouche, les pattes biramées ressemblent à celles du mâle et du Notopterophorus Papiho. Jeune. Ressemble au jeune de l’autre espèce, conséquem- ment ayant les organes conformés de la même manière. EXPLICATION DES FIGURES PLANCHE 12. Fig. 1. — Notopterophorus Bombyx, à l’état jeune, vu de profil et grossi Jo fois. Fig. 2. — Le mâle de la même espèce, vu également de profil à une amplifi- cation de 30 fois. Fig. 3. — Femelle de la même espèce, vue aussi de profil et grossie 30 fois. Fig. 4. — Antenne du même, très grossie. Fig. 5. — Bouche du même avec tous les organes qui l’accompagnent, très grossis. Fig. 6. — Extrémité inférieure de son abdomen, très grossie. Fig. 7. — Patte natatoire biramée du même, très amplifiée. Fig. 8. — Œuf de cette espèce avant son éclosion. Fig. 9. — Notopterophorus Papilio, jeune, grossi 70 fois. Fig. 10. — Jeune mâle ou femelle, du même, vu de profil et grossi 60 fois. Fig. 11. — Mâle du même, vu de profil à l’état adulte, vu grossi 60 fois. OBSERVATIONS SUR LA FAMILLE DES SCINCOIDIENS Par M. BOCOURX. Cette note, extraite d’un travail général sur la faune erpé- ologique de la région mexicaine, que M. Bocourt publie dans la partie zoologique de l’ouvrage intitulé : Mission scientifique au Mexique et dans l'Amérique centrale, contient l’exposé des vues de l’auteur relativement à la classification naturelle des Seincoïdiens. Ces Sauriens se distinguent des autres Reptiles par l’exi- stence de plaques ostéodermiques très différentes des écailles épidermiques dont le corps de ces animaux est ordinairement revêtu, et M. Blanchard a découvert dans l’épaisseur de ces me un système de canaux aérifères fort remarquable; or, M. Bocourt ayant étudié ces canaux chez un grand nombre d’espèces de la famille des Scincoïdiens, à reconnu que leur disposition varie beaucoup de genre à genre, et qu’on pouvait en tirer d'excellents caractères pour la distinction des subdi- visions naturelles à établir dans ce groupe. Sans le secours des nombreuses figures dont la note de M. Bocourt est accompa- gnée, il serait difficile de donner une idée exacte de ces parti- cularités organiques, et nous nous bornerons à dire que cet auteur établit d’abord deux sections, celle des Aspidoscinques chez lesquels il y a des plaques ostéodermiques pourvues de canaux aérifères, et celle des Anaspidoscinques qui n’en pos- sèdent pas; puis il divise la première de ces sections en deux groupes suivant que la disposition du système canaliculaire est régulière ou irrégulière, et, en troisième lieu, 1l prend en considération l'existence ou l’absence d’un canal transversal avec lequel s’anastomosent des canaux longitudinaux, le nom- bre de ces derniers, etc. ARTICLE N° 9. OBSERVATIONS SUR L'ENKYSTEMENT DE LA TRICHINE SPIRALE Par Mi. Jonnnes CHATIN. Ï. — DES TISSUS DANS LESQUELS L’ENKYSTEMENT PEUT ÊTRE RÉALISÉ. Tous les auteurs s'accordent à regarder la Trichine larvaire comme « spéciale au système musculaire de la vie animale » et n'hésitent pas à affirmer qu’elle « s’enkyste toujours et ex- clusivement dans une fibre musculaire striée ». Cependant, dès le début de mes recherches, je dus recon- naître que cet helminthe ne présente nullement une telle constance dans sa localisation ; fort souvent, je le rencontrais, non dans les faisceaux musculaires, mais dans le tissu con- jonctif interfasciculaire ou dans les cloisons adipeuses du pé- rimysium. De semblables variations, si faciles à constater, atténuaient notablement la rigueur de la doctrine classique; pour achever d'apprécier son exacte valeur, une question restait à examiner : le nématode n’existait-1l que dans les lamelles adipeuses inter- posées aux faisceaux musculaires, ou se trouvait-1l également dans les masses de graisse qui, par leur développement et leur situation, peuvent revendiquer une réelle autonomie? La solu- tion devait être cherchée par deux voies que j'ai successive- ment suivies. a. Des fragments delard détachés d’une salaison américaine furent, après durcissement, examinés en coupes minces sous un grossissement de <=. Plusieurs préparations n’offrirent au- cune trace du parasite, mais sur quelques-unes les Trichines apparurent nettement caractérisées. Parmi ces nématodes, les uns, non enkystés, revêtaient l'aspect qu'ils présentent chezles ANN. SC. NAT. — ART. N° 10. 2 J. CHATIN. animaux qui meurent au début de la trichinose larvaire ; les autres, normalement enkystés, se montraient identiques à ceux qui se trouvaient dans les parties musculaires de la même pièce de viande. b. Des morceaux de ce lard, choisis loin de toute masse con- tractile, furent traités par l’éther et le sulfure de carbone; le résidu, examiné sous le grossissement précédemment indiqué, montra plusieurs Trichines dont quelques-unes étaient en- kystées. Les viandes qui avaient servi à ces recherches avaient été saisies à Paris et à Lyon; plus tard, au laboratoire du Havre, je pus, à diverses reprises, recueillir des observations ana- :0gues, et plusieurs micrographes (MM. Fourmont, Dela- vau, etc.) obtinrent des résultats identiques. Les membres de la mission du Havre ont eu fréquemment l’occasion de con- stater que sur les viandes ultra-trichinées dans lesquelles les kystes sont nombreux, rapprochés et renferment généralement plusieurs nématodes, on peut souvent, dès la première coupe, découvrir les Trichines au sein des masses adipeuses ({). [l ne suffisait pas d’avoir signalé la présence des Trichines dans ce tissu, il ne suffisait même pas de les y avoir trouyées enkystées, il importait, en outre, d'établir que leur intégrité fonctionnelle était absolue,et qu’elles pouvaient passer de l’état de vie latente à l’état de vie active dès qu’elles se trouvaient transportées dans un milieu convenable. Des cobayes et des rats reçurent dans leur alimentation de la graisse trichinée; quelques-uns moururent, au bout de 6-9 jours, avec tous les symptômes de la trichinose intestinale (Trichines sexuées dans les intestins, embryons dans les ma- tières intestinales et les déjections) ; d’autres vécurent plusieurs semaines et présentèrent, à l’autopsie, de nombreuses Tri- chines enkysiées dans leurs muscles; enfin deux cobayes, aux- (1) J'ai à peine besoin d’ajouter qu'il s’agit ici des masses adipeuses existant normalement, et nullement des collections graisseuses qui peuvent apparaître dans le voisinage des kystes, à la suite du développement de ces néoformations. ARTICLE N° ô. ENKYSTEMENT DE LA TRICHINE. 8 quels on n’avait administré que de faibles quantités de graisse, à de longs intervalles, survécurent; mais lorsqu'on leur faisait ingérer de nouveaux fragments de lard trichiné, on trouvait bientôt, dans leurs déjections, des Trichines embryonnaires, et j'ai pu observer ainsi, chez ces animaux, une véritable tri- chinose périodique ou à répétition (1). Les résultats de l’observation et ceux de l’expérience se con- firmaient ainsi de la manière la plus rigoureuse et ne permet- taient plus de révoquer en doute l'existence de la Trichine lar- vaire dans le tissu adipeux. Le fait n'était pas seulement intéressant pour l’histoire naturelle de l’helminthe, il l'était également pour l’histogénèse du kyste dont il obligeait à mo- difier immédiatement la signification originelle, et pour la pro- phylaxie de la trichinose : pour être généralement moindre que celle des parties musculaires, l’action nocive des graisses tri- chinées était cependant réelle et imposait l’obligation d’exa- miner les viandes suspectes dans leur substance grasse comme dans leurs masses charnues. | Complètement méconnue jusqu'alors, cette notion se vulga- risa rapidement par de nombreuses observations, toujours identiques ; Le soin de la santé publique vint bientôt même la consacrer par des mesures spéciales : l’Autriche-Hongrie, qui avait antérieurement prohibé, d’une façon absolue, les viandes américaines, s’inspira des faits qui venaient d’être signalés pour adopter des dispositions complémentaires : sur le rapport de M. de Grosz, le Conseil supérieur d'hygiène n’hésita pas à dé- clarer que « la graisse des porcs américains est nuisible à la » santé et que son importation doit être prohibée sur tout le » territoire hongrois ». La doctrine suivant laquelle la Trichine larvaire eût été con- stamment localisée dans les muscles striés ne se trouvait pas seulement renversée ; les faits contraires recevaient ainsi tout à la fois une confirmation absolue ei une application immé- (1) Dans ces expériences, comme dans toutes celles que j'ai successivement instituées au cours de mes recherches sur la trichinose, les plus minutieuses précautions ont été prises pour éliminer les effets propres à la salure. 