nt AUrAL AU Au TS ES, 2 Taper SSSR LT ST 7 7: CR re Vlfhe. MORT DST Cu DD AR EME BG © TN Ke J 1 i = Are | nl l 1 - | ; 1 Ur } ( \ 1 1h AUCUN EUR à HU at 1 [L a HURE À a APN) ( SE / | 4 Al À ter a ; A MATE ) A NUE ASS AN LT RAA ANNALES DES SCIENCES NATURELLES SEPTIÈME SÉRIE ZLOOLOGIE CORBEIL. — IMPRIMERIE CRÉTÉ. ANNALES DES SCIENCES NATURELLES ZOOLOGIE ET PALÉONTOLOGIE COMPRENANT L'ANATOMIE, LA PHYSIOLOGIE, LA CLASSIFICATION ET L’HISTOIRE NATURELLE DES ANIMAUX PUBLIÉES SOUS LA DIRECTION DE M. A. MILNE EDWARDS TOME IX PARIS G. MASSON, ÉDITEUR LIBRAIRE DE L' ACADÉMIE DE MÉDECINE 420, Boulevard Saint-Germain, en face de l'École de Médecine, 1890 MÉMOIRE SUR LE VENIN ET L’AIGUILLON DE L’ABEILLE Par le D° &G. CARLET Professeur à la Faculté des Sciences de Grenoble. On sait que l’aiguillon de l'Abeille existe chez la femelle (reine) et l’ouvrière, mais fait complètement défaut chez le mâle (faux bourdon). Nous ne nous occuperons ici que du venin et de l’aiguillon de l'Abeille ouvrière, la seule que nous ayons pu avoir en quantilé suffisante pour nos dissections et expériences : son aiguillon doit être considéré comme type et celui de la reine n’en diffère guère que par sa courbure. Toutes les parties que nous aurons à décrire ou à repré- senter seront orientées comme sil'Abeille avait la tête en haut et les pattes dirigées en avant. On doit distinguer de l'aiguillon ou organe vulnérant, les organes venimeur où sécréleurs du venin. C’est par l'étude de ces derniers organes destinés à alimenter l’aiguillon, que nous commencerons le résumé de nos recherches, dont les premiers résultats ont. élé communiqués à l’Académie des sciences en 1884. Depuis cette époque, nous avons continué à nous occuper de celle question, ainsi que le témoignent les notes ultérieures que nous avons communiquées à l'Ins- ütut. En complétant beaucoup ces notes nécessairement très restreintes et publiées sans figures, comme l'exige d’ailleurs le règlement des comptes rendus, le présent Mémoire, ac- ANN. SC. NAT. ZOOL. IX, À. — ART. N° 4. ? &G. CARLET. compagné de nos dessins originaux tous faits d’après nature, donne les détails nécessaires à la complète intelligence du sujet. S I ORGANES VENIMEUX. On a cru, jusqu'à présent, que les organes sécréteurs du venin, chezles Hyménoptères, étaient constitués par une seule glande débouchant dans un réservoir vésiculeux d’où le venin serait expulsé dans la plaie produite par l’aiguillon. Nos re- cherches (1) ont montré que le venin des Hyménoptères à aiguillon barbelé (Abeille, Guêpe, etc.) provient toujours de deux glandes distinctes, l’une à sécrétion fortement acide, l'autre à sécrétion faiblement alcaline, que nous appellerons respectivement la glande acide et la glande alcaline. Ces deux glandes viennent s'ouvrir à la partie antérieure de la base du gorgeret, dans une échancrure occupée presque tout entière par la glande acide, en avant de laquelle se trouve la glande alcaline. A. GLANDE ACIDE (ac, fig. 1). — C’est la glande à venin des auteurs. Connue depuis longtemps et considérée, jusqu’à nos recherches, comme la seule glande venimeuse, elle pro- duil de l'acide formique. Sa forme est celle d’un long tube contourné sur lui-même et bifurqué à son extrémité libre. A l’autre extrémité, la glande acide s’ouvre dans une vésicule (V, fig. 1) qui débouche elle-même, par un conduit excré- teur (e, fig. 1), dans une échancrure pratiquée en avant de la base du gorgeret (G, fig. 1). Chacune des bifurcalions de la glande (6, 6, fig. 1) est moins longue que le tube et finit en cul-de-sac très légèrement renflé. Le tube, ou partie indivise de la glande acide, est formé, ainsi que ses deux branches, par un tissu épithélial qui en- toure un canal béant. Les cellules de ce tissu sont sphé- (4) G. Carlet, Sur le venin des Hyménoptères et ses organes sécréteurs (Comptes rendus de l'Académie des sciences, 23 juin 1884). VENIN ET AIGUILLON DE L'ABEILLE. 3 roïdales; elles présentent chacune un noyau très net au milieu d’un protoplasme granulé. Contrairement à ce qu'ont avancé quelques auteurs, ce ne sont pas seulement les bran- ches qui sécrètent le liquide acide ; le tube jouit lui-même de cette propriété et déverse la sécrétion de l’ensemble dans la vésicule. Celle-ci est située en partie dans l'angle formé, en arrière du gorgeret, par Îles plaques chitineuses qui lui sont annexées, angle que nous appellerons, dès maintenant, le dièdre, à cause de sa forme simulant assez bien deux plans qui viennent se rencontrer suivant une arête constituée par l’aiguillon. À l'inverse de ce qu'on a supposé jusqu’à présent, la vési- cule de la glande acide n’est nullement contractile chez l’A- beille et nous nous sommes assuré qu’il en est de même chez tous les autres Mellifères. Au contraire, chez les Guêpes et autres Diploptères, la vésicule du venin est entourée d'une couche épaisse de fibres muüseculaires et se contracte sur son contenu, pour le lancer dans la plaie que l’aiguillon vient de produire. Le mécanisme de l'expulsion du venin n'est donc pas le même chez les Mellifères et les Diploptères: nous examinerons plus loin ce mécanisme, avec tous les détails qu'il comporte. B. GLANDE ALCALINE (al. fig. 1). — Elle a la forme d'un tube terminé en cul-de-sac, légèrement bosselé et recourbé en arrière dans la partie supérieure de la moitié gauche du dièdre. Son calibre est plus considérable que celui de la glande acide en avant de laquelle elle vient déboucher, à la base du gorgeret. On peut facilement voir, avec les papiers réactifs, que le liquide sécrété par cette glande est alcalin ; mais elle n’a pas de réservoir et l’on ne saurait, comme pour la glande acide, recueillir une assez grande quantité du liquide alcalin pour le soumettre à l'analyse chimique. Il n’en est pas de même pour l'analyse physiologique qui, com- me nous le verrons dans un instant, renseigne neltement sur le rôle que joue le liquide alcalin inoculé à de petils in- sectes vivants. &. CARLE. CS C’est très probablement cette glande que Léon Dufour (1) a entrevue et qu'il décrit tantôt sous le nom de glande sébifique, lantôt sous celui de glande sérifique, suivant qu’il la suppose « destinée à préparer une humeur sébacée propre à enduire les œufs d'une sorle de vernis au moment de la ponte, ou bien à séecréler une matière soyeuse dont lesfemel- les enveloppent plus ou moins leurs œufs ». Le nom de g/an- de sébacée donné par les auteurs allemands à cetle glande correspond à celui de « glande sébifiqne » imposé par Léon Dufour. D'une part, cette glande est très développée chez lAbeille ouvrière (al. fig. 6), où l'appareil génilal est complètement atrophiéet où ni l’un ni l’autre des usages imaginés par Léon Dufour n'aurait de raison d’être. D'autre part, elle séerète une humeur très fluide el n'ayant nullement l'aspect d’une substance sébacée. Ce liquide ramène au bleu le papier de tournesol rougi; il est donc alcalin, mais son alcalinité est moins accentuée que l’acidité de l'humeur de la glande acide, et le liquide qui résulle du mélange de ces deux sécrélions, c'est-à-dire le venin lui-même, esl toujours acide. EXPÉRIENCES SUR LE VENIN DE L ABEILLE ET D AUTRES HY- MÉNOPTÈRES. — Nous venons de voir que l'appareil venimeux comporle deux glandes sécrétant l’une l'acide et l’autre la base du venin. Resle à savoir si la double présence de l'acide et de la base est nécessaire pour amener les accidents ordi- naires du venin ou si l’une seule de ces deux substances suffil. Pour résoudre celte question, nous avons entrepris des expériences sur le venin de différents Hyménoptères à aiguillon dentelé : Xylocopes, Chalicodomes, Abeilles, Bour- dons, Guêpes, Frelons, Polistes, etc. Les Lapins, Grenouilles, et quelques gros coléoptères sur lesquels nous avons tout d’abord fait agir le venin des des Hyménoptères, ne nous ont donné aucun résultat, car ils sont trop peu sensibles à l’action de ce venin ; au con- (4) L. Dufour, Rech. anatom. et physiol. sur les Orthoptères, les Hyménopt. et les Névropt. (Mémoires de l'Acad. des sciences, 1832). VENIN ET AIGUILLON DE L ABEILLE. D traire, la Mouche domestique et-la Mouche à viande pré- sentent, sous ce rapport, une extrême sensibilité. Voici les résullals que nous avons constamment obtenus sur ces deux Insectes : 1° Une Mouche piquée par un Hyménoptère à aiguillon dentelé meurt presque immédiatement, comme foudroyée. 2° Une Mouche à laquelle on inocule le produit de l’une quelconque des deux glandes de l'appareil venimeux ne meurt que longtemps après l’inoculation, malgré que cette opération ait nécessité une mutilation plus considérable que celle qui résulte de la piqüre par le dard. 3° L'inoculation successive, sur une même Mouche, du produit des deux glandes, acide et alcaline, produit la mort très peu de temps après la double inoculation. On peut en inférer que la vie cesse au moment du mélange des deux liquides à l’intérieur du corps de l’Insecte en expérience. En résumé, le venin des Hyménoptères à aiguillon den- telé provient du mélange de deux liquides sécrélés par deux glandes distinctes. L’un de‘ces liquides est acide, l’autre est basique ; ils agissent simultanément, et chacun d'eux sépa- rément n'amène pas les accidents ordinaires du venin. Quant aux Hyménoptères à aiguillon lisse, M. Laboul- bène (1) a fait remarquer qu'ils étaient précisément ceux qui pourvoyaient leurs larves de proies vivantes. En pré- sentant les principaux résullats de nos recherches sur le venin des Hyménoptères, à la Société entomologique de France (séance du 27 août 1884), M. Laboulbène ajoute : « IL est à désirer que l’analomie el la physiologie des organes sécréteurs du venin chez les Cerceris, les Philanthes, les Pompiles, les Sphex, ete., soient failes et nous apprennent quelle est la part du venin dans l’engourdissement, non suivi de mort, des Insectes parfaits ou des larves récoltées par les femelles précitées, pour lapprovisionnement de leurs nids. » (4) A. Laboulbène, Observations sur la physiologie de l'aiguillon des insectes Hyménopléres (Comptes rendus de la Société de bivlugie, t. IV, 1852). &G. CARLEN. > Des expériences analogues à celles que nous avons failes sur les Hyménoptères à aiguillon dentelé ne sauraient être répétées sur les Hyménoptères à aiguillon lisse, puisque la piqûre de ceux-ci n’est pas suivie de mort. Mais la glande alcaline, que nous avons signalée chez les Hyménoptères à aiguillon dentelé, n'existe pas chez les Hyménoptères à aiguillon lisse, tels que les Philanthes, ou est rudimentaire etréduite à un fil chez les Pompiles. Quant à la glande acide, elle ne manque jamais. C'est là une confirmation de nos expériences, car celles-ci démontrent que le venin mortel esl toujours produit par deux glandes. C’est donc, suivant nous, la présence de deux liquides ou d’un seul qui produit le venin mortel ou simple- ment anesthésique des Hyménoptères, et non la prétendue habileté de ces Insectes à piquer tel ou tel point du corps de leur victime, pour la tuer ou simplement l’endormir (1). SI AIGUILLON. L'aiguillon est situé sur la ligne médiane, au-dessous du rectum. Il est constitué par un corps complexe, le gorgeret(2), qui renferme une paire de pièces grêles très acérées, les stylets (3). 1° Stylets. Un s{ylet est une aiguille chitineuse, droite dans ses deux liers inférieurs, recourbée dans son liers supérieur. Les auteurs ont décrit la première partie sous le nom de s/ylet, el la seconde sous celui de support du stylet. Ces expressions ont le tort de laisser supposer que le stylet se composerait (1) G. Carlet, Du venin des Hyménoptères à aïguillon lisse (Comptes rendus de l'Acad. des sciences, 18 juin 1888). (2) L. Dufour, Rech. anatom. et physiol. sur les Orthopt., les Hyménopt. et les Névropt. (Mém. de l’Acad. des sc., 1834). (3) Lacaze-Duthiers, Rech. sur l'armure génitale des insectes (Ann. des se. nat. zool., 1849). VENIN ET AIGUILLON DE L'ABEILLE. 1 de deux organes distincts dont l’un porterait l’autre. En réalité, le stylet est une pièce unique dont nous appellerons tige la partie rectiligne ou inférieure et éranche la partie curviligne ou supérieure. A. Tiae pu sryzer. — Elle est barbelée extérieurement près de la pointe (4, fig. 3 et 4) de dix dents (quelquefois neuf) se dirigeant en haut en dehors. En arrière de ces dents, à peu de distance de la pointe, on voit, du côté exté- rieur, une gouttière (q, fig. 3), qui se prolonge tout le long de la tige. Les deux tiges sont tangentes l’une à l’autre, comme les branches d’un fer à gaufrer. Au sommet de la tige, à sa réunion avec la branche du stylet, on observe un organe que nous désignerons sous le nom de päston, tant à cause de sa forme qu'à cause de ses usages (p, fig. 3). Piston. — Cet organe est constitué ainsi qu'il suit, Une apophyse chitineuse se détache en arrière du stylet et s'é- panouit en forme de calotte. La face externe de cette calotte n'offre rien de particulier; mais sa face interne se dédouble et porte, sur chacun de ses bords, deux touffes de fils chiti- neux et ramifiés rappelant une houppe à poudrer ou, plus exactement, deux de ces balais de foyer que l’on appelle des balayettes. Nous conserverons ce nom, employant à dessin des dénominations empruntées aux objets usuels ; pour mieux faire saisir la disposition des pièces dont nous parlons. Sur la figure 3, les deux balayettes sont abaissées; elles se pré- sentent ainsi, quand on examine le stylet au microscope, dans un liquide renfermé entre la lame et la lamelle, par suite de la compression du piston entre les deux plaques de verre. La figure 5 représente les deux pistons vus par der- rière et en place dans le gorgeret; chacun d'eux montre sa calotte et ses balayettes. PB. BRANCHE Du STYLET. — La branche du stylet com- mence à la naissance du piston. Elle a la forme d’une hache dont le manche serait recourbé. Nous désignerons ce manche sous le nom d'arc du stylet (a, fig. 3) etle fer de la hache sous celui d'écaille du stylet (Es, fig. 3). 8 Gi. CABLE, Arc du stylet. — W est recourbé en bas, en arrière et en dehors, de telle sorte que les deux arcs divergent à la facon des cornes d’une Chèvre. Chaque arc est muni, comme la tige du stylet, d’une goullière qui est la continuation de celle de la tige, mais est inférieure, au lieu d’être extérieure, comme dans cette dernière. Sur son côté extérieur, l’arc présente une bordure triangulaire que nous appellerons l'aile du stylet (a', fig. 3) dont la base longe ce côté et dont le sommet, situé en dehors de l'extrémité de l'arc, se con- tinue avec l’écaille du stylet. Enfin l’are se termine par une pointe bifide dont chacune des bifurcations est le prolon- gement de l'une des lèvres de la gouttière du stylet. Écaille du stylet. — Nous donnons ce nom à une pièce triangulaire connue depuis longtemps (1) et qu'on a même crue indépendante du stylet. Elle a recu plusieurs dénomi- nalions dont aucune ne nous paraît lui convenir; elle se rat- tache, par son sommet, à l'aile du stylet qu'elle continue et à laquelle elle est, pour ainsi dire, suspendue. Le triangle représenté par l’écaille du stylet est à peu près équilatéral, avec un côlé antérieur, un côté postérieur et un côté infé- rieur ; sa surface est courbe avec une concavité intérieure et une convexilé extérieure. OBSERVATIONS GÉNÉRALES SUR LES STYLETS. — Si, d'une part, comme nous l'avons fait, on pratique des coupes trans- versales de l’aiguillon, sur divers points de sa longueur, on observe que les stylets sont creusés d’un canal central; ils acquièrent ainsi, sans augmentation de poids, une augmen- tation de solidité et de surface. Si d'autre part, on observe les stylels sur l’Abeille vivante, on les voit accomplir des mouvements de va-et-vient dans le gorgeret qu'ils peuvent dépasser par leur pointe et à l’intérieur duquel ils ren- trent, après leur sortie. Ces mouvements se font avec une précision parfaite et l’on peut être surpris qu'ils ne soient pas gênés par la présence des dents qui arment l'extrémité (i) Swammerdam, Bibliu naturæ. VENIN ET AIGUILLON DE L'ABEILLE. 9 des stylets. Mais on comprendra facilement qu'il en soit ainsi, lorsqu'on aura. remarqué que ces dents sont exté- rieures et que, grâce à l'agrandissement de surface déter- miné par la cavité intérieure du stylet, elles sont implantées assez en avant de la goullière du stylet, pour ne jamais ren- contrer les bords du gorgeret, pendant les mouvements de glissement des stylets à l’intérieur de cel organe. 2° (rorgeret. Le gorgeret (fig. 7) présente : 1° sur la ligne médiane, un corps (C) et une #ge (T); 2° de chaque côté, une branche (B) et une écaille (Eg). A. Corps DU GoRGERET (C, fig. 7, 8 et 9). — C'est un conoïde fendu en avant, comme un cornet d’oublie, dont il rappelle d’ailleurs la forme. [Il offre une surface extérieure, une surface intérieure, deux bords antérieurs, une base et un sommet. La surface extérieure est lisse et sans particularité à signaler. La surface intérieure (fig. 8), est munie, de chaque côté, en arrière du bord antérieur, d'une mince baguetle de chitine que nous désignerons sous le nom de za (r, fig. 8), à cause de sa forme et de ses fonctions. Ce rail est en effet plus étroit à sa portion adhérenle qu’à sa portion libre, qui est légère- ment renflée ; il s’encastre exactement dans la gouttière du stylet et dirige le glissement de ce dernier dans le gorgeret. Les deux bords antérieurs du gorgeret (fig. 7) limitent la fente de cet organe. Ils décrivent deux courbes paralleles, concaves en avant dans leur partie supérieure où ils se con- tinuent avec les branches du gorgeret (fig. 7), rectilignes, au contraire, dans leur partie inférieure où ils font suite aux bords antérieurs de la tige. Ils sont débordés en dedans par les deux styleis qui, presque tangents sur la ligne médiane, rétrécissent ainsi la fente antérieure du gorgeret. La base du gorgerel a la forme d’un dôme creusé, en avant, 10 &G. CARLET. d’une échancrure qui se continue avec la cavité intérieure du gorgeret. Cette échancrure est occupée, d'avant en arrière, par la glande alcaline et le canal excréteur de la glande acide. La face antérieure du dôme est donc chitino- membraneuse; le reste de sa voûte est entièrement chili- neux. Ce dôme présente, de chaque côté de son échancrure, en dehors de la naissance des deux branches du gorgeret, une apophyse recourbée que nous appellerons la corne du gorgeret, à cause de sa forme et de sa situation. Les deux cornes du gorgeret se dirigent en haut, en arrière et en dehors, pour se terminer par une pointe que nous ver- rons, dans un instant, s'articuler avec la base de l’aile du gorgerel. Le sommet du corps du gorgeret se confond avec la base de sa tige; il présente intérieurement, sur une coupe sagit- tale (fig. 8), un dédoublement de la paroï postérieure du corps du gorgeret. L'un de ces feuillets de dédoublement va constituer la face antérieure de la tige du gorgeret, l’autre se creuse en gouttière, pour former les deux faces latérales de celte tige. B. Tice pu corGEeRET (T, fig. 7,8 et 9). — C’est une sorte de baïonnette triangulaire qui se termine comme la gouge d’un tourneur. Elle présente trois /aces : l’une antérieure, les deux autres latérales; trois bords, l’un postérieur et les deux autres antérieurs; une Uase et un sommet. La jace antérieure est concave (fig. 7). Plus large en haut qu'en bas, elle offre, un peu en dedans et en arrière de ses deux bords, le prolongement des deux rails que nous avons décrits à l’intérieur du corps du gorgeret. Ces rails conser- vent leur forme et viennent se terminer près du sommet de la tige du gorgerelt. Les deux faces latérales, l'une droite, l’autre gauche, sont inclinées l’une vers l’autre et vont se rencontrer en arrière, pour former le bord postérieur du gorgeret. Elles s’amincissent de haut en bas, comme la face antérieure, et ne présentent aucune particularité à signaler. VENIN ET AIGUILLON DE L'ABEILLE. 11 Le bord postérieur est arrondi. Les deux bords antérieurs sont tranchants et vont en se rapprochant l’un de l’autre, de la base au sommet. La base de la tige du gorgeret se confond avec le sommet du corps du gorgeret dont nous avons donné la description ci-dessus. Le sommet de la tige du gorgeret n'est autre chose que la pointe du gorgeret. C'est une pointe, à l'œil nu; mais, au microscope, on voit que cette pointe est mousse et affecte la forme d’un bord tranchant: c’est, en réalité, la termi- naison de la gouge du tourneur, qui, comme on le sait, est convexe au sommet, au lieu d'être coupée carrément, comme la gouge du sculpteur. La face postérieure de la pointe du gorgerel, qui paraît lisse à la loupe, présente, au microscope, des dents recour- bées en haut qui, comme les dents du stylet, doivent con- iribuer à maintenir l’aiguillon dans la plaie. On compte quelquefois jusqu’à 5 paires de dents; mais les {rois paires inférieures sont plus accusées que les autres qui peuvent même faire défaut. C. BRANCHES DU GORGERET (B, fig. 7, 8 et 9). — Elles continuent les deux bords antérieurs du corps du gorgeret et affectent la même direction que les branches du stylet. Ce sont Les supports du gorgeret des auteurs; mais la même raison qui nous à fait adopter l'expression de branches du stylet, nous fait également préférer celle de 4ranches du gor- geret. Cependant, si elles sont de vraies branches par leur partie interne, elles sont aussi des supports par leur partie externe, car celle-ci s'articule avec la corne du gorgeret. Il y a là une arliculation rappelant celle de l’épaule qui supporte le bras; de plus, les mouvements du gorgeret s'effectuent dans cette arliculation. Comme les branches du stylet, les branches du gorgeret se composent de deux parlies continues : l’arc du gorgeret, correspondant à l'arc du stvlet : l’écaille du gorgeret, corres- pondant à celle du stylet. 12 G. CARLEM. Arc du gorgeret (a, fig, 7, 8 et 9). — Recourbé en bas, en arrière el en dehors, il présente, sur son bord supérieur, la continuation du rail que nous avons décrit à l’intérieur du gorgeret et sur la face antérieure de sa tige. Au niveau de la pointe de la corne du gorgeret, il présente exlérieure- ment un élargissement triangulaire qui ne tarde pas à se rétrécir pour former une aie du gorgeret (a', fig, 7, 8 et 9) homologue de celle du stylet. À sa partie élargie ou base, l'aile se recourbe brusquemeut et présente, sur son bord antérieur, une petile cavité à rebord saillant que, par com- paraison, nous appellerons cavité glénoïde. C’est dans cette cavité que vient s'enfoncer la pointe de la corne du gorgeret; c'est autour des deux cavilés glénoïdes que s’effectuent les mouvements de balancement du gorgeret. Écaille du gorgeret (Eg, fig. 7, 8 et 9). — Elle a la forme d’un triangle sealène dont le petit côté est antéro-supérieur, le moyen antéro-inférieur, le grand poslérieur. Ce dernier offre, vers son tiers supérieur, une pelile cavité articulaire pour le sommet inférieur du triangle qui représente l’écaille du stylet. La surface de l’écaille du gorgeret, sur laquelle il y aurail lieu d’insister, si nous nous occupions des muscles de l'appareil vulnérant (ce qui fera l’objet d’un autre mé- moire en préparalion) est, d’une manière généraie, concave en dehors et convexe en dedans. Enfin l’écaille du gorgeret se Lermine en bas par un appendice chilino-membraneux qui depuis longtemps a attiré l'attention, car il paraît au dehors, lorsque l’Abeille sort son aiguillon. Les auteurs l'ont désigné sous le nom de /owzeau el effectivement cet organe forme, avec son congénère, une véritable gaine dans laquelle Pai- guillon se loge pendant le repos. OBSERVATIONS GÉNÉRALES SUR LE GORGERET. — Nous avons fait sur l’aiguillon des coupes transversales et des coupes. longitudinales, après l'avoir plongé, pendant un temps suffi- sant, dans la paraffine rendue liquide par une température convenable. Bans ces conditions, la paraffine pénètre parfai- tement à l’inlérieur du gorgeret. En meltant ensuile l’ai- VENIN ET AIGUILLON DE L'ABEILLE. 13 guillon dans le cylindre de paraffine du microlome, nous avons obtenu : 1° des seclions médianes el d’autres paral- lèles au plan médian ou sagitlales; 2° des sections bilaté- rales, parallèles à l'axe du gorgeret; 3° des sections trans- versales ou perpendiculaires à l'axe du gorgeret. La figure 8 représente une seclion longitudinale du gorgerel; mais les sections transversales sont plus intéressantes. Une coupe perpendiculaire à l’axe, passant près de la base de la tige du gorgeret (fig. 6), montre que cet organe est creux et que sa seclion a la forme d’un triangle curviligne à peu près équilaléral. On comprendra facilement comment ses parois sont composées, en se reportant à ce que nous avons dit sur le dédoublement de la paroi postérieure du corps du gorgeret vers la base de la tige, dédoublement rendu visible sur la figure 8. Mais la partie la plus curieuse de la figure 6, c’est, dans le haut, la section de lencastrement des rails dans la gouttière des stylets. On voit que chaqne gouttière est rétrécie à son entrée, de façon à présenter en section à peu près les trois quarts d’une circonférence. Or les deux rails sont rélrécis aussi à leur partie adhérente el leur partie renflée vient s'encastrer exactement dans l’exca- vation de la gouttière du stylet correspondant. Aïnsi se trouve consliluée, sur loulte la longueur du gorgeret, une sorle de coulisse à queue d’aronde, comme celle que les ébé- nistes emploient dans les tables à rallonges. Ce genre d’arti- culation s'oppose à tout déraillement des stylelts, pendant leurs mouvements de va-et-vient dans le gorgeret. On com- prend alors pourquoi, sur l'Abeille vivante, les stylets se meuvent avec une précision si parfaite que Jamais les mou- vements de l’un ne gênent ceux de l’autre el aussi pourquoi, sur PAbeille morte, on ne peut obtenir les stylets qu’en les tirant à soi, du côté de la branche, pour les sortir de leur rail, après les avoir fait glisser tout le long du gorgeret. Une coupe bilalérale, parallèle à l'axe du gorgeret (fig. 5), montre, si elle est habilement pratiquée, les deux pistons par derrière, entre-croisant les fils de leurs balayettes. 14 G. CABLE. Même quand ils sont arrivés au plus haut de leur course, les pistons ne touchent pas le fond du gorgeret; il y a tou- jours, au-dessus d’eux, un espace clos que nous proposons d'appeler la chambre à venin (1) parce qu'il est rempli de ce liquide. Cette chambre est fermée, en arrière et sur les côtés, par la paroi même du gorgeret, en haut et en avant par le dôme qui sert de base au gorgeret. Ce dôme, on le sait, est percé en avant de deux petits orifices pour l’écou- lement des liquides acide et alcalin dont le mélange cons- titue le venin. La partie du gorgeret qui est située au-dessous des pis- tons est en communicalion avec l'air extérieur par la fente antérieure du gorgeret; aussi proposons-nous de ?appeler chambre à air, par opposition à la chambre à venin. Quand l’un des pistons s’abaisse, une partie du liquide de la chambre à venin s'écoule dans la chambre à air. Une portion de ce fluide arrive jusqu'à l'extrémité du stylet ; Pautre reste dans la chambre à air où l’on voit se former quelques bulles de ce gaz. Cependant celles-ci ne remontent pas dans la chambre à venin. En effet, d'une part, la calotte les recueille dans sa concavité; d'autre part, elles ne pour- raient franchir les filaments des deux balayettes, imbibés de liquide et libres, qui occupent le reste de la section du corps de pompe, d'autant plus facilement qu'il est devenu plus étroit, à cause de sa forme conique. On s’explique aussi pourquoi les deux stylels manœuvrent le plus souvent alternativement et non simultanément. En effet, d’un côté, si les deux pistons descendaient toujours de front, le venin ne pourrait pas passer au-dessous d'eux pour être expulsé; d’un autre côté, par suite de sa forme conique, le gorgeret, plus étroit en bas qu'en haut, gênerait le mouvement des deux pistons descendant ensemble. Cependant on observe quelquefois cette descente rendue possible par le rappro- chement des balayeltes qui pénètrent l’une dans l’autre; (4) G. Carlet, De l'existence d'une chambre à venin chez les Mellifères (Comptes rendus de l'Acad. des se., 18 Juin 1888). VENIN ET AIGUILLON DE L'ABEILLE. 15 mais c'est seulement dans les coups d’aiguillon de la fin, lorsque l’Abeille épuisée sent qu'elle n'a plus que peu de venin. À ce moment aussi, les bulles d'air sont plus nom- breuses dans la chambre à air et la réunion des deux pis- tons leur offre une barrière plus infranchissable encore, pour les empêcher de remonter dans la chambre à venin où elles ne tarderaïent pas à amener une altération de ce liquide. - Il est aussi à noter que les pistons, dans leur descente alternative ou simultanée, font le vide au-dessus d’eux et que c'est par une véritable aspiration que les deux liquides dont le mélange est nécessaire à l’action du venin viennent combler le vide qui s’est produit au-dessous de leurs orifices excréteurs. On comprend enfin pourquoi il n’y a pas écou- lement continuel du venin, les deux pistons faisant office de valvule pour le retenir. En résumé, la chambre à venin du gorgeret est un réser- voir qui fournit immédiatement du venin et met ce liquide à l'abri de l’air qui l’altérerait rapidement; enfin, à mesure qu’elle se vide, elle se remplit par aspiration. Cette chambre à venin n'existe que chez les Mellifères où elle est en corré- lation nécessaire avec le mécanisme de la seringue perfo- ratrice qui représente, ainsi que nous l’avons démontré, l'appareil vulnérant de ces Insectes. Mais la seringue de l’'Abeille diffère de la seringue industrielle, non seulement parce qu'elle est en même temps un trocart, mais encore parce qu’elle a toujours du liquide au-dessus de son piston. Seulement ce piston est double et disposé de telle sorte que le liquide peut toujours passer au-dessous de lui et se re- nouveler par-dessus, à mesure qu'il s'écoule par dessous, seringue aspirante et foulante, toujours amorcée d’un venin sans cesse renouvelé. Ici se terminent les considérations que nous désirions présenter sur le rôle du venin et de l’aiguillon de lAbeille. Qu'il nous soit permis d'attirer l'attention sur les prin- cipaux points que nous avons mis en lumière ou découverts 16 G. CAREET. dans un organe qui a été l’objet des études de savants comme Swammerdam, Réaumur et Léon Dufour, pour ne parler que de ceux qui ne sont plus! Après la description plus exacte qu'elle n'avait élé faite jusqu'alors, des diverses pièces de l’aiguillon, rappelons sommairement : j° La découverte d’une glande alcaline et les expériences démonirant qu'elle rend le venin mortel chez les Hyméno- ptères à aiguillon dentelé; | 2 L'absence ou l’état rudimentaire de cette glande et par conséquent l'absence d’un venin mortel chez les Hyméno- tères à aiguillon lisse, qui endorment leur proie au lieu de la tuer ; 3° La présence, sur le stylet, d’un piston qui fait de l’aiguillon, en même temps qu’un trocart, une seringue à double piston, aspirante et foulante; 4 La découverte d’un réservoir à venin qui alimente constamment cette seringue, tout en mettant le venin à l'abri du contact de l'air et l’empêchant de s’écouler au dehors, quand l’Insecte ne l'ulilise pas; 5° La constatation du mode d’articulation des stylets per- forateurs de Abeille et l'assimilation de celte arliculation avec la coulisse à queue d’aronde des ébénistes. L'Homme est loin de se douter que la plupart des ins- truments qu'il croit avoir inventés sont réalisés depuis long- temps dans la nature. Plus la science avance, plus elle met cetle vérité en lumière. EXPLICATION DES FIGURES Fi. 1. — Vue générale de l'appareil venimeux de l'abeille (7D). — ac, glande acide; b, b, ses deux branches; V, sa vésicule; e, son canal excréteur; al, glande alcaline; G, gorgeret. Fic. 2. — Extrémité d'une branche de la glande acide Cr Vérick). — b, partie périphérique; c, canal central. FiG. 3. — Un stylet de l’aiguillon de l'abeille = Vérick ). T, tige sur la- quelle on voit la gouttière g et les dents d du stylet; P, piston montrant sa calotte et ses deux balayettes; 4,arcet a’, aile de la branche du stylet se terminant par l'écaille Es. Fig. 4. — Les deux stylets de l’aiguillon ( 2 Véick). — G, terminaison du gorgeret; s, s’, les deux stylets avec leurs dents. F = du LS OC ALES Fig. 5. — Vue par derrière de l'intérieur du gorgeret (E 5 Vérick |. — j. al, glande alcaline et son ouverture 0! dans la chambre à venin cv; V, vé- sicule acide avec son canal excréteur e et son orifice o dans la chambre à venin; C, corps du gorgeret; T, sa tige; s, stylet. Entre les deux stylets on voit la fente par laquelle l’air peut pénétrer dans la chambre à air ca. Fi. 6. — Section transversale de la tige du gorgeret munie de ses deux sty- lets (PE Hartnack |}. — G, gorgeret montrantsa cavité intérieure €’ et les deux rails >» qui s’encastrent dans la gouttière des stylets s et s'; ce, cavité intérieure des stylets; c’, cavité par laquelle s'écoule le venin. Fic. 7. — Le gorgeret vu de face, muni, à dreite, du stylet (s). Ce dernier organe a .. enlevé à gauche, ainsi que la partie membraneuse du four- reau F (TE D. 5 Vérick). — C, corps du gorgeret; T, sa tige; B, sa branche ; a, arc et a’, aile du gorgeret; c, corne du gorgeret; Eg, écaille du gorgeret. Fig. 8. — Coupe médiane du gorgeret. — C, corps et T, tige du gorgeret; a, arc et a’, aile de la branche B du gorgeret; r, rail. Fic. 9. — Le gorgeret vu de profil. — C, corps; e, corne; a’, aile; r, rail; T, tige et Be, écaille du gorgeret; F, fourreau. ANN. SC. NAT. ZOOL. IX, 2. — ART. N° 4. DESCRIPTION D'UN NOUVEAU TINAMOU DE LA PATAGONIE Par M. EE, OUSTALETN. Dans une des premières collections que M. Lebrun, chargé d’une mission en Patagonie, a fait parvenir au Muséum, se trouvait une femelle de Tina- mou, tuée aux environs de Santa-Cruz, le 18 sctobre 1882. Cet oiseau qui, par la forme de son bec, la disposition de ses narines, le nombre de ses doigts et la structure de ses pattes, appartient au genre Tinamotis, ne peut cependant être rapporté à la seule espèce connue de ce genre, au Tinamotis Pentlandi, à cause de l'aspect de ses tarses, revêtus en avant de trois larges écailles superposées, aussi bien qu'en raison de diverses particülarités du plumage. En effet, chez le Tinamotis Pentlandi, Vig., qui habite la Bolivie et le Pérou et dont le Muséum possède deux individus capturés à La Paz (Boli- vie), par d'Orbigny, en 1834, la tête et la nuque sont rayées de brun sur fond roux, la gorge est d’un blanc sale et les côtés du cou sont ornés de deux raies blanchâtres (quatre en tout), assez mal définies; le corps et le dessous des ailes sont couverts de plumes qui, pour la plupart, sont rayées transversalement ou du moins marquées de taches allongées dans le sens perpendiculaire à l’axe, mais dont la teinte de fond varie suivant les régions. les plumes dorsales étant d’un brun plus ou moins glacé de gris avec des raies transversales d’un fauve rougeâtre, les plumes du croupion et les sus- caudales d’un vert olivätre avec des raies transversales interrompues par des taches latérales jaunâtres, les plumes des côtés de la poitrine et les couvertures des ailes colorées et marquées comme celles du dos, les plumes du sternum blanchâtres, avec des zébrures foncées, celles des flancs d’un roux presque uniforme, les rémiges et les pennes secondaires brunes, avec des raies ondulées d’un fauve rougeûtre. Au contraire, chez le Tinamou de Santa-Cruz, que je proposerai d’appe- ler Tinomotis Ingouf, le sommet de la tête est brun, rayé de blanc et de fauve et la nuque grise, rayée de brun ; les côtés du cou sont ornés de deux raies blanches (quatre en tout) très nettes, quoique striées légèrement de brun ; la gorge est blanche, mouchetée de brun; les plumes du dos et du croupion sont grises, avec un liséré blanc et une tache centrale brune ou rousse, bordée elle-même de jaunäâtre ou de blanc et recoupée par des raies claires, disposées en chevron; les plumes de la poitrine et de l’abdo- men, ainsi que les couvertures alaires offrent une teinte grise plus franche, mais le même dessin que les plumes dorsales, tandis que les rémiges et les pennes secondaires sont d’un roux ardent, ces dernières avec quelques taches brunes. La découverte de cette espèce, que je dédie à M. le lieutenant de vaisseau Ingouf, ancien commandant du Volage, permet de reculer de plus de 10 de- grés vers le sud la limite inférieure de l'aire d'habitat du genre Tinamotis, fixée jusqu'ici au niveau du40° degré. ART. N° 4 MONOGRAPHIE ZOOLOGIQUE ET ANATOMIQUE DU GENRE PROSOPISTOMA, carr. Par M. 4. VAWSSIÈRE Chargé d'un cours complémentaire d’'Auatomie à la Faculté des sciences de Marseille. En faisant connaître en 1880 les métamorphoses de l’es- pèce européenne du genre Prosopistoma, j'annonçais la publication prochaine d’une Monographie complète de ce curieux insecte, monographie que je devais faire en colla- boration avec mon ami M. le D° E. Joly, médecin-major de l'armée. Les exigences du service militaire ayant éloigné de Marseille M. Joly, et l’empèchant de poursuivre ses recher- ches scientifiques, je me trouve obligé de publier seul cette Monographie. À défaut de collaboration, M. Joly a bien voulu me four- nir de nombreux individus frais ou conservés dans l'alcool, me communiquer de précieuses indications sur le genre de vie de ces animaux et me faciliter à diverses reprises les recherches bibliographiques de ce mémoire. Je le prie de recevoir ici tous mes remerciments pour l’extrême obli- geance avec laquelle il à mis loules ces choses à-ma dispo- sition. L'intérêt qui s'attache à ce pelit insecte, pris pendant longtemps pour un crustacé, explique suffisamment qu'il ait donné lieu dans ces dernieres années à la publication de plusieurs mémoires et que l’on puisse cependant entrepren- dre d'en faire une étude complète. ARR INC ON 20 VAYSSIÈRE. En 1882, dans un travail d'ensemble sur l’organisation des larves des Ephéméridés (ou Ephémérines), j'avais bien fait connaîlre quelque peu l'anatomie du Prosopistoma, mais avec la pensée de revenir plus longuement sur ce sujet, comme je le dis en commençant. C’esl ce que je vais faire aujourd’hui en publiant la première partie de la Monogra- phie du genre Prosopistoma, comprenant une étude détaillée de l'individu aquatique ; dans une seconde partie, que je pu- blierai prochainement, je ferai la description des métamor- phoses et de l’organisation de l’imago, et si cela m'est possi- ble, celle de la ponte, de l’éclosion et des premières phases larvaires de ce petit animal. Cet insecte, qui a lout à fait le facies de certains Entomos- tracés, ne s’est présenté à nous qu'à un élat larvaire très avancé, puisque en dehors de tous les attributs de la larve nous avons observé chez tous nos spécimens, quelle que fût leur taille, des fourreaux d’ailes bien développés, mais ne contenant encore aucune trace des organes qui doivent y prendre naissance. On se trouve par suile assez embarrassé et l’on se demande si c'est la dénomination de nymphe ou bien. celle de larve qui convient le mieux ; l’insecte est à un stade plus avancé qu’une larve proprement dite, puisqu'à cet état l'animal ne devrait pas offrir de traces de fourreaux d’ailes, et moins qu'une nymphe, puisque chez celle-ciles deux paires de fourreaux ne devraient pas consister seulement comme chez nos individus en de minces lames chitineuses ne pré- sentant dans leur épaisseur aucune trace des organes qui doivent s’y développer. En 1864,B. Walsh dans son étude sur la nymphe du Bætisca obesa (1) émettait le même doute; tandis que lui employait le terme de rymphe pour désigner l'individu aquatique de celte espèce d'Ephéméridés, le professeur Hagen auquel il avait soumis un exemplaire de cet animal se servait de la (1) The Proceedings of the Entomolagical Society of Philadelphia (août 186%). Traduction française publiée en 1880, par le D' Em. Joly dans le Bulletin de la Société d'études scientifiques d'Angers. GENRE PROSOPISTOMA. 21 dénomination de larve. À cet état le Bæœtisca, comme on peut le voir sur le dessin que nous en donnons figure 9, offre quel- que peu le facies du Prosopistoma, il possède des four- reaux d'ailes recouvrant la majeure partie de son corps. Waish ayant assislé aux métamorphoses de quelques-uns de ses individus et ayant remarqué que les ailes se dévelop- paient sur la carapace, dit assez judicieusement : « C’estune erreur, à mon sens, que de croire que, chez les insectes, le fait de la présence d'ailes rudimentaires est une particularité suffisante pour permettre de distinguer la nymphe delalarve. Plusieurs insectes montrent, bien avant la dernière mue qui doit en faire des nymphes, des ailes rudimentaires. Je crois du reste qu'il en est généralement ainsi chez les Pseu- do-Névroptères, el probablement chez tous les ordres d’in- sectes dontla nympheestactive. » Seulement, ne considérant pas les deux grande plaques chilineuses formant la carapace du Bœtisca, comme les fourreaux des ailes supérieures et croyant que les ailes prennent naissance plus tard, mais non dans des fourreaux, Walsh ajoute : «Et siles considérations que nous venons de développer sont justes, on voit que pour distinguer, dans ces diverses circonstances, la larve à l’état de maturité, de la nymphe, il n’est qu'un moyen : celui de s'assurer que l'animal que l’on incline à considérer comme une nymphe, a subi sa dernière mue avant le moment où il doit passer à l’état de subimago ou d’imago. » Comme il n'est guère possible de suivre ces êtres pas à pas depuis leur éclosion jusqu'au moment de leurs transforma- tions en individu parfait, je crois que l'on peut appliquer la dénomination de #ymphe (plus spécialement dans le cas du Bælisca et du Prosopistoma), aux individus présentant dans l'épaisseur de leur carapace des ailes repliées sur elles-mêmes et déjà bien développées; tandis que tous les stades anté- rieurs seraient regardés comme des stades larvaires, qu'il serail possible de subdiviser en lrois, suivant que les indivi- dus que l’on observerait, offriraient des fourreaux bien déve- loppés mais sans traces apparentes d'ailes, des organes 29 VAYSSIÈRE. respiratoires complètement formés mais non protégés par la carapace, et enfin des organes respiratoires plus où moins rudimentaires. Pendant ces trois périodes l’insecte recevrait : le nom de /arvule avant l'apparition des trachéo-branchies et pendant la formation de celles-ci; de Zarve proprement dite dès que les organes respiratoires aquatiques seraient com- plètement développés; et enfin celui de larve-nymphale pen- dant toute la période, certainement la plus longue, qui s'étend depuis l'apparition des fourreaux jusqu'au moment de la dernière mue de l’insecte, précédant son vérilable stade nymphal. I n’est guère admissible, comme P. Gervais en avail émis l'opinion en 1877 dans ses Z/éments de Zoologie, que, chez les Insectes à métamorphoses incomplètes, l’on doive regar- der ces êtres comme naissant à l’état de nymphe, ne subissant guère comme autre modification que celle d'acquérir des ailes, organes dont ils étaient d’abord privés. Comme nous le verrons dans la deuxième partie de cette Monographie, la phase nymphale proprement dite du Pro- sopistoma est très courte et ne dure guère qu’une quinzaine de jours, landis que celle sous laquelle nous avons toujours trouvé nos individus à toutes les époques de l’année, nous paraît devoir être fort longue, elle à peut-être une durée d’une année et plus. Ce ne sont que des animaux à ce dernier stade que nous allons étudier 1e1, bien qu'il nous arrive assez souvent, dans le cours de notre travail, de désigner indiffé- remment ces êtres sous les dénominations de larve ou de nymphe. BIBLIOGRAPHIE. Geoffroy peut être considéré comme le premier naluralisle ayant parlé du Prosopistoma (1), qu'ila trouvé près de Paris (1) Geoffroy indique cependant trois auteurs ayant déjà signalé l'existence de ce Binocle : Linné dans son Systema Nutur., édit. 10, p. 634, no 2, Mono- culus testa foliacea plana; Frisch, germ. 6, tab. 12; et Lœs. Monoculus cauda foliucea. Les citations de ces trois naturalistes nous paraissent fort dou- teuses. GENRE PROSOPISTOMA. LS et qu'il a pu observer vivant. Dans son Histou'e abrégée des Insectes des environsde Paris (1764), il en donne planche XXI, trois dessins, un de grandeur naturelle et deux grossis. Geoffroy place cet animal qu'il nomme Binocele à queue en plumet, dans la ciasse des Crustacés à côté de l’Apus (Bino- culus cauda bifeta) et de l'Argulus (Binoculus gaslerostei). Sa descriplion qui est courte et assez incomplète ne donne qu'une idée vague de l’animal; ses figures sont meilleures (fig. 3, e, /, 9.) et rendent assez bien l'aspect de cet insecte. Je ferai seulement remarquer que Geoffroy dans le texte de son ouvrage dit que les quatre derniers segments du corps for- mant « la queue se terminent par deux appendices barbus comme des plumes que l’insecte étale en courant dans l’eau », tandis que dans ses figures il représente non pas deux, mais quatre de ces appendices. A. F. de Fourcroy dans son Æntomologia pariensis (1785), sorte de catalogue des Insectes des environs de Paris, se contente p. 539 de signaler l'espèce décrite par Geoffroy avec la courte diagnose latine donnée par ce naturaliste (1). Comme son prédécesseur 1! place l'animal entre l’Apus et l’Argulus. Latreille en 1802 dans son Histoire Naturelle des Crustacés el des Insectes (tome IV, p. 119-122) dit que des trois espèces de Binocle décrites par Geoffroy, le Binocle à queue en plumetest la seule qui par ses caractères doive rester dansce genre, el 1l place celui-ci entre le genre Calige et le genre Ozole (Argulus). En décrivant d’après Geoffroy les caractères génériques, Latreille émet l'opinion que le test est d’uneseule pièce, les divisions ne devant qu'être apparentes. Il change la dénomi- nalion spécifique de B. foliaceus de Fourcroy en celle de Z. pennigerus de Muller; et à propos de Ia synonymie indiquée par Geoffroy il pense que le synonyme de Linné appartient (1) B. foliaceus. Le Binocle à queue en plumet. Long. 2 lig., larg. 2 1/2 lig. B. hæmisphæricus, cauda foliacea, capitis puncto triplici fusco. Loc. habitat rivulos. 24 VAYSSIÈRE. au Calige poisson, que la figure de Frisch(t. VI, pl. XI) est trop mauvaise et se rapporterait à l’Ozole, enfin que la déno- mination de Muller, Limulus pennigerus (Entom., p. 127, n° 62, vers 1800), est la seule que l’on doive accepter.Il termine en disant que cet animal n’a plus été revu depuis Geoffroy. Duméril a donné en 1816 un petit article sur le genre Binocle dans le Dictionnaire des Sciences Naturelles, publié par plusieurs professeurs du Jardin du Roi, sous la direction de Fr. Cuvier. (Edition Lenormant, 1816-1830.) Dans cet article (tome IV) il donne brièvement les carac- ières de ce genre, puis il fait remarquer comme Latreille que les trois espèces décrites par Geoffroy sont maintenant rangées dans {rois genres distincts : 1° le B. à queue en filet estle Phyllopode apus; 2° le B. à queue en plumet est ce- lui qui va être décrit; et 3° le B. du gastéroste fait partie du genre Ozole de Latreille. Revenant ensuite au Binocle vrai, Duméril dit qu'on n’en connaît qu'une seule espèce aux environs de Paris, qu'il nomme Binocle pisciforme (PB. piscinus) au lieu de lui con- server la dénomination spécifique de Foureroy ou celle de Muller (d'après Latreille). Il termine en disant : « Cette es- pèce se trouve assez communément l'été dans les mares qui se forment après de grandes pluies sur les terres argileuses. Nous l'avons trouvé plusieurs fois au bois de Boulogne, près de la mare du château de la Muelte. » D'après ces dernières lignes nous croyons que Duméril a fait l’article d’après les renseignements donnés par Geof- froy, et qu'il n'a pas cherché à bien déterminer les individus trouvés dans les mares, en grande quantité, pendant lété, individus qui d’après la leinte indiquée par ce naturaliste, nous paraissent être des Apus. En 1830, Bosc et Desmaret dans leur Histoire Naturelle des Crustacés (édition Roret, tome IF, p. 219) signalent bien, dans le paragraphe LXX consacré à l'Argule, le Binocle à queue en plumet. Ils en font une courte description sans l’'admetlre comme une espèce distincte attendu que cet GENRE PROSOPISTOMA. 25 animal n’a pas élé revu depuis Geoffroy et que son existence leur paraîil douteuse. Ce n’est qu'en 1833 que le genre Prosopistoma fut créé par Latreille, non pas pour le Binoculus foliaceus de Geoffroy qu'il n’a pas rencontré aux environs de Paris et dont il n’a peut-être jamais eu d'échantillons, mais pour quelques in- sectes envoyés de Madagascar par un naturaliste voyageur, M. Goudot jeune. Latreille place ses Prosopistoma dans la classe des Crus- tacés, parmi les Branchiopodes, il les éloigne des Apus et des Argulus, et insiste sur ce que ce nouveau genre de Crus- tacé est celui qui se rapproche le plus des Insectes. Il met également le Binoculus fohiaceus de Geoffroy dans le genre Prosopistoma mais en le désignant sous le nom spécifique de punchfrons; el pour la description de l'aspect général de l'espèce de Madagascar qu'il nomme P. variegatum, 1 ren- voie Le lecteur aux figures données par Geoffroy. Il est regrettable qu'il n’ait pas fait accompagner son tra- vail de quelques figures de facies et de détails, car si nous faisons abstraction de l'erreur commise par ce grand natu- raliste en mettant dans la classe des Crustacés son genre Prosopistoma, nous constaterons que ses descriptions, sur- tout celle des téguments céphaliques, sont assez exactes. Latreille signale l'existence des deux antennes, des deux yeux composés et des trois ocelles. Il décrit avec soin Îa grande lèvre inférieure de ces êtres, cette grande lame qui cache la bouche; c’est en se basant sur la présence de cette lame, sorte de masque, qu'il imagine sa dénomination de Prosopistoma (xocwrtov, petit masque et croux, bouche). En soulevant cette lame il a pu constater la présence, au-dessous du labre ou bord antérieur du tégument céphalique, de deux paires d'organes maxillaires qu'il décrit rapidement. Au sujet du dernier segment et des soies caudales, il dit : « Dans la figure qu'a donnée Geoffroy de son Binocle à queue en plumet ce segment est accompagné de quatre petits filets barbus qui composent ce qu’il appelle le plumet; 26 VAYSSIÈRE. tous les individus de l'espèce de Madagascar qui ont été l'objet de nos recherches en étaient dépourvus. Cependant, au témoignage de M. Audouin, ils existent, mais relirés dans cette partie du corps. Il est probable que ces organes ser- vent à la natation et à la respiration. » Latreille est moins heureux dans certains rapproche- ments qu'il établit entre la lame ou lèvre inférieure du Prosopistoma et les pattes branchiales des Limules. En 1842 Guérin-Méneville dans sa Aevue de Zoolome publie une Note sur quelques Prosopistoma punctifrons trouvés à la fin de juin aux environs de Paris par M. Mon- tandon, dans la Seine, près de Chatou, sous une pierre. Les quelques renseignements sur l'animal indiquent que c’est bien cette espèce qui a été rencontrée par cet amateur. Environ deux ans après, Guérin-Méneville donne dans son Iconographie du règne anunal, page 40, pl XXXV, fig. 4, une figure noire du Prosopistoma variegatum de Madagascar, vu par la face dorsale, les pattes repliées sous l'animal, dessin établi d’après un des individus reçus par Latreille. Toute la surface du corps est représentée ponctuée ; à la région caudale, cet individu possède quatre soies comme Geoffroy et Audouin l'avaient inexactement signalé. Cette région du corps montre sur cetle figure cinq segments distincts, tandis qu'il n’en existe que quatre en réalité. Il est probable que Guérin-Méneville pour établir sa figure ne s’est pas contenté d'observer l'individu (ou les individus) desséché de Madagascar qu'il a eu à sa disposi- tion, mais qu’il aura voulu compléter son dessin avec l’aide de la figure de Geoffroy. H. Milne-Edwards en 1840 dans son Histoire Naturelle des Crustacés (suites à Buffon), tome HI, p. 552-553, signale dans un appendice placé après la sous-classe des Xiphosures, le genre Prosopistoma de Latreille qu’il a omis à dessein dans le reste de l'ouvrage, vu le peu que l’on connaît sur ce Crustacé qui a beaucoup de ressemblance avec un Coléoptère par sa carapace et par la forme et le nombre de ses pattes. GENRE PROSOPISTOMA. 27 Après avoir dit qu'il en a été trouvé une espèce par Geoffroy, décrite sous le nom de Binocle à queue en plumet, et avoir donné la diagnose générique de Latreille, il ajoute que d’après un individu desséché que lui à communiqué Audouin, il croît que ce n’est pas un Crustacé de la division des Crustacés maxillés comme le dit Latreille, mais qu'il appartient plutôt à celle des Crustacés suceurs, ou bien en- core que le Prosopistoma n’est qu'une larve de quelque Crustacé. M. Lucas en 1847 et en 1869 dans les deux éditions du Dictionnaire Universel d'Histoire Naturelle de d'Orbigny reproduit à l’article Prosopistoma, en les abrégeant beau- coup, les indications de Latreille et de Milne-Edwards. En terminant 1l dit que l’organisation buccale de ce Crustacé étant inconnue, il serait impossible pour cette raison de lui assigner une place bien précise. M. Lucas, au commence- ment de l’article, donne du mot Prosopistoma une étymo- logie différente de celle de Latreille (roocorx, face et roun, section); nous croyons qu'il est préférable de s’en tenir à celle de Latreille (rsocwrtov, petit masque et oroux, bouche). C'est vers cette dernière époque que s'ouvre pour l'étude du Prosopistoma une ère nouvelle. M. le D° Em. Joly en recherchant des larves d'Éphémères dans la Garonne, à Toulouse, découvre en septembre 1868 quelques Prosopis- toma (1); intrigué par la forme bizarre de ce petit animal, 1l le délermine, puis cherche à bien établir sa posilion systé- malique. Aidé dans cetle tâche par son père, feu le profes- seur N. Joly, Correspondant de l’Institut, il publie soit seul (2), soit en collaboration avec lui, une série de Notes et de Mémoires sur cet animal. | De tous ces travaux nous ne nous occuperons ici que de (1) Contributions pour servir à l'Histoire naturelle des Éphémérines; travail inséré dans le Bulletin de la Société d'Histoire naturelle de Toulouse, t. IV, p. 142, 1870. (2) Revue des sociétés savantes, t. V de la deuxième série, 1870, p. 4-6. « Sur le prétendu crustacé dont Latreille à fait le genre Prosopistome ». 28 VAYSSIÈRE. deux d’entre eux résumant les autres, et publiés l’un en 1872, l’autre en 1875. Dans le premier, paru dans les Annales des Sciences Naturelles, 5° série, tome 16, MM. Joly établissent d’une manière irréfutable que le Prosopistoma est bien un in- secte. À la fin de leur mémoire ils émettent l'opinion que très probablement c’est dans la tribu des Éphémérines que cet animal doit êlre placé. Une planche donnant quelques détails sur l'organisation de cetinsecteaccompagne ce travail. Le second mémoire publié dans le tome IV (1875) de la Revue des Sciences Naturelles de Montpellier (p. 27 à 40 et pl. Il), cherche à établir, comme l'indique son titre (1) que le Prosopistoma appartient bien à la tribu ou famille des Éphémères. Dans ce mémoire, Messieurs Joly, après être revenus rapidement sur l’organisation de l’animal et avoir donné la traduction d’un travail de Mac-Lachlan sur lOnis- cigaster (2), montrent les analogies qui existent entre le Prosopistoma, l'Oniscigaster, le Cœnis et le Bœtisca. De 1872 à 1877 deux naturalistes anglais, MM. Mac- Lachlan et J.-0. Westwood, publièrent diverses notes sur ces insectes. Tout d’abord ils refusèrent de les consi- dérer comme devant faire parlie de la famille des Éphémé- rines (Proceedings of 1he Entomological Society of London, 19 février 1872); mais bientôt, ayant recu des spécimens du Pr. punctifrons de Toulouse et du Pr. variegatum de Madagascar, ils purent se convaincre du bien fondé de l'asserlion de MM. Joly. M. Westwood fit paraître en 1877, dans les Zrans. of the Entomological Society of London, un petit travail, accom- pagné de deux planches, sur le genre Prosopistoma : « Notes of the genus Prosopistoma of Latreille ». Il ne donne presque que des figures se rapportant au Pr. punctifrons, figures em- (1) Nouvelles recherches tendant à établir que le prétendu crustacé décrit par Latreille sous le nom de Prosopistoma est un véritable insecte de la tribu des Éphémérines. (2) Entomologist’s Monthly Magazine, n° 113, p. 108, octobre 1873. GENRE PROSOPISTOMA. . 29 pruntées au mémoire publié par MM. Joly dans les Annales des Sc. Natur. en 1872; puis quatre dessins du Pr. variega- tum de Madagascar. Dans ce travail à propos de celte dernière espèce, dont 1l n’a eu que 2 ou 3 individus provenant des coilections du Muséum de Paris, il nie l'existence des soies, qu'il lui à été impossible de découvrir ; comme nous le prou- verons plus loin, l'espèce malgache est pourvue de trois soies barbelées tout à fait semblables à celles du Pr. punctifrons. Ce n’est qu’à la fin de 1877 que j'ai eu l'occasion de voir ces insectes. M. le D' Joly pendant un court séjour à Tou- louse avait pu ramasser un certain nombre d'individus qu'il rapportait bien vivants à Marseille. Il me proposa d'étudier de concert avec lui l’organisalion et les mœurs de cet animal, offre que j'acceptai avec plaisir. M'étant chargé de toute la partie anatomique, je me mis aussitôt à l’ouvrage et vers le mois de juillet 1878, nous pûmes résumer dans une Note à lInstilut (1) les résultats anatomiques que nous avions obtenus. Notre animal était bien un typed'Éphémérine dontles lames trachéo-branchiales étaient complètement cachées dans une cavilé formée par le prolongement des téguments pro et mésothoraciques, et aussi des fourreaux des ailes supérieures pour constiluer une chambre respiratoire tout à fait close, analogue à celle que l’on trouve chez un type américain, le Bætisca obesa. Jusqu'à cette époque on ne connaissait que l’élat larvaire du Prosopistoma et l’on se trouvait quelque peu en droit de se demander, comme nous le disions dans notre Note à l’Ins- titut, si ce type d'Éphémérine ne demeurait pas loujours un insecte aqualique se reproduisant à cet état. Au mois de juin 1880 (2), parmi une douzaine d'individus que j'avais pris dans le Rhône, à Avignon, au commence- ment d'avril de la même année et que je tenais en captivité depuis lors dans un petit cristallisoir, je fus assez heureux (1) E. Joly et A. Vayssière : Sur le Prosopistoma punctifrons. Comptes ren- dus de l’Académie des sciences, t. LXXX VII, p. 263-265. (2) Comptes rendus de l'Acad. des sciences, t. XC, p. 1370-1371. 30 VAWYSSIÈRE. de constater la métamorphose en subimago de deux d’entre eux. Ces individus, tous deux femelles, moururent avant d’avoir pu se transformer en imago. Dans un mémoire inséré dans les Annales des Sciences naturelles (1), 6° série, tome XI (1881), je fis la description de cette forme, en regreltant de ne pouvoir rien dire sur le mâle et sur la ponte, lacunes que j'espère combler dans la 2° partie de cette Monographie. Deuxans après, dans un travail d'ensemble sur l’organisa- lion des larves des Éphémérines (2), plus spécialement sur la disposition et la forme de leur appareil respiratoire, je fis connaître quelque peu l’organisation de la larve du Prosopistoma punctifrons, particulièrement la structure de ses {rachéo-branchies ; réservant la description détaillée de toute l'anatomie pour la Monographie de ce type que nous comptions toujours publier M. Joly et moi. Malheureuse- ment, comme je l'ai dit en commençant, absorbé par ses fonctions de médecin militaire et empêché par notre éloi- gnement, le D' Joly à renoncé à cette collaboration et je me vois obligé de publier seul ce mémoire qui devait être en principe l’œuvre de deux. Depuis 1882, je n'ai à signaler que la publication d'un grand travail zoologique sur la famille des Éphéméridés, du Rév. À. E. Eaton (A. Remsional Monograph of the Recent Epheme- ride or Mayflies ; Part. Là VI, 1883-1888). Ce mémoire a paru dans les Transactions of the Linnean Society of London. Dans cet ouvrage M. Eaton fait, p. 149 à 152 (PL. 43), la description de la subimago du Prosopistoma punctifrons et des larves des deux espèces, d’après l’ensemble des derniers travaux publiés sur ces imsectes el aussi d’après quelques spécimens des larves du Pr. punctifrons qu'il a eu en sa possession. (1) Une traduction en anglais de ce mémoire a été publiée in extenso dans An Magazine of Natural History, vol. VIII 5° série, 1881, p. 73-85, (2) A. Vayssière : Recherches sur l’organisation des larves des Éphémé- rines (Ann. des se. natur., 6° série, t. XIIT, p. 1 à 137 avec 11 planches, 1882), GENRE PROSOPISTOMA, 31 A propos de cette dernière espèce qui, en 1833, avait reçu de Latreille la dénomination spécifique de punclifrons, M. Eaton lui rend le nom de /oliaceum que Fourcroy lui avait imposé en 1785. La priorité en faveur de la dénomina- tion spécifique donnée par Fourcrovy avait été déjà réclamée en 1882 par M. Lucas, dans une séance de la Société ento- mologique de France (Bulletin des séances, 24 mai 1882). Par l’ensemble des caractères tirés soit de l’état adulte, soit de l’état larvaire, ilest indiscutable que le Prosopistoma est bien un insecte appartenant à l’ordre des Orthoptères Pseudo-Névroptères. Ce genre doit être placé dans la fa- mille des Éphéméridés, à côté des genres Cænis et Betisca, avec lesquels 1l offre de nombreux points de ressemblance. DIAGNOSES. On ne peut pas encore donner de diagnoses tout à fait complètes de ces Insectes, attendu que l’état parfait du mâle du Prosopistoma foliaceum est encore inconnu et que lespèce de Madagascar ne nous est parvenu qu'à l'état larvaire (1); 1l convient cependant d'établir des diagnoses provisoires d’a- près ce que l’on sait de ces êlres, comme l’a déjà fait M. Ealon dans son grand ouvrage des Éphéméridés. Cenre Prosopistoma, Latreille, 1832. SYNONYMES : Binocle, Geoffroy, 176%. Limulus, Muller (1800?) cité par Latreille en 1802. Chelysentomon, Em. Joly, 1870. Subimago : Ephémère munie de quatre ailes à nervures longitudinales abondantes mais sans nervures transversales. Antennes composées chacune de deux articles basilaires (4) Chez trois individus de Pr. variegatum que je viens de recevoir (22 décembre 1889), on peut observer assèz bien par transparence à travers les fourreaux des ailes la nervation de celles-ci; cette nervation est tout à fait semblable à celle des ailes des Pr. foliaceum femelles que j'ai figurée dans cette Revue en 1881 (t. XI). 39 VAYSSIÈRE. si inégaux, surmontés d’un court flagellum ; ocelles postérieurs proporlionnellement plus petits que dans les Cœnis. Abdo- men {rès large du 2° au 5° segment, le 6° dont la largeur est moindre. est deux fois plus long que les précédents ; les parties latérales des segments 7, 8 el 9 sont prolongées en pointe faible. Lobe ventral du 9° segment entier et lronqué- arrondi, il sert de point d'appui et aussi d’abri au dernier segment. Soies caudales courtes (environ 1/8 de la longueur totale du corps). Quatre paires de stigmates sur les parties latérales des 3°, 4°, 5° el 6° anneaux. La membrane récurrente des ailes antérieures ne s'étend pas au delà de la pointe du scutellum. Pattes composées chacune d’une hanche, d'un trochanter, d'un fémur, d’un tibia et d'un seul article tarsien terminé par un onglet ; les trois ou quatre derniers articles sont plus ou moins atrophiés el contournés en spirale. Les pattes ont environ, celle de la première paire 1/5 de la longueur du corps, et celles des deux autres paires 1/4 de celte même longueur. Subimago mâle et imago des deux sexes inconnus. Larve- Nymphale : Corps ovale fortement bombé en dessus, aplali en dessous ; la forme de bouclier de la face dorsale est incomplète, car la carapace en avant et en arrière est incisée suivant deux surfaces concaves allant s'adapter très exactement avec les surfaces arliculaires convexes de la tête et du 7° anneau de l'abdomen. Sur toute la longueur de la ligne médiane de celte sorle de carapace nous avons une suture {oujours très visible. Le plastron est de même tronqué en avant et en arrière, il est légèrement enfoncé par rapport au sternum et se trouve traversé par des sillons peu profonds et un peu diver- geants destinés à loger les pattes pendant l'adhésion de l'animal et pendant la natation. Les sutures ou lignes de soudure entre le pro et le mésos- ternum, et entre le méso et le métaslernum sont plus ou GENRE PROSOPISTOMA. 33 moins visibles suivant les individus. Le sternum se termine par une pointe aiguë, assez près du bord postérieur du plastron, vers le milieu du 4° segment de l'abdomen. Sous la moilié postérieure de la carapace, nous avons une chambre respiratoire close, ne communiquant avec l’exté- rieur que par trois orifices ; deux ventraux de forme ovale, situés sur les côlés des 3°et 4° segments abdominaux, et ser- vant d'entrée à l’eau ; et un dorsal médian, placé à l’extré- mité de la carapace, par lequel sort l'eau. Dans celte cham- bre respiratoire nous trouvons en dessous des fourreaux des ailes inférieures, six paires de lames (rachéo-branchiales insérées sur les côtés de la face dorsale des segments ab- dominaux 1 à 6. Têle aplatie en dessous, arquée en avant et en dessus. Labre petit ; lèvre inférieure constituée seulement par une grande plaque oblongue, présentant en avant dans une échancrure médiane une pelite plaque tronquée interne. Ces deux organes (labre et lèvre inférieure), cachent une paire de mandibules dépourvues de molelte et une paire de mâ- choires assez faibles. Antennes courtes composées chacune de six articles iné- gaux, le 3° à partir de la base est deux fois plus long que les autres. Deux yeux composés peu volumineux, placés sur les parlies lalérales de l’épicrâne ainsi que les deux ocelles pos- térieurs; l’ocelle médian est situé sur le clypeus, un peu en arrière des antennes. La région caudale est consliluée par quatre anneaux (7 à 10) mobiles ; le dernier, formé à sa face dorsale par une lame un peu trapézoïde el bombée, à sa face ventrale par deux lames placées latéralement mais côte à côte, est des- tiné à servir d'abri aux soies caudales qui peuvent rentrer complètement dans son intérieur. Ce dixième anneau peut à son tour se loger en entier dans une vasle excavalion que le neuvième segment, beaucoup plus volumineux que les précédents, offre à sa face dorsale. Les soies, au nombre de trois, sont longuement barbelées ANN. SC. NAT. ZOOL. DE —VART NID 34 VAYSSIÈRE. sur leurs côtés et ont près de 1/6 de la longueur totale du Corps. Prosopistoma foliaceum. Fourcroy. Synonvues : Binocle à queue en plumet, Geoffroy, 1764. Binoculus foliaceus, Fourcroy, 1785. — pennigerus, Muller (d’après Latreille, 1802). — pisciformis, Duméril, 1816. Prosopistoma punctifrons, Latreille, 1833; E. et N. Joly, 1872 et 15; et A. Vayssière, 1881 et 1882. Subimago® .— Ailes d’un gris de fer surtout les antérieures. Corps rouge, brun plus foncé dessus que dessous, pâle vers les insertions des pattes ; ces dernières sont aussi d’une teinte brune mais très claire ainsi que les antennes. Longueur totale du corps environ 4 millimètres, sur 1 millimètre deux dixièmes de largeur maximum au milieu du thorax ; longueur des ailes antérieures près de 5 millimè- tres et des soies caudales 1/2 millimètre. Larve-Nymphale. — Munie d'une carapace dont la largeur maximum est près d'un quart plus considérable que la lon- gueur de la ligne suturale dorso-médiane. Lames trachéo- branchiales de la première paire triangulaires avec bord interne profondément digité ; lames de la deuxième paire quadrangulaires et entiers ; lames des 3°, 4° el 5° paires oblongues, offrant sur toute l'étendue de leur côté interne de nombreuses digitations très profondes; lames de la 6° paire, très-petites, oblongues, à bords entiers. Longueur totale de l'animal complètement rétracté de 4 à 5 millimètres. Habite plusieurs cours d’eau de l’Europe occidentale (France, Allemagne et Autriche). Prosopistoma variegatum, Latreille, 1833. Etats adultes inconnus. Larve-nymphale. — Possédant une carapace dont la lar- geur maximum est d'un septième un peu plus considérable GENRE PROSOPISTOMA. 3) que la longueur de la suture dorso-médiane; la région cau- dale est proportionnellement plus courte chez le Pr. folia- ceum. Longueur totale de l'animal rétraeté de 7 à 9 millimètres. Habite les cours d’eau de Madagascar (1). Par suite de cette largeur moindre de la carapace, les au- tres segments ayant à peu près les mêmes dimensions que dans l’espèce précédente, la nymphe du: Pr. variegatum possède une forme un peu plus allongée, plus elliptique que celle des individus du Pr. foliaceum. Dans le cours de notre mémoire nous aurons à signaler quelques particularités de l'espèce de Madagascar, particu- larilés que nous avons pu étudier sur la moitié postérieure d’un des individus de Latreille que M. le professeur Em. Blanchard a bien voulu mettre à notre disposition, et que nous avons examinées avec plus de soin sur les individus envoyés par M. Sikora. MŒURS. Nous ne pouvons décrire que les mœurs de l’état aqua- tique de l'espèce européenne ; les voyageurs qui ont envoyé quelques individus du Pr. variegatum n’ont donné aucune indication sur celles de l’espèce malgache. Il est très pro- bable qu’il ne doit exister aucune différence dans la manière de vivre des deux espèces et que tout ce que nous dirons sur l’une, pourra également s'appliquer à l’autre. Le Prosopistoma foliaceum à toujours été pris dans de grands cours d’eau, à courant plus ou moins rapide, et jamais dans des mares d’eau comme C. Duméril l’a avancé (1) Les trois individus que je viens de recevoir ont été pris en novem- bre 1889 par M. Fr. Sikora, naturaliste autrichien, dans de petits affluents du Mangoro, situés près du village d'Ambodinangano, au sud-est de Tana- narive, à plus d’une cinquantaine de kilomètres de cette ville. Qu'il me soit permis de remercier ici ce naturaliste, ainsi que M. Daumas, résident français à Tananarive, pour l’extrème obligeance que ces messieurs ont mis à rechercher et à me faire parvenir ces insectes. 30 VAYSSIÈRE. en 1816 dans son article du Diclionnaire des sciences natu- relles publié sous la direction de Fréd. Cuvier. Les individus trouvés dans la Seine ont été pris, au-dessus de Paris, par Geoffroy; par Montandon, près de Chatou ; enfin par M. Lucas, en août 1856, entre Epône et Mantes, au Bas-Meudon et au Point-du-Jour. Dans la Garonne, à Toulouse, un grand nombre de ces insectes ont été capturés à différentes époques par M. Em. Joly, près de l’île des Grands-Ramiers et au pont d'Empalot. En 1878, j'ai cons- talé leur présence dans le Rhône, à Avignon; je les ai trouvés toujours en petit nombre, soit du côlé d'Avignon, dans le Pelit-Rhône, soit du côté du département du Gard, dans le Grand-Rhône. Le D’ Noll, d’après le professeur Leydig, a signalé leur présence dans le Rhin à Saint-Goar, entre Coblentz et Mayence. D’après MM. E. Blanchard et E. Joly, Purkinje en aurait pris dans la Moldau en Bohème. On voit que l'aire géographique du Pros. foliaceum est assez étendue ; il est fort probable que l’on en trouvera dans d’autres fleuves ou rivières de la France et de l’Europe, sauf peut-être dans ceux de l’Angleterre, où les patientes recher- ches du Rév. Ealon auraient certainement amené la décou- verte de quelques individus si ces insectes habilaient réelle- ment quelqu'un des cours d’eau de ce pays. C’est sous les cailloux (pelits ou gros) ou sous des blocs de rocher à surface unie que se trouvent les Prosopistoma; ils vivent avee un grand nombre d'autres larves d'Ephéméridés (Cloéopsis, Heplagénia, Cœnis), ou des larves de Perlaridés, et aussi avec quelques petits Crustacés Amphipodes (Gam- marus pulex), avec des Planaires et des Hirudinées. Il est toutefois assez rare de trouver ces insectes sur les pierres. où habilent en grand nombre des Amphipodes, des Pla- naires et des Hirudinées. Les Prosopsistoma paraissent fuir les premiers, à cause de leurs mouvements brusques qui peuvent leur être funestes, et les aulres animaux à cause du mucus dont ils recouvrent plus ou moins les surfaces GENRE PROSOPISTOMA. aÿl qu'ils ont parcourues, mucus qui gêne leurs mouvements. C'est done en société avec les larves des insectes signalés ci-dessus, particulièrement avec les plus petites larves qu'ils viven£. La profondeur à laquelle on les trouve peut varier assez; d'ordinaire c’est contre des pierres placées à 1 ou 2 déci- mèlres de profondeur dans l’eau que nous les prenions, mais nous en avons rencontré sur des pierres ramassées presque à la surface de l’eau elaussisur d’autres relevées de plus d’un mètre de profondeur. Danstous les cas quelle que soit la pro- fondeur à laquelle on prend les pierres, pour avoir quelque chance de trouver des Prosopistoma, il faut avoir le soin, dès que l’on a touché une pierre que l’on veut examiner, de la retirer très rapidement de l’eau et autant que possible en lui conservant la position qu’elle avait dans ce milieu pour ne pas effrayer les larves par ce mouvement et ne pas leur lais- ser le temps de s'enfuir. Une fois retirée de l’eau, on retourne la pierre et on exa- mine toute sa surface, surtout la face inférieure, avec beau- coup de soin ; on peut se servir avec avantage d’une loupe à main grossissant de trois à quatre fois pour faciliter les recherches. Après un premier examen un peu rapide, il est bon de jeter quelques goutles d’eau sur la surface de la pierre ; l'arrivée de celte eau encourage toujours les individus qui ont échappé à l'examen précédent, à remuer el à chercher à s'enfuir. Pour les prendre il convient d'employer un pinceau et de se servir aussi d'une pointe ou mieux d'une lame pointue pour détacher l'animal de la surface de la pierre sur laquelle il adhère assez fortement. Placés dansun petit réservoir d’eau, ces insectes nagent très rapidement et cherchent aussitôt à se réfugier sous un corps quelconque à l'abri duquel ils puis- sent se metlre. En caplivilé nous avons remarqué que pendant la journée nos Prosopistoma demeuraient presque constamment cachés 38 VAYSSIÈRE. sous les pierres que nous leur avions mises ; ce n’est qu'à la tombée de la nuit que ces animaux commençaient à se mouvoir dans l'eau. Nous ne pouvons pas dire cependant que nous ayons affaire à des larves complètement nocturnes, car si l’on place le cristallisoir dans un demi-jour, on les voit quitter leurs retraites et s’agiter dans l’eau; ce sont plutôt des larves lucifuges, recherchant une demi-obseurilé. On peut s’en convaincre en faisant tomber brusquement un rayon de lumière quelconque sur leur aquarium : toutes se réfugieront aussitôt sous leurs pierres. Nous avons vainement cherché à déterminer les êtres aquatiques, animaux ou végétaux, formant la base de leur alimentalion; jamais nous n'avons vu nos Prosopistoma poursuivre de jeunes larves d'Ephéméridés, ou de petits Entomostracés (Copépodes et Ostracodes). Leur appareil masticateur peu résistant leur permettrait difficilement de capturer et de broyer ces petils animaux. Nous avons au contraire remarqué très souvent que dans leurs pérégri- nations à la surface des pierres ou contre celle des parois de l'aquarium, les Prosopistoma abaissaient fréquemment leur grande lèvre inférieure et qu'ils raclaient ces surfaces avec leurs machoires et leurs mandibules, puis refermaient brusquement leur bouche en relevant leur lèvre. Il est pro- bable qu'ils prennent de cette manière les Infusoires divers, surtout les Vorticellidés fixés en ces points, et aussi les débris organiques animaux ou végétaux qui s’y trouvent en abondance. Lorsque ces larves sont fixées contre une pierre, elles ont toujours leurs paltes ramenées sous elles el les trois soies caudales rentrées dans l’intérieur de leur abdomen ; tous les segments de leur corps sont aussi très rapprochés les uns des autres, ne laissant pas d'intervalle entre eux. C'est grâce à celte disposition, jointe à un relèvement de toule la face inférieure ou plastron, que ces insectes peuvent transformer tout leur corps en une sorte de ventouse qui adhère forle- ment à la surface des pierres. GENRE PROSOPISTOMA. 39 Pour nager, le Prosopistoma se sert surtout des trois soies longuement barbelées qui Lerminent l'extrémité de son corps et qu'il dispose en éventail; il donne avec cette espèce de queue de vigoureux coups dans l’eau. Sa tête, qui est assez mobile, me paraît lui servir de gouvernail, car suivant qu'il la baisse ou qu'il la relève il descend ou monte dans l’eau. Pendant tout Le temps qu'il nage le Prosopistoma a ses pattes ramenées sous son Corps. Sans nager aussi rapidement que les larves de la C/oéopsis diptera, on peut cependant ranger celles du Prosopistoma parmi les larves les plus agiles. Ces êtres doivent avoir un assez grand nombre d’ennemis, contre lesquels ils ne peuvent se défendre que par la fuite ou bien en demeurant immobiles contre la surface d’une pierre ; leur carapace peut jusqu’à un certain point les pro- téger conire plusieurs d’entre eux. Parmi leurs plus dan- gereux ennemis nous devons citer les larves des Perlaridés ; ces larves, toutes très carnassières, poursuivent avec achar- nement la plupart des Ephéméridés. Citons également les diverses espèces d’'Hirudinées, de Planaires et probablement aussi de Mollusques Gastéropodes (Limnea, Neritina..……..). Pour conserver longtemps des Prosopistoma en captivité, il faut les mettre dans un cristallisoir ou un réservoir quel- conque contenant de l’eau bien limpide ; on doit avoir le soin de renouveler cette eau au moins une fois toutes les vingt- quatre heures, ou bien de faire passer dans son intérieur un pelit courant d'air continu. Si l’on pouvait élablir un renou- vellement continuel de l’eau, cela ne vaudrait que mieux pour la conservation de ces êlres. Chaque fois que je leur changeais l’eau, ces insectes s’agi- taient pendant un certain temps, manifestant par leurs mou- vements rapides le bien-être qu'ils ressentaient à se trouver dans de l’eau fraiche. Il ne faut pas oublier aussi de mettre dans leur réservoir quelques pierres, débris de roches calcaires, offrant de nom- breuses anfractuosités, pour permettre à ces pelits animaux de A0 VAYSSIÈRE. pouvoir se réfugier à l'abri de la lumière pendant la journée. Lorsque l’on renouvelle l’eau du réservoir, on doitse rendre compte que tous les individus de Prosopistoma sont bien. vivants, car dès que l’un d'eux vient à mourir, son corps ne tarde pas à se couvrir de digitalions d’une espèce de Sapro- légniée identique à celle qui prend naissance sur le corps des Mouches mortes et ayant séjourné quelques jours dans l'eau; j'ai même observé à plusieurs reprises des individus assez vigoureux sur le corps desquels se présentaient ces di- gitations. Dans ce cas il est bon d'isoler l'animal atleint, même de le brosser légèrement avec un pinceau sur toute la surface de son corps et de renouveler souvent son eau si l’on veut le conserver pendant quelque temps. En prenant tous ces soins 1l m'a élé possible de garder en captivité un certain nombre de Prosopistoma pendant plu- sieurs mois, Ce qui à beaucoup facilité mon (ravail en me permeltant d’avoir toujours à ma disposition des individus frais pour les recherches anatomiques. Avant de commencer l'étude de l’organisation de l’état larvaire-nymphal du Prosopistoma, qu'il me soit permis d’ex- primer le regret de ne pouvoir rien dire sur la structure de la jeunelarve {larvule) au moment de sa sortie de l'œuf, et de n'avoir pu observer le développement des organes trachéo- branchiaux de cette espèce d'Ephéméridé, comme il nous a été possible de le faire pour une aulre espèce, l'Heptagénia longicauda, développement que j'ai décrit et dout j'ai figuré les principaux stades dans mon travail publié en 1882 dans cette même Revue, « Sur l’organisation des larves des Ephé- méridés ». Il serait intéressant de savoir si les larvules possèdent, à leur sortie de l'œuf, cetle carapace bombée dont les deux tiers poslérieurs doivent servir de fourreaux pour les ailes supérieures; il est fort probable que cette carapace ne se développe qu’un peu plus tard, au fur et à mesure que les GENRE PROSOPISTOMA. A1 trachéo-branchies se forment, et à la suite des premières mues. Les mues doivent être assez fréquentes chez ces êtres pendant leur état aquatique, car leurs léguments sont peu susceptibles de s’élargir par eux-mêmes; nous avons pu conslaler ce phénomène chez plusieurs de nos individus. L'insecle sort de son enveloppe chilineuse par la suture mé- diane de la face dorsale qui se dijoint, ainsi que par les su- lures qui réunissent le clypeus aux deux porlions de lPépi- crâne; la têle se dégage la première, puis les pattes et la région moyenne du corps, enfin en dernier lieu la région caudale. Les nouveaux téguments de l'animal, immédiate- ment après la mue, sont d'un jaune très pâle légèrement rosé, TÉGUMENTS. Le corps de l’animal peut se diviser en {rois régions bien distinctes : une antérieure, région céphalique; une moyenne, région thoraco-abdominale; el une postérieure, région caudale. Ces diverses parties du corps sont protégées par des tégu- ments très résistants, que l’on croyait autrefois être de nature calcaire, mais qui sont bien chitineux comme chez tous les Insectes. Sous un faible grossissement l'enveloppe chitineuse du Prosopistoma parait être lisse, mais examinée avec un ob- jeclif grossissant de 4 à 500 fois, on constate un aspect toul parliculier ; c’est une succession d'écailles se superposant avec allernance comme nous l'avons représenté figure 5. Ces écailles ne sont pas loujours aussi distinctes que celles de notre dessin, surtout dans les parties du corps qui éprouvent des frottements. Ealre ces écailles on voit sortir de distance en distance des poils terminés en aigrette, de forme {rès gracieuse; ces poils ne sont abondants que sur les contours des pièces tégu- menlaires. 42 VAYSSIÈRE. RÉGION cÉPHALIQUE (1). — Les téguments de la têle se com- posent de cinq pièces y compris le labre ; quatre dorsales : les deux moitiés de l’épicrâne, le clypeus et le labre; une ven- trale : la grande pièce basilaire. Nous allons décrire sépa- rément chacune d'elles, sauf le labre, dont nous ne ferons la description que dans le paragraphe consacré à l'étude des pièces de la bouche. L'épicräne est divisé chez le Prosopistoma, comme chez toutes les Jarves d'Ephéméridés, en deux segments latéraux ; chacun d’eux {e) a la forme d’un triangle rectangle dont l'angle le plus aigu est dirigé vers la ligne médiane du corps où, légèrement tronqué, il vient se souder avec la partie cor- respondante aiguë du segment opposé. En deux points de chaque moitié de l’épicrâne la chitine est presque hyaline et sert de cornée à un œil composé et à un ocelle. Le c/ypeus ou épistome forme une grande pièce trapézoïde, bombée, occupant à elle seule plus des trois quarts de la sur- face dorsale de la tête; le bord antérieur de cette pièce est légèrement échancré, son bord postérieur sinueusement convexe, et ses bords latéraux convexes obliques (fig, 1 et (4) Au sujet des téguments de la tête nous ne croyons pas devoir nous occuper du nombre des zoonites dont se compose cette partie du corps, attendu que ce nombre n’est pas définitivement fixé. Il à varié de 2 à T sui- vant les auteurs ; le chiffre de 6 est celui qui a été généralement adopté par les derniers naturalistes (Huxley, Kunckel d'Herculaïs et Viallanes) qui se sont occupés de cette question. Pour Huxley (An introduction to the classification of animals, London, 1869, p. 8) ce chiffre est basé sur l’homologie complète de la tête de lInsecte et de la tête d'un Crustacé supérieur; chez ces deux types il y aurait 3 z00- nites prébuccaux et 3 zoonites postbuccaux. Kunckel (Recherches sur l'organisation et le développement des Volucelles, Paris, 1875, p. 89) adopte ce nombre de 6 en se basant sur l'examen des pièces squelettiques et surtout sur le développement de ces pièces au mo- ment de la métamorphose, Pour Viallanes (Études sur les centres nerveux des Animaux Articules; 5e Mémoire, p. 110 du t. IV de la 7° série des Ann. des sc. natur. Zoologie, 1887) ce chiffre de 6 zoonites (3 prébuccaux et 3 postbuccaux) est établi sur le nombre de paires de ganglions nerveux formant les deux centres ner- veux céphaliques (3 paires de ganglions pour chaque centre). D’après ce dernier naturaliste le 1° zoonite porte les yeux et les ocelles ; le 2° les an- tennes ; le 3°, dépourvu d'appendices, porte Le labre; le 4° les mandibules; le 5° les mâchoires et le 6° la lèvre inférieure. GENRE PROSOPISTOMA. 43 4, c). Sur le milieu de la partie bombée du eclypeus nous trouvons l’ocelle médian ; un peu en avant de cet organe de la vision, nous avons les deux antennes dont les points d'inser- tion sont encore assez éloignés l’un de l’autre. Les antennes sont petites, surtout chez le Pr. variegatum, leur extrémité ne dépasse pas d’ordinaire les bords de la tête; elles se composent chacune de six articles rès inégaux. Le premier ou arlicle basilaire, a la forme d'un tronc de cône dont la base inférieure, engagée dans le elypeus, est en par- lie cachée par le bourrelet chitineux qui limite les bords de l'ouverture dans laquelle est enchâssée l'antenne (fig. 3); le second article est plus long et renflé supérieurement; le troi- sième est le plus allongé de tous, constituant à lui seul près des deux cinquièmes de la longueur totale de l’antenne. Les deux articles suivants sont égaux, peu différents de forme et aussi longs que le second article, mais plus grêles; enfin le dernier a l'aspect d’un petit tube terminé en cæcum; sa lon- gueur est moindre que celle des précédents. Ces organes ne paraissent pas être, au point de vue du tact, d’une grande utilité pour ces Insectes. A la face inférieure de la têle nous avons une grande pièce largement échancrée en avant, c’est la prèce basilaire ; on ne peut guère la voir sans disséquer l’animal, car elle se trouve en grande partie cachée par la lèvre inférieure (fig. 2 et 16, 4). Cette pièce basilaire est soudée latéralement aux bords du clypeus et de l’épicrâne, en arrière elle se continue avec les téguments mous du cou, et en avant les bords de sa vaste échancrure sont en continuité avec le revêlement chitineux de la cavité buccale. Des lignes de soudure des diverses pièces formant la boîte cränienne, partent plusieurs prolongements chitineux, ou apodèmes, qui servent de points d'appui aux nombreux fais- ceaux musculaires chargés de mettre en mouvement les organes de la bouche. RÉGION THORACO-ABDOMINALE. — Cette partie du corps esl le résullat de la fusion des trois anneaux (horaciques el des 44 VAVYSSIÈRE. six premiers segments de l'abdomen (1). Elle est composée de trois plans superposés : un dorsal, que l’on peut nommer la carapace à cause de sa forme ; un médian, qui ne se trouve que vers la partie postérieure, constituant le plancher de la cavité respiratoire; enfin un plan ventral. La carapace (fig. 1) couvre complètement la seconde région du corps et protège, en avant les organes contenus dans le thorax, en arrière la cavité respiratoire à laquelle elle sert de voüle ; elle est très bombée en son milieu, mais tandis qu’elle est brusquement échancrée en avant et en arrière, sur les côtés elle va en s’évasant. Celle carapace est formée par deux grandes plaques chiti- neuses qui s'articulent l’une à l’autre suivant la ligne mé- diane, el avec les pièces latérales du plan ventral suivant ses bords. Ces deux plaques n’offrent rien de particulier, si ce n'est postérieurement, où leurs bords se soulèvent un peu à leur point de soudure longitudinale, pour former l'ouver- ture dorsale qui met en communicalion la cavité respiratoire avec l'extérieur. Le plan médian est constilué par une plaque fortement échancrée (fig. 27) en avant sur toule sa largeur ; sa description se trouvera mieux placée à côté de celle des organes respi- ratoires externes, auxquels elle sert de plancher, disons seu- lement que son bord antérieur est intimement soudé, ainsi que ses bords latéraux, à la face interne de la carapace, tandis que son bord postérieur vient s'appliquer sur la face dorsale du 7° anneau de l'abdomen, c’est-à-dire sur le com- mencement de la troisième région du corps. Sur celte plaque qui représente les arceaux dorsaux du mélathorax et des six premiers anneaux de l'abdomen, on peut observer une (1) IT est assez difficile de dire si nous avons cinq ou six anneaux; en nous basant seulement sur les traces de division que l’on apercoit plus ou moins, nous devrions adopter le nombre de cinq, mais si nous nous rap- portons au nombre des anneaux composant l'abdomen de la majorité des Ephéméridés, qui est de dix, nous devons admettre que le premier anneau abdominal du Prosopistoma est en réalité formé par deux segments intime- ment soudés. GENRE PROSOPISTOMA. 45 partie des lignes de soudure de ces divers segments, d’or- dinaire celle VA qualre derniers anneaux. Le plan ventral (fig. 2) est formé par {rois pièces longi- tudimales el parallèles, arliculées entre eiles et aux bords latéraux de la carapace. La plaque médiane, que nous nom- merons la plaque sternale, est beaucoup plus large que les deux autres; quant aux pièces latérales 7, », qui sont les représentants des épimères de tous les anneaux constituant le {horaco-abdomen, elles sont homologues et de même forme. Ces dernières pièces forment chacune une bande assez étroite dont le côté latéral externe, celui qui s’insère à la carapace, est convexe; le bord interne offre quelques sinuo- sités destinées à rendre plus inlime son articulalion avec le bord correspondant de la pièce sternale. Sur la partie pos- térieure de ce bord interne de l’épimère se trouve un enfoncement le long duquel on observe une expansion lamelleuse qui se dirige vers le plancher; cet enfoncement (0, fig. 2 et 6) forme, avec l’échancrure que l’on remarque vis-à-vis de lui sur la pièce sternale, échancrure également munie d'une expansion lamelleuse se dirigeant vers la chambre respiratoire, une ouverlure qui meten communica- lion la cavité contenant les trachéo-branchies avec l’exté- rieur. La même disposilion se répétant de l’autre côté de la pièce slernale, nous avons ainsi deux ouvertures latérales, de forme ovale, s’ouvrant sur ce plan; nous les désignerons sous le nom d'ouvertures venlrales de la chambre respira- toire. C’est par ces deux orifices que pénètre l’eau qui doit circuler autour des lamelles trachéo-branchiales et sortir ensuite par l'ouverture dorsale que nous avons décrite ei- dessus. La pièce médiane ou sternale est formée par la réunion intime des sterniles et épisternites de tous les anneaux du thoraco-abdomen. Sur cette grande plaque on peut recon- naître plus ou moins les lignes de soudure des divers 46 VAYSSIÈRE. anneaux. D’ordinaire le prothorax est nettement séparé des autres segments, mais par contre le mésothorax et le méta- thorax ne laissent point apercevoir leur ligne de séparation; les cinq premiers anneaux sont aussi très intimement unis, le dernier offre une ligne de démarcation bien visible, le séparant d'avec les précédents. Quant à la forme générale du scutellum ou pièce ster- nale, la figure 2 en indiquera mieux les dispositions et les diverses particularités qu'une description; les pattes ont été enlevées d'un côté pour que l'on püt bien suivre la ligne de séparation de la pièce médiane d'avec la pièce latérale. RÉGION GAUDALE. — Celle troisième partie du corps ne comprend que les quatre derniers anneaux de l’abdomen; chez le Pr. foliaceum elle est égale au moins au cinquième de la longueur totale du corps, tandis que chez le Pr. varie- gatum elle atteint à peine le sixième de cette longueur. ! Les deux premiers (7, 8, fig. 1 el 2) n’offrent rien de remar- quable comme forme, ils sont seulement plus bombés à leur face dorsale; il n’en est pas de même des deux autres. La forme du 9° anneau rappelle vaguement l'aspect d’un trapèze renversé dont les deux coins de la base inférieure au- raient été coupés el un peu arrondis. La face inférieure de cet anneau est peu bombée ; quant à sa face supérieure ou dorsale, elle est très relevée, et présente dans sa seconde moilié une grande ouverture donnant accès dans une cavité qui sert à protéger le 10° anneau. Celui-ci, en se retirant dans le précé- dent, ferme cette ouverture, et dans cette position l’animal vu par la face ventrale (fig. 2) ne laisse apercevoir aucune partie de son dernier anneau, de telle sorte que le 9° semble terminer le corps. Pour bien comprendre la forme du dernier anneau et ses rapports avec les soies qu'ils portent, nous prions le lecteur de jeter un coup d’œil sur la figure 10. Dans cette figure nous avons représenté le 10° anneau vu par la face ventrale, GENRE PROSOPISTOMA. 47 avec les {rois soies en partie sorties, (les barbes n’ont pas été dessinées pour ne pas compliquer la figure). On remarque antérieurement dans ce dessin deux masses musculaires s’insérant d’une part à la base des soies, d’autre pari à l'extrémité de deux bâtonnels dont nous ferons la description dans le chapitre consacré à l'appareil muscu- laire. L’anneau est composé de trois pièces : une dorsale D, très grande, se recourbant un peu latéralement vers la face inférieure, et deux ventrales V,V. Ces dernières seraient les représentants des sternites, la pièce dorsale serait formée par la soudure des tergites, épimères et épisternites. La base de cet anneau est peu colorée et légèrement rétrécie; c’est en ce point que sont attachés les fibrilles mus- culaires ainsi que la pellicule qui relient ce segment aux précédents; sur les côtés de cette base nous observons deux petites fosseltes dans lesquelles viennent se loger les pointes des bâtonnets. Tout le reste de l'anneau, garni de nombreux poils et piquants, est assez résistant et d’une coloration jaune analogue à celle des autres parties des téguments. Sur la plaque dorsale de ce 10° anneau, un petit bourrelet chitineux, ayant exactement la forme et les dimensions de l'ouverture du 9°, vient buter contre les bords de celle-ci lorsque l’insecte rentre son dernier anneau. Les deux pièces ventrales V,V, rattachées entre elles et au reste de l'anneau par leur base, s’arliculent sur les côtés ex- ternes avec les rebords de la plaque dorsale D, de telle sorte qu'elles ont la facilité de se soulever jusqu'à pouvoir faire avec le plan de l’anneau un angle de 40 degrés. Leur partie mé- diane ainsi que leur base sont nécessairement assez souples pour leur permettre ce mouvement ; c’est aussi grâce à cette élasticité qu’elles peuvent se rapprocher et se trouver dans la position qu'elles présentent dans notre dessin (fig. 10), ou chevaucher un peu l’une sur l’autre, ou bien encore s'écarter Jusqu'à ce que leurs bords externes viennent tou- cher les bords de la plaque dorsale. Tous les mouvements 48 VAVSSIÈRE. qu'exécutent ces plaques ventrales sont toujours destinés à faciliter ceux des soies. SOIES CAUDALES. — Cés organes, au nombre de trois, ser- vent surtoul d'appareil nataloire au Prosopistoma. Les soies présentent chacune une dizaine d’annulations peu pro- fondes qui les divisent en segments inégaux; ces annulations sont perpendiculaires à l’axe dans la soie médiane, et obli- ques chez les latérales. La forme générale de ces organes est cylindro-conique, d’un diamètre relativement assez fort par rapport à leur longueur peu considérable, qui n’est guère supérieure à 1/6 de la longueur lotale de l'insecte. Ces soies sont réunies entre elles à leur base par une bandelette de tissu presque carlilagineux; elles ne sont pas toutes {rois dans le même plan, la soie médiane est habi- tuellement placée un peu au-dessous des latérales qui se trouvent par suile être un peu dorsales par rapport à la première; mais celle disposition n'a pas une fixité absolue, l'animal pouvant faire passer la soie médiane au-dessous des soies latérales qui deviennent alors ventrales. Ces organes ne sont jamais tous les irois sur le même plan, par suite du peu de largeur de l'anneau qui leur sert d’élui protecteur, élui dans lequel les barbes se logent avec peine. Chez les larves des autres espèces d'Ephéméridés on n’observe jamais sur les côtés des soies caudales, des poils aussi longs et aussi serrés que sur les soies des Prosopis- toma; ces poils que nous désignons sous le nom de barbes, présentent aussi cela de particulier qu'ils sont comprimés d'avant en arrière et mobiles; 1ls peuvent se rapnrocher de l'axe de la soie, ou bien s'éloigner assez de lui sans arriver toutefois à dépasser un angle de 50 à 60 degrés. Ces barbes, disposés de chaque côté sur deux ou plusieurs rangs, alternent entre elles. Nous avons dessiné, figure 13, une soie médiane en entier; figure 14, la parlie supérieure d'une soie latérale; et fig. 15, avec un grossissement très fort, la parlie basilaire d'une barbe, pour montrer le pédon- cule arrondi et mou qui la rattache à l’axe de la soie. GENRE PROSOPISTOMA. 49 Sur le fragment du Prosopistoma variegatum, ainsi que sur les trois individus de M. Sikora, il nous a élé possible d'étudier la structure des derniers anneaux de l’abdomen. Disons d'abord que malgré l’asserlion de Westwood au sujel de l'absence de soies caudales chez l'espèce de Proso- pistoma de Madagascar, nous avons pu nous assurer que ces appendices existent fort bien, comme le montre notre dessin (fig. 12) de l’ensemble du dernier anneau avec les soies complètement réfractées dans son intérieur. Faisons remarquer que lorsque l’on capture des larves de Prosopistoma et qu'on les met à sec dans un flacon où elles ne tardent pas à mourir, il est bien rare qu'une portion des soies de ces insectes demeure en dehors du dernier anneau et que celui-ci ne soit pas complètement rentré dans la cavité du précédent. Par suite de r’effet de la dessiccation, les diverses pièces de ces deux derniers anneaux se soudent, et ce n’est qu'après avoir laissé pendant plusieurs jours, les individus ainsi desséchés, dans de l'alcool étendu d’eau que l’on peul arriver à dégager le dernier anneau et les organes qui y sont renfermés. Il est probable que M. Westwood n'aura pas pris cette précaution pour la recherche des soies chez les spécimens du P7. variegatum qu'il a eu à sa dispo- sition, car bien que cette préparation faite sous la loupe demande beaucoup de soin, il n’est guère admissible que l’on ne puisse arriver à voir les soies lorsque le dernier anneau est isolé. Chez nos individus malgaches la soie médiane était dor- sale par rapport aux soies latérales, ce qui se voyait bien en examinant avec un fort objectif la face dorsale de ce dernier anneau; non seulement on pouvait apercevoir le chevau- chement des barbes de la partie antérieure de la soie médiane, mais même celui des barbes de la portion placée sous les téguments, tandis que l’on ne dislinguait pas celles des soies latérales. Un examen allentif de chaque soie nous a permis de constaler une douzaine d’annulalions transversales le long ANN. SC. NAT. ZOOL. IX, À. — ART. N° 2. 50 VAYSSIÈRE. de ia soie médiane, et treize obliques de dehors en dedans pour les soies latérales; ces annulations seraient plus accen- Luées et un peu plus nombreuses chez le Pr. variegatum que chez le Pr. foliaceum. Quant aux barbes garnissant les côtés des soies., elles seraient aussi abondantes et offriraient les mêmes formes chez les larves malgaches que chez nos larves européennes. Les différences les plus accentuées de cette partie du corps résidaient dans la forme du dernier anneau; celui-ci, chez le Pr. variegatum, est proportionnellement plus large et moins long que chez le Pr. foliaceum. Le dessin de cet anneau vu par la face dorsale (fig. 12), que nous donnons à côté de celui de la larve de l'espèce indigène, permet de bien se rendre compte de sa forme; ce raccourcissement n'existe pas seulement dans le 10° segment du corps, car nous avons pu constater que, toules proportions gardées, l’ensemble de la région caudale est plus court que chez le Pr. foliaceum. La région thoraco-abdominale est au contraire un peu plus longue chez l'espèce de Madagascar, et moins large, comme l'a représenté Westwood en l’exagérant dans sa figure de facies (PI. IV, division B, fig. 1). Nous lerminerons ce chapitre par l'étude des organes locomoleurs dépendant du thorax, c’est-à-dire des pattes. Les pattes sont placées sur les côtés de la plaque sternale el dans les échancrures de cetle espèce de plastron que l’on remarque à la partie centrale de la plaque; disposées sui- vant deux lignes un peu divergentes, les pattes peuvent être ramenées sous le corps et se trouver ainsi complèlement cachées sous la carapace. Les différences qui existent entre les pattes des diverses paires sont peu sensibles, leurs dimensions sont les mêmes el il en est presque ainsi pour leur ornementation. Les pales de la première paire offrent un plus grand nombre de poils et de piquants; sur les deux tiers de la longueur du côté antérieur de leur tibia (fig. 7 et 8) on observe plusieurs pi- quants pluridentés «, «, tandis que le même article des pattes GENRE PROSOPISTOMA. 