4 J. CHATIEN. diate. Il importait donc de surveiller également toutes les par- ties fournies par les animaux trichinés et de les soumettre à un rigoureux examen micrographique, sans tenir aucun compte des prétendues immunités que l’on avait si hâtivement ad- mises. [l était même permis de prévoir que, par leur exten- sion, de remblables recherches ne tarderaient pas à révéler de nouvelles stations de la Trichine agame. L'observation justifia bientôt ces prévisions : parmi les viandes de provenance américaine, soumises à l’examen du laboratoire de micrographie institué au Havre par M. le Mi- nistre de l’agriculture et du commerce, se trouvait un lot con- sidérable de « boyaux de pores (4) » dont l'expertise fut prati- quée suivant la technique habituelle. Des échantillons ayant été prélevés sur tous les morceaux contenus dans les füts, l'étude microscopique décela une particularité que les notions classiques ne permettaient aucunement de soupçonner : dans l'épaisseur des parois intestinales (tunique celluleuse et tu- nique musculeuse) se montraient d'innombrables Trichines aux divers stades de développement. Quelques-unes présentaient encore l’état embryonnaire ou du moins ne semblaient lavoir que légèrement dépassé, car si elles offraient déjà l’ébauche manifeste de la bouche et du tube digestif (celui-ci apparais- sant sous l’aspect d’une bandelette axile et granuleuse), elles conservaient néanmoins, dans la configuration générale du corps, la forme lancéolée qui caractérise cette période de l’évolution ; d’autres étaient mieux développées, plus grandes, non enkystées ou simplement entourées d’une masse cellulo- eranuleuse. Mais, détail dont l'importance ne saurait être mé- connue, la plupart des Trichines se trouvaient protégées par des kystes normalement constitués et nettement enchâässés dans les tuniques intestinales. Pour permettre d'apprécier l'intérêt de ces résultats, il suffit de rappeler l’usage auquel étaient destinés ces « boyaux de porc » : ils étaient importés pour servir d’enveloppes à des (1) Il n’y en avait pas moins de 8000. ARTICLE N° 9. ENKYSTEMENT DE LA TRICHINE. 5 saucissons préparés avec des viandes indigènes, celles-ei eus- sent donc pu être parfaitement saines, elles eussent même pu être fournies par diverses espèces animales rarement trichino- sées, il et suffi néanmoins de l’ingestion d’un fragment de l'enveloppe pour déterminer une contamination d’autant plus probable que certaines de ces préparations ne subissent au- cune cuisson préalable. Les assertions qui représentent la Trichine agame comme fatalement et constamment localisée dans les muscles striés n’offrent donc plus qu’un intérêt purement historique. En réa- lité, Phelminthe peut s’enkyster dans les tissus et les systèmes les plus différents ; mais une semblable dissémination se trou- vant en désaccord avec les idées généralement admises sur l'origine et le mode de constitution du kyste, il importe de faire immédiatement connaître quels sont, à cet égard, les en- seignements de l’observation directe. Îl. — DU MODE DE FORMATION DU KYSTE. L'étude du kyste qui isole la Trichine des tissus où doit s’ac- complir la période stagiaire de son existence, a été à peine ébauchée, 1l y à une vingtaine d'années, à une époque où les recherches d’histogenèse et de différenciation tissulaire étaient trop peu avancées pour qu'on püt apprécier exactement les phénomènes essentiels qui dominent l’ensemble de cette néo- formation. Décrivant le kyste tantôt comme constitué aux dépens du tissu contractile et tantôt comme « sécrété » par le némaiode, les auteurs se sont simplement attachés à relever quelques dis- semblances dans l’épaisseur ou dans laspect de ses parois, sans déterminer aucunement sa véritable origine. Pour être assuré de pouvoir interpréter celle-ci avec une rigueur suffi- sante, il convient de suivre la trichinose dans ses diflérentes phases et d’en observer les effets, soit sur les animaux qui meurent naturellement au cours de l'affection ou dans ses pre- mières périodes, soit sur des sujets sacrifiés à des époques xa- riables, après le début de la maladie. ANN. SC. NAT. ZOOL., AOUT 1881. XI. 22. — ART. N° 10. 6 3. CHATIN. Je crois inutile de rappeler, autrement que dans leurs traits généraux, les prodromes de celle-ci : peu après l’ingestion de la viande trichinée et sous l’action des liquides intestinaux, les Trichines sont mises en liberté; de l’état de vie latente, elles passent à l’état de vie active; plongées au milieu des sub- stances que leur hôte élabore pour sa propre alimentation, elles s’accroissent rapidement et ne tardent pas à atteindre leur complet développement; les organes génitaux achèvent de se constituer, l’accouplement a lieu et bientôt les jeunes apparaissent auprès de leurs parents; mais ils ne doivent pas demeurer dans le tube digestif, il faut qu'ils gagnent sans délai le tissu dans lequel devra s’opérer leur enkystement. Ils y parviennent soit par le courant sanguin, soit, et plus sou- vent, en cheminant dans le tissu cellulaire interposé aux diffé- rents organes. À cette période de leur évolution, ils offrent un aspect carac- téristique ; ce sont de petits êtres dont la taille ne dépasse guère Owe,15 et dont la formé est plus ou moins lancéolée ; le corps présente deux extrémités dont le diamètre est fort inégal : l'une, grosse et renflée, devient parfois presque prismatique; l’autre, mince et grêle, est souvent acuminée. Une fine cuticule revêt une couche contractile relativement assez épaisse, et l’axe du corps montre par transparence une bandelette granuleuse, première ébauche d’un tube digestif dont le diamètre s’atténue légèrement vers les deux extrémités. Parfois le Ver meurt avant d’avoir rencontré les conditions favorables à son enkys- tement; dans les viandes américaines, provenant d'animaux chez lesquels la trichinose s'exerce le plus souvent sans discon- tinuité, on trouve assez souvent de semblables Trichines em- bryonnaires dont l’organisation est plus ou moins complète et qui sont mortes ainsi prématurément avant d’avoir même pu ébaucher leur période stagiaire. Le début de celle-ci se trouve indiqué par divers PLROS mènes qui s’observent soit dans l’helminthe, soit dans le tissu qui doit l’héberger désormais. La jeune Trichine acquiert rapi- dement un développement assez considérable ; ses dimensions ARTICLE N° 10. ENKYSTEMENT DE LA TRICHINE. 