51 des 2° et 3° paires n’en présente que deux à son extrémité inférieure. Nous pourrions prendre une patte quelconque pour faire la description de ces organes locomoteurs, puisque nous venons de faire connaître les différences qui existent entre elles, mais ayant figuré une patte de la première paire sous ces deux faces (fig. 7 et 8), c’est celle-ci qui nous servira de modèle. Notre figure 7 montre celte paite vue par sa face infé- rieure, celle que l'animal tourne vers le sol; la figure 8 représente la patte du côté opposé, vue par sa face supé- rieure, celle qui vient s'appliquer contre le ventre de l'in- secte lorsque celui-ci est au repos. Les téguments de celte dernière face élant moins exposés au jour, sont pâles, ils présentent aussi moins de poils et ils paraissent plus lisses, l'aspect écailleux de la chitine étant peu accentué. Le sys- tème musculaire de l’appendice locomoteur est pour ces diverses raisons plus visible par transparence de ce côté. Six segments de dimensions assez inégales, que l’on peut ramener à quatre groupes, constiluent la palte. La anche et le #rochanter (L et ?) réunis forment le premier groupe ou région coxale; c’est aux parois de ces deux articles que viennent se fixer les muscles dont l'insertion supérieure a lieu sur la face interne de la carapace ; ces muscles qui tra- versent ainsi le corps sont au nombre de quatre ou cinq, tous volumineux. La portion tubulaire de la hanche pénètre en partie dans l'intérieur du corps, accompagnant les muscles qui se dirigent vers la carapace; sa partie terminale arrondie est au contraire toujours à l’extérieur ; c’est elle que l’on aper- çoit à la base des patles lorsque la larve est couchée sur le dos. Le térochanter € qui lui fait suite est beaucoup plus petit, presque cylindrique et un peu sinueux; lorsque la patte est complètement ramenée sous le ventre, il pénètre à moitié dans la hanche. La seconde région j est constituée par un seul article, la 52 VAYSSIÈERE. = cuisse ou /émur, plus long et plus fort que tous les autres ; sa face externe (celle que présente la figure 7) est plus bombée que sa face interne. On observe des poils en aigrette ana- logues à ceux dessinés dans notre figure 5, disséminés, de ei, de là, sur les deux faces; puis des poils particuliers plus résis- tants, disposés le long de son bord postérieur. Nous avons représenté séparément (fig. 8 bis, 6.) vu sous un fort gros- sissement, un de ces derniers poils. Le tibia j que l’on trouve ensuite forme la troisième région de la patte; son extrémité libio-fémorale un peu recourbée présente deux mamelons, sortes d’apophyses, sur chacune desquelles vient se souder une tige rigide de nature ehiti- neuse ; ces tiges qui pénètrent à l’intérieur du fémur et jus- qu'aux deux liers de sa longueur, servent de points d’inser- tion à plusieurs bandelettes musculaires qui vont s'insérer sur les parois internes de la cuisse. Outre ce système de muscles, on remarque quelques faisceaux musculaires allant directe- ment des apophyses du tibia aux parois inférieures du fémur. Cet ensemble de muscles rattache fortement à la seconde région tout le reste de la patteet lui fait exécuter dans ie plan de l'organe des mouvements très étendus, n’allant pas tou- tefois jusqu'à mettre le tibia sur le prolongement du fémur. L'ornementation du tibia consiste en quelques poils en ai- grelte répandus surtout sur la face externe, et en neuf forts piquants chitineux dentelés (fig. 8 Lis a) que l’on observe sur les deux tiers inférieurs du côté antérieur, en dehors des deux piquants de même forme insérés tout à fait à la base du bord postérieur. La quatrième et dernière région des organes locomoteurs ne comprend qu’un seul article tarsien 7, cylindrique, dont la partie basilaire pénètre dans l’extrémilé du tibia, tandis que son sommet un peu renflé porte un ongle 0, lisse el assez fort, dont la concavité est tournée postérieurement lorsque l'animal marche. Les pattes recoivent l’air par les trachées provenant des troncs £, e? et ??, et ellessont sous la dépendance des nerfs des GENRE PROSOPISTOMA. D3 7°, 9° et11"* paires qui sortent {ous du gros ganglion thora- cique. Les pattes de nos individus de Madagascar présentaient la même forme et à peu près la même ornementalion; la seule différence à signaler consiste dans un plus grand nombre de piquants dentelés le long du bord antérieur du tibia de toutes Les pattes. SYSTÈME MUSCULAIRE. Les petites dimensions du Prosopistoma ne m'a pas per- mis de faire une étude complète de tout l’appareil musculaire, j'ai dû m'en lenir à quelques descriptions détachées qui, pour la plupart, sont intercalées dans les chapitres où J'étudie les organes avec lesquels ces muscles sonten rapport. Dans le présent chapitre je vais décrire seulement les deux paires de muscles qui s'étendent dans toute la longueur du corps moins la tête, puis le système qui met en mouvement les diverses pièces du dernier anneau ainsi que les soies. Grands muscles longitudinaux dorsaux. — Je donne cette dénomination aux bandes musculaires (MD, MD, fig. 16) que l’on aperçoit dès que l’on à ouvert la cavité générale du corps, en enlevant les léguments dorsaux de l’animal ainsi que le plancher de la chambre respiratoire. Ces muscles qui ont l'aspect de rubans d’un blanc argenté sont cinq fois plus larges qu'épais. Ils s’insèrent antérieurement aux parois internes de la carapace, au niveau des parties recourbées des troncs {ra- chéens latéraux; de ces points ils se dirigent légèrement de haut en bas et de dehors en dedans, viennent s'appuyer con- tre les parois stomacales, ainsi que contre les glandes géni- tales lorsque celles-ci sont très développées, puis côtoient l'intestin qu’ils suivent presque parallèlement jusqu’à l’avant- dernier anneau où s’insère leur extrémité postérieure. Ces muscles qui recoivent de nombreux troncs lrachéens, présentent dans leur partie postérieure quatre étranglements, 54 VAYSSIÈRE. dont les deux premiers dans la portion non segmentée de l'abdomen, le troisième vers le milieu du 7° anneau et le 4° presque entre le 8° el le 9° anneau. Leur rôle est surtout de rapprocher fortement les derniers anneaux vers la partie thoraco-abdominale pour que l’insecte puisse s'appliquer contre les pierres en faisant le vide sous sa face ventrale ; ils servent aussi à la larve dans les mouve- ments brusques qu’elle exécute avec l'extrémité de l'abdomen en nageant. Grands muscles longitudinaux ventraux. — Ces deux bandes musculaires qui suivent une marche parallèle à celle des deux précédentes, offrent aussi le même aspect. Les grands muscles ventraux s’insèrent l’un et l’autre sur les parties tégumentaires abdominales comprises entre les pat- tes de la troisième paire el le prolongement en pointe qui termine le métathorax; ils présentent comme leurs homolo- gues quatre étranglements placés aux mêmes niveaux du corps. Leur insertion postérieure a lieu contre les parois ventrales de l’avant-dernier anneau. L'action de ces muscles combinée avec celle des grands muscles dorsaux, tend à rapprocher du thoraco-abdomen toute la partie segmentée de l’abodmen; lorsqu'ils agissent seuls ils relèvent les derniers anneaux, mouvement inverse à celui que lesgrands muscles de la face dorsale fait exécuter à celte même partie du corps lorsqu'il n'y a qu'eux qui se contractent. Muscles moteurs des soies. — Lorsque le Prosopistoma se trouve à l’état de repos fixé contre une pierre, ses lrois soies ne sont pas visibles, mais s’il veut nager ou même marcher un peu vile on le voit alors étaler plus ou moins ces organes el s’en servir pour battre l’eau dans tous les sens avec beau- coup d’agilité. Il faut donc rechercher quels sont les muscles qui permettent aux soies de sortir, de s’étaler en éventail, puis de se rapprocher les unes des autres etenfin de rentrer de nouveau à l’intérieur du dernier anneau. Si l’on observe au microscope la partie terminale de l’ab- GENRE PROSOPISTOMA. 55 domen d’un individu vivant, on peut remarquer par transpa- rence à travers les téguments de Ja face ventrale des 7° et 8° anneaux, deux organes en forme de petites baguettes (B, P, fig. 10, 12 et 16) qui à l’état de repos sont presque pa- rallèles et en partie cachées par les grands muscles ventraux. Ces organes rigides, que l’on peut nommer bâtonnets an- nexes des soies, sont assez translucides et denature chitineuse car, traités à froid par un acide {acide azotique ou acide acélique), ilne se produit aucune effervescence, ce quimontre bien qu'il n'entre pas de substances calcaires dans leur cons- ütulion chimique ; sous l’action du premier acide ces bâtoa- nets se ratalinaient et se coloraient en jaune. L'extrémité inférieure de chacun d’eux (fig. 11) est termi- née en pointe et va se loger dans une petite cavité située sur les extrémités latérales du bord supérieur du dernier anneau. Cette cavilé est tapissée par du tissu tendineux, lequel doit sécréter un liquide analogue à la synovie des articulations des Vertébrés; la pointe est elle-même terminée par deux petits ligaments qui vont adhérer aux parois de cette cavité, empêchant ainsi cet organe d’en sortir. Supérieurement les bâtonnets se terminent en têle d'épin- gle allongée; c’est sur cette partie mousse que se trouvent les points d'insertion des museles qui vont d'autre part se rattacher aux soies. En effet chacune de ces masses museu-- laires s’insère à la soie latérale placée de son côté ainsi qu'à la moitié correspondante de la base de la soie médiane. Lorsque les bâtonnets sont presque parallèles comme les représente la figure 10, une petile portion de l’extrémilé des soies sort seule du dernier anneau; si leur partie supé- rieure s'éloigne davantage de la ligne médiane, ce mouve- ment joint à la contraction musculaire fait complètement rentrer les soies. Au contraire les parties libres des bâlonnets en se rapprochant l’une de l’autre font sortir les soies de cette espèce d’élui protecteur formé par le dernier anneau. Mais si l’une de ces baguettes se meut seule on voit les soies se porter alors à droite ou à gauche suivant que c’est 56 VAYSSIÈRE. le bâtonnet de gauche ou de droite qui est mis en mouvement par le Prosopistoma. J'ai aussi constaté la présence d’un certain nombre de muscles qui agissent évidemment dans le fonctionnement de cet appareil de natation, mais il m'a élé impossible de me rendre comple de la position exacte de leurs points d’in- sertion. Un mot pour terminer sur les principaux mouvements que j'ai conslaté chez les deux pièces ou plaques venirales (V, V, fig. 10) du dernier anneau. Des mouvements de haut en bas peuvent être exécutés par ces pièces; ils sont destinés à laisser sortir les soies lorsque le 10° anneau a été projelé en dehors du 9°. Si le dernier an- neau rentre, ces pièces font un mouvement inverse, c'est-à- dire qu'elles se rapprochent de la plaque dorsale et empri- sonnent les soies comme dans un étui. Ces mêmes pièces peuventaussi exécuter des mouvements latéraux, ainsi leurs parties libres s'écarteront l’une de l’au- tre lorsque les soies seront complètement sorties, pour per- mettre à celles-ci en s’étalant en éventail de trouver un point d'appuiau-dessous d'elles. Au moment de rentrer son dernier anneau, l'insecte, tandis qu'il ramène à l’intérieur ses soies, rapprochera ses deux pièces ventrales jusqu’à ce qu'elles se touchent et les appliquera contre la pièce dorsale. APPAREIL DIGESTIF. Le tube digestif ne présente pasde circonvolutions chez le Prosopistoma, il est droit comme chez toutes les autres es- pèces d’Ephéméridés. | L'orifice buccal, placé tout à fait au-dessous de la tête, même au centre de la face inférieure, est complètement caché par cette grande plaque formant la lèvre inférieure. Le pharynx se rétrécit bientôt pour former un court æso- phage auquel fait suite un estomac volumineux s'étendant du prothorax au 2° anneau de l’abdomen; on observe ensuite un GENRE PROSOPISTOMA. 07 étranglement assez fort qui sépare la cavité stomacale d’une région un peu renflée constituant la première partie de l’in- testin, enfin un tube droit assez court, le rectum, va s'ouvrir à la face ventrale entre le 9° et le 10° anneau (fig. 16). ORGANES BucCAUx. — Les organes insérés sur le pourtour de la bouche sont ici au grand complet chez cet insecte, mais {ous ne sont pas également développés. Le labre, dont nous plaçons icila deseriplion bien qu'il fasse partie, comme nous l'avons déjà dit, des pièces tégumentaires, est situé sur le bord antérieur de la têle; il est articulé avec le bord concave du clypeus ({, fig. 1, 2, 4et16). * Le labre est à peu près lisse à sa face dorsale et n'offre que deux petites échancrures sur son bord antérieur, échan- crures qui limilent la partie médiane peu visible de ce côté; on constate en effet que la face inférieure, celle qui est tournée vers l'ouverture buccaleet que j'aireprésentée fig. 17. offre trois régions bien limitées : les deux latérales, dirigées obliquement de dedans en dehors, ont leurs bords couverts de poils assez longs; la région médiane de forme convexe, est glabre dans toute son étendue. Tout l'intérieur du labresert de point d’inserlion à de nombreux muscles destinés à rabattre cette pièce sur les or- ganes internes de la bouche; du bord concave irrégulier de sa face inférieure part une membrane délicate et hyaline formant la voûte palatine, mais ne présentant pas d'épipharynx. Les mandibules, de forme presque triangulaire, n’offrent, chez les deux espèces de Prosopistoma, comme chez la plu- part des Insectes, aucune trace de pièces élémentaires. La face interne de ces organes ne présente rien qui n’ap- parlienne également à l’autre face vu son peu d’étendue, car elle se réduit à la partie supérieure de la mandibule: le reste qui est creux sert de point d'insertion aux masses mus- culaires qui font mouvoir l'organe et qui ont leurs autres points d'insertion sur des apophyses chitineuses de l'intérieur de la tête. La face externe (fig. 22) est terminée inférieurement par une 58 VAYSSIÈRE. espèce de crochet ou bord arrondi qui s'articule avec une des pièces du squelette céphalique; toute la moitié inférieure forme une surface bombée, presque triangulaire et glabre, sauf sur le bord externe où l’on distingue quelques petits poils et supérieurement un long poil barbelé. Celle moitié est séparée du reste de l’organe par un élranglement assez marqué. La moilié supérieure est terminée par trois forts denticules qui forment presque toute l’armature de cette pièce, car les cinq ou six poils barbelés chez le Pr. foliaceum, de vingt à vingt-cinq chez le Pr. variegatum qui occupent le bord in- terne de la mandibule ne doivent pas être d’une grande utilité pour la mastication. Entre ces poils (fig. 23) et les trois den- licules terminaux, nous trouvons une sorte de lame barbelée, moilié moins longue que les poils, puis un très fort piquant articulé, offrant deux pointes et plusieurs dentelures à son extrémité; ce piquant un peu mobile pourrait être considéré comme le représentant du prémarillaire de divers natura- listes (Brullé,.….) Dans les mandibules des Prosopistoma nous ne trouvons aucune trace de molette. Les mdchoires, malgré la faiblesse de leurs téguments, montrent cependant avec assez de netlelé les diverses pièces élémentaires constitutives chez nos deux Prosopistoma. J’ai représenté, figure 20, la mâchoire de droite vue par sa face externe, celle contre laquelle vient s'appliquer la lèvre inférieure. Le sous-maxillaire s est constitué par une pièce quadran- gulaire glabre offrant sur le milieu de son bord inférieur un prolongement crochu ; au-dessus nous avons le maxillaire m, la pièce centrale de l'organe, celle qui supporte toutes les autres. Celte pièce qui est assez longue forme un penta- gone irrégulier. Le palpe p s’insère sur le côté supérieur du bord externe de la mâchoire ; il est composé de trois articles très inégaux; l'inférieur est assez renflé el supporte à son extrémité un GENRE PROSOPISTOMA. 59 second article très grêle {terminé lui-même par le troisième article 1e1 très court, presque atrophié. Le galea y soudé à l’intermaxillaire est assez résistant, surtout le long de son bord externe. L'intermaxillaire 2 se distingue très nettement grâce à la belle coloration jaune de la chiline el aussi aux nombreux appendices qui en dépendent (fig. 20 et 21). Nous trouvons en effet le long de son bord interne d’abord deux ou trois poils barbelés, puis un crochet (c, fig. 21) quitermine l’inter- maxillaire. En arrière de c, dans un pelil enfoncement, nous avons {rois autres crochets un peu moins forts mais mobiles. La /vre inférieure offre ici une structure loute spéciale due à l’atrophie de plusieurs de ses parties et au dévelop- pement excessif de toute sa région basilaire. Dans un précédent {ravail consacré à l’élude de l’orga- nisation des larves des Éphémérines (Ann. des Sc. Natur., Zoologie, 6° série, tome XIE, 1882) j'ai montré p. 110-113 et figures 49 à 57, comment la lèvre inférieure complète d'une larve d'Éphéméridés (celles des Cloéopsis, Hepta- genia,.…), arrivait progressivement à la forme de la lèvre du Prosopistoma en passant d’abord par celle de la larve du Leptophlebia, chez laquelle Les intermaxillaires s'atrophient en parlie tout en demeurant indépendants l’un de l’autre; puis de l'Éphémerella dont la lèvre inférieure possède un submentum très étendu, un mentum soudé avec les deux galéas formant une pièce beaucoup moins grande que la précédente, et au milieu d’une échancrure du mentum les deux intermaxillaires rudimentaires. Chez le Bætisca obesa le submentum prend encore plus d'extension et tend à circonserire latéralement les autres pièces de la lèvre inférieure ; les intermaxillaires qui étaient demeurés indépendants chez les {types précédents ici se sou- dent en parlie. De la forme de la lèvre inférieure du type américain, le Bœtisca, nous n'avons qu'un pas à faire pour arriver à celle de la lèvre des larves des 2 espèces de Prosopistoma ; chez ce 60 VAYSSIÈRE. dernier genre le submentum (fig. 18) a complètement en- globé les autres pièces, sauf à la parlie antérieure; le men- tum en parlie soudé avec le submentum ne présente plus aucune trace de galéas et d’intermaxillaires, ces pièces se sont complètement atrophiées, et quant aux palpes labiaux triarticulés, encore assez développés chez les Éphéméridés précédents, y compris le Bœlisca, ils sont 1ci très réduits tout en présentant les trois articles. La lèvre inférieure constituée à peu près exclusivement par le submentum, comme nous venons de le dire, forme, vue par sa face externe (fig. 2 et 18), une grande plaque elliptique dont le grand diamètre serait transversal; appli- quée contre l’orifice buceal elle cache totalement les autres pièces de la bouche. Sur son bord inférieur légèrement convexe on distingue deux paires de prolongements crochus qui vont se fixer contre de petites éminences des téguments céphaliques, ces crochets constituent donc une espèce de charnière permettant à la lèvre inférieure de s’abaisser plus ou moins (fig. 16) pour laisser sortir les extrémités des mâ- choires. Les bords latéraux et antérieur de la lèvre sont régulière- ment arrondis sauf en avant où l'on trouve une échancrure assez étroite mais profonde, de forme trapézoïde, fermée in- térieurement par une plaque »2 offrant les mêmes dimensions. Toute la surface externe de ces deux plaques est très écailleuse et possède de nombreux poils en aigrette, surtout le long des bords latéraux et antérieur. Pour étudier la conformation de la petite pièce tra- pézoïide #2, il faut se reporter à la figure 19 qui représente toute la partie antérieure et médiane de la face interne de la lèvre. On remarque à la partie inférieure de cette pièce m, un fort bourrelet chitineux 4 que l’on peut considérer comme étant la ligne de soudure qui réunit le mentum au sub- mentum. De chaque côté et un peu au-dessus de cette ligne on aperçoit les points d'insertion des palpes; ces organes sont plus inlimement soudés à la grande plaque qu'aux bords GENRE PROSOPISTOMA. 61 latéraux du mentum. Les palpes sont triarliculés et d’une consistance très faible; dans leur complète extension leur article terminalne dépasse que fort peu les bords de la lèvre. Le mentum est conslitué comme nous l'avons déjà dit par une plaque trapézoïde, à bord antérieur à peu près droit, venant s’enchâsser dans l’échancrure de la grande plaque, mais pour donner plus de fixité au mentum et l'empêcher de se replier en dehors, il existe deux prolongements laté- raux arrondis, sortes d’ailerons (4,4, fig. 19), qui viennent s'appliquer sur les rebords épais de l’échancrure; par suite de cette disposition le mentum est à peu près complètement immobile, à peine s’il peut exécuter de très légers mouve- ments d'avant en arrière. Pour avoir terminé la description des pièces de la bouche il me reste à dire un mot de l'hypopharynx. Chez les Prosopistoma cette pièce a subi aussi une certaine atrophie; elle n'offre ni la même indépendance, ni propor- tionnellement la même élendue que chez la majorité des larves des autres espèces d'Éphéméridés. L'hypopharynr est constitué par une plaque chitineuse assez mince et hyaline, sauf sur les bords qui forment bourrelets; cette plaque légè- rement {rapézoïde s'applique contre la face Interne de la lèvre inférieure, un peu au-dessous du submentum (fig. 24); son bord postérieur qui est le plus large se prolonge des deux côtés, formant deux appendices chitineux {rès résis- lants qui servent de points d'insertion aux muscles chargés de faire mouvoir l'organe. L'hypopharynx présente sur ses clés des séries de poils assez raides qui sont tous dirigés vers la ligne médiane; ces poils disparaissent sur le revêlement chitineux c du fond du pharvnx. En arrière du labre, on ne trouve comme trace d’épipha- rynx que quelques poils réunis sur un petit espace, au lieu d'être elairsemés comme ils le sont sur le reste des parois de la cavilé pharyngienne ; quant à cette cavité elle n’offre rien de parliculier à signaler. 62 VAYSSIÈRE. OEsoPHAGE ET ESTOMAC. — L'œsophage est très court, à peine entré dans le thoraco-abdomen, il se renfle pour former la cavité stomacale ; ses parois sont assez muscu- laires (muscles transverses et muscles Jongitudinaux), leur revêtement interne de nature chitineuse comme celui du pharynx ne présente pas de poils dans toute son étendue. On ne trouve aucune trace de glandes salivaires sur les côlés de l’œsophage, ce qui ne doit nullement nous étonner par suite du milieu dans lequel vivent ces larves. L’estomac (e, fig. 16) est très volumineux et assez long: il est pyriforme, sa portion la plus renflée se trouvant en avant. Cet organe a toujours une belle coloration jaune due à l'existence dans l'épaisseur de ses parois de nombreuses cellules à granulations jaunâtres, probablement de nature hépatique. Sa musculalure est assez forte et se trouve cachée dans notre figure d'ensemble par la lunique conjonctive qui enveloppe le tube digestif dans toute sa longueur. À la partie inférieure de l’estomac au niveau des premiers anneaux de l’abdomen nous avons les tubes de Malpighi. Ces organes sont constitués par 14 à 18 canaux w!,w d’un faible calibre mais très longs, terminés en cæcum et repliés plusieurs fois sur eux-mêmes; ces canaux excréteurs au lieu de venir séparément déboucher à la base de l’estomac, aboutissent à deux tubes # venant s'ouvrir sur les côtés de l'appareil digestifaprès avoir produit chacun un renflement 47 assez fort. Ces renflements peuvent être considérés comme étant de véritables réceptacles ainsi que les canaux collec- teurs « le long desquels viennent déboucher les tubes w’,w’. Si on observe au microscope ces canaux de Malpighi on remarque à l’intérieur des cellules hyalines quitapissent leurs parois ; de nombreux cristaux se trouvent aussi en abondance dans les tubes collecteurs et surtout dans les réceptacles 47. IxTesTIN. — Cette dernière région du tube digestif s'étend du troisième anneau de l'abdomen à la base du dernier ; on peut la diviser en deux portions : l’une assez renflée (?, fig. 16), à parois presque aussi épaisses que celles de l'estomac, mais GENRE PROSOPISTOMA. 63 d’une teinte blanchâtre; l’autre 7, tubulaire, présentant des parois assez minces. La partie 2 forme une sorte d’inteslin proprement dit, tandis que le rectum peul être représenté par la portion 7. L'anus an se trouve situé à la face ventrale, entre le der- nier et l’avant-dernier anneau de l'abdomen; ses bords sont en continuité avec la membrane qui relie les deux anneaux. Au moment de la défécation l'animal projette en arrière son dernier segment et est obligé de le relever un peu pour faciliter la sortie des excréments. APPAREIL CIRCULATOIRE. La description de cet appareil sera assez brève; nous n'avons pu, malgré de nombreuses observations faites sur plus d’une trentaine d'individus, observer le fonclionnement du vaisseau dorsal et suivre la marche du sang même dans les régions les plus délicates. Nous croyons pouvoir attribuer en partie nolre insuccès à l'extrême petitesse de nos larves et surtout au peu de transparence des téguments même chez les plus jeunes individus. Toutefois si nos observations sur l’insecte vivant ont été infructueuses, nous avons pu à la suite de dissections très minutieuses faites sur des Pr. foliaceum, isoler en entier le vaisseau dorsal et l’examiner sous le microscope. Pour arriver à ce résultat on prend un gros individu qui a séjourné au moins quelques jours dans l'alcool; on le fixe dans sa position naturelle, c’est-à-dire sur le ventre, et on enlève la partie de la earapace qui recouvre seulement la chambre respiratoire. Il ne reste plus alors qu'à enlever le plancher de cette cavilé, car c'est à la face inférieure de celui-ci que se trouve la majeure partie du vaisseau. Cette dernière opération terminée, on incise aussi les téguments dorsaux des deux premiers anneaux de l'abdomen et on détache le tout avec beaucoup de soin pour le transporter sous une forte loupe ou mieux sous un faible grossissement microscopique. 64 VAYSSIÈRE. On aperçoit alors au milieu de la face inférieure du plan- cher une traînée de tissu cellulo-graisseux, traînée d’autant . plus visible que les côtés sont occupés par plusieurs séries de petits muscles longitudinaux. C'est au milieu de ce lissu graisseux que l’on voit le vaisseau dorsal; il se prolonge un peu en arrière el surtout en avant, loujours suivant la ligne médiane du corps. Nous n'avons pu suivre ses troncs aorliques, l’anlérieur jusque dans la lêle, le postérieur jusqu'à la base des soies, comme il est possible de le faire par l'observation directe sur les jeunes larves de C/oéopsis diptera. Complètement dégagé de tout le tissu graisseux qui l’en- toure, le vaisseau dorsal se présente sous l'aspect d’un gros tronc trachéen dont les stries seraient excessivement fines ; une observation plus attentive faite sous un très fort grossis- sement permet de distinguer un certain nombre d'étran- glements correspondant aux séparations des loges. Nous n'avons pu déterminer exactement le nombre de ces loges, le vaisseau se trouvant toujours un peu endommagé par ces diverses manipulations. Quant au sang, il est incolore et contient comme chez les Cloéopsis, les Heptagernia.…, des globules sanguins hyalins plus ou moins fusiformes. ORGANES DE LA RESPIRATION. On peut être étonné avec raison qu'un naluraliste comme Latreille n’ait point aperçu la présence des trachées dans le Prosopistoma, car ces organes sont très développés et la moindre parcelle de tissus que l’on vient à transporter sous le microscope et même sous une forte loupe nous en montre de très riches réseaux. La respiration de cette larve paraît être très active; en nous basant seulement sur l'habitat du Prosopistoma dans des cours d’eau à courant rapide tels que la Seine, la Garonne et le Rhône, nous sommes en droit de conclure 4 priori que GENRE PROSOPISTOMA. 65 ses organes respiratoires doivent avoir besoin d’une grande quantité d'air dissous dans l’eau pour satisfaire aux exigences de leurs fonclions. L'expérience confirme notre assertion, car s'il nous a été possible de conserver des individus dans de petits aquariums pendant plusieurs mois, c’est grâce au soin que nous avions de renouveler l’eau une ou deux fois par jour, lorsque nous ne pouvions pas faire passer un cou- rant d’air continu dans l’intérieur de ces petits bassins; sans cette précaution nos larves succombaient au bout de quel- ques Jours. Nous ferons la description des organes de la respiration chez le Prosopistoma à l’état larvaire, sans nous préoccuper ici des modifications qu'ils subissent lorsque l'animal passe à l’état adulte. Nous croyons devoir diviser l'étude de ces organes en deux parties bien distinctes : l'appareil trachéo-branchial et l'ap- pareil ou système trachéen. Si nous établissons cette division c'est que, tout en considérant les organes trachéo-bran- chiaux comme des dépendances de l'appareil trachéen in- terne, ils remplissent cependant des fonctions spéciales. Tandis que le système trachéen sert seulement de conduit à l'oxygène, permettant à ce gaz d'arriver à tous les organes et aux parties du corps les plus infimes, et qu’il remplit, mais en sens inverse, le même rôle vis-à-vis de l’acide car- bonique rejeté de l'organisme ; les trachéo-branchies jouent, un rôle beaucoup plus actif, car ce sont elles qui sont chargées de prendre dans l’eau ambiante l'oxygène qu'elle contient et de lui donner en échange de l'acide carbonique. APPAREIL TRACHÉO-BRANCHIAL. — Sous la dénomination d'appareil trachéo-branchial je désigne non seulement les organes respiraloires externes, mais aussi la cavité du corps dans laquelle ces organes sont abrilés. Cette cavité que je nommerai « chambre respiratoire » se trouve placée à la parlie postérieure et dorsale du thoraco-abdomen. J'ai décrit précédemment les deux ouvertures ventrales qui permetlent à l'eau de pénétrer dans la chambre respi- ANN. SC. NAT. ZOOL. IX, D. ART NA 9: 66 VAYSSIÈRE. raloire, ainsi que l'orifice dorsal par où elle sort, je ne ont pas ici sur leur description. La chambre respiratoire présente l'aspect de deux poches conltiguës, communiquant l’une avec l’autre par la majeure parlie de leurs bords internes ; cette cavité est limitée supé- rieurement par les prolongements postérieurs de la cara- pace et inférieurement par les téguments dorsaux du mé- tathorax et des six premiers anneaux de l’abdomen. Le plancher, ou parois inférieures de la cavité respiratoire, offre en avant, sur toute sa largeur, une profonde échan- crure comme on peut le voir sur la figure 27 ; les bords de cette échancrure vont se souder dans toute leur étendue avec la face interne des téguments de la carapace, de ma- nière à empêcher toute communication entre la chambre respiratoire et la cavité viscérale du corps. Sur toute la surface des parois de cette chambre on cons- tate la présence d'une membrane blanchâtre possédant un riche et délicat réseau trachéen ; sous cette membrane, entre elle et les téguments externes de la carapace on remarque une pellicule anhyste, de nature chitineuse, qui servira à former plus tard, au moment de l'apparition des ailes, les enveloppes inférieures des fourreaux de la première paire. Fourreaux de la deurième paire d'ailes. — Chez nos di- verses larves de Prosopistoma, même chez les plus jeunes, nous avons toujours remarqué dans les deux prolonge- ments antérieurs de la chambre respiratoire une lamelle chitineuse (/o, fig. 27) assez résistante que nous considé- rions autrefois, avant d’avoir assisté aux métamorphoses de cet insecte, comme étant une plaque protectrice destinée à recouvrir les points d'insertion des trachéo-branchies. Cette lame, que nous avons représentée séparément (fig. 29), ne montre presque pas de ramifications trachéennes et en cela elle ressemble quelque peu à ces organes respiratoires transformés que possèdent les larves de C'ænis sur chaque côté du second anneau de l’abdomen, organes destinés à recouvrir et à protéger les trachéo-branchies suivantes. Mais chez GENRE PROSOPISTOMA. 67 les Prosopistoma le rôle protecteur de ces lames ne pourrait guère s'expliquer, les véritables organes respiratoires étant suffisamment à l'abri dans l’intérieur de la chambre. En 1880, en assistant aux métamorphoses de deux de nos larves, nous avons pu nous rendre compte de leur rôle; dans les dépouilles de ces individus les parois chitineuses de ces lames s'étaient dédoublées et laissaient entre elles un vide comparable à celui qu'offraient de chaque côté les parlies postérieures de la carapace; ce vide communiquait largement avec l'extérieur par une longue fente parallèle à la ligne d'insertion de la lame. Il n’y avait plus de doute possible, ces deux lames étaient bien les fourreaux des ailes de la deuxième paire. Ces fourreaux constituent chez toutes les larves que nous avons observées deux lames très résistantes, complèlement immobiles et dirigées d’avant en arrière et de dedans en dehors ; leur bord postérieur est arrondi, leur bord externe est convexe el l'interne légèrement concave ; ces lames sont soudées par leur bord antérieur à un épaississement chilineux du plancher (fig. 27). Leur face supérieure présente quelques poils clairsemés, poils qui font défaut sur leur face inférieure. Nous trouvons ensuile six paires d'organes trachéo-bran- chiaux disposés sur les côtés de la cavilé respiratoire; ces organes, contrairement à ce qui à lieu chez la majorité des larves d'Ephéméridés, ne sont nullement semblables entre eux et remplissent des rôles différents que nous ferons connaître après avoir décrit la structure de chacun d'eux. Elles offrent à peu près les mêmes formes chez les deux espèces de Prosopistoma; chez le Pr. variegatum les digitations des trachéo-branchies des 1", 3°, 4° et 5° paires sont propor- tionnellement un peu plus longues, comme nous avons pu le constater chez les individus que nous venons de recevoir. Première paire de trachéo-branchies. — Cette première paire est constituée par deux plaques chitineuses, de forme triangulaire, dirigées d'avant en arrière lorsqu'elles sont au repos (/, fig. 27). Le bord externe de ces plaques est légère- 68 VAYSSIÈRE. ment convexe (fig. 31), il est terminé par une pointe un peu arrondie. Sur leur bord interne concave ces plaques posse- dent de nombreuses digitations lamelleuses, plusieurs fois ramifiées, mais toutes placées dans le même plan et dirigées presque verticalement vers la ligne médiane du corps. Toute la face externe de ces organes ainsi que leurs con- tours présentent de nombreux poils. Au point d'insertion de chacune de ces plaques se trouve un tronc trachéen 6 qui pénètre dans son épaisseur pour s’y ramifier à l'infini. Ces lames trachéo-branchiales sont mues par des muscles s’insérant d’une part à la base de la plaque, d'autre partsurles tégurnents latéraux-inférieurs de la cavité générale du corps. Deuxième paire de trachéo-branchies. — Ces organes, insérés en arrière et plus latéralement que les précédents, ont une forme quadrangulaire qui permet de les reconnaître facilement dès que l’on a enlevé la carapace. Étant très grandes et très minces, ces lames (fig. 30 et /”, fig. 27) ont chacune besoin d’une charpente chilineuse pour les tenir élalées ; à leur point d'insertion nous trouvons un fort an- neau de chitine duquel partent trois arêtes de la même sub- stance se dirigeant vers les trois angles libres. Le bord antérieur de ces grandes plaques est légèrement convexe, tandis que les trois autres côtés sont un peu con- caves ; ces bords sont tous garnis de ‘poils assez fins, poils que l’on retrouve aussi plus ou moins clairsemés sur toute l'étendue de la face supérieure. Le tronc trachéen& dès son entrée dans l'épaisseur de ces plaques se divise en trois branches principales qui suivent à peu près la même direction que les trois épaississements chitineux ; ces branches se subdivisent chacune en de nom- breuses ramifications qui arrivent à avoir à leur extrémité une finesse excessive ; ici ces ramificalions sont cependant beaucoup moins serrées les unes contre les autres que dans les digitalions des trachéo-branchies de la première paire ou que dans celles des organes suivants. GENRE PROSOPISTOMA. 69 Troisième, quatrième, cinquième et sixième paire de trachéo- branchies. — Les lames respiratoires de ces trois paires ne diffèrent entre elles que par lenombre, l'étendue etla consis- tance des digitalions ; leurs points d'insertion se frouvent pla- cés latéralement, en arrière de ceux des deuxièmes plaques respiratoires, sur une même ligne droite dirigée d’avant en arrière. Elles sont un peu superposées les unes aux autres ; celte disposition, jointe à leurs dimensions moindres, fait qu'elles sont presque complètement cachées par les grandes lames de la deuxième paire comme on peul le voir sur notre figure 27 où le bord postérieur de la dernière (/”) se distingue à peine; celles (1) de la 6° et dernière paire, situées près de l'orifice dorsal, sont très petites, oblongues et à bords entiers. Nous avons représenté (fig. 32) une des lames de la troi- sième paire, lames près de deux fois plus grandes que celles de la cinquième. La base de ces organes est conslituée par une plaque chitineuse assez étendue, dont le bord externe est arrondi et qui montre, sur toute la longueur de son bord interne, de nombreuses digitations (de 15 à 30 suivant le rang de l'organe que l’on étudie) toutes situées dans le même plan. Chacune de ces trachéo-branchies recoit sur le milieu de son bord externe un tronc trachéen (9°, 0° ou 0”) qui pé- nètre dans son intérieur et qui s’y ramifie beaucoup plus que dans les pièces précédentes, ce qui indique que leur rôle respiratoire est plus actif. Nous avons dessiné séparé- ment (fig. 33) une des digitations de ces dernières trachéo- branchies pour montrer le nombre considérable de trachées qui pénètrent dans leur intérieur en suivant les parois et qui retournent par leur partie centrale. Voyons maintenant quel est le rèle rempli par chacune de ces plaques dans l’acte respiratoire. La cavilé ou chambre dans laquelle toutes ces trachéo- (1) Note sur le Prosopistoma variegatum de Madagascar.— C. R. de l'A- cadémie des Sciences, t. OX, p. 95-96 (13 janvier 1890). 70 VAYSSIÈRE. branchies se trouvent placées élant complètement close, l'eau ne pourrait s’y renouveler, si ces organes n'exécutaient pas divers mouvements destinés d’abord à amener une certaine quantité d'eau dans la cavité, puis à l'en faire sortir ; toutes les {rachéo-branchies ne concourent pas également à cet acte mécanique, c'est à celles des deux premières paires que ce rôle est surtout dévolu. Les lames de la première paire exécutent chacune un mouvement de bas en haut, puis, lorsque leur extrémité pointue est venue toucher la voûte de la chambre respira- toire, elles glissent latéralement le long des parois et arri- vent bientôt aux ouvertures ventrales; là, par un mouve- ment brusque de retour, leur extrémité pousse une certaine quantité d'eau vers la partie médiane et antérieure de la chambre. À ce moment les plaques carrées / relèvent leur pointe antérieure ou médiane pour rejeter en avant toute l’eau qui vient d'arriver, puis leurs deux autres poin- tes, ce qui permet au liquide de venir occuper la partie in- férieure de la cavité et d'y séjourner quelque peu, mais au bout d’une seconde les deux grandes lames /, en se rabat- tant brusquement d'avant en arrière contre le plancher de la cavité, poussent toute l’eau vers l’orifice dorsal. Les trachéo-branchies des 3°, 4°, 5° et 6° paires ne restent pas de leur côté complètement immobiles, elles suivent un peu les mouvements des lames carrées ; ainsi elles se sou- lèvent en même temps que ces lames, mais en laissant entre elles un certain espace pour permettre à l’eau ambiante de mouiller toute leur surface. Le courant d’eau continuel qui se fait ainsi dans l’inté- rieur de la chambre respiratoire permet à l'échange des gaz de s'effectuer rapidement malgré l'épaisseur assez con- sidérable des téguments chitineux de ces plaques. APPAREIL TRACHÉEN. — Bien que cet appareil soit très développé dans le Prosopistoma, il n’a cependant pas toute la complication de celui que l’on observe chez beaucoup d'autres Orthoptères. GENRE PROSOPISTOMA. so Comme chez les autreslarves d'Ephéméridés, 1l se compose de deux grosses trachées disposées parallèlement sur les côtés du corps et que nous appellerons /roncs latéraux ; de ces troncs partent un grand nombre de trachées que nous avons pu, à force de palience, reconnaître et suivre dans leurs principales ramificalions à lravers les diverses parties du corps. Pour ce genre de recherches nous avons toujours été obligé de ne disséquer ces larves que sous une forte loupe, l'emploi du microscope étant rendu impossible par l’opacité de leurs téguments ; pour faciliter un peu nos ob- servalions, nous avions le soin dene disséquer sous l’eau que des individus frais et de diriger sur nos préparations un rayon de lumière qui mettait en relief les ramifications tra- chéennes d'un blanc argentin. Les deux troncs latéraux, parfaitement symétriques, sont situés dans la partie médiane du corps de l'animal, dans un plan également éloigné de la face dorsale et de la face ven- trale ; ils sont presque en entier contenus dans la région tho- raco-abdominale. La forme de ces troncs rappelle assez celle des s minuscules gothiques (fig. 27 et 28). Antérieurement, presque au-dessus des points d'insertion des pattes de la première paire, ces troncs décrivent une courbe en dehors, courbe ne se prolongeant pas trop en arrière et se relevant vers la carapace, qu’elle touche pres- que; c’est de cette dernière extrémité que nous partirons pour énumérer et décrire en même temps lous les troncs se- condaires. En arrière de la courbe le tronc latéral longe le tube digestif, d'abord en le touchant presque, puis s’en éloigne peu à peu ; arrivé aux points d'insertion des deux premiers troncs se rendant aux trachéo-branchies, il décrit une série de sinuosités peu marquées. En dessous du tronc 8” le tronc latéral ne tarde pas à présenter un diamètre moindre et à se rapprocher assez de la ligne médiane sans l’atteindre; à partir de ce moment 1l se dirige en droile ligne jusque dans le dernier anneau, au milieu du tissu duquel il se perd en donnant un grand nombre de ramifications. 7122 VAYSSIÈRE. Dans notre figure 28 nous avons représenté isolé le tronc latéral de gauche, afin de montrer, avec plus de netteté que nous n'avons pu le faire dans notre dessin d'ensemble, le point de départ de chaque trachée. Avant d'entrer dans les détails de cet appareil, observons que nous n’avons pas aperçu à l’intérieur des trachées et plus spécialement des troncs latéraux, les nombreux poils implantés sur les parois internes comme nous avons pu le constaler chez un autre type d’'Ephéméridés, l'Oligoneuria garumnica. Les trachées sont constituées chez le Prosopis- toma comme chez le plus grand nombre des Insectes; la disposition signalée au sujet de FOligoneuria ne doit nul- lement nousétonner puisque d’après F. Dujardin (1), qui a le premier signalé l'existence de poils dans ces tubes, on trouve dans certaines familles des espèces dont les trachées en offrent el d’autres qui en sont dépourvues. Comme nous l'avons dit précédemment, c'est même de l'extrémité recourbée du tronc latéral que nous allons com- mencer l’énumération de tousles troncs secondaires, sans en omeltre un seul, quelle que soit son importance. a. Pelile trachée qui prend naissance sur le côlé interne de l'extrémité du tronc latéral ; elle se dirige immédiate- ment vers la partie supérieure du corps en donnant quelques ramifications à des muscles et aux téguments, mais c’est surtout dans la partie antérieure de la glande génitale qu’elle va se ramifier. 6. Ce tronc qui termine tout à fait la crosse ou courbe du tronc latéral, se trifurquant dès son origine, pourrait être considéré comme trois {troncs secondaires, si nous ne préfé- rions ne pas trop donner d’étendue à nos descriptions et passer un peu rapidement sur certaines trachées. L'un de ces troncs, le plus interne, se dirige vers la face ventrale el va aériser la patte de la première paire située de (1) Comptes rendus de l'Académie des Sciences : « Résumé d’un mémoire sur les trachées des animaux articulés et sur la prétendue circulation péritra- chéenne », t. XX VIII, p. 674, 1849. GENRE PROSOPISTOMA. 73 son côlé. Le lronc médian £’ se prolonge quelque peu et donne bientôt un certain nombre de ramifications. Le tronc externe va se perdre immédiatement dans le tissu adipeux et au milieu de quelques muscles de la portion du bord de la carapace voisine de son point de départ. y. Ce tronc naît à la face dorso-latérale interne et se bifurque dès son origine ; la branche y”, que l’on peut dési- gner sous le nom de trachée latérale, passe au-dessous de l'extrémité de la crosse, puis se dirige à peu près en droite ligne vers l'extrémité du thoraco-abdomen (fig. 27), en fournissant des deux côtés de nombreuses et délicates ramifications aux téguments dorsaux et au tissu adipeux de cette région du corps. La branche ?, après être passée au- dessus de la crosse, envoie toutes ses ramifications àla partie dorso-antérieure du thorax, aérisant une partie des museles qui rattachent la tête au corps. 0 peut être appelé le tronc secondaire céphalique de gauche, car c'est en effet lui qui fournit toutes les trachées à cette partie de la tête. Il naît au bord antérieur de la courbure du éronc latéral; 11 se dirige en avant de dehors en dedans, traverse le cou et arrive dans la tête; il donne naissance aux trachées suivantes : (/) petites branches des muscles du cou; (2) se bifurque bientôt; (2°) se ramifie dans la partie antérieure du gros ganglion nerveux thora- cique (fig. 34), ainsi que dans le connectif reliant ce centre au ganglion sous-æsophagien ; quant à (2”), il se rend à la base de la lèvre inférieure. Nous avons ensuite la branche (3) de ce même tronc à, branche qui se ramifie à la partie dorso- latérale de la tête, portant l'air aux organes visuels et aux muscles de cette région; la trachée (4), assez volumineuse, naît du tronc céphalique au moment où celui-ci sort du thorax, elle va aériser la partie profonde postéro-latérale de la tête; (5) petite trachée se ramifiant dans la partie antérieure de la lèvre inférieure; (6) se rend aux organes qui occupent le centre du crane (ganglion cérébroïde de gauche, labre et pharynx). Enfin l'extrémité du tronc céphalique d se bifurque, 7, VAYSSIÈRE. et les deux branches ainsi formées (7 et 8) vont compléter l'aérisation des organes contenus dans la tête; (7’) parois de la cavité buccale et de l’æsophage ; (8) antennes, muscles des mandibules et des mâchoires. «. Ce tronc secondaire naît à la face ventrale du trone prin- cipal, à la hauteur des pattes de la deuxième paire; il se bifurque bientôt, e! se rend au ganglion nerveux thoracique pour se ramifier dans sa partie médiane; « se divise en deux branches dès son origine, l’une va au grand musele longi- tudinal ventral, l’autre aux muscles de la patte de la seconde paire. ©. Cette trachée sort du bord externe, et fournit deux fortes ramifications, l’une (7) passe sous le tronc latéral et aboutit à l'extrémité du gros ganglion thoracique (fig. 34); l’autre (2) aérise une partie du grand muscle ventral et les museles de de la patle gauche de la troisième paire. n. Ce tronc est un des plus volumineux de l'organisme du Prosopistoma ; il donne naissance à un grand nombre de branches qui vont aériser diverses parties du corps ; nous n’étudierons que les quatre principales. La trachée (7) se dirige vers la partie moyenne de l'estomac (fig. 16), au mo- ment d'arriver sur cet organe elle se subdivise en plusieurs branches qui vont se ramifier dans les parois des faces dor- sale et ventrale de cette partie du tube digestif; (2) se rend au point d'insertion du grand musele dorsal et aussi dans quelques muscles faisant mouvoir les paltes de la troisième paire; la trachée (3) va se ramifier dans les téguments qui tapissent la voûte de la chambre respiratoire ; enfin la pelite branche (4), après un court trajet se bifurque, l’une de ses ramificalions se rend à la partie inférieure de la glande géni- tale, l'autre se subdivise dans une portion du grand muscle longitudinal dorsal. 6,6",0°,6"’et6"”". Ces cinq troncs relient les organes trachéo- branchiaux au système {rachéen ; ils prennent tous naissance sur le côté interne du {ronc latéral (ig. 28); ils se dirigent d’abord en dedans, se replient en dessous du tronc latéral GENRE PROSOPISTOMA. 15 et remontent ensuite vers le plancher de la chambre respi- raloire ; arrivé contre celui-ci, chaque {ronc le traverse par un orifice placé au-dessous de la trachéo-branchie, orifice par lequel passent en suivant la frachée un certain nombre de bandelettes musculaires destinées à faire mouvoir l'organe respiratoire. Près de leur base, quatre de ces troncs 6, 6”,6”, 6”, au moment de pénétrer dans leur trachéo-branchie respective, produisent chacun une pelite trachée qui va se perdre dans le plancher. / v,u,v/, ces quatre petites trachées se rendent dans l'épaisseur du grand muscle longitudinal ventral situé de leur côlé. 2,2,2,x",celles-ci, un peu plus fortes que les précédentes, sont chargées d’aériser le grand muscle longitudinal dorsal. à, trachée se ramifiant dans la partie moyenne et dorsale du septième anneau. um, ce petit tronc secondaire, avant de sortir de la cavité thoraco-abdominale, fournit une petite ramification à la cara- pace ; sa branche principale aérise toute la partie latérale du seplième anneau. ; v. Cette trachée, qui sort du #onc latéral au moment où celui-ci oblique vers la ligne médiane du corps, est chargée de porter l'air à la partie inférieure de l'estomac et aux parois de l'intestin (fig. 16); elle envoie aussi une ramification le long du renflement du tube de Malpighi. ë. C’est dans la partie médiane du grand muscle dorsal que cette trachée va se ramifier. o. Ce petit tronc trachéen, à peine sorti du septième an- neau, se ramifie dans les téguments de la face ventrale du huitième. 7. Celui-ci aérise la face dorsale et Le côté gauche du hui- ième anneau. e. Presque tout l’avant-dernier ou neuvième anneau ne reçoit de ramifications trachéennes que de ce tronc secon- daire; une des premières ramifications de ce tronc pénètre dans les muscles qui ont leurs points d'insertion supé- 76 VAVSSIÈRE. rieure sur la partie renflée du bâtonnet de gauche (fig. 10). 5. Cette trachée se rend aux soies caudales ; sa partie prin- cipale aérise la soie latérale de gauche, tandis qu’une branche se dirige vers la partie de la sôie médiane placée de son côté, de telle sorte que cette dernière reçoit ainsi des ramifications trachéennes des deux troncs c. À partir du point de départ de la trachée , le #ronc latéral donne bien naissance à quelques autres ramifications en dehors de 6, mais elles sont toutes très petites, sauf les der- nières, qui vont se ramifier dans la partie gauche du dixième et dernier anneau. SYSTÈME NERVEUX. Peu d’Insectes possèdent un système nerveux aussi con- centré que celui du Prosopistoma. Dans la famille des Ephé- méridés, le Cæœnis, type européen, qui sous le rapport de l'appareil trachéo-branchial offre un commencement de concentration, possède une longue chaîne nerveuse consti- tuée par onze centres ganglionnaires plus le cerveau. Quant au Bælisca obesa dont nous donnons un dessin d’ensemble (fig. 9), bien que sa forme générale offre beaucoup d’ana- logie avec celle du Prosopistoma, nous ne croyons pas cepen- dant, vu l'annulation plus marquée de toute sa région abdominale, que son système nerveux soit aussi concentré; n'ayant eu à notre disposition en 1881 que deux dépouilles nymphales, nous n'avons pu étudier cette partie de son organisation. Nous avons regretté d’aulant plus cette lacune de notre travail sur l’organisation des larves des Ephémé- rines, que les auteurs (1) qui se sont occupés de ce curieux type américain et qui ont eu sous la main quelques larves (1) B. Valsh à publié en 1864 une note sur la nymphe du Bœtisca, dans The proceedings of the entomological Society of Philadelphia, p. 200-206 ; une traduction francaise de cette note à été donnée en 1880 par le Dr Em. Joly, dans le Bulletin de la Société, d'études scientifiques d'Angers. Eaton, loc. cit., se contente de donner les diagnoses générique et spécifique de cet insecte. GENRE PROSOPISTOMA. 7IY vivantes où conservées dans l’alcool ne nous donnent au- cune indication sur la structure de leurs organes internes. Tous les centres nerveux de la chaîne ganglionnaire sous- intestinale, sauf le premier (centre sous-æsophagien où pha- ryngien), sont chez le Prosopistoma réunis en une seule masse nerveuse ovoide reliée au précédent par une paire de courts el forts conneclifs. À la partie postérieure de cette masse volumineuse, on ne {rouve pas de prolongement plus ou moins ganglionnaire comme en présente l'unique gan- glion thoracique de divers Diptères et de quelques autres insectes à système nerveux concentré, prolongement don- nant à droite et à gauche sur toute sa longueur des ramifi- cations. [ci, comme nous allons le voir, nous ne trouvons rien que des filets nerveux très délicats disposés par paire qui sortent en divergeant du volumineux ganglion. Le système nerveux se composedonc chez le Prosopistoma foliaceum, des centres suivants : une paire de ganglions céré- broïdes ou sus-æsophagiens formant le cerveau ; un ganglion sous-æsophagien ou pharyngien de forme triangulaire, placé au-dessous et un peu en arrière du cerveau, et un gros ganglion ovoïde que nous nommerons le ganglion /horaco-abdominal, occupant le milieu des deux premiers segments du thorax. Tous ces centres nerveux sont chez la larve vivante d’un blane laiteux, plus ou moins hyalin. Nous avons représenté (fig. 27), un peu grosso modo, l'en- semble de cet appareil avec tous les nerfs qui en partent pour montrer les relations de ces divers ganglions avec les organes voisins; le dessin rigoureusement exact que nous donnons, figure 34, permettra de se rendre compte de la forme de ces centres nerveux et de la grosseur relative des nerfs auxquels ils donnent naissance. Pour arriver à préparer cet appareil, il faut d'abord enlever la carapace el le plancher de la chambre respira- toire, puis on soulève avec précaution les téguments dorsaux de la têle en ayant soin de couper les nerfs optiques, ou mieux en délachant les yeux et les ocelles comme le représente 78 VAYSSIÈRE. notre figure 35; si les glandes génitales sont en voie de développement, on les enlève, puis, relevant le tube digestif par sa partie postérieure, on le rejette en avant. Il ne reste plus alors qu'à inciser l’œsophage près de son point de départ, en prenant bien garde de ne pas entamer les con- nectifs qui relient le cerveau au ganglion sous-œæsophagien. Ganglions cérébroïdes. — Ces ganglions, C, C, soudés l’un à l’autre, sont assez gros, de forme ovale, leur grand diamètre étant {ransversal; ils sont placés sur l'œsophage ou plutôt sur les parois de lacavité pharyngienne, au-dessous de l’ocelle médian. Deux forts connectifs €, c’, dirigés d'avant en arrière etembrassant l’œsophage, les relient au centre sous-æsopha- gien. Un petit nombre de nerfs, assez gros, se rendant aux or- ganes des sens, sortent de ces ganglions. Au point de soudure des deux ganglions cérébroïdes prend naissance le nerf o de l’ocelle médian: ce nerf est très court et très difficile à voir si l'organe visuel n’a pas été conservé. Sur les bords externes de chaque ganglion on observe trois troncs nerveux naissant presque du même point (fig. 35). Le nerf antennaire (4, a’) qui se rend immédiatement à la base de l'antenne placée de son côté; puis les gros nerfs O, 0’ des veux composés, qui se dirigent latéralement et un peu en arrière, arrivés à la base de l'œil, ils forment chacun un renflement volumineux ; enfin le nerf (0, 0’) de l’ocelle latéral de droite ou de gauche qui se dirige tout à fail en arrière pour aboutir à la base de l'organe qu'il est chargé d’innerver. Ganglion sous-æsophagien. — Chez le Prosopistoma les deux ganglions qui formaient primilivement ce centre ner- veux sont si intimement accolés l’un à l'autre qu'il est impossible d'apercevoir la moindre trace de soudure. Ce ganglion E est cordiforme, sa partie rétrécie étant dirigée en arrière; avec les deux ‘orts connectifs qui le relient au cerveau, il complète le collier nerveux quientoure le commencement du tube digestif. Comme le cerveau il est situé dans la tête, mais lorsque la larve éloigne cetle parlie GENRE PROSOPISTOMA. 79 de son corps du thoraco-abdomen, ce ganglion, par suite de cet allongement, est renvoyé dans la région du cou, tou- tefois un peu moins que nous ne l'avons représenté dans notre figure 27; nous avons été obligé de le donner ainsi dans notre dessin pour rendre ce dernier plus net. De la partie antérieure du ganglion sous-œæsophagien ainsi que des connectifs €, c' naissent tous les nerfs de la région céphalique moins ceux des sens; mais malgré tous nos soins nous n'avons pu suivre {ous ces nerfs jusqu'aux organes dans lesquels ils se rendent. Les troncs /, l'se ramifient dans les diverses parties de la lèvre inférieure; », » aboutissent à la base des mâchoires, et N, N’ pénètrent dans les mandibules. Quant! à #, »’, nous n'avons pu les suivre bien loin, mais d’après leur position, on peut supposer qu'ils sont chargés de l'innervation des parois pharyngiennes et aussi de celles de tout le tube digestif. Ganglion thoraco-abdominal. — Ce ganglion, de forme ovale et un peu comprimé, est raltaché au sous-æsophagien par deux conneclifs qui, sous un faible grossissement, ont l’air de n’en former qu'un seul, laissant entre eux un petit intervalle / qu'il n’est pas loujours aisé d’apercevoir. Cette masse nerveuse T produite par la coalescence com- plète des ganglions thoraciques et abdominaux ne présente extérieurement aucune trace de soudure, et sous ce rapport on peut dire que la concentration de la chaine ganglion- naire de la larve du Prosopistoma est poussée plus loin que chez les divers types d’Insectes ; pour trouver quelque chose d’analogue, il faut nous adresser à d’autres classes du type Arthropode, les Crustacés (les Décapodes brachyures, cer- tains Entomosiracés,..….) et les Arachnides (Aranéides et Phalangides). Toutefois si l’on fait séjourner ce centre nerveux dans l'alcool pendant un jour ou deux, et qu’on l’examine en- suite sous le microscope, on remarque que les cellules nerveuses se groupent dans l'intérieur du névrilème pour former une masse lobée opaque. Les lobes sont au nombre 80 VAYSSIÈRE. de sept, ainsi disposés, trois de chaque côté et se corres- pondant et un terminal. Le lobe terminal peut être considéré comme le produit de la coalescence des centres nerveux abdominaux, tandis que les trois paires de renflements latéraux représenteraient les trois ganglions thoraciques. Le ganglion {horaco-abdominal est placé sous l'estomac, il repose sur les téguments sternaux dans le vide compris entre les deux premières paires de pattes, le bord antérieur du prothorax et le bord postérieur du mésothorax. N’étant nullement protégé par des apodèmes, on peut, dès que l’on a enlevé l'estomac, l’apercevoir à l’œil nu, bien qu’il soit plus hyalin que les centres de la tête. Un grand nombre de disseclions fort délicates, toutes exécutées avec l’aide d’une forte loupe, nous ont permis de suivre la direction et de nous rendre compte du rôle joué par la plupart des nerfs sortis de ce volumineux ganglion (eva). Commençons par l'étude des nerfs de la partie terminale du ganglion, ceux que l’on peut considérer comme prove- nant du lobe qu'un court séjour dans l’alcool du système nerveux fait apparaître à l’extrémité de ce centre nerveux. Tous ces nerfs étant pairs et symétriques, nous n’étudierons que ceux du côté gauche de l'Insecte. Nerf1. — De tous les troncs nerveux qui innervent l’abdo- men c’est le plus gros. Ce nerf descend en droite ligne vers l'extrémité du corps, en s’écarlant un peu de la ligne mé- diane; vers le commencement du 7° anneau, il donne une branche assez forte qui passe au-dessous de lui et qui va innerver les soies, tandis que la branche principale va se perdre dans les tissus des 9° et 10° anneaux. Nerf 2, suit le précédent presque parallèlement et va se ramifier dans l’avant-dernier anneau {le 9°), dont il complète l'innérvation. Nerfs 3 et 4, se rendent dans les trois premiers anneaux libres de l'abdomen, plus spécialement dans le 7° et Le 8°; GENRE PROSOPISTOMA. 81 ces nerfs envoient aussi quelques filets aux grands muscles dorsaux el ventraux. Nous pensons que ce sont des branches du nerf3 qui sont chargées de l’innervation de l'appareil moteur des soies. Nerf 5. — Descend en divergeant un peu en arrière de la patle de la troisième paire; là il se bifurque, l’une des branches continue sa course en suivant la direction primi- tive du tronc et va se perdre dans les tissus de l'extrémité latérale de la carapace, tandis que l’autre se dirige vers le plancher de la chambre respiratoire, allant probablement innerver les points d'insertion des dernières trachéo-bran- chies. Nerf 6. — Ce tronc nerveux, qui estle premier fourni par le lobe terminal du ganglion, suit une direction à peu près semblable à celle du précédent; un peu avant d'arriver près du tronc trachéen latéral, il se bifurque; sa branche externe se dirige vers le plancher pour aller innerver la musculature des {rois premières trachéo-branchies, tandis que sa branche interne se dirige vers la face ventrale du corps el envoie ses ramifications autour de l’orifice d'entrée de l’eau, placé de son côlé. Passons maintenant à l'étude des troncs nerveux prove- nant des lobes latéraux du ganglion thoraco-abdominal : malgré leur volume, il ne nous a pas été possible de les sui- vre bien loin, la plupart d'entre eux allant se ramifier dans des organes difficiles à disséquer sur un Insecte d’aussi petile taille. Nerf 7. — Ce tronc nerveux, qui se subdivise en un grand nombre de troncs secondaires, envoie Le plus volumineux d’entre eux dans la palte de la troisième paire, tandis que les autres vont innerver les muscles d'insertion de cette patte el aussi la partie antérieure du grand muscle dorsal. Nerf 8. — Nous n'avons pu suivre la marche de ce nerf. Nerf 9. — Ce tronc se rend dans l'intérieur de la patte de la seconde paire, et ses troncs secondaires innerveni les muscles qui la font mouvoir. ANN. SG. NAT. ZOOL. IX, 6. — ART. N° 2. 82 VAYSSIÈRE. Nerf 10. — Se dirige vers le point d'insertion du grand muscle longitudinal ventral. Nerf 11. -— Ce nerf envoie dans la patte de la première paire sa principale branche, tandis que les autres vont dans les muscles d'insertion de cet organe locomoteur. Nerfs 12 et 13. — Ces minces filaments nerveux se ren- dent en majeure partie dans les muscles du cou, muscles nombreux et assez forts, destinés surtout à rapprocher la tête du reste du corps. Quant au système nerveux de la vie de nutrition, nous ne pouvons rien dire sur son compte, si ce n’est que nous supposons que les nerfs n, n° qui partent des connectifs ce, c' (fig. 34) sont probablement chargés de l’innervation de l’appareil digestif et constitueraient par suite le système stomato-gastrique du Prosopistoma. ORGANES DES SENS. En fait d'organes des sens, nous n'avons à signaler que l'existence des antennes el des yeux. Dans le chapitre con- sacré à l'étude des téguments, ayant décrit la structure des antennes, nous laisserons de côté ces organes pour ne nous occuper que de l'appareil visuel. Nous trouvons chez la larve du Prosopistoma deux veux composés el trois ocelles ou stemmales. : Les yeux composés, relativement assez pelits, sont placés sur les parties postéro-latérales de la tête (fig. 1 et y, fig. 4) ils forment à la surface de l’épicrâne deux petits mamelons peu proéminents, qui ne seraient guère visibles à l'œil nu ou sous la loupe, si ce n'était leur teinte noire due à la pré- sence de la substance pigmentaire qui tapisse le fond de ces organes; cette coloration les fait ressortir à tel point sur le reste des téguments céphaliques, que Latreille, en 1833, a cru devoir donner à cet animal la dénomination spécifique de punctifrons. Û , GENRE PROSOPISTOMA. 83 Le nombre des facettes de la cornée de chaque œil com- posé est d'environ une centaine. Les ocelles ou stemmates ne sont pas, chezles Prosopistoma, surtout chez le Pr. foliaceun, loutes proportions gardées, aussi petits que chez les autres larves d'Éphéméridés ; leur écartement est plus grand. Ainsi l’ocelle placé au centre du clypéus, un peu en arrière des points d'insertion des antennes, se trouve être presque aussi éloigné des ocelles latéraux que des yeux composés ; silué au fond d'un petit enfoncement, cet ocelle est parfois assez difficile à apercevoir. Les ocelles latéraux sont situés en dedans et un peu en arrière des yeux, sur le bord antérieur des pièces constituant l'épicrâne ; leur forme est complètement arrondie et non un peu ovale comme celle du médian. Chez la larve vivante le cristallin des ocelles est d’un rose opalin, mais immédiatement après sa mort il devient d’un blanc mat. GLANDES GÉNITALES. Nous terminerons cette étude de la larve par quelques mots sur les glandes génitales que nous avons observées chez un certain nombre de nos individus. Immédiatement après avoir enlevé la carapace, on aper- cevait chez quelques-unes de nos larves, en avant du bord échancré du plancher de la chambre respiratoire, deux corps glandulaires plus où moins développés, cachant en partie l'estomac. En enlevant ensuite le plancher de la chambre respiratoire, ainsi que les téguments dorsaux des derniers anneaux de l’abdomen, on mettait alors à décou- vert toute leur partie postérieure et l’on pouvait se rendre compte de l'ensemble de l'appareil. Notre figure 25 représente l’ensemble des organes géni- taux d’une larve qui probablement n’aurait pas tardé à se métamorphoser. Ces glandes, chez tous les individus où nous avons cons- taté leur présence, nous ont paru devoir conslituer desovaires 84 VAVYSSIÈRE. en voie de développement; leur couleur était d’un blane laileux et leur aspect loujours granuleux. L'ensemble de l'appareil élait constilué par deux lobes se prolongeant plus ou moins en avant sous la carapace et pou- vant même arriver jusqu'au milieu du prothorax; ces deux lobes se réunissent inférieurement en un seul corps arrondi en arrière. Sur le milieu de ce dernier, se trouve une sorte de poche , de laquelle partent deux conduits O, 0’, qui embrassent le tube digeslif au commencement de l'intestin et qui se dirigent vers les téguments ventraux du sixième anneau. Ces conduits, contrairement à ce que présente la majorité des Insectes, ne se réunissent pas en un court canal commun avant de déboucher à l'extérieur; ils vont se terminer séparément et un peu sur les côtés du corps, entre le septième et le huilième anneau de l’abdomen. A peu de distance de leur point de départ el sur leur côté interne, ces conduits 0, 0’, présentent chacun un petit canal (c); ces deux canaux que je n'ai pu suivre sur loute leur longueur paraissent se diriger vers un corps glandu- laire blanchâtre que j'ai observé quelquefois à la face dor- sale du rectum. Quant aux filaments #, #, de nature tendineuse, ils me semblent être destinés à maintenir en place la base des glandes génitales. Si l’on vient à déchirer la tunique conjonctive entourant un des lobes et que l’on dissocie un fragment du corps glandulaire, on remarque que les grosses granulations blan- châlres de ces organes sont aulant de tubes ovigènes assez renflés, présentant lous à leur base (fig. 26) un pédoncule p, sorte de canal qui doit se réunir à plusieurs autres pour former un conduit commun allant aboulir à la poche w. Notre dessin (fig. 26) représente un de ces tubes ovigènes, un peu comprimé, montrant de jeunes ovules à travers les parois délicates de son extrémilé cæcale. Dans l'étude anatomique et zoologique de l’Insecte par- fait, nous aurons à revenir sur la descriplion de cet appareil GENRE PROSOPISTOMA. Ch) pour mettre en relief des différences qui existent suivant le sexe, soil dans les glandes et leurs annexes, soit dans les pièces qui entourent les orifices extérieurs. Nous aurions vivement désiré pouvoir joindre à cette étude de l’organisalion interne de la larve nymphale du Prosopistoma foliaceum un plus grand nombre de détails sur l’organisalion de celle du P7. variegalum ; malheureuse- ment, les individus que nous devons à l’obligeance de M. Si- kora ne nous étant parvenus que vers la fin de la correction des épreuves, nous n'avons pu les utiliser pour Le présent tra- vail comme nous aurions désiré le faire. EXPLICATION DES PLANCHES 2 A 5 FiG. 1. — Prosopistoma foliaceum (1), vu par la face dorsale, sous un grossisse- ment de 12 fois. Les diverses parties de son corps sont assez séparées les unes des autres et les soies sont en train de sortir du dernier anneau; o, orilice de sortie de l’eau qui vient de séjourner dans la chambre res- piratoire. Sur le côté gauche de ce dessin se trouve un petit trait indi- quant la longueur maximum de notre plus gros individu. Fic. 2. — Le mème animal, vu par la face dorsale et grossi également 12 fois. — Dans cette figure, le dernier anneau ainsi que les soies sont complètement rentrés dans le neuvième segment de l'abdomen. — O, ori- fice de gauche {droite sur notre dessin) par lequel une partie de l’eau entre pour se rendre dans la chambre respiratoire. Fi6. 3. — Une des antennes, avec le bourrelet chitineux b dépendant du clypeus, qui entoure son article basilaire s. Grossissement 8: fois. Fic. #. — Téguments dorsaux de la tête, un peu aplatis, pour montrer la position des divers organes des sens. Grossissement 20 fois, FiG. 5. — Fragment très grossi (500 fois) de la face externe de la lèvre infé- rieure. Fic. 6. — Une des deux ouvertures ventrales, par laquelle pénètre l’eau qui se rend dans la chambre respiratoire. Grossissement 55 fois. FiG. 7. — Patte de la première paire, face externe; 4, piquants dentelés garnissant le bord antérieur et inférieur du tibia. Grossissement 80 fois. Fic. 8. — La même patte vue par sa face interne. Grossissement 80 fois. Fi. 8 bis. — Piquant « et poil b très grossis que l’on observe sur la surface des pattes, (1) Toutes ces figures se rapportent au Pr. foliaceum, sauf celle n° 19, qui re- présente le dernier anneau du Pr. variegatum. 86 VAYSSIÈRE. FiG. 9.— Larve nymphale du Bœtisca obesa, vue par sa face dorsale et grossie 6 fois. FiG. 410. — Dernier anneau de l’abdomen avec le système musculaire qui fait mouvoir les soies; l'anneau est vu par sa face inférieure. — B, B, les bâtonnets; MS, les muscles moteurs des soies; D, bord de la plaque dorsale de l’anneau; V, V, les deux plaques ventrales. Grossissement 55 fois. FiG. 41. — Un des bâtonnets des soies. Grossissement 70 fois. FiG. 12. — Dernier anneau du Prosopistoma variegalum, vu par sa face dor- sale. Grossissement 46 fois. —$, $, les soïes latérales ; S’, la soie médiane. La majeure partie des barbelures des soies, ainsi que les deux plaques ventrales de l'anneau, sont vues par transparence à travers les téguments de la plaque dorsale. | Fi1G. 13. — Soie médiane du Pr. foliaceum, isolée et avec toutes ses barbes bien étalées. Grossissement 60 fois. FiG. 14. — Partie supérieure d’une des soies latérales du même Prosopis- toma. Grossissement 65 fois. FiG. 15.— Extrémité supérieure d’une des barbes avec son pédoncule mou p. Grossissement 500 fois. F1G. 16. — Animal ouvert par la face ventrale pour montrer l'ensemble du tube digestif; la tête, un peu relevée, nous présente la lèvre inférieure soulevée, laissant voir les autres pièces de la bouche. Grossissement 24 fois. FiG. 17. — Labre vu par sa face interne. Grossissement 55 fois. FiG. 18. — Lèvre inférieure vue par sa face externe. —m, mentum ou maxil- laire très réduit de cet organe. Grossissement 26 fois. FiG. 19. — Partie médiane de la lèvre inférieure, vue par la face interne. — m, le mentum avec ses ailerons a, a destinés à le maintenir dans l'échan- crure du submentum ; p, palpes labiaux, et b, fort bourrelet chitineux. Grossissement 60 fois. Fi. 20. — Mäàchoire de droite vue par sa face externe. Grossissement 55 fois. Fic. 21. — Extrémité supérieure plus grossie (120 fois) pour montrer les détails de cette partie de la mâchoire. Fig. 22. — Mandibule de gauche, face externe. Grossissement 55 fois. Fic. 23. — Extrémité supérieure de la mandibule. Grossissement 160 fois. Fi. 24. — Hypopharynx H, accolé à la partie inférieure du mentum m de la lèvre; p, palpes labiaux; e, téguments du fond du pharynx. Grossisse- ment 55 fois. Fi. 25. — Glandes génitales isolées avec leurs conduits excréteurs O, O0’. Grossissement 30 fois. Fic. 26. — Un des lobules très grossi (250 fois) d'une de ces glandes. Fi. 27. — Individu dont on à enlevé la carapace; à droite, nous avons, reposant sur une moitié du plancher de la chambre respiratoire, le four-° reau de l'aile inférieure (fo) et les trachéo-branchies 4, l'et ["/"; à gauche, le tronc trachéen latéral avec toutes les ramifications qui en partent. Nous donnons aussi dans cette figure un croquis en noir plus foncé du système nerveux, pour montrer en place l’ensemble de cet appareil et la direction des principaux nerfs. Grossissement 24 fois. Fic. 28. — Tronc latéral représenté séparément pour indiquer nettement les positions respectives de ses différentes ramifications trachéennes. _Grossissement36 fois. GENRE PROSOPISTOMA. 87 Fic, 29. — Fourreau de l’aile inférieure de droite, Grossissement 45 fois. Fic. 30. — Première trachéo-branchie chargée, en dehors de ses fonctions respiratoires, d'activer par ses mouvements l'arrivée de l’eau de l’ouver- ture ventrale placée de son côté vers la ligne médiane du corps. Grossis- sement 48 fois. Fic. 31. — Deuxième trachéo-branchie remplissant un rôle physiologique peu considérable et ayant surtout pour fonction de refouler l’eau con- tenue dans la chambre respiratoire vers l’orifice dorsal. Grossissement 48 ïo1s. Fi. 32. — Troisième érachéo-branchie avec ses nombreuses digitations apla- ties situées toutes dans le même plan. Grossissement 48 fois. FiG. 33. — Extrémité très grossie (400 fois) d’une des digitations de l’organe respiratoire précédent. Fic. 34. — Ensemble du système nerveux. Grossissement 60 fois. — C, C, les deux ganglions cérébroïdes accolés l’un à l’autre; e, c', les deux connec- tifs reliant le cerveau au ganglion suivant; E, ganglion sous-æsophagien ou pharyngien; T, le volumineux ganglion thoraco-abdominal représen- tant tout le reste de la chaîne nerveuse chez cet insecte. Ce dernier gan- glion est relié au centre sous-æsophagien E par deux courts connectifs laissant à peine entre eux une petite fente f. Fic. 35. — Moitié gauche plus grossie du cerveau, avec les nerfs optiques O et o, et le nerf antennaire a. Grossissement 100 fois. RECHERCHES SUR LES ORGANES PALLÉAUX Par FÉLEIX BERNARD. INTRODUCTION Ce travail fait partie d’une série de recherches enire- prises au laboratoire de Malacologie du Muséum, en vue de préciser et de compléter nos connaissances relatives aux Gastéropodes Prosobranches. Ce groupe, l'un des plus im- portants de tout l'embranchement des Mollusques, a été jus- qu'à ces dernières années relativement négligé, et, à part les essais d'Anatomie comparée de Jhering, de Spengel et de Bela Haller, les travaux les plus importants consistaient en monographies. Les genres qui ont été étudiés à ce point de vue sont les suivants : Paludina, Neritina, Vermetus, Hal, Halotis, Fissurella, Ampullaria, Cyclostoma. Ajoutons-y les familles des Muricidés, des Rhipidoglosses marins, des Purpu- ridés et des Caiyptræidés. Des familles entières restaient à peu près inconnues, et, si l’on voulait tenter d'établir un enchai- nement, une classification naturelle des groupes, on était réduit à s'appuyer sur les caractères lirés de la coquille, de la radula ou de la forme de la branchie. Les savants alle- mands ont les premiers tenté de combler cette lacune, mais 90 FÉLIX BERNARD. en France la tendance aux monographies semble encore dominer. « Nous sommes à la période des monographies », a dit M. de Lacaze-Duthiers, et l’élude complète de types aussi variés que possible est la principale préoccupation d’un grand nombre de zoologistes. Je ne conteste pas l'utilité de ces sortes de recherches; mais le beau mémoire de M. Bou- vier sur le système nerveux et la classification, on pourrait même dire sur la phylogénie des Prosobranches, a déjà prouvé d’une manière péremptoire de quelle utihté peut être un travail d’une grande étendue portant sur un seul système, et que d'autre part l'esprit de comparaison n’est pas incompatible avec la précision patiente et consciencieuse chez un anatomiste. Le succès mérité de ce travail et de bien d’autres du même genre suffit à justifier les entreprises conçues dans le même esprit, qui ont été tentées au même laboratoire, sous la di- rection bienveillante de M. le professeur Perrier. Mon ami, M. Rémy Perrier, vient de publier un travail d'anatomie et d'histologie comparées sur le rein des Prosobranches; Je me propose d'étudier ici le manteau et les organes qui en dépendent, la branchie, la fausse branchie et la glande à mucus. M. Malard Duméril, préparateur à Saint-Vaast, s’oc- cupe de l’appareil digestif, et les organes génilaux seront prochainement mis à l'étude. En ce qui me concerne personnellement, je suis heureux de pouvoir constater ici combien ma tâche a été facilitée par les ressources mises à ma disposition et par la bien- veillance de mes maîtres el de mes amis. Travaillant à l'É- cole Normale et au Muséum, je pouvais tirer parti des ins- truments les plus perfectionnés et des ressources d’une riche collection d'animaux exotiques. Trois laboratoires marilimes (Arcachon, Saint-Vaast, Wimereux) m'expé- diaient les animaux vivants qu’il élait indispensable d’avoir constamment sous la main en grande abondance pour les recherches histologiques. Aussi suis-je heureux de pouvoir ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 91 témoigner ici ma reconnaissance aux personnes qui ont bien voulu me donner des preuves de leur sympathie, el princi- palement au savant à qui je dédie ce premier travail comme une faible marque de ma gratitude. M. Edmond Perrier, depuis plusieurs années, s’est montré pour moi, qu'il me soit permis de le dire, un maître à la fois plein de compé- tence et toujours prêt à m'aider de ses bienveillants conseils. Il sait combien il peut compter sur mon dévouement et ma reconnaissance. Je liens à remercier également MM. les professeurs Dastre et Giard, qui, à diverses reprises, ont bien voulu examiner mes préparations et me donner des avis dont j'ai pu apprécier la valeur, et M. de Quatrefages qui, avec une obligeance extrême, s'est chargé de présenter mes résultats à l'Académie des sciences. C'est au dévouement et à l’activité infatigable de M. Du- règne, directeur du laboratoire d'Arcachon, que j'ai dû la plus grande partie des animaux vivants qui m’étaient indis- pensables. Pendant trois ans, les envois se sont succédé d'Arcachon au Muséum ou à l'École Normale avec la plus grande régularité. J’ai reçu à trois reprises l’hospitalité la plus amicale dans ce laboratoire dû entièrement à l'initiative privée, et déjà doté de l'installation la plus confortable. Le laboratoire maritime du Muséum à Saint-Vaast la Hougue, à peine installé depuis quelques mois, m'a procuré également plusieurs types intéressants. Pendant le court séjour que j'ai fait à la station zoologique de Naples, j'ai reçu également l'accueil le plus empressé de MM. Eisig et Lo Bianco, en l'absence de M. le professeur Dohr n. J’ai rapporté de ce voyage des matériaux précieux dont quelques-uns ont été mis en œuvre dans le présent travail. Enfin je tiens à adresser d'une manière toule spéciale un témoignage de vive et d’ancienne amitié à M. Rémy Perrier, tout récemment encore mon collègue à l’École Normale. Pendant {rois ans, nous avons cherché ensemble les meil- eu res méthodes et contrôlé mutuellement nos observalions. 92 FÉLIX BERNARD. Il est inutile d’insister sur les avantages qu’a présentés pour nous cetle méthode de comparaison continuelle, tant pour la connaissance des divers lissus que pour la critique des rapports des animaux étudiés. J'ai étudié environ quarante-cinq genres appartenant au- tant que possible à {ous les principaux groupes des Proso- branches. Mais tout naturellement mes investigations ne pouvaient être portées aussi loin pour chacun des animaux étudiés. Pour les recherches histologiques délicates, j'ai été obligé de choisir certains Lypes plus propices que les autres, el que je pouvais avoir ou en grande abondance ou dans un état de parfaite conservation : tels sont les genres Haliotis, Trochus, Fissurelle, Patelle, Néritine, Valvée, Paludine, Lit- torine, Vermet, Cassidaire, Pourpre, Buccin, etc. On voit qu'ils représentent, en somme, les chefs de file des princi- pales subdivisions de l’ordre. Les observalions faites sur les autres types avaient pour but, soit de généraliser les résul- lats acquis, soit de constater des particularités morpholo- giques présentant quelque intérêt. L'historique général de nos connaissances relatives au manteau el à ses annexes nous montrera une grande inéga- lité dans la manière dont sont réparties ces connaissances : certains points semblent assez bien étudiés; d’autres, au con- traire, sont, ou très discutés, ou encore plus ou moins obs- curs. De là une certaine difficulté pour la manière de diriger les précédentes recherches; j'ai voulu élucider autant que possible les faits encore mal connus, et éviter des descrip- tions pouvant faire double emploi avec ceux des travaux anté- rieurs en lesquels on peul avoir confiance. Par suite, il est indispensable pour moi de présenter ici un plan général de l’ordre suivi dans ces recherches : les points que je me suis proposé d'étudier en détail seront ainsi mieux mis en lu- mière. ES ET EE PC ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 93 PREMIÈRE PARTIE GÉNÉRALITÉS. CHAPITRE PREMIER. — MÉTHODES EMPLOYÉES DANS CE TRAVAIL, — K 1. Coupes. — $ 2. Dissociation. — $ 3. Observations par transparence. CHAPITRE IT. — DEesCrIPTION SOMMAIRE DE LA CAVITÉ PALLÉALE. — POSITION DE L'ANIMAL. CHAPITRE TI. — HISTORIQUE GÉNÉRAL DES RECHERCHES RELATIVES AUX ORGANES PALLÉAUX. — DÉTERMINATION DES QUESTIONS QUI RESTENT A ÉTUDIER. DEUXIÈME PARTIE ÉTUDE SPÉCIALE DE L'ORGANE DE SPENGEL. 0 CHAPITRE PREMIER. — ETUDE HISTOLOGIQUE DE L'ORGANE DE SPENGEL DE LA CASSIDAIRE (cas de différenciation maximum). — $ 1. Extérieur. — $ 2. Gan- glion central. — $ 3. Lamelles. CHAPITRE II. — DIFFÉRENCIATION PROGRESSIVE CHEZ LES DIOTOCARDES. — $ 1. Néritidés. — $ 2. Fissurellidés. — $ 3. Trochidés. — $ 4. Haliotidés. CHAPITRE IIL.,— DiFFÉRENCIATION PROGRESSIVE CHEZ LES MONOTOCARDES. — $ 1. Valvatidés. — $ 2. Littorinidés et groupes voisins. — $ 3. Verméti- dés, Strombidés, Cérithidés. — 8 4. Naticidés et Lamellartiidés. — $ 5. Pro- boscidifères Siphonostomes. — $ 6. Rachiglosses. — $ 7. Cyprœidés. — $ 8. Toxiglosses. — $ 9. Résumé. CHAPITRE IV. — PROSOBRANCHES DÉPOURVUS D'ORGANE DE SPENGEL (Hélicine, Cyclophore). CHAPITRE V. — Parezcnés. — $ 1. Historique. — $ 2. Patella vulgata. — S 3. Tectures. — $ 4. Lottia. — S 5. Résumé et conclusion. CHAPITRE VI. — ORGANE DE LACAZE-DUTHIERS DES PULMONÉS. — $ 1. Histo- rique. — $ 2. Planorbis corneus. — a. Ganglion. — b. Enveloppe du cul- de-sac épithélial. — c. Invagination épithéliale. — d. Résumé. CHAPITRE VII. — PALUDINE. — VIII. — OPISTHOBRANCHES. — IX. — COMPARAISONS MORPHOLOGIQUES. ORGANE DE SPENGEL ET GAN- GLION BRANCHIAL. Conclusions. TROISIÈME PARTIE STRUCTURE DES FEUILLETS BRANCHIAUX. (Étude spéciale des éléments musculaires et du réseau nerveux inter-épithélial.) CHAPITRE PREMIER. — Cassipaime. — $ 1. Membrane de soutien. — S 2, Cellules étoilées du tissu conjonclif. — $ 3. Fibres transversales. — 94 FÉLIX BERNARD. $ 4. Fibres parallèles à la surface. — $ 5. Espaces sanguins. — $ 6. Élé- ments nerveux. — 8 7. Épithélium. — $ 8. Comparaison du feuillet bran- chial avec le feuillet nerveux de l'organe de Spengel. CHAPITRE II. — COMPARAISON DES BRANCHIES DES DIVERS PROSOBRANCHES. — $ 1. Diotocardes. — $ 2. Paludine. — $ 3. Autres Ténioglosses. — $ 4. Ra- chiglosses. — $ 5. Conclusions. CHAPITRE III. — PATELLIDÉS ET OPISTHOBRANCHES. — $ 1. Lamelles bran- chiales de la Patelle. — $ 2. Opisthobranches. — $ 3. Conclusions géné- rales. QUATRIÈME PARTIE GLANDE A MUCUS. (Étude spéciale des éléments secréteurs.) \ CHAPITRE PREMIER. — HiSTOLOGIE DE LA GLANDE A MUCUS, — $ 1. Purpura lapillus. — $ 2. Glande à mucus étudiée par les dissociations. CHAPITRE IT. — PHÉNOMÈNES INTIMES DE LA PRODUCTION DU MUCUS OBSERVÉS DIRECTEMENT SUR UNE LAMELLE BRANCHIALE. CHAPITRE IIT. — DIFFÉRENCIATION PROGRESSIVE DE LA GLANDE A MUCUS CHEZ LES PROSOBRANCHES. — $ 1. Diotocardes. — $ 2. Patellidés. — $ 3. Palu- dine. — $ 4. Ténioglosses en général. — $ 5. Rachiglosses. — K 6. Ré- sumé. CHAPITRE IV. — LES ÉLÉMENTS MUCIPARES CHEZ LES GASTÉROPODES,. CINQUIÈME PARTIE COMPARAISONS HISTOLOGIQUES ET MORPHOLOGIQUES. CHAPITRE PREMIER. — CELLULES NEURO-ÉPITHÉLIALES CHEZ LES GASTÉRO- PODES ET LES ACÉPHALES. CHAPITRE II. — MORPHOLOGIE DU SYSTÈME VEINEUX PALLÉAL. CHAPITRE JT. — Tissu CONJONCTIF ET ESPACES SANGUINS. — $ 1. Historique. $ 2. Données relatives au tissu conjontif du manteau. — $ 3. Considéra- tions sur les lacunes. CONCLUSIONS GÉNÉRALES. PREMIÈRE PARTIE GÉNÉRALITÉS CHAPITRE PREMIER MÉTHODES GÉNÉRALES. Avant de commencer l'exposé de mes recherches, je dois indiquer avec quelque détail les méthodes principales dont j'ai fait usage dans les cas les plus généraux, réservant seu- lement la description des procédés spéciaux employés dans quelques cas particuliers : je m'abstiendraiï de tenir le lecteur au courant des tâtonnements par lesquels j'ai dû nécessai- rement passer; j'indiquerai toutefois pourquoi, dans quel- ques cas, certains réactifs très usités n'ont pu réussir d’une manière satisfaisante ; à part celle exception, je décrirai ex- clusivement les procédés qui auront donné de bons résultats. Toutes les recherches qui sont uniquement du domaine de l’Aistologie ont élé conduites par trois méthodes générales. $ 1. — Méthodes des coupes. Je me suis adressé pour les coupes presque uniquement à des individus vivants ; par exception pour certains animaux rares ou exotiques, ]j ai eu recours aux animaux conservés de la collection du Muséum. Il va sans dire que, malgré l’état relativement satisfaisant des matériaux de cette dernière provenance, Je devais attribuer aux résultats histologiques qu'ils m'ont fournis un moindre degré de certitude et, pour pousser aussi loin que possible l'étude des tissus, j'ai dû m'adresser seulement à des échantillons frais préparés par moi-même. Les animaux conservés me donnaient d’ailleurs 96 FÉILEIX BERNARD. des résultats intéressants, principalement au point de vue de la comparaison et de la généralisation. A. Firalion des tissus. — L'un des points les plus impor- tants dans la série des opéralions relatives à la méthode des coupes était la conservation trréprochable des tissus. Cela se comprend de soi, puisque je m'inléressais le plus souvent aux éléments épithéliaux, qui sont, comme on sait, les plus prompts à se détériorer. I fallait, dans tous les cas, plonger le plus rapidement possible l'animal ou l'organe à étudier dans un réactif capable de fixer immédiatement les lissus. Le Mollusque était donc dépouillé rapidement de sa coquille au moyen de pinces coupanles, le manteau était délaché en entier el plongé dans un liquide qui devait toujours être assez fortement acide. L’acide acélique, par exemple, jouit de la propriété de coaguler presque instantanément le mucus et d'arrêter ainsi la destruction épithéliale que ne manque- rait pas d’entrainer le gonflement de cette dernière substance sous l’action de l’eau pure. Le réactif fixateur que J'employais de préférence est l’a- cide picro-sulfurique de Kleinenberg, préparé suivant la méthode indiquée dans le Trailé classique de Bolles-Lee el Henneguy. Dans le cas où je m'oceupais de préférence des éléments nerveux et neuro-épithéliaux, j'employais avec succès un mélange à parlie égale d'acide chromique au millième et d'alcool à 70°, dans lequel je laissais les frag- ments toujours fort pelits pendant trois heures environ. Dans tous les cas, la préparation était mise dans l'alcool à 70° pendant vingt-quatre heures au moins, l'alcool étant changé plusieurs fois pour obtenir la décoloration parfaite. Le fragment à étudier était, dans l'agent fixateur même, tendu par des épingles sur une lrès pelile plaque de liège qu'il ne quittait qu'à la fin de la série des préparations. Ainsi maintenu et fixé, au sorlir de l'alcool à 70°, il était plongé dans un réactif colorant. L'acide osmique à élé employé surlout avec succès pour l'étude des membranes : un feuillet branchial, par exemple, ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 97 étalé sur une lamelle par la demi-dessiecation, était exposé pendant quelques minules aux vapeurs d'acide osmique. L'épithélium, 1l est vrai, n'élait pas toujours fixé d’une ma- nière salisfaisante, parce que l'acide exagère pendant un instant la sécrélion du mucus. Cependant, dans les cellules mucipares elles-mêmes. le réseau proloplasmique apparais- sail alors en coupes avec une grande netteté. Mais c'était surtout pour l’élude de la membrane de soutien de la lamelle que cette méthode donnait de bons résultats. B. Coorations. — J'ai recherché les avantages et les in- convénients d'un assez grand nombre de réactifs colorants usités habiluellement (carmins variés, hématoxyline, violet de gentiane, safranine, purpurine, nigrosine, etc.). Mais les plus belles coupes que j'ai pu oblenir sont des coupes à double coloration bleue et rouge dues à une substance car- minée et au bleu de méthylène. Le tissu à étudier fixé sur un pelit fragment deliège était, au sortir de l’alcool à 70°, porté dans une solution de carmin boraté, de carmin aluné, ou mieux, de picro-carminate d'ammoniaque; les deux pre- miers réactifs réussissaient surtout pour l’histologie fine des éléments nerveux ;le dernier, d’un usage plus général, avait de plus pour moi l'immense avantage de mettre admirable- ment en évidence les cellules neuro-épithéliales. Le fragment était, suivant sa grosseur, maintenu douze à vingt-quatre heures dans la liqueur carminée, et lavé à l’eau. Il élait en- suite plongé pendant vingt-quatre heures dans l'alcool! à 70°. Je faisais alors commencer la coloration en bleu; je devais chercher à doser la quantité de bleu employée. Pour obtenir une coloration toujours identique, je faisais une dissolution saturée de bleu dans l'alcool à 90°, et je mélangeais une partie de cel alcool avec une partie d’alcool à 90° pur. La préparation restait vingt-quatre heures dans ce mélange. Elle restait vingt-quatre heures encore dans une liqueur formée de même avec deux parlies d'alcool absolu pur et une parlie d'alcool saturé de bleu. C. Enrobage. — L'objet étant ainsi à la fois coloré et ANN. SC. NAÏI. ZOOL. IX, 7. — ART. N° 3. 9S FÉLIX BERNARD. déshydraté, il s'agissait de l’inclure dans la paraffine. L'huile de cèdre m'a paru le plus précieux des véhicules employés. Mais, plus récemment, j'ai pu supprimer complètement paur de petits objets celte partie de l'opération et la remplacer par un procédé beaucoup plus expédilif que m'a indiqué M. Viallanes. Au sortir de l’alcoo! absolu, l’objet est plongé dans le toluène, où il peut rester longtemps sans s’altérer. Cette substance se mélange parfaitement à l'alcool absolu. On fait le vide dans le tube au moyen d'une trompe à eau, ce qui favorise la sortie de l’alcool et la pénétration du to- luène. On fait ensuite l'inclusion dans la paraffine chaude, en faisant encore le vide dans le tube. Le toluène, très vo- laül, est enlevé et la paraffine pénètre très rapidement. Quel- ques minutes suffisent en effet pour les objets très petils. La paraffine employée est de la paraffine allemande fon- dant à 52°. Toutefois, en été, pour faire des coupes très minces au 1/400° par exemple, la paraffine française à 60° m'a donné de bons résultats. Quand la pénétration est jugée accomplie, un peu de paraffine est coulée dans un verre de montre qui à été recouvert d’une très mince couche de gly- cérine. L'objet est plongé dans celte paraffine encore li- quide, et alors délaché rapidement de son support de liège. La paraffine est refroidie brusquement dans l’eau froide; par un trait tracé sur le bloc on indique, avant le complet refroidissement, le sens dans lequel les coupes devront être failes. Une fois refroidi, le bloc se détache de lui-même de la coupelle, grâce à l’interposition de la glycérine. Il est coupé de la grandeur voulue el fixé à la cuvette du micro- tome de Dumaige (1). Les coupes, comme on sait, s’obtiennent en séries conti- nues, au moyen de cel excellent appareil, et il est facile d’en faire spontanément varier l'épaisseur ; javais ainsi à volonté dans une même série des coupes au 100°, au 200° et au 400° de millimètre. (4) L'emploi de la glycérine a été indiqué par M. Garnault dans sa mono- graphie du Cyclostome. ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES, 99 D. Montage des coupes. — Vour monter les coupes j'ai employé un procédé très simple que je n’ai vu encore indi- qué nulle part. Il est souvent important de pouvoir traiter les coupes une fois collées par des réactifs variés. On peut en effet avoir besoin de colorer à nouveau des coupes trop pâles, ou inversement, d’éclaireir des coupes opaques, d’éta- ler des coupes plissées ou même d'ouvrir sans les détério- rer des préparations complètement montées dans le baume. J'ai renoncé successivement à tous les procédés qui m'a- vaient élé indiqués, quoique j'eusse reconnu leurs avantages respectifs; mais chacun d'eux m’a semblé présenter de graves inconvénients : la gomme laque et le collodion ne résistent pas à un lavage à l'alcool absolu, et ne donnent pas des préparations bien planes ; l’albumine glycérinée de Mayer a l'inconvénient de se colorer trop fortement par les substances que j'employais et de sécher difficilement, ou bien de présenter, par la dessiceation, des craquelures fort gènantes. Je me suis arrêté à l’usage de la gélatine, dissoute dans vingt-cinq fois son poids d’eau et filtrée. Une couche épaisse de cette substance bien chaude est étendue sur la lamelle ; les séries de coupes, coupées en segments de longueur conve- nable, sont déposées parallèlement, et la lamelle est portée sur la platine chauffante de Malassez à une température voisine de 40°. On voit alors les coupes s’étaler parfaitement sur la gélatine sans se séparer les unes des autres. Tous les plis disparaissent et l’ensemble des coupes devient parfai- tement plan. On enlève Le plus possible du liquide avec un papier buvard jusqu'à ce que la couche de gélatine soit in- visible ; on laisse ensuite sécher pendant douze heures. Par- fois il arrive que la couleur bleue disparaît quand on chauffe la gélatine : c'est que cette substance est alors alcaline. On évite cet accident en y ajoutant une très petite quantité d’un acide quelconque. Les coupes ainsi collées résistent à | tous les agents. On commence dans tous les cas par se dé- barrasser de la paraffine au moyen du xylène ; si l’on voit 100 FÉLIX BERNARD. alors que la coloration est salisfaisante, on monte les coupes dans le baume de Canada, qui me semble à tous égards pré- férable à la glycérine. Pour décolorer les coupes trop bleues, je les maintiens quelque lemps dans un mélange à volumes égaux d'alcool absolu, de girofle et de xylène. Plus souvent on a à colorer des coupes trop pâles ou bien à ajouter une coloration nou- velle ; les deux matières qui m'ont donné les meilleurs résul- tats pour l’un ou l’autre de ces deux usages sont le vert de méthyle et le bleu de méthylène. Ils doivent être dissous dans un mélange à volumes égaux d’alcool absolu et de xylène ; l'alcool absolu employé pur détériore les tissus et exfolie la gélaline. Le vert de méthyle réussit en solution _très concentrée, et si l’action est prolongée pendant plusieurs heures ; le bleu de méthylène colore plus rapidement, et son action doit être arrêtée dès que la gélaline commence à bleuir. On peut, suivant que la substance colorante est con- centrée et employée pendant peu de lemps, ou bien neu concentrée et maintenue pendant un temps plus long, oble- nir des sélections spéciales qui ont un certain intérêt : ainsi le mucus et, à un moindre degré, les muscles se colorent rapidement el fortement : ils se décolorent de même sous l'action du réactif cité plus haut. Au contraire, l'effet produit sur les nerfs est plus lent et plus durable. En définitive, en employant les substances colorantes dans les proportions citées plus haut, on n’a à faire usage des coloralions ou des décolorations après coup que si l’on fait varier notablement l'épaisseur des coupes. Les proportions indiquées donnent des teintes encore suffisantes pour des coupes au 400°; elles sont beaucoup trop vives pour des coupes au 100°. D'une manière générale, les muscles restent colorés d’un bleu violet intense ; le mucus d’un bleu pur, les nerfs d’un bleu presque pur plus pâle; les cellules épithéliales ont leurs membranes bleues et leurs contours roses: les cellules nerveuses sont roses el les cellules neuro-épithéliales rouge vif; enfin fes noyaux n’absorbent pas Le bleu. ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 101 Pour l’histologie fine des lissus nerveux J'ai trouvé un grand avantage à ajouter à l'alcool absolu une petite quan- tité d'acide chromique solide avant d'y faire dissoudre le bieu de méthylène,; celui-ci prenait une teinte plus vive, comme il arrive lorsqu il est en présence de l’acide chromi- que dissous dans l’eau. L'acide, avant qu'il ait commencé à décomposer l'alcool, garde les propriétés dissociantes à l’é- gard du système nerveux et sert en même temps de mor- dant pour la malière colorante. J’obliens ainsi sur les coupes, avec facilité, une teinte d’un bleu intense pour toutes les fibrilles nerveuses, qui apparaissent avec autant de netteté qu'à la suite des meilleures dissocialions à l'acide chromi- que. $ 2. — Dissociations. La méthode de dissociation m'a servi surtout pour l’é- tude de l’épithélium. Son application présentait dans le cas actuel des difficultés spéciales qui ont détourné jusqu'ici de l'examen des Prosobranches tous les zoologistes qui s'oc- cupaient de ces questions. Flemming dit en effet formelle- ment que la dissociation des cellules épithélales des Proso- branches ne lui a jamais donné de résultats satisfaisants, et cependant il s’adressait aux animaux d’eau douce ; cela tient à ce que chez eux les plateaux des cellules épithéliales ciliées sont très épais et bien plus solidement unis que dans les autres groupes. Aussi lorsqu'on tente des dissociations, les plateaux tombent-ils souvent tout d’une pièce. D'autre part, le gonflement bien connu du mucus sous l’action de l’eau rendant incommode l'usage des réaclifs faibles et à action lente, j'ai emplové, après bien des essais, un mélange composé des substances suivantes : AICOOlT OUR RER ANR ILEMERREE A RRER 10 grammes. Acide chromique au 1/1000€............ 10 — GIMCÉRINErS PORTER con ele Cr 5 — INGITE ACÉLIQUEN RER EAST AR M IRRRRRE ) _ RENTE CÉPNE MONS CNE 0 ea die deg oi BC DD 4 De LU Bite 200 — Ce liquide coagule rapidement le mucus et permet d'i- 102 FÉLIX BERNARD. soler les cellules avec les aiguilles au bout d'un temps va- riant d'un quart d'heure à trois heures; la forme des cel- lules est d’ailleurs conservée d’une manière satisfaisante. Dans une note publiée précédemment j'ai indiqué comme un excellent réactif dissociant le chlorure de ruthénium. J'employais ce sel en dissolution étendue d’une nuance jaune orangé ; il jouit à peu près des propriétés de l'acide chromique faible, mais il fixe mieux les tissus et surtout ne déforme pas les cellules comme l'acide chromique au mil- lième si son action se prolonge. La teinte qu'il communi- que est plus vive, plus fixe et surtout présente cet avantage qu'elle est pour le système nerveux d’un ton presque gris sur un fond général orangé. Après l’action du chlorure de Ruthénium pendant un quart d'heure, le système nerveux inter-épithélial de la fausse branchie peut être dissocié et mis en évidence clairement au moyen d'un pinceau fin. J’obtenais aussi de belles préparations destinées à montrer par transparence le tissu intérieur des organes en lamelles ; malheureusement ce produil ne se trouve pas dans le com- merce, et Je n'ai pu m'en procurer qu'une seule fois au laboratoire de M. Debray. $ 3. — Observations par transparence. Cette méthode s'applique tout naturellement à l'étude des organes plats et minces tels que les feuillets de la branchie, de la fausse branchie et de la glande à mucus. Malgré sa simplicité, elle a donné jusqu'ici des résultats peu exacts à plusieurs des observateurs qui l’ont appliquée aux animaux dont je m'occupe. En effet, les anciens zoologistes se gar- daient d'enlever l’épithélium, ils ne coloraient pas les tissus : il leur élait par suite impossible de connaître les éléments situés dans l'épaisseur du feuillel. Il est au contraire indis- pensable de traiter d’abord l'organe à examiner dans son ensemble par un réactif permettant d'enlever facilement l’épithélium sous l’action d'un filet d’eau ou d'un pinceau. L'alcool au liers et surtout l'acide chromique au 1/10,000° ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 103 conviennent {rès bien pour cet usage. La membrane de soutien sur laquelle s’insèrent les cellules épithéliales est toujours lrès résistante, et l'on peut, avec un peu de soin, éviter de dilacérer ce feuillet, ou d’écraser les lissus sous- jacents. Après être restés une heure environ dans Pacide chromique, les feuillets sont porlés dans une dissolulion colorante, lavés avec soin et examinés dans la glycérine. J'employais pour diverses lamelles d'un même organe le picro-carminate, la purpurine (pour l'étude des muscles), l’'hémaloxyline, et surtout le bleu de méthylène dissous dans de l’acide chromique au 10/1000°; il élait facile d’ailleurs de faire des coloralions doubles. La membrane de soulien, quoique vivement colorée en bleu, reste toujours parfaite- ment transparente. CHAPITRE II DESCRIPTION SOMMAIRE DE LA CAVITÉ PALLÉALE. Position de l'animal. — Dans toutes les descriptions j'ai adopté pour l'orientation des animaux une même convention, qui est, à mon avis, la plus simple, la plus naturelle et, sans aucun doute, la plus généralement admise : l’animal est supposé placé sur un plan horizontal, /a téte en avant: les mots supérieur et inférieur ont donc pour moi respeclive- ment la même signification que dorsal et ventral. Je crois inutile de supposer un (Gastéropode marchant sur un plan vertical el se tenant comme un bipède. Cependant, de la disposition même des organes que j'ai étudiés, il résulte, comme on s’en apercevra sans doute, une légère difficulté : pour éludier le manteau, il faut nécessairement l’examiner par sa face ventrale, etalors, quand on représente les organes palléaux, ce qui est à la droite de l'animal vient à la gauche de la figure. Pour éviter toute confusion, 7e continue néan- moins à tout rapporter à la position morphologique, et dans tout le cours de la descriplion les parlies sont désignées 104 FÉLIX BERNARD. comme si elles étaient vues par la face dorsale, à travers l'épaisseur du manteau. J'ai évité de me servir des mots interne et externe qui pouvaient prêter à quelque confu- sion; lorsque je les emploie, c’est loujours à propos des diverses parties d’un organe considéré ex lui-même, par exemple à propos d'un organe symétrique. Cet avertisse- ment était nécessaire, puisque M. de Lacaze-Duthiers et ses élèves placent, par suite d’une convention générale faite sur le règne animal, les animaux qui nous occupent dans une position bien différente. | Le manteau des Prosobranches, qui, avec ses dépen- dances, fait l'objet de ce travail, est un repli du tégument qui recouvre loule la face dorsale de la partie antérieure du corps, el limite entre lui et le légument dorsal la cavité palléale. Ce repli et tous les organes qui en dépendent sont constamment innervés par les premiers ganglions de la chaîne viscérale (premiers ganglions du centre asymétrique pour M. de Lacaze-Duthiers). Le manteau peut être considéré comme formé par une double lame tapissée d'épithélium. La lame supérieure ou dorsale est attenante à la coquille qu'elle sécrète ; la lame inférieure conslitue le plafond de la cavité palléale. C’est par des replis de cette lame que sont formés les organes palléaux ou dépendances du manteau, que nous allons énumérer. 