7 s’amplifient, la différenciation de ses systèmes organiques s’ac- centue; le tégument devient plus épais; mais, au contraire de ce qui se passe dans la généralité des nématodes, les élé- ments musculaires ne semblent représenter qu'une portion relativement assez faible du tube dermo-musculaire. A la vérité, ces éléments offrent, chez ces vers, de si nombreuses variations (1) qu’on ne saurait être bien affirmatif sur de sem- blables détails observés dans de telles conditions. Le tube digestif présente trois parties distinctes : 4° intestin initial (œsophage); 2° intestin moyen (estomac); 3° intestin terminal (rectum). Quant aux organes génitaux, ils existent déja, au moins dans la plupart des cas, à l’état d’ébauche; aussi les deux termes de « Trichine stagiaire ou larvaire » et de « Trichine agame » ne sauraient-ils être employés indifféremment l’un pour l’autre. Évidemment, les organes sexuels n’atteignent pas encore leur complet développement qui ne se trouvera réalisé que dans le tube digestif d’un nouvel hôte, mais ce serait se mé- prendre gravement que de conclure à leur absence totale et constante durant la période stagiaire. Déjà quelques auteurs avaient cru pouvoir indiquer cette tendance à la formation de l'appareil génital (2) et je ne puis que confirmer pleimement leurs descriptions. C’estsurtout en s’aidant des réactifs colorés, spécialement du picro-carminate d'ammoniaque, que l’on par- vient à reconnaître l'existence du tube sexuel formé de cel- Jules indifférentes, à protoplasma abondant. Parfois même, cette tendance ne se manifeste pas seulement par cette diffé- renciation interne, elle se reflète également dans certaines mo- (1) Joannes Chatin, Sur les éléments musculaires des Nématodes (Comptes rendus et Mémoires de la Société de Biologie. 1871). (2) H. Luchka., Zur Naturgeschichte der Trichina spiralis (Zeitschrift für Zoologie, 1851, p. 69). Bristowe et Rainey, Transactions of the parhotoieal Society of London, t. V, 1853-54, p. 278. Ordonéz, Note sur la distinction des sexes et le développement de la Trichina spiralis des muscles (Comptes rendus de la Société de Biologie, 1863, p. 61) ô 3. CHATIN. difications extérieures, et c’est ainsi que J'ai pu observer, sur des Trichines larvaires, les premiers indices de la bourse cau- dale qui, dans cette espèce, caractérise le mâle; les expansions digitées qui la soutiennent apparaissent fréquemment même dès cette époque où l’on distingue souvent aussi un orifice vulvaire nettement indiqué. En même temps, le nématode tend à demeurer enroulé sur lui-même ; 1l se recourbe d’abord en anse, puis revêt une forme analogue à celle du chiffre 3 et se pelotonne enfin en spirale, apparence qu'il conservera généralement durant tout son stage ; mais déjàil ne confine plus directement au tissu ambiant. Son contact prolongé, les phénomènes nutritifs nécessaires à son accroissement, ses mouvements et ses déplacements ont retenti sur les éléments voisins, y déterminant une irritation dont les effets sont d'autant plus intéressants à suivre qu'ils vont nous faire assister à la genèse de la néoformation destinée à protéger l’helminthe pendant son stage. C’est le tissu conjonctf qui lui a servi en quelque sorte de tissu conducteur pour parvenir jusqu’à sa station finale, c’est aussi dans ce même tissu que vont se manifester les premiers linéaments du kyste. Plusieurs auteurs décrivent la Trichine comme pénétrant constamment et immédiatement dans les fibres musculaires (faisceaux primitifs) dont le sarcolemme viendrait ainsi former la principale tunique protectrice de l’helminthe. A-t-on pu constater souvent une semblable péné- tration, bien difficile à admettre si l’on se reporte à l’état ab- solument inerme de la Trichine et aux diamètres respectifs du nématode et du faisceau primitif? Il est d'autant plus permis d'en douter, que si toutes les descriptions mentionnent cette pénétration, elles évitent généralement d’en appuyer la dé- monstration d'aucun détail technique ou même du moindre dessin. Que lhelminthe puisse contracter parfois avec le sar- colemme d’intimes adhérences, qu'il parvienne même jusqu’à la substance striée à la suite de certaines irritations locales, je puis d'autant moins le contester que je l’ai moi-même observé, mais cette disposition n’est pas seulement rare, elle est presque ARTICLE N° 10. ENKYSTEMENT DE LA TRICHINE. 9 anormale et j’aurai bientôt l’occasion de faire connaître quelles sont ses conséquences. Dans la plupart des cas, c’est avec le tissu interfasciculaire que le nématode établit ses premières adhérences dont l’effet est de déterminer, dans ces éléments lamineux, de rapides et importantes modifications : les fibres connectives perdent toute valeur propre; leurs parties essentielles s’hypertrophient et leur protoplasma devient très apparent et légèrement granu- leux. Devant cet accroissement du protoplasma, le tissu sem- ble même disparaître pour n'être plus représenté que par une masse amorphe; ce dernier qualificatif ne saurait toutefois s'appliquer exactement ici, car une observation attentive fait découvrir, dans cette masse, des noyaux qui s’y trouvent dissé- minés et dont la notion, combinée avec celle des vacuoles qui sy montrent également, oblige à considérer la néoformation comme divisée en champs cellulaires dont la parenté histique se trouve nettement indiquée par les phénomènes évolutifs dont on vient de suivre la succession; ce sont de véritables cellules embryonnaires qui viennent d’apparaître, et l’on voit que les vues anciennes de Wirchow, assimilant le début de la trichinose musculaire à une @irritation traumatique », se trouvent confirmées par ces résultats histogéniques. Composées d’une masse irrégulière ou subsphéroïdale de protoplosma, nucléées et nucléolées, ces cellulesse multiplient rapidement. Dans la formation qui s'accroît ainsi, comprimant les faisceaux primitifs, apparaissent des produits de différen- elation qui ne laissent pas d’être assez bien sériés : tout d’abord se montrent des granulations très fines, de nature protéique; puis, peu après, on distingue d’autres granulations, non plus albuminoïdes, mais tertiaires, et présentant toutes les réac- tions de la matière glycogène (coloration en brun acajou par l’iode, etc.). Cette apparition du glycogène, au début de la néoforma- tion, est des plus intéressantes. Non seulement nous savons, depuis les travaux de Claude Bernard, que les matières amy- lacées, loin d’être localisées chez les végétaux, s’observent 10 F. CHATIN. dans les deux règnes organiques; mais, en outre, tout nous oblige à considérer la formation de ces produits comme une des premières manifestations de l’activité protoplasmique. Les botanistes ont depuis longtemps établi cette signification des principes amylacés dans les éléments végétaux, et nous pou- vons actuellement l’étendre aux cellules animales, que celles-ei subissent leur évolution normale ou qu’elles se trouvent mo- difiées par un état pathologique. Nous savons, en effet, que la plupart des tissus en voie de développement renferment de la matière glycogène dans leurs cellules ; dans les fibres muscu- laires, en particulier, le protoplasma formateur en présente abondamment. D'autre part, comme l’a montré Ranvier, le même produit apparaît sous l'influence d’une légère irritation, telle que le coryza. La présence de la matière glycogène dans les cellules qui formeront le tissu kystique ne saurait donc aucunement surprendre et achève même d'établir la véritable signification de celui-ci. Peu après l’apparition du glycogène, on commence à con- stater d'importants changements à la périphérie de la masse granuleuse. Gomplètement enroulée, la Trichine est désor- mais à l’état de vie latente; le kyste doit lui offrir une protec- tion suffisante pendant toute la durée de son stage; aussi voit-on la néoformation s’indurer vers sa partie extérieure ; modifiant leur forme et leur texture, les éléments de cette zone constituent bientôt une couche pariétale qui s’épaissit nota- blement. Qu'elle reste simple, qu’elle se montre lamelleuse, qu'elle se revête de plicatures ou de réticulations ; que les cel- lules sous-jacentes conservent plus ou moins longtemps leur autonomie et puissent même figurer une sorte de membrane ‘’épithéhale, ce sont là des détails secondaires. La notion fon- damentale réside dans l’origine du kyste telle qu’elle vient d’être exposée ; elle suffit à montrer comment l’opinion si long- temps défendue et suivant laquelle le kyste eût été formé aux dépens du sarcolemme (1), s’est trouvée en défaut dès qu’on a (1) Il semble, d’ailleurs, que quelques auteurs aient pressenti l'insuffisance de cette théorie, et le sort probable que lui réservaient les recherches ulté- ARTICLE N° 10. ENKYSTEMENT DE LA TRICHINE. 