1° Chez les Fissurellidés, la cavité palléale est courte, eu- verte en arrière par un {rou qu'on voit au sommet de la coquille (trou apical). Sur le plan médian, une courte che- minée anale est adossée au manteau ; deux branchies symé- triques s'insèrent au fond de la cavité, sur le manteau; elles sont /ôres sur toute leur étendue et bipectinées. On ap- pelle ainsi des branchies formées d'une lame triangulaire appelée support branchial, sur laquelle sont disposées de chaque côté des séries des lamelles branchiales. 2° Halohidés. — On sait que dans ces animaux la cavité palléale est fortement rejetée de côté par le muscle colu- mellaire. La cavilé palléale n’est pas continue sur la face ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 105 dorsale; elle présente une fente sous-jacente à la ligne de trous de la coquille. Il y a deux branchies bipeclinées, mais soudées dans presque loule leur étendue par leur face dor- sale, et libres à la pointe (fig. 16 et 80). Entre la branchie gauche et la fente palléale est une large bande longitudi- nale, présentant des plis transversaux très prononcés. C’est la glande à mucus. Le rectum se lermine par une courte che- minée vers le tiers postérieur de la glande à mucus. 3° Trochidés et Turbonidés. — Le manteau est continu et n'a plus ni pore ni fente. Il nv à qu'une branchie, située à gauche et bipectinée (fig. 82, 83, 8%). Le support branchial se prolonge vers la droile en une large lame qui va plus loin se souder au manteau, de manière à subdiviser la cavité palléale, dans sa moitié postérieure, en deux étages super- posés. Toute la portion gauche du manteau est recouverte par le rectum, qui va s'ouvrir très en avant, et dont les parois sont épaissies et glandulaires, et par une glande gau- frée plus ou moins développée qui s'étend à une distance plus ou moins grande de la branchie. À gauche du rectum, en arrière, s'ouvre un sac volumineux que B. Haller et R. Perrier appellent canal papillaire; c'est le rein gauche. (Il est plus réduit chez l'Haliotis el ne déborde pas sur le manteau.) 4° Néritidés. — Celte famille diffère de la précédente par labsence de canal papillaire. Il y a encore une cloison transversale, mais moins étendue en avant; à gauche est la masse recto-génitale très volumineuse (fig. 84). Les quatre groupes que nous venons d'examiner sont caractérisés par la présence d’une ou deux branchies bi- pectinées libres au moins en partie et {erminées en pointe. On les à appelés pour celte raison À spidobranches. Dans la classification fondée sur la radula, ils se nomment Æ/ipidi- glosses. Nous leur conserverons par la suite le nom de Dio- tocardes, qui leur a été donné par Môrch et qui est tiré de la présence de deux oreillettes au cœur. Ce nom a été adopté dans les recherches récentes d'anatomie comparée aux- 106 FÉLIX BERNARD. quelles j'ai fait précédemment allusion. Il va sans dire que nous ne prenons pas ce terme dans la même acception que Môrch, qui réunissait en un même groupe les Lamellibran- ches et les Scutibranches. 5° Patellidés. — Plusieurs cas sont à considérer dans cette famille : nous les examinerons en détail; bornons-nous à dire que la branchie, lorsqu'elle existe (Tecture), est bi- pectinée et assez semblable à celle des Nérites (fig. 66). M. R. Perrier fait pour les Patellidés un sous-ordre spécial, celui des Hétérocardes. Ces animaux n’ont qu'une oreillette, et elle est située par côté, el non en avant comme dans le groupe suivant. 6° Monotocardes, en général; ce sous-ordre, qui comprend le plus grand nombre de Prosobranches vivants, renferme des formes où la branchie est soudée au manteau dans toute son étendue (fig. 61, 85) et monopectinée (d'où le nom de Pectinibranches). À gauche de la branchie, entre celle-ci et le corps, est en général un autre organe tantôt filiforme (fig. 34 à 47), tantôt bipecliné (fig. 1), que l'on appelle fré- quemment la fausse branchie où l'organe de Spengel. La masse reclo-génitale est toujours à droite: entre elle et la branchie s'étend un espace généralement assez large, sou- vent plissé, qui est le siège de la sécrétion du muceus : c’est la glande à mucus. Nous aurons à rechercher ce qui, chez les Diotocardes et dans les autres ordres de Gastéropodes, cor- respond à l'organe de Spengel. Cet examen a déjà été fait par Spengel, comme nous allons le voir, et la vérificalion des assertions de cet auteur constituera un des objets les plus importants de ce travail. Les organes palléaux offrent une disposition un peu spéciale dans quelques types (Paludine, Valvée, Ampul- laire, etc.) Je me suis abstenu d'examiner ce dernier genre qui vient d'être l’objet d’une monographie très com- plète de M. Bouvier; on trouvera plus loin la description du manteau des deux autres genres. Les organes que je me suis proposé d'étudier sont donc ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 107 la éranchie, la glande à nucus et l'organe de Spengel. 1 faut ajouter le tissu même du »anteau el les espaces sanguins qu'il renferme. Ces préliminaires étant établis, je vais passer rapidement en revue les divers travaux qui ont été publiés sur les organes palléaux : cette élude nous permettra de déterminer ce qui, dans la connaissance de ces organes, peut être considéré comme acquis, et par suite, d'indiquer quels sont les points que j'ai dû chercher plus spécialement à éludier. CHAPITRE I HISTORIQUE GÉNÉRAL. Si l’on jette un coup d'œil sur l’ensemble des travaux où il est question, à titres divers, des organes palléaux des Mollusques, on est frappé de voir, qu'à une même épo- que, les recherches de tous les zoologistes sont conçues dans le même esprit et comportent à peu près exactement le même degré de précision : les progrès sont assez brusques et dus généralement à un très petit nombre de zoologistes qui ont su imprimer une impulsion nouvelle, établir un ni- veau auquel il n’est plus permis de demeurer inférieur. Sans aucune exagération, on peut dire que l’histoire des organes palléaux met en relief trois noms principaux, ceux de Cuvier, de M. de Lacaze-Duthiers et de Flemming. Nous pouvons par suite considérer dans cette histoire trois périodes : la première comprend les travaux exécutés depuis Cuvier jusque vers 1859; la plupart des analomistles ne poussent guère leurs investigations plus loin que ne l'avait fait Cuvier. Les zoologistes éminents qui ont illustré cette époque ne s’occupaient guère des Prosobranches. Puis, sous l'influence de H. Milne Edwards et de ses illustres disciples, MM. de Quatrefages, Em. Blanchard et M. de Lacaze-Duthiers, la précision s'introduit dans les dis- 108 FELIX BERNARD. sections. On ne se contente plus d'examiner ce qui frappe les veux tout d’abord, on pousse les études anatomiques aussi loin que possible. Mais le système nerveux lient la première place dans les préoccupations de l’école française, et les organes de la respiralion sont un peu négligés. Dans cet ordre d'idées, les élèves de M. de Lacaze-Duthiers, à l'exemple de leur maître, ont contribué dans ces dernières années à étendre utilement nos connaissances sur la mor- phologie des Mollusques. C'est presque exclusivement en Allemagne que se mani- feste depuis une quinzaine d'années celte lendance aux étu- des histologiques atlentives qui caractérise notre troisième période. Le mémoire de Spengel, quoique postérieur aux belles recherches de Flemming, porte plutôt le cachet de la seconde période; en France, un seul mémoire, celui de M. Garnaull, peut être considéré comme complet au point de vue histologique. Mais la voie est désormais ouverte et le départ est fait entre les problèmes qui sont du ressort de l'histologie et ceux qu'on peut résoudre par l'anatomie seule. On va voir dans l'historique de chacune des trois périodes quels sont ces problèmes et quelles sont les solutions qui en ont été proposées. $ 1. — Première période. Je crois inutile de faire remonter l’exposé des recherches relatives aux organes palléaux des Prosobranches au delà de l’année 1817, date de la publication du Règne animal et sur- tout des Mémoires sur les Mollusques. Tous les travaux d’Adanson, de Mülier, Pallas, Bruguière, Gmelin, Poli, La- marck, les premiers ouvrages de Cuvier lui-même, se trou- vent résumés dans l’histoire de la Malacologie placée par de Blainville en tête de son Manuel de Malacologie et de Con- chyliologie (1825). En fait, Cuvier le premier atlribue aux organes de la respiration une grande importance pour la classification des Mollusques. On sait qu'il divisait les Gas- téropodes en Nudibranches, Inférobranches, Tectibranches, ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 109 Pectinibranches, Suulibranches et Cyclobranches. IT est re- marquable de voir à quel point ces divisions se sont impo- sées à l'esprit des naturalistes. Les trois dernières corres- pondent à peu près aux grands groupes des Prosobranches ; on tend en effet de plus en plus, d’après les travaux les plus récents, à séparer des autres Prosobranches les Patelles, qui, avec les Chitons, formaient pour Cuvier l’ordre des Cyclo- branches (quant aux Chilons, ils sont maintenant placés dans un groupe tout à fait dislinct). Cependant le caractère dominaleur était tiré plutôt du mode de protection des bran- chies que de la forme même de ces organes; ainsi Cuvier ne semble attacher aucune importance au fait que les branchies sont monopectinées ou bipectinées. L'important pour lui, c’est que chez les Pectinibranches « la cavité respiratoire occupe le dernier tour de la coquille et s'ouvre par une grande solution de continuité entre le bord du manteau et le corps » (p. 416); au contraire, chez les Scutibranches, « les coquilles sont très ouvertes, sans opereule, et le plus grand nombre ne sont même aucunement turbinées, en sorte qu'elles couvrent ces animaux et surtout leurs bran- chies, comme le ferait un bouclier ». : Si les noms des groupes fondés par Cuvier ont longtemps persisté, plusieurs des animaux rassemblés par lui dans chacun d'eux n’ont pu y êlre maintenus : aimsi les Turbos et les Troques figurent avec les Vermets, les Scalaires, les Paludines, etc., en tête des Peclinibranches. On pourrait trouver d'autres exemples qui prouvent quelle importance exagérée Cuvier attribuait à la forme de la coquille. De Blainville (4) relève ces inexactitudes (p. 59), mais d’autre part félicite avec raison Cuvier d’avoir le premier séparé les Cyclostomes des Pulmonés pour les réunir aux Peclini- branches. On voit que c'était en somme la forme de la cavité palléale qui a élé utilisée par Cuvier pour la classification des Gastéropodes. Si nous voulons avoir une idée de ses opinions relativement à la signification morphologique, aux fonctions et à la struc- 110 __ FÉLIX BERNARD. ture de chacun des organes contenus dans cette cavité, il faut nous reporter aux Mémoires pour servir à l’histoire et à l'anatomie des Mollusques, publiés à différentes époques et réunis en un volume en 1817. Parmi les Prosobranches, Cuvier examine la Janthine et la Phasianelle, la Paludine et le Turbo (dans ce genre il comprend les Liltorines), le Buccin et de plus quelques Sculibranches, étudiés avec moins de détails. La fausse branchie filiforme des Paludines et des Littorines lui est restée inconnue. La fausse branchie bipecti- née des Buceins est considérée comme une seconde branchie : « la respiralion s'exécute, comme à l'ordinaire, par l'inter- médiaire de l’eau et au moyen de branchies pectinées qui forment deux rangées de lames triangulaires, dont une grande et une petite » (Mém. sur les Buccins, p. 4). Une des- cription sommaire très analogue est donnée pour le Sigaret et la Crépidule, pourvus également d’une fausse branchie bipectinée, mais plus réduite (Mém. sur l'Haliotide, le Si- garet, etc., p. 5 et 21). Poli et Delle Chiaje avaient déjà observé ce même organe dans un assez grand nombre de types, et ils lui attribuaient la même signification. La glande à mucus attirail vivement l'attention du grand naturaliste, car ses fonctions demeuraient pour lui fort obs- . cures. Il croyait en effet que le rein des Mollusques avait pour fonction de sécréter le mucus, considéré comme le produit essentiel de la désassimilation, et la pourpre, chez les animaux pourvus de cette substance. Le rôle mucipare étant ainsi dévolu au rein, Cuvier est fort embarrassé quand il veut déterminer la fonction de la glande à mucus. Parlant des feuillets muqueux si développés sur Le plafond de la cavité palléale du Buccin, il s'exprime ainsi : «Il ne faut pas les confondre avec l'organe que j'ai appelé de la viscosité et qui est toujours près du cœur, d’un tissu tout différent et muni d’un canal excréleur. Cel organe existe indépendamment des feuillets... les feuillets sont toujours attachés au plafond de la cavité branchiale. Ils sont moins nombreux, moins élevés et surtout beaucoup moins délicats ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 111 que ceux des branchies. Leur tissu est d'apparence glandu- leuse, et leurs intervalles sont remplis d’une quantité prodi- gieuse de mucus qu'ils paraissent sécréter... je soupçonne que ce sont eux qui produisent et faconnent les capsules plus ou moins compliquées dans lesquelles les œufs et les petits de plusieurs Gastéropodes à siphon sont logés pendant quel- que temps. Cependant les mâles ont de tels feuillets aussi bien que les femelles, mais plus petits. En serait-il comme des mamelles des quadrupèdes, que les mâles ont aussi, quoiqu'elles ne leur servent point à donner du lait? » (Mém. sur le Buccin, p. 5.) Ce qui précède contient à peu près toutes les connais- sances que nous devons à Guvier au sujet des organes pal- léaux. Pendant plusieurs années, les opinions du grand zoolo- giste ont, comme ont sait, exercé sur l'esprit de ses succes- seurs une influence considérable. Nous allons en avoir une preuve en ce qui concerne les organes que nous étudions. Ainsi DE Ferussac admet dans leur généralité les grandes divisions de Cuvier; cependant il crée, sous le nom de Pul- monés à opercule, un ordre nouveau pour les Cyclostomes et les Hélicines (on sait maintenant que ces dernières sont voi- sines des Scutibranches). Il n'étudie d’ailleurs pas à fond l'anatomie des animaux dont il s'occupe. De BLaNviLze au contraire, cherchait à s'affranchir en ‘tout de l'influence de Cuvier. Pour lui c’est l’ensemble de l’organisation qui doit servir de guide au malacologiste, et ce sont les caractères extérieurs qui doivent la traduire et fournir les caractères distinctifs; il dit avec beaucoup de rai- son (7, p. 198) : « Un caractère préférable (à celui du pied), parce que le plus ordinairement il concorde assez bien avec la forme de la coquille, se tire de la position symétrique ou non, et même de la structure des organes de la respiration. Mais malheureusement il faut une certaine habitude pour employer ce caractère avec avantage. » D'ailleurs, ni les di- visions ni les termes proposés par de Blainville n’ont subsisté. La descriplion qu'il donne des organes respiratoires (p. 125) 112 FÉLIX BERNARD. n’ajoule rien non plus à ce que nous avait appris Cuvier; la fausse branchie continue à être considérée comme une bran- chie accessoire. Dans la célèbre relation que Quoy et Garmarp ont publiée en 1832 de leur voyage aulour du monde sur l’As#olabe de 1826 à 1829, et où sont décrites de nombreuses formes encore inconnues, on ne trouve sur l’anatomie des Proso- branches que des renseignements assez succincts. Il y a deux branchies : outre la branchie normale, il existe souvent un peigne plus réduit, à deux rangées de lamelles, ou bien un filet tremblé plus ou moins visible (Littorina, Vermetus); c’est le dernier terme de la réduction d’une branchie en train de disparaitre. La cavité respiraloire est décrite en quelques mots. La sécrélion du mucus ou de la pourpre (Purpura) est attribuée au rein, et aussi à la glande à mucus (Cassis, T'erebra, Harpa, Mitra). On sait que c’est à la suile de ses belles recherches sur l'appareil circulatoire des Mollusques que H. Miixe Epwarps a élé amené à établir pour les Gastéropodes une classifi- cation qui subsiste encore aujourd’hui dans ses grandes lignes (6). Se fondant sur les relations de l’appareil respi- raltoire avec le cœur, l’auteur distinguait les Prosohranches, les Opisthobranches et les Pulmonés. Les caractères de ces groupes sont trop connus pour qu'il soit utile de les rap- peler ici. Je ferai seulement observer que dans l'ensemble des recherches d'H. Milne Edwards, c’est l'appareil cireu- latoire bien plus que l'appareil respiratoire qui préoccupe l'illusire analomisle ; il ne pouvait d’ailleurs guère en être autrement. Les recherches de Moquix-Tanpon, exposées en 1855 dans l'Histoire naturelle des Mollusques terrestres et fluviatiles de France, n'ont pas non plus fait beaucoup avancer nos connais- sances sur les organes palléaux. Dans le chapitre consacré à l'appareil respiratoire, l’auteur distingue chez les Mollus- ques dits « Céphalés » trois sortes d'organes : la poche pulmonaire, la poche pulmobranche, et les branchies. Le pre- ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 4 | 41e) mier type se trouve chez les animaux terrestres, y compris le Cyclostome, chez qui Moquin-Tandon découvre le premier une branchie rudimentaire. Le second caractérise les Lim- néens ; il est assez mal défini. Les branchies se présentent sous quatre formes : les rides (Bilhynie), les branchies pro- prement diles (Paludine), les lamelles (Nérile), le plumet (Valvée). Moquin-Tandon ne parail pas avoir connu l'im- porlance de la dislinelion en branchies monopectinées et bipeclinées ; il décrit très inexactement la branchie de la Nériline et de la Valvée. Moquin-Tandon, n'ayant examiné que des animaux d’eau douce, n'a pas rencontré le Lype de fausse branchie bipeclinée ; mais au moins chez le Cyelos- tome, la Paludine et la Bithynie, il devait avoir à étudier le type de fausse branchie filiforme. Or, cet organe a passé pour lui complètement inaperçu. Je n’insisie pas sur les considérations laxonomiques el phylogénétiques qui remplissent tout un livre du Traité. Les relations que signale Moquin-Tandon n’ont aucune va- leur, puisqu'il s’astreint à ne pas tenir compile des animaux marins, el d'autre part les dissections n'avaient pas élé pous- sées assez loin pour bien des organes. Pour ces deux raisons ue devons-nous pas nous étonner de voir méconnue par l’auteur la séparation fondamentale des Pulmonés inoper- culés d'avec les Prosobranches, et de voir les Hélicidés dériver, par l'intermédiaire des Limnées et des Cyclostomes, de formes telles que la Paludine et la Bithynie, et par suite, des Nérites et des Valvées. L'annéemème où parut l'ouvrage de Moquin-Tandon (1855), un mémoire conçu dans un esprit tout différent allirait à juste titre l'attention des contemporains. Ta. Wicrrams (8) s'élait proposé de décrire avec précision le mécanisme de la respiralion chez les Inverlébrés. Sans pousser plus loin que ses devanciers les études analomiques proprement diles, il chercha le premier à se faire une idée de la sructure des organes qu'il étudiait. Pour ce qui concerne spécialement les Gastéropodes, l'au- ANN. SC. NAT. ZOOL. IX, 8. — ART. N° 3. 114 FÉLIX BERNARD. teur, dans un chapitre préliminaire, décrit la cavité palléale et la branchie en particulier dans un grand nombre de types: il insiste sur les différences morphologiques qui séparent les Gastéropodes des Lamellibranches (chez les premiers la ré- gion abdominale est absolument exclue de l'office respi- raloire). Quant à la forme de la branchie, ses principales variétés sont signalées; la marche du courant d’eau dans la cavité palléale est également indiquée. On trouve de nom- breux emprunts fails à ces descriptions, et un excellent ré- sumé de cette première partie du mémoire dans les leçons d’Anatomie comparée de Milne-Edwards. La seconde partie traile particulièrement de la structure des organes de la respiration. À ce point de vue, l’auteur croit trouver un terme de transition entre les Gastéropodes et les Lamellibranches, dans les Patelles, dont l'appareil res- piratoire présente pour lui une importance considérable ; je reviendrai sur ce point dans un chapitre spécial (IF partie, chap. 11). Parmi les Lypes examinés par Williams, je citerai les genres Emarginula, Fissurella, Acmæa, Propilidium, Ha- liolis. Puis l’auteur passe à une étude plus détaillée des Pectinibranches. Chez ces animaux, Williams conslale que la plus grande unité règne au point de vue de l’appareil respiratoire dans toute l'étendue du groupe. Ce fait n’a rien d’élonnant, puisque le groupe a été fondé précédemment d’après le caractère de cet appareil. À celte époque, l’ana- tomie des Gastéropodes élait encore insuffisamment connue, el les caractères extérieurs avaient frappé les premiers les zoologistes. Par suite Williams ne pouvait apprécier les différences qui séparent, au point de vue des organes inter- nes, les animaux dont il s'occupe, ce qui l’entraine à des erreurs singulières : il décrit (p. 35) les Trochidés comme Pectinibranches, sans voir que leur branchie est bipectinée et libre à sa pointe, et que la cavité palléale est en arrière divisée en deux par une cloison. Cependant il décrit exac- tement la branchie de la Phasianelle, qui présente avec celle des Troques les rapports les plus élroits. Au point de vue * ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES, 115 de l'anatomie fine, ce qui frappe principalement l’auteur anglais, c'est la présence des « carlilages » qui règnent le long du bord afférent de chaque feuillet : « un appareil élastique d’une beauté et d’une perfection incomparable est réalisé dans des parties hyalines invisibles et mystérieuses ». Ces cartilages sont pour lui spéciaux aux Pectinibranches. Nous verrons que c'est une erreur et que tous les Sculi- branches en sont pourvus. Williams insiste beaucoup sur la présence des plis trans- versaux dans les feuillets branchiaux de certains Pectinibran- ches tels que la Litiorine, et leur absence chez d'autre types tels que le Buecin. Il attache tant d'importance à ce caractère, qu'il le croit apte à servir de base à une division de l'appareil respiraloire, la Paludine formant un type de transilion. En réalité, ces plis n’ont pas grand intérêt; ils peuvent manquer ou êlre présents dans les formes les plus voisines. Williams décrit d’ailleurs ces plis d’une façon tout à fait inexacte. Il dit formellement qu'ils se trouvent en regard les uns des autres, de part et d’autre de la lamelle, comme des crêtes ou épaississements intéressant en même temps chacune des deux faces. La figure qu'il donne ne laisse aucun doute à cet égard. En réalité, le feuillet branchial est intéressé tout entier à la formation de chacun des plis, et à la saillie d’une face correspond une cavité pour la face opposée (fig. 45). La circulation, pour Williams, se fait dans chaque feuillet au moyen d’un vaisseau afférent et d’un vaisseau efférent, communiquant vers la pointe de la lamelle, et réunis par des vaisseaux allant de l’un à l’autre. Ces derniers ont une disposition oblique, « pour empêcher une portion du sang, ayant un {rès long trajet à parcourir, de subir une aéralion excessive, tandis que le reste, près de la pointe, serait très peu oxygéné ». Celle conception du feuillet branchial, re- produile par tous les auteurs, est également inexacle. Pour la glande à mucus, l’auteur croyait à l'existence d’un canal sécréteur et établissait une comparaison élroite entre la glande à mucus et une glande en grappe. La masse 116 FÉLIX BERNARD. entière des feuillets est composée de deux sortes d'éléments : 1° les vésicules, en forme de vase de Florence, représentent les lobuli ou acini; 2° la substance intermédiaire ou stromateuse et cellulaire qui remplit les espaces exlérieurs aux vésicules (p. 252-253). A cette description est jointe une figure (8, pl. XI, fig. 8 B) représentant une glande en grappe parfai- tement caractérisée. Que devient maintenant le contenu de ces acini? Il est déversé « dans un large canal excréleur, déchargeant son contenu dans le rectum et se résolvant en une série indéfinie de canaux, jusqu’à ce que les vases de Florence soient atteints. Cet appareil est en fait peu infé- rieur comme complexité à celui des glandes chez l'animal le plus élevé (p. 254.) » Or, en réalité, il n'existe ni acini ni canal sécréteur, et le mucus est formé simplement dans les éléments épithéliaux. L'auteur à vu au microscope les cel- lules arrondies, vésiculaires, volumineuses du tissu conjonc- tif : poussé par des idées de comparaisons avec les Verté- brés, il leur a imaginé des cols de sorlie et les a pris pour les acini. Quant au prétendu canal, c’est l’une des lacunes sanguines, qui débouche, non pas dans le rectum, mais dans le sinus périrectal. La description de la fausse branchie, appelée par Williams la glande à couleur (colour gland), contient des erreurs du même genre. L'auteur la décrit chez le Buccin comme « terminée postérieurement par une extrémité cæcale et prolongée antérieurement par un tube ou conduit qui voyage dans la membrane muqueuse de la voûte jusqu'à ce qu’elle arrive à l'extrémité du rectum, où elle a un orifice séparé ». Ici encore un sinus est pris pour un conduit glandulaire et il n'existe pas d’orifice. Dans l'épaisseur des feuillets, Wil- liams à cru trouver des lobules excréteurs de formes spé- ciales, ce sont simplement des espaces inlerslitiels entre les trabécules conjonctives. Ainsi la nature nerveuse de l'organe, qui nous paraît ac- tuellement si évidente, avait complètement échappé à Wil- liams. Il s'élève de même contre l'hypothèse que l’on soit ici ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. HET en présence d’une branchie rudimentaire; il prend vive- ment à parlie le D° Snarpey, qui, dans l’article Cia de Cyclopædia of anatomy and physiology, s'était rallié à cette opinion, et les arguments qu'il présente à l’appui de ses propres idées sont firés de l’examen microscopique, de la «minute structure » de l'organe. Malgré ces erreurs, le travail de Williams présente un grand intérêt, puisque c'est la première tentative faite en vue d’élucider par des recherches histologiques les problèmes que la morphologie {au moins telle qu’elle élait comprise à celle époque) semblail impuissante à résoudre. Ces premiers essais étaient cependant trop imparfaits pour marquer avec précision une période nouvelle. L’anatomie avait en- core trop de progrès à faire pour que l’histologie pûl inter- venir d'une manière efficace. Les travaux en présence des- quels nous nous {rouvons mainfenant sont d’ailleurs toujours conçus et exécutés sur le modèle de ceux de Cuvier. Dans ses célèbres Leçons de physiologie et d’analomie comparée, H. Mirxe-Enwarps considère la voûte palléale comme formée par la soudure de deux lobes latéraux, se rejoignant sur la ligne médiane. Une tendance à celte dispo- sition se rencontrerait déjà chez les Goniodoris, el les divers stades seraient marqués par les fentes longitudinales et les trous des Haliotides, des Émarginules, des Silicaires et des Fissurelles. La cloison qui sépare en deux la cavité bran- chiale chez les Phasianelles el aussi, d’une manière moins complète, chez les Turbos et les Troques, peut être aussi considérée comme formée par l’accolement des deux lobes en question prolongés au delà de leur point de jonction, et la branchie unique, bipectinée, de ces derniers animaux résulterait de l'union de deux branchies soudées dos à dos. Cetle théorie dans son ensemble est contredile par divers faits, entre autres par la présence de deux branchies tipec- linées chez les Fissurelles et les Halotides, tandis qu'il n'existe aucun Gastéropode muni de deux branchies m0n0- pectinées. La branchie unique bipectinée de Trochidés ne 118 FÉLIX BERNARD. peut évidemment pas être regardée comme résultant de la somme de deux branchies semblables à elle-même. D'autre part, chez les Valvées et les Tectures, existe une seule bran- chie bipectinée, sans trace de cloison palléale. Cette cloison, quand elle existe, est d'ailleurs horizontale au lieu d'être verticale et située dans le plan de symétrie. Enfin la dispo- sition du système nerveux n'autorise pas non plus lexpli- calion ingénieuse de H. MilneEdwards. Il est néanmoins très possible, comme nous le verrons par la suite, que le manteau des types inférieurs puisse être considéré comme formé de deux moitiés accolées ; la fente palléale des Halio- tides et des jeunes Fissurelles semble le démontrer; mais, à coup sûr, on ne peut considérer la cloison des Troques, qui est horizontale, comme séparant les deux moitiés droite el gauche de la cavité palléale, et l’on est amené aujourd'hui à admettre : 1° que dans les deux types à une seule bran- chie, celle qui manque (la droite) est avortée; 2° que les branchies bipectinées sont phylogénétiquement antérieures aux branchies bipectinées. Nous donnerons des preuves nouvelles à l’appui de cette manière de voir. Au sujet de la branchie, H. Milne-Edwards insiste sur les plis que peuvent présenter les lamelles ef qui établissent pour lui la transition aux branchies des Oscabrions ; il décrit les branchies monopectinées et bipeclinées, et pense que la réduction des lamelles chez la Bithynie mène au poumon des Pulmonés. La question est très complexe, et la confor- malion du poumon des Pulmonés n’est pas encore expliquée d'une façon définitive. (On sait que, pour Jhering, cet organe, au moins chez les Hélix, n’est qu'une dilatation du conduit efférent du rein.) H. Milne-Edwards supposait, comme la plupart de ses prédécesseurs, que l'organe feuilleté qu’on voit à gauche de la branchie représente, réduite à un élat plus ou moins rudi- menlaire, l'une des deux branchies des Parmophores et des Haliotides ; il fait remarquer que dans les Sfrombes, cette « branchie gauche est filiforme et tout à fait rudimentaire ». ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 119 Il rejette l'opinion émise par Williams, comme quoi cet or- gane serait de nature glandulaire. On voit par lout ce qui précède combien, vers 1860, l'appareil respiratoire des Mollusques Prosobranches était encore mal connu. Cependant je n'ai point signalé les pro- blèmes spéciaux qui s’agitaient relalivement à des types difficiles à interpréter, comme l’Ampullaire, la Patelle, etc., et je n'ai point parlé non plus des rapports de l'appareil palléal avec Ile système nerveux, qui devait donner lieu plus tard à des recherches si intéressantes. Quant à l’his- lologie, elle ne pouvait encore préoccuper beaucoup les zoologistes. On trouve peu de renseignements sur la structure histolo- gique du manteau et de ses annexes dans le Lehrbuch der . Histologie de LeypiG (12)(1857). L’auleur considère à la fois tous les groupes de Mollusques, et s'occupe principalement de la formation de la coquille et de la présence des cils vibratiles. Ce même savant avait cependant publié en 1850 une monographie de la Paludina vivipara (7), où se trou-- vent des renseignements intéressants sur la branchie. Leydig consiate, enfre autres faits, la présence d’un cordon solide de nature conjonctive tout le long de chacun des feuillets, entre les deux vaisseaux marginaux. L’histologie des Inver- tébrés commençait donc à peine à attirer l'attention; nous allons voir au contraire les études anatomiques prendre un degré de développement et de précision tout à fait remar- quable. $ 2. — Seconde péricde. Dans la SECONDE PÉRIODE de l'histoire des organes palléaux, la plupart des progrès sont dus aux efforts de M. pe Lacaze- Durniers. À l'examen un peu superficiel de la conformation ou de la structure des organes, succède une étude patiente et minulieuse d’un animal déterminé, ou d’un organe nette - ment limité, examiné dans une courte série : les résultats deviennent bien plus certains et bien des erreurs sont redres- sées. 1420 FELIX BERNARD. En se bornant à ce qui concerne les organes de la respi- ration, leur innervation complète est donnée chez l'Ha- liotide (6) pour les Diotocardes, chez le Vermet pour les Mo- notocardes (17). La glande à mucus est étudiée, sous le nom de glande de la pourpre (15), chez les Muricidés et la Pourpre : le savant professeur établit qu’il n°v a là qu'une surface sécré- tante et pas de canal excréteur. Ainsi, au point de vue ana- tomique, la simplicité extrême de l'organe est reconnue. En ce qui concerne sa structure histologique, je dois avouer qu'il m'est impossible d'adhérer aux conclusions de l'émi- nent analomiste (voir IV° partie, chap. 1). La fausse branchie préoccupe vivement M. de Lacaze-Duthiers, qui le premier, dans sa monographie du Vermet, publiée en 1860 (17), soupçonne sa véritable nature. « Il existe, dit le savant professeur, un cordon blanchâtre, parallèle à la branchie, placé sur son côté interne quand le manteau est raballu, ou, si l’on aime mieux, placé à gauche entre la branchie el le COrPS. » « Quelle est la nature de ce cordon? Est-ce un ganglion nerveux, longitudinal? est-ce une seconde branchie? La seconde question paraît inulile, ou même absurde, dans le cas. Mais si l’on étudie les Pourpres, par exemple, on trouve de chaque côté de ce cordon des replis faciles à injecter, el l’on peut croire, dans l'exemple, à l’existence d’un second organe de la respiration. » Le Vermet ne présente qu’un cordon flexueux et onduleux. La question de savoir ce qu'est ce filet ne peut done être résolue pour les premiers cas. « Mais ce qui certainement existe, c’est l'entrée de nom- breux filets dans le cordon. En étudiant la Paludine, on verra que la disposition est toute semblable, et que la nalure nerveuse, au moins en s’en tenant aux simples dissections, paraît probable; mais encore des études comparées mène- ront seules à cette connaissance. » Des travaux de M. de Lacaze-Duthiers, il faut rapprocher un court mais important mémoire de P. Bert, datant de la même époque (1862), et résumant des observalions conduites ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 121 avec la même précision. P. Bert décrit avec soin le système nerveux de la Patelle, el il est amené, à propos des organes rudimentaires de cet animal, à des hypothèses de même nature que celles de M. de Lacaze sur la fausse branchie du Vermet, et aussi bien justifiées. On trouvera plus loin (° partie, chap. vi, $ 1) la citation du passage de P. Bert auquel je fais allusior (78). De 1862 à 1880, aucun fait anatomique nouveau n'est signalé par les auteurs qui se sont intéressés à la question ; la plupart continuent à envisager la fausse branchie comme une branchie accessoire ou rudimentaire; c’est l'opinion qu'on {rouve énoncée dans le traité classique de Pronn et Keferstein ; c'est aussi celle qu'adopte Jhering dans le travail dont nous allons maintenant nous occuper. JHERING, dans son grand ouvrage sur le système nerveux des Mollusques (36, 1877), explique par des schémas (p. 145, fig. 8 et 9) comment la disposition des branchies donne des indications sur la phylogénie des Arthrocochlidés (Prosobran- ches). Pour lui, « les formes où cette branchie est alrophiée dérivent de celles où elle est encore assez fortement déve- loppée. Celle conclusion est d'autant plus certaine, que l’opi- nion suivant laquelle cette branchie rudimentaire serait un organe en progression { Wezrdendes) doit êlre rejetée avec certitude complète, car les branchies consistent toujours, dans leur forme la plus simple, en simples replis du corps (Haut-Duplicaturen) qui augmentent la surface respiratoire ; mais ici ce rudiment branchial est tout droit et forme un simple cordon conjonctif (?) impropre à la respiration, et qui représente sûrement l'appareil médian de soutien de cette branche ». Il est elair que si le cordon en question n’est pas conjonclif, mais nerveux, toute l'argumentation s'écroule. Jhering aurait dû prévoir l’objection, puisque M. de Lacaze- Duthiers l'avait déjà présentée : l’auteur allemand ne se pré- occupe nulle part de l’assertion du professeur français. Un peu plus loin, il cite avec raison, comme faisant à ce point de vue la transition entre les deux groupes (Diotocardes \ 199 FÉELIX BERNARD. el Monotocardes), la famille des Trochidés; mais les raisons qu'il donne sont singulières. Après avoir décrit exactement la branchie normale et la membrane horizontale qui, dans toute la partie postérieure de la branchie, sert de support branchial, il poursuit : « La branchie primaire gauche, qui n'a subi aucune tranposition, est devenue très rudimentaire, mais naturellement reste bipectinée. » Or, chez les Trochidés, cette branchie rudimentaire n’existe en aucune facon : eile a complètement disparu. Ni Spengel, ni B. Haller, ni Bou- vier, ni moi, n'avons pu en retrouver la moindre trace. C'est évidemment la glande à mucus que Jhering a prise pour une branchie. Or, chez l'Haliotide, elle est bien plus dévelop- pée et coexiste avec les deux branchies. La méprise de Jhering est inexplicable. Plus loin encore il cite, parmi les Orthoneures pourvus de branchie pectinée, les Nériles, les Ampullaires et les Valvées. Or, les premières sont nettement des Diotocardes; chez les secondes, la prétendue branchie bipeclinée est un organe de Spengel; la Valvée seule fait réellement exception dans ce groupe. Tout ce qui suit (p. 147), relalive- ment aux connexions des branchies avec le cœur, est incom- plètement observé. Je suis convaincu, comme Jhering, que les Pectinibran- ches dérivent des Sculibranches; Spengel, B. Haller et Bouvier l’admettent également; mais je ne puis considérer comme exactes les preuves que Jhering tire de la compa- raison des branchies. Quant à la phylogénie des Monoto- cardes, elle doit être, à mon avis, précisément inverse de celle que propose l’analomiste allemand; l'étude de la fausse branchie nous le démontrera (voir Il° partie, chapitre 1v et conclusions générales). C’est le système nerveux bien plus que l'appareil respira- toire qui est utilisé par Jhering pour la classification et la phylogénie. Il considère les Prosobranches comme dérivant directement des Annélides, et établit pour eux un phylum distinct, celui des Arthrocochlidés. Ceux-ci se divisent en ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 123 Clhiastoneures el Orthoneures, les premiers comprenant à peu près les Diotocardes et les Ténioglosses holostomes, les der- niers {ous les autres Prosobranches. Quant aux Pulmonés et aux Opisthobranches, ils ne sauraient nullement, pour Jhering, être rapprochés des Prosobranches : ils sont issus des Vers plats, et constituent le phylum des Platycochlidés, qui comprend aussi les Ptéropodes et les Céphalopodes. Le succès du mémoire de Jhering fut considérable, mais les critiques ne se firent pas attendre : M. de Lacaze-Duthiers, en particulier, n’a cessé de s'élever contre les idées phylo- génétiques de Jehring, qu'il déclare, avec raison, contraires aux données morphologiques les plus certaines que nous possédions sur ces animaux. Deux ans après la publication du mémoire de Jhermg, en 1879, HERMANN For (#0), dans son mémoire sur le déve- loppement des Gastéropodes pulmonés, émet pour la pre- miere fois, au sujet de l'organe qui nous occupe, une opinion que l’on s'accorde généralement à considérer au- jourd’'hui comme la plus rationnelle. Il ne fait pas allusion à la fausse branchie bipectinée, mais, prenant pour terme de comparaison l'organe découvert par M. de Lacaze-Duthiers chez les Pulmonés, il le compare à des organes ciliés qu’on trouve à l'entrée de la cavilé palléale des Pléropodes et des Héléropodes, et au bourrelet dessiné par M. de Lacaze- Duthiers chez le Cyclostome (29, pl. IE, fig. 8). « Dans tous les cas, la posilion et l’innervation sont les mêmes : seule- ment, nous avons affaire à un bourrelet vibratile richement innervé, landis que chez les Pulmonés aquatiques il s’agit d'une fossette également bien fournie de terminaisons nerveuses... Il s’agit donc ici, selon moi, d’un organe ex- trêmement répandu chez les Gastéropodes, et qui peut varier de forme, mais présente partout la même connexion et la même innervalion (p. 167). » Il est intéressant de rapprocher cette assertion de H. Fol de celle qu'avait émise, vingt ans auparavant, M. de Lacaze- Duthiers, au sujet de la fausse branchie des Pectinibran- 194 FÉEIX BERNARD. ches. Les deux savants expriment d’ailleurs une simple opinion; les preuves ne sont pas encore fournies. Mais on voit que, dès maintenant, le rapprochement des organes en question dans toute la série des Gastéropodes est proposé. Il est utile de le faire remarquer, car c’est précisément ce rapprochement qui fait l’objet principal du mémoire impor- lant de Spengel, dont nous allons nous occuper maintenant. $ 3. — Troisième période. La troisième période est caractérisée par deux faits im- portants : la publication du travail de Spengel en 1881, et les tendances de plus en plus marquées qui se manifestent en Allemagne vers des recherches histologiques précises. Le retentissement du mémoire de SPENGEL «sur l'organe olfaetif et le système nerveux des Mollusques (73) » à été au moins aussi grand que celui du grand ouvrage de Jhering, etil devait nécessairement en êlre ainsi, quoique le nombre de faits anatomiques nouveaux signalés par l’auteur fût en définitive assez reslreint; mais Spengel redressait les erreurs anato- miques et taxonomiques de Jhering et présentait des hypo- thèses intéressantes pour expliquer la lorsion des Proso- branches ; de plus, il développait cette idée de l'homologie de la fausse branchie avec une série d’organes encore pro- blématiques, et retrouvait chez tous les Mollusques un organe sensoriel auquel il attribuail, assez arbitrairement d’ailleurs, la fonction olfactive. La structure de cet organe élait invoquée au même titre que la morphologie comparée pour la dé- terminalion de sa nature, de sorte que, même dans ces recherches, surtout anatomiques, l’histologie commence à jouer un rôle important. L'auteur passe en revue la topographie des parties essen- lielles du système nerveux dans les différents groupes; dans ses descriptions suceinctes il résume les travaux antérieurs, ou ses propres recherches, et dès le début il arrive à des résultats très différents de ceux de Jhering : « Chez les Orthoneures (de Jhering) ilexiste, comme chez ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 125 les Chiastoneures, une commissure viscérale en forme de8. » La symétrie bilatérale que Jhering avait cru trouver dans les Orthoneures, n'existe pas en réalité. Le connectif qui, chez ces animaux, réunit le ganglion pleural droit au ganglion subintestinal (1) n’est pas pour Spengel la véritable commis- sure viscérale ; il n’en est qu'une racine secondaire, sur- ajoutée ; de sorte que les Orthoneures de Jhering(Zygoneures) dériveraient avec la plus grande facilité des Chiastoneures. Ceux-ci, par les Anisobranches (Trochidés, etc.), viendraient des Zeugobranches (Haliolidés, Fissurellidés) où la symé- trie bilatérale, que Spengel considère comme primordiale, apparaît avec la plus grande netteté. Telles sont les idées phylogénéliques de Spengel; quoique prêtant à diverses cri- tiques, elles sont à coup sûr beaucoup plus vraisemblables que celles de Jhering. Je n’insiste pas sur la partie du mémoire de Spengel où sont développées les vues par lesquelles le savant zoologiste interprèle la torsion des Prosobranches. Je passe aussi à dessein sur la question de l’épipodium, qui est encore au- jourd'hui l’objet de vives discussions entre M. de Lacaze- Duthiers et ses élèves d’une part, et M. Pelsencer, Bela Haller et Spengel lui-même de l’autre. La partie du travail qui, pour nous, présente le plus grand intérêt, est l'étude de l'organe indéterminé que Spengel appelle l'organe olfactif, et auquel, depuis 1881, la plupart des zoologistes ont donné, à juste titre, le nom du savant allemand. Spengelrend pleine justice à M. de Lacaze-Duthiers qui,le premier, à émis sur ce point une opinion exacte. Il fait remarquer que chez les Peclinibranches l'organe en ques- lion est toujours relié par un nerf volumineux au ganglion supra-intestinal : 1l l’a décrit succinctement chez l'Haliotide, la Fissurelle, les Trochidés, puis chez quelques Peclini- branches. Partout 1l trouve un long et puissant cordon gan- glionnaire, à filaments accompagnés de cellules nerveuses, (1) Connectif de la Zygoneurie de Bouvier. 126 FÉLIX BERNARD. et au-dessus un haut épithélium où lon voit entrer les fila- ments nerveux. L'histologie de l'organe n’est pas poussée plus loin. Les objections se présentent immédiatement à l'esprit du lecteur : tout d’abord les figures présentées soit pour la morphologie extérieure, soit comme preuves à l’appui de l'entrée du nerf dans lépithélium sont tellement insuffi- santes (surtout en présence d’une description réduite à quel- ques mots), que divers zoologistes ont pu, sans parti pris, mettre en doute les observations de l’anatomiste allemand, observalions exactes d’ailleurs en général, je me hâle de Le déclarer. D'autre part, si l’homologie de l'organe dit olfactif chez différents Pectinibranches est démontrée avec évidence, il resterait à démontrer que chez les Scutibranches «la masse piriforme (ganglionnaire) terminée en avant par un filet à la base de la branchie » est bien l’homologue de la fausse branchie des Prosobranches à une seule oreillette, ou, en d’autres Lermes, que le ganglion branchial de Lacaze-Du- thiers (Haliotis) représente dans ce groupe la fausse bran- chie bipectinée ou filiforme. Or cette question que Spengel ne discute pas me semble & priori pouvoir être résolue de di- verses facons. Si en effet la partie ganglionnaire de cet organe (gan- glion branchial de M. de Lacaze-Duthiers chez l'Haliotide) représente le ganglion olfaclif, par quoi seront représentés, chez les mêmes animaux, les ganglions supra-intestinal el sub-intestinal? Faudra-1l admettre qu'ils sont soudés en une seule masse avec les ganglions pleuraux et pédieux? Faut-il croire au contraire que ce sont précisément ces ganglions supra et sub-inteslinal qui envoient des filets à l’épithélium ? Si ce fait est exact, ces ganglions ne peuvent être l'homo- logue de la fausse branchie, puisque les mêmes ganglions sont déjà représentés ailleurs chez les Monotocardes; alors l'organe de Spengel n'aurait plus la même valeur morpho- logique dans tous les groupes. Dans une {roisième hypothèse, le ganglion des Diotocardes serait l’un des ganglions com- ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. RATÉ missuraux, et l'organe olfactif serait alors réduit à un nerf, avec l’épithélium adjacent. Y a-t-il des cas chez les Mono- tocardes où l'organe olfaclif est ainsi représenté par un simple nerf? Spengel ne le dit pas. Il n'indique pas en somme com- ment on peut passer du Lype des Monotocardes à celui des Diolocardes. En somme, comme nous allons le démontrer prochainement, la question est bien loin d’être aussi com- pliquée qu'elle le paraît. La confusion qui règne actuelle- ment dans la queslion vient de ce que les zoologistes ont cherché à appliquer aux lypes inférieurs des Prosobranches la terminologie créée pour les lypes supérieurs, au lieu d’é- tudier les différenciations progressives. Le reproche le plus grave qu'on puisse adresser à Spengel, c’est d'admettre « priori que les ganglions qu'il signale sont des organes olfaclifs, sans se préoccuper de savoir si les nerfs qu'ils envoient aux organes voisins n'auraient pas une impor- tance plus grande que les filets qui passent à l’épithélium. D'ailleurs la principale preuve histologique, la présence de terminaisons neuro-épithéliales, manque entièrement. Si l’on passe maintenant des Prosobranches aux Héléropodes, aux Pulmonés et aux Opisthobranches, on se trouve en pré- sence de difficultés analogues, et même d’un véritable cercle vicieux. Les recherches histologiques de Spengel ou de ses prédécesseurs ne suffisent pas pour établir que l'organe dit olfactif soit un organe sensoriel, et d'autre part les considé- rations morphologiques par suite desquelles il établit l’ho- mologie toujours si délicate des ganglions, dans des groupes forts différents, supposent établie l'identité de l'organe olfactif dans toute la série. En admettant même que le passage du nerf dans l'épi- thélium soit un fait démontré et constant pour tous les cas où l'organe olfactif est le plus évident morphologiquement, il faudrait encore voir s’il n'existe pas le long du manteau d'autres régions où ce même passage se représente : s'il en était ainsi, la valeur de cette disposilion histologique pour la détermination morphologique de l'organe serait singuliè- 128 FÉLIX BERNARD. rement diminuée; c'est ce qui a lieu en réalité. J’ajouterai enfin que, au point de vue de ses fonctions, cet organe me semble « nrpi devoir être l’objet de recherches d’une toute autre nature : l’histologie pourra bien nous montrer s’il est en réalité sensoriel; mais toute assertion sur son rôle spé- cial n’a que la valeur d’une hypothèse plus ou moins pro- bable. Le nom d'o/fachif que Spengel lui atiribue, me semble done un peu prémaluré, tant que la physiologie ne sera pas intervenue. : On voit, par ce qui précède, que je m'associe dans une cerlaine mesure aux critiques qui ont élé adressées au mé- moire de Spengel. Mais il serait injuste de méconnaitre l'importance considérable prise à juste titre par ce travail dès son apparition. Plusieurs des assertions de Spengel se sont trouvées vérifiées (1); le grand travail de Bouvier a d'ailleurs contribué à éclaircir la question de la fausse branchie dans le sens indiqué par Spengel; les conclusions auxquelles je suis moi-même arrivé, confirment en partie les vues ingénieuses, quoique un peu prématurées, et surlout un peu incomplètes à mon avis, du savant anatomiste allemand. Depuis la publication du travail de Spengel, deux cou- rants opposés se manifestent : la plupart des zoologistes admettent comme exactes les observations du savant alle- mand, et considèrent la fausse branchie, le ganglion olfactif, l'organe de Lacaze-Duthiers, ete., comme des formations ho- mologues, à fonctions eee Dans les ouvrages classi- ques de Claus, de C. Vogt, dans les mémoires de B. Haller (52), de Vayssière (7/), de Bouvier (61), de Garnault (63), les conclusions de Spengel sont acceptées, au moins en par- tie; dans les deux derniers mémoires, des arguments nou- veaux en leur faveur sont présentés. Mais l’unanimilé est loin d’être réalisée; MM. Wegmann (55), Boutan (56), Fischer (#8), émettent des doutes sur la nalure sensorielle de l’or- gane. M. Bouvier lui-même, qui admet comme probable ce (4 ) Notamment celle qui consiste à attribuer à tous les Pectinibranches une commissure viscérale tordue. ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 129 rôle de la fausse branchie, diffère notablement d'opinion avec Spengel sur la signification morphologique du ganglion bran- chial. Enfin jhering protesle vivement contre une théorie qui aurait pour effet « de rapprocher des animaux aussi diffé- rents que les Annélides et les Myriapodes ». Passons rapi- dement en revue ces divers travaux. Tout récemment deux monographies nouvelles ont été publiées sur les Prosobranches : celle de l'Haliotide par M. Wecmann (55) (1884) et celle de la Fissurelle par M. Bouran (56) ‘1886). Ces deux zoologistes ont été assez loin dans l'étude des organes palléaux; mais ils ne peuvent se prononcer au sujet de l’organe de Spengel. M. Wegmann croit y voir des feuillets empâlés dans le {issu conjonctif, figurant une branchie rudimenlaire, qui représentlerait morphologiquement une branchie d’Acéphale avortée. M. Boulan laisse la question dans le doute. Je discuterai avec soin les opinions émises par ces deux auteurs. L’organe de Spengel est au contraire étudié avec un grand soin par M. GarnauLr (63) dans le Cyclostoma elegans et les terminaisons nerveuses y sont reconnues et décrites exacte- ment. Mais la différenciation de l'organe est trop peu avancée dans le cas du Cyclostome pour que les résultats obtenus par M. Garnault puissent suflire à combler la lacune importante sur laquelle tant de zoologistes ont appelé l’at- tention. Si incomplèles qu'elles soient, nos connaissances sur les organes palléaux ont continué à être utilisées pour la classification des Prosobranches. Toul récemment Ray Lan- KESTER (#9 bis) a désigné sous le nom général de Ctenidium la branchie primilive de tous les Mollusques : c’est, dil-il, un axe contenant un vaisseau afférent et un vaisseau efférent et porlant sur chacun de ses côlés une série de lamelles vas- culaires. Cet organe peut demeurer libre sur loute sa lon- gueur, ou être soudé entièrement ou partiellement au manteau. L’organe de Spengel est appelé Osphradium. C'est un paquet d’épithélium eilié silué à la base de la branchie, ANN. SCA NAT. ZOOL. IX, 9. — ART, N° 3. 130 FÉLIX BERNARD. en connection avec un nerf dérivé de l’un des ganglions viscéraux ou de la chaîne viscérale. Il se rencontre dans tous les groupes de Mollusques excepté chez les Scaphopodes. Récemment Ray Lankester et Bourne l'ont retrouvé chez le Nautile, où il e:t représenté par une papille. Cette papille n'existe pas chez le Poulpe. Ces deux organes, l’osphradium et le ctenidium, jouent pour l’anatomiste anglais un grand rôle dans la classification des Gastéropodes Strepioneures|Prosobranches). Ceux-ei sont divisés immédiatement en deux groupes. 1° Les Zygobranches, possédant deux clenidia et deux osphradia persistants ou avortés. Ce sont les Haliolidés, Fissurellidés et Patellidés. 2 Les Azygobranches, ne possédant qu'un ctenidium et #7 osphradium. [ls comprennent les Natantia {Hétéro- podes) et les Æeptantia qui sont tous les autres Proso- branches. Ceux-ei se classent aussi d’après les organes de la respiration en AHolochlamya (Holostomes), Preumochlarnyda (Cyclostomidés), Siyhonochlamida (Siphonostomes). Malgré l'autorité du savant naturalisle anglais je ne puis accepter la classificalion qu'il présente et donner à l'appareil respiratoire une importance taxonomique aussi prépondérante; les caractères accessoires proposés par l’au- teur comme servant à caractériser les groupes proposés ne me paraissent pas non plus bien concluants. Séparer les Tro- chidés des autres Diolocardes me semble {out à fait impos- sible; la division ancienne en Holostomes et Siphonostomes ne lient pas non plus grand comple de l’ensemble de l’or- ganisalion. Je suis à ce point de vue lout à fait de l'avis de Bouvier (/oc. cif., page 468) el je pense que la présence ou l'absence du siphon ne doivent intervenir que pour diviser les Ténioglosses. En même lemps que la précision anatomique continue à être recherchée de plus en plus par les savants de toutes les écoles, chacun sent de plus la nécessité d'entrer résolument dans la voie histologique. Les travaux déjà anciens de Leydig ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 191 et ceux plus récents de W. Flemming avaient inauguré en Allemagne une série de recherches du plus haut intérêt sur l'histologie des Mollusques. Les noms de Brocx (76), Korr- MANN (37), POSNER (38), SimRoTH (34), SARASIN (50), SocHAcsE- WER (2), CARRIÈRE (44), Drosr (59), Rawrrz (66) doivent être cités parmi ceux des auteurs qui ont le plus contribué à nous faire connaître les {issus des Acéphales et des Pul- monés. Cependant les Prosobranches continuent à être relalive- ment très négligés à ce point de vue. B. HazLer seul s’est préoccupé d'analyser les éléments des Rhipidoglosses(52,58). Il a décrit la structure des ganglions et des nerfs, des or- ganes gustalifs et des organes latéraux. Certains points nous arrèleront particulièrement; mais je me hâte de dire que, abstraction faile de quelques points relevés immédiale- ment en 1887, notamment par Nansex (60), les recherches histologiques de B. Haller m'ont paru à l’abri des graves criliques qu'on a fréquemment adressées à ses travaux d'ana- tomie. Mais cet auteur n’a pas examiné l'organe de Spengel, au point de vue histologique : il conteste cependant absolu- ment la conclusion générale de Spengel relative à l'organe olfactif et se refuse à voir dans le ganglion situé à la base de la branchie autre chose qu'un ganglion branch'al. L'un des zoologistes qui me paraissent avoir le mieux compris la struclure des jewllets branchaux est OsBorx (5), qui a publié récemment (1884) à ce sujet deux notes impor- lantes. [Il a étudié quelques types assez variés lels que Chiton, Fissurella, Fulqur, Fusus, Litiorina, Sigaretus, Nassa, Crepidila. 1 reconnaît que l’épaississement carlila- gineux est constitué aux dépens de la membrane basale; il ne décril pas de capillaires; mais 1l à lrouvé dans certains cas un cordon conjonclif séparant le vaisseau afférent du vais- seau efférent. Plus récemment, Osborn a décrit brièvement l'organe de Spengel (osphradium) dans la Crepidula forni- cata (64). I constate l'existence d’un nerf au centre de l’or- gane : les feuillets sont couverts d’épithélium pigmenté. 139 FÉLIX BERNARD. L'auteur ne s'explique pas sur les espaces sanguins et les terminaisons nerveuses. : Nous arrivons enfin à l’un des travaux les plus importants qui aient élé publiés sur les Mollusques, au mémoire de M. Bouvier sur le «Système nerveux, la morphologie générale, et la classification des Gastéropodes Prosobranches » (61). Dans les longues et minulieuses recherches qu'il à fait porter sur plus de 70 genres, l’auteur ne s’est pas contenté de disséquer avec le plus grand soin le système nerveux de ces animaux et d’en tirer de nombreuses conclusions morpho- logiques et taxonomiques ; 1l a de plus indiqué un grand nombre de particularités anatomiques relatives aux diffé- rents appareils des animaux les plus intéressants. Le man- teau et ses dépendances n’ont pas été négligés, au moins quant à leur morphologie extérieure. Comme j'aurai à faire fréquemment allusion à ce travail, el comme d'autre part Je me propose de suivre, au moins en partie, la classification proposée par Bouvier, je ne puis me dispenser d'indiquer les grandes coupures qu'il a été amené à élablir dans le groupe de Prosobranches. Ces cou- pures ont pour point de départ la comparaison de l’ensemble des organes ; en d’autres termes, s'appuyant sur ses propres recherches et sur celles de ses prédécesseurs, M. Bouvier a cherché à donner une classification naturelle. Cependant le système nerveux est pour lui « le caractère dominateur par excellence». A un très petit nombre d’exceplions près (Neri- tidés et Hélicinidés), tous les Prosobranches sont Chiasto- neures, comme l'avait déjà établi Spengel. Les moificalions dans les dispositions des centres nerveux sont lentes et pro- eressives el l’on trouve tous les degrés entre les types ex- trèmes. Les branchies fournissent des caractères de deuxième ordre ; elles correspondent par leur forme à des modifications orga- niques : « les Prosobranches à branchies bipeclinées ont en général un cœur à 2 oreillettes el à ventricule traversé par le reclum, un système nerveux à cordons palléo-pédieux ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 133 scalariformes, un épipodium, une radule à dents {rès nom- breuses, elc. » Les animaux présentant ces caractères sont rangés dans le groupe des Aspidobranches où Diotocardes. Les autres sont les Pectinibranches où Monotocardes. On voit que Bouvier reprend pour désigner les grandes divisions des Prosobranches des noms déjà employés par Cuvier et Môrch; mais il les emploie dans un sens un peu différent. Pour lui, les Prosobranches doivent être divisés en deux sous-ordres seulement; chacun de ces grands groupes com- prend des séries distinctes, mais qui présentent entre elles de nombreuses ressemblances de détail. Pour déterminer les coupures de second ordre qui doivent être distinguées chez les Diotocardes comme chez les Mono- tocardes, M. Bouvier fait intervenir le siphon, la fausse bran- chie, le mufle et la radule ; on ne peut établir à ee sujet de subordinalion rigoureuse entre les différents caractères : tel organe, la radule par exemple, « peut garder une homogé- néité frappante dans toute l'étendue d’un groupe naturel; et devenir fort différente quand on passe d’un groupe à l'autre ». L'avis de l’auteur est qu'il faut, pour établir des groupes aussi nettement limités que OSSI, choisirles carac- tères qui présentent les sauts les plus brusques, s'ils sont suffisamment en accord avec les aulres caractères : la 0ran- chie, le cœur et la radule sont dans ce cas. | Pour établir les groupes de troisième ordre, il faut s'adresser à l’ensemble des organes et on s'aperçoit alors qu'on doit élablir « plusieurs séries pouvant se rattacher d'ailleurs les unes aux autres par des termes communs ». Je ne puis entrer ici dans le détail des résultats auquels ces considérations ont conduit M. Bouvier. Dans la partie spéciale de mes recherches sur la fausse branchie, je reviendrai sur la classification proposée par M. Bouvier et je disculerai la valeur des séries qu'il propose : je me hâte de dire que, au moins pour les Ténioglosses, la plupart me semblent justifiées. Si M. Bouvier s’est appliqué à préciser aulant que possi- 134 FÉLIX BERNARD. ble les principes de la classification des Prosobranches et à réunir les divisions généralement admises en groupes nelte- ment délimités, 1l s’est attaché d’autre part à suivre pas à pas les transformations qu'avaient subies les divers organes depuis les types les plus primitifs ; et à metlre en lumière la continuité des formes dans tous les cas où elle existe effectivement. Ses recherches sur le manteau et ses annexes présentent à cet égard un grand intérêt. 1° Chez presque tous les Diotocardes et chez beaucoup de Ténioglosses (Proboscidifères holostomes), il existe dans le manteau, de chaquecôlé del’animal, une anastomose nerveuse mettant en relalion deux nerfs palléaux parallèles ; l’anasto- mose droite, par exemple, meten relation le nerf issu du gan- glhion palléal droit avec un nerf issu du ganglion sous-intes- tinal, situé sur la branche gauche de la commissure viscérale. M. de Lacaze-Duthiers avait depuis longtemps découvert du côté gauche ces anastomoses dans l'Haliotide. M. Bouvier dé- montre qu’elles existent toujours, mais que dans certains cas elles se rapprochent du corps, tantôt d'un côté tantôt de l’autre, de sorle qne les nerfs palléaux arrivent à se rencontrer de plus en plus près des ganglions. Enfin, dans le cas extrême, les deux ganglions voisins sont reliés directement par un con- nec{if et Le système nerveux est dit zygoneure. La famille des Cérithidés présente tous les cas de transition dont nous ve- nons de parler. La zygoneurie s'établit presque toujours du côlé droit : à gauche elle est beaucoup plus rare et présente moins d'imporlance; ajoutons qu’elle est constante chez les Siphonoslomes et les Sténoglosses. L'elude attentive de l’innervation du manteau a donc per- mis à Bouvier d'établir un fait anatomique entièrement in- connu, et des plus intéressants, puisqu'il explique clairement la disposition du système nerveux chez les Prosobranches les plus élevés, et met en lumière les transitions graduelles qu relient les différents types dans l’ensemble de l'ordre des Prosobranches. 2° Au sujet des autres résullats qui présentent pour ce ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 155 travail un intérêt spécial, nous ne pouvons faire mieux que de citer quelques lignes du résumé présenté par Bouvier à la fin de ses recherches : « Chez les Lypes les plus primilifs, la partie antérieure du manteau est innervée presque symélriquement et presque uniquement par les ganglions palléaux; si les organes pallé- aux de droite font défaut, le ganglion sous-intestinal n’exis- tera pas. Chez les Monotocardes l'innervation du manteau devient de plus en plus asymétrique à mesure qu'on s'élève dans le groupe des Ténioglosses. L’innervalion de la bran- chie se fait aux dépens du ganglion sus-intestinal et de la branche sus-intestinale de la commissure viscérale, quand la branchie est à gauche. Le ganglion sus-inteslinal innerve également la fausse branchie droite el envoie toujours des rameaux au manteau; mais le siphon est loujours essentiel- lement innervé par le ganglion palléal gauche. À droite le ganglion sous-inteslinal innerve toujours la branchie et la fausse branchie quand elles existent, en même temps qu’une partie du manteau. » 3° Au sujet de la fausse branchie ilest indispensable pour bien comprendre les combinaisons de M. Bouvier, de se rap- peler qu’il n’admet pas comme Spengel que le ganglion situé à la base de la branchie des Diotocardes (g. branchial de Lacaze, ou g. olfactif de Spengel) soil autre chose que le ganglion sus-intestinal. Par suile, il appelle fausse branchie chez les Diotocardes, seulement la bande d’épithélium qui s'élend le long du support branchial, et dit que chez eux la fausse branchie est filiforme (p. 37 et 409); ne faisant pas de recherches histologiques, il s’en rapporte d’ailleurs aux résultats de Spengel. Des observations nouvelles d’un grand intérêt sont présentées pour les Ténioglosses ; M. Bouvier trouve, dans l'étendue d’une même famille, celle des Cérithi- dés toutes les transitionsentre les fausses branchies linéaires et les fausses branchies bipectinées. D'autres familles pré- sentent encore des formes de passage : tels sont les différents types de la longue série des Turrilellidés, des Chénopidés, 136 FÉLEIX BERNARD. et des Strombidés. Des observations de cette nature, quoi- que faciles à faire, n'avaient pas été réalisées, parce qu'on s’élait peu occupé des Prosobrancehes exotiques. Elles ont permis à M. Bouvier d'appliquer les varialions morpholo- giques de cet organe à la détermination des affinilés des genres et des familles (p. 411). Je ne puis qu'approuver les conclusions de lhabile analomiste, et J'aurai l’occasion d'appliquer les mêmes principes à des cas qu'il n'a pas étu- diés. Le but de nos recherches n’était pas de contrôler celles de M. Bouvier, même à propos des points communs aux sujets de nos deux travaux : ayant travaillé au même laboratoire que lui et dans le même esprit, J'ai pensé qu'il y avail inté- rêt plutôt à acquérir de nouvelles données qu’à vérifier celles qu'il à établies sur les bases les plus solides; néan- moins pendant plusieurs années, J'ai eu l’occasion de dissé- quer un assez grand nombre des types examinés par lui et. J'ai pu constater l'exactitude de quelques-unes de ses asser- tions les plus importantes. Partout j'ai retrouvé la commissure palléale à laquelle il attache tant d'importance : j'ai vérifié de plus qu’on pouvait souvent mettre en évidence avec la plus grande facilité, la branche de la commissure viscérale qui unit le ganglion sus-intestinal au ganglion viscéral, branche qui avait échappé à Jhering dans des animaux tels que les Tritons et les Ranelles où elle atteint cependant des dimen- sions considérables. Les résullats de M. Bouvier concernant la chiastoneurie générale des Prosobranches ne me semblent donc pas disculables. Je ne reviendrai plus sur ce sujet, et je ne m'occuperai du système nerveux que pour des ani- maux qui n'ont pas élé complètement décrits par M. Bouvier (certains Cyelophoridés, Valvatidés, Tecturidés). Je me propose de suivre dans ce travail la classification de M. Bouvier, au moins dans ses trails généraux; mais, come on va le voir dans les chapitres suivants, l’admis- sion de quelques-unes de ses divisions nous causerait des difficultés réelles, et certains groupes ne me semblent pas ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 137 devoir être maintenus : ainsi je ne puis accepler la division en Zygobranches et A zygobranches, proposée déjà par Spen- gel, ni employer pour les Haliotidés et les Fissurellidés seuls e terme de Rhipidoglosses, qu’on applique g généralement au groupe entier {moins les Patellidés). M. R. Perrier vient de montrer (67) que, au point de vue du rein et du cœur, les Patellidés doivent être mis tous à part il en fait le sous-ordre des ÆHélérocardes. Dans les Diolocar- des, 1l fait un groupe spécial pour les Fissurellidés dont les deux reins sont semblables (Æomonéphrides) et réumt les autres familles sous le nom d’Æétéronéphridés. L'élude qui va suivre ne fournissant pas d'arguments contre ce système de classification, je me suis décidé à l’adopter dans ce travail; je ne reproduis pas ici le tableau de cette classificalion, on le {rouvera dans le mémoire de M. Perrier (Ann. Sc. nat. 1° série, t. VIT). Résumé de l'historique général. But de ces recherches. — Si nous cherchons à nous rendre compte de l'état actuel denos connaissances relalivement aux organes palléaux, nous avons à tenir compte des résultats morphologiques et des résultats histologiques. 1° Au point de vue morphologique nous connaissons avec une grande exaclitude la forme et la position de la branchie dans un grand nombre de types. Pour la fausse branchie et la glande à mucus, il reste encore quelques lacunes. L'innervation des organes palléaux est également éludiée avec une grande précision. Cependant un point reste obseur. Le ganglion qui se trouve à la base des branchies des Dioto- cardes est considéré par M. de Lacaze-Duthiers et ses élèves et par B. Haller simplement comme un ganglion branchia/; par Spengel comme un ganglion o/factif, homologue de celui qui existe au centre des fausses branchies bipectinées, par Bouvier comme l’homologue de l’un des ganglions com- massuraux. La distribution des nerfs issus de ce ganglion, telle que la décrit B. Haller, est conteslée par Bouvier. En un mot, quelle est sa signification morphologique? Je 138 FÉLIX BERNARD. chercherai à élucider autant que possible celte question délicate. L'appareil circulatoire du manteau n’a pas élé étudié dans son ensemble. Dans les monographies du Vermet, de l'Ha- liotis, de la Fissurelle, dans le mémoire sur la Pourpre, le système sanguin de ces animaux a été décrit avec soin, mais nous ne savons pas s’il existe, d’une manière générale, des vaisseaux importants, à connexions constantes. En particulier la comparaison des Diolocardes et des Monotocardes mérite d’être faite à ce point de vue. M. Bouvier va présenter pro- chainement des observations nouvelles au sujet du sys- lème artériel. Je m'occuperai principalement du système veineux. 2° Sous le rapport de l’histo/ogie, un plus grand nombre de questions restent encore à résoudre. 1° Quelle est la structure de la branchie, de la fausse branchie, de la glande à mucus, du tissu même du manteau? Nous ne le savons en aucune facon, car un seul travail d’his- tologie a élé présenté jusqu'ici pour les Prosobranches, et il porte sur un animal (le Cyclostome) où les trois premiers de ces organes sont peu différenciés. En particulier, l'étude de la structure de la fausse branchie va nous permettre de déter- miner, avec une probabilité plus grande qu’on avait pu le faire jusqu'ici, la nature et l’origine de cel organe. Nous aurons, après avoir éludié séparément chacune des parties dont il s’agit, à les comparer entre elles el voir en quoi consistent les différences les plus importantes. 2° De très nombreuses et très intéressantes recherches ont élé faites chez les Acéphales et les Pulmonés; mais la com- paraison des différents ordres de Mollusques n’a jamais été réalisée et nous ne savons pas dans quelle mesure les varia- lions importantes dans la forme et la disposition des organes, sont solidaires de modifications essentielles dans leur struc- Lure. Or, dansles organes palléaux, trois ordres d'éléments vont fixer plus particulièrement notre attention. ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 139 1° Les cellules newro-épithéliales ; 2° Les cellules glandulaires; 3° Les éléments du #issu conjonctif; Nous aurons donc à revenir sur ces trois sortes de tissus et à discuter les trois problèmes de ferminaisons nerveuses sensi- tives, de la sécrétion du mucus el de la structure des lacunes. _ Au point de vue {aronomique, j'aurai peu de chose à ajou- ler aux travaux de mes devanciers : M. Bouvier en particulier, ayant déjà utilisé les variations de la fausse branchie pour la formation de séries naturelles, je me contenterai de faire ressorlir les affinités que la structure des organes palléaux met en lumière entre certains groupes dont la position n’est pas encore toul à fait fixée. DEUXIÈME PARTIE ORGANE DE SPENGEL CHAPITRE PREMIER ORGANE DE SPENGEL DE LA CASSIDAIRE. Je commence l’élude des organes palléaux par l’histoire de la fausse branchie où organe de Spengel. Ce n’est pas, à beaucoup près, le plus simple des organes que nous ayons à examiner: la structure de la branchie est en effet bien moins compliquée, mais les éléments nerveux jouent un grand rôle dans les formations palléales, et leur étude a pour nous une importance spéciale. Or la disposition des nerfs dans les feuillets branchiaux et dans les glandes à mucus ne présenteraient pour nous aucun intérêt si nous n'avions pas dans l'esprit tous les cas de différenciation pro- gressive de ce genre de tissu dans la fausse branchie. 140 FÉLEX BERNARD. Ce dernier organe nous offrira d'ailleurs le plus grand dé- veloppement possible de ces mêmes éléments, ce qui nous facilitera considérablement leur étude. Pour la même raison, je ne puis pas suivre exactement, dans cet exposé, l’ordre de perfectionnement progressif, qui coïncide avec l’ordre phylogénétique le plus probable. J'ai pu étudier l’organe avec précision surtout dans les cas où il est le mieux développé, sa structure dans les cas les plus simples se découvrail mieux ainsi que si j'avais suivi l’ordre inverse. J’examinerai donc d’abord avec détail le cas de différenciation maximum, el je montre ensuite d'où l'or- gane est parti el par quelles modifications il a passé. Dans loute celte description, pour éviter toute confusion au sujet des {ravaux antérieurs, el pour ne rien préjuger de nos propres conclusions, j'adopterai provisoirement le nom d'organe de Spengel pour tout l’ensemble complexe de tissus que Spengel considérait comme organe offaclif; c’est-à-dire le ganglion branchial, le gros nerf qui en dépend, l’épithé- lium adjacent, pour les Diotocardes — l'organe filiforme ou bipectiné pour les Monotocardes, — le ganglion branchial avec l’épithélium pour les Patelles et les Opisthobranches. La Cassidaria tyrrhena, animal de grande taille que j'ai reçu en grande abondance d'Arcachon, el qui peul vivre quelque temps dans les laboratoires, a l'avantage d'offrir une réparlilion commode des divers éléments : c'est ce qui m'a conduit à la prendre comme lype. $ 1. — Extérieur. La fausse branchie de la Cassidaire (fig. 1)est un organe al- longé, terminé en pointe à ses deux extrémités, de 2 centi- mètres el demi de long sur un demi-cenlimètre de large dans les grands individus. Sa section transversale est sensi- blement quadrangulaire (Voir la figure 25 qui a rapport à la Ranelle; la disposition est la même dans la Cassidaire). Elle est constituée par un gros ganglion (G) qui en occupe toute la partie médiane, et par des feuillets épais (F) au nombre ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 141 de cent vingt-cinq à cent cinquante en moyenne de chaque côté, se correspondant exactement par paires de part et d'autre. L'ensemble de l’organe présente par suile la symé- trie bilatérale et le ganglion lui-même est exactement sy- métrique. La face inférieure est pigmentée, sauf la partie médiane immédiatement sous-jacente au ganglion (G, fig. 1, y, fig. 3), les faces latérales sont incolores. Chacun des feuillets présente une forme sensiblement triangulaire (fig. 2 et 25). Il a un bord inférieur libre (i) pig- menté sur toute sa longueur, un bord latéral (/) par où il est rattaché au ganglion et que j'appellerai côté interne : un bord supérieur libre ou côté externe (e). La région pig- mentée comprend toute la longueur du bord inférieur et de plus quatre lignes parallèles entre elles, sensiblement per- pendiculaires au côté latéral libre. Il en résulte que les espaces clairs (S), laissés libres entre les espaces pig- mentés, réalisent une figure exactement semblable à la précédente et dirigée en sens inverse. On sait depuis les recherches de Spengel que toute la partie sous-jacente à l’épithélium pigmenté est occupée principalement par un nerf volumineux issu de la partie inférieure du ganglion central et par ses principales ramifications (branches pri- maires), qui sont au nombre de quatre dans tous les feuillets saufdans ceux des extrémités. Disons dès maintenant, pour fixer les idées, que les régions claires (S) correspondent dans l'intérieur de l'organe à un sinus sanguin partant d’une lacune immédiatement sus-jacente au ganglion central; ce sinus est constitué par une branche principale, dirigée le long du bord latéral libre, et par des ramifications primaires terminées en cul-de-sac et alternant avec les branches pri- maires du nerf propre de l'organe. Spengel a observé cette disposition et en donne une description exacte, quoique lrop succincte. $ 2. — Étude du ganglion central de l’organe de Spengel. La structure intime des éléments ganglionnaires des In- 142 FÉLIX BERNARD. vertébrés a donné lieu à un très grand nombre de {ravaux qui nous permetlent de considérer comme connus la piu- part des faits essentiels; quelques-uns cependant sont en- core discutés : ainsi les avis sont parlagés sur la question de savoir si les cellules sont unies entre elles directement ou par l'intermédiaire d'un fin réseau de fibrilles; récem- ment Bela Haller a décrit des prolongements nerveux issus du nucléole dans le cordon palléo-pédieux de la Fissurelle. Mais d'autre part, les interprétations des faits varient d’une ma- nière frappante suivant les auteurs : l’on n'est pas fixé sur la nalure nerveuse ou conjonctive de certains éléments; certains zoologisles considèrent comme le noyau ce que d’autres déclarent êlre Le corps même de la cellule, qui serait alors entouré d’une écorce : enfin l'existence de véri- table fubes nerveur chez tous les animaux a élé récem- ment admise par des histologistes tels que Leydig et Nan- sen. On conçoit que le simple exposé historique de ces questions intéressantes m'entraiînerait bien loin du sujet principale de ce travail. On trouvera d'excellents résumés de l’histoire de ces recherches dans la seconde partie des Untersuchungen über marine Rhipidoglossen de Bela Hal- ler et surtout dans le beau mémoire que vient de publier F. Nansen (60) dans le Bergens Museurn Aarsberetning de 1886. J'ai eu l’occasion dans le cours des recherches que j'expose 1ei de rencontrer des circonstances parliculière- ment favorables pour démêler quelques-unes de ces questions délicates. D'autre part, je laisserar de côlé des points encore obscurs que l'étude du ganglion de la Cassidaire ne pourrait pas nous permetlre d'élucider. Le ganglion de l'organe de Spengel (fig. 3) est constitué par des cellules disposées à la périphérie et par des fibres occupant la partie centrale. Les cellules sont très rares à la partie supérieure et à la partie inférieure, dans le voisinage du plan médian de l'organe; elles forment au contraire, sur les deux côtés, des amas volumineux el continus d’une extré- milé à l’autre du ganglion. De distance en distance, dans la ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 143 région où le nerf principal (N») de chacune des lamelles pénètre dans le ganglion, on voit l’amas cellulaire se diviser en deux moitiés, l’une inférieure, l’autre supérieure, et chacune des masses ganglionnaires ainsi constituées s'étend jusqu'au plan médian; dans l'intervalle de deux lamelles olfaclives, l’amas cellulaire reste au contraire indivis et occupe une moins grande étendue. C’est ce que montre la figure 3, où J ai représenté une coupe légèrement oblique du ganglion olfactif : vers la gauche la coupe intéresse une des lamelles branchiales ; de l’autre côté elle passe dans l’inter- valle de deux lamelles consécutives. L'examen d'un grand nombre de coupes successives m'a montré une périodicité parfaile dans la disposition des éléments cellulaires. Le nerf d’un feuillet naît par plusieurs faisceaux séparés les uns des aulres par des lames conjonctives ; deux d’entre eux se séparent presque immédiatement des autres, et, se portant ensemble à angle droit dans la lamelle, constituent la première des ramifications primaires (elle n’est pas repré- senlée sur la figure 2), les autres contribuent à former la la branche principale (xp, fig. 2). Ces différents faisceaux se divisent rapidement dans l’intérieur du ganglion, soit dans le sens longitudinal, soit dans la profondeur de l'organe. Ces divisions défient toute descriplion: la figure 3, dessinée à la chambre claire, peut en donner une idée. En définitive, ces faisceaux aboutissent à la substance ponctuée qui forme la masse centrale. En se divisant ils circonscrivent les amas de cellules en îlots parfois très distinets, et se perdent à des profondeurs très variables dans la substance ponctuée. Quelques faisceaux ont une longue course longitudinale et établissent des relations entre les régions correspondant aux diverses lamelles : il en existe un volumineux (/) à face inférieure du ganglion, près de l’épithélium {c'est la partie supérieure sur la figure 3). Les cellules nerveuses sont relativement {rès petites; elles contiennent un gros noyau qui se présente avec l’aspect 144 FÉLEIX BERNARD. d’une vésicule contenant à sa périphérie de grosses granu- lations vivement colorées par les réactifs. Le protoplasma de la cellule est hyalin, peu abondant, se colore faiblement : on y voit avec un fort grossissement des stries dirigées dans le sens des prolongements. Presque partout les cellules ganglionnaires sont dis- posées en amas assez distincts les uns des autres, mais où les éléments sont extrêmement rapprochés, si bien qu'on serait tenté de leur attribuer des faces communes presque planes. Il est facile néanmoins, avec un fort gros- sissement, de découvrir la membrane propre de chacune d'elles et d'en étudier les prolongements. Voici ce qu on peut dire au sujet de ces derniers. Un assez grand nombre de zoologistes admettent pour la cellule nerveuse deux sortes de prolongements (1), les uns volumineux, atténués graduellement, continuant simplement les angles de la cellule ; Les autres intéressant bien moins le corps de la cellule elle-même, et s’insérant sur des mame- lons à peine saillants: généralement ils sont si réduits par rapport aux précédents que l’on n’en tient pas compte, de sorte que, suivant le nombre des prolongements de la pre- mière espèce, on dit que la cellule est uni, bi ou multipo- laire. En réalité, plusieurs travaux approfondis, et en parti- culier ceux de Nansen, ont montré que toutes les cellules ont un grand nombre de prolongements, et qu'on ne pouvait pas négliger ceux qui sont plus réduits et semblent de moindre importance. On admet souvent que les prolonge- ments grêles n’intéressent que la membrane, ou si l’on veut, l'écorce, de la cellule, et que les prolongements volumineux contiennent seuls la substance nerveuse. Nous verrons dans l’organe de Lacaze-Duthiers des exemples de ce cas : mais ici la distinclion semble impossible à admettre. De sorte que dans l’organe de Spengel bipectiné, il n'existe que des cel- lules franchement mullipolaires: on ne voit pas de ces (1) Voir le détail des cellules nerveuses, fig. 38 a et 38 b. ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 445 éléments allongés, effilés, comme j'en ai rencontré moi- même dans bien d’autres cas. Il y a exception cependant pour le bord du ganglion, aux environs de la ligne médiane en « (fig. 3). On rencontre en ce point quelques cellules dites unipolaires. Mais d'une manière générale les cellules du gan- glion de Spengel sont toutes multipolaires el il existe toutes les transitions entre les prolongements les plus importants et ceux qui sont le moins volumineux. Voyons maintenant quelles sont les relations de ces él6- ments : 1° entre eux; 2° avec les nerfs; 3° avec l'enveloppe conjonclive. Nous touchons ici à l’un de ces problèmes dé- licats que je signalais tout à l’heure : cependant des coupes au 400°, dont quelques-unes ont été trailées, après le mon- tage à la gélatine, par l'alcool absolu addilionné d'acide chromique et coloré par le bleu de méthylène, m'ont permis de me prononcer dans le cas particulier qui m'oc- cupe. On appelle substance ponctuée de Leydig ou substance mé- dullaire (Markwerk) une matière très finement granuleuse, paraissant presque homogène au premier abord, et pouvant sous un fort grossissement se décomposer en un réseau de fibrilles d’une finesse extrême (L, fig. 3). Elle se rencontre dans presque tous les ganglions et occupe tout l'espace laissé libre par les cellules et les fibres nerveuses proprement dites. Des recherches mullipliées ont permis de décider qu'on n'avait pas affaire à une simple apparence causée par des sections transversales de faisceaux de fibres, et qu’il y avait bien là un réliculum extrêmement délicat, d’une substance analogue ou identique à celle qui se colore dans les nérfs eux-mêmes, mais non orientée, el anastomosée dans tous les sens. Nous appellerons avec Leydig spongioplasma celte sub- stance facile à colorer sans chercher à démêler si elle cons- tiltue des trabécules ou des tubes à parois continues, comme le veulent Leydig et Nansen, el hyaloplasma le liquide hyalin qui la baigne, qu’on voit dans les lissus frais et qui disparaît dans les coupes. Deux points fondamentaux sont admis ac- ANN. SC. NAT. ZOOL. IX, 10. — ART. N° 3. 146 _ FÉLIX BERNARD. tuellement par tous les observateurs; la substance ponctuée de Leydig est en rapport d’une part avec les cellules, au moins par l'intermédiaire des prolongements grêles (Nesz- fortsätze de B. Haller), d'autre part avec les faisceaux de fibrilles, qui par leur réunion forment les nerfs. Ces deux faits sont d'ailleurs des plus faciles à vérifier sur le ganglion olfactif de la Cassidaire. Il reste à donner une réponse aux questions suivantes : 1°Y a-t-il union directe entre les cellules? B. Haller l’admet et appelle Verbindungsforsälze les prolongements qui élablis- sent cette union ; Nansen le conteste et déclare n'avoir Ja- mais pu observer l’union directe. Pour mon compte, je l'ai trouvée assez fréquemment dans la Cassidaire ; j'en donne d'autre part des exemples pour l'organe de Lacaze-Duthiers chez les Pulmonées, etje pense qu'il se pourrait que celte union directe se manifestät dans les cas où les cellules sont {rès rapprochées les unes des autres, et fit défaut dans d'autres occasions. 2° Outre l'origine indirecte des nerfs dans la substance ponctuée, y a-l-il aussi une origine directe dans les cellules? Doit-on considérer (chez les Mollusques) une troisième sorte de prolongement, les Nerven/forsälze de Deiters, ou les Stamnm- fortsätze de B. Haïller? Nansen et B. Haller sont encore en désaccord sur ce point, el avec B. Haller, Solbrig (30, 1872), Bœbhmig (45, 1885), Garnault (63, 1887), admetteni que des fibres nerveuses partent directement des prolongements des cellules larges (1). Je ne puis parlager cette opinion, au moins pour ce qui concerne l'organe de Spengel; je n’ai jamais vu les faisceaux même les plus minces provenir des prolonge- men(s cellulaires, sans interposilion d'un réliculum, si ré- duit qu'il soit: la substance poncluée pénètre d'ailleurs toule la masse du ganglion et se glisse entre les cellules (1) M. Vignal, dans son travail surles centres nerveux des Invertébrés(541), ne se prononce pas sur ce point à propos des Mollusques (p. 338). Il admet pour les Crustacés (p. 318), les Lombrics (p. 400), la réunion en T décrite par M. Ranvier pour les ganglions des Vertébrés. ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 147 dès qu'elles présentent entre elles un intervalle suffisant. 3° On appelle cellules araignées où encore cellules de la névrogle, sans allacher à ces termes exactement la même signification que chez les Vertébrés, de très petites cellules mullipolaires disséminées partout, que l’on à considérées comme de nalure conjonelive. On les voit en très grand nom- bre dans le ganglion de Spengel; mais elles sont d'une peti- lesse extrême : leur noyau, relativement très volumineux, se colore faiblement en rouge, mais le corps des cellules est teinté en bleu vif, ce qui permet de le retrouver facilement. Leurs connexions sont bien celles qu’on admet généralement : leurs prolongements vont s’anastomoser avec les fibrilles de la substance ponctuée et aussi avec quelques-uns des pelits prolongements (Netzfortsätze) des grandes cellules ganglion- naires. Je partage d’ailleurs l’opinion de M. Garnaull et de Nansen, qui pensent que les relations de ces éléments avec les autres éléments nerveux ne permellent pas de les con- sidérer comme conjonctifs : ils diffèrent d’ailleurs de tout ce que nous connaissons en fait d'éléments de cette dernière calégorie chez les animaux qui nous occupent. Leur faible dimension n’a pas permis de les représenter sur la figure 3. Relation des éléments nerveux avec le névrilème. Les prolongements des cellules ganglionnaires et le réticulum de Leydig vont s'insérer sur une fine membrane continue qui entoure le ganglion (m, fig. 4), mais est tout à fail distincte du névrilème proprement dit, et s’en détache en plusieurs points, probablement sous l’action des réactifs. Aucune {ravée de nature conjonclive ne part du névrilème pour pénétrer dans le ganglion. En résumé, la partie centrale de l'organe de Spengel de la Cassilaire est un gros ganglion présentant une muliilude de cellules en très grande majorité nultipolaires, disposées surtout à la périphérie, mais dont un grand nombre pénètrent vers le centre ; des faisceaux de fibrilles parcourent l'organe dans tous les sens, et une grande quantité de substance ponctuée de Ley- dig forme un réticulum délicat établissant des connexions entre 148 FÉEIX BERNARD. ces parties. Des cellules araignées de très petite taille sont, disséminées dans toutes les régions. $ 3. — Étude des lamelles. a. Tissu nerveux (cr, fig. 4). Chaque feuillet de l'organe de. Spengel peut êlre considéré comme un repli de la lame in- terne du manteau. Il est constitué par une membrane de soutien, prolongement de celle qui forme le stroma de cette lame interne, et qui, forcément, figure une double enveloppe (cr, fig. 4) close de toutes parts, renfermant à son intérieur des espaces sanguins, des nerfs, des éléments conjonctifs, et re- couverte intérieurement par l’épithélium. Les gros faisceaux nerveux, issus de la réunion des paquets de fibres, sortent du ganglion intimement unis les uns aux autres et compris dans une même gaine conjonclive, mais sans toutefois se confondre en un faisceau unique : ils pénè- trent alors dans une des lamelles de l’organe, en restant, bien entendu, compris à l’intérieur, entre les deux lames de la membrane de soulien. C’est là que nous allons main- tenant le suivre, en décrivant simultanément des coupes et préparations colorées de lamelles débarrassées de lépi- thélium. Le nerf principal du feuillet qui longe, comme on sait, le bord inférieur libre (np, fig. 2 et 25), est formé, ainsi que les quatre nerfs secondaires ns, de gros faisceaux distincts qui s’enlrecroisent un peu à la façon des cordons d’un câble. À quelque distance de leur origine, on voit chacune des qualre grosses branches se dédoubler (xs, fig. 4) dans un plan perpendiculaire au feuillet; chacune des deux branches résultant se rapproche de plus en plus de la surface, et se voit séparée de son homologue par une lravée de tissu con- jonctif. Ces deux grandes branches desservent respective- ment par leurs ramificalions les deux faces du feuillet, et l'on peut voir de chaque côté de belles arborescences irré- gulières (fig. 26) qui couvrent les larges régions où l'épi- thélium est pigmenté, el arrivent presque jusqu’au bord ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 149 externe du feuillet. Il va sans dire que l'importance des grosses branches secondaires et du système de leurs rami- fications diminue de la base de la lamelle jusqu'à son extrémité. La figure 5 représente une de ces branches, mais je n’en ai figuré complètement que les rameaux les plus ténus pour montrer plus facilement les terminaisons nerveuses. Ce sont précisément ces rameaux de petite laille (tels que”, fig. 6) qui traversent la membrane de soutien et pé- nètrent dans l’épithélium, sans qu'il soit possible de déter- miner avec précision le point où se fait le passage. En effet, sur un très long trajet, les filets nerveux sont compris dans l'épaisseur même de la membrane de soulien, qui se soulève en formant une légère crête sur leur passage; de plus, même après leur sorlie de l’intérieur de l'organe, les filets sont accompagnés d’un mince névrilème très distinct, mais fai- sant suite directement à la gaine ou crêle dont je viens de parler. En somme le passage se fait ici tout à fait tangentiel- lement, ce qui contraste nettement avec ce que nous obser- verons plus tard chez les Diolocardes. Les lamelles préparées à l'acide chromique ou au chlorure de ruthénium fournissent après dissociation de bonnes pré- parations (fig. 5) de ce système nerveux interépithélial. On voitsur letrajetdu nerf {rois sortes de cellules : 1° des cellules fusiformes (a), à prolongement très longs et à noyau très allongé, qui appartiennent au névrilème ; 2° des noyaux ovales (4) bien plus volumineux, très granuleux, qui font sou- ventsaillie sur le contour du nerf, et qu'on rencontre fré- quemment sur les trajets des nerfs périphériques de pe- le taille (Voir p. ex. Nansen, 60). D'après les récents travaux des histologistes les plus compétents, on doit les regarder comme les noyaux propres des cellules dont le corps est constitué par l’ensemble même des fibrilles ner- veuses (spongioplasma) avec le hyaloplasma qui les baigne: 3° enfin des ce//ules mullipolaires (m) de petites dimensions, munies de gros noyaux, et en tout semblables à celles que 150 FÉLIX BERNARD. nous avonstrouvées dans le ganglion. J'ai vu distinctement des prolongements ramifiés unissant presque directement deux cellules voisines, mais je n’ai rien observé qui permette de supposer (dansle cas présent) que tout l’ensemble des cellules disséminées dans le champ pigmenté soit relié par un réseau de fibres continu et indépendant des branches du nerf prin- cipal. En d’autres termes s’il existe incontestablement dans la fausse branche un réseau nerveux de fibres et de cellules, ce réseau n'affecte pas la forme qu’on voit réalisée avec tant de netteté dans la branchie (fig. 47, a et b), et les groupes de cellules dépendant d'un même rameau sont simplement unies par de grèles filets. Pour étudier avec toute la précision désirable la question importante des {erminaisons nerveuses dans l’organe de Spengel, Fapplicalion du chlorure d’or est absolument indispensable. Elle présente, il est vrai, quelque difficulté à cause de la présence des cellules à mucus. Pour bien fixer celles-ci, j'ai ajouté une petite quantilé d'acide formique ou d'acide acétique au jus de citron employé dans la méthode de Ranvier pour létude des papilles gustatives. J'ai d’ail- leurs cherché à tourner la difficulté en opérant sur un grand nombre de lamelles, que je laissais pendant un temps va- riable dans les différents réaclifs, je choisissais ensuile pour les coupes celles qui me paraissaient le mieux réussies. Frappé par l'analogie des ééments à étudier avec ceux qu’on trouve dans les papilles guslalives des vertébrés, J'ai em- ployé, à peu de chose près, la méthode qui a réussi à M. Ranvier dans ce dernier cas. J'ai obtenu par ce procédé d'excellentes coupes dans les- quelles les contours des cellules épithéliales indifférentes et celui de leurs noyaux sont nettement indiqués par une teinte gris faible ; les nerfs sont d’un noir violacé; mais les cellules nerveuses etneuro-épithéliales se détachent avec une précision extraordinaire ; elles sont colorées en rouge violet, et leur noyau possède la même teinte, plus intense, si l'immersion dans le chlorure d’or a élé prolongée ou si le réactif est ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 151 concentré (1/100°); sans cela le noyau est presque incolore, le corps de la cellule restant toujours vivement teinté (fig. 8). Il est impossible avec de telles préparations d'avoir le moindre doute sur la nature neuro-épithéliale des éléments dont il s’agit; les cellules mullipolaires et les cellules fusiformes (1) sont colorées exactement de même, et leurs connexions sont netlement mises en lumière (fig. 6 et 8); quant à la tête de la cellule, elle se colore assez mal, mais apparaît cependant dans les points où la réduction de l'or est poussée très loin. Il résulle des observations précédentes que ces cellules neuro-épithéliales sont en connexion avec les nerfs par l’in- termédiaire des cellules multipolaires (fig. 6). Ces dernières se rencontrent à diverses hauteurs, el ne sont pas uniquement accolées à la membrane basilaire; les corps des cellules neuro- épithéliales se voient aussi à tous les niveaux, et l’on en ren- contre très près du bord, aux trois quarts à partir de la base. Leur forme est foujours celle d'un fuseau : il n’est jamais cylindrique. Le noyau est rond ou ovale, à réticulum peu serré. Le point important à établir est celui de l'entrée du filament nerveux dans la cellule elle-même. Jamais aucune préparation ne m'a montré un double filet d'attache, dont l’un serait nerveux et aboutirait près du noyau, comme le décrit Rawitz pour certains Acéphales (66). Le filet proximal, unique, de la cellule présente bien les réactions d'un nerf; on y trouve des granulations ou épaississements irréguliers, et l’on peut même quelquefois le suivre jusqu'à une cellule multipolaire (fig. 6). Cette dernière est-elle quel- quefois en relation avec plusieurs cellules neuro-épithélales? Diverses préparations me font incliner vers l’affirmative. Pour bien voir les têtes des cellules, il faut observer des préparations colorées au picro-carminate; elles apparaissent alors colorées en rouge vif entre les cellules pigmentées qui (4) J'appellerai par la suite cellules de Flemming les éléments dont il s’agit. Leur identité dans tous les organes palléaux, et dans tous ceux qu'a étudiés Flemming chez les Gastéropodes et les Acéphales, sera mise en lumière dans tout le cours de ce travail. 152 FÉLIX BERNARD. restent pâles. Ces têtes (fig. 7, { el f) ont toutes les formes possibles, depuis celle d’un long bâtonnet jusqu’à celle d’une pelite masse ovoïde. Le col est presque toujours distinct. b. Épithélium indifférent et sécréteur. — Les régions cor- respondant respeclivement aux aires nerveuses et aux sinus sanguins se distinguent très nettement, comme nous l'avons dit, par l'aspect de l’épithélium qui les recouvre. Sur les pre- mières (fig. 2, N), toutes les cellules indifférentes sont munies d’un pigment jaune à très gros grains, abondant principale- ment à la partie distale des cellules. Les plateaux sont peu distincts et dépourvus de cils; le reste de la cellule est très granuleux, le noyau presque rond (fig. 9). Au contraire, aux aires sanguines (S, fig. 4) correspondent des cellules ciliées (c’) claires, dépourvues de pigment, peu granuleuses, à noyau ovoïide et parfois même très allongé. Elles sont aussi plus grêles que les précédentes, et plus régulièrement eylin- driques. Du reste, dans les deux cas, les noyaux sont dis- posés à toutes les hauteurs. Ces caractères suffisent à élablir, entre les deux régions, des différences qui, en coupe, se manifestent avec autant de nettelé que l'indique la figure 4. La séparation est de plus accentuée par l'existence de crêtes saillantes dues à un épaississement de la membrane de soutien (fig. 2 et 4, cr), et qui font le tour de chacun des sinus. Sur ces saillies, lépithélium vibralile s'insère de ma- nière à former, pour chaque sinus, un double bourrelet limité extérieurement par une forte dépression (fig. 2 et 4, x) séparant les deux régions voisines. Ces différences de ni- veau se voient bien sur la lamelle intacte examinée à plat, surtout si on à pris soin de la colorer. C’est sur le versant extérieur de cetle crêle, sur chacun des bords de la région ciliée, que l’on rencontre la plus grande quantité de cellules à mucus (q). Ges éléments sont rares dans la région pigmen- tée, et un peu plus abondants dans l'intérieur de la région ciliée. La distinction entre les cellules pigmentées et les cellules ciliées n’est pas fondamentale. L'épithélium, qui recouvre ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 155 immédiatement le ganglion médian (fig. 3, cp), présente en effet des éléments qui établissent toutes les transitions possi- bles entre les deux variétés de cellules indifférentes. Ce sont des cellules très régulièrement cylindriques, à noyau géné- ralement médian, renfermant une quantité de pigment très variable, et qui sont toutes ciliées. Par suite de ces particu- larilés, la coloralion générale de la région médiane de la fausse branchie est beaucoup plus claire que celle des feuillets eux-mêmes (fig. 1, G). ce. Tissu musculaire. — Les éléments que lon aperçoit le plus facilement dans le feuillet sont des fibres disposées à plat dans le plan du feuillet, dans l'épaisseur de chacune des deux lames conjonetives qui en forment le stroma. Elles sont entrecroisées dans tous les sens, sans former de faisceau véritable, sauf celles que nous allons décrire (nous nous occuperons seulement d’une des faces; les choses se répètent exactement de la même manière sur la face oppo- sée). Du manteau partent des fibres volumineuses qui pénè- trent dans le feuillet, en suivant le bord libre externe, et en lui restant longtemps parallèle (fig, 11, »/) (pour cette rai- son, nous les appellerons fibres longitudinales). Par suite, elles règnent dans la paroi du sinus principal du feuillet, elles sont au nombre de sept (dans le Cassis Saburon), et rapprochées deux à deux, de sorte que la dernière, celle qui est le plus rapprochée du bord, reste isolée. Près de l'entrée, la direction de la fibre la plus éloignée du bord change brusquement, et elle décrit une grande courbe vers l'intérieur de l'organe, puis revient vers le bord externe où elle se perd; dans ce trajet, elle est accompagnée par son homologue de la face opposée. Un peu plus loin, c’est la seconde fibre qui s’écarte à son tour, mais pénèlre moins profondément dans la direction du nerf principal ; puis vient le tour de la troisième et enfin de la quatrième, qui décrivent, avec leur congénère, des anses de moins en moins pronon- cées. Les quatre dernières fibres continuent leur trajet et font le tour du feuillet. La longueur de ces éléments est, on 154 FÉLIX RPERNARD. le voit, extrêmement grande ; leur largeur est aussi très con- sidérable. Ils ont un noyau volumineux, situé un peu avant leur point de courbure : c’est une masse ovoïde, granuleuse, très neltement réticulée, avec un nucléole qui se colore d’une manière intense. La fibre elle-même est plate, et un examen attentif permet d'y reconnaitre des fibrilles longiludinales peu distinctes. Quant aux autres fibres qu'on rencontre dans le plan du feuillet, il est impossible d'y reconnaître une orientalion précise. 