11 signalé la Trichine dans d’autres tissus. C’est qu'en réalité le sarcolemme ne prend généralement aucune part à la consti- tution du kyste; à peine viendra-t-il parfois renforcer locale- ment ses parois; il ne pourra lui fournir qu’une tunique purement adventice, analogue à celle que lui forment quel- quefois les éléments conjonctifs à la suite de phénomènes com- plexes qui seront décrits ultérieurement. Il y a mieux : lorsque le nématode contracte ses premières adhérences avec le sar- colemme et non avec le tissu interfasciculaire, il meurt rapi- dement, sans déterminer de néoformation ou sans que celle-er se trouve indiquée autrement que par une sorte d’exsudat fibrineux (1). À la suite de la constitution des parois limitantes, l’en- semble du kyste demeure assez longtemps stationnaire, puis la masse centrale devient le siège de diverses formations généra- lement régressives dont l’étude va maintenant nous occuper. III. — DES PHÉNOMÈNES RÉGRESSIFS QUI S’OBSERVENT DANS LE KYSTE ET DES DIVERS MODES DE DÉGÉNÉRESCENCE QUIL PEUT PRÉSENTER. Je viens de retracer l’évolution du kyste qui protège la Tri- chine au milieu des tissus où doit s’accomplir la période sta- glaire de son existence; pour poursuivre méthodiquement l’histoire de cette néoformation, il convient d'étudier mainte- nant les produits dont l’apparition peut venir ultérieurement modifier sa constitution originelle et normale. rieures. C’est ainsi que M. Davaine décrit en ces termes la situation des kystes. « Ces petites poches et les vésicules graisseuses qui les entourent souvent, re- » foulent simplement les fibres entre lesquelles elles sont logées; elles adhèrent » au tissu cellulaire ambiant d'une manière assez lâche et, plus fortement, » par leurs extrémités prolongées. » (Davaine, Entozoaires, 1871, p. 739.) Dans la monographie de Benecke (Die Trichinen und die microscopische Fleischshau, 1879), les figures 6 et 9 se rapportent évidemment à des kystes interfasciculaires. (1) Cet exsudat paraît se rapprocher assez étroitement de L’ « exsudat mu- queux » de Rindileisch, toutefois, comme je n'ai pu y découvrir aucune trace de mucine, je préfère le désigner simplement sous le nom d’exsudat fihrineux. 49 3. CHATIEN. Celle-ci persiste durant une période variable, mais qui se prolonge parfois assez longtemps ; dans la généralité des viandes américaines, c’est sous cet aspect d’intégrité fonctionnelle que se montrent la plupart des kystes, bien que l’abatage des ani- maux date généralement de plusieurs mois et ait été suivi de diverses pratiques industrielles (salure, fumure, etc.). Chez les sujets trichinosés expérimentalement et sur lesquels l’évolution de la néoformation peut être ainsi facilement suivie, on constate que la tendance régressive se manifeste tout d’abord par les phénomènes suivants : aux corpuscules protéiques et glycogènes déjà mentionnés, s'ajoutent de nouvelles granula- tions de nature toute spéciale, ce sont des granulations pig- mentaires; on en chercherait vamement la notion dans les auteurs dont le silence s’explique aisément par la méthode qu'ils ont constamment adoptée, se bornant à étudier la tri- chinose dans la dernière période de sa phase musculaire. Les granules pigmentairesse montrent donc ici de fort bonne heure et quoique en histogénèse il faille toujours observer une extrème réserve à l’égard des généralisations et des rapproche- ments vers lesquels on se trouve naturellement entrainé, il est impossible de ne pas rappeler que-ces produits apparaissent également avec une grande rapidité dans divers éléments : dans l’'épithélium de la muqueuse linguale, le pigment apparaît longtemps avant la graisse, et c’est pour avoir négligé cette notion que divers naturalistes ont tenté d'établir hâtivement une distinction absolue entre la structure de ces cellules épi- théliales considérées dans l’espèce humaine et chez les autres mammifères (1). | Il est à peine nécessaire d’ajouter que dans la pigmentation du tissu kystique, on peut relever des degrés fort différents : tantôt elle est légèrement esquissée, tantôt, au contraire, elle s'affirme au point de faire subir au kyste une véritable dégéné- rescence pigmentaire ; ce qui suffit à justifier ce terme et à (4) Joannes Chatin, Les organes des sens dans la série animale, 1880, p. 164. ï ARTICLE N° 10. ENKYSTEMENT DE LA TRICHINE. 43 établir que cette hypergénèse du pigment envahissant rapide- ment le kyste lui imprime désormais une réelle altération, c’est que celle-ci retentit bientôt sur l’helminthe qui se montre alors recroquevillé, desséché, parfois mème rompu. Dans les viandes où les Trichines sont abondantes et qui proviennent d'animaux abattus peu de temps aprèsle développement del’helminthiasis, on trouve parfois les kystes et les nématodes sous cet aspect bizarre (1) dont l’interprétation serait des plus difficiles si l’on n'avait soin de se reporter constamment à l’état antérieur. L'origine de ces granules pigmentaires peut être rapportée soit à une matière colorante dissoute, imprégnant le tissu et s'y concrétant, soit à l’activité propre du tissu kystique for- mant ces produits par différenciation plasmique. Le mode de formation du kyste, l’apparition généralement assez rapide d'une tunique lhimitante se constituant avant que le pigment se montre, semblent particulièrement favorables à la seconde hypothèse. Je ne saurais, toutefois, la proposer sans formuler d’expresses réserves, car la coloration de ces granulations pa- rait peu conforme à une semblable origine : elles sont d’abord jaunâtres, puis brunâtres, rarement elles deviennent assez foncées pour paraître noirâtres et, dans tous les cas, elles ne présentent jamais originairement cette dernière coloration. Or, on sait que lorsque le pigment se forme in situ dans les tissus des animaux supérieurs, c’est généralement sous la teinte mélanique qu’on l’observe (2). La succession des nuances par lesquelles passe le tissu kystique rappelle assez exactement les caractères propres aux produits dérivés de l’hémoglobine pour qu’on soit en droit de se demander si cette dernière ne con- (1) Au laboratoire du Havre, nous avons eu fréquemment l’occasion d’ob- server les effets de cette dégénérescence pigmentaire faisant apparaître l’en- semble du kyste comme une tache d’un brun rougeûtre. (2) Cellules de ia choroïde, de l'iris, de la rétine, etc. Ceci est également applicable à l’état pathoiogique où l’on voit apparaitre net- tement le pigment noir dans des « éléments cellulaires de nouvelle formation, comme on l’observe dans les tumeurs mélaniques sarcomateuses ou carcino- mateuses. » (Cornilet Ranvier, Manuel d’histologie pathologique, 2° édit., 1881, t. [, p. 82.) 44 S. CHA'TEN. courrait pas à sa formation et si, au moment même de l’orga- nisation de l’exsudat, une certaine quantité de sang ne l’im- prégnerait pas; mais Je n’insiste pas sur ces considérations qui m'entraineraient rapidement au delà des limites normales de ce sujet (1), et je me borne à signaler cette remarquable pigmentation qui constitue le premier indice de régression dans le tissu kystique. Celui-ci peut ensuite subir deux dégénérescences beaucoup plus graves : la dégénérescence adipeuse et la dégénérescence calcaire. | Plus faciles à observer que la dégénérescence pigmentaire, ces deux formes d’altérations ont été mentionnées par tous les helminthologistes qui n’en ont, d’ailleurs, relevé que les traits généraux, sans distinguer même les manifestations les plus différentes. C’est ainsi, par exemple, que la dégénérescence adipeuse du kyste a été constamment confondue avec la forma- tion de la graisse dans les tissus ambiants et particulièrement dans les muscles. Les phénomènes morbides dont ceux-ci se trouvent atteints à la suite de la trichinose méritent une attention spéciale et ne sauraient être décrits avec les modifications propres au kyste. La dégénérescence adipeuse de la néoformation se trouve indiquée par les faits suivants : les cellules du tissu kystique montrent dans leur intérieur de petites granulations graisseu- ses qui augmentent bientôt en nombre et peuvent même en- vahir complètement la cellule, suivant le processus bien connu pour les éléments sébacés (2). Cependant il est rare de voir la graisse remplir ainsi totale- ment la cellule durant cette période qui se résume en une (1) Quant à rechercher l’origine du pigment kystique dans la matière colo- rante du muscle, il suffit de rappeler qu'une semblable hypothèse ne se trou- verait pas seulement inapplicable aux kystes formés dans d’autres systèmes organiques, elle se confondrait en outre avec la précédente, la matière colo- rante des muscles étant analogue à celle du sang (hémoglobine musculaire). (2) Joannes Chatin, Recherches pour servir à lhistoire anatomique des glandes odorantes des Mammifères, 1873, p. 38. ARTICLE N° 10. ENKYSTEMENT DE LA TRICHINE. 45 simple surcharge graisseuse des cellules kystiques; la véritable dégénérescence adipeuse vient ensuite, s’affirmant par la mise en liberté de la graisse formée dans l’intérieur des cellules, et ne tardant pas à envahir l’ensemble (1); cette adiposité du tissu kystique s’accentue d'autant mieux que les éléments, nombreux et pressés les uns contre les autres, ne possèdent plus qu’une nutrition obscure et insuffisante. Je n’ai pas à examiner, en ce moment, les conditions qui dé- terminent la production de la graisse dans les tissus ambiants, je sépare à dessein cette étude de celle du kyste; qu’il me suf- fise de dire que ces deux ordres de phénomènes n’ont d'autre caractère commun que de se manifester dans une période déjà relativement avancée de la trichinose : on méconnaïtrait les résultats de l’observation si l’on cherchait à les subordonner l’un à l’autre. J'aurai d’ailleurs l’occasion de revenir sur ces faits lorsque j’étudierai les modifications déterminées dans les tissus ambiants par l’enkystement des Trichines. La crétification marque le dernier stade du tissu kystique. Elle s'opère lentement et doit être étudiée dans les conditions qui en déterminent la réalisation, comme dans les produits qui la caractérisent. + Elle est précédée par la dégénérescence adipeuse et l’on ne doit pas s’en étonner ; on sait, en effet, que la crétification pa- thologique ne s’observe que dans les éléments qui ont cessé de vivre ; elle ne peut donc se manifester durant la jeunesse des cellules kystiques, période caractérisée par la présence d’un protoplasma abondant, à peine mêlé de corpuseules protéiques ou glycogènes, pas plus que dans sa maturité, répondant aux débuts de la pigmentation; au contraire, on peut pressentir cette modification lorsque la sénilité s’est affirmée par l’adipo- sité et la destruction des cellules. Le tissu kystique, dont les éléments perdent progressivement toute autonomie et toute (1) On trouve parfois, dans les kystes en voie de dégénérescence adipeuse, de petits cristaux acidulés, probablement d'acide stéarique, car ce sont des ai- guilles rhomboïdales rayonnant autour d’un point central ; quelques-unes sont isolées. 16 J. CHATTIEN. valeur propre, ne se trouve plus guère représenté que par une substance de constitution mixte dans laquelle tout phénomène de nutrilité tend à disparaître et qui se trouve ainsi parfaite- ment préparée pour l’infiltration calcaire. Celle-ci se traduit par un dépôt de sels représentés par du carbonate de chaux et du phosphate tribasique. Ge dernier ne se trouve généralement pas mentionné par les auteurs, et ce- pendant 1l paraît offrir ici une incontestable importance, car parfois le carbonate n’existe qu’en proportion infime et Le phos- phate forme presque seul les concrétions calcaires, L'aspect de ces productions est assez variable : générale- ment elles apparaissent sous la forme de petits granules glo- bulaires dans lesquels on peut découvrir des couches concen- triques; ces granulations sont d’abord isolées et ne se distinguent que par leur réfringence et leurs caractères chimiques de la substance ambiante. Puis elles se mul- tiplient et donnent au tissu kystique une opacité considé- rable (1). L’infiltration calcaire ne se limite d’ailleurs pas au tissu kystique ; elle s'étend, d’une part, à la tunique limitante ; d’un autre côté, au nématode. Imprégnée de matière calcaire, la paroi kystique perd peu à peu ses caractères propres ; on n’y voit plus trace de stratification et bientôt elle semble se con- fondre avec la masse interne dont on vient de suivre les pro- fondes altérations. Quant à la Trichine, dès que Pinfiltration calcaire l’a atteinte, elle cesse d'offrir aucune trace d’organi- sation : le système tégumentaire et les plans sous-jacents s’effacent, l’aspect général devient irrégulier, le corps se sé- pare en fragments inégaux, puis il disparaît entièrement au milieu de la masse ambiante, et finalement on ne trouve plus (1) Les nombreux auteurs qui se sont occupés de la trichinose n’ont au- cunement recherché le mécanisme de la crétification. Seuls, Bristowe et Rainey fournissent une indication intéressante, car ils mentionnent que « lorsque la matière terreuse a disparu par l’action des réactifs, il reste géné.- ralement une matière albumino-huileuse ». [ls semblent avoir ainsi constaté la présence et même la nature de la substance dans laquelle s’opère l’infiltration calcaire. ARTICLE N° 10. ENKYSTEMENT DE LA TRICHINE. 47 ji qu’un amas blanchâtre et calcaire à la place qu’occupaient antérieurement l’helminthe et son kyste protecteur. De semblables modifications exigent, pour s’accomplir, une longue période ; leur réalisation se trouve done surtout subordonnée aux destins de l'hôte qui héberge la Trichine stagiaire : dans l’espèce humaine, où le parasite n’a générale- mentaucune chance d’être transporté dans un milieu favorable à son développement ultérieur, la Trichine et son kyste subis- sent successivement les diverses transformations qui viennent d’être indiquées ; aussi ne retrouve-t-on plus à l’autopsie, comme derniers témoins de leur existence, que de petits grains calcaires et blanchâtres. Au contraire, chez les animaux sa- crifiés peu de temps après le début de la maladie, on ne peut presque Jamais observer la dégénérescence calcaire dont on s’explique ainsi la rareté chez les porcs américains : au labo- ratoire du Havre, sur plus d'un million de coupes, c’est à peine si nous avons pu recueillir dix préparations de kystes crétifiés. IV. — MORPHOLOGIE DU KYSTE. ne suffit pas d’avoir suivi la série des phénomènes que provoque l’arrivée de la Trichine dans les tissus où elle doit passer la période stagiaire de son existence, il ne suffit pas d’avoir retracé le mode évolutif de la néoformation destinée à protéger l’helminthe, et d’avoir étudié ce kyste dans ses différents stades, il convient encore, pour achever son his- toire, de faire connaître ses caractères extérieurs et les modi- fications qui peuvent apparaître dans sa configuration géné- rale. Si l’on se bornait aux notions classiques, un semblable complément paraîtrait inutile, les auteurs s’accordant à re- présenter le kyste comme constamment identique dans son aspect et dans ses dispositions générales. Une « vésicule ovoide et allongée à ses deux pôles », telle est la description commu- nément reproduite. Mais dès que les recherches se trouvent étendues à de nombreux kystes, ainsi que nous avons pu le 18 JS. CHATIN. faire au laboratoire du Havre, on constate qu’il est impossible