2° La seconde sorte de muscles se rencontre également au bord externe du feuillet. Ce sont des éléments très pelits, que l’on voit cependant avec facilité sur des préparalions bien colorés. La figure 11 les montre avec un fort grossissement. On aperçoit, tout auprès du bord du feuillet, des noyaux allongés, qui sont alignés avec une certaine régularité, mais qui se trouvent tantôt sur une face, tanltôl sur une autre. Ils appartiennent à des fibres aplalies, semblables à de minces rubans parfois contournés, qui passent d’une face à l'autre en contournant l’espace sanguin. Leurs extrémités s’effilent et se divisent en deux ou {rois fines lanières, subdi- visées à leur tour en filets d'une finesse extrême, qui se perdent dans la membrane de soutien. Les réaclions de ces éléments sont exactement les mêmes que celles des fibres musculaires planes qu’on rencontre dans le même organe. La délerminalion de ces deux sortes d'éléments comme éléments contractiles présente de grandes difficultés. Les considérations lirées de la forme des fibres ne suffisent pas pas, dans le cas présent, pour les différencier de fibres con- jonctives. Pour trancher la queslion, j'ai dù examiner des faisceaux musculaires du bord du manteau, et rechercher comment ils se comportaient sous l’action des réactifs. Ils absorbent fortement à la fois le picrocarmin et le bleu de méthylène. Leur forme est d’ailleurs semblable à celle des fibres planes du feuillet et présente aussi des brusques plis- sements. Pour ces motifs, je crois devoir rapporter les fibres du feuillet au tissu musculaire. Pour les étudier avec com- ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 155 modité, le feuillet de l'organe de Spengel, chez les Cassi- daires convient assez bien; mais c’est surtout sur les lamelles branchiales de la Paludine, du Strombe ou de la Volute, que nous les trouverons avec des dimensions et une régularité remarquables. 3° La wroisième variété de fibres musculaires (fig. 4, mt) se rencontre dans des trabécules transverses, qui unissent les deux faces du feuillet en s’insérant normalement à cha- cune d'elles. La présence de ces éléments est constante dans tous les organes en lamelles aptes aux fonctions respira- loires, mais dans l'organe respiratoire, l’existence d’un nerf volumineux, et surtout l’irrégularité de la surface, rendent l'observation moins commode que si l’on s'adresse aux lamelles de la branchie. Je renvoie donc la description détaillée de ces fibres au chapitre suivant; je demandera d'admettre provisoirement leur détermination comme élé- ments contracliles, el je me contenterai d'indiquer leur dis- posilion dans l’organe qui nous occupe. Elles sont disséminées sans aucune régularité, à des dis- tances variables, plus rares au milieu des sinus, plus abon- dantes sur les régions limites des aires nerveuses et san- guines, où l’épaisseur du feuillet se trouve précisément rélrécie. Elles sont intimement unies à des éléments conjonc- üifs, que nous devons étudier avant d'aller plus loin. d. Tissu conjonctif el espaces sanguins. — ne faudrait pas croire que tous les noyaux que l’on aperçoit lorsque, après coloralion, on examine le feuillet à plat, appartiennent à des fibres musculaires lransversales. La plupart, au contraire, dépendent d'éléments conjonctifs disséminés dans l'épaisseur de la membrane de soutien. Sur une coupe transversale on voit, en effet, que cette dernière présente partout une épais- seur assez nolable, et qu’elle est formée d’une couche com- pacte, faiblement colorée par Le bleu de méthylène (sauf à sa surface externe), et renfermant dans son épaisseur, outre les fibres musculaires, des éléments de forme variée. Quel- ques-uns sont fusiformes, dislincts cependant des fibres 156 FÉLEX BERNARD. musculaires par leur faible largeur, la pelitesse de leur novau, leur faible réceptivité aux substances colorantes. Mais presque tous les éléments conjonelifs sont au contraire étoilés, munis d'un noyau assez volumineux entouré d’un protoplasma légèrement granuleux, et apte à absorber le bleu de méthylène. De lous côtés, ce proloplasma s’élire en grêles tracltus ramifiés, figurant de belles arborescences, parfaitement distinctes au milieu du fond clair de la sub- stance fondamentale. La figure 13 montre quelques-unes de ces cellules dessinées à la chambre claire. On voit que les anastomoses sont fréquentes d’une cellule à l’autre. Sur le pourtour des aires nerveuses, et particulièrement le long des crêtes qui limitent les sinus sanguins, abondent des éléments de même nature, mais plus volumineux, très rapprochés les uns des autres, richement anasltomosés, et remarquables surlout par la présence de plusieurs noyaux au milieu d'un même amas protoplasmique. On trouve d’ailleurs lous Îles passages entre les cellules plus ou moins fusionnés et celles qui sont simplement contiguës. Rien n’est plus facile à étudier, dans un feuillet, que l’es- pace sanguin qui comprend, ainsi que nous l’avons dit, un sinus principal régnant le long du bord externe, et quatre ou cinq branches s’engageant entre les aires nerveuses. L'une des meilleures méthodes consiste à injecter tout l’animal, ou bien le manteau seulement, avec une masse apte à se solidi- fier à froid, par exemple avec la gélatine au bleu soluble, et à arrêter l'injection au moment où la fausse branchie est encore injectée imparfaitement; on peut choisir alors les feuillets plus ou moins complètement remplis par la masse colorée, el suivre ainsi la marche du liquide dans les lacunes. On voit ainsi qu'il existe, tout le long du ganglion principal, entre les deux lames du manteau, un long sinus assez nette- ment limité, mais qui n’est en relation avec aucun vaisseau proprement dit (fig. 3, V); la communication avec les lacunes du corps et avec le vaisseau branchial efférent ne se fait que par Jes lacunes irrégulières du tissu conjonclif spon- last di 5.» ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 1 TÉ gieux, qui comble l'intervalle des deux lames du manteau. Au contraire, les canaux qui servent à l’irrigalion de chaque lamelle sont largement ouverts dans ce sinus commun ; leur endiguement est réalisé du côté externe par le tissu compact, avec les deux premiers systèmes de fibres muscu- laires dont j'aiparlé(fig. 11); la contraction des fibres qui font le tour du sinus normalement à son bord, et se ramifient à la fois sur les deux faces (muscles marginaux, 7m), a néces- sairement pour effet de rétrécir en un point le sinus lui- même, et de faire progresser le sang dans un sens déterminé. Le même rôle doit êlre joué par les fibres transversales m#, qui s’insèrent à la fois sur les deux faces. Le sang parvient ainsi dans chacun des culs-de-sac qui sont, eux aussi, large- ment ouverts à une extrémité. Mais que devient-il après avoir pénétré dans ces espaces clos? Les injections poussées avec une pression suffisante vont nous l’apprendre. Si la masse a pénétré aussi loin qu'il est possible, elle force les parois des sinus qui, comme nous l’avons vu, sont limilés, non par des membranes continues, mais par des trabécules plus ou moins serrées; elle pénètre ainsi partout dans les aires nerveuses, et spécialement dans un espace étroit, qui s'étend tout Le long du nerf principal, entre celui-ci et le bord du feuillet (fig. 2,z). La pénétration se fail plus facilement vers la base que vers la pointe, où le tissu est plus compacte: si elle est complète, le feuillet vu au microscope présente une teinte bleue générale, interrompue seulement par le trajet des nerfs et par la position des trabécules, indiqués dès lors par des îlots incolores plus ou moins volumineux. Znutile d'ajou- ter, après tout ce qui précède, qu'il n'existe pas de capillaires. En somme, le sang, à l'élat normal, doit circuler principalement dans les sinus; tout le reste du lissu, cependant, est baigné de sang, comme le prouve, du resle, la présence de globules que l’on voit un peu partout sur les coupes; mais le liquide doit probablement circuler avec une lenteur bien plus grande que dans les espaces largement ouverts qui s'injectent avec le plus de facilité. Nous relrouverons Îles fibres musculaires 158 FÉLIX BERNARD. lransverses dans tous les organes dont l'adaptation à la tonc- tion respiratoire n'est pas douteuse, et seulement chez eux. Ce fait, et la présence de sinus relativement bien délimités, m'avaient fait penser que la fonction respiratoire doit s’ac- complir, dans la fausse branchie, aussi bien que dans la branchie elle-même. Il faut avouer, cependant, que les com- munications vasculairesavec le reste de l'organisme sont bien plus difficiles pour la fausse branchie que pour la branchie, de sorte que, tout bien considéré, le rôle respiratoire ne doit pas être prépondérant pour l'organe qui nous occupe. D'autre part, il existe, nous le savons, d'assez nombreuses cellules mucipares, mais pas assez non plus pour nous permeltre de déclarer que la fausse branchie esl une glande. En réalité, comme toutes les porlions du tégument, elle joue à la fois ces divers rôles, mais elle est surtout un organe sensoriel. Les auteurs qui avaient émis celte opinion, en s'appuyant simplement sur la richesse d’innervation, étaient rigoureu- sement dans le vrai; le fait que ces nerfs aboutissent à des terminaisons neuro-épithéliales, toutes extrêmement nom- breuses, me semble démontrer cette hypothèse d'une ma- nière indiscutable. CHAPITRE II DIFFÉRENCIATION PROGRESSIVE DE L'ORGANE DE SPENGEL DES DIOTOCARDES. Organe de Spengel des Diotocardes. — Maintenant que nous savons en quoi consiste l'organe de Spengel d’un Pro- sobranche élevé, et que nous avons élabli formellement que les éléments nerveux et neuro-épithéliaux y jouent un rôle prépondérant, nous pouvons examiner les modifications qu'il subil dans la série des Prosobranches. Nous commen- cerons celle étude comparalive par les cas où il est le moins diflérencié (Diotocardes inférieurs), et nous nous élèverons ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 159 graduellement jusqu'au cas des Ténioglosses Siphonostomes dont un représentant nous a servi de type. $ 1. — Organe de Spengel des Néritidés. L'innervalion du manteau des Nérilidés était mal connue jusqu'au travail de M. Bouvier. Je renvoie au chapitre que cet auteur consacre à la famille qui nous occupe pour tout l'historique de la question (1). Avant d'arriver aux feuillets branchiaux, le nerf branchial que M. Bouvier a découvert se divise en plusieurs rameaux qui se distribuent au man- teau, et dont le principal poursuit son chemin le long de l’arête du support branchial. On sait que dans les Néritidés les feuillets branchiaux naissent sur le support branchial assez loin du point d'insertion de celui-ci, de sorte que le nerf a un long trajet à parcourir avant &'arriver à ces feuil- lets. Dans celte région, 1l forme, dit M. Bouvier, un long bourrelet palléal très peu saillant qui doit être considéré comme l'homologue de la fausse branchie. Il n'existe d’ail- leurs pas de ganglion sus-intestinal ni de ganglion bran- chial différencié. Ces assertions demandent à être vérifiées avec soin. Rien ne prouve & priori que ce nerf branchial soit différencié en tant que nerf sensoriel; d'autre part M. Bouvier semble embarrassé par la disparition du gan- glion sus-inlestinal. Je me hâte de dire que les conclusions qu’il avait émises sont exactes. Mes recherches, dans cette famille, ont porté principale- ment sur la Neritina fluviatilis, la seule espèce que j'aie pu me procurer vivante. D'autre part j ai examiné des échan- tillons conservés dans l'alcool de Nerilina Orveni, N. flu- viatilis, N. despina et Navicella Janelli. J'ai fait des coupes transversales dans la branchie, et examiné par transparence après coloration, le bord de l'organe. On observe tout d’abord un fait important. Tandis que chez les Trochidés, tout le long du bord afférent du support (4) Voir Ann. se. nat., 7° série, t. LE, pl. ILE, fig. 14. 160 FÉLIX BERNARD. branchial, existe une épaisse baguette, de consistance car- tilagineuse, el qui s'offre en coupe, nous le verrons tout à l'heure, comme un simple épaississement de la partie externe de la membrane de soutien, rien de semblable ne se trouve chez les Néritidés. Cependant, de part et d'autre de l’or- gane, existe un épais cordon blanchâtre qui, du côté affé- rent, s'élend d’une extrémité à l’autre de la branchie, tan- dis que du côté efférent il ne règne que dans la région antérieure, en avant du point d'attache du support branchial. Mais ces bourrelets sont constitués non plus par une masse anhiste, mais par des muscles puissants disposés par paires de chaque côté, el limitant les faces supérieures et inférieures des vaisseaux sanguins correspondants. Il existe ainsi qua- tre de ces muscles longitudinaux dont le rôle bien évident est de courber la partie libre de la branchie. Examinons maintenant le bord aférenf, qui n’a été jus- qu'ici l'objet d'aucune recherche. Nous n’y trouverons pres- que aucune différence, et, même en coupe, il est difficile de les distinguer ; on peut dire cependant que, du côté efférent, les lamelles arrivent plus loin du bord, de sorte que le vais- seau efférent est plus large que celui du côté opposé. Du côté efférent, on découvre facilement le nerf branchial décrit par M. Bouvier, il est immédiatement sous-jacent à l’épithélium, non pas libre dans le vaisseau efférent, mais enfermé dans une petite épaisseur de tissu conjonclif. On voit aussi sans peine les filets que ce nerf envoie à droite et à gauche aux lamelles branchiales. Mais ce nerf ne s'arrête pas à la pointe de la branchie, comme le croyait Bouvier; il se réflé- chit et continue son trajet tout le long du bord af/érent jus- qu'au point d'insertion du support branchial où j'ai cessé de pouvoir le suivre. Il diminue, à la vérité, d’une manière sensible, et il est extrêmement difficile à voir à la loupe, entouré qu'il est par de fortes masses musculaires el noyé dans du tissu conjonctif. Mais on le voit facilement au mi- croscope el, par suite, je puis affirmer ce fait que dans la région antérieure les deux bords du support branchial des ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 161 Néritidés, au point de vue de leur structure interne, ne pré- sentent aucune différence essentielle. Examinons maintenant l’épithélium qui recouvre chacun des deux bords. Nous y trouverons principalement des cellules ciliées ordinaires, fort peu de cellules à mucus, et quelques cellules neuro-épithéliales : celles-ci se rencon- trent principalement tout près de l'entrée du nerf dans la branchie ; l’épithélium est dans celte région un peu élevé ; partout ailleurs il est extrèmement plat et ne forme ni saillie ni bourrelet. Je n'ai pu v trouver trace de réseau ner- veux interépithélial, el 1l m'a été impossible de constater le passage du nerf dans l’épithélium. Il n’y avail pas grand intérêt, à mon avis, à insister da- vantage sur ce point de détail, étant donné que les tissus de la Néritine sont particulièrement défavorabies à l'étude his- tologique :les cellules y sont en effet d'une pelitesse extrême. Quoi qu'ilen soit, le nerf branchial, dans toute l’é- tendue de la partie libre de la branchie, envoie très peu de filets à l’épithélium : le bord afférent et le bord elférent ne diffèrent pas à cet égard : 1/ n'y a donc pas lieu d'admettre dans toute cette région l'exisience d'un organe sensoriel diffe- rencié. I! n’en est pas de même pour ce qui concerne la portion du nerf branchial qui se trouve, en partant des centres ner- veux, avant l’arrivée à la branchie : c'est la région que Bouvier appelle le Dourrelel nerveux palléal et qu'il consi- dère comme homologue de la fausse branchie des autres Dio- tocardes. Cette opinion est d'autant plus exacte que sur une élendue assez longue, le nerf est volumineux et bordé de nombreuses cellules ganglionnaires. La longueur de la région ganglionnaire dépasse celle de la base sans feuillets du sup- port branchial, cetle région empiète donc sur le manteau et la branchie. Ce nerf ganglionnaire est volumineux dans la Neritina flavialilis : 1l atteint en effet 36 w de diamètre en un point assez éloigné de la branchie; le long de ce dernier organe il décroît progressivement et {ombe à 16 w vers le ANN. SC. NAT. ZOOL. IX, A1. — ART. N° 3. 162 FÉLIX BERNARD. milieu de la hauteur. Les cellules ganglionnaires sont {rès petiles, comme cela a lieu généralement; leur noyau ne pa- raît guère dépasser 4 x. On frouve un petit amas où elles sont disposées sur deux ou {rois rangs, sur la face dorsale du nerf, par conséquent du côté opposé à l’épithélium du manteau. Pouvons-nous dire que nous avons affaire 1c1 à un véritable ganglion? je ne crois pas qu’on puisse étendre jusque-là le sens de ce mot. Les cellules nerveuses sont trop diffuses, et on ne trouve pas trace de substance ponctuée de Leydig. Mais il y a [à sans aucun doute un commencement de diffé- rencialion d’un nerf en ganglion : c’est le seul fait que je veuille provisoirement retenir. Passons maintenant à l'examen de l’épithélium de cette région. lei le doute n'est plus possible : les cellules épithé- liales atteignent une hauteur double de celle qu’elles ont le long du support branchial (30 & au lieu de 14 w sur 2 y de large au niveau des plateaux) et on voit en abondance, pres- quesansdifficullé, des cellules neuro-épithéliales de Flemming : les plus nombreux ont un corps renflé vers le voisinage de la base, un col grèle, une têle saillante ; elles appartiennent au tvpe le plus normal. J'ai observé en plusieurs points Le pas- sage du nerf dans l'épithélium : 11 ne se fait pas par grandes masses et le réseau nerveux interépithélial est à coup sûr peu développé; je crois bien avoir aperçu quelques cellules: mullipolaires, mais je n’oserais être affirmalif sur ce point. On m'exeusera aisément si l’on songe que les éléments dont il s’agit n'ont guère que 2 à 3 w de diamètre ec que les issus de la Néritine sont fort difficiles à préparer; j'ai dû, pour obtenir les résultals qui précèdent, m'adresser à plu- sieurs séries de coupes dans les branchies des plus gros in- dividus que J'ai pu trouver. En résumé : chez les Neritidés l'organe de Spengel est conslilué par un nerf qui est ganglionnaire sur une longue étendue et recouvert d'un épithéiium sensoriel, avant son entrée dans la branchie et sur une petite région du support ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 103 branchial. Il se continue tout le long de cet organe el se réfléchit du côté afférent : dans toule cette partie son rôle sensoriel est insignifiant, et les deux bords du support bran- chial ont une structure absolument identique. $ 2. — Organe de Spengel de la Fissurelle. SPENGEL n insiste pas longuement sur l’organe olfaclif de la Fissurelle et se borne à annoncer qu'il est identique à celui de l'Haliotis et des Trochidés. M. Bouran (56, p. #1) décrit, au point où la branchie s'attache au manteau, « un organe d'apparence framboisée, divisé longitudinalement par plusieurs replis qui rappellent très vaguement quelques feuillets branchiaux ; sa couleur jaunâtre tranche vivement sur les tissus blanchâtres envi- ronnants. Enfin un nerf spécial qui se détache du ganglion branchial vient se répandre dans l'intérieur de cel organe mal déterminé. Malgré l’élude attentive que j'en ai faite ajoute M. Boulan, j'avoue n'avoir pu me former, à mon tour, une opinion bien arrêlée. L'organe paraît de nature glan- dulaire, mais quel est son rôle exact? J’avoue que je l’ignore absolument ». Quant à la partie de l'organe olfaclif qui s’étend depuis le ganglion branchial jusqu'à la pointe de la branchie, M. Boutan n'y fait allusion nulle part. Getle description succincte permetlrait de supposer qu'il ÿ aurait là quelque disposition plus ou moins compliquée et qui pourrait dif- férer de celle qu'on rencontre dans les animaux voisins. Nous allons voir qu'il n’en est rien, et que la structure, pour- tant bien simple de cet organe a complètement échappé à M. Boutan. La Fissurelle possède, à la base de chaque branchie, un ganglion distinct des ganglions commissuraux. Il existe, en effet, sur la commissure viscérale un ganglion sus-intes- tinal et un ganglion sous-inteslinal, d’où partent des nerfs volumineux allant respectivement à chacun des ganglions branchiaux, qui conslituent pour Spengel la partie essen- 164 FÉLIX BERNARD. tielle de l'organe olfactif. L'existence simultanée de ces deux sortes de centres nerveux crée une objection sérieuse à la théorie de Bouvier suivant laquelle les ganglions bran- chiaux seraient homologues de ganglions commissuraux. Nous reviendrons plus tard sur cette question, et nous nous occuperons ici uniquement de l'examen histologique. Le ganglion branchial est très volumineux : il ne mesüre pas moins de 120 y d'épaisseur dans sa plus faible dimen- sion ; sa normale à l'épithélium est de 190 & de long, et cela chez un individu de 6 millimètres environ. La couche cor- ticale renferme un très grand nombre de cellules ganglion- naires. Ce ganglion, nettement limilé par un névrilème distinct du tissu conjonctif environnant, est isolé dans une lacune assez large, où l’on trouve des globules sanguins et du sérum coagulé. !! n'existe pas de nerf allant directement du ganglion à l'épithélium. Le fait que le ganglion est absolu- ment séparé des tissus adjacents rendrait particulièrement facile l’observation de semblables faisceaux s’il en existait : une lame conjonctive, distincte du névrilème, cloisonne le sinus dont il s’agit parallèlement à la surface et contribue encore à l'isolement de l'organe nerveux. L'épithélium, dans la région correspondante, est fort peu élevé. Parmi les nerfs issus du ganglion branchial, le plus volu- mineux est celui qui côtoie le bord afférent du support bran- chial, jusqu à la pointe de la branchie (fig. 15). C’est le nerf de l'organe de Spengel. Suivons-le dans son trajet. Il ne tarde pas à se rapprocher de l’épithélium : la lacune dans laquelle il est situé débouche largement dans le sinus eifé- rent de la branchie, et le nerf se trouve isolé à l'extrémité de ce vaste espace sanguin. Celui-ci est limité, à droile et à gauche, par des épaississements de consistance cartilagi- neuse, qui sont manifestement en continuité avec la lame de soutien du manteau. Le cas présent n’est pas propice pour l'étude détaillée de ces productions, qui sont ici peu déve- loppées. Leur section offre la forme d'un croissant: elles règnent tout le long du support branchial et sont en con- ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 165 linuilé avec les épaississements anavgues qui se trouvent sur chacune des lamelles branchiales. Nous ne trouvons pas ici les volumineux faisceaux musculaires qui existaient chez les Néritidés : les fibres musculaires sont éparses dans toule l'épaisseur du tissu conjonctif qui double la lame de soulien. Examinons maintenant l’épithélium à une pelite distance du ganglion. Dès que le nerf est devenu immédiatement adja- cent à la membrane de soutien. l’épithélium devient élevé, el cela même avant le point où la branchie est complètement libre dans la cavité palléale. Il se forme aïasi un bourrelet assez saillant, mais à contours non délimités, la longueur des cellules s’atténuant graduellement à droite el à gauche. À partir de ce niveau, les filets nerveux passant à l'épithélium sont très nombreux, et on en trouve quelquefois plusieurs à côté les uns des autres sur une même coupe. La membrane de soutien, au-dessus de ce nerf ne s’est pas amincie, mais elle absobre bien moins fortement les réactifs colorants : elle est fibrillaire, anfractueuse, et, aux points ou pénètrent les filets nerveux, se prolonge parfois en dehors sous forme de petites cheminées assez distinctes. L'épaisseur des filets est d’ailleurs toujours très faible. Mais on est aidé dans leur recherche par la présence, en face de chacun d'eux, de cellules neuro-épithéliales reconnaissables à leur vive colo- ralion rouge, accentuée surtout sur les petites têles qu'on voil saillantes au-dessus des plateaux ciliés. Donc le nerf olfachif de Spengel issu du ganglion et situé le long du bord efférent est bien un nerf sensoriel. Mais 1l émet de plus des filets destinés à un autre usage. À la hauteur de chaque lamelle branchiale on voit partir du nerf olfactif, à droite et à gauche, des nerfs assez volumineux, qui croisent l’épaissis- sement de la membrane de soulien, et continuent leur lrajetle long du bord efférent du feuillet qu'ils desservent. Ces nerfs ont élé trouvés par la simple dissection, par B. Haller qui les croyait destinés à la veine efférente branchiale. Or celle-ci est une simple lacune, {rès pauvrement pourvue de muscles ; 166 FÉLIX BERNARD. elle n’a guère besoin d'un appareil nerveux aussi développé. D'ailleurs le fait que j'énonce est facile à vérifier, et l’on voit, sans doute possible, chacun des filets passer dans une lamelle branchiale. Donc, /e nerf dit olfactif ne joue pas seulement un rôle sensoriel sil est aussi destiné à l’innervation des feuillets branchaux : à cet effet il émet symétriquement des rameaux qua suivent le bord efférent de chacune des lamelles. I nous reste à examiner Le bord af/érent du support bran- chial, celui qui est opposé au ganglion et situé plus près du plan médian de la cavité palléale. Ici nous voyons apparaître une différenciation que ne nous avaient pas montrée les Néritidés. Chez la Fissurelle, le bord afférent du support branchial est encore renflé en bourrelet et contient un nerf longitudinal (fig. 15, NA), qui fait suite à celui du bord efférent et qui relie les filets de chacune des lamelles branchiales ; mais ce nerf est moins volumineux que celui du bord externe ou efférent, et, au lieu d’être libre dans un sinus, il est compris dans l'épaisseur de la mem- brane de soutien, et par suite isolé du sinus afférent. Cepen- dant il envoie également des filets à l'épithélium et les cellules neuro-épithéliales sont assez abondantes et très distinctes. Mais un fait qui ne manque pas de frapper quand on examine des coupes faits à n'importe quel niveau, c’est l'abondance des cellules glandulaires, bien plus nombreuses que dans n'importe quelle autre région du manteau ou de ses annexes. Ce fail est en général chez les Diotocardes, et nous allons le voir s’exagérer dans d’autres types. lei les cellules ciliées dominent encore sur les deux autres variélés d'éléments épithéliaux. Ainsi chez la Fissurelle, /e bord afférent du sup- port branchial est pourvu d'un nerf qui donne quelques filets neuro-épuhéliaux. Il est situé dans l'épaisseur de la lame de soutien. Les cellules glandulaires sont abondantes dans cette région. En résumé, l'on peut dire que chez les Fissurelles la région sensorielle s'étend sur les deux bords du support bran- chial, mais non au-dessus du ganglion : elle est d'ailleurs peu différentiée. H n'existe dans le voisinage du ganglion aucun ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 167 organe spécial, framboisé ou non, glandulaire ou nerveux, comme l'avait cru M. Boutan. $ 3. — Organe de Spengel des Trochidés. L'organe de Spengel des Trochidés présente des carac- tères de transition entre celui de la Fissurelle et celui de l’Haliolide : son degré de différencialion est intermédiaire. Dans ce groupe j'ai étudié le Trochus ziziphinus, le Trochus magus et surlout le Monodonta monodon que j'ai reçu en abondance de Lannion, grâce à l’obligeance de M. Le Danlec, et qui est particulièrement commode pour l’étude histolo- gique. a.) Le ganglion branchial (fig. 23 et 24) est aplali et ar- rondi en arrière. Il est principalement formé de fibrilles, avec de petites cellules ganglionnaires peu nombreuses, disposées sur le pourtour et formant un amas important surtout du côté le plus rapproché du corps. Plusieurs rameaux nerveux sont émis directement par le ganglion vers l’épithélium, les uns normalement, les autres après une course oblique. L’épithélium est élevé au-dessus du ganglion, et décroîl tout autour très graduellement. Tout le long du support branchial on voit avec la dernière évidence les filets s'échapper du nerf olfactif et faire dans la membrane basilaire des {rouées bien plus importantes que chez la Fissurelle (fig. 19, NE). Elles sont dirigées dans différentes directions et aboutissent à un réseau continu riche en cellules multipolaires. Les ter- minaisons nerveuses sont très grêles, ont un noyau très al- longé et une têle brillante qui souvent en coupe font saillie au delà des plateaux des cellules ciliées. L'ensemble de la région sensorielle n’est pas limité comme nous le verrons chez l’'Haliotis et ne forme pas un bourrelet aussi marqué : le support branchial est d’ailleurs relativement tranchant du côté ou existe l’organe de Spengel (NE, fig. 19). Le sinus afférent VE, vient presque au contact du nerf olfactif, et communique de distance en distance avec l’espace qui entoure ce dernier; cependant en la plupart des points 168 FÉLIX BERNARD. le tissu conjonctif qui tapisse de part et d'autre l’épaississe- ment principal est conlinu d’un côté à l’autre et établit une séparation. On se souvient que dans la Fissurelle le nerf était libre dans le sinus. Nous verrons dans lHaliotis celte cloi- son de séparation des Trochidés s’épaissir considérablement. Ajoutons, enfin, que le nerf est remarquablement riche en cellules ganglionnaires disposées en amasirréguliers, tantôt d’un côté tantôt de l'autre. Un fait qui mérile d'appeler tout spécialement notre attention, c'est la présence dans le sinus veineux afférent qui contient le nerf de Spengel d’un second nerf situé plus loin à l’intérieur du support branchial et plus volumineux que le premier (NI, fig. 19 et fig. 23). M. de Lacaze-Duthiers a vu ces deux nerfs dans l'Haliotide : il les appelait nerfs respera- teurs interne et externe. Ces deux nerfs sont presque paral- lèles, et convergent seulement à leur origine dans le gan- glion et à leur terminaison vers la pointe de la branchie. Le nerf externe dessert uniquement l’épithélium; l’autre donne régulièrement des rameaux aux feuillets de la bran- chie. Or dans la Fissurelle, nous l’avons vu, un seul nerf suffirait à ce double rôle. Ainsi s'établit quand on passe de la Fissurelle aux Trochidés une division du travail à laqueile j'attache une grande importance : c’est la marque de la pre- mière spécialisation d’un nerf branchial en vue d’une fonc- tion sensorielle ; c’est le premier stade de différenciation d'un organe de Spengel distinct. Chez les Néritidés et les Fissurellidés nous avons décrit un nerf volumineux situé dans le sinus afférent de la même manière que le nerf de Spengel est placé dans le sinus effé- rent. Ce nerf existe aussi chez les Trochidés, mais il est ex- trêmement difficile à observer à cause de ses dimensions très réduites. Je l'ai vu par {ransparence, sans faire de coupes, dans un gros Turbonidé, le Calcar Cookianum, en faisant macérer vingt-quatre heures la paroi du vaisseau dans le liquide dissociant dont j'ai plus haut donné la formule. En coupe, on l’apercoit dans le Monodonte et le Trochus Magus, ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 169 inclus dans l'épaisseur de la paroi conjonctive. Il ne semble pas émeltre de filets à l'épithélium; mais on voit distincte- ment ceux quil envoie aux feuillets branchiaux. Quand on arrive à la partie sondée de la branchie, on aperçoit ce nerf accolé à un gros faisceau musculaire longitudinal quirenforce la paroi du vaisseau afférent. Les différences entre les Trochidés et la Fissurelle se ré- sument ainsi : awgmentalion considérable dans les dimensions des filets neuro-épithéliaux; ceux-ci naissent d'un nerf distinct de celui qui innerve les feuillets branchiaux. Ces deux nerfs sont séparés par une cloison conjonctive incomplète. Le qanyhon envoie des filets à l’émthélium. Le nerf du bord afférent du support branchial est très réduit, et probablement n'est pas sensoriel. b.) Le support branchial est renforcé, avons-nous dit, du côlé afférent par une #ge de consistance carlilagineuse, de couleur blanchâtre, qui est bien plus épaisse que dans la Fissurelle où elle existait déjà, et s'étend sur toute la partie libre de la branchie (on la voit, fig. 23, de EP à NE). Nous verrons encore de nombreux exemples d'une sem- blable production, eu particulier sur les bords des feuillets branchiaux. La nature histologique de cette formation est parfois difficile à déterminer, aussi bien d’ailleurs que celle de la membrane continue qui sert de support à l’épithélium et que nous avons appelée, à l'exemple de plusieurs histolo- gistes allemands (Leydig, Simroth, Bela Haller) membrane de soutien. Celte membrane est-elle une membrane basilaire anhiste ou un feutrage plus ou moins confus? L’épaississe- ment en question est-il en continuité avec cette membrane, qui avec lui présente une idendité frappante au point de vue de la coloration? Est-il anhiste, épithélial, cartilagineux, ou simplement conjonctif? Le cas des Trochidés présente des circonstances particulièrement favorables pour la résolution de ces deux problèmes; je vais donc les aborder dès main- tenant. La lige rigide prend naissance dans une plaque de même 170 FÉILIX BERNARD. consistance, adjacente au ganglion branchial et séparant ce dernier du sinus afférent (fig. 23, EP). En coupe transversale cet épaississement a la forme d'un secteur circulaire d’envi- ron 160°; le bord cireulaire est tourné vers l’intérieur, les deux bords linéaires sont recouverts par Fépithélium. Il est très facile d'y distinguer des zones concentriques d'épaisseur variable, les zones qui se colorent plus faiblement avant un aspect plus grenu, et offrant même parfois de petites ouver- tures. Il est visible que la substance qui compose l’organe est moins compacte, moins homogène et moins résistante que dans les zones fortement colorées. Du côté du sinus branchial (à gauche, dans la fig. 24), l'épaississement en queslion se termine par une petite pointe immédiatement sous-jacente à l'épithélium et qui bientôt se confond complètement avec la membrane de soutien de la région voisine. I] n’en est pas de même du côlé du ganglion : on voit en effet toutes les cou- ches superposées se prolonger dans un processus qui ne tarde pas à quilter complètement l’épithélium et à s’enfoncer assez profondément dans les tissus (fig. 23). Si au lieu de considérer une coupe transversale, on exa- mine l’ensemble de l'organe vu à plat, on aperçoit le proces- sus en question, sous la forme d’une petite lame hyaline engagée dans le tissu conjonctif. La membrane basilaire de son côlé vient s'attacher à l’épaississement par un autre pro- cessus beaucoup moins épais. Les faisceaux musculaires qui s'étendent sous l’épithélium et passent entre ce dernier et le ganglion branchial s'insè- rent sur l’épaississement et son processus. D’autres faisceaux prennent aussi naissance de distance en distance sur ce der- nier, mais sur son autre face, e{ se dirigent transversalement ou obliquement à travers l'épaisseur du support branchial. Considérons maintenant le bord arrondi de l’épaississe- ment, particulièrement dans le voisinage de la veine bran- chiale ; nous observons que ses limites ne sont pas détermi- nées par une ligne continue, le contour en est déchiquelté et présente des festons irréguliers. ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 171 x Or, à chacune de ces pelites anses correspond une cellule (fig. 24) à contenu hyalin, à noyau de volume médiocre placé vers le centre el entouré de protoplasma rayonnant. Les membranes latérales de ces cellules, qui sont toutes con- üiguës, se colorent fortement e/ sont en continuité exacte avec les prolongements de l’épaississement. L'épaississement prin- cipal envoie ainsi de minces lames toutes normales à sa sur- face convexe, dirigées de manière à enclore des cellules dont le plus grand axe est aussi normal à la même surface. Chez le Trochus magqus, sur la tige rigide de la partie libre de la branchie, existent les mêmes cellules, parfaitement cubiques et rangées avec la régularité d’un épithélium. Ces cellules sont disposées sw une seule rangée et forment en réalité une assise continue, sauf pour la partie voisine du processus dont nous avons parlé. Il y a en effet dans cette région un amas irrégulier formé de plusieurs assises de cellules. Examinons maintenant les rapports de ces cellules avee le tissu conjonctif avoisinant. Adressons-nous {out d’abord à la portion libre de la branchie du Trochus magus, el étudions des coupes faites dans sa partie moyenne (fig. 19). La veine afférente (VE) est ici creusée dans un tissu compact identi- que à celui que nous trouverons encore bien plus développé dans le support de l'Haliotis; c’est une substance presque homogène très finement granuleuse, traversée par de rares fibres musculaires et présentant çà et là des cellules étoi- lées, et des fibres conjonctives allongées et quelques cellules de Leydig de petites dimensions, surtout près de la lacune sanguine; elles ont parfois des granulations pigmentaires. Quant aux cellules qui tapissent l’épaississement principal, elles apparaissent nettement comme des cavités creusées dans la masse homogène et remplies de protoplasma. 77 y 4 continuité entre la substance fondamentale et l'épaississement principal. Revenons à la plaque rigide du Wonodonta. L'aspect est au premier abord toul différent, car la substance fondamen- 79 FÉLEIX BERNARD. tale est extrêmement réduite et le tissu conjonctif est vacuo- laire au plus haut degré. Un examen attenlif permet de re- connaître que ces vacuoles ne sont autre chose que des cellules de Leydig, particulièrement abondantes d’ailleurs dans toute cette région. La substance fondamentale, anfrac- tueuse et fibrillaire les sépare de la couche nettement alignée des cellules qui lapissent l’épaississement principal. Tout près du ganglion, il est impossible d'observer la ligne de démarcation entre les deux sortes de cellules qui semblent passer insensiblement des unes aux autres. D'ailleurs dans le cas présent, le protoplasma des cellules cubiques est dis- posé en ravons aulour du noyau comme dans les cellules ordinaires de Leydig, les colorations sont exactement les mêmes, les dimensions sont seulement un peu plus pelites. Selon toute probabilité, on n’a ici affaire qu'à deux variétés de cellules conjonelives vésiculaires de même nature. Donc, les cellules qui sont intimement liées à l'épaississement principal, et qui, sur leur face opposée, sont en relation avec la substance fondamentale du tissu conjonctif ambiant, ne sont qu'une variélé peu différenciée des cellules vésiculaires qu'on rencontre dans une foule de cas. Il est difficile de pas admettre que l’assise en question soit autre chose que la matrice de l’épaississement principal. Nous voyons en effet qu’elle est pariculièrement régulière et développée partout où ce dernier est lui-même plus saillant; il apparaît d’ailleurs comme formé de couches successives, son aspect est absolument celui d'une substance sécrétée, dont la formalion procède irrégulièrement el subit des ralen- lissements et des accélérations. La comparaison de ces tissus avec du cartilage s'impose naturellement à l'esprit. La dénomination de tige cartilagi- neuse est d’ailleurs très généralement employée pour l'organe que nous éludions. Îl ne faut pas cependant se laisser entrai- ner à des conclusions trop absolues par suite d’une simple analogie de consistance. L'épaississement en lui-même n'est pas un ässu; il ne contient pas trace de cellules : c’est une ORGANES FPALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 173 substance dont le mode de production rappelle celui de toutes les substances cuticulaires. Néanmoins, la compa- raison avec le carlillage peut se soutenir si l’on considère non pas la portion rigide, mais le tissu adjacent. Je mon- trerai d’ailleurs plus loin qu'il existe tous les passages chez les Prosobranches entre le cartilage proprement dit et le tissu conjonctif ordinaire. Quelle que soit la dénomination à laquelle on doive défi- nitivement s'arrêter, les notions suivantes demeurent ac- quises à mon avis: la lige rigide qui soutient la branchie est anhiste et formée de couches concentriques de nature analoque à celle de la substance fondamentale générale du tissu con- jonctif. Elle semble sécrétée par la face externe de cellules disposées en une couche régulière et analoques aux cellules vésiculaire qu'on rencontre en abondance dans le tissu con- jonctf. $ 4 — Organe de Spengel de l’Haliotide. On sait depuis longtemps que sur chacune des branchies de l’Halotis tuberculata, le long du bord libre du support branchial, existe une traînée jaunâtre ou brunâtre, due à la présence de granulations pigmentaires dans l’épithélium (NE, fig. 16). Dans l'épaisseur du support branchial extérieur, comme l’a montré M. DE Lacaze-Dururers (76) se trouvent deux nerfs, l’un externe (NT. fig. 14), l’autre interne (NE), situés {ous deux non loin de la surface. « On peut les voir au fond du vaisseau efférent en enlevant les feuillets bran- chiaux par le vaisseau afférent. » Ces deux nerfs partent du ganglion branchial volumineux situé au point d'insertion de chaque branchie. Pour Spengel le ganglion et le nerf repré- sentent l'organe olfaclif : Dans sa monographie de lHaliotide, M. Weauanx (55) discute l'opinion de Spengel et déclare ne pouvoir admettre que l’organe en question soit un organe sensoriel. L'auteur indique sur le bord libre du support branchial « deux séries de papilles larges et hautes qui s’écarlent vers la partie in- 174 FÉLIX BERNARD. férieure et semblent embrasser le ganglion tandis qu’elles s’'approchent vers le sommet de la branchie... Les papilles ressemblent à de {rès petites feuilles branchiales ; au som- met seulement elles se détachent un peu les unes des autres; pour le resle elles sont accolées les unes aux autres et em- pâtées dans un tissu général. Cependant il y a toujours une trace de séparation très nelle qui consisle en une mince bandelette lransversale claire bordée par deux lignes droites. » Cette disposition est figurée par M. Wegmann dans un dessin qui, à la vérité est tellement schématisé qu'il m'a été impossible de retrouver dans la réalité la dis- position qu'il représente (1). « Ces feuillets soudés sont revêtus d’un épithélium eylin- drique cilié. Au-dessous de ces papilles dans l'épaisseur du support branchial se trouvent des lacunes du réseau veineux indiqué plus haut. Quant à l’innervation, Je n’ai pas réussi à voir pénétrer dans les papilles des branches du nerf prin- cipal, mais ce dernier est tellement grand et évident que Je n'hésite pas à admettre ce fait. » Ce dernier argument me semble au contraire insuffisant ; la pénétration du nerf dans l’épithélium existe en réalité; mais il n’en est pas de même des papilles que l’auteur décrit partout avec détail. M. Wegmann s'appuie, d’aulre part, sur l'observalion de Cunnigham sur la Palelle ; dans cet animal, dit l’auteur anglais, « on voit sur les coupes une structure cellulaire surmontée par du tissu conjonctif et divisée par des trabécules en compartiments de grandeur variable. Ceci peut êlre le rudiment branchial, mais il est au-dessous de l’épithélium et n’est pas une formation spéciale de lui ». Or, ajoute M. Wegmann, «pour mon compte, je crois que c’est une branchierudimentaire, et c'est justement l'Haliotide qui me permet de soulenir cette hypothèse. Elle offre dans les appareils les plus différents tant de rapport avec les La- mellibranches que ce me semble tout naturel d'y trouver (1) Arch. de zoolexp., 2e, TI, pLIXVL fig. 45. ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 179 deux branchies rudimenlaires à côté des deux autres bien développées. Mais pour prouver celle hypothèse, il ne suffit pas d'étudier la structure de l'organe; il faut voir son déve- loppement et élablir ses rapporls morphologiques. » Je pense établir au contraire dans la description qui va suivre qu'une étude attentive de la structure de l'organe liüigieux suffit parfaitement pour réduire à néant l'hypothèse des branchies rudimentaires. Mais celte structure diffère ab- solument de celle qui se manifeste chez la Patelle. Dans ce dernier animal, existe en réalité le tissu lacuneux décrit par Spengel, Cuningham et Ray Lankester : rien de semblable n'existe chez l'Haliolide: {out le tissu sous-jacent à l'épithé- lium est précisément de beaucoup /e plus compact que j'aie rencontré chez les Prosobranches. En tout cas, ce sont pré- cisément ces organes en lilige qui devraient appeler l’obser- vation la plus minutieuse, surtout quand on croit devoir s'appuyer sur leur existence pour trouver des caractères de transition entre deux classes nettement séparées. Toutes ces raisons Jusilient, je l'espère, la description délaillée que je vais présenter de l'organe de Spengel de l'Haliotide, le plus différencié du groupe des Diolocardes. Examinée extérieurement, la bandelelte qui constitue la partie épithéliale de l'organe de Spengel se décompose en deux régions distinctes: Dans la première (au niveau AB, fig. 16 el fig. 17), elle figure un bourrelet légèremeut saillant, nettement limité à droite et à gauche, el silué sur la face inférieure du support branchial ; celte parlie s'étend depuis le ganglion branchial jusqu’au point où le support branchial se détache définitive- ment du manteau. À la loupe où au microscope, les deux bords du bourrelet apparaissent pigmentés el la ligne mé- diane plus claire. Dans la seconde région au niveau CD, (fig. 16, el fig. 18), l'épithélium en question passe sur le tranchant du support branchial; la distinction entre la porlion pigmentée el la portion claire s'atténue sensible- ment. Nulle part on ne peut observer de l'extérieur la 176 FÉLIX BIRNARE. moindre trace de papille ou de repli. Cela posé, effectuons des coupes transversales dans loule la longueur du support branchial. Sur l’une quelconque de ces coupes, nous distinguerons immédiatement dans le support branchial deux parlies de structure extrêmement différentes. Les lamelles branchiales ne s’insèrent pas sur toute la largeur du support: elles laissent libre une pelite portion siluée précisément du coté efférent, dans le voisinage de l'organe de Spengel (de NE à NI, fig. 14). Toute la région qui donne insertion aux lamelles branchiales est une lame longue et élroite, occupée par un tissu spongieux et lâche (de NI à NA, fig. 14). -La partie libre, au contraire, est beaucoup plus épaisse et renferme une substance compacte présentant fort peu de lacunes. Je décrirai avec soin ce {issu dans le chapitre relatif au tissu conjonetif. Les deux nerfs sont dans des lacunes aux deux extrémités de cette masse compacte. Tous deux sont enveloppés du névrilème habituel. Le ganglion branchial est aussi dans une lacune à laquelle aboutissent les lacunes irrégulières du manteau et celles qui correspondent à chaque nerf. Il est constitué principalement par des faisceaux volumineux de fibres nerveuses, très irré- gulièrement entre-croisés et laissant peu de place pour la substance ponctuée de Leydig. Les lamelles sont aussi très peu abondantes, disposéss sur une seule rangée à la péri- phérie du ganglion, en quelques points seulement sur deux rangées. Elles sont pelites, leurs noyaux mesurant 5-12 en- viron et leur prolongement principal est nettement visible. Le ganglion est juste à égale distance des deux faces du support branchial, le tissu tout autour est compact, la lacune périnervienne très étroite. | Suivons maintenant le trajet du nerf respirateur externe nerf olfactif de Spengel et Bouvier). Il présente quelques cellules nerveuses à son origine: elles deviennent bientôt de plus en plus rares. La lacune périnervienne est considérable ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 177 et limitée par des faisceaux musculaires importants. Le nerf se porte rapidement à la face interne du support branchial, et ne tarde pas à s’accoler immédiatement à la membrane basilaire dont il n’est séparé que par un mince névri- lème. On voit alors sur les coupes, avec la plus grande facilité, de volumineux faisceaux nerveux traverser la membrane ba- silaire et entrer dans l’épithélium. Ce fait se renouvelle un très grand nombre de fois, à intervalles irréguliers, tout le long du trajet du nerf, depuis le ganglion jusqu’à la pointe externe de la branchie (fig. 17 et 18). Les premiers faisceaux qui passent sont les plus importants, et j'en ai observé un qui ne mesure pas moins de 50 & de largeur, le nerf en ayant lui-même 120 en cet endroit. Rien n’était donc simple comme la disposition des faisceaux neuro-épithéliaux, et Spengel les à observés exactement, quoique sa description soit un peu rudimentaire. Quelques faisceaux à peine parlent du ganglion lui-mêm e : la plupart se détachent du nerf après sa sortie du ganglion. Il reste à expliquer la présence des deux lignes pigmentées qui ont tant frappé M. Wegmann. Cela est bien facile. Les faisceaux nerveux qui passent à l’épithélium, pris dans leur ensemble d’un bout à l’autre de l'organe, peuvent en effet être considérés comme rangés suivant deux lignes longitu- dinales (fig. 17), les uns se portant à droite et les autres à gauche du nerf principal, sans toutefois se correspondre forcément deux à deux. Le nerf principal est sous-jacent à la portion médiane du bourrelet épithélial dont nous avons parlé. Or l’épithélium est presque toujours un peu plus pig- menté aux points où aboutissent les filets nerveux; nous en avons vu des exemples frappants dans l’organe de Spengel de la Cassidaire. De là vient l’aspect observé dans le cas présent. Mais il est facile de constater que dans toute la lar- geur du bourrelet l’épithélium présente sensiblement la même hauteur ; il est à peine un peu plus élevé vers le centre, et la courbure est régulière (fig. 17). La membrane basilaire, ANN. SC. NAT. ZOOL. IX, 12. — ART. N° 3. 178 FÉLIX BERNARD. de son côté, est tout à fait lisse ; elle ne présente pas même les replis et les crêles qu’on y rencontre ailleurs. Sur le pas- sage des faisceaux nerveux. elle s’interrompl purement et simplement et le nerf passe accompagné d’un névrilème très mince qui disparait bientôt. La couche musculaire de son côlé est continue, et le tissu conjonctif compact tout autour de la lacune. Je me crois donc autorisé à affirmer que dans l’'Haliotide à n'existe aucune disposition qui rappelle de près ou de loin l'existence de papilles dues soit à des proéminences de l’épithélium, soit à un empâtement quelconque de la- melles dans du tissu conjonclif. Il n'y a donc pas là, à pro- prement parler, un organe distinct; l'organe de Spengel n'est qu'une région de l’épithélium où aboutissent des filets ner- veux : il ne peut pas être considéré comme une branchie rudimentaire. Ainsi tombe l’un des arguments que l’on peut présenter pour une parenté trop immédiale entre l’Haliotis et les Acéphales. L'organe de Spengel n’en est pas moins intéressant pour cela et nous devons pousser aussi loin que possible son étude histologique. À son entrée dans l’épithélium, le faisceau nerveux, s’il est volumineux, peut envoyer immédialement une branche perpendiculaire à la membrane basilaire. D’ordinaire il cô- loie exlérieurement celle-ci, en gardant un diamètre consi- dérable et écarte sur son passage les cellules ciliées qui sont disposées par pelils groupes autour de lui. Il peut se divi- ser en branches secondaires encore volumineuses. Sur tout son trajet, après un parcours assez reslreint, 1] commence à se résoudre en fibres qui aboutissent à des cellules multi- polaires groupées en pelits amas dans l'intervalle des cel- lules ciliées. Tout ce système aboutit en définilive à un ré- seau de fibres absolument analogue à celui qui constitue le nerf lui-même, ou encore la substance ponctuée de Leydig, mais avec des mailles plus larges, £e qui rend l’observalion relativement plus facile. Par cet ensemble de fibres anas- tomosées et reliées d’une part aux nerfs, de l’autre aux cel- ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 179 lules multipolaires, le réseau nerveux inter-épithélial est absolument continu sur toute l'étendue du bourrelel cilié, dans toule sa longueur et dans toute sa largeur (fig. 7). On perçoit netlement sa limile des deux côtés aux points où presque subitement l'épithélium redevient court el formé de cellules courtes, unies entre elles à leur base aussi bien qu’à leur extrémité distale. Les cellules ciliées du bourrelet sont au contraire très ellilées el très grêles, isolées les unes des aulres ou groupées par pelites masses, et soudées seulement par la partie tout à fait voisine des plateaux. Les noyaux sont allongés, peu granuleux, situés à loutes les hauteurs, et ces porlions terminales des cellules contiennent de fines granulations pigmentaires qui donnent à l'organe sa leinte jaunâtre. Ajoutons que cà et là se trouvent quelques cellules mucipares. À mesure qu’on examine des régions de plus en plus rap- prochées de la pointe de la branchie, on voit le bourrelet cilié trancher moins vivement sur l’épithélium environnant (fig. 18); ses limites sont moins distinctes, etlorsqu'on atteint la portion libre du support branchial, où l’on trouve le nerf tout à fait au sommet de l'angle, l’épithélium de l'organe olfactif passe insensiblement à celui qui lapisse les deux faces du support. [Il esl toutefois beaucoup plus élevé; les cellules sont même notablement plus longues que dans la première région ; mais le nerf est un peu plus grêle, les fais- ceaux qui traversent la membrane basilaire sont plus petits et plus rapprochés, le nombre des cellules mullipolaires est plus restreint. Mais en somme la disposition générale est absolument la mème (1). Il nous resle encore à rechercher comment se comporte, au point de vue de l’innervalion, l’autre bord du support branchial, celui qui contient le vaisseau afférent et qu'on voit, sur chaque branchie, sur la face libre, entre les deux ran- gées de feuillets (NA, fig. 14). (1) L’échelle relative à la figure 17 a été numérotée inexactement : au lieu de 50y, lire 80u. 180 FÉLIX BERNARD. Un coup d'œil jeté sur celte région nous permet de re- connaître une différence notable avec le bord efférent du même support. Tandis quece dernier, danssa partie libre, est excessivement court et vient rapidement se rattacher avec le manteau, le bord afférent s'étend, sous forme d’un bourrelet saillant jusqu'à l'extrémité postérieure de la branchie (fig. 80). Les parois en sont nettement accusées et on peut même y observer une face presque plane limitée par deux angles, tandis que la section du bord efférent était tranchante. De plus, dans la région de la fausse branchie, une masse abon- dante de tissu conjonctif compact séparait le vaisseau du bord de l'organe ; le vaisseau afférent au contraire est li- mité par des formations conjonctives peu développées, sauf aux deux angles dont je viens de parler. L’innervation de celte région n'a jamais été décrite, elle est, il est vrai, ässez difficile à découvrir à cause de la finesse des filets qu’on y rencontre; mais il était indispen- sable pour nous de les rechercher. Pour voir sans coupes les nerfs du bord afférent, il faut fendre toute l'épaisseur du support branchial, et rabaltre les lamelles respectivement à droile et à gauche, de manière à n'avoir plus que l’épais- seur de la paroi du vaisseau à examiner par transparence (fig. 33). Si la branchie à été bien préparée (acide picrique, alcool, puis acide oxalique), si l’on a nettoyé avec soin l’in- térieur et l'extérieur du vaisseau de manière à se débar- rasser du sang et de l’épithélium, enfin si les lissus sont bien tendus, sur un fond noir, on aperçoit avec une forte loupe /rois nerfs n,,n,, n,, qui règnent d'un bout à l’autre de la branchie. Le plus volumineux, »,, est vers le milieu du vaisseau: il décrit quelques sinuosités à droile et à gauche, et envoie des filets relativement gros, mais peu nombreux, aux deux nerfs latéraux, bien moins volumineux. Ceux-ci, n,, n,, Sont disposés d’une façon symétrique, légèrement en dedans de chacun des deux épaississements latéraux déjà décrits. [ls sont rectilignes si l’on considère leur direction générale, mais en réalité ils décrivent des zigzags de faible ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 181 amplitude sans s’écarter beaucoup du bord du vaisseau. En examinant avec soin l’étroite bande comprise entre l’un de ces nerfs etle bord extrême du vaisseau, sur lequel s’insèrent les lamelles branchiales, on voit que cette bande est tra- versée par une foule de très petits nerfs, disposés en séries parfaitement régulières et allant du nerf marginal aux feuil- lets de la branchie. Chacun d'eux aborde un des feuillets par la tranche, continue son trajet le long du bord afférent, contourne tout le feuillet et vient aboutir de l’autre côté du support au nerf interne que nous avons déjà étudié. Nous reviendrons sur ces petits nerfs à propos de l’histologie des feuillets branchiaux. Les coupes transversales permettent de vérifier sans difficulté toute cette description (NA, fig. 14). Tous ces filets nerveux sont compris dans l'épaisseur de la membrane conjonctive résistante et compacte qui forme l’en- veloppe d’un vaisseau; ils ne sont donc pas libres dans l’es- pace sanguin, comme c'était le cas pour le nerf unique de la Fissurelle. Aucun des trois nerfs n'envoie de filet à lépithélium. La gaine continue et résistante qui contient dans son épaisseur les nerfs et les fibres musculaires, ne présente pas d’autres perforations que celles qui livrent passage aux nerfs d’anas- tomose et aux filets des lamelles branchiales. On y trouve de petites cellules vésiculaires, facile à reconnaître et im- possible confondre avec un nerf coupé transversalement. Il n'y à donc rien qui permette de soupçonner une interrup- tion du tissu conjonclif pour le passage des faisceaux ner- veux. Il pourrait cependant arriver que les fibres nerveuses fussent isolées et fournissent un trajet plus ou moins long à travers la substance fondamentale sans l'interrompre. Le fait, assez rare pour les cas analogues à celui qui nous oc- cupe, se trouve cependant en particulier dans l’organe de Lacaze-Duthiers. Ici l’on aperçoit effectivement, avec un grossissement suffisant des fibrilles délicates, abondantes surtout dans les régions marginales épaisses, mais elles appartiennent à des 182 FÉLIX BERNARD. éléments propres du tissu conjonctif, à noyau très petit et brillant, à prolongement allongé et plus ou moins bifurqué. En suivant ces prolongements on les voit se perdre dans différentes directions, sans aboutir au nerf ou à l’épithé- lium. Je puis donc conclure que chez l’Haliotide les trois nerfs qui courent parallèlement le long du vaisseau afférent sont destinés uniquement à relier les filets des lamelles branchiales et n'envoient aucun filet à l'épithélium. Tout le long du bord afférent, les cellules sécrétrices se rencontrent avec une abondance exceptionnelle. Le fait à retenir, c'est donc la différenciation très prononcée du bora branchial afférent en vue d'une fonction sécrétrice. Ce fait, déjà signalé chez les autres familles, est ici porté à son maximum. Résumé. — I ne nous reste plus qu'à résumer brièvement tous les faits contenus dans ce chapitre pour montrer la différenciation progressive de l'organe de Spengel dans la série des Diotocardes. Chez les Fissurellidés 11 est impossible d'admettre l’exis- tence d’un organe ou même d’une région uniquement diffé- renciée en vue d’un rôle sensoriel. Tout le long de la partie libre du support branchial, aussi bien du côté afférent que du côté efférent, règne un nerf, très voisin de l’épithélium, et y émetlant des filets grêles. Ces filets aboutissent à des cellules neuro-épithéliales semblables à celles que nous avons trouvées chez la Cassidaire. Mais les deux nerfs en queslion donnent aussi naissance à tous les filets destinés à chacune des lamelles branchiales : 1ls ne sont donc pas adaptés seulement à des fonctions sensorielles. Chez les Néritidés, il n'existe pas de ganglion branchial, mais le nerf est ganglionnaire sur une longue étendue avant d'arriver à la région des feuillets, c’est cetle région qui est sensorielle. Dans les Æissurellidés au contraire existe un véritable ganglion, mais qui n’envoie pas de filets à l’épithé- lium. La Fissurelle nous montre un premier degré de diffé- rencialion du bord af/érent ou région sécrétrice. ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 183 Les Trochidés et les Haliotidés forment un groupe natu- rel où la différencialion s’accentue. Il existe au bord effé- rent, deux nerfs distincts, l’un pour l’épithélium, l’autre pour les feuillets branchiaux : ces deux nerfs se rejoignent à la pointe de la branchie, et le nerf unique ainsi formé se réfléchit le long du bord afférent; chez l'Haliotis, deux petits nerfs parallèles à ce dernier, relient les filets qui contour- nent chacune des lamelles. Le ganglion branchial et le gros nerf externe envoient des filets volumineux à l’épithélium ; le dernier renferme un réseau nerveux externe très déve- loppé chez l'Haliotide, et de nombreuses cellules senso- rielles ; 1l est même renflé en un bourrelet qui, dans sa partie postérieure, est nettement délimité. L’épithélium du bord afférent contraste forlement avec le précédent par l’abondance des cellules sécrétrices et l'absence d'éléments sensoriels. L'Haliotide présente une complication et un degré de perfeclionnement supérieurs aux Trochidés. En somme, dans le cas présent, puisqu'un nerf spécial dessert l’'épithélium, on peut dire qu’il existe une région de la bran- chie différenciée en un organe spécial plus ou moins bien adapté à des fonctions sensorielles. CHAPITRE II DIFFÉRENCIATION PROGRESSIVE DE L'ORGANE DE SPENGEL DES MONOTOCARDES. Entre les deux grandes subdivisions des Prosobranches, Diotocardes et Monotocardes, les termes de transition sont assez nombreux et permettent d'établir avec certitude l’ho- mogénéilé de l’ordre tout entier. Cependant, il faut l'a- vouer, il n’exisle pas un seul animal qui puisse, par tout l'ensemble de son organisme, être considéré sans restriclion comme {ype de passage. A est facile de trouver des espèces où un organe déterminé présente des caractères intermé- diaires entre les disposilions typiques de chacune des séries; 184 FÉLIX BERNARD. mais l'examen des autres caractères anatomiques vient tou- jours faire cesser l’hésitation, et ces espèces viennent tou- jours se ranger nettement dans l’une ou l’autre des séries. Or, il est remarquable que tous les genres qui offrent ces caractères de transition, présentent d'autre part des parti- cularités qui ne se retrouvent nulle part ailleurs dans les deux groupes. _ Quelques exemples feront comprendre ce fait important à élablir. Au point de vue du système nerveux, les Paludi- nidés offrent la plupart des particularités spéciales aux Dio- tocardes: commissure labiale , commissures nombreuses entre les bandelettes pédieuses, ganglions palléaux plus rap- prachés des ganglions pédieux que des cérébroïdes, ete. (voir Bouvier (64), p.72). Mais la branchie est monopectinée, le cœur monotocarde, le rein unique et différent de celui des Diotocardes, la radula semblable à celle des Ténio- glosses. La Paludine est donc bien un Monotocarde; mais c'est avec la Valvée la seule forme pourvue d’un uretère. Le péricarde est démesurément développé ; le rein et l’or- gane de Spengel sont aberrants. Les Cyclophoridés se rapprochent encore plus des Dioto- cardes que les Paludinidés par la disposition de certaines parties du système nerveux; par d’autres, ils s’en éloignent davantage; ce sont indisculablement des Ténioglosses (loc. cit., p. 80). Mais ils n’ont pas de branchie ni d'organe de Spengel. Les Néritidés et les groupes voisins ont été considérés longtemps aussi comme types de transition : la branchie bipectinée des Nérites disparaît chez les Hélicinidés, et l'oreillette droite subit une dégradation qui aboutit à sa disparition complète. Le cœur cesse en même temps d’être traversé par le rectum. Le rein est unique, et s’ouvre au fond de la cavité palléale par une fente tout à fait semblable à celle que présentent les Monotocardes. Mais les caractères ürés de la radula (qui est rhipidoglosse), de la branchie et du cœur (diotocarde), font pencher la balance du côté des ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 185 Diotocardes. Enfin leur système nerveux ne nous conduit pas du tout à celui des Ténioglosses; il est complètement aberrant et présente le seul cas d’orthoneurie constaté avec certitude chez les Prosobranches. On n'avait pas songé, jusqu'ici à chercher encore un tvpe de passage chez les Patellidés; la Patelle, avec son système nerveux si voisin de celui des Fissurelles et des Haliotides, a été rapprochée, par MM. Fischer et Bouvier, des Monoto- cardes ; les ressemblances semblèrent s’accroître quand on vit que les Tectures, dont la branchie est bipectinée, étaient des Patellidés. On les croyait d’ailleurs diotocardes. Mais récemment, M. Wegmann (55) a vu que le cœur n’a qu'une oreillette, et cette observation est confirmée par mon ami M. Rémy Perrier (67). Ce dernier trouve dans le rein des Patelles des traits d'organisations qui conduisent nette- ment aux Monotocardes et font de cet organe un intermé- diaire très nel entre le double rein des Ripidoglosses et le rein simple des Ténioglosses. Que la Patelle avec sa radula hé- rissée de dents en forme de poulres, avec ses branchies circumpalléales, soit un type aberrant, cela ne fait de doute pour personne. Elle présente cependant d'importantes parti- cularités de chacun des deux groupes. Enfin une pelite famille, celle des Valvatidés, a, de son côté attiré l’altention des zoologistes : la Valvée possède une branchie bipectinée connue sous le nom de plumet. Mais le cœur est monolocarde; la branchie ne se prolonge pas en arrière de son point d'attache comme chez les Néritidés. Le système nerveux est très voisin de celui des Bithynies, la radule est Ténioglosse. Mais le rein est tout à fait spécial et, seule parmi les Prosobranches, la Valvée est hermaphro- dite. On pourrait encore trouver d’autres exemples. Si bien que, dans l’état présent de nos connaissancas, on peut dire : Tout animal actuel qui présente des caractères de transition entre le groupe des Diotocardes et celui des Monotocardes, est aberrant par l'un quelconque de ses organes. 186 FÉLIX BERNARD. Ce fait n’est d’ailleurs pas spécial aux Prosobranches; presque toutes les formes dites de transilion entre deux groupes voisins bien définis, bien délimités, ont des ten- dances à s'écarler à la fois des deux, et présentent des organes aberrants. Ces formes sont en réalité les modifica- lions dans un sens spécial et qui leur est propre de véritables formes de transition aujourd'hui disparues. Il était indispensable de présenter ces considérations avant d'aborder l’élude de l'organe de Spengel des Monolo- cardes. Nous savons maintenant, en effet, qu'il n’y a pas lieu de chercher un groupe qui soit exactement intermédiaire entre les deux grandes séries de Prosobranches; mais d'autre part, nous pouvons nous attendre à trouver, pour ce qui concerne l’organe de Spengel en particulier, des termes de transition: ces termes de passage entre les différentes formes d’un même organe pourront se manifester dans des genres qui ne seront pas toul à fail voisins, et qui seront probable- ment l’un de ces genres aberrants dont je viens de parler. L'ordre dans lequel nous devons exposer cette étude s'im- pose à nous: 1l est un Monolocarde qui a gardé la branchie bipectinée des Diotocardes; c'est la Va/vée. Qu'est devenu dans cet animal l'organe de Spengel? Est-il resté inclus dans le support branchial? est-il indépendant de la branchie ? J'ai résolu ces questions dans la monographie que je viens de publier sur cet animal (68). Je ne rappellerai donc ici que les faits indispensables pour la comparaison avec les autres Prosobranches. $S 1. — Organe de Spengel de la Valvata piscinalis. Si l’on ouvre la cavité palléale d’une Valvée et qu'on exa- mine le manteau el ses annexes avec un assez fort grossis- sement, on aperçoit d’abord : la 4ranchie, nettement bipec- üinée, présentant de chaque côté une vingtaine de lamelles peu saillantes, arrondies, et n’occupant pas toute la largeur du support branchial (BF, fig. 70). On sait que l'animal a la ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 187 faculté de la faire sortir assez loin en dehors de la cavité palléale. Les lamelles cessent d’exister en arrière de la ligne d'inserlion du support branchial sur le manteau : en cela la Valvée diffère essentiellement de tous les Diotocardes. La cavité palléale n’est pas ici divisée en deux par une cloison horizontale, et l’on ne peut pas supposer qu’il y ait dans la branchie une porlion soudée comme chez les Trochidés, avec des lamelles dirigées du côté dorsal. La région longue el étroite qui s'étend d'avant en arrière depuis la branchie jusqu’au fond de la cavilé palléale, est une cavité lapissée d’épithélium, divisée en deux rampes parallèles par une cloison longitudinale, et qui dépend du rein, dont la poche principale occupe, comme d'habitude, le fond de la cavité palléale. L'une de ces deux rampes (celle de gauche, l'animal élant vu de dos) est un simple diverti- eule clos. L'autre est un canal excréteur qui s'ouvre très en avan, au fond du cul-de-sac que forment ensemble la branchie et le manteau, et un peu sur la droite. A droite de la branchie se trouve le rectum, puis la masse des conduits génitaux et de leur annexes. À peu près au même niveau, mais soudé tout à fait au bord du man- teau est le filet fentaculiforme. Rappelons maintenant en quelques mots comment les organes palléaux sont innervés. Les ganglions palléaux sont accolés aux cérébroïdes : tout le monde est d'accord sur ce fait. Il est impossible aujourd’hui aussi de ne pas considérer comme représentant le ganglion sus-inteslinal, une masse pyriforme située sur le plan médian, mais dirigée de droite à gauche : elle est soudée au ganglion palléal droit et donne naissance a deux nerfs: l'un d’eux, qui a été vu par tous les observateurs, est le nerf branchial, c’est le plus gros de lor- ganisme. L'autre est la commissure viscérale. J'ai pu trouver de chaque côté les anastomoses palléales de Bou- vier. Cela posé, je reproduis le résumé de la descriplion que j'ai donnée ailieurs (68) de l'organe de Spengel. « Le nerf 188 FÉLIX BERNARD. branchial, un des plus gros de l'organisme, se bifurque avant d'atteindre la branchie. Le rameau antérieur se renfle en un ganglion fort petit, mais très net, d'où partent deux nerfs palléaux et des filets épuhéliaur. Les cellules de Flemming sont très abondantes dans cette région (Mg. 71). Le rameau (nb) qui pénètre dans la branchie (homoloque du nerf olfactif des Diotocardes) est aussi sensoriel, mais à un moindre degré; ül cesse de l'être sur le bord afférent du support branchial. L'or- gane de Spengel est par conséquent divisé en deux, et la por- tion la plus importante est voisine de la branchie, mais en est indépendante. » Les faits qui précèdent paraîtront, je l'espère, dignes de quelque intérêt: ils nous montrent pour la première fois la localisation des cellules sensorielles se faisant en un point dé- terminé, situé en dehors de la branchie. Ce petit ganglion, distinct du ganglion sus-intestinal, comme la fausse bran- chie des Monotocardes, est pour moi le rudiment de ce dernier organe. D'autre part, l’organe de Spengel des Distocardes est aussi représenté. La Valvée, par son système nerveux, se rapproche des Bi- thynies et son organe de Spengel nous conduit à l'organe de Spengel filiforme et encore peu différencié des Littorinidés et des Bithynidés qu'il convient maintenant d'étudier. $ 2. — Organe de Spengel de la Littorine. Dans les Littorinidés l'organe de Spengel est un long cordon saillant, un peu renflé vers son milieu, au point où aboutit le nerf principal qui la dessert (nerf olfactif de Spengel) (fig. 34). Sa structure est des plus simples. Une section transversale (fig. 20) montre au centre un faisceau nerveux entouré d’un névrilème distinct qui les sépare d'un sinus sanguin longitudinal. La membrane de soutier est très épaisse et traversée de nombreuses fibres. Sa sur- face n’est pas lisse, mais présente sur les deux côtés des saillies irrégulières, où la couche musculo-conjonctive est épaissie et où s'engagent de courtes branches du faisceau ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCIHES. 189 nerveux. Au sommet de ces saillies sont percés les petits orifices par où les nerfs pénètrent dans l’épithélium (fig. 34). Ce dernier tissu mérite d'arrêter notre attention. Sur toutes les régions avoisinantes on trouve déjà des éléments épithé- liaux très étroits et relalivement longs, mais quand on arrive au bourrelet, on voit les cellules de revêtement s’allonger et s’amincir démesurément, en s’'inclinant de manière à être couchées sur le bourrelet (fig. 20). La longueur des plus grands de ces éléments n'est pas moindre de 75 y; le noyau, très grêle, à 1 u de large, sur 10 à 12 de long. Les noyaux sont disposés à lous les niveaux, généralement plus près des plateaux que de la base; ils sont élargis et tronqués à leur extrémilé distale. Les plateaux sont ciliés; on rencontre çà et là quelques cellules sécrétrices. Quand on arrive vers le milieu du bourrelet, on voit la longueur des cellules de revèê- tement décroître brusquement, et les dimensions {ransver- sales augmenter, si bien qu’on se trouve en présence des cel- lules cylindriques ordinaires. On rencontre les cellules de Flemming vers la région intermédiaire, c’est-à-dire sur les deux côtés. Je ne crois pas qu'il puisse exister de cellules sensorielles dans la région où les éléments sont précisé- ment plus allongés, car non seulement je n’ai pu réussir à en découvrir, mais de plus aucun nerf n’est adjacent à l’épithélium à ce niveau. Le sens dans lequel sont inclinées les cellules rend d'autre part improbable l'hypothèse d’après laquelle ces éléments dépendraient d’un réseau nerveux inter-épithélial situé plus près du plan médian de l'organe. La région sensorielle, selon toute probabilité est dons limitée à peu près aux deux faces latérales du bourrelet. Quelques mots maintenant sur la structure du cordon ner- veux. Nous sommes en présence d’un nerf el non d’un gan- glion. Les cellules ganglionnaires sont en effet tellement rares que sur la plupart des coupes transversales on n’en aperçoit aucune. Pour plus de sûrelé j'ai fail aussi des coupes longitudinales et j'ai aperçu quelques noyaux vers la péri- phérie du faisceau. La substance ponctuée manque d’ailleurs 190 FÉLIX BERNARD. complètement et en tous les points la structure fibrillaire est reconnaissable. Done, malgré son apparence de gan- glion, l'organe de Spengel de la Littorine n’est autre chose qu'un nerf assez volumineux, envoyant à travers un épais revêtement conjoncelif de courtes branches qui abou- lissent à des cellules de Flemming. J’ai dû renoncer à trouver un réseau nerveux inlra-épithélal. Büthynia tentaculata. — J'ai examiné avec soin lorgane de Spengel de ce Mollusque, espérant y trouver quelque caractère le rapprochant soit des Valvées, soit des Palu- dinés : il n’en est rien. C’est au type de la Littorine qu'il faut rapporter la fausse branchie de la Bilhynie. L'organe est seulement un peu plus ramassé, plus gros par rapport à sa longueur, plus renflé au point où arrive le nerf prin- cipal. D'ailleurs les cellules nerveuses sont encore rares. Il n'y a pas {race d’invagination épithéliale. La même remarque s'applique aux /issoa, dont l’organe de Spengel est identique à celui de la Bilhynie. Celui du Planazxis sulcatus est semblable à celui de la Littorine. Cyclostoma elegans. — L'organe de Spengel du Cyclos- Loma elegans a été étudié avec le plus grand soin par M. Gar- NAULT (63). Les quelques pages que cet analomiste consacre à cet organe sont jusqu'ici les seules qui nous aient donné des renseignements précis sur les terminaisons nerveuses dans l’organe de Spengel des Prosobranches; j'ai repris à mon tour l'étude de ce même animal, el je n'ai qu'à ren- voyer à la description de M. Garnault. Je Liens à faire ressor- {ir quelques points importants. — «Les parlies périphériques du filet nerveux qui sont formées par une couche de cellules ganglionnaires. Il paraît avoir à peu près la même taille sur toute sa longueur. » On voit donc que la structure ganglion- naire, commence à s'accuser ici. — La description et les figures que donne M. Garnault relativement aux cellules neuro-épithéliales concordent au plus haut point avec celles que j'ai présentées moi-même à diverses reprises, et je ferai remarquer que la forme qu'il reproduit en c, d, e (fig. 48, ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 191 pl. 7)et qu'il déclare plus rare que les autres formes, se ren- contre assez fréquemment dans l'organe de de Lacaze-Du- thiers des Pulmonés et dans les cul-de-sac de la Paludine : j'en ai aussi trouvé quelques exemples dans l'Haliotide ; ils’agit d'éléments où la têle n’est pas distincte du col et où toute la partie dorsale est cylindrique, tandis que le corps de la cel- lule, contenant le noyau, est très renflée. Enfin M. Garnault insiste avec raison sur l’analogie de ces éléments neuro- épithéliaux avec ceux du tentacule. L’organe de Spengel est, pour M. Garnault, un organe olfaclif au premier chef. J’ajouterai seulement qu’il ne dif- fère de celui de la Littorine que par l’adjonclion d’un grand nombre de cellules ganglionnaires. $ 3. — Organe de Spengel des Vermétidés, Cerithidés, Strombidés. Vermetus gigas. — On a vu plus haut que c'est à propos du Vermetlus gigas que M. de Lacaze-Duthiers a, en 1860, atliré d’une manière toute spéciale, l’attenlion sur le bour- relet allongé qu’on rencontre près de la branchie. Depuis cette époque l'étude du Vermel n’a pas été reprise, et Spengel se borne à constaler que l'organe olfactif du Vermet n'est autre chose que le bourrelet signalé par M. de Lacaze- Duathiers. L'organe de Spengel du Vermet est bien plus allongé que celui de la Litlorine, mais bien moins cependant que celui des Strombidés ; il règne le long de la branchie sur une lon- gueur égale sensiblement au tiers de cet organe. On n'y rencontre pas les saillies irrégulières que nous allons trouver chez les Chénopidés et les Strombidés : il est simplement filiforme, mais sa structure, comme vont nous le montrer les coupes transversales, marqu2 une différenciation plus grande que dans le cas de la Liltorine (fig. 21). La structure de la partie centrale est encore celle d’un nerf, cependant les cellules nerveuses y sont assez abon- danles, sans cependant être disposées en couche continue. Des faisceaux #rès volumineux (r) se détachent sur les deux 192 FÉLIX BERNARD. côtés et pénètrent dans l'épithélium en produisant dans la membrane de soulien des perforations aussi nettes que celles que j'ai figurées dans la figure 21 : j’ai représenté une coupe passant précisément par deux faisceaux épithéliaux à la fois; ie ne crois pas cependant que les faisceaux des deux côtés soient toujours exactement en regard l'un de l'autre. Sur le milieu du bourrelet on trouve des cellules épithé- liales indifférentes, presque cylindriques, larges, à noyaux ovales assez épais : le protoplasma est riche, les cellules ser- rées, sans aucun intervalle. Au contraire, aux endroits où aboutissent les faisceaux nerveux, on aperçoit une mul- titude de noyaux, appartenant pour la plupart à des cellules fusiformes laissant entre elles de nombreux intervalles. Les fibres nerveuses pénètrent profondément dans l’épais- seur de l’épithélium, et là se résolvent en un réseau semé de cellules mullipolaires très nombreuses, situées même parfois non loin des plateaux et continues d’un bout à l’autre de l’organe (ri). La plupart des noyaux appartiennent à des cellules de Flemming à long col, à pédoncule grêle issu généralement du réseau, mais dont quelques-uns aboutissent peut-être directement au faisceau nerveux : leurs têtes se voient nettement entre les plateaux de cellules ciliées. Quant à ces dernières, on les voil, en examinant les coupes succes- sives, s'insérer sur la membrane de soutien, au pourtour de la perforation produite par le passage du nerf et se rejoindre par leurs extrémilés distales, laissant ainsi entre elles un espace dont le contour est d’une netteté frappante et qui conlient uniquement des éléments nerveux. En suivant ces coupes successives à tous les niveaux, on établit, sans erreur possible, la continuité de ces deux bandes sensorielles, celle du réseau des fibrilles : les cellules de Flemming se voient aussi à tous les niveaux. Donc l'organe de Spengel du Vermet est caractérisé par l'existence de deux bandes sensorielles symétriques ininter- rompues, desservies par de forts faisceaux nerveux, riches en éléments ganglionnaires et en cellules neuro-épithéliales : RE ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 193 les régions sensorielles sont nettement séparées des régions indifférentes qui les limitent. b. Strombidés. — La série des Slrombidés comprend trois familles extrêmement voisines, les Chénopidés, les Struthio- laridés el les Strombidés proprement dits. M. Bouvier a même mis en lumière quelques caractères intéressants de l'organe de Spengel. Dans ce groupe étendu, il fait observer qu'on trouve des termes de {ransition entre les fausses bran- chies filiformes et les fausses branchies bipectinées. Dans tous les animaux éludiés appartenant à celte série l'organe de Spengel est extrêmement allongé : il pénètre en avant plus ou moins profondément dans le siphon, se rap- proche de la branchie, et après un coude brusque, se porte en arrière, parallèlement à cet organe jusque dans le voi- sinage du cœur. Îl est constamment compris dans une gout- tière limitée de part et d'autre par des saillies musculaires, et, dans l’intérieur de cette goutlière, décrit des sinuosités plus ou moins accenluées. Examinons tout d'abordle Chenopus pes carbonis : J'ai recu de nombreux individus vivants de cetle espèce, qui ont été dragués dans le voisinage d'Arcachon. L'organe de Spengel y présente la forme d’un cordon saillant, formant des si- nuosités irrégulières (fig. 35). Au microscope, sa surface apparaît comme hérissée de crêtes longitudinales irrégulières et de mamelons peu prononcés. La structure histologique ne diffère pas de celle du Cyelostome : il y a une assez grande quantité de cellules ganglionnaires; la membrane de soutien est très épaisse, et les filets neuro-épithéliaux sont disposés sans aucun ordre. Dans les Sfrombus proprement dits, apparaissent, le long des bourrelets, de très petites lamelles latérales, d’abord dans la parlie qui avoisine le siphon, et qui est la plus volu- mineuse (S. gigas, S. luhuanus) et tout le long du bourrelet dans les autres espèces. Le Pterocera lambis offre le dernier degré dans celte série progressivement différenciée. L'enroulement extrème de l’a- ANN. SC. NAT. ZOOL. ROUTE =PARTANE Or 194 FÉLIX BERNARD. nimal a eu pour résultat de reporter le siphon assez loin de la branchie, et par suite la portion de la fausse branchie qui s'étend entre le bord du manteau et la branchie se trouve allongée d’une façon anormale. C’est encore cette dernière partie qui est la plus volumineuse. En se réfléchissant en- suite en arrière, le bourrelet décrit des sinuosités irrégulières extrêmement prononcées, se portant brusquement à droite et à gauche (fig. 37). La longueur totale de celte seconde por- tion du bourrelet se trouve ainsi au moins quatre fois plus grande que s'il s’étendait en droite ligne le long de la bran- chie. Mais là ne s'arrête pas la disposition destinée à aug- menter l'étendue de la région nerveuse en contact avec l'extérieur. Tout le long du bourrelet se trouvent, de chaque côté, de véritables arborescences, de longueur et de forme variées, et dont j'aire présenté, dans les figures 37 a et 4, les plus importantes, appartenant à la région antérieure (a b, fig. 37). Vue au microscope, l’une de ces arborescences se dé- compose en lamelles plus ou moins triangulaires, dont un côté s'insère sur la surface même du manteau, et dont le bord libre est occupé par les branches d’un nerf issu du bourrelet principal. Il n'y a aucune régularité dans le nombre et la disposition de ces lamelles; elles sont plus nombreuses vers la région antérieure de l'organe. Le Strombus bubonius (fig. 36) offre une disposition tout à fait exceptionnelle. L’organe de Spengel, dans toute sa moilié antérieure, est très épais, presque dépourvu de si- nuosités, et muni de part et d'autre de lamelles saillantes, rudimentaires, mais distinctes. En arrière, vers le milieu de la longueur de la branchie, il se rétrécit et se divise en deux branches grêles qui se résolvent rapidement en un ré- seau dont la complexité défie toute description (fig. 36, 36 a). Ce réseau est nellement limité par deux branches disposées à angle aigu. Vus au microscope, les filets qui déterminent ce réseau sont peu sinueux, irrégulièrement anastomosés. La plupart des mailles sont fermées: quelquefois cependant ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 195 les filets se terminent brusquement sans rejoindre aucun des filets voisins. Ce cas de multiplication de la surface nerveuse n’a pas d’analogue, et aucun terme de transition ne pouvait le faire prévoir. Quelle importance faut-il lui attribuer au point de vue de la classification? Y a-t-il lieu de faire actuellement pour le Strombus bubonius un genre spécial? je ne le pense pas. Lorsque Bouvier a créé pour le Cerilhium læve un genre spécial (Ceratoptilus) parce que la fausse branchie était bipectinée au lieu d’être filiforme, il avait eu soin de faire observer que cet animal a vait un système nerveux tolalement différent de celui des vrais Cérithes. La dissection du Strombus bubonius, que je n'ai malheureusement pas pu faire, donnerait peut-être aussi des résultats intéressants. Dans le Terebellum, l'organe de Spengelest encore un long filet sinueux, qui se porte d'abord en arrière et, après avoir alteint l'oreillette, re vient brusquement en avant en longeant de près la branchie : il imite ainsi un large espace triangu- laire sans organe. [Il est hérissé dans toute son étendue de lamelles très serrées. Je me propose d'étudier bientôt l’ana- tomie de ce singulier animal, dont M. Fischer a mis avec la plus grande obligeance deux bons exemplaires à ma dispo- silion. M. Bouvier, qui a bien mis en évidence les analogies anatomiques de la série des Strombidés avec celle des Pro- boscidifères Siphonostomes, pourvus, comme on sait, d'une fausse branchie bipectinée, conclut ainsi (p. 188) : « C’est sans doute dans la famille (éteinte) des Columbellinidés qu'a dû s'effectuer la transformation dela fausse branchie fili- forme, mais déjà bipectinée, des Strombidés, en une fausse branchie courte et très largement bipectinée. » A cette manière de voir on peul faire une objection. La fausse branchie courte, ramassée des Siphonostomes ne semble pas dériver directement de celle des Strombidés où elle est allongée et sinueuse. Nous trouverons ailleurs les termes de passage cherchés par Bouvier. Dans tous les cas, 196 FÉLIX BERNARD. les Strombidés forment une série naturelle dans laquelle les divers organes se modifient parallèlement comme l'a montré M. Bouvier dans une des parties les plus intéressantes de son mémoire. M. Bouvier a également étudié avec soin, deux familles importantes. Après avoir fait ressortir les rapports élroits qui lient les Melanidés et les Cérithidés, il étudie un grand nombre de genres et conclut ainsi : «Ces deux familles, par leurs ramifications parallèles, établissent en même temps et chacune de leur côté, un passage naturelentre les Holostomes et les Siphonostomes, entre les Dialyneures et les Zygoneures, entre les Pectinibranches à fausse branchie filiforme et les Pectinibranches à fausse branchie bipectinée. Il est intéres- sant de remarquer combien sont corrélatives ces modifica- tions, l’une entraînant pour ainsi dire l’autre » (61), p. 155). M. Bouvier nous fait saisir sur le fait le mécanisme par lequel une branche nerveuse anastomotique, d'abord située à droite dans le manteau bien loin des ganglions chez les Mélanies et les Cérithes proprement dits, se transforme graduelle- ment en une commissure unissant directement le ganglion palléal droit au ganglion sous-intestinal dans le Cérithidé pour lequel M. Bouvier a créé le genre Ceratoptilus. Or, préci- sément dans cel animal la fausse branchie est large et bipec- üinée, au lieu d’être longue et filiforme comme dans tous les autres genres des deux familles. Ce l'ail {rès important montre que la différencialion de l'organe de Spengel en fausse bran- chie bipectinée est en connexion avec toutes les modifica- tions des caractères dans le sens d’un perfectionnement. Je n'ai étudié spécialement qu'un animal de la famille des Cérilthidés : le Cerihium vulgalum qui provenait de la stalion zoologique de Naples. Or, cette élude confirme pleinement les vues de M. Bouvier. Cet auteur avait bien observé que le bourrelet est bordé de très pelites lamelles transversales très peu saillantes. J’ai fail des coupes transversales dans cet or- gane pour rechercher la distribution des éléments nerveux, el je me suis trouve en présence d’une disposilion assez cu- ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 197 rieuse (fig. 22 et 22 4). La partie essentielle de la masse ner- veuse est consliluée par un »erf volumineux A, où les élé- ments cellulaires sont excessivement rares : rien n'indique une tendance à la constitution d’un ganglion. Des feuillets assez réduits sont disposés sur le bourrelel, mais non pas symétriquement à droite et à gauche ; 1ls alternent d’un côté et de l’autre et chacun d'eux déborde au delà de la ligne mé- diane : au lieu de s'étendre sur le côté, en forme d'ailes, comme cela a lieu dans les fausses branchies bipectinées, cha- cun d'eux recouvre le bourrelet. Il en résulte que les deux côtés du bourrelet se trouvent libres. Or, sur chacun de ces côlés, existe une aire sensorielle bien limitée, continue dans toute la longueur du bourrelet et semblable à celle que j'ai décrite chez le Vermet. On y trouve de nombreuses cellules multipolaires et des cellules de Flemming très allongées. Les faisceaux issus du nerf central qui desservent celle double zone sont volumineux et disposés sans régularité. Les nerfs destinés aux feuillets naissent par paires el in- nervent chacune une seule face du feuillet. Ils ne corres- pondent pas toujours régulièrement aux nerfs des zones latérales. Sur les feuillets l'épithélium est assez haut, pig- menté, riche en cellules de Flemming éparses, mais abon- dantes surtout sur le tranchant externe. La disposition que nous avons vu apparaître chez la Lit- torine, qui s’exagère chez le Vermet, se retrouve donc encore ici; mais de plus on voit se former de pelites lamelles qui rappellent tout à fait celles des Strombidés. Mais ici l’organe est bien plus raccourci. $ 4. — Organe de Spengel des Naticidés et des Lamellariidés. Nous allons éludier maintenant deux familles importantes, irès voisines l’une de l’autre; la famille des Naricidés et celle des Lamellarnidés. Les affinités de ces deux familles sont difficiles à élablir. La coquille ressemble à celle des Rhipi- diglosses ; le système nerveux est zygoneure à gauche, chez les Natices, et deux fois zygoneure chez les Lamellaires. Le 198 FÉLIX BERNARD. mufle forme une trompe peu développée; ces deux familles sont placées par Bouvier entre les Rostrifères (Littorines, Pa- ludinés, Strombidés) et les Proboscidifères Siphonostomes, Tritonidés, ete.) L'auteur ne dit pas cependant qu'elles établissent véritablement une transition entre deux groupes quelconques : au point de vue tout spécial qui nous occupe, la transition entre les Rostrifères el les Proboscidifères Sipho- nostomes se trouve réalisée d’une manière assez frappante. J'ai éludié plusieurs Natices, les unes fraîches, les autres conservées, ce sont: N. monilifera, provenant de Saint-Vaast, N. hebræa et N. josephinia de Naples, el deux grosses Na- tices indéterminées des doubles du Muséum ; je n’ai pas trouvé d’une espèce à l’autre de différence importante. L’organe de Spengel est toujours long, mais ne s'étend jamais d'un bout à l’autre de la branchie. En avant il se recourbe vers la gauche, comme s'il allait pénétrer dans un siphon. Un peu au delà de sa courbure il reçoit un nerf extrêmement volu- mineux et sallant, provenant du ganglion supra-inteslinal. Les feuillets sont courts et assez espacés; au moins ils pa- raissent tels quand ils sont dépouillés de l’épithélium qui est très épais. J'ai recherché sur des coupes, dans la Natica hebræa, comment était constituée la masse nerveuse centrale qui est ici assez volumineuse ; jy à trouvé la structure typique d'un ganglion; c'est la première fois que nous observons ce fait dans la série des Monotocardes. Les cellules ganglionnaires sont très distinctes, plus volumineuses que chez les Cassi- daires, mais bien moins nombreuses et plus espacées ; la plu- part sont wnipolaires au sens que nous attachons à ce mot (voir [T° partie, chapitre 1), et le prolongement principal est, comme toujours, tourné vers le centre. Des faisceaux de fi- bres transverses isolent des îlots de cellules et forment des cornes épaisses disposées avec symétrie. Dans toutes les espèces étudiées, le nerf du feuillet est volumineux, situé comme toujours le long du bord libre : mais je n'ai pas pu en observer les ramifications : on doit se ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 199 rappeler que les feuillets de la fausse branchie sont très réduits, ce qui rend la dissociation de l’épithélium difficile. Cependant j'ai pu vérifier sur les coupes qu'iln’existait aucune ramification importante dans l'épaisseur du feuillet : le nerf s'incurve, s'élargit vers le sommet du feuillet, et disparaît tout à coup. Au-dessus de lui s'étend une large zone pig- mentée qui recouvre tout le bord libre; l’autre moitié est occupée par un sus déjà très appréciable, mais mal déli- mité et dépourvu de branches définies. On est ici visiblement en présence d’une disposition an- nonçant, àunélat encore rudimentaire, la structure que nous avons vue portée à son maximum de différenciation dans la Cassidaire. La famille des Lamellariidés, si voisine de celle des Naticidés, va nous faire faire un pas de plus dans la voie du développement progressif. Dans les Marsenia l'organe de Spengel est massif, plus saillant que dans les Natices, formé de lamelles bien dis- inctes et très rapprochées. Ces lamelles débordent peu en dehors de leur ligne d'insertion; la surface libre offre une courbure régulière et peu prononcée. On y trouve, déjà très développée, la distinction en zones nerveuses pigmentées, et sinus (fig. 32). Le nerf principal est formé de quatre filets associés deux à deux dans le voisinage de chaque face. Ces différents filets émettent une branche dans chacune des anses pigmentées ; la dissociation de ces filets se fait avec la plus grande facilité et montre avec évidence les noyaux propres du nerf. Les anses pigmentées sont généralement au nombre de trois; une quatrième, peu développée, s'ajoute dans les plus grands feuillets. En vertu de la forme un peu spéciale des lamelles, ces anses pigmentées ne sont pas parallèles ; elles convergent fortement vers la région externe du feuillet. La forme des sinus résulte aussi de ce qui précède; on sail qu'une grande lacune s’élend constamment sous tout l'organe de Spengel; c'est près du bord externe du feuillet que se fait la communication la plus large de cette lacune avec les sinus; les branches de ceux-ci vont en divergeant en éven- 200 FÉLIX BERNARD. tail entre les zones nerveuses. Des fibres musculaires puis- santes courent le long de ce bord externe; quelques-unes également volumineuses suivent à une grande distance ce même bord, tournant leur convexité vers l’intérieur de l'organe. Ce qui précède montre l’analogie profonde qui existe entre l'organe de Spengel des Marsenia et celui des Proboscidi- fères Siphonostomes: il suffira d’allonger le feuillet pour oblenir presque exactement celui du Dolium (fig. 24). $ 5. — Organe de Spengel des Proboscidifères Siphonostomes. Le groupe des Proboscidifères Siphonostomes renferme les Ténioglosses les plus élevés en organisalion (siphonos- tomes, zygoneures, proboscidifères, munies de fausse bran- che bipectinée et de pénis puissant). Ces animaux peuvent être considérés comme les Prosobranches les plus normaux, placés au centre du groupe; les diverses familles qui com- posent celle section (Cassididés, Trilonidés, Doliidés) sont très voisines les unes des autres; en particulier l'organe de Spengel ne présente pas de varialions très imporlantes. Aussi la longue desecriplion que j'ai donnée de la fausse branchie de la Cassidaire me dispense d'entrer dans de longs détails au sujet des animaux voisins. J'ai étudié, outre la Cassidaria tyrrhena que J'ai prise pour type, le Cassis saburon et la Ranella gigantea provenant d'Arcachon, le Trifon variegatum et le Dolium galea de Naples. Ces quatre genres présentent pour les lamelles de l'organe olfactif un nerf principal avec des ramificalions régulières, et un sinus bien endigué avec des culs-de-sac alternant avec les aires nerveuses. | La description et les figures que l'on à vues plus haut (EH partie, chapitre 1, pl. 1) s'appliquent de tout point au Cassis saburon aussi bien qu’à la Cassidaria tyrrhena. Une régularité presque schémalique se manifeste chez la Fanella (fig. 25). Mais les grandes branches du nerf prin- cipal, au lieu de se ramifier en arborescence comme chez la ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 201 Cassidaire, continuent leur trajet jusqu'au bord du sinus, et là, se résolvent brusquement en une foule de fibrilles qui pé- nèlrent langentiellement dans l’épithélium ; jusqué-là, le nerf n'émet à droite et à gauche que de très pelits rameaux. On conçoit que les grosses branches de la Cassidaire permettent de pousser plus loin l'étude du réseau interépithélial. C’est pourquoi j'ai préféré la Cassidaire à la Ranelle pour l'étude histologique détaillée. De plus, chez la Ranelle, existent de fortes crêtes saillantes dues à l'épaississement de la mem- brane de soutien ; ces crêtessontparticulièrementnombreuses précisément au point où se lermine le nerf, et, comme les rameaux de ce dernier, elles sont disposées en éventail à l’ex- trémilé des aires nerveuses, et leur présence rend difficile l'étude des tissus sous-jacents. Ces particularités permettent de distinguer à première vue une lamelle de l'organe de Spengel d'un Tritonidé de celle d'un Cassididé. Chez le Dolium galea (fig. 27) les lamelles sont énormes, el les ramifications du nerf se mulliplient jusqu'à atteindre le nombre quinze. Le nerf principal n’est pas simple: il se compose de deux troncs volumineux non pas superposés, mais /uxtaposés. Le plus rapproché du bord inférieur (à gau- che, fig. 27) est formé à son tour de deux faisceaux super- posés, el nettement séparés par une cloison sur toute leur étendue: il envoie de distance en distance, sans aucune régula- rité, de courts rameaux dirigés vers le bord inférieur du feuil- let et qui pénètrent très rapidement dans l’épithélium ; ces rameaux sont doubles, et accolés respectivement à chacune des deux faces. Il en est de même des branches, bien plus volumineuses et plus régulières, que le tronc inférieur émet vers le bord opposé : les deux faisceaux qui forment chaque branche sont distincts dès leur origine. Arrivés au point où ils rencontrent le tronc interne, ils s’écartent de manière à l’envelopper, ets’adjoignent chacun deux branches issues de ce dernier, de sorte que sur chaque face se trouvent trois filets distincts à l'origine : en s'atténuant à leur partie distale, ces trois filels deviennent concourants et se lerminent en- 202 FÉLIX BERNARD. semble. C’est, comme nous l'avons annoncé, une complication dont nous trouvons les premières traces chez les Marsenia. S 6. — Organe de Spengel des Rachiglosses. Dans les Rachiglosses, M. Bouvier distingue deux séries, comprenant chacune des types présentant d’étroites affinités ; la première renferme les Fusidés, Mitridés, Buccinidés, Mu- ricidés, Purpuridés, etc. La seconde, les Volutidés, Olividés, Harpidés. J’ai étudié dans ce groupe les espèces suivantes : 4° Buccinum undalum: Murex erinaceus et trunculus; Nassa reticulata et mutahihs: Purpura lapillus; Fasciolaria tulipa; Concholepas perunianum. 