de résumer les caractères extérieurs du kyste en une formule constante, et l’on ne tarde pas à lui reconnaître les formes les plus variées : tantôt régulièrement sphéroïdal, plus souvent elliptique, il peut s’allonger en une pointe large et obtuse, soit à l’un de ses pôles, soit à ses deux extrémités opposées. En outre, il offre parfois un aspect fort différent de ceux-ci et dont on chercherait vainement l'indication dans les traités d’hel- minthologie qui décrivent le kyste comme possédant toujours une « cavité unique » dans laquelle se trouve incluse la Tri- chine. Or on observe souvent, dans les viandes ultra-trichi- nées, telles que celles qui sont importées des États-Unis, des formes kystiques absolument différentes. Revêtant une apparence moniliforme, le kyste se montre alors limité par des contours sinueux, circonserivant une cavité divisée en plusieurs segments successifs par autant d’étrangle- ments répartis à intervalles inégaux. Nulle cloison ne sépare ces diverses loges dont les dimen- sions sont souvent assez différentes : tantôt une seule Trichine occupe cette curieuse formation, tantôt on y rencontre plu- sieurs nématodes dont le nombre n’est presque jamais le même dans les diverses loges du kyste. Une semblable disposition eût été complètement imexpli- cable avec la théorie généralement admise et que j'ai pré- cédemment discutée (1). Au contraire, on comprend aisé- ment que la production de la paroi limitante se faisant sur toute la zone périphérique de la néoformation, l’étendue même de celle-e1 détermine orignmairement l’étendue et la configuration de la paroi : loin de se développer suivant un contour géométrique et défini, cette dernière devra se mouler sur les sinuosités du tissu nouvellement produit, que celui-ci soit d’ailleurs déterminé par l’arrivée d’une ou de plusieurs Trichines. (1) Joannes Chatin, Sur la formation du kyste dans la trichinose muscu- laire (Comptes rendus des séances de l'Académie des sciences, 1881.) ARTICLE N° 10, ENKYSTEMENT DE LA TRICHINE. 19 Ceci m'amène naturellement à résumer les faits que j'ai pu observer relativement au nombre des Trichines incluses dans le kyste. On admet généralement que celui-ci ne peut renfer- mer qu’un helminthe ; c’est à peine si l’on a parfois noté deux outrois Trichines rapprochées dans un même kyste ; encore avait-on soin de représenter ces cas comme absolument anor- maux, Car on conçoit qu'ils s’accordassent assez mal avec les idées admises sur le mode de genèse du kyste. Ce dermier, je l'ai précédemment établi, dérive d’un processus inflammatoire et tire son origine d’une néoformation embryonnaire, non d’une sécrétion de l’helminthe qui, dès son arrivée dans le tissu, se fût immédiatement entouré d’une poche unique, simple et lui appartenant en propre (1). En réalité, dans les viandes américaines on trouve très fré- quemment non pas une ou deux, mais quatre, cinq, six ou sept Trichines dans un seul et même kyste, que celui-êi soit d’ailleurs uniloculaire ou pluriloculaire. Ces helminthes sont entourés d’un tissu kystique analogue à celui que J'ai précé- demment décrit et à la périphérie duquel se trouve la paroi limitante. Il est donc impossible d'admettre que l’une des Tri- chines ait isolément assuré l'édification de cette capsule com- mune, et l’on voit que l'observation de ces kystes à Trichines multiples fournirait, s’il en était besoin, un nouvel argument à opposer aux idées anciennement admises. En ce qui concerne les types commerciaux de viandes offrant de semblables formations, 1l suffit de mentionner qu’on les observe indifféremment dans tous les produits américains, car on les trouve dans les jambons, les épaules et les poitrines comme dans les lards (longues bandes et courtes bandes). (1) « Nous n’hésitons pas à affirmer que le kyste est simple et qu’il est la pro- priété du parasite lui-même. » (Bristowe et Rainey. Transactions of the pa- thological Society of London, t. V, 1853-54, p. 278.) « Le kyste appartientà l'animal lui-même ; c’est un reste de l’état de nymphe. » (Vogel, Traité d'anatomie pathologique, trad. franç., 1849, p. 409, note.) 30 3. CHATIN. V.-— EFFETS DE L'ENKYSTEMENT SUR LES TISSUS AMBIANTS ; PHÉNOMÈNES QUI SE MANIFESTENT ALORS DANS LES TISSUS CONJONCTIF, ADIPEUX ET MUSCULAIRE. — APPARITION DES DÉPÔTS GRAISSEUX PÉRIKYSTIQUES. L'importance du tissu conjoncetif, au double point de vue de la dissémination des jeunes Trichines et du mode de consti- tution de leurs kystes, oblige à étudier tout d’abord les altéra- tions de ce tissu. Les phénomènes inflammatoires qui déterminent lappari- tion de la néoformation et assurent son entier développement, provoquent aussi des modifications profondes dans le tissu conjonctf; celui-ci peut même disparaître complètement et le kyste vient alors s'appuyer sur les éléments voisins, tels que les faisceaux musculaires primitifs dont le sarcolemme semble alors faire partie intégrante de la paroi kystique; mais, le plus souvent, et suivant une loi que j'aurai bientôt l’occasion de rappeler, un certain nombre de cellules embryonnaires se transforment en éléments connectifs qui viennent renforcer la couche protectrice du kyste. Dans les masses adipeuses, l’helminthe détermine des phé- nomènes dont la sériation est peu différente : la graisse tend à disparaître, le protoplasma devient apparent, des noyaux de nouvelle formation se montrent et, la prolifération s’accen- tuant, de nombreuses cellules embryonnaires se constituent; ces manifestations se réalisent toutefois moins rapidement et surtout moins régulièrement que dans le tissu conjonctüf. Parmi les cellules adipeuses, il en est un assez grand nombre qui paraissent avoir déjà subi une surcharge graisseuse telle que leur protoplasma ne peut plus se manifester ni anatomi- quement ni fonctionnellement; elles demeurent alors inertes au milieu de la néoformation dont elles ralentissent l’évolution qui peut même se trouver complètement suspendue si le nombre de ces éléments indifférents est tant soit peu considé- rable. C’est probablement à cetie cause qu’il convient d’attri- ARTICLE N° 10. ENKYSTEMENT DE LA TRICHINE. 21 buer l’aspect si fréquemment offert par les Trichines observées dans les masses adipeuses : la plupart n’ont pas dépassé le stade embryonnaire de leur développement, beaucoup d’autres sont mortes au milieu d’une masse granulo-adipeuse peu diffé- rente du tissu ambiant; il en est relativement peu qui se montrent entourées d’un kyste normal, ce qui se comprend aisément lorsqu'on se reporte aux obstacles que rencontre, dans le tissu adipeux, la formation de celui-ci. Plus complexes sont les phénomènes observés dans le tissu musculaire; je crois devoir les décrire d'autant plus minu- tieusement que mes observations m’ayant conduit à restreindre l'importance généralement attribuée, dans la formation du kyste, aux éléments contractiles, je me suis attaché à suivre, dans leurs moindres détails, les altérations que présentent ces éléments chez les animaux trichinosés expérimentalement. Même lorsque la Trichine n’atteint pas primitivement le sarcolemme, les faisceaux ambiants ne tardent pas à se modi- fier notablement : ils montrent, dans leur substance, de fines granulations dont la nature est d’abord fort vague, puis parmi lesquelles on distingue bientôt des globules très ténus, évidem- ment adipeux. Pendant que la substance contractile subit cette transformation granuleuse ou granulo-adipeuse (1), on voit apparaître des indices de prolifération dans les noyaux sous-jacents au sarcolemme. Un véritable processus inflam- (1) Si ces modes de dégénérescence sont, de beaucoup, les plus fréquents, il ne faudrait pas croire cependant que ce soientiles seuls qui puissent être con- statés dans le tissu musculaire. Dans une observation qui date déjà de plu sieurs mois, j'ai noté une altération du muscle devant vraisemblablement être rapportée à la « transformation cireuse » de Zenker. La Trichine qui l’avait provoquée était morte et se trouvait simplement entourée d’une masse cellulo- granuleuse non encore limitée par une couche pariétale. Dans d'autres cas, j'ai constaté des dégénérescences pigmentaires; quelque- fois même, on rencontre dans les éléments contractiles des concrétions de car- bonate et de phosphate de chaux indiquant une réelle tendance à la crétifica- tion. — Enfin, il convient de rappeler que l’irritation résultant de la formation et de la présence du kyste détermine à son pourtour l’apparition de nouveaux vaisseaux sanguins. BE + ANN. SC. NAT., ZOOL.. AOUT 1881. XI. 23, — ART. N° 11 29 | | J. CHATIN. matoire se dessine ainsi, dont nous allons rechercher les effets, mais, auparavant, je dois faire connaître la technique suivie dans ces délicates observations; le principe en est emprunté à MM. Cornil et Ranvier (1). Sur l’animal trichmosé, et qui doit être observé dans la se- conde période de la phase musculaire de la maladie, on pra- tique sur le muscle, parallèlement à la direction des fais- ceaux, une incision qui met à nu la masse contractile; puis sur Celle-ci, avec le tranchoir de Strauss, on circonserit un petit lambeau prismatique qui est placé sur la lame de verre avec une trace d’eau distillée. Deux aiguilles, courbes sur le plat, sont appliquées sur les deux surfaces de section perpendiculaires au grand axe du prisme et, par une lente dilacération, celui-ci est dissocié en fragments de plus en plus ténus, comprenant par conséquent un nombre pro- gressivement moindre de faisceaux primitifs que l’on examine suivant la méthode habituelle, après avoir éliminé les parties sur lesquelles ont été appliquées les aiguilles et dans lesquelles l’altération traumatique de la substance contractile pourrait induire en erreur. À la suite des phénomènes que nous venons d'étudier dans les faisceaux musculaires et qui ont été précédés de profondes modifications dans le tissu interfasciculaire, des cellules em- bryonnaires apparaissent, qui pourront, suivant les cas et sui- vant l'intensité de l’irritation, se confondre avec les cellules du tissu kystique ou donner naissance à de nouveaux faisceaux primitifs suivant la loi à laquelle je faisais précédemment allu- sion : « Quelle que soit la provenance du tissu embryonnaire, il a de la tendance à reproduire le tissu de la région oùil siège (2): » Il se produit donc alors, si l’irritation est fable, si surtout le sujet peut résister aux premières atteinte de l’affec- tion, une véritable régénérescence musculaire. Colberg l’avait déjà signalée dans la trichinose, mais s'était mépris sur le mé- canisme qui en assure la réalisation : pour Colberg, les fais- (1) Cornil et Ranvier, loc. cit., p. 523. @) Id., p. 131. ARTICLE N° 10 ENKYSTEMENT DE LA TRICHINE. - 93 ceaux de nouvelle formation eussent été dus à la superposition et à la soudure de cellules qui se seraient unies par leurs ex- trémités et dont la substance plasmique se serait ensuite seg- mentée transversalement, pour revêtir les caractères de la substance musculaire striée. Un tel mode de développement eût été en contradiction complète avec ce que nous savons de l'évolution des muscles; aussi ai-je porté toute mon attention sur ce point et je crois pouvoir conclure de mes observations que, dans cette régénérescence, le tissu musculaire reproduit les phénomènes classiques de sa genèse normale : loin d’être formés par des cellules soudées bout à bout, les faisceaux primitifs se développentrespectivement aux dépens d’une seule cellule dont les noyaux se multiplient. Cette prolifération des éléments musculaires ne doit pas être considérée seulement dans son mode évolutif, elle mérite également d’être étudiée dans l'orientation des faisceaux qui en dérivent. On sait, en général, que les éléments embryon- naires, formés dans le voisinage d’un tissu, ont de la ten- dance à s'organiser dans le sens de ce dernier tissu. L’ana- tome pathologique du tissu osseux en offre d’excellents exemples dans les hyperostoses et exostoses épiphysaires. Mais il n’en est pas toujours ainsi el, dans le cas qui nous occupe, on constate fréquemment que les nouveaux faisceaux muscu- laires suivent des directions très variables : tandis que les uns demeurent parallèles au plan général de la masse contractile, d’autres lui deviennent obliques ou même perpendiculaires et peuvent même parfois s’enrouler autour du kyste, semblant ainsi lui former des tuniques multiples et complexes que plu- sieurs auteurs ont figurées sans pouvoir aucunement parvenir à les interpréter, l’observation des animaux trichinosés depuis longtemps ne pouvant jamais fournir la solution de sembla- bles questions. Ce n’est pas seulement par la formation de nouveaux élé- ments conjonctifs, musculaires ou vasculaires que la néofor- mation affirme son action sur les tissus voisins, c’est encore en 9% «A 3. CHATTIN. y déterminant l'apparition d’abondants dépôts adipeux dont . l'existence est si fréquente que les helminthologistes et les pathologistes ont depuis longtemps signalé ces productions. Leur origine est des plus simples : on sait avec quelle faci- lité les granulations adipeuses se montrent dans les cellules développées sous linfluence d’une irritation, surtout lorsque le nombre des éléments ainsi formés est supérieur à celui qui eût été nécessaire pour l'édification de la néoformation ou pour la reconstitution du tissu primitif. Le fait est encore mieux accentué lorsque l'apport normal est insuffisant pour suffire aux besoins des éléments ainsi constitués. Ces conditions se trouvant réalisées dans les tissus atteints par la Trichine larvaire, on ne saurait s'étonner d’y voir rapi- dement apparaître des amas adipeux qui peuvent même devenir de véritables collections graisseuses. Tous les auteurs qui ont mentionné la présence de la graisse au pourtour des kystes, ont cru pouvoir la représenter comme se montrant simultanément ou même brusquement sur toute la périphérie de la néoformation. Cette conception est bien excusable si l’on se reporte aux circonstances dans lesquelles la plupart des observateurs ont pu examiner les kystes trop généralement étudiés sur des viandes trichinosées depuis long- temps et chez lesquelles l’helminthiasis s’était développée len- tement. Mais lorsque l’on considère des animaux chez lesquels l’af- fection s’est propagée rapidement et qui ont été sacrifiés peu après la dissémination des jeunes Trichines, on trouve les kystes à l’état d’intégrité absolue; s'ils présentent quelque altération, celle-ci est peu avancée et peut presque constam- ment être observée à son début. C’est ainsi qu’on parvient aisément à se rendre compte du mode d'apparition des dépôts adipeux : loin d’envahir simul- tanément toute la périphérie du kyste, elle se montre d’abord vers l’un des pôles de celui-ci et ce n’est que lorsqu'elle a acquis un certain développement à cette extrémité, qu’elle commence à apparaitre vers la région opposée. Il arrive parfois ARTICLE N° 10. ENKYSTEMENT DE LA TRICHINE. 