2° Voluta scapha et Neptuni: Harpa ventricosa. Les quatre derniers genres ont été étudiés sur des exem- plaires provenant de la collection du Muséum. Dans tous ces types, la fausse branchie est constiluée exac- tement de la même manière : le nerf principal est relative- ment plus volumineux que chez les Ténioglosses ; il est formé de faisceaux plus nettement séparés. Comme précédemment, quelques branches sont émises vers le bord inférieur; la plupart des branches sont dirigées vers le bord externe. Elles sont, dès leur origine, disposées dans deux plans; mais leur inserlion, leurs dimensions, leur nombre, leur mode de ramification, ne présentent aucune régularité. D’après Spengel, « lantôt les faisceaux nerveux ont un long trajet à l'intérieur de l’épithélium (Nassa), tantôt ils restent dans la couche conjonctive (Murer), et ce ne sont que leurs der- nières ramifications qui pénètrent dans l’épithélium » (p. 337). L'observation est exacte, et l’on peut dire que, parmi les genres que J'ai étudiés, c’est le Buccin dont les nerfs fournissent, dans le {issu conjonclif, la course la plus longue (fig. 28). Mais la différence s’accentue bien davantage quand on arrive aux Volutes (fig. 30), aux Harpes et aux Olives. La partie du système nerveux comprise entre les deux lames de soutien du feuillet est réduite au nerf principal et à un court ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 203 tronçon des premières ramifications; le nerf se perd tout de suite dans l’épithélium. Le Concholepas présente une disposilion un peu spéciale. Le nerf principal se divise, dès son entrée dans le feuillet, en plusieurs branches dont deux, plus volumineuses et plus lon- gues, arrivent jusqu'à la pointe; ces deux gros troncs envoient des troncs de chaque côté, mais principalement vers le bord externe, comme à l’ordinaire. Chez la Fasciolaire (fig. 29), au lieu d’un tronc principal unique, on trouve deux troncs parallèles, qui comprennent chacun deux faisceaux volumineux se croisant plusieurs fois. Cette disposition rappelle incontestablement celle qui existe dans le Dolium, et, comme dans cet animal, les filets issus du nerf inférieur, plus volumineux, embrassent le trone interne, et vont se perdre bien au delà. Mais il existe aussi des dif- férences importantes. Dans le cas présent, quelques branches établissent des anastomoses entre les deux troncs; les rami- fications des deux systèmes sont irrégulières et ne se reJoi- gnent pas. Ajoutons qu'ici les trabécules musculaires trans- versales sont alignées avec une très grande régularité le long du bord inférieur, à côté du nerf principal. Le sang doit cir- culer dans cet espace avec une grande facilité. ‘ Un caractère tout aussi général, et au moins aussi impor- tant, est tiré de l'absence de ramification des sinus sanquins. Ce fait est évidemment en connexion avec l’irrégularité des ramifications nerveuses. Si l’on injecte une fausse branchie de Buccin, de Pourpre ou de Murer, on voit la masse passer indifféremment le long de l’un ou l’autre bord, et pénétrer avec difficulté dans l’intérieur du feuillet. Le même aspect s’observe si l’on examine des préparations colorées faites sur des animaux conservés dans l'alcool; comme le sang coagulé se teinte très fortement par le bleu de méthylène, il est facile d'observer qu'il est abondant, principalement dans les espaces libres qui longent chacun des deux bords. Dans la Volute, 11 y a un commencement d’endiguement : les cellules conjonclives sont abondantes, surtout vers le centre, et éta- 204 FÉLEX BERNARD. blissent, le long du bord externe, une sorte de paroi obli- geant le liquide sanguin à faire tout le tour du feuillet. $S 7. — Organe de Spengel des Cypræidés. J'ai réservé avec intention l'étude des Cypræidés, jusqu’au moment où nous connaissons l'organe de Spengel des Rachi- glosses. La distribution du nerf, dans le feuillet de la Cyprée, rappelle en effet, d’une manière frappante, ce que nous avons trouvé dans les Volutes : le nerf principal est irrégulier, volu- mineux, et donne de courtes branches qui sortent rapidement au dehors, el se ramifient irrégulièrement. Le sinus est mal endigué et sans cul-de-sac. Les deux formes que j'ai examinées (C. Arabica et C. Errones) présentaient ce caractère, tout à fait exceptionnel pour un Ténioglosse. Mais on se souviendra que ce singulier animal présente, d'autre part, plusieurs parti- cularilés réservées généralement à des formes bien inférieures, par exemple, les cordons pédieux scalariformes caractéris- tiques des Rhipidoglosses et des Paludines (Bouvier, p. 217). D'autre part, le rein, d’après M. R. Perrier, présente des traits importants rappelant les Rachiglosses. L'ensemble de l’organisation, pour M. Bouvier, rapproche les Cyprées des Natices (61, p. 226). M. R. Perrier trouve aussi, entre les deux groupes, quelques affinités. Il serait illusoire de compter sur lorgane de Spengel pour définir la position d'une fa- mille aussi aberrante: je me proposerai simplement ici d'expliquer la forme singulière de la fausse branchie, déjà signalée et dessinée exactement par Poli et Delle Chiaje, par Quoy et Gaimard, el un grand nombre d'auteurs plus récents. Cet organe est silué au centre d'un large espace semi- circulaire, compris entre le corps et la branchie qui s'in- curve fortement, et vers son milieu s'éloigne à une assez grande distance de la ligne d'attache du manteau. Il résulte de ce fait que l'organe de Spengel peut prendre un dévelop- pement tout à fait remarquable; la masse nerveuse centrale, sur laquelle sont disposés de part et d’autre les feuillets, est constituée par trois branches parlant d'un même point : les ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 205 feuillets sont plus longs dans la région centrale, et vont en décroissant aux extrémités des branches de support, si bien que la figure de l’organe considéré dans son ensemble est celle d'un triangle équilatéral. Il est important de remarquer qu'une des branches de l'étoile formée par le support est sensiblement normale à la ligne de suture du manteau. Cette disposition, d'après M. Bouvier (p. 227), est déjà annoncée, dans les Naticidés, par une courbure {rès sensible que nous avons déjà signalée à la partie antérieure de l’or- gane; j’ajouterai qu'il est un genre où la-tendance à la forme triangulaire est encore bien plus accusée : c’est la petite Trivia commune sur nos côtes. Dans cet animal, l'organe de Spengel se compose simplement de deux moitiés, l’une anté- rieure, l’autre postérieure, coudées brusquement à angle droit, et suivant, dans leur direction générale, le bord soudé du manteau, comme cela a toujours lieu chez les Monolo- cardes. Cet angle est par suite orienté de telle sorte qu'il est tout naturel de supposer que la troisième branche, observée chez la Cyprée, est simplement surajoutée à son sommet. L'anomalie des Cypræidés se ramène ainsi facile- ment au cas général. $ 8. — Organe de Spengel des Toxiglosses. J’ai examiné des Conus mediterraneus provenant de Naples et des Conus indéterminés de la collection du Muséum. La structure de la fausse branchie, loujours constante, rappelle très exactement celle des Ténioglosses Siphonoslomes (fig. 31). Il existe dans chaque feuillet un nerf principal assez grêle, mais très net, donnant de longues branches, nom- breuses et rapprochées, séparées par des culs-de-sac san- guins également al'ongés. Ce résultat est bien différent de celui que je m'attendais à trouver, étant donné que l’ensemble de l'organisation des Conidés rapproche ces animaux, non pas des Ténioglosses, mais des Rachiglosses, comme l’a démontré M. Bouvier. Au point de vue du système nerveux, les Terebra font la transi- 206 FÉLIX BERNARD. tion des Cones aux Pleurotomes, et par ceux-ci aux Pur- pura; la glande à venin a une homologue chez les Rachiglos- ses, en outre des glandes salivaires ordinaires (64, p. 329). Le système nerveux est zygoneure, les colliers nerveux sont traversés par les glandes salivaires ; 11 y a un pénis, un siphon, un seul otolithe : tous ces caractères, constants chez les Rachiglosses et les Toxiglosses, ont amené M. Bouvier à réunir ces deux groupes dans une section commune, pour laquelle il a créé le nom de Srénoglosses (p. 471). L'absence de dent centrale à la radula des Cones et des Terebra ne peut évidemment pas contre-balancer une aussi profonde analogie dans les caractères anatomiques essenliels. M. R. Perrier admet ces conclusions, el trouve que le rein des Toxiglosses est intermédiaire entre celui des Ténioglosses et celui des Rachiglosses. Mais l’étude de l'organe de Spengel, qui jusqu'ici avait révélé des variations en parfaite concordance avec les diffé- rences capitales des autres organes, nous amène, pour la première fois, à des résultats discordants. Je ne crois pas qu'il faille, pour cette exceplion, infirmer les résultats mor- phologiques que j'ai énoncés plus haut, el encore moins mettre en doute les affinités auxquelles une étude approfondie et minulieuse de l’ensemble de l’organisation a conduit M. Bouvier, relativement à ce pelit groupe si singulier des Toxiglosses. $ 9. — Résumé. Il est facile de résumer en quelques ligne Ia différencia- tion progressive de l'organe de Spengel des Monotocardes. Cette différenciation suit une marche tout à fait régulière et continue, et l'organe présente une structure constante dans toute l'étendue de chacun des groupes naturels. S'il offre des caractères anormaux, on peut être certain que l'animal dont il s’agit est fortement aberrant par des {rails impor- tants de son organisation (Exemple : Valvée, Patellidés, Cy- prée, et comme nous le verrons bientôt, Paludine). ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 207 Dans la Va/vée, existe un ganglion sensoriel très net indé- pendant du nerf branchial: celui-ci est aussi sensoriel tout le long du support branchial. Ainsi se trouvent réalisées à la fois Les dispositions caractéristiques des Diotocardes et des Monotocardes. L’organe de Spengel le plus simple est celui des Lairlori- nidés (1); c’est un nerf au centre d’un bourrelet conjonctif. Dans les Cyclostornidés apparaissent des cellules ganglion- naires. Le Vermel possède de chaque côté du bourrelet une bande où l'épithélium est nettement diflérencié, et riche en cellules multipolaires et neuro-épithéliales. Les faisceaux nerveux allant à cette bande sont déjà bien plus volumineux que dans les cas précédents. Cette disposition persiste chez le Cerithium vulgatum; mais de plus, on voit apparaître de petits feuillets où des nerfs importants se répartissent sur chaque face dans l’épithélium. Les Cérithidés el les Strom- bidés ont un organe de Spengel très long, s'étendant d’un bout à l’autre de la branchie et pénétrant en avant dans le siphon; on y trouve toujours de petits feuillets irréguliers plus ou moins développés. Les organes de Spengel du Pte- rocera, du T'erebellum, du Strombus bubonius présentent des dispositions intéressantes destinées à augmenter la longueur du cordon nerveux. Les Naticidés (Semi-Proboscidifères Holostomes) établis- sent une transition très nelle entre les Rostrifères (Holosto- mes, et les Proboscidifères Siphonostomes (Cassididés, Do- liidés, Tritonidés). Dans les Vafices, les feuillets sont peu développés, le nerf faiblement ramifié ; chez les Lamellaires apparaissent trois branches importantes séparées par des sinus sanguins nette- ment limités. La disposition que nous avons signalée chez la Cassidaire se reproduit dans ses traits essentiels chez tous (4) Il est bien entendu que, pour abréger, dans tout ce qui suit, je prends seulement les noms des familles principales ; celles qui s’y rattachent sont citées dans le corps du chapitre. 208 FÉLIX BERNARD. les Proboscidifères Siphonostomes : le nerf est abondamment et régulièrement ramifié, et il existe des sinus à larges culs- de-sac. Les zones nerveuses et indifférentes de l'épithélium sont nettement délimitées. La figure présentée par l’ensemble de toutes ces parties est caractéristique de chaque genre. Les Toxiglosses, que l'ensemble de leur organisation rapproche des Rachiglosses, dépendent incontestablement des Ténioglosses sous le rapport de j’organe de Spengel. Au contraire la Cyprée, nettement Ténioglosse, mais aberrante, ressemble aux Rachiglosses à ce même point de vue. Le nerf des feuillets, chez les Rach'glosses, est irrégulière- ment ramifié, et ses divisions pénètrent parfois immédiate- ment dans l'épithélium; il n'existe pas de sinus, et on ne peut trouver de distinction entre les régions sanguines ou nerveuses: les cellules neuro-épithéliales sont irréguliè- rement distribuées sur loute la surface. Néanmoins la figure présentée par le nerf et ses premières ramifications définit assez bien les groupes nalurels. La complication graduelle de l’organe de Spengel corres- pond d’une manière frappante à la différenciation d'organes importants, tels que le rein, le siphon el la trompe. Elle est parallèle aussi à la concentration progressive du système nerveux. Ainsi se trouvent confirmées les vues de Spengel et de Bouvier, au détriment de celles de Jhering. L'organe de Spengel ne peut être considéré comme un organe qui va en se réduisant dans les animaux les plus élevés ; au con- traire, c’est d’abord une région sensorielle mal différenciée, mal définie, qui brusquement, quand on passe des Dioto- cardes au Monotocardes, acquiert une existence indépen- dante: il se complique peu à peu, tout en gardant des caractères histologiques invariables qui démontrent la cons- tance de son rôle sensoriel: il atteint son maximum de différenciation, sinon chez les Rachiglosses qu’on peul consi- dérer comme les Prosobranches les plus élevés, du moins chez les Ténioglosses Siphonostomes, déjà fort différenciés qui ne sont en arrière sur les précédents qu’au point de ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 209 vue de la concentralion des ganglions nerveux et de la com- plicalion de l’appareil rénal. CHAPITRE IV PROSOBRANCHES DÉPOURVUS D'ORGANE DE SPENGEL. Je n'ai retrouvé que deux familles de Prosobranches où l'organe de Spengel fasse défaut : ce sont les Æé/icinidés et les Cyclophoridés. À propos de celte dernière famille, j'ai fait une constatation intéressante. J'avais examiné deux échantil- lons de la collection du Muséum, déterminés Cyclostoma prominmulum et Cyclostoma gibbum, provenant de l’Indo- Chine : je voulais savoir si dans ces types exotiques l'organe de Spengel élait constitué comme chez notre Cyclostoma elegans. Or je n'ai pas trouvé lrace de cet organe: le man- teau ne présente pas la moindre saillie du côté droit. J’ai alors disséqué le système nerveux et j'ai constaté qu'il est absolument identique à celui du Cyclophorus tigrinus, tel que l’a décrit M. Bouvier. Ces prétendus Cyelostomes sont done bien des Cyclophores. J'ai fait des coupes dans la région en question, dans les {rois espèces précitées. J'ai vu que le ganglion sus-inteslinal est profondément situé et n’envoie pas de filet à l’épithélium. Il est à remarquer que les deux seuls groupes qui soient dépourvus d’organe de Spengel sont précisément des types terrestres. Ce fait doit êlre rapproché de celui qui a été éla- bli définitivement par Sarasin (50), à savoir que les Pulmonés terrestres en sont aussi Lous dépourvus. Cependant dans les Prosobranches, le Cyclostome, qui est terrestre, est encore muni d’un organe de Spengel en tout semblable à celui de la Littorine. Mais toute l’organisation du Cyclostome montre indisculablement que cel animal n’est qu'une Lillorine à peine modifiée pour la vie aérienne; la branchie même n’a pas complètement disparu. Il n’est donc pas étonnant que l'organe de Spengel ail persisté. ANN. SG. NAT. ZOOL. IX, 44. — ART. N° 3. 210 FÉLIX BERNARD. En lous cas, si cet organe était destiné uniquement à l'olfaction au sens où l’on entend ce mot dans les animaux supérieurs, nous le verrions se développer, se compliquer même, dans les animaux terrestres. Or il n’en est rien. Nous tirerons plus tard (V° partie, chapitre 1) des conclusions de ce fait important. CHAPITRE V ORGANE DE SPENGEL DES PATELLIDÉS. J'ai réservé pour un chapitre spécial l'étude de l'organe de Spengel des Patellidés, non seulement parce que cet organe présente des particularités qu’on ne rencontre dans aucun des types éludiés jusqu'ici, mais surtout parce qu'il est impossible, dans l’état actuel de nos connaissances, de rapporter avec certitude cette famille singulière à l’un ou l’autre des groupes primordiaux des Prosobranches. Aucun groupe n’a été plus ballotté dans toute la série des Mollus- ques. Après avoir figuré avec les Chitons parmi les Cyclo- branches dans la classification de Cuvier, les Patellidés ont été mis à part en 1843 par H. Mizxe-Epwanps, qui fait des Chitons un groupe satellite des Prosobranches. TroscneL (71) crée pour eux le groupe des Docoglosses. Sous l’un ou l’autre de ces deux noms, les Patellidés continuent, pour Gray (13), Bronx et KEFERSTEIN (19), DALL (25), etc., à constiluer un sous-ordre distinct. JHEriNG les range parmiles Chiastoneures Anisobranches avec les Rhipidoglosses marins et certains Té- nioglosses. SPENGEL y voit des formes de passage entre les Zygobranches (Scutibranches à deux branchies) et les Azygo- branches, qui renferment tous les autres Prosobranches. Claus revient aux anciennes classifications et fait pour les Patellidés sous le nom de Cyclobranches un ordre d’égale importance à celui des Aspidobranches (Diotocardes) et des Clénobranches (Monotocardes). M. Fiscxer (78) le rapproche des Rhipidoglosses el sous le nom de Docoglosses en fait une ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCIHES. 211 des deux grandes subdivisions des Sculibranches (Dioto- cardes). M. Bouvier (p. 24) approuve complètement celte manière de voir, il montre que les Tectures, Lepeta, ete., doivent rentrer dans les Patellidés et que le groupe ainsi constitué présente les rapports les plus étroits avec les Rhipidoglosses. La tendance qui semble dominer, on le voit, est celle qui rapproche les Patellidés des Diolocardes; la disposition du système nerveux semble concluante à cet égard. Mais des travaux tout récents viennent remettre en doule toute la question en montrant des affinités nouvelles avec les Mono- tocardes. En 1887, M. Weamanx (65) montre que le cœur de la Pa- telle n’est pas traversé par le rectum, et qu’il a seulement une oreillette. Ce qu'on prenait pour une seconde oreillette n'est autre chose qu'une sorte de bulbe artériel disposé sur le trajet de l'aorte. Cette découverte est confirmée par M. Rémy Perrier. Au point de vue des organes rénaux, cet animal est aussi singulièrement aberrant. Il possède deux reins, comme l'ont démontré R. Lankester et Cunninghammais:; le rein gauche n'a rien de commun avec le canal papillaire des Scutibranches; il suffirait, d’après M. Rémy Perrier, de supprimer une mince cloison séparant les deux organes pour que ce rein gauche, le moins développé des deux, devint tout à fait semblable à la bande glandulaire décrite par lui sous le nom de glande hémalique, qui longe le péricarde des Monotocardes, qu'on avait considérée jusqu'ici comme un simple lobe droit. M. Rémy Perrier considère les Docoglosses comme dis- tincts à la fois des Monotocardes et des Diotocardes : il crée pour eux le sous-ordre des Hétérocardes. $ 1. — Historique. L'organe de Spengel de la Patelle a été découvert en 1862 par P. Berr (/8), qui le signale dans une courte nole con- sacrée à l'anatomie du système nerveux. Je crois utile de 212 FÉLIX BERNARD. ciler in extenso cel intéressant passage, de même que j'ai cité les phrases de M. de Lacaze-Duthiers relatives à l’or- gane de Spengel du Vermet. On sera frappé de voir presque à la même époque les deux savants zoologistes émettre des idées analogues, encore hypothéliques, il est vrai, mais que les recherches récentes ont complètement justifiées. « On aperçoit, dit P. Bert, situés l’un en face de l’autre à droite de l'anus deux petits mamelons de 1 millimètre en- viron de diamètre, sur lesquels la peau s’amincit en formant quelques plis peu marqués. J’appelle l'attention sur ces deux petits organes que leurs insignifiantes dimensions avaient fait jusqu'ici négliger. » — P. Bert signale ensuite l'existence, dans ces organes, d’un ganglion; il en démontre l'homologie avec le ganglion branchial décrit par M. de Lacaze-Duthiers chez l'Halotide. « Peut-être ne serait-il pas trop hardi de considérer comme des branchies avortées, mais restées en vestige à leur place normale, ces pelits organes sur lesquels j'insistais tout à l'heure. Cette hy- pothèse serait confirmée par lobservalion des Patelloïdes et des Fissurelles, qui, semblables aux Patelles par le reste de leur organisalion, présentent cependant au fond de lex- cavalion sus-céphalique une ou deux branchies de forme ordinaire. Les lamelles circulaires auxquelles est confiée chez la Patelle la fonclion de la respiration ne seraient donc, au point de vue anatomique, qu'un dédoublement du manteau, dédoublement dont on trouve déjà un indice dans le Parmophore et les Patelloïdes. Grâce à cette inter- prétalion, l'appareil respiratoire de la Patelle, qui présente une anomalie si étrange et presque unique parmi les Mol- lusques, renlrerait dans le plan commun; et le système ner- veux, ici comme en tant d’autres circonstances, retrouverait l'empreinte du type, au milieu des plus profondes modi- ficalions physiologiques. «Quant aux fonctions de ces pelits organes auxquelles je ne crains pas d’altribuer une sérieuse importance anato- mique, j'avoue que, voyant ce gros ganglion nerveux en con- ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 213 {actavec la peau amincie, je ne puis m'empêcher depenser à un appareil de sensalion, peul-être à l’organe o//actif, tant pro- mené par les anatomistes. Mais là où l'observation directe fait défaut, où l’expérimentalion est impossible, il serait puéril de s'arrêter longtemps à une simple induction. » Deux observateurs ont décrit dans la saillie palléale de la Patelle une ouverture extérieure : Ray LANKEsTER l’ap- pelle orifice capito-pédieux et dit qu'il s'ouvre dans les sinus sanguins qui entourent le sac pharyngien (p. 334). Ailleurs il revient sur cette opinion et la considère comme un pore génilal. En dernier lieu il reconnaît enfin que c’est un organe clos. Après lui JHERING à cru voir aussi la saillie percée d'un pertuis, orifice nuqgual (36, p. 605), mais il ne peut pas trou- ver son ouverture interne; il croit cependant que cet orifice met en communication les espaces sanguins avec l'extérieur. Jhering n’a d’ailleurs pas aperçu le ganglion, décrit quinze ans auparavant par P. Bert. SPENGEL, après avoir exposé sommairement la topographie du système nerveux de la Patelle, décrit à côté de chacun des ganglions une petite papille traversée par un réseau de canaux relativement vastes, qu'il considère comme une bran- chie rudimentaire. « Cela est prouvé, dit Spengel, par les re- lations avec l'appareil circulatoire aussi bien que par la comparaison avec les organes voisins ; les organes en ques- tion ne sont ni des ouverlures génilales ni des ouvertures vasculaires (43, p. 345).» CUNNINGHAM (47) a fait des coupes dans les papilles de la Patelle pour prouver la valeur des figures données par Spengel sur leur structure, il les décrit en quelques lignes. « I n’y a pas de doute qu’une parlie de ces papilles ne soit un organe sensoriel homologue à celui qui reste sur le support bran- chial de l'Haliotide. De la commissure viscérale, un nerf peut être suivi montant à chaque papille, ainsi que Spengel le décrit, et, sur des coupes, un ganglion nerveux se voit sur l’épithélium, comme dans sa figure. À côté de ce ganglion 214 FÉLIX BERNARD. on voit une structure cellulaire surmontée par du tissu con- jonctif (??) et divisé par des tubercules en compartiments de grandeur variable. Ceci peut être Le rudiment branchial, mais 1} est au-dessous de l’épithélium et n’est pas une for- malion spéciale de lui » (p. 369). M. Wecmanx se borne à dire que « la place des vraies branchies est marquée par deux taches rougeâtres de chaque côté de la tête au fond de la cavité palléale. Spengel a attribué à ces pelits organes des fonctions olfactives, tandis que d’autres zoologistes les prennent tout simplement pour des branchies rudimentaires, ce qui me paraît plus rationnel. » M. Bouvier étudie avec un soin minutieux l’innervation de l'organe en lilige : « Du ganglion partent trois ou quatre filets nerveux dont les uns paraissent se rendre aux parois musculaires du corps, les autres vers le gros vaisseau qui se rend des lamelles respiratoires antérieures au cœur : une branche se dirige vers l'oreillette. » Pour Bouvier la saillie palléale ne peut être qu’une fausse branchie {ou organe olfactif) et non une branchie rudimen- taire : celle-ci ne peut pas exister dans la Patelle, « puisque -les Tecturidés pourvus d’une vraie branchie ont une fausse branchie absolument semblable à celle des Patelles. » Cette asserlion me semble au moins prématurée; elle demanderait à être appuyée sur une étude histologique de la Tecture. Rien ne prouve en effet que le bourrelet soil constilué exac- tement de même dans les deux types. Le réseau sanguin de la Patelle existe-t-il chez les Tecturidés? et quand bien même il existerail, ne pourrait-on pas y voir la seconde paire de branchies, à l’état rudimentaire, qui a tant préoccupé M. Wegmann et M. Boutan? La question, on le voit, ne peut pas être résolue à priori. Je ne pouvais done pas me dispenser de reprendre cette étude, et, pour obtenir divers degrés de différenciation des organes palléaux, j'ai examiné la Patelle, la Lottia et deux Tectures. r. ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 215 $ 2. — Patella vulgata. La ressemblance de la figure 59 relative aux organes rudi- mentaires de la Patelle avec celle donnée par Spengel ne manquera pas de frapper au premier coup d'œil : on obser- vera qu'il y à là bien neltement deux organes distincts et que jusqu'ici nous n'avons jamais rencontré un organe de Spengel pourvu de semblables cavités. Il existe en réalité côte à côte un ganglion nerveux et un mamelon creusé de nombreuses lacunes. Le ganglion est volumineux et muni d’un très grand nombre de petites cellules multipolaires. La substance fibril- laire est très développée aux dépens de la substance ponc- tuée de Leydig. Les filets envoyés à l’épithélium sont nets, principalement vers l’angle contigu à la région lacunaire. Is sont peu développés, mais leur existence est incontestable, ainsi que celle des cellules de Flemming qu'on rencontre un peu partout sur l'étendue du ganglion. En somme, comme organe sensoriel le ganglion de Spengel de la Patelle est peu différencié, et si grèles que soientles filets qui se distribuent de là aux organes voisins, leur importance me semble encore l'emporter sur celle des filets épithéliaux. P. Bert avait toutefois fait observer que la peau est amincie au devant de ce ganglion, et c'était pour lui un argument à l'appui de l'hypothèse que Spengel a admise depuis. Cette réduction de la couche musculaire cutanée est frappante (fig. 59). Les filets qui la traversent sont raccourcis en conséquence ; comme d'habitude, c'est grâce à l'interruption du tissu con- jonctif compact que l’on peut facilement découvrir sur les fibres le passage des faisceaux nerveux. La partie la plus volumineuse de la saillie est constituée par ce que Spengel considère comme éranchie rudimentaire. Bouvier, s’élevant contre cette opinion, s’étonnait de voir des branchies, même rudimentaires, ainsi cachées sous la peau. Or il est curieux de voir la masse principale de la couche cutanée se réfléchir à angle droit en se tenant constamment 216 FÉLIX BERNARD. au contact du ganglion, de manière à laisser à l’extérieur dans une sorte de cuvelle l'organe dont nous nous occupons. Celui-ci n’est séparé de l'extérieur que par une très mince membrane de soulien supportant un épithélium peu élevé. L’objection de Bouvier, en admettant même qu’elle ait une importance que son auteur ne semble pas d’ailleurs s'être exagérée, élait levée par ce fait même. Voyons maintenant en quoi consiste cet organe encore si problémalique : c’est une simple lacune sanguine {raversée par des lamelles obliques par rapport à l'épithélium, et s’in- sérant sur chacune des deux couches musculaires qui li- milent la cavité en haul et en bas vers la partie la plus large de l'organe : les travées sont sensiblement parallèles ; elles se raccordent à une cloison se dirigeant en zigzag dans une direction oblique par rapport aux lamelles, el partageant l’ensemble de l'organe en deux moiliés obliquement symé- triques. Toutes ces travées sont consliluées par du tissu con- jonctif qui semble identique à celui qui renforce les mem- branes basilaires. De très nombreux globules sanguins s’ob- servent constamment dans ces lacunes; leur abondance m'a amené à examiner si l’on n'était pas ici en présence d’un or- gane destiné précisément à leur formation, d’un organe plastidogène où lymphatique. Vérification faite, je ne crois pas qu'il en soit ainsi. Nulle part je n'ai trouvé, adhérents aux parois des lacunes, des éléments quelconques suscep- tibles d’être transformés en globules du sang; la membrane conjonctive est dépourvue de tissu de revêtement. Je ne sais d’ailleurs comment expliquer pourquoi les globules sont plus abondants ici que dans les lacunes voisines, où on les ren- contre cependant assez fréquemment et avec les mêmes caractères. L’organe, dans son ensemble, a la forme d’une lentille; les premières et les dernières coupes montrent les chambres lacunaires diminuant de nombre graduellement, el les deux couches musculaires finissant par se rejoindre. J'ai figuré la région où l'organe atteint ses plus grandes dimensions. ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 217 Ce n’est pas tout à fait à ce niveau que se rencontrent les communications avec les sinus, dont les différents auteurs ont parlé sans d’ailleurs les définir avec précision. Il existe deux ouvertures circulaires très nettes à travers l’épaisse couche musculaire qui sépare l'organe rudimentaire de la grande lacune adjacente : toutes deux sont situées près de l’angle opposé au ganglion, mais à une assez grande distance l’une de l’autre, dans des régions où l'épaisseur de l’organe commence à s'atténuer fortement. Il reste peut-être encore d’autres ouvertures; mais je n'ai pas pu les découvrir. La communication de l’organe rudimentaire avec les sinus est en fout cas mise complètement hors de doute. En résumé, ?/ y a dans la Patelle, de chaque côté du corps, un ganglion qui envoie quelques filets à l'émthélium; 1 est sensoriel, quoique faiblement. À côté se trouve un mamelon creusé de canaux divisés de part et d'autre d'une cloison obli- que. Cesystème est compris entre l'épithélium et la masse prin- cipale des fibres musculaires cutanées. $3. — Tectures. Avant de décrire l'organe de Spengel des Tectures, je dois donner quelques indications sur la disposition des organes et compléter, dans une certaine mesure, nos connaissances anatomiques sur ces intéressants animaux. J'ai étudié deux espèces du Chili provenant de la collection du Muséum et différentes de celles qu'a examinées M. Bouvier. C’est d’abord la Tectura (Acmœæa) pileopsis, qui diffère des Patelles par la présence d’une branchie bipectinée, et la Tectura Fontainesi, qui possède à la fois une branchie bipectinée el des lamelles branchiales circumpalléales. Ces deux espèces ne diffèrent pas l’une de l’autre au point de vue de la lopographie des organes (fig. 66). La cavité palléale, comme chez la Patelle et la Fissurelle, règne sur la région dorsale de la tête et s’étend {rès peu en arrière. Elle est largement ouverle en avant; sur les côtés elle se trouve limitée par les deux gros muscles en fer à cheval. 218 FÉLIX BERNARD. Le plafond supporte, en allant de gauche à droite, la bran- chie, un conduit qui peut appartenir aux organes génitaux ou aux organes urinaires (je n'ai pas examiné la question), enfin le rectum. La masse recto-génitale traverse oblique- ment, de gauche à droite, la cavité palléale, et les deux ou- vertures se voient sur la droile, assez en avant. Les rapports de position ne sont donc aucunement différents de ceux qu’on observe chez lous les Prosobranches à une seule branchie. La branchie s’insère complètement sur le manteau, c'est- à-dire n’a aucun point commun avee le plancher de la cavité palléale, constituée par le tégument de la tête. Elle est très nettement bipectinée (Br, fig. 66); les lamelles, très courtes el peu nombreuses, sont fixées à un large support dont elles n’occupent pas toute l’élendue en largeur. Celui-ci se pro- longe à droite et à gauche par une cloison tout à fait analo- gue à celle qui existe chez les Trochidés et surtout les Néri- tidés. L'animal entier, d’ailleurs, ressemble beaucoup, aupremier abord, à une Navicelle, et ne semble différer de ce Proso- branche que par l'absence du tortillon qui existe encore à l’état rudimentaire dans ce dernier. La confusion n’est cependant pas possible, comme va nous le montrer l'étude anatomique de la Tecture. Sur le tégument de la région céphalique, non loin du fond de la cavité palléale, on aperçoit deux mamelons disposés symétriquement à droite el à gauche, et formés par un très léger repli transversal du tégument. Ces deux mamelons sont situés exactement comme les papilles de la Patelle. M. Bou- vier n'hésite pas à les considérer comme constituant la fausse branchie de la Tecture. Ils sont inégalement déve- loppés ; le plus gros est celui de gauche, et c'est précisément de ce côté que la branchie est conservée. Il est juste en face de la branchie, mais la distance parcourue par le nerf qui réunit ces deux organes est assez longue, puisque ce nerf (6) doit contourner à gauche la cavité palléale. Pour trouver le cœur, il faut fendre le péricarde qui se ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 219 voit en arrière et à gauche de la branchie, tout contre le muscle en fer à cheval. On aperçoit alors une masse muscu- laire étroite el allongée, formée d’épais faisceaux longitu- dinaux avec de nombreuses lrabécules traversant la ca- vité (c, fig. 66). Il est facile d’y distinguer deux parties, l’o- reillette à gauche et le ventricule à droite. Ces deux cavités présentent le même aspect au point de vue de la structure. En arrière elles se séparent de manière à former deux pointes fibreuses et grêles qui s'insèrent sur le musele circulaire. Après un examen attentif, on peut affirmer que ces pointes sont pleines et ne donnent passage à aucun vais- seau. En avant, au contraire, se voient les orifices des deux cavités ; l'oreillette est percée d’un orifice absolument net, assez long, à bord légèrement épaissi; l’orifice n’est pas tout à fait terminal, la cavité forme en effet à sa partie anté- rieure un cul-de-sac assez prononcé. La veine branchiale efférente et l'oreillette ne passent done pas insensiblement de l’une à l’autre comme cela a lieu dans bien des cas; on voit au contraire les parois de la veine s'insérer sur le pourtour de l’orifice sans se confondre avec les bords. La veine parcourt un trajet assez long dans une lacune avant d'arriver à la partie libre du support branchial Le ventricule est à peine plus volumineux que l'oreillette, il est situé à droite et un peu au-dessous : il est accolé au péricarde sur une assez grande longueur. L’aorte en part en avant, et en forme de prolongement. Elle se porte tout à fait inférieurement et vers la droite : ce fait se conçoit puisqu'elle doit contourner le fond de la cavité palléale pour pénétrer dans la tête. La communication entre l'oreillette et le ventricule se fait largement, par une grande ouverture. Ainsi le cœur de la Tecture est nettement monotocarde et n'est nullement traversé par le rectum. Cependant il est à peine besoin d’insister sur les différences qu'il présente avec le cœur d’un Monotocarde ordinaire; l’o- reillette est non pas en avant du ventricule, mais à côté; la 290 FÉLIX BERNARD. forme est tout à fait différente. Ainsi se trouvent pleinement confirmées les observations de M. Wegmann relativement au cœur de la Patelle. Avant élé, trop souvent à mon gré, obligé de critiquer les asserlions de cet auteur dans les cha- pitres précédents, Je suis heureux de me lrouver d'accord avec lui sur un point aussi important. Je passe maintenant au système nerveux. M. Bouvier, qui l’a éludié chez la Tectura testudinalis, dit simplement quil est identique à celui de la Patelle. J'ai disséqué ceux des 7. Pileopsis et T. Fontanesi. Je représente dans la figure 66 celui de cette dernière espèce. [l suffira, pour se convaincre de l'identité presque parfaite du système nerveux des Tecturesel des Patelles, de comparer celle figure avec la figure 60 du travail de M. Bou- vier, relative à la Patella vulgata. J'appellerai simplement l'attention sur la forme allongée et mal délimitée des gan- glions: sur la présence d'une commissure sous-intestinale accessoire présentant deux petits renflements ganglionnaires dans l'angle que forme, par sa courbure, chacun des gan- glions palléaux, el enfin sur la présence d’une longue et épaisse bandelelte ganglionnaire dans la partie postérieure de la commissure viscérale. Cette bandelelte est bien plus large que dans la Patelle. De chacune de ses deux extré- milés part un nerf assez fort qui va à la fausse branchie cor- respondante. L'’angle postérieur donne naissance à un nerf génital. En éludiant cette bandelelle au microscope après colora- tion, on trouve à chaque angle un amas cellulaire parfaite- ment distinct : 1} existe donc là en réalilé trois ganglions que l’on ne peut confondre. Bouvier les a vus également dans certains échantillons de Patelle ; il constate qu'ils sont assez variables et les qualifie de rudimentaires. Pour lui, ce sont {rois ganglions viscéraux ; celte interprétalion est une conséquence forcée de la déterminalion qu'il fait des parties nerveuses des organes de Spengel comme ganglion supra et sub-mteslinal. Je ne partage pas tout à fait cette opinion : ORGANES GÉNITAUX DES PROSOBRANCHES. 221 les deux ganglions en litige sont, à mon avis, précisément les ganglions supra el sub-intestinal, et l'organe de Spengel en est indépendant. Nous avons actuellement à rechercher l'organe de Spengel, et à voir quelle est la structure de cet organe : l’histologie nous donnera quelques-uns des rensel- gnements que nous attendons. L'examen par transparence ne nous montre pas de gan- glion, mais il nous fait voir quelques petits filets nerveux partant de là et allant dans la direction du manteau. Sur des coupes transversales, nous trouvons encore qu’il n’y a pas là à proprement parler de ganglion; le nerf est à peine épaissi sur son trajet, et, s’il présente bien quelques cellules nerveuses sur son pourtour, elles sont en assez pe- tit nombre. Ce nerf ne traverse pas le bourrelet saillant que nous avons signalé; 1l reste au-dessous, dans un pelil sinus. Le bourrelet lui-même est de nature eonjonctive, il est formé de cellules éloilées, absolument semblables à celles que Brock considère comme conjonctives proprement dites ; les dimensions de ces éléments soni assez variables (fig. 67). Les prolongemeuts sont ramiliés el anastomosés un très grand nombre de fois de manière à former un réliculum compli- qué. Un grand nombre d'entre eux se prolongent tres loin et appartiennent à de véritables fibres conjonclives. Je n’ai pas trouvé trace d'éléments musculaires : la cou- che musculaire cutanée, fort amincie en celte région, se trouve entre le bourrelet et le nerf, la plus grande portion des muscles est d’ailleurs située au-dessous du nerf lui- même et du sinus où il est compris. Outre les petits nerfs issus du nerf volumineux dont nous venons parler, qui se distribuent aux régions voisines, il exisle un assez grand nombre de filets qui traversent toute l'épaisseur du bourrelet conjonctif et arrivent jusqu'à lé- pithélium. Ces filets ne me paraissent pas disposés suivant une loi déterminée. Ils suivent une marche irrégulière et se bifurquent en s’anastomosant en quelques points; il se forme ainsi un réseau dans l'épaisseur du bourrelet. La 9299 FÉLIX BERNARD. portion la plus richement innervée est la portion anté- rieure, celle où le bourrelet fait saillie en limitant une pe- tite poche ou cul-de-sac située en avant de lui (à gauche, fig. 67). Comme le nerf branchial principal est lui-même un peu plus en arrière, la branche qu'il émet court pendant un certain temps sous le bourrelet avant d’v pénétrer, et chemin faisant, donne des rameaux qui se recourbent el traversent toute la masse conjonctive. Comment ces filets se terminent- ils? La question n’est pas aussi facile à résoudre que dans bien d’autres cas du même genre. L’épithélium paraît en effet formé presque exclusivement de cellules cubiques, et si j'ai réussi à trouver des éléments que j'aie pu rapporter avec quelque certitude au type ordinaire des cellules de Flem- ming, c’est grâce au fait suivant. J’ai observé qu'aux points où je cessais de pouvoir suivre les filets nerveux, je rencon- irais constamment des cellules volumineuses, que leurs nombreux prolongements permettaient de confondre au premier abord avec les cellules conjonctives environnantes. Mais ce sont bien des cellules ganglionnaires, comme le prouvent leur gros noyau, la struclure fibrillaire de leur corps protoplasmique, leur grande dimension, et surtout leur connexion avec les filets nerveux. Ces éléments sont loujours associés, et renfermés dans une sorle de capsule, formée par les fibrilles conjonclives environnantes. Ces pelits amas ganglionnaires se trouvent surtout vers l’extré- mité des nerfs, c'est-à-dire tout près de l’épithélium ; ils sont disséminés sur toute la surface du bourrelet, mais on n’en trouve pas plus vers le fond du ecul-de-sac que sur la saillie elle-même. L'interruption de la membrane de soutien de l’épithélium, sur le passage des filets nerveux, est difficile ment visible : on réussit parfois à la {trouver au-dessus des amas ganglionnaires, et c’est là qu'on aperçoit aussi les cellules neuro-épithéliales qui sont fort petites. En résumé, nous avons donc affaire ici à un organe de Spengel qui rentre facilement dans le type ordinaire. Ce qui rend l’aspect si différent de celui auquel nous sommes ha- ORGANES GÉNITAUX DES PROSOBRANCHES. 293 bitués, c’est la présence d’un très grand nombre d'éléments conjonclifs formant un bourrelel de tissu spongieux. C’est aussi le peu de hauteur de l’épithélium. J'ai examiné avec soin les environs de cette région pour voir s'il existait quelques dispositions rappelant l'organe cloisonné de la Patelle; mais partout l'épithélium est adja- cent à la couche musculaire, qui ne présente rien de spécial. Quant au repli conjontif, il est compact, ne présente pas trace de cavités sanguines : il ne saurait donc être comparé, au point de vue histologique, au mamelon lacunaire de la Patelle. Tout ce qui précède s'applique aussi bien au côté droit qu'au côté gauche. Partant de ce fait, que la branchie droite est avortée chez la Tecture, j'espérais trouver de ce côté quelque chose qui me permit d'interpréter facilement l’or- gane rudimentaire de la Patelle : mon attente a été trompée, el il n'existe rien de spécial de ce côté, sinon que le gros nerf branchial fait défaut. | Suivons maintenant plus loin le nerf volumineux qui dans son trajet vient de former l'organe de Spengel (né), il se porte vers la ligne de soudure du manteau et du corps, en avant de l'extrémité antérieure du muscle en fer à cheval, puis il passe dans le manteau, suit le rebord antérieur de la cloison qui prolonge à gauche le support branchial, et quand il pénètre dans ce dernier, il s’est divisé en deux faisceaux, un nerf terne et un nerf externe, comme chez l'Haliotis et les Trochidés. Allons-nous trouver par suite, développé le long du support branchial, une continuation de l'organe olfaclif, comme la présence d’un double nerf nous autorise à le penser? [ci encore la Tecture se montre à nous comme un {ype singulier et bien aberrant. Non seu- lement je n'ai pu réussir à trouver la moindre trace de filets neuro-épithéliaux le long du support branchial, mais de plus les deux nerfs contribuent simultanément à l'innerva- lion de chacun des filets branchiaux. Voici comment se fait cette innervation. Le support branchial, du côté efférent, est fortement 294 FÉLIX BERNARD. tranchant, et le sinus s'approche très près de l'extrémité ; le tissu conjonclif néanmoins est assez épais pour renfermer les deux nerfs vers la base de la branchie; deux faisceaux musculaires énormes se voient sur les parois du sinus à celte hauteur, au niveau de chaque paire de feuillets, on voit des filets se délacher simultanément à droite et à gauche de chacun des nerfs, ce qui fait en tout quatre filets qui se portent vers la partie interne de la branchie. Mais avant d’avoir atteint le gros faisceau musculaire, les deux nerfs de chaque côté se soudent en un faisceau unique qui contourne extérieurement le faisceau musculaire, et après un trajet relativement long, arrive au bord efférent du feuillet auquel il est destiné. Rien n’est plus facile que de suivre, sur huit ou dix coupes successives, le trajet de ces petits filets, que l’on rencontre d’une extrémité à l’autre de la branchie. Que deviennent-ils après avoir fait Le Lour d’un feuillet branchial? Nous les retrouvons au bord afférent, où ils viennent, après un parcours assez long dans la paroi conjonctive du sinus, aboutir à un gros nerf unique également enchâssé dans le issu compact et semé de loin en loin de cellules plasma- ‘tiques granuleuses. C'est ainsi que les choses se passent vers la partie posté- rieure de fa branchie; des changements importants s’ob- servent quand on examine des coupes voisines de la pointe. On voit tout d’abord le sinus efférent se creuser plus pro- fondément, de sorte que le nerf interne, le plus volumineux des deux, finit par se diviser en deux branches siluées l’une à droite, l’autre à gauche. En même lemps l’anastomose des deux racines d’un même côlé se fait à une distance de moins en moins grande du nerf interne, si bien qu'on voit à un cerlain niveau le nerf desliné au feuillet partir d’une simple commissure sinueuse réunissant les deux portions internes des nerfs, en passant vers l’intérieur le long du sinus. Un peu plus haut encore les deux nerfs (ou plutôt les trois nerfs, puisqu'il y a maintenant deux nerfs inlernes) se rap- prochent de plus en plus, et la commissure unit simplement ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 295 les deux faces en regard : le nerf du feuillet naît alors direc- tement du nerf interne. Enfin {out à fait à la pointe les trois nerfs viennent à se confondre et se réfléchissent le long du bord afférent en un nerf unique assez volumineux. Celte dis- position singulière est jusqu'à présent exclusivement dévolue à la Tecture. J'ai vérifié avec soin tout ce qui précède en ayant soin de ne pas confondre les deux bords afférent et efférent. (On se souvient que dans l’Haliotide c'était le bord afférent qui était muni de trois branches nerveuses longitu- dinales irrégulièrement anaslomosées.) En somme, selon toute probabilité, les deux tranchants du support branchial ne sont pas, ou tout au moins sont fai- blement sensoriels : la partie essentielle et probablement unique de l’organe de Spengel est donc bien, comme l'avait deviné Bouvier, le repli qui se trouve sur la nuque à une assez grande distance de la branchie. $ 4. — Lottia pellucida. Les Loltia où Patina sont de petits Patellidés dépourvus de branchies proprement dites, mais munis de lamelles pal- léales et de tentacules latéraux. Elles sont très voisines d’ail- leurs des Patelles, dont elles ne diffèrent guère à première vue que par la forme de la coquille. Le petit renflement cervical qui indique la place de l'organe de Spengel, est bien visible, même sur de pelits individus. Spengel a étudié Les Lottia, mais il constate simplement qu’elles sont dépourvues de ces lacunes cloisonnées qu'il considère comme représentant des branchies rudimentaires. J’ai à mon {our examiné sur des coupes l'organe de Spengel, qui est très différent de celui de la Patelle. Si nous suivons, d’un côté ou de l’autre, le gros nerf qui part de l'angle de la bandelette viscérale, nous le voyons aboutir à un ganglion volumineux (fig. 68) silué un peu en avant du mamelon que nous avons signalé. On trouve facile- ment ce ganglion au tiers postérieur de Ia cavité palléale, sur la masse viscérale, mais tout à fait dans le voisinage du ANN. SC: NAT. ZOUL. IX, 1). — ART. N° 3. 226 FÉLIX BERNARD. gros muscle en fer à cheval. De ce ganglion se délache un gros nerf qui continue d’abord le précédent dans sa direc- tion, jusqu'au moment où il atteint le muscle columellaire, et par suite la paroï latérale de la cavité palléale : il se ré- fléchit alors vers la face supérieure et, longeant le muscle, il pénètre dans le manteau où il présente à son entrée un ren- flement ganglionnaire ; il diminue ensuite rapidement de volume et se porte en avant et vers la ligne médiane, en restant loujours très voisin de la face ventrale du manteau. Ce nerf est absolument indépendant des gros nerfs qu'on trouve äe l’autre côté du muscle columellaire, dans la partie du manteau qu'on peut nommer la colerette et qui porte les lamelles branchiales et les tentacules latéraux : les nerfs en question sont issus directement des ganglions palléaux. Dans toute sa longueur ce nerf est sous-jacent à un gros sinus aboutissant à l'oreillette. Dans la Lotlia, comme dans tous les Patellidés étudiés jusqu'ici, Le cœur n’a qu'une oreil- lette, située à gauche du ventricule ; dans son ensemble il est lui-même à gauche de la masse viscérale, entre celle-ci et le muscle en fer à cheval. La veine palléale dont nous nous occupons ici occupe donc tout d’abord la portion gauche de la cavité palléale et se porte en avant en suivant bientôt le bord du manteau qu'elle contourne ainsi complètement ; elle revient en arrière vers la droite, à l'angle du musele columel- laire, et retrouve alors le nerf pailéal droit issu du ganglion de Spengel. Elle est adjacente au rein droit, et va se perdre très loin en arrière. L'innervation du plafond de la cavité palléale est donc symétrique, tandis que son irrigation est asymétrique. Occupons-nous maintenent de l’épithélium de l'organe de Spengel. On est frappé au premier abord du peu de hauteur de ce tissu immédialement au-dessus du ganglion. Tout au contraire si l’on examine la région située un peu en arrière de ce dernier, on trouve que le mamelon dont nous avons parlé est constilué par un amas de tissu conjonctif absolu- ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 9947 ment semblable à celui de la Tecture, quoique moins déve- loppé. Qu'on jette un coup d'œil sur la figure 69, et on se convaincra de ce fait. Tandis que sur le ganglion nous trou- vions un épithélium presque cylindrique, à noyaux coniques à peu près semblables, ici, nous observons un épithélium très aplati, qui contraste absolument avec celui qui tapisse la région nerveuse. Il n’est donc pas douteux que nous ne soyons ici en pré- sence d’un organe sensoriel {rès simple, mais parfaitement caractérisé et isolé. Il resterait à voir si la région sensorielle se prolonge sur les nerfs ganglionnaires que nous avons décrits. Le fait me semblerait probable & priori; je n'ai pu cependant le constater. L'épithélium y est à peine renflé et les cellules sont assez régulières : je n’ai pu trouver un seul élément que je puisse avec certitude qualifier de neuro-épi- thélial : si de tels éléments existent, il sont à coup sûr fort rares, et il me parait démontré que dans la Lottia, l'organe de Spengel est absolument localisé en arrière du ganglion. Dans tout ce qui précède il n’a été question, on le voit, de rien qui rappelle l’organe cloisonné de la Patelle. C’est au type de la Tecture que se rapporte l’organe de Spengel de la Lottia ; il en diffère principalement par la substitution d’un ganglion à un nerf presque dépourvu de cellules. $ 9. — Résumé et conclusions. Sur trois genres de Patellidés étudiés, nous sommes en présence de trois types d'organes de Spengel différents : 1° Patella. — Organe de Spengel formé d’un ganglion net, consistant en un nombre considérable de cellules ganglion- naires avec substance ponctuée abondante, — plusieurs filets neuro-épithéliaux très courts et assez gros, — épithé- lium élevé. — Tout à côté, la couche musculaire se reporte vers l’intérieur et laisse entre elle et la membrane de soutien un espace cloisonné, en communication par plusieurs ouver- tures avec le sinus sous-jacent; — les cavités contiennent beaucoup de globules sanguins. 228 FÉLIX BERNARD. 2 Tectura. — À gauche il y à une branchie innervée par un gros nerf qui se divise en deux sur le support branchial : ces deux nerfs participent à l’innervation des feuillets et ne semblent pas donner de nerfs à l’épithélium. Sur son trajet le nerf branchial se renfle sous forme de ganglion, au-dessous d'un bourrelet formé de tissu spongieux {cellules conjonctives étoilées et fibres). Filets neuro-épithéliaux grêles, ramifiés, un peu anastomosés, aboutissant à de petits amas de cellules ganglionnaires, mullipolaires, de grande dimension; et de là, aux cellules sensorielles. Épithélium très peu élevé, surtout au fond du repli. À droite, la même disposition se reproduit identiquement, sauf que le nerf correspondant à la branchie n'existe pas par suile de l’avorlement de celle-ci. Pas d’'or- gane lacunaire cloisonné. 3° Lottia. — Pas de branchie, pas d’organe cloisonné.Gan- glion {rès net, donnant, enlre autres nerfs, un filet ganglion- naire allant en avant du manteau. En arrière, bourrelet conjonctif bien limité, semblable à celui de la Tecture, mais moins développé. Conclusions. — Il y a chez les Patellidés un organe de Spengel, le fait n’est pas douteux. Îl est formé soit aux dé- pens d’un ganglion, soit aux dépens d’un nerf; dans tous les cas il est peu développé, rudimentaire. Il est à remarquer qu'il n’est pas situé sur le manteau, mais sur la nuque, assez loin du fond de la cavité palléale. Mais je n’atlache pas une importance capitale à ce fail, puisque les organes en question sont innervés comme d'ordinaire par le ganglion palléal. Chez la Tecture, du côté gauche, il est même situé sur le trajet du nerf branchial. Reste la question des branchies rudimentaires. Le plus grand argument qui ait été donné contre leur existence, c’est que les Branchies sont toujours des dépendances du man- teau et non de la tête. Telle est en particulier l'opinion de MM. Bouvier et R. Perrier. A cela l’on pourrait répondre que nous ne savons pas comment se développe la cavité palléale des Patellidés et qu'il serait fort possible qu’à un stade peu ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 299 avancé, les organes en question soient tout au fond de la cavilé palléale; ils occuperaient alors exactement la place des branchies de la Fissurelle ; d’ailleurs l’innervation des bourrelets en question par les ganglions palléaux, ne permel de les homologuer qu’à des organes palléaux. On peut faire enfin une objection beaucoup plus grave. L'étude de la Tecture nous montre la branchie existant à gauche bien loin du bourrelet, et placée tout à fait sur le manteau. Le bourrelet ne peut donc pas être l’homologue de la branchie, puisque celle-ci est présente. Donc dans la Lottia le bourrelel qui est semblable àcelui de la Tecture ne peut pas être non plus une branchie rudimentaire ; c'est une dépendance de l’organe de Spengel. Enfin, peut-il en êlre autrement pour la Patelle? Ici il y a doute. D'abord l'organe est cloisonné, au lieu d’être plein, et puis il est juxtaposé à l’organe de Spengel, il ne semble pas en faire parlie ; il n’est pas en effet traversé par des filets neuro-épithé- liaux. Si donc l’étude du développement prouve que dans la Patelle l'organe cloisonné a été à un moment donné au fond de la cavité palléale, rien ne s’opposera plus à ce que l’on le considère comme branchie rudimentaire ; 1l sera simple- ment resté en arrière, comme l'organe de Spengel des autres types de Patellidés. Par malheur, les recherches embryolo- giques de W. Patlen, siremarquables à divers égards, ne nous donnent aucun éclaircissement sur la question. Au point de vue {axonomique, les recherches précédentes confirment que le cœur est monotocarde, tandis que le sys- tème nerveux est celui d'un Diotocarde. Toutefois la dispo- sition singulière du cœur de la Tecture prouve qu'il serait facile de passer d’un cœur diotocarde à ce cœur carac- térisé par la présence d’une oreillette latérale au ventricule. L’organe de Spengel est aussi celui d’un Diotocarde réduit. Donc, si rien dans ce qui précède ne s'oppose à l’établisse- meht pour les Patellidés d’un type intermédiaire, celui des Hétérocardes, créé par M. R. Perrier, néanmoins, à mon opi- nion comme à celle de M. Bouvier, les affinités de ce nou- 2350 FÉLIX BERNARD. veau groupe avec celui des Diotocardes sont bien plus grandes que celles qu'on peut leur trouver avec le groupe des Monotocardes. CHAPITRE VI ORGANE DE LACAZE-DUTHIERS DES PULMONÉS. $S 1. — Historique. C'est en 1872 que M. pe Lacaze-Duruiers (28) décou- vrit chez les Pulmonés d’eau douce un petit ganglion situé à l'extrémité du nerf palléal postérieur, « dans le voisinage, en arrière et au-dessus de l’orifice de Ia respiration à la hauteur de l'angle que forme le pavillon en s’unissant au manteau » (p. 483). Ce ganglion avait élé pris par plusieurs auteurs pour un centre respiratoire ; mais M. de Lacaze- Duthiers y découvrit une invagination en eul-de-sac de la peau du manteau, el conclut à la présence d’un organe pro- bablement à la fois sécréteur et sensoriel; cet organe est certainement destiné « à l'appréciation de quelques qualités spéciales du monde ambiant et ces qualités sont probable- ment en rapport avec la respiration » (p. 495). Chez les Pul- monés cenestres (Planorbes, Physes), l’invagination est sim- ple; chez les dextres (Limnées), « elle se bifurque et au heu d’un seul cæcum en présente deux ; en outre, la masse des lissus ganglionnaires nerveux remontant jusqu'au col du conduit allant à l’orifice externe, environne de toute part la partie épithéliale, dont les deux extrémités, en forme de calottes arrondies, dépassent seules et font saillie à l’exté- rieur du corps ganglionnaire » (p. 489). Au point de vue his- tologique, M. de Lacaze-Duthiers décrit « des corpuscules ganglionnaires renfermant un volumineux noyau très fine- ment granuleux, ayant un nucléole brillant le plus souvent fort distinct; on en trouve d'unipolaires, peut-être bipo- laires, mais ordinairement on ne voit qu'un prolongement ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 231 qui semble peu limité et dépend du protoplasma entourant le novau » (p. 486-87). Quant à l'épithélium, il est formé de cellules « régulières el posées les unes à côté des autres » (p. 85), c'est-à-dire sur un seul rang, « qui ont acquis un allongement tel qu’elles arrivent et se rencontrent au milieu pour ainsi dire du canal. Ces cellules d’épithélium se termi- nent par une partie toujours fort éloignée du noyau et sont difficiles, avec les meilleurs objectifs, à bien délimiter, tant leur contour est délicat. Les noyaux sont allongés et placés à l'extrémité adhérente » (p. 486). M. de Lacaze-Duthiers admet que cet organe présente toutes les conditions nécessaires à la sensibilité spéciale : ja sécrétion est une de ces conditions (p. 492). Mais, dit le savant professeur, « les hypothèses ne sont jamais difficiles à faire ; il serait aisé d’en imaginer bien d’autres, de les varier de toute façon. Mais une expérience, une seule précise, serait bien préférable » (p. 495). Malheureusement jusqu'ici personne n'a pu imaginer un procédé expérimental pour résoudre cette question, ni d’ail- leurs bien d’autres du même genre. L'organe de Lacaze-Du- thiers, profondément situé, ne peut êlre enlevé comme un simple tentacule, sans lésion grave; el de plus les animaux qui en sont pourvus manifestent leurs sensations d’une ma- nière trop confuse pour quil soit facile de les analyser. Nous sommes cependant ici dans un cas où, comme le dit M. de Lacaze-Duthiers lui-même, « on reconnait d’après la structure et la disposition anatomique quelle est la fonc- tion » (p. 491). En poussant aussi loin que possible l'analyse histologique, on peut reconnaître que l'organe dont il s’agit est, à n’en pas douter, un organe sensoriel; il va sans dire que cette élude ne nous renseignera sur la nature des sen- sations perçues que d’une manière vague. Dans ces limites on peut faire avancer un peu la question; c’est ce que J'ai tenté de faire dans le présent chapitre. Au point de vue morphologique, M. de Lacaze-Duthiers admet l’homologie de l’organe qu'il a découvert, avec ce 2392 FÉLIX BERNARD. que nous appelons maintenant organe de Spengel chez les Pectinibranches ; mais il renvoie les preuves de cette asser- tion à un ouvrage ultérieur, qui n'a pas encore été publié (p. 492). Si je suis bien informé, M. de Lacaze-Duthiers est encore partisan de cette manière de voir. Je la crois aussi tout à fait exacte. SIMROTH à cherché à résoudre les diverses questions d’his- tologie laissées obscures par le savant professeur français. Dans un important travail publié en 1876, et où sont exami- nés les divers organes des sens des Mollusques d'Allemagne, l'organe de Lacaze-Duthiers figure parmi les Niedrigen Sinne- sorgäne (34). L'auteur décrit avec détail les énormes cellules nerveuses uni, bi et tripolaires qui le composent, et dont la laille diminue quand ou s'approche de l'ouverture du canal (p. 308). Il a bien observé que les fines ramifications de ces cellules forment un réseau tout autour de la culicule, et que les prolongements les plus importants envoient directement leurs branches dans l'épithélium. La description de l’épithélium est beaucoup moins salisfaisante, et Simroth nous en dit lui-même les rai- ‘sons. Il est extraordinairement difficile d’éludier isolément les cellules, car le diamètre minime du canal, égal à peu près à celui d’un petit aiguillon d’insecte, et la solidité de la mem- brane tégumentaire permettent à peine de faire des dilacéra- tions passables. J'ai moi-même renoncé de bonne heure aux procédés de dissocialion qui m'avaient donné ailleurs de bons résultals ; je me suis référé aux coupes qui ont, au contraire, facilement réussi. J’ajouterai une seule remarque. Simroth fait aboulir les filets nerveux d’une part, par paquels, à des cellules courtes à pigment jaune, et d'autre part, à des cel- lules allongées, cylindriques, à noyau tout à fait proximal, unies par un filet grêle à une cellule, que Simroth figure unipolaire. Ce dernier cas n'a pu être observé par lui qu'une seule fois, mais avec une grande netteté, dit Simroth. Comment des connexions pourraient-elles s'établir entre le reste du système nerveux et cette cellule ganglionnaire, ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 933 dont l'unique prolongement est déjà en relation avec une cellule épithéliale? Quelques doutes restent encore dans l’es- prit du savant allemand, au sujet de l'ensemble de cet épi- thélium ; cependant, il fait observer que le fait bien excep- tionnel d'une invaginalion du tégument allant au devant d'un ganglion, peut bien, selon toute vraisemblance, être en rapport avec un mode tout spécial de terminaison des nerfs dans l’épithélium. Simroth laisse de côté la question de la sécrélion. Dans son mémoire sur le développement des Pulmonés (1879), Hermann FoL (0) s'occupe du développement de l'or- gane de Lacaze-Duthiers, et dit qu’on voit facilement, chez des larves un peu âgées, une petile fossette située à côté de l’orifice rénal, à droite ou à gauche suivant les cas. « Ses dimensions très notables, comparées à celles des autres par- ties de la larve, feraient croire qu'il s’agit de quelque organe considérable; mais la suite montre bientôt qu'à celte forma- tion rapide succède un arrêt de développement presque com- plet : chez les jeunes, la fossette est à peine plus grande que chez les larves; elle est simple chez toutes les larves que j'ai observées » (p. 167). L'auteur ne s'occupe pas de la portion nerveuse de l'organe. SPENGEL ne nous donne aucun renseignement nouveau sur la structure de l'organe; il rapporte les observations de ses prédécesseurs, et conclut ainsi : « Sans aucun doute, c’est là le même organe olfaclif que nous avons vu chez tous les Prosobranches, et dans la série entière des Tectibranches » (p. 363). Il discule surtout l’homologie de position. L’organe de Lacaze-Duthiers a été cherché en vain par divers observateurs, chez les Pulmonés terrestres; il semble démontré aujourd'hui qu'iln’existe pas. SarasiN (50), en 1883, a étudié ces genres différents avec soin, et ce n’est que dans l’'Helix personata qu'il en a trouvé un rudiment. C’est un petit ganglion dont quelques cellules sont très volumineuses, et d’où part « une branche qui se perd dans les cellules glan- dulaires. » [n’y a pas d’invaginalion épithéliale, et Sarasin 234 FÉLIX BERNARD. ne s'explique pas sur la nature de l’épithélium. Néanmoins, l'existence de ce pelit ganglion, avec ces grosses cellules caractéristiques, prouve pour lui qu'on est en présence de l’homologue de l’organe olfactif des Basommatophores, mais tout à fait rudimentaire. L'aperçu historique qui précède justifie les nouvelles recherches sur la structure histologique de l'organe de Lacaze-Duthiers; nous ne savons pas encore exactement, en effet, comment est constituée une invagination épithéliale supposée sensorielle. Mais les observations de M. de Lacaze- Duthiers permettent largement, à mon avis, d'étendre à plu- sieurs genres les résultals qui pourront être obtenus avec certitude pour un type spécial. Ayant parliculièrement en vue la comparaison avec les Prosobranches, j'ai cru pouvoir me contenter d'examiner un seul type, et j'ai choisi celui où, d’après le savant zoologiste, l'organe en question est le mieux développé : c’est le P/a- norbis corneus. $ 2. — Planorbis corneus. a. (ranglion. — Les cellules nerveuses du ganglion de l’or- gane de Lacaze-Duthiers sont très volumineuses. Elles se prêtent done facilement à un examen histologique minu- tieux. Cet examen est rendu nécessaire par l’aspect tout spécial que présente le ganglion. J'ai vérifié d’abord avec soin qu'il ne part du ganglion aucun nerf allant aux régions voisines du manteau. Nous avons donc bien affaire ici à un organe terminal. En coupe, au premier abord, on ne voit que des cellules, et par suite, la substance poncluée et les fibres semblent faire défaut. Le ganglion a la forme d’une cupule (fig. 38); les cellules les plus volumineuses sont au fond, el quelques-unes occu- pent toute l'épaisseur de l'organe: il y a des différences considérables dans les dimensions des cellules, les noyaux des unes dépassant 30 & de longueur, ceux des aulres arri- vant à peine à 8 ou 10%. Nous sommes donc loin des gan- ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. . 260 glions que nous avons étudiés à propos de la fausse branchie des Prosobranches, où les cellules étaient périphériques, très petites, et toutes à peu près de même dimension, et où la substance ponctuée et les fibres jouaient un rôle considé- rable. Sur des coupes très minces et très fortement colorées, on peut voir nettement que le noyau a une structure réticulée. Les granulations qui apparaissent au premier examen sont reliées par des filets, dont quelques-uns se voient même avec un faible grossissement. Ces filets sont enchevêtrés de manière à former, en coupe optique, un réseau à mailles {rès fines. Sur des coupes très minces et très colorées, on vérifie qu’il existe un véritable réticulum d'achromatine, et non un fila- ment continu et enroulé. On voit fréquemment plusieurs filets rayonner autour des granulations de chromatine les plus marquées, Le nucléole se montre toujours comme une masse sphérique très homogène, sans trace de granulation, coloré en rouge vif par le picro-carmin, n’absorbant pas le bleu de méthylène. et gardant toute sa fransparence, malgré l'intensité de la coloration. Tout autour se trouve, d’une manière absolument constante, une pelite masse de nucléo- plasma granuleux, qui s’en distingue facilement par sa cou- leur violet clair, et par son aspect granuleux. Sur les bords du noyau, les mailles deviennent plus serrées et moins dis- üinctes ; quelques filets, cependant, gardent des dimensions considérables, et on les voit s'insérer sur la membrane qui limile le noyau. Celle-ci est très mince et se colore faible- ment; elle s’observe bien dans les coupes qui passent loin du centre du noyau. En somme, le noyau peut être considéré comme formé d'un nucléoplasma granuleux et réticulé, baigné par une substance hyaline, ne se colorant pas par les réactifs, ou suc nucléaire. Au centre de la masse protoplasmique est un nucléole unique, volumineux, sphérique et homogène, et de même nature que les granulations du réseau. Jamais aucun prolongement nerveux ne prend son origine dans le noyau. Dans le corps de la cellu'e, on observe des lrabécules for- = 236 FÉLIX BERNARD. mant des mailles allongées dans le sens des prolongements (ce sont les tubes nerveux de Nansen). Il existe une mem-, brane différenciée. Ge qui mérite d’être étudié avec soin, ce sont les prolongements nerveux eux-mêmes, et par suite les relations qui existent des cellules nerveuses, soit entre elles, soil avec les éléments voisins. Tantôt ces prolongements naissent par une atténuation graduelle des dimensions de la cellule. si bien que dans la région considérée le corps protoplasmique est fusiforme. Tantôt, au contraire, la diminution dans les dimensions de la cellule est brusque et la racine du prolongement n’est indi- quée que par une pelile saillie du contour. Ceci est vrai aussi bien pour les grosses cellules que pour les pelites. Les prolôngements situés vers la périphérie du ganglion vont, en général, s'insérer sur la couche conjonctive qui limite cel organe, et cela est vrai, que le prolongement soit inséré par une large base ou par une racine atténuée. Dans tous les cas, l’on voit le prolongement se diviser un plus ou moins grand nombre de fois, el l’on peut suivre les ramifications jusqu'au névrilème : la distance par- courue peut être considérable, surtout pour les cellules de pelite taille situées dans le voisinage de l’épithélium : dans ce cas, le prolongement est aminci graduellement, et, comme il en de même pour le prolongement qui se dirige vers l’épithélium, la cellule est en apparence /usiforme et bipolaire (fig. 388). C’est de là que vient l'opinion émise par Siüroth, comme quoi les petites cellules ganglionnaires sont bipolaires. Or un examen altentif m'a permis de recon- naitre que même dans les peliles cellules, il y a toujours d’autres prolongements, lantôl à large base, tantôt à inser- üon brusque, de sorte que les petites cellules sont aussi multipolaires. I y a du reste, dans toules, transition entre les deux modes d'insertion, et les relations de ces prolon- gements avec les éléments voisins permettent d'affirmer que ces différences n’ont pas ici une grande importance. Examinons maintenant la question si délicate de la com- ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCIIES. 2911 municalion des cellules entre elles. J’ai dit, en commancent celte description, qu’on n’apercevait pas au premier abord de substance ponctuée de Leydig. Les cellules ganglionnaires remplissent la plus grande partie de l’espace qui constitue le ganglion, et si l’on examine les intervalles compris entre les cellules, on y trouve une substance fondamentale interstitielle qui se colore beaucoup plus fortement que l’hyaloplasma des nerfs ou des ganglions ordinaires. Cette substance ne diffère en rien de celle qui constitue le stroma du névrilème, avec lequel elle est en continuilé. Sur certaines coupes où le pro- toplasma des cellules ganglionnaires s'était fortement con- densé, ces cellules paraissent logées dans des vacuoles de la substance en question. En divers points d’ailleurs, on voit près de la périphérie cette substance interslilielle contenant des cellules pigmentaires dont on peut observer les noyaux, et quelques fibres; et de plus, en quelques points j'ai observé les pelits noyaux allongés et forlement colorés en rouge qui sont si fréquents dans le névrilème. Il y à ainsi péné- tration complète du ganglion par la substance hyaline du tissu conjonclif environnant, et cette substance élablil la continuité entre l'enveloppe conjonctive du ganglion el l’épaisse mem- brane de soutien qui double l’invagination épithéliale. Cela posé, que faut-il penser des nombreuses fibrilles que l’on peut voir facilement sillonner dans tous les sens la substance inlerslitielle? Sur des coupes très minces et for- lement colorées, on voit qu'elles forment un réseau en connexion avec les prolongements ramifiés des cellules gan- glionnaires. Au point de rencontre des fibrilles se trouvent les granulations que l’on connaît bien. Il y a donc une cer- taine analogie entre ce fin réseau nerveux el la substance ponctuée, mais les mailles me semblent bien plus larges, et les filets nerveux gardent plus longtemps leur indépendance. Ce réseau de fibrilles s’observe dans toute l'étendue du gan- glion; mais il assez développé sur les bords, où il est diffi- cile d'observer sa limite, puisqu'il est noyé dans une subs- {ance inlerstitielle; d'autre part, on en trouve un amas assez 238 FEILEX ÆBEIRN AIRE. volumineux dans une région correspondant au fond de l'invagination épithéliale, dans la partie concave et centrale du ganglion. L'analogie avec la substance poncluée se poursuit plus loin encore. On sait qu'il existe à l’intérieur de celle-ci de petites cellules multipolaires, dont les dimensions sont notablement inférieures à celles des cellules ganglionnaires ordinaires. Nous en avons vu jusqu'ici de nombreux exemples, parlicu- lièrement chez la Cassidaire dans le ganglion de la fausse branchie. Ces cellules s’observent sans difficulté dans le ganglion de l'organe de Lacaze-Duthiers ; on le voit surtout vers les bords et à la partie centrale, où j'en ai observé sur une seule coupe un petil amas de quatre ou cinq. Elles sont fort petites, très claires, leur noyau surtout absorbe faible- ment le picro-carmin et le bleu de méthvlène, et par là, elles tranchent assez vivement sur la limile colorée de la substance interstitielle. On voit facilement leurs relations soit avec les fibrilles nerveuses, soit avec les prolongements même des cellules ganglionnaires (fig. 38, a). Ces cellules claires sont-elles fondamentalement distinctes des cellules -ganglionnaires? Je ne le crois pas. J’ajouterai enfin que J'ai observé quelques cas très nets de communication directe entre des cellules ganglionnaires. Ce fait est d’ailleurs peu fréquent dans un même ganglion. Peut-être est-il en rela- tion avec le faible développement de la substance ponctuée (fig. 38, a). b. Enveloppe du cul-de-sac épithélial. — Eludions mainte- nant la substance qui s’élend comme une épaisse membrane tout autour de l’épithélium, sépare celui-ci du ganglion et arrive, en doublant toujours l'invagination épithéliale, jus- qu'à son ouverture. L’épaisseur de cette couche est à peu près constante dans la partie profonde; elle s’atténue gra- duellement vers l'entrée du cul-de-sac. Elle ne présente nulle part d'ouverture comparable à celles que nous avons observées fréquemment sur le passage des nerfs. Elle est en continuité avec celle qui enveloppe extérieurement le gan- ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 239 glion et ne diffère pas de structure avec elle. Cependant la substance interslitielle est beaucoup plus compacte el se colore plus vivement ; il est probable qu'elle est plus résis- tante. Les fibres y sont assez abondantes, quoique encore de petite laille ; elles sont orientées dans le sens de la longueur du eul-de-sac; de distance en distance on observe leurs noyaux. Vers l'ouverture de l’invagination on à même affaire à une pelite couche musculaire bien différenciée. On voit aussi des éléments pigmentés qui pénètrent jusqu'au voisi- nage de l’épithélium. En somme, la nature conjonctive de cette couche n'est pas douteuse. Mais les nombreuses fibrilles qui la sillonnent et les noyaux qu'on y rencontre appartiennent à des éléments nerveux. Les noyaux appar- liennent à de très pelites cellules multipolaires très claires, dont ils occupent presque toute l’étendue. Ces cellules sont identiques à celles qu'on rencontre sur le pourtour du nerf qui aboutit au ganglion, à la périphérie de ce dernier, et aussi dans l'intervalle des grandes cellules ganglionnaires. Leurs prolongements sont en connexion avec le riche réseau de fibrilles nerveuses issus des prolongements principaux des cellules ganglionnaires grandes et petites. Ce sont les fibrilles qu'on aperçoit dans l'épaisseur de la membrane de soutien et dont on peut suivre assez facilement les prolon- sements jusque dans les cellules ganglionnaires. En résumé, la plus grande partie des fibrilles que l’on ob- serve dans la membrane de soutien et dans la substance in- terstilielle du ganglion, sont réellement des fibrilles nerveu- ses. Une partie correspond à la substance ponctuée; c’est de là que partent la majeure partie des fibrilles qui desservent l’invaginalion épithéliale. Celles-ci, avec les petites cellules multipolaires qui se présentent sur leur trajet, représentent le système nerveux périphérique des organes analogues des Prosobranches, et sont en relation avec les cellules neuro- épithéliales, comme nous allons maintenant l’établir. c. Invagination épithéliale. — Au premier abord, on n’aper- coit dans toute l’étendue de l’invagination épithéliale, qu'une 240 FÉLIX BERNARD. seule sorte de cellules : ce sont des éléments allongés, d’é- paisseur constante, munis d’un noyau ovale, granuleux, situé toujours près de la base, avec un plateau peu distinct et ri- chement cilié. Ces cellules se dissocient facilement, aussi ont-elles été bien observées par Simroth. Elles représentent un {type presque schématique d’épithélium prismalique (E, fig. 38); leur régularité et l'alignement de leurs noyaux contrastent d’une manière frappante avec ce que nous avons observé dans les fausses branchies des Prosobranches. Ce sont ces éléments que Simroth a pris pour les terminaisons nerveuses : il a cherché à trouver leurs relations avec les cellules ganglionnaires. J'ai peine à comprendre comment un observateur aussi habile el aussi consciencieux que Simroth a pu méconnailre les cellules de Flemming dans un organe où elles sont plus abondantes que partout ailleurs, étant donné surtout qu'il a réussi à voir une pelite cellule nerveuse à la base de l’épithé- lium. Pour voir les cellules de Flemming, il suftit de colorer fortement äu picro-carminate, el de faire des coupes suffi- samment minces. On voit alors des éléments très grêles inter- calés entre les cellules ciliées el s’en distinguant avec la plus grande facilité par leur coloration rouge vif (fig. 40). Toutes les variélés de cellules de Flemming s’observent côte à côte, et présentent des transitions telles qu'il est impossible d'y voir des élémenis fondamentalement différents. On observe d’abord des cellules fusiformes dont le noyau est extrême- ment allongé et mal délimité, dans lesquelles l'épaississement constituant le corps de la cellule commence dès la base de l’épithélium. La /e n’est pas non plus distincte; le col est très faiblement rétréei. On voit nettement une petite touffe de poils. L'une des cellules de celte variété était rattachée par un très court filet à une cellule nerveuse immédiatement adja- cente à l'épithélium. Cette cellule était au moins tripolaire. L'un des prolongements élait en relation avec le réseau ner- veux; la {roisième m'a semblé entrer aussi dans l’épithélium. ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 241 Généralement le noyau est bien délimité et plus éloigné de la base, mais le filet d'attache est encore volumineux, ce qui facilite beaucoup la recherche des connexions de ces éléments. La forme la plus générale pour le corps de la cel- lule est exactement celle d’un fuseau. Quelquefois on observe un noyau assez ramassé, finissant en pointe du côté de la base, avec un fort nucléole et autour de lui un corps cellulaire lrès renflé. Dans ce cas le corps de la cellule est presque toujours éloigné de la base; plus rarement il en est rapproché et se trouve dans la zone des noyaux de lépithélium cilié. Le col de ces cellules est géné- ralement rétréci et Fa têle saillante, plus ou moins allongée. J'ai observé quelques cas dans lesquels la partie faisant suite au noyau présente une assez grande largeur : c’est ce cas que Simroth semble avoir observé et représenté dans la figure où il montre une cellule à large plateau et à filet d'insertion très grêle, en connexion avec une cellule nerveuse. Jamais cependant je n'ai vu de cellule neuro-épithéliale de cette forme, et, dans lous les cas (relativement fréquents chez les Gastéropodes) où le col de la ceilule n’est pas filiforme, il y a cependant, dans la partie distale, une atlénualion sensible sur le diamètre du noyau. Ce fail me semble absolument certain pour ce qui concerne l'organe de Lacaze-Duthiers. Il existe dans l’invagination épithéliale du Planorbe une région où les cellules sensorielles sont plus abondantes que partout ailleurs; celte région est située un peu au delà du milieu de la longueur de l'organe, et le diamètre du cul-de- . sac y est très resserré. Les cellules sont un peu plus allongées que vers le fond, el toutes inclinées dans la direction de Fouverture. Or le nombre des cellules de Flemming croît graduellement lorsqu'on s'éloigne du fond du cul-de-sac; quand on arrive à la région dont il s’agit, elles sont tellement abondantes, qu'on en trouve facilement des paquels d’une dizaine juxtaposés sans interposilion de cellule épithéliale cylindrique. La plupart ont un noyau très allongé el brillant, et une tête saillanle. J’en ai observé deux en connexion immé- ANN. SC. NAT. ZOOL. IX, 16. — ART. N° 3. 249 FÉLIX BERNARD. diale avec des cellules nerveuses bipolaires. Au delà de cette région, les cellules sensorielles deviennent moins nombreuses, les cellules ciliées dominent. Puis les cellules mucipares font leur apparition: l'ouverture du cul-de-sac est très glandulaire. Le réseau nerveux diminue également d'importance; on le perd avant d'atteindre l'ouverture. Je n'ai pu lrouver de relation entre les filets nerveux et les cellules prismatiques ciliées. Je suis donc porté à croire, a posteriorr, que les cellules ciliées ne sont pas neuro-épithé- liales. L'aspect obtenu par Simroth dans ses dissociations, donne d’ailleurs bien plutôt l'impression d’une déchirure dans la cellule que d'un aspect normal. De tout ce qui précède, je crois pouvoir conclure qu'il y a continuité par l'intermédiaire d'un réseau nerveux sous-épi- thélial, entre les cellules ganglionnaires et les cellules de Flem- ming de l’invagination épithéliale. De petites cellules nerveuses les unes multipolaires, les autres bipolaires, sont intercalées dans le réseau, soit dans le voisinage des cellules ganglion- naires, soit au contact des cellules épithéliales et de nom- breuses anastomoses existent entre tous les filets. Résumé. — L’organe de Lacaze-Duthiers chez le P/anor- his corneus est caractérisé par des cellules ganglionnaires multipolaires de taille très variable. Il n'y a pas à proprement parler de substance ponctuée, mais un réseau de fibrilles identiques à celui qui forme d'habitude les nerfs proprement dits, occupe toute la partie immédiatement adjacente à l’épithélium et forme un amas important au fond du cul-de-sac. Les éléments nerveux sont noyés dans la substance interstitielle du tissu conjoncüf, et des éléments figurés de ce dernier tissu pénètrent dans l'in- térieur du ganglion et surtout sur le pourtour de l’invagina- lion. On y trouve aussi des fibres conjonclives. Les prolongements des cellules ganglionnaires aboutissent en dernière analyse à des cellules de Flemming extrêmement abondantes et très grêles, et présentent sur leur trajet de petites cellules nerveuses bipolaires. Le reste de l’épithélium ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 243 est constitué par des cellules ciliées prismatiques à noyaux basilaires. Il n’y a de cellules mucipares qu'à l'entrée de l’invagination. Le rôle sécréteur de l'organe est donc abso- lument rudimentaire. Si l’on fait abstraction de la pénétration du tissu nerveux par les éléments conjonctifs, on voit que l'organe de Lacaze- Duthiers ne diffère des organes sensoriels étudiés jusqu'ici que par deux points : je voisinage presque immédiat des cel- lules ganglionnaires et des éléments périphériques, et la forme spéciale du faisceau nerveux servant d'intermédiaire; au lieu d'être un nerf plus ou moins ramifié, c'est un réseau en forme de cupule doublant exactement l’invagination épithé- liale. Ces deux dispositions sont évidemment la marque d’une haute différenciation de l’organe en vue d’une fonction sen- sorielle délicate et spécialisée. Elles ne prouvent pas que la nature de celte fonction soit essentiellement différente de celle des appareils moins parfaits et plus étendus que nous avons examinés dans les chapitres précédents. CHAPITRE VII ORGANE DE SPENGEL DE LA PALUDINE. J'ai réservé pour un chapitre spécial l'organe de Spengel de la Paludine : nous trouvons en effet dans cet animal une disposition absolument unique chez les Prosobranches, et que nous pouvons bien comprendre seulement après avoir étudié l'organe de Lacaze-Duthiers des Pulmonés. La Pa- ludine, en effet, réunit les caractères dislinctifs des organes de Spengel des deux ordres : le bourrelet nerveux dépourvu d’appendice qu'on trouve chez les Ténioglosses inférieurs, et l’invagination épithéliale des Pulmonés d’eau douce. Mais ici au lieu d’un seul cul-de-sac, de deux au plus, comme on en trouve chez la Limnée, on peut en compler une vingtaine placés les uns à côté des autres et tous semblables entre eux. 244 FÉEIX PERNARD. $S 1. — Historique. L'organe de Spengel de la Paludine est resté longtemps méconnu. Cuvier (2) et Levi (7) ne le signalent et ne le figurent en aucune facon. SPEYER (9), dans une monographie, sou- vent criliquée, à juste titre, l'a bien enlrevu et dessiné à sa vérilable place; mais il l’a pris pour un simple renflement de la veine branchiale efférente. « A l'extrémité antérieure de la branchie se trouve un vaisseau court, cylindrique et gonflé. » (9,:p. 17, t. I, fig. 4 et 5; W; la figure montre que celte lettre désigne bien l'organe de Spengel.) C'est M. de Lacaze-Durniers qui, le premier, a soupçonné la nature réelle de ce petit bourrelet; ille signale pour établir son homologie avec l'organe de Spengel filiforme et allongé du Vermet, et avec les fausses branchies bipectinées (77). SPENGEL enfin n'a pas éludié ce lype. L'organe de Spengel de la Paludine est extrêmement facile à voir : ilest, comme toujours, à gauche de la branchie el un peu en avant. Il à la forme d'un pelit bâtonnet diffé- rent de celui de la Litlorine par la régularité de son dia- mètre et l’absence de renflement au point où aboutit le plus gros des nerfs issus du ganglion supra-inteslinal. D’autres filets nerveux, dessinés exactement dans la figure 61, s’arrê- tent aussi dans le bourrelel; un assez grand nombre passent par-dessous pour aller à la branchie. Rien de spécial, on le voit, ne semble atlirer l'attention sur cet organe qui diffère peu exlérieurement de ceux que nous avons étudiés. Il est très difficile en effet d'apercevoir, sans faire de coupes, les invaginations épithéliales signalées plus haut. Si l'on détache l'organe de Spengel et qu'on le porte, sans préparation spéciale, sous le microscope, on aperçoit assez vaguement quelques taches disposées régulièrement, mais il est impossible de voir les ouvertures parce qu'elles sont cachées par le bourrelet lui-même. On peut cependant se convaincre de leur existence en séparant avec précaution Îes ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 245 deux lames du manteau, en colorant la lame interne et en l’examinant dans la glycérine. Si l’on a enlevé avec un pin- ceau l’épithélium superficiel, celui des culs-de-sac étant for- tement coloré s'aperçoit assez bien sous les autres tissus restés transparents. On peut voir alors que le nombre des invaginations n'est pas constant el dépend de la taille de l’in- dividu ; la moyenne pour les animaux adultes est d’une vingtaine. Ils sout disposés avec une grande régularité, el leur taille diminue vers les deux extrémités du bourrelet nerveux. Je me suis adressé, en outre de la Paludina vivi- para, à deux Paludines du Tonkin, 2. cynthia el P. speciosa; provenant de la collection du Muséum. Dans ces deux es- pèces que j'ai choisies aussi différentes que possible de no- tre Vivipare indigène au point de vue de la coquille, on aperçoit plus facilement les invaginations épithéliales ; quel- ques-unes s'ouvrent en effet plus près du milieu du bour- relet, et par conséquent ne sont plus cachées par lui; elles sont d'ailleurs plus irrégulièrement disposées. J'ai fait des coupes dans les organes de Spengel de ces deux espèces, et, à part ce qui précède, je n'ai rien trouvé qui parüt mériter une descriplion spéciale. Je me bornerai done dans ce cha- pitre à décrire la Paludine vivipare. Des coupes transversales vont nous indiquer exactement comment ces invaginalions sont disposées par rapport au bourrelet. La figure 39 reproduit une coupe qui intéresse toute l'étendue de l’un des culs-de-sac; ceux-ci sont, on le voit, recourbés vers la lame supérieure du manteau, mais ils ne sont contournés ni à droite ni à gauche, et gardent une grande régularité. Les coupes précédentes et suivantes ne tardent pas à atteindre l’épithélium des parois qui se trouve coupé obliquement, et l’on voil périodiquement des coupes qui intéressent uniquement la région des noyaux. La figure 39 représente une coupe du manteau faite à plat et par suite coupant longitudinalement le bourrelet ner- veux. Elle ne passe pas par l'ouverture des culs-de-sac puis- 246 FÉLEX BERNARD. que ceux-ci sont obliques, mais elle montre la distance qui les sépare et leur position entre le nerf et la branchie. Au premier coup d’œil l’épithélium des culs-de-sac tran- che vivement sur celui qui tapisse le bourrelet nerveux et les feuillets branchiaux adjacents : 1l est en effet formé en majeure partie par des cellules ciliées très étroites par rap- port à leur longueur prismatique, à plateau peu différencié, à noyau toujours basilaire. Je n’ai jamais trouvé une seule cellule muqueuse. Ces derniers éléments abondent au contraire dans la région basilaire des lamelles branchiales, qui est toute voisine (à gauche sur la fig. 39) ; quelques-unes se montrent aussi sur tout le pourtour du bourrelet ner- veux. Dans cette région l’épithélium est beaucoup plus haut, les noyaux se voient à tous les niveaux, de sorte que les cellules ciliées ont toutes les formes possibles et sont rétré- cies en un point quelconque de leur longueur. Elles sont d’ailleurs plus larges et leur noyau est au moins deux fois plus gros; elles sont d'ailleurs insérées par un mince filet, tandis que celles de l’invagination ont une base aussi large que le reste de la cellule. Enfin la coloration est différente : les cellules du bourrelet absorbert vivement le picro-carminate, surtout par leurs pia- teaux; celles de linvagination restent rose pâle, et inverse- ment le bleu de mélhylène éteint complètement la coloration rose des cellules de l’invagination qui, dans les coupes en deux couleurs, restent bleues; il colore à peine les cellules ciliées du bourrelet. Étudions maintenant le bourrelet nerveux lui-même (x, fig. 39 et 39 a). Ce n’est pas à proprement parler un gan- glion : les cellules nerveuses y sont rares et petites : on en trouve des groupes à la périphérie, principalement dans l'in- tervalle de deux faisceaux neuro-épithéliaux; mais rien ne rappelle les volumineux éléments des Pulmonés; nous re- tombons ici dans le cas général de l'organe de Spengel en bourrelet (Litlorine, Cyclostome, Vermet, elc.). Le nerf n’est pas absolument isolé dans un espace san- ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 247 guin : une lacune existe en réalité, mais elle est irrégulière, et anfractueuse, et des masses épaisses de {issu conjonctif compact, traversé par les muscles, s'étendent par places sans solution de continuilé entre le nerf et l’épithélium. C’est dans ces masses conjonctives que l’on voit les énormes faisceaux nerveux qui s'échappent du nerf central et abou- tissent à l’épithélium du bourrelet. Leur longueur et leur position varient beaucoup : On en voit fréquemment plusieurs en une même coupe (fig. 39). Dans certains cas, on voit ces faisceaux décrire une courbe assez sinueuse, toujours enve- loppés de leur névrilème spécial qui accompagne les ra- mifications du nerf avant son entrée dans l’épithélium. Des cellules nerveuses mullipolaires assez nombreuses, toujours fort petites, se trouvent dans chacun des faisceaux ; elles sont identiques à celles qui existent dans l’épithélium même, sur le trajet des fibres nerveuses et qui constituent un réseau inter-épithélial très net et très développé. Les cellules de Flemming se voient très bien et leur têle arrondie se détache sur le fond pourtant fortement coloré, que forme l’ensemble des plateaux. C’est surtout dans la ré- gion qui avoisine l’invagination, qu'elles se monirent en abondance. Là en effet aboutissent en très grand nombre des faisceaux qui se divisent parfois d’une manière plus nette que dans le cas figuré, et d’autres fois pénètrent en entier dans l’épithélium. Ces faisceaux nerveux, les plus longs que l’on puisse ob- server dans l'organe de Spengel de la Paludine, sont immé- diatement accolés aux invaginations épithéliales : leur né- vrilème reste cependant distinct de Ia membrane de sou- tien. Une question se pose dès lors tout naturellement : ce nerf dessert-il l'épithélium de l’invagination aussi bien que celui du bourrelet? Je ne le crois pas. En réalité l’invagina- tion est desservie par des faisceaux spéciaux dont les uns sont à la vérité issus du nerf épithélial qui nous occupe, mais qui sont nettement limités : ils sont courts et s’étalent bien vite dans l'épaisseur de la membrane de soutien. Les 248 FÉLEX RERVARD. autres partent directement du gros nerf central et, se diri- seant du côté opposé au bourrelet, font plus ou moins com- plètement le tour de l’invagination et l’atleignent soit par le fond, soit sur les côtés. D'ailleurs J'ai été surpris de la pauvreté de l’innervalion de cet épithélium, comparée sur- tout à la richesse inattendue de l’innervation du bourrelet. En cerlains points même l’épithélium de linvaginalion est accolé au gros nerf central; mais il en est encore net- lement séparé et je n'ai pas vu de passage de l’un à l'autre. Quant aux cellules neuro-épithéliales, elles ne sont nulle part aussi difficiles à apercevoir que dans le cas présent; j'ai douté de leur existence jusqu'au jour où je les ai rencontrées dans l'organe de Lucaze-Duthiers : j en ai dès lors trouvé un grand nombre dans les invaginations de la Paludine. Pour lever toute équivoque, j'ai fait des préparations au chlorure d’or, et J'ai comparé sur des coupes minces les deux épithéliums : ce réactif met en évidence les cellules de Flemming dans l’invaginalion et le bourrelet ; il permet d'ob- server la connection de ces éléments avec les fibres nerveuses. En sorte que l'existence des cellules de Flemming dans les culs- de-sac épithéhaux de la Paludine est pour moi un fait dé- montré. Est-il aussi certain que les cellules des culs-de-sac ne sont pas toutes sensorielles, et que celles qui ont un noyau et un protoplasma plus coloré, une forme plus cylindrique et un petit plateau cilié, sont simplement des cellules indifférentes? Rien n’est difficile, dans le cas présent, comme de résoudre celte question. Je dois donc me contenter d'exprimer un fait probable en disant que la plupart des cellules épithé- liales du cul-de-sac sont des cellules ciliées ordinaires, mal- gré leur dissemblance avec celles qu’on observe plus loin sur le bourrelet. Comparé à ceux des Ténioglosses, l'organe de Spengel de la Paludine dérive bien évidemment de types peu différen- ciés, Lels que celui de la Littorine, dont il diffère (en consi- ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 249 dérant seulement le bourrelet) par une richesse grande d’in- nervalion épithéliale. Mais d'autre part l'analogie qu'il présente avec l'organe spécial des Mollusques Pulmonés, ne peut faire aucun doute : il représente wne vingtaine d'organes de Lacaze-Duthiers jux- taposés, où mieux (si l’on se souvient que dans la Limnée existe un cul-de-sac épithélial hifrqué), un type compliqué et ditfé- rencié d’organe de Lacaze-Duthiers. Une différence assez sen- sible ne peut cependant pas manquer de nous frapper : Dans l'organe de Lacaze-Duthiers existaient beaucoup de grosses cellules et peu de fibres; c'était un ganglion {out spécial à ce point de vue: ici la structure se rapproche plutôl de celle d’un nerf, quoique les éléments ganglionnaires soient assez nombreux. D'autre part nous avons trouvé chez les Prosobranches mêmes toutes les transitions entre un nerf et un ganglion ; la différence constatée n'a donc pas une importance fonda- mentale. Il reste done à expliquer le nombre si considérable des invaginalions chez la Paludine. Oril est presque évident a priori que ce nombre croît à mesure que l'animal grandit ; j'ai vérifié ce fait en examinant sur des coupes une petite Pa- ludine non encore éclose, mais déjà grande de 2 millimètres environ, elle avait neuf invaginalions au lieu de vingt. Or on sail qu'il y a deux culs-de-sac chez la Limnée ; l'écart serait certainement réduit encore si l’on s’adressait à des embryons plus jeunes, et peut-être arriverait-on à trouver un stade qui rappellerait davantage la disposition de l'organe de La- caze-Duthiers. Malheureusement nous ne savons rien sur le développement de l'organe de Spengel (sauf chezles Bithynies) et peu de choses sur celui de l’organe de Lacaze-Duthiers (voir plus haut, [° partie). Je n’entends pas dire parlà, bien entendu, que la Paludine descende des Pulmonés: mais en admettant que des faits de même ordre soient constatés pour les principaux or- ganes on pourrait peul-être trouver que l'embryon de Paludine est plus rapproché que toute autre forme de Proso- 250 FÉLIX BERNARD. branches du type ancestral d'où dérivent des Pulmonés. C’est une hypothèse que Simroth a longuement développée (34). Au point de vue des fonctions de l’organe de Spengel de la Paludine, nous ne pouvons qu’émettre des hypothèses. Mais si, de l'identité de structure, nous pouvons conclure à l'identité de fonction, nous dirons que le rôle de l’organe de Lacaze et celui de l'organe de Spengel sont réunis ici dans un seul et même organe. Ces deux fonctions sont-elles dis- üinctes ? Peut-être y a-t-il là simplement une différence de degré, ou de perfectionnement dans les sensations, analogue à celle qui distingue l'irritabilité des muqueuses sous l’ac- lion des substances chimiques à l’élat de gaz ou de vapeurs, de l’olfaction proprement dite. Mais si, comme toujours, la fonction de l'organe reste problématique, sa signification morphologique est plus claire. Nous pouvons l’énoncer brièvement et résumer en même temps ce chapitre en disant qu’ réunit les disposi- tions caractéristiques des Ténioglosses inférieurs et des Pul- monés d'eau douce, et présente ainsi un curieux cas de transi- tion, le seul qui ait jusqu'ici été signalé, entre l'organe de Spen- gel el l'organe de Lacaze-Duthiers. CHAPITRE VIli ORGANE DE SPENGEL DES OPISTHOBRANCHES. Le but que je me suis proposé dans ce travail n'est pas de revoir point par point le mémoire de Spengel et de re- chercher dans chacun des cas qu'il a examinés, si c’est à juste titre qu'il a attribué à telle ou telle partie de l’orga- nisme le rôle d’organe sensoriel. Par suite je crois être en droit de laisser de côlé, au moins provisoirement, l'examen des Hétéropodes et des Ptéropodes, ainsi que la plupart des types si nombreux et si dissemblables d’Opisthobranches : Spengel lui-même n'est d'ailleurs pas allé bien loin dans ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 251 celte vôie. Cependant je ne puis me dispenser d'appeler l'attention sur le groupe qui renferme les animaux les plus élevés en organisation, et en même lemps les moins éloignés. Il y a pour nous un certain intérêt à savoir si le ganglion branchial des Tectibranches, placé par rapport à la branchie exactement comme celui des Diotocardes, a sous sa dépen- dance des nerfs sensoriels, comme l’a supposé Spengel. L'étude de ce ganglion a été faite avec soin chez les Bullidés par M. Vayssière (7), au point de vue morpholo- gique. Les déductions de cet habile analomiste ont pour nous un grand intérêt et nous y reviendrons plus loin. Mais ce mémoire étant antérieur à celui de Spengel, l’au- teur ne se préoccupe naturellement pas de la comparaison de ce ganglion avec la fausse branchie. Dans un travail ulté- rieur, M. Vayssière admet comme démontrées les hypothèses de Spengel et substitue le nom d’organe olfactif à celui de ganglion branchial. Ces hypothèses sont formulées très brièvement par Spen- gel, et je crois devoir citer ici complètement la description de cet auteur : « L’organe olfactif chez le Gastropteron Meckeln est le ganglion décrit par Jhering comme ganglion du nerf bran- chial, au milieu de l’espace qui s'étend entre la partie anté- rieure de la branchie et la partie postérieure du disque fron- tal » et plus loin : chez le Doridium aplysiæforme le nerf issu du ganglion viscéral postérieur « forme un ganglion qui n’est pas autre chose que le ganglion olfactif; au-dessus de lui s'étend un organe olfactif clair, parsemé de pigment brun. » Je me suis proposé de rechercher : 1° si le ganglion branchial envoie réellement des filets à l’épithélium ; 2° si le nerf qui nait de ce ganglion et dessert la branchie est un nerf sensoriel comme chez les Diotocardes. J'ai étudié à cet effet la Bulla hydatis et la Pliline aperta que je recevais en abondance d'Arcachon, et le Doridium membranaceum dont j'ai rapporté de Naples de beaux échantillons. La des- [S) 52 FÉLEX BERNARD. criplion suivante s'applique spécialement au genre Bulla. Je me suis rarement trouvé en présence d'un eas où le point en lilige soit aussi facile à débrouiller. Le ganglion branchial en effet est limilé avec une précision remarquable par un névrilème très résistant, d'épaisseur constante, présentant à sa surface interne, contre les éléments nerveux, une lame d’épaississement identique à celle qui double exté- rieurement la membrane de soutien de l'épithélium (fig. 60). On voit des faisceaux assez nombreux et épars bordés de leur névrilème, s'échapper du ganglion et se porter vers l'é- pithélium, après s'être parfois ramifiés sur leur trajet. Le fais- ceau sensoriel traverse d’abord un espace lacunaire (s, fig. 60), qui entoure le ganglion presque de toutes parts. Puis il pé- nètre dans la couche cutanée constiluée, comme d'habitude, par une malière compacte et fibrillaire, renfermant des élé- ments musculaires. L'épithélium est plus haut en face du ganglion que dans les régions voisines ; sa surface libre pré- sente des mamelons assez développés dus à l'inégalité de lon- gueur des cellules épithéliales. Les terminaisons nerveuses se montrent en groupes assez serrés directement en face des puits par où cheminent les faisceaux. Elles sont généralement grêles et quelques-unes cependant ont un noyau volumineux (ne,fig. 60) ; Loutes ont des têtes étroites et peu visibles. On en trouve une grande quanlité, isolés, ou en pelits groupes, sur tout le tégument à une distance assez grande du gan- glion branchial. Des cellules muqueuses se voient dans cette région aussi bien que partout ailleurs. Cette description et la figure qui s’y rapporte (fig. 60) prouvent une analogie réelle avec les cas précédemment exa- minés des Diotocardes et surtout de la Patelle (abstraclion faite de la branchie rudimentaire, fig. 59). Mais une diffé- rence frappante consiste dans le petit nombre et les dimen- sions énormes des cellules nerveuses du ganglion : ceci n’est d’ailleurs pas spécial à l'organe dont il s’agit; on sait que les éléments ganglionnaires des Opisthobranches sont parmi les plus gros des Mollusques:; ce fait a élé utilisé par ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 253 M. Vignal dans ses recherches sur les centres nerveux des Inverlébrés. Il m'a permis de vérilier avec une grande cer- titude plusieurs des détails histologiques que j'ai donnés plus haut à propos de l'organe de Lacaze-Duthiers. Je crois inutile de reprendre une description semblable pour la Philine; les différences avec la Bulle sont dénuées d'intérêt. Il en est de même en ce qui concerne l'Ap/ysia punclata qui présente exactement la même disposition. Ce qui précède suffit à établir que dans les deux grandes famalles de Tectibranches (Bullidés et A plysidés) il existe un organe sensoriel semblable à celui des Diolocardes, el comme lui sous la dépendance du ganglion branchiar. Mais, en outre de ces deux groupes importants, il existe encore parmi les Teclibranches des lypes qui, pour êlre moins riches en espèces, n'en sont pas moins intéressants : tels sont le P/eurobranche et l'Ombrelle. Les belles recherches de Lacaze-Durmiers (14) el de Moouinx-Tanpon (2 bis) nous ont fait connaître respectivement le système nerveux de ces animaux dans ses moindres délails; elles nous apprennent qu'ils sont dépourvus de ganglion branchial. Mais dans l’'Ombrelle en particulier, on trouve tout le long du vaisseau branchial efférent, ici particulièrement large, un riche ré- seau nerveux à mailles irrégulières, desservi par le nerf palléo-branchial. SPENGEL ne paraît pas avoir attaché d'importance à cetle disposition ; partout où il ne trouve pas de ganglion ou de bourrelet, il déclare n'avoir pas réussi à trouver l'organe olfactif. Or si l’on fait dans la branchie des coupes transver- sales, normales par conséquent à la paroi du vaisseau en queslion, on voit très facilement plusieurs des filets ner- veux passer {angenliellement dans l’épithélium et aboutir à des îlots où les cellules neuro-épithéliales mêlées d’ail- leurs, comme d'habilude, aux cellules ciliées, établissent un contraste assez tranché avec l’épithélium très régulier avoi- sinant. Il existe donc, le long de la 4ranchie de l'Ombrelle, malgré l'absence de ganglion, une sorte d'orqune de Spengel 254 FÉEIX BERNARD. diffus dépendant, non pas d’un nerf unique, comme chez les Diotocardes, mais d’un réseau, et ne différant pas par d’au- ires caractères de ceux que nous avons décrits dans ce der- nier groupe. En résumé, chez les Tectibranches, {antôt 1 existe un ganglion à la base de la branchie, tantôt on trouve un réseau nerveux le long du support branchal ; ce ganglion ou ce réseau envoient à l'épithélium des filets assez volumineux, aboutis- sant à des cellules de Flemming faciles à reconnaitre au milieu d'un épithélium à larges éléments. CHAPITRE IX SIGNIFICATION MORPHOLOGIQUE DE L'ORGANE DE SPENGEL ET DU GANGLION BRANCHIAL. Pour compléter l’étude de l’organe de Spengel et pouvoir établir son identité morphologique dans la série des Gasté- ropodes, nous avons à reprendre une importante question de morphologie que nous avons à dessein laissée de côté “jusqu'ici. Je veux parler de Ja détermination morphologi- que du ganglion qui se trouve à la base de la branchie des Diotocardes et que nous avons appelé ganglion branchial, pour ne rien préjuger de ses fonctions ni de ses homologies. Cetle détermination s'impose dès qu'on veut comparer le système nerveux des Diotocardes avec celui des Monoto- cardes, et établir par suite le plan général du système ner- veux des Prosobranches; elle permettra aussi, dès qu’elle sera élablie avec certitude, d'aborder la comparaison entre le système nerveux de ces derniers, el celui des Opistho- branches Tectibranches. Les opinions émises dans les dix dernières années sont, au sujet de ce ganglion, tellement divergentes, qu'il est in- dispensable de présenter un tableau des différentes homc- logies qui ont été proposées pour les ganglions qui nous occupent. ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 255 Pour SPENGEL, les ganglions branchiaux des Diotocardes, avec le nerf volumineux qui y prend naissance, sont les ho- mologues de la fausse branchie des Monotocardes, des gan- glions branchiaux des Hétéropodes et des Opisthobranches Tectibranches, de l'organe cilié de Gegenbaur chez les Pté- ropodes : ce sont des organes olfactifs. Pour BeLA HALLER (52), le rôle olfactif de ces ganglions ne doit pas l'emporter sur la fonction d’innervation de la bran- chie; ce sont des ganglions branchiaux au sens téléologique du mot, qui, « dans les systèmes nerveux concentrés de formes dérivées, munies d'une seule branchie, peuvent man- quer ou être inclus dans le ganglion supra-intestinal. » JHERING (57) (1885) persiste dans son opinion antérieure au sujet de la fausse branchie : « Les branchies rudimen- taires des Prosobranches ne peuvent pas être considérées comme organe olfactif, et identifiées avec l'organe de Lacaze des Limnées et des Stéganobranches, avec lequel elles n’ont absolument rien à voir. » M. Bouvier (61) discute longuement la question, el en com- parant les nerfs émis par les ganglions branchiaux des Rhi- pidoglosses d’une part, et de l’autre par les ganglions supra ou sus-intestinaux des Pectinibranches, fait observer que ce sont idenliquement les mêmes nerfs : les ganglions en ques- tion sont donc komoloques. L'homologue de la fausse bran- chie doit donc être cherchée chez les Diotocardes dans le nerf volumineux qui suit le bord libre du support branchial ; de là résulte que tous les centres nerveux qui se rencontrent dans l’un des deux groupes sont aussi représentés dans l’autre, à l'exception du ganglion sous-intestinal, qui man- que chez les Trochidés. En résumé, si l’on considère tous les organes en litige, fausse branchie, ganglion branchial des Diotocardes et des Opisthobranches, organe de Lacaze-Duthiers des Pulmonés, 1° Pour Spengel, il n'y a là morphologiquement qu'un seul organe (organe olfactif) ; 2° Pour M. Bouvier, 11 y a deux organes morphologique- 256 FÉLAX BERNARD. ment distincts : 4° fausse branchie et nerf du support bran- chial des Diotocardes ; 2° ganglion branchial el ganglion sus- intestinal : 3° Pour Bela Haller, il y en a trois : 1° fausse branchie ; 2° ganglion branchial; 3° ganglion sus-intestinal. 4° Pour Jhering, 1 v en a quatre : 1° branchie rudimen- taire; 2° organe de Lacaze; 3° ganglion supra-intestinal ; 4° ganglion branchial. Je n'ai pas à revenir sur l’inexacti- tude de l'opinion consistant à considérer l’organe bipectiné comme branchie rudimentaire. Pour établir qu'un organe nerveux quelconque représente bien ce qu'il appelle organe olfactif, Spengel s'appuie en définitive sur deux faits : 1° l’organe en question émet des filets vers l’épithélium ; 2° il reçoit un gros nerf issu du gan- glion supra ou sub-intestinal, ou, à son défaut du ganglion palléal. Voyons ce qu’il faut penser de la première preuve. IL est exact que partout où Spengel place son organe ol- factif, il existe des filets neuro-épithéliaux ; mais ce fait est- il spécial à l'organe de Spengel? Comme on va le voir dans la suite de ce travail, J'ai retrouvé des filets analogues dans les régions les plus diverses du manteau, même dans la glande à mucus, et je montre qu'il existe au iranchant de chaque lamelle branchiale une disposition rappelant celle &e l'organe de Spengel des Diotocardes inférieurs; la géné- ralité de celte disposilion, sans doute très intéressante, prouve qu'il est impossible d'en tirer des indicalions, relati- vement à l’homologie des organes douteux. De plus, chez les Diotocardes inférieurs, l’organe de Spengel n’est pas diffé- rencié en tant qu'organe sensoriel ; il ne commence à se loca- liser que chez les Trochidés et surtout chez l’Haliolide. Enfin, l’identité des terminaisons nerveuses avec toutes celles qui ont été vues dans les régions sensorielles du manteau est complète; ces éléments ne peuvent donc guère servir à la détermination de l'organe, et rien ne nous permet d’af- firmer « priori que nous soyons en présence d'un organe présentant des fonctions spéciales. ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 257 Par conséquent, dans les cas de différenciation minimum qui sont précisément les cas douteux, il nous faudra faire appel uniquement au principe des connexions pour résoudre la difficulté. Mais, à ce second point de vue, le raisonnement de Spen- gel manque un peu de précision. Toutes les fois que le gan- glion supra-inteslinal existe, il envoie un nerf volumineux qui se termine dans l'organe olfactif : telle est la notion qui se dégage de la lecture du texte et de l'examen des figures de Spengel. Mais que se passe-t-il quand le ganglion supra-intes- tinal n’est pas distinct, ce qui est le cas des Diotocardes? Alors le nerf se confond avec la commissure viscérale et naît direc- tement du ganglion palléal. Telle est, en résumé, l’argumen- tation que Spengel emploie implicitement pour prouver l’unité morphologique de l'organe olfactif. Il est clair qu'elle n'exclut en aucune facon ni l'hypothèse de Bela Haller ni celle de Bouvier, et que l’organe en question peut aussi bien, dans ces conditions, représenter soit le ganglion supra- intestinal lui-même, soit un ganglion spécial, puisque dans les deux cas les relations avec le ganglion palléal restent les mêmes. Il faut donc s'adresser non seulement aux nerfs aboutis- sant à l'organe de Spengel, mais aussi à ceux qui en par- tent; c'est ce qu'a fait Bela Haller. Spengel avait négligé d'examiner les filets issus du ganglion et allant aux organes voisins. Cependant depuis longlemps M. de Lacaze-Duthiers savait qu'il existait dans le support branchial, outre le nerf respirateur externe, qui est pour nous un nerfexclusivement sensoriel, un nerf respirateur interne (1), qui se distribuait aux feuillets branchial (Spengelreproduit d'ailleurs le schema proposé par le savant français). Dans la Fissurelle et les Nérilidés il n'existe qu'un nerf de ce côté du support branchial, mais ce nerf envoie des filets aux feuillets, et joue ainsi à lui seul le rôle des (1) Ce dernier nerf a été retrouvé chez les Trochidés par B. Haller et Bouvier. Il est figuré pl. VIIL fig. 23, NI. ANN. SC. NAT. ZOOL. IX, 17. — ART. N° 3. 258 FÉLIX BERNARD. deux précédents. De plus, dans la Fissurelle, les Trochi- dés et l’'Haliotide, d’autres filets nerveux, en nombre varia- ble, sont issus du même ganglion et desservent le man- teau dans les régions voisines. Dans l’Haliotide, l’un de ces nerfs, décrit par M. de Lacaze-Duthiers et Bouvier comme palléal, mnerverait le péritoine (?) d'après Bela Haller. J'ai pu sans difficulté observer ce nerf dont on voit nettement les rameaux se distribuer dans le manteau, à sa partie antérieure, contrairement à l'opinion du savant allemand. Tout ce qui précède montre que chez les Diotocardes, le ganglion branchial n'est pas un organe terminal, comme l'organe de Lacaze-Duthiers des Pulmonés : c’est un appa- reil d’innervation, qui tient sous sa dépendance la branchie tout entière, aussi bien pour ses parties musculaires que pour ses régions sensorielles, et quelquefois une partie du manteau et peut-être l'oreillette. Que se passe-t-il, au contraire, dans la fausse branchie des Monotocardes? On sait, depuis M. de Lacaze-Duthiers, qu'elle reçoit un certain nombre de nerfs, dont un très puis- sant, et que d’autres nerfs passent sur la face dorsale de cel “organe sans s’y arrêter. J'ai pu vérifier d'autre part, soit en examinant des coupes, soit en disséquant avec soin les nerfs qui passent sous l'organe, que yamais 1l n'existe de nerf ayant son origine dans le ganglion de la fausse branchie et se dirigeant du côté de la branchie; que jamais un nerf ne passe à travers la partie nerveuse de ce ganglion sans s’y arrêter. L'on trouve au contraire fréquemment des nerfs se divisant près du ganglion et envoyant une branche à la fausse branchie et l’autre à la branchie. D'ailleurs, tant pour le cas de la fausse branchie filiforme que pour celui de la fausse branchie bipectinée, le ganglion qui constitue la partie fondamentale de cet organe émet principalement des nerfs sensitifs; le système musculaire est d’ailleurs peu dé- veloppé et je n’ai pas pu trouver les filets moteurs. La fausse branchie des Monotocardes considérée dans son ensemble est donc un appareil terminal. Il est naturel ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 259 qu'un organe nerveux aussi important soit relié aux centres palléaux par un gros nerf; mais, il faut le remarquer, ce nerf n'est issu directement ni de la commissure ni du ganglion supra-intestinal, comme chez les Diotocardes; il part généralement de la commissure palléale de Bouvier, ou du plexus palléal qui a cette commissure pour point de dé- part; son existence, en tant que nerf spécialement volumi- neux et différencié, esi fréquente, mais n’est pas plus géné- rale que celle d'un renflement ganglionnaire sur le trajet de cette commissure. En somme, toute cette partie du manteau est sous la dé- pendance d’un riche plexus palléal et non pas d’un nerf unique ; à la formation de ce plexus prennent part principa- lement des filets issus du ganglion palléal droit et du gan- glion supra-inteslinal, auxquels viennent s'ajouter dans les cas de différenciation maximum des nerfs ayant leur origine dans le ganglion palléal gauche, comme le montrent les figures données par Bouvier pour les Cérithidés, le Tri- ton, etc. La disposition est encore plus nette chez la Ranelle et la Cassidaire. Rappelons de plus un fait sur lequel j'ai déjà eu l’occa- sion d’insister et qui trouve ici son application. Dans les cas de différenciation minimum, lorsque la fausse branchie est réduite à un filet plus ou moins allongé (Paludine, Littorine, Cyclostome, Vermet), la partie centrale n'est pas en réalité un ganglion, comme semblait le faire prévoir l'hypothèse de Spengel. C’est un nerf qui n’est pas plus ganglionnaire que le nerf sensoriel volumineux du support branchial des Dio- tocardes : la multiplication des cellules nerveuses autour de ce nerf se fait parallèlement au développement des feuillets de la fausse branchie. Pour toules ces raisons, nous sommes, je le pense, au- torisé à ne pas admettre rigoureussment l’homologie affir- mée par Spengel entre la fausse branchie et le ganglion branchial. Il semble résulter au contraire des faits précédemment 260 FÉLIX BERNARD. énoncés que /a fausse branche est homoloque seulement du nerf respirateur externe. Mais pour pouvoir défendre cette asser- tion, il faut savoir d’abord ce que c’est que le ganglion bran- chial lui-même. Est-ce un ganglion spécial? Est-ce l’homo- logue de l’un des ganglions supra ou sub-intestinal? Cette dernière hypothèse est celle qu'admet M. Bouvier : nous allons maintenant l'examiner. Des objections sérieuses peuvent êlre présentées contre cette dernière manière de voir. Si les deux ganglions en queslion se présentaient toujours isolément, l’un chez les Monotocardes, l’autre chez les Diclocardes, l'identité des nerfs issus des deux ganglions prouverait nettement leur homologie. Mais que doit-on penser des cas où ils coexis- tent (la Fissurelle, la Valvée et la Tecture), et des cas où ils manquent tous les deux (Véritidés)? Pour résoudre cette question délicale, auittons un instant les Prosobranches et adressons-nous aux Bullidés, dont le système nerveux a élé si bien étudié par M. Vayssière (#1). Si l’on examine les figures données par cet auteur, on verra que rien n'est plus variable que le nombre des ganglions si- tués sur la commissure viscérale, entre le ganglion céré- broïde droit et le ganglion branchial (1). Or, chez le Gastropteron, il existe un seul ganglion sur la commissure (c’est le ganglion palléal proprement dit). I y en a deux chez le Doridium, deux également chez la Philine, mais le nerf branchial naîl de la commissure un peu au delà du troisième ganglion; un {roisième ganglion apparaît à l'origine de ce nerf chez le Scuphander et la PBulla. M. Vayssière a d’ailleurs appelé lui-même l’attention sur ces curieuses variations (p. 107). La conclusion s'impose : ce qu’il y a ici de constant, c’est le ganglion palléal et le ganglion branchial; ce dernier, situé (4) Ce ganglion est toujours situé sur un nerf distinct; il ne manque jamais. On remarquera peut-être que M. Vayssière a négligé de le signaler et de le figurer chez la Philine; j'ai vérifié son existence, et je n'attache pas grande importance à ce léger oubli de l'habile anatomiste. ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 261 loin du précédent dans tous les cas, a bien la branchie comme principale dépendance ; nous avons vu que de plusil envoie des filets à l’épithélium. Voyons si des conclusions analogues sont applicables aux Prosobranches. Chez les Diotocardes, le ganglion branchial qui est bien évidemment l’'homologue de celui des Teclibranches, ne manque jamais, il est même vaguement représenté chez les Néritidés, assez loin de l’origine de la commissure. Entre lui et le ganglion palléal s'interpose un ganglion nouveau chez la Tecture et la Fissurelle ; ce ganglion manque au contraire chez le Trochus et l’Haliotis. Quand il existe, ce ganglion uouveau, ou gan- glion de relais, porte le nom de ganglion supra-inteslinal (1). Il peut être dédoublé (Doridium, Philine), ou même divisé en trois (Bulla, Scaphander). I est unique et constant chez les Monotocardes. Dans ces derniers, la transformation de la branchie à entrainé la disparition du ganglion branchial, caractéristique des formes anciennes. On voit que l'opinion qui me parait la mieux justifiée est en somme celle de B. Haller. Au surplus, celle de M. Bou- vier n'en est pas aussi éloignée que son auteur semble l’in- diquer. « Tout organe, dit-il en effet, qui reçoit un faisceau de nerfs nombreux et importants, est pourvu d’un ganglion accessoire, servant de relais, situé à la base du faisceau. Par conséquent, un ou deux ganglions accessoires se forme- ront à la base de la branchie, sur le trajet des nerfs encore unis en un seul tronc (Aspidobranches), soit à leur origine sur la commissure (Peclinibranches), aux deux endroits à la fois chez la Fissurelle. » Il est impossible de ne pas sous- crire à celte asserlion de l’auteur qui a si habilement inter- prété ses patientes recherches. On peut seulement se pro- poser de la préciser, et de montrer comment les variations dans la position de ces ganglions sont liées aux différences (4) I va sans dire que nous considérons uniquement le côté gauche, qui conserve toujours la branchie et les organes qui sont liés à son existence. S'il existe une branchie droite, les mêmes conclusions s'appliquent (Fissu- relle, Haliotis). 262 FÉLIX BERNARD. dans le développement de l'organe sensoriel. C’est ce qui nous reste à faire maintenant en résumant les conclusions auxquelles nous conduit la première partie de ce travail. Conclusions. — 1° Il existe chez les Bullidés, les Aplysi- dés et les Diotocardes un ganglion branchial qui innerve la branchie tout entière, et une portion du manteau de plus en plus faible quand on s’élève dans l'échelle des Prosobranches; chez tous les types, sauf les Fissurellidés, il envoie des filets à l’épithélium. De plus, chez les Fissurellidés, le nerf du sup- port branchial est en même temps sensoriel, {andis que chez les Trochidés et les Haliotidés, ce rôle est dévolu à un nerf spécial situé, près du précédent, le long du support bran- chial. Chez les Fissurellidés apparaît un ganglion supra- intestinal. 2° Chez les Néritidés, les Tectures et les Valvées il n'y a plus de ganglion branchial bien différencié. Un ganglion supra-intestinal peut ou non exister à l’origine de la com- missure, et la région sensorielle se trouve transportée le long du trajet du nerf branchial. 3° Chez tous les Monotocardes il n’y a plus trace de gan- glion branchial. La zone sensorielle s’est différenciée en un organe d’abord assez simple, puis plus compliqué. On peut d'ailleurs relier ces deux cas par une hypothèse extrème- ment simple, et qui me semble s'imposer à l'esprit. Si l'on veut passer de la branchie bipectinée des Trochidés et des Nérilidés à la branchie des Monotocardes, la seule supposi- tion plausible consiste à supposer qu’il y à eu soudure du manteau avec cette lame transversale qui prolonge de part et d'autre le support branchial et divise la cavité palléale en deux étages; par ce fait, tous les feuillets de la face supé- rieure disparaissent (1). (Remarquons que chez les Mono- dontes ils sont déjà, dans la partie postérieure de la branchie, bien plus réduits que ceux de la face inférieure.) Dès lors le nerf branchial sinueux des Néritidés passe dans le manteau; (1) Le manteau est, comme toujours, supposé en place sur l'animal. ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 263 supposons que le petit renflement allongé qu'il possède s’exagère un peu, et nous arrivons au bourrelet des Mono- tocardes inférieurs. Ce dernier, chose curieuse, se continue parfois à sa partie antérieure par un filet qui va à la bran- chie et qui pourrait ainsi représenter la suite du nerf bran- chial. Les autres modifications s'expliquent d’elles-mêmes, et nous voyons le riche plexus palléal des Ténioglosses Sipho- nostomes et des Rachiglosses s'effectuer d’une manière tout à fait graduelle (1). 4° L'organe de Spengel est ainsi différencié en un organe terminal, sous lequel passent sans s’arrêter les nerfs destinés à la branchie; or, si l’on suppose que celle-ci soil supprimée, comme cela a lieu chez les Pulmonés, en partant d’un cas analogue à celui de la Paludine, nous n'avons pas de peine à retrouver l'organe de Lacaze-Duthiers; celui-ci esl innervé par le deuxième ganglion du centre asymétrique qui cor- respond à l’un des deux ganglions supra-ou sub-intesti- nal; c’est un organe terminal; 1l présente une invagination épithéliale qui se retrouve plusieurs fois répélée chez la Paludine. Pour toutes ces raisons, son homologie avec la fausse branchie ne me semble guère pouvoir être mise en doute. Peut-être trouvera-t-on plus tard en reprenant l’étude du développement de la Paludine d’autres termes de transition. Si l'on veut bien se résoudre à considérer ces stades suc- cessifs de différencialion et de balancement qui me sem- blent se présenter avec une simplicité remarquable, sans essayer de renfermer des faits aussi complexes, dans telle ou telle formule exclusive où, sous prétexte de comparaison rigoureuse, on arrive, suivant le point de vue auquel on se place, à exprimer les mêmes idées dans des termes en appa- rence contradictoires, on pourra, je l’espère, sortir de la con- fusion qui semble régner encore au sujet de ces questions délicates. (1) L'étude de l'appareil circulatoire nous donnera une nouvelle preuve à l’appui de cette hypothèse de la soudure de la branchie au manteau. TROISIÈME PARTIE STRUCTURE DE LA BRANCHIE CHAPITRE PREMIER STRUCTURE DE LA BRANCHIE DE LA CASSIDAIRE. Dans les lamelles branchiales des Prosobranches il faut distinguer les éléments suivants : 1° La membrane de soutien, qui n’est qu'un repli de la lame palléale interne ; 2 À l’intérieur, des éléments conjonctifs et musculaires ; 3° À l'extérieur, l’épithélium ; 4° Enfin les éléments nerveux situés en partie à l’intérieur, en partie à l'extérieur de la membrane basilaire. Éludions en détail chacune de ces formations et commen- cons par les Ténioglosses Siphonostomes (Ranelle, Cassi- daire, Cassis, Dolium, Strombe, eté.), où chacun des tissus se présente avec une différenciation et un développement qui en facilitent beaucoup l'examen. Pour étudier la membrane de soutien et les lissus situés à l’intérieur du feuillet, le meilleur procédé consiste à se dé- barrasser de l’épithélium et à examiner ensuite le feuillet par transparence ; J'ai employé à cet effet les divers réactifs dissociants et colorants, signalés plus haut à propos de la fausse branchie ; j'ai oblenu aussi par les coupes des résul- tats importants. Enfin j'ai réussi, dans beaucoup de cas, à fendre en deux lames l’un des feuillets branchiaux et à dis- socier les éléments contenus à l’intérieur. Voici les résultats que j'ai obtenus par ces diverses méthodes. L ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 265 $ 1. — Membrane de soutien. La membrane de soutien constitue un support fortement résistant, mais présentant constamment un renflement no- table qui règne sur chacune des deux faces le long du bord gauche ou efférent de chaque feuillet. Cet épaississement est considéré généralement comme formé d’un tissu cartilagineur (Ep, fig. 42, 44). Nous nous sommes déjà expliqué sur ce point à propos de la tige ri- gide qui soutien le support branchial des Diotocardes; la substance qu’on rencontre dans les feuillets branchiaux est exactement de même nature : l'identité de consistance et de capacité d’absorplion aux réactifs, l'absence d'éléments figu- rés et la présence de slries parallèles d'accroissement ne laissent aucun doute à cet égard. I n'ya donc pas lieu de la considérer comme uue formation cartilagineuse indépen- dante du tissu adjacent; elle n'en est que la continuation et n’en diffère que par l'absence d'éléments figurés. Une objection se présente immédiatement à l’opinion qui précède : nous avons décril en effet chez le Monodonta une assise de cellules vésiculaires qui limite intérieurement l’é- paississement principal : nous avons comparé ces éléments à des cellules formatives etnous avons admis qu’ils pouvaient jouer un rôle dans la production de cel épaississement. Leur absence dans le feuillet branchial semble infirmer cette manière de voir. Je ne crois pas cependant que nous soyons ici en présence d’une sérieuse difficulté d'interprétation. En effet, comme dans le Monodonta, l’épaississément et la porlion mince ne diffèrent pas essentiellement : la modi- fication porte uniquement sur un accroissement de substance interslitielle ; or cet accroissement peut se manifester aussi bien autour d'éléments plasmaliques que d'éléments étoilés; c'est ce dernier cas que l’on observe ici. Ces considérations seront d’ailleurs reprises {V° partie, ch. nu). | Je ne reviendrai pas sur la membrane de soutien à propos des autres animaux; pas suite, je crois pouvoir placer ici 266 FÉLIX BERNARD. une courte remarque relative à la branchie de l'Haliotide. On sait que cet animal a été étudié par M. Wegmann. Cet auteur s’est préoccupé à juste litre du stylet « hyalin trans- parent » qui suit le bord veineux des lamelles. Mais il le con- sidère comme un « squelette recouvert par un tissu cellulaire qui formerait la lamelle branchiale. Sur les bords, ce tissu est plus épais et forme en quelque sorte un cadre dans lequel est tendue la membrane mince qui contient les vaisseaux transverses et le réseau capillaire. » M. Wegmann semble donc placer le réseau sanguin et le lissu conjonctif en dehors de ce qu'il appelle le squelette du feuillet. Cette erreur pro- vient en réalité d’une connaissance insuffisante du tissu épithé- lial. Comme ici ce dernier tissu occupe à lui seul plus des deux liers de l'épaisseur Lotale du feuillet (fig. 44), sa nature semble avoir été complètement méconnue par M. Wegmann, comme elle l’élait du temps de Williams. Cet auteur consi- dérait comme épithélium seulement l'extrême surface des cellules de revêtement. Une méprise analogue a élé commise, nous l’avons vu, par M. Boutan à propos de l'organe de Spen- gel de la Fissurelle où existent des éléments épithéliaux en- core bien plus longs. On est élonné de voir de semblables erreurs commises à propos d'organes aussi simples en réalité. En somme, l'appareil de soutien d’un feuillet respiratoire est simplement une membrane conjonctive repliée de ma- nière à former un sac très aplati; la face externe est épaissie sur toute la surface, mais particulièrement au bord afférent ; cel épaississement est absolument anhiste. À l'extérieur, une seule couche d'épithélium ; à l'intérieur, des espaces san- guins. S 2. — Cellules étoilées du tissu conjonctif. Occupons-nous maintenant des éléments figurés du tissu conjonctif qu'on trouve dans la portion interne de la mem- brane de soutien, au-dessous de l’épaississement super- ficiel. Ces éléments sont noyés dans une substance continue, ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 267 élastique, très faiblement apte à absorber les réactifs colo- rants. Les cavités de cette substance constituent les espaces sanguins. Les éléments les plus abondants dans toute la lamelle sont descellules étoilées, anastomosées et groupées de diverses ma- nières. Tantôtelles sontisolées ; d’autres fois elles sont réunies par petits paquels, et alors peuvent être assez rapprochées pour avoir des faces communes presque planes ; de ces îlots partent des prolongements ramifiés qui vont s’anastomoser avec ceux des îlots voisins. Enfin, sans être absolument acco- lées les unes aux autres, elles peuvent être assez serrées pour constiluer un amas spongieux visible sur chacune des faces, ou même occupant toul l’espace compris entre les deux mem- branes basilaires. Les espaces sanguins sont alors dans ces régions très resserrés ou même complètement supprimés. Un rachis conjonclifépais, constitué de cette manière, se retrouve à la parlie basilaire des lamelles branchiales de tous les ty- pes; il s'étend plus ou moins vers la pointe du feuillet, et par suite délimite un sinus afférent et un sinus efférent. Ce rachis est très développé chez la Paludine où il a été vu par Levdig: il l’est beaucoup moins chez la Cassidaire et les types élevés. Il est facile de vérifier que les cellules qui le composent sont accolées ou anastomosées entre elles. Partout ailleurs les éléments multipolaires sont associés par groupes de cinq ou six au plus. C’est toujours dans la région recouverte par l’épaississement de la membrane de soutien, c'est-à-dire autour du vaisseau efférent, que se rencontrent les îlots les plus gros, les plus isolés et les mieux alignés. Rien n'est plus facile alors que d’observer les prolongements irréguliers, ramifiés et souvent fort longs de ces petites cellules conjonclives qui s’anastoment manifestement entre elles. Du côté interne de ce sinus, ces éléments sont au contraire petits et serrés, de manière à constituer une digue plus ou moins imparfaite pour séparer le sinus en question du reste du feuillet. Dans les autres régions, les éléments mullipo- laires sont souvent isolés, et, en profitant de l'absence de 268 FÉLEIX BERNARD. replis dans le feuillet de la Cassidaire, on peut observer de beaux réseaux protoplasmiques analogues à celui que j'ai dessiné à la chambre claire dans la figure 13. L'aspect de ces diverses régions se voit sur la figure 42. Il n'existe pas de cellules vésiculaires dans les feuillets de la branchie. Ë $S 3. — Fibres transversales. L'examen le plus superficiel permet d'observer de /ortes trabécules lraversant le feuillet de part en part et réunissant les deux lames conjonctives normalement à chacune d'elles. On peut les éludier soit par des coupes, soit en séparant les lames d’un feuillet branchial, soit même en examinant sim- plement par transparence les différentes places d’une lamelle. Chacune d’elles est constituée par une ou plusieurs fibres mus- culaires, normales à la membrane basilaire et entourées d'une gaine conjonclive en continuilé avec les lames qui doublent inté- rieurement la membrane basilaire (Mig. 48, a, b, c, d). Est-il absolument indispensable, pour pouvoir affirmer qu'un élément est musculaire, de l'avoir vu directement se contracter? Je ne le pense pas. L'observation directe, tou- jours prélérable à tout autre procédé d'investigation, est ici, comme dans bien d’autres cas, tout à fait impossible. Les connexions, les analogies de forme et de coloration peuvent, dans une certaine mesure, suppléer à l'examen de la fonction et servir même à délerminer celle-ci avec un certain degré de probabilité. Or, dans toutes les trabécules dontil s’agit, existe une partie centrale, presque homogène en apparence, mais présentant cependant des stries longitudinales visibles sur les coupes traitées par l’acide chromique et fortement colorées; cette substance se comporte sous l’action des réactifs colorants exactement comme les fibres dont la nature musculaire ne peul être mise en doute; le picro-carminate d'ammoniaque el lhématoxyline donnent une coloration intense; avec la double coloration (picro-carminate et bleu de méthylène), on ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 269 obtient la teinte violelte due à l'absorption simultanée des deux substances colorantes. La forme la plus fréquente de ces fibres est celle d’un fuseau notablement renflé aulour du noyau, mais s’élar- gissant de nouveau à ses deux extrémités. Mais jamais elles ne se terminent par un filet unique; toujours, au contraire, avant d’atteindre le voisinage de la surface, elles se divisent un assez grand nombre de fois el vont se perdre sous la forme de fins prolongements dans la couche conjonc- tive continue qui double la membrane basilaire. Parfois la forme des fibres est plus irrégulière, mais on ne peut pas dire qu’elle soil jamais éloilée. | Examinons maintenant la gaine conjonctive. Elle appa- rail presque toujours sous forme d’une double ligne très fine qui borde de part et d'autre la fibre musculaire. Si la ramificalion de celle-ci se produit assez loin de la mem- brane basilaire, on voit la gaine se diviser à son tour et entourer d'une membrane spéciale chacune des grosses branches musculaires (fig. 48, 6 etc). Mais d'ordinaire elle les englobe toutes à la fois et produit une sorte de sac qui vient se souder à la lame conjonclive sous-basilaire. Les caractères histologiques de la gaine sont ceux de la lame elle-même : le bleu de méthylène la colore, mais très faiblement, et y fait apparaître un fin réseau protoplasmi- que. De gros noyaux clairs et granuleux, généralement sphériques, se trouvent dans les points les plus divers : il y en a sur le trajet de la fibre musculaire, quelquefois des deux côtés, et l’on voit alors avec la dernière évidence la gaine conjonctive se renfler à leur niveau (fig. 48, à); mais on les trouve surtout dans le voisinage des deux extrémités, entre les branches de la fibre, ou dans son voisinage; on peut dans cerlains cas observer le corps de la cellule à laquelle appartient un de ces noyaux. Quelquelois 1l arrive que les gaines de deux fibres voi- sines sont unies par des trabécules. Plus fréquemment, les gaines sont accolées dans toute 270 FÉLIX BERNARD. leur longueur, mais encore distinctes. Enfin la fusion peut aller plus loin, et deux ou plusieurs fibres musculaires sont enclavées dans la même gaîne conjonctive (fig. 48, 4); les noyaux musculaires sont alors soit au même niveau, soit en des points diamétralement opposés. Remarquons enfin que, dans la région occupée par la masse compacte de cellules conjonclives qui occupe le mi- lieu du feuillet vers sa base, se trouvent encore de nom- breuses trabécules musculaires. Il existe donc à l'intérieur de chacune des lamelles bran- chiales des éléments contractiles dont le rôle est évidemment de rapprocher les deux faces de la lamelle et de diminuer ainsi l'espace occupé par le sang. (Ces éléments se trouvent aussi en grande abondance dans les lamelles de la fausse branchie.) Les organes palléaux en feuillets sont donc sus- ceptibles de véritables mouvements respiratoires ; ils peuvent, sous l'influence du système nerveux, dilater ou resserrer l'espace occupé par le sang, et par suite appeler ce dernier ou le chasser dans le vaisseau efférent. Il est bien évident d’ailleurs que ces mouvements, qui n’ont qu’une faible amplitude, doivent être difficilement observables; peut-être n'ont-ils qu'une faible influence sur l'intensité avec laquelle s'exerce la fonction elle-même; il n’en est pas moins inté- ressant de constater leur existence (1). $ 4. — Espaces sanguins. Pour étudier la disposition des cavités où circule le sang dans les feuillets branchiaux, j'ai fait des injections aux diverses matières, surtout avec de la gélatine colorée au bleu de Prusse. En injectant tantôt par le vaisseau afférent, tantôt par le vaisseau efférent, on voit presque toujours (1) I serait intéressant de reprendre l'étude de ces trabécules dans la branchie des Acéphales. Dans le travail de Posner (1877) sont figurés des tractus qui semblent présenter avec les précédents une grande analogie; malheureusement les figures de Posner sont à ce point de vue très schéma- tiques, et l’auteur ne se préoccupe pas de la structure des tractus en question. ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 271 que certaines lamelles sont gonflées par la masse à injection, et d’autres au contraire injectées très faiblement. On peut suivre ainsi exactement la marche du sang dans ces organes, surtout après s'être débarrassé de lépithélium. L'injection pénètre toujours dans un feuillet par l’un des bords si elle n’est pas poussée avec force : elle passe en effet d'un côté ou de l’autre de la masse spongieuse compacte qui occupe îe milieu du feuillet. Poussée un peu plus fort, elle passe par la pointe et fait le tour d’un côté à l’autre. Puis on la voit pénétrer vers le milieu par des ea- naux sinueux que tout le monde à vus et que M. Wegmann a figurés dans l’Haliotide beaucoup trop étroits et trop ré- guliers. Or la masse à injection contourne tout simplement les trabécules musculaires qui relient les deux faces du feuillet, et remplit tout l’espace qui n’est pas occupé par elles. Dans la région où la membrane basilaire commence à s’épaissir, du côté efférent par conséquent, les trabécules sont volu- mineuses et disposées avec une grande régularité, surtout dans l’Haliotide, le Buccin, les Strombidés, etc.; ils forment donc dans le feuillet injecté autant d’îlots incolores. Enfin, si l'injection a gonflé le feuillet outre mesure, elle finit par pénétrer dans le tissu spongieux lui-même, et s’insinuer dans les espaces interstiliels que présentent les cellules conjonc- tives étoilées. On voit que rien n’est plus facile que d'interpréter l'aspect de réseau vasculaire figuré et décrit plus ou moins complè- tement par beaucoup de zoologistes. Mais des espaces rides entre deux lames conjonctives, et traversés par des trabécules musculaires, ne sauraient en aucun cas être considérés comme des vaisseaux ou des capillaires. J'ai cru indispensable de multiplier les injections sur un assez grand nombre de types : cette opération ne présente d’ailleurs aucune difficulté. En particulier, j'ai examiné l'Haliotide et la Fissurelle, et, dans ces animaux, j'ai retrouvé identiquement les résultats que je viens d’énoncer. Ce fait est important à conslater à cause des descriptions erro- 979 FÉLIX BERNARD. nées qui ont été faites sur ces animaux. Je cite ici tout ce qui, dans le travail de M. Boutan, a trait à la structure des lamelles branchiales de la Fissurelle. « La branchie est formée de lamelles triangulaires super- posées comme les feuillets d’un livre et soutenues par une charpente cartilagineuse. Ces lamelles peu épaisses sont cependant revêtues par une couche épithéliale de cellules vibratiles qui en recouvrent les deux faces. Elles sont formées intérieurement d’un {issu spongieux rempli de pe- tites lacunes que /eur taille infime doit faire assimiler à des capillaires. » M. Boutan décril ensuite pour chaque feuillet deux artères el deux veines « qui sont mises en communi- cation les unes avec les autres par l'intermédiaire des capil- laires contenus dans l’intérieur de chaque feuillet » : On sait ce qu’il faut penser de ces prélendus canalieules et l’on trouvera que la conformation des espaces sanguins dans la branchie des Prosobranches est en réalité bien plus simple qu’on ne l'avait pensé Jusqu'ici. Il est intéressant de constater que Posner arrivait en 1877 à des conclusions identiques à propos des Acéphales. « Le tissu conjonclif et les espaces sanguins des branchies, dit Posner, abstraction faite des gros troncs vasculaires, sont dans un repport tel que le fluide nourricier, aussi bien dans les lamelles que dans les septa, coule dans des replis lacunaires du tissu conjonctif : il n'existe pas de capillaires. Le canal des baguettes branchiales doit, malgré la présence autour de lui de trabécules de substance conjonelive, être considéré comme une plus haute différenciation des lacunes. » $ 5. — Éléments nerveux. Divers auteurs ont décrit l’innervation de la branchie, mais aucun jusqu'ici ne s'est préoccupé de savoir ce que deviennent les nerfs destinés à la branchie, une fois arrivés à cet organe. Les nerfs des feuillets étant généralement très petits, sent fort difficiles à observer. Les gros troncs se voient cependant ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 273 lrès bien dans des coupes transversales, normales à l'axe du feuillet. Mais il serait presque impossible de chercher, sur des coupes seules, ce que deviennent les branches secon- daires, et c’est là précisément le point le plus important. Pour résoudre ce problème j'ai fait des observations par transparence, en employant principalement le chlorure d’or. En combinant cette méthode avec celle des coupes en deux couleurs, on éludie le réseau nerveux, qui est absolu- ment constant dans tous les feuillets. Du plexus qui existe auprès de la branchie du côté efférent part un nerf principal qui, dans tous les cas observés, fait le tour du feuillet (R e, fig. 42, 43, 44) en entrant par le bord eftérent ; il se réfléchit à la pointe en traversant une pe- tile masse de tissu spongieux et passe le long du bord affé- rent (R &, fig. 42, 43, 44) de la pointe du feuillet. Il garde sur tout son parcours le même diamètre et ne donne nulle part de branches dont l’importance soit comparable à la sienne propre. En cela il diffère essentiellement du nerf d’un feuillet de l'organe de Spengel, qui, comme on sait, donne de gros rameaux qui vont en se divisant à leur tour. Du côté afférent, le nerf principal (R 4) est toujours situé absolument sur le bord ; il se trouve dans une sorte de bour- relet formé par une accumulation des fibres longitudinales ; au-dessus, la membrane basilaire présente presque toujours des crètes el des replis assez saillants. En somme, il occupe le fond de la lacune afférente, dont les parois sont assez régulièrement renforcées dans cette région (fig. 4%). La place qu'occupe le nerf principal du côté efférent est au contraire variable suivant les genres, et ce n’est pas là une des moindres difficultés de l'étude. Dans la Cassi- daire (fig. 43) on trouve le nerf, dont les dimensions trans- versales atlergnent seulement 10 y, assez loin du bord du feuillet : c’est 1à que la membrane basilaire commence à s’épaissir, c'est là aussi que se trouve la limite entre l’épi- thélium plat presque exactement régulier et dépourvu de cellules mucipares qui couvre la région épaissie, et l’épi- ANN. SC. NAT. ZOOL. IX, 18. — ART. N° 3. 274 FÉLIX BERNARD. thélium irrégulier, mamelonné, en partie glandulaire, qui occupe le reste du, feuillet. Le nerf n’est pas à proprement parler plongé dans le sinus efférent; il est entouré par celle sorte de lissu spongieux qui limite ce sinus du côté interne. Autour de lui se trouvent en abondance les fibres musculaires transversales déjà décrites; enfin une gaine conjonctive l’isole du tissu environnant, et dans cette gaine on observe facilement les cellules allongées et brillantes du névrilème ordinaire. D'assez nombreux noyaux nerveux s’y rencontrent à intervalles inégaux; ils ne diffèrent pas de ceux qu'on trouve dans les nerfs volumineux du reste de l'organisme. À une certaine distance de son entrée dans le feuillet, on voit le nerf se diviser en deux troncs exactement superpo- sés l’un à l’autre et accolés chacun à la membrane basilaire de la face correspondante. En suivant les branches issues de ce nerf, on aperçoit sur chaque face un riche réseau de fibres nerveuses méêlées de cellules qui s'étend sur toute la bande si- tuée entre le nerf et le bord efférent en dehors de la mem- brane basilaire; 1l est situé entre les cellules émithéliales (fig. 47, a, D, c). Celles-ci sont d’ailleurs parfaitement ré- aulières dans cette région : leurs plateaux, longuement ci- liés, sont contigus et ne laissent pas d’intervalles : les fibres nerveuses circulent dans l'intervalle de leurs bases, comme il est facile de s’en convaincre en déplaçant le point. Parmi tous ces filets, il en est un plus important, qui règne sans solution de continuité d'un bout à l’autre du feuillet, à une faible distance du bord efférent (fig. 43, 47, à); il suit une ligne brisée, dont chaque angle est marqué par le départ d’un filet secondaire; chaque section cependant est très exactement recliligne. La même remarque s’ap- plique aux filets secondaires eux-mêmes. Dans le filet en question et dans ses branches principales, J'ai pu obser- ver le névrilème, mais je ne puis dire Jusqu'où il se con- üinue. Les formes des mailles du réseau échappent à loute des- ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 275 cription. Les figures 47 & el 47 b montrent les variations de grandeur des filets qui les composent. Remarquons seulement des filets volumineux partant du nerf inter-épithélial principal el se dirigeant à angle droit vers le bord du feuillet. Ces filets importants aboutissent, comme nous le verrons tout à l'heure, à des cellules sensitives. Presque toujours, au point de soudure des deux branches nerveuses, existe un élargissement notable el plus ou moins irrégulier où la substance nerveuse garde sa structure fibril- laire; ce sont en général de véritables cellules nerveuses. Rien n’est variable comme la figure de ces cellules et comme le nombre de leurs prolongements. Quelques-unes sont simple- ment tripolaires; la plupart ont un plus grand nombre de prolongements. J’ai représenté figure 47 c, cg, les plus volu- mineuses de celles que j'ai observées. La nature nerveuse de toutes ces cellules ne peut faire l'ombre d’un doute. Presque toujours leurs prolongements font directement suite aux nerfs et gardent jusque près du noyau la structure fibrillaire; le noyau lui-même est presque toujours excentrique, le pro- toplasma toujours nettement fibrillaire est absolument iden- tique à celui des régions élargies, mais non pourvus de noyaux qu’on observe fréquemment aux points de croisement des fibres. Le chlorure d'or colore très fortement le protoplas- ma, et le noyau incolore se détache nettement sur le fond noir ou violet foncé de la cellule. Est-il utile de faire remarquer à quel point ces cellules apla- ties, fortement fibrillaires, avec leurs prolongements larges et tous incontestablement équivalents, de nature nerveuse, non directement ramifiés, different des cellules ganglionnai- res? Dans celles-ci, nous avons toujours vu les prolongements se résoudre en une multitude de branches d’une grande finesse, de manière à former une véritable arborescence; ces fibrilles aboutissent à un réseau formé simplement par les fibrilles élémentaires anastomosées (substance ponctuée de Leydig). Lei, les filets les plus fins gardent encore une certaine épaisseur : dans l’hypothèse de l'existence des tubes 276 FÉLIX BERNARD, nerveux, nous dirions qu'ils sont constitués par des paquets de tubes accolés. Il y a cependant des cellules bien plus pelites que les autres, comme dans les ganglions eux-mêmes; mais rien, dans un ganglion, ne rappelle un réseau ainsi constitué. Il nous reste à examiner de quelle manière le réseau ner- veux inter-épithélial est mis en relalion avec le nerf princi- pal du feuillet. De ce dernier partent, à intervalles assez ré- guliers, des nerfs secondaires qui se portent à angle droit vers le bord du feuillet. Le nerf se rentfle généralement à son origine et présente un noyau ovale (ou quelquefois plusieurs). Les filets ne tardent pas à se diviser et se portent sur chacune des faces; parfois même ils naissent du nerf prin- cipal par paires el arrivent rapidement au voisinage de la membrane basilaire. Ils se subdivisent à leur tour, soit dans un plan parallèle à la membrane basilaire (et alors les bran- ches des deux filets voisins se réunissent pour continuer en- semble leur trajet), soit de telle sorte que les ramifications percent la membrane basilaire et entrent en relation avec le réseau nerveux inter-épithélal. Il résulte de tout cela que, tout près du nerf principal, on peut, en faisant varier le point, observer sur une même verlicale, des filets nerveux silués à {rois el même quatre niveaux : le réseau inter-épithélial se prolonge en effet par- dessus le nerf principal, et on en trouve encore des traces dans la région mamelonnée du feuillet qui se trouve au delà de celui-ci. Quant au point précis où chaque filet passe de l'intérieur à l'extérieur de la membrane basilaire, il n’est pas possible de le déterminer; 1l la traverse en effet tout à fait obliquement. Le nerf principal émet aussi des branches du côté afférent, c'est-à-dire dans la région la plus étendue du feuillet. Ces branches sont généralement obliques, assez volumineuses, irrégulièrement insérées et divisées. Je n’ai pas pu les suivre très loin, à cause de l'irrégularité de la surface, qui rend difficile l'observation par transparence. Selon toute proba- ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. DA bilité, elles sont destinées à l'innervation des muscles, el il en est de même pour quelques-uns des filets situés de l’autre côlé, qui se Liennent constamment en dedans de la membrane basilaire. $ 6. — Épithélium. Le Essu épithélial qui revêt la surface d’un feuillet branchial nous offre les trois sortes d'éléments que nous avons déjà rencontrés dans l'organe de Spengel : les cellules ciliées indifférentes, les cellules mucipares etles cellules sensorielles. Ici c'est la première variété qui est de beaucoup la plus abondante. Dans tous les Prosobranches, en examinant de face ou en coupe un feuillet fixé et coloré, on voit immédiatement deux régions tout à fait distinctes au point de vue de l’épithélium qui les recouvre. Dans la première (à droite, fig. 44), qui cor- respond à l’épaississement de la membrane de soutien ou encore au sinus efférent, la surface de l’épithélium est abso- lument plane. Les faces latérales constituent un carrelage assez irrégulier à la vérité, mais où tous les éléments con- servent la même grandeur; les noyaux, très volumineux, occupent presque tout le champ de chaque cellule. Si l’on opère avec un liquide dissociant, on obtient facilement des cellules isolées, relativement courtes, au plus deux fois plus hautes que larges, presque cubiques dans quelques cas (Pa- ludine). Un examen attentif permettra toujours d'y recon- naître deux ou trois prolongements d'attache à la partie basilaire. Le protoplasma est dense et finement granuleux, surtout près des plateaux. En coupe, les noyaux se montrent presque à la même hauteur. La seconde région comprend (à gauche, fig. 44) tout le reste du feuillet : c’est elle qu'intéressent les plissements si prononcés qui existent dans quelques genres (Littorine, Haliotide, etc.). La surface de l’épithélium y est toujours beaucoup plus inégale et Les cellules ne s'élèvent pas toutes à la même hauteur. En coupe, elles apparaissent bien plus 978 FÉLIX BERNARD. grêles, plus irrégulières; elles sont parfois longuement pédonculées, fortement granuleuses près du plateau; le noyau est allongé, parfois même conique (Littorine, fig. 45). Les cellules ne se touchent manifestement pas à leur base; les noyaux sont à toutes les hauteurs. _ Je n’insisterais pas sur ces différences si elles n'étaient pas liées à des faits plus importants. On sait déjà que c’est exclusivement dans la région efférente qu'est développé le ré- seau neuro-épithélial. Nous pouvons maintenant ajouter que c'est au contraire presque exclusivement dans l'autre région que se trouvent les cellules glandulaires. Elles sont extrémement nombreuses au-dessus du nerf principal, à la ligne de sépara- tion des deux régions ; le long du bord afférent, au-dessus du nerf marginal, elles sont abondantes au point de dominer sur les autres cellules. I v en a un nombre bien moins considé- rable le long du bord efférent. Celte disposition des cellules glandulaires est fort remar- quable, surtout si on la compare à ce qu’elle est dans les autres genres. Disons tout de suite, pour ne pas revenir sur ce sujet, que, dans la plupart des genres, le nerf principal n’est pas, comme dans la Cassidaire, assez éloigné du bord efférent ; il est absolument marginal comme son congénère du côté opposé (c’est notamment le cas de l’Haliotide, qui est représenté dansla figure 42). Dans les feuillets ainsi innervés, la séparation des deux régions se fait par une bande de fibres longitudinales. Mais alors la longue trainée de cellules qlan- dulaires ne marque plus cette ligne de séparation; elle se trouve reportée au bord efférent; elle suit donc le nerf dans son déplacement. Il y a donc manifestement une relation entre les éléments glandulaires et les faisceaux nerveux de l’un ou l’autre bord; il semble au contraire ne pas y en avoir entre ces mêmes éléments et le réseau nerveux inter-épithélial. Ces résultats m'ont amené tout naturellement à rechercher dans les élé- ments sécréteurs, ici bien volumineux et bien isolés, les {er- minaisons nerveuses que bien peu d’auleurs jusqu’à ce jour ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCIHES. 279 ont pu mettre en évidence ; je crois les avoir aperçues par la méthode du chlorure d’or, des fines arborisations. Mais, sur un sujet aussi délicat, les résultats obtenus sont trop incertains pour que Je puisse y insister avant de nouvelles vérifications. Mais si les terminaisons nerveuses sécrétrices restent encore problématiques, les terminaisons sensorielles ont pu être étudiées avec certitude. Les cellules de Flemming apparaissent par les procédés ordinaires, avec leurs carac- tères habituels un peu variables. Elles se voient presque exclusivement sur le tranchant du feuillet, au bord afférent comme au bord efférent, mais surtout près de ce dernier. Or on se souvient que là précisément nous avons vu se diriger de nombreux filets nerveux détachés du réseau inter-épithé- lial. La connexion des éléments avec le réseau, presque évi- dente « priori, est vérifiée en effet : sur des préparations au chlorure d’or un peu dissociées, on voit les prolongements des cellules de Flemming, reconnaissables à leur colora- tion due précisément à la réduction de l'or, s’insérer sur les filets dont je viens de parler. Le feuillet branchial est le seul organe où j'ai pu observer avec cerlitude des soies terminales adaptées à la têle de ces cellules. Si nous examinons dans l’eau de mer un feuillet bien vivant, nous verrons, sur chacun des deux bords, parmi les cils en mouvement, de grandes soies au moins quatre fois plus longues que les cils, incomparablement plus fortes et absolument isolées. Ces soies paraissent animées d’un vif mouvement conique; en arrêtant graduellement l’action des cils au moyen d'un acide, on peut voir facilement que leur déplacement est dû simplement à la poussée produite par ces derniers. Ces soies sont en somme peu nombreuses et assez espacées : on peut en voir une vingtaine sur toute l'étendue du bord efférent; elles sont moins nombreuses encore du côté opposé. En prenant toutes les précautions que Flemming recom- mande au commencement de son premier mémoire, on 280 FÉLIX BERNARD. n'arrive pas à décomposer les fortes soies en question en filaments plus ténus; nous admettrons donc que chaque cellule neuro-épithéliale de la branchie se termine par wn filament unique, rigide et consistant, bien plus long que les cils vibratiles ordinaires (fig. 43 a). $ 8. — Comparaison du feuillet branchial avec le feuillet de l'organe de Spengel. Les mêmes éléments se rencontrent dans les deux sortes de feuillets, à l'exception des cellules pigmentées qui man- quent dans les feuillets branchiaux. La seule différence consiste dans les proportions suivant lesquelles se dévelop- pent les diverses variétés d’un même lissu. 1° Le tissu musculaire diffère dans les deux cas seulement en ce que dans la branchie les trabécules transversales sont plus nombreuses, plus volumineuses et plus régulièrement alignées. 2° Au point de vue de l’innervation, l'organe de Spengel est infiniment plus riche ; le nerfenvoie de grosses branches formant une véritable arborescence; dans la branchie existe un filet peu volumineux qui fait le tour du feuillet et, d’un côté seulement, émet des filets constituant un réseau inter- épithélial très différent de ceux qu’on observe dans les divers organes de Spengel. 3° L’épithélinm de l’organe de Spengel est plus riche en cellules sensorielles réparties sur des zones étendues ; dans la branchie ces élémenis sont peu nombreux et localisés au bord efférent. Les cellules ciliées régulières couvrent à elles seules une grande partie du feuillet branchial; elles sont plus irrégulières et mêlées d'éléments glandulaires dans les régions moyenne el efférente. 4° Au point de vue des espaces sanguins, la dif‘érence essentielle consiste en ce que dans l'organe de Spengel exis- tent des sinus disposés en cul-de-sac, tandis que dans la branchie, le sang peut circuler partout dans les intervalles des trabécules transversales : en d’autres Lermes, imaginons ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 281 que dans le feuillet branchial, des aires déterminées soient spécialement réservées aux éléments nerveux et d’autres aux espèces sanguines, el nous aurons le feuillet de l'organe de Spengel au maximum de différenciation. CHAPITRE II COMPARAISON DES BRANCHIES DES DIVERS PROSOBRANCHES. Nous avons rencontré, en étudiant l'organe de Spengel, d'importantes différences de structure chez les divers types même dans des organes semblables en apparence. L'étude des feuillets branchiaux ne nous donnera pas les mêmes ré- sultats ; la structure en est très peu variable, et les différences sont surlout réalisées dans la disposition du système ner- veux. S 1. — Diotocardes. L'Haliotis tuberculata, le Trochus magus, le Monodonta monodon, la Fissurella costaria, la Navicella Janelli, que j'ai choisis pour représenter les quatre grandes familles des Dio- tocardes, ne présentent pas de variations importantes : la différenciation y semble portée presque exactement au même point : elle atteint du reste un degré remarquable (fig. 42). Des replis transversaux intéressent toute l'épaisseur du feuillet et lui donnent un aspect godronné; les replis ne s'étendent pas d’un bord à l’autre, ils se tiennent seulement dans la région moyenne, de sorte que de chaque côlé une étendue un peu plus grande que celle du vaisseau afférent et du vaisseau efférent reste plane, et la surface du feuillet est divisée en trois portions. La figure indique suffisamment la disposition des trabécules transversales pour qu'il soit inutile d’insister sur ce sujet. Nous trouvons un faisceau musculaire longitudinal assez diffus, à sa place ordinaire. Dans la Fissurelle, ce faisceau se décompose rapidement en fibres s’'écartant de différents côtés. 9289 FÉLIX BERNARD. Il existe un nerf marginal important qui fait tout le tour du feuillet, en se tenant constamment contre le bord, à l’ex- trème limite du contour apparent. Ce nerf est volumineux chez l'Haliotide, bien plus réduit et plus difficile à trouver, mais présent cependant dans les autres types. Examinons d'abord le côté afférent. Comme d'ordinaire, la membrane de soutien est épaissie irrégulièrement de manière à former un bourrelet arrondi muni de crêtes transversales, de très nombreuses fibres musculaires, normales à ce bord, se ré- fléchissant d’une face sur l’autre; on trouve aussi des fibres qui sont la continuation de celles qui forment les trabécules transversales. Ces diverses fibres sont beaucoup plus espacées au bord efférent, ce qui se comprend facilement, puisque l’épaississe- ment de la membrane de soutien a précisément pour effet d'empêcher une contraction excessive du vaisseau. Enfin, de distance en distance, on voit des filets nerveux issus du nerf marginal el se porlant respectivement vers chacune des faces en se rapprochant en même temps de la pointe du feuillet. Ces filets, aussi loin qu’on peut les suivre, - restent à l'intérieur de la membrane de soutien. J'ai mulli- plié les préparalions au chlorure d'or sur les lypes princi- paux, pour {âcher de découvrir un réseau nerveux inter-épi- thélial : je n'ai pu y parvenir. Comme dans les mêmes réactifs et par les mêmes procédés j'obtenais simultanément de belles préparations de ce réseau dans la Cassidaire, je suis amené à conclure que, selon toute probabilité, ce réseau n'existe pas chez les Diotocardes, ou tout au moins que les filets qui le constituent sont infiniment moins développés. Les cellules neuro-épithéliales s’observent cependant sans difficulté le long du bord afférent. Examinors ce bord sur la coupe transversale d’un feuillet bien fixé. Nous y verrons la membrane de soutien s’amincir notablement sur la tranche entre les épaississements principaux des deux faces, et l’on peut apercevoir de pelites cavités par où passent de minces filets provenant du nerf principal et allant à l’épithélium. ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 283 L'aspect est analogue à celui qui est représenté dans la figure 44 (Re). Du côté efférent, les cellules neuro-épithéliales ne peuvent être distinguées avec certitude, parce que les élé- ments épithéliaux sont déformés par le gonflement des cel- lules mucipares. De ce qui précède nous pouvons tirer deux conclusions : 1° La différence essentielle qui existe entre un feuillet branchial de Diofocarde et celui d’un Ténioglosse Sipho- nostome consiste en ce que, chez les premiers, le nerf prin- cipal est situé tout à fait au tranchant du feuillet et envoie facilement des filets à l’épithélium adjacent, au lieu d'y pénétrer tangentiellement et d’y constituer un réseau com- pliqué. 2° Il existe une analogie profonde entre les bords afférent el efférent d’un feuillet branchial de Diotocardes d’une part, et les côtés de même nom du support branchial de ces mêmes animaux. Si l’on se rappelle la descriplion que nous avons donnée de l'organe de Spengel des Trochidés, et si l’on compare la figure 19 qui représente cet organe avec la position gauche de la figure 44 qui a frait au feuillet bran- chial d’un Trochus, on trouve qu'il y a presque identité. Il existe cependant une différence : le nerf olfactif des Trochidés est déjà purement sensoriel; 1l n’envoie de filet qu'à l’épithélium, tandis que le nerf principal d’un feuillet émet des nerfs secondaires assez importants vers l'intérieur du feuillet, et ces nerfs sont évidemment moteurs. Mais la différence s’efface si, au lieu de considérer un animal où la séparation du nerf branchial et du nerf olfactif est établie, nous nous référons aux types où ces deux faisceaux sont confondus, c’est-à-dire aux Fissurellidés et aux Néritidés (fig. 21, NE). | Le même contraste que nous avons trouvé entre les deux bords du support branchial se manifeste encore si l’on con- sidère les deux bords d’un feuillet : le bord efférent est sen- soriel; le bord afférent est plus spécialement glandulaire (fig. 44, R a. 284 FÉLIX BERNARD. Donc nous pouvons énoncer ce fait inconnu jusqu à ce jour et qui peut présenter quelque intérêt : ?/ existe sur le tranchant des feuillets branchiaux de tous les Diotocardes une région sensorielle, encore peu différenciée, mais identique à celle qui existe sur le support branchial, et qui, chez les types plus élevés en organisation, devient l'organe de Spengel. Nous devons maintenant nous demander si cet organe nouveau suit une évolution parallèle à celle de l'organe de Spengel proprement dit, et va en se différenciant à mesure qu'on remonte dans le rein des Prosobranches. Nous allons voir qu'il n’en est rien el que la disposition décrite chez la Cassidaire peut être regardée comme correspondant au point maximum auquel arrive la différenciation de la bran- chie en tant qu'organe sensoriel. $ 2. — Paludine. On sait que les feuillets branchiaux de la Paludine ont la forme de lanières longues et pointues infléchies légèrement du côté afférent, de manière à déborder sur la glande à mucus. Elles diffèrent de celles que nous avons étudiées par le développement considérable du massif spongieux formé de cellules étoilées, qui occupe loute la partie moyenne et sépare les régions afférente et efférente dans toute la longueur du feuillet. Ordinairement au contraire ce massif s'étend très peu en avant et laisse en avant une large région, parsemée de trabécules, où se fait librement la circulation du sang (fig. 43, X). J’insiste sur cette disposition chez la Paludine parce qu'elle a été vue par Leydig dès 1850 et qu'elle n’est pas générale. Si l’on examine une préparation de feuillet branchial ren- due transparente par l’ablalion de l’épithélium, on est immédiatement frappé par le nombre et la régularité des fibres comprises dans l'épaisseur de chacune des lames de soulien et dirigées perpendiculairement aux côtés du feuillet. Ces fibres sont {trop courtes pour s’élendre exactement d'un bord à l’autre : elles se terminent à des distances variables. ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 285 Toutes sont divisées à leurs extrémités en petites lanières terminées en définitive par de grêles filets. Il est difficile dans le cas présent de décider si elles sont de nature musculaire ou conjonclive. IL n'existe qu’un nerf situé du côté a/fférent. Le long de l'épaississement de soutien, on ne peul découvrir aucun élé- ment nerveux, même en dédoublant un feuillet, ou en le re- gardant par la tranche avec cerlaines précautions, et en mullipliant même les préparations au chlorure d'or. Ainsi nous ne trouvons pas trace, chez la Paludine, de ce pelit organe sensoriel rudimentaire qui avait attiré notre attenlion chez les Diotocardes. $ 3. — Autres Ténioglosses. Inversement, dans la ZLiftorine, c’est le nerf marginal du côté afférent qui fait défaut; le nerf du bord efférent est très distinct, et situé absolument comme chez les Dioto- cardes, c'est-à-dire au fond de la goultière formée par les épaississements de soutien, et absolument marginal. Les éléments sont si petits dans cet animal que je n’ai pu pour- suivre bien loin l'analyse de l'épithélium. On trouvera dans la figure 45 une reproduction de l’aspect d’un des replis transversaux qui avaient tant frappé Williams. Le Chenopus et les Strombus présentent une telle réduction du système nerveux branchial, qu'il m'a été impossible de déterminer la place des filets principaux, même en opérant au chlorure d’or sur des animaux frais. Le sinus afférent est limité par un faisceau de fibres conjonctives qui présentent un grand intérêt et que nous décrirons plus loin (V° partie, chapinr el er6): Comme compensation, les gros Strombus présentent des facilités particulières pour l'étude de trabécules transver- sales qui sy rencontrent avec des dimensions inaccoutu- mées dans la région afférente. Après avoir séparé un feuillet en deux lamelles, et brisé ainsi les trabécules en question, on voit distinctement leur membrane conjonclive semée de 286 FÉLIX BERNARD. quelques noyaux, qui enveloppe plusieurs fibres musculaires se prolongeant fort loin de tous côtés dans l'épaisseur de l'une ou l’autre des deux lames. Ainsi se forment des figures étoilées dont la régularité et la grandeur donnent une grande élégance aux préparations faites sans dilacération sur l’ensemble du feuillet. Dans la région moyenne et affé- rente, les mêmes faits se manifestent, mais les trabécules sont bien plus petits et plus rapprochés ; ils sont cependant parfaitement alignés en séries transversales, et leur aspect rappelle d’une manière frappante celui des spicules des Hexactinellidés. Nous pourrions répéter pour la Vatce ce qui a été dit à propos des Chénopus : le système nerveux est très réduit, et probablement diffus. Au contraire, l'appareil musculaire est fortement développé. Outre le faisceau qui borde le sinus efférent et qui est ici très volumineux, il existe un autre faisceau important au bord opposé du feuillet: de chacun de ces deux faisceaux s'échappent des fibres volumineuses qui décrivent une courbe convexe du côté de la pointe du feuillet et qui marchent au-devant les unes des autres. Vers la pointe, les fibres de chacun des deux systèmes s’entre- croisent et figurent un réseau irrégulier. J’ai trouvé de nombreux cas de fibres bifurquées, et dans quelques-unes, le noyau élait au point de bifurcation; mais le fail paraît être assez exceptionnel. La branchie des divers Proboscidifères Siphonostomes dif- fère peu de celle de la Cassidaire : j'at éludié la Aanella gi- gantea, le Cassis saburon el le Dolium qgalea. Les feuillets sont très volumineux dans le gros exemplaire de Dolium que j'ai examiné; ils sont fortement convexes du côté efférent, el se terminent par une pointe assez eflilée. Le nerf principal se trouve, comme dans la Cassidaire, assez loin du bord efférent et sur la ligne de séparation des deux régions épi- théliales. Comme j'avais affaire à un animal conservé dans alcool, je n'ai pu, malgré l'excellente conservation des issus, obtenir de bons résultats par la méthode du chlo- ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 287 rure d'or : je ne puis donc dire s'il existe un réseau nerveux inter-épithélial ; mais toutes les méthodes m'ont fait voir le nerf principal, divisé en deux faisceaux superposés, sur- monté très exactement par une large rangée d’épithélium fortement glandulaire. Le nerf marginal du bord afférent est très volumineux et occupe le centre d’un bourrelet lon- gitudinal assez saillant sur lequel abondent les cellules glan- dulaires. Dans la Ranelle j'ai découvert par le chlorure d’or un ré- seau inter-épithélial absolument semblable à celui de la Cas- sidaire, et les feuillets des deux types peuvent d’ailleurs diffi- cilement être distingués. Le Vermet (V. gigas), quoique appartenant à une série bien différente, reproduit aussi presque schématiquement la disposition précédente. Les feuillets sont très étroits, ce qui permet d'avoir en coupe dans un très pelit espace les di- verses régions. La cavité sanguine est large, et les trabécules fort longues, de sorte qu'on peut les étudier avec facilité. On voit nettement le nerf principal, ou plutôt les deux nerfs principaux adhérant chacun à l’une des faces, au point où l’épithélium change de nature, et le nerf marginal unique, au fond du sinus afférent. S 4. — Rachiglosses. Chez les ÆRachiglosses la structure du feuiilet branchial présente une constance qui nous permettra de résumer par une seule descriplion ce qui concerne tous les genres étu- diés : Bucein, Murex (M. frunculus), Volute (V. scapha), Harpe (Æ. ventricosa), Pourpre (P. Japillus). Partout les fibres musculaires du faisceau principal sont assez lâches pour qu'il soit possible de pouvoir déterminer avec sûreté s’il existe dans la même région un faisceau nerveux un peu important. Or il n’en est pas ainsi, le nerf principal ne se voit pas par transparence, et des coupes transversales, faites dans la Pourpre et le Buccin, me permettent d'affirmer qu'il n'existe pas. Au contraire, le nerf marginal est volumi- 288 FÉLIX BERNARD. neux etbien développé. Ordinairement 1l s'arrête à la pointe du feuillet branchial; dans la Volute il se réfléchit jusqu'à une petite distance le long du bord efférent. Les cellules mu- cipares ne se montrent pas en plus grande abondance au bord interne du sinus que partout ailleurs. Enfin, en coupe, je n’ai pas pu voir des cellules neuro-épithéliales le long du bord elférent. à à S 5. — Résumé. Si l’on compare entre eux les feuillets branchiaux des divers Prosobranches, on ne trouve quedes différences d'ordre secondaire, consistant : 4° dans la présence ou l'absence de replis transversaux ; 2° dans le développement ou la réduction du filet nerveux qui suil les deux bords du feuillet en se ré- fléchissant à la pointe, et dans l'existence d’un réseau ner- veux inter-épithélial différencié chez quelques types seule- ment. Ces variations ne sont pas nettement en rapport avec la classification naturelle des divers groupes; les feuillets Les plus différenciés sont ceux des Ténioglosses Siphonostomes. Dans le cas où le nerf suit exactement le bord efférent, il v a identité entre ce bord el un organe de Spengel de Dioto- carde inférieur : J'atlache à ce fait une cerlaine impor- tance. Le bord afférent est toujours riche en éléments glan- dulaires. L'appareil musculaire présente une constance remar- quable, il comprend toujours un faisceau longitudinal plus ou moins compact à une pelite distance du bord efférent, des fibres planes normales aux deux bords, des fibres mar- ginales passant d'un bord à l’autre (plus ou moins abon- dantes suivant les types) et des fibres transverses ramifiées raltachant les deux lames du feuillet. Jamais il n’existe de capillaires. ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 289 CHAPITRE III PATELLIDÉS ET OPISTHOBRANCHES. Maintenant que nous savons d’une manière suffisante en quoi consistent les feuillets d’une branchie de Prosobranche, nous devons nous demander si la même structure se retrouve dans certains organes adaptés à la même fonction, mais non construits sur le même plan au point de vue morpho- logique. La plupart des Patellidés sont, comme on sait, pourvus de lamelles fixées à la face inférieure d’un repli circulaire du manteau qui déborde tout autour du corps de l'animal; ce cercle de feuillets juxtaposés est interrompu seulement en un point situé en avant et à gauche. On admet généralement et à juste litre que l’ensemble de ces feuillets ne correspond pas morphologiquement à une branchie ordi- naire, soit de Monolocarde, soit de Diotocarde. Mais il est presque évident à priori que ces organes servent à la respi- ration : ils pourraient cependant remplir de plus, à un degré quelconque, une fonction sensorielle. La branchie des Opisthobranches au contraire est mor- phologiquement l’homologue d’une branchie de Proso- branche, mais elle offre toujours un aspect bien différent ; nous allons voir que cependant elle est presque identique au point de vue histologique. $ 1. — Lamelles branchiales de la Patelle. Wrccrams à étudié avec soin l'appareil respiratoire chez la Patelle. Sa description, longue et détaillée, laisse voir la préoccupation de trouver dans ces animaux des termes de transilion entre les Acéphales et les Gastéropodes, au moins au point de vue des organes qui nous occupent (8, p. 414). En examinant une lamelle par transparence, 1l y voit « deux couches distincles el séparées unies seulement à leur bord, en concordance exacte avec le type des branchies simples ANN. SC. NAT. ZOOL. 1x: 49. — ART. N° 9° 290 FÉLIX PERNARD. des Lamellibranches ». Le bord entier est occupé par les canaux sanguins afférent et efférent ; mais qu'y a-t-il entre les deux ?.... Le feuillet n’est pas fenêtré, mais continu ; des tubercules, se croisant mutuellement de manière à favoriser mutuellement le soutien de la manière la plus effective, s'élendent entre les deux, et les points où ces fibres s’at- tachent aux vaisseaux sont renflés en nodules qui rappellent ceux qu'on voil dans les filets branchiaux de la Moule. L'espace laissé libre est incontestablement rempli d’un fluide; mais quelle est la nature de ce fluide, il est impos- sible actuellement de le déterminer. En somme, « si tout autre caractère dans l'organisme de la Patelle manifeste le même degré de similitude pour le système correspondant des Lamellibranches, le naturaliste ne doit pas hésiter à définir la Patelle à la fois comme l’Acéphale le plus élevé et le Céphalé le plus inférieur ». L'ensemble de l’organisation de la Patelle, mieux connue, n'a pas permis de rattacher ce Mollusque aux Acéphales. n’en est pas moins curieux de voir dès 1855 affirmer l'iden- üté de structure des organes respiratoires chez les deux classes en question. D'autre part, on ne peut manquer d'être frappé de l'embarras où se trouvait l’habile natura- liste de Swansea pour expliquer cette structure qu’il avait entrevue. Depuis le mémoire de Williams, nous n’avons à enregislrer qu'un travail relatif aux organes branchiaux de la Patelle, c’est celui de M. Weañanx (65), qui décrit formellement un réseau capillaire dans les lamelles branchiales. « Dans chaque feuillet, un vaisseau parcourt le bord interne du feuillet et s’épuise vers le sommet en émettant un grand nombre de vaisseaux de troisième ordre, qui s’en séparent parallèlement en formant un angle droit avec le tronc d’où ils tirent leur origine. Ces vaisseaux nourrissent un réseau de capillaires; en les traversant, le sang redevient artériel et sort du feuillet branchial par des canaux qui sont en tout symétriques aux conduits afférents. La veinule branchiale descend ou plutôt ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 291 remonte, puisque les feuillets sont suspendus, le long du bord externe de la lamelle, puis se jette dans la veine bran- chiale commune, qui fait tout le tour de l'animal et se jette dans le cœur. » La figure donnée par M. Wegmann n’est pas moins claire que le texte et montre un réseau capillaire d’une richesse et d'une finesse extrême. Ce que nous avons vu plus haut à propos des branchies en général doit nous mettre en garde contre cette interpré- tation. Nous allons voir qu’elle est inexacte. 1° Circulation. — En examinant au microscope des la- melles branchiales injectées par un procédé quelconque, les unes à fond, les autres incomplètement, on peut se con- vaincre sans peine de plusieurs faits importants. Tout d’a- bord le vaisseau marginal est beaucoup plus large que ne le figure M. Wegmann; il est continu sur tout le pourtour de la lamelle, et l’on ne peut pas dire qu'il y ait là deux vais- seaux se résolvant en capillaires dans le voisinage de la pointe. En second lieu, linjection, au lieu d'emplir des canalicules extrêmement étroits, comme le eroit M. Weg- mann, occupe au contraire la presque totalité de l’espace compris entre les deux faces, et ce sont les trabécules pleines et non les espaces sanguins qui sont tout à fait réduits. Cela se voit avec la plus grande facililé sur des feuillets bran- chiaux à demi injectés. Si maintenant nous cherchons, par une méthode déjà connue, à analyser les éléments en étu- diant dans la glvcérine une lamelle débarrassée de son épi- thélum et colorée au bleu de méthylène, nous obtiendrons un aspect qui rappelle d’une manière frappante celui que nous présentaient les lamelles branchiales des autres Pro- sobranches : le canal marginal est bordé antérieurement par une série de gros amas cellulaires à plusieurs noyaux (ce sont les nodules de Williams). Les autres amas nucléaires sont bien moins volumineux, et rangés avec une certaine régularité. [ls correspondent aux trabécules qu'avait vues l’anatomisle anglais; mais, comme nous devons nous y 292 FÉLIX BERNARD. altendre, ces trabécules ne présentent pas le moindre enche- vêlrement; ce sont de minces filets réunissant les deux faces. En somme, le canal sanguin marginal communique librement avec l’espace interlaminaire et la folliole branchiale est abso- lument remplie par le liquide sanguin. Sur des coupes transversales en deux couleurs nous pou- vons vérifier que les trabécules en queslion, grêles ou volu- mineuses, sont constituées par de minces fibres musculaires à noyau évident (fig. 65, {), isolées dans les trabécules minces, associées dans celles, plus épaisses, de la périphérie, et entourées d’une fine enveloppe conjonelive à noyaux situés à diverses hauteurs. Les fibres musculaires sont ramifiées et les fibrilles par lesquelles elles se terminent rayonnent autour des nodules. Quant aux fibres musculaires situées à plat dans l'épaisseur des deux lames, elles sont très nom- breuses et ne paraissent pas présenter un arrangement spécial. La conclusion de tout ce qui précède est évidente : à n'existe, au point de vue du tissu conjorctif et de la circulation du sang, aucune différence essentielle entre un feuillet bran- chial de Patelle et un feuillet branchial de Pectinibranche ou d'Aspidobranche. 2 Tissus nerveux el éprithélial. — Novons maintenant s'il en est de même pour ce qui concerne l’innervation du feuil- let. Ici, je dois le dire, le résultat de mes observations est purement négatif. Aucune des méthodes par lesquelles j'ai mis en évidence des filets nerveux très grêles dans des cas variés, ne m'a permis de reconnaitre ce {issu dans les bran- chies de la Patelle. La première idée qui se présente consiste à chercher un nerf marginal ou submarginal comme il en existe d’une manière presque constante dans les branchies proprement dites. Effectivement on voit sur une lamelle co- lorée le bord se présenter avec une teinte plus foncée, qu’on pourrait au premier abord attribuer à l'existence d’un nerf silué dans l'épaisseur des tissus. Un examen plus attentif, ei surtout l'étude de coupes transversales, montre que ce ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 993 n’est là qu’une apparence due à ce que la membrane de sou- lien est vue en ces points sous une plus grande épaisseur. I n’y a, en réalité, pas même d’épaississement du lissu con- jonctif, comme on peut le voir sur la figure 65. Je ne prétends pas conclure de là qu'il n’existe pas trace d'éléments nerveux dans ces organes : le contraire est même bien évident, puisque les lamelles se contractent à la volonté de l'animal. Mais il n’y à à coup sûr pas de nerf présentant une importance notable, et le chlorure d’or même ne m'a pas permis de découvrir les éléments diffus. Je n'ai pas réussi davantage à trouver de cellules de Flemming, quel que soit le soin avec lequel je les ai cherchées, En revanche, j'ai pu faire sur l’épithélium indifférent une observation qui mérite d’être signalée, car nous pouvons la répéter encore dans quelques autres cas (fig. 65, cc). Il est facile de voir sur les coupes de grosses touffes de cils vibra- tiles adhérents à des cellules plus volumineuses que leurs voisines, Celles-ci paraissant, au contraire, complètement dépourvues de cils. Les cellules ciliées étaient d’ailleurs, à part leur plus grande largeur, semblables aux autres, c’est-à-dire peu élevées, régulièrement prismatiques, munies d’un plateau très net et d’un gros noyau rond médian. On peut vérifier, sur des animaux vivants, en examinant en particulier le bord du feuillet, qu'un petit nombre de cel- lules sont ciliées, et que celles-ci sont isolées les unes des autres par des cellules dépourvues de cils. Quelle est exacte- ment la nature de ces éléments? Je ne crois pas pouvoir les considérer comme des terminaisons nerveuses; puisque le système nerveux est tout à fait invisible. Cependant elles res- semblent beaucoup à de larges éléments que Flemming décrit comme neuro-épithéliaux chez les Acéphales. Je ferai seulement observer combien elles sont peu répandues chez les Prosobranches. $ 2. — Branchie des Opisthobranches. Je n'ai pas l'intention d'étudier complètement la struc- 294 FÉLIX BEBNARD. ture de la branchie dans tous les groupes d’Opisthobranches pourvus de ces appendices. Ayant surtout en vue la compa- raison des Prosobranches avec les types les plus voisins, je me bornerai à l'examen des Tectibranches, chez lesquels l’homologie n’est pas douteuse. La description morpholo- gique de ces organes a été faite à plusieurs reprises d’une manière tout à fait satisfaisante. Pour les Bullidés, le Pleu- robranche et lOmbrelle, on consullera les chapitres que con- sacrent respectivement à la respiration MM. Vayssière (14), de Lacaze-Duthiers (71) et Moquin-Tandon (27 is). Restent seulement les Aplysidés, qui sont actuellement l’objet d'un travail monographique de M. Robert (1). De la comparaison que j'ai pu faire des branchies chez ces divers animaux, je puis tirer une règle générale qu'il est facile de vérifier : la branchie des Tectibranches, quelle que soit sa compli- calion apparente, peut toujours êlre envisagée comme un simple sac formé de deux lames soudées sur les bords, s'écartant ensuite de manière à ménager de chaque côté un large canal (vaisseau afférent et vaisseau efférent), très rap- prochées el même presque accolées dans toute la région moyenne. Mais cette double lame, loin d’être plane, présente des replis d'ordres différents, des pinnules insérées les unes sur les autres de manière à former ces sortes de plumes élé- gantes qui caractérisent les Teclibranches. Ce que je tiens spécialement à faire observer, c'est que tous ces replis et ces émergences, si compliqués qu'ils soient, intéressent tou- jours simultanément les deux lames conslitutives, absolu ment comme chez la Littorine, l'Haliotide, etc., les replis d’un feuillet intéressaient les deux faces du feuillet. En d’autres termes, il n'existe pas de support branchial sur lequel puissent s'insérer les pinnules; on ne peut pas davan- tage considérer les branchies comme formées d’une série de (1} Tout récemment, M. R. Saint-Loup s'occupe brièvement de la bran- chie de l’Aplysie dans une note présentée à l’Académie des sciences. Il y décrit des « valvules ». Je ne sais ce que cet auteur entend exactement par ce mot: je n'ai rien vu qui m'autorise à supposer qu'il existe des valvules dans les sinus de la branchie. 9 ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 295 lames juxlaposées. Elles diffèrent en cela de celles des di- vers Prosobranches; elles s’en rapprochent d'autre part en ce que l’espace occupé par le sang est toujours lintérieur d’une même lamelle. J’ai étudié la structure de cette lamelle chez l'Ombrella mediterranea, le Gastropteron Meckeli, Va Bulla ampulla, le Scaphander lignarius et l'Aplysia punctata; les deux pre- miers types provenaient de Naples, les trois derniers d’Arca- chon. Partout on rencontre deux larges vaisseaux afférents et efférents, à parois épaisses, particulièrement favorables à l'étude du tissu conjonctif (voir V° partie, chap. n). Partout le sac sanguin est traversé par des trabécules longues et grêles, plus espacées et mieux alignées encore que celles qu’on trouve chez les Prosobranches, mais en tout semblables à celles-ci : leur nature, à la fois conjonctive et musculaire, est rendue plus nette encore par l’élirement des filets, qui ressemblent tout à fait aux fibres musculaires ordinaires. Dans les préparations à plat, on voit la place des trabécules indiquée par de petites étoiles plurinucléées : Pab- sence de capillaires estencore manifeste dans le cas présent. Les éléments nerveux n'ont pu être mis en évidence, sauf le long du vaisseau afférent, où existe un réseau que j'ai précédemment étudié et qui représente l'organe de Spengel. J'ai mieux réussi en ce qui concerne l’épithélium : 1 est composé en grande partie de cellules larges, à plateau dis- ünel, à gros noyau, et, fait remarquable, complètement dé- pourvues de cils. De distance'en distance seulement, on voit des éléments analogues, mais plus volumineux, pourvus d'une épaisse houppe de cils longs et vigoureux. L'examen des lissus frais a confirmé cette observation, faite tout d’a- bord sur des coupes dans tous les Lypes précédemment cités. Je rapproche cette observation de celle que je viens de rap- porter à propos de la Patelle, sans attribuer cependant à ces faits une imporlance exagérée, puisqu'ils ne semblent en rien liés au genre de vie ou aux affinités zoologiques des ani- maux en question. 296 FÉLIX BERNARD. $ 3. — Conclusion générale. La conclusion qui se dégage de toute cette étude de la branchie, c’est l’analogie profonde qui reste au point de vue histologique entre les divers organes branchiaux des Proso- branches et des Opisthobranches. Le caractère qui apparaît pour nous comme le plus impor- tant dans la structure de ces organes, c’est la présence constante de nombreuses fibres musculaires transversales, enveloppées d’un myolème, lraversant les espaces san- guins, qui communiquent largement les uns avec les autres el ne peuvent en aucune façon êlre assimilés à des capil- laires. Ces éléments jouent manifestement un rôle dans la circulation branchiale ; ils peuvent, par leur contraction ou leur relâchement, accélérer la sortie du sang du feuillet ou en permettre l’arrivée : 1ls remplissent donc les mêmes fonctions que de véritables vaisseaux, mais par un méca- nisme {out différent. Les différences et les analogies qui existent entre la bran- _chie et l'organe de Spengel ont été résumés dans les deux chapitres précédents. QUATRIÈME PARTIE GLANDE A MUCUS. — SÉCRÉTION DU MUCUS. CHAPITRE PREMIER HISTOLOGIE DE LA GLANDE A MUCUS. L'organe dont nous avons maintenant à nous occuper n’est autre chose que la région moyenne du manteau, comprise enlre la branchie et la masse recto-génitale. Quelquefois ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 207 cette région ne présente rien de particulier, mais le plus souvent c'est par excellence la région mucipare des Proso- branches; souvent même il s'y développe des feuillets des- linés à augmenter la surface sécrétante, et ces feuillets peuvent se localiser dans un espace formant un organe nettement délimité. Pour plus de commodité nous continuerons à appeler glande à mucus toute celte région dorsale el médiane du manteau, qu'elle soit ou non spécialement mucipare, et nous en étudierons les différenciations successives. Cette large bande est sillonnée de nerfs plus ou moins nombreux, dont je n'ai pas repris l'étude topographique; ils ont été en effet étudiés et représentés dans un grand nombre de cas M. Bouvier, entre autres auteurs, les a figurés chez plusieurs Prosobranches. Qu'il me suffise de rappeler que les nerfs destinés à la portion gauche viennent du ganglion palléal gauche, du ganglion supra-inlestinal ou de la commissure viscérale : un grand nombre d'entre eux passent sous la branchie. Ceux qui innervent la portion droile viennent du ganglion palléal droit, du ganglion sous-intestinal ou de la commissure ; ils passent sous la masse recto-génitale. De nombreux canaux sanguins sillonnent cette région : ils se- ront étudiés plus loin. $ 1. — Glande à mucus ou organe dela Pourpre de Purpura Lapillus. Parmi les différents types de glande à mucus, l'un des plus intéressants est celui des Muricidés et des Purpuridés, car c'est cet organe qui dans ces animaux sécrète la substance connue sous le nom de pourpre. Il se trouve de plus que cet animal se prête bien à l’observation, et que les préparations qu'il fournit sont d'une grande netlelé : c’est pourquoi je le prends provisoirement comme type. Tout le monde connaît le mémoire qu'a publié en 1859 M. De Lacaze-Durniers sur la question de la pourpre : la sécrélion de cette substance élait soigneusement distinguée 298 FÉLEIX BERNARD. de la sécrétion urinaire, « la partie purpurigène est une bandelette.…. placée à la face inférieure du manteau, entre l'intestin et la branchie, plus près de celui-là que de celle-ci et ne dépassant guère en avant l'anus, atteignant tout au plus en arrière le point où le manteau arrive au contact du corps de Bojanus » (p. 37). | Il est à remarquer que la région purpurigène avait déjà été décrite exactement par Coze en 1645 (1); quoique le travail de Cole soit cité dans l'Encyclopédie de Bruguière, M. de Lacaze-Duthiers, qui cependant reprend la question de bien plus haut, ne le rappelle que pour mémoire. L'opinion cou- rante vers 1859, c’est que ia Pourpre était sécrétée par l’or- gane que nous appelons maintenant le rein. Le savant professeur à démontré définitivement que la ré- gion sécrétante n’élait ni un sac, ni une veine, ni une poche, mais une surface presque plane tapissée de longues cellules « renfermant la matière granuleuse qui doit se dissoudre et produire la matière colorante. Elles sont du reste très grandes; le plus souvent elles crèvent dans l’eau. Leur con- tenu empêche de reconnaitre le noyau, si elles en ont un »: Je n'ai pas à revenir ici sur les propriétés colorantes de la pourpre, sur l'apparition de ces propriétés sous l'influence de la lumière. Ces questions sont examinées avec délail dans le mémoire de M. de Lacaze-Duthiers, et de nombreux ren- seignements historiques y sont présentés. Mais je dois in- sister spécialement sur la structure histologique de l’organe; à ce propos, si Je puis confirmer en parlie les observations de l’'éminent professeur, je suis obligé, à mon grand regret, de me séparer de lui sur plusieurs points importants. «Le tissu, dit M. de Lacaze-Duthiers, se compose de cellules longues, placées parallèlement les unes aux autres et perpen- diculaires par leur plus long axe à la surface du manteau. Les plus superficielles forment par lune de leurs extrémités un plan, une surface qui est celle-là même que l’on aperçoit dans les préparations indiquées précédemment en renversant le manteau et qui, ainsi qu'on peut le prévoir, esl couverte ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 299 ai d’un épithélium vibratile comme tout le reste de la surface du corps. « Il est facile de voir, mêlées avec les cellules jaunes, d’autres cellules qui présentent une certaine trans- parence; celles-ci sont sans doute de formation plus récente et leur contenu n’est pas aussi près de la maturité ou d’une élaboralion parfaite que dans les autres. Ces cellules forment une couche d’une certaine épaisseur et dont on voil mieux la constitution quand elles sont moins volumineuses. » Ainsi donc, pour M. de Lacaze-Duthiers, il existe plusienrs rangs de cellules; ces cellules sont toutes de même nature, ce sont des cellules mucipares allongées, à divers degrés de développement ; seulement les plus superficielles sont ciliées. « Lorsque l'animal se contracte, ou lorsqu'on exerce une pression sur la bandelette, ce sont ces cellules qui s’échap- pent et deviennent libres; presque toujours baignées par un liquide, elles s’'endosmosent et crèvent; alors leur contenu granuleux se mélange au mucus et aux autres cellules non déchirées. » La glande à mucus des Purpuridés n’a pas été étudiée, à ma connaissance, depuis la publication du mémoire précé- dent. Mes propres recherches me conduisent à des résultats fort difiérents des précédents et qu’on peut énoncer ainsi: 1° n'y a qu'une couche de cellules épithéliales. 2° Ces cellules sont de trois sortes ef ne présentent aucune transition; ce sont les cellules newro-épithéliales, les cellules ciliées à plateau et à filet d'attache très grêle, les cellules mu- cipares. 3° Ces dernières ne sont jamais ciliées, elles contiennent du mucus distinct du protoplasma et du noyau, elles ne tombent pas normalement, mais elles s'ouvrent et laissent échapper gra- duellement une partie de leur contenu. Une coupe transversale du manteau, dirigée de la bran- chie au rectum montre toute cette région couverte d’un épi- (4) Ann. sc. nat., 4°s., t: XIL, pl. L fig. 7. 300 FÉLIX BERNARD. thélium très élevé (fig. 49) ; vers le milieu en effet il atteint 180 y, tandis que l'épaisseur du manteau, non compris l’é- pithélium des deux faces, ne dépasse pas 50 w dans cette région. À quelque distance de la branchie la coupe rencontre le vaisseau branchial afférent qui est parfaitement endigué et toujours béant, grâce à la résistance du lissu conjonctif envi- ronnant : en ce point l’épaisseur du manteau augmente (150 y), la hauteur del'épithélium diminue (140 y); (il va sans dire que ces chiffres n’ont rien de constant). L’intervalle des deux lames palléales est{rèsexactementrempli parlesgrandes cellules vésiculaires (cellules de Leydig), entremêlées de très nombreux éléments fusiformes et éloilés à pelit noyau vive- ment coloré. Les espaces sanguins sont limités avec une très grande régularité et aboutissent au vaisseau afférent. On aperçoit sans difficulté un assez grand nombre de nerfs (N, fig. 49) étroitement entourés par le parenchyme adjacent et anastomosés les uns avec les autres. Suivons avec soin l’un de ces nerfs : nous le verrons se rapprocher . de la face interne du manteau et pénétrer tangentiellement dans la lame conjonctive épaisse qui supporte l’épithélium de la cavité palléale. Plusieurs rameaux nerveux contribuent à former ainsi un plexus irrégulièrement développé, d’où l’on voit partir, sans qu'aucun doute soit possible, de forts faisceaux pénétrant dans l’épithélium. Comme d'habitude, ces faisceaux sont accompagnés quelque temps par une mince enveloppe conjonctive à noyaux brillants el allongés. Comme on doit dès lors s’y attendre, de nombreuses cellules neuro- épuhélinles se rencontrent en face des points de passage des faisceaux nerveux. Elles tranchent d’une manière remarqua- blement nette sur les cellules qui les environnent : leur noyau est beaucoup plus volumineux, coloré en rose clair, muni d’un nucléole rouge vif bien délimité; il est très finement granuleux, sa forme généralement sphérique; quelquefois il est réniforme ou renflé du côté périphérique (ne, fig. 49). Le corps de la cellule est aussi presque sphérique et donne ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 301 très brusquement naissance au filet d'attache el au col de la cellule. La vive coloration des deux prolongements permet d’ailleurs d'observer sans difficulté l'insertion de ces deux filets. J'ai suivi dans cinq ou six cas au moins ce filet d'in- sertion jusqu'à ce que je l’aie vu se confondre avec les fibres du nerf épithélial. Celui-ci dans quelques cas chemine tan- gentiellement pendant un trajet relativement long; on voit alors le filet d'attache de la cellule sensorielle s'infléchir pour arriver à sa rencontre. Le col de la cellule est démesu- rément long et grêle; il est rare que par suite la tête et le corps soient dans une même coupe. Les cellules multipolaires semblent rares; j'en ai cependant distingué quelques-unes. Si pareille disposilion se manifeslail avec la même évi- dence dans un organe dont le rôle peut être douteux, l'on ne pourrait guère hésiter, 11 me semble, à attribuer à cet organe des fonctions sensorielles. Je puis même assurer que dans bien des cas, l'organe de Spengel lui-même est à égalité de surface moins riche en cellules neuro-épithéliales que ces régions nerveuses de la glande à mucus chez la Purpura. Mais il est intéressant d'observer que la distribution des cellules en question est bien loin d’être régulière dans la glande à mucus. Ainsi nous voyons qu'en des points très voisins, plu- sieurs faisceaux nerveux importants pénètrent dans l’épithé- lium ; au niveau de ces points, les cellules de Flemming sont si abondantes que plusieurs d’entre elles peuvent être con- tiguës. Un peu plus loin, le nerf s’éloigne tangentiellement, à travers l’épithélium, de son point d'arrivée, et se termine dans des cellules de Flemming de plus en plus espacées. Un peu plus loin encore, celles-ci ne se rencontrent qu’ex- ceptionnellement. Remarquons en passant que les régions riches en terminaisons nerveuses présentent également un très grand nombre de cellules ciliées; les élémenis glan- dulaires sont, au contraire, plus clairsemés que dans les ré- gions voisines : 4 y a donc dans la glande à mucus de la Pur- pura des régions aussi bin adaptées à un rôle sensoriel qu'une partie quelconque d'un organe présentant une différenciation 302 FÉLIX BERNARD. moyenne (celui de la Littorine, par exemple). Néanmoins, si l’on considère tout l’ensemble de cette partie du manteau, il ne peut pas être douteux que le rôle g/andulaire ne l'em- porte sur tous les autres. Avant même que M. de Lacaze-Duthiers n’eût démontré dé- finitivement qu’on doit lui attribuer la formation de la pour- pre, les anciens naturalistes (Cuvier, de Blainville, Quoy et Gaimard, ele.) s’accordaient à nommer cetle région glande de la glaire où glande de la mucosité. C’est qu’en effet les cel- lules à mucus y sont plus abondantes que partout ailleurs et fonctionnent d’une manière normale. Nous allons exposer maintenant ce que les coupes. peuvent nous apprendre sur les cellules à mucus. Sur des coupes bien transversales (fig. 49), nous ver- rons toujours les noyaux disposés à deux niveaux; les uns sont à une très petite distance de la base des cellules; dans les régions pauvres en cellules neuro-épithéliales, ils sont très abondants el très serrés, disposés avec une ré- gularité frappante, presque sur un seul rang. Ces noyaux sont compacts, tout à fait sphériques et se colorent vive- ment. L'autre zone (cc, fig. 49) est, au contraire, absolu- ment périphérique ; la régularité est fort grande dans la même région; mais dans les points plus particulièrement sensoriels, ils se trouvent aussi à une distance moins grande de la base: ils sont alors extrêmement nombreux. Leur forme et leur couleur sont plus variables ; en général, ils sont ovales; quelquefois allongés et alors très colorés, surtout ceux qui sont éloignés de la périphérie. Entre les deux zones principales, on rencontre un très petit nombre de noyaux; ils appartiennent aux deux catégories. Les premiers sont les noyaux des cellules mucipares, les autres ceux des cellules ciliées ; les deux catégories d'éléments ont toujours la même longueur et s'étendent dans toute la hauteur de léjithé- lium, de sorte que nous ne sommes pas en présence de deux couches de cellules. : Les cellules mucipares sont bien plus larges que les autres. ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 303 Leur forme est variable suivant la nature de leur contenu. Je suppose toujours que l’animal que je déeris ait été pris bien vivant, {ué rapidement et que ses éléments aient été fixés par un réactif acide. Alors le mucus n’a pas pu se pro- duire en grande abondance, et les cellules sont encore pleines. Dans la plupart d’entre elles le contenu est finement granuleux, peu épais et se colore assez faiblement en bleu : mais parfois, à la périphérie, le mucus devient insensible- ment plus compact, se colore vivement par le bleu de mé- thylène, et, si la coupe n’a pas subi l’action de ce réactif, garde une couleur blanc jaunâtre. Le noyau est presque tou- jours voisin de la base, parfois même accolé à la paroi; au- tour de lui on observe un fin réliculum protoplasmique co- loré en rose, qui n'est pas visible si le mucus est épais, qui est au contraire facile à distinguer si le mucus est clair ou si la cellule s’est vidée. Je reviendrai tout à l'heure sur ce der- nier Cas. Toutes les cellules à mucus s’insèrent sur la membrane de soutien. Si la coupe est oblique, ce fait ne pourra pas être observé, cela est bien évident. Mais j'ai obtenu, dans la Purpura elle-même, des coupes où, depuis la branchie jus- qu’au rectum, la règle que j'énonce peut se vérifier sans peine. Plus loin, il s’est produit dans l'organe des plisse- ments qui en rendent la surface irrégulière, comme l'avait déjà observé M. de Lacaze-Duthiers. En ces points, les cel- lules sont fortement courbées, et la même coupe les atteint deux fois; mais sur le bord des plis on observe facilement la courbure des cellules. Ces cellules mucipares se terminent toules, à leur péri- phérie, par une atténuation notable de leur diamètre; elles son! généralement arrondies, parfois effilées. Si leur contenu est clair, elles n'arrivent pas toujours jusqu’au bord ; s’il est épais, elles l’atteignent, et parfois même le mucus fait saillie au dehors en écartant les cellules voisines : une déchirure s’est donc produile dans l'élément glandulaire. Cette déchi- rure s'observe bien si la cellule s’est vidée : il existe alors 304 FÉLIX BERNARD. une ouverture qui reste fréquemment béante sur les coupes. On objectera sans doute à cette observation qu'on pour- rait attribuer l'ouverture à l’action des réactifs. Cepen- dant la rapidité avec laquelle était opérée la fixalion suffi- rail peut-être à prouver que sa formation est antérieure à l'immersion dans l'acide picro-sulfurique. J’ai d’ailleurs re- trouvé ces ouvertures dans tous les cas où il existe des cel- lules glandulaires. Nous verrons, dans le chapilre suivant, qu'on peut assister à leur production. Il est impossible de confondre les cellules ciliées avec les précédentes (fig. 53). La partie la plus notable de leur subs- lance est à la périphérie el consiste en un corps cellulaire assez étroit, mais qui se rélréeil tout à coup bien davantage quand on se rapproche de la base; ce n’est plus alors qu'un mince ruban irrégulier, présentant des élranglements quel- quefois ou des parties un peu renflées. Le noyau se trouve dans la partie la plus large, qui, comme nous l'avons dit, est voisine du plateau; il est alors, en général, volumineux, pâle, fortement granuleux et faiblement coloré en rouge. La portion qui lui fait suile du côté dislal semble évidée; le pro- toplasma est condensé surtout sur les bords et principale- ment au voisinage du plaleau qui, par suite, est toujours for- tement coloré. Parfois cependant le noyau est grêle, allongé el homogène : il est alors plus éloigné de la périphérie. Je pense que ce dernier cas est celui de cellules encore jeunes. I y a d’ailleurs tous les intermédiaires. Les corps des cellules ciliées sont élargis vers leur extré- mité et accolés, de manière à combler les vides que laisse- raient sans cela les cellules mucipares, atténuées, comme nous l'avons dit, du même côlé. Toute la surface de la glande est ainsi recouverte par l’ensemble des plateaux, qui produit une aire ciliée continue. Si la glande a longtemps fonctionné, l'aire ciliée est au contraire percée d’un grand nombre de trous qu'on voil avec facilité dans des cas analo- gues (par exemple, dans un feuillet branchial exuminé à plat). Toutes les cellules ciliées sont insérées sur la membrane ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 305 basilaire. Si elles sont abondantes, ce qui a lieu, comme nous Vavons vu, dans les régions sensorielles, on voit partir de celle-ci une véritable forêt de filaments entre lesquels se rencontrent çà et là quelques cellules glandulaires. Dans les régions plus spécialement sécrétrices, au con- traire, les cellules à mucus sont immédiatement au contact l'une de l’autre, leurs membranes paraissent accolées sans aucune interposilion, depuis leur base jusqu'au sommet; mais là on aperçoit loujours une fine et grêle cellule ciliée à noyau effilé, dont le plateau, élargi tout à coup, vient re- couvrir la cellule glandulaire, si épaisse qu’elle soit. Ce fait s’observe déjà bien dans la Pourpre; mais quand la glande à mucus est formée de feuillets, 1l se manifeste d'une ma- nière frappante, comme nous allons le voir dans un instant. $ 2. — Étude de la glande à mucus en général par le procédé de dissociation. L’exposé précédent montre, je l'espère, d’une manière convaincante, la nature des éléments qui composent l’épi- thélium mucipare et les rapports de ces éléments entre eux. J’ai cherché à pousser plus loin l'analyse histologique en isolant avec soin leur structure. Ces recherches présentent une assez grande difficulté. J'ai dû les faire porter sur des animaux assez nombreux et essayer un assez grand nombre de méthodes de dissociation. Deux écueils étaient à éviter : ou bien le réactif employé était lent el peu énergique, ou, plus exactement, peu propre à coaguler le mucus; alors celui-ci, se gonflant sous l'action de l’eau, faisait éclater les cellules qui le contenaienl et défor- mait les cellules voisines ; ou bien le réactif était énergique : il risquait alors de produire sur les cellules ciliées d’autres déformations. Il fallait, d'autre part, séparer les cellules ci- liées qui, comme on le sait, sont fortement soudées par leur plateau. Je n’ai guère oblenu de bons résultats avec l'acide osmique, car ce réactif exagère d'une manière frappante, pendant quelques instants, la production du mucus. ANN. SC. NAT, ZOOL. IX, 20. — ART. N° 3. 306 FÉLIX BERNARD. Il était indispensable d'agir aussi rapidement que possible pour enlever la coquille, détacher un fragment de la glande à mucus et la plonger dans un réactif capable de fixer les éléments. J’ai employé avec succès trois liquides différents : 1° L’acide picro-sulfurique assez fortement acétifié ; 2° Le chlorure de ruthénium en proportion telle que la teinte de la dissolution soit d'un rouge assez clair. C’est le meilleur des réactifs que j'ai employés jusqu'ici. Malheu- reusement je n’ai pas pu m'en procurer autant que je l’au- rais désiré. Il colore les cellules comme le bichromate con- centré, mais il ne les ralaline en aucune facon, met les noyaux bien plus nettement en évidence, respecte les cils vibratiles et facilite la dilacération faite par les aiguilles. 3° Un mélange ainsi composé : EAU SUÉe PRLPrReEECRERSEr 200 grammes. AICOUA TO TER EEE TE ER 10 == GINCÉTINELE EN E CE TER EEE à] —= ACidefacéliquess see erLer 10 — Ce mélange, étant fortement acide, facilite la coloration des éléments par le bleu de méthylène. On se rappelle que les membranes des cellules épithéliales absorbent fortement ce réactif, ce qui en rend l'observation particulièrement commode. La dissociation de fragments fixes était faite ensuite dans l'alcool au tiers, l’acide osmique au 1/100090 ou le réactif acide que je viens de signaler. Celui-ei en particulier m’a donné de bons résultats sur des animaux venant de Naples, et par conséquent déjà fixés par divers réactifs et par l’al- cool. Enfin j'ai opéré sur la Pourpre, la Cassidaire, la Ranelle, le Buccin et l'Haliotide. Partout j'ai trouvé les mêmes élé- ments. J'en ai représenté quelques-uns dans la planche X1; j'aurais pu multiplier beaucoup ces exemples. Cellules neuro-épithélinles. — Leur dissociation réussit ra- rement. Comme Flemming et tous ses élèves l'ont déclaré maintes fois, elles se cassent toujours dans le voisinage de la ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 307 tête (fig. 54). On trouve par suite des éléments formés d'un corps très renflé avec un gros noyau, et de deux filets déme- surémen! longs; les têtes isolées se voient fréquemment. . Vers le {tranchant des feuillets, dans lPHaliotide et le Buc- cin, on trouve des paquets d'éléments analogues, mais réu- mis par l’une de leurs extrémités. Des cellules épithéliales ordinaires pourraient présenter le même aspect (fig. 53). Cependant, dans quelques cas, j'ai réussi à retrouver des cellules entières semblables à celles que j'avais vues en coupes avec un noyau renflé, un long col et une tête étroite munie de cils ou de soies (y, fig. 53). Cellules ciliées. — Elles sont très variables de forme et de grandeur ; une description détaillée de chacune est inutile. J'ai représenté (fig. 51, 53, «, 6, y. d) les plus intéressantes, observées chez le Buccin et l'Haliotide. J’ajouterai seulement : 1° qu’elles peuvent êlre soudées assez intimement pour qu'il soit impossible de voir isolément le filet d'attache de chacune d'elles (fig. 51); 2° que ce filet peut être souvent divisé en deux ou {rois vers la base (fig. 53, d). Cellules glandulaires. — Rien n’est plus facile que d’oble- nir des paquets de ces cellules encore soudés par leur base, isolés à leur sommet, et d'observer que tous ces sommets sont arrondis ou terminés en pointe mousse et foujours dépourvus de cils fig. 50, a). Toutes les cellules ainsi closes ont un con- tenu finement granuleux et plus ou moins épais. Pour voir leur noyau, après les avoir fixées, on les traite par l'alcool à 70° pour enlever l'acidité, puis par le vert de méthyle dans l'alccol; puis on lave encore à l'alcool. On voit alors facile- ment tous les noyaux au même niveau, près de la base. Ces cellules s’isolent en général facilement, sauf dans la Ranelle où elles atteignent une longueur énorme (on les voit facile- ment à l'œil nu), et, comme elles sont très étroites, elles se cassent fréquemment. Dans l’Haliotide, au contraire, on peut en faire de belles préparations. Il est intéressant de savoir comment ces cellules s’insèrent sur la membrane de soutien. Cela se fait généralement (ou 308 FÉLIX BERNARD. du moins dans tous les cas sur lesquels je ne puis avoir de doute) par le moyen d’un fin pédoncule qui aboutit dans le voisinage du noyau (fig. 50, 6,{,). Cependant, dans les cel- lules jeunes, linsertion se fait, ou par toute la surface, ou par plusieurs filets d'attache. Mais le pédoncule en question se voil toujours très bien quand la cellule est vide de mu- cus. On peut alors constater qu'il est plein d’un protoplasma assez dense qui se relie à celui qui entoure le noyau. Si nous examinons une cellule à contenu clair et transpa- rent, nous verrons toujours sans difficulté un amas fine- ment granuleux, remplissant le fond de la cellule et se re- liant par de fines trabécules à d’autres petils amas situés en général tout contre la membrane. Ces trabécules traversent la cellule dans tous les sens et s’observent aussi le long de la membrane (fig. 50, 6). On voit ici nettement la distinction entre le proloplasma et le paraplasma, distinction si nette dans les cellules végétales. Le mucus contenu à l'intérieur des cellules glandulaires est un produit de l'activité du proto- plasma, produit différent du protoplasma lui-méme el non pas une modification de tout l'ensemble de la substance cellu- laire; l'observation suivante le prouve également. Toutes les fois que le contenu d'une cellule glandulaire est transparent el ne paraît pas différer du hquide ambiant, la cellule en question présente à son extrémité périphérique une ouverture circulaire ou ovale bien régulièrement déli- mitée (fig. 50, y, d,e). Cela prouve que la sécrélion s’est faite par déhiscence; les bords de l'ouverture sont souvent dispo- sés de manière à former une sorte de cheminée, comme si la déchirure s’élait produite sous l’action d’une poussée interne. Rarement la membrane présente en ce point des dentieula- tions produisant l'impression d'une déchirure. A n'y aurait rien d'étonnant à trouver dans les éléments dissociés de la glande à mucus des cellules trouées, si la région que l’on observe avait élé laissée assez longlemps en contact avec l’eau. On sait, en effet, depuis longtemps que le mueus, comme l’albumine, se gonfle démesurément en présence de ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 309 l’eau, et que, d'autre part, il ne peut pas fillrer à travers les membranes : c’est le lype des substances co/loïdes. Or, en vertu des lois de l’osmose, l’eau continue à pénétrer à tra- vers la paroi de la cellule jusqu’à ce que le mucus soit com- plèlement saturé, et quoique la membrane offre une résis- tance considérable, elle finit forcément par se rompre; la rupture se fera tout naturellement près de la pointe, puisque c'est là que la protection et la résistance sont le plus faibles. Ce phénomène est d’ailleurs bien connu, et M. de Lacaze-Dutlhiers l'avait observé en 1860. Les choses se passent-elles de même dans la cellule vi- vante et en place? c’est peu probable. Les cellules ciliées se reioignent quand la glande ne fonctionne pas, et l’osmose doit se faire diflicilement à travers leurs plateaux épais et riches en protoplasma. L’accroissement de volume qui détermine la poussée et la déhiscence de la cellule lient à des phénomènes physiques et chimiques plus complexes qu'il nous est difficile d’ana- lyser actuellement. Les observations (coupes et dissociations faites sur des élé- ments fixés) nous donnent des preuves indirectes à l'appui d’une explication simple du mécanisme de la sécrétion du mucus. Cette explicalion peut être donnée comme un résumé des deux chapitres précédents. La substance sécrétée est un produit différent du protoplasma ; elle s'échappe de la cellule par une ouverture de celle-ci; le protoplasma et le noyau restent en place pendant un temps plus ou moins long, et l'enveloppe reste attachée à la membrane basilaur'e. Les cellules qui jouissent de cette propriété sont toujours disposées sur un seul rang; elles ne sont pas ciliées : elles ne tombent pas normalement; dans des organes pris sur des animaux bien vivants el fixés rapidement, on trouve gé- néralement un noyau et du protoplasma au fond des cellules vides de mucus. Il nous reste encore à appuyer cette manière de voir par 310 FÉLIX BERNARD. l’observaiion directe. J'ai réussi à étudier sur les mêmes éléments bien vivants les diverses phases de la sécrétion du mucus, et j'ai tenté de faire le départ des phénomènes que l’on doit considérer, soit comme normaux, soit comme pa- thologiques et caractéristiques de la dégénérescence de l'organe. Ce sont ces preuves directes que je vais maintenant présenter. CHAPITRE II PHÉNOMÈNES INTIMES DE LA PRODUCTION DU MUCUS. Après avoir examiné avec soin la surface de la glande à mucus, chez un certain nombre de Prosobranches vivants, jai cru indispensable de m'adresser, pour l'observation directe des phénomènes de sécrétion, à d’autres régions où ces mêmes phénomènes se manifestent avec une intensité moins grande, et peuvent être plus facilement analysés. La multiplicité des ceilules muqueuses rend en effet la surface de la glande à mucus tout à fait opaque, et la production abondante de la substance sécrétée empêche d’apercevoir nettement les régions sous-jacentes. D'autre part, même si l’on éludie, comme l’a fait M. Wegmann pour l'Haliotide, un des feuillets de la glande, dans les différents cas où celle-ci en présente (Haliotide, Ranelle, Buccin), on se trouve en- core en présence d'un organe trop compact et trop épais, même surses bords, pour se prêter facilement à l'observation par (ransparence. Je me suis par suite arrêté pour cette étude aux lamelles de la branchie, qui se conservent longtemps intactes, el que je pouvais avoir aussi transparentes que je le désirais en choisissant celles qui sont plus ou moins éloi- gnées de lextrémité de la branchie. Pour observer une production abondante de mucus, j'examinais le côté afférent où les cellules muqueuses sont plus abondantes que partout ailleurs; au contraire, pour avoir ces éléments isolés au milieu des cellules ciliées, je m’adressais au bord efférent : ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 311 La lamelle était prise sur une Cassidaire tantôt bien vivante, tantôt presque morte ou même tout à fait morte, mais depuis peu. Elle élail mise dans une petite cellule creuse, ou sous un verre couvre-objel soutenu par deux petites bandes de papier pour éviter l’écrasement. J’ajoutais fréquemment une goutte d’eau de mer de manière à obtenir un courant lent et continu. Je me suis apereu bien vite que la production du mucus dans un organe ainsi isolé était beaucoup plus lente que je ne l'avais cru tout d’abord : quand on ne s’occupe que de la branchie, si l'animal est en bon état, l’épithélium se conserve fort bien pendant un temps relativement long. La vitalité de ces éléments est d’ailleurs presque incroyable. Sur une Cassidaire morte depuis douze heures et ne donnant aucun réflexe, ni dans les tentacules ni dans le manteau, alors que l’épithélium de la glande à mucus tombe tout d'une pièce, celui de la branchie continue à montrer pen- dant plus d’une heure sous la lamelle des mouvements actifs des cils vibratiles. La surface libre d’une lamelle branchiale prise sur un animal en bon état, ou sur un animal fixé rapidement, est parfaitement lisse et revêtue d’une manière continue de cils vibratiles : on n'y voit ni saillie ni cavité; la ligne qui constitue l’arête du feuillet d’un côté ou de l’autre est éga- lement continue. En somme, des observations que j'ai pu faire dans tout le cours de mes recherches, sans qu'il soit indispensable d'entrer à ce sujet dans le détail, je puis con- clure que, avant la production abondante de mucus, les pla- teaux des cellules ciliées se rejoignent exactement et forment à l'organe un revêtement continu dépourvu de salles el d'ouvertures. C'est ce qu'on voit fréquemment aussi sur les animaux pro- venant de la station zoologique de Naples, et qui sont fixés rapidement. Au bout de quelque temps, on voit la surface des cellules ciliées se bomber d’une facon très appréciable : les éléments 312 FÉLIX BERNARD. voisins sont séparés les uns des autres par un léger sillon et, sur le bord du feuillet, le contour apparent paraîl non plus régulier, mais marqué de peliles ondulations. Ce gonfle- ment permet de distinguer avec une grande neiteté chacun des éléments qui atteignent la surface libre : il s’accentue bientôt, et dès lors on peut voir que les cellules mucipares et les cellules ciliées sont le siège de phénomènes différents qu'il convient d'examiner séparément. 1° Fonctionnement des cellules mucipares. — Les cellules mucipares n’atleignent pas tout d’abord la surface du feuillet : il est facile de s’en convaincre en examinant le bord ef/érent d'une lamelle, où ces éléments sont relativement rares, séparés par des paquets importants de cellules ciliées, et par suile faciles à distinguer les uns des autres. On les recon- naît, en observant un peu au-dessous du niveau des plateaux, à leur contenu finement granuleux et opaque et à leurs dimen- sions (fig. 55, «). Au bout de peu de temps, la surface se. hérisse de mamelons saillants qui écartent les cellules ciliées ; chacun d’eux est la surface d’une cellule glandulaire ; le bleu de méthylène en met en évidence la membrane (TAeca des auteurs allemands), elle est d'abord continue et non ciliée. Un peu plus tard, on voit le mamelon s’accentuer el. faire saillie au dehors. Une goulte d'acide acétique pourra coaguler presque instantanément la substance en cet état, et la rendre opaque au point de permettre d'étudier d’un seul coup d'œil la répartition des éléments sécréteurs dans l’épithélium; un peu de bleu de méthylène ou de vert de méthyle nous donnera de belles préparations faciles à con- server. Mais laissons le processus s’accomplir d’une facon normale, et portons notre attention sur une cellule gonflée mais encore intacte, refoulant sur ses côlés les cellules ciliées qui l’environnent. Le contenu est d’abord épais, gra- nuleux à peu près partout, mais plus clair cependant vers la base. Puis la région voisine de la périphérie est bien plus opaque que le reste et divisée en gouttelettes irrégulières, grossièrement polvédriques, et dont la formation commence ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 3415 à se manifester un peu plus bas (fig. 52). Nous voyons la masse affluer graduellement vers le bord de manière à bal- lonner de plus en plus l'extrémité correspondante et à écarter les cellules voisines. Il existe alors entre ces dernières une sorte de petite cheminée, au fond de laquelle se produit un orifice dû au déchirement de la membrane, ainsi que le décrit fort bien M. Wegmann : « Un petit clapet est enlevé et il se fait un orifice cireu- laire; rarement ce clapet reste adhérent en un point du pourtour de lorifice; le plus souvent il est entrainé par la malière sorlant de la cellule. » Le fait est exacl; je ferai remarquer seulement le faible diamètre de l’orifice, qui n'occupe même pas tout le fond de la cheminée ménagée entre les cellules voisines. Aussi la goutle de mucus s’é- trangle-t-elle généralement beaucoup à sa sortie, comme le montre clairement la figure 58, «et 6. Si l’on voit une grosse boule de mucus perler en un point quelconque de la surface, on peut être sûr de trouver, en déplaçant le point, l’orifice de sortie un peu plus loin dans la porlion rétrécie. Avec un peu de patience on voit les gouttes d’exerétion augmenter considérablement et sans secousse ; j'ai observé tous les stades correspondant au point représenté fig. 58. J’en reproduis la phase moyenne, la plus caracté- rislique. Un peu plus lard on voit la grosse goutte de mucus s’étirer, tenir à la cellule sécrélrice seulement par un pé- doncule mou et flexible qui se rompt enfin et laisse échapper le mucus dans le milieu ambiant. Il est toujours formé de gouttelettes très distincles et relativement volumineuses, for- mées par la division des amas polyédriques observés plus haut. Il s’agite dans le tourbillon produit par les eils vibra- tüiles des cellules épithéliales, et finit par prendre une forme sphérique. Les cils vibratiles jouent certainement un rôle très aclif dans celte expulsion, car on voit sous l'influence de leur mouvement la goutte de mucus s’agiter dans tous les sens avant de se détacher tout à fait. Une fois la première gouttelette expulsée, l'excrélion n’est 314 FÉLIX BERNARD. pas terminée pour ce qui concerne la cellule dont il s'agit : M. Wegmann l’a entrevu vaguement quand il dit : « On voit aussi des cellules ayant déjà un orifice s’étrangler et se séparer une seconde fois. Par les ouvertures ainsi pratiquées. le contenu des cellules sort et forme le mucus. » En réalité, les choses continuent à se passer comme précédemment : le mucus continue à passer en s’élirant à travers l'ouverture et forme une seconde goutteletle qui se détache comme la première. Le processus se reproduit-il encore longtemps de la sorte? Je ne saurais l’affirmer. Dans tous les cas, je puis présenter un cas directement observé de la répétition du phénomène, c'est celui de la cellule 1, de la figure 58 «et 8. Dans l'intervalle de deux expulsions successives, l'ouverture ne s'était pas refermée, et les plateaux voisins ne s’élatent pas rejoints par suite de la poussée considérable qui devait exercer la masse énorme de mucus qui distendait encore les parois de la cellule sécrétrice. Un peu plus tard le mucus devient de plus en plus épais, tandis que la portion basilaire de la cellule s'éclaireit gra- duellement et laisse voir le noyau avec le protoplasma envi- ronnant. Je n'ai pu déterminer dans le cas présent si le noyau et le protoplasma finissaient par être expulsés : le fait est possible puisque nous allons assister à la désorga- nisation complète du tissu. En tous cas je puis affirmer que pendant plus d'une demi-heure je n'ai rien pu voir qui m'autorise à croire que cette destruction de la cellule sé- crétrice se produise comme un fait normal. Rappelons-nous d'autre part les résultats que nous a donnés l'observation indirecte (dissociation el coupes) : on trouve en abondance dans les organes mucipares des cel- lules owvertes, vides de mucus, el encore pourvues de pro- toplasma et de noyau. Il me parait donc probable que, Ja production du mucus une fois terminée, la cellule sécrétrice continue d'exister mais revient sur elle-même par suite de la pression des cellules voisines ; les plateaux écartés revien- nent au contact; l'ouverture se bouche peut-être, mais cela . ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCIHES. 319 est peu important; dans fous les cas la surface ciliée rede- vient continue. Ce ne serait donc que dans les cas pour ainsi dire pathologiques, dans les cas d’une production exagérée, que l'élément sécréteur mourrait par suite de la sécrélion. Je ne veux pas dire pour cela que le fait ne puisse pas se produire chez l'animal vivant : on trouve en effet des diffé- rences considérables pour l’opacité du mucus fourni dans les circonstances diverses. Mais je liens à faire observer, et cela n’est plus une hypothèse, que, même dans un organe détaché de l'animal, la sécrétion des cellules non ciliées n’entraine pas de longtemps l'expulsion du noyau et du pro- toplasma, et par suite la mort de la cellule et que la sécré- lion se fait par déhiscence. C’est ce que nous avons déjà supposé d’après l'observation indirecte. 2° Scission des cellules ciliées. — Nous avons dit que, peu de temps après le commencement de l'observation, un léger gonflement se produisait aux dépens des plateaux ciliés. Ce phénomène reste peu marqué pendant un temps assez long, tandis que la sécrétion du mucus aux dépens des cellules mucipares se manifeste plus rapidement. En observant l’une ‘quelconque des cellules ciliées, on peut voir par un changement répété de la mise au point que la masse imtérieure de la cellule est moins dense que le protoplasma périphérique, ce qui se manifeste d’ailleurs d’une facon bien évidente sur les coupes. Plus lard les saillies s’exagèrent et les cellules ciliées proéminent au point que l’on croirait êlre en présence d’une substance pà- teuse tendant à tomber en formant une goulte qui aurait peine à se détacher. Mais ce processus est extrêmement lent : ce n’esl qu'au bout d’un quart d'heure au moins que l’on voit la surface du feuillet toule hérissée de ces proémi- nences. Si au contraire on prend tout de suite une branchie séparée depuis quelque temps du corps, ou appartenant à un animal déjà mort ou à peu près, l'aspect que je décris est celui qu'on observe normalement. Les cellules épithéliales qui sont gonflées de la sorle ne sont pas mortes encore, 316 FÉLIX BERNARD. car les cils vibratiles continuent à s’agiter avec la plus grande vivacité. Ce stade est d’ailleurs particulièrement fa- vorable à l'observation de leur mouvement, car le contour apparent des éléments périphériques forme une petite sur- face très transparente qui ne se projette plus sur les élé- ments voisins. On voit alors les cils s’insérer assez profon- dément dans le plateau, par une sorte de petite tige un peu épaissie vers la base et presque rigide. C’est un peu au delà de leur insertion qu’ils sont doués d’une grande flexibilité ; on dirait de pelils fouets vibrant au bout d’un manche qui suivrait avec peine leurs mouvements. Ces faits sont d’ail- leurs trop connus et trop généraux pour que j'aie besoin d’y insister davantage. En suivant pendant un temps suffisamment long la mar- che du phénomène (une demi-heure environ pour le cas présent), j'ai pu observer en un grand nombre de points à la fois la manière dont il prend fin. Quand l'allongement de la saillie est suffisamment prononcé, un étranglement se pro- duit au milieu de là région ciliée : une petite sphère est ainsi formée, reliée au reste de la cellule par un mince pé- doncule qui va en s’élirant de plus en plus et qui finalement arrive à se rompre. Un petit globule est alors mis en liberté ; il est cilié, mais pas sur toute son étendue; il est hyalin, parfaitement transparent et paraît pauvre en protoplasma ; il ne contient pas {race de noyau. Il s’agile quelque temps dans le liquide, au voisinage de la surface de l'organe et détermine un vif mouvement de translation des autres dé- bris qui viennent à son contact. Le reste du pédoncule qui le faisait ressembler à une petite ampoule de verre, ne tarde pas à disparaître, sans doute par suile de l’osmose de l’eau qui fait gonfler le contenu et distend la membrane, et l’on voit ainsi se former des petits globules ciliés qui ont été vus par divers observateurs dans des cas analogues. Quant à la cellule qui s'est ainsi coupée, elle continue à vivre quel- que temps, car la partie du pédoncule qui reste adhérente s'atténue de son côté, le plateau, qui n'a disparu qu'en ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. mi | 74 partie, reprend son aspect primilif et conlinue à présenter des mouvements ciliaires. En résumé, nous avons acquis une première nolion sur le fonclionnement de l’épithélium de revêtement : Les cel- lules cilées s'allongent, les plateaux se gonflent, s'élranglent et ul s’en détache un petit globule cilié, hyalin, dont la chute n'en- haine pas la mort de la cellu!e. Ni le noyau ni la masse es- senlielle du protoplasma ne sont intéressés par ce phéno- mène. Le processus est d'ailleurs lent, et n'arrive à son terme que fort tard. Il est facile de distinguer les vésicules en question des globules de mucus sécrétés par les cellules glandulaires : ces derniers ne sont pas ciliés, ils ont un contenu bien plus épais et plus granuleux : ce n’est qu'à la longue qu'ils arri- vent à se diviser en vésicules hyalines après avoir absorbé une quantité d'eau probablement considérable. 3° Expulsion des cellules mortes. — Pendant que ces faits se produisent, on peut assister dans les mêmes points à d'au- tres phénomènes plus curieux; je veux parler de l'expulsion des cellules mortes, fait connu dans certains cas, comme le précédent, mais qui, je pense, doit se manifester rarement avec une netteté comparable à celle que j'ai constatée ici. Sur le bord efférent de la branchie, tout le long du contour apparent, avant même que les proéminenees des cellules ciliées soient très accentuées, on trouve, de dislance en dis- tance, des cellules sortant complètement de la masse épithé- liale, comme si elles en avaient été chassées par la compres- sion de la lamelle (fig. 55). Or, on se souvient que j'avais évilé avec soin celle cause d'erreur, dont l'effet, du reste, ne se serait pas manifesté sur l'extrême tranchant du feuillet branchial. Ces éléments sont très variables d'aspect, comme le mon- trent les figures 55, 56, 57. Les uns (55, 55 a au bas de la planche, 577) sont déjà (res éloignés de la surface ci- liée, à laquelle ils sont rattachés par un long pédoncule ; leur plateau est gonflé et démesurément saillant, encore 318 FÉLIX BERNARD. hyalin, et présentant seulement à la surface des ponclua- tions correspondant aux points d'insertion des cils. Ces der- niers sont en général conservés, mais inerles, raides, cour- bés dans tous les sens, séparés les uns des autres ; quelques- uns sont pendants sur le côté. D'autres fois (fig. 54) ils manquent absolument. Le corps même de la cellule est plus ou moins gonflé, plissé et déformé ; parfois, cependant, le contour normal est encore assez bien maintenu. Mais le pro- toplasma est toujours trouble et rempli de vacuoles; le noyau est brisé en plusieurs morceaux inégaux, comme me l'ont montré des préparations colorées après fixation à cet élat par l'acide picro-sulfurique. J'espère d’ailleurs qu'un coup d'œil jeté sur les figures 55 et 354, 36 et 57, ne laissera au- cun doute à ce sujet : nous avons bien affaire à des cellules mortes, dont l’aspect contraste d'une manière frappante avec celui des cellules avoisinantes. Tout autour de la cellule expulsée, il élail curieux de voir le mouvement presque désordonné des cils vibratiles appar- tenant aux cellules restées en place. Quoique le fait puisse paraîlre un peu forcé, je crois pouvoir affirmer qu'il y avait une convergence réelle des pointes de ces cils dans la direc- tion du pédoneule de l'élément mort; celte impression ré- sulte pour moi et pour les personnes à qui J'ai montré le phénomène, desl’examen de plusieurs cas analogues ; quoi qu'il en soit, le pédoneule étant extrêmement mou et flexi- ble, la cellule élait balioltée dans lous les sens, obéissant au mouvement imprimé à sa base el au courant d’eau pro- duit tout autour (fig. 557). À chaque instant l’on s'attendait à la voir se délacher, mais cela ne se produisait que fort tard, et ce n'est qu’au bout d’un quart d'heure que se manifes- aient les changements indiqués par la succession des figures 55z,8,7. A la fin j'ai été témoin de la séparation qui semblait inévitable, et je l'ai vue réalisée pour plusieurs au- tres cellules; d’autres fois, les cils se sont arrêlés avant l'expulsion et se sont fixés dans une position singulière, fortement couchés le long du plateau. ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 319 On doit dès lors s'attendre à trouver dans le voisinage de l'organe observé, des cellules mortes encore entières et semblables à celles que J'ai vues se détacher. On en ren- contre en effet quelques-unes (fig. 56). Le fait a été d’ailleurs observé el décrit par M. de Lacaze-Duthiers dans son mé- moire sur la Pourpre; j'aurais pu en figurer un assez grand nombre d'exemples tout à fait analogues. . Le troisième point que nous avons à signaler consiste donc dans l'expulsion totale de cellules mortes, ciliées ou non, plus ou moins gonflées, plus ou moins vacuolaires, et offrant ca et là quelques débris de noyaux. Celle expulsion se fait sous l'action des cils des cellules voisines encore vivantes. Un point de grande importance à signaler : les deux der- niers processus relatifs aux cellules ciliées se produisent beaucoup plus tard que l’expulsion des gouttelettes sécrétées par des cellules mucipares. 4 Discussion. — Tels sont les phénomènes qu'on peut observer en examinant sous le microscope une lamelle bran- chiale. Mais une discussion est nécessaire pour établir la valeur de ces observations. Il est évident qu'une objection grave peut être faile à la méthode employée : il s'agit d’une fraction d'un organe détachée de l’animal et éludiée isolé- ment sur l'animal vivant. Qui nous dit que les faits se passent normalement comme nous venons de les décrire? Ne sommes-nous pas ici en présence d’un cas absolument pathologique ? Je répondrai d'abord que lorgane auquel je m'adresse jouit d’une vilalhité extraordinaire, puisqu'une branchie isolée continue à vivre douze heures dans de l’eau bien propre ; une branchie de Trochus donne des rétlexes vingt-quatre heures après que le manteau a été fixé par des épingles. Elle contient des éléments nerveux qui assurent l'indépendance de chaque lamelle. La vie générale de l'ani- mal n’est d’ailleurs probablement liée qu'indirectement à la marche intime du phénomène. Je ferai remarquer de plus qu'il est impossible d'étudier la formation du mucus dans le manteau sans ouvrir l'animal; mais on peut rechercher 320 FÉLIX BERNARD. jusqu'à quel point les phénomènes liés aux propriétés des cellules épithéliales sont troublés par suite de celle opéra- lion. Or il est un point que j'espère voir admettre facilement : c'est celui qui consiste à faire le départ des différentes subs- lances qu'on peut remarquer dans le mucus observé après la sécrétion. On me concédera, je l'espère, que s'ils se pro- duisent normalement, chez l'animal vivant, les globules de mucus, les vésicules ciliées, les cellules mortes, ont bien res- pectivement l’origine que je leur attribue : les phénomènes observés sont trop nets el {rop lents pour pouvoir être radi- calement modifiés par l'isolement de l'organe. Or la compa- raison avec les preuves indirectes tirées de l'observation d'animaux fixés rapidement, démontre que la sécrétion du mucus dans les cellules sécrétrices se passe bien comme nous venons de le décrire. Un second point bien plus difficile à éclaircir est le suivant. Que doit-on penser des modifica- tions dont les cellules ci/ées sont le siège et qui s’observent beaucoup plus tardivement? À mon avis, si elles se produi- sent réellement sur l'animal vivant, ce n’est que dans le cas où la production du mucus se prolonge pendant un temps très long, puisqu'il en est déjà ainsi sur l'organe détaché, où la désagrégation doit être bien plus rapide. De plus, dans les coupes très nombreuses d'organes mucipares que j'ai eu l’occasion d'observer, 7e n'ai jamais trouvé de cellules ou de plateaux pédonculés et prêts à se détacher, tandis que j'ai ren- contré fréquemment des goutteleltes de mucus à l'entrée des cellules glandulaires. Je crois done devoir conclure que la production des vésicules ciliées el l'expulsion des cellules mortes sont des phénomènes pathologiques, précurseurs de la mort de l'épithélium. Les subslances en question ont été vues par divers observateurs, notamment par M. de Lacaze- Duathiers, dans le mucus détaché d’un animal ouvert depuis quelque temps; on ne les rencontre pas sur les coupes d’a- nimaux fixés rapidement, même aux environs de la glande à mucus. La même observalion s'applique exactement 4 ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. Es aux cellules mortes dont nous avons observé l'expulsion. La formation normale du mucus doit donc être attribuée, à mon avis, exclusivement aux cellules que nous avons décrites sous le nom de cellules sécrétrices. Il n’est pas douteux, d’après les observations courantes, qu'elle ne soit liée à des sensations de l'animal, et par suite placée sous la dépen- dance du système nerveux. L'observation d’un organe isolé ne prouve pas que les phénomènes d’osmose suffisent pour la déterminer. La vitalité du protoplasma, et peut-èlre même l’excilation nerveuse, peuvent se prolonger assez longtemps pour déterminer les phénomènes complexes de désassimila- tion que nous entrevoyons, mais que nous ne pouvons pas décrire avec précision. 5° Fin du phénomène. — Si nous tenons à connaîlre exactement les substances qu'on trouve dans le mucus quand la destruction des tissus est en train de s’opérer, rien n’esl plus facile ; 1l suffit de recueillir un peu du mucus blanchâtre et épais qui remplit la cavité palléale d'un Prosobranche récemment mort, ou bien encore qui se trouve sur le man- teau d’un animal bien vivant dont on à ouvert la coquille et élalé le manteau. Si nous prenons un peu de cette substance en ayant bien soin de ne pas toucher la couche épithéliale sous-jacente, et que nous la portions sous le microscope, nous y verrons une masse homogène semblable à du blanc d'œuf, tenant en suspension une grande quantité de corpuscules auxquels la masse doit son opacité. Ce sont tout d’abord des petites sphères formées de la substance granuleuse, opaque et par suite grise par transmission, que nous connaissons déjà. On trouve aussi des sphères présentant comme les précédentes les dimensions les plus variées, mais en diffé- rant par leur transparence et l’absence de granulations. Il va sans dire qu'il existe des intermédiaires. Fréquemment les petites sphères de l’une ou l’autre catégorie sont réunies en amas de formes diverses, fréquemment sphériques, plus sou- vent irrégulières el formées d'éléments de diverse grandeur, ces éléments sphériques étant les uns transparents, les au- ANN. SC. NAT. Z00L. IX, 21. — ART. N° 3. 3929 FÉLIEX BERNARD. tres granuleux. On trouve aussi parfois des vésicules sem- blables par leur nature aux sphères claires, mais dont le contenu est divisé de manière à présenter d’une manière frappante l'aspect d'un œuf en voie de segmentation : tout cela se trouve aussi dans le mucus produit par l’épithélium bien vivant : c'est le résultat du gonflement par l’eau de la substance albuminoïde que nous avons appelée le mucus pro- prement dit, et que les Allemands nomment Sekret ou Paraplasma. Dans les portions les plus épaisses, les granulations sont fines, très abondantes el serrées, et disposées par trainées, comme il est naturel, puisque la substance fondamentale est épaisse et se laisse élirer comme l’albumine de l'œuf. Avec un fort grossissement on aperçoit encore des sphères claires et opaques de pelites dimensions, et d'innombrables granu- lalions provenant de la désagrégalion des sphères opaques. Rien ne nous permet, dans le cas présent, de distinguer d’une manière précise dans quel cas nous avons affaire à du mucus ou bien à du protoplasma désagrégé provenant du corps même de la cellule (Zellsubstanz). Mais çà et là dans les vésicules opaques on trouve des granulations plus fortes qui se colorent vivement par le vert de méthyle. Nous sommes donc autorisés à considérer quelques-unes de ces vésicules comme de simples noyaux mis en liberté et non encore désagrégés. On trouve d’aileurs quelques-uns de ces noyaux encore entourés de proloplasma et même, en assez petit nombre, il est vrai, des cellules entières, avec leur noyau et leur filament d'attache; les unes sont pleines de mucus, les autres, plus abondantes, ont un contenu clair, vaguement granuleux, présentant dans les environs du noyau une pelite quantité de protoplasma diffus sans contour dé- fini, qu'il est facile de reconnaître pour évidemment mort. Si l’on attendait encore plus longtemps, les cellules gon- fleraient encore davantage el tomberaient sinon spontané- ment, au moins sous la moindre pression. Mais ces phéno- mènes, je le répèle, sont bien évidemment pathologiques ; ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 323 ils ne se manifestent pas dans la production normale du mucus : ce dernier est donc un produit de l’activité fonc- lionuelle des cellules et non de leur mort, comme quelques zoologistes le croient encore aujourd’hui. CHAPITRE I DIFFÉRENCIATION PROGRESSIVE DE LA GLANDE À MUCUS CHEZ LES PROSOBRANCHES La glande à mucus de la Purpura, que nous avons exami- née avec détail, peut êlre considérée comme un iype de différencialion moyenne. Nous allons rencontrer des cas où la sécrétion du mucus est plus abondante ou plus localisée, d'autres au contraire où la région moyenne du manteau n'est pas spécialement adaptée à la fonction sécrétoire. S 1. — Diotocardes. : a. Fixsurelle. — D’après M. Bourax, la glande à mucus de la Fissurelle n'existe pas. Il est bon de préciser celte asser- tion, qui est exacte si on l’envisage au point de vue physio- logique : il n'y a pas en effet dans la Fissurelle de région mucipare différenciée; cependant la région qui correspond morphologiquement à la glande à mucus existe, puisque entre les deux branchies existe du côté dorsal un large espace qui n'est occupé par aucun organe. Cet espace, qui forme le plafond de la cavité palléale, est tapissé de cellules eubi- ques où se distinguent un assez petit nombre de cellules mucipares ; quand on s'approche du trou apical, les cellules deviennent plus plates, et les éléments sécréteurs ne se rencontrent plus. La région la plus différenciée au point de vue sécrétoire est le bord afférent du support branchial ; les cellules à mucus y sont très hautes et très nombreuses; en somme, il est exact de dire que la glande à mucus de Fissu- relle n’est à aucun degré différenciée. b. Néritidés. — Chez les Néritidés, la glande à mucus est 394 FÉLIX BERNARD. encore absolument indistincte, l'épithélium est plat, saut vers le bord du manteau et dans le voisinage de l'insertion de la branchie ; il est toujours très faiblement mucipare. c. Trochidés. — Chez le genre Trochus, la région qui s'étend entre la branchie et le rectum est visiblement plus apte à la sécrétion que chez la Fissurelle ; la partie la moins riche en cellules sécrétrices est celle qui est recouverte par la portion libre de la branchie. A Ta partie antérieure du man- teau, à droite de la branchie et sur le bord afférent du sup- port branchial, l’épithélium se relève et les cellules muci- pares deviennent plus abondantes. La région la plus riche est celle qui tapisse le vaisseau afférent, surtout à sa partie pos- térieure ; il subsiste néanmoins, même à ces points, un assez grand nombre de cellules ciliées disposées en paquets. Mais la région la plus importante à ce point de vue, c’est une bande qui s'étend entre le rectum et la branchie, au niveau de l'ouverture du canal papillaire. Là se trouve un vaisseau important, la veine palléale transverse, qui amène le sang du rein à la branchie (voir plus loin, V° partie, ch. m). Ce vaisseau reçoit et donne plusieurs branches transver- sales. Or, sur ces vaisseaux sont développées de nombreuses cellules mucipares, si bien que la région en question, dans sa totalité, est glandulaire. C’est la première apparition d’une glande à mucus fonctionnelle. La différenciation est faible dans le Trochus cinerarius, elle l’est davantage dans le Trochus zisiphinus (lg. 82), et surtout dans le Monodonta mo- nodon (fig. 81). Nous dirons plus loin (V° partie, ch. n1) quelques mots de l'intéressante famille des Siomatellidés, voisine de la pré- cédente. d. T'urbonidés. — Chez les Turbo (T. rugosus, T. princeps, T. niger), nous sommes en présence d’une glande très nette- ment différenciée. C’est la glande hypobranchiale de B. Hal- ler. Elle se présente sous la forme de plis longitudinaux, recouverts d’un épithélium élevé, qui tranche nettement et sans transition avec celui des parties environnantes (fig. 83). ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 325 Cette glande est surtout développée à gauche du rectum, entre celui-ei et la branchie, mais elle existe aussi à droite : c'est cetle dernière portion qui à été prise par Jhering pour une branchie rudimentaire. Rien n'autorise, à mon avis, cette manière de voir : il n’y a pas de différence entre les deux portions de la glande à mucus; l’épithelium y offre toujours une alternance remarquable entre les cellules ciliées et les cellules sécrétrices, qui sont abondantes et disposées avec une parfaite régularité. Cette glande est coupée obli- quement par la veine transverse et irriguée par ses diverses branches. e. Haliotis. — M. Weamanx (55) consacre quelques pages à l'étude de la glande à mucus de l’'Haliotide. Il recon- naît l'existence d’une seule couche de cellules, sans d’ail- leurs se préoccuper de comparer sa description à celle que M. de Lacaze-Duthiers a donnée pour la Purpura. Mais il décrit toutes les cellules comme ciliées, et méconnaît ainsi la distinction entre les cellules ciliées et les cellules sécré- trices. Il observe exactement la déchirure des cellules, mais confond ce phénomène avec celui de l’étranglement des cellules ciliées : de là résulte dans sa descriplion une cer- taine confusion. [l n'a « jamais trouvé de noyau dans ces cellules ». Ce noyau est au contraire parfaitement net, et on le voit sans coloration dans les cellules ouvertes. Pour lui, la sécrétion résulte de la destruction du tissu. L'observation directe est assez peu commode, les lamelles étant très épaissies et l’épithélium très haul. Au contraire, les coupes sont très instructives. On sait que la glande est formée des plis longitudinaux situés de part et d'autre du rectum (fig. 80). Dans la portion antérieure, les plis sont très élevés et très réguliers. J’ai fait des coupes perpendiculaires à la direction de ces plis. Les cellules sont beaucoup plus longues au fond des vallées formées par les lamelles qu'au sommet de ces dernières. Vers le fond elles ont environ 260% de long sur 20 de large; vers le sommet 80 & de long sur 20 y. On voit que dans ce dernier cas elles ont une forme plus 326 FÉLIX BERNARD. ramassée, plus globuleuse. Les noyaux vers le fond sont dis- posés pour la plupart avec régularité près de la base; quel- ques-uns arrivent cependant vers le milieu de la longueur. Les cellules apparaissent dans cette région presque toutes pleines de mucus et fermées; un grand nombre de celles qui lapissent le sommet des lamelles sont au contraire ouvertes et dépourvues de mucus. Si la préparalion a été faite rapi- dement, {outes ont gardé leur protoplasma et leur noyau. Le fait le plus important est la distribution des cellules ciliées. Vers le fond, une coupe bien normale nous montre successivement une cellule ciliée et une cellule mucipare alternant avec une grande régularité; le noyau des pre- mières est très allongé et se présente à tous les niveaux, mais surtout vers le milieu. Une coupe transversale ou oblique nous montre pour les cellules mucipares des sec- tions polygonales telles que fréquemment les cellules soient contiguës; parfois cependant elles laissent des méats qui s'observent aussi sur les coupes longitudinales. Cà et là, entre les cellules mucipares, s’observent les corps des cellu- les ciliées presque toujours isolées. Au contraire, vers le sommet, les derniers éléments sont beaucoup plus abondants que les autres, et par suile groupés en faisceaux impor- tants ; il est facile de trouver des amas en comprenant une vinglaine, avec des noyaux disposés depuis la base jusqu’au plateau. De distance en distance on aperçoit un nerf qui pénètre dans lPépithélium, et des cellules neuro-épithéliales sont mêlées aux cellules cihées. Elles sont, à vrai dire, moins abondantes que dans la Pourpre ou le Vermet : leur exis- lence est cependant certaine. Elles sont localisées unique- ment dans le voisinage du sommet des lamelles. Quant au tissu conjonctif, il est peu intéressant; il est sur- tout formé de cellules de Leydig qui circonscrivent d'immenses espaces sanguins mal délimités. La membrane de soutien est large, irrégulière, contient des muscles nombreux, et ne présente pas l’épaississement ou les plis caractéristiques des organes respiratoires. Pas de fibres musculaires transverses. ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. JA En résumé, chez les Diolocardes, tantôt la glande à mucus n'est pas différenciée, au point de vue morpholo- gique et histologique (Fissurelle, Trochus, Nérilidés), tantôt au contraire elle atteint un degré de complicalion au moins égal à celui qui reste chez la Purpura (Hahotis, Turbo). S 2. — Patellidés. Dans tout ce groupe la glande à mucus n’est pas diffé- renciée. Qu'il existe une branchie, comme chez les Teclures, ou que cet organe fasse défaut, comme chez les Patelles et les Lotlia, le plafond de la cavité palléale ne contient pas plus de cellules glandulaires que le tégument de la tête ou les replis latéraux du manteau. Il est donc inutile d'insister sur ces animaux, et nous pouvons examiner maintenant les Monotocardes. S 3. — Paludine. Si nous ouvrons le manteau d’une Paludine vivante, nous serons frappés de voir quelle petite quantité de mueus on trouve dans la cavité palléale. Les parties plus particulière- ment mucipares sont la branchie et l’épithélium qui recouvre le rectum. Quant au large espace qui s'étend entre ces deux organes et qui correspond morphologiquement à la glande à mucus des Monotocardes, 1l est tapissé par un épithélium aussi plat que celui de la branchie, et présente des cellules sécrétrices relativement rares, jamais associées aux groupes importants. Au contraire, ce sont les cellules ciliées qui forment parfois des amas étendus entre deux cellules sécré- trices voisines. Ainsi la région médiane du plafond de la cavité palléale n’offre pas encore les caractères d’une glande différenciée. Cependant une petite porlion de ce large espace mérite d'attirer notre attention d’une manière toute spéciale : c’est un long bourrelet immédiatement adjacent à la branchie et recouvert par les lamelles, fort allongées et recourbées, de 328 FILIX BERNARD. cet organe. Il est parfaitement séparé de Îa région voisine (fig. 61, B m). Sa largeur est constante et égale à 1 milli- mètre environ. Il présente de légers plissements transver- saux à intervalles assez réguliers, et s'étend exactement tout le long de la branchie, depuis le cœur jusqu’au bord du manteau. Enlevons l’épithélium avec un pinceau, après l’action des réactifs dissociants; il ne reste plus qu'un repli de la membrane propre du manteau, repli peu accentué, mais cependant très visible qui se trouve le long du bord droit (gauche sur la figure 62) du bourrelet. Une coupe transversale montre que le bourrelet est constitué par un épithélium très élevé, el qu'il recouvre presque exactement le vaisseau afférent qui accompagne la branchie d'un bout à l’autre. Ce vaisseau n’est pas exactement contigu à la branchie, il en est séparé par une bande à peu près de même largeur où se voient les canaux fransversaux, dis- posés régulièrement, qui mènent le sang du vaisseau affé- rent à chacune des lamelles branchiales. Or, dans cet étroit espace, la hauteur de l’épithélium diminue rapidement el le bourrelet s’atténue dès qu'il cesse de recouvrir le vaisseau ‘afférent (fig. 62). En étudiant l’épithélium du bourrelet, je me suis trouvé en présence de difficultés d'interprétalion sérieuses ; l'aspect de l’épithélium diffère en effet sensiblement de tout ce que nous avons vu Jusqu'ici. Malgré l'épaisseur considérable du bourrelet, il n’y à là qu'un seulrang de cellules, c'est-à-dire que loutesles cellules s’insèrent sur la membrane basilaire, elles n’atteignent pas toutes la surface libre ; mais cela est vrai pour l'immense majorité d’entre elles. Les noyaux dans une vue d'ensemble paraissent disposés à fous les niveaux, comme nous l'avons observé dans un grand nombre de cas: cependant on peut remarquer à cet égard des différences entre les diverses parties du bourrelet. Tout le long du bord droit qui fait saillie sur le reste du manteau, on trouve principalement des noyaux périphériques, serrés les uns contre les autres ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 329 à une pelile distance des plateaux; mais il en existe un grand nombre à toutes les hauteurs : ils sont tous ovoïdes et forte- ment granuleux. Vers le milieu de l'organe, les noyaux situés dans la région moyenne deviennent de plus en plus rares, ils ne sont plus ovoïdes et finement granuleux, mais sphériques el pourvus d’un fort nucléole; cette variélé de noyau est surtout abondante vers la base de l’épithélium. Sur le bord se pressent au contraire les noyaux ovoïdes disposés senlement sur deux ou trois rangs. D’après ce que nous savons, il est presque évident que nous sommes encore en présence des deux variétés fondamentales d'éléments épi- théliaux : cellules ciliées et cellules sécrétrices. Mais nulle part la distinction n’est aussi difficile à établir que dans le cas présent : les cellules sont tellement allongées, que sur une même coupe il est rare qu’on puisse suivre un élément dans toute sa longueur. Il nous reste donc à recourir aux dissocialions. J'ai étudié successivement des organes fixés rapidement avant que [a sécrétion fût abondante, et d’autres où j'ai laissé la produc- tion du mucus se faire sous l’action de l’eau sur un manteau détaché de l'animal. Dans les deux cas les cellules se sépa- rent admirablement sous l’action du réactif acide déjà in- diqué, prolongée pendant un quart d'heure. J'ai observé tout d’abord toutes les formes possibles de cellules ciliées, avec les noyaux situés à tous les niveaux ; j'ai indiqué seulement quelques-unes des formes extrêmes (fig. 62, 6) : le filet d’attache est toujours grêle, presque sans aucune exception. IL est utile de remarquer la ressemblance apparente de quelques-unes de ces cellules avec des éléments neuro-épi- théliaux ; les cellules figurées en £, y et à pourraient dans bien des cas passer pour des terminaisons nerveuses, surtout la dernière dans laquelle le noyau oceupe la presque totalité du corps cellulaire. Une différence essentielle peut cepen- dant permettre de trancher la question : sur Îlés coupes bien colorées failes sur des animaux fixés rapidement, 1l 330 FÉLIX BERNARD. est impossible d’apercevoir la coloration rouge vif que le picro-carmin communique toujours aux lêles des cellules de Flemming. Je crois donc pouvoir affirmer qu'il n'existe pas là de cellules neuro-épithéliales. Une autre preuve est tirée du fait qu'il m'a été impossible de retrouver dans cette région la moindre trace du système nerveux. Il n’existe pas en effet de faisceau nerveux ayant un diamètre appréciable, et les cellules ganglionnaires, si elles existent, doivent êlre très rares, disséminées dans le tissu conjonctif et reliées par de grêles filets. Dans de telles conditions, je crois pouvoir affirmer que l'appareil neuro-épithélial n'existe pas ou bien est extré- mement réduit dans le bourrelet cilié de la Paludine. Les dissociations faites sur un organe frais nous mon- trent un très petit nombre de ces cellules caliciformes forte- ment gonflées, à réactions si spéciales que nous avons ren- contrées partout: mais les coupes faites dans les mêmes conditions permettent d'apercevoir de distance en distance d'étroites et nombreuses interruptions à la série des plateaux; ce sont les cols, longs et grêles, des cellules à noyau sphé- rique, basilaire ou médian, qui constituent à mon avis les éléments sécréteurs. Isolées, elles apparaissent avec des formes variables mais se ramenant toutes au même type : un corps cellulaire cylindrique et allongé; un col étroit, au sommet duquel on aperçoit souvent un pelit trou ou une goutle de mucus; un pédoncule grêle, qui peut manquer dans le cas où la cellule s’atlache à la membrane de soutien par une large base ou des insertions multiples (fig. 62, à). Si nous nous adressons à un animal débarrassé depuis quelques instants de sa coquille, chez lequel par conséquent la sécrétion du mucus ait été portée à son maximum, en examinant la surface du bourrelet nous y trouverons un assez grand nombre de globules volumineux de mucus encore adhérents à la surface. La dissociation des cellules qui se fait même sans l’action des réactifs montre avec la dernière évidence comment sont sécrétés les globules en question : ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 391 les cellules mucipares, dans le cas présent, ont été le siège d'un gonflement considérable dans leur partie distale : une déchirure irrégulière s'est produite sous Paclion de la poussée extérieure, et a détaché tantôt une calotle située obliquement ou normalement, tantôt le sommet entier de l'élément. En examinant les éléments ainsi déchirés avec un fort grossissement, on s'aperçoit que la plus grande partie du protoplasma est restée dans la cellule. Donc le fonc- tionnement de ces éléments glandulaires ne diffère de ce que nous avons vu jusqu'ici par aucun caractère fonda- mental. | La différence si frappante entre l'aspect du bourrelet eilié et une glande à mucus ordinaire vient de ce que, en temps normal, la sécrélion esl extrêmement lente et réduite et in- téresse une faible partie de l'élément. Sous l'influence de la pénétralion de l’eau, les éléments gonflent et reprennent l'aspect et les propriétés que nous avons observés dans les cas analogues. Ainsi, considéré au point de vue de l'épithélium, le bourrelet ciié de la Paludinene diffère pas essentiellement d'une jlande à mucus à longs éléments, où les cellules neuro-épithéliales feraient défaut. Je n'aurais pas à m'arrêler à la description du tissu con- jonetif de ce bourrelet, si un problème d’une nature toute nouvelle n'avait pas élé soulevé récemment au sujet d'un organe que Je ne crois pas différent de celui que je décris en ce moment. Dans une note préliminaire relative à l’éfude du sang dans la série animale, M. Cuéxor (62) appelle glandes lymphatiques es organes formateurs de globules sanguins et déclare que « chez les Mollusques les glandes lymphati- ques sont placées e7 général dans le voisinage de l'appareil respiraloire comme chez les Crustacés décapodes..….. Chez les Gasléropodes, la glande varie beaucoup de position et de rapports ; chez la Paludina vivipara, c'est une petite glande allongée, située le long de la branchie vers sa base et dé- bouchant dans le vaisseau veineux branchial; l’albuminoïde 392 FÉLIX BERNARD. du sang est d’un bleu verdâtre. » Sans avoir la prétention de juger un travail aussi général que celui qu'annonce M. Cué- not d’après un résumé aussi succinct, je ne puis m'empêcher de regretter que l’auteur n'indique pas en quelques mots à quoi il reconnaît qu'un organe est un organe lymphatique. D'autre part, la glande qu'il signale chez la Paludime ne peut être évidemment que le bourrelet que je viens de décrire ; un examen allentif ne m'a pas permis de reconnaître l’exis- tence d’un aulre organe anquel puisse s'appliquer la courte description de M. Cuénot. Or rien ne m’autorise à supposer qu'il se forme des globules dans le vaisseau qui surmonte la glande que je viens de décrire. Le vaisseau branchial est une vaste lacune largement béante, comprise entre les deux lames du manteau ; la lame interne, qui supporte le haut épithélium glandulaire, est ex- lrêmement mince, pauvre en fibres musculaires; la lame externe, au contraire, plus épaisse, présente un très grand nombre de fibres obliques. Dans les deux lames se voient les pelits noyaux parsemés au milieu de la substance fonda- mentale homogène, el il est impossible dans le cas présent de démèêler quelle est la forme des cellules auxquelles ils appar- tiennent. Ils se colorent en rouge bien plus fortement que ceux des cellules épithéliales et s’en distinguent facilement. Les novaux sont situés à toutes les profondeurs, el, quand on en trouve sur le bord de la paroi, la substance homogène fait légèrement saillie tout autour sans qu'il soit possible de distinguer un élément anatomique susceplible de se détacher. La saillie si marquée que forme la lame palléale interne et que j'ai figurée en coupe {fig. 62) est constituée par un épaississement notable du tissu conjonctif, laissant à son intérieur un eanal longitudinal qui n'est encore qu'une lacune sanguine. Les parois de ce canal présentent un grand nombre de fibres musculaires et quelques noyaux de nature conjonctive. Une lame d'épaisseur variable, peu riche en éléments mus- culaires, sépare ce canal du grand vaisseau afférent adja- ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 333 cent : cette lame est interrompue irrégulièrement et laisse la communication s'établir. Très probablement, c'est Ià qu'il faut chercher la petite glande dont le contenu d’après M. Cué- not se déverserait dans le torrent circulatoire. Or, je n'ai pas réussi à trouver le long de ce canal le moindre élément suscep- tible d’être considéré comme pouvant se transformer en glo- bules du sang, comme le veut M. Cuénot : il n’y a aucune différence à cet égard entre lui et toute autre lacune sanguine. C'est tout simplement une cavité irrégulière creusée dans une masse du tissu conjonclif lamineux que j'ai déjà étudié el sur lequel je reviendrai. Il va sans dire d’ailleurs qu’on y trouve quelques globules sanguins, aussi bien que dans le vaisseau branchial lui-même. Il resterait à déterminer la nature morphologique et le rôle du bourrelet sur lequel j'ai élé obligé d’insister si lon- guement. Au point de vue de l’homologie, sa place ne permet pas de le considérer comme autre chose qu'une partie diffé- renciée de la glande à mucus, et 1l n’est pas inutile de rappe- ler à ce propos que dans les Trochidés nous avons déjà assisté à un commencement de différenciation du manteau au niveau du vaisseau branchial afférent : cette différenciation atteint ici un degré qui ne sera réalisé de nouveau dans aucun autre cas. Quant au rôle de l’épithélium, il est tout indiqué par la nature même des éléments. La sécrélion glan- dulaire ne doit occuper que le second rang; le développement si anormal dans les dimensions de l’épithélium me semble plutôt en relation avec la situation du bourrelet sous la gouttière formée par l’ensemble des feuillets branchiaux, qui, on le sait, sont longs et recourbés ; par suite, l’établisse- ment d’un vif courant ciliaire dans cette goultière. peut favoriser la respiration et en même temps la diffusion du mucus produit en abondance sur les lamelles branchiales elles-mêmes. Cette interprétation me paraît suffisante pour expliquer la localisation si remarquable des grands éléments épithéliaux qui, dans les Prosobranches élevés, occupant tout le plafond de la cavité palléale. 394 FÉLIX BERNARD. J'ajouterai enfin que deux Paludines exotiques que j'ai choisies aussi différentes que possible par leur coquille de notre Vivipara trifasciata, à savoir P. cynthia et P. speciosa, possèdent un bourrelet cilié identique à celui que je viens de décrire. $ 4. — Ténioglosses en général. a. Valvée. L'espace correspondant morphologiquement à la glande à mucus n'existe pas, comme on l’a déjà vu, chez la Valvée. Le rectum en effet côloie de très près les organes rénaux qui arrivent en avant jusqu’à la branchie, et il passe exactement à clé du point d'inserlion de celle-ci du côté afférent (vers la droite), il n’y à done pas de région inoccu- pée sur toute l’étendue du manteau, excepté en avant de la ligne d'insertion de la branchie ; c’est Tà d’ailleurs que les cellules sécrétrices sont le mieux développées : la région mucipare est donc ici reportée le long du bord antérieur du manteau. On se souvient que celte même région était égale- ment sécrétrice chez le Trochus. Avec la Paludine et la Valvée, nous aurons examiné les ‘ seuls cas exceptionnels : nulle part en effet nous ne retrou- verons une bandelette longitudinale différenciée, et nulle part non plus il n’y à contiguité entre le rectum et la bran- chie. Nous allons donc pouvoir présenter très rapidement un examen des divers degrés de différenciation, au point de vue sécréloire, de la région qui nous occupe chez les principaux Ténioglosses. b. Rostrifères. Chez les genres Litiorina et Rissoa, la glande à mueus est un espace large el allongé, assez faiblement glan- dulaire, lraversé de vaisseaux saillants, mais non pourvue de replis distincts. Dans la Bithynie elle se réduit à une faible région trian- gulaire en avant de la cavité palléale; chez le P/anaris au contraire elle est élargie en arrière el pourvue de replis. (Je suis tout à fait convaincu de l'opinion émise par Bouvier, comme quoi le Planaxis est issu des Lillorinidés; mais ilen ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 339 diffère par la longueur de son organe de Spengel, recourbé en crochel en avant et assez semblable à celui des Vermet ou des Chénopus.) Dans la Calyptræa, c'est un espace étroit, très fortement mucipare, complèlement recouvert par les feuillets de la branchie, démesurément allongés et compris entre l’ouver- ture de celle-ci et le rein, qui s’avance très en avant. Le Vermetus qigas et la Melania luberculata, la Rostel- laria curvirostra et plusieurs S#rombus sont dépourvus de feuillet. La glande à mucus du Vermet est extrêèmementriche en éléments nerveux :les cellules glandulaires y sont courtes, grosses et se prêtent admirablement à l'étude après fixation rapide. Au contraire, le Chenopus pes carbonis, le Cerithium vulqa- tum ont une glande à mucus plissée el fortement sécrétrice. Chez le Terebellum, existe une région mucipare très nette- ment délimitée par une sorte de petite muraille qui en fait tout le tour; elle est de forme ovale, mais pointue en avant et en arrière, isolée dans le vaste espace qui sépare la branchie du rectum et qui n’est pas sécréteur. Cette petite glande à mucus, bien distincte du reste du manteau, est sillonnée de petites lames verticales assez rapprochées, anastomosées de manière à former un vérilable réseau ; mais la direction générale de la plupart des replis est transversale. Dans les animaux conservés, celle région est pleine d’un mucus dont on se débarrasse facilement par un fort courant d'eau. Une semblable localisation de la sécrétion du mucus est un fait exceptionnel chez les Ténioglosses. Nous en verrons au contraire d’autres exemples dans la série des Rachiglosses. c. Semi-proboscidifères. La Natice et la Lamellaire sécrètent peu de mucus par leur manteau; le Sigarel au contraire a une glande à muceus plus importante, avec des replis trans- versaux parallèles. d. Probosaidifères Siphonostomes. On ne trouve pas de feuillets dans les genres Cassidaria, Cassis, Dolium: il en 336 FÉLEX BERNARD. existe au contraire dans les genres Triton et Ranella. D'ail- leurs, dans les deux cas, la sécrétion du mucus est abondante. Les cellules mucipares de la Ranelle sont les éléments épi- théliaux les plus longs que j'aie jamais vus : après dissocia- tion, on les voit facilement à l'œil nu. Souvent la glande est assez bien limitée en avant par un léger bourrelet oblique allant de la pointe de la branchie à l'anus. Il faudrait placer ici le genre Pyrula, que l’on s'accorde généralement à considérer comme voisin des Dolium. Mais sa glande à mucus est exactement une glande de Voluie; ül est intéressant d'autre part de rappeler ce que Bouvier a dé- montré pour cel animal : c’est incontestablement un type de {ransition entre les Rachiglosses et les Ténioglosses, et son système nerveux, en parliculier, est un système nerveux de Moläte (p.191) Chez les Ténioglosses dépourvus de branchie (Helicina, Cyclophorus, Cyclostoma), le plafond de la cavité palléale est faiblemeut mucipare : il est sillonné de nombreux sinus. C’est la seule particularité que présente cette région, qui remplit, comme on sait, le rôle respiratoire et qu’on appelle ordinai- rement le poumon. $ 5. — Rachiglosses. Ce groupe va nous présenter tous les degrés de différencia- tion; mais la sécrélion est toujours très abondante. On connait la glande à mucus de la Purpura lapillus, on sait qu’elle est dépourvue de replis transversaux : il en est de même pour celles du Murex erinaceus el de divers Fusus. Le Buccinum undatum présente de grands replis, très épais, intéressant toute la largeur de la glande, moins hauts seu- lement en avant et en arrière. Mais dans la Harpa ventricosa la région sécrétrice devient bien plus nettement délimitée ; la branchie décrit un coude très prononcé vers la droite, tandis que la glande à mucus, caractérisée par de larges feuillets assez écartés, forme une bande de largeur constante ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. RAT parallèle au rectum : il en résulte la formation d’un large espace triangulaire, dont la base comprend tout le bord an- térieur du manteau ; cette région n’est pas mucipare. En ar- rière la glande à mucus se termine brusquement par un repli qui la sépare du rein; le cœur est bien en arrière. Dans la fascaolaria tulipa on trouve de nombreuses pe- tites lames formant un réseau qui s'élend en arrière jus- qu'au fond de la cavité palléale, mais qui est brusquement limité en avant par un bourrelel transversal allant de la branchie à l'anus. Là encore la partie antérieure du man- teau n'est pas sécrétrice. La Vo/uta scapha est à peu près intermédiaire : la glande est nettement limitée en avant et en arrière; les feuillets transversaux sont de moyenne grandeur el réunis par des replis plus petits. Enfin dans l'O/ive la localisation atteint un degré beaucoup plus marqué : la glande est petite, isolée, pointue aux deux bouts, et sillonnée de nombreux feuillets; elle est semblable en un mot à celle des Terebellum. $ 6. — Résumé. Tout ce qui précède peut être facilement résumé en quel- ques mots. La glande à mucus n’est, dans les groupes infé- rieurs que le plafond même de la cavité palléale devenue plus ou moins sécrétrice. Ce stade simple se trouve d’ailleurs représenté dans tous les groupes. Chez les Siphonostomes (Ténioglosses et Rachi- glosses) apparaissent des replis destinés à augmenter la surface sécrétante; enfin, chez quelques Ténioglosses, mais surtout chez les Rachiglosses, la glande se localise, prend une forme plus déterminée, en même temps que les feuil- lets deviennent plus nombreux. D'ailleurs des genres voisins présentent à cet égard des différences sensibles et c’est seulement d’une manière vague et générale que la différen- ciation progressive de la glande à mucus s'accorde avec celle des organes plus importants. ANN. SC. NAT. ZOOL. IX,.22, — ART. N°09: 338 FÉLIX BERNARD. CHAPITRE IV LES GLANDES MUCIPARES CHEZ LES GASTÉROPODES. Ce qui nous a principalement préoccupé, dans tout le cours de cette IV° partie, c’est le mécanisme de la formation du mucus dans une partie du manteau qui est souvent affectée d’une manière toute spéciale à cette fonction impor- tante dans la vie des Gastéropodes. Mais dans les chapitres précédents nous avons pu voir que les éléments mucipares se rencontraient un peu partout dans le manteau ; et d’ail- leurs on sait depuis longtemps qu'ils existent chez les Mol- lusques, dans toutes les parties de l’épithélium tégumentaire. Il y a lieu de se demander si la sécrélion du mueus se fait toujours suivant les mêmes lois, dans les divers groupes de Mollusques et dans les diverses parties d’un même mol- jusque ; j'examinerai en détail cette question dans un travail acluellement presque terminé et qui paraîtra prochainement dans le Bulletin saentifique de la France et de la Belgique ; et je donnerai à ce propos un historique aussi complet que pos- sible de la question : les faits que je viens d'exposer plus haut diffèrent comme on le verra de ceux qu’on peut obser- ver dans d’autres cas; Je tiens donc à insister sur ce que j'ai constaté moi-même ces différences et que, par suite, les ré- sullats obtenus par divers auteurs ne viennent pas infirmer ceux que J'ai résumés précédemment. Nous avons vu que les feuillets de la branchie et de la fausse branchie étaient aptes à sécréter du mueus : le bord efférent des lamelles branchiales, et le bord afférent du sup- port branchial chez les Diotocardes possèdent cette pro- priélé à un degré remarquable. Partout l’épithélium n'a qu'une couche de cellules, et les éléments mucipares sont des cellules épithéliales très nette- ment différenciées. Leur noyau est rond et basilaire, leur protoplasma est restreint. Le contenu est granuleux ou hya- + ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 339 lin suivant le stade examiné ; le sommet est arrondi ou per- foré ; la cellule peut être vide de mucus et continuer à vivre ; elle n’est jamais ciliée, et ne s'enfonce jamais dans le tissu sous-jacent ; enfin deux cellules sécrétrices ne sont jamais contiguës, et ne se fusionnent jamais. Des cellules mucipares ainsi définies ont été trouvées par divers zoologistes, qui les ont décriles avec des différences sur lesquelles j’insisterai ailleurs, mais qui ne sont pas fonda- mentales. Citons seulement les noms de F. E. Scnurrzr, STOHR, SCHIFFERDECKER, Lisr, RANVIER, etc., parmi ceux des zoologistes qui les ont décrits chez les Vertébrés. FLEM- MING les a revus chez Mytilus ainsi que Drosr dans Cardium et Rawirz chez divers Acéphales, Beza HALLER dans la cavité buccale des Rhipidoglosses. Mais ces éléments ne sont pas les seuls capables de sécréter le mucus. SEMPER a décrit le premier (1856), dans les téguments des Pulmonés, des glandes multinuclées qui s’enfoncent dans la peau : Levpre, (1856) les revit aussi, de même que Vocr et Yuxc (1888); Drosr les décrit dans le manteau du Cardium, Rawrrz les décrit concurremment aux « Becherzellen » dans Ostrea, Lucina, etc. Les glandes pédieuses ont aussi attiré l’altention, mais l’explicalion de la sécrélion du mucus dans ces or- ganes n’est pas encore donnée ; SemPer et LeypiG décrivent des cellules à canal excréleur; Socnaczewer (1831) conteste l'existence de ce canal, Sarasin l’affirme de nouveau (1883) et J. CARRIÈRE (1881) dit que les unes sont fermées, les autres ont un canal sécréleur. Houssay (1884) ne voit pas ce canal et décrit partout les cellules comme fermées. En résumé, on à décrit quatre sortes de cellules mucipares : À. Cellules épithéliales isolées ; B. Glandes dermiques ; a) Pluricellulaires, ouvertes ; b) Monocellulaires, ouvertes ; €) Monocellulaires, fermées. Bien des questions restent d’ailleurs à résoudre sur la théorie de la sécrétion. J'ai dû faire moi-même quelques 340 FÉLIX BERNARD. recherches sur des organes variés, avec des procédés iden- tiques, pour obtenir des résultats comparables. Voici à quoi je suis arrivé Jusqu'ici. A. Glande pédieuse de Nassa mutabilis. 1 n'y a pas de cel- lules caliciformes ; les cellules sont en amas très épais et elles s'ouvrent les unes dans les autres par résorplion de mem- brane, de sorie qu’on à un complexe plurinucléé avec des réseaux protoplasmiques unissant les divers noyaux; la glande s'ouvre au dehors par des interstices entre les cellules ciliées. B. Glande pédieuse de Valoata piscinalis. La description précédente s'applique, avec cette différence que les mem- branes latérales subsistent et les cellules sont associées de manière à former des sortes d’acini séparés par des lames conjonctives. [1 y a des canaux excréteurs, bien entendu non tapissés d’épithélium. _C. Bord du manteau de Bulla hydatis. H existe d'énormes glandes mucipares unicellulaires, dehicentes, contournées, s’enfonçant profondément dans les tissus ; rarement deux ou trois cellules ont un canal sécréleur commun (fig. 64). D. Bord du manteau du P/anorbis corneus. Même remar- que ; il y a de nombreuses cellules non déhiscentes ; toutsem- ble prouver qu'elles finissent par s'ouvrir pour fonctionner. I est donc certain qu'il y a des éléments glandulaires dermiques très différents des cellules glandulaires épider- miques: tous ces éléments s'ouvrent à l'extérieur, qu'ils soient ou non isolés : dans tous le protoplasma subsiste après l'acte sécréloire, qui nous apparait ainsi définitive- ment comme lié, non pas à la mort et à la fonte de la cel- lule, mais à son activité fonctionnelle. Je me propose de chercher à élucider en particulier une question importante : les cellules glandulaires dermiques sont-elles les mêmes que les cellules muqueuses fermées du tissu conjonclif (Scheïmzellen) que divers auteurs ont dé- criles? En tous cas, dans le manteau, il n’y a pas d’autres éléments mucipares que les cellules épithéliales (Becherzellen). C'est là le fait principal que je liens actuellement à signaler. ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 341 CINQUIÈME PARTIE COMPARAISONS HISTOLOGIQUES ET MORPHOLOGIQUES CHAPITRE PREMIER CELLULES NEURO-ÉPITHÉLIALES CHEZ LES GASTÉROPODES ET LES ACÉPHALES. La dernière partie de ce travail a pour objet des compa- raisons qui s'appuient sur les faits acquis par l’examen de tous les organes palléaux. La signification physiologique des ter- minaisons nerveuses et le rôle des organes qui les contien- nent peuvent être discutés maintenant que nous avons signalé partout la présence de ces éléments. Il en est de même pour ce qui concerne la question des lacunes, qui est intimement liée à la connaissance des éléments conjonelifs ; enfin l’étude topographique de l’appareil circulatoire palléal trouve tout naturellement sa place à la fin de ces recherches. L'histoire détaillée de la découverte des cellules neuro- épithéliales des Mollusques ne manque pas d'intérêt, mais elle présente une grande complication : je la renvoie donc à un ouvrage ultérieur, comme je l'ai fait pour les glandes mu- cipares et je me bornerai à un exposé très sommaire. Les cellules neuro-épithéliales ont été décrites fréquem- ment chez les Mollusques. Elles furent découvertes en 1857 par LevpiG chez la Limnée et par CLaparkpe chez la Néri- dine. Un peu plus tard Fr. Bozz les revit chez divers Mollus- ques; mais les descriptions de ces auteurs étaient incom- plètes ou inexactes; FLEMMING, la même année (1869), les étudia sur le manteau des Acéphales avec une grande préci- sion, et en décrivit les formes diverses (cellules en pinceau, 342 FÉLIX BERNARD, cellules columnaires). Il découvrit ensuile leur relation avec les nerfs et démontra ainsi leur rôle sensoriel. Ces deux mé- moires de FLEMMING ont servi de point de départ à toutes les recherches failes dans le même ordre d'idées : il est donc juste de conserver à ces éléments le nom de cellules de Flem- ming, qui leur a été donné en Allemagne. Les cellules neuro-épithéliales ont été décrites sous des formes plus ou moins variées dans les organes suivants : a) Tentacules céphaliques, palléaur el émipodiaux des Pul- monés (FLEMMING, SIMROTH). b) Organes latéraux de la collerelle des Rhipidoglosses (B. HaLLER). c) Bord du manteau des Acéphales (Meyer el Môgius [1872), Drosr [Cardium| et surtout Rawrrz). d) Glandes pédieuses (SOcHACZEWER). La présence de ces éléments dans les glandes pédieuses est contestée par SARASIN ; CARRIÈRE, Houssay et GARNAULT ne se prononcent pas sur la question. e) Cavité buccale des Gastéropodes. Semrer (1857) découvre dans les Pulmonés un organe spécial, formé de lamelles, qu'on appelle l'organe de Semper. LeypiG (1876), Simrorn (1876), SocHaczeweRr (1881), Sa- RASIN (1883), ont repris l’élude de cet organe et y ont vu les terminaisons nerveuses. B. HazLer décrit dans la cavité buccale des Rhipidoglosses des coupes qustalives. f) Organes palléaux. — SrEeNGEz dit qu'il existe des termi- naisons nerveuses dans l'organe qui porte son nom. Je les ai moi-même vues el décrites dans les organes palléaux, où elles sont plus ou moins nombreuses. 1° Organe de Spengel : c'est à qu’elles dominent; parli- culièrement quand l'organe est fortement différencié. I existe un réseau nerveux interépilhélial. 2 Feuillets branchiaux : bord afférent. Réseau nerveux interépithélial très net. 3° Glande à mucus, dans certains cas. ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 343 4 Bord du manteau. Diverses questions se sont posées à propos de ces termi- naisons nerveuses : quel rôle doit-on altribuer aux organes qui en sont pourvus? faut-il conclure de la forme des lermi- naisons nerveuses au r0le de l'organe? S'il en est ainsi, les différences que l’on observe entre les cellules sont-elles suf- fisantes pour permettre d'établir une répartilion des fonc- tions? Pour discuter à fond ces problèmes délicats, il fau- drait s'appuyer sur un exposé délaillé de l'historique de la question : c’est ce que je ferai ailleurs. Mais actuellement je crois pouvoir, pour ce qui concerne le manteau, lirer quel- ques conclusions de la comparaison de mes recherches avec celles de mes prédécesseurs. Deux sortes de terminaisons nerveuses ont été décrites chezles Acéphales et les Gastéropodes dans les organes qu’on peut appeler, avec Simrota, organes sensoriels inférieurs (e’est-à-dire tous, sauf les yeux et les otocystes). Ces deux sortes d'éléments sont : 1° Des cellules volumineuses, à soies, à large plateau (FLemmNG, Acéphales) ; 2° Des cellules allongées, à corps renflé occupé tout entier par le noyau, avec une tête et un col plus ou moins distincts, avec ou sans soies. La première variélé n'existe pas à coup sûr dans les or- ganes palléaux des Prosobranches ; cependant, sur quelques points (lamelles palléales de la Patelle, branchie de la Bulle et du Gastroptéron, organe de Spengel du Dolium), il v a des cellules très volumineuses, à gros noyaux; mais elles sont munies de cils et non de soies; leur détermination, comme cellules neuro-épithéliales, me semble tout à fait improbable. Reste donc la seconde sorte d'éléments, qui est répandue partout. Elle est susceptible de nombreuses variations. Or, l'historique que l’on vient de lire a pour but, en défini- tive, de nous permettre de répondre à cette question : les différences que l’on observe dans les cellules allongées sont- 344 FÉILIX BERNARD. elles spécifiques, si l’on peut s'exprimer ainsi? En d’autres termes, les terminaisons nerveuses de l'organe de Spengel, de l'organe de Lacaze-Duthiers des tentacules, du bord du manteau, des organes glandulaires, des organes latéraux (B. Haller) différent-elles par des caractères de structure ou de groupement qui permettent de les distinguer et de leur attribuer des rôles variés? À cette question, je crois pouvoir répondre négahvement. Telle n'est pas, on le sait, l'opinion de Flemming; exami- nant principalement les cas extrèmes et s'adressant aux or- ganes les plus différenciés, il avait cru trouver des différences importantes. Or, nous connaissons mieux aujourd'hui les organes sensoriels inférieurs qu'à l’époque où Flemming écrivait ses premiers mémoires; quelques-uns d’entre eux, comme l'organe de Spengel, nous offrent côte à côte, sur le même point, des éléments offrant lous les aspects précé- demment déerits par Flemming, avec les transitions les plus ménagées ; ainsi le col de la cellule peut être long et grêle, faire défaut et être remplacé par une sorte de bâtonnet ou de lamelle ; il peut y avoir une tête très bombée ou très fine, le noyau peut être plus ou moins granuleux, etc. Rawitz nous a même fait connaître que chez les Acéphales, des cellules semblables pouvaient avoir un filet nerveux dis- üinct ou non du filament d'attache. L'aspect des cellules si bien décrites par Flemming dans les papilles tactiles des tentacules chez les Diotocardes est identique à celui des élé- ments absolument sensoriels des organes de Spengel chez les mêmes animaux. J'espère avoir d’ailleurs démontré ce point dans lout le cours de ce mémoire. A défaut de la /orme des éléments, leur disposition nous donnera-t-elle des résultats plus nets dans le sens de la dif- férenciation des organes? Cela me semble probable pour certains cas, mais seulement dans une certaine mesure. A ce point de vue, les papilles des tentacules épipodiaux méri- tent une mention spéciale; il ne s’agit plus là de régions douées d’une sensibilité plus ou moins vague, mais de corpus- ORGANES PALLÉAUX DDS PROSOBRANCIHES. 349 cules très différenciés, doués d’une grande délicatesse (1). Ce fait, évident d’après leur structure, se confirme par l’ob- servation des tentacules sur l'animal vivant. Toujours sortis, toujours en mouvement, ils explorent avec activité les régions environnantes el se contractent au moindre choc. Leur rôle tactile n’est pas douteux, et cependant ce n’est pas avec les corpuseules tactiles que nous connaissons chez les Vertébrés qu'ils offrent une analogie morphologique, c’est surtout avec ces petits organes que M. Ranvier a appelé bourgeons du goût, et qu'il a figurés dans son Traité d'ustologie. K est permis d’ailleurs de se demander si les tentacules en ques- tion ne seraient pas aptes à remplir, outre la fonction tactile, une autre fonction plus en rapport avec celle des bourgeons du goût des Vertébrés. D'ailleurs, dans la détermination fonctionnelle d’un or- gane terminal, ce n’est pas la structure seule de l’organe qui intervient : c'est aussi, au même degré, la nature des centres nerveux avec lesquels 1l est en relation. Ce fait, bien évident chez les animaux supérieurs, est encore mis en lumière par les applications bien connues de la /o7 des connerions, que M. de Lacaze-Duthiers à établies pour les otocystes des Gas- téropodes ; les organes de la vue et de l'odorat sont toujours en relation avec les ganglions cérébroïdes, qui innervent d’ailleurs directement d’autres organes sensoriels moins im- portanis (palpes, tentacules). Faisons l'application de ces principes aux divers organes que nous venons d'éludier dans le cours de ce mémoire, et dont nous avons indiqué la structure d’après divers auteurs dans le présent chapitre. Nous devrons mettre à part tout d'abord les coupes qgustatives de Bela Haller. Si les obser- (4) Ces corpuseules, découverts par Flemming, sont des papilles recou- vertes d’un épithélium plat; à leur intérieur existe un faisceau de longues cellules neuro-épithéliales, dont les tètes font saillie en divers points du bourgeon, mais surtout au sommet où elles offrent une petite couronne de soies très nettes. J'ai retrouvé tous les détails décrits par Flemming, et je puis affirmer qu'il s'agit ici simplement de cellules sensorielles ordinaires enfoncées dans une papille conjonctive. 346 FÉLEX PERNARIM. vations de cet auteur sont exactes, la forme des cellules sen- sorielles est assez spéciale; leur répartition ne l'est pas moins. Enfin l’innervation étant sous la dépendance des ganglions buccaux rend légitime la détermination de ces coupes comme organes de sensibilité spéciale; dès Lors, leur fonction gustative est bien évidente. Ce qui se passe pour les organes palléaux est bien plus compliqué. Nous avons vu les cellules neuro-épithéliales peu abondantes dans les régions plus spécialement sécrétrices ; plus fréquentes, au contraire, le long du tranchant des feuillets branchiaux; nous les avons vues s’accumuler le long du nerf branchial et à la surface du ganglion, de ma- nière à former dans les types les plus élevés un véritable or- gane, dont nous avons suivi la différenciation. C’est seule- ment dans ce dernier cas qu'on peut altribuer, avec quelque probabilité, une fonction de sensibilité spéciale à la région où sont présents ces éléments. L'organe de Spengel bien différencié se distingue par la proximité et l'abondance des cellules ganglionnaires destinées uniquement à servir d’in- termédiaire entre les terminaisons nerveuses et les nerfs centripètes; c'est ce que nous avons établi plus haut en ob- servant qu'aucun filet de la fausse branchie bipectinée et de l'organe de Lacaze-Duthiers ne va aux organes voisins. En même temps le système des nerfs rattachant l'organe aux centres céphaliques devient de plus en plus riche et formé de filets plus volumineux ; le renforcement de la commissure palléale de Bouvier établit même un chemin plus direct entre les ganglions palléaux et le réseau qui tient la fausse branchie sous sa dépendance ; l’élape du ganglion sus-intes- tinal peut être saulée. En ce qui concerne l'épithélium sensoriel, non seulement le réseau inter-épithélial de cellules multipolaires est assez riche, mais de plus nous voyons appa- raître des cellules nouvelles, les cellules pigmentées ; la loca- lisation des éléments se fait même d'une façon remarquable. Nous sommes donc ici en présence d'une différenciation considérable qui nous autorise à supposer que la sensibitité ORGANES PALLÉAUX DBS PROSOBRANCHES. 347 de l'organe peut êlre vive et délicate et relativement bien délimitée. Il n’en est pas de même si nous nous en lenons à la fausse branchie filiforme. Non seulement la partie centrale de l’or- gane n'est pas un ganglion, mais un simple nerf muni d'un petit nombre de cellules ganglionnaires; mais, de plus, les éléments neuro-épithéliaux sont peu nombreux et dispersés. Dans son ensemble, l'organe est à peine plus différencié qu'un tentacule qui le serait lui-même faiblement, c’'est-à- dire dépourvu de papilles tactiles et de ganglions lerminaux. Des expériences sérieuses seraient nécessaires, je ne li- gnore pas, pour décider d’une manière précise quelle est la fonction de tous ces organes. Dans cet ordre d'idées, nous n'avons guère à signaler que les expériences bien connues de Moquin-Tandon sur les tentacules de l'Escargot. Malgré les criliques auxquelles ces observations ont donné lieu, spé- cialement de la part de Simroth, il me paraît bien établi que les tentacules de lEscargot sont des organes d’olfaction au sens où nous entendons ce mot chez les Vertébrés; ainsi c'est par les tentacules qu’un Escargot reconnaît à distance une fraise qu'il ne peut pas voir. Mais si l’on passe des Pul- monés aux Prosobranches, deux difficultés nouvelles surgis- sent; que devient la notion d'odorat lorsqu'elle s'applique aux animaux aquatiques? Savons-nous bien ce qu'est, par exemple, la sensation olfaclive qu'éprouve un poisson el en quoi consiste la différence avec la sensation de goût, différence qui n’est pas douteuse, puisque les organes sont absolument distincts à tous les points de vue. L’obscurité devient bien plus grande si l’on s'adresse à des animaux inférieurs tels que les Mollusques. L'on sait cependant que les Nasses, par exemple, sentent de loin dans la mer la présence d'un ani- mal mort, puisqu'elles arrivent en foule de points éloignés. Définissons, comme on le fait souvent, l’olfaction comme la fonction qui permet à l’animal de reconnaitre les modifica- tions de nature chimique qui s’opèrent dans le milieu am- biant, en réservant le nom de goût à une fonclion analogue 348 FEÉILEX BERNARD. dont le siège serait exclusivement dans la bouche et dont l'objet serait exclusivement l’aliment. Or, pour chercher si un organe en particulier est doué d’une fonction déterminée, la méthode naturelle consiste à enlever cet organe, ou à le paralyser, ou à supprimer ses relations avec les centres ner- veux. En admettant que l’on puisse connaître assez bien les manifestations de la vie d’un Prosobranche pour établir avec sûreté qu'il sent en temps normal, il faudrait pouvoir altein- dre la fausse branchie, l'enlever, ou couper les nerfs qui y aboutissent, chercher ensuite si l’animal, une fois guéri, continue à sentir; tout cela, on l’admettra, je l'espère, est impossible, à moins de léser grièvement l’animal opéré, et les expériences nesignifieraient plus rien, surtout étant donné que le résultat doit en être négatif dans l'hypothèse où c’est précisément la fausse branchie qui est un organe d’olfaction. J'ai donc préféré m’abstenir d'expériences de ce genre, ne trouvant pas de méthode qui, même au point de vue théo- rique, me parût salisfaisante. | Cependant j'ai eu l'occasion de faire quelques petites ob- servalions, auxquelles je n’attache pas une bien grande im- ‘ portance, mais que je crois pouvoir cependant exposer en quelques mots. On sait depuis longtemps que les régions du manteau et de l’épipodium les plus riches en cellules de Flemming sont naturellement les plus sensibles aux excitations mécaniques; par exemple les tentacules épipodiaux des Trochus, qui sont toujours en mouvement quand l'animal est bien vivant, se rétractent avec une grande vivacité quand on vient à les toucher. Or, j'ai pu vérifier que ces mêmes régions jouissent d'une grande #rritabililé sous l’action des substances chi- miques variées; l'approche d'une baguette humectée de téré- benthine, d'alcool, d'essence de girofle, une parcelle de campbhre, une trace d'acide, etc., font rétracter rapidement les tentacules des Trochus lorsqu'ils sont dans l'air. Si l’on renverse une Patelle en tenant son épithélium bien humecté d'eau de mer, on pourra, bien avant qu'il y ait ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 349 contact, faire rétracter de même isolément telle parlie du bord du manteau qu’on voudra. D'autre part, en tenant les animaux en question dans l’eau de mer, il est facile de faire arriver sur les organes qu'on observe, au moyen d’un pelit tube, une goutte d'eau plus salée ou moins salée que l’eau de mer elle-même, où une goutte d’eau sucrée. La sensation produite se manifeste aussi par les réflexes très nets. Ces ré- flexes n’ont pas leur siège uniquement dans les ganglions du système nerveux centr ah mais dans le voisinage de l'organe lui-même, car ils se manifestent aussi sur un ao sé- paré récemment du corps de l'animal. Isolons, par exemple, le manteau d’un Trochus, bi M dans l’eau de mer et excitons mécaniquement la pointe de la branchie, ou approchons-en une substance irritante quel- conque : nous verrons tous les feuillets se recourber les uns après les autres, à partir du point excité, comme les folioles d’une sensitive. Mais, en ce qui concerne la fausse branchie, je n’ai obtenu aucun résultat qui mérite d'être mentionné. L’exeitation di- recte de l'organe ne produit aucune modification de forme. Les feuillets de cet organe sont tellement courts el tellement serrés que leurs mouvements sont inappréciables. Tandis que dans les régions précédentes le réflexe se produisait dans l'organe même, ici je suis convaincu que les impressions qui s’y manifestent sont transmises {res fortement et très direc- tement au système nerveux central; cela est prouvé d’ail- leurs par la présence des forts cordons nerveux qui relient la fausse branchie aux ganglions palléaux. Pour tous les autres organes, on peut, je crois, considérer comme établi que, partout où il y a abondance de cellules de Flemming, / se manifeste, à divers degrés, une certaine sensi- hihté tactile el une irritabilité sous l'action des substances dis- soutes ou en vapeur. Entrons-nous dans le domaine des hypo- thèses, nous serons amenés à supposer que la cellule de Flemming est un élément de sensibilité générale. De légères modifications des groupements spéciaux, le voisinage d’un 350 FÉLIX BERNARD. épithélium plus ou moins cilié ou pigmenté, des relations avec un réseau nerveux plus différencié, suffisent-elles à en faire une cellule tactile (bourgeons des tentacules épipodiaux) ou une cellule olfactive (organe de Spengel) ? Je suis, pour ma part, tenté de penser, par suite de l’étude anatomique de ce dernier organe, que l'olfaction chez les Prosobranches n’est qu'un degré suprême d'une sensibilité fondamentalement de même nature que l'irritabilité qui se manifeste un peu partout à des degrés variés; de même que, au point de vue morphologique, la fausse branchie est simplement un organe provenant d’une spécialisation el d’une différenciation gra- duelle d'un nerf ou d'un ganglion primitivement destiné à des usages généraux. Quant à l'organe de M. de Lacaze-Duthiers, il est à re- marquer qu'il existe presque constamment chez les Pulmonés aquatiques, ainsi que l'organe de Spengel chez les Prosobran- ches de même habitat; ces deux organes ne font défaut que dans des types terrestres (Hélicéens, Hélicinidés, Cyclopho- ridés). Il y a cependant exception pour les Cyclostomes qui ont un organe de Spengel et pour les Succinées qui en sont dépourvues. Aïnsi, bien que les Pulmonés respirent l'air en nature, l’olfaction chez eux semble liée à la présence de l’eau à l’en- trée de la cavité palléale. M. de Lacaze-Duthiers est d'avis, parait-1l, que l'organe des Pulmonés qui lui à été si juste- ment dédié est destiné à apprécier les mouvements de l’eau à l'entrée de la cavité palléale; je le crois sans difficulté, d'autant plus que cette fonction ne me paraît guère différer d’une fonction tactile. Nous apprécions bien avec la main la vitesse du mouvement de l’eau ou de l'air; et d'autre part, si on agite l’eau autour des tentacules des Trochus, on voit facilement que ces organes percoivent celte agitation. Si ces vues sont vérifiées, on peut conclure qu'il n’y a pas lieu de chercher à répartir dans les divers organes des Pro- sobranches, animaux relativement peu élevés en organisa- lon, des fonctions trop spéciales, trop raffinées:; de même ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 391 que nous assistons dans ce groupe à la différenciation gra- duelle de certains organes, de même nous devons voir la fonction se définir et se perfeclionner peu à peu en s’éle- vant dans la série qu'ils constituent (1). En d’autres termes, ce qu'on peut déduire de l'étude his- tologique, c'est que les diverses régions sensorielles du man- teau diffèrent probablement par une augmentation ou une diminution d'intensité d'une sensibilité à la fois taclile et olfaclive (au sens où nous avons défini ce mot) et non par des divergences profondes dans la nature de cette sensibilité. CHAPITRE II TISSU CONJONCTIF ET ESPACES SANGUINS. $ 1. — Historique. Les discussions sur l'appareil circulatoire des Mollusques ont presque toujours eu pour objet deux questions : L'appareil circulatoire estil clos ou l’eau peut-elle y pénétrer? Y a-t-il des capillaires en quelque point du corps? Ces deux questions divisent encore aujourd’hui les z00- logistes. Je laisse complètement de côté la première, qui n'intéresse pas l'histoire des organes palléaux : il est hors de doute qu'il n'y a dans aucun de ces organes la moindre ou- verture qui puisse permeltre le mélange du sang et de l’eau. H. Mie Epwarps a démontré le premier que l'appareil circulatoire est incomplet, et que les capillaires et même parfois les veines sont remplacés par des lacunes. On admit dès lors en général les idées de Milne Edwards : Poucuer (divers Gastéropodes), Van BENEDEN (Ap/ysia), NorpManN (Tergipes), de QuarreraGes (£oldiens), Leypra (Paludina), Semper et Wiccraus (divers Gastéropodes), enfin (4) Les fonctions visuelles et auditives semblent aussi assez obtuses de l'avis de tous les zoologistes qui s’en sont occupés. 322 FÉLIX BERNARD. SigBozp, BERGMANN, LEUCKART, HUXLEY, GEGENBAUR (Ptéro- podes et Hétéropodes), se sont ralliés à celte opinion. Néanmoins la théorie des capillaires continuait à compter des partisans déterminés. Ceux-ci, opérant principalement par la méthode des injections, ne pouvaient considérer comme des lacunes les réseaux très fins qu'on observe dans divers organes : l'examen microscopique, tel qu'on le pratiquait à cetle époque, laissait inévitablement subsister le doute. Ainsi, dès 1842, ParpenneIm et BERTHELEN décrivaient des capillaires complètement clos chez divers Gastéropodes:; et Lancer (1858) les voyait bien plus nettement encore chez les Acéphales, et établissait leur communication avec les artères et les veines. Les Acéphales continuent d’ailleurs à être l’objet de travaux bien plus nombreux que les Gasté- ropodes. Dans l'ouvrage classique de Bronx et KEFERSTEIN (1867) est émise une opinion moyenne, qui paraît résulter assez bien de ce que nous ont appris les travaux antérieurs : il existerait (au moins dans la partie abdominale du corps) des capillaires arlériels, mais pas de capillaires veineux (p. 1747). La même année commence, avec les recherches d'Egerra (20) sur les capillaires en général, la période histologique. Cet auteur réussit à mettre en évidence l’endothélium dans les vaisseaux de divers Mollusques. Bientôt FLEMmING (26) (1871) est amené à s'occuper de la question; après avoir élucidé la question de lépithélium des Mollusques, il ne pouvait se désintéresser du problème qui nous occupe en ce moment ; dans un premier mémoire, il décrit de véritables lacunes; cependant l'appareil circulatoire est considéré par lui comme clos, car il est partout tapissé d’endothélium. Bientôt commenca à ce propos entre FLEMMING et KOLLMANN une vive et intéressante discussion qui ne paraît pas encore terminée, malgré le nombre considérable de mémoires aux- quels elle a donné lieu. La question était transportée com= plètement sur le terrain de l’histologie. Le point à élueider élait le suivant. ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 506 Suivant KozManx (32, 37), les vésicules découvertes par Langer chez les Acéphales ne seraient pas des cellules, mais des espaces lacunaires, en continuité les uns avec les autres. Ces lacunes sont noyées dans une masse résistante et con- tinue, que Kollmann appelle Gallert substanz, el qui se pré- sente tanlôl comme formant des masses continues, plus ou moins étendues, tantôt comme réduite à de minces poutres ou lamelles (Gallert balken) au travers des espaces sanguins. I existe d’ailleurs de vrais vaisseaux pourvus d’endothélium, des capnllaires et des espaces venoso-lymyhaliques, où tombe le sang venu des lacunes. Ces faits, établis spécialement pour les Lamellibranches, sont étendus en outre à quelques Gas- téropodes (Aplysie) (p. 91-92). FLEMMING (35) admet d’une manière générale ces der- niers points, en conslalant seulement que le nombre de vrais capillaires à endothélium est lrès restreint dans le tissu érectile. Mais là où il est en opposition formelle avec Kollmann, c’est dans la descriplion des vésicules de Langer : ce sont pour lui de véritables ce//ules avec un petit noyau sphérique, presque toujours périphérique, et avec un peu de protoplasma granuleux : la plus grande quantilé du contenu consiste en une substance très molle, fluide, qui fait donner à ces vésicules le nom de Sch/eünzellen. Le sang ne passerait donc pas à travers ces espaces, mais bien dans des fentes de la substance que Kollmann décrit comme con- tinue (Gallert substanz); il existerait donc tout un système de canaux communiquant par des branches étroites dont les ramificalions occupent le centre des trabécules (Gallert bal- ken) que Kollmann décrivait comme des poutres pleines (Schuvellnetz). Quand le tissu érectile n’est pas rempli de sang, les tubes en question restent purement virtuels, et les parois en sont immédiatement appliquées les unes sur les autres. Il existe de plus des espaces qu'on peut à propre- ment parler appeler des /acunes, el qui se trouvent autour des muscles et des nerfs, entre ceux-ci et le tissu conjonctif; mais Flemming n’est pas tout à fait certain de la présence ANN. SC. NAT. ZOOL. IX, 23. — ART. N° 3. 304 FÉLIX BERNARD. du sang dans ces lacunes. Comme précédemment, les Acé- phales ont principalement occupé Flemming, mais il étend ses conclusions aux Céphalophores. Trois ou quatre mémoires furent publiés par chacun des deux auteurs sur celte question des espaces lacunaires; comme ils ne pouvaient se mettre d'accord, le débat fut porté devant le congrès de cinquante naturalistes et médecins réunis à Munich en septembre 1877, et les préparations des deux adversaires furent examinées. La lumière ne paraît pas avoir résulté de ce referendum scientifique, si bien que d’au- tres savants ne tardèrent pas à intervenir dans le débat. H. ScauLrze (39) (1877) admet avec Flemming la nature cellulaire des vésicules de Langer (p. 77), Bonner trouve dans la branchie des Acéphales tantôt des vaisseaux endigués par de l’épithélium tantôt des lacunes, tantôt les deux en- semble; Posxer (38), dans le même organe, trouve des la- cunes et SLUITER un système clos, au moins chez la Moule; M. Saparier l’année précédente (1877) était arrivé aux mêmes conclusions. GRIESBACH (49) (1883) arrive à des con- clusions intermédiaires entre celles de Flemming et de Koll- mann; dans les régions périphériques des Acéphales, le sys- {ème sanguin n’est pas clos déjà dans le tissu gélatineux, il y a des lacunes sans endothélium et pas de capillaires (p. 42), sauf peut-être dans quelques branchies. Les vésicules de Langer ne sont pas des cellules, et le tissu éreclile n’est pas un lissu spécial. L'eau pénètre dans le corps, se mêle au sang, sort par l'organe de Bojanus sans qu'il y ait de système aquifère spécial. La confusion était, on le voit, portée à son comble vers l'année 1882 : il était impossible au lecteur non prévenu de se faire une opinion d’après les {ravaux mêmes les plus récents. Enfin, en 1883, parait le mémoire capital de Brock, qui jette une vive lumière sur la structure du tissu conjonctif, et qui à pour nous un intérêt tout spécial, parce qu’il a trait exclusivement aux Gastéropodes. L'auteur étudie l’Ap/yste, ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 39) le Pleurobranche et divers Pulmonés, il décrit en détail toutes les formes de cellules conjonctives qu’on trouve dans ces divers types. Brock se range sans réserve à l'avis de Flemming au sujet des « Langers-blasen ». Il admet même, avec cet auteur (76, p. 50), que celles-ci, auxquelles il conserve le nom de « Schleimzellen » que leur avait donner Flem- ming, sont de même nature que d’autres éléments qu'il appelle cellules plasmatiques, et qu'il rencontre en abondance dans divers cas. En particulier, Brock y rattache les cellules calcaires des Pulmonés et de quelques Prosobranches, dont il distingue deux variétés (p. 39). Ces éléments, très volu- mineux, sont caractérisés par des concrélions opaques (de nature calcaire) et des sortes de pseudopodes plus ou moins développés; on trouve souvent des vacuoles. Parfois même ces cellules se divisent en plusieurs éléments plus petits qui restent associés. Mais les prolongements ne sont jamais unis entre eux. Tout au contraire, dans le deuxième type de cellule décrit par Brock, il existe des prolongements grêles excessivement ramifiés et irrégulièrement anastomosés de manière à former un lacis d'une complication extrême. Ces cellules conjonctives proprement dites ou étoilées sont bien plus petites et moins fortement granuleuses. Il existe enfin une troisième sorle d'éléments, ce sont les éléments féril- laires, que l’on a fréquemment pris pour des fibres muscu- laires. C’est, suivant Brock, ce qui est arrivé notamment à Semper et à Flemming (p. 43). On y distingue des fibrilles propres, noyées dans une masse bien plus abondante de substance interslilielle, le tout étant entouré d’une enveloppe anhiste. Ces fibres sont parfois très abondamment ramifiées, mais les prolongements très longs, très raides et de largeur constante, différent à tous égards de ceux du réseau précé- demment signalé. Au sujet des espaces sanguins, les figures de Brock ne laissent subsister aucun doute. Il représente divers cas où l’on voit côte à côte les espaces sanguins (circulalionslücken) et les cellules plasmatiques plus ou moins granuleuses: ces 336 FÉELIX BERNARD. espaces vides ont exactement la forme et les dimensions des éléments en queslion (fig. 17, 19, 21, du travail de Brock). Mais tantôt ce sont les cellules qui dominent et le tissu est compacte, tantôt elles sont rares et le tissu est criblé de trous. $ 2. — Résumé des données relatives au tissu conjonctif du manteau. Les résultats auxquels je suis arrivé en ce qui concerne les Prosobranches concordent si complètement avec ceux qu'a obtenus Brock chez les Pulmonés et les Opisthobranches que je n’hésite pas à conclure à l'identité complète des éléments conjonctifs dans toute l'étendue du groupe des Gastéropodes. Ce point important résulte de tout ce qui a été dit précé- demment à propos de chaque organe : il ne sera pas inutile cependant de comparer ici les données diverses acquises par nous jusqu'ici. Je suis amené à adopter comme très naturelle la division en trois catégories admise par Brock pour les éléments conjonctifs. Il existe donc dans le manteau des cellules plas- matiques, des cellules mullipolaires el des fibres-cellules rantifiées. À la première catégorie se rattachent les cellules de Leydig ou vésicules de Langer. Ces éléments sont noyés dans une substance interstilielle plus où moins abondante. L’abondance et la disposition de cette substance permet de distinguer plusieurs variétés de tissus conjonctifs. 1° Le Zissu lamineux. Il compose chacune des deux faces des lamelles de la branchie, et les membranes qui s’insèrent sur le manteau, telles que le péricarde, la paroi de l'abdomen. On le trouve encore dans les membranes qui rattachent au corps les branchies bipeclinées. Les éléments prédomi- nants sont des fibres extrêmement allongées, plates et plu- sieurs fois bifurquées. Dans le péricarde elles sont extrêmement nombreuses et disposées dans tous les sens. Dans la membrane qui relie les deux branchies chez l'Haliotide on observe une orientation longitudinale. L'orientation est manifeste dans la branchie ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 357 (voir Ile partie, ch. 1). La figure 72 montre combien ces élé- ments sont serrés dans ce dernier organe. On trouve encore dans le lissu lamineux de nombreuses cellules multipolaires (cellules conjonctives propres de Brock soil isolées, soit groupées comme nous l’avons vu plus haut (organe de Spengel). Les éléments vésiculaires font défaut. 2° Le tissu compacte est beaucoup moins répandu. Il existe dans les tentacules, dans les renflements qui constituent les organes de Spengel des Patellidés et surtout dans le support branchial des Diotocardes, le long de l'organe de Spengel : il forme toute la masse comprise entre le vaisseau efférent et le bord du support branchial (fig. 14). I est caractérisé par l'extrême développement de la substance interstitielle, qui ne présente qu'un très pelit nombre de lacunes sanguines (fig. 77). Les éléments figurés y sont plus clairsemés que partout ailleurs, sauf près des bords. Ces éléments sont des fibres très irrégulières de forme et de direction, recourbées près des bords de l'organe de manière à se réfléchir sur les deux faces. Une seule coupe, même épaisse, donne rarement toute l'étendue d’une de ces fibres. Les cellules mutipolaires sont isolées et assez rares. Il y a quelques cellules plasma- tiques, surtout près des bords (fig. 73 cp). 3° Le tissu vésiculeux est très fréquent dans les organes palléaux. C’est lui qui forme la masse même du manteau proprement dit (fig. 49). Ce n’est que par suite d’une sorte de convention que l’on distingue deux lames distinctes dans le manteau : ces deux lames ne sonten effet autre chose que les surfaces légèrement modifiées d’une masse de tissu vési- culeux : en effet, les fibres conjonclives que l’on aperçoit sur une des faces n’y restent pas localisées dans tout leur trajet : elles pénètrent dans l'intérieur de la masse et peuvent faci- cilement atteindre l’autre face. Il en résulle un réseau plus ou moins intriqué, reliant les deux faces, el généralement facile à rompre par suite de l'abondance des éléments vési- culaires et la rareté de la substance interstitielle. Ce sont ces deux caractères qui permettent de définir le tissu vési- 308 FÉLEX BERNARD. culeux. Il faut y joindre la présence de lacunes extrêmement nombreuses. Les faisceaux musculaires s’y montent d'autant plus fréquents que les cellules plasmatiques le sont moins ; c’est le long du bord palléal, on le sait, qu'ils sont le plus développés. Les cellules vésiculaires sont parfois juxtaposées presque sans interposition de substance interstitielle : elles se mou- lent alors lesunes sur les autres et confondent leur paroi. On peut vérifier ce fait dans la région moyenne du manteau, surtout lorsqu'elle est différenciée en glande à mucus. Un feuillet de cette glande chez le Buccin, débarrassé de l’épi- thélium, coloré et examiné par transparence, montre que la masse principale du tissu est formée presque exclusivement de ces éléments ; les fibres et les cellules multipolaires sont localisées dans le voisinage de la surface et par suite dispo- sées dans un plan : un petit nombre d’entre elles passent d'une face à l’autre. Le manteau n’est pas le seul organe où se montre le tissu vésiculeux : on le trouve encore bien développé dans l'inté- rieur du pied, et là encore il peut arriver que les cellules ‘ vésiculaires soient absolument conliguës. D’autres fois elles sont disposés par amas, et entremêlées d'un très grand nombre de fibres conjonctives ou musculaires. 4° Le issu cartilagineur, dans l’ensemble du groupe des Mollusques, se présente sous deux formes. Tout le monde connaît le cartilage céphalique des Céphalopodes, dont les cellules éloilées, à protoplasma granuleux, sont si faciles à étudier. Ayant examiné moi-même ces éléments, je crois pouvoir les considérer comme une variété des cellules multi- polaires ; comme celles-ci, elles ont leurs prolongements anastomosés ; elles sont ou bien isolées ou bien associées en amas, tels que les prolongements rayonnent autour de chaque amas comme s'il n’était qu'une seule cellule. Les cellules sont alors tout a fait contiguës el parfois un même corps protoplasmique a deux noyaux. Or nous avons déjà trouvé tous ces caraclères, notamment dans le {issu conjonc- ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 39 tif lamineux (fig. 42, à 0). Brock en donne aussi plusieurs exemples. Tout différent est Le cartilage labial des Gastéropodes, déjà décrit par bien des auteurs. L'étude qu’en a faile récemment M. Wegmann dans l'Haliotide est très exacte; je suis en mesure d'étendre tous ses résultats à la Fissurelle. Dans ces animaux le cartilage labial est formé de cellules vésiculaire presque cubiques, à contenu clair, à protoplasma {rès rare. Ces éléments sont associés par 2, par 4 ou par 8, et les noyaux restent en face les uns des autres comme si les cel- lules venaient de se diviser. La disposition est surtout nette vers les bords, où les cellules sont pelites et serrées. Les amas sont contenus dans des cavités formées d'une sub- stance fondamentale peu abondante, qui ne diffère pas en apparence de celle que nous avons rencontrée partout. Chez la Valvée et surtout la Lottia la disposition est moins régu- lière et les cellules ont une tendance à s’arrondir. Le cartilage pur peut donc être défini un tissu ne contenant absolument qu’une sorte de cellules : multipolaires ou vési- culaires ; il n’y pas trace de fibres. La substance fonda- mentale ne présente, au point de vue de sa coloration sous l'influence des réactifs, aucune différence avec celle des divers tissus conjonctifs. La modification chimique à laquelle est due sa consistance ne peut être appréciée que par une étude chimique spéciale. La Valvée nous présente un cas de transilion intéressant que j'ai décrit ailleurs (68). Je n’ai pas cherché à retrouver la chondrine dans les lamelles épaissies des supports et des feuillets branchiaux. Il est possible qu'elle existe, puisque la consistance est la même que dans les cartilages proprement dits. La différence qui existe entre ces organes de soulien et du cartilage a déjà été signalée : il y a lieu cependant de la résumer iei. Lorsqu'il y à dans un organe palléal un épaississement résistant, on peut toujours vérifier que cet épaississement est anuste, quelle que soit son épaisseur. Il est dû à un dépôt, produit par couches successives, d’une substance en parfaite conti- 360 FÉLIX BERNARD. nuité avec la substance fondamentale des lissus sous-jacents. Dans les Diotocardes, cette lame de support peul être très développée, elle est sous la dépendance d’une couche de cellules vésiculaires (fig. 24. z) qui semble jouer vis-à-vis d’elle le rôle de matrice. Celte couche n’a plusieurs rangs de cellules qu'aux points où la lame en question est précisé- ment la moins épaisse. Enfin, aux bords des feuillets branchiaux, lépaississe- n'est formé par aucune couche spéciale de cellules : ce n’est que la portion périphérique, peut-être modifiée chimique- ment, de la la lame conjonctive qui forme le tissu même du feuillet : au-dessous se trouvent toutes les variétés de cellules conjonctives. 5° On conçoit sans peine que des {ransitions puissent exister entre les divers tissus que nous venons d’énumérer; en d'autres termes, le tissu conjouclif des Gastéropodes pré- sente une très grande variété suivant le mode d'association des cellules. Aussi, dans le support branchial de la plupart des Diotocardes, le tissu est beaucoup moins compacte que chez l’'Haliolide ; il est creusé d'un bien plus grand nombre ‘ de lacunes, et les celiules vésiculaires y sont bien plus fré- quentes. De même, le manteau du Vermet offre des places où le Lissu est tout à fait compacte, tandis que plus loin abondent les cellules vésiculaires. Dans la Nasse, autour de la cavité plissée du pied, le tissu est tout à fait compacte ; il est au contraire vésiculeux aux environs de la glande mucipare du même organe. Ces exemples suffisent, je l'espère, pour dé- montrer l'unité de nature du tissu conjonclif dans tous les organes palléaux : ce résultat peut même être élendu à des organes bien différents et à des groupes plus étendus que celui des Prosobranches. De ce qui précède il résulte que la classification des diverses sortes de lissus conjonclifs que je viens de présenter n’est pas absolue: 1l y a entre lescas extrêmes bien des cas inter- médiaires. Néanmoins, il existe une telle différence d'aspect entre les orgaries où ces cas extrêmes sont réalisés (el ce sont ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 301 d’ailleurs les plus nombreux) qu'on est naturellement amené à considérer des variélés bien définies. 6° On peut aller plus loin encore dans cette généralisation, et l'examen de quelques organes m'a permis de trouver des intermédiaires entre les trois sortes de cellules, en apparence si dissemblables, qui se rencontrent dans le tissu conjonctif. C'est dans le tissu compacte du support branchial de l'Ha- liolide que l’on trouve des intermédiaires entre les fibres et les cellules. Les éléments présentent, en effet, dans cet organe des formes souvent bizarres, dont j'ai reproduit quel- ques-unes dans la planche XIV. On voit notamment des fibres où l'élargissement du corps protoplasmique se fait brusquemment et est tout à fait disproportionné avec les dimensions du noyau. C’est bien encore là une fibre nette- ment caractérisée; mais parfois des éléments ainsi consti- tués sont en connexion avec des cellules multipolaires non moins neltes (cette connexion n’a pas lieu habiluellement, mais j'en ai observé plusieurs cas dans l'organe en question). Dans l'organe de Spengel des Patellidés, il est impossible de dire si l’on à affaire à des fibres raccourcies ou à des cellules allongées. Les lransilions entre les cellules vésiculaires et les cellules étoilées sont plus rares. Nous en avons un bel exemple dans la région de la branchie où existe ce que j'ai appelé le #issu spongieux; C'esl un amas de cellules polyédriques, claires, contiguës, semblables aux cellules vésiculaires, mais très petites : il n’y a pas de substance fondamentale interposée. Sur le bord de l’anus, dans le voisinage de la lacune, on voit les cellules devenir anguleuses, s'écarter les unes des autres et présenter des prolongements d'abord obtus, puis plus grèles et ramifiés. Elles passent insensiblement aux cellules mullipolaires qui se rencontrent sur les deux faces du feuillel. Les éléments connus sous les noms divers de vésicules de Langer, cellules muqueuses (Schleimzellen), cellules plasmati- ques, cellules de Leydig, cellules vésiculaires, ne sont pas fon- 362 FÉELIX BERNARD. damentalement distincts, et ces noms peuvent êlre employés indifféremment. Peut-être cependant pourrait-on! objecter que quelques-unes des cellules plasmatiques décrites par Brock chez les Pulmonés sont un peu différentes des vésicules de Langer; leur protoplasma est granuleux et dense; le paraplasma n’est pas visible et le contour estun peu irrégu- lier et la membrane peu distincte; dans les vésicules décrites par Langer et Leydig chez les Acéphales, et que j'ai signalées maintes fois dans le manteau des Prosobranches, le proto- plasma est rare et réliculé, le paraplasma abondant et hya- lin. Les termes de transition se rencontrent encore dans le tissu compacte, où existent des cellules à vacuoles plus ou moins nombreuses et à proloplasma abondant, granuleux et parfois même pigmenté (fig. 78, « et $). Je n'ai pas observé de cas où le paraplasma puisse êlre assimilé à du mucus. En somme, la cellule mésodermique qui doit se différen- cier en élément conjonetif prend presque toujours l’une des trois formes signalées : fibre, cellule mullipolaire, cellule vésiculaire. Quelquefois cependant elle peut affecter une forme intermédiaire entre deux de ces trois types. Elle ‘ garde presque toujours la proprieté d’être incluse dans un amas plus ou moins considérable de substance fonda- mentale. $ 3. — Considérations sur les lacunes. Sur la grave question de la constitution des lacunes, Je n'hésite pas à me prononcer pour l'opinion de Flemming et de Brock, et je crois pouvoir donner une définition générale des lacunes du manteau : ce sont simplement des espaces plus ou moins larges creusés dans la substance fondamentale, quelle que soit la nature des éléments compris dans celte dernière. Il y a donc des lacunes dans le tissu compacte et dans le tissu vésiculaire, entre deux masses de lissu lamineux et dans tout tissu intermédiaire. Parfois elles sont larges, béantes, assez régulières pour pouvoir être prises pour de véritables veines (Ex. : glande à mucus, sinus de la fausse ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCIIES. 363 branche des Ténioglosses siphonostomes). D’autres fois elles sont pour ainsi dire virluelles, c'est-à-dire que leurs bords sont appliqués dans l’état de contractions etne peuventse rem- plir par les injections qu'après un certain effort (Circulations- lücken de Brock). Aïnsi, la région antérieure du manteau de tous les Prosobranches est creusée d’un réseau irrégulier de ces lacunes, qui, en s’injectant plus ou moins, produisent des aspects très variés. Dans tous les cas, il est impossible, soit en coupe, soit par transparence, de trouver un revête- ment de fibres musculaires ou conjonctives à ces espaces. Si, par exemple, on dédouble le manteau d’un Prosobranche et qu'on examine l’une des lames de manière à observer directement ces espaces, on verra les fibres poursuivre leur trajet irrégulier sans circonscrire la lacune, dont les parois latérales sont formées d’amas de cellules vésiculaires. La lacune est donc simplement creusée dans la substance fon- damentale qui cimente le tout. Je ne chercherai nullement à étendre cette conception aux lacunes d’autres régions du corps : en particulier les espa- ces sanguins de l’abdomen, sinus ou lacunes, peuvent, ou bien avoir des parois propres, ou bien n'être que des intervalles entre le tégument et les organes. Les lacunes palléales sont-elles tapissées d’endothélium? J'ai recherché ce tissu, par des méthodes variées, sur des animaux différent (Haliotide, Paludine, Natice, Littorine, Cassidaire, Buccin). J'ai employé le lactate et l’azotate d’ar- gent, à des doses et pendant des temps également variés : par injection ou par imprégnalion directe après dédouble- ment du manteau. Dans les lacunes proprement dites, c’est- à-dire dans les espaces où l'injection ne passe que difficile- ment, qui ne sont pas béants et apparents sur l’animal frais, je n'ai jamais obtenu d’endothélium. C’est ce qui se produisait notamment sur le bord du manteau de la Natice. Ici il existe, comme nous allons le voir, un riche réseau afférent; des branches très ténues issues des mailles de ce réseau viennent s'ouvrir dans des espaces irréguliers 364 | FÉLIX BERNARD. assez larges, lapissés de cellules vésiculaires. Or l’endo- thélium est irès nel dans les plus fines ramificalions des vaisseaux, dans les lacunes, la substance interslilielle ré- duit fortement le sel de manière à bien mettre en évi- dence le contour des cellules vésiculaires et des fibres; mais je n'ai pas trouvé trace d’endothélium. Il en est de même pour ce qui concerne les feuillets branchiaux. Sur ce point cependant je dois êfre plus réservé. Il est fort difficile de faire pénétrer une injection d’un sel d'argent dans la branchie vivante, à cause des trabecules contractiles dont nous avons parlé, et, d'autre part, sur un animal mort, on ne peut songer à observer l’endothélium. Il est donc possible que, malgré mes efforts, je n'aie pas réussi à me placer dans de bonnes conditions d'observations. Ce qui m'amène à émettre ce doute, c'est que M. Ménégaux, travaillant en même temps que moi et par les mêmes méthodes, mettait en évidence de la facon la plus nette l’endothélium dans la branchie des Acéphales. Si je puis émeltre avec plus d'assurance une opinion néga- live pour ce qui concerne le lissu du manteau proprement dit, c'est que j'ai réussi, dans la Natice et le Trochus, à révéler dans une grande netleté l'endothélium dans la veine cucumpalléale. On sait que ce vaisseau présente des parois propres facilement isolables. Il amène le sang des lacunes du corps à la partie antérieure du manteau : il envoie des bran- chies en avant et en arrière, et ces ramificalions se subdi- visent de manière à former des canalicules très petits, tapissés d’endothélium jusqu'à leurs dernières ramifications. En arrière, ces canalicules ne sont jamais anastomosés, sans quoi rien n'empêcherait de les considérer comme des capillaires afférents. Quand ils ont atteint une dimension limite, ils débouchent dans des intervalles élroits entre les cellules vésiculaires, et à l’endothélium cesse brusquement. La réduction de l'argent s'étant néanmoins effectuée, la coloration de la substance fondamentale met bien en évi- dence le contour des cellules vésiculaires. Les préparations ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 369 observées après dédoublement du manteau ne laissent aucun doute sur ces points. Il faut avoir soin d'enlever préalable- ment l'épithélium, car, les canalicules se trouvant {rès voi- sins de la surface, se rompent fréquemment sous l'effort de la poussée; par suile lPinjection circule dans l’épithélium entre les bases des cellules et produit un réseau qu’on pour- rait prendre, au premier abord, pour un réseau capillaire. L'endothélium se retrouve encore dans l'artère reclale qui s'observe dans un grand nombre de types, el dont les rami- fications sont nettement endiguées et isolables, au milieu de la masse spongieuse du rectum. Enfin j'ai obtenu un résultat nouveau au sujet des grands espaces sanguins qui s'étendent du rectum à la branchie et constituent le réseau de la glande à mucus. Si l’on ouvre le réseau lacuneux périrectal et qu'on dédouble le manteau en coupant les trabécules, on peut, en produisant l'imprégna- tion d’une des deux lames obtenues, déceler un endothé- lium très net et parfaitement continu. Les cellules sont grandes, relativement peu sinueuses, à noyau périphérique (fig. 80). Cet endothélium se réfléchit autour des trabécules, quelle que soit la grosseur de celles-ci; autour du rectum on à ainsi une large poche sanguine bien endiguée. traversée des mêmes {rabécules ; plus loin ce sont de véritables sinus bien limités. Je n'ai malheureusement réussi à établir ces faits que dans deux types (Cassidaire, Buccin); je ne sais donc pas ce qui se passe quand le réseau de la glande à mucus n’esl pas formé de larges espaces, mais d’un fin réseau irrégulier. Pour les vaisseaux afférent et efférent de la branchie il v a doute : j'ai cru voir un endothélium interrompu, mais Je ne sais si c'est là un accident de préparalion ou une réalité. Je ne puis me dissimuler que ces résultats sont encore bien incomplets. On m'excusera facilement en considéra- tion de la difficullé des recherches. Qu'on se souvienne que B. Haller a décrit l’endothélium de la cavilé générale des Pulmonés et n'a pu le retrouver chez les Prosobranches! 366 FÉLIX BERNARD. Il faudrait, pour préciser ces notions, choisir des types plus faciles à étudier que les Prosobranches. Provisoirement, j'indique, du moins à litre de théorie, l'opinion à laquelle j'ai été conduit au sujet des lacunes palléales. Ce sont simplement des espaces creusés dans la sub- stance interstitielle du tissu conjonctif; rien ne prouve que ces espaces soient toujours constants et remplis de sang: il se peut qu'ils soient virtuels, et alors s'ouvrir sous l'effet d’un afflux de sang, comme le pense Flemming. Ils ne parais- sent pas tapissés d’endothélium. Les organes en forme de feuillets sont de simples sacs sanguins traversés par des trabécules; enfin, dans quelques cas, des poches analogues restent constamment ouvertes et sont tapissées d'endothé- lium, tout en continuant à être traversées par des trabécules musculo-conjonctives : par ce fait et par l'absence d’une gaine musculaire spéciale, elles diffèrent de véritables vaisseaux, et méritent le nom de sinus (sinus périrectal, sinus de la glande à mucus, sinus afférent et efférent de la branchie). CHAPITRE III MORPHOLOGIE DE L'APPAREIL CIRCULATOIRE. Je ne présente pas ici un historique détaillé des recher- ches relatives à la morphologie de l'appareil circulatoire. Ces recherches sont bien connues, et on en trouvera un ré- sumé dans l'ouvrage classique de Bronn el Keferstein. Le système artériel palléal mérite d’être examiné avec soin, mais j'ai abandonné son étude, qui rentrera mieux dans le cadre d'un travail actuellement achevé par M. Bouxier. J'indiquerai seulement que le manteau recoit du sang arté- riel par une branchie de l’arlère columellaire qui suit le bord antérieur du manteau et n'est pas courant. Le reclum est irrigué par un gros vaisseau issu de l'artère viscérale posté- rieure ; Ce vaisseau s'appuie sur l'intestin et traverse le rein si l'intestin traverse aussi cet organe ; il passe avec lui dans dan TT ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 367 le manteau et se tient dans les tissus qui séparent le sinus reclal du rectum lui-même. Je l'ai retrouvé dans divers types (Turbo, Natice, Paludine, Cassidaire, Buccin, Pourpre). Les ramuscules qui en sont issus irriguent le rectum et vont d'autre part aboutir aux lacunes de la glande à mucus. Le manteau reçoit donc une petite quantité de sang artériel. Le point sur lequel je me propose d’insister de préférence, c'est la comparaison #0rphologique du système veineux pal- léal chezles Diotocardes el chez les Monotocardes; ce point ne me parait pas, en effet, élucidé par les travaux antérieurs. $ 1. — Système veineux des Diotocardes. a. Fissurellidés. — Le système veineux palléal des Fissu- reilidés est des plus simples. On sait que les deux branchies sont absolument symétriques, très rapprochées l’une de l’autre vers la ligne médiane; leur vaisseau afférent, qui est du côté interne, part d’un large sinus transversal, que nous appellerons sinus basi-branchial, et qui unit les deux angles internes et postérieurs des branchies. Le bord efférent de chacune d'elles est soudé au corps le long de la ligne d'in- sertion du manteau, c'est-à-dire à l'angle externe de la ca- vité palléale. Au-dessous, le manteau forme une voûte s’ou- vrant en arrière par le trou apical. Le rectum, et, par suite, le cœur, sont un peu en avant de ce trou, mais encore en ar- rière et au-dessus du sinus basi-branchial. Ce dernier, étant tout près du fond de la cavité palléale, communique avec de larges lacunes situées dans le plancher de cette cavité ou dans la région nuquale de l’animal; c’est dans ces lacunes qu'aboutit le sang du rein, de la tête et de la collerette. On sait que ce dernier organe constitue la partie externe du manteau, qui déborde à l'extérieur du muscle en fer à cheval et se continue en avant avec Le toit de la cavité pal- léale. M. Boutan y a trouvé un canal circulaire qu'il pense devoir être une artère. Le point de doule que cet auteur émet en regard de cette opinion me semble tout à fait justifié :iln'y a là qu'un système 368 FÉLIX BERNARD. de lacunes assez irrégulier, communiquant par de vasies es- paces lacunaires, situés à l'extrémité antérieure du muscle co- lumeilaire, avec les lacunes de la nuque, et, par suite, avec le sinus basi-branchial. Le sang, qui a traversé les branchies, revient au cœur par le vaisseau externe de cet organe, comme l'a bien vu M. Boutan. Il est bien évident qu'il y a commu- : nication directe entre ces vaisseaux branchio-cardiaques et les lacunes environnantes du manteau et du corps; ce fait n’a rien qui doive ni nous étonner ni nous arrêler. Le système veineux palléal de la Fissurelle est donc aussi réduit que possible. Comme espace nettement endigué, outre les vaisseaux branchiaux afférents et efférents, nous n'avons à citer que le sinus basi-branchial. b. Haliotidés. — I'en est autrement dans l’Haliotide. Les espaces qui amènent le sang au sinus basi-branchial sont bien endignés : ce sont des vaisseaux ou des sinus. Le sinus basi-branchial qui, chez les Fissurelles, était tout à fait à l'extrémité postérieure des branchies, est ici reporté un peu en avant, de sorte qu'il existe pour chaque branchie une parlie antérieure, et une partie poslérieure bien moins éten- due, el desservie par une veine afférente spéciale parlant du sinus basi-branchial au même point que la veine afférente principale, mais dirigée en arrière. M. Wegmann a bien dé- crit les vaisseaux rénaux (p. 355,359 el suiv.) qui aboutissent au sinus basi-branchial, et il fait remarquer que la plus grande parlie de la masse sanguine traverse le rein avant d’arriver à la branchie. Cela est vrai aussi pour le sang du manteau ; il existe, en effel, une grande veine circulaire qui débouche dans la cavité abdominale, qui communique elle-même avec les canaux afférents du rein. Il y a cependant exception pour le sang venant de Ja partie antérieure du manteau, c'est-à-dire de la glande à mucus el des deux lobes palléaux qui la prolongent : «Le sang de ces parties (p.361) arrive dans une veine qui vient de la partie antérieure du lobe et suit quelque temps le support branchial avant de se jeter dans la veine efférente; elle reçoit le sang de la glande muqueuse. » ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 309 Je laisse de côté tout ce qui concerne le support branchial sur lequel j'ai déjà insislé précédemment, de même que la prétendue branchie supplémentaire de M. Wegmann, qui est située à la place où existe l’organe de Spengel. Nous savons qu'il n'existe là aucune disposition spéciale; on trouve seu- lement un sinus autour du ganglion et des nerfs qui y abou- üssent. Les inductions tirées par M. Wegmann de l'étude du sys- tème veineux au point de vue de la comparaison de l'Haliotide et des Acéphales me semblent reposer sur une connaissance insuffisante de l'anatomie de ces divers animaux. L'auteur attache une importance extrême au fait que « la circulation rénale des Gastéropodes est distincte de celle des branchies; au contraire, dans l'Haliotide et dans les Acéphales, l'or- gane épurateur est intercalé dans la circulation branchiale; c'est dans ce sens que le sang, épuré par le rein, traverse les branchies : c’est la plus grande quantité de sang qui suit cette première voie». Il est tout à fait inexact que chez les Pro- sobranches le sang du rein soit complètement dispensé de la traversée de la branchie. M. Rémy Perrier vient de mon- rer que le sang amené par les vaisseaux efférents du rein débouche pour la plus grande partie dans un canal que nous appellerons veine palléale transverse el qui abou- tit à la veine branchiaie aférente. Nous allons revenir d’ailleurs sur ce point à propos d'autres lypes. Quant au fait que chez les Prosobranches élevés une grande partie du sang arrive avec la branchie sans avoir traversé le rein, c'est une conséquence forcée du grand développement qu'a pris la partie antérieure du manteau et de la soudure com- plète de ce dernier avec le support branchial; comme tout le manteau est formé d'un tissu lacuneux, il est clair que le sang va du rectum à la branchie par le trajet le plus court, sans revenir en arrière traverser le rein. Les modifications de cette sorte sont liées trop intimement aux variations des autres organes pour pouvoir servir par elles-mêmes de base de comparaison entre des groupes aussi ANN. SC. NAT. ZOOL. IX, 24: —— ART. N° 3. 370 FÉELIX BERNARD. éloignés que les Acéphales et les Gastéropodes. Au con- traire il est intéressant de voir combien elles se produisent graduellement dans l’intérieur de l’ordre des Prosobranches. Nous allons continuer celte étude en nous occupant mainle- nant du groupe des Trochidés et des Turbonidés. c. Turbonidés. — Avec les Turbos commence la série des Diotocardes à une seule branchie (Azygobranches de Spen- gel). Nous avons insisté plusieurs fois sur les analogies his- tologiques qui unissent ces animaux à celle des Haliotidés ; nous avons maintenant à justifier ces vues en exposant et en expliquant les modifications que subit le manteau quand on passe d’une série à l’autre. On sait que chez les Trochidés et les Turbonidés, il existe une seule branchie, située à gauche et séparée du rectum par un large espace. Dans cet espace se trouve d’abord, près du rectum, le sac papillaire (papillar- gang de B. Haller), qui est l'équivalent morphologique du rein gauche {1}. Cet organe, très petit chez l’Haliotide, est bien plus développé chez le Trochus et surtout chez le Turbo, où il arrive jusqu'au milieu de la cavité palléale. A côté se trouve la glande à mucus, formée de replis longitu- dinaux irréguliers; elle n’occupe pas tout l’espace laissé libre; elle affecte la forme d’un losange dont la pointe anté- rieure serait voisine de l’anus et déborde un peu à droite du recium. Je ne puis dire si c'est la pelite portion de cette glande qui est ainsi comprise entre le rectum et le corps, que v. Jhe- ring qualifie de branchie rudimentaire: cette opinion ne serait appuyée sur aucun fondement sérieux, cependant il n'ya dans cette région aucun autre organe qui puisse justifier cette appellation. Il est manifeste que les replis peu accen- tués et fortement mucipares que J'ai figurés à gauche du rectum {fig .83) sont de même nature que ceux que l’on voit à droite et qui représentent la glande à mucus. Si l’on compare le Turbo à l’'Haliolide, on verra que la (4) Je n'ai pas à décrire ici l'irrigation de cet organe, qui vient d’être étu- diée par M. R. Perrier. Voir Anu. se, nat., T° série, t. VIIL. ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 311 branchie unique du premier animal représente Ia branchie gauche du second; l’innervalion commune par le ganglion branchial gauche, dépendant du ganglion palléal droit, suffivait d’ailleurs à le démontrer. Mais une difficulté se présente quand on veut pousser plus loin la comparaison : comment se fait-il que, chez PHaliotide chaque branchie soit en relation avec la glande à mucus par son côté affé- rent, tandis que chez les Turbo, elle est en relation par son côlé efférent, qui, on le sait, est libre et voisin de la fente palléale chez l'Haliotide? Ce renversement est facile à expliquer, et c'est précisément l’appareil circulatoire qui va nous permettre d’élucider ce point. En examinant le manteau d'un Turbo quelconque (T. rugosus, T. niger, T. princeps), on voit, même sans injection, un large vais- seau bien délimité, qui coupe iransversalement la glande à mucus et que pour ce motif nous appellerons veine trans- verse (Vt). À droite (1) il passe devant l'ouverture du sac pa- pillaire et arrive sur le rectum, qu'il côtoie quelque temps en se dirigeant en arrière entre cet organe et le sac pa- pillaire, puis brusquement elle coupe le rectum et semble pénétrer dans la paroi du corps. M. R. Perrier a montré que ce vaisseau n’est autre chose que le canal collecteur du sang du rein, formé par la réu- nion des vaisseaux des lobes postérieur et antérieur (ce der- nier lobe se trouve situé dans l’intérieur même du corps). A son extrémilé gauche, la veine transverse arrive presque à angle droit sur le bord de la branchie; là elle se divise brus- quement en deux parties siluées dans le prolongement l’une de l’autre : celle qui va en avant atteint bientôt la partie libre de la branchie et reçoit alors un vaisseau qui vient de la parlie antérieure du manteau et qui a côtoyé le tranchant de celte lame, qui réunit la branehie au manteau proprement dit. Cette veine transverse est l'équivalent morphologique du sinus basi-branchial de l’'Haliotide. Ce dernier canal, en effet, (1) À gauche, sur la figure. QU FÉLIX BERNARD, était, comme la veine transverse, silué immédiatement en avant du sac papillaire, à la face inférieure du rectum; il re- cevait le sang principalement du rein droit et se divisait en deux branches en arrivant à la branchie. La seule diffé- rence tient à la disparition de la branchie droite : ce qui se passait des deux côtés chezl'Haliotide se manifeste seulement à gauche dans le Turbo. Cela posé, remarquons que chez l'Haliotide, et même à un moindre degré chez la Fissurelle, le sinus bas bol n'est pas, à proprement parler, compris dans l'épaisseur du manteau : 1l forme une /ame transversale qui réunit les deux bords afférents de la branchie en s’insérant en son mi- lieu sur la cheminée anale, ét partage ainsi en deux étages le fond de la cavité lose: Or, chez le Turbo, l'avortement de la br anchie droite a eu pour conséquence la diminution de l’espace compris à droite entre le rectum etle corps; d'autre part, le canal papillaire s'élant développé considérablement, le sinus compris dans la lame en question se trouve refoulé en avant, et en même temps, le point de soudure de la lame elle-même avec le manteau est reporté à gauche du sac papillaire. Ce que nous apercevons en regardant la portion gauche du plafond de la cavilé palléale, ce n'est pas le manteau lui-même, mais une lame surajoutée au manteau, el unissant celui-ci au bord afférent de la branchie. Celle lame se termine un peu en ar- rière de la pointe de la branchie elle-même, de sorte que, dans sa portion antérieure, le vaisseau afférent est libre comme chez l'Haliotide. Quant à la glande à mucus au Turbo, elle ne correspond probablement pas d’une manière absolue à celle de l'Haliotide, car elle serait dans l'étage supérieur de la cavité palléale, c'est-à-dire dans ce cul-de-sac profond qui s'étend à gauche entre la branchie et le manteau proprement dit. Elle est donc par suite surajoutée. Nous savons avec quelle facilité celte région devient plus ou moins glandu- laire; d’ailleurs il est à remarquer qu'elle ne l’est pas chez les Trochidés et dans le Turbo niger. ORGANES PALLÉAUX DES. PROSOBRANCHES. 313 d. Stomatellidés. — L'examen de deux types de la famille si peu connue des Stomatellidés vient ajouter une preuve de plus à l'appui de cette manière de voir. Les Stomatelles sont des Prosobranches très exactement intermédiaires entre les Turbo el les Haliolides. Le Muséum possède une intéres- sante collection de coquilles de ce groupe où les transilions les plus graduelles sont ménagées. Dans quelques formes de Stomatella annulata a coquille est aplalie, le Lortillon est très réduit, et il y a même une carène à saillies représen- tant la ligne de trous de l'Haliotide. Dans d’autres formes la coquille devient turbinée, profonde, et la surface de sy- métrie disparaît complètement. Il n’y a pas d’opercule. Le muscle columellaire présente des variations de grandeur du même ordre. Les organes palléaux sont particulièrement in- téressants. Ils sont assez voisins de ceux du Turbo. La bran- chie droite a disparu, mais la cavité palléale est réduite comme chez l'Hadiolide par suite du grand développement du muscle columellaire. La branchie est longue et bipecti- née et son support branchial n'est libre qu’à la pointe. La lame dont nous nous occupons est aussi étendue en avant, bien plus que l'Haliotide. Le ganglion branchial se voit sans dissection. Que devient la glande à mucus dans ces formes intéressantes? Chez la Gena nigra elle n'existe pas; le loit de la cavité palliale est très étroit, et le rectum est accolé à la branchie. Chez Stomatella annulata au contraire, la cavité palléale s’élargit, mais le rectum reste voisin de la branchie. Il est très long et se recourbe de manière à limiter à droile et en avant un large espace : c’est là que se développent les feuillets mucipares. La glande à mucus est donc ici à droite de la branchie dont elle est séparée par le rectum. Cette si- luation ne doit pas nous étonner. C’est une preuve à l'appui du fait que nous démontrons en ce moment, à savoir que les feuillets mucipares peuvent se développer en effet partoul où existe un espace libre sur le plafond de la cavité palléale : Ia glande à mucus n’est pas en effet un organe distinct, ho- mologue à lui-même. — Quant à la veine transverse, elle se ‘374 FÉLEX BIERNAERI. voit facilement dans les deux {ypes : elle est courte, part du rectum et va à la branchie qu’elle atteint vers son milieu. En arrière d'elle est le canal papillaire, très allongé comme chez les Turbonidées. e. Trochidés. — Le type auquel appartient le manteau des Trochus est très voisin de celui du Turbo, et les différences qui se manifestent entre les diverses espèces sont de même ordre que celles qu’on trouve entre les deux genres. Pourtant on reconnaîtra toujours un Trochus à ce que la glande à mucus n'est pas délimitée, comme dans le Turbo : parfois même elle n’est pas différenciée en lant qu'organe glandulaire. — Examinons d’abord le Trochus Ziziphinus (fig. 82). Dans celte espèce, le canal papillaire est très allongé; lon voit neltement la veine palléale transverse creuser un sillon dans l'épaisseur du rectum, au point où celui-ci disparaît en ar- rière sous les deux reins qui sont disposés côte à côte. Après avoir côtoyé à gauche le canal papillaire, entre celui-ci et le rein droit, la veine, qui, nous le savons, sort de ce dernier organe, contourne la portion antérieure du sac papillaire, remonte un peu en avant le long du rectum, traverse le manteau en faisant quelques sinuosités et débouche dans la veine afférente de la branchie qui est beaucoup plus grosse qu’elle-même. Sur son trajet elle est en relation, en avant el en arrière, avec plusieurs canaux disposés très oblique- ment et sur chacun desquels s’est développée une lamelle glandulaire. Celles de la partie antérieure atteignent le rec- Lum ; les autres parcourent l'espace quadrilatère limité par la branchie, le canal papillaire, la veine branchio-cardiaque et la veine transverse, ils sont repris par un vaisseau qui mène en définilive le sang à la branchie, sauf une petite portion qui évite cet organe et va directement à la veine branchiale efférente (fig. 82, Ve). La direction des vaisseaux prouve que le sang de la portion antérieure arrive dans la veine transverse, landis qu'il part de celle-ci dans la portion postérieure. Quant à la veine branchiale afférente, elle est peu développée en arrière, car la branchie ne s'étend pas ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. SD loin, malgré la grande distance du cœur. Il en résulte que la veine efférente (Ve) doit accomplir un assez long trajet, avant d'atteindre l'oreillette. En somme, le manteau du T. Ziziphinus diffère peu de celui du Turbo : la glande à mucus a encore grossièrement la forme d’un losange, mais elle est mal délimitée. Chez le 7, cinerarius, nous ne trouvons plus de lamelles mucipares, ou du moins elles sont peu développées. La veine transverse se bifurque au milieu de son trajet; la branche postérieure, de beaucoup la plus courte, perd bientôt son individualité et se divise rapidement ; la branche antérieure se confond avec la veine branchiale afférente. Dans le Monodonta monodon (fig. 81) la bifurcation se fait très près de l'orifice du sac papillaire. La branche anté- rieure est d'abord transversale, puis se réfléchit en avant en formant la veine branchiale afférente; dans celle-ci aboutis- sent une mullitude de vaisseaux lransversaux qui ont tra- versé le manteau, même en avant de l'anus. Celle veine se confond en même lemps avec la veine palléale antérieure, que nous avons vue distincte chez le Turbo, où elle côtoyait le bord du support branchial. La branche postérieure se divise rapidement en canaux transversaux, du côlé anté- rieur; ces canaux sont parallèles à d’autres qui sont issus de la veine branchiale afférente antérieure : et le tout,-au mo- ment d'arriver à la branchie, se résout en un système anas- tomosé établissant la continuité d’une extrémité à l’autre de la branchie. Enfin dans le Trochus maqus, il n’y à pour ainsi dire plus de veine transverse : le coude que faisait celle-ci est redressé, et la branche antérieure de la veine rénale afférente, dès son passage sur le rectum, se tourne en avant et côloie cet organe pendant un assez long trajet ; la béanche postérieure se rapproche beaucoup du canal papillaire, et, dès sa nais- sance, donne, toujours du côté antérieur el gauche, des ra- meaux transversaux aussi volumineux que ceux qui sont issus de la vemme antérieure. Ici encore nous trouvons un 376 FÉLIX BERNARD. réseau d'anastomose près de la branchie. Ajoutons que le sac papillaire est bien plus court que dans les Turbo ; et que c’est la portion moyenne de la branchie qui est la plus dé- veloppée. Pour passer aux Monotocardes, nous n'avons plus qu'un pas à faire. Nous savons, par les recherches de M. Perrier, que dans ces animaux il n'existe pas de canal papillaire d'autre part, le lobe antérieur du rein des Trochidés a dis- paru graduellement, et c’est le lobe postérieur qui, en se développant, devient le rein des Monotocardes, la veine rénale efférente pourra donc sortir Lout au fond de la ca- vité palléale : C'est ce qui a lieu en effet. Les lacunes du rein aboutissent dans deux grandes lacunes efférentes qui suivent les deux côtés latéraux du rein et se réunissent à son angle antérieur pour arriver enfin au sinus branchial afférent. Nous avons ainsi, par le simple examen de quelques types et sans aucune hypothèse, établi des transitions graduelles entre l'appareil veineux palléal des Diotocardes et celui des Monotocardes inférieurs, et démontré qu'il n'existe entre ces deux types aucune différence essentielle relalivement au cours du sang dans les lacunes du manteau et des organes voi- sins. Ajoutons que chez les Trochidés, on trouve constam- ment, à droite du rectum, entre celui-ci et le corps, un sinus parfaitement net, Communiquant en arrière avec les sinus abdominaux, et par le côté avec les lacunes du corps et du rectum, et par là avec celles de la glande à mucus, c’est par là que peut passer le sang qui ne traverse pas le rein pour arriver aux branchies. f. Néritidés. — Nous sommes obligés d'interrompre la série que nous sommes en train d'étudier et de renvoyer l’é- tude des Monotocardes après celle des Néritidés, de manière à compléter ainsi l'examen des Diotocardes. J'ai injecté plusieurs Navicelles bien conservées provenant de la collec- tion du Muséum (fig. 84). Je rappelle que dans ces animaux le manteau présente un muscle en fer à cheval affectant la symé- ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. D trie bilatérale. Les viscères sont au contraire disposés dissy- métriquement, et s'étendent très avant vers la droite, de sorte que la cavité palléale présente une pointe très prononcée du côté gauche. Le manteau déborde tout autour du muscle columellaire et forme une colerette continue. En arrière de la cavité palléale existe une large poche transversale, isolant en arrière presque complètement le foie et l'estomac; elle a pour paroi postérieure une fine membrane qui limite en avant le foie et l’estomac (nous verrons plus loin quelle est sa signification), et pour paroi antérieure l'enveloppe du rein. L'intestin à sa sortie du cœur suit su rla face dorsale de l’ani- mal, celte poche dans toute sa longueur etaboutit à une masse rectale extrêmement volumineuse, où existent diverses glandes dépendant probablement de l'appareil génital. Les injections poussées par la cavité générale ou aux environs de la ligne de soudure du musele avec la collerette en question, mettent en évidence un appareil veineux peu différencié. Au milieu de la cavité palléale, vers la ligne médiane, existe un large sinus transversal V/, qui réunit la branchie à la masse recto-génitale. C’est le sinus afférent branchial. ÏL est en relalion avec le réseau lacunaire du rectum, dé- veloppé surtout du côté gauche, avec une lacune abdomi- nale qui accompagne l'intestin dans son trajet dorsal et transversal et qui n’est pas visible sur la figure. Le sinus branchial reçoit, par un vaisseau Vr, le sang du rein qui de ce point se dirige en arrière et à gauche, mais sa branche la plus importante est un sinus abdominal bien indiqué qu'on aperçoil nettement à la face inférieure de la masse reclale qui est traversée par lui en écharpe. Ce sinus aboulit au fond de la cavité palléale, à l'angle de droite, et [à rencontre en même temps le foie et le muscle en fer à cheval. On arrive ainsi à une lacune vaste et indistincte qui occupe toute la région viscérale, el que je n'ai naturellement pas tenté de figurer. Ii existe cependant une veine très distincte qui contourne tout le nucléus, en se tenant à la partie superficielle et dorsale vers la gauche ; 318 FÉLIX BERNARD. passe contre le rein vers le fond de la cavité palléale, et aboutit à l'entrée droite du sinus rectal dont nous avons parlé. Quant au manteau lui-même, 1l ne possède pas de vaisseaux proprement dits; le sinus le mieux indiqué est celui qui court en dedans du muscle palléal gauche, tout à côté du vaisseau branchial efférent; il est en relation en arrière avec les lacunes abdominales, et se résout, en avant du point d'attache de la branchie, en une multitude de la- cunes qui traversent le manteau, s'arrêtent à un demi-centi- mètre environ de son bord antérieur. Le sinus similaire du côlé droit s’injecte beaucoup moins facilement; c’est une la- cune mal déterminée. Il n’en existe pas moins un réseau acunaire à droite du manteau, mais il dépend de la branche antérieure du sinus branchial (Va). H reste à indiquer en quoi consiste l'irrigation de la bran- chie. On sait que cet organe est bipectiné et relié au man- teau à droite et à gauche dans toute sa moitié postérieure. Le sang lui arrive par le large sinus transversal que nous avons signalé, et de là se distribue aux lamelles par deux vaisseaux bien endigués, l’un en avant, l’autre en arrière. Il revient au cœur par une veine branchiale qui, même dans la partie soudée de la branchie, ne me semble pas commu- niquer avec le sinus qui lui est parallèle. Il est à remarquer que la veine afférente, aussi bien que la veine efférente, dé- bouche dans l'oreillette, qui n’est en somme qu'une vaste poche contenant à la fois les deux vaisseaux. Une partie du sang peut donc aller au cœur sans être artérialisée. Le cœur muni de deux oreillettes est semblable à celui de la Néritine. L’oreillette droite est une fine languette déchi- quetée, reportée en arrière. Le ventricule est traversé par le rectum. Il n’y a rien dans cet animal qui puisse passer pour un vaisseau cireumpalléal; les deux lames du manteau sont étroitement appliquées l’une sur l’autre, et le réseau lacu- naire est peu développé. Il ne se manifeste avec quelque régularité que dans le voisinage des deux sinus longitudi- ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCIIES. 319 naux déjà signalés, vers la gauche, en avant du point d’in- sertion de la branchie et vers la droile sous la cheminée anale. L'appareil veineux de la Neritina Oweni rappelle celui de la Navicelle, avec des modifications tenant à la disposition un peu différente des organes. Icien effet le muscle columellaire n’est pas en fer à cheval; d'autre part l'intestin, avant d'arriver au cœur. forme une anse très développée qui va se loger sur la gauche entre la branchie et le cœur. L'inteslin retourne alors en arrière, tourne à angle droit, traverse le ventricule, et borde, comme chez la Navicelle la portion dorsale de la poche qui sépare le foie du rein. On voit ici nettement la nature de la mem- brane qui forme le plancher postérieur de celte poche ; c’est simplement une sorte de péritoine qui enveloppe toute la partie du tube digestif située en dehors de la cavité générale antérieure. Cette membrane lapisse l’anse antérieure ci- dessus signalée, se réfléchit en arrière autour du foie et de l’anse intestinale qu’il contient, et en avant autour de l’anse transversale qui traverse le cœur, els’accole alors à la mem- brane périrénale pour former le plafond de la cavité qui divise le corps en deux régions. Autour de l’anse transver- sale, cette lame conjonctive s’épaissit et loge une lacune sanguine. Le système veineux est encore bien plus dégradé que chez la Navicelle, nous ne trouvons guère comme espèce pouvant mériter le nom de sinus que la branche transversale unis- sant la branchie au rectum. Le sang s’amasse de préférence autour et en arrière de ce dernier ainsi que dans les environs de l’anse intestinale antérieure. Cette dégradation s’exagère encore dans la Neritina flu- viatilis : chez cet animal le manteau est presque entièrement parenchymateux ; 1 est impossible de distinguer un autre canal que le sinus afférent branchial. En somme, dans l'appareil circulatoire palléal des Néri- 380 FÉLIX BERNARD. tidés, nous avons à remarquer surtout l'importance du sinus branchial afférent. Il est manifestement analogue à la veine basi-branchiale de l'Haliotide, comme on peut s’en con- vaincre en comparant les figures 80 et 84. Les veines rénales efférentes sont bien representées dans les deux cas. Mais ici une faible partie seulement du sang venant des lacunes abdominales traverse le rein ; le reste va directement du sinus abdominal à la branchie. Ce fait est intéressant en ce qu'ilrapproche un peu les Néritidés des Monotocardes; il n’a rien qui doive nous surprendre, puisque la réduction extrême de l'oreillette droite est aussi un acheminement dans le même sens. S 2. — Système veineux palléal des Monotocardes. a. Paludine. — YX existe dans le manteau de la Palu- dine plusieurs grands sinus longitudinaux, très inégaux comme imporlance et comme différenciation. Citons tout d’abord un espace étroit assez mal endigué qui s'étend à gauche du rectum tout le long de cet organe (sinus rectal). À côté se trouve la région correspondant morphologique- ment à la glande à mucus; elle est très large (1 demi-centi- mètre chez les grands individus) et sillonnée de canaux trans- versaux ramifiés parfaitement visibles. Ces canaux mettent en communication le sinus précédent avec le vaisseau bran- chial afférent. En avant et en arrière, les canaux transver- saux deviennent plus nombreux, plus étroits, plus mal définis, et aboutissent au tissu parenchymateux qui remplit antérieurement et extérieurement l'épaisseur du manteau dans toute sa largeur. Le vaisseau branchial afférent est parfaitement net: il est recouvert dans toute sa longueur, mais sur la moitié seu- lement de sa largeur, le bourrelet épithélial proéminent que j'ai décrit précédemment avec détail (voir IT° parte, ch. in). De l’autre côté de la branchie, le vaisseau efférent n’est pas moins délimité. Le réservoir où aboutit la majeure partie du sang du tortillon se trouve comme d’habilude à ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCIHES. 381 la partie postérteure de la cavité palléale, vers la droite. Lei ce sinus du foie est situé au point de jonction du rectum, du rein, du canal rénal efférent et de l’oviducte chez la femelle. Il est bien endigué et donne naissance à plusieurs canaux qui se portent en avant. Le premier se trouve à droite, dans une simple lacune qui circule le long de la ligne de jonction du manteau jusqu'à la hauteur de Panus; il est surtout bien développé chez la femelle. Chez le mâle, ül existe encore, mais plus indislinct. Le second suit oblique- ment vers la gauche le contour antérieur du rein et récolte le sang de cet organe. Il est beaucoup mieux endigué. Il est accompagné par de nombreuses ramifications du: troi- sième canal, et va se perdre dans les lacunes de la glande à mucus et dans le vaisseau branchial afférent. Le troisième canal se voit sur toute la longueur du conduit rénal efférent. Ce n’est autre chose que l'artère rectale. Il envoie vers la droite des rameaux qui aboutissent en définitive à la lacune précédente, el vers la gauche d’autres branches plus impor- tantes qui se portent transversalement el se ramifient à leur tour sur toute la surface du rectum. Les arlérioles qui se lrouvent sur la paroi séparant le dernier organe du conduit efférent du rein vont s’unir sur la face dorsale du manteau avec les ramuscules provenant du sinus génital. Le canal rénal efférent est ainsi entouré de toutes parts d’un réseau vasculaire parfaitement net. A leur tour, les canalicules qui ont continué leur trajet sur la face ventrale du rectum s’anastomosent avec ceux qui constituent le réseau de la glande à mucus. On remarque, si Pinjection a été poussée un peu fort, que l'ensemble du manteau se colore d’une teinte uniforme qui cependant ne masque pas la présence de véritables conduits. C’est que l’ensemble du parenchyme est creusé de nom- breuses lacunes qui communiquent entre elles et avec toutes les parties du système de sinus et de vaisseaux. Ces lacunes sont particulièrement développées dans la région de la glande à mucus, el les canaux de cet organe s'ouvrent large- 382 FÉLEX BERNARD. ment dans le parenchyme. Des communications analogues sont établies entre le sinus rectal, le système artériel du rectum, de l’uretère et le système lacunaire qui contourne le rectum, entre le sinus marginal de droite et le corps, et aussi entre le corps et la veine branchiale efférente. On voit en résumé que la Paludine nous montre à la fois, suivant les régions considérées, tous les degrés de différen- ciation du système veineux : sinus bien endigués, réseau lacunaire et tissu spongieux. Observons en outre qu'il n'existe pas de veine circumpalléale. b. Littorinidés. — L'appareil veineux palléal de la Litto- rine et de la Bithynie ne présentent qu’un fail intéressant, c’est la disparition de ces grands sinus longitudinaux qui s'étendent le long de la branchie et du rectum dans les types précédemment étudiés : le sang arrive au rein par de gros vaisseaux qui partent du rectum, au même point où arrivent les sinus abdominaux ; il en sort par deux canaux parallèles, suivant la glande hématique, et de là vont à l'oreillette. La plus grande partie du sang du rein évite ainsi le trajet de la glande à mucus et de la branchie. Inversement une grande portion du sang du sinus abdominal évite à son tour le trajet du rein. Arrivés sur le rectum, les sinus abdomi- naux se résolvent en une multitude de lacunes formant un réseau compliqué dans tout le manteau jusqu’à sa partie antérieure; c’est de ce réseau que partent directement les lacunes des feuillets branchiaux, sans l'intermédiaire d’une veine afférente. L'examen microscopique de ces espaces, fait après une injection à la gélatine, montre qu'ils sont très étendus, largement anastomosés, et circonserits par des îlots de cellules plasmatiques qui ne sont guère volumineux que vers le bord antérieur : de sorte que le manteau des Litto- rinidés peut contenir une masse de sang très considérable. c. Monotocardes pourvus de poumons. — Deux genres de Monotocardes sont dépourvus de branchie et peuvent respirer l'air en nature : ce sont le Cyclostome et le Cyclophore. Il faudrait ajouter l'Ampullaire, qui, on le sait, possède une ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 383 branchie et un poumon. L’organe qu’on appelle quelquefois poumons, dans les deux types dont je m’occupeici, est diffici- lement comparable au poumon des Pulmonés proprement dits, qui est clos en avant et communique avec l'extérieur par un simple orifice (pneumostome). On sait que Jhering considère ce sac comme une simple dilatation du conduit excréleur du rein. M. Garnaull a décrit récemment avec une grande exacti- tude la circulation palléale du Cyelostome ; il retrouve à sa place ordinaire la branchie rudimentaire déjà connue par Moquin-Tandon. Le sang arrive au manteau par deux voies : les unes viennent du rein else réunissent dans une veine qui contourne cet organe et débouche dans l'oreillette au même point qu'un autre vaisseau : ce dernier recueille le sang qui a circulé dans le réseau du manteau et arrive des lacunes du rectum. Rien n’est plus simple, on le voit, que cet appareil. Le manteau du Cyclophore est irrigué d'une manière toute différente. On aperçoit à sa surface de gros canaux, au nombre de cinq ou six, communiquant entre eux par des branches plus petiles; ce sont là de véritables vaisseaux et non plus des lacunes comme dans le cas précédent : on peut en effet les isoler par la simple dissection. Ces canaux, plus ou moins parallèles au bord du manteau, aboutissent à une masse spongieuse très volumineuse, qui occupe toute la région postérieure et une partie du bord gauche de la cavité palléale. Ce n’est autre chose que le rein qui déborde même sur le péricarde et le recouvre presque complètement. En ouvrant le péricarde pour metlre le cœur à nu, on s’apercoit qu'un seul des vaisseaux palléaux aboutit à l'oreillette : ce n'est même pas le plus volumineux ni celui qui est le plus voisin du bord du manteau : celui-ci passe en effet entre le cœur et le muscle d'attache du manteau, et pénètre dans la partie débordante du rein, tandis que les quatre ou cinq vaisseaux restants se rendent à la masse principale du rein sur son bord droit. Le sang qui à traversé le rein se rend donc au poumon par ces voies multiples et arrive au cœur 384 FÉLIX BERNARD. par un unique vaisseau qui à première vue ne se différencie pas des précédents : c’est le second à partir du bord anté- rieur du manteau. La masse du sang qui va directement du rectum au poumon ne parait pas considérable, car entre ces deux organes s’élend jusqu'à l'anus une bandelette spon- gieuse, dans laquelle on voit avec difficulté une lumière centrale et qui se rattache en arrière au rein, dont elle pa- rai êlre le canal excréteur. Il est donc probable que la plus grande partie du sang qui va respirer dans le poumon, a traversé le rein qui s'étend comme une barrière entre cet organe et les sinus abdominaux. Cette disposition différencie profondément le Cyclophore des Cyclostomes et le rattache plutôt aux Diotocardes. Il est du resle remarquable que par l’étude du système nerveux M. Bouvier est arrivé à une conclusion analogue. Tandis que le système nerveux du Cyclostome est neltement un système nerveux du Ténio- glosse bien différencié, avec ses ganglions parfaitement sépa- rés, celui du Cyclophore rapproche bien plus cel animal des Diotocardes que des Monotocardes, la Paludine exceptée : « Les Cyclophoridés sont les Prosobranches dont le sys- ième nerveux est le plus voisin de celui des Rhipidoglosses chiasteneures : il n’en diffère que par des détails extrême- ment faibles. Aussi les affinités des Cyclophoridés avec les Turbonidés ou les Trochidés s’affirment avec la plus grande nelleté. » [1 subsiste encore cependant, il faut l'avouer, des différences capitales : le cœur n’a qu’une oreillette et n'es pas traversé par le rectum, el rien ne rappelle la présence d’une veine transverse que nous avons vue si consfante chez les Diolocardes. Ces deux faits sont peut-être une simple conséquence de la disparition de la branchie; en tout cas, ils sont liés intimement. d. Semi-proboscidifères. — Le système veineux palléal de de la Natice est au contraire très différencié. 1 présente plusieurs traits de ressemblance avec les Diotocardes et notamment avec certains Trochidés. Comme d'habitude, il existe une vaste poche au commen- ee ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 309 cement du tortillon, débordant d’une part en arrière sur le foie et en avant sur le rectum. Les lacunes abdominales qui y aboutissent sont relalivement bien endiguées et quelques- unes sont des sinus assez nets et régulièrement ramifiés. Le sinus {ransversal qui réunit le sinus abdominal antérieur à la cavité générale est large et peu délimité, de même que le sinus marginal droit qui s'injecte bien surtout chez les femelles. Les autres canaux sont de véritables veines et leurs ramifications conservent encore le caractère de vais- seaux. L'artère rectale qui se trouve assez profondément enfouie entre le rectum et le conduit génital chez la femelle envoie vers la gauche des rameaux disposés par paires à des dis- lances régulières. Ils se portent tous vers la gauche el pas- sent les uns au-dessus, les autres au-dessous du rectum de manière à envelopper presque complètement cet organe. Du côté opposé, l'artère rectale ne fournit pas de branche. Elle ne s'ouvre pas dans le! parenchyme spongieux envi- ronnant qui s'injecte difficilement et dépend du système du sinus marginal droit. Les artérioles se divisent sur le rectum, perdent le caractère vasculaire et cessent d’être isolables avant d'atteindre le bord gauche de cet organe. L’artère elle-même se perd en atteignant la cheminée anale. Les connexions vasculaires entre le sinus abdominal anté- rieur et la veine branchiale afférente ne sont pas moins nettes. Elles se font par deux veines transverses qui prennent naissance au même niveau el qu'on voit l’une sur la face ventrale, l’autre sur la face dorsale. Elles contournent toutes deux le rectum, côtoient le bord antérieur du rein, se réunis- sent juste à l’angle gauche de ce dernier et aboutissent par un large trou commun dans la veine palléale afférente vers le milieu de sa longueur. Elles reçoivent le sang du rein par des vaisseaux nettement délimités. Les canaux sanguins de la glande à mucus sont de simples lacunes ramifiées el mal délimitées surtout dans la région postérieure un peu en arrière du niveau de la cheminée anale : ANN. SC. NAT. ZOOL. IX, 25. — ART. N° 3. 386 FÉLIX BERNARD. on voit cependant ces lacunes se régulariser un peu; les branches principales s'unissent plus ou moins obliquement pour donner naissance à un sinus qui court obliquement sur la face dorsale, croise la cheminée anale et vient se con- fondre, près des parois du corps, avec le sinus marginal droit. En avant de celle région la veine branchiale perd de plus en plus son caractère vasculaire, et, par un large réseau peu distinct va s'anastomoser avec le système de la veine cercumpalléale. Celle-ci est le vaisseau le plus facile à injecter et à observer de tout le système. On la voit sortir de la paroi du corps, sur la gauche, par deux racines dont la postérieure est la plus importante. Celle-ci donne en arrière de pelits rameaux dirigés vers l'organe olfactif et une branche plus importante et absolument constante dont les dernières ramifications atteignent la pointe antérieure de la branchie. Dès l'union des deux racines la veine palléale n’est plus un canal unique, mais tout le long du bord du manteau serpente un lacis vas- culaire formé par l’anastomose de deux ou {rois gros troncs gardant chacun laspect vasculaire. Des branches sont envoyées à angle droit en avant et en arrière. Les dernières aboutissent après un trajet relativement long au réseau lacu- naire dépendant de la veine branchiale. A gauche le réseau vasculaire présente des mailles de plus en plus serrées et irrégulières , les canaux sont plus étroits et plus sinueux. Le tout aboutit tout à fait sur la droile au réseau de lacunes des parois du corps et du sinus marginal droit. À gauche de la branchie, les communications lacunaires entre le corps etle vaisseau efférent me semblentextrèmement difficiles el il n’y a pas lieu d'admettre l'existence d’un sinus marginal droit différencié. En coupe on observe facilement que toute cette région est caractérisée par le tissu conjoncüif formé de cellules vésiculaires; ce issu ne présente pas d'interstices sanguins autres que celui qui entoure le nerf olfactif très volumineux dans le cas actuel, celui qui s'étend le long du nerf central de l'organe olfactif, et ceux qui établissent la communica- ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES,. 301 lion entre le précédent et le vaisseau branchial efférent. e. Proboscidifères Siphonostomes. — Dans ce groupe J'ai étudié la Cassidaire et la Ranelle. Le système veineux pal- léai de ces deux types est du reste absolument semblable. De chaque côté du rectum se trouve un large sinus qui n'est bien évidemment qu’un espace laissé libre entre les deux lames du manteau et le rectum ; ces deux sinus sont irréguliers, anfraclueux et mal limités par du tissu con- Jonclif spongieux. Du fond de celui de droite on aperçoit l'artère rectale. En avant le sinus de droite est bien mieux indiqué en avant qu’en arrière, et il offre alors les caractères d'un sinus bien limité, tandis qu’en arrière il s’aplatit et sa cavité s'emplit d'un tissu lâche et spongieux. Les canaux de la glande à mucus, qu'il existe des lamelles (Ranelle) ou sim- plement desreplis peu prononcés (Cassidaire), ont une lumière tout à fait libre et forment un réseau bien limité en avant et en arrière par les lignes transversales à partir desquelles l’é- pithélium devient plus faiblement mucipare : dans ces deux régions (antérieure et postérieure) se trouve un {issu très ferme à lacunes irrégulières : les fibres musculaires y sont abondantes. Les veines branchiales afférentes et effé- rentes sont très larges, et il existe de plus un sinus marginal gauche au point de soudure du manteau et du corps. Il n'existe pas de veine circumpalléale ; mais chez la Ranelle on trouve un sinus qui sort du corps près du siphon et se dirige vers le bord du manteau ; il se termine après un court trajet. {. Rachiglosses. — Ce groupe ne présente rien de particu- lièrement intéressant ; chez les Murex, Buccinum, Purpura, on trouve, plus ou moins développés, les sinus longitudi- naux que nous venons d’énumérer. Notons seulement que, lorsque la glande à mucus est dépourvue de feuillet, ce qui est le cas de la Purpura, la veine branchiale afférente est située assez loin de la branchie et communique avec celle-ci par un système de canalicules parallèles. 388 FELIX BERNARD. S3. — Résumé. Le point le plus important mis en lumière par cette étude est relaüif aux transilions entre les Diotocardes et les Mono- tocardes. Chez la fissurelle le sang veineux qui a traversé le rein tombe dans un sinus basi-branchial, situé à la base des deux branchies au-dessous du rectum : ce sinus s’élargit chez l'Haliotide et passe un peu en avant de manière à former une lame qui partage en deux étages le fond de la cavité pal- léale ; une petite portion de chacune des branchies reste en arrière de ce sinus, qui continue à recevoir le sang du rein. Chez les Turbonidés et les Stomatellidés la lame en question avance encore bien davantage et rattache à la portion droite du manteau plus des deux tiers de la branchie. Le sinus basi- branchial devient alors une veine #ransverse qui fait encore suite à la veine efférente du rein et se divise en deux bran- ches, l’une élant dirigée en avant et l’autre en arrière. Chez les Trochidés on assiste à une transformation graduelle en vertu de laquelle la veine transverse prend une direction longitudinale, et devient la veine afférente branchiale elle- même; des branches nombreuses et importantes partent à droite de cette veine dans la direction de la branchie. On arrive ainsi aux WMonotocardes où la veine en question reçoit non plus seulement le sang du rein, mais aussi celui des lacunes abdominales ; elle se rapproche généralement de la branchie, dont elle est encore séparée cependant par un espace notable dans quelques types (Purpura, elc.). En même temps le long du rectum d’un côté ou de l’autre, et le long du bord gauche du manteau, apparaissent encore par- fois de nouveaux sinus, qui ne sont pas tout à fait constants. Tous ces résultats peuvent être condensés dans une for- mule, déjà énoncée par M. Rémy Perrier et qui résume les relations du manteau avec les autres organes au point de la circulalion veineuse. Le sang arrivant de la masse du corps ou des viscères abdominaux, traverse toujours le rein dans les Diotocardes inférieurs ; à mesure que l’on s'élève dans ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 309 la série, une partie de la masse sanguine tend à s'affranchir de ce trajet, el passe plus directement des lacunes dans la branchie par l'intermédiaire des sinus du rectum et de fa glande à mucus. Conclusions générales. Les résumés que j'ai donnés à la fin de chaque chapitre me dispensent de revenir ici sur ce qui concerne la structure de chacun des organes palléaux dans les divers groupes de Prosobranches. Ce dernier chapitre sera donc simplement consacré aux résultats généraux que l’on peut déduire de loute cette élude ; il comprendra deux parties : 1° Comparaison des divers organes palléaux entre eux, toute la série des Prosobranches élan! considérée dans son ensemble ; 2° Application des organes palléaux à la phylogénie : leur importance comme base de classification; transitions qui existent entre les divers types d’un même organe. $ 4, — Comparaison histologique des divers organes palléaux. À travers les variations nombreuses que présentent les organes palléaux dans les divers types, nous avons pu cepen- dant, en comparant entre eux les tissus qui composent un même organe, démontrer que non seulement les organes homologues sont composés des mêmes éléments quelle que soit leur différenciation morphologique, mais aussi que d’une manière générale ces éléments appartenaient partout aux mêmes lypes, quels que soient les organes considérés. Pré- cisons cet énoncé par quelques exemples. Les éléments épithéliaux appartiennent à trois types : la cellule sécrétrice, la cellule indifférente (qui est généralement ciliée chez les Prosobranches), la cellule sensorielle. Les éléments conjonctifs se ramènent à quatre formes : les 390 FÉLIX BERNARD. cellules multipolaires, les cellules plasmatiques, les cellules endothéliales et les cellules-fibres très allongées. Les éléments nerveux ne diffèrent pas des deux formes décrites pour les autres organes par une foule d'auteurs : Il y a des cellules ganglionnaires, c’est-à-dire multipolaires, présentant parfois quelques prolongements bien plus impor- tants que les autres, et des faisceaux nerveux à novau propre. Ce résultat présente un intérêl spécial parce qu'il s'applique aux réseaux nerveux qui se trouvent dans l'épaisseur de l’'épithélium et qui élaient jusqu'ici mal connus. Les éléments musculaires sont très fréquemment ramitiés; ils forment de longues bandelettes ou bien des trabéeules courtes, à prolongements multiples, reliant deux lames con- jonctives voisines. Tous ces éléments se rencontrent pour la plupart, en tous les points du manteau, dans chacun des organes palléaux, quel que soit leur degré de différenciation : ce qui produit la différenciation d'un organe, sa spécialisation fonctionnelle, c'est l’accumulalion de certains éléments de chacune des catégories. Ceci n’est pas une simple vue de l'esprit; ce n’est pas non plus une vérité évidente : c’est un résultat qui n’a de valeur que comme résumé d'observations positives que nous allons rappeler brièvement. 1° Les trois variétés de cellules épithéliales existent norma- lement sur le manteau; mais, dans la région comprise entre le rectum et la branchie, les cellules glandulaires sont sou- vent bien plus abondantes que partout ailleurs, et Ia région devient spécialement sécrétrice. Une simple modification de l’épithélium amène la transformation de cette même ré- gion en glande à mucus. Cetle accumulation d'éléments glandulaires est corrélalive de la formation de replis aug- mentant la surface sécrétante, et la glande arrive à se loca- liser, à se délimiter nettement dans les types supérieurs. 2° La branchie, on le sait depuis longtemps, n’est qu'une suite de replis formés par la lame interne du manteau. Nous ajouterons que dans l’intérieur des ces replis existe un sys- ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. SO tème de fibres musculaires pouvant rapprocher ou écarler les deux lames et diminuer ou augmenter ainsi les espaces san- guins : cette disposition se retrouve dans tous les organes en lamelles, aptes à la fonction respiraloire. Au maximum de différenciation, les diverses régions d’un même feuillet sont, par suite de la localisation des divers éléments épithéliaux, soit sécrétices (bord afférent), soit sensorielles (bord efférent), soit simplement respiratoires : c’est évidemment cette der- nière fonclion qui domine. 3° Nous avons assisté à la formation graduelle d’un nouvel organe (organe de Spengel) dont les fonctions sont manifes- tement sensorielles. Il est dû à l'accumulation des cellules neuro-épithéliales sur un nerf, soit issu du ganglion bran- chial (Diotocardes), soit aboutissant à celui-ci (Néritidés, Valvée, Tecture) et persistant après la disparition de ce gan- glion. Les éléments en question ne sont pas différents de ceux qu’on trouve dans les autres orgaues palléaux, si bien qu'à mon avis, l'organe en question ne paraît remplir qu'un rôle de sensibilité générale; mais, au maximum de différen- ciation l’abondance extrème des éléments nerveux et neuro- épithéliaux, l'apparition de cellules pigmentées, la locali- sation des groupes d'éléments prouvent que la sensibilité s'accroit, mais non pas forcément qu'elle se définit comme sensibilité tactile ou olfactive. Comparés aux résultats acquis relativement aux {issus des Pulmonés, des Opisthobranches.et des Acéphales, les obser- valions que j'ai pu faire montrent certains points de con- cordance remarquable : les cellules neuro-épithéliales, caliciformes (sécrelrices épidermiques), conjonclives, se ramènent sensiblement aux mêmes types dans tous les cas. Par contre, les cellules glandulaires dermiques manquent dans le manteau des Prosobranches. Nous avons vu qu’elles existent dans le pied de ces mêmes animaux. 392 FÉLIX BERNARD. $ 2. — Applications à la classification. «Les classifications n'existent que dans notre esprit, » écrivait en 1887 M. Wegmann dans son travail sur la Patelle. Si j'admettais cette opinion, je me dispenserais certainement d'examiner quelle importance peuvent avoir les organes palléaux pour la classification des Gastéropodes; j'éviterais ainsi de m'exposer aux reproches adressés quelquefois aux zoologistes qui terminent un travail d'anatomie comparée par un essai de classification nouvelle. Mais, à mon avis, les classifications qui ne sont que des vues de l'esprit ne sont pas des classifications, ce sont des systèmes. Il n’est même pas besoin d’être partisan de ia doctrine transformiste pour estimer qu’il existe dans la série animale des êtres ayant des affinités réelles, absolument indépen- dantes du zoologiste qui les examine, dont le rôle consiste simplement à débrouiller ces affinités. Or ce n’est pas au moyen d'un seul organe si important qu'il puisse être, que nous arriverons à ce résultat : la méthode naturelle date de près de cent ans; et il est encore nécessaire aujourd'hui de la définir puisqu'elle ne semble pas universellement adoptée. Nous ne saurions donc trop insister sur ce que la classifica- üon d’un groupe doit être appuyée sur une connaissance complète de l’organisation et de l’embryogénie des prinei- paux types de ce groupe; si l’on s’en tient, pour déterminer lesgrandes coupures à l'examen d’un seulsyslème, on s'expose à rapprocher des formés qui diffèrent par tous les autres caractères : le système nerveux ne fait même pas exception à cet égard. Je ne trouve cependant en aucune facon regrettable que les zoologistes qui se sont occupés spécialement d'un système nous indiquent à quel résultat on arriverait si l’on classait les animaux d’après les variations de ce système : mais à une condition, c'est que cette classification sera toute pro- visoire, et servira seulement d’élément de discussion au mo- ment où on tentera définitivement d'établir les affinités natu- ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 393 relles. D'autre part, un essai où il serait tenu compte de tous les résultats déjà acquis, et où s’ajouterait la connais- sance d’un organe nouveau, me paraîtrait avoir réalisé un progrès sérieux et mériter une attention spéciale. En ce qui concerne les organes palléaux, j'ai cherché à me tenir à l'abri de tout reproche de ce genre. D'une part en effet, la branchie a déjà servi plusieurs fois de base de classification pour l'établissement de groupes importants (Cuvier, Spengel, Fischer, Bouvier). D'autre part, M. de Lacaze-Duthiers a émis plusieurs fois l'opinion que la fausse branchie pouvait peut-être rendre le même service. C’est donc en toute sécurité que nous pouvons tirer de la partie descriptive de ce travail des conclusions taxonomiques et déterminer jusqu’à quel point les variations de la branchie et la fausse branchie permettent de rapprocher des types dont les affinités sont encore douteuses. 1° La distinction des branchies bipectinées et monopec- linées a une importance capitale, parce qu'elle concorde manifestement avec les principaux caractères tirés desautres organes (1). En d’autres termes les groupes des À spidobran- ches et des Pectinibranches concordent avec ceux des Dioto- cardes et des Monotocardes. 1 y a cependant quelques excep- sions. La Valvée à une branchie bipectinée, la plupart des caractères la rapprochent cependant des Ténioglosses. Chez les Patellidés, la branchie de la Tecture, comme le système nerveux dans son ensemble, nous conduiraient à maintenir ces animaux parmi les Diotocardes : le cœur el le rein nous les en feraient séparer ; en somme il y a encore doute. 2° Parmi les Diotocardes, en laissant à part le Patellidés ou Docoglosses, nous avons à considérer quatre sections : 1° Fissurellidés; 2° Trochidés, Turbonidés, Phasianellidés ; 3° Haliotidés ; 4° Néritidés. Je ne crois pas que le groupement (1) Je ne résume pas ici ces caractères qui ont déjà été présentés à diverses reprises dans les Annales depuis moins de deux ans. Voir les tra- vaux de M. Bouvier et de M. R. Perrier. 394 FÉLIX BERNARD. en Zygobranches et Azygobranches proposé par Spengel et accepté par Bouvier soit satisfaisant. Tout d’abord, la der- nière famille est tout à fait aberrante el ne saurait être rap- prochée des Trochidés par le seul fait qu’on n’y trouve qu'une seule branchie, il faudrait alors mettre dans le même groupe les Tectures, et les séparer des Patelles. Les Fissurelles ont aussi une organisation {oute spéciale, qui les place tout à fait à la base de la série. Au contraire les Haliotidés et les Trochidés sont sensiblement au même degré de différenciation, leurs organes ont l’analogie la plus profonde; B. Haller, R. Perrier et Bouvier lui-même ont déjà insisté avec détail sur ce fait. Les Stomatelles, comme nous l'avons vu, font manifestement la transilion. La seule différence consiste dans l'avortement d’une branchie et du ganglion correspondant chez les Trochidés; ce fait réalisé, toutes les autres modifications se déduisent d’elles-mêmes. Dans le cas présent je crois donc devoir m'élever contre l'usage qui a été fait à tort du nombre des branchies comme base de classification. Si l'on veut cependant se servir de cet organe non plus en examinant s'il est unique ou pair, mais en observant son degré de différenciation, on arrive au même résultat que nous venons dénoncer. La classification que je propose d'adopter comme la plus naturelle est donc celle à laquelle l'étude du rein à déjà conduit M. R. Perrier. A. Scutibranches = Diolocardes — Aspidobranches — Rhipidoglosses. 1. Fissurellidés (Homonéphridés). 2. Trochidés, Turbonidés, Haliotidés, ete. (Hétéronéphri- dés). 3. Néritidés (Mononéphridés — Orthoneuroïdes). B. Cyclobranches — Hétérocardes — Docoglosses. Patellidés, Tecturidés, Lepétidés. 3° Pour passer des organes palléaux des Diotocardes à ceux des Monotocardes, il est naturel de supposer qu'il s’est produit une coalescence du manteau avec la lame qui chez les Trochidés prolonge le support branchial du côté du rectum : ORGANES PALLÉAUX DES PROSOBRANCHES. 39 les raisons qui me font admettre cette hypothèse sont tirées de l'appareil circulatoire et de l'organe de Spengel : par suite de cette soudure, les feuillets de la face supérieure de la branchie disparaissent et l’on a une branchie bipectinée ; l'hvpothèse ancienne qui consiste à envisager la branchie bipectinée comme formée de la soudure de deux branchies monopectinées symétriques, ne repose sur aucune observa- tion sérieuse. Celle de Cuvier, d'Jhering, etc., qui consi- dèrent l’organe de Spengel des Monotocardes comme une des branchies de l’Haliotide réduite à un état plus ou moins rudimentaire, est démentie définitivement par l'examen histologique de cet organe, qui démontre bien sa nature sensorielle. L’anatomie comparée nous montre d’abord qu'il se différencie à mesure qu’on s'éloigne des types inférieurs. 4° Dans l'intérieur du groupe des Monotocardes la bran- chie ne subit que des différences insignifiantes. La fausse branchie au contraire varie considérablement. Ses divers degrés de complication ont été déjà utilisés par M. Bouvier dans son essai de classification naturelle; ils concordent sensiblement avec les caractères tirés de la partie antérieure du tube digestif, du système nerveux et de la radula. La fausse branchie est filiforme chez les Rostrifères et les Pro- boscidifères Holostomes. Cependant des feuillets commen- cèrent à apparaître dans divers types des familles des Strom- bidés et des Cérithidés ; elle est bipectinée, et encore réduite chez les semi-Proboscidifères, bipectinée et très développée chez les Proboscidifères Siphonostomes, les Toxiglosses et les Rachiglosses. Je n’ai donc rien à changer à la classifica- tion adoptée par mes devanceiers. J’ajouterai que chez la Pa- ludine existent des invaginalions rappelant celle de l'organe de Lacaze-Duthiers et constituées de même. On peut diffé- rencier les Ténioglosses et les Rachiglosses par l'examen des feuillets de la fausse branchie : chez les premiers existe une localisation des aires nerveuses et sanguines qui n’existe pas dans les derniers. Il n'y a d'exception que pour quelques types déjà aberrants à bien d’autres égards (Cyprée, Toxi- 396 FÉLIX BERNARD. glosses). Enfin les Naticidés me semblent faire nettement la transilion entre les Rostrifères et les Proboscidifères. Ainsi s'affirme l'homogénité du groupe des Diotocardes. Telles sont les considérations taxonomiques que j'ai cru pouvoir déduire de l’ensemble de ces recherches. Qu'il me soit permis en terminant d'appeler l'attention sur les vues que j'ai exposées plus haut relativement au rôle des types aberrants comme forme de passage. J'ai cherché avant lout à ramener nos connaissances sur les organes palléaux, dont l'importance est reconnue depuis longtemps, au degré où elles étaient parvenues sur les autres organes du même groupe, et surtout des groupes voisins. Si j'ai réussi à trouver au point de vue histologique quelques faits nouveaux qui pourront facilement être généralisés, j'ai cru pouvoir laisser à côté quelques questions qui me sem- blent être spécialement du domaine de l’embryogénie. En un mol, ces recherches n'ont d'autre objet que d’ajouter un chapitre à l’histoire si compliquée et si délicate d’un des groupes les plus étendus et les plus intéressants du règne animal, EXPLICATION DES PLANCHES LETTRES COMMUNES A TOUTES LES FIGURES N.-B. — Les numéros indiquant les figures sont toujours placés en bas et à la droite de la figure à laquelle ils se rapportent. Br. Lamelles branchiales. (dans les feuillets de l'organe E. Epithélium. de Spengel). F. Feuillet de l'organe de Spengel. |2. Bord externe. G. Ganglion. i. Bord inférieur. GM. Glande à mucus. l. Bord latéral (externe). I. Intestin. s. Bord supérieur. L. Substance ponctuée de Leydig. fm. Fibre musculaire. M. Couche musculaire. g. Cellule glandulaire (ou caliciforme). N. Nerf. !m. Cellule nerveuse multipolaire. Rn. Réseau nerveux inter-épithélial. jne. Cellule neuro-épithéliale. S. SINus sanguin. np. Nerf principal. 5. Organe de Spengel. ns. Branches secondaires du nerf. a. Cellule nerveuse bipolaire, r. Rameaux qui traversent la mem- b. Noyau propre du nerf. El brane. ec. Cellule ciliée. | t. Tète de la cellule neuro-épithéliale, cq. Cellule pigmentée. it. Trabécules transversales. cp. Cellule plasmatique. æ. Globules sanguins. cr. Crête de la membrane de soutien : PLANCHE VI ORGANE DE SPENGEL DE LA CASSIDAIRE. Fig. 1. — Vue extérieure de l'organe de Spengel (fausse branchie bipec- tinée. Fig. 2. — Schéma d’un feuillet (la première des branches secondaires n’a pas été figurée). — mm, fibres musculaires marginales. — z, espace san- guins. Fig. 3. — Coupe légèrement oblique de l'organe olfactif, faite suivant la ligne AB de la figure 1. À gauche, elle intéresse un des feuillets ; à droite, elle passe dans l’intervalle de deux feuillets consécutifs. — V, sinus sous- jacent au ganglion. — c, amas ganglionaires. — /, faisceaux de fibrilles longitudinales. — y, face inférieure du ganglion. Fig. 4. — Coupe transversale d’un feuillet, faite perpendiculairement à l’une des ramifications secondaires ns. Fig. 5. — L'une des grandes ramifications du nerf secondaire, ns, dans sa partie proximale (dissociation au ruthénium). Fig. 6. — Terminaisons nerveuses (dissociation au ruthénium). 398 FÉILEX BERNARD. Fig. 7. — Cellules neuro-épithéliales isolées (les deux formes extrèmes). Fig. 8. — Terminaisons nerveuses (imprégnation au chlorure d’or, coupe). Fig. 9. — Cellules pigmentées, Fig. 10. — Cellules ciliées de l'épithélium de la surface du ganglion, en y (fig. 3). Fig. 11. — Fibres musculaires marginales (im) et longitudinales (ml). Fig. 12. — Un des éléments contractiles transverses avec sa gaine conJonc- tive (voir aussi les éléments analogues dans la branchie, pl. X). Fig. 13. — Éléments éloilés du tissu “conjonctif, Toute les figures de 3 à 13 inclus ont été dessinées aussi exactement que possible à la chambre claire. PLANCHE VII ORGANE DE SPENGEL DES DIOTOCARDES ET DES MONOTOCARDES. NA. Nerf du bord afférent. NE. Nerf du bord efférent (fausse branchie de Bouvier ou nerf respira- teur externe de Lacaze-Duthiers). NI. Nerf respirateur interne de Lacaze-Duthiers. Br. Lamelles branchiales. r. Réseau nerveux inter-épithélial. ep. Épaississement principal de la membrane de soutien. VE. Vaisseau branchial efférent. Fig. 14. — Coupe du support branchial de FHaliotis. Fig. 15. — Coupe du support branchial de la Fissurella costariu. Fig. 16. — Schéma du support branchial de l'Haliotis avec l'org gane de Spengel. Fig. 17. — Coupe de l'organe de Spengel au niveau AB de la figure 16. On y voit l’épithélium renflé en un bourrelet nettement limité, et un gros faisceau nerveux r traversant la membrane de soutien. Fig. 18. — Coupe suivant CD. L'organe olfactif est passé sur le tranchant du support branchial. Les filets allant à l’épithélium sont moins volumi- neux. Réseau nerveux inter-épithélial. Structure du nert. Fig. 19. — Organe de Spengel du Trochus magus. La coupe est faite à un niveau qui correspond à la ligne CD de la figure 16. Fig. 20. — Organe de Spengel filiforme de la Littorina littorea. $, région sensorielle. Fig. 2. — Organe de Spengel da Vermelus gigas. Remarquer la grosseur des filets nerveux # et la localisation de la région sensorielle ri, Fig. 22. — Organe de Spengel du Cerithium vulgatum (coupe). Fig. 224. — Disposition schématique des feuilets et des nerfs de cet organe. PLANCHE VIII ORGANE DE SPENGEL DES TROCHIDÉS ET DES MONOTOCARDES. (Mêmes lettres que pour la planche VI). Fig. 23. — Ganglion branchial du Monodonta monodon. G, ganglion; NE, nert externe (organe de Spengel); NI, nerf interne; EP, épaississement prin- cipal; Br, lamelles branchiales. Fig. 24. — Coupe transversale du précédent, au niveau AB (Mêmes lettres). Z, cellules constituant la matière de l’épaississement principal; cp, cel- lules plasmatiques. EXPLICATION DES PLANCHES. 399 Fig. 25. — Schéma général de l'organe de Spengel bipectiné des Monoto- cardes. — Les lamelles représentées sont celles de la Ranella giganteu. Fig. 26. — Feuillet de l'organe de Spengel : Cassidaria lyrrhena. Fig. 27. — Id. Dolium gulea. Fig. 28. — Id. Buccinum undatum. Fig. 29. — Id. Fasciolaria tulipa. Fig. 30. — [d. Voluta scapha. Fig. 31. — Id. Conus mediterraneus. Fig. 32. — Id. Marsenia. Fig. 33. — Disposition des 3 nerfs longitudinaux du support branchial (côté afférent) chez l’'Haliolis tuberculata. PLANCHE IX ORGANE DE SPENGEL : STROMBIDÉS, PALUDINE, PULMONÉS. Fig. 34. — Organe de Spengel de la Litlorina littorea. Son innervation. Fig. 35. — Id. Strombus gigas. Fig. 36. — Id. Sfrombus bubonius. Fig. 36 a. — Terminaison de l'organe de Spengel près du muscle d'attache du manteau. Fig. 37. — Id. Pierocera lumbis. Fig. 37 a. — Détail de l'organe de Spengel du Pterocera : portion 4-8 (fig. 37) grossie. Fig. 37 b. — Id. L'une des arborescences encore plus grossies. Fig. 38. — Organe de Lacaze-Duthiers du Planorbis corneus. G, ganglion; I, invagination épithéliale; S, sinus sanguin; cp, cellule plasmatique; cp, cellule pigmentée. Fig. 38 a. — Relation des cellules ganglionnaires (cg) entre elles. Fig. 38 b. — Relation des cellules ganglionnaires avec les cellules neuro- épithéliales (ne). Détail d’une cellule ganglionnaire. n, noyau; n', nu- cléole; R, réseau de nucléine; G, corps de la cellule. L'élément repré- senté est celui qui est marqué € dans la figure 38. Fig. 39. — Organe de Spengel de la Paludine, coupe faite parallèlement aux deux lames du manteau. Le nerf central n est coupé longitudinale- ment, et les invaginalions épithéliales I transversalement. &, épithélium sensoriel. Fig. 39 a. — Coupe transversale de l'organe de Spengel de la Paludine, faite perpendiculairement à la précédente. Mèmes lettres que précédemment. Fig. 40. — Éléments épithéliaux d'une des invaginations de la Paludine. Relation des cellules ciliées (ec) et des cellules neuro-épithéliales (ne). Fig. 41. — Éléments glandulaires (cellules mucipares et cellules ciliées) de la glande à mucus de la Paludine. PLANCHE X STRUCTURE DE LA BRANCHIE. À. Bord afférent. E. Bord efférent. Ra. Nerf du bord afférent. Re. Nerf du bord efférent ou nerf principal. Ep. Épaississement principal de la membrane de soutien. 400 FÉLIX BERNARD. Fig. 42. — Lamelle branchiale d’Haliotis tuberculata, vue à plat. P, plis transversaux. Fig. 43. — Lamelle branchiale de Cassidaria tyrrhena. X, amas spongieux. Fig. 44. — Coupe transversale d’un feuillet de Dolium galea, près de la pointe du feuillet. On voit la différence des deux moitiés (afférentes et efférentes). Comparer avec les figures 19 et 46 pour voir l’analogie avec l'organe de Spengel et le bord afférent du support branchial des Tro- chidés. Fig. 45. — Coupe transversale d’un des plis de la branchie de la Lütorina littorea. Fig. 46. — Coupe transversale du bord afférent du Trochus magus. Fig. 47 a et #7 b. — Deux portions grossies de la zone efférente, montrant le réseau nerveux inter-épithélial (préparation au chlorure d’or). Fig. 47 c.— La mème préparation plus grossie.—cg, cellule ganglionnaire. Fig. 48 a, b,c, d. — Détail des trabécules transversales, montrant les fibres musculaires et leur gaine conjonctive. PLANCHE XI GLANDE A MUCUS. — FORMATION DU MUCUS. Fig. 49. — Coupe transversale de l'organe de la Pourpre (glande à mucus) de la Purpura lapillus, montrant qu'il n’y a qu'une couche de cellules. EI, épithélium externe. Fig. 50 (a à 6). — Cellules glandulaires de la glande à mucus de PHaliotis tuberculata. o, orifice de la cellule; n, noyau; rp, réseau protoplasmique ; f, filet d'attache (dissociation). Fig. 51. — Glande à mucus de l’Haliotis. Un paquet de cellules ciliées. Fig. 52. — Id. Relation des cellules ciliées et des cellules sécrétrices. Fig. 85 (x à d). — Eléments ciliés de la glande à mucus du Buccinum un- datum. Fig. 54. — Corps d'une cellule neuro-épithéliale de Purpura. Fig. 53 et 55 a. — Branchie de lu Cassidaire. Expulsion d’une cellule ciliée morte. Fig. 56. — Id. Une cellule ciliée morte, peu de temps après son expulsion. Fig. 57 (a, B, y). i Fig. 58 « et $. — Deux stades de l’expulsion du contenu des cellules glandu- laires. Voir aussi les fig. 40 et 41, pl. IX. PLANCHE XII DIVERS ORGANES PALLÉAUX DES GASTÉROPODES. (Mèmes lettres que pour la planche T[). Fig. 59. — Organe de Spengel de la Patella vulgata. X, organe cloisonné; £, globules du sang. Fig. 60. — Organe de Spengel de la Bulla Hydatis. Fig. 61. — Schéma du manteau de la Paludina vivipara. OG, organes géni- taux; R, rectum; Bm, bourrelet mucipare. Fig. 62. — Coupe transv ersale du bourrelet mucipare de la Paludine. Fig. 62 «. — Éléments mucipares de ce bourrelet. Fig. 63 b. — Éléments ciliés. Fig. 64. - — Bord du manteau de Bulla Hydatis. EXPLICATION DES PLANCHES. 401 Fig. 65. — Coupe transversale d’une lamelle palléalé de Patella vulgata. PLANCHE XIII Fig. 66. — Système nerveux de Tectura Fontainesi. Le manteau a été fendu suivant deux lignes (ab et cd) et rabattu. Le bord a été coupé pour laisser voir le cœur. GC, ganglions cérébroïdes ; GP, ganglions palléaux pédieux ; GV, ganglions viscéraux; OS, organe de Spengel; Br, branchie; O, oreil- lette; V, ventricule; nb, nerf branchial; À, anses, Fig. 67. — Coupe d’un des organes de Spengel de la Tectura. n, nerf; Re, ren- flement conjonctif. Fig. 68. — Coupe d’un organe de Spengel de la Lottia pellucida vers le milieu du ganglion. Fig. 69. — Œoupe du même organe un peu plus en arrière. Re, renflement conjonctif. Fig. 70. — Système nerveux et branchie de la Valvata piscinalis (A, GC, GYV, OS, nb, Br, comme dans la figure 66), et de plus : B, bulbe buccal; OE, æso- phage; GS, glandes salivaires. Fig. 71. — Organe de Spengel de la Valvata piscinalis. CN, cellules ner- veuses. PLANCHE XIV TISSU CONJONCTIF. Fig. 72. — Tissu conjonctif lamineux (branchie de la Cassilaire). f, fibres conjonctives ; T, trabécule musculaire. Fig. 13. — Tissu compacte (support branchial de l’Haliotis). cp, cellules plasmatiques ; ce, cellules conjonctives étoilées; f, fibres. Fig. T4. — Tissu compacte de la branchie de la Cassidaire. Fig. 75 &, $, y. — Fibres conjonctives (branchie des Chenopus). n, noyau. Fig. 76 &, $, y. — Fibres-cellules du tissu compacte (support branchial de l’Haliotis). Fig. T7 «, 6, y, à. — Cellules conjonctives multipolaires du même. Fig. 78 «, B. — Cellules vésiculaires ou plasmatiques du même tissu, Fig. 79. — Tissu du support branchial des Trochidés. PLANCHE XV SYSTÈME VEINEUX PALLÉAL, Cp, canal papillaire; R, rein; Ve, veine branchiale efférente; Vra, Vre, veines rénales afférente et efférente; Vf, veine transverse; $Sb, sinus basi-branchial; O, oreillette; V, ventricule R, rein; À, anses. Fig. 80. — Haliotis tuber culata. Fig. 81. — Monodonta monodon. F ja. 82. — Trochus ziziphinus. Fig. 83. — Turbo rugosus. . Fig. 84. — Navicella Janelli. Fig. 85. — Littorina littorea. Fig. 86. — Natica monilifera. Fig. 87. — Endothélium des lacunes dans la Natica monilifera, ANN. SC. NAT. ZOOL. 1X, 26. — ART: N°3. BIBLIOGRAPHIE 1685-1860. 4685. 1. CozEe. — Philosoph. Transact. — Cité dans Encycl. de Bruguiere, 41789, article Vers et dans Bulletin scient. du Nord, 1886, p. 164. 4817. 2. Cuvier. — Mémoires pour servir à l'histoire et à l’anutomie des Mol- lusques. 4819. 3. Ferussac et DESHAYES. — Histoire générale et particulière des Mol- lusques Terrestres et Fluviatiles, 1819-1859. 4825. 4. De BLAINVILLE. — Manuel de malacologie et de conchyliologie. 1832-35.5. Quoy et Gaymarn. — Voyage de l’Astrolabe. Zool., t. IT et ïII. 1849. 6. H. Mizxe-Epwarps. — Note sur la classification naturelle des Mol- lusques Gastéropodes. — Ann. se. nat., 3° série, t. II. 4850. 7. Leynic. — Ueber Paludina vivipara. — Zeitsch. f. wis. 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Aigullon de Dore ÿ (7 à “ Ann. des Soire. nat. 7° Sérié. Zoo. Tomé 9. PL 2. ? A. Vayssiere dél. Prosopisloma” Up. Leméreièr et L' Paris . Ann. des Joienc. rat. 7° Série. Zoo. Tome g. PL S. A. Vayssiere del. 2 Pro S'OPIS 0 IRA Amp. Lemercier ct C* Paris. Ann. des Seienc. rat. 7° Serre. Zoo. Tomé ,g.?71.4. À. Vayss tére ProRop LS LOMME. Imp,Zemercier 2£ € Paris. Ne" pit - Ann. des SJecenc.nat. 7° Jerce. Door Jome 9. F2. 5. À. Vayssiere del. Prosopts tone. Imp.Lemererier et CE Party. | Anu.des Se nat.7£ Série. Zoot. Tome 9. Art. N°3. PL VT. II IN > (2 : \ ue PT à ï ANA &< À Tel Ue ‘ RAT ST ee Eu D HE | AU AA ist) MPa AETNSRNTTS CN HR TINS CASA Can D NUE 6 18/0 ou d o! ll 190 biobeles see,” eee | 14000 18000%0 del 147 He a 9)! f 6 @0, WE a 24 AE 0 AP pi Ets De 4 1 Bernard del. Glyployraphie Slvestre $C Paris Organes palléarx des Prosobranchcs L2 Organe de Spengel de la Cassidaire . Ann.des Scienc.nat.7® Série . Zool. Tome 9, Art. N°3. PL. VII. TRE. ver Glyple yrophie Silvestre dC Paris Æ Bernard del. Organ es pa UHécaux des Prosobranches Organe de Spengel des Dioltocurdes el des Moneleocardes. EU dnn.des Sciene.nal. TS DT ] INT r Æ Bernard del. Serie. Zool. Tome 9. Art. N!3. PI.VWI. Gyplographie Sétoestre d'arts Orgues patllécaur des Prosobranches Organe de Spengel des Trochidés (23-21) el des Menoltocardes. Zool. Tome 9. Arte NI. PAIX. Ann.des Science.nat.7! Sérte . 39 es Gtyptographie Silvestre 4 CX Parts. Æ Bernard del. Organes pallédix des Prosobranches Organe de Spen gel des Menolocardes. Ann.des Seiene. nal.Z! Série. Zool. Tome 9. Art. N£3. PL X. A d jupe nf da 7 V7 Tr Æ Bernard «del. Glyptographie Sibrestre FC* Paris Organes palleaux des Prosobranches Structure de la Branchie. - Ann.des Scicne.nat. T!S crie. Zool. Tome 9. Art N?3. PUNXT, l LVL ; : l Bernard del. Eyplographie Sélrestre CS Paris Organes palléaiux des Prosobranches Seécreéléor du NMucus. TE . 0 “4 n M Zool. Tome 9. Art. N°3. PE XII. Ann.des Sciene.naë.7° Série. ne À AALATI AY FRET Le A? te u fe. LE. Bernard de aux es Prosobranches tclla_60 ei 64 Bulla _61 et 62 Paludina 26.9 Pai Zoot. Tome 9. Art.N°3. PL XII. Ann. des Svienc.nat.7! Série. y Æ Bernard del. dyptogruphrc Silrestre d'C“ Lars. Organ cs pa Hcauxr des Prosobranches Hétérocardes (66-69 )Vahata (70-71) Ann.des Seiene.nal. TE Série. Zoot, Tome 9. Art N°3, PI, NI. TE: : mt Fes F. Bernard del. Glyplogngphie Silvestre f C* Paris. Orgues palleaux des Prosobranches Tissu conjonctif. Ann.des Scienc.nat.T£ Sérte. Zool. Tome 9. Art. N°3, PIX V. £. Bernard det. Cyptoraphu Srestre à CE uns Organes pa lleéaux des Prosobranches Circulation veineuse du Manteau . SMITHSONIAN INSTITUTION L LIBRARIE Ce NIUE { ti hi ! ' HAUT id l { AA ! 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