95 qu’on observe ainsi une cellule adipeuse ou un petit groupe de cellules adipeuses vers l’un des pôles, tandis que l’autre n’en offre encore aucune trace; puis, lorsque la formation stéatogène s’est accentuée autour du point initial, on la voit s’'ébaucher à l'extrémité opposée, et c’est seulement à ce mo- ment que le kyste commence à reproduire assez exactement l'aspect sous lequel on a coutume de le figurer dans la plupart des traités. L'accroissement de la masse adipeuse périkystique pro- gresse dès lors assez rapidement, finissant même par voiler et recouvrir complètement le kyste qui parfois même ne pourra plus être distingué que par la compression amenant la rupture des vésicules adipeuses ou par l'intervention des réactifs spé- ciaux. Encore ce résultat ne pourra-t-il être obtenu que si le kyste a conservé, au-dessous de son revêtement adipeux, les traits essentiels de sa constitution originelle, mais il n’en sera pas toujours ainsi, car l’adiposité périkystique coïncide sou- vent avec d'importantes modifications dans le tissu de la néoformation et dans l’organisation de l’helminthe qu’elle abrite. J’ai à peine besoin d'ajouter que ces profondes altérations périkystiques et intrakystiques sont fort rares dans les viandes fournies par des animaux morts peu de temps après le déve- loppement de l’helminthiasis ou provenant des Stock-Yards américains dans lesquels la trichinose sévit à l’état endémique. ssl #9 nn mt vante io à FER (Le a ha CCE QUE Ho l Mi . tj! ap a ibh dan at 91" 143 A fraHon te gt} “SENOrr dérsatuit") dire Ÿ Kad #TIoù sit SHASE 210 jui {Top U1y 9 DER AE CE ESS HORMONE TA AN) ul ni | bq'eu SAT AD TOO TO P “LE TO 2 do qiDe moi T4 Jp HE do SNS ERA dE PArTTENE 494 ÿ et + coqie N'iadrtatatet ao ol btosa9b-1r8 His (921108 #19 #0 ct TL SÉG TT 9 LOIR tot EX ab alors À Fo GHLRD oupr TA af! QE tiba' P'160 AUS ob SD 3D ou) AUD Th éMoon: so NAT OUAEE OUEN HD 1 diode SDrnoneaittger0 late Ma ol 3 7 [AY ? LT RON datsitee S6b 0101 280 SN 190 0IS D Hd DtH4 Dai tete TROT GS SN pa AB TTE ys' ad “Ne _ 2678H'4l 4618 aq) SD WA AMONT AMBONENE 260" AA. NES FONES 200 tssovot vo 2148 Higlaitat® ab bib rer #92 Sé0nttor) sp LOUE AID ü TABLE DES ARTICLES CONTENUS DANS LE TOME XI. Etude sur l’état parfait des Prosopistoma punctifrons, par M. À. VAYSSIÈRE ........ 116 20 d08e oo CCI O1 20 Monographie des Oiseaux de la famille des Mégapodidés, par MAOuSTArEN (deuxieme partie). ......2............... Nouvelles recherches sur l’organisation et le développement dESRÉOENSNPAMEVIELOMA. . 2... Description de quelques Crustacés provenant des grandes profondeurs de la mer des Antilles, par M. ALPH. MILNE BOARDS 0 MARRAINE, LR A Observations sur le nano et l’organisation du pro- scolex de la Bilharzia hœmatobia, par M. J. CHATIN...... Note additionnelle sur une Musaraigne de Cochinchine, par MESRROUESSARRE 00e. PC cccpcodébceosnonedocccoa Observations sur l’origine des cellules sexuelles des Hydroïdes, HARSNPPAENVEISMANNE. .-. 22202 MONNIER LAS ter Observations sur les fonctions de l’appendice caudal des Li- mules, par M. JOUSSET DE BELLESME...... HADALRECAEE . Crustacés rares ou nouveaux des côtes de la France (31° et o2marticles), pan M, HESSEMRORRERRE MEANS ERA Observations chez la famille des Scincoïdiens, par M. Bocourt. Observations sur l’enkystement de la Trichina spiralis, par M. J. CHATIN...... eS0RR6 M. ELLE STATE TABLE DES ARTICLES PAR NOMS D'AUTEURS. ART. ARTICLE N° 1. ARTICLE N° ?. ARTICLE N° 3. ARTICLE N° 4. ARTICLE N° 5. ARTICLE N° 5 bis. ARTICLE N° 6. ARTICLE N° 7. ARTICLE N° 8. ARTICLE N° 9. ARTICLE N° 40. ART. BocouRT. — Observations sur la famille des Scincoïdiens....... CHATIN (J.). — Observations sur le développement et l’organisa- tion du proscolex de la Bilhar- Zi hæmatobia-.-.......... CHATIN (J.). — Observations; sur l’enkystement de la Trichina SINISTRES DEEE Epwarps (Aïph. Milne). Descrip- tion de quelques Crustacés pro- venant des grandes profondeurs de la mer des Antilles.... HESSE. — Crustacés rares ou nou- 10 98 J. CHATIN. ART. : ART. veaux des côtes de la France. 8 | VayssiÈère. — Etude sur l’état par JOUSSET DE BELLESME. — Ob- fait des Prosopistoma puncti- servations sur les fonctions de fTONS 2 au e te ER 1 l’appendice caudal des Limules. : 7 | Vizcor. — Nouvelles recherches OUSTALET. — Monographie des | sur l’organisation et le dévelop- Oiseaux de la famille des Méga- pement des Gordiens......... 3 podidés (deuxième partie).... 2 | WiessmANN. Observations sur l’o- TROUESSART. — Note addition- rigine des cellules sexuelles nelle sur une Musaraigne de des Hydroïdes. "FF ERREP Pere 6 Cochinchine eh PAR o bis TABLE DES PLANCHES CONTENUES DANS CE VOLUME. Planches 1. Prosopistema punctifrons. — 2. Talegallus (Æpypodius) Brin . — : 3." Têtes de Talégalles. — 4et 5.:Gordiens - — : 6: Proscolex de la Bülharzia hæmatobia. -— :.:7,8, 9.et10.-Çellules sexuelles des Hydroïdes. — . 11. Biomonaste tricolore ; Scotophile tricolore. : = 12. Notopterophorus, Bombyx, N. Papilio. FIN DE LA TABLE DES MATIÈRES. PARIS. — IMPRIMERIE ÉMILE MARTINET, RUE MIGNON, 2. : Zool Joe 11 72 Z: Arr, des Jecenc nat Le Jeyte. (e] 8 © 4 © (ii) LT T7 US Villat ad nat dl CATICATE or't C d'atts VERRE d ' di LA, ee 21, LL. ©, Ann, des Setene. C2 Serre. PRADA GO OR EN DAS END DD BUT ELQ AN ER D FA D ES 2 EMA DD LEE EAU ES 0 7 y DS US TIQUE A D QUEUES ERRRRETT TERRE RE EEE TEEN 1e, del. Vollat a nat. LAGCISSE LE 422707 44 Ca rip. À. Salmon Lars. ‘4 UNE I(RPATH EE dits vi, “A 1nn. es J'ecence. nat. Ê J'érte. RS ANT PARTIE ÿ 1 4 te) PT ANNIAUTEE PNAAT) 1 CA PA) AL. Vaysriere del. Zool., Jome LCA. Lagerse se. Jrosopistone punchffons, etat parfait Li7 Z Tricorythus ls? ) xyrphe._ Lfig.2. Beksca lg. T4 lrosepislome purcliffens. 2 zymphe ; RS À où 2}[NpPE ©) à Q (asn0 ) Tu [Tag ( supodidy ) snjjego[e] LE --q Ë sl / ‘(PP TuEMeTneN NÉS 07 ” 2196 59 JEU 06 S9p UUV AC MINIER eulemai del. > Gare. des Sesene. nat. CS érte. Zool., Tome 11, PL. 6. Î TELLE | (jt de v = Huy, y, EL ji EE tr Do, ; st 5 f, rs Sie del, Lagesse der. Prescolez du Pilharsia Lemalolia . Zmp, A, Salmon, Paris, [ ‘Il AN ü “ Ann. des Je Zool. Zome 11, LU, 7 Je ” ne. ral C°Je ce © 00! Q | DbPA0)0/e/0/b 00/0 Se | Q! ©| (©) Cellules seruelles des Zyadroites. Znp.A, Jalnon, Paris PACA NN DINÉPRECE EAU ee Ann. des J'eene, nat 6° SJorre. Cellules recuelles des Tyjrotes. Lhrp. À. Salmon, Partir, Zool Zome x, PL €. 5 Zool lome 1, AO Ana, des J'erñne. ral. Ê° Séree., ÿS S Ÿ È TARBES O OR TO TOO CH DOCS O$ Core CH vo % ©) eu TOR … erRÛ AOC) (OSO) © Oh © Le JO» 12,900 be N Ê A ON “ b EE |A 0 82 Sa BITES ‘€ :Se.o! SRE RE NT SHOT © @) ( OO ECO) tes Le 0 0 0 ad RES OÙ... ov SES Ÿ Cellules sezuelles des y adroides np. A S'alnor, Lartr, MWeirmenr del. Zoot. Jome 11, 1.10. Ann, des S'ecere. nat. 6° S'erce. RER Lana de AL] RE NU] 99 Du DT :S DEN SR Lelules sevueles der Hydroëder. 20 sms. EX Le 0 Ÿ 37e Fa se Sr GJE 00/0, à 00% aile (Se o VAE Lo) Ab OY LOS DEA ACL EU Q Li —TÈ Ô CAC IRON Ge EL Je\\ ER 1ù $ à Û Tino. A. Sadnron, L'arte . des Jeence. nat. 0° S'erte. * Lo CL OTTEN TL, LLNLL, 7 Pomonaste lricolore… 10. J'eotoplile tricolore. Zrp, À, Salnon, Parts. Ann, des J'escenc. nat, 6° J'ertre Zool, Zome 1 L’L,12, 206, Woloplerophorus Donbyz.- 91. W Papileo, Znp. À, Salmon, Paris . fl: Ù IA (ot mes fran De ORDRE DE LA PUBLICATION BOTANIQUE Première série, par MM. AUDOUIN, Ad. BRONGNIART et Dumas. — Zoologie et Botanique réunies. 30 volumes in-8°, 1824-1833. (Épuisée.) Deuxième série, par MM. Ad. BRONGNIART, GUILLEMIN et DECAISNE.— DD volunies - LSSAASADE PRE A AT RS PAR OPA 250 fr. Hroisième série, par MM. Ad. BRONGNIART et DECAISNE. — D0ivolumes 1844-1809. 0e Eee Vega SRE 250 fr. Quatrième série, par les mêmes. — 20 volumes, 1854-1863... ... . 250 fr. Cinquième série, par les mêmes. — 20 volumes, 1864-1874. ....... 250 fr. Sixième série, par M. DECAISNE, en cours de publication. L’année.. 25 fr. ZOOLOGIE Première série, par MM. AUDOUIN, Ad. BRONGNIART et Dumas. — Zoologie et Botanique réunies. 30 volumes in-8°, 1824-1833 .(Épuisée.) Deuxième série, par MM. AupouiN et H. Mine Epwarps. — 20 volumes 189421849000... 00 RER REC OR Troisième série, par M. H. MILNE EpwaRps. — 20 vol. 1844-1853... 250 fr. Quatrième série, par M. H. MiLNE EpwaRps. — 20 vol. 1854-1863... 250 fr. Cinquième série, par M. H. Mizne Enwarps. — 20 vol. 1860-1874.. 250 fr. Sixième série, par MM. H. et Alph. MILNE EbwaRDs, en cours de publication. années PRET er ere SE LUTTER RP EP PARIS. — IMPRIMERIE EMILE MARTINET, RUE) MIGNON, 2 FN ! "1 ; { \ à: »1 : \ pa ; k n os. n 1 F j SMITHSONIAN INSTITUTION LIBRARIES. LULU UN 3 9088 01354 0794